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(Dix heures dix-huit minutes)
La Présidente (Mme Hovington): Bienvenue à la
commission de l'éducation, en ce mardi 27 février. La
séance de la commission de l'éducation est ouverte, dont le
mandat consiste à une consultation générale et à
tenir des auditions publiques sur le projet de loi 25, Loi sur l'aide
financière aux étudiants.
M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements, ce
matin?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Il y a le
député de Chauveau, M. Poulln, qui remplace le
député de Verdun, M. Gautrin.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, aujourd'hui,
nous aurons à entendre différents groupes dont le premier ce
matin, à 10 heures, est l'Association des étudiants de
l'Université McGill; à 11 heures, l'Association
générale étudiante des secteurs sciences humaines, arts et
lettres de l'Université du Québec à Montréal;
à midi, l'Association des étudiants en droit de
l'Université Laval; à 15 heures, la Centrale de l'enseignement;
à 16 heures, le Comité national des jeunes du Parti
québécois; à 17 heures, le Protecteur du citoyen; à
20 heures ce soir, la Fédération des associations de professeurs
des universités du Québec et, enfin, à 21 heures,
l'Intersyndicale des professeurs des universités
québécoises.
J'invite donc le premier groupe de ce matin, l'Association des
étudiants de l'Université McGill, à prendre place. Si
voulez bien vous présenter, s'il vous plaît.
Association des étudiants de
l'Université McGill
M. Young (Cameron): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je
m'appelle Cameron Young. Je suis le représentant de la Faculté de
droit à l'Association des étudiantes et étudiants de
l'Université McGill. À ma droite, M. John Fox, qui est
vice-président des affaires extérieures de notre Association, et,
à ma gauche, M. Santo Manna qui est président.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, je vous
rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.
Alors, allez-y. Le porte-parole sera vous, M. Young?
M. Young: C'est ça, là.
La Présidente (Mme Hovington): Allez-y, M. Young, on vous
écoute.
M. Young: Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. le
ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, mesdames et
messieurs, membres de cette commission, nous vous remercions de l'attention que
vous allez porter à notre discussion aujourd'hui. Il nous fait plaisir,
au nom des plus de 20 000 étudiants et étudiantes que nous
représentons, de vous faire part de nos recommandations quant aux
questions importantes qui sont devant nous aujourd'hui.
Notre but, en participant aujourd'hui, est de promouvoir une progression
cohérente vers une accessibilité accrue pour tous les jeunes
Québécois et Québécoises à une
éducation universitaire de qualité.
Il y a 30 ans, nous avons témoigné de la naissance d'un
mouvement social qui a indéniablement transformé la
société québécoise. En effet, la Révolution
tranquille avait comme objectif principal l'amélioration de la condition
sociale du peuple qui est le nôtre. C'est un choix de
société qui a fait de l'éducation une priorité. Il
était alors reconnu que l'accessibilité à
l'éducation était un droit et qu'en conséquence toutes les
barrières culturelles et financières à
l'accessibilité devaient être abattues.
Dans les mots du rapport Parent sur l'éducation, le droit de
chacun à l'instruction, de l'école primaire jusqu'à
l'université, et l'égalité des chances pour tous face
à l'éducation sont les fondements même de notre philosophie
sociale. C'est dans cette optique que le gouvernement du Québec a
gelé les frais de scolarité en 1968. Son but était alors
l'imposition graduelle et progressive de la gratuité.
Le gouvernement a confirmé, à plusieurs reprises, son
adhérence à ce principe de l'éduca- . tion accessible
à tous. Pendant les années soixante-dix, il y a eu le
développement du régime de l'aide financière aux
étudiants. Ce gouvernement a également ratifié, par
arrêté en conseil, le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, dont le paragraphe 2 de l'article 13
se lit comme suit: "L'enseignement supérieur doit être rendu
accessible à tous en pleine égalité, en fonction des
capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et,
notamment, par l'instauration progressive de la gratuité."
Le gouvernement du Québec, en ratifiant cette déclaration
quand il n'en était pas obligé, puisque c'est le gouvernement
fédéral qui accède à ce genre d'entente
internationale, a clairement démontré son adhérence
à ce principe de l'éducation accessible. Il nous semble donc tout
à fait contradictoire que le gouvernement adopte maintenant une
politique envers l'éducation dont
l'effet principal serait une limitation de l'accessibilité
à l'enseignement supérieur.
En effet, la hausse annoncée par le gouvernement au mois de
décembre dernier aurait un effet particulièrement prononcé
sur l'accessibilité. Selon les estimations les plus conservatrices -
celles du ministre lui-même - 5 % des étudiants et
étudiantes qui étudient présentement dans les
universités de cette province seraient contraints d'abandonner leurs
études. Cela se traduit par plus de 11 000 étudiants qui
arrêteront l'année prochaine et ce chiffre n'inclut pas ceux qui
seront obligés d'abandonner des études à temps complet
pour les compléter à temps partiel.
Mais de plus, nous sommes d'opinion qu'il est illusoire de croire que la
réforme du régime des prêts et bourses entreprise par ce
gouvernement saura remédier à cette situation inacceptable.
L'insuffisance des fonds, les critères d'admissibilité et de
calcul d'aide qui sont irréalistes et un endettement
surélevé font du système d'aide financière aux
étudiants un système qui ne répond pas aux besoins
réels des étudiants et étudiantes les plus
défavorisés dans notre société.
Pour la plupart, les propositions du gouvernement quant à la
réforme du régime représentent des améliorations.
Mais ces améliorations sont tout à fait mineures, ne mettant pas
en question les fondements du régime, et nous sommes encore une fois
d'avis que ces améliorations et cette réforme ne reflètent
pas la réalité des étudiants et étudiantes au
Québec.
Comme vous pouvez le constater d'après les chiffres à la
page 4 de notre mémoire, les étudiants et les étudiantes
de McGill voient la valeur relative de leur bourse diminuer depuis cinq ans,
tandis que leur endettement s'accroît. Depuis cinq ans, le nombre
d'étudiants de McGill ayant accès au régime d'aide
financière aux étudiants a diminué de près de 20 %.
Nous ne pensons pas que cette situation sera rectifiée par la nouvelle
réforme du régime, puisque les grandes lignes restent
inchangées.
Après cette réforme, nous remarquons encore plusieurs
manques importants au régime. Ces manques sont au niveau de
l'admissibilité au régime, des contributions parentales et du
conjoint, de la définition de l'autonomie d'un endettement
extrêmement élevé.
Premièrement, l'admissibilité au régime. Nous avons
reçu avec intérêt la proposition du gouvernement dans les
orientations de 1989, traitant de l'accessibilité des étudiants
à temps partiel au régime. Nous sommes alors tout à fait
déçus que le gouvernement ait, par la suite, décidé
que ces étudiants et étudiantes, qui représentent
près de la moitié des étudiants à McGill, doivent
encore attendre pour avoir l'accessibilité au régime. Il est
important de remarquer que ces étudiants sont particulièrement
sensibles à des hausses de (rais de scolarité et qu'une des
raisons principales pour lesquelles, souvent, ces étudiants poursuivent
leurs études à temps partiel, c'est parce qu'ils n'ont pas les
moyens de le faire à temps complet.
Nous nous demandons également pourquoi le gouvernement a
établi des différences quant au nombre de sessions auxquelles un
étudiant peut être admissible pour un prêt et pour une
bourse. Ceux qui ont besoin d'un prêt ont également besoin de leur
bourse. Le gouvernement devrait donc respecter les limites de temps
établies par les administrations universitaires.
Pour ce qui est de la contribution parentale et du conjoint, nous
trouvons entièrement irréaliste que le gouvernement se serve
d'une présomption aussi incertaine, pour le calcul des revenus de
l'étudiant, que celle de la contribution pa^ntale. Le Bureau de la
statistique du Québec a démontré que, parmi ceux qui
étaient réputés recevoir une telle contribution, seulement
40 % la recevaient actuellement, effectivement. Si le gouvernement tient
à inclure, dans le calcul de l'aide financière, cette
contribution parentale, il doit trouver un moyen pour s'assurer que cette
contribution soit effectivement versée.
Nous croyons que, dans l'intérêt de l'harmonie familiale,
des mesures incitatives sont appropriées. Ces mesures incluraient donc
le fait de notifier aux parents le montant estimé de leur contribution,
pour qu'ils puissent le savoir et être conscients de ce montant, et, par
la suite, de les inciter à déverser cet argent par le biais de
mesures fiscales favorables. Il faut ensuite s'assurer que le calcul des
revenus de l'étudiant soit fait à partir du montant réel
de cette contribution et non pas du montant estimé par le gouvernement.
Pour s'assurer de cela, les parents devraient faire une déclaration,
contresignée par l'étudiant, au gouvernement. (10 h 30)
Nous aimerions aussi faire remarquer que le coût du maintien de
l'unité familiale établi par le régime des prêts et
bourses est nettement en dessous du seuil de la pauvreté tel
qu'établi par Statistique Canada. Nous trouvons illogique d'appeler les
parents à vivre dans la pauvreté pour financer les études
de leurs enfants. D'autre part, pour ce qui est de la contribution du conjoint,
nous trouvons que c'est une conception dépassée de la famille
québécoise, du couple québécois, qui mène
à une contribution du conjoint. Nous demandons donc au gouvernement
d'abolir cette contribution.
Troisièmement, pour l'autonomie. Les critères actuels
nient, encore une fois, la réalité que vivent les
étudiants et les étudiantes du Québec. La règle qui
dit que tout étudiant habitant à moins de 50 kilomètres de
distance du domicile de ses parents... La présomption que tout
étudiant habitant à l'intérieur de cette distance
résident effectivement chez ces derniers est complètement
illogique et, encore une fois, nio la réalité des
Québécois. La réalité des
Québécois
est que de nombreux étudiants ont à payer un logement
même s'ils sont présumés habiter chez leurs parents. Nous
tenons à faire part au gouvernement de notre croyance: donner
accès au régime, au titre d'autonome complet, à tout
étudiant qui peut prouver à l'aide d'un bail qu'il ne reste
effectivement plus chez ses parents serait un grand incitatif pour les
études de premier cycle. Le régime ne pourra jamais
répondre aux besoins des étudiants et étudiantes tant et
aussi longtemps que les critères d'admissibilité à travers
des fictions, à travers des présomptions, ne respectent pas la
situation véridique des étudiants.
Donc, toujours suivant notre thème de la réalité,
nous passons maintenant à l'endettement. Un étudiant qui
accède au régime des prêts et bourses au premier cycle
universrtairp et qui reste là jusqu'à la fin du troisième
cycle peut accumuler une dette de plus de 20 000 $. Avec les
intérêts, cela peut monter jusqu'à plus de 40 000 $. Nous
trouvons ce fardeau extrêmement lourd sur nos jeunes les plus
démunis.
Un des buts actuels de ce gouvernement est de favoriser la
natalité chez les jeunes, mais ce n'est pas en les forçant
à s'endetter jusqu'à 40 000 $, avant qu'ils aient le temps de
commencer leur vie, qu'on va favoriser cette natalité accrue. Nous
soutenons donc qu'il devrait y avoir des limites raisonnables à
l'endettement. L'initiative du gouvernement, pour les cycles supérieurs,
d'accorder 25 % de remise de la dette constitue une mesure incitative
importante, mais que nous trouvons aussi valable pour les étudiants de
premier cycle.
Deuxièmement, nous proposons un plafond raisonnable à
l'endettement étudiant, de 10 000 $. Donc, tout étudiant
complétant un diplôme universitaire aurait droit à une
exemption de paiement de toute partie d'une dette qui serait supérieure
à 10 000 $, après la remise des 25 % que nous avons
déjà proposée.
Nous reconnaissons que ces propositions impliquent des coûts
très importants pour l'État; c'est pourquoi nous nous tournons
maintenant vers les sources de financement du réseau universitaire qui
peuvent injecter des fonds pour ces coûts importants.
Il nous paraît clair qu'il y a une crise financière
importante dans nos universités. Comme étudiants, nous savons que
nos classes sont surpeuplées, que nos bibliothèques manquent de
livres, d'équipement de laboratoire, que le nombre d'étudiants
par professeur est trop élevé. De plus, les universités
ont un déficit accumulé de près de 130 000 000 $ depuis
cinq ans. Nous trouvons remarquable que, pour la même période, le
gouvernement ait compressé ses subventions d'environ le même
montant. Donc, en même temps que le gouvernement retire ses subventions
aux universités, il demande aux étudiants de remplir le vide.
Cela nous apparaît drôlement comme un simple transfert du fardeau
financier.
Mais, de plus, il faut se demander si la hausse qui a été
annoncée le mois dernier par le gouvernement va vraiment régler
le problème du sous-financement de nos universités. L'argent
généré par cette hausse sera insuffisant.
De plus, nous remarquons que le budget fédéral de la
semaine dernière vient compliquer les choses. Il y en a même qui
diraient que ça vient d'annuler toute hausse des frais de
scolarité. Les résultats de la hausse, donc, ne seront tout au
moins pas très apparents. Nous ne prévoyons donc aucune
amélioration de la qualité de l'éducation que nous
recevons et que nous allons recevoir. Devant cette croyance que
l'éducation ne sera pas améliorée, nous avons en plus,
comme nous l'avons déjà mentionné, des estimations qui
disent que 5 % des étudiants vont se retirer. Donc, tout le monde est
d'accord pour admettre que l'accessibilité sera affectée.
Pour ce gouvernement, la hausse des frais de scolarité
équivaut à la solution facile à un problème
d'ampleur, mais cette commission doit reconnaître qu'il existe d'autres
solutions, plusieurs autres solutions. Nous en avons choisi une qui n'inclura
aucune barrière à l'accessibilité, tout en injectant des
fonds nouveaux dans le réseau universitaire. Les éléments
de cette solution se résument dans la notion du nouveau partenariat
présenté par la Fédération des étudiantes et
étudiants du Québec, dont nous sommes membres.
Pour vous rappeler brièvement quels sont les
éléments de ce nouveau partenariat, cela va comme suit. Tous les
groupes qui, dans la société québécoise,
bénéficient de l'éducation supérieure doivent y
contribuer, c'est-à-dire la société, en
général, parce qu'une société éduquée
est une société prospère et que cette dernière doit
contribuer à travers le gouvernement, à travers vous. Nous en
appelons donc au gouvernement de maintenir ses subventions et de compenser pour
les coupures antérieures.
Nous en appelons aussi au gouvernement de reformuler le financement
universitaire, de manière à tenir compte du coût
réel disciplinaire. La situation comme elle existe maintenant ne tient
pas compte du fait qu'il y a certains étudiants qui coûtent plus
cher à éduquer que d'autres. L'Université McGill est
particulièrement affectée par ce sous-financement relatif.
Le deuxième groupe qui bénéficie de
l'éducation dans la société québécoise se
retrouve dans le secteur privé. Il va sans dire, je crois, que les
entreprises québécoises bénéficient largement d'une
base de main-d'oeuvre qui est bien formée et bien éduquée.
Ceci évite la reformation des employés, une fois sur le
marché du travail, et ceci assure aux entreprises
québécoises la possibilité de faire concurrence au niveau
international. C'est d'un personnel compétent que les entreprises ont
besoin et ces compétences résultent de l'université.
La Présidente (Mme Hovington): Si vous voulez conclure
assez rapidement. Vous avez 20 minutes d'écoulées.
M. Young: D'accord. Merci, Mme la Présidente. Mais les
entreprises n'ont pas démontré leur bonne volonté de
contribuer. Ce sont elles qui contribuent le moins en Amérique et nous
pensons qu'elles peuvent faire plus. Pour notre part, nous aussi, les
étudiants, on a la respon-sabflité de contribuer, mais cette
contribution ne doit aucunement affecter l'accessibilité.
Nous reconnaissons que nous avons un rôle à jouer et nous
sommes prêts à payer plus que nous ne payons maintenant, mais il
est absolument important que ces paiements n'affectent aucunement
l'accessibilité à nos classes. La formule que nous avons choisie
est l'impôt postuniversitaire.
Comme nous arrivons à la fin de notre temps, je propose donc de
répondre à vos questions sur cet impôt postuniversitaire,
si vous en avez, pendant la période de questions. Je vous remercie
beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Young. Alors, M.
le ministre, vous avez la parole.
M. Ryan: Oui. Je voudrais remercier la délégation
de l'Association des étudiantes et étudiants de
l'Université McGill de sa contribution très sérieuse au
travail de la commission. On voit que l'Association a fait un examen attentif
du projet de réforme et qu'elle présente des observations
sûrement dignes de susciter la discussion. Celles que nous pourrons
retenir, nous le ferons avec plaisir, toujours évidemment en tenant
compte du cadre financier dans lequel nous devons évoluer et qui est
évidemment plus contraignant pour un ministre qui fait partie du
gouvernement que pour le président de l'Association des
étudiantes et étudiants de McGill. Ce n'est pas une critique que
je vous adresse, c'est presque une remarque d'envie.
Vous avez dit dans votre mémoire, à un moment
donné, que les contributions du gouvernement aux universités ont
diminué, depuis 1982, d'environ 130 000 000 $. Je voudrais corriger une
impression qui risquerait de subsister, à la suite de cette observation
que vous avez faite. Sous le gouvernement actuel, les subventions aux
universités ont augmenté, de fait, d'environ 15 % par
étudiant, équivalence temps complet, en dollars constants depuis
1986. Elles avaient diminué, en dollars constants, de 23 % ou 24 %
pendant la période qui a eu lieu sous l'ancien gouvernement Mais le
gouvernement actuel a entrepris un redressement dont les effets sont
déjà significatifs. Et je pense que tout le monde sait ici que,
dans les crédits additionnels que nous avons injectés dans la
base des universités pour l'année 1989-1990, une part très
substantielle a été réservée à
l'Université McGill en vue de combler non pas de manière
complète, mais quand même de manière sérieusement
partielle, l'écart qui restait dans les subventions d'équilibre
entre McGill et les autres universités.
Nous avons franchi un pas nouveau. Ça fait deux fois que nous
faisons des étapes importantes dans la direction d'une
égalité complète entre tous les établissements. Il
y a des fruits de l'ancienne formule de financement qui ne sont pas faciles
à éliminer, qui ont créé des iniquités dans
le partage des subventions auxquelles nous ne pourrons remédier
complètement que lorsque le niveau général des subventions
aura été augmenté davantage. C'est une chose qui prend un
temps plus long qu'on ne le souhaiterait, puis je pense que ça se
comprend.
Mais, en tout cas, l'orientation, je pense qu'elle s'est engagée
dans la bonne direction puis il fallait au moins corriger l'impression qui
risquait de rester là-dessus. Si, évidemment, vous voulez me
contredire là-dessus, vous serez entièrement libres de le faire.
(10 h 45)
Un deuxième point que je voudrais souligner a trait aux limites
dont doit tenir compte le gouvernement quand il établit les
modifications souhaitables au régime des prêts et bourses Le
gouvernement doit tenir compte des ressources dont il dispose et doit
rechercher des améliorations à l'intérieur de ces
contraintes. Je vous donne juste un exemple. Si vous dites, par exemple: II
faudrait qu'on abolisse complètement la contribution parentale... Si on
devait abolir complètement la contribution parentale et pour les
étudiants non résidants et pour les étudiants
résidants, la facture totale serait voisine de 800 000 000 $.
M. Young: Pardon, monsieur. M. Ryan: Pardon?
M. Young: Pardon. Je pense que je ne me suis pas assez bien
exprimé. Nous ne demandons pas l'abolition de la contribution parentale.
Nous demandons simplement que, s'il y a cette contribution parentale, on
s'assure qu'elle soit effectivement versée. Quant à l'autonomie,
ça n'affecte pas la contribution parentale. On peut être autonome
tout en recevant une contribution des parents.
M. Ryan: Et là, je reviens à ce deuxième
point. Si on donne l'autonomie seulement pour l'étudiant non
résidant, ce qui est l'essentiel de la demande qui nous est
présentée par plusieurs associations étudiantes, H y a
quand même une facture très élevée ici de 270 000
000 $, selon nos calculs. Et, à moins que je ne comprenne mal, quand on
parte d'autonomie au sens de la Loi sur l'aide financière aux
étudiants, ça veut dire qu'il y a certains étudiants qui
ont un statut les dispensant de la contribution parentale.
C'est la définition que nous donnons actuellement. Je suis
content que vous me disiez que ce n'est pas tout à fait ce que vous
voulez entendre. Vous pourrez me l'expliquer tantôt. Je vais juste
compléter mon exposé, ce ne sera pas long. Ensuite, vous allez
pouvoir commenter n'importe lequel des points que j'ai soulevés,
évidemment.
Dans votre mémoire, évidemment, il y a bien des
recommandations qui vont au-delà de ce qui est possible, étant
donné le cadre financier dans lequel nous évoluons. Par
conséquent, celles-là, nous ne pouvons évidemment pas les
retenir. Vous dites qu'il faudrait penser à des solutions à long
terme, comme l'impôt postuniversitaire, la contribution plus
substantielle des entreprises. Ce sont deux idées qui ne sont pas
mauvaises en soi, que le gouvernement est loin de rejeter en principe, mais de
là à pouvoir en envisager l'application immédiate, il y a
une marge que nous ne pouvons pas envisager.
Un impôt postuniversitaire, par exemple, ça voudrait dire,
en termes concrets, que le gouvernement a la tâche de trouver de l'argent
pour financer tout le paquet en attendant. Et en attendant, les obligations
liquides du gouvernement sont très, très pressantes, très
contraignantes. On ne pourra pas ajouter une charge comme celle-là
à l'ensemble des charges gouvernementales, mais à longue
période, c'est une question que nous allons approfondir, à la
lumière de l'expérience qui se fait dans un pays depuis trois
ans. Ce n'est pas une chose qui est généralisée. On va
voir l'ensemble du contexte australien, puis on sera en mesure d'avoir une
opinion là-dessus d'ici sûrement à un an ou deux. Ce n'est
pas une idée que nous rejetons, loin de là.
De même, la contribution des entreprises est un
élément important. Il s'agit de savoir à quel niveau on
doit l'envisager. Nous estimons, du côté gouvernemental, que cette
contribution doit être promue au niveau, par exemple, des campagnes de
financement en vue de la réalisation de projets d'immobilisation des
universités. Votre université a fait une campagne de financement,
il y a deux ans, qui a rapporté, si mes souvenirs sont exacts, une somme
approximative de 75 000 000 $, une partie venant des diplômés, qui
sont nombreux, qui sont restés attachés à leur institution
- et nous nous en réjouissons tous - et une autre partie venant des
entreprises qui avaient pris l'habitude de donner plus à
l'Université McGill qu'à d'autres universités du
Québec, dans bien des cas.
Ce n'est pas une question de jalousie du tout, mais l'Université
McGill a été favorisée de ce côté-là.
Elle l'a mérité au cours des années aussi, il n'y a pas de
tricherie là-dedans, pas du tout, mais nous disons que si les
entreprises développent de plus en plus cette habitude de contribuer aux
campagnes de financement des universités pour des fins d'immobilisation,
ça, ça soulage de beaucoup les charges financières du
gouvernement. C'est une contribution très utile.
L'autre forme de contribution qui a été largement
pratiquée par les entreprises en faveur de McGill, mais pas beaucoup en
faveur des autres universités, c'est la création de chaires ou de
fonds de dotation. À l'Université McGill, on doit avoir
aujourd'hui entre 800 et 900 fonds de dotation différents dont la valeur
totale dépasse sûrement les 250 000 000 $. Ça rapporte des
revenus intéressants pour la recherche de l'excellence. On en est tous
très heureux. Mais là, il y a un champ d'action pour
l'entreprise. On a une douzaine d'établissements universitaires au
Québec, il y un champ d'action formidable.
Moi, il me semble qu'on serait mieux d'orienter la part de l'entreprise
vers ces fins plutôt que de vouloir les taxer pour les budgets de
fonctionnement des universités. Elles sont taxées pour les fins
générales du gouvernement à un niveau qu'on peut discuter
ailleurs qu'ici, mais je pense que cette taxation-là apporte des revenus
pour l'ensemble du gouvernement et qu'on ne peut pas commencer à dire:
Ça, ça va être pour les universités, ça,
ça va être pour les hôpitaux, ça, ça va
être pour les sports, ça, ça va être pour
l'enseignement primaire. On n'en finira pas. Moi, c'est la conception que j'ai
de cette question-là quant aux fonds.
Et j'ajouterai une dernière remarque en ce qui touche les
étudiants de l'Université McGill. Vous dites que le nombre total
de ceux qui ont bénéficié de l'aide financière a
diminué ces dernières années. Au cours des cinq
dernières années, il est passé de 4000 qu'il était
en 1984 à 3265 en 1989. On observe la tendance générale
à McGill, l'augmentation de l'aide sous forme de prêts; l'aide
sous forme de bourses est demeurée à peu près stationnaire
quant aux agrégats, aux montants totaux.
Je vais vous poser une question là-dessus. Tout d'abord, quand on
fait la part de l'inflation, l'augmentation qui est survenue du
côté des sommes consacrées aux prêts est plutôt
de 20 % que de 40 %. Ce n'est pas énorme mais c'est ça qu'on
visait. On visait à ce qu'une partie un petit peu plus grande de l'aide
financière soit donnée sous forme de prêts plutôt que
sous forme de bourses. Le gouvernement précédent a
commencé à faire des changements dans cette voie. Nous en avons
fait quelques-uns, nous aussi, et ça donne le résultat que vous
indiquez. C'est vrai. Mais il y a une question que je vais vous poser: Est-ce
que la diminution du nombre de bénéficiaires ne serait pas
attribuable aux conditions économiques plus favorables que nous avons
connues depuis cinq ans ou si c'est vraiment attribuable au fait... Parce qu'on
n'a pas exclu des personnes. On leur a offert de l'aide sous une autre forme.
Les conditions d'admission sont demeurées les mêmes. On les a
même améliorées à bien des points de vue.
Je vais vous donner un exemple qui aurait dû favoriser les choses
pour les étudiants de
McGill. Un étudiant qui obtient une bourse d'excellence, avant
ça, c'était déductible à 100 %. Vous savez qu'H y
en a plusieurs à McGill qui, grâce aux fonds de dotation,
reçoivent des bourses d'excellence. Sous le régime
libéral, la déductibilité a été
réduite à 50 %. Alors, ça devrait faciliter
l'accès. En tout cas, j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus
en toute simplicité, de même que sur d'autres remarques que j'ai
pu faire.
La Présidente (Mme Hovington): M. Young, vous avez la
parole.
M. Young: Merci, M. le ministre. Pour ce qui est de votre
réclamation que vous avez, en fait, augmenté les fonds
réels qui se retrouvent dans les universités, nous voulons bien
vous croire. Nous avons des chiffres produits par le Conseil des
universités qui nous disent le contraire. C'est une question
d'évaluer d'une manière différente. Je ne pense pas qu'on
va s'entendre là-dessus.
Pour peut-être vous éclairer une dernière fois sur
la relation entre la contribution parentale et l'autonomie, ces deux choses ne
sont pas exclusives comme elles le sont présentement.
Présentement, on a une contribution parentale quand on est
dépendant de nos parents, qu'on soit résidant ou non, mais une
fois qu'on accède à l'indépendance, cette contribution
n'est plus nécessaire. Ce que nous proposons, c'est que la contribution
parentale soit conservée, mais que le gouvernement s'assure qu'elle soit
effectivement versée. Dans le cas d'un étudiant autonome qui ne
vit plus chez ses parents, il peut toujours recevoir sa contribution parentale
et, selon la formule que nous avons proposée, cette contribution sera
reconnue dans le calcul de l'aide financière. Donc, on élimine le
problème qui existe présentement des étudiants qui sont
autonomes, qui sont indépendants, parce qu'ils ont déjà
satisfait au critère des 90 crédits en vue d'un même
diplôme, mais qui reçoivent encore la contribution de leurs
parents. Ce que nous réclamons, c'est une reconnaissance de la
réalité qui affecte nos étudiants et nos
étudiantes.
Pour ce qui est de l'impôt postuniversitaire et des coûts
importants que cela entraîne, nous, nous sommes ravis d'entendre que vous
allez étudier le principe et que vous êtes d'accord avec le
principe même. Nous ne pouvions espérer autant ce matin.
Cependant, nous croyons qu'il est nécessaire que ce gouvernement adopte
tout de suite des mesures pour aller dans cette direction. Nous avons vu, en
Australie, que ce système peut marcher, et le système australien
n'est pas le seul système. Il en existe plusieurs autres. Par exemple,
dans le système australien, il y a des frais de scolarité qui
sont fixes. Ils s'élèvent à environ 1800 $ ou 2000 $ par
année, et l'étudiant a le choix de payer tout de suite ou de
déférer ses paiements. Nous, notre première
réaction à cela est que ça risque de favoriser encore
certains groupes sociaux, c'est-à-dire que ceux qui ont les moyens le
paient tout de suite et ça finit là, ils ont, en plus, une
réduction, et ceux qui n'ont pas les moyens doivent attendre et doivent
traîner ça pendant des années. Mais c'est
déjà un bon point de départ, il y a une avance sur ce qui
se retrouve ici, présentement.
Vu, justement, les coûts importants de la transition, qui est
difficile, vers cet impôt, nous pouvons... C'est à ce
point-là qu'on peut demander aux entreprises de contribuer. Nous ne
croyons pas, bien sûr, que les contributions que les entreprises font
actuellement, c'est-à-dire des dons privés, des dons à
travers les fondations, etc., les prix d'excellence, nous ne pouvons dire que
ceci est négatif, mais le fait reste que les entreprises au
Québec ne contribuent pas autant qu'ailleurs, en Amérique du
Nord, et ailleurs dans le monde occidental. De plus, vous avez remarqué
vous-même que ces contributions privées des entreprises vont
souvent aux mêmes institutions, McGill, par exemple. Nous croyons qu'il
serait plus juste et équitable que les contributions soient,
premièrement, obligatoires et, deuxièmement, que ce soit le
gouvernement qui contrôle la direction de ces contributions.
La Présidente (Mme Hovington): M. Manna, vous aviez
quelque... Est-ce que vous aviez fini, M. Young. Je m'excuse.
M. Young: Juste par rapport aux statistiques mentionnées
par M. le ministre, les statistiques que j'ai, que nous avons, pardon, ne
disent, bien sûr, pas pourquoi il y a moins d'étudiants
aujourd'hui qu'il n'y en avait autrefois. On peut se poser la question et je ne
peux vous assurer que ce soit parce les critères sont plus difficiles
qu'ils ne l'étaient autrefois. Ce que nous remarquons, cependant, c'est
qu'il y a de moins en moins d'étudiants qui ont accès,
étant donné les critères d'admissibilité que nous
avons énoncés plus tôt, et qui, nous le trouvons, auraient
besoin d'être retravaillés.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. Manna vous aviez
quelque chose à ajouter.
M. Manna (Santo): Oui, merci. Je pense, M. le ministre, qu'on ne
devrait pas commencer à parler des dons privés. Vous avez
commencé à parler à ce sujet-là, mais je ne pense
pas que ça entre en question à ce point-là, parce que
j'aimerais parler du financement des universités. Mais cet
aspect-là du financement, on ne peut pas en discuter ici parce que vous
savez que c'est très complexe. C'est un aspect du financement qui est
à part du financement de la part du gouvernement. (11 heures)
Je pense que les dons privés que notre
université reçoit, ou des investissements additionnels...
On peut attirer des chercheurs de qualité internationale et de haute
qualité. Ces chercheurs attirent beaucoup d'argent pour la recherche
qu'ils font. On a été contents de constater, en mai, quand le
budget a sorti, que le gouvernement allait finalement consacrer une portion du
budget aux coûts additionnels de la recherche, coûts de support. On
a été contents de constater ça. Ce ne sont pas tous les
coûts qui sont couverts, mais il y en a beaucoup qui ont
été couverts. On est contents de constater ça. Mais, quand
même, je veux aussi parler du financement des universités parce
que, comme vous le savez, à McGill, M. le ministre, les étudiants
comme l'administration sont très inquiets de la présente
situation financière. Je pense que, quand le gouvernement a pris le pas
de soulager le sous-financement relatif de McGill comme des trois autres
universités à Québec, on a été contents de
constater ça. On n'a pas été satisfaits parce que
ça n'a pas été complet, mais on a été
contents, au moins, de voir que le pas a été pris.
Alors, ce n'est pas difficile de voir, avec les endettements que McGill
a, avec lesquels McGill se trouve, pourquoi l'administration, peut-être,
a pris la position de demander au gouvernement de hausser les frais de
scolarité. C'est très logique. C'est une injection de fonds dans
le système et n'importe quelle injection de fonds, dans ce temps de
crise financière, est bienvenue. Mais je pense que... On se demande si
ça va vraiment soulager la crise financière à McGill ou
à Québec. Et c'est là que les étudiants sont
vraiment inquiets, parce que les étudiants veulent investir dans leur
éducation, mais ils ne veulent pas investir et n'en retirer rien dans la
qualité de leur éducation. C'est pour ça que je vous
demande, M. le ministre, si je le peux, si le gouvernement va maintenir les
subventions gouvernementales en dollars constants, son niveau de subvention
à l'éducation postsecondaire, après le dégel des
frais de scolarité parce que ça, ça nous inquiète
beaucoup à McGill. J'aimerais vous demander ça parce que... Je
dis que c'est à part les dons privés que je vous demande
ça parce que, après une hausse des frais de scolarité des
étudiants de McGill, je vous demande si la part du gouvernement va
être réduite ou si ça va rester la même que
c'était avant.
La Présidente (Mme Hovington): M. le ministre.
M. Ryan: Je voudrais, tout d'abord, corriger un malentendu qui
risque de subsister à la suite des remarques de M. Young. Il a dit: II y
a des statistiques du gouvernement, il y a des statistiques du Conseil des
universités, donc, c'est 50-50, on ne le sait pas. Je vous conseillerais
d'aller puiser aux sources officielles des quatre dernières
années et vous allez constater que ce que j'ai affirmé ici, c'est
la vérité. Ne vous fiez pas à des sources qui pourraient
être invoquées par le Conseil des universités, qui
remontent peut-être à 1985-1986 ou 1986-1987. Il faut prendre
toute la période de 1985-1986 à 1989-1990 et vous allez voir que
les chiffres que j'ai donnés sont absolument exacts. Ce sont des
tableaux qui sont préparés par les services de recherche du
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science et que
j'ai invoqués à bien des reprises, ici. Ça fait une base
quand même.
À la question que vous m'avez posée, M. Manna...
La Présidente (Mme Hovington): Manna, oui.
M. Ryan: ...le gouvernement apportera sa réponse lors du
dépôt des crédits et lors du discours sur le budget. La
réponse se fait toujours en deux volets d'abord, par le
dépôt des crédits à la Chambre et,
deuxièmement, par le dépôt du budget. C'est là que
le gouvernement fait connaître ses intentions budgétaires, autant
en matière de dépenses qu'en matière de revenus pour
l'année à venir. Cependant, je signale, juste en terminant parce
que le temps, malheureusement, est bref, qu'il y a plusieurs observations dans
votre mémoire dont nous allons tenir compte. J'en prends une, par
exemple. Vous dites qu'il faudrait: Que les parents soient informés par
la Direction générale de l'aide financière du montant
estimé de leur contribution". C'est une chose que nous avons
déjà discutée avec des organismes qui sont venus nous
rencontrer et nous envisageons sérieusement de la mettre à
exécution. Je pense que c'est une recommandation qui est
intéressante et que nous examinons très sérieusement.
Vous en dites et je vais vous en formuler une autre. Vous dites: Que les
parents qui versent effectivement une contribution en fassent la
déclaration écrite et que ce soit cette allocation réelle
qui soit considérée dans le calcul de l'aide financière.
Là, je suis porté à trouver que çâ va trop
loin parce que seulement une déclaration écrite, c'est bien
facile que les parents s'entendent avec leur enfant: Je t'ai donné ceci,
et que ce soit une autre chose en réalité, juste pour que
l'étudiant soit admissible à une aide financière plus
substantielle. Je ne veux pas qu'on commence à avoir un système
d'inspection qui va aller vérifier dans chaque famille comment les
choses se passent. Alors, j'ai des réserves sérieuses sur la
deuxième recommandation mais, la première, je pense qu'on peut
faire un bon bout de chemin dans cette voie-là.
Vous mentionnez qu'on devrait avoir des mesures fiscales pour inciter
les parents à contribuer davantage au financement des études
postsecondaires de leurs enfants. Il y a des choses à regarder
là-dedans. On a déjà un certain nombre de mesures
fiscales, mais je vais
sûrement demander au ministre des Finances d'examiner avec nous
des voies inédites qui pourraient être explorées de ce
côté-là. Moi-même, pour avoir eu cinq enfants aux
études postsecondaires - j'en ai encore deux - je peux vous dire que les
parents, quand il y a un certain soulagement fiscal, l'apprécieraient
beaucoup. Je comprends très bien la recommandation que vous formulez
là-dessus.
À propos de la contribution du conjoint - juste un dernier point,
si vous le permettez - celle-là, vous demandez qu'elle soit abolie
complètement. Le coût de cette recommandation, à elle
seule, c'est 40 000 000 $. C'est autant que tout ce que le gouvernement veut
faite pour l'amélioration générale du régime. Je ne
pense pas que nous soyons capables, mais en principe, si vous me demandiez de
faire une thèse à l'université, je pense que je serais
favorable à votre recommandation. Quand le gouvernement aura plus
d'argent, peut-être qu'on pourra l'examiner. Dans l'avenir
immédiat, je ne pense pas que ce soit accessible.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre. La
parole est à Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. D'abord, vous
allez me permettre d'expliquer pourquoi c'est moi qui prends la parole. M.
Gendron, député d'Abitibi-Ouest, a dû s'absenter pour des
raisons majeures, tout à l'heure. Alors, comme j'ai déjà
porté le dossier un moment, il m'a demandé de prendre la parole,
d'autant que j'avais assisté à votre présentation.
D'abord, vous allez me permettre de vous féliciter pour avoir
pris le temps de présenter un mémoire très
articulé. Quand on constate que, dans votre université, il y a
seulement 15 % des étudiants qui bénéficient effectivement
de l'aide financière aux étudiants, ça veut dire que vous
êtes très ouverts à tous vos étudiants, même
ceux qui représentent une minorité, qui ont besoin de l'appui de
votre discours.
Vous avez raison sur plusieurs points. Je vais juste me permettre d'en
énumérer quelques-uns. D'abord, si le ministre n'avait pas
été autant obnubilé par la solution de facilité de
dégel des frais de scolarité, il aurait déjà
commencé à explorer d'autres modes de financement. Ce que vous
avancez, contrairement au discours qu'il tient, et je sais qu'il le sait, qu'il
induit les gens en erreur lorsqu'il maintient ce discours, c'est que d'abord,
les entreprises, par le biais de la fiscalité...
M. Ryan: Mme la Présidente, je compterais sur votre
autorité pour rappeler madame à la dignité.
Mme Blackburn: Pardon? Madame, voulez-vous
répéter?
M. Tremblay (Rimouski): Mme la députée de
Chicoutimi vient de dire que le ministre de l'Éducation induit la
population en erreur...
M. Ryan: Sciemment.
Mme Blackburn: Non, Mme la Présidente, je n'ai pas dit
sciemment, j'ai dit: L'induit en erreur.
M. Ryan: Vous avez dit qu'il en est conscient, ça veut
dire la même chose.
Mme Blackburn: II induit en erreur la population.
M. Ryan: Je vais vous acheter un dictionnaire.
Mme Blackburn: Si ça peut faire plaisir au ministre et
flatter son orgueil, je retire mes paroles. Je n'ai pas de temps à
perdre là-dessus. Je préfère entendre les
étudiants.
M. Ryan: Faites attention, la prochaine fois. Mme Blackburn:
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): Continuez, s'il vous
plaît.
Mme Blackburn: D'abord, les entreprises, tous nous le savons,
finalement, en raison de nombreux abris fiscaux, réussissent
pratiquement à échapper à la fiscalité. Ça,
c'est une première chose. La deuxième chose, le type
d'impôts dont on parle, en Ontario, il y a 3 % d'impôts sur la
masse salariale des entreprises, et vous savez pourquoi - j'en suis
fière, je trouve que c'est une bonne initiative - pour corriger les
iniquités salariales. 3 %. On ne l'a pas, cette taxe-là, chez
nous. Alors, parler d'un impôt aux entreprises de 1 %, ça ne
serait pas le drame. C'était d'ailleurs une de nos propositions.
Le ministre dit: Écoutez, la diminution Plutôt que de dire
que c'est le resserrement des règles de financement pour l'aide
financière qui explique une partie de la diminution, il dit que les
conditions étaient favorables. C'est drôle, il dit toujours que
les conditions économiques étaient favorables pour expliquer la
diminution des étudiants bénéficiaires de l'aide
financière aux étudiants, mais, par ailleurs, jamais il n'utilise
le même argument pour expliquer pourquoi on aurait dû augmenter le
financement des universités. J'ai toujours trouvé que,
là-dessus, il n'était pas tout à fait cohérent.
Par rapport au redressement du financement, il faut se rappeler deux
choses. Je dois dire que la mémoire - la mienne certainement autant que
celle des autres, sinon plus - c'est une faculté qui oublie. Le
redressement du financement des universités avait été
amorcé
sous M. Bérubé. Les 37 000 000 $ additionnels que nous
avions ajoutés dans l'enveloppe en 1985-1986 n'ont pas été
reconduits par l'actuel ministre. Alors, moi, je me dis: On ne peut pas dire
n'importe quoi. De même, ses 15 %, vous avez raison de le questionner. 15
%, ça englobe tout, alors que, lorsqu'on parle d'un sous-financement, on
parle particulièrement des frais de fonctionnement. Il faudrait faire
les calculs pour savoir exactement ce que ça représente, dans les
frais de fonctionnement directs, l'augmentation de l'enveloppe, mais ça
n'a rien de plus épatant qu'il ne le faut.
Par ailleurs - là-dessus, je sais que vous avez raison mais, en
même temps, je le déplore - j'avais mis en garde la
Conférence des recteurs et principaux d'universités qui se disait
d'accord avec le dégel des frais de scolarité, même si
ça pouvait avoir des conséquences sur l'accessibilité. Je
leur avais demandé: Avezvous eu un engagement formel du ministre
à l'effet qu'il ne diminuera pas d'autant l'enveloppe des
universités? Ils ont dit: On lui fait confiance. Je trouvais que, compte
tenu de son passé, je n'étais pas sûre qu'ils avaient
raison mais le résultat, et vous avez entendu la réponse: jamais
ici, à cette commission, il ne s'est engagé à maintenir le
niveau actuel de financement du côté du gouvernement. Et
ça, ça a un aspect préoccupant parce qu'on aura
porté atteinte à l'accessibilité et, en somme, on n'aura
pas augmenté la qualité de la formation en dotant les
universités de meilleurs équipements. Alors, moi, je trouve qu'on
ne peut pas dire n'importe quoi; vous avez raison.
En ce qui a trait à l'impôt postuniversitaire, le ministre,
je le rappelle, s'il n'avait pas été obnubilé par
l'idée qu'il fallait dégeler, aurait examiné
sérieusement l'hypothèse, parce qu'il y a un régime mixte
- je pense que vous le savez aussi - de l'impôt postuniversitaire: il y
en a qui paient pendant les études et il y en a qui paient après,
ce qui fait que ça aurait diminué l'impact des effets qu'il
signalait tout à l'heure. Par ailleurs - puis ça aussi, il faut
le dire, parce qu'il a l'air de se trouver le meilleur ministre de
l'Éducation qui ait passé au cours des trois dernières
décennies, si ça n'est pas plus -remarquons un peu ses choix.
Dans ses choix comme ministre, il a privilégié les écoles
privées, les dérogations et les frais de scolarité, toutes
des mesures qui sont antidémocratiques, avec les résultats qu'on
se retrouve actuellement au secondaire, parce qu'on n'a pas augmenté les
ressources au secondaire, c'est moins de 1 % - d'ailleurs, ce sont les chiffres
qu'il nous fournissait dans ses données - les ressources au secondaire
n'ayant pas été augmentées et, comme on a augmenté
les exigences, la diplomation est passée de 72 %, en 1967, à 62,5
% au moment où nous nous parlons, et ça, c'est catastrophique par
rapport à l'accès aux études supérieures. Pour
aller à l'université, il faut d'abord terminer son secondaire, et
là, on a un problème majeur.
J'avais quelques questions. La première: en page 3 de votre
mémoire, vous faites référence à une étude
de Jean Beaulieu, dans laquelle il estime qu'une augmentation de 100 % des
frais de scolarité entraînerait une baisse de 36 % du taux de
fréquentation. Je présume d'abord que l'augmentation,
c'était sur une année; est-ce que vous pouvez me dire sur quelle
base il a fait cette estimation?
La Présidente (Mme Hovington): M. Yôung ou M. Manna,
peu importe.
M. Manna: Est-ce que vous pouvez répéter la
question, s'il vous plaît?
Mme Blackburn: M. Beaulieu, dans son étude, estime qu'une
augmentation de 100 % des droits de scolarité aurait comme effet de
diminuer de 36 %, c'est-à-dire le tiers, la fréquentation
universitaire. Je voulais juste savoir: Est-ce que vous avez suffisamment
examiné l'étude pour savoir sur quelles données il se
basait pour tirer une telle conclusion?
M. Manna: Les critères, vous voulez dire? Les
critères du...
Mme Blackburn: Oui.
M. Young: Je ne les connais pas par coeur...
Mme Blackburn: Non?
M. Young: Je pense que le but de citer de telles oeuvres
était simplement de faire part des différences qui existaient
entre les propositions du gouvernement, par exemple, et celles de divers
auteurs qui tiraient des conclusions qui étaient nettement
différentes. Sans adopter de ces réclamations
particulièrement, nous voulons simplement...
Mme Blackburn: Citer qu'il y en a?
M. Young: ...présenter les grandes différences.
Mme Blackburn: II y a de 5 %à36 %.
M. Young: C'est ça.
Mme Blackburn: D'accord. Vous parlez de l'article touchant la
remise de 25 % de la dette contractée pour le régime de
prêts et bourses. D'abord, dans la loi, ça ne touche que les
étudiants de deuxième et troisième cycles, et vous la
proposez pour tous les diplômés universitaires. Est-ce que, selon
vous, ça incluait aussi les diplômés de certificats ou si
c'était exclusivement les premier, deuxième et troisième
cycles?
M. Young: Non, je pense que ça inclut les premier,
deuxième et troisième cycles seulement. Notre Association ne
comprend pas les certificats et, pour cette raison-là, on peut seulement
parler des premier, deuxième et troisième cycles.
Mme Blackburn: Dans le document du gouvernement, on estime qu'il
a deux mesures qui devraient favoriser les étudiants pour terminer leurs
études dans des délais dits normaux. Ne me demandez pas comment
on va qualifier ce qui est normal, quand on sait que les étudiants
travaillent tous en même temps, en tout cas, dans une proportion de plus
de 60 %. Ces deux mesures-là, c'est la remise de dette: 25 %, seulement
pour le deuxième ou le troisième cycle, ce qui touche finalement
peu de monde. Et l'autre mesure, c'est qu'après un certain nombre de
sessions, qui n'est pas encore vraiment déterminé,
l'étudiant n'aurait plus droit à la bourse - c'est ce que vous
soulevez, d'ailleurs. D'abord, je trouve que ce sont des mesures... Souvent,
les étudiants qui prolongent indûment leurs études au
delà de ce qui est requis pour faire un bac ou un deuxième cycle,
c'est parce qu'ils travaillent en même temps. (11 h 15)
Ce qu'il y a de plus malheureux en dessous des discours en ce qui a
trait à ces deux dispositions, c'est qu'on laisse l'impression, qui est
très péjorative, que seuls les étudiants les plus
démunis prolongent leurs études au-delà des sessions
normalement prévues à cette fin. À votre connaissance,
est-ce que les étudiants qui sont bénéficiaires de l'aide
financière aux étudiants ont tendance à rester plus
longtemps à l'université, à prendre plus de temps pour
terminer leurs études que ceux qui y sont un peu sur le bras de leurs
parents?
M. Young: Je ne connais pas d'étude particulière
à cet effet, mais, logiquement, je crois qu'une des raisons majeures
pour lesquelles les études sont prolongées, c'est parce qu'il y a
des problèmes financiers. Donc, il serait logique de conclure que ceux
qui sont les plus démunis, ceux qui sont sur le régime ont des
problèmes à cet égard.
Mme Blackburn: Par votre mémoire, vous demandez au
gouvernement qu'il maintienne son niveau de financement actuel. Est-ce que vous
ne croyez pas ou ne craignez pas un peu, comme tout le réseau
actuellement, que le gouvernement prenne prétexte du budget
fédéral pour expliquer qu'il n'investira pas davantage, alors que
tout le monde sait, le ministre le premier, que le financement des programmes
établis, qu'on identifie comme devant servir au financement de
l'Enseignement supérieur et de la Santé et des Services sociaux,
en fait, est administré par les provinces à leur guise? Ce n'est
pas parce que c'est indiqué que c'est pour l'Enseignement
supérieur, la Santé et les Services sociaux que,
nécessairement, les gouvernements doivent l'affecter à ces
programmes; ils peuvent très bien avoir d'autres priorités. Je ne
sais pas si vous saisissez. Quand on a annoncé, au
fédéral, qu'il y avait ces 200 000 000 $ qui étaient
coupés dans les deux programmes: Enseignement supérieur et
Santé, ce sont des titres de programme et ça ne justifie pas pour
autant de dire que l'enveloppe de ces deux ministères devrait être
diminuée d'autant, parce que c'est de l'argent qui est utilisable
à la volonté et à la discrétion des provinces.
D'abord, est-ce que vous ne craignez pas que le gouvernement utilise
ça? Puis, est-ce que vous étiez informés que, finalement,
c'est de son propre choix s'il décide, effectivement, d'affecter ces
deux ministères?
M. Fox (John): Oui, je pense qu'on aurait craint que le
gouvernement ne contribue pas avec la même vigueur, même si le
gouvernement fédéral n'avait pas fait cette annonce. Clairement,
l'annonce du gouvernement fédéral est un peu un désastre
pour l'éducation postsecondaire à travers le Canada. Oui, les
étudiants à McGilI considèrent que, si on augmente nos
frais de scolarité ou, plutôt, si on augmente notre contribution,
il faut absolument que ce soit reflété dans la qualité de
l'éducation. Clairement, si le gouvernement n'est pas capable de
garantir un niveau de financement qui soit le même, aujourd'hui comme
demain, les étudiants à McGill ne seront pas capables de
supporter une augmentation de contribution quelconque. Il faut qu'on s'en aille
vers un système d'éducation de qualité. Donc, oui, c'est
une grande crainte.
Mme Blackburn: Là, ce que vous nous dites, c'est qu'on
aura sacrifié l'accessibilité et la qualité, si ça
continue.
M. Fox: Oui. Ça se peut fort bien que, si les frais de
scolarité montent, comme c'est déjà proposé, et que
le gouvernement utilise le gouvernement fédéral comme une excuse
pour ne pas continuer à contribuer, on ait une diminution
d'accessibilité sans aucune augmentation de qualité.
Mme Blackburn: Si ma mémoire est fidèle, quand
votre Association est venue en commission parlementaire en automne 1986, vous
étiez assez favorables - j'y vais de mémoire - et vous avanciez
trois solutions, c'est-à-dire le redressement de l'administration des
universités, le financement par les entreprises et |e dégel des
frais de scolarité. Il me semble me rappeler ça. Vous semblez
avoir évolué en disant: On a peut-être sacrifié
l'accessibilité et on nest pas sûrs d'augmenter la qualité.
Est-ce ce qui expliquerait que vous ayez changé d'avis sur le
dégel des frais de scolarité?
M. Young: Je crois que les propositions que nous avons fartes en
1986 démontrent clairement le désir des étudiants de
McGill de contribuer, premièrement, à leur éducation et,
deuxièmement, d'améliorer Ja qualité de cette
éducation. Nous avons proposé une hausse des frais de
scolarité qui était nettement supérieure même
à celle qui est proposée présentement par le
ministère. Ceci devait être accompagné, bien sûr, de
garanties pour le régime des prêts et bourses, etc.
Donc, ça démontre bien qu'on est prêts à
payer pour notre éducation si on a des garanties que
l'accessibilité ne va pas être exceptée. Nous avons
changé notre attitude depuis ce temps-là justement parce qu'il
est venu à notre attention qu'il existe des moyens de financement
alternatifs qui n'affectent aucunement l'accessibilité et des meilleures
façons de financer nos universités. Le système que nous
avons actuellement est un système traditionnel nord-américain qui
n'est pas suivi ailleurs dans le monde occidental et, donc, nous ne croyons pas
qu'il sort nécessairement le meilleur. Il existe d'autres solutions.
Mme Blackburn: Vous savez, je prétends que c'est le
privilège des gens intelligents de savoir changer d'opinion avec des
informations additionnelles. Alors, c'est à votre honneur d'avoir su
évoluer par rapport à votre perception de cette situation. Je
n'ai pas l'impression que ce soit toujours bien compris des étudiants,
l'impôt postuniversitaire. Est-ce que vous avez eu l'occasion de faire
des séances d'information sur cette hypothèse? Pour ma part, je
la trouve intéressante, parce qu'elle introduit un mécanisme
d'équité, parce que vous ne payez que dans la mesure,
proportionnellement à ce que la formation aura contribué à
vous assurer de meilleurs revenus et, dans ce sens-là, je trouve que
c'est très équitable et ça fait payer ceux qui en sont les
principaux bénéficiaires. Est-ce que vous avez fait des
séances d'information? Est-ce que vous avez l'impression que vos
étudiants sont relativement bien informés de ce que ça
pourrait vouloir dire?
M. Young: C'est un processus, bien sûr, qui prend beaucoup
de temps. Depuis l'automne dernier, quand notre association a pris connaissance
de cet impôt postuniversitalre, et ceci, à travers des rencontres
avec d'autres associations étudiantes et des recherches
particulières, nous avons tenu des assemblées
générales. Nous avons essayé de faire passer cette
information à travers les presses universitaires à notre
disposition et nous avons également participé à diverses
émissions télévisées, à des commissions
parlementaires, etc.
M. Fox: J'ajouterais, si je le peux, qu'une des choses qui fait
que c'est plus vendable chez nous, c'est le choix de payer à l'avance ou
en arrière. De plus, chez nous, on sait qu'il y a une grande proportion
d'étudiants qui viennent d'en dehors du Québec et qui
présenteraient, si c'était une taxe simple, un problème
pour le gouvernement du Québec, parce qi:'i! ne peut pas aller chercher
le monde à Vancouver. Donc, ce qu'ils disent, c'est: Oui, on pourrait
donner le choix et les gens qui viennent des autres provinces doivent payer
à l'avance.
Mme Blackburn: D'accord. Ça ne se voulait pas un reproche,
parce que le ministre, même si on lui en a déjà
parlé un bon moment, ne semble pas avoir vraiment encore tout à
fait compris la formule. Est-ce que vous avez, par rapport à cette
formule-là - parce qu'un des problèmes que ça posait,
c'était l'idée d'aller "collecter" - pour les étudiants
diplômés qui iraient travailler, soit dans d'autres provinces
canadiennes ou à l'étranger, l'obligation contractuelle,
c'est-à-dire que l'étudiant qui ne paie pas en même temps
qu'il poursuit ses études pourrait contracter avec le gouvernement une
espèce de contrat, une obligation contractuelle, à savoir qu'il
s'engage à rembourser les droits de scolarité même s'il
travaille à l'étranger?
M. Young: Ça crée certainement un problème,
ce qu'on fait avec les étudiants qui, après leurs études,
quittent la province. Je dois, cependant, remarquer que ce problème
existe déjà avec le régime actuel des prêts et
bourses et, si je ne me trompe pas, c'est un grand problème. Nous avons
pense à la question du régime contractuel et ça donnerait
la même situation qui existe présentement avec le régime
des prêts et bourses. Il va toujours y avoir un problème avec ces
gens-là, mais il est à remarquer que ce problème serait
seulement pour ceux qui viennent de cette province et qui quittent par
là suite. Comme mon confrère l'a fait remarquer, ceux qui
viennent d'ailleurs continueraient de payer des frais de scolarité.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, le temps est
écoulé.
Mme Blackburn: Je vous remercie infiniment.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la
députée de Chicoutimi, est-ce que ça va? En conclusion,
rapidement, M. le porte-parole de l'Opposition, M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Bien, en conclusion, je pense que...
La Présidente (Mme Hovington): Une courte petite
minute.
M. Gendron: Oui, oui, très courte. Je voudrais remercier
très sincèrement les étudiants.
J'avais pris connaissance de votre mémoire. Je pense qu'il y a
là d'excellentes remarques, mais ce qu'il faut constater - et j'aurai
l'occasion d'y revenir - c'est que le ministre de l'Éducation a
décidé que, quoique vous apportiez comme argument, quelque
éclairage que vous fournissiez pour indiquer qu'il s'agit là. Je
ne me rappelle pas le terme... Oui, je m'en rappelle. Comment dit-on, un
"plasteur" sur une jambe de bois? "Band" quelque chose...
Une voix: Band Aid.
M. Gendron: "Band-Aid". Il s'agit de sa réforme. En fait,
ça a été dit par ses propres jeunes libéraux lors
du conseil national en fin de semaine. Et, ce qu'il y a de plus grave, c'est
qu'il a dévoilé du haut de sa chaire, à l'émission
Sept jours, avec M. Pierre Nadeau, que quoique nous fassions dans les semaines
qui suivront il s'agissait tout simplement de vous expliquer qu'il a raison et
qu'il n'y aurait pas d'autres problèmes.
Alors, c'est sûr que je ne peux pas marcher là-dedans, que
je ne peux pas être d'accord là-dessus. Ce qu'on sent, c'est
qu'indépendamment des arguments... Dans votre mémoire, ce qu'on
sentait en conclusion, c'est qu'il y a là un effort de réflexion
honnête pour dire: Le gouvernement n'a pas fait son travail dans des
solutions alternatives, c'est évident. Et quand vous mentionnez, ce
matin, que vous êtes très heureux et que vous ne pensiez pas venir
en chercher autant quand le ministre disait: Bien, on va regarder ça. Je
vous dis: Faites attention, parce que ça fait plusieurs fois qu'il me
dit: Je vais regarder ça. Je vieillis, la population du Québec
vieillit et durant tout ce temps-là, je veux dire, il ne se passe pas
grand-chose.
Autant il avait raison, à un moment donné, de dire que le
Québec consacrait plus à l'éducation, êtes-vous au
courant que dans les dernières années, c'est le Québec qui
a commencé à ralentir sa part du produit national brut dans
l'éducation? Et là, on est en chute libre, depuis quelques
années, avec les libéraux. Il faut être conscient de
ça comme société et c'est aussi vrai pour tout ce qu'on
discute, les frais de scolarité, ainsi de suite. Le produit national
brut est en décroissance depuis les quatre dernières
années, alors que tous les autres pays modernes augmentent leur part.
Nous sommes encore, comme part du produit national brut, supérieurs au
reste, je n'en disconviens pas - oui, oui - mais nous sommes en
décroissance alors que tout le monde nous dit que c'est le moment de
mettre plus d'argent dans l'éducation.
J'aurais cru que s'il y a une place où il ne faut absolument pas
se permettre de mettre des points d'interrogation majeurs sur
l'accessibilité, c'est bien au niveau des études universitaires,
compte tenu de notre retard avec l'Ontario et les autres provinces au niveau
des diplômes Le ministre, lui, dit: Ce n'est pas grave, je ne m'occupe
pas de ça. Venez me dire ce que vous voulez, je reste dans ma
vérité absolue. Alors, moi, je vous remercie pareil d'avoir fait
votre effort, mais je ne suis pas aussi confiant que vous, en conclusion, parce
que le ministre aurait dit dans une phrase: Bien, écoutez, oui, on va
regarder ça, l'impôt universitaire. En l'an 2008, il sera trop
tard.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le ministre,
très rapidement, s'il vous plaît.
M. Ryan: Mme la Présidente, je dois rectifier certaines
affirmations que je viens d'entendre de la part du porte-parole de
l'Opposition. Il est vrai que le taux d'augmentation des dépenses
consacrées à l'éducation par rapport au PIB a
diminué au Québec depuis quelques années, mais la raison
en est bien simple. On n'a pas besoin d'être grand clerc pour comprendre
ça. C'est que la part des dépenses publiques, par rapport au PIB,
a baissé au Québec. Elle était rendue à 25 % et
plus sous votre gouvernement. Nous l'avons ramenée à quelque
chose entre 21 % et 22 %. C'était trop fort, l'économie
était en train d'écraser et on a dit: II faut réduire la
part des dépenses publiques là-dedans. C'est normal que des
secteurs aussi importants que l'éducation s'en soient ressentis, c'est
25 % du budget gouvernemental.
Mais malgré ça, comme je l'ai expliqué dans des
auditions précédentes, la part de l'éducation dans les
dépenses gouvernementales a augmenté au cours des mêmes
années, et c'est ça qui est important. Pour le reste, on va faire
le débat sur la part des dépenses publiques par rapport au PIB.
On va le faire lors du débat sur le budget et nous ne sommes pas
inquiets, c'est la tendance que tous les organismes sérieux recommandent
aux pays développés. Et le Canada, il est temps qu'il se
réveille aussi et qu'il l'applique véritablement, pas seulement
avec des discours théoriques C'est ça qu'on a essayé de
faire depuis quatre ans. C'est difficile, ça fait mal, mais ça ne
peut pas engendrer d'autres résultats quo celui que vous avez
évoqué.
Malgré ça, contrairement à l'affirmation fausse que
j'ai entendue tantôt, le gouvernement a fait beaucoup de choses pour
l'éducation On a augmenté les montants pour les constructions
scolaires, énormément. Les deux dernières années,
ça a été chercher 85 000 000 $ et 75 000 000 $ par
année. La dernière année du PQ, c'était à
peu près 10 000 000 $, 15 000 000 $. C'est une jolie différence,
ça Les bibliothèques qu'on a faites à Concordia qu'ils
sont en train de finir, c'était 40 000 000 $, le collège Dawson,
50 000 000 $, au coin d'Atwater et Sherbrooke. C'est de l'argent. Ce sont
seulement quelques exemples. Les conventions collectives avec les enseignants,
le député d'Abitibi-Ouest se souvient très bien, il avait
soumis un
projet à son gouvernement comme ministre de l'Éducation
pour alléger les groupes d'élèves auxquels faisaient face
les enseignants au secondaire. Nous autres, on l'a mis dans la convention
collective et le gouvernement a dit oui au ministre de l'Éducation,
alors qu'il avait dit non à mon prédécesseur, qui
était alors le député d'Abitibi Ouest
Je pourrais continuer. Dans les conventions collectives qui s'en
viennent, le nombre d'élèves dans les classes de première
année, c'est peut-être insignifiant pour la députée
de Chicoutimi, mais c'est très important en soi: on va diminuer de deux
unités. C'est 11 000 000 $, rien que ce point-là. Et les
enseignants sont joliment contents, eux autres, par exemple. Je pourrais
continuer indéfiniment. La réforme de l'enseignement
professionnel qu'on est en train de faire, c'est énorme. Regardez ce
qu'on met au point de vue modernisation des équipements, par exemple,
dans nos écoles professionnelles au Québec, les sous-centres
d'enseignement collégial qu'on a multipliés, les nouveaux
collèges, celui qu'on va créer dans la Beauce, celui qu'on a
créé à Val-d'Or, des régions qui étaient
ignorées par le gouvernement précédent.
Je ne veux pas continuer l'énumération. On aura l'occasion
de le faire en bien d'autres circonstances. Mais ça m'aurait fait de la
peine que nos amis de McGill partent sans que je leur rappelle ces
faits-là, parce qu'ils n'ont peut-être pas la chance de s'en
saisir tous les jours, vu qu'ils sont complètement absorbés par
leurs études et par les études qu'ils font sur les prêts et
bourses. Je vous remercie beaucoup, blague à part. Il y a une partie de
vos recommandations qui sont de caractère qénéral.
Ça reprend des recommandations qui nous ont déjà
été formulées quatre, cinq fois depuis une semaine. Je ne
peux pas vous donner d'autre réponse que celle que j'ai donnée la
semaine dernière. Je suis honnête avec vous autres et vous
préviens que, quand on est au gouvernement, le racolage intellectuel est
une entreprise plus difficile.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M le ministre.
Alors, il me reste à vous remercier, au nom des membres de la commission
de l'éducation, de votre mémoire et à vous souhaiter un
bon retour à l'Université McGill à Montréal. Au
revoir.
M. Young: Merci beaucoup, madame.
La Présidente (Mme Hovington): Je vous en prie.
J'inviterais immédiatement, s'il vous plaît, l'Association
générale étudiante des secteurs sciences humaines, arts et
lettres de l'Université du Québec à Montréal
à venir prendre place. Nous allons suspendre une minute pour laisser le
temps aux intervenants de s'asseoir.
(Suspension de la séance à 11 h 33)
(Reprise à 11 h 34)
La Présidente (Mme Hovington): Alors, si les membres de la
commission veulent bien prendre place, nous allons continuer les travaux de la
commission. Voulez-vous faire la présentation des gens qui vous
accompagnent, M. Gagnon. Vous êtes le responsable général,
je crois.
Association générale
étudiante
des secteurs sciences humaines,
arts et lettres de l'UQAM
M. Gagnon (André): Oui. Bon, alors bonjour. Il me fait
plaisir au nom de l'Association générale étudiante des
secteurs sciences humaines, arts et lettres de l'UQAM de présenter notre
mémoire à la commission parlementaire. J'ai, à ma gauche,
Mme Johanne Muzzo, qui est la permanente de notre Association et qui a
travaillé plus particulièrement au mémoire; à ma
droite, M. Richard Arteau, qui a agi essentiellement à titre de
conseiller politique pour le mémoire, et, à l'extrême
droite, M. Eugène Jr Busqué, qui est responsable aux finances et
aux services de l'Association.
Alors, pour présenter le mémoire, j'aimerais tout d'abord
souligner qu'après avoir pris connaissance du projet de loi 25 et de la
proposition de réforme du régime d'aide financière,
déposé en avril 1989, notre Association considère qu'ils
ne répondent pas aux besoins en financement de l'accessibilité
à l'éducation supérieure et qu'outre certaines
bonifications pour les personnes ayant déjà accès au
régime des prêts et bourses le problème de fond de
l'autonomie des bénéficiaires n'a pas été
abordé. Plus généralement, nous considérons que le
problème du financement de l'éducation supérieure au
Québec comporte deux volets interdépendants, dont on doit tenir
compte dans toute réforme: premièrement, le financement des
institutions postsecondaires; deuxièmement, le financement de
l'accès à l'éducation supérieure. Nous profiterons
donc de cette tribune pour lier le problème du financement des
institutions au problème du financement de l'accès à ces
institutions et nous proposerons des pistes de solution alternative.
Le 21 avril 1976, le gouvernement libéral de M. Bourassa
s'engageait à respecter le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, ratifié par le gouvernement
canadien. Aujourd'hui, le gouvernement du Québec, bien qu'encore sous
les auspices de M. Bourassa, referme la porte entrouverte il y a maintenant
près de quatorze ans en ce qui concerne la gratuité scolaire.
Nous faisons, bien sûr, allusion à la déclaration du
ministre, en date du 19 décembre 1989. Bien que cette commission porte
sur le projet de loi 25, notre Association ne peut faire abstraction de cette
décision qui restreindra, malgré les réformes
proposées au régime d'aide financière
l'accessibilité aux études
postsecondaires. En annonçant ce dégel des frais de
scolarité, le gouvernement du Québec ajoute tout son poids dans
les attaques que mènent aujourd'hui les tenants du
néo-libéralisme dans le domaine de l'éducation
supérieure, à savoir que, l'étudiante et l'étudiant
étant les premiers bénéficiaires de leur formation
universitaire, ces derniers doivent également être les premiers
responsables du financement de leurs études. Qui plus est, on cherche
à démontrer qu'il est injuste, socialement, de faire payer, par
l'entremise des impôts, des gens qui n'auront jamais accès
à l'université. Pourtant, la société entière
profite de la formation universitaire.
Notre Association croit quand même que les particuliers ont plus
que fait leur part dans le financement universitaire et ce n'est certes pas une
proposition de taxation accrue de ces derniers que nous mettrons de l'avant.
Plutôt, nous constatons que peu d'intervenants et d'intervenantes ont
souligné les bénéfices découlant de la formation
universitaire pour les entreprises qui engagent une main-d'oeuvre
qualifiée, leur permettant ainsi de maximiser leurs profits. La
plaidoirie du monde des affaires en faveur de l'injection de nouvelles
ressources financières dans le réseau universitaire fait
état de ces inquiétudes de ne pouvoir avoir la main d'oeuvre
qualifiée nécessaire pour répondre aux défis
posés par la mondialisation du marché.
L'accessibilité aux études supérieures
répond aux besoins des entreprises lorsque l'on considère
qu'entre 1981 et 1986 plus de 50 % des nouveaux emplois créés
nécessitaient un diplôme universitaire contre environ 18 % des
nouveaux emplois exigeant un diplôme d'études secondaires. C'est
donc dire les efforts encore plus grands que la société
québécoise doit engager pour inciter les jeunes à
poursuivre leurs études au-delà du secondaire V et leur donner
les moyens pour y arriver, surtout auprès des jeunes francophones. Une
étude récente révélait que, pour 44
étudiants et étudiantes de langue maternelle anglaise qui entrent
à l'université, seulement 23 de langue maternelle
française y accèdent.
Nous ne pensons pas que le problème de l'accès aux
études supérieures est seulement lié aux ressources
financières d'un individu, mais nous croyons que l'instauration de la
gratuité scolaire et la mise en place d'une réforme s'appuyant
sur le principe de l'autonomie auront un impact positif pour les enfants des
classes moyennes et défavorisées. Jusqu'à maintenant, le
Québec connaissait une évolution très intéressante
en ce qui a trait au taux de participation des jeunes aux universités
Ainsi, lorsqu'on étudie les changements dans les taux de par ticipation
aux universités entre 1975 et 1986, pour les jeunes de 18 à 24
ans, on constate que le Québec a connu une augmentation de 60 %, alors
que l'Ontario devait se contenter d'un maigre taux de 10 %. Mais cette
réussite pourrait être ternie avec l'augmentation des frais de
scolarité et un endettement étudiant de plus en plus
sérieux. C'est pourquoi nous croyons que la problématique du
financement de l'éducation supérieure ne doit pas être
étudiée seulement en fonction du financement des institutions,
mais que l'on doit également se pencher sur le financement de
l'accès à ces institutions Bien que nous rejetions toute hausse
des frais de scolarité, nous croyons que le ministre a reconnu la
nécessité de lier ces deux volets du financement universitaire
lorsqu'il propose d'injecter une partie des sommes engendrées par la
hausse des frais de scolarité dans le régime d'aide
financière.
Le projet de réforme proposé par le ministre comporte bon
nombre de propositions qui sont les bienvenues et, sans nul doute,
l'accès pour la première fois des temps partiel au régime
d'aide financière représente un progrès important.
Cependant, le ministre a depuis annoncé le report de cette mesure
à une date inconnue. Ce report nuit beaucoup aux promesses du ministre
quant à l'augmentation du nombre des bénéficiaires.
Également, certains éléments constituent un net recul, par
exemple, la diminution des périodes d'accessibilité à la
bourse au niveau collégial et au niveau universitaire, l'abolition du
boni accordé aux personnes qui retournent aux études après
avoir été sur le marché du travail et, enfin, la
réduction des allocations de transport
Nous avons surtout insisté sur deux aspects majeurs touchant
l'accessibilité aux études supérieures et qui sont, pour
notre Association, fondamentaux: premièrement, l'autonomie do
l'étudiante et de l'étudiant dès le départ du
domicile familial et, deuxièmement, l'endettement étudiant.
La réforme du régime québécois d'aide
financière traduit, selon les principes de base, une volonté
d'apporter des changements qui doivent favoriser l'accessibilité aux
études postsecondaires Mais un autre principe vient limiter la
portée du premier, celui de rendre l'étudiant ou
l'étudiante et sa famille les premiers responsables du financement des
études et des frais de subsistance Nous croyons que ce principe
empêche de nombreux étudiants et de nombreuses étudiantes
d'avoir accès à une aide financière, surtout ceux et
celles qui ont quitté le domicile familial. Le maintien d'un tel
principe découle principalement de considérations
financières et non des besoins réels des étudiants et
étudiantes, et c'est précisément ce que le
ministère a reconnu.
Cette affirmation comporte implicitement la reconnaissance d'une
réalité maintes fois rapportée par les associations
étudiantes: l'étudiante ou l'étudiant issu d'un milieu
socio-économique plus aisé ou de la classe moyenne, dans sa
recherche d'autonomie vis-à-vis de la cellule familiale, n'a pas
nécessairement à sa disposition plus d'argent
que l'étudiant ou l'étudiante provenant d'un milieu
socio-économique plus défavorisé.
D'autre part, l'endettement de plus en plus élevé et la
menace d'un dégel des frais de scolarité nous font craindre plus
que jamais qu'un large fossé sépare la volonté
gouvernementale affirmée de garantir l'accessibilité sans
égard à l'origine socio-économique, et la
réalité.
Enfin, le système de prêts n'est pas très rentable
pour le gouvernement puisqu'il doit verser une somme considérable en
intérêts chaque année. Ainsi, pour l'année
financière 1987-1988, le gouvernement a déboursé un
montant total de 66 600 000 $ en intérêts sur les prêts,
montant dont la majeure partie ne sera probablement jamais
réinjectée dans le financement de l'éducation
postsecondaire.
Telles sont, à notre avis, les principales faiblesses que nous
pouvons d'ores et déjà souligner dans ce projet de
réforme, tel qu'il est présenté par le gouvernement. Nous
pensons que les enjeux plus fondamentaux se situent à un autre
niveau.
Le financement de l'éducation supérieure au Québec
comporte, comme on l'a déjà dit, deux volets
interdépendants: le financement des institutions et le financement de
l'accès à ces institutions qui vise la clientèle.
Les orientations générales en matière
d'éducation ont toujours relevé de choix fondamentaux de
société. Aussi, chaque intervenant social a-t-il droit au
chapitre et devrait, par conséquent, y apporter sa contribution. Toute
politique de financement devrait être dictée par de tels principes
et devrait reconnaître à chacun sa part de responsabilité.
Dès lors, il faut nous questionner sur la part du fardeau de financement
que devraient supporter les catégories diverses de contribuables.
Depuis le début des années quatre-vingt,
l'idéologie néo-libérale qui s'est imposée à
nos sociétés a envahi tous les champs de la vie sociale, y
compris le secteur de l'éducation supérieure. L'État,
dit-on, n'a plus les capacités d'assumer son rôle de promoteur
économique et social comme avant. L'individu doit maintenant assumer son
libre agir.
Il est clair que l'État, par l'appareil gouvernemental, doit
conserver son rôle central dans l'élaboration et la gestion de la
politique de l'éducation supérieure en tenant compte des
intérêts multiples et souvent contradictoires. Mais le
gouvernement n'est pas en lui-même une source de fonds. C'est par son
pouvoir exclusif de taxation qu'il peut mobiliser les ressources
nécessaires à la mise en oeuvre des politiques publiques. Or, les
problèmes actuels du financement de l'éducation supérieure
sont générés par une insuffisance dans les revenus de
l'État.
D'une part, le gouvernement libéral en place voudrait bien
éponger une partie du déficit des universités par un
dégel des frais de scolarité et accroître d'au moins 130 %
sur une période de deux ans ces frais qui seraient par la suite
indexés annuellement à un quelconque indice des prix non encore
déterminé. D'autre part, une partie de ces nouvelles ressources
serait affectée au financement du programme d'aide financière.
Vraisemblablement, ce processus de redistribution, pour le moins
marécageux, ne réglera en rien le problème de
sous-financement des universités et celui de l'accessibilité. (11
h 45)
La problématique du financement des universités ne se
limite pas à la gestion du déficit budgétaire. Elle a plus
fondamentalement trait au développement, au rayonnement et à
l'épanouissement du réseau universitaire dans son ensemble.
Aussi, toute politique visant à la stagnation, voire même à
la régression budgétaire s'avère totalement contre nature
dans un contexte où il est plus que nécessaire, tant sur la
scène nationale qu'internationale, de développer nos ressources
humaines et d'en accroître le niveau de scolarisation. Dans les
années soixante, le rapport Parent soulignait, à juste titre, le
retard du Québec face aux autres provinces canadiennes dans le domaine
de la scolarisation. À l'heure actuelle, la population
québécoise tire toujours de l'arrière par rapport au reste
du Canada, même si le rattrapage a été plus que
significatif.
Il ne s'agit plus, aujourd'hui, d'aller gratter dans les fonds de tiroir
l'ombre de quelques crédits supplémentaires, mais plutôt
d'incorporer une nouvelle masse de ressources budgétaires pour pouvoir
sortir d'une impasse qui se dessine à l'aube des années
quatre-vingt-dix et pour pouvoir relever les défis que nous imposent
l'interdépendance des nations et la mondialisation de
l'économie.
Dans ce contexte, et depuis le début des années
quatre-vingt, nos gouvernements nous servent le discours de l'impérative
nécessité de construire un nouveau partenariat social. Ce
discours ne restera que voeu pieux dans la mesure où il n'est pas
assorti d'une véritable volonté politique de mettre en oeuvre ce
nouveau contrat social. Or, il nous apparaît qu'une catégorie
d'intervenants ont jusqu'à présent refusé de faire leur
part en ce qui concerne plus particulièrement le financement de
l'éducation supérieure, c'est-à-dire l'entreprise
privée.
Comme on le sait, 90 % du financement universitaire provient de fonds
publics. Cela devient un problème sérieux lorsque les
priorités gouvernementales s'orientent unidimensionnelle-ment sur la
réduction des dépenses et du déficit budgétaire
accumulé et la relance de l'économie par le biais de la
réduction des impôts. Ainsi, l'impôt sur les profits des
petites entreprises fut aussi réduit à 3 % et celui des autres
entreprises à 5,5 %, et le Québec établissait ainsi des
taux d'imposition sur les profits qui étaient de loin les plus bas au
Canada où les taux des grandes entreprises représentent
couramment, dans les
autres provinces, 14 %, 15 % ou 16 % des profits.
Mais regardons les chiffres d'un peu plus près. Pour le
Québec, comme pour les autres provinces, et pour le gouvernement
fédérai, la récession de 1982-1983 fut un moment
d'inflexion en termes de politique fiscale. Après les politiques
monétaires austères de la fin des années soixante-dix,
début quatre-vingt, qui ont précipité le monde capitaliste
dans l'une des plus graves récessions depuis les années trenlo,
les pays les plus avancés, États-Unis en tête, se
lancèrent dans la "Reaganomics" ou économie du côté
de l'offre qui consiste principalement, du point de vue de la fiscalité,
à moins taxer les entreprises et les ménages à revenus
élevés pour stimuler l'épargne et l'investissement. Ce
faisant, c'est en abaissant les taux marginaux d'imposition sur les revenus des
particuliers et des entreprises et/ou par un laxisme qui permet le
déploiement d'une panoplie d'échappatoires fiscaux qu'on cherche
à atteindre les objectifs visés par ces politiques.
Cela ne règle en rien les problèmes liés au
déficit budgétaire des administrations publiques qu'on cherchera
à résoudre par le biais de coupures, tant dans les services
publics que dans la taille et dans les effectifs des ministères et
sociétés parapublics.
Derrière ces faits, mais surtout ces discours, une
réalité bien tangible s'est dessinée de façon
abrupte dans la fiscalité des gouvernements canadiens, et plus
particulièrement au Québec. La source principale de revenus du
gouvernement fédéral est l'impôt sur le revenu des
particuliers. Viennent ensuite, par ordre d'importance, la taxe de vente et
l'impôt sur le revenu des corporations. Cet ordre des choses n'a rien de
nouveau en soi. Ce qu'il y a de nouveau, c'est en fait cette tendance à
voir augmenter la part de l'impôt sur le revenu des particuliers dans
l'assiette fiscale du gouvernement et, inversement, cette tendance à la
diminution de la pan" de l'impôt sur le revenu des corporations.
En 1968, la part de la fiscalité des particuliers comptait pour
41 % de l'ensemble des revenus de l'État fédéral, tandis
que celle des corporations se chiffrait à 17 %. 20 ans plus tard, ces
chiffres ont glissé progressivement à 54 % et 10 %. La même
tendance est observable pour les revenus du gouvernement du Québec, mais
de façon beaucoup plus marquée que dans le cas
fédéral. De façon générale, cette tendance
est aussi plus marquée que dans le cas des autres provinces canadiennes.
En fait, le Québec ressemble de plus en plus à un petit paradis
fiscal pour entreprises privées. Les taux d'imposition sur les profits
établis il y a quelques années à 3 % pour les PME et 5,5 %
pour les plus grandes entreprises ne reflètent pas la part réelle
de l'impôt des entreprises dans la cagnotte du gouvernement. Mais cela ne
s'arrête pas là. Le bât blesse encore plus si on observe
l'évolution des ratios des transferts courants du gouvernement aux
particuliers et aux entreprises entre 1972 et 1986.
Bien entendu, en termes absolus, les particuliers
bénéficient beaucoup plus des transferts gouvernementaux que les
entreprises. C'est normal, puisque ces dernières ne contribuent que de
façon marginale aux recettes du gouvernement provincial. En termes
relatifs, toutefois, nous observons depuis quelques années un effet
inverse de ce qui est survenu dans les cas des recettes fiscales. Tandis que la
part des transferts aux particuliers reste assez stable entre 1972 et 1986 et
que la part des impôts sur le revenu des particuliers s'accroît
sensiblement, la part relative des transferts du gouvernement du Québec
aux entreprises sous forme de subventions de toutes sortes s'est, elle, accrue
plus que sensiblement pour presque quadrupler dans la même
période. Ce phénomène se produit alors que la contribution
relative des entreprises aux revenus de l'État québécois
décline proportionnellement.
Ces chiffres pour le moins éloquents enlèvent toute
crédibilité à ceux et celles qui osent prétendre
que les étudiants et étudiantes des universités
québécoises ne font pas leur part dans le financement de leurs
études. Cela rend aussi caduc un argument qui dit qu'il faut cesser de
taxer les entreprises privées qui seraient la source de la richesse
économique et sociale, alors qu'elles profitent de plus en plus des
paiements de transferts et cela, au détriment des restrictions
budgétaires dans les domaines de l'éducation, de la santé,
des services sociaux et de la sécurité du revenu.
Quelle est donc l'essence de ce nouveau partenariat social qu'on nous
prêche depuis la récession de 1982-1983? Les chiffres que nous
avons présentés en révèlent la nature. Qui ne fait
pas sa juste part lorsqu'on considère la structure des recettes fiscales
au Québec? Tel qu'il est aujourd'hui, le système fiscal favorise
la paresse fiscale des entreprises privées qui ne paient pas leur
impôt et qui se seront très bientôt assurées ce luxe
dont la société québécoise n'a pas les moyens de se
permettre.
Pour résumer, rappelons que le réseau des
universités québécoises souffre d'un déficit
budgétaire de 150 000 000 $; que 90 % de ce réseau est
financé par des fonds publics auxquels les entreprises privées ne
participent dans les faits à peu près pas; que ces
dernières ne contribuent volontairement que pour environ 3 % du budget
d'ensemble et que cette contribution est déductible d'impôt; qu'un
dégel des frais de scolarité ne résoudra en rien les
problèmes de sous-financement et portera atteinte à
l'accessibilité aux études supérieures. Parmi la
pléthore d'alternatives auxquelles n'a pas pensé le
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, une
découle tout naturellement de ce qui vient d'être dit:
accroître sensiblement la contribution du secteur privé Cela peut
se faire
de plusieurs façons et sur plusieurs fronts. D'une part, en
réduisant le nombre d'abris fiscaux pour les corporations, le
gouvernement accroîtra ses revenus. Privé d'une source importante
de revenus, le gouvernement, et plus particulièrement le
ministère, se voit contraint de gérer la décroissance et
l'atrophie du réseau universitaire et, par conséquent, le blocage
du développement des ressources humaines au Québec
Par le biais d'une fiscalité plus directive, tout gouvernement
digne de ce nom devrait pouvoir se sortir de cette contradiction. Deux formes
d'intervention peuvent alors être développées, l'une se
rapportant au financement des institutions universitaires et, l'autre, au
financement du régime d'aide financière et à
l'accessibilité.
Premièrement, la création d'un impôt
spécifique aux entreprises...
La Présidente (Mme Hovington): Excusez-moi. Les 20 minutes
sont maintenant écoulées. Je sais qu'il reste quelques feuilles,
peut-être les... Ça me prendrait le consentement des deux
côtés pour continuer. Sinon, je vous demanderais de résumer
vos recommandations.
M. Gagnon: Alors, j'en arrive à la conclusion.
La Présidente (Mme Hovington): Je vous en prie.
M. Gagnon: Alors, de deux façons: la création d'un
impôt spécifique aux entreprises et la création d'un fonds
public d'aide financière à l'accessibilité. En termes de
recommandations, nous considérons d'abord que le régime doit
favoriser l'accessibilité aux études postsecondaires;
deuxièmement, que le régime doit considérer toutes les
étudiantes et tous les étudiants demandant une aide
financière et ayant quitté le foyer familial comme autonomes;
troisièmement, le régime doit tenir compte de la situation
économique réelle du bénéficiaire dans toutes les
étapes du régime et ce, pendant et après les
études; quatrièmement, le régime doit viser à
favoriser la continuité et la persévérance aux divers
cycles d'études.
En conséquence, nous recommandons que le gouvernement fasse
contribuer le secteur privé au financement des institutions
postsecondaires, notamment par un impôt obligatoire et universel aux
entreprises; deuxièmement, que le gouvernement institue un fonds public
au financement de l'aide financière aux étudiantes et
étudiants en lieu et place du régime actuel et,
troisièmement, que le gouvernement institue, pour déterminer les
modalités d'une véritable réforme efficace du financement
de l'éducation supérieure, une commission d'enquête pour
explorer les diverses alternatives aux modèles américain et
ontarien qui ne sont pas des voies adaptées aux besoins de la
société québécoise et ce, dans les plus brefs
délais
Telles sont nos recommandations. Et nous aimerions également,
dans le cadre du débat de la commission parlementaire, que le ministre
précise ses intentions qui ne sont pas clairement exprimées dans
le projet de réforme, en particulier sur là question de
l'endettement étudiant. On dit qu'on va ajouter des. montants dans le
régime d'aide financière, mais on ne prend aucun engagement par
rapport à la situation qui existe depuis l'entrée en fonction du
gouvernement libéral en 1985, c'est-à-dire cette situation
où la part relative des bourses diminue dans l'aide financière et
où la part relative des prêts augmente.
On aimerait avoir un engagement clair et net, ferme du ministre à
savoir que cette situation ne se développera pas, à savoir que la
part relative des bourses, tout au moins, sera maintenue. Nous concevons
qu'à défaut d'un tel engagement toute prétendue
bonification ne serait, au bout de la ligne, que du domaine des farces et
attrapes puisqu'elle serait récupérée en l'espace de
quelques années, comme on l'a fait depuis 1985.
Nous aimerions aussi avoir des engagements clairs et nets du ministre,
à savoir que, dans la foulée du dégel des frais de
scolarité, il n'établira aucuns nouveaux frais à quelque
niveau d'études que ce soit. Nous aimerions que ceci soit un engagement
clair, net et précis, contrairement à la valse-hésitation
que nous avons connue durant la période électorale, qui contraste
de façon...
La Présidente (Mme Hovington): En conclusion, s'il vous
plaît.
M. Gagnon: ...marquante - je terminé -avec les intentions
fermes et décidées du ministre moins de trois mois après
son élection.
La Présidente (Mme Hovington): M. le ministre.
M. Ryan: J'écoutais avec intérêt la lecture,
hélas un peu rapide, qu'a été obligé de faire M.
Gagnon, du mémoire de l'Association des étudiants en sciences
humaines, arts et lettres. Je constate qu'on a fait une très bonne
étude, en partant d'une certaine perspective doctrinale,
évidemment, qui n'est pas celle du gouvernement.
J'ai trouvé qu'il manquait un chapitre dans votre mémoire,
je vous le dis franchement. Ça aurait été une bonne
analyse, celle de la contribution de l'étudiant, mais il n'y est pas ce
chapitre-là. Ça, ça aurait été bon que vous
nous donniez les éléments de comparaison avec les autres
provinces, l'évolution qui a pu se produire de ce
côté-là depuis 24 ans. Ça aurait
complété le tableau, je pense, de manière
intéressante.
Abstraction faite de cette observation, il y
a des éléments très intéressants dans votre
présentation que je vais soumettre à la vérification de
nos services compétents. J'ai remarqué que vous faites une
incursion dans le domaine des finances publiques qui est tout à fait
légitime dans le cadre de notre démarche ici. J'ai
remarqué que vos chiffres s'arrêtent, en général,
à 1986 ou 1987. Je vais prendre les pages 20 et 21. Prenez, à la
page 22, la part des impôts des sociétés et des
particuliers dans les recettes de l'administration provinciale. On se fie que
vous avez ça. Là, vous êtes à 1986, c'était
1, 4 %. Suivant des données que j'ai déjà eu l'occasion de
porter à la connaissance de la commission parlementaire, la semaine
dernière, pour l'exercice 1988-1989, la part de l'impôt des
sociétés sur l'ensemble des revenus du gouvernement a
été de 5, 3 % et, sur l'ensemble des recettes autonomes du
gouvernement, elle a été de 6, 7 %. On est pas mal loin de 1, 4
%.
M. Gendron: M. le ministre, ce ne sont pas les mêmes
données du tout.
La Présidente (Mme Hovington): Je vous en prie.
M. Ryan: Le député aura l'occasion de corriger
tantôt, s'il y a des choses fausses.
La Présidente (Mme Hovington): Tout à l'heure,
à votre temps de parole.
M. Gendron: Non, je ne veux pas corriger C'est parce que
là, il y a manifestement une erreur. C'est la taxe de vente et les
transferts fédéraux qu'ils comparaient. Alors, vous étiez
loin de 1, 4 %. Je comprends, "sacré monde"! Vous prenez des chiffres
dont je ne disconviens pas, mais qui n'ont rien à voir avec le tableau
de la page 22.
La Présidente (Mme Hovington): La parole était au
ministre de l'Éducation. Vous aurez votre temps de parole tout à
l'heure.
M. Gendron: Oui, je comprends mais, pour des raisons
d'intégrité intellectuelle, il aime bien ça - je veux dire
d'honnêteté intellectuelle, pardon. Il n'a pas le droit de faire
ce qu'il vient de faire là.
La Présidente (Mme Hovington): M. le ministre, vous avez
toujours la parole.
M. Ryan: En tout cas, il va nous dire... Regardez le
témoin...
M. Gagnon: Est-ce que le ministre pourrait intervenir un peu plus
fort? On a peine à l'entendre ici.
La Présidente (Mme Hovington): Voulez vous des
écouteurs?
M. Ryan: Regardez, à moins que je ne lise mal - vous nous
corrigerez tantôt - à la page 22, vous parlez des recettes de
l'administration provinciale du Québec, de la part des impôts
directs des particuliers et des sociétés, de la part de la taxe
de vente et des transferts fédéraux en pourcentage,
1972-1986.
M. Gendron: C'est ça. (12 heures)
M. Ryan: Alors, là, vous dites que c'est 1, 4 %, en 1986,
par rapport à 1, 2 %, en 1985. Moi, je vous dis que, pour 1988-1989,
ça a été de 5, 3 %, suivant nos calculs, de 6, 7 % sur les
lecettes autonomes et 5, 3 % sur l'ensemble des recettes du gouvernement. Si
j'ai tort... Vous ferez vos vérifications pour 1988-1989. Il y a un
conseiller, ici, qui pourra vous donner les sources. Je pense qu'on va se
retrouver très bien. On pourra vous donner les raisons qui expliquent
qu'en 1986, c'était 1, 4 %. Ça, c'est un point. Je ne veux pas
engager un débat interminable là-dessus parce qu'on pourrait se
retrouver à minuit, ce soir, et il resterait encore des choses à
élucider, mais ceci pour montrer quon ne pout pas tirer de conclusion
trop absolue.
Même chose à la page 23. Là, vos données vont
jusqu'à 1986. Or, le gouvernement actuel a commencé son action en
1986, à toutes fins utiles. Il faudrait voir ce qui s'est passé
au cours des quatre années qui ont suivi, ça nous
intéressera d'en discuter avec vous également.
Ceci pour ajouter, à titre de remarque générale,
qu'on ne peut pas allègrement faire abstraction du chapitre que nous
discutons ici. Les autres chapitres, nous ne les éliminons pas, mais ils
ne sont pas l'objet de la discussion de la commission parlementaire. Si vous
voulez les soulever, nous en discutons, on ne soulève pas de point
d'ordre ici. Mais ce que nous discutons, c'est la contribution de
l'étudiant. On peut bien dire: Qu'il n'y en ait pas d'autre, ça
ne change pas. Très bien, mais, nous autres, nous disons: II va y avoir
un ajustement. Et nous trouvons que nous avons fait amplement la preuve de la
nécessité de cet ajustement. On peut bien se considérer
comme société distincte jusqu'au bout, mais nous évoluons
dans le contexte nord-américain, dans le contexte canadien. Et nous
devons, par conséquent, sur bien des points, avoir des
éléments qui puissent se comparer à ceux des autres
sociétés, ne serait-ce qu'en raison du système
extrêmement complexe de péréquation, de transfert de
recettes que nous avons sous le régime fédéral canadien
pour bien nous bâtir une cage de verre, si nous voulons, à
côté des autres. Mais ça ne fonctionne pas comme ça
dans la réalité de tous les jours. Nous cherchons des ajustements
raisonnables. Et quand nous parlons de hausser les frais de scolarité,
nous disons: Le résultat net, après les deux
hausses que nous avons annoncées, sera que les frais de
scolarité seront encore les plus bas de toutes les provinces
canadiennes. J'ai expliqué pourquoi, sous l'angle des finances
publiques, nous ne pouvons pas entrer uniquement dans un régime qui
signifierait l'endettement accru du gouvernement pour une période des
dix prochaines années.
Ça, c'est la première objection. Si ce n'était pas
de ce chapitre qui fait défaut dans votre mémoire et de cette
dimension dont nous ne pouvons malheureusement pas faire abstraction, c'est un
excellent mémoire. C'est un excellent mémoire, mais le sujet
principal a été escamoté, à mon humble point de
vue; je vous le dis en toute simplicité.
Maintenant, vous proposez deux mesures pour établir le
régime idéal dont vous rêvez. Vous proposez un impôt
sur les sociétés pour les fins universitaires et,
deuxièmement, la création d'un fonds d'aide. J'aimerais d'abord
que vous me donniez des explications sur cet impôt aux
sociétés et me disiez comment il va fonctionner.
M. Arteau (Richard): Bien, à ce niveau-là, on a
décidé de ne pas déterminer, dans le mémoire, sur
quoi, essentiellement, serait prélevé cet impôt-là.
Ça aurait pu être sur les profits des entreprises. Ça
aurait pu aussi être sur la masse salariale, étant donné
qu'il y a un lien plus direct entre la formation professionnelle et les
salaires que les entreprises vont verser à leurs employés. Donc,
c'est dans cette perspective-là qu'on pourrait considérer la
chose. Essentiellement, il y a une différence assez grande, par exemple,
dans les recettes qui pourraient résulter de ces deux formes de mesures,
ces deux formes de ponctions. Pour ce qui est de l'impôt sur les profits,
en considérant les chiffres des années dernières, on
considère que ça pourrait générer des revenus
d'environ 170 000 000 $ et, donc, éponger le déficit des
universités.
Sur la masse salariale, on a calculé que ça
générerait des revenus de 700 000 000 $ qui pourraient être
redistribués non seulement au niveau des universités, mais pour
l'ensemble des politiques de formation professionnelle. Donc, ça ouvre
des perspectives beaucoup plus intéressantes. Au niveau du fonds public,
l'idée, c'est essentiellement de responsabiliser l'ensemble des
partenaires sociaux dans le problème de l'accès aux institutions
postsecondaires. À ce niveau-là, il y a plusieurs façons
ou plusieurs sources de financement. Une partie de l'impôt qui pourrait
être prélevé sur les profits ou sur la masse salariale des
entreprises pourrait être injectée dans ce fonds public, en
additionnant les crédits qui sont déjà consacrés
à ça, dans l'actuel régime d'aide financière.
Ça pourrait s'étendre à d'autres formes de mesures, comme
des incitatifs fiscaux ou la création d'une espèce de fonds
public où les particuliers pourraient contribuer, tout en voyant la
somme qu'ils contribuent se déduire à 100 % de l'impôt.
Donc, c'est un fonds qui pourrait grossir, grandir avec les années, qui
pourrait être géré un peu comme la Caisse de
dépôt ou je ne sais pas, un autre modèle, le Fonds de
solidarité de la FTQ.
Essentiellement, on pourrait, en créant ce genre de fonds public,
éviter qu'il y ait une fuite de fonds publics qui aillent dans les
poches, finalement, des banques à qui l'État paie des montants
considérables en intérêt pour financer l'actuel
régime des prêts et bourses. Donc, on a calculé que,
l'année dernière, c'était 66 000 000 $ que l'État
payait aux banques pour financer ce régime. On considère que
c'est une perte d'argent assez significative, qui pourrait être
réinjecté dans le régime d'aide financière.
Essentiellement, c'était ça.
La Présidente (Mme Hovington): M. le ministre.
M. Ryan: Regardez - je vais en venir au deuxième point
ensuite - sur le premier point, il y a deux difficultés
inhérentes à la proposition que vous faites, selon moi. Si vous
avez un impôt sur les sociétés qui ne contribue que
partiellement au financement des universités, ça va aller dans le
fonds consolidé du Revenu. Quand ça rentre, ce n'est pas
marqué: Donnez ça à M. Johnston ou à M. Cloutier;
ça s'en va à M. le ministre du Revenu qui, lui, doit transmettre
ça au gouvernement.
Si ça ne va pas à l'ensemble des besoins des
universités, là, il y a un jeu de vases communicants qui va se
faire, il y aura toujours une décision qui va se prendre, chaque
année. Le gouvernement, s'il décide que le niveau de financement
annuel va augmenter un petit peu, va ajouter à cette source-là,
il va ajouter plus ou moins, selon son appréciation de la conjoncture
politique du moment. Quand même vous auriez un fonds, disons, de 200 000
000 $ qui viendrait des sociétés, ça ne change absolument
rien à la décision, au bout de la ligne, absolument rien. On n'a
pas de solution stable ni structurelle ni organique au problème du
financement des universités. Je vais vous donner un cas, un exemple de
ce... Vous savez, la Régie de l'assurance-maladie, là, on dit: II
y a des contributions des employeurs et des employés. On finance la
Régie de l'assurance-maladie avec ça. S'il y a un déficit
au bout de la ligne, le gouvernement le met dedans. Ça, c'est clair.
Mais ce n'est pas ça que vous avez... Juste une taxe! On a
déjà de ces taxes-là et ça s'en va dans le fonds
consolidé du Revenu. Le gouvernement, quand il fait ses appropriations
budgétaires, établit le partage. Vous n'avez pas de solution avec
ça. Il reste la question, l'importance relative de la taxation des
entreprises. C'est sûr que si vous bâtissez toute votre
thèse à partir du chiffre 1, 4 et que le chiffre réel
soit
5,3, ça fait peut-être une grosse différence, c'est
à peu près de l'ordre de quatre fois plus. Il y a peut-être
des choses à regarder de ce côté-là, mais je pose
une interrogation.
Maintenant, j'en viens au fonds. Essayez donc de m'expliquer comment
ça va fonctionner, ça m'intéresse; ce n'est pas une
idée que je suis enclin à rejeter du revers de la main. Essayez
donc de m'expliquer davantage comment ça marcherait. Ce serait une sorte
de régie de l'aide aux étudiants, vous créeriez un fonds
spécial qui s'administrerait lui-même et qui appliquerait toute la
Loi sur l'aide financière aux étudiants, par exemple. J'aimerais
avoir des explications parce que c'est loin d'être dénué
d'intérêt. Le danger - vous allez répondre à
ça, en même temps - c'est qu'on crée encore une
bureaucratie gouvernementale.
M. Arteau: Évidemment, on aurait pu mettre beaucoup de
détails là-dessus et faire énormément de recherche
sur la façon de faire fonctionner un tel fonds. C'est pour ça,
entre autres, qu'on recommande une commission d'enquête qui pourrait
traiter en partie de ces alternatives là. Une commission d'enquête
ne peut pas seulement porter sur le financement de l'éducation
postsecondaire, mais sur un ensemble de problèmes existants à
l'heure actuelle. Par contre, ça pourrait être un des objectifs de
cette commission-là, d'étudier la façon de gérer ce
genre de fonds-là et d'étudier les alternatives pour, disons,
approfondir un peu plus ce qu'on avance ici. Ce n'était pas dans notre
intention de faire une thèse sur la question et de creuser tout le fond
du problème, mais disons que c'était d'amener aux oreilles du
ministre qu'il existe des alternatives, de proposer ces alternatives-là
et de voir si le ministère peut approfondir, compte tenu de ses moyens,
les alternatives qu'on présente. C'est pour ça que la commission
d'enquête était proposée au bout du compte
Pour ce qui est des sources statistiques sur lesquelles repose notre
analyse, moi, je suis allé voir dans Statistique Canada et dans les
sources du Bureau de la statistique du Québec, alors si le ministre ne
fait pas confiance à ses propres institutions.. Je suis allé voir
dans les budgets des années dernières pour voir un peu la
ventilation et la structure de l'assiette fiscale. Ça correspond
effectivement à ce que le ministre dit, mais, moi, je me fie à
des sources, à des séries chronologiques qui ont
été révisées et qui ont des bases scientifiques un
petit peu établies, d'après moi.
M. Ryan: Mais à ce jour, on ne nie pas ce que vous
apportez jusqu'en 1986, on vous dit:
Amenez-les jusqu'en 1969-1990. On est en 1989-1990.
M. Arteau: C'est que je suis allé voir dans Statistique
Canada...
M. Gendron: Ce n'est pas validé.
M. Arteau: ...et les séries chronologiques continuent
jusqu'en 1987.
M. Ryan: Nous l'avons. Pour Québec, on n'est pas
obligé de passer par Ottawa pour avoir les statistiques sur
Québec. On les a, nous autres.
M. Arteau: Mais il faut dire qu'on a eu un certain temps pour
produire ce mémoire-là.
M. Ryan: Non, je ne vous blâme pas. Je vous dis qu'on va
compléter ensemble, en collaboration. Les chiffres sont notre
maître à tous les deux. S'il y a tel chiffre qui sort, moi, je ne
perdrai pas deux minutes à discuter, soyez sûr de ça. J'ai
toujours eu la paix avec ma femme quand elle vivait: quand elle avait un
chiffre, c'était final.
La Présidente (Mme Hovington): II reste deux minutes.
M. Ryan: Oui, deux minutes. Sur le fonds que vous voulez
créer, juste une chose. Il faut bien que vous compreniez qu'il va
falloir emprunter de l'argent, même si c'est un fonds, et qu'il va
falloir payer de l'intérêt là-dessus, et
l'intérêt ne sera pas tellement différent si c'est un
organisme public, selon la pratique qu'on suit actuellement. Alors, il ne
faudrait pas penser qu'on va avoir un beau montant de 66 000 000 $ à
administrer, qu'on va pouvoir injecter sous forme de bourses, et tout
ça; ce n'est pas comme ça que ça va se passer. On va
regarder la mécanique, en tout cas; l'idée est inédite,
elle est proposée de manière sincère à la suite
d'un mémoire qui est très bien étudié et on va
l'examiner avec soin. Je suis très très conscient que ça
vaut la peine de l'étudier. O.K.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M le porte-parole de
l'Opposition, M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Très sincèrement, encore là, je
pense que vous avez... C'est toujours difficile de porter un jugement
immédiatement, compte tenu que, moi, ça m'intéresse de
continuer la commission parlementaire sur les frais de scolarité,
contrairement au ministre, et de dire, à ce moment-ci, que c'est certain
que vous avez le mémoire qui n'a jamais été
présenté, c'est peut-être difficile. Mais une chose est
certaine, en tout cas - et c'est à votre crédft pour une
association d'étudiants des secteurs sciences humaines, arts et lettres,
et encore là, sans porter de jugements - les considérations
économiques vous intéressent drôlement. L'analyse
économique vous intéresse drôlement et l'ensemble de
l'évaluation que vous avez faite de la
fiscalité et de son usage au Québec est immensément
intéressant. Et moi, en ce qui me concerne, je ne disconviens pas du
tout des études que vous avez faites, même si vous les avez
arrêtées pour la plupart en 1986. Ce n'est pas vrai qu'on va
renverser les tendances parce que le ministre serait capable de nous montrer
qu'en 1988 il y a un chiffre qui est différent de ce que vous avez
amené dans votre mémoire.
Écoutez, ça fait treize ans que je fonctionne ici. J'ai vu
souvent des analyses du Conseil du trésor et, globalement, l'ensemble
des chiffres que vous avez établis, dont vous vous êtes servis
pour faire les démonstrations que vous vouliez faire, sont très
significatifs, très démonstratifs et font la preuve noir sur
blanc que la part des corporations privées dans le financement
universitaire est une des plus faibles au monde, assurément la plus
faible au Canada. Et le ministre a le droit de lire lui aussi, c'est sûr
qu'il dit et qu'il lit ce qui fait son affaire. Mais dans la revue
Actualité, M. Godin lâchait un cri du monde des affaires en
disant: Ça n'a pas de bon sens, les universités sont sur le bord
de la faillite. C'est le monde des affaires qui disait: Oui, on le sait qu'en
Ontario la part de la contribution des entreprises peut aller, dans certains
cas, jusqu'à 19 %. 19 % du financement des universités provient
de l'entreprise privée. Je ne dis pas de faire ça, là,
mais je veux au moins vous dire, sur la base du mémoire que vous avez
fait: Bravo! Premier commentaire. (12 h 15)
Deuxième commentaire, c'est évident, en ce qui me
concerne, que vous posez très bien la problématique. On ne peut
pas sérieusement discuter de toute cette question-là sans aborder
à la fois le financement des institutions postsecondaires qui sont
sous-financées d'une façon chronique. Moi, je ne m'obstine pas
sur le chiffre, c'est tellement secondaire, mais je n'ai vu personne, personne:
un bleu, un rouge, un nouveau créditiste, un nouveau souverainiste,
parce qu'il y en a quelques-uns qui se font accroire qu'ils sont de cette
étiquette-là, dernièrement, même eux autres, je n'ai
vu personne qui ne disconvienne pas que le sous-financement des
universités et n'importe quoi, aux alentours de 200 000 000 $... La
brillante décision du gouvernement de dégeler va en donner 41 000
000 $, tu n'as rien réglé, tu as empiré une situation au
niveau de la diplomation, tu as posé de sérieuses questions
concernant l'accessibilité. À toutes les suggestions qui sont
faites par les intervenants, le ministre dit: Non, je ne veux rien savoir de
ça, il n'est pas question que je regarde ça sérieusement,
même s'il nous dit: Oui, oui, je vais regarder ça. Ça va
être bien le temps quand le mal va être fait.
Je vous rappelle - faites sortir le verbatim - M. le ministre de
l'Éducation, l'émission de Pierre Nadeau. Je ne l'ai pas
écoutée longtemps, parce que je n'en revenais pas, mais j'ai
été obligé de l'écouter un peu pareil. J'ai fart
venir le verbatim, ça dit très clairement: J'ai toujours
supposé qu'à mesure que j'aurai l'occasion de donner
l'information et que cette information sera honnêtement diffusée,
il n'y aura plus de problèmes avec les étudiants, il n'y en aura
pas de grève, les étudiants vont comprendre la
nécessité de faire le choix que nous avons, de partager le choix
que nous devons leur faire partager. Il nous dit très clairement: II
s'agit juste qu'on me donne l'occasion de leur expliquer que nous avons raison
et, en conséquence, ça ne donne rien d'aller plus loin, nous
avons raison. Moi, je ne peux pas partager ça.
Je reviens à votre mémoire: Lier le financement des
institutions avec le financement de l'accès; ce sont deux questions
fondamentales. Moi, je ne trouve pas que vous avez oublié bien des
affaires dans votre mémoire. Vous avez dit: Écoutez, nous, on
fait la preuve que le financement des institutions postsecondaires est
déficient et que sa mesure de dégel ne corrigera pas le
problème. Mais qu'est-ce qu'on peut vous demander de plus? Moi, je pense
que je ne vous demande rien de plus; vous avez raison sur cet
aspect-là.
L'autre aspect, vous dites: Si le ministère de l'Éducation
ne vérifie pas l'accès à l'éducation
supérieure, il est dans les patates. Quand j'entendais - moi, ça
m'a renversé, tantôt - que 81 % des étudiants qui ont
présenté une demande d'aide... Juste une minute! Page 9, c'est
ça. Quand on vieillit, c'est moins drôle! "Ainsi, il est troublant
de constater que 81 % des candidates et candidats refusés au
régime des prêts et bourses l'ont été à cause
des ressources financières des parents jugées suffisantes." 81 %.
Puis, le ministère de l'Éducation, aujourd'hui, vient faire un
débat fondamental. Il n'a aucune étude pour réaliser ce
qui s'est passé, concrètement, avec ces étudiants et ces
étudiantes-là. Est-ce qu'il y en a qui ont abandonné leurs
études? Vous savez que oui. Il serait intéressant d'avoir le
chiffre. Est-ce qu'il y en a, devant ça, qui sont tombés dans ce
que j'appelle les difficultés qu'on a au niveau universitaire: le temps
partiel? La réponse, c'est: Bien oui. Je le répète, moi,
je n'ai rien contre le temps partiel, mais j'en ai contre l'abandon, j'en ai
contre le fait que dorénavant l'accès sera basé sur la
capacité financière alors que, normalement, le seul
critère qui devrait juger si un étudiant au Québec doit
faire des études supérieures de premier, deuxième ou
troisième cycle, ça ne devrait pas être le fric, ça
ne devrait pas être le fric de ses parents, ça devrait être:
Est-ce qu'il est capable, sur le plan des connaissances intellectuelles et de
la capacité intellectuelle, d'envisager de faire des études
universitaires? C'est la seule façon d'être une
société performante pour l'avenir.
Et, là, il y a des abandons, il y a un endettement qui grandit,
le sous-financement est
chronique, il y a de plus en plus d'étudiants à temps
partiel. Puis là, vous arrivez avec un mémoire et vous
suggérez d'autres alternatives. J'ai trouvé très
intéressant quand vous avez dit avec conviction et avec preuve: Les
particuliers, au Québec, ont fait plus que leur part; les citoyens et
les citoyennes du Québec ont fait leur part dans le financement
universitaire. Moi, je trouve que ce n'est pas mince comme affirmation
prouvée, et je la partage, vous avez raison de dire que le ministre
devrait y tenir et faire un peu plus attention. Quand vous affirmez ça,
ça veut dire que vous ne lui dites pas: Vas-y allègrement dans le
fonds consolidé. Vous donnez des suggestions intéressantes:
l'impôt postuniversitaire, une part plus grande des corporations
privées. Et quand le ministre essaie de vous envoyer aux calendes
grecques en disant: On ne peut pas faire ça, parce que les taxes sont
perçues dans le fonds consolidé... Je le cite au texte, parce que
je veux être sûr. Il disait ceci: II ne peut pas y avoir un fonds
spécial pour la santé, les routes, le financement universitaire.
Bien, ce n'est pas exact, il s'agit juste d'avoir une volonté politique
de le faire. Le même gouvernement dont il fait partie a un fonds
spécial pour les entreprises qui font du recyclage. Ce n'est pas
versé au fonds consolidé. Il y a un fonds spécifique dans
les comptes économiques du Québec qui dit: Bon, toi, si tu
t'orientes dans le recyclage, voici le fric dont l'État du Québec
dispose pour développer le recyclage des biens de consommation qui ont
encore une valeur utile. Ça se fait très bien.
C'est toujours le même problème qui me chagrine, c'est que
pour tous les autres chiffres il se compare avec l'Ontario et le reste du
Canada. Quand il dit que les frais de scolarité sont les plus bas du
reste du Canada et de la société américaine, il a raison.
Ça, personne n'a mis ça en cause, que même avec la hausse
ils vont rester les plus bas. Mais on est les plus bas à bien d'autres
égards: au niveau de la diploma-tion, au niveau des abandons, au niveau
de l'endettement, au niveau de l'accessibilité et ainsi de suite. Alors
moi, je me dis: Si ailleurs, dans le reste du Canada, les entreprises
contribuent plus, que dos groupes viennent me faire une proposition
concrète sur un impôt spécifique! aux entreprises qui
serait de 3 %, 4 %, 5 %, 6 %. Je ne parle pas de ça, je dis: Qui les
ramènerait à une participation de 3 %, 4 %, 5 %, 6 %, parce que,
là-dessus, on a le même point de vue. Nous, on avait
préconisé une taxe spéciale de 1 %. La moitié de ce
1 % là pourrait servir à des programmes de main-d'oeuvre, parce
qu'on a beaucoup de rattrapage là-dessus, et également à
un financement universitaire approprié parce que, de toute façon,
sur le chiffre, personne n'est en désaccord, c'est n'importe quoi de 1 %
sur la masse salariale, c'est 750 000 000 $ à 725 000 000 $. Alors,
c'est pas mal plus significatif que les petits 42 000 000 $ avec le
dégel des frais de scolarité, mais qui auront des
conséquences terribles.
Moi, je pense avoir bien compris votre mémoire. J'ai deux
questions. On a la chance d'avoir des intervenants qui ont fait la preuve que
vous l'avez fouillée, la question, vous l'avez bien traitée, en
ce qui me concerne, et surtout vous n'êtes pas de ceux qui disent:
Écoutez, on vous garroche le problème, puis prenez des
décisions. Vous faites des suggestions concrètes et il me semble
qu'on aurait dû, avant de se présenter en commission, si on avait
affaire à un gouvernement qui n'est pas assis sur sa chaire de
vérité, fouiller ces questions-là, puis être en
mesure de dire: Si nous l'avions fait, voici ce que ça aurait
donné. Si on avait appliqué telle affaire, voici ce que ça
aurait donné et nous ne le faisons pas pour telle ou telle raison, mais
basé sur des études d'alternatives.
Parce que là, on a sauté sur la solution la plus facile.
Il n'y a pas juste nous qui le disons. Quand leurs amis, les jeunes
libéraux, viendront, on va avoir des belles questions à leur
poser. Elles sont on ne peut plus claires. La réforme d'aide n'est pas
du tout conforme à nos engagements, dit la Commisision-Jeunesse, puis
elle pose des bonnes questions. Elle dit, un, que l'aide aux étudiants
à temps partiel prévue s'applique dès 1990. Le ministre
dit: Allez vous promener. Pas question. Il le leur a dit. Quand même
qu'ils reviendront dire ça ici, demain ou après-demain,
pensez-vous que ça va changer quelque chose? Le ministre dit: Je ne suis
pas capable. Moi, j'ai la vérité et je ne suis pas capable. Pas
question. Et c'est ça sur toutes les mesures. Donc, j'arrête
là.
La question que je veux vous poser, c'est que, quand vous dites dans la
réforme de l'aide financière qu'il y a plusieurs
éléments de bonification qui étaient souhaités
depuis plusieurs années et qui ont été abandonnés -
et là, je vous cite: Certains éléments constituent un net
recul: ainsi, la diminution des périodes d'accessibilité à
la bourse au niveau collégial, l'abolition du boni accordé aux
personnes qui retournent aux études après avoir été
sur le marché du travail, la réduction des allocations de
transport et ainsi de suite la simple question que je vous pose, c'est: Est ce
que vous avez des éléments sur lesquels vous pouvez vous appuyer
pour évaluer les raisons qui ont fait que le gouvernement a
reculé là-dessus? Est-ce que, selon vous, c'est parce que ce sont
les éléments sur lesquels il y avait le plus de coûts?
Donc, c'est normal, quand on a uniquement une préoccupation
d'économiser, de vouloir éliminer ces mesures-là.
M. Gagnon: Bon, en termes de coûts, le coût de ces
mesures-là a été évalué. On ne pense pas en
tant que tel que ce soit parce que ce sont des mesures qui sont très
coûteuses. Au contraire, je pense que ces
éléments-là où on
note des reculs, l'évaluation avait été faite au
niveau du mémoire qui avait été présenté par
l'Association nationale des étudiants et étudiantes du
Québec dont on est membres. Et si je ne m'abuse, ces coupures-là
sont évaluées à 15 000 000 $. Alors, ce ne sont pas des
éléments qui étaient très coûteux.
Néanmoins, ça constitue des reculs en termes de régime
d'aide financière.
Pour ce qui est de notre mémoire, étant donné que
nous sommes globalement d'accord avec l'analyse farte par l'ANEEQ du projet de
réforme du régime d'aide financière, nous n'avons pas
abordé en détail ces aspects-là Nous avons simplement mis
en exergue, dans le texte de notre mémoire, les éléments
qui constituaient des reculs. Alors, je n'ai pas avec moi le montant
précis des coupures qui sont faites au niveau de ces points
spécifiques et j'y vais de mémoire en disant que c'est d'environ
15 000 000 $.
M. Gendron: Deuxième question. À la page 24 de
votre mémoire - ce n'est pas nécessaire d'y aller tout de suite,
je vais vous le rappeler - vous mentionnez que "ces chiffres - en parlant plus
spécifiquement des tableaux 7 et 8 - sont pour le moins éloquents
et enlèvent toute crédibilité à ceux et celles qui
osent prétendre que les étudiantes et les étudiants des
universités québécoises ne font pas leur part dans le
financement de leurs études."
Là, j'aimerais ça que vous soyez plus analytiques, en tout
cas, pour moi. Moi, j'ai vu vos tableaux; je vous le dis, ils sont parlants,
mais pas tellement sur l'aspect sur lequel vous portez un jugement. Moi, je
trouve que c'est là-dessus qu'ils sont le moins parlants. Donc, je me
dis de deux choses l'une: ou c'est moi qui ne comprends pas, et c'est
possible... Et c'est pour ça que je vous pose la question suivante:
À partir de quoi affirmez-vous, à la page 24, pour ce qui est du
point de vue, c'est-à-dire d'en faire la preuve, que les
étudiants et les étudiantes des universités
québécoises font largement leur part dans le financement des
études universitaires? De quels éléments des tableaux 7 et
8 vous servez-vous pour tirer cette conclusion-là? Moi, je vous avoue
que, pour cet élément, je ne vois pas la conclusion que vous
tirez.
M. Gagnon: On fait référence, on fait un lien avec
les éléments qui sont déjà mentionnés
auparavant dans le mémoire. C'est-à-dire que, pour nous, la part
étudiante, au niveau du maintien ou au niveau de l'accès aux
études postsecondaires, se calcule, d'une part, en manque à
gagner et, d'autre part, par rapport à l'endettement qui est croissant.
C'est cet aspect-là qu'on traite plus loin ou auparavant dans notre
mémoire. C'est-à-dire que l'endettement s'est accru de
façon très importante, en particulier depuis 1985. La part
relative du prêt dans le régime d'aide financière a
gonflé de quelque chose comme 60 %...
M. Gendron: Ça, je sais ça.
M. Gagnon: ...alors que la valeur réelle des bourses a
diminué. C'est certainement une part étudiante importante.
D'autre part, le manque à gagner existe toujours, surtout dans un
contexte où, avec un chômage quand même important au niveau
des finissants et des finissantes, il est loin d'être évident que
l'endettement contracté pendant les études pourra être
éliminé rapidement.
M. Gendron: Mme la Présidente, sur cette piste-là,
ça va. Si c'est de revenir avec les considérations qu'on a
évoquées à maintes reprises, qu'à partir du moment
où ils ont inversé les proportions, il y a... L'augmentation de
la bourse en valeur absolue a chuté d'une façon drastique et le
prêt a augmenté d'une façon assez importante. Donc, par
définition, c'est sûr que, s'il y a plus de prêts, il y a
plus de dettes. Vous voulez pouvoir compléter, mais...
M. Gagnon: D'autre part...
M. Gendron: ...en même temps que vous allez
compléter... Je veux finir avec une question pour des raisons de temps.
J'aimerais ça, avant que vous ne complétiez, si vous avez une
réponse, vous, savoir si vous avez fait une évaluation en valeur
absolue, strictement en dollars, je veux dire, du niveau d'endettement moyen,
après les études de premier cycle et de deuxième cycle, de
nos universitaires québécois? Vous l'évaluez à
combien? Si vous avez une évaluation, parce que je n'ai pas vu ça
dans votre mémoire, mais je suis pas mal sûr que vous avez ces
données-là. Alors, selon votre point de vue. Parce qu'on a des
chiffres qui viennent d'un peu partout, mais j'aimerais ça, si vous avez
un avis là-dessus, que vous nous l'indiquiez et, également, que
vous y alliez de votre complément de réponse sur le premier
élément.
M. Gagnon: Pour compléter ma réponse à votre
première question, par rapport aux tableaux qui sont soumis il y a un
autre élément également en ce qui concerne la part
étudiante, c'est qu'il faut bien voir aussi que les deux tiers des
étudiants et des étudiantes universitaires sont obligés de
travailler, tout au moins à temps partiel, pour poursuivre leurs
études et, en conséquence, paient des impôts. Ils sont donc
compris aussi parmi la part des particuliers.
D'autre part, un nombre considérable d'étudiants et
d'étudiantes sont obligés d'abandonner leur études
à temps plein pour se diriger vers des études à temps
partiel et, à ce moment-là, contribuent largement
déjà à l'assiette fiscale du Québec. C'est
doublement les pénaliser, par exemple, que d'augmenter les frais de
scolarité. Notamment, ça a été mon cas. J'ai
été dans
l'impossibilité de poursuivre mes études à temps
plein. J'ai dû les poursuivre à temps partiel. Quand, en 1986,
pour la première fois le gouvernement a annoncé son intention de
dégeler les frais de scolarité, j'ai été
véritablement choqué parce que, déjà
pénalisé par le fait d'être incapable de poursuivre les
études à temps plein et payant largement ma part d'impôt,
je devais, en plus de ça, accepter selon la volonté
gouvernementale de voir les frais de scolarité hausser soi-disant parce
que je ne faisais pas ma part. Pour le moins, c'est choquant.
Et cet aspect-là, on l'oublie très souvent alors qu'une
partie considérable de la clientèle universitaire, si ce n'est
pas la majorité, est à temps partiel et pas toujours par choix,
mais bien souvent par obligation. Alors, ça, c'est une donnée que
souvent on oublie et on évacue, d'autant plus que le ministre a
décidé de surseoir à l'aide financière pour les
gens à temps partiel. Alors, c'est dire que les gens qui ont
été obligés d'abandonner leurs études à
temps plein pour celles à temps partiel, qui paient déjà
des impôts, vont subir, avec un dégel des frais de
scolarité, une surtaxe et on ne met même pas de baume
là-dessus. On suspend toute aide financière à leur
niveau.
Au niveau de l'endettement moyen au niveau universitaire, on peut sortir
avec des chiffres statistiques à l'heure actuelle mais, là
encore, ces chiffres-là peuvent être... Il faut savoir les
interpréter. Ils peuvent être tout à fait
faussés.
La Présidente (Mme Hovington): En con elusion, s'il vous
plaît.
M. Gagnon: Oui, en conclusion. Par exemple, dans les cas que je
viens de vous donner, beaucoup de gens décident, à un certain
degré d'endettement, de retourner sur le marché du travail pour
liquider cet endettement là et puis reviennent à temps plein et
commencent de nouveau à s'endetter jusqu'à ce qu'ils arrivent
à un niveau qui leur paraît acceptable ou tolérable
d'endettement. Alors, le chiffre qu'on peut sortir, que je n'ai pas à
portée de la main, il faut y mettre des réserves, notamment,
toujours dans le cas que je vous donnais... C'est exactement mon cas. Quand
j'ai eu atteint tel niveau d'endettement, je suis retourné sur le
marché du travail pendant six ans pour liquider mon endettement et
là, maintenant, je peux me permettre le luxe, entre guillemets, d'avoir
accès au droit à l'éducation et de revenir à temps
plein parce que j'ai liquidé mes dettes et j'ai mis un peu d'argent en
réserve pendant six ans. Mais pendant ce temps-là, je n'ai pas
poursuivi des études, ce qui était mon principal
intérêt.
La Présidente (Mme Hovington): En con- clusion, s'il vous
plaît. Alors, en conclusion... Ça va.
M. Gendron: En conclusion. Mille mercis. Je pense que vous avez
un excellent mémoire et j'ose espérer, si ce n'était pas
le ministre, que ce soient d'autres personnes préoccupées par ces
questions-là qui le regardent.
La Présidente (Mme Hovington): M. le ministre.
M. Ryan: Oui, peut-être deux remarques rapides. Vous
m'aviez posé une question, au tout début, à laquelle j'ai
omis de répondre. Vous avez demandé: Est-ce que la proportion de
l'aide qui sera versée sous forme de prêts va continuer
d'augmenter comme elle l'a fait ces dernières années, à la
suite de l'adoption du nouveau régime d'aide financière? Je crois
être en mesure de vous dire que, selon nos prévisions actuelles,
les proportions vont demeurer pratiquement au même niveau où elles
sont actuellement. Il y a un facteur qui va jouer beaucoup et c'est
l'importance accrue de la bourse. À la suite de la hausse des frais de
scolarité, nous avons dit que le montant total des frais de
scolarité serait admissible au chapitre des dépenses admissibles.
Il y a un jeu d'équilibre qui va se faire et, selon nos
prévisions, le partage actuel devrait substantiellement rester le
même. Ça, je pense que c'est une question que vous m'aviez
posée et qui était très importante dans votre
intervention. C'est la réponse que je crois vous apporter à ce
moment.
Là, je voudrais répondre à une question que le
député d'Abitibi-Ouest a formulée, ce matin, en
conférence de presse ou en communiqué et, comme nous sommes en
réunion publique, c'est le bon endroit pour donner des
précisions. II se demandait: À quoi sert il de faire
défiler des intervenants en commission parlementaire si aucune ouverture
n'est possible? Je crois que le sujet de la commission parlementaire, c'est le
régime de l'aide financière aux étudiants, le projet de
loi 25. Et toutes les suggestions constructives et pertinentes qui nous sont
adressées concernant le projet de loi 25 sont écoutées
avec la plus grande attention et peuvent donner lieu à des modifications
dans l'orientation du gouvernement. Par conséquent, la commission
parlementaire garde toute sa raison d'être, même si ça
pourrait être intéressant pour l'Opposition qu'on trouve le moyen
de dire: C'est fini, ça ne sert plus à rien. Ce n'est pas du tout
l'attitude du gouvernement.
La Présidente (Mme Hovington): Merci.
M. Ryan: Et dans votre mémoire, comme vous avez pu vous en
rendre compte au cours de la discussion, vous avez formulé certaines
idées qui seront l'objet d'un examen plus approfondi, peut-être
d'échanges ultérieurs aussi.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M.
le ministre. Alors, c'est tout le temps que nous avions à notre
disposition pour le groupe. Au nom des membres de la commission parlementaire
de l'éducation, permettez-moi de vous remercier de nous avoir
présenté un mémoire très bien fait. Merci! Et je
demanderais à l'Association des étudiants en droit de
l'Université Laval de bien vouloir venir prendre place. Nous allons
suspendre quelques instants, le temps de vous installer.
(Suspension de la séance à 12 h 36)
(Reprise à 12 h 37)
La Présidente (Mme Hovington): Veuillez prendre place.
Nous allons débuter avec l'Association des étudiants en droit de
l'université Laval. Voulez-vous vous présenter, pour les fins de
la transcription des débats?
Association des étudiants en droit de
l'Université Laval
M. Desgagné (Pierre-Luc): Avec plaisir, Mme la
Présidente. Chère madame, mesdames et messieurs de l'Opposition,
mesdames et messieurs du gouvernement, mon nom est Pierre-Luc Desgagné;
je suis président de l'Association des étudiants en droit de
l'université Laval. À ma droite, M. Stéphane Chatigny et,
à ma gauche, M. Patrice Bélanger. Nous formons tous les trois un
comité ad hoc formé pour étudier le projet de loi 25 et
également les modalités en fonction de la hausse des frais de
scolarité.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, vous avez 20 minutes
pour nous présenter votre mémoire. Allez-y.
M. Desgagné: Avec plaisir, Mme la Présidente. Sans
plus tarder, nous commençons en vous disant qu'à l'aube du XXIe
siècle, notre société est appelée, certes, à
faire beaucoup mieux. Certains prétendront qu'il n'est point besoin du
XXIe siècle pour faire mieux; ces gens ont raison. À intervalles
ponctuels, il faut se remettre en question, autant individuellement que
collectivement. Toutefois, ce siècle nouveau qui s'amorce évoque
tellement de défis qu'il apparaît impérieux de faire le
ménage: le ménage de nos idées, de nos valeurs et de nos
définitions des systèmes. Ce ménage est nécessaire
afin de nous permettre d'avoir une vue plus claire de ce qu'il nous faudra
faire pour profiter du XXIe siècle.
Depuis les années soixante, notre Québec a profité
de son "boom" tranquille pour rattraper son retard dans certains domaines, dont
l'éducation et l'enseignement supérieur. Mais cette
révolution, depuis quelque temps, est devenue tellement tranquille
qu'elle s'est assoupie. Il devient essentiel maintenant de secouer cette sorte
de torpeur parce que, sinon, le Québec aura à s'en repentir.
Rappelons-nous que cette révolution s'est effectuée parce qu'il
existait dans notre État un consensus général, un
consensus qu'il nous faut à tout prix reformer, ne serait-ce que le
temps de participer ensemble à la réforme de l'enseignement
supérieur, de son accessibilité, de son rôle, de son
financement et également, et peut-être par-dessus tout, de
l'apport que tous et chacun qui sont concernés par ce dossier peuvent
consentir.
La société et, par le fait même, son gouvernement
doivent par contre réaliser deux choses fort importantes.
Premièrement, les étudiants québécois ne sont pas
seulement des bénéficiaires, ils sont de plus et a fortiori des
participants. Deuxièmement, la société
québécoise a un besoin constant de diplômés. On ne
peut donc toucher à certains acquis essentiels comme
l'accessibilité à l'éducation.
C'est autour de ces deux idées maîtresses que se
construira, comme nous le verrons ensemble, notre exposé. Celui-ci se
subdivisera en trois parties: une première partie intitulée
simplement "Oui, mais!!!" dont le titre est quand même relativement
suggestif; une seconde qui reprendra une idée déjà connue
mais combien essentielle, "Égalité des chances" et une
dernière partie, mais non pas la moindre, une nouvelle idée qui
mérite, dis-je bien, certes mieux qu'une tablette de luxe au bureau du
ministère.
Pour clore cette introduction, laissez-moi tout simplement vous dire que
l'urgence d'agir, l'urgence de réagir a occupé notre esprit
durant la préparation de ce mémoire. Et nous ne semblons pas les
seuls. Laissons la parole à l'ancien président de
l'Université du Québec, M. Gilles Boulet, qui écrivait
dans un récent article: "II est grand temps que tous les
Québécois comprennent que leur avenir en tant que peuple, que
leur culture, que leur équilibre industriel, dépendent largement,
très largement, de l'avenir que l'on réservera à leurs
universités."
Avant de passer à la première partie, juste un petit
commentaire. Nous avons fait parvenir, hier, la version révisée
de notre mémoire. Il n'y a pas de changement majeur au fond du
mémoire, ce sont seulement quelques perfections que nous avons tenu
à apporter. Comme vous le verrez, rien n'étant parfait dans ce
monde, il y a quelques erreurs de frappe que nous pourrons corriger
ensemble.
La première partie: "Oui, mais!!!" S'il est une certitude dans
notre monde, c'est que jeunesse et espoir font toujours bon ménage. Mais
nous conviendrons ensemble que l'espoir peut se passer plus facilement de la
jeunesse que vice-versa. Il ne faudrait donc pas enlever, dans un geste
réfléchi, l'espoir à la jeunesse. Ce serait tuer dans
l'oeuf le modus vivendi du Québec de demain. Conscients de leurs
responsabilités, les jeunes du Québec veulent les prendre.
L'Association que nous représentons a
decide, en concordance avec nos arguments, de dire oui à
l'augmentation, mais un oui conditionnel.
Cette augmentation est nécessaire. On ne pourra toujours nier les
besoins des établissements postsecondaires et laisser le gouvernement
québécois porter seul le fardeau, ceci dit dans son sens large et
sans parti pris politique. Par souci de crédibilité et de
sérieux, les étudiants veulent et doivent y participer, mais ils
n'accepteront pas d'être les seuls. C'est la première condition.
Les autres bénéficiaires du savoir, et il y en a beaucoup,
devront s'organiser ou se faire organiser - et c'est un choix politique - se
faire organiser pour être présents.
L'augmentation ne pourra se faire que dans le respect: le respect des
acquis sociaux des dernières années, des personnes
concernées et, par le fait même, de leur capacité de payer.
C'est la seconde condition. Depuis plusieurs années, les
différents gouvernements, généralement, se sont toujours
souciés de la portée sociale de leurs gestes, le tout à
l'honneur de notre peuple. Grâce à cela, des valeurs importantes
animent maintenant notre société face aux études
avancées. L'accessibilité à l'éducation, son prix
raisonnable et un rapport acceptable entre ceux et celles qui veulent
poursuivre les études et ceux et celles qui peuvent poursuivre les
études constituent, à notre avis, des acquis sociaux importants
que nous ne pouvons accepter de remettre en question, tout comme nous devons
prendre en considération le respect des personnes, plus
spécifiquement dans le cas qui nous intéresse, de leur
capacité de payer. Ceux et celles qui fréquentent les
institutions d'enseignement n'ont pas à subir une hausse trop drastique,
trop rapide. On ne peut changer ainsi les façons de faire, les
règles du jeu. Pour terminer là-dessus, disons simplement que la
capacité de payer, expression d'ailleurs chère au gouvernement
actuel, n'est pas illimitée pour quiconque et que, pour les
étudiants, la marge de manoeuvre est fort mince. C'est pouvoir aller
à l'université ou ne pas pouvoir y aller, par exemple. Nous
reviendrons d'ailleurs sur ce point dans la seconde partie du mémoire,
par l'entremise do la présentation de M. Bélanger.
En corrélation avec les énoncés
précédents, voici la proposition formelle de l'Association des
étudiants en droit de l'Université Laval: Oui à
l'augmentation actuelle, mais sur une période de cinq ans. Si on fait le
calcul, une augmentation de frais de scolarité de 130 % sur deux ans,
sur un taux de base de 225 $, cela nous amène à une augmentation
totale de 292, 50 $. Le taux d'inflation étant, pour janvier dernier, de
5, 5 %, soit autour de la moyenne des dernières années, il nous
faut cesser de geindre contre l'augmentation du coût de la vie. Mais avec
la décision ministérielle, on veut nous amener à des taux
d'inflation aux alentours de 65 % par année.
Je sais que, dans la déclaration du ministre, ce n'est pas aussi
drastique, ce n'est pas coupé au couteau, 65 % - 65 %, mais, grosso
modo, ça veut dire à peu près ça. Ça n'a
évidemment aucun sens, en fait, au sens de l'Association des
étudiants en droit. S'il n'en tenait qu'à nous, on repartirait la
roue cette année au taux d'inflation actuel, ce qui amènerait une
augmentation de 12, 40 $, soit 237, 40 $ par session. Or, voilà! Nous ne
discutons pas ici d'une possible idée, mais d'une décision
ministérielle. Nous devons donc voir comment appliquer le plus
favorablement possible à la population étudiante cettedite
décision. Cinq ans nous apparaissent être, en termes très
juridiques, un délai raisonnable.
Voyez-vous, on remet en question, actuellement, un choix de
société, soit. Mais laissons au moins le temps aux principales
personnes touchées de s'organiser. Après tout, les
étudiants actuels, qui fréquentent des établissements
postsecondaires, doivent-ils payer, entre guillemets, pour la décision
de la fin des années soixante? Vous allez peut-être me dire que
nous avons été choyés, que nous avons maintenant à
en payer le prix, mais n'oubliez pas que nous avions, pour la plupart, à
peine un an ou deux lorsque le gel fut décrété. À
l'âge où nous pouvons en profiter, le dégel fait son
apparition La société a changé, les étudiants
aussi, les besoins éducationnels, encore plus. Nous sommes prêts
à prendre nos responsabilités, à faire notre part, mais
nous refusons - d'ailleurs, c'est souligné dans le mémoire - de
payer en deux ans pour des choix différents faits par une
société adulte, à l'époque. Après tout,
a-ton demandé aux 6 000 000 de Québécois de régler
le déficit olympique en deux ans?
Notre proposition ne tombe pas du ciel comme par enchantement, elle est
mûrie et réfléchie. Nous la considérons comme
honnête et réaliste. Nous vous l'amenons pour en discuter. Elle a
au moins, comme l'autre proposition principale de ce mémoire, le
mérite de perpétuer la fameuse union entre espoir et jeunesse. Et
réalisons bien ensemble que les trois propositions de notre
mémoire sont intimement unies.
Arrêtons-nous maintenant, si vous le voulez bien, en profondeur,
sur l'égalité des chances avec M. Bélanger.
M. Bélanger (Patrice): Dans cette seconde partie du
mémoire, nous revendiquons du gouvernement des gestes concrets qui
permettront de diminuer l'impact qu'aura la hausse des frais de
scolarité. Nous sommes conscients que l'étude du projet de loi 25
n'a pas été approfondie, voulant laisser place à
l'idée principale du mémoire qui est le fonds étudiant,
présentation qui va suivre avec M. Chatigny.
D'abord, l'accès à l'université. La règle
économique de base veut que l'augmentation du coût d'un produit
entraîne une baisse du nombre de consommateurs. Cet effet doit, à
tout prix, être évité. II faut, à tout le moins, que
la
fréquentation des études postsecondaires soit maintenue
à son niveau actuel. La poursuite des études postsecondaires est
un choix qui est socialement rentable et nous devons nous assurer que tous et
chacun aient une chance d'y accéder.
Le régime des prêts et bourses peut nous permettre
d'atteindre cet objectif. Il constitue, en effet, la bouée de sauvetage
pour les étudiants qui pourraient être tentés de
réagir négativement à la hausse. Ce système ayant
comme objectif d'assurer l'octroi de ressources nécessaires à la
poursuite des études, nous trouvons déplorable le fait que le
gouvernement n'ait pas procédé à la révision du
régime de prêts et bourses de façon concordante à la
hausse des frais de scolarité. C'est une décision qui fait peur
à la masse étudiante qui se voit attribuer une charge
supplémentaire, sans savoir ce qui adviendra de sa source de
financement.
Certains changements apportés sont, nous le concédons,
positifs: la diminution de la contribution des parents et du conjoint dans
l'évaluation du prêt et de la bourse, de même que
l'accès au régime pour les étudiants à temps
partiel.
Par contre, nous ne comprenons pas pourquoi un étudiant se voit
encore automatiquement attribuer un prêt après avoir
accumulé 90 crédits universitaires. Il n'est pas rare de voir
ainsi un étudiant déposer son prêt en banque, en retirer
les intérêts et le remettre ensuite au gouvernement. Un meilleur
ciblage des bénéficiaires permettrait d'octroyer des prêts
à ceux qui en ont vraiment besoin et ainsi d'éviter des abus.
Cette tâche n'est certes pas facile, mais elle est nécessaire.
Les paramètres du régime sont par contre bien
fixés. Le montant d'argent attribué est fonction de
l'écart entre les besoins et les ressources. L'augmentation des frais de
scolarité amènera de plus grands besoins et l'écart entre
les ressources et les besoins grandira. Il faut donc que les prêts et
bourses augmentent dans les mêmes proportions, de façon que ceux
qui ont le plus besoin de ressources supplémentaires ne souffrent pas de
la hausse.
Le projet de loi 25 ne fournit cependant aucun chiffre quant à la
hausse du prêt ou de la bourse. Il se borne à dire que le tout
sera déterminé par règlement. Pouvons-nous être
assurés que les montants des prêts et des bourses seront
augmentés en fonction du dégel des frais de scolarité?
Pour avoir suivi les propos du ministre dans les dernières semaines, on
dit que ça sera fonction de l'augmentation et on dit que ça
pourrait peut-être amener une perte de la fréquentation scolaire
de 5 %. Nous trouvons que c'était là la tâche du projet de
loi 25 que d'éviter ces deux conséquences.
De plus, nous encourageons le gouvernement à prendre d'autres
mesures pour améliorer le financement universitaire: convaincre les
établissements universitaires d'abolir la gratuité scolaire pour
les enfants ou conjoints de professeurs; demander une implication plus forte du
secteur privé dans l'éducation de leurs futurs employés,
implication qui pourrait être encouragée par un pourcentage de
déductions fiscales, et contribuer surtout à la
réalisation de l'idée principale de ce mémoire, soit la
création d'un fonds étudiant dont l'explication du principe de
fonctionnement suit, avec M. Chatigny.
M. Chatigny (Stéphane): Alors, nous avons une idée
à vous proposer; c'est le fonds étudiant du Québec. La
situation financière du système d'éducation postsecondaire
au Québec se détériore de façon inquiétante
depuis un certain nombre d'années. Le dernier budget
fédéral n'arrangera assurément pas les choses. À
dire vrai, il est une évidence que nous manquons de ressources; manque
de ressources au niveau humain, manque de ressources au niveau matériel,
pédagogique. Face aux défis modernes qui requièrent
pourtant de nos étudiants une solide formation en prévision du
marché du travail, nous sommes forcés, finalement, de faire mieux
avec moins.
Or, outre la contribution accrue des étudiants au financement du
système d'éducation par la hausse des frais de scolarité,
le gouvernement, dans sa quête honnête de revenus additionnels, se
doit d'examiner d'autres avenues. Aussi, nous proposons une initiative nouvelle
qui s'inscrit, à notre avis, dans cette perspective: le fonds
étudiant du Québec. Son objectif principal est de contribuer
à l'amélioration de la formation des étudiants
québécois du Québec, notamment, et non de façon
limitative, par une participation au renouvellement du matériel
pédagogique des institutions d'enseignement postsecondaire, par l'octroi
de bourses à l'excellence, bourses à l'initiative, par la
participation financière à des projets de recherche et
l'initiative québécoise pourrait faire en sorte qu'à cette
liste on ajoute d'autres projets.
La composition financière du fonds s'envisage ainsi. Nous avons
pensé que 50 % des fonds pourraient provenir des étudiants, 25 %
du secteur privé et les derniers 25 % d'associations diverses. Plus
spécifiquement du gouvernement du Québec, nous ne demandons que
son expertise technique dans la mise sur pied du fonds et la mise à
profit des mesures législatives nécessaires à l'existence
et au fonctionnement du projet. À ce niveau-là, c'est un des
aspects essentiels parce que le projet ne démarrera pas si nous n'avons
pas d'expertise technique. Il faut prendre conscience que nous sommes en droit
et non en finance. Dans ce projet, il y a des aspects légaux,
évidemment, mais il y a surtout des modalités financières
sur lesquelles il faudra se pencher avec le gouvernement, et nous pensons que
ça devrait l'intéresser.
En ce qui concerne le fonctionnement du fonds, il y a plusieurs
perspectives. La première: l'injection directe. L'aspect essentiel
s'avère ici être le gel du capital recueilli. Ainsi, les
étudiants verseraient, chaque session, une cotisation au fonds.
Par exemple, admettons une cotisation de 5 $ par session. Si on se base sur les
chiffres de 1987-1988, il y avait au Québec 432 055 étudiants
postsecondaires, c'est à dire aux secteurs collégial, public,
privé et universitaire. Alors, si on multiplie le chiffre
d'étudiants par 5 $ pour la session d'automne, ça nous donne un
montant de 2 160 275 $ et le même montant, lorsqu'on cotise 5 $ en
session d'hiver, de sorte que, pour une même année, des
étudiants du Québec, on aurait recueilli, avec une cotisation de
5 $ en deux sessions, en 1987-1988, 4 320 550 $, soit 50 % du fonds.
Quant au secteur privé et aux autres associations
désireuses d'investir, l'incitatif fiscal nous semble représenter
la meilleure invitation à le faire. Par exemple, imaginons que plusieurs
entreprises privées acceptent, d'une part, de prévoir, dans leur
budget annuel, un poste budgétaire intitulé "bourses" et que,
d'autre part, ils acceptent d'acheminer annuellement le contenu de ce poste au
fonds étudiant du Québec. Voilà, je pense, qui viendrait
donner au fonds une dimension appréciable.
La deuxième perspective, c'est la solution dite mixte:
Épargne-injection directe. Ici intervient l'idée que les
étudiants du Québec, en plus de verser une cotisation au fonds,
se verraient offrir la possibilité d'y investir leurs épargnes
personnelles. Or, comme il nous faut absolument faire du capital sur cette
épargne qui serait déposée et qui, par sa nature,
s'avère friable, il sera nécessaire de convaincre - et nous
admettons que ce sera quand même une tâche ardue, mais
réalisable - les étudiants d'accepter un rendement
inférieur en termes d'intérêts à ce qui s'offre
ailleurs. Évidemment, pour privilégierons une argumentation
faisant valoir les avantages indirects sur leur formation par l'existence du
fonds.
Même chose pour les associations étudiantes qui
accepteraient de déposer leur budget annuel dans le fonds
étudiant. En ce qui regarde les épargnes, il demeure essentiel
que l'accès à celles-ci soit assuré. Mais en contrepartie,
toutefois, le fonds - je le répète - doit faire du capital sur
cette épargne. C'est là qu'intervient le consentement des
épargnants à un rendement inférieur de leurs avoirs
respectifs. Car, qu'il s'agisse de l'une ou de l'autre perspective,
l'idée de base demeure l'existence de capital qui, contrairement
à l'épargne, ne s'effrite pas, donc permet de financer des
projets d'investissement et de bourses et, incidemment, ce capital doit se
régénérer pour assurer la continuité des projets et
l'accroissement du fonds.
Finalement, ce qu'on propose, c'est de partir avec une petite source
d'eau pour, peut être dans 10 ans, 20 ans et même moins, se
ramasser, se retrouver avec un beau fleuve qui coule largement. Sur le plan
financier, toutes les avenues doivent être, évidemment,
examinées soigneusement car elles auront beaucoup d'influence sur la
performance future du fonds.
Dans un autre ordre d'idées, la gestion du fonds. Au
départ, nous envisageons que toutes les opérations relatives au
fonds, c'est-àdire les dépôts, les versements des
cotisations et autres opérations bancaires, soient effectuées par
une société de fiducie. Le fonds étudiant du Québec
devrait être géré par un conseil d'administration dont la
composition réunirait des représentants des étudiants du
secteur privé, du monde de l'éducation et du gouvernement. Quant
à la proportion des sièges occupés par les
étudiants, sans être nécessairement majoritaire, quoique
ça puisse être souhaitable, elle devrait s'avérer
significative.
Un point important qu'il convient de souligner est que les
décisions d'investissement du fonds étudiant du Québec
devrait être adaptées aux besoins régionaux, ce qui peut
laisser entendre que la structure décisionnelle du fonds serait bien
implantée en région afin d'être à l'écoute
des véritables besoins du Québec.
Voilà de la façon la plus précise possible
l'idée que nous vous proposons. Nous croyons sincèrement en ses
vertus. Voué à l'éducation et plus spécifiquement
à la formation des étudiants, nous partageons la conviction que
l'apport financier qu'ajouteraient dans le tableau des pourvoyeurs du
système d'éducation, le fonds étudiant du Québec
contribuerait significative-ment à une meilleure préparation des
étudiants au marché du travail et à la recherche,
finalement, de l'excellence au Québec. Finalement, nous voulons faire
plus et avec un peu plus. Voilà notre objectif.
En conclusion du mémoire, dans le contexte actuel, il nous
apparaît impérieux et surtout emballant de faire des choix, de
nouveaux choix. Bien sûr, notre système d'éducation
comporte certains acquis hautement estimables sur lesquels il faut construire.
Toutefois, face aux lacunes de notre système et aux défis du XXIe
siècle, l'ardeur et l'originalité doivent caractériser nos
initiatives. Aussi, non seulement tenons-nous à nous prononcer en faveur
du dégel envisagé avec les réserves exprimées
précédemment par M Bélanger et M. Desgagné sur la
modalité, mais nous proposons des idées nouvelles, des
perspectives hors des sentiers battus. Il ne s'agit plus, à notre avis,
de tricoter sur les statu quo, mais plutôt de soumettre des avenues
progressistes. Et, en terminant, nous voulons souligner que ce rapport, ce
mémoire et tout ce qu'il contient a été largement
appuyé par les membres de l'association étudiante en
assemblée générale il y a deux semaines.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M Chatigny. M.
Desgagné, merci. M. le ministre, vous avez la parole.
M. Ryan: Un bref commentaire, Mme la
Présidente, après quoi je demanderais à un de mes
collègues de poursuivre le dialogue. J'apprécie d'abord l'esprit
évidemment constructif dans lequel ont été
formulées les observations de l'Association des étudiants en
droit de Laval. On sent qu'il y a un désir de rechercher des solutions
et je pense qu'il convient de le signaler.
De manière générale, je voudrais inscrire mon
accord concernant certaines idées mises de l'avant dans le
mémoire. Vous demandez, par exemple, que le gouvernement s'emploie
à convaincre les établissements universitaires d'abolir la
gratuité scolaire pour les enfants ou les conjoints des professeurs.
J'ai déjà fait part aux recteurs de la volonté du
gouvernement sur ce point et j'espère bien que ce sujet aura
été complètement réglé dans un avenir le
plus rapproché possible. Il m'apparaît que, dans le régime
de financement public où nous sommes de l'enseignement universitaire,
ces privilèges qui remontent à une autre époque où
la rémunération des professeurs était à un niveau
très modeste et qui pouvait s'expliquer n'ont plus leur raison
d'être aujourd'hui. Et, quand je vois des syndicats de professeurs
continuer à présenter des revendications sur ces points, je le
déplore profondément et je suis en entier désaccord avec
eux.
M. Gendron: Et je vous appuie...
M. Ryan: Merci.
M. Gendron: ...là-dessus.
M. Ryan: Vous demandez...
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: C'est un commencement.
M. Ryan: Je sais que dans l'Opposition, on ne peut pas tout dire.
Je soupçonne le reste.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Vous demandez une implication plus forte du secteur
privé dans l'éducation des futurs employés des
entreprises. Je pense que c'est une excellente idée également.
Quant à la possibilité d'assortir des mesures de cette sorte,
soit la part des entreprises, d'incitatifs fiscaux, je vais la transmettre au
ministère des Finances. Je vais l'examiner de mon côté
également. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu a déjà manifesté son
intérêt pour une formule de ce genre. Par conséquent, ce
n'est pas une idée que nous rejetons du revers de la main, loin de
là.
En ce qui touche la hausse des frais de scolarité, votre
acceptation de principe est intéressante, mais j'eusse aimé
qu'elle se traduisît par des propositions plus substantielles sous
l'angle des revenus que nous pourrons en retirer. La proposition que vous
faites... D'abord, la base de 292,50 $ que vous empruntez à la page 3,
est-ce que c'est par année ou par session?
M. Desgagné: C'est par session. C'est 225 $ par session.
J'ai même mon reçu ici.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Une augmentation totale de 292 $ par session?
M. Desgagné: Oui, par session. Y aurait-il une
coquille?
M. Ryan: Après ça, comment ça peut-il donner
60 $ par année? C'est ça que je ne comprends pas là. Il me
semble que ça va faire plus que ça. (13 heures)
M. Desgagné: Non, non, mais c'est parce que, cher M. le
ministre, ça été changé, c'est devenu la page 4
dans le mémoire révisé qu'on a envoyé. Est-ce que
vous auriez copie de l'ancien mémoire, parce qu'à la page
4...
M. Ryan: Ah! moi, je suis toujours aux anciens textes,
d'après ce que prétend l'Opposition.
M. Gendron: Donc, on en a une preuve. M. Ryan: Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Disons que c'est une certitude, mais pour toutes
sortes de motifs.
M. Desgagné: Justement, c'est la raison pour laquelle on a
envoyé un mémoire corrigé hier, c'était pour
éviter cette faute-là, pour corriger cette faute-là, parce
que nous savions qu'il y avait erreur.
M. Ryan: Et qu'elle était assez grosse, hein?
M. Desgagné: Oui, oui. M. Ryan: Très
bien.
M. Desgagné: Mais voyez, le mémoire n'avait pas
été signé quand on l'a envoyé. Là,
maintenant...
M. Ryan: Combien ça donnerait d'augmentation par
année, suivant votre dernière proposition?
M. Desgagné: Bien, 292 $, plus 292 $. Je sais que
ça monterait en tout à un total de
517, 50 $ par session, donc au-delà de 1034 $ par
année.
M. Ryan: D'augmentation?
M. Desgagné: Bien, 517 $ plus 517 $.
M. Ryan: Le montant dos frais de scolarité aurait à
ce niveau là?
M. Desgagné: Oui, c'est ça.
M. Ryan: Au bout de cinq ans, ça?
M. Desgagné: Oui, au bout de cinq ans, selon notre
proposition.
M. Ryan: Alors, là, votre proposition, si je comprends
bien, ça serait une augmentation de 237, 40 $ par année.
M. Desgagné: Je vais juste repasser là-dessus.
C'est qu'actuellement les frais de scolarité de base là dessus,
je parle pour ma paroisse, soit l'Université Laval, et c'est
sensiblement semblable - sont de 225 $ par session, plus les frais
afférents. Donc...
M. Ryan: Regardez, à l'Université Laval, il y a
beaucoup de départements où c'est pas mal plus
élevé que ça, vous le savez.
M. Desgagné: Oui, mais c'est parce qu'il y a des frais
afférents qui entrent en ligne de compte, là.
M. Ryan: Oui.
M. Desgagné: Pour m'être informé
auprès de...
M. Ryan: Mais même les droits de scolarité, c'est
plus élevé que ça dans la plupart des facultés. Je
ne sais pas à quelle faculté vous êtes.
M. Desgagné: Mais je suis en droit.
M. Ryan: En droit. Continuez quand même, mettons 450 $.
Moi, je veux savoir...
M. Desgagné: Écoutez, si on calcule sur des frais
de base de 225 $ par année, puisque, bon, j'ai étudié les
frais de scolarité de ma paroisse, si on veut...
Une voix: Par session.
M. Desgagné: Par session, pardonnez-moi. Une augmentation
de 130 % - là, je ne regarde pas la période de temps - ça
nous amène à une augmentation totale de 292, 50 $. Donc, si on
additionne l'augmentation totale, plus les frais de base actuels, ça
nous amène à 517, 50 $. Ça, là-dessus, on
s'entend?
M. Ryan: Non, parce que là, regardez, si vous avez 450 $,
là, plus une augmentation de 594 $, si je compte bien, ça fait
1044 $.
M. Desgagné: Je l'ai calculé hier soir avant de me
coucher, pourtant.
M. Ryan: Combien ça vous donne, vous?
M. Desgagné: Bien 450 $, c'est par année. Moi, je
vous parle de 225 $ par session. On peut calculer sur une année.
M. Ryan: Bien oui, il faut calculer sur l'année si on veut
se comprendre.
M. Desgagné: Oui, pas de problème.
M. Ryan: Tout le reste de la littérature est sur une base
annuelle.
La Présidente (Mme Hovington): Est-ce qu'on est d'accord,
des deux côté de la Chambre, pour aller au-delà de 13
heures, étant donné les calculs.
M. Ryan: Oui.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, on va s'entendre, si
vous voulez, pour que chaque côté on prenne 15 minutes au lieu de
20 minutes, pour qu'on puisse finir à 13 h 30.
M. Gendron: Complètement d'accord.
M. Desgagné: M. le ministre, avec respect, qu'on fasse le
calcul par session ou par année, ça amène au même
résultat.
M. Ryan: Ce qui m'intéresse, moi, c'est quelle
augmentation il va y avoir chaque année. Pouvez-vous me le dire?
M. Desgagné: Bien, c'est parce que l'augmentation de 130 %
va être calculée sur cinq ans. Donc, vous divisez 130 par 5.
M. Ryan: Non, mais je veux l'avoir en argent réel. Les
pourcentages, c'est très dangereux, c'est la méthode
soviétique et on a vu à ce que ça conduit. En tout cas,
regardez, on fera les calculs ensemble, je ne veux pas monopoliser le temps,
parce que j'ai mon confrère qui voudrait poser des questions.
M. Desgagné: Je comprends.
M. Ryan: Et Mme la Présidente, peut-être...
M. Desgagné: C'est parce que les pour-
centages nous apparaissaient plus malléables, et plus
facilement.
M. Ryan: Je me méfie de ça comme la peste, je vous
le dis franchement.
La Présidente (Mme Hovington): La parole est au
député de Vimont.
M. Fradet: Merci, Mme la Présidente. Je pense que vous
avez rédigé ur très bon mémoire, et vous l'avez
très bien présenté aussi. Moi, je veux répondre,
peut-être, à M. Bélanger, qui parlait tout à
l'heure, des prêts et bourses, à la suite de l'augmentation des
frais de scolarité. Je pense qu'il faut préciser que pour les
bénéficiaires de prêts et bourses qui ont le maximum, soit
le prêt maximum et la bourse maximum, là où
l'étudiant va aller chercher des sous conséquem-ment à
l'augmentation des frais de scolarité, c'est en bourses, strictement. Je
pense que vous y avez fait allusion, tout à l'heure, et je peux
préciser aussi qu'il va y avoir 3000 ou 4000 étudiants
supplémentaires qui vont être admissibles aux prêts.
Moi, j'avais peut-être deux petites questions. D'abord, vous avez
parlé - c'est monsieur, à droite, qui se trouve à
être M. Bélanger - de l'abolition des prêts pour les
étudiants qui veulent entreprendre, soit un deuxième bac, ou une
maîtrise ou un doctorat. Je pense qu'il y a quelqu'un de vous trois qui a
parlé d'abolir...
M. Bélanger (Patrice): Je n'ai pas parlé
d'abolition, j'ai parlé de garder les mêmes critères que
s'il s'agissait d'un premier bac, parce que je ne vois pas... Personnellement,
à la fin de mon bac, je pourrais me voir attribuer un prêt alors
que je ne considère pas en avoir besoin. Je ne paie pas mes frais de
scolarité parce que je suis fils de professeur à
l'université. Je n'ai pas le droit à un prêt
présentement à mon premier bac. Je ne vois pas pourquoi, une fois
que j'aurai accumulé 90 crédits, j'aurais le droit d'avoir mon
prêt, de le mettre en banque, de retirer les intérêts et de
vous redonner l'argent après. Pourquoi ne gardez-vous pas les
mêmes critères pour l'obtention d'un prêt après 90
crédits?
M. Fradet: Mais ce que vous dites présentement, c'est que
le critère qu'on a dans le régime d'aide financière qui
dit que lorsqu'on a un bac on est dépendant...
M. Bélanger (Patrice): Autonome, oui.
M. Fradet: ...autonome, que vous ne voulez pas faire allusion
à ce critère-là pour que ceux...
M. Bélanger (Patrice): La notion d'autonomie est bonne,
mais je ne vois pas pourquoi quelqu'un qui n'a pas besoin d'argent après
avoir accumulé 90 crédits s'en verrait octroyer? Je ne comprends
pas.
M. Fradet: Mais vous êtes aussi d'accord qu'il y a des
étudiants qui vont continuer leurs études, soit une
maîtrise ou un deuxième bac?
M. Bélanger (Patrice): Oui.
M. Fradet: Qui, eux, vont avoir encore besoin...
M. Bélanger (Patrice): Oui.
M. Fradet: ...d'aide financière de la part du
gouvernement.
M. Bélanger (Patrice): Tout ce qu'on essaie de dire, c'est
que les critères devraient se voir resserrer parce que,
présentement, ça permet des abus. Moi, je vais arriver au
Barreau, je vais prendre mon prêt, je vais le mettre en banque, je vais
retirer les intérêts et je vais vous le redonner l'année
prochaine parce que c'est ça que vous me permettez de faire
présentement et je serais niaiseux de ne pas le faire, parce que je vais
faire 300 $ avec.
M. Fradet: II y a une autre chose. Ça fait deux fois que
j'entends parler, depuis ce matin, dans deux mémoires différents,
du fonds - je n'ai pas le terme exact - le fonds étudiant du
Québec. Je pense que... Il y a juste une précision que j'aimerais
avoir. Ce fonds-là, est-ce qu'il va remplacer le régime actuel ou
si c'est une addition à ce qui se fait présentement?
M. Chatigny: Ce n'est même pas dans le même
domaine.
M. Fradet: Ce n'est pas dans le même domaine du tout.
M. Chatigny: Non, parce que... Faites-vous
référence au régime des prêts et bourses?
M. Fradet: Oui, c'est ça.
M. Chatigny: C'est complètement distinct l'un de l'autre.
Le fonds étudiant, si vous voulez, je vais vous donner
l'équivalence. On retrouve le Fonds de solidarité de la FTQ, la
Fondation Desjardins, la Société d'investissement jeunesse. On
oeuvre dans le... On fait des investissements et, avec ce fonds-là, les
investissements sont ciblés sur le renouvellement du matériel
pédagogique. Par exemple, à la Faculté de droit, la
bibliothèque est incomplète, insuffisante. Bien, le fonds
étudiant prête de l'argent, évalue la demande, trouve que
ça a du bon sens, on renouvelle la bibliothèque de droit.
Même chose dans un secteur génie où on a besoin d'un
appareil. Le fonds étudiant est là pour venir en
aide financièrement à l'achat. On ne veut pas
nécessairement dire que le fonds étudiant pourrait venir
qu'à payer entièrement l'objet en question, l'appareil, parce que
ça coûte très cher. Et là, on parle d'appareils
sophistiqués. Pour avoir une meilleure formation, il faut que nos
étudiants travaillent sur du matériel moderne. Là, c'est
une question de capacité concurrentielle du Québec dans les
années futures, meilleurs étudiants, spécialisation des
ouvriers.
M. Fradet: C'est fait dans le même but que les fonds
universitaires qui existent déjà pour certaines
universités. Je pense qu'il y a des fonds pour l'université qui
servent à défrayer le coût d'achat d'une nouvelle machine
ou quelque chose comme ça...
M. Chatigny: C'est...
M. Fradet: ...et ce fonds-là, il y aurait 50 % qui serait
la contribution volontaire des étudiants, si on s'entend bien,
là. Ça ne serait pas une contribution obligatoire qui serait
prise à même les frais de scolarité ou...
M. Chatigny: Dans la mesure où on retient la
première perspective, c'est-à-dire la cotisation
étudiante, je ne sais pas si on peut dire que c'est volontaire. Vous
comprenez ce que je veux dire. Il y a une cotisation.
M. Fradet: C'est ça. Une cotisation qui serait obligatoire
lorsqu'on fait nos études, au début de chaque session.
M. Chatigny: Exactement. Vous avez parfaitement raison. En ce qui
concerne les bourses, ce sont des bourses à l'excellence et à
l'initiative et toute autre avenue, ce ne sont pas des bourses d'aide
financière comme telle.
M. Fradet: Et ça, ça serait un fonds à la
grandeur du Québec ou juste par université?
M. Chatigny: Vous avez parfaitement raison, à la grandeur
de la province.
M. Desgagné: Si vous me permettez, juste un petit
rajout.
La Présidente (Mme Hovington): M Des gagné,
oui.
M. Desgagné: Juste un petit rajout. Ce serait à la
grandeur du Québec, mais vraiment ciblé de façon
très régionale parce que vous allez être d'accord avec moi
que l'UQAC n'a pas les mêmes besoins que Concordia et l'Université
du Québec à Hull non plus que l'UQAR. C'est pour ça. C'est
un petit commentaire
La Présidente (Mme Hovington): Les mêmes culottes ne
font pas à tout le monde au Québec. M. Desgagné:
Oui.
La Présidente (Mme Hovington): C'est ça. Pour
éclairer un petit peu les besoins des régions, M. le porte-parole
officiel de l'Opposition.
M. Gendron: Je voudrais remercier les étudiants en droit
de l'Université Laval de nous avoir livré une réflexion
qui, tout compte fait, à des nuances près sauf pour un aspect
véritablement neuf qui est le fonds étudiant, reprend les grandes
orientations des autres associations étudiantes avec une
différence fondamentale que vous avez expliquée quand vous dites:
Bien, nous, on va être rafraîchissants comme association
étudiante, on va dire oui à la hausse, mais on va la
conditionner: conditionnelle à ce que cette hausse ne soit pas aussi
subite qu'elle ne l'est à 130 % et qu'elle se fasse dans le respect des
acquis sociaux et de la capacité de payer des étudiants. Ce sont
vos deux principales considérations. Là, vous avez des
éléments additionnels pour que cette hausse n'ait pas certains
effets dissuasifs et, également, pour ce qui est du financement
universitaire, qu'il y ait des sources d'argent qui proviennent d'ailleurs.
Je voudrais juste apprécier davantage deux ou trois
éléments. Moi, un premier élément que je voudrais
vous voir apprécier davantage... J'ai beaucoup de misère à
mettre en relation votre prétention exacte que tout ça se fasse
dans le respect des acquis sociaux avec un jugement qui finit par dire: Oui,
sur le principe du dégel, nous sommes d'accord, c'est sur le quantum que
nous avons des réserves. Mais à partir du moment où moi,
aujourd'hui, dans l'évaluation de cette commission, je n'ai aucune
garantie, aucune, sincèrement... Je connais ce gouvernement pas mal,
j'ai lu la réforme à plusieurs reprises et je ne suis pas
capable, d'aucune façon, d'acquérir la conviction que ça
se fera dans le respect des acquis sociaux.
Donc, ma question: Puisque vous aussi, vous en faisiez une condition
pour le dégel, comment arrivez-vous à conclure que vous seriez
d'accord s'il était réparti sur cinq ans plutôt que sur
deux ans puisque, dans votre mémoire, je ne vois pas non plus ce sur
quoi vous vous basez pour convenir que le gouvernement, s'il étalait la
hausse, respecterait, selon vous, les acquis sociaux concernant plus
spécifiquement l'accessibilité, concernant le non-impact, ou du
moins à la marge, d'une hausse répartie sur cinq ans? En termes
très clairs, est-ce à dire que vous venez nous dire en commission
qu'une hausse sur cinq ans n'aurait pas d'impact sur l'accessibilité,
premièrement?
Deuxièmement, comme association étudiante sérieuse,
est-ce que vous êtes en train de nous dire que la hausse, si elle
était étalée, nous
permettrait de combler le retard que nous avons sur le niveau de
diplômés? Parce que, ce matin, le ministre a fait
référence, à la conférence de presse qu'on n'a pas
pu faire mais qui, si on l'avait faite, aurait illustré d'une
façon on ne peut plus claire, par des beaux petits tableaux... Parce
que, souvent, c'est par là... Ce que le ministre est en train de faire
et ce, en connaissance de cause, ce qui est le plus grave, c'est que notre
écart de 8500 diplômés... Lorsqu'on fait la
pondération des clientèles étudiantes
Ontario-Québec, qui est de 8500 au moment où on se parle, elle
s'accentuerait drôlement, selon la thèse de certains experts
concernant l'accessibilité. En termes concrets, sans faire ici le
prorata de la population, c'est 52 000 diplômés en Ontario, alors
qu'au Québec, c'est 29 000. C'est juste au mérite pur;
c'est-à-dire pas au mérite pur, mais au nombre absolu de
diplômes. Évidemment, avec la hausse des frais de
scolarité, il y aurait une chute importante du nombre de diplômes
décernés. Nous l'affirmons haut et fort et on n'est pas les seuls
à l'affirmer. D'ailleurs, dans quelques mémoires des
étudiants, il y en a même un qui a prétendu, avec raison,
que ça serait 10 000, l'écart, dès l'an prochain. Et 10
000 en 10 ans, ça fait 100 000 diplômés de moins, toujours
avec la pondération de la population.
Nous pensons que nous n'avons pas les moyens de nous permettre, avec le
retard qu'on a, 100 000 diplômés de moins, au niveau
universitaire, que l'Ontario. Si nous avions comblé les écarts,
là, on dit: On pourrait se permettre cette fantaisie d'avoir moins de
diplômés que l'Ontario. Alors, c'est en même temps une
explication par rapport au propos qui a été tenu tantôt.
Mais la question est très simple. Vous dites - et, là, je vous
cite pour ne pas me perdre - Nous autres, en autant que ça se fasse dans
le respect des acquis sociaux, il n'y a pas de problème. Il s'agit juste
d'étaler ça sur cinq ans. (13 h 15)
Question: Est-ce que, quand vous dites ça, vous avez acquis la
conviction que ça n'aura pas d'incidence véritable sur
l'accessibilité? Deuxièmement, est-ce que ce n'est pas exact
qu'il y aura également un effet majeur sur le nombre de
diplômés? Et moi, je le chiffre, c'est moi qui porte ce que je
viens de dire. Je dis que, s'il y a dégel, l'an prochain, on se parlera
et on verra que l'écart sera déjà rendu n'importe
où entre 10 000 et 11 000 diplômés de premier cycle de
moins que l'Ontario, tout en ayant fait la pondération de la population
pour tenir compte du prorata.
M. Oesgagné: Si vous me permettez...
La Présidente (Mme Hovington): M. Desgagné.
M. Desgagné: Merci, Mme la Présidente. Si vous me
permettez une réponse, vous soulevez un bon point, et ça me
permet de préciser une idée. C'est que le mémoire que nous
proposons forme un tout. Absolument. On ne veut pas donner un chèque en
blanc. Le chèque en blanc, c'est la première partie. Les deux
autres, faites-en ce que vous voulez. Le mémoire forme un tout. Ce qu'on
dit, c'est que, si vous répartissez l'augmentation sur cinq ans, si le
gouvernement répartit cette augmentation sur cinq ans, en ajustant les
prêts et bourses - et ça, M. Bélanger pourrait
peut-être parler plus là-dessus - en ajustant les prêts et
bourses en fonction de ça, et s'il dit oui à la création
du fonds étudiant, bien, on pourra contrer certains et la plupart
même des effets négatifs d'une hausse des frais de
scolarité, parce que le fonds étudiant, si vous avez vu, dans
l'un de ses objectifs importants, ce sont des bourses à l'excellence et
des bourses à la poursuite des études.
Donc, premièrement, si vous resserrez certains écarts,
certains abus des prêts et bourses, si vous ajustez les prêts et
bourses en fonction des besoins et si vous dites oui au fond étudiant,
là, on pourra faire en sorte de ne pas subir de trop grand ressac d'une
augmentation des frais de scolarité. Mais deux ans, deux ans, on ne
l'accepte pas, et ça, on veut que ça soit clair. La proposition,
ce n'est pas: Oui, bien là, nous autres, c'est peut-être cinq ans.
Nous autres, c'est: Oui, sur cinq ans. Ce n'est pas oui, peut-être, si
c'est deux ans et demi, non, non. Oui, cinq ans. Deux ans, on ne l'accepte pas.
Sauf qu'on a joué le jeu puis après l'annonce, le lendemain
matin, on ne criait pas: La grève, la grève, la grève! On
vient jouer le jeu; on va attendre les réponses.
M. Gendron: Merci. Juste une seconde! C'est parce que,
rapidement, êtes-vous au courant - je sais que ça fait un tout -
que la CREPUQ est venue dire au ministre de l'Éducation: Nous, on trouve
que vous êtes dans le bon chemin, à condition que vous mettiez 50
000 000 $. Le lendemain, qu'est-ce que le ministre disait? Il disait: La CREPUQ
est d'accord avec le dégel des frais de scolarité. Alors, je veux
juste que vous soyez conscients que même si vous, vous dites:
Écoutez, oui au dégel, s'il est étalé sur cinq ans
et si ça fait partie d'un tout... Je veux juste vous rappeler que vous
risquez que le tout, quand vous allez être cités, soit
édulcoré, si vous me permettez l'expression, parce que c'est
évident que le ministre de l'Éducation dira: L'Association des
étudiants en droit de Laval est venue nous dire qu'elle était
d'accord avec le dégel. Ça, je vous gagerais pas mal d'argent que
c'est ce que je vais entendre. Alors, ça, c'est juste un
commentaire.
M. Desgagné: Mais on ne veut aucunement servir de caution
morale, et ça, vous me permettez d'ailleurs de le dire: II n'est pas
question de
servir de caution morale.
Secundo, pour avoir lu un ancien recteur et pour avoir consulté
de façon très précise également un autre ancien
recteur, je peux vous dire qu'ils sont au courant des besoins urgents et,
au-delà des propositions qu'ils ont faites, nous sommes en accord avec -
d'ailleurs, on le dit dans l'introduction du mémoire - l'urgence qu'il y
a de réagir au Québec. Et ce n'est pas vrai que les
étudiants vont continuer à vouloir tout avoir sans pour autant
discuter et être prêts à faire des efforts. C'est
là-dessus que j'argumente
Une voix: Je pense que M. Bélanger aurait...
M. Bélanger (Patrice): Oui, c'est ce qu'on voulait
déplorer aussi dans la deuxième partie du mémoire,
c'est-à-dire qu'on conçoive que le régime de prêts
et bourses soit la bouée de sauvetage pour ça. Ce que le
gouvernement a fait, c'est qu'il n'a pas ciblé ceux qui seraient
vraiment touchés par l'augmentation des frais de scolarité, ce
qui pourrait amener justement une perte de 10 000 diplômés par
année. Si cette tâche-là avait été faite et,
au lieu d'augmenter les bénéficiaires, si on avait plutôt
apporté une aide accrue à ceux qui en ont vraiment besoin, de
sorte que l'accessibilité ne s'en voie pas changée, là, il
n'y aurait pas eu de problèmes. Mais c'est ça, la deuxième
partie du mémo;.:; portait là-dessus, c'est-à-dire que,
bon, oui, sauf qu'on trouve que le travail n'a pas été fait pour
faire en sorte que l'accessibilité ne soit pas changée.
M. Gendron: Sur le fonds, moi, j'ai deux commentaires. Je pense
qu'encore là on est toujours, j'espère, ouvert à des
suggestions intéressantes, mais l'inquiétude que j'ai, c'est
qu'il est évident qu'il y aurait un danger, d'après moi, parce
que j'allais faire un raisonnement très rapide. De deux choses l'une: ou
"bedon" - excusez l'expression - le fonds est important, ou "bedon" il est
insignifiant. Donc, je suis convaincu que vous voulez qu'il soit signifiant,
vous voulez qu'il soit important. S'il est impor tant, le danger d'un fonds
étudiant majeur, significatif, c'est que rapidement l'État,
devant une difficulté financière ou devant un pelletage de
responsabilités du gouvernement fédéral dans la cour du
Québec, comme c'est le cas, dise: Écoutez, pour un certain nombre
d'années, on va demander que le fonds étudiant fasse un peu plus
d'efforts pour assumer une responsabilité de virage, soit au niveau d'un
sous-financement chronique du milieu universitaire ou au niveau d'autres
préoccupations où il y a lieu de donner un coup rapide comme,
à un moment donné, un renouvellement des équipements
scientifiques, des instruments de support pédagogique pour les
apprentissages; à un moment donné, ça sera un coût
au niveau des bibliothèques.
Alors, je n'ai rien contre ça, sauf que je mettrais des
réserves et, pour tout le reste des principes, je pense que vous avez
raison, il y a de bonnes suggestions mais, à ma connaissance, il
faudrait qu'il y ait une contribution plus significative parce que, là,
le fonds comme tel n'aura pas tellement d'impact s'il n'est pas assez
"substantif1, si tu me permets l'expression Donc, quand je voyais,
entre autres, des cotisations de 5 $, quand on sait que malheureusement le
paquet de cancer est à 4 $ et quelque, je veux dire, 5 $ par session, ce
n'est pas significatif, même si je sais d'où ils viendraient II
faudrait véritablement que ce soit plus significatif que ça
rapidement, si on veut que cela donne ses effets pour corriger des lacunes au
niveau du financement universitaire.
Donc, dernière question, toujours pour des considérations
d'horaire. À la page 4, là, ça peut avoir changé,
mais ce n'est pas important que ma citation soit bonne, compte tenu qu'il y a
eu une correction, puis on l'accepte et tout est correct. Mais vous avez
mentionné qu'il y aurait lieu d'apporter des changements majeurs
à la réforme de l'aide financière aux étudiants
quant à des modalités d'octroi de prêts et bourses. Et vous
avez fait référence à un certain nombre d'abus mais,
à ma connaissance, ils ne sont pas tellement détaillés,
les abus qui justifieraient l'importance d'une réforme substantielle.
Alors, ma question n'est pas bien bien compliquée. Moi, ce que je crois
du régime actuel, c'est qu'il y a une série d'omissions bien
sûr, mais je ne sens pas d'abus majeurs du régime actuel. Si je
comprends bien là, il y a des omissions majeures, les gens à
temps partiel ne sont pas dedans, la contribution parentale, on ne s'occupe
même pas de vérifier si les parents la versent ou pas. Alors,
j'appelle ça vraiment des points qui devraient être davantage
vérifiés par le ministère de l'Enseignement
supérieur. Mais, sincèrement, je ne vois pas d'abus majeurs du
régime actuel. Je vois des carences, je vois des faiblesses, je vois des
trous, mais je ne vois pas d'abus majeurs. À quoi faisiez-vous allusion
si vous, vous voyiez des abus majeurs du système actuel?
M. Desgagné: Si vous me le permettez, Mme la
Présidente, M. le député de l'Opposition ayant
soulevé deux points relativement distincts quoique unis, M. Chatigny
aimerait faire un commentaire sur le fonds, ensuite M. Bélanger
sur...
La Présidente (Mme Hovington): Rapidement.
M. Chatigny: D'abord, M. Gendron, vous avez parfaitement raison,
il y a un danger là et on compte sur vous pour nous aider à y
remédier. Deuxième des choses, vous avez encore raison, le fonds
doit être "substantif. Cependant, vous avez sûrement relevé
que nous avons donné un exemple à 5 $. Parce que 5 $, vous
avez
raison, ce n'est pas beaucoup. Puis, 10 $, 15 $, ça pourrait
être une chose qui ne demande pas nécessairement un gros sacrifice
de la part des étudiants. De cette façon, il devient plus
"substantif".
Ce qui m'amène à dire une chose là-dessus,
ça me donne une ouverture que nous souhaitons. J'espère qu'on se
comprend bien avec M. Ryan. Ce n'est pas vrai que nous avons travaillé
pendant un mois, même un mois et demi là-dessus, sur ce fonds
étudiant et que l'idée repose sur des tablettes de luxe, comme M.
Desgagné le disait. Vous avez dit que vous alliez le soumettre au
ministre des Finances et à un autre ministre. Il va falloir que ce soit
sérieux, qu'on en entende parler. Vous savez où nous trouver,
l'Association étudiante de droit de l'Université Laval, le local
n'est pas dur à trouver. Nous voulons, nous avons demandé une
expertise technique. Le projet dans ses modalités financières, ce
n'est pas nous seuls qui allons le monter. Nous avons besoin de votre aide.
Durant cette session de commission parlementaire, plusieurs idées vont
vous être proposées. Si vous répondez oui à toutes
les propositions qui vous sont faites, c'est bien beau, ça
démontre une volonté verbale mais, sur le fonds étudiant,
nous vous soumettons qu'au-delà d'une volonté verbale il va
falloir qu'il y ait des actions, parce que nous y croyons fermement. Et tout le
monde aussi, il n'y a personne qui a dit que c'était une idée
désastreuse. Ce n'est peut-être pas l'idée du
siècle, mais on verra ce qu'on peut faire avec.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Chatigny.
M. Bélanger (Patrice): Oui, pour ce qui est du
deuxième niveau de votre question, j'ai donné un exemple
tantôt d'un abus possible et évident. Il est évident que ce
n'est pas nécessairement dans l'octroi que les abus vont se faire, c'est
plutôt des yens qui bénéficient d'un prêt ou d'une
bourse autour de moi et qui n'en ont pas nécessairement besoin. Ce qu'on
aurait voulu que le gouvernement fasse, c'est qu'il vise, qu'il cible les
étudiants qui vont se voir touchés par la hausse des frais de
scolarité, chose qu'il n'a pas faite.
M. Gendron: Rapidement, très court. D'après vous,
quelles sont les raisons pour lesquelles un étudiant qui, selon vous,
n'aurait pas besoin véritablement d'un prêt et d'une bourse en a
un. Qu'est-ce qui est arrivé?
M. Bélanger (Patrice): Manteau de cuir ou...
M. Gendron: Non, non, je ne parle pas de ce qu'il fait avec.
Pourquoi a-t-il obtenu un prêt et une bourse s'il n'en a pas besoin? Il a
triché le système? Le système est mal fait?
M. Bélanger (Patrice): Pas nécessairement parce
que... Il n'a pas triché. Le système lui permet d'avoir un
prêt ou une bourse, d'après les critères qui sont
actuellement établis. Justement, ce qu'il va faire avec, c'est qu'il va
s'acheter un manteau de cuir ou il va payer son auto ou... Quitte à le
remettre un peu plus tard. Mais ce qu'il aurait fallu faire, c'est plutôt
viser - je me répète, mais c'est ça - ceux qui vont
être touchés par la hausse et qui auraient des chances de ne pas
avoir accès à l'université l'année prochaine
à cause de ça.
M. Gendron: Mais rapidement, les avenues, vous, c'était
par l'aide obtenue soit sous forme de prêts ou de bourses, c'est de faire
des usages qui, d'après vous, ne sont pas prioritaires et, en
conséquence, il faudrait contrer ça. Il faudrait contrer l'usage
qu'on fait de l'argent obtenu quand on n'en a pas besoin.
M. Bélanger (Patrice): Exactement. M. Gendron:
C'est ce que vous dites. M. Bélanger (Patrice): Oui.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Ça va?
M. Gendron: Oui.
La Présidente (Mme Hovington): Une brève
conclusion.
M. Ryan: Oui. Très brièvement.
La Présidente (Mme Hovington): Rapidement.
M. Ryan: Mais je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu entre
nous. L'idée du fonds étudiant que vous proposez est une
idée qui ne manque pas d'intérêt. Mais dans la formule
où vous la suggérez, je crois que ça devrait être
examiné attentivement avec le Mouvement Desjardins. Il me semble que
ça serait mieux que ça ne soit pas un fonds gouvernemental ou
public. Je crois qu'il y aurait intérêt, vu l'implication
très très poussée des caisses populaires dans tout le
système des prêts étudiants et qu'elles assument à
elles seules au-delà de 60 % du volume total des prêts
étudiants qui est voisin de 1 000 000 000 $ actuellement... Là,
il y aurait des possibilités considérables, mais, du
côté du gouvernement, franchement, j'ai de la misère
à voir comment on pourrait songer à instituer ça. Je vous
recommande ça, soit peut-être de pousser davantage les
études avec le Mouvement Desjardins en particulier, mais je vais en
parler à M. Béland. Je vais lui dire qu'on a été
saisis de cette proposition par vous autres. Le Mouvement Desjardins aurait des
moyens pour pousser une affaire comme celle-là qui pourrait être
très
intéressante.
La Présidente (Mme Hovington): Oui...
M. Bélanger (Patrice): Une chose, il faut bien se
comprendre...
M. Ryan: II y a juste un deuxième point, si vous me le
permettez.
M. Bélanger (Patrice): Oui.
M. Ryan: J'ai réussi à établir le montant de
l'augmentation annuelle qui découlerait de vos propositions pour les
frais de scolarité. Je pense qu'on ne se trompera pas beaucoup. C'est
à peu près 120 $ par année. Alors, c'est évidemment
considérablement inférieur à ce que rapporteraient les
deux hausses successives que nous envisageons. C'est à peu près
trois fois moins. C'est facile à compter. Je ne crois pas que ça
contribue, dans un avenir prévisible, à établir la
contribution étudiante au niveau que nous estimons juste pour que ce
soit un petit peu comparable avec le reste du pays. Je pense que le rythme
proposé est un petit peu trop lent, mais quand même, j'ai pris
note du principe et vous assure que je n'irai dire à personne au
Québec - ce n'est pas ma manière - que vous approuvez les deux
hausses successives de 350 $.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, je...
M. Chatigny: Oui, je...
La Présidente (Mme Hovington): Très court parce
qu'il est déjà 13 h 30.
M. Chatigny: Oui, c'est parce qu'il y a quelque chose qui n'a pas
été compris. Peut-être nous sommes-nous mal
expliqués, mais ce qu'on demande au gouvernement, ce n'est pas la
gestion du fonds, de sorte que ça ne sera pas un fonds
géré par le gouvernement. C'est une expertise technique, ce qui
veut dire, par exemple, l'attribution de personnel pour développer les
aspects financiers. Et nous rejoignons votre idée, M. le ministre, que
ce soit géré par le Mouvement Desjardins. A ce sujet-là,
nous allons avoir des rencontres très bientôt.
La Présidente (Mme Hovington): Bon, alors, c'est positif
tout ça Au nom des membres de la commission de l'éducation,
permettez-moi de vous remercier, vous, l'Association des étudiants en
droit de l'Université Laval, d'être venue nous présenter un
mémoire aussi intéressant.
La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi,
15 heures. Merci.
(Fin de la séance à 13 h 28)
(Reprise à 15 h 11)
La Présidente (Mme Hovington): Je demanderais aux membres
de la commission de prendre place autour de la table et j'inviterais les
membres de la CEQ, Centrale de l'enseignement du Québec, à bien
vouloir prendre place afin de nous présenter leur mémoire.
Bonjour et bienvenue à la commission de l'éducation. Il y
a Mme Rosette Côté, je crois, voulez-vous vous présenter
pour fins de transcription des débats.
Centrale de l'enseignement du Québec
Mme Côté (Rosette): Merci beaucoup d'accepter de
nous permettre d'exprimer notre point de vue sur la question. Les gens qui
m'accompagnent sont: M. Marc-André Thibault, qui est un
représentant de la Fédération des professionnels de
collèges et d'universités; M. François Beauregard, qui est
conseiller syndical spécialement chargé des questions
d'éducation reliées à l'ordre de l'enseignement du
collégial et des universités et je suis Rosette
Côté, première vice-présidente à la Centrale
de l'enseignement du Québec et responsable des dossiers
éducation.
La Présidente (Mme Hovington): Je dois vous dire et vous
informer que le ministre, M. Ryan, s'excuse de ne pas être ici pour le
début de la présentation de votre mémoire.
Malheureusement, il a été demandé pour aller au Conseil
des ministres et au Conseil du trésor. Il sera à peu près
vingt minutes en retard, mais soyez assurés qu'il a bien pris
connaissance de votre mémoire. Il sera ici pour vous questionner, s'il y
a des points qu'il lui semble bon d'éclaircir.
Mme Côté: Expliquer la hausse de 18 000 000 $?
La Présidente (Mme Hovington): On le lui demandera quand
il reviendra, Mme Côté.
Mme Côté: D'accord.
La Présidente (Mme Hovington): Si vous voulez nous
présenter votre mémoire, vous avez vingt minutes pour le faire.
Allez-y.
Mme Côté: Nous allons un peu faire une analyse
critique globale du mémoire et M. Beauregard, ensuite, prendra la parole
pour expliquer certains amendements que nous saluons au passage et d'autres qui
auraient mérité d'être libellés autrement.
D'abord, je dois un peu vous faire partager la lunette avec laquelle
nous avons essayé de regarder le projet de loi. Nous avons réuni
une table de travail des personnes qui travaillent directement avec la
clientèle étudiante des cégeps et des universités
pour qu'elles nous
apportent le point de vue des jeunes et qu'elles regardent en quoi
l'ensemble des mesures pouvait réduire l'accessibilité des jeunes
aux études postsecondaires. Nous n'avons pas voulu strictement nous
contraindre à un ensemble de principes, mais voir les effets quotidiens
d'accessibilité ou d'exclusion de certaines clientèles.
On s'est aussi inscrits dans une problématique de
démocratisation de l'école et du savoir, d'un support financier
qui permette d'éliminer les barrières économiques que les
jeunes vivent et aussi comment on pourrait trouver un ensemble de mesures qui
incitent à la persévérance à l'école pour
éviter le phénomène du décrochage ou de l'abandon
scolaire. C'est d'abord à partir d'un rapport éducatif, qui n'est
pas strictement économique mais qui joue un rôle de
développement social et démocratique, que nous l'avons
regardé.
Nous croyons, de plus, lorsqu'on a regardé le projet de loi, que
l'ensemble des études faites par les jeunes profite à la
société et le fait qu'ils remboursent leurs dettes aussi, ne
serait-ce que par la fiscalité ensuite qui vient chercher une part de
leur travail.
Par rapport aux grands objectifs et aux grandes tendances de fond qu'on
remarque, nous croyons qu'il y a certains critères qui restreignent le
statut d'autonomie et qu'il faudrait absolument que la loi prévoie la
définition de certains critères, notamment essayer de
prévoir le sens du seuil de pauvreté, parce que nous
considérons qu'il est injuste d'exiger une contribution
financière pour les familles dont les revenus se situent sous le seuil
de la pauvreté. Cependant, il y a différentes notions au seuil de
pauvreté. Il serait peut-être intéressant d'inclure ce
principe de base-là. Nous croyons aussi que l'objectif global, qui est
de prendre tous les moyens pour qu'aucune jeune ou aucun jeune ne se voie
interdire l'accès aux études supérieures, c'est un
principe auquel nous souscrivons, et nous croyons, nous saluons que cet
objectif-là soit mentionné dans le projet de loi.
Nous souscrivons aussi au premier objectif complémentaire, qui
dit qu'il faut apporter des réponses aux besoins réels des
étudiantes et étudiants. Je crois que c'est important de le
signaler, même si on répète cette
réalité-là. Cependant, il y a deux objectifs
complémentaires que nous ne partageons pas: d'abord, toute l'analyse qui
est faite autour de faire en sorte que l'aide offerte au Québec se
compare à celle des autres provinces du Canada, et le deuxième
objectif qui est de prendre des moyens pour qu'il y ait des incitatifs à
ce que la continuité et la persévérance soient
respectées.
Un bout là-dessus. D'abord, nous croyons qu'actuellement le
régime va opérer certaines coupures à la bourse parce que,
si on regarde le volume total de l'aide à la bourse qu'il y avait dans
les 1984-1985, les coupures des quatre dernières années et ce
qu'on constate actuelle- ment, malgré une injection de 18 000 000 $,
cela fait en sorte que nous n'aurons pas atteint le volume total de bourses en
1990 que nous avions en 1984-1985. Deuxièmement, nous croyons que
l'argument qui est invoqué pour avoir certaines mesures sur le
phénomène de persistance et qui fait qu'on mettrait certaines
mesures pour que les jeunes fassent leurs études en un temps prescrit,
on croit que c'est une solution qui ne règle pas la
réalité des jeunes. On ne croit pas que les jeunes qui prennent
plus de temps à l'école, ce soit par laisser-aller ou par
difficultés qu'ils pourraient résoudre autrement; on croit que,
s'il y a de l'argent à injecter, c'est plutôt de voir comment on
pourrait supporter les jeunes qui arrivent au cégep ou à
l'université.
De plus, toutes ces mesures ne tiennent pas compte de la
réalité du travail des jeunes. Les jeunes, actuellement, vivent
deux types d'alternance: l'alternance travail-école en même temps,
et l'alternance, aussi, un bout de temps au travail et un bout de temps
à l'école. Et on croit qu'il faut tenir compte de ces nouvelles
réalités-là.
De plus, certaines considérations qu'il faut ajouter, c'est que,
lorsqu'on dit qu'il y aura une hausse des coûts, il y a clairement des
crédits nouveaux, mais on ne sait pas où vont être les
crédits nouveaux - c'est une question que nous adresserons tout à
l'heure à M. Ryan - et on croit que les coupures qui ont
été imposées depuis quatre ans et qui ont réduit
l'accessibilité à la bourse devraient être dites. Il y a
notamment certaines coupures qui font partie des nouveaux règlements. La
disparition de la prime de 22 $ par semaine pour les enfants dont les parents
ont des ressources financières en dessous des dépenses admises,
on pense que ce n'est pas une bonne mesure. Deuxièmement, la coupure de
la prime hebdomadaire de 30,50 $ pour la double résidence, ce n'est pas
non plus une bonne coupure. On croit aussi qu'actuellement il y sûrement
des besoins financiers, puisqu'on dit qu'il y a un jeune sur deux qui aurait
besoin d'un financement de ses parents et qui n'en reçoit pas. Alors, on
croit qu'il faut que le régime d'aide à la bourse et au
prêt tienne compte de ces réalités-là aussi,
même si on pourrait donner comme raison que certains parents devraient
contribuer financièrement.
Les avantages comparatifs. On croit qu'actuellement le Québec ne
se compare pas avantageusement aux autres provinces parce qu'on a un
déficit de scolarisation, on a un déficit de diplomation et on a
un déficit aussi de fréquentation scolaire comparativement aux
autres provinces du Canada. On croit qu'actuellement il y a une
spécificité du Québec. Le Québec a son
caractère spécifique. C'est un mot qu'on entend avec
différentes formules actuellement, dans les débats qui ont cours.
On croit qu'il faut que le Québec tienne compte de cette
spécificité-là. Je ne vais vous en donner qu'une seule.
Nous avons
une clientèle adulte, à l'université ou au
cégep, qui est beaucoup plus grande que dans les autres provinces. C'est
une spécificité qui appartient au Québec et qui n'est pas
aux autres provinces. Alors, il faut donc continuer à investir au niveau
des prêts et bourses au Québec pour que ces déficits qu'on
constate continuent à faire des pas dans notre pays.
Maintenant, il y a une réalité aussi qu'on trouve qui
aurait dû être dans le projet de loi, c'est tout le fait que... On
fait l'ar^lyse, nous... On ne peut pas analyser un régime d'aide
financière aux étudiants et étudiantes sans regarder, sans
examiner aussi les services qui sont offerts à la clientèle
étudiante et adulte. On se rend compte, actuellement, qu'il faut
absolument que les jeunes aient un droit très éclairé
à une information pour que la décision qu'ils prennent dans la
poursuite de leurs études ou dans l'arrêt de leurs études
soit une décision éclairée. Et on croit que les jeunes ont
le droit de savoir comment fonctionne toute l'application, les règles
d'application et les critères pour l'accessibilité aux
prêts et bourses. Certaines personnes qui interviennent auprès des
jeunes nous disaient que, lorsqu'ils reçoivent des jeunes dans leur
bureau, ils font plus qu'un "counselling" financier, mais ils travaillent au
niveau de la formation financière auprès des jeunes: Comment
administrer un budget? Comment réussir à passer à travers
leurs études sans vivre un endettement trop grand? On croit qu'il
faudrait regarder cette réalité-là et essayer de voir
à ce que le personnel qui est en place puisse apporter l'information
nécessaire aux jeunes.
Maintenant, pour les différentes recommandations plus grandes,
moi, je me suis attardée plus aux grands objectifs mais les mesures
directes, M. Beauregard va les regarder en saluant au passage, comme je le
disais, les éléments qui nous apparaissent extrêmement
importants.
M. Beauregard (François): Alors, il y a certaines
recommandations que nous avons trouvées excellentes et, dans le
mémoire, à chaque endroit, on l'a mentionné à
l'occasion, mais, étant donné que le temps qui nous est
alloué est limité, je voudrais plutôt porter l'attention
sur les recommandations qui nous inquiètent un peu.
La première des recommandations qui nous inquiète, c'est
la recommandation 2. On propose d'indexer les paliers de la table de
contribution parentale, c'est une excellente chose, ça faisait longtemps
que ça n'avait pas été indexé, et on
surévaluait la contribution parentale, le document gouvernemental le dit
clairement, mais on s'est rendu compte, en examinant les nouveaux paliers de la
table de contribution, que les gens qui ont des revenus relativement plus
élevés ont une diminution plus grande de leur contribution
parentale. C'est ce qu'on a indiqué à l'annexe III où on
se rend compte que les gens qui ont des ressources disponibles de l'ordre de
6000 $ voient leur contribution parentale réduite de 32 %, alors que les
gens qui ont des ressources disponibles de 1000 $ voient leur contribution
parentale réduite de 16 %. On ne comprend pas pourquoi ce sont les gens
qui ont les plus faibles revenus qui ont eu la plus faible diminution de la
contribution parentale. Ça, c'est le premier problème qu'on avait
avec cette recommandation-là.
Le deuxième, c'est le fait de considérer maintenant
seulement les enfants au postsecondaire dans le calcul de la répartition
de la contribution parentale. Là, je sais que je vais dans des
détails un peu techniques, mais on prenait en considération les
enfants du primaire et du secondaire, qui comptaient pour un demi-enfant, et,
maintenant, on ne considérera plus ces personnes-là, ce qui fait
que certaines familles vont voir leur contribution parentale doubler. Par
exemple, une famille de trois enfants qui a un enfant au postsecondaire, un au
primaire et un au secondaire, et qui payait 2000 $ de contribution en vertu des
règles actuelles va voir sa contribution monter à 4000 $ avec la
recommandation 2. On trouve ça extrêmement pénalisant et,
surtout, si on compte que les frais de scolarité vont connaître
une hausse éventuellement.
Sur la recommandation 3, on avait plutôt des questions. On dit que
la formulation semble correcte, qu'on va tenir compte seulement des revenus
nets établis par le fisc, mais qu'on va continuer à tenir compte
des revenus de transfert. Or, quand on regarde les pratiques actuelles, on se
rend compte que cette mesure-là a pour effet d'éliminer du calcul
du revenu des parents des montants qui sont plutôt
caractéristiques des hauts revenus. La partie non imposable des gains de
capital, les amortissements déduits pour les édifices à
logements, les dividendes reçus, ça ne nous apparaît pas
être des montants caractéristiques des gens à faible revenu
qui bénéficient normalement du système. On dit: Ça,
c'est trop compliqué; on ne fera pas mieux que le fisc; on va seulement
calculer le revenu net tel que le fisc le fait, mais les revenus de transfert,
eux autres, on va continuer de les calculer. Le supplément de revenu
garanti et les allocations au conjoint versées aux personnes
âgées, les montants reçus en vertu du programme de
supplément de revenu au travail, les montants reçus en vertu du
programme d'allocations-logement pour personnes âgées, ce ne sont
pas des montants qui sont caractéristiques des gens à haut
revenu. Probablement que ces gens-là, qui reçoivent ces revenus
de transfert-là, sont déjà admissibles à la bourse,
mais ça paraît quand même curieux dans une orientation, dans
un texte d'orientations gouvernementales, de retrouver des mesures de cette
nature-là quand le principe premier du régime, c'est d'aider les
gens qui sont en difficulté financière.
Pour terminer rapidement sur la question de la contribution parentale,
on a remarqué à l'étude du document vert d'avril 1989, les
orientations du gouvernement, que dans tous les cas types illustrés dans
le document, il n'y a que des familles qui ont des enfants au postsecondaire.
Comment se fait-il qu'on n'ait pas mis des cas types de familles qui ont des
enfants au primaire et au secondaire et qui vont être
pénalisés par la recommandation 2? Par ailleurs, dans le tableau
où on voit l'impact des ajustements ou des coupures, à la fin du
document, on n'a pas chiffré l'effet de la recommandation 2. Le fait
qu'on ne considère plus les enfants du primaire et du secondaire dans le
calcul de la répartition, ça va être une coupure importante
et nous, on n'a pas les chiffres pour l'évaluer. Or, on serait
intéressés à connaître ces chiffres-là pour
savoir quel est l'effort réel que le gouvernement consent au chapitre de
la contribution parentale.
Les mesures pour la contribution du conjoint sont excellentes.
À la recommandation 7, on parle de tenir compte d'une
contribution minimale fixe selon l'ordre d'enseignement. Pour nous, ça
ne tient pas assez compte des situations individuelles. En fait, il y a des
jeunes qui vont faire des revenus moindres que cette contribution-là et
qui vont être pénalisés par la mesure.
Pour ce qui est de la recommandation 11, là encore, de demander
une contribution minimale au candidat qui effectue un retour aux études
après avoir été sur le marché du travail, on
comprend que ces gens-là ne sont pas nécessairement ceux qui sont
financièrement les plus défavorisés du régime. Mais
on se demande, dans le contexte actuel de fréquents aller et retour
entre le marché du travail et l'école, si on est bien avertis
d'éliminer les incitatifs au retour aux études, parce que, dans
le projet de réforme, il y a deux coupures qui portent sur les
incitatifs de retour aux études dont celle qu'on voit à la
recommandation 11.
On avait des commentaires sur les frais de transport, mais ce n'est pas
majeur.
La recommandation 16, le retrait de la prime de 22 $ par semaine au
budget du candidat qui a été deux ans sur le marché du
travail, voilà un autre incitatif au retour aux études qui
disparaît et on se demande pourquoi pénaliser les jeunes qui
cherchent à s'en sortir.
À la page 23, on a brièvement soulevé l'allocation
pour les étudiants venant des régions
périphériques. Actuellement, il y a des primes de 400 $ pour les
étudiants de ces régions-là, mais ça mène
à des situations un petit peu inéquitables. Par exemple, il y a
des gens qui vont partir de Rimouski pour aller étudier à
Montréal, parce que le programme ne se donne pas dans leur
région, et ils n'ont pas le droit à l'allocation. Les gens de
Montréal qui vont à l'Institut de marine de Rimouski... Les gens
des régions périphériques qui se déplacent ont
droit, mais les gens des centres urbains qui se déplacent n'ont pas
droit. Pourtant, ils parcourent la même distance. Alors, nous, ce qu'on
proposait plutôt, c'est que, dès que le programme ne se donne pas
dans la région où l'étudiant réside, on lui octroie
l'allocation, la prime de 400 $ par année.
Pour ce qui est du comité d'appel, on trouve que c'est une bonne
mesure. Il faudrait au moins une autre instance pour que les étudiants
fassent valoir leurs droits. On avait souligné dans le mémoire
que le nombre de plaintes au Protecteur du citoyen avait connu une croissance
assez importante au cours des dernières années. Même si on
parle de quelque 384 plaintes sur l'ensemble des bénéficiaires,
ce n'est pas énorme en pourcentage, mais il y a quand même une
croissance à ce niveau-là.
Pour ce qui est de l'ouverture du régime aux étudiants
à temps partiel, on considérait que c'était la seule
mesure vraiment innovatrice de la réforme et on apprend que ça va
être reporté à une date indéterminée, en tout
cas si je me fie à ce que j'ai lu dans les journaux, et ça, on
trouve ça un peu dommage parce que, même dans le document
d'orientations, le gouvernement souligne qu'il y a 26 % des étudiants
à temps partiel qui connaissent des difficultés
financières actuellement avec des frais de scolarité qui sont de
l'ordre de 540 $ par année. Comment ces gens-là vont-ils arriver
lorsque les frais de scolarité vont monter de 130 % ou de 156 %, comme
c'est prévu actuellement? Bien sûr, on dit toujours que les
adultes à temps partiel ont des revenus moyens de 33 000 $, ce qui est
exact, mais on oublie les cas extrêmes. Il y a des gens qui ont des
revenus beaucoup plus élevés que ça et il y a des gens qui
ont des revenus inférieurs. Alors, nous, on trouvait que c'était
vraiment une mesure innovatrice qui aiderait les gens et on pense qu'on est
tout à fait fondés de demander son application.
Pour ce qui est de la recommandation 19, l'excellence et la remise de
dette, nous, on pense que c'est une recommandation qui relève plus de la
performance scolaire que des besoins financiers réels et c'est une
mesure qui va favoriser surtout les jeunes qui sont sans responsabilité
familiale, qui ont beaucoup plus de chances de terminer leurs études
dans les délais prescrits que, par exemple, une mère qui est chef
de famille monoparentale avec trois enfants qui réussit à faire
une maîtrise dans deux ans de plus que les délais prescrits.
Est-ce que cette femme-là n'a pas fait preuve d'autant d'excellence
qu'un jeune qui n'a pas du tout d'obligations familiales?
Pour ce qui est de la recommandation 20 sur le remboursement de la
dette, c'est une excellente mesure qu'on salue.
La recommandation 21, c'est une mesure concernant les programmes
d'entraînement sportif qui touchera peu de personnes. On est contents
que le projet de loi l'ouvre aux candidats aux études
postdoctorales et aux stages, mais on se demande si c'est bien au régime
de prêts et bourses à assumer ces frais-là. On pense que le
régime devrait toujours être basé sur les besoins
financiers réels des étudiants et que, s'il y a d'autres
ministères qui veulent l'appuyer, que ce soit au niveau de la culture,
au niveau des sports, ils devraient payer les intérêts sur la
dette des étudiants qui sont dans des programmes sportifs ou dans
d'autres types de programmes. (15 h 30)
La recommandation 22, la durée de l'admissibilité, on est
conscients que dans d'autres provinces la durée de
l'admissibilité à la bourse est moins grande, mais on trouve que
c'est une mesure qui est extrêmement pénalisante. On nous indique
que ça va être des coupures à la bourse de l'ordre de 9 000
000 $, qu'il y a environ 3000 étudiants qui vont voir leur bourse
diminuer de 2850 $ et on va leur donner un prêt à la place. On
trouve que cette mesure-là est très pénalisante pour les
étudiants et on en demande le retrait.
Pour ce qui est de la recommandation 24, la diminution des
pénalités, il était temps qu'on diminue ces
pénalités-là de 50 % pour les jeunes qui remettent leur
formulaire de prêt en retard; c'était purement excessif. Mais,
même à 25 %, on trouve que c'est trop élevé. Je
signale que le Protecteur du citoyen, à plusieurs occasions, avait
relevé cet aspect-là. On pense qu'on ferait beaucoup mieux,
étant donné que la production tardive des demandes ne cause pas
tant d'ennuis à la Direction générale de l'aide
financière, de prévoir une pénalité symbolique. Je
ne sais pas si on se rend compte qu'une pénalité de 25 % dans le
budget d'un étudiant au niveau des prêts et bourses, c'est
énorme. Le 50 % actuel était purement excessif, à notre
avis.
Je voudrais terminer en soulignant quelques points du projet de loi et
particulièrement les critères qui mènent au statut
d'autonomie qu'on retrouvent à l'article 4. Les critères qui
mènent au statut d'autonomie étaient dans les règles
d'application; on les retrouve aujourd'hui dans le projet de loi, mais on
retrouve aussi des reformulations Par exemple, à l'alinéa 9, on
parle d'une période de 24 mois, plutôt que de deux périodes
de douze mois consécutifs, comme dans les règles actuelles.
À notre avis, ça va avoir pour effet de retirer le statut
d'autonomie à un certain nombre d'étudiants.
À l'alinéa 9, encore, on parle aussi d'avoir
résidé ailleurs que chez les parents. Dans les règles
d'application actuelles, il n'y avait pas de notion de résidence On
estime qu'on est en train de réduire encore l'accès au statut
d'autonomie par le biais de cette reformulation.
Sur la notion qu'on trouve d'avoir subvenu à ses besoins,
là on avait une question. On se demandait si, pour le gouvernement, les
prestataires d'aide sociale sont considérés comme des gens ayant
subvenu à leurs besoins. Parce qu'a l'alinéa 10, on cite
nommément les gens qui ont eu des prestations d'assurance-chômage,
donc ces gens sont couverts, mais on se demandait si ça avait pour effet
d'exclure les assistés sociaux.
Par ailleurs, dans les règles d'application actuelles, à
la section VIII, on retrouvait un certain nombre de cas qu'on appelle les cas
sociaux... Oui?
La Présidente (Mme Hovington): Le ministre voudrait savoir
à quelle page de votre mémoire vous êtes.
M. Beauregard: Ce sont des notions qu'on n'a pas mises dans le
mémoire parce qu'on l'a produit avant que le projet de loi ne soit
déposé.
M. Ryan: Est-ce que je pourrais l'avoir? M. Beauregard:
Pardon?
M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait l'avoir, puisqu'il y a des choses
intéressantes là-dedans?
La Présidente (Mme Hovington): Est-ce que vous pourriez le
déposer, ce que vous êtes en train de lire?
M. Beauregard: J'ai fait un commentaire que je n'avais pas
écrit. Je pourrais toujours vous faire parvenir ces commentaires par
écrit dans de très brefs délais.
La question qu'on s'est posée, c'est que, dans le document
d'orientation du gouvernement, on n'annonçait pas une restriction au
statut d'autonomie En tout cas, sauf erreur de notre part, on n'a pas vu
ça et on se demande si les formulations actuelles n'auront pas pour
effet de réduire le nombre de prestataires ou de
bénéficiaires qui vont avoir le statut d'autonomie, ce qui a un
impact considérable sur l'argent qu'ils reçoivent.
Il y avait aussi les cas sociaux que je voulais soulever. À la
section VIII des règles d'application, il y avait des cas sociaux, par
exemple des jeunes dont les parents étaient introuvables. Il y avait des
dispositions qui disaient qu'on pouvait toujours considérer un statut de
non-résidence ou réduire la contribution parentale de ces gens.
On ne les retrouve pas dans le projet de loi. On se demandait ce qui arrivait
avec ces cas particuliers.
Je vais terminer avec le nouveau chapitre sur les dispositions
pénales. On a remarqué qu'il y avait un nouveau chapitre à
ce sujet dans la loi et que, de façon générale, les
dispositions pénales qui sont prévues sont de même nature
que celles qui étaient dans la loi 37, la Loi sur la
sécurité du revenu. Mais la question qu'on s'est posée,
c'est la suivante. À la page 13 du projet de loi, à l'article 48,
il y a une présomption de bonne foi pour les vérificateurs du
gouvernement. On dit: "Le Vérificateur ne peut être
poursuivi en justice pour des actes accomplis de bonne foi dans l'exercice de
ses fonctions. " Ce qui nous semble tout à fait correct. Quand on arrive
aux dispositions pénales, celles qui touchent les conseillers en aide
financière dans les institutions, à l'article 55, on formule
ça différemment. On dit: "Toute personne qui, par son acte ou son
omission, en aide une autre à commettre une infraction à la
présente loi est coupable de cette infraction comme si elle l'avait
commise, si elle savait ou aurait dû savoir que son acte ou son omission
aurait comme conséquence probable d'aider à la
perpétration de l'infraction. " On se demande pourquoi il n'y a pas eu
une présomption de bonne foi pour les conseillers en aide
financière qui travaillent dans le réseau.
Voilà, globalement, les remarques que nous voulions faire sur
le...
Mme Côté: Si je résume un peu, M. Ryan, parce
que vous n'étiez pas là au début, je pense qu'on salue, le
fait qu'il y ait un certain effort de bonification du régime, notamment
par certaines mesures, comme l'ouverture aux étudiantes et
étudiants ou aux adultes à temps partiel, mais la mesure n'est
pas appliquée et il faudrait savoir quand elle va s'appliquer.
Cependant, on aimerait ça que vous ventiliez les 18 000 000 $ et, entre
autres, tout le volume à la bourse qui, selon nous, a diminué et
ne sera pas rattrapé malgré l'injection d'argent. Comparativement
à ce qui se passait en 1985-1986, il y aura encore un déficit de
10 %.
On pense aussi que le Québec n'a pas fini son rattrapage au plan
de la scolarisation postsecondaire, qu'il faut que ça se continue et
qu'on ne peut pas invoquer la comparaison avec les autres provinces. Au
Québec, c'est différent et il faut en tenir compte aussi. On
pense aussi que toute la considération des enfants du primaire et
secondaire dans le calcul de la contribution parentale devrait revenir dans le
projet de loi, tel que c'était avant. La disparition des mesures
incitatives de retour aux études, on croit qu'il faut en tenir compte
parce que, comme disait François et comme je vous le disais au
début, la réalité des jeunes a changé et il faut
aussi prendre les moyens pour que cette réalité se traduise dans
les mesures qu'on met de l'avant.
Quant à toute la réduction de la période
d'accessibilité et l'aide à la performance par rapport au
délai prescrit, je crois que le meilleur service qu'on puisse rendre aux
jeunes, ce n'est pas de les forcer à entrer dans un délai
prescrit en disant: "Ensuite, vous aurez une remise de votre dette", mais c'est
de prendre les moyens pour que les jeunes qui ont de la difficulté, soit
au cégep ou à l'université, puissent avoir un support et
puissent le faire dans un temps raisonnable et qui tient compte de leur
réalité aussi.
Enfin, je voudrais, M. Ryan, souligner un élément qui
n'est pas dans notre mémoire, mais qui devrait être
souligné parce qu'on va profiter du débat pour vous dire qu'il y
a quand même une clientèle de jeunes, qui sont les jeunes en
formation professionnelle au secondaire, qui n'ont pas accès à ce
régime-là, et la question devrait être
considérée. Nous avons une recommandation du congrès qui
nous demande de faire des représentations auprès du gouvernement
pour inclure cette clientèle dans le régime d'aide
financière aux étudiantes et étudiants.
Cependant, elle a été votée dans les années
1985-1986. La formation professionnelle n'avait pas vécu ce qu'elle a
vécu et certaines réalités, entre autres d'harmonisation
jeunes-adultes, font en sorte que nous aimerions faire le tour de cette
question-là parce qu'il n'y a qu'une seule étude qui existe, au
Québec, c'est une étude de l'ENAP. Nous serions donc
disposés, comme Centrale de l'enseignement du Québec, à
faire partie d'un comité d'étude qui essaierait de regarder toute
la réalité de la dimension financière des jeunes en
formation professionnelle au secondaire, soit pour en arriver à les
inclure dans le régime et à quelles conditions, soit pour
bonifier l'aide à la pension qui est actuellement donnée à
ces jeunes.
Donc, je vous dis tout de suite que vous recevrez une lettre de la
Fédération des enseignantes et enseignants et qu'ils vous
demanderont une rencontre pour essayer de regarder cette question. Nous
voulions profiter de l'occasion pour vous en parler. Je crois que les
implications et l'impact demandent que nous fassions le tour de la question
mais, étant donné que l'objectif de la journée
était l'aide financière aux étudiants post-secondaires,
nous soulevons la réalité et nous aimerions que ce soit
traité subséquemment. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le ministre, vous
avez la parole.
M. Ryan: Mme la Présidente, je salue avec plaisir la
présence des représentants de la Centrale de l'enseignement du
Québec, tout d'abord en raison de l'importance sociale de cette
Centrale, qui regroupe la très grande majorité des enseignants de
notre secteur public, primaire et secondaire, et aussi des travailleurs
d'autres secteurs, en particulier, un nombre important de travailleurs de
l'enseignement dans le secteur collégial. Je les salue aussi avec un
intérêt particulier, étant donné que nous avons
également hâte, de part et d'autre, de voir les
négociations qui se poursuivent toujours entre la Centrale, la partie
patronale et, partie intégrante, le gouvernement, pour le renouvellement
des conventions collectives dans le secteur de l'enseignement public, primaire
et secondaire... Je pense que nous avons réglé la très
grande
majorité des dossiers relatifs à la négociation. Il
reste une question qui, malheureusement, nous sépare et, au rythme
où vont les choses, je pense que je prendrai l'initiative de proposer
une solution à mes collègues de la partie patronale, de
manière qu'on puisse peut-être l'envisager plus tard.
Mais je souhaite qu'on puisse régler ce problème-là
rapidement, parce que je pense que nous avons établi des dispositions
nombreuses qui permettent d'innover, de faire face à des
réalités nouvelles, en particulier dans un secteur comme celui de
l'enseignement professionnel de niveau secondaire dont vous avez parlé.
Je pense que les nouvelles dispositions sur lesquelles il y a accord entre les
deux parties sont de nature à favoriser la souplesse qui s'impose dans
ce secteur-là, si on veut que la réforme produise des fruits. Je
mentionnais, ce matin, la disposition en vertu de laquelle il y aura
allégement sensible de la tâche de l'enseignant qui oeuvre en
première année du niveau primaire. C'est un point très
important qui avait été soumis à notre attention avec une
insistance spéciale. Je pense qu'on a apporté une solution qui
est extrêmement intéressante, dont le coût sera
évidemment assumé par le gouvernement. Alors ça, c'est une
deuxième raison, en tout cas, pour laquelle je suis très heureux
de la rencontre de cet après-midi.
Je veux assurer la Centrale de l'enseignement du Québec, en ma
qualité de ministre de l'Éducation, que je continue à
veiller sur ces négociations avec une attention particulière. Le
point qui reste en litige, comme vous le savez, relève de la table
centrale et non pas de la table où nous étions ensemble Je ne
veux pas adresser quelque blâme que ce soit en faisant cotte nuance mais,
en tout cas, je pense qu'en semble, en travaillant, nous pouvons trouver une
solution aux problèmes qui restent également, comme nous l'avons
fait pour les autres. J'apprécie énormément l'esprit dans
lequel s'est déroulée la négociation. Je pense qu'il y a
eu, de part et d'autre, des échanges francs et loyaux qui n'ont
donné lieu, en cours de route, à pratiquement aucune distorsion
dans les déclarations publiques, à partir des moments qui ont
suivi les arrêts de travail de septembre. Je pense qu'on a eu une
expérience qui a été extrêmement enrichissante et
ça vaut la peine de le souligner.
J'ajoute une troisième raison, là, qui me rend
particulièrement heureux d'être ici, cet après midi, je
pense que c'est la qualité du mémoire qui nous est soumis. Je
pense que le mémoire que vous nous présentez est
entièrement centré sur l'objet du travail de la commission. Il
n'y a pas d'excursus, qui pourrait être intéres sant mais qui
n'ajouterait rien à l'examen que nous sommes censés faire du
projet de loi 25. Toutes les observations portent expressément sur des
dispositions du projet de loi 25. Nous ne sommes pas d'accord sur tous les
points, mais je crois pouvoir dire que vous avez parfaitement saisi les
intentions du gouvernement. Vous en faites une critique fort pertinente et je
me ferai un grand plaisir de commenter avec vous certains points que vous
soulevez dans vos observations.
Il y a un grand nombre de points. L'énoncé des
orientations qui fournit la matière première du projet de loi 25
contient, je pense. 22 ou 24 recommandations - en tout, là, j'oublie
toujours le chiffre.
Une voix: 24.
M. Ryan: 24 recommandations. C'étaient plus que des
recommandations, c'étaient des orientations acceptées par le
gouvernement. Évidem ment, il y a une distinction que je dois faire tout
de suite. Il y a certaines de ces orientations qui trouveront leur confirmation
dans le règlement qui accompagnera le texte de la loi. Le
règlement, dans ce cas-ci, est presque aussi important parce que c'est
lui qui définira les quanta des contributions, en particulier, et c'est
là qu'on pourra vérifier, de manière définitive, la
portée exacte des mesures qu'entend instituer le gouvernement. Comme je
l'ai déjà dit en commission, nous ne pouvons pas déposer
ce projet de règlement avant que le gouvernement ait fait
connaître ses intentions budgétaires, à la fois par le
livre des crédits et par le discours sur le budget. Dès que ces
étapes auront été franchies, je crois pouvoir affirmer que
nous serons en mesure de saisir la population et les parlementaires du texte
des règlements projetés, dont la rédaction, en ce qui nous
touche, est très avancée.
Alors, ceci étant dit, je voudrais commenter brièvement
certaines de vos observations et peut être m'arrêter, en cours de
route, pour vous poser une ou deux questions. Je me dispense de commentaires
sur les articles où vous vous dites d'accord avec le gouvernement. Je
pense que ce serait très intéressant pour moi, mais je ne veux
pas abuser de votre présence parmi nous et je veux surtout rester
agréable à l'Opposition jusqu'à la fin des travaux de la
commission. (15 h 45)
M. Gendron: M.le ministre, vous savez bien que je vais le faire,
ça
Des voix: Ha, ha, ha! M. Ryan: Ha, ha. ha!
M. Gendron: Vous savez bien que je fais toujours ce
bout-là. Je ne suis pas obligé.
M. Ryan: Alors, sur la première recommandation, je n'ai
pas de commentaires. Sur la deuxième, vous dites qu'il faudrait indexer
annuellement les paliers de la table de contribution des parents. C'est une
chose que nous envisageons de faire. Par conséquent, il y a cette
précision que je suis heureux d'apporter, une
nouvelle fois, à la commission. Vous demandez que le premier
palier des contributions, qui actuellement est de zéro à 1000 $,
soit augmenté possiblement d'une somme de 500 $. C'est une
recommandation qui est tout à fait digne d'examen et sur laquelle nous
allons nous pencher. J'ai fait faire des vérifications
préliminaires par mes collaborateurs et collaboratrices de la Direction
de l'aide financière aux étudiants, et ce n'est pas une
perspective que nous excluons. Je pense que les représentations qui sont
soumises ici sont bien fondées.
Vous demandez de rétablir la prime hebdomadaire de 22 $ pour les
personnes dont les parents ont des ressources financières
inférieures aux dépenses admises. Ce qui arrive
là-dessus... Cette prime n'a pas été supprimée;
elle a été, en fait, transférée à l'aide
sociale. Là, elle sera versée, disons, dans ces cas-là,
aux parents de ces étudiants par le truchement de l'aide sociale. Il
nous est apparu que si les parents n'ont vraiment pas ce qu'il faut, c'est
à eux que devrait être destinée cette aide par le
truchement de l'aide sociale. Évidemment, comme vous le savez, quand
l'aide vient de ce côté-là, bien, il y a une partie de 50 %
qui est financée par le gouvernement québécois et, l'autre
partie, par le gouvernement fédéral en vertu de la Loi sur le
financement des programmes établis.
À la troisième recommandation, vous vous étonnez
que certains revenus soient exclus pour les fins du calcul des ressources des
parents tandis que d'autres sont inclus. Dans le cas des revenus qui sont
exclus, ça, ça va entièrement avec l'exemption pour la
valeur de capital des investissements. On porte la valeur de 50 000 $ à
90 000 $ et on exclut les revenus qui pourraient venir se greffer à
ça ici: les parties non imposables des gains de capital qui peuvent
être enregistrés à la suite d'une vente, évidemment,
les amortissements déduits à l'égard d'édifices
à logements, le tiers du montant des dividendes reçus. Les
autres, on les inclut: le supplément de revenu garanti, le montant
reçu en vertu du programme Supplément de revenu de travail et les
montants reçus en vertu du programme d'allocations-logement. Suivant le
principe que le gouvernement n'est pas supposé faire la même
contribution deux fois, s'il a fait celles-là, il doit en tenir compte
dans le calcul d'une nouvelle contribution qu'on attend de lui sous la forme du
régime des prêts et bourses. Peut-être qu'à ce
moment-là on peut parler d'améliorer le niveau de la contribution
gouvernementale, la deuxième fois, mais il faut qu'on tienne compte
d'abord de tout ce qui a été reçu de source publique
québécoise.
Alors, il y a toute une série de recommandations. Je vais
jusqu'à 7 ensuite où, ici, vous demandez qu'il... Nous proposons,
nous autres, de demander à l'étudiant une contribution minimale
fixe selon l'ordre d'enseignement. Vous dites être contre cette
recommandation et vous proposez de maintenir le mode de calcul actuel. Est-ce
que je pourrais vous demander quelques explications là-dessus?
M. Beauregard: Tout de suite? M. Ryan: Oui.
M. Beauregard: Oui. Selon le mode de calcul actuel, il y a une
contribution de base qui est établie. Lorsque l'étudiant a un
revenu inférieur à cette contribution-là, on calcule son
revenu plus 40 % de la différence. Et lorsqu'il a un revenu
supérieur, on calcule la contribution de base plus 50 % de la
différence, ce qui permet un peu d'ajuster la contribution au niveau du
revenu des étudiants. Et, comme on le sait, d'une région à
l'autre, les taux de chômage sont très différents chez les
jeunes et il y a des jeunes qui vont se voir pénalisés
là-dedans. Il y a des jeunes qui vont avoir une plus grande contribution
que la contribution de base et, là, ils vont se voir donner une
contribution minimale, donc, ils vont en bénéficier. Et ceux qui
en ont moins, bien, ils vont être un peu pénalisés par
cette mesure-là. J'ai très bien compris l'objectif
d'éliminer les lourdeurs administratives et d'augmenter
l'efficacité du système. En ayant une contribution minimale, le
traitement des dossiers est plus rapide. Mais notre point de vue
là-dessus, c'est que ça, c'est une chose, traiter les dossiers
rapidement, mais respecter les situations individuelles en est une autre.
M. Ryan: Si M. Boisvert, le directeur général de
l'aide financière, m'assure qu'à toutes fins utiles la formule
que nous allons instituer est à peu près identique à celle
que nous avons déjà et qu'il n'y aura, par conséquent, pas
de modifications vraiment significatives... Alors, si vous voulez des
précisions, M. Boisvert vous les fournira volontiers. Je ne pense pas
qu'il y ait de problème ici, comme, je pense, dans plusieurs autres
recommandations qui ne créent pas de problèmes majeurs, nous en
sortîmes très heureux.
Ah oui! la recommandation 11! Là, nous demandons à
l'étudiant qui revient du marché du travail une contribution
minimale, comme à n'importe quel autre candidat à l'aide
financière; ça nous apparaît une mesure
d'équité. Il nous est apparu, à l'expérience, que,
contrairement à ce que nous pensons, ce traitement spécial
donné à l'étudiant qui revenait du marché du
travail n'était pas justifié plus que dans le cas de
l'étudiant ordinaire. C'est pour établir un principe
d'équité, ici. Vu que nous n'avions pas de raison
vérifiée de maintenir un traitement distinct, nous avons conclu
que mieux valait le traitement commun. Maintenant, s'il y a des preuves
à nous apporter... On peut bien dire, en théorie: C'est
sûr, on pourrait instituer une allocation de 50 $ pour tout le monde.
D'attrait, ça irait bien. Mais s'il y avait des éléments
de
preuve à nous apporter, qui seraient de nature à
influencer notre jugement, nous serions disposés à les entendre,
évidemment.
Les allocations de garde aux enfants. Vous signalez, à juste
titre, que l'allocation hebdomadaire est portée de 64 $ à 50 $.
Évidemment, c'est un ajustement qui est fait avec l'aide sociale, vous
le savez. Maintenant, en retour, nous avons fait disparaître le plafond
actuel. Ça veut dire qu'une famille qui aurait plusieurs enfants
pourrait dépasser le plafond actuel et qu'il n'y aurait pas de limites
à la contribution qu'elle pourrait recevoir de ce
côté-là. Alors, c'est l'esprit de la mesure. Je ne sais pas
s'il y a des remarques...
Ensuite, au chapitre des frais de transport, vous émettez une
critique qui nous intéresse particulièrement parce que,
moi-même, j'ai des doutes sur la formule qui est actuellement
proposée. Nous sommes en train de réexaminer nos positions sur ce
point-là. Il y avait des défauts dans la formule que nous avons
retenue et nous allons essayer de faire mieux. Si des suggestions
précises peuvent nous être adressées là-dessus, nous
en prendrons connaissance avec intérêt.
L'autre. Là, nous commençons par les lunettes, là:
nous financerons l'achat de lunettes non . seulement pour l'étudiant
mais également pour les enfants de l'étudiant. C'est sûr
que ce serait intéressant de pouvoir financer également les soins
dentaires. Question de finances, le gouvernement n'a pas les ressources,
actuellement, pour ouvrir ce volet-là, mais nous prenons note de la
recommandation qui est formulée dans un esprit éminemment
social.
Ensuite, vous vous opposez à ce que nous retirions la prime de 22
$ par semaine accordée jusqu'à maintenant au candidat qui a
été sur le marché du travail lorsque ce dernier, pendant
ses études, réside chez ses parents. Je vous redonnerais un petit
peu l'explication que je fournissais tantôt. Nous n'avons pas
remarqué, dans l'expérience des dernières années,
que cette allocation répondait à un besoin davantage
démontré chez cette catégorie d'étudiants que chez
les étudiants en général. Par conséquent, il nous
est apparu que mieux valait redistribuer l'argent qui était
dépensé là entre l'ensemble des
bénéficiaires du régime.
Il y a une remarque intéressante que vous faites: Pourquoi
n'aurait-on pas, dans les dépenses admissibles, certaines
catégories qui tiendraient compte des dépenses
d'équipement professionnel? C'est un point intéressant. Je ne
sais pas... Avez-vous des commentaires à faire là-dessus, M.
Boisvert? C'est une chose qu'on est disposés à considérer,
ça. J'ai donné l'exemple de l'étudiant en photographie,
c'est un bon exemple On a de cet enseignement au niveau des cégeps et
c'est sûr que ça coûte, en équipement, beaucoup plus
cher que pour étudier d'autres disciplines.
Vous parlez du comité d'examen, vous l'appelez "comité
d'appel". Ce n'est pas exactement un comité d'appel, il y a toutes
sortes d'appellations qui ont été proposées et,
finalement, on a retenu "comité d'examen", si mes souvenirs sont bons.
Quoi qu'il en soit, comme vous êtes généralement d'accord
là-dessus, je n'insisterai pas davantage. Il y a seulement un point qui
m'a frappé au cours des auditions de la commission. On dit: Ce
comité-là n'aura pas un pouvoir décisionnel. Je pense que
vous l'aurez noté. Il fera des recommandations au ministre, lequel
prendra la décision. J'ai dit à mes collaborateurs: Oui, mais si
c'est une décision administrative qui est mise en question et que le
fonctionnaire s'entête, ne veut pas la changer, est-ce qu'il ne devrait
pas y avoir un droit de recours? Mais vous savez ce que mes fonctionnaires
m'ont répondu? Que ça n'arrivait pas, des choses comme
celles-là, et je les ai crus sur parole, évidemment.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Ha, ha, ha! Dans notre service, il y a une chose qu'il
ne faut pas oublier. Les députés le savent, ici, et je ne pense
pas qu'il y ait un député qui n'a pas eu recours au cabinet du
ministre, une fois ou l'autre, pour un cas d'aide financière aux
étudiants, quand il y a la moindre irrégularité qui semble
s'être produite En général, on prévient le
député ou on écrit directement au ministre et ces
problèmes-là se règlent d'une manière qui est
très correcte, très efficace. Ça évite de
créer toute une autre bureaucratie. Moi, j'ai seulement une personne qui
s'occupe de ça à mon bureau. Elle a une excellente collaboration
de la Direction de l'aide financière et il y a une symbiose qui s'est
faite entre les deux; je m'excuse d'employer une expression un peu
chargée de sens, mais juste en l'occurrence. Alors, je pense qu'on a ce
qu'il faut pour faire face à ces cas-là et je ne serais pas
enclin à instituer un autre mécanisme. Mais celui-ci, c'est pour
répondre aux cas nombreux d'étudiants qui ne tombent pas sous la
lettre des règlements ou des dispositions administratives et qui
auraient souvent plus droit à une aide que d'autres qui tombent sous la
lettre des règlements.
Ici, vous demandez pourquoi la Direction générale n'est
pas représentée. Je vous dirais de ne pas trop vous
inquiéter pour elle, parce qu'elle rôde toujours autour. Elle
n'est pas à la table ici, mais elle est très proche et elle ne
souffrira pas beaucoup d'hérésie de la part du ministre Je pense
que, de ce côté-là, les choses sont bien
assurées.
La remise de dette. Ça, vous m'avez étonné Je ne
sais pas si on s'est bien compris là-dessus Je termine là-dessus,
Mme la Présidente La roiv.iso de dette, vous vous opposez à la
mesure que nous envisageons qui consisterait à donner
une réduction de dette de 25 % à l'étudiant qui
termine ses études de maîtrise ou de doctorat dans les
délais impartis. Vous dites: II ne faut pas mêler l'aide
financière avec l'excellence. On ne touche pas à l'aide
financière. L'aide financière continue comme si de rien
n'était. Mais à la fin, nous autres, on est obligés de se
dire: Celui ou celle qui a fait ses études dans les délais
réguliers sauve de l'argent à la communauté par rapport
à celui dont les études ont duré deux ou trois ans. Celui
qui a eu deux sessions de plus, on ne le pénalise pas pour autant. Mais
qu'on donne une prime à celui qui a été un petit peu plus
vite, qui a fart montre de diligence dans un système où il semble
qu'on a été habitués à se hâter avec lenteur,
ce n'est peut-être pas une mauvaise chose. J'aimerais ça, avoir
votre explication. Ça couvre une autre mesure également.
La Présidente (Mme Hovington): Vous avez la parole.
M. Beauregard: Rapidement, je voulais revenir sur la question de
la prime de 22 $ par semaine. On nous informe que c'est transféré
à l'aide sociale maintenant, mais que faire avec les candidats, les
parents qui ont le salaire minimum et qui ne reçoivent pas de
prestations d'aide sociale et qui ont des ressources disponibles
négatives? Ça, c'est la première question qu'on avait. Par
ailleurs, les conseillers en aide financière dans les institutions nous
disent qu'ils ont appris ce changement des règles d'application quand
ils ont vu les certificats de prêts et bourses arriver et que les
bénéficiaires n'ont pas eu de lettre pour leur indiquer qu'il y
avait une coupure, que l'année dernière ils avaient droit
à cette prime-là, qu'ils n'y avaient plus droit maintenant, mais
que leurs parents pouvaient faire des démarches à l'aide sociale.
En tout cas, il y a au moins quatre, cinq conseillers en aide financière
à travers le réseau qu'on a consultés et ils nous ont tous
dit qu'il n'y avait aucun bénéficiaire qui avait
été informé de cette mesure-là. Alors, si on veut
que les gens aient droit aux mesures qu'on leur propose, il faudrait que les
gens soient correctement informes.
La Présidente (Mme Hovington): Allez-y. Mme
Côté: Sur la prime à...
M. Ryan: Si vous me permettez, Mme la Présidente, je vais
finir avec ceci. À la fin de votre exposé, vous avez
mentionné toute une série de points qui n'étaient pas dans
le texte de votre mémoire. J'ai vérifié avec mes
collaborateurs et à peu près tous ces points-là vont
trouver une réponse satisfaisante soit dans certaines modifications au
texte du projet de loi, soit dans le texte du règlement. Ils sont
à peu près tous prévus. Je pense que les points que vous
avez soulevés sont des points très justes.
M. Beauregard: Je comprends votre intervention dans le sens de
dire que le gouvernement n'a pas l'intention de restreindre les critères
qui mènent au statut d'autonomie.
M. Ryan: Non, celui-là, non. Celui-là, je pense
qu'il faudrait qu'on le vérifie de bien proche. Je ne peux pas vous
donner une déclaration générale comme celle-là. Il
faudrait que vous me demandiez sur quel point. Mais vous avez mentionné
cinq ou six sujets à la fin. (16 heures)
M. Beauregard: C'est à l'article 4 du projet de loi, aux
paragraphes 9°, 10° et 11°. Je pourrais en discuter avec
d'autres...
M. Ryan: Le travail en l'air, deux périodes de douze mois,
c'est ça, à temps plein?
M. Beauregard: Tu as les deux périodes de douze mois, la
notion de résidence, la notion d'avoir subvenu à ses besoins...
Parce que dans un projet de loi, quand on énumère les gens qui
sont admissibles, ceux qui ne sont pas énumérés,
là, ça devient difficile de les couvrir après.
M. Ryan: II y a des corrections qui sont envisagées ici.
Comme on le disait, il faut qu'ils travaillent à temps plein. Mais
qu'est-ce que c'est, à temps plein? C'est très difficile de le
définir, on va laisser tomber ça. On parlait de deux
périodes de douze mois. Bien là, ça va être au moins
deux ans. Ça va être tout pris ensemble comme c'était. Il
n'y aura pas le changement qui était envisagé de ce
côté-là. Mais ça, c'est à titre d'exemple. Si
vous voulez d'autres précisions, je vous recommanderais peut-être
de causer avec M. Boisvert qui va vous donner les informations
supplémentaires que je ne peux pas vous donner, faute de temps.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. D'ailleurs, nous
avons empiété d'au moins six minutes sur le temps de
l'Opposition.
M. Gendron: Oui.
La Présidente (Mme Hovington): M. le porte-parole de
l'Opposition, M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Comme d'habitude, on empiète toujours sur le
temps de l'Opposition mais, comme le ministre était tellement heureux,
d'abord, de signaler qu'il était content que la CEQ soit ici - il nous a
expliqué trois motifs de son état de joie - alors, ça ne
me faisait rien de laisser un peu plus de temps additionnel, parce que c'est
rare qu'on le voit dans un état d'allégresse comme ça avec
la CEQ.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Alors, pour les fois que ça passe, il faut en
profiter. Alors, je salue Mme Côté...
La Présidente (Mme Hovington): Merci de votre
générosité.
M. Gendron: ...ainsi que les gens qui l'accompagnent. Juste deux
commentaires sur les notes introductives du ministre. Il disait tantôt
qu'il était bien content parce que, enfin, les négociations
s'étaient conclues avec la CEQ, et il a même indiqué qu'il
avait l'intention de prendre l'initiative, hein, Mme Côté?
Mme Côté: Oui, j'ai noté.
M. Gendron: J'espère que vous lavez noté, mais
j'espère que vous souhaitez qu'il arrête d'en parler et qu'il la
prenne parce que...
Mme Côté: Ça, je n'ai pas le droit.
M. Gendron: Non, mais moi, j'ai le droit. Alors, moi, j'en
profite pour dire qu'effectivement la meilleure façon de conclure les
négociations, c'est de poser ces gestes qu'il faudrait poser pour mettre
fin une fois pour toutes à la négociation avec les secteurs
public et parapu-blic, y incluant le secteur des enseignants. Et moi, je suis
très heureux, effectivement, que les négociations semblent avoir
permis d'améliorer la condition enseignante. Tant mieux! Par contre,
là, c'est moins le temps de veiller, comme il l'a dit, de continuer
à veiller plutôt que de prendre une décision. Je pense que
ça a assez duré. On reçoit des lettres d'à peu
près toutes les associations syndicales de comté, de la CEQ de
même que de l'Alliance des professeurs de Montréal, disant: Y
a-t-il moyen que le gouvernement soit convaincu qu'à partir du moment
où on a conclu plusieurs éléments majeurs, bien, on
n'arrive pas à reculer sur un principe qui était acquis pour ne
pas finaliser les négociations?
L'autre commentaire, en vous disant: Bravo! je suis content... Vous,
vous avez parlé uniquement de la bonification de l'aide
financière aux étudiants, c'est-à-dire le régime
d'aide financière aux étudiants universitaires. Vous n'avez pas
mêlé l'autre question. Moi, je ne peux pas être aussi
heureux que lui parce que, de toute façon, s'il ne voulait pas qu'on
traite des deux sujets, il avait juste à procéder autrement C'est
lui qui s'est enferré, comme ministre, dans la décision, en
décembre, en disant: Écoutez, je vais essayer de faire passer le
dégel en masquant cette réalité dure pour le monde
étudiant sous prétexte d'une bonification flaml>oyante du
re financière. Alors, tout ce qu'on a vu depuis
une semaine et demie, je vous dis que, mise à part la bonification
retardée pour les temps partiel, il n'y a pas de quoi faire une
démonstration d'allégresse, pendant trois semaines, comme si
c'était une réforme sans précédent de l'aide
financière. Je ne peux pas me gargariser aussi fort qu'il ne l'a fait,
surtout que la mesure la plus mordante, la plus significative, c'est celle qui
ne s'appliquera pas. Alors, moi, je vais vous dire tantôt, je l'aurais
dit un peu plus fort, mais je vais y revenir.
Le ministre s'est mis à commenter les mesures que vous avez
faites en disant qu'il s'agissait d'un excellent mémoire, et là,
il a raison. On s'entend parfaitement parce que de mémoire, et j'ai vu
plusieurs opinions de la CEQ sur différentes questions qui ont
été débattues ici, c'est très rare que la Centrale
de l'enseignement du Québec vienne ici et qu'elle n'ait pas un
mémoire articulé, étoffé, fouillé, où
on sent qu'elle traite des questions qui l'intéressent d'abord, qui
correspondent à des préoccupations qu'elle manifeste au fil des
jours et des semaines, où elle indique le souci qu'elle a de voir
améliorer non seulement la condition enseignante, mais celle de ceux qui
la subissent, et les premiers bénéficiaires, ce sont les
enseignants. Donc, ce sont des questions qui vous intéressent et, encore
là, votre mémoire fait la preuve que vous avez traité ces
questions-là avec énormément d'attention, toujours dans ce
même esprit de vouloir aider le législateur à mieux faire
ses devoirs, et dans le présent cas, c'est toujours requis. C'est
toujours requis avec ce gouvernement-là de l'aider à faire ses
devoirs. Ils sont toujours assez mal faits, il faut les reprendre à
plusieurs reprises.
Sur votre mémoire comme tel, le ministre a omis, en
commençant ses remarques, de commenter, à la page 3 - et je tiens
à vous le dire, le ministre n'en a pas parlé pantoute, ça
ne fait pas son affaire - quand vous dites... Par rapport aux objectifs
complémentaires, il y en a au moins deux sur trois sur lesquels il n'a
émis aucun commentaire et c'est volontaire. Quand la CEQ a fait la
preuve que l'aide offerte aux étudiants québécois... Pour
eux - ce gouvernement-là - quand on veut dire que ça se compare
avantageusement a ce qui est offert ailleurs, ça veut dire une
réduction, par le bas, du régime. Il faut se le rappeler. Se
comparer aux autres, ça veut dire le moins possible. Dans ce sens, comme
notre régime était plus avantageux, c'est évident que
lorsqu'on inverse les proportions prêts-bourses, ça a comme
conséquence d'endetter les étudiants davantage et de
réduire le régime d'aide financière et ce n'est pas comme
ça qu'il devient comparable avec ce qui se passe à
l'étranger. Ça fait leur affaire de dire en commission
parlementaire: II faut se comparer aux autres. Tout le monde pense que
ça veut dire une bonification du régime Dans notre cas, ça
veut dire une réduction des bénéfices de l'aide
financière et vous l'avez très bien dit dans votre
mémoire. C'est évident, comme c'est vrai,
que je ne peux pas aller plus loin sur cet objectif.
Sur l'autre objectif, le troisième, promouvoir la
continuité et la persévérance dans les études tout
en incitant les bénéficiaires à compléter leurs
études dans les délais normaux, toujours par notion
d'équité, il me semble qu'il faut garder l'objectif, même
si vous avez une opinion qui semble être différente. Je comprends,
par exemple, les explications que vous avez données, c'est qu'on ne peut
pas faire des politiques mur à mur, ce n'est pas pareil partout. Votre
exemple était pertinent, surtout quand vous avez donné l'exemple
d'une mère de famille qui fait une maîtrise, mais qui prend deux
ans de plus parce qu'elle a d'autres préoccupations et qu'elle a
d'autres obligations surtout, souvent, que la société lui fait.
Elle peut être aussi méritoire de la faire en deux ans de plus.
Même si, moi, j'applique ce raisonnement à quelque chose d'autre,
je comprends que ce n'est pas quelque chose qu'on peut baliser d'une
façon définitive et dire: II devrait y avoir un délai
fixé, et que tout le monde a la vérité parce que ce serait
le gouvernement qui fixerait le délai. Ça, c'est une question
d'opinion; donc, je ne veux pas commenter plus.
À la page 6, j'aurais aimé ça entendre le ministre.
C'est pour ça que ça ne me fait rien de ne pas avoir tout le
temps, mais j'espère que, Mme Côté, vous reviendrez
là-dessus ou M. Beauregard, peu importe. À la page 6, il y a
quand même là une suggestion qui, en ce qui me concerne,
m'apparaît fondamentale quand vous dites qu'il sort ajouté un
troisième principe qui stipulerait qu'aucune contribution parentale ne
pourrait être exigée pour des familles dont le revenu se situe
sous le seuil de pauvreté Que ce soit habillé autrement je m'en
fous; qu'il y ait un autre verbatim, ce n'est pas grave, mais le principe que
le gouvernement n'ait rien à dire sur un principe aussi fondamental...
Parce qu'une des remarques qui nous est faite et constamment
répétée, c'est ça, c'est qu'il y a un certain
nombre d'étudiants qui ont dit: Tu vas avoir tant de prêt ou tant
de bourse parce qu'on exige de tes parents tant d'argent. D'abord, pas dans
certains cas, dans la plupart des cas les étudiants concernés ne
touchent presque jamais concrètement à la contribution parentale
et, dans certains cas, il est complètement farfelu, illusoire et
irresponsable d'exiger de certains parents au Québec une contribution
parentale et de continuer à dire: Nous, on est d'accord avec
l'accessibilité et nous, on est d'accord qu'aucun étudiant au
Québec ne puisse être en mesure de faire la preuve qu'on lui a
empêché la poursuite des études de niveau universitaire
après le collégial, alors qu'on sait très bien qu'avec une
telle mesure... Et le ministre n'avait rien à dire là-dessus. Il
n'a pas dit un mot là-dessus, alors que ça m'apparaît un
des éléments les plus fondamentaux de votre mémoire, sur
l'aspect de l'aide financière aux étudiants, parce que vous
n'avez pas traité des frais de scolarité. Mais j'espère
que dans les quelques minutes qu'il restera, Mme Côté ou M.
Beauregard, vous demanderez au ministre à quelle enseigne il loge
à ce chapitre.
Aux pages 9, 10, 11, 12, le ministre dit: Écoutez, je suis
content, vous avez parié juste d'aide financière. Il ne sait pas
lire ou il l'a lu vite, parce que, aux pages 9, 10, 11, 12, c'est très
clair, vous parlez des problèmes de fond: déficit de
fréquentation scolaire, déficit de diplomation par rapport
à l'étranger. Donc, vous resituez exactement à la
même place que tous les autres intervenants la nécessité,
si le ministre persiste dans sa volonté de dégeler les frais de
scolarité. Vous redites ce qui a été dit par tous les
intervenants: premièrement, ça ne règle pas le
sous-financement chronique des universités; deuxièmement, on va
encore avoir un écart plus grand au niveau de la diplomation;
troisièmement, ça va avoir des incidences sur
l'accessibilité et ce n'est pas le temps encore de se permettre
ça parce qu'on a trop de recul. En tout cas, il y avait quatre pages qui
traitaient de ça, c'est pour quelqu'un qui se donne la peine de les
lire.
Les recommandations, rapidement. La recommandation 2, moi, je trouve,
encore là, que vous avez raison de dire que, dans la façon de
modifier la table de contribution des parents, il y a là comme une
philosophie de gouvernement. J'espère que vous l'avez lue, mais il faut
la reprendre, ce gouvernement n'a jamais eu beaucoup, beaucoup
d'inquiétude pour sa clientèle la plus fondamentale et,
règle générale, ce sont les plus munis de la
société, pas les plus démunis. Et on le voit très
bien dans la recommandation 2 quand vous faites l'application que, et je vous
cite: "Un calcul des pourcentages d'indexa-tion selon les ressources
disponibles nous montre que les familles ayant un revenu disponible de 1000 $
verront leur contribution réduite de 16, 7 % alors que les familles
ayant un revenu disponible de 6000 $ verront leur contribution diminuée
de 32, 3 %". Pour moi, c'est le monde à l'envers, c'est évident
que c'est le monde à l'envers, c'est ce que vous avez voulu signaler et
j'espère que le ministre regardera ça à nouveau.
J'ai deux questions sur la recommandation 18, parce que je vous l'avais
dit que je reviendrais là-dessus, sur les temps partiel. J'ai un
commentaire avant de poser la question. J'aurais trouvé que
ç'aurait été une belle occasion pour dire: Puisque sur
l'ajout ou la bonification des temps partiel, c'est ce qu'il y avait de plus
signifiant dans la modification de la réforme, il aurait fallu le
garder, parce qu'à partir du moment où on enlève ce qu'il
y avait de plus signifiant, moi, je suis porté à dire qu'il ne
reste plus grand-chose sinon l'insignifiance, nuançable. Il y a des
choses qui sont importantes, mais ce n'est pas une réforme, ce n'est pas
majeur. J'aurais aimé ça que la CEQ dise: Écoutez,
nous,
on ne comprend pas, on ne comprend pas du tout pourquoi le ministre
recule là-dessus.
Donc, la question que je vous pose - parce que vous l'avez entendu, le
ministre a dit: Je ne suis pas prêt - pouvez-vous imaginer, vous qui
connaissez le milieu, les motifs sérieux, crédibles sur lesquels
le ministre peut s'appuyer pour dire qu'il ne met pas en vigueur les
dispositions concernant les temps partiel? Vous, en avez-vous trouvé
dans votre réflexion? Avez-vous trouvé quelque chose sur lequel
le miiiistre pourrait s'appuyer, qui vous apparaîtrait crédible,
pour ne pas mettre en vigueur ces dispositions-là?
Mme Côté: Sur cette question, nous, vous savez, on a
mentionné dans notre mémoire que toute la réalité
du temps partiel, c'était vraiment une ouverture qu'on
considérait comme intéressante et qu'on considérait comme
étant un pas dans la bonne direction. Cependant, avez-vous
remarqué, partout où on en parle, on dit que c'est bien dommage,
mais c'est une mesure qui ne s'appliquera pas. Finalement, les 26 % des jeunes
qui attendent ça pour pouvoir poursuivre leurs études, parce que
notre mémoire dit qu'il y a 26,4 % des jeunes qui ont besoin de cette
aide, on a actuellement un pourcentage de 26 % de jeunes à temps partiel
en danger. On croyait que la mesure permettrait que ce danger-là soit au
moins éliminé. Je crois que c'est important de le souligner.
Tout à l'heure, M. Ryan, ce dont je me suis rendu compte, c'est
qu'il avait vraiment lu le mémoire, notre mémoire, puisqu'il a,
au passage, signalé: Nous avons tenu compte. Alors, j'aurais
espéré qu'il dise: II y a deux éléments dont on va
considérer la question: d'abord, les gens à temps partiel. Et
j'aurais aimé ça aussi qu'il dise: Si notre volume d'aide
à la bourse est inférieur à ce qu'il était dans les
années 1985-1986, au-delà de la bonification, ces 10 % de
déficit, on va injecter un certain montant d'argent pour pouvoir y
répondre. C'est une réponse que je n'ai pas eue.
Je crois aussi, pour répondre à ce que vous dites, M.
Gendron, que l'élément - je considère que M. Ryan a un peu
passé par-dessus - c'est toute la réflexion qu'on fait sur la
réduction du volume d'aide à la bourse. Oui, c'est vrai qu'on se
rend compte qu'il y aura une plus grande disponibilité de prêts,
mais la bourse va être diminuée. On considère que ça
va avoir un effet sur l'endettement. Les jeunes qui auront accès aux
deux réalités seront encore plus endettés et ceux qui
n'ont accès qu'au prêt auront un endettement encore plus
élevé. Alors, je crois que c'est une réalité
importante et ce n'est pas pour rien qu'on a dit qu'on avait un déficit
de 10 % par rapport à 1984-1985. C'est parce qu'on sait qu'il y a des
mesures administratives qui ont fait en sorte que, depuis quatre ans, il y a eu
une coupure. Il y a eu des coupures d'aide à la bourse parce que les
règlements - et ça, c'est l'autre bout que je voulais dire
à M. Ryan -nous, on le sait, souvent, sont plus dangereux, entre
guillemets, dans le concret, que le projet de loi lui-même. Vous dites:
Les règlements, nous ne les sortirons qu'après le budget Je
comprends ça. Cependant, les personnes que nous avons consultées,
qui sont des gens qui travaillent concrètement avec les jeunes - comme
je vous dis, on n'a pas voulu parler d'en haut, on a voulu parler à
partir du monde en bas - nous disaient qu'entre autres certaines directives qui
arrivent en cours d'année, certains règlements qui sont
très bien définis restreignent le droit à l'aide
financière. Je pense que ces règlements vont être
très importants et on va quand même les surveiller. (16 h 15)
M. Gendron: D'autant plus, Mme Côté, avant d'aller
plus loin, et j'en profite pour l'annoncer à tout le monde, là,
que, dans votre mémoire oui, une annonce importante et ce n'est pas
contre vous, là - il faut se rappeler qu'à la page, en tout cas
je ne sais trop quoi, mais à l'annexe I, concernant le tableau sur le
volume des nouveaux prêts, volume de bourses, le volume total et le
pourcentage du volume de bourses, vous aviez correctement mentionné les
chiffres pour 1988-1989, mais sur la barre du "P", le "P" voulait dire les
données prévisionnelles. Alors nous, entre-temps, on a
ajusté ça, et là ce n'est plus sur des prévisions,
c'est sur des faits, et vous avez une bonne idée de ce qui s'est
passé: c'est pire que ce qu'on avait prévu, évidemment.
Alors, le pourcentage du volume de bourses qui était prévisionnel
à 40,2 % est baissé à 38,7 % Donc, il n'y a que 38,7 % du
volume de l'aide totale qui est versé en bourses, comparativement
à environ 50 %, il y a quelques années. Ça fait toute une
réduction. Et ça, c'est vraiment ce que j'appelle la
vérité corrigée, là. Oui, c'est important de vous
signaler ça, parce que ça, c'est la réalité des
chiffres observés, non plus les prévisions, mais ce qui s'est
passé dans les faits
J'ai rapidement deux autres questions, pour que ma collègue ait
l'occasion d'en poser au moins une Dans la recommandation 17, sur le
comité d'appel, vous mentionnez que vous avez des réserves quant
à sa composition Vous mentionnez également qu'il y aura beaucoup
de boulot à faire, compte tenu du nombre de plaintes qui a
particulièrement augmenté. Comme vous le disiez tantôt, le
chiffre comme tel n'est pas important, mais le doublage est important Que les
plaintes aient doublé, ça commence à être grave. Il
se passe quelque chose. Moi, la question que je vous poserais est la suivante
Moi, il me semble que, partout où il y a des comités d'appel,
règle générale, il n'y a pas un autre pouvoir
discrétionnaire ou dérogatoire du ministre Et comme vous n'aviez
pas l'air, clans d'autres dossiers, d'être des tenants farouches de cette
fâcheuse habitude qu'a le ministre de toujours se donner un pouvoir de
dérogation à
peu près sur toutes les règles qu'il édicté,
ou qu'il instruit dans ses divers prônes au cours des années,
est-ce que vous n'avez pas là une opinion à savoir qu'il me
semble que ça devrait rester au niveau du comité d'appel? Si
c'est un comité d'appel et que c'est administratif, il y a deux choses:
c'est là et ça reste là ou il n'y a pas de comité
d'appel et on continue à faire ce qui se passe, on se lamente
auprès du ministre. Alors, c'est quoi votre point de vue? J'aimerais
ça que vous l'habilliez un peu plus, votre recommandation.
M. Beauregard: On avait beaucoup de problèmes avec la
question du comité d'appel. On ne voulait pas empêcher les
étudiants d'avoir un recours supplémentaire, étant
donné les difficultés qu'ils éprouvent actuellement
à faire valoir leurs droits. On se dit: Quatre personnes du grand
public... Mais on n'a pas voulu entrer dans les détails techniques de la
composition du comité, parce qu'on se disait: II me semble que le
gouvernement devrait consulter les associations étudiantes pour voir
quels devraient être les mécanismes. On n'a pas voulu, disons,
avoir une attitude paternaliste envers les associations et leur dire: Bon,
voici, vos problèmes devraient être réglés de telle
façon. Nous, ce qu'on s'est contenté de dire - et c'est certain
qu'on aimerait mieux qu'il y ait un comité décisionnel là
- c'est: Les responsables d'aide financière qui travaillent chez nous,
je suis certain qu'ils ont un engagement assez fort envers leur travail pour
participer à toute solution qui va viser à améliorer le
système.
Mais ce qu'on nous dit aussi, c'est qu'il semble qu'au ministère,
depuis qu'on a exercé de nombreuses coupures dans les années
quatre-vingt, les fonctionnaires ont beaucoup moins de marge de manoeuvre dans
l'interprétation des règles d'application. Mais il y a les
règles et il y a les humains qui sont dans ton bureau, qui ne rentrent
pas dans la liste X et dont il faut tenir compte. Qu'est-ce qui va se passer
à ce comité d'appel? Les professionnels, quand il y a des
professionnels, parce qu'il y a des cégeps où il n'y a pas de
professionnel à l'aide financière, vont faire un plaidoyer
où ils vont, d'une part, regarder les règles et, d'autre part,
essayer de faire valoir l'aspect humain ou l'aspect inhumain de la
décision. Autrement dit, la marge de manoeuvre qu'avaient
peut-être autrefois ceux qui s'occupaient de la révision des
régimes, bien, elle va être transposée dans ce
comité-là.
M. Gendron: ...le temps.
Mme Côté: Quant au deuxième volet de votre
question, excusez-moi, je pense que vous connaissez les positions de la CEQ par
rapport au pouvoir discrétionnaire du ministre. Nous croyons que, s'il y
a un sujet qui arrive à l'oreille de M. Ryan, il va sûrement
trouver une réponse. Cependant, on croit qu'il ne faut pas en
échapper, donc qu'il faut des mécanismes qui fassent en sorte que
l'ensemble des jeunes du Québec, que ceux qui sont lésés
dans leurs droits puissent avoir un mécanisme qui soit le même
pour tout le monde. C'est sûr que M. Ryan va sûrement
écouter la demande, mais une personne peut faire en sorte qu'on en
échappé 99.
M. Gendron: Rapidement, est-ce que vous ne croyez pas qu'un
pouvoir comme celui-là, il ne serait pas mieux qu'il soit ailleurs qu'au
ministère de l'Éducation? Par exemple, avez-vous un avis... Si on
l'envoyait au Protecteur du citoyen, ça serait quoi votre avis?
Mme Côté: Ça, on l'avait regardé. Tout
ce qu'on dit, c'est qu'il y a du monde chez nous qui travaille, nos
professionnels à l'aide financière. Une chose est certaine, c'est
qu'on considère qu'il faut qu'il y ait quelque chose, mais non pas un
pouvoir directement lié entre le ministre et la demande à son
bureau. Ça, c'est clair.
M. Gendron: Merci.
Mme Côté: Là-dessus, la réponse de M.
Ryan ne nous satisfait pas. Ça, c'est clair.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, il vous reste deux
minutes, Mme la députée de Chicoutimi, assez rapidement.
Mme Blackburn: Bien. Je vous remercie, Mme la Présidente.
Un très bref commentaire. En relisant les débats de la commission
parlementaire sur l'étude des crédits du 29 avril 1986, j'ai
retrouvé les premisses de la politique du ministre en matière
d'accessibilité. Je me permets de vous les lire parce qu'on constate
que, pour certaines questions, il a beaucoup de suite dans les idées.
Parlant du déficit des universités, il disait: "Nous ne voulons
pas être mis devant le fait accompli, parce qu'il m'apparaît assez
paradoxal que, d'un côté, on multiplie la publicité et les
démarches pour recruter de la clientèle, comme si on était
une entreprise en pleine expansion, et qu'en même temps, de l'autre
côté, on aille se lancer dans des déficits." Et il
concluait le paragraphe en disant: "Je ne veux pas qu'on nous mette devant des
faits accomplis, fût-ce au nom des idéaux les plus nobles." Pour
lui, un idéal, telle l'accessibilité, devait être soumis
aux disponibilités budgétaires. Et je constate que, quand il nous
dit que ce n'est pas dramatique qu'on en perde 5 %, il est assez fidèle
à ce que, déjà, il nous annonçait en 1986.
Une question en ce qui a trait à l'accessibilité aux
prêts et bourses qui serait limitée, c'est-à-dire à
la bourse qui serait limitée selon la durée des études.
L'objectif, c'est que les étudiants terminent le plus rapidement
possible leurs études dans des délais dits normaux.
Voulez-vous me dire au nom de quelle logique, si c'est l'objectif qui
est poursuivi, on pourrait trouver souhaitable cette pratique, cette politique
qui ne touche que le tiers des étudiants qui ont effectivement
accès aux prêts et bourses, et non pas les 66 % des autres? Est-ce
que ça ne vous apparaît pas être un préjudice, si ce
n'est un préjugé, à l'endroit des étudiants
bénéficiaires de l'aide financière?
La Présidente (Mme Hovingtor.}: M. Beaure-gard.
M. Beauregard: On avait clairement signalé dans notre
mémoire que cette réduction de la période
d'accessibilité à la bourse nous apparaissait discriminatoire,
parce qu'on cherche à régler le problème de l'allongement
des études, auquel faisait allusion le Conseil des universités
dans son avis, mais en ne pénalisant que les étudiants qui sont
bénéficiaires de bourses, donc les plus démunis. Est-ce
que le dilettantisme ou le manque de maturité supposé à
l'allongement des études n'est le fait que des gens qui ont les plus bas
revenus? On met ça sérieusement en doute.
Mme Côté: ...sur lequel on est en désaccord.
La Présidente (Mme Hovington): Mme Côté.
Mme Côté: Oui, excusez-moi. La remise de la dette,
c'est un principe qu'on ne veut pas du tout voir apparaître dans un
régime de prêts et bourses. Nous croyons que si on veut
récupérer... D'abord, nous croyons que le gouvernement a raison
de dire: II faut prendre les moyens pour que les jeunes s'inscrivent dans un
cheminement normal, pas prescrit mais normal. Cependant, nous croyons que,
l'argent que le gouvernement voudra aller récupérer, doit le
prendre et le mettre pour essayer d'aider les jeunes à l'école.
Notre objectif, nous autres, c'est de garder les enfants à
l'école, ce n'est pas de trouver des moyens pour les éliminer.
Par conséquent, je pense qu'il y a toute une espèce de courant
par rapport à la performance et nous n'en voulons pas. Ça, c'est
clair et ça répond aussi à votre deuxième question
qui est: Pourquoi ces jeunes là seraient-ils soumis à une
règle précise et que d'autres n'y seraient pas sous
prétexte qu'ils paient entièrement leurs études?
La Présidente (Mme Hovington): Merci, Mme
Côté. Alors, c'est tout le temps dont on disposait. Vous voulez
conclure, rapidement? D'accord.
M. Gendron: Merci beaucoup. Sincèrement, c'est un bon
mémoire et vous avez d'excellentes suggestions. Toujours le même
souci en ce qui me concerne, c'est que le ministre s'en occupe.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. Ryan.
M. Ryan: La distance qui nous sépare étant
plutôt réduite, d'après ce que j'ai lu en tout cas, je
pense bien qu'on va tenir compte des suggestions qui nous ont été
données, en ce sens qu'on va les étudier sérieusement.
S'il y avait des précisions à apporter sur l'un ou l'autre point
que vous avez soulevé, ça nous intéressera d'en prendre
connaissance aussi. J'ajoute juste un bref commentaire, en terminant, sur le
rapport entre la bourse et le prêt, quand vous dites: On s'en va du
côté du prêt, c'est effrayant, et tout. Ce n'est
peut-être pas exactement comme ça. Peut-être que les
chiffres agrégatifs peuvent conduire à de fausses impressions.
Dans le cas de l'individu bénéficiaire, de l'étudiant
bénéficiaire, j'ai des statistiques ici qui établissent
que chez ceux qui bénéficient d'une bourse, la bourse
représente aujourd'hui 50 % de l'aide totale, alors qu'en 1986-1987,
c'était 56,7 %. Il n'y a pas eu une variation aussi grande que peuvent
le laisser penser les chiffres agrégatifs.
Vous allez me demander: Comment cela se fait-il? Bien, la raison est
dans la diminution du nombre de personnes qui ont soumis des demandes pour
l'année 1988-1989. Les demandes de bourses - attendez un petit peu -
représentent 6000 demandes de moins. Aussi, c'est normal qu'il y ait eu
moins de bourses attribuées. S'il y a eu 6000 demandes de moins, c'est
normal que le total des sommes versées en bourses soit moins
élevé également, mais le bénéficiaire
individuel, lui, reçoit plus, et je pourrais vous donner des
statistiques sur le montant de la bourse moyenne. En 1986-1987, il était
de 2548 $ et, cette année, il est de 2827 $, alors que le prêt,
lui, était à 1949 $ et est monté à 2280 $. La
différence n'est pas aussi considérable que le laissent entendre
les interprétations qui peuvent être superficielles. Alors, je
mentionne ces données-là pour montrer que, si l'on pousse plus
loin l'analyse, on va trouver que la situation comporte peut être des
facteurs qu'on serait tentés d'ignorer. Cela se comprendrait quand
ça vient de l'Opposition, mais d'un organisme sérieux comme la
CEQ, on est sûr que c'est une chose qui va faire l'objet d'un examen
attentif.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre.
Alors, il me reste à vous remercier...
M. Gendron: C'est vous qui avez la parole, là.
Une voix: Ha, ha, hal
La Présidente (Mme Hovington): ..de votre excellent
mémoire et, au nom de tous les membres de cette commission, merci
beaucoup de
nous avoir apporté un éclairage nouveau.
Je demanderais au Comité national des jeunes du Parti
québécois de bien vouloir prendre place immédiatement.
Nous allons suspendre une minute pour vous laisser le temps...
(Suspension de la séance à 16 h 27) (Reprisée 16 h
31)
Comité national des jeunes du Parti
québécois
La Présidente (Mme Hovington): Si on veut bien prendre
place, nous allons reprendre nos travaux. Bonjour et bienvenue au Comité
national des jeunes du Parti québécois. Si vous voulez bien vous
présenter aux fins de la transcription des débats, s'il vous
plait.
M. Facal (Joseph): Oui, bonjour, Mme la Présidente, M. le
ministre, bonjour à M. Gendron qui se joindra à nous,
incessamment sans doute, et bonjour à tous les autres ici
présents. Je me présente ainsi que les gens qui m'accompagnent.
Je suis Joseph Facal, président des jeunes du Parti
québécois. Immédiatement à ma droite, donc à
votre gauche, Henri Lahaie, qui est conseiller et qui va parler plus
spécifiquement du projet de loi 25; immédiatement à ma
gauche, donc à votre droite, André Turmel, qui est le
vice-président aux affaires politiques du comité et qui va parler
des frais de scolarité et, à mon extrême gauche, Cleo
Palacio-Quintin, qui est la trésorière du comité des
jeunes et qui va conclure sur les mesures spécifiques que nous
prônons.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, vous avez 20 minutes
pour nous présenter votre mémoire. Allez-y.
M. Facal: Merci beaucoup, madame. Dans un premier temps, je vous
remercie d'avoir bien voulu nous recevoir et nous écouter. Chaque fois
que les jeunes du Parti québécois ont eu l'occasion de
réaffirmer leur attachement au principe de l'égalité des
chances et de la démocratisation, nous avons saisi cette chance et,
aujourd'hui, c'en était une. Voilà donc ce qui explique un petit
peu notre présence ici. Soyez assurés, dans un premier temps, que
nous venons ici avec une absolue bonne foi, sans aucune animosité et
l'esprit aussi ouvert que possible. Nous ne sommes pas ici pour une bataille de
chiffres. Vous comprendrez aisément que, dans un dossier comme celui-ci,
on trouve assez de chiffres divergents pour étayer à peu
près n'importe laquelle position. La partie gouvernementale a les siens,
que nous ne remettrons pas en cause. Nous avons les nôtres et la chose
est ainsi faite.
Dans un premier temps, je voudrais dire qu'assurément la
décision d'un étudiant de poursuivre ou d'arrêter ses
études n'est pas uniquement fonction de ses ressources
financières. Celles-ci sont un obstacle parmi d'autres. Mais il nous est
apparu vital, et depuis aussi longtemps que nous existons, d'affirmer que ce
type d'obstacle, qui n'est pas le seul, je le répète, devrait
être éliminé dans la mesure du possible. Par ailleurs, on
sait que l'actuel régime d'aide financière n'a pas subi de
modifications notables depuis sa mise en place et il nous apparaît
qu'aujourd'hui, le temps est peut-être venu de nous demander s'il
répond encore bien à l'objectif qu'il s'était initialement
donné, soit de donner à tous des chances égales. Sauf
qu'évidemment, pour nous, le régime d'aide financière, les
frais de scolarité et le financement des universités sont trois
thèmes indissociables, en quelque sorte, trois facettes d'une même
problématique. Et voilà pourquoi nous présentons un point
de vue global et non une simple discussion étroite et technique des 24
mesures de l'énoncé gouvernemental que vous trouverez en annexe
à notre mémoire.
J'espère que cette façon de procéder ne choquera
personne. Avouez, entre vous et moi, que ça ne vous étonne sans
doute pas que nous venions ici pour parler également des frais de
scolarité. Par ailleurs, nous connaissons les principaux
problèmes qui sont actuellement en toile de fond dans l'enseignement
supérieur québécois. L'accès aux études
universitaires est beaucoup plus fréquent chez les
Québécois de langue anglaise que chez ceux de langue
française, et on ne le répète pas assez. Le gouvernement a
assurément ses chiffres, nous avons les nôtres qui disent qu'entre
l'âge de 20 et 24 ans 25,9 % des Québécois de langue
anglaise sont à l'université, alors que seulement 14,9 % de
Québécois de langue française la fréquentent. Nous
savons aussi qu'un élève du secondaire dont le père est
ouvrier, manoeuvre, fermier a, en moyenne, deux fois moins de chances de
parvenir à l'université qu'un enfant dont le père est
cadre moyen ou administrateur. Nous savons aussi qu'il se décerne au
Québec, proportionnellement, deux fois moins de diplômes de
maîtrise et de doctorat qu'aux États-Unis et 30 % de moins qu'en
Ontario.
Je n'insisterai pas - tout le monde l'a fait - sur l'état de
sous-financement chronique de nos universités et sur l'impact que cela a
sur leur équipement, le recrutement des chercheurs, les
bibliothèques, etc. Je n'ai pas non plus besoin, à ce stade-ci du
moins, de m'étendre sur le phénomène de l'endettement des
étudiants dans un contexte général où le
marché du travail se resserre tellement pour les jeunes qu'ils n'ont
même plus l'assurance que les sacrifices consentis pendant la
durée de leurs études vaudront la peine quelques années
plus tard. Je n'insisterai pas non plus sur l'évolution
défavorable du ratio prêt-bourse depuis quelques années
dont les précédents intervenants ont fait mention. Tout cela est
connu. D'autres ici avant nous l'ont dit.
Voilà pourquoi, selon nous, il faut évaluer le projet de
loi à la lumière de ce qu'il fait ou ne fait pas pour non pas
solutionner ces problèmes, mais, à tout le moins, les
reconnaître, les admettre et les confronter. C'est cela, si vous le
voulez, notre grille d'évaluation du projet de loi. En quoi trouve ton
là-dedans quelque chose qui, à tout le moins, reconnaisse,
admette les problèmes?
Un dernier point avant de passer la parole à mon collègue.
Tout récemment, plusieurs de ces éditorialistes et chroniqueurs
qui, souvent, se prennent pour l'opinion publique au Québec, de
même que certains représentants du milieu des affaires, ont tenu
des propos qui accréditent l'image des étudiants comme
étant des jeunes qui, ne se rendant pas compte à quel point ils
sont privilégiés, feraient preuve, en rejetant la réforme
et le dégel, d'égoïsme, de mesquinerie, de corporatisme ou
d'une déplorable tendance à ne pas voir les choses telles
qu'elles sont ni à se remettre en question. Vous me permettrez de
déplorer ces propos que je juge tendancieux et faux. Il est absolument
injuste de dire que les étudiants ne seraient pas conscients du contexte
budgétaire global Nous reconnaissons le sous-financement. Nous
l'admettons d'autant que nous en voyons quotidiennement les effets sur nos
conditions d'études. Nous l'admettons.
Il y a quelques jours, je pense, il y a deux jours, j'entendais le
ministre à une émission d'affaires publiques dire: Lors de la
commission parlementaire, les étudiants viennent m'expliquer leur point
de vue et je leur explique la réalité. Vous vouliez sans doute
dire votre réalité, M. le ministre, car personne, et
assurément pas nous, ne prétend avoir le monopole de la
vérité. Nous ne sommes pas des enfants gâtés et
soyez assuré que nous sommes prêts à faire notre part. Et
oui, la question de la contribution étudiante peut et doit être
légitimement posée. Ce que nous acceptons mal, c'est qu'on refile
à nous seuls et sans nous consulter le fardeau d'un déficit dont
nous ne sommes pas responsables puisqu'il est la conséquence directe des
décisions prises par tous ceux qui nous ont
précédés et pas uniquement vous, j'en conviens. Plusieurs
générations ont profité de notre système tel qu'il
est. Ils l'ont poussé au maximum, en ont profité autant que
possible et maintenant qu'il n'est plus tenable, qu'ils n'en ont plus besoin,
ils refilent la facture à ceux qui suivent. C'est eux qui osent nous
dire que c'est nous les égoïstes. Mais c'est une farce monumentale!
Ils ont le front de nous faire la morale alors qu'ils voyaient bien pendant
toutes ces années vers où nous conduisait ce laisser-aller.
Bref, nous en avons gros sur le coeur et je m'excuse si ça
paraît. Je pense que notre amertume et notre colère sont
légitimes. Alors, nous sommes donc ici, M. le ministre, non seulement
pour exposer notre point de vue, mais aussi pour poser des questions auxquelles
nous voudrions bien humblement qu'on essaie de nous répondre parce que
cette commission est pour nous pratiquement le seul forum que nous aurons pour
poser ces questions. Je voudrais qu'on s'efforce de nous répondre.
J'espère que nous pourrons y venir dans la partie échange qui
suivra tout à l'heure. Alors, sans plus tarder, après cette
peut-être trop longue introduction, je passe la parole à Henri
Lahaie qui va parler plus spécifiquement des technicités du
projet de loi 25 et de ce que nous en avons pensé.
M. Lahaie (Henri): Mme la Présidente
La Présidente (Mme Hovington): Vous avez la parole.
Allez-y.
M. Lahaie: Merci. Quand, dans les principes de base de la
réforme de l'aide financière, le gouvernement affirme que le
régime doit favoriser l'accessibilité aux études
postsecondaires, les jeunes du Parti québécois sont d'accord avec
lui. Toutefois, le projet de loi 25 qui est présenté à la
population du Québec ne répond pas du tout au problème
d'une plus grande accessibilité aux études supérieures. De
plus, le projet ne semble pas vouloir toucher les aspects essentiels du
régime qui nécessiteraient certaines améliorations. Nous
croyons que le gouvernement aurait dû tenter avec vigueur de
répondre aux problèmes les plus criants du régime,
c'est-à-dire la question de la contribution parentale, la question de
l'endettement et la durée de l'admissibilité au régime. De
ces trois problèmes, on sait très bien que les parents ne
contribuent pas, dans 60 % des cas, aux études de leurs enfants, que
l'endettement prend des allures faramineuses et que la durée
d'admissibilité au régime favorise les plus aisés à
entreprendre et compléter des études au niveau de la
maîtrise et du doctorat au détriment des plus
défavorisés qui, en bénéficiant des sessions d'aide
au baccalauréat, peuvent se voir privés d'aide financière
au deuxième mais surtout au troisième cycle. Ça, c'est
dû au maximum d'aide auquel on a droit pendant nos études.
Le projet de loi 25 introduit trois nouveautés au régime
actuel, soit l'aide financière aux étudiants à temps
partiel, la création d'un comité d'examen des demandes
dérogatoires et la remise de 25 % de la dette à la suite de
l'obtention de diplôme dans les délais prescrits. Outre
l'accroissement de certaines exemptions et indexations, les principes de la
contribution parentale, pour fins de calcul de l'aide, sont maintenus. De plus,
rien ne laisse penser à un rééquilibre du ratio
prêt-bourse qui aurait permis d'alléger le fameux
phénomène de l'endettement d'étudiants. Malgré
l'aspect novateur de certaines mesures énoncées dans le projet de
loi 25, les jeunes du Parti québécois craignent qu'elles n'aient
pas les effets escomptés. L'aide financière aux étudiants
à temps partiel est certes une mesure intéres-
sante, mais cet énoncé demeure à l'état de
principe et laisse planer un doute quant aux modalités d'application
très largement déterminées par réglementation. Il
est à se demander quand ce programme sera instauré. En ce qui a
trait au comité d'examen des demandes dérogatoires, certains
éléments de son fonctionnement, de ses pouvoirs et de sa
composition nous semblent obscurs. N'oublions pas que ce comité est sans
pouvoir réel puisqu'il n'a aucun droit décisionnel. Les
recommandations du comité seront acheminées au ministre pour la
décision finale. Autrement dit, c'est le ministre qui décide du
sort de l'étudiant. De plus, notons que les membres de ce comité
seront nommés par le ministre.
La proposition d'accorder une remise de 25 % de la dette
contractée à l'intérieur du régime des prêts
à l'étudiant qui aura complété son programme
d'études dans les délais prescrits semble alléchante et
ouvre une avenue intéressante. Toutefois, la proposition, telle que
formulée dans le projet, limite d'elle-même sa portée
réelle puisque seules les dettes contractées pendant les
études de deuxième et troisième cycles seront sujettes
à la remise. D'autre part, la proposition ne tient pas compte des
limites du nombre de sessions pendant lesquelles les étudiants peuvent
bénéficier de l'aide dans le cadre du régime actuel. De
plus, le concept de délais prescrits est évasif et laisse
suggérer un caractère indûment restrictif qui ne tiendrait
nullement compte des réalités.
De plus, comment peut-on croire à une plus grande
accessibilité aux études postsecondaires quand, par le projet de
loi 25, on propose de réduire les périodes d'accessibilité
à la bourse? En fait, c'est sept sessions d'aide en bourses que le
gouvernement donne en moins aux étudiants poursuivant des études
du premier, deuxième et troisième cycles universitaires. En plus,
un étudiant qui avait décidé de faire dans son parcours
universitaire un deuxième baccalauréat sera désormais
pénalisé de onze sessions. Le projet de loi maintient toutefois
les périodes actuelles d'accessibilité aux prêts, mais
à quelle sorte de prêts l'étudiant peut-il s'attendre?
Là, le projet est très flou. Nous nous questionnons à
savoir si ce prêt sera soumis à un plafond, ce qui créerait
un manque à gagner pour les étudiants ou s'il couvrirait le
montant normalement obtenu, à la fois en prêts et en bourses; ce
dernier scénario créerait un niveau d'endettement assez
extraordinaire pour les étudiants bénéficiant de cette
modalité.
Enfin, après l'utilisation de son nombre de sessions maximum
d'aide en bourses, l'étudiant aux ressources financières
insuffisantes se verra sûrement contraint à quitter ses
études, ceci remettant en cause la volonté d'accessibilité
invoquée par le projet de loi. En outre, que penser de la volonté
de retirer la prime de 22 $ par semaine au budget du candidat qui a
été sur le marché du travail lorsque ce dernier, pendant
ses études, réside chez ses parents? Par cette mesure, le
gouvernement privera ces étudiants d'une somme de 1144 $ par
année. Nous déplorons cette mesure car elle remet en cause
l'accessibilité aux études à ceux qui voudraient, par un
retour aux études, miser sur une meilleure éducation pour
améliorer leur situation.
En définitive, Mme la Présidente, le projet de loi 25 sur
l'aide financière n'est pas une réforme des prêts et
bourses, mais tout au plus un rapiéçage d'éléments
divers qui ne répondent pas vraiment aux récriminations des
étudiants. Si l'accroissement de certaines exemptions et indexations
semblait être un pas en avant vers l'amélioration du
régime, certaines dispositions portant directement atteinte à
l'accessibilité sont un recul face au régime actuel. Enfin, nous
nous posons la question à savoir en quoi ce projet garantit
l'accessibilité à l'éducation, propose de
véritables solutions à l'endettement, résout le
problème de la contribution parentale ou, encore, accroît l'aide
financière aux étudiants.
Nous exprimons notre déception face à l'ensemble du projet
de loi qui est fortement axé sur la réglementation. Cet
état de fait nous empêche de connaître les limites du projet
de loi. Ce dernier, sans modification réelle, équivaut à
une coquille vide que le gouvernement se chargera sans doute de remplir
à sa façon. Enfin, il ne faut pas se leurrer. La clé de la
position gouvernementale en matière d'enseignement supérieur
n'est pas le projet de loi 25, mais bel et bien l'annonce de la hausse des
frais de scolarité.
Je passe maintenant la parole à M. Turmel qui parlera plus
longuement de ce sujet. (16 h 45)
La Présidente (Mme Hovington): M. Turmel, il vous reste
quatre minutes.
M. Turmel (André): Bon, j'essaierai d'être bref.
Merci, Mme la Présidente. Comme mon collègue l'a si bien dit,
notre mémoire étant présenté dans une approche
globale, nous devons donc traiter succinctement de la hausse des frais de
scolarité.
M. le ministre, d'entrée de jeu, nous vous répétons
que nous ne songeons absolument pas à remettre en cause la participation
de l'étudiant au financement de ses études. Ce contre quoi nous
en avons, c'est la façon d'imposer une telle hausse qui nous semble
inacceptable. Nous croyons qu'il serait utile, trente ans après le
rapport Parent, de resituer l'éducation postsecondaire pour les
années quatre-vingt-dix.
Alors, pour nous, une hausse des frais, comme vous le proposez, aura
deux effets immédiats. Premièrement, une hausse des frais de
scolarité s'accompagnera automatiquement d'une demande de prêts et
bourses et, donc, augmentera les déboursés gouvernementaux. Pour
nous, si le gouvernement utilise chaque dollar reçu par
l'université en frais de scolarité pour le verser en
prêts et bourses, la part nette des ressources à
l'université ne serait pas optimale. Donc, une hausse des frais de
scolarité n'irait pas complètement à l'université.
Deuxièmement, une telle hausse si subite apportera une nette diminution
de l'accessibilité au réseau supérieur
d'éducation.
M. le ministre, vous avez parlé de 8000 à 10 000
étudiants en moins dès l'an prochain et ceci n'est pas une
catastrophe pour vous. Pour nous, c'en est une. Surtout lorsqu'un
économiste de l'Université de Toronto, M. David Stager, indiquait
que cette baisse pourrait se chiffrer jusqu'à 30 000 étudiants en
incluant les étudiants à temps plein ainsi que ceux à
temps partiel. Ceci constitue une diminution de 13 % de la population
universitaire totale. Les partisans d'une hausse des frais nous disent que
cette augmentation viendra résoudre le problème de la mise en
péril de l'accessibilité. Pour nous, ceci est de la simple
fumisterie puisque même si l'étudiant a un revenu plus
élevé, il se peut quand même qu'il prenne la
décision de s'instruire moins et de réallouer son revenu
ailleurs. Pendant ce temps, 3 % des Québécois francophones
accèdent à la maîtrise alors que c'est plus du double chez
leurs collègues anglophones. Lorsqu'on parle d'accessibilité,
c'est bien de fréquentation des collèges et des
universités qu'il s'agit. Ce qu'on constate, c'est que depuis 1975 le
Québec possède une moyenne inférieure au Canada et en
Ontario pour ce qui est des adultes détenant un grade universitaire.
Bien sûr, ce sont des chiffres mais ces chiffres peuvent compter quand
même. Ces motifs sont assez sérieux, croyons-nous, pour se
questionner sur la justesse et l'opportunité de procéder de la
sorte.
Bien sûr, les universités, nous le constatons, ont besoin
d'oxygène. L'étudiant, l'entreprise et l'État doivent,
selon nous, contribuer au financement de l'éducation postsecondaire. Il
faut se serrer la ceinture dans d'autres programmes gouvernementaux
également. Le gouvernement, lui aussi, selon nous, doit être
réaliste. On n'a qu'à donner l'exemple de l'hypothétique
bilinguisation des panneaux de signalisation qui utiliserait des fonds qui
pourraient être mieux utilisés ailleurs. Pour nous, la comparaison
des frais de scolarité payés à travers le Canada est une
indication et non une fin en soi. Vous qui nous remettez toujours sur le nez
cette comparaison, acceptez le fait qu'au Québec, l'entreprise contribue
pour 3 % du financement des universités alors qu'en Ontario, c'est 10 %.
Bien sûr, vous allez nous avancer l'argument de la
compétitivité de nos entreprises qui seraient surtaxées
à cause d'une contribution supérieure à l'éducation
postsecondaire, mais, pour nous, elle n'est pas mortelle. En effet, on peut
faire le pari que des diplômés de qualité peuvent rehausser
cette compétitivité si on injecte de l'argent neuf dans le
réseau via la contribution nécessaire de l'entreprise.
Enfin, un impôt postuniversitaire représen- tant un
pourcentage fixe du salaire pour une période à déterminer,
après l'entrée de l'étudiant sur le marché du
travail, semble une des alternatives intéressantes à explorer,
pas dans cinq ou dix ans, mais maintenant ou le plus tôt possible.
L'exemple australien semble intéressant là-dessus. Bien
sûr, il s'agit d'une société lointaine et différente
de la nôtre, mais avouons qu'elle a aussi des diplômés
à produire pour s'assurer une place sur l'échiquier
économique international, comme nous. On ne dit pas qu'on doit copier
cet exemple, car le contexte peut différer quelque peu. Mais, au moins,
cet exemple a le mérite d'élargir votre perspective et la
nôtre.
Rapidement, traçons le portrait de ce pays Ce pays a fait face,
comme nous, à un sous-financement des universités. Les frais de
scolarité sont payés de la façon suivante, et les
étudiants ont le choix. Premièrement, ils ont le choix de payer
les frais de scolarité immédiatement, en
bénéficiant d'une ristourne de 15 %. Deuxièmement, ils ont
le choix de payer plus tard une surtaxe graduelle sur l'impôt sur le
revenu pendant une période maximum de dix ans et ce, jusqu'à ce
que les frais soient remboursés. Cette taxe n'est
prélevée, bien sûr, que si l'individu gagne plus que le
revenu moyen australien. De plus, le gouvernement a amélioré son
aide aux étudiants et 50 % des étudiants ont droit à des
bourses, contre 18 % au Québec.
Les premiers résultats nous démontrent quand même de
bons résultats. Premièrement, le gouvernement a annoncé,
selon des coupures de presse australiennes, des revenus supplémentaires
provenant de cette taxe qui lui ont permis de stopper le déclin du
financement étudiant. Enfin, le nombre d'étudiants a
augmenté de 49 000 au cours des trois dernières années,
soit une hausse de 15 %. En terminant, l'objectif du gouvernement australien
était d'augmenter substantiellement le nombre de diplômés
d'ici à l'an 2001. Avons-nous un tel objectif? On peut constater que ce
gouvernement est sur la voie de réussir.
En terminant, c'est dans cette optique que ma consoeur, à ma
gauche, vous fera connaître nos recommandations. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. La parole
est au député de Vimont. M. le député.
M. Fradet: Merci, Mme la Présidente. Ça me fait
plaisir d'entendre votre position, aujourd'hui, sur le projet de loi 25, la
réforme de l'aide financière aux étudiants.
Malheureusement, on n'a pas eu assez de temps, j'aurais aimé entendre
votre position sur les recommandations supplémentaires que vous faites
à la commission. C'est de ça que je voulais vous parler surtout,
parce que vous en avez quelques-unes, je pense, qui sont importantes et qui
pourraient contribuer à l'amélioration de notre régime
présentement.
Vous en avez une, à la page 53 de votre
mémoire, qui dit: "Que le gouvernement incite les administrateurs
universitaires à mettre en place le plus rapidement possible des
mécanismes d'évaluation des programmes, de l'enseignement, des
services et du rayonnement socio-communautaire". Je pense que vous n'êtes
pas non plus le seul groupe à penser ça. On a, entre autres, la
Commission-Jeunesse du Parti libéral, avec laquelle j'ai parlé en
fin de semaine. Je voudrais là-dessus vous remémorer une partie
de la déclaration du ministre, en conférence de presse, au mois
de décembre dernier, lorsqu'il annonçait qu'il y aurait des
travaux complémentaires à faire pour que la hausse des frais de
scolarité trouve tout son sens. Il y avait dans ce texte: "Le
gouvernement entend poursuivre, par ailleurs, les démarches de
rationalisation qu'il a entreprises de concert avec les universités de
manière à amener, dans toute la mesure du possible, les
coûts de l'enseignement et de la recherche universitaire à un
niveau compatible avec les ressources dont dispose la communauté
québécoise".
Il y avait aussi une partie qui disait: "Les universités seront
également invitées à resserrer les procédures
d'évaluation à tous les niveaux". Je pense que ça fait
partie de vos demandes. "Elles devront, là où ce n'est
déjà fait, se doter de procédures permettant
l'évaluation périodique de la qualité de leur enseignement
et de leurs travaux de recherche par des pairs impartiaux et impliquant de
façon appropriée la participation des étudiants. Enfin,
des efforts seront entrepris afin d'assurer une meilleure harmonisation entre
les programmes d'études des niveaux collégial et
universitaire."
Je pense que pour moi aussi, en tant que député, cet
article est important et je vais faire des représentations auprès
du ministre pour que ça se réalise. Mais, de toute façon,
je pense que le gouvernement et le ministre lui-même ont une
volonté politique de le faire.
Je vais juste continuer et, après, vous pourrez peut-être
répondre. Il y avait aussi quelques recommandations avec lesquelles
j'étais sensiblement d'accord. Je pense qu'on pourrait améliorer.
Vous demandiez, à la page 50, que la table de contribution parentale
soit indexée chaque année. Je pense que le ministre en a
parlé un petit peu tout à l'heure. Je pense que ce serait
important. Vous avez demandé aussi que la DGAFE informe personnellement
les parents du montant calculé de la contribution qu'ils doivent verser
à leur enfant. Ça aussi, je pense que ça pourrait
être intéressant au sein du programme. Vous dites aussi que le
comité d'appel, que nous appelons le comité d'examen, soit
composé d'un étudiant parmi les trois représentants. Je
pense aussi que c'est très important qu'on ait un représentant de
la communauté étudiante à ce comité. Je pense que
ce sont les mieux placés; entre autres, ils connaissent très
bien, pour la vivre, la situation. Il y en a encore quelques-un que je pourrais
énumérer.
J'avais une question aussi. Je vous ai entendu parler - je pense que
c'est monsieur qui en parlait - de la fréquentation ou, je pense, c'est
vous, M. Facal, qui avez parlé de ça. Vous disiez qu'il y avait
25 % d'anglophones qui fréquentaient les universités par rapport
à 15 % de francophones. C'est la première fois que j'entends
cette remarque. Ce que je me demande là-dessus: Est-ce que vous pensez
que c'est notre régime qui favorise plus les anglophones que les
francophones ou si vous pensez que c'est une statistique qui est comme
ça? Je voulais juste avoir un peu d'information, ce que vous pensiez. Je
ne pense pas qu'on puisse tourner ça - comment je pourrais dire? - en
francophone anglophone, la fréquentation universitaire au Québec.
Je me demande comment vous voyez ça et ce qui pourrait causer cette...
Ça peut être des chiffres...
M. Gendron: Je m'excuse, mais ça n'a pas de bon sens.
M. Fradet: Je vais demander à M. Facal quand même.
Moi, je ne le sais pas.
La Présidente (Mme Hovington): M. Facal, vous avez la
parole.
M. Facal: Je pense qu'assurément le régime d'aide
financière n'est pas le seul facteur explicatif. Je crois que cet
écart s'explique également pour des raisons historiques,
culturelles. Jusqu'à tout récemment, les Québécois
francophones ne valorisaient pas suffisamment l'enseignement supérieur
et il n'y avait peut-être pas autant de pression familiale sur l'enfant
pour pousser ses études au plus haut niveau qu'il n'y en avait chez les
anglophones. Je constate cela.
Cela dit, une fois que l'on constate le retard du Québec
francophone, qui dit retard dit effort de rattrapage. Tout notre régime
était précisément conçu pour cela. Je pense qu'un
certain rattrapage a été accompli. Le malheur, c'est que dans le
Québec des années quatre-vingt-dix je vois trop de pétage
de bretelles. Le retard a été rattrapé et là on
s'assoit. Non, il n'a pas été totalement rattrapé. On
observe, oui, un resserrement des écarts, mais pas suffisamment. Ce qui
veut dire, et je termine là-dessus, oui à l'aide
financière, bien entendu, mais une véritable réforme de
laide financière doit, selon nous, être perçue comme un
élément central, mais non unique d'une politique
d'accessibilité. Ce qui compte, ce ne sont pas quelques
améliorations techniques qui, oui, vont dans le bon sens. Tout n'est pas
mauvais dans ce projet. L'important, c'est de voir en quoi cela attaque les
grands problèmes qui ont émergé depuis que le
régime est là: endettement, accessibilité,
sous-diplomation. C'est là-dessus que nous aurions voulu voir un petit
peu plus de viande dans le
projet de loi.
Si je peux me permettre également, Mme la Présidente,
étant donné que nous n'avons pas eu le temps de présenter
nos recommandations, j'insiste, pour le bénéfice de tous ceux qui
ont une copie du mémoire, mais n'ont pas pu le parcourir en long et en
large, sur le fait que tous nos commentaires sont mis en annexe. Si vous voulez
avoir directement notre opinion sur les mesures, allez à l'annexe, vous
y trouverez les explications techniques requises. Mais, comme je le disais en
introduction, pour nous, ce n'est pas ça l'essentiel. Pour nous, la
commission est une occasion de poser des questions qui nous tiennent à
coeur. Je me demandais si j'avais la possibilité, par exemple, d'en
poser une première au ministre. Je voudrais brièvement vous
expliquer ma démarche.
La Présidente (Mme Hovington): Je pense que la parole
était au député de Vimont, M. Facal. Vous avez
répondu à ses questions, alors je donne la parole au
député de Vimont.
M. Facal: Ah! fort bien!
M. Fradet: Peut-être que vous voulez poser des questions.
Je suis d'accord avec vous, mais je pense que le principe de la commission
parlementaire, c'est que les élus, les députés posent les
questions aux groupes qui viennent les rencontrer, à moins que je ne me
trompe. (17 heures)
Des voix: C'est ça, c'est ça.
La Présidente (Mme Hovington): La tradition veut que ce
soient les élus qui posent les questions pour éclaircir certains
points des mémoires qui leur sont présentés. Alors, c'est
pour cette raison que j'ai donné la parole au député de
Vimont qui avait encore des questions à vous poser.
M. Fradet: Non, ça va.
M. Facal: Mais s'il y a des obscurités dans le projet de
loi, puis-je m'en enquérir afin de les éclaircir?
La Présidente (Mme Hovington): Bien, pour l'instant la
parole est au député de Vimont.
M. Facal: Fort bien.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, je vous en prie.
M. Fradet: Je suis d'accord. Je voulais juste revenir sur la
question que j'ai posée avec M. le député d'Abitibi-Ouest,
que ce sont des chiffres et gue ce sont los chiffres, mais je voulais savoir,
lorsque M. Facal avait prononcé ces chiffres, s'il pensait qu'au sein de
l'aide finan- cière, dans le programme d'aide financière, il y
avait des mesures qui pénalisaient les francophones. C'est ce que je
voulais savoir. Oui, c'est correct, mais je voulais préciser avec vous.
Je sais que vous écoutez.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, c'est tout, M. le
député de Vimont? Vous avez terminé, M. le
député de Vimont?
M. Fradet: Oui.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, vous avez encore dix
minutes, M. le ministre.
M. Ryan: Hum! c'est beaucoup! Je voudrais juste souligner,
à propos de l'accès à l'enseignement universitaire selon
la langue, qu'encore ici les jugements dépendent un petit peu des
données dont l'on dispose, et si l'on prend les études de
baccalauréat formelles, c'est vrai que le taux d'accès est encore
sensiblement plus élevé du côté anglophone que du
côté francophone. Mais si l'on considère que la proportion
des étudiants de langue française inscrits à des
programmes de certificats est beaucoup plus élevée, on peut
arriver à établir que les chances d'accès à la
formation universitaire, si on prend l'ensemble des personnes qui vont à
l'université, sont à peu près les mêmes du
côté français et du côté anglais. J'ai une
étude ici, je vous donne le titre - parce qu'on n'a pas de monopole dans
ces choses-là, ce sont les chiffres qui nous commandent,
évidemment - intitulée "Accès à
l'université, description de la situation à partir dos
données de 1984-1985, ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science". Alors, c'est à la page 11. Vous
savez que les programmes de certificat, les universités
s'aperçoivent de plus en plus que lancer ça en l'air, sans que ce
soit relié à rien, c'est très dangereux, ça
comporte un danger de dispersion énorme, alors, on tend de plus en plus
à les incrire à l'intérieur de cheminements pouvant
conduire, par l'accumulation de certificats, à un baccalauréat,
par exemple. Alors, là il y a des voies différentes. Il ne faut
pas qu'on prenne les données de manière trop isolée, faire
comme par exprès pour provoquer des antagonismes et tout. Quand on tient
compte des cheminements différents, des antécédents
différents aussi, je pense qu'on est amenés à constater
qu'il y a eu quand même des progrès énormes d'accomplis. Il
ne faut pas être complètement inconscients, il faut garder l'oeil
ouvert, il faut veiller à ce que les progrès continuent de
s'accomplir, mais il y a ces éléments-là qui sont
encourageants.
Je vous signale une chose aussi, bien simplement, en toute
considération. Nous aurions voulu faire plus. Nous ne pouvons pas fairo
davantage au titro do l'aide linandore aux étudiants pour des raisons
financières dont nous n'avons jamais fait mystère, que nous
n'avons
point cachées, qui sont une donnée essentielle de l'action
gouvernementale et que vous-mêmes, dans votre mémoire, rappelez
à un moment donné. Je pense que vous avez un tableau à une
page qui rappelle l'évolution des contributions gouvernementales au
financement des universités, même sous le régime du parti
qui est celui de votre coeur, au moins de votre inscription. Et vous voyez que
les chiffres parlent par eux-mêmes. Si vous continuiez - je pense que
vous avez terminé votre enumeration en 1986 - si vous aviez
continué jusqu'à 1990, vous auriez ajouté une page
très intéressante.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Ceci étant dit, nous prenons bonne note, comme
l'a dit le député de Vimont, des nombreuses suggestions que
contient votre mémoire. Je pense qu'il a été
présenté dans un excellent esprit, et je veux vous assurer que le
but de tout ceci que nous essayons d'accomplir, en ce qui touche le financement
des universités, c'est de faire en sorte que la qualité de
l'enseignement et de la recherche universitaire soit meilleure. C'est le but
que nous poursuivons. M. le député de Vimont a rappelé les
mesures dont j'ai moi-même parlé aux recteurs des
universités quand je leur ai fait part des décisions
gouvernementales, et nous avons beaucoup de travail à accomplir
là-dessus, que nous accomplirons d'ailleurs. Je suis très heureux
de constater que la jeunesse des deux partis politiques principaux porte une
attention spéciale à l'enseignement postsecondaire. Je peux
l'assurer qu'on écoute ses représentations avec
intérêt. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. Gendron:
Madame-La Présidente (Mme Hovington): Là, il vous
resterait...
M. Gendron: Oui, c'est ça.
La Présidente (Mme Hovington): ...quelques minutes. Si
vous voulez poser une question ou deux au ministre pour éclaircir
peut-être...
M. Gendron: II ne reste pas quelques minutes...
La Présidente (Mme Hovington): ...quelques points.
M. Facai: Oui, tout à fait.
M. Gendron: ...il en reste dix. Il reste dix minutes.
La Présidente (Mme Hovington): Assez rapidement, par
contre.
M. Facal: Fort bien. Vous avez remarqué que notre
mémoire traite aussi, en long et en large, des frais de
scolarité, et c'est une question dont j'ai dit qu'elle était
intimement liée à la question de l'aide financière. Je
vois le ministre hocher la tête de déception. Eh oui! encore un
groupe qui vient parier du gel! Mais que voulez-vous, M. le ministre? La
question est incontournable.
Alors, voici. Vous admettez, enfin, on s'entend tous les deux, tous ici,
sur le sous-financement des universités. Fort bien. Il ne peut pas
être comblé uniquement par une hausse des frais de
scolarité. Le reste, vous allez le chercher où? J'ai cru
comprendre que vous aviez répondu aux recteurs: Déjà, 50
000 000 $ ont été versés. J'ai cru également
comprendre que les recteurs avaient dit, avaient répondu: Bizarrement,
nous n'avons reçu que 21 000 000 $. Enfin, bref, tout ce qui reste pour
aller chercher les quelque 150 000 000 $, où allez-vous le prendre? Chez
les entreprises? Il m'a semblé que vous avez exclu cette
éventualité. En haussant les impôts? Vous l'avez
également exclu. Alors, où?
M. Ryan: Non.
La Présidente (Mme Hovington): M. le ministre.
M. Ryan: Vous répondez à ma place, je vous en sais
gré, vous m'évitez des réponses pénibles, mais je
n'ai pas exclu les choses que vous évoquez là. D'abord, je
n'avais pas le mandat pour en parler, surtout la hausse des impôts, je
pense que c'est le ministre des Finances qui fait les recommandations au
gouvernement. On attendra ses recommandations à ce sujet. Mais, au point
de vue du financement des universités, nous établissions un
écart d'à peu près 160 000 000 $ par rapport à
l'Ontario. Le gouvernement injecte 55 000 000 $ dans la base de financement des
universités, les recteurs en conviennent. Ce qu'ils disent, c'est qu'on
avait déjà une partie qui avait été reçue
sous forme de subvention de transition l'année précédente
et la deuxième année précédente. Mais là,
c'est parce que nous l'avons inscrit dans la base de manière
récurrente; c'est pour ça qu'on est en droit d'ajouter 21 000 000
$, plus 34 000 000 $, ça fait 55 000 000 $. Je pense que personne ne
conteste ça, à part le député d'Abitibi-Ouest.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Alors, là, avec l'augmentation des droits de
scolarité, il y a un autre montant de 41 000 000 $ ou 42 000 000 $ qui
va venir s'ajouter. Les universités en conviennent tellement bien
qu'elles nous ont dit: Bien, il faudrait que vous nous donniez un autre 50 000
000 $ et on ne serait pas tellement loin du compte, à ce
moment-là. On s'est rapproché beaucoup et on va continuer
de se rapprocher et, là, la contribution étudiante va fournir un
peu moins, à peu près le quart de ce qui était attendu,
mais tout le reste, il faut aller le chercher ailleurs, et peut-être
aussi sous forme de taxation des compagnies, ce n'est pas exclu, ça.
C'est le ministre des Finances, encore une fois, qui fera les recommandations.
Moi, ce à quoi je m'objectais, c'est un impôt: Mais ça, on
le taxe pour telle raison, on le taxe pour telle autre raison. Ce n'est pas
comme ça que ça marche. En général, le ministre des
Finances va avoir le courage de dire: J'ai besoin de 400 000 000 $ pour
l'enseignement, pour la santé, pour les routes; je vais aller en
chercher tant ici et tant là. Il ne marquera pas chaque impôt d'un
ticket rouge: Ça, c'est pour les universités... C'est ça
qui est ridicule, parce que ça s'en va tout dans le Trésor commun
et c'est distribué par le Conseil du trésor après. C'est
dans ce sens-là que j'ai des objections à certaines propositions
qui ont été faites ici, mais pas à l'idée de taxer
un peu plus les compagnies. Ça, c'est une autre chose sur laquelle
j'attends les recommandations du ministre des Finances, comme les autres
membres du gouvernement et de l'Assemblée nationale.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre, de
ces éclairages. Malheureusement, il faut donner le temps, à moins
que vous ne preniez du temps sur l'Opposition.
M. Gendron: Non, non. Question de règlement, rapidement,
Mme la Présidente. Là, vous ne l'avez pas, si vous me permettez.
Il ne prend pas de temps sur l'Opposition. La lecture, la présentation
du mémoire s'est terminée à 16 h 53 et...
La Présidente (Mme Hovington): Combien resterait-il de
temps, M. le Secrétaire?
M. Gendron: ...et l'Opposition a vingt minutes. Alors, ils ont le
droit de...
La Présidente (Mme Hovington): II reste encore deux
minutes.
M. Gendron: Oui, oui, il reste du temps...
La Présidente (Mme Hovington): Ha! Il reste deux
minutes.
M. Gendron: ...si vous voulez questionner le ministre en dehors
du temps de l'Opposition.
M. Facal: Oui. Nous ne pouvions pas venir ici sans,
évidemment, vous poser une question qui vous fera assurément
hocher la tête, elle aussi. L'impôt postuniversitaire, clairement,
M. le ministre, c'est bon, c'est mauvais, ça ne vous plaît pas,
oui, quand?
M. Ryan: Dans l'immédiat, ce n'est pas très
bon.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Dans l'immédiat, aujourd'hui, hic et nunc, comme
on le disait selon la formule d'autrefois, ici et maintenant, j'ai besoin
d'autre chose que ça, mais, à long terme, je pense que c'est une
formule qui mérite d'être examinée soigneusement et nous
l'étudierons attentivement lorsque nous aurons mis un peu d'ordre dans
la situation immédiate. Maintenant, il faudra prévoir, quand nous
examinerons ce sujet, que si vous imposez cette forme de remboursement
d'études il va falloir que quelqu'un paie l'intérêt sur le
capital que ça prendra. Est-ce que ça va être le
gouvernement? Est-ce que ça va être le diplômé de
l'université sous la forme d'une taxation accrue? Ça, on n'a pas
eu de réponse claire à cette question-là. On l'examinera
avec le reste. Mais il y a une chose sûre, c'est que, pour les dix
prochaines années, avant qu'un impôt comme celui-là
commence à produire, il faut qu'on trouve de l'argent et ça prend
autre chose que des emprunts, parce que déjà le Québec est
surendetté.
M. Facal: Corrigez-moi si je me trompe mais j'ai senti, au fil
des semaines, un certain infléchissement dans votre position. Il y a
quelque temps, vous disiez que, selon vous, il n'y avait aucun rapport entre le
dégel et l'accessibilité ou, à tout le moins, que ce
rapport-là ne pouvait pas être établi par qui que ce soit,
que nous manquions de données. Tout récemment, vous mettiez de
l'avant des chiffres qui, moi, m'ont surpris parce que je ne m'attendais pas
à un tel aveu de votre part, des chiffres à l'effet que, et
là, j'ai entendu 8000 ou 10 000, ou je ne sais pas trop, enfin, vous
corrigerez, étudiants ne s'inscriraient pas à l'université
à la suite de cette hausse. J'aimerais vous demander si vous trouvez
cela dramatique ou pas, ou si vous êtes prêt à vivre avec?
Si c'est le cas, serait-ce parce que vous considérez notre rattrapage
comme terminé? Enfin, bon, ce nombre d'étudiants qui ne
s'inscriraient pas à la suite du dégel, vous l'estimez à
combien et vous l'évaluez comment?
M. Ryan: D'abord, je suis content parce que vous me permettez de
répéter peut-être pour la troisième ou
quatrième fois des précisions que j'ai déjà
données à la commission parlementaire, depuis le début de
cette série d'auditions publi ques. Quand j'ai discuté de cette
chose-là, j'ai toujours considéré qu'il y avait une
certaine possibilité d'impact d'une hausse des frais de scolarité
sur la fréquentation universitaire. J'ai toujours
considéré, à la lumière des données
disponibles et des études que j'avais consultées ailleurs, que
cet impact serait limité et tem-
poraire, s'il devait avoir lieu. Je ne sais pas ce qui se produira au
Québec précisément, parce qu'on n'a pas fait
l'expérience depuis 24 ans. On ne peut pas avoir des données
vraiment fraîches sur lesquelles se fonder.
Alors, moi, j'ai dit: Faisons l'hypothèse - je discutais, une
fois, avec Mlle Côté de l'ANEEQ - faisons l'hypothèse, pour
les fins de la discussion, que ça pourrait aller de zéro à
5 %. Je n'ai jamais dit que ça va être 5 %, jamais. Et si j'avais
donné l'impression de l'avoir dit, je tiendrais à la dissiper
totalement parce que je n'ai jamais dit ça. Je ne l'ai pas pensé.
Et depuis ce temps-là, les statistiques qui ont été
portées à ma connaissance sur l'évolution de la
fréquentation universitaire dans les autres provinces canadiennes,
à la suite de hausses des frais de scolarité, toutes les
données dont nous disposons indiquent qu'en même temps qu'il y a
eu ajustement des frais de scolarité en fonction du coût de la vie
il y a eu augmentation substantielle des inscriptions dans les
universités. Je crois que ces données factuelles,
procédant de l'expérience canadienne des dix dernières
années, sont bien plus éloquentes que toutes les études
particulières qui ont pu être faites n'importe où, parce
que ce sont des "hard facts".
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre.
Alors, la parole est au député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Avant de commenter le rapport des jeunes du Parti
québécois, je voudrais faire deux commentaires sur ce que le
ministre vient de dire. Claude Ryan, ministre de l'Éducation: Une baisse
temporaire d'étudiants dans l'université ne serait pas une
tragédie. Là, il n'y avait pas de nombre, mais ça semble
bien être une citation du ministre de l'Éducation qui a
été reprise à moult reprises. Il avait ajouté: Si
c'étaient 5 % - je suis prêt à reconnaître que c'est
vrai, selon ce que j'ai ici - si c'étaient 5 %, cette baisse ne serait
que temporaire - et là, c'est le ministre qui continue - 5 % sur une
clientèle universitaire de 240 000 étudiants, cela fait 12 000
étudiants. 5 % dans l'ensemble, c'est peut-être plusieurs milliers
d'étudiants - c'est le ministre qui parle - mais si c'est pour un an, ou
deux ou trois et qu'un bon nombre de ceux-ci reviennent aux études
après être allés un an ou deux travailler pour
épargner un petit peu, je pense qu'il n'y a rien là. Il n'y a pas
de tragédie. Et là, c'était bel et bien le ministre. De
toute façon, pour quelqu'un qui est mal cité, il est
drôlement repris partout. Encore hier, dans La Presse, un jeune
étudiant - l'auteur est étudiant à la maîtrise en
philosophie à l'Université de Montréal, il s'appelle
René Gobeil; C'est bien ça - disait ceci: "Une baisse temporaire
des inscriptions dans les universités provoquée par la hausse des
frais de scolarité n'aurait rien d'une tragédie, déclarait
à La Presse M. Ryan, ce sont là des propos qui
étonnent - c'est l'étudiant qui parle - dans la bouche d'un homme
de lettres et d'esprit et qui appellent une prompte réplique." C'est ce
qu'il a fait et bien fait sur six colonnes, dans La Presse d'hier.
Alors, je vous invite à prendre connaissance de ces informations. (17 h
15)
Sur votre mémoire... Je voudrais tout simplement, avant, vous
remercier sincèrement parce que moi, en tout cas - et je veux dire la
même chose aux jeunes libéraux - quelles que soient les options
politiques, je pense qu'il était requis, nécessaire et
fondamental pour des jeunes qui ont le courage, la détermination de
militer au sein d'une formation politique - parce que c'est un peu ça,
la démocratie - de venir s'exprimer sur une question aussi fondamentale.
On doit vous féliciter.
Je pense que c'est votre responsabilité, comme jeunes
décideurs et jeunes décideuses de demain, de profiter d'une
tribune comme celle-là parce que, contrairement, encore là,
à certaines prétentions du ministre, les tribunes pour discuter
de cette décision ne se sont pas multipliées au cours des
derniers mois. Au contraire, c'est la première qui a un peu un
caractère public. Et, contrairement encore là, à ses
prétentions, il est tout à fait légitime, sensé, en
ce qui me concerne, requis, et ça prouve leur bonne intelligence, de
traiter d'une façon tripartite les trois notions suivantes. C'est
indissociable.
On ne peut pas venir à une commission parlementaire comme
celle-là et dire: On ne va vous parler que d'aide financière.
Pourquoi y a-t-il de l'aide financière? Pourquoi y a-t-il des mesures
d'aide financière? Tout le monde le sait; c'est pour faciliter
l'accessibilité, c'est pour permettre à des gens qu'ils ne soient
pas conditionnés par la non-accessibilité de leur prop'o
portefeuille. Pourquoi pensez-vous qu'on a parié pendant des mois, au
Québec, du sous-financement chronique des universités? Pourquoi
pensez-vous qu'on a parlé de ça? C'est parce que, quand il y a un
sous-financement chronique, tout le monde convient que les services offerts aux
jeunes étudiants universitaires ne sont pas parfaitement
adéquats.
Troisièmement, la décision de dégeler les frais de
scolarité est intimement reliée à trois notions. Donc, les
jeunes du Parti québécois, le comité des jeunes place
correctement la perspective. Moi, je vous dis que ça prouve, encore une
fois, que vous êtes capables de lire correctement et adéquatement
une problématique. Et dans la problématique dont on a à
discuter les frais de scolarité, le régime d'aide
financière et le financement des universités, c'est
indissociable. Ça va ensemble et vous avez bien fait d'en parier
ensemble. Tout autre groupe ou organisme qui fait le choix d'en parier
différemment, et c'est son droit le plus strict, rate une occasion
en or de montrer qu'il a bien compris et bien saisi l'ensemble de la
trilogie qui existe entre ces trois données ou ces trois
considérations.
J'ai juste des commentaires rapides avant de vous questionner. En regard
de l'aide financière, écoutez, puisque vous êtes, en ce qui
me concerne, dans le vrai monde, comme groupe, c'est évident que vos
recommandations traitent des vraies choses. Les sujets que vous avez
soulevés traitent des vraies choses. Donc, ça concorde avec
plusieurs autres organismes, associations, pour qui les lacunes principales au
chapitre de l'aide financière sont exactement au même endroit
qu'elles étaient avant l'annonce de la consultation que le ministre
tient.
Ce n'est pas parce qu'on tient une consultation qu'on va déplacer
les lieux de problèmes bien précis que vous avez bien
identifiés. Elles sont où les lacunes? Tout le monde le dit:
Contribution parentale. Est-ce qu'il y a quelque chose de majeur pour modifier
le problème de la contribution parentale? Réponse: Non, et vous
l'avez dit. Le ministre, lui, dit: Moi, je vous écoute, mais je
procède. Je l'ai dit, je l'ai répété, quand je suis
allé chercher le verbatim de son émission avec Pascau, c'est on
ne peut plus clair: Dès que j'aurai l'occasion d'informer
honnêtement et de diffuser notre salade, les étudiants vont en
comprendre la nécessité fort désagréable, mais ils
vont être convaincus que nous avons raison. Moi, mon point n'est pas
là. Sur la contribution parentale, il n'y a pas grand-chose de neuf.
L'endettement et les conditions d'admissibilité au régime ont-ils
changé? Est-ce que la réforme nous annonce, essentiellement,
qu'on va modifier les conditions d'admissibilité au régime d'aide
financière? La réponse, vous le savez, c'est non.
Donc, sur l'aide financière, il y a lieu de féliciter, de
saluer quelques réformes qui vont dans le sens des revendications
traditionnelles du monde étudiant. On dit: Bravo! Mais on ne peut pas
dire qu'il s'agit là d'une réforme majeure, qui chamboule
l'ensemble des principes qui permettraient de faire contrepoids vraiment
à l'annonce de leur décision, qui n'est pas la mienne,
c'est-à-dire de dégeler les frais de scolarité, même
si moi je prétends que c'est prématuré, inopportun et
très grave pour l'ave nir, compte tenu des conséquences que
ça aura au chapitre des deux éléments qu'eux-mêmes
partagent, c'est-à-dire qu'on n'a pas atteint des niveaux de performance
quant aux diplômes émis qui nous permettraient d'avoir ce laxisme
et, deuxièmement, qu'on a encore énormément à
faire, quant à une accessibilité plus large, pour éviter
que des gens de régions, des gens de partout au Québec soient
obligés de sacrifier une formation universitaire pour des raisons de
piastres, de sous et non pas de capacité intellectuelle. Et ça,
c'est malheureux quand on est rendus en 1990.
L'autre dossier, c'est-à-dire l'autre élément,
c'est les frais de scolarité. Là, le comité des jeunes
réclame un moratoire et, quand on réclame un moratoire, il est
justifié de dire: Pourquoi veut-on un moratoire? C'est parce, que,
entre-temps, il y a quelque chose de majeur à faire. À ce
niveau-là, j'aurais une question et je suis aussi bien de la poser tout
de suite. Ce n'est pas que je sois en désaccord, mais il m'apparalt
quand même que c'est pas mal gros, à ce moment-ci, d'envisager une
commission d'enquête sur l'ensemble du dossier des frais de
scolarité puisque, essentiellement, ce serait pour que cette
commission-là apprécie des solutions alternatives et que nous les
avons, il y a plusieurs intervenants qui les ont suggérées. Le
ministre disait tantôt: L'impôt postuniversitaire, jo ne "trippe"
pas trop là-dessus. En attendant - c'est le ministre qui disait
ça - ça se fait en Australie et ils ne doivent pas être si
caves que ça. Ils le font actuellement en Australie. C'a pris six mois
à régler les ajustements, l'évaluation et comment
ça se rendrait opérationnel.
Donc, ma première question là-dessus, M. Facal ou les gens
qui l'accompagnent, c'est: Comment en êtes-vous arrivés à
conclure qu'il y aurait lieu d'embrasser ça plus large puisque les
solutions, vous semblez les avoir, et je partage votre point de vue;
impôt postuniversitaire ou taxe au niveau de l'entreprise parce qu'il n'y
a pas la part comparativement à l'Ontario ou ailleurs? Alors, j'aimerais
avoir un peu d'éclairage de votre part là-dessus.
La Présidente (Mme Hovington): Oui, vous avez la parole,
M. Tunnel.
M. Turmel: M. Gendron, la commission d'enquête que l'on
propose ne porterait pas uniquement sur la hausse des frais de
scolarité, mais porterait sur l'ensemble de la problématique de
l'éducation postsecondaire, c'est-à-dire le financement des
universités, à savoir qui doit payer, combien, pour nous, et
comment. Il y a les entreprises, H y a l'État et il y a
l'étudiant, selon une mécanique qui déviait être
ajustée. Il y a toute la question de la gestion des universités.
Il n'est pas normal - et maintenant, on voit ça de moins en moins -
qu'une université gère une cafétéria, gère
des menus plutôt que des programmes académiques. Donc, cette
commission d'enquéte-là, on voudrait qu'elle porte un tableau
global, 30 ans après le rapport Parent. D'ailleurs, on a fait une
commission d'enquête sur la santé et le rapport Rochon et le
régime de santé est plus récent, plus jeune que...
M. Gendron: Dans votre esprit, ça veut dire que ça
inclurait également une série d'autres éléments
comme une toute nouvelle...
M. Turmel: Oui, oui, c'est global.
M. Gendron: ...réflexion sur nos retards, les raisons
fondamentales pour lesquelles on ne réussit pas à avoir de la
diplomation, le même niveau de diplômes, pourquoi il y a tant de
temps partiel comparé au temps plein, pourquoi il y a également
plusieurs abandons et plusieurs échecs. Vous mettriez tout ça
dans l'évaluation.
M. Turmel: Oui.
M. Gendron: C'est bien ça?
M. Facal: C'est l'ensemble de l'enseignement supérieur au
Québec qui, plus de 20 ans après le rapport Parent, serait
réexaminé de nouveau, de fond en comble, sous toutes ses
facettes, et ça prendra le nombre de mois que ça prendra avec
consultations...
M. Gendron: Mais...
M. Facal: ...en région et tout le "kit" là.
M. Gendron: Pour des raisons de temps, une autre question.
À un moment donné, vous faites une démonstration
économétrique dans votre mémoire. Ce n'est pas tellement
là-dessus que je veux revenir, mais comme le lien est là, je le
fais et aidez-moi à comprendre. Vous dites qu'une hausse de frais de
scolarité n'irait pas complètement aux universités et
qu'une hausse des frais de scolarité diminuerait l'accessibilité
aux études supérieures dont les effets ne seraient pas
atténués par la réforme. Alors, moi, quand je le dis comme
je viens de le dire, je n'ai pas de problème à comprendre
ça, mais la question que je vous pose, c'est: Où et comment
voyez-vous clairement que la hausse des frais de scolarité ne serait pas
imputable directement aux universités?
M. Facal: Écoutez, ce n'est pas compliqué. Si la
hausse des frais de scolarité, si ce montant-là était
entièrement redonné aux universités afin d'en
améliorer la qualité, déjà la pilule passerait
mieux. Si on nous disait: Vous avez l'assurance que ça va à la
qualité... Pantoute! On n'a eu aucune assurance à savoir
où va aller cet argent. Nous, on fait un calcul fort simple. On se dit:
L'étudiant va avoir davantage de frais de scolarité à
payer, alors il risque d'y avoir davantage d'étudiants qui vont demander
de l'aide financière. Si cela est suivi, dans quelques années,
par une augmentation des sommes que le gouvernement doit verser en prêts
et bourses, on se dit qu'il y a de fortes chances que ce qu'il s'est
trouvé à ramasser d'une main, il va devoir le redonner de
l'autre. Et donc, on se doute fort bien que l'ensemble de l'argent
ramassé n'ira pas là où il devrait aller,
c'est-à-dire aux sous-équipements, aux bibliothèques et
ainsi de suite. Évidemment, tout ceci est complètement
théorique et passe sous silence le fait que, depuis deux ou trois jours,
on apprend, en raison des coupures dans les transferts aux provinces, que cette
hausse va être complètement annulée. Alors, c'est rendu
maintenant que les sommes d'argent qu'on ospôrait avoir pour combler en
partie le sous-financement, on ne risque même pas de les avoir. Alors,
ça va d'autant moins aller à l'augmentation de la qualité,
qu'on ne risque même plus de les avoir, ces rentrées de fonds
supplémentaires pour l'État.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la
députée de Chicoutimi, vous avez la parole.
Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. Je ne peux
m'empêcher de réagir aux propos du ministre. Vous savez qu'il faut
se rappeler... Quand il dit que ce n'est pas une tragédie, 5 % de
diminution de clientèle, c'est déjà, je le rappelle,
l'attitude qu'il avait en 1986, quand il disait: Les universités, si
elles font des déficits, qu'elles arrêtent donc de solliciter la
clientèle. Alors, lui voyait que la solution au déficit des
universités, c'était dans une diminution de clientèle. Et
là, il la provoque. Il la provoque et je peux le citer au texte ici.
L'autre chose, il y a une espèce de raisonnement à
contresens. Il dit: Les frais de scolarité sont les plus bas en
Amérique et nos jeunes ne fréquentent pas autant qu'on le
voudrait. Donc, augmenter les frais de scolarité, la conclusion, c'est
que ça va diminuer. On ne peut pas tirer une conclusion comme ça,
sinon à contresens. Par ailleurs, moi, je vous dis que les gens qui lui
ont fait confiance à l'effet que l'essentiel des sommes
prélevées aux étudiants par le biais de cette nouvelle
taxe irait dans les universités, moi, je n'avais pas tout à fait
cette confiance, sur la base d'une expérience qui est la suivante: le
ministre de l'Éducation, alors qu'il était à l'Opposition,
s'est fait le champion défenseur - nous n'avions jamais entendu d'aussi
beaux discours - de l'éducation des adultes. Et allez voir!
L'éducation des adultes, c'est probablement et très certainement
le secteur le plus défavorisé de l'éducation de
l'enseignement supérieur, actuellement.
Et la dernière mesure, la plus brillante, c'est qu'il coupe de 50
% dans les heures de cours disponibles pour les étudiants adultes.
Alors, moi, je dis qu'il y a deux discours constamment et c'est une chose qu'il
ne faut jamais oublier. Vous avez, tout à l'heure, fait état
de... Je reviens sur deux de vos remarques. La première touchait la
nécessité de tenir ce que j'appelle, moi, des états
généraux sur l'éducation. Je pense que 25 ans, 30 ans
après la commission Parent, effectivement, avant de toucher à des
orientations fondamentales, votées et adoptées sur la base d'un
consensus au Québec, on ne change pas ça sans qu'il y ait
à nouveau une espèce de regard neuf. Sauf que jamais, ici, on n'a
eu de consultations sérieuses lorsqu'il s'est
agi de modifier les orientations fondamentales. J'imagine que de tels
états généraux... Est-ce que vous pensez à des
états généraux ou l'équivalent d'une commission
d'enquête?
La Présidente (Mme Hovington): M. Facal.
M. Facal: Je dois vous avouer que, n'étant pas très
familier avec le jargon gouvernemental, oui, je serais tout à fait
prêt à vivre avec un intitulé "états
généraux". L'idée rj6nérale, c'est que le temps est
venu de faire le point. Le temps est venu, si on veut faire des changements, de
ne pas les faire passer via une réglementation, de se rencontrer tous
ensemble et de faire le point. On est tous absolument conscients qu'il y a de
graves problèmes. Donc, je me dis: Bon, si on s'entend tous sur les
principaux problèmes, il y a peut-être moyen de dépasser
les clivages partisans et de réunir, autour d'une même table,
étudiants, CEQ, partis politiques et ainsi de suite là. Ça
prendra bien la forme que ça voudra, mais quelque chose d'aussi large
que possible et quelque chose qui prendra le temps qu'il faudra pour faire
vraiment bien le tour de la question.
Mme Blackburn: Bien, une autre question sur...
La Présidente (Mme Hovington): Allez-y.
Mme Blackburn: Vous avez parlé de l'importance qui
était laissée au volet règlements en rapport avec la loi,
donc des morcea..A extrêmement importants du document d'orientation qu'on
ne retrouve pas dans la loi et qu'on aurait dû retrouver, mais qu'on
retrouve dans les règlements. Je dois dire, là-dessus, qu'on va
attendre le prochain intervenant qui est le Protecteur du citoyen, qui -
grâce à la vigilance de l'Opposition, on l'entend au moins
à 17 heures et non pas à 21 heures, tel que l'avait
planifié le gouvernement - aura l'occasion de nous en reparler un peu
plus longuement tout à l'heure. Mais vous, quels sont les... J'ouvre une
parenthèse pour rappeler qu'à l'Opposition, ce ministre, l'actuel
ministre, dénonçait avec une violence verbale, quasi sans
précédent, l'abus, l'usage abusif du recours aux
règlements. On n'en a jamais tant eu. Ça, c'est encore une autre
chose qui fait que, moi, la confiance, elle commence à être
limitée. Mais quels sont, selon vous, les principaux
éléments qu'on retrouvera peut-être, on n'en est pas
certains, dans les règlements et qu'on aurait dû retrouver dans la
loi?
M. Facal: Écoutez, il y a plusieurs choses qui nous ont
frappés quand on a lu, d'abord, l'énoncé d'avril 1989 puis
le projet de lo. comme tel qui est évidemment écrit dans un
jargon pour avocat. Enfin, il a fallu se pencher là-dessus, bon. La
première chose qui nous a frappés, c'est le temps partiel. Au
début, on s'est dit: Youppi! le temps partiel! Enfin, ils se sont ouvert
les yeux. Et puis après, on nous a parié de date
ultérieure. Bon, d'accord. Très bien, date ultérieure.
Mais laquelle? Quand? Dans six mois ou bien dans trois mois? On aurait voulu
quelque chose d'un petit peu plus, là. Aussi, on a été,
dans le projet de loi, un petit peu inquiétés, mais ça, la
CEQ, tout à l'heure, nous a enlevé un petit peu les mots de la
bouche. Il y a tout l'aspect vérification et enquête, là,
dont l'intitulé ressemble étrangement à celui de la Loi
sur l'aide sociale. Je dois avouer qu'il y a là quelque chose qui nous a
un petit peu ébranlés. On n'a peut-être pas toute
l'expertise requise, mais on s'est demandé s'il n'y avait pas là
anguille sous roche. On aurait voulu un texte de loi peut-être beaucoup
plus limpide, à cet égard là, bien que j'admette que nul
n'est censé ignorer la loi et que donc l'étudiant doit... Mais
quand on constate que, parallèlement à ça, il n'y a pas
partout des conseillers en aide financière dans toutes les institutions,
la possibilité qu'a l'étudiant de véritablement se
renseigner sur toutes les possibilités qui lui sont offertes et les
risques, si jamais il fait une déclaration fausse, ces risques-là
nous semblent un peu grands et c'est un aspect du projet de loi qu'on aurait
aimé voir davantage précisé.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, nous sommes
rendus aux conclusions. M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Une phrase Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Très rapidement.
M. Gendron: ..à l'équipe des jeunes du Parti
québécois. Je l'ai dit tantôt, je pense qu'il était
capital et opportun que vous veniez vous exprimer, en espérant, encore
une fois, que les recommandations pertinentes qui s'appliquent tout autant
à la réforme de l'aide financière qu'à l'ensemble
des principes qui se doivent d'être retenus et évoqués
lorsqu'on discute de telles questions soient retenues et prises en compte par
le gouvernement.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M le ministre,
rapidement
M. Ryan: Je vous remercie également de votre
participation. J'en profite pour me réjouir de nouveau publiquement de
l'intérêt que des personnes jeunes comme vous portent à la
chose publique et, en particulier, à la politique dans ses incidences
sur la poursuite des études, parce que c'est un fait extrêmement
significatif et je veux le signaler avec beaucoup de plaisir. Je vous
remercie
La Présidente (Mme Hovington): Alors, au nom des membres
de la commission de l'éducation, merci de votre mémoire.
M. Facal: Merci infiniment de nous avoir donné l'occasion
de nous exprimer. Nous espérons simplement que nous ne reviendrons pas,
dans trois ans, pour dire encore les mêmes arguments et entendre les
mêmes réponses. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): C'était
déjà fini, M. Facal. Votre temps était
écoulé. Merci. J'inviterais le Protecteur du citoyen à
venir prendre place, s'il vous plaît, et on suspend une minute pour
laisser le temps à tout le monde de bien s'installer.
(Suspension de la séance à 17 h 34)
(Reprise à 17 h 35)
Protecteur du citoyen
La Présidente (Mme Hovington): Je vous demande de bien
vouloir prendre place. La commission va reprendre ses travaux avec le
Protecteur du citoyen, représenté ici par M. Daniel Jacoby. Il y
a Mme Lucie Lavoie et M. Guy MacDonald, délégués. Si vous
voulez bien vous présenter vous-mêmes, pour les fins de
transcription des débats, pour qu'on puisse bien vous situer à
vos places.
M. MacDonald (Guy): Guy MacDonald, délégué
du Protecteur du citoyen.
Mme Lavoie (Lucie): Lucie Lavoie, directrice adjointe des
enquêtes.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour et bienvenue
à la commission de l'éducation. Vous avez vingt minutes, M.
Jacoby, pour nous faire part de votre mémoire.
M. Jacoby (Daniel): Merci, Mme la Présidente. Je voulais
d'abord, avant de faire des remarques plus spécifiques, vous indiquer
que c'est la première fois, depuis vingt ans de création de
l'institution, que le Protecteur du citoyen se présente en commission
parlementaire pour faire des commentaires sur un projet de loi. En effet, je
pense qu'avec l'expertise que notre institution a, il est important que l'on
puisse faire de la prévention et, à travers le libellé des
projets de loi, voir dans quelle mesure ça ne pourrait pas être
source d'injustice, d'une manière ou d'une autre.
Depuis la création du bureau du Protecteur du citoyen,
évidemment, nous recevons des plaintes quant au programme d'aide
financière aux étudiants de la même manière que nous
recevons des plaintes d'à peu près tous les secteurs de
l'administration gouvernementale. Le nombre de plaintes, sans être
indicatif de problématiques particulières, ne fait qu'augmenter,
ici comme dans la plupart des programmes gouvernementaux. Alors que de 1980
à 1985, en moyenne, nous recevions 200 plaintes par année, on
prévoit, pour l'exercice en cours, recevoir près de 500 demandes.
Ce n'est pas dramatique et je ne veux pas dire que ce programme est plus
injuste que d'autres, mais on assiste, depuis quelques années, à
une augmentation des plaintes en ce domaine.
Deux mots sur l'institution du Protecteur du citoyen. En fart, nous ne
sommes pas un organisme du gouvernement comme tel, nous sommes un organisme qui
relève de l'Assemblée nationale et dont le rôle est, entre
autres choses, de surveiller les abus de l'administration dans l'application
des lois, des règlements et des programmes gouvernementaux.
Le projet de loi 25... Je voudrais rapidement faire quelques remarques
générales sur lesquelles je reviendrai un peu plus tard. D'abord,
je dois dire que je suis heureux de voir que beaucoup d'aspects de l'aide
financière aux étudiants trouvent, avec le projet de loi 25, une
assise juridique. Il y avait des clauses importantes du régime qui
reposaient sur je ne sais quoi, mais quoi qu'il en soit, dans ces clauses
importantes, il y avait notamment la question de la contribution des parents,
le programme pour handicapés, la notion de résidence chez ses
parents, les frais de médicaments prescrits aux étudiants.
Ce projet de loi constitue une nette amélioration sur les plans
juridique et administratif par rapport à la loi actuelle. Cependant, je
dois constater que ce projet de loi - et ce n'est pas le seul - fait beaucoup
trop appel au pouvoir réglementaire. Je pense que le pouvoir
réglementaire est une solution de facilité. J'ai toujours
pensé qu'en démocratie les projets de loi devaient non seulement
contenir les principes qui guident l'action du gouvernement et du
législateur, mais également définir et prévoir la
substance des concepts qui font que la loi s'applique ou ne s'applique pas. Je
peux constater, dans ce projet de loi comme dans plusieurs autres, qu'on abuse
du pouvoir réglementaire, à mon point de vue, en tout cas. Je
comprends très bien qu'on utilise le pouvoir réglementaire pour,
notamment, fixer le taux d'intérêt, parce qu'on sait que ce taux
d'intérêt fluctue et que ce ne serait peut-être pas pratique
d'être obligé de changer la !oi chaque fois. Mais je ne pense pas
que l'on puisse valablement déterminer, par voie réglementaire,
ce que constitue, par exemple, une déficience fonctionnelle majeure, ou
encore ce que constitue la notion de résidence. Je pense que des
éléments comme ça sont fondamentaux sur le pivot de la loi
et devraient être définis dans la loi et, par voie
réglementaire, en préciser les modalités d'application ou
les critères.
Je sais qu'il existe une Loi sur les règle-
ments mais, bien sûr, cette Loi sur les règlements n'a pas
le même impact que l'étude d'un projet de loi, d'autant plus que
la consultation publique n'existe pas de la même manière que pour
les études de projets de loi en commission parlementaire. Je souhaite
donc que les auteurs du projet revoient l'article 59 pour tenter, dans la
mesure du possible - et je sais que ce n'est pas facile mais c'est faisable -
de renvoyer certaines dispositions dans la loi elle-même.
Le troisième point qui m'inquicle, c'est que le projet de loi ne
mentionne, en aucune manière, l'existence d'un mécanisme de
réexamen des décisions. Je suis d'autant plus
étonné que dans la quasi-totalité, pour ne pas dire la
totalité des lois à caractère social, on prévoit
toujours, de par la loi, des droits pour les citoyens ou les citoyennes de
recourir devant une instance indépendante, lorsqu'ils ne sont pas
satisfaits des décisions de l'administration. Ici encore, je constate
qu'il n'y a pas de mécanisme indépendant, externe, de
prévu. D'autant plus que, si on regarde ça sous un angle
strictement sociologique, il faut dire que les personnes qui ont besoin d'aide
financière en matière d'enseignement, ce sont des personnes qui
sont défavorisées. Qu'ont-elles de recours contre
l'administration? Elles ont les recours de droit commun. Ça veut dire
qu'en pratique, si c'était pratique, on demanderait à des
étudiants d'utiliser les mandamus en vertu du Code de procédure
civile, tous les brefs de prérogative, ce que je trouve tout à
fait inadéquat.
Ma quatrième remarque, c'est que sur un point particulier en
matière de déclaration erronée par les étudiants,
j'ai le sentiment que l'on établit un régime arbitraire et encore
plus arbitraire que le régime actuel.
Considérations particulières. L'aide financière aux
étudiants gravement handicapés, en fait, je pense que l'on
devrait effectivement définir dans la loi ce qu'est la déficience
fonctionnelle majeure qui est prévue à l'article 10 et non pas
par règlement. Parce que l'expérience que nous avons eue dans ce
domaine, vous avez un cas qui est mentionné ici, à la page 6 du
document, où véritablement on a utilisé des normes
relativement discrétionnaires pour refuser une aide financière
particulière à un étudiant qui, bien sûr, n'avait
pas un handicap sévère au sens des normes du ministère,
mais qui, dans le contexte d'un amphithéâtre où il y a 200,
300 étudiants avec un professeur qui souvent parie au tableau, le dos
tourné, ne pouvait pas l'entendre. Alors, je pense qu'il faut
véritablement que l'on indique dans la loi les paramètres qui
doivent être pris en compte pour établir ce qu'est une
déficience fonctionnelle majeure.
L'autre point, c'est que notre expérience nous démontre
que, lorsque l'étudiant produit des expertises au niveau de ses
déficiences, il arrive que le ministère décide de
manière unilatérale de ne pas tenir compte de ces expertises. Je
pense, d'une part, que le ministère ne devrait pas agir de cette
manière sans avoir obtenu lui même une contre-expertise par un
spécialiste.
Le troisième point que je voulais mentionner quant à cette
question des étudiants gravement handicapés, c'est qu'à
l'heure actuelle le régime d'aide financière fait en sorte que
les étudiants gravement handicapés reçoivent de l'aide
financière sous forme de bourses et non pas de prêts. Je ne
connais pas l'historique de ce régime particulier, mais, avec le
libellé de l'article 59, je ne suis plus sûr que le
ministère puisse continuer à verser laide financière
exclusivement sous forme de bourses
Dans le cas du failli libéré, je vais sauter par-dessus,
parce que je voulais simplement, là aussi, féliciter le
ministère pour avoir bonifié les pratiques et la
réglementation actuelle, parce qu'on va reconnaître les faits de
réhabilitation sociale d'une faillite personnelle. Quant au
remboursement des trop payés, je pense qu'il va falloir, lorsque des
bourses ont été versées à un étudiant et que
l'on découvre par la suite que cet étudiant n'y avait pas droit,
que le ministère applique cette norme de récupération
prévue dans le projet de loi d'une manière souple, surtout
lorsque l'erreur provient d'une erreur administrative du ministère. Vous
savez que, dans plusieurs régimes gouvernementaux - je ne dis pas que
ça doit être ça, ici - lorsque l'erreur est causée
par la faute d'un fonctionnaire, dune manière générale, on
va effacer la dette, et ça existe dans la Loi sur la
sécurité du revenu
Pour ce qui est de la résidence au Québec, la situation
était telle qu'un entant qui et Hit parti à l'étranger
avec ses parents, qui revenait au Québec et qui allait poursuivre ses
études, ne pouvait pas être admissible au régime à
moins qu'il n'y ait résidé douze mois et sans tenir compte du
temps passé aux études. Nous avions fait la recommandation au
ministère de corriger cette situation, qui nous apparaît
impraticable et discriminatoire, et je suis heureux de pouvoir dire aux membres
de la commission que, récemment, par l'entremise du sous-ministre, nous
avons reçu une lettre qui nous indique que le ministère allait
revoir cette problématique et corriger la situation par voie
réglementaire.
Pour ce qui est des résidents permanents indépendants, je
n'insisterai pas non plus là-dessus parce que, effectivement, le
problème que nous avons soulevé est sur le point d'être
réglé, parce que là aussi le ministère nous a
transmis une lettre disant que cette question serait réglée par
voie réglementaire, et je ne peux qu en féliciter les
autorités et le personnel du ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science.
Je voudrais également parler - mais je passerai relativement vite
- des délais et pénalités. À l'heure actuelle, vous
n'ignorez pas que, lorsqu'un étudiant produit sa demande en retard, il
est pénalisé de 50 % du montant d'aide qui lui
aurait été normalement accordé. Le projet de
politique indiquait que la pénalité serait ramenée
à 25 %, mais nous n'avons jamais été d'accord et nous
l'avons mentionné au ministère il y a déjà
plusieurs mois. Là-dessus, je dois admettre que, d'après une
lettre qui émane du sous-ministre, tout à fait récemment,
le ministère se propose de réduire la pénalité
à un montant fixe de 150 $ plutôt qu'à un pourcentage de
l'aide financière. Alors, je voudrais, là aussi, remercier le
ministère d'avoir suivi nos recommandations.
Il y a également, dans le projet de loi ou dans la pratique, la
production de documents qui pénalise, à l'occasion, les
étudiants. Je ne veux pas entrer dans le détail de ce genre de
pénalités, mais là aussi je demande au ministère de
l'Enseignement supérieur, à la Direction générale
de l'aide financière, de traiter ces dossiers-là avec beaucoup de
parcimonie et de ne pas considérer, parce qu'il manque une pièce
au dossier, que l'étudiant n'a pas droit à une aide quelconque ou
à une ressource quelconque, mais de prendre les moyens pour que ce soit
fait de manière tout à fait exceptionnelle, que, faute de
production de documents dans un délai imparti, on retire l'aide ou on
amoindrisse l'aide financière aux étudiants.
Par ailleurs, au niveau des délais, l'article 37. 1 du projet de
loi précise que l'étudiant, et c'est tout à fait normal,
doit aviser, sans délai, le ministère de tout changement dans sa
situation qui pourrait influer sur le montant d'aide financière. Je me
pose des questions sur la notion de "sans délai". Notamment, je me pose
des questions lorsque, comme on le sait, beaucoup d'étudiants,
l'été, vont travailler sur appel ou même pendant
l'année académique, vont travailler sur appel. Est-ce que
ça veut dire que chaque fois que l'employeur va communiquer avec un
étudiant pour le faire travailler trois ou quatre heures,
peut-être, aux quinze jours, il va falloir que l'on envoie cette
information au ministère? Ce que je souhaite, c'est qu'encore là
le ministère fasse preuve de souplesse de manière qu'on
n'applique pas cette norme de manière aveugle, au préjudice de
l'étudiant ou qu'on la change purement et simplement.
Je me suis permis ici de lancer, comme matière à
réflexion, le fait qu'il fallait peut-être envisager
l'opportunité - et je ne parle pas seulement pour l'aide
financière aux étudiants -de pénaliser peut-être les
ministères qui font preuve de délais déraisonnables. Vous
savez, j'ai un peu de misère à comprendre que, dans les
programmes sociaux, pour beaucoup de programmes sociaux, le fait de produire en
retard une demande va pénaliser la personne qui réclame une
prestation quelconque. A l'inverse, quand il s'agit du ministère, ou
d'un ministère, ou d'un organisme gouvernemental, on n'est à peu
près jamais pénalisé. Or, la Loi sur la fonction publique
indique bien que les services publics doivent fournir les services à la
population avec diligence. Et je ne sais pas si ça veut dire autre chose
que des sanctions administratives ou disciplinaires à l'égard des
fonctionnaires ou de l'administration. Je pense qu'il faudrait, dans certains
cas, revoir beaucoup de programmes pour indemniser les citoyens qui
reçoivent des prestations en retard, ce qui leur cause
préjudice.
Les déclarations erronées. Ça, c'est un point qui
est extrêmement important. Le dernier paragraphe de l'article 41 nous
indique: Est exclu du régime, pour une période de deux
années, celui qui produit une fausse déclaration ou qui n'a pas
déclaré un changement qui peut influer sur le montant de l'aide
financière. Ça, ça veut dire, en pratique, qu'à
partir du moment où un étudiant, volontairement ou non, omet de
fournir un renseignement ou fait une déclaration qui est, soit trompeuse
soit fausse, cet étudiant sera pénalisé. H sera
pénalisé parce qu'on le prive pendant deux ans de toute
admissibilité financière. Ce qui m'inquiète, mesdames et
messieurs de la commission, c'est que l'article 41, paragraphe 3, va
pénaliser tant les étudiants de bonne foi qui pèchent par
omission ou par action, mais par oubli ou par inadvertance, de la même
manière que les étudiants de mauvaise foi, qui, eux, ont
volontairement voulu frauder le programme. Et c'est laissé à la
discrétion du ministère.
Je considère que cette disposition constitue un recul par rapport
à la loi actuelle qui, elle, tient compte de l'intention coupable des
étudiants. Je suis d'autant plus inquiet que le projet de loi ne
prévoit pas de mécanisme de recours pour des décisions
aussi discrétionnaires que ça. Je suis d'autant plus inquiet que,
finalement, si la personne qui, présumément, a fraudé le
régime d'aide financière, qui, elle, sera traduite devant un juge
pénal, en vertu d'une autre disposition, cette personne-là, pour
se défendre, aura le droit à une audition impartiale, une
audition publique, une présomption d'innocence, possibilité de
recourir à un avocat pour défendre une accusation de fraude au
sens de cette loi-là. Mais quand il s'agit de montants aussi
considérables que l'aide financière et qui mettent en jeu la
survie économique ou la possibilité, pour certaines personnes, de
faire des études, ça n'existe pas. Les règles de justice
naturelle n'existent pas. Alors, je recommande qu'il y ait des changements qui
soient apportés à cet article.
Est-ce qu'il me reste une minute?
La Présidente (Mme Hovington): Vos vingt minutes sont
écoulées, mais allez-y, en conclusion. On va vous laisser Je
temps quand même de bien vous exprimer.
M. Jacoby: En conclusion... C'est-à-dire, il me reste une
minute?
La Présidente (Mme Hovington): Oui, je vous en prie,
allez-y.
M. Jacoby: Je reviens sur l'absence de mécanismes de
réexamen, parce que l'exemple que je vous mentionnais
précédemment et d'autres exemples font en sorte que ça n'a
pas de bon sens, en 1990, alors qu'on e une charte canadienne des droits, une
charte québécoise des droits, alors que tous les régimes
d'aide sociale ou de sécurité sociale prévoient oes
mécanimes de révision devant des arbitres, devant des
comités, devant la Commission des affaires sociales, qu'en 1990 le
régime de prêts et bourses ne permette pas, ne donne pas droit aux
étudiants de s'adresser à des instances autres que le
ministère.
Pour terminer, je vais vous lire ma conclusion, cette fois-ci, parce que
je la trouve bonne.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Hovington): Allez-y, monsieur.
M. Jacoby: Je suis d'avis que le projet de loi constitue une
nette amélioration par rapport à la situation actuelle, et je
pense qu'avec quelques modifications il sera, en ce qui nous concerne en tout
cas, parfaitement acceptable.
Mais ce que je voudrais rappeler au législateur, c'est qu'une
bonne loi et d'excellents règlements ne peuvent régler à
eux seuls tous les problèmes. Au-delà des textes, il y en a
d'autres que les parlementaires ne voient jamais, ce sont les règles
administratives, les politiques administratives, les manuels
d'opération, les directives administratives qui sont
élaborés, interprétés et appliqués par ceux
qui administrent ces normes-là. Je n'ai rien contre ça, parce que
c'est essentiel pour l'application des lois. Et, à côté de
ces règles, il y a aussi les attitudes, il y a aussi les pratiques qui
ne sont pas écrites. Moi, je prétends et je suis de plus en plus
convaincu qu'on a beau faire les plus belles lois au monde, les lois les mieux
faites sur le plan technique, les règlements les mieux faits sur le plan
technique, le libellé de toutes ces normes qu'on ne voit pas et qui sont
des outils de l'administration et, surtout, la manière dont les
administrateurs conçoivent leur clientèle, cela fait en sorte
qu'une loi peut devenir libérale comme elle peut devenir inique.
Je souhaite - et je sais que je m'adresse à des personnes qui le
comprennent très bien - pour cette loi comme pour toute autre loi
à caractère social, qu'elle soit appliquée avec toute la
richesse que commande l'article 41 de notre Loi d'interprétation qui
veut que toute loi ait pour objet de corriger des abus ou de procurer des
avantages, et qu'à ce titre elle reçoive l'interprétation
large et libérale qui assure l'accomplissement de sa finalité. Je
vous remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Est-ce que j'ai le
consentement des deux côtés de la Chambre pour continuer
après 18 heures?
Une voix: Oui, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, M. le ministre, vous
avez la parole. (18 heures)
M. Ryan: Merci, Mme la Présidente. Je remercie M. le
Protecteur du citoyen de cette contribution qu'il apporte par son
témoignage d'aujourd'hui et le mémoire écrit dont il nous
a fait l'envoi avant la présente séance, à notre
démarche en vue d'améliorer le régime de l'aide
financière aux étudiants. Je fus témoin de la naissance de
l'institution du Protecteur du citoyen, il y a maintenant une vingtaine
d'années peut-être. J'ai bien connu le premier titulaire de la
fonction avec qui j'ai eu des contacts fréquents, à
l'époque. J'ai vu l'institution prendre forme. Elle fait partie
maintenant de nos institutions et de nos moeurs. Je pense qu'elle se
déploie avec la liberté que le législateur avait voulue,
à l'origine.
La dimension que vous donnez aujourd'hui à la fonction du
Protecteur du citoyen m'avait quelque peu étonné, au
début. Mais je me souviens de conversations que j'ai eues avec M.
Marceau et même des membres de l'Assemblée nationale, à
l'époque, et il avait été bien con venu que l'on devait
donner au Protecteur du citoyen le pouvoir de faire, de sa propre motion, les
interventions publiques, même sur des sujets de caractère
général
La question qui se posait, à mon esprit, portait plutôt sur
le caractère général de la présente intervention.
Normalement, on voit l'intervention du Protecteur du citoyen dans des
situations très concrètes, impliquant des personnes, et là
nous discutons plutôt d'un projet de loi. Mais la loi constitutive de
l'institution ne crée aucune difficulté. Elle ouvre la porte
à cette fonction, à cette modalité dans l'exercice de la
fonction et nous l'accueillons, pour notre part, du côté du
gouvernement, avec beaucoup d'ouverture.
J'ai consulté les statistiques auxquelles fait
référence votre intervention écrite et je constate qu'en
ce qui touche le ministère de l'Enseignement supérieur et de la
Science - évidemment, les institutions d'enseignement ne relèvent
pas de votre champ d'intervention, mais la loi de l'aide financière,
elle, relève de votre champ d'intervention - vous avez un certain nombre
d'interventions qui sont faites auprès de vous, chaque année, qui
ne sont pas extrêmement considérables, d'après moi. Je
regarde en 1985, vous en avez accepté, je pense, 281; en 1986, 300; en
1987-1988, 337; en 1988-1989, 324. Par consé-
quent, il n'y a pas eu prolifération, il n'y a pas eu de
développement extraordinaire de ce côté-là. Vous en
attendez davantage en 1989-1990; vous nous expliquerez peut-être un peu
pourquoi tantôt.
De manière générale, le régime de l'aide
financière aux étudiants a connu, ces dernières
années peut-être, entre autres, deux développements
significatifs en relation avec les sujets que vous avez mis sur la table. Tout
d'abord, nous avons amélioré considérablement les
procédures administratives à telle enseigne que les retards
presque innombrables dont nous étions saisis, il y a environ quatre ans,
sont pratiquement disparus. Ça diminue considérablement le nombre
d'interventions dont le ministre est le siège, en particulier. J'en suis
très heureux et j'en félicite les responsables de l'aide
financière aux étudiants qui ont accompli un travail de mise en
ordre remarquable de ce côté, qui me rend optimiste, d'ailleurs,
à l'idée d'aborder la nouvelle phase de l'existence du
régime que couvrira l'adoption du projet de loi 25.
Il est arrivé une autre chose aussi. Je pense pouvoir dire sans
exagérer - j'encaisse bien des critiques là-dessus - que c'est
bien normal que j'essaie de faire ressortir le côté positif de
l'action que j'essaie de faire dans la gestion des affaires publiques dans les
secteurs dont j'ai la responsabilité. Il y a une certaine conception de
l'administration publique qui tend à mettre le ministre sur un
piédestal, à en faire une espèce de statue qui vient
bénir les jours officiels, qui appose sa signature à des
documents dont on n'oserait pas lui infliger la lecture, à le
protéger contre tous les cas particuliers qui peuvent vouloir mobiliser
son attention, sous prétexte que de minimis non curât praetor.
Moi, ce n'est pas ma conception des choses. J'ai une conception beaucoup
plus directe et concrète et je me dis que si un citoyen m'écrit,
quand même il s'appelle Jos Lemoignan qui m'écrit du fond de la
Gaspésie, il existe pour moi autant que si le recteur de
l'Université de Montréal m'écrivait et je lis sa lettre
avec la même attention. Je lui apporte des suites. S'il m'apporte une
plainte, je vois à ce que l'administration en soit saisie et lui rende
des comptes ainsi qu'à moi. Ça permet de régler un grand
nombre de problèmes, en cours de route. Ça permet de disposer,
chaque année, de centaines et de centaines de cas qui, autrement,
traîneraient dans les archives à gauche et à droite. On
fait énormément de nettoyage de ce côté-là.
Il y en a qui disent que ça fait un style un petit peu
interventionniste. Au bout de la ligne, on ne pense pas à ça. Ce
qui est intéressant, c'est que le citoyen vous dise: Mon problème
a été réglé, merci. C'est pour ça qu'on est
là. Tout le reste, moi, franchement, ça m'indiffère.
Alors, de ce point de vue, je pense que vous n'aurez pas trop
d'accumulation parce que mes fonctionnaires partagent ma philosophie et je leur
en rends hommage parce qu'ils ont été d'un esprit de
collaboration magnifique de ce côté-là. Je vous assure que,
même par mon cabinet, il passe une foule de cas chaque année qui
trouvent un règlement clair, honnête et satisfaisant. Vous avez
sans doute examiné bien de ces cas-là à travers l'examen
des plaintes qui vous ont été soumises et j'espère qu'on
va continuer à agir dans ce sens-là. Ces deux facteurs
tempèrent beaucoup la manière dont je perçois certaines
choses par rapport à l'approche que j'aurais pu avoir quand j'observais
le gouvernement de l'extérieur. Là, je me dis: Je suis à
l'intérieur et c'est à moi de le faire marcher, je suis
payé pour ça, dans le secteur dont je suis responsable encore une
fois.
Ceci étant dit en guise d'introduction, je pense que nous avons
le même souci sur le fond, par conséquent, que le citoyen et la
citoyenne soient bien et efficacement servis dans le respect de leur
dignité. J'en viens aux questions que vous avez soulevées dont
une première, où vous dites qu'il y a certaines dispositions que
vous souhaiteriez voir davantage dans la loi que dans la réglementation.
J'aimerais peut-être vous demander sur ce point de me donner des exemples
parce que nous avons travaillé cette question, évidemment, avec
beaucoup de soin. Lorsqu'il s'agissait des montants, par exemple, les quanta,
il nous est apparu que c'est préférable de les inscrire dans les
règlements. Ma première réaction a été une
réaction d'étonnement aussi parce que je me disais: II faudrait
bien qu'on le dise clairement; si on ne dit pas ça dans la loi,
qu'est-ce que la loi va signifier? Mais, finalement, les conséquences de
l'inscription d'une telle donnée dans la loi sont tellement
considérables au point de vue de certaines rigidités dans le
maniement des situations concrètes que je me suis rendu au raisonnement
qu'on m'avait fait valoir en faveur de la supériorité d'une
option du côté de la réglementation. Mais, peut-être,
mon exemple n'est pas le plus, celui auquel vous pensiez davantage. Si vous
voulez me donner un certain nombre d'exemples, ça m'aiderait à
comprendre mieux le point de vue de ce point de vue là, parce que c'est
une question qui me préoccupe.
M. Jacoby: Je n'ai pas dressé une liste exhaustive des
concepts qu'on voudrait voir transférer dans la loi. Ce que je constate,
c'est qu'il y a certains concepts qui, à mon point de vue, devraient
être précisés dans la loi plutôt que par
règlement. Si on parle de différentes contributions de
dépenses admises, de quantum, de questions purement monétaires,
moi, je pense que... Je comprends que pour l'administration, ce sera beaucoup
plus souple d'utiliser le pouvoir réglementaire étant
donné qu'on peut modifier les règlements en cours d'année.
Cependant, je me dis: II y a des administrations chez nous,
comme le ministère du Revenu qui s'impose des barèmes dans
sa propre loi et on change la loi tous les ans et on dit que c'est du droit
fiscal. Bien sûr, donc, c'est dans la loi. Ce n'est pas par voie
réglementaire qu'on le fait. On va dire que la loi fiscale, la Loi sur
le ministère du Revenu ou la Loi sur l'impôt est une loi
compliquée, mais je suis convaincu que la Loi sur l'aide
financière aux étudiants, si elle était plus explicite
dans le texte lui-même, ne serait pas aussi compliquée que la Loi
sur Ip ministère du Revenu ou la Loi sur l'impôt. Moi, c'est une
question de principe. Je n'admets pas qu'on puisse définir par
règlement le cas où une personne a une déficience
fonctionnelle majeure. Comment c'est défini par règlement et
comment, en plus, à partir du règlement, on va élaborer
des directives, des critères et des politiques pour la mise en oeuvre du
règlement? L'exemple que l'on donnait tout à l'heure de cet
étudiant qui était frappé d'une déficience auditive
qui, suivant les barèmes du ministère, en deçà d'un
certain niveau de décibels, avait une déficience tout à
fait moyenne et on ne lui reconnaissait pas l'aide financière... Mais
moi, je me dis qu'on donne trop de discrétion à l'administration
quant à la définition de choses aussi fondamentales que la
déficience majeure fonctionnelle. Et le législateur se devrait,
notamment, de tenir compte de l'environnement et que ce soit dit dans la loi.
Je pense que ce sont les grandes balises qui doivent être dans la loi
qui, elles, vont guider le Conseil des ministres lorsqu'il va adopter des
règlements et qui, elles, vont guider l'administrateur lorsqu'il va
élaborer ses cahiers de normes et de politiques.
M. Ryan: Avez-vous terminé? M. Jacoby: J'ai
terminé.
M. Ryan: Très bien. Là, je ne suis pas sûr
que je pourrais être de votre opinion, parce que je pense aux
élèves handicapés et aux élèves en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage dans notre système
scolaire. S'il fallait mettre toutes ces définitions-là dans nos
lois, dans la loi 107 qui a déjà 750 articles, je pense que ce ne
serait pas gérable et, à un moment donné, il arrive que
des données nouvelles nous obligent à faire certains changements.
S'il fallait toujours passer par la législation... Vous ne savez pas ce
que c'est l'Opposition, vous. Ils sont terribles.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Mais c'est tout un processus quand on passe par la
législation parce qu'il faut répéter la même chose
à peu près cinq fois pour être compris. Il y a toutes
sortes d'étapes, là. Le calendrier, à part cela, l'agenda
de la Chambre, ne laisse de place à chaque session que pour un nombre
très limité de projets. Vous le savez ce qui arrive, même
avec le nombre limité, quatre sur cinq sont adoptés à la
vapeur à la dernière minute. On n'a jamais été
capables de corriger ça. Ça veut dire qu'à chaque session
il y a peut-être cinq, six, sept projets importants qui peuvent
être discutés. C'est un gros total que je vous donne
là.
J'ai de la misère à concevoir, au point de vue pratique,
comment on pourrait donner suite à votre voeu qui, en principe,
attirerait ma sympathie. J'ai de la misère, mais, en tout cas, je vais
l'examiner et, s'il y a des cas précis que vous pourriez ajouter
à ceux que vous avez mentionnés dans votre mémoire et
votre réponse verbale, je l'apprécierais vivement et on pourrait
continuer. Je vais passer à un autre sujet parce que l'Opposition attend
son tour et je ne vou drais pas aller plus que le temps qui m'est imparti.
Vous parlez de l'absence d'un mécanisme d'examen des
décisions. Je vais parler de ça et des pénalités
aussi. Ce sont des gros sujets que vous abordez, M. le Protecteur du citoyen.
Sur l'absence d'un mécanisme de révision, je vais vous dire
comment je vois ça, moi. Un comité d'examen comme celui qui est
prévu dans le projet de loi 25, ça, nous en avons besoin. Ce
n'est pas un comité pour corriger des erreurs; c'est un comité
pour aller au-delà de la lettre et vous savez combien c'est important
dans ce secteur-ci. Là, il est prévu qu'au bout de la ligne, vu
que ce sont des décisions de caractère légèrement
discrétionnaire, parfois assez auda-cieuspment discrétionnaire,
mais ça, c'est le domaine du ministre, ce n'est pas le domaine du
fonctionnaire, ce n'est pas le domaine d'un comité de ci ou de
ça, c'est le domaine en propre du ministre... Mais on dit: Pour ne pas
qu'il agisse de manière arbitraire, il faudrait qu'il ait reçu
l'avis d'un comité d'examen auparavant, lequel comité sera
composé de manière qu'on soit assuré de la présence
des principaux points de vue intéressés. Alors, je pense que de
ce point de vue là on a une procédure qui va permettre,
justement, de régler, de manière plus rapide et plus
généreuse parfois, ces cas-là, plusieurs douzaines de cas
chaque année dont nos fonc tionnaires sont obligés de conclure
qu'ils ne tombent pas sous le règlement et dont eux mêmes sont les
premiers à me dire: Des fois, ça mériterait trois fois
plus que le cas qui tombait sous le règlement. Avec ça, on a une
prise, là. On va pouvoir agir.
L'autre possibilité, je me suis interrogé depuis le
début des auditions de la commission: Est-ce qu'en plus de ça il
faudrait un mécanisme d'appel proprement dit pour les décisions
de caractère administratif qui pourraient être injustes ou
arbitraires? Je vais vous dire - peut-être que je vais proférer
une hérésie - que je ne vois pas la matière, je ne vois
pas la raison concrète, parce que je n'ai pas de résidu de cas de
cette nature qui se présentent à moi. Si on
m'avait dit: Voici, là, il y a eu un certain nombre de cas. Mais,
pas en général, toujours, à ma connaissance, dès
qu'il y a un cas qui nous est présenté et qui se justifie... Il
peut arriver que les fonctionnaires se trompent. Les gens ne sont pas fous. Ils
vont voir leur député ou écrivent directement au ministre
et, quand le député est saisi d'un cas, il vient voir le
ministre. En général, nous leur donnons une réponse. Il y
a un certain résidu qui reste là, dont une partie va arriver
à votre bureau. Bien, il y en a peut-être quelques cas, quelques
unités, mais je pense que vous allez convenir avec moi qu'on dispose de
l'ardoise d'une manière fort convenable. Si on pense qu'on doit traiter
chaque année au-delà d'une centaine de milliers de demandes,
c'est formidable, quand même, qu'on soit arrivés à
ça.
Maintenant, je ne le sais pas, je vous pose la question pour la
procédure d'appel: Est-ce que vous voyez vraiment une matière
pour avoir un mécanisme d'appel formel et décisionnel? Moi, je
n'en vois pas pour l'instant. Je vous le dis en toute simplicité.
La Présidente (Mme Hovington): M. Jacoby. (18 h 15)
M. Jacoby: M. le ministre, sur la question du - comité
d'examen qui est prévu dans le projet de loi, il s'agit
véritablement d'un secteur très limité. Il s'agit du
quantum, du montant de l'aide financière. Ce comité fonctionne
sur la base de recommandations ou d'avis qui sont fournis au ministre, mais
ça ne touche pas des questions comme, par exemple, la notion de
résidence. Ça ne prend pas en compte le fait, par exemple, que le
ministère pourrait indûment pénaliser un étudiant
qui, supposément, aurait fait une fausse déclaration. Ça
ne règle pas ce problème-là. C'est un pouvoir
extrêmement limité dans la loi. Donc, il y a toutes les autres
facettes de l'administration de cette loi qui ne font pas l'objet de la
juridiction du comité que le projet de loi propose de mettre sur pied,
M. le ministre. Une fois que j'ai dit ça, je comprends très bien
et je dois vous féliciter du fait que vous interveniez, comme vous
dites, de manière très concrète, très pratique.
Vous êtes très présent dans l'administration de vos
dossiers et nous en sommes très conscients. Je pense que c'est un plus,
c'est un grand plus.
Cependant, il faut penser que le ministre, quel qu'il soit, ne sera
jamais un ombudsman au sens des lois d'ombudsman qui existent à travers
le monde. Un ministre est avant tout le chef d'un ministère. Un ministre
est d'abord et avant tout là pour appliquer ou faire appliquer les
programmes qui sont de son ressort. Un ministre est d'abord là pour
défendre ses politiques ou défendre les politiques que
l'administration lui a élaborées. Un ministre ne peut pas
être complètement impartial et sans préjugés quand,
par ailleurs, l'on sait qu'il existe non seulement des décisions de
nature administrative dont le ministère se dote ou de politiques
administratives, mais il y a aussi les politiques partisanes.
Malgré toute la bonne foi que peut avoir une administration, que
ce sort au niveau du directeur général de l'aide
financière, que ce soit au niveau de l'agent d'aide financière,
que ce soit au niveau du sous-ministre associé ou du sous-ministre
adjoint, au niveau du sous-ministre en titre et du ministre, jamais, jamais on
ne pourra avoir, dans une décision, l'objectivité et
l'impartialité d'une instance extérieure. D'ailleurs, c'est pour
ça, M. le ministre, qu'on a inventé les tribunaux. Autrement, il
n'y aurait pas de tribunaux. Il n'y aurait pas de régime de
séparation des pouvoirs. Mais quels sont les étudiants qui
peuvent aller devant les tribunaux? On y croit ou on n'y croit pas, aux
tribunaux. Si les tribunaux de droit commun... Je me dis que si on pense que
les ministères peuvent être tout à fait impartiaux,
abolissons les tribunaux.
Ceci étant dit, un mécanisme de réexamen, tous les
programmes de sécurité sociale au Québec contiennent des
mécanismes de réexamen. Ça ne veut pas dire que les
personnes qui siègent à ces mécanismes de réexamen
sont "loadées", qu'elles en ont par-dessus la tête, ça veut
dire tout simplement qu'on va permettre à une instance différente
de la première qui a pris une décision de reconsidérer la
décision en voyant peut-être la chose sous un angle
différent, M. le ministre. Ce que je veux dire par là, c'est que,
de toute façon, et on le voit tous les jours à l'échelle
gouvernementale, il est très difficile de demander, par exemple,
à une direction qui est dans les opérations de revoir sa propre
décision. Quand le ministre ou l'attaché politique ou le
sous-ministre va demander aux opérations de reconsidérer une
décision, dans 99,9999 % des cas, la réponse sera: Nous
maintenons notre décision. C'est normal, c'est humain, M. le ministre.
C'est peut-être dans 0,0001 % des cas qu'on voudrait faire en sorte qu'on
puisse bénéficier d'un mécanisme de réexamen.
Ceci étant dit, on peut penser à bien des façons
d'instaurer un mécanisme de réexamen. Il y a ce que j'appelle des
mécanismes très internes de réexamen, puis des
mécanismes très externes de réexamen. Ça va d'un
comité interne du ministère où on ferait siéger des
gens de l'extérieur du ministère jusqu'à des recours
devant, par exemple, une division spécialisée de la Commission
des affaires sociales.
M. Ryan: Regardez, on pourrait avoir une disposition qui
permettrait des recours, plutôt qu'aux tribunaux qui existent
actuellement, à la
Commission des affaires sociales, je n'aurais pas d'objection, mais ce
à quoi je m'objecte, c'est à la création d'une nouvelle
bureaucratie arbitrale dont je ne vois pas la preuve du besoin concret sur la
base des cas qui m'auraient été soumis, y
compris par vous. Si j'avais un dossier impressionnant: C'est effrayant,
regarde ça, la gang, qu'est-ce qu'ils font là, à l'aide
financière, ça n'a pas de bon sens, ils ont zigouillé un
tel, ils ont traité un tel de telle manière, et tout ça.
Mais je n'ai pas cette matière, je ne cours pas après ces
procédures-là juste pour le plaisir de les avoir. Mais vous posez
une question de principe à laquelle je suis sensible. Je vais regarder
avec mes conseillers s'il y a quelque chose qui peut être
envisagé, mai? ça ne sera sûrement pas une bureaucratie
originale parce que ce n'est pas ma spécialité.
L'autre point, les pénalités, et c'est mon dernier point;
il y en avait d'autres, mais je pense qu'on va avoir couvert les principaux
points. Là, vous avez touché à un point sensible; je pense
que vous avez mis le doigt sur un bobo réel dans le projet de loi et
dans nos pratiques: les pénalités sont excessives dans bien des
cas. Je pense que vous l'avez signalé de manière fort
éloquente. On vous a déjà indiqué - vous y avez
fart allusion tantôt - que certaines pénalités seront
réduites considérablement à l'aide d'amendements que nous
apporterons au projet de loi au stade de l'étude en commission. Je pense
qu'on va revenir à des proportions plus raisonnables: il y avait
vraiment des excès que je vous sais gré d'avoir signalés.
Je me servirai de votre intervention auprès de mes collègues du
gouvernement pour leur faire voir qu'il y a certaines choses dans ceci qui vont
trop loin et on les avait peut-être empruntées un petit peu trop
servilement: des pratiques établies sous la férule des
fonctionnaires, faut-il croire, parce que les ministres ne peuvent pas
être responsables de choses comme celles-là, vous le savez
très bien. Alors, je pense que de ce côté-là, c'est
excellent, et comptez qu'on va travailler.
Vous m'avez écrit récemment - je fais juste allusion
à ça - pour l'affaire des étudiants gravement
handicapés. Vous m'avez soumis un cas particulier qui oblige à
une définition peut-être plus large de ce concept-là. Nous
sommes en train de l'étudier. J'ai pris bonne note de votre intervention
et, encore une fois, sur ce point-là, je suis porté à
croire que ça irait mieux par voie réglementaire que par voie
législative, peut-être même par voie administrative directe
dans certains cas, quand les cas sont urgents, mais on y verra.
Je souligne seulement, en terminant, que, dans le cas du comité
d'examen, sa compétence me paraît plus large que ce que vous avez
signalé, M. le Protecteur du citoyen; en tout cas, c'est l'intention que
nous avons. Vous avez lu comme moi l'article qui décrit son champ
d'intervention, c'est l'article 42, mais il faut le référer au
champ d'intervention du ministre. Le pouvoir du ministre ne se limite pas
seulement à changer le quantum de laide financière dans certains
cas. Il peut trouver qu'il y a dos raisons très sérieuses, c'est
lorsqu'il voit un danger d'abandon des études qu'il peut intervenir dans
un cas. Ça va aller plus loin, mais, là, jusqu'où
exactement? On va l'examiner de près parce qu'il y a des
problèmes difficiles là-dessus. Il y en a qui sont portés
à se méfier du ministre aussi, pas seulement à
l'extérieur comme du côté de l'Opposition, c'est un peu
normal, mais même parfois à l'intérieur du gouvernement.
Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre. M.
le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, assez rapidement. Je voudrais féliciter,
comme c'est titré - pour éviter la personnalisation - le bureau
du Protecteur du citoyen. En ce qui me concerne, il s'agit d'un mémoire
d'une remarquable pertinence à ce moment-ci. J'étais conscient,
en vous entendant tantôt, que c'était la première fois,
à ma connaissance, que le Protecteur du citoyen - et son équipe -
se présentait ici sur un projet de loi et venait, dans le cadre de ses
responsabilités et des attributions qui lui sont confiées par une
autre législation, exprimer ses craintes, ses réserves. Autant
que faire se peut - il peut y avoir une couple de fois... Il me semble qu'on
pourrait discuter si c'était de sa juridiction ou de son pouvoir de
donner un avis sur tel et tel aspect, mais, au-delà de ces nuances, il
m'apparaft que vous avez eu cette responsabilité professionnelle de
demeurer collé à des réalités qui sont sous le
couvert de la responsabilité d'un protecteur du citoyen dans son mandat.
Il n'y a pas d'avis sur le dégel; il n'y a pas d'avis, à savoir
si ça aura un effet sur l'accessibilité; il n'y a pas d'avis,
à savoir si nous sommes véritablement en retard, et ainsi de
suite, et ça, je trouve que c'est tout à fait conforme, correct
que le Protecteur du citoyen s'en tienne à des responsabilités
qui lui paraissent être sous sa responsabilité de Protecteur du
citoyen.
Deuxième commentaire général. Il est
évident, M. le Protecteur du citoyen - en tout cas, en ce qui me
concerne et en ce qui concerne sûrement l'Opposition - que vous nous avez
fourni là un excellent outil de travail pour les étapes
subséquentes que, comme parlementaires, nous allons devoir franchir dans
l'évolution de cette loi concernant l'aide financière aux
étudiants, parce qu'il y a plusieurs aspects sur lesquels, si j'avais
plus de temps, j'aurais le goût de questionner davantage. Je vous dis
tout simplement que, si on résume votre mémoire, vous avez
touché des aspects concrets, de temps en temps sur les
mécanismes, de temps en temps sur des dispositions d'application
à caractère plus arbitraire et plus injuste. Vous nous avez
déjà donné des exemples précis de certaines
anomalies, selon vous, eu égard à des principes de droit, en
particulier pour ce qui est des délais, des pénalités.
Moi, en tout cas, je suis convaincu quo je vais m'en servir d'une façon
trtSs adéquate
lors de l'évolution des autres étapes du projet de
loi.
Je fais un dernier commentaire sur les grandes lignes: Est-ce que le
projet de loi fait trop appel au pouvoir réglementaire? Il me semble
qu'à sa face même... Je pourrais même déposer des
réflexions qu'on a faites avant même de venir ici en commission,
de l'équipe qui nous conseille, et en particulier de quelqu'un qui
entoure le leader de l'Opposition officielle, qui est quand même assez
habitué - vous le connaissez tous de nom, M. Charles Grenier - qui en a
vu, des législations, il en a vu, des projets de loi. Effectivement, son
étonnement était celui-là, de dire: Écoutez, on
vous demande d'aller en commission parlementaire sur un éventuel projet
de loi, c'est exact, sauf que 80 %, pour ne pas dire plus, de la
mécanique de la gestion, de la façon dont certains principes
seront établis, nous ne les connaissons pas. Et le gouvernement dit:
Ça, ce n'est pas ton affaire, je ne te montre pas ça.
Ecoutez, on ne parle pas à un enfant d'école, en tout cas
de ce côté-ci. Le ministre disait de vous: Vous ne connaissez pas
ça, l'Opposition. Je ne porte pas de jugement sur vous mais, moi, je
connais ça un peu, et lui aussi, parce qu'il l'a été
à date plus souvent que moi, parce qu'on a été neuf ans au
pouvoir, puis nous sommes au début de la quatorzième
année. Malheureusement, c'est encore trop long.
Mais, indépendamment de ça, lui aussi connaît
l'Opposition et il m'apparait qu'il est inconcevable, pour un projet de loi de
cette nature, que nous ne soyons pas plus exigeants afin de pouvoir prendre
fait et cause de certaines dispositions où on retrouvera la façon
dont le principe qui est véhiculé dans les articles de loi sera
articulé. Là-dessus, vous avez raison, alors je ne peux pas aller
plus loin, trop de pouvoirs réglementaires. Mais, là, pour des
raisons de temps aussi, je ne peux pas tout dire. Ce n'est pas la
première fois qu'on dira à ce ministre-là qu'il ambitionne
sur le pouvoir réglementaire. Je pourrais citer un autre document, ce
que je pourrais faire la semaine prochaine, où on donnera des exemples
concrets, où il est très, très, très pointilleux
que tout atterrisse au quinzième, à son bureau.
Le projet de loi maintient l'absence de mécanique de
réexamen des décisions. Là-dessus, rapidement, je veux
juste vous dire une phrase. Moi, ce ne sont pas les exemples que je veux avoir.
Qu'il y en ait ou pas, je m'en contrefous sincèrement. Ce n'est pas
parce que je ne veux pas être pragmatique autant que le ministre, sauf
que, vous l'avez dit, le propre d'une administration légitime, correcte,
normale, adulte et responsable, c'est de justifier les décisions qu'elle
prend. Je l'ai été un bout, ministre, et j'aurais
été déçu si, chaque fois que je leur ai dit: "II me
semble que ça n'a pas de bon sens, ce que vous avez fait, voulez-vous me
réexaminer ça", ils auraient dit: Vous avez raison, M. le
ministre, ça n'a pas d'allure, ce qu'on a fait. C'est très rare
que ça commençait de même, les échanges que j'avais
à peu près avec tous les responsables de service, peu importe
leur poste. Normal, légitime, qu'une administration dise:
Écoutez, M. Gendron, je vais vous donner l'ensemble de l'information sur
le dossier. Ça commence toujours de même. Et sous prétexte
que nous, on n'a pas l'éclairage de l'ensemble du traitement
administratif du dossier, bien, c'est sûr qu'on est biaises parce qu'on
n'a pas l'éclairage. Et après qu'un ministre reçoit
l'éclairage, la tendance humaine, normale, sans aucune partisanerie
politique, sincèrement, c'est d'épouser logiquement les
explications qui lui sont données et fournies par ses subalternes. On ne
peut pas réinventer la roue.
Là-dessus, vous avez encore à 100 % raison, et je n'ai pas
le temps de citer votre phrase. De toute façon, elle était
tellement belle, puis c'était tellement clair: Je crois que tout citoyen
- enfin, un petit bout - a droit à ce que son dossier soit
réétudié par une instance autre que celle qui a rendu la
première décision. C'est du fondamental tout court. Je ne vais
pas plus loin, c'est du fondamental tout court, y compris pour le ministre de
l'Éducation, qui a le nez fourré partout, dans bien des cas
correctement, correctement.
Le laïus que vous avez fait en disant qu'on sent qu'il s'occupe de
ses dossiers, je le comprends. Je rencontrais quelqu'un aujourd'hui qui me
disait: À notre lettre - et je ne veux pas faire erreur - du 11
septembre dernier on a reçu hier la réponse. Bravo! Enfin, il y a
eu une réponse, six mois plus tard. Je ne peux pas le blâmer parce
qu'il veut voir les affaires et souvent, une lettre, lui, ça n'a jamais
en bas de 15 à 20 pages. Alors, bravo pour cet aspect-là, mais
ça crée d'autres inconvénients ailleurs. (18 h 30)
Sur le dernier commentaire dit d'ordre général, le projet
de loi en matière de déclarations erronées par
l'étudiant établit un régime purement arbitraire, vous
avez raison.
Moi, deux questions, parce que ma collègue veut en poser une et
le temps file. Vous mentionnez en page 31, et avec raison, je pense, qu'il y a
un rapprochement presque mot pour mot - pas rien que presque,
intégralement, ne nous cachons pas la vérité, là -
les articles 47 à 52, c'est le même régime que celui qui
existe au niveau des boubous macoutes ou de la Loi sur la
sécurité du revenu. Et vous me dites que vous avez reçu
pas mal de plaintes. Alors, pouvez-vous nous dire combien de plaintes vous avez
reçues de la part de bénéficiaires de l'aide sociale
concernant, justement, l'application de ces articles qui, à ma
connaissance, vont à rencontre de tout principe de droit, même
pour quelqu'un qui ne connaît pas ça? Si vous en avez reçu
beaucoup, je comprends davantage votre bon
jugement de dire: Est-ce qu'il y a moyen de questionner la pertinence
que les mêmes éléments ou le même
éléphant soient reproduits dans l'article que nous
étudions?
La Présidente (Mme Hovington): M. Jacoby, allez-y.
M. Jacoby: Effectivement, sur ce nouvel élément des
agents vérificateurs, on n'a pas reçu de plainte pour la bonne
raison qu'à l'aide sociale, au moment où on se parle, on n'a pas
encore mis en oeuvre les dispositions de la Loi sur la sécurité
du revenu qui créent ces agents vérificateurs et qui s'ajoutent,
entre guillemets, à ces macoutes dont on parle. Les plaintes que nous
recevons, ce sont sur les inspecteurs. Ce sont les inspecteurs qui sont
dotés de pouvoirs de commission d'enquête. Mais pour ces nouvelles
dispositions qui, à mon point de vue, sont devenues une mode de
légistes depuis quelques mois, on n'a encore rien reçu parce que
l'aide sociale ne l'a pas mis encore sur pied, ce corps d'emploi. Alors, je ne
suis pas en mesure de vous le dire, mais déjà, sous le
système actuel des inspecteurs ou des enquêteurs comme tels, on
reçoit un grand nombre de plaintes, bien sûr. La question
fondamentale que je pose ici, comme je l'ai posée à propos de la
Loi sur la sécurité du revenu, c'est: A-t-on besoin de cet
arsenal de munitions? Est-ce que le régime d'aide financière,
d'après les normes du ministère, est rendu au point qu'il y a 25
% des gens qui fraudent? Si oui, il y a quelque chose à faire. Mais
est-ce que c'est le taux de fraudes que l'on retrouve normalement dans tous les
régimes?
Ce qui est extrêmement dangereux, c'est que l'addition comme
ça de nouveaux mécanismes d'enquête et de
vérification va faire en sorte que, si je prends toutes les dispositions
les unes par rapport aux autres, on arrive à des choses qui sont
aberrantes. Par exemple, si je ne réponds pas à une question d'un
agent vérificateur ou si je ne lui produis pas un document, que va faire
en pratique l'agent vérificateur? Il va se retourner vers
l'enquêteur qui exerce ses pouvoirs de commission d'enquête. Quelle
qu'en soit la raison, la personne ne répond pas au commissaire
enquêteur. Pour la même infraction, pour le même acte
délinquant au sens de la loi, le même individu pourra être
condamné pour outrage au tribunal par l'enquêteur du
ministère et pourra être condamné au pénal à
la suite du dépôt d'une plainte du vérificateur du
ministère. Tous ces gens-là travaillent dans la même
organisation. Je dis que des législations comme ça peuvent
conduire à des abus.
Ce que je dis, c'est qu'avant qu'un ministère adopte des
dispositions qui sont des modes de légistes - et ça revient,
c'est cyclique, tous les quinze ans, ces affaires-là; j'ai
l'expérience parce que j'ai été légiste à
une certaine époque - je vais vous dire une chose: II faut qu'on fasse
la preuve qu'il est nécessaire d'avoir tout cet arsenal de munitions. Je
ne peux pas comprendre si on n'a pas de preuve. Il ne faut pas que, simplement,
l'administration dise: On n'aura plus d'armes pour confondre les fraudeurs,
encore faut-il que ce soit justifié.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
d'Abitibi Ouest.
M. Gendron: Oui, M. Jacoby, rapidement. Vous l'expliquez
comment, le nombre de plaintes qui va se chiffrer aux alentours de 500 en 1990?
Parce qu'on en avait l'occasion tantôt et on a dit: On espère que
vous aurez l'occasion de toucher ça. Alors, c'est quoi les raisons
principales qui font qu'il y aurait une recrudescence majeure du nombre de
plaintes cette année?
M. Jacoby: Vous savez, il y a plusieurs facteurs et les facteurs
ne sont pas les mêmes d'un programme gouvernemental à l'autre. Il
y a une chose qui est, pour moi, très claire, c'est que, dans notre
société, depuis, je dirais, une dizaine d'années, il y a
une transformation sociologique qui fait que le citoyen, qui est un
consommateur de services et de biens du privé, par l'influence de toutes
les législations sur la protection du consommateur, a
développé beaucoup d'exigences auprès du secteur
privé pour les producteurs de biens ou de services.
Ce réflexe est en train de passer chez le citoyen consommateur de
services gouvernementaux. Ça, c'est un phénomène qui est
observé à travers le monde, aussi bien en Europe qu'aux
États-Unis. On va exiger de l'administration les mêmes services et
on va être aussi exigeant de l'administration publique qu'on peut
l'être pour les entreprises du privé. Ça, c'est un
phénomène sociologique.
Deuxième phénomène sociologique, c'est que, de plus
en plus, les gens sont informés du fait qu'ils ont des droits Je ne dis
pas qu'ils sont informés de leurs droits, mais ils sont informés
de plus en plus qu'ils ont des droits. Et vous avez, notamment, les bureaux
d'aide financière dans les universités qui ajoutent à
ça. Il y a une conscience plus grande des citoyens de leurs droits.
Troisièmement, je pense que c'est un phénomène
irréversible On a beau dire Les plaintes vont augmenter. Je ne pense pas
que ce soit parce que le Protecteur du citoyen est un peu plus visible depuis
deux ans que ça change les choses. Les plaintes augmentent depuis la
création de l'institution. Ce que je pense, c'est qu'il faut que
l'administration comprenne que les citoyens exigent maintenant des prestations
de l'administration II faut que les administrations comprennent que ce ne sont
pas des privilèges qu'on apporte aux citoyens, que ce n'est pas un
cadeau, l'aide financière, mais un droit. Le gouvernement, lorsqu'il met
de l'argent dans
l'aide financière, il ne fait pas une dépense, il fait de
l'investissement. Il faut donc que l'administration s'attende
nécessairement à avoir de plus en plus de plaintes.
Je dois admettre qu'il y a eu beaucoup de corrections au programme
d'aide financière ces dernières années. Je dois en
féliciter les administrateurs, mais cela n'empêchera pas que les
plaintes vont augmenter et c'est ce qu'on constate partout, vous savez,
même dans les programmes où on a mis des bureaux de
révision, des bureaux paritaires, des comités de réexamen,
les plaintes augmentent. C'est un phénomène sociologique.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. Bravo! C'est un
excellent mémoire et, comme le disait mon collègue, tout à
l'heure, c'est probablement le premier et le seul que nous verrons qui,
vraiment, traite exclusivement de cette question du régime des
prêts et bourses. Les autres, comme il se devait, le ministre a
essayé de cacher le débat du dégel des frais de
scolarité en dessous de celui de la réforme de l'aide
financière, mais, évidemment, personne ne s'est laissé
prendre, tout le monde en a parlé.
Le ministre ou son ministère, et quel que soit le niveau
d'enseignement, est en train d'ériger le pouvoir de dérogation en
système. Il le fait pour les dérogations à l'âge
d'admission. Là, il va se le donner pour l'aide financière aux
étudiants. Il agit un peu comme un prince. Il absout ou condamne; il
signe, il brûle. On sait aussi que, lorsqu'il donne des
dérogations à l'âge d'admission, il signe la lettre, mais
que, lorsqu'il ne l'accorde pas, c'est un fonctionnaire qui signe, parce que
c'est connu, avec le ministre, que les fonctionnaires sont bêtes et
méchants et que le ministre est juste et magnanime. C'est ça
qu'on est en train d'ériger en système. Moi, ça
m'inquiète profondément, indépendamment du ministre. Il
doit faire son possible, je pense que oui, mais c'est profondément
inquiétant lorsque l'arbitraire régit les décisions
touchant les personnes.
Vous faites un certain nombre de relevés. J'aurais aimé
que vous puissiez lire tout votre mémoire parce qu'il y a des morceaux
fort pertinents et intéressants qui touchent ce que vous appelez un
déni de justice et c'a trait aux vérifications, aux
enquêtes, aux déclarations erronées, aux mécanismes
de réexamen, aux remboursements des trop-perçus, entre
autres.
Moi, je me demandais, à vous entendre: Est-ce que, dans sa forme
actuelle, ce projet de loi peut s'appliquer sans que les jeunes, les
étudiants puissent le contester, à moins qu'il n'ajoute une
disposition, ce qu'on appelle la clause dérogatoire, en vertu des
chartes canadienne et québécoise? Parce qu'il me semble qu'il ne
reconnaît pas aux étudiants les mêmes droits qu'aux
citoyens. Ce sont des citoyens de seconde zone qu'on peut traiter à peu
près n'importe comment parce qu'ils vont chercher un privilège,
c'est un peu ça que sous-entend le régime actuel. Alors, ma
question est: Est-ce que, dans sa forme actuelle, la loi peut être
contestée à moins que le ministre n'y insère une
disposition dérogatoire?
La Présidente (Mme Hovington): M. Jacoby.
M. Jacoby: Être contestée, vous savez, on peut
toujours contester une loi et, comme ça se voit souvent, on utilise les
chartes québécoise et canadienne. Mais je ne voudrais pas me
substituer ou remplacer en aucune manière l'opinion du jurisconsulte ou
des services juridiques du ministère de l'Enseignement supérieur,
ça m'est donc très difficile de répondre à cette
question. Je vous dirais au pif, comme ça, par la lecture, que je ne
pense pas, en tout cas à première vue, que ça aille
à rencontre des chartes comme telles, l'ensemble du projet. Je ne pense
pas que, parce qu'on ne traite pas nécessairement les étudiants
comme l'ensemble des citoyens, ça constitue en soi de la discrimination;
encore faut-il que cette discrimination soit préjudiciable. Si, à
l'intérieur de la classe d'étudiants, on avait plusieurs
catégories, je dirais oui, mais je vous donne mon opinion sous toutes
réserves.
À première vue, je dirais qu'il y a peut-être des
éléments dans le projet de loi, comme les agents
vérificateurs, par rapport à la Charte québécoise
des droits, où il est possible que ça puisse entraver des
libertés ou des droits fondamentaux, comme le droit à la vie
privée. C'est fort possible. Et il est fort possible qu'on ait des
contestations là-dessus, parce qu'il est évident qu'à
partir du moment où un agent vérificateur, notamment, exigerait
d'une tierce personne des renseignements sur un étudiant, renseignements
qui mettraient en cause des données personnelles et qui attenteraient
à la vie privée, contrairement à la Charte
québécoise des droits, il est possible qu'il y ait des
contestations. Maintenant, il y a l'article 9.1 de la Charte
québécoise des droits qui est l'équivalent de l'article 1
de la Charte canadienne. Est-ce que ce sont des limites raisonnables, à
toutes fins pratiques, dans notre société? Je ne peux pas vous
répondre d'une manrtère très claire, mais il y a
possibilité, certainement, de faire des contestations sur certains
points.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Malheureusement,
c'est tout le temps qu'on a. Nous sommes rendus aux conclusions.
Mme Blackburn: En conclusion, je dirais qu'il y avait une
catégorisation. Il y a les étudiants à temps partiel du
cégep et de l'uni-
versité qui ne seront pas traités de la même
façon quant à l'accès au régime. Ça en fait
au moins une. Écoutez, je voudrais à nouveau vous remercier de
votre participation, elle nous est très précieuse. Soyez
assurés que ça va nous servir et que ça va être
considéré comme un outil de référence quasiment
indispensable au moment où on va examiner le projet de loi article par
article. Je souhaite sincèrement que le ministre révise certaines
attitudes et certaines orientations de ce projet de loi. 's le rappelle, les
pouvoirs réglementaires sont abusifs et, chose surprenante, c'est celui
qui les dénonçait le plus à l'Opposition et c'est
certainement, à ma connaissance, celui qui en abuse le plus, avec le
ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu,
malheureusement. Mais j'espère qu'avec une lecture aussi sage il va
revenir à de meilleurs sentiments. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le ministre,
rapidement.
M. Ryan: Je voudrais d'abord rétablir les faits en ce qui
touche les pouvoirs dérogatoires attribués aux ministères
de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et de la Science.
Je crois qu'ils ont servi à nettoyer des situations dont certaines
avaient pourri sous le gouvernement précédent. Le plus bel
exemple que j'en puisse donner, c'est celui des enfants admissibles à
l'enseignement en langue anglaise. Vous avez laissé pourrir ça
pendant des années...
Une voix:...
M. Ryan: ...puis il y avait des situations absolument inhumaines
qui vous laissaient indifférents; vous les traitiez comme des
"non-persons". C'est ce que vous aviez dit; définition donnée en
pleine Chambre par le ministre du temps. Mais, nous autres, nous les
considérons comme des "persons", des personnes, d'où qu'elles
viennent puis quelles que soient leurs prétentions. Et nous avons un
mécanisme qui est inscrit dans la loi qui fonctionne très bien,
puis vous n'en entendez même plus jamais parler tellement ça va
bien. Je vous défie de soulever des problèmes à ce
sujet-là.
L'autre cas que nous avons, celui-ci, celui-ci puis celui-ci, ça
va aller très bien. Déjà, on a une bonne
préparation parce que le ministre a fait usage de son budget
discrétionnaire pour régler un bon nombre de cas. J'ai
été obligé d'écrire dans mes lettres - vous en avez
peut-être vu M. le procureur. Je vous avertis, ça n'a rien
à voir avec l'aide financière. Ça avait à voir
avec. Ça signifiait que ça ne marchait pas dans l'autre patente,
mais l'étudiant avait un droit d'être aidé, puis il
était aidé. C'est bien plus important. Venir faire accroire que
c'est de l'arbitraire, du discrétionnaire, madame, je regrette
infiniment, je suis en profond désaccord, je trouve que c'est de la
calomnie et ça me fait de la peine. Ça me fait de la peine, mais
ce pouvoir...
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Hovington): En conclusion, M. le
ministre.
M. Ryan: Voyez ma colère, Mme la Présidente! Ha,
ha, ha! J'ai bien du mal à la retenir.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Je complète. Ces pouvoirs sont strictement
résiduaires, c'est pour le résidu qui est au fond du verre; il
fallait nettoyer le verre comme il faut puis ça prenait quelque chose de
spécial, une petite brosse spéciale. On prend ça puis
ça finit là après.
Maintenant, sur les autres points, M. le Protecteur, en ce qui regarde
le pouvoir d'enquête, on va regarder ça de nouveau. J'ai bien pris
note de ce que vous avez dit. Je suis porté à être
très sympathique à ce que vous avez dit. Comme vous le savez, ce
sont des dispositions calquées sur une autre loi. On ne voulait pas
faire de discrimination à l'endroit des assistés sociaux. On a
dit: On leur a imposé un carcan de l'autre côté, on va
l'imposer également aux étudiants. Si c'est un carcan, il n'y a
pas de raison de le multiplier, surtout s'il n'a pas de raison d'être. On
va le regarder comme il faut. On va le regarder comme il faut, je pense que
c'est un autre point très utile qui se dégage de notre rencontre,
cet après-midi.
En ce qui touche la procédure d'appel, le mécanisme, je ne
suis pas porté à vous laisser entrevoir des choses parce que je
nai pas de matière, encore une fois, qui justifierait la création
d'une nouvelle structure. Mais on va l'examiner. On va l'examiner. Tout le
monde a écouté ce qu'on a dit aujourd'hui et nos conseillers vont
examiner tout ça. Il reste que toute personne qui requiert l'aide
financière a quand même un recours aux tribunaux qui est toujours
là, des recours administratifs nombreux et, si on devait conclure que ce
n'est pas suffisant, bien, on verra. Mais jusqu'à preuve du contraire je
ne suis pas enclin à aller trop loin de ce
côté-là
Je vous remercie de votre précieuse contribution. Surtout, je
voudrais signaler un point, c'est qu'on a l'impression, en vous voyant agir,
que vous avez l'air d'aimer votre fonction, je pense que c'est un trait
très important pour le succès de la fonction. Chaque fois que
vous défendrez, auprès de nous, la personne, vous serez
écouté avec un grand respect. Si vous nous donnez des opinions de
caractère général, on les discutera avec respect aussi,
mais en gardant notre marge de décision ou de jugement qui peut parfois
varier. Mais lorsqu'il s'agit des droits de la personne, je pense que,
làdessus, si vous avez
un point qui doit être retenu, on va le faire avec respect et
empressement. Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Au nom des membres de la
commission parlementaire, nous vous remercions, M. le Protecteur du citoyen. Je
pense que la présidence a fart preuve de beaucoup de souplesse parce que
votre mémoire touchait à des points vraiment fondamentaux. Merci
beaucoup. Nous suspendons jusqu'à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 47)
(Reprise à 20 h 15)
La Présidente (Mme Hovington): La commission de
l'éducation reprend ses travaux de consultation générale
et d'auditions publiques sur le projet de loi 25, Loi sur l'aide
financière aux étudiants. J'aimerais que la
Fédération des associations de professeurs des universités
du Québec veuille bien prendre place. S'il vous plaît, messieurs
les membres de la commission, voulez-vous prendre place. S'il vous plaît,
voulez-vous vous présenter, pour les fins de transcription des
débats.
Fédération des associations de
professeurs des universités du Québec
M. Campbell (Michel): Mme la Présidente, membres de la
commission, je vous remercie de nous accueillir ce soir, les
représentants de la FAPUQ. Je suis Michel Campbell, président de
la FAPUQ. À ma gauche, Paul Langlois, vice-président; Mme Annie
Méar, vice-présidente du SGPUM; à ma droite,
Marc-André Gilbert, président du Syndicat des professeurs de
l'Université du Québec à Trois-Rivières. À
la FAPUQ, le dossier du financement des universités relève d'un
comité, le comité des affaires universitaires, et c'est Paul
Langlois qui est président de ce comité. Je lui laisse la parole
pour présenter notre mémoire.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour et bienvenue
à la commission. Vous avez donc vingt minutes pour présenter le
mémoire aux membres de la commission. Allez-y, M. Langlois, on vous
écoute.
M. Langlois (Paul): Merci, ce sera suffisant. Je vais me permettre,
parfois, de résumer peut-être quelques passages. Je présume
que le mémoire intégral devrait paraître dans la
Gazette. Enfin, entendons-nous, est-ce que le texte paraît,
habituellement, ce que l'on lit, ou le texte que nous avons
présenté?
M. Gendron: Vous voulez dire le Journal des
débats?
M. Langlois: Le Journal des débats, et non pas la
Gazette officielle...
M. Gendron: II n'y aura pas autre chose que ce que vous allez
dire.
La Présidente (Mme Hovington): Que ce que vous allez dire
ce soir.
M. Gendron: C'est de l'inscription. M. Langlois: Ce que je
vais dire?
La Présidente
(Mme Hovington): Ce que vous allez
dire ce soir, c'est ce qui va être transcrit aux débats, ce ne
sera pas le mémoire en tant que tel.
M. Langlois: Ce ne sera pas le mémoire. Merci, alors je
vais voir ce qui...
La Présidente (Mme Hovington): Par contre, le
mémoire est déposé au secrétariat de la commission.
Il est accessible aux membres de la commission, donc.
M. Langlois: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, allez-y.
M. Langlois: Alors, j'y vais. La FAPUQ, la
Fédération des associations de professeurs des universités
du Québec, comme l'a dit tout à l'heure le président,
s'intéresse, bien sûr, au financement des universités, mais
aussi à tout ce qui touche le milieu de l'éducation et de
l'enseignement supérieur. Une de ses principales préoccupations a
été, effectivement, le sous-financement des universités
parce que, entre autres, il remet en question le principe de
l'accessibilité à une éducation universitaire de
qualité.
En septembre 1986, les membres de la Fédération
participaient avec d'autres syndicats de professeurs à la
présentation d'un mémoire sur le sujet. Depuis, la FAPUQ n'a
cessé d'exprimer ses inquiétudes à cet égard,
à de multiples occasions. C'est ce qui l'a amenée, d'ailleurs,
à créer, en 1988, un comité des affaires universitaires
dont le mandat est d'étudier toute question qui touche de près
à la vie universitaire. Toute mesure, donc, qui tend à remettre
en question l'accessibilité à l'enseignement supérieur
nous préoccupe grandement.
C'est dans ce contexte que le document intitulé "L'aide
financière aux étudiants dans les années 1990:
Orientations gouvernementales, qui avait été déposé
en avril 1989 par le ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science, a particulièrement retenu notre attention. Le
dépôt
du projet de loi 25 sur l'aide financière aux étudiants,
précédé de l'annonce par le ministre du dégel des
frais de scolarité au niveau universitaire, a tout naturellement
amené le comité à se pencher à nouveau sur les
grands principes de la démocratisation et de l'accessibilité qui
caractérisent l'histoire de l'enseignement au Québec depuis la
Révolution tranquille. Cette réflexion s'est faite à la
lumière de l'énoncé de politique sur l'aide
financière aux étudiants mis de l'avant par le gouvernement et le
projet de loi à l'étude. L'accessibilité à
l'éducation et au diplôme universitaire demeure donc la principale
préoccupation de la FAPUQ dans le cadre du débat intense qui
secoue actuellement le milieu de l'enseignement.
Le dégel des frais de scolarité, la position
traditionnelle de la Fédération. Il convient donc, au
préalable, de rappeler la position traditionnelle de la FAPUQ sur ce
sujet. Dans un mémoire commun des professeurs d'universités
auquel je me référais tout à l'heure, en 1986, nous
écrivions: Tout en sachant que la gratuité n'assure pas à
elle seule l'égalité d'accès à l'université,
il faut reconnaître que les frais de scolarité, même
minimes, constituent un obstacle pour les plus démunis. Ainsi, il faut
non seulement maintenir les frais de scolarité à leur niveau le
plus bas mais, au premier cycle surtout, subventionner les étudiants les
plus démunis. " C'est tiré de ce mémoire intitulé:
"Autonomie, accessibilité et fonction critique".
Plus récemment encore, à l'occasion de son conseil
fédéral de juin 1989, la FAPUQ réaffirmait très
clairement sa position par une résolution non équivoque
adoptée quasi unanimement: La FAPUQ s'oppose à toute hausse des
frais de scolarité des étudiants.
Le dégel, est-ce une solution au problème du
sous-financement? Malgré la situation difficile que vivent en ce moment
les universités québécoises et malgré les
problèmes financiers qu'éprouve le gouvernement
québécois, ce qui est d'autant plus aigu, semble-t-il, ces
derniers temps, la FAPUQ ne croit pas que l'augmentation des frais de
scolarité réclamée par de nombreux intervenants de la
société québécoise constitue en soi la
panacée à tous les maux qui affligent les universités du
Québec. La FAPUQ ne croit pas non plus qu'une augmentation des frais de
scolarité signifiera automatiquement que l'enveloppe budgétaire
mise à la disposition des universités québécoises
en sera d'autant augmentée. Interrogé sur cette question tout
récemment, à l'émission Virages, le président de la
CREPUQ, M. Kenniff, n'a pu, en fait, le confirmer lui non plus. Rien n'assure,
d'autre part, que l'augmentation des frais dans une institution accroîtra
d'autant la masse budgétaire de cette dernière et c'est bien ce
que nous avons cru comprendre des propos du ministre tenus
récemment.
Jamais qui que ce soit au gouvernement du
Québec n'a donné l'assurance aux universités
qu'elles pourraient conserver l'intégralité des fonds
supplémentaires ainsi recueillis. Il n'est pas sûr que le
gouvernement n'amputera pas le budget global du ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science d'une partie ou de la
totalité des nouvelles ressources rendues disponibles. À notre
avis, et jusqu'à preuve du contraire, il pourrait tout aussi bien s'agir
d'un leurre qui, malheureusement, semble présentement attirer tant les
administrateurs d'universités qu'une partie de la population en
général. L'avenir nous donnera peut-être tort, mais
l'histoire récente nous rend fort méfiants. Et même si le
mémoire a été écrit il y a déjà
quelques semaines, je pense que l'histoire la plus récente semble
vouloir nous donner raison.
L'impact sur l'accessibilité aux études universitaires. Ce
qui préoccupe davantage la FAPUQ face à l'augmentation
prévisible des frais de scolarité, c'est son impact sur
l'obtention du diplôme de premier cycle et l'accessibilité aux
études de deuxième et troisième cycles. En effet, tous les
intervenant du milieu universitaire s'entendent pour affirmer que le rattrapage
pour ce qui est de la diplomation aux cycles supérieurs que devaient
permettre les mesures d'accessibilité mises en place au milieu des
années soixante est loin d'être acquis.
Dans ce contexte, donc, nous croyons que la hausse des frais de
scolarité amènera un grand nombre d'étudiants soit
à renoncer aux études universitaires, soit à abandonner
celles qu'ils ont entreprises, qu'il s'agisse d'études de premier, de
deuxième ou de troisième cycle. Nous croyons pouvoir l'affirmer
malgré la réforme de l'aide financière qui est
présentement à l'étude. La démonstration du
contraire, en fait, aurait incombé au gouvernement. Le ministre se
devait, d'après nous, de démontrer par des études
sérieuses que le dégel, évalué à la
lumière de la réforme de l'aide financière, ne menace ni
le chemin parcouru en ce qui concerne l'accèssibilité aux
études supérieures ni l'avenir de ce qui sera, il faut bien le
dire, celui que se réserve l'ensemble de la société
québécoise à l'aube des années deux mille.
Les éléments d'analyse dont nous disposons concordent tous
à démontrer que l'augmentation des frais de scolarité aura
un impact négatif sur la clientèle universitaire. Nous nous
référons à une étude publiée en 1986 pour le
compte de la FAECUM, association étudiante, et faite par Léger
& Léger, qu'advenant une hausse substantielle des frais de
scolarité "12 % des étudiants inscrits à temps plein et
19, 5 % inscrits à temps partiel abandonneraient leurs études et
près de 25 % des étudiants inscrits à temps plein
modifieraient leur statut pour poursuivre leurs études à temps
partiel. " D'après la même étude, l'impact d'une hausse des
frais de scolarité se ferait encore plus durement sentir chez les femmes
que chez les hommes. Plus de 15 % d'entre elles
abandonneraient tout simplement leurs études et les abandons
surviendraient surtout dans le secteur des sciences humaines. Le document
ajoute, et cela est plus grave, quant à nous, pour l'avenir de la
société - et je cite - "Plus que la poursuite même des
études, c'est la longueur de ces études qui est affectée
par la perspective d'une hausse des frais de scolarité: il est beaucoup
moins question de s'engager dans de longues études universitaires...
dans une proportion élevée, l'on abandonne le projet de
poursuivre les études au niveau du deuxième et troisième
cycle:..." Le pourcentage passe alors de 50,7 % à 37,5 %.
Le journaliste André Pratte, dans un article paru dans La
Presse le 25 janvier de cette année, relate une entrevue qu'il a eue
avec l'économiste David Stager, spécialiste canadien de la
question. Ce dernier, nous dit-il, prévoit que la hausse annoncée
entraînera une baisse de clientèle de 13 %, tout en
précisant que le phénomène devrait se résorber
après trois ans. Enfin, d'après le sondage tout récent
aussi CROP-La Presse du 3 février, la hausse projetée aura
pour effet, selon les répondants toujours, de provoquer l'abandon des
études de 9 % des étudiants au niveau collégial et de 5 %
au niveau universitaire. Elle aura également pour effet d'obliger 28 %
des collégiens et 18 % des universitaires à travailler davantage
à des fins lucratives.
L'approche gouvernementale du financement des études
universitaires. Pour la FAPUQ, ce qui paraît encore plus grave dans la
décision gouvernementale d'augmenter les frais de scolarité,
c'est le fait de reporter indistinctement sur la tête de tous les
étudiants, quelles que soient leurs perspectives d'avenir, la fardeau de
la hausse. On part du postulat que la formation supérieure est d'abord
un bien individuel qui profitera, avant tout, à ceux qui
l'acquièrent. Rien de plus discutable, pourtant. L'éducation
n'est pas un bien de consommation comme un autre; c'est aussi un enrichissement
collectif et qui profite autant, sinon plus, à la société
qu'à l'individu. L'adage "Qui s'instruit s'enrichit" a longtemps
été mis de l'avant pour démontrer que l'accès aux
études universitaires équivalait presque automatiquement à
un emploi stable et rémunérateur. Si cela s'est
avéré ainsi dans les décennies soixante et soixante-dix,
il faut tempérer aujourd'hui cette affirmation dans ce qu'elle comporte
de trop absolu. Qui pourra, par exemple, jamais prétendre que
l'étudiant en théologie ou en lettres a les mêmes chances
de rentabiliser son éventuelle mise de fonds au sortir de
l'université que l'étudiant en médecine ou en
administration? Et pourtant, le gouvernement les frappe tous indistinctement de
la même hausse comme s'ils avaient la même promesse
d'enrichissement.
Il est reconnu depuis longtemps que le mode de taxation le moins
régressif et le plus équita- ble est l'impôt sur le revenu.
Il nous semblerait beaucoup plus juste que le gouvernement répartisse
sur l'ensemble de la collectivité les coûts de l'éducation
supérieure et fasse payer davantage ceux dont le revenu est plus
élevé. C'est ainsi que ceux qui tireraient profit de leurs
études universitaires devraient rendre à l'État une plus
juste quote-part de leur enrichissement. Certaines formules là-dessus
ont été proposées, dont une par un organisme
étudiant, en 1986, qui existe d'ailleurs dans certains pays - je crois
que c'est l'Australie - qu'il y ait une surtaxe à l'impôt dans les
études universitaires, une fois les études universitaires
terminées, si le revenu est suffisant. Une autre forme aussi a
été proposée par la commission Jean, à savoir une
taxe sur la grande entreprise qui est certainement un des principaux
bénéficiaires du système de formation supérieure
que se donne une collectivité. D'autant que des comparaisons
établissent que les milieux d'affaires québécois
contribuent moins que leurs voisins au financement des universités - et
je cite un extrait d'article paru dans Le Soleil du 11 mars: - "Nos
hommes d'affaires réclament une main-d'oeuvre plus qualifiée, des
chercheurs plus nombreux et plus compétents, des universités plus
performantes pour aider nos entreprises à devenir plus
compétitives sur la scène internationale. Cependant, ils se
montrent nettement plus avares que leurs collègues anglophones et
américains quand vient le temps d'appuyer financièrement nos
universités." (20 h 30)
Au lieu, donc, de se plaindre du sous-financement et de vouloir faire
porter le fardeau par les étudiants, nos hommes d'affaires feraient bien
d'augmenter leur propre contribution. C'est d'ailleurs ce que proposait
récemment un parti politique du Québec et c'est ce que les
syndicats et associations de professeurs du Québec suggéraient
dans leur mémoire qu'ils présentaient à la commission
parlementaire, en 1986. "On pourrait imaginer - et je cite - une contribution
particulière des grandes entreprises à la formation universitaire
sous forme de taxe par exemple."
La Loi sur l'aide financière aux étudiants. Une analyse
rapide des orientations de base ayant inspiré le gouvernement dans le
cadre du projet de loi nous permet de considérer que l'approche
adoptée est en soi louable, bien que conservatrice comme prise de
position. Les orientations en question sont citées dans les orientations
gouvernementales, je me passe de les lire.
En effet, l'aide financière aux étudiants est, dit-on,
essentiellement supplétive. Elle repose sur le principe que
l'étudiant, ses parents, son conjoint sont les premiers responsables
financiers des études postsecondaires. Par contre, elle doit être
analysée en fonction d'une hausse de plus du double des frais de
scolarité au niveau universitaire.
Les principes de la réforme, tels qu'ils apparaissent dans le
document des orientations générales qu'on énumère
ensuite, et je passe... Avant d'entrer de plain-pied dans l'étude du
projet de loi et de son adéquation avec les principes ci-haut
mentionnés, nous aimerions faire les remarques préliminaires qui
suivent.
De 14 articles que contenait la Loi sur les prêts et bourses, le
projet de loi en contient 65. Bien qu'il codifie, en substance, certains des
principes ci-haut mentionnés, comm» le caractère
contributif du régime, la définition et la gestion d'un
prêt, la définition d'une bourse, etc., il n'en demeure pas moins
que le projet de loi, dans son aspect essentiel, c'est-à-dire le calcul
de l'aide financière et ses paramètres, demeure dans le domaine
de la législation déléguée. C'est, effectivement,
dans la réglementation que nous pourrons voir si sont tenues ces
promesses de financement. Là-dessus, je pense que M. le ministre a fait
part des contraintes de présentation de budget avant la
présentation des règlements, sauf que nous devons bien prendre
cela comme c'est actuellement, c'est-à-dire sans réglementation,
en sachant que tout cela peut être modifié.
On remarque, et il faut le souligner, que les articles 47 à 52 du
projet de loi laissent craindre la formation d'un système qui
permettrait d'enquêter sur tout fart visé par la loi ou le
règlement. L'apparition de telles dispositions n'est pas sans rappeler
le débat encore récent sur les dispositions comparables de la Loi
sur l'aide sociale. Est-il besoin d'en rajouter? Surtout que nulle part dans le
document portant sur les orientations gouvernementales, ni dans l'ensemble des
données disponibles, on n'a fait mention d'abus au régime qui
permettraient d'évaluer la pertinence d'une telle mesure.
Les articles 43 à 45 instituent un comité d'examen des
demandes dérogatoires auxquelles serait soumise la demande d'aide
financière prévue à l'article 42. Ce comité
d'examen n'aurait aucun pouvoir autre que d'aviser le ministre. Puisque le
projet de loi crée des droits et obligations pour l'étudiant et
que la privation partielle ou totale des droits qui sont prévus audit
projet peut avoir un impact déterminant sur la poursuite de ses
études, nous nous interrogeons s'il ne serait pas pertinent de remplacer
ce comité aviseur par un tribunal au sens de l'article 23 de la Charte
des droits et libertés. Et je crois, entre parenthèses, que nous
rejoignons là les propos de M. le Protecteur du citoyen
québécois, M. Jacoby, cet après-midi.
Bien sûr, cette quasi-judiciarisation du recours pourrait
augmenter le délai de prise de décision, mais elle aurait
l'avantage de soumettre le processus décisionnel d'attribution de l'aide
à un tribunal qui assurerait à l'étudiant la protection de
ses droits garantis, par ailleurs, par la Charte et l'application des
règles de justice naturelle. Dans ce sens, l'ensemble du processus
décisionnel de l'attribution de l'aide devrait être soumis
à la juridiction de ce tribunal, et non seulement à la
décision visée à l'article 42 du projet de loi; et la
décision de ce tribunal, évidemment, serait finale et sans appel.
Cette solution est envisageable, surtout en considérant les sommes
substantielles qui sont en jeu pour l'étudiant - plus de 14 000 $ en
1989, par exemple - et l'impact que peut avoir sur son avenir le refus
d'attribution d'aide. Il peut être utile de rappeler que pour un litige
civil dont le montant s'élève à 15 000 $, tout
étudiant peut s'adresser à la Cour supérieure et non pas
à un simple comité-conseil.
Accessibilité aux études postsecondaires. Hormis l'article
1 du projet de loi qui institue un programme d'aide financière pour les
études universitaires à temps partiel, celui-ci reste muet sur la
concrétisation de ce principe. M. le ministre a annoncé,
d'ailleurs, que cette aide était remise à plus tard, que cette
partie était remise à plus tard.
Le document sur les orientations gouvernementales indique, par ailleurs,
que les modifications envisagées entraîneront une augmentation de
20 % du nombre de bénéficiaires. Pour chacun de ceux-ci, l'aide
moyenne connaîtra un accroissement de 915 $. Si on considère que
l'augmentation moyenne des frais de scolarité sera de 350 $ à 400
$ l'an pour les deux prochaines années, l'augmentation réelle,
donc, de l'aide moyenne s'en trouvera d'autant diminuée et
l'accessibilité aux études postsecondaires plus compromise.
D'autant que, d'après l'économiste Clément Lemelin, et je
cite: "Des études indiquent aussi que les étudiants sont plus
sensibles aux droits de scolarité qu'aux bourses".
Responsabilisation de l'étudiant, de sa famille et de son
conjoint. La recommandation numéro 7 des orientations gouvernementales
propose de demander à l'étudiant une contribution minimale fixe
selon le niveau d'enseignement pour les différents cycles
universitaires, ce qui est en soi équitable. C'est le salaire minimum
qui, actuellement, tient lieu de base du calcul de cette contribution. Rien ne
justifie qu'une telle base doive être modifiée
Quant à la contribution parentale...
La Présidente (Mme Hovington): Ça fait
déjà 20 minutes.
M. Langlois: Ça fait déjà 20 minutes?
La Présidente (Mme Hovington): Mais oui.
M. Langlois: J'aurais dû écourter.
La Présidente (Mme Hovington): Continuez, mais en
accélérant un petit peu plus.
M. Langlois: Je vais essayer de résumer un peu plus ce qui
suit. Je m'excuse, le temps
passe.
La Présidente (Mme Hovington): Allez-y!
M. Langlois: Sur la contribution parentale, ce que nous croyons,
c'est que dans la société actuelle la contribution parentale,
surtout après ce qu'a dit le Conseil des universités,
d'après son étude à l'effet que les parents, finalement,
ne contribuent pas autant qu'on ne le croirait pour leurs enfants... Il nous
semblerait que, si on ne veut pas qu'il se crée des mariages de
convenance pour échapper à cette règle, il serait
peut-être préférable, dans un avenir peut-être plus
lointain, de tendre vers une diminution pour ne pas dire une élimination
de la contribution parentale. De même en serait-il de la contribution du
conjoint à cause aussi d'un fait de société que l'on
constate tous, comme la durée relative des unions d'aujourd'hui, qui
sont des faits de société, effectivement, qui vont
peut-être à rencontre de l'approche qui semble adoptée par
le gouvernement.
Le régime doit répondre aux besoins réels
établis de l'étudiant. Là-dessus, je suis obligé
aussi de me reporter à la lecture que vous en avez peut-être faite
préalablement. Je vais peut-être me contenter de passer à
la page 22 pour parler de la comparaison avec les régimes similaires de
bourses canadiens et américains, puisque l'avis du Conseil des
universités affirmait que notre régime se comparait
avantageusement aux autres régimes. Mais il s'y comparait
avantageusement compte tenu des frais de scolarité qui étaient
très bas et aussi de la durée de l'admissibilité aux
prêts et bourses. Or, comme cette durée est écourtée
et comme les frais de scolarité vont augmenter, ces avantages, qui
étaient purement québécois, viendront peut-être
modifier quelque peu la place concurrentielle du régime des prêts
et bourses.
Je vais peut-être passer tout de suite à la conclusion,
parce que j'abuserais du temps. En conséquence, à la suite de
l'analyse du mémoire, la FAPUQ recommande, premièrement, de
sauvegarder le principe de l'accessibilité à l'enseignement
supoiiour en laissant les frais de scolarité à leur niveau
actuel; deuxièmement, de remédier au sous-financement des
universités par le biais de l'impôt sur le revenu des particuliers
et des entreprises, particulièrement la grande entreprise;
troisièmement, de remplacer, dans le projet de loi 25, le comité
d'examen des demandes dérogatoires par un tribunal au sens de l'article
23 de la Charte des droits et libertés; quatrièmement, de
diminuer graduellement la contribution parentale jusqu'à sa disparition
complète dans le calcul de l'aide financière aux étudiants
et, enfin, d'éliminer la contribution du conjoint dans le calcul de
l'aide financière aux étudiants. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. M. le
ministre, vous avez la parole.
M. Ryan: Mme la Présidente, il me fait plaisir de saluer
les représentants de la Fédération des associations de
professeurs des universités du Québec, fédération
qui représente un groupe significatif de professeurs
d'universités du Québec puisqu'on trouve parmi les associations
affiliées les professeurs de Bishop, de l'École polytechnique, de
l'École de technologie supérieure, de l'Institut Armand-Frappier,
de l'université Concordia, l'Association des professeurs de McGill, les
professeurs de l'Université de Montréal, les professeurs de
l'Université du Québec à Trois-Rivières et ceux de
l'Université de Sherbrooke. Je ne sais pas combien ça
représente, proportionnellement, sur l'ensemble des professeurs
d'universités, mais disons que c'est une proportion respectable.
Avez-vous une idée de la proportion?
M. Campbell:... M. Ryan: Pardon?
M. Campbell: 4000 professeurs sur 7000, en gros.
M. Ryan: Vous en comptez 7000, vous autres? Nous autres, on
était plus en haut de 8000, en tout cas. J'ai pris connaissance du
mémoire. Sur bien des points, il nous rappelle les thèmes qui
nous ont été signalés à maintes reprises au cours
des deux dernières semaines et c'est une source de réflexion
quand même intéressante pour nous. Sur les droits de
scolarité et le financement des universités, je voudrais faire
quelques rapides commentaires.
Vous dites que la preuve est au gouvernement de démontrer,
d'abord, qu'il y a un besoin véritable et, deuxièmement, que la
hausse des frais de scolarité est un élément important de
solution. Il y a un passage de votre mémoire qui dit: Si le gouvernement
prétend que c'est la solution, qu'il le dise. Le gouvernement n'a jamais
dit ça. Il ne peut pas le prétendre non plus. Il prétend
que c'est un élément de solution, parmi d'autres, un
élément important qui représente une proportion dont on
peut établir facilement l'importance dans l'ensemble du dossier. De
là à penser qu'on doive maintenir les droits de scolarité
à leur niveau actuel, je pense qu'il y a une différence
énorme.
Je pense que la proposition qu'on fait est en dehors de la
réalité contextuelle de 1990 parce que le Québec n'est
quand même pas isolé de l'ensemble du pays canadien et du contexte
du continent nord-américain; nous sommes dans ce contexte-là,
nous ne sommes pas dans le contexte européen. Et dans ce
contexte-là, même dans les sociétés encore moins
pourvues que le Québec, on impose des droits de scolarité
importants. C'est le cas en Nouvelle-Ecosse, au Nouveau-Brunswick, à
Terre-Neuve, à l'île-du-Prince-Édouard.
Et comme nous faisons partie d'un système
politico-économique dont les éléments s'imbriquent les uns
dans les autres, y compris les systèmes de péréquation de
ressources que nous avons au Canada, il est bien difficile que tout le monde ne
tire pas un petit peu de la même manière, sauf sur des questions
de principes absolument fondamentaux, de distinction radicale au chapitre de la
culture, pa. exemple. Il est bien difficile qu'il n'y ait pas une certaine
harmonie dans la manière dont les énergies sont mobilisées
et mises au service de l'ensemble, et voici un cas où il y avait un
phénomène d'asymétrie, pour dire le moindre. Je crois que
de proportionner l'effort d'une manière un petit peu plus comparable,
ça n'a rien d'irrationnel, ça n'a rien de nocif par rapport au
caractère distinctif de notre société. Quant à ce
qui touche les grands objectifs de scolarisation universitaire, le gouvernement
estime que nous avons maintenant effectué un rattrapage suffisant pour
qu'il puisse être question d'un ajustement raisonnable.
Vous me demandez des preuves. Vous dites que c'est au gouvernement
d'établir la preuve qu'il n'y aura pas de perte d'effectif. Je l'ai dit
à maintes reprises, depuis le début des travaux de la commission,
personne ne le sait avec assurance, mais nous disposons quand même de
données significatives sur ce qui s'est produit dans les autres
provinces, nous avons pas mal de données là-dessus maintenant. On
a un beau champ d'observation parce que, dans les autres provinces, ça
fait dix ans qu'on les ajuste, les frais de scolarité. On a
constaté, en Nouvelle-Ecosse, par exemple, ou même dans les autres
provinces qui ont agi de cette manière, que dans les deux ou trois
années qui ont suivi immédiatement la première hausse, il
y a eu un ralentissement des inscriptions universitaires, ça a
cessé de progresser au rythme très rapide qu'on avait connu
avant. Ça n'a pas reculé, ça a cessé de progresser
aussi vite. (20 h 45)
Puis, après ces années de transition, ça a
recommencé à remonter aussi vite qu'au Québec, tellement
que, pour les années 1985 à 1988, les effectifs étudiants
au Québec ont augmenté de 6.3 %; en Nouvelle-Ecosse, de 8,9 %; en
Ontario, de 7,4 %; en Colombie-Britannique, où on a le niveau de frais
de scolarité le plus élevé de tout le Canada, de 9,8 %.
Alors, 6,3 % au Québec et 7.4 % pour l'ensemble du Canada, sauf le
Québec; 8,9 % en Nouvelle-Ecosse; 7,4 % en Ontario; 9,09 % en
Colombie-Britannique où, encore une fois, on a le niveau de frais de
scolarité le plus élevé du Canada. Entre 1985 et 1988, on
l'a porté de 1800 $ à 2200 $. Alors, je pense que ce sont des
données quand même factuelles, concrètes,
vérifiables, qui établissent qu'il n'y a pas lieu de semer le
climat de frayeur à l'endroit de ces ajustement que certains s'emploient
à cultiver, d'après moi. Alors, le gouvernement a tout
examiné ce dossier, en est venu à la conclusion que
lui-même a déjà fait une part importante en augmentant les
subventions aux universités de manière substantielle au cours des
quatre dernières années.
Le ministre des Finances déclarait, dans son dernier discours sur
le budget, en mai dernier, que le gouvernement fera encore plus quand il en
aura les moyens. Et là, nous en sommes venus à la conclusion
qu'il y a ce facteur des bénéficiaires immédiats qui
fournissent une contribution très réduite et que ce serait le
temps d'exiger qu'ils fournissent une contribution plus substantielle. Et,
même après les hausses que nous avons décidé
d'instituer, le niveau des droits de scolarité, au Québec,
restera le plus bas de toutes les provinces canadiennes. Même à
supposer que tout resterait gelé pendant deux ans dans les autres
provinces, on serait encore derrière Terre-Neuve, qui est quand
même une province pas mal plus pauvre que le Québec, hein! Alors,
ça, ce sont des données.
Vous me demandiez de répondre au défi du fardeau de la
preuve en ce qui touche cet argument. Je pense que voilà des arguments
qui ne sauraient être minimisés. Si ce n'était pas
nécessaire d'agir, vous savez bien qu'il n'y aurait aucun empressement
de la part de quelque gouvernement que ce soit à se précipiter
dans cette affaire-là. Ce serait bien plus facile de ne pas toucher
à ça, au point de vue politique, de dire: Très bien, on ne
créera pas d'agitation dans le milieu étudiant, les professeurs
d'université vont être avec nous, et tout ça. On est bien
confortable, dans ce temps-là: on peut aller aux cocktails intellectuels
et tout ça, et ça va bien. Mais nous autres, nous sommes pris
dans une situation: il faut que les deux bouts de la chaîne se
rencontrent au bout de l'année. Nous avons un déficit
énorme, des pressions en provenance de tous les secteurs
d'activité collective qui ne cessent d'augmenter, des obligations de
dettes très lourdes, il faut établir un équilibre et ce
point-là est un élément. C'est un élément,
encore une fois, ce n'est pas toute la solution.
Les autres solutions. J'ai regardé votre mémoire
attentivement, je suis à la recherche de solutions intéressantes.
Des solutions miracles, il n'y en a nulle part et ça, je pense que nous
le savons tous, après avoir fait le tour du jardin Nous autres, quand
nous avons fait le tour du jardin, à Québec, nous disons: II y a
trois manières d'agir. Ne pas augmenter les impôts - pour
ça, on n'a pas besoin de mémoire de la FAPUQ pour augmenter les
impôts, on est capables de faire ça tout seuls Vous nous faites
des suggestions de ce côté-là, je les apprécie. Et,
encore une fois, là, quand on discute, même entre nous, en caucus,
les chers collègues, à un moment donné, il y en a qui
disent: Bien, augmentez les impôts, on va avoir l'argent qu'il nous faut
pour fournir nos groupes dans nos comtés, avoir des meilleurs services,
comme à l'hôpital d'Argenteuil, avoir un meilleur service
de transport pour la population de Lachute qui n'en a même pas
pour aller à Saint-Jérôme. Ça fait que, vous savez,
on voit ça des fois. Il faut comparer avec les besoins réels des
populations concrètes qui vivent en dehors des milieux que nous
fréquentons d'une manière plus habituelle. Alors, on dit:
Augmentez les impôts. Là, le ministre des Finances nous dit: Oui,
mais avez-vous pensé qu'on est déjà taxés plus
qu'ailleurs au Canada et que, si on vout être concurrentiels et garder
nos talents, attirer des talents de l'extérieur, attirer des
entreprises, il faut qu'on soit concurrentiels au point de vue de la
fiscalité? Il n'y a pas énormément, il n'y a pas beaucoup
beaucoup de marge de ce côté-là. On peut appeler cela
impôt sur le revenu des particuliers, surtaxe, impôt
postuniversitaire, impôt sur les sociétés, ça ne
change pas grand-chose dans le "mix". C'est un "mix", au bout de la ligne, puis
on ne peut pas avoir une solution qu'on coupe du reste, je vous le dis
franchement.
Deuxièmement, on peut décider de couper des
dépenses pour trouver plus d'argent pour cette chose-là. Mais
là, je pense qu'à peu près tous les observateurs, et
encore davantage les acteurs immédiats, sont d'accord pour
considérer qu'on a coupé pas mal ces dernières
années, et qu'on est rendus à l'os, comme on dit, et qu'il n'y a
plus beaucoup de marge de ce côté-là. Ça, c'est le
thème que j'entends le plus souvent en provenance des commissions
scolaires, des cégeps, et, a fortiori, des universités. Par
conséquent, on n'a pas grand-chose à aller chercher là.
Couper sur les routes, on l'a déjà fait. Couper sur
l'agriculture, si vous voulez prendre cette proposition-là, je vous
propose de fonder un parti et d'aller couper des subsides aux cultivateurs.
Vous allez voir qu'ils vont arriver avec des chevaux devant votre maison,
ça ne prendra pas de temps. Je vous avertis que ce ne sont pas des
choses faciles dans la pratique. Ça, c'est le deuxième point, de
couper les dépenses.
La troisième source, augmenter le déficit. Augmenter
l'endettement du Québec qui est déjà... Je l'ai fait
valoir en commission, l'autre jour. Nous paierons, cette année, en
fardeau de dette, en intérêts, 5 300 000 000 $, sur un budget de
32 000 000 000 $. L'Ontario a un budget de 40 000 000 000 $ et il va payer 4
000 000 000 $ en charges de dette. Ils sont beaucoup plus riches que nous et
ils ont un revenu par personne qui est supérieur d'au moins 20 %
à celui du Québec. Ça, c'est la problématique
concrète. C'est pour ça que les équations qu'on peut faire
ne sont pas très nombreuses. J'ai accueilli avec intérêt
vos observations et, sur la base de ce que je viens de vous dire, j'aimerais
que vous réagissiez; j'aimerais connaître votre réaction,
à tout le moins. Et si vous pouvez me réfuter de manière
persuasive, je serai très heureux de me précipiter, demain matin,
chez le ministre des Finances pour lui dire que ce soir, j'ai appris des choses
que je n'avais pas entendues auparavant, avec démonstration à
l'appui.
La Présidente (Mme Hovington): M. Lan-glois.
M. Langlois: Oui, si vous le permettez, quand même...
M. Ryan: Comme vous êtes des professeurs
d'université, je me permets de vous défier un petit peu plus
directement parce que...
M. Langlois: Lorsque nous avons parlé d'impôt sur le
revenu des particuliers et du système d'imposition, nous avons dit que
c'était le système le moins régressif. En parlant de cela,
nous avons insisté surtout sur l'augmentation des taxes sur les revenus
des sociétés et surtout des grandes entreprises. C'est là
que porte surtout notre position. Lorsque nous avons parlé d'impôt
sur le revenu des particuliers, nous avons parle de cette taxe sur
l'impôt sur le revenu de ceux qui auront suivi des études
universitaires, et nous l'avons bien nettement liée à cette
augmentation des frais de scolarité qui frappe indistinctement tous les
étudiants, en sachant que leur promesse d'avenir, d'enrichissement futur
n'est pas identique. À ce compte-là, ceux qui auront
bénéficié de revenus supérieurs après leurs
études devraient effectivement remettre, mais sous cette forme-là
qui est moins régressive, qui est plus juste et plus équitable.
C'est un peu dans ce sens-là que notre mémoire a
été rédigé. Est-ce que vous vouiez ajouter quelque
chose, madame?
Mme Méar (Annie): Je voulais simplement ajouter un
commentaire, Mme la Présidente. Je trouve un peu paradoxal que Ton se
compare aux autres provinces canadiennes et aux États américains
pour justifier une hausse des frais de scolarité, alors qu'en ce moment,
en particulier, nous clamons bien haut notre droit à la
différence pour ce qui est de la langue et de la culture. Il me semble
que, justement, le Québec est une province différente et
l'université en particulier devrait contribuer au développement
de cette langue et de cette culture, et pour cette raison en particulier, on
devrait tout faire pour sortir l'université de son sous-financement
chronique.
La Présidente (Mme Hovington): M. le ministre.
M. Ryan: Madame, je regrette, les salaires que nous payons aux
professeurs d'université n'ont pas de langue, et les taxes que doivent
payer les contribuables, non plus. Et c'est ça qui est la base des
finances publiques. Le caractère distinctif du Québec a peu
à voir avec ça. Je ne vois pas du tout au nom de quel principe
sacré
on viendrait soutenir qu'on n'est pas capables d'accepter une
augmentation significative de la participation des étudiants au
financement d'études supérieures dont ils seront, de toute
évidence, les premiers bénéficiaires. S'il y a un lien
entre ça et la vocation nationale du Québec, je serais
très heureux de le connaître parce que, franchement, il ne
m'apparaît pas à l'oeil nu. Je vous le dis en toute
simplicité, je suis un défenseur du caractère distinct du
Québec, mais j'aime bien que ce caractère s'^rirme par le partage
équitable des responsabilités, aussi, dans notre
société. À propos, si vous me permettez de... Est-ce qu'il
y a autre chose à ajouter sur les solutions possibles? Ça
m'intéresse.
M. Gilbert (Marc-André): C'est une ques tion...
La Présidente (Mme Hovington): M Gilbert.
M. Gilbert: C'est une question plus qu'une solution.
L'augmentation des droits de scolarité risque d'avoir un effet,
peut-être temporaire, peut-être permanent, sur la
fréquentation en milieu universitaire. C'est une hypothèse, mais
on ne croit pas, en tout cas, qu'au Québec ça entraînera
une hausse de la fréquentation. Les meilleures hypothèses, c'est
que ça restera la même chose ou ça diminuera quelque peu
l'accessibilité. On connaît aussi, d'autre part, que le
financement universitaire est en partie basé sur un principe
d'accroissement des clientèles des universités, à moins
que la formule de finance» ment des universités ne se soit
modifiée substan tiellement et qu'on n'ait manqué cette
information-là. Je ne crois pas, en tout cas, avec l'information que
nous possédons pour le moment, qu'il y ait une modification majeure de
la formule de financement des universités qui soit passée ou qui
s'apprête à passer. Alors, s'il y a une diminution de la
fréquentation universitaire, ça aura un impact
inévitablement sur le financement des universités, puisque le
financement universitaire est basé sur la fréquentation
universitaire. Je voudrais savoir, pour ma part, comment cet impact de la
diminution de la fréquentation universitaire va être pris en
compte dans la formule de financement des universités.
M. Ryan: Regardez, la question est hypothétique, je n'ai
pas à envisager toutes sortes d'hypothèses, mais je peux vous
donner un fait qui s'est produit sous le premier mandat du gouvernement actuel.
Il s'est produit une diminution de clientèle dans les cégeps. La
clientèle était autour de 140 000, et elle est descendue
jusqu'autour de 135 000, et nous avons maintenu des subventions au niveau qui
existait, nous avons vu à faire des ajustements de manière qu'il
n'y ait pas de creux qui se produise. Le gouvernement était très
conscient...
M. Gilbert: Le financement au niveau des cégeps est
différent...
M. Ryan: Pardon?
M. Gilbert: Le financement des cégeps est différent
du financement universitaire.
M. Ryan: C'est entendu, c'est entendu, mais là vous me
demandez... Je vous réponds par un exemple qui est quand même de
même nature ot, s'il arrivait un phénomène de même
nature du côté des universités, ce que je ne formule pas
à l'état d'hypothèse, je veux que ce soit clair, je pense
bien que le gouvernement prendra ses responsabilités et n'a aucun
intérêt à affamer les universités ou à les
priver de ressources Au contraire..
M. Gilbert: Ce que j'entends, c'est un engagement de la part du
gouvernement à s'assurer que le financement universitaire ne sera pas
affecté.
M. Ryan: Non, ce n'est pas ce que je vous dis, je ne le sais pas.
La décision sera prise en temps et lieu, si cette situation se produit.
Je ne serai peut-être même plus ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science à ce moment-là, je ne pourrais
engager ceux qui seront là. En ce moment, je vous dis ce que nous avons
fait, sous le gouvernement actuel, et votre serviteur étant le titulaire
de la charge du ministère, cost co que nous avons fait dans le cas des
cégeps et, dans le cas des universités, comme je l'ai dit, nous
avons augmenté sensiblement la contribution du gouvernement par le moyen
des subventions d'équilibre, sans parler, évidemment, des
subventions d'immobilisation qui ont été très
significatives, au point que, si l'on examine la contribution du gouvernement
à l'enseignement supérieur, sous l'angle combiné des
subventions d'équilibre budgétaire et de l'aide financière
aux étudiants, le Québec se situe au tout premier rang des
provinces canadiennes. Il ne traîne pas derrière, il est au tout
premier rang. Ce qui veut dire qu'il y a d'autres secteurs de l'activité
collective qui reçoivent moins, proportionnellement. C'est pour
ça que le gouvernement ne peut pas se précipiter tout seul en
avant. Il l'a déjà fait. Il est obligé d'essayer de
demander à ses colistiers de s'inscrire un peu plus dans la course
réelle.
La Présidente (Mme Hovington): Merci... (21 heures)
M. Ryan: Et je pense qu'il y aura un phénomène qui
va en résulter, ça va être une appréciation encore
plus grande de la très grande valeur des études universitaires,
puis ce n'est pas à négliger, ça.
La Présidente (Mme Hovington): Ça va?
Merci. Alors, je cède la parole à M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, merci, Mme la Présidente. Toujours la
même façon de travailler, deux commentaires sur ce que le ministre
vient de dire. Vous avez bien fait de poser la question sur les
clientèles parce qu'il est évident que ces gens la vont
répéter le geste qu'ils ont pratiqué et j'ai les chiffres
ici en 1986-1987. Les subventions pour les nouvelles clientèles en
1985-1986 étaient de 36 000 000 $, en 1986-1987, première
année des libéraux, elles sont tombées à 27 000 000
$. Pour les nouvelles clientèles, donc votre question était
pertinente. C'est évident que vous n'aurez pas le financement requis
parce que vous le savez, vous êtes dans le milieu, vous n'aurez pas le
financement s'il y a une chute quant à l'accessibilité, donc
réduction des clientèles. Est-ce que le niveau d'argent, dans
l'ensemble des universités, va être le même? La
réponse est non, c'est évident. Votre question était
pertinente.
Sur les commentaires du ministre, il faut toujours se rappeler... Et
puis ma collègue le citait et le mentionnait lors du débat le 29
avril 1986, ce n'est pas d'hier, il est plus stable que vous pensez ou qu'il
vient de le dire. Il laisse voir qu'il ne le sait pas s'il va être encore
ministre prochainement, il est pas mal plus stable qu'il vient de le dire
à ce poste-là. C'est le ministre de l'Éducation
d'aujourd'hui qui parlait dans le passé: Nous ne voulons pas être
mis devant le fait accompli parce qu'il m'apparaît assez paradoxal que,
d'un côté, on multiplie la publicité et les
démarches pour recruter de la clientèle - il vous parlait
là - comme si on était une entreprise en pleine expansion et
qu'en même temps, de l'autre côté, on aille se lancer dans
des déficits. Il va falloir qu'on s'assoie. C'était ça, sa
préoccupation en 1986 pour améliorer la qualité et
l'accessibilité à l'éducation, il considérait
ça comme une entreprise en disant: Écoutez, vous êtes
responsables, vous courez après les clientèles et ça fait
des déficits et, en conséquence, on va vous passer dans le
hachoir. C'est ce qui est arrivé.
Sur votre mémoire: Écoutez, je ne peux pas être
long. D'abord, la FAPUQ est représentative d'un grand nombre de
professeurs dans le domaine, ç'a été dit par le ministre
lui-même. Ce sont des sujets que vous connaissez et si, rapidement, je
fais un commentaire sur la première partie de votre mémoire... Le
dégel des frais de scolarité: Vous dites, c'est clair et je
trouve que vous avez à 100 % raison en ce qui me concerne. Il n'y a pas
de fligne-flagne - excusez l'expression - et de faux-fuyants, si, non, vous
n'êtes pas d'accord avec le dégel. Puis, il me semble que vous
avez pas mal une meilleure preuve que la sienne. Je parle de celle du ministre.
Il faut le faire en connaissance de cause, prétendre que - et là
je le cite - "le
Québec n'est pas isolé, il n'est pas dans le contexte
européen". Il n'y a personne qui a prétendu ça. Le
Québec n'est pas isolé et il n'est pas dans le contexte
européen, on le sait. Il est dans le contexte nord-américain et
canadien mais, justement parce qu'il est dans ce contexte-là, comment se
fait-il qu'on ait du rattrapage? Comment se fait-il qu'on ait moins de
diplômes? Comment se fait-il qu'on ait plus de temps partiel? Comment se
fait-il qu'on ait plus d'abandons? Il le sait, il sait toutes les
réponses à ça. Pour des raisons historiques et parce qu'on
est comme ça, et ça s'explique depuis 25 ans, c'est la
réalité qu'il connaît très bien. Faire des cas de
comparaison avec le reste du Canada surtout, et moi, ça ne me gêne
pas de le faire sur l'aspect de la langue, parce que ça a une incidence,
parce que comme par hasard les Canadiens anglais québécois - je
fais volontairement l'application là, pour se comprendre - les Canadiens
anglais québécois, ils vont dans une proportion de 10 % à
15 % plus élevée à l'université. Mais il sait
ça, puis il le sait très bien.
Donc, il n'y a aucune espèce de gêne à dire: Au
Québec, oui, on est différents, oui, pour des raisons
historiques. Le fait d'accéder à des études
universitaires, ça a une incidence sur ce que nous sommes, une
majorité francophone en cette terre d'Amérique et au
Québec. Donc, cette réalité-là, ce n'est pas parce
que je veux mettre un bandeau, dire que ça va avoir un effet sur
l'île-du-Prince-Édouard, il n'y a pas de saint danger! Je veux
dire, on est distincts, puis il faut l'évoquer, puis ce caractère
distinct là, il faudrait avoir assez de courage pour souhaiter qu'il
perdure dans le temps. Qu'il perdure dans le temps pour cette
réalité-là. Quand on aura comblé les retards, quand
on aura un niveau de diplomation comparable, quand on aura moins d'abandons, on
aura moins d'étudiants au premier cycle, moins à temps partiel,
qu'on en aura autant au deuxième cycle et au troisième cycle,
là on pourra faire des beaux discours avec la Colombie, puis le Canada
et les États-Unis. Alors, vous, vous dites: On est contre. Bravo, vous
faites bien!
Deuxièmement, vous dites que le dégel, comme la solution
au problème du financement, ça n'en est pas une. Il y a une bien
meilleure preuve, la vôtre est bien meilleure preuve, vous dites:
Écoutez, on est capables de faire la preuve que le dégel ne
règle, mais en rien, la question du sous-financement chronique. Vous
avez raison. Depuis qu'on se parle ici, tous les mémoires le confirment
et le ministre en ajoute. Le ministre de l'Éducation en ajoute puisqu'il
ne donne jamais la confirmation que l'argent additionnel obtenu par le
dégel, vous allez mettre la patte ou la main dessus - excusez
l'expression vulgaire - mais il le dit: Non, je ne peux pas vous donner ces
assurances-là. Je sais pourquoi, moi, il ne peut pas les donner.
Et en plus de ça, si au moins on disait... À un moment
donné, la CREPUQ a dit: Oui, mais vous êtes sur la bonne voie. Ce
n'est même pas exact. Pour être sur la bonne voie, il faudrait
avoir l'assurance que la petite partie qui va rester, parce qu'il en prend au
moins 10 000 000 $ à 1? 000 000 $ pour financer la réforme de
l'aide financière, premier crime... Les petits 41 000 000 $ qui restent,
noyés dans la mer du financement de 180 000 000 $ établie par
tout le monde, cela va corriger quoi, concrètement, dans l'ensemble du
Québec? Moi, je dis: Quelque chose d'insignifiant, pour ne pas
régler un problème majeur. Le problème du financement
universitaire, est-ce que c'est un problème majeur? Réponse: Oui,
et c'est eux autres qui l'ont établi. C'est Mme Dougherty, l'ancienne
adjointe du ministre, c'est M. Bourassa et mettez-en.
Là, je n'ai pas envie de tout reciter ça. Les hommes
d'affaires, le patronat, les chambres de commerce, le paquet, ils ont dit:
Universités en crise, situation dramatique terrible. Je suis d'accord.
C'est vrai. Là, on ne règle à peu près rien et on
dit: C'est la solution. C'est ça. Nous, notre solution, comme
gouvernement, c'est le dégel. Les universités n'en auront pas
plus, pas plus d'instruments de support, pas de meilleures garanties, et
là, au pire du pire, c'est que, même s'il n'y a que quelque 40 000
000 $, on dit: Bien, attention! On aimerait ça, vous les laisser. Et
là, dans ce temps-là, le ministre joue à Ponce Pilate: Je
ne suis pas président du Conseil du trésor. Je ne suis pas
ministre des Finances. Je ne fais pas partie de ce gouvernement-là. Vous
verrez au budget. Moi, je suis juste ministre de l'Éducation.
Je ne peux pas marcher là-dedans.
M. Ryan: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Hovington): M. le ministre.
M. Ryan: ...si le député peut me permettre juste
une correction, je n'ai jamais dit que je ne faisais pas partie de ce
gouvernement-là, j'espère.
M. Gendron: C'est moi qui l'ai dit. C'est moi qui viens de le
dire.
M. Ryan: Oui, mais vous m'imputez ça à moi.
M. Gendron: Oui.
M. Ryan: Je n'ai jamais dit ça.
M. Gendron: Je ne change pas d'avis.
M. Ryan: Quand je dirai ça, ça sera: Je ne fais
plus partie.
M. Gendron: En tout cas, rapidement, Mme la
Présidente...
M. Ryan: Je n'ai jamais dit ça. Franchement, je ne serais
pas ici.
M. Gendron: Non, non, écoutez, dire ce que... Je pense que
vous avez assez de capacité d'analyse. Dire: Écoutez, ça,
ça relève du ministre des Finances, ça, c'est les autres,
ça, je n'ai pas le mandat...
M. Ryan: Non, non, non.
M. Gendron: ...discuter de ça, c'est l'équivalent
de vous décharger d'une responsabilité qui vous regarde. C'est
ça que je viens de dire.
M. Ryan: Je suis solidaire des politiques gouvernementales,
autrement je n'en serais plus.
M. Gendron: C'est votre droit le plus strict.
M. Ryan: Très bien.
M. Gendron: Je ne vois pas en quoi il y a un point de
règlement là-dedans
Trois, l'impact sur l'accessibilité aux études
universitaires. Moi, je prétends que votre démonstration vaut
probablement celle du ministre, que ça aura un impact et que ça
va amener un grand nombre d'étudiants, à tout le moins, à
faire deux choses, soit renoncer ou soit changer de voie, prendre la voie du
temps partiel versus la voie du temps plein. Un des impacts très
négatifs de notre système universitaire, c'est que, tout le monde
le dit, il y a beaucoup trop d'étudiants à temps partiel. La
preuve, on est obligés de confier une responsabilité, à un
moment donné, au Conseil supérieur de l'éducation pour
évaluer toute la question des chargés de cours. Et là, je
ne porte pas de jugement.
Moi, les chargés de cours, je trouve qu'on en a besoin, ça
fait partie du système et tout ça. Mais, sur la base historique,
l'arrivée des chargés de cours, c'était quoi, ça?
Regardez le dossier. Vous le connaissez autant que moi. C'était
ça. C'est qu'à un moment donné il y a tellement
d'étudiants à temps partiel que les professeurs à temps
plein ne peuvent pas suffire à la tâche et, rapidement, on a
intégré des chargés de cours. C'est ça,
l'historique. Je suis convaincu que je n'erre pas en disant ce que je viens de
dire.
Donc, deux choses. Oui, ça va avoir un impact, et en plus d'avoir
un impact, plusieurs étudiants vont changer de voie. Là, vous
dites: La démonstration incombe au gouvernement. Je ne trouve pas qu'il
nous l'a faite. Il nous l'a faite dans un régime autre que le
nôtre qui n'a rien à voir avec nos bases historiques, qui n'a rien
à voir avec tous les chiffres qu'on peut mettre en preuve, et c'est
ça, sa preuve S'il
regarde ce qui se passe à l'étranger, ce n'est pas
péjoratif. Ce n'est pas nous autres. Ce n'est pas ça, notre
réalité. Quand bien même on montrera cinq fois ce qui se
passe à l'étranger, le niveau de diplômes de l'Ontario,
ça ne me donnera pas plus d'étudiants au deuxième cycle et
au troisième cycle, ça ne me donnera pas d'étudiants de
plus a temps plein et ça ne me donnera pas cette culture historique qui
fait que les anglophones, eux autres, ils sont bien plus capables de pousser
leurs jeunes aux études universitaires que les francophones, pour toutes
sortes de raisons qu'on pourrait expliquer pendant plusieurs heures ce soir.
Mais c'est ça, la réalité, et il n'en tient pas
compte.
Les chiffres, moi, ce n'est pas une question de chiffres. Je l'ai dit et
je conclus là-dessus. Quand le même ministre de l'Éducation
dit: La pratique du gel pendant 25 ans et plus a contribué largement et
d'une façon majeure et importante à ce qu'il y ait beaucoup de
jeunes qui accèdent ainsi à des études universitaires, le
jour où tu y mets fin, le même ministre qui vient de dire que
ça a contribué, il ne peut pas dire, de l'autre
côté: Dégelez, il n'y aura pas d'impact. Il ne peut pas
dire ça, parce qu'on ne peut pas, en même temps, dire deux
vérités différentes, à moins d'être infirme,
puis ce n'est pas son cas, visuellement en tout cas.
L'approche gouvernementale du financement des études
universitaires, je pense qu'elle est viciée. Elle est viciée,
l'approche du gouvernement au niveau du financement des études
universitaires. Vous avez raison, ce n'est pas un bien de consommation. Ce
n'est pas un bien de consommation et, en conséquence, il s'agit d'un
enrichissement collectif qui permet à toute la société de
s'enrichir. Et quand une société peut compter sur un niveau de
scolarisation plus élevé, une meilleure culture universitaire est
plus apte à prendre le virage, est plus apte à s'adapter aux
technologies nouvelles, puis elle est plus apte à faire face au
défi de 1992, que ce soit l'Europe ou d'autres défis. Donc, votre
mémoire, moi, je n'ai rien à y redire, je pense l'avoir bien
compris.
Si vous aviez dit au ministre, si vous l'aviez amené sur les
voies où il essayait de vous amener, est-ce que vous avez parlé
de couper les dépenses? Moi, j'ai lu votre mémoire deux fois, il
n'a pas été question de ça. Le ministre vous a dit:
Écoute, notre choix, ça serait de couper les dépenses. Il
n'a pas été question de ça. Est-ce que, dans votre
mémoire, vous avez dit: Augmentez le déficit? Il n'a pas
été question de ça. Je n'ai jamais vu, dans votre
mémoire, des indications d'augmenter le déficit. Ce dont il a
été clairement question, c'est que oui, il y a lieu de poser un
geste majeur pour régler le sous-financement, puis il faut que ce
geste-là soit posé si on veut que la société puisse
donner un niveau de développement des études universitaires
adéquat; c'est: le secteur privé devrait faire un effort
additionnel.
C'est prouvé que le secteur privé ne fait pas l'effort
qu'on lui demande de faire ailleurs, puis il en bénéficie.
Ça, c'est clair. Donc, le secteur privé devrait faire un effort
additionnel. Est-ce que l'État devrait faire un effort additionnel? Moi,
je n'en démords pas, la réponse, c'est oui, parce que
l'éducation, c'est une priorité collective. Ça appartient
à l'État d'assumer cette responsabilité là.
Puis, troisièmement, la solution pour que les étudiants
fassent plus, parce qu'il est normal que les étudiants en fassent un peu
plus, c'est soit un impôt postuniversitaire, soit toutes les
réflexions qui ont été mises sur la table pour s'assurer
qu'il y ait plus d'équité par rapport à la formation
qu'ils ont reçue. Et vous avez raison, en termes régressifs ou
pas, l'impôt sur le revenu est peut-être ce qu'il y a de moins
régressif. Dans ce sens-là, je pense qu'il y aurait une
contribution importante à leur demander, puis vous n'êtes pas en
désaccord.
Quelques mots sur l'aide financière aux étudiants. Toutes
vos remarques vont dans le même sens que celles qu'on a entendues. Elles
sont adéquates, elles sont fondées, à savoir que la notion
d'autonomie devrait être plus grande. La contribution parentale est
faible, minimale, il y en a la moitié qui ne la verse pas, quand on
continue à l'exiger dans le calcul; donc, ça signifie que les
étudiants ne la touchent pas. Un vrai régime d'aide
financière devrait tenir compte de ces
éléments-là.
Quant aux mécanismes d'enquête et de vérification,
les articles 47 à 52, vous trouvez que c'est inapproprié; on a
dit la même chose, tout le monde a dit la même chose, puis le
ministre est d'accord.
Je n'ai pas d'autres remarques à faire et je ne poserai pas des
questions pour poser des questions, parce que je comprends bien la
présentation de votre mémoire.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. Le ministre adore
les comparaisons Québec-Ontario. Moi, j'ai travaillé comme
porte-parole de l'Opposition à l'Éducation, à
l'Enseignement supérieur et à la Science et c'est toujours,
toujours, toujours ce qu'il nous ramène, mais, assez curieusement, il ne
ramène que celles qui lui conviennent. On pourrait en faire, des
comparaisons avec l'Ontario, que j'aimerais bien qu'on imite: 3 % de la masse
salariale des entreprises pour corriger les inégalités
salariales; ça concerne davantage les femmes, c'est intéressant,
mais c'est quand même majeur comme mesures, là. On ne parle pas de
n'importe quoi. 3 %, c'est plus de 1 000 000 000 $, ça, peut-être
3 000 000 000 $ ou 4 000 000 000 $, la masse salariale, peu importe, avec la
nôtre.
En Ontario, des écoles privées financées par le
public, il n'y en a pas, à part les écoles pour les enfants qui
éprouvent des difficultés d'apprentissage ou encore pour les
enfants handicapés. C'est tout à fait à l'inverse,
à l'autre bout de la chaîne, de nous autres; nous autres, ils ne
les prennent pas les handicapés dans les écoles privées.
(21 h 15)
Le financement des universités régionales en Ontario pour
l'enseignement à distance, pour le financement des universités en
région, c'est 22 % de plus que l'enveloppe de base des
universités dans les grands centres. J'aimerais ça, moi, qu'il
regarde ces comparaisons-là. Il nous dit: Une hausse des frais de
scolarité n'aura pas d'effets sur la clientèle. Vous savez,
ça, je trouve toujours que c'est un raisonnement qui n'a pas de bon
sens. Il dit: Écoutez, on a les frais de scolarité les plus bas
et on conserve une diplomation plus basse qu'ailleurs. Résultat:
augmenter les frais de scolarité, ça va augmenter le monde.
Franchement! Je veux dire, il y a comme quelque chose qui ne va pas dans le
raisonnement.
Mais il nous parie souvent du déficit, ce avec quoi on
peut être assez d'accord qu'un déficit - en tout cas, si je pense
au déficit canadien, ça commence à être assez
apeurant, merci - mais le déficit le plus important au Québec,
c'est un déficit de ressources humaines. C'est là qu'il est,
notre déficit, et là, il va entraîner un autre
déficit, c'est le déficit de notre capacité de
développement économique. Ça passe par là.
Ça, c'est le genre de comparaison, c'est drôle, on dirait qu'il
est sourd là dessus. Il doit envoyer ça au ministre de
l'Industrie et du Commerce probablement.
J'ai une question. Vous abordez toute la question de l'introduction de
mesures de vérification et de contrôle, le pouvoir d'enquête
qui est un pouvoir quasi judiciaire. A cet égard, le ministre, l'actuel
gouvernement - et là, ce n'est pas seulement le ministre, je pense
à celui qui est responsable du ministère de la
Sécurité du revenu qui a fait la même chose - ils ont une
approche de résolution de problèmes, ils disent: Si vous avez des
problèmes, tapez ceux qui utilisent les services. Ça s'est fait
en santé, c'est-à-dire que ça se parle en santé,
ça se fait en éducation. Là, ça se fait un peu
partout, c'est la mode.
À présent, tout le monde est soupçonné
coupable jusqu'à preuve du contraire. On a, là aussi, comme
inversé notre processus qui était, selon la loi britannique, que
tout le monde est innocent jusqu'à preuve du contraire. Mais là,
tout est installé. Les régimes s'installent comme si tout le
monde était coupable jusqu'à preuve du contraire. Je me disais
que vous avez raison de dire qu'on n'a pas fait mention d'abus au régime
qui permettraient de justifier une telle mesure.
Sur une autre question, vous parlez du problème de la diminution
des clientèles et vous dites que ça se fera plus durement sentir
chez les femmes que chez les hommes, et vous le dites sur la base,
évidemment, des données du sondage auquel vous vous
référez, celui de Léger et Lepage. Ça
représente combien? Vous dites que vous représentez quatre
universités, mais quel est le pourcentage des femmes dans les
clientèles à temps partiel?
Mme Méar: Je peux vous répondre, si vous voulez,
pour l'Université de Montréal.
Mme Blackburn: Oui.
Mme Méar: À l'Université de Montréal,
30 % des étudiants à temps partiel sont des femmes.
Mme Blackburn: Autant dire, comme on repousse l'accès au
régime pour ces clientèles, que dans 90 % des cas, ça va
être des femmes qui vont être touchées par ça. Dans
les autres universités, est-ce que vous les avez également?
M. Langlois: On n'a pas d'autres chiffres. Une voix: Juste
ceux pour Montréal. M. Langlois: Je n'ai pas d'autres
chiffres.
Mme Blackburn: Mais j'imagine que ça ne doit pas autrement
émouvoir le ministre parce que le ministre - je me permets de le
rappeler - vous savez, parlant du déficit des universités,
disait: Je ne veux pas qu'on me mette devant des faits accomplis; plus de
déficit les petits gars, vous avez compris, qu'il fusse au nom des
idéaux les plus nobles... Et là, il parlait de
l'accessibilité Ce qui fait dire que vous avez tout à fait raison
quand vous dites que les 52 000 000 $, ce n'est pas sûr qu'on les
retrouve dans les universités, et loin de là. Combien est-ce que
ça pourrait représenter d'économies pour un gouvernement,
pour le gouvernement du Québec? Dans une hypothèse où il y
aurait une diminution de 5 % des clientèles, ça représente
combien, ça, à peu près?
M. Langlois: Un calcul rapide...
La Présidente (Mme Hovington): Qui répond à
la question? Est-ce qu'il y avait question?
Mme Blackburn: Oui, il y a question.
La Présidente (Mme Hovington): Avez-vous compris la
question? Oui.
M. Langlois: Enfin, c'est une autre question, c'est-à-dire
que ce n'est pas la réponse, précisément, à votre
question. Cependant, vous venez d'aborder le problème des personnes qui
sont le
plus susceptibles. Comme nous l'avons fait dans le mémoire -
effectivement, elles sont plus susceptibles - nous avons dit: Les femmes sont
peut-être les plus fragiles sur le plan de l'affectation par la hausse
des frais de scolarité, mais ce qui nous inquiète aussi,
peut-être, ce sont les strates sociales qui pourraient être
affectées par, évidemment, l'accessibilité, c'est
l'accessibilité des classes moins favorisées, bien sûr.
C'est qu'avec l'augmentation des frais de scolarité il ost possible
encore, parce qu'on constate effectivement que, dans les universités, il
y a davantage d'étudiants et d'étudiantes de milieux
favorisés qui fréquentent les universités... Cependant,
c'est un fait de société, même si on augmente les bourses
ou les prêts, parce qu'on augmente toujours les bourses en fonction des
prêts - et les frais de scolarité qui viennent s'ajouter,
finalement, même si on augmente le prêt aux étudiants et
étudiantes - il reste que ce n'est pas dans les traditions sociales des
milieux défavorisés de comprendre que de s'endetter ou
d'emprunter peut être synonyme de faire de l'argent, de rentabiliser des
investissements. Dans les classes défavorisées, il n'y a pas
cette forme de conception, c'est le gain le plus rapide ou celui qui
coûte le moins cher à acquérir pour travailler. La crainte
que nous avons, c'est qu'en augmentant même les prêts pour payer
les frais de scolarité plus élevés, qui semblent peu
élevés maintenant, mais qui risquent de le devenir effectivement
à la longue, parce que c'est un élan qui est donné,
à ce moment-là, on affecte davantage les classes
défavorisées qui ne voudront pas, malgré le talent,
peut-être, accéder à des études universitaires. Et
ça, c'est un risque que nous courons.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. C'est tout le temps
que nous avions. En guise de conclusion?
M. Ryan: Juste un petit mot, en guise de conclusion, ce n'est pas
parce que je tiens à changer les termes du débat, mais je me
rappelle que, dans les documents que j'ai examinés en préparation
de la commission parlementaire, j'ai lu une étude qui a
été faite sur le financement du système universitaire
français, une étude de l'OCDE, et, dans cette étude, on
établit clairement qu'en France, où ils ont la gratuité
universitaire depuis au moins le lendemain du dernier conflit mondial - moi,
j'allais là vers la fin des années quarante et c'était
gratuit déjà - à ce moment-là - le taux de
scolarisation universitaire est beaucoup plus bas que le nôtre et la
composition sociale des clientèles universitaires est encore davantage
marquée par des clivages que la nôtre. Ça veut dire que le
lien de causalité que certains veulent établir - le
député d'Abiti-bi-Ouest a la preuve facile, lui, il accepte
n'importe quoi pourvu que ce soit contre le gouvernement - mais le lien de
causalité que vous-mêmes cherchez à établir n'est
pas établi du tout. Plus on recueille de données, plus ça
va dans un sens contraire.
On a donné l'exemple de la Suède ici. La Suède, ils
ont la gratuité. Ils l'avaient jusqu'à récemment. Ils
avaient un régime universel de prêt pour tout étudiant
âgé de plus de 18 ans. On constate, en scrutant le dossier
davantage, que, dès 1985 ou 1986, à la sortie des études,
l'étudiant suédois avait sur le dos une dette de plus de 18 000 $
Alors, il faut prendre l'ensemble d'un dossier quand on regarde ça puis
il faut le situer dans le dossier plus large des finances publiques de chaque
société. C'est ce que nous essayons de faire, nous autres, faire
entrer dans le portrait tous les facteurs, sans en oublier aucun. Ça
nous conduit à la conclusion qui est celle que nous proposons.
J'apprécie quand même que le point de vue contraire nous soit
soumis, je pense que c'est nécessaire et ça nous oblige à
l'enregistrer puis à nous interroger. On n'a jamais de
vérité définitive là-dedans et, dans ce
sens-là, je pense que l'exercice est très salutaire et je vous en
remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, il me reste à
vous remercier au nom des parlementaires membres de la commission.
Mme Blackburn: Est-ce qu'on peut en faire autant à
l'endroit de cette délégation, de ses représentants?
La Présidente (Mme Hovington): Je vois que le porte-parole
de l'Opposition est revenu, peut-être en guise de conclusion.
M. Gendron: Mais compte tenu du fait que je n'ai pas
été témoin de l'accusation gratuite du ministre, ma
collègue l'a entendue, alors je vais la laisser conclure.
La Présidente (Mme Hovington): Rapidement, parce que nous
avons déjà dépassé le temps.
Mme Blackburn: Je voudrais vous remercier de votre
présentation. Comme l'a dit mon collègue d'Abitibi-Ouest, on n'a
pas à élaborer davantage, tout est là-dedans, tout est
contenu. Vous savez, le ministre a cette désagréable manie: si
vous ne pensez pas comme lui, tout ce qui ne pense pas comme le ministre, c'est
nécessairement de travers. Il a la foi, la vérité e! la
vie. Quand vous avez tout ça, c'est bien difficile d'aller discuter avec
quelqu'un. Et quand il dit que le député d'Abitibi dit n'importe
quoi et que les arguments qu'on avance, du moment qu'on les avance sur des
données et que lui, en grand prêtre, n'a pas eu l'occasion, de
participer à l'étude ou encore de la faire lui-même,
ça n'a jamais de bon sens. On aurait beau dire n'importe quoi. Alors,
quand il accuse de façon facile, je trouve qu'il manque totalement
d'argu-
merits. Vous aurez remarqué aussi que, quand il manque
d'arguments, il devient un petit peu méchant.
La Présidente (Mme Hovington): En conclusion, s'il vous
plaît!
Mme Blackburn: Ou encore, quand on a des bons arguments, il
devient un petit peu plus méchant. Alors, dans ce sens-là,
ça veut dire probablement que nos arguments l'ont frappé.
M. Ryan: On va vous laisser parler encore.
La Présidente (Mme Hovington): En conclusion.
Mme Blackburn: Si vous restez assez longtemps en commission
parlementaire, vous aurez l'occasion de l'apprendre.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Je vous remercie infiniment de votre
participation. Au plaisir.
La Présidente (Mme Hovington): Ha, ha, ha! Merci beaucoup.
Alors, je demanderais à l'Intersyndicale des professeurs des
universités québécoises de bien vouloir s'approcher et
nous allons suspendre une minute pour laisser le temps à tout le monde
de s'installer.
(Suspension de la séance à 21 h 27)
(Reprise à 21 h 28)
La Présidente (Mme Hovington): Si vous voulez bien prendre
place, nous allons reprendre nos travaux. Est-ce que l'intersyndicale des
professeurs des universités québécoises voudrait bien
prendre place, s'il vous plaît, les représentants? Bonsoir,
bienvenue à la commission de l'éducation. Pour les fins de la
transcription des débats, voulez-vous vous présenter, s'il vous
plaît, à tour de rôle.
Intersyndicale des professeurs des universités
québécoises
M. Campagna (Michel): Merci, Mme la Présidente, Mmes et
MM. les députés et membres de la commission, M. le ministre. Je
suis Michel Campagna, président de l'Intersyndicale, qui regroupe douze
syndicats de professeurs des universités québécoises qui
comptent, à eux douze, 4800 membres. J'ai avec moi ce soir, à ma
gauche, M. André Leblond, qui est vice-président de
l'Intersyndicale et président du Syndicat des professeurs de
l'Université du Québec à Chicoutimi; à la gauche de
M. Leblond, c'est M. Roland Ouellet, vice-président du Syndicat des
profes- seurs de l'Université Laval; à la gauche de M. Ouellet,
M. Joseph Mathieu, qui est vice-président du Syndicat des professeurs de
l'Université du Québec à Chicoutimi; à ma droite,
M. Roch Denis, qui est président du Syndicat des professeurs de
l'Université du Québec à Montréal; à la
droite de M. Denis, M. Claude Livemoche, qui est président du Syndicat
des professeurs de l'Université du Québec à Rimouski.
De toute évidence, Mme la Présidente, la
nécessité d'une nouvelle loi ayant pour objet d'établir un
cadre législatif pour l'application d'un régime d'aide
financière aux étudiants sous forme de prêts et bourses ne
fait aucun doute pour les syndicats participant à l'Intersyndicale des
professeurs des universités québécoises. Toutefois, ce
projet de loi, tel que présenté, est un cadre législatif
qui ne répond pas aux besoins et aux réalités
socio-économiques du Québec, "paramétrés"
présentement par une sous-scolarisation universitaire au niveau global,
une sous-scolarisation aiguë au niveau des régions, une
sous-scolarisation universitaire aiguë au niveau des femmes,
l'éclatement des familles et l'augmentation, par conséquent, des
familles monoparentales et des jeunes mères célibataires.
Ce projet de loi ne tient pas compte non plus de la volonté des
femmes, des jeunes, d'accéder à leur indépendance
économique.
Par conséquent, Mme la Présidente, et compte tenu de ces
énoncés, l'Intersyndicale se devait de réagir et de
présenter un mémoire ayant pour but d'apporter une critique
constructive à ce projet de loi, dans le but de contribuer un tant soit
peu à son amélioration. À cette fin, nous avons
articulé ce mémoire autour des trois objectifs principaux
suivants: premièrement, l'autonomie des étudiants et des
étudiantes; deuxièmement, l'accessibilité de tous ceux et
celles qui sont aptes aux études universitaires et,
troisièmement, le financement adéquat par l'État des
universités.
Nous allons d'abord développer le thème de l'autonomie.
L'étude globale du projet de loi 25 révèle qu'il repose
sur le maintien d'un lien de dépendance de tous les étudiants et
étudiantes universitaires vis-à-vis de leurs parents et d'un lien
de dépendance des femmes et des hommes vis-à-vis de leur conjoint
au mépris de leur autonomie. Ce projet écarte de plus une
quantité très importante des étudiants universitaires,
soit les étudiants adultes. À titre indicatif, dans le
réseau de l'Université du Québec, ces étudiants
adultes sont au nombre de 51 000 et constituent les deux tiers des inscrits.
Par conséquent, l'Intersyndicale recommande que les chapitres I et II du
projet de loi 25 soient modifiés pour assurer la pleine et
entière autonomie de la femme et de l'homme par rapport à son
conjoint, de l'étudiant et de l'étudiante de niveau universitaire
a l'égard do ses parents et des adultes en situation de perfectionnement
ou de retour aux études après une expérience sur le
marché du
travail.
Mme la Présidente, pour atteindre cet objectif de pleine
autonomie, l'Intersyndicale recommande que la loi 25 prévoie: 1° que
la contribution parentale soit progressivement abolie ou carrément
supprimée; 2° que la contribution des conjoints soit
également abolie; 3° que les étudiants adultes aient
accès à une assistance financière, soit par un
régime de prêts et bourses spécial, soit par un programme
de formation professionnelle associé aux programmes d'aide sociale ou
d'assurance-chômage; 4° que les étudiants de deuxième
et troisième cycles soient éligibles au programme de prêts
et bourses, sans restriction; 5° qu'à l'exemple d'autres provinces
ou États américains des programmes d'assistance et de
création d'emplois permettent d'assurer aux étudiants
gradués un revenu minimum de 12 000 $ par an. En particulier, ces
étudiants devraient pouvoir bénéficier à
l'université d'avantages spécifiques tels que des bourses
d'excellence, des salaires d'assistant, des salaires de moniteur, etc.
Permettez-nous, Mme la Présidente, de citer nos collègues
Dumont, Dansereau, Fortin, Bouchard et al. dans Le Devoir du 27
février: "Si l'on veut augmenter au Québec le nombre de
candidats... à la diplomation de maîtrise et de doctorat, il
faudra envisager des mesures sérieuses de support financier et ne pas
augmenter indûment les frais de scolarité. À ce stade des
études - de maîtrise et doctorat - les abandons sont très
nombreux et dus très souvent à un besoin d'argent."
Nous abordons maintenant le second thème: l'accessibilité
générale aux études supérieures. Hélas! Le
gouvernement a autorisé les universités à hausser
considérablement les droits de scolarité afin qu'elles puissent,
éventuellement, compenser le manque à gagner de leur financement
par l'État. L'Intersyndicale croit que cette mesure diminuera
l'accessibilité à l'université et, par le fait même,
qu'elle nuira aux étudiants. N'est-il pas communément admis que,
plus le niveau de formation est élevé dans une
société, plus celle-ci se développe politiquement,
économiquement et socialement. Il y a donc un rapport évident,
pour nous, entre le développement de la conscience politique et sociale
du citoyen, son bien-être économique et son niveau de
scolarisation. Ce rapport est d'autant plus important pour nous,
Québécois, que nous entrons dans une période de
libre-échange avec les États-Unis, un phénomène qui
entraînera une croissance du secteur tertiaire de l'économie.
Dans un tel contexte, il est impérieux que les études
supérieures soient accessibles à tous les Québécois
et à toutes les Québécoises. Sans doute, le gouvernement
va-t-il répondre que cette accessibilité est déjà
un fait. Nous répondons: Non, Mme la Présidente, ce n'est pas le
cas. Je vous invite à regarder les tableaux 1 et 2, en annexe à
notre mémoire. D'abord, sur le tableau 1. au niveau du Québec,
globalement, le taux de scolarisation universitaire, au Québec, se situe
en dessous de la moyenne canadienne: 8,6 % comparativement à 9,6 %.
Deuxièmement, le taux de scolarisation universitaire du Québec
est inférieur de 2 % à celui de l'Ontario, ce qui nous place en
situation de nette infériorité. Troisièmement, le taux de
scolarisation universitaire des femmes québécoises se situe
à 6,8 % comparativement à 10,5 % pour les hommes, soit un
écart relatif de 35 %. Quatrièmement, le taux de scolarisation
universitaire est de 12,6 % à Montréal et à Québec,
alors qu'en région on constate des taux qui sont de beaucoup
inférieurs: 4,3 % en Abitibi, 4,6 %, en moyenne, au Lac-Saint-Jean, 6,7
% au Saguenay, 8,2 % à Rimouski et 8 % en Mauricie.
À la suite de ces constats, l'Intersyndicale est plus que jamais
convaincue que l'accessibilité est un droit fondamental et qu'elle doit
être retenue par le gouvernement comme une grande priorité. En
conséquence, nous recommandons au gouvernement de surseoir à
toute hausse des frais de scolarité; en second lieu, d'ajouter au projet
de loi 25 des dispositions spéciales en faveur des femmes
québécoises, leur permettant de rattraper le taux de
scolarisation universitaire des hommes; en troisième lieu, de proposer
un nouvel énoncé de politique comportant a la fois des
modifications au projet de loi 25 et d'autres mesures législatives, afin
de permettre le rattrapage du taux de scolarisation universitaire des
régions et des sous-régions du Québec, soit par des
programmes spéciaux d'aide financière aux étudiants
adultes, soit par l'offre d'un plus grand nombre de programmes d'études
et de services sur place.
Mme la Présidente, le ministre Claude Ryan a reconnu que la
hausse des frais de scolarité entraînera une baisse de 5 % du
nombre d'étudiants. Une étude récente évalue que
doubler les frais de scolarité au Québec entraînerait une
chute de 12,5 % de la fréquentation universitaire. L'Intersyndicale en
conclut qu'indéniablement l'accessibilité sera diminuée et
qu'en conséquence l'enveloppe de financement des universités sera
réduite d'autant. Cette diminution sera non seulement dramatique pour
l'accès des femmes, des populations à temps partiel et des
étudiantes moins favorisées à l'université, mais
aussi pour le développement de la scolarisation universitaire en
région.
Nous abordons maintenant le troisième objectif qui est le
financement adéquat des universités par l'État. Dans son
mémoire au premier ministre, la Conférence des recteurs avait
fait état de deux études permettant d'apprécier le
degré de sous-financement de nos universités. On y lit: "Les
universités sont sous-financées à raison de 200 000 000 $
par an. L'Intersyndicale ne croit pas nécessaire de
répéter cette démonstration. Par contre, l'Intersyndicale
s'étonne que le gouvernement du
Québec abandonne sa responsabilité première de
financer adéquatement le réseau des universités en
choisissant des solutions de facilité, à savoir:
Première solution de facilité: le maintien et
l'augmentation du ticket modérateur que constituent les frais de
scolarité, ces frais constituant une taxe spéciale imposée
aux étudiants et étudiantes, alors qu'un projet de
société adopté dans les années soixante avait voulu
voir disparaître ces frais de scolarité avec le temps.
Comme deuxième solution
Mme la Présidente, il semble bien que le premier acte de ce
scénario tragique soit déjà en cours. L'Intersyndicale
désapprouve donc totalement la position des recteurs sur l'augmentation
des frais de scolarité comme moyen de financement des
universités.
L'Intersyndicale constate également que les recteurs des
universités en région n'ont pas réussi du tout à
convaincre leurs collègues, ni à convaincre le gouvernement
à introduire une formule de financement des universités du type
"Northern grant", laquelle tient compte de la taille et de
l'éloignement, ainsi que de l'indice de sous-scolarisation universitaire
des régions et des sous-régions.
Par conséquent, l'Intersyndicale propose les quatre solutions
alternatives suivantes: premièrement, que le gouvernement du
Québec perçoive un impôt spécial sur les grandes
entreprises; deuxièmement, que le gouvernement du Québec incite
toute municipalité où est implantée une université,
qui est desservie par cette université, à contribuer à son
financement; troisièmement, que le gouvernement introduise des mesures
fiscales supplémentaires permettant aux citoyens de contribuer au
financement de leur université régionale; quatrième piste
de solution, que le gouvernement du Québec introduise au plus tôt
une formule de financement des universités du type "Northern grant", qui
tienne compte de la taille, de l'éloignement et de l'indice de sous-
scolarisation universitaire des régions et des sous-régions.
Le projet de loi 25 constitue une négation à peine
déguisée de l'accessibilité aux études
supérieures pour les étudiants et étudiantes,
accentuée par la hausse des frais de scolarité et le maintien du
sous-financement des universités. De plus, ce projet de loi 25 tel qu'il
est ne comporte aucune mesure correctrice visant à favoriser le
rattrapage des femmes québécoises, ni des populations
régionales au plan de la scolarisation universitaire. Enfin, ce projet
écarte totalement les étudiants adultes.
De ce point de vue, l'Intersyndicale est profondément
déçue de ce projet de loi 25, d'autant plus que le Canada, dont
le Québec est encore une des parties constituantes, a ratifié en
1966 et mis en vigueur en 1976 le Pacte des droits économiques et
sociaux, dont on peut lire l'article 13.2C, je cite: "L'enseignement
supérieur doit être rendu accessible à tous, en pleine
égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les
moyens appropriés, et notamment par l'instauration progressive de la
gratuité." (21 h 45)
Plus récemment, le Canada, par l'intermédiaire des
ministres provinciaux de l'Éducation, dont celui du Québec, au
cours de la 41e session de la Conférence internationale de
l'éducation, a adopté la recommandation 76. Cette recommandation
indique entre autres, le principe suivant: Assurer à tous ceux qui ont
les capacités requises pour accéder à ce niveau
d'enseignement l'égalité des chances dans la préparation
à la vie - et plus particulièrement à la vie
professionnelle - et dans la participation aux diverses activités de la
société.
Quant aux mesures et programmes concrets à adopter, cette
recommandation indiquait ce qui suit: Dans ce but, il est indispensable de
prendre des mesures afin d'assurer aux étudiants remplissant les
conditions voulues et dont la situation économique l'exige l'octroi de
bourses, de crédits ou d'autres formes d'aide sociale et
financière. Une attention spéciale devrait être
accordée à la formation pour l'emploi des femmes et des jeunes
filles. À cette fin, l'inscription des jeunes filles dans les
filières scientifiques et techniques devrait être
encouragée et une plus large place devrait être également
attribuée à l'emploi des professeurs femmes enseignant au niveau
secondaire.
En bref, Mme la Présidente, le projet de loi 25 est un cadre
législatif qui répond probablement aux besoins du
ministère et de son intendance. Ce projet de loi n'est malheureusement
pas adapté aux besoins de la société
québécoise d'aujourd'hui. Nous recommandons instamment aux
membres de la commission et au gouvernement de prendre en bonne
considération les recommandations de l'Intersyndicale. Nous vous
remercions, ainsi que les députés membres de la commission et le
ministre, pour votre bonne
attention et nous sommes à votre disposition pour répondre
à vos questions.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Campagna. Alors,
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Ryan: Mme la Présidente, je veux saluer avec plaisir
les représentants de l'Intersyndicale des professeurs des
universités québécoises, leur dire que nous avons pris
connaissance avec intérêt de leur mémoire. J'aurais
peut-être une petite question d'information à vous soumettre avant
de commencer. Je vois qu'il y a des syndicats qui sont affiliés à
la fois à la FAPUQ et à l'Intersyndicale, est-ce que je me
trompe?
M. Campagna: Non, vous ne vous trompez pas. C'est que
l'Intersyndicale admet la double allégeance. Et l'Intersyndicale est
avant tout une table de concertation pour le moment. Ce n'est pas une
fédération de professeurs.
M. Ryan: Très bien, je vous remercie. L'Intersyndicale
est-elle affiliée à une centrale syndicale?
M. Campagna: L'Intersyndicale n'est affiliée à
aucune centrale syndicale.
M. Ryan: Complètement autonome? M. Campagna:
Absolument.
M. Ryan: Où est-ce qu'est le siège social?
Excusez-moi.
M. Campagna: Notre secrétariat est à Chicoutirni,
pour l'instant. Notre siège social peut changer suivant les
administrateurs pour une année en cours.
M. Ryan: Très bien. Vous me permettrez quelques rapides
commentaires sur les idées que vous nous avez soumises. Je voudrais
sauter par-dessus, peut-être, des thèmes que nous avons
discutés avec la délégation précédente pour
éviter des répétitions, ce qui ne vous empêchera pas
de commenter les points que nous avons discutés si vous le jugez
à propos. Soyez bien libre. Vous parlez de la formule du "Northern
grant" ontarien pour les universités. Vous êtes sans doute au
courant que, dans le nouveau mode de partage des subventions gouvernementales
entre les universités, nous avons prévu cette année une
somme significative destinée aux universités situées en
régions éloignées, laquelle somme a été
confiée à l'Université du Québec qui est
chargée d'établir le partage des ressources à
l'intérieur de son réseau. Alors, nous avons une formule qui
n'est pas le "Northern grant", mais qui tient compte des besoins propres des
universités qui sont en régions éloignées et les
sommes que nous avons réservées à cette fin cette
année viennent s'ajouter à des sommes qui avaient
déjà été inscrites dans la base de financement des
universités il y a quelques années, de manière que, tout
compte fait, nous ayons présentement un dispositif qui tienne lieu de
cette formule de "Northern grant". D'ailleurs, des représentants
d'universités régionales qui sont venus ici, comme
l'Université du Québec à Rimouski, l'ont signalé,
l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue
également. Nous sommes très heureux d'avoir pu insérer cet
élément additionnel dans la base de financement des
universités à compter de l'année 1989-1990 pour les choses
nouvelles qui venaient s'ajouter à d'autres éléments
déjà existants.
Vous faites une proposition, dans votre mémoire, à propos
des étudiants gradués. C'est très important, les
étudiants gradués, pour l'avenir du Québec. Je pense que
nous en convenons tous. Vous dites qu'il faudrait leur donner un salaire annuel
minimum de 12 000 $. J'ai fait des calculs rapides qui sont seulement un point
de départ pour la discussion. Évidemment, nous en avons à
peu près 18 500 étudiantes et étudiants de niveau
gradué et post-gradué, dans nos universités. Si on
multiplie ça par 12 000 $, ça fait à peu près 225
000 000 $.
Disons qu'il y a déjà une partie de cet argent qui est
employé parce qu'il y en a qui sont employés comme
attachés de recherche, il y en a qui ont des bourses du fonds FCAR, il y
en a qui ont des bourses d'excellence d'autres sources. Mais, quand même,
je pense que votre proposition viendrait ajouter aux obligations du
gouvernement une somme d'au moins 150 000 000 $. Je serais bien en peine de
trouver la source qui pourrait nous procurer une somme comme celle-là
tout en convenant que plus on pourra permettre à des étudiants de
ces niveaux de s'employer utilement, avec une certaine
rémunération en relation avec leurs préoccupations
immédiates, à des travaux d'assistance ou de recherche,
accompagnés de leur professeur, je pense que c'est un objectif excellent
auquel nous souscrivons. Et sans être en mesure de vous dire que
l'objectif que vous proposez soit capable d'être atteint, on va regarder
si on peut améliorer les choses qui se font déjà de ce
côté-là. Et si on peut faire un certain nombre de pas,
c'est autant de pris.
Vous demandez que des mesures soient prises en faveur des femmes, en
particulier, des femmes adultes qui veulent revenir aux études
après une expérience au foyer ou sur le marché du travail.
Je pense que nous sommes d'accord sur cet objectif. Et c'était la raison
principale de la mesure que nous envisagions pour les étudiants à
temps partiel. Nous pensions, de manière toute spéciale, aux
femmes qui ont élevé leur famille, qui veulent revenir sur le
marché du travail, se perfectionner auparavant. C'est pour ça que
nous avions parlé même de bourses dans
ce cas-là, mais on nous a soumis diverses représentations
qui indiquent que c'est plus complexe encore que nous ne le pensions. Nous
préferons nous accorder un répit de quelques mois pour travailler
ce sujet-là de manière approfondie afin de mettre au point les
formules qui permettraient de vraiment répondre au besoin d'une
manière efficace.
J'ai établi, rapidement là, le coût de certaines
mesures que vous proposez. Vous demandez que la contribution parentale soit
progressivement abolie ou carrément supprimée. Si on la
supprimait complètement, il faut mettre un coût de 300 000 000 $.
L'améliorer, la diminuer graduellement, mais là, il y a plusieurs
mesures dans le projet de loi 25 qui visent précisément à
l'allégement de la contribution parentale. Il y aura des
allégements très sensibles à la suite de l'adoption du
projet de loi 25. Mais les allégements que nous avons inscrits dans le
projet de loi indiquent le point où peut aller le gouvernement
actuellement. Ils indiquent aussi le point au-delà duquel il n'est pas
possible d'aller dans l'avenir prévisible.
Je ferais une remarque analogue à propos de la contribution des
conjoints dont vous proposez l'abolition. En principe, je pense que c'est
difficile de mettre en doute l'objectif que vous proposez. En pratique, le
coût d'une telle mesure serait de 40 000 000 $. Nous n'avons pas ces
sommes à l'heure actuelle. Je vous indique ces réserves pour
montrer que, lorsque nous avons établi le projet de loi 25 et
l'énoncé d'orientation, nous avions l'obligation, moi surtout,
comme ministre, de tracer un plan qui serait compatible avec le cadre financier
du gouvernement dont je fais partie. Je ne mets pas le blâme sur le
ministre des Finances; vous ne m'entendrez pas dire: Je l'ai demandé au
Conseil du trésor, il me l'a refusé. Le Conseil du trésor,
c'est un peu moi-même aussi, c'est un des comités du cabinet, et
les décisions des comités du cabinet lient tous les ministres. Un
ministre n'est pas autorisé à aller se plaindre en public contre
le Conseil du trésor, c'est une chose qu'on ne fait pas, en
général. Alors, de ce côté-là, je ne viens
pas porter mes griefs ou tout, j'en délibère à
l'intérieur du gouvernement Une fois que la décision est prise,
tant que je suis membre du gouvernement, je suis solidaire de la conclusion,
justement.
Les mesures que vous proposez, j'ai essayé de voir, je vous
montre les conséquences financières très lourdes de
certaines propositions que vous mettez de l'avant, ensuite, je regarde du
côté des solutions. En plus, vous voulez qu'on gèle les
frais de scolarité, c'est encore 42 000 000 $ de revenus nets pour les
universités chaque année, ça; l'an prochain, ça
sera 82 000 000 $. 41 000 000 $, 82 000 000 $ l'an prochain. Vous dites: On n'a
pas besoin de ça, gelez ça, ne touchez pas à ça. Je
regarde ce que vous nous proposez comme solutions: un impôt
spécial sur les grandes entreprises, une contribution des
municipalités au financement des universités implantées
dans leur territoire, des mesures fiscales pour le financement des
universités en région. Finalement, quand on regarde ça,
brut, ce sont des mesures fiscales où vous dites: Augmentez les taxes,
augmentez les taxes. Trouvez un beau nom qui va être clair, mais, au bout
de la ligne, c'est un chèque qui doit tomber dans le fonds
consolidé du revenu. Vous avez beau appeler ça "ma taxe" sur les
universités, "ma taxe" sur la santé, "ma taxe" sur les trottoirs,
ça s'en va tout dans le fonds consolidé du revenu. C'est
distribué, après ça, en fonction des besoins
généraux du gouvernement.
Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'originalité
là-dedans, je vous le dis en toute simplicité. Vous parlez de la
contribution des municipalités. L'impôt sur le revenu, il n'y a
rien d'original là-dedans; ça, on le sait, on n'a pas besoin de
représentations de l'extérieur pour ça. Chacun des
ministres souhaiterait que le ministre des Finances augmente un petit peu
l'impôt sur le revenu pour ses fins à lui. Moi, je voudrais qu'il
le fasse pour les universités, je n'ai pas de secret avec vous. M.
Paradis voudrait sans doute que M. Gérard D. Levesque le fasse pour
l'environnement, Mme Robillard voudrait qu'on le fasse pour les affaires
culturelles, M. Pagé pour l'agriculture, et je pourrais continuer. C'est
pour ça que je vous dis que ce n'est pas très original. Vous nous
dites: On veut ça. On l'encaisse très bien. Je n'ai pas beaucoup
de discussions à faire là-dessus. Mon problème, c'est que
notre impôt sur le revenu des particuliers est déjà encore
un petit peu légèrement supérieur à celui de
l'Ontario. On n'a pas beaucoup de marge là. Notre impôt sur les
sociétés est légèrement supérieur à
celui de l'Ontario. La marge, il y en a qui la voient, mais si on
découpe cette affaire-là, qu'on regarde ça en soi puis on
dit: La Sun Life, c'est gros, ça, à Montréal, tout. Mais
si on regarde ça dans l'ensemble, je vous dis qu'il n'y a pas beaucoup
de marge. Vous pouvez penser le contraire, mais, moi, j'ai une opinion
différente, voyant les choses d'un oeil différent.
La contribution des municipalités au financement des
universités, c'est une bonne idée, mais la contribution de la
municipalité va se faire de bien des... Mais ça ne sera pas au
budget de fonctionnement. Je vais vous le dire, ça ne sera pas pour
payer les salaires des professeurs. Je vais vous dire les exemples que nous
avons. À Montréal, par exemple, le maire Doré est un homme
très conscient de l'importance des universités sur le territoire
de la ville de Montréal; il en a quatre, lui. C'est la première
fois que je vois un maire, à Montréal, se rendre compte que c'est
très important pour lui, et j'en suis fort heureux. Mais le maire vient
nous voir, il va nous dire: Moi, j'ai mon vélodrome, ça ne sert
pas à grand-chose, ça, je voudrais faire un biodôme avec
ça; ça serait bien bon
pour la recherche, pour le développement de la culture
scientifique dans la population, ça serait très
intéressant. Donnez-moi 40 000 000 $, je vais vous faire marcher
ça pendant 20 ans après; vous ne vous ennuierez pas. Le
gouvernement a donné 40 000 000 $ Ensuite, il est venu nous voir, il a
dit: J'aurais besoin d'un insectarium. Ça, ça va permettre aux
savants qui s'occupent de zoologie et tout ça d'avoir un laboratoire
extraordinaire; ça va faire de l'éducation populaire en
même temps. Le gouvernement a participé à ça. M.
Doré est venu me voir l'été dernier, puis il m'a dit: II
faudrait qu'on fusionne l'Institut botanique de l'Université de
Montréal avec le Jardin botanique, faire un lieu de recherche botanique
de toute première qualité au Québec, puis profiter de
cette fusion-ià pour créer un institut de recherche sur la
culture des plantes. Je trouve ça formidable, et nous avons pris
l'engagement de participer également. La ville de Montréal va
avoir une participation là-dedans; nous en avons une, c'est très
intéressant. (22 heures)
Mais je ne peux pas, d'un point de vue réaliste, m'imaginer que
la ville de Montréal sera capable de contribuer au budget de
fonctionnement de ses quatre universités. Le maire Doré va nous
dire: Ça, c'est la responsabilité de Québec. Vous le savez
très bien. Il y a des possibilités, c'est très
intéressant et très important aussi, mais ça va être
de l'ordre dont je vous parle. Je vous le dis là, ayant les mains dans
la pâte et étant appelé à transiger avec nos
municipalités. Allez à Chicoutimi, ils ne peuvent pas donner
grand-chose pour l'Université du Québec à Chicoutimi; s'il
y a un projet d'agrandissement, un projet de développement, on pourra
demander une collaboration de la ville, ça peut être très
intéressant aussi. On pourrait prendre les autres exemples. À
Trois-Rivières, nous avons une excellente collaboration avec
l'autorité municipale.
De ce côté-là, il n'y a pas beaucoup de solutions
à notre problème. Je pense toujours à notre
problème de cadre de financement. Vous dites: mesures fiscales encore
pour le financement des universités régionales. Ça va
être quelle sorte de mesures fiscales? Vous ne le dites pas dans votre
mémoire. Il faut présumer que ça va être encore de
l'impôt sur le revenu, pas très original. Et je vous le dis bien
simplement, en toute franchise, et si vous n'êtes pas de mon opinion,
j'aimerais beaucoup vous entendre.
La Présidente (Mme Hovington): Vous avez la parole, s'il
vous plaît. Est-ce que vous voulez...
M. Campagna: Commenter les réponses du ministre?
La Présidente (Mme Hovington): ...émettre des
commentaires? Oui. Il reste quatre minutes sur notre temps
M. Campagna: Dans notre démarche, nous avons voulu
suggérer au gouvernement et à cette commission des moyens
d'améliorer le projet de loi 25. Évidemment, si ça avait
été une commission d'étude sur la fiscalité du
Québec, on aurait préparé un mémoire en
conséquence. Maintenant, les pistes de solutions que nous avons
apportées au ministre, le ministre semble les écarter du revers
de la main en disant: Voici, ce n'est pas possible parce qu'on n'est pas
l'Ontario et on est inférieurs à l'Ontario en termes de revenu,
en termes de taxation. Mais nous, on constate aussi qu'on est inférieurs
à l'Ontario en termes de scolarisation, en termes d'accès
à l'éducation.
Alors, voilà, il va falloir briser le noeud gordien quelque part
et on a suggéré des pistes au ministre de façon qu'il
puisse améliorer son projet de loi. Maintenant, si mes collègues
ont quelque chose à ajouter, M. Leblond, sur le "Northern grant."
M. Leblond (André): Pas particulièrement. Je pense
que les solutions que nous proposons, même si elles ne sont pas d'une
très grande originalité, sont tout de même des solutions
à considérer très sérieusement. Je pense que c'est
aussi sérieux que de prendre un moyen aussi facile que de hausser les
frais de scolarité. Je pense que ça, ce n'est pas très
original non plus. En ce qui concerne le "Northern grant", j'aimerais bien que
le ministre nous envoie les documents de la nouvelle formule
québécoise "Northern grant."
On nous dit qu'on a nous distribué des sommes d'argent pour les
universités régionales. On a entendu parler de ça, mais on
n'a jamais vu de documents, de chiffres ou de dollars véritables,
justifiés par une formule quelconque qui donnerait une certaine justice
aux universités régionales. Notre fédération, notre
syndicat, a produit un document, à la suite du rapport Després,
à ce sujet-là, dans lequel nous donnions, nous, une formule au
gouvernement pour tenir compte du financement des universités
régionales en fonction de leur taille et des régions desservies.
On serait très heureux de voir quelle formule le gouvernement a
utilisée et quelle formule i! préconise pour l'avenir.
La Présidente (Mme Hovington): M. le ministre.
M. Ryan: Maintenant, nous autres, nous avons établi une
formule, nous en avons fait part à la direction de l'Université
du Québec et, comme vous le savez, le budget attribué par le
gouvernement à l'Université du Québec est réparti
entre les constituantes et les instituts affiliés par l'Assemblée
des gouverneurs de l'Université du Québec suivant des
critères que
celle-ci définit elle-même. Alors, pour la manière
dont seront réparties les sommes que nous avons attribuées
à l'Université du Québec, pour la fin que j'ai
mentionnée, je pense qu'il faudra vous adresser à
l'Assemblée des Gouverneurs de l'Université du Québec.
Mais le gouvernement, lui, a fait son travail et a fait rapport à
l'Université du Québec. Il lui a fait part des sommes auxquelles
elle aurait accès.
La Présidente (Mme Hovington): Ça va?
Merci. La parole est au député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, toujours très simplement et calmement,
j'avais noté que si je prenais l'essentiel de vos arguments, vous savez
le risque que j'encours, celui de me faire dire par le ministre que je lui dis
n'importe quoi. Mais ça sera au moins partagé puisque ça
veut dire qu'il va vous dire la même chose. Je reprends vos arguments.
J'estime cependant que vos arguments ont le mérite d'être un peu
plus de 1990 que des années soixante. Je comprends un peu le ministre
d'avoir de la difficulté avec ça, des arguments de 1990, pour le
ministre de l'Education, ça lui pose des problèmes, des fois.
Très rapidement, sur vos premières recommandations, le
ministre dit: Ce n'est pas tellement original. Il y a un petit problème,
c'est drôle, je viens de compter le nombre de mémoires qu'on a
entendus, il y en a dix-neuf. Si on enlève celui du Protecteur du
citoyen, qui est censé se mêler de ses affaires sur les aspects
pour lesquels il a fait un mémoire, alors qu'il n'a pas parlé
trop trop d'accessibilité, parce que, comme dirait l'autre, ce n'est pas
tellement son mandat, donc il n'a pas parlé de ça. Et si
j'enlève la CREPUQ, qui est venu nous dire: Hourra! Bravo parce que vous
réglez notre problème... Sauf qu'elle a posé des
conditions, et ces conditions n'ont jamais eu de réponse, on ne l'a pas
réentendue, je n'ai pas réentendu M. Kenniff qui est parti en
disant: J'ai l'assurance que, si le ministre dégèle les frais, il
me donne également 50 000 000 $. Il y avait ce bout là dans son
mémoire. Il y avait ce bout-là dans le mémoire, puis
là je ne veux pas défendre le mémoire de la CREPUQ,
j'explique qu'au moins il y avait ce bout-là. Il disait: C'est
conditionnel, on est d'accord, à condition qu'il y ait au moins 50 000
000 $ d'argent neuf au-delà des 41 000 000 $ que le dégel va nous
donner.
Il y avait autre chose aussi, mais faisons vraiment les affaires comme
il faut, regardons les trois universités qui sont venues dire. Nous, on
est tellement pauvres, on est tellement dans une situation de pauvreté
terrible que la mienne, l'Abitibi-Témiscamingue. Rimouski, c'est quelle?
La première journée? Il n'y en a plus d'autre, parce que le
Conseil des écoles professionnelles privées, ce n'était
pas pantoute ce message là qu'il avait à nous dire, ça ne
regarde à peu près pas les travaux qu'on discute. Donc, dix-neuf
moins deux que ça ne regarde pas, ça fait dix-sept, moins les
trois dont je viens de parler, si je compte bien, ça fait quatorze.
Quatorze mémoires sur dix-sept nous ont dit intégralement ce que
vous nous dites à peu près. Il y a des variables, mais c'est
intégralement contre le dégel.
D'autres solutions, impôt universitaire, taxe de 1 % sur les
entreprises. Je vous prends... Modifier l'aide financière au chapitre de
l'autonomie pour que la notion d'autonomie soit plus forte... Toute la question
de la contribution parentale, soit l'éliminer, ou, progressivement,
l'abolir... Que la notion de conjoint ait une incidence moins forte sur le
calcul de l'aide financière. Vous, vous dites: Que la contribution des
conjoints soit également abolie. Je pense que le ministre est correct en
disant: Oui, mais il y a une facture à ça. Mais, au moins, je
voulais vous reprendre là-dessus pour dire que vous n'êtes pas
original, mais vous ressemblez en maudit à tous ceux qui nous ont
parlé de ça. Alors, il y en a quatorze jusqu'à maintenant
sur dix-sept qui nous ont suggéré à peu près
exactement les mêmes recommandations au chapitre majeur et important
qu'on discute. Pour des gens qui manquent d'originalité, il y a au moins
une belle continuité.
Sur les autres recommandations de votre mémoire, recommandation
3, surseoir à toute hausse des frais de scolarité, ce n'est pas
nouveau, il y en a quatorze qui nous ont dit ça Recommandation 4, que le
gouvernement du Québec perçoive un impôt spécial sur
les grandes entreprises. Le ministre n'a jamais répondu
sérieusement adéquatement là-dessus. Il nous dit: Oui,
mais, globalement, on est plus imposés qu'ailleurs. Ce n'est pas de
ça qu'on parle. On parle des frais de scolarité, et le secteur
privé, partout ailleurs, contribue plus au financement universitaire
qu'ici au Québec. Donc, est-ce que c'est farfelu et pas original? Moi,
je dis que c'est original en étoile puisque c'est évident que les
entreprises, ont intérêt à mettre la main, entre
guillemets, sur des diplômés universitaires, pour leur propre
bénéfice, et c'est le cas fréquemment. Des
diplômés des HEC, dans des disciplines modernes qui correspondent
au virage technologique, ce n'est pas vrai que ça traîne quatre ou
cinq ans avant de se placer, règle générale.
Dans ce sens-là, exiger une taxe de 1 %, nous, on l'avait fait en
campagne électorale, pas d'hypocrisie. Nous, on a dit. Un des
problèmes majeurs de la société du Québec
actuellement, c'est une main-d'?uvre pas assez qualifiée, pas assez
recyclée par rapport au virage technologique. Les gens dans mon coin qui
travaillaient pour l'Abitibi Paper, comme bûcherons, il y a quinze ou
vingt ans, et qui sont dans ma rue, il n'y en a plus bien bien qui travaillent
comme bûcherons. Ça ne se fait plus comme ça, c'est toute
de la machinerie hautement sophistiquée. Si
on ne recycle pas ces gens-là, vous pensez qu'ils font quoi? De
toute façon, s'ils essayaient de se recycler... J'ai une lettre
aujourd'hui que je veux vous soumettre. Je ne savais pas ça, mais vous
venez de donner cette belle instruction-là, dans vos directives
concernant les règles budgétaires des commissions scolaires. Je
viens d'apprendre qu'un adulte qui décide, compte tenu de !a carte des
options professionnelles, d'aller prendre une option qui ne se donne pas dans
sa commission scolaire, lui, il n'a pas le droit d'avoir une allocation comme
s'il était considéré comme un étudiant à
temps plein. Parce qu'il est adulte, il n'a pas le droit. Vos directives sont
très claires: Pas question, tu n'auras pas d'aide à la pension,
ça n'existe pas pour toi. Ça existe uniquement pour le jeune
à qui on dit: Va prendre ta cuisine professionnelle à la
commission scolaire Har-ricana, supposons, par rapport à Abitibi.
Là, il y a une aide à la pension. Mais l'adulte qui fait la
même chose et à qui on impose ça parce que c'est le choix
qu'il a fait dans son recyclage professionnel, il n'est pas question d'aide
à la pension. Ils viennent d'apprendre ça dans une directive que
le ministre vient d'envoyer comme instruction aux commissions scolaires. Parce
qu'il parle, de temps en temps, aux commissions scolaires.
Pour moi, ici, que le gouvernement du Québec perçoive un
impôt spécial des grandes entreprises, oui, c'en est une solution,
M. le ministre, parce que, quand tout le monde la répète, on ne
peut pas être tous dans les patates, il y a toujours un bout! On ne
demande pas de les étouffer, on leur demande une contribution de 1 % de
plus. 1 %, en passant, sur la masse salariale, c'est à peu près
750 000 000 $ ou 720 000 000 $. Est-ce qu'on peut faire des choix de
société majeurs et importants? Je comprends! Est-ce qu'on a les
pinottes de 41 000 000 $ qu'on ne garantit même pas qu'ils vont pouvoir
garder? Vous savez bien que la réponse, c'est non. Là, les 41 000
000 $... Il clenche les étudiants, mais il ne sécurise pas
l'avenir du financement requis des universités. Tu n'as rien
réglé parce que c'est parcellaire. Ça fait mal à
ceux qui passent par là. Puis, le ministre dit: Non, moi, je ne peux pas
garder une taxe de 1 %. Moi, je dis que, comme membres de cette
société-là, vous avez le droit de le suggérer; je
vous trouve originaux de le faire. Au cours des deux prochaines semaines, je
vais répéter le même discours en espérant, des fois,
qu'à force de tabler ou de frapper sur le même clou ou sur la
même tête, il finit par entrer quelque chose. Et, dans ce
sens-là, quand on aura fini d'entendre tous les mémoires, si tout
le monde est venu nous dire que c'est une étape de solution, on aura
acquis la conviction commune qu'on peut maintenir cette
recommandation-là.
La recommandation 5. C'est rare que ça m'arrive, mais j'ai le
droit d'avoir mes faiblesses, moi aussi... Je suis d'accord avec le ministre
qu'à la recommandation 5, sérieusement, vous n'avez pas, selon
moi, très bien analysé cette situation-là parce que,
suggérer que le gouvernement du Québec incite les
municipalités à payer davantage... J'aimerais ça vous
entendre davantage tantôt. Je trouve ça compliqué, un petit
peu inéquitable, pour toutes sortes de situations. Je pense à ma
région parce qu'on connaît toujours mieux les nôtres.
L'université est à Rouyn-Noranda, c'est censé être
une université régionale. Comment Rouyn-Noranda
accueillerait-elle l'invitation que vous lui faites de payer additionnellement
parce que l'université d'Abitibi-Témiscamingue est située
à Rouyn-Noranda? Je connais très bien le conseil de ville de
Rouyn. J'ai l'impression qu'il y aurait quelques flammèches - excusez
l'expression - et avec raison, parce que c'est un peu inéquitable par
rapport au bassin. Eux, ils prétendent qu'ils contribuent beaucoup,
parce que l'université est là, en termes de logements sociaux que
ça a pris... Avec ce gouvernement-là, ça n'a pas
aidé bien bien, tous les programmes d'habitation ont été
coupés. Alors, même s'ils ont été obligés
d'avoir de l'habitation additionnelle pour loger et offrir des alternatives
à la résidence étudiante qui n'existe pas... Il y en a
juste une toute petite et je pense qu'on l'a eue dans les années de
Duplessis; on n'a pas eu d'aide gouvernementale depuis ce temps-là pour
améliorer le logement étudiant. Alors, la ville de Rouyn a dit:
Ce sont des rues, des services... Elle est obligée de contribuer,
à même sa fiscalité municipale, pour offrir des services
connexes adéquats aux étudiants universitaires. Donc, elle fait
sa part. Cette recommandation-là ne m'apparaït donc pas
véritablement souhaitable.
Même chose pour la recommandation 6. J'ai toujours
été un régionaliste et je pense que pour aller dans le
sens de la recommandation 6, la formule en est beaucoup plus une de financement
qui tient compte des paramètres des régions, c'est-à-dire
la dispersion, beaucoup de temps partiel, le redéploiement - il y a des
coûts à ça - le support aux collectivités, une
notion que je connais très bien. Dans les régions, nos
universités ne font pas juste de l'enseignement et de la recherche,
elles font également du support aux collectivités et le support
aux collectivités, il coûte cher mais il n'est pas financé.
Il n'y a pas un rond pour l'apport des universités régionales au
support aux collectivités. Et, une formule de financement de type
"Northern grant" de l'Ontario, je suis complètement d'accord avec
ça. Mais il faudrait que le gouvernement, premièrement, l'impose
et la fasse connaître. J'entendais le ministre, tantôt: Oui, mais
ça, nous autres, on ne s'occupe pas de ça; on distribue
l'enveloppe au siège social, à l'Assemblée des gouverneurs
- que je connais bien - puis ce sont eux qui vont vous envoyer ça. Je
peux vous dire que moi, ça fait cinq ou six fois que le nouveau recteur
de l'Abiti-
bi-Témiscamingue, M. Arsenault, me rencontre et me fait part du
sous-financement chronique de l'Abitibi. Il me fait part de ce qu'il a entendu
dire comme inconvénients que ça créerait à notre
université régionale et on n'a toujours pas touché cette
supposée aumône, ce fric que le ministre aurait distribué
à l'Assemblée des gouverneurs. Alors, j'ai hâte d'en voir
une cenne ou deux. Je te dis que chez nous, ça n'a pas atterri bien,
bien. (22 h 15)
Écoutez, encore là, je ne peux quand même pas vous
poser bien des questions; le mémoire était très
très clair. J'aimerais avoir quand même une réaction,
à savoir pourquoi vous faites la recommandation 5, pourquoi vous y
tenez. Mais globalement, il me semble que vous reprenez là des choses,
en conclusion en ce qui me concerne, qui auraient comme conséquences
d'explorer véritablement des pistes de solutions pour au moins avoir un
règlement plus global de cette situation-là. Parce que, encore
une fois, je me rappelle que vous mentionniez, avec ce que le ministre nous
propose, compte tenu que ça aura une incidence sur les
clientèles, que vous risquez effectivement, dans un an ou deux, de venir
nous faire la preuve par quatre que non seulement ça n'a rien
réglé, mais que ça a affaibli, ça a
sous-financé additionnellement les universités par, bien
sûr, une perte de clientèles... Puis, comme la règle
principale pour obtenir du financement dans le milieu universitaire
actuellement est basée sur les clientèles, s'il y a une baisse de
clientèles, il va arriver ce qui est arrivé en 1987 avec eux
autres. Je vous l'ai dit, je ne sais pas si vous vous rappelez: 1987,
première année du régime libéral quand il y a eu
des subventions aux nouvelles clientèles, ils les ont coupées de
13 000 000 $. Puis, j'ai les chiffres, c'était 36 000 000 $ en
1985-1986; je parle des nouvelles clientèles, première
année du régime libéral, 27 000 000 $. C'est exactement ce
qui va vous arriver. Ils vont dire: Écoutez, arrangez-vous avec
ça. On n'aura rien réglé. J'aimerais ça avoir une
réaction de votre part, M. Leblond ou M. Campagna, sur la recommandation
5.
M. Leblond: Sur la recommandation 5, vous comprendrez que c'est
quand même une recommandation tout à fait originale, contrairement
à ce qu'on a dit tout à l'heure et nous ne l'avons pas,
peut-être, expliqué de façon très succincte. Je
crois qu'on n'a pas à définir tout de suite et maintenant toutes
les avenues et toutes les façons dont une université
régionale peut être financée par son gouvernement
régional, surtout quand son gouvernement national à Québec
la sous-finance constamment. Je pense que les pouvoirs politiques
régionaux devront réagir à ces pouvoirs centraux qui
desservent trop souvent uniquement les centres urbains. Voilà pour la
politique.
Je pense que le ministre a peut-être apporté un
élément de solution, un élément de
possibilité. Nous, on dit ici "qu'on incite", donc qu'on permette aux
municipalités, premièrement, et ensuite qu'on leur dise: Allez-y.
On l'a fait en France dernièrement. Ce n'est pas parce que ça se
fait ailleurs qu'on devrait le faire, mais dernièrement, le ministre
Bérégovoy a fait une rallonge de 500 000 000 de francs aux
universités à la dernière minute. Qu'est-ce qu'il a dit:
II a dit aux gouvernements régionaux et aux municipalités:
Aidez-nous, on n'est plus capables. Alors, on pense que les gouvernements
régionaux et les municipalités devraient pouvoir suppléer
au gouvernement au niveau des équipements, des bâtisses. Des
équipements scientifiques sont actuellement déficients, ça
ne date pas d'aujourd'hui là. Ça fait quinze ans Je suis
professeur de sciences moi-même, et on enseigne constamment avec des
choses désuètes. On marche avec des bouts de corde et avec de la
débrouillardise.
Donc, il faut faire appel à nos gouvernements régionaux
pour se mettre sur la carte. Si on veut être compétitifs dans le
système de libre-échange, non seulement faudra-t-il se battre
pour avoir de bonnes universités et former nos gens, mais il faudra se
battre aussi pour avoir des routes, pour sortir les gens de nos régions,
il faudra se battre pour tout. Et je pense que de permettre à nos
municipalités d'aider leurs universités, ce serait promouvoir le
développement des régions qui, actuellement, vous l'avez vu dans
notre mémoire, sont sous-scolarisées,
sous-développées et il faudra, je pense, penser à des
solutions alternatives. C'en est une, elle s'ajoute à celle concernant
la taxation sur les entreprises. Nos entreprises québécoises
n'ont aucune culture universitaire. Elles s'en mêlent des
universités en disant, avec une bonne petite tape dans le dos: Cotisez
les étudiants, nous on ne contribue pas. On contribue *rès peu
aux fondations. On va donner des exemples des fondations, ces dernières
années... Mais les entreprises ne sont pas intéressées du
tout. Produisez-nous des gens très compétents, c'est la
responsabilité de l'État. Pendant ce temps-là, nous, les
universitaires, on voit qu'il y en a de l'argent partout, il y en a dans les
municipalités, il y en a dans les poches des citoyens, il y en a
beaucoup dans les poches des entreprises. Et on va s'empêcher de se
développer au Québec, de devenir une véritable
société distincte en plus, et non pas en moins, pour des
questions financières. Alors, voilà notre réponse.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Leblond.
M. Gendron: Juste une phrase. Vous avez raison de dire: Regardez
ça, suggérez ça. Sauf que donner l'exemple de la France!
Ce n'est pas parce que je la connais à mort, mais j'ai ou
l'occasion d'aller dans la région de la Franche-Comté II y
a une structure porteuse qui peut recevoir éventuellement ce que
j'appellerais une commande comme ça, de faire un peu de redistribution
de l'argent qu'ils reçoivent de l'État français central
à leur université, parce qu'il y a des conseils régionaux
partout. Le conseil régional de la Franche-Comté, à
Besançon, pourrait dire: Dans l'enveloppe qu'on reçoit de
l'État central, on en prend 8 %, 2 %, 0,25 % pour financer ou aider au
financement de l'Université de Besançon. C'est un exemple. Nous,
on n'est pas, je pense, rendus là avec la décentralisation
gouvernementale, de pouvoir compter sur chacune des régions, sur une
structure décentralisée qui a soit un pouvoir fiscal ou une
enveloppe déconcentrée de l'État qui lui permettrait de
faire sa part.
La Présidente (Mme Hovington): M. Cam-pagna.
M. Carnpagna: Mme la Présidente, M Roch Denis voudrait
ajouter un court commentaire.
La Présidente (Mme Hovington): Allez-y, M. Denis.
M. Denis (Roch): Je voudrais faire une observation, sur un autre
plan, au ministre. Même si, M. le ministre, vous arriviez à
démontrer que la hausse des frais de scolarité n'aura pas
d'impact négatif, significatif sur la fréquentation de la
jeunesse québécoise aux études postsecondaires, je crois
que vous ne devriez pas être insensible aux impacts de la hausse sur le
rendement scolaire. Comme professeurs d'université, nous enseignons
à des dizaines de milliers d'étudiants, tous ensemble, qui sont
obligés, très souvent, pour subvenir à leurs besoins, pour
payer leurs études, de travailler et nous voyons que cette situation a
un impact négatif sur le rendement scolaire, sur les conditions dans
lesquelles les étudiants doivent faire leurs études. La hausse,
à mon avis, même si on ne discutait que des aspects
économiques, va accroître cette espèce d'exigence
négative, ce poids à porter aux étudiants pour les forcer
encore davantage à travailler pour gagner leurs études et aura un
impact, à mon avis, fort négatif sur le rendement scolaire, la
qualité de la formation de la jeunesse québécoise pour la
prochaine génération. Je voulais simplement livrer cette
observation à votre attention.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Denis. Il vous
reste deux minutes, Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: J'aurais tant de commentaires. Alors, deux minutes
pour une question, l'état du réseau. Peut-être que je vous
inviterai un jour à réfléchir là-dessus. Vous
êtes à la fin de la chaîne, il faudrait peut-être voir
comment ça se passe au début. Actuellement, le réseau n'a
jamais été dans un état aussi pitoyable et ça,
c'est du primaire à l'université. Le taux de diplomation en chute
libre... On n'a pas relevé le taux de diplomation au niveau
collégial. Les équipements sont désuets. En matière
de recherche, on s'était voté 60 000 000 $ au Fonds de
développement technologique; on a réussi à en donner 6 000
000 $ à l'Agence spatiale; les universités, semble-t-il,
n'étaient pas prêtes. L'apport du fédéral, en
matière de recherche, on en a de moins en moins. L'enseignement
secondaire professionnel en chute libre ou en déroute; là, il
commence un petit peu à se rétablir, mais c'était la
déroute. 10 000 inscriptions de moins par année pendant quatre
ans. Des écoles confessionnelles qui rendent de plus en plus difficile
l'accès des jeunes allophones à nos écoles
françaises; ils s'en vont à la PSBGM. Les choix du ministre: les
écoles privées, la dérogation, le dégel et
l'enseignement catholique.
Vraiment, d'un bout à l'autre de la chaîne, il est en train
de "scraper" le réseau, si vous me passez l'expression, et il trouve
ça drôle. Le réseau n'a jamais été dans un
aussi mauvais état. Alors, la réputation du ministre est
surfaite. Malheureusement, on va s'en apercevoir ou les gens vont s'en
apercevoir deux ou trois ans trop tard. Moins de diplômés, et il
se trouve drôle; c'est avec ça qu'on est supposés relever
le défi économique. Il se fait de moins en moins de recherche, il
se trouve drôle; c'est avec ça aussi qu'on devrait relever le
défi économique. Et au secondaire, il trouve ça
drôle aussi, on est rendu à 62 % de diplomation; on est
passé aux alentours de 75 % à 62 %. Chute libre également.
Alors, pour aller à l'université, il faut encore qu'ils terminent
leur secondaire. À l'éducation des adultes, c'est probablement
là qu'il aura tapé de façon la plus dure et à tous
les niveaux, de toutes les manières. Cherchez-en, il les a toutes
inventées, y compris l'alphabétisation à un moment
donné. J'espère que ça ne durera pas encore... Il dit
qu'il ne sera peut-être pas là quand ça va s'appliquer, la
formule de financement pour les universités en région. Je pense
qu'on devrait, comme collectivité, se le souhaiter.
Une question: À combien évaluez-vous les économies
que le gouvernement pourrait réaliser avec une diminution de
clientèle de 5 %? J'ai essayé de faire un petit peu les calculs,
c'est 6800 $ en moyenne par élève. 6900 $?
Une voix: 8900 $.
Mme Blackburn: 8900 $. Alors, ça peut faire des
économies importantes. Oui?
M. Leblond: Les économies, pour 5 %, c'est...
Mme Blackburn: Et peut-être une deuxiè-
me...
M. Leblond:... 70 000 000 $, à notre avis.
C'est-à-dire que nous, on pense que c'est beaucoup plus que ça.
C'est au moins une chute de clientèle de 10 %. Pour le gouvernement,
c'est sûrement une économie de 140 000 000 $, 140 000 000 $ de
moins aux universités, mais plus 82 000 000 $ supposément des
frais de scolarité. Qui perd gagne.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, c'est tout le
temps que nous avions. Nous sommes rendus maintenant à la conclusion. Si
vous voulez conclure, M. le député d'Abitibi-Ouest,
rapidement.
M. Gendron: Oui, merci sincèrement d'être venus
livrer votre réflexion, parce que votre réflexion, elle
mérite, encore là, d'être appuyée sur des
données que vous avez l'occasion de vérifier tous les jours. Moi,
je pense que c'était quand même important qu'une question comme
celle-là soit traitée. Peu importe la structure sous laquelle
vous êtes regroupés, mais que des professeurs d'universités
profitent de l'occasion pour dire: Nous, on pense qu'il y a un danger,
là, important, majeur; on veut vous le signaler et, en plus de
ça, on a des alternatives à vous proposer. C'était votre
devoir de le faire, vous l'avez fait. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. M. le
ministre, en conclusion. Vous ne voulez pas conclure, M. le ministre?
M. Ryan: Oui, oui, j'y pense avant.
La Présidente (Mme Hovington): Ah bon!
M. Ryan: II y a tellement de choses qui ont été
dites, Mme la Présidente, que je voudrais faire centrer mon attention
sur ce qu'il y a de plus significatif peut-être. Je pense bien qu'il n'y
a personne qui prend au sérieux les propos hypocondriaques qu'on a
entendus tantôt sur l'état présumé du réseau.
Ceux qui suivent les choses de plus près savent très bien que les
affirmations qu'on a entendues sont une déformation assez primaire de la
réalité, en particulier en ce qui touche le réseau
universitaire. Je pense que l'aide du gouvernement au réseau n'a jamais
été aussi grande que depuis quatre ans au cours des quinze
dernières années. Et surtout quand on fait partie du groupe qui a
contribué à affamer les universités pendant neuf ans, on
ne vient pas tenir des propos comme ça si on veut être pris au
sérieux.
J'ajoute à l'intention des professeurs qu'il ne serait pas
mauvais que les professeurs examinent leur propre statut à
l'intérieur de l'université également, l'épongement
qu'ils contribuent aussi à créer sur le financement
universitaire. Je vous entendais, M. Leblond, dire: S'il y a une
réduction de clientèle, le gouvernement va sauver 150 000 000 $.
Vous savez bien que ce n'est pas comme ça que ça se passe. La
plupart d'entre vous avez la sécurité d'emploi. Le gouvernement
va être obligé de vous payer quand même, comme ça
s'est fait dans les autres réseaux, si jamais il y a des diminutions de
clientèle. Puis, quand on met des gens à la retraite à
l'université, je n'ai jamais entendu parler qu'on les mettait à
la porte purement et simplement, sauf les chargés de cours, ça
c'est un cas particulier auquel les solutions doivent être
apportées avec le temps. Mais l'étude que nous avons fait faire
sur les chargés de cours a montré que le problème est bien
plus limité qu'on ne l'a prétendu. Il affecte un certain nombre,
une proportion, peut-être 20 % de l'ensemble, mais pas tout le monde.
On a fait faire une autre étude sur la tâche des
professeurs d'université également. L'étude a
révélé qu'en dehors des sciences pures - et ça,
ça vous exclut, M. Leblond, tant mieux - la tâche de nos
professeurs d'université est sensiblement inférieure à
celle de la moyenne canadienne aussi. C'est un problème qu'il va falloir
qu'on examine franchement.
Des voix:...
M. Ryan: Ah oui! Une variation de l'ordre de 15 % à peu
près, qui est supposée être compensée par des
réunions de ci et de ça. On a beaucoup de "comitites" au
Québec.
Des voix:...
Une voix: Ce n'est pas le sujet à l'ordre du jour, des
réunions de ci et de ça.
M. Ryan: Oui, oui. Nous allons en venir à cette question
là. Nous allons l'examiner de front. Nous allons l'examiner franchement.
Mais je vous le dis, là, si vous voulez interpeller le gouvernement, le
gouvernement va vous interpeller en temps utile également. On va aller
au fond des choses, dans tous les aspects du fonctionnement de
l'université. C'est comme ça qu'on va mettre de la santé
et de la vigueur dans nos universités, pas seulement en réclamant
des augmentations de taxes. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M le ministre.
Alors, au nom de tous les membres de cette commission parlementaire,
permettez-moi de vous remercier et de remercier l'intersyndicale des
professeurs des universités québécoises. La commission est
ajournée a demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 30)