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(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames, messieurs, la commission élue permanente de
l'éducation reprend ses travaux. Je vous rappelle d'abord, en
début de séance, le mandat de cette commission qui est d'entendre
toute personne ou tout groupe qui désire intervenir sur le projet de loi
40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.
Les membres de la commission aujourd'hui seront M. Brouillet (Chauveau),
M. Champagne (Mille-Îles), M. Maltais (Saguenay), Mme Harel
(Maisonneuve), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M.
Laurin (Bourget), M. Leduc (Fabre), M. Gauthier (Roberval), M. Payne (Vachon),
M Ryan (Argenteuil).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Charbonneau
(Verchères), M. Dauphin (Marquette), M. Doyon (Louis-Hébert), M.
Lazure (Bertrand), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Paré (Shefford), M.
Rochefort (Gouin), M. Sirros (Laurier).
L'ordre du jour. Aujourd'hui, nous poursuivrons les échanges avec
les représentants de la Confédération des syndicats
nationaux, en début de séance. Ensuite, nous entendrons le
Comité de parents de la commission scolaire Jérôme-Le
Royer, qui sera suivi de la Commission des droits de la personne du
Québec.
À 15 heures, nous entendrons la commission scolaire
Jérôme-Le Royer et, ensuite, l'Office des personnes
handicapées du Québec.
À 20 heures, les organismes provinciaux de promotion et de
défense des droits et intérêts des personnes
handicapées, qui regroupent l'Association du Québec pour les
déficients mentaux, l'Association du Québec pour enfants avec
problèmes auditifs, l'Association de la paralysie
cérébrale du Québec, l'Association canadienne de l'ataxie
de Friedreich, l'Association québécoise pour enfants et adultes
ayant des troubles d'apprentissage, la Société
québécoise de l'autisme et l'Association québécoise
des parents d'enfants handicapés visuels.
Sur ce, j'invite maintenant M. le député d'Argenteuil
à entreprendre les échanges avec nos invités, les
représentantes et représentants de la Confédération
des syndicats nationaux.
CSN (suite)
M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de saluer la
délégation de la CSN et de lui exprimer l'appréciation de
notre groupe parlementaire pour la bonne qualité du mémoire qui
nous a été soumis hier soir. Je regrette seulement une chose:
nous avons eu le texte de ce mémoire à peine le jour même
ou la veille. Nous n'avons pas pu en faire l'étude collective que nous
aurions aimé faire parce que, avec toute l'avalanche de documents qui
nous arrivent à la dernière heure, il est évident que nous
ne pouvons pas mettre le même degré d'application à
l'étude de toutes les implications d'un document que lorsque nous
l'avons eu un certain temps à l'avance. Je comprends les circonstances
dans lesquelles certains groupes doivent fonctionner, mais je voudrais qu'ils
comprennent également les circonstances dans lesquelles nous devons
travailler de notre côté aussi.
Ceci dit, j'ai remarqué dans le mémoire de la CSN deux
points sur lesquels la centrale donne son adhésion au projet de loi sans
restriction. D'abord, le regroupement des commissions scolaires de niveaux
primaire et secondaire reste une entreprise considérable. Il y a encore
un très grand nombre de régions, au Québec, où la
fusion des commissions scolaires de niveaux primaire et secondaire n'a pas
encore été faite. Or, pour la qualité et l'unité du
système d'enseignement, c'est un objectif hautement
désirable.
De même, la Confédération des syndicats nationaux
donne son adhésion à l'objectif du réaménagement
des commissions scolaires suivant une base linguistique, plutôt que sur
la base confessionnelle qui a existé depuis la
Confédération et surtout depuis la loi, adoptée il y a
quelques années, qui a précisé le statut légal des
commissions scolaires de manière que n'existe pas de doute à ce
sujet. Sur ces deux points, l'Opposition rejoint la ligne définie par la
Confédération des syndicats nationaux. Ce sont deux objectifs que
nous approuvons, auxquels nous souscrivons et que nous jugeons
nécessaire de poursuivre à l'heure actuelle.
Le mémoire que vous nous avez communiqué analyse ce que
j'appellerais la structure du pouvoir et des responsabilités à
l'intérieur du nouvel édifice que voudrait ériger le
gouvernement à l'aide du projet de loi 40. De ce côté, j'ai
trouvé un grand
nombre des observations que vous avez soumises à la commission
judicieuses et empreintes de réalisme et d'un sain esprit critique. J'ai
été frappé de constater, en particulier, que vous voulez
des choses claires. Vous ne voulez pas de mélange des
responsabilités. Vous ne voulez pas de mélange des lignes
d'autorité. Vous voulez que les choses soient nettes.
Vous affirmez clairement, par exemple, que le premier responsable de
tout le système d'enseignement dans une société
démocratique comme la nôtre doit être l'État,
finalement, incarné par un ministre de l'Éducation responsable
devant ses collègues et devant l'Assemblée nationale par les
voies que nous connaissons. Vous dites qu'au plan régional ce principe
doit s'incarner par l'existence d'un gouvernement scolaire régional
élu au scrutin démocratique par l'ensemble des citoyens et
investi de responsabilités et de pouvoirs lui permettant de s'acquitter
de ses responsabilités. Encore là, je pense que ce sont des
observations sur lesquelles nous n'avons aucune difficulté à
être d'accord avec vous.
Il y a bien des gens qui confondent le jugement concret qu'il peut
convenir de porter sur telle ou telle commission scolaire, sur tel ou tel
groupe de commissaires d'écoles avec qui on n'est pas d'accord ou dont
on ne partage pas les politiques avec le jugement qu'on doit porter sur
l'institution elle-même. J'ai l'impression que, dans beaucoup de choses
que nous avons entendues sur les commissions scolaires, il y avait souvent des
souvenirs amers, des expériences frustrantes qu'on a pu vivre avec des
commissaires d'écoles ici et là. On a eu, à tous les
niveaux, des expériences frustrantes avec les gouvernements. Personne
d'entre vous n'a oublié les expériences très amères
que votre centrale a connues avec le gouvernement. On a évoqué
brièvement, hier, la période encore malheureusement très
récente des décrets. C'est évident que, si on avait dit
qu'il faut changer tout le système de gouvernement parce qu'il a
imposé des décrets et qu'on doive le faire chaque fois qu'un
groupe social n'est pas content de la manière dont un gouvernement agit,
il n'y a aucune structure de gouvernement qui pourrait résister
longtemps à l'usure de l'expérience.
Je pense qu'assez sagement les personnes et les groupes qui ont
été atteints par ces mesures très autoritaires prises au
début de l'année dernière se sont dit: II faudra porter en
temps et lieu le jugement qu'il conviendra de porter sur ce gouvernement. On ne
change pas le système de gouvernement à cause de cela. J'ai
l'impression que le gouvernement s'est laissé entraîner dans ce
travers parce que plusieurs des personnes qui ont pu l'influencer ont eu des
expériences malheureuses avec les commissions scolaires. Cela
amené le gouvernement à vouloir jouer avec les structures d'une
manière qui donne le résultat qu'on a dans le projet de loi 40,
un résultat extrêmement embrouillé dans lequel il est
très difficile de voir clair.
De ce côté-là, vous apportez des précisions
très intéressantes. J'ai bien apprécié vos
remarques sur le mode de scrutin, le mode de choix des commissaires
d'écoles. Ce serait bien tentant, pour le législateur, de dire:
Vous, tel groupe, vous voulez être représenté, on va vous
faire une petite place. Vous, tel groupe, vous le voulez aussi, très
bien, on va vous faire une petite place. Vous, cela ferait votre affaire, on va
essayer de vous accommoder. Finalement, je pense qu'il faut prendre des
décisions fermes, claires, même dures de ce point de vue. La
meilleure qu'on puisse prendre, si on adhère au principe de commissions
scolaires démocratiques, c'est de choisir le mode de scrutin universel,
de l'appliquer franchement et directement, en sachant que, s'il fonctionne
normalement, les parents en particulier auront amplement l'occasion
d'accéder aux responsabilités à titre de commissaires
démocratiquement élus par leurs concitoyens, ce qui leur donnera
une force bien plus grande à l'intérieur d'une commission
scolaire que s'ils venaient y représenter uniquement le point de vue
sectionnel d'un groupe particulier de la société qui s'appelle,
en l'occurrence, les parents.
D'ailleurs, le titre de parents est un des plus nobles qu'on puisse
porter. Jamais je n'accepterai, personnellement, qu'il soit porté de
manière exclusive par ceux qui ont l'occasion d'avoir des enfants
à l'école à tel moment. Je pense que le titre de parents
est beaucoup plus large que cela. Ce n'est pas parce que mon dernier enfant
sortira de l'école secondaire en juin que je cesse d'être un
parent pour autant. Je serai aussi intéressé aux affaires
scolaires après le 24 juin prochain que je l'ai été
pendant les 15 années où j'ai eu des enfants dans le
système scolaire. Je pense qu'il y a des confusions qui se sont
glissées dans les esprits à l'occasion de tous ces débats
qu'on a eus. C'est bon qu'on passe par là, car cela permet de voir un
peu plus clair. Sur ces points, je trouve que vous nous apportez des
réflexions fort utiles que j'ai, pour ma part, vivement
appréciées.
Vous tirez aussi une conclusion au sujet de tout le problème de
la centralisation. Vous nous ramenez à l'un des thèmes majeurs
des débats des premières semaines de la commission. On en a moins
parlé cette semaine parce que, depuis une dizaine de jours, nous sommes
entrés davantage dans l'étude d'aspects
spécialisés. Hier, nous avons passé presque toute la
journée à l'étude du problème des enfants qui sont
dans des
situations sociales spéciales en raison des circonstances
sociales et économiques. La semaine dernière, nous avons
passé beaucoup de temps sur les questions de confessionnalité.
C'est normal, à mesure que nous approchons du terme, que des aspects
plus spécialisés du problème retiennent notre
attention.
Je pense que votre mémoire vient nous rappeler une
réalité fondamentale. Je cite la conclusion que vous tirez
quelque part dans votre mémoire, je pense que c'est à la page 12.
Vous dites: Tout compte fait, ayant tout regardé, nous constatons que la
réforme scolaire proposée par le ministre de l'Éducation
aura pour effet de renforcer les pouvoirs du ministère de
l'Éducation, d'affaiblir les commissions scolaires et de donner quelques
pouvoirs surtout consultatifs à l'école. Il s'agit beaucoup plus
d'une opération de centralisation que d'une décentralisation
réelle.
C'est dit en termes sobres et modérés qui ne sont pas
toujours coutumiers dans les documents qu'on est habitué de lire en
provenance de votre centrale. Je pense qu'un jugement sobre comme
celui-là ne perd rien de sa dureté et de son caractère
direct et réaliste, et qu'il est bon qu'on le retienne clairement. Je
souscris à ce jugement. Comme vous le dites judicieusement, on constate
qu'il n'y a aucun pouvoir délégué par le gouvernement, par
le ministère de l'Éducation en direction des commissions
scolaires. Ce que fait le projet de loi, essentiellement, il gruge dans les
attributions des commissions scolaires; il fait une espèce de
délayage entre les responsabilités des commissions scolaires et
de l'école, le ministère demeure suprême là-dessus
et, après une dizaine d'années de ce régime, il est
évident qu'on tomberait dans un régime beaucoup plus fortement
centralisé que celui déjà trop centralisé que nous
connaissons.
Votre attachement au principe de l'égalité des chances
doit être rappelé continuellement. On se paie de mots à ce
sujet-là. Souvent, dans la réalité, les choses se passent
très différemment; je pense qu'il est essentiel qu'on se le fasse
rappeler continuellement. Vous avez traité de la confessionnalité
dans votre mémoire; je n'ouvre pas la discussion là-dessus, parce
que la position que vous définissez est claire. Je ne suis pas d'accord
avec la Confédération des syndicats nationaux sur tous les
éléments de sa position dans ce dossier, mais, un peu plus tard
dans la journée, nous allons rencontrer la Commission des droits de la
personne du Québec qui a fait de cette question un des thèmes
majeurs du mémoire qu'elle nous a soumis. Comme les positions de la
Commission des droits de la personne du Québec rejoignent sensiblement
ce que vous dites dans votre mémoire sur ce point-là, je n'en
ferai pas l'objet de questions spéciales. On aura l'occasion d'en parler
et, si vous voulez en parler tantôt avec nous, nous sommes à votre
disposition.
Ce qu'il m'intéresserait ce matin d'approfondir avec vous, c'est
que, finalement, on est intéressé à la manière dont
cela fonctionnera dans les écoles. On se dit que, si la structure est
bonne, il y a des chances que l'ensemble du système fonctionne
convenablement. Vous vous êtes attachés assez longuement à
examiner le rôle, la composition, les fonctions du conseil
d'école, le rôle du directeur de l'école, le rôle des
parents. Vous dites à la page 15 souhaiter "que les fonctions du conseil
d'école, du directeur et des personnels de l'école soient
précisées". C'est la proposition no 6 au bas de la page 15. Vous
avez également dit que vous verriez que le conseil d'école ait
surtout une fonction à caractère pédagogique. Vous avez
parlé du rôle des parents au sein de l'école. J'aimerais
que vous nous donniez des précisions sur la réponse que vous
apporteriez à ces questions-là.
Le Président (M. Blouin): M. Auger.
M. Auger: D'abord, quand on a analysé le projet de loi, on
a effectivement tenté de voir ce que ce qu'on a appelé
l'école pivot pouvait signifier et, en travaillant
particulièrement avec des gens qui sont présents dans le milieu,
entre autres, le personnel de soutien que nous représentons, comment la
vie pratique se déroule. Ce à quoi on est arrivé comme
conclusion, c'est qu'effectivement il y a un bon nombre de sujets sur le plan
pédagogique qui doivent être débattus. Les membres que nous
représentons qui sont aussi, pour une grande part, des parents - nous
avons pu avoir des discussions - nous signalaient que ce qui est important,
c'est non pas de pouvoir échanger dans un rapport d'autorité
à l'égard des personnels à l'intérieur de
l'école, mais d'apporter des points de vue et de voir comment
l'école peut répondre à cela.
Cela a été, je dirais, la trame qui a traversé
toute notre réflexion sur ce fonctionnement de l'école. C'est
pour cela qu'on insiste beaucoup plus sur la nécessité qu'il y
ait, au plan des comités pédagogiques - on parle de
comités pédagogiques - cette présence des personnels, de
l'ensemble des personnels. On le redit parce que, trop souvent encore, on a
tendance à parler des enseignants seulement. Dans l'école, il y a
le personnel de soutien et le personnel administratif, même le personnel
manuel, qui jouent des rôles importants dans les contacts auprès
des enfants, etc; il y a également les professionnels.
Ce qu'on dit, c'est qu'étant donné cette compétence
des personnels on doit pouvoir trouver un lieu de débat avec l'ensemble
des
autres acteurs - on insiste au niveau primaire pour que ce soient
particulièrement les parents qui ont des enfants à l'école
-pour qu'on puisse échanger sur l'ensemble des questions qui peuvent
nous opposer à la limite, mais pas dans le but de dire: Moi, j'ai
raison; toi, tu as raison; si on ne s'entend pas, il y aura une décision
majoritaire d'un des deux groupes qui sera imposée.
Il est possible qu'on arrive à des situations comme
celles-là. Notre recherche, ce n'est pas de consacrer ces situations;
c'est de faire en sorte de les garder comme des parties minimes dans notre
fonctionnement et plutôt de chercher à voir comment, à
partir des différences, on est capables de trouver des solutions qui
feront en sorte que des groupes qui peuvent avoir des divergences se rejoignent
à un moment donné après des discussions. On ne pense pas
qu'il devrait y avoir, à un moment donné, une autorité qui
tranche. Il faut que le débat soit très large avant que cela
puisse se faire. C'est pour cela qu'on insiste beaucoup sur le comité
pédagogique. Le conseil d'école, effectivement, il peut exister
à certains égards, mais ce n'est pas là que vont jouer ces
principaux éléments.
Le deuxième type de remarque - je pense que là-dessus cela
rejoint un peu ce que vous disiez tantôt quant à notre lecture
globale - c'est un peu s'illusionner si l'on pense qu'au niveau de
l'école, au niveau du palier local, on peut déterminer des
modalités très précises. L'exemple qui me revient en
tête, c'est le calendrier scolaire au niveau de l'école. Il nous
semble que, dans une pratique comme celle-là, ce n'est peut-être
pas le plus important de pouvoir déterminer les congés mobiles
dans l'année pour une école dans un quartier. C'est beaucoup plus
important d'avoir un calendrier qui convienne à une majorité et
que, par contre, concernant des débats ou des aménagements en
termes de pédagogie et de didactique, il puisse y avoir ces discussions.
Chaque fois qu'on a été confronté à la
réalité, on a toujours été ramené à
ces dimensions, alors que, concernant tout le côté administratif,
on disait: II y aura un rôle spécifique d'apporté par les
personnels, par l'administration de l'école et on ira au palier
régional pour s'assurer que les ressources soient disponibles et qu'il y
ait la plus grande égalité possible de ressources.
Dans notre mémoire, on parle un peu de taxation - on n'est pas
revenu hier dans notre exposé là-dessus - pour mentionner
qu'à notre avis, lors de l'étude du livre blanc sur la
fiscalité, on aura l'occasion de débattre à nouveau de
toute cette question du financement du réseau scolaire. Cela a
été toute la trame de nos discussions sur cela, d'aller dans le
détail pour voir tous les mécanismes de façon très
précise.
M. Ryan: Mais, dans la mesure même où vous parlez de
la nécessité d'un lieu de concertation comme celui que vous venez
de décrire et dans la mesure où vous insistez pour signaler que
ce lieu de concertation doit surtout amener les gens autour de la table
à discuter de questions d'ordre pédagogique, il reste le
problème des responsabilités en matière de conduite
quotidienne de l'école, en matière de gestion administrative,
d'exercice courant de l'autorité sur le personnel et tout. C'est une
question que vous n'abordez pas directement dans votre mémoire.
Pourriez-vous nous dire comment vous voyez ce côté-là?
M. Auger: La façon dont on le voit, on pense que, quant
à la gestion administrative, il pourrait y avoir à la limite
certaines fonctions qui pourraient reposer sur un conseil d'école
où les parents ne seraient pas majoritaires. Pour nous, c'est clairement
affirmé que les parents ne doivent pas être majoritaires au
conseil d'école. Mais, plus généralement, l'ensemble des
pratiques administratives devrait reposer, à notre avis, sur la
direction de l'école. Cela nous apparaît encore être le
système le meilleur. Encore une fois, dans la mesure où on est
capable d'introduire des consultations et des échanges les plus larges
possible sur l'ensemble des autres sujets, cela rejoindrait davantage les
préoccupations des parents ou des intervenants sur ces questions.
M. Ryan: Vous avez parlé de la direction de
l'école; je vais vous parler du directeur parce qu'il faut bien que la
direction s'incarne dans une personne, n'est-ce pas?
M. Auger: Oui.
M. Ryan: Le directeur de l'école actuellement est un
employé de la commission scolaire. Il est nommé par la commission
scolaire à sa fonction de directeur. Suivant la Loi sur l'instruction
publique, il exerce ses fonctions de directeur sous l'autorité du
directeur général de la commission scolaire. Dans le projet de
loi 40, ces choses seraient changées. Il y aurait presque un pouvoir de
nomination qui serait confié au conseil d'école: il ne nomme pas,
il désigne. On confie à un comité formé d'une
majorité de membres du conseil d'école le soin de faire une
recommandation et tout ce qu'on demande à la commission scolaire, c'est
d'agir comme "rubber stamp". Vous le nommerez ensuite. Je ne sais pas si cela
vous apparaît une procédure satisfaisante. Deuxièmement, on
ne dit nulle part dans le projet de loi - c'est bien soigneusement
évité - que le directeur de l'école doit exercer ses
fonctions sous l'autorité du directeur général de la
commission scolaire. Est-ce que cela
vous apparaît acceptable, un système aussi hybride que
celui proposé dans le projet de loi?
M. Auger: Sur le mode de nomination et sur les consultations qui
doivent être faites du milieu de l'école, on n'a pas eu l'occasion
d'approfondir jusqu'où on doit aller. Une chose qu'on peut dire
clairement, c'est qu'on croit important qu'il y ait cette consultation du
milieu et qu'il n'y ait pas strictement nomination ou choix imposé ou
décidé par la commission scolaire. Il faut qu'il y ait un rapport
avec le milieu, mais on n'a pas précisé dans les modalités
comment cela pouvait se faire. Quant à la responsabilité pour
nous, effectivement, le directeur d'école doit relever dans ses
fonctions du palier régional, de la commission scolaire.
M. Ryan: Dernière question. Vous dites - et c'est encore
à la page 15 - que le projet éducatif local doit se situer dans
la poursuite du projet éducatif national. Dans votre recommandation, no
7, vous écrivez: "Que l'article 91 notamment prévoie que le
projet local d'éducation doit se situer dans des paramètres
nationaux déterminés par le ministère de
l'Éducation." Cela va de soi. Je n'ai pas d'objection à ce sujet,
mais il me semble qu'il y a une dimension qui fait défaut dans votre
recommandation. Quand la Centrale de l'enseignement du Québec est venue
ici l'autre jour, elle a beaucoup insisté pour qu'il y ait
également une dimension régionale d'un projet éducatif. Si
nous avons un gouvernement scolaire régional, il faut bien qu'il ait
parmi ses responsabilités celle de définir des objectifs
régionaux d'éducation. Il peut arriver, par exemple, que si la
commission scolaire fonctionne dans un milieu ouvrier ou dans un milieu rural,
elle veuille définir des priorités éducatives
particulières pour l'ensemble de son territoire. S'il arrive qu'elle
doit servir des régions ou des sous-régions ayant des conditions
économiques et sociales très différentes, il peut arrive
qu'elle dise: Cette année, on va se donner un projet régional
dans notre commission scolaire. Il faudrait, évidemment, que les
écoles en tiennent compte dans la définition de leur projet
local. C'est une des incongruités du projet du ministre de
l'Éducation. Tout cela peut se faire au plan local. Il me semble qu'il y
a une dimension régionale que vous n'évoquez pas suffisamment
dans votre mémoire. Je voudrais savoir ce que vous en pensez. (10 h
30)
M. Auger: Lorsqu'on parle de cette recommandation à la
page 4 de notre mémoire, on dit que c'est en référence au
troisième paragraphe particulièrement avec le champ où on
dit que cela permet à l'école de se doter d'un projet local
d'éducation.
C'est surtout en regard de cela qu'on faisait cette remarque. Ce qu'on
dit, c'est qu'il faut faire attention afin d'éviter que la coloration
locale ou le projet éducatif local ne fasse en sorte que l'on se
retrouve avec des divergences assez importantes, donc, que cela
réintroduise au niveau de la formation des disparités que l'on
n'a pas effacées sur le plan social, c'est surtout en regard de
cela.
Du côté du projet régional ou de la coloration
régionale - j'utilise cette expression - on ne s'oppose pas à ce
qu'il puisse y avoir cette particularité au niveau régional. On a
investi beaucoup d'énergies pour arriver à une qualité de
formation et à définir des programmes nationaux de formation. On
ne voudrait pas que ces programmes nationaux échappent, par une trop
forte coloration, qu'elle soit locale ou régionale, à un pattern
qu'on trouve essentiel. Qu'il puisse y avoir coloration, cela va de soi, mais,
après que l'on a dit cela, il faut voir selon quelles modalités
on peut le faire.
Je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de travailler de façon
très spécifique cet aspect; je l'ai travaillé davantage
sur un autre dossier au niveau des cégeps. On avait cette même
préoccupation d'ouvrir, oui, mais de prêter attention à ce
type d'ouverture, parce que cela peut conduire effectivement à une
régionalisation, qui sera peut-être moins particulière
qu'une localisation, mais qui pourrait faire en sorte qu'en fin de compte il
puisse y avoir ce type de divergence entre les diverses composantes
régionales.
M. Ryan: Très bien. Je n'ai pas d'autres questions. J'en
aurais d'autres, mais j'ai fini mon temps. Je voudrais simplement vous exprimer
mon appréciation pour le sérieux avec lequel vous discutez de ces
questions et vous dire que, pour ma part, je souscris à ce que vous avez
énoncé tantôt, à savoir la nécessité
d'associer le personnel de soutien, même celui qui est chargé de
tâches plus modestes dans l'école, à la poursuite des
objectifs éducatifs de l'école et du système
d'enseignement. Je pense que vous avez fait voir cette dimension d'une
manière très efficace.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. J'indique à nos invités
qu'évidemment, comme vous l'avez constaté, nous devons
procéder avec certaines contraintes de bruits qui proviennent de
l'outillage utilisé pour procéder aux importantes
réparations qui sont actuellement en cours au parlement. Dans la mesure
du possible, nous avons demandé que ces bruits ne soient pas trop
insistants, mais je demande votre collaboration pour que nous puissions
poursuivre malgré tout, puisque ce sont des contraintes auxquelles nous
ne
pouvons échapper. M. le député de Vachon.
M. Ryan: M. le Président, sur une question de
règlement.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Seulement une question de règlement.
Tantôt, j'ai fait une erreur. J'ai dit que votre mémoire nous
avait été remis seulement hier. J'étais dans l'erreur. Il
a été envoyé il y a une quinzaine de jours. Ce sont mes
propres services de communications qui ont fait défaut, non pas mon
personnel, mais ma propre manière de traiter mes documents. En tout cas,
j'ai pris connaissance de votre mémoire hier. J'avais l'impression qu'il
n'était pas arrivé, mais on m'assure qu'il a été
envoyé à nos bureaux il y a une quinzaine de jours. Je m'en
excuse.
M. Auger: Merci de la correction. Je l'avais notée.
Effectivement, on l'a peut-être fait parvenir un peu plus tard que nous
l'aurions souhaité, mais pas seulement hier.
Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci, M. Auger. M. le
député de Vachon.
M. Payne: Merci, M. le Président. Malgré le bruit,
on va essayer de s'engager dans une discussion. C'est peut-être parce que
le ministère a déjà commencé sa structuration selon
les principes de décentralisation.
J'ai retenu deux préoccupations majeures hier soir dans nos
échanges touchant les transferts et les garanties. Dans l'article 353,
je pense que vous voudriez bien insister sur le besoin, sur la
nécessité d'une entente nationale, d'une part. D'autre part, au
sujet de l'article 412, j'aimerais que vous répétiez très
brièvement votre préoccupation lorsqu'on discute le droit de
demander l'accréditation de la part d'un syndicat ou d'une
sous-catégorie d'employés. Si je comprends bien, vous craignez
peut-être que la CSN, représentant une centaine de syndicats au
niveau du personnel de soutien, pourrait se voir face à une situation
où, disons, sans préjudice à la CEQ, la CEQ, qui
représente les enseignants, pourrait précisément demander
elle-même l'accréditation pour l'ensemble de ces travailleurs sur
un certain territoire. Est-ce bien votre crainte?
M. Auger: Je vais en parler un moment et je demanderai à
Ginette de compléter sur d'autres éléments. Un
élément de fond, quant à cet article 412, est relié
à la préoccupation mentionnée au début de la
section de notre mémoire qui parle de l'intégration du personnel
et de l'impact du projet de loi 40. Ce que l'on souhaite, avec l'ensemble des
participants, c'est ceci. L'intégration dans le nouveau territoire va
poser un certain nombre de problèmes importants dont on veut pouvoir
minimiser les aspects qu'il est possible de minimiser.
Puisqu'on partage déjà un certain nombre
d'éléments de changement, on dit: On va y faire face, mais
tentons de minimiser les aspects afférents à ces changements. En
ce sens, sur le plan des accréditations syndicales, tentons de ne pas
faire, en plus du bouleversement structurel, un bouleversement trop large des
accréditations.
Je vais demander à Ginette de compléter sur cette
question.
Le Président (M. Blouin): Mme Guérin.
Mme Guérin: Merci. Par rapport à l'article 412,
nous avons effectivement posé la question à quelques reprises
lors de rencontres de négociation que nous tenons avec les
représentants du ministère de l'Éducation. Nous avons deux
interprétations différentes du libellé actuel de l'article
412. C'est ce qui nous pose un problème.
La première interprétation nous semblait plus
équitable que la deuxième que nous avons eue hier matin. Ce qu'on
nous avait expliqué la première fois, c'était que si on
représentait du personnel de soutien dans une des commissions scolaires
en question, celles qui étaient restructurées, on pouvait
à nouveau déposer une requête en accréditation pour
continuer de représenter le personnel de soutien. Or, la deuxième
interprétation est beaucoup plus large que la première. On dit
que s'il y a un syndicat, peu importe qui il représente dans cette
nouvelle commission scolaire, il peut représenter l'ensemble des
salariés.
À notre avis, ce n'est pas du tout équitable pour
l'ensemble des centrales syndicales et des groupes syndiqués. C'est
là-dessus, hier, que j'ai posé une question. M. le ministre m'a
référée à ses fonctionnaires, sauf qu'ayant
posé la même question hier à ces fonctionnaires on m'a
référée à la commission parlementaire. Alors, je me
sens un peu sur une table de ping-pong, en bon français. J'aimerais
savoir exactement ce que signifie l'article 412.
M. Payne: C'était simplement pour les fins de la
commission. Je voulais bien saisir votre préoccupation à cet
égard. Merci.
Mes questions, qui seront précédées de quelques
remarques, concernent d'abord la pédagogie et, deuxièmement, la
péréquation. Un certain nombre de choses me paraissent, à
première vue, des incongruités dans le mémoire qui
était fort intéressant, d'ailleurs. Vous signalez que la CSN ne
voit pas, dans le projet de loi 40, de réelle décentralisation
des pouvoirs vers l'école. Vous indiquez, à
l'appui de votre énoncé, une douzaine de sujets sur
lesquels l'école ne serait que consultée. C'est à la page
4. Je ne vais pas en donner la liste parce que c'est bien inscrit par la CSN.
Cependant, je peux dire que ce serait sûrement de la musique aux oreilles
des membres de l'Opposition qui ont toujours, avec la Fédération
des commissions scolaires, craint une certaine perte de pouvoirs des
commissions scolaires. Vous donnez toute une liste des responsabilités
des écoles, tout en soulignant les rapports qu'ils entretiendront dans
l'avenir, avec les commissions scolaires.
Il y a toute une série d'articles du projet de loi, les articles
94 à 116, qui touchent la pédagogie et traitent de l'organisation
des services que devraient offrir les écoles. Nous avons les article 117
à 119. Ceci dit, faut-il comprendre que la CSN aurait aimé que le
projet de loi 40 confie plus de pouvoirs à l'école? À cet
égard, je voudrais souligner que vous avez dit, à la page 6:
"L'école doit avoir une responsabilité pédagogique
uniquement." Pour ajouter une autre considération que vous avez
soulignée, à la page 4, vous avez dit "que le projet local doit
se situer dans les paramètres nationaux déterminés par le
ministère de l'Éducation". N'est-ce pas là l'objet
spécifique du régime pédagogique en ce qui concerne les
matières de base en termes de mathématiques, d'histoire, de
français et d'autres matières fondamentales, ce qu'on appelle en
anglais "the basics". Avez-vous des commentaires sur ces préoccupations,
M. Auger?
M. Auger: Je vais tenter de répondre. D'abord, ce que l'on
dit dans notre mémoire, c'est qu'il ne s'agit pas de réelle
décentralisation. Cela est important pour nous. Si on parlait de
réelle décentralisation, il y aurait des transferts de pouvoirs
du palier central au palier régional, du palier régional au
palier local. Cela aurait pu être un choix exercé ou à
exercer. Ce que l'on constate, c'est que, dans ce projet de loi, il n'y a pas
réellement cela. Il reste que certaines nouvelles tâches sont
confiées à l'école, sauf qu'on peut confier de nouvelles
tâches à un organisme, qui est l'école en l'occurrence,
sans nécessairement qu'on puisse parler de décentralisation.
C'est pour cela qu'on fait une nuance; on parle de déconcentration et
non de décentralisation. (10 h 45)
On peut avoir un ministère de l'Éducation et on pourrait
avoir une école où tous les enfants seraient formés dans
la ville de Québec, siège du ministère de
l'Éducation. On peut avoir des écoles sur tout le territoire et
tous les pouvoirs peuvent demeurer centralisés dans un endroit
donné. Je vous donne cela comme exemple; c'est un peu
exagéré. Ce serait une déconcentration, mais on aurait en
même temps une très forte centralisation. C'est pour cela qu'on
dit que, dans ce projet de loi, on ne sent pas la décentralisation, mais
davantage la déconcentration, de sorte que les pouvoirs et les mandats
référés à l'école le sont sur le plan des
mécanismes consultatifs, parce qu'ils vont relever dans un
deuxième temps de la commission scolaire pour être
contrôlés, situés, vérifiés,
cautionnés, décidés; tous les termes sont utilisés
selon les différents articles du projet de loi. Je ne pense pas qu'il y
ait là d'incohérence ou d'incongruité; c'est tout
simplement qu'on distingue ces notions de décentralisation et de
déconcentration.
Quant à la question des paramètres nationaux, nous disons
qu'il faut effectivement que les paramètres nationaux déterminent
l'ensemble; on veut que cela soit bien réaffirmé. Puisqu'on en
parle dans le projet de loi, on a essayé de regarder
précisément ce qui restait comme coloration locale - vous pourrez
peut-être me l'indiquer davantage - dans un projet éducatif local.
Quand nous avons cherché - peut-être des bouts nous ont-ils
échappé - on ne voyait pas énormément de choses. Il
y a le statut confessionnel qui peut varier; il y a l'enseignement religieux;
il y a quelques aménagements mineurs. Si on parle de coloration locale,
est-ce qu'on veut couvrir plus que cela? Si on veut couvrir plus que cela, on
vous dit de faire attention à cette notion-là. On ne veut pas
aller dans cette direction-là, parce que cela nous apparaîtrait
dangereux. Si on doit effectuer des déplacements de ce genre,
effectuons-en certains au niveau régional, mais sur ceux-là, nous
n'avons pas la capacité de statuer pour l'instant; on n'a pas
creusé cette question suffisamment.
M. Payne: Je vous donne deux exemples de cela, M. Auger. Vous
avec demandé lesquels: le choix du matériel didactique, c'est un
pouvoir assez intéressant, demandé depuis fort longtemps par les
professeurs.
M. Augen Je n'ai pas compris.
M. Payne: J'ai dit le choix par les enseignants du
matériel didactique ou pédagogique, c'est un pouvoir assez
important à l'égard de la pédagogie. Dans tout ce qui
concerne le programme d'études, il y a aussi pas mal de
flexibilité possible de la part des enseignants et du conseil
d'école qui concerne strictement les questions pédagogiques.
M. Augen Pour nous, quand on lit: Elle détermine le
matériel didactique - on parle des fonctions de l'école - les
manuels scolaires et les autres biens mobiliers, conformément à
la réglementation de la
commission scolaire et selon les budgets qui lui sont alloués,
jusqu'où la réglementation de la commission scolaire va-t-elle
jouer? Nous disons qu'il n'y a pas à proprement parler de
décentralisation; il y aura une réglementation de la commission
scolaire qui est à déterminer sur cette question-là. Par
la suite, il pourra y avoir adaptabilité. Si c'est ce qu'on entend par
décentralisation, on peut toujours en parler, mais, pour nous, ce
n'était pas une fonction qu'on sentait aussi importante.
D'autre part, si cela va aussi loin que, quand on parle de
matériel didactique, de manuels scolaires, chaque école pourra
choisir des manuels scolaires différents pour deux quartiers - il y aura
deux manuels pour les mêmes enfants des mêmes années
scolaires - cela pourrait probablement poser un certain nombre de
problèmes et on ne serait pas d'accord sur ce type de
responsabilités, sur ce type de choix qui pourraient revenir à
l'école. Cela nous apparaît poser des problèmes.
M. Payne: On va changer de sujet dans un moment. J'aimerais
continuer là-dessus; on pourrait en discuter longtemps. Il y a une liste
du matériel préparée par le ministère qui a
effectivement comme rôle de faire une espèce de filtrage visant,
par exemple, le sexisme dans les livres, la discrimination qu'on a
trouvée dans certains matériels pédagogiques et
didactiques. À partir de cela, je pense qu'il y a pas mal de pouvoirs
délégués explicitement à la commission scolaire et,
par la suite, aux écoles. Mais vous n'êtes pas en
désaccord, de toute façon, sur le principe de la
décentralisation; c'est ce que j'ai compris de votre réponse.
M. Auger: Ce que l'on dit, c'est qu'on pense qu'il ne doit pas y
avoir de décentralisation au niveau local. On pense que, s'il doit y
avoir décentralisation, elle doit être davantage située
à un palier régional, parce que c'est là que cela se joue.
Vous donnez l'exemple du matériel didactique et des livres sexistes.
Nous n'avons pas besoin, au niveau local, d'une règle pour en disposer.
Ce qu'il faut, c'est que cela n'existe pas dans le réseau national, ce
qui nous inquiète beaucoup plus. On aurait, d'ailleurs, à
intervenir sur une question aussi importante que celle-là si elle se
posait, mais j'espère que l'exemple porte bien. Mais si on arrive
à un niveau scolaire où il y a deux méthodes
pédagogiques qui peuvent être utilisées et qu'il y a deux
écoles différentes qui les utilisent dans un matériel
didactique, cela peut poser problème. On a vécu, dans le
passé, ce genre de problème et on pense qu'on doit surveiller ces
éléments-là. C'est pour cela qu'on dit: Qu'est-ce qui,
effectivement, dans la pratique, pourrait faire en sorte de rendre importante
cette décentralisation au niveau local? On pense que ce n'est pas utile
et pas opportun.
M. Payne: J'aimerais simplement dire -je me permets un court
commentaire - que je ne suis pas sûr que cela reflète la position
de l'ensemble des enseignants qui, pendant longtemps, ont revendiqué
plus de pouvoirs concernant les programmes d'études, d'une part, et,
d'autre part, quant au choix du matériel.
Si vous me le permettez, j'aimerais aborder un autre point, parce que M.
le Président me signale que mon temps est presque écoulé.
Concernant la péréquation, vos préoccupations au niveau,
par exemple, des écoles en milieu défavorisé me frappent
comme une considération importante. Vous mentionnez comme une perte ce
que vous voyez comme étant la disparition du Conseil de l'île de
Montréal. C'est intéressant parce que vous l'avez défendu
il n'y a pas longtemps. Vous vous êtes battus avec acharnement contre la
CUM, la Communauté urbaine de Montréal. Soit dit en passant, le
Conseil de l'île de Montréal peut continuer d'exister,
peut-être pas avec le même mandat qui était essentiellement
celui de trouver une restructuration scolaire. Par contre, des commissions
scolaires avec une coopérative de services peuvent se former et,
à ce moment-là, cela va donner une certaine intégration
verticale, une certaine coopération entre commissions scolaires. Ce que
les représentants du Conseil scolaire de l'île de Montréal
n'ont pas souligné à cette commission lorsqu'ils sont venus la
semaine dernière, c'est que la plupart des ressources financières
en matière de péréquation viennent du gouvernement du
Québec, du ministère de l'Éducation, avec toute une gamme
de services autres que les allocations de base générales
touchant, par exemple, l'enseignement des langues d'origine, le
développement pédagogique relié aux autochtones, l'aide
pour les milieux économiquement faibles, les services de garde,
l'adaptation scolaire. Tous ces programmes que je viens de mentionner sont
dirigés par le ministère de l'Éducation et non par le
Conseil scolaire de l'île de Montréal.
D'autre part, je pense qu'il est important de souligner dans les
discussions qu'au moment où le Conseil scolaire de l'île de
Montréal a été formé par la loi 71 il n'y avait pas
de loi 57 qui, justement, tout en permettant au gouvernement d'offrir les
services éducatifs à 100%, selon les règlements et les
lois, lui permettait, bien sûr, les 6% de taxation. Dans le projet de loi
40, le regroupement selon la nouvelle carte territoriale fait en sorte que les
disparités, qui existaient auparavant ou, si vous voulez, qui existent
actuellement au sein de certaines commissions scolaires, disons entre la CECM
et la commission
scolaire de Verdun, n'existeront plus de la même manière,
parce que les regroupements selon la nouvelle carte du projet de loi 40
enlèveront, d'une certaine façon, ces disparités. Je ne
suis pas sûr que le projet de loi 40 va défavoriser certains
milieux.
Le Président (M. Blouin): Très rapidement, M.
Auger.
M. Auger: Je n'ai pas en tête exactement l'article qui
traite de cette question. Pourriez-vous le trouver, monsieur? Je veux faire un
commentaire très bref sur cette question. Nous disons qu'on doit
conserver une fonction de péréquation, qui est une fonction
extrêmement importante pour l'ensemble de l'île de Montréal.
Jusqu'à présent, il y avait des pouvoirs ou des
responsabilités qui relevaient du Conseil scolaire de l'île de
Montréal. On ne fera pas une bataille pour dire: Ce sera le Conseil
scolaire de l'île de Montréal et, en dehors de cela, point de
salut, mais ce que l'on dit, c'est qu'il faut s'assurer que ces fonctions
soient très présentes et garanties. Dans le projet de loi,
l'article 425 dit: "Le ministre constitue un organisme pour exercer les
pouvoirs du Conseil scolaire de l'île de Montréal concernant sa
dette obligataire contractée avant le premier juillet 1985." Ensuite,
"la commission de mise en oeuvre peut recommander au ministre de confier
à cet organisme la mise en commun de biens ou services au
bénéfice des commissions scolaires de ce territoire." On pense
qu'il n'y a pas suffisamment de garanties là-dedans pour que la fonction
de péréquation soit bel et bien assurée.
Lorsqu'on a produit notre mémoire, en novembre dernier ou au
début de décembre, c'est cet élément qu'on
soulignait comme fondamental.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Auger. Merci, M. le
député de Vachon. M. le député de Saint-Henri.
M. Hains: M. le Président, pourriez-vous me permettre au
tout début une petite mise au point?
Le Président (M. Blouin): Très certainement, M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: C'est à bon escient, hier soir, que j'ai lu
vraiment des déclarations très choc, m'a-t-on dit, sur la
question de la confessionnalité. Selon les échos, cela a
frappé dur, mais, comme dans la chanson, je ne regrette rien. Pourquoi?
Parce que je crois qu'il est bon de faire entendre de temps en temps de gros
bourdons afin de mieux entendre tous les sons de cloche possibles et de
créer ainsi un carillon d'opinions qui est encore mieux
balancé.
Ceci dit, je vais vous poser seulement une question, mesdames et
messieurs. En même temps, je veux vous féliciter pour votre
brillante intervention. Dans votre mémoire, à la recommandation
15 - on vient justement d'en parler - vous défendez le Conseil scolaire
de l'île de Montréal ou, enfin, comme vous le dites, un organisme
qui aurait une surveillance très étroite surtout de la question
des finances et de la répartition. Là-dessus, je vous
félicite.
Dans votre recommandation 17, vous demandez que soit convoquée
une autre commission, pour ainsi dire, sur le redécoupage des
territoires des commissions scolaires. Alors, vous ne vous prononcez pas sur la
question de la commission scolaire de Montréal proprement dite. (11
heures)
Mardi soir dernier, devant la FTQ, je parlais de la politique
gouvernementale envers Montréal où l'on veut vraiment que
Montréal devienne un fer de lance de la relance économique. Le
premier ministre et son cabinet veulent investir des millions à
Montréal. On veut en faire le moteur et le coeur d'une reprise autant
économique que culturelle. Je disais mon étonnement devant le
projet de loi 40 qui veut scinder le territoire et les pouvoirs de la CECM.
Alors que, d'une part, on veut pour ainsi dire valoriser Montréal,
d'autre part, on veut l'amoindrir en démantelant son système
d'éducation qui fait vraiment honneur à la métropole et
même à l'extérieur. Même si vous ne vous prononcez
pas actuellement, de quel côté vont vos penchants pour cette
question de la commission scolaire de Montréal?
M. Auger: Sur cette question du redécoupage des
territoires, effectivement, on a peu développé. Comme notre
mémoire a été produit, je le disais, autour de novembre,
nous étions en situation de dire que, dans beaucoup d'endroits, le
nouveau découpage de territoires posait des problèmes dont on ne
voyait pas de solution rapide et facile, de sorte que l'on a dit: Sur cette
question très précise, demandons une nouvelle commission
parlementaire. Les informations que nous avons aujourd'hui, en début de
février, nous laissent croire qu'effectivement, sauf à quelques
endroits dans le redécoupage, il y a eu entente entre les parties. Cela
a peut-être forcé à quelques endroits, mais il y a eu
entente. On dit: C'est à peu près normal. D'après les sons
de cloche qu'on peut avoir là où on est présents - on a
été partie à ces débats - il y a eu entente. Il
reste, je dirais, deux endroits: Québec et Montréal, et
particulièrement Montréal, où il n'y a vraiment pas
entente.
Ma première réponse serait de dire que, dans cette
matière, comme dans bien d'autres matières, il y a deux
façons de
régler la question. D'y aller par décret ou par loi pour
dire que la CECM ne doit plus exister comme commission scolaire. Donc, on la
divise en trois, en quatre ou en cinq, même si les parties ne sont pas
d'accord. L'autre voie qu'on favorise, en sachant que c'est loin d'être
facile, c'est de dire: Si on a réussi à faire de cette question
un débat correct dans l'ensemble de la province, on devrait être
capable, en prenant les bouchées doubles, de faire encore des bouts pour
voir comment on peut arriver à définir Montréal, si le
territoire doit être divisé ou maintenu.
Quant à la finalité, à savoir notre position, si la
CECM doit, oui ou non, être divisée, on a eu l'occasion
d'échanger sur ces questions avec les syndicats que nous
représentons et avec lé secteur avec lequel nous travaillons
spécifiquement à cette occasion-là. Pour nous, encore une
fois, ce que l'on dit, c'est qu'on n'a pas, à première vue,
d'arguments qui nous disent, hors de tout doute, que, si on ne défait
pas la CECM, on nuit à la pédagogie ou au progrès scolaire
et on n'a pas, à l'inverse, un certain nombre d'autres raisons,
d'arguments qui nous disent: Si on défait la CECM, c'est vraiment le
cataclysme sur l'île de Montréal sur le plan de la formation. On
veut que le milieu continue de travailler profondément sur ces
questions. Ces débats vont être durs, on ne s'en cache pas. On
demande une chose, cependant, c'est que, si ces débats pouvaient sortir
des ornières un peu politiques dans lesquelles cela s'est enferré
trop rapidement, cela permettrait peut-être de se sortir la tête
au-dessus de l'eau et de prendre une couple de bouffées d'air avant de
replonger et de trouver la solution. Malheureusement, je trouve qu'on a
glissé très rapidement, que ce soit avec le Conseil scolaire de
l'île de Montréal ou avec la CECM. Le débat s'est
enfoncé trop rapidement dans une partisanerie politique ou dans la
petite politique, ce qui fait en sorte qu'il y a des dimensions que l'on a de
la misère à faire ressortir. Nous souhaitons que cela se
poursuive. En ce sens, nous sommes prêts à faire le bout que nous
avons à faire comme confédération. D'ailleurs, les
syndicats dans ce milieu continuent à faire les débats que nous
avons amorcés, nous sommes prêts à les poursuivre.
Le Président (M. Blouin): Merci.
M. Hains: J'admire vraiment votre sincérité, votre
logique, et je vous en remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Saint-Henri. Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je vais essayer
d'être très brève, compte tenu du temps.
Je veux remercier les représentants de la CSN et leur dire qu'il
y a beaucoup de points, soulevés dans leur mémoire, que je
partage, par exemple, sur le plan démocratique, le suffrage universel,
leurs préoccupations pour une juste péréquation, une juste
distribution entre les écoles, pour ne pas accentuer les
disparités qui existent déjà entre les écoles.
Je retiens vos suggestions quant à la représentation de
tout le personnel qui travaille dans une école. C'est exact de dire que
le personnel de soutien joue un rôle important dans les écoles si
on le lui laisse jouer. Ce n'est pas une direction d'école ou même
des parents qui déterminent avec qui leurs enfants vont établir
les meilleures relations. On a vu des exemples où souvent cela a pu
être une réceptionniste, une secrétaire, un concierge avec
qui un enfant créait ses premiers liens ou ses liens les plus
significatifs à l'école; aussi étrange que cela puisse
apparaître, cela se présente. Alors, c'est dans la mesure
où on leur permet aussi d'être partie de l'école et non pas
ce qu'on pourrait, appeler dans un sens un peu péjoratif, au service de
l'école pour servir les autres.
Vous parlez également de la nécessité de la
clarification des responsabilités entre les trois paliers: le
ministère, la commission scolaire et le conseil d'école.
Là encore, il y a beaucoup de réflexions à faire.
Vous dites, à la page 7 de votre mémoire: La CSN trouve
regrettable que le projet de loi 40 porte le débat au plan des
structures. Cela est regrettable car on y oublie les problèmes de la
qualité de l'enseignement, du décrochage, de l'absentéisme
des élèves, des problèmes réels auxquels devrait
s'attaquer le ministère de l'Éducation. Ce matin, j'entendais
à la radio que demain le Conseil supérieur de l'éducation
doit rendre publique une étude. Je ne voudrais pas déformer, mais
je peux simplement rappeler ce que j'ai entendu. Le Conseil supérieur de
l'éducation dirait qu'il est urgent qu'on agisse au niveau du secondaire
parce qu'on formera une prochaine génération - vous pourrez me
corriger si j'ai mal interprété - qui sera délinquante. En
d'autres termes, on est rendu au creux et il est urgent d'agir. Je veux vous
demander si, à vos yeux - il peut être intéressant de
discuter du projet de loi 40, on y trouve des points communs, etc. - c'est cela
qui va apporter les vraies solutions aux types de problèmes que vous
mentionnez ici et si le Conseil supérieur de l'éducation, dans
son rapport, demain, viendra d'une certaine façon renforcer les
données des problèmes.
M. Auger: Je veux seulement indiquer qu'au début de notre
mémoire nous avons souligné cette question. Sur l'ensemble
des
débats sur l'éducation, à notre point de vue, cela
fait 20 ans, grosso modo, que l'on a traversé une période de
réforme très importante. Après 20 ans, il y a des
ajustements qui doivent nécessairement se faire, qui ont pu se faire au
fur et à mesure, mais, à un moment donné, il y a
peut-être un virage un peu plus important qu'on a à prendre. Selon
notre réflexion, le projet de loi 40 porte d'abord et avant tout sur les
structures. Également, on aurait bien aimé pouvoir
débattre d'une façon plus large, non pas de tous les sujets en
même temps, parce que c'est trop vaste, mais au moins avoir cette
espèce de mise en situation globale de la part du ministère pour
dire: Voici, en gros où on en est, voici l'ensemble des
paramètres et voici comment maintenant on pourrait aborder tel ou tel
aspect. Cette vue d'ensemble pour des observateurs extérieurs est
difficile à saisir. On est amené à analyser à la
pièce des textes législatifs ou réglementaires. On a
toujours un peu de difficulté à pouvoir resituer cela dans son
contexte global. C'est le fait qu'on soulignait.
Sur la question précise qu'on souligne là-dessus, c'est
qu'effectivement notre préoccupation par rapport au décrochage,
par rapport à l'absentéisme, est qu'il faut pouvoir agir sur
cette question très rapidement. J'ai aussi hâte de voir le contenu
de l'étude - j'ai lu rapidement aussi ce matin l'article du journal -
faite par le Conseil supérieur de l'éducation pour voir comment
toute cette situation se présente et si cela confirme les bribes
d'information que nous avons quant à cette situation
déplorable.
D'autre part, ce qu'on peu remarquer, c'est que la situation actuelle,
qui n'est pas seulement due au système scolaire, mais probablement
à un contexte plus général d'une crise économique,
sociale, que l'on traverse au Québec, mais pas à l'échelle
mondiale, fait en sorte que les jeunes sont très
désemparés à cet égard et remettent beaucoup en
question un tas de valeurs qui, pour nous, sont consacrées, reconnues
comme n'étant pas à remettre en question immédiatement.
Eux les remettent en question. Alors, on dit: II faut pouvoir débattre
de ces questions, sinon les jeunes... Ce qu'on constate, c'est que les jeunes
refusent de s'embarquer jusqu'à un certain point dans ce qui existe
actuellement. Si cette adaptation ne se fait pas, on va arriver avec une
génération et je ne sais pas comment elle fera pour porter ce
qu'elle devra porter, ou elle décidera de le porter d'une autre
façon, mais il y aura dans la société d'autres personnes,
dont nous, qui seront rendues les aînés, comme on dit maintenant;
on aura aussi à subir les conséquences de cette situation. C'est
pour cela qu'on trouve cette préoccupation fort importante et nous
pensons qu'on devrait pouvoir, entre autres avec l'étude du CSE et
peut-être d'autres études qui ont été
commandées récemment au Conseil supérieur de
l'éducation et avec d'autres ressources, faire en sorte de mieux
s'adapter.
On a nous-mêmes un dossier qui est en marche actuellement, qui
n'est malheureusement pas suffisamment avancé, qui porte sur toute la
question des jeunes à l'égard du travail, parce que cette
question se pose aussi. Les jeunes ne voient pas le travail comme nous pouvions
le voir il y a cinq, dix, quinze ou vingt ans. Cela a beaucoup changé.
On est en train de monter un dossier là-dessus pour voir quels sont ces
changements, ce qu'ils ont comme conséquences, ce que cela devrait nous
indiquer comme piste de changements par rapport à notre comportement
comme organisation syndicale et comme travailleurs et travailleuses dans la
société.
Mme Lavoie-Roux: La préoccupation que nous avons, c'est
que vous avez raison. Il y a des changements qui s'imposent, compte tenu, par
exemple, de la plus grande diversité dans notre société.
On sent d'ailleurs certains consensus assez grands quant à la division
linguistique, quant à l'intégration des systèmes
élémentaire et secondaire. C'était une opération
qui était en marge et qui a été arrêtée par
le gouvernement actuel.
Il y a aussi la question de la confessionnalité où les
gens, eu égard au pluralisme, disent: II y a des réajustements
à faire. On sent que c'est compliqué dans le projet de loi,
même si on ne l'a pas abordée beaucoup aujourd'hui. Mais le reste,
où on va peut-être parler de dispositions qui sont dans le projet
de loi, crée plus de situations de conflits qu'on va en corriger. Notre
inquiétude est de savoir si cela va permettre la résolution des
problèmes que vous mentionnez et dont vous venez de parler.
Je vous poserai une seule question. En fait, cela a trait aux
possibilités de disparités plus grandes entre les écoles.
Je ferai seulement une remarque au point de départ. Par exemple, quand
on parle du choix des manuels qui serait laissé aux parents ou au
conseil d'école, je pense que vous avez bien indiqué le
problème si deux écoles voisines fonctionnent trop
différemment. J'ajouterais que, lorsque vous regardez sur le territoire
de Montréal - je ne sais pas si c'est toute l'île, mais
certainement sur le territoire de la CECM - où on vous dit qu'il y a une
mobilité des enfants qui varie entre 20% et 25% par année, je ne
sais pas dans quelle mesure... D'abord, au plan budgétaire, on pourrait
se poser des questions. Deuxièmement, au plan de l'intérêt
des enfants, quel sera le jeu qu'en fait on pourra permettre au niveau des
écoles si on ne veut
pas, à un moment donné, créer des
difficultés pour les enfants? (11 h 15)
Eu égard à cela, je voudrais vous demander quelles sont
vos réactions à l'article 216 où, à la demande
d'une école, la commission scolaire peut exercer temporairement les
pouvoirs de celle-ci en matière de gestion des ressources humaines,
matérielles ou financières. L'intention du législateur -
je la comprends - a été d'introduire un élément de
flexibilité. Au plan pratique, voyez-vous des répercussions
à cet article? Certaines écoles décideraient de remettre
tous les pouvoirs de décision à la commission scolaire, tandis
que d'autres décideraient de les garder. Est-ce qu'il ne pourrait pas y
avoir un élément qui, éventuellement, pourrait apporter,
dans la distribution des ressources, dans le soutien pédagogique, des
différences entre les écoles, ce qui ne serait pas à
l'avantage des enfants?
M. Auger: C'est une question très spécifique et je
ne suis pas certain de pouvoir vous répondre d'une façon
détaillée. Le seul élément de réponse que
j'aimerais vous donner là-dessus revient un peu à la trame de
fond que nous avons dans notre mémoire où il nous semble que,
s'il doit y avoir davantage de responsabilités au niveau de
l'école, il faut être très prudent pour que l'école
soit vraiment apte, comme entité, à les assumer. C'est ainsi que
nous posons le débat. D'une façon plus précise, qu'est-ce
que cela pourrait signifier? Je ne pourrais malheureusement pas y
répondre.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. Au nom de tous les membres de la commission,
je remercie les représentantes et les représentants de la
Confédération des syndicats nationaux pour leur importante
collaboration aux travaux de cette commission.
Sur ce, j'invite maintenant les représentantes et les
représentants du Comité de parents de la commission scolaire
Jérôme-Le Royer à prendre place à la table des
invités. Je leur rappelle que, comme à l'accoutumée, ils
pourront disposer d'une période de vingt minutes pour nous faire part du
contenu de leur mémoire. Ensuite, nous pourrons procéder aux
échanges entre les membres de la commission et nos invités.
Je vous demande, d'abord, de bien vouloir vous identifier et de
procéder ensuite à la présentation de votre
mémoire.
Comité de parents de la commission scolaire
Jérôme-Le Royer
M. Castura (Jimmy): M. le Président, mesdames et messieurs
les membres de la commission, je vous présente, à ma gauche, Mme
Marthe Allard, représentante à la table des commissaires au
niveau primaire; M. Denis Tremblay, membre de l'exécutif; M. Lucien
Nadeau, membre de l'exécutif; Mme Micheline Risler-Schick, membre de
l'exécutif; Mme Mireille Beaudry, représentante à la table
des commissaires au niveau secondaire.
Je tiens à préciser que le présent mémoire
est le fruit d'un travail d'équipe. Les parents qui m'accompagnent se
sont préparés non seulement à titre de
représentants, mais aussi à titre de participants. Ces personnes
se feront donc un plaisir de répondre aux questions qui leur seront
posées par les membres de la commission parlementaire.
Il nous fait plaisir aujourd'hui, comme parents, de vous
présenter la synthèse de notre mémoire concernant le
projet de loi 40 sur l'enseignement primaire et secondaire public. C'est
à titre de membres du comité de parents d'une importante
commission scolaire, la commission scolaire Jérôme-Le Royer,
regroupant quelque 22 000 élèves, que nous apportons notre
réflexion et que nous présentons des recommandations sur
certaines questions qui nous paraissent fondamentales.
Notre commission scolaire s'étend sur un vaste territoire qui
regroupe quatre municipalités: Anjou, Montréal-Est,
Pointe-aux-Trembles et Saint-Léonard. Notre clientèle comprend un
secteur francophone et un secteur anglophone. La population se
caractérise par une diversité où se retrouvent plusieurs
ethnies et différentes couches sociales. Le pluralisme qui marque notre
milieu nous a incités à porter une attention toute
particulière à ce projet de loi qui aura un impact sérieux
sur notre avenir.
L'examen que nous avons fait du projet de loi 40 porte sur les articles
qui nous sont apparus comme les plus significatifs pour que l'école
devienne un lieu d'excellence pour l'instruction, l'éducation et la
formation de l'enfant.
L'école est, dans une certaine mesure, une institution qui
continue et complète la famille dans une perspective plus élargie
d'expériences et d'activités. D'où l'importance pour nous,
représentants des parents, de poser dès maintenant un principe
fondamental que doit garantir cette réforme. Ce principe consiste
à assurer aux parents une place prépondérante dans les
centres de décision et les lieux d'orientation que constituent le
conseil d'école et le conseil d'administration des commissaires.
Le projet de loi 40 nous apparaît comme un document très
vaste qui, d'un seul coup, touche directement ou indirectement à tous
les aspects du système scolaire. Les fonctions et les pouvoirs des
diverses instances scolaires sont remis en question.
Les statuts institutionnels, tout autant que les territoires, sont
changés. Ce projet nécessite même des modifications
à quelque 60 autres lois de nature différente.
À cause même de son envergure et à cause aussi de
plusieurs propositions qui marquent une cassure importante dans nos traditions,
ce projet aura, nous semble-t-il, des difficultés à obtenir la
plénitude des adhésions sur un bon nombre de questions. Il
représente cependant, pour nous, une occasion très importante de
situer, encore une fois, nos intentions et nos orientations, comme parents, en
espérant fortement qu'elles seront très bientôt inscrites
dans la loi.
Les recommandations qui suivent ont été
développées dans le texte du mémoire. Elles
résument bien les intentions et les volontés de
l'assemblée générale du comité de parents qui les a
approuvées. On les a voulues cohérentes et bien
articulées. Elles visent à la concertation, à la
qualité des interventions et à une implication réelle et
décisive des parents au plan des orientations et politiques qui assurent
la réalisation d'un projet éducatif respectueux des valeurs et
conscient des exigences d'une véritable éducation.
Dans cette perspective, le comité des parents de la commission
scolaire Jérôme-Le Royer recommande: 1. Que le statut linguistique
constitue le critère de base de la répartition des territoires
des commissions scolaires et que la révision de la carte scolaire
prévoie l'intégration des niveaux primaire et secondaire en
conformité avec le présent projet de loi. 2. Qu'il n'y ait pas de
commissaire élu au niveau de chacune des écoles selon les
modalités prévues dans le projet de loi 40. 3. Que le conseil
d'administration de la commission scolaire soit composé de 20 membres ou
moins. La moitié serait élue au suffrage universel à tous
les quatre ans; l'autre moitié serait élue par et parmi les
délégués ou représentants des parents membres des
conseils d'école avec une représentation égale du primaire
et du secondaire. Les délégués ou représentants des
parents ainsi élus membres du conseil d'administration
démissionnent du conseil d'école.
Le mandat des membres du conseil d'administration provenant de
l'élection des délégués ou représentants des
membres des conseils d'école est d'une durée de deux ans. Les
membres du conseil d'administration se nomment un président devant
être choisi parmi les membres provenant des conseils d'école. Ce
président a un mandat de quatre ans.
Avantages de cette composition du conseil d'administration. La
représentativité des parents ayant des enfants à
l'école sera majoritaire, étant donné que d'autres parents
seront élus au suffrage universel comme ce fut toujours le cas. Les
orientations pédagogiques et administratives de la commission scolaire
seront considérées en fonction des intérêts de
l'école et dans le souci des attentes et des besoins de la population en
général. L'aspect démocratique qui est à la base de
nos institutions et qui fait partie intégrante de nos traditions sera
respecté. Les parents ayant des enfants à l'école auront
la possibilité, après deux ans, de rescinder ou de reconduire le
mandat de ceux qu'ils ont placés au conseil d'administration. La
continuité si importante aux institutions sera assurée par ceux
qui ont un mandat de quatre ans, dont le président. 4. Que le conseil
d'école soit composé d'une majorité de parents, d'un
minimum obligatoire de deux enseignants, d'une représentation du
personnel non enseignant et des élèves du second cycle
secondaire, si ces derniers le désirent, et du directeur d'école.
Cette présence obligatoire, active et motivée, d'un minimum de
deux enseignants est une nécessité pour nous. On ne peut vraiment
pas ignorer dans un conseil d'école ceux-là mêmes qui
vivent quotidiennement avec nos enfants, ceux qui sont au coeur de l'acte
éducatif et qui auront à adapter certains de leurs
fonctionnements aux décisions du conseil. 5. Que la procédure
à établir pour le choix des parents au conseil d'école
s'apparente à celle décrite dans le livre blanc et que ce choix
se fasse en mai. Le président est choisi parmi les membres du conseil
qui sont parents. Le mandat des parents choisis, comme ceux des autres membres,
est de deux ans. 6. Que le conseil d'école soit décisionnel dans
le domaine des activités courantes, telles que, entre autres: la
fixation des objectifs et des orientations éducatives;
l'établissement du projet éducatif en concertation; l'application
des mesures sur la confessionnalité; reconnaissance de la
confessionnalité, enseignement religieux, animation pastorale, etc.;
l'établissement du calendrier scolaire, la détermination des
règles de régie interne - horaires, procédures,
information, documentation l'institution du règlement pour les
élèves.
Que le conseil dispose d'un droit d'intervention sur toutes les
décisions d'ordre professionnel qui sont du ressort du directeur
d'école, avec droit, à un vote aux deux tiers de ses membres, de
soumettre à la commission scolaire toute décision que le conseil
d'école jugerait nécessaire à son bon fonctionnement.
Ces décisions sont, entre autres: l'application de tous les
programmes d'études; l'implantation des programmes d'études
nouveaux; l'établissement du plan d'évaluation de l'enseignement;
la répartition du temps requis pour les services de l'ensei-
gnement; la gestion du personnel, etc. 7. Que les membres du conseil
d'école siégeant au comité de sélection du
directeur d'école soient tous des parents. 8. Que toute demande du
conseil d'école relative à la reconsidération du mandat du
directeur d'école, par un vote aux deux tiers, soit assujettie, en toute
équité, à une évaluation faite par la commission
scolaire en consultation avec le conseil d'école. 9. Que les parents
disposent du droit d'inscrire leurs enfants, au moment de l'inscription
annuelle, à deux ou trois écoles en indiquant, selon leur
préférence, un ordre de priorité dans leur choix. 10. Que
l'école ne soit pas tenue de faire une consultation concernant la
reconnaissance confessionnelle à moins qu'une majorité de parents
dont les enfants fréquentent ou fréquenteront cette école
ne demande une telle consultation et que ce statut confessionnel ainsi
déterminé ne soit pas reconsidéré avant cinq ans.
11. Qu'un comité confessionnel soit institutionnalisé et reconnu
par la loi au niveau de chaque commission scolaire en vue de veiller à
ce que l'éducation chrétienne dispose des ressources
nécessaires pour remplir ses obligations et de voir à ce que les
écoles et les commissions scolaires assument leurs
responsabilités. 12. Que les commissions scolaires soient
désormais non confessionnelles. 13. Que la reconnaissance
confessionnelle qui sera accordée aux écoles assure
légalement à la majorité la certitude de pouvoir
élaborer et de mettre en oeuvre un projet éducatif
chrétien qui se reflète non seulement dans l'enseignement
religieux et l'animation pastorale, mais aussi dans l'enseignement des autres
matières et dans toutes les activités de l'école.
(11 h 30) 14. Qu'un comité central de parents soit maintenu au
niveau de la commission scolaire avec représentation à la table
des commissaires. 15. Que le projet de loi prévoie des mesures
permanentes de formation à l'intention de ceux qui siègent et
siégeront aux conseils d'école et aux conseils d'administration.
16. Que la partie réglementation du projet de loi concernant le
gouvernement et le ministre soit réduite en vue de tenir compte des
idées de base du livre vert et du livre blanc qui parlaient de
décentralisation et d'autonomie. 17. Que le ministre considère,
dans l'établissement des enveloppes budgétaires, les exigences
relatives à la participation et à l'implication des parents dans
les conseils et comités décisionnels. 18. Que le ministre
établisse les règles générales concernant les
allocations et les normes de remboursement de dépenses et qu'il laisse
une certaine latitude et marge de manoeuvre aux commissions scolaires et aux
écoles dans les modalités d'application de ces règles. 19.
Que le président du comité de mise en oeuvre de la nouvelle loi
soit choisi par le ministre sur recommandation des membres de ce comité
qui regroupe des représentants de commissaires et de parents. 20. Que le
comité de mise en oeuvre délivre un acte d'établissement
à toutes les écoles existantes, et ce pour cinq ans. 21. Que
chacune des écoles puisse demeurer ouverte pour une période d'au
moins cinq ans et qu'elle reçoive des subventions particulières
dans le cas où une importante diminution de la clientèle
affecterait sérieusement, à la baisse, ses ressources et ses
effectifs.
M. le Président, les recommandations que nous venons
d'énumérer sont très significatives pour les parents. Nous
sommes conscients qu'elles représentent certains ajustements à
faire dans le projet de loi 40. Nous avons la conviction que ces ajustements
pourraient avoir une influence très positive dans cette réforme
qui n'aura de valeur que si elle améliore, finalement, la qualité
de la vie dans l'école et l'acte éducatif exercé
quotidiennement auprès de nos enfants.
En conclusion de cet exposé, le voeu que nous exprimons pour le
présent et pour l'avenir est que nous soyons vraiment partie prenante,
avec des droits et des pouvoirs, à l'évolution d'un
système scolaire dont l'enfant, notre enfant, doit être au coeur
de toutes les préoccupations.
Nous demandons d'être au carrefour des décisions et au
centre des politiques visant à la réalisation des nouveaux
défis de l'école, d'une école que l'on veut plus autonome
et plus efficace, dans une décentralisation qui doit s'adapter au
vécu quotidien et valoriser le milieu de vie.
Notre implication dans le système scolaire ne se veut pas
exclusive. Nous désirons la partager avec tous les autres partenaires,
particulièrement les enseignants, les professionnels et les cadres dont
l'apport est essentiel.
Nous voulons, dans le respect des orientations et des objectifs de
l'État, que nos enfants reçoivent dans l'école publique
une éducation qui réponde à nos attentes et à nos
aspirations.
Puisse ce mémoire contribuer à l'élaboration d'une
loi qui reflète un certain consensus éducatif et social dont
l'enfant profitera et, par lui, la société et l'État.
Le Président (M. Leduc, Fabre): Merci, M. Castura. M. le
ministre.
M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
et féliciter les
représentants du Comité de parents de la commission
scolaire Jérôme-Le Royer pour l'attention qu'ils ont
apportée au livre blanc et, ensuite, au projet de loi, et pour les
recommandations qu'ils nous font et qui portent sur plusieurs sujets.
Je note, bien sûr, en passant, que le comité de parents est
d'accord sur les grandes orientations du projet et sur une bonne partie de ses
éléments. Par exemple, le comité de parents est d'accord
pour que les commissions scolaires soient désormais divisées sur
une base linguistique plutôt que confessionnelle; d'accord sur
l'intégration des deux niveaux d'enseignement; d'accord aussi pour qu'on
revalorise l'école, qu'on lui donne plus de responsabilités,
particulièrement en matière de pédagogie; d'accord pour
qu'un conseil d'école existe dans chaque école avec un pouvoir
décisionnel important sur un bon nombre de matières surtout
portant sur la pédagogie, mais aussi sur la confessionnalité;
d'accord également pour que le gouvernement institue un moratoire sur
les fermetures d'écoles pendant les cinq prochaines années,
d'accord, d'une façon générale, sur les
aménagements à la confessionnalité. C'est sur ce dernier
point cependant que le comité de parents de la commission scolaire
s'interroge le plus. Le comité de parents semble penser que les
aménagements qui garantissent la confessionnalité ne sont pas
encore assez généreux ou abondants. Il nous suggère ou
nous recommande d'aller encore plus loin dans ce sens-là.
Je voudrais dire aussi, au départ, que je suis d'accord avec le
comité de parents quand il dit que, si nous confions désormais
aux parents de plus grandes responsabilités, il faudra veiller à
leur apporter le soutien nécessaire, le perfectionnement dont ils auront
besoin au même titre que les commissaires d'école, les enseignants
et les autres personnels de l'école. Je suis tout à fait d'accord
avec le comité de parents là-dessus, mais, encore une fois, les
deux points sur lesquels le comité de parents se pose des questions,
c'est celui du suffrage universel, où un recommande un autre mode de
suffrage universel. La position que vous épousez là-dessus est
celle de la Fédération des comités de parents et je ne la
commenterai pas plus avant. L'autre interrogation porte sur le statut. Vous
nous recommandez, en somme, de nous rapprocher davantage de la situation
actuelle à cet égard, par exemple, en recommandant que le statut
actuel soit maintenu, à moins que les parents, en majorité, ne
demandent sa révision, alors que le projet de loi prévoit, au
contraire, que ce statut sera maintenu pour une période de transition de
trois ans, mais que, par la suite, les parents auront à exprimer
démocratiquement leurs opinions, leur volonté quant au maintien
ou à la révocation de ce statut.
La question que j'aimerais vous poser est double. La première:
Qu'est-ce qui, selon vous, justifie l'octroi d'un statut confessionnel pour
l'école que prévoit le projet de loi 40? Quelles sont donc les
raisons qui justifient le maintien de l'existence d'un statut en regard des
garanties qui sont maintenant inscrites dans le projet de loi et qui ne
l'étaient pas auparavant? Donc, qu'est-ce qui justifie le maintien d'un
statut confessionnel pour une école? Deuxièmement, quelles sont
les raisons précises qui vous amènent à nous
suggérer ou à nous recommander que le statut soit maintenu,
à moins qu'une majorité de parents ne demandent, au fond, une
reconsidération qui équivaudrait probablement à une
demande de rejet du statut?
M. Castura: M. le ministre, cette question, comme vous l'avez
constaté, c'était une de nos questions prioritaires et on a
travaillé beaucoup là-dessus. Mon camarade ici, M. Lucien Nadeau,
se fera un plaisir de répondre plus en détail à vos deux
questions.
Le Président (M. Blouin): M. Nadeau.
M. Nadeau (Lucien): M. le Président, notre position
concernant la confessionnalité est globale. Nous constatons, comme la
plupart des gens, que le composition sociale de notre société n'a
plus la même homogénéité qu'autrefois. Chez nous,
à Jérôme-Le Royer, toutefois, sur une population de 22 000
élèves, nous constatons qu'à peine une centaine d'entre
eux ont demandé de s'abstenir à la matière
confessionnelle. Or, nous reconnaissons que le principe de l'exercice de la
liberté de conscience doit être maintenu tant pour les
élèves que pour les enseignants. Toutefois, nous disons que ce
droit doit se manifester à l'inscription de l'enfant dans
l'école. C'est pour cela que nous faisons la proposition de pouvoir
inscrire l'enfant à plusieurs écoles.
À partir du moment où l'on confie son enfant à une
école dont le projet éducatif souscrit à
l'interprétation de la confessionnalité, nous devons avoir la
garantie que ce caractère confessionnel s'exerce sans contrainte de la
qualité et de la quantité. Nous pensons que les 450 années
de christianisme qui ont précédé l'avènement de la
propositon du projet de loi ne peuvent pas s'effacer par le simple fait qu'on
amène des modifications au niveau des structures. Compte tenu que nous
souhaitons, au niveau de la réforme scolaire sur le plan
pédagogique, que les écueils, les heurts sociaux et les remous
que pourrait provoquer ce changement brusque soient évités, nous
pensons pouvoir nous ajuster à la réalité et que le
changement social puisse venir de façon plus progressive.
C'est-à-dire que, dans l'espace de cinq ans, ceux qui voudraient
reconsidérer cette dimension confessionnelle pourraient
s'organiser pour en faire la demande. Mais nous ne pensons pas que la situation
de Notre-Dame-des-Neiges soit suffisamment exemplaire pour justifier un tel
remous social que pourraient provoquer les aménagements prévus
dans le projet de loi.
En conclusion, nous souhaitons que cette question soit abordée
d'une façon plus réaliste et qu'elle permette aux
côtés positifs de la loi d'aller beaucoup plus loin en termes de
réalisation. Cela pourrait être un heurt majeur à ce qu'il
y a de plus positif à l'intérieur de la loi. Nous ne souhaitons
pas que, pour des raisons d'ordre confessionnel, le projet de loi puisse
être rejeté. Il est trop nécessaire que ce projet de loi se
réalise pour que la dimension confessionnelle fasse le coeur du
débat de la réforme scolaire. Cela va?
M. Laurin: Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, vous me prenez un peu par
surprise. Je pensais que le ministre allait poursuivre ce dialogue qui
commençait à peine. Il m'a fait bien plaisir d'écouter la
lecture de votre mémoire, MM. et Mmes les représentants du
Comité de parents de la commission scolaire Jérôme-Le
Royer. Nous avons également eu l'occasion de prendre connaissance du
mémoire qui a été soumis par la commission scolaire
elle-même que nous rencontrerons cet après-midi. C'est un
mémoire très explicite qui donnera lieu à une discussion
substantielle, je n'ai aucun doute là-dessus. Mais, pour le moment, nous
vous rencontrons et vous disons notre plaisir de le faire.
Vous dites, à la fin de votre mémoire, qu'en
écrivant votre recommandation vous avez surtout pensé au bien de
l'enfant. Je vous en félicite. Nous devons constamment être
ramenés à ce souci central qui doit éclairer toutes nos
attitudes. Ce n'est pas facile de voir dans les attitudes concrètes
comment ce souci doit toujours demeurer premier, mais c'est bon que nous nous
le fassions rappeler de temps en temps.
Vous représentez évidemment les parents et il est normal
que vous insistiez sur la participation des parents. Dans votre commission
scolaire, vous le faites avec beaucoup d'efficacité. Cela se fait avec
beaucoup d'efficacité dans la grande majorité des commissions
scolaires, d'ailleurs. Nous, du Parti libéral, qui représentons
l'Opposition au sein de cette commission, sommes hautement favorables à
la participation accrue des parents au processus qui marque le fonctionnement
de notre système scolaire. Nous croyons que les parents sont un
élément essentiel. En fait, il y a quatre éléments
essentiels dans le système: les administrateurs, les enseignants et les
personnels qui viennent les soutenir, les parents et les élèves.
En ordre d'importance, il faudrait que j'inverse l'énumération.
Je commence par les élèves; ensuite, j'ajoute les parents et les
enseignants sur un pied d'égalité et les administrateurs qui sont
indispensables également. (11 h 45)
II y a deux choses; le problème, c'est de trouver
l'équation "organisative" qui va permettre à chaque
élément de donner sa meilleure contribution. Je remarque tout de
suite - vous n'êtes pas sans l'avoir observé vous aussi - qu'il y
a des divergences d'opinions importantes entre vous autres et la commission
scolaire autour du projet de loi 40.
Par exemple, j'ai remarqué que votre mémoire ne traite pas
beaucoup des attributions de la commission scolaire. Il n'y a pas de passages
qui m'ont spécialement frappé sur cela. Tandis que, dans le
mémoire de la commission scolaire, on a attaché beaucoup
d'importance à proposer un partage des responsabilités entre
l'école, la commission scolaire et le ministère; c'est la partie
peut-être la plus importante de ce mémoire que nous discuterons
cet après-midi.
Voici la première question que je poserai: Est-ce que vous
trouvez que le rôle de la commission scolaire, comme il est défini
dans le projet de loi, est satisfaisant pour que cela marche? Le doute que nous
avons tous, c'est que les écoles marchent à fond. Nous
reconnaissons tous qu'il faut une commission scolaire pour assurer que cela va
marcher d'une manière ordonnée sur un territoire. Est-ce que vous
pensez que la manière dont c'est présenté dans le projet
de loi, c'est de nature à donner une commission scolaire dynamique avec
les pouvoirs voulus pour exercer ces attributions? On parlera de la composition
ensuite.
M. Castura: M. le député, si vous remarquez, dans
notre mémoire, on s'est penché sur la commission scolaire et on
dit même que les pouvoirs du ministre doivent être retirés
et que l'on donne plus de pouvoirs aux commissions scolaires. Nous, comme
parents, sommes très réalistes et sommes conscients que cela
prend une commission scolaire qui a des outillages assez forts pour desservir
les besoins des écoles.
Est-ce que quelqu'un d'autre veut compléter? M. le
député, je demanderai à Mme Allard de compléter
cette réponse.
Mme Allard (Marthe): Comme vous avez pu le remarquer, la demande
fondamentale de notre comité de parents, c'est d'accorder plus de
pouvoirs aux parents pour qu'ils puissent participer à tous les paliers
de décision. Donc, la façon dont nous le voyons,
c'est que les parents soient décisionnels au conseil
d'école, que les parents aient toute la possibilité, comme dans
la structure qu'on préconise ici, d'être décisionnels
à la commission scolaire. Nous croyons que, de la façon qu'on
propose l'élection, la moitié venant du suffrage universel et la
moitié étant élue par le collège électoral
des parents, il y aura un équilibre adéquat quant aux
idées d'ordre pédagogique. Les parents ayant travaillé
dans les comités d'école sont plus prêts à la
favoriser étant donné qu'ils connaissent le contexte et que c'est
vraiment dans l'école que se passe l'action. Les parents veulent
être à tous les paliers de décision importants concernant
l'action qui se passe dans les écoles. Nous trouvons qu'ils font un lien
juste pour promouvoir les idées éducatives pour le bien de
l'enfant.
Voici les pouvoirs qu'on demande. De la part du ministère de
l'Éducation, on veut qu'il y ait un certain nombre de règlements,
mais pas trop; que la commission scolaire puisse être une entité
décisionnelle importante; on reconnaît que le conseil
d'école doit être important et on laisse à chacun sa marge
de manoeuvre. On pense que, de la manière qu'on demande les structures
ici, il n'y aurait pas d'inconvénient. On pense que c'est la meilleure
façon de fonctionner.
M. Ryan: L'école, comment la voyez-vous rattachée
à la commission scolaire? Comment cela va-t-il se faire,
concrètement?
Mme Allard: L'école a des pouvoirs décisionnels.
Est-ce que vous voulez dire le point de vue du directeur d'école et du
conseil d'école par rapport aux pouvoirs que chacun détient?
M. Ryan: C'est là un aspect.
Mme Allard: M. le Président, est-ce que vous pouvez
permettre à Mme Schick de continuer là-dessus?
Mme Risler-Schick (Micheline): Le conseil d'école a,
à notre point de vue, des pouvoirs seulement de décision dans la
régie interne de l'école. Nous, comme parents, ce qui nous
intéresse, c'est la vie de notre enfant à l'école. Sa vie
est beaucoup influencée par le projet éducatif, par les
règlements dans l'école. Tout ce qui relève du secteur
professionnel, des programmes, l'application des progammes, la gestion du
personnel, tout cet aspect professionnel, les parents de notre commission
scolaire demandent que ce soit le directeur de l'école qui soit
responsable de cela à notre niveau, donc qu'il relève du
directeur général, et que tout ce qui relève de ces
décisions à prendre au niveau professionnel soit au niveau de la
commission scolaire et non au niveau de l'école.
M. Ryan: Oui. Je pense que ce que vous dites ici est très
intéressant. Vous donnez d'ailleurs toute une énumération
à la page 5 de votre mémoire, n'est-ce pas?
Mme Risler-Schick: C'est cela.
M. Ryan: Vous verriez le conseil d'école intervenant dans
la fixation des objectifs et des orientations éducatives,
l'établissement du projet éducatif en concertation, l'application
des mesures sur la confessionnalité, l'établissement du
calendrier scolaire, les règles de régie interne, horaires,
procédures, information, documentation, le règlement pour les
élèves, les programmes d'activités et de projets
spéciaux, les formes de contrôle des présences des
élèves, etc. Je pense que ce sont des exemples qui montrent
très bien le champ d'intervention que vous envisagez pour le conseil
d'école.
Je voudrais aller à la page suivante. Vous parlez des
activités professionnelles. C'est peut-être là que le
mémoire n'est pas tout à fait clair. Vous dites: On va parler de
l'application des programmes d'études, l'élaboration de
programmes locaux, l'implantation des programmes nouveaux,
l'établissement du plan d'évaluation de l'enseignement, etc. Dans
les remarques que vous aviez, ce n'était pas trop clair à qui
cela revenait. On va lire le texte. Ce n'est pas parce que je veux vous faire
un procès, mais pour qu'on se comprenne, n'est-ce pas? Dans le domaine
des activités professionnelles, le conseil d'école participe
à part entière aux discussions; il dispose d'un droit
d'intervention sur toutes les décisions d'ordre professionnel qui sont
du ressort du directeur d'école. Excusez-moi, c'est clair. C'est
parfait. C'est bon qu'on le relise ensemble. "Le conseil se réserve le
droit, à un vote aux deux tiers de ses membres, de soumettre à la
commission scolaire toute décision que le conseil d'école jugera
nécessaire..." C'est intéressant. Cela veut dire que vous
reconnaissez concrètement que, dans les matières d'ordre
professionnel, il doit y avoir une autorité professionnelle en somme qui
sera celle du directeur d'école. Peut-être que vous êtes
prêts à confier un rôle également à une sorte
de commission pédagogique, un comité pédagogique à
l'intérieur de l'école; on en a parlé hier. Il y en a
déjà un qui est prévu par la loi, purement consultatif.
Peut-être qu'il pourrait aussi aller plus loin, dans les matières
proprement pédagogiques et professionnelles. Vous voyez que le
directeur, dans ces matières, relève de la commission
scolaire.
Mme Risler-Schick: Dans notre commission scolaire,
déjà il y avait une
décentralisation et le directeur d'école fonctionne
déjà un petit peu comme cela; au niveau de Jérôme-Le
Royer, il prend des décisions.
Comme parents, notre intérêt se portant surtout sur le
projet éducatif et les valeurs que nous voulons transmettre, pour que
l'école reflète nos valeurs et que ce soient ces valeurs qui se
transmettent à nos enfants, c'est surtout au niveau du projet
éducatif qu'on veut être décisionnels. Nous
considérons qu'il y a des professionnels qui sont à l'emploi de
la commission scolaire. Ils ont toutes les qualités et toutes les
ressources, à la commission scolaire, pour administrer le secteur
professionnel. On trouve qu'il y aurait là une certaine perte
d'énergie si on multipliait des études au niveau de chaque
école, si chaque gestion d'école multipliait trop ses
énergies à étudier et à prendre des
décisions au niveau de chacune des écoles quand, à la
commission scolaire, il y a des professionnels qui ont déjà une
expertise, qui ont des ressources, qui pourraient prendre les
décisions.
Par contre, au conseil de gestion, on dit bien dans notre mémoire
qu'on veut quand même participer, comme parents, aux discussions quand le
directeur d'école doit appliquer des décisions dans ce secteur
professionnel. On veut être consulté et voir un peu ce qui ressort
de tout cela, avant que le directeur d'école n'applique
intégralement ces décisions dans l'école. Si on voit que
tout ce que le directeur veut appliquer dans l'école ne nous satisfait
pas parce que c'est vraiment en contradiction flagrante avec notre projet
éducatif, qu'il y a vraiment quelque chose qui est totalement
inacceptable pour nous au plan professionnel - c'est pourquoi nous l'avons
ajouté dans notre mémoire - on se réserve le droit,
à un vote aux deux tiers, de soumettre à la commission scolaire
toute décision que le conseil jugerait nécessaire à son
bon fonctionnement dans l'école. S'il y avait vraiment des
décisions du directeur qui ne satisfaisaient pas le conseil
d'école, à ce moment-là, on aurait un recours à la
commission scolaire pour que les choses se fassent un peu en conformité
avec notre projet éducatif.
M. Ryan: Je vous pose une question sans
arrière-pensée, évidemment, quant aux choses que vous
demandez pour le conseil d'école, les fonctions que vous proposez
à la page 5, qu'on a énumérées un petit peu
tantôt. Y a-t-il de ces choses que vous ne pourriez pas faire en vertu de
la loi actuelle, celle qui établit un conseil d'orientation pour
l'école? On peut changer le nom, ce n'est pas grave. Y a-t-il de ces
choses qui ne peuvent pas être faites actuellement en vertu de la loi? Il
y a déjà des attributions données au conseil d'orientation
par la loi 71, comme vous le savez.
M. Castura: M. le député, je vais passer la parole
à M. Denis Tremblay pour répondre à cette question.
M. Tremblay (Denis): La seule chose qu'on ne peut pas faire, M.
Ryan, c'est ceci. Nous n'avons pas le pouvoir décisionnel. Nous sommes
consultés depuis quinze ans, mais il devient très frustrant
d'être toujours consultés et de ne jamais avoir le pouvoir
décisionnel. Notre démarche se fait à ce niveau. Nous
voudrions vraiment avoir plus qu'un droit de consultation, mais bien un pouvoir
décisionnel à ce niveau.
M. Ryan: Si mes souvenirs sont exacts, dans la loi 71, il y a
quand même un certain nombre de choses qui peuvent être
décidées par le conseil d'orientation de l'école. Ce ne
sont pas seulement des choses consultatives. Écoutez: "Le conseil
d'orientation est chargé de faire des règlements relatifs
à la conduite des élèves de l'école..." Alors, il
est chargé de faire des règlements. C'est plus que consultatif.
Je ne sais pas comment cela fonctionne chez vous. Peut-être que ce n'est
pas écouté, mais l'article 54.6 de la Loi sur l'instruction
publique vous autorise à faire des règlements pour l'utilisation
des locaux de l'école, à faire des règlements pour sa
régie interne...
M. Tremblay (Denis): Nous sommes consultés sur ces sujets,
M. Ryan, mais nous n'avons pas le pouvoir décisionnel. Être
consulté est une chose; avoir le pouvoir décisionnel en est une
autre.
M. Ryan: Oui, mais dans la loi, c'est plus que cela
actuellement.
M. Tremblay (Denis): À ma connaissance, le conseil
d'orientation n'est pas appliqué à la commission scolaire
Jerôme-Le Royer.
M. Ryan: Ah! C'est une autre affaire. Vous avez
déjà une leçon intéressante. Cela peut vouloir dire
que, si les esprits ne sont pas prêts, même une autre loi ne sera
pas nécessairement appliquée. On en a fait une en 1979...
M. Tremblay (Denis): C'est pourquoi nous demandons cette garantie
dans la prochaine loi.
M. Ryan: Oui, mais, comme je vous le dis, ce qui est
déjà dans la loi, il ne faut pas faire exprès pour le
répéter non plus. Si on l'a déjà dans la loi, il
faudrait commencer par l'appliquer sérieusement. Je pense que c'est
déjà une première démarche. Mais ce n'est pas
là-dessus que je veux engager le débat. Je comprends votre souci,
de toute manière. C'est simplement pour vous rappeler ou pour porter
ceci à votre
attention. Il y a bien de la confusion là-dedans qui peut
s'être glissée dans les esprits, sans que personne n'en soit
exclusivement responsable.
Maintenant, à propos des parents, vous me posez un
problème. Je vais vous poser une question. Chez les commissaires actuels
de la commission scolaire Jérôme-Le Royer, combien y en a-t-il qui
sont parents? Vous avez une quinzaine ou une vingtaine de commissaires. Combien
y en a-t-il qui sont parents?
M. Castura: M. le député, Mme Allard
répondra à cette question. (12 heures)
Mme Allard: II est entendu qu'au conseil des commissaires
Jérôme-Le Royer, comme dans les autres conseils de commissaires,
il y a des parents qui sont élus par le suffrage universel. Nous pensons
que, pour le genre de conseil d'administration que nous préconisons, il
serait nécessaire de choisir des gens, par le suffrage universel,
élus dans les quartiers pour représenter les
intérêts des électeurs. Nous pensons que ce serait
très important que les intérêts d'ordre éducatif
soient aussi très présents dans les discussions et dans les
décisions que prennent les commissaires. Parmi ceux qui sont
actuellement parents et qui sont élus au suffrage universel, c'est bien
sûr qu'il y en a qui préconisent les intérêts
éducatifs et qui s'occupent beaucoup des intérêts
éducatifs. Nous voulons être certains que le lien entre la vie
à l'école et le conseil des commissaires, par
l'intermédiaire des gens que nous élirions par le comité
de parents, soit toujours présent. C'est à l'école que se
passe l'action. Il faut être très près de l'action pour
prendre des décisions éclairées concernant les besoins des
enfants à l'école et tout ce qui entoure la vie à
l'école.
M. Ryan: Vous ne trouvez pas que le fait d'avoir deux
catégories de commissaires... Il y en a qui vont être élus
au suffrage universel qui sont parents. Quand on est parent, on n'est pas plus
ou moins bon parent. On est parent.
Mme Allard: Nous sommes parents, bien sûr.
M. Ryan: Je m'excuse, vous pouvez m'interrompre. Je suis
habitué à cela et cela me fait toujours plaisir. Je pèche
moi-même...
Le Président (M. Blouin): II s'agirait... Vous vous
engagez sur un terrain glissant, M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je reviens à ma question. Je vous dis que, si
vous avez deux catégories de commissaires, il y en a qui vont être
élus au suffrage universel avec l'appui, par conséquent, de
l'ensemble de leurs concitoyens. Il y en a d'autres qui vont venir d'un petit
groupe, les comités d'école. C'est ce que je comprends dans votre
mémoire.
Mme Allard: C'est un groupe non négligeable. C'est un
groupe de gens engagés dans l'éducation.
M. Ryan: Je parle au point de vue numérique, madame. Au
point de vue numérique, cela va être beaucoup moins fort que
l'autre qui est élu au suffrage universel. Ne trouvez-vous pas qu'il y a
danger, en créant deux catégories de commissaires, qu'il se
crée un illogisme inscrit dans la structure même de l'affaire?
D'ailleurs, je me souviens des centrales syndicales qui sont passées
ici. La CSN, tantôt, s'est prononcée fermement contre cette
idée. La FTQ est venue, l'autre jour, se prononcer très fermement
là-dessus. Ce sont des arguments. Ces gens ne sont pas seuls. Ils ont
droit à une opinion et on n'est pas obligé de la partager.
J'aimerais que vous me donniez une réponse claire. Comment
va-t-on obtenir un équilibre là-dedans? Il y a des parents au
carré, il va y en avoir d'autres qui le seront d'occasion. Il peut
même arriver, madame, parmi les commissaires élus au suffrage
universel, que vous ayez une majorité de parents qui ont des enfants
dans les écoles. Je pense que c'est même la situation chez vous.
Ce n'est pas satisfaisant?
Mme Allard: Pour répondre à votre question, je ne
suis pas tout à fait d'accord à propos de la quantité
parce que, autant dans les élections de comités de parents que
dans les élections au suffrage universel, ce n'est pas la
quantité qui prévaut, mais la qualité.
Maintenant, on pense à un compromis acceptable. On ne dit pas: On
veut que ce soient tous des parents élus parmi ceux qui travaillent dans
les comités d'école, qui sont près de l'enfant, qui ont de
l'expérience du milieu scolaire. On accepte que 50% des gens soient
élus au suffrage universel pour respecter la tradition et pour respecter
ceux qui, parce qu'ils paient des taxes, trouvent que c'est équitable
d'être représentés. On ne nie pas cela. On veut qu'au moins
50% viennent des comités d'école. On y tient beaucoup parce qu'on
tient beaucoup à la qualité de l'éducation et on sait, de
façon certaine, que ces gens sont près des enfants. Pour les
autres parents qui sont élus au suffrage universel, tant mieux s'ils
sont près des enfants. Nous n'en serons que plus heureux et nos
décisions ne refléteront que mieux le but qu'on veut
réaliser, c'est-à-dire l'éducation des enfants dans les
meilleures conditions possible.
M. Ryan: Maintenant, vous demandez qu'il reste un comité
de parents auprès de la commission scolaire. Est-ce que vous voulez que
ce comité de parents ait, lui aussi, des représentants en
plus?
Mme Allard: Oui. M. Ryan: Madame!
Mme Allard: Nous voulons conserver toute la ligne consultative.
Le fait, pour les parents, de posséder un pouvoir décisionnel
n'empêche pas le droit d'être consulté. Nous trouvons que
c'est très important d'être consulté. Nous voulons
maintenir un comité d'école, un comité central de parents
qui fera le lien entre le comité d'école; ensuite - c'est deux
dans notre cas parce qu'on a le primaire et le secondaire - les deux
représentants sans droit de vote, mais avec droit de parole - comme on
l'a actuellement et on y tient beaucoup - au conseil des commissaires pour
répondre à toutes sortes de demandes qui sont faites. Si on
enlève complètement le rôle consultatif, tout ce qui se
faisait par les comités d'école et par les comités de
parents pourrait tomber, étant donné qu'on va devenir aptes
à décider et qu'on va se centrer vers différentes zones
très importantes. Je vais vous donner quelques exemples: nous, comme
comité exécutif de parents, faisons un colloque pour tous les
parents des enfants - il y a environ 200 personnes qui viennent - et des
séances d'information pour les parents; on a toutes sortes
d'activités et on voudrait que cela demeure. On trouve aussi très
important le rôle de nos représentants sans droit de vote à
la table des commissaires, étant donné qu'on va nous donner un
complément et que cela fera un lien dans toute la structure. On trouve
que c'est renforcé, à ce moment-là.
M. Castura: M. Ryan, si vous le permettez, Mme Risler-Schick
voudrait expliciter un peu plus sa pensée sur votre question.
Mme Risler-Schick: Le comité consultatif des parents, on
aimerait le maintenir; j'aimerais aussi mentionner que c'est un excellent
centre de formation pour les parents que d'être non impliqués
décisionnellement dans le réseau éducatif, mais
d'être capables d'y suivre toutes les activités de la commission
scolaire, toutes les activités de l'école sans s'impliquer dans
la décision; cela nous forme au moins aux dossiers; on peut se former
une opinion et on a plusieurs paliers où on peut intervenir de
façon consultative; c'est un excellent moyen pour des parents
d'être formés. Quand ils seront prêts à aller aux
comités de gestion des écoles, les dossiers et les façons
de procéder leur seront connus. Dans ce sens-là, c'est un point
non négligeable de garder les comités de parents.
M. Ryan: Pour moi, cela pose des problèmes, parce qu'on ne
peut pas être sur tous les plans en même temps. Si vous vous
impliquez au palier décisionnel, il faut que vous preniez la carcasse
avec les responsabilités qui l'accompagnent. Vous ne pouvez pas
traverser la rue demain matin et dire: Je me consulte avant de décider;
on sera d'un côté ou de l'autre. C'est la même chose pour
les gens des syndicats qui veulent être trop dans la direction des
entreprises; à un moment donné, ils sont remis en question par
leurs propres membres qui veulent que leurs intérêts soient
défendus et ne veulent pas qu'ils se mêlent aux décisions.
C'est pour cela que M. Charbonneau est venu dire que la CEQ ne voulait pas de
pouvoirs. Elle veut avoir ses attributions propres, son rôle, mais elle
ne se bat pas pour cela.
Je ne veux pas monopoliser votre temps. Il y a un problème qui
nous sépare sur ce point-là, honnêtement, en toute
cordialité. Tout le reste, comités de parents aux
différents échelons, nous sommes en faveur de cela à 100%.
Il reste à régler la question de savoir s'ils devraient aller
à la commission scolaire par un canal spécial ou par
l'élection générale. C'est un point qui nous sépare
pour l'instant.
Une dernière question, je ne voudrais pas l'ignorer, parce que
vous m'avez semblé y attacher beaucoup d'importance; c'est la question
confessionnelle. C'est M. Nadeau, votre nom?
M. Nadeau: Oui.
M. Ryan: M. Nadeau, vous avez dit tantôt que vous voyez
cela comme un tout, un ensemble qui se tient. Je voudrais vous poser une
question pour commencer. Vous avez dit qu'il y a seulement une centaine
d'enfants, sur les quelque 21 000 que sert la commission scolaire
Jérôme-Le Royer, dont les parents auraient demandé ou qui
auraient eux-mêmes demandé l'exemption de l'enseignement
religieux. Est-ce que c'est surtout au niveau secondaire ou au niveau
élémentaire?
M. Nadeau: Je n'ai pas cet aspect précis de l'information.
L'information était globale, au niveau de l'ensemble de la commission
scolaire.
M. Ryan: Dans les réunions des comités
d'école, est-ce que cette question est soulevée souvent par les
parents, la question du statut de l'école? Est-ce que vous entendez des
plaintes voulant qu'il y ait trop de religion dans l'école ou que les
enfants voudraient en avoir moins ou que les parents trouveraient que cela
devrait être plus
dégagé de ce côté-là? Est-ce que c'est
soulevé souvent dans vos réunions de comité
d'école? Qu'est-ce que les parents disent?
M. Nadeau: Comme on l'a annoncé, l'urgence ne se situe pas
à ce niveau-là, vu que les gens se préoccupent surtout de
la qualité pédagogique, des projets éducatifs. Pour eux,
cette notion confessionnelle est un acquis de notre passé et on a
à s'ajuster quand même avec la réalité sociale
d'aujourd'hui. Par contre, on ne peut pas remettre en question, globalement,
comme je le disais tout à l'heure au ministre, l'ensemble de la
confessionnalité. Pour nous, le débat ne doit pas porter
là-dessus. Progressivement, au fur et à mesure que les milieux se
concerteront et voudront... Mais, comme vous me le demandez, à savoir si
c'est une préoccupation de tous les jours, on considère que c'est
de l'acquis et on s'en va vers l'ajustement social que nous commande la
situation. Mais ce n'est pas de toute urgence. Pour nous, l'urgence se situe au
niveau de la réforme, à savoir donner aux parents la place qu'ils
doivent avoir à l'intérieur du champ décisionnel de
l'éducation de leurs enfants. Cela inclut la notion confessionnelle,
bien sûr, mais ce n'est pas tant à remettre en question comme,
disons, certains semblent vouloir le dire dans le contexte actuel. Est-ce que
cela répond à votre question?
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le
député d'Argenteuil.
Je signale aux membres de la commission que quatre autres membres ont
réclamé le droit de parole et que, si nous pouvions
réussir à tout le moins à entendre le mémoire de la
Commission des droits de la personne du Québec avant la suspension de 13
heures, cela nous aiderait à procéder suivant l'ordre du jour que
nous nous étions fixé.
M. le député de Chauveau.
M. Ryan: J'ai une question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais signaler, en complément de ce que
vous avez dit, que j'estime que chaque membre doit exercer son droit
d'intervention conformément à notre règlement et qu'aucun
élément de notre règlement ne nous presse d'entendre
nécessairement la Commission des droits de la personne du Québec
avant 13 heures.
Le Président (M. Blouin): Vous avez parfaitement raison,
M. le député d'Argenteuil. Cette indication que j'ai
donnée visait davantage à faire en sorte que nous puissions
respecter notre ordre du jour, mais il ne s'agit pas - vous avez bien raison de
le dire - d'une consigne formelle puisque chacun des membres peut exercer son
droit de parole pendant 20 minutes.
M. le député de Chauveau.
M. Brouillet: M. le Président, je demanderais au
député de Mille-Îles de prendre la parole
immédiatement, quitte à revenir à la fin s'il reste encore
du temps.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le
député de Mille-Îles.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci, M. le Président.
Merci, cher collègue et député de Chauveau. Cela me fait
plaisir de saluer le Comité de parents de la commission scolaire
Jérôme-Le Royer. J'ai suivi avec beaucoup d'attention et j'ai lu
avec beaucoup d'attention votre mémoire qui est consistant et on
s'aperçoit aussi, dans les recommandations que vous faites, de
l'existence d'un comité de parents sérieux qui a
l'expérience du vécu d'un comité de parents. Je signale
aussi la qualité de la rédaction de votre mémoire, la
présentation et la qualité du français.
J'ai énormément apprécié votre conclusion.
Au-delà, peut-être, de l'État ou du gouvernement,
au-delà de tout ce qui peut y avoir comme tiraillements entre les
commissions scolaires, les parents, etc., comme vous le dites, on va
espérer que, dans tout ce projet de loi, un grand consensus va se faire
au profit de l'enfant. Je pense que c'est fondamental: en fin de compte, il
faudrait que le gagnant soit l'enfant. Je pense qu'on est ici pour cela, dans
le fond. C'est pour cela qu'on vous questionne aussi comme parents responsables
d'un comité d'école qui vit un genre de quotidien dans le milieu
pour savoir comment nos enfants peuvent profiter d'une meilleure
éducation, la plus parfaite possible et la plus étendue possible.
C'est pour cela qu'on croit qu'on doit donner des responsabilités au
milieu, afin que l'école soit responsable et qu'elle soit communautaire.
(12 h 15)
J'ai bien apprécié - c'est la première fois que je
le vois dans un mémoire - à la page 5 de votre mémoire,
vous parlez des domaines d'activité courante et vous les
énumérez. Je pense que ce serait bon pour tout le monde qu'on
sache réellement dans quels domaines de l'activité courante le
conseil d'école est décisionnel dans le projet de loi. Il y en a
qui pensent que tout sera remis entre les mains des parents au niveau de
l'école. Je pense qu'on fausse le débat, qu'on ne donne pas toute
l'information. C'est pour cela que je vais prendre quelques minutes - on va me
le permettre - pour relire les pouvoirs de la page 5: un comité
d'école est décisionnel dans le projet de loi 40 dans la
fixation des objectifs et des orientations éducatives, dans les grands
objectifs. Il est aussi responsable de l'établissement du projet
éducatif en concertation. Il est responsable de l'application des
mesures sur la confessionnalité. Il est responsable de
l'établissement du calendrier scolaire. Tout cela se fait en
concertation avec les commissions scolaires. Il est responsable de la
détermination des règles de régie interne: les horaires,
les procédures, l'information, la documentation. Il est responsable de
l'institution du règlement pour les élèves. Le parent
donne sont point de vue, décide du règlement pour les
élèves. Il est responsable de la promotion de programmes
d'activités et de projets. Il est responsable du choix des formes de
contrôle des présences des élèves. Il est
responsable des modalités de relations avec les comités
consultatifs de l'école. Il est responsable du choix des contenus et des
modalités d'envoi d'information aux parents. Il est responsable de
l'établissement des modalités de rencontres
parents-maîtres. Il est responsable de la détermination du
programme des sorties éducatives. Je pense que cela n'enlève pas,
comme on peut le penser, tout le pouvoir aux commissions scolaires. Cela se
fait tout le temps en concertation avec les commissions scolaires. Le
comité d'école est responsable de la transmission aux parents,
cinq fois par année, des résultats scolaires. Il est responsable
des autorisations concernant les sollicitations et les concours. Il est
responsable de la mise en place des services de garde et de garderie. Si le
milieu veut une garderie, je pense qu'il peut en être responsable.
Ensuite, il est responsable de la formulation de recommandations ou de demandes
de toute nature à la commission scolaire.
Je pense que c'est nécessaire de faire le point et de donner la
bonne information. Je pense que c'est une bonne chose que de souligner ses
responsabilités. C'est bien beau, dans le passé, vous avez
été énormément consultés. À un moment
donné, vous dites... C'est cela que je trouve un peu déplorable.
Tout le monde, la commission scolaire, veut donner un plus grand rôle aux
parents. On veut que vous soyez là. Même j'entendais le
député d'Argenteuil dire tout à l'heure: On veut que les
parents s'impliquent davantage; on veut une plus grande participation. Des
commissions scolaires sont venues nous le dire: On veut une plus grande
participation. Le ministère de l'Education veut aussi une plus grande
participation. C'est bien sûr que vous voulez aussi des outils et des
moyens. C'est tout cela, la discussion face au pouvoir décisionnel qu'on
vous consacre dans les éléments qu'on vous donne.
La question que je veux vous poser est celle-ci: Comment le projet de
loi 40, va-t-il faire en sorte que, dans votre Comité de parents de la
commission scolaire Jérôme-Le Royer, votre comité
d'école dans votre patelin, il y aura une plus grande participation et
une plus grande implication dans le milieu et que cette implication et cette
participation vont profiter à l'enfant?
M. Castura: M. le député, je donne la parole
à M. Nadeau.
M. Nadeau: M. le député, je pense que, si on donne
un pouvoir décisionnel aux parents, à cette occasion, les parents
pourront voir le fruit de leur action. Lorsqu'on est consulté et
qu'à maintes reprises on n'est pas écouté, par la force
des choses, on finit par se lasser. Or, si les parents qui souhaitent une
qualité de l'école, qui s'y impliquent et voient que le champ
d'action ou de décision, en concertation avec les agents, se forme et
qu'ils ont un pouvoir décisionnel, il en résultera un notion
d'efficacité. Les parents, se sentant efficaces, auront davantage le
goût de s'impliquer de façon concrète pour que le milieu
où se situe le projet éducatif et où vit l'enfant soit
d'abord conforme à la volonté des parents, les premiers
éducateurs de leurs enfants.
Nous disons que ce qui arrive maintenant, avec la situation actuelle,
c'est que le processus de consultation est tellement lourd et tellement peu
efficace au niveau du vécu des décisions que cela lasse la
plupart des comités de parents de s'y impliquer. Dans les
dernières années, notre rôle ne fut confiné
qu'à un rôle de pompier pour les fermetures d'écoles. On
s'est servi de nous pour concerter les gens autour de ce problème, sauf
que ceux qui s'y impliquaient auraient voulu davantage être
associés à la démarche pédagogique, à
l'amélioration des programmes, à avoir une certaine participation
au niveau du choix du directeur peut-être ou au niveau du choix des
enseignants. Ce ne sont pas tous les enseignants et tous les directeurs, mais
là où il y a des minorités qui fonctionnent mal avec le
milieu. Il me semble que, si les parents ont un rôle décisionnel,
cela va devenir motivant de participer à l'action.
M. Champagne (Mille-Îles): M. Nadeau, vous semblez un peu
frustré de l'écoute peu attentive que vous avez peut-être
eue dans le passé. Je partage un peu votre ressentiment face au peu
d'écoute. Tous ceux qui ont oeuvré au niveau des comités
d'école le savent. J'ai connu ces frustrations simplement pour essayer
d'avoir les choses les plus élémentaires, une garderie, des
sorties. C'était tout le temps un combat, on demandait la lune pour les
choses les plus normales. Je comprends aussi les frustrations que vous avez
connues dans le passé: être
consultés pour le plaisir d'être consultés et,
ensuite, on ne nous écoute pas. Par votre réponse, vous dites
bien que le projet de loi 40 va tout de même mettre plus de
sérieux à nos démarches et va faire en sorte que cela va
être efficace pour l'enfant d'abord.
Je crois que vous vouliez réagir, M. Nadeau.
M. Nadeau: J'aimerais rajouter quelque chose.
La situation actuelle n'amène pas nécessairement à
mettre en cause les personnes qui y sont impliquées. Il s'agit d'une
question de structures. Les commissions scolaires dans le contexte actuel ont
à gérer elles aussi la décroissance. Dans ce contexte,
elles ont à faire des choix très difficiles. Notre
préoccupation est d'ordre administratif, mais davantage
pédagogique. Là où il faut faire des coupures, la notion
pédagogique est-elle toujours le critère qui va faire que la
fermeture d'école va se faire ou ne pas se faire? Jusqu'à quel
point en tient-on compte dans la décision qui est parachutée bien
souvent d'un niveau supérieur où les décisions d'ordre
administratif contraignent la commission scolaire à agir avec beaucoup
de rigueur? Le témoignage que nous voulons vous apporter ce matin, c'est
que la préoccupation d'ordre pédagogique avec le nouveau mode de
scrutin qu'on vous propose serait plus présente au centre de
décision, étant garantie par les parents qui viennent de la base
et aussi par d'autres parents qui viendraient du suffrage universel.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
M. Champagne (Mille-Îles) C'est bien sûr que notre
préoccupation, c'est avant tout le projet de loi 40. Le grand gagnant
dans cela, et celui qui en profitera le plus, c'est l'enfant. C'est là
notre préoccupation. Merci de votre témoignage.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Mille-Îles. Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais
remercier les représentants des parents de la commission scolaire
Jérome-Le Royer pour leur mémoire.
J'aimerais dire franchement qu'il y a un certain nombre de vos
recommandations qui m'étonnent. Je me demande si vous avez
examiné sérieusement les implications de quelques
recommandations. Par exemple, le député d'Argenteuil a
déjà soulevé certains problèmes concernant votre
recommandation no. 4: Le pouvoir de l'école et le droit d'intervenir
dans les décisions d'ordre professionnel. Votre recommandation no. 13,
qui va certainement produire toutes sortes de conflits entre les parents qui
ont des mandats différents, des statuts différents. Je vois
difficilement comment un tel système va améliorer la
qualité de l'éducation.
J'aimerais m'arrêter particulièrement à vos
recommandations nos 6 et 9. Votre recommandation no. 6 dit que les parents
disposent du droit d'inscrire leurs enfants au moment de l'inscription annuelle
à deux ou trois écoles en indiquant, selon leurs
préférences, un ordre de priorités dans leur choix. Les
parents vont choisir l'école selon le projet éducatif ou le
statut confessionnel ou la couleur de l'ensemble de l'école. Ce sont les
parents qui vont décider de ces éléments, une fois qu'ils
arrivent dans l'école. Il me semble impossible de savoir quel est le
projet éducatif avant d'arriver. C'est identique au problème de
l'oeuf et de la poule: Qui vient le premier? Avez-vous des commentaires
là-dessus? Ne voyez-vous pas de problème avec cette
recommandation?
M. Castura: Mme la députée, votre question est sur
la recommandation no. 9, n'est-ce pas?
Mme Dougherty: Sur la recommandation no. 6. Je parle de la
recommandation no. 6. Vous recommandez que les parents...
M. Castura: ...que les parents...
Mme Dougherty: À la page 19, à la fin. Vous avez
résumé vos recommandations.
M. Castura: D'accord. Parfait. Précisément, Mme la
députée, nous, parents, pensons que les parents devraient avoir
un choix d'inscrire leur enfant. Ce n'est pas à la commission scolaire
de dire: Ton enfant est inscrit à telle école. Même si cela
ne répond pas à l'attente des parents, n'est pas conforme aux
croyances des parents, dans le moment ils devront envoyer leur enfant à
cette école.
Quand on dit que les parents pourront prendre au commencement de
l'année, lors de l'inscription annuelle, l'école de leur choix,
ou deux ou trois choix, il est entendu que ceux-ci vont s'informer du projet
éducatif de telle ou telle école et de son statut religieux. Vous
demandez comment les parents savent de quel projet éducatif il s'agit;
ils s'informent justement. Il est très important pour les nouveaux
parents, qui arrivent dans un nouveau quartier, d'avoir la possibilité
de choisir l'école qui réponde le plus à leurs attentes ou
à leurs exigences.
Mme Allard va maintenant poursuivre sur cette même question.
Mme Allard: J'aimerais ajouter quelques détails. D'abord,
je vais répondre à votre question de la poule et de l'oeuf. Pour
nous, c'est le projet éducatif qui vient en premier parce que, chaque
année, la plupart des
écoles font leur projet éducatif. Justement, à
notre commission scolaire, on avait toute la pile des projets éducatifs
produits par les écoles. Donc, c'est disponible aux gens qui voudraient
s'informer du contenu d'un projet éducatif d'une école en
particulier.
Le projet éducatif vient avant parce que, si un enfant veut
s'inscrire dans une école, cela signifie qu'il n'est pas
déjà inscrit à cette école. Donc, le projet
éducatif de cette école a été
déterminé en concertation avec tous les agents du milieu, dans
les meilleures conditions possible. Il s'informe du projet et, si ce projet
fait son affaire ou s'il s'informe des projets des écoles environnantes,
on lui donne le choix. Ceci n'est pas pour faire une rivalité entre les
écoles. Notre but est de rechercher l'excellence, de stimuler les
écoles pour qu'elles essaient de produire le meilleur projet
éducatif possible, que tout le monde y participe, qu'on le mette sur
pied, qu'on le prépare et qu'on révise le projet éducatif.
Mais le but, comme je l'ai dit, ce n'est pas du tout de faire de la
rivalité, mais c'est plutôt de faire les meilleures écoles
possible. (12 h 30)
II y a des parents qui préfèrent un genre d'approche
éducative plutôt qu'un autre. Il y a des gens qui
préfèrent qu'une école soit d'une certaine
confessionnalité plutôt qu'une autre.
Mme Dougherty: Je suis tout à fait d'accord.
Mme Allard: Tous ces éléments font partie du projet
éducatif et le projet éducatif est là avant, normalement,
car ce sont ceux du milieu qui le font et ils sont déjà
là.
Mme Dougherty: Ce n'est pas la question que je pose. C'est le
problème de choisir avant d'arriver, parce que si, par exemple, 20% - et
c'est la réalité à Montréal - des parents arrivent
en automne, ils auront la possibilité de changer eux-mêmes le
projet éducatif et de donner une certaine couleur qui reflète
leurs valeurs et leurs priorités à l'école, même si
ce n'était pas le projet éducatif de l'année
passée.
Mme Allard: Oui, l'intégration.
Mme Dougherty: Donc, le projet éducatif est quelque chose
qui change selon les valeurs des parents dans l'école.
Mme Allard: Oui. Justement.
Mme Dougherty: D'accord? C'est pourquoi je crois que cette
idée de dire: Je vais choisir, A, B ou C, selon ce qui s'est
passé, l'année précédente, n'est pas justifiable
parce qu'on pourrait toujours choisir l'école la plus près de son
domicile et essayer de créer une école avec les autres parents
qui reflète le mieux possible les valeurs de chaque parent. Voyez-vous
le problème? Je crois que c'est un peu théorique. Il faut
examiner la réalité de ces recommandations.
Mme Allard: Oui. Je vais compléter. C'est sûr que
les parents peuvent choisir entre l'école la plus près, avec
possibilité de s'intégrer, d'améliorer le projet
éducatif et de le rendre plus près de ce qu'ils désirent
-c'est un choix - ou encore ils peuvent choisir l'école où le
projet éducatif, tel qu'il est, leur convient le plus. Donc, ils partent
de moins loin pour en arriver à leurs fins. Mais il y a des gens qui
n'aiment pas envoyer leurs enfants trop loin, donc les enfants vont à
l'école la plus proche et ils essaient de travailler à amener...
S'ils voient que, vraiment, cela ne va pas dans le même sens, à ce
moment-là, ils peuvent toujours changer d'école, mais le projet
éducatif est basé sur les gens qui sont déjà
là. Vous dites que 20% déménagent; donc, il y en a 80% qui
sont là, et ce sont eux qui vivent ce projet éducatif. Il est
nouveau. Ils s'adaptent et ils aident à le modifier, mais c'est un tout
qui va composer ensuite. D'année en année, il n'y a rien de fixe;
cela varie toujours le projet éducatif. C'est une marche qui ne
s'arrête pas.
Mme Dougherty: D'accord! Et si les parents désignent trois
choix: un, deux et trois.
Mme Allard: Par ordre de priorité.
Mme Dougherty: Qui va décider que tel parent va à
telle école? C'est le rôle de qui? La commission scolaire, le
directeur de l'école? Qui va décider?
Mme Allard: Mais dans la mesure où il y a des places
disponibles pour les enfants, c'est bien sûr que si l'école a
atteint un certain maximum d'élèves, on ne peut pas en ajouter
d'autres. On peut toujours les mettre sur une liste d'attente. C'est comme dans
les écoles privées; quand les gens veulent aller dans une
école privée et qu'on dit: On ne peut pas vous accepter parce que
c'est complet. Que font-ils? Ils en choisissent une autre ou ils attendent une
autre année. Enfin, c'est comme cela. On veut que cela ressemble au
modèle des écoles privées pour que les gens soient
motivés d'aller à une école plutôt qu'à une
autre et y trouvent ce qu'ils désirent comme qualité
d'éducation, au lieu d'aller à une école privée
parce qu'ils pensent que c'est, à prime abord, plus parfait.
Mme Dougherty: Alors, vous ne voyez
pas de problème?
Mme Allard: Non.
Mme Dougherty: D'accord! Recommandation 9. Vous avez dit, tout
à l'heure, que l'option de l'école Notre-Dame-des-Neiges est une
option assez particulière et qui n'est pas très
représentative de l'ensemble de la ville de Montréal, par
exemple. En même temps, dans votre mémoire, je crois que vous
appuyez l'idée des commissions scolaires linguistiques. Effectivement,
votre recommandation no 9 accepte un système de tyrannie de la
majorité en ce qui concerne le choix de confessionnalité de
l'école.
Je me demande si vous examiné l'implication des commissions
scolaires linguistiques. Il y a beaucoup d'élèves de parents
francophones qui sont protestants peut-être, non catholiques et autres
qui vont fréquenter les écoles françaises qui sont
maintenant majoritairement catholiques. Qu'est-ce qui va arriver dans un
système comme celui que vous avez proposé où c'est la
règle de la majorité et où il y a très peu de marge
pour une école qui reflète les valeurs des autres et où
ces derniers subissent la règle de la majorité sauf s'il y a une
majorité de parents, selon votre recommandation, qui demandent un
changement de statut? Avez-vous examiné cette question? Peut-être
que vous connaissez le nombre d'enfants qui fréquentent les
écoles protestantes. J'aimerais savoir combien d'enfants vous avez dans
vos écoles qui se déclarent comme autres, comme protestants ou
comme non catholiques.
Le Président (M. Blouin): M. Nadeau.
M. Nadeau: J'ai mentionné tout à l'heure, au tout
début, lorsque M. le ministre m'a posé la question, que pour
l'ensemble nous n'en avions qu'une centaine à l'intérieur de tout
l'ensemble de la commission scolaire Jérôme-Le Royer. Mais
à l'aspect de la question que vous posez, à savoir,
l'intégration des autres minorités qui viendraient s'ajuster
à la conformité de la commission scolaire linguistique, nous
préconisons qu'il y a suffisamment de respect de la liberté de
conscience à l'intérieur des écoles actuelles pour
permettre à ceux qui voudront être dissidents ou avoir des projets
éducatifs chrétiens de pouvoir opter pour une autre orientation
au niveau de la morale ou au niveau de leur éducation philosophique. Par
contre, nous pensons qu'il faut trouver une solution pour que la
majorité des gens, selon un principe démocratique reconnu
universellement, conserve ses droits et que tout en respectant les droits et
les libertés auxquels nous souscrivons pleinement, ce soient les
majorités qui exercent l'action de l'institution comme cela se passe
à peu près dans l'ensemble des pays démocratiques. Je ne
pense pas que l'acceptation d'une minorité qui ne partage pas
l'orientation de l'école doive disposer de la volonté majoritaire
de gens qui forment un ensemble.
À cet égard, il y a eu assez d'ouverture d'esprit au
niveau des protestants que les catholiques sont capables d'en faire tout autant
pour accepter qu'à l'intérieur de leur milieu s'intègre
une minorité qui ne partage pas nécessairement leurs valeurs
confessionnelles. Je ne vois pas de problèmes majeurs à ce niveau
qui empêcheraient que la restructuration puisse avoir lieu. Pour nous, on
dit que le débat ne pas porter sur ce point. Il est important. C'est
vrai que pour les gens, la confessionnalité n'a plus le caractère
aussi présent qu'il l'a toujours eu dans l'histoire du Québec,
mais s'il suffisait de provoquer cette réaction, elle serait aussi
fervente qu'elle l'a été pendant les 450 ans que constitue
l'histoire de notre passé. On retrouverait regrettable que l'on doive
remettre en question toute notre histoire parce qu'on veut intégrer des
minorités à l'intérieur de notre société. On
trouve cela inadéquat que l'on donne plus de pouvoirs à une
minorité qu'à la majorité. C'est tout à fait
à l'encontre de toute situation démocratique.
Mme Dougherty: Effectivement, est-ce que vous accepteriez la
notion de l'école commune? Avez-vous discuté de ce qu'est
l'école commune et de ce que cela implique?
M. Nadeau: Bien sûr. Nous serions davantage en faveur que,
lorsque le nombre le justifierait, il y ait une déclaration
d'école neutre ou pluraliste pour ces écoles. Par contre, que les
écoles qui choisissent d'intégrer à l'intérieur de
leur projet éducatif les valeurs de la confessionnalité puissent
maintenir... Parce que la notion confessionnelle, ce n'est pas une valeur
uniquement abstraite. Cela sous-tend des principes qui vont jusqu'à la
finalité de l'homme. Cela redéfinit le sens des
apprentissages.
Or, il ne faut pas laisser évacuer de notre esprit l'importance
de la démarche confessionnelle pour ceux qui la choisiront. Pour ceux
qui ne sont pas rendus à cette étape de leur cheminement ou qui
choisissent autre chose, la liberté de conscience doit s'exercer. On ne
peut permettre, maintenant, dans le contexte historique, que se transpose la
réforme, que la notion confessionnelle soit complètement
aliénée par le principe de l'accueil des minorités. On
veut bien les accueillir, mais on ne veut tout de même pas leur laisser
faire comme s'il n'y avait jamais eu rien avant. Je pense que le crucifix
au-dessus du président et la croix au
centre de notre drapeau national sont une preuve qu'il y a eu des hommes
et des femmes ici au Québec qui ont cru en ces valeurs - je pense qu'ils
ne sont pas tous morts - et par le fait qu'on évoque la
possibilité que Marguerite-Bourgeoys puisse être le nom d'une rue
de Montréal, je crois qu'il y a encore quelque chose de présent.
La toponymie du Québec en illustre énormément la
pertinence, même maintenant.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme la
députée de Jacques-Cartier. M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Dans votre
mémoire, vous soulignez à la page 15 un élément
nouveau qui n'avait pas encore été présenté ici en
commission - du moins, l'Opposition n'a pas été saisie des
visées du ministre là-dedans - lorsque vous parlez d'allocations
et de normes de remboursement des dépenses. Vous dites que le ministre
peut, par règlement - vous voulez que ce soit inclus dans la loi -
déterminer les allocations qui peuvent être versées aux
membres d'un conseil d'administration ou d'un comité exécutif
d'une commission scolaire.
Combien jugez-vous que cela peut valoir d'être membre d'un conseil
d'école et, également, membre du conseil d'administration de la
commission scolaire? Comment voyez-vous cela?
Une voix: C'est votre question? M. Maltais: Oui, c'est
cela.
Une voix: Précisez, s'il vous plaît, parce
que...
M. Maltais: Je voudrais savoir comment vous envisagez ou à
combien vous évaluez financièrement les allocations qui peuvent
être versées à un membre du comité d'école et
de la commission scolaire.
M. Castura: D'accord. M. le député, nous, comme
parents, précisément, nous n'avons pas statué sur les
salaires. La seule chose qu'on dit dans notre mémoire, c'est que le
ministre, dans son projet de loi, dit qu'il peut et nous disons que "peut",
cela ne vaut presque rien. C'est pour cela qu'on demande que le "peut" soit
remplacé par "doit", c'est-à-dire qu'il doit mettre des montants
à côté, verser des montants d'argent à ces personnes
qui oeuvrent dans ces comités. Mais nous ne nous sommes pas
attardés pour préciser le montant exact à inclure dans le
projet de loi.
M. Maltais: D'accord; faisons une petite évaluation.
D'ailleurs, le ministre était censé nous dévoiler ces
chiffres. Il y a 3000 écoles au Québec; s'il y a 15 membres par
école, on enlève ceux qui seraient déjà
rémunérés, comme le directeur d'école et les
enseignants, cela ferait peut-être 25 000 personnes à 1000 $ par
année, ce qui ferait quand même 25 000 000 $. C'est une somme
assez importante dans les coûts. (12 h 45)
II y a aussi un autre point à la page 8 de votre synthèse.
Vous recommandez que les écoles puissent demeurer ouvertes pour une
période d'au moins cinq ans et qu'elles reçoivent des subventions
particulières dans le cas où une importante diminution de
clientèle affecterait sérieusement à la baisse les
ressources et les effectifs. On sait très bien qu'au Québec,
effectivement, il y a une diminution de clientèle et certaines
écoles de quartier, à plus ou moins brève
échéance, sont appelées à fermer. Vous ne dites
pas, par exemple, quel serait le minimum d'élèves requis pour
garder une école ouverte. Dans d'autres articles, on peut voir "si le
nombre le permet", mais quel est ce nombre? Supposons une école de 500
élèves et qu'il y en a 150 qui restent, est-ce que le nombre le
permet, à ce moment-là... Jusqu'où va votre pensée
sur ce sujet?
M. Castura: M. le député, je vais passer la parole
à Mme Beaudry pour répondre à cette question.
Mme Beaudry (Mireille): Je pense qu'une école ne peut pas
du jour au lendemain diminuer de 500 à 150 élèves...
M. Maltais: Non, mais sur une période de cinq ans.
Mme Beaudry: Justement. Donc, cela peut diminuer de 20, 15 ou 10
par année. Même à 25 par année, avant que cela
n'atteigne la période des cinq ans, cela va prendre quand même un
certain temps avant que ce soit complètement vide. Mais, aussi longtemps
que l'école est remplie à la moitié, elle peut continuer
à fonctionner quand même parce qu'il y a toujours des organismes
communautaires qui peuvent se servir des locaux et combler la capacité
de l'école. Je pense qu'il est important qu'une école reste
ouverte quand la diminution n'est pas flagrante. Il faudrait quasiment qu'un
quartier disparaisse pour que l'école disparaisse aussi.
M. Maltais: D'accord. On parle de la moitié. On parle de
250; ce sont des chiffres utopiques...
Mme Beaudry: II y a des écoles qui fonctionnent à
250 élèves actuellement, d'ailleurs.
M. Maltais: Oui, d'accord. Lorsque vous dites qu'elles auront
besoin de subventions particulières, n'avez-vous pas peur que cela brime
dans un certain sens la péréquation -la nouvelle commission
scolaire aura comme souci de redistribuer les budgets globaux aux écoles
- si l'on tient compte, par exemple, que cela prendra des enseignants à
demi-temps ou des enseignants à temps supplémentaire? N'avez-vous
pas peur que cela brime ce genre de péréquation normale qui est
reconnue depuis quelques années?
Mme Beaudry: Cela ne le devrait pas, parce que je pense qu'il est
important de continuer à offrir à cette clientèle la
même qualité qu'il y avait avant que le problème de
diminution des élèves ne survienne.
M. Maltais: D'accord.
Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci, M. le
député de Saguenay. Puisqu'il est 12 h 45... Je ne sais si c'est
là-dessus que vous désirez intervenir, M. le député
d'Argenteuil?
M. Ryan: Non.
Le Président (M. Blouin): Très bien.
M. Ryan: C'est seulement sur une petite question de
règlement.
Le Président (M. Blouin): Oui.
M. Ryan: Je ne sais pas si les membres du côté
ministériel consentiraient à ce que, pour la journée, le
député Cosmo Maciocia siège à la commission
à titre d'intervenant en remplacement de M. Christos Sirros,
député de Laurier. Étant donné que le comité
de parents ce matin et la commission scolaire cet après-midi oeuvrent
sur un territoire qui est représenté par M. Maciocia à
l'Assemblée nationale, il apprécierait vivement votre
consentement.
Le Président (M. Blouin): On me signale, M. le
député d'Argenteuil...
M. Leduc (Fabre): Bien sûr, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): ...que cette motion est
accueillie avec beaucoup d'enthousiasme. Comme il est un peu plus de 12 h 45,
nous allons suspendre dès maintenant nos travaux pour entendre la
Commission des droits de la personne du Québec à la reprise. Nous
ne reprendrons pas nos travaux à l'heure habituelle, nous les
reprendrons à 14 h 50. Je demande aux membres ainsi qu'aux
invités de faire un effort pour que nous commencions effectivement notre
séance à 14 h 50.
(Suspension de la séance à 12 h 49)
(Reprise de la séance à 14 h 51)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de l'éducation reprend ses travaux, mais
pour très peu de temps. En fait, elle reprend ses travaux uniquement
pour vous informer qu'à la suite d'une entente intervenue entre les
partis, nous entendrons la Commission des droits de la personne du
Québec non pas maintenant, mais bien à 16 heures.
Sur ce nous suspendons nos travaux jusqu'à 16 heures.
(Suspension de la séance à 14 h 52)
(Reprise de la séance à 15 h 35)
Le Président (M. Blouin): Mesdames, messieurs, la
commission permanente de l'éducation reprend donc ses travaux. Sans plus
tarder, je vais demander aux représentantes et aux représentants
de la Commission des droits de la personne du Québec de bien vouloir
d'abord s'identifier et, ensuite, de procéder à la
présentation de leur mémoire en une vingtaine de minutes.
Commission des droits de la personne
Mme Fournier (Francine): Merci, M. le Président, M. le
ministre, MM. les députés, Mmes les députées. Je
vous présente, pour commencer, la délégation de la
commission. Mme Trudeau-Bérard, vice-présidente; M. Michel
Krauss, commissaire; Mme Gisèle Côté-Harper, commissaire;
Mme Madeleine Caron, directrice de la recherche et M. Yves Côté,
directeur du service d'éducation.
Je tiens, en préambule, à m'excuser du retard que nous
avons mis à vous présenter notre mémoire. Nous sommes bien
conscients du fait que cela soulève pour vous des difficultés
particulières. Je tiens vraiment à m'excuser du temps que nous
avons mis à vous le présenter.
L'engagement soutenu de la Commission des droits de la personne dans le
domaine de l'éducation est l'une des raisons qui l'amènent
à présenter un mémoire à cette commission
parlementaire. En effet, de concert avec le ministère de
l'Éducation, la commission a mis sur pied un programme de
sensibilisation aux droits fondamentaux à l'intention des jeunes en
milieu scolaire, qui propose aux élèves du secondaire une
participation responsable à la vie de l'école et à la vie
en société dans le respect mutuel des droits et
libertés.
En second lieu, l'intervention de la commission fait suite aux
nombreuses demandes d'avis qu'elle a reçues de la part de personnes et
de groupes qui s'interrogent sur la conformité de la législation
scolaire
aux principes de la charte, surtout en ce qui concerne le respect de la
liberté de religion et de conscience (article 3 de la charte); le droit
de ne pas subir de discrimination fondée sur la religion (article 10);
le droit à l'instruction publique gratuite dans la mesure et suivant les
normes prévues par la loi (article 40); et le droit des parents ou des
personnes qui en tiennent lieu d'exiger que, dans des établissements
d'enseignement public, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux
ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes
prévus par la loi (article 41).
En 1979, la commission émettait un avis sur la liberté de
religion et la confessionnalité scolaire, par lequel elle affirmait que
le droit à l'exemption des cours de religion est une mécanique de
caractère négatif qui est insuffisante pour assurer le droit
à la liberté de religion et le droit à
l'égalité fondé sur la religion sans discrimination.
De plus, la commission estimait, dans cet avis, que face aux
non-catholiques qui fréquentent l'école catholique ou
désirent y travailler, parce qu'elle constitue dans leur
municipalité scolaire l'école publique et commune, l'école
catholique est porteuse de discrimination.
Enfin, la commission incitait le législateur à modifier
ses lois et règlements pour assurer à tous, indépendamment
de leurs convictions religieuses, un enseignement public d'égale
qualité.
Dans un autre domaine, celui du droit des personnes handicapées
à l'instruction publique gratuite, la commission est intervenue, comme
mise en cause, dans l'affaire Doré et Lapointe C. la commission scolaire
de Drummondville, où était en jeu le droit d'un enfant autistique
de recevoir son éducation dans le système scolaire public et de
forcer la commission scolaire à le réadmettre aux études.
Le jugement rejetant l'appel fut rendu le 9 septembre 1982. La Cour d'appel
conclut que le devoir de donner des services éducatifs spéciaux
n'est pas une obligation absolue et qu'il appartient au législateur de
déterminer la nature des services éducatifs spéciaux
visés à l'article 480 de la Loi sur l'instruction publique.
Dans le domaine de l'éducation interculturelle, la commission
s'est préoccupée des barrières systémiques qui
empêchent certains enfants d'accéder à
l'égalité en éducation. Elle a de même
manifesté ses inquiétudes face à certains tests
susceptibles de produire des effets d'exclusion à l'égard des
enfants de milieux sociaux économiquement faibles.
Pour le présent mémoire, trois thèmes ont retenu la
réflexion de la commission. Il s'agit de la liberté de religion
et de la liberté de conscience par rapport à la
confessionnalité scolaire, le droit à l'éducation,
particulièrement en ce qui concerne les personnes handicapées,
les personnes appartenant à des minorités ethniques et
culturelles et les adultes. Enfin, l'exercice, par les jeunes, de la
liberté d'association en milieu scolaire.
Tout d'abord, donc: Liberté de religion et
confessionnalité scolaire. Nous aborderons ce thème en premier
lieu. Mais avant d'exposer l'avis de la commission sur cette question, il nous
apparaît important de rappeler certains principes sur lesquels elle se
fonde. En effet, plusieurs libertés et droits fondamentaux sont en cause
et il convient, non seulement d'en préciser le contenu, mais aussi de
les articuler les uns par rapport aux autres.
D'abord, le droit à l'instruction (article 40 de la charte). Le
premier de ces droits se retrouve à l'article 40 au chapitre des droits
économiques et sociaux. Il reconnaît que toute personne a droit,
dans la mesure prévue par la loi, à l'instruction publique et
gratuite. À la différence des droits civils et politiques tels le
droit à la vie, les libertés d'opinion, de religion et de
conscience dont le respect n'exige habituellement de la part de l'État
qu'un devoir d'abstention, les droits économiques et sociaux ne sont
pleinement réalisés que si l'État intervient de
façon positive, par un apport financier pour en assurer le plein
exercice. C'est ce qui explique le sens des termes "dans la mesure
prévue par la loi". Ces termes signifient que le droit à
l'instruction n'est pas un droit absolu, mais un droit qui ne prendra son
véritable sens que s'il est soutenu par un régime de droit qui en
définit le contenu et les modalités d'exercice. Une loi comme
celle qui est proposée prend alors toute son importance car elle
précise ce que le Québec veut reconnaître comme droit
à l'instruction.
Comme la reconnaissance concrète de ce droit exige l'intervention
financière de l'État, celui-ci doit tenir compte des besoins de
la collectivité et de ses moyens financiers pour définir le
contenu du droit à l'instruction et à l'éducation. Mais le
droit à l'instruction n'en est pas moins un droit individuel. Une fois
que, par un régime de droit approprié, le contenu et les
modalités d'exercice de ce droit sont définis, il devient un
droit individuel qui peut être revendiqué par toute personne
à l'encontre de l'État, pourvu que ce soit dans la mesure et
suivant les normes prévues par la loi.
De plus, étant un droit de la personne au sens de la charte,
c'est un droit protégé contre la discrimination. Cela nous
amène à considérer une deuxième disposition de la
charte, l'article 10, qui définit ce qu'est la discrimination illicite.
Très rapidement, nous le reconnaissons tous, il s'agit donc du
droit de ne pas subir de discrimination. "Toute personne a droit à la
reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des
droits et
libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou
préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la
grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge, sauf dans
la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la
langue, l'origine ethnique et nationale, la condition sociale, le handicap ou
l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap. Il y a discrimination
lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour
effet de détruire ou de compromettre ce droit."
Par conséquent, bien que le droit à l'instruction soit,
dans la charte, un droit relatif, c'est-à-dire défini par la loi,
il est un droit de la personne et la loi ne peut, en en définissant le
contenu et les modalités d'exercice, le faire d'une façon
discriminatoire au sens de l'article 10, c'est-à-dire en se fondant sur
l'un des critères illicites qui y sont
énumérés.
Mais il est une autre disposition de la charte qu'il faut
considérer, il s'agit de l'article 3, qui reconnaît la
liberté de religion et la liberté de conscience. Ces
libertés sont inscrites au chapitre I de la charte. Il s'agit de droits
civils et politiques dont le respect exige, de la part de l'État, un
devoir d'abstention. De plus, ce sont des libertés individuelles dont la
violation par l'État entraîne le droit de la personne
lésée d'exiger la cessation de cette atteinte par l'article
49.
La charte québécoise ne définissant pas ces
libertés, il faut, pour en connaître le contenu, se rapporter
à la jurisprudence canadienne, d'une part, qui en a toujours reconnu
l'existence, et aux pactes internationaux ratifiés par le Québec,
d'autre part, qui sont plus explicites sur le sens donné à ces
concepts. Guidés par ces balises dont nous faisons état dans
notre mémoire, on peut répondre plus clairement à la
question de savoir ce que signifie concrètement la reconnaissance par
l'État des libertés de religion et de conscience.
Le respect de l'État pour la liberté religieuse implique
que le pouvoir civil doit reconnaître le droit de toute personne et de
tout groupe de mener librement, dans la société, une vie conforme
à ses convictions religieuses ou morales, mais que cela doit se faire de
façon à respecter les convictions de ceux qui n'adhèrent
pas à la même foi, sans abus, de son propre droit et sans entorse
aux droits des autres. Voilà le principe. Cela implique comme
conséquence que l'État ne doit, ni par des mesures
administratives ni par des mesures législatives, faire en sorte que les
citoyens soient contraints à accepter une religion plutôt qu'une
autre ou à accepter une religion ou à n'en accepter aucune.
Le Président (M. Blouin): Je m'excuse de vous interrompre.
Je constate que vous avez résolu de lire intégralement le
résumé... (15 h 45)
Mme Fournier: Le résumé.
Le Président (M. Blouin): ...du mémoire que vous
nous avez fait parvenir.
Mme Fournier: Oui.
Le Président (M. Blouin): Cependant, au rythme où
vont les choses, je vous signale que vous prendrez au-delà d'une heure
à lire le mémoire que vous nous avez soumis, puisque vous avez
commencé votre intervention il y a dix minutes et que vous n'en
êtes qu'à la page 5. Alors, je vous demanderais d'en
résumer certaines parties...
Mme Fournier: D'accord! Très bien.
Le Président (M. Blouin): ...pour que nous nous situions
à l'intérieur des limites que notre procédure nous
fixe.
Mme Fournier: Cela nous donne jusqu'à quelle heure?
Le Président (M. Blouin): Cela vous donne, en principe,
encore dix minutes. Cependant, nous pourrons excéder de quelques
minutes, mais certainement pas d'une période beaucoup plus longue.
Mme Fournier: D'accord! Très bien, monsieur.
Je pense qu'il est important de poser les principes...
Le Président (M. Blouin): Un instant! Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: M. le Président, je trouve que le
mémoire, l'avis et les commentaires de la Commission des droits de la
personne sont tellement fondamentaux au projet de loi, comme les questions
soulevées par tous les groupes que nous avons entendus jusqu'à
maintenant, que ce serait plus sage d'entendre l'ensemble du
résumé. Après tout, c'est un résumé, ce
n'est pas tout le mémoire que la commission a soumis à la
commission parlementaire.
Le Président (M. Blouin): Oui, Mme la
députée de Jacques-Cartier, ce que je suggère à Mme
Fournier, c'est d'en résumer certaines parties et non pas de les
omettre. Si Mme Fournier y consent, nous pourrions effectivement, tout en
percevant bien tout le contenu du message que ces gens ont à nous
livrer, procéder à une présentation plus rapide. Je vous
rappelle que, ne serait-ce que par déférence à
l'égard des autres organismes qui ont aussi été
convoqués pour aujourd'hui et dont certains, du reste, ont du être
déplacés, compte tenu des retards que
nous avons déjà dû subir, il m'apparaît
correct que nous demandions aux représentants de la commission - comme
cela a été le cas de toute façon pour tous les autres
organismes qui se sont présentés devant nous - de bien vouloir
résumer certaines parties de leur mémoire, quitte à y
revenir au cours des échanges que nous aurons entre les membres de la
commission et nos invités.
Mme Fournier: Je vais...
Le Président (M. Blouin): Vous allez résumer une
certaine partie du mémoire.
Mme Fournier: ...tenter de résumer certaines parties du
mémoire. J'en étais donc à poser les principes qui ont
guidé notre réflexion en ce qui concerne la
confessionnalité par rapport à l'école.
Tout en essayant de résumer, je vais tout de même vous dire
que, malgré l'obligation de neutralité religieuse de la part de
l'État, la question se pose à savoir si l'État doit faire
preuve d'une indépendance totale ou d'une indifférence totale
à l'égard des croyances religieuses de ses concitoyens? Nous ne
le croyons pas.
Cependant, nous prenons à notre compte l'avis qui était
déjà exprimé par le rapport Parent, à savoir que
l'obligation qui incombe à l'État d'assurer un enseignement
public à tous prime sur le devoir qu'on peut lui faire d'autoriser
l'éducation religieuse de groupes d'enfants dans ces écoles. Je
crois que ces principes sont importants.
Il importe aussi de souligner ici un des aspects des libertés de
conscience et de religion qui n'avait pas été traité dans
notre avis antérieur. C'est aux individus eux-mêmes qu'il
appartient de décider ce qui fait partie de leurs convictions
religieuses. Il n'appartient pas à l'État, ni à une
majorité de parents, ni à un conseil d'école, ni encore
à une commission scolaire de décider que la participation
à telle manifestation de la vie religieuse à l'école
blesse ou ne blesse pas la conscience des minorités.
Le point suivant est extrêmement crucial: il serait
extrêmement dangereux pour le respect des libertés individuelles
de confier à une majorité le soin de définir les limites
de la liberté de religion et de conscience et, en dernier ressort, il
appartiendra aux tribunaux de décider si, dans telle ou telle
circonstance, il y a atteinte à ces libertés au sens de la charte
québécoise.
Soulignons aussi l'article 41 de la charte qui reconnaît aux
parents et personnes qui en tiennent lieu le droit d'exiger l'enseignement
religieux ou moral conforme à leurs convictions. Comme je le
mentionnais, il s'agit d'un droit qui est reconnu au chapitre des droits
économiques et sociaux. Il appartient donc à l'État,
à la lumière des besoins de la population et des ressources
financières, d'en aménager l'exercice dans le cadre des
programmes prévus par la loi. Toutefois - c'est le lien, quand on
parlait d'articulation - comme il s'agit bien d'un droit de la personne au sens
de l'article 10, c'est un droit protégé contre la discrimination.
Par conséquent, l'aménagement de ce droit dans des programmes
prévus par la loi doit se faire sans discrimination.
Ces prémisses établies, nous pouvons procéder
à l'avis précis de la commission. La commission constate
plusieurs améliorations par rapport à la législation et
à la réglementation antérieures. Le régime
d'exemption de l'enseignement religieux est remplacé par un
régime d'option, les professeurs désireux de ne pas donner un
enseignement religieux confessionnel sont mieux protégés. Ces
mêmes professeurs ne sont pas tenus de répondre aux conditions de
qualification exigées par les comités confessionnels. Cependant,
ces améliorations ne sont pas suffisantes par rapport au problème
de la liberté de conscience et de religion.
Le concept de confessionnalité. Celui-ci est un concept
analogique. Je crois qu'il faut quand même parler quelques instants sur
cette question. Il faut mettre en lumière les droits fondamentaux en
cause face à la confessionnalité scolaire, mais il importe aussi
de clarifier le concept même de confessionnalité. Ce concept n'est
pas univoque, c'est-à-dire qu'il ne conserve pas exactement le
même sens dans des emplois différents. Ce concept est plutôt
analogique en ce sens qu'il peut prendre des sens sensiblement
différents selon les réalités qu'il veut nommer. Quand il
s'applique à une institution scolaire, il désigne
l'intégration de la dimension religieuse dans cette institution, mais
cette intégration de la dimension religieuse peut se faire à
divers degrés. Parler de confessionnalité scolaire, c'est non
seulement parler de l'intégration de la dimension religieuse dans
l'institution mais aussi du degré de cette intégration. Comme il
y a plusieurs degrés d'intégration, il y aura plusieurs
façons de définir la confessionnalité.
Il y a aussi plusieurs aspects qui sont introduits par la notion de
confessionnalité. La religion assume plusieurs fonctions; elle a un
rôle de signification car elle prétend donner un sens à
l'existence, à la vie, au monde et c'est à travers ses croyances
qu'elle assume ses rôles. Si elle prétend donner ainsi une
signification, elle peut aussi assumer un rôle d'intégration. Elle
assume aussi le rôle de mise en contact avec le sacré d'où
elle puise sa signification première. Donc, parler de
confessionnalité, c'est aussi parler d'intégration dans
l'école de quatre fonctions de la religion. C'est
aussi parler du degré d'intégration. J'en ai sauté
une en essayant de résumer. Oui, la question d'éthique.
Les types de confessionnalité. L'intégration de cette
dimension religieuse peut se faire par la présence, dans la
grille-horaire, de cours de religion et par la présence, parmi les
services complémentaires, d'un service d'animation pastorale.
L'école offre ainsi des lieux où peuvent se pratiquer les
différentes fonctions qu'assume ordinairement une religion.
On peut concevoir une confessionnalité maximale dans une
école privée, par exemple, où le personnel
étudiant, enseignant et non enseignant partagerait, dans une
réelle homogénéité, la croyance dans une confession
religieuse unique et incarnerait cette croyance dans tous les aspects de la vie
de l'école. Cependant, on peut aussi choisir une religion ou une
confession comme pôle intégrateur d'un projet éducatif.
L'école alors n'offre plus seulement des lieux où peuvent
être joués différents rôles de la religion par
rapport à la culture, aussi transmise par ailleurs, mais elle devient un
lieu religieux où la culture est livrée déjà toute
intégrée et signifiée dans une perspective
confessionnelle. C'est une autre forme.
Par rapport au projet, quel type de confessionnalité scolaire
propose-t-il pour les écoles? Il s'agit minimalement d'un type de
confessionnalité évoqué plus haut, soit le premier type de
confessionnalité, c'est-à-dire que le projet de loi assure que
toutes les écoles devront offrir le choix entre l'enseignement
catholique ou protestant et l'enseignement moral. Il assure aussi
l'enseignement religieux de toute confession pourvu que cet enseignement soit
dispensé et rémunéré par le groupe religieux. Le
projet de loi assure aussi que les services de pastorale seront offerts
automatiquement à tous les élèves inscrits comme
catholiques et, sur demande, à tous les élèves inscrits
comme protestants et ce, dans toutes les écoles.
En ce sens, toutes les écoles seront confessionnelles selon le
premier type de confessionnalité décrit plus haut. Toutes les
écoles offriront des lieux où pourront être assumées
les fonctions de la religion. La dimension religieuse sera donc
intégrée par la loi dans toutes les écoles. À ce
sujet, la Commission des droits de la personne ne peut que manifester son
accord. L'État peut, en effet, accéder à la requête
de certains groupes concernant l'enseignement religieux à l'école
pourvu que les droits des autres ne soient pas brimés. Ce droit est
d'ailleurs garanti par l'article 41 de la charte.
Cependant, la commission remarque que le droit à
l'égalité dans les services est sérieusement menacé
par la répartition de ces services entre les différents usagers
de l'école. Les catholiques se voient garantir l'enseignement religieux
et l'animation pastorale, assurés et rémunérés par
l'État, en plus de se voir garantir un poste de responsable du soutien
à l'enseignement religieux et à l'animation pastorale par la
commission scolaire. Les protestants se voient garantir l'enseignement
religieux, mais l'animation religieuse "peut" être offerte aux
élèves inscrits comme protestants. Les tenants d'une autre
confession religieuse, même s'ils étaient la majorité dans
une école, peuvent se voir assurer les services de l'enseignement
religieux à la suite d'une entente avec le conseil de l'école,
pourvu qu'ils désignent une personne à cet effet et qu'ils la
rémunèrent. Quant à ceux qui ne sont tenants d'aucune
confession ou qui préfèrent ne pas recevoir d'enseignement
religieux, ils ont droit à des cours de morale assurés et
rémunérés par l'État.
La commission est d'avis qu'il faudrait redresser ces
inégalités en offrant des services d'enseignement religieux et
d'animation d'égale qualité à tous les usagers de
l'école. Ceux qui ne bénéficient pas de services
d'animation pastorale ou religieuse devraient pouvoir bénéficier,
eux aussi, de services d'animation culturelle dans des lieux où ils
pourraient intégrer et signifier la culture transmise par ailleurs. Le
projet de loi assure donc que toutes les écoles seront confessionnelles,
au moins selon le premier type de confessionnalité évoqué
plus haut.
Le deuxième point concernant la confessionnalité est un
point crucial de notre mémoire. Le projet de loi va plus loin que de
permettre l'enseignement religieux ou moral, à l'article 31 il dit que
l'école peut intégrer dans son projet éducatif les
croyances et les valeurs religieuses d'une confession particulière.
À l'article 32, il dit que, après consultation avec les parents,
l'école peut demander au comité catholique ou au comité
protestant une reconnaissance comme école catholique ou école
protestante. Malheureusement, nous ne connaissons pas quelles seront les
modalités de la consultation, ni les critères retenus pour la
reconnaissance comme école catholique ou protestante. Ce sont là
pourtant des éléments majeurs. Ces deux articles font entrer
l'école dans le deuxième type de confessionnalité - c'est
très important - il ne s'agit plus seulement d'une école
où se retrouvent certains lieux où peuvent s'exercer les
fonctions de la religion, il s'agit au minimum d'intégrer dans le projet
éducatif les croyances et les valeurs d'une confession
particulière. Il s'agit aussi de la reconnaissance comme catholique ou
protestante d'une école. Sans connaître les critères qui
présideront à cette reconnaissance, on peut au moins penser
qu'ils seront autres que ceux déjà reconnus à propos de
l'enseignement religieux et de l'animation pastorale et qu'ils renforceront
l'intégration de la dimension religieuse dans l'institution
scolaire.
Avec ces nouveaux articles, l'école tend à devenir un lieu
religieux où les fonctions de la religion s'étendent à
tout le projet éducatif. L'école n'est plus seulement une
institution offrant certains lieux religieux pour ceux qui le désirent,
elle est, par son projet éducatif lui-même, un lieu religieusement
intégré. Dans une école reconnue comme confessionnelle, le
ministre de l'Éducation devra même transmettre tous les programmes
d'enseignement au comité confessionnel du Conseil supérieur de
l'éducation, qui pourra donner son avis au point de vue religieux.
Donc, le degré d'intégration du projet éducatif par
une confession pourra varier d'une école à l'autre, mais la loi
introduit dans le système scolaire le principe par lequel une
école publique commune et souvent unique peut administrer un projet
éducatif intégré par des valeurs et des croyances d'une
confession particulière.
Si tous les usagers de l'école sont d'accord avec ce projet ou
cette croyance, si 100% des étudiants sont d'une croyance, ça ne
pose pas de problème. Mais s'il y a une minorité - ce qui est
à supposer dans une école commune - le problème se pose
alors très directement pour cette minorité.
La loi introduit aussi dans le système scolaire un
élément qui peut avoir des effets discriminatoires sur les
usagers de l'école qui ne partageraient pas les croyances de la
majorité ou de la minorité qui aurait introduit dans
l'école ce type de confessionnalité.
La discrimination au sens de la Charte des droits et libertés de
la personne est présente non seulement quand on peut la rattacher aux
attitudes des personnes discriminantes, mais aussi quand on retrouve, à
l'intérieur d'un système, des éléments qui ont pour
effet de traiter inégalement des personnes dans la jouissance et
l'exercice d'un droit fondamental, à savoir ici les libertés de
religion et de conscience.
On peut imaginer des situations où ce type de discrimination
pourrait exister sans qu'on puisse la relier à des volontés
expresses. Mais ici, on va encore plus loin, cette discrimination pourrait
être liée à la volonté démocratique des
parents, le tout étant sanctionné par la loi. Du point de vue de
la commission, ceci est inacceptable. À cet égard, que la
décision d'introduire dans un système d'une école un tel
élément soit le résultat d'un choix démocratique
des parents n'a aucun impact sur le résultat lui-même. Le
caractère démocratique d'un choix, si louable soit-il, n'assure
aucunement la moralité, la légalité ou la
légitimité d'un choix, pas plus qu'il n'assure qu'il soit
conforme au respect des droits et libertés de la personne.
(16 heures)
Brièvement, les recommandations. Retirer du projet les
dispositions qui inscrivent dans le système d'enseignement public des
éléments discriminatoires et contraires aux libertés de
religion et de conscience. Tels sont les articles 31 et 32 qui permettent la
reconnaissance de l'école comme catholique ou protestante et qui
l'autorisent à intégrer dans son projet éducatif des
croyances et des valeurs religieuses d'une confession particulière. Tels
sont aussi ces articles: 309.1, qui accorde au ministre un pouvoir de
réglementation relativement à la reconnaissance confessionnelle
de l'école; 474e et f, qui accorde au comité confessionnel le
pouvoir de faire des règlements en vue d'assurer ce caractère
confessionnel et pour reconnaître ou révoquer ce caractère;
475a, qui permet au comité confessionnel de donner des avis au ministre
du point de vue religieux sur l'enseignement autre que religieux.
De plus, le projet devrait être modifié pour
reconnaître le droit à l'égalité sans distinction,
exclusion ou préférence fondée sur la religion. Ainsi, les
articles 103, 220, 110 et 111 devraient être modifiés pour
établir un critère commun en vertu duquel l'enseignement
religieux serait dispensé dans une école et en vertu duquel cet
enseignement serait rémunéré, y compris les services de
soutien à l'enseignement de la religion ou de la morale. De même,
en conséquence, les articles 17 et 101 devraient être
réécrits pour tenir compte de ces modifications.
En plus de ce point fondamental qui concerne la confessionnalité
dans les écoles, deux autres blocs de notre mémoire doivent
être soulignés. Le premier, c'est le droit à
l'égalité en éducation. Il s'agit de reprendre la notion
d'égalité par rapport à la fonction sociale de
l'école. Le droit à l'égalité revêt un double
aspect: d'abord, l'absence d'exclusion discriminatoire dans un système
et, d'autre part, la reconnaissance de la diversité des besoins, donc,
des moyens d'y répondre. Bien que l'article 40 de la charte ne
reconnaisse que le droit à l'instruction, la commission est convaincue
de la nécessité de reconnaître le droit à
l'éducation pour assurer en pleine égalité le droit
à l'instruction.
Il faut, à ce propos, rappeler le Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels, qui est ratifié par le
Québec. Brièvement, par ce pacte, nous convenons que les
États parties au présent pacte reconnaissent le droit de toute
personne à l'éducation. Ils conviennent que l'éducation
doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et
du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l'homme et
des libertés fondamentales.
Le projet de loi apporte une
amélioration intéressante à la loi existante par
les définitions qu'il contient aux articles 1 à 14 des services
éducatifs. Malheureusement, lorsqu'on examine ce que le projet
reconnaît comme droits aux services éducatifs ainsi
définis, on se rend compte qu'il ne reconnaît vraiment que le
droit aux services d'enseignement, parce qu'on établit qu'il y a un
droit aux services d'enseignement, mais que la personne âgée de
cinq ans et plus peut aussi recevoir d'autres services éducatifs dans la
mesure prévue par la loi.
Pour connaître l'étendue de ces autres services
éducatifs que toute personne peut recevoir, on se rend compte que
l'organisation de ces services et la détermination de leur
étendue sont laissées à l'école et à la
commission scolaire. C'est par l'article 199. Or, comme seuls les services
éducatifs auxquels la population a droit sont les services
d'enseignement, cet article ne garantit nullement que tous les autres services
éducatifs décrits aux articles 1 à 13 seront
assurés par la commission scolaire à la population de son
territoire. C'est pourquoi nous recommandons que l'article 14 soit
amendé de façon à reconnaître le droit aux services
d'enseignement et aux autres services éducatifs qui rendent possible
l'accès à l'enseignement. Nous pourrions avoir comme formulation:
Toute personne âgée de cinq ans et plus a droit à
l'éducation préscolaire, à des services de formation et
d'éveil et, au primaire et au secondaire, à des services
d'enseignement ainsi qu'à tout autre service éducatif
prévu par la loi. Nous sommes conscients que reconnaître ainsi le
droit aux autres services éducatifs pourra représenter parfois,
pour les commissions scolaires chargées de voir à ce qu'ils
soient fournis, une charge financière très lourde. Nous pensons,
par exemple, aux déboursés que pourrait entraîner
l'intégration d'un seul enfant multihandicapé. C'est pourquoi il
nous paraîtrait important que, tout en reconnaissant ainsi le droit, l'on
s'assure de mécanismes qui permettront de faire porter le coût de
certaines catégories de services personnels à l'ensemble de la
collectivité québécoise.
En plus, en ce qui concerne les enfants handicapés, la commission
désire faire les deux recommandations suivantes: Premièrement,
l'article 97 du projet devrait être modifié pour reconnaître
explicitement le droit des enfants handicapés à
l'intégration en classe régulière, tout en
précisant les circonstances qui justifieraient le refus de
l'intégration. Il appartiendrait alors au directeur de l'école de
démontrer que l'intégration n'est pas réalisable. Mais
cette intégration de l'enfant handicapé en classe ordinaire, pour
qu'elle ne se fasse pas à son détriment et au détriment
d'autres, doit se faire dans des conditions qui tiennent compte de la charge
additionnelle de sa présence pour l'enseignant.
Pour l'élève qui ne peut être intégré
en classe ordinaire, le droit à des services spéciaux devrait
être reconnu non seulement par la modification de l'article 14, mais par
la description de ces services en établissant les circonstances dans
lesquelles ils peuvent être requis.
Par rapport aux enfants appartenant aux minorités ethniques et
culturelles, la commission fait siennes les recommandations de divers rapports
publiés récemment au Québec, ceux du Conseil
supérieur de l'éducation, du ministère de
l'Éducation, du Conseil scolaire de l'île de Montréal, et
recommande que le projet soit modifié pour faire obligation d'implanter
un programme d'enseignement des langues d'origine là où le nombre
le justifie.
De plus, elle recommande que le projet de loi indique que le projet
éducatif doit comprendre l'éveil aux valeurs culturelles des
composantes de la population québécoise.
Par rapport à l'éducation des adultes, la commission
souhaite que le gouvernement donne suite aux recommandations du rapport Jean
visant à garantir aux adultes, en vertu de leur droit à
l'éducation, l'équivalent de treize années de
formation.
Enfin, le troisième thème, c'est le dernier: La
liberté d'association des jeunes. La commission favorise la
participation active des élèves à leur formation et
à leur éducation et reconnaît l'exercice par eux de la
liberté d'association comme une condition importante de leur
apprentissage des valeurs démocratiques.
Dans son mémoire, la commission rappelle plusieurs documents et
rapports émanant soit du ministère, soit du Conseil
supérieur de l'éducation où l'on relève l'absence
d'une telle reconnaissance de la liberté d'association et les lacunes
considérables en ce qui concerne les conditions nécessaires
à son exercice.
La commission se réjouit que le projet de loi propose une formule
de participation et de consultation des élèves. En effet, le
directeur a la responsabilité d'abord de proposer aux
élèves du deuxième cycle du secondaire une participation
au conseil d'école et ensuite de proposer aux élèves du
secondaire de constituer un comité de représentants qui donnent
leur avis sur certaines questions touchant à la vie de l'école.
Le projet de loi va ainsi plus loin que le projet de loi 71 créant les
conseils d'orientation, qui ne prévoyait pas de tels organismes.
Cependant, on peut se demander si la composition du conseil
d'école, formé en majorité de parents, permettra la vie
démocratique que l'on souhaitait dans le livre blanc: lors de la prise
de décision, les parents majoritaires risquent de toujours
l'emporter. A-t-on songé également à qui
décidera du nombre d'élèves et d'enseignants au conseil?
Qui tranchera le débat, par exemple, si les élèves veulent
élire trois représentants et que les parents ne veulent en
reconnaître qu'un?
Même si l'on peut prévoir qu'en pratique le fonctionnement
du conseil pourra poser des problèmes difficiles et ne pas
nécessairement amener un véritable partage des pouvoirs et des
responsabilités à l'école, la place qu'on commence ainsi
à reconnaître aux élèves constitue un progrès
par rapport à la situation actuelle. On pourrait aussi s'interroger sur
la justification de limiter la participation des élèves au
conseil au deuxième cycle du secondaire et à la formation du
comité d'élèves au seul niveau secondaire, cette
distinction fondée sur l'âge empêchant que cette initiation
à la vie démocratique à l'école ne puisse se faire
du début à la fin des deux cycles du primaire et du
secondaire.
La commission est d'avis que les modes de participation prévus au
projet peuvent dans les faits restreindre la reconnaissance et l'exercice de la
liberté d'association. Nous avons émis l'avis, dans la
première partie de notre mémoire, que les élèves
à tout âge ont le droit de s'associer entre eux pour promouvoir
leurs intérêts communs et le respect de leurs droits. Le projet de
loi ne prévoit rien à cet égard. Là où
n'existe aucune association d'élèves, le projet de loi leur
assure un minimum de possibilités de participer et de se concerter entre
eux.
Le problème pourra se présenter dans les écoles ou
existent déjà des associations générales autonomes
et dans les écoles où les élèves voudront en former
une. Ces associations pourront-elles se voir reconnaître le droit de se
réunir, de jouir d'un minimum de conditions matérielles pour
assurer leur vie et leur développement et de se faire reconnaître
comme porte-parole de l'ensemble des élèves? Le risque n'est-il
pas grand que les élèves se fassent opposer une fin de
non-recevoir appuyée sur le fait que la loi prévoit
déjà des mécanismes de consultation et qu'ils n'ont
qu'à s'en prévaloir?
La reconnaissance par le projet de loi du seul comité
d'élèves risque ainsi de n'apporter qu'une solution partielle aux
problèmes que vivent déjà les élèves et qui
ont été soulevés par le Conseil supérieur de
l'éducation. Notre expérience des milieux scolaires nous a
convaincus que l'exercice de la liberté d'association des
élèves est soumis à de nombreuses contraintes tant
humaines que matérielles.
À cause de leur âge et de leur état de
subordination, leur liberté d'association doit être davantage
favorisée par une volonté législative. C'est pourquoi nous
suggérons que le droit des élèves à former des
associations autonomes soit aussi prévu dans le projet, de même
que leur droit de se voir doter de conditions matérielles favorisant
leur activité.
En bref, nous recommandons, à cet égard, la modification
du projet de loi en confiant au directeur d'école la
responsabilité de favoriser l'émergence d'associations
étudiantes autonomes tant au primaire qu'au secondaire et des moyens qui
seront mis à leur disposition pour faciliter leur action. Voilà
donc, M. le Président, les réflexions qu'a inspirées
à la Commission des droits de la personne le projet de loi 40.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Fournier. Je vous
assure que nous apprécions les efforts de concision dont vous avez fait
preuve. Compte tenu de la situation, voici ce que je suggérerais aux
membres de la commission, sans qu'il y ait d'entente formelle. Si tout le monde
pouvait s'entendre, si tout le monde pouvait se rendre à cette
suggestion, je souhaiterais que nous puissions compléter les
échanges entre les membres de la commission et nos invités vers
18 heures. J'essaierai, si les membres veulent bien collaborer, de faire en
sorte que les droits de parole puissent s'articuler pour que nous terminions
nos échanges avec la commission vers 18 heures. M. le ministre.
M. Laurin: Je voudrais d'abord remercier la Commission des droits
de la personne pour le soin et l'attention qu'elle a mis à la
préparation de ce mémoire. C'est un mémoire abondant,
documenté et, étant donné le rôle que joue la
Commission des droits de la personne qui doit présider à
l'application de la charte et à la promotion des droits et
libertés de la personne. Cette contribution est particulièrement
importante et susceptible non seulement d'éclairer le débat et de
le faire avancer, mais d'éclairer la commission et d'éclairer le
législateur.
Cependant, la commission a tellement mis de soin et d'attention à
préparer le mémoire qu'elle nous l'a remis beaucoup plus tard que
prévu, comme la présidente y a fait allusion, tout à
l'heure. Cela comporte évidemment, pour nous, un certain nombre
d'inconvénients, surtout en raison de sa richesse. C'est un
mémoire, encore une fois, très long - plus de 60 pages - et,
surtout, il comporte des considérations d'ordre juridique, philosophique
abstrait, théorique et souvent technique; il faut ensuite
l'évaluer sur le plan des conséquences pratiques: en particulier
sur le plan législatif aussi bien que sur le plan réglementaire.
Il devient donc difficile de faire droit à un mémoire d'une
pareille richesse dans le peu de temps qui s'est écoulé entre sa
présentation et les commentaires que nous pouvons et devons en
faire.
Je ne peux donc présenter, aujourd'hui,
que des considérations préliminaires. Il faudra
évidemment que notre réflexion et que le débat se
poursuivent.
Je reprendrai les énoncés et les recommandations de la
commission à l'inverse de l'ordre dans lequel ils nous ont
été présentés pour terminer par le bloc de la
confessionnalité qui, comme l'a dit la présidente, est le plus
fondamental et probablement le plus complexe. Je vais d'abord
m'intéresser au dernier bloc, donc, les recommandations 6, 7 et 8.
Comme sixième recommandation, la commission fait état
qu'il serait approprié que le projet éducatif intègre, en
plus des valeurs de la communauté à laquelle elle dispense des
services, des valeurs culturelles de la décomposante de la population du
Québec. La commission demande donc que soit reconnu plus
expressément, à l'article 30, le pluralisme culturel. Or le
projet de loi, même s'il n'utilise pas nommément l'expression
"pluralisme culturel", reconnaît, dans son esprit, ce pluralisme. En
effet, le premier alinéa de cet article 30 énonce la règle
générale que toute école est publique et commune. Ce qui
embrasse nécessairement le concept du pluralisme. Par ailleurs, le
deuxième alinéa de l'article 30 permet à l'école
d'intégrer les valeurs de la communauté à laquelle elle
dispense des services. Ce qui, encore une fois, dans une communauté
pluraliste, permettra à l'école d'intégrer les valeurs
pluralistes d'une communauté si tel est le cas, et tel sera le cas. Le
libellé de l'article 30 nous paraît donc suffisamment large pour
comprendre la recommandation de la commission à ce sujet. (16 h 15)
Énumérer d'une façon plus précise ce que
peut comprendre le projet éducatif, entre autres, le respect du
pluralisme culturel, pourrait d'une part être laborieux et exigeant aux
fins de couvrir tous les aspects souhaitables d'un projet éducatif, et,
d'autre part, énumérer d'une façon plus précise ce
que peut comprendre le projet éducatif pourrait être inutilement
contraignant, car toute énumération, on le sait, porte en
elle-même ses propres limites. C'est ce que les techniciens de la
législation nous rappellent constamment.
Il semble donc, à notre avis, préférable de
conserver un concept général aux fins de n'être pas
indûment limitatif et aussi aux fins de permettre à la notion de
projet éducatif d'évoluer avec la société qui le
définira selon ses besoins et ses réalités.
Au surplus il y a lieu de rappeler que l'article 91, qui définit
la mission de l'école, fait clairement état que celle-ci doit
promouvoir les intérêts sociaux et culturels de la
communauté, encore une fois, qu'elle dessert, ce qui nous semble
encadrer suffisamment le rôle de l'école pour lui permettre et
même pour l'obliger à respecter un certain pluralisme culturel
là où les composantes sociales le justifient.
Dans sa septième recommandation, la commission propose de confier
au directeur d'école la responsabilité de favoriser
l'émergence d'associations étudiantes autonomes, tant au primaire
qu'au secondaire.
Dans un premier temps, il y a lieu de souligner que le projet de loi
propose une certaine continuité évolutive au sujet du rôle
de l'étudiant à l'école. En effet, en 1979, l'introduction
par le législateur des conseils d'orientation reconnaissait pour la
première fois un certain rôle à l'étudiant dans le
déroulement des activités de l'école. Par exemple, deux
élèves de l'école recevant l'enseignement du second cycle
du secondaire pouvaient être élus par les élèves de
l'école pour siéger au conseil d'orientation.
Le projet de loi 40 va un peu plus loin car, en plus de permettre aux
étudiants de siéger au conseil d'école, il prévoit
la possibilité pour ceux-ci de se regrouper en un comité
d'école, en un comité d'élèves, et la loi, à
cet égard, précise d'une façon assez large, extensive
même, les fonctions de ce comité à l'article 71 et les
sujets sur lesquels il peut exiger d'être consulté.
Par ailleurs, rappelons pour mémoire que la Charte des droits et
libertés de la personne protège à son article 3 la
liberté de réunion pacifique et la liberté d'association.
À cet égard, le projet de loi 40 ne veut en aucun cas
interférer avec ce droit. Les étudiants pourront donc se
regrouper à leur convenance en associations au moyen de structures
légales existantes, sociétés, corporations sans but
lucratif, coopératives ou même, parallèlement à ces
structures, en se regroupant tout simplement en associations sans formalisme
rigoureux.
Le projet de loi 40 ne crée aucune contrainte à cet
égard. Au contraire, il veut favoriser l'émergence de tels
regroupements au niveau secondaire sans limiter le droit des
élèves de se regrouper d'une façon autre que celle
prévue par le projet de loi 40 ou d'avoir des activités ou des
objectifs différents de ceux du projet de loi 40.
Il m'apparaît donc important de préciser que le projet de
loi 40 ne crée pas de barrières invisibles pour
l'émergence d'associations étudiantes, d'autant plus qu'advenant
l'existence d'une telle association dans une école donnée, il
m'apparaît évident que celle-ci prendra tout naturellement le
chapeau du comité d'élèves si elle désire assumer
les fonctions dévolues à ce comité.
Cette mise au point faite, il reste que j'examinerai avec
intérêt la proposition de la commission en ce sens que le
législateur aille plus loin qu'il ne le fait actuellement et qu'il
oblige le directeur d'école à favoriser l'émergence de
telles associations. En effet, votre proposition me paraît
constructive et, en ce sens, j'examinerai la possibilité d'y
donner suite.
Dans la huitième recommandation, la commission propose à
l'article 14 du projet de loi que le droit à la scolarisation comprenne
non seulement le droit à des services d'enseignement mais aussi le droit
à tout autre service éducatif prévu par la loi, ce qui
comprend les services complémentaires, personnels ou collectifs, et les
services particuliers définis dans le premier chapitre du projet de loi
40.
Dans un premier temps, je crois qu'il importe de situer une
différence qui existe entre la prestation des services d'enseignement et
celle des autres services. En effet, les services d'enseignement sont
normalisés par le régime pédagogique et par les programmes
d'études, ce qui permet à l'État de pouvoir garantir d'une
façon générale le droit de recevoir de tels services
puisque l'État sait précisément ce à quoi il
s'engage, ce qui, vous le comprendrez aisément, est de première
importance pour un gouvernement responsable qui, par la suite, sera
appelé à financer l'exercice de ces droits.
Quant aux autres services éducatifs, complémentaires et
particuliers, même s'il était souhaitable d'en reconnaître
le droit à tout citoyen, il reste qu'en pratique l'étendue de ces
services n'est pas précisée comme telle dans la loi ni dans les
règlements puisque, de par leur concept même, ces services peuvent
varier d'une école à l'autre, d'un individu à l'autre et,
plus encore, d'une année à l'autre. Cela m'apparaîtrait
donc dangereux pour le législateur et possiblement frustrant pour le
citoyen si le projet de loi reconnaissait le droit inconditionnel à tous
les services complémentaires et particuliers alors qu'en pratique
l'État ne pourrait, financièrement, en assurer la prestation.
Donc, en tenant compte des nuances importantes que je viens
d'énoncer, il reste qu'il importe d'apporter une attention
considérable à votre recommandation. En conséquence,
j'examinerai de nouveau attentivement la possibilité non pas de suivre
totalement votre recommandation mais d'accorder certaines garanties
légales à la prestation des services complémentaires et
particuliers, quitte à baliser davantage ces services ou à
reconnaître à une autorité quelconque le pouvoir de
délimiter le droit à ces services. On peut en effet envisager
-mais je précise à ce moment-ci que ce n'est qu'une
hypothèse - que le projet de loi, au deuxième alinéa de
l'article 14, pourrait reconnaître le droit aux services éducatifs
autres que les services d'enseignement mais en précisant, par exemple,
que l'exercice de ce droit serait limité par les ressources que la
commission scolaire y affecterait ou par les limites que la commission scolaire
y affecterait en tant qu'organisme - selon le projet de loi, à l'article
199 - chargé de répartir les services éducatifs entre les
écoles. Il appartiendrait donc à la commission scolaire, dans
cette éventualité, de préciser jusqu'à quel point
et selon quelles limites l'exercice de ces droits serait reconnu.
Par ailleurs, je comprends aussi de cette dernière
recommandation, bien qu'elle renvoie explicitement à l'article 14,
qu'elle veut couvrir aussi le cas de la gratuité scolaire prévue
à l'article 15 pour les personnes mineures et, dans certains cas, pour
les personnes âgées de 18 à 21 ans. La commission, si je
l'entends bien, aimerait que la limite de la gratuité soit non pas
fonction de l'âge, mais plutôt fonction de l'acquisition de
connaissances. À ce titre, la commission propose la gratuité pour
l'acquisition d'une formation de base minimale qu'elle estime raisonnable de
fixer à l'obtention du certificat d'études secondaires.
En fait, cette recommandation, de par son contenu, ouvre la porte
à tout le phénomène de l'éducation des adultes et
du soutien financier que l'État devrait y apporter. Pour les fins de mon
propos, je laisserai de côté pour le moment cet aspect de
l'éducation des adultes qui délaissent l'école et qui,
ultérieurement, décident de retourner aux études.
De fait, la proposition de la commission est intéressante et
l'objectif poursuivi est non seulement louable, mais aussi d'une logique, je
dirais, presque indiscutable. Mais en toute chose, malgré
l'intérêt que peut susciter pareille proposition, je me dois, non
pas tellement en tant que ministre de l'Éducation, mais en tant que
membre du gouvernement, d'être le plus réaliste possible et de
prendre en considération les coûts que peut générer
une telle approche. Point n'est besoin, en effet, de s'étendre
longuement sur les ressources limitées de l'État et sur la part
importante qui est déjà consacrée à
l'éducation dans le budget gouvernemental. En d'autres mots, bien que
l'objectif visé par votre recommandation soit souhaitable - et, à
ce titre, elle sera examinée attentivement - il reste qu'un
énoncé aussi général que celui que vous proposez
pourrait donner lieu à des coûts jusqu'ici imprévus et
probablement très importants, et qu'il y aura donc lieu d'examiner s'il
ne serait pas opportun de poser certaines balises ou encore d'implanter
progressivement une telle mesure.
J'arrive maintenant à votre second bloc. Je voudrais traiter de
l'obligation d'implanter un programme d'enseignement des langues d'origine
là où le nombre d'enfants le justifie. Sur ce point, la
commission est d'avis que le droit à l'enseignement de la langue
maternelle pour les minorités ethniques et culturelles devrait
être assuré afin de faciliter l'accès à
l'égalité des enfants appartenant à ces
minorités.
S'appuyant sur des études du Conseil supérieur de
l'éducation et du ministère de l'Éducation lui-même,
la commission est d'avis qu'un manque de maîtrise de la langue maternelle
peut entraîner des difficultés à faire l'apprentissage de
la langue de la société d'accueil, ainsi que des troubles
affectifs, notamment dans les relations des enfants avec leurs parents et leur
communauté d'origine.
Cependant, consciente des difficultés d'organisation de tels
programmes et des coûts qui en découlent, la commission
précise que ces programmes ne devraient être offerts
obligatoirement que là où le nombre d'enfants le justifie.
Conscient de cette réalité, le projet de loi prévoit la
possibilité pour une commission scolaire d'organiser des services
d'accueil à l'école française et des mesures de soutien
linguistique en français. Je rappelle ici que le gouvernement a
alloué aux commissions scolaires qui offrent de tels services des
ressources financières supplémentaires de 11 500 000 $ en
1983-1984. Le projet de loi 40 maintient et assure pour l'avenir de telles
mesures. (16 h 30)
De plus, le régime pédagogique autorise l'école
à dispenser un enseignement de la langue et de la culture d'origine aux
enfants des minorités ethniques et culturelles dans la mesure,
cependant, où l'école respecte la répartition des
matières pour le primaire et le secondaire, et respecte aussi les
règlements des comités confessionnels. Le gouvernement alloue aux
commissions scolaires qui offrent de tels services des ressources
financières supplémentaires. En 1983-1984, une somme totale de
645 000 $ a ainsi été allouée à quatre commissions
scolaires, Sainte-Croix, Les Écores, Jérôme-Le Royer et
CECM, pour dispenser un tel enseignement à 2595 enfants italiens,
portugais, espagnols, vietnamiens, laotiens, cambodgiens et chinois. Il
n'existe pas beaucoup d'endroits dans le monde où de tels services sont
accessibles. Par ailleurs, ces mesures sont susceptibles de se
développer si nous pouvons y consacrer les ressources
nécessaires, en plus de l'énergie que nous y consacrons
déjà. Toutefois, dans l'évaluation des besoins, il
deviendrait passablement arbitraire et discriminatoire de déterminer,
sans tenir compte de l'organisation scolaire locale, le niveau des ressources
nécessaires sur le seul critère du "là où le nombre
le justifie".
Passons maintenant à vos recommandations 3 et 4. Comme
troisième recommandation, la commission propose que le droit des
handicapés à l'intégration à des classes
régulières soit reconnu plus explicitement. Plus encore, la
commission aimerait que soient précisées les mesures qui
encadreraient l'exercice de ce droit et les circonstances qui justifieraient un
refus d'intégration.
En premier lieu, je tiens à apporter certaines précisions
aux articles 97 et 204 du projet qui vous ont fatigués, et pas seulement
vous d'ailleurs. Il semble, en effet, que le libellé proposé
inquiète la commission et d'autres personnes qui ont examiné ces
propositions, notamment l'Office des personnes handicapées que nous
entendrons un peu plus tard.
L'article 97 énonce le pouvoir d'un directeur d'école
d'intégrer une personne en difficulté dans une classe ordinaire,
après consultation des personnes concernées, lorsque certaines
conditions existent. Pour lever toute ambiguïté sur ce pouvoir du
directeur qui, comme je le comprends à la lecture du texte, devra
intégrer un élève à une classe ordinaire lorsque
les conditions prévues à cet article seront réunies, je
verrai à ce que le libellé de cet article soit resserré
pour bien indiquer l'obligation du directeur d'intégrer un
élève en difficulté lorsque cela est possible et propre
à faciliter l'insertion de l'élève et ses
apprentissages.
Une modification de même nature sera introduite à l'article
204 pour bien indiquer que les commissions scolaires sont, elles aussi, tenues
d'exercer le pouvoir, qui leur est conféré par cet article,
d'établir des critères sur l'organisation des services aux
élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage.
Par ailleurs, je n'estime pas opportun, à ce stade-ci, de
préciser dans la loi les mesures d'encadrement du droit à
l'intégration, ni les circonstances qui justifient un refus
d'intégration. Un des principes sous-jacents du projet est de remettre
l'exercice de certains pouvoirs aux principaux intéressés. Dans
ce sens, il m'apparaît préférable de laisser au niveau
régional et au niveau local le soin d'établir des critères
et de prendre les décisions requises, en collaboration avec les
personnes concernées et les spécialistes en ce domaine,
plutôt que de prévoir de tels critères dans la loi ou de
baliser l'exercice de l'évaluation du refus d'intégrer une
personne en difficulté. Le projet de loi favorise cette
intégration dans toute la mesure possible, mais je considère que
l'intégration doit tenir compte de la situation particulière de
chaque personne handicapée.
J'aurai, d'ailleurs, l'occasion de décrire un peu plus tard,
lorsque nous entendrons un autre groupe, toute la gamme des services
particuliers que le gouvernement, l'État met actuellement à la
disposition de ces clientèles et les ressources que nous y consacrons.
Mais il reste que, pour l'application de ces diverses mesures, de ces divers
modèles, il nous paraît préférable de
considérer que l'intégration doit tenir compte de la situation
particulière de chaque personne handicapée, telle
qu'évaluée et
déterminée au niveau local et au niveau
régional.
Quant à votre quatrième recommandation, à savoir
décrire les services spéciaux offerts aux personnes en
difficulté, il me semble, là aussi, qu'il s'agit de mesures qui
doivent être adaptées aux besoins de la personne concernée
et que revient donc davantage, encore une fois, aux organismes scolaires le
soin d'exercer cette responsabilité.
Arrivons maintenant à vos recommandations sur le
réaménagement de la confessionnalité scolaire. Je
désire, d'abord, rappeler l'intention du gouvernement dans sa
proposition d'un réaménagement de la confessionnalité
scolaire, telle que nous la formulions dans le livre blanc. Cette intention est
double: assurer l'exercice des droits individuels et collectifs en
matière d'éducation religieuse à l'école et
garantir les droits des communautés catholique et protestante
consacrés par les lois et les conventions antérieures. Pour
concrétiser cette intention, le livre blanc annonçait un ensemble
de douze mesures qui visaient à protéger et à garantir les
droits et libertés de conscience et de religion là même
où ces droits et libertés sont vécus quotidiennement,
c'est-à-dire dans les modalités de fonctionnement de
l'école elle-même. Vous me permettrez de les rappeler ici afin que
soit bien clair ce qui doit faire l'objet de nos échanges: 1. des
garanties religieuses qui sont le fait de toute école publique, primaire
ou secondaire; 2. l'enseignement de la religion, catholique ou protestante, et
l'enseignement de la morale, également disponibles dans toute
école publique, financés par l'État et dispensés
à l'intérieur des grilles matières prévues par les
régimes pédagogiques; 3. en conséquence, un régime
d'option entre un cours d'enseignement de la morale et un cours d'enseignement
de la religion, catholique ou protestante, étendu à l'ensemble du
primaire et du secondaire; 4. la possibilité pour l'école de
dispenser, à certaines conditions, l'enseignement d'une religion autre
que catholique ou protestante; 5. un enseignement de la religion catholique et
un enseignement de la religion protestante qui soient conformes aux exigences
des comités confessionnels; 6. le pouvoir accordé aux
comités confessionnels de déterminer des critères de
qualification devant présider à l'affectation des professeurs
à l'enseignement religieux; en corollaire, le droit reconnu à
tout enseignant de refuser de dispenser l'enseignement religieux confessionnel;
7. des services complémentaires en animation pastorale pour les
catholiques et en animation religieuse pour les protestants; 8. la
présence dans chaque commission scolaire d'un responsable des services
à l'éducation catholique; 9. un pouvoir de recommandation des
comités confessionnels sur les programmes d'étude autres que les
programmes d'enseignement religieux; 10. la possibilité pour
l'école de poursuivre un projet éducatif inspiré par des
croyances ou des valeurs religieuses particulières dans le respect de la
Charte des droits et libertés de la personne; 11. la possibilité
pour l'école, au terme d'une démarche démocratique de
consultation, de faire reconnaître officiellement le caractère
catholique ou protestant de son projet éducatif; 12. la révision
de diverses dispositions législatives, notamment celles relatives aux
pouvoirs et responsabilités des comités confessionnels.
Or, il importe de constater que toutes et chacune de ces mesures ont
été traduites par des dispositions législatives dans le
projet de loi 40. Il y a donc cohérence entre la proposition initiale et
le projet de loi, mais il y a plus. Les mesures qui introduisent un
réaménagement de la confessionnalité scolaire, en
particulier celles qui ne reçoivent pas l'accord de la Commission des
droits de la personne, c'est-à-dire la possibilité de la
dimension confessionnelle du projet éducatif, et la différence
établie entre catholiques, protestants et autres groupes, ces mesures
et, plus radicalement, l'intention qui les sous-tend se fondent sur une
expérience sociohistorique du vécu scolaire
québécois en matière de confessionnalité.
Nous pouvons nous référer ici à l'analyse de
l'histoire de la confessionnalité scolaire faite par le Conseil
supérieur de l'éducation dans sa recommandation au ministre de
l'Éducation le 15 avril 1981. Le conseil rappelait alors que le rapport
Parent faisait l'analyse de quatre modèles d'écoles dont il
élaborait les enjeux pour le Québec: premièrement,
l'école publique neutre exclusive; deuxièmement, l'école
publique unique, c'est-à-dire le même enseignement religieux pour
tous, avec un enseignement religieux diversifié; troisièmement,
l'école confessionnelle privée subventionnée
parallèle à un enseignement public neutre, comme cela existe en
Hollande; enfin, l'école publique confessionnelle et non
confessionnelle. C'est la quatrième solution qui a emporté la
faveur des commissaires-enquêteurs de la commission Parent. Ce
modèle répond, en effet, à la pluralité des besoins
sociaux, accède aux désirs des parents et des enseignants en vue
d'avoir des écoles qui répondent à leurs convictions. Ce
modèle respecte les droits déjà acquis historiquement par
les communautés catholique et protestante et demeure en
deçà des pouvoirs dont dispose l'État pour les mettre
en
application. Je viens de citer l'avis du Conseil supérieur de
l'éducation, La confessionnalité scolaire, page 50, remis en
1981.
C'est dans cette foulée et comme pour nouer la trame qui n'avait
pu l'être complètement dans les années soixante et
soixante-dix que nous avons proposé le réaménagement de la
confessionnalité que contient l'actuel projet de loi, mais c'est aussi,
comme je le disais il y a un moment, pour mieux protéger les droits et
libertés de conscience et de religion que le projet de loi comporte
diverses dispositions concernant le réaménagement de la
confessionnalité. En cela, nous avons voulu tenir compte de l'avis de la
Commission des droits de la personne, en 1979, intitulé Liberté
de religion et confessionnalité scolaire. Vous affirmiez alors qu'au
regard de la problématique de l'enseignement public et du
caractère possiblement confessionnel de cet enseignement la
liberté de religion entraîne: premièrement, le droit au
respect de ses croyances religieuses; deuxièmement, le droit de ne pas
se voir imposer, à travers le processus d'éducation
dispensé dans les établissements publics, un enseignement
religieux de quelque confession religieuse que ce soit, en d'autres termes, le
droit à un enseignement non confessionnel pour ceux dont les croyances
religieuses appellent un tel choix. Vous affirmiez aussi, dans cet avis - je
pense que c'est particulièrement pertinent au débat - la
possibilité pour l'État, tout en respectant son obligation de
neutralité religieuse, d'assurer, à travers les institutions
d'enseignement publiques, la transmission des valeurs religieuses de la
population desservie et leur intégration plus ou moins poussée au
projet éducatif de ces institutions. Je vous soumets que ces trois
principes que vous affirmiez dans votre avis de 1979 sont intégralement
respectés dans le projet de loi 40 et que, par conséquent, la
liberté de religion y est positivement promue.
Cependant, dans le mémoire que vous présentez aujourd'hui,
vous considérez qu'il y a discrimination, au sens de la charte, dans le
fait d'établir une différence dans les services offerts aux
catholiques, aux protestants et aux autres groupes religieux. (16 h 45)
Par ailleurs, dans cet avis que je viens de rappeler, vous affirmiez,
dans un autre passage, que tous ne doivent pas nécessairement être
traités d'une façon absolument égale en ce qui concerne la
transmission et la promotion possible de leurs propres croyances religieuses
dans les institutions publiques d'enseignement. Vous ajoutiez même que le
nombre joue ici un rôle déterminant et que les groupes plus
importants pourront bénéficier de certains avantages.
C'était à la page 10 de votre avis de 1979.
Je rappelle aussi que, dans l'étude fouillée que la
commission publiait au cours de l'année 1980, intitulée Analyse
de la notion de discrimination contenue dans la Charte des droits et
libertés de la personne, vous disiez à la page 46: "Pour
respecter le principe d'égalité consacré par la charte aux
articles 10 et 52 - c'est bien ce dont il s'agit dans votre mémoire
d'aujourd'hui - le législateur peut donc faire dans les lois des
distinctions raisonnables, justifiées dans un État
démocratique poursuivant un idéal d'égalité des
chances".
C'est sur ces bases que j'aimerais échanger avec vous. Ma
première question serait celle-ci: Ne croyez-vous pas que la loi
actuelle de l'instruction publique contrevient bien davantage que vous ne le
soulignez dans votre mémoire aux principes que vous énoncez et
qu'elle devrait être jugée beaucoup plus sévèrement
que le projet de loi 40? En d'autres termes, ne croyez-vous pas que le projet
de loi 40 correspond mieux que la loi actuelle aux exigences de la charte telle
qu'elle était interprétée par la commission jusqu'à
ce jour? En corollaire, même si vous en avez parlé aux pages 48 et
49, j'aimerais que vous nous apportiez quelques précisions sur les
améliorations que le projet de loi introduit par rapport à la loi
et à la réglementation actuelles, comme vous avez pu les lire
dans le projet de loi 40. Ce serait ma première question.
Mme Fournier: Je pense qu'on peut répondre très
rapidement à cette question. Effectivement, nous avons noté dans
notre mémoire qu'il y a des améliorations sur plusieurs points
dans le projet de loi 40 par rapport à l'actuelle loi et nous les
reconnaissons d'emblée. Il y a, encore une fois, un progrès. Je
les ai énumérées tout à l'heure. Je pense qu'on
peut facilement s'en souvenir.
Quant à votre question plus large, peut-être que je
pourrais reprendre chacun des points que vous avez soulevés dans votre
exposé, car ils sont fort pertinents et fort sérieux. Je vais
faire comme vous, je vais commencer par la fin, si je peux m'en souvenir.
Effectivement, sur la question de la liberté d'association des
étudiants, nous reconnaissons qu'il y a une amélioration dans le
projet de loi par rapport à la situation existante. Nous reconnaissons
d'emblée que, dans plusieurs situations, il peut très bien
correspondre aux besoins des étudiants que ce soit le directeur de
l'école, par exemple, qui favorise la mise sur pied d'une telle
association. Cependant, ce que nous voulons mettre de l'avant, c'est une
assurance plus claire que les associations autonomes ont droit de cité,
parce que nous croyons que dans certains cas c'est l'association autonome qui
réussit le mieux à faire état des besoins
et qui donne le meilleur apprentissage pour les étudiants.
En ce qui concerne la question relative aux services assurés en
toute égalité aux étudiants ou aux enfants
handicapés ou en difficulté d'apprentissage ou autres, je
constate que nous sommes d'accord sur toute une partie de l'analyse et qu'il y
a effectivement lieu d'assurer l'égalité d'accès à
ces services d'une façon particulière. Cependant, ce que nous
croyons, d'après notre expérience et la connaissance que nous
avons de la situation et aussi sur le plan du principe, c'est qu'il y a un
danger à laisser uniquement aux écoles ou aux commissions
scolaires le soin de déterminer quels sont les services éducatifs
propres à assurer l'intégration, par exemple, des personnes ou
des enfants handicapés. Nous croyons qu'un certain nombre de
critères et de balises doivent être fixés d'une
façon beaucoup plus précise de manière à assurer
l'égalité dans toute la province pour ces enfants en
difficulté. Je crois que les recommandations beaucoup plus
précises faites dans le document produit par l'Office des personnes
handicapées devraient certainement servir de guide pour arriver à
ces balises.
Cependant, à la question de la confessionnalité comme
telle, cela prend une plus large réponse. Vous m'avez demandé: Le
projet de loi est-il une amélioration par rapport à l'actuelle
Loi sur l'instruction publique? Je vous répète que oui, à
plusieurs points de vue. Je répète aussi que nous ne croyons pas
que ces améliorations seront suffisantes pour s'assurer qu'il n'y ait
pas atteinte aux libertés fondamentales en toute égalité,
du point de vue de la discrimination et du point de vue des libertés
elles-mêmes. Bien sûr, vous avez dit qu'il y a une
réalité historique et sociologique qui est reconnue, mais le fait
que vous accordiez, dans ce projet, des attentions ou des assurances plus
fortes en ce qui concerne les catholiques et les protestants par rapport aux
autres religions, même si cela correspond, jusqu'à un certain
point, à une situation sociologique ou historique, ne veut pas dire,
pour autant, que les minorités religieuses peuvent être
suffisamment protégées ou en toute égalité.
Le principe est très clair dans la charte: lorsqu'il y a un droit
- et il s'agit, en ce moment, d'un droit très fondamental, qui est la
liberté de conscience et de religion - il doit être assuré
en toute égalité. C'est le principe contenu dans l'article 10 qui
se lit en fonction de tous les autres droits. Ce que nous disons, c'est
qu'à partir du moment où vous assurez un accès à
des services religieux pour certaines religions vous devez le faire pour
tous.
Je vais vous passer la parole, parce qu'on m'a demandé...
M. Krauss (Michel): Je voudrais ajouter ceci à ce que la
présidente de la commission vient de dire au sujet,
précisément, de la question de la confessionnalité,
puisque je pense que cette question est la plus fondamentale de notre
mémoire. Si on tente de comparer le projet de loi 40 à la Loi sur
l'instruction publique, il faut tenir compte d'un changement sociologique
extrêmement important qui va se faire et qui, d'ailleurs, a
été rappelé par Mme la députée de
Jacques-Cartier, lors d'une intervention précédente dans la
matinée. Il y avait, jusqu'à tout récemment, une
espèce de soupape de sécurité pour protéger la
neutralité confessionnelle: c'était le système
d'enseignement protestant. C'était la division formelle entre
catholiques et protestants que tous connaissaient, une véritable
division entre catholiques et neutres. Les étudiants qui
désiraient un enseignement non confessionnel, surtout dans la grande
région montréalaise, n'avaient qu'à choisir le
système scolaire protestant, d'autant plus que, dans la région
montréalaise, il y avait un système d'écoles
françaises dans le réseau protestant.
Deux choses, me semble-t-il, sont intervenues pour créer une
brèche dans ce système de soupape sociologique. D'une part, la
Charte de la langue française qui, en région, a limité
l'accès de certains aux écoles protestantes puisqu'en
région les écoles protestantes sont souvent uniquement de langue
anglaise. D'autre part, tout simplement l'inexistence en région
d'écoles protestantes de langue française. On peut se surprendre
- je viens d'une région - de l'inhabilité des commissions
scolaires protestantes ou de leur absence de volonté, je n'en sais rien,
d'établir des écoles de langue française.
Le nouveau système du projet de loi 40 n'est plus confessionnel,
il est linguistique. Cela veut dire que, comme la députée de
Jacques-Cartier l'a dit tantôt, il n'y aura plus de catholiques ou de
protestants séparés, mais les deux groupes dans une seule et
même école. Il me semble qu'il n'est plus possible de comparer la
Loi sur l'instruction publique et le projet de loi 40 sur les seules bases
formelles que le ministre a eu raison de soulever, sans se rappeler ce
changement sociologique qui est de la plus grande importance.
Ceci dit, j'aimerais revenir sur deux points précis que le
ministre a soulevés sans, pour autant, nier la validité de la
réflexion générale que je viens d'émettre. D'une
part, il est vrai qu'en 1979 la commission a dit qu'on ne devrait pas
être obligé de recevoir un enseignement religieux qui n'est pas
conforme à ses propres croyances. Le problème, selon nous, c'est
que nous ne connaissons pas, à la lecture du projet de loi 40, ce que
seront les modalités d'acceptation d'un projet éducatif
confessionnel dans une
école. Ces modalités ne sont pas explicitées dans
le projet de loi et viendront par réglementation. On peut supposer, par
exemple, qu'il s'agira possiblement d'un vote majoritaire, à
majorité simple ou à majorité qualifiée. Quoi qu'il
en soit, dans la mesure où il ne s'agit pas d'un vote unanime des
parents, il y aura vraisemblablement une minorité qui devra, dans la
mesure où, par exemple, dans un village, il n'y a qu'une école,
subir ou vivre l'expérience d'un projet éducatif confessionnel
d'une confession autre que la sienne. Dans la mesure où le projet
éducatif peut affecter tous et chacun des cours, ce qui est censé
être le cas, actuellement, pour le projet éducatif catholique les
élèves minoritaires vont subir un enseignement religieux qui
n'est pas le leur. C'est effectivement ce à quoi la commission s'est
opposée en 1979.
Le deuxième point sur lequel j'aimerais me prononcer concerne le
nombre. Il est vrai qu'en 1979 la commission a indiqué que le nombre
jouait dans des décisions d'enseignement religieux. Pourtant, dans le
projet de loi, à l'article 110, on mentionne que "l'école offre
à l'élève inscrit comme catholique un programme de
services complémentaires, personnels ou collectifs, en animation
pastorale conformément au règlement du comité catholique".
À l'article 111, on voit, au contraire, que "l'école peut, sur
demande - donc n'est pas obligée - offrir à l'élève
inscrit comme protestant des services d'animation religieuse
conformément au règlement du comité protestant". Si on va
à l'article 103, on voit que le conseil scolaire peut permettre que soit
dispensé un enseignement religieux d'une autre religion, pourvu que cet
autre groupe religieux désigne et rémunère l'enseignant en
question. Il faut en conclure que, s'il y a un étudiant catholique - on
ne tient plus compte du nombre - l'école doit offrir à cet
étudiant catholique un programme de services complémentaires.
S'il y a un étudiant protestant ou un étudiant juif ou mulsuman,
cet étudiant ne bénéficie pas des mêmes services. Il
s'agit donc d'un traitement différent accordé à un
étudiant selon que cet étudiant soit catholique ou autre que
catholique. Cela ne tient plus compte du nombre et va vraiment à
l'encontre d'une croyance fondamentale de la commission. (17 heures)
Le Président (M. Blouin): Cela va?
M. Laurin: C'est précisément la raison pour
laquelle j'ai rappelé le vécu scolaire québécois,
les lois, les conventions antérieures qui, bien sûr, c'est vrai,
ont privilégié les catholiques et les protestants au
Québec. C'est vrai, mais, au moins, la loi reconnaît qu'il est
possible, à certaines conditions qui ne sont pas si onéreuses
malgré tout, aux ressortissants d'une religion donnée d'avoir des
services qui correspondent à ceux de la pastorale pour
eux-mêmes.
Mais, là, on est loin du projet éducatif, du statut. Or,
c'est plutôt là-dessus que portent véritablement vos
objections. À cet égard, il est vrai, comme vous le soulignez,
que nous n'avons pas encore en main les règlements prévus
à l'article 309, que nous n'avons pas encore en main les critères
de reconnaissance d'une école confessionnelle puisque ce sont les
comités confessionnels, qui les élaboreront.
J'ai bien écouté vos arguments, vos souhaits, et
j'aimerais - parce que vous avez sûrement dû
réfléchir - que la commission nous indique ce que devraient
stipuler ou ne pas stipuler ces deux règlements, ce qu'ils devraient
éviter, pour satisfaire aux exigences dont vous venez nous faire part
aujourd'hui. Y a-t-il des écueils à éviter? Y a-t-il des
formulations, des stipulations, des articles que les comités
confessionnels doivent absolument éviter afin de satisfaire à vos
principes? Et, dans le sens positif, y a-t-il des stipulations que ces
règlements devraient contenir pour satisfaire aux exigences dont vous
nous faites part aujourd'hui?
Le Président (M. Blouin): Mme Fournier.
Mme Fournier: Je vais donner la parole à Mme Madeleine
Caron.
Le Président (M. Blouin): Mme Caron.
Mme Caron (Madeleine): Je crois que, devant le fait même de
laisser à une réglementation la définition de ce qu'est un
statut confessionnel, je reflète bien la pensée de la commission
en disant que la commission est contre ce principe même, parce que ce
sont les principes habituels - par réglementation, on laisse au
gouvernement le soin de définir des critères qui pourraient
affecter les droits fondamentaux des personnes, c'est-à-dire la
liberté de conscience et la liberté de religion, notamment.
M. Laurin: Ce serait donc par simple curiosité que vous
voudriez prendre connaissance des règlements ou des critères
puisque, de toute façon, cela ne changerait en rien votre opinion
là-dessus.
Mme Caron: Je peux peut-être compléter ma
pensée. Si ces critères font référence à ce
qu'on appelle des valeurs communes, qui sont partagées par diverses
confessions religieuses et par des personnes qui ont des idéologies non
religieuses, par exemple, si on pense au respect d'autrui, à la
tolérance, au désir de la paix, nous croyons que, vous n'avez
plus besoin de l'article 32 puisque, déjà, à l'article 30,
on
prévoit que l'école peut intégrer dans son projet
les valeurs de la communauté à laquelle elle dispense ses
services.
M. Laurin: Mais il reste que si, de l'avis des comités
confessionnels aussi bien que des parents, ces valeurs que vous estimez
communes sont perçues par elles comme relevant de leur confession
religieuse particulière, vous n'auriez alors pas d'objection à
les considérer comme acceptables?
Mme Garon: Non, pas du tout. Mais, à ce moment, ce n'est
plus nécessaire de les étiqueter sous le titre de
"confessionnelles". Si, dans la loi, on donne la possibilité d'avoir des
règlements qui vont définir un caractère vraiment
confessionnel, alors peut-être qu'on peut faire la double
réflexion suivante: S'il s'agit effectivement de valeurs religieuses qui
peuvent être accolées spécifiquement à une
confession particulière et si c'est authentique et profond, c'est
justement là que cela risque de blesser la conscience de ceux qui ne
partagent pas cette confession. Ou bien il s'agit réellement de valeurs
religieuses se rapportant à une confession et, là, cela
entraîne possiblement - c'était le sens de l'expression de la
commission en 1979, "porteur de discrimination" - une atteinte à la
liberté de conscience, ou, si ce sont des valeurs communes, alors plus
n'est besoin de les étiqueter comme confessionnelles.
M. Laurin: De toute façon, la connaissance que j'ai de ces
critères, tels qu'ils existent actuellement, établis par les
comités confessionnels, me porte à penser que c'est une
hypothèse qui n'est pas à rejeter. Je ne dis pas qu'elle est
probable, mais c'est une hypothèse qui n'est pas à rejeter parce
que plusieurs des critères qui ont été portés
à ma connaissance peuvent être revendiqués conjointement
par plusieurs confessions, non pas par des tenants d'autres confessions, mais
même par des gens qui ne participent pas à une confession
particulière. Ce n'est qu'après coup, évidemment, que l'on
pourra en juger.
Cela m'amène à un glissement que je crois constater dans
votre mémoire. Dans l'article 31, nous disions que l'école peut
intégrer les croyances et les valeurs religieuses d'une confession
particulière, alors que, dans votre mémoire, aux pages 50
à 56, vous parlez d'un projet éducatif intégré par
les croyances et les valeurs religieuses d'une confession particulière.
Cela fait de la confession particulière le pôle intégrateur
du projet éducatif, alors que, dans le projet de loi, on parle d'un
projet éducatif dont le pôle intégrateur, ce sont surtout -
je l'estime très probable en tout cas - les valeurs pédagogiques
ou les valeurs culturelles ou les valeurs existentielles d'un milieu et, par
ailleurs, il pourrait intégrer certaines valeurs ou croyances
religieuses. Or, de la façon dont vous en parlez dans votre
présentation, il est évident que ce sont les croyances et les
valeurs religieuses qui deviennent le pôle intégrateur, puisque
vous parlez d'un projet éducatif intégré par les croyances
et les valeurs religieuses d'une confession particulière. Je vous
soumets, en tout cas, que ces deux affirmations, celle du projet de loi et la
vôtre, ont un sens tout à fait différent.
Mme Fournier: Cependant, le fait d'avoir un projet
éducatif qui intègre des valeurs religieuses spécifiques
et ceci, après une consultation, donc selon la voix de la
majorité, ne peut avoir comme résultat que faire en sorte que ces
valeurs religieuses d'une religion spécifique transpercent dans
l'éducation donnée à cette école
particulière. Alors, c'est la question: Qu'en est-il des
minorités religieuses ou non religieuses?
M. Laurin: Mais on vient de dire, même en se
référant à l'expérience actuelle, que ces valeurs
même dites confessionnelles peuvent être communes à un
certain nombre de religions ou même à d'autres credo ou à
d'autres conceptions du monde. Il est difficile d'en juger a priori. Cela fait
beaucoup plus partie du domaine des réalités
appréhendées que des réalités constatées,
quand on sait que beaucoup de personnes considèrent comme appartenant
à leur confession religieuse particulière des valeurs qui, en
fait, sont reconnues communément comme faisant partie de la morale en
général ou même de la discipline. On entend souvent ces
affirmations dans les sondages, d'ailleurs. On ne peut donc pas préjuger
de la coloration ou du contenu que pourront prendre ces types
d'intégration. Je rappelle aussi que l'article du projet de loi emploie
le mot "peut" et n'emploie pas le mot "doit".
Mme Fournier: II y a probablement une précision à
apporter entre religion et morale. Cette discussion devra sans doute être
faite pour clarifier plusieurs des concepts dont on discute en ce moment.
Est-ce que M. Côté pourrait intervenir à ce sujet?
Le Président (M. Blouin): M. Côté.
M. Côté (Yves): Dans les valeurs qui sont
partagées par la communauté et dont l'article 30 dit qu'on peut
les intégrer dans le projet éducatif, il peut y en avoir, comme
on le soulignait tantôt, qui peuvent être d'origine religieuse et
c'est fort possible que des valeurs qui sont maintenant des valeurs de la
culture commune aient un lien d'origine avec une religion. À ce moment,
elles peuvent être partagées par un peu tout
le monde. Par exemple, tout le monde fête Noël d'une certaine
façon ou à peu près et, en tout cas, tout le monde prend
des vacances à Noël, mais tout le monde ne retient pas le lien
religieux de la fête de Noël avec son origine. À ce moment,
si le projet éducatif veut intégrer des valeurs, même
d'origine religieuse, mais qui sont communes à la communauté que
dessert l'école, on dit: Cela va, si un tel veut les appeler religieuses
et l'autre pas, mais pourvu qu'elles soient communes, l'article 30 suffit.
Mais, d'autre part - je vais faire allusion au glissement que vous
souligniez tantôt - nous pensons que, si la religion comme telle - et
nous prenons ça très au sérieux - parce qu'elle trouve une
signification première à l'existence de par son projet
lui-même, veut devenir intégrante, intégrative,
polarisante, elle veut signifier tout le projet. Je pense que la religion est
au centre d'un projet de vie personnel, social ou éducatif, ou qu'elle
est rejetée à la périphérie. Si elle n'est pas
signifiante du projet, elle peut devenir, au sens technique du terme,
insignifiante. Il faut qu'elle soit signifiante pour perdurer. Et si
l'école veut intégrer une valeur aussi intégrative que
ça dans son projet éducatif, elle va nécessairement
colorer tout le projet éducatif. À ce moment, si on
intègre la valeur intégrative d'une confession, les autres
personnes qui sont dans la même école seront nécessairement
teintées par ce projet éducatif intégré ou avec des
valeurs intégratives, intégrantes ou polarisantes. C'est
là le sens du glissement que vous avez remarqué dans le
mémoire et qui existe de fait, car il me semble qu'une valeur religieuse
est polarisante.
M. Laurin: Oui, si on se réfère au concept
même de religion, dans l'abstrait, on peut concevoir un concept de
religion dynamique, caporaliste, impérialiste et on pourrait ajouter
d'autres épithètes, mais nous sommes dans l'ordre des concepts.
Au niveau du projet de loi, nous sommes dans l'ordre d'une religion non plus
entendue au sens de concept, mais vécue, entendue par des personnes.
Nous pensons à la perception que se font de la religion à
laquelle ils peuvent adhérer, d'ailleurs, certains parents. Nous faisons
état de la perception de la religion qu'ils peuvent avoir, de la
façon dont ils peuvent la vivre et dont ils entendent colorer certaines
des dimensions du projet éducatif. Je vous soumets que ce n'est pas du
tout la même chose. D'ailleurs, on entend assez souvent déplorer,
par les tenants de plusieurs confessions, que nos écoles, même
reconnues comme confessionnelles, même ayant le statut confessionel, ne
sont guère, en fait, très religieuses. On le signale pour le
déplorer, ce qui montre tout l'écart qu'il y a entre le domaine
des conceptions et le domaine de la pratique. Je pense qu'il faut aussi tenir
compte de cette dimension dans la façon dont l'article 32 peut
prévoir une intégration - jusqu'à quel point, selon quelle
couleur, jusqu'à quel degré - de ces valeurs ou de ces croyances
religieuses. Je pense qu'ici il faut regarder la pratique davantage que les
concepts. (17 h 15)
Mais je reviens à votre affirmation selon laquelle une
intégration plus ou moins mitigée, plus ou moins complète,
vous apparaît, quand même, discriminatoire. Ici, je vous rappelle
une autre phrase que j'ai retrouvée dans votre avis de 1979. Je cite
d'une façon très brève ce que vous disiez alors: "La mise
sur pied d'établissements confessionnels d'enseignement n'est pas
contraire à la liberté de religion." J'aimerais que vous
m'éclairiez sur cette apparence, en tout cas, de changement qui me
semble supposer un nouvel effort d'interprétation que vous faites de la
charte.
M. Côté (Yves): Dans le mémoire, nous le
redisons, la mise sur pied d'un enseignement confessionnel n'est pas contraire
à la charte, si tout le monde est d'accord. Si tous les usagers
étaient d'accord, partout, toutes les écoles pourraient
être confessionnelles et ce ne serait pas contraire à la charte.
C'est seulement s'il y a des gens à l'intérieur de l'école
qui voient leur liberté de religion et de conscience brimée par
ce projet éducatif confessionnel. Si tout le monde est d'accord
d'emblée, ce n'est pas discriminatoire.
M. Laurin: J'ai noté aussi la distinction que vous faites
entre les droits civils et politiques, d'une part, et les droits
économiques, sociaux et culturels, d'autre part. Vous dites, dans votre
mémoire: "À la différence des droits civils et politiques,
tels le droit à la vie, les libertés de religion et de
conscience, dont le respect n'exige habituellement de la part de l'État
qu'un devoir d'abstention, les devoirs économiques, sociaux et culturels
ne sont pleinement réalisés que si l'État intervient de
façon positive par un apport financier pour en favoriser le plein
exercice."
D'abord, j'aimerais que vous m'explicitiez les fondements sur lesquels
s'appuie une telle distinction et j'aimerais que vous rapprochiez votre
réponse à cette première question d'un texte qui est celui
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques où on dit
ceci, par exemple: "Les États parties au présent pacte - le
Québec est partie au présent pacte puisque le Canada l'a
signé en son nom - s'engagent à respecter la liberté des
parents et à faire assurer l'éducation religieuse et morale de
leurs enfants conformément à leurs propres
convictions." Je vous signale que le texte ne parle pas d'instruction,
mais il parle d'éducation, ce qui est une notion beaucoup plus
large.
M. Krauss: Tout simplement en réponse partielle
peut-être à votre question, M. le ministre, je vous poserais une
question hypothétique. À supposer que je sois un parent d'une
religion autre que catholique ou protestante - pour les fins de la cause, tout
simplement autre que catholique - à supposer que je sois parent d'un
élève qui est inscrit à une école, qui est
l'école publique et commune de langue française, et que les
parents décident majoritairement - à supposer qu'il y a une
majorité simple requise pour un éventuel règlement ou une
majorité qualifiée - d'intégrer un projet
d'éducation catholique à l'école et que ce projet devrait
imprégner tous les cours dispensés à l'école,
j'estimerais, dans ce cas-là, que l'on me nie les droits qui me sont
garantis par la charte que vous venez de citer puisque,
précisément, mon enfant serait exposé à un
enseignement, à une éducation qui sont contraires à ses
croyances religieuses. J'aurais alors le droit de le faire exempter du cours
d'enseignement religieux, mais je ne pourrais pas, par définition, le
faire exempter du projet éducatif de toute l'école qui, par
définition, pourrait affecter tous les cours et pas seulement le cours
de religion. Il pourrait suivre soit le cours de morale ou, si je paie, un
cours de religion juive, si j'étais juif, même si, entre
parenthèses, je paie une taxe scolaire qu'une personne de foi catholique
n'aura pas à payer pour cet enseignement religieux. Je ferme cette
parenthèse. L'important, c'est que le projet éducatif qui
affecterait tous les cours m'obligerait à acquiescer à ce que mon
enfant reçoive une éducation religieuse contraire à ses
croyances. C'est précisément, je pense, le point sur lequel la
commission a axé une grande partie de son mémoire.
M. Laurin: Pouvez-vous être sûr que le projet
éducatif imprégnerait, intégrerait tous les cours, alors
que la liberté professionnelle de l'enseignant est garantie et que,
justement, le respect de cette liberté de conscience est assuré
à l'enseignant, en tout cas dans la façon dont il a à
dispenser ses cours? Jamais le projet éducatif ne pourrait aller
jusqu'à ces extrêmes.
M. Krauss: Évidemment, tout dépend, il y a des
degrés d'imprégnation qui pourraient déplaire à
certains et qui pourraient être qualifés de raisonnables pour
d'autres. Il n'est pas nécessaire, je crois, que chaque minute de chaque
cours soit imprégnée de liturgie pour que le cours en question
comporte un élément religieux qui déplaît à
certains. Il me semble que tout ce dont on peut être sûr, c'est que
le risque est là, aux articles 31 et 32. Il me semble qu'il y a deux
sortes de règlements qui sont interreliés et intimement
interreliés. D'une part, quelles vont être les modalités du
choix du statut confessionnel de l'école? Est-ce qu'il s'agit d'une
modalité simple, d'une quelconque majorité qualifiée, de
l'unanimité, etc? Nous ne le savons pas.
D'autre part, c'est très relié à ce que je viens de
dire, quel sera le degré d'intensité de l'intégration?
Nous ne le savons pas. Le problème, c'est que le risque est là
que le degré d'intensité soit élevé. Dans la mesure
où ce risque se réaliserait, la commission a des
inquiétudes et je pense que c'est notre devoir juridique de vous en
faire part.
M. Laurin: Oui, je comprends qu'il peut y avoir
appréhension, qu'il peut y avoir risque, mais, justement, cela est
grandement hypothétique au moment où on se parle et la balise,
quand même, qui est là du respect de la liberté de
conscience, je pense, constituera un élément non seulement
dissuasif, mais éclairant pour ce degré de coloration du projet
éducatif par les valeurs ou croyances religieuses qui peuvent
très bien, comme je le disais tout à l'heure, ne pas avoir ce
caractère caporaliste ou exigeant que l'étude du concept
même de religion peut nous amener à considérer. Cela montre
bien qu'on peut poursuivre le débat encore longtemps, et il le sera
sûrement. Je voudrais en arriver, cependant, à une dernière
question.
Vous affirmez, à la page 56 de votre mémoire, que "le
caractère démocratique d'un choix, si louable soit-il en soi,
n'assure aucunement la moralité, la légalité ou la
légitimité d'un tel choix". Ce sont trois grands mots
resserrés dans un tout petit membre de phrase. Ne croyez-vous pas qu'il
faut, quand même, nettement distinguer moralité,
légitimité et légalité, surtout que, dans le
contexte d'une société donnée, comme celle que nous
connaissons actuellement au Québec, on peut dire que le Québec
est, quand même, une société démocratique où
un grand nombre d'institutions fondent leur légitimité sur des
choix démocratiques? Pourriez-vous nous donner quelques
éclaircissements additionnels sur ce que vous entendez en opposant,
d'une part, démocratie, moralité, légalité et
légitimité d'un choix, d'autre part, surtout en regard de
l'article 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui
dit que les libertés et les choix fondamentaux s'exercent dans le
respect des valeurs démocratiquement reconnues par les citoyens du
Québec? La loi, vous le reconnaissez dans la charte aussi, peut en fixer
- c'est dit dans la charte - la portée et peut en aménager
l'exercice. À cet égard, croyez-
vous que la loi 40 soit tellement ultra vires à propos des
principes de la charte?
Mme Fournier: Je ne crois pas qu'il y ait de contradiction entre
l'article 9.1 et l'affirmation que nous faisons dans le mémoire,
à savoir que ce n'est pas parce qu'il y a plus de 50% d'un groupe
donné qui pensent une chose que cela veut dire que cette chose soit
morale, soit légale, soit légitime. Il est fort possible, et cela
s'est trouvé à plusieurs moments historiques donnés et
cela continue à l'être, que des gestes posés à la
suite d'une volonté majoritairement exprimée soient
complètement immoraux, illégaux et illégitimes. C'est
simplement le principe que nous faisons valoir en disant: Attention, il ne faut
pas, parce qu'il y a un nombre important de personnes qui veulent telle chose,
que cela assure que cette chose soit nécessairement correcte à
l'un ou l'autre des points de vue dont nous avons parlé.
M. Laurin: Mise en garde, je le veux bien. Je vous suis
même reconnaissant de nous l'indiquer. Mais, au-delà de cette mise
en garde, en quoi, par exemple, l'article 32 vous apparaît-il porter
atteinte à cette phrase que vous venez de lire et qui est dans votre
mémoire, sur le plan de la moralité, de la légalité
ou de la légitimité des choix?
Mme Fournier: Je pense qu'il faut le lier à ce que nous
avons dit tout à l'heure. À partir du moment où il y a une
école qui est classée et catégorisée - il y a
seulement deux choix - catholique ou protestante, cela implique, on le
présume, qu'il y a un projet éducatif ou une certaine
particularité à cette école qui est classée ou
catégorisée donc l'une ou l'autre des religions. Nous parlons,
encore là, d'école commune, n'est-ce pas, d'école
publique, ce qui revient à dire qu'auront accès à cette
école non seulement les enfants de la majorité, mais aussi les
enfants des multiples minorités. La minorité pourrait être
catholique ou protestante, mais, en d'autres termes, du fait qu'une
majorité dans un quartier donné ou une section donnée de
la population désire telle école publique commune, comment est-ce
que nous pouvons être assurés que les personnes, les enfants d'une
autre religion ou d'une non-religion seront traités en toute
égalité?
M. Laurin: Je veux bien admettre qu'une décision, mettons
à 51% ou à 52%, de parents quant au statut confessionnel de
l'école n'est pas susceptible à elle seule d'assurer la
moralité et la légitimité d'un tel choix, mais est-ce
qu'on peut aller jusqu'à dire que cette décision prise
démocratiquement par une majorité contreviendrait à la
moralité ou à la légitimité d'un pareil choix?
Mme Caron: Je pense que, pour répondre à cela, il
faut la relier aussi à tout le changement de structures qui est fait par
le projet de loi. L'article 31 dit bien que c'est l'école qui peut
intégrer dans son projet éducatif. Peut-être que le
législateur qui fait cette loi aujourd'hui souhaite que les valeurs qui
seront transmises le soient dans le plus grand respect des minorités et
c'était dit dans le livre blanc, d'ailleurs. Mais qui sait si, dans une
école... C'est un danger et c'est ça qu'on dit: II y a danger. Il
se peut que, dans toutes les écoles du Québec, il n'y ait aucune
atteinte aux droits, mais on met ici dans la loi une ouverture, un pouvoir
à l'école de se faire un projet éducatif et on donne le
pouvoir à cette école d'avoir un projet qui pourrait porter
atteinte aux minorités. À ce moment-là, la
responsabilité du législateur est très grande, parce qu'il
remet sa responsabilité à des gens sur lesquels il n'aura plus de
contrôle. (17 h 30)
Le Président (M. Blouin): Cela va?
M. Laurin: Je vous remercie pour toutes ces réponses.
Elles nourriront sûrement notre réflexion ultérieure.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Si j'en
juge par le déroulement de nos travaux, j'en déduis que Mme la
députée de Jacques-Cartier avait bien raison de dire qu'il
s'agissait de sujets fondamentaux.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, chaque fois que vous nous
invitez à la concision, vous récoltez le résultat
contraire. Vous le faites avec beaucoup de bonhomie, nous vous en savons
gré. Je remercie le ministre du temps qu'il a pris. Je pense que cela a
été une discussion sérieuse. Nous n'avons aucun reproche
à lui faire. Le seul problème, c'est qu'il va falloir endurer une
certaine latitude de l'autre côté également, à
laquelle vous êtes, d'ailleurs, habitué.
Le Président (M. Blouin): Vous pouvez compter
là-dessus, M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: J'ai pris connaissance avec beaucoup
d'intérêt du mémoire de la Commission des droits de la
personne. Cela m'intéresse beaucoup de discuter ces choses autant en
privé qu'en public. Chaque fois que l'occasion nous est donnée de
rouvrir la discussion, je m'en félicite. Je me pose, cependant, une
question que je vous livre en toute simplicité en guise d'introduction.
À deux reprises ces derniers temps, la Commission des droits de la
personne est venue témoigner devant des commissions parlementaires qui
étudiaient des projets de
loi. Je sais que le mandat donné à la Commission des
droits de la personne, par sa loi constitutive, lui permet de faire cela. Il y
a deux articles omnibus, au moins, qui peuvent être
interprétés de manière très large, mais je me
demande, sur le plan de l'opportunité politique, étant
donné les autres volets et la mission qui incombe à la Commission
des droits de la personne, si c'est la meilleure ligne de conduite à
suivre pour la commission.
Nous entrons aujourd'hui, surtout sur la question de la
confessionnalité, dans un débat éminemment politique
à propos duquel on peut soutenir un grand nombre de positions avec
beaucoup d'arguments vraisemblables. La partie du débat que j'ai
entendue jusqu'à maintenant a plutôt accentué mes doutes
qu'elle ne les a dissipés. Je ne sais pas si la commission, venant
soutenir devant le Parlement une thèse qu'on peut assimiler à une
thèse politique aussi - je vous en ferai la démonstration
tantôt - sera aussi bien placée au stade de l'application de la
loi pour porter les jugements impartiaux que l'on serait en droit d'attendre
d'elle sur les situations de discrimination susceptibles de découler
d'une loi qui procéderait de concepts mal harmonisés ou mal
définis.
C'est une interrogation que je vous communique en toute
indépendance d'esprit. Je n'ai pas tiré de conclusion, mais c'est
une question que je me pose à ce moment-ci, parce que je me dis: Voici
un organisme qui est constitué pour être au service de tout le
monde, indépendamment des opinions politiques, justement. Je crois que,
dans certains aspects de la position que vous défendez, il y a des
éléments qui relèvent plus d'une prise de position
politique que de la défense des droits et libertés au sens
rigoureux du terme. Je vais essayer d'en faire la démonstration un peu
tantôt. Je peux me tromper. C'est une matière où l'on est
sujet à des erreurs ou, à tout le moins, à des
contradictions. J'accepte volontiers la contrepartie: celui qui s'expose doit
accepter en retour les ripostes normales qui viennent dans le débat
démocratique, mais il faut le faire au complet. Votre visite aujourd'hui
nous permet d'ouvrir ce volet d'un débat qu'on ne pourra pas vider ici,
évidemment. Mais je vais continuer moi-même d'y penser pour ma
gouverne et celle de nos concitoyens, dans la mesure où ils veulent
écouter les points de vue qui émanent de l'Opposition.
Cela dit, je voudrais souligner que la partie de votre mémoire
qui traite de sujets autres que la confessionnalité apporte des
suggestions valables qui ont déjà été
apportées, pour la plupart, par d'autres organismes également, ce
qui ne les rend peut-être pas aussi indispensables qu'il pourrait le
sembler, mais elles vont être de l'ordre de ce que j'appellerais un
apport utile. Par exemple, vous dites que l'article 14 qui définit les
services fondamentaux qui sont offerts par la société par les
autorités publiques en matière d'éducation devrait
être élargi dans sa formulation de manière à parler
plutôt d'éducation que d'enseignement. Le ministre lui-même
l'a dit tantôt, c'est une considération qui est extrêmement
valable et à laquelle il devrait être possible de faire droit,
tout en ménageant la prudence nécessaire au chapitre de la
formulation pour que ce ne soit pas un jour interprété par les
tribunaux comme pouvant s'appliquer à peu près à n'importe
quelle démarche qui pourrait être définie comme
éducative par un magistrat en mal d'ajouter des choses au dictionnaire,
des interprétations nouvelles à celles qui sont
déjà reçues.
Vous parlez des droits des handicapés. C'est un problème
qui a déjà été porté à l'attention de
la commission parlementaire et qui va l'être de nouveau. Beaucoup de
groupes spécialisés doivent venir nous rencontrer à
compter de ce soir. Il est bon que notre attention soit attirée sur
cela. Je veux vous assurer que, de notre côté, nous sommes
extrêmement sensibles à cette préoccupation.
En ce qui regarde l'éducation des adultes, déjà
nous avons insisté auprès du ministre pour que plusieurs articles
du projet de loi soient élargis de manière à comprendre
cette dimension. Je suis d'accord avec vous sur le principe de l'accès
gratuit à la formation de base, comme il a été
proposé par la commission Jean. Cela veut dire qu'on est prêt
à demander que tout ce qui est exigé comme frais d'inscription ou
de scolarité des adultes qui s'inscrivent à des cours de
formation générale ou professionnelle au secondaire soit
éliminé. Là, il y a une décision politique à
prendre. Depuis quelques années, on les a augmentés, non pas
diminués. Je suis prêt à faire cette lutte au plan
politique. Je ne suis pas sûr que je l'inscrirais dans une charte. Je me
pose des questions sur cela. Cela fait 20 ans que je préconise cet
objectif, on ne peut pas douter de ma conviction sur ce sujet. Mais, lorsqu'une
société multiplie trop les engagements qui relèvent d'une
charte, cela limite singulièrement ses choix politiques pour l'avenir
aussi. Il faut bien qu'elle tienne compte des ressources dont elle dispose
aussi et qu'elle ménage une certaine liberté d'action à
ceux qu'elle constituera comme ses législateurs.
Cela étant dit, la dimension de l'éducation des adultes,
nous devons exiger tous ensemble qu'elle soit incorporée dans un projet
de loi qui prétend refaire la Loi sur l'instruction publique du
Québec. Sur cela, encore une fois, il n'y a rien qui nous oppose au
niveau du fond.
Sur les droits des étudiants, nous avons
fait ce débat par anticipation il y a deux jours, à
l'occasion de la visite d'un groupe d'étudiants à qui nous avons
rappelé, de ce côté-ci de la table, justement, qu'il serait
très important d'asseoir solidement la liberté d'association des
étudiants avant de les inviter à des comités maison
convoqués par M. le directeur. Dans ce sens, les observations que vous
avez faites rejoignent les préoccupations qui ont déjà
été exprimées ici. Cela vient s'ajouter à des
inquiétudes qui étaient fondées, vu que le projet de loi
ne parle pas de cette dimension. Si cela peut être ajouté, cela va
être excellent.
Concernant les groupes ethniques, il y a déjà des choses
dans la charte des droits de la personne, il y en a déjà dans les
programmes gouvernementaux. S'il y a moyen de trouver des dispositions qui
parleraient de cette partie de notre population de manière plus
explicite pour reconnaître ses valeurs culturelles, cela va être
excellent aussi. On a demandé et vous demandez que, dans l'article 30
qui traite du projet éducatif, il soit fait mention de cette dimension.
Cela peut très bien aller là, il n'y a pas de problème du
tout, à mon humble point de vue, à la condition, encore une fois,
que la liberté de créer un dosage ou un équilibre entre
les nombreuses valeurs qui devront entrer dans le projet éducatif reste
celle des personnes qui seront mandatées pour faire ces choix au niveau
local.
Je veux toucher maintenant à l'aspect de la
confessionnalité qui constitue la pièce majeure de votre
intervention. J'ai remarqué que votre intervention s'appuie surtout sur
l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec, en vertu duquel "toute personne a droit à la
reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des
droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou
préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe,
l'orientation sexuelle, l'état civil, la religion, les convictions
politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale ou
le fait qu'elle est une personne handicapée ou qu'elle utilise quelques
moyens pour pallier son handicap. Il y a discrimination -poursuit l'article 10
de la charte québécoise - lorsqu'une telle distinction, exclusion
ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre
ce droit." C'est un passage de la Charte des droits et libertés de la
personne du Québec, qui est très familier, qui présente
bien des affinités avec des passages semblables qu'on trouve dans
d'autres documents du même genre, en particulier dans la
Déclaration des droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies et
dans beaucoup d'autres documents du même genre.
Comme le ministre le rappelait tantôt, dans beaucoup de ces
documents, il y a également des passages très fermes regardant le
droit des parents de choisir pour leurs enfants le type d'éducation qui
convient le mieux à leurs convictions. J'en prends seulement
quelques-uns par souci de précision, pour qu'on soit sûr qu'on
parle de choses sur lesquelles on s'entend très bien.
Dans la Déclaration des droits de l'homme des Nations Unies, qui
remonte au lendemain de la guerre, l'article 26 proclame le droit de toute
personne à l'éducation. Au troisième alinéa de cet
article, on dit: "Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le
genre d'éducation à donner à leurs enfants." Dans le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques - je pense que c'est ce
document qu'a cité le ministre de l'Éducation, tantôt - il
est dit clairement à l'article 18: "Les États parties au
présent pacte s'engagent à respecter la liberté des
parents et, le cas échéant, la liberté des tuteurs
légaux de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs
enfants conformément à leurs propres convictions."
Ensuite, il y a un autre document. C'est la convention concernant la
lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement, un document
de l'UNESCO qui remonte à 1962 dans lequel les États parties
à la convention en question conviennent "qu'il importe de respecter la
liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs
légaux de choisir pour leurs enfants des établissements autres
que ceux des pouvoirs publics, mais conformes aux normes minimales qui peuvent
être prescrites ou approuvées par les autorités
compétentes et, deuxièmement, la liberté des parents de
faire assurer, selon les modalités d'application propres à la
législation de chaque État, l'éducation morale et
religieuse des enfants, conformément à leurs propres
convictions."
À moins que je ne sache pas lire, ceci comprend le droit des
parents de considérer que l'éducation donnée à
leurs enfants aura une tonalité plus ou moins forte en matière
religieuse. Un groupe peut bien décider que cela veut dire qu'il y aura
une heure ou deux par semaine réservées à l'enseignement
de la religion. Un autre groupe peut fort bien considérer que ce sera
plus et que cela va prendre davantage pour assurer l'éducation morale et
religieuse en profondeur, conformément aux convictions des parents.
L'État qui doit légiférer est en face de ce que
j'appellerais un conflit de droits. Il y a des parents qui sont venus
témoigner devant la commission et qui ont invoqué très
fortement des dispositions comme celles que je viens de citer. Il y a d'autres
organismes qui sont venus et qui ont invoqué plutôt les
dispositions omnibus qui interdisent toute forme de discrimination basée
sur le sexe, la langue, la religion, etc. Mais je veux vous dire que le
problème n'est pas simple à trancher pour celui qui doit agir. Je
crois qu'il y a des choix politiques à faire et ce
serait trop facile si on devait agir seulement en fonction de l'article
10 de la charte. On éliminerait, on éliminerait et il resterait
peut-être des êtres assez secs en circulation.
Il faut agir dans le respect de l'article 10 et dans le respect de
l'autre volet également. C'est là que des choix seront faits
tenant compte des orientations des partis politiques. Il y en a qui iront plus
ou moins dans une direction ou plus ou moins dans une autre, tenant compte des
contextes historiques, sociologiques ou culturels. Mais c'est un débat
qui est très largement ouvert dans le monde entier et qui ne peut pas,
à mon humble point de vue - je le dis avec beaucoup de fermeté -
être tranché seulement avec des affirmations comme celles que j'ai
trouvées dans votre mémoire. J'ai beaucoup de respect pour
l'organisme que vous représentez, mais le problème, vu par
l'homme politique, est beaucoup plus complexe que cela. Je vais vous en donner
des illustrations un peu plus tard. (17 h 45)
Maintenant, j'en viens aux sources dont on se réclame dans ces
choses-là; une autre source qui est importante pour nous, c'est le droit
constitutionnel canadien. J'ai été étonné de ne pas
trouver la moindre mention de l'article 93 dans votre mémoire. Cela
aussi fait partie du droit, l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique qui garantit les droits confessionnels des catholiques et des
protestants suivant des modalités infiniment difficiles à
interpréter et dont certaines n'ont pas encore reçu
d'interprétation définitive des tribunaux, mais, quand
même, dont certaines ont déjà donné lieu à
des interprétations. C'est un autre élément qui est dans
le portrait. Depuis ce temps-là, depuis la constitution de 1867, il y a
eu beaucoup de jurisprudence. Ce n'est pas la première fois qu'il y a
des enfants non catholiques qui vont dans des écoles publiques au
Québec. Il y a eu des jugements célèbres que nous
connaissons tous, comme celui de la cause Saumur, par exemple, qui a dit que
les enfants des Témoins de Jéhovah avaient le droit d'aller dans
une école en Abitibi qu'on considérait comme catholique, à
juste titre, à bien des points de vue, quoi que dise le Conseil
privé là-dessus. Mais ils ont dit que c'était une
école commune et de les faire entrer là.
Les autorités judiciaires ont également
décrété que les écoles de la Commission des
écoles protestantes à Montréal et de la Commission des
écoles catholiques de Montréal, qui ont des écoles
catholiques et protestantes, doivent quand même recevoir d'autres
enfants. Il y a eu des milliers d'autres enfants qui ont été
reçus dans ces écoles depuis des générations et qui
ont été fort bien traités dans l'ensemble. On n'a pas eu
de nouveaux cas de persécution. Il y a eu des frottements ici ou
là. Il y a eu des excès de zèle et il y en aura sous
quelque régime qu'on soit.
Dans l'ensemble, je crois qu'il y a une tradition plus riche au
Québec et au Canada dans ces matières que ce que laisserait
entrevoir votre mémoire, qui est forcément concis et qui ne
prétend pas être absolument complet là-dessus. Mais le
législateur doit tenir toutes ces choses présentes à son
esprit quand il entend prendre des décisions. D'ailleurs, on le voit,
avant de légiférer sur le cas de Montréal et de
Québec, le gouvernement a un gros problème sur le dos. Avant
même d'arriver à des considérations comme celles que vous
nous soumettez, il va falloir qu'il s'assure qu'il est sur un terrain solide au
point de vue constitutionnel. Même s'il procédait comme le veut le
projet de loi en disant: On va découper ça aux rues Sherbrooke,
Atwater et Fullum, la ligne du fleuve, quelle sorte de ghetto va-t-il
créer là? Moi, je trouverais que ce serait une mesure
profondément injuste si on devait arriver à une telle chose et
j'aimerais mieux qu'on tranche le problème par le fond. Si les tribunaux
tranchent le problème d'une manière qui maintient une obligation
pour le gouvernement de respecter les droits constitutionnels en matière
confessionnelle sur une base plus large, qu'ils le fassent. Tant que la
constitution n'aura pas été changée, on n'a pas le choix,
aucune commission des droits de la personne ne viendra empêcher cela de
se faire. Si les tribunaux donnent raison au gouvernement, les commissaires des
écoles catholiques et protestantes de Montréal devront rajuster
leur tir également. Ce que je ne voudrais pas, c'est qu'on règle
cela d'une manière inconsidérée et imprudente, soit par
précipitation, soit encore par souci d'une logique peut-être trop
arithmétique, comme celle que je trouve dans votre texte. À mon
point de vue, ce sont les fondements, les sources auxquels on doit s'alimenter
si on veut voir clair dans le problème.
J'en viens maintenant aux considérations concrètes. Je
pense que vous avez soumis deux ordres de considérations: d'abord, des
inquiétudes sous le thème de l'égalité. Il y a
certains articles du projet de loi qui vous inquiètent parce qu'ils
créeraient des situations d'inégalité. À cet
égard, je mentionne en particulier l'article 103, article qui
prévoit un enseignement catholique, un enseignement protestant et un
enseignement d'une autre confession, si les parents le veulent, à
condition qu'ils soient prêts à payer pour ça. Quand vous
me dites: Cela créerait une inégalité, je suis 100%
d'accord avec vous et je suis content de voir que c'est une disposition que le
gouvernement entend corriger dans une version retouchée du projet de
loi, si une nouvelle version de ce projet de loi est possible, parce qu'il y a
un paquet d'autres aspects qui ne vous intéressent pas pour des raisons
tout à fait
valables, mais qui, nous, nous intéressent. Ce ne sera pas facile
de réaliser la quadrature du cercle dans tout ça.
Je suis d'accord avec vous sur cet article. À un moment
donné, on dit: Dans les écoles catholiques, on aura certains
services, obligatoirement; dans les écoles protestantes, on les aura sur
demande. Je pense que c'est aux articles 110 et 111. Je pense qu'il faut
comprendre les auteurs de ces articles, c'est que les coutumes et les
règlements des comités confessionnels ne sont pas les mêmes
des deux côtés. S'il y a un problème d'harmonisation qui se
pose, il serait bon que les deux comités confessionnels se
réunissent, qu'ils harmonisent leurs positions là-dessus et qu'on
en vienne à assurer dans le texte de la loi une égalité
beaucoup plus réelle. Je pense que, de ce point de vue, vous pouvez
compter sur l'entière adhésion de l'Opposition aux objectifs que
formule votre mémoire.
La même chose pour l'article 220. Je pense que ça vise les
services d'animation pastorale et de conseillers en éducation
chrétienne au niveau des commisions scolaires. Encore là, si de
tels services doivent exister dans des commissions scolaires - ce que,
personnellement, je crois - je pense qu'ils doivent être disponibles dans
des conditions égales, en tenant compte, encore une fois, du contexte
pratique. S'il y a un ou deux enfants qui sont de foi protestante dans des
écoles catholiques dans une région donnée du
Québec, alors qu'il y en a 5000 qui sont de religion catholique, il faut
se mettre les pieds à terre; il faudra trouver le moyen de faire en
sorte que ces services soient disponibles sur une base de temps partiel. Je ne
verrais pas qui serait assez irréaliste pour aller demander qu'on ait
une personne à temps plein pour fournir ces services à quelques
élèves qu'on compterait sur les doigts de la main. Mais le
principe doit être inscrit dans le projet de loi et, sur toute cette
partie de vos propositions, il n'y a pas beaucoup de problèmes de notre
côté, nous sommes profondément d'accord avec vous.
Il y a une autre partie où vous invoquez l'argument de la
discrimination. En vertu de cet argument sur lequel je vais revenir, vous
demandez que soient enlevés du texte les articles suivants. Il faut que
je les résume parce qu'il y a beaucoup de gens qui nous suivent et qui
ne sont peut-être pas au courant des détails comme nous le sommes.
Pour nous autres, c'est devenu de la cuisine; on mange cela comme
entrée, comme mets principal et comme dessert ces temps-ci. L'article 31
dit que "l'école peut intégrer dans son projet éducatif
les croyances et les valeurs religieuses d'une confession particulière."
L'article 32 dit qu'une école peut demander d'être reconnue comme
école catholique ou comme école protestante par le comité
confessionnel correspondant. Vous voudriez que ces deux articles
disparaissent.
Il y a l'article 309 qui donne au ministre le droit de faire des
règlements pour les modalités de la consultation relative
à la reconnaissance des écoles catholiques ou protestantes. Vous
demandez que cela tombe aussi. Il y a l'article 474, je crois, qui donne aux
comités confessionnels le pouvoir de faire des règlements pour la
reconnaissance des écoles comme catholiques ou comme protestantes, le
pouvoir de reconnaître des écoles comme catholiques ou
protestantes et de révoquer, au besoin, ce statut qui aurait pu
être déjà accordé. Vous demandez que tout cela
saute. C'est bien cela que j'ai compris?
Je pense que ces propositions doivent être examinées de
très près. M. le Président, cela ne me fait rien de
poursuivre ceci pendant quelques minutes. Si vous voulez que je termine cette
partie-là, j'en aurais pour environ un quart d'heure. On aurait
terminé et on pourrait passer aux questions tout de suite après
le souper.
Une voix: Cela va.
Le Président (M. Blouin): S'il y a consentement, M. le
député d'Argenteuil - et je crois que c'est le cas - il n'y a pas
de problème, vous pouvez poursuivre.
Une voix: D'accord.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Nous
poursuivons donc. S'il vous plaît! Nous poursuivons.
M. Ryan: Ces propositions doivent être examinées de
très près. Dans le peu de temps qui nous fut imparti vu que votre
mémoire ne fut porté à notre connaissance qu'hier soir,
nous n'avons pas eu le temps d'aller dans tous les détails. Nous, de
l'Opposition, n'avons pas les nombreux conseillers techniques dont dispose le
gouvernement, ce qui nous évite parfois de nous faire entraîner
dans des pistes dangereuses et nous oblige à nous fier
entièrement à notre bon jugement et à nos connaissances
limitées.
Cela dit, je pense qu'il y a une première difficulté que
je comprends. Dans le projet de loi, on dit, à l'article 30:
L'école doit être "publique et commune." Le mot "publique" ne
crée pas trop de problèmes à ma connaissance et je vous
dirai pourquoi tantôt. Le mot "commune" a déjà
été souligné ici comme source de difficultés
possibles. Je pense que c'est, en fait, un mot très ambigu. J'ai vu que
plusieurs l'interprètent comme synonyme d'école de quartier. Il y
en a d'autres qui l'interprètent comme synonyme d'école unique.
Vous autres, entre parenthèses, vous dites souvent "unique" dans votre
mémoire. Il y en a
d'autres qui disent: Elle peut être commune tout en ne
l'étant pas. Elle peut être commune aux catholiques, commune aux
protestants et commune aux éléments qui voudraient une
école laïque. Par conséquent, c'est un terme qu'on devra
approfondir s'il doit rester dans le texte de loi, parce qu'un bon jour ce sera
la Cour suprême qui sera appelée à l'interpréter. Ce
n'est pas toujours la meilleure solution, ainsi que l'enseigne
l'expérience récente en matière constitutionnelle. Plus on
peut éviter que ces choses-là ne soient soumises
éventuellement à l'arbitrage des tribunaux non pas par des
subterfuges, mais seulement par un effort de réflexion quand c'est le
temps, mieux c'est. Cela pose un problème. Je le mets entre
parenthèses pour tout de suite, pour reconnaître que ce n'est pas
facile et que je comprends que certains ont des difficultés.
Comme vous le dites dans votre mémoire, dans la mesure où
les écoles publiques s'adresseraient uniquement à des catholiques
ou à des gens d'une autre confession religieuse ou d'une autre
philosophie ou allégeance morale, il n'y aurait pas de problème.
J'étais bien content de vous l'entendre dire, parce que c'est une chose
qui est affirmée clairement dans cette convention contre la
discrimination dans l'enseignement à laquelle je faisais allusion
tantôt. Je pense que vous connaissez aussi bien que moi cette convention.
Vous ne l'avez pas citée dans votre mémoire parce que votre
mémoire devait forcément être bref, j'imagine, mais la
convention est intéressante parce qu'elle nous définit la
discrimination. Dans la charte québécoise, le concept de
discrimination est défini dans deux lignes. Ce sont deux lignes
passe-partout qui ne constituent pas une véritable définition.
Dans la convention dont je vous parle, on dit qu'il y a discrimination dans
certains cas, par exemple, lorsqu'une situation a pour effet
premièrement d'écarter une personne ou un groupe de
l'accès aux divers types ou degrés d'enseignement;
deuxièmement, de limiter à un niveau inférieur
l'éducation d'une personne ou d'un groupe - s'il existait, par exemple,
des écoles secondaires seulement pour les protestants et qu'il n'y en
eût point pour les catholiques, là, il y aurait discrimination et,
je vous rassure Mme la députée de Jacques-Cartier, vice versa, ce
serait également de la discrimination - ; ensuite, d'instituer ou de
maintenir des systèmes ou des établissements d'enseignement
séparés pour des personnes ou des groupes (sujet à ce qui
viendra ensuite cependant); quatrièmement, de placer une personne ou un
groupe dans une situation imcompatible avec la dignité de l'homme. C'est
la seule source possible de raccrochement pour le reproche de discrimination
qu'on ferait à un projet de loi et ça va loin, incompatible avec
la dignité de la personne.
Ensuite, les auteurs de cette convention continuent et disent ceci:
Lorsqu'elles sont admises par l'État, les situations suivantes ne sont
pas considérées comme constituant des discriminations, au sens de
l'article que je viens de citer: a) la création ou le maintien de
systèmes ou d'établissements d'enseignement séparés
pour les élèves des deux sexes, etc. Cela ne nous regarde pas,
pour le moment. b) la création ou le maintien, pour des motifs d'ordre
religieux ou linguistique, de systèmes ou d'établissements
séparés dispensant un enseignement qui correspond au choix des
parents ou tuteurs légaux des élèves. Si l'adhésion
à ces systèmes ou la fréquentation de ces
établissements demeure facultative et si l'enseignement dispensé
est conforme aux normes qui peuvent avoir été prescrites ou
approuvées par les autorités compétentes, en particulier
pour l'enseignement du même degré. c) la création ou le
maintien d'établissements d'enseignement privés si ceux-ci ont
pour objet non pas d'assurer l'exclusion d'un groupe quelconque, mais d'ajouter
aux possibilités d'enseignement qu'offrent les pouvoirs publics. (18
heures)
Ici, je vous signale que, dans le projet de loi, dont, encore une fois,
je ne prends pas la défense, mais dont j'essaie de voir où sont
les balises, à l'article 18, on parle de la liberté de choix des
parents. On dit: Si les parents veulent envoyer leurs enfants à une
école dont le projet éducatif correspond à leur
préférence, ils peuvent l'envoyer là mais doivent
respecter certaines limites en matière de transport. Dans une
région comme Montréal, les contraintes de transport ne sont pas
très grandes. Il y a déjà des services de transport qui
existent. Il y a bien des problèmes qui peuvent se régler par
l'utilisation de services de transport qui existent déjà. Les
catholiques de langue anglaise qui sont venus devant la commission nous ont dit
que, s'ils sont obligés de choisir entre une école neutre du
genre de celle que vous définissez et une école confessionnelle
comme ils la définissent, eux, et qui se range facilement dans le
troisième ou le quatrième degré de confessionnalité
dont vous avez parlé dans votre mémoire, ils aiment mieux
franchir quinze coins de rue, d'envoyer leur enfant là, que d'aller
à l'école qui est tout de suite à côté de
leur maison si celle-ci ne répond pas à leurs convictions.
Ils nous ont dit qu'ils font cela depuis des générations,
à Montréal, et qu'ils ne sont pas morts. Ils tiennent à
conserver cela. C'est un groupe de citoyens. Ils sont quelques centaines de
milliers, ce n'est pas négligeable, non plus. Ce sont des francophones.
Il y en a probablement quelques millions qui vont dans ce sens. Sur six
millions, il y en a sûrement quelques
millions. Je ne pense pas exagérer.
Le problème qui se pose ici, c'est que, si la liberté de
choix peut être assurée, on n'est pas dans un régime
catastrophique. Il y a moyen de redresser certaines situations et de respecter
le droit des parents d'avoir une éducation conforme à leurs
convictions, droit qui est reconnu par tant de textes internationaux, canadiens
et québécois aussi. Il y a moyen également d'éviter
de violer la liberté de conscience à laquelle vous attachez un
prix qui ne sera jamais trop élevé, pour vous comme pour nous,
d'ailleurs.
Nous avons insisté auprès du ministre sur un point. Si la
décision doit être prise dans chaque école exclusivement,
comme c'est prévu dans le projet de loi, cela peut être dangereux.
Il peut arriver des situations où ce ne sera pas facile. Encore
là, je donnerais le bénéfice du doute, si on nous
l'imposait à tout prix. Je pense que nos concitoyens ont assez de bon
sens pour être capables de trouver dans la pratique des accommodements
qui ne seraient pas trop en violation de la liberté de conscience des
enfants qui seraient du groupe minoritaire.
Nous disons: Il faudrait que la commission scolaire ait un rôle
à jouer là-dedans. Vous aurez des commissions scolaires
linguistiques dont une des responsabilités sera de fournir des services
éducatifs à la population suivant ses besoins divers. À
Montréal, je verrais très bien que les parents expriment d'abord
leur choix et qu'ensuite la commission scolaire ait l'obligation de fournir des
services conformes au choix des parents dans toute la mesure où c'est
raisonnablement possible et financièrement justifiable, suivant des
normes un peu libérales. Il ne faudrait pas qu'on soit astreint à
des normes qui diviseraient les cents en quatre et les piastres en 200
unités, mais suivant les normes, il y a quelque chose à faire de
ce côté-là. On pourrait y arriver. Il me semble que cela va
être la loi pour la période qui s'en vient. Il va falloir laisser
une certaine marge pour l'expérimentation.
Si on voulait supprimer les écoles confessionnelles demain matin
sous prétexte qu'il y a un musulman dans une école contre 35
catholiques, on ferait un faux pas monumental. Il faut que les catholiques
apprennent à l'accommoder celui-là. Ils ont déjà
montré qu'ils en sont amplement capables et, vice versa, s'il y a trois
catholiques de langue anglaise dans un endroit où il peut y avoir
seulement une école pour une majorité de protestants, il va
falloir qu'ils apprennent à vivre avec eux. Mais on ne voudrait pas que
tout cela soit réglé uniquement au plan local et qu'il y ait un
vote: on a gagné 52% contre 48% et, à partir de maintenant, vous
allez vous soumettre. On veut qu'il y ait une autorité qui soit capable
d'arbitrer ces choses et d'aménager les services d'une manière
qui va suivre le mieux possible toutes les sinuosités de la
réalité culturelle, sociale et humaine que nous avons chez nous.
Il me semble que ce pari, on est capables de le prendre. Si on en restait
seulement à la mécanique qui est dans le projet de loi, j'aurais
des inquiétudes sérieuses, mais j'ose espérer.
Il y a un très grand nombre d'organismes qui sont venus ici nous
dire qu'il faut que la commission scolaire ait un rôle à jouer
dans cela. C'est incompatible avec notre conception du rôle de la
commission scolaire. On veut que ce soit un gouvernement régional en
matière scolaire, pas seulement une filiale du ministère de
l'Éducation, pas seulement un délégué des
écoles, un gouvernement local élu par la population pour assumer
la responsabilité du système d'enseignement sur son territoire.
Il faut qu'elle ait une responsabilité dans ce domaine et que cette
responsabilité s'harmonise avec celle des parents, magnifique! Je crois
que dans cette voie il y aurait lieu de tenir compte de bien des choses que
vous avez dites et, en même temps, de respecter aussi cet autre volet des
droits fondamentaux dont il n'était pas beaucoup question dans votre
mémoire.
Pour terminer, je crois que ce serait une erreur de supprimer tous les
articles dont vous avez parlé. Il y a lieu de les modifier, il y a lieu
de les adapter, il y a lieu de les enrichir par d'autres dispositions comme
celles dont j'ai parlé. En fin de compte, on va être tous plus
enrichis si on continue de chercher plutôt que de se river à une
philosophie "laïque" trop simpliste, trop grammaticale, trop
syntaxique.
Je vous pose un problème: d'ailleurs, je vous le poserai en
question ce soir, mais je veux que vous pensiez un peu: si on allait adopter la
philosophie que vous préconisez, qu'est-ce qui arriverait des groupes
qui sont convaincus qu'il faut une école confessionnelle forte et qui
trouvent que leurs droits doivent être respectés dans cela?
Supposez que le législateur veuille agir dans cette logique. On sait ce
qui va arriver, on a l'expérience des autres pays, on a
l'expérience de la Hollande, on a l'expérience de la France, on a
l'expérience des États-Unis, on a l'expérience de la
Belgique, on a l'expérience de l'Angleterre. Ils seraient réduits
à fonder des écoles privées en plus grand nombre parce
qu'ils ne voudraient pas d'une école comme celle-là. En
Angleterre, qui est un pays de minorités catholiques, je voyais des
statistiques ce matin, on a à peu près une dizaine de millions
d'élèves dans les écoles. Il y en a à peu
près le quart qui sont dans des écoles catholiques dans des
écoles volontaires, "voluntary schools", et il y en a à peu
près les trois quarts qui sont dans des "county schools", les
écoles publiques. L'État est obligé en Angleterre de
concevoir un régime de subventions aux
écoles privées qui équivaut, à toutes fins
utiles, à leur donner un statut d'écoles publiques à 90%
ou 95%. En France, vous le savez comme moi, le gouvernement est obligé.
Là, c'est le rapport des forces politiques qui entre en ligne de compte.
Il n'y a pas de doctrine dans cela. Les catholiques se disent: Nous sommes 20
000 000 et nous allons leur montrer que nous sommes capables de nous compter.
Les protestants font la même chose. Le problème qu'on pensait
éliminer, il revient par la bande, on n'est pas plus avancé
personne.
Le pari qu'on doit essayer de faire actuellement, c'est de ne pas ouvrir
trop grandes les digues de ce côté. Notre parti favorise
l'école privée, pourvu que la priorité de l'école
publique soit très solidement assurée. C'est toujours la
condition que nous avons mise. Je pense qu'ici, si on veut éviter que ne
se développe tout un mouvement d'opinion publique de ce
côté, il faut que l'école publique puisse offrir des
garanties convenables, efficaces en matière de respect des valeurs
morales et religieuses. La garantie qui consisterait uniquement à offrir
une heure ou deux de formation religieuse par semaine ne serait pas suffisante
pour un grand nombre de catholiques parmi lesquels je me compterais
moi-même volontiers.
Cela résume un peu les réflexions que m'inspire votre
mémoire. Je vous remercie de nous avoir obligés, autant du
côté du gouvernement que du côté de l'Opposition,
à faire un effort de réflexion additionnel sur ce problème
extrêmement important. Je ne voudrais surtout pas que l'interrogation que
j'ai formulée au début, vous la preniez comme un reproche. Je
pense qu'il fallait faire cette expérience. Vous allez y penser. Si vous
revenez, je serai toujours très heureux de discuter avec vous. Cela vous
est dit dans un esprit constructif, encore une fois, et pour le bien de
l'enfant et de l'éducation, comme le disait ce matin le
député de Mille-Îles.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. Alors, vous comprenez que nous souhaitons
que vous soyez encore avec nous à 20 heures. Oui, M. le
député de Viger?
M. Maciocia: Si vous le permettez, juste pour 30 secondes. La
commission scolaire Jérôme-Le Royer devait passer à 15
heures et, étant donné les circonstances, l'audition a
été remise à 17 heures, puis supposément à
20 heures. Je me rends compte que ce sera plutôt vers les 21 heures, 21 h
30 ou même 22 heures. Je pose la question parce que je suis
mandaté dans ce sens. Il y a quelques commissaires qui avaient pris des
engagements. Est-ce absolument certain qu'ils doivent passer vers 22 heures? Je
ne sais pas s'ils peuvent se dégager pour 21 h 30 ou 22 heures.
Peuvent-ils venir demain matin ou est-ce obligatoire qu'ils se
présentent ce soir vers 22 heures?
Le Président (M. Blouin): Alors, M. le
député, je vais vous lire une lettre qu'a adressée M.
Jean-François Duchaine, le directeur de cabinet du leader du
gouvernement, à M. Valmond Bouliane, secrétaire des commissions,
et cela vous fera comprendre un peu que la marge de manoeuvre est très
réduite. "Le leader du gouvernement me prie de vous informer d'une
modification concernant les travaux de la commission parlementaire de
l'éducation qui étudie le projet de loi 40, Loi sur
l'enseignement primaire et secondaire public. Le Regroupement des associations
pour l'enfance en difficulté prévu pour audition à 20
heures, le 2 février, donc aujourd'hui, sera entendu en commission le
vendredi 3 février, à compter de 10 heures. Quant aux deux
groupes déjà inscrits à l'horaire du 3 février, ils
comparaîtront immédiatement après cet organisme".
Comme vous pouvez le voir, les travaux de demain sont déjà
passablement organisés. S'il y a des ententes entre les partis
politiques - et je vous suggère de tenir ces discussions en dehors de la
table de cette commission - il me fera plaisir de m'y associer et de faire en
sorte que les travaux se déroulent tel que les ententes l'auront
convenu. Pour le moment, je vous indique que cet organisme devrait être
entendu ce soir. Alors, je vous suggère de discuter...
M. Maciocia: Je comprends très bien. Si vous me donnez
encore dix secondes, M. le Président, c'est que aujourd'hui on peut dire
que les travaux étaient programmés d'avance, à telle
heure, telle heure, etc. Peut-on vous demander si les membres de l'Opposition
et les membres du côté ministériel...
Le Président (M. Blouin): Non, on ne fera pas cela. On ne
négociera pas cela devant nos invités et devant les
caméras. Je vous suggère de tenir ces discussions en dehors de la
table des délibérations et sur ce, la commission élue
permanente de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 20
heures.
(Suspension de la séance à 18 h 11)
(Reprise de la séance à 20 h 5)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'éducation reprend ses
travaux. Comme nous l'avons indiqué avant de nous quitter pour cette
heure de souper, nous entendrons donc ce soir la poursuite des échanges
avec la
Commission des droits de la personne. Par la suite, nous entendrons les
représentants de la commission scolaire Jérôme-Le Royer.
Ah! II y a eu une modification: C'est l'office des handicapés du
Québec. Cela va.
Alors, il y a eu entente et on m'indique que nous terminerons la
soirée avec l'Office des personnes handicapées du
Québec.
Donc, au moment où nous nous sommes quittés, c'est M. le
député d'Argenteuil qui allait entreprendre ses échanges
avec les représentants de la Commission des droits de la personne du
Québec. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Merci, M. le Président. Je voudrais poser
quelques brèves questions aux membres de la Commission des droits de la
personne. Étant ouvert naturellement à entendre les observations
qu'ils voudront bien faire sur celles que j'ai faites moi-même, je ne
veux pas du tout laisser entendre, en posant des questions, que je ne veux pas
qu'on discute le reste. Je vous invite seulement à vous rappeler que je
ne suis pas seul ici et qu'il y en a d'autres qui veulent sans doute vous
interroger.
Cela dit, je vais formuler mes questions très brièvement.
Il y en a trois. La première: Vous dites, à la page 6 du
résumé de votre mémoire: C'est aux individus
eux-mêmes qu'il appartient de décider ce qui fait partie de leurs
convictions religieuses. Il n'appartient pas à l'État, ni
à une majorité de parents, ni à un conseil d'école,
ni encore à une commission scolaire, de décider que la
participation à telle manifestation de la vie religieuse à
l'école blesse ou non la conscience des minorités.
C'est un passage qui me laisse un peu perplexe parce que je le trouve
séduisant à la première lecture. À la
deuxième lecture, je me demande un petit peu ce qu'il veut dire parce
que c'est vrai que la conscience individuelle est souveraine dans ces choses.
En même temps, si un certain nombre d'individus décident de se
regrouper dans le but d'obtenir des services scolaires qui répondent
à ces choses qu'ils veulent avoir en commun à l'école,
à ce moment, qu'on le veuille ou non, on est en face d'un
problème collectif. L'État et les organismes politiques ont la
responsabilité de fournir des services qui respecteront le plus possible
ces convictions. Est-ce que vous pourriez me dire ce qui arrive quand des
individus décident de se regrouper pour obtenir que les services
éducatifs en particulier tiennent compte de leurs convictions
religieuses? Ce jugement auquel vous faites allusion, quand vous citez un
document de jurisprudence dans la cause Donald vs Hamilton Board of Education,
visait des écoles publiques neutres, si je comprends bien, non pas des
écoles confessionnelles de l'Ontario. Je vous pose la question.
Mme Fournier: Vous voulez savoir si, lorsque des personnes se
regroupent pour avoir une école d'une telle confessionnalité ou
d'une telle orientation de conscience, ceci contrevient à la charte?
M. Ryan: À ce moment-là, cela crée une
demande collective qui exige de la part de l'État une réponse
institutionnelle.
Mme Fournier: Oui, d'accord.
M. Ryan: On transcende, à ce moment-là, le strict
domaine individuel.
Mme Fournier: C'est cela. En partant, notre position est que,
bien sûr, si ce projet ou cette demande collective correspond à
l'ensemble des personnes qui sont concernées, cela ne pose pas de
problème. Mais c'est toujours la même réponse en fait. Si
ce projet collectif, qui intègre certaines valeurs, fait en sorte que
les individus qui ont à défendre des valeurs différentes
se retrouvent dans une situation où ils sont affectés par cet
autre point de vue ou cette autre religion, cela pose donc un problème
pour la liberté de conscience ou la liberté de religion de
ceux-là. Je crois que M. Krauss veut ajouter quelque chose.
M. Krauss: Je voulais tout simplement ajouter que, pour situer
cela, il ne s'agit là que d'un résumé partiel. Aux pages
22 et 23 du mémoire de base sont contenus des extraits plus longs de ce
qui est résumé très brièvement à la page 6
que vous avez citée. Au bas de la page 22 et en haut de la page 23, nous
citons un extrait de cet arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario. Je pense
qu'à la lecture de cet extrait, il paraît que, ce que nous
voulions signaler, c'est qu'il ne faut pas, par exemple, permettre qu'une
majorité à l'école dise: Voici, nous vous imposons cela
à vous la minorité, mais, à notre avis, cela n'est pas
injuste. Il n'est pas injuste, pour nous, de vous imposer cela. Permettre
à la majorité de dire ce qui est une imposition injuste, c'est
justement nier les droits individuels dont il s'agit, et c'était le but
de l'inclusion de cet argument dans le résumé.
M. Ryan: Je suis très sensible à cet argument et je
n'ai cessé de signaler à l'attention du gouvernement que, si on
retient seulement le mécanisme qui est prévu dans le projet de
loi pour la décision relative au statut de l'école locale,
ça va donner naissance, à bien des endroits, à des
complications qui pourraient être très sérieuses.
Ne penseriez-vous pas que, si un rôle significatif était
laissé à la commission scolaire dans l'aménagement des
services
éducatifs et des écoles, de manière à tenir
compte des attentes de la population dans toute la mesure qui est
raisonnablement, administrativement et financièrement possible,
ça ne pourrait pas contribuer à atténuer
considérablement les dangers qui surgissent du projet dans sa forme
actuelle? Est-ce une chose qui répugne à votre esprit, sous
l'angle où vous vous placez?
Mme Caron: Vous nous avez dit, avant le dîner, que le
piège pour la commission était de tomber dans le débat
politique. Je ne veux pas dire que vous nous tendez un piège, mais, en
tout cas, on ne voudrait pas y tomber!
M. Ryan: Je l'apprécie, je vais courir encore un risque!
Si le législateur retenait les suggestions que vous avez faites
concernant les dangers de discrimination que vous voyez dans le projet de loi,
si, par conséquent, il décidait de retirer du projet de loi
l'article 31, l'article 32, l'article 309, l'article 474 et l'article 475,
comment réagiriez-vous à la critique de ceux qui disent qu'ils
sont violés dans leur droit, au titre de ce droit qui revient aux
parents de choisir pour leurs enfants le genre d'éducation correspondant
à leurs convictions religieuses et morales?
Mme Caron: Comme on l'a dit, les articles 31 et 32
insèrent dans la loi elle-même des éléments qui
pourraient éventuellement produire de la discrimination. S'il n'y a pas
ces articles, on regardera chaque situation. Évidemment, la charte des
droits du Québec s'applique à tout le monde, non seulement aux
lois, mais aux gestes, aux actes des citoyens, individuellement ou en groupe.
Si, dans une école donnée, il y avait un projet éducatif
qui violait les libertés, les individus pourraient s'en plaindre
directement aux tribunaux ou sous forme de plainte de discrimination.
M. Ryan: Je pense que ma question n'était pas assez
claire. On avait un groupe de parents ce matin, par exemple, le groupe de
parents de la commission scolaire Jérôme-Le Royer. Je ne sais si
vous étiez là lorsqu'ils ont témoigné. Si vous
étiez là, cela simplifie les choses. Ils nous ont dit: Nous, nous
tenons à conserver des écoles confessionnelles. Je dirais que
c'est au troisième ou au quatrième degré de
confessionnalité, suivant les catégories que vous nous avez
proposées. Si on retenait votre suggestion, eux n'auraient pas
satisfaction, de toute évidence. Comment réagissez-vous à
cela? Ils nous ont dit: Dans notre coin, il y a à peine une centaine de
foyers qui ont semblé manifester des difficultés par rapport au
régime qui existe. Là, on changerait le régime assez
radicalement pour eux. Ils nous diraient: Nous, nous sommes brimés dans
nos droits fondamentaux. Nous, nous ne voulons pas que cela aille devant les
tribunaux; on veut que cela se règle avant, comme je l'ai dit
tantôt. C'est la responsabilité du législateur
d'écrire de telle manière qu'il y ait le moins de risques
possible que cela se retrouve devant les tribunaux. Une fois rendu là,
on ne peut plus rien faire, mais il faut essayer de l'éviter. C'est sa
responsabilité. Que répondez-vous à cela? De la
discrimination "in reverse", en somme. (20 h 15)
M. Côté (Yves): Si on prend la situation qui a
été évoquée ce matin par le comité de
parents de Jérôme-Le Royer, je pense que l'article 30 du projet de
loi, tel qu'il est rédigé, permet d'intégrer dans le
projet éducatif les valeurs de la communauté à laquelle on
dispense des services. Si leurs prétentions sont vraies selon lesquelles
il n'y a pratiquement personne sur le territoire qui aurait des objections
à ce que l'école soit catholique au troisième degré
de confessionnalité, cela n'irait pas du tout contre la Charte des
droits et libertés de la personne, à condition que leurs
prétentions soient vraies. À ce moment, il y aura toujours
possibilité sur le territoire que des catholiques ou d'autres se
rassemblent dans des écoles et fassent des écoles au
troisième, au quatrième ou au cinquième degré,
pourvu que tout le monde soit d'accord.
M. Ryan: Je vais ajouter quelque chose à la question. Les
évêques catholiques du Québec déclaraient en mars
1982, et beaucoup de groupes qui sont venus témoigner devant la
commission ont repris cette position, qu'il fallait qu'il y ait des garanties
dans la loi que l'école catholique puisse exister avec un statut
juridique, pas seulement un projet éducatif, l'école catholique
avec un statut juridique. Si on enlève les articles qui prévoient
la reconnaissance d'écoles catholiques, cela n'existera plus, ce statut
juridique. Vous trouvez qu'un statut juridique pour l'école catholique,
tel que demandé par les évêques catholiques, c'est
inacceptable du point de vue des droits fondamentaux de la personne? Est-ce que
je dois aller jusque-là?
M. Côté (Yves): Je ne pense pas qu'on doive aller
jusque-là. Jusqu'où on peut aller, le point de non-retour est le
suivant: On ne peut pas introduire dans un projet de loi quelque chose qui
rendrait légale la situation de discrimination qu'on a
évoquée cet après-midi ou ce soir. Ou bien le statut
confessionnel veut dire quelque chose, ou bien l'intégration des valeurs
dans le projet éducatif veut dire quelque chose, comme les parents de
l'école Jérôme-Le Royer le
disaient ce matin ou comme vous l'évoquiez vous-même cet
après-midi; ou bien cela veut dire quelque chose, ou bien cela ne veut
rien dire. Si cela ne veut rien dire, je ne vois pas pourquoi on se forcerait
pour donner un statut juridique qui ne couvrirait rien du tout. Si cela veut
dire quelque chose, cela veut donc dire qu'il y a dans le projet
éducatif pour une école publique, commune et - sortons de la
région de Montréal - peut-être unique, dans un autre
village, il y aurait un projet éducatif avec des valeurs
intégrées qui porteraient atteinte à la liberté de
conscience d'autres personnes et c'est cela, et uniquement cela, que nous
trouvons inacceptable.
M. Krauss: Si je peux me permettre de relier les commentaires de
M. Côté à certains commentaires que vous avez faits cet
après-midi, avant la pause pour le souper, je pense que ce pourrait
être instructif. Vous avez évoqué deux scénarios
réels. Vous avez parlé de certains citoyens anglo-catholiques qui
ont dit: Nous, on serait même prêts à aller à quinze
pâtés de maisons d'ici pour avoir notre école catholique au
troisième ou au quatrième degré, pour utiliser votre
propre expression. Vous avez également parlé de la situation en
Angleterre où des citoyens catholiques ont établi leur propre
réseau d'écoles, réseau qui a dû, finalement - et
c'est bien, selon nous -être financé à même les fonds
publics.
Ce qui distingue ces deux cas du cas dont nous nous plaignons et du cas
qui est rendu possible par le projet de loi 40, selon nous, c'est que, dans ces
deux cas, personne n'impose une école catholique à des
non-catholiques. Dans les deux cas, en d'autres termes, des gens qui veulent
une école catholique choisissent une école catholique et tous
ceux qui sont dans ladite école catholique y sont parce qu'ils la
veulent, cette école. Le problème, avec les articles 31 et 32,
c'est que cela permet à une minorité qui ne veut pas d'un tel
projet éducatif, d'un tel statut juridique catholique d'être
enfermée dans cette école catholique.
L'article 30, par ailleurs, permettrait justement de créer ces
écoles sur mesure pour une population qui les voudrait. Vous avez raison
de dire que l'article 30, tout seul, ne prévoit pas le statut juridique
et c'est bien naturel puisque les articles 31 et 32 sont là. Il est
sûr que, si on enlevait les articles 31 et 32, il faudrait ajouter la
possibilité de l'existence d'un statut juridique si jamais la
communauté à laquelle l'école dispense les services, pour
employer les termes de la loi, exigeait un tel statut. Mais il me semble qu'il
y a quand même une différence de nature entre une école qui
représente les désirs d'une population et une école qui
représente les désirs d'une partie de cette population qui est
contre les désirs d'une autre partie de la population.
M. Ryan: Je pense qu'on se comprend mieux. Il y a des
éclaircissements très intéressants qui sont
apportés.
Une dernière question dans la même veine. Nous parlons
hypothétiquement, évidemment, parce que ce n'est pas nous qui
rédigerons ces textes. Le ministre n'est pas là pour nous
entendre; c'est malheureux, mais il va lire tout cela. Si le paragraphe 30
était réaménagé un peu dans ce sens-là, de
manière à prévoir la possibilité d'un statut
juridique pour l'école catholique, pour ceux qui la veulent, comment
cela pourrait-il être reconnu? Qui devrait procéder au geste de
reconnaissance, à un moment donné? Sur quelle base
s'appuierait-on pour faire cela? Là, vous demandez qu'on enlève
les mécanismes de reconnaissance.
Une voix: L'alternance.
M. Ryan: Ce ne peut être le gouvernement, parce qu'il n'a
pas l'autorité pour se prononcer là-dessus. Il peut permettre, il
peut consentir à collaborer. Il va falloir que quelqu'un reconnaisse
cette école quelque part, j'imagine.
M. Krauss: Je ne suis pas sûr de comprendre. Est-ce que
vous voulez parler d'un comité catholique ou d'un comité
protestant, éventuellement? Est-ce que je comprends bien?
M. Ryan: Oui, peut-être.
M. Krauss: D'un comité musulman, d'un comité juif
ou d'un comité bouddhiste, puisqu'il s'agit, finalement, du même
phénomène.
M. Ryan: Oui, parce que cela pourrait aussi bien s'appliquer aux
écoles juives, entre parenthèses.
M. Krauss: Bien sûr.
M. Ryan: Oui. Très bien.
M. Krauss: II y aurait peut-être lieu de signaler que ce
n'est pas possible actuellement. C'est catholique ou protestant; c'est
tout.
M. Ryan: Nous n'avons pas du tout d'objection à la
possibilité de conférer aux écoles juives, qui sont
purement privées actuellement, un statut public quelconque. En tout cas,
à la question, il n'y a pas eu de réponse très claire.
Disons que je ne veux pas prolonger davantage les questions là-dessus.
Je pense que, sur l'essentiel, des éclaircissements très
intéressants ont été apportés, auxquels on va
continuer de penser.
Le Président (M. Blouin): Est-ce que cela va?
M. Ryan: Oui. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Après les
discussions très approfondies et du ministre de l'Éducation et du
porte-parole de l'Opposition, mes questions vont être peut-être
plus terre à terre. Je voudrais vous demander... Le problème que
vous avez apporté, je pense que vous êtes venus ici nous dire: II
y a des difficultés ou il y a des dangers de problèmes. On vient
vous les exposer. Après cela, prenez vos décisions. Je pense que
vous n'aviez pas à venir nous apporter des solutions, mais on peut quand
même, à titre de consultation, vous demander ce que vous pensez de
telle ou telle piste qui pourrait être explorée. Le
problème qui se pose à ce moment-ci, je pense que cela a
été dit et redit autour de cette table, c'est qu'il y a -et je
pense qu'on ne fait pas de démagogie en disant cela - une bonne
majorité de la population francophone du Québec qui veut encore
des écoles confessionnelles. Il y a eu un tas de sondages de faits
là-dessus. Je n'en ai pas fait, mais je pense que ce n'est pas une
affirmation gratuite, bien au contraire.
Je ne m'arrête pas aux définitions de ce que peut
être le projet éducatif catholique ou le contenu de l'école
à qui on reconnaît le statut confessionnel catholique. Le
problème qui se pose, c'est: Comment conciliez-vous l'existence de cette
école qui serait réclamée par une majorité avec les
droits des minorités, à partir du concept de l'école
commune à qui, finalement, on enlève une partie, je dirais, de
son titre d'école commune ou de sa qualité d'école
commune, en pouvant venir la modifier en lui donnant, somme toute, un statut
d'école confessionnelle? C'est à ce moment qu'il semble y avoir
une espèce de difficulté à concilier ces deux concepts.
Compte tenu d'une réalité sociologique, historique et politique,
c'est de notre côté, mais je pense qu'elle est là aussi,
et, en ce qui touche la majorité catholique, du moins en ce qui touche
les francophones, mais je pense qu'on découvrira même que c'est le
cas des anglophones quand on considère l'ensemble des anglo-catholiques
du Québec. Est-ce que, pour vous autres, étant donné que
les structures vont devenir linguistiques et ne seront plus confessionnelles...
Quand elles étaient confessionnelles, les personnes qui administraient
ces structures confessionnelles disaient: Compte tenu de notre structure
juridique catholique - certaines le prétendaient - on ne peut pas
administrer des écoles neutres. À ce moment-ci, y aurait-il une
réconciliation possible, eu égard aux dispositions de la Charte
des droits et libertés de la personne, s'il était possible
d'avoir des écoles neutres pour ceux qui le désirent ou des
écoles vraiment communes?
Je sais que la difficulté, quand on aborde ce problème,
vient que des gens nous disent: Non, nous voulons avoir l'école de
quartier. L'école de quartier, pour ceux qui seraient, à ce
moment-là, une minorité, alors que la majorité a
décidé d'une école confessionnelle, pour vous, est-ce que
ce serait une discrimination, même s'ils devaient voyager? Je ne sais pas
pour combien d'années ni pour quelle période de temps, car on ne
sait pas comment les choses évolueront. Je comprends que tout le monde
veuille aller à l'école de quartier. C'est légitime, on
veut aller à l'école la plus près ou, du moins, les
parents veulent envoyer leurs enfants à l'école la plus
près de chez eux. Mais si, plutôt que d'entrer dans ces conflits,
là où la population est suffisante, comme c'est
présentement le cas puisqu'on a établi, de part et d'autre, que,
dans le cas des écoles françaises protestantes, vous avez
parlé de soupape, mais ce que l'on sait - et ma collègue pourra
me contredire après -c'est qu'on les considère des écoles
neutres et que ces enfants, très souvent, sont transportés de
toutes les parties de Montréal pour se rendre à des écoles
francophones protestantes dites neutres, ou plutôt des écoles
neutres dites protestantes, est-ce que, dans une période transitoire,
compte tenu des données sociologiques qui existent et compte tenu de
cette réconciliation qu'il y a à faire entre les droits des
minorités et ceux des majorités, ces gens-là pourront
avoir des écoles neutres, même si cela exige un transport?
À ce moment-là, n'y aurait-il pas une conciliation plus facile du
problème que vous soulevez entre les droits des uns et des autres?
Mme Fournier: Si on réunit, dans des écoles
séparées, les différentes confessions ou absences de
confession, cela ne vient pas en contravention avec la liberté de
religion ou de conscience des jeunes ou des enfants qui sont dans ces
écoles. C'est exact. Cependant, on peut se poser la question en termes
de vision sociale ou de projet de société un peu plus global. Si
on a une vision pluraliste de la société, cela peut poser un
problème parce que cela peut revenir à la situation suivante
où, les enfants de religion minoritaire dans ce quartier ou dans cet
endroit, ou qui sont neutres devront effectivement voyager ou avoir des
conditions plus difficiles que la majorité pour se rendre à
l'école. Alors, il y a plusieurs questions qui peuvent être
liées à cela. Ce qui ferait une sorte d'inégalité
de départ,
d'une part, mais la deuxième question, et c'est probablement cela
le plus important, c'est le fait que cela provoque une société
quand même qui est un peu "ghettoïsée", c'est-à-dire
qu'il y a un regroupement de toutes les personnes de chacune des
confessionnalités et on n'atteint pas un idéal de multiculture ou
de diversité. (20 h 30)
Mme Lavoie-Roux: Je réalise bien cela. Je pense que vous
parlez là de votre vision ou de la vision que les gens peuvent avoir
d'une société que je peux ou non partager. J'admets cela. Mais le
problème que vous êtes venus nous poser en est un strictement de
conciliation de deux droits compte tenu des dispositions de la Charte des
droits et libertés de la personne. Il y a celui des minorités
et... Dans une proposition comme celle-là - il y en a peut-être de
meilleures, mais je vous pose cette question-là - il y aurait... Vous
savez, à ce compte, il y a bien des inégalités. Les
enfants handicapés sont obligés de voyager et voyagent
très longuement. Enfin, on pourrait multiplier les exemples. On a eu les
anglo-catholiques qui ont voyagé longtemps. Enfin, on a les
franco-protestants maintenant, etc. Mais c'est plutôt une
difficulté supplémentaire. Les enfants de l'école
privée voyagent. C'est qu'à ce moment-là, si le choix
fondamental est le caractère confessionnel ou non de l'école, il
me semble avoir priorité sur les inconvénients que peut
créer un transport scolaire.
M. Krauss: Je pense qu'au tout début de votre question,
vous avez mis le doigt sur le noeud du problème. Je reviens
là-dessus parce que je pense en avoir parlé très
brièvement au cours de l'après-midi. Ce sont les changements
structurels qui vont s'imposer à la suite du nouveau découpage,
qui n'est plus confessionnel, mais qui est maintenant linguistique. J'ouvre une
petite parenthèse. Je me permets d'en ouvrir une pour vous dire que ce
n'est pas aussi simple que cela à l'extérieur de
Montréal.
Mme Lavoie-Roux: Oui, oui.
M. Krauss: Je peux vous dire que, dans les Cantons de l'Est, par
exemple, de nombreux parents anglophones n'envoient pas leurs enfants à
l'école française précisément parce qu'il n'y a pas
d'école française sans projet éducatif catholique,
c'est-à-dire qu'il y a des parents qui voudraient bien faire
éduquer leurs enfants en français, mais qui sont
empêchés de le faire à cause de ce découpage.
Supposons que ce découpage cesse, qu'il y a un nouveau découpage
linguistique. M. Ryan a soulevé un exemple qui était fort
évocateur. Il a soulevé l'exemple de gens qui se disaient: Tiens,
on nous fournit une école neutre à côté. Nous tenons
tellement à nos convictions que nous serions prêts à aller
quinze pâtés de maisons plus loin pour avoir une école
religieuse, disons, au troisième degré. Ils tiennent à
leurs convictions. Les gens qui sont prêts à se faire
éduquer avec tout le monde dans une école neutre ou pluraliste
iront à cette école du coin, mais les gens qui sont prêts
à payer le pr.ix de leur attachement à leur religion sont bien
libres de le faire. Finalement, c'est une application de l'article 41 de notre
Charte des droits et libertés de la personne qui garantit que ces
personnes puissent avoir leurs écoles. On le voit aussi dans l'article
30.
En posant votre question de la façon que vous l'avez
posée, vous le faites d'une façon légèrement
différente de la problématique de celle que M. Ryan a
soulevée, c'est-à-dire, à qui va le fardeau d'aller un peu
plus loin? Je pense qu'il faut poser cette question.
Mme Lavoie-Roux: Je sais cela.
M. Krauss: Qui se contentera de l'école de tout le monde
et qui n'en veut pas? Je pense que la question du fardeau devra être
examinée.
D'autre part, dans des milieux isolés, ruraux ou semi-urbains, il
risque d'y avoir le même genre de problèmes, dans ce sens qu'il
peut y avoir suffisamment de gens pour une école. Lorsqu'il y a
suffisamment de gens pour une école et lorsque l'article 30 nous dit
qu'elle sera publique et commune, le problème n'est plus le même
qu'à Montréal. Ce n'est plus un problème de transport,
à moins de transporter des gens dans un autobus deux heures dans un sens
et deux heures dans l'autre sens.
Mme Lavoie-Roux: C'est ce qui arrive dans les Cantons de
l'Est.
M. Krauss: Exactement.
Mme Lavoie-Roux: Non pas pour des raisons religieuses.
M. Krauss: Précisément. Alors, qui doit être
transporté pendant quatre heures? Cela devient plus qu'une question de
degré dans ce sens, et je pense qu'il faut se poser de grosses et
lourdes questions. Vous avez dit qu'elles comportent un volet politique qui ne
relève pas de nous, évidemment, mais je pense que vous deux les
avez posées implicitement.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question dans le même
sens. Je suis loin d'être sûre que c'est la solution que je
voudrais, mais je voudrais avoir votre opinion là-dessus. Une classe
neutre, à l'intérieur d'une école catholique rurale,
est-ce
compatible au plan des droits et libertés? Non?
Mme Fournier: Cela pourrait être une formule.
Mme Lavoie-Roux: Cela pourrait être un accommodement dans
les endroits très isolés. Je ne pense pas que ce soit ce que je
souhaite, mais je vous pose la question, parce que c'est vraiment le fond du
problème.
Ma seule autre question touche votre remarque à la page 5 de
votre mémoire où vous faites la différence entre les
droits politiques et les droits économiques et sociaux: "Toute personne
a droit, dans la mesure prévue par la loi, à l'instruction
publique et gratuite." Vu que ceci ressort aux droits économiques et
sociaux, vous dites que c'est différent des droits civils et politiques
où c'est vraiment une question d'abstention du gouvernement d'agir dans
un sens discriminatoire, alors que dans l'autre cas cela implique que
l'État intervient de façon positive par un apport financier pour
en favoriser le plein exercice.
Vous y revenez un peu plus loin - je ne le retrouverai pas - à la
page 21. Je voudrais savoir quelle extension vous donnez à cette
obligation du gouvernement, c'est-à-dire que ces droits soient
respectés ou d'en favoriser le plein exercice. Quelles sont les balises
que le gouvernement peut se donner sans nuire au respect des droits et
libertés en ce qui touche les droits économiques et sociaux? Cela
s'applique autant aux enfants en difficulté d'apprentissage qu'aux
enfants de milieu socio-économiquement faibles, je pense.
Mme Fournier: C'est une question fondamentale qui est beaucoup
traitée sur le plan international en ce moment, à la Commission
des droits de l'homme des Nations Unies, par exemple. Effectivement, les droits
économiques et sociaux exigent une intervention positive de
l'État, parce que, en soi, on ne peut pas que s'abstenir de nuire aux
droits économiques et sociaux, il faut vraiment les soutenir.
Jusqu'où on peut aller? Il faut que cela soit basé, bien
sûr, sur les possibilités financières d'un État, sur
les considérations de volonté collective d'un État et sur
l'analyse de ce que la population souhaite par rapport à ces droits
économiques et sociaux. Ce sont des droits relatifs tout aussi
importants que les autres droits, et c'est très important de le
souligner, mais il y a une relativité quant à l'application de
ces droits. Dix ans plus tard, on peut les interpréter ou les appuyer
d'une façon beaucoup plus avancée. On peut avoir des techniques
pour les appuyer d'une façon beaucoup plus développée.
C'est différent, par exemple, du droit à
l'intégrité physique où le droit n'a pas à subir de
torture par l'État ou qui demeure la même chose de mille ans en
mille ans. Un droit économique et social s'analyse concrètement
par rapport aux possibilités collectives et à l'analyse
collective. C'est peut-être un peu théorique comme réponse,
mais, effectivement, c'est ainsi qu'on peut arriver à l'identifier.
Mme Lavoie-Roux: Quand vous dites, par exemple - remarquez que je
pourrais être fort d'accord avec vous sur vos suggestions - que les
conditions auxquelles nous songeons, notamment un abaissement du ratio
maître-élèves - on pourrait abaisser le nombre
d'élèves de cinq pour chaque élève en
difficulté d'adaptation ou d'apprentissage - c'est plutôt une
suggestion que vous faites à titre de mesure supplémentaire qui
pourrait leur être accordée. Ce n'est pas un jugement
pédagogique ou autre que vous portez.
Mme Fournier: Non, non. C'est une illustration d'un type
d'intervention qui pourrait être utile, mais nous ne nous posons pas ici
comme analystes ou spécialistes des mesures spécifiques qui
pourraient être les meilleures.
Mme Lavoie-Roux: Oui. En dernier ressort, c'est l'État qui
décide dans quelle mesure il peut appuyer d'une façon
active...
Mme Fournier: Oui.
Mme Lavoie-Roux: ...ce respect des droits économiques et
sociaux en fonction du bien commun.
Mme Fournier: Oui.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. M. le député de Vachon.
M. Payne: II y avait une discussion tout à l'heure sur la
situation en Angleterre. Je suis tenté d'enchaîner avec les
considérations émises tout à l'heure. En Angleterre, il y
a à peu près un tiers des écoles qui sont ce qu'on appelle
"voluntary schools", les écoles qui sont subventionnées par
l'État et qui sont ce qu'on appelle les écoles confessionnelles
par rapport aux écoles qu'on appelle "county schools", ou écoles
pluralistes, sur un nombre d'à peu près 31 000 en Angleterre.
Entre parenthèses, il y a une discussion actuellement en Angleterre
touchant les droits des parents, laquelle est fort semblable à ce qui
arrive au Québec à l'heure actuelle.
Vous avez mentionné tout à l'heure le statut des
écoles confessionnelles en Angleterre. Je vois difficilement la
distinction que vous faites entre les écoles confessionnelles en
Angleterre et les écoles confessionnelles telles qu'envisagées
par le milieu anglo-catholique du Québec à travers le projet de
loi 40. J'ai bien saisi la nuance que vous avez apportée, mais vous
pouvez la répéter pour l'intérêt de ceux qui nous
écoutent. Peut-être pourriez-vous juste la résumer et je
pourrai enchaîner avec ma pensée.
M. Krauss: Sans être parfaitement au courant de toutes les
demandes d'une communauté anglo-catholique montréalaise, la
précision est très simple, me semble-t-il: il faudrait que les
écoles soient équivalentes aux "voluntary schools" et soient
volontaires; il ne faudrait pas qu'elles soient involontaires; il ne faudrait
pas que des gens se trouvent dans une école confessionnelle sans vouloir
s'y trouver. C'est précisément ce qui risque de se passer ici et
ce qui ne risque pas de se passer, par définition, dans le cas des
"voluntary schools" lorsqu'on choisit de telles écoles.
M. Payne: C'est vrai qu'elles sont volontaires. On les appelle
"voluntary schools". Mais, en réalité, on construit les
écoles en Angleterre, il y a des écoles qui sont
transformées, il y a des écoles qui sont fusionnées. Les
écoles qui étaient "common schools", les écoles publiques
auparavant, deviennent très souvent des écoles catholiques
confessionnelles. Mais est-ce que vous n'êtes pas en train de couper les
cheveux en quatre lorsque vous essayez de créer une distinction comme,
par exemple, en Angleterre, là où on construit aujourd'hui les
écoles confessionnelles? En ce faisant, on crée une certaines
discrimination envers ceux qui ne vivent pas dans le milieu ou dans la
région. On les invite à aller chercher ailleurs pour respecter
leurs valeurs, qu'elles soient chrétiennes, qu'elles soient non
confessionnelles. Je ne vois aucune différence entre cette situation et
la situation ici au Québec, où les regroupements de parents
s'assoient ensemble et décident de se donner démocratiquement un
statut confessionnel, avec la discrimination implicite que toute
démocratie apporte par sa définition. C'est sûr que cela
dérange ceux qui sont dans la minorité, et peut-être se
sentent-ils mal à l'aise dans le milieu qui est ainsi
créé. Heureusement, ils ont le choix d'aller ailleurs;
heureusement, avec les droits extraordinaires qu'on accorde en matière
de droits confessionnels, ils n'ont pas à aller très loin.
La deuxième considération que j'ai à cet
égard, c'est que, pour les milieux anglophones catholiques... Vous avez
mentionné l'île de Montréal, mais ce n'est pas tellement
là qu'est le problème. Ici, il faut revenir au problème
concret: c'est hors de l'île de Montréal, où le milieu
catholique ne s'identifie pas avec ce que vous avez appelé
l'école pluraliste. À mon avis, vous avez approprié
à votre compte les suggestions de ce matin de la députée
de Jacques-Cartier en disant que, dans le cas des écoles protestantes,
il s'agissait d'écoles pluralistes. Mais je pourrais vous signaler qu'il
y a beaucoup de parents catholiques qui ne s'identifient pas du tout à
l'école protestante. D'abord, s'il faut couper les cheveux en quatre, on
peut dire que, par sa désignation même, l'école protestante
ne fait pas l'affaire de beaucoup de parents catholiques. (20 h 45)
Deuxièmement, comme le député d'Argenteuil l'a
souligné dans le cas des parents, en ce qui concerne les Témoins
de Jéhovah, il n'y a pas beaucoup de protection en matière
confessionnelle pour ceux qui ne sont pas des non-protestants et qui voudraient
participer activement au projet éducatif et à la
démocratisation de notre système scolaire. Je m'explique. Il faut
vivre avec la réalité d'aujourd'hui. D'après l'article 93,
un non-protestant ne peut être élu au sein d'une commission
scolaire protestante. Cela est une discrimination assez grave, si l'on veut
parler des principes, et c'est passé sous silence par la Commission des
droits de la personne.
D'autre part, nous apprenons beaucoup ici à la commission. Nous
avons entendu ici les représentants de l'Église unie qui
étaient en pleine contradiction - je dis cela sans préjugé
- avec la position de la PSBGM en disant: Notre notion d'une école
protestante, ce n'est pas quelque chose qui est imprégné dans la
matière enseignée dans les cours de morale ou confessionnels
protestants, c'est plutôt quelque chose qui imprègne l'ambiance,
l'atmosphère de l'école à travers les valeurs
vécues au jour le jour.
Par contre, lorsque vous faites référence à la
jurisprudence, le cas Perron, souligné par le député
d'Argenteuil, est intéressant parce que - il ne l'a pas dit - on se
référait dans le jugement au cas Hirsch que vous connaissez
très bien. Houle, qui a fait une étude là-dessus, a dit
que le mot "protestant", selon la jurisprudence, dans les statuts
consolidés de 1861, ne pouvait pas être interprété
comme étant non catholique. Il continue: "And so as including Jews
-c'est-à-dire qu'on ne peut pas y inclure la communauté juive -
and that the Protestant community though divided, for certain purposes, into
denominations was itself a denomination and capable of being regarded as - I
quote - a class of persons within Section 93".
C'est très intéressant. Je ne partage pas du tout les
idées émises par M. Krauss, avant le souper, lorsqu'il
suggérait que l'école protestante, aujourd'hui, peut bien
répondre aux besoins recherchés. Au contraire, nous
essayons, par le projet de loi 40, d'aller un peu plus loin, en
suggérant un réseau d'écoles pour le milieu catholique
aussi bien que pour le milieu protestant.
M. Krauss: D'accord. Je ne savais pas que vous aviez
terminé. Alors, très brièvement, je ne crois pas couper
les cheveux en quatre. Je ne connais pas intimement la situation en Angleterre;
je vous cède d'emblée l'expertise dans le domaine. Je ne sais pas
s'il faut que des Anglais déménagent pour aller à une
"common school". Si c'est le cas, je trouverais cela assez déplorable,
comme je trouverais déplorable qu'un Québécois doive
également déménager pour aller à l'école
commune.
Ceci dit, j'aimerais uniquement préciser un point. Je ne trouve
pas que l'école protestante réponde parfaitement aux demandes
d'une école pluraliste aujourd'hui, parce qu'il y manque un apport
précieux, celui des Québécois catholiques.
L'école protestante, actuellement, ne représente pas "a cross
section", un échantillon représentatif de la population
québécoise. C'est précisément pourquoi un
découpage linguistique, qui respecterait la neutralité des
écoles, fournirait une solution à ce genre... L'idéal - en
parlant à titre tout à fait personnel - serait d'envoyer son
enfant à une école où il y aurait des gens d'origines
diverses, y compris, bien sûr, les catholiques qui sont
prédominants dans la province.
M. Payne: La bonne foi, je pense, est très présente
autour de la table de cette commission, mais il faut accoucher d'un projet
quelque part, à partir d'une situation existentielle, tout en tenant
compte des principes consacrés dans la charte internationale des droits
et je l'ai étudiée soigneusement ce matin. Il y a toutes sortes
de choses pour toutes sortes de gens dans la charte internationale des droits,
que ce soit du Canada, du Québec ou internationalement.
J'accepte difficilement que vous disiez que, dans une école
où tous ne seraient pas d'accord avec une confessionnalité
vécue dans le projet éducatif, ce que vous avez appelé
dans votre mémoire un deuxième type de confessionnalité,
nous serions en présence d'une situation nettement discriminatoire. Je
trouve que c'est un jugement de valeur assez grave. Je répète que
cette opinion n'était pas celle de la commission il y a plusieurs
années alors que vous disiez que la mise sur pied
d'établissements confessionnels d'enseignement n'était pas
contraire à la liberté de religion. Je le dis dans le contexte de
mon argument sur la situation en Angleterre.
Mme Caron: Je vais peut-être faire référence
à des principes, mais ce n'est pas pour les laisser dans les airs, c'est
ensuite pour les appliquer de façon concrète. Je pense qu'il faut
faire attention pour ne pas confondre tous les droits et libertés et les
mettre tous dans le même sac pour, ensuite, les tirer comme
ça.
Premièrement, peut-être que le principe le plus ancien, qui
se retrouve dans nos sociétés depuis très longtemps, c'est
la liberté de conscience et la liberté de religion. Ces droits,
ce genre de droits, comme l'a dit la présidente, exigent une abstention
de l'État et c'est un droit que je dirais presque absolu, sauf, par
exemple, si quelqu'un ne veut pas payer ses impôts pour le motif de la
religion. On reconnaît que c'est le genre d'ordre public, de bien public
qui sera autorisé pour aller soutirer les impôts de quelqu'un.
Par opposition à ce qu'on appelle ces droits civils et
politiques, qu'on trouve, entre autres, dans le pacte relatif aux droits civils
et politiques que le Québec a ratifié avec le Canada en 1976,
vous avez une autre catégorie de droits, les droits économiques
et sociaux. On les a dans notre charte et on est le seul pays au monde à
avoir, dans une loi de droit positif interne, des droits économiques et
sociaux. Cela correspond au pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels et ce sont des droits qui exigent que
l'État fasse quelque chose. Mais l'État n'est pas obligé,
comme on l'a dit tantôt, de tout faire tout de suite.
En adhérant au pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, les États s'engagent
progressivement, entre autres, dans la loi à assurer ces droits. Le
droit des parents qui est reconnu dans le pacte relatif aux droits civils et
politiques, c'est le droit que l'État ne les empêche pas d'assurer
l'éducation religieuse de leur enfant. C'est le premier étage,
disons. Mais l'État peut aussi aider financièrement à
assurer l'éducation religieuse des enfants, qu'ils soient catholiques ou
d'une autre confession, mais, en le faisant - et cela, le rapport Parent l'a
dit à peu près dix fois - en aidant financièrement les
parents à assurer l'éducation religieuse de leur enfant, cela ne
doit pas se faire contrairement à la liberté de conscience.
Alors, je pense qu'il y a un niveau dans les droits qu'il faut comprendre et
c'est ce qu'on appelle l'articulation des droits. Quand l'État veut
aider financièrement les parents à établir des
écoles, il peut le faire, mais il ne doit pas le faire contrairement aux
libertés religieuses. Je ne sais pas si cela éclaire la question,
il me semblait que cela répondait un peu à vos questions.
M. Payne: Vous avez dit plus tôt que
vous étiez d'accord au niveau des principes sur la mise sur pied
d'établissements confessionnels, que ce n'était pas contraire
à la liberté de religion. L'idée est que, si tout le monde
est d'accord... D'après moi, ce n'est pas un modèle. Cela irait
plutôt à l'encontre de l'avis du Conseil mondial des
Églises, de la politique de Vatican H, qui prônait plutôt un
modèle d'intégration. Ceux qui fréquentent l'école,
nos élèves, véhiculent les valeurs par chaque souffle de
notre vie. Je ne pense pas que ce soit par une désignation
confessionnelle qu'on puisse propager les valeurs. C'est plutôt par le
vécu de chaque individu. Dans le cas des élèves, ce sont
eux qui, collectivement, forment l'ambiance de l'école. Je
préfère le modèle proposé par le projet de loi 40,
qui donne aux parents la possibilité de s'exprimer d'une manière
générale sur le caractère pluraliste ou confessionnel, le
cas échéant, de l'école, mais, par la suite, en
réalité, je ne pense pas qu'on puisse facilement invoquer la
discrimination à l'égard de ceux qui ne partagent pas
entièrement les valeurs officielles de la majorité.
Pour conclure, je vais vous donner un simple exemple. Si un projet
éducatif est proposé par un regroupement de parents habitant un
certain endroit, à Montréal, qui pourraient représenter
une certaine couleur ethnique à l'école, est-ce qu'on pourrait
vraiment dire que c'est discriminatoire? Ipso facto, on voit quelqu'un qui se
voit démocratiquement peu respecté par le projet éducatif
de cette école parce que la loi a justement prévu une
espèce de précaution, une protection envers la personne qui est
en minorité en ce qui concerne l'aspect moral, enfin, ce qu'on pourrait
appeler le principe d'exemption.
Mme Fournier: Le modèle d'une école où il y
a de l'enseignement religieux et de l'enseignement moral est tout à fait
acceptable, à condition que cet enseignement religieux et cet
enseignement moral, enfin tous les types d'enseignement de cet ordre, soient
offerts en toute égalité. C'est un modèle fort
intéressant parce qu'il permet un pluralisme et il permet le contact de
différentes cultures, de différentes religions. C'est un
modèle fort intéressant, encore une fois, à condition que
les services religieux soient égaux pour tous.
M. Payne: Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le
député de Vachon. Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais vous
remercier de votre mémoire que je trouve extrêmement
intéressant et extrêmement pertinent, parce que, même si
nous sommes loin, au Québec, de la conclusion logique de votre analyse -
je parle de l'école commune dans le plein sens du mot - vous nous avez
donné, je crois, un objectif et un idéal en ce qui concerne les
droits et libertés de la personne, une référence de base
qui pourrait nous servir de guide pour une future évolution de nos
écoles en ce qui concerne les modalités qu'on doit adopter afin
qu'on puisse manifester nos valeurs religieuses et morales dans le plein
respect des valeurs de tout le monde. Entretemps, les principes que vous
défendez doivent servir à nous mettre en garde, à nous
alerter sur le danger qui existe dans le texte du projet de loi actuel. Je
crois qu'il faut être conscient que la réalité, au
Québec, c'est la "norm" - est-ce qu'on emploie ce mot en
français? Je ne le sais pas...
Une voix: La norme. (21 heures)
Mme Dougherty: La norme n'est pas l'école commune dans le
sens que vous l'avez décrite, c'est l'école catholique; c'est
là la norme au Québec. L'école commune est l'exception. Il
arrive, par hasard, que l'école protestante, comme école, a
évolué, parce que l'école protestante a
évolué beaucoup depuis quinze ans, surtout à
Montréal, il arrive que l'école protestante, dis-je, est plus
près de la norme suggérée par la commission, mais cela ne
veut pas dire que les protestants sont plus tolérants, sont plus
vertueux que les catholiques en ce qui concerne les droits et les
libertés de la personne. Il n'est certainement pas réaliste de
penser qu'on peut tout d'un coup imposer une telle solution comme norme au
Québec. Donc, notre problème ici est d'essayer de concilier la
norme québécoise, cela veut dire l'école catholique
traditionnelle, avec les exigences des principes des droits et des
libertés de la personne.
Historiquement, si j'ai bien lu l'histoire du Québec, il y a 150
ans à peu près, quand on a commencé à créer
l'école publique au Québec, on a créé des
écoles communes et on a ajouté cette clause du droit à la
dissidence pour les groupes minoritaires, catholiques ou protestants. C'est sur
cette base que tout le système public a évolué. Il me
semble que les législateurs, à cette époque, ont
manifesté une sagesse extraordinaire, puisqu'ils ont instinctivement
basé leur décision sur la reconnaissance des principes que vous
avez soulignés, même s'il n'y avait aucune charte des droits et
libertés de la personne à cette époque. Je me demande si
on pourrait apprendre quelque chose de cette expérience qui pourrait
être intéressant, et peut-être devrait-on l'examiner afin de
résoudre le problème posé par votre mémoire en ce
qui concerne le respect de la liberté de religion et de
conscience dans nos écoles. Dans le projet de loi actuel, on
retient le droit à la dissidence. J'aimerais vous demander si vous avez
examiné ce droit et l'implication de ce droit à la dissidence qui
a été retenu par le projet de loi et quelles en sont les
implications. Est-ce que vous voyez là une possibilité de
solution qui pourrait concilier la norme catholique ici au Québec et les
principes que vous avez énoncés?
M. Krauss: Voulez-vous indiquer ce que vous entendez par la
dissidence? Celle d'un élève ou la dissidence d'une
école?
Mme Dougherty: Le droit à la dissidence, c'est un droit
individuel, le droit d'un groupe de personnes aussi qui décident de se
retirer de l'école de la majorité pour créer leurs propes
écoles, protestantes ou catholiques.
M. Krauss: S'il n'y a pas de problème de nombre, on se
trouve en plein article 30, me semble-t-il. L'ennui, évidemment, c'est
là où il y a un problème de nombre et que, effectivement,
il y a un monopole pour l'école qui n'est pas commune, dans le sens que
vous l'utilisez. Là, le droit à la dissidence devient un droit
théorique. N'est-ce pas?
Mme Dougherty: Le droit à la dissidence...
Mme Lavoie-Roux: 337.
Mme Dougherty: 337, apparemment. Mais on parle de certains
groupes qui pourraient se servir de ce droit. 332: "Les personnes sous la
compétence d'une commission scolaire dissidente visée à
l'annexe B et les autres personnes qui exercent leur droit à la
dissidence ne sont pas sous le contrôle des commissions scolaires
linguistiques." Avez-vous examiné la possibilité que cet article
résolve le problème, que les principes que vous avez
énoncés soient respectés?
M. Côté (Yves): Dans la solution que vous proposez,
vous renversez le fardeau actuel. Comme vous le disiez, actuellement, la
plupart des écoles du Québec ont été
déclarées confessionnelles, ou catholiques ou protestantes. Ce
que vous proposez, c'est que le gouvernement dans ses lois reconnaisse d'abord
le droit à l'instruction pour tout le monde et forme des écoles
communes. Vous dites: Après cela, si des gens veulent un autre type
d'école, ils ont droit à la dissidence par rapport à cette
école commune. C'est en effet la solution qui a prévalu au tout
début. Ce serait un retour aux sources, autrement dit. Les 450 ans
d'histoire retrouveraient leurs sources. Ce serait une solution possible, mais
nous n'avons pas discuté de cette solution en commission et nous n'avons
pas adopté de position là-dessus.
Mme Dougherty: Personnellement, c'est une suggestion un peu
théorique. Je n'appuie pas les solutions qui vont créer plus de
ghettos que nous n'en avons aujourd'hui. J'aimerais aller dans l'autre sens,
mais, afin de respecter les droits et libertés de la personne, je me
demande si cela pourrait être utilisé par quelques groupes pour
qu'ils trouvent une solution pour eux-mêmes sans subir une
confessionnalité ou un projet éducatif qui ne reflète pas
leurs valeurs.
Mme Caron: J'ai l'impression qu'il y a plus d'une solution
possible, qu'il y en a plusieurs. Il faudrait vraiment examiner ces diverses
solutions et voir leur faisabilité en termes de coûts, de
politiques, etc.
Mme Dougherty: D'accord. J'ai deux questions plus précises
à vous poser. Votre recommandation 4... Non, d'abord, dans la
recommandation 3 de votre résumé, à la page 27, vous
parlez de la reconnaissance explicite du droit des handicapés et de
l'intégration des classes régulières en précisant
les mesures qui rendraient possible l'exercice de ce droit et en
précisant les circonstances qui justifieraient le refus de
l'intégration. À votre avis, et je ne sais pas si la
réponse relève de votre compétence, est-ce que le fait que
les mesures qui rendraient possible l'exercice de ce droit d'intégration
soient inscrites dans la loi oblige automatiquement le gouvernement à
fournir l'argent requis? C'est là le problème. On peut inscrire
toutes sortes de droits dans la loi, mais est-ce que cela oblige le
gouvernement à fournir les ressources nécessaires?
Mme Fournier: En effet, le but en le faisant préciser,
c'est de faire en sorte que ces droits soient circonscrits de telle sorte que
l'on puisse les rendre concrets, qu'on puisse donc exiger qu'ils soient
concrétisés. C'est bien cela.
M. Krauss: En d'autres termes, vous avez raison de dire que, si
on précisait un droit, mais on ne pensait pas au coût, il serait
possible éventuellement pour quelqu'un d'attaquer le gouvernement et de
créer un...
Mme Dougherty: Cela devient un droit théorique.
M. Krauss: Ce ne serait pas théorique. Ce seraient des
coûts imprévus parce que, tout à coup, quelqu'un
poursuivrait, exigerait le respect de son droit et ce seraient des coûts
qu'on n'avait pas prévus. Ce n'était
pas notre but. Notre but était effectivement d'amener le
législateur à préciser l'étendue du droit, à
le conscientiser vis-à-vis du coût que cela impliquerait et
à prévoir les coûts en même temps.
Mme Dougherty: Les coûts sont notre problème et non
le vôtre. Une dernière question. Recommandation 4. Vous
recommandez que la description des services spéciaux offerts aux enfants
handicapés et aux enfants qui éprouvent des difficultés
d'apprentissage soit inscrite dans la loi. Quand on parle des enfants avec des
difficultés d'apprentissage, il y a une foule d'élèves qui
ont des difficultés, non pas en vertu de problèmes
psychologiques, neurologiques, intellectuels, mais ils ont des problèmes
sur le plan de la langue. Ils ne parlent ni le français ni l'anglais.
Ils arrivent ici avec d'autres langues et il y a plusieurs commissions
scolaires qui ont dépensé des milliers de dollars à
essayer de les éduquer. Pour cela, il faut des ressources
supplémentaires, surtout au début. Selon votre analyse,
croyez-vous que la loi doit assurer d'une façon explicite des services
spéciaux pour ces enfants qui ne parlent ni l'anglais ni le
français, parce qu'ils viennent d'ailleurs? Autrement dit, est-ce que
ces enfants, selon vous, doivent être catégorisés comme des
enfants ayant des difficultés d'apprentissage, parce que, autrement, ils
n'auront pas une égalité de chances?
Mme Fournier: Nous avons traité de cette question au point
5, en fait, la recommandation suivante, en reconnaissant
précisément cette difficulté pour des enfants qui
utilisent en particulier une langue essentiellement autre que le
français ou l'anglais. Notre recommandation est qu'il y ait une
obligation d'implanter un programme d'enseignement des langues d'origine selon
certaines conditions.
Mme Dougherty: Des langues d'origine. Mais ce n'est pas la
même chose que les ressources nécessaires pour les
intéresser, pour augmenter leur capacité dans la langue
d'enseignement de l'école.
Mme Fournier: Ah oui! D'accord.
Mme Dougherty: C'est une question très importante parce
que ces enfants n'étaient jamais considérés comme enfants
exceptionnels selon les définitions d'enfants exceptionnels, dans la loi
du Québec.
Mme Caron: Est-ce que vous faites référence
à l'article 10 de la loi, les services de soutien linguistique en
français?
Mme Dougherty: Je ne parle pas des enfants qui sont
obligés de fréquenter les écoles françaises
à cause de la loi 101. C'est autre chose. Je parle des enfants grecs,
des enfants haïtiens, qui ne peuvent parler ou écrire. Ils n'ont
jamais fréquenté d'école. Je parle des Vietnamiens, des
Chinois, qui viennent ici sans français, sans anglais et qu'il faut
intégrer dans nos écoles.
Mme Caron: II me semble que l'article 10 répond à
votre question. On dit: "Les services de soutien linguistique en
français sont des services particuliers d'enseignement destinés
à l'élève non admissible aux services d'accueil, inscrit
à l'enseignement en français pour la première fois et qui,
de l'avis de ses parents ou du personnel de l'école, ne possède
pas une connaissance usuelle du français." Cela me semble, du moins ce
que j'en comprends, répondre à votre question. (21 h 15)
Mme Dougherty: Peut-être que cela s'applique à ces
enfants. J'ai l'impression que j'ai interprété cela comme pour
les enfants dans la loi 101.
M. Krauss: II y a les articles 9 et 10.
Il ne faut pas confondre les articles 9 et 10. Il y a l'article 9 qui
concerne les services d'accueil pour les enfants qui ne sont pas admissibles
à l'école anglaise en vertu de la Charte de la langue
française. Il y a l'article 10 qui concerne les services de soutien
linguistique. Cela relève d'un autre point de notre mémoire qui
disait "que tous ces services sont des services éducatifs autres que les
services d'enseignement".
Nous avons souligné - je pense que le ministre en a tenu compte
dans ses réponses qu'il y a un problème d'interprétation
actuellement. L'article 14 semble donner droit seulement au service
d'enseignement et non aux autres services éducatifs tels ceux
mentionnés à l'article 10 qui vous intéresse. Si on relie
cela à l'article 199, qui énonce les obligations de la commission
scolaire, celle-ci est obligée d'offrir les services indiqués
à l'article 14, mais l'article 14 ne comprend pas nécessairement
les services éducatifs autres que celui de l'enseignement. Je pense que
nous avons, mais d'une façon bien différente ou avec une
méthode différente de celle que vous suggérez,
traité de ce cas lorsque nous avons prôné le changement
à l'article 14.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de Jacques-Cartier. Mme la députée de
L'Acadie nous a demandé d'intervenir de nouveau. Elle dispose d'un
maximum de trois minutes.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Blouin): Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je vais essayer d'être très
brève. Est-ce que vous avez examiné la proposition à
l'article 145, touchant l'élection des commissaires? On dit: "Tout
électeur peut être élu commissaire d'une école
située sur le territoire d'une commission scolaire où se trouve
son domicile." Est-ce que vous l'avez examinée en fonction, justement,
du respect des dispositions de la Charte des droits et libertés de la
personne? Est-ce qu'un suffrage universel, tel qu'on le connaît au niveau
d'un territoire, ne créerait pas un accroc à la charte, alors
qu'on doit voter dans le cas d'une école située sur son
territoire? Si, par hasard, toutes les écoles étaient
déclarées comme ayant un statut confessionnel catholique, est-ce
qu'il ne serait pas mieux qu'on en revienne à un suffrage universel au
niveau d'un territoire pour la commission scolaire et non pas rattaché
à chacune des écoles? Avez-vous examiné cela?
Mme Fournier: Pour répondre à votre question
brièvement, non, nous n'avons pas examiné cet article.
Effectivement, notre proposition de retirer les articles 31 et 32, dont on
parlait, résoudrait votre problème. Le problème que vous
soulevez, je crois, est lié au fait que les commissaires seraient
élus dans des commissions scolaires dont dépendraient des
écoles confessionnelles.
Mme Lavoie-Roux: Mais si on part de la prémisse qu'on
conserve l'article 132, le raisonnement qu'on a fait tout à l'heure
ensemble pour dire qu'il n'y aurait pas de discrimination si on le donnait
à la minorité des écoles neutres... Il pourrait se trouver
que l'école neutre soit... Je suppose qu'on pourrait aller voter pour
l'école, même si elle n'est pas sur son territoire. Il faudrait
d'autres dispositions, sinon... En tout cas, c'est un autre problème.
Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. M. le député de
Mille-Îles.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le
Président. Je veux remercier les représentants de la Commission
des droits de la personne de s'être présentés devant nous.
C'est réellement stimulant que de vous entendre. C'est aussi
idéalisant de vous entendre parler de principes, de droits fondamentaux.
Je pense que vous avez absolument raison de venir éclairer la commission
sur les droits fondamentaux à l'éducation, à
l'instruction, à l'égalité pour tous.
Il y a une chose que je voudrais que vous explicitiez et ma question va
tourner autour de ceci. Jusqu'à quel point le législateur est-il
obligé d'insérer dans un projet de loi un droit si, dans le
concret, dans la pratique, on n'est pas capable d'appliquer ce droit? Je vais
vous donner des exemples. Il est sûr que c'est un idéal que vous
nous proposez aujourd'hui. Je voyais vos recommandations. Entre autres, la
Commission des droits de la personne recommande: Quatrièmement, la
description des services spéciaux offerts aux enfants handicapés
ou qui éprouvent des difficultés d'apprentissage. Je pense que
c'est un idéal et je pense que ce serait bon que les enfants
handicapés qui ont des difficultés d'apprentissage aient tous les
services possibles.
J'en vois une autre: Cinquièmement, l'obligation d'implanter un
programme d'enseignement des langues d'origine là où le nombre
d'enfants le justifie. Je suis d'accord. Si, par exemple, il y a assez de
Portugais, d'Espagnols, de Chinois ou de Polonais à un endroit, on
devrait faire en sorte de leur donner la chance d'avoir un programme
d'enseignement de cette langue; je pense que c'est un idéal.
Il y en a encore une autre, l'indication que le projet éducatif
doit comprendre l'éveil aux valeurs culturelles des composantes de la
population du Québec. Ce matin, vous disiez: Ceux qui ont droit à
un enseignement catholique ou protestant, pourquoi ceux qui ne veulent pas
avoir cet enseignement n'auraient pas d'autre genre d'enseignement, entre
autres, un enseignement à l'éveil des valeurs culturelles?
Madame, je suis d'accord, c'est un bel idéal, mais si moi, comme
législateur, j'incorpore dans le projet de loi 40 ces obligations de
droits, dans un article, si moi, comme législateur, je ne suis pas
capable de concrétiser dans la pratique le droit qu'on annonce,
jusqu'à quel point suis-je obligé de le mettre dans le projet de
loi?
Autre chose: Si la société québécoise ne
peut pas se permettre de donner ces services à toute la
communauté dans un élan d'idéal, de respect des droits
à l'égalité des libertés individuelles, comment le
législateur, jusqu'à un certain point, est-il obligé de
mettre dans un projet de loi des droits fondamentaux qu'il ne peut pas
concrétiser?
M. Krauss: M. le député, ceci dit avec
énormément de respect, je pense que l'ennui pour nous, lorsqu'on
qualifie très gentiment nos propositions d'idéal, c'est de les
mettre immédiatement au rancart parce que le terme même implique
que ce n'est pas faisable. Or, il y a vraiment désaccord parce que nous
n'aurions pas fait de recommandations que nous pensions irréalisables.
Je pense que ces recommandations sont idéales dans le sens restreint du
mot "idéal", en ce qu'elles incorporent des idéaux auxquels croit
le
législateur québécois, puisque vous avez
vous-mêmes adopté la Charte des droits et libertés de la
personne.
Vous savez, il y a bien des gens qui ont reproché au
législateur québécois d'avoir été trop
idéaliste dans le passé au sujet de certaines lois qui
étaient des lois de principe auxquels il croyait
énormément et de ne pas s'être arrêté,
à cause d'obstacles pratiques, pour mettre à l'épreuve ces
principes. Il devient difficile de dire tout à coup qu'il y a des
obstacles pratiques lorsque, dans le passé, on a fait preuve
d'idéalisme à plusieurs reprises, idéalisme dans le sens
restreint; je pense qu'il n'y a rien de féerique dans nos
recommandations.
M. Champagne (Mille-Îles): Enfin... Madame, je pense,
a...
Mme Fournier: II faut se souvenir qu'il y a une distinction entre
les recommandations 1 et 2, où on établit qu'il y a vraiment une
contradiction par rapport à la charte, donc cela demande une
modification précise. En ce qui concerne les autres droits, nous
considérons qu'il s'agit là de droits économiques et
sociaux et, nous en avons discuté tout à l'heure, il s'agit
effectivement de droits relatifs. Nous croyons que ce que nous suggérons
sont des choses faisables, ce sont des choses qui doivent être
implantées, sinon, par exemple, les droits des enfants handicapés
ou des enfants en difficulté ne seront pas convenablement
exercés. Les suggestions que nous faisons, nous les faisons d'une
façon assez globale. Comme je le disais tout à l'heure, je pense
que l'office y arrive avec plus de précision. Cela démontre
justement que c'est possible. Effectivement, il y a un coût social
à ce genre de recommandations et nous en sommes conscients. Nous pensons
- c'est notre avis - que c'est un coût raisonnable qui doit être
absorbé par la collectivité québécoise. Mais nous
sommes conscients du fait que cela entraîne un coût social.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Mille-Îles. M. le député de
Saint-Henri, en conclusion.
M. Hains: J'ai beaucoup apprécié vos discussions et
vos échanges de haute voltige, autant légalistes que
casuistiques. C'est fort intéressant et fort passionnant.
Je veux toutefois vous poser un cas de conscience, un cas bien
particulier et j'espère que vous serez, comme toujours, de bons
directeurs de conscience. Voilà mon petit cas. Je prends mon ancienne
école, qui était d'à peu près 500 à 600
élèves; elle s'appelle l'école
Coeur-Immaculé-de-Marie. Tout de suite, vous voyez le caractère
religieux de l'école.
À l'époque, une dizaine d'enfants avaient demandé
une exemption, soit qu'ils étaient d'une autre religion ou qu'ils
étaient sans religion. Ils suivaient alors des cours de morale. La
situation n'a pas tellement évolué aujourd'hui; cela fait
déjà trois ou quatre ans de cela et ils sont maintenant une
centaine d'enfants à demander une exemption. Cela va? Alors, je ne sais
pas, il y a une élection ou quelque chose, les parents ont à
définir le nouveau statut. Ils demandent, évidemment -ils sont
beaucoup plus nombreux - d'avoir un statut d'école catholique, et ils se
proposent, en même temps, de faire un projet éducatif religieux.
Est-ce que, à ce moment-là, le statut d'école
confessionnelle religieuse pourrait être obtenu si des parents dissidents
invoquaient la discrimination illicite, selon vos dires et d'après la
Commission des droits de la personne du Québec? Est-ce qu'ils pourraient
obtenir le droit d'avoir une école confessionnelle catholique, à
cause des parents dissidents qui ne veulent pas accepter et qui se disent
menacés dans leurs droits?
Le Président (M. Blouin): Mme Fournier.
Mme Fournier: Je vais passer la parole à M. Yves
Côté.
M. Côté (Yves): Votre point de départ se
situe dans la loi actuelle et non pas dans le projet de loi 40. Alors, je pense
qu'il faudrait faire la distinction.
M. Hains: Bien non. Là, je parle un petit peu... En tout
cas, réglez-moi cela. Je vous laisse le cas de conscience.
M. Côté (Yves): Je ne suis pas sûr de pouvoir
régler le cas, mais je pense que, si le cas était apporté
à la Commission des droits de la personne ou à un juge, par
exemple, si les parents ne veulent pas du projet éducatif, on devrait
regarder les choses suivantes: Quel est le degré d'intégration de
la religion dans votre école? Est-ce que votre...
M. Hains: Quatrième degré.
M. Côté (Yves): Quatrième. Alors, je pense
que, si les activités de l'école portaient véritablement
atteinte à la liberté religieuse de 100 personnes - parce qu'on
est rendu à 100 sur 500, cela fait tout de même 20% - et si la
preuve se faisait que leur liberté religieuse est atteinte, oui, je
pense qu'il y aurait de la place pour une plainte légitime de
discrimination fondée sur la religion.
M. Hains: Alors, ce qui arrive, à ce moment-là,
c'est que les parents catholiques, à leur tour, disent qu'ils sont
brimés dans
leur liberté; ils vont peut-être jouer un petit peu en
même temps sur leur majorité qui est presque de 80%; et ils
demandent, à leur tour, de porter... Alors, celui qui va régler
le problème, ce serait donc une cour...
M. Côté (Yves): Est-ce que je pourrais vous poser le
problème à l'envers?
M. Hains: Oui.
M. Côté (Yves): Si, dans votre école, par
exemple, il y avait une majorité de gens... Renversez votre
majorité et supposons, à titre d'exemple, que les parents en
majorité décident de faire une école à
idéologie marxiste-léniniste et qu'il y a 100 catholiques dans
votre école. Pensez-vous que les 100 catholiques auraient raison de se
plaindre et de prétendre qu'on porte atteinte à la liberté
religieuse?
M. Hains: Écoutez, le cas de conscience, c'est moi qui
vous l'ai soumis et là, vous le retournez de bord! Mais c'est bon quand
même, je vous comprends très bien. Alors, quelle serait la
solution? De porter le cas devant un tribunal ou, enfin, devant votre
commission, ou quelque chose de semblable? C'est ça?
Le Président (M. Blouin): Cela va.
M. Hains: Bon.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
M. Hains: Oui, cela va. C'était juste...
Le Président (M. Blouin): Merci.
M. Hains: ...un cas bien personnel que je voulais soumettre.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: Merci.
Le Président (M. Blouin): Alors, cela complète les
échanges entre les membres de la commission et les représentants
de la Commission des droits de la personne du Québec. Sur ce, je les
remercie d'avoir participé aux travaux de notre commission.
J'invite maintenant les représentants de l'Office des personnes
handicapées du Québec à bien vouloir s'approcher et
prendre place à la table de nos invités. Je leur rappelle donc
qu'ils procéderont à une présentation de leur
mémoire en une vingtaine de minutes et que, ensuite, nous
procéderons aux échanges entre les membres de la commission et
nos invités. Et afin de leur permettre de s'avancer et que la table se
libère, nous allons suspendre nos travaux pour une minute ou deux tout
au plus.
(Suspension de la séance à 21 h 30)
(Reprise de la séance à 21 h 31)
Le Président (M. Blouin): Nous reprenons nos travaux.
J'invite donc maintenant les représentants de l'Office des
personnes handicapées à bien vouloir d'abord s'identifier et
ensuite à nous livrer le contenu de leur présentation.
Office des personnes handicapées
Mme Robillard (Laurette): Mon nom est Laurette Robillard, je suis
la présidente de l'Office des personnes handicapées du
Québec. Je vous présente mes collègues: à ma
droite, M. Jean-Pierre Lukowycz, membre du conseil d'administration de l'Office
des personnes handicapées, membre de notre comité
exécutif, parent d'un enfant multihandicapé, membre du
comité de l'office qui a étudié le projet de loi,
comité qui était composé également de
représentants des associations de persqnnes handicapées; à
ma gauche, M. Roch Gadreau, agent de recherche à l'Office des personnes
handicapées et auteur du mémoire qui a été
déposé à la commission.
Je souligne la présence du ministre responsable de l'Office des
personnes handicapées, M. Lazure, et cela m'amène par
anticipation aux critiques de M. Ryan vis-à-vis de la commission tout
à l'heure, à préciser le rôle de l'Office des
personnes handicapées et à indiquer pourquoi un organisme
gouvernemental, qui est en mesure de faire des recommandations par le
parrainage de son ministre responsable, tenait beaucoup à faire cette
présentation et à utiliser cette tribune pour rappeler, dans le
cadre d'un important projet de loi, les besoins d'une clientèle
particulièrement défavorisée même avec les garanties
que les enfants handicapés possèdent dans les lois actuelles.
Les opinions que nous présentons sont le résultat de
consultations de l'office avec les organismes qui représentent les
parents d'enfants handicapés et se situent dans la suite logique d'un
mémoire déjà présenté en différentes
occasions en réaction sur le livre blanc, l'école communautaire
et responsable, en réaction à des propositions de relance et de
renouveau en regard de la formation professionnelle des jeunes et aussi,
toujours dans la suite logique de nos représentations aux travaux de la
commission d'étude sur la formation des adultes; toujours aussi dans la
même ligne de pensée que la proposition de politique d'ensemble
À part... égale présentée, proposée plus
tôt cette semaine à
tous les décideurs du Québec.
C'est aussi le rôle de l'office de défendre et de
représenter les intérêts des enfants handicapés qui
ont été exclus sans motif valable de services éducatifs
même dans le cadre des garanties que la loi actuelle leur donnait et
où nous sommes impliqués comme organisme gouvernemental, avec nos
ressources, pour réaliser l'intégration scolaire de plusieurs
enfants vis-à-vis des réticences, vis-à-vis des
barrières dans leur milieu.
Je tiens aussi à faire remarquer aux personnes présentes
qu'en accord avec les organismes provinciaux de promotion, notamment
l'association du Québec pour les enfants qui ont des problèmes
auditifs, l'Office des personnes handicapées a offert, au cours des
séances d'aujourd'hui, pour le bénéfice des
téléspectateurs sourds et malentendants, l'interprétation
en langage gestuel des échanges que nous avons ce soir et de ceux qui se
sont déroulés avec la Commission des droits de la personne. C'est
un exemple qu'on voit sur le moniteur et que les spectateurs de ces
débats auront vu. On espère que ce précédent
à nos frais sera poursuivi par d'autres.
Le Président (M. Blouin): Nous tenons d'ailleurs à
vous en remercier, madame.
Mme Robillard: Je vous présente une synthèse de
notre mémoire et je terminerai en faisant une allusion, un rappel des
recommandations de notre proposition de politique d'ensemble.
L'Office des personnes handicapées du Québec
s'intéresse vivement aux propositions du ministre de l'Éducation
concernant la restructuration du système scolaire
québécois. Depuis sa création et dans chacune de ses
prises de position sur l'école québécoise, l'Office des
personnes handicapées du Québec cherche à défendre
le même objectif. Les personnes handicapées doivent pouvoir avoir
accès aux services dont elles ont besoin à l'école et dans
les classes régulières ou, lorsque c'est impossible, dans le
contexte qui s'en rapproche le plus possible.
Depuis quelques années, les politiques québécoises
concernant l'éducation primaire et secondaire ont évolué
vers une meilleure reconnaissance du droit des élèves
handicapés à une éducation de qualité. En 1978, la
Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées modifiait
la Loi sur l'instruction publique pour leur garantir l'accès aux
services dont ils ont besoin. Dans ses énoncés de politique, en
1978 et en 1979, le ministère de l'Éducation précisait
clairement le droit des élèves en difficulté d'adaptation
et d'apprentissage d'avoir accès à un système public
d'éducation pour y recevoir une éducation de qualité dans
le contexte le plus normal possible.
À la conférence socio-économique sur
l'intégration des personnes handicapées de décembre 1981,
le ministre de l'Éducation s'engageait à réviser la loi,
si nécessaire, pour clarifier les responsabilités des commissions
scolaires. Les échanges que les représentants de l'office ont eus
avec ceux du ministère dans le cadre de la rédaction de "À
part... égale", rendu public plus tôt cette semaine, ont permis de
préciser encore davantage les garanties qui doivent être offertes
aux élèves handicapés quant à la qualité des
services mis à leur disposition.
Or, l'Office des personnes handicapées du Québec
s'interroge sur l'absence de ces garanties dans la version actuelle du projet
de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public. Les notes
explicatives du projet de loi reconnaissent à l'enfant le droit à
des services éducatifs qui contribuent à sa formation, favorisent
son insertion sociale et lui permettent de développer son autonomie, son
jugement personnel et son sens des responsabilités morales et
sociales.
L'article 30 précise de plus que l'école est publique et
commune, mais rien n'indique comment ces énoncés
généraux se traduiront dans la réalité pour les
élèves handicapés. On ne retrouve, en effet, aucune
précision sur les mesures qui doivent être prises pour leur
assurer les services éducatifs de qualité auxquels ils ont droit.
Le projet de loi ne précise pas non plus le droit aux
élèves handicapés de recevoir leur scolarisation dans
l'école et dans la classe régulière. Il contient trop de
portes de sortie qui pourraient permettre à des directions
d'école ou de commission scolaire de se dégager de leur
responsabilité d'intégrer le plus possible les
élèves handicapés.
Face à cette possibilité, le Protecteur du citoyen
n'apparaît pas comme le meilleur recours pour que les parents obtiennent
réponse aux besoins spécifiques de leur enfant. Par ailleurs,
dans la version actuelle du projet de loi, les parents d'élèves
en difficulté d'adaptation et d'apprentissage ont des garanties
inférieures à celles qui sont offertes aux parents
d'élèves qui n'ont pas de déficience quant à leur
droit de participer aux décisions qui concernent leur enfant. Comme ils
sont largement minoritaires, ils ne pourront que difficilement se faire
élire au sein des conseils d'école et des conseils
d'administration des commissions scolaires. Ils n'auront accès
directement qu'aux comités consultatifs des services aux
élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, sur
lequel rien n'indique qu'ils seront majoritaires. Le projet de loi ne
précise pas non plus qu'ils pourront administrer les écoles
spéciales prévues pour leur enfant puisque l'article 33 attribue
au ministre le pouvoir d'en établir le mode d'administration.
Finalement, le projet de loi ne précise pas que les élèves
en difficulté pourront avoir
accès aux services de transport dont ils ont besoin. Pour
certains, il faut prévoir un transport adapté. Pour d'autres, qui
doivent se déplacer à l'extérieur du territoire de leur
commission scolaire, il faut prévoir le remboursement des
dépenses que leurs parents doivent alors encourir. C'est une question
d'égalisation des chances.
Pour combler ces lacunes du projet de loi, pour qu'il assure une
meilleure réponse aux besoins des élèves handicapés
et reconnaisse aux parents de ces élèves le droit de participer
aux décisions qui concernent leur enfant, le mémoire de l'Office
des personnes handicapées propose des modifications à une
quarantaine d'articles du projet de loi. Ces propositions peuvent être
regroupées autour des recommandations suivantes: Premièrement,
qu'on inclue dans la Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public des
définitions de déficience, incapacité et handicap pour
dissiper les confusions qui persistent entre des difficultés
d'adaptation et d'apprentissage, d'une part et une déficience ou
limitation fonctionnelle qui commande une adaptation de la pédagogie et
des services de soutien, d'autre part. Je vais un peu ajouter sur cette
question. Pour l'office, c'est une question fondamentale. C'est le squelette de
notre proposition de politique et, on pense, un moyen de faire un partage des
responsabilités et aussi de démystifier, dans certains cas,
l'étendue des ressources qui peuvent être affectées
à répondre à certains besoins.
Les définitions qui sont développées dans la
proposition de politique de l'office, je les reprends. La déficience,
c'est la perte, la malformation ou l'anomalie d'un organe, d'une structure ou
d'une fonction mentale psychologique, physiologique ou anatomique. Elle est le
résultat d'un état pathologique objectif, observable, mesurable
et pouvant faire l'objet d'un diagnostic. L'incapacité ou la limitation
fonctionnelle, c'est toute réduction résultant d'une
déficience partielle ou totale de la capacité d'accomplir une
activité d'une façon ou dans les limites
considérées comme normales pour un être humain. Le handicap
est dissocié, à ce moment, de la personne. C'est le
désavantage social pour une personne qui résulte d'une
déficience ou d'une incapacité et qui limite ou interdit
l'accomplissement de ses rôles sociaux reliés à
l'âge, au sexe, au facteur socioculturel. Le mémoire de l'office
s'adresse, bien sûr, à l'appellation d'élèves
handicapés plutôt qu'à l'appellation plus globale, plus
englobante d'élèves en difficulté d'apprentissage ou
d'adaptation.
Deuxième recommandation de l'office. Qu'on inclue dans la loi des
dispositions pour que soient rendus disponibles pour les élèves
handicapés qui en ont besoin des plans d'intervention pour
l'accès aux services éducatifs; que ces plans d'intervention
soient préparés par une équipe multidisciplinaire et
détermine pour chaque élève handicapé quelles
adaptations doivent être apportées aux services éducatifs
qui lui sont offerts; lorsque nécessaire, quel service d'enseignement et
quels services complémentaires spécialisés doivent lui
être offerts, les aides techniques qui sont mis à sa disposition,
les mesures qui doivent être prises pour assurer l'intégration
maximale de l'élève handicapé dans la classe ou dans
l'école régulière et, le cas échéant, dans
une ressource qui répond le mieux à ses besoins.
Cette question de plan d'intervention individuelle, je pense, reprend
une des objections que M. Laurin avait tout à l'heure vis-à-vis
d'une demande de la commission des droits où le ministre disait que les
critères établis au niveau régional ou que l'autonomie du
milieu pouvait tenir compte de situations particulières de chaque
personne handicapée. À ce moment, l'adoption de ce plan
d'intervention, une garantie dans la loi que ce plan d'intervention pourrait
s'adresser à chaque élève handicapé, ferait
justement que le milieu pourrait répondre aux besoins, mais le faire
aussi dans une rationalisation des ressources. (21 h 45)
Troisième recommandation de l'office. Que la loi précise
clairement le droit pour les élèves en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage de recevoir les services éducatifs qui
répondent à leurs besoins dans le contexte le plus normal
possible et qu'à cette fin l'enseignant, l'école ou la commission
scolaire qui ne peut accueillir un élève handicapé dans la
classe ou dans l'école régulière ait à donner par
écrit les motifs de sa décision.
Quatrième recommandation: Que la loi précise le devoir
pour chaque école d'inclure dans son projet éducatif les
éléments propres à assurer l'intégration maximale
des élèves handicapés sur son territoire.
Cinquième recommandation: Que le ministre de l'Éducation
en revienne à sa proposition, contenue dans le livre blanc
"L'école québécoise, une école communautaire
responsable", quant à la création d'un poste de protecteur de
l'élève.
Sixième recommandations: Que le ministre de l'Éducation
confie l'administration des écoles à vocation régionale ou
suprarégionale à un conseil d'école, selon les
modalités prévues pour l'ensemble des écoles.
Septième recommandation: Que le comité prévu pour
les services aux élèves en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage soit décisionnel plutôt que consultatif; qu'il
soit formé majoritairement de parents de ces élèves et
qu'il puisse déléguer un représentant au conseil
d'administration de la commission scolaire.
Huitième recommandation: Que la loi
précise le devoir de la commission scolaire d'organiser un
transport adapté pour les élèves handicapés qui en
ont besoin et de défrayer les coûts de déplacement des
élèves handicapés qui doivent fréquenter une
école à l'extérieur de leur territoire.
L'Office des personnes handicapées considère qu'il est
important que ces dispositions soient incluses dans la future Loi sur
l'enseignement primaire et secondaire public. La formulation actuelle des
articles du projet de loi qui concernent les élèves
handicapés n'exclut pas que les services soient offerts, mais elle ne
donne pas de garantie qu'ils le seront. Or, l'expérience démontre
que cette imprécision permet à de nombreux intervenants des
écoles et des commissions scolaires de se défiler de leurs
responsabilités à l'égard des élèves
handicapés.
Le ministre avait souscrit à cette analyse de la situation en
prenant l'engagement, à la Conférence socio-économique sur
l'intégration des personnes handicapées, d'apporter des
précisions à la loi pour clarifier les responsabilités des
commissions scolaires. Celles-ci s'étaient alors engagées - un
des engagements les plus importants du sommet - à justifier
obligatoirement le retrait d'un enfant si un motif sérieux
empêchait son maintien dans une classe. L'Office des personnes
handicapées du Québec espère vivement que le ministre de
l'Éducation donnera suite à ces engagements, en apportant les
précisions nécessaires dans la Loi sur l'enseignement primaire et
secondaire public.
Je vais faire un bref rappel des recommandations du chapitre des
services éducatifs, dans la proposition de politique d'ensemble de
l'office, pour compléter les recommandations que je viens de
présenter. L'office identifie un certain nombre de moyens à
mettre en oeuvre pour garantir aux enfants handicapés les services
éducatifs auxquels ils ont droit. Parmi ces moyens, nous tenons à
mentionner que, dans une optique de prévention des troubles
d'apprentissage et de planification des services, il est nécessaire que
la commission scolaire mette sur pied un mécanisme de
référence obligatoire avec le département de santé
communautaire pour identifier les enfants handicapés qui auront des
besoins spéciaux à l'âge scolaire. Il est nécessaire
de clarifier les responsabilités des commissions scolaires et des
écoles à l'égard des enfants en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage dans le cadre du plan de services,
l'utilisation de plans d'intervention en services éducatifs comme outils
de planification et de coordination pour les élèves qui en ont
besoin, la réponse aux besoins des enfants handicapés dans le
projet éducatif de l'école et la participation des parents. C'est
la responsabilité de la commission scolaire et de l'école de
démontrer leur impossibilité d'offrir des services à un
enfant handicapé, le cas échéant.
L'office est convaincu que la mise en place de telles mesures est de
nature à favoriser grandement l'accès aux services
éducatifs pour les élèves handicapés. Comme vous le
savez, notre concours est assuré aux fonctionnaires du ministère
de l'Éducation qui sont représentés au conseil
d'administration de l'office pour proposer des solutions et des
modalités raisonnables. Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme
Champigny-Robillard. M. le ministre.
M. Laurin: Je salue d'abord avec plaisir l'Office des personnes
handicapées du Québec dont il me fait plaisir de
reconnaître et de souligner, à l'occasion de la
présentation de leur mémoire, l'apport considérable,
essentiel et précieux qu'il a apporté à
l'amélioration de la condition des personnes handicapées au
Québec. Il était compréhensible, normal, qu'à
l'occasion de la révision de la loi actuelle sur l'instruction publique
l'Office des personnes handicapées nous présente tout un train de
recommandations dans la foulée de son travail afin d'améliorer
encore davantage la condition de ces personnes handicapées qui
fréquentent l'école québécoise.
Il va sans dire que j'ai lu avec un vif intérêt ce
mémoire et que j'apporterai une très grande attention aux quelque
40 recommandations qui nous sont soumises.
D'abord, pour donner suite aux recommandations de l'office, il
m'apparaît utile de rappeler les aménagements proposés par
le gouvernement dans le projet de loi 40. Au départ, pour
éliminer toute ambiguïté, je tiens à vous signaler
mon intention de modifier le libellé des articles 14, 97 et 204 afin de
répondre aux inquiétudes des organismes qui oeuvrent dans le
domaine des services aux personnes handicapées ou aux personnes qui
souffrent de difficultés d'apprentissage.
Le deuxième alinéa de l'article 14 sera modifié de
façon à reconnaître explicitement le droit aux services
complémentaires et particuliers prévus dans le chapitre 1 du
projet de loi, mais dans la mesure déterminée par la commission
scolaire en fonction des besoins propres des personnes concernées.
L'article 97 qui énonce le pouvoir du directeur d'école
d'intégrer dans une classe ordinaire une personne en difficulté
d'apprentissage ou handicapée sera aussi modifié de
manière à faire obligation au directeur de l'école
d'établir un plan d'intervention adapté aux besoins de chaque
personne handicapée ou en difficulté d'apprentissage, plan
d'intervention qui devra
favoriser l'intégration dans les classes ou activités
ordinaires et qui sera établi après consultation de
l'élève concerné, de ses parents et du personnel en
cause.
Enfin, l'article 204 sera aussi modifié de manière
à faire obligation à la commission scolaire d'établir sur
recommandation d'un comité consultatif des services aux
élèves handicapés ou en difficulté d'apprentissage,
obligation, donc, à la commission scolaire d'établir les normes
sur l'organisation des services éducatifs à ces
élèves qui favorisent leur intégration dans les classes ou
activités ordinaires.
Ces clarifications faites, les orientations du gouvernement concernant
l'accès des personnes handicapées ou qui souffrent de
difficultés d'apprentissage aux services éducatifs auxquels elles
ont droit apparaissent plus explicites.
L'article 14 amendé du projet de loi 40 garantira donc à
toute personne handicapée ou qui éprouve des difficultés
d'apprentissage le droit à des services de formation et d'éveil
au préscolaire et à des services d'enseignement au primaire et au
secondaire. Cette personne aura aussi droit aux services éducatifs
complémentaires et particuliers prévus dans le chapitre 1 du
projet de loi, dans la mesure déterminée par la commission
scolaire, en fonction des besoins propres des personnes concernées.
Pour assurer à la personne handicapée ou qui souffre de
difficultés d'apprentissage l'exercice de ces droits éducatifs
dans un contexte le plus normal possible, l'article 204 fera obligation
à la commission scolaire d'établir, sur recommandation d'un
comité consultatif composé de représentants des parents de
ces élèves, du personnel en cause et des organismes qui ont une
expérience dans la prestation des services à ces
élèves, des normes sur l'organisation des services
éducatifs aux personnes handicapées ou qui souffrent de
difficultés d'apprentissage, normes qui favoriseront leur
intégration dans les classes ou activités ordinaires.
Lorsque, dans le cadre de ces normes d'organisation des services
éducatifs aux personnes handicapées ou qui souffrent de
difficulté d'apprentissage, un élève est inscrit dans une
école ordinaire, le directeur de cette école devra donc
établir, en vertu de l'article 97, un plan d'intervention adapté
à chaque élève, qui favorise son intégration dans
une classe ou une activité ordinaire chaque fois qu'une telle mesure est
jugée possible et propre à faciliter l'insertion sociale de
l'élève et ses apprentissages. Ce plan d'intervention devra
être établi après consultation de l'élève, de
ses parents et du personnel en cause.
Cet aménagement des droits éducatifs des personnes
handicapées ou qui éprouvent des difficultés
d'apprentissage nous paraît de nature à permettre la poursuite de
l'objectif énoncé par l'office, à savoir que les personnes
handicapées doivent avoir accès aux services dont elles ont
besoin à l'école et dans les classes ordinaires ou, lorsque c'est
impossible, dans un contexte qui s'en rapproche le plus possible.
Vous suggérez, en outre, que soit inscrit dans la loi un droit
à l'intégration pour les personnes handicapées,
accompagné d'une obligation faite à la commission scolaire,
obligation balisée par des conditions bien identifiées dans la
loi. Cependant, nous sommes d'avis que les dispositions du projet de loi 40
arrivent aux mêmes fins. Le gouvernement favorise cette
intégration dans toute la mesure du possible, mais considère, en
même temps, que l'intégration est une modalité
d'organisation des services éducatifs qui doit être
appliquée en tenant compte de la situation personnelle de chaque
personne handicapée ou qui souffre de difficulté
d'apprentissage.
Par ailleurs, chaque fois que la décision est prise
d'intégrer une personne handicapée dans une classe ou une
activité ordinaire, les mesures qui rendent possible cette
intégration doivent être adaptées aux besoins particuliers
de la personne concernée. Le projet de loi 40 ne précise pas, non
plus, les services spéciaux à offrir aux personnes
handicapées ou qui souffrent de difficulté d'apprentissage. Ici
encore, le gouvernement estime qu'il appartient aux organismes scolaires de
choisir les mesures les plus adaptées aux besoins de chaque personne
concernée.
Il faut noter, en outre, les améliorations apportées par
le projet de loi 40 au titre de la participation des élèves
handicapés, de leurs parents, du personnel concerné et des
organismes spécialisés dans la dispensation de ces services. Nous
croyons que ces aménagements permettront la détermination de
normes d'organisation des services éducatifs et de plans d'intervention
individuels adaptés aux besoins de chaque élève, plus
conformes aux besoins des personnes concernées et aux demandes des
parents.
Par ailleurs, bien qu'il ne propose pas de fixer dans la loi les
services spéciaux à offrir aux personnes handicapées ni
les mesures devant accompagner l'intégration de ces personnes dans des
classes ordinaires, le gouvernement fournit aux commissions scolaires et aux
écoles le soutien et l'aide financière pour les aider à
exercer les importantes responsabilités que leur attribue le projet de
loi 40.
Le ministère de l'Éducation a mis à la disposition
des organismes scolaires un énoncé de politique et un plan
d'action que vous connaissez bien, relativement aux services éducatifs
aux personnes handicapées ou souffrant de difficulté
d'apprentissage. Cette politique n'a pas de caractère
contraignant, certes, mais elle se veut un guide utile aux organismes
scolaires. Le but de cette politique est d'assurer l'accessibilité des
personnes handicapées à des services appropriés et de
qualité, dans le cadre le plus normal possible pour elles. Cette
politique comporte les éléments suivants: 1- accessibilité
au système public d'éducation; 2- accessibilité à
une éducation de qualité, appropriée à l'enfant; 3-
accessibilité à l'éducation dans le cadre le plus normal
possible pour l'enfant. (22 heures)
À la suite du sommet économique sur les personnes
handicapées, une commission a été mise sur pied au
ministère de l'Éducation et au ministère des Affaires
sociales du Québec pour réaliser le mandat de préparer des
modèles de plans de services pour les divers groupes de personnes
handicapées. De tels modèles sont actuellement
élaborés à partir d'une ou de deux années
d'expérimentation de projets pilotes. Ces modèles de plans de
services sont par la suite soumis à un comité consultatif de
spécialistes, par la suite à l'Office des personnes
handicapées et ils trouveront finalement leur voie vers les commissions
scolaires et vers les écoles. Donc, nous entendons, de cette
façon, remplir l'engagement que nous avons pris au sommet.
Enfin, je rappelle que les ressources financières allouées
à chaque commission scolaire sont déterminées en tenant
compte de la structure de la clientèle de chaque commission scolaire,
c'est-à-dire en tenant compte du poids relatif des élèves
en difficulté et des ratios spécifiques à ces
élèves. Mais, en plus des ressources financières
allouées globalement à chaque commission scolaire, le
gouvernement attribue également des allocations supplémentaires
aux commissions scolaires qui assurent des services éducatifs
particuliers à des élèves de 4 à 21 ans souffrant
de déficience physique, sensorielle, mentale ou de mésadaptation
socio-affective. En 1983-1984, un montant de 19 000 000 $ fut ainsi
alloué aux commissions scolaires.
Le comité consultatif des services aux élèves en
difficulté se voit attribuer le pouvoir de donner son avis à la
commission scolaire sur l'affectation de ces ressources financières pour
les élèves en difficulté d'adaptation ou
d'apprentissage.
En somme, le gouvernement épouse les objectifs de l'office, mais
il ne croit pas que le meilleur moyen pour assurer aux personnes
handicapées l'exercice de leurs droits éducatifs dans le cadre le
plus normal possible pour chaque personne soit d'inscrire dans la loi les
circonstances justifiant le refus d'intégrer ces personnes dans les
classes ordinaires, ni de préciser dans la loi les mesures à
prendre dans les cas d'intégration, ni les services spéciaux
à offrir à ces personnes. Dans cette matière, le principe
du projet de loi est de responsabiliser les commissions scolaires et les
écoles en leur confiant le soin de prendre les décisions requises
en collaboration avec les personnes concernées et les
spécialistes en ce domaine. La diversité des besoins des
personnes handicapées justifie l'approche du projet de loi 40.
Comme je le mentionnais au début, certaines de vos
recommandations touchent moins à des amendements législatifs
qu'à des changements de pratique au niveau de l'administration. Nous y
porterons quand même une grande attention, parce qu'il revient au
ministère de l'Éducation, soit de modifier ses pratiques
administratives, soit d'inciter les instances intermédiaires à
les modifier elles aussi. Je crois que c'est le cas de la recommandation que
vous nous faites pour un meilleur arrimage à effectuer entre le
département de santé communautaire et les commissions scolaires.
Nous transmettrons cette recommandation aux commissions scolaires et je ne
doute pas que cela deviendra pour elles pratique courante.
Je voudrais aussi parler pendant quelques instants de ce que vous
mentionnez sur le protecteur du citoyen. Il n'y a pas de différence
entre ce que contenait le livre blanc à ce sujet et le projet de loi. On
a peut-être changé les mots "protecteur de l'élève"
pour "protecteur du citoyen", mais la réalité n'est pas
changée en ce sens que le protecteur de l'élève, qui
s'appellera maintenant protecteur du citoyen, ne s'appellera ainsi que parce
qu'il sera un assistant du Protecteur général du citoyen,
mais sa fonction spécifique sera d'assurer le respect des droits des
élèves qui sont garantis par le projet de loi. Nous
prévoyons que les régions du Québec pourront toutes
compter sur un assistant du Protecteur du citoyen qui verra au respect des
droits des élèves.
Je pense aussi que vous avez été tenus au courant de
l'amendement que nous avons apporté en ce qui concerne les écoles
à vocation régionale. Le sens de cet amendement est de permettre,
par entente, avec les commissions scolaires concernées, que ces
écoles dépendent de l'une ou l'autre des commissions scolaires
intéressées. Si tel est le cas, il est évident que ces
écoles pourront compter sur des conseils d'école où les
élèves, aussi bien que les parents, pourront être
représentés soit au comité consultatif, soit au conseil
d'école.
Un dernier mot enfin sur le transport, et là c'est
vraiment une question que j'ai à vous poser. J'ai pris bonne note de
votre recommandation, mais j'aimerais que vous me précisiez davantage le
sens de votre demande, car, comme vous le savez, le ministère de
l'Éducation n'est pas le seul à assumer la responsabilité
de cette dimension,
le transport des élèves. Je la partage avec mon
collègue des Transports et je dirais même que le coût
étant assumé par mon collègue, il a peut-être une
responsabilité plus importante que la mienne à cet égard.
Pour que je puisse gagner votre point, ou notre point, dans les discussions que
j'aurai avec lui à ce sujet, j'aimerais que vous me précisiez
davantage ce qui vous amène à nous faire cette recommandation,
aussi bien pour les élèves qui fréquenteraient une
école spéciale, mais qui viendraient de l'extérieur du
territoire d'une commission scolaire, que pour les élèves qui
sont hébergés dans des établissements relevant du
ministère des Affaires sociales.
Mme Robillard: II s'agit des élèves qui doivent se
déplacer parce que les services dont ils ont besoin ne peuvent pas
être regroupés dans leur milieu naturel, dans leur milieu
immédiat. Ce sont souvent des enfants lourdement handicapés - on
pense surtout aux enfants qui ont des déficiences sensorielles,
auditives ou visuelles et dont l'apprentissage, très jeunes,
nécessite des ressources très spécialisées - mais
qui peuvent et qu'on doit ensuite, dans leur milieu, intégrer à
l'école à un certain niveau, généralement au
début du secondaire.
Pour la socialisation, la normalisation de vie de ces enfants-là,
il est nécessaire qu'ils puissent retourner dans leur famille plus
souvent qu'une ou deux fois par année. Il s'agit d'une clientèle
faible numériquement; il ne s'agit pas de grande population. On pense
que, pour égaliser les chances de ces enfants, pour que l'État
reprenne à sa charge le coût du handicap, ce qui était
exprimé dans le livre blanc sur une politique d'intégration des
personnes handicapées, c'est l'État qui devrait assumer le
coût de ces déplacements. C'est la réponse à votre
question?
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Ah oui,
d'accord, M. Gadreau.
M. Gadreau (Roch): Pour compléter, je pense qu'en fait la
question peut se diviser en deux. Il y a, d'une part, les élèves
handicapés qui ont besoin nécessairement d'un transport
adapté, donc, qui ne peuvent pas utiliser le transport scolaire
régulier. À cet égard, le projet de loi dit que la
commission scolaire peut organiser un transport à l'intention des
élèves de son territoire. Notre proposition va dans le sens de
dire qu'à l'égard des élèves handicapés qui
doivent utiliser un transport adapté, ce pouvoir de la commission
scolaire devrait plutôt être un devoir puisque, sans ce transport
adapté, il devient très difficile pour ces élèves
de fréquenter leur école.
L'autre question est celle que Mme Robillard exprimait, c'est le cas des
élèves qui doivent fréquenter des écoles à
l'extérieur du territoire de la commission scolaire.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Gadreau.
M. Lukowycz (Jean-Pierre): J'allais juste renchérir sur le
transport adapté. Dans le passé, on disait aux parents:
Organisez-vous et on vous trouvera peut-être une place à
l'intérieur de l'école ou à la commission scolaire. Ce que
nous demandons, c'est qu'ils prennent leurs responsabilités et qu'ils
fassent eux-mêmes les démarches d'organisation pour les
élèves qui en ont besoin.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: II me fait plaisir de saluer la délégation
de l'Office des personnes handicapées et de féliciter, en
particulier, le rédacteur du mémoire qu'on a dit être M.
Gareau. C'est un mémoire qui sera très utile au travail de la
commission parce qu'il attire notre attention sur un aspect qui a
été de toute évidence négligé dans la
rédaction du projet de loi que nous avons devant nous. Je veux rassurer
Mme la présidente en lui disant que les observations qu'on nous fait me
paraissent se situer entièrement dans la perspective du mandat
confié à l'office. Si l'office était venu nous faire des
recommandations sur les structures de base, par exemple, les rapports entre
l'école et la commission scolaire, l'aménagement du pouvoir dans
l'école, etc., j'aurais été quelque peu sceptique ou
réservé; je l'aurais accueilli avec intérêt quand
même. Mais ce n'est pas le cas du tout, car à peu près
toutes vos observations sont nettement dans le cadre des responsabilités
qui vous sont confiées non seulement par le texte de la loi mais par ce
que j'appellerais les attentes de vos concitoyens. Par conséquent, je ne
veux pas qu'il y ait du tout d'inquiétude ou d'insécurité
à ce sujet, dans la mesure où il pourrait y en avoir.
L'essentiel de votre mémoire me paraît se résumer en
quelques mots très simples: à plusieurs endroits où il y a
le mot "peut", vous voulez qu'on inscrive le mot "doit", en particulier dans
des passages clés où il est question des responsabilités
du directeur de l'école, de la commission scolaire, du ministre et de
l'ensemble du système d'enseignement. Sur ce point fondamental, le
ministre vous a dit lui-même qu'il y aurait des changements
apportés à des articles très importants comme l'article
97, l'article 204, en particulier, et aussi l'article 14, je crois. Ce sont des
points sur lesquels nous voulions vous assurer de notre entier appui. Aucune
difficulté de ce côté.
Je crois devoir insister sur une omission apparente dans la liste des
attributions qui sont confiées au ministre de l'Éducation. Vous
avez demandé qu'on lui fasse l'obligation de fournir aux commissions
scolaires des modèles d'organisation en ce qui touche l'action en faveur
des enfants handicapés. Je pense qu'il n'y aurait aucune objection de
notre côté à ce qu'un article précis soit
ajouté à la liste des responsabilités du ministre de
manière qu'il soit clairement établi qu'il a des
responsabilités qu'il ne saurait éluder. Il nous a dit
tantôt que le ministère exerce une influence importante sur le
travail des commissions scolaires par le truchement des règles
budgétaires.
C'est très bien, mais ce que vous dites me rappelle une chose qui
nous a été soumise hier par l'Association des centres d'accueil
du Québec; l'association insistait pour qu'au niveau de tout le
Québec il y ait une autorité responsable pour que les enfants qui
souffrent de difficultés sociales, de difficultés d'adaptation
sociale soient l'objet de politiques et d'une attention qui soient
cautionnées et renforcées par certaines obligations
précises faites au ministre dans ce domaine. Je pense que le même
principe peut s'appliquer dans le cas que vous nous soumettez ce soir. Cette
recommandation que vous faites, personnellement, j'y suis très sensible.
(22 h 15)
II y a une question que je voudrais vous poser et qui soulève des
problèmes dans mon esprit, c'est à propos des recommandations que
vous faites au sujet des articles 185 et 186 du projet de loi. L'article 185
prévoit que devrait être constitué dans chaque commission
scolaire un comité consultatif des services aux élèves en
difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, auquel seraient
confiées les fonctions suivantes: élaborer des normes
d'organisation des services à l'élève en difficulté
d'adaptation ou d'apprentissage; donner son avis à la commission
scolaire sur l'affectation des ressources financières pour les services
à l'élève en difficulté d'apprentissage.
Vous demandez, dans votre mémoire, si j'ai bien compris, que ce
comité qui serait constitué dans chaque commission scolaire soit
pourvu de pouvoirs décisionnels. Vous dites qu'il devrait avoir, entre
autres, les responsabilités suivantes: établir la politique
d'intégration - ce n'est pas seulement élaborer des normes
d'organisation; c'est établir la politique d'intégration - des
élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage;
établir un plan d'organisation des services assurant le maintien des
élèves en difficulté dans leur milieu de vie;
résoudre tout problème particulier d'intégration; assurer
la surveillance et l'utilisation des budgets en soumettant ses recommandations
au conseil d'administration; déléguer un représentant au
conseil d'administration de la commission scolaire et un représentant au
comité consultatif du transport des élèves.
Les deux dernières attributions ne font pas problème dans
mon esprit. Il semblerait assez normal que ce comité puisse avoir son
mot à dire dans le travail du comité consultatif sur le transport
des élèves. Il me semble que l'enfance handicapée doit
avoir une présence directe dans le comité qui avisera la
commission scolaire à ce sujet. L'idée d'avoir un
représentant de ce secteur au conseil d'administration de la commission
scolaire peut donc être envisagée. Est-ce que cela devrait
être avec droit de vote ou sans droit de vote? J'aime mieux inscrire un
point d'interrogation parce que nous favorisons, de ce côté-ci,
l'élection de commissaires au suffrage universel. Nous n'avons pas
changé d'idée là-dessus, après tout ce que nous
avons entendu à la commission. Nous maintenons cette opinion. Il
pourrait peut-être y avoir un représentant, participant de plein
droit aux délibérations, mais sans droit de vote. C'est une
question, en tout cas, que vous posez et que nous allons examiner de notre
côté.
Faire de ce comité un comité décisionnel
crée des problèmes dans mon esprit parce que, selon la conception
que je me fais de l'organisation des services scolaires, vous avez une
commission scolaire qui est responsable de l'aménagement des services
éducatifs sur son territoire et cette commission scolaire doit
créer des services, nommer des responsables de service qui seront
mandatés pour agir en son nom pour faire en sorte que les services
soient dispensés efficacement avec toute la qualité voulue. Il ne
faut pas qu'on crée des gouvernements parallèles à
l'intérieur des commissions scolaires. Il me semblerait qu'un
comité comme celui-là, s'il devait devenir décisionnel,
devient une espèce de petite commission scolaire parallèle et je
ne pense pas que ce soit une chose acceptable en bonne logique d'organisation.
Je ne sais pas comment vous pouvez justifier cette recommandation. Vous la
faites avec beaucoup de fermeté et elle suscite des questions dans mon
esprit.
Mme Robillard: Je pense que notre approche en est une
d'égalité de droits. Dans les propositions du projet de loi, les
parents ont un pouvoir décisionnel. Les parents d'enfants
handicapés n'en ont pas et ils ne seront pas élus parce qu'ils
n'auront pas la base politique pour pouvoir l'être. Ces propositions
découlent aussi de nos consultations avec les organismes de promotion et
les associations de personnes handicapées. Même si cela a
été modifié un peu en cours de route, je vais demander
à Roch de compléter cette intervention.
M. Gadreau: Ce que je pourrais ajouter va dans le même sens
que ce que Mme Robillard vient de dire. En fait, notre justification pour
proposer que ce comité soit décisionnel, c'est qu'on accorde aux
parents d'élèves en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage le même pouvoir décisionnel qu'aux parents des
élèves qui n'ont pas de déficience. La seule instance
où ces parents peuvent avoir accès majoritairement, c'est
à l'intérieur de ce comité qui est proposé par les
articles 185 et 186. Comme Mme Robillard le disait, au sein des conseils
d'école et des conseils d'administration des commissions scolaires, il
est très peu probable qu'on voie des parents d'élèves
handicapés élus parce qu'ils n'auront pas suffisamment d'appui
pour y arriver. C'est pour cette raison qu'on propose que ce comité
devienne décisionnel, qu'on lui accorde les pouvoirs de prendre les
décisions qui concernent les élèves en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage.
Dans ce sens, il n'y a pas de contradiction avec le fait que les autres
instances de la commission scolaire soient élues au suffrage universel
parce que, dans le cas de ce comité, les membres sont aussi élus
par l'ensemble des parents des élèves en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage.
M. Ryan: Vous savez que, nous, nous avons des réserves sur
ce principe. Si vous avez suivi les travaux de la commission parlementaire
jusqu'à maintenant, vous aurez sans doute noté que nous voulons
que les commissions scolaires soient dirigées non pas par des
délégués du comité d'école, mais par des
citoyens élus au suffrage universel par l'ensemble de leurs concitoyens,
ce qui n'exclut pas une participation active des parents à tous les
stades du fonctionnement de la commission scolaire. Mais nous voulons que la
commission scolaire soit dirigée par des citoyens mandatés par
l'ensemble de leurs concitoyens, par toute la communauté, non pas
seulement par un secteur particulier, si important soit-il à notre
jugement. C'est le même principe que j'appliquerais à ceci.
J'aurais de la difficulté à accepter ceci, quoique je comprenne
très bien les raisons que vous mentionnez. Il me semblerait que le
risque de duplication, de dédoublement de l'autorité serait trop
grand et pas de nature, nécessairement, à produire les meilleurs
résultats. Je vous soumets ceci. Le ministre ne s'est pas
prononcé là-dessus tantôt, mais cela me semble être
une source de difficultés.
M. Lukowycz: Non, d'accord; encore une fois, ceci, comme vous
dites, c'est dit avec beaucoup de fermeté, mais encore basé sur
l'expérience des années passées où, parce qu'ils
étaient continuellement en minorité, les parents ayant des
enfants handicapés avaient énormément de
difficultés. Même si la commission scolaire nous disait: On est
bien d'accord avec l'intégration, etc., au niveau de l'action et du plan
d'action, il n'y a pas beaucoup qui se faisait si les parents d'enfants
handicapés n'étaient pas présents sur les lieux et, aussi,
avaient une voix très forte. Dans ce sens, cela devient essentiel et
c'est de là que vient la fermeté de cette suggestion.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le ministre délégué
aux Relations avec les citoyens et responsable de l'Office des personnes
handicapées.
M. Lazure: Merci. Je voudrais d'abord saluer Mme la
présidente et M. Jean-Pierre Lukowycz, membre du conseil
d'administration, de la région de l'Outaouais, et Roch Gadreau, qui est
un employé de l'office, qui a été le principal
maître d'oeuvre de cet excellent mémoire.
Je voudrais aussi dire deux mots du fonctionnement de l'Office des
personnes handicapées et de son rôle. Le projet de loi 9 qui a
été adopté à l'unanimité a
créé cet Office des personnes handicapées en lui donnant
un double rôle et quand on comprend bien son double rôle, on n'est
pas du tout étonné que l'office soit présent ici
aujourd'hui. Il représente à la fois le gouvernement, dans un
sens, mais aussi les personnes handicapées, la totalité des
personnes handicapées.
Son premier rôle est de coordonner les activités des
différents ministères et des différents organismes
gouvernementaux. Il doit stimuler l'action gouvernementale. Il doit aussi agir
comme conseiller auprès du gouvernement. Mais un autre rôle, qui
est tout aussi important, c'est celui de stimuler l'action des personnes
handicapées, des organismes de promotion, les aider région par
région, dans tout le Québec, à mieux représenter
les droits des personnes handicapées et à mieux véhiculer
leurs revendications ou à les seconder, non seulement auprès du
gouvernement, mais auprès de l'ensemble de la société.
L'Office des personnes handicapées a ceci de particulier que son conseil
d'administration est très majoritairement composé de personnes
handicapées ou de parents de personnes handicapées.
Le gouvernement a tenu, en 1978, à ce que cet office soit
véritablement le carrefour où les personnes présentant un
handicap de toute sorte puissent être représentées
et si ils ou elles sont jeunes, que ces personnes soient
représentées par leurs parents. En plus, il y a une
représentation du monde patronal, une représentation du monde
syndical et, finalement, une représentation de plusieurs
ministères, mais, évidemment, sans droit de vote. Mais
cette représentation des ministères est quand même
précieuse et je veux rendre hommage à l'action du
ministère de l'Éducation au sein de cet office.
M. le ministre de l'Éducation, je pense que vous devez savoir de
façon très nette que votre ministère a joué un
rôle très actif et a constamment fait le lien entre l'office et
l'ensemble de votre ministère. C'est pour cela que, finalement, les
dispositions du projet de loi 40 rejoignent assez bien, à mon avis, les
attentes des personnes handicapées, surtout après les amendements
dont le ministre de l'Éducation vient de nous faire part, au tout
début de la séance. Les trois amendements aux articles 14, 97 et
204 sont de nature à donner satisfaction et à diminuer grandement
certaines appréhensions que les parents de jeunes handicapés
pouvaient avoir.
J'enchaîne tout de suite avec une quatrième et une
cinquième préoccupations exprimées dans le mémoire
de l'Office des personnes handicapées. La quatrième traite de la
protection des intérêts de l'élève, d'où la
recommandation que le gouvernement nomme un protecteur de
l'élève. Je pense que la solution retenue et explicitée
par le ministre de l'Éducation, tantôt, équivaut, à
toutes fins utiles, là aussi, aux attentes des personnes
handicapées en ce sens que le Protecteur du citoyen, sera, une fois le
projet de loi mis en vigueur, assisté d'un adjoint qui, lui, deviendra
le Protecteur du citoyen-élève ou le Protecteur de
l'élève-citoyen. Dans la mesure où cette personne assumera
de façon totale, entière et exclusive dans ses rôles, dans
ses fonctions, cette mission de défendre les intérêts de
l'élève, région par région, à ce
moment-là, cela répondra aux attentes des personnes
handicapées.
La cinquième proposition venant du mémoire de l'office -
on y a fait allusion tantôt - c'est-à-dire le comité
consultatif de la commission scolaire. Je pense, moi aussi, qu'il est difficile
de donner satisfaction à cette demande, de l'agréer
complètement à cette demande. Je comprends très bien les
motifs de la demande. C'est un peu le prix qu'il faut payer pour jouer le jeu
de la démocratie. (22 h 30)
D'autre part, je voudrais rassurer les parents d'enfants
handicapés qui sont un peu beaucoup représentés ici par
l'office, M. M. Lukowycz en particulier, et leur dire qu'avec la
prolifération et la multiplication d'associations pour personnes
handicapées, phénomène assez nouveau, multiplication qui
nous amène à un chiffre d'au-delà 500 associations
locales, régionales ou nationales de personnes handicapées, avec
donc ces 500 associations, assistées de l'office et quand même
avec la bonne volonté de la plupart des commissions scolaires, et toutes
ces sauvegardes et toutes ces présences étant assurées,
plus celle du protecteur de l'élève-citoyen, nous aurons une
situation un peu analogue ou presque équivalente à celle qui est
réclamée par le mémoire de l'office.
Je voudrais dire deux mots de la proposition d'une politique d'ensemble
qui a été rendue publique il y a quelques jours et qui est
l'aboutissement d'un travail commencé depuis plus de deux ans et dont le
point de départ a été véritablement le sommet
socio-économique pour l'intégration de la personne
handicapée en décembre 1981. J'ouvre d'abord une
parenthèse sur tout cela, cette conférence
socio-économique sur l'intégration sociale de la personne
handicapée, pour qu'on se rende bien compte que les inquiétudes
ou les revendications des personnes handicapées vis-à-vis de la
chose scolaire ne doivent pas seulement être adressées au
ministère de l'Éducation mais aussi à d'autres organismes,
telle la Fédération des commissions scolaires. Je note que, dans
les engagements de ce sommet de 1981, la Fédération des
commissions scolaires catholiques du Québec disait justement ceci: "Nous
nous engageons à adopter des moyens pour accepter tous les enfants en
classe régulière et justifier obligatoirement le retrait d'un
enfant si un motif sérieux empêche son maintien dans une
classe."
Je pense qu'il est pertinent et utile de faire ce rappel à la
Fédération des commissions scolaires catholiques, vos
dévouées partenaires, mon cher collègue, de manière
que cette question vitale, fondamentale, de l'intégration ou du retrait
parfois nécessaire dans certains cas, se règle de façon
systématique et qu'en conséquence les retraits occasionnels
soient justifiés de façon très claire auprès des
parents. On devrait donc y voir des résultats concrets puisque à
la fois le ministère et la Fédération des commissions
scolaires catholiques - en tout cas celle-ci, elle ne parlait peut-être
pas au nom de la Fédération des commissions scolaires
protestantes, auront à voir à ce qu'il y ait une convergence dans
les faits. Finalement, la fédération disait aussi qu'elle
s'engageait à impliquer les parents dans l'application et
l'élaboration des plans d'intervention.
M. le Président, dans les différentes recommandations qui
sont contenues dans cette proposition que l'Office des personnes
handicapées présente à la fois au gouvernement, mais
aussi, comme Mme la présidente le disait tantôt, à tous les
décideurs dans la société québécoise, je ne
vais pas revenir aux propositions qui touchent le monde de l'éducation.
Mme la présidente en a explicité les principales tantôt. Je
voudrais cependant m'arrêter à une qui me paraît capitale:
celle qu'on retrouve à la page 136 du rapport "À part...
égale" et qui
demande que chaque commission scolaire mette sur pied un
mécanisme de référence obligatoire permettant aux services
de santé communautaire de son territoire de lui faire connaître
dès l'âge de trois ans et même avant les enfants
handicapés qu'elle devra desservir ainsi que la nature de la
déficience et l'étendue des limitations fonctionnelles de chacun
d'eux, et ainsi de suite.
Il me paraît primordial, à l'occasion de ce projet de loi
qui a une importance capitale pour la société
québécoise et surtout pour les générations à
venir, que ce lien toujours difficile à faire entre deux grands
réseaux, le réseau de l'éducation et le réseau des
affaires sociales, il me paraît fondamental, dis-je, que nous fassions
encore plus d'efforts qu'on n'en a fait dans le passé pour qu'autour de
questions aussi concrètes que le dépistage précoce - parce
que c'est de cela dont il s'agit - on puisse maximiser l'action des deux
réseaux, le réseau dss affaires sociales, les hôpitaux, les
départements de santé communautaire, et l'action du monde
scolaire.
Une remarque dans le même ordre d'idées, cette fois-ci
à l'autre extrémité de l'éventail. J'ai
parlé des tout jeunes, trois ans et plus. Parlons maintenant des jeunes
de 16 ans à 21 ans qui souffrent de handicaps sérieux, qui
présentent des handicaps physiques ou mentaux sérieux. La plupart
du temps, il s'agit de déficiences mentales, de handicaps mentaux. La
loi 9, Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, en
1978, a prévu que chaque commission scolaire devait obligatoirement
fournir un programme d'éducation à chaque jeune jusqu'à
l'âge de 20 ans. On sait que, dans plusieurs commissions scolaires, des
efforts valables ont été faits. On connaît, on est
conscient de la complexité du problème, mais là aussi je
pense qu'il devrait y avoir une interaction du ministère de
l'Éducation, du ministère des Affaires sociales, et possiblement
du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu, de manière que cette scolarité qui, dans bien des cas,
rendu à 18, 19, 20 ou 21 ans, peut être une scolarité
très partielle, accompagnée d'un certain apprentissage au
travail, de façon que ces programmes pour le jeune jusqu'à 21 ans
soient vraiment mieux axés sur une occupation utile à la
société pour le jeune, lorsqu'il aura atteint l'âge de 21
ou 22 ans.
Les statistiques que j'ai eu l'occasion de voir tout récemment
concernant l'intégration aux niveaux primaire et secondaire - j'y
reviens - sont encourageantes, mais c'est encore, évidemment,
insuffisant. En 1980-1981, dans l'ensemble du primaire et du secondaire, 47%
des élèves handicapés étaient
intégrés. Deux ans plus tard, 1982-1983, 55%. Donc, on passe de
47% à 55%. C'est certainement un bond dans la bonne direction, c'est un
pas dans la bonne direction, mais nous sommes tous convaincus, autant les
associations de personnes handicapées, l'office que moi-même,
qu'il y a encore un bon pourcentage -est-ce 10%, 15% ou 20%? - d'enfants qui
pourraient être intégrés.
Finalement, quant à la régionalisation des services, on y
a fait allusion tantôt, il est clair que chez certains jeunes qui
présentent des handicaps très graves, très
sévères, et, parfois, plusieurs handicaps à la fois, il
est difficile d'avoir des services éducatifs, des services scolaires
spécialisés dans toutes les régions du Québec. Je
pense que les associations le comprennent. D'autre part, on aimerait voir un
certain mouvement, une certaine amorce d'implantation d'écoles tout
aussi spécialisées dans quelques autres régions du
Québec. Vous savez, il y a certains enfants handicapés qui
doivent partir de l'Abitibi pour venir s'installer dans un pensionnat, dans une
école du genre internat à Montréal, et la même chose
pour certains enfants qui partent de la Gaspésie et qui viennent passer
des mois à Québec dans une autre école internat. Il est
bien évident que l'apprentissage est excellent. Il est évident
qu'au plan technique cela a été jusqu'ici la seule façon
d'arriver à ramasser dans un seul lieu, dans une seule institution,
toute l'expertise voulue. Mais il serait souhaitable que, au fur et à
mesure, nous formions des spécialistes dans le monde scolaire, que nous
tentions, ne serait-ce qu'à titre d'expérience pilote, d'ouvrir
dans quelques autres régions du Québec des écoles qui ont
été concentrées jusqu'ici à Montréal et
à Québec.
L'accès aux édifices du monde scolaire. Là aussi il
y avait eu un engagement au sommet de 1981; là aussi on peut
certainement constater un progrès intéressant, encourageant, en
dépit des difficultés économiques que nous venons de
traverser depuis deux ou trois ans au plan budgétaire. Je veux souligner
la contribution du ministère de l'Éducation, qui a injecté
6 000 000 $, depuis la tenue du sommet, pour convertir et rendre accessibles
des locaux scolaires. Il est évident que certaines commissions scolaires
ont ajouté à cette contribution du ministère.
En conclusion, M. le Président, je voudrais remercier encore une
fois l'office et en particulier la présidente et Roch Gadreau pour la
qualité du mémoire. Je voudrais aussi inciter mon
collègue, le ministre de l'Éducation, bien connu pour sa
propension et son aptitude à poser des gestes de pionnier, à
prendre en grande considération et à retenir le maximum des
demandes contenues dans le mémoire de l'office, puisque c'est la
première fois, "À part... égale", depuis que ce document a
été rendu public cette semaine, que le gouvernement a l'occasion
de mettre
en pratique certaines recommandations contenues dans ce rapport. Compte
tenu que cette réforme est une réforme majeure pour la
scolarisation, l'éducation de nos jeunes, cela me paraît une
excellente occasion pour qu'on s'assure cette fois-ci que les jeunes personnes
handicapées soient tout aussi privilégiées par les
avantages de cette réforme que l'ensemble des jeunes du Québec.
Merci.
Le Président (M. Payne): Merci, M. le ministre responsable
de l'Office des personnes handicapées. J'invite Mme la
députée de Jacques-Cartier à prendre la parole.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais vous
remercier de votre mémoire et vous féliciter de l'excellent
travail que vous faites à l'office. Je suis certainement d'accord avec
l'essence de vos recommandations. J'ai été
particulièrement heureuse d'entendre la réponse du ministre,
parce qu'il est grand temps que le gouvernement appuie d'une façon
concrète les beaux principes qu'il énonce de temps en temps. Je
suis heureuse d'entendre que le gouvernement va appuyer ces principes;
peut-être pas à 100%, on a parlé de 19 000 000 $, j'ai
l'impression que si on divise 19 000 000 $ entre toutes les commissions
scolaires qui existent au Québec, on arrive à une somme assez
modeste pour chaque commission scolaire. C'est au moins un pas en avant vers la
création des ressources dont nous avons tellement besoin dans nos
écoles.
Je partage les réserves que le député d'Argenteuil
a soulevées en ce qui concerne votre septième recommandation.
J'aimerais, cependant, y ajouter d'autres éléments. D'abord, je
me demande si les parents sont vraiment les mieux placés pour prendre
les décisions, pour déterminer les services et les programmes
propices aux besoins de leurs enfants. Je crois que, souvent - pas toujours,
mais souvent - il est difficile pour des parents qui ont des enfants avec des
difficultés d'être objectifs. Il faudrait peut-être que ces
décisions soient prises par d'autres personnes moins impliquées
sur le plan émotif. (22 h 45)
Donc, j'appuie la recommandation du député d'Argenteuil
voulant que la responsabilité de ces décisions réside chez
une autre autorité, qui a la responsabilité de l'ensemble des
ressources, de la distribution équitable de ces ressources pour tous les
élèves; un organisme qui a la responsabilité
budgétaire aussi. On ne peut diviser la responsabilité
d'étudier la nature et la quantité des services de la
responsabilité budgétaire. Je crois que c'est un principe
important. Il faut que ces deux responsabilités résident dans le
même organisme.
Après avoir entendu les réserves du député
d'Argenteuil, les miennes se traduisent ainsi. Est-ce que vous êtes
encore convaincus que votre recommandation est valable?
Mme Robillard: Sans que nous nous engagions sur le terrain plus
politique du principe de l'école aux parents, je pense qu'il est
important de souligner - je pense que M. Lukowycz l'a fait valoir - que
l'expérience des parents, jusqu'à maintenant, a été
de se confronter à un système dans lequel ils étaient
rejetés. Quand on parle de la participation des parents dans les
décisions qui concernent leur enfant, quel que soit le moyen qui soit
choisi pour la garantir, cette participation, ce sera certainement un principe
que l'office maintiendra. Notre expérience nous l'a prouvé, nous
avons dû intervenir dans de hautes luttes, récemment, dans une
région très particulière au Québec, dans le cas
d'intégration de cinq enfants qui avaient été exclus, qui
n'avaient reçu aucun service éducatif depuis... - un enfant avait
huit ans et était encore à la maison - par ignorance et par la
non-reconnaissance de leurs droits par les autorités en place. Je ne
veux pas contester votre approche ni vos principes, mais je pense que ces
principes doivent trouver des garanties et des moyens de les exercer.
Mme Dougherty: J'ai travaillé avec les parents pendant
plusieurs années - j'en vois quelques-uns ici ce soir. Je ne voudrais
pas, ni une minute ni un instant, dévaloriser le rôle des parents
parce que c'est souvent grâce aux parents, à la
persévérance des parents, que les enfants réussissent
à obtenir des services adéquats. Je crois qu'il y a un rôle
pour les parents et d'autres responsabilités aussi. On devrait
peut-être reconnaître une distinction entre le rôle des
parents et le rôle des professionnels. Donc, c'est un "partnership", je
crois. Ce n'est pas en donnant aux parents le contrôle des
décisions qu'on arrivera nécessairement à obtenir les
meilleurs services et les meilleurs résultats pour les enfants.
Avez-vous d'autres commentaires?
M. Gadreau: Sur ce que vous venez d'ajouter, on ne veut pas
débattre cette question. Notre proposition va dans le sens de permettre
aux parents d'élèves en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage d'avoir accès au pouvoir de décision concernant
les services offerts à leur enfant; que ce soit en "partnership", comme
vous le dites, avec les professionnels ou autres, ce sont des modalités
qui restent à établir. Actuellement, comme M. Lukowycz le disait
tout à l'heure, à la suite de l'intervention du
député d'Argenteuil, dans de nombreuses situations, les
parents d'élèves handicapés se retrouvent dans la
même situation que leur enfant, c'est-à-dire qu'ils sont exclus,
ils n'ont pas accès au pouvoir de décision qui est reconnu
à l'ensemble des parents.
Mme Dougherty: Je comprends les raisons qui vous ont
amenés à formuler cette recommandation. J'ai une autre
question.
Concernant la première recommandation, pouvez-vous expliquer les
raisons pour lesquelles vous avez formulé cette proposition?
Mme Robillard: La question des définitions?
Mme Dougherty: Oui. Voulez-vous préciser ou expliquer les
raisons? J'ai encore des réserves là. Le problème...
Mme Robillard: D'équité? Mme Dougherty:
...de labelling. Mme Robillard: D'étiquette? Mme
Dougherty: ...des enfants. M. Lazure: Étiquetage.
Mme Dougherty: Étiquetage. Je connais le mot, mais je ne
peux pas le dire.
Des voix: Ah!
Mme Dougherty: Ma langue n'est pas assez souple pour le dire.
Mme Robillard: C'est la première recommandation parce que
c'est une recommandation centrale dans toute la philosophie de l'office, non
seulement dans ce mémoire-ci, mais dans la proposition de politique
"À part... égale".
Mme la députée, ce que je souhaiterais, c'est que vous
lisiez la proposition de politique de l'office et qu'on puisse ensuite en
discuter. Je pense que l'éclairage viendrait plus facilement. C'est
à partir de ces définitions qu'on a défini, dans les
propositions de politique, les modèles d'interventions qui s'adressent
aux personnes handicapées. Quand on dissocie - je pense que cela rejoint
votre objection à l'étiquetage, à l'identification
négative qu'ont faite certaines personnes - les conséquences
d'une déficience et d'une limitation, qui empêchent une personne
de jouer le rôle social qui devrait être à sa mesure et
qu'on se rend compte que le handicap est social et que c'est la
société qu'il faut adapter, qu'il faut modifier, on évite
justement de centrer tout l'aspect négatif de ce qu'une personne ne peut
pas faire là; on le déplace. Cela nous permet et cela nous a
permis, en développant cette formule dans notre proposition de
politique, de faire un partage beaucoup plus adéquat, beaucoup plus
fonctionnel des responsabilités des différents intervenants.
Cette approche est en train de se développer un peu partout dans le
monde, à partir d'une proposition de définition qui provient de
l'Organisation mondiale de la santé. On n'en a pas fait une thèse
scientifique, mais on l'a développée. D'ailleurs, dans le travail
qui a été fait pour réaliser ce document qui nous a
amenés à travailler de l'intérieur avec plusieurs
ministères, il s'est développé des consensus. On s'est
aperçu qu'on avait des moyens pour éviter les chevauchements dans
les ressources, les trous aussi dans les ressources, et évidemment les
chevauchements de compétences du ministère des Affaires sociales
et du ministère de l'Éducation, dans les réponses aux
besoins des enfants handicapés plus particulièrement.
Mme Dougherty: C'est parce que je suis très consciente,
trop consciente peut-être, du danger qui surgit quand on étiquette
les personnes, parce que les personnes changent. Tout le monde sait que les
étiquettes, en anglais, on dit que cela devient des "self-fulfilling
prophecies", c'est très dangereux, parce qu'elles imposent des limites
et préjugent les personnes. Il vaut mieux mettre l'accent sur les
services dont on a besoin au lieu d'étiqueter les personnes. J'ai vu
dans votre première recommandation ce danger, même si,
administrativement, cela pourrait faciliter les choses. On pourrait
préjuger les individus.
Mme Robillard: Je crois fermement que c'est exactement le
contraire qui va se produire.
Mme Dougherty: Est-ce que j'ai encore deux minutes?
Le Président (M. Blouin): Vous avez encore quelques
minutes, Mme la députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Dans votre troisième recommandation, la
dernière phrase m'inquiète un peu. Voudriez-vous expliquer
pourquoi vous avez proposé cette mesure? Je vois mal comment cela va
résoudre les problèmes. Est-ce que c'est pour avoir un bilan des
problèmes à propos des restrictions qui existent? Voudriez-vous
préciser un peu et expliquer pourquoi vous avez proposé cette
mesure?
Mme Robillard: C'est en regard du refus des commissions
scolaires, jusqu'à ce que les commissions scolaires aient l'obligation
de justifier leur refus d'intégrer
un enfant. C'est vraiment à cause de l'expérience
vécue, à la suite de cas documentés. M. Lazure a fait
allusion, tout à l'heure, à l'engagement que la
Fédération des commissions scolaires avait pris au sommet et cela
répondait, à ce moment, à des pressions qui avaient
été faites sur les commissions scolaires. Encore une fois, ce
sont des cas particuliers, documentés de commissions scolaires - j'ai
fait référence à un tout à l'heure - qui ne
s'étaient pas acquittées de leurs responsabilités et
d'enfants qui étaient restés sans aucun service éducatif,
de quelque nature que ce soit, pour des raisons non justifiables. À ce
moment-là, cela donne le fardeau de la preuve de l'incapacité de
l'enfant à recevoir... On pense que la commission scolaire, avant de se
retrouver dans une situation comme celle-là, va y penser deux fois.
Mme Dougherty: Si les raisons ne sont pas justifiables, qui va
trancher la question? Qui va dire à la commission scolaire: Alors, il
faut accepter cet enfant?
Mme Robillard: Je pense qu'il y a des recours.
Mme Dougherty: Qui va décider si les raisons sont
justifiables ou non?
Mme Robillard: C'est pour cela qu'on demande des garanties dans
la loi.
Mme Dougherty: Oui, mais, dans votre proposition, vous n'avez pas
précisé qui doit avoir la responsabilité d'assurer que
l'enfant soit accepté... Comprenez-vous le problème?
Mme Robillard: Qu'une intégration se réalise. Si le
droit est garanti dans la loi -le ministre de l'Éducation nous a dit que
ce droit serait précisé dans la loi - à ce
moment-là, il y a un recours au tribunal. Il y a déjà des
recours aux tribunaux qui se sont exercés dans des situations...
Mme Dougherty: Oui, je connais le problème. Il a
été soulevé par la Commission des droits de la
personne.
Mme Robillard: Oui, il y a aussi... (23 heures)
Mme Dougherty: Mais c'est un problème très
délicat, parce que c'est un handicap très sévère.
Est-ce que ce sont les tribunaux qui vont décider si les raisons sont
justifiables ou non?
Mme Robillard: II demeure que la commission scolaire a toujours
la responsabilité d'offrir des services éducatifs, que ceux-ci
doivent être élaborés avec un plan d'intervention pour
répondre aux besoins particuliers d'un élève. À ce
moment-là, si toutes ces étapes étaient
réalisées, ce seraient des cas très exceptionnels que ceux
où la commission scolaire aurait à justifier le refus d'un
enfant. Mais l'obligation pour la commission scolaire de justifier le refus
d'accepter un enfant est une obligation onéreuse pour elle; je pense
autant en termes politiques, autant en termes de réflexion qu'elle devra
être amenée à faire par, peut-être, des instances
plus décisionnelles que celles qui peuvent avoir donné lieu au
refus.
Mme Dougherty: Je crois que c'est une question très,
très délicate. Car aux États-Unis, par exemple, on a
toutes sortes de lois, beaucoup plus qu'ici, qui obligent souvent les
commissions scolaires à éduquer des enfants qu'on pourrait
catégoriser comme non éducables. Je crois qu'il existe certains
être humains difficilement éducables. Il y a un danger là
pour les commissions scolaires, et c'est l'autre côté de la
médaille. Certains cas pourraient peut-être être
acceptés par des commissions scolaires qui ne sont pas en mesure de les
servir adéquatement. Il y a un autre danger: celui de pousser les choses
trop loin.
Mme Robillard: Si la commission scolaire ne peut pas
répondre aux besoins particuliers d'un élève, elle peut
conclure des ententes avec d'autres services. Il y a des services de
suppléance qui peuvent se développer, qui peuvent provenir de
l'office, par exemple. Il y a déjà eu des expériences,
mais dans les cas dont on a parlé il ne s'agissait pas d'enfants non
éducables.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
député de Jacques-Cartier.
Au nom de tous les membres de cette commission parlementaire, je
remercie les responsables de l'Office des personnes handicapées du
Québec de leur importante participation à nos travaux. Sur ce, la
commission élue permanente de l'éducation ajourne ses travaux
à demain matin 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 3)