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(Dix heures quatre minutes)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît! Mesdames et messieurs, la commission élue permanente de
l'éducation reprend ses travaux. D'abord, le mandat de cette commission
est d'entendre toute personne ou tout groupe qui désire intervenir sur
le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.
Nous entendrons, d'abord, ce matin l'Association d'éducation
préscolaire du Québec, ensuite le Regroupement des associations
étudiantes universitaires du Québec. Cet après-midi,
à compter de 15 heures, nous entendrons l'Association des centres
d'accueil du Québec, ainsi que le Comité de la protection de la
jeunesse. À compter de 19 h 30, nous entendrons l'Association des
religieuses enseignantes du Québec et la Confédération des
syndicats nationaux.
Les membres de cette commission parlementaire sont: MM. Brouillet
(Chauveau), Champagne (Mille-Îles), Maltais (Saguenay), Mmes Harel
(Maisonneuve), Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Hains (Saint-Henri), Laurin
(Bourget), Leduc (Fabre), Gauthier (Roberval), Payne (Vachon), Ryan
(Argenteuil).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Charbonneau
(Verchères), Dauphin (Marquette), Doyon (Louis-Hébert), Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Paré (Shefford), Rochefort (Gouin) et Sirros
(Laurier.
Sans plus tarder, donc, je vais demander aux représentantes et
aux représentants de l'Association d'éducation préscolaire
du Québec de bien vouloir s'identifier et ensuite nous livrer le contenu
de leur mémoire en une vingtaine de minutes.
Association d'éducation préscolaire du
Québec
Mme Gravel (Nicole): Merci, M. le Président. Il me fait
plaisir de vous présenter l'exécutif de l'Association
d'éducation préscolaire du Québec. De gauche à
droite, il y a Carmen Bergeron, Myriam Potvin, Josette Gagnon, Cécile
Parizeau, Nicole Gravel, Carole Gaudreau, Hermann Duchesne et Monique Marceau.
Nous représentons un peu tous les coins de la province, car des gens qui
viennent d'un peu partout composent notre conseil.
M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission
parlementaire, depuis sa fondation en 1953, l'Association d'éducation
préscolaire du Québec s'intéresse de très
près à l'évolution du système scolaire
québécois et prend une part active dans le mouvement visant
à l'amélioration des services éducatifs offerts à
la petite enfance.
On comprendra donc l'empressement de notre association à
répondre à l'invitation du ministre de l'Éducation du
Québec et à soumettre à la commission parlementaire de
l'éducation ses réflexions sur le projet de loi 40, Loi sur
l'enseignement primaire et secondaire public.
Dans ce mémoire, nous nous attachons, tout d'abord, à
préciser la nature et les orientations de notre association et à
dégager les principes inducteurs de notre présente intervention
par une analyse globale des forces et des faiblesses de la loi 40.
Ces discussions nous conduisent à formuler en conclusion un
certain nombre de demandes explicites que nous jugeons essentielles pour
assurer la qualité de l'éducation préscolaire. Enfin, nous
proposons, en annexe, des reformulations d'articles précis de la
loi.
Précisons dès maintenant que nos propos touchent
spécifiquement aux aspects de la loi qui traitent de l'éducation
préscolaire ou qui ont des répercussions à ce niveau.
Si vous avez en main notre mémoire, je tiens à vous
rappeler que cela a été envoyé vers le mois d'octobre.
Nous avons retravaillé un peu notre document dont le fond demeure le
même; c'est surtout la forme qu'on a retravaillée un peu.
En réponse à la prolifération
incontrôlée des classes de maternelle et au problème des
improvisations plus ou moins heureuses dans les programmes et les
méthodes éducatives utilisées dans plusieurs de ces
classes, l'Association canadienne des jardinières d'enfants voyait le
jour il y a maintenant 30 ans. Elle se donnait pour mission de promouvoir une
éducation préscolaire de qualité et d'informer le public,
les institutions scolaires et les instances gouvernementales de la pertinence
et de l'importance de développer des services éducatifs et
cohérents aux enfants d'âge préscolaire, de 0 à 6
ans.
Après 15 années de travail acharné de ses membres
bénévoles, l'ACJE change de
nom pour devenir l'Association d'éducation préscolaire du
Québec. Ce changement d'appellation, en 1968, se veut le reflet de
l'évolution du climat socioculturel et politique québécois
et des gains considérables enregistrés par l'association en ce
qui concerne, entre autres, la reconnaissance de l'importance de
l'éducation préscolaire intégrée au réseau
public d'éducation. Ce changement n'implique, toutefois, pas de
modifications dans les orientations de base de l'association qui continue
toujours de défendre les droits du jeune enfant à des services
éducatifs de qualité et qui répondent à ses
besoins.
L'Association d'éducation préscolaire du Québec
compte aujourd'hui plus de 800 membres composés de parents,
d'enseignants et de professionnels représentatifs de toutes les
régions du Québec. En mai 1983, notre association s'est
élu un nouvel exécutif qui entend poursuivre l'oeuvre de ses
prédécesseurs en maintenant et en développant un
leadership positif dans le domaine de l'éducation préscolaire et
des services à la petite enfance. Au cours des deux prochaines
années, les priorités d'action de l'association se situent tout
d'abord, dans la consolidation des acquis dans le domaine des services
éducatifs à la petite enfance en général et au
préscolaire en particulier; ensuite, dans le soutien et la stimulation
de ses membres pour une plus grande prise en charge face aux changements et
améliorations futurs de ces services tant à l'échelon
local, c'est-à-dire une plus grande intégration du
préscolaire à l'école, qu'à l'échelon
provincial, soit une coordination des différentes mesures
éducatives qui s'appliquent aux enfants du préscolaire; enfin,
dans une ouverture plus grande aux parents et aux autres intervenants
auprès de l'enfant. C'est dans ce contexte que nous livrons une analyse
critique du projet de loi 40.
L'Association d'éducation préscolaire du Québec ne
peut que souscrire à l'esprit de la loi dans la mesure où elle
souhaite le développement d'une véritable démocratie de
participation en fournissant des moyens concrets pour une plus grande prise en
charge et une plus grande responsabilité des divers intervenants
à tous les niveaux du système d'éducation. Cette
volonté correspond aux préoccupations de l'association envers ses
membres et envers l'éducation préscolaire. Aussi, la lecture du
projet de loi 40 a-t-elle été, pour nous, l'occasion de nous
réjouir, mais également de nous étonner, de nous
questionner, de déplorer certaines omissions et imprécisions.
Sous l'angle particulier d'analyse qui est le nôtre, nous
retrouvons trois points positifs du projet de loi 40 en regard de
l'éducation préscolaire, soit la maternelle cinq ans obligatoire,
la distinction entre les niveaux préscolaire et primaire et la
participation des parents.
La maternelle cinq ans obligatoire. La loi indique que la
fréquentation scolaire obligatoire débute à cinq ans. Si
cette obligation ne fait que confirmer une situation de fait, puisque,
déjà, tel qu'affirmé dans L'école
québécoise: énoncé de politique et plan d'action,
en 1978, le taux de fréquentation des classes maternelles publiques
s'élevait à 97%, notre association considère que son
insertion dans le texte de loi constitue une reconnaissance de la pertinence et
de l'importance de l'éducation préscolaire pour laquelle elle a
lutté sans relâche depuis sa fondation et souhaite même une
fréquentation scolaire pour les maternelles cinq ans à temps
plein.
Aux articles 1, 2 et 3 du projet de loi, une distinction claire est
établie entre les services de formation et d'éveil
dispensés au niveau préscolaire et les services d'enseignement
dispensés au primaire et au secondaire. Encore une fois, notre
association a lutté et lutte encore pour faire reconnaître la
spécificité des services à offrir au préscolaire.
Historiquement, le préscolaire s'est vu graduellement
intégré au niveau primaire, tant sur le plan administratif que
sur celui de la formation des maîtres et de l'animation
pédagogique. Toutefois, malgré les avantages évidents
d'une telle intégration, le préscolaire doit garder son
identité propre pour favoriser un développement global et
harmonieux de l'enfant. La distinction entre les services de formation et
d'éveil dispensés au préscolaire et les services
d'enseignement au primaire leur reconnaît une identité propre et
des besoins spécifiques qui s'inscrivent dans le sens de nos
revendications; pour le mieux-être de l'enfant.
Des dispositions sont prévues pour favoriser et
généraliser l'implication des parents dans l'école. Notre
association reconnaît que les parents sont les premiers responsables de
l'éducation de leurs enfants et, par conséquent, qu'il est de
leur devoir de s'assurer qu'ils reçoivent les meilleurs services
possible en s'impliquant directement et activement dans les prises de
décision qui les concernent d'abord au niveau de la classe et au niveau
de l'école.
C'est, d'ailleurs, pourquoi notre association recommandait, en 1980,
dans sa politique de la petite enfance, d'apporter une aide aux
éducatrices qui ont une maternelle-classe pour qu'elles puissent
travailler davantage en collaboration avec le milieu familial. À la
suite de la considération de ces points forts du projet de loi 40, nous
sommes obligés d'en reconnaître également certaines
faiblesses qui obscurcissent considérablement l'horizon.
Les points faibles de la loi 40 se rapportent de façon
prédominante à l'absence d'une identification claire du
niveau
préscolaire dans l'ensemble de la loi, à l'ignorance des
besoins spécifiques relatifs au perfectionnement et à l'animation
pédagogique auprès du personnel enseignant du préscolaire,
à l'absence de référence aux services particuliers aux
élèves en milieu économiquement faible, à
l'inconsistance dans la présentation de l'évaluation qui ne tient
pas compte de la réalité au préscolaire, à la
présence facultative des enseignants au conseil d'école et au
choix laissé aux parents entre les activités d'éveil aux
dimensions religieuses et morales.
Après la lecture des quatre premiers articles de la loi où
le niveau préscolaire se trouve clairement défini et
distingué des niveaux primaire et secondaire, on est en droit de
s'attendre en toute logique à ce que cette reconnaissance de la
spécificité du niveau préscolaire se répercute
à travers l'ensemble des articles de la loi par une identification
claire de ce niveau et non seulement de façon sporadique sur
quelques-uns d'entre eux. Or, tel n'est pas le cas. Entre autres, le titre de
la loi et les articles 7, 12, 96, 98, 118, 119 et 308 omettent
systématiquement la mention du niveau préscolaire. S'agit-il
d'une omission délibérée ou d'un manque de
cohérence chez les rédacteurs de la loi habitués à
considérer le préscolaire comme faisant partie du niveau
primaire? Nous croyons que cette dernière raison s'avère plus
probable, comme le laisse voir l'inclusion des services de formation et
d'éveil au préscolaire à l'intérieur des services
d'enseignement au primaire, à l'article 99. (10 h 15)
Indépendamment des raisons sous-jacentes à ces omissions
et inclusion inopportune, notre association considère qu'il s'agit d'une
défectuosité logique grave qui demande à être
corrigée dans les plus brefs délais. Si l'on reconnaît une
identité propre aux services de formation et d'éveil au niveau
préscolaire, il en va de même pour les besoins de formation, de
perfectionnement et d'animation pédagogique auprès des
éducatrices à ce niveau. Aussi, pour assurer et maintenir la
qualité de l'éducation, il nous semble nécessaire
d'inclure dans la loi des dispositions précises et spécifiques
à ce sujet. C'est dans cette optique que, en 1980, notre association
recommandait à l'unanimité d'affecter des ressources de soutien
et d'animation auprès de toutes les personnes oeuvrant au
préscolaire. L'école québécoise mentionne, à
la page 125, que le ministère continuera d'assurer des ressources pour
l'encadrement pédagogique des enseignants oeuvrant au
préscolaire.
Absence de référence aux services éducatifs
particuliers aux élèves de milieu économiquement faible.
Contrairement au règlement concernant le régime
pédagogique du primaire et l'éducation préscolaire, le
projet de loi 40 ne fait pas mention des services éducatifs particuliers
aux élèves de milieu économiquement faible. Après
avoir encouragé de multiples expérimentations et interventions
variées auprès de ces élèves et de leurs parents,
cette volte-face non justifiée du ministère nous laisse dans un
état de confusion extrême. Le ministère de
l'Éducation serait-il devenu lui-même un milieu
économiquement si faible qu'il ne peut plus pourvoir à ses
obligations dans ce domaine?
L'Association d'éducation préscolaire du Québec est
d'avis que les services offerts aux élèves et aux parents de ces
milieux par le biais des maternelles quatre ans et autres modes d'intervention
font partie intégrante du système scolaire
québécois et, à ce titre, relèvent du
ministère de l'Éducation et doivent être inclus dans la
loi.
L'évaluation de l'élève telle que
présentée dans le projet de loi aux articles 113 à 116
s'avère extrêmement difficile à interpréter en
regard de l'éducation préscolaire. Ces articles ne tiennent
aucunement compte de la réalité du préscolaire et, de ce
fait, ouvrent la porte à l'arbitraire et aux abus à ce
niveau.
On remarque, tout d'abord, que le projet de loi mentionne uniquement
l'évaluation des apprentissages des élèves. Aurait-on
oublié que le programme d'éducation préscolaire prescrit
l'évaluation du développement global de l'enfant? L'école
pourrait-elle obliger l'éducatrice à aller à l'encontre
des prescriptions du programme et à évaluer des apprentissages
spécifiques? Dans le même sens, la loi dit que l'école
établit les normes et modalités d'évaluation. Le programme
d'éducation préscolaire rejette explicitement le concept
d'évaluation basé sur des normes puisque ce type
d'évaluation contribue à une discrimination injuste des enfants
de quatre et cinq ans. Encore une fois l'école pourrait-elle exiger
l'étiquetage de enfants en fonction des normes arbitraires
préétablies?
Dans un autre ordre d'idées, en considérant l'exigence de
transmettre aux parents un rapport d'évaluation écrit cinq fois
par année, on se demande avec inquiétude si l'auteur de ce projet
de loi ignorerait à ce point la réalité quotidienne du
préscolaire qu'il ne serait pas en mesure de distinguer les
modalités propres à ce niveau. En effet, si l'on tient compte du
processus d'évaluation formative dont chacune des étapes demande
considérablement de temps avec des enfants de quatre et cinq ans, de
l'objet de l'évaluation qui doit porter sur des objectifs de
développement global, du nombre moyen de 40 enfants par classe, de la
nécessité pour l'éducatrice de rencontrer les parents pour
leur faire part de son évaluation et
entendre la leur, de la participation de plus en plus active des parents
à la vie de la classe maternelle fournissant ainsi des occasions
nombreuses d'échanges sur le développement de l'enfant, il
apparaît inopportun d'exiger plus de deux rapports d'évaluation
écrits par année au niveau préscolaire.
L'importance de constituer un conseil d'école n'est sans doute
pas à démontrer, pas plus que l'importance primordiale du
personnel enseignant dans le fonctionnement de la vie de l'école.
Comment peut-on alors concevoir un conseil d'école qui ne comprendrait
pas obligatoirement un nombre paritaire d'enseignants et de parents? Comment
peut-on prétendre favoriser la concertation entre les divers
intervenants du système éducatif si l'enseignant est absent? Il
va sans dire que la présence facultative du personnel enseignant au
conseil d'école telle qu'inscrite dans la loi nous amène à
nous interroger sur les intentions du législateur.
Notre association est d'accord sur le principe du respect de la
liberté de conscience et de religion. Elle s'oppose, cependant, aux
moyens définis à l'article 17 donnant aux parents le choix entre
des activités d'éveil à la dimension religieuse et
d'éveil à la dimension morale au préscolaire. En effet,
nous nous interrogeons sur la pertinence de donner ce choix aux parents,
puisque l'éducatrice au préscolaire n'est pas tenue d'organiser
et de faire vivre aux enfants ce genre d'activité ne faisant pas partie
intégrante du programme.
Ainsi, notre association est d'avis que le meilleur moyen de respecter
la liberté de conscience et de religion consiste pour
l'éducatrice au préscolaire à demeurer neutre face
à ces dimensions. De plus, tenant compte du peu de temps que l'enfant
passe à la maternelle comparativement au temps qu'il passe à la
maison et tenant compte surtout de son jeune âge, il nous semble que la
responsabilité exclusive de l'éducation religieuse ou morale de
l'enfant d'âge préscolaire incombe à ses parents.
L'identification de ces faiblesses nous oblige à conclure ce
mémoire par la formulation de demandes explicites d'amélioration
du projet de loi 40.
Dans la poursuite des principes fondamentaux énoncés
auparavant et pour assurer une plus grande cohérence dans leur
application au niveau de l'éducation préscolaire, nous attirons
l'attention du législateur sur plusieurs imperfections de la loi qui
peuvent porter préjudice aux générations futures du
Québec et nous proposons les correctifs qui, à notre avis,
s'avèrent essentiels.
Aussi, avec toute l'autorité que lui confère un leadership
de 30 années dans le domaine de la promotion d'une éducation
préscolaire de qualité et la voix de ses 800 membres actifs de
toutes les régions du Québec, l'Association d'éducation
préscolaire du Québec demande avec insistance que le niveau
préscolaire soit clairement identifié comme tel dans l'ensemble
de la loi; que le ministère assure des ressources qualifiées pour
l'animation pédagogique auprès du personnel oeuvrant au
préscolaire, afin de favoriser une plus grande qualité de
l'éducation; que des services éducatifs particuliers aux
élèves de milieu économiquement faible du niveau
préscolaire 4 ans soient identifiés et
généralisés; que la spécificité du processus
d'évaluation au préscolaire soit reconnue et que le nombre de
rapports d'évaluation écrits soit réduit de 5 à 2;
qu'un membre du personnel enseignant soit obligatoirement présent au
conseil d'école; que l'éveil aux dimensions religieuses ou
morales au niveau préscolaire soit de la responsabilité exclusive
des parents. Notre association n'ayant rien d'autre à gagner que la
considération effective et le respect du droit du jeune enfant, nous
sommes confiants que notre voix sera entendue.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Gravel. M. le
ministre.
M. Laurin: Je profite de l'occasion pour remercier et féliciter
l'Association d'éducation préscolaire du Québec pourle travail ardent qu'elle mène depuis 30 ans pour faire
reconnaître à la petite enfance le droit à des services
éducatifs de qualité et appropriés à ses besoins,
en même temps que pour le mémoire qu'elle nous présente,
aujourd'hui, qui reflète ce zèle et cette préoccupation.
Nous avons besoin du stimulus que constitue, pour notre gouvernement, le
travail d'une association telle que la vôtre. C'est sûrement
grâce aux efforts incessants que vous menez depuis 30 ans que notre
système scolaire s'est quand même de plus en plus
éveillé à cette dimension particulièrement
importante de l'éducation préscolaire et que nous en
reconnaissons de plus en plus la spécificité.
Nous avons fait beaucoup de progrès, je crois, depuis une dizaine
d'années. Vous l'avez, d'ailleurs, signalé: près de 95%
des enfants fréquentent maintenant la maternelle. Nous avons reconnu la
spécificité de cette étape particulière dans le
développement de l'enfant. Nous lui avons consacré des moyens,
mais, il reste qu'il y a encore plus de chemin à parcourir que celui que
nous avons déjà fait et nous le reconnaissons avec vous.
Il nous reste à élaborer toute une politique de la petite
enfance, où la dimension scolaire, d'ailleurs, ne constitue qu'un
élément parmi d'autres, puisqu'il faut également
prospecter, inventorier et explorer la dimension sociale, la dimension
culturelle et la dimension économique. Depuis quelques années,
nous travaillons à élaborer cette
politique de la petite enfance, d'ailleurs, avec l'aide des travaux
importants que vous menez à cet égard. Je compte bien que, d'ici
quelque temps, surtout si les ressources économiques que nous pouvons
consacrer à l'éducation recommencent à augmenter, il nous
sera possible, de continuer à avancer dans la direction que nous avons
déjà prise, car, encore une fois, nous reconnaissons
l'extrême importance de cette dimension du système
éducatif. Il importe que notre société y consacre le
temps, l'énergie et les ressources nécessaires.
Je comprends donc que vous éprouviez une satisfaction certaine
devant ce projet de loi, dans la mesure où celui-ci reconnaît
l'importance du niveau préscolaire, qu'il reconnaît la
spécificité des services qui sont offerts à ce niveau,
qu'il distingue plus clairement le niveau préscolaire du niveau
primaire, qu'il consacre l'importance du niveau et, surtout, qu'il
reconnaît davantage l'importance que jouent les parents dans la prise de
décisions au niveau de l'école.
J'ai noté, en passant, que vous parlez, d'ailleurs, du
zèle que mettent les parents à participer aux activités de
l'école, particulièrement à ce niveau. Ceci se comprend
puisque les enfants sont encore très jeunes. C'est leur premier
départ de la famille. Le lien que les parents entretiennent avec les
enfants est encore non seulement organique, mais très étroit
à cette étape. On comprend que les parents non seulement
participent davantage, mais sont très préoccupés de
l'action que l'école peut avoir sur leurs enfants et très
préoccupés aussi du rendement des diverses activités
éducatives sur le développement de leur enfant.
Vous allez plus loin, cependant. Vous nous suggérez de
reconnaître davantage les besoins spécifiques de ce niveau
particulier. Vous nous recommandez de les reconnaître
particulièrement au niveau du perfectionnement et au niveau de
l'animation pédagogique. Ne vous semble-t-il pas, cependant, qu'il sera
probablement plus facile de faire quelques pas en avant additionnels avec cette
importance accrue que nous donnons à l'école et avec ce
rôle important que nous voulons donner au conseil d'école puisque,
parmi les fonctions du conseil d'école, il est bien dit dans le projet
de loi qu'il aura à déterminer les besoins de perfectionnement de
l'école?
Je pense qu'étant donné votre importance au niveau de
l'école il sera plus facile pour le préscolaire de faire
connaître ses besoins de perfectionnement, de les faire entériner
par le conseil d'école et de faire en sorte que des recommandations
très précises émanent du conseil d'école vers la
commission scolaire qui aura à arbitrer les diverses demandes de
perfectionnement qui émanent des écoles.
Il en sera de même, je crois, pour vos besoins en animation
pédagogique. Il reste, cependant, que le gouvernement aussi aura un
rôle à jouer. Comme il a commencé à le faire,
d'ailleurs, et vous l'avez rappelé, il devra mettre des ressources
additionnelles qui feront partie de l'enveloppe, qu'il donne aux commissions
scolaires pour satisfaire ces besoins, ces demandes sur le plan du
perfectionnement et de l'animation pédagogique.
Vous allez aussi plus loin en disant que l'évaluation des
activités au préscolaire devrait, elle aussi, être
spécifique. Je ne pense pas que ce soit la responsabilité d'un
projet de loi d'aller jusque-là. Je pense que c'est dans la politique
d'évaluation, que déjà le ministère a rendue
publique il y a quelques mois, que nous devons faire droit à cette
demande. Mais une fois que cette spécificité est reconnue,
là encore, je crois qu'il reviendra aux instances concernées,
c'est-à-dire l'école, à laquelle le projet de loi 40
assigne une responsabilité spécifique pour la première
fois en matière d'évaluation, d'une part, et à la
commission scolaire, d'autre part, qui, elle aussi, en vertu du projet de loi,
possède une responsabilité spécifique sur le plan de
l'évaluation, d'arrimer leurs efforts pour que cette évaluation
devienne de plus en plus spécifique, c'est-à-dire de plus en plus
adaptée aux besoins, d'abord, de l'enfant qui fréquente la
maternelle et aussi aux recommandations que des spécialistes comme vous
pourront faire valoir aussi bien auprès du conseil d'école
qu'auprès de la commission scolaire.
Je pense donc que le projet de loi ne peut pas tout spécifier
à cet égard, mais que le champ, l'espace, les moyens sont
là pour permettre aux enseignantes et enseignants du préscolaire,
ce qu'on appelait auparavant les jardinières d'enfants, de peser de tout
leur poids dans l'orientation des écoles et dans l'amélioration
de la qualité de la formation au niveau du préscolaire. (10 h
30)
Mes deux questions, au fond, peuvent se ramener à une seule. Vous
vous réjouissez, au nom de la démocratie de participation, que
les parents aient un rôle plus grand à jouer au sein de
l'école. Vous dites, d'ailleurs, qu'ils participent déjà
beaucoup. J'aimerais que vous nous disiez de quelle façon la
présence des parents au conseil d'école peut aider à
l'amélioration des activités éducatives au
préscolaire et, deuxièmement, que vous nous parliez davantage de
cette participation des enseignants ou enseignantes au sein du conseil
d'école. Vous voudriez que cette participation soit obligatoire. Vous la
considérez indispensable. Je suis absolument d'accord avec vous.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à quelques
reprises, le gouvernement
peut bien souhaiter, désirer que les enseignants participent au
conseil d'école, mais il faut être sûr que cette main tendue
soit acceptée. Il faut que cette collaboration que nous souhaitons soit
réellement accordée par les associations d'enseignants. Si nous
n'avons pas ces garanties, si, même, on nous dit que cette participation
est très aléatoire et improbable, qu'est-ce que vous nous
suggérez à cet égard? Nous suggérez-vous d'y aller,
quand même, au nom des principes que nous souhaitons? Nous
recommandez-vous de nous engager et de faire en sorte que la participation des
enseignants soit obligatoire au conseil d'école? Ce sont les deux
questions que je voulais poser.
Le Président (M. Blouin): Mme Gravel.
Mme Gravel: En ce qui regarde la participation des parents au
conseil d'école justement, il est peut-être important de
préciser qu'au préscolaire, pour nous, la participation des
parents est déjà chose faite. Déjà, depuis
plusieurs années, les parents font partie intégrante de la
classe, dans le sens qu'ils ont la possibilité de venir travailler avec
nous en classe, de venir nous rencontrer régulièrement pour voir
leur enfant à l'action.
Il y a même des projets - on pourrait en parler longuement - qui
se sont faits un peu partout dans la province. Ce sont des expériences
fort intéressantes. Il serait peut-être bon, à un moment
donné, de pouvoir voir tout ce qui s'est fait. Il y a des endroits
où les parents prennent même parfois part à des
décisions. Je suis d'accord avec vous que ce n'est pas une chose facile.
Dès qu'on parle de prise de décisions, dès qu'on parle de
conseil, tout de suite chacun devient sur ses gardes. On a toujours peur. Dans
un organisme comme une école, où on veut le bien de l'enfant,
surtout au préscolaire, où on veut assurer le
développement de l'enfant, je pense que c'est très important
qu'on travaille ensemble, qu'on soit à une même table, parce qu'on
travaille auprès du même enfant. Je vois mal un conseil
d'école fonctionnant sans les parents et l'école.
M. Laurin: Pour l'enseignant?
Mme Gravel: Étant dans un milieu scolaire, je ne pense pas
que les enseignants soient si négatifs. Ce n'est pas facile parce qu'on
n'est pas habitué. Si on remonte un peu dans l'histoire de
l'école québécoise, il fut un temps où les parents
n'avaient pas tellement de place. Depuis une dizaine d'années, on voit
beaucoup plus les parents dans l'école. Je ne vous dis pas que c'est
encore accepté par tous les enseignants. Ce n'est pas facile. Je pense
que le directeur d'école et le personnel en place ont un rôle
à jouer.
D'après mon expérience, ayant fait de l'animation
pédagogique auprès de groupes d'éducateurs qui, au
départ, étaient très rébarbatifs et ne voulaient
rien savoir des parents dans la classe, je sais qu'après quelques
rencontres, en se servant d'autres personnes qui fonctionnaient
déjà avec les parents, en se servant d'expériences
très positives, on s'est rendu compte que les professeurs avaient
grandement besoin de soutien. Il faut savoir ce qu'on fait dans sa classe. Cela
demande aussi une remise en question. Quand les parents sont dans
l'école, je vous assure que l'on est régulièrement
obligé de se remettre en question. Au départ, si je regarde un
peu le milieu, surtout le milieu préscolaire, je pense que les
enseignants sont en général très réceptifs.
M. Laurin: Selon votre expérience, si le projet de loi 40
était amendé dans le sens d'une participation obligatoire des
enseignants au conseil d'école, d'après ce que vous connaissez du
milieu, est-ce que les enseignants accepteraient cette participation
obligatoire? Est-ce qu'ils accepteraient de siéger au conseil
d'école?
Mme Gravel: C'est difficile de répondre au nom de tout le
monde. Comme vous le voyez dans notre mémoire, je parle toujours au
niveau du préscolaire surtout, c'est à ce niveau qu'on a
mené une consultation. Les professeurs de la maternelle tenaient
à avoir une place même au niveau du conseil.
M. Laurin: J'ai aussi noté avec intérêt vos
remarques sur la dimension religieuse de la formation au niveau du
préscolaire. Je sais que vous vous y opposez. Je le savais depuis
déjà un certain temps puisque j'ai lu votre mémoire il y a
déjà quelques mois. D'autres groupes, d'ailleurs, ont fait
entendre le même son de cloche. Je ne sais pas si vous êtes au
courant que j'ai manifesté, au nom du gouvernement, l'intention
d'apporter un amendement à cet article 17 afin de soustraire
l'éducation préscolaire à cette possibilité qui
reste toujours pour le primaire d'intégrer la formation religieuse
à l'enseignement. Je ne sais pas si vous étiez au courant.
Mme Gravel: Non.
M. Laurin: J'ai déjà annoncé l'intention du
gouvernement de souscrire aux vues que vous soumettez dans votre mémoire
et qui ont été reprises par d'autres groupes. Donc, à cet
égard, je suis heureux de vous annoncer qu'on vous donnera satisfaction.
J'en profite aussi pour répéter que toutes les autres
recommandations que vous nous faites seront étudiées avec
attention, car, pour
nous, elles sont précieuses venant de spécialistes du
champ et surtout en raison de l'ardeur et du zèle que vous mettez
à défendre les mêmes positions depuis maintenant bon nombre
d'années. j'en profite, encore une fois, pour vous remercier de votre
précieuse contribution.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Mme Gravel, mesdames et monsieur, il me fait plaisir de
vous souhaiter la bienvenue au nom de l'Opposition. Vous portez à
l'attention de la commission parlementaire permanente de l'éducation un
aspect très important de notre système d'enseignement,
c'est-à-dire toute la question des services éducatifs offerts
à l'enfance dès le début de la période de
scolarisation. Je crois pouvoir noter avec beaucoup de satisfaction que votre
mémoire est précis; il s'attache à cette question, il la
traite de manière fonctionnelle. Vous faites bon nombre de propositions
qui sont simples, concrètes et qui permettraient d'améliorer sur
bien des points le projet de loi dans le sens d'une reconnaissance encore plus
explicite de la réalité de l'éducation
préscolaire.
Sur le fond, nous sommes d'accord avec la position
générale que vous exprimez et je pense qu'il devrait être
possible, sur les articles que vous avez mentionnés, par exemple, les
articles 8 à 12 qui définissent les services
généraux que devra offrir le système d'enseignement,
d'ajouter les précisions que vous mentionnez. Je vais prendre un exemple
pour que cela soit bien compréhensible pour ceux qui peuvent nous
écouter. L'article 8 du projet de loi se lit comme suit actuellement:
"Les services éducatifs particuliers à l'élève en
difficulté d'adaptation ou d'apprentissage comprennent des services
d'enseignement et des services complémentaires
spécialisés." Si je comprends bien, vous diriez: des services de
formation et d'éveil ou d'enseignement.
Il y a plusieurs articles que vous corrigez de cette façon. Pour
nous, cela ne pose aucun problème. Je suis content que vous le fassiez,
et non seulement pour l'éducation préscolaire. Vous dites,
à un moment donné dans votre mémoire, de manière
incidente ou marginale, qu'il ne faut pas confondre les apprentissages avec la
formation. La formation est beaucoup plus large. C'est vrai au niveau de
l'éducation préscolaire, mais cela l'est également aux
autres niveaux. C'est un des aspects dans le projet de loi qui auraient
peut-être intérêt à être
réexaminés de façon que la dimension éducation et
formation soit inscrite plus clairement au coeur du projet de loi. On a
l'impression, en lisant cela, qu'on est en présence d'activités
qu'on a découpées en 600 articles différents et qui
peuvent toutes se soumettre à des instruments de mesure, de coordination
ou de partage de pouvoirs. Je suis loin d'être sûr que ce soit
aussi clair. Je suis content que votre mémoire ait souligné le
mot formation qui doit être, à mon point de vue,
l'élément moteur de tout le système d'enseignement.
Par conséquent, sur ces points-là, nous sommes très
heureux des suggestions que vous faites. Lorsque arrivera le stade de
l'étude en commission, si jamais le projet se rend jusque-là,
nous serons heureux d'appuyer les recommandations que vous faites.
Je voudrais vous poser une question pour notre information.
L'association que vous représentez regroupe-t-elle des enseignants ou
des responsables d'éducation préscolaire oeuvrant dans le domaine
public, surtout, ou dans le domaine public et dans le domaine privé?
Mme Gravel: Nous en avons de tous les milieux, mais ce sont
surtout des enseignants dans le domaine public. Maintenant, nous couvrons les
gens qui sont enseignants au préscolaire, c'est-à-dire ceux de la
maternelle; nous avons également les gens qui travaillent dans les
universités au niveau de la recherche. En fait, toute personne (des
professionnels, des psychologues) intéressée à la cause du
préscolaire peut faire partie de l'association et nous avons un peu de
tous ces membres.
M. Ryan: Très bien. Vous soulevez un autre point.
Mme Gravel: Et les garderies. M. Ryan: Pardon?
Mme Gravel: J'oubliais les garderies. Nous avons des membres qui
font également partie des garderies.
M. Ryan: Bon, bon, cela fait un secteur assez large.
Mme Gravel: Très large, oui, tout ce qui touche la petite
enfance.
M. Ryan: C'est très intéressant. Encore une fois,
en ce qui regarde la reconnaissance de l'identité propre du secteur de
l'éducation préscolaire, en principe, cela va très bien.
Vous faites une suggestion concernant les commissions scolaires selon laquelle
on devrait faire aux commissions scolaires l'obligation d'avoir un responsable
de soutien à l'éducation préscolaire, sujette à
vérification quant aux possibilités financières. Je pense
que cela va de soi, c'est un élément qui devrait figurer quelque
part. La seule chose qui m'inquiète, c'est que, s'ils en mettent trop
dans le projet de loi, il ne restera vraiment plus grand-chose à
être
décidé par les commissions scolaires. Il y a tous les
règlements derrière cela, en plus. C'est un sujet
d'inquiétude, mais, en principe, cela va très bien. Je pense que,
si on le fait pour d'autres secteurs, celui-là mérite
d'être reconnu. En conséquence, cette reconnaissance doit
entraîner certaines mesures.
Il y a un autre point que vous soulignez qui m'a vivement
intéressé. J'ai l'impression qu'il y a un glissement qu'il faudra
corriger dans la fourniture de services aux enfants venant de milieu
économiquement défavorisé. Vous notez, avec raison, que,
du régime pédagogique au projet de loi, il y a un glissement.
Dans le régime pédagogique, il y a une disposition. Je vais la
lire pour que ce soit bien clair pour tout le monde; c'est, d'ailleurs, repris
pour chacun des niveaux d'enseignement. Je lis ce qui regarde l'enseignement
préscolaire. On dit: "Pour les élèves de milieu
économiquement faible, une intervention éducative
appropriée doit être favorisée dans le but de personnaliser
l'école, de l'adapter aux besoins et à la culture du milieu."
Dans le projet de loi, c'est beaucoup plus vague.
J'ai remarqué une chose. Le ministre a rendu publique, il y a un
certain temps, la nouvelle version que le régime pédagogique
offrirait en tenant compte des changements apportés par la loi. Il a
déposé cela, un jour; vous l'avez probablement vue vous aussi,
c'est Le régime pédagogique, orientation des dispositions
réglementaires découlant du projet de loi 40. À ma grande
surprise, cette garantie, qui était comprise dans la version actuelle du
régime pédagogique, n'est pas dans celui-ci. En tout cas, ce
qu'on voit dans la loi n'est pas aussi précis que ce qu'il y avait dans
le régime pédagogique et c'est ce qui a provoqué la
remarque de l'Association d'éducation préscolaire.
Vous faites deux suggestions visant à renforcer la loi. Il y a
deux articles que vous voudriez renforcer, je pense que c'est l'article 7 et
l'article 112; je ne sais pas si ce sera suffisant. Je veux vous dire qu'on va
regarder cela avec beaucoup d'attention. Ce sera l'objet de ma première
question. J'aimerais savoir comment vous trouvez qu'il y a eu un glissement. Je
ne sais pas si vous avez eu l'occasion de voir ce projet de régime
pédagogique adapté. J'aimerais avoir vos commentaires
là-dessus. (10 h 45)
Mme Gravel: Nous avons en main le document, actuellement. Nous
n'avons pas eu le temps d'en faire l'analyse parce qu'on a été
pris un peu par le mémoire qui nous préoccupait beaucoup. Je
connais, quand même, le régime pédagogique
antérieur. On est très intéressés, justement,
à faire aussi l'analyse de ce document pour voir où est la place
du préscolaire, si cela a été oublié. C'est
assurément un problème, en tout cas depuis plusieurs
années, au préscolaire. Et ce n'est pas d'hier quand même,
on dit que ça fait trente ans. C'est pour ça qu'on défend
encore notre position aujourd'hui où on veut être reconnus parce
que partout on se cherche tout le temps, dans le fond. Est-ce pour le
préscolaire? Parfois, on nous place avec
l'élémentaire.
Entre autres, parlant de régime pédagogique, je pense
qu'il y a, justement, des articles où on disait: L'enfant doit
être présent cinq demi-journées de classe. Si on regarde
les services qu'on donnait, par exemple, aux maternelles quatre ans et aux
maternelles maison où l'enfant y était trois
demi-journées, deux demi-journées, alors, en partant,
déjà on allait à l'encontre du régime
pédagogique. On s'est dit: Bon, encore une fois, on nous a
peut-être oubliés. C'est pour cette raison qu'on en profite
vraiment aujourd'hui pour venir redire toutes ces choses. Ce n'est pas d'hier
et ça se maintient encore. On aura l'occasion, probablement, ensemble
d'en faire l'analyse et de trouver, justement, où on a encore
été oubliés. C'est ce qu'on demande aujourd'hui,
d'ailleurs.
M. Ryan: Oui. Je porte ce document à votre attention. Vous
allez constater qu'il n'est pas question beaucoup du caractère
distinctif de l'éducation préscolaire là-dedans. Je pense
qu'il y a même un danger de recul si le législateur ne porte pas
une attention très soigneuse à ce que vous avez proposé ce
matin.
Mme Gravel: Ce sont un peu les difficultés qu'on a dans
nos commissions scolaires pour plusieurs enseignantes. Dans une école,
par exemple, où il y a une quinzaine ou une trentaine de professeurs,
souvent on se ramasse avec un professeur de maternelle. Pour la commission
scolaire, c'est beaucoup plus facile. On regarde le règlement et on dit:
Le professeur de maternelle, tu passes comme l'élémentaire. Cela
nous cause de gros ennuis quand nous avons comme préoccupation l'enfant.
Entre autres, l'entrée scolaire, par exemple. La présence de X
jours d'école dans le régime pédagogique, je ne sais pas
s'il y a eu des modifications à cela, mais, si on regarde le jeune
enfant qui arrive pour la première fois à l'école, souvent
il n'a pas eu de contacts avec de gros groupes. Il y avait, quand même,
une certaine habitude dans le milieu où on faisait un genre
d'entrée, par exemple, qui prenait trois ou quatre jours. On
reçoit les enfants par petits groupes, accompagnés des parents au
début, pour mieux connaître l'enfant, le sécuriser. Cela
fait partie de notre quotidien. Mais, quand on nous arrive avec un
règlement fait de cette façon où on dit X jours, la
façon peut-être la plus facile souvent pour les commissions
scolaires c'est
de dire: C'est écrit, donc on doit s'y soumettre. C'est pour
ça qu'on revendique aujourd'hui.
M. Ryan: Je voudrais vous demander une petite explication.
À l'article 97 du projet de loi, vous proposez l'addition d'un
paragraphe. Ce n'est pas parce que je veux entrer dans les choses bien
techniques, mais ça m'a étonné. Cet article-là dit:
"Après consultation de l'élève, de ses parents et du
personnel en cause et conformément aux critères de la commission
scolaire, le directeur de l'école peut intégrer un
élève en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage
à une classe ordinaire lorsqu'une telle mesure est possible et propre
à faciliter l'insertion sociale de l'élève." Là,
vous dites qu'il faudrait ajouter ceci: Le directeur d'école s'assure
que les services éducatifs particuliers à l'élève
ou les services d'animation pédagogique auprès du personnel
enseignant sont disponibles et appropriés. Pourriez-vous expliquer
ça?
Mme Gravel: Souvent, dans le milieu, aussi, on a les enfants
intégrés. À la maternelle, de toute façon, il n'y a
pas de triage déjà fait; on prend tous les enfants qui se
présentent, qui s'inscrivent. C'est sûr qu'à ce
moment-là on demande que le personnel ait toute l'aide
nécessaire. Quand on regarde l'âge, je pense que souvent, à
quatre ou cinq ans, c'est beaucoup plus facile d'intervenir. Souvent, on
investit beaucoup au niveau des enfants de l'élémentaire ou du
secondaire et on oublie ce jeune enfant qui est la base, dans le fond, du
système.
On demande, justement, d'ajouter cela, pour donner encore beaucoup plus
d'importance au préscolaire et à l'intervention qu'on peut faire
auprès du jeune enfant. On a besoin d'aide, une éducatrice qui
est seule, qui rencontre 40 enfants par jour, à qui on demande plein de
choses, qui est très présente - c'est une présence
constante, dans le fond - a besoin de cette aide. Je pense qu'à certains
endroits il y a une question financière, bien sûr, si je parle
d'une commission scolaire où les gens sont tous éparpillés
par petits villages, etc., mais il y aurait sûrement quelque chose
à faire pour aider ces gens qui sont seuls dans leur coin et qui ont
besoin d'aide. Je ne sais pas s'il y a d'autres membres qui veulent ajouter
quelque chose.
Mme Gaudreau (Carole): Ce soutien est effectivement très
important. L'enfant entre à l'école pour la première fois
et très souvent, quand on travaille avec un enfant handicapé, peu
importe le handicap, on travaille aussi en étroite collaboration avec le
parent parce que c'est la première fois que cet enfant est dans un
groupe. Le parent est aussi confronté à une autre
réalité. Il a un cheminement à faire aussi. On a à
travailler étroitement avec le parent et l'éducatrice a besoin
d'appui. Il ne faut pas oublier que la majeure partie du temps elle a 20
enfants.
M. Ryan: Très bien. Il y a une suggestion qui m'a
étonné à l'article 99. L'article se formule comme suit
dans le projet de loi: "L'école est responsable de l'application des
programmes d'activités de formation et d'éveil et des programmes
d'études officiels." Dans d'autres articles, vous demandiez qu'on ajoute
cet élément des activités de formation et d'éveil
et là vous demandez qu'on l'enlève.
Mme Gaudreau: M. le Président, c'est que cette section
s'intitule Services d'enseignement.
M. Ryan: Ah oui!
Mme Gaudreau: Au début, on a fait une distinction entre
les services de formation et d'éveil et les services d'enseignement. On
arrive ici et il y a une section sur les services d'enseignement et il n'y en a
pas sur les services de formation et d'éveil. On n'est pas là du
tout.
M. Ryan: Très bien. J'ai une question à propos du
conseil d'école. Comme responsables de classes préscolaires, vous
faites partie du personnel enseignant de l'école. Si j'ai bien compris,
tantôt, vous avez dit que vous insistiez pour avoir un
représentant de votre secteur au conseil d'école.
Mme Gravel: C'est-à-dire que notre position face à
cela est qu'il y ait des enseignants au conseil d'école. Ce n'est
peut-être pas nécessaire que cela figure dans la loi, mais, autant
que possible, on aimerait qu'il y ait quelqu'un du préscolaire, parce
que ce même débat qu'on vient faire ici, vous savez, on est
obligés de le faire dans nos écoles aussi, parce que la plupart
du temps, dans une commission scolaire ou une école, vous avez une
éducatrice au préscolaire et quinze autres personnes. Bon, les
matières, c'est beaucoup plus important. Je le sais. Parfois, il y a des
réunions au niveau de l'école et on oblige les éducateurs
du préscolaire à aller s'asseoir là pendant une heure, une
heure et demie pour entendre parler de problèmes de
l'élémentaire et la personne qui est toute seule, lorsqu'elle
vient pour demander quelque chose, on va lui dire: Attends, on réglera
cela après parce que tu es toute seule. Alors, c'est cela que
l'éducatrice vit. C'est aussi pour cette raison qu'on demande de
l'animation pédagogique, parce qu'au niveau d'une commission
scolaire,
parfois, c'est difficile. Il y a beaucoup d'endroits où on n'a
pas cette animation pédagogique. On compare aussi avec toute l'animation
pédagogique qu'on donne au niveau des matières théoriques,
entre autres, de l'élémentaire; chose qu'on n'a absolument pas au
préscolaire.
M. Ryan: Mais il y a une chose que j'ai de la difficulté
à voir. J'aimerais avoir des précisions de votre part. Je ne vois
pas ce que le conseil d'école va faire pour vous aider tellement. Vous
disiez tantôt que vous travailliez de très près avec les
parents. Qu'il y ait un comité de parents qui travaille avec vous
immédiatement et qu'il participe à certaines décisions, je
le conçois très bien, mais là il est question d'un conseil
pour toute l'école, qui aura la responsabilité de l'ensemble.
Pensez-vous que cela va vous dispenser du besoin d'un mécanisme
collégial propre pour votre secteur?
Mme Gravel: Non. Je pense que c'est, quand même,
intéressant que le professeur d'éducation préscolaire
s'implique. On ne peut le renfermer dans sa classe et lui dire: Toi, tu es
à part et tu restes là. Le professeur d'éducation
préscolaire fait, quand même, partie d'une école. Je trouve
fort intéressant que la personne s'implique au niveau de son
école. Il faut dire, pour les parents, que les enfants qui sont au
préscolaire, l'année d'après, sont à
l'élémentaire. Alors, je pense, au contraire, que cela peut
être avantageux. Par exemple, s'il y a des discussions
intéressantes d'ordre pédagogique, l'éducateur
préscolaire pourra apporter ses connaissances et dire ce que les enfants
vivent pour qu'il y ait peut-être - et c'est encore un de nos souhaits -
plus de suite entre le préscolaire et l'élémentaire.
On parle d'activités d'éveil au niveau préscolaire.
On parle d'activités d'apprentissage à
l'élémentaire. Donc, ce serait peut-être bon qu'il y ait
aussi au niveau de l'élémentaire de la formation. C'est
peut-être pour assurer une meilleure continuité. Je pense qu'entre
un enfant de cinq ans et un enfant de dix ans il y a une bonne
différence, oui, mais la différence n'est quand même pas si
grande. Ce sont les mêmes parents.
M. Ryan: J'ai une dernière question, qui va
peut-être en entraîner une autre, parce que je veux que votre
position soit bien claire. Concevez-vous une école où
l'autorité ultime, c'est un conseil d'école formé en
majorité de parents? Comment cela va-t-il se rattacher à la
commission scolaire? Quel va être le rôle du directeur? Avez-vous
pensé à tout cet enchaînement de fonctions?
Mme Gravel: Vous avez lu le mémoire, de toute
façon. Nous ne voulions pas nous attaquer à la structure du
projet de loi 40 mais nous avons tout de même une position -nous le
glissons à un moment donné - car on veut qu'il y ait une
majorité enseignants et parents.
M. Ryan: Pardon?
Mme Gravel: Qu'il y ait une majorité enseignants et
parents.
M. Ryan: Une égalité.
Mme Gravel: Je veux dire une égalité enseignants et
parents.
M. Ryan: S'il y a conflit entre les deux, qu'est-ce qu'on
fait?
Mme Gravel: Nous discutons, il y a sûrement moyen de...
M. Ryan: Qui va décider?
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: C'est là le problème; je vous le pose. Je
le pose surtout à l'intention du ministre. Il faut avoir une
réponse à cette question, en fin de compte.
Mme Gravel: C'est difficile de répondre, je ne voudrais
pas devenir la...
M. Ryan: Non, non. Je comprends très bien votre
embarras.
Le Président (M. Blouin): Merci.
M. Ryan: Cet embarras est créé par le projet de loi
40 et les amendements qu'a laissé entrevoir le ministre. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil.
M. le député de Vachon.
M. Payne: Vous avez souligné les points forts du projet de
loi 40. Pour ma part, j'aimerais insister sur quelques points faibles que vous
avez signalés. Il y en a un qui m'a frappé. J'ai fait des
recherches tout à l'heure précisément concernant les
services éducatifs aux élèves de milieu
économiquement faible. C'était contenu dans l'ancien
règlement de 1981, à l'article 13, où il est dit: Pour les
élèves de milieu économiquement faible, une intervention
éducative appropriée doit être favorisée dans le but
de personnaliser l'école, de l'adapter aux besoins du milieu et à
la culture du milieu." D'après ce que j'ai pu constater, dans le
règlement déposé il y a quelques semaines concernant le
régime pédagogique du primaire et du secondaire et
l'éducation
préscolaire, ce n'est pas repris.
L'article 12 précisément, qui touchait les services
éducatifs particuliers aux élèves en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage, a été repris au nouvel article 9
du régime pédagogique tel que déposé. Là on
parle de l'élève en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage ou de milieu économiquement faible qui atteint
l'âge de quatre ans, etc. C'est discuté plus explicitement
à l'article 21, où on dit: Les activités de
rééducation ou d'adaptation, déterminées pour
l'élève de l'éducation préscolaire, du primaire et
du secondaire en difficulté d'adaptation, peuvent s'inscrire à
l'intérieur du temps minimum prévu aux articles 16, 17 et 18.
L'article 12 est donc repris et reconduit dans le nouveau règlement,
mais l'article 13 n'est pas repris. Par contre, même si j'admire la
manière dont on a classé les services éducatifs dans le
projet de loi - les articles 4, 5, 6, 7, 8 et 9 résument très
bien au niveau des principes les services offerts - les services
éducatifs pour les élèves de milieu économiquement
faible ne sont pas repris, même dans le projet de loi 40. Je crois que
cela est assez important.
Par contre, j'aimerais ajouter quelque chose sur les inquiétudes
que vous avez soulevées, à savoir que les règles
budgétaires demeurent. Justement, les règles budgétaires
qui assurent à 100% les services éducatifs exigés par la
loi et les règlements sont "complémentées" par les
règlements concernant les allocations additionnelles ou les allocations
supplémentaires. Traditionnellement, cela couvrait des domaines comme
l'enseignement des langues d'origine, le développement
pédagogique concernant les autochtones, les programmes spéciaux,
les élèves qui sont capables d'un progrès rapide dans le
système, aussi quelques programmes concernant la francisation. Il y a
aussi les règles de péréquation qui concernent les milieux
économiquement faibles. À ce que je sache tous ces programmes et
les règles de péréquation ne sont pas enlevés. (11
heures)
La semaine dernière, on a rencontré le Conseil scolaire de
l'île de Montréal. Ses membres ont noblement souligné les
efforts très importants qu'ils ont faits à cet égard, mais
peut-être n'ont-ils pas souligné suffisamment le fait que ces
allocations supplémentaires viennent du ministère et non des
commissions scolaires. Les commissions scolaires reçoivent leur budget
annuel régulièrement et, en plus, par les règles du
ministère concernant la péréquation, ils reçoivent
le supplément.
On se souvient aussi que le ministre a déposé
dernièrement un document concernant la péréquation des
ressources. Il y avait précisément, dans l'article 7.5, une
référence aux milieux économiquement faibles. Donc, je
suis d'accord avec vous pour dire que cela manque. L'article 13 n'est pas
repris dans le règlement, mais les règles de
péréquation demeurent.
Avez-vous d'autres exemples de failles ou de lacunes de ce genre dans le
projet de loi?
Le Président (M. Blouin): Mme Gravel.
Mme Gravel: Non, je... J'ai du mal à saisir toute la
question. Il y a beaucoup de bruit.
M. Payne: II y a beaucoup de bruit. Mme Gravel: Oui.
M. Payne: Je vous demande s'il y a d'autres exemples de petites
failles de ce genre. Je poserai une question complémentaire. Dans les
commentaires du règlement de 1981, il est écrit: L'approche du
ministère, en ce domaine, est évolutive et, expérimentale.
Tout en suggérant lui-même des moyens d'action, le
ministère encourage le milieu scolaire à créer, à
améliorer, et à expérimenter des interventions
variées. Celles-ci devraient contribuer à une prise en charge
plus communautaire des enfants de milieu économiquement faible, de
façon à leur assurer un développement le plus
équilibré et le plus complet possible.
Pouvez-vous nous faire part de vos expériences selon les
recommandations contenues dans ces commentaires?
Mme Gravel: Si l'on regarde les expériences, ce qu'ils
proposaient, c'est que les commissions scolaires maintiennent des services pour
les milieux économiquement faibles. Mais nous, quand on s'attarde
uniquement au préscolaire, c'est encore une minorité dans une
commission scolaire, mais c'est quand même toujours sous
l'autorité du ministère.
Ayant moi-même travaillé comme agent de
développement pédagogique au niveau des milieux
économiquement faibles, je peux vous dire qu'à un moment
donné, quand on est entré là, entre autres - je couvrais
toute la région Saguenay-Lac-Saint-Jean - on nous disait: Cette
année, c'est tel développement, l'an prochain, ce sera beaucoup
plus généralisé. Peu à peu, on s'est vu diminuer.
Le nombre même n'a pas augmenté. Les agents de
développement sont tous disparus au niveau du ministère. Il n'y a
donc pas de soutien au niveau des commissions scolaires.
C'est beau de dire aux commissions scolaires de s'organiser, mais je
pense que cela prend quand même un certain soutien pour... Je ne suis pas
bien comprise?
M. Payne: Non, non. C'est très bien. Mme Gravel:
Cela va?
M. Payne: Oui. Merci beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Vachon. Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux souligner
à notre collègue du comté de Vachon - d'ailleurs, ce n'est
pas uniquement pour lui - qu'à plusieurs reprises, des témoins
sont venus ici nous dire et nous faire sentir les effets des coupures
budgétaires. Je pense que la suppression des ADP (les agents de
développement pédagogique) est un bon exemple. Il ne faut pas
s'imaginer qu'on coupe et que cela ne paraît nulle part.
Ceci dit, ce n'est pas l'objet de votre présence ici. Je ne
reviendrai pas sur les recommandations que vous faites dans votre rapport parce
que je pense que mon collègue d'Argenteuil les a à peu
près toutes touchées. Compte tenu de votre expérience,
j'aurais trois questions à vous poser. Premièrement, eu
égard à l'âge d'admissibilité à
l'école, on sait qu'il y a des gens qui sont tenants que l'âge
d'admissibilité, en première année, soit reporté au
1er janvier plutôt qu'au 1er octobre, comme c'est le cas, actuellement,
ce qui permettrait à des enfants de ne pas perdre une année
complète, mais uniquement une demi-année. Je pense que c'est
d'ailleurs ce qui se fait en Ontario; quant aux autres provinces, je
l'ignore.
Compte tenu que tous les enfants devront maintenant passer par la
maternelle, que de plus en plus d'enfants peuvent faire de la garderie ou de la
prématernelle pour la moyenne des enfants - parce qu'il y a toujours des
exceptions dans tous les enfants qu'on reçoit - croyez-vous qu'un enfant
qui aurait cinq ans le 1er janvier pourrait par la suite entrer à
l'école au mois de septembre sans diminuer ou avancer l'âge
d'admissibilité à l'école, compte tenu de votre
expérience au préscolaire?
Mme Gravel: Compte tenu d'expériences, justement... Il en
a été question à un moment donné et je pense que
l'association avait présenté à ce moment-là une
forme de mémoire. On me le dira si je me trompe. La position est que,
logiquement, si on regarde... Par exemple, dans mon école et dans mon
milieu, je l'ai vécu effectivement parce que j'ai un fils qui est du
mois de novembre. Il aurait été pris, je dis bien, pour entrer
une année plus tôt à l'école. Tout est en fonction
du taux d'attente. Le problème, au fond, se situe beaucoup plus dans le
taux d'attente qu'on a des enfants au niveau de l'élémentaire. Il
est difficile de dire qu'un enfant entre au mois de septembre parce que c'est
vraiment, souvent, une question de jours. J'ai quand même remarqué
par expérience que plusieurs enfants qui éprouvent des
difficultés d'apprentissage... Encore là, je le mets entre
guillemets, parce que c'est quoi une difficulté d'apprentissage? Cela
dépend de ce qu'on attend de lui. Si on suit le rythme d'un enfant, on
peut entrer n'importe quand à l'école et on va le suivre. Cela
peut aller. Il faut surveiller quand même des critères bien
déterminés à un âge donné où on
vérifie les apprentissages de l'enfant.
Personnellement, ainsi que plusieurs autres, on n'était pas pour
ce changement de date. Il y a plusieurs enfants qui sont plus jeunes et on peut
faire tellement de choses avec un jeune enfant de cet âge. Vous l'avez
mentionné vous-même, aujourd'hui, il y a d'autres endroits
où l'enfant peut aller. Il y a des activités, des garderies et
beaucoup d'expériences que l'enfant peut vivre. Par contre,
actuellement, on a quand même un autre problème qui se pose dans
une école. Je suis moi-même dans une école
élémentaire. Vous avez certains enfants - là-dessus, je
fais une réserve - pour qui il est difficile d'être
catégorique en ce sens qu'il y a certains enfants, selon l'environnement
culturel peut-être, qui seraient prêts, mais ce n'est pas une
question d'âge, au fond. J'ai vu des enfants qui étaient
nés le 15 septembre et qui fonctionnaient très très bien.
J'en ai vu d'autres qui étaient peut-être du mois d'octobre, qui
avaient six ans en commençant l'école et qui éprouvaient
de gros problèmes. Je pense que ce n'est pas en changeant une date qu'on
peut régler ce genre de problème. Je reviens encore à
notre marotte: il faut travailler beaucoup avec le milieu et de là un
peu la cohérence qu'on apporte quand on dit qu'il ne faut pas oublier
les milieux économiquement faibles.
Je regarde quand même depuis une vingtaine d'années que
j'oeuvre vraiment au préscolaire, on avait un certain temps. Il y a
toute la conjoncture économique et il y a toute la société
actuellement qui vit un changement. Il y a une répercussion sur nos
jeunes également. Je me souviens, quand on a commencé avec les
petits à la maternelle - on disait les petits parce qu'ils
étaient vraiment des petits - il fallait leur montrer parce que les
enfants étaient beaucoup plus dépendants et plus
bébés qu'aujourd'hui. On se rendait compte qu'il y avait une
moyenne d'enfants dont une minorité qu'on disait plus ou moins
favorisée. Il y avait aussi une minorité d'enfants très
favorisés ou qui avaient un développement peut-être
supérieur à la moyenne.
Aujourd'hui, on constate dans nos écoles qu'il y a des enfants
qui ont vraiment tout, qui sont vraiment favorisés et qui ont le
maximum. C'est l'écart entre les deux qui cause un problème
actuellement. De là le problème de certains enfants: est-ce qu'on
les inscrit au mois de septembre ou au mois
de janvier? Je ne suis pas sûre qu'en changeant la date... Un
enfant, par exemple, qui est du mois de novembre, qui aura cinq ans pour
commencer, à moins de modifier ou d'aménager
l'élémentaire I - je parle de la première ou de la
deuxième année - en fonction de ce que l'enfant est capable de
faire, mais ce n'est pas toujours ce qui se fait. On a de bons programmes, on a
plein de choses qu'on donne actuellement, mais il n'est pas sûr que cela
change le moteur au fond. On a encore cette forme d'attente. Même chez
les parents, je pense qu'il y a encore un gros travail à faire
là-dessus. Nous, à la maternelle, devons constamment -c'est
toujours à recommencer, au fond -débattre que l'enfant peut
arriver à apprendre en jouant, par exemple. Beaucoup de gens pensent que
les enfants en maternelle jouent. On l'entend encore. Pourtant, beaucoup
d'information est donnée à ce sujet-là, mais on l'entend
régulièrement. Je réponds aux parents que cela veut dire
que, si l'enfant qui joue...
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, mais quelle est la solution au
problème -vous reconnaissez qu'il y en a un...
Mme Gravel: Oui.
Mme Lavoie-Roux: ...entre des enfants qui seraient prêts et
d'autres qui ne le sont pas ou qui le seraient moins?
Mme Gravel: Je pense qu'il faudrait...
Le Président (M. Blouin): Mme Bergeron.
Mme Bergeron (Carmen): Oui. On a demandé, lorsqu'on a
présenté le mémoire sur la formation professionnelle des
jeunes, l'automne dernier, qu'il y ait des entrées progressives - un
enfant qui est selon son rythme, comme vous le demandez, ce n'est pas dû
à l'âge ou ainsi de suite; c'est selon le rythme de l'enfant,
selon qu'il est prêt à - qu'il y ait un aménagement au
niveau du système scolaire pour que l'enfant soit capable, supposons, de
faire son année scolaire. S'il est capable de s'en aller en
première année plutôt que de le faire, selon ce que vous
demandez, en janvier ou vice versa, changer la date d'entrée... On a
demandé qu'en cours de route, si l'enfant est prêt à s'en
aller en première année, s'il a le "readiness" nécessaire,
qu'on soit prêt à le recevoir en première année. Il
faudrait deux entrées progressives par année.
Mme Lavoie-Roux: Sauf que là, vous feriez deux
entrées progressives.
Mme Bergeron: Deux entrées progressives.
Mme Lavoie-Roux: Je vois aussi la difficulté et la
compétition dans le voisinage entre des enfants qui, eux, sont
jugés aptes à entrer et ceux qui ne le sont pas. Par contre, je
pense qu'il y a aussi des enfants qui - ce n'est pas une réflexion sur
ce que vous faites bien ou mal, mais vraiment une réalité -
après la garderie, une prématernelle, une maternelle ont
hâte d'entrer à l'école, ils sont prêts à
entrer à l'école et on les retient en arrière. Il faut
quand même se rendre compte que c'est aussi une
réalité.
Mme Gagnon (Josette): C'est quand même une minorité.
De toute façon, si on a à généraliser, on s'assure
moins d'effets négatifs à ce que l'enfant entre plus tard
à l'école que plus jeune. Si on doit généraliser
pour un âge...
Mme Lavoie-Roux: Oui, sur cela.
Mme Gagnon: ...au moins on peut s'assurer de cela.
Mme Lavoie-Roux: On parle beaucoup d'intégration d'enfants
handicapés. Dans quelle mesure acceptez-vous des enfants
handicapés dans vos maternelles? Quelle serait la nature des handicaps
et quel serait le nombre d'enfants handicapés que vous pourriez avoir
comme moyenne dans une maternelle?
Mme Gaudreau: Le nombre d'enfants que nous pouvons avoir, je ne
le sais pas. En termes de handicap, j'en ai vu de déficient moyen
à psychotique, à paralytique cérébral, d'à
peu près tous les types de handicaps.
Mme Lavoie-Roux: Du moment qu'un enfant marche...
Mme Gaudreau: On accepte tous les enfants.
Mme Lavoie-Roux: ...il n'y a presque pas de... et même un
enfant qui aurait plus de difficulté à marcher. En fait, il n'y a
presque pas de handicaps qui empêchent l'enfant d'entrer dans une
maternelle régulière d'une école publique. Est-ce que
c'est cela que je dois comprendre?
Mme Gaudreau: Oui, c'est cela.
Mme Gravel: Au niveau de la maternelle, si on regarde ce qui se
fait actuellement - je parle pour un gros milieu -presque tous les enfants
peuvent y entrer. On ne fait pas cette séparation de l'enfant, à
moins, bien sûr, d'un enfant qui vraiment ne peut pas se joindre à
un groupe, s'il est un débile profond, s'il n'est pas propre ou quelque
chose comme cela. En général, les
enfants sont intégrés. On n'a pas cette séparation.
C'est rare, les milieux qui, actuellement, vont sortir des classes maternelles
les enfants. Cela prend vraiment un handicap.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous allez garder un enfant, par
exemple, qui souffre d'autisme?
Mme Gravel: C'est arrivé qu'on a vu dans les classes
maternelles des enfants qui souffraient d'autisme pour autant que l'enfant peut
s'intégrer au groupe. Si cela peut perturber le groupe...
Mme Lavoie-Roux: C'est quasiment opposé.
Mme Gravel: J'ai vu un enfant qui était justement atteint
de ce trouble mais qui ne dérangeait quand même pas; en
majorité, il suivait. Par exemple, si l'enfant frappe, s'il traumatise
d'autres enfants, à ce moment-là on est obligé
d'intervenir.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Vous avez fait
allusion, à la page 14 de votre mémoire, justement en
référence aux services dans les milieux économiquement
faibles, des recherches à court terme que vous qualifiez de peu
concluantes. Vous considérez que le ministère se serait mis
à l'écoute de ces recherches à court terme. De quelle
nature étaient-elles? Quelles en étaient les conclusions?
Vous disiez tantôt - je trouvais cela extrêmement
intéressant - que les enfants qui arrivent maintenant - vous faisiez
aussi allusion à l'expérience que vous avez accumulée
depuis 20 ans - étaient moins bébés qu'auparavant.
Peut-être sont-ils plus socialisés? Certains d'entre eux ont-ils
déjà passé par la garderie ou tout simplement par une
garde en milieu familial ou par un certain détachement de la mère
ou du père, par une certaine distance si tant est que l'un ou les deux
travaillent à l'extérieur. Je voulais savoir si vous maintenez
des relations assez suivies avec les garderies en milieu scolaire. (11 h
15)
Vous utilisez le terme "maternelle" dans votre mémoire. Vous nous
dites que la spécificité du préscolaire par rapport au
primaire c'est le développement global et harmonieux de l'enfant mais
c'est aussi la spécificité de la halte scolaire, de la garderie
en milieu scolaire. J'imagine qu'il n'y a pas seulement des relations
d'intégration entre le primaire et le préscolaire mais entre la
garde en milieu scolaire et la maternelle. Il y a une spécificité
mais il doit y avoir quand même une frontière assez ténue;
cela doit être assez rapproché le type d'intervention qui peut se
faire. De quoi s'agit-il exactement en ce qui concerne les études
menées dans les milieux défavorisés? Quelle sorte de
relations entretenez-vous avec ce qui tend à se développer
beaucoup dans les écoles, la garde en milieu scolaire?
Mme Gaudreau: En ce qui concerne les études, il s'agit des
études qui ont été faites à Montréal
l'été dernier. La seule position -ce n'est pas une position, ce
sont des réflexions qu'on a pu faire après la lecture de ces
recherches...
Mme Harel: Que disaient ces recherches?
Mme Gaudreau: II y en avait certaines qui disaient
qu'après avoir évalué les élèves qui avaient
eu des interventions en milieu économiquement faible à la
maternelle on évalue les rendements scolaires uniquement en
quatrième et cinquième année, en français et en
mathématiques, pour dire que les pourcentages ne sont peut-être
pas tellement plus élevés. Est-ce que toutes les interventions
qui ont été faites ont été significatives au niveau
du préscolaire? C'était un élément qui était
remis en question.
On pense que les recherches devraient aller beaucoup plus loin et
sûrement avec des outils plus pertinents. Il y a sûrement autre
chose à évaluer que strictement le rendement intellectuel, sans
le mettre en relation avec un développement socio-affectif, quand on
sait toute l'importance qu'un développement socio-affectif peut avoir
sur le développement intellectuel. C'est plutôt dans ce
sens-là qu'on s'est interrogé sur la pertinence d'utiliser ces
résultats pour de futures interventions.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
Mme Parizeau (Céline): J'aimerais ajouter qu'au
départ les interventions qui étaient faites dans les milieux
économiquement faibles n'étaient pas pour prouver ce que Mme
Gaudreau vient d'avancer, qu'en mathématiques et en français les
enfants devaient réussir. On se demande donc pourquoi se baser sur ces
recherches pour en arriver à réduire les services en milieu
économiquement faible parce que cela n'était pas l'objectif au
départ.
Mme Harel: La diminution à Montréal
s'est fait sentir de quelle manière? Il y a eu une diminution des
classes quatre ans de prématernelle dans les milieux
économiquement faibles?
Mme Parizeau: Dans les commissions scolaires de Laval, je ne sais
pas comment s'est produite la réduction des services.
Mme Harel: Par exemple, là où il y a une
concentration de parents sous-scolarisés, où il y a une
concentration de parents qui n'ont comme langue d'usage que leur langue
maternelle autre que le français ou l'anglais, habituellement il y avait
des classes maternelles quatre ans. Est-ce que cela a été
maintenu ou est-ce que, compte tenu des études dont vous mettez la
pertinence en doute, il y a eu diminution?
Mme Parizeau: Ce que je peux répondre à cela c'est
qu'à la commission scolaire où je suis - ce n'est pas la
commission scolaire de Montréal - les services qu'on offrait il y a
quelques années aux enfants de quatre ans dont les parents
étaient de différentes ethnies sont complètement disparus.
Maintenant, les enfants qui passaient par les classes d'accueil quatre ans et
cinq ans sont dans les maternelles. On recommande, bien sûr, à la
commission scolaire de donner un soutien linguistique à ces
enfants-là mais le service qu'on peut leur donner est moins complet que
ce qu'ils recevaient dans les classes d'accueil de quatre ans. On ne peut pas
faire à la fois une maternelle d'accueil et une maternelle avec les
objectifs de développement globaux qu'on poursuit. Les objectifs d'une
classe d'accueil sont vraiment d'enseigner la langue aux enfants.
Mme Harel: Quelles sont vos relations avec l'office de garde?
Plus concrètement, dans une école, un enfant passera à la
maternelle environ deux heures, et plusieurs d'entre eux se retrouveront cinq
ou six heures à la garderie de l'école. Est-ce qu'il y a des
relations qui sont entretenues?
Mme Gravel: Oui, justement. L'an dernier, on a fait un
congrès de la petite enfance dans la région du Saguenay et
c'était un de nos objectifs à ce moment-là de
déboucher un peu sur les garderies et d'inviter ces gens à
s'asseoir à la même table que nous. De plus en plus, c'est
peut-être même un souhait de l'association qu'on arrive à
avoir un office de la petite enfance ou, au moins, qu'on essaie de
réunir tous ces services auxquels on pourrait donner beaucoup plus de
cohérence. On propose même, à un moment donné, la
maternelle à temps plein; peut-être que ce serait une des
solutions dans ce sens. Un enfant qui va à la maternelle le matin,
dîne à la garderie de l'école le midi, s'en va à la
garderie l'après- midi et, le soir, si la mère a des cours,
l'enfant est encore gardé.
On se dit: Pourquoi ne pas réunir tout ce monde qui veut
tellement le bien du jeune enfant et essayer de faire quelque chose ensemble en
organisant un système où l'enfant sera en présence de
moins d'intervenants? Cela peut devenir néfaste qu'un jeune enfant passe
de trois à quatre personnes par jour. C'est une question de valeurs et
ce serait important qu'on s'y arrête. Je me dis que c'est peut-être
la demande clé, actuellement; on devrait pouvoir arriver à parler
le même langage. Les garderies sont très ouvertes à cela,
si on regarde les demandes qui nous sont faites au niveau de l'association,
entre autres, auxquelles plusieurs personnes adhèrent. Les gens nous
demandent de participer à nos colloques, les gens veulent vraiment se
faire une place avec notre association; on trouve cela
bénéfique.
Pour répondre sur le milieu, il est difficile de répondre
au nom de toute la province. Je peux vous dire que, dans mon milieu,
actuellement, il y a une relation qui est bien meilleure avec les garderies et
il est intéressant de voir l'évolution qui s'est faite au niveau
du préscolaire. On retrouve, au niveau des garderies, les
difficultés qu'on a eues il y a quelques années; alors, on peut
les aider dans ce sens à passer à travers. Je pense que tous ceux
qui veulent le bien du jeune enfant peuvent se donner la main; avec le
ministère, si on se donne tous la main, on pourra donner au jeune enfant
tout ce dont il a besoin. Avec les parents aussi.
Le Président (M. Blouin): Cela va? Cela va, Mme la
députée de Maisonneuve? Merci. M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: Bonjour! Un de mes beaux souvenirs, dans ma
carrière de directeur d'école, est justement celui de la
présence de deux maternelles dans mon école et des visites que je
faisais assez régulièrement pour les saluer. Je vous ai toujours
admirés à cause de votre dévouement; j'admirais aussi
beaucoup, comme vous en faisiez mention tout à l'heure, la participation
des parents à ce niveau. J'ai beaucoup aimé votre mémoire,
il est franc, il est discret, il est spontané, un peu comme les rires et
les colères des enfants dont on dit parfois que la vérité
sort de leur bouche.
En page 15, vous vous interrogez - et je reviens là-dessus parce
que je crois que c'est très important - sur la présence
facultative du personnel enseignant au conseil d'école et vous vous
demandez si le ministre n'essaie pas de contourner subtilement le
problème au lieu d'y apporter une solution. C'est clair que M. le
ministre veut aller de l'avant avec son projet de loi, même si ce
problème spécifique n'est pas réglé. À
notre
grande stupeur, l'Association des principaux d'école du
Québec s'est même presque opposée à cette
participation des enseignants, ayant peur de sabotage et de confrontation.
Vous préconisez la présence obligatoire, donc, un peu la
conscription. Ce n'est certainement pas la solution idéale, mais est-ce
vraiment plus valable que l'absence totale des professeurs? Je vous torture un
peu sur ce sujet, c'est vous qui l'avez soulevé. Je crois que c'est un
point vraiment essentiel. On ne pourra jamais régler les
problèmes actuels dans le cadre d'un projet de loi si les enseignants ne
participent pas. Autrement, comme je le disais hier, on s'en va vers une
nouvelle loi non pas sur les pourboires, mais sur les déboires.
Est-ce que, pour vous, un comité paritaire - on vous a
posé la question tout à l'heure - serait vraiment plus profitable
et plus valorisant? Est-ce que cela pourrait devenir une source de conflits et
de confrontations? Je suis content de voir que M. le ministre, maintenant,
s'interroge beaucoup sur ce sujet et s'inquiète avec raison. Pour nous,
de ce côté-ci, c'est un point vraiment essentiel. Pour moi, qui ai
vécu dans les écoles, je sais que, sans la participation des
professeurs, un directeur a les deux bras coupés et un ministre aussi,
c'est impossible d'aller plus loin. Pourriez-vous élaborer encore un peu
votre pensée sur ce sujet?
Mme Gravel: Je vois mal le fonctionnement d'une école si
les intervenants ne sont pas tous à la même table. Je ne peux pas
ajouter autre chose. Il y aura sûrement un apprentissage à faire
dans certains milieux, parce qu'on n'est pas habitué à ça.
C'est un changement qui est assez important. C'est peut-être tout ce
dynamisme qu'on retrouve chez les éducateurs du préscolaire,
comme vous le disiez tout à l'heure, auprès de l'enfant... On a
encore ça et on a le goût, au niveau préscolaire, de faire
partie de ça.
M. Hains: Je vais laisser ce sujet, je ne vous en parle que pour
insister davantage auprès du ministre...
Mme Gravel: Pour nous non plus ce n'était peut-être
pas le point le plus important.
M. Hains: Non, certainement pas. Je vais vous parler d'un point
qui va vous intéresser plus particulièrement:
l'intégration des enfants de la maternelle à la première
année. Pour moi, dans mon école, dans le temps, c'était
toujours un point assez difficile, parce que c'est presque aussi difficile que
le passage de l'élève de sixième année au cours
secondaire. Est-ce que vous avez réalisé des progrès au
point de vue de l'adaptation de l'enfant d'une maternelle qui passe en
première année, des fois avec des professeurs qui sont vraiment
très catégoriques pour qui ce n'est que les mathématiques
ou le français qui aura prédominance? Avez-vous fait un peu de
progrès dans cette adaptation?
Mme Gravel: II y a peut-être un peu de progrès, mais
je ne suis pas prête à répondre que c'est
réglé. Ce genre de difficulté est d'actualité.
Chaque année, les parents manifestent beaucoup de craintes justement
face à ce passage. C'est peut-être parce qu'au préscolaire,
on a quand même beaucoup d'objectifs de développement, on
travaille beaucoup au développement de l'enfant. Donc, on a une approche
pédagogique beaucoup plus ouverte, dans le bon sens du mot, par laquelle
on amène l'enfant à être autonome, à se prendre en
main. Dès qu'on arrive à l'élémentaire, il y a dans
certains milieux un certain progrès qui s'est fait. Si je regarde dans
mon milieu, où la maternelle et la première année
travaillent beaucoup en collaboration, chose qui était difficile, les
professeurs de première année et de maternelle vont à des
réunions pédagogiques ensemble, donc ils peuvent échanger
des opinions; mais il y a encore beaucoup de travail à faire, surtout
avec les nouveaux programmes. Cela a pu apporter aussi ce nouveau souffle pour
autant qu'on respecte l'esprit qui se dégage de ces programmes, toute la
philosophie qui s'y trouve. Mais il y a encore beaucoup de travail à
faire dans ce domaine.
Mme Gagnon: C'est une tout autre adaptation aussi. L'enfant
recommence son adaptation à la vraie vie scolaire. En première
année, quand on a parlé à un moment donné de
l'entrée progressive à la maternelle, je crois fermement qu'il
devrait aussi y en avoir une pour la première année. On rencontre
des difficultés avec le régime pédagogique qui oblige les
enfants à être à l'école 180 jours. Ce sont les
problèmes que l'on rencontre à l'intérieur de nos
commissions scolaires.
Pour les enfants qui sont à la maternelle et en première
année, il serait important d'avoir un peu de souplesse à ce
niveau-là. Comme le disait Nicole aussi tout à l'heure,
étant donné les programmes qui changent au niveau de la
première année, surtout pour le français et les
mathématiques, ça permet d'avoir beaucoup plus d'échanges
d'opinions entre les professeurs de première année et ceux de la
maternelle, ce qui permet une meilleure continuité dans
l'éducation de l'enfant.
Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci, M. le
député de Saint-Henri. M. le député de Vachon m'a
indiqué qu'il désirait
compléter son intervention par un bref commentaire. M. le
député de Vachon.
M. Payne: Oui, très brièvement, M. le
Président. Tout à l'heure, je ne voulais pas chanter les louanges
du ministère lorsqu'on parlait du programme concernant les enfants et
les élèves des milieux défavorisés, mais les
insinuations de la députée de L'Acadie m'incitent peut-être
à suggérer juste deux chiffres. Elle serait sûrement
intéressée de savoir qu'il n'y avait pas de coupures depuis le
début du programme en 1980, mais il y a 5000 enfants de quatre ans dans
les classes des milieux défavorisés et il y a 8000 parents
d'enfants de quatre ans de ces milieux qui suivent un programme d'animation au
sein des commissions scolaires. Je pense que c'est assez éloquent pour
le débat.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Mme la députée de
L'Acadie, rapidement pour ne pas en faire un long débat.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Je dois vous dire que ce dont madame nous
faisait part, c'est qu'il y avait eu des coupures d'agents de
développement pédagogique. Je n'ai nullement parlé des
milieux défavorisés. En parlant des agents de
développement pédagogique qui pouvaient servir de soutien et
d'animateurs auprès des professeurs du préscolaire, elle disait
que ces agents sont disparus à cause des coupures budgétaires, je
le répète.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Sur ce, je
remercie les représentantes et le représentant de l'Association
d'éducation préscolaire du Québec au nom de tous les
membres de la commission.
J'invite maintenant les représentants du Regroupement des
associations étudiantes universitaires du Québec à bien
vouloir s'approcher. Puisqu'ils mettront probablement quelques instants
à s'installer, nous allons suspendre nos travaux pour quelques
secondes.
(Suspension de la séance à 11 h 30)
(Reprise de la séance à 11 h 31)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît;
Maintenant que nos invités ont eu le temps de s'installer
à la table des invités, je leur demanderai d'abord de
s'identifier et, ensuite, comme c'est l'habitude, de nous livrer le contenu de
leur présentation en une vingtaine de minutes pour que nous puissions
par la suite procéder aux échanges entre nos invités et
les membres de la commission.
Je demande maintenant au groupe précédent de bien vouloir
procéder en silence afin que nous puissions entendre nos invités,
le Regroupement des associations étudiantes universitaires du
Québec.
RAEUQ
Mme Morency (Julie): Je vous remercie, M. le Président.
Mesdames, messieurs, membres de la commission parlementaire, M. le ministre, M.
le Président, mon nom est Julie Morency, secrétaire
générale du Regroupement des associations étudiantes
universitaires du Québec. J'aimerais vous présenter les
collègues qui m'accompagnent: M. Michel Le Comte, secrétaire aux
affaires externes du RAEUQ; Mme Carole Lavallée, étudiante
à l'Université de Montréal en orthopédagogie; elle
a travaillé avec nous au mémoire que nous vous présentons
aujourd'hui, et Mme Ginette Sauvé, étudiante à la
maîtrise, à l'Université de Montréal
également, en psychologie scolaire.
Notre participation à cette commission parlementaire se veut une
contribution aux débats entourant cette importante révision de
notre système d'enseignement primaire et secondaire. Considérant
les enjeux à la fois économiques, sociaux, politiques et, bien
sûr, éducatifs d'une pareille réforme sur les conditions de
vie et d'études de plus de 1 000 000 d'élèves au
Québec, le RAEU tient à rappeler que toute réforme
éducative, quelle qu'elle soit, perdra tout son sens et son
acuité si elle n'est pas le fruit d'une démarche concertée
de toutes les parties concernées.
Le livre blanc dont est issu ce projet de loi a eu beau faire couler
beaucoup d'encre, on peut néanmoins dire de tout ce débat qu'il
aura une fois de plus laissé pour compte les premiers
intéressés, ceux et celles qui, dit-on, sont la raison
d'être et l'ultime justification de l'école: nous parlons des
élèves eux-mêmes. S'il n'y a pas d'élèves qui
font entendre leur voix lors de cette commission, nous en serons tous perdants.
C'est pourquoi le RAEU veut immédiatement signifier qu'il n'entend pas
parler au nom de ces derniers. Il y a déjà beaucoup trop
d'adultes qui le font.
Par ce mémoire, le RAEU espère, dans un premier temps,
clarifier aux membres de la commission pourquoi un regroupement d'associations
étudiantes universitaires accorde tant d'importance au projet de
réforme de l'enseignement primaire et secondaire; puis, élaborer
les grands principes sur lesquels il fonde son projet éducatif à
l'université. Pour ce faire, on abordera trois thèmes centraux,
soit la place de l'étudiant dans l'université, la place de
l'université dans la communauté et vers un nouveau partenariat.
Enfin, une fois ces grands
principes posés, on procédera à une lecture
critique du projet de loi, ainsi que du livre blanc dont il est issu, tout en y
spécifiant les amendements souhaités. Alors, c'est un
mémoire conséquent.
Le Regroupement des associations étudiantes universitaires du
Québec se veut une organisation qui assure la défense des droits
et des intérêts des étudiants. Or, cette défense
conduit parfois à dépasser les cadres universitaires. Notre
mémoire se veut une preuve de ce dépassement. Institution
apparemment repliée sur elle-même, l'université
québécoise n'évolue pas en vase clos; au contraire, elle
fait partie d'un système qui possède ses entrées et ses
sorties et, surtout, son propre réseau d'influences. L'université
dispense une éducation supérieure qui fait suite à un
système scolaire primaire, secondaire et collégial. Le niveau
collégial, par exemple, n'est pas sans subir une influence directe de la
part du milieu universitaire. Par contre, les contacts entre le milieu
universitaire et les niveaux secondaire et primaire sont très rares,
sinon absents. Ces contacts puisent pourtant leur légitimité dans
un souci de cohérence à l'intérieur du système
global. Donc, on ne peut avoir une université ouverte accessible et
démocratique si les niveaux qui la précèdent ne le sont
pas.
Nous croyons, au RAEU, qu'il est inacceptable, M. le Président,
qu'un système d'éducation qui coûte si cher aux
contribuables québécois ne contribue à développer
des citoyens plus responsables.
Le fonctionnement du système scolaire a été, trop
longtemps, autoritaire et hiérarchisé; aujourd'hui, on
considère que l'école québécoise est apte à
prendre en charge ses orientations.
Toutefois, si les parents revendiquent une plus grande place dans le
processus de décisions, c'est que la stratégie dans le
système scolaire, caractérisée par des discours sectaires
et corpartistes, est devenue socialement improductive et irresponsable. Elle
fait toujours des perdants, en particulier les enfants et les jeunes.
Nous, étudiants du milieu universitaire qui revendiquons une plus
grande responsabilisation à l'intérieur de l'université,
ne croyons pas que celle-ci soit possible sans un apprentissage
préalable de cette responsabilisation dès le primaire.
Nous, étudiants, qui revendiquons une université plus
accessible, pensons qu'il faut éviter l'abandon de près de 50%
des élèves avant la fin du secondaire pour rendre le
système scolaire vraiment accessible à tous les niveaux.
Nous, étudiants, ne croyons pas à une université
ouverte aux collectivités sans une école véritablement
communautaire. Voilà pourquoi, en tant qu'étudiants
universitaires et à la fois ex-élèves, futurs parents,
futurs enseignants peut-être, nous adressons ce mémoire, car nous
avons la ferme conviction qu'il est plus que temps d'enclencher les changements
éducationnels qui prépareront l'avènement de citoyens
actifs et responsables, ce qui, vous le savez, s'inscrit dans un long
cheminement individuel et collectif.
Je cède la parole à mes collègues, qui vont vous
proposer les ajustements qui s'imposent. M. Michel Le Comte.
M. Le Comte (Michel): M. le Président, membres de la
commission parlementaire, M. le ministre. Avant d'analyser le projet de loi 40
et de vous proposer les solutions là où le RAEU manifeste ses
divergences face au projet, il serait important, afin de comprendre le
débat qu'on soulève, de parler du projet éducatif du
RAEU.
Une série d'événements majeurs tel le colloque de
la charte des droits des étudiants, organisé par le RAEU, en
février 1980, les tables de concertation du ministre Laurin, en
décembre 1980, le Sommet RAEU-FAPUQ, en mars 1982, et, l'an dernier,
notre colloque sur la condition étudiante furent autant d'occasions,
pour nous, d'enrichir notre réflexion sur ce qu'on pourrait appeler
notre projet sur l'éducation.
Pour nous, il est important de vous présenter ce projet
éducatif, brièvement tout de même, car, c'est à
partir de cette position que nous avons élaborée que nous avons
analysé le projet de loi.
On entend ici par projet éducatif, pour simplifier les choses et
ne pas s'y perdre dans les définitions, la définition contenue
dans le livre blanc.
Commençons par parler de la place de l'étudiant à
l'université. Il faut bien l'avouer, de la petite école à
la grande, notre contexte n'est peut-être pas si différent, car
nous découvrons, en arrivant à l'université, une situation
qui n'est pas très éloignée de celle que nous avons
vécue tout au long de nos études: la place qu'on nous laisse
occuper n'est pas grande et appelle, le plus souvent, des attitudes de
soumission et de dépendance face aux professeurs et aux administrateurs.
On voudrait nous voir passer en dérangeant le moins possible
l'institution.
Afin que se transforme et s'améliore pareille situation au sein
de l'université, le RAEU, poursuit certains objectifs tels la
participation aux structures.
Cet aspect signifie pour le RAEU que les étudiantes et les
étudiants ainsi que leurs associations doivent pouvoir occuper, au sein
de l'université, la place qu'il leur revient en assumant les pouvoirs et
les droits inhérents à ceux d'artisans de leur formation,
d'usagers de services responsables et de citoyennes et citoyens à part
entière. Prendre notre place veut dire, pour nous, pouvoir participer au
processus d'élaboration et de réforme des
programmes, à la définition des méthodes et des
règlements pédagogiques, à l'évaluation des
enseignements ainsi qu'au processus d'embauche et de promotion des professeurs,
sans compter la gestion des services aux étudiants. Cette participation
n'a toutefois de réels intérêts pour le RAEU que pour
autant qu'elle se situe dans le cadre d'une décentralisation de pouvoirs
à l'intérieur des institutions vers les unités de base. Il
nous faut ici souligner l'adoption récente de la loi 32. En tant que
contenu minimal de reconnaissance, cette loi se révèle une
garantie pour nos droits, un outil pour nos associations. Elle donne le droit
à nos associations étudiantes d'exister légalement en
ayant le pouvoir de représenter officiellement les étudiantes et
les étudiants sur les structures de participation dans les
établissements postsecondaires.
Cependant, force nous est de constater que de tels mécanismes
sont loin de trouver leur pendant au niveau primaire et secondaire. Sans faire
fi de contextes particuliers, le RAEU croit que ces principes doivent
être appliqués et ce, quel que soit le niveau de formation en
cours, car nous ne devons pas oublier que le rôle plus actif des
étudiantes, ou étudiants, ou élèves, doit se
prolonger en un processus même d'apprentissage qui, lui, doit mettre
l'accent sur leur autonomie, leur créativité et leur initiative;
sans quoi, aucune responsabilisation n'est possible. D'où l'importance
de reconnaître et d'appliquer ces principes.
On voit aussi la place de l'institution scolaire.
Le Président (M. Blouin): Vous avez l'intention de
procéder à une lecture complète, entière et
littérale de votre mémoire.
M. Le Comte: Je vais abréger.
Le Président (M. Blouin): Mais, au rythme où vont
les choses, je pense que nous ne pourrons arriver, en une vingtaine de minutes,
à procéder à cette lecture puisque vous êtes rendu
à la page 6 d'un mémoire qui en contient au-delà de 20.
Comme déjà presque la moitié du temps dont vous pouvez
disposer est écoulée, je vous demande de synthétiser
certaines parties et d'en dégager les idées de force afin que
nous puissions par la suite procéder le plus rapidement possible aux
échanges entre vous-mêmes et les membres de la commission.
M. Le Comte: Effectivement, M. le Président,
j'abrège la présentation de notre projet éducatif pour
permettre les propositions d'amendements.
On parle de l'institution dans la communauté, de la place de
l'université dans la communauté. Malgré la rareté
actuelle des ressources, l'université québécoise des
années quatre-vingt se voit confrontée à des défis
et à des exigences nouvelles. La reconnaissance croissante par nombre
d'intervenants d'une troisième mission éducative et culturelle,
celle des services aux collectivités, en est l'exemple le plus
manifeste.
Donc, au niveau du RAEU, pour pallier cette carence des services
à la collectivité ou de l'ouverture de l'université
à la collectivité, on a mis sur pied le centre étudiant de
services communautaires.
M. le Président, jusqu'à maintenant j'ai
présenté deux points fondamentaux: Le RAEU croit très
importante, il en fait une priorité, la participation des
étudiantes et étudiants aux structures décisionnelles des
institutions scolaires. Deuxièmement, il y a une ouverture à la
communauté, à la collectivité. Vous ne serez donc pas
étonné de voir plus loin, lorsqu'on parlera d'une école
communautaire, qu'on fera plus spécifiquement un arrêt sur les
points dans le projet de loi 40 qui seront sur le rôle de l'école
dans la communauté.
Notre troisième point est vers un nouveau "partenariat". Il est
essentiel de dire - cela va probablement s'adresser surtout aux conseils
d'école - qu'on pense que les différents intervenants dans la
communauté qui sont concernés par l'école doivent
siéger à ce conseil d'école que le projet de loi 40 nous
propose. Dans une optique de concertation, nous pensons que ces
différents intervenants doivent avoir un lieu de décision.
Comme vous me demandez d'abréger cette présentation, je
vais sans plus tarder laisser la parole à ma collègue ici,
à ma droite, qui va vous présenter une analyse du projet de loi
40 et du livre blanc, sur la lecture qu'on en a faite, avec la grille d'analyse
que je viens vous présenter. Merci.
Mme Lavallée (Carole): II va de soi qu'on n'a pas
l'expertise de tout le monde sur tous les sujets au niveau de la loi 40 et du
livre blanc. Nous nous contenterons donc de toucher seulement aux sujets
où on se sent un peu plus sûrs.
Notre analyse va surtout se situer au niveau de l'école sur trois
points, comme Michel l'a dit avant, c'est-à-dire la place de
l'élève dans l'école, l'école dans son milieu et la
nécessité d'un nouveau partenariat. (11 h 45)
Je commence tout de suite avec la place de l'étudiant dans
l'école. Dans le projet de loi, on parle de former un comité
d'élèves. Ce comité d'élèves existe au
secondaire seulement. Il est non obligatoire, c'est-à-dire qu'il
dépend seulement de la volonté des étudiants, et surtout
consultatif. Nous sommes a priori d'accord avec cet article qui donne aux
élèves du secondaire le droit de s'associer pour se faire
entendre. Mais
certaines modalités ne sont pas présentes dans la loi et,
malheureusement, les étudiants du secondaire et du primaire ne peuvent
se prévaloir de la loi 32. Comment seront-ils financés? Qui
jugera de leur représentativité? Qui fixera les modalités
de leur représentativité? Les élèves ou la
direction? Qui obligera les autorités à reconnaître les
modalités fixées par les élèves? Bref, il y a
nombre d'ambiguïtés qui, si elles ne sont pas clarifiées
adéquatement, peuvent mettre en danger l'existence même de ces
comités d'élèves. Comme le disait la Commission des droits
de la personne, "avoir des droits ne voudrait rien dire si le milieu dans
lequel on vit n'offrait pas les conditions nécessaires à leur
exercice".
Sur ce point précis nous concluons donc que le présent
projet de loi ne va pas assez loin dans la reconnaissance d'associations
d'élèves au secondaire et attirons votre attention sur la
nécessité de préciser l'étendue des droits
d'association des élèves.
Sur un deuxième point dans ce sous-point en ce qui touche la
participation d'élèves au conseil d'école, nous remarquons
avec joie qu'il s'agit d'une participation à part entière, donc
avec droit de vote. Nous avons encore ici quelques questions comme pourquoi
avoir limité cette action aux jeunes du deuxième cycle? Cela
veut-il dire que les jeunes du premier cycle n'ont rien à dire et qu'ils
sont incapables de comprendre ce qui se passe dans leur propre école?
Pourtant, n'y a-t-il pas des jeunes qui, dès le premier cycle au
secondaire, ont des choses à dire et savent comment les dire? Nous avons
eu la preuve de cela fréquemment lors du Sommet québécois
de la jeunesse.
Je passe dès maintenant au deuxième point,
c'est-à-dire la place de l'école dans le milieu.
Déjà, dans le livre blanc, on énonçait des
principes d'ouverture de l'école sur son milieu. Ce principe se voulait
l'assise du projet, "une option pour une école publique commune et
communautaire". Les bonnes questions étaient posées. Nous croyons
par contre que les bonnes réponses n'ont pas toutes été
apportées. Ainsi, le projet de loi, contrairement au livre blanc,
n'accorde plus un statut de corporation à l'école.
Dépourvue de ce statut, l'école devient bien peu munie
d'instruments pour répondre adéquatement aux véritables
besoins de sa communauté. Toutefois et de façon contradictoire
peut-être, le projet de loi n'est pas muet en ce qui concerne les
services à la communauté. Mais ceci se résume souvent en
des services de garde ou en des services éducatifs à la
collectivité. Tous ces services sont très peu innovateurs. On n'y
prévoit aucune implication dans le milieu de l'école prise comme
globalité. On se sert de ses locaux, de ses budgets mais aucunement de
son entité, de son personnel, de ses enfants dans la vie du milieu.
S'il est possible de mettre à profit le potentiel étudiant
tout en permettant l'acquisition d'une formation... Je m'excuse. Je me suis
trompée de page. Je suis désolée.
Si le rôle de l'élève au sein de l'école
semble passablement laissé pour compte dans le projet de loi, comme je
le disais précédemment, on semble également ignorer la
part indispensable du milieu dans la vie de l'école. À cet
égard, nous tenons à souligner que, si des parents siègent
au conseil d'école, ils n'y sont guère pour représenter
les agents du milieu socio-économique comme tel. Ils sont d'abord
parents et usagers. Quant à nous du RAEU, nous pensons que les
représentants du milieu devraient avoir leur place au sein de
l'école car il faut bien voir que les représentants du milieu
peuvent permettre un enrichissement indéniable des secteurs
d'intérêts de l'école. À cet égard, nous
tenons donc à confirmer que "mettre l'école sur la rue" constitue
également une nouvelle façon de rendre l'école
communautaire et responsable. Il ne s'agit pas que de rendre la structure
communautaire, il faut faire entrer la communauté dans la classe. On ne
pourra jamais rendre l'école communautaire et responsable sans que se
transforme aussi sa pédagogie.
Ainsi, de véritables engagements communautaires ne se
réduisent pas à des éléments structurels. Il faut
encore y faire vivre quelque chose que ni l'école ni le milieu ne
possèdent à eux seuls.
Enfin, le dernier chapitre, Un nouveau partenariat. Le pivot du
présent projet de loi est sans nul doute cette nouvelle participation
des parents à l'école. En effet, ceux-ci deviennent majoritaires
au conseil d'école et sont le nouvel espoir de ce système. Leur
présence est très importante car, trop longtemps, on les a
relégués sur les banquettes arrière, mais nous nous
interrogeons sur la pertinence de leur accorder un pouvoir majoritaire au sein
du conseil d'école, car n'est-ce pas là libérer de toute
responsabilité les autres partenaires du système éducatif?
Il n'y a pas de partage des pouvoirs sans répartition des
responsabilités, mais l'inverse est aussi vrai. Si nous désirons
vivre dans une société où chacun respecte l'autre, nous
devons procéder rapidement à une révision du partage du
pouvoir et des responsabilités, sans donner à quiconque le
monopole de la détention de ce pouvoir.
En éducation comme ailleurs, aucun partenaire n'est parfait.
Donner le pouvoir aux administrateurs, c'est bien pour faire tourner une
machine mais, à un moment donné, la machine tourne à vide.
Si on donne le pouvoir aux enseignants, n'ont-ils pas tendance à se
protéger comme travailleurs avant tout? Les parents sont très
compétents pour ce qui est de diriger les écoles, mais sont-ils
au courant de tous les outils
pédagogiques existants? Les élèves sont
peut-être les premiers à vraiment vivre l'école, mais
sont-ils assez organisés pour se faire entendre?
Une vraie réforme doit, selon nous, convier à
l'émergence d'un nouveau partenariat, à un nouvel échange
entre tous les partenaires du système scolaire, de la maternelle
à l'université.
En conclusion, je dirai une phrase du livre blanc: "Pas de vraie
démocratie sans véritable responsabilité, pas de vraie
responsabilité sans vrai pouvoir." On doit se demander qui aura le vrai
pouvoir à l'intérieur de ce nouveau système scolaire.
Vouloir responsabiliser l'école par certains parents, est-ce que cela
est possible, est-ce que cela est souhaitable, sans vraiment permettre aux
autres partenaires de participer aux décisions dont les effets
marqueront leur quotidien? Il faut donc penser à renouveler notre
passé sur la manière de diriger notre système scolaire,
mais il faut surtout éviter de faire les choses à
moitié.
Je céderai la parole à l'autre collègue au bout de
la table pour les amendements.
Le Président (M. Blouin): Je vous signale que vous avez
déjà épuisé le temps que vous aviez à votre
disposition. Je vous signale également que les membres ont pu consulter
votre document depuis déjà maintenant au-delà de deux mois
et qu'ils en ont pris connaissance. À moins que vous puissiez
résumer en une ou deux minutes la dernière partie, je
souhaiterais que nous procédions maintenant à
l'échange.
Mme Morency: Je pense que c'est possible de le faire en quelques
minutes, il y a également des ajouts qui vous ont été
déposés par rapport au Conseil supérieur de
l'éducation.
Le Président (M. Blouin): II suffit de nous en livrer les
grandes lignes sans entrer dans les détails, sinon, nous devrons passer
aux échanges.
Mme Sauvé (Ginette): J'aimerais soumettre à votre
attention l'annexe 1, qui vient d'être déposée ce sont les
recommandations que le Conseil supérieur de l'éducation faisait
dans son avis "Vivre à l'école secondaire un printemps
d'embâcle et d'espoir". Les recommandations dont le chiffre est
encerclé sont celles que nous entérinons spécifiquement.
Par ailleurs, il y a un autre ajout à faire, il s'agit de l'article 39,
qui est assez spécial. Il faudrait donc lire dans nos amendements: "Dans
le cas d'une école secondaire, un conseil comprend au plus 16 membres,
et 14 membres dans le cas d'une école primaire." La répartition
des membres pour l'école secondaire est la même, telle qu'elle est
spécifiée là, tout en soulignant qu'au point 4, dans le
cas de l'école secondaire, il est privilégié que les trois
représentants étudiants puissent être du premier cycle, du
deuxième cycle et possiblement du secteur professionnel - s'il y a lieu
- de l'école. C'est ce que nous préconisons.
Dans le cas d'une école primaire, au point 4, cela devient un
représentant des élèves. Ce représentant sera
nommé par le conseil de l'école, ce représentant pourrait
être un parent, un enseignant ou un membre du personnel non enseignant ou
encore un membre d'un groupe socio-économique. D'accord?
C'étaient tous les amendements. Il y aura moyen de commenter chacun
d'eux.
Mme Morency: Je pourrais peut-être faire une conclusion
rapide. En général, finalement, notre position par rapport au
projet de loi 40, nous la qualifions comme un moyen, selon nous, pour sortir de
l'impasse actuelle dans le secteur de l'éducation, par la
création, en effet, d'un nouveau code d'éthique sociale qui sera
basé sur une plus grande démocratisation des pouvoirs, et,
également, sur la responsabilisation sociale de l'école et
l'utilisation optimale des ressources disponibles dans la communauté.
C'est très important pour nous. Il s'agit, selon nous, d'un premier pas
dans la transformation des mentalités afin de mettre un terme aux
attitudes corporatistes de ceux qui prétendent être les sauveurs
de notre système scolaire.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier le Regroupement des
associations étudiantes universitaires du Québec de
s'intéresser à la place de l'étudiant, au rôle de
l'étudiant au sein de l'école. Les étudiants sont
maintenant représentés par leurs associations au niveau de
l'université, au niveau du collège, mais ils ne le sont pas
encore au niveau de l'école. Lorsque, lors de ma tournée, j'ai
rencontré à plusieurs reprises des étudiants et des
associations étudiantes en formation où à peine reconnues,
ces étudiants l'ont déploré.
Je sais par ailleurs que les étudiants du secondaire sont en
train de s'organiser, particulièrement au niveau des écoles
secondaires et que certaines écoles possèdent maintenant leur
conseil étudiant et que ces conseils étudiants qui existent
essaient d'en créer d'autres au sein d'autres écoles. Ils
espèrent avoir, d'ici un an, leur propre association
québécoise d'étudiants du secondaire. Je pense que c'est
un pas en avant extrêmement important. J'espère, personnellement,
que cette association québécoise des étudiants du
secondaire verra
le jour au cours de l'année 1984 et qu'elle pourra faire entendre
sa voix motu proprio au nom de ses propres intérêts, le plus
tôt possible, car cette voix est importante.
Au sein de cette commission, c'est la première fois que nous
entendons la voix étudiante s'exprimer, avec les réserves que je
viens de dire, mais il n'en reste pas moins que cette voix est majeure et qu'il
importe de l'écouter avec attention. Comme nous le rappelle le
regroupement au tout début de son mémoire, l'élève,
l'enfant, constitue en effet la raison d'être même du
système scolaire, son ultime justification. C'est à son service
que doivent travailler tous les intervenants de l'école, parents,
enseignants, personnel non enseignant, directeurs d'école. C'est
à son service que doivent travailler toutes les commissions scolaires.
C'est à son service que doit travailler également le
ministère de l'Éducation, car le but de la mission
éducative est précisément d'aider l'enfant,
l'élève, à se développer d'une façon
intégrale, optimale, dans toutes les dimensions de sa
personnalité, c'est-à-dire intellectuelle, affective, ethnique,
sociale, afin qu'il devienne non seulement un citoyen ou une citoyenne
épanoui, mais capable de réussir son insertion sociale et
professionnelle et d'apporter ainsi à la société la
contribution unique que chacun doit apporter.
J'ai dit tout à l'heure que l'étudiant,
l'élève, constituait lui aussi un intervenant dans la vie de
l'école. C'est là en effet une dimension majeure que doit
respecter le projet de loi, tout projet de loi sur l'éducation. En
effet, l'être humain a une dimension particulière. Ce n'est pas un
être instinctif, sujet à des conditionnements et à des
déterminismes aveugles. C'est un être humain qui possède,
en plus de tout ce qu'on a dit sur l'être humain, cette
caractéristique fondamentale qui est l'autonomie, la
créativité, la responsabilité et la liberté. On
doit donc l'éduquer et non pas le dresser. (12 heures)
Cette éducation comporte le déploiement graduel de toutes
ses qualités, de cette liberté et de cette
créativité fondamentale. C'est la raison pour laquelle on peut
dire que non seulement il est le véritable usager du système,
mais que c'est un usager qui doit participer à sa propre formation. Je
me suis expliqué à plusieurs reprises là-dessus et je
voudrais le rappeler à cette occasion; il doit participer à sa
formation dans toutes les dimensions de la mission éducative.
Cela veut dire, premièrement, qu'il a droit d'être
consulté sur tout ce qui le concerne, sur tout ce qui concerne la
tâche éducative, sur tout ce qui concerne son éducation, sa
formation. Il a le droit d'être informé, il a le droit
d'être consulté. Il a le droit à des services
éducatifs de qualité, qu'il s'agisse de services d'enseignement
proprement dits ou de services complémentaires, personnels ou
collectifs. Il a le droit d'être consulté sur l'organisation de sa
vie à l'école, toute composante qui lui aide justement à
être partie prenante au processus de sa formation et qui lui permet de
l'évaluer, qui lui permet d'en connaître le rendement à son
niveau, qui lui permet de suggérer les correctifs qui s'imposent
justement pour que ce système d'éducation, pour que cette
activité éducative le serve le mieux possible. C'est là la
première justification de la place importante qu'il faut accorder
à l'élève au sein de l'école.
Une deuxième raison n'est pas moins importante, c'est que tout ce
qui est donné à l'élève, tout ce que
l'élève reçoit de l'école, il doit l'assimiler, il
doit en faire une partie constituante de son être, il doit l'utiliser aux
fins propres du développement de la personne humaine, de l'être
humain dans le sens de sa structuration progressive comme être humain de
plus en plus épanoui et dans le sens du développement de sa
personne dans sa dimension essentielle, c'est-à-dire un être de
liberté et un être de responsabilité. À cet
égard, l'école, et surtout l'école primaire et secondaire,
doit l'orienter le mieux possible dans la voie qui est la sienne,
c'est-à-dire son développement en tant qu'être libre et
responsable.
Le futur citoyen ne sera jamais un être créatif, libre et
responsable s'il n'a pas fait l'apprentissage progressif, graduel, de sa
liberté, de sa responsabilité au sein de l'école
même primaire, mais surtout secondaire. On sait que la
créativité, la liberté et la responsabilité ne
s'apprivoisent que lentement; c'est là le propre de l'être humain.
Il faut donc préparer pour l'élève les conditions
d'apprentissage de cette liberté, les conditions d'exercice de cette
liberté et de cette responsabilité. Ceci se fait, bien sûr,
en l'associant à tout ce qui le concerne, mais également en lui
donnant l'occasion, en lui donnant le droit de se développer au sein et
par les activités éducatives, toutes les activités de
l'école, de se préparer à un exercice de plus en plus
responsable et complet de cette créativité et de cette
liberté. C'est la raison pour laquelle il faut encore plus l'associer
à toute la vie de l'école.
Il faut remarquer que jusqu'ici - et c'est un paradoxe désolant,
pour ne pas dire scandaleux - nos lois sur l'instruction publique n'ont jamais
fait référence à l'élève sinon d'une
façon incidente au détour de certains articles. Jamais nos lois
n'ont centré l'école sur l'élève, sur
l'étudiant pour bien marquer que celui-ci constitue la raison
d'être même de notre système éducatif. Depuis
quelques années, ce paradoxe est mis en lumière et l'objet de
commentaires et de recommandations de plus en plus vigoureux, et l'avis du
Conseil supérieur de l'éducation que vous rappelez à notre
attention est très
éloquent à ce sujet, de même que plusieurs autres
rapports du Conseil supérieur de l'éducation sur la vie
étudiante et ce que devrait comporter une véritable vie
étudiante, à tous les niveaux du système, et toutes les
obligations qu'elle entraîne de la part de tous les partenaires du
système éducatif.
Le projet de loi 40 est l'occasion, pour nous, enfin, d'affirmer avec
clarté, avec vigueur, cette place centrale de l'élève, de
l'étudiant au sein du système éducatif. Pour la
première fois, il y a un chapitre sur l'élève, sur les
droits de l'élève et nous retrouvons d'ailleurs à d'autres
chapitres l'affirmation de ces droits de l'élève à
participer à son processus de formation, ces droits de
l'élève à être associé à toute la vie
éducative, à être associé aux décisions qui
concernent la vie de l'école.
À cet égard, je suis tout à fait d'accord avec
l'avis du Conseil supérieur de l'éducation qui s'intitule Vivre
à l'école secondaire. Je voudrais en rappeler les recommandations
principales que je reprends à mon compte: "Que les élèves,
en plus d'être renseignés sur les objectifs d'apprentissage qui
leur sont offerts pendant l'année, soient invités, au
début de chaque année; à participer à la
détermination des objectifs scolaires qu'ils poursuivront... "Que les
écoles reconnaissent l'importance d'un conseil des élèves
et qu'elles en facilitent l'organisation... "Que les écoles encouragent
la participation d'un grand nombre d'élèves à des
activités d'information et d'échanges en facilitant
l'organisation et la mise en place d'activités telles que le journal
étudiant, la radio étudiante, les forums publics... "Que le
ministère et les commissions scolaires assurent la production et la
diffusion de document du type "Jeunes, égaux en droits et responsables",
guide d'interprétation de la Charte des droits et libertés de la
personne... "Que le ministère établisse des mécanismes
pour reconnaître, à même le régime de sanction des
études, des crédits attestant la réussite des
apprentissages réalisés par les élèves à la
suite de leur participation à des activités scolaires",
initiative qu'a déjà prise, d'ailleurs, le RAEU et qui poursuit
son chemin à l'intérieur des communautés universitaires.
Et, enfin, "Que les écoles encouragent la participation des
élèves à des projets à vocation
communautaire..."
Le projet de loi 40 veut aller dans ce sens-là. Il consacre un
chapitre aux élèves et plusieurs autres articles. Il crée
un conseil d'école où les étudiants seront partie prenante
et constitueront les partenaires à part entière. Enfin, il
crée un comité d'étudiants qui devra être
consulté sur les diverses matières ou les divers
éléments que je viens d'énumérer et, en
particulier, sur les modalités d'application du régime
pédagogique, sur l'orientation générale en vue de
l'enrichissement des objectifs et des contenus notionnels indicatifs des
programmes officiels et en vue de l'élaboration de programmes locaux sur
les normes et modalités d'évaluation des apprentissages de
l'élève, sur les critères pour le choix des
méthodes pédagogiques, des manuels scolaires et du
matériel didactique, sur le choix des activités parascolaires,
des formes d'encadrement de l'élève, sur les règles de
conduite et de discipline, sur les mesures de sécurité et sur
l'évaluation des services, des programmes et des activités.
Je pense que c'est là une liste qui n'est peut-être pas
exhaustive, mais qui recouvre du mieux que nous ayons pu le faire les objectifs
que doit poursuivre l'école en ce qui concerne la participation pleine
et entière de l'étudiant à la vie de l'école.
Allons-nous assez loin? Il est possible que cette première
formulation soit insuffisante, soit déficiente à certains
égards. On nous a signalé, par exemple, qu'il faudrait
peut-être étendre aux deux cycles du secondaire cette
participation de l'étudiant, de façon à responsabiliser
davantage les élèves du premier cycle, selon des modalités
qui resteraient à déterminer. On nous a même fait valoir
qu'il importerait d'établir dès le primaire la participation de
l'élève à la vie de l'école. Ce sont des
considérations qui ont retenu notre attention.
Retiendront également notre attention les recommandations que
vous nous faites pour augmenter la place accordée à
l'élève et pour améliorer la qualité de sa
participation à la vie de l'école, toujours dans ce même
objectif qu'on doic assurer à l'élève une participation
maximale à sa formation et deuxièmement, qu'on doit viser par
l'exercice à la responsabilisation croissante de l'élève,
à l'assomption de sa liberté en voie de construction et au
développement de ses capacités créatrices. C'est dans ce
sens-là que nous scruterons vos recommandations pour voir s'il n'est pas
possible d'aménager autrement, avec d'autres modalités, la
participation de l'étudiant à la vie de l'école.
J'aurais une question à vous poser à cet égard.
Dans votre mémoire très intéressant, vous parlez aussi de
cette autre dimension de l'école qui doit être de plus en plus
communautaire, qui doit viser une intégration à la vie du milieu,
à une sorte de fécondation réciproque du milieu et de
l'école. Dans ce sens, vous nous suggérez, comme d'autres nous
l'ont suggéré d'ailleurs, que l'école doit devenir un
pôle de développement culturel et social, que l'école doit
mettre à la disposition de la communauté non seulement ses
ressources en
équipement, mais également ses ressources
éducatives, ses ressources humaines, l'activité même des
étudiants, des élèves, à la vie du milieu. Mais,
pour cela, vous dites qu'il s'imposera non seulement que l'école se
transforme et que nous assistions à un changement des mentalités,
mais qu'en plus, il faudra viser des transformations au niveau de la
pédagogie, l'école ne pouvant assumer pleinement ce rôle
communautaire si la pédagogie n'est pas partie prenante à ce
processus. Ce serait vraiment là le sens de ma question. C'est une
question prospective. Vous semblez y avoir pensé puisque votre
mémoire en fait état. Je voudrais vous demander d'expliciter
davantage ce que vous entendez par une école communautaire et
responsable qui serait tributaire pour sa réalisation d'une
transformation de la pédagogie. En quel sens, selon vous, la
pédagogie devrait-elle être transformée pour que cette
école devienne de plus en plus communautaire et responsable? (12 h
15)
Mme Morency: Je voudrais tout d'abord faire des commentaires sur
votre allocution, M. le ministre. Je partage avec vous vos
préoccupations à l'égard des élèves. Trop
souvent, les perdants à l'école, ce sont les
élèves. On a un système scolaire, en ce moment, qui a
tellement de rapports de forces que, trop souvent, on oublie
l'élève en particulier. Une des façons, je crois, de
sensibiliser les élèves, c'est de les faire participer aux
institutions politiques de l'école. Vous avez parlé de droit de
regard consultatif. On croit qu'ils doivent avoir une place
décisionnelle au sein du conseil d'école. C'est là le
principe de responsabilités que nous défendons. Nous voulons que
les jeunes de la nouvelle génération soient des citoyens
responsables et c'est dès l'école primaire et secondaire que nous
devons les habituer à prendre des responsabilités.
À cet égard, nous croyons qu'on devrait créer le
poste de protecteur de l'élève, qui exercerait ses pouvoirs et
ses obligations sous l'autorité du Protecteur du citoyen. Nous croyons
que le protecteur de l'élève pourrait davantage défendre
les préoccupations de l'élève et ce, en particulier au
niveau de l'élémentaire. Nous sommes conscients qu'à cet
âge il est plus difficile tout de même de faire des choix. Ce sont
ces gens qui seront capables de décider ce qui leur portera le plus
préjudice.
Pour ce qui est de l'école communautaire, le principe que nous
défendons à l'université c'est que nous disons qu'on doit
avoir une pédagogie moins théorique, plus pratique,
c'est-à-dire qui s'adapte, si l'on veut, aux besoins de la
communauté. Les jeunes, dans le but de les impliquer dans leur
communauté, les inviter également à s'organiser dans leur
milieu, nous croyons qu'ils devraient davantage avoir de stimulations,
d'initiatives pédagogiques. Et ce, toujours pour considérer la
responsabilité de l'élève.
Nous parlons d'une école communautaire. Nous croyons aussi que
l'école doit servir à tous les contribuables. Il y a
énormément de dédoublements de services à
l'intérieur des institutions. Nous croyons que ces ressources, à
la fois humaines, à la fois techniques, peuvent servir à tous les
citoyens du Québec.
Mme Sauvé: Quand on dit que l'école peut
intégrer la communauté dans ses services éducatifs - ce
qui est le sens de votre question - on fait référence, bien
sûr, à des principes comme l'a dit Julie. C'est-à-dire que,
si nous voulons que le projet local dont on parle tant ait un sens par rapport
au projet national dont l'école a aussi le mandat, il faudra que ces
deux éléments puissent s'imbriquer l'un dans l'autre. Selon nous,
le projet local vient donner un sens et toute la pertinence au projet national.
Plutôt que d'en faire quelque chose de complètement
séparé, le fait d'intégrer les deux dans la
démarche pédagogique vient permettre du moins de dissiper une
ambiguïté. À l'heure actuelle, on semble parler d'un projet
éducatif de l'école et elle devrait avoir en plus le projet
éducatif national. Nous pensons qu'il faut qu'il y ait une couleur
locale, un sens local, une pertinence au projet national de l'ensemble des
écoles. Cela est au plan des principes.
Mais nous faisons également référence à des
pratiques déjà courantes dans plusieurs écoles où
on va utiliser, par exemple, les ressources éducatives du milieu, que ce
soit un charpentier etc. Dans beaucoup d'écoles alternatives, il s'agit
d'une pédagogie par projet dont on parle beaucoup, où on va
partir d'une problématique du milieu pour faire faire des apprentissages
qui font partie du projet éducatif national. Mais, pour qu'ils soient
véritablement intégrés, il faut que ce soient des
apprentissages significatifs et, pour qu'ils aient un sens, il faut qu'ils
partent de la problématique du milieu. Nous nous inspirons à la
fois de principes et de pratiques déjà courantes pour dire: Oui,
c'est possible qu'il y ait un lien beaucoup plus étroit, dans la
démarche éducative de l'école, entre sa communauté
et elle-même.
M. Laurin: Merci. Oui.
M. Le Comte: Si vous me permettez, M. le ministre. Je vais
essayer de répondre et de réagir à votre première
question sur les élèves. Vous avez décrié un peu le
conditionnement; nous pouvons conclure que vous n'êtes peut-être
pas nécessairement béhavioriste. Comme vous avez
décrié le déterminisme, nous pouvons peut-être en
conclure que vous n'êtes pas nécessairement
psychodynamique. Par contre je vais peut-être employer
l'école humaniste pour réagir à ce que vous avez dit en
vous demandant: Est-ce que votre message était que vous n'êtes pas
prêt à laisser des leviers décisionnels aux
étudiants du secondaire, parce que vous me dites qu'ils ont le droit
d'être consultés, d'être informés et votre allocution
portait surtout sur le rôle consultatif?
Vous demandez: Est-ce que le gouvernement ne va pas assez loin? Le RAEU
croit qu'effectivement les étudiants, les élèves du niveau
secondaire, doivent détenir des leviers décisionnels
précisément pour apprendre cette responsabilisation dans leur
formation pour devenir des citoyennes et citoyens à part
entière.
M. Laurin: Vous avez raison de dire que je ne suis pas
béhavioriste. Après avoir étudié longuement ces
théories, j'avoue que j'ai pris mes distances à leur
égard. Je suis davantage psychodynamiste, parce que le
déterminisme est plutôt le contraire du psychodynamisme. Beaucoup
plus que cela, je suis plutôt partisan d'un humanisme qui vise le plein
développement des personnes.
Si j'ai parlé davantage de l'aspect de la consultation, c'est que
je suis fortement en faveur de ce comité d'étudiants ou
d'élèves qui doit exister au niveau de l'école et qui doit
exister, même si l'étudiant participe au niveau
décisionnel, au niveau du conseil d'école. Je pense que la
véritable vie étudiante se traduira par le biais de ce
comité des élèves qui sera appelé à donner
son avis sur la détermination des orientations et l'établissement
du plan d'action du projet éducatif de l'école, qui sera
chargé de promouvoir la participation des élèves aux
activités de l'école, qui sera chargé de faire toute
recommandation propre à assurer le meilleur fonctionnement possible de
l'école.
Cela est parfaitement compatible avec cet autre rôle de
l'étudiante ou de l'étudiant ou de l'élève qui sera
partie prenante à part entière du conseil décisionnel de
l'école où l'étudiant siégera selon les termes de
l'article 39, où on dit que, dans le conseil d'école, il y aura
au moins un élève élu par les élèves du
second cycle de l'enseignement secondaire.
Il y a donc là deux rôles différents. Un rôle
pour le comité des élèves, qui fonctionnera d'une
façon constante, quotidienne peut-être, et aussi un rôle
décisionnel avec les autres intervenants de l'école, avec les
autres membres de l'équipe-école. Dieu sait que la voix de
l'élève devra être entendue également à ce
niveau pour la prise de décision.
J'aurais une question à vous poser à cet égard. Ce
sera ma dernière. On dit dans l'article 39 que les élèves
participeront à ce conseil décisionnel s'ils le désirent.
Croyez- vous que nous devrions garder cette disposition ou si, au contraire,
nous devrions la remplacer par une disposition coercitive? En somme, est-ce
qu'on devrait faire une obligation aux élèves d'une école
de nommer un ou deux de leurs représentants pour participer d'une
façon pleine et entière aux décisions de
l'école?
Mme Morency: Je pense qu'il est clair qu'on ne peut obliger
personne à participer en quelque lieu que ce soit. De toute
façon, les premiers concernés pourront toujours le faire, ne
serait-ce que ne pas se rendre à un organisme où ils ont une
place. On a la preuve que certains groupes auraient pu avoir des sièges
au conseil de l'école et ils ne s'en sont pas prévalu. On peut
leur signifier qu'ils ont une place. C'est un peu comme si on doutait qu'ils
ont une place. Il sera très clair que, s'il arrive quoi que ce soit ou
si ce n'est pas le désir des étudiants, ils le feront valoir et,
de toute façon, le conseil d'école aura toujours sa composition
avec les autres membres. On pourrait obtenir la même réflexion
pour beaucoup d'autres partenaires. Est-ce que les profs participeront ou si on
peut dire "s'ils le désirent"?
Alors, affirmons un droit qu'on leur reconnaît et faisons-leur
confiance pour l'exercer ou non.
M. Laurin: Parfait.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Mesdames et monsieur, il me fait plaisir de vous
retrouver ici. On vous a rencontrés il y a quelques mois à la
commission parlementaire qui étudiait le projet de loi 32. Vous revenez
ce matin. Vous êtes des privilégiés parce qu'il y a
d'autres organismes qui auraient voulu être entendus, mais ils n'ont pas
été convoqués jusqu'à ce jour. Il y en a un en
particulier qui regroupe des étudiants du secondaire, soit la Jeunesse
étudiante chrétienne. Nous n'avons vu leur nom nulle part sur les
listes de convocation du gouvernement, tandis que vous, qui oeuvrez
plutôt au niveau universitaire, avez la chance d'être
invités. On vous reçoit avec plaisir quand même, mais en
exprimant le regret très ferme que la même invitation n'ait pas
été adressée en même temps et dans les mêmes
conditions au seul autre organisme étudiant qui avait manifesté
le désir de se faire entendre.
Ceci n'enlève aucunement l'intérêt que nous avons
à discuter avec vous parce que vous êtes des citoyens comme les
autres. Vous êtes un groupe de citoyens, vous vous intéressez
à ce problème et je vous en félicite. J'ai lu avec
intérêt le mémoire que vous avez rédigé.
Je ne vous ferai pas une longue
allocution sur l'intérêt que nous portons à la
participation des étudiants à l'entreprise de leur formation,
parce que c'est une chose qui saute aux yeux, c'est une proposition qui est
absolument évidente par elle-même. Comme on le disait autrefois,
il s'agit d'en favoriser la réalisation dans les meilleures conditions
possible. Il me semble que, si on peut descendre le plus tôt possible
à ce niveau de discussion, on va peut-être avoir des chances de
faire quelques progrès ensemble.
Je vous souligne une chose: parmi les amendements que vous proposez
à la fin de votre mémoire, je me disais, après avoir lu
votre mémoire, que le premier serait un amendement demandant que soit
reconnu le droit à l'association. Je ne l'ai pas trouvé dans
votre liste d'amendements. Est-ce que vous l'auriez oublié? Le ministre
a parlé du chapitre du projet de loi qui porte sur
l'élève. Il y a toutes sortes de droits qu'on définit pour
l'élève dans ce chapitre et qui sont dans l'ensemble des droits
que la plupart voudront convenir d'insérer dans un texte comme
celui-là, mais il n'y a pas d'article qui porte sur le droit
d'association, sur la liberté pour les étudiants de se
réunir. Est-ce un amendement que vous auriez oublié? Vous allez
m'expliquer cela.
Mme Sauvé: Je voudrais simplement vous rappeler que, dans
le guide d'application de la charte des droits en milieu étudiant, ce
sont là des droits qui sont exprimés de façon explicite:
le droit d'association, le droit de bénéficier de périodes
pour se réunir, etc. En faisant de ce guide un élément
majeur d'application dans les écoles secondaires entre autres, il est
bien entendu qu'on entérinait tous les droits qu'est censée
reconnaître cette charte des droits en milieu scolaire. Ce sont tous des
droits qui y sont reconnus et qui devraient être suivis. Par ailleurs, on
a même pensé à instituer un protecteur de
l'élève qui verrait à la réelle application de ce
guide.
Bien sûr, il faut très souvent se référer au
contenu de ce guide pour voir un peu toute la dynamique que nous voulons
préconiser au niveau de la vie collective et individuelle dans les
écoles secondaires.
M. Ryan: Là, vous m'étonnez un petit peu parce que,
lorsqu'il s'est agi de regroupements d'étudiants aux niveaux
collégial et universitaire, vous avez vous-mêmes insisté
pour souligner qu'il était important que ce droit soit reconnu et
encadré dans la loi précisément et même dans une loi
spéciale. Ne trouvez-vous pas qu'au niveau secondaire il faudrait
peut-être des dispositions plus précises que les seules
dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne?
Mme Sauvé: Nous nous référons à ce
guide spécialement fait pour le milieu scolaire.
M. Ryan: Mais il n'a pas la valeur d'une loi. C'est un instrument
purement administratif.
Mme Sauvé: Ah! mais c'est cela. Nous désirons
justement un amendement dans le sens que ce guide devienne un guide
d'application officiel en milieu secondaire.
M. Ryan: Ne trouvez-vous pas qu'il serait mieux d'insérer
dans la loi, étant donné qu'on est en train de refaire la Loi sur
l'enseignement primaire et secondaire public, quelques dispositions traitant de
ce sujet avec plus de clarté?
Mme Sauvé: Si le guide d'application de la charte des
droits en milieu scolaire ne pouvait être inclus dans la loi 40, je
souscrirais à votre avis, oui. À ce moment-là, il faudrait
reprendre l'ensemble des droits prévus dans ce guide et les
définir les uns après les autres dans la loi 40. (12 h 30)
M. Ryan: Très bien. Il y a une chose qui m'a
frappé. Je relisais le livre brun -c'est un document que vous mentionnez
d'ailleurs dans votre mémoire - que vous connaissez bien. Il est
intitulé: Élèves, étudiants, étudiantes,
présence active et responsable. C'est un document du ministère de
l'Éducation indiquant des orientations et voies d'action pour favoriser
une présence active et responsable des étudiants dans
l'école, dans l'entreprise de leur formation.
Dans une grande présentation qu'il faisait, le ministre
écrivait cela. Peut-être qu'il avait compris bien des choses. Il
ajoutait: Nous avons également compris qu'il ne peut y avoir de
participation pleine et entière des divers agents de l'éducation
à la réalisation d'objectifs communs sans une reconnaissance des
structures de représentation qu'ils se donnent. Si cela est vrai pour
les administrateurs et les enseignants, cela l'est également pour les
élèves et les étudiants. C'était dans le texte
d'introduction de cette brochure que le ministre avait signé de sa
photographie où il exprimait toute son affectueuse sollicitude pour les
étudiants et les autres agents de l'éducation.
Maintenant, je lis le projet de loi et je trouve que cela n'est pas vrai
du tout. Je trouve que cette phrase qui était formulée par le
ministre, on ne la retrouve pas dans le projet de loi. Je ne sais pas si c'est
votre impression. Je regarde pour les enseignants, par exemple: le respect des
structures de représentation qu'ils se sont données, on ne les
retrouve pas du tout dans le projet de loi. Au contraire, on leur dit: Si vous
le voulez, vous vous donnerez des représentants,
mais par un autre mécanisme que celui que vous vous êtes
donné vous-mêmes. On va demander à M. le directeur de vous
convoquer en réunion. Il va vous compter, il va prendre les
présences et vous fera voter. Ne vous convoquez pas vous-mêmes par
vos associations, cela pourrait être dangereux. C'est la même chose
pour les étudiants, d'ailleurs. On va vous donner un petit comité
consultatif d'élèves. Il n'est pas question du tout d'une
association étudiante qui pourrait se charger de cette partie de
l'oeuvre éducative. Comment réagissez-vous? Je trouve que vous
êtes un petit peu accommodants à ce point de vue. Je n'ai pas
trouvé dans votre mémoire les représentations vigoureuses
qu'on est habitué d'entendre de la part d'organismes qui
représentent les étudiants. Vous dites à un endroit que ce
n'est pas satisfaisant, à la page 12. J'ai bien lu cela, vous savez. Je
m'attendais à trouver une critique plus générale. Ce n'est
pas vrai seulement pour les étudiants du secondaire, mais
également pour les enseignants et les autres personnels. Est-ce que vous
approuvez cette conception que véhicule le projet de loi 40?
Mme Sauvé: Je pense que, si on a tellement insisté
sur la notion de l'émergence d'un nouveau partenariat, c'est parce qu'on
en fait justement un point central de toute une nouvelle dynamique de
concertation dans un milieu. Quand on disait en conclusion que d'une option
dérangeante, nous sommes donc passés à une option
inconséquente, que d'une option pour l'essentiel, nous sommes donc
passés à une option de demi-mesure, c'est qu'il nous semblait,
bien entendu, qu'au-delà de principes parfois très beaux, au
niveau de la concrétisation de ces principes, des modalités
d'application, on y voyait des incohérences, c'est certain. Je pense que
ces mots-là n'étaient pas là que par hasard.
Je pense que toute cette conception de nouveau partenariat se voit aussi
dans la composition du conseil d'école qu'on y trouve,
c'est-à-dire qu'on ne veut pas de l'hégémonie d'un groupe
ou d'un autre dans un milieu et pas plus celle des étudiants. Je pense
que nous aussi on la vit à l'université, mais c'est plutôt
de reconnaître chacun comme partenaire à part entière. Je
pense que cela se voit très bien dans l'ensemble des amendements qu'on
présente.
M. Ryan: Mais nous autres...
Mme Sauvé: On souscrit à votre réflexion
critique sur l'inconséquence entre des principes émis et
l'absence de modalités.
Mme Morency: II est évident que, si on veut, tel qu'il est
également précisé dans le livre brun, que les
élèves soient les premiers agents de leur développement et
les premiers responsables de leur formation, il faudra leur donner des moyens
de s'organiser au même titre que les enseignants sont bien
organisés, les parents également. C'est dans le principe de
responsabiliser l'élève. Il est bien évident qu'il va
falloir prévoir des moyens. On prévoit entre autres le droit
d'association des élèves au sein de l'école.
M. Ryan: Vous ne trouvez pas que, si justement le droit
d'association au sein de l'école se développe, s'exerce de plus
en plus, il va y avoir un danger de dédoublement avec le comité
d'élèves qui est prévu dans le projet de loi. Comment
voyez-vous l'agencement de ces structures?
Mme Lavallée: Pour nous, le comité
d'élèves et l'association étudiante, c'est la même
chose. Nous proposons quand même des amendements qui font que les
modalités seront plus précises, que la reconnaissance de ces
associations ne se fera pas uniquement par les administrateurs et les
autorités de l'école. Pour nous, le comité
d'élèves, qu'il s'appelle comité d'élèves,
dans la loi, ou qu'il s'appelle association étudiante, c'est la
même chose. On ne pense pas que cela sera deux choses
différentes.
M. Ryan: Vous m'étonnez grandement. Dans le projet de loi,
le comité d'élèves est un comité convoqué
par le directeur. Il me semble que ce n'est pas comme cela qu'on forme une
association d'étudiants.
Mme Sauvé: Je pense que, dans l'affirmation de son pouvoir
de décision, dans une école, la participation a toujours deux
dimensions. Elle a une dimension de concertation; je pense que c'est ce qui
fait que des groupes différents, qui ont parfois des
intérêts différents, des souches différentes, mais
qui appartiennent au même milieu, se retrouvent au sein d'une même
instance pour se concerter, mais chacun de ces groupes possède des
pouvoirs propres à son groupe.
De cette même façon, on préconisait que les
élèves aient des territoires sur lesquels ils auraient
juridiction. C'est une complémentarité pour les
élèves de deux axes fondamentaux de la participation et qui sont
les mêmes pour tout autre groupe dans l'école. Il n'y aura pas
nécessairement dédoublement parce que les professeurs se
retrouvent en d'autres lieux pour faire valoir leurs droits, mais ils se
retrouvent aussi au conseil pour faire valoir leurs points de vue dans
l'élément de concertation.
M. Ryan: Vous nous servez de beaux mots sur le partage du pouvoir
et sur les responsabilités. Nous sommes habitués à cela,
nous avons entendu cela amplement. Ce qui
me préoccupe, c'est de savoir comment fonctionnera
l'école. Il faut que cela fonctionne; ce n'est pas tout de faire des
structures, de multiplier les comités, car on peut en ajouter des pages
entières. Comment cela fonctionnera-t-il? Qui sera responsable?
Où sera l'autorité? Vous dites qu'il faut partager le pouvoir,
mais, en le morcelant, on risque parfois de le briser. Comment fonctionnera
l'école? Est-ce qu'il faut un directeur, selon vous? Est-ce qu'il aura
une autorité? Est-ce qu'il relèvera de quelqu'un? Est-ce que ce
sera d'un comité comme celui que vous proposez ou de la commission
scolaire? Comment voyez-vous cela? Parce que, là, qu'il y ait treize ou
seize membres, c'est une question de tuyauterie dont je ne veux pas discuter.
Je vous pose la question de fond; cela m'intéresse.
Dans d'autres secteurs de la société, si on forme des
comités, on peut dire: trois représentants patronaux, trois
représentants syndicaux et trois représentants du grand public.
Cela peut fonctionner dans la mesure où ils n'ont pas trop de
responsabilités à assumer quotidiennement, dans la mesure
où on veut qu'ils fassent un travail de mise en commun d'opinions, de
concertation et d'élaboration d'opinion à long terme. Ce n'est
pas mauvais, mais, si on voulait faire fonctionner une entreprise ou une
institution sur cette base-là, on n'irait pas bien loin. Je vous demande
comment vous voyez cela pour l'école. Je trouve que votre comité
est lourd et je ne voudrais pas être la personne chargée de faire
fonctionner l'école.
Mme Sauvé: Je pense que, d'une part, on se rendra compte
que, pour nous, pour que vraiment le mode de fonctionnement d'une école
ou d'une instance, quelle qu'elle soit, ait un sens, c'est qu'il n'y a pas un
groupe qui a le monopole des décisions. On aurait beau changer, tour
à tour, celui à qui on va donner le monopole des
décisions, on voit que, dans les écoles, on arrive à un
cul-de-sac. De la même façon qu'on disait que ce n'est pas facile
parce que, lorsqu'on multiplie les intervenants, on multiplie aussi les
divergences. Je pense que, comme le ministre l'a dit, si la liberté
ça s'apprivoise, l'exercice de la concertation aussi s'apprivoise. Si,
à l'heure actuelle, dans une approche dualiste ou même corporative
de plusieurs agents, on aboutit à un cul-de-sac, cela, d'après
moi, ne peut pas être pire que présentement dans
l'incompréhension que beaucoup de partenaires se donnent. Je pense que
cela sera peut-être difficile au début; une communauté
éducative, cela se façonne. C'est un beau mot, mais je pense que,
si on ne commence pas sur une nouvelle base, il y aura de nombreuses
commissions où l'exercice du pouvoir ne sera jamais parfait.
Le conseil qu'on préconise est lourd; je veux bien qu'on dise
que, pour être efficace, il faut voir à une répartition qui
ait un sens, mais je ne veux pas, par contre, qu'on dise, parce que cela sera
trop lourd, d'enlever les élèves parce qu'ils sont
peut-être de trop. Si c'est pour être difficile, c'est à
tout le monde de chercher une solution et il ne faut pas négliger un
groupe par rapport à un autre.
Mme Morency: Pour compléter, je trouve malheureux qu'on
considère encore les usagers, par exemple, les parents, les
élèves, comme des consommateurs passifs et impuissants. On parle
de responsabiliser les parents et les élèves, mais je pense qu'il
faut leur faire confiance. C'est sûr qu'au début il va falloir
prévoir une période d'adaptation, mais c'est essentiel au conseil
d'école. Je pense que ce sont davantage les usagers qui peuvent prendre
conscience des problèmes qui se vivent à l'école. Ils sont
beaucoup plus près des problèmes qu'à la fois le directeur
et le commissaire.
Cette situation de résistance, nous la vivons également
à l'université; on est toujours réticent à nous
donner une place. On nous donne souvent une place qui va déranger le
moins possible, mais il est grandement temps qu'on donne aujourd'hui la place
aux usagers.
M. Ryan: Je vous écoute et je m'aperçois que vous
ne répondez pas aux vraies questions que j'ai posées. Je
reconnais que c'est difficile, mais je ne veux pas prolonger le débat
parce que le temps achève et que j'ai une autre question à vous
adresser. Vous pourrez compléter tantôt. Je vous le dis, la
question de fond, c'est l'unité de ce système d'enseignement que
nous avons au Québec, l'unité qui doit exister dans chaque
institution pour qu'elle puisse fonctionner de manière efficace. La
question n'est pas résolue dans le projet de loi et elle n'est pas
résolue dans les explications que j'ai entendues ce matin. Je respecte
votre opinion et, moi aussi, je veux que tous ces agents dont nous avons
parlé aient des responsabilités, mais je ne veux pas qu'ils
dirigent tous ensemble parce que ce sera la confusion. Je veux qu'on sache
clairement la fonction et le rôle de chacun. Il me semble que... En tout
cas, on va chercher encore, on va continuer d'explorer des opinions, mais votre
opinion est apportée.
Le protecteur de l'élève dont vous parlez, je voudrais
vous poser une question là-dessus, avant de terminer. Est-ce que ce sera
un autre membre du personnel à temps complet ou si ce sera un enseignant
qui peut le faire ou un représentant des parents ou un
élève nommé par les autres? Qui sera-t-il? Est-ce que ce
sera un autre salarié ou si c'est une personne qui va faire cela en plus
de faire autre chose?
Mme Lavallée: II ne faut pas mélanger deux choses,
c'est-à-dire le protecteur de l'élève et le
représentant des élèves. Le protecteur de
l'élève correspond au Protecteur du citoyen, il y en aura un pour
la province. Ce sera un protecteur de l'élève pour la province,
qui aura à faire respecter ce que nous jugeons comme la base des droits
des élèves, c'est-à-dire la charte des droits en milieu
scolaire.
Le représentant des élèves, ce sera un membre de
plus au niveau des écoles primaires pour représenter les jeunes
au conseil d'école. Je crois qu'il est illusoire de penser mettre un
bout de chou de six, sept, huit et même neuf ans ou douze ans dans un
conseil d'école, ce serait très paternaliste et tous les adultes
autour de lui n'en feraient qu'une bouchée. Il faudrait, à ce
moment-là, un adulte qui ne serait là que pour représenter
l'opinion des élèves qu'il aura été cherché
auparavant, c'est évident.
Mme Sauvé: Sur ce point, c'est déjà une
pratique courante dans de nombreuses écoles dites alternatives, entre
autres. Cette personne a un rôle, d'une certaine façon,
d'animation auprès de la jeune population d'élèves pour
aller chercher un peu leur point de vue. Lorsqu'elle arrive au conseil de
l'école, elle a un statut d'adulte, donc, au même niveau que les
autres, mais avec une préoccupation auprès des
élèves. Je pense que ces écoles dressent un bilan fort
heureux de cette expérience, présentement.
M. Ryan: Je voulais me renseigner surtout sur le concept de
protecteur de l'élève. Ce sera une personne, un fonctionnaire au
niveau provincial qui pourrait être attaché, par exemple, au
bureau du Protecteur du citoyen.
Mme Lavallée: C'est cela.
M. Ryan: Très bien, j'ai compris. Je voudrais seulement
faire une observation en conclusion. En discutant avec vous, j'en arrive
à la conclusion qu'il est capital que le gouvernement et le
législateur respectent les structures de représentation que se
donnent les divers agents de l'éducation, autant les étudiants et
les enseignants que les parents, et que c'est très dangereux de
créer des structures parallèles de représentation
uniformes par la loi, comme on veut le faire avec le projet de loi 40. Je
trouve que la vraie concertation dont nous rêvons avec autant
d'intensité que vous pourra se faire quand on aura commencé par
respecter ce principe de base que le ministre avait énoncé dans
le livre brun et qui est violé de manière flagrante dans le
projet de loi 40.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le député de
Chauveau. (12 h 45)
M. Brouillet: Merci, M. le Président. Je salue avec
plaisir les représentants des associations étudiantes. Je vais
revenir sur un point, la question du droit d'association. Le
député d'Argenteuil a laissé croire, il a émis
l'opinion que le projet de loi ne garantissait pas un droit d'association aux
étudiants du secondaire. Si je lis bien l'article 70, je crois que le
droit de s'associer en formant un comité d'élèves est
reconnu par la loi. Autrement dit, le directeur d'école convoque. Il n'a
pas le droit de ne pas convoquer. Étant convoquée,
l'assemblée d'étudiants a, par la loi, un droit reconnu de former
ce comité, de décider de la composition du comité, de
décider des membres qui agiront au comité et, par la loi,
indépendamment de la volonté du directeur, il y a toute une
série de pouvoirs reconnus à ce comité.
M. le député d'Argenteuil a laissé croire que du
fait que le directeur a la responsabilité de provoquer cette
première rencontre - cela en prend un qui, à un moment
donné, prend la décision de dire: On va donner l'occasion aux
gens de se rencontrer pour eux-mêmes décider de la formation du
comité - l'existence du comité, les pouvoirs qu'exercerait le
comité seraient laissés un peu à la volonté et
à l'arbitraire du directeur. Ce n'est pas ça. Je crois que la loi
reconnaît aux étudiants du secondaire un droit de s'associer, un
droit de déterminer les règles de régie interne; ce sont
eux qui vont décider comment ils fonctionneront entre eux, ce sont eux
qui vont décider comment ils vont consulter l'ensemble de leurs membres
pour donner des avis. C'est ça les règles de régie
interne. Ils ont une autonomie de fonctionnement, ils ont ce pouvoir par la
loi. Il ne faudrait pas trop laisser croire que la loi n'accorde rien aux
étudiants et que tout est laissé à l'arbitraire du
directeur d'école.
Cependant, vous avez apporté des réserves en comparant ce
que la loi accorde, offre comme garanties aux étudiants du secondaire et
la loi 32. Vous avez établi des comparaisons. Croyez-vous que ce serait
important qu'on envisage à un moment donné que la loi 32 soit
étendue dans son application au champ du secondaire, ou est-ce que vous
verriez qu'on mette dans cette loi-là un peu plus de garanties quant aux
moyens de fonctionnement? C'est un peu ça finalement. Il faut offrir
plus de moyens à ces étudiants qui ont des pouvoirs, qui peuvent
déterminer leurs règles de régie interne. Comment
voyez-vous la solution? Est-ce que ce serait dans ce projet de loi 40 qu'il
faudrait peut-être ajouter certaines choses, par exemple que
l'institution aurait l'obligation de fournir à ce comité
d'étudiants certains moyens pour bien
fonctionner? Est-ce que ce serait le problongement de la loi 32 ou autre
chose? Comment voyez-vous la solution à ces réserves que vous
avez apportées quant aux pouvoirs reconnus par le projet de loi 40 aux
étudiants?
Mme Morency: Lorsqu'on parle notamment de droit d'association, il
existe la charte des droits en ce moment, mais ce ne sont que des principes
administratifs. Si on veut véritablement reconnaître ce droit, on
doit l'inclure dans un cadre juridique. Cela peut se faire dans le projet de
loi 40 ou dans un prolongement de la loi 32; mais ce qui est important, c'est
d'inclure cela dans un cadre juridique. Dans ce sens, on y serait favorable au
même titre qu'on l'a été au niveau des associations
collégiales et universitaires. Alors, on pourrait inclure les
mêmes droits et responsabilités au niveau secondaire.
M. Le Comte: II faudrait expliciter un peu plus ce qu'on a
tenté de faire avec certains amendements qu'on vous a proposés
sur les droits de ces comités d'élèves. Cela devrait
s'étendre un peu plus qu'au fait de décider si on va boire du jus
d'orange ou du jus de raisin au prochain "party". Alors, il faudrait
peut-être donner un peu plus de pouvoirs à ce comité
d'élèves. Ce qui pourrait être fait avec le commentaire
qu'on vous apporte.
M. Brouillet: Mais quand on regarde les fonctions du
comité d'élèves, c'est beaucoup plus que décider du
jus d'orange, je pense bien. Il y a énormément de choses
là-dedans. Si j'ai bien compris le sens de votre mémoire, quand
vous faites allusion à cela, c'est beaucoup plus au niveau des moyens
dont disposerait le comité pour pouvoir effectuer ses fonctions. Mais,
au niveau des fonctions, il y a passablement de choses très importantes.
Vous faites allusion surtout à des moyens: un local assuré, une
aide, une personne-ressource assurée, un minimum de budget
assuré. C'est beaucoup plus de l'ordre des moyens.
Mme Sauvé: Si vous lisez notre amendement à
l'article 74, vous verrez qu'il est question d'une plus grande juridiction sur
tout ce qui a trait - donc, un pouvoir décisionnel - à
l'organisation et à l'orientation des services qu'il se donne, ainsi que
sur l'établissement des priorités des activités
parascolaires offertes par l'école. On parle de droits
décisionnels à ce niveau parce qu'on pense que ce sont des
dimensions de la vie de l'école qui les touchent de très
près. On ne parle pas seulement de mécanismes et de moyens, on
parle vraiment de pouvoirs décisionnels sur des questions qui...
M. Brouillet: Très bien, sur ce point. Nous abordons
maintenant les pouvoirs comme tels. Le pouvoir décisionnel serait-il
réservé au comité d'étudiants ou ne s'exercerait-il
pas dans un esprit de partenariat au sein d'un comité d'école
où il y aurait l'étudiant qui aurait un pouvoir
décisionnel partagé avec les autres intervenants de
l'école? Qu'exigez-vous et que demandez-vous finalement? Que
suggérez-vous? Est-ce un pouvoir décisionnel uniquement au niveau
du comité d'étudiants, au niveau du conseil d'école
où participerait l'étudiant?
M. Le Comte: Entre autres, les pouvoirs du comité
d'élèves qu'on veut voir attribués, c'est le droit de
choisir les gens qui vont les représenter au conseil d'école.
M. Brouillet: Oui.
M. Le Comte: Le domaine de juridiction du conseil d'école
peut être différent du domaine de juridiction du comité
d'élèves. À ce niveau-là, il peut y avoir des
niveaux décisionnels différents où les
élèves seront représentés au comité
d'élèves de façon unanime et au conseil d'école, de
façon à avoir un partenariat.
M. Brouillet: Ne trouvez-vous pas que c'est très difficile
dans la loi de prévoir les champs de juridiction dans une école
où les étudiants seuls auraient un pouvoir décisionnel?
Comme vous le dites, une sortie éducative ou certains services que les
étudiants pourraient se donner à l'intérieur de
l'école, c'est assez difficile de le prévoir dans la loi. Au
niveau de l'école, le conseil d'école où siégera
l'étudiant pourra, je crois, faire valoir certains champs possibles qui
seraient laissés au conseil étudiant. Là, on pourrait vous
déléguer, le conseil d'école où siège un
étudiant, où il a le droit de vote, pourrait peut-être
décider dans l'école des champs où le comité
d'élèves pourrait devenir décisionnel. Mais prévoir
dans une loi tous ces champs, cela présente des difficultés.
Mme Sauvé: Pour d'autres groupes, il y a
déjà des champs de déterminés; par exemple, si l'on
pense aux professeurs, il y a des questions qui font partie d'une convention
collective, et je ne crois pas que le conseil pourra, sur certaines dimensions
du moins, vouloir en tout temps remettre cela en question. De la même
façon, il est à prévoir aussi que le conseil de
l'école voudra déléguer certains de ses pouvoirs sur des
points particuliers à un des sous-groupes du milieu qui aura le plus
d'expertise. Nous pensons que, dès le départ, on peut
déjà prévoir un certain terrain de juridiction des
élèves de la même façon que les professeurs en ont
par le biais de leurs conventions
collectives à l'heure actuelle, avant même le projet de
loi. C'est la même chose pour d'autres groupes.
M. Brouillet: Je vous remercie bien de vos explications et de vos
réponses.
Le Président (M. Blouin): Avant de conclure, Mme la
députée de L'Acadie m'indique qu'elle a une brève
intervention à faire. Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Ce sera très court. Je n'ai pas saisi si
le député de Chauveau a posé cette question. Vous parlez
de pouvoirs décisionnels qui seraient accordés au comité
d'élèves, aux représentants de la structure
étudiante. Pouvez-vous me donner des exemples de pouvoirs
décisionnels que vous voudriez avoir dans l'école? Le
député vous a dit qu'il pourrait vous en être
délégués, mais, pour d'autres catégories, il y a
des pouvoirs décisionnels précis. Quels sont ceux que vous voulez
avoir?
Mme Sauvé: II faut faire attention, nous ne parlons pas
nécessairement au nom des élèves, mais de ce qui serait
souhaitable que les élèves aient.
Mme Lavallée: II y a deux choses que nous avons
nommées. Dans l'article 74, on parle d'un amendement qui a trait
à l'organisation et à l'orientation des services qu'il se donne
lui-même. Pour l'instant, dans le projet de loi, c'est consultatif. Le
comité d'élèves serait consultatif sur les orientations et
l'organisation de ses propres services. Nous croyons qu'ils sont quand
même assez grands pour le faire eux-mêmes. Cela serait leur pouvoir
de décision. Les priorités au niveau des activités
parascolaires, dans le projet de loi, pour l'instant, les activités
parascolaires ou les priorités... Les étudiants pourraient
être consultés, mais cela demeure un droit consultatif. Nous
disons que les étudiants sont capables de savoir ce qu'ils ont envie de
faire après quatre heures. C'est à ces deux niveaux. C'est
évident que cela pourrait être très large. Une
activité parascolaire, cela peut être n'importe quoi, mais que les
étudiants aient au moins ce droit que ce soient eux qui décident
des priorités de leurs activités, et non le conseil
d'école, le directeur ou qui que ce soit.
Voulez-vous des exemples précis d'activités
parascolaires?
Mme Lavoie-Roux: Non, non, je suis assez familière avec
cela. Ce seraient vous autres qui décideriez du choix des
activités parascolaires?
Mme Lavallée: Des priorités, en tout cas, que les
élèves se donneraient, oui.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Et l'autre exemple que vous nous avez
donné, c'était quoi?
Mme Lavallée: L'organisation et l'orientation des services
que les associations et les comités d'élèves se
donneraient à eux-mêmes, du style des coopératives
étudiantes, des journaux étudiants, d'un service de photocopie,
d'un service de photographie, n'importe quoi. Cela peut être très
large.
Mme Lavoie-Roux: Comme comité d'élèves.
Mme Lavallée: Comme comité d'élèves,
oui.
Mme Lavoie-Roux: Cela me semble aller de soi. C'est votre
régie interne, dans le fond.
Mme Lavallée: C'est plus que cela. La régie
interne, c'est de décider qui sera président, qui parlera autour
de qui. Ce sont vraiment des services que l'association étudiante, le
comité d'élèves vont s'offrir à eux-mêmes,
comme dans les universités; il y a des coopératives de livres, il
y a des...
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais là vous entrez aussi dans les
implications budgétaires.
Mme Lavallée: Oui.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. Au nom de tous les membres de la commission,
je remercie les représentantes et le représentant du Regroupement
des associations étudiantes universitaires du Québec d'avoir bien
voulu participer aux travaux de notre commission parlementaire.
Sur ce, la commission élue permanente de l'éducation
suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, quinze heures.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
(Reprise de la séance à 15 h 11)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît; La commission élue permanente de l'éducation reprend
ses travaux. Nous entendrons, cet après-midi, successivement
l'Association des centres d'accueil du Québec et les
représentants du Comité de la protection de la jeunesse.
Puisque les représentants de notre premier groupe invité
ont déjà pris place à
la table des invités, je leur demande, d'abord, de bien vouloir
s'identifier et, ensuite, de nous livrer, en une vingtaine de minutes, le
contenu de leur mémoire.
Association des centres d'accueil du
Québec
M. Oallaire (Marcellin): M. le Président, mesdames et
messieurs les députés, mon nom est Marcellin Dallaire. Je suis
président de l'Association des centres d'accueil du Québec.
L'Association des centres d'accueil du Québec est un organisme
privé qui regroupe l'ensemble des centres d'accueil publics du
Québec. De ceux-ci, 260 offrent des services aux personnes
âgées. Ils sont relativement peu touchés par le projet de
loi à l'étude devant cette commission.
Par ailleurs, 100 des 135 autres centres d'accueil sont des centres
d'accueil de réadaptation. Ces centres d'accueil sont très
concernés par le projet de loi sur la réforme scolaire. En effet,
28 000 personnes, soit handicapées physiquement, soit handicapées
mentalement, soit mères en difficulté d'adaptation, alcooliques
ou toxicomanes ou soit, finalement, des handicapés sociaux
délinquants ou en besoin de protection, et ce, à chaque
année, reçoivent des services des différents centres
d'accueil de réadaptation.
Parce que nous croyons qu'il était important que le message de
ces personnes vous soit transmis par des gens impliqués dans le milieu,
nous voulons que la présentation soit faite par un membre de nos
conseils d'administration, une personne qui est donc sensibilisée aux
problèmes et non seulement aux problèmes de gestion. J'ai donc le
plaisir de vous présenter le présentateur du mémoire, Me
Roger Pedneault, qui est membre du conseil d'administration du centre de
réadaptation, l'Institut Dominique-Savio. M. Pedneault est au centre de
la table. M. Pedneault est également connu des autorités du
ministère pour son travail dans les négociations et il est membre
de la firme Monette, Clerk et Associés.
À ma droite, j'ai le plaisir de vous présenter M. Maurice
Chartrand, membre et président du conseil d'administration du Centre
Marie-Vincent qui reçoit des jeunes filles et souvent même de
très jeunes filles gravement perturbées. Il est bien connu aussi
pour ses multiples activités dans le milieu de l'éducation. Il
sera certainement en mesure de nous indiquer les aspects qui sont
peut-être les plus problématiques dans le projet de loi.
À l'extrême gauche, M. Pierre Cloutier qui est directeur
général de l'Association des centres d'accueil du Québec;
à sa droite, M. Pierre Foucault qui est spécialiste du dossier et
professionnel à l'Association des centres d'accueil du Québec et,
à ma gauche, M. Jean-Marie Carette qui est directeur
général de La Cité des prairies, centre pour jeunes
contrevenants et membre du conseil d'administration de l'Association des
centres d'accueil du Québec. M. Pedneault.
M. Pedneault (Roger): M. le Président, MM. et Mmes les
députés, il a pu vous paraître surprenant qu'une
association d'établissements de services sociaux et de santé se
présente à la commission de l'éducation. À
première vue, cela a pu vous paraître surprenant. Il est
évident que notre but, en nous présentant devant vous, n'est pas
de faire une critique ou une analyse de l'ensemble du projet de loi 40 sur
l'éducation. Notre but est de vous soumettre d'une façon
très particulière un problème spécifique concernant
un groupe d'enfants confiés aux centres de réadaptation. M. le
président vient de vous parler d'environ 28 000 enfants. On peut les
définir très simplement, pour les fins de notre
présentation, comme un groupe d'enfants trop perturbés pour que
le réseau régulier puisse continuer à les assumer. Ce
n'est pas une définition scientifique, mais simplement une description
très simple à comprendre.
Ces enfants sont nécessairement marginaux et peu nombreux si on
les situe par rapport à l'ensemble de l'immense population scolaire que
veut couvrir le projet de loi. Cela ne veut pas dire qu'ils ne méritent
pas votre attention. Je pense qu'ils méritent d'autant plus votre
attention que, pour eux, le défi est encore plus grand. Il faut que vous
vous assuriez qu'ils recevront, en termes d'éducation, un traitement
équitable par rapport aux autres car, dans l'ensemble, ils sont les plus
démunis de la clientèle scolaire.
D'autre part, ils sont largement touchés par le projet de loi.
Nous sommes convaincus, à la lumière de l'expérience
acquise par les centres de réadaptation, que ledit projet de loi doit
être complété - c'est le sens de notre mémoire -
pour cette population spécifique, un peu marginale et très
spéciale qui est notre clientèle. On pense qu'on les a largement
oubliés dans l'ensemble du projet de loi.
Il faudrait bien comprendre que nous n'entendons pas plaider leur
marginalisation, pas plus que nous n'entendons aller contre les courants bien
connus de normalisation qui sont prônés par les différents
intervenants. Au contraire, le but essentiel du travail de réadaptation
que font les centres de réadaptation est précisément
d'éviter de retarder ou d'annuler cette réintégration,
cette normalisation souhaitée par tous. Le client du centre de
réadaptation est d'abord un enfant pour qui toute la mécanique
des services habituels est épuisée. L'intervention
spécifique et souvent très spécialisée du
centre de réadaptation est alors requise pour une période
donnée afin de lui permettre un retour à la vie normale. C'est
dans ce cadre très précis que se situe notre mémoire et
c'est sur cet aspect très particulier que nous fondons le point de vue
que nous allons vous exposer et selon lequel il nous semble évident que
le projet devrait être complété.
L'esprit de l'association, en analysant le projet de loi dans son
ensemble, est, évidemment, de privilégier le réseau
régulier. Il ne faudrait pas prendre notre mémoire comme
étant une tentative de ne pas utiliser le système scolaire
régulier; il ne faudrait pas, non plus, y voir autre chose que cette
demande d'obtenir pour les centres de réadaptation une
responsabilité proportionnelle au mandat qu'on leur confie. Il faut
aussi voir un souci de la part de l'association de donner ces services
spécialisés au meilleur coût possible, d'éviter les
chevauchements et les gaspillages d'énergie et de ressources
humaines.
Il faut aussi voir un souci constant d'assurer pour ces enfants, cette
clientèle très spéciale, une continuité dans les
soins qui leur sont donnés. Les quelques réflexions qui vont
suivre vont s'inscrire dans cette orientation générale.
Notre point de vue, si vous avez pris connaissance de notre
mémoire, repose sur le constat suivant qui est un constat acquis par une
longue expérience des centres de réadaptation. L'enfant
sérieusement perturbé est confié au centre d'accueil parce
qu'il s'est produit une brisure entre lui et sa famille, entre lui et
l'école. La loi et le système social imposent au centre d'accueil
la responsabilité de le réadapter, de prendre les moyens
nécessaires pour le réinsérer dans la
société normale.
Notre constat est le suivant. Pendant cette période
spécifique, la priorité, c'est sa réadaptation et non son
éducation. Je sais que des affirmations semblables peuvent susciter de
longs débats et peuvent même faire froncer les sourcils; mais nous
sommes convaincus de cette réalité indéniable: pendant la
période que je viens de décrire, l'enfant en réadaptation
a, d'abord, une priorité de réadaptation; l'éducation est
parallèle ou viendra lorsqu'il pourra l'absorber, lorsqu'on aura
réussi à lui donner des mécanismes de fonctionnement pour
qu'il puisse en profiter.
C'est dire qu'au fond il est prioritaire que les moyens de
réadaptation soient pris pour s'assurer qu'il puisse, le plus rapidement
possible, profiter des ressources régulières de la
société. C'est bien évident pour nous. Par exemple,
prenons le projet de loi tel qu'il est formulé; il n'hésite pas
à consacrer la priorité du traitement médical sur le
programme éducatif. En aucune façon, le projet de loi
n'hésite; c'est clair. C'est peut-être parce que c'est plus
tangible pour tout le monde. Si un enfant est malade, si un enfant est en
milieu hospitalier, on ne commencera pas par lui imposer les règles de
l'école. On va commencer par lui imposer les règles de la
médecine, les règles du médecin, les règles de
l'hôpital; ensuite, en cours de route, on va lui donner...
Le Président (M. Blouin): Je présume que vous
êtes en train de résumer votre mémoire.
M. Pedneault: C'est cela.
Le Président (M. Blouin): Je souhaiterais, si cela est
possible, que vous puissiez nous dire, afin que nous ayons des points de
repère, à quelle page vous vous référez de temps
à autre, afin que les membres aient plus de facilité à
suivre vos propos. Je vous rappelle que la règle veut que vous vous
acquittiez de votre présentation en une vingtaine de minutes; il vous
reste environ dix minutes.
M. Pedneault: Je vais accélérer, M. le
Président. Je suis en train de vous résumer l'introduction et la
conclusion du mémoire. Dans quelques secondes, j'entreprendrai les
quelques recommandations.
C'est en vertu de ce constat fondamental que nous avons soumis les huit
recommandations qui sont contenues dans le mémoire à partir de la
page 20. Je les regrouperai, de toute façon, en trois chapitres et je ne
passerai pas chacune de ces recommandations parce que quelques-unes sont
complémentaires des autres.
La première recommandation que nous faisons, c'est qu'il nous
semble que le projet de loi a oublié d'une façon complète,
dans la notion de parents qui y est incluse, le centre d'accueil et de
réadaptation qui, dans les faits, doit jouer, légalement ou non,
un rôle de parent substitut auprès de la clientèle qui lui
est confiée. Le centre d'accueil devient dans les faits le parent de la
plupart de ces enfants qui lui sont confiés et, dans le projet de loi,
on ne lui donne aucune possibilité d'être reconnu, à aucun
niveau, à aucun endroit, comme un parent effectif. Je ne
m'étendrai pas, je pense que cette notion est claire. Il peut y avoir
des conséquences considérables à ce que ce
véritable parent, dans les faits, ne puisse agir à aucun niveau
de la structure de l'éducation parce qu'il n'est pas reconnu et parce
que la définition ne le contient pas.
L'autre notion s'attache à la participation des parents. Pour
aller au plus court, je me contenterais de vous citer un exemple. Le projet de
loi est orienté vers la participation des parents. Nous ne portons pas
de jugement sur ces aspects du projet de loi; nous les tenons pour acquis et
nous supposons que, si on a à fonctionner, nous
les centres d'accueil, dans ce système-là, nous devrons
vivre avec une réalité qui est la nôtre. Je vais vous
donner l'exemple tout de suite. Dans un centre d'accueil typique -cela pourrait
être facilement une règle générale - le nombre de
familles complètes pour les enfants que nous avons sous notre garde est
de 26%; les familles monoparentales, 35%; les familles d'accueil, 11% et les
enfants en attente de famille d'accueil sont 28%. Un quart d'enfants ont une
famille complète, et encore faudrait-il examiner cela, car, puisqu'ils
sont en centre d'accueil, il y a eu une brisure entre leur famille et eux, de
sorte que l'on doit même se demander si cette famille complète est
apte à remplir ce rôle de participation qui est souhaité
pour l'ensemble de la population scolaire.
La participation des parents est-elle vraiment réaliste dans un
contexte comme celui-là au niveau d'un centre d'accueil? Est-ce que ces
parents qui sont précisément au coeur de l'échec de
l'enfant peuvent devenir, par une participation positive, les agents de la
réadaptation de leur enfant? Peut-on demander à ces parents
d'établir dans une école un programme adapté de services,
par exemple, éducatifs, particuliers, spécialisés ou
complémentaires, comme on les appelle? Peut-on penser qu'il est
réaliste de laisser à la bonne volonté de ces parents le
soin d'établir ces programmes? Peut-on laisser à la bonne
volonté des autres parents, qui auront d'autres préoccupations,
le soin de préparer les programmes d'éducation
spécialisée et d'intégration des enfants handicapés
mentaux ou physiques dans les écoles? Nous croyons, l'expérience
étant là pour nous le confirmer, que c'est une utopie.
Je vais aller très rapidement. Je viens de résumer la
première, la deuxième et la troisième recommandations. Les
recommandations suivantes portent plutôt sur l'incompatibilité des
structures que propose le projet de loi avec les structures nécessaires
aux centres d'accueil et de réadaptation. Alors, si vous voulez vous
reporter à la page 28 et aux quelques pages suivantes.
Ou bien le centre d'accueil et de réadaptation intègre sa
clientèle scolaire à une école, ou bien il devient
lui-même une école parce qu'il donne l'éducation à
l'intérieur de ses murs. Dans un cas comme dans l'autre, il y a des
incompatibilités de structures. Ne citons que le fait que le centre
d'accueil est régional, la plupart du temps, pour un type de
clientèle. Alors, comment peut-on supposer qu'il va devoir faire des
contrats avec plusieurs écoles, parce que le centre régional a
beaucoup de points de service qui vont impliquer plusieurs écoles sur le
même territoire? Cela supposerait la négociation de contrats et de
modalités différentes avec plusieurs écoles pour quelques
enfants, finalement, en somme, une tâche administrative très
lourde, une possibilité de différences considérables dans
les conditions et les modalités imposées et ce, pour quelques
élèves, finalement, une disproportion entre le nombre et la
quantité de travail administratif qui serait demandé pour
réaliser cela.
Si l'école est à l'intérieur des murs du centre
d'accueil, cela devient, en somme, partiellement une école. Là,
le projet de loi nous intrigue et nous inquiète. Qu'advient-il de cette
école? Où est-elle définie? Où est-elle couverte?
Quelles sont ses structures? Comme ce centre d'accueil et de
réadaptation est déjà un établissement en vertu du
chapitre 48, la Loi sur les services de santé et les services sociaux,
il a déjà sa propre structure: un conseil d'administration
démocratique, un comité de parents, un comité de
bénéficiaires, etc. Va-t-on maintenant nous dire que cette
école devient couverte par le projet de loi et qu'on va doubler les
structures avec les mêmes parents et les mêmes administrateurs,
qu'on va nommer un autre directeur général, etc? Il nous semble
que cela devient un fouillis considérable. Ou bien on le définit
comme une école à vocation régionale ou provinciale et
là on tombe dans un autre fouillis administratif qu'il serait trop long
de vous décrire et dont le mémoire fait état.
Notre suggestion fondamentale - je vais plus loin dans le mémoire
après la page 33; je m'excuse de ne pas donner de
références précises, M. le Président -
l'idée de base de la troisième et de la huitième
recommandations, aux pages 38 et suivantes du mémoire, c'est que nous
préconisons, comme essentielle à la qualité et à la
cohérence des soins de réadaptation que nous devons dispenser,
l'idée d'unité de gestion. Si l'on veut éviter de modifier
tout le projet de loi pour le compléter, comme on disait, en fonction
d'une population qui est, somme toute, marginale, il faut changer un aspect
fondamental du projet pour les enfants handicapés. Il faut changer la
notion de fonctions d'écoles ou d'écoles pour le concept de
"services": services d'enseignement spéciaux. Il faut que, pour ce qui
s'adresse à la réadaptation, ce ne soit plus la notion
d'école comme telle qui s'applique. Il faut que ce soit la notion de
services, qui est plus souple et qui est plus adaptable à cette
population dispersée sur l'ensemble du territoire et concentrée
dans des centres d'accueil et de réadaptation. (15 h 30)
C'est pourquoi nous proposons dans notre mémoire la
création d'un organisme. Nous l'avons appelé régie
provinciale des services spéciaux. Ce n'est pas au nom ou à la
chose que nous tenons en soi; c'est plutôt à l'idée bien
précise qu'il faut un organisme capable d'assurer l'unité de
gestion de toute
cette matière éducative qui se donne aux enfants des
centres d'accueil et de réadaptation.
Une régie provinciale aurait d'abord l'avantage de concevoir des
programmes de réadaptation. Il est, aussi important pensons-nous, de
concevoir un bon programme de réadaptation que de concevoir un bon
programme de mathématiques ou de français; c'est aussi difficile
et peut-être même plus. Pourquoi laisserait-on à chaque
comité d'école ou à chaque commission scolaire, ou
à chaque conseil d'administration d'école le soin de concevoir un
programme de réadaptation qu'il peut faire en plus, qu'il n'est
même pas obligé de faire dans le projet de loi? Il "peut"
l'établir, il n'y a pas d'obligation légale. Nous
préconisons également, dans une de nos recommandations,
d'établir une obligation légale de faire un programme de
réadaptation et nous croyons qu'une régie provinciale doit le
penser, le concevoir et aussi en surveiller l'application. Comme on a des
organismes provinciaux pour s'assurer de la validité des diplômes,
par exemple, pour que les examens soient convenables partout, pourquoi
n'aurait-on pas un organisme provincial également qui s'assure que la
clientèle des bénéficiaires dans les centres de
réadaptation reçoit au minimum un traitement équitable, un
programme adapté et un programme convenable?
Je termine. Quel que soit l'aboutissement de toute cette
législation à la suite de ces consultations nombreuses que cette
commission fait, quel que soit le modèle définitif qui sera
adopté par le gouvernement, par le législateur, quelles que
soient les modalités, les remarques que nous vous faisons sont
pertinentes dans quelque système scolaire que ce soit.
Le problème que nous vous exposons existe actuellement, avec la
loi actuelle. Il a été en partie réglé par des
efforts constants, des pressions constantes sur les commissions scolaires. Il y
a des acquis que risque de nous faire perdre une structure renouvelée.
Quel coût et quel gaspillage d'énergie occasionnerait le fait de
recommencer à zéro avec des milliers de nouvelles personnes
à convaincre année après année. Pendant ce temps,
les ressources investies sont considérables, le temps perdu est
absolument irremplaçable et les coûts sont énormes en
pertes de toutes sortes.
J'espère, messieurs et madame, que vous allez recevoir notre
mémoire avec toute l'attention que nous croyons qu'il mérite,
uniquement au nom de ces enfants que nous représentons.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Pedneault. Merci, M.
Dallaire. M. le député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier, au nom du ministre de l'Éducation, l'Association des centres
d'accueil du Québec. Je voudrais vous présenter les excuses du
ministre de l'Éducation qui est présentement au Conseil des
ministres et vous donner l'assurance qu'il a lu votre mémoire et que
tout ce qui sera dit ici en commission, l'échange qui aura lieu, sera
porté à son attention. Je peux vous donner l'assurance que vous
recevrez de sa part toute l'attention que mérite votre
mémoire.
Je voudrais également vous remercier personnellement de votre
mémoire. C'est un mémoire précis, complet, qui touche les
sujets qui vous préoccupent au premier point. Vous êtes
partenaires de l'éducation et c'est ainsi que vous vous êtes
définis dans votre présentation. Vous êtes partenaires pour
une catégorie d'enfants que vous avez bien décrits et qui
constituent les enfants les plus démunis qui fréquentent nos
écoles. On parle d'écoles spécialisées,
d'écoles qui fonctionnent en jonction avec les spécialistes des
centres d'accueil. J'aurai des questions à vous poser à ce sujet,
mais il faut mentionner, en tout cas, l'excellent travail fait par les
spécialistes que votre association regroupe à l'intérieur
des centres d'accueil.
Je voudrais parler un peu des recommandations que vous faites dans votre
mémoire, dans le but de compléter le projet de loi, de
l'améliorer. Je vous remercie pour les suggestions que vous faites. Je
pense qu'il y en a qui sont très pertinentes. Je voudrais mentionner la
première recommandation. Elle a trait à une disposition de la loi
qui permettrait de rendre possible aux centres d'accueil, par exemple,
d'exercer le rôle qui est normalement dévolu aux parents,
lorsqu'ils ne peuvent pas assumer ce rôle. À cet égard, je
peux vous promettre un amendement. Cette assurance m'a été
donnée par le ministre. Il y aura un amendement pour que, justement, les
centres d'accueil puissent assumer ce rôle de substitut parental.
L'amendement permettra également à un tuteur d'exercer ce
rôle. Je pense qu'il faut également prévoir les cas
où il y a un tuteur, lorsque les parents biologiques ne peuvent pas
assumer, pour une raison ou pour une autre, leur rôle normal. Donc, sur
cette première recommandation que vous faites, je pense qu'il n'y a
aucune difficulté.
Je vais aborder une deuxième recommandation. Vous demandez que
les articles pertinents du projet de loi soient modifiés de
manière que la dispensation des services éducatifs particuliers
offerts à l'élève en difficulté d'adaptation - il
s'agit des articles 2 et 8 relève d'une planification globale et de
décisions fondées sur une perception de l'ensemble de la
problématique à cerner. Vous êtes sans doute
au courant que ce genre de planification globale est en train de se
faire par les services du ministère des Affaires sociales et par ceux du
ministère de l'Éducation. Donc, à cet égard, est-il
nécessaire de modifier la loi en conséquence? Enfin, il y a des
questions à poser. Vous pourrez peut-être, en réponse ou en
réaction aux commentaires que je fais, me dire pourquoi il faut, selon
vous, absolument modifier la loi dans les circonstances. Je vous donne
l'assurance, encore une fois au nom du ministre, que cette planification
globale se fait par les services du MAS et du MEQ.
Quant à la recommandation 3, vous demandez "que le projet de loi,
en ce qui a trait aux services éducatifs complémentaires, soit
restructuré de manière à parler non plus d'écoles
et de fonctions d'écoles, mais de services d'enseignement
spéciaux disponibles à une clientèle définie, en
particulier lorsqu'il est question de services aux enfants en
difficultés graves d'adaptation." N'est-ce pas - c'est une question que
je formule - un retour avant 1973, c'est-à-dire à partir du
moment où on a confié aux commissions scolaires et aux
écoles un rôle important à jouer dans l'éducation et
dans la réadaptation également?
Je pense qu'il est difficile de séparer, à
l'intérieur des écoles, ce qui est un acte éducatif et un
acte de rééducation. Je pense qu'à l'intérieur des
écoles - j'aimerais que vous réagissiez à cet égard
- il y a des professionnels qui font à la fois de l'éducation et
de la réadaptation. Est-ce que la démonstration est faite
à savoir que les services donnés à ces jeunes à
l'intérieur d'écoles spécialisées sont
inadéquats ou ne répondent pas à leurs véritables
besoins?
Vous enchaînez de la proposition 3 à la proposition 8, dans
votre présentation, en proposant l'instauration d'une régie
provinciale des services éducatifs spéciaux mise sur pied sous la
responsabilité du ministère de l'Éducation du
Québec. Encore une fois, n'est-ce pas qu'actuellement il y a une
coordination entre les écoles, les commissions scolaires et les centres
d'accueil au niveau régional? Est-ce que c'est nécessaire de
compléter cet ensemble par une régie provinciale? N'est-ce pas
créer une nouvelle structure? Est-ce qu'une démonstration a
été faite que la décentralisation à ce niveau n'est
pas suffisante? Vous en parlez assez peu. Enfin, on peut se poser la question:
Pourquoi une nouvelle structure?
Vous avez posé des questions à cet égard sur le
rôle des écoles, des commissions scolaires. Vous avez
rattaché cela au projet de loi 40 en posant des questions sur la
participation des parents. La participation des parents est-elle
réaliste? C'est une question que vous avez posée. À
l'intérieur des conseils d'école prévus dans le projet de
loi 40, il n'y a pas que des parents. Le projet de loi prévoit la
participation de professionnels, d'enseignants et de parents. Vous allez
peut-être dire: On prévoit aussi la présence majoritaire de
parents. Je ne sais pas si c'est cela, car vous ne l'avez pas
précisé. Je ne sais pas si c'est le fait d'une pleine
majorité de parents au conseil d'école qui semble poser
problème, ou si c'est le conseil d'école lui-même qui pose
problème.
Encore une fois, le projet de loi 40 prévoit la participation de
professionnels de l'enseignement et d'autres professionnels. Donc, est-ce qu'un
dialogue ne pourrait pas s'instaurer entre parents? Je pense que vous
êtes d'accord pour dire que les parents ont tout de même un
rôle à jouer dans ce travail de réadaptation des jeunes.
C'est vrai, vous avez soulevé une question importante, qu'il y a
beaucoup d'enfants qui n'ont pas leurs parents biologiques, à tout le
moins. Dans certains cas, il y a tout de même un tuteur qui peut jouer ce
rôle. Dans d'autres cas, si on amende la loi en conséquence, le
centre d'accueil pourrait déléguer une personne au besoin pour
remplir ce rôle. Donc, je ne comprends pas trop cette question d'utopie.
Ce n'est sûrement pas une utopie que les parents soient invités
à participer. Vous pourriez peut-être préciser certaines
choses à cet égard.
Je veux passer rapidement sur d'autres recommandations. Je pense
à la recommandation 4 dont vous n'avez pas parlé. Je peux vous
donner l'assurance que votre proposition 4 est bien reçue. Elle
suggère une réécriture des articles 185 et 186 de
façon que la fonction préventive soit précisée ou
reformulée plus précisément de manière à
tenir compte de la réalité des enfants les plus perturbés
et des services qu'ils requièrent. En effet, les articles 185 et 186
seront réécrits en conséquence. (15 h 45)
L'article 199, qui est un article fondamental dans le projet de loi,
dit: "La commission scolaire s'assure que la population de son territoire
reçoit les services éducatifs auxquels elle a droit dans les
écoles situées sur son territoire. "Elle doit admettre dans ses
écoles tout enfant placé en vertu de la Loi sur la protection de
la jeunesse ou de la Loi sur les services de santé et les services
sociaux." Nous recevons très bien votre recommandation en vue d'une
réécriture de cet article. Je vous en donne une grosso modo qui
pourrait être celle-ci, quitte à la perfectionner: La commission
scolaire s'assure que la population de son territoire reçoit les
services éducatifs auxquels elle a droit, sans mentionner
nécessairement qu'il s'agit d'écoles situées sur son
territoire. Je pense que cela couvre tous les types d'écoles. Il peut y
avoir des écoles qui sont situées dans des centres d'accueil.
C'est plus
général et cela couvre un champ beaucoup plus grand. Et je
continue: Elle doit, de la même façon, assurer ces services
à tout enfant placé en vertu de la Loi sur la protection de la
jeunesse ou de la Loi sur les services de santé et les services sociaux,
plutôt qu'elle "doit admettre dans ses écoles tout enfant
placé en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse."
Je pense - vous pourrez peut-être réagir - que cela
répond à ce que vous demandez à cet égard. Ce que
je lis comme recommandation, c'est que l'alinéa 2 de l'article 199 soit
modifié ainsi: Elle doit dispenser les services éducatifs
d'enseignement spécialisé requis à tout enfant
référé en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse
ou de la Loi sur les jeunes contrevenants. On s'entend, la Loi sur les jeunes
contrevenants n'est pas encore en vigueur.
Je termine là-dessus; mes collègues auront des questions
à vous poser également. Encore une fois, je vous remercie
très sincèrement de la qualité de votre mémoire.
Peut-être quelques réactions, M. le Président, sur les
commentaires que j'ai formulés au nom du ministre de
l'Éducation.
Le Président (M. Blouin): M. Chartrand.
M. Chartrand (Maurice): Vous avez posé un tas de questions
et il faudrait reprendre beaucoup de choses du mémoire et de ce qui
sous-tend le mémoire pour répondre à vos interrogations.
Je pense qu'on peut dire qu'on vous remercie de ce qui a déjà
été accueilli. Quand on parle de l'irréalisme de la
participation des parents, on ne parle pas des parents normaux, qui ont des
enfants normaux. On ne discute pas a ce moment-ci de cela. Ce dont on discute,
c'est de l'irréalisme de la participation des parents qui n'existent
pas. Cela va de mal en pis. On a donné un exemple tout à l'heure;
dans le centre où je travaille, celui que je préside, en
1977-1978, il y avait 47% des enfants qui venaient de familles
complètes. Chaque année, cela a dépéri et c'est
rendu à 26%. On ne peut même pas parler de familles d'accueil; en
1977-1978, il y avait 25% des enfants qui étaient dans des familles
d'accueil et, maintenant, il y en a 11%. En 1977-1978, il n'y avait personne
qui était en attente de famille d'accueil et maintenant il y en a 28%
qui le sont. Cela commence à être grave, parce qu'il n'y a
même pas de référence. L'internat, c'est parce qu'on ne
sait pas où retourner les enfants, parce qu'ils n'ont pas de parents,
ils n'ont pas de place ou de parents substituts ou subsidiaires, appelez-les
comme vous voudrez. C'est cette participation des parents qui, pour nous, est
irréaliste parce qu'ils n'existent pas ou qu'ils sont en voie de
disparaître complètement, malheureusement, pour ce genre
d'enfants. Encore une fois, nous ne parlons que des enfants que nous avons dans
nos institutions et non pas des autres.
En ce qui concerne la notion de services plutôt que celle
d'école, quand vous dites que les services actuels des commissions
scolaires doivent s'occuper et s'occupent d'éducation - ils s'occupent
plus d'enseignement, en ce qui me concerne, que d'éducation, mais c'est
une remarque personnelle - de rééducation et de
réadaptation, encore là, si les enfants sont là, c'est
parce qu'on s'occupe de rééducation et de réadaptation en
matière légère. On vous a dit, au début du
mémoire, que les enfants qu'on a, c'est parce qu'ils sont sortis de
l'école; donc, l'école ne s'en occupe pas, ils ne sont pas
là. Elle ne les rééduque pas, ils ne sont pas là;
ils ont été confiés à la cour, ils ont
été confiés à d'autres organismes et ils ne sont
pas à l'école. Donc, l'école ne leur rend pas, à
eux, des services de rééducation et de réadaptation.
Encore, je peux dire qu'il y a bien des commissions scolaires, dans bien
des milieux et dans bien des régions de la province de Québec,
qui ne s'occupent ni de rééducation ni de réadaptation.
J'ai travaillé à peu près trente ans dans le mouvement
scolaire, à tous les niveaux: élémentaire, secondaire,
cégep, université, éducation des adultes, et j'en
passe.
Mme Lavoie-Roux: Et préscolaire.
M. Chartrand: Et préscolaire. La preuve que ces services
ne répondent pas toujours aux besoins, c'est qu'on a des enfants, on en
a quand même 28 000. S'ils y répondaient, tant mieux; on ne les
cherche pas, les enfants, ils nous sont référés. On ne
cherche pas à les garder non plus, les enfants; on les retourne le plus
vite possible dans le circuit régulier, dans les institutions
régulières. Le séjour moyen chez nous est de deux ans,
pour les enfants que nous recevons, qui ont de six à douze ans. En
moyenne, c'est deux ans; il y en a qui restent un an, il y en a qui ne restent
que quelques mois. L'idée est qu'aussitôt qu'on a rétabli
un certain équilibre chez un enfant, on le retourne dans les
institutions normales. Aussitôt que les enfants peuvent suivre des cours
dits normaux, on les garde en séjour, parce qu'ils n'ont pas de place
où aller et parce qu'on leur fournit du support pour toutes sortes de
choses, tant psychologique que social et autre, mais ils suivent des cours dans
les écoles, quand ils peuvent en suivre.
Ce que nous voulons dire, c'est qu'un enfant qui a une "maladie", entre
guillemets, psychologique ou autre, c'est aussi un enfant malade comme celui
qui s'est cassé une jambe, qui doit être opéré pour
je ne sais trop quoi ou qui a un petit problème de
coeur, etc. La fonction première chez nous est de les
réadapter; ce n'est pas de les éduquer, fonction secondaire,
parce que cela fait partie de la réadaptation. Tout d'abord, on doit
aller au plus pressé; ce n'est peut-être pas le temps de leur
montrer les équations à quatre inconnues ou des choses comme
cela. Aussitôt que possible, on veut les réintégrer dans le
réseau scolaire et c'est important. Cela répond peut-être
à quelques questions.
Ce que je veux dire d'abord, c'est que ce n'est pas égal partout,
les systèmes de rééducation et de réadaptation;
ça ne s'occupe que de choses légères. Nous autres, on a
des cas qui ne sont pas légers.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
M. Chartrand: II y en a peut-être d'autres qui veulent
parler. Je m'excuse.
M. Leduc (Fabre): Vos remarques étaient fort
intéressantes et votre expérience vient nous éclairer
à cet égard. Je vous remercie.
M. Chartrand: Si vous le permettez, quand vous avez un conseil
scolaire, peu importe comment vous l'appelez, j'oublie le nom...
M. Leduc (Fabre): Le conseil d'école.
M. Chartrand: ...le conseil d'école, avec des parents et
des éducateurs et tout ce que vous voulez, il y a une chose qu'on ne
peut pas oublier: les gens sont d'abord intéressés à leurs
problèmes à eux. Les problèmes des autres, qui sont
troublants, qui dérangent, etc., on a tendance à ne pas vouloir
s'en occuper. Assistez à des assemblées. En tout cas, moi, quand
j'assistais à des assemblées de parents, à ma commission
scolaire, si quelqu'un était un peu dérangeant, on demandait:
Qu'allez-vous faire pour nous débarrasser de celui-là qui est
turbulent dans la classe de ma fille ou de mon fils? Des gens qui ne se
comportent pas comme les autres, ça dérange. Ça
dérange tout le temps, ça dérange visiblement quand ce
sont des handicapés et même quand ce sont des
Néo-Canadiens. Regardez le problème d'intégration scolaire
que vivent les Néo-Canadiens à la Commission scolaire de
Montréal. Ça dérange. Il y a des problèmes parce
qu'il y en a qui dérangent. Ils dérangent encore bien plus quand
ils sont handicapés, etc.
M. Leduc (Fabre): Vous ne répondez tout de même pas
de façon très précise à une question.
M. Chartrand: Ce n'est pas moi, le législateur.
M. Leduc (Fabre): Non, mais vous dites que les parents pensent
d'abord à leurs enfants. En gros, c'est ça, donc, ils n'ont pas
une préoccupation... Évidemment, vous faites
référence aux parents de la clientèle dont on parle, d'une
clientèle particulière.
M. Chartrand: Non, non, je parle des autres parents, des parents
normaux. Les parents normaux, quand ils auront dans leur école des
enfants qui perturbent, qui dérangent...
M. Leduc (Fabre): D'accord.
M. Chartrand: ...vont d'abord vouloir s'occuper de leurs enfants,
à eux, et se débarrasser - j'emploie le mot, même si c'est
dur - de la pomme pourrie qui est dans le baril.
M. Leduc (Fabre): Juste une remarque à cet égard.
En somme, vous portez un jugement...
M. Chartrand: Oui, je porte un jugement.
M. Leduc (Fabre): ...mais ce n'est pas nécessairement
comme ça que ça se passe, non plus.
M. Chartrand: Ça se passe comme ça, je
regrette.
M. Leduc (Fabre): Oui? Dans les écoles où vous avez
eu l'occasion de faire l'expérience?
M. Chartrand: Dans beaucoup d'écoles.
M. Foucault (Pierre): Si je peux me permettre, M. le
Président...
Le Président (M. Blouin): M. Foucault.
M. Foucault: ...l'expérience des dernières
années, au niveau de l'intégration des services scolaires en
centre d'accueil -ce qui est l'inverse; à partir du moment où les
enfants restent en centre d'accueil, il faut leur offrir des services scolaires
implique, à un moment donné, aussi que, lorsque ces enfants en
sont capables, ils retournent dans l'école régulière. J'ai
travaillé davantage dans ce domaine-là à titre de
conseiller à l'association et ce que je peux vous dire, c'est ce que nos
centres d'accueil nous rapportent qu'il faut mettre d'énergie pour
convaincre 1. les commissions scolaires ou les commissaires d'écoles, 2.
les directeurs d'école et 3. les professeurs. On ne parle pas encore des
parents. Prenons un exemple simple et relativement facile: un enfant aveugle
que vous voulez intégrer dans une classe; il faut, à un moment
donné, que
le professeur accepte que l'Optacon va marcher et qu'il va
continuellement y avoir une dactylo dans sa classe. Ça ne s'accepte pas
comme ça, mais il ne dérange pas tellement, cet
enfant-là.
Quand il y en a un qui commence à l'engueuler, à l'envoyer
promener, à lui dire d'aller se faire voir, quand ce n'est pas autre
chose, parce qu'il y a des choses qui ne se disent pas ici, c'est beaucoup plus
complexe de faire accepter l'enfant par le professeur et c'est beaucoup plus
facile pour le professeur et pour l'école de dire: Aie, dehors!
Là, on va demander à des parents, dans toutes les écoles
du Québec, d'être capables d'accepter qu'un enfant vienne
perturber la classe et ils prendront soin de cet enfant-là. Je pense
qu'il y a là une dimension qui ne tient pas compte de la
réalité des parents.
Je suis un peu sensibilisé à cette question-là et
je ne vous cache pas que, lorsqu'il y a un problème à
l'école, ma première réaction, c'est: Out! Je vais
commencer par prendre soin de mon fils, je vais régler mes
bébites et qu'il règle les siennes. Ensuite, on verra ce qu'on
peut faire. Pourtant, j'ai l'impression d'être sensibilisé
à la question. De façon générale, je pense qu'on
demande beaucoup à l'ensemble des parents du Québec, dans chaque
école, d'assumer la responsabilité des enfants en
difficulté. Je regrette, mais...
M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci M. le député
de Fabre.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Oui, M. le Président. C'est un peu regrettable
que le ministre ne soit pas ici pour engager le dialogue avec les
représentants de l'Association des centres d'accueil du Québec
parce que le problème dont l'association nous saisit, cet
après-midi, est l'un des plus difficiles auxquels doit faire face notre
société. Le ministre a de bonnes raisons, il doit siéger
au Conseil des ministres, mais je me demande s'il n'aurait pas
été préférable qu'on retarde notre séance
d'une heure pour que le dialogue puisse se continuer dans des conditions
normales et qu'on puisse avoir accès, tout de suite, à cet
échange de vues avec le responsable du projet de loi, projet dont
certaines parties, d'ailleurs, ne semblent être comprises que de
l'auteur.
Il me fait plaisir de rencontrer les représentants de
l'Association des centres d'accueil, surtout dans la personne de son
président. Il l'a rappelé lui-même, c'est un
vétéran d'à peu près toutes les formes
d'éducation au Québec. Je l'ai rencontré sur bien des
terrains, au cours des années. Son collaborateur et le président
aussi sont des hommes bien connus dans le milieu québécois pour
leur dévouement à toutes sortes de causes. Celle-ci est, en
même temps, une des plus difficiles et l'une de celles qui nous obligent
le plus à nous interroger sur la manière dont notre
société fonctionne et de la qualité de la solution qu'on
va apporter à ces problèmes que vous nous signalez, va
dépendre en grande mesure la qualité du fonctionnement de notre
société en général. (16 heures)
Avant d'entrer dans les détails de vos propositions, je voudrais
vous poser une première question. Vous avez mentionné au
début de votre mémoire qu'actuellement l'enseignement est
dispensé aux jeunes dans les centres d'accueil, en vertu d'une
collaboration du ministère des Affaires sociales et du ministère
de l'Éducation. J'aimerais que vous nous donniez les grandes lignes de
cette entente qui permet d'assurer le développement des enfants qui sont
sous votre responsabilité et que vous nous disiez aussi les points
faibles qu'il y a dans cette entente, les changements que le projet de loi
apporte, s'il y a lieu, pour qu'on sache exactement d'où on part.
Peut-être qu'en même temps vous pourriez nous dire... Par exemple,
vous avez donné des renseignements très intéressants
tantôt, M. Chartrand, sur ce qu'on appelle - un terme malheureux, mais
faute de mieux - la clientèle des centres d'accueil. Vous avez dit que
la durée moyenne de séjour est de deux ans et que la moyenne
d'âge de ceux qui sont dans les centres d'accueil va de six à
douze ans...
M. Chartrand: Dans le mien.
M. Ryan: Dans le vôtre? Excusez-moi, dans le
vôtre.
M. Chartrand: Parce qu'il y a des centres d'accueil qui admettent
des clients -pour reprendre votre mot - jusqu'à 21 ans.
M. Ryan: Cela va jusqu'à 18 ans. Je voulais vous poser la
question: Est-ce qu'il y a des statistiques disponibles sur le degré de
retard subi dans le développement intellectuel à cause de ces
circonstances sociales, économiques ou familiales exceptionnelles dans
lesquelles ces enfants ont pu être obligés de vivre? Je pense que
cela éclairerait beaucoup le débat si vous pouviez nous fournir
certaines données à ce sujet. En même temps, vous allez
parler ensuite du régime de collaboration qui existe
présentement.
M. Foucault: Je peux essayer de donner une réponse un peu
générale, quitte à ce que M. Carette, qui dirige quand
même un centre d'accueil très spécifique, puisse
compléter au besoin avec des exemples qui permettront d'illustrer le
propos. Il y a près d'une dizaine
d'années maintenant que la collaboration entre ce qu'on appelle
communément MAS-MEQ, à la suite du rapport COPEX, s'est
installée au Québec où on a jugé pertinent -et les
centres d'accueil sont les premiers à reconnaître qu'il y a
là un fondement dans la réalité - que l'éducation
soit offerte aux enfants en centre d'accueil dans toute la mesure du possible
par des personnes compétentes qui possèdent les
caractéristiques requises du ministère de l'Éducation pour
offrir des services éducatifs de qualité aux enfants qui doivent
être retirés de leur milieu et placés en centre d'accueil.
C'est la base du rationnel, à savoir que, si on ne leur offre pas ces
services-là dans le cadre même qui est celui des écoles
régulières, on a beaucoup plus de difficultés
éventuellement à les réintégrer dans le milieu
régulier de l'école où ils vont retrouver des professeurs
qui vont leur donner des cours à partir des programmes du
ministère de l'Éducation.
Cela a aussi le grand avantage que, dans la mesure où l'enfant
est capable de suivre le programme régulier à l'intérieur
du centre d'accueil, il peut aussi disposer des diplômes donnés
par le ministère de l'Education et, donc, se retrouver dans la
société avec un acquis. Il n'est pas complètement mis en
marge de la société, parce qu'il doit faire appel aux services du
centre de réadaptation. C'est le rationnel de base, mais c'est seulement
une partie du rationnel. L'autre partie du rationnel était à
l'inverse: Lorsque, pour une raison ou pour une autre, un enfant commence
à éprouver des difficultés d'adaptation dans le milieu
scolaire, il devrait aussi bénéficier dans le milieu scolaire
d'un certain nombre de services offerts par des personnes tout aussi
compétentes et tout aussi capables de le prendre en charge rapidement,
de lui offrir rapidement les moyens de prévenir l'aggravation de ses
difficultés et, conséquemment, d'être en mesure
d'arrêter la dégradation de sa situation avant qu'on soit
obligé de le retirer du milieu scolaire pour faire appel, soit au centre
d'accueil, soit à d'autres ressources.
Le problème est que MAS-MEQ a fonctionné dans un sens; il
y a eu intégration des professeurs dans les centres d'accueil, mais
l'intégration des services de réadaptation ou des services
sociaux qui seraient pertinents à l'école ne s'est pas faite sur
la même base, au sens où on a tenté... Je ne dis pas qu'il
n'y a pas eu d'effort louable de fait. Et, dans de nombreuses commissions
scolaires, cela a donné de remarquables résultats au sens
où on a fait des efforts louables pour venir en aide aux enfants qui ont
des difficultés relativement importantes d'adaptation, mais quand on se
retrouve en face de problèmes plus graves, on ne dispose pas au niveau
des écoles - et c'est normal, il ne faut pas se faire d'illusions, ce
n'est pas le rôle d'un pédagogue - des ressources pour être
capables d'aider les enfants qui ont des difficultés plus graves
d'adaptation. Ce que nous proposons dans le mémoire - c'est un peu la
question à laquelle faisait allusion M. Leduc, tantôt - c'est de
prévoir au niveau de l'ensemble du Québec un organisme ou une
structure quelconque, appelons-la comme on voudra, qui aurait pour mandat
d'assurer un programme-cadre de planification ou d'organisation de ce type de
services qui pourrait être donné tantôt par un professeur
à partir du moment où il est capable de le faire mais
occasionnellement par des personnes qui relèvent davantage du milieu
social et dont c'est la compétence de prendre charge des enfants ou des
cas beaucoup plus lourds. En d'autres mots ce qu'on propose c'est de mettre en
place un organisme dont le mandat serait essentiellement d'assurer des services
de qualité au plan social à l'intérieur des écoles
et aussi à l'intérieur des centres de réadaptation dans la
perspective d'une réciproque de ce qu'a été
l'intégration des services scolaires en centre d'accueil.
Peut-être que M. Jean-Marie Carette veut compléter en ce
sens. Si on prend l'exemple d'un centre d'accueil sécuritaire où
le retard moyen de scolarisation est de trois ans, vous allez voir que cela
peut prendre des formes très concrètes à un moment
donné.
M. Carette (Jean-Marie): Pour continuer dans son exemple, le
centre d'accueil de type sécuritaire qui reçoit un enfant le
reçoit après qu'il y a eu une brisure totale avec la famille. Il
y a eu une brisure avec l'école, il y a eu une brisure avec tous les
mécanismes sociaux d'aide. Il n'y a donc plus personne qui le prend en
charge. C'est dans ce cadre qu'il est confié au centre d'accueil. Le
centre d'accueil est mandaté par la loi de bâtir et coordonner un
plan d'intervention. Il a la responsabilité de prendre en charge cet
enfant, non seulement de changer chez lui des comportements, des façons
de faire mais de l'outiller le plus possible pour qu'il ait les outils
d'apprentissage requis. Il est aussi responsable de favoriser son retour dans
les plus brefs délais dans les structures sociales normales. C'est le
mandat du centre d'accueil.
Pour répondre à ces trois volets, il faut des programmes
très particuliers parce que chacun des centres d'accueil a un contexte
bien particulier, a des problématiques très particulières
auxquelles il faut répondre. C'est pour cela que la régie en
question pourrait, à ce moment, travailler à spécifier
chacun des programmes pour les rendre les plus adaptés possible aux
mandats premiers de chacun des établissements.
M. Ryan: II y a une chose que j'ai plus de mal à
comprendre, c'est le rôle que cette régie jouerait par rapport
à ce que la commission scolaire est supposée faire. Les services
spéciaux que la commission scolaire doit offrir, ce ne sont pas
seulement des services pour votre clientèle à vous, ce sont des
services pour un très grand nombre d'enfants qui n'iront peut-être
jamais dans vos centres d'accueil s'ils reçoivent des services
appropriés dans les commissions scolaires. La régie, est-ce que
ce serait surtout - appelons-la régie faute d'un autre terme, cela
pourrait être un service particulier du ministère aussi, j'imagine
-pour l'orientation et la direction des services offerts dans vos
établissements? Si cela va plus loin, là il y a un
problème. Je me demande comment vous allez faire cela pour les
commissions scolaires. C'est une des fonctions de la commission scolaire, vous
le dites vous-mêmes, vous proposez un amendement à l'article 199
qui va dans ce sens. Il me semble que si c'est une de ses fonctions il faut
qu'elle en assure la direction aussi. Il pourrait y avoir des normes qui soient
définies à l'échelle de tout le Québec, mais je ne
vois pas une autre régie, en plus du ministère, venant se
superposer aux commissions scolaires. J'ai de la misère à voir
cela.
M. Foucault: Je crois qu'il est possible de comprendre que ce
soit difficile à voir. Par ailleurs, avec l'expérience que nous
avons, nous envisageons que le projet de loi se transforme un jour en loi et
que nous nous retrouvions avec environ 160 commissions scolaires. Ce que nous
sommes en train de demander c'est qu'il y ait dans chacun de ces groupes les
personnes compétentes pour planifier des programmes, déterminer
les conditions dans lesquelles ils doivent être donnés,
préciser quels sont les critères qui caractérisent les
enfants qui requièrent ce genre d'interventions. C'est beaucoup demander
à chacune des commissions scolaires de disposer du personnel
compétent capable de faire cela partout. Le sens d'unifier au niveau
d'une régie la planification ou la conceptualisation de ce type de
programme, c'est d'aller chercher des personnes qui sont capables de le faire
mais de limiter les chances qu'on n'ait pas les disponibilités en termes
de personnes capables de préparer ce genre de programme à chacun
des niveaux où ils doivent être dispensés. Le rationnel est
le même qu'au niveau du programme de français. Le ministère
de l'Education ne laisse pas à chacune des commissions scolaires le soin
de planifier le programme de français. Il établit un
programme-cadre à l'intérieur duquel la commission scolaire
assure la dispensation des services, mais la planification et la conception de
ce qui doit être donné, ce n'est pas la commission scolaire qui le
fait. On dit que c'est au moins aussi difficile de prévoir de bons
programmes de prévention au niveau des écoles et de bons
programmes de réadaptation d'enfants en difficulté que de
réparer un programme de français. C'est là le sens de
l'intervention.
M. Ryan: Ne suffirait-il pas d'une direction spéciale au
ministère de l'Éducation pour voir à cette partie? Je
conviens très bien, pour la conception générale, des
programmes d'orientation pédagogique de fond et des lignes communes dans
tout le Québec pour assurer l'égalité de chances pour tous
les jeunes qui ont des problèmes comme ceux-là. Mais, dès
qu'on arrive au stade de l'action concrète, j'essaie de voir comment une
régie viendrait se situer dans le paysage. J'ai de la misère
à voir cela.
Pourriez-vous dire un peu plus précisément ce que vous
entendez pas régie? Ce qu'on entend habituellement par régie,
c'est un organisme assez indépendant du ministre. Il y en a
quelques-unes qui sont des annexes du ministre aujourd'hui, pas dans
l'éducation mais dans d'autres secteurs. D'ordinaire, ce n'est pas ce
qu'on entend par une régie, c'est un organisme assez indépendant.
Il me semble que c'est inconcevable dans ce cas-ci.
M. Foucault: Je pense qu'on ne tient pas à tout prix au
terme. C'est là le premier point qu'on a d'ailleurs déjà
indiqué au niveau du mémoire.
Par ailleurs, il est certain que compte tenu de notre optique, le
groupe, l'organisme, la régie - appelons-le comme on voudra à ce
stade-ci - qui aurait pour mandat de planifier ces programmes devrait
être un organisme qui fait appel à des ressources qui ne sont pas
nécessairement uniquement celles de l'Éducation. En ce sens, on a
parlé du mot "régie" parce que précisément il
implique un certain à-côté par rapport aux structures
régulières du ministère. C'est bien sûr qu'il va
falloir faire appel à des ressources du ministère des Affaires
sociales, qu'il va falloir établir une coordination très
précise entre des personnes capables de planifier le service dans ce
sens. Quant à la forme exacte, on ne s'est arrêté à
aucune en particulier.
M. Pedneault: Le mot "régie" prête à
confusion, M. le député. Je pense qu'on parle d'une structure
spécifique d'organisation des services éducatifs
complémentaires. C'est là la description de la chose. Le nom.
M. Ryan: Très bien.
M. Chartrand: II y a aussi un autre problème. Le mot
"régie" a été retenu à défaut d'un meilleur.
C'est le problème du
fait que l'école, au mieux, assure des services à des
enfants qui la fréquentent 12% du temps d'une année. Les enfants
qui nous sont confiés le sont - quelques-uns du moins - pendant 100% du
temps d'une année. Tant et aussi longtemps qu'on ne fera pas une
certaine distinction, je n'emploie pas le mot "régie"; le mot
"régie" a été un peu élaboré dans ce sens...
Quant aux services, les enfants sont là lorsqu'il y a des
journées pédagogiques, durant les vacances d'été,
durant les fins de semaines. Pendant les vacances d'été, pendant
les journées pédagogiques, pendant la fin de semaine de
Pâques, etc., on ne retourne pas les enfants qui n'ont pas de parents de
même que ceux qui sont en milieu sécuritaire. Il faut assurer des
services. Cela veut dire qu'à un moment donné il ne faut pas se
faire "bumper" des gens qui sont en surplus de personnel et qui sont
régis par une convention collective qui dit qu'il faut enseigner
seulement tant de minutes par semaine. Cela veut dire bien des choses. C'est
une fonction totale que la réadaptation. Je ne suis pas le
spécialiste dans ces choses, mais c'est aussi un problème.
M. Ryan: J'imagine que vous n'allez pas jusqu'à laisser
entendre que ce serait peut-être préférable que les centres
d'accueil relèvent en gros du ministère de l'Éducation
plutôt que du ministère des Affaires sociales.
M. Chartrand: Non. Ce n'est pas là le problème. Le
problème, c'est qu'il y a une fonction sociale et une fonction
d'éducation; il y a une partie des services qui peut être rendue
par les centres d'accueil et d'autres par l'école, avec résidence
dans les centres d'accueil et fréquentation des écoles, etc.
C'est un mélange finalement. C'est pourquoi on appelle cela des services
et non pas des écoles. (16 h 15)
M. Ryan: Très bien. Cela va très bien. Il y a une
chose qui m'a intéressé dans votre mémoire. Vous dites
à un moment donné que la loi reconnaît la
possibilité pour le ministre de créer des écoles
nationales ou régionales. Vous soulevez certaines inquiétudes
à ce sujet. Vous vous dites: S'il fallait aller trop loin dans cette
voie, jusqu'où serions-nous conduits? Pourriez-vous expliquer les
inquiétudes dont vous faites part à ce sujet?
M. Chartrand: Je vais commencer par une réponse, parce que
je l'ai sur le coeur. On peut créer des écoles nationales de
musique, par exemple. Il y a toujours des élèves qui sont bons en
musique et on va les envoyer dans telle école. Cela existe d'ailleurs.
D'autres sont bons en ballet. Cela existe aussi. Mais des écoles
nationales ou régionales... On a déjà des écoles
régionales et nationales. Je m'arrête, mais je voulais quand
même faire cette remarque.
M. Carette: Je pense qu'il faut absolument éviter le
piège de créer des écoles dans les centres d'accueil. Si
on admet que le centre d'accueil est responsable d'un plan global
d'intervention, cela ne veut pas dire qu'il faut dénier l'apport
important des services pédagogiques dans un centre d'accueil, mais il
faut éviter de tomber dans le piège de créer des
écoles, ce qui créerait une double structure qui fausserait tous
les mécanismes et qui causerait un charivari épouvantable dans
les établissements.
Il faut absolument que les services pédagogiques et les
intervenants qui offrent les services pédagogiques se concertent avec le
personnel éducatif ou rééducatif pour offrir à
l'enfant dont on est responsable une réponse très
articulée en fonction d'un plan de traitement et non recréer des
zones de guerre de pouvoirs.
M. Ryan: Je ne comprends pas très bien. Vous parlez en
termes un petit peu voilés pour quelqu'un qui est en dehors du
réseau. Je voudrais que vous me disiez clairement en quoi la
création d'écoles à vocation régionale ou nationale
viendrait perturber la fonction que vous devez accomplir, peut-être avec
des exemples au besoin.
M. Pedneault: L'inquiétude que nous avons...
M. Ryan: Avec des exemples. J'ai l'impression que... Pardon?
M. Pedneault: Excusez-moi! L'inquiétude que nous avons
exprimée est simplement que nous trouvons cette définition - nous
ne la critiquons pas - dans le projet de loi. Effectivement, elle semblerait
pouvoir s'adapter à un centre d'accueil régional, si on y voit la
possibilité de définir le centre d'accueil régional comme
une de ces écoles qu'on veut. C'est dans ce sens que nous avons
mentionné ce point.
M. Ryan: Très bien. Vous ne voulez pas être
assimilés à une école, finalement, parce que votre
fonction est beaucoup plus large que cela.
M. Pedneault: Non, non. On ne le désire pas du tout.
M. Ryan: Très bien.
M. Pedneault: On ne voudrait pas que la définition qu'en
donne le projet de loi soit adaptable ou soit utilisable pour un centre
d'accueil.
M. Foucault: La difficulté vient, M. Ryan - c'est
là où vous sentez l'ambiguïté, je pense, et non
à tort - du fait que ce n'est probablement pas la pensée du
législateur, je crois, mais il y a certainement des gens dans le
réseau qui ont tendance à l'interpréter comme cela et qui
y voient la possibilité de faire des centres d'accueil des
écoles. En ce sens, on pense que ce serait au plus grand
détriment des enfants. On souhaiterait que le projet de loi soit plus
restrictif dans sa formulation.
M. Ryan: Seulement une dernière question. Vous trouvez,
d'après ce que je crois comprendre, que la loi ne crée pas
d'obligations assez exigeantes pour les commissions scolaires en matière
de fourniture de services éducatifs aux enfants dont vous vous
préoccupez. À certains endroits, il semble qu'on en dise assez.
À d'autres endroits, on verse dans des expressions plutôt du genre
facultatif. Elle peut faire ceci ou elle peut faire cela. Vous trouvez que cela
devrait aller plus loin que cela, que cela devrait comporter des obligations
plus fortes, si je comprends bien.
M. Pedneault: On veut assurer qu'on va dispenser à
l'enfant handicapé le même service ou l'équivalent. Il faut
dire "doit l'assurer" et non pas "peut l'assurer".
M. Ryan: Est-ce que votre observation va dans le sens que, dans
un grand nombre de cas les commissions scolaires n'ont pas toujours cette
politique de services à l'enfance en difficulté qui serait
nécessaire pour qu'elles s'acquittent de leurs obligations?
M. Pedneault: L'expérience constante des dernières
années dans le contexte actuel démontre que c'est laissé
à la bonne volonté, à la compréhension, à
l'ouverture d'esprit soit des directeurs d'école, soit des commissaires
et que, effectivement, les niveaux de compréhension et
d'intégration ont été très différents selon
les endroits, selon la bonne volonté, selon les efforts
considérables qui y ont été mis. Cela a réussi
merveilleusement dans certains endroits après quelques années et
cela ne réussit pas du tout dans d'autres. Je pense que ce serait le
même problème multiplié par un nombre de problèmes
encore plus grands, c'est-à-dire par un nombre encore beaucoup plus
considérable d'intervenants.
M. Ryan: Très bien.
Le Président (M. Blouin): Merci. Oui, M. Dallaire.
M. Dallaire: Peut-être que cela n'ajoute pas beaucoup, mais
il y a un élément que je voudrais mentionner. Nous avons la
conviction que les enfants qui nous ont été confiés,
qu'ils soient handicapés mentaux, physiques ou sociaux, quelle que soit
leur forme de handicap, nous sommes obligés d'assumer une
cohérence d'intervention et de développement. C'est un peu
l'essence de notre même proposition. Pour assurer cette cohérence
par le mandat que nous avons reçu, on voudrait être capable
d'encadrer les différents services ou de voir comment sont
encadrés les différents services. C'est notre
préoccupation constante parce que nous en avons le mandat. Je pense que
la statistique que M. Chartrand nous mentionnait tout à l'heure - 12% du
temps est à l'école et l'autre partie doit être
assumée par le centre d'accueil - est par elle-même significative
en termes de participation, voire même de leadership, à
l'encadrement de la démarche. C'est cela qui est notre
préoccupation constante dans le projet de loi.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le député de Roberval.
M. Gauthier: Merci, M. le Président.
L'éclaircissement que j'aurais aimé avoir portait sur la question
des écoles régionales ou nationales. Le député
d'Argenteuil a déjà clarifié passablement cette question.
Maintenant, je voudrais qu'on me reprécise exactement la nature de vos
préoccupations. J'avais compris à la présentation de votre
mémoire que vous affirmiez que le projet de loi 40 créerait, dans
les cas où il y a des écoles qui sont intégrées en
centres d'accueil, une structure qui n'aurait pas de sens, parce qu'il y
aurait, si j'ai bien compris, une duplication du conseil d'administration du
centre d'accueil par une espèce de conseil d'école ou de
comité d'école qui viendrait doubler.
À la suite des questions du député d'Argenteuil,
vous avez laissé savoir qu'effectivement la notion d'école
régionale ou nationale, peu importe comment on l'appelle, si la
réglementation qui s'y attache était précisée, il
se pourrait, si j'ai bien compris, que cette notion puisse satisfaire ou, en
tout cas, éviter le problème dont vous faites mention.
C'était une mise en garde et non une condamnation comme telle?
M. Pedneault: Exactement. C'est tout simplement qu'on ne voudrait
pas que, dans l'interprétation qu'on pourra en faire, on puisse dire que
le centre de réadaptation correspond à cette définition et
qu'en conséquence on vienne le définir comme une école au
sens de la loi et qu'on lui impose une double structure qui serait le fouillis
administratif le plus complet.
M. Gauthier: À toutes fins utiles...
M. Pedneault: On ne pense pas que ce soit l'intention du projet
de loi, mais on ne veut pas que la possibilité d'interprétation
demeure. On aimerait que ce soit évité.
M. Gauthier: À toutes fins utiles, si la
réglementation précisait un cadre de fonctionnement particulier
pour ces écoles sans toucher, sans essayer de transformer vos centres
d'accueil en institutions scolaires...
M. Pedneault: C'est une simple précision pour
éviter des interprétations abusives.
M. Gauthier: D'accord, c'est une mise en garde que vous faites
à la commission.
M. Pedneault: C'est cela.
M. Gauthier: Une dernière question d'information. La
grosseur moyenne - je ne sais pas qui peut répondre, peut-être le
président de l'association ou le directeur général - des
centres d'accueil que vous regroupez - il y en a probablement de très
gros et de très petits - c'est quoi?
M. Chartrand: La grosseur moyenne ne signifierait rien. La
moyenne ne veut rien dire. Il y en a de petits avec une centaine de clients ou
d'enfants. Il y en a de plus gros. En plus, ce n'est pas de même nature.
Un petit centre pour petites filles de 6 à 12 ans n'a pas le même
poids, le même impact et tout ce que vous voulez qu'un centre
sécuritaire. Il y a peut-être des statisques sur la grosseur
moyenne.
M. Gauthier: De façon générale, simplement
à titre d'information, cela peut aller de 100 places-enfants à
200 ou 300 places-enfants?
M. Pedneault: De 60 lits à 250 lits.
M. Chartrand: II faudrait dire que cela se définit par les
lits. De 60 à 250 lits.
M. Gauthier: D'accord. Dites-moi, est-ce que tous ces organismes
sont autonomes et se donnent les services dont ils ont besoin à
l'intérieur de la boîte, peu importe leur grosseur? Est-ce que
c'est bien comme cela que vous fonctionnez?
M. Foucault: Non, manifestement, on ne peut pas faire cela parce
que les coûts seraient astronomiques. Il est entendu que, dans la mesure
où le centre peut le faire, il va assurer la coordination de services
qu'il va, autant que possible, aller chercher dans le milieu naturel de
l'enfant. Dans la mesure où sa clientèle l'exige, il va
être obligé de dispenser lui-même un certain nombre de
services plus spécifiques aux besoins de sa clientèle. La
caractéristique de tous ces établissements, c'est d'assurer une
coordination des services requis par l'enfant, pour le retourner le plus vite
possible dans son milieu habituel.
Dans certains cas - je pense à certains centres - ne serait-ce
que parce que le tribunal l'ordonne, on va être obligé de
développer beaucoup plus de services parce qu'on n'a pas la
possibilité de les laisser sortir; la cour exige qu'ils soient
gardés. Dans d'autres cas on mettra la quasi-totalité des
services en externat parce qu'il est possible, compte tenu des besoins de
l'enfant, de lui assurer les services dont il a besoin sans pour autant prendre
charge de son hébergement. Cela varie beaucoup selon les besoins de la
clientèle. Ce qui est caractéristique, c'est que l'enfant n'est
pas capable de se prévaloir des services du milieu régulier.
M. Gauthier: D'accord. Merci beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Roberval. Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais
remercier les représentants des centres d'accueil pour leur
mémoire et surtout pour avoir soulevé plusieurs problèmes
qui ne l'avaient pas été par d'autres groupes que nous avons
entendus à la commission. Les problèmes que vous avez
soulevés illustrent pour moi une faiblesse fondamentale dans le projet
de loi et c'est l'impact du morcellement des centres décisionnels,
surtout pour les enfants ayant des difficultés. Je ne parle pas
uniquement des enfants ayant des difficultés graves comme ceux dont vous
parlez, je vois aussi dans le projet de loi un risque pour tout enfant qui a
des difficultés et qui a besoin des services spéciaux.
Ma première question touche votre demande et votre recommandation
pour une certaine unité de gestion. J'aimerais vous demander s'il est
possible d'établir l'unité de gestion que vous recherchez pour
certains enfants en gardant en même temps le morcellement de gestion pour
l'enfant régulier. Est-ce possible? Autrement dit, est-ce que les
recommandations que vous avez faites rendront le projet de loi satisfaisant en
ce qui concerne les enfants dont vous vous occupez?
M. Pedneault: Je crois que je ne peux pas donner une
réponse autre que celle-ci à votre question, Mme la
députée: Les observations que nous avons faites dans le
mémoire concernent spécifiquement la clientèle dont les
centres de réadaptation sont chargés. Elles concernent cette
clientèle plus lourde, plus handicapée que l'ensemble
des enfants qui ont des problèmes comme ceux que vous mentionnez.
Il est évident qu'il est simple d'observer que certaines remarques sont
très applicables à l'ensemble des enfants qui ont des
problèmes scolaires. Le problème de régie, entre
guillemets, la suggestion d'une régie qui concevrait et imposerait par
la loi des programmes, serait certainement très utile également
à l'ensemble de la population qui a des problèmes scolaires de
fonctionnement. Cela nous semble évident.
Je pense qu'il serait hors de notre mandat de nous prononcer sur
l'ensemble de la question que vous venez de nous poser, à savoir si ce
principe que nous appliquons pour l'enfance dont nous avons la charge serait
bon pour tous les enfants. Je me sentirais hors du mandat qui nous est
confié de me prononcer là-dessus.
Mme Dougherty: J'aimerais savoir si cette unité de gestion
que vous recommandez pourrait être établie même si on garde
la décentralisation d'autres décisions pour des enfants
réguliers. Est-ce que vous considérez qu'il est possible de
défrayer une telle duplication de gestion?
M. Foucault: La difficulté vient, madame, de ce que cela
ne prévoit pas, au niveau de la structure qui est mise en place, la
coordination harmonieuse de ce qu'on va tenter de faire auprès de
l'enfant. Cela laisse le soin aux personnes qui sont là de s'entendre
sur leur bonne volonté et, dans certains cas, la coordination se fait
très bien et la gestion est assurable de façon relativement
harmonieuse. Cela demande de l'énergie et, administrativement, cela
prend du temps; mais cela peut se faire. (16 h 30)
Le gros problème est que, la journée où, pour une
raison ou pour une autre - et cela arrive - le directeur de l'école ou
du centre d'accueil change et que les personnalités sont moins
facilement mises en relation, la structure est remise en question parce que
cela dépend non pas de l'organisation des services, cela dépend
des personnes qui sont là. Ce qu'on veut éviter, c'est que la
gestion des services aux enfants en difficulté dépende du bon
vouloir qu'on veut bien présupposer chez tout le monde, ce qui,
malheureusement, n'est pas toujours le cas. Il faut que ce soit lié
à l'organisation des services. En ce sens, on a l'impression que quand
un mandat est confié à un établissement...
Pourquoi - c'est pareil chez nous comme pour l'ensemble - quand on
confie un enfant à l'hôpital, on ne se pose pas de question pour
savoir qui va le prendre en charge? On a l'impression que parce que l'enfant a
une difficulté qui n'est pas visible, parce qu'on ne peut pas la
toucher, parce que ce n'est pas une jambe cassée, il n'y a pas de
problème et on n'a pas besoin des mêmes mécanismes pour lui
venir en aide. C'est un peu une illusion. Un enfant qui est en
difficulté grave parce que ses parents viennent de se battre et qu'ils
se sont séparés, il a besoin d'être pris en charge par
quelqu'un qui connaît cela, qui est en mesure de l'aider et qui sera en
mesure d'évaluer quand il pourra reprendre le rythme régulier, au
même titre qu'un enfant malade, alors que le médecin va
évaluer quand il pourra reprendre le rythme régulier. Je ne vois
pas pourquoi cela ne s'appliquerait pas de la même manière. En ce
sens, on dit que, quand l'enfant est pris en charge au niveau d'un service, il
doit l'être par celui qui a la responsabilité de lui assurer le
service prioritaire qui doit lui être donné. C'est tout.
Mme Dougherty: Oui, je comprends. Une autre question, l'impact du
projet de loi sur une foule d'autres enfants qui ont des difficultés
moindres. Est-ce que vous auriez des commentaires sur la gestion des services
pour tous ces enfants? C'est un sujet qui n'a pas été
soulevé par d'autres groupes et, comme je suis impliquée depuis
longtemps dans les problèmes d'enfants en difficulté
d'apprentissage, je me demande sérieusement si le projet de loi est une
réponse adéquate aux besoins de ces enfants. Par exemple, je me
demande si les services spéciaux, les services psychologiques, les
services sociaux des enseignants spécialisés qui enseignent aux
enfants en difficulté d'apprentissage, si tous ces services ne sont pas
menacés, dans une certaine mesure, par cette décentralisation des
décisions.
Avez-vous des commentaires là-dessus? Les principes que vous avez
énoncés, il me semble, ne s'appliquent pas, d'une façon
assez aiguë, peut-être, mais le même genre d'impact pourrait
être le résultat de l'implantation du projet de loi.
M. Chartrand: Madame, ce n'est pas dans notre mandat de nous
prononcer sur les enfants qui ne nous sont pas confiés. On apprend,
même quand on n'est pas dans la politique, à ne pas se mettre les
pieds dans les plates-bandes des autres. Je pense quand même que oui
c'est vrai, c'est vrai que les services qu'on appelait avant "de l'enfance
exceptionnelle", et toutes ces affaires d'école, seront menacés
d'une certaine façon par, d'une part, la centralisation et, d'autre
part, la décentralisation des administrations scolaires.
Vous comprendrez très bien que, si vous avez un pouvoir
décisionnel au niveau de chaque école, il y a des écoles
qui, pendant dix ans, n'auront absolument pas besoin de ces services. Ils vont
s'organiser comme cela. Tout à coup, des problèmes surviendront
dans
cette école; alors personne n'aura l'expertise, ni même la
volonté d'organiser cela. D'une certaine façon, oui, je pense que
la majorité toujours - parce qu'on vit dans une majorité
où les gens s'occupent d'abord d'eux, c'est connu, voudra toujours qu'on
consente la majorité des efforts, des effectifs et des ressources, y
compris même des locaux, d'une certaine façon, à la
majorité. Les autres prendront le reste, surtout s'ils sont peu
nombreux. De plus, il va falloir regrouper de nouveau des services par des
ententes entre écoles au niveau d'une commission scolaire. Si cette
commission scolaire est relativement dense, il y aura peut-être moyen
d'avoir des services au niveau de cette région, mais ailleurs, oui, les
services sont menacés s'il n'y a pas quelque chose quelque part dans la
gestion scolaire, dans la programmation scolaire, même dans la
volonté du ministère, de dire que c'est autre chose que de dire:
Vous devez recevoir tous les enfants qui vous sont confiés. C'est autre
chose de dire: On va s'en occuper.
Mme Dougherty: Une dernière question. À votre avis,
est-ce que le projet risque de renverser le projet que nous avons fait dans nos
écoles afin d'intégrer des enfants avec difficulté
d'apprentissage? Autrement dit, est-ce que le projet risque de marginaliser de
plus en plus les enfants en difficulté à cause de toute la force
des choses établies par le projet de loi?
M. Foucault: Pour ce qui est de nos enfants, ceux avec lesquels
nous travaillons dans les centres de réadaptation, on croit pouvoir
affirmer sans trop de difficulté que oui, ça va handicaper
sérieusement les possibilités de
réintégration...
Mme Dougherty: Selon vous, il y aura une tendance de rejeter ces
enfants?
M. Foucault: Oui. Comme le projet est formulé
actuellement, il devrait être certainement complété et
articulé de façon beaucoup plus stricte, si on veut s'assurer que
ces enfants-là vont recevoir adéquatement les services dont ils
ont besoin. Pour ce qui est des autres, est-ce que ça va avoir pour
effet d'augmenter le nombre d'enfants en difficulté, parce qu'on va
avoir tendance à s'en occuper moins? C'est préjuger de la
façon dont ça va être... C'est sûr que les intentions
qui sont énoncées dans le projet sont bonnes et on le dit, on est
d'accord avec l'intention énoncée. On souhaiterait que
l'articulation des moyens mis en place soit plus ferme de telle sorte qu'on
puisse garantir que les services vont être offerts.
Ce qui nous apparaît évident, c'est que cette articulation
des services doit se faire avec les compétences actuellement disponibles
au niveau social pour être en mesure d'offrir aux enfants dans
l'école, au plus tôt, les meilleurs services, pour éviter
qu'on amène ces enfants-là à quitter le réseau
régulier. Cela suppose l'encadrement de l'activité de certains
professeurs qui ont des difficultés avec tel type d'enfants; cela
suppose le support qu'on va être amené à leur accorder,
parce qu'ils sont habitués de travailler au tableau et voilà
qu'il y a un enfant sourd dans leur classe, alors il faut qu'ils parlent
continuellement face à l'enfant pour que celui-ci voit le mouvement des
lèvres. Les professeurs ont besoin d'être aidés pour
supporter l'enfant pendant une année et ne pas le rejeter.
Ce genre de travail peut être fait tantôt par des gens de
l'école, tantôt pour des professionnels du social. C'est toute la
réciproque du MAS et du MEQ que les centres d'accueil disent: II est
temps qu'on la mette en place, qu'on fasse en sorte que l'école puisse
bénéficier de l'ensemble des services qui sont déjà
disponibles par ailleurs pour les plus perturbés du réseau. Mais
globalement, pour nos enfants, oui, on pense que cela créerait des
difficultés importantes. On craint que ce soit la même chose pour
les autres même si...
Mme Dougherty: Merci.
M. Pedneault: Pour compléter notre expertise, si vous
permettez, le mandat de notre association ne nous permet pas de nous prononcer
sur la valeur positive ou négative de la participation
générale prônée dans le projet de loi. On pense que
cette participation n'est pas réaliste pour la qualité des
bénéficiaires dont nous avons la charge. Si on se
prononçait sur le reste de la valeur de cette participation et sur ses
effets pour les autres clientèles, on dépasserait notre mandat.
Autrement dit, on ne parlerait qu'à titre personnel finalement.
Le Président (M. Payne): Merci, M. Pedneault. J'invite le
député de Chauveau à prendre la parole.
M. Brouillet: Vu les quelques minutes qui restent, je vais
essayer de faire cela brièvement. J'aimerais bien cerner la nature du
problème que vous exposez là où il se situe vraiment. Vous
venez de répondre à la question que vous croyez que le projet de
loi risque d'apporter moins de services à vos enfants des centres
d'accueil que par rapport à la situation actuelle. Est-ce que vous
comparez par rapport à la situation actuelle le système actuel,
au est-ce par rapport...
M. Pedneault: On compare avec un système actuel, bien
sûr, jusqu'à un certain point, à partir de
l'expérience actuelle. On connaît la difficulté de compter
sur la bonne
volonté d'un certain nombre d'intervenants qui sont
déjà spécialisés.
M. Brouillet: Le projet de loi, d'après vous, permettrait
de faire obstacle davantage aux services qu'on veut rendre, par le fait de la
participation.
M. Foucault: Ce qu'on est plus disposé à dire, je
pense, c'est que, quant à faire une réforme de cette importance,
on souhaiterait que le projet de loi ne laisse pas loisible comme il l'a fait,
mais consacre l'obligation de rendre les services. Quant à y être,
si on veut pour faire la réforme, faisons-là donc comme il faut,
non seulement au niveau des services d'enseignement, mais aussi au niveau des
services éducatifs.
M. Brouillet: Je pense que c'est une précision importante.
Le projet de loi ne vient pas empirer une situation, mais vous jugez qu'elle
n'améliore pas suffisamment la situation.
M. Foucault: Oui.
M. Brouillet: Ah bon! Là, je pense que c'est assez
important de saisir cela.
M. Foucault: Par ailleurs, ne l'améliorant pas, on dit
bien que c'est un risque pour nos enfants d'avoir des situations plus lourdes
sur les bras. On ne se prononce pas sur les autres.
M. Brouillet: Finalement, votre crainte est que le projet de loi
laisse à différents paliers la décision d'offrir certains
services, de déterminer la nature des services qu'on va offrir dans le
milieu au niveau de l'école, au niveau des parents et au niveau des
commissaires. Vous craignez que, plus on ira je dirais vers la base de services
directs, plus les décisions écarteront cette clientèle qui
n'est peut-être pas la bienvenue.
M. Chartrand: Pas nécessairement, M. le
député. Le problème est entre autres le suivant. C'est que
si vous mettez le pouvoir de décision dans les écoles, vous
multipliez quand même les intervenants. Si, par exemple, dans un centre,
vous avez des enfants de trois commissions scolaires, vous travaillez avec ces
trois commissions scolaires, mais si, dans ces commissions scolaires, vous avez
toujours les mêmes enfants, mais répartis dans les mêmes
territoires des commissions scolaires, redéfinies comme vous voulez,
traitant du primaire et du secondaire, les pouvoirs de décision seront
dans les 23 écoles sur ces mêmes territoires et là, vous
allez devoir régler un certain nombre de choses avec les 23 conseils
scolaires.
M. Brouillet: Mais je ne crois pas que le projet de loi laisse
aux écoles de décider des services aux enfants en
difficulté d'apprentissage. Le projet de loi laisse cela à la
commission scolaire. Les ententes devront continuer à se négocier
entre les commissions scolaires et les centres d'accueil quant aux services
à offrir à votre clientèle, enfin, aux enfants dont vous
avez la responsabilité.
M. Chartrand: Vous avez dit vous-même: Je ne crois pas. On
voudrait que cela soit clair.
M. Brouillet: Enfin, d'après moi, c'est clair, mais je
respecte toujours l'interprétation des autres. Je remets en doute mon
interprétation en disant: Je veux retourner voir. C'est beaucoup plus
cela. D'après moi, à la première lecture, c'était
très clair, mais quand des gens comme vous viennent dire qu'on n'a pas
compris cela comme cela, vous pourrez admettre que c'est un doute qui surgit en
moi à ce moment-là.
M. Chartrand: Non, mais, pensez, par exemple...
M. Brouillet: Je voudrais poursuivre un peu. Je comprends votre
idée. Donc, pour moi, c'est la commission scolaire qui va
déterminer et l'école ne sera pas libre de dire: Non, non, on
refuse ce genre de service. La commission scolaire, c'est elle qui va inscrire
et distribuer les enfants entre les écoles. Si elle a
négocié une entente avec vous et s'il y a dix, quinze ou vingt
enfants qui ont besoin de services, à ce moment-là, la commission
scolaire devra les répartir dans les écoles et les écoles
ne pourront pas dire: Non, on ne les accepte pas. De plus, je pense que vous
poussez plus loin. Vous vous méfiez même des commissions
scolaires. Cela, je l'ai entendu tantôt.
M. Chartrand: De certaines commissions scolaires.
M. Brouillet: De certaines, étant donné qu'il y en
a certaines, vous voudriez que la loi impose même aux commissions
scolaires d'offrir des services.
M. Chartrand: On impose ces services.
M. Brouillet: D'où l'idée de la régie. Si on
poursuit votre raisonnement, c'est cela finalement. Vous vous méfiez
même des commissions scolaires. C'est peut-être moins dangereux que
de laisser cela aux écoles, étant donné que c'est sur une
base plus régionale, mais il reste encore un danger. Vous voudriez que
le projet de loi crée une régie laquelle imposerait un ensemble
de services et de programmes qu'elle serait obligée de dispenser dans
son territoire par
le biais des écoles.
Le Président (M. Payne): M. Chartrand. (16 h 45)
M. Foucault: M. Brouillet, le ministère de
l'Éducation le fait déjà pour les programmes de
français, les programmes de mathématiques. Pourquoi est-ce qu'on
ne le ferait pas aussi pour les programmes éducatifs spéciaux
pour les enfants en difficulté?
M. Brouillet: À ce moment, ce n'est peut-être pas
nécessaire de créer une régie. Il faudrait que le
ministère se donne cette mission ou ce mandat.
M. Foucault: Le mot régie, on ne veut...
M. Chartrand: Encore une fois, on n'est pas accroché au
mot régie. J'ai juste souligné un problème en ce qui
concerne le mot régie. Si c'était une régie, il y aurait
une entité administrative qui pourrait s'occuper des enfants à
100% du temps et non à 12% du temps. À ce moment, on pourrait
scinder le personnel et dire - je donne un exemple d'une difficulté - le
"bumping" que vous connaissez - je n'invente pas le mot - il ne faudrait pas
tout de même que pour rendre ces services ce soit le gars qui enseignait
les mathématiques et qui fait du temps supplémentaire ou bien
quelqu'un qui finisse par aboutir dans cela. Il faut qu'il y ait un certain
nombre de règles administratives pour que l'objectif soit atteint. Je
comprends que c'est difficile, nous comprenons tout le monde que c'est
difficile. C'est pour cela que nous hésitons à nous en tenir au
mot régie.
Le Président (M. Payne): M. Foucault, vous avez un
complément de réponse?
M. Foucault: S'il vous plaît! Vous parliez tantôt du
rôle de l'école pour dispenser des services. L'article 96, si je
ne me trompe pas, dit que l'école et que les fonctions de l'école
sont assumées par le conseil d'école; c'est prévu aussi
dans le projet de loi. L'école répartit le temps requis pour les
services de l'enseignement et les autres services éducatifs en
s'assurant de l'atteinte des objectifs obligatoires et de l'acquisition des
contenus obligatoires prévus dans les programmes d'études
officiels. Ce sont les services de l'enseignement, c'est prévu par le
MEQ et c'est très bien que ce soit comme cela, mais les programmes
éducatifs ne sont pas prévus comme étant obligatoires. On
peut, on peut, on peut... Cela nous achale un peu. Si vous poursuivez:
Après consultation de l'élève, de ses parents et du
personnel, l'école peut intégrer un enfant dans ces classes
régulières. On est au niveau du "peut" encore. C'est ce genre
de... On ne dit pas que le projet de loi rejette l'enfant, ce n'est pas cela
qu'il fait du tout. Il affirme au contraire qu'il veut s'en occuper, mais on
souhaiterait qu'il le fasse avec des moyens plus clairs, moins ambigus dans ce
sens.
M. Brouillet: Très bien, cela précise.
Le Président (M. Payne): Merci, M. Foucault. Est-ce qu'il
y a d'autres intervenants du côté de l'Opposition? J'avais la
députée de L'Acadie, qui n'est pas ici.
M. Ryan: Malheureusement, Mme Lavoie-Roux m'a prié de
l'excuser parce qu'elle devait se rendre à une rencontre très
pressée. Elle pensait pouvoir revenir à temps, mais elle n'est
pas rentrée. Elle va revenir d'une minute à l'autre, mais elle
m'a dit de ne pas retarder le travail de la commission à cause de cela.
Elle aurait voulu que je la remplace pour ses questions, mais je n'ose pas vous
le demander.
Le Président (M. Payne): Sur cela, s'il n'y a pas d'autres
intervenants, j'aimerais remercier l'Association des centres d'accueil du
Québec au nom de la commission. Merci beaucoup.
M. Pedneault: Je remercie également la commission de nous
avoir écoutés et de son intérêt.
Le Président (M. Blouin): Alors, j'invite maintenant -
s'il vous plaît, mesdames et messieurs! - les représentants, du
Comité de la protection de la jeunesse, à bien vouloir
s'approcher de la table des invités. Je signale qu'à la suite
d'une demande qui nous a été adressée par le Comité
de la protection de la jeunesse et qui a été accueillie par les
deux formations politiques nous accepterons que puissent intervenir
brièvement les membres de l'Association des centres de services sociaux
du Québec afin de soulever quelques brèves questions
spécifiques au cours de cette intervention. Puisque les
représentants du Comité de la protection de la jeunesse ont pu
maintenant prendre place à la table des invités, je les invite
donc d'abord à s'identifier et ensuite à nous livrer en une
vingtaine de minutes le contenu du mémoire du Comité de la
protection de la jeunesse. Ensuite, nous écouterons les quelques
remarques que nous livreront les représentants de l'Association des
centres de services sociaux du Québec.
Comité de la protection de la jeunesse et
Association des CSSQ
M. Tellier (Jacques): M. le Président,
madame, messieurs, si vous me permettez, je vais d'abord
présenter l'organisme et, à l'intérieur de la
présentation de l'organisme, je vous présenterai les personnes
qui sont ici présentes à cette table.
Le Comité de la protection de la jeunesse est un organisme public
qui a été créé en 1974 par la loi concernant la
protection des enfants soumis à des mauvais traitements physiques. Son
mandat a été considérablement élargi en 1977 par la
Loi sur la protection de la jeunesse, l'actuelle loi 24.
Le comité est composé de deux catégories de
personnes, des membres qui jouent le rôle des commissaires dans les
commissions et des employés permanents. Vous avez à la table ici,
cet après-midi, des représentants des deux catégories de
personnes.
Je vous présente d'abord, à ma gauche, M. Alcide Huard qui
est de Causapscal, directeur des programmes au CLSC de La Vallée. Je
pense qu'il est pertinent que j'ajoute ces choses-ci. Il a été
enseignant pendant cinq ans, dont trois ans au secondaire et il est
actuellement coordonnateur de la table de concertation d'aide à la
jeunesse en difficulté à Matapédia.
À ma droite, Mme Lise Pineault, qui est aussi membre du
comité - ce sont les deux commissaires présents ici - qui est de
Chicoutimi. Elle est professeure à la commission scolaire de Chicoutimi
depuis huit ans; elle a enseigné à tous les niveaux du secondaire
et, au primaire, en déficience légère et en
réadaptation.
À mon extrême droite, M. Yvon Pinard qui est permanent au
comité et qui est directeur des bureaux de l'Est du Québec. Le
comité compte onze bureaux et M. Pinard est le directeur des bureaux de
l'Est du Québec. M. Pinard a été enseignant à la
commission scolaire de Québec durant quatorze ans, il a
été directeur d'une école d'enfance inadaptée
durant six ans et il a été directeur d'un centre d'accueil.
Immédiatement à ma droite, Me Jean-François
Boulais, qui est conseiller juridique au comité.
Je précise - vous le savez probablement déjà - que
le mandat du comité concerne d'une manière particulière et
immédiate -j'allais dire presque exclusive - les enfants et les
adolescents en difficulté, c'est-à-dire ceux qu'on appelle les
enfants en besoin de protection, les enfants abandonnés, les enfants
maltraités, les enfants exploités et ceux qui ont commis des
délits.
Le rôle du comité est d'assurer une vigilance - on a dit du
comité que c'était une sorte d'ombudsman pour ces
catégories d'enfants et d'adolescents - en ce qui concerne
l'accessibilité de ces enfants à des services et en ce qui
concerne aussi le respect de leurs droits, les droits qui leur sont reconnus
par la Loi sur la protection de la jeunesse.
En plus, le comité a des responsabilités en ce qui
concerne la prévention. Il a aussi la responsabilité de
poursuivre des études en tout ce qui concerne les problèmes de la
jeunesse et de faire des recommandations au ministre des Affaires sociales et
au ministre de la Justice, dit l'actuelle Loi sur la protection de la jeunesse.
Dans les amendements qui ont été déposés il n'y a
pas longtemps, on ajoute qu'il a aussi la responsabilité de faire des
recommandations au ministre de l'Éducation.
Je vais essayer de vous résumer le mémoire que nous vous
présentons d'une manière rapide. Je vous dis tout de suite que ce
n'est pas une remise en question du projet de loi. Nous avons
dégagé certains éléments qu'il nous apparaissait
particulièrement pertinent de considérer. La présentation
de ce mémoire est surtout l'occasion de vous soumettre un certain nombre
de préoccupations que nous portons.
Le mémoire comporte deux parties de longueur fort
différente, comme vous avez pu le constater, une partie qui concerne des
problèmes d'ordre général et la deuxième partie qui
touche à certains problèmes particuliers dont l'un vient
d'être traité avec beaucoup plus de développement par
l'Association des centres d'accueil du Québec.
Dans la première partie, je souligne d'abord comme point de
départ de nos considérations qu'à la lumière de
notre expérience de travail auprès des enfants et des adolescents
en difficulté nous avons la prétention de croire que nous avons
porté un certain regard sur les besoins de l'ensemble des enfants.
Surtout quand on les considère non plus seulement comme des
consommateurs de cours mais comme des personnes.
Le premier point de la première partie touche les services
d'enseignement au secondaire. L'article 91 du projet de loi définit bien
ou dit bien - je pense que c'est formel - la mission principale de
l'école, qui est l'éducation de ses élèves. Nous
nous sommes posé la question: Est-ce que les différentes
politiques de services, qu'on retrouve ensuite dans d'autres dispositions de la
loi, traduisent bien cette mission de l'école qui est définie
à l'article 91?
En ce qui concerne le préscolaire et le primaire, il nous semble
qu'il n'y a pas de problème. En ce qui concerne le secondaire, qui est
l'étape importante où l'adolescent devient
particulièrement conscient de son identité et fait des choix
personnels et sociaux, il nous semble qu'il y aurait des précisions
à apporter en ce qui concerne le secondaire, relativement aux services
d'enseignement. Il nous semble, à la page 4 de notre mémoire, que
le projet de loi devrait
affirmer d'une manière plus explicite un principe qui permettrait
ensuite de servir de soutien à un certain nombre d'activités
pédagogiques qui favoriseraient non seulement l'acquisition de
connaissances mais aussi de développement d'attitudes. Cela nous
paraît important que ce soit souligné.
En somme, l'éducation - c'est la mission de l'école - est
autre chose et davantage que l'acquisition de connaissances. C'est aussi le
développement d'attitudes, le développement du sens de la
responsabilité, de la conscience sociale, etc. Il nous paraît
qu'au niveau secondaire, à l'âge de l'adolescence, il est
important qu'il y ait une affirmation au niveau même des principes. C'est
l'article 3 de la loi, paragraphe 2. Il nous paraît qu'il y aurait
avantage que ce principe soit bien affirmé de telle façon qu'il
puisse servir de support à un certain nombre d'activités
pédagogiques à l'école qui seraient orientées dans
ce sens. Notre expérience de tous les jours nous fait prendre
conscience que, s'il n'y a pas, de ce point de vue, à l'école un
programme sérieux favorisant le développement d'attitudes, on
peut reproduire indéfiniment de génération en
génération des situations personnelles et familiales
marquées par la violence.
Notre première recommandation, à la suitede ces
considérations, se trouve à la page 5. Qu'on modifie l'article 3,
paragraphe 2, du projet de loi et qu'on l'explicite de la façon
suivante: "Les services d'enseignement comprennent l'ensemble des cours
obligatoires et des cours à option qui ont pour but, au secondaire, de
poursuivre le développement harmonieux des ressources de la
personnalité de l'élève et de faciliter son orientation
personnelle et sociale en vue de le préparer à poursuivre ses
études ou à entrer sur le marché du travail" - ce qui est
déjà explicité - mais en plus nous croyons qu'il y aurait
lieu d'affirmer comme principe "en vue également de le rendre apte
à assumer de façon créatrice ses responsabilités
sociales actuelles et futures". En somme, ce serait le point de départ
d'une vision de l'enseignement au secondaire qui n'est pas seulement une
acquisition de connaissances mais qui pourrait favoriser aussi le
développement d'attitudes. (17 heures)
Le deuxième point de ces considérations
générales, qui sont la première partie de notre
mémoire, se retrouve à la page 6. Nous nous sommes
arrêtés à considérer les services éducatifs
complémentaires qui sont prévus à l'article 4 de la loi,
notamment ces énoncés de politique qui ont trait à la
solution des difficultés que doit surmonter l'élève et au
fait qu'on doit assurer sa sécurité morale et physique. Ce qui
implique une contribution de personnes qui viennent d'établissements qui
relèvent du réseau des services de santé et des services
sociaux.
Nous n'avons pas l'intention de revenir sur la nécessité
d'une coordination entre les services éducatifs et ses services
complémentaires. Nous voulons nous arrêter à souligner
l'importance de la complémentarité - et les mécanismes
pour y arriver - entre l'école et le DPJ, le directeur de la protection
de la jeunesse, qui est le personnage central de la Loi sur la protection de la
jeunesse.
Il est clair - je pense que tout le monde est d'accord - que les
problèmes que vivent les jeunes qui sont sous la Loi sur la protection
de la jeunesse - les autres aussi -dans leur famille apportent des
répercussions à l'école qui est leur milieu d'appartenance
tout de suite après la famille. D'où la nécessité
de coordonner les services éducatifs et les services sociaux. Nous vous
référons -nous vous rappelons des choses que vous connaissez -
à un avis du Conseil supérieur de l'éducation en mai 1982
qui soulignait l'étroite collaboration qui doit exister entre les
milieux scolaires et le DPJ - le directeur de la protection de la jeunesse -
qui déplorait un certain nombre de failles actuelles et qui faisait
état de la complexité de la situation. Il se reportait - pour
qu'on trouve les mécanismes pertinents à cette collaboration -
à la commission parlementaire spéciale sur la protection de la
jeunesse. Cette commission parlementaire, en novembre 1982, dans son rapport,
fait état des mêmes enjeux, soit la nécessité de la
collaboration.
D'une manière particulière, nous nous arrêtons
à un problème particulier qui est le problème de
l'absentéisme scolaire. Sur cette question, la commission parlementaire
spéciale recommande - vous avez la recommandation ici à la page 7
- que le ministère de l'Éducation, dans le cadre de la
réforme scolaire, prenne les moyens nécessaires pour que les
jeunes qui ne fréquentent pas l'école, en sont suspendus et
expulsés, continuent à recevoir des services appropriés et
qu'à cette fin, la non-fréquentation scolaire ne puisse servir de
motifs de compromission à la sécurité ou au
développement d'un jeune.
On ne précisait pas les mécanismes de collaboration. La
commission se limitait à faire confiance à l'école. Le
projet de loi 40, que nous examinons aujourd'hui, contient deux articles
là-dessus. Les articles 199 et 211 auxquels nous nous sommes
arrêtés. L'article 199 nous dit que la commission scolaire doit
s'assurer que la population de son territoire reçoit les services
éducatifs auxquels elle a droit dans les écoles situées
sur son territoire. L'article 211 dit que la commission scolaire peut inscrire
un élève dans une autre école que celle où il est
déjà inscrit, l'expulser de toutes les écoles de son
territoire et le confier au directeur de la protection de la jeunesse. Donc,
problème de
collaboration entre le scolaire et le DPJ en ce qui concerne cet exemple
que nous vous soumettons: la non-fréquentation scolaire.
Deux questions se posent à partir des deux articles du projet de
loi tels que formulés. Premièrement, on dit: La commission
scolaire peut confier au directeur de la protection de la jeunesse l'enfant qui
ne fréquente pas l'école, qui en a été
expulsé, etc. Nous soulignons que le terme "confier" peut être
ambigu. Est-ce qu'il s'agit de le confier pour que le directeur le prenne en
charge et que l'enfant tombe automatiquement sous la Loi sur la protection de
la jeunesse ou s'il ne s'agit pas plutôt de le signaler au directeur de
la protection de la jeunesse qui verra quelles mesures doivent être
prises? C'est une question de détail.
Question plus importante. Le directeur de la protection de la jeunesse,
en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, doit voir à ce que
cet enfant reçoive des services d'éducation. S'il a
été expulsé de toutes les écoles du territoire
d'une commission scolaire, nous nous demandons comment le directeur de la
protection de la jeunesse va pouvoir lui assurer les services auxquels il a
droit dans le domaine de l'éducation. Je vous laisse la question.
Nous avons tenté une petite analyse de la situation et vous
l'avez à la page 9. Quand on considère l'avis du Conseil
supérieur de l'éducation, le rapport de la commission
parlementaire spéciale sur la protection de la jeunesse et le projet de
loi, nous en arrivons à ceci: il y a un consensus, c'est évident,
sur la nécessité d'une complémentarité efficace
entre les services de l'éducation et les services de protection; il y a
une divergence de fond quant à l'opportunité ou non d'un recours
au DPJ - il y a le terme "confier" il s'agirait peut-être de voir de quoi
il s'agit - les mécanismes pour assurer cette
complémentarité que tout le monde désire sont
laissés à l'initiative de chacun. On se demande alors qui va
ramasser la balle.
Nous nous demandons s'il n'y aurait pas lieu de faire un pas de plus et
d'examiner deux avenues de solution qui sont possibles nous semble-t-il, pour
le législateur: une première, qui n'est peut-être pas la
plus complète, mais qui est très simple, concerne le
comité consultatif pour les élèves en difficulté,
ce comité consultatif dont il est question aux articles 185 et 186. Nous
recommandons qu'on examine cette avenue de solution; il s'agirait de revoir la
composition de ce comité consultatif des services aux
élèves en difficulté pour y adjoindre comme membre
d'office le directeur de la protection de la jeunesse. On modifie donc
l'article 185 en ajoutant comme membre d'office de ce comité consultatif
des services aux élèves en difficulté le directeur de la
protection de la jeunesse. En second lieu, c'est qu'on modifie l'article 186 en
y ajoutant deux paragraphes qui donneraient à ce comité des
fonctions qui seraient pertinentes en ce qui concerne ces difficultés
particulières, notamment l'absentéisme scolaire. Vous avez,
à la page 11 de notre mémoire, les deux paragraphes que, dans
cette hypothèse, nous nous proposerions d'ajouter. Ce comité
consultatif aurait pour fonctions, en plus de celles déjà
indiquées dans le projet de loi, de donner son avis à la
commission scolaire dans les cas d'absences répétées ou
d'expulsion d'élèves; d'élaborer des normes d'organisation
assurant la complémentarité entre les services éducatifs
et les services sociaux et de santé rendus en vertu de la Loi sur la
protection de la jeunesse. C'est une première avenue.
La deuxième avenue, qui est beaucoup plus difficile, mais qui
nous apparaît peut-être plus exhaustive, c'est de réviser en
profondeur la portée légale du concept du projet éducatif.
Dans le livre blanc, le projet éducatif a une place centrale; quand on
regarde le projet de loi, on est étonné par son allure un peu
floue. Je vous réfère à l'article 91: "Les parents, le
personnel et les élèves peuvent, de concert... de temps à
autre..." Cela nous apparaît un peu flou. C'est peut-être une
volonté délibérée pour ne rien alourdir; c'est
possible. En fait, cela marque la volonté qu'on a de responsabiliser le
milieu à l'égard de ces questions. Je vous souligne que nous
croyons qu'il y aurait avantage à ce qu'il y ait des paramètres
qui soient indiqués en ce qui concerne le projet éducatif. Je
vous réfère donc au texte que nous avons à la page 13.
Nous y disons: Par rapport à la problématique qui nous
occupe, il nous semble qu'il y a là une déficience grave à
ne pas avoir de paramètres plus précis pour
l'établissement d'un programme éducatif. Si, en effet, on peut
s'attendre que la majorité fasse pression pour que soient
définies très tôt des activités d'éveil
à la dimension religieuse et des activités d'éveil
à la dimension morale, il n'en va pas de même à
l'égard des questions associées à la protection de la
jeunesse, surtout si elles ont trait au comportement difficile et tapageur
d'enfants et d'adolescents soumis à des conditions familiales
particulièrement inadéquates. Face à ces comportements
difficiles qui recoupent en partie ce que la Loi sur la protection de la
jeunesse appelle des troubles de comportement sérieux, le réseau
scolaire a plutôt tendance à transférer les
problèmes à d'autres instances. En l'absence de dispositions
législatives précises, il faut donc plutôt s'attendre que
le projet éducatif de l'école ne cherche même pas à
répondre adéquatement aux phénomènes collectifs
ainsi qu'aux conduites individuelles associées à la violence sur
les personnes et
les biens, à la prostitution, à la drogue et à la
consommation d'alcool, etc. En somme, c'est un phénomène que vous
connaissez. À peu près toute société, je pense, a
tendance à rejeter les minorités marginales et surtout celles qui
sont dérangeantes. Il nous semble alors que c'est probablement de la
responsabilité d'un gouvernement de rappeler certaines choses et la loi
peut jouer dans ce domaine un certain rôle de rappel de certaines
valeurs.
En conséquence, nous recommandons -et c'est une recommandation
qui n'est pas à la page 14 - d'ajouter, avant celle qui est dans notre
mémoire à la page 14, une recommandation qui se lirait comme
ceci: Que, dans le cadre de son projet éducatif, l'école doive
prendre - on oblige l'école -annuellement des mesures éducatives
qui tiennent compte prioritairement de l'aide à offrir aux jeunes en
difficulté et ce, en concertation avec les ressources sociosanitaires et
sociocommunautaires de son territoire. Évidemment, il faudrait, dans
cette hypothèse, revoir l'article 91, les articles 66, 69 et 72, comme
nous l'avons indiqué à la page 14.
Le Président (M. Blouin): M. Tellier...
M. Tellier: Oui.
Le Président (M. Blouin): ...d'abord, j'observe que vous
avez une deuxième partie qui est relativement brève, mais que je
vous demanderais de la résumer en quelques phrases, puisque nous devons
entendre aussi, pendant quelques minutes, les responsables de l'Association des
centres de services sociaux. Pour que les membres de la commission puissent
être davantage au fait de ce que vous voulez dire, pourriez-vous
répéter la recommandation que vous venez de formuler, s'il vous
plaît?
M. Tellier: Oui, je répète la recommandation et je
terminerai la deuxième partie en deux mots. La recommandation devrait
être située à la page 14 parce que c'est une conclusion de
la page 13. La recommandation est celle-ci: Que, dans le cadre de son projet
éducatif, l'école doive prendre annuellement des "mesures
éducatives" - entre guillemets, si vous voulez, quitte à
l'expliciter - qui tiennent compte prioritairement de l'aide à offrir
aux jeunes en difficulté et ce, en concertation avec les ressources
sociosanitaires et sociocommunautaires de son territoire. C'est une indication
pour compléter, c'est un des éléments du projet
éducatif.
Je vous laisse lire ce qui concerne les centres d'accueil; il en a
été question longuement. Je voudrais juste dire un mot pour
terminer en ce qui concerne les punitions corporelles à l'école.
C'est une question qui a été posée, nous avons
été consultés à certains moments là-dessus.
Je précise tout de suite qu'il s'agit de l'usage de la force physique,
non pas pour contraindre un enfant qui est dans une situation
incontrôlable, etc., mais de l'usage de la force physique comme mesure
punitive. La question nous a été posée, on a
été consulté là-dessus.
Nous croyons que cela devrait être régi par une loi et non
seulement par une réglementation ou une directive. Nous ne croyons pas
que l'article 93 soit suffisamment explicite là-dessus. Nous
recommandons - et nous avons l'impression d'obtenir l'assentiment de l'ensemble
de la population - que l'usage des punitions corporelles soit exclu,
malgré, bien sûr, ce que dit le droit pénal et notre droit
civil sur le droit de correction modérée, etc., de tous ceux qui
ont l'autorité parentale. Je termine ici.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Tellier. M.
Métivier.
M. Métivier (Jean): M. le Président, Mme et MM. les
députés, je vais tout d'abord nous présenter rapidement.
Je représente l'Association des centres de services sociaux du
Québec à l'intérieur desquels sont situés les
directeurs de la protection de la jeunesse. J'ai avec moi M. Maurice Boisvert,
psycho-éducateur de formation, qui est directeur de la protection de la
jeunesse du centre de services sociaux du centre du Québec. À ma
droite, M. Alfred Couture, travailleur social professionnel et directeur de la
protection de la jeunesse du centre de services sociaux de Québec. Mon
nom est Jean Métivier, je suis coordonnateur de la protection de la
jeunesse à l'Association des centres de services sociaux et je suis
psychologue de formation. (17 h 15)
Notre intention, aujourd'hui, n'est pas de présenter l'ensemble
du mémoire de l'Association des centres de services sociaux qui invite
le législateur à une certaine prudence dans cette réforme,
afin de ne pas évacuer les acquis de la dernière décennie
pour les jeunes les plus démunis et pour ne pas accentuer certaines
inégalités. Nous désirons surtout vous présenter et
discuter avec vous quelques recommandations concernant avant tout les jeunes en
difficulté. Ce qui nous légitime à l'intérieur de
cette intervention, c'est que, brièvement, les directeurs de la
protection de la jeunesse, par leur mandat, ont à prendre en charge tous
les cas où le système familial et où le système
scolaire ne suffisent plus à assumer la sécurité ou le
développement de certains jeunes ou leur contrôle à
l'intérieur de leurs "agirs" délictueux. Donc, à travers
quelques dizaines de milliers de cas par
année, il nous est possible d'évaluer et d'identifier
surtout des indices importants de quelques-unes des défaillances de
notre système social.
Je vous réfère immédiatement à la
troisième partie de notre mémoire, qui est à la page 12,
où on veut vous entretenir de deux clientèles en
difficulté, c'est-à-dire la clientèle des jeunes qui ne
fréquentent pas l'école ou qui s'en absentent fréquemment
et la clientèle des jeunes qu'on a à expulser et qui sont
fréquemment, dans le contexte de la Loi sur la protection de la
jeunesse, des jeunes présentant des troubles graves du comportement.
Concernant la fréquentation scolaire, dans un premier temps, les
articles 22 et 23 du projet de loi 40 traitent de la fréquentation
scolaire. Essentiellement, à ce chapitre, le projet de loi n'apporte
rien de nouveau. Le seul changement qu'il apporte est qu'il élimine le
contrôleur des présences, ce qui, à notre avis, accentue le
vide que crée l'essentiel du problème en regard de la
maîtrise de l'absentéisme.
Le projet de loi inscrit le processus de maîtrise de
l'absentéisme à travers une approche principalement
légaliste. Il nous apparaît que la prise en charge de cette
problématique se trouve trop enfermée dans l'enchaînement
faute-sanction autant pour l'enfant que pour les parents. Pour l'enfant qui
fuit l'école, son comportement est généralement un signe
de son incapacité à y trouver son compte. L'absentéisme
est le symptôme d'un problème qui trouve son origine dans d'autres
éléments de la vie de l'enfant. C'est par ce biais qu'il faut
aborder ce problème. Ce n'est pas une approche légaliste qui
convient à la situation, mais une approche d'aide globale impliquant
l'élève, les parents et l'école.
L'enfant, surtout au niveau secondaire, s'absente de façon plus
ou moins régulière, de façon de plus en plus
fréquente jusqu'à ce que le problème éclate dans
une ampleur jusque là insoupçonnée. L'école doit se
doter d'un mécanisme qui détermine les responsabilités de
chacun face à cette problématique pour en faire d'abord le
dépistage et pour enclencher ensuite l'action de surveillance et de
prise en charge. Ce dispositif d'alerte et de suivi doit être rapide et
immédiat. Il doit par ailleurs s'articuler dans une succession d'actions
allant du dépistage à l'intervention par l'école, au
signalement au directeur de la protection de la jeunesse et, à la limite
peut-être dans certains cas, à l'action devant les tribunaux. Le
processus d'aide, à notre avis, doit être le premier cran de la
démarche auprès de l'enfant et de ses parents. Il n'évacue
pas pour autant les autres dimensions. Il se situe dans un continuum allant des
mesures d'aide aux mesures de sanction et de contrainte.
Dans le cadre de ce processus, pour les cas présentant des
résistances marquées à toute forme d'intervention ouverte
et persistant dans des comportements de fuite de l'école, ils pourraient
être référés à un comité d'orientation
qui s'assurerait que l'école a mis en oeuvre tous les moyens pour venir
en aide à l'enfant et qui, le cas échéant,
déciderait des mesures à prendre à l'intérieur d'un
plan de service. On reviendra rapidement tout à l'heure à cette
dimension-là. Enfin, le problème qu'on aborde ici est basé
sur des faits réels. J'avais personnellement l'occasion la semaine
dernière de participer à une discussion de cas pour une jeune
fille d'une douzaine d'années, en centre d'accueil, qui a vécu
toutes sortes de problèmes et dont un des problèmes est
l'absentéisme scolaire. La mesure qui a été
appliquée par l'école a été trois journées
de suspension. C'est un cas qui illustre le fait qu'à un moment
donné on est dépourvu quand certains problèmes
éclatent et qu'on ne prend pas nécessairement les moyens les plus
appropriés.
L'autre catégorie d'enfants qu'on touche, ce sont les enfants
présentant des troubles graves du comportement et qui peuvent être
l'objet d'une expulsion. L'article 211 du projet de loi stipule qu'un
élève peut être changé d'école ou
expulsé pour un motif juste et raisonnable. La disposition est
péremptoire, le pouvoir de la commission scolaire est strict; il est
possiblement tempéré par la condition qu'il doit exister un motif
juste et raisonnable, mais la condition juste et raisonnable est celle que
détermine la commission scolaire. Cette disposition risque de bien
servir l'école. Il lui est possible de se débarrasser d'un
élément perturbant et de le confier au DPJ, comme on le dit
à cet article.
Cet aspect du projet de loi nous apparaît totalement inacceptable.
L'article 211 rend trop facile à l'école l'usage d'une telle
mesure; la latitude de l'école est ici totalement ouverte et il lui est
loisible de se débarrasser des cas qui gênent pour les sortir du
cadre scolaire et les remettre à la charge du système social.
Avant d'être l'objet de pénalités dont les effets peuvent
être contraires au résultat poursuivi, il conviendrait que les
comportements de l'enfant, ceux de son milieu de vie familiale et ceux du
milieu scolaire soient analysés. Dans cette perspective, nous proposons
d'intégrer la prise en charge de cette problématique dans le
même cadre que celui dont nous venons de parler en rapport avec la
fréquentation scolaire. Les écoles devraient se doter d'une
politique de suspension et de relocalisation et, dans les cas où
l'approche d'aide pourrait s'avérer sans résultat, ils seraient,
comme pour les cas d'absentéisme grave, référés au
comité d'orientation dont nous avons parlé tout à
l'heure.
L'autre partie de notre intervention porte sur les structures qui
pourraient être mises en place au niveau de l'école de
façon à tenter de récupérer les cas
d'absentéisme et les cas de trouble grave du comportement. Je
résume très rapidement ici les idées, étant
donné que le temps court rapidement. Nous rejoignons l'essentiel de la
recommandation faite par le Comité de la protection de la jeunesse tout
à l'heure quant à la nécessité d'enrichir les
fonctions du comité consultatif pour les élèves en
difficulté d'apprentissage et d'adaptation à l'école.
Nous avons recommandé qu'il y ait deux comités: un
comité consultatif qui serait davantage centré sur les
clientèles, les problématiques, les programmes,
l'élaboration de politiques pour faire face aux cas d'absentéisme
scolaire et aux cas de troubles graves du comportement. D'autre part, nous
avons proposé un comité d'orientation qui serait davantage un
comité d'experts qui traiterait cas par cas ces jeunes que
l'école n'arrive plus à assumer d'une façon
adéquate. En fait, ce sont là deux fonctions qui peuvent se
trouver, à notre avis, soit dans deux comités différents
ou à l'intérieur du même. Je ne pense pas que ce soit
là l'essentiel. L'important, c'est que les fonctions soient bien
circonscrites. Il est important que, d'une part, les commissions scolaires
aient des politiques très claires par rapport à ces cas et,
d'autre part, il est important qu'à un endroit donné du
système scolaire il y ait un mécanisme de filtrage très
serré - c'est ce que nous appelons le comité d'orientation -
où on retrouvera un représentant du directeur de la protection de
la jeunesse.
Ce comité aurait une sorte de double rôle: un premier
rôle qui consiste à bien évaluer si l'école a fait
tout ce qui était possible pour réussir à assumer
correctement un jeune présentant des problèmes graves
d'absentéisme ou des troubles du comportement. S'il s'avère
impossible pour l'école d'assumer un cas, à ce moment-là,
de concert avec le représentant du directeur de la protection de la
jeunesse et peut-être d'autres représentants du réseau des
affaires sociales, on étudierait très bien tous ensemble quelles
sont les autres possibilités qui s'offrent à cet enfant et une
décision serait prise à ce moment de le référer au
directeur de la protection de la jeunesse ou ailleurs pour qu'il soit
assumé correctement.
Au fond, ce qu'on veut prévenir là, c'est qu'un enfant ne
se retrouve, pendant parfois trois mois, six mois, un an ou deux ans, entre
deux chaises, ni dans le système scolaire et ni dans le système
des affaires sociales. J'arrête là.
Le Président (M. Blouin): Merci, MM. Métivier et
Tellier. M. le député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Au nom du
ministre de l'Éducation, je veux remercier les représentants du
Comité de la protection de la jeunesse et les représentants de
l'Association des centres de services sociaux du Québec. Je veux
également vous transmettre les excuses du ministre qui est absent cet
après-midi pour une raison très simple, c'est qu'il devait
absolument être au Conseil des ministres. Soyez assurés - et vous
en avez l'assurance de sa part - que ce qui est dit ici lui sera transmis, que
les recommandations que vous faites lui seront transmises intégralement
et ayez également l'assurance qu'il a eu l'occasion de prendre
connaissance de vos mémoires.
Si vous me permettez, je voudrais faire un certain nombre de
commentaires relativement aux recommandations que vous avez faites. Pour
commencer, le mémoire du Comité de la protection de la jeunesse.
Encore une fois, vous l'avez dit vous-mêmes, vos deux mémoires se
ressemblent beaucoup. Vous traitez des mêmes questions, il s'agit des
élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Ce
que je dis à propos du mémoire du Comité de la protection
de la jeunesse concerne également le mémoire de l'Association des
centres de services sociaux. Mais plus particulièrement, le
mémoire du Comité de la protection de la jeunesse comporte deux
volets complémentaires. Dans un premier temps, vous dites et avec raison
que l'école doit se soucier de tous les aspects de la croissance des
jeunes; à cet égard, vous énoncez un certain nombre de
propositions sur lesquelles je reviendrai. Dans un deuxième temps, vous
dites que l'école doit apporter sa contribution directe face aux
problèmes sérieux qu'affrontent certains jeunes. Quant au second
volet, qui fait l'objet d'une élaboration plus grande de votre part,
vous exprimez une certaine - le mot n'est pas trop exagéré -
exaspération devant l'absence de coordination entre les deux
réseaux de services. L'expérience que vous avez acquise dans ce
milieu - nous vous remercions de nous la transmettre - vous enseigne qu'il est
devenu urgent d'insérer dans les lois scolaires ces
préoccupations de coordination.
Je reviens de façon un peu plus précise sur les
recommandations particulières que vous faites. Pour commencer, à
l'article 3, il est dit: "Les services d'enseignement comprennent l'ensemble
des cours obligatoires ou des cours à option qui ont pour but: ..."Votre
préoccupation touche en particulier le secondaire. Les précisions
que vous demandez vont dans le sens de ce que nous souhaitons. Vous nous
sensibilisez à des aspects qui nous paraissent peut-être trop
évidents. À cet égard, les précisions que vous
demandez apportent un éclairage fort intéressant et mettent en
lumière la
nécessité de certaines préoccupations qui ne sont
peut-être pas suffisamment mises en évidence dans le projet de
loi.
Quant à l'article 185, vous demandez d'ajouter que le directeur
de la protection de la jeunesse de la région soit membre d'office du
comité proposé à l'article 185. Il n'y a pas d'objection
de principe. Il serait même souhaitable que le DPJ soit membre de ce
comité. À cet égard, au deuxième aliéna, il
est dit: "Ce comité est composé de représentants des
parents de ces élèves, du personnel en cause et des organismes
qui ont une expérience..." Encore une fois, le mot "organismes", dans
notre esprit, pouvait signifier également la présence du DPJ.
Faut-il le préciser au point de rendre sa présence obligatoire?
C'est une question que je vous pose et à laquelle vous pourrez
répondre. Est-ce faisable? Compte tenu du grand nombre de commissions
scolaires sur un territoire, compte tenu des exigences d'un tel comité
et de tels comités, parce qu'il y en aurait plusieurs, est-ce que le DPJ
pourrait se le permettre? A-t-il le temps? Est-ce que cela est possible pour
lui de suivre de très près... Est-ce qu'il y a moyen de trouver
un mécanisme qui permettrait par contre au DPJ d'exercer une certaine
influence à l'intérieur de ces comités? Sur l'intention,
il y a accord. (17 h 30)
À l'article 186, vous proposez l'addition de deux paragraphes.
À ce sujet, en tout cas personnellement, j'accueille très bien
l'ajout de ces deux paragraphes que vous proposez. Encore une fois, c'est dans
le but de sensibiliser les agents du milieu, commission scolaire et
école, aux problèmes qu'affrontent certains jeunes. Encore une
fois, ce n'est peut-être pas suffisamment visible dans le projet de loi
et, personnellement, je trouve votre suggestion excellente. Certainement que le
ministre va y accorder une attention spéciale.
Dans une autre proposition, qui est plus délicate cette fois-ci,
quand vous proposez que le projet éducatif comporte obligatoirement un
élément consacré à la coordination des services
éducatifs et des services de protection de la jeunesse, on pourrait
peut-être en discuter, mais doit-on, de façon obligatoire,
introduire cela dans le projet éducatif alors que l'objectif du projet
éducatif est de laisser le milieu le définir? Il y aurait
là une sorte d'exception que vous voudriez qu'on introduise à
l'intérieur du projet de loi concernant le projet éducatif.
Cela m'apparaît poser une question fort délicate. Est-ce
que le fait d'ajouter à l'article 186 ce que vous demandez, le fait de
sensibiliser le milieu, les conseils d'école, les commissions scolaires,
ne serait pas suffisant - il y a peut-être d'autres façons aussi
de sensibiliser - pour qu'on ait précisément cette
préoccupation dont vous parlez dans le projet éducatif sans
rendre cela contraignant, ce qui pourrait heurter le milieu?
Par contre, quand vous proposez que les articles 66, 69 et 72 soient
modifiés, cela ne présente aucun problème et cela rejoint
encore une fois les préoccupations que vous mentionniez à
l'article 186. Donc, que les articles 66, 69 et 72, où il est
prévu la formation de comités: comités de parents,
comités au niveau des professeurs, au niveau des étudiants,
soient modifiés afin de prévoir que ces comités
d'école puissent donner leur avis sur les normes et les modalités
touchant la complémentarité des deux réseaux de services,
je pense qu'à ce moment cela sensibilise effectivement ces
comités aux troubles, aux difficultés que rencontrent certains
élèves et cela m'apparaît une excellente suggestion.
Quant à votre autre proposition, le fait de consacrer dans la loi
le principe que la commission scolaire a une obligation concernant la
scolarisation des enfants placés en centre d'accueil, vous dites qu'il
faut prévoir dans la loi un mécanisme qui assure l'examen
permanent de la situation de ces enfants. Je pense que cela ne poserait aucune
difficulté de modifier en conséquence les articles 185 et 186
là-dessus. Il faut aller plus loin en créant un comité
consultatif. Faut-il créer un autre comité consultatif? Est-ce
nécessaire? Est-ce que les comités déjà
prévus à l'article 185... On peut former un sous-comité,
mais comment doit-on nécessairement, dans la loi, prévoir la
formation d'un nouveau comité?
Quant à l'article 93, vous demandez une plus grande
précision. Effectivement, l'article est vague et général;
il remet cette décision au local. Demander une précision
m'apparaît fort intéressant comme proposition.
Par rapport aux remarques de l'Association des centres de services
sociaux du Québec - je vais aller un peu plus vite parce que je pense
que mes remarques touchent également l'Association des centres de
services sociaux du Québec - vous parlez d'approche trop
légaliste, entre autres, de l'article 22, et vous souhaitez qu'il y ait
dans la loi des mécanismes de telle sorte que les écoles se
dotent de politiques plus précises pour venir en aide à ces
élèves. J'ai déjà fait des remarques au
Comité de la protection de la jeunesse à cet égard. Il
existe actuellement un programme, et cela me permet de le dire, puisque vous ne
le mentionnez pas du tout. Quand vous avez parlé de la
nécessité de faire du dépistage, de la prévention,
il existe un programme concernant les décrocheurs. On sait que ces
jeunes, s'ils s'absentent, c'est parce qu'ils décrochent. Donc, dans
l'ensemble de ces décrocheurs, existe cette clientèle. Je ne dis
pas que tous les décrocheurs rejoignent la
clientèle dont vous parlez, mais il y en a un bon nombre qui font
partie de ces décrocheurs. Des programmes spécifiques sont mis en
place. Ils sont discutés à la commission scolaire et ils sont
discutés avec les parents.
Je voudrais avoir votre avis sur ces programmes pour décrocheurs.
Est-ce que vous êtes au courant? Est-ce que vous avez un mot à
dire? J'ai assisté, en fin de semaine dernière, à un
colloque dans la région de Laval où il y avait des
professionnels. Il y avait même un juge du Tribunal de la protection de
la jeunesse qui était là et qui a donné son avis. Il y a
donc des mécanismes de concertation qui commencent à voir le jour
dans la foulée des politiques qui sont mises en place pour venir en aide
aux décrocheurs. J'aimerais avoir votre avis sur ce qui se fait dans ce
domaine.
Finalement, une seule question. Vous ne traitez pas de cet aspect dans
vos mémoires, mais croyez-vous que la mise en place de conseils
d'école décisionnels avec la participation de parents, de
professionnels et d'enseignants peut aider à résoudre les
problèmes que vous 'soulevez? Par exemple, est-ce que le fait qu'on se
rapproche du milieu, qu'on décentralise des instances qui sont
présentement au niveau de la commission scolaire vers les écoles
peut faciliter la prise en charge de ce type de problèmes que vous
soulevez?
Encore une fois, merci, et j'attends quelques réactions de votre
part. Mes collègues auront aussi des questions à vous poser.
Le Président (M. Blouin): M. Tellier.
M. Tellier: J'apporte un petit amendement à la
recommandation que nous faisions concernant la présence du DPJ au
comité consultatif. Il s'agit du DPJ ou de son
délégué. Quant à la personne physique du DPJ, j'ai
l'impression qu'ils ont beau être des DPJ extraordinaires, ils sont
limités. Il s'agit donc de la présence du DPJ ou de son
délégué. Cela nous paraît important, parce que cela
lui donne une prise directe sur les situations qu'il aura ensuite à
régler. Cela évite aussi la bureaucratie et une foule de choses.
Il est déjà en contact direct avec les situations qui vont
être portées à son attention et qu'il a la
responsabilité d'assumer.
Deuxièmement, si vous permettez, en ce qui concerne une
recommandation que je n'avais pas donnée verbalement, mais qui est dans
notre texte à la page 16, lorsque nous suggérions en plus la
création d'un comité consultatif concernant la scolarisation des
enfants en centre d'accueil, si vous voulez la biffer, car c'est un texte qui a
été fait il y a déjà un certain temps. À la
révision, nous nous apercevons que ce rôle pourrait fort bien
être joué par les comités déjà en place.
D'ailleurs, c'est un principe que nous avons voulu respecter d'une
manière générale dans nos recommandations. Au lieu de
créer d'autres mécanismes, quitte à ajouter des pouvoirs
ou des responsabilités aux mécanismes déjà en
place, il s'agit d'utiliser le plus possible les mécanismes qui sont
déjà en place.
En ce qui concerne le projet éducatif, nous sommes très
conscients de l'ampleur de ce projet. On touche un point. Je reviens, mais je
ne veux pas répéter. Vous dites: Ne vaut-il pas mieux laisser le
milieu le définir lui-même? Nous, nous disons: Est-ce qu'un milieu
- je répète un peu ce que je disais -n'a pas tendance à
marginaliser ceux qui le sont déjà, surtout quand ils sont
fatigants? N'est-ce pas le rôle d'un gouvernement d'assurer certaines
balises, certains paramètres, de rappeler certaines valeurs, car est-ce
que toute loi n'a pas une certaine valeur éducative? Je reconnais
cependant que c'est une chose difficile.
M. Huard (Alcide): Là-dessus, j'ajouterais que les enfants
en difficulté ne sont pas seulement les enfants qui sont couverts par la
loi 24 dans les cas de protection ou dans les cas de délinquance. Vous
êtes sans doute informés d'un très grand nombre de
problèmes que des jeunes vivent du primaire au secondaire et qui
échappent à ces réseaux. Il me paraît absolument
essentiel que le cadre général du projet éducatif autorise
largement le conseil d'école à "prioriser" l'aide, dans son
projet, d'une façon ou d'une autre en termes de projet éducatif,
aux enfants qui vivent ces difficultés. Je parlerais des
problèmes de santé mentale, etc. Cela m'apparaît essentiel.
Le risque - si on ne le fait pas ou si on ne le précise pas - selon les
volontés locales, les leaderships locaux, c'est que le problème
peut ne pas être géré à l'intérieur du projet
éducatif. Il n'y a pas une attirance naturelle à l'ensemble des
intervenants socio-éducatifs du Québec d'intervenir en termes de
projet éducatif pour aider ces jeunes. La tendance est de les
référer au système social et alors il est
déjà trop tard. La détérioration est
déjà trop avancée. C'est ce qu'on croit.
Le Président (M. Blouin): Cela va. M. Métivier ou
M. Boisvert.
M. Boisvert (Maurice): Je voudrais répondre en ce qui
concerne la présence du directeur dans les comités consultatifs.
On doit dire qu'en ce qui concerne le centre du Québec, entre autres,
l'expérience est déjà en marche. Il y a un protocole
d'entente entre les commissions scolaires et le directeur voulant qu'il y ait
dans chaque
commission scolaire des comités consultatifs qui rejoignent
sensiblement l'esprit des recommandations qui sont faites par nous et par le
Comité de la protection de la jeunesse. Ce que je veux dire, c'est que
cela se fait, mais c'est quand même fragile. Ce serait important qu'au
niveau législatif, on vienne appuyer cette demande. Bien entendu que
c'est le délégué du directeur dont il est question
à chaque fois que nous parlons du directeur.
Le Président (M. Blouin): Cela va, merci. Vous avez un
commentaire, M. Métivier.
M. Métivier: Je voudrais revenir sur la confusion qui a
été créée par une proposition d'un ou de deux
comités. En fait, quand on a lu le projet de loi, ce qu'on y comprend,
c'est que c'est un comité consultatif. La composition en est
déterminée entièrement par la commission scolaire. Je
pense qu'il y a là deux volets qu'on a essayé de
récupérer dans nos propositions. Voici ce qu'on dit: D'accord,
bravo pour l'aspect consultatif. Il est aussi important qu'à un moment
donné il y ait - par rapport à des cas particuliers -des
décisions qui se prennent. C'est là qu'on a proposé un
comité d'orientation qui pourrait être une sorte de
sous-comité du comité consultatif ou je ne sais quoi. Ce que cela
prend à ce moment, ce sont des individus, des experts, des personnes qui
vivent avec les jeunes, qui connaissent directement leurs problèmes, qui
vont être capables d'évaluer la situation particulière et
de proposer les mesures adéquates. Il est très important, ce
genre de structure.
Je vous signale, à ce titre, que notre recommandation s'inspire
de l'expérience du Massachusetts. Depuis plusieurs années - au
moins six ou sept ans - cet État a lancé une nouvelle loi - le
bill 544, je le donne vraiment sous réserve - dont l'idée est
absolument simple, intéressante et efficace. Il n'y a aucun jeune qui
sort de l'école sans avoir passé à travers ce
mécanisme de filtrage qui se compose du jeune, des parents, des
autorités du milieu scolaire et d'un responsable des services sociaux.
L'objectif poursuivi, c'est qu'il ne faut jamais qu'un jeune tombe entre deux
chaises. Si cela devient clair, comme c'est clair pour un certain nombre de
cas, que ce jeune ne peut plus être assumé à
l'école, qu'on le dise clairement, qu'on dise pourquoi et qu'à ce
moment-là on l'oriente directement vers le genre de services qui vont
convenir à sa situation. Je ne sais pas si je fais bien saisir la
différence entre ce qui est consultatif et ce qui serait un
comité qui irait assez loin sur les cas.
Quand on dit un représentant du directeur de la protection de la
jeunesse, cela devient le directeur de la protection de la jeunesse
lui-même ou quelqu'un nommé pour le représenter. Cela nous
apparaît aussi très important; si on veut que des réseaux
qui sont très importants dans la vie des jeunes comme le réseau
de l'éducation et le réseau des affaires sociales se rejoignent,
c'est à travers des personnes que cela se fait. Cela ne doit pas
être laissé à l'initiative de tous et de chacun; c'est en
faisant en sorte que certaines personnes se retrouvent nécessairement en
présence qu'on commence à franchir des pas importants. (17 h
45)
M. Leduc (Fabre): Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Fabre.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Merci, M. le Président. Je salue les dirigeants
des deux organismes qui sont à la table, le Comité de la
protection de la jeunesse et l'Association des centres de services sociaux du
Québec. Les représentations que vous nous faites vont dans le
sens de celles que nous avons entendues plus tôt cet après-midi.
Elles attirent notre attention surtout sur le problème des jeunes qui
présentent des difficultés particulières à
l'intérieur de notre système d'enseignement. Je pense que c'est
un sujet des plus graves, des plus actuels aussi. Comme on nous l'a
signalé, l'incidence de ces problèmes a crû
considérablement ces dernières années non seulement en
quantité, mais aussi en gravité. Cela veut dire qu'au cours des
prochaines années ceux qui ont la responsabilité des institutions
de formation devront porter des responsabilités solidement
définies et encadrées par la loi si nous voulons faire face aux
problèmes.
Vous avez formulé un certain nombre d'observations et de
recommandations qui sont sûrement très intéressantes. Je
voudrais souligner une chose pour qu'il n'y ait pas de malentendu; vos
recommandations portent sur des aspects très précis, très
importants, mais en même temps très limités du projet de
loi et il ne faudrait pas considérer, parce qu'on accueille telle ou
telle recommandation, qu'on est solidaire du fond du projet de loi. Je pense
que toutes les améliorations que vous demandez pourraient être
obtenues sans qu'on soit embarqué dans cet immense édifice que
nous propose le gouvernement avec le projet de loi 40.
D'ailleurs, l'Association des centres de services sociaux nous a
donné une indication de son attitude au début de son
mémoire. Je pense que les deux réserves formulées sont
capitales. Si on pense aux problèmes des jeunes d'aujourd'hui et qu'on
se demande ce que le chambardement de structures apportera comme remède
aux problèmes qu'on observe, on a raison de se poser des
grosses questions. De même, si on pense à
l'égalité des chances qui a été l'objectif dominant
des réformes faites au cours des 20 dernières années, il
est évident que le projet de loi soulève plus
d'inquiétudes qu'il n'apporte d'assurances. Si on allait à fond
de train dans la ligne d'atomisation qui est proposée par le projet de
loi 40, il y aurait de forts risques qu'au bout du compte, ces désirs
particuliers de tel ou tel secteur de la société qui sont
évoqués dans l'un des deux mémoires que vous venez de nous
résumer ne finissent par entraîner des glissements qui seraient
suivis d'inégalités plus prononcées dans certains cas. Ce
sont des aspects auxquels nous devons penser beaucoup, sur lesquels nous
continuerons, pour notre part, d'attirer l'attention du gouvernement.
J'en viens maintenant aux sujets plus immédiats que vous avez
soulevés, qui me paraissent très intéressants. Il y en a
un premier que je voudrais souligner, c'est l'insistance qu'on a mise, tout au
cours de l'après-midi, à souligner que certains services pour
l'enfance ou la jeunesse en difficulté devront être assurés
de manière beaucoup plus ferme que ne le fait le projet de loi. Je pense
que c'est le Comité de la protection de la jeunesse qui nous souligne
les problèmes découlant de l'article 14. À l'article 14 -
je ne dis pas cela pour vous impressionner, mais pour que ceux qui nous
écoutent puissent nous suivre plus facilement - il est écrit que
"toute personne âgée de cinq ans et plus a droit à
l'éducation préscolaire, à des services de formation et
d'éveil et, au primaire et au secondaire, à des services
d'enseignement. Elle peut aussi recevoir d'autres services éducatifs
dans la mesure prévue par la présente loi."
Le mot "peut" vous inquiète à juste titre. Elle "peut;"
donc, elle pourrait bien ne pas en recevoir. Ce que vous voulez, c'est qu'on
écrive qu'elle doit ou qu'elle a droit à des services
éducatifs dans la mesure qu'indiquent ses besoins, si je comprends bien.
Je pense que c'est ce qui constituerait une loi vraiment vigoureuse de ce
côté. Cela, vous le soulignez avec raison.
Je ne sais pas si c'est vous autres ou l'autre groupe, mais, à
l'article 97, on a un problème de même nature qui se pose. On
parle de l'application du régime pédagogique. On dit que le
directeur de l'école, après consultation de
l'élève, des parents, du personnel en cause, conformément
aux critères de la commission scolaire, "peut" intégrer un
élève en difficulté d'adaptation à une classe
ordinaire. Encore là, je pense que c'est son devoir de le faire; s'il
n'est pas capable de l'intégrer, il doit le signaler - on en parlera
tantôt - aux autorités compétentes. Il faut que cet enfant
soit intégré; ce n'est pas une question facultative pour qui que
ce soit et vous le soulignez avec raison. Je pense que c'est très
important.
Je mentionne un autre exemple; je pense que c'est l'article 204 qui
traite des fonctions de la commission scolaire et non pas des pouvoirs, parce
que c'est la question la plus obscurément traitée dans tout le
projet de loi, les pouvoirs de la commission scolaire; on parle de ses
fonctions d'une manière descriptive. À l'article 204, on dit: "La
commission scolaire peut établir, sur recommandation du comité
consultatif des services aux élèves en difficulté
d'adaptation ou d'apprentissage, des critères sur l'organisation des
services à ces élèves qui favorise leur intégration
dans les classes ordinaires".
Encore ici, si la commission scolaire signifie quelque chose, il faut
qu'elle ait l'obligation de le faire. Ce ne peut être simplement une
question laissée à la discrétion de messieurs ou de
mesdames les commissaires. C'est évident, quand on est commissaire et
qu'on a l'obligation de présenter un bilan à la fin de
l'année ou un budget au début de l'année qui soit
équilibré, on sera tenté de mettre l'accent sur les
services que requièrent les enfants ordinaires, les enfants moyens qui
représentent la grande majorité des enfants. Il faut qu'il y ait
des termes beaucoup plus énergiques dans la loi.
Le groupe qui vous a précédés, l'Association des
centres d'accueil, nous a dit qu'un problème semblable se pose à
propos de l'article 199 qui définit les responsabilités
générales de la commission scolaire. Cela fait quatre exemples,
messieurs du gouvernement, quatre exemples où le mot "peut" devrait
être remplacé très avantageusement par le mot "doit". On
vous le souligne avec beaucoup de considération. Il me semble que ce
n'est pas pour rien qu'on a employé le mot "peut" si souvent; il
semblait manquer à tout le moins une conviction quant à
l'importance de faire quelque chose de plus vigoureux en 1984.
Cela vient s'inscrire dans une politique de glissement qui nous a
été signalée à maintes reprises par plusieurs
organismes depuis le début des audiences et qui était connue,
d'ailleurs, bien avant ces audiences, une politique d'intégration
massive qui a entraîné des pertes considérables de
possibilité ou de potentiel d'avenir. Au nom de mesures
budgétaires, au nom de toutes sortes de choses, on a bousillé ce
secteur extrêmement important de l'éducation et je pense que les
représentations que nous entendons aujourd'hui devraient être pour
le gouvernement une invitation très sérieuse à un
vigoureux redressement.
Ceci étant dit, je souligne d'autres aspects dans vos
observations qui m'ont personnellement beaucoup intéressé. Vous
parlez de la punition corporelle. Le député de Fabre a
glissé là-dessus un petit peu vite
tantôt. Je ne sais pas, c'est peut-être parce qu'il n'a pas
très bien saisi la portée de ce qui avait été dit.
Vous voudriez que ce soit clairement indiqué dans la loi que la punition
corporelle est interdite. Le Parti libéral vous seconde
entièrement. C'est une mesure profondément libérale que
vous proposez. Je pense que ce serait bon, surtout dans cette période de
conservatisme souvent effréné où l'on revient à des
vieux concepts qu'on croyait dépassés pour toujours. Je pense que
ce n'est pas mauvais que ce soit établi clairement dans la loi que celui
qui veut faire l'éducation en recourant à la "strap" ou à
la matraque doit changer de domaine. Dans d'autres domaines, il va trouver des
gens qui sont capables de lui donner l'équivalent et il va
peut-être rester tranquille. Je pense qu'on n'a pas besoin de ça
dans l'éducation en 1984 et je suis très heureux que vous le
disiez; c'est la première fois que ce point-là est
souligné. Vous l'avez souligné à propos de l'article 93,
je crois, du projet de loi. "L'école adopte les règles pour la
conduite et la discipline de l'élève". Justement, quelques
"guidelines" fournies par le législateur ne seront pas inutiles ici.
C'en est une, en tout cas, que je suis très heureux de trouver
là. Je sais que ça ne se pratique pas beaucoup aujourd'hui. Ce
n'est pas parce qu'on ferait face à un fléau, mais je pense que
ça n'a jamais été indiqué clairement par le
législateur et il est temps que ça se fasse. C'est très
bon.
J'ai bien apprécié vos observations à propos de
l'absentéisme et de l'expulsion. Moi-même, à une
première lecture - je vais être bien franc avec vous - les
dispositions du projet de loi ne m'avaient pas frappé
particulièrement, parce que je ne suis pas dans ce domaine-là.
J'ai fait face à des phénomènes d'absentéisme avec
mes propres enfants. On les a réglés en mettant un petit peu de
temps, mais je ne m'étais pas posé le problème, pour
être franc. Je pense que les observations que vous faites sont
très justes et encore davantage la solution qui est proposée,
soit d'avoir au comité consultatif auprès de la commission
scolaire des représentants des institutions qui dispensent des services
plus spécialisés là-dedans, des représentants des
éducateurs spécialisés dans ces questions. C'est un
premier point très important. On pourra recommander ainsi à la
commission scolaire des politiques appropriées en matière de
relocalisation d'enfants, en matière de traitement de cas
particulièrement difficiles. J'apprécie beaucoup que vous vouliez
exclure le concept d'expulsion. C'est un autre très bon point qu'il n'en
soit plus question dans un système d'enseignement d'esprit
libéral. Je le dis sans connotation partisane, au sens le plus grand du
terme, et je suis sûr que le député de Chauveau veut
être de cette famille-là, lui aussi.
M. Brouillet: Dans un sens non partisan. M. Ryan: Bien
oui, c'est entendu.
Le Président (M. Blouin): II s'agit d'un sens très
large.
M. Ryan: Que vous vouliez que le concept d'expulsion ne figure
pas dans une loi comme celle-ci, c'est tout à votre honneur. Une
société ne doit pas en arriver à la conclusion qu'il faut
expulser un de ses membres. Il faut l'intégrer, lui faciliter
l'insertion par tous les moyens; il faut avoir différents étages
d'intervention, si c'est nécessaire. Le concept que vous
préconisez, c'est la première fois qu'il est
présenté devant la commission et, à mon point de vue, il
est très sain. Nous allons le défendre. J'espère que, du
côté du gouvernement, on fera la même chose.
Le mécanisme que vous proposez pour traiter de ces cas, le
comité d'orientation, c'est excellent. Le comité consultatif, on
sait ce qui en arrive des fois. Il faut un mécanisme fonctionnel. Il
faut un mécanisme qui ne soit pas purement dans la ligne administrative
ordinaire. Qu'il y ait certains éléments de la procédure
de recours, de la procédure d'examen impartial du cas et qu'il y ait un
comité de cette nature qui puisse fonctionner dans une commission
scolaire pour appuyer l'action des autorités et la guider parfois,
donner un sentiment de sécurité aux parents et aux enfants
concernés, je pense que c'est excellent. Je vous le dis, je suis
d'accord là-dessus sans aucune espèce de réticence.
Je vais vous poser une question. L'Association des centres de services
sociaux dit... Peut-être, juste avant de toucher ce point-là, M.
le Président, je m'aperçois qu'il est 17 h 59...
Le Président (M. Blouin): Exactement!
M. Ryan: Je peux contineur jusqu'à 18 heures, mais je
pense qu'on n'aura pas fini à 18 heures. Vous aimeriez peut-être
mieux qu'on suspende à ce point-ci pour reprendre les questions ce
soir.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, si vous
avez un bref commentaire avant d'aborder vos échanges, nous pourrions
dès ce soir aborder les échanges.
M. Ryan: Oui. Je voulais vous prévenir. J'aimerais que
vous nous donniez des explications. Vous dites: "Est-ce la fin du régime
d'ententes qui a existé entre le ministère des Affaires sociales
et le ministère de l'Éducation pour le traitement des
problèmes de l'enfance qui relèvent des institutions d'accueil?"
J'aimerais que vous nous donniez vos réactions sur l'agencement
que laisse entrevoir le projet de loi concernant les
responsabilités des deux ministères. Comment voyez-vous cette
collaboration entre les deux ministères et les politiques de l'avenir de
ce côté?
Le Président (M. Blouin): Comme il est presque 18 heures,
je demande donc à nos invités du Comité de la protection
de la jeunesse, ainsi que de l'Association des centres de services sociaux du
Québec de bien vouloir se joindre à nous à nouveau
à 20 heures.
M. le député de Mille-Iles.
M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président, est-ce
qu'il y aurait un consensus pour dire qu'on pourrait peut-être continuer
pendant 15 ou 20 minutes?
Le Président (M. Blouin): J'ai compris qu'il n'y en avait
pas, M. le député de Mille-Iles.
M. Ryan: II n'y a pas de consensus.
Le Président (M. Blouin): S'il n'y a pas de consentement,
je demande donc...
M. Ryan: Nous avons d'autres obligations
immédiatement.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Je demande aux
membres de la commission, cependant, d'être présents dès 20
heures ce soir, car nous avons une soirée bien remplie en
perspective.
Sur ce, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension des travaux à 17 h 59)
(Reprise de la séance à 20 h 7)
Le Président (M. Blouin): Lorsque nous nous sommes
quittés, nous avions entrepris des échanges entre les membres de
la commission, les représentants du Comité de la protection de la
jeunesse et aussi les représentants de l'Association des centres de
services sociaux du Québec. La parole était à M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je terminais en posant une question que je vais
répéter: Je voulais savoir ce que vous pensez du régime de
collaboration qui existe actuellement entre le ministère des Affaires
sociales et le ministère de l'Éducation en tout ce qui regarde
les services éducatifs fournis aux jeunes dont on a la
responsabilité du côté des institutions sociales.
Deuxièmement, est-ce qu'il y a des améliorations qui doivent
être envisagées et quelles orientations préconisez-vous de
ce point de vue là?
Le Président (M. Blouin): M. Tellier.
M. Tellier: Le point de vue où nous sommes ne nous permet
pas d'expérimenter le fonctionnement exactement comme les gens de
l'association qui nous ont précédés cet après-midi,
du moins, en ce qui concerne les jeunes qui sont impliqués dans les
centres d'accueil, etc.
C'est peut-être une répétition, mais j'y reviens
quand même. Ce que nous souhaiterions, c'est que les services
d'éducation soient autant concernés par les jeunes qui sont en
difficulté, notamment les jeunes qui sont dans les centres d'accueil,
que par tous les autres. C'est particulièrement à l'égard
de ceux-là que, sans entrer dans les problèmes de structures, on
avait souligné l'importance que les commissions scolaires assument la
responsabilité de tous les services des jeunes qui sont sur leur
territoire, y compris les jeunes qui tombent sous l'application de la Loi sur
la protection de la jeunesse et qui sont en institution ou en famille
d'accueil. C'est bien partiel, mais il y a probablement de mes collègues
qui peuvent ajouter à ce début de réponse.
M. Huard: Est-ce que vous voulez savoir si nous sommes favorables
au maintien des ententes de services? Est-ce que vous pourriez nous indiquer
à quoi vous faites référence dans la loi par rapport
à cela? Moi, personnellement, je n'ai pas lu au complet le projet de
loi. L'article 219, pourra peut-être nous amener un éclairage qui,
à mon avis, n'est pas suffisant.
M. Ryan: Cet après-midi, l'Association des centres
d'accueil est venue nous dire que le projet de loi est extrêmement flou
du point de vue des garanties qu'il conviendrait d'avoir de ce
côté, garanties que les responsables du système
d'enseignement vont vraiment fournir les services nécessaires. Ils ont
dit: Cela prendrait une superautorité; ils ont même parlé
d'une régie pour l'assurer et cette régie serait, d'après
ce que j'ai compris, logée du côté du ministère de
l'Éducation. Je voulais savoir comment vous voyez tout l'avenir des
services éducatifs dans ce secteur. Je ne peux pas faire allusion
à un passage particulier du projet de loi - j'en ai mentionné
quelques-uns plus tôt -parce qu'il n'y en a aucun qui traite de cela de
manière vraiment précise.
M. Huard: Je suis plutôt d'avis que le ministère de
l'Éducation devrait peut-être assurer l'élaboration de
programmes-cadres généraux pour supporter l'intervention
auprès des enfants qui vivent des difficultés majeures, tout
comme on le fait, par exemple, dans le cadre du régime
pédagogique pour d'autres types de besoins,
en acquisition de connaissances. Quant à moi, en tout cas, je
pense qu'on devrait se limiter à cela.
Ceci dit, une question se pose à l'article 219. Je voudrais avoir
un éclairage, si c'est possible. On dit que "chaque commission scolaire
est l'employeur du personnel affecté à son fonctionnement et
à celui des écoles". Qu'est-ce que cela signifie dans la lettre?
Est-ce que cela a une application par rapport aux ententes de services
actuelles? Pour nous, ce n'est pas clair.
M. Ryan: Ce n'est pas clair pour nous, non plus. Une
dernière question très brève. Il y a des travailleurs
sociaux qui sont fournis aux écoles; je pense que ce sont les centres de
services sociaux qui les fournissent. J'ai cru voir dans votre mémoire
une remarque à ce sujet. Il est question que cela soit
transféré aux CLSC. Comment voyez-vous cette affaire? Est-ce un
système qui fonctionne bien actuellement?
M. Huard: Est-ce que vous posez la question aux CSS?
M. Ryan: Oui.
M. Métivier: En fait, dans notre mémoire,
l'observation qu'on soulève, c'est que, d'un côté, le
projet de loi 40 donne une place, un statut, aux services sociaux au niveau des
principes. Par contre, au niveau de l'application pratique, on se retrouve un
petit peu dans le vide. Enfin, c'est l'un des points qui a été
soulevé à l'intérieur du mémoire de l'Association
des centres de services sociaux. Les centres de services sociaux ont dit: On
s'inquiète du fait qu'on ne se réfère pas explicitement,
dans le projet de loi, aux ententes qui se sont élaborées
progressivement, depuis cinq à dix ans, entre le milieu scolaire et le
réseau social. On dit qu'il serait peut-être important d'en tenir
compte et de le faire très explicitement.
Le genre de question à laquelle cela nous amène
après, c'est qu'on peut parfois avoir l'impression que le milieu
scolaire se constitue, à travers cette législation, comme un
réseau un peu isolé de l'ensemble des autres réseaux,
à l'intérieur duquel il y aurait peut-être tous les
services requis. Cela vient un peu remettre en cause, quand même, cette
forme de collaboration qui a commencé à s'instaurer entre le
réseau social, le réseau de l'éducation et le
réseau de la justice.
Quand vous parlez de perspectives d'avenir, si je peux me permettre un
peu une idée ici, une opinion, c'est qu'il serait très important
de faire en sorte que les deux réseaux - et cela dans la plus
complète mutualité - s'interpénètrent de plus en
plus. On a eu, surtout depuis six, sept ou huit ans, une sorte de
pénétration du réseau des affaires sociales par le
réseau de l'éducation en tout cas, au niveau des centres
d'accueil. On a eu un peu une interpénétration - enfin, il y a
quand même des acquis solides - de la part du réseau social
à travers les CSS dans le milieu scolaire. On se dit qu'il faudrait
peut-être pousser plus loin cette interpénétration et cette
collaboration. (20 h 15)
À cet effet, je vous signalerais, tout simplement, une
expérience pilote qui, toujours à mon avis, a été
fort intéressante: celle de l'école Émile-Nelligan, dans
la région de Montréal. C'est un milieu où le niveau
d'inadaptation, de décrochage, de problèmes de toutes sortes
était absolument extraordinaire et, même si cette école est
fermée à l'heure actuelle, le projet a quand même fait ses
preuves. C'est une école qui a pu évoluer d'une façon
rapide sur quelques années pour reprendre en charge sa clientèle
grâce à une collaboration très intensive de la part des
jeunes eux-mêmes, des parents, de travailleurs du milieu, de policiers,
de travailleurs sociaux, d'éducateurs de centres d'accueil qui
étaient plus habitués à intervenir auprès de gens
présentant des troubles de comportement.
En tout cas, il me semble que l'on peut s'inspirer d'une
expérience comme cela, et je sais qu'il y en a d'autres, pour essayer de
projeter ce que pourrait être cette collaboration des Affaires sociales
et de l'Éducation dans l'avenir.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le député de
Mille-Iles.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le
Président. Il me fait plaisir de saluer les représentants du
Comité de la protection de la jeunesse, ainsi que les
représentants de l'Association des centres de services sociaux. Votre
mémoire fait des recommandations très particulières. Entre
autres, vous soulignez qu'on devrait favoriser l'intégration des
services publics pour en faire un soutien pédagogique aussi aux services
que vous pouvez donner; Je pense que votre objectif est très noble et je
sais que tout le monde sera d'accord autour de cette table afin de
développer le plus d'attitudes possible et de faire en sorte que, quand
même, l'étudiant ou l'enfant se prenne de plus en plus en main. Je
pense que, lorsque vous parlez de services d'éducation doublés de
complémentarité par les services de protection, tout le monde
appuie un tel objectif.
Je suis d'accord aussi avec les amendements que vous proposez à
l'article 185. Il faudrait peut-être d'abord expliquer l'article 185, qui
parle des commissions scolaires et d'un rôle régional pour
celles-ci.
Vous dites qu'on devrait ajouter: Le directeur de la protection de la
jeunesse de la région est membre d'office du comité. "Est
constitué dans chacune des commissions scolaires un comité
consultatif des services aux élèves en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage." Je pense bien que, de ce
côté-ci, nous sommes d'accord au point de vue régional et
je dis bien régional. Je ne pense pas que, dans votre esprit, vous
vouliez que le directeur de la protection de la jeunesse de chacune des
régions soit aussi présent au comité de chacune des
écoles. Je pense que cela deviendrait lourd, parce qu'il y en a beaucoup
qui frapperaient à chacune des écoles.
Il y a aussi que vos deux recommandations, d'ajouter à l'article
186 deux paragraphes - je pense qu'ils sont de mise et je les lis: 3 de donner
son avis à la commission scolaire dans des cas d'absences
répétées ou d'expulsion d'élèves; 4°
d'élaborer des normes d'organisation assurant la
complémentarité entre les services éducatifs et les
services sociaux et de santé rendus en vertu de la Loi sur la protection
de la jeunesse. Je pense que ces recommandations sont acceptables et je pense
bien que le ministre est ouvert à ces propositions
d'amélioration.
Maintenant, en page 14, lorsque vous dites: "Le comité recommande
de réviser le projet de loi 40 de telle sorte que le projet
éducatif de chaque école comporte obligatoirement un
élément consacré à la coordination des services
éducatifs aux services de protection de la jeunesse", c'est
peut-être là que je suis plus réticent. C'est bien
sûr qu'il faut qu'il y ait une coordination régionale qui va avoir
une influence très locale dans tous les projets éducatifs de
chacune des écoles. C'est qu'il faudrait aussi ajouter à tous ces
services de protection de la jeunesse les services de santé, les
services de prévention sous toutes ses formes; il faudrait
peut-être aussi parler de l'appui des forces policières dans
certains cas, en particulier, quand même. Je pense que cela deviendrait
lourd. Je suis peut-être moins attiré par l'élément
de projet éducatif qui ferait en sorte que vous seriez
intégrés comme tels à chacune des écoles. C'est
cela, ma réticence. C'est bien sûr que, pour des cas ponctuels,
pour des écoles peut-être très spécifiques, je
serais d'accord pour que vous apportiez votre collaboration de
complémentarité. Ensuite, vous parlez de l'article 93:
"L'école adopte les règles pour la conduite et la discipline de
l'élève." Je me souviens des propos du député
d'Argenteuil qui disait, tout à l'heure: Pourquoi ne pas parler de
punitions corporelles? C'est bien sûr qu'on parlait de
libéralisme, tout en ayant peut-être un esprit indépendant,
M. le député d'Argenteuil. Peut-être qu'on devrait en
parler, mais moi, je ne suis pas trop d'accord pour intégrer dans un
projet de loi qu'il ne devrait y avoir aucune punition corporelle. Je pense que
cela entrerait trop dans les détails. Si on parle d'un projet
éducatif en soi, je pense que tout le monde est en faveur du principe
qu'il n'y ait pas de punitions corporelles. Il y a une chose, cependant: dans
le projet éducatif, lorsqu'on parle d'une école responsable et
communautaire, c'est sûr qu'il y a des parents qui peuvent, avec les
étudiants, avec les professeurs, avec les directeurs et les commissaires
responsables, avoir une école plus permissive ou une école
peut-être plus autoritaire, avec plus d'encadrement.
La première question que je vous pose, c'est: Lorsque vous parlez
de punition corporelle à l'école, est-ce dans une optique
d'approche préventive? Est-ce que vous avez des informations, à
cause des fonctions que vous exercez, qui nous convaincraient ou qui vous
convainquent que le législateur devrait corriger une situation qui
serait inacceptable aujourd'hui dans notre société, à
savoir peut-être les punitions corporelles?
Le Président (M. Blouin): M. Tellier.
M. Tellier: Seulement sur la dernière question.
M. Champagne (Mille-Îles): Si vous voulez faire des
commentaires sur ce que j'ai dit...
M. Tellier: Si vous le permettez, en ce qui concerne le projet
éducatif, notre première référence était au
document intitulé L'école québécoise: une
école communautaire et responsable, où le concept d'un projet
éducatif avait une place centrale. Nous nous attendions que, dans le
projet de loi, il y ait - je répète un peu ce que j'ai dit cet
après-midi - un certain nombre de paramètres pour aider à
baliser, si vous voulez, la définition ou l'établissement de ce
projet éducatif. On constate que, dans le projet de loi tel qu'il est,
c'est vraiment laissé à la responsabilité du milieu
d'établir lui-même son projet éducatif. Là, on a
certaines inquiétudes parce qu'on se dit: Autant le milieu va
réagir concernant certaines dimensions de la réalité qui
préoccupent les parents, les jeunes, etc., comme la dimension
religieuse, morale, autant nous nous inquiétons de l'absence de
réactions du milieu en ce qui concerne les enfants en difficulté
et tout ce qui est lié à la protection de la jeunesse.
D'où, ayant toujours comme première inspiration le document du
ministère sur l'école, nous nous disions qu'il y aurait
peut-être avantage -c'est dans ce sens que nous faisons cette
recommandation - à avoir des balises qui pourraient indiquer des
paramètres dans le projet éducatif concernant les
problèmes de
protection de la jeunesse.
En ce qui concerne les punitions corporelles, je vais laisser mon
collègue y répondre. Je ne veux pas répéter ce que
j'ai dit cet après-midi.
M. Boulais (Jean-François): Bien sûr, cela peut
paraître assez limité comme portée, mais il nous semble que
le temps est peut-être venu, au Québec, de formaliser un peu cette
question. Pour répondre à votre question, bien évidemment,
les punitions corporelles ne sont pas chose courante dans nos écoles. Il
reste, cependant, que c'est une tentation qui est, je pense, toujours
présente et, lorsque nous avons été consultés,
c'était au sujet de l'établissement d'un règlement, dans
une commission scolaire prévoyant les modalités d'application de
la punition corporelle.
Le Comité de la protection de la jeunesse, je pense, a dans son
mandat de tenter d'éviter que des causes, des situations de violence se
manifestent. La punition corporelle en soi n'est pas, comme telle, une
manifestation de violence, encore que, si elle est légitimée par
un règlement dans une commission scolaire, par exemple, je pense qu'on
n'aura pas pris tous les moyens pour tenter d'éduquer le milieu à
utiliser d'autres moyens que la méthode physique pour éduquer les
enfants. Il y a des pays qui ont prohibé complètement, y compris
du côté des parents, l'usage de la force physique pour corriger un
enfant. Je pense à l'exemple de la Suède, qui est universellement
connu maintenant, qui a probablement fait l'objet aussi de critiques dans
certains milieux. On ne parle pas encore de l'ensemble de la
société; on pense au milieu scolaire, et je pense que, même
si le geste n'est pas énorme en soi, il a une signification. Interdire
que, dans une école, un professeur, un enseignant utilise la
méthode physique pour corriger un enfant, c'est un signe
d'évolution de notre société.
Peut-être qu'il y a 20 ans jamais un législateur
québécois n'aurait pensé à indiquer cela dans une
loi. J'étais à l'école à peu près à
cette époque-là et je sais que c'était chose courante. Il
est certain que nous avons connu une évolution depuis et je pense qu'un
mouvement législatif dans ce sens-là confirmerait ce que
l'immense majorité des citoyens croit actuellement, et que
peut-être une minorité de citoyens ne croit pas. Les forces
latentes dans notre société, compte tenu de l'époque
où nous vivons, nous amèneront peut-être, à un
moment donné, à remettre en cause cette espèce de
consensus. Agissons pendant qu'il est temps, agissons pendant qu'une
majorité de citoyens québécois est de cet avis,
plutôt que de nous retrouver, dans dix ou cinq ans, avec un débat
public sur la question. Nous ne voudrions pas être obligés de
faire le débat dans cinq ans en disant: Écoutez, nous avons
reculé par rapport à la situation. Faisons-le pendant que c'est
le temps.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
M. Champagne (Mille-Îles): Bien, enfin, on voit qu'il y a
des pays qui ont adopté cette position. Mais vous dites, quand
même, que certains règlements des commissions scolaires
préviennent ces choses-là. Sans peut-être le mettre dans le
projet de loi, il y a, quand même, des règlements qui soutiennent
cette chose-là dans chacune des commissions scolaires ou dans des
commissions scolaires. C'est cela que vous avez dit tout à l'heure,
non?
M. Boulais: C'est que nous avions été
consultés au sujet d'un projet de règlement dans une...
M. Champagne (Mille-Îles): D'un projet de loi?
M. Boulais: ...commission scolaire, qui...
M. Champagne (Mille-Îles): Un projet de
règlement.
M. Boulais: ...allait légaliser, qui allait...
Une voix: Ils ne voulaient pas l'enlever, mais le mettre.
M. Boulais: ...justifier et permettre cela.
M. Champagne (Mille-Îles): Ah oui?
M. Boulais: On n'a pas besoin de vous dire que nous nous sommes
opposés avec la dernière rigueur à ce projet-là.
Nous avons avisé la commission scolaire que nous n'accepterions pas
qu'un projet de règlement aille codifier, légaliser ou justifier
l'utilisation d'une méthode physique. Mais il reste que c'est un
mouvement qui est susceptible de resurgir à toute époque.
Le Président (M. Blouin): M. Tellier, oui. -
M. Tellier: D'ailleurs, un règlement comme
celui-là, s'il avait été adopté, aurait
probablement, je pense, rassembler autour de lui, un certain nombre de parents.
Dans les situations d'enfants maltraités qui sont portées
à notre connaissance, il y en a un bon nombre qui sont des enfants
maltraités dans leur famille, mais par des mesures corporelles
excessives, je dirais, dans le domaine de l'éducation. C'est ce que les
parents nous disent: Bien, cela fait partie des choses: Qui aime bien
châtie bienl II y a
des parents - et ce n'est pas si rare qu'on le pense - appartenant
à des types de culture, peut-être, auxquels on est moins
habitués, mais pour qui la correction physique, la fessée et tout
le reste, cela fait partie des moyens normaux d'éducation. Or, ces
parents, s'ils ont à dire leur mot pour une réglementation
vis-à-vis de l'école, comme les professeurs deviennent, d'une
certaine façon, ceux qui prolongent l'autorité parentale, il
n'est pas sûr qu'ils ne seraient pas en faveur de la correction
corporelle.
M. Champagne (Mille-Îles): C'est qu'il y a toutes sortes de
moyens, peut-être, pour une école de voir à ce qu'il y ait
un certain encadrement, une certaine discipline. C'est bien sûr qu'on est
contre la violence; on est très sensible à l'absentéisme,
comme vous, d'ailleurs, vous l'êtes. Avant le souper, on avait
parlé de l'expulsion. Est-ce que vous feriez comme le
député d'Argenteuil qui disait: Le principe de l'expulsion, il
faudrait absolument qu'il soit radié à un moment donné?
(20 h 30)
Sur l'expulsion, je voudrais connaître votre opinion. C'est bien
sûr qu'on peut expulser - je n'aime pas le terme "expulser" - on peut
mettre un étudiant en dehors d'un cadre ou d'une classe, peut-être
le mettre, comme on le disait autrefois, dans le corridor. Peut-être que
tout le monde ici, autour de la table, a déjà connu cette
espèce de châtiment d'être expulsé d'une classe. On
peut être expulsé d'un cours, on peut être expulsé
d'une école. Maintenant, je ne sais pas ce que voulait dire l'expulsion;
c'est sûr qu'il ne faudrait peut-être pas "expulser" quelqu'un
d'une commission scolaire. Il faudrait que la société ait les
moyens de "récupérer", entre guillemets, cet étudiant qui
a des problèmes sociaux de comportement pour l'encadrer dans un
système.
Je voudrais néanmoins savoir quelles seraient vos opinions au
sujet de l'expulsion d'une classe, d'une école ou d'une commission
scolaire. Souvent, dans le secteur privé, on expulse quelqu'un
peut-être trop facilement, mais, à la commission scolaire, on le
garde. J'aimerais savoir votre opinion là-dessus, s'il vous
plaîtl
M. Huartfc On voudrait que le projet de loi consacre en quelque
sorte la responsabilité de l'école face aux enfants en
difficulté, de façon que l'expulsion soit un concept qui soit
rayé du fonctionnement ou de la gestion d'une école en quelque
sorte. C'est sûr que certains enfants sont perturbants. Quand on insiste
sur la nécessité de mettre en priorité l'aide aux enfants
en difficulté dans le projet éducatif, c'est que,
précisément, il faudrait que, pour les enfants qui ont des
problèmes d'adaptation aux normes scolaires ou des troubles de
comportement liés à des facteurs autres que les normes scolaires,
l'école développe, avec les ressources communautaires et les
ressources institutionnelles de ce milieu, un projet qui permette de les aider
plutôt que de les expulser. C'est, je crois, le coeur même de la
fonction éducative de l'école.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup pour vos
réponses à mes questions.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Mille-Iles. Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
les trois groupes qui sont venus cet après-midi nous sensibiliser aux
problèmes des enfants en difficulté, qu'ils soient
mésadaptés socio-affectifs ou qu'ils soient pour une raison ou
une autre, des problèmes d'apprentissage.
J'espère que vous avez convaincu mon collègue de
Mille-Iles, un ancien professeur, qu'on peut sans doute aujourd'hui, comme on
l'aurait probablement pu il y a déjà plusieurs années et
peut-être même toujours, mais, enfin, les choses évoluent,
se passer de châtiments corporels dans les écoles. Dans le fond,
quand on a recours, même comme parents, à un châtiment
corporel - je ne sais pas si cela a déjà été votre
cas, moi, il m'est déjà arrivé d'envoyer peut-être
une giffle de trop - c'est ordinairement parce qu'on n'a plus la maîtrise
de ses propres moyens; je ne vois pas comment cela peut aider les enfants, de
toute façon.
Ceci étant dit, j'apprécie beaucoup les recommandations
que vous faites touchant la fréquentation scolaire, l'absentéisme
et la nécessité pour l'école ou la commission scolaire
d'établir une politique touchant les problèmes de
fréquentation scolaire. Comme le ministre n'était pas ici avant
le souper, lui qui s'intéresse beaucoup au problème des
décrocheurs, du moins depuis quelques jours...
Des voix: Ah! Ah! Ah! Regardez-moi celai Ce n'est pas bien!
Depuis toujours!
Une voix: Voulez-vous répéter?
Mme Lavoie-Roux: ...si quelqu'un pouvait en faire l'étude,
je pense qu'un gros pourcentage des décrocheurs, ce sont des enfants
qui, à un moment ou un autre, se sont absentés de l'école
petit à petit, puis cela a été un absentéisme
prolongé. Finalement, parce qu'il n'y avait pas, à
l'intérieur de l'école ou même de la commission scolaire
des services appropriés, ils sont devenus des "dropouts", parce qu'ils
ont été laissés pour compte. Souvent pour l'école,
comme c'était un enfant qui perturbait les autres, ou un enfant qui
présentait des problèmes, c'était plus facile de
l'oublier dans la brume. Il était parti et, finalement, c'était
l'abandon de l'école. Mais s'il avait été pris au moment
immédiat où il commençait à s'absenter de
l'école pour une journée ici et là, et si on avait eu les
services appropriés, je pense qu'on ne le retrouverait pas, en fin de
compte, dans des situations extrêmement difficiles. Je pense que c'est
aussi ce que vous voulez dire ici.
Pour les cas d'expulsion, je pense également qu'il faudrait une
politique générale à l'intérieur des commissions
scolaires. L'expérience que j'ai faite, c'est qu'on n'expulsait pas
d'enfants, mais on s'est aperçu que c'étaient les écoles
qui expulsaient les enfants directement, sans qu'on le sache. Je pense que ces
choses se sont corrigées au fur et à mesure que les gens en ont
pris conscience. Dans ce sens, je ne peux que souscrire à vos
recommandations, celles même du comité d'orientation qui aurait
des responsabilités très précises et qui ne serait pas,
comme le comité de consultation, uniquement consulté.
Je voudrais également vous remercier, ainsi que le groupe
précédent, pour les remarques que vous avez faites eu
égard aux enfants qui ont des troubles d'apprentissage. Il faut bien
réaliser que les termes "peut donner des services" et "sans obligation
des commissions scolaires" ne suffisent pas. Je pense même que, dans la
Loi sur la protection de la jeunesse, à l'heure actuelle, il y a une
disposition dans laquelle on dit: L'école doit donner à tous les
enfants, enfin voir à leur développement au plan des services
éducatifs. Je ne sais pas si vous le dites ou si quelqu'un d'autre le
dit, mais c'est un recul qu'on retrouve dans le projet de loi 40 par rapport
à ce qui existe dans la Loi sur la protection de la jeunesse. On l'a vu
ce matin vis-à-vis des milieux défavorisés; cela devient
encore un "peut", alors que les règlements antérieurs disaient
qu'on devait fournir des services. On peut se demander, car c'est assez
incompréhensible, pourquoi on a pris ce recul. Je suis sûre que
cela n'a pas échappé à l'attention des gens qui ont
écrit le projet de loi. J'espère que ce n'est pas pour des
raisons budgétaires qu'on se serait dit: Comme cela coûte trop
cher, on va mettre "peut" au lieu de "doit". On sait déjà que,
même avec des obligations de le faire, tout le monde ne s'acquitte pas de
ses obligations à l'heure actuelle. Je prétends qu'il ne faut
certainement pas reculer, au moins dans la loi.
Je voudrais vous poser une question se référant à
la page 5, du mémoire de l'Association des centres de services sociaux,
mais, avant de vous la poser, il y en a une autre qui nous préoccupe
ici, de ce côté de la table, depuis le début.
Évidemment, du côté du gouvernement, on le ressent
peut-être autant sans l'exprimer autant; je vais lui donner le
bénéfice du doute. Notre préoccupation porte donc sur ce
qu'on appelle un peu l'atomisation du système scolaire à partir
des pouvoirs, quand même, importants qui sont donnés au niveau de
l'école eu égard aux enfants en difficulté
d'apprentissage, aux enfants mésadaptés ou autres. Nous craignons
que, finalement, ce soient eux qui perdent dans le nouveau système, dans
le sens que l'école peut, avec les meilleures intentions du monde,
développer, pour une catégorie d'enfants qui seront
peut-être dans un milieu favorisé, moyennement favorisé et
même moins favorisé, un projet éducatif qui objectivement,
en dehors de toute autre contrainte, apparaît très bon, mais qui
laisserait pour compte des enfants qui sont un peu plus marginalisés par
rapport à la majorité des enfants de l'école. C'est pour
cela qu'on dit: D'accord, on peut accorder aux parents certains pouvoirs de
décision, mais pas au point où, même eu égard
à l'élaboration du projet éducatif, on arrive à un
point tel qu'une partie des enfants et même une minorité, dans le
cas dont je parle, puissent être un peu laissés pour compte et
que, finalement, les parents aient peu de recours. Est-ce que cela vous semble
une inquiétude dans le projet de loi actuel ou est-ce, de notre part,
une appréhension qui n'est peut-être pas justifiée? Vous
avez beaucoup d'expérience dans les milieux défavorisés,
parce que les enfants dont vous vous occupez viennent souvent de ces milieux
défavorisés ou ce sont des enfants perturbés qui peuvent
venir des milieux économiques plus forts, plus à l'aise.
M. Tellier: Pour ce qui nous concerne, c'est le sens de notre
recommandation pour le projet éducatif. C'est ce que j'ai lu un peu
rapidement, parce que ce n'est pas dans le mémoire écrit que vous
avez. C'est une recommandation que nous avons ajoutée à la page
14. C'est cela. Je me permets de la répéter, si vous voulez,
madame. Nous recommandions, au début de la page 14, que, dans le cadre
de son projet éducatif - ce n'est pas dans le texte, mais c'est une
recommandation qui nous apparaît rejoindre exactement ce que vous venez
de dire -l'école doit prendre annuellement des mesures - entre
parenthèses, éducatives, cela pourrait comprendre beaucoup de
choses qu'il faudrait expliciter - qui tiennent compte, prioritairement, de
l'aide à offrir aux jeunes en difficulté et ce, en concertation
avec les ressources sociosanitaires et socio-communautaires de son territoire.
Nous doutons que, spontanément, on pense à ces jeunes et à
ce type de problèmes. Nous nous disons que ce sont des minorités
marginales, dérangeantes. On est porté à passer cela
à d'autres instances. Alors, on dit: Est-ce que, dans le projet
éducatif, il ne faudrait pas,
obligatoirement, - c'est à partir d'une des balises, d'un des
paramètres que nous suggérions - qu'il y ait annuellement des
mesures prises par l'école, mesures qui tiennent compte prioritairement
de l'aide à offrir aux jeunes en difficulté et cela en
concertation avec les autres ressources du milieu qui sont orientées
vers ces problématiques, à savoir les ressources sociosanitaires
et sociocommunautaires?
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous croyez que la commission
scolaire, eu égard, par exemple, même à cette obligation
qui serait faite à l'école dans son projet éducatif de
tenir compte des enfants qui présentent des difficultés
particulières, a un droit de regard pour s'assurer que l'école
assume cette responsabilité et remplit vraiment cette obligation?
M. Huard: Tout dépend du sens que vous donnez au droit de
regard. Je pense que la commission scolaire doit exercer une fonction de
support et de conseil au milieu scolaire c'est-à-dire pas seulement aux
gens qui sont à l'intérieur de l'école, mais aussi
à tous ceux qui sont dans le rayonnement communautaire de
l'école, pour amener ce milieu à formuler un projet
éducatif qui devrait tenir compte prioritairement, dans l'école
et avec le milieu, de l'aide à apporter aux enfants en
difficulté. Quant à moi, je ne considère pas seulement les
enfants qui sont signalés dans le cadre de la loi 24, mais tous les
enfants qui souffrent de toxicomanie, de problèmes mentaux, etc. On peut
en mettre un paquet. Cela ne constitue pas une marginalité à
l'école. Je pense que vous avez des statistiques sur les
décrocheurs potentiels et les décrocheurs réels. Cela
commence à devenir moins marginal qu'on ne le croyait au départ.
C'est une manifestation d'une espèce de maladie sociale, d'un virus
social. Je ne veux pas entrer dans le problème des structures de
décision de l'un par rapport à l'autre. Je pense qu'en termes de
fonctions il appartient à l'école de définir son projet
éducatif avec son milieu et que, dans ce cadre-là,
l'équipe technique des commissions scolaires peut conseiller au mieux
quant à l'élaboration du projet éducatif.
Le Président (M. Blouin): M. Couture et Mme Pineault.
Mme Pineault (Lise): Chaque école, à ce
moment-là, n'a pas que des interventions au niveau curatif, mais aussi
au niveau préventif. C'est important de souligner que chaque milieu a
ses particularités. Il y a des attentes qui sont différentes
d'une école à l'autre. Pour avoir travaillé dans plusieurs
écoles, je m'en suis rendu compte à plusieurs niveaux.
Ce qui est important, c'est d'assurer à chaque enfant qui est un
client potentiel, un décrocheur potentiel, peu importe son niveau
social... À un moment donné, d'une école à l'autre,
il peut surgir une construction, des habitations à logements qui
modifient le processus dans une école. C'est sûr que la commission
scolaire a un rôle à jouer. Il y a vraiment des
particularités au niveau des différents cycles du primaire et du
secondaire que chaque école doit assumer selon son contexte bien
particulier.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. Couture. (20 h 45)
M. Couture (Alfred): Je voudrais revenir au début de votre
question et me référer un peu aux expériences que nous
vivons actuellement au niveau de la complémentarité qui peut
exister entre le ministère des Affaires sociales, par le biais des
centres de services sociaux, et les commissions scolaires.
Actuellement, lorsque nous avons à développer des
programmes spécifiques - je vais parler, par exemple, de la
région de Québec - ce sont des ententes qui sont établies
de façon conjointe entre le centre de services sociaux et chacune des
commissions scolaires. On essaie d'identifier les clientèles qui sont le
plus en difficulté, les clientèles prioritaires. D'une
façon conjointe, on s'entend sur ces clientèles prioritaires et
on répartit les effectifs en conséquence, de sorte qu'il y a un
travail de complémentarité qui se fait dans l'évaluation
des besoins, dans la répartition des ressources et, par la suite, nous
faisons également des bilans conjoints.
On parle beaucoup de structures, à certains moments. Mais mon
inquiétude lorsqu'on parle des enfants en difficulté, c'est
toujours de constater qu'il y a un manque assez effarant de services. II y a
des écoles complètes qui ne sont pas desservies pour accompagner
les jeunes qui présentent des difficultés.
Cet après-midi, on vous a parlé de la
complémentarité qui devait exister avec les centres d'accueil.
Dans la région, on m'a fait part que, à un moment donné,
lorsqu'on va prendre un jeune qui va entrer dans un centre d'accueil, qu'on va
vouloir l'intégrer dans le milieu scolaire, cela suppose des
difficultés. Et le jeune ne bénéficie pas
nécessairement de l'accompagnement requis. En tout cas, il y a des
éléments qui m'apparaissent majeurs au niveau des projets de
services à définir pour aider les jeunes.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question; on me dit qu'il
nous reste cinq minutes et cela comprend vos réponses. À la page
5, vous exprimez une inquiétude - et je ne vais citer qu'un paragraphe,
vous avez lu
les premiers, vous les avez écrits: L'effet du projet de loi
sera-t-il de nous ramener dix ans en arrière dans une situation de
disparité considérable? Il y a cette question-là.
Deuxièmement, on sait que les ressources sont limitées et, comme
vous le disiez vous-mêmes, compte tenu d'écoles cibles ou de
projets cibles que vous vous fixez conjointement, la commission scolaire et le
CSS, vous pouvez utiliser ou, en tout cas, vous tentez d'utiliser au maximum
les ressources que vous avez pour qu'elles portent le plus possible. Cela veut
dire, quand même, qu'il faut que vous puissiez agir au niveau d'un
certain nombre d'écoles, c'est-à-dire que la commission scolaire
regroupe un nombre suffisant d'écoles. À ce moment-là,
l'école peut demander des services, mais vous ne pouvez pas
nécessairement répondre à tous les services.
Dans le contexte d'une nouvelle distribution des services sociaux
scolaires qui, au lieu de relever des CSS, relèveraient, selon la
proposition du ministre des Affaires sociales, des CLSC, quels sont les
inconvénients? Alors, il y a deux questions. La première,
qu'est-ce que vous voulez dire par ceci? Et, la deuxième, quel va
être l'effet de dilution possible de la loi et aussi de la nouvelle
distribution des services sociaux scolaires qui est entrevue par le
ministère des Affaires sociales?
Le Président (M. Blouin): Alors, une réponse
succincte puisque, dans trois minutes, nous devrons passer la parole à
un autre intervenant.
M. Tellier: C'est une réponse qui s'adresse à
l'Association des centres de services sociaux.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. Tellier:
Une question, plutôt.
Le Président (M. Blouin): Alors, M. Métivier.
M. Métivier: Cela nous met très mal à l'aise
d'avoir à répondre à une question comme
celle-là.
Mme Lavoie-Roux: Si cela vous met trop mal à l'aise de
répondre, ne vous sentez pas obligé de le faire.
M. Métivier: D'accord. C'est qu'on a, d'un
côté, exprimé à travers notre mémoire
l'essentiel des inquiétudes qu'on a; d'autre part, quand on venait ici
pour la rencontre avec la commission parlementaire aujourd'hui, on le faisait
vraiment dans le but de développer tout le volet de la protection, chose
qu'on était très heureux de faire conjointement avec le
Comité de la protection de la jeunesse. Ma crainte, ce serait qu'en
embarquant sur le partage des responsabilités entre CSS et CLSC, on
déborde...
Mme Lavoie-Roux: D'accord, oubliez cela, répondez à
ma première question.
M. Métivier: D'accord, vous comprenez.
Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas vous embarrasser. Répondez
à la première, c'est vraiment cela qui me préoccupe; s'il
y a une diminution...
M. Métivier: D'accord.
Mme Lavoie-Roux: ...de services parce qu'il y a 30 écoles
dans une commission scolaire et que chacune requiert pour ses besoins des
services sociaux, vous ne serez plus dans une position d'en donner à 30
écoles parce que déjà, dans le moment, compte tenu de vos
ressources...
M. Métivier: C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: ...vous devez...
M. Métivier: En fait, les inquiétudes qui sont
soulevées, un peu comme je le signalais tout à l'heure, sont
beaucoup reliées à une sorte de silence du projet de loi sur ce
qui s'est vécu en termes de concertation au niveau de la distribution
des services sociaux à l'intérieur du réseau scolaire
depuis une dizaine d'années. On se demande ce qu'il en est, on ne le
sait pas trop. C'est la première chose. Après, on
s'inquiète un peu plus en se disant: Si toute l'organisation de ces
services est laissée au niveau de chacune des écoles comme telle,
comment tout cela va-t-il se coordonner concrètement? On pense que le
problème, que ce soit avec les CLSC ou les CSS, c'est la même
chose. Comment le projet scolaire va-t-il intégrer, à
l'intérieur même de son projet éducatif, les services
sociaux? C'est vraiment une question qu'on soulève et vous n'avez
peut-être pas les personnes à l'heure actuelle, ici, qui
pourraient aller très loin sur ce chapitre, on a d'autres personnes.
Mme Lavoie-Roux: D'accord, merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. M. le ministre.
M. Laurin: Je voudrais, d'abord, saluer le Comité de la
protection de la jeunesse, son président, M. Tellier, et toute la
délégation qui l'accompagne. Je voudrais aussi,
évidemment, m'excuser pour vous avoir faussé compagnie cet
après-midi, retenu par des obligations impérieuses à un
autre endroit. J'aurais énormément aimé entendre,
bien que j'aie lu votre mémoire, vos représentations
orales, ainsi que les échanges qui ont suivi.
Longtemps, alors que je travaillais dans le réseau des affaires
sociales, j'ai moi-même constitué une personne-ressource pour le
monde scolaire et j'ai donc eu une expérience de première main de
certains des problèmes vécus à cet égard. Je
continue à m'intéresser très vivement aux relations non
seulement entre les deux ministères, mais entre les deux réseaux,
étant convaincu plus que jamais qu'ils doivent s'appuyer
réciproquement, qu'ils doivent articuler leurs actions pour le plus
grand bien-être et le plus grand développement de ces populations
scolaires qui ont besoin des ressources spécialisées du
réseau des affaires sociales.
Je n'ai pu écouter que la dernière partie de la discussion
et elle m'a vivement intéressé. Je suis bien d'accord avec ceux
qui sont intervenus pour dire qu'il faut procurer au milieu scolaire les
ressources du réseau des affaires sociales toutes les fois que cela est
nécessaire, aussi souvent que cela est nécessaire, avec toute
l'expertise qui peut leur être assurée de cette façon, mais
je ne pense pas que cela résolve tous les problèmes. Il faut
également, comme M. Tellier le soulignait dans sa réponse, que
l'école elle-même devienne consciente, je dirais, d'une
façon suraiguë, de cette population particulière dont on
peut craindre qu'elle ne s'accroisse avec les bouleversements
socio-économiques que nous connaissons et avec l'aggravation des crises
psychoaffectives qu'ils entraînent au niveau des familles et qui se
répercutent au niveau du vécu des étudiants, au niveau de
leur comportement, au niveau de leurs apprentissages.
J'espère beaucoup qu'avec le projet de loi 40 les intervenants de
l'équipe-école se sensibilisent d'une façon toujours plus
grande à ces problèmes, car, vous l'avez dit vous-mêmes, il
s'agit non seulement de réparer les pots cassés, une fois qu'ils
sont cassés, mais de prévenir, d'identifier les
décrocheurs potentiels et de leur venir en aide au moment où il
est encore possible de corriger des trajectoires, de combler des lacunes, des
insuffisances. Je compte beaucoup sur les intervenants de
l'équipe-école pour pouvoir le faire.
Le phénomène des décrocheurs est peut-être
inévitable, mais je pense qu'il faudrait le limiter dans toute la mesure
du possible. C'est justement parce que ce phénomène a pris de
plus grandes proportions qu'il importait, je crois, que l'État aussi
prenne sa part des responsabilités et l'assume par tous les moyens
possibles. Je pense que le ministère de l'Éducation le fait de
plus en plus depuis quelques années en multipliant les études, en
multipliant les recherches, en multipliant les colloques, les séances
d'information. Ce n'est donc pas d'aujourd'hui que le ministère de
l'Éducation s'intéresse au phénomène des
décrocheurs et qu'il en parle. En tout cas, en ce qui me concerne,
depuis mon accession au ministère, cela a été une
préoccupation extrêmement aiguë qui confinait parfois au
scandale.
Ma conviction, en effet, est que, lorsque il y a des décrocheurs
à l'école, au-delà de toutes les explications
économiques, scientifiques que l'on peut donner, c'est la
responsabilité de l'école. C'est à elle de se questionner,
c'est à elle de s'examiner, d'inventorier son action passée et
c'est à elle de mettre en place, au premier chef, les moyens qui
s'imposent pour que de telles erreurs ne se répètent plus ou que
de telles lacunes soient comblées. C'est en ce sens que sa
responsabilité est importante au premier chef, avant même celle de
la commission scolaire ou avant celle du ministère de
l'Éducation.
En tout cas, en raison du plan d'action que nous avons lancé en
mars dernier, avec toutes les ressources que nous avons mises à la
disposition des commissions scolaires et des écoles, je suis heureux de
constater qu'au moment où on se parle il y a 222 projets, dans nos
écoles du Québec, qui sont destinés soit à
identifier les décrocheurs potentiels, soit à mettre en place de
meilleurs instruments diagnostiques et correctifs s'adressant à toutes
les dimensions du problème. Ces 222 projets rejoignent près de 40
000 élèves dans 82 commissions scolaires du Québec et ont,
quand même, permis de ramener à l'école près de 3500
décrocheurs, dont 2200 étaient bénéficiaires de
l'aide sociale. Mais je sais qu'il va falloir continuer cette marche et je ne
serai satisfait que lorsque ce phénomène des élèves
en difficulté fera partie, comme vous l'avez suggéré, de
tous les projets éducatifs des écoles du Québec. Je pense
que ça devrait être - surtout au moment où on se parle -
partie intégrante de tous les projets éducatifs des diverses
écoles du Québec, car aucune société ne peut se
permettre ce gaspillage, cette hémorragie, cette déperdition de
forces vives et ne peut se priver de l'apport de citoyens qui seraient
autrement formés et épanouis dans toutes les directions.
En ce sens, je prends à mon compte la majeure partie des
recommandations que j'ai lues dans votre mémoire et je peux vous assurer
à l'avance que je lirai les échanges que vous avez eus avec les
membres de la commission. Dans toute la mesure du possible, nous ferons en
sorte que le projet de loi 40 amendé reflète ces
préoccupations, mette en place les moyens propres à assurer cette
collaboration effective entre les deux réseaux et vise à
éviter les embûches ou les difficultés que vous nous avez
signalées.
J'en profite pour vous remercier de
votre très importante contribution.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Je me
fais le porte-parole des autres membres de la commission aussi pour remercier
la représentante et les représentants du Comité de la
protection de la jeunesse, ainsi que ceux de l'Association des centres de
services sociaux du Québec de leur importante intervention dans le cadre
de nos travaux.
Sur ce, j'invite maintenant les représentantes de l'Association
des religieuses enseignantes du Québec à bien vouloir se joindre
à nous et à se rendre à la table de nos invités
pour que nous procédions, d'abord, à l'audition de leur
mémoire et, ensuite, aux échanges entre les membres de la
commission et nos invitées de l'Association des religieuses enseignantes
du Québec. (21 heures)
J'ai également noté que le mémoire que nous a
présenté l'Association des religieuses enseignantes du
Québec était assez volumineux. Je présume qu'elles ont
songé à certains allégements qui nous permettront de
procéder à cette présentation en une vingtaine de minutes.
Sur ce, je les invite à s'identifier et, ensuite, à
procéder à cette présentation.
Association des religieuses enseignantes du
Québec
Mme Lebel (Nellie): M. le Président, M. le ministre,
Mesdames et Messieurs de la commission parlementaire, les membres du conseil
d'administration de l'Association des religieuses enseignantes du Québec
qui présenteront le mémoire sont: En commençant par
l'extrême droite, Rose Bédard, enseignante au secondaire,
conseillère et représentante de la région de
Québec; Huguette Laroche, enseignante au secondaire, conseillère
et représentante de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean; en
commençant par l'extrême gauche, Madeleine Laroche,
secrétaire générale de l'association; Jeannine Gignac,
conseillère, professeur à l'Université de Sherbrooke,
représentante de la région de Sherbrooke; Madeleine Savard,
conseillère en éducation, représentante de la
région de Montréal; et moi-même, Nellie Lebel,
vice-présidente de l'association, représentante de la
région Bas-du-Fleuve-Gaspésie.
Nous avons un peu raccourci la présentation du mémoire.
L'Association des religieuses enseignantes du Québec, l'AREQ,
incorporée depuis 25 ans, comprend environ 5000 membres qui sont
réparties dans toutes les régions du Québec et occupent
encore, à tous les niveaux de l'enseignement public, un éventail
très large de fonctions et de postes.
Nous tenons à dire que les membres de l'association sont avant
tout membres des communautés religieuses de femmes, fondées au
pays pour la plupart, qui ont été présentes dans toute
l'histoire de l'éducation au Québec depuis les débuts,
avec Marguerite Bourgeoys, jusqu'à nos jours. Elles se croient bien
placées pour intervenir à ce moment où la réforme
annoncée dans le domaine de l'éducation risque de faire
naître des conflits qui feront oublier le premier sujet de nos
préoccupations d'éducatrices, l'enfant, le jeune.
Déjà, à l'occasion de la vaste consultation sur le
livre vert du ministère de l'Education, en 1978, l'AREQ a tenu des
réunions d'information, de consultation et préparé un
instrument de synthèse et de réaction qui a été
tiré à plusieurs milliers d'exemplaires pour servir aux
comités de parents, aux conseils d'école et aux groupes
d'enseignants. Et à cette occasion, l'AREQ a présenté des
mémoires lors de la tournée de consultation du ministre de
l'Education.
Lors de la présentation du livre blanc, Une école
communautaire et responsable, l'AREQ a de nouveau informé et
consulté ses membres. Certaines des modifications au livre blanc
contenues dans le projet de loi 40 répondent déjà à
des demandes exprimées par ses membres. Et nous notons, en particulier,
deux modifications: la disparition du statut de corporation pour chaque
école et le maintien des commissions scolaires en position
d'autorité et de responsabilité. Cependant, même si des
orientations du projet de loi 40 nous semblent positives, en particulier
l'importance nouvelle donnée à l'école, certains points
fondamentaux nous inquiètent encore. Nous les avons regroupés
sous quatre titres: 1) les responsabilités des enseignants et des
enseignantes dans l'école; 2) la direction de l'école; 3) la
commission scolaire; 4) la confessionnalité dans le système
scolaire.
Les recommandations que nous faisons nous semblent propres à
permettre un climat scolaire plus favorable à l'éducation totale
des élèves et à tempérer un virage qui nous
apparaît trop radical et trop rapide. Soeur Huguette Laroche fera
maintenant la présentation des deux premières parties.
Mme Laroche (Huguette): Notre association a voulu arrêter
la première partie de son analyse sur le peu de responsabilités
confiées aux enseignants par le projet de loi 40. En traitant des
fonctions attribuées aux enseignants par le projet de loi, nous ne
voulons pas éliminer ou nier les droits des parents dans
l'éducation de leurs enfants, mais nous voulons un meilleur
équilibre dans la distribution des responsabilités afin d'assurer
l'efficacité du conseil d'école. Nous voulons que soit reconnue
la compétence pédagogique des enseignants dans leur domaine
propre et nous voulons qu'un rôle plus décisionnel dans
l'organisation
pédagogique de l'école leur soit
conféré.
Le projet de loi 40 veut redonner l'école aux usagers et
accroître considérablement les pouvoirs des parents, mais, ce
faisant, il réduit au minimum le rôle et les
responsabilités des enseignants. Leur présence au sein du conseil
d'école n'est que possible, si leurs pairs le désirent, dit
l'article 39. Il en est de même pour le comité pédagogique.
Ce comité, qui doit étudier les sujets directement reliés
à la pédagogie, peut ne pas exister. L'avis ou l'apport des
enseignants est considéré comme assez négligeable pour que
l'école puisse facilement s'en passer. Bien plus, si ce comité
existe, ses opinions ont le même poids que celles des comités de
parents et d'élèves et cela, même dans les domaines de sa
compétence. La comparaison des articles 65, 68 et 71 sur la fonction de
ces comités nous démontre un peu le ridicule de la situation.
Quelle reconnaissance des compétences! Ne serait-il pas normal que les
enseignants se voient assigner une place importante au conseil d'école
où se décideront les orientations de l'école, les moyens
d'appliquer le régime pédagogique et de pourvoir aux services
d'enseignement? Leur expérience ne peut que seconder le rôle
confié aux parents et assurer le rendement du conseil.
Depuis plusieurs années, les contributions pédagogiques
des enseignants et enseignantes sont nombreuses dans les domaines de
l'élaboration des programmes, de la préparation du
matériel didactique et des examens. Ces responsabilités sont
assumées dans un esprit professionnel par les enseignants, soit à
temps plein, soit en surplus de leur tâche d'enseignement et souvent
gratuitement. Cette collaboration est reconnue au niveau du ministère et
des commissions scolaires. Pourquoi l'apport professionnel des enseignants
est-il si négligeable ou si peu accepté au niveau des
écoles? Nous croyons qu'il est souhaitable de confier une plus grande
responsabilité au comité pédagogique dans tous les sujets
pédagogiques énoncés à l'article 69. Il est temps,
pensons-nous, que s'instaurent au plan des écoles des relations de
coresponsabilité plus structurées et plus décisionnelles
entre les dirigeants et les enseignants.
Certains autres articles du projet de loi restreignent de façon
indue les droits civils des enseignants et des autres personnels des
commissions scolaires. Ainsi, l'article 50 refuse à un enseignant
délégué au conseil d'école le droit d'en être
élu président. Nous croyons qu'il faut laisser au conseil la
liberté de choisir son président.
L'article 145 enlève à tout le personnel des commissions
scolaires le droit d'être élu commissaire pour une école,
de quelque territoire que ce soit. Le libellé de cet article doit
être modifié de façon que l'interdiction ne s'applique
qu'à la commission où cette personne est employée.
En conséquence, nous recommandons qu'une représentation
plus équitable des enseignants soit prévue au conseil
d'école.
Deuxièmement, nous recommandons que le comité
pédagogique soit responsable dans les domaines pédagogiques
énumérés à l'article 69; que le conseil
d'école exerce sa responsabilité dans ces matières en
jugeant de la cohérence des recommandations du comité
pédagogique avec le projet éducatif et le budget de
l'école.
Nous recommandons aussi que les enseignants
délégués au conseil de l'école et/ou au
comité pédagogique soient libérés d'une partie de
leur tâche éducative afin de pouvoir seconder efficacement le
conseil.
Nous recommandons que les articles 50 et 145 soient modifiés de
façon à éliminer la discrimination à l'égard
des enseignants et du personnel des commissions scolaires.
Le conseil d'école. Le rôle attribué au conseil
d'école, donc aux parents, selon la formation que lui veut le projet de
loi, constitue l'une des innovations les plus importantes du projet de loi 40.
Nous croyons que les nombreux pouvoirs attribués officiellement au
conseil d'école ne peuvent être raisonnablement exercés par
des personnes dont l'emploi principal n'est pas la gestion de l'école.
Compétence et temps sont nécessaires pour remplir efficacement
ces fonctions. Les parents peuvent-ils avoir une compétence suffisante
dans tous les domaines que leur confie la loi?
Nous proposons une autre répartition des fonctions du conseil
d'école, si le projet de loi doit finalement être adopté.
Dans notre perspective, le rôle du conseil porterait sur trois points: le
projet éducatif, le statut confessionnel, les services à offrir
à la communauté. Ces trois éléments deviendraient,
pour le conseil d'école, des critères de décision face aux
recommandations provenant des différents comités. Toujours
d'après notre vision des choses, les responsabilités
pédagogiques seraient confiées au comité
pédagogique. Formé de professionnels enseignants et non
enseignants, ce comité deviendrait pour les parents une source
d'information directement reliée aux problèmes de leurs enfants,
à leurs difficultés d'apprentissage et d'adaptation. Ce
comité serait, nous semble-t-il, bien placé pour faire au conseil
d'école des recommandations qui tiendraient compte du rôle de
l'école comme prolongement de la famille, mais qui tiendraient compte
aussi de son rôle spécifique dans la société. Les
responsabilités administratives et financières, ainsi que la
gestion du personnel, seraient confiées au directeur de l'école
qui, de toute façon, les assumera entièrement dans les faits.
Voici donc nos recommandations à ces sujets.
Nous recommandons que les responsabilités et les fonctions du
conseil d'école, tel que nous l'avons modifié, soient mieux
axées sur le projet éducatif de l'école, le statut en
regard de la confessionnalité et les services à fournir à
la communauté.
Nous recommandons que le conseil d'école reçoive les
recommandations du directeur de l'école sur le budget et le plan
d'effectifs, ainsi que les recommandations du comité pédagogique
sur les responsabilités pédagogiques, afin de pouvoir
vérifier leur cohérence avec le projet éducatif.
Nous recommandons que le comité pédagogique,
présidé par le directeur de l'école ou l'un de ses
adjoints, assume les responsabilités pédagogiques de
l'école et en rende compte au conseil d'école et à la
commission scolaire.
Le directeur d'école...
Le Président (M. Rlouin): Je suis bien la
présentation du mémoire que vous êtes en train de faire,
mais, au rythme où nous procédons maintenant, je crois que nous
ne pourrons vraiment pas arriver dans les délais qui nous sont impartis.
Je vous suggère, si possible, d'en résumer certaines parties afin
que nous puissions ensuite procéder aux échanges. Je vous dis
cela en toute déférence à l'égard aussi de l'autre
groupe qui a été convoqué et que nous devons
également entendre ce soir. D'accord?
Mme Laroche (Huguette): La situation du directeur d'école
telle que décrite dans le projet de loi 40 nous apparaît
inconfortable et des plus complexes.
Le partage des responsabilités entre le directeur et le conseil
d'école reste ambigu. Les nombreuses responsabilités que le
projet de loi attribue au conseil d'école, comme l'administration
scolaire, la préparation des plans d'effectifs et le reste, seront, dans
les faits, proposées par le directeur à son conseil. Il est de
toute évidence que le directeur demeurera le seul maître à
bord, et pourtant les professionnels de l'école, les enseignants et les
non-enseignants, ont la compétence pour remplir ces
responsabilités avec lui.
Que le projet de loi mette en lumière les responsabilités
concrètes qu'il veut confier au directeur d'école. Qu'il
précise que le conseil n'a qu'un droit de regard dans tous ces domaines,
si telle est l'intention du projet de loi. (21 h 15)
Nous recommandons donc que le rôle du directeur de l'école
soit présenté de façon plus réaliste et plus
précise et qu'en conséquence les responsabilités du
conseil d'école apparaissent clairement comme celles d'un conseil
d'administration qui juge, en dernier ressort, des propositions et des plans
préparés par le directeur et le personnel de l'école
à la lumière de ses responsabilités propres.
Nous recommandons que le directeur de l'école soit responsable de
prévoir les ressources humaines et financières nécessaires
à l'exercice des responsabilités qu'il exerce en fait.
Nous recommandons que le directeur de l'école assure les
relations régulières de l'école avec la commission
scolaire et son personnel.
Mme Lebel: Soeur Madeleine Savard présentera la partie
traitant de la commission scolaire.
Mme Savard (Madeleine): En ce qui concerne ce chapitre, nous nous
sommes arrêtées d'abord à la constitution de nouvelles
commissions scolaires. Les articles 134 et 135 du projet de loi 40 laissent
présager de profondes modifications à la carte des commissions
scolaires, modifications qui entraîneront des perturbations
considérables dans l'administration et le personnel des commissions
scolaires, notamment dans les grands centres. De peur que ces changements de
nature plus politique et administrative que pédagogique nuisent à
la qualité de l'éducation qui nous tient à coeur, nous
souhaitons que les modifications entrevues soient réduites au minimum de
façon à ne pas détourner les commissions scolaires des
responsabilités pédagogiques et éducatives qui leur
incombent.
Quant au statut et à la responsabilité des nouvelles
commissions scolaires, le projet de loi laisse dans l'obscurité
plusieurs points importants, croyons-nous. Les nouvelles commissions scolaires
seront-elles intégrées, c'est-à-dire auront-elles à
la fois la responsabilité de l'enseignement primaire et de
l'enseignement secondaire dans leur territoire? Pour nous, c'est une
modification qui nous apparaît désirable et réaliste. Dans
l'article 133, les nouvelles commissions scolaires seront linguistiques. Mais
doivent-elles nécessairement être toutes non confessionnelles?
Ainsi, là où la très grande majorité des
écoles auront demandé d'être reconnues comme catholiques
après consultation des parents, ne serait-il pas normal de maintenir le
statut confessionnel de la commission scolaire si elle le désire?
Il nous apparaît évident que rien ne s'oppose à ce
qu'une commission scolaire soit à la fois linguistique et
confessionnelle. D'autre part, sur le territoire des commissions scolaires
confessionnelles en vertu de la constitution, est-il prévu de permettre
à des écoles déclarées non confessionnelles,
à la suite de la consultation des parents, de se regrouper pour former
une commission scolaire non confessionnelle? C'est une solution qu'il faudrait
enfin envisager, nous
semble-t-il. Quant au rôle et à la
représentativité du commissaire d'école, l'article 138
laisse entendre que le commissaire d'école siège au conseil
d'administration de la commission scolaire.
Par ailleurs, l'article 39 mentionne la présence de ce même
commissaire au sein du conseil d'école de quartier. Cette implication du
commissaire à deux paliers d'autorité nous apparaît de
nature à engendrer des conflits d'intérêts et des
interférences dans la ligne d'autorité. D'une part, au niveau de
la commission scolaire, le commissaire est appelé à exercer un
rôle collégial. D'autre part, l'intérêt qu'il est
susceptible de porter normalement à l'école du quartier risque de
faire passer au second plan la responsabilité d'ensemble qui lui incombe
en tant qu'administrateur de la commission scolaire. C'est pourquoi nous
croyons que la présence du commissaire de quartier comme membre à
part entière du conseil d'école risque de brouiller les lignes
normales de relations et d'autorité entre la commission scolaire et
l'école.
Je résume les recommandations. Nous recommandons que les
modifications apportées au territoire des commissions scolaires soient
réduites au minimum. Cela vaut particulièrement pour les
commissions des écoles catholiques de Montréal et de
Québec.
Deuxièmement, nous recommandons que les commissions scolaires
soient à l'avenir responsables à la fois de l'enseignement
primaire et secondaire, donc qu'elles soient intégrées.
Troisièmement, nous recommandons que, là où les
écoles sont par choix en grande majorité catholiques, les
commissions scolaires soient libres de conserver leur statut confessionnel.
Quatrièmement, nous recommandons que, sur le territoire des
commissions scolaires confessionnelles en vertu de la constitution, on permette
à des écoles déclarées non confessionnelles,
à la suite d'une consultation des parents, de se regrouper pour former
une commission scolaire non confessionnelle.
Cinquièmement, nous recommandons que les commissaires
d'école ne siègent pas au conseil d'école de leur
quartier, à cause du risque de conflit d'intérêts et
d'interférence dans les lignes d'autorité.
Enfin, nous recommandons que les lignes d'autorité soient
clairement établies entre le directeur d'école et le directeur
général de la commission scolaire, entre le président du
conseil d'école et le président du conseil d'administration de la
commission scolaire. Cela complète les recommandations de la section
précédente.
Mme Lebel: À la confessionnalité, en prenant
immédiatement les recommandations qui sont assez complètes, nous
recommandons que le droit des parents à choisir pour leurs enfants
l'école qu'ils jugent conforme à leurs convictions religieuses
demeure premier, par rapport à tout critère établi par les
commissions scolaires, et que l'article 18 soit modifié en
conséquence.
Nous recommandons que, en ce qui regarde le projet éducatif,
l'enseignement religieux et les services de pastorale, le ministère
vérifie que les droits accordés par le projet de loi 40 dans les
écoles communes régies par des commissions scolaires
linguistiques ne puissent être contestés au nom de la charte des
droits. Autrement, le projet de loi 40 devrait être sérieusement
remanié.
Nous recommandons que le mode de consultation des parents, pour la
reconnaissance du statut confessionnel de l'école, assure le respect des
droits des groupes culturels et religieux, en milieu
hétérogène comme en milieu homogène, et que ce mode
de consultation reçoive l'approbation du comité catholique.
Nous recommandons que les conditions de qualification exigées
pour qu'un enseignant soit affecté à l'enseignement religieux
dépassent les critères d'ordre académique et visent
à rejoindre la compétence et l'engagement personnel
adéquat pour cet enseignement.
Nous recommandons que les membres du personnel enseignant du secondaire
et de l'élémentaire qui accepteront de donner l'enseignement
religieux et qui auraient besoin d'un recyclage puissent obtenir une
libération à cette fin.
Nous recommandons que le droit de choisir entre l'enseignement religieux
catholique et l'enseignement moral soit offert aux parents trois fois pendant
la vie scolaire de leur enfant: au début de chacun des cycles du
primaire et au début du premier cycle du secondaire, le jeune
lui-même étant jugé apte à choisir au second cycle
du secondaire.
Nous recommandons qu'un personnel qualifié, avec mandat de
l'évêque, soit en charge des services d'animation pastorale; qu'on
lui accorde dans le plan d'effectifs l'importance qui lui est nécessaire
pour accomplir sa tâche; que le financement public de ces services soit
adéquat, tant au primaire qu'au secondaire.
Nous recommandons que le responsable du soutien aux écoles
catholiques et aux services connexes soit un cadre à temps plein, sans
autre fonction; qu'il ait également un mandat à l'égard
des écoles pluralistes; qu'on lui adjoigne le personnel
nécessaire à l'exercice de ce poste administratif sur qui
reposera toute la dimension confessionnelle des écoles de son
territoire.
Enfin, nous recommandons que les structures du système scolaire
assurent aux
écoles confessionnelles et pluralistes les services
nécessaires: au ministère, un sous-ministre de foi catholique et
un service de l'enseignement catholique; au Conseil supérieur, un
comité catholique et, dans les commissions scolaires, le personnel
d'encadrement pédagogique nécessaire.
Je me permets une courte conclusion. Voilà l'essentiel de notre
réflexion autour du projet de loi 40. Si nous souhaitons, avant tout,
l'amélioration de la qualité de l'éducation dans nos
écoles, nous craignons qu'un bouleversement général des
structures n'entrave la réforme pédagogique à peine
amorcée. L'implantation de nouveaux programmes, le matériel
didactique non encore produit, les modes d'évaluation, la formation
adéquate du personnel enseignant, l'entrée de l'ordinateur
à l'école, toute cette évolution réclame, à
notre avis, une certaine stabilité dans les structures de base ou, du
moins, des étapes dans leur transformation et, surtout, l'implication du
personnel enseignant.
Nous jugeons cette loi inopportune et nous demandons qu'elle ne soit pas
présentée à l'Assemblée nationale sans de profondes
modifications. Nous vous remercions.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, mesdames. M. le
ministre.
M. Laurin: M. le Président, à titre
d'ex-élève des soeurs de Jésus-Marie et des soeurs du
Sacré-Coeur, et j'en garde un excellent souvenir, mais aussi à
titre de ministre de l'Éducation bien conscient de la contribution
extrêmement importante que les communautés religieuses
enseignantes ont faite au fil des siècles au développement du
Québec, il me fait plaisir de saluer l'Association des religieuses
enseignantes du Québec. Votre mémoire est abondant, nous n'aurons
sûrement pas le temps de le commenter au complet, mais je veux vous
assurer à l'avance que nous avons étudié et
étudierons encore avec attention non seulement vos recommandations, mais
également vos préoccupations, vos questions et vos
interrogations.
Étant donné le peu de temps que nous avons à notre
disposition, je voudrais passer tout de suite aux questions. Vous parlez
d'abord, dans votre mémoire, de la situation que le projet de loi fait
aux enseignants et enseignantes pour déplorer le peu d'importance que le
projet de loi semble leur accorder. Je voudrais dire au départ que, dans
la Loi sur l'instruction publique actuelle, il n'y a pas de place pour les
enseignants, Us ne sont pas mentionnés ou presque. Ils ne le sont
qu'à l'occasion de certification, de classification,
d'incompétence, de renvoi et ainsi de suite. Donc, notre loi actuelle
est extrêmement déficiente à cet égard. Je pense que
le projet de loi 40, si on réunit tous les articles qui traitent de
l'enseignant, est beaucoup plus généreux à ce sujet et
reconnaît bien davantage leur place et leur importance au sein de
l'école.
Mais je comprends que vous puissiez penser que cette place et ce
rôle ne sont pas encore assez importants en raison de l'éminente
contribution qu'ils ont toujours donnée à la vie de
l'école, que ce soit par leurs actions au sein de la classe, qui en fait
des piliers indispensables de l'éducation; que ce soit aussi en raison
de leur travaux de recherche; que ce soit en raison des initiatives qu'ils
prennent. C'est une préoccupation que je comprends parfaitement. Je
pense que, si vous avez suivi les travaux de la commission parlementaire, vous
m'avez entendu dire, à quelques reprises, que j'aurais souhaité
que la loi leur fasse encore une place plus grande, mais qu'il me fallait tenir
compte de certains éléments, de certaines dimensions de la
réalité telle que nous la vivons.
Par exemple, vous avez sûrement dû entendre certains des
représentants syndicaux qui se sont présentés à
cette commission nous dire: Nous ne voulons pas que le législateur
s'occupe de nous. Nous ne voulons pas que la loi parle des enseignants; ni pour
parler de leurs droits, ni pour parler de leurs devoirs, ni pour parler de
leurs obligations, ni pour parler de leurs activités. Un autre
représentant disait tout simplement: Que le législateur nous
laisse la paix. D'ailleurs, dans le passé, une loi antérieure qui
avait fait une place importante aux enseignants a été
paralysée dans son fonctionnement du fait que des représentants
syndicaux ont donné le mot d'ordre à leurs membres de ne pas
siéger au conseil d'orientation, mot d'ordre qui a été
suivi. (21 h 30)
La question que je vous pose est donc la suivante: Malgré tous
les souhaits que le législateur pourrait formuler pour marquer dans un
projet de loi l'importance de l'enseignant, son rôle, ses
responsabilités, doit-on aller jusqu'à rendre obligatoire la
participation de l'enseignant au comité pédagogique et au conseil
d'école? Doit-on prendre le risque de rendre cette participation
obligatoire, surtout dans l'éventualité où la
représentation des enseignants serait paritaire au sein du conseil
d'école et risquerait, si le conseil d'école est boycotté,
de paralyser l'activité du conseil d'école?
Mme Lebel: Je vais laisser répondre soeur Huguette Laroche
à cette question qui relève de sa compétence.
Mme Laroche (Huguette): Nous savons qu'au niveau de la loi 71, la
proposition sur le conseil d'orientation, elle a été
boycottée
par les enseignants, comme vous l'avez bien dit. Mais nous, en tant que
représentantes des enseignants et enseignantes religieuses, nous savons
que l'idéal, c'est une grande collaboration entre les différents
partenaires de l'éducation. Nous souhaitons - c'est pour ça que
nous l'avons recommandé - qu'au niveau du conseil d'école il y
ait des enseignants; nous y croyons. Mais, d'autre part, nous savons que
certains dangers se profilent dans cette loi. Nous savons reconnaître
que, si on institutionnalise un palier de décision entre la commission
et le directeur par le moyen du conseil d'école, c'est
déjà créer des conditions disparates dans toute la
province. Les négociations seront très difficiles, et nous savons
que beaucoup de disparités sont quand même disparues à
cause des négociations qui ont eu lieu au cours des années.
Donc, nous, enseignants, nous aurons à choisir entre perdre
beaucoup de pouvoir de négociation - ce qui est normal et il nous faut y
penser - et le conseil d'école. Mais nous continuons de penser que les
enseignants doivent être au conseil d'école, mais doivent
être plus particulièrement au comité pédagogique.
C'est là leur rôle, et nous croyons qu'ils doivent être au
comité pédagogique, parce que c'est leur compétence et
c'est de là qu'ils apporteront au conseil d'école le plus grand
apport professionnel.
Nous avons aussi à penser que, plus on créera
d'écoles indépendantes les unes des autres par des conseils
d'école de qualité différente, de compétence
différente, de clairvoyance différente, plus on émiettera
le système scolaire dans le Québec, système qu'on essaie
quand même de construire depuis les années soixante. Faut-il
chambarder en profondeur à tous les 20 ans?
M. Laurin: Mon autre question porterait sur le conseil
d'école. Si je vous comprends bien, vous voudriez limiter les pouvoirs
ou fonctions du conseil d'école d'une façon substantielle, par
rapport à ce que prévoit le projet de loi. En somme, vous
voudriez limiter son pouvoir à l'élaboration ou à
l'exécution d'un projet éducatif, à la demande ou à
la réalisation d'un statut confessionnel et à la dispensation de
services à la communauté. L'argument que vous invoquez, c'est
celui de la compétence, c'est celui de la disponibilité. En vous
entendant, j'ai eu l'impression que vous vous référiez surtout
à la présence des parents, surtout du fait que le projet de loi
prévoit une présence majoritaire des parents.
Je voudrais vous poser une question à ce sujet; d'ailleurs votre
mémoire y fait allusion. Le conseil d'école n'est pas seul, pas
plus que le conseil des commissaires n'est seul. Il s'acquittera de ses
responsabilités en s'appuyant sur l'expertise du personnel professionnel
de l'école, qu'il s'agisse des enseignants, des professionnels non
enseignants ou du directeur de l'école. À ce titre, j'aimerais
vous poser une question. Ne croyez-vous pas que des parents qui pourraient
siéger au conseil d'école et qui seraient accompagnés,
à votre suggestion même, de représentants d'enseignants, de
professionnels non enseignants, n'auraient pas la compétence ni le temps
pour prendre des décisions, pour ce qui concerne aussi bien le budget
que les responsabilités pédagogiques, à l'égal de
commissaires qui, eux aussi, sont obligés de s'appuyer sur des
recommandations, des études qui leur viennent soit du directeur
général, soit des cadres de la commission? À mon avis, il
est difficile de séparer projet éducatif et, par exemple,
régime pédagogique, programme de l'école, service
complémentaire et particulier, puisqu'on sait très bien
qu'à l'intérieur du projet éducatif certains
éléments sont incontestablement et essentiellement ceux-là
mêmes que touche le régime pédagogique ou les programmes de
l'école ou les services de l'école. Ce serait là ma
deuxième question.
Mme Lebel: Je vais tenter un début de réponse. Nous
ne voulons pas dire que les parents ne seraient pas capables d'acquérir
de la compétence, de se rendre disponibles, mais le rôle que nous
leur voyons au niveau du conseil d'école n'est pas celui d'une
administration immédiate. Nous croyons que les responsabilités
pédagogiques données au conseil d'école sont tellement
importantes que cela prend du monde à temps plein. Les enseignants sont
là, le directeur d'école est là et que de réunions
sont tenues, toutes les semaines, et par le directeur d'école et du
côté des enseignants.
Le projet de loi ne parle que d'une réunion, à peu
près, par mois, si j'ai bien lu. Il me semble qu'il y a un
décalage entre l'importance de ce qu'ils auraient à faire et le
temps qu'on pourrait leur demander. Nous voyons des parents presque à
temps plein à l'école, avec des bureaux, pour remplir des mandats
qui sont donnés au conseil d'école. Nous ne croyons pas qu'ils
veuillent prendre toute cette place.
Nous croyons, d'un autre côté, que les enseignants, surtout
au plan pédagogique, sont prêts à remplir le rôle
pédagogique donné au conseil d'école; c'est leur
spécialisation. Ce sont des professionnels de l'enseignement, ce sont
les personnes qui vivent au jour le jour avec les jeunes, ce sont les artisans
de l'éducation, de tout ce qui se passe à l'école. Alors,
nous croyons qu'ils sont les mieux préparés pour jouer ce
rôle pédagogique. Les parents ne sont pas exclus. Au contraire,
ils doivent être là pour une concertation, pour une information,
pour des avis; leur rôle sera précieux, mais pas autant que le
projet de loi le veut. Nous ne
pensons pas qu'ils doivent prendre toute cette place.
M. Laurin: Les commissaires ne se réunissent pas plus
souvent que le conseil d'école et, pourtant, ils prennent des
décisions d'ordre pédagogique, administratif, budgétaire,
financier pour un très grand nombre d'écoles. Or, ils le font
justement en s'appuyant sur l'expertise, sur les recommandations qui leur
viennent de spécialistes qui travaillent pour eux. En quoi ceci est-il
différent d'un conseil d'école où les parents sont
là, bien sûr, mais en plus, contrairement à ce qui se passe
pour le conseil des commissaires, accompagnés d'enseignants qui y
siègent eux aussi à titre décisionnel, de professionnels
non enseignants qui y siègent eux aussi à titre
décisionnel et qui, comme pour les commissaires, peuvent s'appuyer sur
les recommandations du comité pédagogique, peuvent s'appuyer sur
l'expertise du directeur d'école, peuvent s'appuyer sur l'expertise des
professionnels non enseignants? Alors, en quoi leur situation
diffère-t-elle et en quoi ne seraient-ils pas capables, pour une
école et uniquement pour des responsabilités pédagogiques
limitées, de trouver le temps? N'aurait-il pas la compétence, en
tant que conseil, de prendre des décisions d'ordre pédagogique
pour l'école?
Mme Laroche (Huguette): Vous dites que les commissaires prennent
les décisions sur les recommandations du directeur
général. . Cela est vrai, nous le savons, mais les
recommandations sont quand même d'ordre plus général. Ce
sont des politiques d'ensemble. Nous ne disons pas que les parents ne sont pas
compétents. Nous disons qu'ils ont la compétence
spécialement pour le statut confessionnel, pour le budget de
l'école, des responsabilités qu'on a voulu leur
conférer.
Mme Lebel: D'après nous, le conseil d'école a un
rôle plus pédagogique que la commission scolaire. Dans
l'immédiat - je prends l'article 69 - en ce qui concerne les
modalités d'application du régime pédagogique,
l'orientation en vue de l'enrichissement des objectifs et des contenus
indicatifs, ce qui est dit pour le comité pédagogique est d'ordre
pédagogique. C'est ce même ordre pédagogique que nous
retrouvons donné au conseil d'école: l'orientation des services
complémentaires; les normes et conditions d'évaluation des
apprentissages de l'élève; les critères pour le choix des
méthodes pédagogiques, des manuels scolaires, du matériel
didactique; les règles pour la conduite et la discipline de
l'élève; le besoin de perfectionnement; le choix des
activités parascolaires. C'est tout l'immédiat de la vie de
chaque jour et de l'ensemble des programmes qui semble donné au conseil
d'école et qui dépasse, je pense, ce que nous demandons au
commissaire d'école.
M. Laurin: Ce sont tous là des sujets sur lesquels le
comité pédagogique où sont regroupés les
enseignants a à se prononcer, qu'il a étudiés, sur
lesquels il a à faire des recommandations et c'est sur ce travail
déjà considérablement achevé qui arrive au conseil
d'école que le conseil d'école a à se prononcer, encore
une fois, pas seulement par les parents qui sont là, mais aussi par des
enseignants et des professionnels non enseignants. Donc, là aussi le
travail a été amplement et profondément
préparé par un comité pédagogique où
siègent d'une façon prépondérante les enseignants.
En plus, il y a l'expertise du directeur d'école sur laquelle le conseil
d'école peut toujours compter pour des responsabilités qui sont
quand même limitées puisque d'autres articles du projet de loi
prévoient un rôle pédagogique également pour la
commission scolaire. Par exemple, il y a l'article 199, tous les articles qui
concèdent à la commission scolaire le pouvoir d'établir
des grandes politiques ou des grandes normes qui vont justement aider le
conseil d'école à se situer à l'intérieur d'un
cadre limité, mais à exercer des responsabilités qui,
comme vous venez si bien de le dire, sont liées au vécu
même des élèves, aux apprentissages mêmes que les
élèves font dans les écoles.
Quand vous dites ailleurs dans votre mémoire que vous vous
réjouissez de l'importance plus grande attribuée à
l'école, je pense que cette importance se traduit
précisément par le rôle et les fonctions qu'un conseil
d'école, où siègent des enseignants, qui prend des
décisions qui s'appuient sur les recommandations du comité
pédagogique, peut apporter comme améliorations à la
qualité des services d'enseignement et à la qualité des
services éducatifs. (21 h 45)
Mme Laroche (Huguette): Mais on pourrait ajouter que les
décisions du conseil d'école vont être prises sur
recommandation du comité pédagogique, à la condition que
le comité pédagogique existe. Ce qu'il y avait de
différent dans les commissions scolaires, quand les recommandations
arrivaient aux commissions scolaires, c'étaient des comités
paritaires qui avaient apporté des suggestions. Donc, les commissaires
étaient à même de juger que, déjà, la
décision s'était prise au niveau des patrons comme au niveau des
enseignants, donc, jugée avec plus de sévérité, si
vous voulez, des deux côtés. Là, les décisions vont
parvenir du comité pédagogique, s'il existe. Or, dans votre loi,
il n'existe pas nécessairement, dans la loi que nous avons sous les
yeux.
M. Laurin: La première question que je vous ai
posée, c'est: Est-ce que vous nous recommandez de rendre ce
comité pédagogique obligatoire? C'est une question que je suis
prêt à considérer parce que je considère essentielle
l'existence de ce comité pédagogique au sein de l'école.
Si vous nous recommandez, comme d'autres groupes, qu'il soit obligatoire, nous
devrions nous poser sérieusement la question puisque cela nous semble le
bon sens même, l'évidence même que chaque école
possède son comité pédagogique. S'il existe, le conseil
d'école aura cette expertise, cet appui, cet éclairage, ce savoir
sur lequel il pourra s'appuyer pour prendre ses responsabilités en
matière pédagogique.
Mme Laroche (Huguette): Nous croyons qu'il doit exister puisque
nous le recommandons. Nous recommandons que le comité pédagogique
soit responsable des domaines pédagogiques énumérés
à l'article 69. Nous le recommandons et nous croyons que le conseil
d'école ne sera pas compétent dès la première
année. Donc, il y aura certaines années de perturbation puisqu'il
devra se rendre compétent petit à petit. Nous ne
considérons pas que le conseil d'école, surtout prioritairement
formé de parents, soit actuellement compétent, même
secondé. Il a des compétences spéciales qu'il faut lui
reconnaître. Quand il aura les recommandations du comité
pédagogique, il n'aura qu'un droit de regard. En tout cas, selon ce que
nous pensons, si les recommandations du comité pédagogique sont
conformes au statut de l'école, sont conformes au budget, sont conformes
au projet éducatif, à ce moment, les décisions du
comité pédagogique auront force de...
M. Laurin: Comme vous oeuvrez également dans le secteur
privé, est-ce que vous pourriez nous éclairer à cet
égard et nous dire si, dans les écoles privées, il y a
partout des comités pédagogiques et si le rôle des
comités pédagogiques dans les écoles privées est
à peu près celui que vous nous recommandez pour l'école
publique? Troisièmement, est-ce que les conseils d'administration des
écoles privées s'appuient, pour les décisions qu'ils
prennent en matière pédagogique, comme en toute autre
matière, d'ailleurs, puisqu'ils sont autonomes, s'appuient d'une
façon fondamentale sur les recommandations de leur comité
pédagogique?
Mme Lebel: Nous savons qu'il y a beaucoup de
variété du côté des écoles privées.
Nous n'avons pas étudié spécifiquement cette question,
cette façon de procéder. Peut-être que soeur Rose
Bédard peut répondre un peu en ce qui concerne les écoles
privées.
Mme Bédard (Rose): Je peux vous dire qu'il existe des
comités pédagogiques dans les écoles privées, que
les professeurs ont un rôle important à jouer et que leurs
interventions sont importantes, sont pesantes. Nous sentons là que nous
avons notre place. Je pense que c'est important de se sentir important quelque
part.
M. Laurin: Parfait.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, nous avons écouté
avec beaucoup d'intérêt et de profit les observations que vous
avez soumises à la commission parlementaire autour du projet de loi 40.
J'ai été frappé, pour ma part, de l'ampleur du champ
qu'embrasse votre mémoire. Comme d'autres, je m'attendais un peu que
vous vous attardiez surtout sur le cinquième thème, celui de la
confessionnalité, et je constate avec plaisir que vous avez
abordé le problème dans une dimension beaucoup plus large, un peu
comme l'avaient fait l'autre jour les frères des Écoles
chrétiennes quand ils sont venus nous voir. Je m'en réjouis
beaucoup parce que je constate, en examinant votre mémoire, que vous
avez beaucoup à apporter sur l'ensemble des problèmes que
soulève le projet de loi 40. Il y a une chose qu'on peut dire à
votre crédit, je pense, sans que cela soulève de discussions: on
ne peut pas vous faire trop de reproches au point de vue de la recherche de
pouvoirs. Les remarques que vous faites sont inspirées par le souci du
bien de l'éducation. Je ne pense pas qu'elles soient inspirées
d'abord par le souci de préserver ceci ou cela. Vous avez
étudié le projet de loi dans une perspective qui me paraît
très objective et je veux, pour ma part, vous en exprimer mon
appréciation.
Je voudrais maintenant en venir aux thèmes que vous soulevez. Je
ne pourrai pas aborder les cinq thèmes. Je vais en aborder quelques-uns.
Au sujet du rôle des enseignants, je crois que vous avez bien fait de
mettre cela en premier dans votre liste de sujets d'inquiétude, comme
vous l'avez dit, parce que c'est vrai qu'il y a des carences radicales dans le
projet de loi 40 qui devront être corrigées si jamais il doit voir
le jour à l'état de loi. J'entendais le ministre rappeler
tantôt la rencontre que nous avons eue avec la Centrale de l'enseignement
du Québec à ce sujet. Il mentionnait, si je l'ai bien compris,
que les dirigeants de cette centrale avaient dit qu'ils ne veulent pas que le
projet de loi parle d'eux, pour autant qu'on laisse toutes les choses comme
elles sont là, etc. Ce n'est pas ce que j'ai compris et j'ai pris soin,
pendant que M. Laurin parlait tantôt, de relire certains passages du
mémoire de la
Centrale de l'enseignement du Québec.
Il y a une chose qu'ils ont dite au ministre. C'est difficile à
comprendre parce que c'est bien simple. C'est fondamental. Ils ont dit: On veut
d'abord que notre autonomie professionnelle soit respectée et garantie,
et ils ont mentionné un certain nombre de choses. Par exemple, pour le
travailleur ou la travailleuse dans l'enseignement, le mode d'intervention, le
choix des documents complémentaires, des guides pédagogiques et
de l'instrumentation, les modes de communication avec les parents, la
préparation et la présentation des cours devraient être de
la responsabilité première de la personne concernée. Je
crois comprendre, si je sais lire encore, que, s'il était question de
garantir cela dans la loi, ils n'auraient sûrement pas d'objections. Au
contraire. Ils ont trouvé que ce n'était pas nettement garanti
dans le projet de loi et ils s'en sont ouverts ici. Ils disent ensuite:
"D'autres éléments comme le choix des méthodes,
l'utilisation de certaines journées pédagogiques, le moment et le
contenu de rencontres avec un groupe de parents d'un niveau pourraient
être de la responsabilité collective des travailleurs et des
travailleuses de l'enseignement ou, encore, décidés conjointement
avec la direction de l'école."
Là, ils ajoutent ceci qui me paraît capital: "C'est par
voie de négociation que cette autonomie individuelle et collective
devrait être précisée, de même que les lieux de son
exercice." Ce qu'ils sont venus nous dire, c'est qu'ils ne veulent pas d'un
modèle uniforme partout dans le Québec. J'entendais le ministre
sauter sur votre suggestion d'un comité pédagogique dont je vais
parler tantôt. Il a dit: Aimeriez-vous qu'on mette cela obligatoire?
Quand il nous demande s'il y a lieu de créer une nouvelle obligation, je
vous invite à vous méfier. Il y a déjà beaucoup
d'obligations qui ont été créées au cours des
dernières années par Dieu qui règne à
Québec. On voudrait alléger ce fardeau et non pas l'augmenter
encore. Quand on met une obligation dans une loi, qu'on dise ce qu'on voudra,
c'est une autre source d'alourdissement de tout le processus.
Je pense qu'il y a beaucoup de marge qui a été
laissée par la Centrale de l'enseignement du Québec l'autre jour
pour la négociation d'aménagements de collaboration, de
structures de concertation au niveau de l'école, mais essentiellement,
ce qu'on nous a dit, c'est qu'on ne veut pas qu'un modèle unique soit
dicté à partir d'en haut pour tout l'ensemble du Québec.
Il suffit, d'ailleurs, de se rappeler les différences fondamentales qui
existent entre l'école primaire et l'école secondaire pour se
rendre compte qu'on ne peut pas avoir exactement les mêmes structures aux
deux niveaux.
Cela étant dit, j'ai été bien
intéressé par les distinctions que vous faites entre le conseil
d'école et le comité pédagogique. Il me semble qu'il y a
des avenues intéressantes à explorer de ce
côté-là. Je pense que vous voulez surtout centrer le
conseil d'école sur trois objets de préoccupations principales:
le projet éducatif, si je comprends bien, les questions relatives
à la confessionnalité - entendue évidemment dans un sens
très large - et ensuite le service à la collectivité. Vous
voulez le concentrer surtout sur l'aspect pédagogique, qu'il y ait un
conseil d'école qui puisse exercer un droit de regard sur tout cela sans
s'arroger un droit d'initiative qui créerait un conflit direct avec le
comité pédagogique. Je pense que tout cela est prévu dans
votre projet. Je ne serais pas prêt à le traduire dans un texte
législatif demain matin. Je crois qu'il y a des pistes qui sont ouvertes
par vos réflexions, qui sont très intéressantes. Elles me
rappellent ce que nous avaient dit les représentants des enseignants,
l'autre jour; ils ont dit: On veut qu'une collaboration s'institue, mais sur la
base du respect de la fonction et du rôle propre de chaque agent de
l'éducation dans l'école. On ne veut pas qu'on s'imagine
qu'à créer une petite structure, on va donner tant de membres
à l'un et tant de membres à l'autre, on va régler le
problème. C'est beaucoup plus compliqué que cela dans la
réalité.
Je trouve cela intéressant. Je vais vous poser deux ou trois
questions qui nous font déboucher aussi sur le rôle de la
commission scolaire. Vous dites: Le conseil d'école aurait une fonction,
par conséquent, prioritairement pédagogique, centrée sur
trois champs principaux; il va peut-être y en avoir quatre,
éventuellement, ce n'est pas cela la question. Le reste de la vie de
l'école, la direction courante de l'école, toute la partie
administrative, de qui va-t-elle relever, d'après vous?
Mme Lebel: À la page 8 de notre mémoire, nous
avions tenté de faire une répartition des pouvoirs. Je pense que
c'est là, finalement, que nous nous exprimons sur ce sujet. Il nous
semble essentiel de distinguer entre les responsabilités touchant le
projet éducatif de l'école, qui est une affaire de concertation
entre les parents, le personnel de l'école, même les
élèves, et les responsabilités pédagogiques qui
sont relatives au service d'enseignement, à l'évaluation, aux
services complémentaires et qui seraient, comme nous l'avons dit tout
à l'heure, confiées au comité pédagogique, puis
soumises au conseil d'école.
Nous distinguons également des responsabilités
administratives et financières qui seraient confiées au directeur
de l'école, supervisées par le conseil d'école pour
s'assurer qu'elles ne contreviennent pas au projet éducatif afin qu'il y
ait cohérence et,
par la suite, revues par la commission scolaire. C'est son
rôle.
La responsabilité de déterminer le statut confessionnel de
l'école, davantage confiée au comité de parents...
M. Ryan: Très bien.
Mme Lebel: Je continue? Non?
M. Ryan: C'est parce que je voulais revenir avec l'autre aspect.
Ma question portait plutôt sur l'autre aspect, mais, si vous voulez
terminer cela, soyez bien à l'aise.
Mme Lebel: Oui. Et, finalement, la responsabilité de
déterminer les services à offrir à cette
communauté, alors responsabilité conjointe par le conseil et le
directeur de l'école, avec l'approbation de la commission scolaire. Je
crois que c'est...
M. Ryan: Vous faites bien de souligner les distinctions qui sont
faites à la page 8. C'est sûrement l'une des pages les plus
importantes de votre mémoire. C'est dommage qu'on n'ait pas le temps de
la relire tranquillement et de vous demander beaucoup d'explications. Mais je
pense que c'est un exemple de l'effort de réflexion impartiale et
réceptive que vous avez faite. D'ailleurs, je vous en félicite
encore.
Mais je vais revenir avec une sous-question. Les questions
administratives et financières seraient confiées au directeur de
l'école. Voici ce que je veux savoir. Là-dessus, votre
mémoire est moins clair, à mon point de vue. Il y a deux points
sur lesquels votre mémoire me semble avoir besoin de précisions:
le statut du directeur de l'école, ensuite on va parler des
responsabilités de la commission scolaire.
Quant au statut du directeur de l'école, dans le projet de loi,
tous ceux qui nous en ont parlé l'ont trouvé extrêmement
flottant et ambigu, vous aussi d'ailleurs. D'après vous, de qui
relève-t-il, le directeur de l'école? Vous avez des
recommandations plus loin, vous en parlez je pense à la page 18; vous
parlez de son rattachement au directeur général de la commission
scolaire. Comment le voyez-vous, le directeur de l'école? Est-ce que
c'est un employé de la commission scolaire ou du conseil d'école?
Qui va décider de son engagement? À qui doit-il rendre des
comptes? De qui relève-t-il, finalement? Il ne peut pas relever de trois
ou quatre autorités en même temps, j'imagine.
Mme Lebel: Huguette. (22 heures)
Mme Laroche (Huguette): Je crois que le projet de loi le fait
relever de plusieurs autorités. Il est engagé par la commission
scolaire, il est proposé par le comité d'école,
c'est-à-dire un comité formé en grande partie par les
membres du conseil d'école, il exécute ce que le conseil
d'école va lui demander et il rend compte de son administration
financière à la commission scolaire. Comme nous l'avons dit, tout
paraît ambigu. On donne au directeur des pouvoirs sans les inscrire dans
le projet de loi. Il proposera tout au conseil d'école. J'ai dit quelque
part qu'il sera le maître d'oeuvre de beaucoup de choses et je continue
de le penser. Même avec un comité pédagogique, il
continuera d'être le maître d'oeuvre de tout. Sera-t-il un pantin
aux mains des conseils d'école ou le tireur de cordes de certains autres
pantins? Son rôle est très ambigu. Peut-être qu'au niveau
des commissions scolaires on a autre chose à ajouter, je ne le sais
pas.
Mme Savard: Je voudrais simplement attirer l'attention sur une
des recommandations, au chapitre de la commission scolaire. C'était une
recommandation qui complétait celles du chapitre
précédent, à savoir que nous demandons que les lignes
d'autorité soient clairement établies entre le directeur
d'école et le directeur général de la commission scolaire.
Il me semble que ce qui est exposé est très ambigu dans le projet
de loi. Comment le justifier? Je pense qu'il faudrait vraiment qu'il soit
établi, et d'une façon très claire,
particulièrement au niveau pédagogique. Nous pensons que le
directeur d'école est en relation directe avec le directeur
général de la commission scolaire.
M. Ryan: Qui doit être dans un rapport d'autorité
normale avec le directeur... Il ne faut pas avoir peur du mot
"autorité", parce qu'il en faut une quelque part pour que cela marche.
Ce n'est pas vous qui avez peur de cela? Nous essayons de mettre les choses le
plus clairement possible pour qu'on sache où l'on s'en va
là-dedans. Je suis content de la précision que vous m'apportez,
elle répond à la question que je me posais à ce sujet.
En ce qui regarde le rôle des commissions scolaires, vous semblez
satisfaites de ce qu'il y a dans le projet de loi. Savez-vous que la
Fédération des commissions scolaires catholiques, l'Association
des directeurs généraux de commissions scolaires, l'Association
des cadres scolaires et la Centrale de l'enseignement du Québec sont
venues ici et que ces organismes nous ont tous dit que ce n'est pas
satisfaisant, que la commission scolaire, surtout au point de vue des pouvoirs
et des responsabilités en matière pédagogique, est
gravement émasculée par le projet de loi?
Je signale que votre mémoire date du mois de novembre dernier,
que plusieurs
discussions ont été faites depuis et que beaucoup de
précisions ont été apportées par divers
intervenants. Aujourd'hui, écririez-vous avec autant de
tranquillité d'esprit que vos inquiétudes sont disparues à
ce sujet? J'ai été frappé, au début de votre
mémoire, de lire cette phrase; vous dites: On avait des
inquiétudes au sujet des responsabilités des commissions
scolaires. Il semble que cela soit correct maintenant. Est-ce vraiment votre
sentiment?
Mme Savard: C'est loin d'être clair et je pense que cela
mériterait encore beaucoup de réflexion de notre part. Cependant,
nous avons exprimé notre inquiétude quant aux modifications que
laisse prévoir le texte de la loi relativement aux structures des
commissions scolaires. Nous pensons qu'il serait prématuré de
changer ce qu'il y a actuellement, tenant compte de l'action, des
développements, des projets pédagogiques qui sont
commencés à ce niveau dans notre système
d'éducation. Nous croyons vraiment que, pour que des services
professionnels soient efficaces, il faut un personnel suffisamment nombreux
pour constituer une "masse critique" valable. Alors, nous croyons vraiment que
ce qu'il y a, en tout cas comme nous le vivons actuellement, devrait continuer
tant qu'on n'aura pas de meilleure formule.
Mme Gignac (Jeannine): II est mentionné aussi dans les
recommandations: "nous recommandons que les commissions scolaires soient
à l'avenir"... Alors nous faisons une proposition quant à
l'avenir des commissions scolaires: que les commissions scolaires soient
à l'avenir responsables à la fois de l'enseignement primaire et
de l'enseignement secondaire. Nous proposons aussi l'intégration. Je
pense que c'est un point important que nous tenions à soulever.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le député de Roberval.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
les personnes qui viennent de présenter un mémoire aussi complet.
Il est certain qu'à la lecture de toutes ces pages, où les
recommandations succèdent aux analyses, c'est assez facile de retrouver
l'essentiel de la pensée de l'association que vous
représentez.
Il y a, cependant, un problème que je n'ai pas réussi
à éclaircir à la lecture de votre document et il se
présente de façon assez globale. Tout à l'heure, le
ministre de l'Éducation a fait référence à
certaines institutions d'ordre privé, que certaines communautés
religieuses administrent avec grand succès d'ailleurs, qui donnent des
résultats fort intéressants. Ce sont des institutions
dirigées par des conseils d'administration très proches des
usagers, qui font appel plus souvent qu'autrement à la participation des
parents, qui ont un directeur d'école avec énormément de
responsabilités, qui s'enorgueillissent d'offrir un projet
éducatif bien clair, bien précis aux parents qui choisissent
cette institution, qui recherchent une performance sur le plan
pédagogique et sur le plan de l'éducation dans son ensemble, qui
recherchent une certaine performance parfois même en concurrence, d'une
certaine façon, avec d'autres institutions privées ou publiques.
Ce sont des institutions qui fonctionnent avec un budget relativement modeste,
puisqu'on nous dit assez souvent que les ressources allouées ne sont pas
tout à fait équivalentes à celles allouées dans le
secteur public et sont donc, parfois, insuffisantes. Donc, ce sont des
institutions qui s'administrent bien, avec un personnel relativement
réduit.
Nous avons, d'autre part, dans notre système, une école
publique désertée, d'une certaine façon, par une partie de
la population. Il y a des réclamations assez fortes à ce niveau.
Une école publique est administrée par des commissaires
d'école qui sont plus loin - souvent, dans des commissions scolaires
plus importantes, en tout cas - peut-être des préoccupations des
usagers ou des parents des élèves qui la fréquentent. Ce
sont des écoles qui ont tendance, dans certains cas, à avoir un
projet éducatif davantage de commission scolaire que d'école.
Voilà que le ministre de l'Éducation essaie, par un projet
de loi, à mon point de vue, de rapprocher d'une certaine façon ou
d'utiliser les forces qu'on peut avoir dans certaines institutions
privées pour les appliquer à l'école publique. En somme,
c'est en faire une école de dimension plus réduite, plus proche
des usagers, avec un projet éducatif propre, avec ses ressources et la
collaboration de chacun des intervenants: enseignants, professionnels,
directeurs, parents ou autres.
À mon étonnement, à la fin de votre mémoire,
vous soulevez beaucoup d'interrogations face au projet de loi. Vous recommandez
d'y aller avec la plus grande prudence, sinon de le retirer ou de le modifier
substantiellement. J'aimerais savoir - sans entrer dans les détails,
dans ce qu'on pourrait appeler la tuyauterie - à partir de quoi on peut
demander au ministre de retirer ou de modifier substantiellement un projet de
loi dont l'objet principal, je pense, est d'utiliser, de rapprocher
sensiblement une école publique qu'on critique très souvent,
parfois à raison, parfois à tort, de la rapprocher d'un
système qui semble avoir une dimension plus humaine et plus normale, un
système dans lequel vous oeuvrez, d'ailleurs, dans bien des cas.
J'aimerais que quelqu'un - je ne sais pas qui désire
répondre à la question -m'explique ce dilemme ou cette prise de
position qui m'apparaît aller à l'encontre d'une philosophie que,
finalement, vous pratiquez régulièrement, quotidiennement.
Mme Lebel: Je vais tenter de vous donner une réponse. Nous
sommes heureuses que vous fassiez allusion à l'enseignement privé
- que nous n'avons pas étudié, comme nous l'avons dit - dont vous
avez vanté les mérites. Vous avez fait état aussi de
certaines difficultés budgétaires à cet égard, que
vous mettez en parallèle avec l'école publique, semblant dire que
le projet de loi 40 voudrait faire de l'école publique un genre, non pas
d'enseignement privé, mais prendre modèle sur l'enseignement
privé.
Je ne crois pas qu'on puisse dire que, dans nos recommandations, nous
avions en tête de toujours penser à l'enseignement privé;
comme nous l'avons dit tout à l'heure, nous n'avons pas voulu
étudier le problème de l'enseignement privé.
Vous nous demandez pourquoi nous ne serions pas heureuses d'un projet de
loi qui voudrait, comme à l'école privée, rendre
l'école plus humaine. Certains principes du projet de loi 40 nous
semblent très bons et je pense que ce n'est pas au niveau des principes
que nos interrogations se tiennent, mais au niveau des aménagements;
c'est au niveau du comment, c'est au niveau de ce que nous avons actuellement
et ce vers quoi nous voulons tendre, c'est au niveau de la rapidité.
Nous croyons que des améliorations non seulement peuvent, mais doivent
être apportées à l'école. Il faut avancer, il faut
tenir compte du contexte social. Par exemple, pour tout ce qui concerne la
confessionnalité, nous devons tenir compte du contexte
québécois actuel. Mais nos interrogations nous font dire que
c'est peut-être un peu rapide. Nous aurions aimé avoir des
études plus complètes en ce qui regarde la
confessionnalité et le projet éducatif dans un milieu
hétérogène par exemple. Nous aurions peut-être
aimé voir des expériences pilotes afin de nous assurer que ce qui
est proposé puisse tranquillement se mettre en marche et sans trop de
heurts, sans trop briser.
Notre position est peut-être celle d'une prudence et non pas celle
d'un arrêt, mais c'est plutôt au plan de la prudence, de la
progression, mais par étape. C'est dans ce sens.
Le Président (M. Blouin): II y a certaines de vos
consoeurs qui désirent réagir.
Mme Lebel: Oui.
Le Président (M. Blouin): Mme Laroche et Mme Gignac.
Mme Laroche (Madeleine): La question que pose le
député de Roberval me paraît fort intéressante en
nous révélant un aspect de la motivation du ministre de
l'Éducation.
Si vous me permettez, M. le ministre, à deux reprises, vous nous
avez demandé: Est-ce qu'il va falloir revenir à la
présence obligatoire des enseignants? Nous sommes des religieuses
enseignantes et, parfois, nous nous taxons d'être des professionnelles,
mais je me dis: Ce n'est pas tellement sur l'obligation, je pense que le mot
n'a même pas été prononcé dans la préparation
du mémoire. C'est en tant que personnes professionnelles
compétentes à participation volontaire et question de nombre dans
le comité pédagogique. Dans les institutions privées, ce
que je connais, c'est que le comité pédagogique est
constitué d'enseignantes et ses recommandations au conseil
d'administration sont tenues pour importantes parce qu'on sait que ce sont les
gens du milieu qui se sentent responsables.
Si je reviens à la comparaison que vous avez établie entre
institutions privées et institutions publiques, il y a des valeurs de
l'institution privée que nous retrouvons plus difficilement. D'abord, il
y a une question de nombre, c'est plus petit, c'est plus humain et il y a des
valeurs de contacts avec la personne qui font plaisir aux parents et qui
permettent d'exercer une oeuvre d'éducation dans l'école
privée. Cela est reconnu par les parents. Même si le comité
pédagogique a beaucoup d'importance, nous tenons compte également
de la demande des parents. Par exemple, quand il y a remise des bulletins et
qu'on fait demander les parents, il y a contact entre eux et explications. Il
me semble qu'on ne doit pas laisser tout cet aspect très humain et qui
est encore reconnu dans notre milieu aujourd'hui. (22 h 15)
Le Président (M. Blouin): Mme Gignac.
Mme Gignac: Dans le projet de loi 40, il y a plusieurs objectifs
valables qui peuvent être réalisés de façon
progressive en dehors de la loi 40. Vous pouvez facilement, je pense, demander
l'intégration des commissions scolaires sans la loi 40.
Le Président (M. Blouin): Cela va? Alors, Mme Laroche.
Mme Laroche (Huguette): Je voudrais ajouter, pour répondre
à votre question, que même si vous relevez certains modes de
fonctionnement de l'enseignement privé, nous ne pouvons pas penser que
l'enseignement public, même sur les mêmes modes, donnera les
mêmes résultats. Nous sommes dans une école publique
où tous les enfants doivent
être à l'école jusqu'à l'âge de 18 ans,
16 ans. À l'école publique, nous assumons aussi tout le secteur
professionnel que le secteur de l'enseignement privé n'assume pas; donc,
les coûts ne pourront pas se limiter dans des budgets modestes, car vous
savez tout l'équipement que demandent les cours professionnels.
De plus, il faut bien dire aussi que les normes d'acceptation dans les
écoles privées sont aussi plus sévères de
même que les normes de promotion sont plus sévères que dans
les écoles publiques. Nous avons tous les enfants dans les écoles
publiques; donc, même avec des normes semblables à celles qui
existent déjà dans le secteur privé, il ne faut pas
s'attendre que l'école publique donne les mêmes résultats:
budget modeste, conseil d'administration fort intéressé,
recherche de performance. La performance qu'on peut demander à
l'école publique, c'est de passer avec 50 et l'étudiant se
contente de passer avec 51.
M. Gauthier: De fait, ce que je disais, ce n'est pas qu'on
veuille absolument modeler l'école publique sur l'école
privée, je disais qu'on essayait de rechercher des
éléments positifs dans le fonctionnement de l'une et de l'autre
et, partant de là, de bâtir au Québec un système
d'éducation qui lui soit propre. Je ne pense pas que le but de quiconque
ici soit nécessairement d'essayer de faire des écoles
privées avec chacune des écoles publiques du Québec, parce
que l'école publique a aussi ses forces et ses valeurs.
Mais il y a une réponse qui m'a intéressé
particulièrement tout à l'heure. D'abord, on a dit que le
principe général, finalement, on s'y associait et que
c'était plutôt une démarche de prudence, de petits pas
plutôt qu'autre chose. Ce n'est donc pas, si je comprends bien, une
objection fondamentale comme telle, c'est beaucoup plus une certaine
pondération que vous demandez au ministre dans l'instauration de sa loi
40.
Vous avez également mentionné, si je vous cite
correctement, que l'école privée était plus petite, plus
humaine. Est-ce que vous retrouvez dans le projet de loi 40 des
éléments qui ont tendance à rapetisser l'ampleur de
l'administration? Il me semble, en tout cas, qu'il est tout plein d'articles
concernant cet aspect. Le fait d'y associer les parents - on a parlé
également de l'implication des parents comme étant une chose fort
importante - prend une signification toute particulière dans le projet
de loi 40. Outre certaines modalités qui peuvent sembler trop rapides,
et peut-être à bon droit d'ailleurs, sur tous ces aspects de
l'implication plus grande des parents, de diminuer la taille de
l'administration, de rendre plus humains les rapports entre les
différents intervenants dans l'école, j'ai l'impression, à
moins que je ne me trompe -et j'aimerais que vous me corrigiez si
c'était le cas - que vous adhérez à ces principes ou aux
articles qui peuvent promouvoir ces objectifs.
Mme Savard: II a beaucoup été question, au cours de
cette discussion, des divers agents de l'éducation entre autres, les
parents. Nous sommes bien d'accord que les parents contribuent vraiment au
projet éducatif de l'école et qu'ils aient vraiment leur place
dans l'école, mais vous remarquerez que les recommandations que nous
avançons se situent surtout en termes d'équilibre à partir
de la contribution de chacun de ces intervenants à l'éducation
à l'école. Ceci est très important et c'est pourquoi nous
trouvons que, dans ce projet de loi, le rôle de l'enseignant est
minimisé. Par contre, on trouve que les parents prennent peut-être
une part trop grande, alors que les personnes vraiment habilitées
à l'école, ce sont les enseignants. Ce n'est pas parce que nous
méprisons le rôle des parents. Loin de là. Quand nous
parlons aussi du comité pédagogique, quand on veut qu'il soit
formé exclusivement du directeur d'école et des enseignants, nous
ne perdons pas de vue le fait que ces enseignants sont aussi en grande partie
des parents et qu'ils ont quelque chose, justement, à faire valoir
à ce sujet.
M. Gauthier: Permettez-moi une dernière question. Vous
dites que le projet de loi ne fait pas - en tout cas, en apparence, ce qu'on
peut en comprendre - une place suffisamment grande aux enseignants, mais que je
sache, dans le système actuel - on en faisait état tout à
l'heure - les structures de consultation sont prévues dans la convention
collective des enseignants, mais il n'y a pas d'enseignants qui siègent
là où se prennent les décisions, c'est-à-dire au
conseil des commissaires. Comme on sait que le conseil de l'école aura
des pouvoirs importants et prépondérants - on a même
parlé d'un directeur qui en aurait peut-être trop à faire
à certains moments, c'est donc dire qu'on reconnaît que le conseil
de l'école aura beaucoup de pouvoirs - la participation des enseignants,
qui n'est pas arrêtée et sur laquelle le ministre a discuté
longuement avec la CEQ, à ce conseil serait donc, à mon point de
vue, par rapport au statu quo, un pas important pour responsabiliser et pour
donner aux enseignants l'importance qui leur revient. Ne croyez-vous pas que le
projet de loi 40 serait préférable à cet égard,
parce qu'il donne aux enseignants cette importance par rapport au statu
quo?
Mme Laroche (Huguette): Donner de l'importance aux enseignants...
L'enseignant avait déjà une importance, très minime,
mais
il y avait déjà des comités paritaires auxquels il
siégeait et c'est lui qui faisait ses recommandations. Les
comités paritaires disparaissent avec le projet de loi 40, si j'ai bien
compris.
M. Gauthier: Ce qui est dans les conventions collectives demeure,
que je sache.
Mme Laroche (Huguette): Oui.
M. Gauthier: Le projet de loi 40 ne touche pas aux conventions
collectives et les comités auxquels vous faites allusion sont inclus
dans les conventions collectives. Donc, ils demeurent là, mais on ajoute
une dimension légale à la participation des enseignants et
à la prise de décision, ce qui n'existe pas à l'heure
actuelle.
Le Président (M. Blouin): Y a-t-il des commentaires?
Mme Lebel: Oui. Je voudrais peut-être faire un commentaire
un peu général par rapport à ce que vous avez dit tout
à l'heure. Je pense toujours à l'école privée et
à l'école publique. Ce serait un commentaire
général. Ce qui fait peut-être le succès de
l'éducation complète qu'on veut donner à nos
élèves, c'est, je pense, tout un climat et ce climat semble plus
facile dans une école privée ou dans une école
relativement petite. À l'école primaire, il y a peut-être
un climat plus facile encore, mais quand un enseignant est heureux dans sa
tâche, parce qu'il a la possibilité de l'être, parce que sa
tâche lui laisse la possibilité de souffler, parce qu'il peut,
avec ses nombreux étudiants, établir des relations humaines,
parce qu'il lui reste un peu de temps pour les voir, pour travailler avec eux
d'une façon plus personnelle, je pense que là où
l'enseignant est heureux, d'une certaine façon, l'éducation de
l'élève est plus assurée. C'est peut-être l'avantage
que l'école privée peut avoir dans un sens, à savoir de
rapprocher davantage les enseignants des élèves.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le
député de Roberval. M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: Révérendes soeurs, j'endosse votre
mémoire avec beaucoup de conviction. Il est modéré, franc
et très substantiel. C'est pourquoi je n'ai vraiment pas de questions
à vous poser. Je vais vous citer juste quelques petits textes que j'ai
recueillis ici et là et je vais vous demander votre opinion
là-dessus face au projet de loi 40. Est-ce que ça va? Si vous ne
voulez pas me faire de commentaires, vous serez libres parce que je crois qu'il
y en a quelques-uns qui vont être assez difficiles, mais ce ne sont pas
des pièges que je vous tends du tout.
Le premier petit texte est vraiment cinglant et je vous le livre dans
toute sa crudité. Il est du chanoine Achille Larouche, qui est
vice-président du Ralliement provincial des parents du Québec. Il
ne se gêne pas pour dire que le projet de loi 40 est identique au projet
de loi Savary du gouvernement français. Voici: Le vice-président
du ralliement, le chanoine Achille Larouche, explique que la différence
entre ici et là-bas c'est que là-bas, on a jeté les
masques et que là-bas les catholiques français sont vraiment
conscients d'être victimes d'une imposture, tandis qu'ici les yeux ne
s'ouvrent pas encore à la réalité et que personne n'a le
courage de décortiquer l'emballage de la loi 40. C'est fort. Est-ce que
vous voulez commenter?
Le Président (M. Blouin): Si vous avez d'autres phrases
chocs, M. le député de Saint-Henri, vous pourriez peut-être
les lire tout d'un trait.
M. Hains: J'en ai plusieurs autres, mais je demande aux
religieuses si elles veulent commenter. C'est leur droit.
Le Président (M. Blouin): Bon, s'il y a des commentaires.
Est-ce que le chanoine vous inspire?
Une voix: Je n'ai pas de commentaires. Le Président (M.
Blouin): Non?
M. Hains: Mais c'est de la semence quand même que je jette
en bonne terre. Mon deuxième petit texte est de Michel Poitras, qui est
responsable de l'éducation de la foi au primaire, à
l'évêché de Québec. Je pense que là vous
allez pouvoir me répondre, mais je comprenais votre attitude tout
à l'heure. Voici ce qu'il dit: "L'enseignement moral est un choix qui
implique que l'enfant n'a plus accès aux sacrements de la même
façon que les enfants qui suivront un enseignement religieux
catholique.
L'enseignement religieux prépare l'enfant à recevoir les
sacrements de l'Église. C'est un programme qui est et qui sera toujours
approuvé par le comité catholique. Ce n'est pas la même
chose pour la morale. On imagine déjà que des parents vont
être désagréablement surpris d'apprendre, d'ici quelques
années, que leur enfant, en fait de morale, n'a pas le droit aux
sacrements comme les autres. En tout cas, le parent aura à assumer la
responsabilité de son choix." Il dit en terminant: "Cet avertissement
devrait faire réfléchir des parents avant d'engager leurs enfants
- il y en a qui vont prendre ça pour des menaces,
pas moi - parce que ce n'est pas pour rire enfin que les sacrements nous
sont donnés." Est-ce que vous voulez commenter?
Mme Lebel: Peut-être pas un long commentaire, mais une
précision. Le dernier document de l'Assemblée des
évêques du Québec, en remettant l'éducation de la
foi davantage aux parents et à la communauté paroissiale, peut un
petit peu modérer cette opinion ou faire qu'elle ne soit pas tout
à fait exacte.
M. Hains: Non, non, c'est bien. Les religieuses sont ici, ce sont
des professionnelles de la foi autant que de l'enseignement, et c'est pour
ça que je leur demande leur opinion.
Le Président (M. Blouin): Est-ce que c'est tout, M. le
député de Saint-Henri?
M. Hains: Non, non.
Le Président (M. Blouin): Alors, poursuivez.
M. Hains: Voici un troisième petit texte; c'est un
mémoire, un petit extrait du mémoire de l'Association des parents
de Saint-Henri, mon comté. Comme elle n'a pas été
invitée à venir, je vais lire juste un petit passage. Voici ce
qu'elle dit: "Que l'on maintienne au Québec un système scolaire
juridiquement reconnu comme catholique tout en prévoyant l'ouverture
d'autres types d'écoles chaque fois qu'une majorité de parents
réclament dans un milieu de telles écoles. "Deuxièmement,
que l'on maintienne la Commission des écoles catholiques de
Montréal telle que nous la connaissons aujourd'hui, c'est-à-dire
confessionnelle, couvrant encore le même territoire, avec des
commissaires élus au suffrage universel. (22 h 30)
"Troisièmement, que la loi définisse clairement des
mécanismes de protection qu'elle compte mettre en place pour venir en
aide aux milieux scolaires défavorisés. En conséquence -
c'est très court, comme vous voyez, et je ne sais pas si vous allez
vouloir ajouter votre signature au bas de cette pétition - dans
l'éventualité où les recommandations ci-dessus ne seraient
pas retenues, nous demandons le rejet du projet de loi 40."
Ce sont mes parents de Saint-Henri qui proposaient cela pour la
commission parlementaire.
Mme Gignac: Je ferai remarquer que quelques-unes de nos
recommandations correspondent à cet énoncé que vous venez
de nous présenter.
M. Hains: Je pense que oui parce que je les ai retrouvées
pas mal tout au long. Vous avez parlé de la commission scolaire de
Montréal, que vous n'aimeriez pas voir démembrée et aussi
même de garder le statut confessionnel pour celles qui auraient une
majorité catholique, etc. Je pense que vous seriez prêtes à
signer. J'irai vous voir tout à l'heure.
Mme Gignac: Parfait.
M. Hains: Mon dernier petit mot, cela n'a pas été
trop long, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Cela va.
M. Hains: Celui-là, d'après moi c'est formidable,
je l'ai recueilli dans le discours du président des
États-Unis...
Le Président (M. Blouin): M. Reagan? Le président
actuel.
M. Hains: Exactement. M. Ronald Reagan. C'est vraiment renversant
de voir un des plus puissants leaders du monde actuel dire les quelques petits
extraits que je voudrais vous lire. Voici ce qu'il dit et c'est entre
guillemets ici pour montrer que ce sont des citations. Il dit: "J'aimerais
donner plus de liberté aux États fédérés -
écoutez bien cela - et réintroduire la prière à
l'école." On est loin de là nous autres. Deuxièmement, il
dit encore un peu plus loin: "Nous allons essayer de travailler pour maintenir
la paix dans un monde plus calme et voir si nous pouvons trouver une place pour
Dieu dans nos écoles". Comme un bon prédicateur, je vous laisse
réfléchir entre chaque petite phrase. Troisième petite
phrase, il dit ceci: "II est important de saisir l'avenir pour que chaque
enfant de cette république bien aimée puisse faire des
rêves héroïques". La dernière et c'est une des plus
belles, j'espère qu'on pourra dire la même chose un jour du
Québec, et j'espère qu'on peut le dire d'ailleurs:
"L'Amérique - disons le Québec, si vous voulez, pour rendre cela
plus près de nous - est trop grande pour de petits rêves". Si vous
voulez commenter, cela va me faire plaisir.
Le Président (M. Blouin): Si vous avez des commentaires
sur les messages à la nation du député de Saint-Henri, je
vous invite à nous les communiquer.
Mme Lebel: Rapidement, je reprends le mot "rêve" pour dire
que le projet éducatif tel que présenté par
différents textes du comité catholique ou d'autres textes que
nous retrouvons ailleurs n'est pas un rêve ni une velléité,
mais véritablement sera un projet, c'est-à-dire une marche en
avant avec beaucoup de difficultés, peut-être, mais
quelque chose à réaliser.
M. Hains: Je termine juste sur ce petit mot pour reprendre encore
cette même parole. Je sais que le Québec est trop grand pour nous
pour briser mes rêves qui semblent être les vôtres.
Merci.
Le Président (M. Blouin): Sur ces belles paroles
d'amitié, je cède maintenant la parole à Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci. Je ne suis pas certaine de pouvoir
continuer dans la même veine que mon bon collègue de Saint-Henri,
qui est toujours un peu poète.
M. Hains: Réaliste aussi.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais d'abord remercier l'Association des
religieuses enseignantes du Québec pour son mémoire. J'ai
vraiment été frappée de l'effort que vous avez mis dans ce
mémoire pour présenter des solutions, ou des propositions,
peut-être pas nécessairement des solutions, mais des propositions
très concrètes qui collent à la réalité et,
pour utiliser le terme très à la mode, au vécu. On sent
que vous avez vraiment vécu à l'intérieur des
écoles, à l'intérieur du système d'éducation
depuis longtemps. L'effort que vous avez fait en venant ici ce soir, c'est
d'essayer, je pense, de continuer d'apporter une contribution à une
échelle plus grande au niveau du Québec, à
l'évolution du système d'éducation. Et je vous en sais
gré parce que, comme le disait mon collègue d'Argenteuil, on ne
peut pas vous accuser d'être en conflit d'intérêts ou de
protéger des intérêts. Je pense que votre démarche
est conforme à l'engagement que vous avez toujours eu d'éduquer,
depuis des siècles maintenant, les enfants du Québec.
Dans votre conclusion, vous avez fait une remarque et vous l'avez
peut-être un peu nuancée par la suite en parlant plutôt de
projets expérimentaux avant de se lancer dans la grande aventure. Selon
le dernier message que vous avez donné, il vous semblait inopportun,
à ce moment-ci, d'entreprendre un bouleversement aussi grand que celui
que prévoit le projet de loi 40, alors que bien d'autres projets sont en
marche, comme la mise en place des programmes du nouveau régime
pédagogique. On parle des ordinateurs dans l'école, sans compter
tous les problèmes pédagogiques et sociaux auxquels
l'école fait déjà face présentement et qui
requièrent des solutions.
J'aimerais vous demander - c'est un peu une parenthèse, mais cela
me semble quand même important - s'il y a beaucoup de vos membres qui
fonctionnent ou qui travaillent dans le secteur public.
Mme Lebel: Madeleine, notre secrétaire
générale.
Mme Laroche (Madeleine): Les deux tiers.
Mme Lavoie-Roux: Bon. Et je suis très heureuse de cela
parce que je pense que cela n'a pas été fait du tout consciemment
de la part du ministre ou du député de Roberval. Mais je pense
qu'on a tenté de faire dévier la discussion sur votre implication
dans le secteur privé alors que, ce que vous êtes venues faire ici
ce soir, c'est de tenter d'apporter une contribution au secteur public de
l'enseignement, dans lequel les deux tiers de vos membres travaillent. Si, par
ricochet, cela peut profiter ou bénéficier au secteur
privé, tant mieux. Mais je pense que votre première
préoccupation ici, ce soir, a été de participer au grand
débat sur l'école publique.
Un autre point qui m'a frappée dans votre mémoire, c'est
la réceptivité que vous montrez du côté de la
confessionnalité et de la pluralité, du pluralisme dans notre
société. Je dois dire que j'ai aimé la réflexion de
votre présidente, Mme Lebel, à la suite de la deuxième
citation de mon collègue. Cela témoigne également que,
même si c'est vrai que traditionnellement vous avez été
celles -vous continuez de l'être aussi - qui transmettiez les valeurs
religieuses de confession catholique, vous avez aussi évolué avec
notre société, vous réalisez maintenant que la
société est beaucoup plus diverse, même à
l'intérieur de ce qu'on appelle les francophones de vieille souche, si
bien qu'il y a des ajustement qui s'imposent.
Vos recommandations, en ce qui touche la partie de la
confessionnalité, indiquent bien que vous voulez faire de la place
à tout le monde dans le système scolaire et que votre
problème, c'est vraiment de savoir comment on peut faire de la place
à tout le monde, respecter tout le monde sans entrer en contradiction
avec les propositions contenues dans le projet de loi 40.
Ma première question touche votre deuxième recommandation.
Vous demandez -ce sera plutôt un commentaire, ma question viendra par la
suite - que le ministère vérifie que les droits accordés
par le projet de loi 40 dans les écoles communes, régies par des
commissions scolaires linguistiques, ne puissent pas être
contestés au nom de la charte des droits. Je pense que vous manifestez
là une inquiétude. Une fois qu'une école sera reconnue
comme confessionnelle, avec son projet éducatif chrétien ou
confessionnel catholique, compte tenu qu'il y aura d'autres enfants d'autres
confessions, ou enfin dont les parents ne désirent pas un enseignement
religieux, ces derniers pourront-ils venir, par le truchement de la charte des
droits, contester même le statut confessionnel qui aura été
reconnu par une
majorité de parents? Je dois vous dire que cette réflexion
est fort pertinente et elle a été soulevée par un grand
nombre d'organismes assez disparates les uns par rapport aux autres,
c'est-à-dire qui n'ont pas nécessairement la même
philosophie, et je pense que cela demeure une réalité.
Au plan plus concret, croyez-vous possible, dans une grande ville comme
Montréal, où vous retrouvez le plus de pluralisme religieux, de
réaliser, du point de vue d'abord de la qualification des professeurs et
du point du vue d'un projet confessionnel catholique... Est-ce
réalisable, compte tenu de la grande diversité qui s'y trouve,
tant au plan des professeurs, de l'engagement des professeurs au plan
religieux, que de la diversité des élèves et des parents
qui fréquentent une école?
Mme Lebel: Nous voulons espérer que le projet
éducatif et que le respect de chacun soient réalisables. Je ne
sais pas où nous irions si tous les parents de la province n'avaient pas
la certitude qu'ils sont respectés, chacun selon son option
confessionnelle. Même chose de la part des enfants. Je ne voudrais pas
entrer dans les problèmes de l'île de Montréal,
peut-être que Madeleine Savard qui est de Montréal connaît
davantage le milieu, mais il y a là un défi de taille et nous en
sommes conscients. Nous voulons espérer qu'il soit réalisable. Je
ne sais pas si vous avez des questions plus précises, mais au plan de
l'organisation, il faudra sûrement y réfléchir longuement,
s'asseoir et voir.
Mme Lavoie-Roux: On a eu ici des représentants
d'associations ou d'organismes -on en a eu du côté
anglo-catholique, de d'autres organismes à caractère plus
confessionnel - qui sont venus nous donner une définition de
l'école confessionelle avec un projet éducatif catholique qui
allait bien au-delà de l'enseignement religieux ou de la
préparation aux sacrements, mais qui devait aussi impliquer tout le
vécu de l'école. Quelle est votre conception de l'école
catholique confessionnelle? Quelles sont les limites que vous lui donnez pour,
dans un milieu diversifié, tenir compte du pluralisme?
Mme Lebel: Notre position sur l'école catholique s'inspire
beaucoup du regard sur les mots qui servent à dire l'éducation
chrétienne, c'est-à-dire publiés par le Comité
catholique du Conseil supérieur de l'éducation. Nous trouvons que
la définition qu'il donne de l'école catholique et ses trois
lignes de force vont sans doute arriver à respecter tout le monde,
puisque l'école catholique doit être une école respectueuse
des droits de tout le monde. Bien sûr que, comme école catholique,
elle place au coeur de son projet une référence explicite
à la foi chrétienne et elle veut en inspirer toute son action
éducative et culturelle, créant ainsi un climat.
En même temps, elle veut être un milieu où, dans la
liberté, les jeunes puissent progresser sur le plan culturel et sur le
plan de leur foi. C'est une école où la découverte du
monde s'effectue dans un constant dialogue avec la foi qui
l'éclairé et la promeut, et je dirai aussi dans un dialogue avec
les autres confessions. L'école catholique, pour moi, n'est pas un
ghetto, mais une école ouverte.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que, à ce moment, il vous
apparaît possible, parce qu'on a eu, comme je vous l'ai dit, des
définitions ou des perceptions qui couvrent un éventail allant
d'un extrême un peu à l'autre - et je ne dis pas le mot
"extrême" dans un sens péjoratif - est-ce que, par exemple, pour
vous dans une école avec un projet, une école confessionnelle
catholique pourrait admettre qu'il y ait des professeurs à
l'intérieur de son école qui, s'ils respectent les opinions de
tout le monde, comme vous le demandez à ceux de foi catholique, ne
soient pas des catholiques, qu'ils soient d'une autre foi. Est-ce que vous
pourriez accepter ça à l'intérieur de l'école
catholique? (22 h 45)
Mme Lebel: Personnellement, cela me semble possible. C'est tout
le projet de l'école qui va le dire, parce que si des
élèves d'une autre confessionnalité demandent à
être admis à cette école catholique - le projet
éducatif devra être préparé, mais connu - je ne vois
pas pourquoi...
Mme Lavoie-Roux: Mais, du côté des enseignants, vous
n'exigeriez pas nécessairement que tous les gens soient de foi
catholique. Je pense que madame veut répondre aussi.
Mme Laroche (Madeleine): Nous pensons qu'il est possible
d'admettre des professeurs de foi chrétienne certainement, pas
nécessairement de foi catholique, mais pas chargés de
l'enseignement religieux, cependant.
Mme Lavoie-Roux: Oui, évidemment.
Mme Laroche (Madeleine): D'une autre discipline.
Mme Lavoie-Roux: D'une autre discipline; cela ne vous semble pas
incompatible avec le caractère du projet éducatif.
Mme Laroche (Madeleine): À Montréal, j'imagine
qu'il faut un certain oecuménisme. En tout cas, il n'y a pas d'obstacle
comme tel au point de départ.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Une dernière question, parce
que le temps passe.
Mme Laroche, au tout début, quand le ministre vous a posé
la question de rendre obligatoire la participation des professeurs au conseil
d'école à savoir s'ils y consentiraient ou non, dans votre
réponse, j'ai cru comprendre que vous disiez: Je peux comprendre les
hésitations des professeurs parce que, par ce mécanisme, notre
pouvoir syndical va possiblement être moindre qu'il ne l'était.
Est-ce que j'ai mal compris ou si je dois comprendre que, si le projet de loi
40 poursuit sa marche en avant, il y aurait une diminution du pouvoir syndical
à l'intérieur des écoles et des commissions scolaires?
Est-ce que c'est votre perception des choses.
Mme Laroche (Huguette): Tout d'abord, quand nous regardons comme
il le faut le projet de loi, il y a déjà des choses qui sont
sujettes à la négociation et qui sont déjà
déterminées dans la loi. Déjà là, c'est
sûr que le pouvoir syndical perd des plumes. Déjà, le
projet de loi enlève des possibilités - je ne les ai pas à
la mémoire actuellement - de négociation qui existaient. Mais je
pense que je n'ai pas tout à fait saisi votre question fondamentale.
Mme Lavoie-Roux: Non, je voulais vous demander si vous croyez que
ce qui vous est donné présentement au niveau des conventions, le
pouvoir syndical à l'intérieur de la structure scolaire, irait en
diminuant si le projet de loi 40 était adopté tel quel.
Mme Laroche (Huguette): D'après moi, il est évident
qu'il est entravé de beaucoup. Beaucoup d'articles décident
déjà ce qu'une prochaine négociation pourrait donner.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Dernière question. Une autre
remarque que vous avez faite portait sur l'émiettement de notre
système scolaire. Est-ce que, d'après l'expérience que
vous avez eue, le fait d'individualiser bien davantage chacune des
écoles, de leur donner chacune des pouvoirs assez importants, peut avoir
comme effet de créer des disparités dans la qualité des
écoles ou des services qu'on peut offrir aux enfants dans le
système public?
Mme Lebel: Je crois que c'est une conclusion assez logique
à cette multiplicité de conseils d'école trop fortement
décisionnels.
Mme Lavoie-Roux: D'accord, je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. Au nom de tous les membres de la
commission... Il y a une autre intervenante, Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais
remercier l'Association des religieuses enseignantes du Québec de son
excellent mémoire. J'ai beaucoup apprécié la division des
responsabilités que vous avez établie entre le conseil
d'école et le personnel professionnel de l'école. Il me semble
que, dans une grande mesure, vous avez établi, au niveau de
l'école, les mêmes distinctions de fonctions qui existent
actuellement au niveau de la commission scolaire; la distinction entre la
fonction des commissaires et l'administration de la commission scolaire.
Par exemple, au niveau de la commission scolaire, actuellement, les
commissaires n'exercent pas encore le rôle qui est défini dans
l'article 105, celui de choisir les manuels scolaires, ce qui est
proposé par le projet de loi comme fonction de l'école, surtout
les parents. Il est écrit, à l'article 113: "L'école
établit les normes et modalités de l'évaluation des
apprentissages de l'élève." Dans les commissions scolaires
actuelles, les commissaires et les membres du conseil de direction de la
commission scolaire n'ont pas ce rôle; c'est un rôle professionnel.
Je crois que ces mêmes distinctions de rôles existent entre le
conseil de direction et l'administration dans n'importe quel
établissement ou n'importe quelle entreprise dans d'autres secteurs de
la société.
Je crois qu'un des problèmes majeurs avec le projet de loi 40,
c'est que le projet confond le rôle du représentant de la
communauté comme "policy maker" et les fonctions professionnelles
d'administrer l'établissement, dans le cadre et selon les politiques
établies par les représentants de la communauté.
Seriez-vous d'accord avec une telle analyse et est-ce que j'ai bien compris la
philosophie de base que vous avez utilisée, qui inspire la distinction
que vous avez établie entre le rôle des parents, le rôle du
comité d'école et le rôle professionnel?
Mme Laroche (Huguette): Je crois que c'est exactement la
philosophie qui sous-tendait notre subdivision, à donner au
comité pédagogique son rôle professionnel, d'exercer son
jugement sur la pédagogie de l'école et le rôle
administratif d'un conseil d'école, de juger selon le budget, selon la
structure même de l'école, le projet éducatif, qui est de
sa responsabilité. Il nous semblait de par là qu'on redonnait les
responsabilités à ceux qui les possédaient selon leurs
compétences.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci Mme la
députée de Jacques-Cartier. Au nom de tous les membres de la
commission, je remercie les représentantes
de l'Association des religieuses enseignantes du Québec d'avoir
bien voulu participer aux travaux de notre commission parlementaire.
Sur ce, j'invite maintenant les représentants de la
Confédération des syndicats nationaux à bien vouloir
s'approcher et s'installer à la table de nos invités pour que
nous procédions, dès à présent, à...
M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait obtenir une suspension de cinq
minutes, M. le Président? Nous siégeons depuis 20 heures et si
nous voulons faire justice à ceux qui s'en viennent, je pense qu'un
répit de cinq minutes favoriserait un travail plus efficace.
Le Président (M. Blouin): Nous pourrions donc très
bien suspendre nos travaux pour quelques minutes.
M. Ryan: Merci. (Suspension de la séance à 22 h
54)
(Reprise de la séance à 22 h 59)
Le Président (M. Blouin): La commission élue
permanente de l'éducation reprend ses travaux. J'inviterais les
représentantes et les représentants de la
Confédération des syndicats nationaux à bien vouloir
d'abord s'identifier et ensuite...
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais soulever une question de
règlement.
Le Président (M. Blouin): Question de
règlement.
M. Ryan: Oui. Il est 23 heures. En vertu de notre
règlement, nous sommes censés siéger jusqu'à
minuit. Normalement, nous devrions ajourner la séance jusqu'à
demain à ce moment. Il n'est pas question de brusquer la
délégation qui est ici, mais je voudrais poser une question. Si
c'est le désir de la délégation qui est ici que nous
allions au-delà de minuit pour finir la rencontre dans une seule fois
aujourd'hui, nous sommes prêts à consentir à une
prolongation au-delà de minuit. Mais si elle nous disait qu'elle est
prête à revenir demain matin, j'aimerais mieux que nous suivions
notre règlement et que nous terminions à minuit. Je pense que
cela permettrait un échange plus fructueux. Je vous formule notre
position dans les termes où nous l'avons conçue et j'aimerais
bien que la délégation de la CSN nous dise ce qu'elle en pense
pour que nous puissions déterminer notre attitude en
conséquence.
Évidemment, il y a le point de vue du gouvernement
également là-dedans.
Le Président (M. Blouin): Évidemment. Est-ce qu'il
y a d'autres membres qui désirent intervenir? M. le député
de Fabre.
M. Leduc (Fabre): M. le Président, quant à nous,
nous sommes prêts à poursuivre après minuit. Je crois
qu'une fois que le mémoire est commencé, c'est plus
intéressant de poursuivre. Si l'Opposition est d'accord, s'il y a
consentement des deux côtés, quant à nous, nous sommes
prêts à poursuivre après minuit et je pense que le besoin
s'en fera sûrement sentir, puisqu'il reste seulement une heure. Alors,
aucun problème de notre côté.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais préciser bien clairement le sens de
l'intervention que j'ai faite. S'il s'agissait d'une entente avec le
gouvernement purement et simplement, il n'y en aurait point, nous ajournerions
à minuit. Mais si la CSN nous dit qu'elle préfère que nous
allions au-delà de minuit, nous sommes prêts à le faire
pour nous rendre utiles à la délégation qui est ici et qui
a été retardée par une rencontre qui a été
un peu plus longue que les rencontres précédentes. C'est dans ce
sens que nous avons fait notre suggestion et non pas dans le sens de faire un
arrangement avec le gouvernement, pour des raisons que vous connaissez
d'ailleurs et que vous déclareriez antiréglementaires, si
j'allais vous les rappeler.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le
député d'Argenteuil, je crois donc comprendre que nous allons
procéder au début, à tout le moins, puisque c'est ce que
j'ai cru comprendre aussi de l'intervention du député de Fabre.
Nous allons entamer nos échanges avec la Confédération des
syndicats nationaux. Ce que vous désiriez savoir pour pouvoir mieux vous
situer en termes de consentement, c'est si la CSN désire que nous
poursuivions ce soir afin que nous terminions les échanges entre les
membres de la commission et nos invités ou si elle préfère
que nous suspendions à minuit et que nous revenions demain matin pour
poursuivre, je présume. Je ne peux pas présumer pour le moment de
l'horaire des travaux de demain, mais je présume que ce pourrait
être effectivement demain matin.
CSN
M. Auger (Christophe): Si vous voulez mon avis sur cette question
au nom de notre
délégation, nous serions disposés à
être disponibles demain matin pour faire la présentation de
l'ensemble de notre mémoire. Si nous devons commencer ce soir, nous le
ferons, et nous serions d'accord pour poursuivre demain matin la fin de notre
mémoire et pour les questions et échanges que nous aurons avec
les membres de la commission.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Je vous invite
donc à procéder à la présentation de votre
mémoire et ensuite nous entamerons les échanges avec les membres
de la commission.
M. Auger: J'aimerais préalablement vous présenter
la délégation qui m'accompagne pour présenter notre
position sur le projet de loi 40. À ma droite, Denis Beauchemin,
secrétaire du secteur scolaire affilié à la
Fédération des employés de services publics, CSN, et
Ginette Guérin, présidente du secteur scolaire. À ma
gauche, Monique Richard, conseillère syndicale auprès de la
Fédération des employés de services publics, responsable
en particulier du secteur scolaire, CSN, Victor Delamarre,
vice-président de la Fédération des employés de
services publics, et Michel Latour, vice-président du secteur scolaire
CSN, affilié à la FESP, CSN.
J'ai préparé - il n'y en a pas de copie pour les membres
de la commission - un résumé de notre mémoire qui devrait
cadrer effectivement autour des vingt minutes. Je vais vous en faire
lecture.
Nous voulons signaler au départ que toute réforme dans
l'éducation doit tenir compte des objectifs fondamentaux suivants:
poursuite de la démocratisation de l'enseignement, égalité
des chances pour toutes et pour tous. Pour nous, les progrès
réalisés depuis la réforme de l'éducation doivent
être poursuivis et la Confédération des syndicats nationaux
réaffirme ses principes et nous tenons à souligner
particulièrement que le principe de la gratuité scolaire...
M. Ryan: Serait-il possible de demander à la
délégation de la CSN si des copies du résumé dont
on a commencé à donner lecture pourraient être disponibles
pour les membres de la commission?
Le Président (M. Blouin): Disposez-vous d'un certain
nombre de copies?
M. Auger: Non.
Le Président (M. Blouin): Non? D'accord.
M. Auger: Je n'ai pas de copies.
Le Président (M. Blouin): Très bien.
M. Auger: Ce sont pour la plupart des extraits du mémoire.
Je pourrai...
Le Président (M. Blouin): Identifier les pages.
M. Auger: ...identifier les pages, parce que je les ai
regroupées de façon un peu différente pour avoir une
présentation qui tienne compte de cet abrégé...
Le Président (M. Blouin): D'accord.
Merci.
M. Auger: ...malheureusement, et j'ai dû le faire à
la dernière minute.
Je disais donc que nous tenons à souligner que le principe de la
gratuité scolaire pour tous et pour toutes n'est pas repris dans le
cadre de ce projet de loi. Nous soutenons même qu'il devrait être
rendu dans une phase d'application avancée et
généralisée.
Une autre remarque à titre d'introduction, que vous retrouverez
au bas de la page 3 de notre mémoire: La CSN ne peut que souligner son
étonnement devant le nombre de projets de loi, règlements et
commissions d'étude qui touchent diverses réformes de
l'éducation. Le projet de loi 40 est un de ces éléments.
Devant cette cascade de réformes envisagées, nous aurions
souhaité qu'un débat public soit tenu sur l'ensemble de ces
mesures, y compris les intentions du gouvernement en regard de l'enseignement
privé.
La première question que nous voulons souligner, c'est
qu'à notre avis il n'y a pas, d'après la lecture que nous avons
faite de ce projet de loi, de réelle décentralisation. La lecture
du projet de loi nous indique que l'école sera consultée sur
divers sujets. De réelle décentralisation de pouvoirs vers
l'école, nous n'en voyons point. Dans ces matières, il importe
avant tout de constater que les moyens financiers, les ressources humaines et
matérielles sont les éléments centraux pouvant permettre
un pouvoir réel. Un gouvernement sans moyen n'est pas un gouvernement.
Une politique sans moyen pour l'appliquer n'est qu'un voeu pieux. S'il semble
évident que l'école sera davantage responsabilisée et que
les collectivités locales auront une certaine prise sur certains
éléments du projet éducatif, leurs pouvoirs, cependant,
restent mineurs. Elles auront beaucoup plus de tâches d'application et de
gestion à l'intérieur de cadres définis que de pouvoirs de
décision. Il est d'ailleurs étonnant de constater que les
conseils d'école auront des responsabilités administratives que
personne n'a revendiquées. Vise-t-on à noyer la
responsabilité pédagogique? Nous sommes en
droit de nous interroger, d'autant plus que les responsabilités
de l'école ont un lien étroit avec celles des commissions
scolaires et que l'opération ressemble bien plus à une
déconcentration des problèmes qu'à une réelle
décentralisation. Même en admettant, comme le prétend le
ministère de l'Éducation, qu'il y a une décentralisation
des pouvoirs, il faut bien voir qu'il s'agit de responsabiliser l'école
aux dépens d'un gouvernement régional et non aux dépens du
pouvoir central. Bref, même si le discours du ministre porte sur la
décentralisation de pouvoirs au niveau de l'école, il nous
apparaît que le projet de loi effectue une déconcentration de
l'administration et de la gestion, et la CSN croit qu'une
décentralisation ne peut s'effectuer que vers le palier régional
des commissions scolaires, compte tenu de l'objectif de démocratisation
de l'enseignement et de l'égalité des chances pour tous et
toutes. Pour nous, l'école doit avoir uniquement une
responsabilité pédagogique.
Le deuxième bloc que nous voulons aborder, c'est le rapport
école-famille, école-société et le rôle des
parents. Quant au rôle des parents et au prérequis du ministre,
à savoir que l'école soit le prolongement de la famille, nous
considérons qu'au primaire le lien entre la famille et l'école -
donc, entre les parents, les enseignantes et les enseignants - doit être
effectivement étroit. Au niveau secondaire, cependant, nous ne croyons
pas que ce lien soit aussi important. Nous sommes d'avis que le processus de
prise en charge par les élèves eux-mêmes atténue le
rôle des parents.
D'autre part, c'est une chose que de reconnaître
l'intérêt des parents envers leurs enfants et leur implication
dans un conseil d'école, mais une toute autre chose que de
considérer que l'école primaire et secondaire doit être le
prolongement de la famille et qu'en conséquence les parents,
majoritairement, déterminent les orientations du projet éducatif.
Nous sommes d'accord pour que les parents aient un rôle à jouer
dans l'école. Nous demandons que les responsabilités qui
relèvent de l'école soient uniquement pédagogiques, afin
d'éviter que l'école ne devienne un lieu où l'on doive
gérer des coupures de services, des fermetures d'écoles, des
problèmes qu'on peut avoir de la difficulté à
régler ailleurs. Pour réaliser ce rôle de travail
pédagogique, nous pensons que ce n'est pas une instance de pouvoirs,
nécessairement, qui doit se présenter, mais de discussions et
d'échanges sur la pédagogie. Nous demandons, par
conséquent, que le projet de loi 40 amendé permette à
l'ensemble des intervenants en éducation, particulièrement les
personnels, d'être actifs. C'est pourquoi on voudrait que le projet de
loi permette aux enseignantes et aux enseignants de même qu'au personnel
de soutien et aux professionnels - je souligne le personnel de soutien parce
qu'ils sont souvent négligés dans l'ensemble de ces
réformes; ils ont un rôle actif à jouer à
l'intérieur des écoles - d'être partie prenante aux
décisions à caractère pédagogique, au sein du
comité pédagogique de l'école, en matière
d'adaptation de programmes, de choix de méthodes pédagogiques, de
choix de manuels et du matériel didactique et de l'évaluation des
apprentissages des élèves. En cas de divergence de la part des
autorités de l'école, que la décision appartienne ou au
conseil ou au directeur d'école, selon qu'il s'agit de politiques ou
d'administration courante.
Concernant les commissions scolaires, à la page 9 du
mémoire, on a peu développé cette partie. Je dirais qu'on
a eu de la difficulté à saisir ce devant quoi on se retrouvait
effectivement. Les pouvoirs des commissions scolaires seront limités par
les pouvoirs du ministère de l'Éducation. Ainsi, les articles 301
et 302 accordent un pouvoir discrétionnaire au ministre en ce qui
concerne l'attribution des ressources financières. Ces articles
très larges permettent notamment au ministre de donner des subventions
non prévues dans les règles d'attribution des ressources. Le
ministre peut aussi disposer d'un immeuble excédentaire d'une commission
scolaire sans pour autant dédommager celle-ci. Ce qui étonne
surtout dans le projet de loi, c'est l'absence de nouveaux pouvoirs au niveau
régional. S'il y a absence de nouveaux pouvoirs, c'est tout simplement
parce que le ministère n'en concède aucun.
Dans le livre blanc, on peut lire: "La conjoncture économique
actuelle oblige l'État à resserrer ses mécanismes centraux
de contrôle financier et administratif et à intervenir plus
directement dans la gestion des fonds publics." Le projet de loi répond
à cet impératif en donnant d'immenses pouvoirs
réglementaires au MEQ qui établira des règles
d'attribution des ressources financières. Ce probable resserrement au
niveau de l'allocation des ressources aura des effets sur l'école qui
risque, dans de telles conditions, d'être forcée de gérer
des patates chaudes du style coupures de personnel et de services, fermetures,
etc.
Un autre bloc qui nous paraît important, c'est la question de
l'élection des commissaires et le lieu où, la finalité,
jusqu'à un certain point, de l'école, les grandes politiques
doivent se déterminer. L'école, en étant publique et
commune, répond aux besoins de l'ensemble de la société,
donc à l'ensemble des institutions; elle doit donc trouver un lieu ou
des lieux politiques pour définir les orientations de la
société face à l'école. À cet égard,
nous croyons que l'État et les commissions scolaires sont les lieux
appropriés, selon leur mission respective, et
les représentants de ces corps politiques doivent être
élus sur des bases démocratiques.
L'élection des commissaires. Notre première constatation
est que l'élection des commissaires sur la base des écoles
plutôt que sur la base du territoire des commissions scolaires affaiblit
politiquement la commission scolaire.
Autre constatation. Nous croyons que le fait d'élire des
commissaires sur une base d'école les conduira à s'occuper
surtout de leurs intérêts spécifiques, ce qui rendra plus
difficile, sinon impossible, l'entente entre eux de sorte que l'arbitrage se
fera par le ministre en utilisant, entre autres, ses directions
régionales; donc, cela viserait à accroître les pouvoirs du
ministère sur les régions. En effet, les commissaires, recevant
leur mandat de leur conseil d'école, on voit mal comment ils pourraient
tenir compte des besoins des autres écoles plus
défavorisées.
À Montréal, à titre d'exemple, puisque c'est
surtout là - non seulement là, mais peut-être avec un peu
plus d'acuité - que le problème de l'inégalité des
ressources entre les écoles est évident, comment le commissaire
d'école d'un quartier fortuné pourrait-il s'entendre avec celui
d'un quartier défavorisé faisant partie de la même
commission scolaire? Si celui du quartier défavorisé
réclame plus de ressources humaines ou financières, qu'est-ce qui
incitera les autres commissaires à trahir le mandat du conseil
d'école d'où ils proviennent? N'en reviendra-t-on pas à
accentuer les inégalités sociales? Quels intérêts
uniraient entre eux les commissaires? À quelles conditions un conseil
d'administration d'une commission scolaire accepterait-il pour le bien d'une
école précise d'augmenter la taxation payée par tous?
Est-ce que les commissaires, lors de l'établissement annuel des
règles et des modalités de répartition des ressources
financières entre les écoles, n'auront pas tendance à se
servir selon les ressources venant du quartier où se situe
l'école? Dans un tel cas, l'école de quartier riche aurait plus
de ressources que celle du quartier pauvre; n'en revient-on pas à
privatiser ou à recréer des distinctions importantes entre les
écoles et, donc, limiter l'accès à l'éducation pour
les enfants?
Il nous semble que le mode de délégation au niveau de la
commission scolaire fera en sorte que chaque élu se comportera
strictement en fonction de son école et que la péréquation
entre écoles deviendra impossible. Dans un tel cas, l'arbitrage devra se
faire au MEQ, ce qui, à notre avis, accentuera la centralisation. (23 h
15)
À cela, il faut ajouter que les revenus de l'école ne
seront pas pris en considération lors de la répartition des
ressources. Quelles sont les écoles qui profiteront de cette mesure? Les
écoles riches munies de locaux et de services accessibles, ou les
écoles pauvres incapables de louer leurs modestes locaux.
Lorsque nous parlons d'égalité des ressources de
l'école, nous ne pouvons que nous inquiéter de la disparition du
Conseil scolaire de l'île de Montréal et plus
particulièrement de ses fonctions de péréquation sur toute
l'île entre les commissions scolaires. En effet, la capacité de
payer varie beaucoup sur l'île de Montréal. Nous
considérons comme un acquis important le fait de redistribuer les
montants d'argent entre les commissions scolaires en tenant compte des efforts
fiscaux comparables et des services pédagogiques équivalents.
On parle de centralisation et déconcentralisation, plutôt
que de décentralisation en page 12 du mémoire. Je tiens à
vous le lire parce que, pour nous, c'est un peu notre lecture qu'on fait du
projet de loi 40. C'est un peu le fond de ça qu'on n'a peut-être
pas pu illustrer avec suffisamment de pertinence et de détails, compte
tenu de l'ampleur de ce projet de loi. C'est un peu le sentiment qu'on a eu en
lisant ce projet de loi. Il nous semble que la réforme scolaire du
ministre Laurin aura pour effet de renforcer les pouvoirs du ministère,
d'affaiblir les commissions scolaires et de donner quelques pouvoirs, surtout
consultatifs à l'école. Il s'agit donc beaucoup plus d'une
opération de centralisation que de décentralisation
réelle. Parler de décentralisation pour un organisme impliquerait
que ses représentants sont élus sur une base
représentative, qu'ils ont le pouvoir de taxer et qu'ils puissent
l'exercer pleinement et ont une autonomie de gestion.
On constate que ni la commission scolaire et encore moins l'école
ne répondent à la structure proposée à l'ensemble
de ces critères. La CSN souligne que ce langage et les artifices de la
décentralisation ne sont pas particuliers au projet de loi 40. Dans son
livre blanc sur la réforme du transport en commun sur l'île de
Montréal, "Le transport en commun, un choix régional", le
ministre Clair tenait ce langage. L'effet réel de la réforme
proposée était plutôt une centralisation aux mains de
technocrates régionaux. Lors de l'adoption de la Loi sur le zonage
agricole, on remettait tous les pouvoirs à la Commission provinciale de
zonage agricole non élue. Lors de l'adoption de la loi 57 visant
à favoriser l'autonomie de financement des municipalités, l'effet
était d'enlever des moyens à une instance
décentralisée, les commissions scolaires. Cette loi a donc,
à notre avis, un caractère centralisateur.
Autre bloc que l'on tient à toucher: l'éducation des
adultes, page 13 du mémoire.
On considère que le gouvernement devrait donner des suites au
rapport de la CEFA, en faisant connaître ses intentions sur
l'éducation des adultes par le dépôt d'un projet de loi
spécifique où l'on reconnaîtrait les droits à
l'éducation des adultes.
J'ai vu aujourd'hui dans les journaux que, effectivement, la politique
d'éducation des adultes allait être rendue publique bientôt,
du moins je l'espère. On s'est quand même joint à l'ICEA
pour proposer que: toute politique d'éducation des adultes devrait
reconnaître l'éducation des adultes comme un droit, au même
titre que l'enseignement préscolaire, primaire ou secondaire, dans le
chapitre 1 de la loi; le projet de loi devrait reconnaître cette mission
comme étant spécifique et différente de l'éducation
des jeunes; le projet de loi 40 doit établir plus clairement que ce sont
les commissions scolaires qui sont responsables de cette mission; le projet de
loi 40 doit préciser que cette mission sera assumée par une
structure spécifique au sein des commissions scolaires; le projet de loi
devra être amendé pour permettre de mieux responsabiliser la
collectivité adulte, pour lui permettre d'être
représentée aux instances responsables de cette mission
spécifique du réseau scolaire que constitue l'éducation
des adultes; enfin, le projet de loi 40 devrait être
débarrassé de ses clauses ambiguës, touchant ou effleurant
l'éducation des adultes jusqu'à ce que les intentions du
gouvernement soient claires à ce sujet.
On dit qu'il faut qu'il y ait des principes généraux
reconnus dans ce projet de loi sur l'éducation des adultes. Quant aux
modalités, on sera à même de statuer à partir du
moment où on connaîtra cette politique d'éducation des
adultes.
Les pages 13 et 14 font mention de la déconfessionnalisation. La
CSN est favorable à la déconfessionnalisation des commissions
scolaires.
Au niveau de l'école, nous sommes également favorables
à une école publique et commune ouverte à tous. Selon
nous, l'école n'aurait pas de statut confessionnel, mais cependant elle
offrirait, selon les besoins de la clientèle scolaire, des services soit
de morale ou de religion. L'accent, selon nous, doit être mis sur des
services confessionnels, peu importe la religion, et non sur le statut.
Ainsi nous ne serions plus dans une situation où les parents
représentant une majorité plus ou moins grande de parents
d'usagers imposeraient à une minorité une école
confessionnelle avec les problèmes de non-respect des minorités
et de non-application des droits individuels prévus à la Charte
des droits et libertés de la personne.
La démocratie scolaire, tout particulièrement à
Montréal, s'est incarnée dans des mouvements confessionnels qui
ont pu exercer le pouvoir même si la participation aux élections
plafonnait aux alentours de 15%. Le projet de loi tel que rédigé
fera en sorte que ces mouvements ou d'autres auront toujours la
possibilité de s'emparer des écoles. Il y a là un danger
que certaines écoles soient aux prises avec le noyautage et le fanatisme
idéologique, de quelque ordre qu'il soit. Afin d'éviter que la
démocratie s'exerce strictement à travers l'ornière
polarisante de la confessionnalité, il nous apparaît important que
les services confessionnels soient offerts, non seulement aux catholiques et
aux protestants, mais à l'ensemble de ceux qui désirent recevoir
un enseignement religieux autre. Il nous apparaît aussi important que
l'enseignement moral soit maintenu.
Nous nous sommes demandé si l'école ne devait pas se
limiter à donner des cours de morale à tous ses usagers, et si
les cours de religion ne pourraient pas être pris en charge à
l'extérieur de l'école par les diverses communautés
religieuses.
Nous croyons cette position cohérente, mais dans le contexte
historique québécois où l'école a depuis presque
toujours assumé cette fonction, nous sommes d'accord pour que
l'État assume les frais de cet enseignement pour autant qu'on ne
discrimine pas les minorités.
Sur les commissions scolaires linguistiques, la CSN appuie cette
proposition à savoir que les nouvelles commissions scolaires aient un
statut linguistique. D'ailleurs, on dit que les structures protestantes
actuelles sont en fait des structures linguistiques.
La CSN appuie également la fusion des commissions scolaires
régionales et locales en une seule commission scolaire touchant à
la fois le primaire et le secondaire, dans la mesure où la dimension
d'une nouvelle commission scolaire permet de maintenir la qualité et la
quantité de services à l'élève,
particulièrement dans les secteurs des difficultés
d'apprentissage du professionnel et de l'éducation des adultes.
Cela nous semble souhaitable. Cette intégration rend plus facile
la transition de l'élève au primaire et au secondaire. Cette
intégration est d'ailleurs dans la logique législative des
réformes déjà entreprises qui visent une meilleure
répartition des ressources.
Le dernier bloc, sur les personnels, pages 19 et suivantes. La
restructuration scolaire implique une réorganisation des services. Elle
a donc des répercussions énormes sur le personnel puisque
l'employeur change: taille de commission scolaire, organigramme, directions. La
restructuration signifiera souvent des changements de lieu de travail et de
fonctions à l'intérieur des divers services. De plus, tous ces
changements
impliqueront un réaménagement des structures syndicales
actuelles.
Étant donné les nouvelles structures juridiques des
commissions scolaires à compter du 1er juillet 1985, toutes les
commissions scolaires nous semblent visées par une réorganisation
des services, même si le territoire était peu changé.
Il résulte donc de ces constatations que, à compter de la
période de mise en oeuvre et certainement pendant les mois suivant le
1er juillet 1985, les conditions de travail du personnel des commissions
scolaires seront perturbées, ce qui entraîne une crainte et un
sentiment légitime d'insécurité parmi le personnel de
soutien syndiqué que nous représentons. Nous représentons
environ 10 000 membres à l'intérieur des personnels de soutien
administratif et manuel dans les commissions scolaires.
Comment va s'exercer la mise en place des nouvelles commissions
scolaires en ce qui concerne le personnel? À l'article 353, on indique
que "le ministre peut, après consultation des associations
représentatives en cause, déterminer les normes de transfert et
d'intégration."
À ce sujet, nous croyons que les normes de transfert et
d'intégration doivent contenir certaines garanties pour le personnel en
place dans les commissions scolaires: que le personnel ainsi que les
associations syndicales soient informés et consultés sur la
réorganisation des services élaborés par les
comités de mise en oeuvre et sur les plans d'effectifs; que toute
information pertinente reliée au nouveau découpage des
commissions scolaires soit communiquée aux associations syndicales
locales et nationales; dans le cas où une commission scolaire
restructurée n'est pas visée par une modification de son
territoire géographique, que le personnel ne soit pas visé par la
restructuration et que les droits issus de sa convention soient maintenus.
Dans les commissions scolaires où il y a modification de
territoire: que les personnels de soutien travaillant dans les écoles ou
polyvalentes soient maintenus à leur poste; que tout membre du personnel
oeuvrant dans un centre administratif choisisse et puisse occuper par
ancienneté un poste de sa classe d'emploi au sein du nouveau territoire.
De plus, si sa commission scolaire d'origine est répartie sur plusieurs
nouveaux territoires, qu'il ait le choix, en fonction de son ancienneté,
de la commission où il désire travailler à compter du 1er
juillet 1985.
Nous croyons que la restructuration scolaire ne doit pas être une
nouvelle occasion pour réduire les effectifs. Dans ce sens, il doit
être clairement indiqué que le nombre d'employés "en
surplus" ne doit pas être augmenté à compter du 30 juin
1984, soit l'année précédant la restructuration et ce,
conformément aux dispositions de nos conventions collectives, pour une
durée minimale de cinq années.
De plus, il doit être clairement établi que la
restructuration n'engendrera pas la multiplication de la sous-traitance pour
les services normalement et actuellement exécutés par du
personnel de soutien.
Le projet de loi 40 prévoit, à l'article 421, que le
transfert d'un salarié n'entraîne pas une rupture de son lien
d'emploi" et spécifie quelques droits qui sont transférés:
logement, banque de congés de maladie monnayables.
À l'article 420, on précise que la seule convention
applicable au 1er juillet 1985 est celle de l'association qui a obtenu la
représentation pour les employés de cette commission, les autres
conventions devenant caduques. Rien dans ce texte ne garantit le cumul des
droits et leur passage d'un employeur à l'autre, y compris le
règlement des griefs logés chez l'ancien employeur. Par
conséquent, nous croyons qu'il doit être explicitement convenu
que, lors de son intégration dans sa nouvelle commission scolaire, tout
employé transporte avec lui ses droits tels que l'ancienneté, la
permanence, la protection salariale, s'il y a lieu, les années
d'expérience et ainsi de suite, donc sans limitation de ses droits.
Par ailleurs, les employés de soutien de certaines commissions
scolaires bénéficient de conditions particulières. Ainsi,
les employés de soutien à la CECM ont des dispositions
particulières relatives au temps supplémentaire, au mouvement de
personnel, aux affectations temporaires, au régime local d'assurance-vie
et ainsi de suite. Ces conditions particulières de travail doivent
être garanties dans la loi à ces employés. De plus, les
employés de la CECM et de la CECQ ont un régime de fonds de
retraite différent du régime général, le RREGOP. Il
doit être clairement indiqué dans la loi que ce régime
particulier de fonds de retraite est garanti auxdits employés.
Finalement, si le projet de loi est adopté tel que
régidé actuellement, nous croyons que les normes de transfert et
d'intégration du personnel des commissions scolaires existantes et du
Conseil scolaire de l'île de Montréal doivent être convenues
entre les intervenants provinciaux ainsi que tout sujet y afférent.
Cette entente devrait aussi prévoir des mécanismes de recours
pour un employé qui se croirait lésé par l'application des
mécanismes de transfert. Pour la CSN, le projet de loi 40 ne doit pas
être l'occasion, encore une fois, d'effectuer de nouvelles coupures de
personnel et de services à la population ou encore de modifier, par la
bande, certaines conditions de travail. Nous espérons que l'intention du
ministre sera claire quant à ces aspects.
II nous semble important aussi de souligner que le projet de loi ne doit
pas retirer du champ négociable certaines conditions: mutations,
promotions et ainsi de suite. Par ailleurs, nous nous inquiétons de la
teneur de certains articles du projet de loi qui pourraient permettre la
discrimination. Ainsi, l'article 224 ouvre la porte à la discrimination
à l'embauche. Ainsi, le ministre accorde des pouvoirs quant à la
révocation et à la suspension du permis d'enseigner alors que
l'enseignant est employé par la commission scolaire. Aucun article ne
spécifie qu'un membre du personnel enseignant ou non enseignant a le
droit, pour motif de liberté de conscience, de ne pas se conformer aux
politiques émises concernant la coloration religieuse du projet
éducatif local dans les activités autres que l'enseignement
religieux. Selon nous, on ne peut forcer un enseignant, une enseignante ou un
membre du personnel non enseignant à livrer un contenu religieux.
L'article 79 devrait, par ailleurs, prévoir que l'enseignant ou
l'enseignante ne peut se voir imposer une mesure discriminatoire parce qu'il ou
qu'elle a exercé ce droit.
Concernant la représentation syndicale, la restructuration
syndicale implique des modifications profondes des structures syndicales qui
provoqueraient, à coup sûr, tension et instabilité. J'ouvre
une parenthèse, ici, concernant particulièrement l'article 412,
quant à son interprétation. L'interprétation que nous
avons pu en faire lors d'échanges, de négociations depuis octobre
dernier, c'était que le pouvoir de demander une accréditation
syndicale ne peut exister qu'en regard de la catégorie ou
sous-catégorie pour laquelle l'association syndicale détenait
déjà l'accréditation dans la commission existante et ce,
à l'égard du nouveau territoire des commissions scolaires
restructurées. Nous aimerions avoir confirmation de
l'interprétation de cet article-là, parce que d'autres
interprétations circulent également quant à
l'élargissement qu'on pourrait y donner. Cela aurait une coloration
très différente sur l'ensemble des modalités, qui sont en
négociation depuis quelques mois déjà, pour
l'intégration et le transfert éventuel de personnel dans les
nouveaux territoires des commissions scolaires. (23 h 30)
Le Président (M. Blouin): En concluant, s'il vous
plaît!
M. Augers Oui, je termine, il me reste quelques petits
paragraphes.
Le projet de loi 40 subdivise les personnes en catégories et
sous-catégories et détermine à l'avance quelle est
l'unité syndicale appropriée dans une nouvelle commission
scolaire. Il est vrai qu'en général les accréditations
regroupent ou bien l'ensemble du personnel de soutien ou encore le personnel
technique et administratif dans une unité et le personnel de soutien
manuel dans une autre unité.
Cependant, le projet de loi ne tient pas compte et interdit d'autres
regroupements. À titre d'exemple, dans plusieurs commissions scolaires,
les concierges ont une accréditation distincte du reste du personnel de
soutien manuel.
À d'autres endroits, ce sont les magasiniers qui font partie du
personnel de soutien manuel, alors que, dans le plan de classification, ces
emplois se retrouvent dans la nomenclature des emplois techniques et
administratifs.
Autre exemple. Des chauffeurs sont syndiqués avec le personnel
technique et administratif, alors que, dans le plan de classification, on les
retrouve dans la nomenclature des emplois manuels.
Nous croyons que si le personnel le désire, ces regroupements,
qui correspondent mieux à leur réalité et à leur
affinité, devraient être maintenus.
Selon nous, l'article 415, qui détermine d'avance les
libellés d'accréditation exclusifs est contraire à la
liberté d'organisation syndicale. Cet article devrait donc être
modifié pour permettre le maintien d'unités syndicales
spécifiques.
D'autre part, ce même article 415 exclut automatiquement des
unités syndicales les secrétaires du directeur
général ou du directeur du personnel. Ceci doit être aussi
retiré du projet de loi, car c'est contraire à la liberté
de se syndiquer et contraire au Code du travail, étant donné que
cela exclut des personnes qui sont considérées actuellement,
reconnues comme telles, comme des salariés au sens Code du travail.
En tant que représentants syndicaux, nous demandons que nous soit
transmise, tant sur le plan local que national, toute information pertinente
concernant la représentation syndicale, les nouveaux découpages
des territoires, le nom des autres associations impliquées, etc.
Enfin, les délais impartis au projet de loi 40, concernant
l'article 413, nous semblent impossibles.
En effet, comment pouvons-nous déposer une requête en
accréditation entre le 1er et le 31 mars 1985, alors que le plan de
transfert (article 356) indiquant à quelle nouvelle commission scolaire
travaillera un employé, est officialisé, au plus tard, le 31 mars
1985. Ce sont les seuls employés apparaissant à ce plan qui
peuvent participer au scrutin secret pour la représentation syndicale
(article 417).
En d'autres termes, on déposera une requête en
accréditation pour couvrir le personnel d'une commission scolaire avant
même de savoir qui est visé pour cette requête.
De plus, dans le cadre du projet de loi,
ce choix syndical implique éventuellement une nouvelle convention
collective et aussi une nouvelle représentation pour négocier la
prochaine convention (le dépôt des demandes syndicales doit
être effectué au plus tard le 1er juin 1985, article 111.8 du Code
du travail). Par conséquent, les délais de l'article 413 doivent
être modifiés.
En conclusion, deux choses: on pense, encore une fois, qu'on doit
pouvoir profiter de ce projet de loi pour discuter un peu plus largement et non
pas s'en tenir au strict contenu du projet de loi et certains principes que
nous croyons importants de débattre.
D'autre part, on pense également qu'il y a, dans sa forme
actuelle, des problèmes majeurs au projet de loi 40. Ce que l'on dit,
c'est qu'on a formulé - je ne vous en fais pas lecture, vous l'avez dans
le projet -plusieurs amendements. On pense qu'ils doivent être pris en
considération pour faire en sorte que ce projet de loi soit maintenu ou
modifié pour pouvoir être soumis à la législature.
Sinon, on pense qu'il devrait être retiré.
Je dirais également, qu'à suivre les débats des
disponibilités qu'on a pu avoir, il semble que, effectivement, un
certain nombre d'amendements sont déjà en vue. On n'en
connaît pas la teneur, mais on voudrait indiquer, immédiatement,
au gouvernement que, si des amendements majeurs sont apparus à la suite
de débats, ici en commission parlementaire ou à d'autres
rencontres, et que les participants qui se sont présentés, ici en
commission parlementaire, n'ont pu les débattre parce qu'ils ne les
connaissaient pas, on demande ou on invite le gouvernement - si ce projet de
loi est prêt à être présenté avec de tels
amendements - de tenir une autre commission parlementaire pour entendre les
parties, car cela pourrait -je ne dis pas que cela donnera lieu à un
nouveau projet de loi - modifier profondément l'actuel projet de loi
dans certains articles.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Auger. M. le
ministre.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier la CSN pour le
mémoire extrêmement intéressant qu'elle nous a
présenté. Je note d'abord qu'elle est d'accord sur un certain
nombre de changements majeurs qu'apporte le projet de loi comme, la
déconfessionnalisation des commissions scolaires, le nouveau statut
linguistique des commissions scolaires, l'intégration primaire et
secondaire, c'est-à-dire des deux niveaux d'enseignement. Certains des
aménagements prévus pour ce que la CSN appelle les services
confessionnels sur la constitution d'un conseil d'école au sein de
chaque école chargé de responsabilités
pédagogiques. Je pense bien que la version amendée du projet de
loi répondra aussi à un bon nombre de questions, de
préoccupations que le mémoire de la CSN contient et permettra
aussi d'apporter des réponses aux interrogations ou aux
préoccupations dont elle nous a fait part.
Étant donné que la CSN regroupe la majorité des
employés de soutien de nos écoles et de nos centres
administratifs, j'aimerais tout de suite commenter le mémoire de la CSN
sur les droits syndicaux en les reprenant un par un, en partant du
mémoire.
Premièrement, la détermination des normes de transfert et
d'intégration. La CSN considère que de telles normes doivent
être convenues entre les intervenants provinciaux et qu'une telle entente
devrait prévoir des mécanismes de recours pour l'employé
qui se croit lésé par l'application des mécanismes de
transfert. Je dis, à cet égard, que le gouvernement a entrepris
des échanges, comme on vient de le signaler, depuis déjà
quelques mois avec les associations syndicales en vue de convenir avec
celles-ci des normes de transfert et d'intégration des salariés.
En plus du processus d'échange déjà engagé dans le
sens de la proposition de la CSN, nous avons annoncé, au début de
la commission parlementaire, que l'article 353 serait amendé pour
prévoir formellement de telles négociations. Sur les recours des
salariés lors du transfert et de l'intégration, les
représentants du gouvernement ont annoncé qu'ils étaient
d'accord sur le principe. Il reste donc aux parties à déterminer
les modalités d'exercice de tels recours.
Deuxièmement, concernant les garanties relatives aux
salariés, la CSN exige que certaines garanties soient introduites dans
les normes de transfert et d'intégration du personnel. Les garanties
exigées par la CSN sont les suivantes, il y en a huit: 1. que le
personnel et les associations syndicales soient informés et
consultés à l'occasion de l'élaboration de la liste des
écoles et des plans d'effectifs; 2. que toute l'information pertinente
reliée aux nouveaux territoires des nouvelles commissions soit
communiquée aux associations syndicales locales et nationales; 3. que
les droits des salariés soient maintenus aux endroits où il n'y a
pas de modification de territoire - ce sont des cas où les commissions
scolaires dispensent actuellement l'enseignement primaire et secondaire; 4.
que, dans les commissions scolaires où il y a modification de
territoire, les employés de soutien qui travaillent dans les
écoles soient maintenus à leur poste, que les employés des
centres administratifs choisissent un poste de leur classe d'emploi, en
fonction de leur ancienneté; 5. qu'il n'y ait aucune réduction
d'effectifs pour une durée minimale de cinq
ans; 6. qu'il n'y ait pas d'augmentation de la sous-traitance pour les
services normalement exécutés par le personnel de soutien; 7.
qu'à l'occasion de leur transfert à leur nouvelle commission
scolaire, les salariés transportent leurs droits, tels
l'ancienneté, la permanence, les années d'expérience et le
reste; 8. que les griefs logés auprès de l'ancien employeur
demeurent valides.
Ce que j'ai à dire sur ce point est comme suit: le mémoire
contient les garanties que je viens de lire et ces garanties ont d'ailleurs
déjà été exprimées par le
représentant de la CSN lors des pourparlers entrepris pour
déterminer les règles de transfert et d'intégration du
personnel. Elles devraient donc faire l'objet d'ententes à ce niveau.
Cependant, il sera opportun de rappeler les garanties offertes par le
gouvernement au mois de décembre dernier en ce qui concerne le transfert
et l'intégration des employés aux commissions scolaires
nouvelles.
Les principales garanties en termes de transfert à une nouvelle
commission scolaire et d'intégration dans un poste sont les suivantes:
1. tous les salariés seront transférés aux commissions
scolaires nouvelles en conservant les droits et privilèges contenus
à leur convention collective; toutefois, cette garantie ne s'applique
pas aux salariés qui occupent un emploi temporaire; 2. les
employés de soutien travaillant dans une ou des écoles
situées sur le territoire d'une nouvelle commission scolaire sont
intégrés à leur ancien poste en conservant leur classe
d'emploi, leur nombre d'heures et leur taux de traitement; les employés
de soutien qui travaillent dans les centres administratifs et dans des
écoles situées sur le territoire de plus d'une nouvelle
commission scolaire sont intégrés dans leur classe d'emploi,
à un poste comportant le même nombre d'heures et le même
taux de traitement, en fonction du choix qu'ils expriment, de leur
ancienneté et de leurs qualifications; 3. lors de son transfert ou de
son intégration, aucun salarié ne se verra déplacé
à plus de 50 kilomètres de son lieu de travail ou de son
domicile, conformément aux dispositions de la convention collective
actuelle; 4. durant l'année scolaire 1985-1986, aucune mise en
disponibilité ni aucune mise à pied d'un employé
régulier ne pourrait être effectuée au cours de cette
période. Somme toute, environ 66% des employés de soutien
conserveront leur poste dans la même école. Quant aux
employés des centres administratifs, ils se verront attribuer un poste
de leur classe d'emploi comportant les mêmes heures au même lieu de
travail ou dans un lieu différent, sans toutefois jamais dépasser
un rayon de 50 kilomètres.
Quant à la consultation sur les plans d'effectifs, à
l'information pertinente à transmettre et à la validité
des griefs, elle nous apparaît opportune et nous sommes disposés
à faire en sorte que les discussions entreprises puissent y donner
suite.
Troisièmement, les conditions particulières. En effet, les
2800 employés de soutien de la CECM bénéficient,
actuellement, de conditions particulières. Ces conditions
particulières sont généralement établies par
entente mais, dans certains cas, elles découlent de lois
antérieures. C'est le cas du régime supplémentaire de
retraite et du régime particulier d'assurance-vie de la CECM. La CSN
propose que ces conditions particulières soient garanties dans la loi.
Ce que j'ai à dire à ce sujet peut se résumer comme suit:
Les représentants du gouvernement ont déjà transmis, lors
des échanges avec la CSN, notre politique de garantir aux
employés le maintien des conditions particulières contenues
à ces ententes. Les modalités d'application à cet effet
seraient l'objet d'ententes dans le cadre des règles de transfert et
d'intégration.
D'autre part, comme l'indique le mémoire de la CSN, il nous
apparaît opportun de garantir dans la loi le maintien des conditions
particulières déjà établies dans les lois
antérieures pour certains employés de la CECM. De telles
garanties s'étendraient également aux salariés des autres
commissions scolaires qui bénéficient de conditions
semblables.
Quatrièmement, la sous-traitance. La CSN exige qu'il soit
établi clairement que la restructuration n'engendrera pas la
multiplication de la sous-traitance pour les services normalement
dispensés par ses employés de soutien. Mes commentaires:
L'objectif de la restructuration scolaire n'est pas d'accentuer la dispensation
des services avec des sous-traitants. Cependant, s'il y avait recours à
la sous-traitance, les employeurs actuels et futurs devront appliquer les
conventions collectives avant d'y recourir puisqu'elles prévoient des
règles à respecter, notamment celle de l'interdiction de mise
à pied.
Cinquièmement, la représentation syndicale. La CSN touche
ici à deux problèmes: premièrement les libellés
prédéterminés et les exclusions; deuxièmement,
l'époque de la requête en accréditation.
Sur les libellés prédéterminés et les
exclusions. La CSN critique les libellés
prédéterminés d'accréditation prévus au
projet de loi et principalement le fait que la catégorie des
employés de soutien ne peut être divisée qu'en deux
sous-ensembles fixes,
soit les employés manuels et les employés de bureau,
c'est-à-dire emplois techniques et administratifs. La CSN demande que
l'article 415 soit modifié afin de permettre des unités
syndicales spécifiques. De plus, la CSN demande que soit retirée
du projet de loi l'exclusion des secrétaires du directeur
général ou du directeur du personnel étant donné
que, actuellement, ces employés sont considérés comme des
salariés au sens du Code du travail.
Mes commentaires concernant les libellés
prédéterminés: Disons d'abord qu'il est d'usage que les
commissaires au travail accordent les accréditations sur la base de
chacune des catégories de personnel, à savoir, enseignants,
professionnels et soutien, y compris pour ce dernier groupe deux
sous-catégories distinctes, soit les employés manuels et
administratifs.
La CSN reconnaît d'ailleurs dans son mémoire que, en
général, le personnel de bureau se retrouve dans une unité
et le personnel de soutien manuel dans une autre unité ou encore que
tous sont réunis dans une seule unité. Cette façon de
faire respecte la pratique actuelle et, de plus, elle permet - et c'est
là son but premier - la réorganisation syndicale dans un
délai propre à ce qu'au 1er juillet 1985, les
salariés connaissent quel syndicat les représente et quelle
convention leur est applicable. Ceci n'aurait pas été possible
étant donné les délais que cela implique si nous avions
retenu la possibilité énoncée par la CSN d'avoir diverses
unités d'accréditation à l'intérieur de la
catégorie de personnel de soutien. (23 h 45)
Concernant les exclusions, maintenant. Sur l'exclusion de certaines
personnes de l'unité d'accréditation, l'analyse de la CSN nous
apparaît intéressante et nous sommes prêts à
reconnaître qu'il s'agit là d'une critique pertinente. Le
législateur devrait donc laisser les commissaires du travail
déterminer qui doit être inclus ou exclu de l'unité
accréditée, conformément au Code du travail.
Mes commentaires maintenant concernant l'époque de la
requête en accréditation. La CSN critique le fait que
l'époque pour déposer une requête en accréditation
se situe entre le 1er et le 31 mars 1985, alors que l'avis confirmant au
salarié sa nouvelle commission scolaire sera donné, au plus tard,
le 31 mars 1985. La CSN demande de modifier le délai afin que l'avis de
transfert précède la date pour déposer la requête en
accréditation.
Mes commentaires: il nous apparaît en effet pertinent que le
syndicat connaisse l'employeur où seront transférés les
salariés qu'il représente avant de déposer sa
requête en accréditation. Nous pouvons donc indiquer
immédiatement notre intention d'ajuster les dispositions du projet de
loi, de manière que l'époque pour déposer la requête
en accréditation se situe après l'avis de transfert. C'est donc
notre intention de négocier les modalités de transfert et
d'intégration, de continuer nos échanges -nous en avons
déjà tenus huit jusqu'à maintenant et nous avons
l'intention d'en tenir plusieurs autres dans les 15 ou 21 jours qui viennent -
et je pense que nous aurons l'occasion aussi bien de discuter de ce que je
viens de dire que de tous les autres problèmes qui seraient
soulevés. L'objectif que nous visons, c'est d'en venir à une
entente négociée sur tous les points qui ont été
soulevés et sur les autres qui pourraient être
soulevés.
J'aimerais, à cet égard, connaître la
réaction des représentants de la CSN.
Le Président (M. Blouin): M. Auger.
M. Auger: Je vais donner quelques réactions sur certains
points qui ne m'apparaissent pas encore suffisamment clairs. D'autres pourront
poursuivre, ayant travaillé très spécifiquement sur ce
dossier.
Tout d'abord, sur la question de la reconnaissance de catégories
d'accréditation particulières. Nous ne demandons pas au
législateur ou au Commissaire du travail d'inventer de nouvelles
catégories, de créer de nouvelles catégories là
où il n'y en a pas. On dit qu'une réalité syndicale existe
et qu'elle est souvent ancrée dans une tradition assez importante pour
certains syndicats. Elle existe et elle fait en sorte que certaines
sous-catégories de personnels tels, pour vous donner un exemple, les
concierges qui sont séparés du personnel manuel et administratif
dans plusieurs commissions scolaires... On veut qu'ils puissent demeurer dans
cette accréditation et non pas être fondus automatiquement. On
veut que, dans une intégration, une modification de territoire, les
territoires qui seront touchés puissent conserver ces unités.
Cela nous apparaît important. Si elles ne sont pas conservées,
cela produit effectivement davantage de bouleversements, alors qu'on peut
reconnaître au moins que, déjà, cette intégration de
personnel, malgré toutes les précautions qu'on voudra prendre, va
déjà produire en elle-même un certain nombre de tensions
chez ces travailleuses et travailleurs et, également, dans la
mise en place ou la remise en place de l'organisation du travail dans ces
nouveaux territoires de la commission scolaire.
Je ferais la même remarque sur l'exclusion, quand vous dites que
vous considéreriez aller du côté du Commissaire du travail
pour trancher cette question. Ce que l'on vous souligne, c'est que la question
a déjà été tranchée par les commissaires du
travail puisqu'ils ou elles sont, très
majoritairement, sinon unanimement, reconnus comme étant membres
d'accréditations syndicales.
Donc, repartir le processus serait en quelque sorte demander au
législateur de reconsidérer une décision qu'il a
déjà prise. Si c'est déjà fait, respectons cela,
puisque la restructuration ne veut pas - et je pense qu'on reconnaît cela
de part et d'autre -perturber ce qui existe en termes de reconnaissance
syndicale, en termes de reconnaissance des accréditations. Ce qu'on vous
dit, c'est qu'on n'a pas besoin de le soumettre. La restructuration vit avec
les faits qui existent concernant les accréditations syndicales.
C'étaient les deux commentaires. Un autre commentaire plus
général concerne tout l'aspect des négociations. Ce qu'on
souhaite effectivement, c'est que ces rencontres se poursuivent. Je dirais
même qu'on aurait apprécié, particulièrement ces
dernières semaines, qu'on puisse pousser plus rapidement afin
d'être amenés ici, en commission parlementaire, et d'ajuster
davantage des points qui bloquaient au niveau de l'interprétation de
certains articles du projet de loi. Je soulignais en particulier l'article 353.
Ce qui nous apparaît fondamental, c'est que, tel que
rédigé, on croyait lire à cet article 353 qu'il y avait
vraiment, d'abord et avant tout et vraiment fondamentalement sans
équivoque, sans voie de sortie prématurée pour l'une ou
l'autre des parties, recherche d'une entente par une négociation libre.
On veut que ce soit ça prioritairement et uniquement qui reste
là. Cela nous apparaît fondamental, car on connaît trop les
tensions qui existent à l'intérieur de cette restructuration.
Pour des motifs très divergents, ne serait-ce que cette
intégration de territoire, elle pourrait bloquer sur tout autre motif
que des motifs d'intégration de personnel. Nous ne voulons pas nous
retrouver avec cela. C'est pour cela qu'il faut que la négociation se
joue sur les vrais objectifs d'intégration de personnel, pas sur
d'autres éléments dont nous ne voulons pas, comme personnel,
porter la responsabilité.
Je ne sais pas si Monique ou Ginette veulent faire d'autres commentaires
en réaction à vos engagements.
Mme Guérin (Ginette): Si vous me le permettez, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Certainement.
Mme Guérin: Quant à la dernière remarque du
ministre de l'Éducation concernant son objectif qui est d'en arriver
à une entente négociée, je dois vous dire que, pour le
personnel de soutien que nous représentons ici, c'est assez heureux
d'entendre cela. Cela va faire changement avec les dernières
périodes dites de négociations qui se sont terminées par
un décret. Nous osons espérer qu'effectivement il y aura une
entente négociée sur les mécanismes d'intégration
du personnel de soutien. Pour nous, les mécanismes d'intégration
sont tout à fait reliés intimement à tout le chapitre du
projet de loi qui traite de la représentation syndicale. J'aimerais
avoir une réponse précise du ministre de l'Éducation sur
son interprétation de l'article 412, tel que libellé dans le
projet de loi 40.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Guérin.
M. Laurin: Je voudrais vous dire à cet égard que je
partage l'opinion de M. Auger sur le caractère fondamental de ce
libellé de l'article 353 en vertu duquel ce que nous visons, c'est une
entente négociée. J'accueille aussi avec intérêt les
trois commentaires qui ont suivi. Je les communiquerai sûrement à
mes officiers. Comme on sait qu'il y a d'autres rencontres de prévues -
je pense qu'on en prévoit quatre au cours des quinze prochains jours -je
pense que sur cette base nous pourrons continuer la discussion, les
échanges, sur chacun des articles qui peuvent encore faire
problème. J'espère - en tout cas, je suis optimiste à cet
égard - que nous pourrons rapprocher nos points de vue et parvenir
à cette entente qui est notre objectif.
Juste avant que nous ajournions les travaux de notre commission, je
voudrais également ajouter un commentaire sur l'éducation des
adultes. Il est vrai que le gouvernement fera connaître sa politique au
cours du mois de février. Après que cette politique sera connue,
il deviendra possible d'effectuer au projet de loi 40 des amendements que nous
ne pouvions pas effectuer avant que le gouvernement n'ait pris sa
décision. Mais je peux vous assurer à l'avance que ces
amendements iront dans le sens de ce que vous avez souhaité dans votre
mémoire, c'est-à-dire la reconnaissance de la
spécificité de l'éducation des adultes par rapport
à l'éducation des jeunes, spécificité
étendue aux services et aux droits que possèdent les adultes
à l'accessibilité aux études et à la
représentation. Évidemment, ce sont des objectifs que nous
partageons et il me fera plaisir d'apporter, à cette occasion, des
amendements qui reconnaîtront le rôle extrêmement important
que doit jouer l'éducation des adultes dans la mission éducative
que doit se donner une société.
J'ai le temps aussi de poser une dernière petite question. Je
vois que, dans votre mémoire, vous reconnaissez la possibilité de
créer dans chaque école un conseil d'école chargé
de la responsabilité pédagogique. Dans votre mémoire, vous
dites
que le conseil d'école devrait être uniquement
chargé de la responsabilité pédagogique et non pas
d'autres responsabilités. Je pense qu'on peut s'entendre sur le fait que
le conseil d'école aura pour mission principale fondamentale de
s'occuper justement de la responsabilité pédagogique, mais ne
croyez-vous pas que, pour que précisément le conseil
d'école puisse le faire, on puisse mettre à sa disposition des
moyens, des instruments qui lui permettront d'assumer ses
responsabilités. Parmi ces moyens, je pense qu'il y en a certains que
prévoit le projet de loi et qui me paraissent absolument essentiels. Par
exemple, la nécessité de préparer des prévisions
budgétaires qui seront soumises aux commissions scolaires, qui pourront
être modifiées par la commission scolaire, mais qui, une fois
approuvées, devront comporter la dispensation d'un budget à
l'école que le conseil d'école devra administrer?
M. Auger: Un commentaire. La recommandation no 9 que nous
formulons dans notre mémoire à la page 16 dit que le projet de
loi permet aux enseignantes et enseignants, de même qu'à
l'ensemble des professionnels non-enseignants et au personnel de soutien,
d'être partie prenante aux décisions à caractère
pédagogique, au sein du comité pédagogique de
l'école, en matière d'adaptation de programmes, de choix de
méthodes pédagogiques, etc.
Dans un deuxième temps, ce que l'on mentionne, c'est qu'en ces
matières, en cas de divergence de la part des autorités de
l'école, la décision appartient au conseil d'école ou au
directeur d'école. J'ai entendu tout à l'heure le débat
qui s'est fait sur et autour de cette question. J'ai trouvé cela
intéressant, parce que, lorsqu'on a regardé cette question,
à la lumière, entre autres, de notre expérience qui est
celle des cégeps et d'un certain nombre d'autres expériences
qu'on a pu vivre, ce qui nous paraissait fondamental, c'est effectivement qu'au
niveau de comités pédagogiques - d'ailleurs, cela s'appelle des
commissions pédagogiques -il y ait une première réflexion
fondamentale qui repose effectivement non pas sur un commun accord des parties,
mais sur la qualité professionnelle, la compétence
professionnelle et l'attention professionnelle de l'ensemble des composantes
d'une commission scolaire, d'une école, d'un cégep. Pour nous, la
possibilité est d'abord et avant tout le point de démarrage.
M. Laurin: Tout à fait.
M. Auger: Lorsqu'on arrive du côté de la fonction du
conseil d'école, à partir du moment où il y a eu cette
recherche, dans le cadre des politiques qui sont reconnues à
l'école, le reste, selon nous, peut très bien se retrouver
à un autre palier, au palier régional particulièrement. On
n'a pas saisi l'importance, par exemple, pour l'école de
préparer, comme vous le dites, l'ensemble de sa proposition
budgétaire. Bien que l'ensemble de ces discussions vont fournir des
ressources à la commission scolaire, mais on trouve que l'essentiel
n'est pas là. Insister pour que cela repose sur l'école, nous
n'en sommes pas convaincus du tout dans l'analyse qu'on peut faire actuellement
du fonctionnement de l'école.
L'autre problème, lié à notre perception
générale du projet de loi, c'est remettre entre les mains de
parties presque atomisées, dans certains cas, des responsabilités
qui, comme on le sait, ne pourront être exercées aussi facilement,
non pas parce qu'on n'a pas confiance aux gens qui travaillent là, les
personnels ou autres, mais cette atomisation ne nous paraît pas
souhaitable pour ce type d'action. On préfère que l'action se
fasse au niveau régional en laissant les pouvoirs réels, toute
les questions pédagogiques, l'administration d'un projet
éducatif, au niveau de l'école.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Auger. Il est minuit,
et je dois vous inviter à revenir vous joindre à nous demain
matin.
La commission élue permanente de l'éducation ajourne ses
travaux à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à minuit)