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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le vendredi 10 février 1984 - Vol. 27 N° 248

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 40 - Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public


Journal des débats

 

(Dix heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Blouin): Mesdames et messieurs, la commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de cette commission qui est d'entendre toute personne ou tout groupe qui désirerait intervenir sur le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.

Les membres de cette commission parlementaire sont: M. Brouillet (Chauveau), M. Champagne (Mille-Îles), M. Maltais (Saguenay), M. Paré (Shefford), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin (Bourget), M. Leduc (Fabre), M. Le May (Gaspé), M. Payne (Va-chon) et M. Ryan (Argenteuil).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Charbonneau (Verchères), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. French (Westmount), M. Gauthier (Roberval), Mme Harel (Maisonneuve), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Bertrand (Vanier), M. Rochefort (Gouin) et M. Sirros (Laurier).

Motion pour mettre fin aux travaux de la commission (suite)

Au moment où nous avons ajourné nos travaux hier, nous étions saisis d'une motion présentée par M. le député de Fabre qui se lit ainsi: "Je fais motion pour que cette commission, se jugeant suffisamment informée, mette fin à ses travaux et ce, conformément à l'article 118a, paragraphe 6, du règlement". Alors, quels sont les membres qui désirent intervenir? M. le député de Fabre.

M. Michel Leduc

M. Leduc (Fabre): Je veux intervenir, M. le Président, sur la motion. Avant de débattre du fond, M. le Président, je voudrais prendre quelques minutes pour relever des commentaires qui ont été faits par le député d'Argenteuil qui a mentionné hier soir, à la toute fin, que la commission parlementaire avait bien marché - selon son expression - et je suis tout à fait d'accord avec ce qu'il a dit. Je pense que, effectivement, des deux côtés, nous avons accompli un travail sérieux. Nous avons évité de céder à la facilité qui caractérise, hélas, parfois, le travail de certaines commissions. Je pense que nous avons réussi à maintenir le débat à un niveau intéressant pour nous et pour le public. Nous avons réussi à soutenir un débat de niveau respectable et je pense que c'est grâce au travail des députés des deux côtés. C'est grâce aussi, je pense, à la qualité des mémoires que nous avons eu l'occasion d'entendre. Je tenais à le souligner, M. le Président, parce qu'il arrive, hélas, que nous tombions dans la facilité lors de nos commissions.

La journée d'hier a été un peu particulière et je ne voudrais pas que la journée d'hier vienne entacher les cinq semaines que nous avons passées ensemble. Mais vient un moment où la commission peut se sentir suffisamment informée; c'est pour cette raison que notre règlement prévoit que nous puissions utiliser un tel article afin de cesser les auditions. Ce faisant, notre intention n'est pas d'empêcher des organismes d'être entendus; au contraire, nous étions prêts, de notre côté, à limiter les débats comme nous l'avons fait pendant une semaine, après entente avec l'Opposition, dans le but d'entendre davantage d'organismes à l'intérieur des cinq semaines qui nous ont semblé, en termes de temps, suffisantes pour faire le tour de la question et pour approfondir tous les aspects du projet de loi 40.

Je regrette que l'Opposition n'ait pas voulu maintenir l'entente. Nous avons assisté à une prolongation des débats qui a fait qu'hier nous n'avons pu entendre que trois organismes sur quatre, le quatrième groupe ayant dû retourner à Montréal sans avoir été entendu. L'article 118a, alinéa 6, nous permet donc de nous interroger et de décider si nous sommes suffisamment renseignés, suffisamment éclairés. L'Opposition connaît bien cet article puisqu'elle a eu l'occasion de l'utiliser en 1974, lors de l'étude de la loi 22. La commission, à l'époque - je le rappelle - avait entendu 75 des 185 mémoires présentés et avait décidé que la commission était suffisamment informée.

Notre commission, on peut la comparer à d'autres commissions qui ont la même envergure, la même importance. Si on y regarde de près, il y a quelques exemples que je peux citer: d'abord, il y a eu, en 1972, la loi 250, le Code des professions. On avait reçu, à l'époque, 143 mémoires dont 34 pour dépôt seulement. Nous avions entendu 109 groupes; on avait réussi effectivement à entendre tous ceux qui voulaient se faire entendre et le tout en 24 séances. En 1974,

il y a eu la loi 22, la Loi sur la langue officielle. Après 17 séances, la commission, à l'époque, a décidé de mettre fin à ses travaux sans avoir entendu tous les groupes. On avait reçu 185 mémoires, dont 29 pour dépôt, et on avait entendu 76 groupes. Parmi les grandes commissions de notre histoire, rappelons celle sur la Charte de la langue française, en 1977. Nous avions eu droit à 21 séances pour entendre 64 organismes sur un total de 264 mémoires reçus.

Sur le projet de loi 40, que nous avons devant nous présentement, la Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public, on a reçu 242 mémoires dont environ 30 pour dépôt. Nous avons entendu tout près de 100 mémoires, M. le Président - j'attends le chiffre exact, mais ça tourne autour de 93 -et nous avons tenu 19 séances. Ce qui demeure exceptionnel pour cette commission et ce qui en fait un précédent, c'est que nous avons eu 160 heures d'auditions. Il s'agit, selon les relevés qu'on a pu faire, d'un précédent dans l'histoire de nos commissions d'avoir consacré 160 heures d'écoute et d'échanges avec des organismes qui ont été convoqués durant les cinq semaines qu'aura duré cette commission.

De notre côté, nous nous sentons suffisamment informés. Sur quelle base pouvons-nous nous permettre de dire que nous sommes suffisamment informés? Y a-t-il des aspects du projet de loi qui n'ont pas été présentés et discutés devant cette commission parlementaire à de multiples reprises, au point où nous en sommes à connaître par coeur de quelle façon nos collègues d'en face vont réagir à une opinion exprimée, et vice versa? Nos positions respectives sont connues. Nos questions sont connues. On peut même deviner quelles seront les interventions, suivant les organismes qui sont devant nous.

Quant aux organismes qui n'ont pas été entendus, le fait - il faut bien le faire remarquer et je pense que c'est important -de ne pas avoir été entendus ne préjuge en rien de la qualité des tendances ou des opinions que leurs mémoires reflètent. De notre côté, nous avons eu l'occasion de prendre connaissance de ces mémoires. Une analyse en a été faite et les remarques, les commentaires, les opinions inscrits dans ces mémoires seront inscrits au même titre que les opinions et commentaires des organismes que nous aurons eu l'occasion d'entendre.

Nous avions prévu au départ d'entendre des mémoires pendant quatre semaines, laissant cependant une ouverture sur la possibilité d'en entendre d'autres. Nous savions au départ que, pour être suffisamment informés, il n'était pas nécessaire d'entendre tous les mémoires. Quatre semaines d'auditions nous semblaient raisonnables pour faire le point et tirer les conclusions qui nous permettraient d'améliorer le projet de loi.

Nous avons cependant accepté de poursuivre les auditions une cinquième semaine et nous avons jugé raisonnable de le faire pour entendre un certain nombre d'organismes dont nous n'avions pas eu le point de vue. Je pense, en particulier, au point de vue d'organismes touchant l'éducation des adultes; je pense à des organismes rattachés à des associations de handicapés. Nous avons entendu aussi cette semaine des opinions extrêmement intéressantes de commissions scolaires. Donc, nous avons cru bon et tout à fait raisonnable d'inviter ces organismes. (10 h 30)

Nous avons accepté cette cinquième semaine, M. le Président, pour satisfaire en partie aux demandes que nous a soumises, durant la quatrième semaine, l'Opposition. L'Opposition nous a soumis une liste, durant la quatrième semaine, comprenant une soixantaine d'organismes qu'elle voulait entendre. La question, c'était de savoir comment s'y prendre pour entendre 60 organismes en l'espace d'une semaine sans léser des groupes. Nous avons cru - et je pense que nous avons eu raison de le croire - que c'était une mission impossible. Nous avons donc accepté d'entendre environ 16 organismes cette semaine, convoqués pour la cinquième semaine, dont 14 provenaient de la liste qui nous avait été soumise par l'Opposition.

Je rappelle que nous avons entendu, lors de cette commission parlementaire, toutes les grandes associations nationales de parents, de commissions scolaires, d'administrateurs, d'enseignants, de personnel syndiqué. Ces associations ont, d'ailleurs, disposé du temps nécessaire pour leur exposé. J'ai calculé que nous avons consacré à 8 grands organismes nationaux un total de 30 heures. Nous avons entendu les grandes associations nationales francophones et anglophones, catholiques et protestantes, que ce soit du côté des commissions scolaires, des enseignants ou des administrateurs. Nous avons entendu des témoignages diversifiés provenant de la plupart des régions du Québec. Nous avons accordé un traitement de choix à Montréal et je pense que, des deux côtés, nous étions d'accord avec ce traitement de choix en entendant un grand nombre d'organismes sur la situation particulière de Montréal, tant du côté francophone que du côté anglophone.

Je voudrais mentionner que nous n'avons pas, pour autant, négligé les régions. Les régions de l'Estrie, de la Mauricie, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de Laval-

Laurentides-Lanaudière, du Bas-du-Fleuve, de l'Abitibi-Témiscamingue, de Québec, de la rive nord et de la rive sud de Montréal ont été entendues. Nous avons entendu également une proportion équivalente d'associations de

parents et de commissions scolaires. Nous avons entendu 20 regroupements de parents et 22 provenant du monde des commissions scolaires. Nous avons pris soin de faire une place importante au personnel syndiqué. Du côté des enseignants, outre la CEQ et l'Alliance des professeurs de Montréal, nous avons entendu des associations professionnelles. Nous avons entendu, au total, 6 organismes professionnels d'enseignants en plus des syndicats d'enseignants.

La commission parlementaire nous aura permis également d'entendre une multitude d'opinions sur des questions spécifiques. Je n'ai pas le temps de les mentionner toutes, mais je voudrais rapidement souligner que, concernant des questions spécifiques dans la sphère confessionnelle, dans la sphère de l'éducation des adultes, du droit des handicapés, du droit des jeunes, nous avons entendu de nombreux organismes. Cette commission a permis également que s'expriment des avis diversifiés. Nous avons entendu le point de vue de grandes associations, mais également de regroupements régionaux et locaux provenant de milieux urbains ou ruraux. Cette diversité a permis que le pluralisme des idées s'affirme et vienne enrichir, éclairer, concrétiser le débat.

M. le Président, en terminant, je voudrais exprimer notre point de vue de la façon suivante: une telle commission se situe au rang des plus importantes de l'histoire du Québec. Par le nombre de témoignages, la qualité des débats et la variété des interventions, le travail accompli ici est énorme et significatif. Près d'une centaine de groupes et d'organismes ont été entendus pendant plus de 160 heures d'auditions. En terminant, je ne voudrais pas qu'on oublie que tous les mémoires reçus sont lus et analysés de notre côté et feront partie intégrante, quant à nous, des témoignages de la commission. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Fabre. Mme la députée de L'Acadie.

Motion d'ajournement du débat Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, conformément à l'article 77 de notre règlement, j'aimerais faire la motion suivante: Que le débat sur la motion du député de Fabre soit ajourné.

Le Président (M. Blouin): Alors, une telle motion d'ajournement est mise aux voix à la suite d'un court débat de dix minutes par groupe politique. Je présume que vous êtes la représentante de votre groupe politique?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Le Président (M. Blouin): Très bien; alors, allez-y.

M. Leduc (Fabre): M. le Président...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): ...est-ce l'article 77 ou l'article 157?

Mme Lavoie-Roux: L'article 77.

M. Lalonde: Vous n'avez pas écouté? C'est l'article 77.

Le Président (M. Blouin): Un petit moment, s'il vous plaît!

M. Lalonde: M. le Président, il est bien clair...

Le Président (M. Blouin): Cela va.

M. Lalonde: ...que c'est l'article 77 qui a été invoqué...

Le Président (M. Blouin): C'est cela.

M. Lalonde: ...si le député de Fabre avait suivi la motion de Mme la députée de L'Acadie. L'article 157 s'applique simplement pour ajourner les travaux et non pas le débat.

Le Président (M. Blouin): C'est cela. Très bien. Il s'agit d'une motion qui n'est pas débattable. Alors, allez-y, Mme la députée de L'Acadie.

M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président, pourriez-vous lire l'article 77, s'il vous plaît?

Le Président (M. Blouin): Très bien, avec plaisir. Il se lit ainsi: "Une motion non annoncée d'ajournement du débat peut être faite en tout temps; une telle motion, sauf si elle est faite par un ministre, ne peut être faite qu'une seule fois au cours d'une séance. Elle est mise aux voix sans amendement, à la suite d'un débat restreint au cours duquel un représentant de chaque parti reconnu peut prononcer un discours de dix minutes, le proposeur pouvant exercer un droit de réplique de même durée."

Mme la député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Pour les personnes qui nous écoutent, parce qu'il s'agit d'appel à un article de notre règlement, je voudrais bien clarifier que cette motion d'ajournement du débat ne porte pas sur le débat que nous

avons eu depuis plusieurs semaines et qui portait sur l'audition des mémoires présentés à la commission parlementaire de l'éducation touchant le projet de loi 40, mais porte strictement sur la motion de clôture que le député de Fabre nous a présentée, de telle sorte que, si cette motion était adoptée, nous pourrions poursuivre les travaux que nous avions entrepris depuis cinq semaines. Alors, la motion d'ajournement porte strictement sur la motion de clôture que le député de Fabre a présentée hier soir, et on se souvient dans quel climat.

M. le Président, j'écoutais le député de Fabre faire son plaidoyer sur sa motion de clôture, pour mettre fin à nos travaux. Il disait que nos travaux s'étaient déroulés dans un climat qu'on ne voit pas très souvent, que les débats avaient été élevés et que tout s'était fait dans une grande harmonie. Il a terminé en disant: Je ne voudrais pas que la journée d'hier vienne entacher les cinq semaines que nous venons de passer.

M. le Président, nous ne voulons sûrement pas nous associer à cela. Si la journée d'hier a été entachée, ce n'est sûrement pas la faute de l'Opposition, mais bien celle du gouvernement parce qu'au moment où cette motion de clôture a été présentée nous avions devant nous un groupe de l'Asbesterie et de l'Estrie qui représentait plusieurs commissions scolaires, et des parents de ces commissions scolaires. Ils attendaient, depuis deux jours, pour être entendus. Ils ont eu à peine le temps de lire leur mémoire que, tout à coup, le député de Fabre, alors qu'il nous restait du temps qui ne l'aurait nullement empêché de présenter une motion de clôture, abruptement, de la façon la plus brutale que l'on puisse penser, impolie, grossière, a présenté cette motion de clôture. Les gens sont vraiment restés ahuris, eux qui avaient attendu patiemment, qui avaient un très bon mémoire, je pense que tout le monde en conviendra autour de la table. On leur a dit: C'est fini. M. le Président, je reviens. S'il y a eu entachement hier, cette journée a été entachée par le comportement du gouvernement.

J'ai aussi été estomaquée par les arguments que le député de Fabre a évoqués pour motiver la motion de clôture qu'il a présentée. Il a dit: Écoutez, nous jugions que nous étions suffisamment informés. Jusque-là, c'est discutable. Il a dit: Nous connaissions toutes les réactions des membres de l'Opposition. Nous pouvions prévoir leurs réactions, leurs questions. M. le Président, je ne suis pas venue m'asseoir ici, et mes collègues non plus, pendant cinq semaines pour examiner les réactions du gouvernement. Je suis venue m'asseoir ici, de bonne foi, pour entendre les propos de nos invités. C'est ce qui m'intéressait. Vous, on vous entendra toujours assez longtemps, Dieu merci!

M. le Président, le but de l'exercice que nous avons fait n'était pas d'examiner leur comportement - on le connaît aussi d'avance - mais vraiment d'entendre les gens. Et il dit qu'il se déclare suffisamment informé parce qu'il connaît toutes les réactions de l'Opposition. Je pense que cela aussi explique pourquoi, hier soir, le gouvernement s'est comporté comme il l'a fait. Ce ne sont pas les gens qui venaient qui l'intéressaient, c'étaient les réactions de l'Opposition. Fort intéressant!

Le député de Fabre aussi, je pense, s'est aventuré sur un terrain bien glissant quand, pour justifier cette motion, il a fait appel à des projets de loi ou à des commissions parlementaires qui ont été tenues sur des sujets très importants. Il parle de la loi 101, du Code des professions. Il en a énuméré une série. Mais, je pense que si, on demandait une opinion publique sur ce dont nous discutons, aujourd'hui, on nous dirait que cela touche le fondement même de toute l'organisation de notre société, que c'est une remise en question de tout notre système d'éducation. Je veux bien croire que le Code des professions est important, que la loi 101 est importante, ainsi que les autres que vous avez nommées, mais là il s'agissait d'une commission de toute première importance. Dans les études qui ont été faites aux États-Unis, en Angleterre ou ailleurs, les citoyens considèrent leur système d'éducation comme une valeur absolument fondamentale sur laquelle sont assis le progrès et les valeurs de notre société. (10 h 45)

Eh bien, on n'a même pas entendu 50% des mémoires qui nous ont été envoyés et je ne parle que des organismes qui ont demandé à être entendus. Je fais abstraction des quelque 40 qui ont été envoyés strictement pour dépôt. C'est 93 sur 208. Ce n'est même pas 50%. Le député de Fabre et ses collègues nous disent: Nous avons fait un choix judicieux, etc. Les observateurs neutres qui ont suivi nos travaux - je n'ai pas ici les témoignages parus dans les journaux, mais cela a été relevé à plusieurs reprises -disent que la façon dont le gouvernement avait convoqué les invités était biaisée au point de départ, choisissant toujours ou presque toujours les meilleures heures de télévision pour faire entendre les témoins qui étaient favorables au projet de loi 40. Je n'hésite pas à le dire. Devant toutes ces choses - j'aurai peut-être l'occasion d'y revenir - je pourrai dans ma réplique probablement, à moins que le gouvernement n'acquiesce à ma motion, faire valoir le point de vue d'un grand nombre de personnes qui voulaient être entendues. Je reviendrai peut-être aussi sur la question de l'entente parce que le président m'a fait signe que mon temps - il me reste deux minutes - est écoulé.

II est vrai qu'il y a eu une entente et nous avons fait cette entente de bon gré, de bonne foi. C'était une entente pour que les groupes soient limités à une heure et demie. Quand nous avons décidé, la semaine dernière, de rompre cette entente - nous avons continué de travailler avec autant d'ardeur, avec autant de conscience qu'avant c'est parce que le gouvernement avait refusé d'entendre les organismes dont que nous lui avions soumis la liste. Il ne faut pas oublier que nous n'avions pas demandé au gouvernement d'entendre les 208 mémoires. D'ailleurs, le député de Fabre l'a fort bien admis. Nous lui avions soumis une liste de 60 organismes que nous avions choisis avec soin en essayant de rassembler même plusieurs groupes pour réduire la longueur des travaux. Mais non, on avait décidé qu'il ne fallait pas ajouter plus d'une semaine parce que, pour le gouvernement - je ne sais pas s'ils s'en vont en vacances la semaine prochaine - il était impossible d'ajouter une deuxième semaine.

C'est au nom de mes collègues et c'est surtout au nom de la population qui a demandé d'être entendue ici que je demande que le débat sur la motion du député de Fabre soit ajourné, parce qu'elle nous paraît tout à fait prématurée. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le député de Fabre.

M. Michel Leduc

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais remercier Mme la députée de L'Acadie de me donner l'occasion de compléter certaines choses que je n'ai pas dites hier soir.

J'avais l'impression d'entendre une version moderne de Tartuffe en entendant les propos de Mme la députée de L'Acadie. Hier soir, j'ai parlé de l'Opposition qui avait manoeuvré toute la journée pour retarder les travaux de la commission. Elle a manipulé cette commission. J'ai mentionné hier soir que, à cause de l'Opposition, nous avons dû accorder à l'Association des commissions scolaires Abitibi-Témiscamingue une période de trois heures et demie, au Comité multi-agents des commissions scolaires du territoire Grand-Portage, quatre heures et demie et au groupe de l'Estrie, nous avons accordé une heure et quinze minutes. Nous n'avons pas pu entendre la Maison internationale de la rive sud à cause de l'attitude de l'Opposition.

Je ne suis pas le seul, mais si j'avais été le seul, bien sûr mes propos auraient pu être plus ou moins crédibles, puisque, ce matin, dans la Presse en disant: "Projet de loi 40: le débat prend des allures de "filibuster". Bien qu'ils le nient, les libéraux utilisent depuis hier matin toutes leurs ressources pour retarder le plus possible la fin des travaux de la commission parlementaire... tous les députés de l'Opposition épuisant les vingt minutes auxquelles ils ont droit en vertu du règlement. Certains sont même allés jusqu'à poser, sous une forme différente, la même question qu'un collègue afin de tuer le temps." M. le Président, on va vous donner ces questions aujourd'hui.

Le Devoir: "Par ailleurs, les travaux en commission parlementaire ont été ralentis hier par la volonté de l'Opposition." Quelques témoignages qu'on retrouve dans les journaux. L'Opposition savait que nous allions déposer une motion de clôture, hier. L'Opposition a tout fait pour retarder les travaux.

Je vais dire quelque chose qui va faire mal. Hier soir, il y avait ici un groupe qu'on n'a pas eu l'occasion d'entendre, soit la Maison internationale de la rive sud, du comté de Vachon. Ce groupe nous avions prévu l'entendre autour de 20 heures au plus tard puisque nous devions entendre le dernier groupe à 15 heures. Voyant que les travaux traînaient en longueur, j'ai rencontré ce groupe en compagnie du chef de cabinet du leader du gouvernement. Nous avons demandé à ce groupe s'il était prêt à passer demain matin, c'est-à-dire ce matin. Nous étions prêts à entendre ce groupe ce matin. Les gens nous ont dit: Nous avons pris notre journée bénévolement. Nous avons dû quitter notre emploi et prendre un congé à nos frais pour nous déplacer; est-ce qu'il y aurait moyen de nous entendre ce soir? C'était hier soir. J'ai contacté le député d'Argenteuil. Je lui ai exposé le problème. Il m'a signifié qu'il n'y pouvait rien. Nous avons donc dit au groupe que nous ne pourrions l'entendre que ce matin compte tenu de l'attitude de l'Opposition. Nous avons compris que la stratégie de l'Opposition était de nous traîner le plus longtemps possible et de nous faire assumer l'odieux d'avoir à faire une motion alors que nous entendions un groupe. Voilà la stratégie de l'Opposition, voilà la vérité qu'il faut révéler ce matin. C'est sérieux parce qu'on a manoeuvré sur le dos d'un organisme, soit la Maison internationale de la rive sud, que nous étions prêts à entendre hier soir. On n'a pas pu l'entendre à cause de l'attitude de l'Opposition.

C'est malheureux, M. le Président, que ceci survienne à la dernière journée de la commission, parce que... La dernière journée d'auditions, M. le député. Je le répète: C'est regrettable parce que, de notre côté, nous sommes très satisfaits des travaux de la commission. Malheureusement, nous n'avons pas pu nous entendre sur la façon de terminer cette commission. L'Opposition voulait entendre 60 autres organismes et nous trouvions ridicule, même farfelu d'entendre 60 organismes en l'espace d'une semaine. Je le répète: C'était la proposition de l'Opposition en quatrième semaine

d'entendre 60 organismes en une semaine. Notre rythme de travail est d'entendre environ 20 organismes par semaine. Même en multipliant les bouchées, nous n'aurions pas pu donner satisfaction aux 60 organismes en l'espace d'une semaine. On ne déplace pas des gens sur des centaines de kilomètres pour les entendre pendant une demi-heure. C'était la proposition de l'Opposition. Je le mentionne pour montrer à quel point il était impossible de s'entendre, malheureusement, sur la façon de terminer les travaux de la commission. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Fabre.

En réplique, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux (réplique)

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne relèverai pas les quolibets que le député de Fabre a adressés à mes collègues, au député d'Argenteuil ou à moi. Au moment où il les a prononcés, comme certains le disent, il devait se regarder dans le miroir. Quand le député relève que nous avons utilisé toutes les ressources à notre disposition, citant un journal qui disait que cela prenait l'allure d'un "filibuster", je suis fort étonnée d'entendre de la part de journalistes avec qui j'entretiens, je pense, de très bonnes relations cette analyse des choses. Quels sont les moyens mis à la disposition des parlementaires pour jouer leur rôle d'Opposition? Pourquoi y a-t-il dans notre système parlementaire une Opposition? Il m'apparaît très clair que c'est pour faire valoir les droits de la population quand le gouvernement est prêt à les piétiner. C'est la raison pour laquelle nous avons peut-être, hier, ralenti et utilisé les moyens que notre règlement nous permet d'utiliser comme parlementaires. D'ailleurs, le ministre lui-même n'avait pas caché ses intentions d'arriver avec une motion de clôture, puisqu'il s'en était ouvert publiquement à la presse.

Quels étaient les moyens à notre disposition pour dire au gouvernement qu'il allait trop vite parce qu'il y a des gens qui ont demandé, depuis le début, d'être entendus? C'était le seul à notre disposition. Il est vrai que c'était normal pour les journalistes - là-dessus, je les comprends -qui ont été très assidus à nos travaux, qui ont fait d'excellents rapports sur nos travaux, sentant ce ralentissement dans la journée d'hier, de s'impatienter un peu. Je peux le comprendre, mais je pense qu'ils doivent comprendre que, lorsque le gouvernement veut excéder ses prérogatives et le faire payer à la population, c'est important que l'Opposition réagisse. C'est cela, notre système parlementaire.

Je m'étonne que le député de Fabre utilise ces arguments pour justifier la motion qu'il a déposée hier soir. Tout à l'heure, il disait: Écoutez, on ne déplace pas un groupe habitant à 60 ou 100 kilomètres simplement pour une demi-heure. Je me demande combien de kilomètres et à combien de personnes on a imposé hier un voyage - je pense aux gens de l'Estrie - pour leur faire lire un mémoire. Le député de Sherbrooke, pour l'occasion, est venu se montrer devant ses électeurs, parce qu'on ne l'avait jamais vu à la commission avant. On a laissé au député d'Argenteuil quelques minutes. Lui-même a réduit la longueur de son intervention - il a pris soin de le signifier - pour permettre à ses collègues qui avaient des questions à poser à la régionale de l'Estrie de le faire. Cavalièrement, on les a renvoyés. Qu'on ne vienne pas nous faire des leçons de bienséance et de civisme après un tel comportementl

Comment le député de Fabre peut-il prétendre avoir voulu entendre la Maison internationale de la rive sud, alors qu'il a coupé court au débat et qu'il restait encore une heure - il était 22 h 50 lorsque vous avez présenté votre motion - de discussion possible? Il les a simplement renvoyés. Il prétend qu'il voulait entendre les gens de la rive sud; je ne sais pas si on appelle cela Tartuffe ou quel autre comédien ou personnage classique, mais cela ressemble à bien des choses. Quelqu'un me dit que cela ressemble à du Bourvil. (11 heures)

II reste que, de toute façon, les justifications du député de Fabre ne tiennent pas debout et ce que nous voulions, c'était de continuer nos travaux comme vous avez reconnu que nous les avions bien faits depuis le début. Mais ce qui fatiguait le gouvernement, c'est ceux qu'on avait mis de côté au début. Vous vous souvenez, on a fait venir, entre autres, la Fédération des parents du Québec qui se disait en faveur du projet de loi; avec des réserves, mais je ne veux pas entrer dans les détails. Depuis le début, le gouvernement avait opposé parents et commissions scolaires, selon son habitude de diviser pour faire adopter les projets de loi contestés, mais, depuis une semaine, ces nouveaux invités, qui, nous dit-on, avaient été retenus à la suite de suggestions du député d'Argenteuil, se présentaient ensemble: commissions scolaires et parents. Savez-vous que, dans de nombreuses commissions scolaires, on découvrait tout à coup que les parents et les commissaires d'écoles pouvaient travailler ensemble? Mais le gouvernement n'aimait pas cela parce que ça venait briser, somme toute, le fondement de l'édifice qu'il avait essayé de bâtir pour faire adopter ce projet de loi si contesté.

M. le Président, je voudrais, comme dernier témoignage, pour bien indiquer qu'il

ne s'agit pas de parler pour justifier une chose qui ne pourrait pas paraître essentielle, je vais lire quelques télégrammes de personnes qui avaient demandé à être entendues et qui ne l'ont pas été. Celui-ci est fort intéressant: "Nous désapprouvons votre décision de ne pas entendre notre mémoire sur la loi 40 en commission parlementaire, d'autant plus que nous sommes le seul groupe étudiant du secondaire ayant pris position sur la réforme scolaire. Votre attitude, à l'image de votre projet de loi, démontre le peu de place réelle faite aux étudiants dans les écoles. Nous réitérons donc notre demande de nous faire entendre et nous vous demandons de reconsidérer votre décision. La Jeunesse étudiante catholique." Pourtant, on a un ministre qui prétend vouloir faire une place aux étudiants dans notre système scolaire. C'était le seul groupe d'étudiants du secondaire qui se présentait pour faire entendre un mémoire et on n'a pas jugé bon... Mais on a entendu un autre groupe d'étudiants universitaires qui venait parler je ne sais pas exactement au nom de qui.

M. le Président, un autre mémoire et, là, je vous ferai remarquer qu'il ne s'agit pas de groupes individuels, mais de groupes beaucoup plus larges, comme dans le cas des étudiants. Mémoire du Comité de coordination de la concertation régionale du territoire de la Yamaska: "Nous avons appris que notre groupe représentant les agents de l'éducation, quatre commissions scolaires du territoire, ne pourrait présenter son mémoire collectif prévu dans le cadre des audiences publiques de la commission parlementaire portant sur le projet de loi 40. Pourtant, nous étions inscrits au no 38 et avions déposé ledit mémoire dans les délais prévus. Considérant qu'au cours de la dernière année nous avons poursuivi dans notre milieu une longue réflexion sur le livre blanc et le projet de loi 40, réflexion impliquant les nombreux agents d'éducation de notre milieu ainsi que la population en général; considérant que le législateur aura sans doute à prendre conscience de l'impact qu'un tel projet de loi crée auprès des gens de la base; pour tous ces motifs, nous vous demandons de veiller à ce que nos représentants soient entendus par la commission parlementaire permanente de l'éducation. Espérant que vous prendrez les mesures nécessaires, nous vous prions d'accepter..."

M. le Président, je sais que je dois terminer. Je pourrais continuer la lecture de nombreux télégrammes d'organismes représentatifs d'un grand nombre de personnes qu'on a refusé d'entendre. Et ici, à cette commission parlementaire, on a cru -et c'était le droit du gouvernement, je ne le lui conteste pas, mais on peut au moins s'interroger sur ses choix - on a pris une heure et demie pour entendre le comité d'une école qui...

Le Président (M. Blouin): En quelques secondes, Mme la députée de L'Acadie, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: ...est venu présenter le problème qu'il avait eu avec sa commission scolaire touchant le nom d'une école. On a pris une heure et demie pour faire cela et, hier soir, on a renvoyé chez eux, effrontément, des gens qui attendaient depuis deux jours et qui représentaient plusieurs commissions scolaires, de même que la population et les parents de ces commissions scolaires. Et on essaie encore de se justifier en disant qu'on est suffisamment informés, mais rappelez-vous qu'on est suffisamment informés des réactions de l'Opposition.

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de L'Acadie, je m'excuse...

Mme Lavoie-Roux: Les propos...

Le Président (M. Blouin): Mme la député de L'Acadie...

M. Lalonde: Vous pouvez au moins lui laisser terminer sa phrase.

Mme Lavoie-Roux: Je pourrais au moins finir ma phrase.

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de L'Acadie...

M. Lalonde: Est-ce qu'elle peut terminer sa phrase, M. le Président?

Le Président (M. Blouin): S'il s'agit de terminer une phrase, je crois qu'il n'y aura pas de difficulté...

M. Payne: C'est une longue phrase. On a des règlements, M. le Président.

M. Lalonde: Bon.

Le Président (M. Blouin): ...pour terminer votre phrase.

M. Lalonde: S'il vous plaît, oui.

Mme Lavoie-Roux: Ce que le gouvernement dit à la population, c'est: Nous sommes suffisamment informés des réactions de l'Opposition. Pour ce qui est des propos des gens que cela intéresse au premier titre, la population, les parents et tous les agents de l'éducation, c'est beaucoup moins important.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme la députée de L'Acadie.

Sur ce, je mets maintenant aux voix la motion de Mme la députée de L'Acadie qui

propose que le débat sur la motion du député de Fabre soit ajourné. Cette motion est-elle adoptée?

M. Lalonde: Adopté. Une voix: Non.

Le Président (M. Blouin): Donc, la motion est rejetée.

Mme Lavoie-Roux: Vote enregistré, M. le Président.

M. Lalonde: Non, vote à main levée.

Le Président (M. Blouin): Très bien, on demande un vote nominal. Nous allons procéder. Les membres m'indiqueront maintenant s'ils sont pour ou contre cette motion de Mme la députée de L'Acadie.

M. Brouillet (Chauveau)?

M. Brouillet: Contre.

Le Président (M. Blouin): M. Champagne (Mille-Îles)?

M. Champagne (Mille-Îles): Contre.

Le Président (M. Blouin): M. Maltais (Saguenay)?

M. Maltais: Pour.

Le Président (M. Blouin): M. Paré (Shefford)?

M. Paré: Contre.

Le Président (M. Blouin): Mme

Dougherty (Jacques-Cartier)?

Mme Dougherty: Pour.

Le Président (M. Blouin): M. Hains (Saint-Henri)?

M. Hains: Pour.

Le Président (M. Blouin): M. Laurin (Bourget)?

M. Laurin: Contre.

Le Président (M. Blouin): M. Leduc (Fabre)?

M. Leduc (Fabre): Contre.

Le Président (M. Blouin): M. Payne (Vachon)?

M. Payne: Contre.

Le Président (M. Blouin): M. Ryan

(Argenteuil)?

M. Ryan: Pour.

Le Président (M. Blouin): II y a quatre députés qui sont favorables et six s'y opposent. La motion est donc rejetée.

M. Lalonde: M. le Président, j'aurais une question de règlement à soulever.

Le Président (M. Blouin): Une question de règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Ma question de règlement trouve son fondement dans l'article 62 du règlement qui dit: "Une motion écrite doit contenir uniquement la proposition faite à l'Assemblée et elle ne peut être précédée d'un exposé de motifs..." Immédiatement, j'invoque aussi l'article 65.2 qui dit: "Le président peut également modifier dans sa forme une motion pour la rendre recevable."

Je sais que la motion que nous discutons actuellement, la motion du député de Fabre, motion de guillotine, en fait, a déjà été déclarée recevable, mais je pense qu'une motion qui a été déclarée recevable et qui contiendrait une irrégularité devrait faire l'objet d'une correction de la part du président et même de son propre chef, sans qu'on le lui demande, s'il la trouve lui-même ou au moment où la question est soulignée, à n'importe quel moment au cours du débat.

Je fais motion, a dit le député de Fabre, pour que cette commission, se jugeant suffisamment informée... L'objet de la motion, quel est-il? C'est de mettre fin à ses travaux, tel qu'elle est libellée. Se jugeant suffisamment informée, cela se réfère, de toute évidence, à l'article 118a de notre règlement qui dit, au sixième paragraphe: "Lorsqu'elle croît être suffisamment renseignée, la commission peut décider de cesser les auditions." Naturellement, c'est le motif qui est contenu dans le règlement ou la description, la base juridique, disons, mais cela ne doit pas faire partie du corps de la motion parce que c'est un argument qu'on pourrait, de toute évidence, amender et sous-amender à l'infini. Ne se croyant pas tout à fait suffisamment informée, se croyant éventuellement suffisamment informée... Enfin, on pourrait jouer avec cet argument, c'est la nature même de l'argument, du motif de faire l'objet d'échanges divers d'un côté et de l'autre de la table; c'est ce que l'auteur du règlement a voulu éviter.

Je suggère que, de votre propre chef, vous disiez que les mots "se jugeant suffisamment informée" soient enlevés de la motion. La motion se lirait: Je fais motion pour que cette commission mette fin à ses travaux comme le sixième paragraphe de

l'article 118a le prévoit. Dans les discussions, dans les discours, les membres de l'autre côté pourront faire la démonstration, s'ils peuvent la faire, qu'ils sont suffisamment informés et que c'est donc bien fondé en vertu du sixième paragraphe de l'article 118a.

J'ai un autre point à soulever concernant le libellé de la motion. Elle parle de mettre fin à ses travaux. Or, l'article 118a, paragraphe 6, dit bien: "La commission peut décider de cesser les auditions." Il y a une distinction entre les deux parce qu'une fois qu'on a cessé les auditions, il nous reste des travaux à faire. Il peut nous rester des travaux, il y en a au moins un, on le trouve à l'article suivant, 161.3, qui dit: "Toutefois, un membre d'une commission peut s'opposer au dépôt d'un rapport fait par cette commission en exposant brièvement les motifs de son opposition." C'est toujours au niveau de la commission. Je sais qu'il y a une habitude qui s'est développée, une modalité dans nos travaux, à savoir que le rapporteur ne voit généralement le rapport que lorsqu'il se lève en Chambre pour dire: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer tel rapport. Tout ça est préparé par les services de l'Assemblée nationale. Il se peut fort bien qu'un rapport soit discuté si on le demande.

Une voix: ...

M. Lalonde: Mais oui. Dans les anciennes règles de pratique, on voyait les étapes de l'étude d'un projet de loi en commission, l'exposé du ministre et les commentaires d'un représentant de chaque parti reconnu, l'audition des personnes intéressées, les délibérations de la commission - on n'est pas rendu là encore - et le rapport.

Il se peut fort bien qu'on propose d'étudier un rapport, de faire un rapport. Par exemple, un rapport de réimpression. C'est ce que prévoit l'article 119.2: "Si le rapport recommande la réimpression du projet de loi - il peut donc recommander la réimpression -la deuxième lecture ne peut en être proposée que lorsque cette réimpression est disponible." Il reste donc des travaux à faire, même si la décision de la commission est de mettre fin aux auditions. Je pense que, de votre propre chef, M. le Président, vous devriez - je vous le dis respectueusement -modifier, comme vous le permet le règlement à l'article 65, la motion pour qu'elle se lise: "Je fais motion pour que cette commission mette fin à ses auditions et ce, conformément à l'article 118." Naturellement une référence peut toujours être faite dans une motion.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): M. le Président, je ne sais pas si le député de Marguerite-Bourgeoys a pensé à tout ça pendant les cinq semaines qu'on ne l'a pas vu à cette commission. Ce n'est pas très fort comme logique. Je cherche encore la logique, M. le Président, et vous devez la chercher vous aussi.

Si j'ai compris ce qu'il a dit...

M. Lalonde: Non, vous n'avez pas compris.

M. Leduc (Fabre): Ça ne m'étonnerait pas que je n'aie pas compris, M. le député...

M. Lalonde: Non, non, moi non plus.

M. Leduc (Fabre): ...parce que je ne suis pas sûr que vous ayez compris vous-même. Essayons de comprendre.

Il nous dit: Nous invoquons la raison pour laquelle nous voulons mettre fin aux travaux. C'est peut-être irrecevable. Franchement, M. le Président, je ne sais pas quel article interdit d'invoquer la raison. Il nous a semblé important d'invoquer la raison, vu que nous invoquons l'article 118a, sixième paragraphe. C'est à ce règlement que nous nous référons: "Lorsqu'elle croit être suffisamment renseignée, la commission peut décider de cesser les auditions."

Quant à la nuance qu'il fait entre "travaux" et "auditions", c'est évident que, lorsqu'on parle des travaux, il s'agit des travaux de la commission. Encore là, la nuance qu'il fait me semble... Je ne comprends pas parce que, pendant cinq semaines, nous avons entendu les auditions et c'étaient les travaux de la commission. Le député de Marguerite-Bourgeoys n'étant pas ici, il ne pouvait peut-être pas penser que c'étaient les travaux de la commission.

Quant au rapport de réimpression de l'article 162 auquel il se réfère, ou de l'article 160, je vous avoue que je vous laisse ça parce que je n'ai rien compris de son argumentation.

M. Lalonde: C'est la meilleure chose à dire.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le député de Fabre. Nous allons suspendre nos travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 15)

(Reprise de la séance à 11 h 55)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'éducation reprend donc ses travaux. Je rappelle aux membres de la commission la teneur de

l'article 43 qui dit d'abord: "Le président se prononce sur les questions de règlement au moment où il le juge à propos."

Deuxièmement: "Lorsque le président rend sa décision, il indique ce qui la justifie et il n'est pas permis de la critiquer ni de revenir sur la question décidée."

Je vais maintenant rendre une décision sur la question de règlement soulevée par M. le député de Marguerite-Bourgeoys. La première objection formulée par le député de Marguerite-Bourgeoys a trait à l'article 62 qui stipule qu'on ne peut faire précéder une motion d'un exposé de motifs.

Étant donné le caractère exceptionnel de la motion du député de Fabre, je suis d'avis que les termes employés dans la motion doivent être rigoureusement conformes à la disposition habilitante, soit l'article 118a, paragraphe 6. Ainsi, la première objection doit être écartée car la motion du député de Fabre relativement à ce point est conforme à l'esprit du règlement.

Quant à la seconde objection visant à substituer au mot "travaux" le mot "auditions", elle m'apparaît exacte pour les motifs énumérés précédemment.

Ainsi, la motion se lit maintenant comme suit: Que cette commission, se jugeant suffisamment informée, mette fin à ses auditions et ce, conformément à l'article 118a, paragraphe 6, du règlement.

Nous allons maintenant reprendre le débat sur cette motion. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais soumettre un amendement à la proposition du député de Fabre, amendement dont je vais donner communication immédiatement: Que la motion en discussion soit modifiée en remplaçant, dans les première et deuxième lignes, les mots "se jugeant suffisamment informée" par les mots "afin de compléter son information". Ensuite en ajoutant, à la deuxième ligne, après le mot "auditions" -que vous avez décidé de substituer au mot "travaux", si j'ai bien compris - les mots suivants, et je cite la suite de l'amendement que nous proposons: "Après avoir entendu les représentants de la commission scolaire de Lakeshore, de la commission scolaire du Haut-Saint-Maurice, du Comité de coordination de la concertation régionale du territoire scolaire de la Yamaska, de la commission scolaire crie, de la commission scolaire du Lac-Témiscamingue, de la commission scolaire Baldwin-Cartier, de la commission scolaire de Jonquière, de la commission scolaire du Sault-Saint-Louis, de la commission scolaire Laurenval, de la commission scolaire de Greenfield Park, de la Commission des écoles catholiques de Verdun, de la commission scolaire Provençal, de la commission scolaire Kativik, de la commission scolaire régionale protestante du district de

Bedford, de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, région 02, Saguenay-Lac-Saint-Jean, du Conseil des commissaires de la commission scolaire de Sainte-Croix, du Groupe de travail de la commission scolaire Laurentian, de la commission scolaire Saint-Jérôme, du Comité de parents de la commission scolaire régionale Provencher, du Comité de parents de la commission scolaire de Lakeshore, du Groupe de parents de Saint-Éphrem, du Comité de parents de la commission scolaire de Châteauguay, du Comité de parents de la commission scolaire régionale de l'Estrie, du Comité de parents du réseau scolaire Chomedey-de-Laval, de l'Association des administrateurs des écoles catholiques du Québec, de l'Association des principaux catholiques de Montréal, de l'Association des directeurs d'écoles anglaises, de l'Association des administrateurs des écoles protestantes du Québec, de l'Association des administrateurs scolaires du Québec, de l'Association des directeurs d'école des Laurentides, de l'Association des directeurs d'école de Montréal, de l'Organisation provinciale des directeurs des services de l'éducation permanente des commissions scolaires protestantes, de la Federation of English-Speaking Catholic Teachers, du Groupe d'éducateurs et d'éducatrices professionnels, de l'Asssociation provinciale des enseignants de religion et d'éthique, de la Jeunesse étudiante chrétienne, du Groupe de défense de l'école protestante française, de l'Association des institutions d'enseignement secondaire, de l'Association des collèges du Québec, de l'Union des municipalités régionales de comté, du Bureau de commerce de Montréal, de la ville de Québec, de l'Église presbytérienne du Canada et du regroupement de plusieurs sociétés Saint-Jean-Baptiste. (12 heures)

Le Président (M. Blouin): Merci M. le député d'Argenteuil. Pour clarifier la situation, je vais relire la motion. Elle dit: "Que cette commission, se jugeant suffisamment informée, mette fin à ses auditions et ce, conformément à l'article 118a, paragraphe 6, du règlement." Or, l'amendement que vous me présentez en vertu...

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je m'excuse de vous interrompre, mais vous me donnez l'impression d'être en train de rendre un jugement. Est-ce que vous pourriez nous laisser discuter de la recevabilité de la motion, auparavant?

Le Président (M. Blouin): Très brièvement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Ce sera très bref, M. le Président. Donc, j'avais raison d'être inquiet. M. le Président, d'abord, je pense qu'on doit convenir que cette motion est amendable. C'est un premier élément et, en fait, je pense que tout le monde est d'accord que cette motion du député de Fabre est amendable.

Le Président (M. Blouin): Évidemment.

M. Lalonde: Évidemment. Je vous entends dire: Évidemment. Deuxièmement, il faut savoir quelles sont les règles qui nous régissent quant à l'amendement qu'on voudrait apporter. Il faut donc déterminer l'objet principal de la motion. Je soutiens, M. le Président, que l'objet principal de la motion est de mettre fin à ses auditions. Vous avez maintenu le motif qui fait référence à l'article 118, à savoir que la commission se juge suffisamment informée. C'est la motion. C'est ce que M. le député de Fabre croit ou propose. On pourrait faire un amendement pour dire: "La commission, se jugeant presque suffisamment informée." Si vous pensez que cela peut aider à la compréhension de notre amendement. Je pense qu'on doit être un peu plus précis intellectuellement et dire ce que la motion du député d'Argenteuil dit, dans le but de compléter ses renseignements, son information. Il me semble que c'est plus clair. Mais si vous voulez qu'on le fasse autrement, on va le faire autrement.

Je voudrais simplement dire que l'article 70 se lit ainsi: "Un amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion proposée et ne peut avoir que les objets suivants: retrancher, ajouter des mots ou les remplacer par d'autres." Je pense que le député d'Argenteuil a remplacé des mots par d'autres et en a ajoutés. Là-dessus, je pense qu'il n'y a pas de problème.

On ajoute: Cet amendement "est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale." Or, écarter la question principale, c'est dire: Ne mette pas fin à ses travaux. Ce serait qu'on ne termine jamais nos travaux. Là, on écarterait la question principale.

Je vous dis très respectueusement, M. le Président, que la motion ne dit pas que la commission doit mettre fin à ses travaux, à ses auditions maintenant. Elle dit: Que la commission mette fin à ses travaux. Fort bien! Éventuellement, on va mettre fin à nos travaux, mais on ne dit pas quand. Il reste alors à compléter cette irrégularité non pas de forme, mais de fond de la motion du député de Fabre, car il va falloir dire quand. Puisque vous ne savez pas quand on mettra fin aux travaux, le député d'Argenteuil vous suggère de mettre fin aux travaux après avoir entendu un certain nombre d'intervenants. La motion d'amendement n'écarte pas la question principale qui est de mettre fin aux travaux. On dit: Oui, on va mettre fin à nos travaux. Mais quand? Lorsque nous aurons...

Je vous soumets respectueusement un dernier argument, en terminant. Même si la motion avait dit: Mette fin à ses travaux ou à ses auditions maintenant, même cela aurait été amendable. Je vous rappelle que le règlement prévoit qu'une motion de report est possible et recevable à l'Assemblée nationale lors de la deuxième lecture, car on sait qu'en deuxième lecture il s'agit d'une motion suivante: Que le projet de loi tel numéro soit lu maintenant. C'est cela qui est formel, vous le savez, M. le Président, comme tous ceux qui sont autour de la table. Même lorsqu'on spécifie qu'il faut mettre fin à quelque chose ou faire quelque chose maintenant, il est possible de remplacer le mot "maintenant" par les mots dans "six mois", dans "trois mois"; on appelle cela une motion de report. Pour les motifs que je viens d'émettre, cet amendement... D'abord, la motion est amendable. Deuxièmement, l'amendement qui remplace des mots, qui ajoute des mots n'a pas pour effet d'écarter la question principale, mais de la préciser, de dire quand on va mettre fin à nos travaux.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeois. Je crois que je suis maintenant en mesure de conclure. M. le député de Marguerite-Bourgeois, j'étais heureux que vous donniez lecture de l'article 70 et vous me permettrez d'en reprendre la deuxième partie: "II - l'amendement - est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale sur laquelle il a été proposé et il en est de même d'un sous-amendement par rapport à un amendement." Or, dans l'amendement qui a été proposé par M. le député d'Argenteuil, les mots "compléter son information" ont pour effet d'écarter la question...

M. Lalonde: Ce n'est pas la question principale, c'est le motif.

Le Président (M. Blouin): Un instant, s'il vous plaît! Il y a deux éléments dans cette motion.

M. Lalonde: II y a une question principale.

Le Président (M. Blouin): II y a deux éléments dans cette motion: le premier élément étant celui de considérer que nous sommes suffisamment informés, le texte du député d'Argenteuil nous suggère de

compléter notre information. Deuxièmement, la motion du député de Fabre précise que nous mettions fin aux auditions. Or, le texte du député d'Argenteuil suggère que nous entendions un nombre de groupes dont il a fait l'énumération. Cet amendement, à sa face même, n'est pas recevable.

M. Lalonde: Une question de directive, M. le Président. Est-ce que vous réitérez que cette motion du député de Fabre est amendable?

Le Président (M. Blouin): Elle est effectivement amendable dans la mesure où nous le faisons conformément à l'article 70.

M. Lalonde: M. le Président, deuxième directive. Est-ce que vous considérez que la motion du député de Fabre ne spécifie pas quand nous allons mettre fin à nos travaux? C'est simplement: mette fin à ses travaux. Ce n'est pas inscrit maintenant, demain ou après-demain.

Le Président (M. Blouin): M. le député, vous noterez qu'au moment où nous adopterons - je présume que cela se terminera ainsi - cette motion - si nous l'adoptons - qui nous indiquera de mettre fin aux auditions, nous mettrons fin aux auditions au moment où nous l'adopterons.

M. Leduc (Fabre): M. le Président.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Je voudrais que le député d'Argenteuil, s'il est d'accord, bien sûr, dépose la liste qu'il nous a lue au cas où on arriverait à nous convaincre de l'autre côté que nous ne sommes pas suffisamment informés.

M. Lalonde: M. le Président, on est bien prêt à déposer tout ce que vous voulez, mais encore faudrait-il avoir une motion sur la table.

M. Payne: Déposez-la alors.

M. Lalonde: On ne peut pas déposer ce qui n'est pas recevable, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît! J'appelle donc maintenant le débat sur la motion de M. le député de Fabre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais présenter un amendement à la motion principale qui se lirait comme suit - pour que tout le monde puisse suivre, je vais donner lecture de la motion principale pour qu'on voie où l'amendement vient s'insérer:

Je fais motion pour que cette commission se jugeant suffisamment informée mette fin à ses travaux et ce, conformément à l'article 118a, paragraphe 6, du règlement.

Le Président (M. Blouin): À ses auditions.

M. Ryan: À ses auditions, excusez-moi. L'amendement viendrait s'insérer après le mot "auditions" et on ajouterait les mots suivants: vendredi le 24 février 1984, à 18 heures.

M. Lalonde: Ça c'est recevable.

Le Président (M. Blouin): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je vous fais valoir que cette nouvelle tentative vise essentiellement aussi à écarter la question principale, étant donné qu'on ne peut pas comprendre la motion présentée par le député de Fabre sans se référer au sixième paragraphe de l'article 118a qui indique qu'implicitement est contenu dans la motion du député de Fabre le moment où les auditions doivent cesser. Ce moment, ce sont les mots qui précèdent et que, d'ailleurs, le député d'Argenteuil ne retire pas: "se jugeant suffisamment informée." Il ne retire pas ces mots-là; il les laisse. Il dit "...se jugeant suffisamment informée, mette fin à ses auditions le 24". Il y a comme une forme de contradiction à l'intérieur même de la motion présentée par le député d'Argenteuil et cela est implicite dans le texte même de la motion. C'est implicite dans l'article 118a, paragraphe 6, que, dès que le débat s'engage sur la motion, il est clair que le débat à l'égard duquel les gens se sentent, à ce stade-ci, ou ne se sentent pas, à ce stade-ci, suffisamment informés et, s'ils ne se sentent pas, à ce stade-ci, suffisamment informés, ils ne cesseront pas les auditions et les poursuivront jusqu'à n'importe quelle date; cela pourrait être le 24, cela pourrait être au mois de mars, au mois d'avril ou au mois de mai, peu importe. Cela est implicite; cela écarte la question principale. Cela va à l'encontre même de l'article 118a. Il est évident que cette façon de procéder est totalement contradictoire dans sa formulation d'abord; deuxièmement, écarte la question principale et, troisièmement, ne permet pas de mener le débat qui, s'il résulte par le rejet de la motion, entraîne qu'on doive continuer de s'informer et qu'on se fixe donc une date ultérieure pour mettre fin aux auditions de la commission.

Le Président (M. Blouin): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, si le leader du gouvernement nous invite à changer ce motif, nous ne sommes pas d'accord avec celui-ci, qui veut que nous soyons suffisamment informés. On peut changer avec la même motion d'amendement. D'ailleurs, j'en appelle, en fait, je me réfère à une décision du 26 avril 1978 qui dit bien - je pense qu'il est bon de se rafraîchir la mémoire - pourvu qu'une motion d'amendement proposée en vertu de l'article 70 du règlement se rapporte à la question principale - cela se rapporte à la question principale servant à déterminer quand terminer nos travaux - ne la dénature pas, on n'enlève pas, ou ne constitue pas une négation amplifiée de cette question, elle est recevable.

Si, pour vous aider, M. le Président, à la rendre recevable, à l'accepter, on devait dire au lieu de "se jugeant suffisamment informée", "étant sur le point d'être suffisamment informée", cela n'écarte pas l'idée principale; cela modifie, car il faut que cela modifie. J'entends un bruit étrange de l'autre côté de la table, M. le Président.

M. Payne: Cela a été spontané. Mme Lavoie-Roux: C'est Tartuffe.

M. Lalonde: C'est un rire qui ressemble à de la tartuferie. M. le Président, je pense que le député de Fabre n'accepte pas qu'un amendement change quelque chose. Il faut qu'un amendement change quelque chose. Il ne faut pas écarter la question principale. Évidemment, le fait qu'on se juge suffisamment informés doit pouvoir être amendable, étant donné qu'on n'est pas d'accord. On peut dire: On est sur le point d'être suffisamment informés; à ce moment-là, on n'écarte pas la question principale; on la modifie sans l'écarter, sans la dénaturer. On prend 90% de ce que vous dites et on dit: Bien. Mais pas tout à fait. Le reste de la motion d'amendement du député d'Argenteuil trouve sa logique; c'est-à-dire qu'on présume qu'après avoir entendu un certain nombre et pas tous... Si on demandait d'entendre tous les intervenants, tous ceux qui ont envoyé des mémoires, vous pourriez nous dire: De toute évidence, vous allez contre la nature même de la motion qui est de ne pas entendre tous les mémoires. Alors, on en propose un certain nombre. Pourquoi le 24 février? Parce que, d'ici ce temps, nous croyons avoir le temps de les entendre. Donc, la motion est parfaitement recevable. (12 h 15)

Le Président (M. Blouin): Est-ce que cela va?

M. Lalonde: Oui.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, l'objet de cette motion présentée par le député de Fabre est je peux la relire une autre fois suffisamment ancrée dans tous les esprits maintenant, c'est de mettre fin aux auditions. Ce qui veut dire que, à partir du moment où nous aurons voté cette motion, si elle est acceptée par la majorité des membres de cette commission, il n'y aura plus d'audition. Or, l'amendement proposé par le député d'Argenteuil a directement pour effet de poursuivre les auditions jusqu'au 24 février 1984, à 18 heures. Donc, cette motion d'amendement n'est pas recevable.

M. Lalonde: C'est le bâillon du président.

M. Bertrand: Retirez ces paroles, "le bâillon du président".

M. Lalonde: Vous dites que le président vous bâillonne? Il est très agréable.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil, sur la motion de M. le député de Fabre.

M. Lalonde: M. le Président, si le député d'Argenteuil me le permet, puisque je n'ai pas pu faire cette motion avant que vous rendiez votre décision... D'accord, allez- y.

Motion d'amendement

M. Ryan: M. le Président, il faut procéder tellement vite là-dedans que, des fois, il y a des communications qu'on n'a pas eu le temps de se faire.

Je voudrais proposer un autre amendement parce que je suis sûr qu'on peut se comprendre quelque part. L'amendement se lirait comme suit: Après les mots "se jugeant", on ajouterait les mots "plus ou moins". Je fais motion pour que cette commission, se jugeant plus ou moins informée -remplacer le mot "suffisamment" par les mots "plus ou moins" - mette fin à ses travaux et ce, conformément...

M. Lalonde: Pas le 24 février...

M. Ryan: Oui, évidemment, le 28 février.

M. Bertrand: Je vous ai dit de ne pas mettre le 24 février là-dedans.

M. Ryan: On serait prêt à changer le 28 février pour le 24 février.

M. Bertrand: C'est la même argumentation.

M. Ryan: En tout cas, nous, nous proposons cette formule.

Le Président (M. Blouin): Pourriez-vous me relire le texte de votre amendement, M. le député? Comment se lirait la motion telle qu'amendée?

M. Ryan: Je fais motion pour que cette commission, se jugeant plus ou moins informée, mette fin à ses auditions, et ce, conformément à l'article 118a, le 24 février.

Le Président (M. Blouin): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Tout à l'heure, M. le Président, en réponse à une question qui vous a été posée par le député de Marguerite-Bourgeoys qui vous demandait - c'est une demande de directive - si cette motion pouvait être amendée. Vous avez dit: Oui, dans la mesure où elle respecte l'article 70 du règlement. Mais je pense qu'on va se rendre compte d'une chose, M. le Président -et on le sent bien au fur et à mesure que les motions d'amendement sont présentées -qu'il y a des types de motion - bien sûr, a priori, tout type de motion est amendable et cela va de soi, le règlement permet des amendements et même des sous-amendements - dans le règlement qui, à cause de leur libellé et à cause de l'article auquel ces motions se réfèrent, permettent le débat et, une fois le débat terminé, appellent un vote, si vote il y a, demandé d'un côté ou de l'autre, et là on passe à autre chose.

Le but de l'article 118a, paragraphe 6, c'est très clairement sur la base même de la rédaction de l'article et on ne peut pas changer les mots de l'article du règlement. Là, on n'est plus en train de faire des motions d'amendement sur une motion présentée par le député de Fabre, on est en train de faire des motions d'amendement pour changer le règlement de l'Assemblée nationale. Or, l'article 118a, paragraphe 6, a été adopté en vertu d'un règlement adopté par l'Assemblée nationale du Québec et on ne peut pas faire des modifications comme ça aux articles du règlement. C'est comme si je vous disais, M. le Président, qu'on veut changer l'article 70 sur les amendements pour dire que, maintenant, ce ne sont plus les mots "retrancher, ajouter ou remplacer", mais ce sont les mots "retrancher, ajouter, remplacer et plus ou moins s'assurer du respect de, peut-être, ni de près ni de loin", etc. En d'autres mots, on se met à modifier des articles du règlement. Or, quand le député d'Argenteuil introduit "se jugeant plus ou moins suffisamment informée", je vous fais valoir qu'il veut amender un article du règlement et plus nécessairement la motion du député de Fabre. Le député de Fabre a été, à ce point de vue, très explicite dans la présentation de sa motion. Il a dit: "Je fais motion pour que cette commission, se jugeant suffisamment informée, mette fin à ses auditions en vertu de l'article 118a, paragraphe 6." Or, l'article 118a, paragraphe 6, ne permet pas de faire dire autre chose au paragraphe 6 que ce qu'il dit: "lorsqu'elle croit être suffisamment renseignée." Le député de Fabre dit: "Je fais motion pour que cette commission, se jugeant suffisamment informée..." C'est l'article du règlement.

Je vous dis très respectueusement que, si on peut faire des amendements à des motions, on ne peut certainement pas faire des motions pour modifier le règlement de l'Assemblée nationale alors que c'est sur la base même de cet article du règlement que la motion du député de Fabre a été présentée.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ...j'aimerais simplement répondre à la question. Vous vous souvenez que je vous ai demandé deux fois spécifiquement si la motion était amendable. J'avais mes raisons. Dans le règlement, lorsqu'une motion d'ajournement n'est pas amendable, on le dit. Dans celle-là on ne dit pas qu'elle n'est pas amendable. Si on suit le raisonnement du leader du gouvernement, elle n'est pas amendable. Or, le règlement ne dit pas qu'elle n'est pas amendable et le président de la commission a confirmé qu'elle est amendable. Il faut changer quelque chose pour l'amender. Ne pas mettre fin à ses travaux, c'est rejeter la proposition principale et mettre fin à ses travaux à une autre date m'apparaît tout à fait conforme non seulement à la lettre du règlement, mais à l'esprit aussi puisque, par analogie, en deuxième lecture, lorsque la motion est que tel projet de loi soit lu maintenant, on peut changer le mot "maintenant" par une autre date, dans deux mois ou dans six mois; on appelle ça la motion de report.

Si, comme le leader le disait tout à l'heure, c'est implicite que la motion du député de Fabre veut dire "mettre fin à ses travaux maintenant", c'est-à-dire quand on va voter, on peut changer quelque chose qui est implicite aussi, le préciser et dire: Ça va être à telle autre date.

Votre décision que je ne partage pas, M. le Président, mais je m'y soumets, le règlement m'oblige à le faire, d'avoir conservé - c'était une bonne passe que le gouvernement a faite à la commission - le motif dans la motion, la rend difficilement amendable puisqu'on n'a pas le droit de changer le motif. Et vous avez dit qu'elle est amendable.

Le Président (M. Blouin): Cela va? M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, vous me direz peut-être que je vais à l'encontre du règlement, mais je voudrais essayer de faire comprendre ce qui se passe.

Nous avons fonctionné depuis le début des travaux de la commission en partant du principe que tout le monde qui avait demandé à être entendu serait entendu. Le président nous a même interdit de citer des messages que nous avions reçus d'organismes désireux de se faire entendre en nous disant: Ne vous inquiétez pas, en principe ils seront entendus. Par conséquent, il n'y avait pas de limite fixée pour la fin des travaux de la commission autre que l'obligation d'entendre tous les organismes et toutes les personnes désireux de se faire entendre.

La motion du gouvernement demande qu'on mette fin. Le gouvernement conclut que ce sera raisonnablement impossible d'entendre tout le monde. Nous souscrivons au principe de la motion dans l'amendement que nous proposons. Ce que nous proposons dans notre amendement, c'est une manière qui nous paraît plus raisonnable de mettre fin aux travaux de la commission, mais nous ne contestons pas du tout la nécessité d'une limite. C'est ça l'élément nouveau dans l'amendement que nous proposons et qui nous paraît, à cause de ça, conforme à l'esprit général de la proposition principale.

M. Bertrand: M. le Président, cela ressemble à la motion précédente que vous avez reçue tout à l'heure. La motion précédente disait "mette fin à ses auditions le 24". Or, il est implicite qu'on remettait sur la table la date du 24; le député d'Argenteuil l'a dit dans sa motion, il remet sur la table la date du 24 et, pour ce faire, il veut modifier non seulement la proposition principale que nous devrons débattre, mais il indique "plus ou moins suffisamment informée".

Or, quand on aura disposé de cette motion, un autre article du règlement prévoit qu'on peut faire un certain nombre de choses. C'est l'article 153 qui dit: Lorsqu'une commission élue a requis une personne de se présenter devant elle pour s'y faire entendre et que cette personne refuse de le faire, la commission fait rapport de ce refus au président. En d'autres mots, si on débat la motion et qu'elle est battue, il pourrait advenir que des gens demandent qu'on entende tel ou tel groupe. Mais il faut d'abord avoir disposé d'une motion qui indique que la commission se juge suffisamment informée et, en conséquence, demande qu'on mette fin à ses auditions. Je ferais valoir que la motion nouvelle - enfin pseudo-nouvelle - qu'on vient de vous transmettre, quoique probablement différente dans son libellé, sur le fond est exactement de la même nature que celle qui vous a été présentée précédemment. À cause de cela, forcément, on ne peut pas, à ce stade-ci, bien sûr, la recevoir.

Quant à ce débat, à savoir si cette motion est amendable ou non, bien sûr, comme il y a un article du règlement qui dit que, dans certains cas très particuliers, des motions ne sont pas amendables, cela veut dire que toutes les autres le sont a priori. Mais le président a toujours la latitude d'évaluer qu'une motion ne peut être amendée parce que, dans son libellé, en se référant à un article du règlement, on demande de mettre fin à des travaux et on ne peut donc pas procéder à autre chose tant et aussi longtemps qu'on n'a pas procédé au débat sur cette motion et à son adoption ou à son rejet, selon le cas et selon le résultat du vote.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil, je prends note de cet amendement que vous m'avez soumis. Si vous me permettez d'y réfléchir un peu plus à fond, je vais suspendre les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

(Reprise de la séance à 12 h 53)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Je suis maintenant en mesure de rendre une décision relativement à la recevabilité de l'amendement proposé par M. le député d'Argenteuil. Je prends à l'égard de la motion d'amendement du député d'Argenteuil la même attitude que celle adoptée à l'égard de la modification de la motion principale contenue dans la décision précédente.

Pour rendre cette motion d'amendement du député d'Argenteuil recevable, je dois rejeter la deuxième partie de l'amendement visant à mettre fin à nos travaux à une date ultérieure. Cependant, la première partie de la motion d'amendement est conforme à l'article 70. Ainsi, me prévalant de l'article 65.2, je déclare que la motion d'amendement se lisant ainsi: remplacer les mots "se jugeant suffisamment informée" par "se jugeant plus ou moins informée" est recevable. La motion amendée se lirait comme suit: "Je fais motion pour que cette commission, se jugeant plus ou moins informée, mette fin à ses auditions et ce, conformément à l'article 118a, paragraphe 6, du règlement.

M. le député d'Argenteuil, sur votre amendement.

M. Ryan: M. le Président, est-ce que je pourrais demander la suspension? Il est tout près de 13 heures. Étant donné ce qu'on a observé jusqu'à maintenant, le gouvernement aurait plus de chance de comprendre nos arguments s'ils étaient présentés tout d'un trait à compter de 15 heures. Nous sommes même prêts à revenir à 14 h 55, s'il le fallait, si le gouvernement voulait accepter ce compromis mineur; je pense que cela faciliterait un débat plus éclairant.

M. Leduc (Fabre): M. le Président, on accepte volontiers la suggestion du député d'Argenteuil. Je voudrais simplement vous demander de déposer votre décision pour qu'on ait le temps de la regarder un peu.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Il n'y a pas de problème. Alors, nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 h 55.

(Fin de la séance à 12 h 55)

(Reprise de la séance à 15 h 5)

Le Président (M. Blouin): La commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux et la parole est au député d'Argenteuil.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, en conformité avec la décision que vous avez rendue avant la suspension tantôt, je voudrais expliquer l'amendement que nous proposons d'apporter à la proposition du député de Fabre. Le député de Fabre demande que la commission mette fin à ses travaux, à ses auditions, parce qu'elle se juge suffisamment informée; nous soutenons, pour notre part, que la commission, à ce stade-ci de ses travaux, demeure plus ou moins informée. Je voudrais vous expliquer pourquoi.

Tout d'abord, il est dans l'ordre que je rappelle l'excellente qualité des travaux qui ont été accomplis à la commission au cours des cinq dernières semaines. Nous avions fait le pari implicite, je pense, chacun pour son compte, qu'étant donné la gravité des enjeux l'importance extrême de la cause de l'éducation dans l'esprit de tous ceux qui ont à coeur la vie publique et la chose publique...

M. Leduc (Fabre): On s'en va? Le Président (M. Blouin): Pardon?

M. Leduc (Fabre): Qu'est-ce qu'on fait là?

Le Président (M. Blouin): Nous sommes actuellement à débattre de l'amendement qu'a présenté M. le député d'Argenteuil. Il vient d'expliquer le sens de son intervention. Il a la parole et il a le droit d'intervenir. M. le député d'Argenteuil.

M. Leduc (Fabre): M. le Président. Le député aurait une question de directive.

Le Président (M. Blouin): Oui.

M. Paré: J'aurais une directive à demander, M. le Président. Je voudrais savoir si le règlement qui nous concerne et qui régit nos débats nous permet de mettre fin à nos auditions ou à nos travaux - peu importe le mot qu'on utilise - lorsque les membres ne se sentent pas suffisamment informés.

Le Président (M. Blouin): II a été bien établi - je vous invite à relire les propos que j'ai tenus ce matin - que les députés avaient la latitude d'amender cette motion du député de Fabre. L'amendement qu'a présenté le député d'Argenteuil était parfaitement recevable et il a le droit d'intervenir en vertu de cet amendement, comme il l'a expliqué au début de son intervention. M. le député d'Argenteuil.

M. Leduc (Fabre): M. le Président, j'aurais une question, seulement pour clarifier le sens du débat qu'on aura sur l'amendement, si je comprends bien. Le député d'Argenteuil n'a parlé que de la première partie de son amendement: "se jugeant plus ou moins informée". Mais vous avez dit, M. le Président, que l'amendement devrait se lire: "Que cette commission, se jugeant plus ou moins informée, mette fin à ses auditions et ce, conformément à l'article 118a, paragraphe 6, du règlement." Donc, si je comprends bien, nous débattons de l'ensemble - c'est cela - comme quoi nous sommes plus ou moins informés et que nous pouvons, de ce fait, mettre fin à nos auditions.

Le Président (M. Blouin): Ce n'est certainement pas, M. le député de Fabre...

M. Leduc (Fabre): Non?

Le Président (M. Blouin): ...à vous qu'il revient de dicter au député d'Argenteuil ce qu'il doit dire au cours de son intervention de 20 minutes.

M. Leduc (Fabre): Mais, M. le Président, c'est la commission qui est saisie de cet amendement. Cet amendement est devant la commission, maintenant. C'est cela?

Le Président (M. Blouin): Oui, et alors? M. Leduc (Fabre): Donc, nous pouvons

également, de notre côté, intervenir?

Le Président (M. Blouin): Bien sûr.

M. Leduc (Fabre): Bien. Sur l'ensemble?

Le Président (M. Blouin): Bien sûr.

M. Leduc (Fabre): Non seulement sur la première partie?

Le Président (M. Blouin): Mais... Évidemment.

M. Leduc (Fabre): Bien.

M. Lalonde: Un instant, M. le Président, si vous le permettez.

Le Président (M. Blouin): Non, non, non, un instant.

M. Lalonde: Pour qu'on s'entende, nous parlons sur l'amendement.

Le Président (M. Blouin): Ah non! Ah non! Un instant. Vous avez raison, vous avez raison. Nous parlons sur l'amendement. Oui, oui, c'est vrai.

M. Lalonde: Si vous aviez...

Le Président (M. Blouin): Non, vous avez raison, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Oui?

M. Lalonde: Si vous le permettez, j'aimerais simplement m'expliquer une seconde. Si vous aviez accepté tout l'amendement du député d'Argenteuil...

Le Président (M. Blouin): C'est cela, c'est cela.

M. Lalonde: ...cela aurait été, disons, un peu plus logique. Dans la perspective du député d'Argenteuil, la commission étant plus ou moins informée, qu'on ne mette fin à nos travaux que le 24 ou le 28 février, ce serait plus facile à comprendre. Je suis d'accord avec les autres députés là-dessus. Mais vous avez accepté seulement la première partie de l'amendement du député d'Argenteuil, à savoir que cette commission est plus ou moins informée. La deuxième partie étant enlevée, la motion telle que présentée, si elle est acceptée, va conclure, quand même, que la commission doit mettre fin à ses auditions, ce qui semble un peu boiteux, mais ce qui n'empêche pas le député d'Argenteuil, conformément au règlement, de faire la démonstration que cette commission est plus ou moins informée. Et ceux qui voudront prendre la parole, d'un côté ou de l'autre, devront s'en tenir à la pertinence, à savoir que la commission est plus ou moins informée.

Le Président (M. Blouin): C'est cela. Vous avez raison. Cela va. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais simplement souligner qu'il sera tout à fait loisible au gouvernement, si, après avoir accepté notre amendement, il veut faire voter sa proposition, de montrer ainsi, d'une manière péremptoire, l'illogisme de sa décision. C'est ce que nous voulons démontrer par cet amendement. Le gouvernement reste entièrement maître de sa proposition, une fois que nous aurons disposé de l'amendement. Et nous nous prononcerons sur la proposition dès que l'occasion nous en sera fournie.

M. le Président, ces quelques minutes qu'on a enlevées sur mon temps, je suis sûr que vous les avez soustraites du temps...

Le Président (M. Blouin): Je suis en train de le faire.

M. Ryan: Très bien, merci. Nous avons vécu, depuis cinq semaines, une expérience dont la qualité s'est maintenue jusqu'à la journée d'hier inclusivement. Au cours de la journée d'hier, nous avons entendu trois organismes, je devrais dire trois regroupements d'organismes. Et quand le député de Fabre fait ses calculs, il devrait tenir compte de ce facteur. Hier matin, l'Association des commissions scolaires Abitibi-Témiscamingue, c'étaient douze commissions scolaires du même coup, ce qui prouve très bien, M. le député de Fabre, qu'il était possible d'entendre des organismes assez nombreux dans un temps relativement court. Alors, nous avons passé une période de temps avec ce groupe, qui a été très fructueuse.

Ensuite, nous avons entendu les commissions scolaires de la région du Grand-Portage; elles étaient sept. Nous l'avons fait dans une période de trois heures, ce qui donne à peu près une demi-heure par commission scolaire. Nous avons recueilli des renseignements extrêmement utiles.

Hier soir, nous étions en train de discuter avec la commission scolaire régionale de l'Estrie qui représentait six commissions scolaires, cinq commissions scolaires locales plus une commission scolaire régionale.

Si votre motion tout à fait brutale n'était venue interrompre les délibérations, nous aurions, dans l'espace de deux heures et demie, fait un tour d'horizon extrêmement fructueux avec ce groupe de commissions scolaires; ce qui aurait donné, pour la seule journée d'hier, pendant laquelle vous nous accusez d'avoir retardé les travaux indûment - 12 plus 7, cela fait 19, plus 6, cela fait 25

- 25 organismes qui auraient été entendus.

Quand vous dites qu'on vous avait soumis une liste de 70 organismes, il faut tenir compte de facteurs comme ceux-là. L'échéancier que nous vous avions proposé contenait un grand nombre de regroupements de cette nature, qui aurait permis de passer à travers une grosse partie de notre programme d'une manière beaucoup plus efficace que nous ne sommes en train de le faire à la suite de votre motion arbitraire.

Je voudrais profiter de l'occasion pour exprimer ma vive appréciation à l'endroit de tous les organismes qui ont préparé des mémoires à l'intention de la commission parlementaire. Il s'est accompli un travail de réflexion extraordinaire dans les milieux les plus divers de la société québécoise, en particulier dans les milieux de l'éducation. Je crois que les milieux de l'éducation ont démontré, à travers cette expérience récente, qu'ils constituent l'un des réservoirs les plus riches de ressources humaines, intellectuelles, sociales et politiques que nous ayons dans notre communauté québécoise. C'est parce que nous avions été si bien instruits par la richesse des mémoires, au sujet desquels nous avons pu discuter directement avec les auteurs, que nous insistions tellement pour que cette expérience soit poussée un peu plus loin.

Je voudrais signaler que le rythme de progression de la démarche entreprise par la commission parlementaire s'était maintenu, jusqu'à la journée d'hier, de semaine en semaine et de journée en journée. Nous sommes allés à des découvertes nouvelles qui nous permettaient de mieux comprendre certaines dimensions des problèmes posés par le projet de loi 40. S'il s'était agi uniquement de savoir si les commissions scolaires étaient favorables ou non au projet de loi 40, si elles étaient favorables ou non à l'intégration des commissions scolaires primaires et secondaires, ou au réaménagement des commissions scolaires sur la base linguistique, cela aurait pu se faire assez vite. Je conviendrais avec le gouvernement que, après avoir entendu peut-être une vingtaine de commissions scolaires, le gouvernement se fût considéré suffisamment informé. Mais il est question de tellement d'autres choses dans le projet de loi 40, sur lesquelles nous n'avons cessé d'apprendre des éléments nouveaux.

Au cours de la journée d'hier, la rencontre avec les commissions scolaires de l'Abitibi-Témiscamingue et la rencontre avec les commissions scolaires du Grand-Portage nous ont permis de constater qu'il y a beaucoup plus d'écoles de 100 élèves et moins que je ne l'avais pensé, moi, au Québec. On nous a dit que, sur 12 commissions scolaires de l'Abitibi-Témiscamingue, la majorité des écoles de cette région a moins de 100 élèves, ce qui vous fait voir tout de suite la panoplie de comités et d'organismes de toutes sortes qui pourraient exister dans chaque école. En vertu du projet de loi 40, ce serait impossible à réaliser dans toutes ces régions, ce qui démontre le caractère irréaliste du projet de loi. Et je suis sûr que, si d'autres commissions scolaires - je pense à celle de Yamaska qui a fait un travail de concertation formidable - avaient pu se présenter ici, cela nous aurait instruit énormément.

Ce matin, la députée de L'Acadie a souligné un point très intéressant. Vous savez, le gouvernement, pendant quatre semaines, a fait défiler ici des comités de parents d'un côté, des commissions scolaires de l'autre et, quelquefois, on s'est même ingénié à faire passer le comité de parents juste avant ou juste après la commission scolaire de manière à laisser croire à la population qu'il y aurait une espèce de conflit sourd, généralisé au Québec entre les parents et les commissaires d'écoles. Nous avons constaté hier, à l'occasion des trois rencontres que nous avons eues, que, dans un grand nombre de régions, c'est au contraire une atmosphère de collaboration très poussée qui existe entre les parents et les commissaires d'écoles. On s'est fait rappeler, d'ailleurs, que les commissaires d'écoles sont, d'abord et avant tout, des parents et non pas des gens coupés des parents. Ils sont eux-mêmes des parents qui ont des enfants dans les écoles de leur commission scolaire et qui, en plus, ont très généralement servi, avant d'être commissaires, à titre de membres de comités d'école ou de comités de parents. On apprenait des choses continuellement comme cela. Je ne veux pas insister davantage, mais je veux surtout dire aux gens que nous avons énormément apprécié cette chance qu'ils nous ont donnée en venant nous rencontrer d'apprendre autant de choses et que nous voulons continuer, en ce qui nous concerne, nous de l'Opposition, de nous mettre à leur écoute.

Si nous avions abordé le travail qui restait à faire dans le même esprit où nous avons travaillé ensemble pendant quatre semaines et deux tiers, je ne pense pas qu'il y aurait eu de problèmes majeurs. Toutes les difficultés qui se sont présentées en cours de route - et Dieu sait s'il y en a eu - nous les avons résolues les unes après les autres dans un climat de collaboration et, je pense, de sacrifices mutuels. Quand on veut s'entendre avec quelqu'un, il faut toujours faire sa part de sacrifices. Je pense que nous avons fait la nôtre et, dans un certain nombre de cas, le gouvernement avait également consenti à certains sacrifices.

Mais il y a deux points sur lesquels le gouvernement est intransigeant depuis le début. D'abord, il a voulu s'approprier la responsabilité exclusive du choix des organismes, de l'ordre dans lequel ils

viendraient se présenter ici et, deuxièmement, de la durée de nos auditions publiques. Je suis en mesure d'affirmer sur la foi des nombreux contacts que nous avons eus à ce sujet que le gouvernement avait décidé dès le début que cela ne dépasserait pas cinq semaines, toute cette affaire. Il n'avait même pas entendu les gens et déjà il savait dans son omniscience que cela ne devait pas dépasser cinq semaines. En plus, il a aménagé le choix des organismes d'une manière telle que bien des organismes importants ne seraient jamais venus devant la commission si cela n'avait été que du gouvernement, tandis que d'autres qui étaient plutôt secondaires, même si nous n'avions pas d'objection à les entendre, jouissaient de la prédilection ministérielle et se voyaient accorder une préséance que ni leurs états de service, ni leur importance relative, ni même l'importance de leur contribution dans certains cas ne justifiaient, comparativement à d'autres qui ont été laissés à la porte. Et j'assure nos concitoyens que, si cette décision s'était prise dans l'esprit de concertation dont ne cesse de parler le gouvernement quand il s'agit d'exhorter les autres, mais qu'il oublie trop souvent quand il s'agit d'agir lui-même, nous ne serions pas plongés dans l'impasse où nous nous trouvons à l'heure actuelle. Alors, le gouvernement doit porter cette responsabilité.

Je donne seulement un exemple pour que cela soit bien clair. Il était évident, dès le départ, que nous n'aurions pas le temps d'entendre tous les organismes locaux qui avaient demandé à se faire entendre par la commission; nous nous en rendions parfaitement compte. Mais le gouvernement a trouvé le moyen d'en inviter 4 sur les quelque 25 qui nous ont fait parvenir des mémoires. Or, par un concours de circonstances que seul le génie du député de Fabre pourra probablement nous expliquer, sur les 4 qui sont venus, il y en a 3 qui étaient favorables au projet gouvernemental et 1 qui n'avait pas d'opinion là-dessus. Il venait demander plutôt un statut bilingue. Les 3 autres, c'était une pure coïncidence. Mais j'ai fait le calcul. Sur les quelque 25 comités d'école locaux - je pense que le député de Westmount pourra en parler plus tard - qui nous ont soumis des mémoires, finalement, il y en a une majorité qui était plutôt défavorable au projet. Mais avec l'agencement que le gouvernement a créé, c'est évident qu'on veut créer l'impression que c'était tout le contraire.

Du côté du milieu étudiant, il y a un organisme qui s'est présenté devant la commission. C'est un regroupement d'étudiants du niveau universitaire, qui ne sont même pas engagés dans les niveaux primaire et secondaire. Un organisme représentant des centaines d'étudiants engagés aux niveaux primaire et secondaire avait demandé d'être entendu par la commission: la Jeunesse étudiante chrétienne. Il n'a pas été invité. Quand on regarde son mémoire, on comprend un petit peu pourquoi, parce qu'il trouvait que le projet de loi n'était pas bon. Il disait que le projet de loi va contribuer à augmenter la centralisation en faveur du gouvernement, qu'il risque de créer un fossé d'inégalité entre les écoles, en raison de plusieurs dispositions qu'il comprend, et qu'il risque de réduire à un statut mineur les étudiants qui ont droit, en vertu des critères les plus élémentaires de respect et de civilisation, d'être reconnus d'une manière beaucoup plus plénière. Le gouvernement, vers la fin, a fini par admettre qu'il faudrait inscrire le droit d'association étudiante dans le projet de loi. Cela n'y était pas.

Seulement en ce qui regarde les commissions scolaires, une cinquantaine d'entre elles avaient demandé de se faire entendre par la commission. Il en restait encore une bonne vingtaine à entendre. Le gouvernement pense peut-être que nous n'avions plus rien à apprendre de ces commissions scolaires. Je lui affirme le contraire. Je vous donne un exemple bien simple. Dans le comté que je représente à l'Assemblée nationale, le comté d'Argenteuil, nous avons plusieurs commissions scolaires; il y en a six, je crois, qui desservent la population de notre territoire, par un coin ou l'autre du territoire. Il y en a une, du côté anglophone, qui s'appelle la commission scolaire Laurentian, Laurentian School Board. On avait préparé un travail sur le projet de loi 40, au Laurentian School Board. M. le Président, je n'ai pas demandé, privément, à faire comparaître le Laurentian School Board ici, parce que je ne voulais pas faire de favoritisme pour un organisme de mon comté. Je leur ai dit: Vous allez être traités sur un pied d'égalité avec tous les autres et je n'irai jamais me vanter devant la commission parlementaire que vous y êtes venus parce que votre député serait intervenu. J'ai dit: On va compter que le gouvernement est capable de s'inspirer de critères plus larges que ceux du statut du député ou de l'amitié qu'il pourrait avoir avec tel ou tel membre du gouvernement.

Ces gens-là nous ont envoyé un mémoire qui est très défavorable au projet de loi 40 et qui est approuvé par tout ce monde-ci: la commission scolaire, le comité de parents, l'association des administrateurs du Laurentian School Board, le comité d'école de l'école primaire de Morin-Heights, le comité d'école de l'école primaire Laurentian à Lachute, le comité d'école de l'école primaire Grenville, le comité d'école de l'école secondaire Laurentian de Lachute, le comité d'école de l'école primaire Harrington, le comité d'école de l'école primaire Sainte-Adèle, le comité d'école de l'école primaire Arundel. Tout cela ensemble, c'est au moins aussi important que les trois

écoles favorables au projet de loi que le gouvernement a fait défiler ici. On pourrait en donner, des exemples, à la tonne.

Une commission scolaire comme celle-là aurait pu nous enseigner des choses extrêmement intéressantes. Nous avons parlé à maintes reprises, depuis le début des audiences de la commission, du problème de ces milliers d'élèves anglo-catholiques qui fréquentent des écoles gérées par des commissions scolaires protestantes, en raison d'ententes conclues entre les unes et les autres. Personne n'est venu nous dire comment cela fonctionnait, ces ententes; personne n'est venu nous parler des problèmes que cela créait et des changements qu'entraînerait l'adoption du projet de loi 40 par rapport à cette situation qui s'est créée dans tout le Québec.

Or, la commission scolaire Laurentian aurait pu nous dire des choses formidables à ce sujet-là. Cela fait dix ou quinze ans qu'ils procèdent dans cette voie, qu'ils font des expériences très instructives dans la perspective des buts que poursuit le gouvernement avec le projet de loi 40: des expériences de coopération entre commissions scolaires et municipalités, entre commissions scolaires catholiques et protestantes pour l'utilisation de locaux communs. À Lachute, par exemple, nous avons une école secondaire qui est gérée conjointement par la commission scolaire catholique du Long Sault et le Laurentian School Board; il y a des choses qui sont partagées, il y en a d'autres qui ne le sont pas. C'est un régime extrêmement intéressant. Mais tout cela, nous ne pourrons pas l'apprendre parce que le gouvernement n'a pas voulu que la commission scolaire Laurentian soit entendue.

Le ministre a manifesté un intérêt particulier pour les expériences de décentralisation dans les commissions scolaires. S'il avait fait venir ici la commission scolaire de Saint-Jérôme, il aurait appris que celle-ci pratique depuis très longtemps, d'une manière systématique, la délégation de pouvoirs en faveur de ses écoles et pas simplement une délégation de pouvoirs informelle ou improvisée, mais une délégation de pouvoirs qui repose sur des documents de politiques officialisées par des décisions du conseil des commissaires et mises en application depuis de nombreuses années.

Si on avait fait venir les gens de Laurenval School Board, de Laval, on en aurait appris également au point de vue de la délégation aux directeurs d'école. Et je pense toujours à mon bon ami, le député de Mille-Îles et à mon bon ami, le député de Chauveau, qui n'ont cessé de me demander pendant les dernières semaines: Est-ce que vous avez peur de cela, que l'école prenne les décisions? Pas du tout. Pas du tout. Elle en prend depuis longtemps. Cela fait partie de la vie peut-être de la majorité des écoles du Québec que de jouir d'un régime de délégation de pouvoirs très poussé, mais qu'elles sont heureuses d'exercer sous l'autorité générale de la commission scolaire et non dans un esprit de faux affranchissement par rapport au système général dont elles font partie et dans lequel elles doivent demeurer inscrites. Ce sont des exemples seulement dans le domaine des commissions scolaires.

Un autre secteur dont on n'a pas entendu parler du tout depuis le début des audiences de la commission, c'est le secteur des institutions privées. Je constatais, en feuilletant le mémoire de l'Association des institutions d'enseignement secondaire, qui regroupe les institutions privées du secteur secondaire, que les effectifs de l'enseignement secondaire privé représentaient, le 30 juin 1983, plus de 15% de tous les effectifs-élèves dans 31 commissions scolaires francophones, plus de 20% des effectifs dans 18 commissions scolaires francophones, plus de 25% des effectifs dans 12 commissions scolaires francophones et plus de 30% des effectifs dans 8 commissions scolaires francophones.

Il est évident que, si on veut parler de planification des immeubles, de planification des ressources humaines et financières, de planification de la programmation pour les années à venir, on ne peut pas faire abstraction de cet élément très important du système québécois d'enseignement. Nous n'en avons pas entendu parler du tout à l'occasion de nos audiences. Le projet de loi 40 n'en parle pas et c'est une grave lacune du projet de loi que de ne pas définir cette politique de l'enseignement privé que le gouvernement nous annonce depuis si longtemps. Cela aurait été bon d'avoir le point de vue de ces gens-là. Que de fois j'ai entendu le ministre nous dire: Nous, on veut prendre modèle sur ce qui se fait dans l'enseignement privé au point de vue de l'autonomie de l'institution locale. On avait la chance d'entendre ces gens; ils nous avaient adressé un mémoire, ils étaient prêts à venir expliquer comment cela fonctionne dans l'enseignement privé, quel genre de problèmes crée pour les institutions privées la politique ambiguë, obscure, ténébreuse du gouvernement. Ils n'ont pas eu la chance de venir. Leur mémoire est consigné là. Le député de Fabre nous disait ce matin qu'il serait étudié avec attention. On a pu constater à combien de reprises, au cours des dernières semaines, que, même quand il a été lu et expliqué par des délégations qui sont venues ici en personne, souvent, les parties importantes n'étaient même pas comprises.

Il y avait de très bonnes raisons qui justifiaient ce prolongement des audiences qui eût permis de compléter le travail. Il me semble que, dans le domaine de l'éducation, étant donné, encore une fois, les implications

extrêmement graves, répandues dans tout le territoire, des décisions que nous serons appelés à prendre au cours des prochains mois, il aurait été bon qu'on puisse se dire, dans toutes les parties du Québec, dans tous les secteurs de l'activité. Nous, nous avons eu la chance d'être entendus, nous avons été rejoints par ce projet quand c'était le temps, nous avons exprimé notre réaction, on nous a permis de venir la communiquer et l'expliquer à Québec.

On pouvait finir cela dans un délai raisonnable d'une semaine ou deux. Je trouve infiniment regrettable que le gouvernement ait refusé cette chance qui s'offrait à lui, surtout après qu'il eut consenti à faire une si grande partie du trajet avec l'Opposition. J'ose espérer que c'est enfin montré clairement cet après-midi que nous sommes moins informés, que plus à ce stade-ci. Nous avons déjà colligé une somme d'informations très utiles. Elles ont été colligées dans un esprit de collaboration remarquable. Si le gouvernement voulait seulement faire ce pas additionnel qui nous permettrait d'enlever cette expression "plus ou moins" et de conclure ensemble que nous avons été suffisamment informés dans un exercice qui a permis aux uns et aux autres d'être pleinement respectés, surtout ceux qui voulaient venir nous rencontrer, je pense qu'on finirait cette expérience dans un climat qui augurerait infiniment mieux pour les phases à venir, phases qui seront extrêmement difficiles et ardues si le gouvernement doit maintenir l'attitude qu'il a épousée depuis hier soir. J'ose espérer qu'il s'agit d'errements temporaires. Il est encore temps de corriger cela. Il suffirait que le gouvernement se rende à l'évidence, accepte l'amendement que nous lui proposons. Cela permettrait d'ajuster le reste dans un esprit de dialogue conforme à celui que nous avons essayé de maintenir dans la commission depuis le 10 janvier. (15 h 30)

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le député d'Argenteuil.

M. le député de Saguenay.

M. Ghislain Maltais

M. Maltais: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir sur l'amendement du député d'Argenteuil. C'est un amendement judicieux, à ce stade-ci. Si l'on considère les interventions que nous avons eues en fin de commission hier soir, cet amendement a sa place immédiatement. Je ne crois pas que le gouvernement doive s'opposer. Dans cette période, on prendra aussi le temps d'écouter les personnes et les groupements qui ont présenté des mémoires à cette commission et qui avaient des choses importantes à dire, des choses dont n'importe quel gouvernement, qui se dit vraiment responsable, doit tenir compte. Prenons l'exemple du dernier groupe qui était devant nous hier soir, les gens de l'Estrie. Si le ministre du Travail et député de Sherbrooke était ici, cet après-midi, nous pourrions lui démontrer - d'ailleurs, il nous l'a fait lui-même - combien il était mal informé ou pas du tout informé, d'autant plus que c'était des gens de sa région. Si le député de Sherbrooke et ministre du Travail était ici, cet après-midi, nous pourrions lui dire que les gens de l'Estrie, qui regroupent sept commissions scolaires, avaient des choses importantes à lui dire.

Justement, hier, nous avons parlé du suffrage universel. Le ministre ne comprenait pas ce que cela voulait dire et je le comprends, il n'a pas assisté aux auditions de la commission et il n'a pas consulté les gens dans le milieu. Finalement, le ministre n'est pas au courant et c'est dramatique de voir qu'il aura des décisions à prendre au cabinet, alors qu'il n'est pas au courant du dossier. La motion du député d'Argenteuil a sa place, cet après-midi, ne serait-ce que pour informer le ministre du Travail de ce qui se passe dans le projet de loi 40.

Au niveau du suffrage universel, ces commissions scolaires avaient une position bien claire, bien définie. Pourtant, ces gens sont venus ici de bonne foi et ont consulté leur milieu. Il y avait les représentants des comités de parents, des comités d'école, des commissions scolaires. Ce n'était pas des petits groupes éparpillés à gauche et à droite; c'était des gens sérieux, des gens pleins de bonne volonté qui sont venus ici livrer un message qui reflète les intérêts de leur milieu. À partir du moment où, bêtement et d'une façon très impolie, on les a retournés à 23 h 10, hier, ces gens ont le droit, par la voix de l'Opposition, aujourd'hui, d'exprimer ce qu'ils désirent, d'exprimer le reflet de leur milieu. Au niveau du suffrage universel On dit: "Les commissions scolaires, par leurs représentants politiques dont la fonction n'est pas exclusivement d'administrer des biens publics, mais de gérer le bien commun et de travailler au progrès de la société." C'est une parole et une citation du ministre de l'Éducation, qui est mal informé et qui ne sera même pas ici pour qu'on l'informe encore cet après-midi.

Notre proposition ne vise pas à refuser toute modification aux modalités du suffrage universel; cependant, elle vise à responsabiliser les gens du milieu. Le député de Sherbrooke et ministre du Travail ne le sait certainement pas. Il aurait dû être ici.

On parle des cartes scolaires, aspect important pour un milieu géographiquement un peu séparé, comme l'Estrie. Voyez-vous ce qu'ils disent? Je suis convaincu que le député de Sherbrooke ne le savait pas. "Les cartes scolaires de la région de l'Estrie prévoient que six commissions scolaires compteront une école secondaire et

approximativement quinze écoles primaires." Quelles sortes de conseils d'école cela fera-t-il dans le projet de loi 40? Ces gens étaient en droit de venir le dire ici et de faire comprendre aux membres de la commission que cela n'avait pas de bon sens. Il était grand temps que quelqu'un donne l'opinion des gens du milieu.

Malheureusement, on n'a pas pu les entendre. J'entendais le ministre dire: Vous n'avez rien contre le projet de loi 40. C'est tout simplement parce qu'il n'avait pas lu le mémoire des gens qui venaient de son coin. Voici leurs recommandations sur le suffrage universel. "Nous recommandons que soit maintenu le suffrage universel, que l'élection soit faite sur la base du quartier géographique à la date et selon les modalités prévues à l'article 139 du projet de loi 40." C'est important, ça. Ça va complètement à l'encontre de l'article du projet de loi 40. Le suffrage universel d'une façon démocratique, par les gens du quartier. Je pense que la commission et les gens de l'Estrie avaient raison de le dire, on est mal informé, surtout d'un certain côté de cette table.

Ils étaient certains d'une chose aussi: "Nous sommes d'avis que l'école-pivot deviendra rapidement le lieu d'affrontements, à moins que l'on présume que la concertation à la base aura des effets magiques et que les consensus seront possibles et faciles."

On entend depuis trois semaines le ministre de l'Éducation déclarer ici et dans les journaux: Nous voulons avoir un large consensus. Cette semaine ou la semaine dernière, l'ex-ministre de l'Éducation et le ministre de l'Éducation déclaraient à la presse que consensus ou pas, on n'a plus besoin du consensus. Au début, il en voulait un large, il s'est aperçu qu'il n'y en avait pas et aujourd'hui on va se passer du consensus. Est-ce que cette commission parlementaire a été créée tout simplement pour faire poireauter les gens ou est-ce que le ministre voulait avoir l'opinion de la population du Québec? C'est une question qu'on est en droit de se poser. C'est le temps qu'il allume ses 100 watts et ça presse.

M. le Président, il y a des régions très représentatives du Québec qui n'ont pas eu accès à cette commission. Je parle particulièrement de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui regroupe, quand même, cinq comtés du Québec: Dubuc, Chicoutimi, Lac-Saint-Jean, Roberval et Jonquière. Là-dessus, il y a trois députés du parti au pouvoir, un ministre et même un juge. C'est tout à fait inadmissible qu'une région telle que celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean n'ait pas pu venir présenter ses mémoires. Ces gens-là avaient des choses très importantes à dire et je pense que le gouvernement n'a pas le droit de ne pas les entendre. Heureusement que, par la voix de l'Opposition aujourd'hui, le gouvernement va entendre, de gré ou de force, ce que les gens du Saguenay-Lac-Saint-Jean ont à dire parce qu'on va le lui dire, nous autres. Ce sont des choses fondamentales pour eux. Je pense que le rôle de l'Opposition est doublement important à ce stade-ci pour permettre un éclairage à des personnes qui auront des votes à prendre à l'Assemblée nationale, qui n'ont pas eu la décence de faire les mêmes interventions que le député de Kamouraska-Témiscouata qui, par sa filière, est venu à bout de faire entendre les gens de ses commissions scolaires alors que trois députés et un ministre n'ont pu intervenir, d'aucune façon, pour faire entendre douze commissions scolaires de la région du Lac-Saint-Jean. Je pense que ces gens-là auront certainement des choses à dire à leur ministre et à leurs députés.

Je ne ferai pas la lecture complète du mémoire, on n'a pas le temps, mais la conclusion de leur mémoire est quand même très importante. "À la lecture de nos observations sur le projet de loi 40, vous relevez nos accords sur certains objectifs poursuivis - ce sont des gens qui sont conséquents dans leur pensée - la valorisation et la responsabilisation de l'école; l'intégration du primaire et du secondaire; la nécessaité d'apporter des ajustements au système de gestion du réseau et à la confessionnalité. Toutefois nous avons des divergences fondamentales sur des éléments majeurs tels que les pouvoirs du ministère de l'Éducation, les pouvoirs des commissions scolaires, les pouvoirs de l'école, le suffrage universel; sur les modalités choisies pour gérer dorénavant le réseau et surtout sur la décentralisation des pouvoirs du ministère de l'Éducation."

Justement, le ministre se targue, depuis le début de la commission, en disant: Trouvez-moi, dans le projet de loi 40, des articles qui centralisent davantage. Ce projet de loi décentralise beaucoup vers les régions. M. le Président, si le ministre avait fait une lecture attentive de son projet de loi, il se serait malheureusement aperçu qu'il y a eu de ces articles. On va lui en nommer pour qu'il les inscrive dans ses recommandations. À l'article 255, une chose qu'on ne voyait pas avant: "Le ministre des Transports peut retenir ou diminuer le montant de toute subvention au transport." Dans la loi actuelle, personne ne peut ni diminuer ni retenir une subvention au transport. L'article 309 accorde au ministre le pouvoir de déterminer les conditions de travail des personnels non membres d'associations accréditées. Il est différent de celui de la Loi sur l'instruction publique qui accorde au gouvernement le pouvoir de déterminer les conditions de travail. Vous voyez la différence.

L'article 308 accorde au gouvernement

le pouvoir de "déterminer les normes et les conditions d'acquisition et de disposition des biens et d'acquisition de services." L'article 308 accorde au gouvernement le pouvoir de "déterminer les normes, les conditions et la procédure d'octroi des contrats de construction (...) des contrats de services professionnels reliés à ces contrats et de prescrire des formules à cette fin." Je pense que ce ne sont là que quelques exemples de pouvoirs qui centralisent encore plus. Le ministère de l'Éducation veut achever de mettre sur son épaule l'ensemble du réseau scolaire pour mieux le gouverner, pour mieux guider sa pensée.

Les gens du Lac-Saint-Jean avaient des choses aussi importantes que celles-là à dire au ministre de l'Éducation. Toute leur députation, incluant leur ministre, n'a pas pu se faire entendre ici. Ce n'est pas acceptable, M. le Président, qu'on rejette du revers de la main les commissions scolaires de la Baie-des-Ha! Ha!, de Chicoutimi, d'Arvida, de Valin, la commission scolaire régionale de Lapointe, Les-Deux-Rives, la commission scolaire de Jonquière, du Lac-Saint-Jean, d'Alma, Belle-Rivière, des Îles, la régionale Louis-Hémon, la commission scolaire de Roberval, de Dolbeau, de La Vallière, de Normandin, de Mistassini.

Si tous les députés et le ministre de l'Éducation avaient écouté ce que ces gens avaient à leur dire, vous seriez sans doute mieux informés. Alors que vous vous apprêtez à réécrire un projet de loi au Québec sur une chose aussi importante que la réforme scolaire, vous isolez complètement une partie du Québec. On peut s'attendre, M. le Président, que le ministre nous dise qu'il y aura deux classes de citoyens qu'on consulte: d'abord, les petits amis du pouvoir et je n'ai pas peur de le dire, puisqu'on nous a forcés, à une heure du matin, à entendre des gens qui ne représentaient rien d'autre qu'eux-mêmes, et je les nomme: l'ex-comité de l'ex-école le Tremplin. On préfère ces gens qui ont été incapables de s'entendre avec leur comité de parents et leur commission scolaire, qui sont venus se plaindre ici, et on rejette du revers de la main presque 20% de la population du Québec. Vous vous pensez bien informés.

Je pense, M. le député de Fabre, que, si vous aviez la moindre sagesse, vous retireriez immédiatement votre motion pour permettre que les gens du Saguenay-Lac-Saint-Jean soient entendus à cette table pour mieux vous éclairer et, surtout, pour mieux éclairer le ministre de l'Éducation, car il en a besoin à ce stade-ci.

M. le Président, il y a énormément de commissions scolaires dans des comtés représentés par des gens du pouvoir qu'on a consultées, comme le député me le disait hier soir. Cela va beaucoup plus loin, M. le Président, cela va encore plus loin. C'est grave, parce que - et je reviens encore au député de Sherbrooke - l'Association du Parti québécois de Sherbrooke a présenté un mémoire. Vous refusez de les entendre, naturellement; pourtant, ce sont des gens près du gouvernement, mais ils ne sont pas d'accord avec ce qu'il y a dans le projet de loi 40. Quand ils parlent de la place de l'enseignant dans l'école, le ministre ne veut rien savoir. S'il y a une catégorie de gens que le ministre a refoulés du revers de la main dans son projet de loi, ce sont les enseignants. Pourtant, combien y en a-t-il autour de cette table?

M. le Président, je pense que le ministre aurait dû avoir au moins la décence de vous consulter, vous, et il ne l'a pas fait, non plus. Les gens du Parti québécois de Sherbrooke, représentés par le ministre du Travail, qui est mal informé, qui disait des sottises, hier soir, à cette table, lui disent: "Nous croyons que, pour les mêmes raisons, la place qu'on doit accorder aux professeurs dans le conseil d'école doit être proportionnellement plus importante que dans les exemples illustrés dans le projet de loi 40. Ils doivent avoir un rôle important dans les prises de décisions qui façonneront ce milieu de vie, celui de l'enfant et celui du quartier." (15 h 45)

M. le Président, lorsqu'on a entendu les représentants de l'Alliance et de la CEQ, à cette table ici, qui ne se retrouvaient pas dans le projet de loi 40, le ministre n'a rien dit, il n'a même pas fait de proposition d'amendement pour permettre à ces gens des éléments essentiels d'une réforme scolaire. Le ministre veut nous faire croire qu'il va faire une réforme scolaire complète au Québec en oubliant deux éléments fondamentaux, indispensables dans le système d'éducation, c'est-à-dire l'enfant et l'enseignant. Ce sont les deux seuls dont il ne parle pas. D'ailleurs, un mémoire avait été préposé - la députée de L'Acadie l'a très bien souligné ce matin - par ces derniers et il n'a pas voulu entendre les élèves du secondaire, ni les enseignants non plus. Il les a entendus, mais il ne les a pas écoutés. C'est encore pire. C'est rire d'eux.

M. le Président, quand les gens du Parti québécois nous parlent des enseignants, il nous semble toujours paradoxal qu'on ait si peu fait mention de leur importance. Ils parlaient des enseignants en ces termes: "Aucune réforme ne sera possible concrètement sans la participation active des professeurs. Si ceux-ci sont absents du lieu où est adopté et mis en marche le projet éducatif, le risque est grand qu'ils se sentent exclus. Nous croyons, au contraire, que le projet éducatif doit être une entreprise conjointe des parents, de la communauté, des professionnels, des enseignants et, en premier lieu, des professeurs."

Ce ne sont quand même pas des gens que le ministre et député de Sherbrooke va rejeter du revers de la main. C'est le mémoire présenté à la commission parlementaire par l'Association du Parti québécois de Sherbrooke. Ce n'est pas le Parti libéral qui dit cela. Ce ne sont pas les commissions scolaires. Ce sont les gens de votre parti. Ayez au moins la décence de les écouter. Je pense bien que, ces temps-ci, on peut s'apercevoir qu'ils n'écoutent personne.

Parlons de la Commission scolaire Provençal. Elle représente beaucoup de gens. Elle vous dit des choses et elle est appuyée. Elle n'est pas seule là-dedans. Dans L'Ange-Gardien, il y a le comité d'école et le personnel enseignant de l'école Jean-XXIII, la municipalité; ils sont nombreux là-dedans, ils sont peut-être 25. On n'aura malheureusement pas le temps d'énumérer toutes les commissions scolaires qui avaient des choses importantes à dire et qui ont été oubliées volontairement par le ministre de l'Éducation. Beaucoup de gens ont dit des choses.

Je cite en terminant - entre parenthèses, je vais conclure là-dessus - un extrait d'une étude du politicologue Vincent Lemieux. Ce n'est quand même pas le dernier venu, c'est plus important que certains petits comités d'école, c'est une personne digne d'écoute. Il dit: "Même si cela répugne aux "penseurs de pensées" enfermés dans leurs bureaux et dans les systèmes clos de leurs constructions réformistes, il ne nous semble pas opportun de vouloir tout changer en même temps. Donnons la chance aux nouvelles commissions scolaires et aux écoles communautaires et responsables de faire l'expérience d'une nouvelle division des pouvoirs avant d'y ajuster, s'il y a lieu, un nouveau système électoral pour l'élection des commissaires." Je cite cette conclusion du rapport de Vincent Lemieux qui parlait du suffrage universel: "Autrement, avec le système électoral déficient qui est proposé dans le projet de loi 40, on accrédite la thèse qui veut que le ministère de l'Éducation cherche à faire la preuve que les commissions scolaires ne peuvent pas fonctionner pour se donner ensuite de bonnes raisons de les supprimer."

Voilà la véritable volonté du ministre de l'Éducation qui refuse d'entendre les gens qui avaient des choses à dire. On vient de découvrir son vrai visage. Le ministre de l'Éducation ne veut plus consulter, ne veut plus s'informer. Il veut faire la preuve que les commissions scolaires, des organismes qui ont au-delà de 100 ans au Québec, qui ont toujours bien géré l'éducation avec des difficultés, mais aussi avec succès, doivent disparaître. C'est la conclusion de son projet de loi 40. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saguenay. M. le député de Saint-Henri.

M. Roma Hains

M. Hains: M. le Président, nous voulons aujourd'hui faire entendre la voix de soldats inconnus de notre commission parlementaire, qui ne sont pas morts au champ d'honneur, mais qui s'inscrivent, malheureusement, dans les annales de déshonneur du parti adverse, annales qui s'enrichissent de plus en plus. On a privé vraiment ces intervenants de leur droit de parole et de la libre expression de leurs opinions.

Selon la motion amendée que nous débattons actuellement, la commission parlementaire avoue qu'elle est plus ou moins bien informée et cela, malgré les récriminations, encore une fois, du parti adverse. Dans cette perspective, M. le Président, je me ferai un devoir de prendre quelques mémoires seulement et de donner un court aperçu de ces merveilleux rapports de travail qui sont demeurés, malheureusement, inexploités.

D'abord, permettez-moi de lire quelques bribes du mémoire de gens de mon comté de Saint-Henri. Là encore, ça comprenait beaucoup de monde, beaucoup de comités de parents qui s'étaient dévoués pour préparer ce mémoire. Je les nomme: l'Association des parents de Saint-Henri, le Comité de vie chrétienne de la polyvalente Saint-Henri, la Société Saint-Vincent-de-Paul de Saint-Henri, les comités de parents de l'école Saint-Zotique, de l'école Charlevoix, de la polyvalente Saint-Henri, de l'école Victor-Rousselot et de l'école Charles-Lemoyne. Tous ces gens-là ont malheureusement été ignorés.

Je me contenterai de vous lire rapidement quelques recommandations de ces gens: "1. Que l'on maintienne au Québec un système scolaire juridiquement reconnu comme catholique tout en prévoyant l'ouverture d'autres types d'écoles laïques chaque fois qu'une majorité de parents réclament dans un milieu donné de telles écoles; "2. Que l'on maintienne la Commission des écoles catholiques de Montréal telle que nous la connaissons aujourd'hui: confessionnelle, couvrant le territoire actuel, avec des commissaires élus au suffrage universel; "3. Que le projet de loi 40 définisse clairement les mécanismes de protection qu'il compte mettre en place pour venir en aide aux milieux scolaires défavorisés. En conséquence, dans l'éventualité où l'une de ces recommandations ci-dessus ne serait pas retenue, nous demandons le rejet du projet de loi 40."

Voilà en résumé ce que les gens de

mon quartier demandaient et voulaient venir exprimer ici à la commission parlementaire.

Si je prends un autre mémoire, qui a été soumis par l'Association des principaux catholiques de Montréal, section anglaise, l'on voit que ces gens-là aussi étaient vraiment intéressés à venir se présenter. Je n'en veux comme exemple que ce qu'ils nous disent ici en partant: "L'Association des principaux catholiques de Montréal représente les 68 administrateurs du secteur anglais de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Nous sommes responsables de l'administration de 48 écoles anglophones de la CECM." Or, on les a laissés tomber. "Au cours des dernières années, les membres de notre association ont fait connaître de façon bien détaillée leurs réponses aux principales initiatives prises dans le domaine de l'éducation. Nous nous sommes exprimés sur trois commissions gouvernementales." Cette fois-ci, ils n'ont pu le faire. "De la même façon, nous avons réagi au régime pédagogique, aux cinq études majeures conduites par la CECM et à une étude majeure de la commission scolaire de l'île de Montréal." Cette association a aussi répondu au document L'école: une école responsable et communautaire. "Nous nous croyons donc qualifiés, disaient-ils, pour soumettre le présent mémoire à la commission parlementaire sur le projet de loi 40."

Voilà toute cette expérience dont on va se priver. Vous avez dit: Non, nous ne vous recevrons pas aujourd'hui.

Rapidement, voici quelques-unes de leurs recommandations: premièrement, le pouvoir décisionnel d'engager un directeur d'école ou de terminer son mandat doit appartenir exclusivement à la commission scolaire. Nous recommandons que le conseil d'école demeure un comité consultatif tel que défini dans la loi 71. Nous recommandons que le choix de l'école, ainsi que le choix de l'enseignement religieux, catholique ou de formation morale, soit exercé par les parents pour toute la durée de l'école secondaire. Nous recommandons que le présent système de quartiers électoraux soit maintenu. Cela permettrait aux parents, dont les enfants fréquentent à la fois des écoles primaires et secondaires, d'élire un seul commissaire pour les représenter, etc. Les recommandations s'accumulent comme cela, toutes plus logiques les unes que les autres. Or, encore une fois, on a refusé de les entendre.

Je prends un autre document. Celui-ci était très important. Je me demande, encore une fois, pourquoi on a refusé à l'Association des directeurs d'école de Montréal de venir témoigner ici. "L'Association des directeurs d'école de Montréal, qui regroupe tous les directeurs et les directrices adjoints des écoles françaises de la commission scolaire de Montréal, demande à être entendue par la commission parlementaire." Qu'est-ce qu'on leur a répondu, encore une fois? Non. Vous ne serez pas reçus. On vous refuse, on n'a pas le temps de vous recevoir.

Là aussi, je me permets de lire juste quelques-unes des choses qu'elle demandait. "L'ADEM a demandé à être entendue par la commission parlementaire parce que, dit-elle, la Fédération québécoise des directeurs d'école, à laquelle elle est affiliée, ne se prononce pas sur le territoire des commissions scolaires et parce que les points de vue de ses membres sont différents de ceux de leurs collègues du Québec."

J'arrive tout de suite, aussi, à ses conclusions. Elle dit ceci: "L'Association des directeurs d'école de Montréal endosse l'un des buts fondamentaux du projet de loi qui est de faire de l'école le pivot du système scolaire. Elle voit d'un bon oeil, également, une plus grande participation des parents dans le cheminement de leurs enfants à l'école. Elle ne peut être d'accord, par contre, avec certaines modalités importantes préconisées par ce projet de loi. L'expérience pratique des membres de l'ADEM nous amène, en effet, à ne pas appuyer la création d'un conseil d'école tel que décrit par le projet de loi 40 parce qu'il s'agit, à notre avis, d'une structure conflictuelle qui crée un deuxième patron pour le directeur d'école. "Nous croyons également qu'un conseil des commissaires, composé majoritairement de membres élus au suffrage universel, de la façon dont cela se fait présentement, et de représentants de parents ayant droit de vote, répondrait au besoin de changements tout en servant la démocratie. Ce mode de fonctionnement assurerait ainsi un poids plus politique aux commissions scolaires." Enfin, elle disait ceci: "L'ADEM estime qu'il serait bon que ces dernières soient linguistiques et que la confessionnalité soit laissée à l'école. Il est aussi essentiel, pour une ville comme Montréal, que le territoire de la CECM soit maintenu."

Je continue un peu l'exploration de ces différents dossiers. Nous avons l'Association des directeurs d'école des Laurentides. C'est quelque chose qui a beaucoup de valeur et c'est vraiment regrettable, une fois de plus, qu'elle n'ait pas été appelée. Cela comprenait les commissions scolaires Blainville-Deux-Montagnes, Saint-Eustache,

Laurentides, du Long Sault, Saint-Jérôme et Sainte-Thérèse. Du revers de la main, on a tout jeté cela par terre comme si c'était simplement un petit jeu de cartes.

M. le Président, c'est contre tout cela que nous nous élevons aujourd'hui. Voici ce qu'ils disaient: "Notre association, l'ensemble de nos membres, est en désaccord avec l'article 28 du projet de loi qui introduit le conseil d'école comme étant le moyen par excellence devant permettre à l'école d'être

vraiment le pivot scolaire et, partant, de lui aménager les pouvoirs lui permettant de se réaliser. En ce sens, nous ne partageons pas, sur ce sujet, l'opinion véhiculée par notre fédération. Nous pensons que l'école est un établissement qui devrait être sous l'autorité d'un directeur d'école et nous vous demandons donc d'amender l'article 28 en ce sens." (16 heures)

On pourrait en lire beaucoup parce que, encore une fois, c'est un petit document qui est très bien fait, très succinct et très bien rédigé aussi. Ici, on dit: "L'ADEL n'est pas d'accord avec l'implantation d'un conseil d'école décisionnel et s'inquiète du fait qu'on le présente comme étant le seul moyen d'atteindre des objectifs de décentralisation." Je crois que c'est aussi très logique. L'ADEL privilégie un ensemble de propositions modifiant l'actuelle Loi sur l'instruction publique qui permettrait de garantir l'autonomie de l'école et la décentralisation des pouvoirs vers celle-ci. Et enfin, une dernière petite remarque qui vient de ces gens: "Nous voulons croire, à l'ADEL, que le chemin le plus sûr est d'apporter des clarifications à la loi actuelle qui permettront à l'école de retrouver son identité, ses couleurs dans le respect de sa communauté et au sens large du terme."

Un autre petit document qui aurait fait plaisir au ministre - et je me demande toujours pourquoi on ne l'a pas invitée -provient de l'Association des directeurs d'école de l'ouest du Québec. Je pense que c'est une des seules, en tout cas - j'ai vérifié par la suite - qui entre dans la faible chorale des oui. Je suis surpris, donc, encore une fois, que le député de Fabre n'ait pas pensé à l'inviter. Évidemment, je peux bien lire les conclusions pour montrer, comme je le dis souvent, qu'on est de formation libérale: "L'ensemble de nos membres est favorable à la décentralisation proposée par le projet de loi. Nous croyons toutefois qu'il est nécessaire de prévoir - malgré qu'ils ont des réticences - en même que cette décentralisation - et leurs réticences sont tout à fait pécuniaires - les ressources nécessaires pour bien la gérer. "Pour conclure, nous croyons - on dirait qu'ils ont peur un peu - avoir bien informé nos membres et qu'ils se sont prononcés en toute connaissance de cause. Nous croyons que le projet de loi 40 remplace avantageusement la loi 71. Nous acceptons la décentralisation proposée en insistant pour que les ressources soient elles aussi décentralisées."

Et enfin, un autre document que j'ai parcouru un peu provient d'une autre organisation de langue anglaise, l'Association des administrateurs des écoles catholiques du Québec. Voilà encore un autre document qui est plus volumineux, qui est en deux langues, évidemment, mais il est lui-même très touffu et il avait de très belles choses à nous dire. Je crois que, comme tout le monde semble maintenant l'avoir avoué, on est plus ou moins bien informés, cela aurait été quelque chose de merveilleux à lire et à étudier. Voici ce qu'ils disent en partant: "L'Association des administrateurs des écoles catholiques du Québec de langue anglaise est une association qui représente les directeurs et les directeurs adjoints des écoles catholiques du Québec. Nous sommes prêts à appuyer plusieurs aspects de la réforme scolaire telle qu'établie par le projet de loi 40, mais nous désirons présenter des recommandations sur des questions très spécifiques."

Et en voici quelques-unes rapidement. Ils demandaient ceci: "Que la définition d'une école à vocation régionale ou nationale soit vraiment bien clarifiée, (référence à l'article 33); que le directeur général de toute commission scolaire régionale linguistique soit nommé parmi les cadres ou les hors cadres à temps plein dans les écoles et les systèmes scolaires; qu'un réseau distinct - ce sont les gens de langue anglaise qui parlent - à l'intérieur du ministère de l'Éducation et sous la direction d'un sous-ministre associé distinct soit établi pour desservir les besoins de la population de langue anglaise au Québec; qu'un comité anglais catholique distinct soit établi sous les auspices du Conseil supérieur de l'éducation pour remplir les fonctions présentement exercées par le comité catholique; que le concept d'un commissaire d'école pour chaque école soit rejeté et que la présence pratique d'élections des commissaires par quartier puisse se poursuivre; que les élections des commissions scolaires aient lieu en même temps que les élections municipales." Et enfin, la dernière recommandation qu'ils faisaient est la suivante : "Que les personnes employées par une commission scolaire demeurent éligibles pour l'élection à la commission scolaire où se trouve son domicile en autant que cette commission scolaire ne soit pas leur employeur."

Voilà, rapidement, les quelques documents que je voulais de nouveau vous livrer afin, mes chers messieurs d'en face surtout, de parfaire votre instruction et en même temps de vous dire que nous sommes encore une fois déçus de voir que vous avez refusé la participation de ces gens-là à notre commission parlementaire. Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saint-Henri. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Il ne faut peut-être pas se

surprendre de voir que le gouvernement ait décidé hier soir, dans des circonstances que je ne rappellerai pas mais assez désagréables, de présenter une motion de clôture. Je pense que le dernier exemple qu'on a eu de ça, c'est hier soir quand est venu le député de Sherbrooke qui, pour la première fois, assistait à nos travaux - en soi, c'était justifié; il venait rencontrer des électeurs de la région de Sherbrooke - et les quelques moments qu'il a passés avec nous avant la guillotine ont été pour essayer de convaincre les gens de la régionale de l'Estrie qu'ils étaient d'accord avec le gouvernement.

J'ai pris la peine - d'ailleurs, je l'avais lu hier soir - de relire ce que la commission scolaire de la régionale de l'Estrie disait et également ce que les parents disaient. Pourtant, le ministre aurait dû lire la même chose, mais il demandait encore à nos invités: Êtes-vous d'accord ou non avec le projet de loi? Il laissait entendre que peut-être ils étaient d'accord.

Je lisais ce que la commission scolaire disait elle-même: "II faut souligner l'inadéquation entre le discours sur la décentralisation et la définition d'un modèle administratif unique pour l'ensemble du Québec. En résistant à la magie des structures et en faisant confiance au dynamisme du milieu et en sa capacité de trouver des formules adéquates, le gouvernement ferait preuve d'une plus grande cohérence." Je pense que ce qu'on disait en autant de mots, c'est qu'à ce moment-ci le projet de loi 40 n'était pas approprié. C'était la commission scolaire.

Quand on se référait aux parents du même territoire, l'Estrie, je lis simplement la conclusion: "Notre mémoire ne veut pas rejeter tous les aspects du projet de loi 40. Il y a des points positifs que nous avons soulignés dans notre mémoire. Il nous semble cependant que l'opération restructuration est exagérée et nullement nécessaire pour améliorer le système d'éducation. Notre désir est qu'on mette moins d'énergie sur la structure et davantage sur le climat des écoles et sur la qualité de l'enseignement. Les transformations des dernières années et les remises en question de notre système scolaire par le ministère de l'Éducation sont des sources d'inquiétude pour les parents et ont canalisé beaucoup de nos énergies au détriment de l'éducation de nos enfants."

Ils proposaient plutôt de regarder les lois actuelles et d'agir à partir de celles-ci pour réaliser certains objectifs que le gouvernement dit avoir.

Je pense que ceci est une bonne illustration. On a assisté à ce comportement de la part des députés du côté ministériel tout au long de nos travaux. Dans le fond, on avait l'impression qu'ils étaient sourds aux représentations qui nous étaient faites. Toujours, quand les gens venaient devant nous, c'était d'essayer de torturer leur texte et les données qu'ils nous apportaient, pour faire dire, en fin de compte, non pas par les gens parce qu'en général ils ne l'admettaient pas, mais pour que les députés ministériels viennent à en conclure finalement que, dans le fond, ces gens étaient assez d'accord avec le projet de loi 40. Je pense que c'était un exemple fort concret hier soir alors que notre nouvel invité, le député du comté de Sherbrooke, s'efforçait de faire le même exercice auquel ses collègues nous avaient habitués depuis le début de la commission.

M. le Président, le gouvernement se trouve assez informé. Je voudrais prendre comme seul exemple les commissions scolaires de l'île de Montréal. On sait que la restructuration scolaire touchera bien davantage le territoire de l'île de Montréal que tout autre territoire, vu la complexité des problèmes qu'on y retrouve, vu la dualité linguistique et l'application de la loi 101 qui s'y est exercée là plus qu'ailleurs. Pourtant, on a jugé bon de ne faire venir que la CECM - ce qui est important, je ne mets pas cela en cloute - le Bureau des écoles protestantes et la commission scolaire Jérôme-Le Royer. Ce sont trois commissions scolaires sur huit. Qu'a-t-on fait de la commission scolaire de Verdun, de la commission scolaire Baldwin-Cartier, de la commission scolaire du Sault-Saint-Louis, de la commission scolaire Sainte-Croix et de la Commission scolaire de Lakeshore?

Sur les huit, cinq ont été écartées et trois ont été retenues. Pourtant, on sait fort bien que la restructuration scolaire aura des répercussions des plus difficiles, peu importe que notre territoire soit agrandi ou rétréci. La question du territoire est presque marginale quelquefois, si l'on tient compte des nouvelles dispositions qui devront être prises au plan de la division linguistique. Dans une grande partie, je dirais dans le reste du Québec, ou à peu près, on vit déjà selon une division linguistique, parce qu'on fonctionne avec des commissions scolaires protestantes qui sont anglaises et des commissions scolaires catholiques qui sont françaises, les anglophones catholiques ayant été intégrés, particulièrement au secondaire, aux écoles protestantes. Le problème de la division linguistique ne s'y pose certainement pas d'une façon aussi aiguë. D'ailleurs, c'est fort naturel que les gens que nous avons entendus hier n'en aient pas parlé.

Du côté de la confessionnalité, c'est encore sur l'île de Montréal que le problème sera le plus fortement ressenti, parce que c'est là que se trouvent, d'une façon plus intense, la diversité religieuse, la diversité des croyances et la diversité culturelle. Pourtant, cela devient presque risible, sinon méprisant, de voir qu'on nous a tenus une heure et demie, et même davantage, sur des mémoires qui représentaient trois personnes

dissidentes à l'intérieur d'une commission scolaire ou d'un comité d'école qui n'est même plus en existence, dont les membres ne sont même plus en fonction. On y a perdu une heure et demie, sinon davantage.

M. le Président, si la commission se sent suffisamment informée après avoir entendu seulement les deux grandes commissions scolaires les plus importantes de l'île de Montréal, alors que c'est là que les problèmes seront les plus aigus - et je ne touche pas aux problèmes d'ordre syndical, etc., qui seront très importants - on est informé très rapidement. On voulait bien entendre ce que l'on voulait entendre. On sait, par exemple, que la commission scolaire de Verdun demandait de garder son statut scolaire confessionnel, de même que la commission scolaire du Sault-Saint-Louis, et je pourrais continuer. Je pense que c'est un excellent exemple.

Je voudrais également parler des mémoires qui nous ont été présentés sur l'éducation des adultes. On sait que l'éducation des adultes, du point de vue du nombre de personnes que cela représente, est un aspect extrêmement important de l'éducation aujourd'hui. Je pense que personne ne le contestera, de ce côté-ci comme de l'autre. Pourtant, dans les groupes que le gouvernement avait prévu entendre, on avait oublié - est-ce croyable? convoquer les organismes qui s'occupent de l'éducation des adultes. On en a finalement entendu deux cette semaine, qui a été la semaine rajoutée, mais, dans les premiers choix du gouvernement, ils n'étaient pas retenus. (16 h 15)

Je vous soumets ce mémoire présenté -c'est-à-dire qu'il a été soumis, mais n'a pas été présenté en commission parlementaire -par l'Association de parents de l'enfance en difficulté de la rive sud et le Groupement d'associations de personnes handicapées de la rive sud. Il aurait peut-être été intéressant aussi de les entendre eu égard à l'éducation des adultes. Ce groupement d'associations de personnes handicapées de la rive sud de Montréal existe depuis cinq ans sur le territoire 06c. Il représente 25 associations du territoire. Je ne crois pas que personne n'ait eu l'occasion de nous sensibiliser au problème de l'éducation des adultes en relation avec les personnes handicapées. Évidemment, je ne passerai pas à travers toutes leurs recommandations. Ces gens font d'abord des représentations quant à l'absence, à toutes fins utiles, de l'éducation des adultes dans le projet de loi 40, mais ceci nous a été dit par les deux groupes que nous avons entendus.

Après avoir décrit toutes les clientèles de plus en plus nombreuses qui doivent se reposer sur une organisation de services d'éducation des adultes adéquate, ils ajoutent: "Les travaux de la commission Jean auront au moins permis de faire le point sur l'état des services d'éducation aux adultes. On sait, d'autre part, que les compressions et coupures budgétaires de ces dernières années n'ont rien amélioré de la situation à ce chapitre. Dans ce contexte, il n'est pas difficile de s'imaginer où se retrouvent ceux qui ont eu à porter l'étiquette de l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage: ceux-là sont nulle part ou presque. Il nous aurait donc semblé opportun, dans le cadre du projet de loi, de préciser certaines règles de jeu de l'éducation des adultes, particulièrement en ce qui a trait aux adultes handicapés."

Ils recommandaient que les commissions scolaires soient tenues par la loi de développer et de dispenser des cours ou programmes de formation professionnelle et de préparation à l'emploi en collaboration avec des établissements autres, tels les centres d'accueil, de réadaptation, les centres de travail adapté, dans le cadre de mesures de formation continue, de recyclage ou de perfectionnement des clientèles adultes.

Dans ce même mémoire, que nous n'avons pas daigné entendre - c'est quand même un nombre restreint de représentants de l'enfance en difficulté d'apprentissage que nous avons eu l'occasion d'entendre ici - il y avait, en ce qui touche les enfants, beaucoup d'inquiétude manifestée quant au peu de place qui leur est fait dans le projet de loi 40.

Quant à ce qui étaient auparavant des obligations et qui devient maintenant beaucoup moins certain: on "peut" mettre des services, etc., ils ajoutaient: "Après étude et discussion du projet de loi 40, nous tenons à ajouter quelques commentaires sur les services éducatifs. Tout d'abord, en ce qui regarde les enfants handicapés, les problèmes ne nous semblent pas tenir aux structures actuellement en place, mais bien plutôt à ce qu'on entend par l'individualisation de l'enseignement." On développe cette idée.

Ils demandaient que les centres où sont scolarisés les enfants handicapés restent des écoles à dimension humaine et tiennent compte des difficultés d'adaptation de la clientèle. Pour cette raison, ils s'opposent à l'idée de supercampus regroupant tous les enfants handicapés d'une région donnée, quand on fait allusion aux écoles nationales, régionales, etc. Déjà, le regroupement dans un tel centre d'une centaine de ces enfants n'est souhaitable que dans la mesure où cette ségrégation sert réellement à leur assurer des services plus appropriés.

Ils continuent de développer toute leur philosophie sur l'intégration de l'enfance en difficulté. Ils ajoutent: "Les services d'adaptation scolaire au secondaire, particulièrement au chapitre de la formation

professionnelle, sont devenus un ghetto où on occupe les élèves en attendant que la fin de la période de scolarisation obligatoire les retourne chez eux. Ils n'ont pas droit au même outillage: c'est trop dangereux pour eux, faute d'encadrement suffisant, ni aux mêmes exigences concrètes que les autres élèves. Nous y voyons une situation à dénoncer. Il faut repenser toute la question de formation pour ces jeunes dans le secondaire."

Ils ajoutaient: "Pour les enfants les plus perturbés sur le plan de la personnalité, des centres de jour devraient assurer des services de rééducation le plus précocement possible. Actuellement, ces enfants sont déplacés d'une année à l'autre et d'un service à l'autre, quand ils ne sont pas carrément laissés à la maison, faute d'approche individualisée." Ces associations ont exprimé leur inquiétude quant au fait de la scolarisation obligatoire qui ne commence qu'à cinq ans, alors que tous les spécialistes, qui s'intéressent aux enfants en difficulté d'apprentissage ou aux enfants handicapés, vous diront que l'intervention la plus précoce possible est importante pour eux. Pour toutes ces raisons, ils ont conclu en demandant que l'on consacre, à améliorer le contenu des services éducatifs, le temps, l'énergie et les budgets que nécessiterait - écoutez bien cela - une refonte des structures et que ces énergies soient consacrées vraiment à produire et donner des services à l'enfance en difficulté plutôt que de s'attaquer aux structures et à la mise en place de nouveaux mécanismes qui ne serviront vraiment pas ces enfants et qui n'auront rien à faire avec l'amélioration de la qualité des services qu'on devrait leur donner.

M. le Président, je voudrais ajouter quelques mots en ce qui touche les parents eux-mêmes. Je trouve particulièrement intéressante l'analyse que fait le comité de parents de la commission scolaire protestante de Sept-Îles. Le rôle des parents dans l'école. Les gens de la Fédération des comités de parents du Québec sont venus donner leur accord au projet de loi avec des réserves dans lesquelles je n'entrerai pas, mais, au cours des derniers jours, dans cette semaine qui a été ajoutée, en particulier, nous avons entendu un grand nombre de comités de parents qui se sont déclarés dissidents face au projet de loi. Même avant ces dernières semaines, nous avions vu, du côté de la CECM et du côté de tous les parents anglophones, des divisions importantes. J'ajouterai simplement le témoignage de ceux-ci et cela, on ne l'a pas entendu en commission parlementaire.

J'ai posé la question une fois; ce que ces parents soulèvent, c'est le fait suivant: Les comités d'école et les comités de parents, qui sont des instances pour lesquelles les parents ont travaillé durant de longues années pour assurer leur participation à l'école ou à l'éducation, qui ont été la structure mise en place avant la loi 27, mais formalisée par la loi 27, renchérie par la loi 71, deviennent maintenant des entités facultatives. Ceci nous porte à réfléchir, disent-ils. D'une part, la population québécoise est amadouée, enrobée et attirée par le terme "consultation". Tout est sujet à consultation, résultat d'une consultation ou faisant partie d'une consultation. La consultation, traitement de tous les maux et excuse de toute intervention gouvernementale, devient elle-même facultative au niveau de l'école, alors que prend place une nouvelle forme de gestion au sein même du foyer de l'écologie éducative. Les comités d'école et les comités de parents deviennent désuets. C'est à n'y plus rien comprendre.

C'est là l'inquiétude qui m'a été formulée par les parents des comités d'école de mon comté, le printemps dernier, avant le dépôt du projet de loi 40 et à la suite de la publication du livre blanc. Les parents craignaient une récupération et, en fait, une annihilation presque totale des efforts qui avaient été faits par les parents pour entrer dans le système d'éducation.

Je ne le lirai pas, M. le Président. Ce seront mes dernières paroles. Il me reste une minute. Ce qui a souvent été énoncé par des parents quand on relève leurs témoignages que la commission n'a pas entendus, c'est la crainte de querelles et de disputes à l'intérieur des écoles, pour deux raisons. La première, vous allez avoir deux catégories de parents; les parents qui vont gérer l'école et, à côté, on pourra - parce que cela demeure facultatif, comme je viens de le dire - créer des comités d'école. Il y a aussi cette autre question fort troublante que des parents posent: c'est la situation conflictuelle dans laquelle eux-mêmes, leurs enfants et les maîtres dans l'école pourront se sentir vis-à-vis des enfants de parents qui géreront l'école et qui prendront des décisions. Cette question, le gouvernement l'a toujours évitée. Cela ne veut pas dire qu'on ne puisse pas donner de pouvoirs de décision aux parents à l'intérieur de l'école, mais que ces pouvoirs de décision doivent être bien mesurés, de telle façon que les enseignants sentent qu'ils peuvent garder leur indépendance professionnelle et qu'également les enfants ne deviendront pas une sorte d'objet de querelle entre des parents gestionnaires et des professionnels qui doivent rendre des services.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme la députée de L'Acadie. M. le député de Westmount.

M. Richard French

M. French: Merci, M. le Président. Tout comme mes collègues, je dois signaler la grande valeur de la participation de tous les intervenants du réseau scolaire au Québec dans le débat sur le projet de loi. Je ne peux, par contre, que regretter que bon nombre de ces gens se retrouvent à l'extérieur des portes du parlement à ce moment, alors que le gouvernement a décidé de ne pas leur donner l'occasion de faire valoir leur point de vue, de ne pas nous livrer les fruits de toutes leurs heures de travail et de consultation, de discussions, d'analyses et d'études pour faire le point auprès du gouvernement.

On comprend assez bien l'approche du gouvernement à la commission parlementaire. Le premier volet a été une espèce de tamisage averti des intervenants. Pour ceux qui étaient favorables, pour ceux qui avaient le bonheur d'être d'accord avec le gouvernement et le ministre de l'Éducation, les portes étaient grandes ouvertes. Ceux qui avaient des doutes, ceux qui pensaient que peut-être il y avait d'autres moyens moins radicaux pour atteindre les mêmes objectifs, ceux qui étaient carrément en opposition se trouvaient la plupart du temps exclus du seul lieu où ils pouvaient, devant les caméras de télévision, devant la population du Québec, sur un sujet historique, indiquer leurs doutes, faire leurs recommandations, revendiquer leurs objectifs.

Le deuxième volet de la politique du gouvernement face à la commission parlementaire a été de chercher par tous les moyens à convaincre les intervenants sceptiques, les auditeurs qui regardaient le déroulement de la commission, que tous et chacun des intervenants étaient favorables au projet gouvernemental. Si les intervenants avaient de la misère à être d'accord sur une participation accrue des parents dans les affaires de l'école, si un mémoire mentionnait les mots clés "école-pivot", ou utilisait d'autres codes finement raffinés par le ministre de l'Éducation, tout de suite, les ténors gouvernementaux sautaient dessus et c'était évident que, dans le fond, même si les gens ne se reconnaissaient pas tellement dans cela, ils étaient d'accord avec le gouvernement. D'ailleurs, c'est tout à fait semblable à la démarche péquiste dans la politique québécoise depuis les années soixante-dix: on nous fournit le vocabulaire et, dans la mesure où on l'utilise, on doit être d'accord avec les fins ultimes, les finalités de ceux qui sont les architectes de l'ordre du jour politique. (16 h 30)

Le ministre et plus particulièrement ses acolytes ont démontré de façon lumineuse depuis le début de la commission l'efficacité qu'ils voyaient dans cet exercice de faire dire aux gens ce que les gens ne savaient pas qu'ils voulaient dire.

Il y a eu un exemple hier soir que je ne peux pas résister à soulever, même si mes collègues l'ont fait déjà avant moi, cette innocence laborieusement confectionnée du ministre du Travail et député de Sherbrooke devant la portée réelle de ce que disaient des gens de sa région, de la commission scolaire régionale et de plusieurs commissions scolaires de l'Estrie. Le ministre avait lu le mémoire, il avait entendu les gens, mais il n'était pas certain de savoir où ils se branchaient. Ce n'était pas clair. Il s'est fait dire, par exemple, que le contexte juridique actuel du réseau scolaire au Québec était tout à fait adéquat pour que les gens de l'Estrie puissent, par exemple, décentraliser beaucoup de pouvoirs exactement où ils voulaient les décentraliser, c'est-à-dire au niveau des écoles, sans avoir le chambardement organisationnel, tout le brouhaha d'implantation se déroulant pendant des années qu'impliquait inévitablement le projet de loi 40.

Par la suite, le gouvernement a décidé. Le ministre de l'Éducation a passé le mot d'ordre au député de Fabre, son adjoint parlementaire, lui qui avait la tâche ingrate - il le regrette sans doute - d'annoncer la bonne nouvelle que c'était la fin de l'audition pour les gens de l'Estrie. Il faut dire, en toute honnêteté, que, par la suite, certains députés du côté péquiste ont eu le courage moral d'aller voir les gens de l'Estrie. Je les invite d'ailleurs à nous faire part aujourd'hui même, dans le contexte de notre débat sur l'amendement, exactement de ce qu'ils se sont fait dire. Ils nous le promettent, j'ai hâte de le voir. J'espère que ce sera un rapport complet.

Le ministre du Travail et député de Sherbrooke n'était pas remarquable dans son intérêt d'aller consulter les gens de l'Estrie. Il se tenait d'ailleurs en arrière du fauteuil, assez loin de son monde.

Tout en touchant la question de la démarche gouvernementale dans le dossier, je ne peux pas résister non plus à toucher un événement un peu cocasse qui s'est déroulé tout récemment. Le ministre de l'Éducation a laissé savoir qu'il était scandalisé de voir les dépenses de sommes publiques par les commissions scolaires pour la publicité qui voulait convaincre les gens que le projet de loi gouvernemental n'était pas bon, que le projet de loi 40 ne répondait pas aux besoins réels du réseau scolaire.

M. le Président, je suis entièrement d'accord avec le ministre de l'Éducation. Il est scandaleux en effet que l'argent des contribuables soit utilisé afin de faire de la publicité dont le but ultime est de faire valoir des points de vue essentiellement politiques et parfois même de redorer le blason d'une entité politique quelconque qui a la responsabilité de dépenser l'argent en question. C'est autant scandaleux dans ce

dossier-ci que dans tous les dossiers de la publicité gouvernementale que le gouvernement du Québec actuel a mis sur la place publique depuis sept ans. S'il y a une personne qui se moque, un peu comme un hypocrite en dénonçant la publicité gouvernementale faite par d'autres gouvernements, c'est un membre du Conseil des ministres du gouvernement actuel du Québec qui n'hésite jamais à prendre l'argent des contribuables non pas uniquement pour informer les gens des programmes gouvernementaux, non pas uniquement pour faire la promotion du tourisme, non pas uniquement pour faire valoir les droits de certains groupes moins favorisés que d'autres, mais pour faire la promotion du gouvernement du Québec et du Parti québécois.

Je suis donc complètement d'accord avec le ministre de l'Éducation qu'il est scandaleux que certains intervenants dans le dossier scolaire aient cru bon de dépenser l'argent des contribuables de cette manière, mais il n'est pas moins scandaleux d'ailleurs, c'est plus scandaleux - de voir que le ministre a eu le front de pointer du doigt, alors qu'il devrait se regarder dans le miroir, parce qu'il va voir le plus grand pécheur dans ce domaine, dans son miroir à lui.

J'ai eu l'occasion, hier et aujourd'hui, d'examiner un certain nombre de mémoires de groupes des comités d'école pour la plupart qui n'ont pas eu le bonheur de se faire inviter par notre commission parlementaire. J'ai examiné de quinze à dix-huit mémoires de comités d'école d'un peu partout au Québec. Évidemment, la première chose qu'on remarque en lisant ces mémoires, c'est la diversité des milieux locaux, des besoins locaux, des cultures, des langues, des religions au Québec et, par contre, l'enthousiasme des individus pour prendre en main les affaires de leur école secondaire ou de leur école primaire et faire valoir leur point de vue.

Sur ces quinze à dix-huit mémoires, deux ou trois étaient favorables au projet de loi. Ils étaient enthousiastes et emballés devant le défi que le projet de loi doit offrir aux parents. Ils suggéraient quelques petits ajustements, mais, en gros, ils étaient favorables. Quant aux autres - treize à quinze - cela variait. Il y en avait peut-être une demi-douzaine qui, après avoir été persuadés par le ministre ou l'adjoint parlementaire, auraient pu dire: Je peux accepter à la limite, même si j'ai bien peur. Il y en avait une bonne douzaine qui rejetaient carrément, de A à Z, le projet de loi.

J'ai pensé, puisque ces gens-là voulaient se faire entendre et n'ont pu le faire, relever quelques éléments, indiquer quelques doutes, donner quelques exemples à la population de ce que ces gens auraient pu nous offrir en guise d'éclairage sur le problème. Prenons, à titre d'exemple, le mémoire du comité d'école de Saint-Étienne-de-Lauzon. Après avoir cité le livre blanc au sujet de la consultation qui devrait se faire dans le contexte de l'acceptation de ces propos, ce comité d'école indique clairement et sans ambiguïté, au sujet de l'impact des changements prévus à la carte scolaire de leur région, ce qui suit, et je cite: "Depuis plusieurs années, nous travaillons en collaboration avec les milieux de Lotbinière et, à cause de préoccupations communes, nous avons élaboré ensemble des politiques qui répondent aux besoins spécifiques de notre milieu." La carte scolaire propose la séparation de l'école Saint-Étienne-de-Lauzon de Lotbinière.

Il continue: "L'acquis pédagogique constitue un reflet de notre milieu et le bouleversement impliqué par le changement de commission scolaire constituerait la victoire de la bureaucratie administrative sur la vie quotidienne de notre communauté." Je doute que même les pouvoirs de persuasion d'un vendeur aussi accompli que le ministre de l'Éducation auraient pu convaincre ces gens qu'ils étaient mieux avec la carte scolaire prévue qu'avec la carte scolaire actuelle. Pourtant, ils n'ont pas pu faire valoir leur point de vue.

Un deuxième exemple. Cela adonne, par hasard, que c'est une école de mon comté, imaginez-vous, l'école Saint-Luc, une école secondaire très diversifiée, dans le sens qu'il y a beaucoup de cultures, beaucoup de groupes ethniques. Les parents se sont penchés plus particulièrement sur l'équilibre entre l'école et les commissions scolaires. Cela vaut la peine de citer un extrait assez substantiel, puisque j'ai rarement vu un résumé de ce problème aussi bien étalé et aussi bien démontré. On sait que, dans le fond, il est difficile d'être contre les principes et les objectifs qui sont supposés être ceux du projet de loi. Le hic, c'est que le modèle opérationnel ou la problématique opérationnelle du ministère pour répondre, pour atteindre ces objectifs paraît, aux yeux des gens qui travaillent tous les jours dans le réseau scolaire, essentiellement farfelue et fantaisiste. C'est un exercice d'imagination conçu dans la tour où logent les milliers de bureaucrates et de technocrates du ministère de l'Éducation et, également, le ministre. Ma collègue de L'Acadie me le rappelle. Ce n'est pas du tout la faute des fonctionnaires. Inévitablement, en travaillant de la façon qu'ils travaillent, ils sont isolés des réalités vécues dans les milieux.

Voici ce que le comité de parents de l'école secondaire, à Côte-Saint-Luc, a à dire au sujet de l'équilibre entre l'école et les commissions scolaires. Il va falloir que je le fasse rapidement. Le président me signale que mon temps achève: "Quant à la partie du projet de loi qui aménage d'une nouvelle manière le pouvoir entre l'école, la commis-

sion scolaire et le ministère, le comité de l'école Saint-Luc pense qu'il risque de compromettre gravement l'équilibre et la qualité du système de l'enseignement public. Aussi, s'y oppose-t-il fermement et globalement." On voit pourquoi le comité de l'école Saint-Luc n'a pas été invité à venir devant nous.

Les membres du comité d'école ont été unanimes à rejeter avec force l'idée clé de ce volet du projet de loi, c'est-à-dire faire de l'école le pivot du système au détriment du pouvoir de la commission scolaire. D'une certaine façon, l'école est toujours et doit rester le pivot du système, mais les aménagements proposés leur semblent inadéquats et mal appropriés à la fin poursuivie. Cette réponse est irréaliste. Elle exigerait beaucoup trop de disponibilité de la part des parents et, notamment, beaucoup trop de réunions. Elle risque de susciter beaucoup de conflits au sein de l'école, conflits avec la direction, conflits entre les parents et les enseignants, lutte de pouvoirs entre les parents. L'école risque d'être tirée à gauche et à droite au gré des changements de parents au conseil. La réforme risque de créer des inégalités injustifiées entre les écoles, certains milieux possédant les ressources suffisantes alors que d'autres seront toujours déficients. Malgré les apparences et en dépit des affirmations contraires, cette autonomie accordée aux écoles aura pour effet une centralisation accrue de la part du ministère de l'Éducation. Isolées, les écoles n'auront plus d'influence sur l'orientation du système. Le comité juge essentielle l'existence d'une structure intermédiaire forte. Cet aspect de la réforme risque de compromettre l'existence de services communs à plusieurs écoles, l'exigence de planification du développement et, donc, la poursuite du bien commun. Fin de la citation.

Je dois conclure, je regrette que je n'aie pu relever d'autres exemples de contributions éminemment valables que des comités de parents auraient pu faire devant nous. Je dirai juste ceci à mes collègues d'en face: II ne faudrait pas accepter de se faire embarquer dans l'exercice que le ministre de l'Éducation vous invite à poursuivre. Il faut, au contraire, arrêter de se taire bêtement, au moins dans votre propre caucus, lorsque le temps sera venu. D'ailleurs, il faudrait suivre les conseils du premier ministre qui a dit aujourd'hui que le ministre de l'Éducation doit réévaluer son projet de loi. Je vous invite à l'aider à le faire. (16 h 45)

Le comité d'école de l'école Saint-Luc et le comité d'école de Saint-Étienne-de-Lauzon n'ont pas été inspirés par les mauvaises langues libérales. Ils ont fait connaître honnêtement leurs réactions face au projet de loi. Je vous invite à arrêter le ministre de l'Éducation avant qu'il ne chambarde tout le système d'éducation du Québec.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le député de Westmount. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Je suis étonnée, M. le Président, que le ministre soit absent de notre commission, cet après-midi. Il semble qu'il ait déjà conclu qu'il ne vaut pas la peine de défendre ses idées. Peut-être pense-t-il qu'il est déjà suffisamment instruit sur l'impact du projet de loi 40. Il me semble évident que le gouvernement est moins informé qu'il ne le croit. Il est évident que les députés ministériels, y compris le ministre, ont écouté, durant cinq semaines, mais n'ont pas entendu le message...

M. Hains: Ils sont durs d'oreille.

Mme Dougherty: ...de la grande majorité de la population que nous avons entendu: le projet de loi 40 n'est pas voulu par la population du Québec; il va déséquilibrer le système et produire le chaos dans nos écoles; il n'améliorera pas la qualité de l'éducation et il ne réglera en aucune façon les vrais problèmes d'éducation.

Plusieurs groupes et commissions scolaires ont réussi, par des initiatives saines, à responsabiliser l'école. Ce n'est pas le gouvernement du Québec qui a inventé l'idée de responsabiliser les écoles. Ces commissions scolaires ont travaillé avec les enseignants et les parents comme partenaires dans le système d'éducation; elles ont réussi à intégrer les efforts de centaines et de milliers de parents et d'enseignants dans le système d'éducation, sans chambardement ni conflit. Je trouve que c'est une ironie monumentale qu'il y ait tant de groupes qui ont reconnu, depuis longtemps, l'importance de la participation des parents et ils continuent d'améliorer les choses à l'intérieur des structures et des lois actuelles, mais ils n'ont pas été invités à faire connaître leurs opinions sur le projet de loi et à nous raconter leur expérience positive à cet égard, afin de responsabiliser les écoles.

Parmi ces groupes, il y a l'Association des administrateurs scolaires du Québec. Cette association représente officiellement plus de 500 directeurs d'école et cadres de services oeuvrant dans les commissions scolaires protestantes du Québec. Elle n'a été représentée par aucun autre groupe. Les membres de cette association sont reconnus comme des leaders en matière de pédagogie. Leur mémoire est basé sur leur longue

expérience dans les écoles du Québec. Ils sont grandement concernés parce que le projet de loi ne respecte pas les principes généraux fondamentaux en démocratie scolaire tels que le suffrage universel, l'équilibre des forces, une division appropriée des pouvoirs et des juridictions, l'influence de la communauté sur les programmes d'étude et la diversité culturelle et religieuse.

Ils ont des choses très importantes à dire sur le rôle du directeur d'école qui sera dévalorisé par le projet de loi. Ils disent, dans leur mémoire: "L'Association des administrateurs scolaires du Québec pense que le projet de loi 40 rendra la fonction de directeur d'école essentiellement politique. Le système en vigueur selon lequel le directeur consulte des corps constitués tels que le comité d'école, le conseil d'école, l'école secondaire et le conseil d'étudiants, fonctionne bien dans nos écoles. "L'association ne peut accepter pour le directeur d'école un rôle qui ne soit pas celui de leader dans le domaine de l'éducation. L'association est persuadée que c'est de cette façon seulement qu'on peut assurer aux élèves une éducation de qualité."

Sur le rôle des parents, ils disent: "II est évident que le ministre de l'Éducation essaie à nouveau de légiférer sur l'implication des parents. Nous croyons qu'une participation significative des parents doit être préparée pendant de nombreuses années. Attirer les parents par la promesse d'un conseil d'école ayant de réels pouvoirs de décision qui sont en fait illusoires pourrait détruire l'appui actuel que des parents apportent à l'école."

En conclusion, ils disent: "L'abolition des structures actuelles aura pour résultat de semer la confusion dans tout le système scolaire. Il n'y a aucune assurance qu'après que les changements auront été effectués, on assiste à une amélioration des services pédagogiques. Tout ce dont on peut être sûr est que, pendant une période prolongée, l'énergie des éducateurs sera détournée des problèmes d'importance directe pour l'apprentissage et ce, au détriment de nos écoles. "Notre association croit que nos structures scolaires actuelles ont la souplesse nécessaire pour s'adapter aux besoins futurs."

Nous avons reçu un mémoire de la commission scolaire Baldwin-Cartier. Ça touche mon comté, c'est une commission scolaire qui a réussi depuis longtemps à travailler avec les parents comme partenaires dans les écoles. La commission scolaire Baldwin-Cartier considère le projet de loi 40 comme un instrument futile. La commission illustre et décrit dans son mémoire les activités et les pratiques de la commission qui favorisent une autonomie à l'école pour qu'elle puisse vivre un projet éducatif qui comporte des orientations et un plan d'action accordés à son milieu. Elle qualifie le projet comme un instrument stérile. "Nous croyons que cette loi apportera des tracasseries, des affrontements et même des conflits complètement stériles tout en privant un gouvernement local, la commission scolaire, des leviers nécessaires pour assurer un développement harmonieux et rationnel des services éducatifs dans son milieu."

Sur le partage du territoire, d'éventuels regroupements de clientèles doivent se faire dans le respect des populations à desservir et reposer sur le consensus le plus large possible des volontés de ces populations. C'est évident que ce consensus n'existe pas sur l'île de Montréal, où se situe la commission scolaire Baldwin-Cartier. Ces gens disent: "Enfin, selon la distribution de ces populations sur le territoire du Québec, peut-être faut-il éviter un modèle uniforme et s'adapter ainsi aux particularités du territoire."

En conclusion, ils se posent plusieurs questions. "Après analyse d'un instrument qui, sous certains aspects, nous semble complètement futile et qui, sous certains angles, engendre la confusion, nous nous questionnons sur la véritable intention de ce projet de loi. Existe-t-il uniquement en fonction d'un projet sociopolitique, d'un exercice de fractionnement ou d'émiettement du pouvoir? S'agit-il d'un exercice législatif desservant une volonté de concentrer encore des pouvoirs plus grands au ministère de l'Éducation? Nous ne voyons pas là de lien direct avec la gestion rationnelle et l'amélioration des services éducatifs à l'élève."

L'autre commission scolaire qui a demandé d'être entendue à plusieurs reprises est la commission scolaire de Lakeshore. Je crois que ces gens ont dit quelque chose de très important sur l'aspect de la constitutionnalité. Ils ont dit: "Le projet de loi 40 bouleverse entièrement l'usage en vigueur au Québec depuis plus de 200 ans en ce qui a trait à la gestion des écoles par la communauté locale et par des classes de personnes de même confessionnalité. Cette réalité devrait suffire à elle seule à convaincre la commission de l'Assemblée nationale qu'il faut donner aux communautés et aux classes de personnes qui vont visées par le projet de loi 40 l'opportunité de s'adresser aux tribunaux en vue de faire déterminer la portée de leurs droits. Il est urgent et dans l'intérêt de la justice de nos enfants et de la paix sociale au Québec de suspendre le projet de loi 40 jusqu'à ce que les tribunaux se soient prononcés sur la portée des droits religieux et linguistiques visés par ce projet de loi." (17 heures)

Le comité de parents de la commission scolaire de Lakeshore a dit des choses

extrêmement importantes sur les pouvoirs du ministre et du cabinet. "Le pouvoir accordé au ministre de l'Éducation aux chapitres V et VI du projet de loi 40 est de si grande envergure qu'il ne sera jamais plus nécessaire de présenter aux membres de l'Assemblée nationale des questions sur l'éducation. Nous pouvons citer comme exemple les régimes pédagogiques promulgués récemment par un décret du cabinet. Les nouveaux régimes pédagogiques affaiblissent les programmes de mathématiques et de sciences au moment même où ces sujets prennent une plus grande importance pour notre survie économique. Le virage technologique deviendra le mirage technologique et nos jeunes n'auront possiblement pas les compétences exigées par la haute technologie envisagée par notre nouveau ministre de la Science et de la Technologie, Gilbert Paquette. À l'exception du ministre, les autres partenaires cesseraient ni plus ni moins d'exister après la mise en oeuvre du projet de loi 40, car ces personnes, ainsi que leurs représentants élus à l'Assemblée nationale n'auront plus d'influence légale ou politique sur quelque sujet d'importance en éducation."

Les parents de la commission scolaire de Lakeshore s'inquiètent à savoir si le projet de loi 40 va diminuer la qualité de l'éducation. Ils disent: Nous, les parents, demandons pour tous les enfants du Québec la meilleure éducation en Amérique du Nord ou encore mieux. Elle est nécessaire si le Québec veut être sur un pied d'égalité au point de vue de l'économie et si les Québécois veulent être concurrentiels partout en Amérique du Nord. Nous ne voyons, dans le projet de loi 40, que des entraves à l'atteinte de ces objectifs. Ils demandent le retrait du projet de loi 40 puisqu'il est inacceptable dans une société démocratique et préjudiciable à une éducation de qualité supérieure pour les enfants du Québec. Voilà des parents qui sont profondément impliqués dans l'éducation, dans les écoles de la commission scolaire de Lakeshore.

M. le Président, nous avons reçu un mémoire très intéressant de la commission scolaire de Bedford. C'est une commission scolaire où il y a un grand nombre de petites écoles. Dans l'annexe du mémoire, qu'elle a présenté, on voit les efforts de péréquation qu'elle a faits pour égaliser les chances des enfants dans ces petites écoles. C'est un effort qui est gravement menacé par le projet de loi.

Enfin, j'ai ici le mémoire d'un autre groupe qui n'a pas reçu d'invitation à la commission, c'est celui de la commission scolaire dissidente de Greenfield Park. C'est une commission scolaire particulière, puisque dissidente. Elle est située sur la rive sud et on y dispense l'enseignement aux élèves des classes primaires de la municipalité de

Greenfield-Park. Elle est traitée par le projet de loi d'une façon ambiguë et discriminatoire. C'est un cas particulier auquel le ministre doit apporter une certaine attention.

M. le Président, il est évident que le gouvernement n'est pas suffisamment informé et qu'il n'a pas reçu le message. Je suggère que nous continuions à entendre des groupes tant et aussi longtemps que le gouvernement n'aura pas reçu le message.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme la députée de Jacques-Cartier.

S'il n'y a pas d'autres députés qui désirent intervenir, nous allons mettre aux voix la motion d'amendement de M. le député d'Argenteuil. Puisque c'est le désir des membres de la commission, nous allons procéder à un vote en appelant les députés un à un. Les députés favorables à cette motion me l'indiqueront et ceux qui s'y opposent me l'indiqueront également.

M. le député de Chauveau?

M. Brouillet: Contre.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Mille-Îles?

M. Champagne (Mille-Îles): Contre.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Saguenay?

M. Maltais: Pour.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Shefford?

M. Paré: Contre.

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de Jacques-Cartier?

Mme Dougherty: Pour.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Saint-Henri?

M. Hains: Pour.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre?

M. Laurin: Contre.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Fabre?

M. Leduc (Fabre): Contre.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Gaspé?

M. Le May: Contre.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Vachon?

M. Payne: Contre.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil?

M. Ryan: Pour.

Le Président (M. Blouin): Alors, quatre députés sont en faveur et sept s'y opposent. La motion est donc rejetée. Nous revenons donc maintenant à la motion principale du député de Fabre et la parole est à M. le député de Saguenay.

Reprise du débat sur la motion principale

M. Ghislain Maltais

M. Maltais: Merci, M. le Président. Nous voilà, après cinq semaines, rendus à débattre d'une motion pour clore la commission parlementaire sur le projet de loi 40. Au cours de ces cinq semaines, nous avons vu défiler, comme invités à cette commission, des gens de bonne foi qui sont venus nous dire ici que le système scolaire dans lequel on vit au Québec avait certaines anomalies. Il y en a plusieurs qui sont venus vanter la qualité du système dans lequel doit composer la société québécoise présentement.

Malheureusement, M. le Président, cette commission parlementaire, à cause de la suffisance gouvernementale, doit ajourner ses travaux. Pourquoi? Non pas parce que le gouvernement est suffisamment informé, mais parce qu'il ne peut plus entendre la vérité qui provient des différents coins du Québec. Le gouvernement, par des méthodes qu'on appellerait un petit peu, dans les circonstances, machiavéliques, avait choisi ses intervenants en sa faveur, des groupes souvent non représentatifs, des groupes cultivés à la philosophie du projet de loi 40. Malheureusement pour le gouvernement, la population du Québec n'est pas tombée dans ce piège, parce que l'ensemble de la population du Québec regroupe des gens avertis, beaucoup plus que ne pourraient le croire le ministre et le gouvernement actuels. À partir de ce moment, des choses importantes ont été dites ici et il en reste encore à dire.

Cette motion de clôture qui privera au-delà d'une centaine de groupes de venir exprimer leur opinion, le gouvernement et le ministre actuels en porteront l'odieux devant la population. L'Opposition s'est tenue debout et, par tous les moyens possibles qui existent dans nos règlements, elle a insisté continuellement pour que toute personne ou tout groupe qui le voulait se fasse entendre à cette commission. Il aurait été avantageux d'entendre certains groupes à cette commission, particulièrement les groupes qu'on a négligés comme le mémoire présenté par la commission scolaire des Cris. Pourtant, ces gens sont les fondateurs avant nous du pays et ils avaient des choses à dire. Je pense que le ministre se mordra toujours les pouces de ne pas avoir invité à cette table les premiers arrivants au pays. Puisqu'on doit composer et vivre avec eux, ils avaient des choses importantes à nous dire. Vous avez refusé délibérément de les entendre. Après, vous allez nous faire accroire, M. le ministre, que vous êtes pour un consensus, que vous êtes celui autour de qui se regrouperont les forces positives qui veulent rebâtir le système de l'éducation au Québec? Vous faites fausse route, M. le ministre. D'ailleurs, non seulement dans les pouvoirs des commissions scolaires, mais dans les responsabilités des comités d'école, je pense que le système d'éducation actuel n'a pas de leçon à recevoir du ministre de l'Éducation. Nous en avons la plus belle preuve en lisant le journal ce matin: Le gouvernement actuel, dans sa politique d'achat extraordinaire, est allé nous acheter des ordinateurs à Paris. Personne n'en vendait au Québec. Il est allé acheter des ordinateurs pour nos écoles.

M. Laurin: Où est la pertinence?

M. Maltais: Vous voulez savoir, M. le ministre, où est la pertinence alors que vous avez passé cinq semaines à décrire les politiques des commissions scolaires? Vous qui voulez prêcher par l'exemple, M. le ministre, vous aviez un achat de 36 000 000 $ à faire et vous n'avez pas été capable de le faire comme du monde. C'est ça, la pertinence. Vous êtes allé les acheter à Paris. Votre propre ministère les refuse maintenant, M. le ministre. Les commissions scolaires ne veulent pas les acheter à Paris.

M. Leduc (Fabre): Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Je crois qu'il y a un règlement qui dit qu'on doit s'adresser au président et je voudrais que le député de Saguenay respecte notre règlement.

Le Président (M. Blouin): Vous avez bien raison.

M. le député de Saguenay.

M. Maltais: M. le Président, il me fait plaisir de m'adresser à vous pour vous dire combien ce gouvernement agit en imbécile.

Mme Lavoie-Roux: C'est plus agréable.

M. Leduc (Fabre): M. le Président, question de règlement. Je crois que le terme est antiparlementaire. Nous demandons que le député de Saguenay retire ce terme.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Fabre, je préférerais, dans un premier temps, faire appel au député pour que le ton que nous avons connu depuis le début ne devienne pas trop aigu. Si vous pouviez vous satisfaire de cette consigne première, nous pourrions éviter des débats inutiles et, ensuite, voir quelle est la teneur des propos ultérieurs.

M. Leduc (Fabre): M. le Président, nous allons faire preuve de notre tolérance habituelle en espérant que le député respectera le décorum du salon rouge.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: M. le Président, en m'adressant à vous, j'espère que vous allez retenir le temps que le député de Fabre a pris sur celui du député de Saguenay et que vous le soustrairez à la fin.

Justement, le ministre nous rappelait à la pertinence, tout à l'heure. C'est une preuve bien flagrante que les commissions scolaires, au Québec, n'ont jamais fait de gaffe comme ça. Ce matin, dans la revue de presse qui nous est remise par les Communications gouvernementales, vous allez voir la pertinence. Vous allez voir ce que les Québécois en général pensent du gouvernement et aussi du projet de loi 40. En première page: "Affaire Boivin." On feuillette ça tranquillement. "Les journalistes judiciaires se plaignent à leur tour." "Fréchette rêve..." Ils n'avaient pas besoin d'écrire ça, on l'a vu hier soir. "Il y a beaucoup de méfiance envers les promesses de Laurin."

M. le ministre, ne vous scandalisez pas, je vous lis ce qui est écrit dans les journaux. "Projet de loi 40: le débat prend une allure de filibuster." Je comprends, on met la guillotine; on ne veut pas entendre les Québécois et les Québécoises qui ont des choses à dire. À partir de ce moment-là, c'est normal que les journalistes parlent de "filibuster". "Motion de clôture inattendue." On a pris les nouvelles à 18 heures, M. le ministre, vous l'aviez annoncée. Vous ne l'aviez pas annoncée en commission, mais vous l'aviez annoncée à tout le monde. "L'ordinateur de Comterm non conforme." On s'en doutait, on vous l'a dit avant que vous l'achetiez. "Les cégeps se désistent." "Les travaux au noir évalués à 500 000 000 $." Le ministre du Travail devrait s'occuper de ces gens-là au lieu de venir dire les âneries qu'il nous a dites, hier soir ici.

M. Leduc (Fabre): M. le Président. C'est la deuxième fois qu'un député utilise un terme antiparlementaire. Je crois que le terme "âneries", pour qualifier les propos du ministre, est antiparlementaire; il n'est pas digne du décorum qui doit entourer les travaux de la commission.

M. Maltais: Question de règlement, M. le Président. Je voudrais référer le député de Fabre à la liste...

Le Président (M. Blouin): Un momentl M. Maltais: II coupe mon temps.

M. Leduc (Fabre): Je vous demanderais, M. le Président, de demander au député de retirer ce terme.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Fabre, vous demandez au député de Saguenay de retirer le terme "âneries".

Mme Lavoie-Roux: Ah! Ah! C'est assez compliqué.

Le Président (M. Blouin): Vous me compliquez un peu l'existence parce que nous avons eu, au cours de cette commission, beaucoup d'expressions colorées, notamment du député de Saint-Henri. (17 h 15)

M. Hains: Pardon?

Mme Lavoie-Roux: Que dit-il là? Une voix: Des expressions colorées.

M. Hains: Je vais en donner tout à l'heure.

Des voix: Ah! Ah!

Une voix: Des expressions fleuries.

Le Président (M. Blouin): Celle-ci, évidemment, prend une coloration particulière, mais je demande encore une fois au député de Saguenay d'éviter les écarts et de faire en sorte que nous poursuivions nos débats avec un minimum de décorum. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Je suis parfaitement d'accord avec vous, M. le Président. Cependant, pour l'information du député de Fabre qui devrait lire notre règlement, il y a à peu près 300 mots antiparlementaires et le mot "âneries" n'est pas là-dedans. M. le Président, je vous rappelle que je suis religieusement le règlement de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Blouin): Alors, ne faites pas en sorte qu'il y soit ajouté, M. le député.

M. Hains: Très religieux, confessionnellement parlant.

M. Maltais: M. le Président, je continue ma petite revue de presse et c'est pour cette raison que le ministre sursaute. C'est un peu la situation au Québec. C'est un article de Jean-Jacques Samson et je vais seulement citer le dernier paragraphe: "Les gens du PQ ne comprennent pas qu'ils sont aussi impopulaires parce qu'ils ont le sentiment de savoir gouverner le Québec et d'être les seuls à le faire." C'est un peu pour cette raison qu'on en est rendu à une motion de clôture, alors que des commissions scolaires, alors que des groupes importants auraient dû se faire entendre parce qu'ils avaient des choses bien concrètes à dire.

Permettez-moi d'en relever quelques-unes ici particulièrement. Cela provient de la commission scolaire de Saint-Hyacinthe, au niveau de l'établissement des conditions de travail des employés non syndiqués: "Par l'article 309, deuxième paragraphe, le ministre de l'Education se réserve le droit de déterminer par règlement", dans toutes ou certaines commissions scolaires, la classification, les conditions de travail, les recours et droits d'appel des membres du personnel qui ne sont pas membres d'une association accréditée". Le ministre se fait juge et partie. Je pense que ces gens-là avaient raison de vouloir se faire entendre lorsque de tels articles d'un projet de loi sont rédigés dans ce qu'on appelle une saine démocratie. "À titre d'employeur, la commission scolaire doit assurer la gestion du personnel de façon autonome et responsable. Nous croyons qu'il appartient donc à la commission scolaire d'établir une politique administrative locale tenant compte des besoins du milieu, des conditions de travail des employés non syndiqués et syndiqués. Il en est de même également dans l'établissement des politiques de recrutement, d'affectation, d'évaluation et de perfectionnement du personnel de la commission." Ces gens-là avaient beaucoup d'autres choses à dire. Malheureusement, ils n'ont pas pu se faire entendre.

Dans un autre mémoire ici, justement, du comité d'école Côte-du-Nord - cela provient de la région de Hull, on n'a pas entendu beaucoup de gens de ce coin-là, ils n'ont pas été invités - on lit ce qui suit: "Les pouvoirs qui sont censés échoir aux écoles sont en réalité illusoires. On hésite à parler de supercherie, mais le rapprochement serait bien tentant. Le ministre a tellement bardé l'école de décrets, de normes, de règlements et de normalisation qu'il reste peu de place pour l'initiative locale. Il n'y a plus guère que le domaine des projets éducatifs où l'école peut effectuer un choix et encore là, les options sont-elles sévèrement limitées. L'école aura effectivement beaucoup de responsabilités, mais peu de pouvoirs." Je pense que ces gens-là avaient des choses importantes à venir dire au ministre de l'Éducation. Malheureusement, ils ne pourront pas le faire.

Il ne faudrait pas que le ministre s'offusque que l'Opposition soit un peu sévère vis-à-vis de la procédure qu'il emploie présentement pour mettre un terme à cette commission parlementaire parce que le rôle de l'Opposition est de permettre à des gens de se faire entendre lorsqu'un gouvernement décide d'une façon unilatérale de venir offrir à la population un projet de loi, alors qu'on a démontré hors de tout doute devant cette commission parlementaire que les gens n'en voulaient pas. L'Alliance de Montréal et le regroupement des syndicats de la CECM lui ont présenté un défi que le ministre n'a pas osé relever. Si le ministre était si sûr de ses arguments, si sûr que son projet de loi veut le bien de l'ensemble de la population du Québec, je pense qu'il accepterait de relever le défi des syndicats regroupés de la CECM à Montréal. Il accepterait aussi le défi que la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, la région de Sherbrooke, la région de l'Abitibi-Témiscamingue et les autres régions qui n'ont pas eu l'occasion de venir se faire entendre lui ont présenté.

M. le Président, je crois sincèrement que, tout au cours de cette commission, la population du Québec a démontré clairement sa volonté par des organismes vraiment représentatifs, non pas des organismes qui représentaient des petits groupes ou des personnes, mais qui représentaient l'ensemble d'une collectivité et d'une région. On ne peut pas dire que la CEQ est un petit groupe qui ne représente pas ses syndiqués, que la CSN, la FTQ, la Fédération des commissions scolaires et la CECM sont des organismes qui peuvent être pris à la légère.

Si le ministre de l'Éducation persiste à aller contre la volonté de l'ensemble de ces organismes, je pense qu'il est très clair, dans l'opinion publique, qu'il va à l'encontre de cette même opinion qui, au cours de cet exercice démocratique, aurait voulu aller beaucoup plus loin et nous faire découvrir aussi quel genre de système scolaire les Québécois et les Québécoises désirent pour les années à venir.

Cependant, à la clôture de cette commission, M. le Président, malheureusement, on ne sera guère mieux qu'avant le début de cette commission, parce qu'on aura brimé, de façon partiale, la représentativité des groupements de personnes qui ont voulu venir ici, à cette assemblée, nous offrir leur appui, leur collaboration et leurs idées. M. le Président, je pense que ces discussions, au

cours des cinq dernières semaines, n'auront pas permis un véritable débat de fond sur la question de la restructuration scolaire au Québec. Pourtant, les gens étaient de bonne foi. À partir du moment où l'on prive une catégorie de personnes de s'exprimer, on fausse volontairement le débat et, malheureusement, c'est ce qui va ressortir de cette commission, parce que des gens de bonne foi n'ont pas pu être entendus en commission parlementaire.

Je pense, quant à nous de l'Opposition, que nous aurons l'occasion de reprendre le débat à l'Assemblée nationale. Malheureusement, il n'y a que 121 députés au Québec présentement et l'ensemble de la population ne pourra être représentée, parce qu'il y a des gens dans leur comté, des députés et des ministres du côté gouvernemental, qui n'ont pas fait les efforts nécessaires pour convaincre le ministre de l'Éducation de permettre aux gens de chacune des régions de venir se faire entendre ici. Cela fausse drôlement le débat. Pourquoi? Parce qu'on ne pourra pas avoir une idée de l'ensemble de la population tant et aussi longtemps qu'on ne les aura pas tous entendus. Peu importe ce qui arrivera au projet de loi 40, ce sera toujours le projet du ministre de l'Éducation qui ne reflétera pas l'ensemble de la collectivité québécoise.

Avant de terminer, M. le Président, j'aimerais souligner très poliment au ministre de l'Éducation, qui a eu à l'égard du député de Saguenay, au début de cette commission, des paroles qui ont été enregistrées au journal des Débats, que ces paroles ne sont pas dignes d'un ministre de l'Éducation. Dans mon comté, il y a des communautés amérindiennes que je suis fier de représenter. M. le Président, le député de Fabre grimpait dans les rideaux tout à l'heure, parce que j'avais dit des paroles peut-être sévères, mais non injurieuses, à l'endroit du gouvernement; j'aurais eu mille et une raisons de me révolter beaucoup plus lorsque le ministre de l'Éducation a employé le langage qu'il a utilisé envers le député de Saguenay. Soyez assuré, M. le Président, que le député de Saguenay représente une population très polie; jamais, en commission parlementaire ou à l'Assemblée nationale, il n'emploiera des paroles aussi odieuses que celles que le ministre de l'Éducation a eues à l'égard du député de Saguenay. M. le ministre, vous en porterez l'odieux pendant les jours qui vous restent comme ministre de l'Éducation. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saguenay.

M. le député de Mille-Îles.

M. Jean-Paul Champagne M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le Président. Madame, qu'est-ce que vous dites là? Vous avez été sereine jusqu'à avant-hier.

Mme Lavoie-Roux: Je le suis encore.

M. Champagne (Mille-Îles): Ah, ça me fait plaisir, ça me rassure, Mme la députée de L'Acadie!

J'entendais le député de Saguenay dire: II n'y a pas eu de débat de fond. C'est ce qu'il vient de dire, il y a quelques instants. Je ne sais pas s'il était en dehors du Québec depuis quelques années, mais le débat de fond a lieu depuis de nombreuses années. Le débat qu'on mène actuellement a été commencé, particulièrement dans le sens de la réforme, en 1977, avec le livre vert. Je ne sais pas s'il l'a lu, le député de Saguenay. Je ne sais pas s'il a lu le livre orange sur le même sujet et toutes les consultations qu'on a eues dans la province à ce sujet. Je ne sais pas si le député de Saguenay a lu le livre blanc. Je pense que le débat de fond a eu lieu.

M. Maltais: Multicolore.

M. Champagne (Mille-Îles): M. le député, je ne vous ai pas interrompu tout à l'heure. Vous avez parlé de politesse; j'aimerais quand même avoir un certain égard au moment où on se parle.

On a connu, depuis cinq semaines de travaux, un climat positif, beaucoup de sérénité, beaucoup d'écoute. Depuis ce matin, je pense qu'il y a une espèce de climat de nervosité. Moi-même, j'ai manqué les travaux de la commission parlementaire hier pour la première fois. J'ai quand même regardé les résultats ce matin, en lisant les journaux. Je regarde ça dans la Presse: "Bien qu'ils le nient, les libéraux utilisent depuis hier matin toutes leurs ressources pour retarder le plus possible la fin des travaux de la commission parlementaire qui étudie le projet de loi 40 sur l'enseignement primaire et secondaire public." Je ne sais pas si c'est de bonne guerre, mais, de toute façon, j'ai regardé ça ce matin et j'ai compris ce qui s'était passé hier. Des gens ont attendu, ils ont été retardés. Je m'excuse au nom des députés ministériels si des personnes ont été obligées d'attendre des heures, des heures et des heures.

Je voudrais revenir au débat de fond et dire que, s'il n'y a pas eu de débat de fond, je pense que le député de Saguenay n'a pas suivi l'évolution à ce sujet-là. Je comprends un petit peu la frustration des libéraux aujourd'hui. Ils ont eu le courage politique, en 1962, de bâtir le ministère de l'Éducation. Vous en aviez le mérite, il fallait le faire. En 1972, dix ans plus tard, vous avez eu le courage politique d'établir les comités d'école. Je vous en félicite. Bien sûr, dix ans

plus tard, avec l'évolution des mentalités, avec le désir d'une population, vous auriez sans doute aimé présenter vous-mêmes le projet de loi 40 qui est l'aboutissement normal de toute l'évolution de notre système d'éducation. Le projet de loi 40 arrive après de nombreuses consultations, après le livre vert, le livre orange et le livre blanc.

On arrive ce soir à une motion de clôture qui offusque les gens de l'Opposition. Personnellement, je suis suffisamment informé. Même le député d'Argenteuil nous avait confié que, durant ses vacances de Noël, il avait lu tous les mémoires. C'est bien. Je vois la députée de L'Acadie qui vient du domaine scolaire, ancienne présidente de la commission scolaire; je pense qu'elle a dû étudier aussi les mémoires. Mme la députée de Jacques-Cartier aussi et mes collègues qui sont du domaine de l'éducation, je pense, ont eu le temps d'étudier les mémoires. On a posé des questions et, pour ma part, honnêtement - et l'étude n'est pas finie, quand même - je me sens assez informé pour dire qu'enfin il faut qu'il y ait un terme. Mais la discussion va se continuer. (17 h 30)

En fin de semaine, j'ai rencontré certains de mes électeurs. J'ai rencontré des gens qui m'ont dit: Cela tourne en rond, chez vous, à un moment donné. Il y a même des journalistes qui le disent. Il n'y a pas de choses nouvelles. Je pense que c'est nous qui devons prendre une décision à un moment donné et le règlement nous le permet. On a été à l'écoute des gens. Il y a eu des mises en garde qui ont été faites. On doit prendre position et je pense qu'aujourd'hui on se dit: La population s'est adressée à nous. C'est sûr qu'il y avait 250 mémoires. On peut rappeler que, lorsqu'il y a eu la loi 22, en 1974 - on parlait de libre expression ce matin - lorsqu'on a voté la motion de clôture sur la loi 22, une loi linguistique qui était très importante, vous aviez entendu 76 mémoires. Sur le projet de loi 40, on a entendu 93 mémoires et, jamais, à ce qu'on a dit, une commission parlementaire n'a mis autant d'heures pour entendre des mémoires: 160 heures d'auditions. On ne peut pas reprocher au gouvernement de ne pas avoir été à l'écoute des gens. C'est même un record et c'est pour cette raison que je voterai tout a l'heure en faveur de la motion qui a été présentée par le député de Fabre.

Je me réjouis de voir l'aboutissement de cette commission parlementaire, parce que, personnellement, j'ai vécu le domaine scolaire, j'ai vécu les comités d'école et, dans le temps, on espérait avoir quelque chose qui fasse en sorte que les parents puissent intervenir davantage dans le domaine de l'éducation. Il y avait des disponibilités. Il y avait un désir de rendre le milieu meilleur, plus réceptif; on voulait donner beaucoup de choses à nos enfants. J'entendais tout à l'heure le député d'Argenteuil qui disait: Les délégations de pouvoirs dans mon comté, cela existe. Cela s'exerce actuellement et il a donné l'exemple des commissions scolaires de Lachute, Saint-Jérôme, Laurenval. Cela existe actuellement. Si cela existe la délégation de pouvoir, pourquoi ne pas la reconnaître dans une loi?

Tout le monde autour de cette table nous a dit unanimement que les parents devraient avoir un plus grand rôle dans le domaine de l'éducation. Mme la députée de Jacques-Cartier est d'accord avec cela. Maintenant, on ne veut pas peut-être donner les moyens et on ne s'entend pas sur les moyens. Il n'y a pas de contradiction, je pense. J'ai compris, par exemple, que, pour l'Opposition, la concertation devrait avoir lieu au niveau de la commission scolaire plutôt qu'au niveau de l'école, et je pense que c'est un peu la grande différence qui existe entre le parti de l'Opposition et nous. Nous, on se dit: L'action, cela se vit dans le milieu. Je pense que le principal d'école a toutes les ficelles pour rendre son école viable et, si les parents du milieu et le commissaire d'école, qui est très près des gens, se mettent ensemble pour produire un bon projet éducatif pour le bien de l'enfant qui est le centre de toute la réforme scolaire, je me dis: Si le projet de loi 40 peut donner tous ces moyens, je vais faire en sorte de voter de tout coeur avec le gouvernement qui a eu quand même la clairvoyance de voir l'évolution des mentalités dans le domaine de l'éducation et de faire en sorte qu'aujourd'hui on présente le projet de loi 40. De tout coeur aussi avec les parents qui nous ont fait la demande d'aller plus loin pour leurs enfants, je vais voter pour la motion de clôture et pour le projet de loi 40. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Mille-Îles. M. le député de Saint-Henri m'avait demandé la parole. Y a-t-il un autre membre qui...

Une voix: Le voici.

Le Président (M. Blouin): D'accord, le voilà. Très bien. M. le député de Saint-Henri, vous avez la parole.

M. Roma Hains

M. Hains: M. le Président, nous voici donc rendus au terme de cinq semaines de consultations auprès des organismes intéressés à la réforme scolaire. La guillotine vient de tomber sur la tête de l'Opposition. Nous avions demandé et nous continuons de demander la poursuite des travaux en commission parlementaire, conscients et respectueux que nous étions et que nous

sommes encore du droit de chacun et de chacune de venir se faire entendre à ces assises selon le mandat reçu et dicté par le gouvernement et confié à notre commission qui se lisait, comme nous l'avons entendu de nombreuses fois, ainsi: "Entendre toute personne ou tout groupe qui désire intervenir sur le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public".

Faisant fi de ce mandat confié à notre commission, le parti ministériel a décidé, hier, d'une façon unilatérale de cesser d'entendre les intervenants, se disant assez éclairé et assez informé pour aller de l'avant. Déjà, si l'Opposition n'était pas intervenue, les 15 ou 16 intervenants de cette semaine n'auraient pas été invités. Vous vous dites éclairés, messieurs du gouvernement. Non! Vous n'êtes pas éclairés, vous êtes aveuglés par la lumière trop crue de ces mémoires et, comme des hiboux -j'espère que le terme est parlementaire -vous n'avez pu supporter la lumière d'un nouveau jour de commission. Pourtant, quelques centaines d'intervenants oubliés et mis au rancart avaient travaillé à bâtir un mémoire, un document dans lequel ils exprimaient leurs opinions légitimes sur un sujet des plus importants concernant l'éducation et la formation de leurs enfants. Ils ont accompli cette tâche avec conscience et avec amour durant de longues heures et, souvent, durant de longues journées, tout heureux et tout heureuses d'apporter leur contribution à l'oeuvre de l'éducation des enfants.

À titre d'exemple, je me permets de signaler les gens de Saint-Henri, qui sont venus à mon bureau me lire leur mémoire, enthousiasmés à l'idée de venir enfin à la commission parlementaire exprimer leurs craintes et leurs résolutions face à ce projet de loi. Du revers de la main, par un geste brutal et dédaigneux, on a mis de côté ces documents précieux comme on déchire des circulaires vraiment inutiles. Plus de cent participants à la défense de leurs droits et de leurs privilèges ont subi cette discrimination odieuse et ce rejet que je trouve vraiment méprisant. Nous, de l'Opposition, nous unissons nos voix à ces protestations qui se sont exprimées et soulevées de toutes parts par des télégrammes, des lettres, des téléphones adressés soit au président ou aux différents députés de l'Opposition et du gouvernement.

M. le Président, on a même poussé l'intolérance jusqu'à refuser à notre porte-parole, le député d'Argenteuil, de lire ces communiqués de désapprobation, au début de nos séances régulières. Ce procédé des plus démocratiques permettait de faire parler les absents et, au moins, de faire passer les éléments de leur message. Mais, même là, aucune considération pour ces mini-représentations et aucun respect de la liberté d'expression de ces intervenants, qui se trouvaient ainsi brimés, d'après moi, dans leurs droits les plus élémentaires et les plus fondamentaux.

Autres considérations sur la discrimination qui a prévalu dans le choix des intervenants. Qui a choisi unilatéralement les mémoires présentés à cette commission? Nul autre que le ministre Laurin et ses adjoints. Aucune consultation, aucune concertation avec l'Opposition dans la liste des élus et des dossiers acceptés. Seuls les membres de cette semaine ont été suggérés par le parti de l'Opposition et, là encore, on en a rayé quelques-uns pour ajouter quelques sélections gouvernementales. Notre porte-parole, le député d'Argenteuil nous a vraiment défendus. Il est intervenu souvent, énergiquement, mais inutilement, devant cette manipulation arbitraire et vraiment abusive.

Et pour en venir à un exemple plus frappant de cette discrimination injuste, on a eu à la table parlementaire - cela, dès la première semaine - la Fédération québécoise des directeurs d'école, favorable au projet de loi et, d'autre part, on a refusé à cette même table la venue de l'Association des directeurs d'école de Montréal, qui s'est dissociée de la fédération provinciale et qui était vraiment contre certains éléments fondamentaux de ce projet de restructuration. Alors, on se demande encore aujourd'hui pourquoi deux poids deux mesures, pourquoi accueillir avec ferveur, avec faveur et déférence un groupe de directeurs qui apportaient la myrrhe et l'encens à M. le ministre, et pourquoi couper la parole à ceux qui résistent et apporter leur tête sur un plateau à ce même ministre de l'Éducation.

Hier soir, à notre tour, nous sommes passés sous la guillotine. J'étais vraiment triste et même indigné de voir que c'est le député de Fabre qui fut, peut-être malgré lui - il ne me regarde pas - l'exécuteur de cette basse manoeuvre ourdie dans l'ombre par les instances ministérielles. Pourtant, comme le disait notre porte-parole, le député d'Argenteuil, après avoir entendu cent intervenants, il nous semblait toujours, cependant, entendre des choses nouvelles venues des différents coins de la province, comme hier, par exemple, les interventions de Grand-Portage, de l'Estrie et de l'Abitibi-Témiscamingue. Voilà que, par un geste honni par tous les participants de l'Estrie qui étaient présents ici, hier soir, au salon rouge, on a mis fin de façon abrupte et vraiment disgracieuse à l'audition de ces mémoires.

Je reviens aux directeurs d'école de Québec et de Montréal. Cette sélection demeure une preuve manifeste d'une manipulation frauduleuse et d'une discrimination mesquine. Pourquoi les directeurs d'école de Montréal voulaient-ils

être entendus? Parce qu'ils voulaient venir en commission pour contredire l'opinion diffusée par certains médias d'information qui laissaient croire que tous les directeurs d'école du Québec formaient un bloc monolithique et qu'ils étaient tous d'accord avec le projet de loi. Fausse rumeur véhiculée facilement par les adulateurs du gouvernement alors que, selon le président de l'ADEM, celle-ci avait des positions radicalement opposées sur des points essentiels. L'ADEM et les autres directeurs dissidents sont d'accord pour que l'école devienne un pivot du système scolaire, mais elle s'oppose au projet de loi 40 sur des éléments fondamentaux. Ils craignent que l'école puisse devenir, avec les conseils d'école qui sont prévus dans le projet de loi, le centre de convoitise et d'appropriation de groupes habilités au noyautage et à l'affrontement et que l'école ne devienne ainsi une structure conflictuelle et un lieu d'infiltration politique.

Les directeurs, par ce projet de loi, deviennent vraiment - un grand mot - des factotums, c'est-à-dire des hommes à tout faire, excepté s'occuper de la pégagogie et on voit leur rôle politisé de plus en plus. Ils rejettent aussi, nos directeurs d'école, le principe d'une double allégeance à la commission scolaire et au conseil d'école. Comment peut-on servir deux maîtres et répondre à leurs désirs possiblement opposés, d'une part, la commission qui établit les politiques et distribue les ressources et le conseil d'école qui donne les mandats? (17 h 45)

Les directeurs d'école, par ailleurs, se disent très ouverts à la participation des parents, mais ils recherchent la formule afin que cela ne dégénère pas en conflits et en confrontations inutiles qui détruiraient vraiment l'acte pédagogique et la saine atmosphère dans nos écoles.

Le mémoire des directeurs d'école des Laurentides abonde dans les mêmes mises en garde. Ils ne sont pas d'accord avec l'implantation d'un conseil d'école décisionnel. Ils s'inquiètent du fait que le projet de loi le présente comme le seul moyen d'atteindre les objectifs de décentralisation. L'ADEL, des Laurentides, comme l'ADEM, de Montréal, n'ont pu faire entendre leur voix et leurs avis, boycottés toujours par l'intransigeance du ministre. Ils ne sont pas, d'ailleurs, les seuls à ne pas avoir eu voix au chapitre. Vous avez l'Association of Catholic Principals of Montreal et l'Association of Directors of English Schools qui ont connu la même expulsion parce que trop franches et trop directes. Le ministre s'est privé ainsi, mais on dirait qu'il s'en fout, de la contribution et de l'expérience pertinente que possèdent au niveau de l'école les directeurs d'école francophones, anglophones, protestants ou catholiques.

Pour poursuivre sa voie sinueuse vers le but ultime de son projet de loi, soit sa promulgation, le ministre utilise maintenant les pompes à incendie pour éteindre tous les feux de discorde qu'il a allumés et qui lui bloquent le chemin. M. le ministre n'hésite pas à éteindre ces feux de broussailles par la promesse d'une réécriture complète de son projet. Mais tout le monde s'interroge et tout le monde doute. Pourquoi? Parce que, comme je le disais ces jours-ci, M. le ministre, étant très cultivé, sait très bien jouer avec les mots et les phrases, mais change rarement d'idée.

Je crois, après avoir tout vu et tout entendu depuis cinq semaines, que toutes ces idées et ces subterfuges pour M. le ministre, ça importe peu. Qu'il y ait consensus ou non, la loi passera, disait l'empereur Laurin, soutenu par son prédécesseur, l'ineffable Jacques-Yvan Morin, qui a servi de poteau à M. le ministre, à ses forces défaillantes, et aussi au ministre Raynald Fréchette qui a été appelé hier soir comme piquet d'urgence.

M. le ministre a peur d'aller vers le peuple, comme le défiait le président de l'Alliance, comme, d'ailleurs, le PQ a peur d'aller en élection générale. C'est malheureux parce qu'après le référendum, le "renérendum" nous aurions eu droit à un "laurinrendum".

Une voix: Le ministre n'aime pas ça.

M. Hains: Le public s'apprête à rejeter cette formation politique qui ne sème sur ses pas vraiment, de ce temps-ci surtout, que répulsion, comme l'ont si fortement manifesté hier soir les citoyens de l'Estrie dans notre salon rouge.

Le ministre Laurin va connaître son Waterloo. La résistance s'organise et nous, de l'Opposition, nous ne céderons pas d'un pouce et, plus petit un peu, d'un centimètre. La morgue - je pèse bien mes mots parce que j'ai réfléchi en les écrivant - le mépris du peuple, la fatuité, l'orgueil ont toujours perdu leur maître. Vous y goûterez à votre tour et le jour approche à grands pas. Les dieux terrestres ont des pieds d'argile et s'effondrent souvent sous les applaudissements du peuple. Continuez à vous gonfler de votre prétendue supériorité, messieurs, et de votre arrogance. Méprisez quelque peu vos adversaires et les citoyens. M. le ministre, écoutez, si vous voulez, votre intelligentsia et votre ordinateur qui est déjà hors normes au lieu d'écouter la population qui crie au PQ son désaveu et sa désapprobation. Comme la grenouille de la fable, vous périrez dans votre orgueil et le mépris du peuple québécois. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saint-Henri. M. le député de

Westmount.

M. Ryan: M. le Président...

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: ...est-ce que le gouvernement consentirait que l'on reprenne le débat à 20 heures au lieu de maintenant? Autrement le discours de M. le député de Westmount sera interrompu en plein milieu. Je pense que, au besoin, nous pourrions reprendre à 19 h 50.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, s'il y a consentement...

M. Ryan: II n'y aurait aucun temps de perdu de cette manière-là.

Le Président (M. Blouin): ...nous suspendons donc nos travaux jusqu'à 19 h 50.

(Suspension de la séance à 17 h 51)

(Reprise de la séance à 19 h 58)

Le Président (M. Blouin): Mesdames, messieurs, la commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Au moment où nous nous sommes quittés, j'allais donner la parole à M. le député de Westmount.

M. Richard French

M. French: Merci, M. le Président. Merci également au député de Fabre, adjoint parlementaire au ministre de l'Éducation, pour son accueil chaleureux. Je vais toucher trois sujets, peut-être quatre si j'en ai le temps, ce soir. Je voudrais d'abord identifier les principaux thèmes qui ressortent de l'exercice amorcé, depuis déjà deux ans maintenant, de la réforme structurelle de notre système éducatif. Dans un deuxième temps, je voudrais parler de la justice sociale qui se fait au moyen de la péréquation à l'intérieur des commissions scolaires. Troisièmement, je toucherai à certains problèmes structurels et organisationnels qui découlent du projet de loi 40 tel que constitué actuellement.

Tout d'abord, je pense qu'on peut dire au ministre et à son adjoint parlementaire que, si on regarde la situation actuelle par rapport à ce qu'elle était il y a quelque deux ans, on peut constater que les efforts substantiels de la part du gouvernement et des intervenants du milieu scolaire ont abouti à un consensus sur un certain nombre de sujets importants, quant à l'intégration primaire et secondaire des commissions scolaires, quant à la nécessité de mécanismes assez souples pour déterminer la confessionnalité au niveau de l'école et dans certains milieux, quant à un désir de décon-fessionnaliser un peu moins poussé que certaines personnes et certains techocrates l'auraient imaginé et quant au renforcement du désir des parents de participer à la chose scolaire. C'est - et on peut en identifier d'autres - sur la base du consensus, par exemple, sur la nécessité de réduire le nombre, non seulement par rapport au secondaire I, mais aussi par rapport à la division géographique des commissions scolaires; cela n'est pas, dans son ensemble, négligeable, c'est même impressionnant comme résultat d'un examen par le gouvernement et par toutes sortes d'autres agents dans le milieu éducatif. Je pense que le gouvernement et le ministre pourraient bâtir sur cette base-là une réforme importante, opportune, qui satisferait une large proportion de ceux et celles qui ont donné leur temps et leurs énergies à travailler à la problématique que le ministre présentait il y a deux ans.

Je voudrais donc, dans un premier temps, inviter, par votre entremise, M. le Président, le ministre et le gouvernement à se poser la question suivante: Est-ce qu'il ne serait pas possible, compte tenu du manque de consensus qu'il y a à bâtir sur ces éléments, qui semblent acquis, qui sont importants, qui sont dignes de l'effort investi, plutôt que d'essayer de pousser dans les domaines - c'est le moins qu'on puisse dire - auxquels les intervenants pensent qu'on ne devrait pas toucher du tout, est-ce que la réforme devrait être entreprise par un projet pilote, par des expériences plutôt que par des changements à l'échelle de la province, tout d'un coup?

On nous dit que le Parti québécois a la réforme scolaire dans son programme électoral; donc, les gens ne devraient pas être étonnés de la voir venir sur le tapis. Je pense que, à ce niveau-là, c'est peut-être vrai. Mais je me demande, vu la quantité de propositions qu'il y a dans le programme du Parti québécois, si le fait de faire partie de ce programme, en termes relativement généraux, et après une victoire électorale du Parti québécois, devrait normalement donner lieu à ce qu'on peut appeler honnêtement un mandat populaire à procéder à une réforme aussi radicale que celle prévue dans le projet de loi 40. Autrement dit, je pense que, si le gouvernement veut vraiment préparer le terrain de façon propice pour la réforme, c'est le genre de sujet qui devrait être débattu au cours d'une élection. Et si le gouvernement veut préparer cette élection, il est maintenant en mesure de faire en sorte que le projet pilote et les expériences se fassent là où la volonté locale se dessine comme une base appropriée pour de telles expériences.

M. le Président, à mon avis, le gouvernement devrait reconnaître qu'il traite d'une des institutions les plus intimement liées aux

besoins de tous les parents, de tous les Québécois et que, lorsque le gouvernement touche une telle institution, il y va de sa crédibilité, il risque sa vie. Le gouvernement pense que la réforme qu'il a entreprise est réellement nécessaire? Nous ferons face, d'ici un an et demi, à une élection. Comme nous n'avons pas entendu un mot de la réforme scolaire lors de la dernière campagne, que le gouvernement fasse des expériences et qu'il mette sa réforme scolaire dans son programme électoral pour que tout le monde puisse être entendu sur cela.

Passons maintenant à un deuxième point que je voudrais toucher, c'est celui de l'importance de l'équité sociale, de la justice sociale à l'intérieur des commissions scolaires. Qu'est-ce qu'on veut dire par cela? La réforme préconise une série d'écoles dont la "gouvernance", si vous voulez, se ferait par le biais d'un conseil d'école et d'une série de comités de parents satellites du conseil d'école avec des responsabilités très susbtantiellement accrues par rapport aux pouvoirs actuels qui résident à ce niveau.

Les commissions scolaires sous l'égide du projet de loi 40 auraient plus une vocation administrative qu'une vocation pédagogique. Elles seraient moins les lieux de décision que l'école. C'est d'ailleurs l'école pivot, l'école lieu de décisions qui est un des fondements du projet de loi. Or, tout de suite, nous remarquons l'importance des ressources humaines disponibles au niveau de l'école pour assumer ces nouvelles responsabilités. On contaste que plusieurs comités d'école se disent déjà impuissants face à la grandeur du défi et qu'ils ne se trouvent pas prêts à assumer de telles responsabilités. Par contre, d'autres sont très enthousiastes et même emballés par cette possibilité. Par exemple, certaines écoles publiques de mon comté, un milieu assez favorisé, des parties de mon comté sont assez favorisées, les gens ne sont pas tous aisés... Je vois déjà les parents, advenant le cas que le projet de loi soit adopté, en train d'aller chercher des fonds substantiels additionnels pour leurs écoles. Je les vois préparer des projets locaux très intéressants.

Par contre, je vois certaines écoles pas très loin de ces écoles, dans mon comté et au sud de mon comté, qui, elles, éprouveraient des difficultés énormes à trouver suffisamment de personnes pour participer de façon régulière et efficace au conseil d'école. Comme le fonctionnement des commissions scolaires actuel le permet, il pourrait se faire d'abord un appui au niveau de la commission scolaire pour les écoles en milieu défavorisé: un appui technique, professionnel et un appui financier important qui découle des marges de manoeuvre des commissions scolaires actuelles et de leurs pouvoirs actuels. C'est- à-dire que les commissions scolaires - au moins celles que je connais sur l'île de Montréal - sont en mesure d'allouer les fonds disponibles de leur marge de manoeuvre et de les canaliser vers les écoles situées dans des milieux moins privilégiés ayant des besoins plus substantiels. Le ministre a déposé hier un document que j'ai lu avec intérêt; ce document contient une formule qui divise les sommes d'argent nécessaires par rapport aux besoins locaux des enfants dans plusieurs commissions scolaires.

Cependant, j'ai cherché, dans le document, des indications sur la façon dont cela se ferait, non pas à partir de normes qui sont seulement mécaniques et mathématiques, mais par une péréquation financière entre les écoles sous l'égide d'un projet de loi qui fait en sorte que les commissions scolaires sont substantiellement affaiblies et sont constituées des représentants des écoles, et donc chaque représentant a pour fonction de protéger les intérêts de son école. On sait que les élections à la commission scolaire se font par le suffrage universel et les gens entrent à la commission scolaire identifiés à la commission scolaire et non pas à une école en particulier, identifiés peut-être à une région du territoire de la commission scolaire.

Comment cette redistribution, comment cette péréquation, comment cette équité sociale, qui est soutenue et appuyée par la péréquation qui se fait de façon informelle, mais importante, à l'intérieur des commissions scolaires, se ferait-elle, à l'avenir, sous l'égide du projet de loi? Il y a peut-être un moyen, mais il n'est pas évident à beaucoup d'autres intervenants dans ce dossier.

Vient ensuite, dans le même ordre d'idées, le choix des écoles. Il y a la possibilité d'une stratification sociale et intellectuelle de l'école ou des écoles entre elles qui se dessine de façon plus aiguë si le choix de l'école est réel et non pas illusoire. Il me semble que l'élitisme pourrait s'enraciner davantage sous un tel système que sous le système actuel, alors qu'il y a des limites sur la mobilité des étudiants dans les écoles publiques. Si on veut voir où cela peut nous amener ou, en tout cas, où cela pourrait potentiellement nous amener, on n'a qu'à examiner la situation des écoles publiques aux États-Unis. Les écoles pu-pliques, aux États-Unis, au niveau élémentaire, sont réellement des créations locales. Les différences entre ces écoles sont dramatiques.

Je connais la situation à Boston, où les écoles primaires sont distantes d'un ou deux milles. Vous trouvez, dans une école, des enseignants mal payés, des étudiants venant de milieux défavorisés, une base de taxation locale et une assiette fiscale très faible. À un mille de là, dans une banlieue privilégiée, vous trouvez une origine ethnique très

différente. Vous avez une école où les enseignants ont un salaire qui est peut-être de 20% à 25% plus élevé; il y a des ordinateurs dans chaque salle de classe; parfois, les professeurs possèdent un doctorat; les étudiants qui en sortent vont peut-être pouvoir poursuivre leurs études dans les meilleures universités des États-Unis. (20 h 15)

Pour ma part, j'ai toujours été enthousiaste pour que le marché libre fonctionne, pour les libertés individuelles et pour les droits de la personne, etc., mais, au niveau éducatif, lorsqu'il s'agit de l'avenir des enfants, je suis en faveur de standards à l'échelle de la province. Je défendrai devant n'importe qui, sur une base de distribution de services à toute la population d'un territoire donné, notre système par rappport au système américain. Je regretterais que cette réforme que nous discutons ici donne encore lieu à des écarts à l'intérieur même de notre système scolaire, donne lieu à l'élitisme et empêche la péréquation telle qu'elle fonctionne actuellement. J'ai dit "je regretterais", je reste prêt, M. le député de Vachon et M. le député de Fabre, à être convaincu que j'ai tort. J'essaie de faire valoir mon point de vue.

Le problème de base, celui de la structure, je n'ai pas - le président l'indique - le temps de l'éplucher complètement. Je n'ai même pas le temps de l'amorcer convenablement. Il me semble évident que, dans une situation où chaque école se trouve relativement indépendante, le recours que le conseil d'école aura se fera inévitablement au ministère plutôt qu'à la commission scolaire puisque la commission scolaire devient une espèce de fantôme par rapport aux commissions scolaires actuelles, devient une espèce de société de débats entre les représentants des écoles; là, aucun intérêt de niveau plus élevé que chaque école ne pourra s'articuler. Tous et chacun des représentants vont se voir comme délégués de leur conseil d'école et de leur école au sein de la commission scolaire et auront la responsabilité de tirer les couvertures autant que possible dans la direction de l'école.

Je suggère au ministre d'abord de se satisfaire des accomplissements importants qui sont ceux du gouvernement et de toute la société québécoise dans ce débat, de ne pas embarquer la société et le système éducatif dans une aventure de réorganisation structurelle alors que les problèmes se dessinent dans d'autres contextes et de m'expliquer pourquoi la stratification et l'élitisme ne s'enracineraient pas davantage sous l'égide du projet de loi 40.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le député de Westmount. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.

Il faut peut-être rappeler que nous sommes encore ici ce soir parce que le député de Fabre, hier soir, présentait une motion de clôture, se jugeant suffisamment informé et arrêtant ainsi l'audition des mémoires.

Cet après-midi, nous avons fait un amendement pour essayer de plaider en faveur de tous ceux et celles, organismes ou individus, qui avaient demandé de se faire entendre à cette commission parlementaire après avoir consacré localement de nombreuses heures de réflexion, de travail et réuni des groupes importants. Nous connaissons maintenant le sort qui a été réservé à notre amendement. Le gouvernement, par sa majorité, l'a tout simplement rejeté, convaincu qu'il possède toute la vérité et pas du tout convaincu que peut-être il aurait eu encore à apprendre, d'autant plus que nous commencions à peine depuis deux jours à aborder les problèmes des régions plus éloignées qui, d'ailleurs, pour la très grande majorité, ne trouvaient pas de place à cette commission parlementaire, n'ayant même pas été invitées.

Ceci étant dit, M. le Président, je n'ai pas du tout l'impression que nous réussirons à faire retirer ou à battre, si l'on peut dire, la motion de clôture du gouvernement. Dans notre régime parlementaire, on a parfois l'impression que la démocratie s'exerce à tous les quatre ans - parfois cela prend cinq ans - au moment des élections. Je pense que c'est peut-être à ce moment-là que la population rendra son véritable verdict.

Je vais profiter des quelques minutes qui me sont allouées pour revenir à ce qui m'apparaît un aspect fondamental et extrêmement important de ce projet de loi et sur lequel, je pense, a porté probablement la majorité des heures que nous avons passées ici, soit le nouveau partage des pouvoirs qui serait fait entre les différents paliers du système scolaire, en m'arrêtant particulièrement sur le palier de l'école. Je devrais parler uniquement de nouveaux partages entre les commissions scolaires et les écoles, et non pas de nouveaux partages entre le ministère de l'Éducation, les commissions scolaires et les écoles, puisque le ministère de l'Éducation ne cède aucun pouvoir, en reprend, et que ce partage se fait vraiment uniquement à partir d'une transmission de pouvoirs du niveau de la commission scolaire à l'école.

Ce qui importe particulièrement à l'école et ce qui a, j'en suis certaine, mobilisé surtout les parents, c'est cette notion de pouvoirs qu'on dit vouloir leur accorder. Fort bien. Je pense que la nature humaine étant ce qu'elle est, les députés

aimeraient peut-être gruger un peu les pouvoirs du cabinet et le gouvernement provincial voudrait gruger un peu les pouvoirs du gouvernement fédéral; quand on fait miroiter une augmentation de pouvoirs, tout le monde est heureux et en veut un peu plus. Dans ce sens, je comprends la réaction des parents.

Je comprends également la réaction des parents qui ne veulent pas uniquement non plus le pouvoir pour le pouvoir, mais qui se disent: Si nous avons un peu plus de pouvoirs, on aura peut-être moins de problèmes dans les écoles. Je pense que c'est un sentiment fort légitime que, comme parent moi-même, je peux fort bien comprendre. Mais, encore faut-il s'assurer qu'on pourra exercer ce pouvoir, qu'il ne créera pas de conflit et qu'il permettra, en fin de compte, une meilleure harmonisation des efforts de tous ceux qui travaillent à l'intérieur du système scolaire.

Je relisais rapidement quelques-unes des opinions émises par les parents en commission parlementaire. Nous avons, d'une part, la Fédération des parents du Québec qui se dit évidemment favorable au projet de loi 40, parce qu'il va justement donner aux parents les pouvoirs décisionnels qu'ils désirent exercer, particulièrement dans le domaine de la pédagogie. Si vous relisez attentivement, vous trouverez cela. Même chez ce groupe qui dit avoir fait approuver, qui a fait approuver - c'est sa déclaration, et non pas "qui dit" - son mémoire par une majorité de parents, il y a quand même des ambivalences.

J'aimerais vous référer à la page 40. Il demande au ministre de rendre obligatoire la création des comités d'école qui maintenant, comme je le disais cet après-midi, sont devenus consultatifs. Je lirai ce qu'il dit textuellement, et je cite: "Si un tel organisme consultatif n'existe pas - en se référant au comité d'école qui existe présentement dans une école - il y a un risque certain que les parents, reliés au processus décisionnel, se laissent accaparer par une foule de problèmes d'ordre administratif ou politique et s'éloignent de l'enfant et des conditions concrètes qui président à son éducation."

On sait fort bien que, dans le projet de loi, les pouvoirs décisionnels qui sont accordés aux parents non seulement peuvent être conflictuels avec les commissions scolaires, mais peuvent l'être aussi avec les responsabilités des autres personnels dans les écoles, à commencer par les enseignants ou même la direction de l'école. C'est assez inquiétant d'entendre cette affirmation de la Fédération des parents qui dit: Dans le fond, est-ce qu'on va recréer au niveau de l'école ce qu'on déplore présentement au niveau de la commission scolaire où on sait qu'une majorité des commissaires sont des parents, mais qu'on accuse de ne pas être assez sensibles aux problèmes de l'école? Tout de suite, on revoit surgir cette difficulté au niveau de l'école.

Je lisais également - j'espère que je vais le retrouver - le mémoire du Comité central des parents de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Ils disent également - je pense que c'est important qu'on fasse part ici des deux points de vue -que les pouvoirs attribués à l'école sont exercés par un conseil d'administration multipartite où les parents sont majoritaires. En tant que premiers responsables de l'éducation de leurs enfants, les parents veulent désormais prendre part aux décisions qui orientent la vie éducative et pédagogique que l'école offre aux enfants. Je pense qu'ils peuvent déjà le faire, mais ils le réaffirment, en tout cas. Deux paragraphes plus loin, on lit: "À plusieurs occasions, les parents de la CECM avaient exprimé des inquiétudes quant à la préparation des divers milieux - ils écrivent ce qui suit entre parenthèses - (lire: parents) à assumer les pouvoirs ainsi attribués à l'école. Les articles 86 et 216 du projet de loi tiennent compte de ces inquiétudes. Alors, l'école devrait pouvoir remettre en totalité ou en partie seulement des responsabilités qu'elle ne souhaite pas exercer à un moment donné. Ces pouvoirs seraient, par la suite, récupérés graduellement selon les désirs des écoles."

Là aussi, vous avez cette ambivalence. On dit: Oui, on en veut plus, mais on est quand même assez conscients de certaines limites, peut-être de certaines difficultés pour des écoles à exercer ces pouvoirs décisionnels; alors, laissez-nous une soupape et on pourra les exercer ou pas, les redéléguer à la commission scolaire ou non.

Je ne répéterai pas ce que disent certains parents qui s'opposent à cette remise de pouvoirs décisionnels aux parents dans l'école: Nous avons développé un mode de concertation qui a été un mode évolutif, qui repose sur une meilleure concertation, sur une meilleure compréhension, sur une volonté véritable de tout le monde et, à partir de cela, nous avons développé nos projets éducatifs; il y a des endroits où on exerce des pouvoirs décisionnels qui ne sont pas nécessairement ceux que le projet de loi veut nous donner; c'en sont peut-être d'autres; on ne peut pas forcer les mentalités, on ne peut pas forcer les attitudes, il faut davantage les laisser évoluer, quitte, peut-être, à prévoir, là où il y a des problèmes de communication, des mesures incitatives, mais surtout ne légiférez pas la concertation.

Il faut s'inquiéter - je suis certaine que la majorité des parents s'en inquiète aussi -quand on sent que les enseignants ont été laissés de côté dans cette nouvelle orientation ou ces nouveaux pouvoirs qu'on

donne à l'école. La seule place que le ministre leur a fait, c'est: les enseignants, s'ils le désirent, pourront être représentés au conseil d'école. Comme résultat, on a vu les directeurs d'école venir ici - non pas l'ensemble des directeurs d'école, mais la Fédération des directeurs d'école - nous dire: Nous ne voulons pas d'enseignants au conseil d'école. Nous avons entendu des parents dire, quand on leur a posé la question: Oui, c'est bien important les enseignants dans l'école, mais il n'en faut pas plus d'un; il n'en faut pas plus de deux; il faut que nous soyons majoritaires. À ce moment-là, j'aimerais rappeler aux parents que l'école ne va évoluer que dans la mesure où on veut laisser aux enseignants la place qui doit leur revenir. (20 h 30)

M. le Président, j'aimerais à cet égard faire référence à ce document qui vient d'être publié par le Conseil supérieur de l'éducation et qui est intitulé: Les défis de l'école secondaire. C'est sûr que le ministre en a pris connaissance, connaissant son esprit de travail, même s'il travaille de longues heures ces jours-ci. Dans ce document, on dit justement à quel point il est important, si on veut vraiment résoudre les véritables problèmes de l'école, de revaloriser l'enseignant, de lui donner la place qui lui appartient dans l'école, qu'il soit vraiment lui aussi... On cherchait tout à l'heure qui devait être le pivot de l'école. On disait: L'école pivot, mais qui va être le pivot? Il faut bien se le dire, l'éducation, cela se passe dans la classe, et le pivot de l'école, c'est l'enseignant.

Je n'ai pas le temps de continuer plus longuement, mais je veux simplement dire aux parents que nous partageons leurs préoccupations et que c'est un équilibre délicat à établir à l'intérieur d'une école. Vouloir gérer l'école avec toutes les situations conflictuelles - nous avons eu l'occasion de les étudier - qui surgissent, si l'on tient compte des contradictions de certains articles, de l'ambiguïté du partage des pouvoirs, etc., il faut bien que les parents se demandent: Est-ce que c'est ce qu'on veut, en fin de compte, pour nos enfants? Qu'on veuille participer davantage, que dans certains domaines on leur donne un pouvoir décisionnel, mais faut-il le leur donner à partir d'un conseil d'école? Faut-il le leur donner à partir d'un conseil d'orientation qui fonctionnerait? Il faudrait se questionner. Quelles sont les raisons pour lesquelles le conseil d'orientation, qui n'a même pas trois ans d'existence, qui existe dans quelques écoles à peine - on dit six ou dix dans l'ensemble du Québec... Cela devrait peut-être inviter le gouvernement et le ministre, en particulier, à réfléchir. Est-ce qu'on met en place, tel que prévu dans le projet de loi 40, le cadre qui va permettre justement à l'école d'évoluer et à l'éducation de s'améliorer?

Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Blouin): II vous reste un peu moins de cinq minutes, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais simplement répéter ici ce que l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires du Québec est venue nous dire. Je pense que nous tous, autour de cette table, avons quand même pu apprécier la qualité des directeurs généraux. Ce sont des gens qui, depuis la réforme de l'éducation - et probablement avant, mais parlons de la réforme de l'éducation - ont eu la charge de mettre en application tous les changements qui sont survenus dans le domaine de l'éducation. Ils l'ont fait, je pense, avec beaucoup de responsabilité. Quand on les entendait parler, je pense qu'on réalisait qu'ils connaissaient ce dont ils parlaient. L'association des directeurs généraux disait: "Nous défendrons la compétence actuelle du réseau scolaire ainsi que la libre et véritable prise en charge de l'évolution des milieux par les communautés de base, mais nous nous opposerons cependant à tout processus visant une uniformisation encore plus grande du système scolaire. Le temps des perpétuels combats pour réaliser des changements doit être révolu. Il faut investir dans ceux qui offrent des garanties suffisantes de succès, de manière à permettre une nécessaire quiétude dans la réalisation de l'activité éducative."

On a l'impression, non pas l'impression, mais la quasi-certitude, qu'avec le projet de loi 40, tel qu'il est devant nous, nous n'améliorerons pas le système scolaire, nous n'améliorerons pas la qualité de l'éducation, mais nous mettons en place les éléments pour que le système d'éducation que les parents souhaitent de plus en plus décentralisé devienne de plus en plus centralisé. Les directeurs généraux disaient encore: "Le projet de loi 40 ne prévoit aucune véritable décentralisation de pouvoirs vers les autorités locales. Il procède plutôt à l'émiettement et à la dilution des pouvoirs locaux au point de les rendre inconsistants face à l'omniprésence de l'État. Cette multiplication des centres de décisions risque fort d'augmenter les conflits et n'améliorera en rien la qualité de l'éducation."

M. le Président, en terminant, je dis au gouvernement qu'il ne faut pas refaire l'erreur d'appliquer un modèle rigide et uniforme. Parmi nos nombreux invités, plusieurs sont venus nous dire: Ne faites pas cela; nous avons été assez uniformisés; tout est assez rigide et, encore, dans ce livre, on parle de rigidité, de grilles-horaires, de

programmes qui font que, finalement, même quand on parle de projets éducatifs et d'une coloration spéciale pour chaque école, on sent combien même cet objectif est menacé par la rigidité et toute la complexité des directives et des règlements qui viennent du ministère de l'Éducation.

En terminant, je fais miens ces propos de plusieurs témoins qui sont venus ici: la concertation, les changements d'attitude, l'évolution des mentalités, la participation, la créativité ne se légifèrent pas. Nous avons déjà en place un cadre suffisamment rigide. Il ne faut pas aller vers un cadre plus rigide, encarcaner tous les intervenants dans un cadre qui, justement, empêchera d'atteindre les objectifs que, fort honnêtement, le ministre essaie d'atteindre. Il ne faudrait surtout pas - je le dis aux parents - que l'on multiplie les situations de conflits, mais que l'on crée plutôt un climat qui aide à résoudre les nombreux problèmes auxquels l'éducation fait face présentement et que les parents ont eux-mêmes, à plusieurs occasions, fort bien identifiés. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Merci, M. le Président. Je vais essayer d'être bref, parce que cela fait déjà cinq semaines qu'on discute du projet de loi 40 en commission parlementaire. Nous sommes ici depuis 10 heures, ce matin. Ce n'est pas que je n'aie pas le goût de continuer, mais il y a d'autres intervenants qui voudraient prendre la parole. Je veux surtout m'attarder à la présente motion et à une évaluation globale de la commission au cours de ces cinq semaines. Je pense que c'est important.

Ce que je veux faire en commençant, c'est remercier beaucoup de gens, ceux qui ont présenté un mémoire, tous et chacun, pour le temps qu'ils ont mis à la préparation, aux rencontres, aux discussions, et pour nous l'avoir envoyé. Je pense que cela mérite d'être mentionné. Cette commission aura eu comme avantage - il ne faudra jamais l'oublier - de faire une certaine concertation, d'amener ici, à cette même table, dans cette salle, des gens de toutes les tendances, de toutes les croyances du monde de l'éducation, de discuter ensemble de l'avenir de l'éducation et d'évaluer ce qui s'est fait au Québec dans ce domaine depuis 20 ans. Je trouve que c'est déjà en soi quelque chose d'extraordinaire. Je veux remercier ceux qui sont venus nous présenter leur mémoire, ceux qui ont attendu de longues heures avant de le présenter et qui, très patiemment, ont répondu à nos questions.

Pour ceux qui ne sont pas venus, parce qu'ils n'ont pu être invités, j'aimerais les rassurer. La discussion, tout au cours de la journée, m'a personnellement rassuré et les membres de la commission ont pris effectivement connaissance des mémoires. Il a fallu le faire pour préparer la liste des intervenants. Il a fallu s'informer, lire les mémoires. Tous ceux qui ont pris la parole ont souvent repris et apporté des témoignages de mémoires qui n'ont pas été présentés ici, à la table des invités. C'est la preuve que les gens peuvent être sûrs et certains qu'ils n'ont pas travaillé pour rien, que la commission va tenir compte des mémoires qui ont été présentés, aussi de ceux qui ne l'ont pas été en commission et qui nous ont été soumis pour dépôt. On en a pris note. La preuve en a été faite ici toute la journée parmi les membres de la commission.

Je veux aussi remercier mes collègues, membres de la commission, pour le sérieux qu'ils y ont mis. L'éducation est certainement l'un des points majeurs d'une société. Le débat s'est toujours fait à un niveau très élevé, on doit le reconnaître et je pense que c'est bon de le mentionner. Il faut également remercier tous ceux qui nous ont aidés, de près ou de loin, qui ont travaillé - et je ne veux nommer personne -qui ont prodiqué les conseils et fourni les services techniques. C'est important, parce que, durant cinq semaines, nous avons été ici à entendre beaucoup de personnes, à avoir des discussions souvent longues, mais qui ont toujours été très intéressantes, très importantes et très productives, j'en suis certain.

Ceci étant dit, la motion porte sur le fait que les membres, se jugeant suffisamment informés, peuvent maintenant cesser les auditions. La discussion de toute la journée ne fait que me convaincre davantage. Oui, les membres sont bien informés. On ne peut en douter pour certaines personnes ici à la table parce que le problème soulevé par le projet de loi 40, la réforme qu'on veut y apporter, n'est pas nouvelle. Mon collègue a dit tantôt que c'est l'aboutissement du rapport. Au cours des années, il a été question de ces fameuses structures et des personnes vont s'en souvenir parce que même le député d'Argenteuil, comme éditorialiste, avait pris position sur les projets de loi 62 et 28, vous vous en souviendrez, vers la fin des années soixante ou au début des années soixante-dix, sur le même sujet. Ces projets de loi ont été retirés, mais ils traitaient du même sujet. Nous sommes treize à quatorze années en avant maintenant. Donc, je pense que c'est un aboutissement qui s'en vient avec la loi 40.

Les gens sont informés parce que ce débat est dans le décor depuis longtemps. Il

est dans le décor, il ne faut pas l'oublier, depuis quelques années, soit depuis l'apparition du livre blanc et du projet de loi 40. Oui, on a écouté des gens présenter des mémoires; oui, on a lu des mémoires dont les gens n'ont pu venir discuter, mais, depuis deux ou trois ans, on s'est promené aussi. Le ministre a rencontré des groupes; des députés aussi - probablement des deux côtés - en tout cas, je peux parler pour moi. Dans mon comté, j'ai fait des dizaines d'assemblées publiques pour rencontrer des groupes sociaux, que ce soit les Chevaliers de Colomb, l'AFEAS ou différents groupes, des comités de parents, des comités d'école et des commissions scolaires, pour discuter du livre blanc et, ensuite, du projet de loi 40, au point où les gens des commissions scolaires, chez nous, que j'ai rencontrés n'ont pas émis le souhait de venir ici faire une présentation, pour deux raisons: premièrement, parce qu'on s'était rencontrés et qu'ils m'avaient fait leur doléances et, deuxièmement, parce que leurs demandes étaient semblables à celles de plusieurs autres groupes qui sont venus ici faire des représentations. Donc, il faut aussi faire attention.

Si l'on regarde la journée d'hier, qui fut également très productive, à mon avis, à certains moments donnés, il y avait des moments étirés. Là-dessus, je voudrais reformuler le souhait - en réponse au député de Westmount - ou les excuses que je suis allé exprimer aux gens de l'Estrie, hier soir, qui ont été, en somme, victimes du système démocratique dans lequel on vit à l'Assemblée nationale. S'il est vrai qu'ils ont été choqués que cela se produise, ils l'étaient moins - et je dois vous dire qu'ils l'étaient beaucoup moins - à la fin de la discussion, lorsqu'ils ont compris qu'un jeu démocratique se joue au salon rouge et que ce jeu était joué correctement des deux côtés, dans le sens qu'habituellement - et il ne faut pas l'oublier - nous avons entendu jusqu'à six mémoires régulièrement par jour, durant ces cinq semaines. Hier, parce que l'Opposition a fait un jeu démocratique, on n'en a entendu que deux et demi. Nous avons dû faire cette fameuse motion et les gens ont compris. Donc, pour ce qui est des gens de Sherbrooke et des environs, je dois vous dire, M. le député de Westmount, que c'est avec plaisir que j'ai terminé la soirée avec eux, hier soir, et c'est avec plaisir que je vais les rencontrer, parce qu'ils ont compris.

En gros, c'est ce que je voulais dire, M. le Président, parce que c'est un sujet très important; cela nous a permis d'en discuter énormément, mais je voudrais rappeler l'importance de ces cinq semaines. Si l'on n'a pas entendu tous les mémoires, on vient quand même - il ne faudrait pas que les membres de la commission l'oublient, M. le Président - de battre - excusez l'expression - de défoncer un record, encore une fois, dans les annales de l'Assemblée nationale, par le nombre de mémoires entendus et par le temps consacré à ce sujet. Il serait donc faux de prétendre qu'on n'y a pas mis tout le temps nécessaire; cette commission bat des records par le nombre d'heures qu'on y a consacrées et le nombre de mémoires qu'on y a entendus. Je pense qu'il est bon qu'on le mentionne. (20 h 45)

Maintenant, le projet de loi 40 vient de franchir une autre étape. Si, d'autres fois, on en a discuté mais qu'on n'a pas réussi à rendre cela en projet de loi, si vraiment on est sur le point d'apporter à notre système d'éducation des structures qui soient meilleures et qui permettent d'aller plus loin, il faudrait avoir le courage d'aller plus loin, il faudrait avoir le courage de faire adopter ce projet de loi en tenant compte, bien entendu, des remarques qui nous ont été faites par tout le monde. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Shefford. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Nous sommes face à une motion qui vise à mettre fin aux auditions sur le projet de loi 40. Après avoir entendu près de 100 mémoires au cours des cinq dernières semaines, il est évident que le projet de loi n'est pas voulu par la grande majorité de la population. C'est un projet de loi massif, qui vise à changer toutes les structures et tous les rôles et pouvoirs de tous les intervenants du système.

En dépit de l'insistance du gouvernement à dire que c'est un projet de décentralisation, toute l'évidence que nous avons indique que le projet de loi va centraliser les pouvoirs plus que jamais dans les mains du ministre de l'Éducation. Le pouvoir de réglementation qu'on trouve dans le projet de loi est inacceptable dans une démocratie. De plus, le projet de loi dévalorise les commissions scolaires en leur retirant le rôle de leadership pédagogique. Le projet de loi morcelle le pouvoir des gouvernements locaux et laisse les écoles affaiblies devant un ministre tout-puissant. Les pouvoirs promis aux parents dans les écoles, selon notre analyse, seront effectivement illusoires, avec le danger qu'on va décourager au lieu d'encourager la participation réelle et satisfaisante des parents.

Le projet de loi va certainement politiser l'école et politiser le rôle du directeur de l'école, ce qui va aggraver les tensions entre les enseignants et les parents, et rendre le directeur de l'école incapable de

remplir son rôle légitime, soit le rôle de leader pédagogique de l'école. Il est évident que les provisions en ce qui concerne la confessionnalité sont ambiguës et contradictoires, et risquent de susciter des conflits malheureux dans nos écoles. S'il y a un certain consensus dans les commissions scolaires linguistiques hors de l'île de Montréal, un tel consensus n'existe pas sur l'île de Montréal. Il y a une demi-douzaine de questions majeures sur le plan de la constitutionnalité du projet de loi et il faut absolument les clarifier devant les tribunaux avant d'aborder les réformes de structures et de pouvoirs proposées dans le projet de loi

S'il y a consensus sur une question, M. le Président, c'est que le projet de loi aura pour résultat de semer la confusion dans tout le système scolaire. Et ce qui est pire, il n'y aura aucune assurance que tous les changements amélioreront la qualité de l'éducation. Tout ce dont on peut être sûr, c'est que, pendant une période prolongée, l'énergie de tous les partenaires du système sera détournée des problèmes d'importance directe pour l'apprentissage et ce, au détriment de nos élèves.

Il y a un an et demi, pratiquement deux ans maintenant, un groupe de députés libéraux a fait une tournée de la province. Lors de ces rencontres que nous avons eues dans toutes les régions du Québec, nous avons entendu la même histoire: Nous avons eu assez de changements dans nos écoles. Nous n'avons pas besoin d'un chambardement inutile dans nos écoles. Nous avons subi des confrontations lors de chaque ronde de négociations avec les enseignants et les autres effectifs du système scolaire. Nous avons vécu la loi 101 et, pour les anglophones, celle-ci a eu et a encore un impact énorme sur l'avenir des écoles et autres institutions anglaises. Pour les francophones, la loi 101 a imposé de nouveaux ajustements à cause d'une clientèle de plus en plus diversifiée qui impose des changements sur le plan pédagogique et confessionnel.

Nous avons vécu plusieurs changements de règles du jeu sur le plan budgétaire. Nous avons vécu, dans les écoles, des coupures budgétaires sévères, qui ont grandement diminué les ressources humaines, surtout sur le plan professionnel. Nous avons vécu des changements démographiques à cause du changement de pattern de l'immmigration, de la baisse du taux de naissance, des surplus des effectifs dans les écoles et des fermetures d'écoles. On a vécu une augmentation du nombre et de la gravité des problèmes sociaux, des problèmes familiaux qui sont reflétés dans nos écoles: la violence, le vandalisme, la drogue, le suicide, les familles monoparentales. Tous ces changements dans notre société sont reflétés dans la vie de chaque école.

Nous avons vécu une crise économique qui a aggravé les problèmes des plus démunis. Nous avons vécu une réorganisation des services de santé et des services sociaux dans nos écoles. Nous avons vécu plusieurs consultations: le livre orange, le livre vert, le livre blanc des ministres de l'Éducation; on a dépensé énormément d'énergies dans l'étude du livre blanc et, maintenant, dans l'étude du projet de loi 40. Nous avons vécu une multiplication des règlements qui viennent du gouvernement; ils ont alourdi de plus en plus les tâches administratives des cadres et des principaux des écoles.

What we heard all over the Province -and I think we are still hearing - is that there is one enormous point of consensus and it is that this law is not really wanted, that this law holds no promise of an improvement in our education system. Quite the contrary, it could put us into chaos for many years to come.

What I think the large majority of the people are saying is: What we want is some peace and stability in our schools. They are not saying that they want the status quo, far from it; they are saying that there are some real problems in the schools that must be addressed, and they must be addressed in a systematic and concerted manner. The government has got to start playing a new kind of a role and stop producing laws, regulations and various initiatives that provoke confrontation and divide teachers from parents, from school boards and from the other partners in the education system. Let us start looking at real problems of education together and what are some of these real problems, and they will not be solved by fancy laws in changing all the structures.

People want a better quality of education. First of all, we have to truly decentralize and that does not mean deconcentrate. That is the minister's version of decentralization. It means: Let us revalue, let us put some real powers, pedagogical powers, financial powers, administrative powers, in the hands of our school boards, so that they become real local governments with the capacity to be responsible to the people they serve. I do not believe that there will have any trouble getting a good turnout at school boards elections when those boards have real powers and can be responsible to the people they serve.

Let us look at the dropout situation. I think it is pretty disgraceful that 30% of our students do not graduate from highschool. The minister says that he is going to clean it up in five years. I do not believe it. I do not think it is possible, but I think that something can be done and I think that it has to start very early in school. The potential dropouts in schools, the people who are not going to make it, so-called through

school, can be identified normally very early in school. You do not have to wait until highschool to find them. We have to start teaching children and get away from thinking that school is teaching subjects. The quality of education is the relation of the teacher to a student. It is a human relationship. It is a dynamic relationship. It is a very special individual relationship and it is not a course, it is not a book and it is not a new program. That is why we have to get back to looking at children, not at subjects. The same goes for highschools. I think that the climate, the quality of life in our highschools, in many of our highschools, is not acceptable. Why, do we think, that all these people are going to private school? Because they are looking for a better quality of life. They may not learn more mathematics; they may not learn more science; they may not learn more music or history, but they get a better quality of relationship, a better feeling about themselves, a better sense of self-respect of their own potential. That is what education is all about. (21 heures)

We have to start believing in the possibility of children with special problems. We have to stop thinking that a change of policy, that we are going to integrate children into regular classes and, somehow, the law will become normal. It will just not happen. It is going to take a lot of resources, a lot of caring, and perhaps a lot of money to help children with special needs to make it, but the money that we spend when they are young and maybe when they are very young - before school - is worth every nickel because it is going to cost our society 10, 20, 30 times what it costs to educate them well. Later on, it will cost us 20 times, in terms of human misery and social costs of picking up the pieces. These are just some of the problems that I think that we have to address ourselves too.

We have to look at first and second language learning. When we went on our tour around the province, a year and a half ago, we heard this everywhere. It did not matter whether we were in the Saguenay or in Gaspé, or in Outaouais, or in the city of Montreal, we heard the same everywhere: We want two things for our children. We want them to speak English and French and we want them to be mobile so that they can take jobs wherever the jobs are.

I think that is high time that the people of Québec recognize that we must have two languages for everybody. It is the only realistic way to look at the language learning. Language learning expands potential; it is not a threat. The last thing that I think that we should look at is something that we talk a lot about, and there are a lot of reports lying around about, but we do not do much about it, is the whole business of preparing our children for the world of work. That is a tough problem. I think that our schools are failing. They have been failing for a long time, and the gap between the world of school and the world of work is getting wider all the time. We have to redress it and we need people in our schools that can bring the world of work to the school and the school to the world of work. We have to look at new ways of abridging that gap because the traditional ways are not sufficient.

Mr. Chairman, I think if we can do just some of these things, we would be doing an awful lot more for the quality of education than Bill 40. I hope that the Government will have the courage not just to rewrite it, but to withdraw it.

Thank you.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier. M. le député de Vachon.

M. David Payne

M. Payne: J'ai appris beaucoup pendant cette commission parlementaire avec mes collègues et avec les membres de l'Opposition. J'ai écouté avec une certaine assiduité les propos de tout le monde et particulièrement les propos de ceux qui sont venus nous rencontrer pour présenter devant la commission leur vécu.

J'ai appris beaucoup de choses auxquelles j'étais très peu sensibilisé. D'autres expériences ont confirmé mes propres convictions. Pour moi, c'est une expérience d'apprentissage. Loin d'être un champion du statu quo, je suis de plus en plus convaincu que le gouvernement qui dirige les intérêts des Québécois, à l'heure actuelle, devrait aller de l'avant. Si ce n'est pas notre gouvernement, il faudra que cela soit un autre. Les efforts entamés depuis maintenant 20 ans doivent aboutir, à un moment donné, à une politique globale. Dans cette commission, nous avons essayé de chercher les consensus et, également, de voir quels étaient les points de divergence auprès des différentes communautés et des différents individus. Comme l'a dit le député de Westmount un peu plus tôt, il y a un consensus, par exemple, sur la notion de l'intégration élémentaire et secondaire dans les écoles, au sein de la même commission scolaire. Il y a un consensus également, aussi paradoxal que cela puisse paraître à première vue, sur la notion de la déconfessionnalisation. Il faut bien faire attention parce qu'on ne veut pas dire par cela éliminer toute notion de confessionnalité de nos écoles, loin de là, mais la garantir au niveau de l'école et élargir la notion de confessionnalité jusqu'aux valeurs morales

pour que chaque école puisse, tout en se dotant de son propre projet éducatif, avoir aussi la possibilité d'offrir des services à ceux qui voudraient recevoir à l'école un témoignage des valeurs morales et confessionnelles.

J'ai beaucoup appris sur le sujet tendancieux de la question linguistique dans les écoles. Nous avons vu un grand consensus selon lequel il fallait diviser les commissions scolaires au niveau de la langue plutôt qu'au niveau de la confessionnalité. Là encore, aussi paradoxal que cela puisse paraître, l'Opposition voudrait, me semble-t-il, minimiser ces grands consensus au niveau de l'intégration, au niveau de la déconfessionnalisation des commissions scolaires pour nous faire croire que cela peut se faire très facilement. On a même l'impression qu'on pourrait procéder sans amender le projet de loi et les lois qui existent déjà. C'est un non-sens. Chacun de ces chapitres exige de la part de l'État, du ministère, des intervenants, des agents de l'éducation, des commissions scolaires, des parents, des comités de parents des écoles, des directeurs généraux des commissions scolaires et des directeurs d'école des responsabilités énormes, des efforts énormes. Il n'est pas facile de procéder, même avec ces trois chapitres; tout cela représente un défi de taille pour la communauté québécoise.

Nous avons aussi essayé de regarder la situation dans les autres pays. On sait très bien que les comparaisons peuvent être boiteuses parfois, mais c'est seulement un aveugle... Je m'excuse, je ne veux pas avoir de préjugés, mais je veux dire qu'on ne devrait pas être aveugle à ce qui se passe dans les autres pays, dans les autres provinces, aux États-Unis et en Angleterre. Je lisais pendant l'heure du souper la loi de la Nouvelle-Écosse; c'est toute une loi. La loi de l'Ontario est énorme; c'est une pile, une brique écrite d'une manière très laborieuse. Sans témoigner de la même économie que le projet de loi 40, elle est écrite d'une manière très disparate, déconnectée. La loi de la Nouvelle-Écosse parle des droits et responsabilités des enseignants. Pour tout membre d'un syndicat québécois, ce serait véritablement un cauchemar que de voir écrit dans la loi de l'éducation de la Nouvelle-Écosse une espèce de décret sur les responsabilités, les droits, par exemple, qui existent ou qui n'existent pas pour une enseignante enceinte, la possibilité de suspendre l'enseignante. C'est quelque chose qui n'est pas à jour, qui ne reflète pas le Canada d'aujourd'hui.

Je pense que le Québec se situe dans un "main stream" de développement, un "main stream" caractérisé par beaucoup de préoccupations soulevées, à juste titre, d'ailleurs, par la députée de Jacques-Cartier, il y a quelques minutes. Je pense que son témoignage était un éloquent plaidoyer pour un changement majeur dans notre système d'éducation.

J'ai appris beaucoup sur le rôle exigé par les parents. Je rencontre les parents de mon comté très souvent. La commission scolaire qui englobe exclusivement le comté de Vachon est la commission scolaire de Taillon. J'ai reçu un télégramme l'autre jour du président du comité de parents qui siège au sein de la commission scolaire et qui s'est vu exclu de toute participation aux délibérations de la commission scolaire, il y a deux semaines, au moment où la question d'un réaménagement des écoles était à l'étude. Il m'écrit et il me demande ce qu'il peut faire. Il me dit que, si jamais il y avait un plaidoyer pour une réforme, pour une représentativité réelle avec ce qu'on dit en anglais un "input", une contribution positive, c'était bien le projet de loi 40.

Il y avait tout un réaménagement des écoles proposé il y a quelques semaines par la même commission scolaire. J'ai été tenté de recommander au ministre de les inviter à venir à la commission. Cela a chambardé beaucoup de parents, beaucoup d'élèves. Il y a un parent qui est venu me voir et il dit: Mon enfant a changé d'école trois fois en quatre ans à cause des politiques de la commission scolaire. Je dois dire en passant que j'entretiens d'excellents rapports avec tous les commissaires de cette école. Mais le point est fait, est enregistré, que ces parents n'avaient pas de pouvoirs décisionnels. Je vais les rencontrer encore dans quelques jours pour discuter avec eux du manque de pouvoirs décisionnels qu'ils ont au sein du système actuel. Je ne peux pas prétendre être un champion du statu quo et je ne suis pas, non plus, un prophète de malheur. Je ne partage pas le négativisme des fois exprimé par les membres de l'Opposition.

Je ne suis pas, non plus, insensible à certains problèmes ou préoccupations soulevés tout à l'heure, là encore à juste titre, de la part du député de Westmount. Je ne voudrais pas refaire pour lui la démonstration que nous avons essayé de faire au chapitre de la péréquation, comment la formule s'applique, comment elle pourrait s'appliquer dans l'avenir. Mais je suis persuadé - parce qu'on achève nos travaux - que nous avons apporté les assurances nécessaires pour illustrer le fait que ces garanties sont maintenues dans le projet de loi. Même, à certains égards, elles sont améliorées. Et, si elles ne sont pas claires, j'aimerais bien être la première personne à apporter un argument additionnel au ministre pour que le projet de loi puisse être plus clair à cet égard.

J'ai appris beaucoup sur les préoccupations de notre milieu anglophone. Le projet de loi n'est pas suffisamment clair, à mes yeux, concernant une infrastructure

administrative et pédagogique de soutien pour notre milieu anglophone. Je considère que, si nous sommes prêts à donner la possibilité d'un projet éducatif à l'école, avec une garantie énorme, avec les commissions scolaires linguistiques, ce n'est pas suffisant que le projet de loi laisse une simple garantie dans l'article 206 concernant le soutien pédagogique de la commission scolaire; il faut aller plus loin, il faut être plus explicite.

J'aimerais demander, la semaine prochaine, à ma collègue, la députée de Jacques-Cartier, de s'asseoir avec moi pour qu'on puisse trouver les formules, améliorer ce chapitre-là. De notre côté, nous allons nous réunir la semaine prochaine pour discuter de quelle façon nous pouvons bonifier le projet de loi. Et mon invitation est de bonne foi. I am sure it is an offer that she could not refuse! Et avec la collaboration du député de Westmount, après l'intérêt extraordinaire et remarquable qu'il a témoigné depuis deux jours, je pense bien qu'à trois personnes on peut bonifier davantage le projet de loi!

Mme Lavoie-Roux: Voulez-vous changer de côté? Ce sera peut-être plus facile!

M. Payne: Mon plaidoyer, ce n'est pas de m'approcher de votre côté, mais plutôt d'essayer de vous approcher de notre côté...

Le Président (M. Blouin): Bon, bon.

(21 h 15)

M. Payne: ...pour que vous puissiez voir que le projet de loi n'est pas un testament pour la fin du monde, mais plutôt un plaidoyer pour un changement nécessaire et légitime. C'est quelque chose qui se met dans le "main stream", un projet avant-gardiste, mais surtout réaliste.

Concernant les considérations apportées par le milieu anglophone pour que ce dernier puisse avoir une présence accrue au sein du ministère, une présence accrue au sein d'une structure administrative pour soutenir les intérêts, au point de vue de la pédagogie, de la communauté anglophone, je pense qu'elles sont toutes légitimes.

C'étaient les quelques considérations que je voulais apporter. J'en ai plusieurs autres, mais le temps me manque. En terminant, j'aimerais remercier les membres de la commission en souhaitant que le gouvernement puisse procéder avec cette réforme dans le même esprit qu'elle a été commencée et poursuivie au cours des cinq dernières semaines. Soit dit en passant, à mes yeux, cette commission parlementaire a été la plus intéressante à laquelle j'ai assisté depuis plusieurs années. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Vachon.

M. le député d'Argenteuil. M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, nous approchons du terme des travaux de cette commission parlementaire avec un sentiment de frustration et de regret. Nous y avons mis toute notre énergie pendant plusieurs semaines, comme vient de le souligner le député de Vachon. Nous avons abordé le travail dans un esprit d'accueil, de gratuité, acceptant de nous laisser conduire dans toute la mesure du possible par les représentations qui nous seraient faites en provenance de toutes les parties, de tous les milieux du Québec. Malheureusement, nous avons dû constater que, du côté du gouvernement, l'itinéraire était tracé d'avance, d'une manière rigide et inflexible.

J'entendais le député de Shefford dire, tantôt, que la motion de clôture a été présentée par le gouvernement à la suite des légers retards qui ont pu se produire au cours de la journée d'hier. Je pense que son absence des jours précédents a peut-être infléchi son jugement qui, d'ordinaire, est assez équilibré. S'il avait suivi l'actualité en relation avec le projet de loi, il saurait très bien que cela fait une semaine que le gouvernement préparait l'opinion publique, par les médias, à l'introduction de cette motion de clôture. Ce ne sont pas du tout les événements d'hier qui ont été la source de la motion de clôture. C'est le plan arrêté d'avance par le gouvernement, dès le début des travaux de cette commission. Cela indique une certaine inflexibilité qui est, malheureusement, caractéristique du gouvernement.

À cause de cette attitude, nous devons laisser de côté de très nombreux organismes. Je voudrais parler en particulier des nombreuses commissions scolaires que j'avais inscrites sur la liste d'organismes que nous aurions dû entendre avant de terminer les travaux, non pas parce que nous aurions partie liée avec les commissions scolaires, M. le ministre, non pas parce que nous approuverions tout ce que font les commissions scolaires, mais parce que nous considérons que, dans ce débat, les commissions scolaires avaient un droit spécial d'être entendues à deux titres différents: premièrement, parce qu'elles sont constituées de citoyens qui ont reçu un mandat démocratique de leurs concitoyens pour s'occuper des questions d'éducation aux niveaux primaire et secondaire - je dirais même que les membres des commissions scolaires sont les seuls parmi nous tous qui aient reçu un mandat direct et explicite de leurs concitoyens pour s'occuper des questions d'éducation et en parler en leur nom - deuxièmement, parce que la loi leur confère, comme vous le savez, la

responsabilité de fournir des services d'enseignement aux niveaux primaire et secondaire et de s'assurer que les écoles publiques du Québec dispensent une formation de qualité sur tout le territoire du Québec.

Quand on est investi d'un mandat aussi fondamental dans le secteur de l'éducation, il me semble qu'on a un droit spécial à être entendu et qu'on ne doit pas être placé sur le même pied que les membres de bien des organismes qui ont été invités par le gouvernement à se présenter ici. Je pense qu'on a un droit spécial. Dans ce cas-ci, l'attitude suivie par le gouvernement trahit, malheureusement, le manque de compréhension qu'il a toujours manifesté et que le parti que représente le gouvernement, le Parti québécois, maintient encore dans son programme à l'endroit des commissions scolaires. Je pense que le Parti québécois n'a pas compris la signification profonde des commissions scolaires dans la tradition québécoise, dans la structure démocratique de la société québécoise. L'affront qu'on a fait à la commission scolaire régionale de Sherbrooke, hier soir, et à toutes les commissions scolaires qui ont été laissées de côté est un exemple éloquent de cette attitude. Il y a bien d'autres groupes dont je voudrais parler mais je m'en abstiendrai étant donné la brièveté du temps dont je dispose.

Avant de conclure, je voudrais résumer, les principales observations que je retire de l'expérience des dernières semaines. Tout d'abord, nous avons appris que beaucoup d'expériences de décentralisation de la commission scolaire vers l'école sont en cours à travers le Québec et ce, depuis de nombreuses années. Nous avons appris, par conséquent, qu'elles sont possibles sous la loi actuelle et qu'elles pourraient être poussées encore plus loin dans bien des cas, mais que, déjà, elles sont beaucoup plus structurées que ne l'auraient laissé entrevoir les discours qu'on a confectionnés pour justifier le projet de loi. Mais, en même temps que nous avons appris ces faits, nous avons appris que les modèles de décentralisation varient beaucoup d'une commission scolaire à l'autre, d'une région du Québec à l'autre et même, à l'intérieur d'une commission scolaire, d'une école à l'autre, suivant le type d'école, suivant le type d'expériences qu'on a faites. Nous avons appris, entre autres, qu'en de très nombreux endroits le type de structure que l'on veut imposer d'autorité par le projet de loi 40 ne serait tout simplement pas applicable. C'est une conclusion que l'on doit tirer des choses que nous avons tous entendues.

Deuxièmement, nous avons appris, en ce qui touche les structures internes de l'école, élément extrêmement délicat et central dans toute l'économie du projet de loi, que les structures que propose le projet de loi 40 menacent d'opposer les agents de l'éducation au lieu de leur faciliter la collaboration et la concertation qu'on attend d'eux. Ces structures menacent d'opposer des parents aux enseignants. On l'a vu à bien des reprises au cours des témoignages que nous avons entendus. Elles menacent d'opposer les directeurs d'école soit au conseil d'école, soit à leur commission scolaire, leur propre employeur; ils seront déchirés entre deux autorités dont on ne sait pas clairement laquelle sera la première. Si on a des doutes là-dessus, on n'a qu'à se rappeler ce que nous ont dit la Centrale de l'enseignement du Québec, la Provincial Association of Protestant Teachers et la Provincial Association of Catholic Teachers. Les témoignages ont été unanimes dans le même sens. On nous a dit: Ce genre de structure est une source inévitable de conflits alors qu'on cherche des structures qui faciliteront la collaboration.

Troisième observation: le projet de loi remet en cause le rôle et le caractère propre des commissions scolaires dans notre société. Il les rebâtit, il prétend les refaire sur une base boiteuse qui serait une source d'inégalités dans leur présentation et de déséquilibre infiniment plus grand que les imperfections que l'on peut déplorer à l'heure actuelle. Il dilue leurs fonctions de manière que, tôt ou tard, elles deviendront des entités insignifiantes à l'intérieur de notre système scolaire. Je pense que nous en avons fait la démonstration, au cours de la dernière semaine en particulier, en montrant combien le faible rôle qu'on leur confie en matière de pédagogie est de nature à en faire des agents tout à fait dénaturés, tout à fait déformés par rapport à ce qu'on a été habitués à attendre d'elles. Je pense qu'il y a une faiblesse fondamentale qui nous a été signalée avec une clarté absolument impressionnante.

Quatrième constatation: le projet de loi, par le vide qu'il créera au centre même de cette structure équilibrée que nous avions, c'est-à-dire au niveau de la commission scolaire, créera une tendance inévitable à l'aspiration des responsabilités et des pouvoirs de décision vers le haut. Au début, on créera une impression de décentralisation vers l'école, mais l'école ne pourra pas vivre isolée. Si la commission scolaire à laquelle elle se rattachait traditionnellement est affaiblie, dépouillée de son rôle véritable, de son leadership en matière pégagogique, ce leadership sera assumé progressivement, à la place, par le ministère de l'Éducation et ses directions régionales.

Nous en avons eu, d'ailleurs, des exemples éloquents. Comme ma collègue de Jacques-Cartier l'a signalé tantôt, le projet de loi se heurte à des difficultés constitutionnelles qui n'ont pas été dirimées, qui sont toujours là sur la table. On peut

feindre de les ignorer pendant un temps. Le gouvernement l'a fait souvent, ce jeu. On a vu ce que cela donne: au bout de quelques années, on est obligé de refaire le chemin qu'on avait mal fait. Or, il se heurte à des difficultés qui n'ont pas été résolues, auxquelles on n'a pas de réponse solide à apporter à l'heure actuelle. S'aventurer sur ce terrain sans s'être assuré qu'on est en terrain solide, je pense que, c'est faire courir à toute la communauté, au gouvernement et à la société politique québécoise des risques injustifiés.

À Montréal, le projet de loi 40 entraînerait le démantèlement de deux structures scolaires majeures de taille métropolitaine: la Commission des écoles catholiques de Montréal et la Commission des écoles protestantes du grand Montréal, qui ont toutes deux joué historiquement un rôle d'innovation, un rôle de leadership et un rôle d'égalisation des chances, qui n'eût pas été possible au même degré si elles n'avaient pas eu cette taille qui leur permettait de constituer des bassins de ressources capables de permettre des initiatives en dehors des sentiers battus.

Autre élément: le projet de loi ne résout pas de manière satisfaisante le problème du statut de l'école en matière religieuse et confessionnelle. Il présente une solution qui, au premier regard, est attirante, mais, quand on l'examine de près, on s'aperçoit qu'une foule de choses clochent là-dedans, qui ont été soulignées, d'ailleurs, à la fois par des gens qui ne veulent pas de la religion dans l'école ou qui veulent lui réserver une place purement marginale et par des gens qui veulent que la religion occupe le même genre de place dans l'école qu'elle a pu occuper il y a un siècle. Je pense qu'il y a encore de la recherche à faire de ce côté, qui n'a pas été faite. Prétendre qu'on est suffisamment informé sur un problème comme celui-là pour être capable de passer au stade de la législation dans un mois, je pense que c'est faire montre d'une grande imprudence.

Dernier élément que je voudrais souligner: le projet de loi ne présente aucune garantie d'amélioration de la qualité de l'éducation. Il survient, au contraire, dans un contexte où la qualité de l'éducation a déjà eu beaucoup à souffrir d'événements traumatisants qui se sont produits ces dernières années et où des réformes importantes d'ordre pédagogique ont été engagées et devraient continuer de requérir le gros des énergies des agents de l'éducation au cours des quatre ou cinq années à venir.

Ma collègue de Jacques-Cartier a mentionné un certain nombre de problèmes auxquels nous faisons face dans le secteur de l'éducation. Le problème de l'éducation des adultes: vous ne viendrez pas, du côté du gouvernement, prétendre qu'on peut sortir un livre blanc dans deux ou trois semaines et le transposer dans un projet de loi deux semaines ensuite. Il va falloir une discussion entre les deux. Si le projet de loi ne traite pas convenablement de l'éducation des adultes, ce n'est pas un projet de loi digne du Québec de 1984, société moderne où l'éducation des adultes doit être une dimension vitale de l'éducation.

Le problème des enfants handicapés, de l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage: on s'est aperçu à l'étude du projet de loi que ce problème n'a pas fait l'objet d'une réflexion approfondie de la part des auteurs du projet de loi. Ce n'est pas simplement en mettant le mot "doit" à la place du mot "peut" à deux ou trois endroits dans le texte du projet de loi qu'on réglera ce problème. Cela demandera des études beaucoup plus approfondies.

Je pourrais continuer l'énumération; je mentionne seulement le problème de la formation professionnelle. On s'en vient avec de très grosses questions: la responsabilité en matière professionnelle, de qui va-t-elle relever? Comment va-t-elle s'exercer par le gouvernement au cours des prochaines années? Le débat est à peine ouvert là-dessus. C'est un très gros débat sur lequel nous avons eu peu de lumière à l'occasion des audiences de la commission, parce qu'il y avait tellement d'autres problèmes à toucher que les circonstances ne se sont pas prêtées à ce qu'on fasse le débat.

Dans un contexte comme celui-là, où toutes nos énergies devraient être consacrées à trouver des solutions à ces défis reliées directement à la qualité de l'éducation, on nous présente un projet qui, pour deux, trois ou quatre années à venir, menace de drainer toutes les énergies vers des activités relatives à des structures, ce que j'appellerais des jeux de blocs, finalement. On va dire: Tu déplaces un bloc ici, tu déplaces un bloc là et, pendant ce temps-là, les problèmes de l'éducation vont continuer de s'aggraver. On aura encore moins de prise sur eux parce qu'on ne peut pas changer le statut d'autant de gens en peu de temps en s'imaginant que tout le monde va continuer à produire sur la ligne de feu de la même manière qu'on pouvait le faire dans un contexte un peu plus stable. (21 h 30)

À cause de tous ces facteurs, M. le Président, je conclus sans aucune hésitation que la commission parlementaire permanente de l'éducation n'est pas suffisamment informée à ce stade-ci pour être capable de conclure qu'elle a terminé ses auditions et qu'elle doit mettre un terme à ses travaux. Elle manque d'un très grand nombre de données dont elle aurait absolument besoin sur plusieurs des questions vitales qui risquent d'être affectées de manière

irréversible par le projet de loi 40. Deuxièmement, nous avons pu constater à maintes reprises, encore au cours des derniers jours, que le gouvernement lui-même n'est pas arrivé au degré et à la qualité de compréhension des réalités concrètes de l'éducation qui lui permettraient de s'engager dans une réforme comme celle-là avec le minimum de sécurité, de garanties de prudence et de doigté administratif et politique qui serait nécessaire.

En conséquence, nous déplorons profondément que le gouvernement en soit venu prématurément, brutalement et arbitrairement à la conclusion que la commission devait mettre fin à ses auditions et nous espérons vivement - nous l'espérerons jusqu'à la toute dernière minute de nos travaux - que le gouvernement voudra réviser son attitude afin de revenir à plus de réalisme et à plus d'accueil envers ceux qu'il refuse, jusqu'à ce jour, d'entendre.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil.

M. le député de Chauveau.

M. Raymond Brouillet

M. Brouillet: M. le Président, il me fait vraiment plaisir de me joindre à mes collègues pour faire connaître mes impressions au terme de ces longs travaux. Depuis cinq semaines, nous avons travaillé à entendre le point de vue d'une multitude de groupes représentant les différents secteurs du milieu de l'éducation dans toutes les régions du Québec. Nous avons tenté, dans un souci d'ouverture, de dégager, à travers cette multitude d'opinions, à travers ces multiples expériences qui nous été livrées, ce qu'il y avait de consensus possible sur des bases solides, sur certains principes de base.

Vous savez, on peut très bien prendre une attitude de rejet du projet de loi purement et simplement parce qu'on y voit certaines difficultés ici et certaines difficultés là, parce que certains groupes y voient des difficultés sous tel aspect, un autre groupe sous tel autre aspect. Il y a certaines personnes et certains membres de l'Opposition à cette commission qui, s'appuyant sur cela, seraient prêts à rejeter, a retirer le projet de loi. On a entendu, cependant, d'autres sons de cloche venant de nombreux groupes. Entre autres, les représentants d'une association de commissions scolaires, venus il y a quelques jours nous parler ici, ont même employé le mot "ridicule" - je cite au texte pour ne pas me faire reprendre par M. le Président -

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Brouillet: ...pour qualifier le fait de laisser tomber cette réforme pour revenir au statu quo après deux ans, trois ans et quatre ans d'efforts de réflexion fournis par les différents milieux de l'éducation, alors qu'on a quand même fait un bout de chemin vers l'avant dans la réforme scolaire - on a fait un bout de chemin - sur plusieurs des points, et pas exclusivement sur les points qui font quasi consensus; la déconfessionnalisation, l'intégration. Il y a aussi le partage des pouvoirs; je l'admets, c'est le point le plus délicat, le plus difficile, là où la base de consensus est la moins large. Mais il y a quand même eu un large consensus aux fins de reconnaître à l'école un pouvoir décisionnel. Il y a eu aussi un consensus pour reconnaître une place importante et primordiale des parents dans ce pouvoir décisionnel de l'école. Alors, pourquoi dire: Retirons tout cela, après tant d'années d'efforts?

M. le député d'Argenteuil dit: On n'a pas encore assez entendu et assez réfléchi. On n'a pas encore assez écouté. Mais cela fait 20 ans qu'on réfléchit, qu'on écoute. Cela fait 20 ans que tout le monde dit qu'il y a des problèmes dans la structure scolaire au Québec. On a mentionné tantôt tous les efforts, les projets de loi, les analyses qui ont été faits depuis 20 ans sur différents aspects. Il faudrait encore se dire: Non, non, mettons cela de côté, attendons encore, écoutons encore, réanalysons la situation, recommençons les consultations, faisons encore le tour de la province, revenons, repartons et ainsi de suite. Écoutez, les gens sont venus nous dire: II est temps d'agir, il serait ridicule de laisser cela de côté. On parle beaucoup des groupes qui ne sont pas venus se faire entendre, qui n'ont pas été invités. Je reconnais très bien qu'il y a des choses d'une très grande valeur qui n'ont pas été entendues ici.

Une voix: Bravo!

M. Brouillet: D'une très grande valeur. Mais nous les avons lues et nous pouvons en juger. Mais je vous dis que nous jugeons que ce qu'il y a de valeur, ce qu'il y a de bien dans tous les mémoires que nous avons lus et que, malheureusement, nous n'avons pas pu entendre ici, nous retrouvons ces différentes facettes de leur analyse de la réalité dans les mémoires que nous avons entendus, dont nous avons eu l'occasion de discuter longuement. C'est ce qui fait que la commission arrive à la conclusion que nous sommes suffisamment bien informés. Cela ne veut pas dire que ceux qui ne sont pas invités n'avaient pas des mémoires très substantiels. Ce n'est pas cela du tout.

Parmi les groupes qui ne sont pas venus se faire entendre - on a mentionné cet après-midi, justement, différents groupes qui étaient favorables au projet de loi - j'ai ici les commissaires de la commission scolaire

de Le Gardeur. Il y a une résolution qui a été votée, adoptée à la majorité des commissaires; cette résolution, adoptée par la majorité des commissaires de la commission scolaire Le Gardeur, demande au gouvernement de légiférer et d'adopter le projet de loi 40. Ces derniers ont fait leur réflexion et ils en sont arrivés à la conclusion qu'il serait peut-être temps d'aboutir.

Je ne pourrais pas tout repasser. Enfin, ce que je veux dire, c'est qu'un bout de chemin a été fait quant aux solutions à apporter aux problèmes de notre milieu scolaire, problèmes qui ont été perçus depuis de nombreuses années au niveau de l'organisation de la structure scolaire. Je crois que, sur la base de ce progrès, le gouvernement étant suffisamment informé a tout ce qu'il faut pour poursuivre sa réflexion à la lumière de ces données, de ces témoignages et revoir le projet de loi pour tâcher de faire les ajustements qui s'imposent. Et il y a des ajustements qui s'imposent, nous le reconnaissons, qui devront aller le plus loin possible dans le sens des observations dont on nous a fait part, observations concernant la difficulté d'application de certains aspects du projet de loi. Alors, c'est dans cette voie que le gouvernement entend travailler dans les semaines ou les mois à venir.

Pour relancer un peu mon confrère, le député de Vachon, qui invitait tantôt Mme la députée de Jacques-Cartier à poursuivre la discussion en vue d'un plus grand rapprochement des points de vue, je serais prêt à inviter la députée de L'Acadie à poursuivre le débat. J'ai été heureux aujourd'hui du ton que Mme la députée de L'Acadie a adopté dans son exposé. J'ai retrouvé son ton serein. Elle a fait part de certaines observations et préoccupations, entre autres, au niveau de l'école, pour assurer la concertation. C'est ce que nous voulons, la concertation à l'école. Sur cette base, il y a lieu d'avoir une concertation tout en reconnaissant un pouvoir de décision à l'école. On s'entend tous sur cela. Il s'agit de voir à organiser un mécanisme pour pouvoir pratiquer cette concertation et cette décision à l'école, qui va pouvoir atteindre l'objectif que nous poursuivons. Écoutez! Tout est encore ouvert dans la mesure où nous poursuivons certains objectifs communs...

Mme Lavoie-Roux: Une invitation?

M. Brouillet: ...et certains principes de base qui nous paraissent très importants, mais, sur la façon de les aménager, je crois qu'il y a encore de la place pour des amendements, il y a de la place pour de l'amélioration et, selon moi, il est temps qu'on continue dans un esprit d'améliorer le projet de loi plutôt que de se buter et de dire: II faut le retirer.

Je remercie tout le monde. Je remercie les membres de l'Opposition qui, sauf une petite incartade... On en a probablement fait, nous aussi, dans le passé.

Mme Lavoie-Roux: Pas dans le passé, hier soir.

M. Brouillet: Oui, enfin.

Mme Lavoie-Roux: Un passé récent!

M. Brouillet: Notre incartade a été provoquée par l'incartade...

Une voix: Par notre travail.

M. Brouillet: ...de l'Opposition, mais, indépendamment de cela, je tiens à féliciter l'Opposition parce que cela nous a permis, avec la qualité des mémoires qui nous ont été soumis... Je crois que le témoignage de tous les observateurs est unanime.

Mme Lavoie-Roux: Notre attitude.

M. Brouillet: Oui, l'attitude de l'Opposition et de tous mes collègues...

M. French: II s'en vient bien, M. le Président.

M. Brouillet: ...et la qualité des mémoires nous ont forcés à rehausser le niveau de notre débat. Je crois qu'il faut profiter de cela pour faire un pas de plus vers les solutions à nos problèmes scolaires.

Merci bien, chers collègues. Merci aux membres de la commission, ainsi qu'à tous ceux qui sont venus nous faire part de la richesse de leur expérience et de leurs réflexions.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le député de Chauveau. M. le ministre.

M. Laionde: M. le Président. Si M. le ministre veut parler avant moi, libre à lui.

Mme Lavoie-Roux: On veut entendre le ministre.

Une voix: M. le ministre. Des voix: Consentement.

Une voix: Consentement pour entendre le ministre.

M. Lalonde: Consentement. J'avais le droit de parole; je lui laisse.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, allez-y.

M. Lalonde: Non, je lui laisse la priorité, M. le Président.

Une voix: On consent.

M. Camille Laurin

M. Laurin: M. le Président, comme nous nous approchons du terme de cette commission parlementaire qui a été la plus longue, à ma souvenance, de l'histoire du parlementarisme au Québec, j'aimerais également exprimer quelques réflexions. Je voudrais, d'abord, remercier les 93 groupes qui sont venus à la commission nous faire part de leurs idées, de leurs convictions, de leurs aspirations et de leurs recommandations longuement élaborées, pour la plupart, au cours de multiples réunions, sur la base de sondages et d'études qu'ils ont faits. Je pense que la somme des mémoires qui ont été préparés, 247, et la somme des mémoires que nous avons entendus et qui ont donné lieu à des échanges parfois très longs nous ont convaincus de l'intérêt profond que la population porte à la cause de l'éducation et de l'amélioration de la qualité de l'éducation au Québec.

Je voudrais également remercier les membres de la commission, autant du côté ministériel que du côté de l'Opposition, pour l'intérêt marqué et soutenu qu'ils ont porté à cette commission parlementaire et pour la qualité des questions qu'ils ont posées aux délégations qui sont venues ici, questions qui allaient au coeur des problèmes, qui avaient pour but et qui ont eu pour effet également de délimiter, de cerner les enjeux fondamentaux de la mission éducative au Québec tels que vus dans le projet de loi 40, mais qui les dépassaient amplement.

Je dois dire que, même si j'ai apprécié les interventions de tous les membres de l'Opposition, j'ai particulièrement apprécié les interventions nombreuses et répétées du député d'Argenteuil. Bien sûr, sa longue expérience et sa longue réflexion sur le sujet dans d'autres milieux, sur d'autres tribunes, conféraient une qualité particulière à ses interventions. Il l'a toujours fait avec sérénité, dans un esprit positif, structurant et avec l'idée, comme un véritable membre de l'Opposition, d'aller au fond des choses et de cerner les difficultés en même temps que les enjeux et les défis d'un projet de loi, il faut le dire, important, qui a pour but non seulement de régler de vieux problèmes, mais, en même temps, de moderniser et d'améliorer la qualité de l'éducation. (21 h 45)

Je pense que l'apport des députés de l'Opposition, et particulièrement du député d'Argenteuil, a été extrêmement précieux. Je dois dire que j'en ai fait particulièrement mon profit et que, même si je n'ai pas toujours commenté comme il se devait toutes ses interventions, toutes ses questions, il a fait une bonne partie du travail que je faisais également moi-même. Bien souvent, j'avais l'impression qu'il posait les questions que je n'avais pas le temps de poser et qu'il se méritait des réflexions, des réponses qui éclairaient la situation, autant pour le gouvernement que pour l'Opposition.

Cependant, au terme du processus, le député d'Argenteuil se dit frustré que l'opération ne se soit pas poursuivie plus longtemps et regrette que d'autres groupes n'aient pu, en plus du mémoire qu'ils avaient déposé, échanger avec les membres de la commission. Je le comprends. Je connais son caractère, son tempérament depuis plusieurs années et je sais qu'il aime faire le tour de tous les sujets qu'il aborde et aller au plus profond des sujets. Je comprends que, par tempérament, il ait pu être frustré que le processus n'ait pu aller aussi loin qu'il aurait toujours souhaité dans ses carrières précédentes pouvoir le faire.

Il reste, cependant, M. le Président, que je suis quand même convaincu que nous sommes allés au fond des choses non seulement parce que nous avons entendu tous les grands partenaires nationaux, leurs répondants régionaux, que nous avons pu cerner tous les thèmes, de fait, qui font l'objet du projet de loi, qu'il s'agisse de l'intégration des niveaux, de la confessionnalité, de la répartition des commissions scolaires selon la langue, des diverses composantes du système d'éducation, mais, également, parce que plusieurs groupes sont venus aborder tous ces mêmes sujets selon des angles différents et que nos questions, des deux côtés, ont pu véritablement cerner, et la totalité du sujet, et l'ampleur et la profondeur de chacun de ces sujets.

Encore une fois, il semble que l'Opposition ne partage pas nos vues à ce sujet et le député d'Argenteuil, dans ses remarques finales, a signifié la liste des sujets sur lesquels il aurait aimé avoir des informations additionnelles. Il en a énuméré huit que je voudrais commenter brièvement. Il est vrai que nous avons entendu plusieurs commissions scolaires venir nous dire que le processus de décentralisation vers l'école était en marche, plus avancé dans certains secteurs, moins dans d'autres, absent à certains endroits, mais que, par ailleurs, l'élan était donné. Je suis d'accord avec lui, bien que, comme je l'ai déjà dit, la parution du livre blanc et la publication du projet de loi 40 ont pu donner une certaine impulsion à ce mouvement. Il reste que je suis d'accord avec lui pour dire que cette décentralisation vers l'école est en marche, que ce soit sur le plan budgétaire, sur le plan pédagogique ou sur le plan administratif. Mais c'est précisément en raison de ce facteur, M. le Président, et parce que

presque tous ceux qui sont venus à cette commission se sont entendus pour dire que c'était là un mouvement, une orientation souhaitable qu'il nous paraît nécessaire de la légitimer, pour ainsi dire, dans un texte de loi, de la favoriser par un contenu législatif et, surtout, de lui fournir des moyens, des supports assurés pour qu'elle se poursuive, pour qu'elle s'accélère et qu'elle puisse se généraliser dans le plus proche avenir à l'intérieur de notre système éducatif.

Avons-nous pris les bons moyens? Cela reste à voir. Nous verrons, à la suite, justement, des audiences de cette commission, des auditions des groupes, s'il n'y a pas lieu d'améliorer, d'assouplir les moyens, les méthodes que contenait le projet de loi 40. Mais il reste que le but du projet de loi est précisément de légitimer, de favoriser, d'accélérer cette décentralisation vers l'école qui constitue un lieu important de prise de décisions sur le vécu pédagogique, sur l'environnement éducatif et, pour tout dire, pour l'amélioration de la qualité.

Le député d'Argenteuil dit aussi qu'il aurait aimé entendre davantage d'opinions sur les méthodes que nous entendons prendre pour assurer cette décentralisation, pour assurer cette concertation. Il craint que ce que nous avons choisi ne favorise, plutôt qu'une concertation, une confrontation, une opposition. Cela est possible, car la nature humaine est ce que nous connaissons et les intérêts, les luttes, la concurrence prévalent dans les relations humaines. Mais il reste aussi que, dans les relations humaines, on voit souvent se former, parfois graduellement, progressivement, en vertu d'objectifs communs, une concertation entre agents qui, au départ, ont peut-être des intérêts, des savoirs, des compétences différents. Ils peuvent, justement, mettre en commun ces expériences, ces savoirs, ces compétences, ces intérêts même différents au service d'une cause qui les dépasse tous, en l'occurrence, au niveau de la mission éducative, le bien des enfants, que tout le monde s'entend à considérer comme la mission propre du système éducatif.

Je pense que ce que vise le projet de loi 40, c'est à favoriser cette concertation, cette constitution d'une équipe-école qui, au-delà de ses intérêts divers, au-delà de ses luttes de pouvoirs, vise quand même un intérêt collectif qui est l'amélioration de la qualité de l'éducation. Encore une fois, est-ce que nous avons pris les bons moyens? Peut-être que non, mais il est possible de réviser ces moyens dans la mesure où nous essaierons de les faire coller davantage à l'objectif qui est le nôtre.

Le député d'Argenteuil déplore aussi que nous n'ayons pas eu d'information additionnelle sur le rôle que doivent continuer à jouer, selon lui, les commissions scolaires en ce qui concerne non seulement un leadership administratif, mais aussi un leadership pédagogique. Je pense que nous avons beaucoup échangé sur ce sujet. Il est devenu clair que le projet de loi 40 ne visait pas à dépouiller les commissions scolaires de tout leadership pédagogique, mais, au contraire, à partager cette responsabilité pédagogique avec un intervenant qui a toujours été là, mais qui était un peu trop absent jusqu'ici, c'est-à-dire l'école.

Comment pouvons-nous arrimer ces responsabilités conjointes en matière de pédagogie, d'amélioration du vécu pédagogique? Cela reste peut-être à voir. Mais je pense que nous avons entendu énormément d'opinions là-dessus, assez, en tout cas, pour avoir une bonne idée des impasses qu'il faut éviter, des obstacles qu'il faut franchir et des objectifs qu'il faut pouvoir atteindre à l'aide d'une gamme de moyens diversifiés que ceux qui sont venus nous voir nous ont suggérés.

Le député d'Argenteuil craint aussi que, par l'octroi de responsabilités plus grandes à l'école, du fait d'un affaiblissement des commissions scolaires et d'un pouvoir trop faible accordé aux écoles, on incite cette structure élevée et puissante que constitue le ministère à intervenir et à s'arroger un pouvoir encore plus grand que celui qu'il possède déjà. Le projet de loi 40 montre que la visée n'est pas une centralisation plus grande des instances gouvernementales. Au contraire, il y a une poussée peut-être insuffisante encore, mais réelle vers une décentralisation, vers une prise de responsabilités par les instances régionales et locales en matière d'éducation, surtout que, depuis 20 ans, les instances supérieures avaient peut-être cru nécessaire d'assumer de plus grandes responsabilités étant donné le rattrapage qu'il y avait à faire. Mais cela n'est plus nécessaire, ni utile, ni opportun, maintenant que les instances régionales et locales sont dotées des équipements, des services et de l'expertise nécessaires. Il convient de les laisser de plus en plus exercer ces responsabilités tout en maintenant au niveau gouvernemental les grandes orientations, soit pédagogiques ou budgétaires, qu'il convient de leur laisser. Je pense que là-dessus nous avons entendu beaucoup d'opinions qui, soit déploraient une centralisation encore trop marquée du ministère ou qui craignaient qu'un partage des responsabilités au niveau régional et local pouvait constituer une incitation au gouvernement et au ministère de l'Éducation, en particulier, à s'arroger plus de responsabilités qu'il ne conviendrait. Je pense que le paysage a très bien été éclairé sur le sujet.

Le député d'Argenteuil a aussi parlé de difficultés constitutionnelles non résolues. Je suis d'accord avec lui qu'elles ne sont pas toutes résolues, malgré qu'il y a plusieurs

causes, depuis une quinzaine d'années, en fait, qui sont en instance devant les tribunaux où nous avons eu des jugements un peu contradictoires qui ne sont pas toujours très cohérents. Mais je peux dire que le gouvernement a pris toutes les précautions pour respecter l'article 93. On ne peut pas garantir la validité des mesures que nous avons prises à cet égard. J'ai entendu avec intérêt les représentations trop peu nombreuses qui nous ont été faites à ce sujet et nous allons sûrement y réfléchir.

Quant à Montréal, le député d'Argenteuil reconnaîtra que nous avons entendu beaucoup de représentations en ce qui concerne le sujet qu'il a lui-même signalé, un démantèlement éventuel des deux grandes commissions scolaires qui ont été une source d'inspiration et de leadership pour la communauté montréalaise, la CECM et le PSBGM. Nous avons entendu beaucoup de groupes qui sont venus faire valoir leurs vues à ce sujet. Je pense que nous avons pu répondre à certains de ces groupes que la visée du projet de loi 40 n'était pas de démanteler des structures qui avaient rendu d'éminents services à la communauté montréalaise, mais, au contraire, d'établir une répartition équitable des services, de l'expertise, pour toutes les clientèles scolaires de l'île de Montréal et non seulement de la CECM ou du PSBGM, étant donné qu'à côté de ces grandes commissions scolaires qui ont fait beaucoup pour l'amélioration de la qualité de l'éducation, il y en avait certaines autres qui étaient dépourvues relativement en raison du bassin très étroit de leur clientèle. Nous avons entendu beaucoup d'opinions là-dessus. La visée du projet de loi 40, encore une fois, n'était pas de priver les clientèles scolaires de Montréal, francophones ou anglophones, des acquis que la CECM et le PSBGM ont pu leur procurer au fil des années, qu'il s'agisse de services communs, qu'il s'agisse de services pédagogiques de grande qualité qu'elles ont pu mettre sur pied en raison de leur taille dans le passé. Il s'agit plutôt d'une répartition plus équitable de ces services et de ces équipements, tout en maintenant la possibilité, pour les futures commissions scolaires de l'île de Montréal, de garder, de maintenir et même de développer ces services communs, mais, cette fois, selon leur volonté. Car, s'il est juste de dire, selon le slogan du maire Drapeau, que "la fierté a une ville", on peut dire aussi, avec tout autant de vérité, que la fierté a une île, puisque c'est à l'île de Montréal qu'il faut penser et non pas seulement à la ville de Montréal comme telle. (22 heures)

Là-dessus aussi, nous avons entendu plusieurs opinions et, comme j'ai eu l'occasion de le dire, la carte scolaire sur l'île de Montréal n'est pas définie encore d'une façon définitive. Elle est perfectible et il n'est pas du tout impossible que de nouveaux aménagements à cet égard constituent une garantie plus sûre de maintien de ces services communs, d'une répartition plus équitable des ressources et des services pour des clientèles scolaires des commissions à venir grâce aux aménagements que, précisément, des remarques que nous avons entendues nous auront suggérés.

Le député d'Argenteuil s'inquiète aussi des aménagements en matière confessionnelle qu'apporte le projet de loi. Je pense qu'il en est satisfait grosso modo, dans l'ensemble du moins, quant à leur visée. Mais plusieurs groupes sont venus nous dire qu'il y avait, quand même, un certain nombre de problèmes particuliers que ne réglait pas le projet de loi 40, qu'il fallait prêter une attention plus particulière au vécu des communautés concrètes, soit laïques, confessionnelles et anglo-catholiques en particulier.

Je suis bien d'accord avec lui que nous aurions pu avoir sur ce sujet des informations additionnelles, mais j'ai quand même l'impression que nous avons fait passablement le tour du jardin. Nous avons reconnu les préoccupations de ceux qui n'ont pas de croyances religieuses particulières ou de ceux qui ont des croyances religieuses très déterminées. Je pense particulièrement à certains groupes de Néo-Québécois ou à ceux qui ont des préoccupations religieuses qu'ils n'ont jamais pu assumer complètement en raison des structures passées et qui voudraient, à l'occasion d'un nouvel aménagement structurel, avoir enfin plus de chances de voir maintenu ou respecté leur système de valeurs ou leurs croyances.

J'ai écouté avec intérêt toutes ces représentations, comme le député d'Argenteuil d'ailleurs. Je pense que nous les avons suffisamment entendues pour penser à des aménagements ultérieurs qui pourraient nous permettre de raffiner, qui pourraient nous permettre de coller davantage à la réalité à laquelle chacun tient, tout en respectant, cependant, les principes auxquels notre communauté québécoise tient de plus en plus: principe de la liberté de conscience, principe du pluralisme religieux, de pluralisme des valeurs.

Enfin, la dernière préoccupation du député d'Argenteuil - il l'a mise à la fin, mais c'était la première; il l'a mise à la fin parce qu'elle résume probablement toutes les autres - c'est celle de l'amélioration de la qualité de l'enseignement. Est-ce que cette réforme, en apparence structurelle, va vraiment contribuer à améliorer la qualité de l'enseignement? Pour lui, la preuve n'en est pas faite. À mon avis, tous les groupes qui sont venus à la commission, d'une façon ou d'une autre, directement ou indirectement, ont abordé ce sujet. Il reste, en effet, à

arrimer d'une façon particulière ces réformes de structures à la visée véritable, essentielle et ultime de la mission éducative et de tous les aménagements structurels imaginables vers cette qualité de l'enseignement qu'il importe absolument d'améliorer en raison de tous les problèmes qui ont été soulevés: vandalisme, absence, formation professionnelle, adaptation de notre système scolaire aux réalités sociologiques d'aujourd'hui. Je suis bien d'accord que c'est là l'objectif fondamental, primordial.

Pour ma part, j'ai été très éclairé par les remarques des 93 groupes qui sont venus nous rencontrer et j'ai quand même vu qu'il y avait un lien étroit, un lien direct même, entre une amélioration des structures et l'amélioration de la qualité de l'enseignement. J'en prends pour preuve cette déclaration de la commission scolaire Le Gardeur que citait tout à l'heure M. le député de Chauveau. À l'appui de leur résolution en faveur du projet de loi 40, les commissaires de la commission Le Gardeur disaient que le but primordial du projet de loi 40 avait toujours été l'amélioration de l'acte éducatif et pédagogique par le rapprochement des agents les plus intéressés à la formation intégrale des enfants. Je pense que ce sont les commissaires de Le Gardeur qui, dans une formule lapidaire et très brève, ont le mieux résumé la visée profonde, essentielle, du projet de loi 40 qui est l'amélioration de la qualité de l'éducation par le biais, bien sûr, de ce qu'on convient d'appeler maintenant le projet éducatif, mais qui, en fin de compte, se traduit concrètement par le rapprochement des divers agents de l'éducation en table de concertation, par l'action conjointe, collégiale, des divers agents de l'éducation autour du vécu de l'école, autour de l'environnement éducatif.

Le député d'Argenteuil, comme la députée de Jacques-Cartier, d'ailleurs, a dit que le projet de loi 40 ne semble pas faire beaucoup de place à des sujets qui sont extrêmement importants, qui sont majeurs, comme l'éducation des adultes, la formation professionnelle, l'intégration des enfants en difficulté d'apprentissage. Je pense qu'il était difficile, encore une fois, d'inclure dans ce projet de loi tous les enjeux de la mission éducative. Ces enjeux font l'objet de politiques différentes qui, bien sûr, auront à s'intégrer dans les structures que prévoit le projet de loi 40, mais il reste qu'on ne peut pas tout inscrire dans un projet de loi. C'est tellement vrai que nous poussons de plus en plus notre politique de formation professionnelle, qui deviendra de plus en plus claire au fur et à mesure que les mois arrivent. Cette politique sera soumise, bien sûr, à la considération de tous les groupes de la société, comme celle des adultes qui sera annoncée prochainement, comme celle de l'intégration des handicapés et des enfants en difficulté d'apprentissage qui a déjà fait l'objet d'un énoncé de politique et qui fera l'objet aussi de mesures aussi bien budgétaires que pédagogiques qui continueront d'être annoncées au fil des mois.

Mais l'essentiel pour nous est que ces nouvelles nolitiques, qui font l'objet de considérations particulières, puissent s'intégrer dans le vécu des écoles, dans le vécu du système éducatif par le moyen de structures appropriées qui permettront aux écoles de se les approprier et de pouvoir les conduire à leur terme qui est, justement, la justice distributive, l'égalité des chances et le développement optimal de toutes les personnes.

Donc, j'ai beaucoup de difficulté à conclure, à l'exemple du député d'Argenteuil, que cette commission ne s'estime pas suffisamment informée. Après avoir fait le tour de toutes les opinions, après avoir défriché chacun des thèmes majeurs du projet de loi, après avoir entendu les grands partenaires de l'éducation, et parfois de longues heures, après avoir lu tous les mémoires qui nous ont été présentés, après avoir entendu les opinions de tous les membres de la commission parlementaire qui ont longuement questionné les groupes qui sont venus nous rencontrer, je pense que l'on peut s'estimer suffisamment informés pour la prochaine étape qui est, justement, l'ajout d'amendements, de précisions, de clarifications, d'ajustements qui sont maintenant possibles grâce à la commission parlementaire.

Je ne voudrais pas terminer ce trop long exposé sans remercier, au nom de tous les membres de la commission parlementaire, notre président qui, je pense, a su mener nos débats avec intelligence et fermeté, qui est grandement responsable de la sérénité qui a prévalu tout au long de nos échanges et qui, dans un esprit d'impartialité intégrale et de bonne humeur absolue, a toujours su nous ramener aux véritables enjeux de cette commission, ce qui lui a permis d'être l'une des plus positives et des plus structurantes qu'il m'ait été donné de connaître.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, cet après-midi, le député de Fabre me reprochait de ne pas avoir assisté aux travaux de la commission parlementaire et, tout à coup, d'apparaître ici comme un étranger. Mes fonctions de leader parlementaire de l'Opposition ne me permettent pas de faire partie d'une commission parlementaire de façon usuelle, mais je rappellerai au député de

Fabre que j'avais occupé la fonction de porte-parole de l'éducation justement au moment où le ministre de l'Éducation publiait son livre blanc sur la réforme scolaire et qu'à ce titre j'ai eu le privilège de faire une tournée du Québec, assisté de plusieurs membres de notre formation politique dont plusieurs sont ici autour de la table, et de me familiariser avec les questions, les problèmes et les réactions des gens.

Je voudrais simplement rappeler aussi qu'à titre de député de Marguerite-Bourgeoys j'ai reçu une demande formelle de la part de la commission scolaire de Sault-Saint-Louis, qui recouvre le territoire de mon comté, d'être entendue ici à la commission parlementaire, ce qui ne pourra être fait à la suite du diktat ministériel. Je pense que je n'ai pas besoin d'aller plus loin et de demander au député de Fabre la permission de parler.

M. le Président, je voudrais situer simplement ma courte intervention dans la perspective de la réforme parlementaire qui, dans quelques semaines à peine, commencera à être appliquée à l'Assemblée nationale et aux commissions parlementaires. Cette réforme prévoit que, lorsqu'une commission parlementaire est appelée à entendre des intervenants, elle n'est pas tenue de les entendre tous. D'ailleurs, je pense que je rejoins l'attitude du député d'Argenteuil et du groupe de l'Opposition qui n'a jamais prétendu qu'on devait entendre tous les intervenants, tous ceux et celles, tous les groupes qui ont produit un mémoire. Il y en a plus de 200. Donc, notre attitude, ainsi que le prévoit la réforme parlementaire, est raisonnable et n'est pas absolue dans le sens que nous avons reconnu qu'il n'est pas nécessaire d'entendre tous ceux qui nous font parvenir un mémoire.

Mais, dans la réforme parlementaire, la consultation de l'Opposition est nécessaire. C'est une règle fondamentale qui n'a pas été utilisée ici à la commission parlementaire dont nous terminons malheureusement les travaux à la suite de la décision ministérielle. Je voudrais simplement rappeler aux membres de la commission que l'autocratie ministérielle, doublée de la servilité d'un adjoint parlementaire, seront désormais incompatibles avec les travaux de notre Parlement et c'est une bonne nouvelle. Je pense que nous avons raison de protester et de combattre cette attitude arrogante du gouvernement qui va à l'encontre des intérêts des Québécois.

J'entendais tout à l'heure le ministre dire: "Nous sommes allés au fond des choses." Si vous me le permettez, j'étais ici à cette commission parlementaire, M. le ministre, peut-être dans une autre salle, lors de l'étude du projet de loi 101. Vous nous aviez dit que vous étiez allé au fond des choses. Six ans plus tard, votre propre gouvernement a dû réformer des dispositions de la loi 101 par la loi 57, a dû reconnaître le bien-fondé de nos remarques après combien de dommages créés par votre loi à la population du Québec et surtout à ses minorités. Oui, nous vous avions mis en garde contre un certain nombre de dispositions illégales, dont les cours ont d'ailleurs reconnu l'illégalité. Mais aller au fond des choses, M. le ministre, cela peut être un peu subjectif. (22 h 15)

Je veux simplement dire que j'espère que ce qui se passe ici ce soir est le dernier exemple de la suffisance d'un gouvernement essoufflé qui est de plus en plus étranger aux préoccupations de la population. C'est pour cette raison que nous, de ce côté-ci de la table, ne pouvons pas vous suivre dans votre démarche. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. M. le député d'Argenteuil. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Est-ce qu'on a fait le tour, M. le Président? J'ai un droit de réplique. Je ne sais pas si le député d'Argenteuil veut intervenir avant moi.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil désire intervenir, en effet.

M. Leduc (Fabre): Je ne sais pas, il a peut-être une question de règlement ou autre chose.

Le Président (M. Blouin): Non, il désire intervenir. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: En vertu du temps de parole dont il dispose.

Le Président (M. Blouin): C'est cela.

M. Ryan; Pour votre information, pour que vous vous endormiez tranquille, j'avais droit à 20 minutes et j'ai pris 14 minutes, me dit le président.

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais rappeler au député de Fabre qu'il n'a pas de droit de réplique sur une motion en commission parlementaire. C'est seulement en Chambre.

Le Président (M. Blouin): Nous allons vérifier cet élément. M. le député d'Argenteuil.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, qu'on soit sans inquiétude du côté du gouvernement, je n'entends pas revenir sur le fond du débat.

J'ai eu l'occasion de m'exprimer tantôt. Le ministre a exprimé ses opinions. Il est de coutume dans nos débats que le gouvernement ait le dernier mot. Nous n'entendons pas renverser l'ordre des choses en ayant, cependant, l'assurance qu'on peut toujours continuer de parler ailleurs quand c'est fini à un endroit, ce que nous entendons bien faire.

Je voudrais, par conséquent, mettre un point final à cette partie-là, du moins à ce stade-ci de nos travaux. Il y a une motion dont nous discutons. Nos travaux ne sont pas terminés, évidemment. Je voudrais souligner également, parce qu'on n'aura peut-être pas l'occasion de le faire par la suite, le climat d'application, d'écoute et, en même temps, de détente dans lequel nous avons pu oeuvrer ensemble pendant cinq semaines sous la direction d'un président qui a été magnifique. J'étais bien content d'entendre le ministre lui adresser des remerciements tantôt. Je souscris entièrement à ces remerciements. Même si nous n'avons pas été toujours d'accord avec le président dans ses décisions, nous reconnaissons qu'il les a prises en toute sincérité, qu'elles étaient souvent difficiles et qu'il a agi avec droiture, équité et équilibre envers tout le monde, pendant tout ce temps.

Je voudrais remercier mes collègues de l'Opposition qui ont accompli un travail formidable, y compris ceux à qui les fonctions n'ont pas permis de se joindre à nous avant, non pas la dernière heure, mais la dernière journée, les deux dernières journées. Je pense que mes collègues de l'Opposition ont accompli un travail formidable. Nous avions entrepris de propos délibéré, dès le début, le défi de maintenir les débats à un niveau élevé, de ne pas verser dans la partisanerie. Nous nous étions fixé comme but, M. le Président, d'en donner un dernier exemple aujourd'hui. J'étais bien fier d'entendre mes collègues dans les deux débats que nous avons eus, cet après-midi et ce soir, fournir une contribution de toute première qualité à un stade de nos travaux où, normalement, on aurait pu leur pardonner de faire montre de fatigue ou de lassitude, pour ne pas dire de platitude. Ils ont été formidables et je les en félicite. J'étais bien fier. Je disais au président, à la blague: Cela prend peut-être un mois pour former une équipe, mais cela en vaut la peine.

Je remercie également les députés du gouvernement de l'attitude de camaraderie qu'ils ont conservée pendant toutes ces semaines. Je pense que nous avons travaillé dans un climat de respect mutuel. Il y a des boutades qui s'envoient souvent, mais l'objectif principal, des deux côtés, c'était d'entendre ce qui venait de la table de nos visiteurs. Cela a été fait avec courtoisie et respect, et je l'ai vivement apprécié. Je pense que, s'il n'avait été de cette motion que nous déplorons profondément, du contexte dans lequel elle a été introduite hier, la feuille de route de la commission était magnifique, y compris celle du ministre. J'ai dit d'ailleurs à des journalistes, en cours de route, que j'avais apprécié la courtoisie du ministre, la manière dont il recevait les gens qui était, très généralement, impeccable. Il ne nous a pratiquement jamais interrompus dans nos interventions. Il m'a interrompu une fois; cela m'a été très agréable. Je ne m'en suis pas plaint, je l'ai autorisé volontiers à continuer et cela m'a fourni une petite occasion de lui répondre. Mais cela s'est déroulé dans un climat comme celui-là et je l'apprécie au plus haut point. Je remercie le ministre de ce qu'il a dit, en particulier à mon sujet. Je sais ce que valent les compliments dans la vie publique, cela ne m'empêchera pas de dormir ce soir! Nous nous connaissons depuis longtemps, le ministre et moi, je pense que tout le monde le sait. Nous entretenons des divergences profondes sur certains sujets, mais cela n'empêche pas le respect des personnes ni le commerce intellectuel de continuer dans des conditions qui peuvent être bonnes, nous l'espérons, pour le bien de la communauté et de nos concitoyens.

Je remercie les organismes qui sont venus ici, devant nous. Ils ont été formidables jusqu'à la fin. Je voyais des journalistes qui me disaient encore, au début de la semaine et la semaine dernière: Vous allez vous tanner, c'est fini cette affaire-là et tout. J'ai dit: Peut-être pour vous, qui vous intéressez aux choses qui passent; mais, pour nous, qui essayons d'aller au fond des choses, c'est toujours un renouvellement continuel d'entendre ces gens-là. Je pense à ceux de la commission scolaire du Grand-Portage, qui étaient ici hier, à ceux de l'Abitibi, à ceux de l'Estrie; c'est du nouveau à chaque fois, c'est du monde différent, ce sont des problèmes qui leur sont propres. Quelqu'un qui s'intéresse à la vie ne peut pas éprouver ce sentiment de fatigue: quatre semaines, cinq semaines. C'est là que j'ai de la difficulté à comprendre nos collègues du gouvernement. Il nous fallait encore un dernier mille, une dernière étape; on la fera d'une autre manière.

Cette expérience - je termine par là, M. le Président, soyez sans inquiétude - je pense, illustre que le Parlement québécois demeure un pôle d'attirance très important dans notre vie communautaire. Si la démocratie doit avoir un sens vivant, il faut que l'institution parlementaire soit un centre d'attraction; il faut qu'elle soit un pôle d'attirance pour toutes les couches de la société, pour toutes les régions et pour tous les groupes d'âge. Lorsque le contact se défait entre l'institution parlementaire et les milieux où se déroule la vie réelle, c'est un grave danger de dessèchement et d'érosion pour la démocratie. Mais lorsque l'institution

parlementaire réussit à attirer et parvient à écouter ceux qui veulent s'adresser à elle, je pense que c'est un signe de santé remarquable, pas toujours pour un gouvernement, mais, au moins, pour la société dans laquelle ce gouvernement et l'Opposition fonctionnent.

Je pense que nous avons eu une expérience qui nous autorise à un optimisme assez grand sur la qualité de l'esprit démocratique et de la vitalité politique dans notre société. Si le gouvernement veut bien écouter les représentations qui lui ont été faites, je pense que cela augmentera encore cette espèce d'attirance que l'institution parlementaire doit exercer sur tous les éléments de notre population. Je pense que cela est le meilleur gage de solidité pour nos institutions politiques et sociales dans l'avenir, y compris, évidemment, pour notre système d'enseignement. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil. Quant au député de Marguerite-Bourgeoys, il a bien raison de soulever cette question du droit de réplique. Si nous pouvions éviter de nous obliger d'évaluer la portée de l'article 160 en regard de la portée de l'article 101, je suggérerais plutôt au député de Fabre, à qui il restait deux minutes d'intervention, de les utiliser...

M. Lalonde: Ah oui, c'est parfait.

Le Président (M. Blouin): ...et cela réglera la situation. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il ne me reste pas une minute, M. le Président? Regardez donc cela!

M. Leduc (Fabre): L'arrogance dont parlait le député d'Argenteuil, M. le Président, je l'ai personnellement pressentie lorsque j'ai vu arriver le député de Marguerite-Bourgeoys dans cette enceinte, ce matin. Les paroles qu'il a prononcées tout à l'heure n'ont fait que confirmer ce que je pressentais. Il représente, malheureusement, l'arrogance incarnée. Je suis heureux qu'il n'ait pas assisté, finalement, aux travaux de la commission parce que nous avons réussi à travailler dans un climat de respect mutuel et M. le député d'Argenteuil a eu raison de le souligner. Mais je dois souligner qu'on n'a pas de leçon à recevoir de l'Opposition et surtout pas du député de Marguerite-Bourgeoys qui était ministre, en 1974, si je ne m'abuse, membre du gouvernement, au moment où on a entendu des mémoires sur la loi 22, en commission parlementaire, et, à ce moment, on sait que la commission a entendu 76 mémoires sur 185, au moment où le côté ministériel a décidé de mettre fin à ses travaux. Alors, on n'a pas de leçon à recevoir. Par contre, je suis d'accord avec lui, je suis tout à fait de son avis que les nouveaux règlements...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Oui, M. le Président, je termine là-dessus. Je fais le voeu que les nouveaux règlements qui seront en vigueur, que la réforme parlementaire nous permette de travailler dans un climat de plus grand respect mutuel.

Le Président (M. Blouin): Merci.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Fabre. Mme la députée de L'Acadie m'a demandé la parole, mais elle aura à peine le temps de nous dire bonsoir. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: J'y renonce, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, sur ce, je vais maintenant mettre aux voix la motion du député de Fabre, qui se lit ainsi: Que cette commission, se jugeant suffisamment informée, mette fin à ses auditions et ce, conformément à l'article 118a, paragraphe 6, du règlement.

M. Ryan: M. le Président...

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: ...je demande un vote nominal.

Le Président (M. Blouin): Oui, oui, j'y arrivais. M. le député de Chauveau?

M. Brouillet: Pour.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Mille-Îles?

M. Champagne (Mille-Îles): Pour.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Saguenay?

M. Maltais: Contre.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Shefford?

M. Paré: Pour.

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de Jacques-Cartier?

Mme Dougherty: Contre.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Saint-Henri?

M. Hains: Contre.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre?

M. Laurin: Pour.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Fabre?

M. Leduc (Fabre): Pour.

Le Président (M. Blouin): M. le député de... Il n'est pas là. M. le député de Vachon?

M. Payne: Pour.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil?

M. Ryan: Contre.

Le Président (M. Blouin): II y en a donc 6 pour et 4 contre. La motion est donc adoptée.

M. Ryan: M. le Président...

Le Président (M. Blouin): M. le ministre m'avait demandé la parole...

M. Laurin: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): ...M. le député d'Argenteuil.

Motion pour la réimpression du projet de loi

M. Laurin: Je désirerais faire motion pour que cette commission recommande la réimpression du projet de loi conformément à l'article 119, paragraphe 2.

Le Président (M. Blouin): Alors, cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Laquelle?

Le Président (M. Blouin): Je la relis: M. le ministre fait motion pour que cette commission recommande la réimpression du projet de loi conformément à l'article 119, paragraphe 2. Cette motion est-elle adoptée?

M. Ryan: M. le Président, je crois qu'il y aurait un débat sur la motion.

Le Président (M. Blouin): Bon, alors....

M. Laurin: Je voudrais m'expliquer sur la motion.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre, vous avez la parole.

M. Camille Laurin

M. Laurin: Merci, M. le Président. Au cours des cinq semaines pendant lesquelles a siégé la commission parlementaire, j'ai eu l'occasion, par suite des demandes des différents intervenants, d'annoncer plusieurs modifications au projet de loi pour tenir compte de suggestions qui me sont apparues de nature à bonifier sensiblement la teneur du projet actuellement à l'étude.

Dans un premier temps, je récapitulerai la liste des points sur lesquels je me suis expressément engagé à apporter des modifications, tandis que, dans un deuxième temps, je ferai état des sujets sur lesquels je m'engage à poursuivre ma réflexion en vue d'améliorer, de préciser ou d'éclaircir certaines dispositions dont la rédaction a semblé soulever quelques ambiguïtés selon la lecture qu'en ont faite les différents groupes qui ont fait part de leurs points de vue à la commission parlementaire, tant ceux qui ont eu l'occasion d'être entendus que ceux qui ont fait parvenir un mémoire à la commission parlementaire.

Je ferai donc le survol des amendements annoncés en les reprenant selon l'ordre dans lequel ils apparaissent au projet de loi. Est-il besoin de préciser que cette liste ne couvre pas tous les amendements qui pourront être apportés, après mûre considération, pour que les objectifs du projet de loi fassent état du plus grand nombre de convergences possible?

Au chapitre I, une modification sera introduite à l'article 8 pour préciser que les services particuliers aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage seront également offerts aux élèves de l'éducation préscolaire.

Au chapitre II, l'article 14, plus précisément le deuxième alinéa, sera repris pour consacrer non seulement le droit aux services d'enseignement, mais aussi le droit aux autres services éducatifs prévus par la loi dans la mesure déterminée par la commission scolaire. À l'article 15 portant sur la gratuité des services éducatifs, j'ai fait état que certaines modifications seront apportées pour accroître l'accessibilité des services aux adultes. À ce sujet, j'ai d'ailleurs aussi annoncé que le projet de loi sera modifié pour tenir compte de la politique du gouvernement sur l'éducation aux adultes, notamment sous l'angle de la spécificité de ces services. (22 h 30)

Concernant le choix entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral, celui-ci ne sera plus prévu pour les enfants en éducation préscolaire, puisque certains intervenants ont fait part qu'il était inapproprié d'introduire un tel choix pour des enfants de cet âge, car l'objectif est d'assurer un éveil à la dimension morale et spirituelle sans assises confessionnelles spécifiques. Bien que cet amendement puisse être inséré ailleurs, le projet de loi verra aussi à définir la notion de parents afin d'y inclure nommément les tuteurs et peut-être aussi les organismes qui, temporairement, exercent de fait l'autorité parentale sur les enfants. Je ne peux cependant m'avancer davantage à ce sujet, car il faudra étudier attentivement les implications juridiques d'une telle insertion, tant pour éviter des conflits entre les titulaires légaux de l'autorité parentale et les titulaires de fait que pour considérer l'étendue de la reconnaissance de l'exercice des droits parentaux à des tiers en regard des différentes attributions que les parents se voient confier par le projet de loi.

Enfin, l'article 26 sera modifié pour étendre la juridiction du Protecteur du citoyen à l'ensemble de la loi et non seulement au chapitre II portant sur les élèves. Au chapitre III, l'article 33 sera repris pour indiquer que l'établissement par le ministre d'une école à vocation régionale ou nationale ne sera fait qu'après entente avec la commission scolaire qui a compétence sur le territoire où cette école sera située. Il est bien entendu qu'une telle école comme toutes les autres relèvera de la compétence de la commission scolaire. À la section IV, disons, d'une manière générale, que les fonctions respectives du conseil d'école et du directeur d'école seront mieux démarquées pour bien identifier les fonctions qui relèvent du directeur des fonctions qui relèvent du conseil d'école.

À l'article 97, portant sur l'intégration d'un élève en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, sera précisée l'obligation du directeur d'établir un plan d'intervention propre à chaque élève, qui favorise son intégration chaque fois que cela est jugé possible et ce, non seulement aux classes ordinaires, mais aussi aux autres activités de l'école.

À la sous-section sur les services d'enseignement, l'article 105 sera modifié pour indiquer que le choix didactique relève de la compétence de l'enseignant et non de l'école, bien que celle-ci puisse encadrer ce choix par certaines orientations liées au projet éducatif et à ses propres contraintes budgétaires.

À la sous-section sur les services à la communauté, des modifications seront apportées, comme je l'ai annoncé conjointement avec la ministre déléguée à la

Condition féminine, Mme Denise LeBlanc-Bantey, pour prévoir l'obligation de l'école d'organiser des services de garde au niveau primaire, à la demande des parents. Évidemment, une telle obligation devra être financée en partie par les usagers à l'instar de l'organisation des autres services de garde prévus dans la Loi sur les services de garde à l'enfance. Incidemment, des services de garde au niveau préscolaire seront également organisés sous l'égide de cette dernière loi.

Au chapitre IV portant sur la commission scolaire, un nouvel article sera introduit en remplacement d'un pouvoir réglementaire dévolu au ministre pour donner aux commissions scolaires le pouvoir de déterminer les allocations et les normes de remboursement des dépenses du conseil d'école et des comités.

Sous la rubrique des services aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, l'article 204 sera modifié pour bien marquer l'obligation des commissions scolaires d'adopter des normes sur l'organisation de ces services. L'article 234, permettant au ministre de transférer la propriété d'un immeuble excédentaire, sera retiré, ce qui diminuera d'autant le pouvoir d'intervention du ministre. De même, à l'article 242, une commission scolaire ne sera plus obligée d'étaler ses surplus d'année en année, mais seulement ses déficits, ce qui donnera plus de marge de manoeuvre à celle-ci tout en évitant une accumulation de déficits qui pourrait conduire à des déséquilibres financiers importants. L'article 245 sera aussi repris de sorte que le ministre ne pourra préciser le mandat du vérificateur que de façon générale et qu'après consultation des commissions scolaires.

Au chapitre V, j'ai fait état qu'à l'article 307 l'organisme pour la production d'outils pédagogiques ne fera nullement concurrence à l'entreprise privée dans la production de manuels. Cet organisme assurera plutôt la production d'outils pédagogiques autres que les manuels pour soutenir le développement pédagogique et il fournira des avis au ministre pour l'approbation des manuels scolaires.

Au chapitre VI, portant sur la réglementation, le pouvoir de définir ce que constitue une fonction pédagogique ou éducative sera retiré. Le pouvoir réglementaire du paragraphe 3 de l'article 308 sera pour sa part restreint à la seule disposition des immeubles excédentaires des commissions scolaires tandis que le paragraphe 6, touchant les emprunts à l'étranger, sera retiré. À l'article 309, en concordance avec ce que j'ai annoncé au chapitre sur les commissions scolaires, les paragraphes 6 et 7 seront retirés. Enfin, à la demande de nombreux organismes, j'introduirai un nouveau pouvoir réglementaire pour définir les obligations des commissions

scolaires à l'égard de l'intégration des personnes handicapées.

Dans le chapitre X sur les dispositions provisoires, est-il besoin de rappeler encore une fois les garanties multiples que j'ai déjà annoncées aux représentants syndicaux qui se sont présentés devant la commission parlementaire? Qu'il suffise de rappeler que ces garanties visent à protéger les droits syndicaux existants et à prévoir que les normes de transfert de personnel seront établies par voie de négociations avec les parties concernées. L'objectif poursuivi est donc d'appliquer le plus intégralement possible le Code du travail sur les questions d'organisation syndicale. Les principales contraintes du projet de loi à cet égard seront surtout relatives aux échéances afin que la réforme proposée puisse s'appliquer harmonieusement dans un délai prédéterminé.

Tel est donc, en substance, la teneur des amendements que j'ai formellement annoncés. D'ores et déjà, il me paraît que plusieurs autres dispositions du projet devront être retouchées, soit pour rendre plus explicite la portée de certains articles, soit pour mieux faire le lien entre les attributions des différents organismes scolaires, soit encore pour effectuer certains réaménagements.

Par ailleurs, tous comprendront, j'en suis certain, qu'il aurait été délicat de ma part de m'avancer sur plusieurs points avant la fin de la commission; d'autre part, compte tenu de la complexité du sujet et du large éventail de points de vue contradictoires exposés à cette commission, il me faut maintenant prendre le temps de mûrir les propositions suggérées et de les soumettre à mes collègues et au Conseil des ministres.

Il reste, par ailleurs, que j'ai pris bonne note d'un bon nombre de propositions intéressantes qui méritent d'être considérées d'ici le dépôt d'une réimpression en deuxième lecture. Certaines de ces propositions portaient sur des points précis tandis que d'autres, touchant des éléments plus importants du projet, pourront impliquer, si elles sont retenues en tout ou en partie, des ajustements nombreux dans le projet car vous n'êtes pas sans savoir que tout projet de loi a sa propre logique de fonctionnement et que la modification de certains éléments implique généralement le réaménagement de beaucoup d'autres.

Ceci dit, et je le précise encore une fois, sans présumer des options ou des décisions qui seront prises, je veux rappeler brièvement plusieurs domaines qui pourront subir des ajustements, des modifications ou encore des changements importants, pour tenir compte de la richesse et de la justesse des commentaires qui ont été faits à la présente commission parlementaire.

Ainsi donc, il restera à réexaminer attentivement plusieurs points, soit plus particulièrement: 1. Les lieux et modalités de participation des différents agents de l'école; 2. La formation et le rôle des comités d'école; 3. La composition et la formation du conseil d'administration de la commission scolaire; 4. Les liens d'autorité entre la commission scolaire et les écoles; 5. Le statut du directeur d'école; 6. Le partage des pouvoirs entre l'école et la commission scolaire; 7. Quelques problèmes reliés à la confessionnalité; 8. Les aménagements possibles pour une meilleure insertion des personnes handicapées; 9. Les pouvoirs réglementaires du ministre et du gouvernement; 10. Le statut et les fonctions d'un organisme scolaire suprarégional pour l'île de Montréal; 11. Les dispositions relatives à la mise en oeuvre de la réforme.

Enfin, à l'égard des territoires, je verrai à ce que le ministère prenne contact avec les milieux concernés pour examiner leurs demandes.

Il va sans dire, M. le Président, que la reconsidération de ces éléments de la réforme, indépendamment des solutions qui seront retenues et des amendements que j'ai annoncés, sans compter plusieurs petits ajustements techniques, nécessitera une réimpression du projet de loi afin que l'étude article par article qui aura lieu après la deuxième lecture puisse se faire avec le moins d'ambiguïté et de confusion possible à partir d'un nouveau texte, plutôt que sur la base d'un texte modifié par plusieurs amendements, ce qui en rendrait la lecture formellement plus complexe.

Pour ces raisons, M. le Président, je fais donc une motion à cette commission pour que le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public, soit réimprimé pour son dépôt en deuxième lecture.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, j'ai écouté avec intérêt les explications que vient de donner le ministre de l'Éducation. J'ai noté les articles au sujet desquels le gouvernement s'est déjà engagé à présenter des amendements au projet de loi. J'ai surtout noté les nombreux articles du projet de loi qui feront l'objet d'interrogation et de méditation, mais qui, pour l'instant, ne donnent lieu à aucun engagement précis.

Étant donné que ces sujets sont ceux autour desquels ont été soulevées les objections les plus fondamentales et les plus répétées, autant de la part de l'Opposition que de la part de très nombreux organismes entendus par la commission parlementaire, nous en venons, du côté de l'Opposition, à

une conclusion différente de celle du gouvernement.

Nous trouvons qu'il serait beaucoup plus judicieux, vu que c'est l'économie même du projet de loi qui est remise en question, les fondements mêmes du projet de loi entrent dans le domaine de l'incertain plutôt que du défini, dans des conditions semblables d'imprécision et d'incertitude, et que le gouvernement agirait plus sagement en retirant purement et simplement son projet de loi, quitte à le remettre sur le métier et en présenter un nouveau quand il aura eu le temps de procéder aux approfondissements, aux réflexions, aux consultations et aux concertations qui permettraient de présenter vraiment un projet d'édifice capable de rallier l'adhésion des divers milieux intéressés, de l'opinion publique en général et des citoyens qui s'intéressent à l'éducation.

Je n'ai pas davantage d'explications à fournir à ce stade-ci, mais je veux vous prévenir, M. le Président, que, du côté de l'Opposition, à cause de ces raisons que je viens d'invoquer, qui parlent par elles-mêmes, nous voterons contre la motion de réimpression parce que, dans notre esprit, c'est plutôt d'une nouvelle conception que d'une simple réimpression que le projet de loi a besoin. (22 h 45)

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le député d'Argenteuil. S'il n'y a pas d'autres intervenants, nous allons maintenant voter sur cette motion présentée par M. le ministre. Et, sans plus tarder, je vais nommer chacun des membres qui m'indiquera s'il est pour la motion présentée par M. le ministre ou s'il est contre.

M. le député de Chauveau?

M. Brouillet: Pour.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Mille-Îles?

M. Champagne (Mille-Îles): Pour.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Saguenay?

M. Maltais: Contre.

Le Président (M. Blouin): Contre. M. le député de Shefford?

M. Paré: Pour.

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de Jacques-Cartier?

Mme Dougherty: Contre.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Saint-Henri?

M. Hains: Contre.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Fabre?

M. Leduc (Fabre): Pour.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Vachon?

M. Payne: Je suis pour.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil?

M. Ryan: Contre.

Le Président (M. Blouin): II y a six membres...

M. Laurin: Vous m'avez oublié, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre, je m'excuse.

M. Ryan: II l'avait déjà compté. M. Laurin: Pour.

Le Président (M. Blouin): II y a six membres pour et il y a quatre membres qui s'opposent. La motion est donc adoptée.

Sur ce, étant donné que nous en arrivons au terme de nos travaux, je ne peux terminer sans remercier bien sincèrement tous les membres et les intervenants qui, au cours de ces cinq semaines, ont débattu de cette question importante avec beaucoup de qualité. Les débats ont été de qualité et je les remercie de la bonne collaboration qu'ils m'ont accordée ainsi que de la courtoisie qu'ils ont eue à mon égard.

J'adresse les mêmes remerciements aux groupes et aux individus qui sont venus afin de présenter leur mémoire devant cette commission parlementaire. Également à nos auditeurs qui ont été souvent aussi patients que nous l'avons été. Il ne faudrait pas oublier, non plus, le personnel de l'Assemblée nationale, celui du journal des Débats, celui de la radiotélévision des débats, les gens du personnel de soutien, du Secrétariat des commissions et de la direction du Conseil en droit parlementaire également, qui nous ont été d'un précieux apport. Sur ces remerciements multiples, et bien mérités, je demanderais au rapporteur de la commission, M. le député de Shefford, de faire rapport à l'Assemblée nationale, à la reprise de la session. Sur ce, comme il n'est pas encore minuit, j'aurais besoin d'une motion d'ajournement des travaux. Qui peut proposer que nous ajournions nos travaux?

M. Leduc (Fabre): Je fais motion, M. le

Président.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Fabre fait motion pour que nous ajournions nos travaux. Est-ce que cette motion est adoptée?

Mme Lavoie-Roux: Maintenant que la guillotine a été appliquée.

M. Ryan: Sur division.

Le Président (M. Blouin): Elle est adoptée sur division.

La commission élue permanente de l'éducation, après au-delà de 166 heures de travaux, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 48)

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