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(Neuf heures quarante et une minutes)
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs,
bonjour. Je déclare la séance de la commission de
l'éducation ouverte et je vous rappelle brièvement le mandat de
cette commission aujourd'hui. Alors, le mandat de la commission pour cette
séance est de procéder à des consultations
particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre de
l'étude du projet de loi 141, Loi sur l'enseignement privé. M. le
secrétaire, y a-t-il des remplacements à cette commission
aujourd'hui?
Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacements, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): II n'y a pas de
remplacements. Je vais maintenant donner l'ordre du jour de nos travaux
d'aujourd'hui. Dès ce matin, nous commencerons par entendre les
déclarations d'ouverture: M. le ministre de l'Éducation et le
ministre de l'Enseignement supérieur et, par la suite, le
représentant de l'Opposition officielle. Vers 10 h 30, la
Fédération des commissions scolaires pourra nous exposer son
mémoire jusqu'à 11 h 30; par la suite, la Centrale de
l'enseignement du Québec. Nous suspendrons vers 12 h 30 et nous
reviendrons à 14 heures. Là, nous entendrons le Conseil du
patronat du Québec jusqu'à 15 heures; par la suite, l'Association
des écoles juives; à 16 heures, la Fédération des
associations d'établissements privés; à 17 heures,
l'Association des parents catholiques du Québec et nous ajournerons
à 18 heures.
Alors, sans plus attendre, je demanderais à M. le ministre de
l'Éducation de bien vouloir faire ses remarques préliminaires. Je
rappellerai que, dans le temps alloué pour les remarques
préliminaires, il y a 25 minutes réparties entre les deux
ministres, soit M. le ministre de l'Éducation et le ministre de
l'Enseignement supérieur et de la Science, et 25 minutes pour le
porte-parole de l'Opposition officielle. Le député
indépendant de Jacques-Cartier, s'il est là, aura une
période de 10 minutes. M. le ministre, sans plus tarder, nous vous
passons la parole.
Remarques préliminaires M. Michel
Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. Vous me permettrez
de saluer ma collègue, Mme la ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science, de saluer mes collègues
députés de la majorité et de l'Opposition aussi avec toute
la cordialité que ça doit impliquer dans le cadre d'un retour de
congé, de saluer les fonctionnaires de mon équipe qui ont
travaillé à l'élaboration de cette loi, comme suite de
l'avis donné par ia Commission consultative: M. Pierre Gabrièle,
le sous-ministre adjoint aux réseaux, Mme Pauline Champoux-Lesage,
directrice générale de la Direction générale de
l'enseignement privé, M. Michel Fouquette, M. Paul Vigneau, ainsi que Me
Côme Dupont qui vont m'accompagner pendant cette commission.
M. le Président, chers collègues, chers amis qui
êtes avec nous aujourd'hui, je veux vous souhaiter la bienvenue au
parlement et vous indiquer tout l'intérêt que j'ai comme ministre
de l'Éducation, dans cette démarche qui nous permettra, pendant
deux jours, d'entendre, de recevoir des commentaires, des avis, des
propositions, des demandes, etc., pour s'inscrire, somme toute, dans un
processus parlementaire qui n'est pas une formalité, mais qui est
empreint d'une volonté des parlementaires et des ministres
d'écouter pour bonifier.
Ce projet de loi 141 remplace, comme on le sait, la Loi sur
l'enseignement privé qui a été sanctionnée en 1968.
On doit se rappeler que cette loi reconnaissait le droit des personnes et des
groupes de créer des établissements privés. Cette loi
confirmait aussi l'État dans son rôle primordial d'encadrement du
système scolaire, notamment pour ce qui touche l'organisation
pédagogique et l'application des programmes ministériels.
À son arrivée au pouvoir, en 1985, notre groupe, le Parti
libéral, a réaffirmé très clairement le droit des
individus de créer et de diriger des établissements autonomes. Ce
droit est, d'ailleurs, garanti par l'article 42 de la Charte
québécoise des droits et libertés. Il a cependant
précisé du même coup que, tout en reconnaissant la
contribution, évidemment importante, du secteur privé en
éducation, il désirait conserver une place prioritaire à
l'école publique.
Avant de mettre au point, puis de soumettre le projet de loi 141
à l'Assemblée nationale, nous avons recueilli, ma collègue
et moi, l'avis, notamment, des associations représentant le milieu de
l'enseignement privé au cours de rencontres soit personnelles où
nous participions ou encore de rencontres avec nos représentants
respectifs. On a aussi étudié avec grande attention le
mémoire remis au ministère de l'Éducation et au
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science par la
Commission consultative de l'enseignement privé en novembre 1990. Je me
dois, d'ailleurs, de souligner la rigueur avec laquelle la Commission a
exercé son mandat lors
des discussions qui ont marqué la préparation dudit projet
de loi.
La commission parlementaire qui débute aujourd'hui est
caractérisée par la même préoccupation. Il s'agit,
en fait, d'entendre, dans un climat de tolérance, de
compréhension mutuelle, d'explication, d'objectivité, les avis de
celles et ceux qui ont le souci de bonifier le projet de loi 141 pour le plus
grand bien de l'éducation au Québec.
Je veux d'abord être tout à fait clair quant aux objectifs
que nous poursuivons et c'est pourquoi je me permets de les rappeler
brièvement. Il ne s'agit pas de rompre l'équilibre qui existe
actuellement dans le milieu de l'éducation au Québec. Il ne
s'agit pas, non plus, de mettre en cause les fondements sur lesquels s'appuyait
la Loi sur l'enseignement privé au moment de sa promulgation en 1968.
Mais, comme il s'agit d'une loi qui a plus de 20 ans et que la
réalité de l'époque n'est pas celle que l'on connaît
aujourd'hui, il est devenu nécessaire de lever les
ambiguïtés qui rendent l'interprétation et l'application de
la loi difficiles dans le contexte actuel. Il est devenu nécessaire
aussi de combler les lacunes identifiées, notamment en ce qui concerne
les pouvoirs du ministre. Et, enfin, il est devenu nécessaire de
réaliser les ajustements qui s'imposent dans le but d'actualiser nos
outils législatifs et réglementaires en tenant compte de la
mission des ministères concernés, de l'évolution de
l'enseignement privé et aussi des besoins des parents et des
élèves qui exercent, librement, le choix de l'école
privée.
En effet, l'enseignement privé a évolué. L'image de
l'institution classique des années soixante s'estompe pour faire place
à des réalités multiples et diversifiées. Bien
sûr, il y a nos solides institutions, bien implantées, bien
enracinées au Québec, dont la réputation n'est plus
à faire. Il y a aussi les écoles de communautés: des
écoles juives, des écoles arméniennes, grecques,
musulmanes, protestantes, même une catholique intégriste. Il y a
des écoles spécialisées pour élèves
handicapés ou pour élèves en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage. Il y a des écoles qui mettent en
pratique des pratiques pédagogiques particulières comme les
écoles Montessori. Il y a des écoles d'enseignement
professionnel. Il y a des écoles dont le projet éducatif mise
résolument sur l'accessibilité et dont les pratiques de
sélection se démarquent par une plus grande souplesse. On voit
poindre aussi de plus en plus d'établissements voués à
l'éducation préscolaire.
Il faut, en outre, souligner, pour bien décrire un environnement
en évolution, le fait que les communautés religieuses - je tiens
à le réitérer ici aujourd'hui - ont joué un
rôle essentiel, un rôle de premier niveau, un rôle
d'engagement plein et entier finalement dans l'édification d'un
réseau de l'enseignement au Québec et aussi dans
l'édification du réseau d'enseignement privé. Or, ces
communautés religieuses, associées depuis toujours à
l'éducation au Québec et qui dirigent encore un bon nombre
d'établissements privés, se voient placées devant
l'obligation de préparer une relève qui saura assurer la
continuité de leur oeuvre et la pérennité de leur
institution. On se retrouve donc en présence de nouvelles corporations,
laïques pour la plupart, et de nouveaux modes de gestion.
On a enfin près de 700 établissements de culture
personnelle qui rejoignent environ 100 000 personnes et qui offrent toutes
sortes de formations: des cours de broderie, des cours de danse sociale, des
cours de connaissance des vins, des cours de tonte canine, etc.
Le projet de loi 141 a un certain nombre de caractéristiques et
je voudrais profiter de ce dernier exemple, celui de la culture personnelle,
pour exposer certaines caractéristiques du projet de loi. Le projet de
loi vise à ramener la portée de la loi a la mission des
ministères concernés en décidant de ne plus retenir le
concept de culture personnelle, étant donné que l'Office de la
protection du consommateur exerce déjà un rôle à cet
égard; en se donnant la possibilité d'émettre des permis
restreints à certaines matières prévues au régime
pédagogique; en encadrant la formation professionnelle d'appoint
conduisant à l'exercice de certaines fonctions de travail.
Deuxièmement, on vise à mieux encadrer l'émission
des permis en prenant en compte des aspects pédagogiques, administratifs
et matériels. De plus, le projet de loi vise à maintenir l'aide
financière de l'État: en définissant notamment des
règles budgétaires; en précisant certains critères
soumis à l'examen du ministre lors de la prise de décision
entourant l'attribution de subventions; en ne conservant qu'un seul niveau de
subvention équivalant à la déclaration
d'intérêt public actuelle.
Le projet de loi vise aussi à préciser les pouvoirs du
ministre. Il vise à réaffirmer le rôle de la Commission
consultative de l'enseignement privé qui a pour fonction de conseiller
le ministre de l'Éducation et Mme la ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science sur toute question relevant de leur
compétence dans le domaine de l'enseignement privé. Je crois
utile de rappeler, à cet égard, que le projet de loi 141 est
beaucoup plus explicite que la loi de 1968, en ce que la Commission peut saisir
les ministres concernés de toute question relative à
l'enseignement privé.
En conclusion, M. le Président et mes chers collègues, je
souhaite que l'exercice qui débute aujourd'hui soit l'occasion
d'approfondir les questions importantes soulevées par ce projet de 101
et, surtout, d'en améliorer les dispositions qui peuvent l'être,
compte tenu d'un contexte qui est en mutation.
C'est nouveau, ça, M. le Président?
Le Président (M. Gobé): Non, je pense que c'est le
téléphone de sécurité, M. le ministre.
Une voix: Le téléphone rouge.
Le Président (M. Gobé): Le téléphone
rouge.
M. Pagé: C'est très rare, c'est la première
fois...
Une voix: C'est Gorbatchev.
M. Pagé: ...en autant de temps! Vous vous sentez
interpellé? Alors, M. le Président, avant d'être interrompu
de façon aussi claire, j'en étais à vous dire que je
compte beaucoup que ces travaux, somme toute, nous permettront
d'échanger de façon très utile. Je veux vous indiquer que
notre groupe vient ici dans une perspective d'ouverture, d'échange et
que très, très probablement, pour ne pas dire très
certainement, l'échange que nous aurons dans les deux prochaines
journées nous conduira à des modifications au projet de loi.
C'est ça, le véritable sens du parlementarisme et des commissions
parlementaires. Je fais donc appel à la sensibilité et à
l'ouverture d'esprit de toutes les personnes qui auront à se prononcer
au cours de ces deux journées, en comptant évidemment, comme
d'habitude, sur la collaboration pleine, entière et étroite de la
loyale Opposition.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre. Je
tiens à vous mentionner que ce n'était pas arrangé avec le
président, la sonnerie, pour vous rappeler que votre temps était
fini, c'était vraiment un hasard.
M. Pagé: Le seul cadran qu'on a, c'est le cadran du leader
adjoint du gouvernement, pendant la période des questions, il met son
cadran.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Ceci étant dit, je
vais maintenant demander à Mme la ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science de bien vouloir procéder, elle aussi,
à quelques déclarations d'ouverture. Mme la ministre, vous avez
la parole.
Mme Lucienne Robillard
Mme Robillard: M. le Président, je vous salue. Il me fait
plaisir de retrouver tous mes collègues, de façon
particulière nécessairement mes collègues
députés ministériels et aussi les collègues de
l'Opposition. Je salue particulièrement aussi le critique de
l'Opposition en matière d'éducation et d'enseignement
supérieur, en espérant qu'il a passé un été
très profitable et que, donc, nous travaillerons avec beaucoup
d'efficacité autour de ce projet de loi.
Je salue aussi tous les intervenants du domaine de l'enseignement
privé, qu'ils soient des dirigeants d'établissement ou qu'ils
représentent le point de vue des consommateurs ou le point de vue des
syndicats. Vous me permettrez aussi de saluer mon équipe qui a
travaillé au projet de loi. Je veux mentionner le sous-ministre en titre
à l'Enseignement supérieur et à la Science, M. Pierre
Lucier, le sous-ministre adjoint à l'enseignement collégial, M.
Jacques Lanoux, et M. Valère Gagnon qui est le directeur de
l'enseignement privé. Alors, soyez assurés qu'avec toute cette
équipe nous aurons sûrement des travaux fructueux autour de
l'étude de ce projet de loi.
C'est donc avec un très grand plaisir que je participe à
la commission de l'éducation qui se réunit aujourd'hui et demain
afin d'entreprendre des auditions dans le cadre de l'étude du projet de
loi sur l'enseignement privé. Plusieurs associations et regroupements
désiraient être entendus sur le projet de loi. Ces auditions
permettront donc aux divers intervenants de faire valoir leur point de vue et
de présenter aux membres de la commission les modifications qu'ils
souhaiteraient voir apporter aux articles de ce projet de loi.
Il est important de rappeler que le gouvernement libéral a
toujours cru à l'importance de la place que doit occuper l'enseignement
privé. Cependant, nous estimons que son développement doit se
faire à l'intérieur de certaines limites qui aident à
préserver la priorité accordée à l'enseignement
public au Québec.
Puisque nous croyons à la nécessité d'une
liberté de choix et même d'une certaine émulation de notre
système d'enseignement, il faut accepter que le secteur privé
occupe une place dans ce système, d'autant plus qu'il a toujours fait
preuve de son excellence dans l'histoire du Québec. Le réseau
privé a toujours contribué au développement de la
société québécoise et y contribue encore en formant
des femmes et des hommes qui jouent un rôle important dans notre
société.
Il s'agit donc pour le gouvernement libéral de trouver un
équilibre qui, d'une part, accorde une juste place au secteur
privé, tout en maintenant la prédominance au secteur public.
Le projet de loi 141 vise à rajeunir la loi actuelle de
l'enseignement privé en tenant compte des changements survenus au
chapitre du règlement sur le régime pédagogique du
collégial et des politiques ministérielles dont celles relatives
aux personnes handicapées et à la formation professionnelle,
ainsi qu'aux dispositifs qui se sont ajoutés au fil des ans et qui
visent à soutenir l'action des collèges dans des domaines comme
la recherche, l'innovation pédagogique et l'aide à
l'apprentissage du français.
Le projet de loi sur l'enseignement privé déposé
vise donc à remplacer l'actuelle Loi sur l'enseignement privé
dans le but de lui donner une structure nouvelle et plus cohérente, de
la
moderniser et de la rationaliser. Dans les faits, le projet de loi 141
actualise plusieurs des pratiques actuelles qui sont appliquées
quotidiennement au niveau du ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science. Il est clair aussi que, pour la protection
des étudiants et celle des maisons d'enseignement privées
sérieuses et responsables, il est apparu essentiel aux deux
ministères de se doter de mécanismes de contrôle assurant
la qualité de l'enseignement dispensé.
Vous comprendrez facilement qu'on ne vise pas à
régimenter, comme certains l'ont clamé, des institutions aussi
sérieuses et réputées que le collège
Jean-de-Brébeuf où a étudié le député
péquiste de Gouin ou encore l'externat Sacré-Coeur, dans le
comté de la députée de Terre-bonne, le Séminaire de
Québec où a étudié le député de
Taschereau, sans oublier le séminaire de la Sainte-Trinité
à Saint-Bruno, dans ma circonscription électorale, pour ne nommer
que ceux-ci. La réalité actuelle de l'enseignement privé
est beaucoup plus diversifiée. Il s'agit de s'assurer que tous les
établissements qui ont un permis diffusent un enseignement de
qualité permettant ainsi aux étudiants une garantie des services
éducatifs.
N'oublions pas que tous les établissements visés par le
projet de loi 141 pour le secteur collégial donnent des services
conduisant à un diplôme ou à un certificat
décerné par la ministre de l'Enseignement supérieur et de
la Science ou à une attestation. Il est donc normal que l'État
encadre l'enseignement privé.
À titre de ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science, vous comprendrez qu'il est de mon devoir d'assurer aux
étudiantes et étudiants de niveau collégial que les
services éducatifs qui sont dispensés soient d'une qualité
reconnue.
Je tiens à souligner que c'est avec beaucoup
d'intérêt que j'ai pris connaissance de tous les mémoires,
particulièrement ceux touchant l'enseignement collégial. Je dois
dire que certaines propositions m'ont paru très sensées et
pertinentes. En ce sens, j'insiste pour dire que, même si le projet de
loi a été déposé en Chambre, il ne s'agit pas d'une
version finale, bien au contraire. Mon collègue et moi-même, nous
sommes d'accord sur le fait que ce projet de loi sera modifié et je peux
vous assurer qu'il sera bonifié à la lumière des
interventions que nous allons entendre au cours de ces auditions. (10
heures)
Dans cet esprit, je pense que tous les membres de cette commission
désirent établir un dialogue construct au cours de ces deux jours
de travaux. Nous écouterons les diverses suggestions soumises par les
intervenants, mais nous entendons aussi apporter des explications au sujet de
certains aspects jugés plus problématiques du projet de loi afin
de favoriser une meilleure compréhension des objectifs que nous
souhaitons atteindre en révisant la Loi sur l'enseignement
privé.
J'ai aussi reçu personnellement d'autres représentations
que celles que nous allons entendre aujourd'hui et demain. Je pense notamment
au Conseil des collèges non subventionnés. Je tiendrai
sûrement compte de leurs recommandations dans le processus de
bonification du projet de loi 141.
En terminant, M. le Président, vous me permettrez de remercier de
façon toute particulière et de souligner les travaux qui ont
été faits par la Commission consultative de l'enseignement
privé qui nous a déjà présenté des remarques
fort pertinentes. Elle a su faire valoir des points de vue intéressants
sur les différents aspects du projet de loi et mon collègue et
moi-même, nous allons sûrement en tenir compte dans la bonification
du projet.
À tous et à toutes, donc, je nous souhaite des
débats très fructueux pour le projet de loi 141. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Je
demanderais maintenant à M. le député d'Abitibi-Ouest et
porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'éducation de
bien vouloir procéder à ses remarques d'ouverture, lui aussi. M.
le député, vous avez la parole.
M. François Gendron
M. Gendron: Oui, M. le Président. Je voudrais, dans un
premier temps, saluer les membres de la commission, bien sûr, les deux
ministres, le ministre de l'Education et Mme la ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science. M. le Président, vous m'avez fait
peur tantôt en pariant qu'on entendrait les remarques
préliminaires de "le ministre". Peut-être y a-t-il eu une grande
opération cet été, mais à vous voir, il me semble
que non.
Mme Robillard: C'est l'influence française.
M. Gendron: Je suis content de voir devant moi la ministre de
l'Enseignement supérieur.
Le Président (M. Gobé): Un petit point. En effet,
suite à un voyage que j'ai fait en Europe cet été, j'ai
rencontré des ministres féminines et elles se font appeler Mme le
ministre.
Mme Robillard: Ce n'est pas le cas au Québec.
Le Président (M. Gobé): Une petite
différence de langage entre les deux.
M. Gendron: Vous êtes comme un de nos collègues,
vous allez trop souvent en France.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Je voudrais également... trêve de
plaisanteries parce qu'on peut quand même prendre quelques minutes, mais
les vacances sont vraiment finies. Mme la ministre s'interrogeait si le
critique de l'Opposition avait passé de bonnes vacances. Alors,
effectivement, j'ai eu l'occasion de me reposer. Il a fait beau sur tout le
Québec et je vois des mines qui en ont profité. Bravo! J'ai
été dérangé un petit peu par certains
événements. J'ai participé pour quelques jours durant mes
vacances à l'élection partielle de Montmorency, mais ça a
été un beau dérangement compte tenu du
résultat.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Alors, je suis très heureux d'être
dérangé comme ça durant mes vacances quand le
résultat est comme celui qu'on a connu. Il salue les gens du
ministère, des excellents collaborateurs qui, au-delà de leurs
vacances, eux aussi, ont repris le boulot. Et je voudrais en arriver, bien
sûr, aux gens que nous allons entendre aujourd'hui parce que je pense que
c'est important, compte tenu des changements majeurs, parce que - j'y
reviendrai dans quelques phrases tantôt - contrairement à ce que
certains pouvaient prétendre, il ne s'agit pas d'un projet de loi
mineur. Il ne s'agit pas d'un projet de loi qui retouche, remodèle,
réorganise ou rajeunit la loi. C'est un projet de loi qui chamboule
complètement la lettre, l'esprit, les façons de voir. Lorsqu'on
touche au secteur privé, bien sûr, il y a des écoles de
pensée et c'est un peu étonnant qu'on touche à un projet
de loi comme ça et qu'on n'ait pas beaucoup entendu la partie
gouvernementale ou le gouvernement s'exprimer un peu plus sur une philosophie
de société.
Est-ce que, dans un contexte où le secteur public est constamment
assujetti à des coupures budgétaires, ne peut pas réaliser
les objectifs que nous avons tous... Parce que le ministre a dit que
c'était important - je veux citer juste une phrase, c'est
celle-là qui m'apparaft la plus importante - qu'il était ici pour
écouter afin de bonifier. Il va falloir qu'il soit attentif en
étoile, il va falloir qu'il soit très attentif. S'il veut
vraiment bonifier, il va falloir qu'il ne fasse qu'écouter parce qu'il
n'y a pas beaucoup de partisans de son projet de loi. Même si on
était en vacances, là, je n'ai pas entendu grand monde qui
était favorable au projet de loi 141 et on y reviendra.
Moi, je veux dire que c'est un projet de loi majeur parce qu'on touche
quand même au-delà de 425 institutions d'enseignement. On touche
au-delà de 120 000 élèves - et c'est quand même un
peu de monde - probablement 250 000 ou 240 000 parents, s'il y a un nombre
aussi important d'élèves. Dans tous les sondages, dans toutes les
réflexions qui ont été faites, il y a de plus en plus de
partisans ou de gens qui sont favorables à l'école privée.
Ce n'est pas néces- sairement notre position, mais ça, c'est un
autre débat. Pour l'instant, je fais valoir ce que nous allons aborder
comme discussion, c'est un sujet important.
Lorsque le ministre a apporté le projet de loi 141 et que nous
avons eu à le discuter à l'Assemblée nationale, il avait
convenu rapidement - et je pense que c'était correct de l'indiquer
dès ce moment-là - qu'avant d'aller franchir les étapes
ultérieures il était requis d'entendre les intervenants
concernés. C'est ce que nous allons faire pour les deux prochains
jours.
Donc, je ne veux pas être très long dans mes remarques
préliminaires, mais je veux rappeler certaines choses et je vous
indique, moi aussi, qu'on va être très attentifs sur ce que les
gens vont nous dire. Oui, nous aussi, on a eu l'occasion de prendre
connaissance des mémoires. Il nous apparaît qu'il y a des
éléments très importants soulignés par les
différents intervenants que nous allons entendre, mais il faut voir
comment ces éléments-là s'inscrivent dans l'orientation et
la philosophie du ministre actuel ou des ministres concernés puisque les
deux sont concernés par le projet de loi.
Quelques phrases sur le projet de loi. S'agit-il d'une remise en
question des orientations? C'est important que le monde sache à quelle
enseigne on loge. En ce qui nous concerne, non, il ne s'agit pas d'une remise
en question de quelques orientations. C'est vraiment un changement majeur au
projet de loi, un changement de cap quant à la philosophie de
gérer le secteur de l'enseignement privé par une série de
contrôles plus tatillons, plus bureaucratiques. On aurait l'impression
qu'il n'y a pas eu vraiment de changement de ministre avec un projet de loi
comme celui-là. Donc, on va devoir regarder très
sérieusement ceux qui l'on rédigé, ceux qui y ont
travaillé. On aura l'occasion d'en parler plus précisément
lorsqu'on fera l'étude article par article.
Une chose est certaine, c'est qu'on sent beaucoup de contrôles qui
vont à l'encontre de l'esprit même de la notion dite de
l'enseignement privé. Que l'enseignement public soit
contrôlé par le ministère de l'Éducation un peu,
beaucoup, passionnément, à la folie, c'est une question
d'évaluation, mais c'est un peu logique que l'enseignement public soit
très contrôlé par l'État. En tout cas, selon moi,
c'est logique. Que l'enseignement privé le soit tout autant, bien,
là, il y a un problème si le financement ne l'accompagne pas.
Ces gens-là avaient parlé haut et fort. Eux autres, ils
avaient à peu près toutes les solutions quand ils ont pris le
pouvoir, y compris un meilleur financement pour l'enseignement privé. On
n'a pas vu ça, à date. Un meilleur financement pour
l'enseignement privé, ce n'est pas le cas pantoute et ça ne prend
pas un gros quotient pour déceler que dans ce projet de loi... Je
répète: Ça ne prend pas un gros quotient pour
déceler que dans ce projet de loi, une des toiles de fond, c'est que la
série de contrôles bureaucratiques aura comme conséquence
de resserrer le financement et d'être beaucoup plus sévère
quant à la dispensation d'argent pour fins de subventions
privées.
On sent que c'est teinté pas mal d'hypocrisie, le projet de loi.
Il faut être conscient de ça. Il y a pas mal d'hypocrisie dans ce
projet de loi de la part du législateur actuel, de ne pas dire
franchement: C'est loin d'être sûr qu'on va ouvrir les vannes et
les coffres. Pourtant, quand on avait discuté et qu'on avait reçu
les gens de l'enseignement privé: Pas de réforme de
l'enseignement privé si ce n'est pas accompagné d'un meilleur
financement. Ça avait été clair comme ça et
ça ne peut pas être tous des gens qui ont mal compris.
Tous les gens du secteur privé que j'ai rencontrés... Je
le dis et ce n'est pas agressif, ce n'est pas ma clientèle
régulière, les gens du secteur privé, ce n'est pas les
gens avec qui je multiplie les contacts. Mais, comme critique de l'Opposition,
il faut être honnête et objectif dans des débats de
société et c'en est un débat de société,
l'enseignement privé. Donc, je me devais de les écouter et de les
entendre. Lorsque je les ai écoutés et je les ai entendus, ils
ont toujours laissé voir qu'une réforme de l'enseignement
privé, on peut regarder ça si elle est accompagnée
substantiellement d'une plus grande ouverture quant au financement, parce qu'il
y a plus de monde à l'enseignement privé. Il y a réduction
des effectifs au secteur public et il y a accroissement des effectifs au
secteur privé. On ne peut pas se mettre un bandeau et dire: Je ne
regarde pas ça. C'est une réalité, il faut l'avoir
présente à l'esprit.
Quelques faits. Je disais: Remise en question mineure: faux. La ministre
de l'Enseignement supérieur disait: On veut rajeunir la loi; parce que,
là, on est en 1991, donc, c'est une question de rajeunir la loi. Il n'y
a pas grand monde qui a vu ça. Ceux qui sont concernés y ont vu
bien plus une réforme en profondeur, une bureaucratisation approfondie,
dans les termes. Il y a des termes qui sont vraiment vexants, choquants,
toujours pour quelqu'un qui n'est pas un ardent défenseur, qui n'est pas
un défenseur du secteur privé. Je vais conclure tantôt et
vous allez savoir à quelle enseigne je loge.
Mais, au-delà de ça, il faut quand même être
objectif. Est-ce qu'il y a des termes, dans la réforme, qui sont
acceptables en parlant d'établissements, de business comme si
c'étaient des maisons d'affaires dorénavant? Je veux dire qu'on
sent mal l'espèce d'instruction ou de discours qui est souhaité
par certains éditorialistes et que le ministre de l'Éducation
devrait faire, ce qu'on appelle le discours d'entrée. Certains
s'ennuient du fait qu'on n'a plus de discours d'entrée en
éducation. Ce n'est sûrement pas les choix de termes
souhaités parce que, moi, je n'en veux pas de discours d'entrée
si c'est pour prendre la terminologie que je vois dans le projet de loi sur
l'enseignement privé parce que là, il y a du monde qui va
paniquer; ils vont souhaiter une sortie plutôt qu'une entrée
scolaire.
Le ministre disait également: Ça ne vise pas à
régimenter. Bien, moi, j'ai un problème avec ce
gouvernement-là, et ce n'est pas la première fois. Pour dire les
choses, ils sont extraordinaires. J'entendais encore M. le premier ministre du
Québec dire: Écoutez, moi, vous le savez, ma devise, c'est de
m'occuper de l'économie. Ça n'a jamais été si mal.
Je trouve qu'il en parle, mais il n'en fait pas beaucoup. Je ne trouve pas
qu'il en fait beaucoup. L'économie du Québec est malade et j'ai
rarement entendu le premier ministre du Québec dire: Bien,
écoutez, il y aurait lieu de réviser des affaires et, oui, le
dollar est trop haut et ça n'a pas de bon sens. Je ne trouve pas qu'il
parle d'économie. Il dit qu'il aime ça se préoccuper des
questions économiques il n'y a jamais de traduction concrète.
Bien, c'est le même problème, aujourd'hui, avec ce
gouvernement-là. Il dit qu'il ne vise pas à régimenter.
Tous ceux qui ont analysé le projet de loi, qu'est-ce qu'ils y ont vu?
Tous ceux qui ont regardé le projet de loi y ont vu, effectivement, du
contrôle tatillon, des aberrations. Là, je ne veux pas revenir sur
le fond - on aura l'occasion de le faire - mais il y a des questions
fondamentales. Quand on dit: Dorénavant, tu vas avoir un permis, mais
voici les 22 conditions pour l'avoir et, là-dedans, il y en a une
dizaine qui sont tellement subjectives que n'importe quel ministre peut
décider - parce que, lui, il a fait une analyse autre qu'avec des
critères plus objectifs pour attribuer un permis - de ne pas le donner.
La loi le lui permettrait, parce que quand on arrive avec des données
comme... À l'article 64, on lit que l'allocation d'un agrément
pour fins de subventions dépendra, notamment, de "la qualité de
l'organisation pédagogique"; de l'importance du besoin exprimé."
Oh! L'Importance du besoin exprimé, trois mots. C'est quoi, les
critères d'évaluation objective pour déterminer qu'il y a
importance du besoin exprimé? L'appui du milieu à un tel projet.
Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, très
appuyé, peu appuyé, moyennement appuyé, assez
appuyé pour que le ministre décide? Il y a des affaires à
regarder, là, toujours pas pour un défenseur, mais pour quelqu'un
qui a lu le projet de loi et qui connaît un peu les questions qu'on veut
discuter.
Donc, c'est majeur, c'est substantiel et on va avoir l'occasion,
j'espère, d'approfondir et de regarder ça, puisque le ministre
dit qu'il est à l'écoute, qu'il est disponible pour regarder
ça, pour vouloir le bonifier. J'espère qu'on aura l'occasion,
effectivement, d'apprécier les critiques qui ont été
faites parce que, jusqu'à date, avant
le travail que nous allons faire, on a beau regarder tous les
intervenants... Le Mouvement pour l'enseignement privé rejette le projet
de loi. Il en a même demandé le report. L'Association des
collèges le dénonce. Le patronat ne veut rien savoir. Pourtant, y
a-t-il plus allié naturel, normalement, et depuis au moins quatre ou
cinq ans, que le patronat suite aux législations de ce gouvernement?
Et mettre l'accent sur les caniches, là, je ne trouve pas que
ça fait sérieux. On dit: Oui, mais écoutez, c'est
important. On sort toutes les bebelles de ce projet de loi, c'est une
réforme majeure et les cours d'éducation ou de formation
personnelle vont relever, dorénavant, de la protection du consommateur.
On l'a dit clairement, ça. On est d'accord là-dessus. Les choses
logiques, c'est rare qu'on est en désaccord là-dessus, nous.
Alors, ça, on est d'accord là-dessus, mais il ne faut pas mettre
l'accent sur la tonte des caniches. Il y a d'autres choses que ça dans
le projet de loi, là. Alors, moi, je veux mettre l'accent ailleurs que
sur les bebelles. Ça, c'est clair.
J'ai dit tantôt - parce que je veux conclure - que je laisserais
voir d'une façon on ne peut plus claire à quelle enseigne on
loge. Nous, on est les défenseurs de l'école publique, à
tort ou à raison. Nous, au Parti québécois, on est les
défenseurs de l'école publique. (10 h 15)
Quand Mme Drouin, la nouvelle présidente de la
Fédération, disait... Là, ça ne veut pas dire qu'on
va toujours être d'accord avec Mme Drouin, puis ce n'est pas grave, mais
j'espère qu'on aura de bons débats avec Mme Drouin et qu'elle
sera très intéressée - et je n'en doute pas parce que je
la connais - aux questions éducatives, et c'est ça qui est
fondamental... Quand elle parle du sous-financement chronique du secteur
public, on dit: Elle a raison. L'école publique est
sous-financée. Les commissions scolaires ont été
"clenchées" pendant de nombreuses années, y compris sous notre
gouvernement. Il n'y a pas de cachette, pour ne pas qu'il me le renvoie, je le
sais. Mais ça ne change pas l'état de fait qu'on est en 1991 et
que ça fait 10 ans qu'elles subissent des coupures majeures et ça
c'est censé être le financement d'une priorité en
éducation souhaitée par tout le monde.
Dans un édito hier matin, M. Laplante, qui est un
spécialiste, disait: "L'urgence d'un discours de la rentrée",
mais voici comment il concluait: "Étrange qu'il faille presser un homme
politique de faire un discours! Inquiétant que cela survienne dans un
secteur qui devrait redevenir une priorité collective." Et,
là-dessus, j'espère que tout le monde en convient, ça
commence à être un drame national que l'éducation ne soit
pas une priorité fondamentale au Québec. Il faut que
l'éducation - nos gars et nos filles, comme le dirait le ministre de
l'Éduca- tion - soit une priorité fondamentale. Je ne suis pas
sûr que ce soit le cas actuellement dans plusieurs politiques et,
là-dessus, je pense que le ministre a pris ça au sérieux.
Je sors un peu du débat de l'enseignement privé, mais je pense
que le ministre de l'Éducation a pris ça au sérieux de
redonner une dimension plus importante à l'éducation de nos
jeunes au Québec. C'est une base de la société, c'est
fondamental, puis il faut prendre le virage.
Si je conclus avec les propos de Mme Drouin, pour ne pas me perdre, elle
disait: 90 % du financement public est à l'école publique. Et
ça, c'est une donnée qu'on ne peut pas ignorer: 90 % du
financement public appartient à l'école publique. S'il est
sous-financé, puis qu'on fait une modification du secteur privé,
puis qu'on ne l'accompagne pas de subventions ou de modification au
système de soutien financier, pourquoi fait-on une réforme dont
personne ne veut? C'est ma conclusion.
À date, j'ai senti que personne ne voulait ça, dans la
forme qu'elle a. Si on veut lui donner une autre forme, mais qu'on ne regarde
pas le débat de fond: est-ce que, oui ou non, l'État
québécois a des sous pour s'assurer d'un meilleur financement?
moi, aujourd'hui, je vais continuer à dire que je suis davantage un
tenant d'un meilleur financement pour 90 % de là où est le
financement, c'est-à-dire l'école publique.
Est-ce que je suis contre l'enseignement privé et le secteur
privé? Non. Je suis contre le fait que l'État augmente
substantiellement son financement au secteur privé si les carences du
secteur public n'ont pas été corrigées,
améliorées. Je veux voir plus d'action au décrochage
scolaire. Je veux voir plus d'action au support à l'élève.
Je veux voir plus d'action à un meilleur encadrement pédagogique
et une série d'éléments majeurs à
l'éducation du secteur public et si, comme société, on
n'est pas capables de le faire, eh bien, là, on fera un débat
plus large pour dire: Ce n'est pas possible comme société.
En conséquence, puisque le financement du secteur privé a
l'air d'être une aubaine au Québec... C'est la prétention
du MEP, le MEP prétend que l'État québécois sauve
beaucoup d'argent avec le secteur privé. Je n'en disconviens pas, je ne
dis pas que c'est faux; je dis que, pour l'instant, ce n'est pas ma
priorité et que j'aimerais fouiller ça à mort. Quand on le
fouillera à mort comme société, eh bien, là, on
dira: Écoutez, l'école publique au Québec, c'est un
échec total. On n'est pas capables d'avoir un enseignement public de
qualité, adéquat, qui donne une bonne formation à nos
jeunes. Là, il faudra avoir une alternative. Le voir comme
système complémentaire, je n'ai rien contre ça, mais le
voir comme système parallèle en développement, ça
ne marche pas. Pour nous, ça ne marche pas.
Au Québec, dans un petit État riche, prospère,
moderne, mais petit quand même et
très étendu, on n'a pas les moyens de développer
deux systèmes parallèles. On n'a pas les moyens d'avoir un
système public et un système privé. C'est deux voies
ferrées, c'est-à-dire deux rails, si vous me permettrez
l'expression, qui sont parallèles, puis qui montent jusque dans l'Ouest,
parce que là il en reste, tandis qu'ici ils les enlèvent tous.
Dans l'Ouest, il en reste encore, des voies ferrées, tandis qu'ici ils
les enlèvent de plus en plus. Alors, ça, pas question. On ne peut
pas développer un système public et un système
privé en parallèle: mêmes règles, même
bureaucratie, même financement, même mainmise de l'État
aussi forte, aussi présente. Non, ça ne marche pas.
J'espère qu'on aura des gens qui, effectivement, nous
entretiendront de ces choses. Moi et mes collègues - mes
collègues sont ici pour ça - on va être très
attentifs parce que, fondamentalement, aujourd'hui et demain, c'est plus pour
écouter les intervenants concernés par le projet de loi 141.
J'espère que vous allez nous éclairer, mais pas uniquement dans
l'espèce - excusez l'expression - de retapage ou d'amélioration
du projet de loi 141 pour que ça devienne montrable. Moi, j'aimerais
mieux carrément dire: Écoutez, on ne passe pas à travers
ça, ça n'a pas de bon sens. Même si on essayait de
l'améliorer et de le bonifier, il y a trop de principes qui sont en
cause. Tant qu'on n'aura pas débattu de ces questions fondamentales, la
terre va tourner pareil. Pensez-vous que, si le projet de loi 141
n'était pas accepté ou adopté en novembre, là,
ça serait fini, il ne se passerait plus rien au Québec dans
l'enseignement privé parce que la loi n'a pas été
modifiée? Voyons donc! Moi, je ne vois pas ça de même. Si
les intervenants voient ça différemment, je m'ajusterai, je suis
un gars ajustable. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest. Est-ce qu'il y a d'autres membres de
cette commission qui désirent faire des remarques d'ouverture? Il reste
à peu près une dizaine de minutes dans le temps.
M. Pagé: Seulement un bref commentaire, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Oui, un commentaire,
puisque vos remarques sont déjà faites, M. le ministre.
M. Pagé: J'aurai l'opportunité de revenir sur la
déclaration de mon collègue, le député
d'Abitibi-Ouest, qui a dît beaucoup de choses. Je conviens que ce n'est
pas le moment opportun, lorsque nous recevons les bonnes gens, de se convier
à des débats entre parlementaires. Il y a beaucoup de choses que
j'aurai l'opportunité de reprendre, très certainement.
Deux, pour votre information - et je suis surpris que vous ne le sachiez
pas - il y aura un discours de la rentrée cette année,
début septembre...
Le Président (M. Gobé): Le téléphone
vous harcèle, M. le ministre.
M. Pagé: ...et préparez-vous.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre.
Alors, ceci met donc fin à la période des déclarations
d'ouverture. Avant d'aller plus loin, j'aimerais aviser les membres de cette
commission que je vais avoir besoin...
M. Pagé: M. le Président...
Le Président (M. Gobé): Oui, M. le ministre.
M. Pagé: ...le député d'Abitibi-Ouest
connaît même la date, c'est le 10 septembre. Et il me
dénonçait, il y a 15 minutes, parce que je ne faisais pas de
discours de rentrée. Ça, c'est l'Opposition officielle.
M. Gendron: Non, non, c'est complètement faux. Il y a des
témoins dans la salle, je ne vous dénonce pas. Je dis: Si jamais
le ministre de l'Éducation décide de dire quelque chose,
ça va me faire plaisir d'entendre ce qu'il va dire.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest. Je vais maintenant demander le
consentement afin que M. le député de l'Acadie, M. Bordeleau,
puisse remplacer aujourd'hui Mme Hovington, de Matane, qui est absente.
J'aurais dû le demander au début de la session, mais je n'avais
pas été averti. Je vois mon collègue qui est
présent; il m'a fait savoir qu'il remplaçait Mme Hovington.
Alors, s'il y a consentement...
M. Gendron: Certainement.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Alors, M.
le député, vous êtes membre à part entière de
cette commission pour la durée de la journée, au moins. Alors,
demain, nous devrons aussi vous remplacer à nouveau.
Ceci étant dit, ça va mettre fin à la
période des remarques d'ouverture. Nous allons commencer à
procéder à l'audition des premiers témoins ou des premiers
groupes. C'est la Fédération des commissions scolaires du
Québec à qui je demanderais de bien vouloir prendre place dans
les sièges situés en avant de moi.
Alors, avant de vous présenter, j'aimerais rappeler à tous
les intervenants, particulièrement à ceux qui vont passer
maintenant, que la période allouée pour présenter votre
document ou vos arguments ou faire valoir votre point de vue est de 20 minutes.
Donc, si vous avez un document à lire, je vous encouragerais à le
faire d'une manière assez succincte. Par la suite, une période de
20 minutes est impartie à l'Opposition
officielle et au gouvernement, ou vice versa. Il se peut que le
député de Jacques-Cartier soit parmi nous. À ce
moment-là, je serai amené à lui laisser, s'il le
désire, une période qui peut aller à une dizaine de
minutes, s'il a des points de vue à faire valoir. Mais étant
donné qu'il n'est pas là, nous allons donc nous en tenir, pour
commencer, à 20-20-20.
Alors, j'aimerais ça que le leader ou le porte-parole du groupe
se présente et présente les gens qui l'accompagnent et vous
pourrez commencer aussitôt votre exposé ou votre
présentation.
Auditions
Fédération des commissions scolaires du
Québec
Mme Drouin (Diane): M. le Président, je suis Diane Drouin,
présidente de la Fédération des commissions scolaires du
Québec. Les gens qui m'accompagnent: à ma droite, vous avez M.
Fernand Paradis qui est le directeur général de notre organisme
et M. Guy Beaudin qui est conseiller au dossier; à ma gauche, Mme Lise
Lemieux qui est la première vice-présidente de la
Fédération.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Drouin et
bonjour à vos collègues. Alors, vous pouvez commencer. Vous avez
la parole.
Mme Drouin: M. le Président, tout d'abord, vous avez
reçu notre mémoire, vous en avez pris connaissance
sûrement, mais, si vous permettez, je vais quand même en faire une
lecture qui sera assez rapide vu que notre mémoire est très
court. Je pense qu'il résume bien notre position.
Alors, nous tenons à vous remercier, vous, les membres de la
commission parlementaire de l'éducation, pour l'occasion qui nous est
offerte d'exprimer notre point de vue, le point de vue des commissions
scolaires sur ce projet de loi. Nous aurions, bien sûr,
apprécié avoir un peu plus de temps pour préparer notre
mémoire. Comme ça tombe en période de vacances, ça
a été un petit peu plus difficile.
Avant de présenter son point de vue sur le projet de loi 141, la
Fédération des commissions scolaires tient à
réaffirmer qu'elle n'est pas opposée à l'existence d'un
réseau scolaire privé au Québec. Au contraire, elle
reconnaît l'utilité de l'école privée en tant que
complément du système scolaire public et en autant que
l'État finance prioritairement et adéquatement les écoles
publiques.
Nous avons déjà eu l'occasion, en 1987, de déplorer
la décision prise par le gouvernement, sans aucune consultation de ceux
qu'il prétend être ses partenaires et sans aucune forme de
débat public, de mettre fin au moratoire qui existait depuis 1977 sur la
création d'institutions privées financées par
l'État. Nous avions alors réclamé une politique d'ensemble
à ce sujet et nous avions offert publiquement de collaborer à son
élaboration. En mai 1987, le ministre de l'Éducation a fait
allusion à la nécessité de consulter les milieux
intéressés avant de faire connaître périodiquement
les limites à l'intérieur desquelles le secteur privé
pourra se développer sans mettre en danger la viabilité du
secteur public dans chacun des milieux.
Responsables de la gestion d'un réseau d'écoles publiques
qui dispensent leurs services à plus de 91 % des élèves du
Québec, nous attachons une importance primordiale au système
public d'enseignement. Nous considérons que son développement
optimal est une condition indispensable de santé démocratique et
de progrès culturel et social pour notre société. C'est
à partir de cette conviction que nous vous présentons notre point
de vue.
D'abord, même si le paragraphe 2° de l'article 21
prévoit que le régime pédagogique applicable aux services
éducatifs est le même que celui édicté en
application de la Loi sur l'instruction publique pour tout ce qui concerne
l'admission, l'inscription et la fréquentation scolaire, il ne garantit
pas aux élèves québécois un égal
accès à l'école privée. Malgré les
prétentions contraires des établissements privés, ceux-ci
recrutent bien souvent leur clientèle parmi les élèves
performants du primaire. La commission scolaire de Sherbrooke rendait publique,
en 1988, une étude sur le passage du primaire au secondaire des
élèves de 6e année de l'année 1987. Les enseignants
de 6e année de Sherbrooke avaient classé leurs
élèves dans l'une ou l'autre des catégories suivantes:
fort, moyen et faible. Vous avez le résultat dans notre mémoire.
Selon cette étude, la ponction exercée par les écoles
privées s'est surtout fait sentir chez les élèves
considérés plus performants. C'est ce que nous permet de
constater la comparaison des inscriptions à l'école publique et
à l'école privée, selon la cote accordée aux
élèves. Vous avez, d'ailleurs, le graphique dans notre
mémoire.
M. Claude Ryan, ministre de l'Éducation, demandait, dans une
allocution qu'il prononçait à l'assemblée
générale annuelle de l'Association des institutions
d'enseignement secondaire, le 11 mai 1987, que les institutions privées
pratiquent, en matière d'admission, une politique d'ouverture large et
généreuse. Les établissements ne sauraient être
réservés en exclusivité ni aux élèves plus
doués que la moyenne, ni aux élèves en provenance de
foyers plus fortunés, ni aux seuls élèves qui ont une
conduite exemplaire. M. Ryan disait: "Les établissements privés
doivent être largement ouverts aux besoins de tous les milieux sociaux,
de toutes les catégories d'élèves."
Nous avons la conviction que le déséquilibre
observé dans la distribution des élèves des diverses
catégories dans les écoles publiques et
dans les écoles privées contribue à
surévaluer la performance des établissements privés, tout
en privant les élèves du secteur public de la contribution d'une
partie importante des élèves les plus performants. Comme le
suggérait M. Joffre Proulx, ex-professeur de philosophie de
l'éducation et du système scolaire à l'Université
de Sherbrooke, le gouvernement devrait prohiber, par législation, la
sélection d'ordre intellectuel (c'est-à-dire le choix des
meilleurs sujets) dans les écoles privées et établir un
mécanisme objectif d'admission des élèves lorsque la
demande dépasse le nombre de places disponibles. (10 h 30)
La Loi sur l'instruction publique nous dit que chaque commission
scolaire doit s'assurer que les personnes relevant de sa compétence
reçoivent les services éducatifs auxquels elles ont droit en
vertu de cette loi-là, à l'article 208.
L'article 242 de la même loi précise que ce n'est que "pour
une cause juste et suffisante et après avoir donné à
l'élève et à ses parents l'occasion d'être entendus"
qu'un élève peut être expulsé des écoles de
la commission scolaire. Cette procédure, bien sûr, limite au
minimum les situations où un élève est expulsé de
l'école publique. Les commissions scolaires sont d'accord avec cette
procédure et elles ont même développé toute une
panoplie de services pour les élèves qui ont des
difficultés d'ordre familial, personnel, pédagogique ou
d'adaptation scolaire.
H en va autrement pour les institutions privées. Elles ne sont
pas astreintes aux mêmes obligations que les commissions scolaires. Selon
l'article 30 du projet de loi, l'établissement qui expulse un
élève assujetti à l'obligation de fréquentation
scolaire n'a qu'à en informer la commission scolaire de qui
relève cet élève. La commission scolaire est
obligée d'accepter, en cours d'année bien souvent, des
élèves qui sont devenus inacceptables pour les institutions
privées. Sans se prononcer sur la situation faite aux commissions
scolaires, puisqu'il s'agit d'une question qui relève du ressort du
législateur et non des tribunaux, la Cour supérieure convient
cependant que "l'expulsion d'un collège privé n'est pas
réglementée et n'est pas soumise aux exigences de la Loi sur
l'instruction publique." C'est tiré d'un jugement du juge Louis-Philippe
Landry, dans un cas d'une commission scolaire de Hull.
Cette situation oblige la commission scolaire à
réorganiser ses groupes d'élèves, à
réajuster, dans certains cas, la charge de travail des enseignants et,
parfois, à ajouter des ressources humaines, ce qui implique, bien
sûr, des coûts additionnels non financés.
Alors, nous demandons que l'établissement d'enseignement
privé soit astreint aux mêmes obligations que les commissions
scolaires quant à l'expulsion des élèves. En acceptant
d'inscrire un élève au début d'une année scolaire,
l'établissement d'enseignement privé prend la relève de la
commission scolaire du territoire pour toute l'année scolaire et doit
s'assurer que celui-ci reçoive tous les services éducatifs
auxquels il a droit en vertu de la Loi sur l'instruction publique.
De plus, si un établissement privé est dans l'obligation
d'expulser, toujours "pour une cause juste et suffisante", un
élève, il doit en arriver à une entente avec la commission
scolaire qui a compétence sur cet élève ou avec un autre
organisme pour que cet élève reçoive les services
éducatifs auxquels il a droit pour terminer l'année scolaire. Les
règles de subvention accordée à un établissement
privé pour un élève devraient prévoir que la
subvention est accordée à l'établissement au prorata du
nombre de mois passés à l'établissement privé. Par
ailleurs, la contrepartie du libre choix des parents quant à la
fréquentation d'une école publique ou d'un établissement
privé devrait être l'engagement dans un réseau pour toute
la durée de l'année scolaire.
Le projet de loi énumère, à l'article 64, les
éléments dont le ministre doit tenir compte pour
reconnaître, aux fins de subventions, un établissement
d'enseignement privé. Avant de commenter cet aspect du projet de loi, il
nous apparaît important de situer le rôle de l'école
privée dans le cadre plus général de la mission de
l'État concernant l'éducation.
Au début des années soixante, la société
québécoise décidait de se doter d'un système public
d'enseignement accessible à tous les jeunes du Québec,
indépendamment de la richesse de leurs parents ou de leur lieu de
résidence. À partir de ce moment, l'État
québécois choisissait de prendre la relève des
institutions privées qui opéraient des institutions d'ordre
secondaire dans les centres urbains et qui n'avaient pas été en
mesure de rendre accessible, dans chacun des milieux, l'enseignement
secondaire.
Dès la fin des années soixante, le rôle de
l'État dans le financement des institutions privées fut fortement
questionné parce que le développement du système public
d'enseignement exigeait la mobilisation de toutes les ressources de
l'État. Voulant éviter d'accroître la duplication de
services par des institutions publiques et privées financées par
l'État au-delà de ce qu'elle était déjà, le
gouvernement, dans une déclaration ministérielle en 1977,
décidait qu'aucun établissement privé ne pourrait obtenir
un statut plus favorable que celui qu'il avait au moment de cette
déclaration. C'était le début du moratoire.
Par la suite, le discours gouvernemental devait préciser que
l'importance des subventions à être accordées aux
institutions privées devrait varier selon le caractère de service
public qui pourrait leur être reconnu. D'une manière
générale, plus une institution privée se conformera aux
normes et critères utilisés dans l'enseignement public et aura
une fonction complémentaire par rapport à ce dernier, plus
forte sera la proportion de ses besoins financiers admissibles à
un financement par l'État.
C'est avec étonnement et inquiétude que nous avons appris,
en 1986-1987, l'ouverture, par exemple, de l'école privée
à Baie-Comeau. Nous avons appris, à ce moment-là, le
changement de cap du gouvernement en ce qui concerne la mise sur pied de
nouvelles écoles privées et l'augmentation de subventions
à plusieurs autres. Sans aucune consultation de ceux qu'il
prétendait être ses partenaires, sans aucune forme de débat
public, une décision très lourde de conséquences a
été prise et son impact sur la viabilité
pédagogique et financière de plusieurs écoles publiques
sera important.
Les difficultés budgétaires du gouvernement l'ont
amené, au fil des années, à effectuer nombre de coupures
qui s'élèveront encore cette année à une centaine
de millions de dollars pour les commissions scolaires. Les ressources de
l'État se doivent donc d'être utilisées prioritairement
pour offrir les meilleurs services éducatifs possible à
l'ensemble des citoyens dans le cadre du système public
d'enseignement.
Au cours des dernières années, la baisse constante de la
population scolaire et les compressions budgétaires du gouvernement ont
rendu difficile le maintien de la viabilité pédagogique et
financière des services éducatifs. Tant et aussi longtemps que le
système public d'enseignement ne sera pas adéquatement
financé pour répondre à toutes les clientèles, le
gouvernement doit geler le niveau des subventions aux institutions
privées.
Le gouvernement doit revenir sur sa décision et rétablir
le moratoire sur la reconnaissance des nouvelles institutions privées
ayant accès aux subventions gouvernementales. L'article 64 du projet de
loi doit être modifié pour accorder à chaque commission
scolaire un droit de regard sur l'agrément aux fins de subventions d'un
établissement privé sur son territoire. La commission scolaire,
ayant l'obligation d'assurer les services éducatifs auxquels ont droit
les personnes relevant de sa compétence, est bien placée pour
identifier les "effets de l'agrément sur l'équilibre des
ressources du milieu" et pour apprécier "l'apport spécifique de
l'établissement en termes d'enrichissement, de
complémentarité ou de diversité. "
En conclusion, certaines personnes, sans doute bien
intentionnées, mais peut-être moins bien informées,
prétendent que la mise sur pied d'établissements privés a
pour effet de réduire les coûts de l'éducation et
représente une économie substantielle pour l'État. Donner
foi à ces prétentions, c'est oublier que la commission scolaire a
des frais fixes à assumer même s'il y a moins
d'élèves dans ses écoles. Il faut continuer à
entretenir les bâtiments scolaires et aussi à défrayer les
coûts de la sécurité d'emploi qui ont été
négociés par le gouvernement. C'est oublier également les
coûts sociaux reliés, dans certains cas, à la fermeture
d'écoles ou d'options voulues par la population à cause de la
réduction de la clientèle.
Le gouvernement doit rétablir le moratoire sur la reconnaissance
pour fins de subventions de nouveaux établissements privés ou
l'ajout de places-élève dans les établissements actuels.
Nous insistons pour que les commissions scolaires soient impliquées dans
la décision d'agréer un nouvel établissement privé.
Les ressources étant limitées, l'accent doit être mis sur
la complémentarité des réseaux. Je vous rappelle que, chez
nous, nous avons le goût du public. C'est notre signature. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Drouin.
Ceci met fin à votre exposé, d'après ce que je peux
voir. Je vais maintenant passer la parole à
M. le ministre de l'Éducation pour une période de 20
minutes.
M. Pagé: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Ou à d'autres
collègues, s'il y a d'autres collègues qui désirent
intervenir par la suite.
M. Pagé: Je voudrais saluer Mme Drouin, la
présidente de la Fédération des commissions scolaires du
Québec, la remercier ainsi que ses collègues, Mme Lemieux, M.
Paradis, ceux qui l'accompagnent, de la présentation de son
mémoire. Vous êtes le premier groupe à vous faire entendre.
Je crois qu'il était normal qu'il en soit ainsi.
Je voudrais vous indiquer au départ ce dont j'ai fait part depuis
mon arrivée au ministère. Pour moi, la responsabilité d'un
gouvernement dans une société comme la nôtre est de
s'inscrire activement, fortement en support à un réseau
d'enseignement, de formation public qui s'inspire d'une volonté
d'accessibilité, qui s'inspire d'une volonté d'une population
pouvant bénéficier de meilleurs outils pour, somme toute, devenir
des adultes. Parce que l'école et la certification, la diplomation
constituent en quelque sorte le premier, sinon le principal... C'est, en
quelque sorte, un certificat de citoyenneté. À cet
égard-là, pour moi, l'école publique et l'école
privée ne doivent pas être perçues comme s'inscrivant en
dualité ou en affrontement.
Pour moi, le fait que nous ayons ici, chez nous, un réseau
d'enseignement public bien articulé - parce qu'il se fait des belles
choses dans le public, comme il se fait des belles choses dans le privé
- ça doit s'inscrire davantage en complémentarité,
créant une saine émulation. Et je dois vous dire, comme j'en ai
fait part aux représentants du privé, que j'arrive sans aucun
préjugé à la tête du ministère.
Vous avez référé au financement. Je veux profiter
de votre témoignage devant nous aujourd'hui pour vous indiquer que je
suis bien cons-
cient, comme ministre de l'Éducation, des efforts très
appréciables que le réseau public d'enseignement au Québec
a dû surmonter, et plus particulièrement depuis 1981. J'ai eu
l'occasion de vous indiquer à plusieurs reprises mes intentions comme
ministre à cet égard-là, parce que la première
noblesse d'une collectivité comme la nôtre, évidemment,
c'est bel et bien de former ses citoyens de demain.
Je vous indiquerai que, c'est le cas, il y en a eu, des coupures
budgétaires. Il y en a eu du temps de mes prédécesseurs
et, en ce disant, je réfère aussi à mes amis d'en face, au
Parti québécois. Comme je l'ai indiqué, la ponction
demandée a ses limites et je vous ai fait part de mes intentions en ce
qui concerne la prochaine année budgétaire. À cet
égard-là, on doit reconnaître que les mêmes
restrictions budgétaires, ou révisions d'affectation
budgétaire pour la présente année scolaire qui commencera
la semaine prochaine, se sont appliquées de la même façon
à l'enseignement privé. De la même façon. Ce sont
les mêmes critères.
Et ce que j'ai indiqué au privé, c'est très simple.
C'est vrai qu'on s'est engagés à revoir leur modèle de
financement. Je leur ai dit: Je suis conscient que ce qui était environ
l'équivalent de 80 % en 1977-1978 est maintenant devenu peut-être
environ 55 % de niveau d'aide. Je leur ai fait part très clairement
qu'il était impossible à ce moment-ci, pour le ministre de
l'Éducation, alors qu'il devait appliquer une nouvelle ponction
budgétaire au réseau scolaire public d'enseignement, d'en ajouter
dans le secteur privé pour le moment. Ça ne veut pas dire,
cependant, que ça ne se fera pas éventuellement, mais j'entends
faire en sorte qu'aucun des secteurs d'enseignement, qu'il soit public ou
privé, n'ait à payer le prix d'un support donné à
l'autre, de la façon la plus objective, la plus honnête, la plus
ouverte, la plus loyale possible.
Un certain nombre de questions. Vous demandez un moratoire. Je dois vous
dire que, depuis 1987, effectivement, un certain nombre de requêtes ont
été demandées, déposées, analysées,
acceptées. Jusqu'à maintenant, je me suis fié
entièrement à la Commission consultative, au comité qui
étudie les requêtes. Et je crois que ce sont des gens qui
travaillent bien, ce sont des gens qui ont une expertise et, d'ailleurs, ils
ont le mandat de conseiller le ministre. Toutes les recommandations ont
été suivies jusqu'à maintenant. (10 h 45)
Je suis un peu surpris quand vous me demandez, Mme Drouin: Nous, de la
Fédération des commissions scolaires, nous demandons d'être
consultés pour l'agrément. Comment pourrait-on faire ça
alors qu'on me dit qu'il y a eu, à un certain moment donné dans
le temps, une démarche expérimentale de consultation? Je
n'étais pas là, j'en conviens, mais c'est ce qu'on me dit au
ministère. Et le ministère est bien enraciné, il y a des
gens qui sont là et qui ont vécu toutes les époques. On me
dit qu'à chaque fois que, dans le cadre de cette démarche, le
réseau public d'enseignement était consulté, les
réponses ont toujours été négatives. Comment
verriez-vous ça? Parce que c'est presque un droit à la sanction,
c'est presque un droit qui prendrait la place, finalement, d'un pouvoir qui est
ministériel jusqu'à maintenant. Comment verriez-vous ça
pour que ça puisse opérer tout ça, pour que vous soyez
consultés, que vous participiez à l'agrément? J'aimerais
vous entendre.
Mme Drouin: Nous souhaitons participer, justement, à
l'agrément. On souhaite avoir un droit de regard. On souhaite être
consultés parce qu'il nous apparaît d'abord... Vous dites: Comment
ça pourrait se passer? Pour nous, je vous disais au départ que
nous n'étions pas contre l'établissement d'un réseau
privé en autant que le rôle joué par ces écoles
serait complémentaire. Si on arrive dans un milieu donné et qu'il
y a un groupe de personnes qui souhaitent avoir une école privée
subventionnée... Parce que je dis bien qu'on parle toujours
d'écoles subventionnées. Certains vont dire des écoles
semi-privées parce qu'elles sont subventionnées, comparativement
à certaines écoles très privées qui
s'autofinancent. Alors, je parle toujours de la deuxième
catégorie, c'est-à-dire les écoles privées,
semi-privées ou du moins subventionnées. Si ces
écoles-là s'implantent dans un territoire donné, les
commissions scolaires aimeraient faire d'abord connaître quel rôle
elles auront à jouer. Est-ce que c'est un rôle vraiment
complémentaire? Est-ce qu'elles pourront offrir des choses qu'une
commission scolaire ne peut pas offrir d'abord? Parce qu'on ne souhaite pas
qu'il y ait de dédoublement et les commissions scolaires du territoire
aussi aimeraient pouvoir faire connaître les implications que ça
aura sur leur viabilité.
Quand on parle, au niveau scolaire, par exemple, d'intégrer ou de
fusionner des commissions scolaires, on demande aux commissions scolaires de
faire la preuve qu'elles pourront assurer une viabilité
pédagogique et financière dans les années à venir.
On peut faire cette démonstration, mais, s'il nous arrive une
école privée ou deux dans les années qui suivent,
ça va déjouer nos calculs. Je vous disais qu'on avait quand
même un réseau d'élèves et s'il y a des ponctions
d'élèves qui se font, ça modifie grandement notre
organisation scolaire. Alors, c'est ce que les commissions scolaires
souhaitent: être consultées pour faire valoir leur point de vue.
Elles sont dans le milieu, elles connaissent les clientèles et elles
aimeraient faire savoir les impacts que ça peut avoir sur leur
fonctionnement et aussi elles aimeraient connaître le rôle qu'aura
à jouer cette école privée là, si c'est vraiment un
rôle complémentaire et si c'est quelque chose que le
système public ne peut pas donner.
M. Pagé: Ça, c'est les critères sur lesquels
vous vous appuyez pour revendiquer ou demander te droit d'être
informés, consultés, etc. Mais certaines des dimensions
auxquelles vous référez sont prises en compte par l'organisme qui
conseille le ministre, entre autres, l'impact de l'ouverture d'une école
dans le milieu et dans la région, etc., sur le réseau public.
Ça, je le vois régulièrement dans les avis qui me sont
envoyés.
Mme Drouin: Oui. Alors, cet avis-là pourrait vous venir
aussi des commissions scolaires.
M. Pagé: On me dit que les expériences,
c'était en 1977-1978 et que tous les avis avaient été
négatifs.
Mme Drouin: Je n'ai pas bien saisi, M. le ministre.
M. Pagé: On m'a dit que, dans les expériences
où le ministre de l'Éducation aurait, selon les informations
qu'on me donne, consulté, demandé à la
Fédération des commissions scolaires ou aux commissions scolaires
dans la région visée des avis et des conseils, à chaque
fois l'avis aurait été négatif.
Mme Drouin: C'est possible. Je ne suis pas au courant.
Probablement qu'à ce moment-là ça ne répondait pas,
justement, à un besoin de fonction complémentaire ou encore que
ça pouvait nuire à l'organisation scolaire du système
public. M. Paradis, vous voulez ajouter quelque chose?
M. Pagé: Oui, M. Paradis.
Mme Drouin: II est plus ancien que moi. Ha, ha, ha!
M. Paradis (Fernand): Si vous permettez, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Oui, M. Paradis, je vous en
prie. Vous avez la parole.
M. Paradis (Fernand): II y a deux faits qui me semblent
importants lorsqu'on regarde le passé et qui expliquent l'attitude de la
Fédération et des commissions scolaires. Depuis 1970, il y a des
chutes de population importantes qu'on est tenté d'oublier. Je vais
prendre un exemple que je connais particulièrement, celui de la
Commission des écoles catholiques de Québec. En 1970, il y avait
32 906 élèves et cela, c'est au recensement du ministère
de l'Éducation. Année après année, il y a eu
diminution de la clientèle et on en sera, au 30 septembre prochain,
selon les prévisions, sous la barre des 10 000 élèves.
Il y a donc un problème d'ajustement de l'organisation scolaire
à la réalité et cet ajustement se faisait, au
départ, de façon rapide parce qu'il y avait deux écoles
dans la même paroisse. Mais, au fur et à mesure que les
clientèles ont chuté, il a fallu commencer à diminuer le
nombre d'écoles, cette fois, en attaquant l'école paroissiale. Ce
phénomène a joué de façon chronique depuis 20 ans.
Il y avait, bien sûr, la dénatalité, il y avait l'exode
vers la banlieue, il y avait aussi les institutions privées qui
siphonnaient une partie de la clientèle, accentuant le problème
de l'équilibre entre l'organisation scolaire et la clientèle dont
on disposait.
Ce n'est pas un phénomène isolé. À la CECM,
c'était le même phénomène multiplié par huit.
Pendant un certain temps, les commissions scolaires de banlieue s'en sont bien
tirés parce qu'elles recevaient la clientèle des centres-villes.
Mme Lemieux pourra en parler plus à l'aise que moi, mais, actuellement,
le phénomène rejoint les villes de banlieue et, là aussi,
il y a des fermetures d'écoles, ce qui fait que les commissions
scolaires aux prises avec un problème d'équilibre ou d'ajustement
voient mal que ce phénomène soit accentué par le
départ d'élèves et, selon l'étude de Sherbrooke, le
départ d'élèves performants.
S'est ajouté, en 1981, un phénomène de
sous-financement, et ça s'est répété année
après année. Les commissions scolaires avaient donc à la
fois à trouver des solutions à l'équilibre entre le nombre
d'écoles et la population et, en même temps, les ressources
diminuant, ça accentuait le problème. Il n'est pas
étonnant que les commissions scolaires soient plutôt
réservées quand on parle d'ouverture d'écoles
privées. Notre position est claire: en termes de
complémentarité, oui, et que les commissions scolaires apportent
un éclairage avant qu'on ouvre une école.
Dans certains cas, on a mis en disponibilité des enseignants dans
le secteur public et on en engageait dans le secteur privé.
C'était toujours l'État qui finançait. Je pense qu'on ne
doit pas oublier ces 20 dernières années, en particulier les 10
dernières, et le phénomène n'est pas terminé. On a
cru longtemps qu'avec les années quatre-vingt-dix on arriverait à
l'équilibre ou même à une remontée de population. Ce
n'est pas du tout ce que les indicateurs nous fournissent actuellement.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Paradis. M. le
ministre, rapidement.
M. Pagé: Oui.
Le Président (M. Gobé): Par la suite, je passerai
la parole à M. le député de Sherbrooke.
M. Pagé: Un commentaire et une question. J'ai
été un peu surpris de voir l'insistance que vous mettez sur un
élément, comme quoi les élèves performants iraient
au privé. Je dois vous dire, moi, que, selon ma lecture, il n'y a pas de
règle absolue. Il y a des écoles publiques au
Québec qui se comparent avantageusement aux écoles
privées parmi les plus performantes. On le voit, d'ailleurs, dans les
résultats. Il y a des écoles privées au Québec et
je crois que c'est trop absolu que de dire que les écoles privées
n'accueillent chez elles qu'uniquement des élèves qui sont dans
les meilleurs en termes de résultats scolaires. Pour moi, ça doit
être modulé et tout ça doit être placé dans sa
véritable perspective. À cet égard-là, je n'ai pas
l'intention, moi, de m'inscrire de façon aussi catégorique. Il
n'y a pas de règle absolue.
Vous insistez sur les mutations pendant l'année scolaire. Selon
les indications que j'ai, durant la dernière année scolaire, il y
aurait eu 874 élèves sur près de 100 000
élèves qui fréquentent le secteur privé qui
l'auraient quitté au cours de l'année 1990-1991 pour revenir au
secteur public. Je ne crois pas que ce soient toujours des cas d'expulsion,
parce que ça peut être parfois le choix, une décision des
parents. Ça ne veut pas dire pour autant que ces 874 enfants
étaient en difficulté ou n'étaient pas performants.
Vous dites: Lorsqu'un élève passe du privé au
public - donc, il arrive normalement après le 30 septembre, au
début de la nouvelle année de calendrier, après le
congé des fêtes - que le budget soit révisé à
la hausse pour tenir compte de l'arrivée de nouveaux
élèves et le budget équivalent de l'institution
privée, si elle est reconnue pour fins de subvention ou
déclarée d'intérêt public, soit réduit.
D'abord, vous savez que la règle, jusqu'à maintenant, tout au
moins, s'applique au 30 septembre; sans ça, on serait en processus de
révision budgétaire constant en cours d'année. Mais il
faut quand même tenir compte aussi qu'il y en a eu pour la même
année 312 du public qui, en cours d'année, ont poursuivi leur
cours dans le secteur privé. Donc, je présume que vous
accepteriez la même chose de l'autre côté. Ce n'est pas
unilatéral, c'est bilatéral. Vous répondez quoi à
ça? Parce que c'est gros, ce que vous me demandez, hein?
Je suis certain que mon ami, le député d'Abitibi-Ouest, va
être d'accord avec moi. Si la Fédération des commissions
scolaires demande une révision des allocations budgétaires en
fonction des mutations de clientèles en cours d'année, comment
pourrez-vous vous opposer à ce que ça se fasse non seulement pour
le transfert des élèves du public ou du privé, mais pour
transférer des élèves d'une commission scolaire à
l'autre? Et puis, les diminutions de clientèles pourraient affecter, je
pense, une base établie en début d'année,
généralement annoncée avant le 30 juin, signée
avant le 30 juin, etc., comme vous le savez, s'appuyant sur la clientèle
recensée au 30 septembre. Je trouve ça gros, moi, et je me
permettrai de dire peut-être même risqué pour les
commissions scolaires du Québec, ne croyez-vous pas?
Mme Drouin: M. le ministre, j'aimerais tout simplement vous dire
que, pour nous, on a demandé que les écoles privées soient
soumises aux mêmes règles, autant pour l'admission que pour
l'expulsion des élèves. Au départ, vous avez parlé
de sélection. Je pense qu'on n'a pas dit que les écoles
privées ne recevaient que des élèves performants, mais il
y a quand même des études qui prouvent que, dans la
sélection, quand on fait passer des tests d'admission à
l'entrée et qu'on doit se restreindre à un certain nombre, qu'on
n'en accepte qu'un certain nombre à cause de raisons diverses, de places
ou autres... Il nous est apparu, selon les études, que c'étaient
vraiment les élèves... De toute façon, ce n'étaient
pas les élèves qui avaient le plus de difficultés qui
étaient retenus d'abord. Alors, c'est cette partie-là que je
voudrais bien qu'on clarifie. Ça peut être des
élèves qui sont souvent moins performants, mais qui ont
peut-être aussi d'autres difficultés. Chez nous, on doit recevoir
tous ces élèves-là et leur offrir des services
appropriés, et on se dit qu'une école privée devrait
pouvoir aussi le faire. Quand elle accepte un élève en
début d'année, finalement, elle prend la relève de la
commission scolaire et elle devrait prendre la relève pour
l'année au complet, c'est-à-dire que, si l'enfant en cours de
route présente des difficultés de comportement ou autres, elle
devrait être capable de lui offrir des services.
Actuellement, dans la Loi sur l'instruction publique, on dit: La
commission scolaire est obligée d'offrir des services éducatifs
qui comprennent: services de formation, services complémentaires et
personnels à l'élève, alors que, du côté de
l'enseignement privé, on dit que l'école doit offrir des services
de formation. On ne parle pas de services complémentaires et personnels.
Il n'y a pas d'obligation. Je ne dis pas qu'il ne s'en fait pas, mais il n'y a
pas d'obligation de le faire. Alors, pour nous, on devrait être soumis
aux mêmes règles parce qu'on reçoit des subventions. Il
devrait y avoir des services qui sont offerts à ces enfants-là
pour qu'ils puissent demeurer à l'école jusqu'à la fin de
l'année scolaire.
M. Paradis, vous vouliez ajouter autre chose?
M. Pagé: Une question, très brièvement.
M. Paradis (Fernand): Oui, parce que...
M. Pagé: Je conviens qu'il n'y a pas d'obligation impartie
à une école privée d'offrir des services
complémentaires. D'accord. Supposons que le gouvernement, on est unanime
ici et on dit: D'accord, on donne suite à la requête
formulée par les commissions scolaires à l'effet que les
écoles privées soient soumises, aient le même contenu de
mandat d'accompagner, de dispenser des services personnalisés tenant
compte des limites, etc., en clair, ça voudrait dire quoi?
Ça voudrait dire l'obligation pour les écoles privées
d'avoir des psycho-éducateurs, d'avoir des orthophonistes, des
psychologues, etc. Ne croyez-vous pas qu'à ce moment-là la
réplique immédiate, la réponse immédiate, ce sera:
Si vous voulez nous soumettre un canevas de contenu aussi élaboré
que dans le public, donnez-nous le même pourcentage de subvention? Auquel
cas vous semblez vous opposer. (11 heures)
Mme Drouin: Si le rôle de l'école privée est
complémentaire à ce qui se fait à l'école publique,
c'est différent. Ce qu'on veut, c'est qu'il n'y ait pas de
dédoublement. Vous parlez que 874 enfants sont revenus dans le
système public. Alors, ces enfants-là sont revenus après
le 30 septembre. Vous comprenez qu'il y a sûrement des commissions
scolaires ou des écoles qui ont dû réorganiser des groupes,
qui ont dû souvent peut-être engager du personnel
supplémentaire. Le gouvernement, d'après nous, sa fonction,
d'abord - vous l'avez dit vous-même - c'est d'assurer un financement
adéquat du système public pour tout le monde. Alors, je pense
qu'on doit offrir ces services-là. On les offre, mais ça nous
place dans des difficultés. Et on se dit que le gouvernement, le
ministère, avant d'autoriser l'ouverture de nouvelles écoles,
devrait prendre en considération ces faits-là, voir à ce
que son système public, d'abord, soit viable et puisse offrir tous les
services à l'ensemble des citoyens; c'est ce qui nous préoccupe.
Je pense que M. Paradis avait un exemple ou quelque chose à ajouter, si
vous permettez.
Le Président (M. Gobé): Oui, brièvement, M.
Paradis, parce que le temps imparti est écoulé. Rapidement,
allez-y.
M. Paradis (Fernand): Pour ce qui est de la sélection des
élèves, on le disait tout à l'heure, il y a une
sélection à caractère intellectuel qui se fait, mais il y
a aussi autre chose qui joue de façon plus subtile. Le Conseil
supérieur de l'éducation disait, il y a quelques années:
Les enfants n'arrivent pas à l'école en paquet commode de 26 ou
de 27. On sait très bien que l'école publique doit créer
des classes à deux divisions dans bien des cas. À Québec,
il y a quelque temps, il y en avait 36 ou 37. En règle
générale, les parents réagissent négativement. Il y
a des études qui montrent que ce n'est pas si mauvais, mais il y a tout
de même des frictions qui s'installent à ce niveau. Or, lorsque
l'école privée fait la sélection d'élèves,
elle a aussi des limites; et, là, on arrive à des paquets
commodes. Je connais peu d'institutions privées qui ont des classes
à deux divisions et ça, c'est un avantage subtil qui se glisse,
mais qui fait partie d'usages.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Paradis.
M. Pagé: Mon temps est...
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre.
Rapidement, M. le député de Sherbrooke, vous aviez fait signe que
vous aviez une petite question à poser. Alors, de consentement, vu qu'on
est dans le temps, vous avez la parole.
M. Hamel: Merci, M. le Président. Dans votre
mémoire, à la page 5, Mme la présidente, suite à la
suggestion du professeur Joffre Proulx, vous dites: "Le gouvernement devrait
prohiber, par législation - on suit un peu, justement, ce que M. Paradis
vient de nous souligner - la sélection d'ordre intellectuel dans les
écoles privées et établir un mécanisme objectif
d'admission des élèves lorsque la demande dépasse le
nombre de places disponibles."
Si le législateur retenait une telle hypothèse, j'aimerais
avoir des précisions quant à rétablissement d'un tel
mécanisme objectif d'admission des élèves.
Le Président (M. Gobé): Mme Drouin, M. Paradis.
Mme Drouin: Vous voulez avoir des précisions sur le
mécanisme d'admission?
M. Hamel: Oui. Qu'est-ce que vous entendez par ce
mécanisme objectif? Avez-vous des choses à nous
suggérer?
Mme Drouin: Écoutez, je pense que vous êtes
peut-être mieux placés que nous pour savoir comment on peut
procéder dans un mécanisme objectif. Si, actuellement, on
procède par sélection, par des tests, en ordre d'inscription,
ça peut être n'importe quoi; quand on parle de quelque chose
d'objectif, ça ne fait pas référence à la
capacité intellectuelle de l'enfant ou au revenu de son parent ou des
choses comme ça, quand on parle de mécanisme objectif.
Je ne sais si M. Beaudin, qui a travaillé dans le dossier, peut
ajouter des choses sur cette partie-là, principalement.
M. Beaudin (Guy): Ça peut être les premiers
arrivés, je dirais, les premiers inscrits. D'abord qu'ils
répondent aux critères de base, en fait, de sélection pour
entrer en secondaire I ou secondaire II, automatiquement, ils sont
sélectionnés. Évidemment, lorsqu'il y en a plus que la
capacité de l'école ou de la classe en question, à ce
moment-là, ça pourrait être par le moyen de tirage au sort,
etc. Je pense qu'il y a moyen, je dirais techniquement, d'organiser ce type de
sélection objective. C'est d'éliminer le subjectif qui fait
qu'à un moment donné on sélectionne à partir de
critères qui, dans le fond, favorisent les plus performants.
M. Hamel: Si je comprends bien, vous ne
vous êtes pas arrêtés vraiment...
M. Beaudin (Guy): A la tuyauterie? Non. M. Hamel:
...à creuser ce mécanisme-là.
M. Beaudin (Guy): On ne s'est pas arrêtés à
la tuyauterie. C'est un principe qu'on pose. On pense que ça devrait
être, normalement, le plus objectif possible.
M. Hamel: Merci.
M. Paradis (Fernand): Si vous permettez, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Oui, M. Paradis,
rapidement.
M. Paradis (Fernand): On pourrait considérer le lieu de
résidence, par exemple.
M. Hamel: Ça va.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Paradis. M. le
député de Sherbrooke, vous avez terminé?
M. Hamel: Oui.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie.
Ceci met fin à la période impartie au côté
gouvernemental. Je vais maintenant passer la parole à M. le
député d'Abitibi-Ouest, pour une période, aussi, de 20
minutes.
M. Gendron: Oui, rapidement, M. le Président. Je voudrais
remercier la Fédération; même si le temps a
été court et s'il y avait la période estivale, ça
aurait été inopportun, je pense, d'analyser un projet de loi
comme celui-là sans avoir le point de vue de la Fédération
des commissions scolaires qui, au fil des ans, a développé une
expertise qualitative et quantitative par le nombre de mémoires qu'elle
a présentés sur les questions éducatives. C'est important
de vous voir ici. Donc, je salue Mme Drouin, Mme Lemieux, M. Paradis et M.
Beaudin. Je suis très heureux de vous voir là.
Essentiellement, votre mémoire a porté sur trois aspects
plus importants que les autres, du moins ceux que vous avez traités; j'y
reviendrai par deux questions précises. Toute la question de l'admission
des élèves, la fréquentation obligatoire et la notion la
plus importante au projet de loi, qui est l'agrément, parce que c'est
sûr qu'on aura l'occasion d'en discuter longuement quand on fera
l'étude article par article.
Je ne pense pas qu'on puisse effectivement porter des jugements ex
cathedra, d'autant plus que ce serait surprenant... Il est censé y avoir
eu un changement majeur comme ministre de l'Éducation; donc, je ne vois
pas pourquoi on porterait des jugements ex cathedra, du haut de notre
vérité. Mais il y a quand même des données dont on
ne peut pas faire abstraction. On ne peut pas faire abstraction de certaines
données qui sont, il me semble, de commune renommée. Sur les
règles d'admission, dire que, dans la culture québécoise,
l'école privée n'est pas le lot des itinérants, des
assistés sociaux et des chômeurs, je ne pense pas qu'on vient de
commettre un sacrilège ou d'établir une règle absolue. Moi
non plus, je n'aime pas ça parler en absolu, mais il ne faut pas se
cacher derrière des rideaux toute sa vie.
Alors, moi, c'est clair: Oui, au niveau de la sélection,
même si le ministre nuançait davantage, globalement, j'estime que
la moyenne des élèves de l'ensemble des écoles
privées est supérieure à la moyenne des
élèves de l'ensemble des écoles publiques. Je suis
sûr de ce que je dis. Si quelqu'un pense que je suis dans les patates,
j'aimerais ça qu'au cours des deux jours on me prouve le contraire.
J'aimerais ça qu'on me prouve le contraire! Là, ce n'est pas
être un absolutiste de dire ce que je viens de dire.
M. Paradis a évoqué quelques règles, c'est logique.
Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Il y a un paquet de choses que
l'enseignement privé ne fait pas que l'enseignement public fait. Les cas
difficiles, les cas lourds et les cas pénibles, je ne dis pas qu'il n'y
en a pas à l'enseignement privé, mais, globalement, c'est juste
le jeu des quantités, pour une part. D'autre part, c'est le jeu de la
culture québécoise. Est-ce que des assistés sociaux ou des
gens... Parce que le même ministre - et avec raison - parlait de la
pauvreté et du grave problème social des poches de
pauvreté qui s'agrandissent, pas juste, malheureusement, dans la
région métropolitaine, mais dans tout le Québec. Les
poches de pauvreté grandissent et on fait une adéquation entre
les milieux pauvres et la capacité de performer un peu plus à
l'école et, là, avec tous les problèmes qui
s'ensuivent.
De deux choses l'une, rapidement. C'est lié? Moi, je dis oui.
Bien, si c'est lié, qui hérite le plus, de ces cas-là de
jeunes étudiants? C'est l'école publique. On ne peut pas vivre
toute sa vie avec un bandeau sur les yeux. Ce n'est pas l'école
privée qui hérite de ces srtuations-là, globalement. En
conséquence, que le niveau de performance soit plus fort, qu'il y ait
une sélection plus difficile ou plus exigeante à l'école
privée, moi, je pense que c'est une vérité de La Palice.
Moi, je le dis, en tout cas, et je le porte. Je le dis, je l'affirme et je le
porte, puis je ne pense pas être qualifié de type qui prononce des
ex cathedra.
Il y a trois points dans votre mémoire, mais il y a un aspect qui
me chagrine, pas qui me chagrine, mais qui m'interroge, c'est que vous ne vous
opposez pas à l'école privée et vous reconnaissez
l'école privée comme complément de l'école
publique. Ça, tout le monde est d'accord là-dessus. Mais,
après qu'on a dit: Oui, c'est
dans ces conditions-là que l'école privée est
acceptable, puisque c'est ça votre mémoire, là, il y a une
question qui se pose: Aujourd'hui, selon vous, est-ce que c'est le cas?
Aujourd'hui, selon vous, est-ce que, oui ou non, l'école privée
est complémentaire au secteur public ou si elle est en train de se
paralléliser à l'école publique? C'est un jugement
là-dessus que je voudrais avoir de votre part; c'est ma première
question.
Deuxièmement, vous dites: Nous, on n'a pas de trouble avec
l'école privée, mais en autant que l'État finance
prioritairement - et, si vous aviez arrêté là, je ne
poserais pas de question - mais adéquatement les écoles
publiques. Écoutez, vous avez dit depuis tant de temps que ce n'est pas
le cas; donc, si ce n'est pas le cas, on ne peut pas manger son gâteau et
l'avoir en même temps. Donc, vous êtes pour ou contre les
écoles privées, pas au sens bébête du terme, mais
plus au sens de toute la logique de votre mémoire. Vous dites:
Écoutez, dans le contexte que je connais, c'est pourquoi on demande un
moratoire. C'est pourquoi on n'est pas d'accord qu'il y ait un financement
accru. C'est pourquoi on veut être membre de l'agrément. Et le
ministre avait raison, si vous voulez être consultés dans
l'agrément, ce n'est probablement pas pour faire des recommandations
très favorables à l'établissement d'enseignement
privé. Là, on n'est pas des enfants, de part et d'autre; donc,
ça ne doit pas être pour ça. Et ça ne veut pas dire
que c'est contradictoire.
Je vais revenir là-dessus: moi, je trouve ça logique que
vous soyez consultés. Ça va éclairer davantage le
ministre. Si on a affaire à un ministre qui tient compte des avis qu'il
reçoit, probablement qu'il va en tenir compte; si on a affaire à
un ministre qui ne tient à peu près jamais compte, même
s'il est bien ouvert à la consultation, de ce qui vient d'ailleurs,
là, on aurait un problème, mais ce n'est pas le cas,
d'après moi, avec celui-là. Donc, je vais être pour
ça, moi, que la Fédération des commissions scolaires soit
consultée, parce que ça fera un éclairage de plus. Il s'en
fout? On jugera. Mais je vais être d'accord là-dessus.
Pour ne pas se perdre, la question sur les deux premiers
éléments, moi, j'aimerais ça du mordant, du clair
là.
Mme Drouin: Je dois vous dire que, d'abord, on reconnaît
les droits acquis des institutions en place. Je pense que le système
existe depuis longtemps et on ne se questionne pas à savoir si c'est
complémentaire ou si c'est parallèle; ce qui existe existe. Et,
à ce sujet-là, on dit que les subventions devraient être
gelées à ce niveau tant que l'école publique ne sera pas
financée adéquatement et prioritairement. Là où on
en est sur le rôle complémentaire, c'est pour la
possibilité d'ouverture de nouvelles écoles. On se dit que, si le
gouvernement ou si le ministère a de l'argent à donner pour
ouvrir une nouvelle école, qu'il le donne à la commission
scolaire et elle pourra offrir des services, si les services ne sont pas
complémentaires. Si on parle d'une école qui veut offrir un
pensionnat, la commission scolaire ne le donne pas; bon, d'accord, on
subventionne, mais, pour nous, la priorité étant toujours d'abord
l'ensemble des citoyens.
Quand vous dites: Les gens peuvent peut-être choisir
l'école privée, l'école publique, bon, il y a des
sélections qui se font, on est pour le système qui existe. On
dit: C'est sûr que le droit fondamental de choisir l'école existe.
Quant au droit d'avoir un financement, c'est peut-être autre chose. Moi,
je prends souvent comme exemple: si on a un système de transport et que,
vous, ça ne fait pas votre affaire et que vous décidez de prendre
votre voiture ou de prendre un taxi, je verrais mal qu'un gouvernement prenne
des taxes pour subventionner les taxis quand les autobus sont à
moitié vides ou que ça fonctionne mal. C'est un petit peu la
comparaison que je donne. On a un système public qui est offert à
l'ensemble des citoyens, qui doit bien fonctionner. On ne nie pas que des gens
puissent vouloir faire des choix, mais, quant à les subventionner, c'est
une autre histoire.
M. Gendron: Merci. Pour ce qui est de l'admission des
élèves, je voudrais y revenir un peu. Très
concrètement, j'aimerais encore là que vous donniez des
précisions sûrement suite à votre expérience. Je
suis père d'un enfant en difficulté. J'ai le choix entre
l'école privée et l'école publique. Je décide de
faire sa demande d'admission à l'école privée. Pouvez-vous
m'indi-quer en quoi précisément, de votre expérience, pour
le bénéfice des membres de la commission et des gens qui nous
écoutent, les gens qui ont à statuer sur l'admission à
l'école privée seront plus en mesure, dans le cas
hypothétique que je viens de soulever, d'imposer des critères et
de dire: M. Gendron, nous regrettons, les résultats scolaires de votre
enfant ne sont pas tellement élevés, il a des difficultés
de telle nature et, en conséquence, nous ne pouvons agréer qu'il
soit des nôtres en septembre prochain? Est-ce que vous croyez que de
telles réponses sont fréquemment données aux parents
concernés pour des élèves en difficulté lorsqu'ils
font une demande d'admission à l'école privée?
Mme Drouin: Écoutez, je ne me prononcerai pas
là-dessus, parce que je pense que chaque école privée a
ses critères. Je pense que les réponses qu'elfes pourront vous
fournir pourraient être tout aussi variées, mais on sait que, dans
les écoles privées, vous l'avez mentionné aussi, ce n'est
pas là qu'on retrouve la plus grande partie des élèves en
difficulté; on les retrouve particulièrement dans les
écoles publiques parce que, vraiment, dans nos écoles publiques,
on a des services, mais ça prend toujours de l'argent pour offrir ces
services-là.
Mais au niveau des écoles privées, j'aime mieux ne pas me
prononcer sur les réponses. Je laisse...
M. Gendron: Non, mais regardez, Mme Drouin...
Mme Drouin: Oui.
M. Gendron: ...c'est important. C'est parce que vous portez le
jugement, vous dites: Le secteur privé recrute souvent sa
clientèle parmi les élèves les plus performants du secteur
primaire. Vous portiez ce jugement-là dans votre mémoire. Moi, je
ne dis pas que ce n'est pas ça la réalité.
Sincèrement, moi, je pense que c'est exactement ça; ça se
passe de même. Mais, moi, je ne fais pas porter le jugement sur le
secteur privé. Je ne dis pas: C'est parce qu'il fait ça. C'est
parce que la culture québécoise a fait que je connais bien plus
de juges, d'avocats, de professionnels, de députés qui ont le
réflexe de dire: Bon, compte tenu des carences du secteur public, je
vais donner à mon fils et à ma fille la chance de
fréquenter une école privée. Moi, je prétends que
c'est ça, le portrait. Vous, ce n'est pas ça que vous avez dit.
Vous avez dit: Elle recrute sa clientèle parmi les élèves
les plus performants du primaire. Puisque vous portez le jugement, comment
font-ils ça? Comment font-ils ça et pourquoi est-ce que c'est
ça qu'ils font d'après vous? (11 h 15)
Mme Drouin: Bien, il y a sûrement des tests d'admission qui
sont faits dans les écoles parce que les places sont restreintes ou ils
ont d'autres façons. C'est pour ça qu'on vous a
présenté l'étude de la région de Sherbrooke qui
indique que, vraiment, au niveau des élèves, par exemple, qui
sont classés faibles, 11 y en a 28 % qui se sont retrouvés
à l'école privée, alors qu'il y en a 72 % qui se sont
retrouvés à l'école publique. Ces tests-là avaient
été passés par les enseignants d'élèves de
6e année et on sait que c'est au niveau du passage primaire-secondaire
que le choix s'effectue dans la grande majorité des cas entre le
système public et le système privé.
M. Gendron: Merci. Je voulais que vous nous donniez l'explication
qui est la vôtre. Merci, Mme Drouin.
Mme Drouin: Merci.
M. Gendron: Autre question sur la fréquentation
obligatoire. Le ministre, je pense, avec raison, a établi quand
même des réserves quant à la capacité pour des
institutions d'enseignement de rouvrir ou de fermer, en tout cas, peu importe,
de jouer avec les admissions scolaires, sauf qu'il a dit: Si j'appliquais
ça aux institutions d'enseignement privées, dans le sens que,
lorsqu'elles refusent un élève et que c'est vous qui en
héritez, vous ayez le financement requis, il faudrait que je l'applique
dans les deux sens. Il a laissé voir qu'il faudrait que ce soit
réversible. Bien, moi, je suis pour ça. Je voulais juste
vérifier: Êtes-vous d'accord que ce soft réversible et que
ça implique qu'un enfant qui est scolarisé à la commission
scolaire Abftibi et qui, au mois d'avril, est scolarisé à la
commission scolaire Rouyn-Noranda-Témiscamingue, pour fins d'exemple,
parce que ce n'est pas possible à cause des distances, bien, c'est celle
qui le scolarise qui hérite du financement? Et, si la
Fédération me dit: Je suis d'accord... Parce que, moi,
sincèrement, je trouve que c'est logique quand vous dites: Les
règles de subvention pour un élève devraient
prévoir que la subvention est accordée - parce que ça,
c'est un complément à ce qu'on discute - au prorata du nombre de
mois passés à rétablissement privé. Pour être
capables d'offrir un prorata, ça suppose que, effectivement, vous
héritez de la subvention appropriée. Alors, est-ce que vous
êtes d'accord avec cette dimension-là?
Mme Drouin: Bien sûr. Je pense que, quand on parle des
mêmes obligations, mêmes droits, ça devrait aller dans les
deux sens.
M. Gendron: Bon. Moi, en tout cas, je trouve que c'est
logique.
Mme Drouin: C'est logique.
M. Gendron: Je reviens sur l'agrément. Sincèrement,
j'ai écouté attentivement le questionnement du ministre qui me
paraît approprié. L'expertise ou la base historique n'est pas
tellement favorable à conclure qu'il y aurait beaucoup de
recommandations des commissions scolaires concernées sur une opinion
favorable à la création de nouveaux établissements du
secteur privé. Mais ce n'est pas parce que c'est comme ça qu'il
faut s'en écarter. Moi, j'estime que, de deux choses l'une: ou bien
c'est vrai que la commission scolaire locale - parce qu'il y aura de moins en
moins de régionales, j'espère, si on finit le programme
d'intégration - qui a la responsabilité de
l'entièreté de ses ordres d'enseignement, connaît son
milieu, connaît la réalité de son territoire... Et vous
avez raison de dire que ça a des incidences sur le financement. On y
reviendra quand les gens du MEP passeront devant nous, le Mouvement pour
l'enseignement privé, pour vérifier un peu plus
profondément leur prétention que ça sauve beaucoup de
fonds publics, l'enseignement privé. Il y a des frais directs à
la petitesse, si vous me permettez l'expression. Et, moi, pour quelqu'un qui
vit dans une région avec 50 petites communautés... Et on va avoir
encore ce problème-là en septembre: trois ou quatre écoles
qui, malheureusement, selon les visions de la commission scolaire, devront
être réorganisées autrement et, pour certaines,
carrément fermées. C'est le cas de
Preissac. Selon moi, ça n'a pas d'allure. Tout de suite, je fais
un préavis au ministre, ça n'a pas un brin d'allure.
J'espère qu'il va se mettre le nez là-dedans. C'est à peu
près une des paroisses qui est le plus en croissance et on ferme
l'école. Je trouve...
M. Pagé: Vous m'en avez déjà
parlé.
M. Gendron: Je vous en ai déjà parlé lors de
votre aimable visite qui a été fort appréciée.
Mais, là, je vais attendre un peu plus de conclusions. À un
moment donné, il faut prendre des décisions.
M. Pagé: J'attends le rapport de mon sous-ministre, M.
Gabrièle.
M. Gendron: Alors, je parlerai à M. Gabrièle.
M. Pagé: II va me le donner avant.
M. Gendron: Ne nous perdons pas, là. Bon. Alors, sur
l'agrément, Mme la présidente, je trouve que vous avez des
raisons valables de dire: Le ministre devrait se faire obligation de nous
consulter avant d'émettre une autorisation pour une nouvelle institution
d'enseignement privée. Puis, là, moi, je ne serais pas d'accord
qu'il aille plus loin parce que, là, on défait toutes les
règles du bon sens de dire: Bon, bien, c'est la commission scolaire qui
va émettre l'agrément. Mais dans les éléments
pertinents du dossier, pour prendre un avis, je trouve ça bien moins
subjectif de dire: On va demander le point de vue de la commission scolaire
concernée que de lire l'article 64 qu'on connaît: le ministre...
le ministre... le ministre... Le ministre ne peut pas toujours se regarder, il
faut qu'il ait des avis.
Et je n'ai rien contre la Commission de l'enseignement privé qui
a fait un bon travail, sérieusement. Je n'ai pas de reproche à
faire à la Commission de l'enseignement privé. Mais que le
ministre puisse bénéficier d'un éclairage obligatoire
additionnel, il faut que ce soit dans la loi: obligation d'avoir le point de
vue... Pour les impacts réels. On joue avec des fonds publics, M. le
ministre, et ils sont de plus en plus rares. Donc, il faut qu'ils soient de
mieux en mieux utilisés.
Et nos beaux principes, on est tous d'accord que ce soit
complémentaire. Je n'ai entendu personne dire que l'enseignement
privé, c'est fou raide que ce soit complémentaire à
l'enseignement public. Il n'y a personne qui a dit ça. Moi, je n'en ai
pas entendu en tout cas. Mais encore faut-il l'apprécier
véritablement que c'est uniquement complémentaire. Si c'est
parallèle, selon moi, le ministre devrait être beaucoup plus
sévère, beaucoup plus critique. Et, quand je dis ça, je
vais dans l'esprit de votre mémoire sur le projet de loi: on n'a pas les
moyens et on n'est pas capable. Et, si la société conclut dans
cinq ans que l'école publique, il faut fermer ça, on verra. On
verra, si c'est ça: on n'a plus les moyens au Québec d'avoir des
écoles publiques qui ont de l'allure. Moi, je ne dis pas que c'est
ça, mais, si on conclut à ça, on avisera. On va changer de
méthode et on va faire des affaires, c'est évident.
Alors, moi, Mme Drouin, je voulais vous dire que vous faites bien
d'insister. Vous devriez insister davantage que, pour ce qui est de
l'autorisation de l'agrément, vous devez être dans le portrait.
C'est plus un commentaire qu'un point de vue.
Deux autres questions pour terminer parce que, moi aussi, j'ai du temps
limité. Au niveau de la fréquentation obligatoire, c'est quoi
l'impact budgétaire qui est occasionné par les transferts en
cours d'année d'élèves du privé au secteur public
pour vous autres, pour les fédérations? Parce que le ministre a
laissé croire que c'était marginal. Je suis porté à
être de son avis, mais, puisqu'on a des auditeurs qui ont une bonne
expertise là-dedans, j'aimerais ça vous entendre. C'est quoi
l'impact budgétaire sur les mouvements de migration des populations
scolaires?
Mme Drouin: Pour nous, c'est une question de principe, au
départ, parce que des données précises, là, je n'en
ai pas. Mais il reste que, quand un enfant, en cours d'année - je dis
un, ça peut être deux, ça peut être trois, ça
peut être cinq - arrive dans nos écoles publiques, souvent nos
groupes sont tous formés et, bon, on a des normes fixes, on a des
conventions collectives qui nous demandent de respecter un certain nombre.
Alors, on fait quoi, à ce moment-là? On ne peut pas ouvrir
d'autres groupes, on est obligé de payer des suppléments aux
enseignants. C'est un exemple que je vous donne. Ça peut être des
choses semblables. Je veux dire tout simplement la réorganisation. Si
c'est un petit nombre, si c'est un ou deux, il y a peut-être moins
d'inconvénients, mais il y a des milieux où c'est beaucoup plus
nombreux. Est-ce qu'on devra engager des enseignants supplémentaires au
lieu de donner un supplément, si le nombre est plus petit? C'est le
principal point.
Mais c'est une question de principe, parce que je disais que
l'établissement privé, finalement, prend la relève de la
commission scolaire, parce que la commission scolaire, de par la loi de
l'instruction publique, c'est elle qui est responsable de l'enseignement qui
est donné aux enfants ou aux jeunes et adultes de son territoire. Et
quand, à partir du mois de septembre, l'enseignement privé prend
la relève de la commission scolaire, il devrait garder la
responsabilité pour toute l'année, parce qu'il prend la place de
la commission scolaire, et non pas dire tout simplement: On vous avise. Et on
dit bien qu'il pourrait y avoir des raisons justes et suffisantes, qu'on soit
soumis aux mêmes règles
que l'école privée, pour une raison juste et suffisante.
Que l'école privée donne aux parents un droit de recours, entre
guillemets, pour voir s'il y a possibilité de s'entendre et, s'il n'y a
rien qui fonctionne, qu'au lieu d'aviser simplement la commission scolaire on
prenne entente avec la commission scolaire, qu'il y ait des ententes qui se
fassent avec une commission scolaire ou avec un organisme, si l'enfant est
vraiment en très grande difficulté. Et, si ce n'est pas une
commission scolaire qui peut lui offrir aussi des services, ça peut
être un autre organisme différent. Qu'il y ait entente avant que
cet enfant-là sorte de l'école. On n'envoie pas les enfants dans
la rue. Chez nous, on les garde, on leur donne des services. Alors, à ce
moment-là, l'école privée pourrait prendre entente avec
les organismes qui pourraient s'occuper de ce jeune.
M. Gendron: O.K. Merci. C'est plus précis, c'est clair,
Mme Drouin. Autre question pour terminer, en ce qui me concerne en tout cas.
Vous dites dans votre mémoire, page 9, et ça c'est très
clair: 'Tant et aussi longtemps - j'ai l'impression que ça peut
être long - que le système public d'enseignement ne sera pas
adéquatement financé pour répondre à toutes les
clientèles, le gouvernement doit geler le niveau des subventions aux
institutions privées." Donc, moi, je comprends ce qui est écrit
là. Ça veut dire qu'il n'est pas question que le gouvernement
accepte d'ouvrir ou de modifier les règles de financement au secteur
privé puisque vous dites: Tant que le système public ne sera pas
adéquatement financé.
Est-ce que vous n'avez pas l'impression que ce sera toujours ça,
de toute façon? Autrement dit, vous ne serez jamais complètement
ou adéquatement financés. Le système public ne sera jamais
adéquatement financé selon le point de vue de la
fédération. Si c'était le cas, est-ce que c'est pour
ça que vous portez le jugement ou si c'est plus dû au fait que
dernièrement il y a eu des coupures de 100 000 000 $? Si vous aviez la
garantie que ça va s'arrêter et que le ministre octroiera, en
gros, un financement - moi, je le souhaiterais supérieur - au moins
égal au rythme de croissance des dépenses publiques de l'ensemble
des autres secteurs, cela vous satisferait-il? Et, si tel était le cas,
bien, là, la phrase ne tient plus et vous seriez d'accord pour qu'on
lève le moratoire.
Mme Drouin: Écoutez, quand je parle d'un système
qui serait adéquatement financé, c'est sûr que ça
peut porter à interprétation. On ne veut pas être voraces.
Si je vous demande: Ça serait quoi votre salaire idéal? Pour une
personne, elle va dire: Moi, je fais le tour du monde trois fois par
année et... Bon, je n'en ai pas de salaire idéal. Ça ne
sera pas le même que pour un autre qui a des besoins peut-être plus
restreints. Quand je parle de "adéquatement financé", c'est vrai
qu'on a subi des coupures depuis 11 ans, 100 000 000 $ la dernière
année. On a 121 commissions scolaires sur 165 qui sont en déficit
et, juste pour combler ce déficit-là, ça prendrait autour
de 48 000 000 $ à 50 000 000 $ pour qu'on puisse avoir simplement des
budgets équilibrés, avec tous les efforts qu'on faits.
Vous savez qu'au niveau des bibliothèques scolaires il y a une
étude qui a été faite qui prouve qu'il y a entre 28 000
000 $ et 30 000 000 $ qui manquent pour avoir des bibliothèques
scolaires qui soient, là aussi, adéquates. Dans ma région,
centre du Québec, on a fait une étude sur l'état des
bâtiments scolaires, parce qu'on sait qu'il y a eu beaucoup de
construction de bâtiments dans les années soixante-cinq, quand
sont arrivées les polyvalentes. Ces écoles-là ont de
l'âge et, dans ma région, on est arrivé à une
conclusion que ça aurait pris 40 000 000 $. Si on multiplie ça
par 11 régions au Québec, on se retrouve encore avec 500 000 000
$, là, pour les bâtiments. Alors, ce sont des chiffres que je vous
donne pour illustrer un petit peu que le système public doit avoir ce
qu'il faut pour être capable d'offrir des services. Plus de compressions,
indexation, ce sont des choses qu'on demande depuis des années et on le
répète encore.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Drouin. M. le
député, en terminant, un petit mot de remerciement.
M. Gendron: Oui. Je voudrais tout simplement remercier Mme
Drouin, M. Paradis et les gens qui les accompagnaient. Je pense que vous avez
très clairement donné votre point de vue sur des sujets
précis qui, dans l'esprit du ministre, en termes de déclarations
d'ouverture, devraient contribuer à ce que l'éclairage soit
meilleur quant à certains aspects qui doivent être
réappréciés, du moins, dans le projet de loi 141.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. M. le ministre, vos conclusions.
M. Pagé: Un seul mot pour remercier Mme Drouin, Mme
Lemieux, M. Paradis, M. Beaudin. Merci beaucoup à la
Fédération des commissions scolaires du Québec
d'être venue nous rencontrer et de nous avoir sensibilisés. On va
se revoir très bientôt.
Le Président (M. Gobé): Mme Drouin, au nom des
membres de la commission, je vous remercie. Votre audition étant
maintenant terminée, vous pouvez vous retirer. Je vais suspendre les
travaux une minute, le temps de permettre ce retrait et aux autres intervenants
de venir s'installer. Je suspends les travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 28)
(Reprisée 11 h 36)
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, je
demanderais aux gens de bien vouloir reprendre leur place et au prochain
intervenant de bien vouloir se présenter en avant, car la commission
reprend ses travaux. Alors, j'appellerai la Centrale de l'enseignement du
Québec. Je demanderai à ses représentants de bien vouloir
prendre place en avant du président. S'il vous plaît, si vous
voulez prendre place. Alors, merci beaucoup. Permettez-moi de vous souhaiter la
bienvenue. J'aimerais que vous vous présentiez, mais, auparavant, je
vous rappellerai que votre intervention totale est une enveloppe de 60 minutes,
dont 20 minutes qui vous sont imparties, 20 minutes pour les
représentants gouvernementaux et 20 minutes pour le porte-parole de
l'Opposition officielle. On se réserve une petite tranche de deux ou
trois minutes à la fin, de chaque côté, pour les
conclusions ou mots de remerciement et on devrait terminer à 12 h 30.
Alors, sans plus tarder, je vous inviterais à vous présenter et
à présenter les gens qui vous entourent, madame.
Centrale de l'enseignement du Québec
Mme Côté (Rosette): Oui. D'abord, avant de nous
présenter, nous tenons à adresser nos excuses pour la remise
tardive du mémoire. On nous avait laissé croire que l'automne
allait être le moment privilégié pour la commission
parlementaire. Donc, étant donné les disponibilités de
notre personnel, on a dû fonctionner avec les moyens... Alors, on vous
adresse nos excuses.
Le Président (M. Gobé): Alors, nous les acceptons
avec plaisir. Votre mémoire est devant nous et les membres de la
commission l'ont. Alors, on n'y voit pas de problème.
Mme Côté: Ça va. Alors, les gens qui
m'accompagnent: M. Raymond Johnston, à ma droite, qui est
vice-président à l'exécutif de la CEQ, M. Jocelyn
Berthelot, qui est un conseiller syndical principalement sur les questions
éducatives et, moi, Rosette Côté, première
vice-présidente à la Centrale.
Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour madame,
bonjour messieurs. Si vous voulez commencer votre exposé.
Mme Côté: Alors, le sujet de l'enseignement
privé nous intéresse au plus haut point parce que nous croyons
qu'il est de notre responsabilité de Centrale d'intervenir sur toutes
les mesures, les politiques, les stratégies qui affectent les conditions
de vie de la population du Québec. Or, on sait que l'éducation et
la scolarisation massives constituent un facteur déterminant de
l'état de santé du Québec. D'ailleurs, la CEQ, l'an
dernier, a été le premier groupe à sonner l'alarme sur le
haut taux de désertion scolaire de nos jeunes, qui frôlait un taux
de diplomation en secondaire V autour de 40 %.
D'ailleurs, en regard de la scolarisation des jeunes, qui est notre
préoccupation première, les chiffres nous prouvent qu'il n'y a
pas vraiment de corrélation entre les subventions données
à l'école privée, le développement de
l'école privée et le haut taux de fréquentation scolaire
puisque, même si le Québec verse 75 % du total des subventions
publiques canadiennes aux écoles privées, en 1988-1989, on note
que la présence des jeunes de 15 à 19 ans à
l'école, aux études à temps plein, est passée de 45
% à 44 %, alors qu'en Ontario elle est passée de 67 % à 71
% et que, dans tout te Canada, c'est de 57 % à 60 %. Donc, cette
espèce de tendance actuelle, au Québec, de privatiser
l'école secondaire ne sert pas pour la scolarisation massive de nos
jeunes.
À cet égard, rappelons que nos critiques en
éducation sont basées sur les principes de démocratisation
qui étaient contenus dans le rapport Parent que vous connaissez
probablement, mais que je répète: accessibilité
universelle aux trois ordres d'enseignement; droit à l'éducation
et à l'égalité des chances; une école qui est un
lieu d'intégration sociale sans discrimination, qui regroupe les jeunes
de toutes origines sociales ou ethniques et qui n'impose pas les valeurs
particulières de confessions religieuses.
La CEQ a toujours affirmé clairement ses positions sur
l'école privée et on s'est toujours inspiré des chartes et
des lois pour dire qu'il y a une responsabilité de l'État en
matière d'éducation et de financement et que ça se limite
aux services dispensés par l'école publique. Nous avons toujours
été en désaccord avec deux systèmes concurrentiels
et compétitifs au Québec, un système privé et un
système public. On reconnaît le droit des parents de vouloir une
école privée, mais ils devront, s'ils choisissent librement cette
école, en assumer entièrement les coûts.
Nous croyons, de plus, que l'État a le devoir de
réglementer les services offerts dans les écoles privées
pour que ceux-ci soient de qualité et afin de protéger les
intérêts des personnes qui y recourent. Voilà pourquoi nous
contestons les mesures de la loi 141 qui limite le champ d'application de la
loi et qui ouvre toute grande la porte au développement de
l'école privée, et nous faisons une proposition de
démarche échelonnée sur sept ans qui favorise des mesures
de transition vers l'intégration du secteur privé au secteur
public. Voilà l'essentiel de notre proposition. Si cette
proposition-là était agréée, elle aurait pour effet
d'inscrire le réseau privé dans le réseau public d'ici
sept ans, de faire en sorte qu'on aura une éducation de la
réussite scolaire, de l'intégration sociale, du
développement optimal des enfants, quels qu'ils soient, pour que notre
école soit performante,
qu'elle puisse répondre à l'ensemble des besoins des
jeunes.
Alors, M. Johnston va donc vous donner les correctifs que nous proposons
à la loi pour qu'elle puisse permettre aux gens qui utilisent
l'école privée à leurs frais d'avoir des services de
qualité et vous faire le détail de notre proposition
d'intégration du secteur privé au secteur public. M.
Johnston.
Le Président (M. Gobé): M. Johnston, vous avez la
parole.
M. Johnston (Raymond): M. le Président, je voudrais axer
mon intervention sur deux volets tout particulièrement. D'une part,
insister sur le fait que nous reconnaissons que l'État doit, par
législation, assurer que les services éducatifs qui sont rendus
dans les établissements privés soient suffisamment
réglementés pour que l'intérêt public et
l'intérêt de la population soient assurés. Ça nous
amène à regarder la loi sous deux angles particuliers à
partir de ce principe: premièrement, le champ d'application de la loi
et, là, nous sommes inquiets du rétrécissement du champ
d'application de la loi, au moins sous quelques aspects.
Nous pourrions partager des propos déjà entendus du
ministre de l'Éducation à l'effet que la loi de l'enseignement
privé ne devrait pas couvrir l'enseignement dispensé par des
établissements privés dans des matières comme la tonte
canine, les cours de danse et toute activité de cette nature-là.
Nous serions disposés non seulement à manifester notre accord,
mais à appuyer les propositions qui iraient dans ce sens-là parce
qu'on pense que ça n'a pas de lien fondamental avec la
responsabilité de l'État en éducation.
Mais, tel que les articles 1 et 2 du projet de loi sont libellés,
nous avons de grandes inquiétudes sur le fait que la
réglementation des établissements privés régis par
la loi ne soit pas... C'est-à-dire que les établissements
privés qui donnent de l'enseignement dans des matières, dans des
disciplines qui sont, de façon générale, de la
compétence du service d'éducation, mais qui ne s'inscrivent pas
dans un processus continu absolu ou qui ne conduisent pas de façon
absolue à une certification, nous avons peur que ce champ-là soit
trop rapidement écarté du champ d'application de la loi. Nous
avons également peur des conséquences d'une
déréglementation complète du champ des cours de langue.
Nous nous inquiétons aussi de façon très importante de la
déréglementation de ce qu'on peut appeler la formation
professionnelle d'appoint vendue aux employeurs, parce que ces trois secteurs
ne seraient plus assujettis à la loi en vertu des dispositions
actuelles. (11 h 45)
Quant au dernier élément, nous pensons qu'il faut prendre
en compte, d'une part, le fait que la formation professionnelle d'appoint ou la
formation professionnelle dite fonctionnelle n'a d'efficacité que dans
la mesure où elle tient compte des prérequis nécessaires
à son application. Or, les établissements qui seraient
déréglementés n'auraient manifestement pas la
compétence pour vérifier les prérequis à
l'application de cette formation fonctionnelle et n'auraient absolument pas la
préoccupation d'insérer ça dans un processus qu'on peut
qualifier de formation professionnelle qualifiante et transférable. Nous
faisons donc des recommandations de resserrement à cet
égard-là.
Deuxième partie de mon intervention, toujours concernant
l'intérêt public, ce sont les règles qui seraient
applicables à l'ensemble des établissements régis par la
loi, donc des établissements sous permis. Nous sommes
généralement d'accord avec les dispositions du chapitre
concernant les règles régissant les activités des
établissements sous permis. Nous avons quelques suggestions, quelques
recommandations qui visent à corriger, d'après nous, les
problèmes qui ont déjà été signalés
par nos membres ou bien des problèmes qui sont en voie de se
créer.
Mais je vais commencer par le permis lui-même. Nous sommes
d'accord avec la généralisation du permis. L'obligation, premier
niveau: l'établissement doit détenir un permis dans la mesure
où il est couvert par la loi. Mais nous croyons qu'il devrait y avoir
place à une réglementation du pouvoir du ministre d'accorder le
permis. Deuxièmement, nous mettons de l'avant un certain nombre de
propositions qui visent à corriger les effets de ghettoïsation
ethnique qui se produisent actuellement. Il y a des écoles ethniques qui
ne font pas suffisamment d'efforts d'éducation à la culture
québécoise, d'une part; d'autre part, des établissements
privés qui deviennent comme des refuges pour des parents qui veulent
mettre leurs enfants à l'abri de l'intégration des immigrantes et
des immigrants dans le réseau scolaire.
Nous mettons de l'avant aussi un certain nombre de propositions qui
visent à s'assurer que, dans les établissements sous permis, il y
aura du matériel didactique approuvé par le ministre, qui sera
utilisé. Nous mettons également de l'avant des dispositions
faisant en sorte qu'il puisse y avoir une certaine forme de
réglementation de la part du ministre concernant le res-sourcement des
personnes des établissements privés, le soutien
pédagogique et la coordination pédagogique.
De façon générale, même si on n'a pas couvert
tous ces aspects-là dans notre mémoire, nous sommes satisfaits
des mesures de contrôle qui sont proposées par le ministre et
également satisfaits du fait qu'il y aurait maintenant une obligation
plus serrée de la part des établissements privés à
respecter les dispositions de la loi 101. Là, je me réfère
particulièrement à l'article 111.
Par ailleurs - et je pense que c'est là le coeur de ce projet de
loi et le coeur du débat autour de ce projet de loi - nous avons
examiné le projet de loi et nous avons aussi examiné
l'évolution des politiques en matière de subventions aux
écoles privées. Nous avons constaté, d'une part, que la
législation de 1968 n'atteignait pas les objectifs proposés par
la commission Parent. Nous avons constaté que la loi, donc, produisait
un certain laxisme par rapport aux objectifs formels que le rapport Parent
proposait, à savoir l'utilité publique et le service public dans
le cadre d'une planification provinciale ou régionale. C'était
ça, le critère qui était proposé par la commission
Parent pour permettre des subventions, du financement public aux
établissements privés.
Non seulement la loi 68 n'a pas reproduit ça, mais, dans
l'application de la loi 68, on a retrouvé un laxisme, à notre
point de vue, intolérable. La loi faisait obligation de rendre des
décisions sur la base d'un règlement établissant des
critères et, manifestement, le règlement adopté ne
comprenait pas, au sens strict, des critères. Ça a fait en sorte
qu'après que la commission l'eut reconnu, que le ministre l'eut reconnu,
progressivement à peu près tout le monde passait du régime
des établissements reconnus pour fins de subventions à celui de
déclarés d'intérêt public, donc un certain
laxisme.
Le Président (M. Gobé): M. Johnston, rapidement
parce que le temps imparti arrive à échéance et je dois
passer la parole à M. le ministre. Nous avons peur...
M. Johnston: Nous avons peur, donc, que les dispositions qui
permettent au ministre, avec une large discrétion, d'accorder
l'agrément ne s'inscrivent finalement que dans la continuité de
ce qui s'est déjà produit et que ça ouvre la porte
à l'élargissement du champ des subventions aux écoles
privées.
Sur notre proposition d'intégration, je vais terminer rapidement,
M. le Président...
Le Président (M. Gobé): Je vous en prie.
M. Johnston:... nous proposons un mécanisme clair qui
commence par un moratoire de deux à trois ans, qui mettrait en place une
commission consultative nouvelle visant l'intégration des services, qui
nous situerait dans le corridor suivant, à grand traits. Au bout de la
période de deux à trois ans de moratoire, les
établissements privés d'enseignement se verraient offrir un
régime d'association avec le secteur public, un régime
d'association comportant un certain nombre de conditions. Ceux qui
accepteraient ce régime d'association pourraient voir leur régime
de subvention s'accroître pendant la durée du régime
d'association de cinq ans, mais compor- tant en soi l'engagement
d'intégration au bout de la période de cinq ans.
Pour les établissements qui refuseraient le régime
d'association, ce que nous proposons, c'est la décroissance continue du
niveau de subvention après la période de moratoire sur une
période de cinq ans jusqu'à son extinction, sauf pour quelques
cas - on peut le dire bien clairement - bien marginaux, qui pourraient
être clairement identifiés comme étant nécessaires
au plan de l'utilité publique et du service public, dans le cadre d'une
planification réelle des services d'éducation.
Cette proposition-là, bien sûr, comporte un certain nombre
d'éléments complémentaires qui favoriseraient aussi le
maintien des droits des personnels et qui permettraient, pendant la phase dite
d'association, de maintenir une forme d'autonomie administrative et
pédagogique suffisante pour les établissements privés pour
qu'ils puissent maintenir leur projet éducatif particulier dans la
mesure où ils en ont un.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Johnston. Ceci
met fin à votre intervention, à la présentation de votre
mémoire, pardon. Je vais maintenant passer la parole à M. le
ministre de l'Éducation. Vous pourrez continuer à discuter avec
lui.
M. Pagé: Merci.
Le Président (M. Gobé): M. le ministre, vous avez
la parole.
M. Pagé: Je veux remercier Mme Rosette Côté,
M. Johnston, M. Berthelot de leur présentation. J'étais un peu
déçu de recevoir le mémoire uniquement hier. Cependant, on
s'est pressés de le lire. Merci d'être ici. Vous êtes celles
et ceux qui occupent la place le plus près des élèves
québécois. Vous êtes les enseignants et les enseignantes.
C'est dans la classe que ça se passe, selon moi.
Vous nous présentez un document qui sous-tend, qui
éclaire... Je n'abonde pas dans le même sens que vous sur tout et,
si on abondait régulièrement dans le même sens tout le
temps, probablement que vos membres ou mes collègues
s'inquiéteraient.
Cela étant dit, vous demandez purement et simplement
l'intégration complète du réseau d'enseignement
privé au réseau public dans une phase qui passerait par un
moratoire de deux ans, une commission, cinq ans par la suite, etc. Je vous
indique tout de suite - je ne tournerai pas autour du pot - que ça ne va
pas dans le sens de la philosophie qui m'anime comme membre d'un gouvernement
et comme ministre de l'Éducation.
D'autant plus que je trouve à la fois intéressant,
même audacieux de votre part, de dire: On souhaite l'intégration;
cependant, la loi,
nous crayons que vous devriez la modifier de telle, telle, telle
façon. Alors, je vais commenter, poser quelques questions, entre autres
sur des sujets spécifiques de modifications à la loi, si vous le
voulez, plutôt que nous convier, parce que le temps fuit, à un
échange purement et simplement de philosophie d'approche.
Vous étiez probablement ici tout à l'heure. J'ai
indiqué à la Fédération des commissions scolaires -
je vais faire très rapidement - que, pour moi, l'enseignement
privé doit être perçu comme s'inscrivant en
complémentarité à ce qui se fait dans le secteur public.
Pour moi, l'enseignement privé, ce n'est pas uniquement une
tolérance, c'est plus qu'une simple tolérance. Ce sont des
institutions qui ont joué un rôle très important dans notre
société, à un moment donné dans le temps. Le
Québec s'est inscrit dans une démarche d'accessibilité et
de démocratisation, au début des années soixante, qui
donne de bons résultats. Il se fait de belles choses dans le public, il
se fait de belles choses dans le privé et, selon moi, l'émulation
est très saine.
À la page 13 de votre mémoire, je trouve ça
très intéressant et je dois vous dire qu'on va l'étudier
très, très sérieusement. Vous me dites à peu
près ceci, vous le dites aux membres de la commission: Pour tout ce qui
est le volet de la culture personnelle, certains éléments
devraient faire l'objet de réglementation; dans d'autres
éléments, d'autres secteurs, sur lesquels on est d'accord avec
vous, le ministère de l'Éducation n'a pas affaire là,
somme toute, et les consommateurs, les citoyens pourraient être
très bien protégés via la Loi sur la protection du
consommateur.
Je dois vous dire que je reçois avec beaucoup
d'intérêt... Vous vous êtes référés,
entre autres, à la formation professionnelle d'appoint. Je dois vous
dire qu'actuellement il y a environ une soixantaine d'écoles qui offrent
de la formation d'appoint sur plus de 700 écoles de culture personnelle.
Les trois principaux secteurs sont: la coiffure, l'esthétique et la
conduite de véhicules lourds. On se proposait de ne conserver que
l'électrolyse et la conduite de véhicules lourds comme devant
faire l'objet de contrôles réglementaires. Du pupitre, je vous dis
formellement que je vais très certainement revoir ces dispositions pour
être certain...
Ce qui m'a fait non pas sursauter, mais ce qui a contribué
à me convaincre de l'obligation que moi, comme ministre, et le
ministère, on devra s'y pencher, c'est que, dans certains cas, face
à certaines situations, ces institutions doivent valider les
connaissances acquises. Je vous dis que je vais le regarder très
sérieusement et probablement que vous vous retrouverez dans des
modifications apportées à la loi. (12 heures)
Au niveau de la langue, la même chose. Je suis conscient que
l'enseignement des langues doit faire l'objet très certainement d'un
contrôle ou d'un regard très certain de la part du
ministère de l'Éducation.
À la page 13 de votre document, vous m'indiquez. On recommande
"que le ministre soit habilité à: édicter des programmes
d'initiation à la culture québécoise et aux normes et
valeurs qui la caractérisent et à rendre ces programmes
obligatoires dans les écoles ethniques". Je dois vous dire, moi, que,
bon, on a eu l'occasion d'échanger ensemble sur l'obligation qu'on a de
revenir à une formation plus fondamentale, à une formation
peut-être un peu moins à tiroirs notamment. Dans les
échanges que j'avais eus avec vous, vous avez très certainement
retenu ma volonté d'intervenir pour en arriver à une situation de
stabilité des régimes pédagogiques, parce que les
régimes pédagogiques ont fait l'objet de plusieurs modifications
depuis un certain nombre d'années. Ça a créé de la
turbulence.
J'ai indiqué très clairement que je ne pouvais accepter,
comme ministre de l'Éducation, qu'on mette en place des programmes sans
que la documentation pertinente à l'appui, en support puisse les
accompagner, sans qu'on ait tout le matériel didactique. A cet
égard-là, je peux vous dire que je suis très très
sensible non seulement au contenu, mais à l'application des
régimes pédagogiques. D'ailleurs, j'entends faire en sorte que
les régimes pédagogiques s'appliquent, qu'ils soient
appliqués. Exemple concret: dans certaines matières, ça va
jusqu'à 25% ou 30% de déficit d'enseignement réel par
rapport aux dispositions prévues aux régimes pédagogiques,
et j'en ai vu dans le public, et j'en ai vu aussi dans le privé.
Là-dessus, je peux vous sécuriser: selon moi, la culture
québécoise, ça doit être un élément,
évidemment, de la formation de nos jeunes concitoyens de demain.
Vous vous référez aussi, à la page 13, au cas
où un élève du secteur privé se voit prié de
quitter l'école. Vous appuyez dans ce sens-là la proposition de
la Fédération des commissions scolaires pour que les subventions
équivalentes soient transférées. On se
réfère quand même à un montant net. Si on prend un
exemple comme quoi ça se passerait au milieu de l'année, on se
réfère quand même à un montant de quelques millions
de dollars. Ce n'est pas des dizaines de millions de dollars. On se
réfère à quelques millions de dollars. Je suis
persuadé que, comme la Fédération des commissions
scolaires, vous êtes d'accord avec l'inverse aussi, c'est-à-dire
que, pour un élève qui vient du public et qui rentre au
privé en cours d'année, le privé devra être
ajusté. C'est bilatéral.
Vous nous dites, à la page 11, que vous êtes d'accord avec
une forme de déréglementation, mais vous me demandez "de modifier
le paragraphe 1er de l'article 10 de cette section du projet de loi, de
façon à ce que le ministre ne délivre un permis
qu'à toute personne qui établit, selon les critères
déterminés par règlement à
cette fin, que l'établissement disposera des ressources
financières suffisantes, des installations et des équipements
requis et adéquats et des ressources humaines qualifiées
nécessaires pour dispenser les services éducatifs visés
par le permis."
Il me semble que c'est ce qu'on vise et c'est pas mal
dénoncé, ça. Trouvez-vous qu'on va trop loin ou pas assez
loin? Je ne saisis pas. Je comprends qu'on a eu le mémoire seulement
hier et que je l'ai regardé ce matin. Pourriez-vous élaborer
là-dessus, sur la question des permis?
M. Johnston: II y a deux facteurs de modification, deux aspects
de modification dans notre proposition par rapport au texte qui autorise le
ministre à émettre un permis: 1° nous demandons que soit
introduite la notion de règlement établissant des critères
sur lesquels le ministre prendrait sa décision; 2° nous souhaitons
que, dans la considération de l'émission d'un permis, la prise en
compte des ressources humaines qualifiées et disponibles soit
nécessaire.
M. Pagé: Pardon? Je m'excuse. Que la...
M. Johnston: Ce que nous proposons comme deuxième facteur
d'ajout, c'est que, avant d'octroyer un permis, on s'assure que
l'établissement va avoir le personnel qualifié disponible pour
l'offrir ou donne un certain nombre d'éléments de garantie
à l'effet que ça se fera.
M. Pagé: II me semblait que c'était couvert,
ça.
M. Johnston: Pas dans la disposition sur l'octroi du permis.
C'est prévu dans les règles...
M. Pagé: Oui.
M. Johnston: ...qui s'appliquent et qui s'appliqueraient aux
établissements qui obtiendraient un permis, un certain nombre
d'obligations sur les qualifications du personnel, mais l'obligation pour le
ministre de considérer la disponibilité du nombre de ressources
requises pour assurer les services que prétend offrir
l'établissement, ça, ce n'est pas prévu. De même,
quand vous considérez la capacité d'accueil de
rétablissement, on souhaiterait aussi qu'il soit tenu compte du nombre
de ressources qualifiées disponibles et non pas seulement des
équipements matériels.
M. Pagé: Quand vous vous référez à la
capacité d'accueil, vous vous référez à quoi
concrètement?
M. Johnston: Vous avez des dispositions, premièrement,
dans le chapitre sur les permis.
M. Pagé: Non, je ne parle pas des disposi- tions, mais
vous voulez...
M. Johnston: Ce qu'on veut, c'est qu'en plus de
considérer...
M. Pagé: ...qu'on se porte fort de quoi,
concrètement, là? Vous trouvez que les ratios sont trop
élevés dans le privé?
M. Johnston: Pardon? Non, non. Ce qu'on veut, c'est que comme le
ministre...
M. Pagé: Oui.
M. Johnston: ...peut établir la capacité, en tout
cas, peut octroyer le permis en tenant compte...
M. Pagé: Oui.
M. Johnston: ...d'un certain nombre de contraintes
financières...
M. Pagé: C'est le cas. Ça, c'est
dénoncé. Vous, vous dites: On est d'accord. Il y en a plusieurs
qui ne semblent pas être d'accord dans le privé.
M. Johnston: Si je m'en vais sur la question de la
capacité d'accueil, ce que nous souhaitons, c'est que dans la
définition...
M. Pagé: La référence...
M. Johnston: ...de la capacité d'accueil de
l'établissement, en plus de tenir compte des locaux...
M. Pagé: La capacité physique, O.K., je comprends.
Correct.
M. Johnston: ...des équipements, on puisse tenir compte
aussi de la disponibilité des ressources...
M. Pagé: Professionnelles.
M. Johnston: ...qualifiées suffisantes.
M. Pagé: Très bien.
M. Johnston: Et, là, ce n'est pas un blâme sur le
fait que les établissements privés auraient trop de personnel,
mais c'est juste de s'assurer de l'intérêt public à l'effet
qu'un établissement qui rend des services a le personnel en
quantité suffisante pour assurer une qualité raisonnable de
services.
M. Pagé: Merci. Je ne prendrai pas plus de mon temps.
Merci de la présentation du mémoire. J'entends y donner suite.
Soyez persuadés que les points, les éléments auxquels on
s'est référés
ensemble, on va les étudier très sérieusement.
D'accord?
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre. Mme
la ministre, vous avez maintenant la parole.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. Peut-être
deux questions très spécifiques. Au-delà du fait qu'on
parte de la croissance des effectifs au collégial privé, je
voudrais juste rétablir les faits. En 1981, on avait au Québec 26
établissements privés subventionnés. En 1991, on a 25
établissements privés subventionnés. En 1986, on avait
autour de 20 000 étudiants qui allaient dans le collégial
privé subventionné. Et, au moment où je vous parle, il y
en a autour de 18 000. Alors, il ne faudrait pas laisser croire, non plus,
qu'on est dans une progression constante d'effectifs dans le collégial
privé, là. Je voulais juste faire cet état de fait en
partant.
Mais j'aurais deux questions spécifiques. Mme Côté,
a la page 45 de votre mémoire, vous nous suggérez que la
composition de la Commission consultative sur l'enseignement privé soit
à représentation égale: moitié public,
moitié privé. Qu'est-ce qui, à votre avis, à ce
moment-là, distinguerait la Commission consultative sur l'enseignement
privé du Conseil des collèges? Ou quelle différence vous
allez voir entre les deux pour l'aspect collégial?
M. Johnston: Plus particulièrement, madame, sur cette
question, l'objectif que nous visons, c'est que les recommandations qui sont
faites au ministre ou à la ministre compétente soient faites par
un groupe, une commission où l'intérêt principal ne soit
pas nécessairement le développement des établissements
privés d'enseignement ou même subventionnés, mais où
on puisse tenir compte du besoin de planification des ressources en
éducation. Ça vise donc à revenir en quelque sorte
à cette orientation que le rapport Parent disait: critères de
subvention liés à l'utilité publique, au service public,
dans le cadre d'une planification. Ce que nous souhaitons, c'est que la
nouvelle commission consultative que nous proposons soit ainsi
équilibrée pour que cette préoccupation soit
présente dans les recommandations qui sortiraient de cette commission.
Ça ne vise pas à remplacer le Conseil des collèges sur les
matières de sa juridiction.
Mme Côté: Mais il est présenté dans
notre mémoire comme faisant partie des mesures transitoires devant
mener...
Mme Robillard: Ah bon!
Mme Côté:... d'ici 7 ans, à
l'intégration du réseau privé dans le public.
Mme Robillard: Parfait!
Mme Côté: En conséquence, pour être
capable d'avoir une intégration qui est harmonieuse, mais qui est
étapiste, entre guillemets...
Mme Robillard: Oui.
Mme Côté:... il faudrait que les gens qui seront sur
cette commission aient à la fois l'intérêt public de
l'éducation et les intérêts actuels de l'école
privée vers l'école publique.
Mme Robillard: Parfait! Alors, là, je comprends mieux.
Mais vous allez aussi saisir que j'ai les mêmes difficultés que
mon collègue, étant donné que cette intégration que
vous voulez du privé au public ne corresponde absolument pas à
notre philosophie comme gouvernement. Alors, si cette proposition est en lien,
vous me permettrez de vous dire que... Je comprends maintenant votre
proposition, mais, au niveau même de l'intégration du privé
subventionné au public, comme ce n'est pas notre philosophie d'action,
comme l'a dit mon collègue, le ministre de l'Éducation, on va
avoir quelques difficultés avec vos recommandations. Mais j'aurais une
question sur votre deuxième item de la page 44. Oui, M. le
Président.
M. Johnston: Si vous me permettez, ma collègue a
mêlé deux dispositifs de notre mémoire. Je veux revenir sur
la question que vous avez posée. Il y a deux dispositifs
différents qu'on propose: un dispositif qui s'applique à la
Commission consultative sur l'enseignement privé relativement à
toute recommandation d'émission de permis et à toute
recommandation de subvention. Cette commission, disons-nous, pour atteindre les
objectifs visés par la commission Parent, il faut qu'elle soit
composée de façon équilibrée. Deuxièmement,
dans le cadre de notre proposition d'intégration, nous proposons la mise
en place d'une nouvelle commission sur l'intégration, où le
mandat pourrait être défini sur la base de recommandations venant
de divers milieux, mais notamment après consultation du Conseil des
collèges et du Conseil supérieur de l'éducation.
Mme Robillard: Oui, une autre question, M. le Président,
si vous le permettez.
Le Président (M. Gobé): Je vous en prie. Le temps
coule, mais on va...
Mme Robillard: Toujours à la page 45, vous suggérez
qu'on consulte les collèges pour donner même des permis. Est-ce
que j'ai bien compris? Et permis, ça veut dire à des
établissements non subventionnés. Vous demandez qu'on consulte
les collèges publics. Est-ce que je comprends bien?
M. Johnston: Oui.
Mme Robillard: Oui.
M. Johnston: L'idée, ce n'est pas de faire en sorte que
les collèges ou les commissions scolaires aient un quelconque pouvoir de
contrôle sur ces questions-là, mais qu'elles puissent fournir des
avis dont la ou les ministres pourraient tenir compte. Mais le seul fait
d'avoir à se pencher là-dessus, ça va aussi forcer une
réflexion dans ces établissements sur les conditions que les
établissements peuvent mettre en place pour répondre, le cas
échéant, au nouveau besoin qui est en voie de se
développer.
Mme Robillard: Une dernière question, M. le
Président. M. Johnston, est-ce que l'inverse serait aussi vrai? Est-ce
que, si j'ouvre un nouveau campus collégial public, je vais aller
consulter le collégial privé, selon vous?
M. Johnston: Ça, je ne crois pas que ce soit absolument
nécessaire.
Mme Robillard: Non. Des voix: Ha, ha, ha! Mme Robillard:
Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
M. Johnston: Parce qu'on parle, Mme la ministre, du fait que la
responsabilité première de l'État en matière
d'éducation, c'est d'assurer une accessibilité gratuite à
l'éducation à travers un réseau public, et c'était
aussi l'esprit du rapport de la commission Parent...
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Johnston.
M. Johnston: ...de l'époque de la Révolution
tranquille que votre parti a supporté.
Le Président (M. Gobé): Je dois maintenant passer
la parole à M. le porte-parole de l'Opposition officielle. Vous avez la
parole, M. le député.
M. Gendron: Oui, M. le Président. Autant, je disais,
tantôt, que je pense qu'on ne peut pas traiter de questions
éducatives d'une façon significative et majeure sans avoir le
point de vue de la Fédération, tout autant il est
légitime, logique d'avoir celui de la Centrale de l'enseignement du
Québec, qui a une très longue expertise.
Je sais, il y a eu des problèmes de délais. Moi aussi,
j'aurais aimé mieux avoir le mémoire d'une façon plus
rapide parce que, comme d'habitude - et ce n'est pas par flatterie; on peut
être en accord ou en désaccord, ça, c'est un autre niveau
de discussion - règle générale, la Centrale de
l'enseignement a toujours présenté des mémoires
fouillés, articulés sur des questions sur lesquelles elle a de
l'histoire, elle a des dossiers, elle a des permanents pour fouiller ces
questions-là et elle a des répondants multiples. On ne peut pas
dire que ça ne vous touche pas, ça. Vous êtes pas mal dans
le bain et on a devant nous un mémoire articulé, fouillé,
précis, proche des préoccupations qui sont nôtres
aujourd'hui. C'est sûrement un mémoire qui va nous servir
davantage, plus concrètement si jamais ie ministre décide de
poursuivre dans la voie qu'il a décidée pour ce qui est du projet
de loi sur l'enseignement privé. (12 h 15)
Moi, d'entrée de jeu... Et, je le dis, là, je n'ai pas une
connaissance comme je souhaiterais en avoir une de votre mémoire. Je
l'ai lu très rapidement. J'ai eu l'occasion également de prendre
connaissance de votre communiqué de presse qui résume un peu les
grandes lignes de votre mémoire et je n'ai pas grand trouble à
fonctionner avec ça, moi. Je veux dire que, globalement, je trouve que
vos principales pistes sur lesquelles vous insistez correspondent beaucoup plus
aux nôtres comme formation politique.
Ce n'est pas nécessairement l'endroit pour faire de la
philosophie sociale ou de la philosophie tout court, mais, si on n'en fait
jamais comme société, ce n'est pas de même qu'on va
évoluer. Je trouve que vous avez des points de vue qui permettent de
recamper, comme c'est toujours nécessaire de le reconnaître,
certains grands principes, mais surtout avec le mérite de le faire moins
gratuitement que d'autres.
Là, je vais juste faire un aparté à notre bon ami
Ghislain Dufour, parce que c'est le bon ami de tout le monde, selon les
journaux et l'actualité. Ce n'est peut-être pas du tout faux,
comme personne, de dire gratuitement, comme ça: L'accès à
l'école privée, c'est un droit, c'est un droit fondamental. Il
dit ça dans son mémoire. Il n'a pas dit grand-chose si on fouille
les questions de droit, comme la CEQ l'a fait. Et c'est un peu ça,
l'avantage quand on prend connaissance de vos papiers: des
vérités comme ça énoncées, parce qu'on les a
répétées à satiété, c'est devenu un
droit fondamental que personne ne conteste. Ce n'est pas de même que vous
fonctionnez. Je vous félicite.
Dans ce mémoire-là, si on regardait, par exemple, la chair
que vous mettez autour de ce poisson-là du droit fondamental du choix de
l'école, vous mettez un petit appendice fondamental. Bien sûr que
c'est un droit, mais, un instant, le droit, c'est quand il est question qu'ils
assument les coûts attachés à l'exercice de leurs droits.
Mais, à partir du moment où c'est l'assiette des fonds publics
qui décide de subventionner et de payer le droit de quelqu'un d'autre
d'envoyer son jeune à l'école privée, eh bien, là,
j'aimerais en discuter un peu plus largement de ce droit-là. C'est ce
que vous faites.
Je ne veux pas être plus long là-dessus. Je veux juste vous
dire que, dans votre mémoire, lorsque vous apportez certains
éclaircissements très substantiels sur certaines questions, je
n'ai pas de difficulté à vivre avec ça, ça
correspond également à nos préoccupations. Dire, par
exemple, clairement dans votre mémoire... Et c'était bon de
rappeler certaines vérités qu'on aime passer rapidement.
Ça n'a pas été relevé, évidemment, par
l'autre côté, puis je ne les blâme pas. Je dis juste que
dire que le Québec finance à 75 % le financement du secteur
privé canadien, c'est une réalité qu'il est bon de
rappeler; 75 % du financement privé canadien vient du Québec,
nous, la province riche, pas de chômage, pas de problèmes, tout va
bien avec le libre-échange et les grands projets. 75 % de ça.
Puis, là, vous faites une corrélation entre la province
canadienne qui connaît "une chute de la présence de ses jeunes de
15 à 19 ans aux études à temps plein. En effet, en cours
de période, la présence de ce groupe aux études à
temps plein a diminué," alors qu'ailleurs elle a augmenté. Eh
bien, ce n'est pas bête de réfléchir là-dessus.
Donc, quelqu'un qui va m'arriver cet après-midi ou dans deux
jours et dire: Ce serait bien important d'avoir ce bon secteur témoin
parallèle, qui s'appelle le secteur privé ou le secteur public,
parce que ça a des effets absolument fantastiques pour la
société québécoise, j'aimerais ça qu'il me
parle un peu de ça. Les effets fantastiques, en tout cas, au niveau de
la fréquentation scolaire, alors qu'il y a une chute de
fréquentation, puis l'abandon, puis tout le problème, donc, qui a
été souligné à maintes reprises, de
décrochage, puis de coût du "dédoublement". Quand on est
rendus que ça nous coûte 500 000 000 $ comme société
pour les dédoublements scolaires...
Une voix: Le doublement.
M. Gendron: Le doublement, oui. Parce que ça double plus
qu'une fois, donc, ça devient des dédoublements, mais vous avez
raison, c'est les doublements scolaires. Ça, c'est des
réalités qu'il est sérieux de votre part de nous
rappeler.
Je vais débouler rapidement. Sur la portée de la loi, je
trouve qu'encore là votre témoignage est critique et il va
falloir regarder ça. Le ministre nous dit: Oui, j'ai trouvé que
vous aviez des bonnes suggestions.
Bien, moi, je vais le voir un peu plus tard si, effectivement, il va
regarder ça, mais je prétends que votre point de vue
là-dessus, en disant qu'il est dangereux, par les critères du
projet de loi 141, effectivement, d'atteindre gravement la portée de la
loi, vous avez des arguments pour l'étoffer qu'il va falloir regarder,
puis on va les regarder au moment où on va le faire article par article.
Mais, là-dessus, je ne peux pas questionner, c'est clair. Je l'ai lu
rapidement. C'est clair. Il faut faire attention à ça. On ne peut
pas juste dire: Bon, bien, tout l'aspect formation personnelle, qui n'est pas
attaché directement à l'obtention d'une diptoma-tion, d'un
certificat ou de ce qui est requis comme formation académique, bravol
c'est rendu au consommateur, sans regarder d'autres aspects de formation
continue, de formation professionnelle qu'il serait dangereux de glisser
également, en regardant ça trop vite et, à ce
moment-là, on aurait changé le champ d'application.
Sur le permis, encore là, moi, je pense que vous avez très
bien fait de parler du laxisme de la loi. M. Ryan, l'ex-ministre de
l'Éducation, était assez sévère là-dessus,
en disant: Dans le fond, moi, quand j'autorise ça, je n'ai pas grand
règles ni grand critères. Ce sont des critères
passe-partout qui peuvent servir à peu près à n'importe
quoi, disait-il. Vous l'avez relevé. Cet aspect-là, moi,
m'inquiète parce que je pense que ce n'est pas au moment où on
ouvre un projet de loi qu'il faut maintenir un certain laxisme de
législateur, qui n'a pas de bon sens.
Ma première question serait justement sur cet aspect-là.
Vous dites qu'il vous "apparaît évident que, sur le plan
démocratique, le gouvernement a manqué à un devoir que lui
imposait la loi". Et, là, on se comprend bien, on est sur le laxisme."
C'est faire fort peu de cas du principe démocratique selon lequel c'est
l'Assemblée nationale qui est maîtresse de la législation."
Mais j'aimerais ça vous entendre plus serré là-dessus, M.
Johnston, Mme Côté ou le collaborateur qui vous accompagne. Bien
précisément, c'est quel type de critères que vous voudriez
qui soient plus appréciés pour s'assurer que, lorsque le
législateur dorénavant autorisera ou émettra un permis, il
y ait moins ce que j'appellerais d'imprécision concernant le fait qu'il
a juste dit que c'était d'intérêt public et qu'à
partir du moment où c'est d'intérêt public, c'est
réglé? Parce que c'est ça qui m'apparaît vous
inquiéter, la notion d'intérêt public, de dire: Bon, bien,
à ce moment-là, on peut autoriser un permis puisqu'on a
déclaré qu'il s'agissait d'un établissement privé
d'enseignement d'intérêt public. Qu'est-ce qu'il faudrait faire
précisément pour s'assurer que les critères soient plus
précis, plus objectifs que ceux qui sont prévus à la loi
141?
M. Johnston: Je veux d'abord dire qu'à notre point de vue
c'est plutôt le pouvoir du ministre qui vise à octroyer
l'agrément pour fins de subventions qui est visé dans cette
partie-là. À notre point de vue, il n'y a pas d'encadrement de ce
pouvoir du ministre, d'une part. On mentionne des éléments dont
le ministre doit notamment tenir compte. On ne peut pas considérer que
ce sont des critères ou des facteurs, donc, qui déterminent le
jugement d'une personne, les facteurs d'appréciation. Nous n'avons pas
une formule étanche à proposer. Mais, quand nous abordions
tantôt, en réponse à une question
de la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, la
composition de la Commission consultative de l'enseignement privé, nous
avions un mécanisme, là, modifié qui pourrait
réfléchir à l'application, à la définition
des critères qui serviraient à définir le critère
fondamental recommandé par la commission Parent dans les années
soixante, à savoir l'utilité publique, le service public dans le
cadre d'une planification. Quels sont les critères? Comment
définir les critères, leur pondération pour que le
ministre ne soit pas accusé, le cas échéant, d'adopter des
positions un peu laxistes ou, dans d'autres cas, de ne pas avoir de
critères pantoute pour définir la distinction à faire
entre l'établissement sous permis et l'établissement qui va
être agréé pour fins de subventions?
Nous ne l'avons pas, la formule. On n'a pas eu le temps de
réfléchir suffisamment, dans les délais où on a
travaillé, pour trouver une formule de proposition de critère
formel à introduire dans la loi. D'ailleurs, l'introduire dans la loi,
ce serait peut-être un peu périlleux; ça devrait
plutôt venir sous forme de règlements, mais de vrais
règlements définissant de vrais critères qui encadrent
vraiment, qui déterminent le jugement. C'est ça, des
critères.
M. Gendron: M. Johnston, je trouve qu'à la page 25 c'est
là qu'est toute la substance de ce gu'on discute dans votre
mémoire. Vous dites: Ecoutez, "à moins de modifications
législatives appropriées, les questions suivantes resteront sans
réponse". Là, je ne les reprends pas, mais, quand je les lis, je
suis porté à vous dire que vous avez raison parce que je
prétends avoir une assez bonne connaissance du projet de loi 141. J'ai
une moins bonne connaissance de votre mémoire, mais, en lisant
rapidement les questions qui sont posées là, je dis: Bien,
effectivement, c'est des choses qui, lorsque j'ai lu le projet de loi 141,
demeurent. Ces questions-là, elles vont rester si on n'a pas des
réponses.
Par contre, vous continuez: "À moins de modifications
législatives appropriées". Je ne veux pas vous entendre sur des
textes législatifs, mais, rapidement, avez-vous deux ou trois pistes de
suggestions, de modifications législatives appropriées pour que
les sept questions qu'il y a là demeurent un peu plus avec
réponse? Ce serait quoi, les quelques pistes de modifications
législatives que vous suggérez pour qu'on atténue cette
ouverture au laxisme qui perdurera, selon vous?
M. Johnston: Bien, la seule voie qui nous apparaît
explorable, c'est la voie d'introduire dans le texte législatif le fait
qu'il doit y avoir adoption par le gouvernement d'un règlement
définissant des critères formels. Là, sur les
critères, on reprendrait la discussion lorsqu'il y aura un projet de
règlement.
M. Gendron: Merci. Autre question. Sur "L'école
privée: un droit?" je vous l'ai dit, je suis content des
précisions que vous avez apportées. Ceux qui se donneront la
peine de lire votre mémoire adéquatement vont voir
là-dessus que c'est moins facile que de l'énoncer et dire: C'est
réglé. On l'a dit que c'était un droit fondamental, donc,
indépendamment d'où vient le financement. Ça, c'est des
choses qui me plaisent, moi, quand c'est un peu plus étoffé.
Page 43. Ça, je trouve que c'est rester une patte en l'air, puis
je n'aime pas ça, surtout avant dîner. Il n'y a pas de rapport.
C'est que, à la page 43...
M. Pagé: Rester l'estomac lourd?
M. Gendron: Oui. Je l'ai dit qu'il n'y avait pas de rapport.
Une voix: L'estomac dans les talons.
M. Gendron: ...vous laissez voir - sérieusement - qu'il y
aurait une expansion, une explosion au niveau du collégial. La ministre,
d'entrée de jeu, avant de vous questionner, a dit: Écoutez, ce
n'est pas ça, les chiffres. À moins que je me trompe - et je
pense avoir été ici - ça n'a pas été repris
dans votre premier...
M. Johnston: On a le temps d'y revenir. Mais si vous
permettez...
M. Gendron: C'est ça, j'aimerais vous entendre.
M. Johnston: ...je pense que les points de
référence qu'on utilise sont différents. Nous, on parle de
l'ensemble des établissements privés d'enseignement de niveau
collégial et de l'ensemble des clientèles des
établissements privés d'enseignement de niveau collégial,
alors que la ministre ne faisait référence qu'à des
chiffres concernant des établissements subventionnés.
M. Gendron: C'est ça.
M. Johnston: Et Jocelyn pourrait peut-être compléter
la réponse.
M. Gendron: Non, non, mais je trouve-Juste une seconde, monsieur.
C'est très important parce que, moi, c'est ce que j'ai compris, que la
ministre allait sur une préoccupation axée sur le financement,
mais vous aviez le droit, vous autres, de porter... Parce que c'est mon point
de vue aussi - mais ça, ça ne change pas la vérité
des choses - qu'il y a eu accroissement des effectifs québécois
au niveau de la formation collégiale. Il y en a plus qui vont au secteur
privé et de plus en plus, c'est mon point de vue. Vous le portiez dans
votre mémoire. Je voulais avoir des explications de vous pour ne pas que
la
ministre de l'Enseignement supérieur laisse voir que les faits
étaient autres que ce que vous avez évoqué. Allez!
M. Berthelot (Jocelyn): Si vous me permettez, M. le
Président, une précision là-dessus.
Le Président (M. Gobé): Allez-y, monsieur.
M. Berthelot: À l'ordre collégial, on doit toujours
distinguer, comme au secondaire, entre le secteur général et le
secteur professionnel. Depuis le début des années soixante-dix,
globalement, à l'ordre collégial, on observe une croissance des
clientèles. Cette clientèle a commencé à diminuer,
en ce qui concerne le secteur général, à compter des
années 1987-1988, mais elle continue de s'accroître au secteur
professionnel. Pour les données que j'ai sous les yeux, en 1986-1987, la
clientèle qui fréquentait le secteur collégial des
institutions privées, dans le secteur général,
était dans des institutions déclarées
d'intérêt public dans 98, 4 % des cas et, dans le cas du secteur
professsionnel, dans 72, 2 % des cas. Donc, ce qui peut expliquer qu'on a une
proportion globale d'établissements peut-être, aujourd'hui, qui
sont un peu moins financés par les fonds publics, c'est qu'on a
assisté à une croissance du secteur professionnel au
collégial qui, traditionnellement, a été moins
financé par les fonds publics. Mais, au collégial
général, la majorité des élèves
fréquentent encore des institutions déclarées
d'intérêt public.
Le Président (M. Gobé): Merci.
Mme Robillard: Si vous permettez, M. le Président, je ne
veux pas faire une guerre de chiffres...
Le Président (M. Gobé): Avec le consentement.
Alors, allez-y, madame.
Mme Robillard:... mais même le nombre
d'élèves dans les établissements sous permis est aussi en
décroissance quand on regarde 1986 et 1990. Alors, bon... En tout cas,
peut-être qu'on pourra se reparler sur les chiffres, mais de mon point de
vue, comme ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, on
n'est pas dans une période de croissance d'effectifs dans le
collégial privé. C'était la seule...
Le Président (M. Gobé): Clarification. M. le
député d'Abitibi-Ouest, vous avez encore la parole. Il reste deux
minutes pour vos mots de remerciement et deux pour M. le ministre,
peut-être. Mais si vous avez d'autres questions, vous pouvez quand
même y aller, là. On peut dépasser
légèrement. S'il y a consentement, il n'y a pas de
problème.
M. Gendron: Non, ce n'est pas tellement de jouer sur les minutes.
Effectivement, je veux juste terminer en disant à la CEQ et aux gens qui
ont présenté le mémoire que je vais le lire d'une
façon plus approfondie, parce que, je ne change pas de point de vue,
vous avez là un mémoire fouillé. C'est clair qu'on peut
avoir des conceptions différentes, mais globalement, moi, je n'ai pas
trop de trouble à vivre avec votre mémoire. Par franchise, c'est
sûr que, lorsque vous présentez l'option de mesures de transition
pour intégrer ceux qui sont là, il n'y a pas de cachette,
ça ne me déplaît pas de regarder ça. Mais je ne peux
pas, aujourd'hui, au nom de ma formation politique, dire: Écoutez, on
saute là-dessus sans discussion parce que je trouve que c'est quand
même majeur. Mais, sur tous les autres points, dire que, dans sa forme
actuelle, le projet de loi 141 n'a pas un brin d'allure, je suis d'accord avec
vous à 100 %. Ça, ce n'est pas compliqué, là. Ce
n'est pas un projet de loi qui, dans sa forme actuelle, a de l'allure,
indépendamment de nos convictions. Tu sais, je veux dire.
Lorsque vous dites que ça ouvre la porte à de
l'enseignement non réglementé, puis que ça favorise un
fractionnement du financement, vous avez raison. Je ne peux pas comprendre
qu'un État, moi, qui dit qu'il est serré, puis qu'il faut faire
l'urgence de choisir aux cinq minutes - depuis 1985 qu'on nous parle de
l'urgence de choisir, puis de faire des bonnes priorisations budgétaires
- aurait de l'argent additionnel pour fragmenter davantage cette alternative.
Moi, je pense qu'on n'a pas les moyens et votre mémoire en fait la
preuve, il soulève les bonnes questions. Moi, je vais essayer de m'en
inspirer le plus possible et je vous remercie encore une fois de votre
contribution.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Pagé: Alors, M. le Président, je voudrais
remercier les gens de la CEQ très sincèrement de leur
présentation. Il y a des éléments qu'on retient, d'autres
sur lesquels on est en opposition sur les principes. Cependant, tel que je vous
l'indiquais, je vais voir de très près les recommandations que
vous nous faites et je vous remercie au nom de ma collègue, Mme la
ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.
Le Président (M. Gobé): Oui, madame.
Mme Côté: Juste dire, étant donné
qu'on vous a donné le mémoire tard...
M. Pagé: Oui.
Mme Côté:... que nous sommes disponibles, s'il
arrivait que vous vouliez nous rencontrer pour approfondir certains
éléments ou pour comprendre certains... Parce que je pense
qu'on
est capables d'assumer la conséquence de notre retard.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme
Côté.
M. Pagé: D'ailleurs, on doit se rencontrer
bientôt.
Mme Côté: Oui, c'est bien.
Le Président (M. Gobé): M. Johnston, M. Berthelot,
nous vous remercions au nom des membres de cette commission. Ceci met fin
à nos travaux de ce matin. Je vais donc suspendre les travaux
jusqu'à 14 heures. Je souhaite un très bon appétit
à tous les membres de cette commission. La séance est maintenant
suspendue.
(Suspension de la séance à 12 h 35)
(Reprise à 14 h 12)
Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames et messieurs, s'il vous plaît, si vous voulez prendre
place, la séance va reprendre dans quelques instants.
Alors, mesdames et messieurs, bonjour et bon après-midi. Je me
permettrai, avant de rouvrir la séance, de vous rappeler le mandat de
notre commission aujourd'hui. Le mandat de la commission de l'éducation
est de procéder à des consultations particulières et de
tenir des auditions publiques dans le cadre du projet de loi 141, Loi sur
l'enseignement privé.
Nous allons, cet après-midi, entendre à partir de 14
heures, donc dès maintenant, dans un premier temps, le Conseil du
patronat du Québec; par la suite, à 15 heures, l'Association des
écoles juives; à 16 heures, la Fédération des
associations d'établissements privés; et, à 17 heures,
l'Association des parents catholiques du Québec. Nous ajournerons
à 18 heures pour reprendre nos travaux demain.
Avant de passer la parole au prochain intervenant qui est le
président du Conseil du patronat du Québec, je rappellerai juste
les règles qui régissent ces consultations. Chaque consultation
dure 60 minutes par groupe: 20 minutes seront imparties aux gens qui
présentent leur mémoire ou font valoir leur point de vue,
indépendamment de ce qu'ils désirent faire; 20 minutes sont
allouées au côté gouvernemental et 20 minutes au
côté de l'Opposition.
Advenant que le député indépendant de
Jacques-Cartier désire participer vu qu'il est membre de cette
commission, la présidence verra à lui ménager un
créneau de temps pour qu'il puisse exercer son droit de
parlementaire.
Ceci étant dit, je demanderai maintenant au président du
Conseil du patronat, M. Ghislain Dufour, qu'il nous fait plaisir d'accueillir
ici aujourd'hui, de bien vouloir présenter les gens qui l'entourent et,
par la suite, de procéder à son exposé. M. Dufour.
Conseil du patronat du Québec
M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. Mme la
ministre, MM. et Mmes les membres de la commission, mes trois collègues
sont: à mon extrême gauche, M. Rodolphe Rousseau, qui est
président-directeur général du collège O'Sullivan;
à ma toute gauche, M. Jean-Guy Leboeuf, qui est
président-directeur général de l'institut Jean-Guy Leboeuf
inc.; et, à ma droite, M. Jacques Marchand, qui est directeur
général du collège O'Sullivan.
Le Président (M. Gobé): Bienvenue, messieurs.
M. Dufour (Ghislain): Deux fois, c'est une
surreprésentation d'O'Sullivan.
Le Président (M. Gobé): Alors, vous avez la parole,
vous pouvez commencer.
M. Dufour (Ghislain): Alors, c'est le collège Lasalle,
bien sûr. Première constatation, M. le Président, c'est que
nous avons disposé d'un très court délai pour
étudier le projet de loi, un projet de loi d'une très grande
importance pour nous. Nous sommes étonnés que le
législateur ait obligé les citoyens à
réfléchir à cette question vitale en plein coeur de
l'été, durant la période des vacances. J'étais
très surpris, M. le ministre, ce matin, d'entendre que vous aviez
accepté le dépôt du mémoire de la CEQ qui s'est
fait, semble-t-il, seulement hier alors que nous avons rencontré les
échéances.
Nous tenons toutefois à exprimer notre profond
intérêt pour l'enseignement privé dans une
société libre et démocratique et a remercier le
gouvernement et l'Opposition de cette possibilité qu'ils nous donnent
d'apprécier le contenu du projet de loi. Nous ne ferons pas une analyse
détaillée de tout le projet, laissant ce travail aux groupes plus
directement concernés.
Nous aborderons des questions d'ordre plus général et pas
nécessairement par ordre d'importance, nous inspirant, pour ce faire, de
cette phrase, que nous considérons excellente, que nous retrouvons au
rapport Ryan sur l'éducation des adultes, et je cite: "L'autonomie des
organismes privés doit être préservée au maximum, et
l'État ne peut intervenir que pour assister ceux-ci, en tenant compte de
l'état général des besoins de la population."
Le défi auquel nous convie donc le contenu de cette citation, M.
le Président, est fondamental en ce qu'il nous oblige, dans le
débat que vous abordez, à concilier deux exigences: d'une part,
établir des lois justes pour protéger les citoyens et, d'autre
part, préserver une vie
démocratique permettant aux citoyens de s'affirmer librement et
de s'épanouir en adultes réalistes et responsables.
Préserver une vie démocratique de cet ordre, M. le
Président, suppose également que l'on crée un climat dans
lequel chaque citoyen se sent libre d'agir en adulte responsable et
maître de lui-même. Voilà donc pourquoi la culture de la
liberté dans le respect des droits de tous, et non pas le contrôle
de la liberté, devrait être l'assise même d'une loi sur
l'enseignement privé. Tel est, du moins, l'esprit qui sous-tend les
quelques commentaires que nous vous formulerons maintenant.
Premier commentaire: Nécessité d'établir dans le
préambule du projet de loi 141 le droit des citoyens à
l'école privée. L'accès à l'école
privée n'est pas un privilège, mais un droit confirmé ici
même au Québec dans le préambule qui coiffe les lois
créant le ministère de l'Éducation et le Conseil
supérieur de l'éducation. Les éléments de ce
préambule que vous connaissez, que nous avons d'ailleurs cités
dans notre mémoire, vous sont bien connus. Je ne les reprendrai pas, si
ce n'est pour dire qu'ils sont on ne peut plus clairs. Quand, au cours des
années soixante, dans la foulée des grandes réformes
entreprises au Québec, le législateur a créé le
ministère de l'Éducation, il a tout simplement jugé
essentiel d'assurer aux Québécois la protection des droits
déjà reconnus dans les textes officiels de l'ONU.
Il importe de noter ici que le texte québécois actuel fait
plus que répéter ce qui était par ailleurs
déjà assuré. Il ajoute à la protection des droits
reconnus en principe le droit pour les personnes et les groupes de
bénéficier des moyens administratifs et financiers
nécessaires à la poursuite de leurs fins. Cette précision
est d'une extrême importance pour nous, M. le Président. Pour
assurer aux citoyens le respect de leurs droits, le législateur
garantit, dans le préambule même de la loi, que l'on donnera les
moyens nécessaires pour faire en sorte que l'exercice du droit en
question ne soit pas que théorique, et donc illusoire. La Charte des
droits et libertés de la personne, à son article 42, consacre ces
mêmes droits au Québec depuis 1975. Pourtant, le projet de loi 141
ne dit mot de ce droit fondamental des citoyens à l'école
privée. C'est là une lacune fondamentale qui doit être
corrigée. Par ailleurs, j'entendais le ministre, ce matin, dans son
exposé d'ouverture et dans certaines réponses qu'il a eues
notamment à la CEQ, confirmer, mais vraiment, que ce n'était pas
de la complaisance vis-à-vis de l'école privée qu'il
avait. La déclaration d'ouverture qu'il a faite ce matin nous
agrée, mais parfaitement. Nous aimerions la retrouver dans le texte de
la loi.
Deuxième réflexion: L'école appartient aux citoyens
et non pas à l'État. Le projet de loi 141 instaure pratiquement,
quant à nous, la mainmise totale de l'État sur l'école.
Non seulement sur l'école publique et sur l'école
subventionnée, ce qui est nouveau, où l'on peut admettre que
l'État ait le droit strict d'assurer des contrôles nouveaux, mais
également sur les écoles non subventionnées. Pour notre
part, nous disons que, dans ce dernier cas, donc des écoles non
subventionnées, ce sont les lois générales qui devraient
protéger l'intérêt public et non les règles souvent
tatillonnes du ministère de l'Éducation ou même du
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science.
L'école appartient aux citoyens, quant à nous, non
à l'État. Pourtant, si le projet de loi 141 était
adopté, les citoyens corporatifs que sont les entreprises seraient
lourdement pénalisés par le contenu surtout des articles 1.9°
et 38 à 41 sur la formation professionnelle d'appoint. Il faut mal
connaître les besoins des entreprises dans le domaine de la formation
professionnelle d'appoint pour les assujettir aux règles bureaucratiques
du projet de loi 141.
Troisième réflexion: Le projet dé loi 141 est une
loi-cadre qui accorde des pouvoirs illimités au gouvernement, au Conseil
des ministres, au Conseil du trésor, surtout au ministre responsable,
des pouvoirs qu'on retrouve dans 50 articles. Le projet de loi en a 156. Le
tiers des articles donnent des pouvoirs à ces différentes
instances, souvent, bien sûr, des pouvoirs absolument non définis
et, bien sûr, parce que non définis, presque illimités. Je
suis peiné de le dire, M. le Président, mais c'est une des pires
lois-cadres qu'il nous ait été donné de connaître
à ce jour et Dieu sait pourtant si, au CPQ, on en a vu passer d'autres!
Dans un tel contexte, les personnes et établissements qui seront
assujettis à la loi sont dans l'incertitude la plus absolue quant
à ce qui les attend.
Notre position générale, d'ailleurs, sur les lois-cadres
est bien connue: il s'agit d'un processus législatif qui place les
administrés dans l'impossibilité pratique d'évaluer dans
quelle galère les embarque le pouvoir législatif. En fait, les
intéressés signent presque un chèque en blanc et n'ont
qu'à faire confiance au gouvernement, mais surtout au ministre pour que
les règlements soient conformes à l'esprit de la loi. Et vogue la
galère jusqu'au prochain remaniement ministériel où l'on
pourra toujours deviser longtemps sur l'esprit qui avait alors sous-tendu la
rédaction de la loi.
Autre commentaire: Un projet de loi instaurant de multiples
contrôles. Les contrôles prévus par le projet de loi 141
sont tels qu'ils finiront, nous dit-on, par étouffer l'école
privée. Citons-en quelques-uns. Je constate votre écoute, M. le
ministre. L'article 13 qui établit pratiquement un système de
quotas d'admissions à l'école privée. Or, toute notion de
quotas - pas purement dans le projet de loi 141 - dans un régime
démocratique comme le nôtre qui reconnaît ici le droit
fondamental des parents au choix de l'école
pour leurs enfants, est totalement inacceptable lorsque les lois de
santé, les lois de sécurité publique sont
observées. L'observance de ces lois ne relève pas du
ministère de l'Éducation.
L'article 64 qui donne au ministre des pouvoirs de contrôle tels
sur les écoles privées qu'il pourra imposer à tout moment
tous les moratoires qu'il voudra, tant sur l'existence des écoles
actuelles que sur leur développement ou la création de nouvelles
écoles. Je voudrais bien qu'on se comprenne, ici. Il ne s'agit pas du
ministre qui s'appelle, aujourd'hui, M. X. Il s'agit d'un projet de loi, donc
d'une responsabilité qui est dévolue à un ministre qui
pourra être changé, Dieu sait quand.
L'article 15 qui oblige les écoles établies, certaines
depuis plus de 300 ans, à renouveler leur permis tous les 5 ans. Moi,
j'ai eu l'occasion d'en rencontrer, des établissements, surtout des
établissements religieux. Je dois dire que cette clause-là fait
drôlement bondir, tout comme la notion d'exploitant qui est une notion
dont on ne parle pas dans notre mémoire, mais qui provoque exactement la
même réaction.
L'article 100 qui rétablit dans les écoles privées
un système d'inspectorat qui n'existe même plus dans les
écoles publiques. Et combien d'autres contrôles, dont ceux
très bureaucratiques prévus à l'article 78 qui exigeront
qu'un collège dispensant la formation professionnelle d'appoint, et je
cite, "tienne les livres et comptes de l'établissement de la
manière et suivant les formules que le ministre peut déterminer"!
Quand on se rappelle les critiques du Vérificateur général
sur la façon dont l'État, ses ministères et ses diverses
agences tiennent leur comptabilité, on peut dire que le projet de loi
141 ne sort pas enrichi de tels contrôles!
C'est pourtant la Commission consultative de l'enseignement privé
qui, dans son avis au ministre de l'Éducation en janvier 1989, parlait
des limites à l'efficacité possible du contrôle
exercé par le ministère de l'Éducation. La question qu'on
peut se poser, c'est: Est-ce que le document se serait égaré?
Finalement, autre commentaire général, ce qu'on appelle le
carcan de l'article 77. L'article 77 fixe clairement les montants d'argent
qu'une institution agréée peut exiger pour la dispensation de ses
services éducatifs. Nous considérons les dispositions de cet
article par trop limitatives. Si le gouvernement veut commencer à sortir
de l'impasse financière dans laquelle il se trouve, il devra
élargir ces dispositions. Comment? Ce qu'on suggère, nous, c'est,
par exemple, en dégelant pour vrai les frais de scolarité
universitaires et en gelant plutôt les subventions par étudiant
aux universités, en laissant, cependant, la liberté
véritable aux universités de diversifier les services qu'elles
offrent et de s'adapter à la demande. Cette idée pourrait aussi
s'appliquer aux cégeps. Quant aux commissions scolaires, il n'est
peut-être pas trop tard pour qu'elles retrouvent une large autonomie en
même temps qu'un pouvoir soit de taxation locale, soit de tarification de
certains services.
Bien sûr, on opposera ici l'argument classique à toute
proposition qui implique une participation financière des individus pour
fréquenter l'école. Un tel système, dit-on,
empêcherait les moins bien nantis d'avoir accès à
l'éducation et nous sommes d'accord, c'est un véritable
problème. Voilà pourquoi s'impose un bon système de
prêts et bourses, ce que personne, croyons-nous, ne met en doute.
De toute façon, nous n'avons pas le choix: nous devons plaider en
faveur d'une plus grande autonomie financière des écoles,
autonomie qui ne peut être réelle sans un système de
financement qui assure la responsabilisation des fournisseurs de services
vis-à-vis des consommateurs, ce que ne permet pas l'article 77. Parlant
pour l'école privée, nous sommes convaincus qu'une
libéralisation (graduelle, bien sûr, et surveillée par
l'État évidemment) des coûts des services éducatifs
serait définitivement positive. L'article 77 devrait donc aller dans le
sens d'une telle libéralisation et non pas dans le sens des
contrôles qu'il vise non seulement à perpétuer, mais, bien
sûr, à accentuer davantage.
Conclusion. Plusieurs se demandent, dans notre milieu, qui a voulu ce
projet de loi 141. Il faudrait répondre à la question. Ce que
réclamaient les porte-parole de l'enseignement privé,
c'était, d'une part, des précisions quant aux règles du
jeu et, d'autre part, surtout une révision du mode de financement des
écoles, non pas une réforme qui, disent-Ils, ne leur apporte
rien, sauf des contrôles additionnels et la perte d'une garantie
législative quant au droit strict des citoyens à l'école
privée.
Dans les circonstances, il y a lieu de se demander si le gouvernement
est sur la bonne voie en défendant son projet de loi. N'est-ce pas,
d'ailleurs, l'ex-ministre de l'Éducation qui écrivait, le 15
janvier 1990, au président de l'Association des collèges du
Québec une lettre dans laquelle il disait ceci, et je cite: "II est
important de se demander s'il est utile d'envisager une révision de la
loi tant et aussi longtemps que le gouvernement n'aura pas jugé
être en mesure d'aborder aussi les questions reliées au niveau de
financement." Certes, il y a possibilité de bonifier la loi, mais cette
bonification, M. le Président, est-elle possible en tenant compte tant
des commentaires généraux que nous exprimons dans ce bref
mémoire que des nombreux commentaires particuliers qui feront l'objet
des mémoires que vous entendrez?
Pour notre part, nous en doutons. Nous voulons bien être
convaincus du contraire, mais, à ce moment-ci, nous en doutons. Mieux
vaudrait alors la loi actuelle qu'une mauvaise loi, surtout lorsqu'elle nous
semble donner carte blanche au pouvoir exécutif et réglementaire
et qu'elle n'a pas fait l'objet d'un véritable débat dans la
société québécoise et, en ce sens-là,
il nous faut partager l'opinion qu'exprime le Parti québécois
quant à l'importance de l'école privée dans la
société québécoise. (14 h 30)
Or, cette même société québécoise est
favorable à 80 % à l'école privée, selon tous les
sondages CROP-CPQ. Ce n'est pas des sondages qui sont faits par d'autres, ce
sont nos propres sondages depuis cinq ans. On les conduit toujours à la
même période et ça nous donne toujours entre 78 % et 80 %
de gens qui sont favorables à l'école privée.
Quant à nous - je termine là-dessus - il nous semble qu'il
faudrait donc être davantage à l'écoute d'une partie
Importante de la population qui a opté pour envoyer ses enfants à
l'école privée.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
Président. Ceci donc, d'après ce que je peux voir, met fin
à la présentation de votre mémoire. Je passe maintenant la
parole à M. le ministre. Auparavant, j'aimerais mentionner que, par la
suite, je passerai la parole à Mme la ministre; M. le
député de l'Acadie, lui aussi, m'a fait savoir qu'il aimerait
intervenir, ceci pour la répartition du temps. M. le ministre, vous avez
la parole.
M. Pagé: Donc, vous me limitez dans mon temps,
là.
Le Président (M. Gobé): Absolument pas, M. le
ministre. Je laisse ça à votre discrétion.
M. Pagé: Non. Comme je suis...
Le Président (M. Gobé): Non? C'est correct. Alors,
notre collègue de l'Acadie nous fait savoir que...
M. Pagé:... interpellé, évidemment, comme
ministre de l'Éducation et aussi que ma collègue, Mme la ministre
de l'Enseignement supérieur et de la Science, est interpellée,
nous allons partager le temps. Je trouve regrettable de ne pouvoir
répondre, M. le président, M. Dufour, à chacun des
éléments que vous avez soulevés. En clair, vous n'y allez
pas de main morte.
M. Dufour (Ghislain): C'est exact.
M. Pagé: C'est votre droit le plus légitime. C'est
bien qu'il en soit ainsi. Nous sommes autour d'une table, dans une
démarche d'interaction qu'on souhaite la plus dynamique, pour faire
valoir nos points de vue respectifs en référence à un
projet de loi qui est là, projet de loi - j'ai eu l'opportunité
de le dire tant à l'Assemblée nationale qu'ailleurs - qui se veut
une réforme, une refonte surtout d'une loi de 1968 qui n'était
plus suffisamment adaptée aux conditions actuelles.
Le premier commentaire, je trouve votre propos sévère,
exhaustif. Pour vous, il ne semble pas y avoir beaucoup de choses utiles dans
le projet de loi. Or, dans ce projet de loi, il y a des éléments
qui sont qualifiés de très positifs par les gens de
l'enseignement privé que j'ai rencontrés. Exemple concret:
à plusieurs occasions, on m'a dit: M. le ministre, les mutations de
société font en sorte que, nous, du privé, nous devrions
avoir droit à certains programmes. On ne demande pas d'avoir
accès à toute la ventilation des programmes qui sont offerts au
public, on n'a pas cette prétention-là, mais nous croyons qu'on
devrait avoir accès à certains programmes: exemple concret, au
chapitre du support à la francisation, plus particulièrement au
sein de certaines communautés culturelles bien intégrées
au Québec, mais qui veulent s'inscrire plus fortement dans la
démarche de support à la francisation, plus
particulièrement en ce qui concerne leurs nouveaux arrivants.
J'aurais pensé que le Conseil du patronat aurait au moins
souligné le caractère éminemment positif pour les
écoles privées du Québec via le droit que le ministre
aura, par des modifications à cette loi, d'établir des
règles budgétaires dans des domaines très particuliers.
Vous ne l'avez pas fait. Ça aurait été une belle occasion,
au moins, de souligner certains éléments positifs du projet de
loi.
Vous vous référez au droit à l'enseignement
privé; ce droit, il est reconnu. Notre société s'est
donné les moyens qu'on doit qualifier d'utiles. Depuis 30 ans, notamment
depuis le début des années soixante, on s'est donné une
façon de faire via des structures de démocratisation,
d'accès à la formation, à l'acquisition de connaissances
et à la diplomation. Même si l'éducation traverse une
période délicate - je ne reviendrai pas sur chacun des
problèmes auxquels nous sommes confrontés comme
société à l'école - malgré ça, on
doit reconnaître que le Québec a fait un chemin formidable dans
presque moins d'une génération. Le droit à
l'éducation, il existe et c'est un droit qui est fondamental, qui
s'inspire d'un concept d'accessibilité, il est là. Vous demandez
le droit à l'éducation privée. Moi, je vous dis: Comment
pouvez-vous être insecure à ce point de ne pas vous sentir
confortable avec la Charte des droits? Première question.
Deuxième question: Vous défendez vos gens, vous êtes
là pour ça et vous faites bien. Vous allez me permettre de
défendre mes opinions, la position de notre équipe et
j'espère que vous allez me dire que je fais bien.
M. Dufour, on investit, en termes de support à l'école
privée au Québec, environ 200 000 000 $ par année. Ne
trouvez-vous pas légitime qu'avec une imputation budgétaire aussi
importante de la part d'un gouvernement via les taxes et les impôts, que
vous trouvez régulièrement trop élevés d'ailleurs,
on soit légitimés de faire des vérifications, qu'on ait un
pouvoir,
qu'on ait le droit de demander des comptes à des organismes qui
sont subventionnés? Moi, à partir du moment où un
organisme est subventionné via les taxes et les impôts, pas
l'argent d'une machine à piastres quelconque provenant de n'importe
où, des impôts des Québécois, le droit
légitime à la vérification, à l'imputabilité
des fonds, il existe.
Vous semblez vous inscrire - et, si je me trompe, je vous invite
à me corriger - avec une relative véhémence à
rencontre des contrôles qui, j'en conviens, peuvent être
interprétés comme trop exorbitants à certains
égards et, sur ça, j'étais prêt à indiquer...
J'ai déjà indiqué, d'ailleurs, aux gens, quand je les ai
rencontrés privément, qu'on était prêts à
revoir certaines choses, que ce n'était pas une commission seulement
pour une façade de démocratie, on était prêts
à vous écouter.
M. Dufour, première question, donc, sur le droit.
Deuxième, sur les taxes et les impôts. Puis, 2 b, si demain matin
un membre du gouvernement du Québec, et ce, quel que soit le
gouvernement, disait: Nous allons verser x millions ou quelques centaines de
millions de dollars à des organismes communautaires dans le parasocial
et on s'engage à ne faire aucune vérification, je suis convaincu
que le Conseil du patronat serait le premier à se lever, très
probablement avec son président en tête parce que je
présume que son mandat va toujours être là pour bien
longtemps. Vous seriez les premiers à vous lever. Puis, là, vous
venez nous voir aujourd'hui et vous nous dites: Continuez à payer,
dégelez les frais pour que les parents puissent payer un montant un peu
plus appréciable, mais, de grâce, laissez-nous agir. C'est ce que
je retiens de votre message comme commun dénominateur au-delà des
précisions apportées à certains articles du projet de loi.
Comment concilier ça?
M. Dufour (Ghislain): Je trouve que votre analyse est un peu
démagogique parce que vous savez très bien...
M. Pagé: Pas autant...
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, on
va laisser M. le président s'exprimer.
M. Dufour (Ghislain): Quand on vous parle de contrôles, je
vous ai cité 50 articles sur 156, le tiers. C'est évident que, si
vous nous demandez que le ministère de l'Éducation ne fasse pas
de contrôles, on ne sera pas d'accord. Il y a une différence entre
des contrôles et une conscription absolue des écoles à
votre service. Je pense que c'est ça qu'on met en cause. Il s'agirait,
si on avait le temps, M. le ministre, de regarder tous et chacun des 50
articles et ce qu'on vous dit, c'est que vous vous donnez des pouvoirs qu'on ne
connaît pas. Ce sera sur décision du ministre, ce sera sur une
liste du ministre, ce sera sur ci du ministre, etc., ou du Conseil du
trésor ou du gouvernement. N'allez jamais dire qu'on vous demande de ne
pas faire de contrôles, voyons donc! On est les premiers à ce que
vous assuriez, au nom des citoyens, la bonne utilisation de leur argent, c'est
évident. Je trouve ça une analyse évidemment qui... Je
comprends que votre réaction à notre mémoire est une
réaction peut-être un peu difficile pour vous.
M. Pagé: Ah! Pas du tout. Je suis habitué,
après 18 ans, vous savez.
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, M.
le ministre.
M. Dufour (Ghisiain): Non, mais c'est vrai que c'est
sévère. Mais ça doit être sévère. Je
pense qu'on doit réagir sévèrement à ce projet de
loi là pour faire justement un bon débat de société
autour de l'école privée, sinon on ne le fera pas.
Quand vous dites qu'il y a des choses qui sont positives dans le projet
de loi, bien oui! Vous ne vous attendiez quand même pas qu'on vienne vous
présenter un mémoire en vous disant: Oui, on est d'accord
maintenant avec l'ouverture pour les écoles privées des
programmes de francisation; oui, envoyez à la protection du consommateur
la tonte des caniches. Ce n'était quand même pas ça que
vous attendiez de notre mémoire. On s'est attardé à
soulever des principes et c'est sur le plan des principes, bien sûr,
qu'on peut différer; non pas, je pense, sur le principe même, mais
sur l'application du principe.
Je suis d'accord et je vous le dis, quand je vous écoute quand
vous me parlez du droit à l'enseignement privé, on partage
exactement le même vocabulaire. La seule chose qu'on dit: Si ce que vous
dites, vous voulez l'assumer au nom de votre gouvernement, écrivez-le.
Quand vous me référez à la Charte, la Charte est en 1975.
Les lois dont on parte sont subséquentes à ça. Alors,
pourquoi d'autres législateurs ont senti le besoin de venir
préciser justement la Charte? Moi, j'écoute votre discours et je
dis qu'on est sur la même longueur d'onde, je pense, au niveau des
principes. Je vous l'ai dit tout à l'heure. Je vous ai entendu dialoguer
avec la CEQ et je partageais pleinement votre point de vue. Je vous demande
juste de l'écrire.
La question que vous posez, évidemment, j'ai peine à y
répondre et je vais demander à mes collègues parce que je
la trouve choquante... C'est comme si on vous demandait de ne faire aucun
contrôle. Je veux dire, c'est faire une analyse, je pense, trop petite,
entre guillemets, de notre mémoire. Ce n'est pas ça le message
qu'on vous véhicule. C'est un message qui dit: Vous vous donnez trop de
pouvoirs. Vous êtes le ministre aujourd'hui, vous avez pensé une
loi. Le ministre demain pourra, avec les mêmes pouvoirs,
faire autre chose. C'est ça qu'on vous indique quand il s'agit
d'une loi-cadre. Maintenant, j'ai des collègues qui veulent
intervenir...
M. Pagé: M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): Oui.
M. Pagé: Très brièvement parce que le temps
fuit. Jusqu'où accepteriez-vous qu'on puisse y aller au niveau des
contrôles?
M. Dufour (Ghislain): On me dit que déjà vous en
avez beaucoup et on vous les concède. Par exemple, on vous a dit
à plusieurs occasions: Ce que vous faites comme inspectorat dans les
écoles publiques, que vous le fassiez dans les écoles
privées, on n'a pas de problème. On parlerait des cégeps.
Voyez-vous, M. Leboeuf, ici, nous dit: Voici ce qui s'applique pour les
cégeps dans le public. On est d'accord avec ça dans le
privé. C'est quoi, M. Leboeuf?
M. Leboeuf (Jean-Guy): M. le Président, dans la loi des
cégeps, article 29, dans six lignes on parle de la question des
inspections, des enquêtes, tandis que, dans la nouvelle loi 141, dans le
projet de loi, il y a au moins quatre pages sur l'inspection et les
pénalités. Ce matin, on a entendu la Fédération des
commissions scolaires dire qu'elle souhaitait que les commissions scolaires
soient traitées sur le même pied que les écoles
privées. Nous renversons l'ascenseur. Nous disons: Que les écoles
privées soient traitées sur le même pied que le secteur
public. La loi des cégeps le mentionne en un paragraphe et la Loi sur
l'enseignement privé, quatre pages.
M. Dufour (Ghislain): M. le Président, M. Marchand, du
collège Lasalle.
Le Président (M. Gobé): Rapidement, M. Marchand. Le
temps passe, mais je pense que le sujet est assez intéressant que tout
le monde veut y aller. Alors allez-y rapidement, s'il vous plaît.
M. Marchand (Jacques): Très rapidement. Juste pour une
remarque que M. le ministre a faite, à savoir les contrôles. S'il
y a un contrôle que nous, les établissements d'enseignement
privés, avons, c'est deux contrôles supplémentaires par
rapport à n'importe quelle autre institution publique: c'est tout le
contrôle du milieu industriel et c'est tout le contrôle de notre
clientèle. Ces gens-là paient chez nous, ont des frais
supplémentaires, une surtaxe à payer pour recevoir leur
éducation par rapport aux autres 90 % qui vont en institution publique.
Et les deux premières questions qu'ils nous posent, c'est à
savoir s'ils vont trouver de l'emploi à la fin de leurs deux ans ou de
leurs trois ans. Et, pour trouver de l'emploi, on doit placer des gens qui ont
reçu une éducation de très grande qualité.
C'est pour nous une façon de dire que les collèges
privés, au-delà des contrôles établis par le
ministère, à savoir sur toute l'administration de nos programmes
et sur toute la gestion et les déclarations de clientèles,
au-delà de ça, sur la qualité de l'enseignement et sur la
qualité du diplômé, on a des gens qui se mêlent de
nous donner une évaluation très directe et ça ne prend pas
beaucoup d'années avant d'en avoir les résultats.
Pour ce qui est de l'autre commentaire aussi, à savoir qu'on ne
trouvait pas grand-chose de positif dans le projet de loi, je pense que, sur
les points fondamentaux, il est vrai qu'on ne trouve pas beaucoup de choses
positives. Il est certain que ce que vous avez mentionné, à
savoir que ça nous donne accès à certains programmes
supplémentaires auxquels nous n'avions pas droit, on vous le
concède. C'est une remarque qu'on a souvent faite, nous,
particulièrement a la Direction de l'enseignement privé qui nous
disait toujours qu'on était exclus de tous ces autres
programmes-là. (14 h 45)
Ça nous créait un manque au niveau des ressources, sauf
que, particulièrement pour la francisation, en tout cas pour ce qui est
du collégial, on a déjà commencé à recevoir
des sommes pour ce programme-là. Sur le volume d'argent requis pour
opérer une institution collégiale, par rapport aux besoins de
financement, aux problèmes criants du financement à la base, ce
sont là quand même des ajouts qu'il aurait été
intéressant de voir dans une loi modifiée. Mais, dans une
refonte, on ajoute des petites choses en périphérie, mais le
fondamental, on ne le retrouve pas.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie beaucoup.
Maintenant, je vais passer la parole à Mme la ministre de l'Enseignement
supérieur. Vous avez la parole, madame.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. M. Dufour, je ne
voudrais pas reprendre chacun des éléments, mais, à la
suite de la lecture de votre mémoire, je suis restée avec une
drôle d'impression et j'aimerais ça la confronter avec vous pour
voir si j'ai bien perçu ce que vous voulez nous dire. Ce que j'ai
compris, c'est que vous nous dites: Au niveau des contrôles
étatiques, ça va, mettez-en des contrôles pour les
écoles subventionnées. Pour les non-subventionnées,
voulez-vous vous retirer de ça, il y a d'autres lois au Québec
qui s'occupent de la protection du public et c'est là que vous parlez de
nos mesures tatillonnes, je pense. Alors, là, il y a quelque chose que
j'ai de la difficulté à saisir dans votre approche de base et
j'aimerais ça vous entendre sur ça. Est-ce à dire que vous
prônez une approche, je dirais, libérale au maximum en
matière d'éducation autant que vous allez la prôner
dans l'entreprise privée, je dirais, qui produit d'autres services?
Est-ce que, pour vous, il y a une distinction du fait que, là, on a des
établissements privés, mais qui sont associés à la
mission éducative de l'État? Parce que, vous voyez, dans ma
tête à moi comme ministre de l'Enseignement supérieur et de
la Science et, je suis sûre, dans celle de mon collègue aussi,
c'est vrai qu'on a affaire à des établissements privés,
mais dans une mission éducative. Pour plusieurs d'entre eux, ils se
situent même dans un contexte d'enseignement obligatoire pour le primaire
et le secondaire. Et, chez moi, pour le collégial, on se situe aussi
dans un contexte où même ces non-subventionnés donnent des
diplômes d'État. C'est ma signature qui est sur le diplôme.
Alors, je ne comprends pas que vous me disiez: Les non-subventionnés,
ôtez-vous de là, Mme la ministre, et laissez faire le
marché. J'ai de la difficulté avec cette approche, à moins
que je ne vous aie pas saisis. J'aimerais ça vous entendre.
Le Président (M. Gobé): M. Dufour, vous avez la
parole.
M. Dufour (Ghislain): J'aime bien votre finale. J'ai l'impression
qu'on ne s'est pas compris...
Mme Robillard: Bon.
M. Dufour (Ghislain):... et vous auriez parfaitement raison de
poser la question dans les termes où vous la posez si votre
compréhension était qu'on ne veut aucun contrôle. Au
contraire, même chez les organisations non subventionnées, dans un
rôle qui est celui d'éducation... Ça serait un rôle
de santé, ça serait un rôle de garderie, c'est
évident que l'Etat a un rôle et on ne sent pas le besoin de vous
demander de vous retirer de ça, au contraire. Ce que l'on vise plus
particulièrement, Mme Robillard, à la page 4, c'est la formation
professionnelle d'appoint. En tout cas, ça m'apparaissait clair dans le
mémoire. Quand on vous vise, vous, c'était surtout la formation
professionnelle d'appoint. Et, là, on ne voit pas, mais vraiment pas
comment la loi 141 pourrait être efficace pour les entreprises.
Mme Robillard: M. Dufour, si vous permettez seulement une
explication. La formation professionnelle d'appoint, dans le projet de loi, ne
touche que le secondaire.
M. Dufour (Ghislain): Vous retournez la balle à M.
Pagé.
Mme Robillard: Non, mais c'est parce que ça ne regarde pas
du tout le collégial.
M. Dufour (Ghislain): O. K.
Mme Robillard: Alors, je pense qu'on ne pourra pas discuter sur
ça longtemps. Donc, l'approche de base que, moi, j'ai perçue
n'est pas la bonne.
M. Dufour (Ghislain): Non. Mme Robillard: Non.
M. Dufour (Ghislain): Si vous pensez qu'on ne demande aucun
contrôle sur l'école non subventionnée, M. Leboeuf serait
content, mais il y en a. Il va continuer d'en exister et c'est normal, sauf que
ce qu'on dit, nous, c'est, dans le cas de la formation professionnelle, et
c'est normal, attention, ne mettez pas les 50 que vous mettez ici. Je veux
dire...
Mme Robillard: J'ai bien compris le message.
M. Dufour (Ghislain): Prenons la formation professionnelle
d'appoint. Disons qu'elle est au secondaire et que les entreprises commandent
aux écoles non subventionnées un programme de formation x, y, z,
et que cette formation-là est sur la liste qui est reconnue comme
étant une responsabilité du ministère, j'ai un fichu de
problème. Je ne veux pas être négatif. Ça ne vise
pas du tout les personnes. Mais, avant d'avoir mon autorisation de programme et
mon c. v. économique, je pense que l'entreprise sera
déménagée.
On le vit déjà avec les commissions de formation
professionnelle, qui ne relèvent pas de votre ministère, qui
discutent entre les organisations du privé, puis le cégep X qui
peut donner le cours, etc. C'est très long. Moi, je connais un paquet
d'entreprises, M. le Président, actuellement, qui ne prennent pas
avantage des crédits d'impôt dans le domaine de la formation
professionnelle initiés par M. Levesque dans le dernier budget, parce
qu'elles préfèrent le payer en faisant affaire avec une
école privée plutôt que d'embarquer dans le système
public. C'est ça qu'on veut dire.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
président. Je dois maintenant passer la parole, étant
donné qu'on a dépassé un petit peu le temps du
côté gouvernemental, avec le consentement de fait de notre
collègue, le porte-parole de l'Opposition officielle. Vous avez la
parole maintenant.
M. Gendron: Oui, c'était intéressant. C'est rare
que...
Le Président (M. Gobé): C'est ça. On s'est
laissé déborder par l'horloge un petit peu. Mais je vous ai
regardé et j'ai vu...
M. Gendron: Alors, c'est pour ça que j'ai presque envie de
donner mon droit de parole au
complet!
Le Président (M. Gobé): ...que vous étiez
tout attentif, vous aussi.
M. Gendron: Tout attentif.
Le Président (M. Gobé): Alors, j'en ai
déduit que nous pouvions continuer au moins jusqu'à la fin
de...
M. Pagé: Non seulement attentif, il semblait même
amusé!
M. Gendron: Je suis les débats, M. le Président.
Trêve de plaisanteries, je veux remercier le Conseil du patronat d'avoir
produit une réflexion là-dessus. Je reconnais, tout comme vous,
que le moment le plus approprié n'était sûrement pas cet
été pour le faire. Mais le législateur a
décidé de procéder ainsi et c'est pour ça que nous
sommes au travail ce matin.
D'entrée de jeu, vous dire que ça ne m'a pas un peu
amusé quand vous avez signalé, dans le haut de la page 4, je
pense: "Pourtant, le projet de loi 141 ne dit..." Non, ce n'est pas ça.
En haut de la page 5. "Il s'agit là d'une des pires lois-cadres qu'il
nous ait été donné de connaître à ce jour"
et, tout en le disant, vous avez tourné un regard vers ma droite,
à votre droite. Pas besoin de vous dire que ça me faisait rire un
peu, parce que je sais à quoi vous pouviez penser, M. Dufour.
Mais, au-delà de ça, sérieusement, quand le
ministre, d'entrée de jeu, dit: Écoutez, vous n'y allez pas de
main morte, bien, consolez-vous. Je ne connais personne qui n'y est pas
allé de main morte sur ce projet de loi. Il n'y a personne qui est
d'accord avec ce projet de loi. Alors, il ne faut pas s'étonner de
ça. C'est un peu étonnant de dire: Écoutez, même le
patronat n'est pas d'accord. Bien oui, même le patronat. Ça lui
arrive, lui aussi, de lire la même chose que les autres. C'est un peu
plus rare, mais ça lui arrive, des fois, de lire la même chose que
les autres, puis de constater que, dans ce projet de loi, on a beau vouloir
faire des discussions fines... Le ministre dit: Oui, mais il y a des
éléments positifs. Je comprends. Mais la terminologie est
excessive.
Habituellement, quand on fait une législation, il y a des gens
qui la souhaitent, puis la veulent. Alors, dans ce projet de loi, je n'en ai
pas vu bien, bien, moi. Il y a sûrement un malentendu à quelque
part, parce que le projet de loi ne correspond pas aux attentes du MEP. C'est
un projet de loi sur l'enseignement privé, puis le MEP, quand on regarde
ses objectifs, c'est un grand défenseur de l'enseignement privé,
puis de la pénétration plus grande, de l'accessibilité
à l'enseignement privé avec un financement adéquat. Ils ne
sont pas d'accord, puis c'est eux autres qui font la promotion de l'enseigne-
ment privé. Les associations de l'enseignement privé, moi, je
n'en ai pas vu... Ah, j'en ai vu qui étaient d'accord avec des guidls.
Elles ont dit: Oui, avec la loi, on va faire telle affaire de plus et ainsi de
suite. La CEQ n'est pas d'accord, la Fédération des commissions
scolaires n'est pas d'accord. Nous, l'Opposition... Bon, O.K., c'est
l'Opposition, puis le monde aime ça dire qu'on s'oppose. On ne s'oppose
pas tout le temps.
M. Pagé: Ça va? M. Gendron: Oui. Des
voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: On ne s'oppose pas tout le temps, pas du tout. On
pourrait sortir le nombre de lois adoptées à l'unanimité.
Mais, fondamentalement, l'esprit de ce projet de loi... Surtout, M. Dufour,
quand vous finissiez en disant: Écoutez, on se demande si on doit
poursuivre, parce qu'à prétendre bonifier des affaires pas
bonifiables on se ramasse avec des monstres. Plusieurs se demandent qui a voulu
ce projet de loi. Je trouve que c'est des bonnes questions. Pour bonifier ce
projet de loi, si on ne questionne pas plus à fond les grands enjeux,
bien, je pense qu'on va avoir des problèmes. Moi, je ne suis pas surpris
par le ton. Je l'ai lu adéquatement. Il n'était quand même
pas bien, bien compliqué.
Par contre, dans les discussions avec Mme la ministre de l'Enseignement
supérieur, vous m'avez étonné un peu, M. Dufour, parce que
c'était clair, puis, à un moment donné là, quand je
le lis au texte même, je veux dire, vous avez écrit à la
page 4: On veut bien admettre des contrôles sur les institutions
privées subventionnées, "mais également sur les
écoles non subventionnées." Qu'est-ce que ça veut dire
pour quelqu'un qui lit ça? Ça veut dire: Bien non, il ne faut pas
en avoir. Et, là, par contre, j'aime être clair, je n'embarquerais
pas parce que, sous l'angle où la ministre l'a présenté,
on ne peut pas, au Québec, que ce soit privé ou pas, cautionner
des diplomations et vouloir améliorer la performance globale des
services éducatifs du Québec sans avoir un droit de regard comme
État. Là, j'aurais un problème, moi aussi, avec ça.
À la page 4 de votre mémoire, c'est très clairement
écrit en voulant dire: Pour les subventionnées, ça va.
Là, je pense que votre commentaire était correct quand M. le
ministre de l'Éducation est parti allègrement. Là, il
était correct, mais il ne l'est pas pour vous, M. Dufour, quand vous
dites: Non, non, on est tous d'accord. Ce n'est pas ça. Vous l'avez
écrit que vous n'étiez pas d'accord. Pour les
non-subven-tionnées, vous avez dit à l'État:
Ôtez-vous de là. Bien, c'est écrit.
M. Dufour (Ghislain): Ah oui! Mais, écoute!
Le Président (M. Gobé): Vous avez la parole, M.
Dufour.
M. Dufour (Ghislain): On est d'accord quand le ministère
de l'Éducation et celui de l'Enseignement supérieur restent dans
leur domaine pour les contrôles, qui est le domaine de
l'éducation. Quand il s'agit, après ça, de vérifier
les normes de construction, les normes d'aération et de climatisation,
on dit: Nous autres, il y a des secteurs qui existent pour ça et c'est
la section du ministère du Travail que vous connaissez très bien,
les travaux publics.
M. Gendron: O.K.
M. Dufour (Ghislain): On a l'impression, actuellement, que le
ministère embarque dans le champ des compétences dévolues
à d'autres organisations gouvernementales. Notre compréhension
n'est peut-être pas correcte. Il faudrait nous rassurer
là-dessus.
M. Gendron: Bien, M. le Président, moi, je pense que votre
compréhension, effectivement, par rapport au projet de loi n'est pas
correcte, sauf que votre précision est très correcte. Moi, je
vais écrire que ce n'est pas vrai que vous n'êtes pas d'accord que
l'État ne regarde pas également pour le non-subventionné,
mais dans le champ que vous venez d'expliquer, vous trouvez que ça ne
relève pas du MEQ. Sur certains articles, M. Dufour, qu'on va voir un
jour, si jamais le gouvernement décide d'aller plus avant avec ce projet
de loi, je trouve que vous avez raison, parce que j'en ai vu au niveau de
certains articles. J'en ai vu au niveau de certains articles parce que, au bas
de la page de votre mémoire, dans quelque - parce que vous avez dit 50;
vous avez été gentil, c'est 58, bien précisément -
58 articles bien précisément, vous trouvez qu'il y a un
contrôle abusif. J'ai le même sentiment. Écoutez, quand un
législateur commence à parler de l'enseignement privé...
Je le répète, tout le monde sait qui parle, là. Je ne suis
pas un défenseur, moi, de l'enseignement privé. Ce n'est pas
parce que je suis contre, mais on n'a pas les moyens, ce n'est pas
compliqué. On n'a pas les moyens d'avoir deux systèmes en
parallèle. Mais, quand, volontairement, on emploie l'expression "les
exploitants" dans un projet de loi, c'est évident que, si vous
étiez d'accord avec ça, je serais déçu en
étoile. Et ce n'est pas juste la terminologie. Il y a des affaires qui
n'ont pas de bon sens au niveau même de la rédaction.
Donc, j'arrête là, moi. Votre mémoire, globalement,
moi, je l'achète parce qu'il est contre le projet de loi dans sa forme
actuelle. Moi, je prétends que le projet de loi, dans sa forme actuelle,
est inacceptable. Donc, je ne suis pas tellement intéressé
à le bonifier, ce n'est pas bonifiable. Il faudrait changer vraiment des
orientations, des pistes et il y a toute la question de l'inquiétude
à savoir à quelle enseigne va se loger le gouvernement. Est-ce
qu'il va ouvrir véritablement le financement au secteur privé? Il
a laissé voir, dans les discussions qu'il y a eu, qu'il n'était
pas capable, qu'il n'avait pas l'argent requis. À ce moment-là,
je pense que, si on n'est pas pour modifier l'attribution financière, il
n'y a pas urgence en la demeure de modifier la Loi sur l'enseignement
privé.
Trois questions précises. À la page 4 de votre
mémoire, vous dites: "Si le projet de loi 141 était
adopté, les citoyens corporatifs que sont les entreprises seraient
lourdement pénalisés par le contenu des articles 1.9° et 38
à 41 sur la formation professionnelle d'appoint." Bien, je sais qu'il en
a été question un peu, mais, moi, je vous avoue que j'ai de la
misère à vous saisir sur cette lourde pénalisation des
entreprises corporatives. Alors, c'est quoi la pénalité
précise qui vous ferait si mal que ça sur la formation
d'appoint?
Le Président (M. Gobé): M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): Deux affirmations et une interrogation qui
s'adressent au ministre. L'affirmation que l'on fait: Prenons, par exemple, une
entreprise, IBM, qui donne des cours sur un logiciel, un progiciel, non
seulement pour ses employés, mais à Bromont, pour les gens de GE,
Hyundai, etc. Elle devient un dispensateur de cours. Il nous apparaît que
la loi l'assujettit. Cette dispensation de cours est assujettie à la
loi. Donc, on vient d'entrer dans le régime. Si ce n'est pas vrai, qu'on
nous le dise, mais la loi, selon tous les intervenants, les couvre
actuellement. Alors, voyez-vous IBM ou n'importe quelle compagnie
poignée avec les contrôles de cette loi-là? Impossible.
Prenons la même entreprise qui passe des ententes de services avec, par
exemple, un collège non subventionné, M. Leboeuf. À ce
moment-là, pour ce volet-là, étant donné que le
cours pourrait être un cours qui est sur la liste du ministre, est-ce
qu'on tombe sous la loi 141? Ce qui veut dire qu'avant de me donner mon O.K.,
comme entreprise, il va être obligé d'embarquer dans tout le
processus, de faire approuver ses profs, les av., etc. C'est ce que je disais
tout à l'heure, l'entreprise sera partie. (15 heures)
Troisième question. Là, on me dit que M. Leboeuf est non
subventionné maintenant. S'il donne des cours pour Bell Canada, Bell
Canada, elle, profitant de son crédit d'impôt du ministère
de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, c'est une
subvention. Est-ce qu'on devient, pour ces fins-là, une entreprise
subventionnée qui tombe sous le 141? Si c'est non, il faudrait que ce
soit clairement non dans la loi, parce que c'est tout un problème. C'est
une question, la dernière, mais les deux premières, c'est
deux
affirmations: que le cadre actuel de dispensation pour les citoyens
corporatifs, si on prévoit qu'ils sont assujettis à 141, et pour
nous ils le sont, ce serait épouvantable.
Le Président (M. Gobé): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: En conclusion, peut-être, M. le ministre, si
vous n'avez pas d'objection, deux autres petites questions. Vous êtes au
courant qu'il y a des institutions privées qui ont des problèmes
financiers. Je ne vous dis pas qu'il y en a une multitude, mais il y en a. Il y
a des institutions privées qui ont des problèmes financiers et
des fois ça cause des problèmes aux étudiants les
fréquentant pour des raisons de continuité et tout ça.
Dans votre esprit, puisqu'on touche à une loi modifiant la loi de
l'enseignement privé, ça serait quoi le devoir de l'État
devant les établissements privés qui éprouvent des
difficultés financières majeures? Comment voyez-vous ça,
vous, comme président du Conseil du patronat du Québec?
M. Marchand: Je pense que le premier commentaire qu'on peut
formuler, c'est de dire qu'actuellement toute institution d'enseignement
privée doit, selon le régime de l'enseignement collégial,
en tout cas pour notre part, fournir à une clientèle
étudiante un service égal à ce qui se passe dans le
public. Effectivement, ça nous place dans des situations
financières fort périlleuses et de là, je pense, la
capacité de n'importe quel individu sur le plan entreprise de trouver
des solutions originales et surtout de travailler très fort pour
être capable de survivre jusqu'à temps que la loi prenne en
considération ce cri d'alarme qui est donné par tout le monde
concernant le problème financier de l'enseignement privé. Alors,
la solution passe justement par l'étape qu'on est en train de faire ici.
La solution passe par ce que M. Ryan avait dit, que toute solution viable au
niveau de l'enseignement privé commence par une révision du mode
de financement.
De deux choses l'une, que l'on débarre quelque part. On ne peut
pas nous dire: Voici le mode de subvention auquel vous allez devoir faire face
et, partant de cette base-là, vous n'avez le droit d'aller chercher chez
l'étudiant que la moitié de ce montant-là et nous
condamner, de l'autre bord, via un régime pédagogique, et dire:
Vous devez livrer cette qualité de produit là qui est la
même chose que le système public.
À votre question, à court terme, à moins qu'il y
ait une modification fondamentale au niveau du mode de financement d'une
institution privée, il n'y en a pas de réponse, on est tous
voués à plus ou moins brève échéance,
à moins qu'on trouve toutes sortes de stratagèmes pour s'en
sortir comme nous, on a essayé de le faire depuis plusieurs mois:
transformer différents centres de cours en centres plus profitables,
faire en sorte que des gens nous subventionnent d'une autre façon avec
le sourire, entre autres dans le domaine de l'hôtellerie où les
gens viennent chez nous et où ils paient pour les repas maintenant... On
va chercher chez le contribuable des sommes d'argent qu'on n'est pas capables
d'obtenir actuellement, compte tenu de la loi du ministère.
M. Dufour (Ghislain): M. Rousseau, si vous le permettez, M. le
Président.
M. Rousseau (Rodolphe): Deux commentaires, M. le
Président. Il existe actuellement une possibilité, comme vous le
savez, d'évaluer la force financière d'une institution. Vous avez
déjà tous les instruments qu'il vous faut, les rapports annuels,
les déclarations, les rapports financiers et la vérification par
les vérificateurs externes. Donc, je pense bien que la Direction
générale de l'enseignement privé peut fort bien
connaître, au moment actuel, quelle est la situation financière,
précaire, solide, marginale, de toute institution. Advenant qu'une
institution ne puisse pas continuer en cours d'année, dans laquelle
institution il existe un certain nombre d'étudiants, vous avez
déjà dans le passé fait des arrangements, par l'entremise
de votre Direction générale de l'enseignement privé, pour
que les étudiants qui étaient déjà dans une
institution capables de continuer puissent être reçus dans une
autre institution privée et puissent continuer le même programme
et terminer leurs études. À ce moment-là, il a fallu qu'il
y ait des ajustements, des corrections, du "give and take" des deux
côtés, mais l'institution n'a pas laissé les
étudiants sans prendre des mesures, avec l'aide de votre Direction
générale à l'enseignement privé, et a aidé
ces étudiants qui se sont peut-être trouvés tout d'un coup
dans la rue. Mais vous avez les instruments pour pouvoir évaluer la
solidité financière et opérationnelle d'une institution et
vous avez la bonne volonté déjà exprimée par
d'autres institutions à vouloir s'entraider au moment où il
pourrait peut-être y avoir des problèmes de cessation de
formation.
M. Gendron: Merci. Une dernière question, M. Dufour,
toujours pour des raisons de temps. Vous affirmez, M. Dufour, avec une
conviction très forte, qu'une libéralisation des coûts des
services éducatifs serait définitivement positive. J'aimerais
ça que vous donniez quelques éléments additionnels. Sur
quoi vous appuyez votre conviction pour porter un jugement aussi
affir-matif?
M. Dufour (Ghislain): Parce que cette concurrence-là, elle
existe, par exemple, aux États-Unis entre universités et on
réalise très bien que les universités qui ont
réussi à se
donner le meilleur standard, la meilleure compétence à
travers le monde sont probablement celles qui chargent le plus cher. Il vient
à se créer une qualité de recherche et une qualité
de professeurs qui engendrent automatiquement l'extrême compétence
chez les gens qui graduent. On l'a déjà au Québec, ici; il
y a de la concurrence entre M. Leboeuf et ses collègues des 25
collèges privés. Nous, comme entreprise, on le sait et ce n'est
pas parce qu'un cours est moins cher qu'il est bon. S'il me charge plus cher,
je sais qu'à ce moment-là il aura les meilleurs profs, il aura la
meilleure technologie. C'est ça la compétition dans un domaine
comme ça.
Alors, c'est dans ce sens-là que la libéralisation des
coûts... Voyez-vous, je prends un collège qui, actuellement -
disons le collège Lasalle - a une subvention de 50 % et qui est
obligé d'essayer de trouver ses coûts dans ce qu'il va me
facturer, mais en concurrence avec M. Leboeuf. À ce moment-là,
lui, on lui limite ses coûts, c'est très strict, on ne les limite
pas à M. Leboeuf. Pourquoi? Il y a du libre marché qui doit jouer
là-dedans et tout ce qui s'appelle libre marché, vous nous verrez
toujours, M. Gendron, affirmer que c'est là l'efficacité.
M. Gendron: En tout cas, moi, j'aimerais ça avoir plus de
temps, mais je conclus. Je ne dis pas que vous avez tort, mais je trouve qu'il
y a une distinction quand on est sur des aspects de formation et de contenu
éducatif. En tout cas, j'aimerais ça avoir plus de temps pour
discuter avec vous. Moi, le libre marché dans les contenus
éducatifs, j'ai des problèmes...
M. Dufour (Ghislain): Non, non...
M. Gendron: ...d'élever à un très haut
niveau la compétition là-dessus.
M. Dufour (Ghislain): ...pas dans la formation professionnelle
d'appoint, M. Gendron.
M. Gendron: Ah non, non. Là, ça va. C'est parce
que, avec le projet de loi sur l'enseignement privé, on n'est pas
uniquement sur la formation professionnelle d'appoint. Sur ça, vous avez
raison: la formation professionnelle d'appoint, il faut regarder ça
différemment. Le gouvernement va vous donner une réponse
là-dessus et c'est à eux autres à dire si, effectivement,
ça fait partie du projet de loi ou pas.
Quant à ma conclusion générale, c'est merci, mais,
si, d'entrée de jeu, les commentaires qu'ils faisaient, l'un et l'autre,
vous les trouviez bien pertinents, vous faites bien de suggérer que ce
soit écrit dans le projet de loi.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest. Alors, en conclusion, M. le ministre, une
minute ou deux, parce que nous avons déjà dépassé
de sept minutes.
M. Pagé: Je sais. Cependant, on a commencé à
14 h 14, si ma mémoire est fidèle, ou à 14 h 12. Ceci
étant dit...
Le Président (M. Gobé): Non, à 14 h 6, M. le
ministre.
M. Pagé: ...en réponse à la question de M.
le président, M. Dufour, l'article 4 dit: "Outre les exclusions
prévues par les règlements du gouvernement, la présente
loi ne s'applique pas: "4° à un établissement, relativement
à la formation professionnelle d'appoint qu'il dispense à ceux
qui y participent à la demande de leurs employeurs aux fins de leur
travail."
Ça, c'est très clair dans notre esprit: le cas d'IBM n'est
pas sujet à ça et encore moins, évidemment, la compagnie
qui va chercher un crédit d'impôt qui serait
considéré comme une subvention. Ça, je trouve ça
étirer un peu le fil. D'ailleurs, je vous l'avais indiqué, je
l'avais dit au Conseil du patronat, et je voudrais terminer là-dessus:
Vous semblez très inquiet à l'égard de la formation
professionnelle au Québec. Nous le sommes aussi et nous ne le sommes pas
depuis aujourd'hui; on l'a été suffisamment pour amorcer une
réforme majeure en 1988 qui commence à donner des
résultats très, très, très positifs. J'ai eu
l'opportunité, j'ai eu le privilège d'être invité au
conseil des gouverneurs chez vous; j'ai eu l'occasion de siéger à
la table de concertation de mon collègue, le ministre de la
Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. Je peux vous indiquer
la volonté très claire, bien arrêtée, bien
campée du gouvernement: sur la formation professionnelle de la
main-d'oeuvre québécoise, qui a suscité des
inquiétudes, des interrogations, où il y avait plusieurs
intervenants, où les entreprises, dans certains cas, ne s'y retrouvaient
pas, depuis 1988, et plus particulièrement depuis quelques mois, avec
les ministres de la Main-d'oeuvre, de l'Enseignement supérieur, de
l'Industrie et du Commerce, du Travail et de l'Éducation, on est en
train de bâtir un profil d'intervention, pas dans 7 ans, dans 8 ans, dans
10 ans, très bientôt, qui va vous satisfaire.
M. Dufour (Ghislain): M. le Président, si vous me
permettez, je voudrais...
Le Président (M. Gobé): En terminant, parce que
nous avons terminé, M. Dufour, malheureusement.
M. Dufour (Ghislain): Oui, mais je voudrais que le ministre
revoie la réponse qu'il vient de me faire parce que j'ai bien dit: IBM
donne des cours à Hyundai à CGI etc. L'article ici prévoit
pour les fins d'IBM, ce n'est pas la réponse que je sollicitais.
Le Président (M. Gobé): Merci, monsieur.
M. Dufour (Ghislain): Mais je veux dire au ministre qu'on va
sûrement continuer à débattre, avec ses collègues
fonctionnaires, de ce projet de loi là parce qu'il y a beaucoup
d'explications qui sont requises.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
président du Conseil du patronat du Québec. Merci aussi aux gens
qui vous accompagnent. Ceci met fin à votre audition et je vais donc
suspendre les travaux pour quelques minutes, le temps que l'autre groupe, qui
est l'Association des écoles juives, vienne prendre place. Vous pouvez
vous retirer. La séance est maintenant suspendue pour quelques
minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 11)
(Reprise à 15 h 15)
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs,
à l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'éducation
reprend maintenant ses travaux. J'inviterais l'Association des écoles
juives à se présenter en avant. C'est fait. Alors, bonjour,
messieurs.
Je vous rappellerai, pour votre information, que nous allons disposer
d'une enveloppe d'environ 60 minutes, que vous avez 20 minutes à votre
disposition pour faire l'exposé de votre mémoire ou de vos points
de vue; par la suite, le côté ministériel gouvernemental
aura droit à 20 minutes et le côté de l'Opposition
officielle aura 20 minutes. Si, par hasard, le député de
Jacques-Cartier venait, je m'arrangerai pour lui trouver un temps de parole
s'il le juge nécessaire.
Ceci étant dit, je vous demanderais de bien vouloir
présenter les gens qui vous accompagnent.
Association des écoles juives
M. Lipper (Ralph): Merci, M. le Président. Mon nom est
Ralph Lipper. Je suis le président de l'Association des écoles
juives. À ma gauche, M. Joseph Rabinovitch, directeur
général de l'Association; à ma droite, M. Jack Jebwab, du
Congrès juif canadien, division Québec, directeur des services
communautaires.
Je vous remercie pour avoir l'opportunité de vous
présenter quelques commentaires sur le projet de loi 141. Notre
mémoire, je pense, est assez bref. C'est pourquoi nous n'avons pas
présenté un sommaire de nos points. Je pense que je peux
peut-être, avant de rentrer dans les "provisions" spécifiques du
projet de loi, juste vous identifier un petit peu notre système
d'éducation. Il y a certainement parmi vous des gens qui seront surpris
d'apprendre que nous avons des écoles ici au Québec en existence
depuis presque 100 ans. Nous sommes partie du système d'éducation
au Québec pendant tout le siècle depuis 1900. Il y a
présentement dans nos écoles plus de 6600 élèves
qui sont distribués dans 13 écoles et dans 22 édifices
partout dans la Communauté urbaine de Montréal. Parmi ce
système de 13 écoles, nous avons ce qu'on peut appeler
peut-être les écoles de "persuasion" à la droite et les
autres de "persuasion" à la gauche.
Ce que j'aimerais vous présenter, c'est que nous ne sommes pas un
système monolithique. Il y a beaucoup de diversité dans nos
écoles et nous parlons d'une voix multiple, si vous voulez. Nous avons
collaboré depuis des années avec le ministère de
l'Éducation et nous sommes fiers de nos relations avec le gouvernement
du Québec. Nous sommes très fiers de nos écoles et nous
avons pris très sérieusement tous les changements et
développements dans les lois sur l'éducation et plutôt
l'éducation privée.
Comme partie de notre mémoire, nous vous avons soumis une lettre
que nous avons adressée à l'ex-ministre de l'Éducation au
mois de juin 1990 qui forme annexe à notre mémoire. Je n'ai pas
eu l'occasion d'entendre les mémoires qui ont été
présentés ce matin, mais, d'après ce que j'ai pu lire dans
les rapports journaliers, c'est évident que la question des subventions
prend une position essentielle et primordiale pour tous ceux qui sont
concernés par le système d'éducation privé.
J'aimerais juste affirmer, quant à nos écoles - ce que
vous trouverez en détail dans l'annexe - que, dans l'année
scolaire 1979-1980, pour chaque dollar déboursé par un parent
pour l'enseignement de son enfant, la contribution du gouvernement du
Québec était de 1,39 $, tandis que, 10 ans plus tard, pour le
même dollar déboursé par les parents, la contribution du
gouvernement du Québec était seulement de 0,73 $, avec un taux
d'inflation et un accroissement dans le coût de l'éducation. Quant
à notre association, nous voulons vous soumettre qu'il est essentiel que
nous soyons capables, à l'avenir, de rencontrer le même niveau
d'éducation et d'améliorer l'éducation de nos enfants au
Québec et, pour cela, il sera très important que des fonds soient
trouvés pour au moins nous ramener au même niveau qui existait en
1979.
Nous sommes très heureux de voir dans le projet de loi que le
ministère de l'Éducation recommande un amendement qui nous
permettra, à l'avenir, de participer à certains programmes dont
vous avez fait mention, il y a quelques minutes, dans la présentation
antérieure et, plus particulièrement dans les classes d'accueil,
les programmes qui peuvent aider beaucoup l'enseignement des enfants ayant des
difficultés d'apprentissage et des programmes qui peuvent nous aider
dans la formation professionnelle. Nous avons fait des représentations
depuis des années à cet effet au ministère. Comme cette
partie-là est un aspect positif dans le projet de loi, nous donnons tout
notre appui à cet amendement.
Par contre, nous trouvons quelques stipulations techniques un petit peu
difficiles à accepter telles que rédigées, ce que nous
avons souligné dans notre mémoire. En premier lieu, le
système proposé pour l'accréditation et pour les permis
des écoles, je pense, présente un petit peu de difficultés
pour nous. Comme je l'ai mentionné, nous avons des écoles
existant depuis presque 100 ans et nous ne voyons pas pourquoi ces
écoles devraient subir un système de renouvellement du permis
chaque trois ans, chaque cinq ans, tel que prévu. Je pense que les
stipulations suggérées dans le projet de loi, qui donnent au
ministère tous les pouvoirs d'examen et d'inspection, peuvent permettre
au ministère soit de changer les conditions attachées à un
permis concerné ou de le révoquer ou de l'annuler suivant les
circonstances. Mais de faire subir à chaque école un autre permis
ou un système de renouvellement, on trouve que c'est un fardeau un petit
peu difficile.
En ce qui concerne les stipulations que vous suggérez pour les
quotas, encore ici nous trouvons ces stipulations de la loi un petit peu
difficiles quant à nos écoles. Nous ne savons pas exactement
où le ministère veut aller avec ces stipulations. Mais, quant
à nous, toutes nos écoles ont toujours eu la possibilité
de déterminer le nombre d'élèves et la qualité
d'éducation qui résulte dans chaque classe et chaque niveau. Nous
suggérons que peut-être vous puissiez repenser cette
partie-là.
Nous avons suggéré dans notre mémoire la
possibilité que le projet de loi soit amendé pour permettre
à des tierces parties de prendre des engagements avec le
ministère de l'Éducation. Là-dessus, notre pensée
était à l'effet suivant: souvent, nous pourrions, par l'entremise
de notre association, fournir des services à nos écoles
individuelles plus efficaces, moins chers et plus vite si l'arrangement pouvait
se faire par l'entremise de l'Association au lieu de le faire directement avec
une école qui est peut-être plus petite, moins
expérimentée et qui n'a pas tous les éléments
nécessaires pour procéder avec vitesse et avec un plan
définitif. C'est pour ça que nous avons suggéré
que, peut-être, le ministère de l'Éducation
considère la modification du projet de loi pour permettre un tel
arrangement avec toutes les stipulations pour s'assurer que les organismes avec
lesquels le ministère va faire affaire sont des organismes
légitimes et à but non lucratif.
En général, nous prenons pour acquis que le projet de loi
tente de codifier, en fait, la pratique existante avec nos écoles et le
ministère de l'Éducation, et nous sommes à l'appui du sens
et de la direction que la loi prend. Mon directeur général
aimerait ajouter un mot.
M. Rabinovitch (Joseph): Oui. J'aimerais souligner le fait que le
système scolaire des Juifs à Montréal est unique au
Québec et probablement au Canada. On compte peut-être 6600
élèves. Ça, c'est plus grand peut-être que la
moitié des commissions scolaires publiques au Québec. C'est un
système qui est maintenant stabilisé. Ça veut dire que
l'inscription reste environ à ce niveau, soit 6600. Mais le fardeau de
subventionner les écoles... Parce que la communauté juive a pour
principe que c'est très important que chaque enfant juif ait droit
à une éducation juive. Ce n'est pas seulement si on peut payer.
Et, si quelqu'un ne peut pas payer les frais de scolarité, la
communauté juive subventionne cette famille. Pour l'année
précédente, nous avons injecté plus de 1 500 000 $ pour
les frais de scolarité pour ces familles qui ne peuvent pas payer le
montant que les écoles demandent. Alors, si on fait quelque chose comme
ça, on peut considérer le système des écoles juives
comme un système quasi public parce que tous les problèmes qui
sont inhérents dans le système public, c'est-à-dire les
enfants avec des difficultés, des enfants avec des problèmes
sociaux, toutes les autres choses, nous avons le même type de
problèmes chez nous parce que nous ne sommes pas une communauté
homogène. C'est très hétérogène.
Nos études ont démontré que presque 20 % de la
communauté juive vit sous le seuil de pauvreté. Plus de 20 % de
notre communauté juive a maintenant plus de 65 ans. Alors, ce n'est pas
une communauté très forte comme on la perçoit, mais c'est
une communauté comme toutes les autres. Mais regardez tous les autres
ici, au Québec, s'ils sont protestants ou catholiques, ifs peuvent
fréquenter une école protestante ou une école catholique.
Nous n'avons pas ce choix. Si nous voulons avoir l'ambiance d'une école
juive, c'est tellement différent d'une école catholique ou d'une
école protestante, alors nos parents n'ont pas le choix. Il faut
fréquenter une école juive si on veut obtenir une
éducation dans une ambiance juive. C'est pourquoi nous nous
considérons nous-mêmes comme un système quasi public et,
quand le fardeau du financement devient de plus en plus lourd, ça nous
concerne et ça nous inquiète. Nous avons démontré
que, dans les 10 dernières années, il y avait une grande
diminution du support du gouvernement du Québec. Nous apprécions
fortement le support que le ministère nous donne. (15 h 30)
Mais nous aimerions vous démontrer des faits saillants parce que,
quand on pense à la communauté juive auprès des
écoles, on doit y penser comme à un système quasi public.
C'est très important de souligner ça, parce que maintenant plus
de 60 % de la communauté juive qui est eligible à
l'éducation au niveau primaire fréquente les écoles
juives. Et, au niveau secondaire, c'est entre 40 % et 45 %. Alors, c'est un
grand pourcentage. Les parents font des choix de plus en plus pour
l'école privée dans la communauté juive.
Le Président (M. Bradet): Merci, messieurs. J'inviterais
maintenant le ministre de l'Éducation.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais, au
nom de ma collègue, Mme la ministre de l'Enseignement supérieur,
et de mes collègues, vous remercier, M. Lipper, M. Rabinovitch et M.
Jebwab, de votre participation ici aujourd'hui. Je voudrais profiter de
l'opportunité - c'est la première fois que j'ai
l'opportunité de vous recevoir en commission parlementaire - pour vous
indiquer ma satisfaction, comme ministre de l'Éducation du
Québec, de l'engagement de votre communauté dans cette
démarche qui s'inscrit parmi les... La première noblesse d'une
communauté, d'un peuple, c'est de bien supporter ses enfants, ses fils,
puis ses filles dans cette démarche éducative de formation et
d'acquisition de connaissances.
J'ai visité vos écoles et je veux profiter de
l'opportunité pour dire combien, entre autres, j'ai
apprécié non seulement la volonté, mais les
résultats bien concrets, bien palpables de la communauté à
l'égard de l'apprentissage et de la maîtrise du français.
J'ai trouvé ça formidable de voir ces beaux petits bouts de chou
de 10 ans, 11 ans qui maîtrisent très bien l'hébreu,
l'anglais et le français, et surtout et particulièrement le
français écrit. Et je vous incite à continuer.
Dans votre mémoire, vous mettez en relief, dans un premier temps,
le problème du financement. Vous avez référé
à 1, 39 $ de contribution gouvernementale hier comparativement à
1 $ d'engagé par la communauté, qui représente maintenant
0, 79$. J'ai fait part à la Fédération des associations
d'établissements privés de ma sensibilité. C'est le cas
que, de 80 % en 1981-1982, aujourd'hui, on est autour de 55 %. Comme je l'ai
indiqué ce matin à la Fédération des commissions
scolaires, le ministre de l'Éducation dans un contexte et
particulièrement une année où il demande un effort
budgétaire des commissions scolaires de révision, de
réaffectation de 90 000 000 $, n'est donc pas avisé,
évidemment, d'augmenter parallèlement les sommes dans d'autres
secteurs, dont le secteur privé.
Cependant, tel que j'en ai fait part à la
Fédération, je vous le réitère aujourd'hui et
j'aurai l'occasion de le dire et d'échanger là-dessus avec mes
amis de la Fédération à 16 heures, c'est l'intention de
notre gouvernement d'intervenir dans les délais qu'on espère les
plus brefs - j'espère, en ce qui me concerne, avant la fin de mon
mandat, ça va de soi - dans le but de rétablir ou de faire
redémarrer un niveau de support et d'aide plus substantiel que ce que
nous avons actuellement. Et vous devrez comprendre, toutefois, que les besoins
sont aussi très appréciables dans le domaine public, mais
dites-vous que nous sommes de bonne foi et j'espère que, dans les
meilleurs délais, notre gouvernement sera en mesure de faire plus en
termes de support financier pour le réseau public et aussi pour le
réseau privé. Alors, la réponse à cette
interrogation concernant les montants de base, la valeur locative, c'est oui,
mais aussitôt que possible.
Vous évoquez l'article 13. D'abord, la trame de fond, pas la
trame de fond, ce n'est peut-être pas le terme exact, mais le fond de
votre mémoire, le message de votre présentation aujourd'hui...
D'abord, j'apprécie que vous souligniez les aspects positifs. C'est un
peu différent de mes amis du Conseil du patronat. Et je veux
peut-être en profiter pour ouvrir un peu plus, pour en dire un peu plus.
Vous vous inquiétez de l'article 13. L'article 13 fixe le nombre
d'élèves admissibles compte tenu de la capacité d'accueil.
Vous interprétez cet article comme étant le droit, pour le
ministre de l'Éducation, de contingenter. Je veux profiter de votre
passage devant l'Assemblée nationale aujourd'hui pour vous dire que ce
n'est pas l'intention du ministre de l'Éducation de contingenter les
écoles privées. D'accord? C'est clair? Pourquoi l'article est
libellé comme ça? C'est très simple. On veut être
certain - et je crois que c'est légitime pour un ministre - que
l'élève qui est inscrit dans une école privée
reçoive bien le contenu pédagogique. Ça implique,
évidemment, un respect du régime pédagogique - j'ai
touché ce sujet-là ce matin - mais ça veut aussi dire des
facilités pour s'inscrire en support à une démarche de
formation. Exemple concret: si on n'a pas suffisamment de laboratoires ou
d'équipements de laboratoires pour bien assumer la connaissance
diffusée au niveau de la chimie, par exemple, il y a un problème.
C'est purement et simplement à ce niveau-là que l'article 13 a
été élaboré. L'article 13, j'en conviens, peut
prêter à confusion, peut prêter à toutes sortes
d'interprétations si, par sucroît, on est contre le projet. Mais
je veux vous rassurer aujourd'hui: j'entends faire en sorte que le
libellé de l'article 13 soit modifié, éventuellement, pour
en préciser le véritable sens recherché.
Vous vous inquiétez des permis. Je comprends très bien,
comme ministre de l'Éducation du Québec, que des institutions qui
ont acquis des véritables racines dans leur communauté, qui sont
plus que centenaires ou bicentenaires, qui ont contribué de façon
éminemment importante, au cours de ces années, à former de
jeunes Québécois qui ont pris leur place, qui ont des rôles
de plus en plus déterminants dans notre société, qui sont
bien enracinées, avec une crédibilité forte, bien
appuyées qu'elles étaient, entre autres, par les
communautés religieuses souventefois, qui sont actuellement en mutation
vers une administration civile ou paritaire - je comprends, on ne vient pas
d'une autre planète, je suis bien conscient que ces gens-là sont
inquiets - se disent: Un instant! On n'a jamais eu besoin d'aller se promener
dans les officines gouvernementales pour enseigner et avoir un
permis et, là, on va avoir un permis et on va avoir toutes sortes
d'exigences. Le ministre a beaucoup de pouvoirs. M. Pagé, on le trouve
pas pire, mais, si jamais M. Gendron arrivait, ça serait peut-être
différent. Les gens craignent ça. Entre 15 h 30 et 15 h 45, on
peut avoir un peu le sens de l'humour. D'ailleurs, mon collègue a
été assez politique depuis ce matin et je me suis abstenu de
l'être, parce que je deviens de plus en plus sage avec les
années.
M. Gendron: Ah bien! Une voix: Ha, ha, ha!
M. Pagé: Madame, vous ne m'avez pas vu au début,
vous.
M. Gendron: Vaut mieux pas.
M. Pagé: Pour les permis, je travaille actuellement avec
mon équipe pour voir jusqu'où on peut aller pour sécuriser
nos gens. Cependant, vous comprendrez qu'avec une augmentation du nombre
d'écoles, surtout depuis la levée du moratoire en 1987, ce ne
sont pas toutes les écoles privées qui ont 200 ans
d'ancienneté ou qui sont bien enracinées dans leur milieu, avec
une tradition, une coutume, etc. Alors, je voulais vous donner ces
réponses-là.
Autre élément. Je trouve intéressante votre
volonté, votre demande concernant la possibilité que
l'Association devienne un peu une association représentative, un peu
comme une commission scolaire peut être ou une fédération
de commissions scolaires peut l'être. Je vais y voir. Je vais
étudier ça très sérieusement, d'autant plus qu'on
a, comme je l'ai dit ce matin dans mon propos liminaire du début, de
plus en plus d'écoles de communautés. C'est peut-être une
avenue qui serait intéressante et qui serait susceptible
d'établir un lien ou un pont plus permanent entre les autorités
d'un ministère et l'ensemble d'une communauté plutôt que de
maintenir une ligne de communication uniquement avec les écoles. Merci
de votre présentation. J'espère avoir été plus
clair. Si vous avez des questions additionnelles pour moi, je vous invite
à le faire.
Un autre élément: j'ai bien apprécié ce que
vous avez indiqué concernant votre communauté, parce que c'est
vrai que, dans l'esprit du public, la communauté juive, ce sont de gens
qui sont toujours très riches, puis je suis bien conscient, et plus
particulièrement depuis la levée des barrières des pays de
l'Est, qu'on a un nombre important de gens de la communauté juive qui
arrivent à Montréal, qui ne parlent ni français ni
anglais, de condition modeste et qui ont besoin de support et d'appui.
Continuez à bien faire ça.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre.
Alors, il n'y a pas d'autres interventions du côté
ministériel?
Une voix: Non.
Le Président (M. Gobé): Alors, nous allons passer
sans plus tarder du côté de l'Opposition officielle. M. le
député d'Abitibi-Ouest, vous avez maintenant la parole.
M. Gendron: Oui. On va s'en tenir à nos invités
pour éviter que certains débats soient moins captivants pour vous
et beaucoup plus pour nous. On est habitués à en faire et il y a
d'autres lieux de forum. Sincèrement, je tiens, moi aussi, à vous
remercier parce que c'était important, je pense, compte tenu de votre
tradition, de la tradition qui a été établie au niveau du
secteur privé: les écoles juives, ça fait longtemps que
ça existe. Votre président, dans une lettre qu'il faisait
parvenir à M. Ryan, lui-même exprimait sa satisfaction en disant:
On est fiers de nos réalisations dans les différentes
écoles juives du Québec et je pense qu'effectivement, à
partir du moment où le système existe, avoir un secteur
privé témoin, ça ne nous empêche pas d'observer ce
qui se fait là. C'est un fait qu'il se fait quand même des bonnes
choses. Ça ne veut pas dire qu'il ne se fait pas d'excellentes choses
aussi au secteur public, mais la réalité des écoles juives
est présente et je pense que c'était requis que vous veniez vous
exprimer.
Par rapport aux autres mémoires, je comprends que le ministre en
a profité pour vous flatter davantage, et je n'applique pas ça
personnellement à vous: les seuls commentaires positifs qu'il va
entendre dans les deux jours vont venir de vous autres. Alors, ça aurait
été bien le comble qu'il ne prenne pas ses 20 minutes pour dire:
Écoutez, voilà! Je vous félicite, c'est beau, vous
êtes fins, merci beaucoup et il n'a pas une question à poser.
Alors, je le comprends, parce que vous avez un mémoire nuancé,
qui dit: Bon, il y a quelques affaires qui nous intéressent comme
d'ouvrir au niveau des services éducatifs, des classes d'accueil et des
étudiants, et d'inclure des critères en ce qui concerne les
octrois de subventions. Ça vous apparaît quelque chose
d'intéressant et de neuf et, objectivement parlant, ce n'est pas faux,
c'est exact. Objectivement parlant, c'est intéressant.
Par contre, d'après l'analyse que j'en ai faite - et je l'ai lu
attentivement, vous autres mêmes disiez qu'il n'était pas
tellement long - globalement, c'est un mémoire qui, quand même,
exprime plus de réserves et plus de désapprobations que les deux
phrases: Merci pour deux petites choses significatives pour vous, importantes
pour d'autres, mais qui ne sont pas majeures par rapport aux orientations de
fond de ce projet de loi.
C'est ma collègue de Terrebonne qui va faire l'échange
pour les questions, mais je tenais, comme critique de l'Opposition officielle,
à vous remercier sincèrement d'être venus parce que
j'aurais trouvé ça déplorable que vous ne preniez pas
l'occasion pour venir nous témoigner votre point de vue, compte tenu,
effectivement, de la longévité et de l'expertise que vous avez
développée et du phénomène un peu particulier,
parce que vous l'avez dit et c'est exact que les écoles juives
privées dans le reste du Canada, ça ne mouille pas les rues. Il
n'y en a pas énormément. Donc, c'est un peu spécifique au
Québec et, dans cette tradition, c'est important d'avoir votre point de
vue. Ma collègue de Terrebonne fera le questionnement.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. Mme la députée de Terrebonne, vous avez la
parole.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Évidemment, vous
avez souligné avec beaucoup de fierté, et je le comprends, que,
dans vos écoles privées juives, peu importent les revenus de la
famille, finalement, même pour les familles qui sont sous le seuil de la
pauvreté, vous pouvez donner la même qualité
d'enseignement. Je pense que c'est avec raison une fierté et vous
comprendrez que nous souhaitons exactement la même chose pour l'ensemble
des jeunes Québécois et Québécoises sur l'ensemble
du territoire du Québec, que, peu importent les revenus de la famille,
ils puissent obtenir la même qualité de services, ce que nous
n'avons pas encore pour le moment. (15 h 45)
Vous avez mentionné une opposition à l'article 13. Par
contre, vous avez affirmé bien accueillir l'article 64 du projet de loi.
Ça m'interroge un petit peu puisque tous les intervenants qui se sont
opposés au projet de loi 141 s'opposaient principalement à
l'article 13, mais également à l'article 64. J'aimerais vous
entendre un petit peu sur cette appréciation de l'article 64, sur les
critères, puisque l'article 64 se termine, et je cite:
"L'agrément peut déterminer le nombre maximal
d'élèves à temps plein admissible aux subventions pour
chaque service éducatif, programme ou spécialité
professionnelle auquel il s'applique."
M. Rabinovitch: Alors, je vais répondre. Merci. Ce qui
existe maintenant pour les écoles juives, comme je viens de le dire,
c'est parce que les parents n'ont pas le choix de choisir une école dans
le système public s'ils veulent avoir une éducation juive.
Qu'est-ce que les critères donnent? Pour nous, le critère
important, c'est l'idée de complémentarité parce que dans
le réseau des écoles juives, c'est une raison d'être, la
complémentarité, parce que ce que nous demandons n'existe pas
dans le système public.
Alors, maintenant, sur papier, nous avons un critère qui
reflète notre exigence, nos demandes et c'est un critère qui peut
être utilisé pour ouvrir des écoles. La raison d'être
pour toutes nos écoles, c'est la complémentarité, parce
que ça n'existe pas dans le système public, premièrement.
C'est pourquoi nous apprécions l'idée, le concept, la notion des
critères parce que ça donne des choses concrètes, ce qu'on
doit avoir pour ouvrir une école. Nous n'avons pas eu cette chose
auparavant.
Pour ouvrir une nouvelle école dans le système juif, il
faut avoir l'appui de la communauté aussi. Alors, ça, c'est un
autre critère qui est mentionné. Alors, pas tous les
critères, mais la plupart des critères, c'est les critères
que nous-mêmes utilisons quand nous demandons à la
communauté d'ouvrir une école. Avec l'appui du projet de loi,
nous pensons que ça va dans la même direction que ce que la
communauté juive a demandé.
En ce qui concerne l'agrément pour déterminer le nombre
maximal, l'idée d'un contingentement, pas seulement dans l'article 13,
ici aussi, nous ne l'acceptons pas, mais, avec la clarification du ministre,
ça donne un autre sens. Et ça ce n'est pas une contradiction
parce que nous acceptons l'idée des critères; les critères
nous plaisent, parce que c'est les mêmes critères que nous
utilisons, mais le concept de contingentement s'applique partout.
Mme Caron: Vous avez mentionné dans votre texte la
qualité des écoles privées juives sur le territoire du
Québec. Est-ce que vous pourriez nous donner un petit peu de
précisions comparativement avec ce qui se vit à
l'extérieur du Québec?
M. Lipper: Vous voulez dire au Canada... Mme Caron:
Oui.
M. Lipper: ...aux États-Unis? Il y a des systèmes
d'éducation juifs partout au Canada, dans les principales villes comme
Toronto, Vancouver, Calgary. Je pense que, dans les écoles juives de la
Colombie-Britannique, il y a une subvention gouvernementale. Mais, dans les
écoles ontariennes, il n'y a pas de subvention gouvernementale. C'est
pourquoi la communauté juive ontarienne supporte beaucoup plus qu'au
Québec le coût de l'éducation juive en Ontario. Par contre,
la communauté juive en Ontario supporte beaucoup moins les
systèmes sociaux et de santé que le gouvernement du Québec
par rapport à nos institutions dans ces domaines-là. Alors, il y
a du "trade-off1 partout.
Aux États-Unis, je sais, je viens d'assister, au mois de juin,
à une conférence sur l'éducation, à Cleveland. Il y
avait des gens de partout au Canada et aux Etats-Unis. Le premier
problème partout, c'est toujours le coût et comment on
va subventionner, soit par les communautés elles-mêmes,
soit par le système gouvernemental. C'est un débat continuel.
Mais je pense à ce que mon directeur général vous a
mentionné, qu'au Québec nous sommes vraiment uniques dans le
système que nous avons. Je pense que nous avons ce système pour
des raisons historiques. Moi-même, j'ai vécu cette
expérience quand j'ai "assisté" les écoles publiques dans
les années quarante, comme un Juif dans une école protestante,
dite protestante, où j'étais obligé, à cette
époque-là, de suivre certaines coutumes et certains rites qui
étaient complètement contraires à ma propre vie, sans
égard à ma propre religion et à mes traditions.
Beaucoup a changé dans les derniers 30 ans. Nos autres
écoles veulent être partie de ce changement continuel dans la vie
québécoise. Nous voulons être partie de la vie
québécoise. Nous voulons que nos jeunes restent au Québec.
Vous êtes sans doute au courant qu'un grand nombre de notre
communauté, particulièrement les jeunes qui prennent leur
éducation à l'université à rexternal", ça
veut dire même au Canada ou à travers les États-Unis,
hésitent à retourner au Québec. Quant à moi, c'est
un perte pour notre province et notre pays. Je pense que nous devons faire tout
ce qui est nécessaire pour essayer de retenir nos gens ici dans notre
province et les subventions qui vont être accordées par le
ministre de l'Éducation vont aller loin pour encourager ce but.
Comme vous le savez, moi, j'ai appris mon français quand j'ai
commencé à travailler, dans le champ; alors, des fois, j'ai des
petites difficultés. En tout cas, j'espère que c'est une
réponse à votre question.
Mme Caron: Oui, et ne vous inquiétez pas pour ça.
Vous parlez très bien français. L'important, c'est de le
parler.
M. Upper: Je vous remercie.
Mme Caron: Vous avez précisé que vous
déploriez l'absence d'un article dans le projet de loi qui permettrait
à une tierce partie de fournir des services éducationnels
à une ou à des écoles en particulier par le biais d'un
contrat avec le ministère de l'Éducation. Pouvez-vous me donner
certains exemples précis?
M. Upper: Le premier exemple que j'ai en tête, c'est
l'exemple de la classe d'accueil. Dans notre communauté, nous avons
trouvé que, dans les dernières années, il y avait une
certaine augmentation dans l'immigration au Québec, spécialement
des pays soviétiques, même de l'Amérique du Sud. Nous avons
trouvé que les familles qui viennent ici n'ont pas disponible le
système de classes d'accueil qui est relié à notre
système qui donne l'éducation juive en même temps que
l'éducation séculière. Même avant les changements
prévus par le projet de loi, nous essayons cette année, pour la
première fois, notre propre projet de classes d'accueil, sans
subvention. Nous avons été obligés de chercher ailleurs,
dans des fondations et des autres ressources financières, des fonds qui
nous permettent de tenter d'établir des classes d'accueil. Nous avons de
grands espoirs que les changements dans le projet de loi nous permettront
à l'avenir d'opérer nos propres classes d'accueil dans nos
écoles. Pour centraliser et pour donner une classe d'accueil efficace,
nous pensons que, par l'entremise de notre association, nous serons mieux
placés, si la loi peut nous le permettre, pour faire l'administration
d'un tel programme.
M. Rabinovitch: Oui, un regroupement des élèves de
chaque école dans une classe d'accueil centralisée parce que, si
chaque école accueille trois, cinq, six élèves, ce serait
très, très difficile d'implanter une classe d'accueil à
chaque école. Mais, si on peut regrouper ces élèves dans
une classe d'accueil centralisée dans une école qui peut agir
pour toutes les autres écoles, ce sera plus efficace parce que, comme
ça, on pourra avoir deux, trois classes d'accueil efficaces et
rentabilisées.
M. Lipper: II y a lieu de vous rappeler également que,
dans notre système, nos écoles ne sont pas des écoles
anglaises. Nous avons des écoles anglophones et nous avons des
écoles francophones. Une grande partie de notre population vient
d'origines soit de l'Afrique du Nord, du Moyen-Orient où la langue
maternelle peut être le français, comme du Maroc ou
d'Algérie ou d'Egypte. Aujourd'hui, face aux lois du Québec, les
immigrants doivent apprendre aussi vite que possible le français.
Même dans notre expérience actuelle, en tentant d'établir
les classes d'accueil cette année, la plupart des étudiants sont
venus de la Russie et n'ont une compréhension ni de l'anglais ni du
français, ni de l'hébreu, parce que, vous savez, dans les pays
soviétiques, jusqu'à récemment - je ne sais pas ce qui est
arrivé aujourd'hui, en conduisant vers Québec, les nouvelles ont
dit que tout le coup était maintenant fini, mais je ne sais pas
-c'était une politique de l'État soviétique de nier
à nos gens une éducation en hébreu ou dans une religion
quelconque.
M. Jebwab (Jack): C'est là où je veux juste ajouter
un mot. C'est que, dans le concept de classe d'accueil, pour nous autres, on
considère qu'il y a une situation tout à fait particulière
en ce qui concerne les Juifs de l'URSS qui n'avaient pas l'opportunité
d'apprendre leurs traditions à cause de cette situation historique.
Alors, on voit comme rôle, pour nous autres, la communauté juive
de Montréal, de leur donner l'opportunité de comprendre leurs
traditions, leurs racines et,
en même temps, d'assurer qu'ils sont capables de s'exprimer en
français, quand c'est nécessaire, au Québec. Et on pense
qu'avec le support pour ces classes d'accueil, on va être bien en mesure
de poursuivre cet objectif.
M. Upper: Je peux vous donner juste un deuxième petit
exemple. Nous sommes très concernés aujourd'hui par nos enfants
qui ont des difficultés d'apprentissage. Je ne parle pas des cas
extrêmes pour lesquels il y a certains programmes en place, mais je parle
au niveau des enfants qui ont des difficultés légères qui
ne leur permettent peut-être pas d'assister aux classes telles qu'elles
existent présentement parce que nous n'avons pas des moyens pour engager
des enseignants et enseignantes qui peuvent traiter un programme où les
enfants avec des difficultés légères peuvent assister.
Vous savez, dans quelques-unes de nos écoles, nous enseignons en
quatre langues; dans toutes nos écoles, au moins en trois langues. Si je
prends les écoles élémentaires avec nos trois langues, je
peux juste vous donner une idée que les cours sont donnés dans la
langue française pour 14 heures par semaine, en anglais pour 8 heures et
en hébreu pour 10 heures, grosso modo. Il peut il y avoir des
différences légères de l'une à l'autre. Mais la
langue primordiale dans chacune des écoles, c'est le
français.
Le Président (M. Gobé): Cela va mettre fin à
votre intervention.
Mme Caron: Oui, je ne peux que vous en féliciter.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. M. le
ministre.
M. Pagé: Je veux remercier les membres de la
communauté, les représentants de l'Association, de leur
présentation. Tel que je vous l'indiquais, on sera en mesure de vous
revenir avec très probablement des modifications qui tiendront compte de
vos représentations. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Une
voix: Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Gobé): MM. Upper, Rabinovitch et
Jebwab, au nom des membres de la commission, je vous remercie. Ceci met fin
à votre intervention. Je vais donc suspendre les travaux pour quelques
minutes, le temps d'accueillir la Fédération des associations
d'établissements privés. La commission suspend ses travaux pour
quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 heures)
(Reprisée 16 h 2)
Le Président (M. Gobé): La commission reprend ses
travaux dès maintenant. Alors, je demanderais maintenant à la
Fédération des associations d'établissements privés
de bien vouloir venir s'installer. Alors, bonjour, messieurs. Je vous
rappellerai brièvement que nous disposons d'une période de 60
minutes. Vous en avez 20 pour commencer à exposer votre mémoire
ou votre point de vue sur le projet de loi 141. Par la suite, le
côté ministériel aura 20 minutes et le côté de
l'Opposition aura, lui aussi, 20 minutes. Ceci étant dit, je demanderais
au porte-parole de votre groupe de bien vouloir présenter les gens qui
l'entourent et, par la suite, vous pourrez commencer votre exposé.
Fédération des associations
d'établissements privés
M. Servant (Auguste): Merci, M. le Président. Alors, je me
nomme Auguste Servant. Je suis président de la Fédération
des associations d'établissements privés et je suis
accompagné aujourd'hui, à ma droite, de Mme Mathieu et de M.
Philibert, qui représentent l'AIPEQ. À ma gauche, il y a M.
Laurent Méthot, de l'ADESP, M. Pierre Leclerc, de TAIES, et, finalement,
M. Pierre Primeau de l'ADESP aussi.
Le Président (M. Gobé): Messieurs, bonjour et
bienvenue.
M. Servant: Alors, M. le Président, mes premiers mots
seront à l'endroit du ministre de l'Éducation afin de le
remercier de nous avoir invités à partager avec vous tous et
toutes nos inquiétudes et nos propositions au regard du projet de loi
141.
La Fédération, que je représente ici aujourd'hui,
est toute jeune. En effet, elle est née le 26 juin dernier de la
volonté commune de trois associations d'établissements d'unir
leurs forces en vue d'assurer davantage la défense, la promotion et le
développement de l'enseignement privé au Québec.
La Fédération des associations d'établissements
privés, la FAEP en plus court, représente actuellement
près de 75 000 élèves répartis dans plus de 160
écoles des niveaux préscolaire, primaire et secondaire du secteur
francophone du Québec, dont 14 écoles EDAA. En somme, nous
représentons finalement les gestionnaires et aussi les
propriétaires des écoles privées primaires,
préscolaires et secondaires du secteur francophone au Québec, du
secteur francophone privé.
Les trois associations membres de la Fédération, à
savoir l'ADESP, Association des établissements scolaires privés,
l'AIES, Association des institutions d'enseignement secondaire, et l'AIPEQ,
Association des institutions de
niveaux préscolaire et élémentaire du
Québec, ont dénoncé à plusieurs reprises la
situation précaire dans laquelle se trouve l'enseignement privé
au Québec. Le ministre lui-même l'a clairement et publiquement
reconnu, entre autres lors de l'assemblée générale des
directeurs généraux et directrices générales de
l'AIES en mai dernier. Aussi, la FAEP voit-elle dans son intervention
d'aujourd'hui une occasion de collaborer encore une fois avec le gouvernement
dans un climat de confiance afin, finalement, d'obtenir par un dialogue
constructif le statut de partenaire que nous désirons pour
l'enseignement privé depuis plus de 20 ans.
D'entrée de jeu, la FAEP reconnaît la possibilité de
meilleures subventions grâce à la discrétion que
permettrait au ministre la mécanique des règles
budgétaires. Nous sommes heureux aussi de voir apparaître un seul
statut de financement pour les établissements subventionnés,
à savoir celui de la DIP actuelle. L'élimination du
critère "pensionnat" au préscolaire et au primaire pour qu'une
institution de cet ordre puisse se qualifier aux fins de subventions, là
encore, nous y voyons une ouverture encourageante. La possibilité d'une
certaine autonomie pédagogique par le pouvoir de dérogation
qu'aurait le ministre. Finalement, nous sommes heureux que le projet de loi
restreigne la portée de la Loi sur l'enseignement privé aux seuls
établissements offrant l'enseignement général ou
professionnel.
Cependant, cela étant dit, le projet de loi soulève
beaucoup d'inquiétudes auprès des membres de notre
fédération. Ainsi, nous déplorons les pouvoirs trop
nombreux et discrétionnaires accordés au ministre et à ses
fonctionnaires, et nous déplorons aussi l'annonce d'une multitude de
règlements à venir. Nous déplorons aussi l'absence de
règles statutaires suffisantes pour le financement des
établissements subventionnés. Nous dénonçons les
quotas d'élèves que le ministre pourra fixer, la perte du permis
sans échéance, l'instauration d'un système d'inspectorat
et le rétrécissement du mandat de la Commission consultative.
En conclusion, je dirais, de ces considérations
générales face aux inquiétudes soulevées par ce
projet de loi, et cela malgré les quelques ouvertures encourageantes que
nous y avons soulignées, la Fédération
préférerait, finalement, l'ancienne loi au nouveau projet de loi,
à moins que celui-ci ne connaisse les modifications substantielles que
nous proposons maintenant.
Tout d'abord, les fondements de la loi. La FAEP demande instamment au
ministre d'affirmer dans un préambule les principes directeurs de
l'enseignement privé au Québec, à savoir le droit des
parents de choisir l'école qui, selon leurs convictions, convient le
mieux au respect des droits de leur enfant; le droit des personnes ou groupes
de créer des écoles autonomes; et, finalement, le droit de ces
personnes ou groupes, les exigences du bien commun étant sauves, de
bénéficier des subsides de la part de l'État. Nous croyons
qu'en agissant ainsi le ministre profiterait de la refonte actuelle de la Loi
sur l'enseignement privé pour dire haut et fort que l'école
privée n'est pas que tolérée au Québec, mais
qu'elle y existe de plein droit et qu'il entend instaurer avec elle un
véritable partenariat pour développer et coordonner l'ensemble de
l'enseignement au Québec.
Au niveau du vocabulaire, la FAEP souhaiterait utiliser tant le terme
"institution" que le terme "établissement" pour désigner
l'école privée. D'ailleurs, le Petit Robert ne
définit-il pas le mot "institution" comme étant "un
établissement privé d'éducation et d'instruction"? La FAEP
s'oppose toutefois farouchement à l'usage des termes "exploite",
"exploitation" et "exploitant" pour qualifier les activités ou le
titulaire d'un permis d'enseignement. Nous demandons aux linguistes du
ministère de l'Éducation de découvrir un mot moins
péjoratif ou, à défaut, d'utiliser des
périphrases.
Au niveau du financement, c'est ici, finalement, que le bât
blesse. Les membres de la Fédération n'ont jamais demandé
de nouvelle loi sur l'enseignement privé. Tout ce qu'ils ont
réclamé et réclament toujours à cor et à cri
depuis maintenant une dizaine d'années, c'est un "subventionnement"
convenable de la part de l'État.
En somme, c'est ce sous-financement constant et progressif
instauré depuis la loi 11 de 1981 qui rend excessivement précaire
la situation de la grande majorité des institutions privées
membres de la Fédération. La Fédération n'a pas du
tout l'intention d'entrer dans une guerre de chiffres afin de déterminer
si la subvention maintenant accordée au privé représente
50 % ou 55 % de la contribution de l'État au secteur public
correspondant, selon que l'on prenne en compte ou non tel ou tel coût.
Les études faites par la Fédération arrivent finalement
aux mêmes conclusions que celles présentées par la
Commission consultative dans son avis au ministre.
L'application de la loi 11 en 1981-1982 a eu pour effet de
réduire de 10 % la subvention de l'année antérieure. Par
la suite, cette réduction s'est constamment maintenue. Ainsi, les
études menées pour l'année 1987-1988 démontrent que
les établissements d'enseignement secondaire DIP auraient reçu
environ 300 $ de plus par élève cette même année
1987-1988, si les taux de "subventionnement" étaient demeurés
ceux qui prévalaient avant l'application de la loi.
Si on tient compte, en plus, de l'impact sur la valeur locative, il en
résulte un manque à gagner net de 342 $ par élève
du secondaire DIP pour l'année 1987-1988, suite toujours à
l'application de la loi 11 de 1981. Ces mêmes études
démontrent également que le coût de revient par
élève du secteur privé est de l'ordre 70 %, 72 %
ou 73 % du coût de revient d'un élève correspondant
du secteur public. Ainsi, pour la seule année 1987-1988, c'est
près de 300 000 000 $ d'économie que l'État aurait
réalisée grâce à l'enseignement privé.
La Fédération réclame donc, sans aucune forme
d'hésitation, un retour progressif au taux de financement qui
prévalait avant l'application de la loi 11. Nous réclamons donc
que l'article 72 du projet de loi garantisse aux écoles privées
subventionnées un taux de financement d'au moins 65 % du coût
moyen d'un élève comparable du secteur public, faute de quoi nous
affirmons que la viabilité même du réseau de l'enseignement
privé ne pourra être assurée. Malgré que nous y
voyions, donc, une ouverture encourageante, nous refusons de nous satisfaire de
la mécanique des règles budgétaires qui, en
définitive, nous rendra à la merci du Conseil du
trésor.
Au chapitre des permis et agréments, la Fédération
exige de conserver les droits acquis des permis sans échéance,
puisque nous croyons que le ministre a suffisamment d'autres moyens
prévus au projet de loi pour révoquer permis et agréments
à une école qui ne répondrait plus aux conditions qui
l'ont qualifiée à un tel statut.
De plus, la Fédération considère la
déclaration d'intérêt public comme un des
éléments les plus intéressants et les mieux réussis
de l'ancienne Loi sur l'enseignement privé. Son application n'a
créé, à notre connaissance, aucune difficulté.
L'article 144 du présent projet de loi fait perdre aux institutions
d'enseignement ce droit acquis et laisse entrevoir, autant pour les
institutions que pour l'État, de futures dépenses
d'énergie et de temps dont on peut douter de l'efficacité et de
la productivité.
Un permis avec échéance est inconciliable avec les
obligations faites aux établissements privés. Et ce n'est pas
caprice de notre part. Comment planifier à moyen et à long termes
quand Cépée de Damoclès de la fin d'un permis pend
au-dessus de nos têtes? Comment négocier des emprunts substantiels
et à long terme si le permis arrive à échéance dans
une année ou deux? Comment garantir à un élève que
nous lui offrons, par exemple, six années au primaire si le permis n'est
plus que de deux ans? Comment négocier réellement, mais surtout
de bonne foi, une convention collective de trois ans si le permis n'est plus
que d'un an?
Le réseau de l'enseignement privé collabore et
désire toujours collaborer à la mission du ministère. Une
attitude de partenariat ne nécessite certes pas que le ministre exige
une validation à tous les cinq ans de l'autorisation de
l'institution.
Notre Fédération comprend mal aussi l'apparition des
quotas d'élèves dans la révision de la loi. Aucune
justification valable ne nous a été fournie. Serait-ce pour des
raisons de santé et de sécurité? Il nous est permis d'en
douter puisque nos établissements doivent détenir des certificats
d'hygiène et de sécurité qui, justement, ont des normes
sévèrement éprouvées. (16 h 15)
Serait-ce pour limiter l'accès à l'enseignement
privé? Nous en doutons encore plus, vu les assurances que le ministre
nous a données sur l'importance et la place de l'enseignement
privé, sur sa nécessité pour garantir la liberté de
choix. Le pouvoir d'imposer des quotas nous apparaît donc inconciliable
avec la liberté qu'ont les citoyens de notre société de
choisir l'institution qui, selon leurs convictions, convient le mieux au
respect des droits de leurs enfants. Nous réclamons donc que la
capacité d'accueil de nos maisons sort fixée par
elles-mêmes et que le ministre, en conséquence, n'impose de quotas
d'élèves d'aucune façon.
Quant à l'article 64, lequel, disons-le, répand une
certaine forme de terreur, il devra connaître bon nombre de modifications
ou, du moins, de clarifications et de précisions pour devenir acceptable
à nos écoles. S'agit-il là d'un ensemble de
considérations qui balisent le pouvoir discrétionnaire du
ministre? S'agit-il d'un ensemble de conditions toutes nécessaires
à l'obtention de l'agrément? Comment le ministre jugera-t-il de
la qualité de l'organisation pédagogique? Comment jugera-t-il de
l'importance du besoin exprimé? Quelle est donc l'extension du terme
"milieu"? Quel est le sens du terme "complémentarité"? Au lieu de
parler de degré de participation des parents à la gestion
pédagogique de l'école, ne serait-il pas
préférable, par exemple, de parler de la participation des
parents à la vie de l'école, ce qui nous semble davantage
mesurable?
Enfin, pourquoi le ministre agréerait-il x élèves
plutôt que y? Cela nous apparaît d'un arbitraire
indéfendable. Nous avons montré plus haut comment la
capacité d'accueil est au coeur même de la planification
générale d'une école. On ne voit pas comment le ministre
ou ses représentants pourraient intervenir sagement dans ce dossier. La
FAEP réclame donc que l'article 64 soit précisé et
modifié pour éliminer le plus possible les pouvoirs
discrétionnaires trop nombreux que cet article accorde au ministre et
à ses fonctionnaires.
La FAEP souhaite, de plus, que le permis soit cessible lorsqu'une
nouvelle administration prend la relève d'une communauté
religieuse, lorsque cette dernière elle-même le recommande au
ministre. La FAEP réclame, finalement, que les écoles de niveaux
préscolaire et primaire actuellement sous permis soient admises à
l'agrément dès qu'elles se qualifieront pour l'obtention d'un tel
statut et que les maternelles quatre ans jouissent du même avantage,
qu'elles puissent avoir des permis pour opérer.
En ce qui a trait, maintenant, à l'autonomie pédagogique,
nous réclamons une plus grande autonomie parce qu'elle est le moteur de
l'excel-
lence. À cet égard, plus l'autonomie est complète,
meilleure est l'école. Des recherches, d'ailleurs, l'ont
confirmé. Certes, nous reconnaissons que le projet de loi 141 offre une
certaine ouverture via le pouvoir de dérogation, mais cela fait,
malheureusement, de l'autonomie pédagogique un cas d'exception lorsque
cela devrait en être la règle. Nous nous sentirions davantage des
partenaires si le ministre nous accordait sa confiance par une règle
autorisant une plus grande autonomie pédagogique à nos
écoles, laquelle demeurerait toutefois conforme, évidemment,
à l'esprit du régime pédagogique et au concept de
formation fondamentale.
Au niveau de l'inspectorat, notre fédération
reconnaît au ministre le pouvoir d'enquête et le pouvoir de
révoquer permis et agrément à une école qui ne
répond plus aux conditions qui l'ont qualifiée à un tel
statut. Nous partageons avec le ministre son souci de préserver la
qualité du système scolaire et d'assurer à tous les jeunes
des niveaux préscolaire, primaire et secondaire une formation de
qualité supérieure. La FAEP dénonce toutefois le mode de
contrôle, à savoir l'inspectorat, que le projet de loi instaure.
C'est là un système qui nous apparaît rétrograde,
coûteux et inutile. Au contraire, le ministre pourrait très bien
s'acquitter de son rôle de préserver fa qualité du
système scolaire par les pouvoirs de renouvellement et d'enquête
déjà en vigueur et, s'il le désire, améliorer la
qualité même du système par une forme d'évaluation
institutionnelle. Finalement, la FAEP dénonce les dispositions
pénales qu'un tel système, forcément, engendre.
En ce qui à trait à la Commission consultative de
l'enseignement privé, la FAEP, comme ses membres l'ont fait à
maintes reprises dans le passé, réclame la revalorisation du
rôle de la Commission consultative et l'élargissement de son
mandat. La FAEP réclame également que la Commission dispose de
moyens adéquats pour bien remplir son mandat. La FAEP se demande,
d'ailleurs, si la Commission ne devrait pas être rattachée au
Conseil supérieur de l'éducation pour mieux jouer son rôle.
Enfin, la FAEP réclame que les membres de la Commission aient une
expertise raisonnable de l'enseignement privé et qu'au moins quelques
membres soient choisis parmi les noms que les organismes voués à
la promotion de l'enseignement privé recommandent au ministre.
En conclusion, M. le Président, en somme, pour que le projet de
loi 141 lui soit acceptable, la FAEP réclame du ministre une
participation financière d'au moins 65 % du coût réel d'un
élève du secteur public. Elle réclame du ministre des
précisions importantes à l'article 64. Elle réclame de lui
de n'imposer aucun quota d'élèves. Elle réclame le
maintien des agréments sans échéance, de même que
des agréments tenant lieu de permis. Elle réclame
d'enchâsser dans la loi les fondements et principes directeurs de l'en-
seignement privé qui feront davantage des établissements
privés des partenaires du ministre dans sa mission de coordonner et de
développer l'éducation au Québec.
Nous réclamons aussi une plus grande confiance à l'endroit
de nous qui sommes ses partenaires, par l'emploi d'un vocabulaire
adéquat, par une plus grande autonomie pédagogique en
règle, par un mode de contrôle qui convient à des
partenaires, par des avis plutôt que par des dispositions pénales,
par des règles inscrites dans la loi plutôt que par des
règlements à venir.
M. le Président, la Fédération s'est
adressée au ministre en toute confiance et estime qu'une attitude de
véritable partenariat donnera à l'enseignement privé son
statut de droit et assurera ainsi la pérennité d'une des
richesses inestimables de notre patrimoine éducatif. Je vous
remercie.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Servant. Je vais
maintenant passer la parole à M. le ministre de l'Éducation. M.
le ministre, vous avez la parole.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer
madame et messieurs les membres de la Fédération - toute jeune -
des associations d'établissements privés qui représente
les établissements d'enseignement secondaire et les institutions de
niveaux préscolaire et élémentaire. Je voudrais, tout
d'abord, vous féliciter pour la décision que vous avez prise de
vous rallier, de vous intégrer sous l'égide d'une
fédération. Je crois que ce sera très utile non seulement
pour la qualité, mais aussi pour la quantité et le contenu des
échanges que nous pourrons avoir ensemble et que vous pourrez avoir,
maintenir, développer avec le ministère de
l'Éducation.
J'apprécie la volonté positivement formulée comme
quoi la Fédération souhaite une véritable relation de
partenaire avec le gouvernement et le ministère de l'Éducation
plus particulièrement, dans un objectif auquel nous nous rallions tous,
ça va de soi. Je trouve ça rafraîchissant. Ça ne
s'inscrit pas en dualité, ça s'inscrit de façon positive
et contributive.
Vous soulignez certains aspects positifs du projet de loi, je les
accepte. Je crois, cependant, que vous êtes davantage
préoccupés ou intéressés à avoir des
réponses ou des manifestations d'intention ou d'orientation sur les
sujets qui vous inquiètent. Au niveau du financement, je
répète ce que j'ai déjà indiqué aujourd'hui,
et précédemment d'ailleurs. Je suis bien conscient qu'avec les
décisions et les révisions prises au début des
années quatre-vingt ou à la fin des années soixante-dix,
en 1981, notamment, la contribution du gouvernement du Québec pour la
formation et le support financier aux parents qui envoient leurs enfants
à l'école privée est en diminution constante. Je vous ai
effectivement indiqué, lors de la rencontre en mai, ici à
Québec, avec les directeurs et les directrices, mon intention
d'aller dans le sens de l'engagement qu'on a pris comme groupe politique et
dans les délais que j'espère les plus brefs.
Quand vous vous référez à 65 %, c'est un objectif?
Première question.
M. Servant: C'est un objectif que nous visons.
M. Pagé: On l'évalue actuellement entre 50 % et 55
%.
M. Servant: On reconnaît, oui, que c'est actuellement
environ 52 %, 53 %. Enfin, on peut concéder 55 %.
M. Pagé: Donc, à 65 %, les institutions
d'enseignement privées au Québec seraient satisfaites.
M. Servant: Oui. Nous croyons que nous aurions là ce qui
nous permettrait, finalement, des revenus qui pourraient être comparables
à ceux du secteur public parce que nous pouvons aller chercher, en vertu
de la loi, auprès des parents, 50 % de la subvention...
M. Pagé: Que nous versons.
M. Servant:... que vous versez. Donc, ça fait 2/3-1/3
quand on ramène ça sur le tout.
M. Pagé: Merci de la précision. M. Servant:
D'où 65 %.
M. Pagé: Vous vous inquiétez des permis. À
la lumière des échanges que nous avons eus avec votre
Fédération, qui se veut très représentative,
ça va de soi, de l'ensemble de l'enseignement privé, je suis
persuadé qu'on peut s'entendre pour que vous soyez, d'une part,
confortables avec un libellé de la loi et que, d'autre part, nous, on
soit sécurisés à l'égard de certains objectifs
qu'on poursuit.
Je crois que votre Fédération nous très,
très bien sensibilisés, par les contacts que vous avez eus avec
mon ministère depuis le mois de juin dernier, et même avant,
ça va de soi, au caractère considéré comme un peu
questionnable, pour ne pas dire offensant pour certaines de vos institutions,
qu'après autant d'années de services de qualité à
la communauté québécoise certaines institutions se voient
obligées, conviées à une requête, des formulaires,
etc., pour l'obtention d'un permis, comme si ces institutions étaient
nées la veille au soir. Ça, j'en suis conscient. Comme je
l'indiquais précédemment aujourd'hui, nous profiterons
très certainement de la période de temps qui s'écoulera
entre la fin de nos auditions et le retour en commission parlementaire pour
l'étude du projet de loi article par article pour bonifier notre texte.
Je peux vous donner l'assurance que j'aurai l'occasion d'échanger avec
votre Fédération entre-temps, comme j'aurai l'occasion,
évidemment, d'en parler à mes collègues de
l'Opposition.
Je comprends aussi les aléas que ça peut créer,
qu'un permis soit émis pour une période de temps
déterminée, en fonction des conventions collectives, en fonction
des attentes des parents qui, lorsqu'ils inscrivent leur fils ou leur fille
à une école primaire, aspirent à ce que le cours se
termine dans la même école, à moins
d'événement familial ou d'événement professionnel
impliquant des changements. Ça, je dois dire que je suis très
sensible à ça. Il s'agit de trouver une façon de faire qui
peut nous rendre confortables et sécuritaires, dans le respect des
institutions.
Vous allez quand même convenir avec moi, et j'aimerais vous
entendre là-dessus, qu'il y a une nette distinction en termes
d'attention à porter à une institution qui est toute jeune, qui a
un an, qui a deux ans, comparativement à ces grandes institutions qui
ont contribué à bâtir le Québec. Vous
réagissez comment face à cette distinction qui pourrait se faire?
Imaginez-vous que vous décidez au nom des collègues, aujourd'hui.
Vous avez ces deux éléments-là: d'une part, le respect des
grandes institutions, l'ancienneté, les racines et, d'un autre
côté, l'obligation dans une perspective de protection... Parce que
ça ne se veut pas pour vous embêter, ces permis-là, et pas
nécessairement pour embêter les jeunes institutions, mais pour
être certain que le contenu pédagogique, malgré que... Moi,
ça ne m'offense pas qu'on parle de latitude au niveau de la
pédagogie; ça, ça ne m'offense pas; ce n'est pas
méchant à mes oreilles. D'ailleurs, j'aurai l'occasion de le
démontrer éventuellement, un peu plus tard au cours de
l'année. Cependant, on veut s'assurer qu'une qualité
donnée de cours, de contenu est bel et bien vécue dans
l'institution. Je vous écoute là-dessus.
M. Servant: Actuellement, nous avons certaines écoles qui
ont des DIP ou des autorisations, si vous voulez, sans échéance.
Alors, nous souhaiterions, évidemment, que ces écoles-là
maintiennent, conservent les droits acquis qu'elles ont actuellement. C'est la
première des choses.
M. Pagé: O. K.
M. Servant: Maintenant, nous savons aussi que certaines
écoles privées, parfois plus que tricentenaires, ont perdu, sans
raison, finalement, parce qu'elles l'ont perdu lors d'un changement de
corporation, ce privilège qu'elles avaient d'avoir des statuts, des
autorisations sans échéance. On pense, entre autres, que ces
écoles-là devraient récupérer ce
privilège-là qu'elles avaient le plus tôt possible.
Maintenant, quant aux nouvelles écoles, je pense que la
Fédération accepterait sûrement qu'il y ait une certaine
période de probation, qu'on ait un agrément, par exemple, pour
trois ans ou pour cinq ans. Enfin, on est prêts à s'entendre sur
une période de probation, mais qu'après un certain temps on
laisse les écoles fonctionner. (16 h 30)
M. Pagé: Et le permis deviendrait permanent.
M. Servant: Voilà, finalement.
M. Pagé: C'est intéressant, ça, M.
Servant.
M. Servant: Qu'on y aille par probation, un peu, au début.
Pour une nouvelle école, par exemple, qu'on donne un permis et un
agrément pour trois ans ou pour cinq ans, renouvelable, et puis
qu'après un certain temps on laisse filer les écoles.
M. Pagé: O.K. Ça m'intéresse, ça.
C'est clair, ça m'intéresse. On va fouiller ça plus
à fond. Les quotas, c'est-à-dire l'article 13, si je me rappelle
bien, c'est la capacité d'accueil. Ce n'est pas des quotas qu'on veut
implanter. D'ailleurs, j'ai trouvé un peu gros que certains
représentants de l'enseignement privé se réfèrent
à des quotas comme si c'était le traitement du lait. Je trouve
ça un peu gros, pour ne pas dire un peu grossier. Ceci étant dit,
ce n'est pas vous autres. C'est pour nous assurer que la capacité
d'accueil se réfère à exactement... On veut être
certains, nous, comme je l'indiquais tout à l'heure à mon
collègue et aux gens de la communauté juive, que dans le contenu
des cours à donner dans une école secondaire, on a les
équipements nécessaires pour rencontrer, s'inscrire en support
à l'application du régime pédagogique. C'est seulement
ça qu'on veut.
Ce n'est pas, mais pas du tout l'intention du législateur de vous
créer des tracasseries, des problèmes, de vous embêter,
quoi, et de limiter l'accès à l'école privée. Et,
sur ça, je veux être clair: Ce n'est pas, mais pas du tout
l'intention du législateur de limiter l'accès à
l'école privée subtilement, indirectement, par une limite
à être imposée via la capacité d'accueil. Ce n'est
pas ça.
Certains répondront, et vous l'avez indiqué, qu'il y a
d'autres moyens. Il y a la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, il y a le ministère du Travail, etc.
Il y a plein de monde, j'en conviens. D'ailleurs, probablement qu'il y en a
même peut-être trop à certains égards, parfois, qui
vont dans les institutions publiques, les établissements publics pour
vérifier, valider, etc. Et ce n'est pas dans ce sens-là. Nous,
c'est à l'égard de: est-ce que le nombre d'élèves
dans une école correspond à la capacité d'accueil pour
être certains que l'enfant puisse bel et bien recevoir entièrement
le profil, le contenu du régime pédagogique? C'est seulement
ça qu'on veut. Est-ce qu'on peut modifier le texte pour, à la
fois, vous sécuriser et répondre à nos objectifs?
M. Servant: II est clair, M. le ministre, que nous, on ne veut
surtout pas voir apparaître des normes où on apprendrait que, dans
une classe, ça prend tant de volume d'air par tête
d'élève et tant de pieds carrés aussi. Bon,
voilà.
M. Pagé: Non, ça, ça coûterait plus
cher de police que de livres.
M. Servant: Ça semble être vos intentions, à
vous aussi, je pense bien, d'éviter des choses comme ça.
Maintenant, peut-on s'entendre? Moi, je dis qu'il appartient au
propriétaire, au gestionnaire, au titulaire de déterminer
lui-même sa capacité d'accueil, comme on l'a fait jusqu'à
maintenant. Et, règle générale, les parents sont aussi un
bon baromètre. Une école, je crois, qui abuserait, une
école qui peut en contenir 300 et qui en prendrait 500, j'ai
l'impression qu'il y aurait un impact très négatif au niveau de
la clientèle, au niveau de la demande. Les parents réagiraient
sûrement aussi. Les parents sont tellement impliqués dans nos
écoles qu'ils veillent au grain, à cet effet aussi.
Si vous acceptez que cette capacité d'accueil soit fixée
par celui qui demande le permis et si on convient aussi qu'elle pourrait
être modifiée, si on fait des agrandissements, par exemple... Moi,
à Saint-Charles-Garnier, si je fais une aile qui permet de prendre 200
élèves de plus, évidemment, j'aurai modifié ma
capacité d'accueil de 850 à 1050. Si je devais le faire, je le
ferais pour répondre à une demande de parents en vue de respecter
toujours les fameux principes directeurs de l'enseignement privé.
On a peur des pieds carrés, des volumes. On a peur de sortir les
galons et de tout mesurer partout. On a peur de ça; en somme, c'est
ça qui fait peur au monde. Voilà.
M. Pagé: Je vous comprends, mais ce n'est pas la
volonté du ministre.
M. Servant: Et ça va vous coûter bien trop cher pour
rien.
M. Pagé: D'accord. Tel que je l'indiquais
précédemment, on va remanier le texte...
M. Servant: On pourra arriver à s'entendre.
M. Pagé: ...pour qu'il dise bien ce qu'il veut dire.
Est-ce que je...
Le Président (M. Gobé): II vous reste quelques
minutes, M. le ministre.
M. Pagé: Quelques minutes. Alors vous aussi, vous demandez
des précisions, des modifications concernant les critères
prévus ou exigibles à 64. On sait que le texte actuel impose au
ministre la prise en considération d'un certain nombre de
critères. Vous n'êtes pas le premier. Le patronat, en fait, un peu
tout le monde, même les Intervenants de plus tard en après-midi et
de demain se réfèrent à cette question-là. Je dois
vous dire que j'apprécie les commentaires que vous faites. On va voir.
On ne veut pas être "tatillonneux" pourvu que ce soit précis,
cependant, parce qu'il y a deux alternatives. On est très
général, auquel cas, ça laisse une très grande
place à l'appréciation du ministre, si on est
général dans nos textes. Si on est très précis,
bien, là, on se fait taxer d'être "tatillonneux",
"pointillonneux", etc. On va tenter de concilier ça.
J'apprécie votre recommandation concernant 100 à 103. Le
concept de mesures de surveillance qui engloberaient l'inspection et le pouvoir
d'enquête, on va regarder ça, mais vous n'êtes certainement
pas sans savoir que, jusqu'à maintenant, dans la loi, le pouvoir pour un
ministre d'enquêter dans une institution était très,
très, très limité et il peut être
d'intérêt public parfois que ce pouvoir lui soit accordé.
Merci de votre présentation en ce qui me concerne.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre. Je
vais maintenant passer la parole à M. le porte-parole de l'Opposition
officielle. Vous avez la parole, M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Pagé: Encore une fois, j'apprécie ce
regroupement en Fédération. Vous êtes vraiment
crédibles, représentatifs. Et votre demande, déjà
formulée, de vous rencontrer, comme Fédération, entre la
fin de la commission et l'étude du projet de loi article par article est
acceptée.
M. Servant: Merci bien, M. le ministre.
Le Président (M. Gobé): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui. Je voudrais ouvrir, moi aussi, dans le sens de
votre représentativité. Quand on a affaire à une
Fédération des associations d'établissements
privés, on peut, je pense, objectivement, acquérir la conviction
que c'est des gens qui ont des contacts réguliers, fréquents,
avec des institutions, des établissements privés. Donc, vous avez
développé une expertise dans le domaine et ça se sent.
D'ailleurs, à la lumière de votre mémoire, non seulement
il est bien présenté, mais, quand on a eu la chance de le lire au
préalable, on constate qu'à peu près tous les aspects du
projet de loi ont été particulièrement et minutieusement
examinés, puis c'était un examen attentif. Donc, je vous en
félicite, et cela toujours ce n'est ni pour ni contre jusqu'à
date. Ça veut juste dire que c'est des gens sérieux qui ont fait
un travail qu'il était important de faire, je pense, si on veut
être conseillés adéquatement comme parlementaires, et moi,
je vous en remercie.
Mais on ne peut pas lire avec des lunettes rosés. Il faut lire le
projet de loi avec des lunettes, ceux qui en ont besoin - et ceux qui n'en ont
pas besoin, bien, tant mieux - et il faut lire ce qui est écrit. Ce qui
est écrit, c'est que le projet de loi, dans sa forme actuelle, bien,
c'est pire que ce qui existait et vous préférez celui qui existe
à celui-là.
Bon, le ministre a un ton de plus en plus doux, agréable, c'est
plaisant. Le président s'en rend compte. Il trouve que ça
fonctionne bien en commission parlementaire parce qu'il n'y a pas de chicane et
il n'y en aura pas non plus.
M. Pagé: il n'est pas correct, mon ton? M. Gendron:
Pardon?
M. Pagé: Mon ton n'est pas correct, compréhensif,
ouvert?
Le Président (M. Gobé): C'est ce qu'il disait.
C'est ce qu'il disait.
M. Gendron: Je viens de dire qu'il est agréable,
agréable à l'oreille. On verra dans la traduction
concrète, mais je n'ai pas...
M. Pagé: Continuez. Vous pouvez. M. Gendron:
...interpellé le président. M. Pagé:
Consentement, M. le Président.
M. Gendron: Ce que j'ai trouvé curieux, et ça,
c'est un peu une boutade, cependant... J'ai vérifié tous les
mémoires que nous avons en main. Vous commencez à la page 25: "En
se présentant ici, en commission parlementaire, la
Fédération des associations d'établissements privés
a fait confiance au ministre." Et, là, c'est les exigences, c'est vos
demandes pour que le projet de loi soit acceptable; et ça, vous l'avez
fait en deux copies et on l'a en double. Tournez la page, on l'a à la
page 26 aussi. Alors, j'ai trouvé ça intéressant.
Effectivement, je pense que vous faites bien de ne pas prendre de chance en
l'écrivant deux fois. Peut-être que le ministre va le regarder
aussi attentivement que son ton doucereux tantôt.
Mais, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Les questions que vous
posez sont fondamentales pour quelqu'un qui prétend que le projet de loi
sur l'enseignement privé a une forme, une texture, une philosophie qui
est inacceptable. Je ne peux pas être en désaccord avec vous, vous
avez raison. Toutes les questions que vous soulevez sont pertinentes, en
particulier
sur les permis. Quelqu'un qui est capable de répondre
convenablement aux questions de la page 17, que vous posez très
clairement, eh bien, il est obligé de conclure que ça n'a pas
d'allure. On ne peut pas émettre un permis d'enseignement privé
et dire: Écoute, après trois ans ou cinq ans, c'est moi qui
déciderai si tu vas en avoir un autre ou pas. Aïe, il y a les
emprunts à l'étranger, il y a toutes sortes de situations.
Le ministre nous dit gentiment aujourd'hui: Moi, ce n'est pas ça
que je voulais, là. Je vais vous dire ce que je voulais. Aïe, des
conseillers, il y en a, hein? Et vous ne me ferez pas accroire qu'on va prendre
ça comme ça. Alors, moi, je prétends qu'il y a toutes
sortes de choses dans le projet de loi qui devront trouver, dans les
écritures d'un nouveau projet de loi, des réponses aux questions
que vous posez qui m'apparais-sent légitimes, pertinentes.
Les quotas. J'ai relu ça à trois, quatre reprises. Bon, le
terme peut être péjoratif dans l'usage qu'on en a fait, mais il
n'en demeure pas moins que, dans la lecture du projet de loi, c'est ce que
ça veut dire. Ça veut dire que le ministre pourrait limiter le
nombre d'élèves autorisés par permis d'enseignement ou par
institution d'enseignement privée. Il pourrait le limiter en disant:
Moi, je pense que votre institution ne peut pas accepter plus de 200
élèves et vous en avez eu 225 l'année passée. Donc,
je révoque votre permis.
Moi pour un, il n'y a pas de cachette, je l'ai dit, la multiplication et
la croissance des effectifs dans l'enseignement privé, comme
société, c'est franc, c'est honnête, je ne suis pas
d'accord. Pas parce que ce n'est pas beau. Pas parce que ce n'est pas bon. Pas
parce que vous ne faites pas un bon travail. C'est parce que - qu'est-ce que tu
veux? - j'emploie des fois une expression un peu imagée, mais, si la
tarte ne grossit pas et qu'on veut distribuer plus de morceaux ou si le facteur
de la richesse collective du Québec n'augmente pas et qu'on veut
multiplier la distribution des morceaux, il y a un problème.
Et moi, je suis obligé de le dire: En éducation, il n'y a
pas deux budgets. Il n'y a pas un budget de l'éducation pour
l'enseignement privé et un budget de l'éducation pour
l'enseignement public. Il y a un budget coupé depuis une dizaine
d'années et il y a un budget où le rythme de croissance des
dépenses cette année est à 2, 6 % d'augmentation, alors
que tout le reste des autres dépenses publiques sont à 7 %.
Pensez-vous que c'est une priorité l'éducation actuellement? La
réponse, c'est non. Est-ce qu'on peut "prioriser" le secteur
privé alors que le secteur public est "dépriorisé" comme
c'est le cas avec ce gouvernement-là? La réponse, c'est non.
Mais, si on revient sur le projet de loi, votre mémoire, il est
bien fait, il est excellent, je l'achète, je l'endosse
sincèrement. Parce qu'on peut être contre quelque chose, mais,
là, c'est le projet de loi 141 qu'on a dans la face et, dans sa forme
actuelle, vous avez un ardent défenseur pour apporter des corrections.
Pas au sens où je me fais un ardent promoteur de l'enseignement
privé, mais, comme législateur, il y a des affaires qui n'ont pas
d'allure. Alors, mon rôle, c'est d'essayer de corriger des affaires qui
n'ont pas d'allure. Et on va être là pour ça. Mais vous,
vous avez un bon mémoire. Vous avez fait votre travail. Bravo.
Quelques questions, quelques échanges. C'est vrai que vous y
allez des fois finement, là. Vous dites que le ministre devrait affirmer
dans un préambule les principes directeurs de l'enseignement
privé au Québec, mais vous savez bien qu'il ne l'a pas fait.
Alors, moi, j'aimerais mieux que vous m'expliquiez pourquoi vous pensez qu'il
ne l'a pas fait. Pourquoi, vous autres qui connaissez ça, pensez-vous
que le ministre, volontairement, ne l'a pas mis? Parce que, écoutez, il
n'y a pas de cachette; c'est évident qu'il ne l'a pas mis et il sait
pourquoi il ne l'a pas mis. Alors, à des spécialistes qui
connaissent ça, pourquoi pensez-vous qu'il ne l'a pas mis?
M. Servant: On va laisser répondre le ministre; nous on
n'a pas...
M. Gendron: Ah, non, non. C'est vous autres qu'on a comme
intervenants. J'aurai l'occasion de faire des échanges avec le ministre
de l'Éducation à plusieurs reprises, mais, là, on a la
chance d'avoir des spécialistes.
M. Servant: II l'a oublié, M. Gendron. Je pense, M.
Gendron, qu'il l'a oublié.
Le Président (M. Gobé): M. Servant, la question
vous est adressée. Vous pouvez ne pas y répondre, mais vous ne
pouvez pas renvoyer la réponse au ministre.
M. Servant: Alors, on va prétendre qu'il l'a
oublié.
M. Gendron: Bon. Vous prétendez que c'est une omission.
Par contre, vous n'avez pas d'indication des raisons de l'omission. Moi aussi,
je pense que c'est une omission. Mais moi, si j'avais l'occasion, pendant 15,
20 minutes, comme témoin important, d'expliquer les raisons pourquoi
c'est une omission, j'en donnerais quelques-unes. Alors, j'aimerais ça
vous entendre là-dessus. Vous ne voulez pas dire les raisons pourquoi il
l'a oublié.
M. Servant: Non. Enfin, moi, je n'ai pas non plus à
répondre pourquoi il l'a oublié, si toutefois il l'a
oublié, s'il l'a fait volontairement ou pas.
M. Gendron: Mais vous croyez que c'est un
oubli? (16 h 45)
M. Servant: Mais c'est évident que les chartes actuelles
nous donnent ces droits-là et nous protègent aussi. Mais,
même si c'est vrai qu'au niveau des chartes nous sommes
protégés et qu'on retrouve ces droits-là très
clairement dans les chartes, et aussi dans la Loi sur le Conseil
supérieur de l'éducation, nous croyons quand même que
ça ne ferait pas mal de faire un préambule et d'en profiter pour
affirmer que l'enseignement privé, c'est un partenaire du système
d'éducation au Québec. On ne croit pas qu'on serait mieux
protégés en termes de droits. En termes de droits, je crois que
nous le sommes déjà en vertu des chartes, mais ça ne
coûterait pas cher de l'indiquer dans le préambule. Voilà
un peu ce qu'on demande.
M. Gendron: Dans votre mémoire, vous traduisez votre
inquiétude de tous ces pouvoirs accordés au gouvernement et au
ministre dans le projet de loi et, d'autre part - c'est vous autres qui parlez
- vous êtes "encore plus inquiets des pouvoirs accordés aux
fonctionnaires qui seront appelés à préciser les
règlements subséquents." Un peu plus loin, à la page 17,
dans votre mémoire, vous affirmez: "Le projet de loi 141 veut donner au
ministre plus de pouvoirs pour garantir la qualité de renseignement*; et
vous en êtes, dites-vous. On se comprend bien?
Donc, la question que je pose: D'après vous, quel type de
pouvoirs devraient avoir le ministre et ses fonctionnaires pour encadrer
l'enseignement privé, puisque vous convenez qu'il y a lieu d'encadrer
l'enseignement privé? Et cet encadrement-là, c'est pour
sécuriser un enseignement de qualité, autant auprès des
jeunes qui vont recevoir la formation pédagogique que des parents qui
font un choix libre, d'après vous, d'envoyer leurs enfants à
l'école privée. J'aimerais ça vous entendre un peu sur le
type de pouvoirs que vous voyez.
M. Servant: Finalement, on reconnaît au ministre le pouvoir
de révoquer permis et agrément à une école qui ne
se qualifie plus pour un tel statut, évidemment, pour cause. C'est ce
pouvoir-là qu'on reconnaît au ministre. Maintenant, voir
apparaître un système d'inspectorat pour atteindre ça, on
trouve ça gros un peu. C'est le pouvoir qu'on reconnaît au
ministre.
M. Gendron: Donc, émettre, révoquer. Cependant,
vous voulez qu'il fonctionne... Il y a assez de fonctionnaires, il y a assez de
directions de toute nature pour suivre l'évolution suite à
l'émission d'un permis et, en conséquence, qu'il y ait des
données dans un bon dossier, comme vous dites, pour cause et qu'à
un moment donné, s'il y a révocation, on soit capable de le
porter, mais qu'on le fasse à l'intérieur de ce qui existe...
M. Servant: C'est ça.
M. Gendron: ...comme appareil pour suivre la qualité de
l'enseignement dispensé et les services adéquats aux besoins de
l'élève, mais vous êtes contre la création d'un
système d'inspectorat.
M. Servant: Voilà.
M. Gendron: Parfait. C'est très clair. Page 19, vous
décrivez tous les aspects ambigus qui composent l'important article 64.
Vous soulevez une série de questions qui visent à
démontrer les dangers d'application de cet article et, là, vous y
allez fort. Je veux dire, les termes sont précis. D'après vous,
c'est quoi les critères dont le ministre devrait tenir compte pour
agréer, aux fins de subventions, un établissement d'enseignement
privé?
M. Servant: C'est-à-dire que bon nombre de critères
qui apparaissent à l'article 64, s'ils étaient le moindrement
balisés et s'ils prêtaient moins à interprétation,
pourraient nous convenir aussi.
M. Gendron: Mais, il faudrait continuer votre phrase.
M. Servant: II faudrait que ce soit balisé.
M. Gendron: À la condition qu'il y ait
clarification...
M. Servant: Absolument.
M. Gendron: ...et qu'il y ait des balises plus précises
pour éviter la dose d'arbitraire que vous voyez trop grande. C'est bien
ça?
M. Servant: II y a place à beaucoup d'arbitraire à
l'article 64, effectivement.
M. Gendron: Comment expliquer... Parce que, encore là, je
le répète, vous avez un mémoire précis, clair. Il
me semble que, lors du dépôt du projet de loi ou lorsqu'on l'a
rendu public en mai, à moins que je me trompe, c'est votre
fédération qui avait laissé savoir une certaine
satisfaction face à l'état du projet de loi. Est-ce que c'est
exact? Si oui, pourquoi? Et qu'est-ce qu'il y a de différent
aujourd'hui?
M. Servant: C'est-à-dire que dès le début on
a salué dans le projet de loi certaines ouvertures qui nous
apparaissaient encourageantes, comme je l'ai indiqué au début de
l'exposé et comme, d'ailleurs, on en fait mention au début du
mémoire. Ça, c'est toujours vrai. Mais, dès le
début aussi, on a affirmé que le projet de loi ne nous convenait
pas dans sa rédaction actuelle.
Nous avons prétendu dans le temps que nous devrions être
capables d'arriver par la négociation, dans un dialogue constructif,
dans un climat de confiance avec le ministre, à trouver les
accommodements qui nous permettraient de nous satisfaire du projet de loi.
M. Gendron: Est-ce que, suite au dépôt du projet de
loi et à l'annonce par le ministre qu'il y aurait commission
parlementaire et audiences, vous avez rencontré le ministre de
l'Éducation, comme fédération?
M. Servant: À savoir si on l'a fait après, avant ou
pendant, je ne sais plus trop, mais on l'a fait à quelques reprises.
M. Gendron: Non. Mais, avant la rédaction de votre
mémoire, est-ce que vous avez eu l'occasion de rencontrer le ministre de
l'Éducation?
M. Servant: Avant le dépôt du projet de loi?
M. Gendron: Oui.
M. Servant: Non. Avant le dépôt du
mémoire?
M. Gendron: Oui. M. Servant: Mais non.
M. Gendron: Non, non. Pas du mémoire. Suite à...
Écoutez, en juin, le ministre...
M. Servant: Au dépôt du projet de loi.
M. Gendron: Oui. Après le dépôt du projet de
loi et l'adoption de son principe, parce que, pour revenir ici, il faut que le
principe soit adopté. Le principe du projet de loi a été
adopté à l'Assemblée nationale. Est-ce que vous avez eu
l'occasion, depuis, de rencontrer le ministre sur le projet de loi, comme
Fédération des associations d'établissements
privés?
M. Servant: Comme Fédération, non. M. Gendron:
Non?
M. Servant: Non, ça a été créé
le 26 juin, la Fédération.
M. Gendron: Oui, c'est possible. Je prends votre parole. Et,
aujourd'hui, quelle sorte d'indication avez-vous par rapport aux
recommandations que vous avez faites à la page 25? Si ces
éléments-là ne sont pas partie intégrante du projet
de loi, vous laissez voir que vous préféreriez que le projet de
loi demeure ce qu'il est. C'est bien ça?
M. Servant: C'est bien ça.
M. Gendron: Oui, la Loi sur l'enseignement privé, telle
qu'on la connaît. Donc, vous voulez le retrait du 141 s'il n'y avait pas
des corrections majeures apportées aux éléments?
M. Servant: Effectivement, si le projet de loi ne connaît
pas les changements que l'on souhaite, nous préférons demeurer
avec l'ancienne loi.
M. Gendron: Je vous remercie sincèrement.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest. Ceci met donc... Oh, Mme la
députée de Bourget, je m'excuse; je vous donne la parole.
Mme Boucher Bacon: Merci. Je vous remercie d'être
présents. J'ai eu l'occasion, à diverses rencontres, de
connaître quelques membres de votre fédération, mais elle
n'était pas sous la forme que vous représentez aujourd'hui. J'ai
eu l'occasion de lire et d'écouter votre présentation et, moi, je
trouve que le projet de loi 141 a besoin d'être bonifié. Ce que
vous nous apportez va nous aider, nous, en tant que ministériels,
à nous former une idée. Je pense que vous avez entendu aussi ce
que le ministre a dit; il a l'intention de bonifier certains termes. Et c'est
son loisir de le faire.
Mais, moi, j'ai eu une préoccupation dans cette commission
lorsque j'ai entendu le député d'Abitibi-Ouest. Et, là,
loin de moi l'idée de faire de la politique au sens où M. Gendron
a l'habitude d'en faire, mais j'ai peur. J'ai peur pour vous, pour une seule
raison, c'est dans le sens que... Moi, je suis tenante et partie prenante pour
la défense de l'enseignement privé. Je pense que M. Gendron a pu
exprimer depuis ce matin que, lui...
Le Président (M. Gobé): Mme la
députée de Bourget, lorsqu'on parle d'un collègue, on se
soit de l'appeler...
Mme Boucher Bacon: Le député de...
Le Président (M. Gobé):... par le titre de sa
circonscription électorale, s'il vous plaît...
Mme Boucher Bacon: D'accord. Excusez, M. le Président...
de me rappeler à l'ordre.
Le Président (M. Gobé):... ceci pour respecter la
sérénité du dialogue.
Mme Boucher Bacon: Alors, pour la sérénité
du débat, le député d'Abitibi-Ouest, lui, s'est dit tenant
et partie prenante pour l'enseignement public, et c'est très honorable.
Moi, je conçois qu'on doit avoir deux systèmes. Lui
conçoit qu'on
doit en avoir un. Et je trouve ça très, très
dangereux lorsqu'on nous dit: Le problème réel du Québec,
c'est un budget où on doit couper. Oui, c'est vrai. Ça a
été dit et redit dans les journaux et, avec le rythme de
croissance... Imaginez-vous, on est mieux d'avoir un projet de loi 141 avec
amendements et bonifié qu'avoir un parti, finalement, qui pourrait
être le Parti québécois au gouvernement. Moi, je trouve
très dangereux le fait qu'il vient de vous dire, et avec une profession
de foi, que, finalement, vous n'avez pas à être présents.
Je reconnais vos vertus et je reconnais tout ce que voulez faire.
Mais, avec ce qu'il vient de dire, moi, j'ai une peur terrible qu'un
jour le Parti québécois prenne le pouvoir parce que vous allez
être éliminés. Parce que, s'il y a un budget où il y
a un rythme de croissance effarant, vous n'avez plus de place et c'est ce qu'il
a dit. Il a bien dit ce matin: Deux rails, et il faudrait qu'il en disparaisse
un. Alors, il y en a un de trop.
Je ne sais pas ce que vous avez pu penser lorsqu'il vous a parlé
du problème de financement. Est-ce que vous voyez le même danger
que moi?
Le Président (M. Gobé): M. le
député.
M. Servant: Je préfère ne pas répondre
à cette question.
M. Gendron: M. le Président, quand même, sans en
faire une question de règlement, je pense qu'elle va l'accepter. Disons
que je ne voudrais pas que vous me confirmiez que vous suiviez moins que je le
pensais. Je pensais que vous suiviez un peu. Mais, là, vous me prouvez
que vous ne suivez pas du tout les débats.
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, M.
le député d'Abitibi-Ouest!
M. Gendron: Bien, je n'ai pas le choix. Des propos comme
ça n'ont jamais été proférés par moi. Je
n'ai jamais prononcé les propos qu'elle a tenus. Quand j'ai donné
l'exemple du cheminement de deux voies ferrées, un instant! Finissez. Ne
prenez pas le quart de ma phrase, prenez-la toute. C'est sur le premier
mémoire ce matin que je disais: On n'a pas la capacité
financière, comme gouvernement, de développer en parallèle
deux systèmes, comme une voie ferrée. Ça, j'ai dit
ça. Mais, entre ce que vous dites, puis ce que j'ai dit, il y a une
méchante nuance. Et ces gens-là, ils le comprennent. Je sais
ça. Ce n'est pas pour rien qu'il n'a pas voulu répondre.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Ces gens-là comprennent. Non, mais un instant!
On est pour un secteur témoin d'enseignement privé. On l'a
subventionné, puis on l'a autorisé, mais il y a une
différence entre la promotion et l'augmentation des clientèles au
secteur privé quand le secteur public est pénalisé,
financé inadéquatement et qu'on n'est pas en mesure de le
supporter correctement comme société. Ce n'est pas du tout la
même chose.
Une voix: De le supporter vraiment?
M. Gendron: En conclusion, ces gens-là peuvent dormir
tranquilles. On serait au pouvoir demain qu'on serait conscients de la
réalité québécoise et de l'apport du secteur
privé, ce qu'il a fait pour la société
québécoise. Et ce n'est pas vrai que, demain matin - en tout cas,
pas moi; moi, je prends ma responsabilité comme critique en
éducation - je dirais: Moi, je ne veux plus rien savoir du secteur
privé et il y a un "phasing out". Excusez l'expression, mais je
l'emploie volontairement. Il y a un "phasing out" et, dans six mois, je ne veux
plus aucune institution privée au Québec. Il n'y a jamais eu de
débat comme ça au Parti québécois et je suis membre
du parti depuis fort longtemps. Donc, ces gens-là peuvent dormir
tranquilles.
Mais il y a une méchante distinction entre certaines demandes du
secteur privé versus les problèmes du secteur public. Ce n'est
pas vrai que je serais explosif, comme c'est le cas depuis quelques
années, en termes de financement du secteur privé alors que le
secteur public, depuis 10 ans, doit subir toutes sortes de coupures, Mme la
députée de Bourget. C'est ça le drame et c'est de
ça que j'ai parlé ce matin.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest.
Mme Boucher Bacon: Mais depuis 11 ans...
Le Président (M. Gobé): Mme la
députée de Bourget.
Mme Boucher Bacon: ...le secteur de l'enseignement privé
n'a pas subi de coupures, lui?
Le Président (M. Gobé): Je crois que le
débat se fait avec nos témoins.
Mme Boucher Bacon: II n'est pas à la veille de sauter et
vraiment de ne plus exister si on ne l'aide pas?
Le Président (M. Gobé): Mme la
députée de Bourget, s'il vous plaît. Madame.
Mme Boucher Bacon: Vous n'êtes pas conscients de
ça.
M. Gendron: Bien oui, il y a eu des coupures.
Le Président (M. Gobé): M. le
député
d'Abitibi-Ouest, s'il vous plaît!
Mme Boucher Bacon: Mais vous préférez donner au
secteur public...
Le Président (M. Gobé): M. Servant,
avez-vous...
Mme Boucher Bacon: ...et ne pas nécessairement aider le
secteur privé.
Le Président (M. Gobé): Mme la
députée, s'il vous plaît! Madame, je vous rappelle à
l'ordre.
Mme Boucher Bacon: C'est votre choix.
Le Président (M. Gobé): Avez-vous des commentaires
à faire sur l'intervention de la députée de Bourget, M.
Servant?
M. Gendron: Elle ne voulait pas faire de politique.
M. Servant: Non, merci, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Vous aviez terminé.
Ceci, donc, met fin à votre intervention. Je tiens, au nom de tous les
membres de cette commission, à vous remercier.
M. Servant: Merci.
Le Président (M. Gobé): Je vais maintenant
suspendre quelques minutes afin d'accueillir l'Association des parents
catholiques du Québec. La commission suspend donc ses travaux pour
quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 57)
(Reprise à 17 h 7)
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si
vous voulez regagner vos places, la commission va reprendre sa
séance.
Alors, je demanderais maintenant à l'Association des parents
catholiques du Québec de bien vouloir prendre place et je vois que c'est
déjà chose faite. Je vous salue. Je vous rappelle rapidement que
nous allons disposer d'une période de 60 minutes, dont 20 minutes vous
seront allouées pour expliquer ou lire votre mémoire. Par la
suite, 20 minutes seront à la disposition du côté
gouvernemental, représenté par M. le ministre de
l'Éducation en particulier et Mme la ministre de l'Enseignement
supérieur. En terminant, bien entendu, l'Opposition aura, elle aussi, 20
minutes, les représentants officiels de l'Opposition, pour discuter avec
vous de votre mémoire ou de votre position.
Ceci étant dit, je demanderais à la porte- parole ou au
porte-parole de votre groupe - je ne sais pas encore - de bien vouloir se
présenter et de présenter les gens qui l'accompagnent.
Association des parents catholiques du
Québec
M. Cataford (Claude): M. le Président,
immédiatement à ma gauche, je vous présente Mme Jocelyne
St-Cyr, présidente provinciale de l'APCQ; à sa gauche, Mme
Adeline Mathieu, secrétaire générale de l'Association des
parents catholiques du Québec et présidente du comité de
l'enseignement privé; et, enfin, à l'extrême gauche, M.
Yvan Turgeon, avlseur pédagogique du conseil provincial de l'association
provinciale des parents catholiques, directeur des services pédagogiques
du campus Notre-Dame-de-Foy, à Saint-Augustin-de-Desmaures, et membre du
comité de l'enseignement privé; à ma droite, M.
Paul-Émile Touchette, directeur au conseil provincial de l'APCQ et
membre du comité de l'enseignement privé. Enfin, vous me
permettrez de me présenter. Mon nom est Claude Cataford. Je suis
conseiller d'orientation, le deuxième vice-président de
l'Association des parents catholiques du Québec et membre du
comité de l'enseignement privé.
Le Président (M. Gobé): Qui va faire la
présentation du mémoire?
M. Cataford: Mme la présidente.
Le Président (M. Gobé): C'est Mme la
présidente. Alors, d'abord à tous, bonjour et bienvenue. Mme la
présidente, vous pouvez commencer la présentation de votre
mémoire.
Mme St-Cyr (Jocelyne): Merci, M. le Président. Mme la
ministre, M. le ministre, merci de donner la parole aux parents. Donc, en
introduction, l'enseignement privé est régi par la loi depuis
1968, alors que, à l'unanimité, les élus adoptaient la loi
56, Loi sur l'enseignement privé, dans l'esprit du préambule de
la loi 60 qui créait le ministère de l'Éducation et le
Conseil supérieur de l'éducation. Le 11 avril 1989, M. Ryan,
alors ministre de l'Éducation du Québec, annonçait en
commission parlementaire son intention de réviser cette loi. Le 22
janvier 1990, notre association lui exprimait sa surprise et une lueur de
satisfaction.
Tout d'abord, une réaction de surprise. Ses
prédécesseurs au ministère de l'Éducation du
Québec avaient tous résisté à faire une
révision en profondeur. Seul M. Laurin a modifié
substantiellement cette loi; il l'a cependant fait par un moyen
détourné, la loi 11, et à un moment stratégique, en
juin 1981. Plusieurs voix, dont la nôtre, ont saisi les ministres de
l'Éducation subséquents des dommages sans cesse croissants, dont
certains irréparables, qu'ont provoqués ces
modifications d'ordre financier maintenant intégrées
à la Loi sur l'enseignement privé.
Nous avons eu ensuite une légère réaction de
satisfaction à l'annonce de la révision de la Loi sur
l'enseignement privé. Nous nous sommes rappelé les intentions du
Parti libéral avant les élections de 1985 (une politique de
l'éducation pour le prochain mandat): elles manifestaient une
compréhension des effets négatifs de la loi 11 et une
volonté ferme de rétablir le mode de financement prévu
dans la Loi sur l'enseignement privé de 1968. Dans cette même
lettre du 22 janvier 1990, nous demandions au ministre de l'Éducation de
procéder à une révision, non à une refonte, de la
Loi sur l'enseignement privé dans le but d'annuler les effets
négatifs de la loi 11.
Le projet de loi 141 sur l'enseignement privé,
présenté le 15 mai 1991 par M. Pagé, actuel ministre de
l'Éducation, annonce des changements majeurs que l'Association des
parents catholiques du Québec ne peut laisser passer sous silence. Le 19
juin 1991, elle manifestait sa réaction de surprise et ses
inquiétudes aux ministres de l'Éducation et de l'Enseignement
supérieur et de la Science, et demandait à être
invitée aux consultations d'aujourd'hui.
Voilà pourquoi l'association des parents du Québec a
préparé le présent mémoire qui est très
simple, court même. Après avoir présenté notre
association et certaines de nos réalisations, après avoir
rappelé les principes sur lesquels elle s'est toujours appuyée
pour promouvoir l'enseignement, ce mémoire exposera une analyse du
projet de loi 141 et un certain nombre de recommandations.
L'APCQ et certaines de ses réalisations. Fondée en 1966,
c'est-à-dire il y a 25 ans, l'Association des parents catholiques du
Québec représente 60 000 personnes. Depuis 25 ans, elle est
présente dans le monde de l'éducation au Québec. C'est
l'habitude de notre association de consulter régulièrement et
largement ses membres et la population en général dans le domaine
de l'éducation. Rappelons ici une pétition, en 1977, de 546 000
signatures pour le maintien de la loi 56; le "Manifeste des parents
chrétiens du Québec" pour le maintien des commissions scolaires
confessionnelles et la survie de l'enseignement privé, appuyé par
plus d'un million de personnes, en février 1982; les assises sur
l'enseignement privé, en 1983, auxquelles participaient le sous-ministre
adjoint des Affaires internationales de l'époque et le directeur
général de la Direction générale de l'enseignement
privé; le colloque sur l'enseignement privé: "L'enseignement
privé, un choix à promouvoir", en février 1986, auquel
prenait part M. Laurier Gardner, député libéral d'alors et
membre de la commission parlementaire sur l'éducation; le financement
des institutions privées, consultation auprès des directeurs et
directrices et auprès des associations de parents des institutions
privées, en 1986-1987; le colloque sur l'enseignement privé, en
1989, auquel prenait part Mme Pauline Champoux-Lesage, directrice
générale de la Direction générale de l'enseignement
privé; la consultation sur la révision de la Loi sur
l'enseignement privé, en 1989-1990, et la présentation de ce
mémoire aujourd'hui.
Les principes sur lesquels l'Association des parents catholiques du
Québec s'est toujours appuyée pour promouvoir la liberté
d'enseignement. Cette liberté se réalise par l'entremise de deux
groupes distincts qui possèdent des droits reconnus dans la
société démocratique: les droits de corporations et les
droits des parents.
Les corporations privées jouissent des libertés de
fondation, d'organisation et d'orientation.
La liberté de fondation. Elle permet aux personnes et aux groupes
de fonder des écoles et de les administrer. Il s'agit alors de la
personne juridique à qui appartient l'autorité compétente
(de droit privé). C'est la liberté de fondation ou encore, pour
employer une expression reconnue dans les démocraties
européennes, la liberté classique.
La liberté d'organisation. L'État a un rôle à
jouer concernant toutes les écoles en regard de la qualité de
l'enseignement, la sécurité des élèves, la
qualification des maîtres, mais il doit cependant respecter l'autonomie
des écoles quant à leur vocation particulière,
l'aménagement des locaux, le choix des professeurs et des
élèves. (17 h 15)
La liberté d'orientation. Le projet éducatif de chaque
école a son fondement dans les motifs et les objectifs de ceux qui
exercent la liberté d'enseignement. C'est ce qui détermine
l'orientation philosophique et religieuse. L'orientation est donc ce pourquoi
la liberté d'enseignement est exercée.
Les parents jouissent de la liberté de choix et de la
liberté financière.
La liberté de choix. La responsabilité fondamentale des
parents est d'éduquer. Ce rôle n'est pas, on en conviendra, sans
conférer aux parents des obligations et des droits primordiaux pour tout
ce qui touche le choix de l'école appelée à poursuivre
l'oeuvre qu'ils ont commencée. L'État n'a pas le droit
d'empiéter abusivement sur les libertés de ceux qui donnent les
enfants à la nation, à plus forte raison de monopoliser de
façon indue et injuste des responsabilités qui incombent avant
tout aux parents. L'existence des institutions privées ne relève
donc pas d'abord de la permission ou de la tolérance de l'État,
mais de la liberté d'enseignement fondée elle-même sur le
droit des parents.
La liberté financière. Le devoir de l'État est de
rendre ce choix possible en accordant des subventions établies
d'après le coût moyen dans le secteur public. Quand le
gouvernement rend la scolarité obligatoire et assure la gratuité
d'enseignement, tous les enfants ont droit aux mêmes
avantages et privilèges, quelle que soit l'école où
les parents décident de les inscrire.
Analyse du projet de loi. L'Association des parents catholiques du
Québec ne prétend pas présenter une analyse exhaustive du
projet de loi 141. Elle se propose plutôt d'attirer l'attention sur
certains points.
Les principes. L'APCQ se serait attendue à retrouver bien en
évidence les droits universellement reconnus des personnes et des
groupes. Le rappel du préambule de la loi 60 de 1964 créant le
ministère de l'Éducation et le Conseil supérieur de
l'éducation aurait eu sa place dans un tel projet de loi.
Le vocabulaire. L'Association des parents catholiques du Québec
ne peut souscrire à l'utilisation des termes "exploitant", "client" et
"établissement" contenus dans le projet de loi 141. De tels termes
n'expriment pas l'esprit qui anime les responsables des institutions
privées pas plus que les parents ou les élèves qui les
choisissent. L'école n'est pas une entreprise commerciale.
Les quotas. Le ministre peut déterminer, compte tenu de la
capacité d'accueil des installations mises à la disposition de
l'établissement, le nombre maximum d'élèves qui peuvent
être admis aux services éducatifs ou catégories de services
éducatifs de l'établissement (article 13). "L'agrément
peut déterminer le nombre maximal d'élèves à temps
plein admissible aux subventions pour chaque service éducatif, programme
ou spécialité professionnelle auquel il s'applique" (article
64).
Une conception erronée de l'intérêt public en
matière d'éducation pourrait conduire au monopole de
l'enseignement. Si l'État veut dépasser son rôle de
supervision, de coordination et d'encouragement pour imposer ses
volontés au nom de la planification, ce sera bientôt le grignotage
de la liberté d'enseignement à tous les niveaux.
Les droits et les devoirs de l'État n'impliquent nullement qu'il
ait le privilège de déterminer à quelle école les
parents doivent envoyer leurs enfants, ni qu'il puisse décider que cette
école sera l'école publique.
La dénatalité ne peut en rien légitimer le refus de
subventionner de nouvelles écoles privées qui remplissent les
exigences concernant la qualité de l'enseignement et la
sécurité des élèves. L'État a le devoir de
faire en sorte que tous les enfants du Québec reçoivent un
enseignement valable dans le secteur public ou privé. Il n'a pas
à imposer son choix aux parents.
Permis d'exploitation d'un établissement privé. L'APCQ ne
peut souscrire au principe du permis d'exploitation renouvelable pour des
périodes de cinq ans ou moins. Le même raisonnement que pour les
quotas s'applique ici. Comment planifier, lancer des projets? Quelle entreprise
pourrait fonctionner dans de pareilles conditions? Et cela, sans oublier
l'odieux qui pèserait sur les institutions qui ont 25, 50, 100, 200 ou
300 ans d'existence!
L'autonomie pédagogique. Le chapitre III du projet de loi montre
jusque dans les détails à quel point les institutions
privées devront se conformer aux mêmes règles que les
écoles publiques. L'APCQ a attiré depuis plusieurs années
l'attention des ministres de l'Education sur l'importance que soit
laissée aux institutions privées une autonomie pédagogique
qui ne pourrait qu'être bénéfique à tout le
système d'éducation au Québec.
Au niveau collégial, malgré la lettre de la loi, peut-on
prévoir que les collèges privés seront admissibles
à la formation professionnelle d'appoint? Les collèges
privés seront-ils autorisés à donner de la formation
à distance? Si oui, les autorisations seront-elles limitées aux
seules institutions actuellement autorisées à en offrir et dans
les seuls programmes actuels?
L'agrément. Même si l'Association des parents catholiques
du Québec a déjà manifesté son point de vue pour le
maintien du statut de reconnaissance pour fins de subventions, elle se
réjouit à l'idée du nouveau statut de l'agrément,
surtout à cause de la possibilité qu'auront dorénavant les
écoles préscolaires et primaires de recevoir des subventions sans
être obligées d'offrir le service du pensionnat et, si notre
interprétation est exacte, d'avoir droit aux subventions pour le
transport.
Les conditions pour obtenir un agrément (l'article 64). Les sept
conditions auxquelles le ministre pourra se référer pour accorder
l'agrément ramènent l'enseignement privé 15 ans en
arrière, au moment où M. Jacques-Yvan Morin, ministre de
l'Éducation d'alors, décrétait un moratoire qui allait
paralyser le développement de l'enseignement privé. Ce qui
n'était alors qu'un décret ministériel ou une politique
ministérielle aura force de loi si l'article 64 du présent projet
de loi est maintenu dans sa forme actuelle.
Pour bien comprendre notre avancé, il suffit de lire les
principaux articles de l'ancien moratoire. Ce moratoire avait pour effet: de ne
pas permettre l'ouverture de nouvelles écoles d'enseignement
général ou d'enseignement professionnel aux niveaux primaire,
secondaire ou collégial; de ne pas autoriser de nouveaux enseignements
(général ou professionnel) aux écoles qui
détenaient déjà on statut dans les niveaux
concernés au paragraphe précédent; de ne pas accorder de
statut plus avantageux au plan des subventions que ceux que les institutions
détenaient précédemment; des limites étaient
fixées pour l'augmentation de la clientèle.
Quelques années plus tard, le décret a été
quelque peu allégé pour permettre l'ouverture d'une école
si la commission scolaire du territoire et le milieu se montraient favorables
à la mise sur pied de cette école. Rappelons-nous les exemples
à Rimouski et le Mont-Bénilde à
Sainte-Angèle-de-Laval.
Le moratoire actuel s'exprime d'une nouvelle façon qui semble
moins draconienne en apparence, mais qui aura les mêmes
conséquences dans la plupart des cas. Pensons aux exemples 2°,
3°, 4° et 5° de l'article 64: "2° l'importance du besoin
exprimé auquel l'établissement désire répondre;
3° l'appui manifesté et la participation du milieu; 4° les
effets de l'agrément sur l'équilibre des ressources du milieu;
5° l'apport spécifique de l'établissement en termes
d'enrichissement, de complémentarité ou de diversité."
Il est absolument anormal, dans une société que l'on peut
considérer comme une démocratie, que des parents ou des groupes
de citoyens se voient refuser le permis d'ouvrir des écoles et de
recevoir un financement juste et équitable pour les raisons
invoquées dans cet article 64. Qui sera appelé à juger des
"effets de l'agrément sur l'équilibre des ressources du milieu"?
Sur quoi se basera-t-on pour mesurer "l'appui manifesté et la
participation du milieu"? Que signifie "l'apport spécifique de
l'établissement en termes d'enrichissement, de
complémentarité ou de diversité", surtout lorsque les
institutions privées devront se conformer en tous points aux
règles régissant les activités pédagogiques?
Le concept de la complémentarité peut être
interprété de différentes façons et contient tous
les germes de décisions arbitraires venant de l'État, surtout
quand ce dernier veut limiter l'expansion du secteur privé. Une loi
juste ne peut être fondée sur des expressions douteuses qui
prêtent à toutes les équivoques, mais elle doit
l'être sur des droits, en l'occurrence, le droit fondamental des
parents.
L'évaluation des projets concernant l'ouverture de nouvelles
écoles privées ne doit pas être confiée aux
commissions scolaires. Ces dernières ont reçu le mandat
d'administrer le secteur public et ne peuvent parler au nom des parents
intéressés à l'enseignement privé. Cette politique
a déjà été pratiquée dans plusieurs
régions du Québec et a presque toujours donné des
résultats négatifs pour l'enseignement privé. Ce nouveau
moratoire n'a pas sa raison d'être.
Les subventions. Pour la première fois, il est fait mention de la
valeur locative dans le projet de loi 141. C'est une amélioration qui
était attendue. D'après ce projet de loi, le montant de base
serait établi annuellement et l'établissement des règles
budgétaires serait soumis à l'approbation du Conseil du
trésor. Cela ne donne pas de lueur d'espoir d'augmentation des
subventions aux services éducatifs, encore moins d'un retour au
financement de la Loi sur l'enseignement privé de 1968. L'enseignement
privé est cependant une économie pour l'État, près
de 300 000 000 $. M. Ryan affirmait, le 1er novembre 1989, que les
déboursés entraînés par les établissements
privés sont presque deux fois moins élevés. Cette
économie est réalisée, entre autres, par des parents qui
contribuent déjà à 100% au financement du secteur
public.
La liberté d'enseignement risque de devenir un vain mot à
cause de l'augmentation des frais de scolarité que doivent payer les
parents qui choisissent l'enseignement privé pour leurs enfants. La loi
11 de 1981, selon ses articles touchant l'enseignement privé, avait
modifié substantiellement la loi 56 et avait effectué des
coupures budgétaires qui ont eu des répercussions néfastes
pour les parents des classes moins favorisées et pour la survie d'un
grand nombre d'écoles privées. La baisse de la clientèle
dans plusieurs d'entre elles et les déficits à
répétition, comme nous l'indique notre dernière
consultation en 1990, amèneront d'ici quelques années la
fermeture de plusieurs écoles privées. Ces problèmes
financiers rendront de plus en plus difficile la relève institutionnelle
par des groupes de laïcs.
Pour le collégial, le projet de loi 141 prévoit une
demi-subvention par session. Cela occasionnera une injustice majeure en
comparaison de ce qui a cours dans le secteur public pour qui cette double
lecture n'est pas en application. Cette base de calcul se rapprochera de celle
du FABES, mais, encore là, ce mode de financement n'est pas encore en
application; même lorsqu'il le sera, le secteur privé sera encore
beaucoup touché en ne recevant qu'une moitié des montants
applicables pour un élève qui ne revient pas à la
deuxième session, alors que le secteur public ne perdra qu'un faible
pourcentage d'une demi-subvention.
L'inspection. Le texte du projet de loi 141 ne donne pas beaucoup de
détails au sujet de l'inspection. L'APCQ accepterait le principe de
l'inspection à la condition et au moment où il serait
étendu au secteur public d'enseignement.
L'abondance des règlements. Le projet de loi 141 laisse
prévoir une abondance de règlements à venir: qu'ils
viennent du gouvernement (du Conseil des ministres) ou du ministre
lui-même. Cette somme de règlements à venir laisse à
l'éventuelle loi une très grande marge d'imprécision et de
situations discriminatoires.
Le moment de la présentation du projet de loi. L'Association des
parents catholiques du Québec trouve que le projet de loi 141 est
présenté à un moment stratégique pour le
gouvernement. Que peut-on penser d'un projet de loi portant sur
l'éducation qui est présenté le 15 mai? Pourquoi met-on
tout en oeuvre pour que la commission de l'éducation siège
pendant les vacances scolaires? On se souvient du momentum de la loi 11.
La Commission consultative de l'enseignement privé. Nous croyons
que l'existence de la Commission consultative de l'enseignement privé,
ainsi que son fonctionnement doivent être maintenus et nous en profitons
pour rappeler au ministre de l'Éducation de peut-être tenir
davantage compte des suggestions de notre
organisme en vue de nominations à la Commission consultative de
l'enseignement privé, vu son rôle de représentant des
parents depuis plus de 25 ans.
Nos recommandations. S'appuyant sur les dernières consultations
et sur les requêtes antérieures, l'APCQ recommande: que le projet
de loi 141 réaffirme et respecte le préambule de la loi 60
créant le ministère de l'Éducation et le Conseil
supérieur de l'éducation en 1964; que les termes "exploitant",
"client" et "établissement" soient remplacés dans le projet de
loi 141 par les termes actuellement utilisés qui sont plus respectueux
de la réalité du monde de l'enseignement privé au
Québec; que, dans le respect des droits des parents de choisir
l'école pour leurs enfants, le projet de loi 141 ne mentionne pas la
limitation du nombre d'élèves à temps plein admissibles
aux subventions; que l'accréditation (agrément) soit
attribuée sans limite de temps aux institutions qui ont
déjà le statut de déclaration d'intérêt
public ou de reconnaissance pour fins de subventions; que les
éléments 2°, 3°, 4°, 5° et 6° soient
retirés de l'article 64 du projet de loi actuel; que les subventions
comprennent la valeur locative et 80 % du coût moyen de l'année en
cours, pour les institutions privées actuellement
déclarées d'intérêt public, et 60 % pour celles
reconnues pour fins de subventions; que le concept d'inspection soit
clarifié et qu'il ne soit établi dans les institutions
privées qu'à la condition et au moment où il sera
étendu au secteur de l'enseignement public; que les règlements de
l'éventuelle Loi sur l'enseignement privé soient réduits
le plus possible. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Comme vous
avez pu le voir, nous vous avons laissé terminer votre
présentation du mémoire même si le temps était
écoulé. Vous avez obtenu un consentement, semble-t-il, des
différents intervenants autour de cette table. Aussi, maintenant, je
vais passer la parole à M. le ministre de l'Éducation.
M. Pagé: Alors, Mme St-Cyr, merci. Mme Mathieu, Mme la
secrétaire générale, M. Cata-ford, M. Turgeon, M.
Touchette, bienvenue chez nous, bienvenue chez vous. Vous êtes au
Parlement, c'est chez vous. C'est votre Assemblée nationale.
J'ai lu votre mémoire. Je retiens que vous vous inscrivez dans le
même sens que certains autres groupes qui ont eu à
témoigner ou qui viendront témoigner demain ici. Un certain
nombre de réserves, des appréhensions, des
interprétations, etc. Je voudrais être très bref parce que
le temps fuit, évidemment. Je veux profiter des quelques minutes qui me
sont allouées pour avoir l'échange que j'espère le plus
utile avec vous. (17 h 30)
Vous êtes des parents. Vos membres, pour un pourcentage important,
envoient leurs enfants à l'école privée. D'ailleurs, vous
avez recueilli - je me le rappelle, j'étais ici à
l'Assemblée lorsque la pétition avait été
déposée - 546 000 noms. Vous avez impressionné le jeune
député que j'étais à l'époque et je me suis
dit: Bon, bien, ils sont favorables à l'enseignement privé, tout
ça.
Comment... Et, là, en répondant, je ne vous demande pas de
me dire oui à tout ce qu'il y a de pouvoirs réglementaires ou de
détails de pouvoirs qui appartiennent au ministre dans le projet de loi,
d'accord? Les parents contribuent - et vous l'avez dit - d'une façon
importante. Au-delà des taxes et des impôts avec lesquels ils
contribuent au secteur public, les parents d'enfants fréquentant une
institution privée doivent nécessairement débourser des
sommes pour la scolarisation de leurs enfants. Comment vous, comme association,
vous semblez vous inscrire en retrait, en opposition tout au moins, dans une
perspective de meilleur contrôle au niveau pédagogique, de
meilleur contrôle en ce qui concerne les facilités offertes
à celles et à ceux qui en bénéficient?
Mme St-Cyr: À cette question, je vais passer la parole
à M. Turgeon, qui est notre aviseur pédagogique et qui pourra
répondre à votre question.
M. Pagé: D'accord.
Le Président (M. Gobé): M. Turgeon, vous avez la
parole.
M. Pagé: O.K. Allez-y.
M. Turgeon (Y van): Je crois que Mme Mathieu est mieux
placée.
Le Président (M. Gobé): Alors, allons-y pour
madame.
Mme Mathieu (Adeline): Je voudrais, s'il vous plaît, que
vous répétiez votre question parce que ça ne m'a pas paru
clair.
M. Pagé: Bon.
Mme Mathieu: J'ai l'impression que vous nous avez situés
peut-être pas tout à fait comme on se croit, nous, situés.
Alors, si vous voulez...
M. Pagé: Vous êtes des parents. Mme Mathieu:
Oui.
M. Pagé: Les parents d'enfants qui sont inscrits dans des
écoles privées doivent défrayer des sommes qu'on dit
importantes, d'ailleurs.
Mme Mathieu: Oui.
M. Pagé: Dans le mémoire, vous nous dites: II y a
eu une diminution substantielle de l'aide depuis M. Jacques-Yvan Morin, le Dr
Laurin, peu importe...
Mme Mathieu: D'accord.
M. Pagé:... depuis le gouvernement du Parti
québécois. Donc, ça coûte plus cher.
Mme Mathieu: Oui.
M. Pagé: Mais quand on paie, normalement, on a tendance
à se sentir plus sécurisés lorsqu'on a des moyens de
contrôle et que le ministre a des moyens de contrôle. Ça,
c'est une réaction naturelle. D'ailleurs, demain, il y a des gens qui
vont nous dire: C'est bien, ce que vous faites et ce n'est pas assez, alors que
vous semblez vous inscrire exactement comme les institutions d'enseignement
privées qui ont témoigné aujourd'hui, le patronat, etc.:
M. le ministre, trop de contrôles, trop de pouvoirs, etc. Ça me
semble un peu inconciliable.
Mme Mathieu: Je pense que c'est très clair dans notre
esprit. Ça fait 25 ans, en fait, qu'on travaille comme parents...
M. Pagé: Oui.
Mme Mathieu:... en collaboration avec les institutions...
M. Pagé: D'accord.
Mme Mathieu:... qu'on est des partenaires et, jusqu'à
maintenant, dans l'ensemble, les parents sont satisfaits de ce qui s'enseigne
dans les écoles privées. Les parents ont regretté beaucoup
la disparition d'un très grand nombre d'écoles qui ont
donné des services extraordinaires dans bien des domaines, soit des
écoles normales, des instituts familiaux, des écoles techniques,
des écoles professionnelles de tout genre qui ont tous.
été intégrés. Alors, de plus en plus, on s'est
rendu compte que l'école privée ne pouvait pas créer. On
s'est rendu compte qu'il y avait des besoins dans la population et que
très souvent l'école privée ne pouvait pas y
répondre parce qu'elle était limitée dans sa
capacité de créer. C'est ce point de vue qu'on veut
défendre, tout en demandant une augmentation de l'aide de l'État
aux écoles privées, par le fait même aux parents, afin que
l'école soit accessible au plus grand nombre de parents possible parce
qu'elle est de moins en moins accessible.
On veut lui permettre aussi d'être créatrice, de
répondre à des besoins comme elle le faisait dans le
passé. On ne veut pas que l'école privée soit
limitée, par exemple, par des idées comme la
complémentarité. Si l'école, il faut faire la preuve
qu'elle est complémentaire, bien, ça peut être
extrêmement dangereux. C'est vrai que, dans bien des cas, elle est
complémentaire, mais dans bien des cas aussi, il faut quand même
voir que, sans ajouter de services spéciaux, elle a un projet
éducatif qui est particulier.
On ne veut pas que l'école privée soit
bâillonnée de toutes façons. Cette liberté-là
est fondamentale et la population en général est d'accord avec
ça. Et nous, c'est vrai que nous représentons, pour plus de la
moitié de nos membres, le secteur privé, mais avons aussi
beaucoup de parents du secteur public. Et, très souvent, le même
parent a des enfants dans le public et des enfants dans le privé. Au
primaire, l'enfant va au secteur public; au secondaire, dans bien des cas, il
va au secteur privé et, souvent, au collégial, il retourne...
Alors, dans notre population, il y a un esprit qui est très
large. Les sondages l'ont prouvé. Nos pétitions à
plusieurs reprises ont montré que la population et les parents, en
particulier depuis 25 ans, désirent un secteur privé
d'enseignement, ce qui ne veut pas dire qu'on ne veut pas en même temps
un service public de qualité. Mais on dit: Priorité d'abord
à l'éducation, priorité à l'enfant, priorité
aux services. On ne trouve pas, nous, que c'est contradictoire. On veut que
l'école privée ait une grande liberté. Ça ne veut
pas dire qu'il ne doit pas y avoir certains contrôles, puisqu'à la
fin on vous dit qu'on accepterait un certain système d'inspection -
là, ça ne nous paraît pas clair -une certaine surveillance.
D'ailleurs, il en existe présentement une surveillance. Je ne sais pas
si ça répond à votre question.
M. Pagé: Oui. Mme Mathieu ou Mme la présidente,
vous étiez ici cet après-midi, je présume. Vous avez
écouté la présentation des mémoires.
J'espère que vous vous sentez un peu plus sécurisée qu'au
moment où vous avez écrit le mémoire.
Mme St-Cyr: On aime beaucoup les choses claires et
écrites, M. Pagé.
M. Pagé: Oui, mais j'ai indiqué ce matin qu'on
était ici pour écouter, pour échanger. Je savais, pour
avoir lu vos mémoires lorsqu'on les a reçus, que j'avais besoin
d'appliquer une bonne dose de sécurité aux intervenants
aujourd'hui. J'ai commencé cet après-midi.
Mme St-Cyr: Je dois vous dire, M. Pagé, comme l'a dit le
groupe qui nous précédait, que, les parents aussi, on craint les
galons et les mesures, tu sais, quand on parle de quotas. J'étais
très contente que vous clarifiiez quel sens vous donniez au mot "quota"
parce que, dans la population ordinaire, les parents...
M. Pagé: Donc, la commission est utile!
Mme St-Cyr: Effectivement, parce qu'on y est venus.
M. Pagé: Parfait, même si elle a lieu en
août?
Mme St-Cyr: Pardon?
M. Pagé: Même si elle a lieu en août.
Mme St-Cyr: Même si...
Une voix: Elle a lieu au mois d'août.
M. Pagé: Elle a lieu en août, même si elle
siège en août.
Mme St-Cyr: Ah, que voulez-vous? On s'adapte, les parents. On vit
toutes sortes de situations.
M. Pagé: Comme nous, on l'est tous probablement autour de
cette table.
Mme St-Cyr: C'est ça, heureusement!
M. Gendron: Est-ce que le ministère a reçu un bon
quota de lait?
M. Pagé: Ah, de grâce, s'il vous plaît! Ne
succombez pas. Ne devenez pas...
M. Gendron: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): On est dans le domaine de
l'éducation.
Une voix: II va ressembler à d'autres.
M. Pagé: Ça se pourrait. Il va ressembler à
d'autres.
Le Président (M. Gobé): M. le ministre a
terminé, je crois?
M. Pagé: Non. Est-ce que j'ai encore du temps?
Le Président (M. Gobé): Oh, quelques minutes,
allez-y, oui. On n'est pas à cheval sur le temps.
M. Pagé: Bon, d'accord. Vous êtes satisfaits qu'on
passe à un seul groupe, qu'on passe à la déclaration
d'intérêt public au niveau du subven-tionnement. C'est le cas
qu'avec la déclaration d'intérêt public ça donne
droit au transport scolaire au secondaire. Pour ce qui est du primaire, parce
que vous semblez l'interpréter ainsi dans votre mémoire, tout va
dépendre des relations que vous avez ou des échanges que le
ministère des Transports aura avec les institutions privées,
parce que c'est réglé par le ministère des Transports,
ça, en ce qui concerne l'accès du transport en dehors des
communautés urbaines, pour le secteur primaire, avec la
déclaration d'intérêt public. La Fédération
nous a indiqué tout à l'heure... Vous avez une question, Mme la
présidente?
Mme St-Cyr: Oui, je voudrais juste vous dire qu'on
apprécie grandement l'amélioration qui est apportée au
projet de loi 141 au niveau des écoles primaires ou préscolaires
qui pourront être subventionnées sans avoir un pensionnat. Depuis
très longtemps, l'Association des parents catholiques s'est battue pour
ça. Depuis 25 ans qu'on le demande, il n'est jamais trop...
M. Pagé: Ça a pris 25 ans à l'avoir, vous
allez l'avoir.
Mme St-Cyr: Bien, je vous dis...
M. Pagé: Encore faut-il que la loi passe, cependant.
Mme St-Cyr: Bien, c'est ça, on verra. De toute
façon, lorsque vous dites qu'on est d'accord avec un seul niveau de
financement, je ne crois pas que c'est ce que nous voulions dire. Nous croyons
qu'une manière de continuer la RFS serait justement pour le gouvernement
un moyen de faire le test ou de pouvoir évaluer une école; en
attendant d'être reconnue d'intérêt public, elle pourrait
faire ses classes, comme on dit. Donc, nous pensons qu'actuellement, comme le
disait le groupe précédent, peut-être pas de la même
manière que nous, avec la période de probation, l'école
qui a une RFS pourrait doucement s'acheminer vers une déclaration
d'intérêt public.
M. Pagé: Mais quand vous référez, Mme la
présidente - comment dirais-je - à une espèce de
validation progressive, ne croyez-vous pas que vous accréditez des
permis à ce moment-là?
Mme Mathieu: Ce n'est pas du tout la même chose. D'abord,
nous, on n'a jamais considéré qu'une école
déclarée d'intérêt public, on lui donnait un
permis.
M. Pagé: Je suis d'accord. Non, mais je ne parle
pas...
Mme Mathieu: Le permis était accordé pour d'autres
types d'institutions. Là, aujourd'hui, on met tout le monde, toutes les
écoles sur le même pied et on leur accorde des permis. On
enlève, en fin de compte, des catégories qu'on trouvait, nous,
très importantes. Si on maintient l'idée de la reconnaissance
pour fins de subventions, c'est qu'on craint que ça devienne de plus en
plus
difficile de créer des écoles.
M. Pagé: Ah, mais, Mme la directrice, je dois vous dire
ceci: J'ai, jusqu'à maintenant, accepté toutes les
recommandations qui m'ont été faites, qu'elles soient positives
ou négatives, de la part de mon organisme de consultation. Il s'en
crée de nouvelles écoles, madame.
Mme Mathieu: Nous, on favorise le maintien de...
M. Pagé: Le moratoire a été levé en
1987 et il y a eu des écoles qui se sont vu...
Mme St-Cyr: On sait ça, M. le ministre. M. Pagé:
Pardon?
Mme St-Cyr: On est au courant que le moratoire a
été levé. On s'est tellement battu pour qu'il le soit.
M. Pagé: Bon.
Mme Mathieu: Mais on ne voudrait pas y revenir avec
l'article...
M. Pagé: Ce n'est pas notre intention et c'est nous, comme
gouvernement, qui l'avons levé fin 1986, début de 1987.
Mme Mathieu: Si on appliquait les critères qui sont
mentionnés à l'article 64...
M. Pagé: Oui.
Mme Mathieu:... d'une certaine façon, on pourrait revenir
au moratoire. Tout dépend du ministre, tout dépend, à ce
moment-là, des directives.
M. Pagé: Mais c'est avec les critères qu'il y avait
quand même à l'ancien article, où le ministre avait sept
termes de référence, que les écoles ont pu...
Mme Mathieu: L'article 9 de l'ancienne loi n'avait pas toutes ces
exigences concernant l'accord du milieu.
M. Pagé: D'accord. Ça, je suis d'accord avec
vous.
Mme Mathieu: Tout simplement, on déclarait
d'intérêt public une école qui était reconnue comme
ayant une valeur, qui donnait des services de qualité, dont le corps
professoral avait la compétence voulue et on n'allait pas jusqu'à
toutes ces contraintes qu'on veut imposer pour qu'une école puisse non
seulement être reconnue de nouveau d'intérêt public
après cinq ans, mais pour qu'une nouvelle école soit
créée. Alors, je pense qu'il faut réétudier
sérieusement tous ces critères qui ont été
mentionnés à l'article 64. On pourrait les interpréter de
n'importe quelle façon. Ils sont extrêmement dangereux. Tant qu'on
a un ministre comme vous qui dit - et je le crois - qu'il croit à la
démocratie, qu'il croit à la liberté d'enseignement, on
pourrait se dire: On est en sécurité. Mais, quand on vote des
lois, il faut toujours penser qu'elles peuvent être
interprétées et, si on utilise des mots qui peuvent être
interprétés de différentes façons, à ce
moment-là, on introduit les institutions privées dans une
situation très difficile et arbitraire.
M. Pagé: Merci, Mme Mathieu. C'est très gentil. En
fait, vous dites: On a confiance en M. Pagé, mais on ne connaît
pas ses successeurs.
Mme Mathieu: Absolument.
Une voix: Ceux du Parti québécois.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pagé: Ceci étant dit, est-ce que vous êtes
d'accord avec la Fédération lorsqu'elle demande d'augmenter et
qu'elle se déclare satisfaite d'un seuil de 65 % qui donnerait comme
résultat, finalement, de ce qu'on contribue pour le privé, deux
tiers payés via les subventions et un tiers via les parents?
Mme Mathieu: Nous, vous savez, on a toujours voulu consulter la
population pour parler.
M. Pagé: Oui.
Mme Mathieu: On a une pétition, on vous l'a dit, de 546
000 signatures, où tous les groupes intéressés à
l'enseignement privé ont participé, qui a été
déposée dans ce beau salon il y a quelques années. On a eu
le "Manifeste des parents chrétiens" qui est revenu à la charge
et qui, cette fois, avait 1 000 000 d'appuis. Vous avez toutes ces
signatures-là dans vos voûtes ici. On a fait de nouvelles
consultations et toujours nos parents et la population nous ont demandé
le retour aux 80 % non pas de l'année précédente, mais de
l'année en cours.
Comment voulez-vous sincèrement, étant les porte-parole de
ces personnes-là, qu'on puisse aujourd'hui dire: Nous, on se contente de
65 %? On se rend compte que l'école privée devient de moins en
moins accessible, même à la classe moyenne. En principe,
l'école privée aurait droit à un financement à 100
%, mais on comprend que, pour différentes raisons, et on s'est
ralliés à ça, on accorde les 80 % et, là, on parle
de 65 %. Alors, nous, comme parents et ayant consulté depuis 25 ans la
population, on ne peut pas demander autre chose que les 80 % ou les
60 % pour une période de probation. (17 h 45)
M. Pagé: Merci. Avant de passer la parole à ma
collègue, merci beaucoup de votre présentation, en ce qui me
concerne, et j'espère qu'on pourra maintenir le contact. On va faire
notre travail interne, ma collègue et moi, au lendemain des travaux de
la commission. Je tiens à vous dire que, si on a siégé
à cette période-ci de l'année, c'est que je veux
entreprendre une tournée des régions du Québec en
septembre. Octobre, c'est le début de la session. Ça nous aurait
conduits à des auditions peut-être uniquement à la fin
d'octobre, début novembre. Je croyais faire oeuvre utile de convoquer la
commission, comme leader parlementaire du gouvernement, pour ces jours-ci.
D'ailleurs, je crois qu'on l'a fait, vous y êtes, puis votre
mémoire a été bien présenté. Merci. On
devrait revenir à l'article par article probablement fin octobre,
début novembre, pas avant.
Le Président (M. Gobé): Merci. Une courte question,
Mme la ministre. M. le député, par la suite, on terminera avec
vous. Le temps s'est écoulé. Mme la ministre, vous avez la parole
pour votre question.
Mme Robillard: Oui, M. le Président. D'abord, une toute
petite question d'information, Mme St-Cyr. Vous avez 60 000 membres, je pense,
ce que vous avez mentionné. Pourriez-vous me les répartir selon
l'ordre d'enseignement? Est-ce que vous avez une idée de combien de
membres vous avez qui s'adressent au collégial de façon
spécifique?
Mme St-Cyr: C'est sûr qu'au collégial nous en avons
beaucoup moins, c'est un fait. Nos membres sont en partie des parents du
primaire et du secondaire.
Mme Robillard: Mais vous n'avez pas... Mme St-Cyr: Non,
actuellement. Mme Robillard: Un ordre de combien?
Mme St-Cyr: Quand nous serons informatisés, je pourrai
vous dire ça.
Mme Robillard: Ah! Parfait.
Mme Mathieu: Mais ce qu'on pourrait ajouter cependant, c'est que,
chaque fois qu'on a lancé des pétitions, des manifestes ou de
grandes actions publiques, on a eu aussi la participation des parents du niveau
collégial.
Mme Robillard: Alors, une question sur votre mémoire, de
façon très particulière à la page 10. Quand vous
parlez du collégial et que vous parlez de la demi-subvention par
session,
Mme St-Cyr, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'entendre ce
matin la Fédération des commissions scolaires et la CEQ, je pense
aussi, qui ont entériné dans le même sens, à l'effet
que la subvention suive presque l'élève; si l'élève
change peut-être du privé au public, qu'on l'ajuste en
conséquence. Est-ce que je comprends que vous n'êtes pas d'accord
avec ça?
Mme Mathieu: On va donner la parole au représentant chez
nous du collégial.
Le Président (M. Gobé): Alors, allez-y rapidement,
par exemple.
M. Turgeon: Vous ne parlez pas uniquement du collégial,
à ce moment-là? C'est pour le primaire, secondaire et
collégial, je suppose?
Mme Robillard: Oui, oui, de façon
générale.
M. Turgeon: En fait, la subvention est rattachée à
l'élève et au cheminement de l'élève. C'est
ça que vous voulez dire, quelqu'un qui quitterait...
Mme Robillard: Mais ce matin, c'est ça qu'ils nous ont
dit.
M. Turgeon:... par exemple, en décembre, aurait
laissé une subvention dans sa première école et la
subvention le suivrait.
Mme Robillard: Clarifiez-moi votre position concernant le
collégial. C'est la double lecture...
M. Turgeon: Oui, c'est ça. C'est une inquiétude que
nous avons voulu manifester.
Mme Robillard: Parfait.
M. Turgeon: C'est bien certain qu'à titre de conseiller,
c'est moi qui ai attiré l'attention de l'association des parents sur
cette réalité.
Mme Robillard: Oui.
M. Turgeon: La double lecture ne s'applique pas au public. La
double lecture, qui consisterait à ne donner qu'une demi-subvention par
session...
Mme Robillard: Oui.
M. Turgeon:... serait vraiment catastrophique dans le moment
actuel parce qu'on sait que les institutions, au niveau collégial,
doivent supporter toutes les infrastructures et tout le système pendant
toute l'année. La façon actuelle d'être
subventionné, c'est une subvention à l'élève qui
est présent au 20 septembre, comme au 30 septembre au secondaire et au
primaire. Le fait, du jour au lendemain, d'arriver à une demi-subvention
serait très difficile à vivre.
D'ailleurs, comme on le dit dans le mémoire, on fait un
rapprochement avec le financement FABES qui n'est pas encore en application et
qui pose encore beaucoup de questions. Même le financement qui se ferait
avec la simulation de FABES n'irait pas couper la subvention en deux pour les
gens du public.
Mme Robillard: Bon...
M. Turgeon: D'ailleurs, je crois que l'ACQ, demain, aura
l'occasion de s'exprimer sur le sujet, puis c'est exactement dans cette
ligne-là que j'aurais voulu m'exprimer.
Mme Robillard: Parfait. Nous y reviendrons demain de façon
particulière, mais vous me permettrez de vous dire que FABES va
s'appliquer dès septembre 1991 au secteur public et qu'il y aura une
double lecture. Mais on aura l'occasion d'y revenir...
M. Turgeon: C'est ça.
Mme Robillard: ...avec l'ACQ demain.
M. Turgeon: Et de voir à quelle lettre...
Mme Robillard: Oui.
M. Turgeon: ...ça s'applique. C'est ça.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre, de
ces précisions.
M. Turgeon: D'accord.
Le Président (M. Gobé): Je vais maintenant passer
la parole à M. le député d'Abitibi-Ouest et porte-parole
officiel de l'Opposition. M. le député.
M. Gendron: Oui. Je voudrais remercier l'Association des parents
catholiques du Québec, ainsi que les gens qui ont accepté de se
déplacer pour venir présenter leur mémoire. Je pense que
c'était important d'avoir votre point de vue, d'autant plus que votre
association, c'est peut-être celle qui a le plus de parents directement
regroupés, concernés par l'enseignement privé. Mais a
moins que je n'aie pas saisi votre mémoire - et je reviendrai sur la
flatterie ministérielle tantôt - c'est les mêmes craintes,
les mêmes appréhensions, les mêmes peurs que tous les
groupes. Vous avez touché exactement les mêmes sujets. Vous
rappelez les mêmes inquiétudes réelles sur les choses
auxquelles je pense qu'il y a lieu pas d'entendre des discours, pas d'entendre
des points de vue, mais d'avoir un texte législatif.
Après avoir rappelé les principes que vous défendez
comme association, qui vous sont chers: principe de liberté de toute
nature, dès les premières lignes du mémoire, vous dites:
On a été surpris et inquiets du projet de loi 141. Pour ceux qui
ne s'en rappelleraient pas, le projet de loi 141, il a été
présenté par le ministre de l'Éducation actuel, celui en
qui vous avez bien confiance. Je reprends les paroles de Mme Mathieu. Elle dit:
Nous, on n'a pas de problème; si c'étaient toujours des ministres
comme le ministre Pagé, il n'y aurait pas de problème.
Moi, je ne peux pas fonctionner de même parce que le projet de
loi, il a été présenté et signé par le
ministre actuel, qui occupe le siège que vous connaissez. De toute
façon, tous les autres organismes ont dit la même chose que vous,
Mme Mathieu. Ils ont dit: L'article 64 est dangereux; il est imprécis,
puis on a peur parce qu'il y a plusieurs éléments
d'interprétation, il y a de l'arbitraire et ainsi de suite. Donc, moi,
je vous demanderais d'être plus prudente; c'est de vos affaires,
remarquez. Mais si j'étais vous - un conseil d'ami - dans le contexte
politique actuel, je ne suis pas sûr que vous ne devriez pas flatter
davantage ce côté-ci de la table...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: ...compte tenu de ce qui peut arriver à court
terme. On en a eu un petit exemple dans la dernière partielle à
Montmorency.
M. Pagé: On ne peut commander les sentiments.
Mme St-Cyr: M. Gendron...
M. Gendron: Juste une minute. On ne commande rien. On se fie,
nous autres, à l'appui de l'électoral
Une voix: Vous ne commandez pas, vous quémandez.
M. Gendron: On ne quémande rien. On se fie au bon jugement
de l'électorat. Ils se rendent compte de ce qui se passe et il n'y aura
pas de problème.
Non, ces gens-là ont le sens de la répartie et de
l'humour. Mais sincèrement, Mme Mathieu - et je vous laisse une seconde
- il me semble, très sérieusement, comme tous les autres l'ont
dit, si on veut être sérieux que ça serait
préférable d'avoir des textes écrits qui confirment
effectivement qu'un langage comme celui qu'on a utilisé dans le projet
de loi 141 traduit une préoccupation un peu trop "business", si vous me
permettez l'expression. Moi, je ne considérerai jamais les institutions
d'enseignement comme étant des usines. C'est ce qu'on a fait avec le
projet de loi 141, par le même ministre en qui vous avez bien confiance.
C'est lui qui a sorti les notions d'"exploitant", de "client",
d'"établis-sement", comme si on était en affaires. Moi, je
ne pense pas qu'on est en affaires.
Dans ce sens-là, moi, je ne peux pas être contre votre
mémoire, il dit la même chose que les autres: Les quotas, on ne
veut rien savoir; l'agrément, il est dangereux; les subventions, on n'en
a pas assez. Vous êtes prêts à regarder ça,
l'inspection, mais vous êtes contre l'inspectorat. Vous n'êtes pas
d'accord que l'école soit considérée comme une entreprise
commerciale. J'achète ça. Donc, c'est un mémoire comme les
autres, qui reprend exactement les mêmes éléments, et je
vous félicite là-dessus, et je suis d'accord avec vous. Avant de
poser mes deux questions, je vous laisse faire votre commentaire. Vous voulez
faire un commentaire.
Mme St-Cyr: Oui. Je veux juste vous rappeler, M. Gendron, qu'au
moment où M. Ryan a annoncé son projet de révision de la
Loi sur l'enseignement privé nous lui avons écrit, le 22 janvier
1990, lui faisant part que nous étions contents qu'il en fasse la
révision et aussi que nous étions un peu surpris parce que ce
n'est pas ça que les gens demandent, une révision en profondeur
de la Loi sur l'enseignement privé.
Je voudrais vous dire qu'on n'est pas nés de la dernière
pluie. On sait, le projet de loi 141, à quelle date il a
été émis. Je voulais juste vous rappeler ça.
M. Gendron: Ça me fait plaisir, mais je suis au
courant.
Mme St-Cyr: Bon.
M. Gendron: Moi aussi, je sais très bien que...
Mme St-Cyr: Je voulais que ce soit clair.
Le Président (M. Gobé): M. le député
d'Abitibi-Ouest, vous avez la parole.
M. Gendron: C'est très clair. Alors, deux questions. Une
première... Là, sincèrement, par exemple, pour des gens
qui - je le sais - savent de quoi ils parlent, qui ont approfondi ces
questions-là, j'ai été un peu surpris à la page 9.
Bon, il y a quelques autres petites surprises, mais mineures. Mais, à la
page 9, j'aimerais ça attirer l'attention de tout le monde. Je trouve
ça un peu fort. Je vais vous le lire de toute façon.
Une voix: Oui.
M. Gendron: À la page 9, vous dites: "II est absolument
anormal, dans une société que l'on peut considérer comme
une démocratie, que des parents ou des groupes de citoyens se voient
refuser le permis d'ouvrir des écoles et de recevoir un financement
juste et équitable", approprié, pour des raisons de
liberté, de charte et tout ça.
J'aimerais ça que vous m'expliquiez ça. Pensez-vous
ça sincèrement? Quand vous écrivez une affaire de
même, pensez-vous sincèrement que, dans une société
comme la nôtre, on puisse dire ça uniquement au nom du mot, qui
est le "fun", liberté de tout, alors qu'il y a des fonds publics qui
sont en cause, qu'il y a des coûts très dispendieux à
émettre des permis sans considération? Quand il y a 90 % du
financement qui va au secteur public, si on laisse naître toutes sortes
de nouvelles demandes, même belles, légitimes, agréables,
simples, sans évaluer les conséquences que ça peut avoir
sur le système en place, comme parent, moi, je serais inquiet parce que
ça revient un peu dans le sens de la question du ministre, sa
première.
Au nom de la liberté, moi, je peux accepter n'importe quoi, mais
il y en a un autre qui dit que, normalement, les fonds publics doivent
être dépensés avec énormément d'analyse, de
parcimonie, d'attention pour sécuriser le portefeuille des
Québécois et des générations futures qui vont
hériter des mauvaises décisions financières. Alors,
comment conciliez-vous ça?
Mme Mathieu: Bien écoutez, je pense que vous n'avez pas lu
la dernière ligne de ce commentaire-là. On ne parle pas de la
liberté de l'enseignement. On dit: "II est absolument anormal, dans une
société que l'on peut considérer comme une
démocratie, que des parents ou des groupes de citoyens se voient refuser
le permis d'ouvrir des écoles et de recevoir un financement juste et
équitable pour les raisons invoquées dans cet article 64."
M. Gendron: Oui, je suis d'accord.
Mme Mathieu: C'est pour ces raisons-là. Ce n'est pas au
nom de la liberté et ce n'est pas un refus du gouvernement. Bon,
alors...
M. Gendron: Madame, on ne s'obstinera pas. Je suis
complètement d'accord, mais vous avez dit, deux phrases avant, que dans
l'article 64 il n'y a rien qui n'est pas là. Autrement dit, c'est la
gare centrale et un peu plus. Les paramètres de l'article 64,
êtes-vous capable de m'expliquer qu'est-ce qui peut manquer
là-dedans comme évaluation?
Mme Mathieu: Bien, c'est-à-dire qu'il ne devrait pas
être là tout simplement.
M. Gendron: J'ai bien compris ça.
Mme Mathieu: Bon. Alors, si vous l'avez compris, je ne comprends
pas pourquoi vous êtes étonné.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Je reprends. Moi, ça me fait
plaisir. Ça ne me surprend pas.
Mme Mathieu: Bien oui. Parce qu'on est d'accord, on a
développé la liberté d'enseignement sous tous ses aspects.
On a parlé de démocratie. On a dit en même temps le
rôle de l'État: rôle de surveillance,
d'intérêt, bon. On est d'accord avec tout ça, mais
l'article 64 va trop loin. Quand on me parle de "l'importance du besoin
exprimé auquel l'établissement désire répondre",
c'est tellement vague qu'on peut faire n'importe quoi avec un article comme
celui-là. On peut dire: Non, votre école ne répond pas aux
besoins exprimés. Bon.
La même chose avec "l'appui manifesté et la participation
du milieu". Il suffit qu'un groupe comme celui qui est passé ici ce
matin, là, dise que, eux, ils représentent le milieu et qu'ils ne
sont pas d'accord avec la création d'une nouvelle école, puis
qu'ils viennent s'exprimer auprès du gouvernement et qu'ils fassent un
certain bruit avec l'appui du Mouvement laïque ou d'un autre groupe contre
l'enseignement privé. Alors, l'appui manifesté et la
participation du milieu", on peut interpréter ça comme
étant extrêmement dangereux. On peut jouer avec cette
expression-là et lui faire dire ce qu'on veut. "Les effets de
l'agrément sur l'équilibre des ressources du milieu", c'est
encore la même chose. Qui va faire l'analyse des "effets de
l'agrément sur l'équilibre des ressources du milieu"? Qui aura
autorité? On ne le sait pas. Voyez-vous, ce sont des expressions qu'on
peut interpréter comme on veut. Alors, avec un ministre comme M.
Pagé - c'est ce que j'ai dit - qui affirme qu'il est pour l'enseignement
privé et qui affirme qu'il croit à la liberté de
l'enseignement, et que je crois sincère, lui, peut-être,
j'espère qu'il ne les appliquera pas, qu'il ne mettra pas ça
trop, trop en marche. Mais pour combien de temps? Les ministres de
l'Éducation, on a vu comment ils se succédaient, à quel
rythme. Et quels seront les sous-ministres et quels seront les fonctionnaires
qui vont interpréter l'article de la loi.
Alors, c'est pour ça qu'on ne veut pas de l'article 64, en
particulier de 2°, 3°, 4° et 5°. Je ne sais pas si c'est clair,
ma réponse.
M. Gendron: Ah, c'est très clair. Question additionnelle.
Pourquoi pensez-vous que le ministre actuel en qui vous avez confiance les a
mis dans le projet de loi?
Mme Mathieu: Pourquoi il les a mis là? M. Gendron:
Oui.
Mme Mathieu: Vous pouvez le lui demander. Il est ici.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Moi, je vous l'ai dit, Mme Mathieu, ce n'est pas moi
qui lui donne toute cette belle confiance gratuite. J'ai la chance d'avoir des
témoins ici. Alors, moi, il me semble... Moi, sincèrement, M. le
Président...
Le Président (M. Gobé): Madame, s'il vous
plaît. S'il vous plaît. J'aimerais quand même rappeler aux
témoins que les questions qui sont adressées par un membre
généralement sont pour obtenir l'opinion de la personne et non
pas celle du ministre.
M. Gendron: Mme Mathieu, je respecte très, très
sincèrement votre position et votre opinion. J'ai bien compris;
c'était pour vous faire réaffirmer ce que tous les autres ont
dit: L'article 64, dans l'état actuel, crée des
inconvénients graves et, moi, je ne serais pas d'accord qu'on ne touche
pas à une nouvelle rédaction de 64 parce que c'est dangereux.
Ça crée des injustices.
Je voyais la députée de Bourget qui opinait du bonnet:
Mosus que vous avez raison! Mais, tout en ayant raison, je sais exactement ce
qu'elle a fait en Chambre. Elle a voté pour ça pareil. Son
ministre, il l'a mis dans le projet de loi.
Mme Boucher Bacon: Je n'étais pas là.
J'étais hospitalisée, excusez.
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît,
madame.
Mme Boucher Bacon: Excusez, M. Gendron. M. Gendron:
Oui.
Mme Boucher Bacon: Je n'étais pas là,
j'étais hospitalisée.
M. Gendron: On vous souhaite un prompt rétablissement.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Mais j'ai eu la précision. Je reviens sur une
autre question, Mme Mathieu. Vous pariez que l'évaluation des projets
concernant l'ouverture d'une nouvelle école privée ne doit pas
être confiée aux commissions scolaires. Vous avez dit ça
dans votre mémoire. Parce que, sur une base historique, vous dites que
l'évaluation a été très négative et
très mauvaise. Moi, je ne porte pas de jugement sur ce qui s'est
passé. Je vous pose une question puisque vous avez la chance de nous
éclairer par votre bonne expertise. Est-ce que vous ne croyez pas quand
même que, pour l'éclairage du ministre, ça serait
intéressant d'avoir le point de vue des commissions scolaires, à
la condition, bien sûr, que, dans l'agrément, ce ne soit pas une
condition sine qua non pour l'obtention si une commission
scolaire était favorable ou défavorable? Donc, bien
entendu, vous avez compris, c'est sans droit de veto. Mais est-ce que, pour le
bénéfice d'une plus grande sécurité quant à
la dispensation des sommes, parce qu'il y a toujours des fonds publics en bout
de ligne... Vous êtes parent. Vous êtes une payeuse de taxes et
beaucoup de ce temps-ci, plus que jamais. Alors, dans ce sens-là, est-ce
que vous ne croyez pas que ça serait important que les commissions
scolaires puissent avoir l'occasion de le donner formellement, soit à la
commission de l'enseignement privé qui est obligée d'en tenir
compte dans la rédaction de l'avis qu'elle envoie au ministre?
Seriez-vous opposés à une disposition comme celle-là?
Mme Mathieu: Avez-vous déjà demandé, vous,
à un dépanneur qui tient un magasin au coin d'une rue s'il est
favorable à ce qu'il s'en ouvre un autre en face?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Oui. Sérieux, je l'ai déjà
demandé. J'étais conseiller municipal dans une petite ville. Je
l'ai déjà demandé.
Une voix: Puis?
M. Gendron: La réponse était souvent la
même.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Mais il y en avait une couple d'autres qui donnaient
un éclairage et qui expliquaient au moins pour quelles raisons ils
pensent que ça n'avait pas de bon sens d'en avoir un en face.
Mme Mathieu: II ne faudrait pas oublier qu'il y a une Commission
consultative de l'enseignement privé aussi...
M. Gendron: Je le sais.
Mme Mathieu: ...qui est mandatée pour donner des avis au
ministre.
M. Gendron: Oui, mais est-ce que vous ne croyez pas qu'il y
aurait lieu, dans le projet de loi, puisque, moi, j'aime mieux me fier aux
choses que je peux lire dans le projet de loi, qu'il y ait une petite
disposition qui dise que cet avis-là doit être accompagné
du point de vue de la commission scolaire sur le territoire où il y a
une demande pour l'émission ou la reconnaissance d'un nouvel
établissement d'enseignement privé?
Mme Mathieu: Au nom de notre association, jusqu'à
maintenant, si on considère l'expérience qu'on a vécue du
temps du moratoire où il y avait consultation du milieu, dans la
période la plus souple, on s'est rendu compte que le milieu
n'était pas favorable.
Entre autres, le Mont-Bénilde, je vous donne un exemple, à
Sainte-Angèle-de-Laval. Tout était en place pour créer une
école. La clientèle était déjà sur les
listes, le nombre d'élèves voulu, les professeurs engagés
et le reste. La commission scolaire du milieu n'était pas favorable. Il
y a eu un nouveau gouvernement. L'école a pu naître. Le
Mont-Bénilde existe et la commission scolaire a continué.
Ça n'a pas démoli la commission scolaire. On n'a pas
demandé, cette fois-là, l'avis à la commission scolaire
parce que le Mont-Bénilde n'existerait pas comme école
privée.
M. Gendron: Mais croyez-vous que, dans certains cas, madame,
ça peut avoir des incidences importantes sur les commissions scolaires?
Là, vous dites: Ça n'a pas eu d'impact, puis je vous crois. Mais,
dans certains dossiers, est-ce que vous ne croyez pas que ça peut
être très dangereux de ne pas en tenir compte? Parce que ça
a un impact direct sur les services à la commission scolaire
publique?
Mme Mathieu: Je pense qu'il y a une commission de l'enseignement
privé. Il y a des partenaires de l'enseignement privé. Il y a un
ministre qui a des sous-ministres. Il y a un service de l'enseignement
privé et le reste. Ils sont en mesure de faire les enquêtes et les
études. Il ne faut absolument pas mettre ça dans le béton,
puis en faire justement un article de loi parce que, là, on vient
d'introduire une situation discriminatoire pour le secteur privé.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Mathieu. Ce fut
très instructif. M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Non, merci. Compte tenu du temps, je vous remercie,
madame.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, M. le
député d'Abitibi-Ouest. Mesdames et messieurs de l'association
des parents, ainsi que toutes les autres personnes qui étaient là
aujourd'hui, je tiens à vous remercier de cette participation.
Une voix: Mme Boucher avait une question. Brièvement.
Mme Boucher Bacon: Ce n'est pas vraiment une question.
C'était simplement pour renchérir sur ce que vous avez dit, Mme
Mathieu. D'abord, je tiens à vous féliciter pour votre
présentation. J'ai assisté moi-même à votre
présentation. J'ai toujours suivi votre mouvement. Je reçois,
d'ailleurs, vos journaux. J'aime mieux opiner d'un bonnet blanc pur que d'un
blanc bonnet. Alors, je vous dis mes félicitations. Continuez. Tant que
l'équipe ministérielle croira en l'enseigne-
ment privé - je pense que vous avez affirmé votre
confiance en notre ministre - vous pouvez continuer à avoir cette
confiance parce que je pense qu'on va le bonifier pour améliorer le bien
de tous les parents, de tous les élèves et de tous ceux qui
croient encore à l'enseignement privé. Je vous en remercie.
Ça, c'était le message.
Le Président (M. Gobé): Sur ces bonnes paroles de
la députée de Bourget, je vous réitère les
remerciements des membres de la commission. Avant de suspendre les travaux, je
souhaite à tous une bonne soirée et un bon retour chez vous.
J'ajourne les travaux jusqu'à demain matin, 9 h 30, en cette salle.
Maintenant, les travaux de la commission sont ajournés.
(Fin de la séance à 18 h 7)