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(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Blouin): La commission permanente de
l'éducation reprend donc ses travaux. Je vous rappelle le mandat de
cette commission qui est d'entendre toute personne ou tout groupe qui
désire intervenir sur le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement
primaire et secondaire public.
Les membres et les intervenants de cette commission sont: MM. Brouillet
(Chauveau), Champagne (Mille-Îles), Cusano (Viau), Gauthier (Roberval),
Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Hains (Saint-Henri), Laurin (Bourget),
Leduc (Fabre), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Payne (Vachon) et Ryan
(Argenteuil).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Charbonneau
(Verchères), Maltais (Saguenay), Doyon (Louis-Hébert), Lachance
(Bellechasse), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Paré (Shefford),
Rochefort (Gouin) et Sirros (Laurier).
Nous entendrons, d'abord, ce matin, MM. Guy Giroux, Pierre Talbot et
Robert Bilodeau, commissaires à la CECQ; ensuite, la
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Nous
prévoyons également, à compter de 15 heures, entendre la
commission scolaire des Laurentides, la commission scolaire des
Mille-Îles; ce soir, à compter de 19 h 30, le Comité
d'école de l'école Vaillancourt, ainsi que la
Fédération des travailleurs du Québec.
Sur ce, j'invite sans plus tarder les représentants du premier
groupe, c'est-à-dire MM. Giroux, Talbot et Bilodeau, d'abord, à
nous présenter leur mémoire en une vingtaine de minutes,
après s'être identifiés pour que nous puissions bien savoir
lequel est lequel.
MM. Robert Bilodeau, Guy Giroux et Pierre
Talbot
M. Bilodeau (Robert): Merci, M. le Président. Mon nom est
Robert Bilodeau; je suis parent et commissaire à la Commission des
écoles catholiques de Québec. M'accompagnent, à ma droite,
M. Pierre Talbot, également parent et commissaire à la Commission
des écoles catholiques de Québec et, à ma gauche, M. Guy
Giroux, parent et commissaire à la Commission des écoles
catholiques de Québec.
M. le Président, nous avons fait un effort de synthèse de
notre mémoire; c'est pour cela qu'au fur et à mesure de la
lecture j'indiquerai aux membres de la commission à quelle page
correspond au mémoire qu'ils ont en main la lecture que je vais
faire.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la
commission parlementaire, notre mémoire n'est pas le fruit de compromis
de tendances comme il peut s'en produire dans les prises de position de
certaines associations. Il n'est pas rédigé de façon
à sauvegarder ou à redorer notre image publique, ni à
faire plaisir à notre clientèle ou à nos membres. Nous ne
disposons ni de professionnels, ni d'études particulières, ni de
membres sur tout le territoire du Québec pour faire une étude
minutieuse de tous les aspects du projet de loi.
Page 2. Notre mémoire est le fruit de notre expérience de
la chose scolaire, des rôles différents que nous avons
été appelés à y jouer ces dernières
années et de notre réflexion.
Nous sommes d'abord et avant tout trois parents d'enfants qui
fréquentent des écoles publiques de la Commission des
écoles catholiques de Québec. C'est en tant que parents que nous
voulons nous impliquer. Nous avons donc tous les trois été
membres de trois comités d'école différents à la
CECQ. Notre expérience dans ces comités a été
à la fois révélatrice, enrichissante et frustrante. Nous
avons senti au sein du comité d'école des inquiétudes et
des malaises de la part des autres intervenants dans l'école: les
directions d'école, les professeurs et les professionnels
non-enseignants étant habitués à travailler ensemble ne
savaient pas quelle place donner aux parents. Des interrogations subsistaient
et subsistent encore: quel est le statut des parents à l'école?
Quel sera leur apport à la vie de tous les jours? Vont-ils s'arroger des
prérogatives dévolues aux autres intervenants? Nous avons
également vécu de bonnes expériences faites d'ajustement
et de compréhension des rôles respectifs de chacun.
Page 3. Nous avons aussi constaté la petite place faite à
l'école dans la structure scolaire par rapport à la commission
scolaire et au ministère de l'Éducation. Notre vécu,
à ce niveau, a surtout été marqué par
l'autoritarisme et la centralisation de la prise de décision à la
CECQ. Un d'entre nous, au moment où il était membre de son
comité d'école, a vécu la malheureuse expérience de
la fermeture de l'école primaire fréquentée par son fils.
Malgré la
population scolaire justifiant le maintien de l'école,
malgré la mobilisation massive des parents et des gens du milieu,
malgré le recours aux tribunaux, ces démarches n'ont pas fait
broncher une direction générale et un conseil des commissaires
fermés et jaloux de leur prérogative de décideurs envers
et contre tous. Ce parent, aujourd'hui commissaire, doit continuer à
payer, quatre ans plus tard, les coûts de procédures judiciaires
intentées à l'époque.
Un autre d'entre nous a également vécu, au sein de son
comité d'école, un affrontement à la suite du dirigisme de
la CECQ. Cette commission scolaire a décidé de murer la
moitié des fenêtres de la façade sud de l'école
fréquentée par ses deux enfants. Malgré l'opposition des
parents, d'organismes et de personnes influentes du milieu, la direction
générale et l'ensemble du conseil des commissaires, avec le
pouvoir de décision dans leurs mains, sont restés sur leurs
positions et les travaux ont été exécutés. Bien que
la CECQ ait justifié cette décision par des économies
d'énergie, elle n'a jamais fait de bilan énergétique ni
produit de calcul d'économie d'énergie pouvant appuyer cette
décision.
Page 4. Voulant pousser plus loin notre expérience de la chose
scolaire et aussi refléter les préoccupations de nos milieux
respectifs, et, prioritairement, celles des parents, nous sommes devenus
commissaires à la CECQ. Un d'entre nous est commissaire depuis six ans,
le deuxième, depuis deux ans et demi et le troisième, depuis juin
dernier. Nous sommes, en tant que commissaires, témoins de situations
où les écoles se voient refuser des requêtes
légitimes parce que cela ne recontre pas les desseins de la direction
générale et des commissaires qui ne veulent pas partager les
responsabilités avec les écoles et tiennent mordicus à
prendre toutes les décisions.
Un dernier élément de notre vécu transparaît
dans notre mémoire. Deux d'entre nous représentent des quartiers
se situant dans l'enclave constitutionnelle du territoire de la CECQ de
1867.
Page 5. Il semble que l'on avait oublié, avec le temps et
l'évolution du monde de l'éducation, que la responsabilité
directe et immédiate de la mission éducative revient de plein
droit et en toute normalité à l'école. N'est-elle pas la
seule entité en contact direct et constant avec les enfants?
L'école étant conçue pour les enfants, il devient
évident que les parents, premiers responsables de leurs enfants, doivent
y prendre une place importante. Les parents ont été introduits
dans l'école par la porte arrière. Leur statut de partenaires de
deuxième ordre a occasionné des frustrations et des tensions dans
certaines écoles. Dans d'autres, heureusement, l'ouverture d'esprit des
directions d'école aidant, il s'est établi une
collégialité dynamique des différents intervenants. Il
n'est que normal que le projet de loi consacre leur présence dans
l'école et ne laisse pas à l'unique volonté des directions
d'école et des commissions scolaires le soin de les faire participer. Ce
que nous en savons démontre que, dans les milieux urbains surtout, les
commissions scolaires ne veulent pas d'une présence active des parents.
Ces derniers ont besoin du soutien de la loi pour prendre la place qui leur
revient. (10 h 15)
Nous tenons à apporter notre point de vue sur le sujet litigieux
et délicat de la taxe scolaire et du mode de composition du conseil des
commissaires. Notre expérience et notre réflexion nous
amènent à proposer une remise en question fondamentale à
la fois de ce qui existe présentement, de ce que propose le projet de
loi et même de ce que proposent certains intervenants du monde de
l'éducation. Nous n'avons pas voulu censurer notre pensée et
préconiser une approche complaisante qui ne ferait que modifier des
avenues déjà explorées qui ne nous satisfont pas. C'est
pourquoi nous voulons supprimer la taxe scolaire, ce qui nous permet de
préconiser l'abolition du suffrage universel pour l'élection des
commissaires pour le remplacer par un autre mode d'élection.
Un certain nombre de constatations nous amènent à cette
proposition. La première constatation a trait à
l'évolution de notre système scolaire au Québec. À
la suite du rapport Parent, la réforme majeure qu'a connue le monde de
l'éducation dans les années soixante a vu apparaître les
collèges d'enseignement général et professionnel. Ce
maillon important de notre système scolaire, symbole de la
démocratisation et de l'accroissement de la scolarisation, on l'a
pourtant soustrait à la taxation scolaire. De plus, ses dirigeants ne
sont pas des personnes élues au suffrage universel. Toutefois, cette
situation ne fait pas l'objet d'une réprobation
généralisée.
L'adaptation de nos universités à notre
société en changement a entraîné des modifications
à la composition des conseils des universités. Là aussi,
tout comme dans les cégeps, il est apparu essentiel de faire
siéger les représentants de tous les intervenants à
l'université. Il n'est pas apparu pertinent, par contre, de
préconiser l'élection des membres au suffrage universel de la
population, mais plutôt au suffrage des pairs de chaque catégorie
d'intervenants. Il n'a jamais été question, non plus, d'instaurer
une taxe scolaire foncière pour le financement des
universités.
La participation de tous les agents au conseil des universités et
des cégeps a inspiré, nous semble-t-il, la composition des
conseils d'école. Nous ne comprenons pas
pourquoi cette notion dynamique d'implication des divers intervenants ne
pourrait pas aussi s'appliquer dans la formation du conseil des commissions
scolaires.
Page 9. Notre deuxième constatation se rapporte à la
complexification et à la diversification de notre société.
Auparavant, l'éducation était au coeur de la vie sociale. De nos
jours, l'importance du domaine de l'enseignement est maintenant
relativisée puisqu'il n'est qu'un système parmi d'autres de
transmission de connaissances et de valeurs.
Les citoyens et les citoyennes se sentent concernés par les
différents paliers de gouvernement que sont le municipal, le provincial
ou le fédéral qui interviennent et prennent des décisions
qui les touchent dans leur vie quotidienne de multiples façons. Il faut
y trouver une situation qui favorise la discussion publique des politiques de
ces gouvernements et la participation de la population au processus
électoral.
Les contribuables sont pleinement conscients que ces gouvernements se
financent par le versement d'impôts et de taxes de leur part. Cet
intérêt accroît leur motivation à surveiller leurs
représentants pour s'assurer de la bonne utilisation de leur argent.
Page 10. La population a aussi conscience que chacun de ces
gouvernements possède à son niveau de juridiction le pouvoir
d'établir des politiques et de modifier des situations dans notre
société.
Ces trois éléments que nous venons brièvement de
présenter et qui sont interreliés, on ne les retrouve pas d'une
façon significative dans le domaine de l'éducation. À
notre analyse, seules les personnes directement touchées par ce domaine
démontrent un intérêt et une motivation à s'y
intéresser. La taxe scolaire ne représente qu'un maximum de 6% du
financement d'une partie de notre réseau d'enseignement. Ce n'est pas un
attrait suffisant pour motiver les contribuables à surveiller les
commissaires qui ont à gérer leur argent. De plus, la commission
scolaire est perçue comme une administration ayant très peu de
pouvoir de décision. En fait, le financement, l'établissement des
politiques et les relations de travail se décident par le gouvernement
du Québec.
Le désintérêt de la population, nous l'avons
palpé, discuté et vécu dans notre expérience de
commissaires. Tous les trois, nous avons derrière nous une campagne
électorale pour nous faire élire au poste de commissaire et nous
avons eu à combattre l'indifférence de la population. Dans notre
porte-à-porte auprès des électeurs et des
électrices, nous avons eu à expliquer et à justifier la
pertinence de l'élection. Les personnes n'ayant pas d'enfant à
l'école, qu'elles soient jeunes ou vieilles, ne se sentent aucunement
concernées. Les propriétaires fonciers, bien que contribuables de
la taxe scolaire, ne sont pas intéressés à savoir comment
est utilisé leur argent; ils veulent plutôt que cette taxe soit
abolie.
Page 11. Le projet de loi propose un certain nombre
d'aménagements au processus électoral de manière à
favoriser la participation. Quant à nous, nous sommes persuadés,
à la lumière des constatations qui précèdent, que
ceci ne modifiera pas d'une façon significative l'intérêt
et la participation de la population à l'élection des
commissaires. D'ailleurs, ce que nous connaissons des expériences
entreprises par les commissions scolaires de l'île de Montréal
pour stimuler l'enthousiasme des masses démontre que celles-ci sont
restées quasi inertes.
Notre troisième constatation porte sur la taxe scolaire. Notre
système de représentation des contribuables est la base de notre
parlementarisme: "no taxation without representation". Dès qu'est
perçue une contribution directe de la population, notre conception de la
démocratie exige que les contribuables élisent des
représentants pour voir à la bonne utilisation de ces fonds
publics. C'est pourquoi, pour pouvoir proposer une formule qui ne contrevienne
pas à ce principe, il faut abolir la taxe scolaire qui est un apport
mineur au financement de l'enseignement primaire et secondaire public.
Page 11. La taxe scolaire ne sert au financement ni des
universités et autres institutions supérieures d'enseignement, ni
des cégeps, ni du réseau des institutions privées, sans
oublier la formation professionnelle des adultes. La tendance manifestée
ces dernières années de la restreindre nous paraît
irréversible. À part quelques personnes et associations voulant
revenir plus de 20 ans en arrière, la population en
général accepterait mal l'accroissement de cette taxe. L'aboliton
de cette séquelle du passé permettrait enfin de remettre en
question le suffrage universel des commissaires d'écoles.
Page 12. Étant donné les constatations
précédentes, vous comprendrez que nous ne nous sommes pas
attardés à examiner toute la variété des formules
souvent boiteuses et des impasses auxquelles conduit le maintien à tout
prix du suffrage universel. De même, nous ne voulons pas nous limiter
à une composition du conseil des commissaires qui ignore les
différents secteurs du monde scolaire.
La commission scolaire prend des décisions qui ont des
implications sur la mission éducative des écoles. Or,
l'association des divers intervenants de l'école à ces
décisions nous paraît indispensable. Notre proposition
établit une cohérence, une logique, une continuité avec la
composition du conseil d'école.
Nous proposons donc, page 13, que le
conseil des commissaires soit composé d'un parent
représentant chacune des écoles sous la juridiction de la
commission scolaire. L'élection de ce parent se ferait au suffrage
universel des parents, ou de ceux et celles qui en tiennent lieu, qui ont un ou
des enfants inscrits dans cette école. Les professeurs auraient droit
à deux représentants désignés par leur association,
le personnel non enseignant aurait droit à un représentant
désigné par son association et le personnel de soutien aurait
droit à un représentant désigné par son
association.
Page 14. Nous n'avons pas inclus une représentation des
élèves au conseil des commissaires. Nous souhaiterions,
cependant, que la réglementation de la loi puisse prévoir une
obligation pour une commission scolaire de consulter, sur des sujets touchant
les élèves, une association étudiante
représentative s'il en existe une.
Notre proposition amène la constitution d'un imposant conseil des
commissaires. Nous croyons à sa pertinence et à sa
viabilité si les législateurs apportent des modifications
à la composition de son comité exécutif. Nous proposons
donc que le comité exécutif soit formé des membres suivant
du conseil: le président du conseil qui en serait le président;
quatre membres du conseil exécutif si celui-ci est formé de moins
de 20 membres, six membres du conseil si celui-ci est formé de 20
à 30 membres et 8 membres du conseil si celui-ci est formé de
plus de 30 membres.
L'école, pivot du système scolaire. Cette revalorisation
de l'école répond aux attentes et aux désirs des parents
avec lesquels nous avons eu à travailler et à défendre
leurs points de vue plus souvent qu'autrement bafoués au sein du conseil
des commissaires de la CECQ. Nous sommes plus que favorables aux fins de rendre
l'école responsable du choix des manuels scolaires. Cette
responsabilité sera d'autant mieux assumée que le
ministère de l'Éducation fournira des instruments et des guides
qui permettront à l'école d'évaluer ces manuels.
Le projet éducatif est l'une des attributions de l'école
qui renforcera son action et sa responsabilité face au rôle
qu'elle doit jouer dans le processus des modes d'apprentissage et
d'éducation de nos enfants. La diversité des milieux donnera
à chacune des écoles une couleur locale qui amènera un
haut degré d'appartenance des élèves, des
éducateurs et des parents à leur école. Nous
espérons donc que les commissions scolaires et le ministère de
l'Éducation veillent à fournir l'expertise et le support
nécessaires pour que tous les conseils d'école puissent mettre
sur pied leur propre projet éducatif répondant le plus
adéquatement possible à leurs besoins spécifiques.
D'ailleurs, selon notre expérience, lorsqu'un comité
d'école met sur pied un projet d'envergure, tels les projets
d'aménagement des cours d'école à la CECQ, le
comité d'école promoteur du projet a fourni à d'autres
écoles l'expertise et l'aide nécessaires pour amorcer une
démarche semblable.
Cet aspect des contacts et des communications dans le monde des
écoles est un facteur important qui atténue les objections des
détracteurs du projet éducatif qui, selon eux, va créer
des disparités importantes d'une école à l'autre.
Déjà, ces différenciations sont existantes dans la
réalité des écoles. Faut-il, au nom de la normalisation et
de l'uniformisation, éviter de doter nos écoles de projets
éducatifs comme si le territoire québécois n'était
pas une mosaïque riche de vécu social et culturel varié?
Par ailleurs, nous sommes enthousiastes à l'idée que le
projet de loi reconnaisse la mission communautaire de l'école.
Nombreuses ont été les demandes pour utiliser les locaux de nos
écoles à des fins communautaires. Ces requêtes n'ont,
malheureusement, pas eu une écoute attentive de la part de la direction
et des commissaires de la CECQ. Par exemple, les parents de l'école
primaire Anne-Hébert qui désiraient un local pour s'initier avec
leurs enfants à l'utilisation de micro-ordinateurs, finalement, se sont
vu imposer un loyer mensuel au même titre que tous les autres locataires
de la CECQ pourtant étrangers à la chose scolaire.
De plus, à la suite de l'instauration du gardiennage
électronique dans plusieurs de nos écoles, il est presque
impossible d'obtenir l'autorisation d'utiliser les locaux d'une école de
la CECQ à des fins communautaires. Combien d'événements
sociaux et culturels pourraient se tenir dans nos écoles? Comme le
stipule le projet de loi 40, laissons aux conseils d'école le soin de
déterminer eux-mêmes la gamme des activités à
caractère social qui pourraient s'y dérouler.
Nous désirons apporter à cette commission notre opinion
sur le nouveau découpage du territoire de la CECQ que propose le projet
de loi. Cette enclave destinée à éviter les embûches
constitutionnelles n'a pas de sens. Une petite CECQ restreinte au territoire de
1867 aurait à administrer sept écoles. Nous devrions
peut-être dire maintenant quatre écoles, puisque le
président de la CECQ, M. Lucien Flamand, a annoncé, le 11 janvier
dernier, à cette commission la fermeture de trois écoles
secondaires, une décision - il faut le dire -qui n'a fait l'objet
d'aucune consultation du comité de parents, ni des comités
d'école concernés, ni d'aucune discussion et résolution du
conseil des commissaires de la CECQ. Cette situation abracadabrante privera
également la population de ce territoire et en tout premier lieu les
enfants
de l'application de la réforme scolaire. C'est, du moins,
l'interprétation que bien des milieux et nous-mêmes faisons, entre
autres, de l'article 333 du projet de loi 40.
Page 21. Enfin, nous voulons porter à votre attention la
situation particulière que vit le milieu scolaire de l'école
primaire Saint-Jean-Baptiste, une des trois écoles primaires de la CECQ
de 1867. Les élèves exemptés de l'enseignement religieux
représentent actuellement 42% de la population scolaire, mais avec un
pourcentage de 54% pour les niveaux du premier cycle. Certaines des craintes
exprimées viennent de la situation constitutionnelle qui créerait
une enclave à caractère religieux susceptible de bouleverser la
vie sociale de l'école et du quartier. C'est pourquoi, afin de trouver
des solutions à cette situation, nous proposons: 1) que le gouvernement
du Québec entreprenne le plus tôt possible les démarches
nécessaires afin de faire amender les articles de la Loi
constitutionnelle canadienne qui garantissent la confessionnalité
scolaire aux personnes domiciliées sur le territoire de la CECQ de 1867;
2) qu'en attendant une modification constitutionnelle le gouvernement du
Québec s'assure que les personnes domiciliées sur le territoire
de la CECQ de 1867 puissent bénéficier de l'application de la loi
40 lorsqu'elle sera en vigueur; 3) que le gouvernement du Québec
permette à une commission scolaire autre que la CECQ d'établir
des écoles sur le territoire de 1867, ceci pouvant contribuer à
assurer l'application de la réforme scolaire à la population de
ce territoire.
En terminant, nous voulons vous dire, membres de la commission, que nous
souhaitons vivement aux parents du Québec la place qui leur revient
à l'école et à la commission scolaire pour éviter
que, dans l'avenir, des situations méprisantes et
antidémocratiques comme celle que nous avons vécue ne se
reproduisent. En effet, le président de la CECQ, lors de sa comparution
devant cette commission, a menacé de traîner le gouvernement du
Québec devant les tribunaux s'il y avait une modification du territoire
actuel de la CECQ. Cette position est la position personnelle du
président Flamand et non pas celle du conseil des commissaires puisque
cet énoncé n'a fait l'objet ni de discussions, ni d'une
résolution des commissaires de la CECQ. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Bilodeau. M. le
ministre.
M. Laurin: M. le Président, je voudrais, d'abord,
féliciter et remercier les trois commissaires pour le mémoire
qu'il nous ont présenté, que j'ai lu avec intérêt et
qui origine de leur longue expérience en tant que membres de
comités d'école et maintenant en tant que commissaires. Ils nous
présentent des vues originales et même, parfois, radicales. Je me
réfère ici, par exemple, à ce qu'ils préconisent:
l'abolition de la taxe foncière pour fins de subvention des
écoles, la représentation collégiale de tous les
intervenants non seulement au palier de l'école, mais au palier de la
commission scolaire. Ce sont là deux recommandations nouvelles qui
méritent cependant d'être examinées. Je les remercie
également de l'effort qu'ils ont fait, au-delà de leurs
occupations actuelles, pour préparer ce mémoire.
Je voudrais vous poser une question qui touche l'école. Lors de
la présentation de votre mémoire, vous avez souvent fait allusion
à la position défendue ici par la CECQ. Lorsque la CECQ est venue
présenter son mémoire, elle a dit qu'elle aussi était
d'accord pour accorder plus d'importance à l'école, qu'il fallait
la valoriser et même la rendre plus responsable. D'ailleurs, c'est assez
typique de la présentation de plusieurs mémoires de commissions
scolaires qui reconnaissent, maintenant en tout cas, l'importance plus grande
qu'il faut accorder à l'école. Cela correspond à des
pratiques de plus en plus fréquentes que nous constatons depuis deux
ans. (10 h 30)
Certaines commissions scolaires nous disent qu'elles ont
déjà commencé à effectuer une
décentralisation pédagogique et administrative au niveau de
l'école. Plusieurs vont plus loin et disent que les objectifs ou les
priorités des commissions scolaires pour les années actuelles
sont d'aider les écoles à se doter de projets éducatifs de
qualité et à les soutenir dans cette direction. Cependant, la
CECQ nous disait qu'il importe, quand même, de conserver à la
commission scolaire une juridiction pleine et entière sur l'école
à tous les points de vue, y compris sur le plan pédagogique, et
que le maximum qui pouvait être envisagé, c'était
d'inscrire dans la loi une délégation de responsabilités
pédagogiques au niveau de l'école au fur et à mesure que
lesdites commissions scolaires pouvaient considérer qu'elles
étaient prêtes à assumer ces responsabilités.
Ma question est celle-ci: En tant que commissaires, croyez-vous que - en
particulier, à l'école qui, comme vous le dites, est la seule
entité en contact direct et constant avec les enfants - une simple
délégation de responsabilités pourrait, en pratique,
être satisfaisante, nous rapprocher et mieux permettre l'atteinte de
l'objectif que doit viser la mission éducative au niveau de
l'école?
M. Bilodeau: M. le ministre, je veux d'abord vous dire que,
malgré les propos flatteurs qu'a pu exprimer le président de la
CECQ concernant la place que cette com-
mission scolaire, à ce qu'il a dit, laisse aux parents, il y a un
ex-comité d'école d'une école primaire de la CECQ qui est
même venu témoigner à cette commission parlementaire pour
dire aux membres de la commission que, même sur le choix du nom d'une
école, malgré un processus hautement démocratique qu'ils
avaient suivi, la CECQ a passé outre au voeu des parents et a
décidé unilatéralement du nom de l'école.
D'autre part, notre expérience également au sein du
conseil des commissaires nous montre que, du moins pour une commission scolaire
comme la CECQ, cela prend obligatoirement des garanties légales pour que
dans les faits cette commission scolaire et d'autres puissent
déléguer des responsabilités à l'école. Nous
ne croyons pas qu'on doive se fier uniquement à la bonne volonté
des commissions scolaires et qu'elles-mêmes jugent quand les
écoles seront prêtes. Ce seront elles à ce moment qui
décideront quand les écoles seront prêtes à assumer
des responsabilités et qui voudront bien leur en déléguer
au compte-gouttes. Nous ne croyons pas que c'est de cette façon qu'on
doive permettre aux parents et à l'école d'assumer plus de
responsabilités, surtout au niveau pédagogique.
De nombreuses commissions scolaires sont venues dire à cette
commission parlementaire que là effectivement où il y avait
déjà délégation aux écoles - nous avons
été surpris de constater qu'il y avait plusieurs commissions
scolaires qui déléguaient des responsabilités aux
écoles - il y avait une bonne entente entre les commissions scolaires et
le réseau des écoles, et que ces commissions scolaires
écoutaient les parents. Malheureusement, du côté de la
CECQ, on ne peut pas en témoigner de la même façon. On
pense que, pour certaines commissions scolaires et, en particulier pour la CECQ
que nous connaissons davantage, cela prend des garanties légales
inscrites dans la loi pour permettre à l'école de jouer vraiment
son rôle et de remplir sa mission éducative.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Bilodeau. Merci, M. le
ministre. Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Il me fait
plaisir de saluer les commissaires dissidents, j'imagine, de la CECQ puisque
votre organisme s'est présenté et que vous jugez à propos,
dans une présentation qui vous est plus personnelle, de faire valoir
votre point de vue. Cela demande toujours un certain courage pour ce faire et
je l'apprécie, même si je ne suis pas d'accord avec un grand
nombre d'affirmations que vous faites dans votre mémoire, affirmations
et même prises de position qui, pour répéter ce que le
ministre disait, sont radicales à certains points de vue.
Ce qui m'inquiète surtout, ce sont certaines affirmations qui
m'apparaissent assez gratuites. Je comprends que dans votre démarche
comme parents à l'intérieur de vos comités d'école
vous ayez subi des frustrations. Ensuite, vous vous êtes fait
élire au niveau de la commission scolaire. J'ai l'impression que ces
mêmes frustrations, mais peut-être un peu différemment, se
sont fait sentir à ce niveau. Mais de là à en conclure
que, comme votre mémoire semble l'indiquer, finalement,
l'éducation aux niveaux élémentaire et secondaire - ce
qu'on appelle le système scolaire en général - devrait
être pratiquement et uniquement la chose des parents... J'en veux comme
exemple la façon dont vous considérez le suffrage universel.
Je suis aussi un peu inquiète que vous preniez comme
modèle les conseils d'administration des cégeps et des
universités. Il y a une différence majeure au point de
départ: l'enseignement au niveau du cégep et au niveau
universitaire n'est pas obligatoire et est le choix des jeunes eux-mêmes
dans la majorité des cas, alors qu'aux niveaux élémentaire
et secondaire vous avez l'enseignement obligatoire. Aussi, le modède des
conseils d'administration des cégeps et la façon dont ils ont
fonctionné et dont ils fonctionnent, en dépit des efforts du
gouvernement pour améliorer certaines choses, ne m'apparaît
certainement pas un modèle souhaitable pour les niveaux
élémentaire et secondaire.
Votre façon restrictive de voir le rôle de la
communauté, pris dans son sens le plus large, eu égard à
l'éducation m'inquiète. Que les parents soient
immédiatement concernés par l'éducation - leur enfant est
là et on veut tous, pour nos enfants, la meilleure chose possible, le
meilleur système d'école possible - je pense qu'il y a là
une motivation fondamentale qu'on retrouve à un degré moindre
chez l'ensemble de nos citoyens. L'école et notre système
scolaire souffriraient s'ils ne devaient être que la chose des parents
parce qu'ils sont aussi passagers dans l'école. Une
société doit permettre que chacun, selon ses aptitudes, selon ses
intérêts, selon ses motivations, puisse s'intéresser
à la chose scolaire. Je mets sciemment de côté le
cégep et l'université, qui ne sont pas des modèles de
démocratie, de toute façon. On pourrait revenir longtemps sur les
universités, par exemple, qui ont la réputation d'être des
tours fermées. Enfin, on connaît toutes les
épithètes qu'on attribue aux universités qui sont aussi
exagérées à bien des égards. Mais tenons-nous-en
à l'éducation.
D'une part, vous vous dites très heureux de l'école
communautaire ou de la notion d'école communautaire. Tout le monde
partage ce point de vue. Mais cela me semble être un peu en contradiction
avec la
façon dont vous envisagez le suffrage universel, votre
façon de dire qu'il faut abolir la taxe scolaire, comme si tout ce qui
concerne l'éducation n'était la chose que des gens directement
impliqués dans l'école, au moment présent. Cela me semble
un peu contradictoire parce que vous ne développerez pas l'école
communautaire, sauf pour des locations de locaux auxquelles vous faites
allusion, si vous ne permettez pas à la communauté ou à
l'ensemble des citoyens qui le veulent de s'y impliquer. J'aimerais que vous
essayiez de concilier cette joie que vous avez de voir l'école
communautaire et, d'autre part, ce désir de fermer l'école
à toute personne qui n'y est pas immédiatement
impliquée.
M. Bilodeau: Vous avez soulevé plusieurs points, Mme la
députée. Je vais commencer par le suffrage universel. Quand on a
examiné le projet de loi et après avoir écouté les
différentes propositions mises de l'avant, il y a quand même une
chose qu'on constate. On l'a d'abord vécu en tant que commissaires quand
nous avons fait du porte-à-porte et on ne peut que répéter
ce qu'on a dit dans notre mémoire: Les gens qui n'ont pas d'enfants
à l'école, les gens qui ne sont pas directement concernés
par la chose scolaire se désintéressent des écoles. On
peut grossir cette affirmation si on regarde les statistiques de la
participation des électeurs et électrices aux élections
scolaires. Malgré les efforts importants des commissions scolaires de
l'île de Montréal depuis les deux dernières
élections pour activer la participation, on est toujours à 12%
des électeurs et des électrices. À notre avis, s'il y a un
sondage significatif et révélateur de la situation dans laquelle
se trouve le suffrage universel des commissions scolaires, c'est bien
celui-là.
Or, nous disons: Que fait-on avec un moribond qui discrédite la
notion même de représentant élu de la population, qui
discrédite même cette notion que c'est la population qui
élit ses représentants à un gouvernement, sans passer sous
silence, évidemment, les commissaires qui sont élus par
acclamation? À notre commission scolaire, madame, c'est 70% des
commissaires qui siègent présentement qui n'ont pas
été élus au suffrage universel. Pourrait-on imaginer une
Assemblée nationale composée de 70% des députés
élus par acclamation et les autres 30% élus par moins de 10% de
la population? Ce serait discréditer l'Assemblée nationale, qui
n'aurait aucune crédibilité. Nous, nous disons que les
commissions scolaires n'ont aucune crédibilité aux yeux des
électeurs et des électrices. Les résultats de la
participation aux élections scolaires le démontrent
amplement.
Ceci dit, nous avons donc essayé d'imaginer une autre
modalité pour représenter la composition du conseil des
commissaires. Là, évidemment, nous avons suivi la
cohérence de l'école, du conseil d'école; nous avons
décidé de suivre cette logique, d'intervenir aussi et de placer
les mêmes intervenants au niveau du conseil des commissaires pour les
mêmes motivations que l'on a développées.
Vous dites que la population est intéressée à la
chose scolaire. On pourrait aussi dire, en débordant du cadre de
l'éducation, que, s'il y a quelque chose qui devrait préoccuper
l'ensemble de la population du Québec plus même que
l'éducation, c'est bien la santé. S'il y a un niveau
d'implication où on devrait demander l'opinion de la population, c'est
bien sur la gouverne de nos hôpitaux. Pourtant, les administrateurs des
hôpitaux ne sont pas élus au suffrage universel et ils
administrent des budgets souvent beaucoup plus considérables que ceux
des commissions scolaires. Là, tout le monde est concerné par la
santé, jeunes ou vieux, absolument tout le monde, ce qui n'est pas le
cas du domaine de l'éducation et les résultats des
élections scolaires le montrent amplement.
Mme Lavoie-Roux: Je pense, M. Bilodeau, que vous faites la
même démonstration que plusieurs ont faite ici, par exemple, que
la participation à l'élection des commissaires d'écoles
est extrêmement faible. Je suis d'accord avec vous là-dessus et
les chiffres vous donnent raison. Mais, est-ce une raison pour dire:
Laissons-les mourir, laissons mourir tranquillement la démocratie
scolaire sous prétexte que, pour des raisons multiples que je ne
pourrais énumérer, on n'a pas donné les mêmes
ressources pour les élections scolaires qu'on a données pour les
élections municipales?
Je vous donnerai simplement ces chiffres. Lors de la première
élection scolaire au suffrage universel à Montréal en 1973
- la première élection scolaire, parce que c'était comme
à Québec, il y avait des gens nommés - il y a eu une
participation de 26% ou 27%. À ce moment, on a envoyé un rapport
au gouvernement, qui était un gouvernement libéral à ce
moment, pour dire: II y telle et telle disposition qui devraient être
prises, etc., pour améliorer la participation. On était à
27%. Si je vous disais que la participation au suffrage universel de
l'élection municipale de Montréal l'automne dernier a
été inférieure à 50%. Pourtant, il y avait trois
partis politiques bien organisés. Il y a une longue tradition
d'élections municipales à Montréal avec des enjeux
très importants. Pourtant, c'est la participation que vous avez eue. Il
serait trop facile de dire: Là où la société ne
participe pas, enlevons cela parce que c'est inutile, de toute façon.
(10 h 45)
Mon point de vue, c'est qu'on devrait prendre les moyens et les mesures
pour aider l'ensemble de la population à voir que l'éducation lui
appartient. À un moment précis, c'est une chose appartenant plus
directement aux parents mais, pour favoriser la marche de notre
société, je pense que cela devrait être l'affaire du plus
grand nombre de citoyens possible.
Comme je veux laisser du temps à mes collègues, j'aurais
seulement une deuxième question, plutôt, deux questions.
Premièrement, la façon dont vous mettez de côté
complètement les étudiants ou les élèves - parce
qu'on les appelle élèves au secondaire - dans la gestion de
l'école en utilisant un tas d'arguments m'étonne beaucoup parce
que, jusqu'à maintenant, je ne crois pas qu'on ait entendu qui que ce
soit soutenir cela. Pourtant, on a eu des positions diamétralement
opposées, selon les sujets, d'un organisme ou d'un autre. Vous
êtes les premiers à nous dire de ne pas les mettre dans la chose
scolaire tout simplement, c'est-à-dire dans l'organisation de
l'école ou dans la gestion de l'école.
La deuxième question concerne la péréquation des
ressources. Vous dites que les gens s'inquiètent inutilement en croyant
que des disparités seraient créées entre les écoles
alors que la réalité est, justement, qu'il y a des
disparités entre les écoles. Évidemment, il y aura
toujours la commission scolaire qui sera obligée de voir à une
réallocation des ressources qui tienne compte des disparités.
Mais il y a aussi des disparités au plan des ressources humaines. Je ne
voudrais citer, par exemple, que le fait - je n'hésite pas à le
dire en public parce que c'est une chose fort connue - que les directions
d'école et un bon nombre d'enseignants sont bien davantage portés
à enseigner dans les écoles de milieux plus favorisés que
dans celles de milieux défavorisés. Le système de
péréquation doit se faire à ce moment-là et il se
fait présentement sur une grande échelle. C'est peut-être
une chose à laquelle le ministre devrait réfléchir en ce
qui touche le territoire de Montréal.
Je n'aime pas votre réponse disant: On a déjà nos
diversités; qu'elles soient culturelles ou autres, au fond, on ne fera
que reproduire la réalité. Je pense que c'est une
réalité qui se fait au détriment de nombreux
élèves qui, pour des raisons économiques, sociales ou
autres, ont moins de chances au point de départ, en ont moins tout au
long de leurs études et très souvent finissent plus tôt que
les autres. Je trouve que c'est une façon un peu cavalière de
résoudre ce problème d'une meilleure équité de
ressources et d'une meilleure égalité des chances, si on peut
dire, entre tous les étudiants qui fréquentent nos écoles
au Québec. Donc, cela portait sur les étudiants et sur la
nécessité d'une justice plus grande dans les écoles.
Le Président (M. Blouin): M. Bilodeau.
M. Bilodeau: Concernant votre première question, Mme la
députée, je pense qu'il y a un malentendu. Dans notre
mémoire, nous disons que nous voyons mal la participation ou la
présence des étudiants non pas au conseil d'école, car
nous sommes d'accord qu'ils soient représentés au conseil
d'école, mais au conseil des commissaires, selon la modalité que
nous proposons. Notre problème était de dire que, pour qu'il y
ait des étudiants qui soient représentés au conseil des
commissaires, il fallait qu'il y ait des associations représentatives
qui les délèguent. Là, on s'est dit qu'il n'y en avait pas
dans la plupart des cas.
Aussi, il y avait la question de la légalité qui nous
posait un problème. On s'est dit: Est-ce que des gens de moins de 18 ans
peuvent siéger à un conseil d'administration d'une corporation
publique, ce qu'est un conseil des commissaires? C'est à cause de ces
deux embûches qu'on ne voulait pas qu'ils siègent obligatoirement
au conseil des commissaires. Au conseil d'école, nous sommes
parfaitement d'accord pour que les étudiants y siègent.
Concernant votre deuxième question, je vais passer la parole, si
vous le permettez, à M. Talbot.
Le Président (M. Blouin): M. Talbot.
M. Talbot (Pierre): Mme la députée, quant à
la péréquation, présentement il existe une
péréquation au palier des commissions scolaires où on
distribue l'argent en fonction des différents programmes qui sont
donnés par la commission scolaire, dans certains cas, selon le nombre
d'élèves et, également, selon le nombre
d'élèves qui nécessitent des services
spécialisés. Présentement, ce type de
péréquation est fait au niveau de la commission scolaire et il va
également être fait si le projet de loi 40 est adopté.
Présentement, ce que les parents veulent dans leur école,
c'est pouvoir orienter ces différents services. Dans certains cas - vous
l'avez souligné - il est fort possible qu'on désire avoir un
piano, qu'on désire mettre l'accent sur la musique. Présentement
c'est impossible d'ouvrir l'école. C'est impossible que certains parents
qui désirent donner des cours à leur enfant puissent le faire. Il
y a même des personnes dans les milieux défavorisés qui
contactent des milieux favorisés - il faut le voir dans notre commission
scolaire, c'est un fait vécu - mais ces derniers ne peuvent pas donner
ces services, pour toutes sortes de raisons: l'école, le samedi, est
fermée, le dimanche
on ne peut pas s'en servir. Il a des organismes présentement qui
seraient prêts, Mme la députée, à aller donner
gratuitement des cours dans ces milieux. On a une série de ressources
qui sont disponibles pour ces milieux, les parents en sont conscients.
Malheureusement, ils se butent toujours à la commission scolaire qui ne
veut pas les entendre, qui dit que cela va être trop dispendieux d'ouvrir
l'école puisqu'il va falloir chauffer, engager un responsable, alors
que, pour les parents, leur école, Mme la députée, c'est
leur église. Ils ont beaucoup de respect pour leur école, c'est
le milieu communautaire. Laissez l'école aux parents, vous allez en
faire une école communautaire. Je me suis promené dans tout le
Québec durant l'été, et les écoles c'est
très rare qu'elles sont ouvertes dans les villes, mais, dans les
villages et les campagnes, elles sont ouvertes durant tout l'été.
C'est ce qu'on veut faire dans notre ville de Québec, Mme la
députée.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais juste
demander ceci à M. Talbot: Est-ce que la description que vous faites de
la situation qui existe dans votre commission scolaire, vous la croyez
généralisée? Sur l'île de Montréal ou, du
moins, dans certaines commissions de l'île de Montréal, tout
l'équipement scolaire et les écoles sont actifs en fin de semaine
et le soir dans une proportion, selon les ressources qu'il y a à
l'intérieur des écoles, très élevée. Est-ce
que c'est une situation typique de la CECQ? Vous venez de me dire - je ne suis
pas familière avec la situation en dehors des grands centres - que dans
les villages les écoles sont ouvertes en fin de semaine.
M. Talbot: Durant l'été, oui, car j'ai eu
l'occasion de le remarquer. Même dans certaines commissions scolaires en
banlieue de Québec, les équipements, qu'on parle du gymnase, de
la piscine, sont disponibles pour la population sur le plan communautaire.
C'est typique à la ville de Québec, effectivement. Ce qui m'a
ému et ce que j'ai trouvé impressionnant pour des commissaires
qui avons à vivre - surtout des parents - cette situation, c'est de voir
l'ouverture d'esprit de certaines commissions scolaires comme les commissions
scolaires de Sherbrooke et de Morilac qui, elles, sans la
nécessité du projet de loi 40, ont déjà
délégué au comité d'école, ont ouvert leurs
écoles à des projets éducatifs. Elles se sentent
même malheureuses et peinées de venir ici nous dire qu'il y a
certaines écoles qui n'ont pas présentement de projet
éducatif. Je vous assure que vivre une telle situation à la
commission scolaire de Québec, ce serait tout à fait heureux.
Mme Lavoie-Roux: Vous ne seriez pas ici ce matin.
M. Talbot: On ne serait pas ici, Mme la
députée.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. M. le député de Chauveau.
M. Brouillet: Merci, M. le Président. Bonjour. J'aimerais
aller immédiatement à quelques aspects de votre mémoire.
C'est un mémoire qui aborde certaines questions à la racine ce
qui a fait dire à M. le ministre que certaines positions sont radicales,
entre autres en ce qui concerne le fameux débat sur le suffrage
universel. Au nom du principe "no taxation without representation", vous
solutionnez le problème de façon radicale en nous disant:
Supprimons la taxe, le principe n'aura plus à s'appliquer. On pourra
ainsi abolir le suffrage universel. C'est une position qui sur certains points
se défend. Maintenant, ce n'est pas demain la veille, comme on le dit
souvent. Il ne faut pas s'attendre que, je crois, ce soient les solutions
retenues dans le projet de loi.
Si nous partons du fait qu'il y aura encore une taxe scolaire, que le
principe "no taxation without representation" devra s'appliquer, il devra donc
y avoir un certain suffrage universel. Si on accepte ces données,
j'aimerais savoir ce que vous pensez d'une formule que certains organismes tant
francophones qu'anglophones ont proposée pour concilier le "no taxation
without representation" avec une participation beaucoup plus active des
parents, soit un conseil des commissaires composé pour moitié de
personnes élues au suffrage universel et pour moitié de
représentants de parents, de comités de parents ou
d'école. Que pensez-vous de cette formule dans la mesure où il y
aura encore une taxe et où il y aura encore suffrage universel?
M. Bilodeau: Effectivement, à plusieurs reprises nous
avons entendu des organismes proposer une formule où la moitié
des commissaires serait élue par la population et l'autre moitié
désignée d'une façon ou de l'autre par les parents. Nous
devons dire que cela nous pose des problèmes pratiques et des
problèmes de démocratie. Lorsqu'on a prévu dans le projet
de loi des aménagements pouvant faciliter et augmenter la participation
des électeurs et des électrices, de la population, comme le
suffrage en novembre et que tous les commissaires soient élus en
même temps, c'était effectivement pour augmenter la participation
des électeurs et des électrices.
Cependant, avec la proposition que certains organismes mettent de
l'avant, on
pense que l'effet contraire se produira. En effet, si on prend l'exemple
de la CECQ, il y a présentement 19 commissaires. Si on dit que la
moitié sont élus au suffrage universel et que l'autre
moitié est formée de représentants de parents, cela veut
dire que vous venez de doubler le territoire que doit représenter chacun
des commissaires. Or, on ne pense pas que cela ait comme résultat
d'augmenter la participation des électeurs puisque vous doublez le
territoire que le commissaire devra représenter. Dans le cas de la haute
ville de Québec, on l'a évalué et cela signifierait que
les quartiers des commissaires seraient plus considérables que les
quartiers municipaux représentés par des conseillers. On met
même de l'avant qu'il est possible que, dans certaines commissions
scolaires, le quartier que le commissaire devra représenter sera
quasiment l'équivalent de la grandeur d'un comté provincial.
Est-ce que vous pensez que cela augmentera la participation des
électeurs et des électrices? Il faudra toute une machine
électorale pour convaincre des populations importantes de
s'intéresser à la chose scolaire. Nous croyons qu'il faut penser
sérieusement à cette possibilité parce que nous ne pensons
pas que ceci augmentera la participation des électeurs et des
électrices.
M. Brouillet: Une petite question: Pensez-vous que cela la fera
diminuer?
M. Bilodeau: Si j'étais un peu malin, M. le
député...
M. Brouillet: Si cela ne la fait pas diminuer, on ne perd rien au
change. C'est une petite boutade.
M. Bilodeau: ...je dirais que, si les partis politiques
provinciaux s'en occupent, oui, cela augmentera la participation des
électeurs et des électrices. Présentement, les
modalités que prévoit le projet de loi 40 ne nous incitent pas
à croire que cela augmentera de façon significative la
participation des électeurs et des électrices. Il faut se poser
la question: À partir de quel pourcentage de participation populaire
peut-on dire que le suffrage universel des commissaires a une signification?
Est-ce que c'est 20%, 30%, 40% ou 50%? Nous ne pensons pas que ces
aménagements-là vont permettre de doubler la participation
à l'élection.
M. Brouillet: Un autre point que vous avez abordé vers la
fin de votre mémoire concerne le statut particulier de la CECQ,
étant donné l'article de la constitution. Vous avez fait appel au
pluralisme de plus en plus marqué qu'il y a dans le centre-ville de
Québec. Vous voyez une difficulté majeure d'une commission
scolaire qui aurait encore un statut confessionnel et dont la charte exige que
tous les commissaires soient catholiques. Vous voyez une difficulté
particulière à ce moment au niveau de l'administration de
l'ensemble des institutions où se retrouve une pluralité de
confessions religieuses. (11 heures)
Vous proposez au ministère - je crois que c'est au
troisième point, à la page 22 -en attendant que la constitution
soit amendée, de permettre à une commission scolaire qui
déborderait le territoire de la CECQ de 1867 d'ouvrir des écoles
sur ce territoire. Et là, la loi 40 s'appliquerait pour ces
écoles, c'est-à-dire qu'on laisserait aux parents des enfants qui
fréquentent l'école le soin de décider du caractère
confessionnel ou non confessionnel de l'école. Tandis que, si ce n'est
pas le cas, toutes les écoles du territoire devront obligatoirement, de
par la loi, avoir un statut confessionnel. C'est une suggestion que je vois. Je
ne sais pas si c'est applicable juridiquement, mais, personnellement, je trouve
que c'est une chose qui peut présenter un certain intérêt.
On permettra finalement à des parents de décider, selon les
termes de la loi, du caractère confessionnel. Car je vois une
difficulté dans le système actuel. Si toutes les écoles
doivent être confessionnelles et qu'il y a un tel pluralisme... On dit
qu'il y a eu des demandes d'exemption pour certaines écoles, par exemple
l'école Saint-Jean-Baptiste, 37% d'exemptions, l'école
Saint-Sacrement, 22% et l'école Anne-Hébert, 31%. Cela manifeste
un certain pluralisme. Je ne sais pas quelles sont vos réactions face
à cela, mais c'est un point qui demande, je pense bien, à
être considéré.
M. Bilodeau: M. le député, nous tenions pour
acquis, en prenant en considération le projet de loi 40, que la
Commission des écoles catholiques de Québec serait réduite
à son territoire de 1867 et c'est à l'intérieur de ce
territoire, justement, que se pose le problème. Vous avez fait allusion,
effectivement, à l'école primaire Saint-Jean-Baptiste, qui est
l'une des trois écoles primaires situées sur ce territoire de
1867 et qui serait donc protégée en vertu de la constitution
canadienne. C'est justement dans cette école primaire que l'on retrouve
le plus haut taux d'exemptés de toutes les écoles de la
commission scolaire de Québec. On s'en va inévitablement dans
cette école, à très court terme, vers une majorité
d'enfants qui seront exemptés de l'enseignement religieux. J'ai
vécu moi-même, M. le député, une expérience
malheureuse: j'ai d'abord été refusé comme candidat
commissaire à la Commission des écoles catholiques de
Québec, il y a quatre ans, parce que je ne professais pas la religion
catholique romaine. J'ai donc dû,
quatre ans plus tard, pour être candidat, dire, signer et jurer
que je professais la religion catholique romaine. L'enclave de la CECQ
continuera comme en 1867.
Si je veux être commissaire à la petite CECQ, je devrai
encore jurer que je professe la religion catholique romaine, que la commission
scolaire sera confessionnelle et que les écoles seront obligatoirement
confessionnelles. Dans le cas de l'école primaire Saint-Jean-Baptiste,
cela va poser un joli problème puisque les parents veulent une
école qui ne sera pas confessionnelle, et si on ne leur permet pas, dans
le cadre du projet de loi 40 lorsqu'il sera adopté, de choisir le statut
confessionnel de leur école, et qu'à cause de la constitution
canadienne ils sont obligés de rester dans une école catholique,
ce qui va se passer, à notre avis, c'est que cela va vraiment perturber
le milieu de l'école et le milieu du quartier, en général.
Il va y avoir, au fond, une situation absolument invivable. La moitié
des parents vont déserter l'école primaire Saint-Jean-Baptiste et
seront obligés d'aller inscrire leurs enfants dans une autre
école primaire d'un quartier voisin. Il y aura donc obligation de
transport scolaire pour ces enfants du primaire. L'école
Saint-Jean-Baptiste confessionnelle sera une école de moins de 100
élèves, à ce moment-là; et cela va poser d'autres
problèmes d'organisation scolaire pour cette école qui voudrait
demeurer confessionnelle. On s'en va vers un joli cul-de-sac. C'est pour cette
raison qu'on propose dans notre mémoire, si jamais on est placé
devant cette situation, que le gouvernement du Québec permette
l'ouverture - cela pourrait même être dans le même local
-d'une école primaire sur le territoire de 1867, mais qui serait
administrée par une autre commission scolaire, qui serait une commission
scolaire linguistique et non pas confessionnelle et qui, donc, pourrait
permettre aux parents de choisir sur le territoire entre inscrire leurs enfants
à une école confessionnelle garantie par la constitution
canadienne ou inscrire leurs enfants dans une école primaire où
ils pourront choisir le statut confessionnel de leur école et où
ils pourront bénéficier intégralement de l'application de
la loi 40.
M. Brouillet: Très bien, merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Chauveau. M. le député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Vous êtes trois
commissaires faisant partie de la CECQ. Vous avez été élus
au suffrage universel. Vous avez été membres de comités de
parents; vous vivez des problèmes particuliers dans votre commission
scolaire et, parce que la démocratie permet que la majorité
l'emporte, vous vous trouvez ici aujourd'hui. J'ai lu attentivement votre
mémoire et j'ai écouté, tout à l'heure, lorsque
vous en avez fait la lecture. Dans votre énoncé, on retrouve
beaucoup de frustrations personnelles en tant qu'individus sur le plan humain.
Je pense aussi qu'il est important que ces frustrations soient dites quelque
part, mais, à mon avis, il y a des tables démocratiques pour le
faire. D'ailleurs, vous en avez fait la preuve lorsque vous vous êtes
présentés et que vous vous êtes fait élire. Vous
aviez compris à ce moment-là que le chemin de la
démocratie, c'était le vote universel. Il est très sain
que vous l'ayez fait ainsi.
Depuis le début des travaux de cette commission, nous avons
entendu plusieurs groupes. Malheureusement, plusieurs groupes ne seront pas
entendus; des groupes qui, eux aussi, sont dissidents. À partir du
moment où on ne s'entend pas et où on vit des problèmes
particuliers dans notre milieu, on se retrouve devant une commission
parlementaire pour venir s'expliquer. Je pense que c'est là fausser le
véritable sens de la démocratie. Il est tout à fait
inacceptable que, parce qu'on a une chicane chez soi, on se ramasse à
l'Assemblée nationale, en commission parlementaire, pour venir expliquer
les éléments de cette chicane. Je conçois très
bien... M. le député de Vachon, on ne vous a pas encore
interrompu, alors laissez parler le député de Saguenay.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: MM. les commissaires, lorsqu'on vit dans une saine
démocratie, on doit être capable d'accepter de gagner, mais de
perdre aussi. Depuis le début de cette commission, vous avez fait
référence au comité d'école Le Tremplin, qui est
également venu ici dire sa dissidence. J'imagine que beaucoup de gens,
dans la province de Québec, sont dissidents. Malheureusement, le
ministre ne les a pas tous invités. D'ailleurs, s'il les invitait tous,
la commission se prolongerait fort longtemps. Lorsqu'on vit dans une
communauté telle que celle de la CECQ et lorsqu'on représente des
intérêts particuliers de parents, il est certain qu'on se bute
à une machine qui, souvent, ne fait pas notre affaire. Cependant, dans
le système démocratique actuel, lorsqu'on a suivi les voies
normales et lorsqu'on a fait son possible pour faire passer son point de vue,
on doit s'en tenir au signe de la majorité.
Ceci étant dit, j'ai relu attentivement votre mémoire, ce
matin, et il y a un élément qui m'a frappé. Vous
êtes des parents - vous l'avez dit au début - et vous avez
travaillé dans des comités de parents; vous êtes des
commissaires-parents, comme
vous le dites. Il y a deux éléments dans votre
mémoire dont vous n'avez pas parlé beaucoup: celui de l'enfant
dans l'école et celui de la place de l'enseignant dans l'école.
Vous avez dit, dans votre mémoire, que tout devait se faire en
coordination avec les enseignants. Malheureusement, les enseignants sont venus
nous dire ici, par leurs porte-parole, qu'ils ne voulaient pas de ce
système. Pourtant, on est en train de nous convaincre, à la
lecture de certains mémoires, qu'il y a deux choses qui ne sont pas
importantes dans l'école: l'enfant et l'enseignant. Lorsqu'on dit que
l'enfant devrait être le pivot du système et non pas
l'école, je pense que c'est d'abord et avant tout vers l'enfant que
devrait être orientée l'école et vers l'enseignant aussi.
Ce qui me surprend dans votre mémoire, c'est que l'enfant à
l'intérieur de l'école, en dehors de sa vie communautaire, a une
vie éducative très importante au niveau pédagogique, au
niveau de l'encadrement en particulier. Je pense que c'est un devoir que chaque
commissaire d'école doit avoir à coeur.
Vous avez eu des difficultés en tant que membres de
comités de parents et en tant que commissaires. Cependant, lorsqu'on a
l'occasion de venir en commission parlementaire, ici, on devrait, à
titre d'élu du peuple, représentant les parents et les
"non-parents" aussi, représentant ceux qui paient des taxes, avoir comme
souci premier celui de l'enfant.
M. le Président, je n'ai pas de question. Merci.
Le Président (M. Blouin): Très bien, il n'y a pas
de question. Est-ce qu'il y a des commentaires?
M. Bilodeau: Oui, M. le Président, si vous permettez.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. Bilodeau.
M. Bilodeau: Je vais d'abord céder la parole à M.
Talbot et ensuite à M. Giroux pour quelques commentaires sur ce que
vient de dire M. le député.
Le Président (M. Blouin): D'accord, M. Talbot.
M. Talbot: Merci, M. le Président. Je voudrais commencer
par la fin, parler des enseignants et des enfants. Ce soir, j'irai chercher le
bulletin de mon fils à l'école Perrault. Je peux vous assurer que
je vais avoir énormément de respect pour son tuteur, de
compréhension et d'empathie. J'ai participé à un
comité d'école où tout ce qu'on voulait savoir comme
parents, aux comités d'école, c'était de connaître
le vécu des enseignants et les enseignants nous donnaient le vécu
de nos enfants. Je peux vous assurer que, lorsque vous avez un enfant, c'est
viscéral. Vous êtes pris aux tripes. Pensez-vous que les parents
vont amener à l'école la discorde? S'ils amènent à
l'école la discorde, ils vont l'amener chez eux parce que l'enfant
revient à la maison. Ils vont vivre avec leurs décisions comme
ils vivent avec leur enfant 365 jours par année quand ce n'est pas une
année bissextile. Au niveau de l'école, les enfants, les parents
et les enseignants se comprennent. Je suis moi-même syndiqué et,
lorsqu'on fait partie d'un syndicat et qu'on veut défendre des
conditions de travail, il est évident qu'on tente de se servir de tous
les moyens qui nous sont disponibles et qui nous semblent appropriés
à ce moment. Les parents, lorsqu'ils vont conduire leur enfant le matin
à l'école, ne veulent pas discuter avec l'enseignant pour lui
dire quoi faire; au contraire. Ils vont là avec beaucoup de sympathie
sachant très bien la soirée qu'ils ont passée avec leur
enfant. Sur cela, je ne comprends pas l'idée que les gens se font en
disant qu'il va y avoir conflit au niveau de l'école; je ne le crois
pas. Le projet éducatif va être vécu par les parents et par
les enseignants dans une bonne entente, je crois. Les premiers
intéressés par le vécu scolaire de leur enfant, ce sont
les parents, et ces parents voudraient qu'il soit harmonieux puisque c'est la
même harmonie qui va arriver le soir avec le sac d'école à
la maison.
Le Président (M. Blouin): Cela va.
M. Bilodeau: M. Giroux.
Le Président (M. Blouin): M. Giroux.
M. Giroux (Guy): On vient de parler de frustration et de chicane,
c'est sûr que cela existe. Sans vous blesser, M. le Président,
quand on regarde la Chambre des communes ou l'Assemblée nationale, le
ton monte de temps en temps. C'est normal, en tant qu'élus, qu'à
l'occasion le ton monte.
Justement, hier soir, on avait une réunion publique et, lorsqu'un
commissaire nous dit qu'il n'est jamais invité par le comité
d'école et qu'il n'y va pas non plus... Lorsqu'on n'est pas
invité par le comité d'école - cela m'est arrivé
depuis six ans -on prend les moyens pour se faire inviter et on y va. À
un moment donné, il nous invite.
M. le député de Saguenay, vous dites que l'enfant et
l'enseignant sont oubliés. Je ne le crois pas parce que l'ensemble de
notre rapport accepte le projet de loi 40. Cela veut dire que nous voulons
donner à l'école plus de pouvoirs et à ce moment les
enseignants pourront jouer un rôle.
Il ne faudrait pas penser que nous sommes seulement commissaires
à la CECQ.
Nous vivons comme d'autres. Nous parcourons à l'occasion la
province. J'ai participé à quatre congrès de la
Fédération des commissions scolaires. Nous avons des ateliers.
J'ai participé à des journées d'études.
Personnellement, nous pouvons avoir des amis ou des contacts avec des
directeurs d'école ou des gens qui sont dans d'autres régionales.
Il faut élargir un peu nos vues, comme un député qui
représente une circonscription bien spécifique, mais cela
n'empêche pas qu'à l'occasion vous êtes
délégué, vous allez parcourir la province et vous
tâtez le pouls. Nous pouvons avoir tâté le pouls nous aussi
de bien d'autres façons. (11 h 15)
Est-ce que je pourrais me permettre, M. le Président, de glisser
encore deux ou trois autres choses? Le projet de loi 40 doit donner une place
importante aux professeurs et aux professionnels non enseignants, car le
pédagogue est un serviteur de l'enfant habité par une grande
mission, celle d'instruire, d'éduquer et de développer la
personne. Le commissaire d'école devrait, à son tour, Être
considéré comme le serviteur des serviteurs de l'enfant. Il est
celui qui peut et qui doit aider le jardinier à cultiver. Je veux dire
que le commissaire devrait automatiquement représenter une école.
Avec le projet de loi 40, le commissaire d'école porterait beaucoup
mieux son titre de commissaire d'école. Nous avons tous
dépensé beaucoup d'énergie depuis quelque trois ans et
nous nous devons tous d'aboutir à une certaine réforme
scolaire.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Giroux. M. le
député de Vachon.
M. Payne: Dans votre mémoire, à la page 21, vous
mentionnez le problème et le défi posé par une
société pluraliste, à savoir que l'entrée au
Québec de ce qui vient enrichir la culture québécoise, de
ce qui vient d'autres pays, constitue un problème de pluralisme,
particulièrement ceux qui viennent du Sud-Est asiatique et des pays
d'Amérique latine. Vous mentionnez votre propre expérience de
quelqu'un qui se présente à une commission scolaire et, face
à cette situation, il devrait être assermenté par une
espèce d'acte d'allégeance. C'est cela? J'aimerais que vous
expliquiez cela davantage parce que, lorsque j'ai soulevé cette
inquiétude, il y a une couple de semaines, devant la commission
même, on a rigolé en disant, à toutes fins utiles, que ce
genre d'intolérance n'existe pas ou n'existe plus. J'aimerais bien que
vous nous fassiez part de votre expérience d'une manière plus
explicite.
N'êtes-vous pas en accord avec moi pour dire qu'une des intentions
exprimées dans le projet de loi et dans le livre blanc, c'est justement
de permettre ce genre de pluralisme que vous soulignez dans votre
mémoire? Vous êtes au courant, bien sûr, que la constitution
protège la dissidence d'une manière technique,
c'est-à-dire que vous pouvez, théoriquement, former une
commission scolaire dissidente, même avec les frontières de 1867,
selon la constitution canadienne. Cette disposition est d'ailleurs reconduite
dans les articles 337, 338 et 339. Je reconnais que la procédure est
très lourde. C'est plutôt, d'ailleurs, le projet de loi 40 qui va
faciliter et assouplir les procédures nécessaires pour permettre
à une école pluraliste de se former.
Voulez-vous nous expliquer plus en détail ce
phénomène de pluralisme nécessaire dans les écoles
et l'intérêt de ceux qui sont d'une foi autre que celle
professée par la commission scolaire? Quels sont leurs
intérêts dans le milieu de Québec, à l'heure
actuelle?
M. Bilodeau: M. le député, d'abord, pour clarifier
la situation, c'est que l'article 5 de la charte de la CECQ oblige un
commissaire à professer sa foi en la religion catholique romaine.
Lorsque vous déposez votre bulletin de candidature pour être
candidat commissaire à la CECQ, vous devez signer une formule
assermentée qui indique que vous êtes de religion catholique
romaine. Si vous ne signez pas cela, si vous ne mentionnez pas que vous
professez votre foi en la religion catholique romaine, vous êtes
déclaré par le président des élections - cela m'est
arrivé et c'est arrivé à au moins une dizaine d'autres
contribuables comme moi -comme non apte, vous ne remplissez pas une condition
indispensable pour être commissaire à le CECQ;
deuxièmement, on a vécu, à l'école primaire
Saint-Jean-Baptiste, parce que c'est une école de centre-ville qui est
dans l'enclave constitutionnelle de 1867, une expérience à la
fois déchirante et enrichissante. Déchirante parce qu'on a
constaté la montée des enfants exemptés dans cette
école primaire. En effet, si, présentement, il y en a 42%, cela
n'a pas toujours été le cas. Lorsqu'on a commencé, en
1978-1979, c'était 14,3% et cela a augmenté depuis ce temps.
À un moment donné, il y a eu une violente réaction de la
part des parents dans l'école et je devrais dire aussi de la part du
milieu de la communauté de la paroisse, de sorte que cette
réaction violente a eu pour réaction systématique qu'on a
battu aux élections de l'école tous les parents dont les enfants
étaient exemptés de l'enseignement religieux; ils ont tous
été évacués du comité d'école. On
s'est donc retrouvé, il y a trois ans, (avec 25 parents qui composaient
le comité d'école) de l'école Saint-Jean-Baptiste et ces
25 parents étaient tous parents d'enfants qui suivaient la
catéchèse à l'école.
Vous comprenez que cela a créé à l'intérieur
de l'école un malaise qui s'est
poursuivi au sein de la communauté puisqu'à ce moment il y
a eu une élection scolaire et qu'il y a eu un candidat dont l'enfant ne
professait pas la religion catholique romaine. Puis on a vu dans le quartier
des religieuses faire du porte-à-porte pour dire aux contribuables: Eh!
Ce candidat, son enfant n'est pas catholique, son enfant ne suit pas les cours
de catéchèse. Je dois dire que ce candidat a évidemment
été battu aux élections scolaires, sauf que, maintenant,
la situation est complètement différente au sein même de
l'école. Il y a eu un malaise et maintenant il y a une très bonne
harmonie. Pourquoi? Parce que les parents se sont rendu compte que c'est bien
beau de dire que cet enfant ne suit pas le cours d'enseignement religieux, mais
les enfants continuent quand même à se fréquenter, ils
jouent même ensemble, ils se tapochent, ils suivent les mêmes cours
dans la même classe. Par conséquent, les parents se sont rendu
compte que ce phénomène n'allait pas perturber l'ensemble de
l'école à tous les niveaux.
Présentement, on peut dire sans se tromper qu'il y a une
très bonne harmonie au sein des parents de l'école
Saint-Jean-Baptiste, aussi bien exemptés que non exemptés, que
les parents travaillent en collaboration à d'autres comités
à l'intérieur de l'école et que, même au niveau du
comité d'école maintenant, il y a à nouveau des parents
dont les enfants sont exemptés qui y siègent.
Sauf qu'un des problèmes qui se posent, avec la constitution
canadienne, c'est la communauté. Nous sommes persuadés que, si on
laissait aux parents, et uniquement aux parents, le soin de choisir le statut
confessionnel de l'école primaire Saint-Jean-Baptiste, il n'y aurait pas
de problème. Mais, en vertu de la constitution canadienne, n'importe
quel résident du territoire de 1867 pourrait contester devant les
tribunaux si jamais les parents décidaient de rendre non confessionnelle
l'école primaire Saint-Jean-Baptiste. C'est là qu'est notre
problème. C'est le milieu et non pas les parents de l'école.
M. Payne: C'est vrai qu'il faut admettre que la constitution
canadienne, qui date de plus d'un siècle, ne correspond pas à la
réalité d'aujourd'hui et n'accorde aucune vraie garantie à
la liberté de conscience. J'ai soulevé ces préoccupations
pour la communauté juive de Montréal, en disant que, pour
quelqu'un qui vient de la communauté musulmane ou hindoue, c'est la
même chose un peu partout sur l'île de Montréal aussi bien
qu'à Québec. C'est bien là la portée d'un
élément essentiel du projet de loi 40. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Vachon. M. le député de Saint-Henri.
M. Hains: Mesdames, messieurs, nous avons eu jusqu'ici les
témoignages de la CECQ et de la CECM. Leur mémoire a
été vraiment très sévère envers le projet de
loi 40. Aujourd'hui, vous venez ici, à trois, protester contre
l'attitude de votre propre commission. Nous respectons vos opinions
personnelles, mais vous n'êtes pas un contre tous mais trois contre tous
quand même. C'est le jeu de la démocratie.
Je vois, à la page 7, que vous préconisez cependant
l'abolition du suffrage universel. Je n'y reviendrai pas, parce que vous en
avez traité, mais j'insisterai un peu là-dessus. Ne voyez-vous
pas quand même, dans cette attitude que vous avez, un peu de
contradiction avec les lois démocratiques? Si vous n'êtes vraiment
pas satisfaits de vos collègues, la voie naturelle n'est-elle pas de
travailler à les faire déloger à la prochaine
élection qu'il y aura dans les commissions scolaires? Vous dites que,
dans votre porte-à-porte, vous avez remarqué que
l'intérêt était nul pour les élections scolaires.
Là, vous dites presque: Laissons mourir la démocratie - au lieu
de la ranimer - en supprimant le suffrage universel. Vous nous dites aussi que
les commissaires n'ont aucune crédibilité, vu le manque de
participation de la population. Quant à moi, je trouve que vous parlez
quand même avec beaucoup d'autorité.
Je reviens à la page 5 pour reprendre justement une de vos
affirmations. Vous dites: "Ce que nous en savons démontre que, dans les
milieux urbains surtout, les commissions scolaires ne veulent pas d'une
présence active des parents." J'ai personnellement fait partie, comme
directeur d'école, pendant plus de vingt ans, de la commission scolaire
de Montréal. Il est vrai qu'on s'interroge peut-être encore sur
les pouvoirs qu'on doit déléguer aux parents, mais je crois que
votre affirmation sonne bien creux - excusez le mot, peut-être - dans le
sens de profond et un peu faux, quand vous dites que leur présence est
encore contestée présentement. Vous pensez aux parents. C'est
votre droit. Vous en êtes vous-mêmes. Avez-vous pensé quand
même au rôle des professeurs que le projet de loi semble presque
totalement ignorer? Avez-vous pensé aussi aux directeurs d'école
qui auront deux maîtres à qui plaire et à satisfaire, soit
les commissions scolaires et les conseils d'école? Que pensez-vous, par
exemple, d'un directeur d'école qui sera démis de ses fonctions
par le conseil d'école et qu'on refilera à la commission scolaire
pour lui trouver un nid à part, si on peut lui en trouver un?
Encore une dernière petite question. Croyez-vous vraiment qu'un
consensus est nécessaire pour que cela fonctionne bien dans une
école? D'après tous les témoignages que
nous avons entendus jusqu'ici, ce consensus n'existe pas. Comme pour la
loi sur les pourboires, est-ce qu'on ne s'achemine pas vers de nouveaux
déboires?
Le Président (M. Blouin): M. Bilodeau.
M. Bilodeau: M. le Président, plusieurs
députés ont parlé du radicalisme de notre mémoire
et je voudrais revenir là-dessus. Nous avons bien dit en
commençant que nous n'avions pas de crédibilité à
défendre, que nous n'avions pas de clientèle à satisfaire
et, au fond, qu'on n'avait pas eu à faire des ajustements ou des
compromis dans la rédaction de notre mémoire. Justement, parce
qu'on se sentait libre de toutes ces intentions, nous pouvions donc aller au
fond de notre pensée et mettre de l'avant une formule qui nous
paraissait très intéressante. On la soumet à la commission
parlementaire. Nous sommes heureux d'avoir été invités
pour permettre, justement, la discussion sur une formule différente de
celle que proposait le projet de loi 40.
Ce n'est pas uniquement parce qu'on avait des comptes personnels
à régler qu'on est venu en commission parlementaire; on est venu
faire un témoignage de gens qui avaient de l'expérience
là-dessus quant aux écoles et quant à la commission
scolaire et pour dire aussi que nous étions des commissaires
d'école qui pensions que, non seulement les parents, mais
l'entité qui s'appelle "école" devait retrouver une place
prépondérante dans notre système d'éducation au
Québec. C'est d'abord cela, je pense, qui est l'apport important de
notre mémoire à la commission parlementaire.
En ce qui concerne les enseignants, nous croyons qu'il est inexact de
penser que les enseignants n'ont pas une place importante dans l'école.
Au contraire. Nous pensons que la quotidienneté de l'école repose
sur leurs épaules avec la direction de l'école et que cela va se
manifester chaque jour. Quant au conseil d'école qui aura à
prendre des décisions, il ne faut pas s'imaginer qu'il va être
placé dix pieds au-dessus de la tête des autres intervenants. Il
ne faut pas penser qu'il va être complètement
décroché des airs et qu'il va siéger loin de
l'école. Bien au contraire. C'est une entité qui va être
inscrite dans l'école, qui devra obligatoirement consulter. D'ailleurs,
en vertu du projet de loi 40, le comité d'école, les
comités pédagogiques des enseignants sur des points majeurs et
les réunions du conseil d'école, ce sera public; les
procès-verbaux, les ordres du jour circuleront abondamment dans
l'école. On ne peut pas s'imaginer que, sur des décisions
majeures, le conseil d'école va rapidement, à la sauvette, sans
aucune discussion préalable avec les autres intervenants de
l'école, prendre des décisions majeures qui vont affecter
dès le lendemain matin le vécu de l'école. Je pense qu'il
faut s'enlever cela de la tête. Le conseil d'école d'une
école va être vraiment au coeur de l'école et tous les
intervenants vont pouvoir y avoir leur place. (11 h 30)
D'ailleurs, concernant la position des enseignants, nous pensons qu'elle
est loin d'être unanime car si, d'un côté, une organisation
syndicale, qui se doit de protéger ses membres pour la
sécurité d'emploi, pour les conditions de travail, qui est la
CEQ, vient dire qu'elle ne veut pas du projet de loi 40, on a été
agréablement surpris que le conseil pédagogique
interdisciplinaire, qui regroupe les enseignants sur la base
pédagogique, soit d'accord avec certains aspects importants du projet de
loi et soit aussi d'accord que les parents aient une place importante dans
l'école. Vous me permettrez de penser qu'on a au moins deux sons de
cloche différents venant du même groupe de personnes, soit les
enseignants, selon qu'on porte le chapeau syndical ou le chapeau
pédagogique.
Concernant maintenant la place du directeur d'école, je vais
passer la parole à mon collègue, M. Talbot.
Le Président (M. Blouin): M. Talbot.
M. Talbot: Cette question m'intéresse vivement parce que
je l'ai entendue et je l'ai débattue à plusieurs reprises. Je
peux vous dire que je suis engagé par la fonction publique
québécoise, qui m'a choisi, m'a évalué et m'a rendu
disponible à un ministère. Travaillant pour un ministère,
je suis jugé au ministère où je travaille - un peu comme
le directeur d'école le serait par son conseil d'école - et je
relève de la fonction publique. Donc, il y a plusieurs milliers de
travailleurs québécois qui ont deux "boss", à toutes fins
utiles.
J'ai parlé avec différents directeurs d'école. Ils
m'ont dit: J'aime mieux être jugé par huit, dix ou douze personnes
que par une seule; présentement, c'est selon le voeu du directeur
général ou de la directrice générale qu'un
directeur d'école peut être envoyé dans une école ou
dans une autre. Le conseil d'école aurait un mot à dire et je
vois mal comment huit, dix ou douze personnes pourraient se tromper dans
l'évaluation d'un directeur d'école. Certains directeurs
d'école m'ont précisé que l'évaluation serait
probablement plus juste que celle qui est faite présentement. Plusieurs
m'ont dit qu'effectivement ils ne voient pas d'objection à être
évalués par le conseil de l'école où ils
travaillent.
Dans notre commission scolaire, dans certains cas, des directeurs
d'école n'ont pas eu les mêmes vues que la direction
générale. Je ne parle pas de la direction générale
présente. Malheureusement, même si ces
directeurs d'école étaient appréciés par les
parents de l'école, on les a limogés et placés dans
d'autres écoles.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Oui, M. Giroux.
M. Giroux: M. le Président, si vous me le permettez. Le
député de Saint-Henri dit qu'on laisse tomber tout bonnement la
démocratie scolaire. Quand on est rendu que, sur 4 000 000 000 $ du
budget de la province attribué à l'éducation, au primaire
et au secondaire, on va chercher 181 000 000 $, cela veut dire 4,5%.
L'autre point, en 1983, le vote du Québec métropolitain
était de 10% et, à la CECQ, le vote était de 7,6%. Je me
dis qu'il n'y a rien là. On ne colle pas avec la population. Nous
demandons d'abolir le suffrage universel, mais non les commissions scolaires et
les commissaires comme tels. Ensuite, si on veut parler de démocratie,
je crois que l'éducation relève des provinces et nous sommes en
démocratie. Nous avons une élection générale
à chaque période de quatre ou cinq ans. À ce
moment-là, si on n'est pas satisfait de certaines lois, etc., on n'aura
qu'à voter. Je ne vois pas l'utilité tellement d'un vote
universel du côté des commissaires d'école. Je n'ai pas dit
de l'enlever. On demande tout simplement de l'intégrer à
l'école. Je crois que cela serait plus concret. C'est, en fait, une
demi-démocratie avec le vote des parents.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. Giroux. Mme
la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Vous comprendrez que je
ne vous ferai pas grief d'être venu exposer votre point de vue à
partir de la fonction que vous occupez comme commissaires-parents surtout, je
crois, parce que je ne partage pas du tout cette idée qui consiste
à dire: Vous êtes minoritaires, rongez votre frein jusqu'à
la prochaine élection et essayez de devenir majoritaires. Ce sont les
vieilles règles du jeu du pouvoir, c'est-à-dire du rapport de
forces le plus fort l'emporte. À mon point de vue, vouloir appliquer ces
règles du jeu du rapport de forces ou du pouvoir à
l'école, c'est un non-sens. L'école c'est l'école de tout
le monde. L'école devrait être beaucoup plus consensuelle que
conflictuelle. Dans la mesure où l'on pense appliquer des règles
qui prévalent à l'Assemblée nationale ou qui
prévalent dans la société globale en termes de rapport de
forces ou de rapport de pouvoirs par rapport au milieu de l'école ou au
milieu scolaire, il me semble que c'est, au point de départ,
aberrant.
J'ai deux questions. Une qui se rapporte à l'expérience -
vous avez fort bien expliqué les particularités liées
à l'école Saint-Jean-Baptiste - que vous avez eue,
indépendamment des dispositions qui concernent la commission scolaire
traditionnelle de Québec. Vous avez semblé nous dire qu'il faut
presque passer par une période d'affrontement avant que l'harmonie
puisse s'installer à l'école. Je me demandais, compte tenu des
dispositions actuellement inscrites dans le projet de loi et qui permettent un
processus d'acquisition d'un statut confessionnel qui pourrait voir la
mobilisation de groupes qui chercheraient à obtenir un tel statut et qui
tenteraient à introduire exclusivement les valeurs liées à
une confessionnalité, si votre expérience vous permet de croire
que tout cela conduit à des affrontements et que cela se soldera, au
bout du compte, par des retrouvailles. Que vous en semble-t-il?
Une autre question. Je les pose immédiatement et ce sera
terminé, M. le Président. L'autre aspect de la question que
j'aimerais vous poser concerne le suffrage universel, à savoir qu'il
nous faut une certaine acrobatie intellectuelle... Cela me crispe un peu qu'on
utilise tant le principe "no taxation without representation". Ce qui me
crispe, c'est que ce principe est issu d'un autre contexte, au moment où
tout était lié à l'impôt foncier. On sait
très bien que c'étaient les propriétaires fonciers qui
participaient au grand débat démocratique et qui étaient
habilités à voter. Souvent, lorsqu'on utilise "no taxation
without representation", il y a le corollaire "no representation without
taxation".
On sait très bien que, dans notre société, on a
beaucoup évolué. Maintenant, tous les gens de 18 ans et plus sont
habilités à voter, qu'ils soient en situation de payer des
impôts à l'État ou non. Vous utilisez le même
principe, mais à rebours, en disant: Abolissons les 6% qui sont
laissés à l'initiative des commissions scolaires. De cette
façon, vous enlevez le tapis sous les pieds de ce principe-là en
éliminant ce principe qui fonde le suffrage universel. Je crois qu'on a
tort d'un côté comme de l'autre; je ne pense pas que ce soit plus
démocratique. Je crois qu'il y a des sociétés qui nous
donnent toutes les garanties de démocratie - je pense à la
France, mais il y en a bien d'autres - et qui n'ont pas introduit le suffrage
universel au niveau de leurs institutions scolaires. Le suffrage universel au
niveau des institutions scolaires n'est pas fondé exclusivement sur la
garantie d'une société démocratique. Je crois que cela
relève d'un passé. Voici la question que j'aimerais discuter avec
vous. Sans vouloir utiliser des arguments qui n'en sont pas, à savoir
que cela est démocratique - il y a des sociétés qui sont
démocratiques et qui n'ont pas le suffrage universel - à savoir
qu'avec ou sans ces 6% de taxation, il est
vraisemblable que la société québécoise
veuille maintenir cette tradition - c'était souvent les seules
institutions qu'elle contrôlait dans le passé, au moment où
l'État québécois ne portait pas encore ce nom, alors que
l'on parlait d'une grosse municipalité, les institutions scolaires
étaient très souvent ce que le peuple a pu contrôler est-ce
que ce n'est pas là qu'il faut rechercher cette volonté qui se
manifeste de maintien du suffrage universel?
Le Président (M. Blouin): M. Bilodeau.
M. Bilodeau: Si vous me le permettez, je vais répondre
rapidement à la première question de Mme la
députée. Nous sommes d'accord avec le projet de loi 40 que le
choix de la confessionnalité de l'école doit relever strictement
des parents. L'expérience qu'on a vécue à
Saint-Jean-Baptiste nous montre que, lorsqu'on fait intervenir des gens
extérieurs à l'école pour choisir, c'est à ce
moment-là que les groupes d'intérêt, que les groupes
à l'aspect religieux qui n'ont aucun enfant à l'école,
mais qui veulent faire valoir leur point de vue par le truchement de
l'école, se mêlent de la situation. Donc, à notre avis, il
faut laisser strictement aux parents, dans une école, le soin de
définir le statut confessionnel de l'école puisque ce choix a des
répercussions par la suite sur la vie de l'école. Or, ce sont les
parents et les enfants qui vivent ces répercussions. Ce ne sont plus les
gens du milieu qui ont pu voter, à un moment donné, et qui
après s'en sont lavé les mains. Ils ne mettront plus les pieds
dans l'école. C'est le milieu scolaire qui doit vivre avec ce choix.
L'expérience qu'on a vécue à Saint-Jean-Baptiste,
je dois vous dire qu'elle n'a pas nécessairement été
vécue de la même façon dans d'autres écoles. Je dois
dire, d'ailleurs, qu'il n'est pas nécessaire de passer à tout
prix par un affrontement entre les exemptés et les non-exemptés
dans une école pour que les gens s'entendent. On a vécu cette
expérience à Saint-Jean-Baptiste. Je connais d'autres
écoles de la haute-ville de Québec où le taux
d'exemptés commence à être important et le cheminement des
parents n'amène, à l'heure actuelle, aucun affrontement. Cela
s'est passé ainsi à Saint-Jean-Baptiste. On peut le regretter,
mais ce qu'on en retire comme conclusion, c'est que, lorsque ce sont les
parents dans l'école qui sont confrontés à cela, ils se
rendent bien compte que cela ne peut pas perturber l'ensemble du fonctionnement
de l'école, que ce sont leurs enfants qui en souffrent et que tout le
monde est malheureux à cause de cela. Donc, si, à
Saint-Jean-Baptiste, il y a eu une période d'affrontement, les gens le
déplorent maintenant. C'est à espérer que cela ne se vive
pas nécessairement de cette façon-là et je ne crois pas
que cela se vit nécessairement de cette façon-là
partout.
Quant à votre deuxième question, je vais passer la parole
à M. Talbot.
M. Talbot: Mme la députée, je vais peut-être
vous surprendre, mais la taxe foncière est une taxe injuste. Elle taxe
davantage celui qui a une grosse famille. Elle taxe le cultivateur sur son
coffre à outils. C'est une taxe qui fait vivre une grande partie de la
population. Par exemple, la Davie Shipbuilding fait vivre la moitié de
la ville de Lauzon par les travailleurs, et parce qu'elle doit occuper un grand
espace, elle doit nécessairement payer énormément de taxes
scolaires, alors qu'une entreprise multinationale qui n'a qu'un local de
représentation des ventes et qui vient chercher des millions dans la
collectivité ne va payer qu'une taxe en fonction de l'espace qu'elle
occupe. Donc, la taxe scolaire, pour nous, basée sur la valeur
foncière, c'est injuste. Éventuellement, je pense que le
législateur, dans les années qui viendront, en étant
utopique, va faire disparaître, à toutes fins utiles, la taxe
foncière pour la baser sur les revenus. L'idée de posséder
une maison n'est pas un signe de richesse aujourd'hui. Cela date, en tout cas,
de l'ère moyenâgeuse où celui qui avait le plus gros
château avait le plus d'argent. Donc, dans ce sens, on veut que, tout au
moins pour le système scolaire, cette taxe disparaisse. De là
à dire qu'un comité d'école ou qu'un autre organisme dise,
par exemple, aux parents: Nous aimerions acheter un piano et nous aimerions
donner tel service à la collectivité, voulez-vous participer au
financement de ce projet? je dis oui, et je pense qu'effectivement la
collectivité pourra aller chercher les sommes nécessaires
lorsqu'elle aura fait comprendre son projet. C'est dans ce sens que je dis que,
lorsque l'école va être ouverte par les parents, il va se
créer une forme de dynamisme insoupçonné. Merci.
Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. Sur ce, je remercie les trois
commissaires de la Commission des écoles catholiques de Québec,
MM. Giroux, Talbot et Bilodeau, de leur participation aux travaux de notre
commission.
J'invite maintenant les représentants de la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal à bien vouloir s'approcher de la
table des invités afin de nous livrer d'abord, comme il se doit, en une
vingtaine de minutes, le contenu de leur mémoire et ensuite nous
procéderons aux échanges entre les membres de la commission
parlementaire et nos invités. Évidemment, je vous demanderai
d'abord de vous identifier et ensuite de procéder à la lecture de
votre mémoire.
Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal
M. Rhéaume (Gilles): M. le Président, M. le
ministre, mesdames et messieurs les députés, je voudrais tout
d'abord vous présenter les personnes qui m'accompagnent. D'abord,
à mon extrême gauche, Mme Monique Tremblay du secrétariat
de la société; M. Gérard Turcotte, secrétaire du
conseil général et directeur des communications; M. Pierre
Légaré, responsable du dossier de l'éducation à la
société depuis de nombreuses années. (11 h 45)
Au tout début de notre présence à cette commission
parlementaire, je voudrais un peu situer cette comparution, si on peut
l'appeler ainsi. La Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal a été fondée en 1834. Nous
célébrons donc cette année notre 150e anniversaire. Pas
besoin de vous rappeler qu'en 150 ans la société a connu quatre
régimes politiques, de l'Acte constitutionnel au Canada Bill. Notre
société, dès sa fondation et dès sa charte
d'incorporation en 1849, avait la diffusion de l'instruction publique parmi ses
priorités les plus fondamentales.
Le lancement et le maintien d'institutions ou d'initiatives dans le
domaine de l'éducation ont été pour nous une
préoccupation qu'on peut qualifier de plus que séculaire.
Effectivement, des cours publics au Monument national ont été
à l'origine des Hautes Études commerciales, de l'École des
Beaux-Arts, des écoles techniques d'arts et métiers. L'institut
Duvernay a donné gratuitement, pendant plus de 50 ans, des cours de
français fréquentés principalement par des
Québécois et des Québécoises de nouvelle
souche.
Rappelons seulement notre participation aux débats dans le
domaine de l'éducation, depuis une vingtaine d'années. Ce n'est
pas la première fois que nous venons dire ce que nous pensons sur cette
question puisque, pour la Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal, la raison majeure de nos préoccupations a toujours
été la question linguistique et la question de l'éducation
qui sont intimement liées.
En 1962, devant la commission Parent, nous étions venus
déposer un mémoire et demander que l'école publique soit
l'école française et que des écoles bilingues soient
destinées aux enfants dont la langue maternelle est l'anglais. En 1967,
dans un mémoire sur le statut de la langue française au
Québec présenté au premier ministre Johnson, nous avons
recommandé l'école publique française pour tous. En 1969,
devant la commission parlementaire chargée de recevoir les
recommandations en marge du projet de loi 85, nous avions déclaré
que le système public de la province devait être un système
français dont dépendraient des classes ou écoles à
l'adresse des anglophones.
En 1970, devant la commission parle- mentaire permanente de
l'éducation relativement à la loi 62 et dans un mémoire
à la commission Gendron, les prises de position de 1969 ont
été réitérées, particulièrement en ce
qui a trait au rejet de toute division scolaire selon la langue. En 1971,
devant la commission parlementaire sur le projet de loi 28, nous nous sommes
élevés contre toute reconnaissance juridique, même
implicite, du bilinguisme officiel au Québec et de la parité de
l'anglais et du français aussi bien en éducation que partout
ailleurs. En 1973, dans son mémoire à la Commission des
écoles catholiques de Montréal, elle rappelait que le secteur
anglophone de la CECM n'a d'existence dans les faits que par la
générosité, pour certains discutable, des administrateurs
francophones.
En 1974, dans un mémoire en marge du projet de loi 22, nous
affirmions que toute politique linguistique doit s'établir sur le
principe que le Québec est un pays français et que telle
politique doit tendre à favoriser l'accès
généralisé à la langue du pays. En 1976, dans un
mémoire au Conseil scolaire de l'île de Montréal, nous nous
sommes opposés avec vigueur à la recommandation du comité
de restructuration scolaire de créer quatre types de commissions
scolaires sur la base, entre autres, du critère linguistique. En 1977,
dans un mémoire au gouvernement en prévision de la Charte de la
langue française, nous avons insisté pour que, dans toutes les
écoles, l'enseignement soit dispensé en français,
exception faite de la minorité anglophone pour laquelle l'enseignement
en anglais pourrait être fait à certaines conditions
prévues par la loi et dans des classes désignées par le
ministre. Quelques mois plus tard, nous déposions un nouveau
mémoire, cette fois devant la commission parlementaire chargée
d'étudier le projet de loi 101, qui, en substance, réaffirmait
les mêmes positions de principe dans le domaine de
l'éducation.
En 1982, dans notre réaction au livre blanc, L'école
québécoise: une école communautaire et responsable, nous
exprimions notre appui de fond à l'idée de la création,
sur l'ensemble du territoire, de commissions scolaires unifiées de
même qu'à celle de prendre différentes mesures susceptibles
de revaloriser l'école. Toutefois, nous inscrivions un vigoureux
désaccord au projet de faire exception sur l'île de
Montréal en instaurant juridiquement des commissions scolaires
fondées sur une base linguistique. En 1983, dans notre plus
récent mémoire, nous continuions de défendre
énergiquement le fait français devant la commission parlementaire
sur la Charte de la langue française et, concrètement, nous
réclamions le maintien intégral des articles de la loi 101 sur la
langue d'enseignement.
Il se dégage clairement, croyons-nous, de ces différentes
prises de position que la
société ne pourrait accepter quelque réforme que ce
soit en matière d'éducation, fût-ce même pour les
meilleures raisons pédagogiques ou administratives, si telle
réforme devait se faire au prix d'un recul de l'affirmation du droit de
la majorité francophone du Québec à vivre en
français dans son pays.
Nous tenons également, en début de présentation de
notre mémoire, à rappeler notre accord de principe avec les
principaux objectifs contenus dans le document: L'école
québécoise: une école communautaire et responsable,
présenté par le ministre de l'Éducation.
Particulièrement, nous tenons à rappeler que nous sommes
entièrement d'accord pour que l'école soit le pivot du
système scolaire et qu'on redonne cette école à ses
usagers et à ses agents. Nous croyons profondément que
l'école doit être le pivot de l'ensemble du projet éducatif
au Québec.
Nous étions en accord également avec le fait que la
commission scolaire devienne, et j'emploie les termes du livre blanc: que la
commission scolaire soit un lieu de mise en commun et de services aux
écoles, une table régionale fonctionnant pour l'essentiel
à la façon d'une coopérative de services. Nous
étions entièrement en accord avec cette position.
Nous avons cependant une inquiétude profonde, un désaccord
que nous venons exprimer, c'est quant à l'idée et au projet
d'instaurer, de créer, d'ériger les commissions scolaires sur une
base linguistique. Nous avons une argumentation sur ce sujet. Avant de prendre
la parole, je demanderais à M. Pierre Légaré, responsable
du dossier de l'éducation de la Société
Saint-Jean-Baptise, de vous faire connaître notre argumentation quant
à notre opposition à l'érection de commissions scolaires
sur une base linguistique.
M. Légaré (Pierre): M. le Président,
j'énumérerai sept points qui sont pour nous les arguments
principaux qui militent en faveur des commissions scolaires
unifiées.
D'abord, tel qu'il apparaissait au livre blanc sur la réforme
scolaire... À la page 11, on disait ceci: "En obligeant l'ensemble des
organismes publics, et donc les commissions scolaires, à fonctionner en
français, en même temps qu'elle garantissait aux anglophones de
souche québécoise le droit à l'enseignement en langue
anglaise, la loi 101 allait accélérer l'intégration des
institutions anglophones à la vie et au fonctionnement de la
société québécoise francophone." La
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal croit fermement
que cette intégration ne serait assurée qu'au sein de commissions
scolaires unifiées où Québécois et
Québécoises de toutes origines, de toutes langues et de toutes
convictions pourraient travailler ensemble à une même oeuvre
d'éducation, alors que les commissions scolaires linguistiques
encourageraient l'isolement des communautés linguistiques
québécoises et décourageraient leséchanges entre ces mêmes communautés.
Au sujet de ces échanges qui seraient de beaucoup plus faciles
dans des structures unifiées, permettez-moi de souligner un exemple
extrêmement important, un exemple au niveau pédagogique:
l'enseignement de la langue seconde. Nous sommes convaincus que la
qualité de l'enseignement de la langue seconde serait
considérablement mieux assurée à l'intérieur de
commissions scolaires unifiées, et je m'explique. L'engagement et
l'affectation de professeurs de langue seconde, dont la langue maternelle est
précisément la langue seconde enseignée, ce qui est
éminemment souhaitable d'après nous, seraient tellement plus
faciles, plus propices, plus favorables dans une commission scolaire
unifiée où l'on retrouverait un corps enseignant de langue
française et un corps enseignant de langue anglaise.
De plus, que penser de ce qu'on appelle souvent, erronément,
l'immersion en langue seconde et qui est plutôt de l'apprentissage
intensif, puisque trop souvent cette pseudoimmersion ne se donne pas dans le
milieu approprié?
Nous sommes d'avis que la véritable immersion, que nous jugeons
des plus valables pour les élèves, ne serait vraiment possible et
facile d'organisation que dans la commission scolaire unifiée où
l'on retrouve des écoles, donc des milieux de langue française et
de langue anglaise.
Pour revenir au livre blanc, celui-ci notait également, à
la page 10: "...en dernière analyse, parler de restructuration scolaire,
c'est parler de rapports des partenaires de l'éducation entre eux et de
la manière d'exercer collectivement la mission éducative." La
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal croit que
Québécois et Québécoises, francophones comme
anglophones, sont des partenaires à part entière et devraient
exercer collectivement la mission éducative en un système
unifié, dans tout le Québec.
Toujours dans le livre blanc, à la page 66, face au chevauchement
confessionnel actuel, on parlait de cloisonnement financièrement et
socialement trop coûteux et on précisait, à la page 29, que
"la mise en commun de services administratifs réduirait les
coûts." Comment le fait de substituer, non seulement sur l'île de
Montréal, comme cela était d'abord prévu, mais sur
l'ensemble du territoire du Québec, le chevauchement linguistique au
chevauchement confessionnel ferait-il en sorte que cela ne serait pas tout
aussi coûteux? Comment l'objectif deréduire les
coûts serait-il mieux atteint? Songeons à la double administration
de deux réseaux de commissions scolaires sur le même
territoire,
à la répartition des édifices scolaires et des
équipements ainsi qu'à leur entretien, au transport scolaire,
notamment sur l'immense territoire que couvriraient certaines des treize
commissions scolaires anglophones.
Ajoutons que les commissions scolaires unifiées seraient
davantage un reflet de la société. Au niveau des autres milieux
de vie, milieu de travail, milieu de loisir et autres milieux, les citoyens
québécois et les citoyennes québécoises y
travaillent ou y participent en parlant ou français ou anglais, mais on
n'a pas pour autant deux administrations, une de langue française et une
de langue anglaise. Pourquoi créerait-on ce précédent dans
le domaine scolaire?
Le programme du parti au pouvoir -j'ai devant moi l'édition 1982
qui, si je ne m'abuse, est la plus récente - au chapitre de
l'éducation, parle, à l'article 13 de la page 50, de remplacer
les structures actuelles par une structure régionale neutre et
pluraliste ayant juridiction directe sur toutes les écoles de niveaux
élémentaire et secondaire situées sur son territoire.
L'article 15: "Créer, sous la juridiction du Conseil de
développement scolaire de l'île de Montréal, quelques
grandes commissions scolaires unifiées responsables pour leur territoire
de l'organisation des divers enseignements confessionnels et non confessionnels
de langue française et de langue anglaise." On pourrait (n'interrompre
ici et dire que le programme d'un parti politique, c'est l'affaire des
militants; bien sûr. Mais si nous nous croyons justifiés comme
citoyens et comme organisme qui représente un groupe de citoyens... La
première phrase de la présentation, signée par le
président du parti et premier ministre, M. René Lévesque,
se lit comme suit: "Le programme du Parti québécois n'est pas
seulement celui d'une formation politique, mais aussi celui du gouvernement du
Québec pour les prochaines années." Pour nous de la
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, c'était
rassurant non seulement de retrouver ces articles, et ce, depuis au moins une
bonne douzaine d'années, dans le programme du parti qui est au pouvoir
depuis plus de six ans, mais également de voir affirmer que
c'était le programme du gouvernement du Québec pour les
années futures. (12 heures)
Vous comprendrez, M. le Président, notre surprise et notre
déception de ne retrouver ni la lettre, ni l'esprit de ces articles dans
le projet de loi 40.
J'ai devant moi le sondage qui a été réalisé
dans tout le Québec en mars 1983 par SORECOM pour le compte du Conseil
scolaire de l'île de Montréal et des deux
fédérations: la Fédération des commissions
scolaires catholiques et la Fédération des commissions scolaires
protestantes. Il y a un tableau - le tableau 6 - de ce sondage qui est
très révélateur. Lors de la conférence de presse
qui a dévoilé les résultats de ce sondage, ces trois
organismes, le conseil scolaire et les deux fédérations, ont bien
pris soin d'ignorer ce tableau 6 et de ne pas en parler.
Commençons par dire quelle est la question qui était
posée. La question posée était celle-ci: Si jamais vous
aviez le choix entre les trois types suivants de commission scolaire, lequel
seriez-vous le plus porté à choisir? On répondait ou bien
celle basée sur la langue, celle basée sur la religion, ou celle
basée sur la région, le territoire, c'est-à-dire
unifiée. À l'exception des protestants - et c'est fort
compréhensible - toutes les catégories de personnes
interrogées, francophones, catholiques, protestants, parents,
non-parents, privilégiaient pour le plus grand nombre la commission
scolaire basée sur la région, c'est-à-dire unifiée.
L'ensemble de l'échantillon privilégiait à 45% la
commission scolaire basée sur la région, 34,7% celle basée
sur la langue et 14,8% celle basée sur la religion. Bien plus,
sur l'île de Montréal, où l'on retrouve la plus forte
concentration d'anglophones et d'allophones, c'était une majorité
absolue de 53,3% qui privilégiait la commission scolaire basée
sur la région, c'est-à-dire unifiée.
Qu'on vienne nous dire ensuite que le consensus est fait autour de la
division linguistique, permettez-nous d'en douter. Certes, certains grands
ténors d'organismes, certains establishments se sont prononcés en
faveur de la division linguistique; certains l'ont fait à leur corps
défendant, parce qu'ils croyaient ou qu'on leur faisait croire que le
consensus allait dans ce sens et qu'ils préféraient ne pas
être à contre-courant; d'autres l'ont fait par
intérêt politique, professionnel ou corporatif.
Quant à nous, à la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal, nous préférons opter pour
ce que nous croyons être le plus conforme à la
réalité québécoise, le plus conforme à un
climat d'ouverture et de dialogue, et qui, par surcroît, est
préféré par une plus grande partie de la population.
M. Rhéaume: Comme M. Légaré vient de le
dire, nous nous permettons de douter de ce consensus que nous appelons chez
nous un pseudo-consensus. Nous ne nions cependant pas les raisons d'un
changement en éducation et nous les avons résumées
à la page 24 de notre mémoire. Essentiellement, les projets de
restructuration des 20 dernières années visaient les buts
suivants: ajuster le système scolaire aux objectifs de la
société québécoise; sauvegarder le fait
français par un système d'éducation approprié;
régler le problème de l'organisation scolaire sur l'îlede Montréal; assouplir les contraintes du système
liées à la religion de façon qu'il soit plus ouvert au
pluralisme grandissant de
notre société; égaliser les chances en
éducation par une meilleure répartition des ressources
financières.
Pour atteindre ces objectifs, il ne nous semble pas nécessaire de
créer des commissions scolaires linguistiques. Nous continuons de croire
qu'ils seraient beaucoup mieux servis - ces objectifs - par la mise sur pied de
commissions scolaires unifiées, uniques ou intégrées,
selon les termes que l'on emploie. Toutefois, nous réclamons le maintien
des commissions scolaires confessionnelles que nous jugeons moins
menaçantes pour la survie du fait français.
La société ne saurait pour autant préconiser un
statu quo de mauvais aloi. Plusieurs aspects demandent des correctifs et il est
sans doute possible d'y procéder sans faire un recul historique
important, sous prétexte que les résistances aux commissions
scolaires unifiées sont trop grandes. Ainsi, la responsabilisation de
l'école et des parents, susceptible de favoriser l'ajustement du
système scolaire aux objectifs de la société
québécoise, paraît souhaitable et réalisable
à l'intérieur de commissions scolaires confessionnelles. De
même, la subdivision de la CECM en plusieurs commissions scolaires est
possible et contribuerait à la démarche déjà
entreprise en vue d'améliorer la situation sur l'île de
Montréal.
Quant à la sauvegarde du fait français, celle-ci doit
passer, aux yeux de la Société Saint-Jean-Baptiste, ou bien par
le maintien après correctifs du statu quo ou bien par la création
de commissions scolaires unifiées, mais jamais! jamais! quant à
nous, par la création de commissions scolaires linguistiques.
En conclusion, la société croit possible et souhaitable
d'apporter des améliorations au système actuel sans créer
le précédent québécois de commissions scolaires
linguistiques contre lesquelles nous nous élevons avec
véhémence. La société croit également que la
venue de commissions scolaires unifiées est inéluctable, ne
serait-ce que pour des raisons économiques liées de près
au problème de la dénatalité, et qu'il serait inutilement
onéreux de créer dans l'intervalle de nouvelles structures
linguistiques alors que les structures confessionnelles actuelles peuvent
être améliorées à un bien moindre coût, tant
humain que financier.
Elle croit enfin que le pseudo-précédent
créé par le Nouveau-Brunswick et discuté en Ontario,
à savoir la mise sur pied dans ces provinces de conseils scolaires
francophones, ne doit en aucune façon être retenu pour exercer des
pressions sur le Québec où ce n'est pas la langue de la
minorité qui est menacée, mais bien celle de la
majorité.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Rhéaume. Merci,
M. Légaré. M. le ministre.
M. Rhéaume: Je n'avais pas terminé, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): M. Rhéaume, je vous
signale que vous avez déjà mis un peu plus de vingt minutes
à présenter votre mémoire.
M. Rhéaume: D'accord.
Le Président (M. Blouin): Si vous aviez une brève
conclusion, je pense que vous n'avez pas abusé jusqu'à
maintenant, mais il faudrait vraiment que cela soit très bref.
M. Rhéaume: Je vais tenter, si on me le permet,
d'être le plus bref possible. Brièvement, nous nous opposons
à la création de commissions scolaires linguistiques. Nous
croyons que les commissions scolaires unifiées sont une occasion unique
pour les anglophones, les francophones, les allophones, les
Québécois et les Québécoises de toute croyance,
d'oeuvrer ensemble dans une même oeuvre d'éducation. Nous croyons
que l'érection de commissions scolaires linguistiques est
l'institutionnalisation de ghettos auxquels nous nous opposons. Nous croyons
qu'il est grand temps que l'ensemble de la communauté
québécoise travaille ensemble. Nous croyons dangereux la
création de commissions scolaires linguistiques puisque, pour nous,
c'est l'institutionnalisation du bilinguisme, d'une forme de bilinguisme
à laquelle nous nous opposons. Nous souhaitons que l'éducation
qui est au coeur de nos préoccupations et qui est au coeur des
préoccupations de l'ensemble des députés, quels que soient
les partis politiques... Je pense que le bilinguisme qui sera
institutionnalisé par cette division linguistique pourrait être
source de conflits, de tensions, d'isolement et d'absence de dialogue entre les
communautés qui forment le Québec.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Rhéaume. M. le
ministre.
M. Laurin: M. le Président, c'est avec plaisir que je
salue la délégation de la Société
Saint-Jean-Baptiste et que je la remercie pour le mémoire vif et
intéressant qu'elle vient de nous présenter.
Je note au départ avec plaisir les états de service
remarquables de la société en matière d'éducation,
d'instruction publique. Il me fait plaisir de rappeler qu'elle est à
l'origine de plusieurs des institutions dont nous nous enorgueillissons
maintenant en tant que société, l'École des Hautes
Études commerciales, l'École des Beaux-Arts, les écoles
techniques, les écoles d'arts et métiers et ceci, bien sûr,
la justifie de nous présenter ses vues aujourd'hui en matière
d'éducation.
Je note aussi au départ que la Société
Saint-Jean-Baptiste se dit d'emblée d'accord pour une plus grande
responsabilisation de l'école et une plus grande responsabilisation des
parents au sein de l'école. Elle veut, elle aussi, que l'école
devienne le pivot, la pierre angulaire de notre système
d'éducation. J'ai même noté qu'elle trouve, entre le livre
blanc et le projet de loi 40, qu'il y a eu une atténuation des pouvoirs
de l'école au profit de la commission scolaire et qu'elle le regrette.
Nous regarderons donc avec attention tous les amendements qu'elle nous
suggère à cet égard.
Je note aussi qu'elle est d'accord que, sur l'Ile de Montréal, on
en arrive à une organisation qui fera en sorte que les commissions
scolaires soient de taille plus égale, mais que ces commissions
scolaires auront grand intérêt également à maintenir
un organisme régional comme le système scolaire et les services
qu'il a contribué à rendre et qu'il peut encore rendre dans
l'avenir.
J'en arrive à l'objet central du mémoire, et cela est
très compréhensible, la préférence de la
Société Saint-Jean-Baptiste pour un certain type de structures
scolaires. Si on l'écoute bien, je pense bien que c'est la commission
scolaire unifiée qui est son objet de prédilection,
conformément à ce que recommandait la commission Parent et
conformément à ce qui est inscrit dans le programme du Parti
québécois depuis plusieurs années. On peut cependant
noter, spéculer en tout cas, que la commission Parent a fait cette
recommandation à une époque où le statut du
français au Québec donnait lieu à des interrogations,
à des préoccupations, à des malaises et à des
inquiétudes.
Le programme du Parti québécois a aussi été
élaboré à peu près à cette époque
où le statut du français au Québec faisait problème
d'une façon aiguë. Il y a eu quand même des changements
depuis cette époque et en particulier la loi 101 est venue changer la
problématique d'une façon marquée puisque maintenant les
nouveaux arrivants au Québec fréquentent les écoles
françaises. D'autres évolutions ont aussi eu cours. Je pense que
sur le plan culturel il faut noter cette conviction acquise avec de plus en
plus d'acuité par la communauté anglophone que l'école
joue un rôle important pour le maintien de son identité culturelle
et pour le développement de ses aspirations collectives.
Il reste cependant que la Société Saint-Jean-Baptiste
préférerait le système des commissions scolaires
unifiées, ne serait-ce que pour la raison qu'elle nous donne, à
un moment donné, c'est-à-dire que cette intégration
à la majorité serait mieux assurée par des commissions
scolaires unifiées. Une petite remarque en passant. À la CECM,
nous avions une commission scolaire unifiée d'une certaine façon,
mais cette commission scolaire unifiée, comme d'autres, possédait
des secteurs anglophones. Je ne pense pas que les secteurs anglophones au sein
de la CECM et des autres commissions scolaires de l'île aient
amené une intégration tellement plus marquée de la
communauté anglophone à la majorité.
Je voudrais aussi noter qu'avec le projet de loi 40, nous aurons des
commissions scolaires plus unifiées que celles que nous avons
actuellement, ne serait-ce que parce que, en plus de cette intégration
des communautés linguistiques, catholique, protestante et autres qui se
réclament de l'anglophonie, il y aura aussi une intégration de
l'enseignement des deux niveaux primaire et élémentaire assurant
ainsi une continuité plus grande entre ces niveaux d'enseignement. C'est
quand même là une unification plus grande que celle que nous avons
à l'heure actuelle. (12 h 15)
J'en arrive à votre argument principal. Vous êtes d'avis
que la commission scolaire linguistique constituerait une menace pour la survie
du fait français. Je pense qu'on peut souscrire au principe que vous
énoncez avec force, celui de l'affirmation du droit de la
majorité francophone du Québec à vivre en français
dans son pays. Je pense qu'on peut être tout à fait d'accord avec
ce principe, mais là où on voit peut-être moins la logique
de la conclusion que vous en tirez, c'est quand vous dites que ce principe est
incompatible avec la création de commissions scolaires linguistiques. La
question que je voudrais vous poser est la suivante: En quoi la création
de commissions scolaires linguistiques où, d'un côté, la
majorité francophone contrôle et gère ses commissions
scolaires et ses écoles et où, de l'autre, la communauté
anglophone gère et contrôle ses commissions scolaires et ses
écoles, constitue-t-elle un recul et surtout une menace à la
survie du fait français? J'avoue que, malgré les sept arguments
que vous nous avez apportés, je ne vois pas encore de lien direct et
évident entre le principe et la conclusion que vous apportez. J'aimerais
que vous vous expliquiez davantage sur ce point.
Le Président (M. Blouin): M. Rhéaume.
M. Rhéaume: D'abord, l'objectif fondamental de la loi 101
qui était la refrancisation du Québec dans tous ses secteurs est
un objectif, comme tout le monde le sait, auquel nous adhérons
complètement. Cet objectif n'est pas atteint. Je me permettrai, M. le
ministre, de rappeler un de vos commentaires qui a paru dans la revue
Actualité quelques mois avant que vous n'arriviez au ministère de
l'Éducation. Vous disiez, au sujet de l'application, des
conséquences et des
changements de la loi 101, qu'il faudrait 25 ans pour en voir les
fruits. Nous croyons fermement et profondément que la question
linguistique, que le fait français, que l'affirmation du fait
français, que la refrancisation du Québec ne sont pas
achevés, qu'ils ne sont pas terminés. Nous sommes dans un
processus qui a été enclenché il y a plusieurs
années, mais qui n'est pas terminé. Nous croyons encore, puisque
nous avons tenté de le démontrer lors de notre comparution
à la commission parlementaire sur la loi 101 précédant la
loi 57, que ce n'est pas encore fait. La loi 101 reconnaissait le droit
à la communauté anglophone - nous adhérons, nous l'avons
dit en commission parlementaire, nous reconnaissons ce droit à la
communauté anglophone - à l'enseignement dans sa langue. Nous
croyons que l'intégration de l'ensemble des Québécois de
quelque origine au fait français au Québec se ferait d'une
façon beaucoup plus normale à l'intérieur de commissions
scolaires unifiées, et que les commissions scolaires linguistiques
faisant un ghetto - c'est ce que nous croyons profondément - cela
n'aidera pas. Cela nuira à la survie du fait français et à
l'évolution du fait français, parce que le Québec sera
lui-même le jour où l'ensemble des communautés seront
intégrées à cet objectif de francisation, dans la
reconnaissance du droit de la minorité anglophone, tel qu'il est reconnu
par la loi 101.
Nous pensons que la survie et l'évolution normale du
Québec vers sa refrancisation se fera beaucoup mieux à
l'intérieur de commissions scolaires unifiées qu'à
l'intérieur de commissions scolaires linguistiques, où le
dialogue ne se fera pas, où nous n'aurons pas l'occasion, anglophones ou
francophones... D'ailleurs Alliance Québec a comme thème: "For a
future, together", "Tous ensemble pour l'avenir". Nous croyons que la division
linguistique va un peu, et même on ne peut pas soupçonner tout
l'avenir... Je ne vous apprendrai rien en regardant la Belgique. Tout ce qui
suivra, ce seront les commissions scolaires linguistiques et ensuite on va en
arriver à d'autres étapes, à d'autres demandes et à
d'autres revendications. Nous pourrions dès maintenant régler ce
problème en étant tous ensemble. C'est dans ce sens-là que
nous croyons que le fait de vivre à l'intérieur de commissions
scolaires unifiées sera une assurance beaucoup plus grande d'atteindre
les objectifs de la loi 101 et l'intégration de l'ensemble des
communautés au fait français dans le respect de la
minorité anglophone. Cela, nous tenons à le
répéter. Il nous semble même curieux que ce soit la
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, jusqu'à un
certain point, qui s'oppose à l'érection de ghettos. Nous nous
opposons avec le plus d'ardeur possible et le plus de conviction possible.
Nous croyons qu'il faut régler ce problème et que la
commission scolaire unifiée est l'endroit idéal pour le faire.
Quant à la commission scolaire linguistique, c'est la division, la
séparation, l'isolement et l'entretien des solitudes, tandis qu'il est
grand temps - et nous en savons quelque chose, la société
travaille et milite surtout sur le territoire de Montréal - à
Montréal, particulièrement, que nous nous réunissions tous
ensemble. Il n'y a pas des villes françaises et de villes anglaises. Y
aura-t-il des autobus francophones et des autobus anglophones sur un même
territoire? Il me semble que la logique ne nous apparaît pas
évidente dans cela. Pour atteindre l'objectif de la loi 101, la
commission scolaire linguistique, quant à nous, met un frein à
l'atteinte de cet objectif.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Rhéaume. Merci,
M. le ministre. Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
les représentants de la Société Saint-Jean-Baptiste. Je
dois les féliciter au moins pour leur persévérance, parce
que, quand on fait l'historique de toutes vos présentations à la
commission parlementaire de l'éducation ou à la commission
parlementaire sur la langue, qui ne sont pas éloignées l'une de
l'autre, je dois dire que vous avez certainement été tenaces.
Je ne veux pas revenir sur les remarques du ministre de
l'Éducation en ce qui touche votre choix pour les commissions scolaires
unifiées. Là aussi, il y a de la persévérance. M.
Rhéaume a présenté M. Légaré comme
étant le porte-parole en éducation ou le responsable du dossier
de l'éducation à l'intérieur de la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal. J'ai déjà eu le plaisir
de travailler avec M. Légaré dans le domaine scolaire
unifiée et je dois vous dire qu'il était un tenant de la
commission scolaire à ce moment-là et que c'est encore la
position qu'il vient défendre aujourd'hui.
C'est assez ironique, M. le Président, de penser qu'à ce
moment-là j'étais la seule pour la commission scolaire
linguistique. Il s'en souviendra. Il semble que je progresse plus vite, mais
seulement là-dessus, remarquez bien; non pas concernant toutes les
modalités qui entourent cela.
Plus sérieusement, je voudrais vous poser la question suivante:
Comment croyez-vous que la commission scolaire confessionnelle fournirait une
meilleure garantie de communication entre les groupes linguistiques? Dans ce
sens-là, je rejoins le ministre parce que c'est simplement au niveau des
questions administratives que les groupes anglo-catholiques, à
l'intérieur des commissions scolaires catholiques françaises,
ont surtout pratiqué la communication, par la force des choses.
Pour le reste, M. Légaré s'en souviendra, c'était quand
même assez fermé.
Dans mon esprit, une commission scolaire unifiée ne garantira pas
davantage de communication. Je vois cela davantage comme un désir de
contrôler les institutions anglophones que de promouvoir la
communication, puisque l'histoire quand même assez importante à la
CECM n'a pas démontré que c'est là que la communication a
été la plus efficace. En fait, c'est davantage par la
création du conseil scolaire de l'île qu'on a assisté
à un rapprochement, d'abord, par la force des matières
administratives et, éventuellement, un peu au plan pédagogique.
Je pense que cela a été un outil même à
l'intérieur de commissions scolaires différentes anglophones et
francophones, lesquelles étaient bien séparées. Est-ce que
ce n'est pas davantage, en somme, un désir de contrôler le
système anglophone plutôt que de le laisser se développer
selon ses propres aspirations, selon ses traits culturels? Est-ce que l'on est
toujours prêt à plaider pour les francophones?
M. Légaré: M. le Président, remarquez que -
j'ai vécu, M. le Président, avec Mme la députée de
L'Acadie à la CECM - ma perception a été justement ce
climat d'ouverture et d'échanges. Au niveau pédagogique, au
niveau des fonctionnaires et au niveau des commissaires, il y avait des
échanges valables et des échanges d'expériences. Bien
sûr, le conseil scolaire -vous l'avez bien dit, Mme la
députée de L'Acadie - a accéléré et a
porté à un autre niveau cette concertation et cette collaboration
entre les deux communautés. Nous pensons que c'est au niveau de la
commission scolaire où plus quotidiennement les échanges
d'expériences, la concertation se feraient. Bien sûr, demander le
maintien des commissions scolaires confessionnelles ce n'est pas
nécessairement, de gaieté de coeur que nous le faisons. Nous
voyons dans l'institution de commissions scolaires linguistiques, justement, la
fin de cette unification linguistique qui, à notre point de vue, a
apporté des résultats très valables pour la communication
entre les deux communautés.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais demander
aussi - vous n'en traitez pas dans votre mémoire - si vous avez
examiné la fonctionnalité, si je puis dire, des dispositions qui
sont prévues pour la reconnaissance du statut confessionnel des
écoles. Au plan pratique, comment voyez-vous que ceci puisse s'articuler
sans créer trop de conflits à l'intérieur de
l'école?
M. Légaré: Remarquez que, dans notre
première prise de position sur le livre blanc, si je ne m'abuse, nous
parlions de cela, évidemment. Nous étions d'accord avec le fait
que les écoles puissent, de par la volonté majoritaire des
parents, avoir un statut confessionnel. Nous étions également
tout à fait d'accord avec le fait que l'exemption soit remplacée
par l'option entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral. Nous
pensons que c'est peut-être la façon la plus acceptable
actuellement pour la population, même si nous pensons
qu'éventuellement cette même population sera prête un jour
à accepter la société pluraliste dans laquelle nous vivons
en ayant des écoles pluralistes. De toute façon vous avez
remarqué que nous nous sommes davantage penchés sur ce que M. le
ministre a appelé notre sujet de prédilection: les structures des
commissions scolaires.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question. En conclusion,
à la dernière page de votre mémoire, vous dites: II ne
faudrait surtout pas s'inspirer ou se laisser influencer par le
peudo-précédent, créé par le Nouveau-Brunswick et
discuté en Ontario, à savoir la mise sur pied, dans ces
provinces, de conseils scolaires francophones. Ce que je veux demander au
représentant de la Société Saint-Jean-Baptiste, c'est:
Est-ce qu'ils ne reconnaissent pas de valeur au fait que, pour la survivance
d'une minorité, qu'elle soit anglophone au Québec ou qu'elle soit
francophone à l'extérieur du Québec, la reconnaissance
d'institutions d'éducation est particulièrement importante pour
la survie de ces communautés? À moins que vous ne vouliez
maintenant laisser pour compte les minorités francophones à
l'extérieur du Québec. Mais je ne crois pas que cela soit dans la
tradition de la Société Saint-Jean-Baptiste.
Le Président (M. Blouin): M. Rhéaume.
M. Rhéaume: D'abord, j'ai invité les membres de la
commission que cela intéresse de façon particulière
à se pencher sur l'oeuvre entière de Louis-Philippe
À.udet, qui est un grand spécialiste de l'histoire de
l'enseignement, de l'histoire de l'éducation, de l'histoire du Conseil
de l'instruction publique, qui est une personnalité
québécoise et qui a consacré toute sa vie et toutes ses
énergies à se pencher sur ce qui s'est passé dans le monde
de l'éducation, de 1608 à maintenant. (12 h 30)
En ce qui concerne les francophones hors Québec, je voudrais tout
d'abord vous dire que nous avons eu dans le passé et que nous continuons
à avoir - d'ailleurs, notre campagne actuelle, notre collecte de fonds
pour aider nos compatriotes du Manitoba le
démontre - des rapports étroits, cordiaux, avec l'ensemble
des minorités francophones hors Québec.
Il y a un principe sur lequel nous appuyons nos échanges. Pour
nous, ce principe est très clair et il est accepté de part et
d'autre: nous reconnaissons à chacune des communautés
francophones, que ce soit au Québec ou dans chacune des provinces
canadiennes, le droit et la légitimité de définir
elle-même ses aspirations et ses revendications.
Nous croyons d'ailleurs - et pour nous, c'est bien important - qu'il n'y
a aucune comparaison qui tienne ou qui résiste à l'analyse dans
la pratique de l'enseignement et de l'éducation pour les
minorités à l'intérieur du Canada, francophones ou
anglophones. Pour nous, il n'y a aucune comparaison possible entre le statut
éducationnel ou le statut dans le monde de l'instruction publique entre
les minorités françaises hors Québec et la minorité
anglophone du Québec. Si les minorités françaises hors
Québec avaient eu l'expérience en éducation qu'a eue la
minorité anglophone du Québec, la situation ne serait
sûrement pas la même.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je m'excuse
d'interrompre M. le président. La question que je vous posais est
précise. Je le sais, chaque fois que vous venez, vous nous le dites et
c'est vrai qu'il n'y a pas de commune mesure entre les minorités
francophones hors Québec et les minorités anglophones au
Québec, mais le point précis que je veux faire valoir est
celui-ci: ne croyez-vous pas que, pour une minorité, qu'elle soit
anglophone ici ou francophone ailleurs, l'existence et l'administration
d'institutions scolaires qui leur soient propres et leur soient laissées
soient une bonne garantie et peut-être la seule et la meilleure garantie
de cette survivance? C'est là ma question précise.
M. Rhéaume: À ce que je sache, tout le débat
autour de l'article 93, lors de l'institution de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique de 1867, a porté énormément sur ce point.
Regardons ce qui se passe, dans chacune des provinces. Ici, nous n'avons pas
d'exemple à donner, puisque nous avons donné l'exemple, nous
sommes dans une institution grandement inspirée du régime
britannique et je pense que vous en savez quelque chose, puisque nos
institutions en sont profondément marquées. Il faut regarder la
pratique et l'exercice parce que, dans le régime britannique, la
pratique et l'exercice sont souvent garants de l'expérience.
L'expérience québécoise de la minorité anglophone,
c'est, je pense, que sa survie n'est menacée d'aucune façon et
les garanties que leur donne la loi 101 quant au droit à l'enseignement
sont pour nous des garanties suffisantes pour assurer l'évolution de la
minorité anglophone.
Mme Lavoie-Roux: Ce que vous dites, c'est qu'à votre point
de vue les garanties institutionnelles au plan scolaire ou l'administration ou
la gérance de leurs propres institutions scolaires ne sont pas
nécessaires aux anglophones au Québec?
M. Rhéaume: Quand on regarde ce qui était
proposé dans le livre blanc en ce qui concerne le comité
linguistique de la minorité, nous croyons que les commissions scolaires
unifiées apporteraient les garanties que vous réclamez pour la
minorité anglophone.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de L'Acadie.
M. Légaré: M. le Président,
j'aimerais...
Le Président (M. Blouin): Oui, rapidement, M.
Légaré.
M. Légaré: ...ajouter ceci. Nous pensons que, si
les minorités francophones hors Québec avaient été
traitées au niveau scolaire comme la minorité anglophone du
Québec l'a été, il y a fort à parier que les
francophones hors Québec n'auraient pas à demander et à
revendiquer leurs propres commissions scolaires aujourd'hui.
Le Président (M. Blouin): D'accord.
Mme Lavoie-Roux: On est d'accord là-dessus, mais il reste
que ce que vous reconnaissez dans les faits, c'est que si elles avaient eu les
mêmes garanties au plan de l'éducation que celles de la
minorité anglophone au Québec, les minorités francophones
ne se buteraient pas à un mur et n'auraient pas à faire les
efforts qu'elles font présentement pour leur survie parce que celle-ci
aurait été probablement assurée par de bonnes institutions
scolaires.
M. Rhéaume: Je vous rappellerai, madame, que ces garanties
étaient dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, à
l'article 93. Ce n'est pas qu'elles ne les avaient pas, c'est qu'elles ont
été bafouées partout.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela. On est d'accord.
Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci, M.
Rhéaume. Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le
député de Mille-Îles.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le
Président. C'est avec une certaine satisfaction et une grande joie que
je vois les représentants de la Société
Saint-Jean-Baptiste défendre encore la langue française comme
elle l'a fait depuis 150 ans. Je veux vous souhaiter un heureux anniversaire,
un heureux 150e anniversaire. J'aurais le goût de rappeler aux membres de
la commission qu'en 1977 j'ai eu le bonheur de défendre, au nom de la
Société Saint-Jean-Baptiste, le mémoire
présenté à la commission parlementaire sur la loi 101. On
s'aperçoit avec le recul que la loi 101 fait de plus en plus
l'unanimité. On a vu à la dernière commission
parlementaire sur la loi 57 que la loi 101, qui voit à la
consécration de la langue française comme langue officielle et
qui fait la sauvegarde et la promotion de la langue française, fait
l'unanimité.
Je souligne aussi d'une façon particulière la
présence de M. Gérard Turcotte, qui a été quand
même le pilier, l'homme de la continuité à la
société pendant 25 ans et j'ai appris avec regret qu'il quittait
la société d'ici quelques jours. Merci pour le travail que vous
avez fait.
M. le président de la Société Saint-Jean-Baptiste,
vous dites, à la page 19 de votre mémoire: "Le gouvernement du
Québec n'a-t-il pas oublié qu'il est reconnu que la
minorité anglophone du Québec a toujours été la
minorité la mieux traitée au Canada?" Dans la ligne de la
tolérance et de la générosité, dans votre
mémoire, vous parlez de commissions unifiées plutôt que de
commissions scolaires linguistiques. Vous parlez aussi de reconnaissance d'un
droit nouveau en reconnaissant les commissions scolaires linguistiques. Vous
avez peur pour la survie du fait français, peut-être. Il y a
certains dangers. Ma question, considérant l'esprit de tolérance
et de générosité des Québécois, est à
savoir s'il ne serait pas préférable, avec l'évolution
qu'on connaît, s'il n'y a pas de danger - j'aimerais qu'on m'en donne -
s'il ne serait pas normal qu'on reconnaisse les commissions scolaires
linguistiques.
M. Rhéaume: Vous savez que nous sommes conscients que le
Québec a été une société exemplaire dans le
traitement de sa minorité. Je pense que cela est reconnu par des gens de
toutes les tendances politiques. Le jour où l'ensemble des
minorités francophones hors Québec auront reçu uneréponse positive et affirmative à leurs revendications, nous
pourrons rediscuter de la question. Nous avons donné l'exemple pendant
suffisamment longtemps. Il est temps qu'un coup de bonne volonté vienne
de la majorité anglophone dans les autres provinces. Nous croyons que
les situations ne sont pas les mêmes, que la nation française est
une nation menacée. Je vous rappellerai que nous sommes 20 000 000
d'habitants en Amérique du Nord - on oublie souvent les 14 000 000 des
États-Unis - et que les deux tiers des nôtres ne parlent plus leur
langue. La langue et la culture qui sont menacées au Canada ne sont pas
la langue anglaise mais bien la langue française. En fait de
générosité et de tolérance, effectivement le
Québec a été le fer de lance de la reconnaissance des
droits. Nous croyons que la loi 101 est venue consacrer cette
générosité en accordant le droit à l'enseignement
en anglais pour les gens de la minorité anglophone.
M. Champagne (Mille-Îles): Je voyais ce matin dans le
journal Le Devoir, à la page 16: Le français au Manitoba, le
défilé d'opposants se poursuit. Ici, au Québec, je pense
qu'on a une ouverture d'esprit: au lieu de rétrograder, au lieu
d'enlever des choses, nous, les membres de la commission parlementaire, au
sujet de la loi 40, essayons d'être les plus positifs possible et de
faire preuve de tolérance et de générosité. On voit
quand même ce qui se passe. J'aimerais peut-être avoir un
commentaire là-dessus. M. Rhéaume, je sais que la
Société Saint-Jean-Baptiste a toujours eu une
préoccupation de la défense des minorités de langue
française au Manitoba et dans les autres provinces et même en
Amérique du Nord. Ne croyez-vous pas que, face à ce qui se passe
à l'extérieur, l'on doive encore donner aussi la preuve de
tolérance?
Le Président (M. Blouin): M. Rhéaume, si vous
permettez M. le député de Mille-Îles, j'aimerais que
vous puissiez, dans la mesure du possible, établir un lien avec
projet de loi 40, puisque si...le
M. Champagne (Mille-Îles): La question est à savoir
si, dans le projet de loi 40, ce n'est pas un signe de tolérance.
M. Rhéaume: Nous croyons, avec la loi 101 et
particulièrement avec les modifications qui y ont été
apportées, que nous sommes allés à la limite de la
générosité et de la tolérance.
Le Président (M. Blouin): Merci.
M. Champagne (Mille-Îles): Une autre question.
M. Légaré: Je pourrais ajouter quelque chose
là-dessus. Bien sûr on parle de la défense de la langue
française, évidemment la Société
Saint-Jean-Baptiste a à coeur depuis de nombreuses années cette
défense. Je pense qu'on l'a dit et qu'il est bon de
répéter que c'est également dans un esprit d'ouverture et
de dialogue que nous souhaitons des commissions scolaires unifiées.
M. le président général a fait allusion
tantôt à la devise d'Alliance Québec, "For a future
together", "Vers l'avenir ensemble". Si ces gens-là sont vraiment
sincères, s'ils sont fidèles à leur devise, je pense
qu'ils ne devraient pas s'opposer, bien au contraire, aux commissions scolaires
unifiées. Ils devraient souhaiter, comme nous, que tous ensemble nous
oeuvrions à l'avenir scolaire des jeunes Québécois et
Québécoises.
M. Champagne (Mille-Îles): M. Légaré, vous
avez été vous-même dans des comités de parents, vous
avez été aussi membre de la CECM à titre de commissaire et
aujourd'hui vous siégez au Conseil scolaire de l'île de
Montréal. À la page 24 de votre mémoire, vous parlez
essentiellement des projets de restructuration scolaire des deux
dernières décennies qui visaient les buts suivants: 1. ajuster le
système scolaire aux objectifs de la société
québécoise; 2. sauvegarder le fait français par un
système d'éducation approprié; 3. régler le
problème de l'organisation scolaire de l'île de Montréal;
4. assouplir les contraintes du système liées à la
religion de façon qu'il soit plus ouvert au pluralisme grandissant de
notre société; 5. égaliser les chances en éducation
par une meilleure répartition des ressources financières.
Je ne veux pas savoir si vous êtes dissident de la position des
membres du Conseil scolaire de l'île de Montréal. Que pensez-vous,
quand même, à la fois des objectifs qu'avait à
réaliser le Conseil scolaire de l'île de Montréal et du
fait qu'aujourd'hui les membres du Conseil scolaire de l'île de
Montréal rejettent complètement le projet de loi 40? Ils
demandent le retrait pur et simple du projet de loi 40. Comment vous
situez-vous devant cela? Est-ce que vous êtes un dissident? Que
pensez-vous de cette position face au résumé de la situation que
vous faites à la page 24?
M. Légaré: M. le Président, je
répondrai en tant qu'un des deux porte-parole de la
Société Saint-Jean-Baptiste puisque c'est à ce titre que
je suis ici. Si je devais répondre en tant que membre du conseil
scolaire, bien sûr que je répondrais de la même
façon, mais c'est en tant que porte-parole de la Société
Saint-Jean-Baptiste que je suis ici aujourd'hui. J'aimerais dire, au nom de la
Société Saint-Jean-Baptiste, que le fait que les porte-parole de
la position majoritaire du Conseil scolaire de l'île de Montréal
emploient, aussi bien dans leur mémoire que dans leur
présentation qu'ils ont faite, ici en commission parlementaire, à
notre avis des propos outranciers et partisans ne devrait pas nous faire perdre
de vue l'utilité et la nécessité d'un organisme
métropolitain dont les pouvoirs et les devoirs devraient être
sensiblement les mêmes avec possiblement certaines améliorations,
et ce, au nom de la justice distributive, au nom des buts que vous avez
mentionnés, particulièrement pour les milieux
socio-économiquement faibles, et au nom d'une nécessaire
concertation entre les commissions scolaires et d'une nécessaire mise en
commun de certains services dont les commissions scolaires ne pourraient pas se
doter autrement.
M. Champagne (Mille-Îles): Une dernière question, M.
le Président. Vous affirmez dans votre mémoire que le projet de
loi ne mentionne pas que les commissions scolaires soient une
coopérative de services. Pourtant on donne beaucoup de
responsabilités aux commissions scolaires pour donner le plus possible
de services, pour rendre à l'école essentiellement sa mission
éducative et pédagogique. Je vais en citer quelques-uns entre
autres. La commission scolaire assure le soutien à l'exercice des
fonctions attribuées à l'école, service de soutien.
L'article 204, la commission scolaire établit une politique
d'organisation des services éducatifs aux élèves en
difficulté. L"article 207, la commission scolaire veille entre autres
à ce que les écoles évaluent les apprentissages des
élèves. L'article 201, la commission scolaire peut signer des
ententes avec d'autres commissions scolaires pour assurer à sa
population des services auxquels elle a droit. L'article 202, la commission
scolaire répartit les services éducatifs entre les écoles
de son territoire. (12 h 45)
On voit que les commissions scolaires sont un genre de
"coopérative de service." Ne pensez-vous pas que toutes ces mesures font
la preuve que la commission scolaire demeure, qu'elle a son pouvoir de
planification, de coordination, de contrôle? Elle enlève à
l'école ses fonctions administratives pour qu'elle puisse se consacrer
davantage à sa mission éducative et pédagogique.
M. Rhéaume: Pour vous répondre, j'ai pensé
à une phrase de Talleyrand: Ce qui va sans le dire va mieux en le
disant. Nous aurions apprécié que le projet de loi 40 reprenne le
vocabulaire du livre blanc en ce qui concerne les coopératives de
services puisque pour nous il illustre bien l'objectif auquel nous
adhérons et qui est vraiment celui d'une coopérative de services.
En ce sens, comme on doit donner à l'école tous les instruments
pour qu'elle devienne et demeure le pivot de l'éducation; nous croyons
que les commissions scolaires ne devraient être - ce n'est pas au sens
péjoratif ou diminutif, mais c'est très valorisant - qu'une
coopérative de services. Nous tenons à cette expression
puisqu'elle représente une réalité à laquelle nous
adhérons complètement.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Mille-Iles. Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais
remercier les représentants de la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal pour leur mémoire. Si je
comprends bien, vous avez dit que le bilinguisme constitue une menace au fait
français. Essentiellement, c'est votre position de base.
Personnellement, je crois que l'unilinguisme constitue une pire menace. C'est
pourquoi je partage, dans une certaine mesure, vos craintes en ce qui concerne
les commissions scolaires linguistiques qui pourraient renforcer les deux
solitudes linguistiques. C'est pourquoi, lors de tous ces débats sur la
restructuration sur l'île de Montréal qui ont commencé en
1966, je n'ai jamais été en faveur des commissions scolaires
linguistiques. Selon moi, c'était toujours un dilemme pour les
anglophones parce qu'on est en faveur d'une certaine intégration, pas
d'une assimilation. J'aimerais vous rappeler que le "future together" dont
Alliance Québec parle envisage une intégration, pas
l'assimilation de la minorité linguistique au Québec.
Étant donné votre position de base sur cette question du
bilinguisme, ne croyez-vous pas que les commissions scolaires unifiées
augmentent considérablement la nécessité du bilinguisme
sur le plan individuel, ainsi que sur le plan institutionnel afin de servir
d'une façon efficace les deux groupes linguistiques? C'est ma
première question.
M. Rhéaume: D'abord, en ce qui concerne l'assimilation et
l'intégration, je dois vous dire, madame, que nous sommes en complet
accord avec ce que vous venez de dire. Nous avons trop vécu, comme
communauté nationale, les difficultés de l'assimilation pour oser
proposer aux anglophones ce que nous avons subi nous-mêmes un peu
partout. Nous nous opposons avec véhémence à
l'assimilation. D'ailleurs, comme la loi 101 qui parle d'intégration,
nous voulons une intégration et nous connaissons le sens des mots. Je
tiens à vous dire que nous abondons entièrement dans votre sens;
nous respectons la communauté anglophone; nous respectons les droits que
la loi 101 lui reconnaît et nous sommes en faveur d'une
intégration. Nous nous opposons à l'assimilation. Nous tenons
trop à notre langue et à notre culture. Ce n'est pas parce
qu'elle est française, mais parce qu'une langue et une culture sont des
choses importantes pour un peuple, c'est important pour une communauté.
Et si c'est important pour nous, c'est important pour la communauté
anglophone. Nous la respectons entièrement.
En ce qui concerne les commissions scolaires unifiées, avec le
comité linguistique de la minorité tel qu'il était
préconisé dans le livre blanc, nous ne croyons pas qu'il y aura
là institutionnalisation du bilinguisme. Je tiens à
préciser que nous ne sommes pas contre le bilinguisme en soi puisque la
plupart d'entre nous, je pense, connaissent un peu, en tout cas, la langue
anglaise. Nous sommes bilingues jusqu'à un certain point. Mais c'est le
bilinguisme institutionnel qui nous inquiète. Il nous inquiète
à cause de l'expérience, si on veut, parce que les faits sont
éloquents. Quand je vous dis que les deux tiers des nôtres sont
tout à fait assimilés - ils ne sont pas intégrés,
ils sont assimilés - dans ce sens les commissions scolaires
unifiées respectent les droits de la minorité linguistique. On
est bien conscient que, dans certains secteurs, la minorité
linguistique, c'est la minorité française. Je n'ai pas besoin de
vous dire, vous connaissez mieux que moi la géographie de
Montréal que, dans certains secteurs de la ville, c'est la
communauté française qui est minoritaire. Cela vous montre
à quel point nous croyons que ces comités linguistiques de la
minorité sont garants de l'évolution et de la survie de la langue
de cette minorité. Si nous les croyons bons pour nous, nous croyons
qu'ils sont également bons pour la minorité anglophone. Nous
sommes beaucoup plus inquiets des conséquences d'un bilinguisme
institutionnalisé par les commissions scolaires linguistiques que d'un
bilinguisme que l'on pourrait retrouver à l'intérieur de
commissions scolaires unifiées au niveau des écoles, au niveau du
comité linguistique de la minorité.
Mme Dougherty: Mais je crois que ce n'est pas logique de conclure
que les commissions scolaires unifiées vont réduire le risque ou
la menace, parce qu'il y aura une obligation de servir les élèves
dans les deux langues. Donc, il faut créer des ressources au niveau de
la commission scolaire, des ressources pédagogiques et des ressources
professionnelles, dans les deux langues pour bien servir les écoles dans
les deux langues.
M. Rhéaume: Je tiens seulement à
répéter...
Mme Dougherty: Je vois mal pourquoi ce n'est pas une menace quand
vous parlez de la menace du bilinguisme institutionnel.
M. Rhéaume: Parce que, pour nous, les commissions
scolaires unifiées sont le meilleur véhicule de cette
intégration que nous véhiculons et en laquelle nous croyons,
tandis qu'avec les commissions scolaires linguistiques, il y a, quant à
nous, un danger au niveau des ressources du bilinguisme
institutionnel. Je suis bien conscient qu'il y a deux points de vue et
des opinions tout à fait différentes. J'essaie tout simplement
d'illustrer le mieux possible nos convictions, mais je respecte
entièrement les vôtres. Il est bien compréhensible que le
point de vue est extrêmement différent. Je rappelle qu'il y a eu
un consensus fort longtemps. D'ailleurs, j'ai fait beaucoup d'efforts ces jours
derniers pour voir quand ce consensus a changé pour passer des
commissions scolaires unifiées aux commissions scolaires linguistiques.
Je vous avoue que je ne l'ai pas encore compris et que je ne l'ai pas encore
réalisé.
Mme Dougherty: Croyez-vous que les valeurs culturelles des
groupes anglophones -il y en a plusieurs - pourraient être garanties par
des commissions scolaires unifiées? Une autre partie de cette question:
Avez-vous examiné la situation en dehors de la ville de Montréal,
dans les régions rurales, par exemple?
M. Rhéaume: Nous croyons que les valeurs culturelles
seraient sauvegardées à l'intérieur des commissions
scolaires unifiées et là, je reviens au livre blanc qui
l'expliquait. D'ailleurs, beaucoup de nos arguments pour défendre les
commissions scolaires unifiées, on les prend à l'intérieur
du livre blanc, puisque le comité linguistique de la minorité
avait d'énormes garanties au niveau, j'allais dire, du gardiennage des
valeurs culturelles et linguistiques. Nous croyons profondément que les
commissions scolaires unifiées seront les gardiennes de la valeur de la
langue et de la culture de la minorité, quelle qu'elle soit.
Mme Dougherty: Avez-vous examiné la situation
démographique, par exemple, en dehors de la ville de Montréal,
où la densité de la population non francophone est très
mince? Croyez-vous que sur le plan pratique on pourrait créer des
commissions scolaires unifiées avec des écoles? Je ne parle pas
uniquement de classes isolées. Y a-t-il assez de gens pour créer
une école? Êtes-vous d'accord qu'il faut au moins une école
d'enfants?
M. Rhéaume: S'il y a assez de gens pour créer une
commission scolaire, il doit y en avoir assez pour créer une
école.
Mme Dougherty: Une commission scolaire unifiée...
M. Rhéaume: Oui, mais il y aura des commissions scolaires
linguistiques dans tout le territoire, selon le projet de loi 40. Certaines
commissions scolaires auront un territoire énorme. On n'est pas
entré dans ce détail. On pourrait parler des difficultés
administratives et des difficultés de réunion. Je n'ai pas le
plan devant moi des commissions scolaires linguistiques mais, si je ne m'abuse,
il y en a qui sont sur des centaines de kilomètres. Il y aura
d'énormes difficultés.
Mme Dougherty: Exactement; Pour avoir assez d'enfants pour donner
des services de bonne qualité. Mais si on morcelle ces petits groupes de
non-francophones et qu'on les divise entre toutes les commissions scolaires
unifiées, on n'aura pas assez d'enfants pour leur donner un service de
qualité. C'est pourquoi, lorsque le projet de loi a été
déposé au début, ou le livre blanc, je ne suis pas
certaine, les régions rurales se sont élevées pour
protester contre le morcellement de leur territoire et la division entre les
différentes commissions scolaires unifiées. Elles sont dans une
position beaucoup plus grave que les enfants de l'île de
Montréal.
M. Légaré: M. le Président, pour
répondre à cette question, je citerai un exemple qui fait foi de
la générosité et de la tolérance des
Québécois face à ces minorités: l'existence, dans
le système actuel - dans les commissions scolaires unifiées, cela
pourrait exister également - à Saint-Télesphore,
comté de Vaudreuil-Soulanges, du Soulanges Protestant School où,
cette année, on retrouve dans toute l'école treize
élèves et il y en avait huit l'an dernier. Alors, quand on dit au
Québec: "Là où le nombre le justifie", c'est ce que cela
veut dire. C'est la tradition de tolérance et de
générosité des Québécois que nous verrions
se perpétuer dans les commissions scolaires unifiées.
Mme Dougherty: Je n'ai qu'un commentaire. Je crois que les
anglophones ne cherchent pas la générosité et la
tolérance. J'entends cela partout. Je regrette, mais ce que l'on cherche
pour tout le monde, c'est une éducation de qualité. On doit
créer un système. Je crois qu'on doit avoir une certaine
souplesse pour envisager la possibilité d'avoir des solutions
différentes dans diverses régions, compte tenu des situations
démographiques. Ce que je cherche comme anglophone, c'est une
éducation de qualité pour tout le monde: les anglophones, les
francophones, les Grecs, les Noirs, etc. Ce n'est pas uniquement une question
de générosité.
M. Rhéaume: La générosité et la
tolérance - j'allais dire platonique mais je ne voudrais pas être
platonicien et tomber dans le monde des idées - c'est toujours relatif.
La générosité est relative au comportement, il faut bien
le dire, de la majorité anglophone dans les autres provinces. Quand on
parle de générosité et de tolérance, c'est
presque un euphémisme, à comparer à ce qui s'est
passé ailleurs. On parle d'écoles anglophones, on pourrait parler
de cégeps anglophones et d'universités anglophones. Quand on
regarde le nombre d'universités anglophones et d'universités
francophones ici même, au Québec, et quand on parle
d'universités francophones à l'extérieur du Québec,
il faut regarder et chercher loin. Au niveau des écoles secondaires et
des cégeps, on les cherche longtemps. Il y a, d'ailleurs, un rapport qui
a été publié. Chez les francophones hors Québec,
une majorité d'entre eux ont une fréquentation scolaire de
huitième, neuvième ou dixième année, tandis que si
on regarde le taux de scolarité des anglophones du Québec -
là les sondages donnent vraiment des chiffres tout à fait
objectifs et indiscutables - c'est extraordinaire de voir l'évolution,
les droits et les privilèges. Le système scolaire sur lequel est
basée toute l'éducation au Québec démontre que la
minorité anglophone n'est menacée d'aucune façon et
qu'elle a des institutions, à bien des égards, qui peuvent
être citées en exemple non seulement au Canada, mais dans le monde
entier.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Il est au-delà de 13 heures et trois autres membres de la
commission m'ont demandé d'intervenir. S'il n'y a pas consentement pour
que nous poursuivions nos travaux, je vais donc suspendre jusqu'à 15
heures. Quel est l'avis des membres de la commission?
M. Leduc (Fabre): M. le Président, de notre part, il y a
consentement pour que nous terminions ce qui a été
commencé cet avant-midi.
Le Président (M. Blouin): Très bien, M. le
député de Fabre. Mme la députée de Jacques-Cartier
me demande combien il reste de minutes pour eux. Il n'y a pas eu d'entente ce
matin et, en principe, les trois députés pourraient prendre une
période de 20 minutes chacun. J'ai cru comprendre, depuis le
début, que chacun utiliserait environ une dizaine de minutes pour
procéder à son intervention, ce qui nous mènerait à
13 h 30.
Une voix: 13 h 15.
Le Président (M. Blouin): Alors, il y aurait un
intervenant de chaque côté? Cela irait?
Une voix: 13 h 10, cela irait.
Le Président (M. Blouin): Très bien, en cinq
minutes chacun, si possible. D'abord, Mme la députée de
Maisonneuve. Elle n'est pas là? Oui, elle est là. (13 heures)
Une voix: Elle n'est pas à son siège.
Mme Harel: Je passe la parole au député.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, c'est
M. le député de Vachon qui conclura.
M. Payne: Aujourd'hui, nous abordons la question linguistique.
D'ailleurs, je veux dire, en passant, que je peux vivre très facilement
avec la notion de la générosité de l'État envers le
milieu anglophone et des privilèges que nous vivons dans le
Québec d'aujourd'hui comme dans celui d'hier.
 cet égard, je dirais que, si je suis convaincu qu'il
existe aujourd'hui un certain équilibre linguistique, je suis bien
d'accord avec la Société Saint-Jean-Baptiste que rien n'est
garanti pour les Français de demain. Si ce n'était de la
vigilance de la Société Saint-Jean-Baptiste et de tout
l'État québécois à tout moment, nous ne pourrions
jamais rien garantir au peuple québécois francophone de demain.
Il me fait plaisir de m'associer à toute tentative à cet
égard.
Vous souhaitez que la commission scolaire soit sur le modèle
d'une coopérative de services. D'ailleurs, vous déplorez
l'absence de la mention de cette notion de coopérative de services dans
le projet de loi, malgré la présence de certains articles comme
les articles 201, 202, 204, 206, et 207. On pourra discuter de cela à
d'autres moments, ce n'est pas tellement cela, mon point. En plus, vous
soulignez la nécessité ou le réalisme d'avoir des
écoles anglaises au Québec, si je comprends bien. En
conformité avec ces deux principes, les coopératives de services
comme commissions scolaires, d'une part, et, d'autre part, les écoles
anglaises, pourquoi à partir de ces deux principes n'acceptez-vous pas
le rôle des commissions scolaires linguistiques qui, elles, peuvent,
justement, accorder le soutien à l'exercice de ces fonctions qu'on
préconise dans l'article 206, dans leur politique d'organisation des
services éducatifs déterminée à l'article 204?
Pourquoi n'êtes-vous pas prêts à accepter le rôle de
coordination des commissions scolaires sur la base linguistique?
M. Rhéaume: Vous savez, c'est toujours le même
argument, sauf que j'ai appris qu'il valait mieux se répéter que
se contredire. Pour nous, l'objectif fondamental de la loi 101... Pour nous, la
langue et l'éducation sont extrêmement liées; d'ailleurs,
non seulement pour nous, mais l'unanimité se fait ici; c'est le
consensus, un terme qu'on aime employer. Pour nous, l'intégration de
l'ensemble des communautés culturelles à la majorité
francophone n'est pas terminée, c'est un processus. Sur cela, nous
sommes
d'accord avec la déclaration du ministre de l'Éducation
actuel disant que cela prendrait 25 ans avant qu'on puisse voir l'application
totale et concrète de la loi 101. Nous croyons que la commission
scolaire unifiée est plus garante de cet objectif d'intégration
des communautés, à telle enseigne, qu'on est surpris de voir que,
jusqu'à un certain point - nous sommes non pas les seuls mais ce n'est
pas tout le monde qui peut intervenir -c'est per se notum, comme on le disait
dans certaines sommes au collège classique, cela saute aux yeux que
l'objectif d'intégration que vise la loi 101 au niveau scolaire, son
application concrète, c'est à l'intérieur de commissions
scolaires unifiées. Nous sommes assurés et profondément
convaincus que seules les commissions scolaires unifiées peuvent assurer
ce dialogue permanent dont nous avons besoin au Québec.
On a parlé de générosité, cela peut plaire
ou déplaire; on peut parler de tolérance. Mais parlons des faits;
il y a la question de fait et la question d'opinion. Sur les faits, la
communauté anglophone du Québec a pratiquement vécu une
expérience qui lui a assuré l'évolution qu'elle
connaît maintenant. Nous pensons qu'il est temps, maintenant que les
ajustements sont faits, que la loi 101 est proclamée, qu'elle est en
train de donner ses fruits et que les enjeux sont clairs, de se mettre tous
ensemble pour travailler à une même oeuvre d'éducation. On
ne comprend pas qu'on puisse revendiquer des ghettos. On ne le comprend pas.
L'isolement, l'absence de dialogue, pour nous, ne règle aucun
problème; cela les entretient, cela les amplifie et cela en crée
de nouveaux.
Nous croyons que les commissions scolaires linguistiques, voulant
régler un problème ou répondre à une aspiration,
vont créer des problèmes plus grands que ceux que l'on peut
même imaginer pour l'instant. De toute façon, nous sommes
assurés que les commissions scolaires unifiées ne sont qu'une
question de temps. Cela devra se faire tôt ou tard ne serait-ce qu'au
niveau démographique. On a parlé de la dénatalité;
cela va arriver. Nous reviendrons non pas pour dire qu'on avait raison, mais
pour nous ajuster à la situation pour essayer de faire comprendre,
encore une fois, pourquoi c'est la seule solution à l'intégration
de toutes les communautés.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Rhéaume. Un
bref commentaire, M. le député de Vachon.
M. Payne: Oui, très brièvement. Il ne faut pas
oublier qu'il y a certaines responsabilités auxquelles devraient se
conformer les commissions scolaires, peu importe leur langue. Le cas
échéant, les commissions linguistiques anglophones devraient se
conformer à la loi 101 en ce qui concerne les communications avec
l'État et d'autres organismes. Je considère que, pour quelqu'un
qui est anglophone unilingue, c'est vraiment se "ghettoïser", à
moins qu'il ne puisse transiger dans la langue française au
Québec dans les commissions scolaires.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Vachon. M. le député de Saint-Henri, en
concluant.
M. Hains: M. le président, avec un certain sourire, j'ai
lu dans votre introduction que vous basez votre préoccupation de la
diffusion de l'instruction publique sur la Loi 12 Victoria. Je comprends que,
pour vous, cela demeure un souci royal et primordial et je vous en
félicite. C'est seulement pour s'amuser un peu.
M. Rhéaume: Je vous dirai, M. le député de
Saint-Henri, que nous avons des origines géographiques similaires.
M. Hains: Très bien, c'était seulement pour
s'amuser.
M. Rhéaume: Peut-être que nos racines monarchiques
ne sont pas les mêmes.
Le Président (M. Blouin): Cela va, cela va, cela va.
M. Hains: Mon temps court, n'est-ce pas?
M. Réhaume: Oui, oui, d'accord.
M. Hains: Je poserais ma question à M.
Légaré, s'il vous plaît. M. Légaré, je ne
veux pas vous poser une question insidieuse mais à la page 17, vous
basant sur le sondage de SORECOM, au tableau no 6, vous dites que, si vous
prenez la question selon le territoire, c'est 45%. Cela va? De là, vous
portez votre option sur une commission unifiée en faisant presque un
synonyme de "selon le territoire" et "une commission unifiée".
Comprenez-vous ce que je veux dire?
M. Légaré: Oui, oui.
M. Hains: Je vous pose une petite question. Serait-il possible
que les gens qui ont été consultés n'aient pas compris que
"commission scolaire selon le territoire" signifiait nécessairement "une
commission scolaire unifiée"? Comme interprétation, on aurait pu
penser qu'on voulait parler d'appartenance linguistique ou confessionnelle,
mais selon de nouveaux territoires, etc. Le mot "unifiée"
était-il dans le paysage de ce questionnaire, voulant parler de "selon
le territoire"?
M. Légaré: M. le Président, quel que soit le
terme employé, que vous disiez "division basée sur la
région", que vous disiez "division basée sur le territoire", que
vous disiez "commission scolaire unifiée", c'est blanc bonnet, bonnet
blanc. Quand on veut faire la distinction entre les commissions scolaires
basées sur la langue, sur la région ou sur la religion, je ne
vois pas comment on ne pourrait pas interpréter "basées sur la
région" comme étant des commissions scolaires unifiées,
c'est-à-dire des commissions scolaires où, sur un même
territoire, il n'y a qu'une seule administration qui gère toutes les
écoles.
M. Hains: Je comprends très bien.
M. Légaré: Je ne vois absolument pas de confusion
dans cela.
M. Hains: Je ne sais pas. Tout le monde n'est pas aussi brillant
que nous le sommes, vous et moi, n'est-ce pas?
M. Légaré: Remarquez que je ne méprise pas
à ce point ceux qui ont répondu au sondage.
M. Hains: Non, non, je ne les méprise pas du tout, moi non
plus, M. Légaré. Cela n'aurait-il pas été plus
simple de la part de ceux qui ont fait le sondage d'indiquer "selon la langue",
"selon la religion" ou "commission unifiée" pour les deux? Vous ne
trouvez pas que cela aurait, quand même, été plus
précis.
M. Légaré: Alors, vous m'auriez peut-être
demandé: Pensez-vous que les gens qui ont eu à répondre
à ce sondage savent exactement ce que sont les commissions scolaires
unifiées? On aurait tourné en rond, ce serait revenu au
même.
M. Hains: Bien, il aurait fallu une explication. Je ne veux pas
du tout minimiser votre...
M. Légaré: Non, non.
M. Hains: ...conception; je l'admire même dans un certain
sens, parce que je trouve qu'elle a beaucoup de bon sens. Je voulais simplement
demander si cela avait bien été compris. C'est plutôt un
défaut peut-être chez ceux qui ont fait le sondage que
l'idée de vouloir minimiser votre option pas du tout. Voilà ce
que je veux dire.
M. Légaré: En tout cas, je vous dirai que ceux qui
ont commandé le sondage, si vous jugez qu'il est alambiqué,
étaient des adversaires du projet de loi 40.
M. Hains: Du tout. Vous semblez agressif.
M. Légaré: Non, non.
M. Hains: Je ne le suis pas du tout. Je veux simplement clarifier
cette situation. Maintenant, comme vous êtes un peu agressif, je reviens
à M. le président.
M. Légaré: Faites attention, il peut l'être
plus que moi!
M. Hains: Cela ne me fait rien, parce que la question ne prête
à aucun débat. C'est juste un petit commentaire que je vais vous
demander pour finir. Vous dites ceci à la page 25: "La
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal n'a d'autre choix
que de réclamer le maintien des commissions scolaires confessionnelles,
qu'elle juge moins menaçantes pour la survie du fait français."
Est-ce que vous pourriez élaborer votre pensée
là-dessus dans les deux ou trois petites minutes qu'il peut vous
rester?
Le Président (M. Blouin): En fait, M. Rhéaume,
c'est dans la minute qu'il vous reste.
M. Hains: Bien, c'est cela.
M. Rhéaume: Écoutez, je n'ai pas l'habitude de me
citer, je trouve cela prétentieux, mais je pense que j'ai essayé
de démontrer que les commissions scolaires linguistiques comportent des
dangers au niveau de l'évolution normale de la communauté
française et des objectifs de la loi 101, tandis que les commissions
scolaires confessionnelles - je le dis à regret, nous semblent offrir
plus de garanties pour aménager ce qui est contenu comme objectif au
niveau du projet de loi 40. Nous préférons, à ce stade-ci,
le statu quo aux commissions scolaires linguistiques qui seraient, pour nous,
un précédent dangereux.
M. Hains: Alors, comme conclusion, vous préférez le
statut actuel à la division linguistique.
M. Rhéaume: Nous préférons les commissions
scolaires unifiées, faute de quoi...
M. Hains: D'accord.
M. Rhéaume: M. le Président, en terminant, cinq
secondes, c'est le vingtième anniversaire de la création du
ministère de l'Éducation en 1984. Nous tenons à souligner
le travail de tous ceux et celles qui ont oeuvré dans le monde de
l'éducation et rappeler que le Québec avait une loi scolaire en
1829...
Le Président (M. Blouin): Bon!
M. Rhéaume: ...cinq ans avant la France, dix ans avant
l'Angleterre.
Le Président (M. Blouin): Au nom de tous les membres de
cette commission parlementaire, je remercie les représentants et la
représentante de la Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal de leur participation aux travaux de cette commission.
Nous entendrons, à compter de 15 heures, les représentants
de la commission scolaire des Laurentides. Sur ce, nous suspendons nos travaux
jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 13)
(Reprise de la séance à 15 h 5)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît;
La commission élue permanente de l'éducation reprend ses
travaux. En début de séance cet après-midi, nous
accueillons la représentante et le représentant de la commission
scolaire des Laurentides. Les membres de la commission, ainsi que nos
invités me permettront de saluer tout particulièrement les
représentants de cette commission scolaire qui regroupe les
écoles que fréquentent nos trois enfants, deux au primaire et une
au secondaire.
Sur ce, j'invite les représentants de la commission scolaire,
d'abord, à s'identifier et, ensuite, à nous livrer le contenu de
leur mémoire en une vingtaine de minutes.
Commission scolaire des Laurentides
Mme Bérubé (Denyse): Bon après-midi. Je suis
Denyse Bérubé, présidente de la commission scolaire des
Laurentides. À mes côtés, M. Bernard Myette, directeur
général. Nous présenterons le mémoire
conjointement.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et plutôt
messieurs les membres de la commission, la présentation du
mémoire de la commission scolaire des Laurentides en commission
parlementaire vient clore une série de discussions qui ont
été menées par le conseil des commissaires depuis le
dépôt du livre blanc L'école: une école
communautaire et responsable.
Des enjeux importants se situaient au sein de ce débat de fond.
Le rôle de tous les partenaires oeuvrant dans le système
d'éducation se voyait remis en question dans un but ultime:
améliorer la qualité de l'éducation offerte aux enfants en
vue de mieux développer leurs facultés physiques, intellectuelles
et morales pour en faire des femmes et des hommes mieux préparés
pour intervenir dans la société de demain.
Dans cette perspective, nous ne pouvons que déplorer le peu de
place qui fut fait à l'enfant, la raison d'être du système,
pour assister plutôt à un scénario où les luttes de
pouvoirs, à tous les niveaux d'ailleurs, se sont avérées
plus importantes que les démarches de concertation en vue d'arriver
à développer un modèle viable. Nous espérons,
cependant, qu'au-delà de ces considérations et en tenant compte
des résultats des discussions de cette commission parlementaire il sera
possible de trouver une solution acceptable.
L'école publique québécoise est à l'heure
des grandes révisions. L'analyse des structures existantes fait partie
de cette étude au même titre que d'autres sujets
d'intérêt, telle la qualité de ses services
éducatifs. Nous devons nous assurer que chacun des partenaires
impliqués puisse jouer le rôle qui lui est dévolu en vue
d'atteindre un objectif prioritaire: une éducation permettant aux jeunes
d'assumer les responsabilités qui les attendent.
Le conseil des commissaires de la commission scolaire des Laurentides
croit, pour sa part, qu'il doit travailler en ce sens et y mettre toutes ses
énergies créatrices.
Préliminaire. Si l'on réfère au mémoire
présenté par la commission scolaire des Laurentides en janvier
1983 sur le livre blanc L'école: une école communautaire et
responsable et au projet de loi 40 sur l'enseignement primaire et secondaire
public déposé en juin dernier par le ministre de
l'Éducation aux fins de recevoir les réactions des divers
intervenants du Québec, force est de conclure que le projet de loi
répond positivement, dans plusieurs de ses aspects, à la plupart
des préoccupations qui ont été soulevées par notre
commission scolaire dans son mémoire. Sur un certain nombre d'autres
points du projet, toutefois, la commission doit dire que le projet est loin de
répondre à ses aspirations et à ses attentes.
Passons, en premier lieu, aux dispositions du projet sur lesquelles il y
a convergence de vues au niveau de l'école. Le projet de loi fait de
l'école une entité institutionnelle à laquelle on donne
des pouvoirs accrus permettant de réaliser son projet éducatif et
d'être davantage responsable de sa vie éducative et
pédagogique et ce, sous la juridiction de la commission scolaire. Pour
la commission scolaire des Laurentides, le projet répartit à
l'école et à son conseil des pouvoirs déterminants aux
plans éducatif et pédagogique et des pouvoirs suffisants au plan
des ressources humaines, matérielles et financières, si l'on fait
exception de certains points de divergences qui seront expliqués plus
loin.
Le projet maintient le conseil d'école selon la formule de la
représentation majoritaire des parents, de la présence du
directeur d'école et celle, facultative, des
représentants des enseignants et de l'ensemble du personnel non
enseignant, ainsi que celle des représentants des élèves
du deuxième cycle du secondaire. Le projet va ainsi dans le sens
souhaité par la commission.
Au niveau de la commission scolaire. Nous nous disons satisfaits du
maintien du statut juridique de la commission scolaire comme instance politique
intermédiaire entre le MEQ et les écoles, représentant la
collectivité sur un territoire donné et exerçant des
responsabilités réelles en matière éducative. Le
mandat qui lui est donné dans le projet de loi lui permet de s'assurer
du respect des lois, des règlements et des politiques par les instances
sur lesquelles elle a juridiction.
Il faut reconnaître également les efforts faits dans le
projet de loi pour maintenir le suffrage universel, améliorer
sensiblement le processus électoral et, en même temps, favoriser
la participation et l'expression de la démocratie. Même si elle
n'est pas d'accord avec le critère de représentation du
commissaire d'école retenu dans le projet - nous aurons l'occasion d'y
revenir plus loin - la commission scolaire des Laurentides continue de croire
à l'implication du commissaire au milieu-école et à la
possibilité pour lui de faire partie d'office d'un conseil
d'école selon une formule autre que celle retenue dans le projet de
loi.
Au plan des pouvoirs répartis à la commission scolaire, il
semble, en général, que la commission aura, sauf en certaines
matières qui seront traitées plus loin, les pouvoirs suffisants,
eu égard aux pouvoirs accrus consentis aux écoles, pour
s'acquitter de ses devoirs et réaliser sa mission éducative.
En gestion financière, l'abandon de la proposition des deux
enveloppes non transférables contenue dans le livre blanc et son
remplacement dans le projet par le mode de financement par une seule enveloppe
budgétaire répondent à une recommandation
déjà faite par notre commission scolaire. Il en est de même
sur le pouvoir de taxation qui y est maintenu, même si elle n'est pas
d'accord sur la façon dont on prévoit procéder pour la
perception.
La commission scolaire des Laurentides est favorable aux dispositions du
projet de loi en ce qui concerne: l'intégration des commissions
scolaires. Quant au découpage des territoires scolaires, la commission
tient pour acquis l'engagement déjà pris par le ministre de
l'Éducation de maintenir intact le territoire des commissions scolaires
déjà intégrées - comme c'est le cas en ce qui
concerne notre commission scolaire, dans le projet de territoire scolaire
élaboré par la Direction générale des
réseaux dans la version de mai 1983 - et souhaite retrouver la
concrétisation de cet engagement dans le décret qui sera
promulgué dans le cadre de l'article 133.
La commission scolaire des Laurentides endosse les dispositions du
projet de loi quant à la déconfessionnalisation des commissions
scolaires, à la possibilité pour un milieu-école
d'être reconnu comme confessionnel et au remplacement du régime de
l'exemption d'enseignement religieux par celui de l'option. D'ailleurs,
déjà en septembre prochain les élèves de la
commission scolaire des Laurentides auront effectivement à choisir entre
l'enseignement moral et la catéchèse.
Le maintien du statut confessionnel pour certaines commissions scolaires
décrites aux annexes À et B du projet de loi nous semble une
solution qui tient compte des droits des minorités touchées et
qui est de nature à éviter les interminables recours en justice
s'il en avait été autrement.
Au niveau du ministère de l'Éducation. La commission
scolaire est globalement en accord avec les dispositions du projet de loi en ce
qui concerne les responsabilités dévolues au ministère de
l'Éducation et au gouvernement, mais souhaiterait que les projets de
règlement du gouvernement et du ministre, avant leur parution dans la
Gazette officielle du Québec (article 310), fassent l'objet de
consultations auprès des partenaires.
M. Myette va maintenant présenter les divergences.
M. Myette (Bernard): Au niveau des divergences, la commission
scolaire des Laurentides vous fait part d'un certain nombre de points où
elle exprime son désaccord et propose des amendements au projet de loi
40.
Le choix de l'école. Inscrire dans un projet de loi que "les
parents de l'élève ou l'élève majeur ont le droit
de choisir l'école qui correspond le mieux à leur
préférence ou dont le projet éducatif correspond le plus
à leurs valeurs" (article 18) et que "la commission scolaire inscrit les
élèves dans les écoles en tenant compte du choix des
parents de l'élève ou de l'élève majeur" peut
sembler, à première vue noble et généreux, mais
est-ce bien réaliste, surtout dans un territoire comme celui de la
commission scolaire des Laurentides?
De plus, le fait d'assujettir ce droit aux critères que peut
établir une commission scolaire sur la capacité d'accueil et sur
les services dispensés par les écoles et le fait aussi que
l'exercice de ce droit ne permette pas la gratuité du transport
scolaire, si le choix de l'école a pour effet d'accroître les
coûts de transport, ne viennent-ils pas limiter dramatiquement ce droit
et ne pourraient-ils pas plutôt engendrer des désillusions chez
nombre de parents et d'élèves qui auront tenté d'exercer
ce droit?
II est à noter qu'actuellement à la commission scolaire
des Laurentides, à la demande de parents et pour des raisons valables,
il est possible de faire inscrire son enfant dans une autre école que
l'école du secteur ou du sous-secteur de résidence des parents.
À la commission scolaire des Laurentides, les trois secteurs sont
Saint-Jovite, Sainte-Agathe et Mont-Rolland. Que vient donc ajouter le fait
d'inscrire cette possibilité comme un droit des parents ou de
l'élève majeur? (15 h 15)
Deuxième point de divergence et de très grande
interrogation au niveau de la commission scolaire, le statut du directeur
d'école. Compte tenu qu'un directeur d'école est un
employé de la commission scolaire, nommé par elle sur
recommandation d'un comité de sélection, la commission scolaire
est d'avis que le directeur d'école devrait répondre de son
administration à la commission scolaire et, plus
particulièrement, au directeur général. Il nous
apparaît en effet, que le fait pour le directeur d'école d'avoir
à répondre de son administration au conseil d'école, d'une
part, et d'avoir, selon l'article 88, à "exercer d'autres fonctions que
lui confie la commission scolaire", son employeur, d'autre part, est de nature
à engendrer des conflits et à mettre le directeur d'école
dans une situation problématique. Ainsi, de quel mandat devrait-il
s'acquitter, advenant le cas où il recevrait des mandats
différents de son conseil d'école et de sa commission scolaire?
Aurait-il le loisir de choisir lequel des deux mandats il devrait
exécuter?
De plus, la commission scolaire croit que le mandat du directeur
d'école devrait être réduit de cinq à trois ans. La
commission scolaire estime également que, dans le cas de
non-renouvellement et de résiliation du mandat du directeur
d'école, le conseil d'école devrait, dans les deux cas,
procéder par mode de recommandation à la commission scolaire qui,
elle, serait appelée à décider. À l'article 86, au
septième alinéa, il y aurait lieu que les pouvoirs
délégués au directeur d'école par le conseil
d'école le soient par écrit.
Calendrier scolaire. Eu égard aux dispositions de l'article 203
concernant la détermination du calendrier scolaire, la commission
scolaire est d'avis que l'article 95 devrait être révisé.
Le calendrier scolaire doit, selon elle, être établi par la
commission, avec consultation préalable des diverses instances
intéressées: écoles, syndicats, associations, parents. La
commission scolaire serait, toutefois, consentante à ce que le conseil
d'école puisse fixer les journées pédagogiques flottantes
de l'école et ce, conformément au nombre établi par la
commission scolaire. C'est là la seule marge de manoeuvre qu'il
apparaît possible de laisser au conseil d'école en cette
matière.
Évaluation des élèves. La commission scolaire est
d'avis que, pour s'assurer que les élèves reçoivent les
services auxquels ils ont droit et que les écoles fassent
l'évaluation des apprentissages des élèves, une commission
scolaire devrait pouvoir établir les normes et modalités
d'évaluation des apprentissages. Dans ce sens, il y aurait lieu de
modifier l'article 113.
La commission scolaire recommande également que la
responsabilité d'une commission scolaire en matière
d'évaluation des apprentissages des élèves ne se limite
pas qu'à l'enseignement secondaire, comme le stipule l'article 207, mais
qu'elle puisse aussi s'étendre à toutes les matières
enseignées au primaire. La commission scolaire n'est donc pas d'accord
sur l'intervention directe du ministre auprès des écoles, sur
l'évaluation du régime pédagogique, des programmes
d'études officiels et des manuels scolaires. Pourquoi ne pas passer par
la commission scolaire qui, elle, s'assurerait de la collaboration de ses
écoles pour telle évaluation faite par le ministre?
Perfectionnement. La commission scolaire se demande si le conseil
d'école, même sur recommandation du directeur d'école, sera
en mesure de déterminer les besoins de perfectionnement du personnel de
l'école, car il entre dans cette question de perfectionnement, de mise
à jour ou de recyclage des dimensions qui dépassent largement le
cadre de l'école, par exemple, tout le perfectionnement en
micro-informatique. La commission scolaire croit, de plus, qu'il est du devoir
des directeurs d'école de participer à l'élaboration de
plans de perfectionnement du personnel entrepris par la commission
scolaire.
Usufruit des écoles. Pour la commission scolaire, la question de
propriété des biens par la commission scolaire et de droit
d'usufruit et de ce qui en découle par l'école constitue une
pomme de discorde qui engendrera éventuellement des conflits dont le
milieu scolaire pourrait se passer. La commission scolaire partage à
100% avec le gouvernement l'idée que les installations communautaires
doivent servir à la communauté tant au niveau municipal qu'au
niveau scolaire ou à tout autre niveau. Ce n'est, d'ailleurs, pas pour
rien que la commission scolaire conclut depuis plusieurs années des
ententes quant à l'utilisation d'installations et de services visant
à répondre aux besoins de la population jeune et adulte en
matière d'activités sociales, culturelles, sportives ou de
loisirs. Aussi, la commission scolaire désire-t-elle que toute cette
question soit revue de façon que soit affirmée la
propriété de la commission scolaire sur les biens immeubles et
que cette dernière puisse établir des politiques, des
règles et des procédures sur l'utilisation de ses
immeubles, surtout quand ils sont utilisés par d'autres organismes que
ses écoles - ceci ne devant en rien limiter l'usage des utilisations au
profit de la communauté -mais plutôt dans un cadre où ne
serait pas grevé outre mesure le budget d'entretien, de
réparation et de remplacement à cause de bris et autres pertes.
De plus, il apparaît essentiel que les revenus de location aillent
à la commission scolaire de façon que toutes les écoles
profitent de cette redistribution des revenus. Nous mettons ici en cause les
articles 117, 123, 124, 130, 230, 231 et 242.
Je vais demander maintenant à la présidente de vous
présenter les divergences au niveau de la commission.
Mme Bérubé: Le commissaire d'école. La
commission scolaire des Laurentides se dit en profond désaccord avec le
mode de représentativité retenu dans le projet de loi en ce qui
concerne l'élection du commissaire d'une école. Elle se pose
notamment les questions suivantes: Comment s'articulera concrètement le
processus d'élection scolaire, notamment la confection de la liste des
électeurs votant pour le commissaire de telle école? Comment les
citoyens pourront-ils se retrouver dans les dédales du système
proposé? Que devient le droit de suffrage universel avec le
déséquilibre prévisible dans la
représentativité de chaque école? Aura-ton droit à
des "castes" de commissaires: commissaires d'une petite école,
commissaires d'une moyenne ou d'une grosse école? Qu'adviendra-t-il de
la vision objective, dégagée des intérêts
particuliers ou des préoccupations d'une seule école, lorsque le
conseil d'administration et les commissaires de chaque école qui le
composent auront à débattre des problèmes administratifs?
Y sera-t-on pour défendre son école, pour aller y chercher le
plus gros "morceau" possible ou pour rechercher la solution la plus valable aux
problèmes posés? Voilà autant de questions qui motivent la
commission scolaire des Laurentides à demander que l'élection des
commissaires d'écoles se fasse au suffrage universel - le vrai! - sur la
base d'une représentation de territoire géographique,
c'est-à-dire de quartier.
De plus, pour impliquer les commissaires du conseil d'administration au
vécu des écoles, la commission scolaire des Laurentides demande
que le projet de loi soit revu de façon que chaque commissaire
élu soit membre d'office d'un conseil d'école, sans toutefois y
avoir le droit de vote, selon une répartition à être
déterminée par le conseil d'administration après chaque
élection de commissaires. Là où le nombre de commissaires
excède le nombre d'écoles, il y lieu que les commissaires
excédauraitentaires soient affectés d'office au conseil
d'écoles plus populeuses comme les polyvalentes.
Comité consultatif des services en difficulté d'adaptation
et d'apprentissage. La commission scolaire des Laurentides se prononce contre
la création de ce comité qui alourdit le système, si l'on
considère les instances déjà à consulter en
matière de politique d'intégration pour les élèves
en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, c'est-à-dire les
parents, les enseignants et les professionnels. Pourquoi alors créer un
comité qui comprenne en plus des "représentants d'organismes qui
ont de l'expérience dans la prestation de services"? De quels organismes
veut-on parler?
Directeur général. Pour être en concordance avec ce
qui a été affirmé plus haut, il y aurait lieu d'ajouter,
à l'article 197, un alinéa pour stipuler que le directeur
général assume la supervision et l'évaluation des
directeurs d'école.
Confessionnalité. Si la commission scolaire des Laurentides
adhère à la non-confessionnalité des commissions scolaires
et au régime d'option entre l'enseignement de la religion ou celui de la
morale, il lui apparaît indispensable que les droits du milieu quant au
libre choix du statut confessionnel de son école soient garantis dans la
loi. Voilà pourquoi la commission scolaire des Laurentides souhaite que
soit enlevée, du premier paragraphe de l'article 309 la
possibilité pour le ministre d'établir par règlement "les
conditions et modalités de consultation des parents pour la demande de
reconnaissance d'une école ou la demande de retrait de cette
reconnaissance". Cette question nous apparaît aussi importante que le
référendum prévu pour la taxe scolaire et décrit
aux articles 273 à 291.
M. Myette, pour la perception de la taxe
scolaire.
M. Myette: Quant à la perception de la taxe scolaire, nous
disons au départ que la commission scolaire est plus
particulièrement touchée puisqu'elle doit administrer
au-delà de 50 000 comptes de taxes dans 42 municipalités
différentes, deux territoires non organisés et quatre
municipalités régionales de comté.
La commission scolaire des Laurentides remet en cause toute la question
de la perception de la taxe scolaire par une municipalité ou une
corporation municipale. Elle juge que le système qu'on veut implanter
est trop compliqué et elle ne croit pas qu'il en vaille les coûts.
Elle se pose, d'ailleurs, plusieurs questions sur cette section du projet de
loi. Les quelque 42 municipalités ou corporations municipales du
territoire de la commission scolaire des Laurentides seront-elles toutes en
mesure d'effectuer la commande qui leur est passée au niveau de
l'imposition, (article 260), de la
perception (articles 265, 266 et 267), du versement des montants
perçus (articles 269 et 270) et du recouvrement des taxes scolaires dues
(article 271)? Voudront-elles seulement la faire, cette perception, et à
quels coûts?
Qu'adviendra-t-il des territoires non organisés qui n'ont pas de
système de perception?
Comment se réalisera en pratique l'application de l'article 406
du projet de loi, lequel confie à la commission scolaire la
responsabilité de déterminer parmi les propriétaires
d'immeubles de son territoire ceux qui sont francophones et ceux qui sont
anglophones? Qu'arrivera-t-il au propriétaire qui ne répondra pas
ou à celui qui, pour possiblement épargner sur la taxe scolaire
à payer, se déclarera de l'autre groupe linguistique que le
sien?
Pourquoi, enfin, serait-ce la Commission municipale qui,
conformément à l'article 268, fixerait les coûts de
perception quand une municipalité et une commission scolaire ne
s'entendent pas sur les coûts exigés pour effectuer la perception
de la taxe scolaire?
Voilà pourquoi la commission scolaire en revient à la
proposition qu'elle émettait dans son mémoire sur le livre blanc,
à savoir "que la commission scolaire conserve la perception de la taxe
scolaire, qu'elle en fixe le taux, qu'elle ait la possibilité de
conclure des ententes, si elle le juge pertinent, quant à la perception
de cette taxe.
Le vérificateur interne. La commission scolaire se demande
où l'on veut en venir lorsqu'on stipule à l'article 245,
deuxième aliéna, que "le ministre peut préciser le mandat
du vérificateur externe (nommé par la commission scolaire) de
façon générale ou particulière." La commission
scolaire croit qu'il lui revient à elle et non au ministre d'ordonner au
vérificateur externe de procéder à certaines
vérifications particulières qu'elle jugerait opportunes.
Voilà pourquoi elle voudrait que l'article soit révisé en
conséquence.
Comité de mise en oeuvre. Advenant le cas où les
territoires intégrés, selon l'engagement pris, seraient maintenus
dans leur intégrité, la commission scolaire est d'avis que le
président du comité local de mise en oeuvre décrit
à l'article 368 devrait être nommé par les autres membres
qui le composent. Advenant le cas où il n'y aurait pas d'entente entre
les membres sur le choix d'un président après un délai
raisonnable qu'on peut établir à quinze jours, le ministre
pourrait alors être appelé à le nommer directement.
Sur la question de mise en oeuvre, la commission scolaire se demande
s'il n'y aurait pas lieu de simplifier les choses dans le cas des commissions
scolaires qui seront créées en vertu du décret prescrit
à l'article 133, mais qui recouperont les mêmes territoires
qu'auparavant, conservant les mêmes effectifs ou à peu de chose
près, ainsi que le même personnel. En d'autres mots, pour les
commissions scolaires déjà intégrées, est-il
nécessaire de compliquer les choses à ce point dans la loi? Ne
pourrait-on pas, tout simplement reconnaître que telle commission
scolaire est maintenant devenue telle autre commission scolaire sans passer par
tout ce dédale d'articles compliqués? Je laisse à Mme la
présidente le soin de conclure.
Mme Bérubé: Se référant au contenu du
livre blanc et au projet de loi 40, la commission scolaire des Laurentides est
en mesure d'affirmer qu'en cours de route des modifications importantes ont
été apportées visant à bonifier certaines
orientations ou positions qui étaient inacceptables. Il en reste encore
quelques-unes à faire pour améliorer le système
d'éducation proposé. C'est dans ce but que la commission scolaire
des Laurentides a préparé ce présent mémoire,
espérant qu'il plaira au gouvernement et au ministre d'y donner
suite.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Bérubé.
Merci, M. Myette. M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, je voudrais saluer la
commission scolaire des Laurentides, sa présidente, ainsi que son
directeur général, que j'ai eu le plaisir de connaître
alors qu'il était président de l'Association des cadres scolaires
du Québec.
Je vois que la commission scolaire a étudié avec
sérieux le projet de loi. Ce travail sérieux est parfaitement
illustré par les propositions d'améliorations qu'elle nous fait.
Je note que les convergences sont nombreuses et surtout qu'elles sont
fondamentales, puisqu'elles visent les objectifs majeurs du projet de loi, par
exemple, quant au rôle beaucoup plus important qu'il faut accorder
à l'école et aux instances qui la composent, à la fonction
nouvelle de l'école, aux pouvoirs des commissions scolaires, qui sont
jugés suffisants, à l'intégration des deux niveaux
d'enseignement, aux pouvoirs du ministère, qui sont jugés
justifiés et suffisants et en accord avec les nouveaux
aménagements confessionnels. Je pense que c'est là l'essentiel du
projet de loi. Je note l'accord que la commission scolaire donne au projet
à cet égard. (15 h 30)
Les divergences touchent certains points qui paraissent devoir
être améliorés à la commission, aussi bien en ce qui
concerne l'école que la commission scolaire. Évidemment, il sera
difficile de les commenter tous dans le peu de temps mis à notre
disposition. Je voudrais, quand même,
faire une petite remarque. Je pense que, dans ces cinq propositions
d'amendements que vous nous faites en ce qui concerne l'école, vous nous
recommandez de préciser, de clarifier afin de faire disparaître
toute ambiguïté possible, toute éventualité possible
de conflit. Cependant, vous ne me paraissez pas nier la place que doit avoir
l'école dans les responsabilités dont parlent ces
différents articles.
Je pense, par exemple, au calendrier scolaire. Vous voudriez
peut-être donner un petit peu plus d'importance à la commission
scolaire dans la fixation du calendrier scolaire. Cependant, dans le projet de
loi, on dit déjà que c'est la commission scolaire qui devra
établir les normes et les critères qui permettront aux
écoles d'établir le calendrier scolaire. Ce que nous demandons
à l'école, c'est une participation, une contribution qui, je
crois, est importante, en ce sens que les suggestions ou les décisions
de l'école sont basées sur les besoins particuliers des
clientèles dont elles ont à connaître, mais, cependant,
tout en se conformant aux normes et critères de confection du calendrier
scolaire qui seront établis par la commission scolaire.
Vous demandez, de même que la commission scolaire établisse
les normes et les modalités d'évaluation des apprentissages. Je
pense qu'il y a là une fonction où l'école et la
commission scolaire ont chacune un rôle à jouer.
L'évaluation des apprentissages doit se faire par ceux qui sont en
contact quotidien avec l'élève; cependant, il est
nécessaire qu'il y ait une politique d'évaluation. Là
aussi, il est nécessaire qu'il y ait des critères, des normes, et
le projet de loi les prévoit, quand même, bien que d'une
façon peut-être trop générale à l'article 216
quand on dit que la commission scolaire est chargée d'apporter du
soutien aux écoles. Ce soutien doit prendre plusieurs formes. Il doit
prendre la forme, par exemple, d'une aide de la commission scolaire en ce qui
concerne l'implantation des nouveaux programmes, l'enrichissement des nouveaux
programmes, l'adaptation du régime pédagogique, mais aussi une
politique d'évaluation des normes et des critères
d'évaluation qui inspireront les écoles dans le travail que
celles-ci doivent faire, elles aussi, pour l'évaluation des
apprentissages. Je pense que, lorsqu'on parle d'évaluation sommative,
par exemple, d'évaluation formative, on dit, tout de suite, qu'il y a
là une contribution essentielle de la part de l'enseignant.
Vous recommandez aussi un rôle plus spécifique, mieux
formulé pour la commission scolaire, en ce qui concerne
l'évaluation du régime pédagogique, des programmes et des
manuels scolaires. Là aussi, nous avons, quand même, tenu compte
de cette nécessité à l'article 214. Peut-être ne
l'avons-nous pas fait d'une façon suffisamment précise.
Là, vos suggestions vont, quand même, nous aider à le
faire.
Je dirais la même chose de toutes les suggestions que vous nous
faites en ce qui concerne l'utilisation des immeubles de l'école par le
conseil d'école. Ce que nous avons voulu signifier par là, c'est
que l'école, du fait qu'elle est placée au sein de la
communauté, du fait qu'elle doit avoir plus d'autonomie qu'auparavant,
doit avoir une plus grande latitude que celle qu'elle avait, jusqu'ici, pour
l'utilisation de ces immeubles et pour la conclusion de transactions avec son
milieu pour la location éventuelle de ces immeubles. Mais ce n'est,
quand même, pas une latitude absolue, car, dans d'autres articles, nous
disons que la commission scolaire doit s'assurer que l'école fait bon
usage de l'école, qu'elle voit au bon état des fournitures et des
biens qui lui sont confiés. Nous disons aussi qu'elle n'a de latitude
pour la signature d'ententes que lorsque ces ententes ne dépassent pas
un an. D'ailleurs, d'autres remarques nous ont été faites par
d'autres groupes, qui nous amèneront probablement à être
plus précis encore en ce qui concerne la conclusion de ces ententes.
Tout ceci pour dire que vos suggestions d'amendements sont prises en
bonne considération et que nous essaierons sûrement d'être
encore plus clairs, plus précis, dans la répartition de ces
tâches ou fonctions en préservant, cependant, la
responsabilité qui paraît la plus apte à être
exercée par chacun des niveaux.
J'ai eu un peu de difficulté à comprendre votre
suggestion, cependant, en ce qui concerne l'abolition du comité
consultatif de la commission scolaire pour les enfants en difficulté
d'apprentissage. Je sais que, jusqu'ici, les commissions scolaires ont eu la
responsabilité d'établir cette politique, mais je ne vois pas en
quoi cela pourrait nuire que d'établir un comité qui pourrait
aider les commissions scolaires à établir une politique
d'adaptation en utilisant les lumières, les éclairages,
l'expérience de certains groupes ou de certains personnels qui ont une
tradition ou soit un savoir qui pourrait sûrement aider la commission
scolaire à cet égard.
Quand vous dites que cela alourdirait, est-ce que vous ne scotomisez pas
un peu l'objection que l'on pourrait faire qu'il est intéressant et
utile pour une commission scolaire de profiter de l'éclairage, de
l'expérience, du savoir que le comité consultatif pourrait lui
apporter? Ce serait là ma première question.
Le Président (M. Blouin): Mme Bérubé.
Mme Bérubé: Effectivement, de la
manière dont on a lu cet article de la loi, on comprenait qu'il y
avait une collaboration suivie dans l'application de la politique
d'intégration des élèves en difficulté d'adaptation
et d'apprentissage. Or, il appert que le mécanisme de cette politique
d'intégration est déjà suffisamment complexe à la
commission scolaire, c'est-à-dire que les parents sont impliqués
dans l'approche qui est développée avec les enfants. Les enfants
eux-mêmes sont impliqués dans la réintégration. Les
enseignants qui travaillent avec ces enfants sont également
impliqués et les spécialistes, c'est-à-dire les
psychologues, les orthopédagogues sont aussi consultés. Notre
position va dans le sens que le comité était suffisamment complet
pour ne pas, en plus, venir mettre une autre structure qu'il serait obligatoire
de consulter avant de réintégrer un enfant dans son milieu
normal. C'est pourquoi on s'est dit que le réseau de la commission
scolaire offrait, quand même, suffisamment de support pour analyser le
cas de ces enfants pour ne pas, en plus, impliquer un autre secteur qui serait
extérieur à la commission. D'ailleurs, on pose la question: Quels
seraient ces organismes qui pourraient nous aider à faire cette
politique d'évaluation?
M. Laurin: Cela n'existe pas partout dans les autres commissions
scolaires. On pourrait penser qu'il y aurait peut-être avantage à
ce que toutes les commissions scolaires procèdent selon votre exemple et
à l'exemple de quelques autres commissions scolaires. En ce sens,
l'article de loi pourrait les orienter dans la bonne direction.
Mme Bérubé: D'accord. Peut-être que M. Myette
pourrait compléter.
Le Président (M. Blouin): M. Myette.
M. Myette: En fait, à la commission scolaire des
Laurentides, on peut dire qu'au primaire plus de 70% des élèves
en difficulté d'adaptation et d'apprentissage sont déjà
intégrés selon une politique qui a été
adoptée par le conseil des commissaires il y a maintenant quatre ans.
C'est un plan étalé sur trois années en identifiant des
écoles cibles, pilotes dans un secteur auquel se greffaient les autres
écoles et où les professionnels des services personnels à
l'élève, les enseignants et les parents font partie, à
l'intérieur de l'école, d'un comité d'évaluation et
de décision quant à l'intégration ou non d'un
élève.
On peut dire que c'est une réussite à la commission
scolaire. Vous savez, M. le ministre, qu'il y a quatre ans, quand on parlait
d'un tel phénomène, nous avions, en plus, à être
confrontés à tout le mouvement syndical qui était peu
réceptif à cette politique. Face à ces résultats,
nous nous posons la question sur cet aspect spécifique de la loi. Quand
vous dites que d'autres organismes pourraient être impliqués dans
ce comité, nous ne voyons pas quels pourraient être ces autres
organismes. Nous croyons, avec notre expérience, que rien n'est mieux
que quand le milieu se prend en main, c'est-à-dire les enseignants, les
professionnels des services personnels aux élèves, les parents et
les directions d'école, pour juger de la pertinence ou pas de
l'intégration d'un élève.
M. Laurin: J'aurais une deuxième question en ce qui
concerne le perfectionnement et une troisième en ce qui concerne
l'aménagement de la confessionnalité. Je comprends très
bien votre argument quand vous dites que les besoins de perfectionnement
doivent être évalués à une échelle
régionale. N'est-il pas vrai, quand même, de dire que
l'école a aussi un rôle à jouer à cet égard,
ne serait-ce qu'au plan de la détermination de ses besoins, même
si la décision est prise à un autre niveau - et elle le sera -
aussi bien en vertu des conventions collectives qu'en vertu des dispositions de
la loi sur les budgets? Ne croyez-vous pas que l'école a un rôle
important, utile, à jouer dans la détermination de ses besoins de
perfectionnement dont elle devrait quand même faire part à la
commission scolaire?
Deuxièmement, sur le plan de l'aménagement de la
confessionnalité, vous êtes d'accord avec l'esprit et même
la lettre de ces aménagements, mais vous vous opposez à ce que le
gouvernement établisse les règles et les mécanismes de
consultation au sens du paragraphe 1 de l'article 309. Je n'ai pas compris
exactement les raisons pour lesquelles vous vous opposiez à ce que le
gouvernement établisse les règles, les mécanismes de cette
consultation, d'une part. Une fois que je les aurai compris, j'aimerais bien
savoir ce que vous proposez, surtout quand vous dites que le milieu doit avoir
un rôle important à jouer à cet égard.
Mme Bérubé: La deuxième question
était à propos de la confessionnalité. Je m'excuse, j'en
ai perdu un petit bout. Effectivement, lorsqu'on a fait l'analyse du projet de
loi 40, il n'y avait rien qui était inscrit dans la loi. Il nous
apparaissait important que le milieu puisse voir venir un peu d'avance ces
mécanismes de consultation qu'il aurait à mettre en place au
niveau de la précision de la confessionnalité ou de la
non-confessionnalité d'une école. Depuis, il y a eu effectivement
dépôt d'une réglementation qui nous apparaît
intéressante dans l'ensemble. Je pense que cela règle un peu le
problème qu'on avait rencontré au niveau de la loi.
Concernant votre première question sur le perfectionnement, M.
Myette va y
répondre.
M. Myette: Sur le perfectionnement des personnels, il est clair
pour la commission scolaire que l'école a un rôle
prépondérant à jouer dans le perfectionnement des
personnels. Ce que nous remettons en question, c'est que, de la lecture que
nous faisons de la loi, il nous apparaît que les seuls maîtres
d'oeuvre ou les seuls ayant leur mot à dire dans le perfectionnement des
enseignants sont le directeur d'école et le comité
d'école. Force nous est de reconnaître qu'on ne peut isoler
à des unités écoles toute la question du perfectionnement
et qu'il doit y avoir une concertation au niveau d'un territoire donné,
soit une commission scolaire.
Je prends pour exemple tout le plan de perfectionnement de la
micro-informatique, dossier actuellement très populaire. Ce que nous
avons fait au niveau de la commission scolaire, c'est qu'il y a eu une
ébauche de plan travaillée par les services éducatifs, qui
a été déposée à la table de gestion des
directeurs d'école, qui a été discutée,
ballottée, améliorée dont est sorti un plan final qui a
été déposé à l'ensemble du personnel
enseignant et des autres personnels. C'est dans ce sens que nous concevons le
perfectionnement, c'est-à-dire un rôle prépondérant
de l'école, mais dans un contexte de territoire, surtout au niveau des
Laurentides où, quand même, nous avons un territoire qui
s'étend sur 90 milles de longueur. Si on veut une cohésion du
territoire, on ne peut faire autrement que de s'entendre au niveau d'une
commission scolaire.
La lecture que nous faisons du projet de loi 40, c'est qu'on ne retrouve
pas dans les pouvoirs de la commission scolaire un seul article concernant le
perfectionnement. C'est dans ce sens qu'on vous fait cette remarque. On dit
qu'il est important que la commission scolaire et les écoles sur le
territoire se concertent concernant le perfectionnement. (15 h 45)
Quant à la confessionnalité, pour compléter ce que
Mme la présidente a dit, c'est sur les conditions de l'exercice du droit
déterminées par le ministre qu'on s'interroge. Au début,
c'était à la fois sur l'application, mais le projet de
réglementation qui a été déposé
répondait en grande partie à nos interrogations. Toutefois, nous
ne comprenons pas pourquoi le ministre devrait statuer sur les conditions
d'exercice de ce droit. L'expérience que nous avons chez nous... Nous
avons consulté tous les intervenants, d'octobre à
décembre, sur la possibilité de mettre en application, dès
cette année, ce choix entre l'enseignement moral et religieux.
Effectivement, unanimement, les intervenants ont été d'accord et
les modalités pour l'appliquer, que ce soit la procédure, le type
de formules, ont été établies par l'ensemble des
intervenants. C'est dans ce sens qu'on se posait la question: Pourquoi le
ministre devrait-il intervenir dans les milieux pour l'exercice de ce
droit?
M. Laurin: Je vous remercie pour ces précisions. Je
voudrais faire une dernière remarque sur la question du
vérificateur externe. Je pense que vous êtes au courant que j'ai
annoncé qu'un amendement serait apporté aux articles en question.
Je l'ai annoncé dès le premier jour de la commission
parlementaire. Je vous en signifie tout de suite l'objet: d'abord, c'est une
pratique que le ministre exerce ce pouvoir avec l'accord des commissions
scolaires. Ce que nous voulons préciser, c'est qu'il reviendra au
ministre d'établir les champs de vérification, les objets de
vérification, mais ce sont les commissions scolaires qui
préciseront, pour chaque vérificateur, les mandats particuliers
de leur vérificateur. Ce serait le sens de l'amendement que nous
apporterions.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
les représentants de la commission scolaire des Laurentides pour leur
mémoire. Je concours aux remarques du ministre selon lesquelles vous
soulevez des points très précis qui, souvent, n'ont pas
été soulevés. Je pense -on ne sait pas quel sort sera
réservé au projet de loi 40 - que, dans
l'éventualité où le projet de loi 40 ou un autre serait
adopté, vos remarques pourraient servir à améliorer le
projet de loi.
J'aimerais que vous me parliez un peu de la double responsabilité
du directeur d'école: d'une part, vis-à-vis de la commission
scolaire et, d'autre part, vis-à-vis du comité de parents. Si je
comprends bien, votre suggestion est dans le sens que le directeur ne
relève que de la commission scolaire. Est-ce que je vous
interprète bien quant à la nécessité de rendre des
comptes?
Mme Bérubé: L'employeur, selon la loi, est la
commission scolaire. On veut donc que le directeur d'école relève
du directeur général pour avoir cette relation
d'employeur-employé dans le cas du directeur d'école.
Mme Lavoie-Roux: En principe, je suis d'accord, mais il reste que
le projet de loi, à l'article 86, donne aux directeurs d'école
des obligations, particulièrement au deuxième alinéa
où il est écrit: "veiller à l'exécution des
décisions du conseil d'école...". Vous
dites que cela implique qu'il réponde au conseil d'école
de sa gestion. Est-ce que vous suggérez que cette obligation disparaisse
du projet de loi? Comment articuleriez-vous cela avec son fonctionnement
à l'intérieur du conseil d'école?
Mme Bérubé: Si vous le permettez, je vais demander
à M. Myette de répondre.
M. Myette: En fait, pour répondre à votre question,
Mme la députée, il faut revenir à notre vision de
l'organisation d'un conseil d'administration. Nous demandons le maintien du
suffrage universel par quartier, mais avec une nuance par rapport à ce
qui existe, c'est-à-dire qu'à la première réunion
du conseil des commissaires, ceux-ci se répartissent obligatoirement les
responsabilités en tant que membres des conseils d'école de la
commission scolaire. Dans ce sens, le répondant au conseil des
commissaires du fonctionnement des écoles devient ce commissaire sans
droit de vote, qui doit obligatoirement, à chaque session du conseil des
commissaires, faire rapport sur le fonctionnement de l'école, sur ses
problèmes - pas uniquement sur ses problèmes; on a toujours
tendance à parler des problèmes -ou sur son vécu positif,
enfin, sur tout le vécu d'une école. Dans ce sens, le conseil des
commissaires est informé du cheminement de chaque conseil
d'école, de ses réalisations, de ses difficultés, etc., et
le directeur d'école nous apparaît dans la loi actuelle dans une
situation du genre hybride: l'aigle à deux têtes des dynasties
d'Europe, en 1900, où, finalement, il relève à la fois
d'un conseil d'école et d'un conseil des commissaires. Nous ne pouvons
pas concevoir qu'un directeur d'école puisse relever de deux patrons et
nous disons que le directeur d'école, étant l'employé de
la commission scolaire, doit relever de la commission scolaire, et son travail,
par le fait même, est évalué par le conseil d'école,
mais un rapport est fait au conseil par le commissaire présent d'office
à chaque conseil d'école. Nous ne pouvons pas voir comment un
directeur d'école, s'il est un employé de la commission scolaire,
puisse avoir des mandats qui relèvent d'un conseil d'école.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Il reste qu'à l'article 86, il doit
voir à l'exécution des décisions du conseil
d'école...
M. Myette: Oui.
Mme Lavoie-Roux: ...et, à ce moment-là, les
décisions du conseil d'école pourraient être en opposition
face à d'autres mandats, comme vous le mentionnez vous-mêmes, qui
proviennent de la commission scolaire. C'est ce que vous dites dans votre
mémoire.
M. Myette: Oui.
Mme Bérubé: C'est vrai.
Mme Lavoie-Roux: Que proposez-vous pour résoudre cela?
Même s'il y a un commissaire présent qui vient vous dire: À
l'école X, les choses vont bien ou les choses vont moins bien; il y a
telle réalisation ou il n'y en a pas, je ne vois pas... 0e pense que
vous identifiez bien le problème, mais je ne comprends pas exactement
quelle solution vous proposez.
M. Myette: En fait, la solution qu'on propose, c'est que le
directeur d'école relève de la commission scolaire et que, si le
conseil d'école est insatisfait de la gérance de ce directeur, il
ait à suivre ce qu'on appelle une filière ordinaire,
c'est-à-dire qu'il fait rapport au représentant du conseil des
commissaires qui est membre d'office, sans droit de vote, de ce comité
d'école et il appartient au conseil des commissaires de décider
de la qualité de la gestion de ce directeur d'école.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il pourrait encore recevoir des
mandats qui s'opposent l'un à l'autre.
M. Myette: II pourrait y en avoir si les corrections qu'on
demande dans la loi ne sont pas apportées. Par exemple, au niveau du
régime pédagogique...
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est celui-là que...
M. Myette: ...il ne nous apparaît pas conflictuel, parce
que la loi parle de responsabilités d'application du régime
pédagogique. L'école ne décide pas du régime
pédagogique. En tout cas, la lecture qu'on fait, c'est qu'il y a un
cadre général fixé par le gouvernement par le truchement
de son ministère de l'Éducation. La commission scolaire
l'articule sur son territoire en tenant compte des particularités du
milieu et, si on lit bien l'article de la loi, "l'école est responsable
de l'application du régime pédagogique". Appliquer, ce n'est pas
redéfinir les objectifs. C'est vraiment l'appliquer dans le cadre des
décisions qui découlent du ministère ou de la commission
scolaire.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Une autre question sur la
confessionnalité. J'aimerais que vous disiez d'abord combien il y a
d'étudiants ou d'élèves à votre commission
scolaire.
Mme Bérubé: Environ 7500.
Mme Lavoie-Roux: 7500. Avez-vous
uniquement des écoles francophones ou si vous avez des
écoles anglo-catholiques, ou si vous n'avez pas du tout d'écoles
anglophones?
Mme Bérubé: Non, non.
Mme Lavoie-Roux: Non. Pour vous, le problème de la
division linguistique, du point de vue du rapatriement de la population, cela
ne vous touche pas.
Mme Bérubé: Cela ne se pose pas. La commission
scolaire est déjà intégrée. Elle est
francophone.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Le processus d'intégration des
commissions scolaires était déjà en marche jusqu'au moment
où le gouvernement actuel a mis un moratoire pour en arrêter
l'application, il y a quelques années. On fait état de cela comme
étant une chose nouvelle, mais ce processus était
déjà enclenché depuis plusieurs années.
M. Myette: Mme la députée, à ce sujet, la
commission scolaire des Laurentides est intégrée depuis 1972,
soit depuis la loi 27, par désir des gens du milieu. Donc, ce n'est pas
une question nouvelle, c'est vraiment un vécu de plus de dix ans
à la commission scolaire.
Quant au secteur anglophone, chez nous, il y a deux commissions
scolaires anglophones. Il y a la Laurentian School Board et la Laurentian
School Trustees où les ententes sont très bonnes et où,
conformément aux lois, il y a des échanges qui atteignent, au
niveau de la commission scolaire, un transfert d'environ 150 étudiants
à ces deux commissions scolaires.
Mme Lavoie-Roux: Alors, vos étudiants catholiques font
partie de la commission scolaire protestante.
M. Myette: C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: En fait, les deux fonctionnent
déjà dans une division confessionnelle, mais aussi
linguistique.
M. Myette: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Au sujet de la détermination du statut
confessionnel de l'école, le ministre a fait allusion tout à
l'heure au fait que les règles de consultation ne relèvent pas du
ministère de l'Éducation, mais peut-être de la commission
scolaire. Avez-vous déjà fait l'expérience, dans votre
commission scolaire, d'une école qui a demandé un changement de
statut et où la démarche est venue des parents?
Mme Bérubé: Non.
Mme Lavoie-Roux: Dans votre commission scolaire, parce qu'il y a
deux possibilités à entrevoir dans la loi... Dans le moment,
est-ce que toutes vos écoles ont un statut confessionnel catholique?
Mme Bérubé: Oui.
Mme Lavoie-Roux: La loi prévoit, si je ne m'abuse, que si
après trois ans les parents n'ont pas fait une démarche pour
garder leur statut confessionnel l'école va devenir non
confessionnelle.
Mme Bérubé: Oui, c'est cela.
Mme Lavoie-Roux: Je me demandais si, dans les régions
où les écoles sont très distancées, où la
mentalité est peut-être-Dans un certain nombre de vos
écoles, on ne remettra même pas en question la
confessionnalité de l'école, alors que dans d'autres il pourrait
y avoir des démarches pour le faire. Jugeriez-vous comme moins
perturbateur pour l'école - quitte à dire aux parents qu'il y a
cette possibilité de changer de statut confessionnel - qu'au lieu de
procéder comme la loi le prévoit, c'est-à-dire que, si
l'école ne demande pas de garder son statut, elle devient non
confessionnelle, on procède à l'inverse? On pourrait dire: Si
l'école, qui a déjà un statut confessionnel catholique, ne
demande pas de changer d'ici trois ans, bien qu'on doive lui faire part que
cela demeure une possibilité pour elle, elle reste catholique. Ne
serait-ce pas mieux que de procéder par tout ce système de
votation qui, qu'on le veuille ou non, va créer des tensions et des
tiraillements à l'intérieur des écoles? Quel est votre
point de vue à ce sujet?
M. Myette: En fait, c'est dans le domaine des hypothèses.
Cela m'est difficile de répondre de façon très
précise, mais je pourrais peut-être l'amorcer à partir du
vécu de cette année. Comme je vous le disais, le conseil des
commissaires a décidé de rendre accessible le choix à
l'option dès cette année, après une vaste consultation
où, de façon unanime, tout le milieu était d'accord.
Là où les problèmes semblent surgir, ce n'est pas sur le
statut confessionnel de l'école mais c'est sur la position de
l'Assemblée des évêques. L'Assemblée des
évêques semble dire: Si vous faites le choix de l'enseignement
moral, cela vous enlève la possibilité de recevoir les
sacrements. C'est là-dessus que les parents, dans notre milieu, semblent
le plus réticents. Ils disent: On peut très bien être non
confessionnel à l'école, mais, dans une démarche
personnelle et individuelle avec les autorités religieuses, faire la
démarche de recevoir les sacrements. Ceci nous semble
problématique. Dans le milieu, c'est plutôt la difficulté
qui
semble être soulevée par l'Assemblée des
évêques qui dit: Si vous ne prenez pas l'enseignement religieux
catholique, il faut que vous compreniez que vous ne pouvez plus vous inscrire
dans une démarche de sacramentalisation au niveau de la paroisse. C'est
ce qui nous semble problématique. Je ne pourrais pas aller plus loin
parce que nous amorçons ce dossier dans notre milieu. Dans les
premières réactions que nous avons eues, ce qui freine plus les
gens dans le choix de la morale ou de la religion à l'école,
c'est beaucoup plus ce frein que met l'Assemblée des
évêques par rapport à la sacramentalisation. (16
heures)
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que c'est au niveau
élémentaire surtout qu'elle met ce frein ou...
M. Myette: Oui, au niveau de l'élémentaire parce
qu'en fait, le sacrement de pénitence...
Mme Lavoie-Roux: ...la communion, etc.
M. Myette: ...la communion, etc. se situent au niveau du
primaire.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Vous avez fait vous n'avez peut-être
pas dit le mot "sondage", je ne veux pas vous faire dire des choses que vous
n'avez pas dites - une large consultation...
M. Myette: ...consultation.
Mme Lavoie-Roux: ...c'est le terme que vous avez utilisé.
Quelle est la proportion -je comprends que ce sera une estimation parce que
vous ne l'avez pas terminée - du nombre de parents qui demanderaient
parlons uniquement de l'élémentaire; ce sont deux choses
différentes, le secondaire et l'élémentaire - et seraient
disposés ou désireraient demander l'option morale plutôt
que l'option religieuse?
M. Myette: Pour vous répondre sur cela, je dois me baser
sur le vécu de nos directeurs d'école qui sont impliqués
directement dans les milieux. En ce qui concerne le territoire, il y a une
nette différence en fonction de l'éloignement de la région
de Montréal, en ce sens que les réactions de la partie plus au
nord du territoire sont fort différentes de celles de la partie plus au
sud qui se situe près de Montréal. Si on regarde le vécu
des dernières années sans le choix de l'option à partir de
l'exemption, la concentration la plus forte était dans le secteur sud,
c'est-à-dire dans le secteur Mont-Rolland, Sainte-Adèle qui est
plus proche de Montréal.
Dans un premier temps, les directeurs d'école évaluaient,
dans le sud, que c'était peut-être la moitié de la
population qui irait carrément dans le choix de l'enseignement moral
à l'élémentaire.
À la dernière rencontre que nous avons eue, rencontre
où nous avons validé avec nos directeurs d'école une
petite brochure d'information générale que nous avons
acheminé à chaque parent et où nous avons voulu faire le
point de façon la plus précise possible sur la distinction entre
les deux et les conséquences, nous avons été
obligés d'inclure dans cela la position des évêques.
Là, les directeurs d'école nous disent: Cela -on en avait
discuté dans les écoles - peut bloquer ce choix de façon
assez dramatique. Comme je vous le disais, il y a une nuance entre choisir
à l'école l'enseignement moral et faire abstraction de toute la
sacramentalisation dans la paroisse. Je ne peux pas aller plus loin. Je vous
dis que c'est une problématique qu'on vit actuellement et il me fera
plaisir, si cela vous intéresse, de vous en donner les résultats
à la suite de l'inscription et de l'admission, pour voir quelles ont
été les conséquences face à ces positions et
à l'information qu'on a véhiculée.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Oui, madame.
Mme Bérubé: Je voudrais simplement
compléter. Vous nous demandez un peu de voir à quel rythme les
élèves sont inscrits au cours de morale comparativement au cours
de catéchèse. Il y a eu une progression avec les années en
fonction de l'amélioration de la qualité de ce service. Il est
évident qu'au début, quand il n'y avait qu'un enfant par classe,
cela était extrêmement difficile d'organiser, de structurer des
groupes par âge. À ce moment, les enfants étant plus
marginalisés, les parents hésitaient un peu à les
impliquer au niveau de cette démarche. Je dois dire que, dans les
écoles, en règle générale, ce n'est pas une
progression extraordinaire, mais il y a tout de même une certaine
progression dans l'intérêt pour le cours de morale.
Mme Lavoie-Roux: À l'élémentaire, combien y
a-t-il d'enfants qui demandent l'exemption?
Mme Bérubé: C'est ce que je ne peux malheureusement
pas vous dire. 480.
Mme Lavoie-Roux: 480 sur environ 5000.
Mme Bérubé: 3500.
Mme Lavoie-Roux: 3500. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme
la députée de L'Acadie. M. le député de
Roberval.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Mme
Bérubé et M. Myette, votre mémoire a été
rédigé avec le plus grand soin. Nous voyons bien là qu'il
y a une expérience dans le milieu qui est riche et que vous avez
essayé de faire part à cette commission de de certains
problèmes d'ordre pratique dans l'application de la loi 40 tout en vous
disant en accord ou en désaccord avec un certain nombre de
principes.
À cet égard, mes questions seront de deux ordres. La
première: vous vous dites en désaccord avec le mode
d'élection prévu pour les commissaires dans le projet de loi 40.
Il y a eu depuis le début des travaux de cette commission des personnes
qui ont fait des propositions concernant une formule mixte qui respecterait le
contribuable et le parent dont les enfants sont usagers de l'école. Je
voudrais savoir si vous êtes en total désaccord avec cette formule
qui a été avancée ici, en commission parlementaire. Y
voyez-vous là une solution qui pourrait être intéressante,
un heureux compromis? J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus. Je
laisse la réponse à l'un ou l'autre des deux, celui qui
désirera répondre.
Mme Bérubé: Au niveau du comité de parents
dans notre commission scolaire, la proposition qui a été
proposée par la Fédération des comités de parents a
été endossée. Nous, de notre côté, avons
analysé cette situation et on s'est identifié comme étant
en désaccord avec une formule où, finalement, on aurait deux
types de commissaires, c'est-à-dire des commissaires soi-disant parents
et d'autres types de commissaires. Cela a déjà été
dit dans d'autres témoignages. Il reste que l'ensemble des commissaires,
70%, peut-être plus, sont déjà parents et, par
conséquent, il nous semble un peu dangereux d'avoir deux types de
commissaires autour d'une même table qui, éventuellement,
pourraient faire deux clans ou avoir deux approches différentes.
Aujourd'hui, les gens qui s'impliquent comme commissaires au niveau des
commissions scolaires ont, en général, de très bonnes
bases dans les écoles, de par leurs enfants; ils ont souvent
été membres de comités d'école. Il m'apparaît
un peu dépassé d'aborder le problème en termes de parents
et de commissaires qui viendraient d'un autre milieu.
Nous penchons plutôt pour la formule du commissaire élu au
suffrage universel, mais avec une forte implication au niveau de
l'école. Cette implication permettra aux commissaires de sentir un peu
plus le vécu de l'école, de voir l'application des
décisions qui auront été prises au niveau du cadre
administratif de la commission scolaire. On pense aussi que c'est une formule
de valorisation du rôle du commissaire d'école qui est souvent
méconnu dans son milieu. La façon de rencontrer ses
électeurs est très difficile à cerner. On pense que le
milieu de l'école est effectivement le milieu où se passe le
vécu, où se passent les politiques qui ont été
adoptées par la commission scolaire. Par conséquent, on
considère qu'il est très important que le commissaire soit
impliqué à ce niveau et qu'il agisse un peu comme porte-parole de
la commission scolaire auprès des parents et des autres intervenants du
comité d'école et, en même temps, qu'il rapporte
l'information à la table du conseil d'administration de la commission
scolaire concernant le milieu dans lequel il est plus particulièrement
impliqué.
M. Gauthier: D'accord, merci. Ma prochaine question s'adresserait
probablement davantage à M. Myette. Cela concerne le perfectionnement.
On en a fait état tout à l'heure. Vous avez expliqué, avec
beaucoup d'à-propos d'ailleurs, que vous aviez des priorités au
niveau de tout le territoire pour le perfectionnement. Or, c'est
peut-être un système qui a déjà fait ses preuves, je
pense bien, et qui existe chez vous. Mainenant, existe-t-il aussi des
commissions scolaires où les budgets de perfectionnement sont
déjà, à toutes fins utiles, complètement
décentralisés dans les écoles? La commission scolaire
peut, soit par les directeurs d'école ou par d'autres intervenants,
demander que des points particuliers du perfectionnement des maîtres
soient pris en considération.
Si je reviens à la nature même des budgets de
perfectionnement, qui sont des outils mis à la dispositions des
enseignants pour se donner une formation ou une expertise qu'ils n'ont
peut-être pas à un certain moment donné face à un
changement de programmes, n'est-il pas plus logique, même si le
système centralisé peut fort bien faire l'affaire dans certains
cas, de penser, vu que l'essentiel des besoins vient d'abord des enseignants,
que tous ces budgets de perfectionnement devraient être absolument
décentralisés au niveau de chacune des institutions? Est-ce que
cela exclut - en tout cas, à mon sens, cela ne l'exclurait pas - le fait
qu'une commission scolaire puisse faire des représentations pour
suggérer ou offrir des choses aux équipes-écoles qui
n'auraient peut-être pas nécessairement identifié
prioritairement certains besoins de perfectionnement? J'aimerais que vous
donniez quelques explications là-dessus.
M. Myette: Dans un premier temps, quand vous faites appel au
budget de perfectionnement, je ne sais pas si vous faites
référence aux 141 $ par enseignant dans la convention collective.
Si tel était le cas, je vous dis qu'au niveau de notre
commission scolaire, c'est une infime partie parce que ce montant ne
répond plus aux besoins. La commission scolaire investit beaucoup plus
que cela dans le perfectionnement. Ce sont donc des sommes plus
élevées qui sont investies au niveau de la commission
scolaire.
Dans un deuxième temps, il y a une réalité à
la commission scolaire des Laurentides, qui est celle de beaucoup de
commissions scolaires au Québec, où nous avons, en termes
d'entité institutionnelle, 20 écoles au niveau du territoire,
mais des écoles qui ne regroupent, pour l'ensemble au primaire, que de
huit à quinze enseignants.
Quand vous dites qu'une école va être responsable, qu'on va
décentraliser des budgets, c'est là une infime partie au niveau
d'une école comparativement à la polyvalente, entre autres, sur
notre territoire qui regroupe six, sept, huit écoles primaires. Cette
école-là aurait donc des sommes d'argent beaucoup plus
élevée que celles d'une école primaire.
Prenons l'exemple du perfectionnement de la micro-informatique.
Installer des microordinateurs. Je vous donne l'exemple de ce qui se fait aux
Laurentides. On a mis à la disposition des écoles des
micro-ordinateurs, les cassettes du programme Octo-puce et, durant l'heure du
lunch, après la classe et pendant les fins de semaines, les enseignants
et le personnel peuvent se rendre à l'école visionner une
cassette, travailler sur l'ordinateur et se perfectionner de plus en plus pour
ensuite aborder la deuxième phase qui est un certificat ou encore un
programme de 45 heures ou un de 90 heures.
Pour mettre en place un tel programme de perfectionnement, vous ne
pouvez pas le faire par petites unités administratives. Cela doit
être planifié sur un ensemble de territoires, mais cela ne veut
pas dire que c'est la commission qui décide tout et qui dit aux
écoles quoi faire. C'est fait en concertation avec les écoles et
on essaie de répondre à l'ensemble des besoins.
Je suis convaincu, par la connaissance que j'ai de la province, que
cette réalité que je vous apporte est celle de plus d'une
commission scolaire qui possède de petites unités administratives
en tant qu'école et qui n'aurait pas les moyens d'articuler un programme
aussi vaste de perfectionnement.
Par contre, il y a dans des domaines, par exemple, sur l'application des
régimes pédagogiques, des programmes de perfectionnement qui sont
très particuliers à une école qui dit: En français,
premier cycle au primaire, j'aurais besoin de perfectionnement, de mise
à jour, que les conseillers pédagogiques viennent une couple de
soirées ou prennent une journée pédagogique. Cela existe
et ne nie pas cette réalité. Par rapport à la loi 40, on
ne conteste pas son contenu. On pense qu'il n'y a pas de rôle
donné à la commission scolaire en matière de
perfectionnement. Nous considérons qu'il est important que la commission
scolaire ait un rôle dans ce domaine.
M. Gauthier: D'accord. Il y a aussi une chose qui est
restée en plan, à moins que l'attention ne m'ait fait
défaut.
Quand on a parlé du directeur d'école et de sa double
appartenance, il y a une chose qui me suggère une question. Vous dites:
Le mandat du directeur d'école devrait être de trois ans
plutôt que de cinq ans, comme prévu. Est-ce qu'il y a des raisons
particulières à cela? Quel avantage y voyez-vous? C'est
strictement à titre d'information.
Mme Bérubé: La position qui a été
discutée autour de ce point est le fait que le mandat est renouvelable.
Cela impliquait donc qu'un directeur d'école qui verrait son mandat
renouvelé aurait un séjour dans une école de l'ordre de
dix ans. Nous nous sommes dit qu'effectivement, si le mandat était
renouvelé, cela nous apparaissait beaucoup plus intéressant que
finalement un directeur séjourne pendant une période de six ans
dans une école et qu'à ce moment il aurait eu l'occasion de faire
l'ensemble du travail pour lequel il avait été nommé. Un
mandat de dix ans nous est apparu assez long. D'ailleurs, c'est une position
que nous avons adoptée quand on a engagé notre nouveau directeur
général, à savoir qu'on lui a effectivement fait signer un
contrat de trois ans en se disant que, s'il était renouvelé,
c'était une période plus intéressante peut-être que
dix ans. C'est la raison pour laquelle nous avons écrit cela. (16 h
15)
M. Gauthier: D'accord. Strictement d'ordre pratique, vous avez
mentionné au tout début, concernant la perception de la taxe
scolaire, votre objection au fait que ce soit le système des
municipalités qui puisse percevoir cette taxe. J'avais l'impression
-peut-être à tort - que pour plusieurs commissions scolaires il
s'agissait là d'une solution drôlement intéressante qui
évitait de garder souvent artificiellement un service ou un demi-service
ou un service et demi, selon le nombre de personnes qu'on y trouve, la
perception des taxes alors que, effectivement, il y a déjà dans
toutes les municipalités une structure pour procéder à ce
travail. Est-ce que vos objections à ce sujet - c'est très
pratique comme question -sont très importantes ou si c'est simplement un
souhait que vous formulez ou une inquiétude que vous exprimez à
ce propos?
M. Myette: Non. C'est même majeur pour la commission
scolaire. Cette position de la commission scolaire s'explique peut-être,
si je fais abstraction du territoire de
l'île de Montréal, par le fait que la commission scolaire
des Laurentides est une des commissions scolaires où le nombre de
comptes de taxes est le plus élevé - cela dépasse les 50
000 comptes de taxes par année - et où la situation est complexe
puisqu'elle recoupe 42 municipalités et deux territoires non
organisés. Lors de l'étude de la loi 57 sur la fiscalité,
où il y avait une possibilité d'entente avec les
municipalités ou les MRC, nous avons fait des approches et il en est
résulté que le coût de perception faisait plus que de
doubler si on faisait des ententes avec l'ensemble des municipalités par
rapport au propre système de gestion informatisé que nous avons
à la commission scolaire.
C'est une objection majeure que la commission scolaire émet. Ce
serait un coût exorbitant pour la commission scolaire, si la loi 40
devait être adoptée telle quelle, parce qu'elle se retrouverait
à la merci de la négociation avec 42 municipalités. La loi
dit qu'à défaut d'entente c'est la corporation municipale qui
décide des coûts. Alors on se pose encore plus la question.
Pourquoi la corporation municipale viendrait-elle décider des
coûts que la commission scolaire va payer? C'est vraiment une objection
majeure de la commission scolaire parce que cela se traduirait par une
augmentation très substantielle des coûts de perception.
Nous sommes conscients que, dans d'autres milieux, c'est beaucoup plus
facile, mais nous considérons, avec la loi 57, qu'on a fait vraiment le
tour de cette question et qu'on n'a pas besoin de légiférer
davantage dans ce domaine. Ceux pour qui c'était avantageux l'ont fait
et ceux pour qui cela ne l'était pas ne l'ont pas fait.
M. Gauthier: Merci beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Roberval. M. le député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Permettez-moi de
saluer Mme la présidente et M. Myette, le directeur
général. Au début de votre mémoire, dans le
préambule, vous nous dites une chose que peu de gens nous ont dite ici.
Vous déplorez le peu de place qui a été fait à
l'enfant dans tout ce débat. Je pense que c'est tout à votre
honneur comme commission scolaire et comme personnes engagées. Cela
démontre aussi le souci premier de l'existence d'une commission
scolaire, d'abord l'enfant. En dehors de tous les mécanismes de
discussion des pouvoirs à gauche et à droite, on doit se rappeler
que, si une commission scolaire existe, c'est parce que les enfants existent.
Il me fait plaisir de vous souligner que vous êtes les premiers qui vous
souciez de notre bien que sont nos enfants.
À partir de ce point-là, vous avez aussi parlé des
régimes pédagogiques actuels qui devront continuer, à un
moment donné, parce qu'ils sont sur une période de X
années. Si on examine la façon dont les régimes
pédagogiques sont implantés dans nos écoles, que
reste-t-il véritablement, en dehors de la couleur locale, au projet
éducatif, d'après vous? En ce sens, qu'est-ce qui reste au projet
éducatif si les régimes pédagogiques proviennent du
ministère et qu'on doit les appliquer? Qu'est-ce qui reste, finalement,
au projet éducatif, en dehors des régimes pédagogiques?
Est-ce que c'est la couleur locale, culturelle; qu'est-ce que c'est?
M. Myette: II me fait plaisir, M. le député, que
vous me posiez cette question. Je dois vous dire que, à la commission
scolaire, nous ne voyons pas - nous avons écouté plusieurs autres
intervenants - le projet de loi de façon aussi dramatique que d'autres
ont pu le laisser entendre. Nous concevons - je fais, le temps d'un
éclair, un historique - que, de 1970 à 1980, le ministère
de l'Éducation soit allé vers des programmes-cadres en laissant
beaucoup d'autonomie à la commission scolaire pour qu'elle
développe ce qu'on appelait les programmes institutionnels. À
partir du livre vert et de la grande consultation mise en place, on a dit: Si
on veut arriver à ce que chaque petit Québécois ait sa
chance et ait un minimum de services éducatifs de qualité,
l'État doit mettre en place des programmes beaucoup plus formels.
À la suite de cela a été mis en place la vaste
réforme des régimes pédagogiques. La commission scolaire,
contrairement à d'autres intervenants, est peut-être d'accord avec
cette démarche parce qu'elle reconnaît à l'État le
devoir d'établir des programmes plus serrés en matière de
développement des apprentissages et des habiletés des
élèves, tant au niveau primaire que secondaire.
Maintenant, vous demandez où est la couleur locale
là-dedans. Je vous dis que l'école n'est pas que des
apprentissages de lecture ou d'acquisition de données
mathématiques, physiques, chimiques, etc. C'est aussi toute
l'éducation. Les régimes pédagogiques laissent à la
commission scolaire, dans notre lecture et à l'école, toute une
marge de manoeuvre pour permettre, dans une école, un environnement
éducatif qui corresponde aux valeurs du milieu. Il est évident
que les programmes dits pédagogiques d'apprentissage sont plus
cadrés, l'évaluation des apprentissages, dans une politique
gouvernementale, est plus cadrée qu'auparavant. On conçoit que
cela est normal et c'est le devoir de l'État d'établir cela.
L'éducation n'est pas que cela, c'est l'apprentissage à
être citoyen, la façon de se comporter en public, avec des amis,
ce sont
les relations qu'on doit entretenir avec les divers organismes, c'est la
façon de vivre des activités, de s'adonner à des loisirs,
la façon d'aborder des valeurs culturelles. Dans notre vision, nous
croyons que l'école a toute la latitude dans son projet éducatif
pour définir ces choses. Ce que le ministère a établi...
C'est sûr qu'il y a des grandes lignes, mais là où il a
été plus précis, c'est dans les programmes
d'apprentissage. Si on conçoit le projet éducatif comme
n'étant pas que l'instruction, mais plutôt l'éducation dans
sa définition la plus globale possible, nous concevons qu'une commission
scolaire et une école ont toute la marge de manoeuvre pour se donner ces
valeurs.
Qu'une école, parce que le milieu est plus traditionnel, ait un
régime disciplinaire, une façon de vivre plus coercitive, comme
on l'a peut-être connu il y a 25 ans, par rapport à une autre
école, où le milieu est beaucoup plus libéral et où
l'élève fait l'apprentissage de la discipline non pas par des
règlements, mais par la compréhension, etc - c'est à titre
d'exemple que je vous donne cela - l'école et la commission scolaire
peuvent le faire. Ce que nous disons, c'est que la commission scolaire peut
donner un cadre général. Et nous allons plus loin. C'est pourquoi
nous disons que nous sommes d'accord avec le projet de loi 40 dans son esprit.
Nous concevons qu'il appartient à l'école avec ses intervenants
de définir le cadre de ce qu'on appelle l'environnement
éducatif.
M. Maltais: À la page 2 de votre mémoire, la
commission scolaire des Laurentides se dit satisfaite du maintien du statut
juridique de la commission scolaire. Est-ce que vous rejetez le style de
commission scolaire prévue dans le projet de loi 40, qui sera
plutôt une coopérative de services, comme le ministre nous le
répète? Est-ce que vous adhérez plutôt à un
statut juridique avec des pouvoirs qu'à une coopérative de
services pour desservir les écoles? Est-ce que, selon vous, le pouvoir
décisionnel devrait appartenir d'abord à la commission scolaire,
décentralisé vers l'école, ou si, dans les
prémisses que vous énonciez tout à l'heure, d'accord avec
le projet de loi 40... Est-ce que, pour vous, c'est important que la commission
scolaire soit l'autorité ou si elle devrait être un organisme pour
dispenser uniquement des services?
M. Myette: Sur ce sujet, je pense que le mémoire est
clair: nous concevons que la commission scolaire doit être
l'autorité puisqu'elle représente un territoire et que les
écoles doivent oeuvrer sous la compétence de la commission
scolaire. C'est ce que nous lisons dans le projet de loi à quelques
nuances près, et nous les avons soulevées, comme
l'évaluation des élèves, le calendrier scolaire. Dans les
autres domaines, notre lecture dit que l'école a des pouvoirs
déterminants, mais qu'ils sont sous la responsabilité de la
commission scolaire. D'ailleurs, à l'article - je ne me souviens plus du
numéro - on dit bien que l'école exerce ses pouvoirs...
Une voix: Article 90.
M. Myette: À l'article 90, on dit bien: dans les domaines
de compétence attribués aux commissions scolaires, l'école
exerce ses fonctions dans le cadre défini par la commission scolaire
dont elle relève. On considère que l'école exerce ses
compétences dans le cadre des compétences de la commission
scolaire. Remarquez bien qu'on peut faire erreur; c'est ce qu'on comprend. La
conclusion qu'on en tire - tout en respectant les autres opinions qui ont
été émises ici -ce n'est pas une invention nouvelle; c'est
la loi 71. Si les conseils d'orientation avaient fonctionné dans
l'ensemble des écoles, la majorité des pouvoirs décrits
dans le projet de loi 40 auraient été exercés par ces
conseils d'orientation. Que ce soit en matière pédagogique, en
matière financière, en matière de ressources humaines, il
y a très peu de différences dans les pouvoirs décrits dans
le projet de loi 40 par rapport aux pouvoirs qui étaient donnés
aux conseils d'orientation. Ce qu'on a décrié, c'est la
non-participation des enseignants qui a fait que les conseils d'orientation ne
fonctionnent pas. On se dit qu'on va maintenant pouvoir, au niveau de
l'école, donner cette possibilité de bâtir un projet
éducatif correspondant aux valeurs du milieu.
M. Maltais: D'accord, M. Myette, mais les enseignants sont venus
nous dire que cela n'était pas mieux que la loi 71. On n'a pas de
garanties que ces gens-là vont embarquer. Pourquoi donc le projet de loi
40? Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Saguenay. M. le député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Dans votre
mémoire, vous dites que vous êtes d'accord avec la
répartition des pouvoirs entre la commission scolaire et les
écoles, que vous êtes d'accord avec l'esprit du projet de loi 40.
Vous êtes d'accord avec le fait que la commission scolaire a des pouvoirs
suffisants. Vous ne faites pas état, cependant, du conseil
d'école comme tel. Or, à la commission, on a eu beaucoup
d'opinions sur la composition du conseil d'école. Certaines suggestions
nous sont faites pour que le conseil d'école soit paritaire,
c'est-à-dire moitié parents, moitié enseignants et
professionnels. D'autres suggestions veulent que le conseil d'école
exclue les enseignants. Je pense à l'Association des directeurs
d'école. Est-ce que vous avez une opinion sur la composition même
du conseil d'école? (16 h 30)
Mme Bérubé: À la page 2 de notre
mémoire, au niveau de l'école, au troisième paragraphe, on
endosse la formule de la loi. Le seul amendement qu'on propose est au niveau de
la présence du commissaire et on ne veut pas qu'il ait droit de vote.
C'est la seule correction que nous apportons à l'intérieur de
notre mémoire. On ne veut pas qu'il ait droit de vote parce qu'on ne
veut pas que le commissaire puisse intervenir à deux paliers
décisionnels. Si le commissaire, au niveau du comité
d'école, oriente la décision ou prend position et que le sujet
est amené au niveau de la commission scolaire, automatiquement, le
commissaire d'école qui a voté au niveau du conseil
d'école sera lié par la décision qu'il aura prise au
niveau du milieu. C'est la seule recommandation que nous faisons et nous
pensons que c'est assez important parce qu'il pourrait y avoir effectivement
des conflits de choix ou de décisions d'un niveau par rapport à
un autre; à la commission scolaire, on va avoir une vision de l'ensemble
de la situation, alors qu'au niveau de l'école, on va avoir une vision
du cas particulier. Donc, c'est le seul changement que l'on propose et le
comité, pour nous, est constitué d'une façon qui devrait
bien fonctionner.
On a parlé de la présence des enseignants. Les enseignants
avaient refusé ou, du moins, ils n'étaient pas tellement en
accord avec cette proposition. On pense qu'effectivement ils ont quand
même un rôle à jouer qui est très important à
ce niveau. Ils ont également un rôle à jouer au niveau du
comité pédagogique où, là encore, ils pourront
faire des recommandations à l'ensemble du conseil d'école. Donc,
la voix des enseignants a quand même des mécanismes pour
être entendue et leur participation au niveau du conseil d'école
devrait faire en sorte que l'ensemble des partenaires au niveau de
l'école puissent effectivement établir un dialogue.
M. Leduc (Fabre): Est-ce important pour vous que les parents
soient majoritaires au conseil d'école? Voyez-vous cela comme un
élément important?
M. Myette: En fait, si vous posez la question, M. le
député, aussi directement que cela, nous pensons que oui, et en
tenant pour acquis qu'il ne faut pas oublier que déjà, dans
beaucoup de conseils d'école, nous avons des enseignants-parents qui
sont présents. Si je fais le bilan des comités d'école au
sein de la commission scolaire, ils sont très rares les comités
d'école où il n'y a pas déjà des enseignants qui,
en tant que parents, sont membres d'un comité d'école. Nous
pensons que, lorsqu'on parle de vécu pédagogique, lorsqu'on parle
de valeurs, il n'est pas nécessaire d'être dans une situation qui
pourrait virer à l'affrontement, d'être paritaire
moitié-moitié pour décider. S'il y a un
représentant ou des représentants des enseignants - parce que la
formule qui est prévue dans la loi permet, au primaire, d'aller
jusqu'à deux enseignants et peut-être trois et la même chose
au secondaire, selon qu'il y ait un élève ou non - nous pensons
que les enseignants, au sein de leur commission pédagogique, peuvent
bâtir des documents suffisamment étoffés pour que leur
représentant au niveau du comité d'école puisse faire
valoir la vision du personnel enseignant et permettre aux parents d'adopter les
résolutions ou les recommandations qu'ils jugent appropriées.
M. Leduc (Fabre): Une dernière question, M. le
Président. Sur la vocation communautaire de l'école et les
pouvoirs qui lui sont accordés dans le projet de loi, qu'en pensez-vous?
Êtes-vous d'accord avec cette formule?
M. Myette: Sur cet aspect, nous sommes parfaitement d'accord.
Nous sommes, par contre, conscients que cela ne se fera pas demain matin. Nous
concevons que cet aspect de l'école communautaire et responsable dans la
communauté, dans ce qu'on appelle l'ensemble du projet éducatif,
est plutôt dans sa phase finale de réalisation et qu'on doit au
départ réaliser tout l'aspect de l'instruction, l'aspect de
l'éducation, l'aspect du reflet de l'école en tant que
véritable véhicule des valeurs du milieu et, par la suite, cette
vocation communautaire. Nous sommes parfaitement d'accord. C'est d'ailleurs
l'objectif du conseil des commissaires de la commission scolaire cette
année, celui de faire en sorte que les écoles fassent vraiment
partie de la communauté et c'est dans ce sens que les démarches
ont été amorcées avec plus d'une municipalité pour
que les équipements et les ressources humaines et matérielles des
organismes dans le milieu soient vraiment la propriété de
l'ensemble des citoyens qui contribuent à tout le fardeau financier de
l'éducation au Québec.
M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Fabre. Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais vous
remercier de votre mémoire. Je n'ai qu'une question, mais je crois que
c'est un sujet très important. Il s'agit des pouvoirs de la commission
scolaire. À la
page 3, vous avez dit: "II semble qu'en général la
commission aura, sauf en certaines matières qui seront traitées
plus loin - et vous parlez, j'imagine, du perfectionnement des enseignants et
de l'évaluation des élèves des pouvoirs suffisants, eu
égard aux pouvoirs accrus consentis aux écoles, pour s'acquitter
de ses devoirs et réaliser sa mission éducative."
Si on examine le projet de loi, on constate que les commissions
scolaires auront très peu de pouvoirs pédagogiques. Il n'y a
aucune mention, par exemple, du leadership pédagogique, ni des
ressources pour assurer ce leadership. Je crois que c'est une des grandes
faiblesses du projet de loi 40. On se demande d'où viendront ces
ressources professionnelles, les ressources qui vont donner cette dimension de
leadership pédagogique. La seule réponse que je pourrais offrir,
c'est qu'elles viendront des bureaux régionaux.
J'aimerais vous demander si vous avez examiné cette question.
À part les cas spécifiques, vous avez mentionné que le
perfectionnement des maîtres et l'évaluation des
élèves doivent être des pouvoirs retenus par les
commissions scolaires. Est-ce un problème qui vous inquiète comme
représentants d'une commission scolaire?
M. Myette: Nous ne partageons pas cette opinion. D'ailleurs, nous
le disons dans notre mémoire, la commission scolaire a des pouvoirs
diminués. Je lis l'article 199, qui dit: "La commission scolaire
s'assure que la population de son territoire reçoit les services
éducatifs auxquels elle a droit dans les écoles situées
sur son territoire." Cela m'apparaît être un pouvoir très
clair. C'est la commission scolaire qui a la responsabilité des services
éducatifs sur son territoire. L'article 206 dit: "La commission scolaire
assure le soutien à l'organisation pédagogique des
écoles." Cela m'apparaît être un pouvoir très clair
en matière de pédagogie. On dit, à l'article 209: "La
commission scolaire établit les critères pour l'inscription des
élèves dans les écoles afin de tenir compte de la
capacité d'accueil des écoles, des services éducatifs qui
y sont offerts et de l'organisation du transport des élèves."
Cela m'apparaît être un autre pouvoir. Je pourrais continuer
ainsi.
Il nous apparaît, à la lecture qu'on a faite, que la
commission scolaire a un rôle important à jouer en matière
pédagogique sur son territoire. Elle ne voit plus au détail; elle
voit à l'ensemble, à l'organisation de services éducatifs
de qualité, elle s'assure que l'école aura un projet
éducatif correspondant au cadre général du
ministère et de la commission scolaire en matière de
régime éducatif et elle assume des obligations. Vous connaissez
la loi, je ne lirai pas tous ses articles. Il appartient à la com-
mission scolaire de s'assurer qu'en matière pédagogique telle et
telle chose sont faites.
Ce qui nous semble une faiblesse, nous l'avons souligné. Nous
calculons qu'il est important d'évaluer les apprentissages, tant au
niveau primaire qu'au niveau secondaire. D'ailleurs, le comité de
parents de la commission scolaire des Laurentides a souligné son
intérêt et a fait une demande formelle pour que la commission
scolaire ait un rôle à jouer dans l'évaluation des
apprentissages au niveau primaire. En d'autres mots, les sujets où il
nous apparaît y avoir une faiblesse quant à la présence de
la commission scolaire, nous les avons soulignés à d'autres
niveaux. Nous faisons cette lecture de la loi. Je sais qu'elle n'est pas
partagée par tout le monde. Je me fie à ce qui est écrit
là.
L'article 199 m'apparaît très clair. C'est la commission
scolaire qui s'assure que la population de son territoire reçoit les
services éducatifs auxquels elle a droit dans les écoles. Si vous
regardez l'article 90 -parce qu'il faut toujours lire les articles en
parallèle - on dit: "Dans les domaines de compétence que le
chapitre IV attribue aux commissions scolaires, l'école exerce ses
fonctions dans le cadre défini par la commission scolaire dont elle
relève." Si la commission scolaire s'assure de services éducatifs
de qualité, qu'elle a la responsabilité de cela et que
l'école exerce en matière pédagogigue des
responsabilités dans le cadre du chapitre IV donc, de l'article 199, on
dit: Les écoles doivent travailler au niveau des territoires avec la
commission scolaire.
Mme Dougherty: Selon votre lecture du projet, la commission
scolaire aura assez de pouvoirs, d'autorité et de ressources pour
élaborer de nouveaux programmes, adapter les programmes qui existent aux
enfants de certains milieux, à certains élèves
individuels, peut-être, pour voir à l'enrichissement des
programmes, aider les enseignants dans chaque école à enrichir
les programmes, pour l'amélioration des programmes de langue seconde,
par exemple. Il y aura des conseillers pédagogiques sur tel et tel
sujet. Vous n'y voyez pas de problèmes?
M. Myette: Mme la députée, c'est-à-dire
qu'il y a une petite nuance. Dans l'enrichissement des programmes, la loi est
très claire et elle dit: Dorénavant, c'est l'école. Nous,
nous sommes d'accord. D'autres peuvent être en désaccord. Nous
sommes d'accord parce que l'enrichissement des programmes, nous calculons que
cela fait partie vraiment de la couleur locale et que cela relève plus
de l'école que de la commission scolaire.
Quant aux autres domaines, par la lecture que nous faisons quand nous
disons que la commission scolaire affecte les
clientèles et répartit les clientèles en fonction
des services éducatifs offerts dans chacune de ces écoles, nous
concevons -peut-être que nous faisons une mauvaise lecture - que la
commission scolaire a les pouvoirs nécessaires pour s'assurer de la
qualité et de la quantité des services éducatifs sur son
territoire. Nous disons, parce que nous lisons ainsi que l'école fait
l'enrichissement des programmes, fait l'application des régimes
pédagogiques, fait l'application des services - dans les services
complémentaires, ce n'est pas nous, elle l'a déjà la
responsabilité des services complémentaires - nous disons que
cela va de soi parce que c'est cela, administrer une école au niveau
d'un milieu.
Mme Dougherty: D'accord, merci.
Le Président (M. Blouin): D'accord, merci, Mme la
députée de Jacques-Cartier. M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: Je vous remercie d'apporter, on pourrait dire, une
bouffée d'air pur des Laurentides.
J'ai bien aimé vos mises au point et vos demandes au sujet du
statut des directeurs d'école. Aussi, j'ai été très
heureux de voir que vous mentionnez un grand oublié, je crois, dans le
projet de loi, l'enfant lui-même. Mais, à ma grande surprise
aussi, cependant, je n'ai rien vu sur le rôle de l'enseignant dans votre
mémoire, comme d'ailleurs dans le projet de loi où l'on en parle
plutôt d'une façon fugace et très disséminée.
C'est tellement vrai que, tout à l'heure, par curiosité, je
regardais la table des matières du projet de loi aux pages 116 et 117 et
que, nulle part, je n'y ai vu le mot "enseignant". Simplement, à la
section IV, on dit "Personnel de l'école, Dispositions
générales" et on saute tout de suite au directeur
d'école.
Pourtant, je me permets de lire un simple passage d'un livre ici qu'on
appelle Bâtir ou détruire le Québec où on dit ceci:
D'ailleurs, l'une des premières conditions de la réforme qui
s'impose maintenant est de reprendre conscience du fait - je dis bien du fait
et non du principe - que c'est l'enseignant dans sa classe qui demeure le
premier agent de l'éducation dans l'école
québécoise de 1983.
Je vous demande bien simplement ce que vous pensez alors du rôle
du professeur dans le projet de loi 40, de sa participation au conseil
d'école, par exemple, de sa valorisation comme premier agent, vraiment,
de l'éducation, de sa visibilité dans le programme, dans le
projet de loi, de son rayonnement et de son efficacité. Je dis cela en
gros. Qu'est-ce que vous pensez du rôle du professeur dans le projet de
loi?
Mme Bérubé: On ne peut même pas se poser la
question à savoir s'il a un rôle ou pas. Il a un rôle
fondamental, c'est le grand orienteur, c'est le praticien qui va appliquer
l'ensemble des politiques développées au niveau du
ministère, au niveau de la commission scolaire et au niveau de
l'école. (16 h 45)
Comme on l'a expliqué tout à l'heure, l'enseignant a quand
même un rôle très important au niveau du conseil
d'école, dans la mesure où il fera partie intégrante des
décisions qui seront prises par le conseil, ce qui n'était pas le
cas avant. Il était consulté au même titre que d'autres
intervenants, mais ce n'était pas à un niveau décisionnel;
or, il le sera. D'autre part, les comités consultatifs, donc, le
comité pédagogique, pourront également apporter toute
l'influence que le monde de l'enseignant peut apporter au niveau de
l'école. Je me dis que, effectivement, il n'est peut-être pas dans
la table des matières, pas plus que les cadres de la commission
scolaire. On n'en fait pas état particulièrement. Or, on leur
reconnaît une série de responsabilités au niveau des
différentes décisions. Je pense que l'enseignant a quand
même un rôle extrêmement important à jouer au niveau
du projet éducatif. C'est également le deuxième pôle
d'application de toutes ces interventions. Même si les parents font un
projet éducatif, si le milieu des enseignants n'y participe pas, cela
n'aura pas la couleur du milieu, cela n'aura que la couleur des parents et les
enseignants ne voudront pas nécessairement l'appliquer. Toute la
démarche qui se fait autour du projet éducatif, c'est
effectivement de réunir, un peu comme cela a déjà
été mentionné au niveau d'un comité d'école
chez nous, d'essayer de réunir ces deux solitudes qui n'ont jamais
été assises autour d'une même table. Je pense que le
conseil d'école va permettre cela, à moins que les enseignants ne
le refusent, mais j'ai confiance qu'ils voudront s'impliquer,
sûrement.
M. Hains: S'ils refusaient, pensez-vous que ce serait vraiment
déplorable pour l'école? Croyez-vous que cela peut arriver? Nous
avons entendu ici la CEQ qui n'y est pas allée par quatre chemins pour
dire que, s'il n'y avait pas telle et telle condition, elle laissait un peu
planer la menace que cela serait encore la même chose, ce serait
l'absence des professeurs et des instituteurs au conseil d'école.
Mme Bérubé: Là-dessus, on peut
peut-être voir une différence entre le point de vue d'un syndicat
et celui d'un enseignant pédagogue dans son milieu. On pourra
peut-être voir une différence des deux points de vue.
M. Hains: Vous me dites, au fond, vous répétez les
mêmes principes que ceux que je viens de mentionner, que c'est un
élément essentiel à la formation et tout cela. Je me fais
simplement l'écho de plusieurs mémoires qu'on a entendus
jusqu'ici et qui déplorent un peu ce manque de visibilité de
l'enseignant dans le projet de loi.
Une autre petite remarque peut-être... Oui, excusez.
M. Myette: Ce que je voudrais ajouter, M. le
député, c'est que nous partageons pleinement votre vision des
choses, à savoir que l'enseignant est un élément capital
dans l'élaboration d'un projet éducatif, dans le véhicule
des valeurs au niveau de l'école. Nous disons que les enseignants, en
général, sont la première cellule d'encadrement des
enfants dans une école primaire et secondaire. Nous espérons que
ce que nous vivons - je ne veux pas faire de distinction entre primaire et
secondaire - au primaire, c'est-à-dire cette participation des
enseignants et enseignantes à la chose de l'école qui
déborde le strict cadre de la préparation des cours et de la
diffusion des cours, mais vraiment un vécu avec le milieu, nous
pourrons, dans un bref délai, vivre la même chose au niveau de nos
polyvalentes et assurer ainsi ce lien que j'appelle fondamental entre les
parents et les enseignants, parce que ce sont les deux corps adultes, la
famille et l'école, par ses enseignants, qui vont assurer à
l'enfant cette instruction et cette éducation qui en feront les citoyens
responsables de demain.
Vous nous posez la question et je vous la retournerais: Devons-nous,
dans une loi, définir le rôle des enseignants, comme, dans une loi
sur l'organisation de la justice, doit-on définir le rôle des
juges? Je vous retourne la question. Je sais qu'elle a été
posée souventefois, mais cela ne veut pas dire, parce qu'on n'en parle
pas là, qu'on dit que le rôle des enseignants n'est pas
important.
M. Hains: Non, évidemment pas. Comme je vous le dis, je me
fais l'écho des professeurs. Je suis un ancien directeur et un ancien
professeur, et j'ai souvent l'occasion de parler avec eux. Ils déplorent
vraiment très fortement ce manque de transparence à propos de
leur mission dans l'école. Évidemment, ce n'est peut-être
pas nécessaire de cataloguer toutes leurs obligations, mais cela aurait
été vraiment leur faire part de notre respect pour leur
professionnalisme que de les mentionner et, pourquoi pas, de cataloguer tous
les pouvoirs et les obligations qu'ils peuvent avoir eux aussi dans une
école. En tout cas, je caresse avec vous l'espoir que tout va s'arranger
pour le mieux et que les parents vont faire bonne équipe avec les
professeurs pour le plus grand bien de nos enfants. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le
député de Saint-Henri. Sur ce, au nom de tous les membres de la
commission, je remercie Mme Bérubé et M. Myette de leur
intéressante intervention au cours de nos débats.
J'invite maintenant les représentants de la commission scolaire
des Mille-Îles à bien vouloir s'approcher de la table des
invités. Pendant qu'ils s'installeront, nous pourrons suspendre nos
travaux pour tout au plus une minute.
(Suspension de la séance à 16 h 51)
(Reprise de la séance à 16 h 52)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît! Les représentants de la commission scolaire des
Mille-Îles ont eu le temps de prendre place à la table des
invités. Je les invite donc à s'identifier d'abord et, ensuite,
à nous livrer le contenu de leur mémoire en une vingtaine de
minutes.
Commission scolaire des Mille-Îles
M. Miller (Norman): M. le Président, M. le ministre, Mmes
et MM. les députés, mon nom est Norman Miller. Je suis le
président de la commission scolaire des Mille-Îles. Je suis
accompagné, à ma gauche, par M. Claude Potvin, qui est le
directeur général de la commission scolaire des Mille-Îles.
Il y a aussi quatorze commissaires de la commission scolaire des
Mille-Îles qui m'accompagnent et qui ont pris place dans la salle
derrière moi.
Avant de commencer l'exposé de notre mémoire, je
désire céder la parole au directeur général qui
vous fera, à vol d'oiseau, l'historique de ce qu'est la commission
scolaire des Mille-Îles. M. Potvin.
M. Potvin (Claude): Pour le bénéfice des membres de
la commission parlementaire, je voudrais simplement rappeler que la commission
scolaire des Mille-Îles est une commission scolaire
intégrée et ce, depuis 1972, qu'elle dispense l'enseignement
primaire et secondaire à une clientèle francophone et anglophone.
Pour la clientèle anglophone, il y a une particularité: nous
n'offrons l'enseignement secondaire qu'aux élèves du premier
cycle. Nos élèves du second cycle anglophones fréquentent
par entente la commission scolaire Laurenval pour certains et, pour d'autres,
la commission scolaire Chomedey de Laval. Contrairement à nos
prédécesseurs, nous sommes privilégiés dans le sens
que c'est un territoire concentré d'est en ouest d'au plus quinze
kilomètres et nord-sud de onze kilomètres.
Géographiquement parlant, nous couvrons plus d'une
municipalité. D'abord, à Laval, il y a quelques quartiers de
l'île Jésus qui font partie de la commission scolaire des
Mille-Îles, à savoir Fabreville, Sainte-Rose, Auteuil et Vimont.
Par ailleurs, nous allons également chercher de la clientèle sur
ce qu'on appelle la rive nord, de l'autre côté de la
rivière des Mille-Îles. Là, on s'adresse à des
élèves des municipalités suivantes: Rosemère,
Lorraine, Bois-des-Filion et Saint-Louis-de-Terrebonne est.
Notre commission scolaire ayant quelques 17 000 élèves, il
y a donc 19 quartiers électoraux. Nos précédesseurs
disaient qu'ils envoyaient quelques 50 000 comptes de taxe. Nous rejoignons 32
000 foyers. Il y a 35 écoles sur le territoire de notre commission
scolaire dont la clientèle se répartit de la façon
suivante: 1590 élèves qui sont du niveau préscolaire - on
remarque qu'au cours des prochaines années cette clientère aura
tendance à augmenter - 9073 élèves qui sont de niveau
primaire, alors que 7054 élèves sont de niveau secondaire, pour
un total de 17 717 élèves.
Afin d'offrir des services de qualité à l'ensemble de ces
élèves, nous avons 934 postes d'enseignants. Bien sûr, cela
peut supposer au-delà de 980 enseignants, puisqu'on en a qui travaillent
à temps partiel. Comme personnel de soutien administratif et technique,
quelque 445 employés pour un total de 1379 employés
réguliers à la commission scolaire des Mille-Îles.
M. Miller: M. le Président, de toute évidence, la
commission scolaire des Mille-Îles tient à sauvegarder des
principes fondamentaux dans l'essence même d'une loi qui vise une
éventuelle restructuration scolaire. Qu'il suffise de mentionner que la
loi devra garantir que la commission scolaire demeurera un gouvernement local
répondant de son administration à l'ensemble de la population;
que la loi devra définir très clairement l'étendue des
pouvoirs réels et distincts consentis à chacune des instances;
que la loi devra dissiper toute ambiguïté quant à la
juridiction de la commission scolaire sur chacune de ses écoles; que la
loi devra répondre aux aspirations de la commission scolaire en tant
qu'entité responsable de l'éducation sur son territoire
juridictionnel; que la loi devra garantir que la commission scolaire pourra
continuer à assumer pleinement ses devoirs et responsabilités en
matière de réforme pédagogique; que la loi devra garantir,
sinon consolider, les acquis des lois 30 et 71 relativement à la
participation des parents.
C'est pourquoi la commission scolaire des Mille-Îles croit qu'elle
se doit de réagir à ce projet de réforme scolaire, ne
serait-ce que parce qu'elle s'est toujours impliquée dans le processus
d'évolution et de développement de l'éducation dans la
province de Québec. Nous nous attarderons, entre autres, aux chapitres
traitant de la gestion des activités éducatives, de la gestion
des ressources humaines, de la gestion des ressources matérielles, de la
gestion des ressources financières et, finalement, du mode
d'élection des commissaires d'écoles.
À notre avis, M. le Président, Mmes et MM. les membres de
la commission parlementaire, le projet de loi 40 propose une
décentralisation vers l'école de plusieurs attributions
dévolues actuellement à la commission scolaire. Il précise
les rôles de l'école à l'égard de la
communauté, il augmente la marge de manoeuvre de l'école en
rendant le conseil d'école décisionnel sur plusieurs aspects de
l'organisation scolaire.
La commission scolaire des Milles-Îles a été et est
toujours pour une autonomie toujours plus grande des milieux-écoles.
Cependant, même si ce projet de loi nous laisse entrevoir une
libéralisation du système scolaire, il faut se garder de conclure
hâtivement car certains articles qui affirment des droits nouveaux pour
l'école sont très souvent tempérés, sinon
carrément niés, par d'autres articles. À titre d'exemple,
permettez-nous de souligner le premier alinéa de l'article 18 qui est
restreint par le deuxième alinéa de ce même article, de
même que par l'article 209 du projet de loi 40.
De plus, ce qui est affirmé à l'article 28 crée une
ambiguïté gênante lorsque comparé au texte de
l'article 137. Pour la commission scolaire des Mille-Îles, il pourrait
même y avoir danger que la situation de la responsabilisation de
l'école devienne plus légaliste que participative dans le
vécu quotidien, surtout si la loi génère des
ambiguïtés qui risquent d'amener les partenaires éducatifs
devant les tribunaux plutôt qu'autour d'une table de concertation.
Cependant, puisque le gouvernement semble déterminé
à aller de l'avant avec sa législation, il est du devoir de la
commission scolaire des Mille-Îles d'indiquer à M. le ministre les
principaux changements qu'elle juge nécessaires afin de rendre sa loi la
plus acceptable possible dans les circonstances.
La gestion des activités éducatives. L'action
éducative de l'enseignement primaire et secondaire public comprend
l'ensemble des services éducatifs clairement exprimés dans les
règlements concernant les régimes pédagogiques du
préscolaire, du primaire et du secondaire. Il nous apparaît que le
contenu du projet de loi 40 sur le sujet est acceptable, mais la dimension
opérationnelle, soit la gestion, de ces activités
éducatives nous apparaît ambiguë â cause de
l'insuffisance des moyens que la loi met à la
disposition de la commission scolaire pour lui permettre d'exercer son
rôle, ainsi qu'en témoignent les premiers alinéas des
articles 99 et 199. (17 heures)
Mais là ne s'arrête pas l'ambiguïté dans le
vécu quotidien de la gestion des activités éducatives. En
examinant, l'un à la suite des autres, les articles 94 et 207 du projet
de loi, de même que les articles 7 et 22 des règlements concernant
respectivement les régimes pédagogiques du préscolaire, du
primaire et du secondaire, comment la commission scolaire va-t-elle exercer son
devoir de surveillance et de contrôle?
La section V du chapitre IV dénote une tentative très
timide de situer la commission scolaire entre l'école et le
ministère en matière de gestion des activités
éducatives. Et si la loi lui accorde des pouvoirs réels, elle est
très avare quant aux moyens qu'elle lui donne pour les exercer.
C'est pourquoi, tout en se disant d'accord avec la répartition
des pouvoirs entre l'école et la commission scolaire que la loi
établit en regard de la gestion des activités éducatives,
la commission scolaire des Mille-Îles réclame du ministre de
l'Éducation qu'il amende son projet de loi afin d'accorder aux
commissions scolaires des moyens d'intervention efficaces pour leur permettre
de jouer adéquatement leur rôle de supervision et,
éventuellement, de contrôle.
La gestion des ressources humaines. Dans ce domaine, il nous semble y
avoir une ambiguïté ou, tout au moins, un réel
problème de gestion entre l'article 120 et l'article 219. La commission
scolaire des Mille-Îles est d'accord avec le fait que chaque école
élabore son plan d'effectifs. Toutefois, afin d'éviter les
problèmes qu'elle anticipe, la commission scolaire des Mille-Îles
recommande au ministre de préciser que ce plan d'effectifs doit
s'élaborer à l'intérieur des paramètres
budgétaires déterminés par le commission scolaire. Pour
être cohérente avec cette recommandation, la commission scolaire
recommande également au ministre de biffer le deuxième paragraphe
de l'article 119.
Examinons donc maintenant les dispositions relatives à
l'engagement, la résiliation du mandat et le congédiement du
directeur d'école. Là encore, il existe une ambiguïté
à dissiper entre le pouvoir de recommandation du conseil d'école,
qui est presque un pouvoir de décision, et les devoirs et
responsabilités de la commission scolaire. Comment une commission
scolaire peut-elle être contrainte d'engager une personne ayant fait
l'objet d'une recommandation - je vous réfère à l'article
221, deuxième alinéa -alors qu'elle n'est pas tenue d'engager une
personne qui ne lui convient pas? Je vous réfère alors à
l'article 224. Qui aura le dernier mot: le conseil d'école, selon
l'article 82, ou le conseil d'administration de la commission scolaire, selon
l'article 219 du projet de loi 40?
Quant à la résiliation du mandat accordé au
directeur d'école, nous observons, à la lecture de l'article 83,
que le conseil d'école semble détenir le pouvoir
décisionnel du non-renouvellement du mandat. Cependant, l'article 84
transforme ce pouvoir décisionnel en un pouvoir de recommandation
à la commission scolaire. N'est-il pas réaliste d'affirmer que
cette innovation consistant à effectuer une gestion de personnel de
cadre par une autorité bicéphale (soit le conseil d'école
à l'engagement et la commission scolaire au congédiement) ne peut
que conduire à des situations de surplus de personnel qu'il serait
presque impossible de réaffecter et ce, en référence
à l'article 84 du projet de loi 40?
Nous observons également qu'en cas de résiliation ou de
non-renouvellement du mandat d'un directeur d'école il revient à
la commission scolaire de trouver une affectation nouvelle à l'individu
concerné. Dans une telle situation, quel sera le rôle du
commissaire d'école et du directeur général de la
commission scolaire? Vous trouverez la réponse dans notre tableau; elle
est au centre en noir entre les deux lignes bleues. Qui va soutenir les
coûts financiers d'une telle situation? Est-ce réel de dire que le
conseil d'école prend des décisions et que le conseil
d'administration de la commission scolaire doit prendre les
responsabilités et en subir les conséquences?
Finalement, le projet de loi nous oblige à concilier le contenu
du dernier alinéa de l'article 86 avec celui de l'article 219. N'est-il
pas quelque peu incohérent que le directeur d'école rende compte
de son administration au conseil d'école alors que son employeur est la
commission scolaire?
Compte tenu des remarques précédentes, la commission
scolaire des Mille-Îles vous recommande, M. le ministre, de modifier
l'article 86 de façon à rétablir un lien
hiérarchique entre le directeur d'école et le directeur
général de la commission scolaire. Cependant, un certain nombre
de commissaires ayant exprimé une dissidence à ce sujet, nous
vous référons à l'annexe À que nous avons jointe
à notre mémoire comme position minoritaire.
Gestion des ressources matérielles. Dans ce domaine, à la
suite d'une idée généreuse contenue dans le projet de loi
40, l'école hérite de la responsabilité des biens mis
à sa disposition par la commission scolaire et en détermine
l'utilisation. Cependant, la commission scolaire garde la responsabilité
de l'administration des biens dont elle est propriétaire.
Nonobstant l'importance qu'on veut bien accorder à cette
situation, il n'en demeure
pas moins que les seuls vrais pouvoirs remis à l'école ne
doivent s'exercer que dans les limites permises par la commission scolaire,
telles que précisées, aux articles 124, 125 et 126 du projet de
loi 40.
Sauf pour un article, le contenu du projet de loi 40 n'apportera aucune
modification majeure à notre vécu quotidien dans ce domaine
à la commission scolaire des Mille-Iles. En effet, l'article 124 vient,
à notre avis, introduire, d'une part, plus de lourdeur administrative au
niveau des écoles et, d'autre part, la possibilité d'attitudes
fort différentes et possiblement inéquitables d'une école
à l'autre face aux besoins des milieux en regard de l'accès aux
locaux.
De plus, la commission scolaire des Mille-Îles s'interroge sur la
cohérence qu'il y a entre, d'une part, le contenu de l'article 124 et,
d'autre part, la politique du loisir du gouvernement du Québec qui fait
de la municipalité le maître d'oeuvre en cette matière.
Comment concilier les deux politiques gouvernementales concernant
l'accès de la population aux locaux? Le législateur est-il
conscient de la réticence de certaines écoles face à cette
responsabilité supplémentaire?
En conséquence, la commission scolaire des Mille-Îles vous
recommande, M. le ministre, d'amender l'article 124 en biffant les mots "si
l'entente est faite pour plus d'un an". Ici encore, une position minoritaire a
été exprimée à ce sujet par certains membres de
notre conseil des commissaires et nous avons joint cette position minoritaire
en annexe B du présent mémoire.
Au plan de la gestion des ressources financières, les
dispositions relatives à la confection du budget de l'école
constituent, aux yeux de la commission scolaire des Mille-Iles, le summum de
l'illusion. En effet, ce qui est stipulé à l'article 127 et
à l'article 129 est annihilé par les articles 236, 238 et
239.
Conformément aux positions de la commission scolaire des
Mille-Iles relativement au partage des pouvoirs et responsabilités entre
l'école et la commission scolaire, la commission scolaire des Mille-Iles
vous recommande, M. le ministre: le de préciser que l'article 239 est
préalable à tous les autres en matière de confection du
budget des écoles; 2e d'amender les articles 129 et 236 afin d'accorder
aux écoles la même autonomie en matière de confection du
budget que celle qu'il accorde aux commissions scolaires.
La commission scolaire des Mille-Iles s'est toujours souciée
d'éliminer les écarts lors de l'allocation des ressources
financières dans ses écoles. Il est louable que le projet de loi
ait prévu des mécanismes permettant d'ajouter des ressources
financières au budget de fonctionnement de celles-ci, mais il devrait le
faire dans un souci d'équité.
Toutefois, la possibilité pour une commission scolaire de faire
respecter l'équité entre toutes les écoles nous
apparaît quelque peu cachée dans les dernières lignes de
l'article 130. La commission scolaire des Mille-Îles vous recommande donc
d'établir clairement que la commission scolaire peut utiliser les
revenus provenant de la taxation, entre autres, pour rétablir
l'équité entre ses écoles.
Un excès de centralisation en matière de gestion des
ressources financières est perçu au chapitre V du projet de loi
40, chapitre traitant du ministre de l'Éducation. À titre
d'exemple, citons les articles 300, 301, 302 et 306 du projet de loi 40.
Comment concilier cette centralisation financière entre les mains du
ministre de l'Éducation du Québec, alors que l'objectif du projet
de loi 40 est de faire de l'école le pivot du système
éducatif du Québec?
Compte tenu du fait qu'au niveau des ressources financières
à peu près tout relève de la réglementation
ministérielle la commission scolaire des Mille-Îles recommande au
ministre de l'Éducation de revoir les articles 300 à 309 afin de
déléguer davantage de responsabilités administratives aux
commissions scolaires.
L'élection du commissaire d'école. Rattacher un
commissaire à une école en particulier escamote les principes les
plus élémentaires de démocratie participative. Il ne faut
pas oublier que le rôle du conseil d'administration de la commission
scolaire est de veiller à distribuer équitablement les ressources
dont elle dispose.
Le commissaire élu doit-il représenter les citoyens de son
unité de soutien ou encore la majorité des parents de
l'école qu'il représente? Ce commissaire sera-t-il le
représentant d'une école ou le représentant d'un quartier?
Aura-t-il les pouvoirs d'émettre son opinion personnelle ou ne sera-t-il
que la courroie de transmission des volontés du conseil d'école?
Quelle sera sa position sur un sujet intéressant le bien-être
général de la population du territoire, s'il sait pertinemment
que les membres de son conseil d'école s'y opposent? Et s'il choisit de
n'être que la courroie de transmission, ne risquons-nous pas une
paralysie totale du conseil d'administration de la commission scolaire, chacune
de ses constituantes n'agissant que pour l'intérêt de son propre
conseil d'école? Dans notre langage quotidien, nous appelons cela notre
esprit de clocher.
Afin d'enrayer ces difficultés, la commission scolaire des
Mille-Îles vous recommande, M. le ministre, premièrement, de
maintenir le principe d'un commissaire élu au suffrage universel pour un
quartier donné et délégué directement à la
commission scolaire; deuxièmement, de proposer des modalités
permettant ou favorisant les
communications entre le commissaire et les conseils d'école;
troisièmement, d'assurer une représentation significative des
parents au conseil d'administration.
En conclusion, M. le Président, Mmes et MM. les membres de la
commission parlementaire, la commission scolaire des Mille-Îles est
prête à poursuivre son implication afin d'améliorer la
qualité du système éducatif au Québec, mais elle
doute sérieusement que le projet de loi 40, dans sa version actuelle,
vienne apporter les solutions aux problèmes énoncés dans
le livre blanc. La commission scolaire des Mille-Îles croit plutôt
que le ministre de l'Éducation aurait tout intérêt à
consolider la réforme pédagogique entreprise, gage d'une plus
grande qualité des services éducatifs, avant de s'engager dans
une restructuration qui, a priori, n'offre aucune garantie quant aux
retombées positives auprès des élèves de la
province de Québec.
La commission scolaire des Mille-Îles souscrit à l'objectif
d'une plus grande participation des parents, mais elle ne peut accepter que le
ministre leur promette des pouvoirs illusoires qui
dégénéreront en luttes continuelles et contribueront
à politiser davantage notre milieu-école.
La commission scolaire des Mille-Îles souscrit à une
réelle décentralisation des pouvoirs et de la gestion du
ministère de l'Éducation du Québec vers les commissions
scolaires et de celles-ci vers les écoles, mais la commission scolaire
des Mille-Îles se rend compte que, par ce projet de loi, le
ministère de l'Éducation ne fait que donner l'illusion d'une
décentralisation vers les commissions scolaires et donne l'impression de
décentraliser vers les écoles, mais, en fait, tient bien ferme
à toutes les règles du jeu.
Il est, par conséquent, impératif, M. le ministre, pour la
commission scolaire des Mille-Îles, que vous dissipiez franchement toutes
les ambiguïtés que renferme votre projet de loi dans le sens des
principes que nous avons émis tout au long de notre mémoire.
Dans un contexte économique extrêmement difficile, la
commission scolaire des Mille-Îles souscrit à des programmes ou
à des réformes que propose le gouvernement du Québec afin
de diminuer le fardeau fiscal de ses contribuables. La commission scolaire des
Mille-Îles ne peut tolérer qu'une réforme scolaire d'une
telle envergure soit proposée sans que l'ensemble des
Québécois soit au courant des coûts réels à
court, moyen et long terme.
La commission scolaire des Mille-Îles souscrit à
l'intégration des commissions scolaires dans tout le Québec, mais
ne peut admettre que son territoire juridictionnel soit diminué
unilatéralement alors que, dès 1972, elle a fait l'effort
d'intégrer ses constituantes.
La commission scolaire des Mille-Îles souscrit à des
changements qui amélioreront l'acte éducatif, mais ne peut
souscrire au projet de loi 40 actuel puisqu'il n'offre pas les garanties d'une
amélioration certaine.
La commission scolaire des Mille-Îles souscrit, bien sûr, au
suffrage universel, mais ne peut admettre le tiraillement qui animera le
commissaire élu détenant un mandat de l'électorat,
siégeant à un conseil d'administration tout en étant
également délégué d'un conseil d'école.
L'administrateur élu doit détenir un mandat clair et le
projet de loi le place dans une position inconfortable. (17 h 15)
La commission scolaire des Mille-Îles souscrit aux
éléments suivants de l'actuel projet de loi 40: le la proposition
de commissions scolaires unifiées sur une base linguistique; 2e le
régime d'option entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral;
3e l'abandon de l'idée de corporation-école.
M. le Président, Mesdames et Messieurs les membres de la
commission parlementaire, ces divers points d'accord avec la loi ne doivent pas
vous faire oublier les recommandations que nous avons faites tout au long de ce
mémoire. Des amendements sont possibles alors.
M. le Président, si vous me permettez une légère
parenthèse relativement au redécoupage du territoire, M. Potvin
va vous exposer la situation en deux minutes.
Le Président (M. Blouin): M. Miller, vous avez
déjà consacré au-delà de 20 minutes à votre
présentation. Nous avions tous bien compris l'esprit de la
procédure que nous devons suivre assez rigoureusement. S'il s'agit d'un
autre volet qui entamera une partie du temps qui vous est
réservé, ce sera difficile de pouvoir procéder à
cette présentation. Je vous demanderais plutôt, en une ou deux
minutes, d'en résumer les grandes lignes et, ensuite, nous
procéderons aux échanges avec les membres de la commission.
M. Miller: C'est ce que nous ferons, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. Miller: M.
Potvin.
M. Potvin: Le volet qui est inhérent au projet de loi 40
et qui touche particulièrement la commission scolaire des
Mille-Îles, c'est le redécoupage du territoire. Comme je l'ai
exposé au tout début, notre commission se situe à la fois
sur le territoire de la ville de Laval et sur celui de quelques
municipalités au nord. J'aimerais faire part aux membres de la
commission parlementaire du contenu de la résolution no 110 que le
conseil des commissaires a adoptée récemment.
Brièvement, il est dit ceci: "Attendu que le projet du ministère
quant au découpage du territoire des commissions scolaires de
l'île de Montréal... Il est prévu là que des
commissions scolaires de 30 000 élèves et plus pourront exister;
attendu que la commission scolaire des Mille-Îles a une infrastructure
requise pour accueillir au-delà de 25 000 élèves; attendu
que le nombre d'élèves sur le territoire de Laval ne semble pas
justifier la création de trois commissions scolaires; attendu la
démarcation que représente l'autoroute 440 - pour ceux qui sont
familiers avec l'île Jésus, l'autoroute 440 divise l'île en
deux parties, de l'est à l'ouest, donc une partie au nord et une partie
au sud - attendu que l'article 189 du projet de loi 40 implique qu'il est
possible que le territoire d'une commission scolaire touche ou englobe le
territoire de plus d'une MRC; attendu la volonté clairement
exprimée par les milieux de Vimont, un des quartiers de Laval, de
maintenir leur appartenance à la commission scolaire des
Mille-Îles; attendu que la commission scolaire des Mille-Îles
considère important de respecter la volonté des milieux - on sait
que les divers milieux de la rive nord, particulièrement
Rosemère, Lorraine, Bois-des-Filion et Saint-Louis-de-Terrebonne se sont
exprimés tour à tour -attendu l'absence de consensus des milieux
de la rive nord quant à leur appartenance à une commission
scolaire, il a donc été proposé et résolu à
l'unanimité que les attendus dont j'ai fait part fassent partie de la
résolution, que le territoire de Laval soit divisé en deux
commissions scolaires et que l'autoroute 440 et ses prolongements soient la
démarcation entre les deux territoires juridictionnels; que le voeu des
milieux de la rive nord quant à leur appartenance à une
commission scolaire soit respecté lors de la détermination
définitive du territoire de la commission scolaire.
Le Président (M. Blouin): Merci.
M. Miller: Nous vous remercions, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Miller. Merci, M.
Potvin. M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord saluer le
président de la commission scolaire, les quatorze commissaires qui
l'accompagnent, ainsi que le directeur général et les remercier
de l'intérêt qu'ils portent aux travaux de la commission. Je veux
aussi les féliciter pour l'étude attentive qu'ils ont faite du
projet de loi.
Je note avec plaisir les convergences qui existent entre leurs positions
et celles du projet de loi: par exemple, la revalorisation ou la valorisation
plus grande de l'école, la décentralisation vers l'école,
l'autonomie plus grande de l'école, l'intégration des deux
niveaux d'enseignement, primaire et secondaire, les commissions scolaires
linguistiques et l'aménagement confessionnel qui tienne davantage compte
de la diversité et du pluralisme croissant de notre
société.
Je voudrais leur dire, en passant, que, pour le territoire, nous avons
encore quelques mois pour procéder aux consultations nécessaires.
Je veux vous assurer que nous sommes prêts à étudier avec
attention la recommandation que vous nous soumettez cet après-midi et
qu'on procédera à des rencontres et à des échanges,
parce que la solution que nous visons se veut la plus rationnelle et la plus
efficace possible.
Votre objection est beaucoup plus de l'ordre des moyens que de l'ordre
de la répartition des pouvoirs puisque vous avouez, au début de
votre mémoire, que vous êtes d'accord avec la répartition
des pouvoirs entre commissions scolaires et écoles. C'est bien de cela,
je pense, qu'il convient de parler.
Disons, en passant, que les pouvoirs qui sont accordés aux
parents dans le conseil d'école, même si vous les qualifiez
d'illusoires, ont paru, à certains en tout cas, assez importants pour
justifier une opposition farouche aux pouvoirs qui sont accordés aux
parents. Pour ma part, je ne pense pas qu'ils soient illusoires, je ne pense
pas, non plus, qu'ils soient impérialistes au point qu'ils menacent les
positions retranchées qu'occupent certains autres intervenants du
système scolaire.
Une remarque générale. Vous dites que les droits
accordés à l'école sont niés par d'autres articles
qui accordent des droits à la commmission scolaire. Je ne sais pas si
c'est le mot qui convient. Je pense que c'est plutôt le mot fonctions ou
responsabilités qu'il faudrait utiliser. Dans notre système
éducatif, il y a divers paliers: le palier gouvernemental, le palier de
la commission scolaire, le palier de l'école. Il est tout à fait
normal qu'à l'intérieur de ce système éducatif la
même grande responsabilité, qui est la mission d'éduquer
nos enfants le mieux possible, soit partagée selon les niveaux: au
gouvernement, les grandes orientations; aux commissions scolaires,
coordination, planification, et aux écoles, l'application des
régimes pédagogiques.
Plutôt que de parler d'opposition de responsabilités ou de
droits, il faudrait parler d'articulation légitime de fonctions, de
responsabilités correspondant chacune au rôle que chacun est le
mieux et le plus capable d'exercer et qui convient le plus à la place
qui est la sienne dans le système. En ce sens, nous avons tenté
dans le projet de loi d'articuler ces fonctions, ces responsabilités de
la façon la plus cohérente, la plus
légitime possible. Comme j'ai eu souvent l'occasion de le dire,
je ne pense pas que notre formulation soit un chef-d'oeuvre, bien sûr,
mais je pense, cependant, que pour l'essentiel elle respecte les fonctions et
responsabilités de chacun des niveaux.
Il reste à parler de la question des moyens que vous avez
soulevée. Vous avez entendu, tout à l'heure, une autre commission
scolaire s'exprimer sur le même sujet. Je pense qu'il était
intéressant que nous entendions à la commission cette opinion,
mais que vous aussi, vous l'entendiez. Au fond, je voudrais vous poser une
question analogue à celle que nous posions à ceux qui vous ont
précédés: Étant donné que vous demandez que
la loi soit amendée afin d'accorder aux commissions scolaires des moyens
d'intervention efficaces pour leur permettre de jouer adéquatement leur
rôle de supervision, étant donné aussi les réponses
qu'avaient accordées vos prédécesseurs quant à ces
modalités d'intervention efficace - par exemple, l'article 90 qui touche
l'école, l'article 137, celui que vous avez souligné, l'article
199, l'article 216, qui montrent d'une façon assez claire, en tout cas,
selon ce qui a été dit, la responsabilité propre de la
commission scolaire articulée à celle qui est confiée
à l'école dans le premier chapitre - cet arrimage ou ces moyens
d'intervention vous apparaissent-ils efficaces pour régler le
problème que vous avez soulevé? Sinon, quels sont les amendements
que vous suggéreriez? Vous nous avez dit que vous n'étiez pas
d'accord sur la formulation du projet de loi. Pourriez-vous aller plus loin et
nous signaler les amendements qui, d'une façon plus précise,
pourraient répondre à vos attentes?
M. Miller: M. le Président, à mon avis, le seul
fait que la commission scolaire des Mille-Îles ait de certains articles
de la loi une interprétation qui diffère de la vôtre, M. le
ministre, et de celle de l'intervenant qui nous a
précédés, soit la commission scolaire des Laurentides,
montre qu'il y a ambiguïté. Ce que nous vous demandons, M. le
ministre, c'est de veiller à déterminer cela de façon
précise pour éviter toute ambiguïté. Vous nous
demandez aujourd'hui de faire un travail assez ardu dans le temps qui nous est
alloué. Toutefois, nous croyons que vous-même, ainsi que votre
personnel êtes en mesure de procéder aux amendements et aux
corrections qui s'imposent. Nous nous sommes exprimés au strict plan du
principe actuellement et nous croyons qu'il y a possibilité
d'amélioration à ce niveau.
M. Laurin: Je voulais vous signaler, par exemple, qu'au niveau de
la répartition des responsabilités quant aux ressources humaines
en ce qui concerne les plans d'effectifs l'article 120 dit qu'il appartient
à l'école de déterminer ses besoins. En vertu d'un autre
article, il appartient à l'école de déterminer ses
prévisions budgétaires. Quand nous reprenons les mêmes
sujets en traitant de la commission scolaire, il me semble qu'il est
très clair que c'est à la commission scolaire d'arbitrer les
prévisions budgétaires qui viennent des écoles et de
prendre la décision finale à cet égard. Cela ne vous
semble-t-il pas assez clair? En quel sens voudriez-vous que ce soit plus clair
encore?
M. Potvin: M. le Président, la clarté de ces
articles ne pose aucun doute. Tantôt, après avoir répondu
à cette première question, j'aimerais plutôt revenir sur
les moyens qui nous semblent ne pas être tellement apparents dans le
projet de loi. Sur les articles dont fait mention le ministre actuellement, ce
que nous disons, ce n'est pas tellement que ce n'est pas clair; on dit qu'on
risque de créer des frustrations dans les milieux parce qu'il est clair
et évident que la somme des plans d'effectifs que soumettront les
écoles à la commission scolaire ne pourra être satisfaite
par celle-ci.
De ce fait, on dit: Pourquoi créer l'illusion à
l'école de pouvoir déterminer son plan d'effectifs quand, en fin
de compte, la commission scolaire n'aura pas les moyens financiers de
répondre à ces demandes? Là-dessus, on dit: Ce n'est pas
tellement que ce n'est pas clair; on dit que cela peut être frustrant
pour le milieu-école.
Là où ce n'est pas clair, c'est au niveau des moyens et,
plus particulièrement, lorsqu'on parle de la gestion en matière
éducative, de la supervision de l'enseignement. Il est clairement dit
dans votre projet de loi, M. le ministre, qu'il appartient à
l'école d'appliquer les régimes pédagogiques, et on en
convient. C'est là que se passe l'action, à l'école. Et il
appartient à l'équipe-école de voir à l'application
des régimes pédagogiques.
Par ailleurs, vous dites un peu plus loin, dans les attributions
dévolues à la commission scolaire, que la commission scolaire
doit veiller à ce que les écoles évaluent, que la
commission scolaire doit veiller à ce que la population ait les services
éducatifs requis. Ce ne sont peut-être pas les termes exacts,
c'est seulement pour aller un peu plus vite. À ce moment, on se pose la
question: Comment fait-on pour veiller à cela si, finalement,
l'application appartient à l'école et surtout si la direction de
l'école doit répondre de son administration à une autre
instance qu'à celle qui s'appelle commission scolaire? Pour nous,
c'était ambigu. Pour nous, cela ne donnait pas à la commission
scolaire les moyens qu'elle devait avoir pour assumer pleinement le rôle
que vous lui définissez dans votre projet de loi.
M. Laurin: On dit bien, à l'article 217, si on le lit
bien, que c'est la responsabilité de la commission scolaire de voir
à ce que les écoles appliquent les lois, les règlements du
gouvernement, du ministre, de la commission scolaire. Il me semble que c'est
très clair comme mission de la commission scolaire, à tous les
plans. (17 h 30)
M. Miller: On ne nie pas cela, M. le ministre. Tout ce qu'on dit,
c'est que - vous nous le dites vous-même et vous semblez d'accord un peu
avec nous par l'attitude physique que vous adoptez; je vous
réfère à cet effet à l'article de tout à
l'heure sur le plan des effectifs - ce serait si simple de le mentionner dans
la loi, que le plan d'effectifs devrait être établi selon les
coordonnées de la commission scolaire. C'est à ce stade que notre
intervention se fait. Au lieu de laisser l'impression à chacune des
écoles qu'elle peut requérir 22 professeurs, un
orthopédagogue, cinq journées-psychologue par semaine, un
professionnel non enseignant pour l'orientation, etc., quand on sait
pertinemment - vous le savez vous aussi, M. le ministre - que nous n'avons pas
les moyens de nous payer de tels services actuellement. Il faut avoir une
justice que je qualifie de "justice distributive". Il faut essayer de
répartir à chacun le maximum de services avec le minimum de
coûts.
M. Laurin: Mais ne croyez-vous pas, M. Miller, quand on dit
à l'article 120 que "ce plan exprime les besoins de l'école", que
les membres du conseil d'école seront assez réalistes pour
savoir, comme tout le monde qui fait des demandes, que leurs besoins ne seront
pas tous satisfaits en raison des contingences ou des contraintes
financières que connaît le système éducatif?
M. Miller: J'en conviens, M. le ministre. C'est une vieille
habitude de notre population d'en demander peut-être un petit peu plus
pour en avoir un petit peu moins, mais il serait peut-être temps de lui
dire qu'il ne faudrait peut-être pas en demander trop pour en avoir un
petit peu moins, et qu'on va essayer d'en répartir un peu à tout
le monde. C'est à ce niveau-là que l'on trouve que le principe
véhiculé par la loi est un peu créateur de tensions
(inutiles).
M. Laurin: De toute façon, par le projet de loi, il est
très clair que c'est la commission scolaire qui a le pouvoir
d'établir les règles et les modalités de
répartition des ressources financières entre les écoles et
d'approuver les budgets, en tenant compte bien sûr, le plus possible des
demandes ou des prévisions qui lui viendront des écoles.
M. Miller: Mais, M. le ministre, ce n'est pas nouveau, non
plus.
M. Laurin: Non.
M. Miller: C'est ce qu'on vit au jour le jour.
M. Laurin: Entre commissions scolaires et gouvernement, oui,
effectivement.
M. Miller: Effectivement.
M. Laurin: Mais je pense qu'il y aura le même
réalisme au niveau des écoles qu'il y a au niveau des commissions
scolaires.
M. Miller: Je l'espère.
M. Potvin: M. le Président...
Le Président (M. Blouin): Oui, M. Potvin.
M. Potvin: ...si vous me permettez de revenir sur l'article 217,
puisque le ministre lui-même l'a soulevé, à notre avis,
l'article 217 est un peu la peine capitale. C'est la mise en tutelle. Entre
cela et d'autres moyens qui pourraient s'appliquer, il me semble qu'il y a une
marge.
M. Laurin: Après que tous les mécanismes
prévus à l'article 217 ont été mis en oeuvre - il y
en a plusieurs - lorsque, devant une incompétence ou une
négligence ou une mauvaise volonté, l'article 217 dit qu'il faut
en arriver à la mise en tutelle, je pense que nous obéissons
à la règle usuelle dans nos sociétés. Est-ce que
vous vous opposez à cette règle ou en auriez-vous une autre
à proposer en dernier ressort, j'entends bien?
M. Miller: On ne s'oppose pas comme tel à une telle
règle, M. le ministre. Toutefois, on espère ne jamais avoir
à l'utiliser.
M. Laurin: De même que le ministre espère toujours
ne jamais avoir à utiliser l'article de la Loi sur l'instruction
publique qui l'amène à mettre en tutelle une commission scolaire.
Cela n'arrive pas souvent, non plus.
M. Miller: Je l'espère, encore une fois.
Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci, M. le ministre.
Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
et féliciter les représentants de la commission scolaire des
Mille-Iles pour leur mémoire qui s'est attardé à des
points très précis afin de mettre en lumière des
problèmes de situations conflictuelles, par exemple, qui
pourraient survenir à la suite de l'incohérence de
certains articles. À l'égard de plusieurs points, je pense que
vous l'avez bien fait.
Avant de passer à des questions plus précises, je voudrais
reprendre le commentaire du ministre quand il dit qu'il y a des points de
convergence et des points de divergence. À la lecture que je fais de
votre mémoire, les points de convergence sont plutôt rares. J'ai
plutôt l'impression d'une commission scolaire qui dit: S'il fallait que
cette loi passe, essayons qu'elle soit la moins mauvaise possible.
À partir de cela, vous faites certaines recommandations. Pour ne
pas interpréter votre mémoire, je vais en lire un passage, plus
précisément le premier paragraphe de la conclusion: "La
commission scolaire des Mille-Îles est prête à poursuivre
son implication afin d'améliorer la qualité du système
éducatif au Québec, mais elle doute sérieusement que le
projet de loi 40 dans sa version actuelle vienne apporter des solutions aux
problèmes énoncés dans le livre blanc. La commission
scolaire des Mille-Îles croit plutôt que le ministre de
l'Éducation aurait tout intérêt à consolider la
réforme pédagogique entreprise, gage d'une plus grande
qualité des services éducatifs, avant de s'engager dans une
restructuration qui, a priori, n'offre aucune garantie quant aux
retombées positives auprès des élèves du
Québec."
Ce n'est pas mon interprétation de votre mémoire; c'est ce
que vous dites. Cela me semble signifier que vous avez des réserves
très sérieuses vis-à-vis du projet de loi.
Évidemment, le ministre a développé une habitude ou une
attitude - c'est de bonne guerre - de toujours interpréter comme un
support même ce qui n'en est pas un.
Sur ce point précis que vous apportez, sans faire une longue
lecture, je regardais l'Argus, qui est le résumé des articles
politiques qu'on nous distribue chaque jour. Il se trouve peu de
journées où on ne retrouve pas, dans la grande presse, des
articles, justement, où on se pose de sérieuses questions quant
au projet de restructuration du ministre. On se demande si c'est vraiment
là les priorités en éducation. Sans avoir tout lu, j'en ai
vu deux, aujourd'hui, et je vais vous les lire. Il y en a un qui est un
témoignage de l'ex-ministre Louis O'Neil, qui est un ancien
collègue du ministre de l'Éducation, et je le cite: "La loi 40 de
Laurin, quelle sorte de réforme ça va faire sans les enseignants,
les commissions scolaires et même les parents qui ne veulent pas des
pouvoirs qu'on veut leur donner? Qu'est-ce que c'est que ce besoin de
réformer, de faire du bien? Tout est axé sur les structures,
dit-il encore, alors que nous avons des problèmes de français, de
pédagogie, de professeurs, etc." Je pense qu'il se pose la même
question que vous.
Un peu plus loin, l'éditorialiste Roger Bellefeuille sous le
titre: L'école des exclus, dit, en parlant des décrocheurs - et
je ne lis qu'un paragraphe, mais vous pouvez lire tout l'article du Soleil du
mardi 31 janvier -"Pour l'heure, le Québec n'a aucunement besoin de
grandes réformes structurelles et de nouveaux partages de pouvoirs entre
les divers agents de l'éducation. Les énergies et les talents
doivent être utilisés à d'autres sauces. La
société a beaucoup investi déjà dans la formation
de son personnel enseignant et dans la mise en place d'infrastructures
scolaires. Ce qui importe avant tout, c'est l'émergence d'une
véritable mobilisation de ces mêmes ressources afin de mieux
adapter et utiliser le patrimoine en fonction des réels besoins
d'aujourd'hui." Il a écrit ces commentaires à la suite de la
déclaration du ministre de l'Éducation qui disait: "Je me donne
six ans pour régler le problème des décrocheurs."
M. le Président, quand j'ai vu cela, je me suis dit: C'est
incroyable. Cela fait huit ans qu'il est au pouvoir, cela fait huit ans qu'on
lui en parle et il se donne six ans pour régler le problème des
décrocheurs, tout à coup, en pleine commission parlementaire sur
un projet de loi qui vise à chambarder le domaine de l'éducation.
On a observé, depuis quelque temps, à toutes les semaines, que le
ministre nous annonce, tout à coup, qu'il a mis sur pied un
comité spécial qui va étudier les problèmes des
milieux défavorisés, un comité spécial qui va
étudier les problèmes de l'intégration des immigrants.
Maintenant, il se donne six ans pour régler le problème des
décrocheurs. Est-ce que le ministre tente de faire, auprès de
l'opinion publique, deux opérations parallèles? En même
temps qu'il demande à la population de s'embarquer dans une
opération énorme de brassage de structures, de remaniement de
territoires, de réaffectation de personnel, à côté,
il se donne des airs de grand pédagogue en présentant un projet
spécial pour les décrocheurs, un projet spécial pour les
immigrants en difficulté d'intégration. M. le Président,
je pense que la vérité, c'est que le ministre devrait
probablement, comme les gens le lui demandent en très grand nombre,
retirer son projet de loi ou le repartir sur un fondement beaucoup plus solide,
en embrassant moins de dimensions à la fois qui vont perturber le
système scolaire pour plusieurs années à venir.
Ceci étant dit, ce qui m'apparaît le point le plus
intéressant dans les remarques que vous avez faites - évidemment,
vous n'avez pas touché à tous les points - c'est justement de
mettre en lumière toutes les situations conflictuelles qui vont
naître de ce projet de loi, s'il est appliqué tel quel. Vous avez
parlé tout à l'heure avec le ministre de la question des
effectifs. On
pourrait parler également du budget. On se souvient de la
procession des commissions scolaires pour aller faire accepter leur budget par
le ministère de l'Éducation. Maintenant, on demandera à X
écoles de faire ce même processus devant la commission scolaire
qui, elle, n'aura pas plus de moyens qu'avant pour satisfaire les demandes
budgétaires des écoles à qui on a fait miroiter que,
désormais, elles établiraient leur budget en fonction de leurs
besoins. Je pense que vous avez relevé un grand nombre de ces
choses.
Ce qui est inquiétant dans le projet de loi du ministre, ce sont,
justement, ces situations de conflit qu'il va créer; il en créera
aussi sur le plan de la confessionnalité. Je vous remercie de nous avoir
indiqué d'une façon précise, du moins dans certains
domaines, ces situations qui n'amélioreront pas le système
d'éducation, mais qui en feront un endroit de tensions encore plus
grandes que celles qu'on a connues. Si on superpose à celles qui seront
créées par le projet de loi celles qui sont déjà
existantes et la recherche constante d'un consensus à l'intérieur
des écoles, à l'intérieur des commissions scolaires,
à l'intérieur des communautés, à l'intérieur
des municipalités pour s'entendre sur certains objectifs et la
façon d'y arriver, on peut se demander à quoi va aboutir toute
cette opération si on doit procéder tel que le ministre le laisse
entendre par le projet de loi 40.
Aux articles 300 et 309 - c'est la seule question que je vous poserai
parce qu'elle m'apparaît importante - vous demandez une
délégation de pouvoirs plus grande aux commissions scolaires.
Quelles sont les pouvoirs que vous voudriez voir augmenter pour les commissions
scolaires?
Le Président (M. Blouin): M. Potvin.
M. Potvin: Mme la députée, ce qui est
demandé dans le mémoire, ce n'est pas tellement une plus grande
délégation de pouvoirs vers les commissions scolaires. Le
gouvernement veut, par son projet de loi 40, faire de l'école le pivot
et décentraliser des pouvoirs vers les commissions scolaires ou vers les
écoles. On dit que le projet de loi ne change en rien ce que le ministre
a déjà comme pouvoirs. On ne dit pas qu'il s'arroge de nouveaux
pouvoirs, mais ces pouvoirs, il les avait avant. S'il veut vraiment
décentraliser vers les écoles et les commissions scolaires, il y
a peut-être un effort, à ce moment-là, de
décentraliser vers les commissions scolaires et de ne pas maintenir les
pouvoirs qu'il a. On ne dit pas qu'il en a de nouveaux ou qu'il s'arroge des
pouvoirs, sauf qu'il les a et qu'il les maintient.
Mme Lavoie-Roux: Oui. En fait, l'endroit précis où
je vous référais, c'était à la page 15 où
vous dites: "La commission scolaire des Mille-Iles recommande au ministre de
revoir les articles 300 à 309 afin de déléguer davantage
de responsabilités administratives aux commissions scolaires." Je pense
que vous avez raison de dire - en tout cas, c'est le discours que le ministre a
tenu - qu'il ne s'arroge pas davantage de pouvoirs mais que, par contre, il ne
décentralise aucun de ceux qu'il a présentement, sauf qu'il met
dans le projet de loi beaucoup de pouvoirs qu'il s'arrogeait à partir de
règlements, de directives, etc. Maintenant, ils sont inscrits dans le
projet de loi 40. Mais, en vertu des articles 300 à 309, vous demandez
une révision générale, j'imagine, pour voir ce qui
pourrait être délégué aux commissions scolaires et
qui leur permettrait peut-être de déléguer d'une
façon plus claire aux écoles. Qu'est-ce que c'est, l'objectif que
vous poursuivez? (17 h 45)
M. Potvin: Effectivement, la commission scolaire n'a pas fait
l'exercice d'imagination pour voir quels sont les pouvoirs que le ministre
pourrait déléguer par l'adoption du projet de loi 40 ou d'un
autre. On dit simplement au ministre de l'Éducation: Vous avez
actuellement des pouvoirs. Vous voulez - je le répète
-décentraliser. Vous voulez faire de l'école le pivot. Les
pouvoirs que vous avez, vous pourriez peut-être jeter du lest et en
laisser aux commissions scolaires qui, elles, vont faire les exercices
d'imagination qu'il faut pour déléguer et déconcentrer.
Là-dessus, on a des exemples bien précis qui sont signalés
dans le mémoire qu'on vous a présenté, au niveau, par
exemple, de la décentralisation des budgets de fonctionnement et
d'immobilisation. L'école a le pouvoir de décider ce qu'elle veut
faire avec les budgets qui sont déconcentrés. Elle a le pouvoir
de décision, tant au niveau du fonctionnement que de l'immobilisation.
C'est quelque chose que les commissions scolaires sont capables de faire
à l'intérieur des limites des pouvoirs qu'elles ont. Je pense que
la commission scolaire n'a pas voulu dire au ministre quels sont les pouvoirs
qu'elle pourrait déléguer.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie d'avoir signalé cela. Je
pense que c'est à l'article - j'oublie lequel - où vous faites
état de la possibilité d'inéquité qui pourrait
surgir entre les écoles si on leur laisse l'usufruit. Cela a
été soulevé par la commission scolaire qui vous a
précédés. Cela a été soulevé par
plusieurs commissions scolaires que si les fruits de la location
d'écoles restent aux écoles, compte tenu du fait que les
équipements ne sont pas les mêmes, que la situation
géographique d'une école peut influencer les revenus qu'elle
obtiendrait de
la location d'école. Le ministre n'a jamais réagi à
cela. J'espère qu'il en a pris bonne note, parce que c'est venu de
différents milieux, non seulement de ceux que le ministre juge
être les opposants à son projet de loi. Je vous remercie
beaucoup.
M. Miller: Seulement à ce niveau, Mme la
députée de L'Acadie, il peut arriver des décalages
importants entre chacune des écoles. Par exemple, dans une grande
polyvalente regroupant 2000 enfants, il est très clair que les locaux,
vu la grandeur, sont mis à la disposition du public d'une façon
plus grande que dans une petite école primaire où il y a
peut-être une quinzaine de classes. À ce moment-là, nous
croyons, à la commission scolaire des Mille-Îles, qu'il y a une
inéquité flagrante relativement aux revenus qui peuvent
être tirés de ces équipements.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de L'Acadie.
M. le député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. D'abord, il me
fait plaisir de saluer les représentants de la commission scolaire des
Mille-Îles qui dessert une bonne partie du territoire du comté de
Fabre. Il me fait plaisir également de souligner que j'ai deux enfants
qui fréquentent une des écoles de la commission scolaire. Je veux
féliciter la commission scolaire de la qualité de son
mémoire et aussi de nous avoir fait part de la position d'un certain
nombre de commissaires dissidents.
Avant de poser quelques questions aux représentants de la
commission scolaire, j'ai quelques remarques à faire sur le fond de
votre mémoire. Cela rejoint jusqu'à un certain point ce que
disait Mme la députée de L'Acadie. Cela me semble important,
parce que ce qui me frappe dans votre mémoire, c'est que vous insistez
beaucoup sur la confusion et sur l'ambiguïté de certains articles.
Sur le fond, votre position rejoint en gros celle de la
Fédération des commissions scolaires. Si vous n'êtes pas
d'accord, vous pourrez le dire tout à l'heure, mais il me semble que
vous rejoignez, en gros, la position de la Fédération des
commissions scolaires, avec certaines nuances que je mentionnerai. Mais vous
faites peu de cas, à mon sens, de l'implication du milieu-école.
Vous ne parlez pas du projet éducatif, de son impact sur le vécu
de l'école. Vous parlez peu d'éducation, finalement.
Vous réduisez la réforme, tout comme l'Opposition le fait,
à une réforme de structures. Alors, à quoi cela sert-il de
faire une réforme de structures alors que dans le milieu, au niveau des
parents et des enseignants, on réclame une amélioration du
vécu, des conditions d'exercice de la pédagogie? Pourtant, dans
notre idée, il n'y a pas contradiction. Les deux se rejoignent. Si on
veut décentraliser au niveau de l'école, c'est
précisément pour mieux rejoindre le milieu et permettre au milieu
de se prendre en main. Si on veut que nos écoles soient de meilleure
qualité et que l'école elle-même réponde davantage
aux besoins des enfants, il me semble qu'il est important que le milieu,
c'est-à-dire les parents, les enseignants et les professionnels, agisse
et ait un certain nombre de pouvoirs de décision au niveau de
l'école. Donc, c'est beaucoup plus qu'une réforme de structures;
c'est une réforme qui rejoint la réforme pédagogique
elle-même. Vous ne faites absolument aucun cas de cet esprit qui anime le
projet de loi 40, tout comme l'Opposition, d'ailleurs. C'est une lacune de
votre mémoire que je me permets de souligner, même si je trouve
une articulation et des remarques fort intéressantes sur la
manière d'améliorer le projet de loi.
J'arrive à ma première question. Je vois une contradiction
dans ce que vous réclamez comme commission scolaire. Vous
réclamez une décentralisation du ministère vers les
commissions scolaires parce que vous vous jugez suffisamment responsables pour
occuper ces champs de pouvoirs que vous n'avez pas présentement.
Pourtant, vous refusez que le milieu occupe un certain nombre de champs de
pouvoirs. Vous refusez que le milieu se responsabilise, au fond. Là, il
me semble qu'il y a une contradiction. Comment expliquez-vous cela: d'une part,
vous voulez plus de pouvoirs, mais, d'autre part, vous refusez que le milieu
exerce plus de pouvoirs? Encore une fois, il me semble que ce pouvoir que nous
voulons que le milieu ait, c'est pour améliorer son projet
éducatif. C'est dans ce but qu'on véhicule ce qui est dans le
projet de loi 40. Comment expliquez-vous cette contradiction?
M. Miller: M. le Président, avec votre permission, M.
Potvin va répondre.
M. Potvin: M. le Président, nous n'avons pas tout à
fait la même lecture, M. le député de Fabre et nous, du
mémoire que nous avons présenté cet après-midi.
Dans un premier temps, je tiens à vous dire qu'il a été
clairement dit dans le mémoire que la commission scolaire était
pour une plus grande décentralisation vers l'école. J'ai
donné un ou deux exemples tantôt, on pourrait en donner davantage.
Ce qui est également dit dans le mémoire déposé cet
après-midi, c'est qu'il n'est pas nécessaire pour le gouvernement
de légiférer afin que le milieu se prenne en main. Je vais parler
pour le milieu que je connais le mieux, c'est-à-dire la commission
scolaire des Mille-Îles. Il y a énormément de
milieux-écoles, et ce depuis fort longtemps, qui ont pris les
moyens pour se prendre en main. Par exemple, pour toute la notion de
projets éducatifs, il n'est pas nécessaire qu'il y ait une loi
pour dire que les écoles doivent être en projets éducatifs.
Qu'on pense à certaines écoles qui, il y a déjà
quatre, cinq ou six ans, ont utilisé l'instrumentation du vécu
scolaire pour connaître l'expression des besoins à la fois des
étudiants du secondaire et des parents, ce qu'ils voudraient avoir dans
leurs écoles demain. C'est une instrumentation qui montre que les
milieux-écoles voulaient se prendre en main et répondre aux
aspirations du milieu. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait une loi.
M. Leduc (Fabre): Je m'excuse, M. Potvin. Je comprends que vous
proposez dans le mémoire qu'on revienne à la loi 71,
c'est-à-dire aux conseils d'orientation. C'est cela? Vous proposez qu'on
applique, qu'on revienne ou qu'on trouve les mécanismes pour que le
conseil d'orientation existe au niveau de l'école. C'est cela?
M. Potvin: Nous disons que, dans les lois 30 et 71, il y a la
substance nécessaire afin que les milieux-écoles se prennent en
main.
M. Leduc (Fabre): Est-ce que vous voyez des améliorations
qu'on pourrait apporter aux conseils d'orientation tel que prévus dans
la loi 71? Est-ce qu'il y a des choses qu'on pourrait ajouter?
M. Potvin: Cela rejoint un peu la question que vous avez
posée à nos prédécesseurs tantôt quant
à la participation des parents et à la parité entre les
enseignants et les parents au conseil d'école. Notre avis - cela aussi
est dit dans le mémoire - c'est qu'on craint par cela de politiser
chacun des milieux. Ce serait une lutte de pouvoirs entre, d'une part, les
parents et, d'autre part, les enseignants. Faites le calcul suivant. Il est dit
dans le projet de loi que le conseil d'école doit être
formé d'au plus quatorze personnes, d'accord? On va procéder par
soustraction. On enlève le directeur d'école qui, d'office, en
fait partie, un représentant des professionnels non-enseignants qui,
également, en fait partie et, au niveau secondaire, un étudiant,
ce qui nous laisse avec dix ou onze membres. Si on veut la parité, ce
sera donc cinq ou six parents et cinq ou six enseignants. On aura la
parité. Vous savez fort bien comme moi que, dans l'ensemble du
territoire de la province de Québec, il y a énormément
d'écoles de moins de 100 élèves, des écoles de 150,
des écoles où il y a six, sept ou huit professeurs. Vous pensez
qu'il y aura cinq ou six des sept ou huit professeurs de cette école qui
feront partie du conseil d'école ou du conseil d'administration de
l'école. On ne pense pas qu'on ait un si fort pourcentage dans la
participation des enseignants. C'est une tout autre histoire lorsque vous
entrez dans une polyvalente où il y a 85 ou 90 enseignants. Mais dans
les écoles primaires, qui sont la majorité de vos écoles
au Québec, ce sont des situations qu'on retrouvera.
M. Leduc (Fabre): Vous êtes en train de me dire que le
conseil d'orientation ne pourrait pas fonctionner, non plus.
M. Miller: Ce qu'on est en train de vous dire, M. le
député de Fabre, avec votre permission, M. le Président,
c'est que, actuellement, dans les termes mêmes utilisés par les
membres de la commission et par les intervenants, on voit tout de suite que le
débat se politise, à notre avis, dangereusement là-dessus.
On parle de parité, on parle de majorité, on parle de lutte de
pouvoirs. Nous croyons, nous de la commission scolaire des Mille-Îles,
qu'il est dommage que nous en soyons rendus à parler en ces termes de
l'éducation de nos enfants. Il faudrait, de part et d'autre, autant de
la part des intervenants que du gouvernement et de l'Opposition, qu'il y ait un
peu une attitude nouvelle à ce niveau et que les gens qui sont
directement touchés par la composition du conseil d'école
puissent en discuter à tête reposée et en mettant un peu de
côté le pouvoir qui nous anime tous peut-être un peu.
M. Leduc (Fabre): Oui, mais, juste en terminant, M. le
Président, j'aimerais quand même savoir si la commission scolaire
des Mille-Îles serait d'accord pour que l'école exerce un certain
nombre de pouvoirs décisionnels, peu importent les modalités, on
trouvera, comme vous le dites. Parce qu'effectivement on peut avoir des
discussions sur la composition du conseil d'école ou du conseil
d'orientation, on peut discuter des modalités, mais, sur le fond de la
question, seriez-vous d'accord, comme les parents d'ailleurs de votre
commission scolaire le réclament et la Fédération des
comités de parents aussi - vous semblez dire que le milieu est
satisfait, mais le milieu, c'est quand même, en grande partie, les
parents qui sont les premiers responsables de l'éducation des enfants,
il y a, tout de même, une contradiction entre votre position et celle des
comités de parents dont le comité de parents des Mille-Îles
- pour que le milieu exerce un certain nombre de pouvoirs décisionnels
au niveau d'un conseil d'école dont les modalités seraient
à trouver?
M. Potvin: M. le Président, il est évident que la
commission scolaire des Mille-Iles est d'accord pour que les
milieux-écoles
exercent certains pouvoirs décisionnels. C'est dans le
vécu actuel de la commission scolaire des Mille-Îles que le
milieu-école se prend en charge pour décider de ce qu'il va faire
avec le budget qui lui est alloué, tant au niveau des immobilisations
qu'au niveau du budget de fonctionnement. (18 heures)
Un exemple assez simple: on laisse aux écoles la décision
de déneiger ou non les cours d'école. Cela peut sembler anodin,
sauf que cela représente un budget assez important à la
commission scolaire des Mille-Îles. On dit: Si le milieu-école ne
veut pas qu'on déblaie sa cour d'école, les montants qu'on aurait
normalement investis dans ce déblaiement de neige, on les remet tout
simplement à l'école. C'est donc un pouvoir décisionnel.
L'école aura à vivre avec le pied, les deux pieds ou les trois
pieds de neige dans sa cour. Finalement, c'est un exemple simple. Il y a une
multitude d'exemples qui pourraient démontrer aux membres de la
commission parlementaire qu'on est d'accord avec un certain pouvoir
décisionnel de l'école.
M. Miller: M. le député de Fabre, nous sommes
d'accord avec ce pouvoir décisionnel. Non seulement l'avons-nous dit,
mais nous l'avons aussi écrit. En plus de l'écrire, nous le
donnons aux écoles actuellement. Nous ne sommes pas allés
jusqu'à dire que le milieu est satisfait. Évidemment, vous
comprenez comme moi que les parents sont avides de services et que nous sommes
avides de leur en donner. Malheureusement, comme vous au niveau dans la
province, nous, au niveau de la commission scolaire, nous avons des limites
budgétaires et, l'argent étant le nerf de la guerre, nous avons
quelques difficultés à satisfaire tous les besoins
actuellement.
M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Fabre. Nous avons excédé quelque peu la
limite de 18 heures. Il y a deux autres intervenants et, s'il n'y a pas
d'objection, nous pourrions poursuivre pendant quelques minutes au-delà
de 18 heures.
Mme Lavoie-Roux: Pour quelques minutes, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Pour quelques minutes.
Qu'entendons-nous par "quelques minutes"? Une quinzaine de minutes au
maximum.
Mme Lavoie-Roux: Jusqu'à 18 h 10, à peu
près.
Le Président (M. Blouin): D'accord. Cela va. M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: Messieurs, vous avez vraiment soulevé mille
questions, mille objections, et même vous avez proposé presque
mille solutions dans votre beau mémoire qui nous vient de la commission
scolaire des Mille-Îles. Contrairement aux petites chansons qu'on entend
parfois quand cela vient des îles, vous nous proposez un exposé
vraiment clair et lucide. Je vous félicite vraiment pour votre beau et
bon mémoire, agrémenté, d'ailleurs, de magnifiques
graphiques. Malgré que le ministre ne voie, dans vos objections, que des
problèmes de moyens, j'y vois - je pense bien avec vous aussi - des
oppositions de fond sur de nombreux articles. Dans le livre Bâtir ou
détruire le Québec, auquel je référais
précédemment avec le groupe qui vous a
précédés, je lis ceci: "Notre avenir est lié au
présent de l'école. Assumer ce présent, c'est avoir le
courage d'une réforme de l'école qui soit aussi profonde que la
crise des valeurs qui la perturbe actuellement. Changeons nos valeurs
plutôt que nos structures."
Je vous pose quelques questions. Croyez-vous que cette restructuration
scolaire du projet de loi 40 va vraiment réformer nos écoles et
ramener les vraies valeurs qui ont fait, jusqu'ici, la fierté et
l'orgueil de notre système scolaire? Croyez-vous aussi qu'elle va
ramener la paix et la joie au travail, assurant, par exemple, le bonheur des
enfants et leur succès, la concorde entre les parents et les
professeurs, ainsi que la sérénité entre le ministre et
les commissions scolaires? Je crois que votre réponse est contenue dans
votre conclusion où vous dites à la page 18: "La commission
scolaire des Mille-Îles croit plutôt que le ministre de
l'Éducation aurait tout intérêt à consolider la
réforme pédagogique entreprise avant de s'engager dans une
restructuration."
Si vous voulez commenter ce que je viens de dire, c'est à votre
guise, mais voici ma question: Qu'est-ce que vous entendez -je le sais un peu,
mais c'est pour être plus objectif dans votre réponse - par
"consolider la réforme pédagogique déjà
entreprise"?
M. Miller: Quant à la consolidation, M. Potvin va vous
répondre. Toutefois, j'ai une petite remarque à faire à la
suite de vos commentaires. Vous comprendrez, M. le député, que le
projet de loi 40 n'est pas la solution à tous les maux, en particulier
dans sa version actuelle. Toutefois, et c'est une boutade, avec les amendements
que la commission scolaire des Mille-Îles propose, peut-être
serait-il la solution à tous les maux.
Le Président (M. Blouin): M. Potvin.
M. Potvin: M. le Président, je parle pour la commission
scolaire des Mille-Îles. J'ai été, auparavant, directeur
des services
éducatifs et j'ai rencontré assez de représentants
d'autres commissions scolaires pour vous dire que les commissions scolaires du
Québec, en général, ont été de
fidèles collaboratrices du ministère en matière
d'implantation des programmes et des politiques nationales dans le cadre de la
réforme pédagogique du ministre de l'Éducation. Il est
clair que cette réforme n'est pas acquise dans l'ensemble de nos
écoles, pour l'ensemble de nos enseignants. Il y a encore beaucoup de
mise à jour, de recyclage, d'information à donner pour qu'elle
soit acquise et vécue.
On s'est fait dire, lorsque les règlements concernant le
régime pédagogique furent promulgués, qu'on ne s'attendait
pas que ces règlements soient appliqués de façon parfaite
dès la première année. Avec les années, on pourrait
en bonifier l'application, c'est clair et on en convient. Puisqu'on en
convient, il faudrait maintenant laisser aux écoles, aux enseignants qui
ont été impliqués dès le départ dans la
réforme pédagogique, le temps de reprendre leur souffle, de
reprendre le dessus et d'appliquer ce qui est proposé dans les
règlements concernant le régime pédagogique.
Là-dessus, on dit: Laissons-nous le temps de compléter cela avant
de nous embarquer dans une restructuration.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Potvin.
M. Hains: M. le Président, juste pour dire que, moi aussi,
je connais bien M. le ministre. Il est souvent immuable dans ses
décisions. J'espère, avec vous, qu'il saura prendre en
considération tous les amendements que vous avez apportés.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Saint-Henri. En quelques minutes, M. le
député de Mille-Îles; en fait, en cinq minutes.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le
Président. Une première remarque: II n'y a rien en commun entre
le territoire du comté de Mille-Îles et la commission scolaire des
Mille-Îles. Tous les deux sont sur le territoire de Laval. Je
représente surtout les écoles de la commission scolaire Les
Écores et le réseau scolaire Chomedey.
J'ai été un peu surpris en lisant votre mémoire. La
commission scolaire des Mille-Îles a toujours été une
commission scolaire avant-gardiste et très dynamique. Vous avez
innové dans l'enseignement intensif des langues et vous avez connu
beaucoup de succès. Je sais que, sur votre territoire, il y a beaucoup
d'écoles qui ont des projets éducatifs assez audacieux et que
vous les aidez financièrement. Vous reconnaissez la
responsabilité de l'école; vous lui donnez des
responsabilités, mais, d'autre part, vous ne voulez pas que le projet de
loi 40 lui donne ces responsabilités. J'aimerais savoir s'il y a une
contradiction; vous avez le désir, dans la pratique, de donner des
responsabilités, mais vous ne voulez pas que la loi les donne. C'est ma
première question, une deuxième suivra.
Le Président (M. Blouin): M. Potvin.
M. Potvin: On a dit qu'il n'est pas nécessaire de
légiférer pour donner ces responsabilités au
milieu-école. Vous avez apporté des exemples, inutile d'en
rappeler d'autres. Dans un cadre autre que celui d'une loi, l'école peut
se prendre en main.
M. Champagne (Mille-Îles): Si le ministre disait que ce
sont des voeux pieux qu'à un moment donné on va suggérer
de donner plus de responsabilités aux parents, on sait que dans la
pratique cela n'atteindra peut-être pas les objectifs. C'est pour cela
que les 40 000 parents qui sont représentés par la
fédération des comités d'école nous ont dit qu'ils
étaient d'accord et de leur donner les moyens.
Le deuxième élément est un peu plus délicat.
Vous avez parlé de découpage du territoire de la ville de Laval.
C'est très délicat. La commission scolaire des Mille-Îles
se réfère à ce qui se passe sur le territoire de
l'île de Montréal; la CECM sera découpée, d'accord,
mais il y aura des populations de 30 000 étudiants et plus. Saviez-vous,
M. Miller, que plus de 70% des commissions scolaires ont 5000 étudiants
ou moins? Je pense que, dans ces commissions scolaires, on assure une
qualité de services, une qualité d'enseignement.
Vous avez fait référence tout à l'heure au quartier
Vimont. Les gens de Vimont ont dit qu'ils voulaient rester rattachés
à la commission scolaire des Mille-Îles, mais ils n'ont pas
demandé d'engloutir la commission scolaire Les Écores. Je pense
que Les Écores peut donner encore un très bon service avec 5000
ou 6000 étudiants. La volonté du milieu - vous avez parlé
de Vimont tout à l'heure -des gens des Écores, c'est de garder la
commission scolaire telle qu'ils la connaissent actuellement.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
M. Champagne (Mille-Îles): C'était un commentaire
que je voulais faire.
Le Président (M. Blouin): D'accord. Je vous remercie, M.
le député de Mille-Îles. Sur ce, je remercie M. Miller et
M. Potvin de leurs intéressants propos et de leur participation aux
travaux de notre commission et ce, au nom de tous les membres de notre
commission parlementaire. Nous
suspendons donc nos travaux jusqu'à ce soir... Nous avions
l'habitude de nous réunir à 19 h 30. Est-ce que ce sera encore le
cas?
Mme Lavoie-Roux: 18 heures, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): II est 18 heures.
Mme Lavoie-Roux: 20 heures, 20 heures'.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, ce sera
à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 11)
(Reprise de la séance à 20 h 8)
Le Président (M. Blouin): La commission permanente de
l'éducation reprend ses travaux. Ce soir, nous entendrons successivement
les représentants du Comité d'école de l'école
Vaillancourt et ceux de la Fédération des travailleurs du
Québec.
Sans plus tarder, j'invite les porte-parole du Comité
d'école de l'école Vaillancourt à bien vouloir
s'identifier et ensuite à nous livrer, en une vingtaine de minutes, le
contenu de leur mémoire. Nous procéderons par la suite aux
échanges d'opinions entre les membres de la commission et nos
invités.
Comité d'école de l'école
Vaillancourt
Mme Bouchard (Marie): Marie Bouchard,
déléguée au comité de parents du comité
Vaillancourt de Laval.
Mme Cloutier (Jocelyne): Jocelyne Cloutier, directrice de
l'école.
M. Côté (Pierre): Pierre Côté,
comité d'école, président de la garderie.
Mme Bouchard: M. le Président, M. le ministre, mesdames et
messieurs membres de la commission parlementaire, notre analyse du projet de
loi a porté surtout sur la définition de l'école et des
services éducatifs, de ses fonctions, du cadre d'opération que
lui assigne la nouvelle loi au sein des commissions scolaires.
Aussi, nous n'avons pas retenu comme objets d'étude de notre
comité les aspects de restructuration et d'intégration de
même que le découpage géographique, linguistique ou autres.
Cependant, tout ce qui contribuerait à un allégement des
structures et à une rationalisation des services au plan national
recevrait notre soutien et notre assentiment.
Dans un premier temps, nous préciserons notre position face
à l'ensemble du projet de loi et exprimerons des demandes
d'amélioration sur deux aspects qui nous apparaissent fondamentaux. La
deuxième partie de notre mémoire propose des corrections plus
mineures sur lesquelles nous n'insisterons pas puisque vous avez le texte
écrit en main.
Le projet de loi dans sa globalité: Le projet de loi 40, dans son
ensemble, rejoint plusieurs de nos préoccupations: volonté de
décentralisation vers l'école, affirmation de la place des
parents au sein de celle-ci. On ne l'a pas écrit, mais il est
très clair qu'au sein du comité d'école la collaboration
entre parents, enseignants et direction nous apparaît fondamentale et
indispensable aussi à l'effort de rapprocher les entités
intermédiaires de l'école. Quand on parle des
intermédiaires, on pense surtout aux commissaires.
En ce qui nous concerne, l'orientation du projet de loi nous
apparaît satisfaisante. Cependant, deux perspectives particulières
nous inquiètent. La première a trait à la
définition donnée aux services éducatifs d'une
école et aux objectifs de l'éducation.
Pourquoi sommes-nous inquiets de la terminologie "services
éducatifs"? Nous sommes allés voir au dictionnaire pour savoir ce
que signifiait "éducation" et on a pris le dictionnaire que tout le
monde connaît, le plus simple, le Petit Robert. On définit
"éducation" comme la "mise en oeuvre des moyens propres à assurer
la formation et le développement d'un être humain; ces moyens
eux-mêmes." Alors, on ne comprend pas comment on a réussi à
travestir, de notre point de vue, un terme de telle sorte que "services
éducatifs" désignerait désormais, au primaire et au
secondaire, services d'enseignement. Cela nous apparaît une
régression importante par rapport au fait et à la façon de
désigner l'éducation actuellement. Est-ce que ce glissement est
volontaire? Nous comprenons mal pourquoi, par exemple, les services de
formation seraient nécessaires en maternelle et ne le seraient pas au
primaire et au secondaire.
Ici, je voudrais simplement rappeler l'intervention de la commission
scolaire des Laurentides, cet après-midi, qui a insisté pour dire
que l'école n'était pas d'abord un lieu d'instruction ou, en tout
cas, surtout pas seulement un lieu d'instruction, mais un lieu
d'éducation. Pour nous, parents, la formation que recevra notre enfant
au niveau de sa personnalité globale est au moins aussi importante que
l'enseignement qu'il reçoit. Il ne s'agit pas seulement, à notre
avis, d'enseigner, mais de former les jeunes, de concourir au
développement global et harmonieux de leur personnalité et ce,
à tous les niveaux scolaires.
On nous dira que, dans le projet de loi, à l'article 1, on
prévoit aussi des services complémentaires et des services
particuliers,
mais nous trouvons très dangereux que l'éducation se
résume à quelques services comme la vie étudiante en
dehors de la classe; auquel cas, qu'est-ce que deviennent nos
écoles?
Pour nous, favoriser le développement intégral de l'enfant
d'une façon globale et harmonieuse signifie que l'école se
préoccupera non seulement de la croissance de l'enfant au plan
intellectuel, comme c'est affirmé, entre autres, à l'article 3,
mais aussi dans les domaines psychomoteur, affectif, moral et religieux. De
notre point de vue, c'est le sens même de l'institution école;
sinon, il n'est pas certain qu'on enverrait nos enfants dans les
écoles.
Aussi, le savoir-vivre est pour nos enfants aussi important, par
exemple, que la connaissance des planètes du sytème solaire. Il
est probable que le premier savoir lui servira beaucoup plus souvent tout au
cours de sa vie. Un enfant a tout aussi besoin d'apprendre à
gérer sa santé, à tenir compte de ce qu'il ressent et
à l'exprimer de façon acceptable socialement, à interagir
de façon positive avec d'autres êtres humains, qu'à savoir
qu'il existe cinq continents dans le monde et de multiples nations. Savoir
qu'il existe bien des gens différents, c'est une chose; apprendre
à avoir de la tolérance avec des gens qui sont différents,
non seulement de la tolérance, mais reconnaître que la
différence est un enrichissement, cela peut être drôlement
différent.
Aussi, nous proposons qu'à l'article 1 on ajoute le terme:
"formation" au primaire et au secondaire. Ce qui deviendrait: "Les services
éducatifs comprennent, à l'éducation préscolaire,
des services de formation et d'éveil et, au primaire et au secondaire,
des services de formation et d'enseignement." Je vais donner un tout petit
exemple qui a d'ailleurs été soulevé au comité
d'école. Si, par exemple, l'enseignant dans une classe a indiqué
ce qu'était une pomme, ce qu'il y a dans une pomme et que c'est bon pour
la santé, il a enseigné. Après cela, peut-il oublier, dans
tout le reste de la vie scolaire, par exemple, que les enfants apportent des
chips? Peut-on permettre n'importe quoi, au fond? Est-ce qu'une fois qu'on a
dit que la pomme était bonne pour la santé, c'est suffisant
puisqu'on l'a enseigné? Alors, on dit non. Nos attentes vont bien
au-delà de cela.
À l'article 3, on demande que cela devienne: "Les services de
formation et d'enseignement au primaire et au secondaire ont pour but de
développer harmonieusement les ressources de la personnalité de
l'élève. Ils comprennent l'ensemble des activités
obligatoires et à option qui permettraient, au primaire, de favoriser
les apprentissages fondamentaux nécessaires encore au
développement global de l'élève, notamment - non seulement
au plan intellectuel, comme proposé à l'article 3 - au plan
physique, intellectuel, affectif, moral et religieux, à
l'intégration de son expérience et à son insertion
sociale."
Tous les autres articles qui suivent, 14, 28, 96 et 292,
représentent tout simplement des aspects de concordance, où on
ajoute "formation" avec enseignement, car, à partir de maintenant, de
notre point de vue, quand on parle de services éducatifs, on devrait
parler autant de la formation que de l'enseignement. Pour nous, cette
définition est capitale dans le projet de loi.
Cela nous amène au deuxième aspect qui nous a
intéressés au niveau du projet de loi, le paragraphe 1.2:
Aménagement pour rendre l'école responsable face à la
communauté qu'elle dessert. Même si nous devons reconnaître
que le projet de loi fait un pas en avant en regard de ce qui existe
actuellement, il nous semble qu'il est plutôt timide - en tout cas trop
timide - dans les pouvoirs qu'il donne au milieu local. Nous regrettons, mais
nous ne considérons pas la commission scolaire comme un pouvoir local.
Quand on regarde une commission scolaire comme celle de Montréal et
qu'on parle d'un pouvoir local, j'ai de drôles de doutes sur ce que peut
signifier "un pouvoir local". Pour nous, le pouvoir local est un quartier, un
milieu d'une entité donnée qui a des ressemblances suffisamment
grandes pour pouvoir se retrouver.
Ainsi, on ne peut concevoir comment l'école peut, être
autonome dans son développement et, en même temps, être
soumise aux décisions et normes d'une commission scolaire,
particulièrement au niveau pédagogique - on retrouve certains des
éléments dans le projet de loi - mais, notamment, au niveau
budgétaire, au niveau de l'affectation des ressources humaines.
Si l'école doit être communautaire, il faudrait lui donner
les ressources pour le devenir et il faudrait, en tout cas, à notre
avis, commencer par affirmer les pouvoirs de celle-ci plutôt que de faire
connaître ses limites. L'article 90 parle des limites des pouvoirs de
l'école. C'est le premier article qui touche à l'école.
Cela nous pose un problème.
Nous accepterions que l'article 90 soit déplacé vers la
fin, juste avant la commission scolaire, et qu'il dise que l'école
exerce ses fonctions dans le cadre des politiques établies par la
commission scolaire. Nous reconnaissons la nécessité d'une
coordination et d'un minimum de politiques plus globales. Cela nous
apparaît important et même souhaitable. Cela peut même
être un besoin et nous aider. Mais il faudrait clairement limiter ces
pouvoirs. Par exemple, à l'article 202, en ce qui a trait à la
répartition des services éducatifs, on souhaiterait que soit
précisé dans le projet de loi - cela nous apparaît
important - que la commission scolaire répartit les services
éducatifs, mais en tenant compte des projets éducatifs
locaux. Sinon, on va les répartir comme avant et qu'est-ce qui aura
changé?
Au niveau du calendrier scolaire, d'accord, la commission scolaire fixe
la détermination du calendrier scolaire s'il y a des contraintes et que
le transport oblige de le faire, mais, s'il n'y a pas de contraintes de ce
genre, pourquoi l'école ne déterminerait-elle pas son propre
calendrier?
À notre avis, les articles 204, 205 et 207 devraient faire partie
de la définition des pouvoirs de l'école: par exemple,
l'information à la population de son quartier, l'évaluation des
apprentissages. Nous comprenons que les commissions scolaires demandent
l'évaluation des apprentissages. On sait très bien que
l'évaluation conditionne ce qui va se faire dans les écoles, et
vous le savez très bien. Si on remet l'évaluation à la
commission scolaire, alors remettons-lui tous les pouvoirs.
De la même façon, au niveau de l'organisation des services
aux enfants en difficulté, qui connaît ces enfants en
difficulté? Ce sont les enseignants, la directrice d'une école et
les parents d'une école, les gens d'un milieu donné. Ce sont eux
qui connaissent les besoins de ces enfants et qui peuvent aller chercher et
demander les ressources en fonction de ces besoins.
De notre point de vue, l'article 199 devrait être un des articles
fondamentaux, c'est-à-dire que la commission scolaire a comme fonction
primordiale et première d'assurer le soutien à l'organisation
pédagogique des écoles. C'est ce qu'affirmait, d'ailleurs, la
commission scolaire des Laurentides en disant: On est là uniquement pour
les enfants et on doit être au service des enfants. Les personnes
intermédiaires qui interprètent les besoins des enfants sont les
gens au niveau d'un quartier, les enseignants, la direction et les parents d'un
quartier.
À l'article 209, je voudrais simplement préciser que la
commission scolaire établit les critères, les politiques, un
certain nombre de critères de rationalisation. Cela nous apparaît
important qu'il y ait cette coordination. Mais, au-delà de cela,
l'application et la façon de gérer l'organisation et d'en
décider, c'est à l'intérieur de l'école que cela se
fait.
L'article 212, c'est dans le même esprit. Je ne ferai pas de
commentaire.
L'article qui nous paraît parmi les plus fondamentaux est
l'article 236. Il y a eu d'ailleurs une intervention de Mme
Thérèse Lavoie-Roux que j'ai beaucoup appréciée cet
après-midi. Elle disait que, s'il y avait approbation des budgets par la
commission scolaire, il pouvait y avoir un danger important de conflit entre
les écoles et la commission scolaire. On pense effectivement que cela
pourrait beaucoup provoquer cela et que c'est parfaitement inutile. Si
l'école a un budget qui lui est attribué, pourquoi ne serait-elle
pas capable de répartir ce budget? Qu'il y ait un contrôle si
c'est indispensable ou si c'est nécessaire et que ce contrôle ou
une vérification soit effectuée par la commission scolaire de
façon que chacune des entités ne dépasse pas ce qui lui
est alloué, parfait! Cela va de soi qu'il faut des mécanismes de
contrôle. Mais, au-delà de ceux-ci, pourquoi demanderait-on une
approbation?
Voici un petit exemple là-dessus. Une personne de notre quartier
qui était, il y a trois ou quatre ans, présidente du
comité d'école est actuellement commissaire. En quoi cette
personne est-elle plus compétente maintenant pour prendre des
décisions simplement parce qu'elle a été élue
commissaire? Nous pensons que, quand cette personne était
présidente du comité d'école, elle était aussi
compétente que maintenant. Est-ce que, du seul fait d'être
élu commissaire, on deviendrait soudainement compétent?
Le Président (M. Blouin): Mme Gagnon, je m'excuse, mais
vous avez déjà...
Mme Bouchard: ...dépassé...
Le Président (M. Blouin): Vous n'avez pas encore
dépassé. Il vous reste encore quelques minutes et vous avez
présenté à peine la moitié de votre mémoire.
Je vous demande donc de résumer ce qui suit pour que nous puissions
ensuite passer aux échanges entre les membres de la commission et les
représentants de votre groupe.
Mme Bouchard: D'accord. Je vous ferai remarquer, M. le
Président, qu'on a presque terminé puisque la section II,
à la page suivante, traite de corrections mineures...
Le Président (M. Blouin): Ah! Très bien! alors,
allez-y.
Mme Bouchard: ...sur lesquelles nous n'interviendrons pas.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors,
allez-y.
Mme Bouchard: Nous demandons, à l'article 236 que la
commission scolaire vérifie si les prévisions budgétaires
de l'école respectent le budget et que son rôle n'aille pas plus
loin que cela.
À l'article 131, évidemment, enlever le terme
"approuvé", de façon à dire: Le budget de l'école
constitue des crédits distincts et les dépenses pour cette
école sont imputées à ces crédits. L'école
aura la responsabilité
de préparer, de gérer son budget et de faire rapport
à la commission scolaire. Les prévisions des écoles,
évidemment, doivent maintenir l'équilibre entre les
dépenses et les ressources financières allouées à
l'école. Reliée à cet aspect du budget est la demande de
ressources humaines pour laquelle, à notre avis, il devrait y avoir le
respect le plus total, compte tenu du projet éducatif de l'école
et, bien sûr, des ressources de la commission scolaire. On en est
conscient.
Voilà pour les aspects essentiels de nos discussions, les autres
aspects étant complémentaires et beaucoup moins importants dans
le débat de ce soir.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Gagnon.
Mme Bouchard: Bouchard.
Le Président (M. Blouin): Pardon? Mme Bouchard, je
m'excuse. M. le ministre.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier le comité
d'école de l'école Vaillancourt pour son intéressante et
utile contribution à nos travaux. Nous sommes sûrement d'accord
avec vous pour dire que l'éducation comprend beaucoup plus de choses que
les services d'enseignement. Elle comprend tout ce qui concourt à la
formation sur tous les plans, dans toutes les dimensions du
développement de la personnalité. Je n'en veux d'ailleurs pour
preuve que cette définition que nous donnons de l'école, à
l'article 28, quand nous disons que l'école est un établissement
d'enseignement qui est destiné à assurer l'éducation des
élèves dans le cadre de son projet éducatif et qui exerce
ses activités avec la collaboration des parents, du personnel de
l'école et des élèves. C'est peut-être en vertu de
vieilles habitudes législatives que nous avons l'habitude de
définir des services, mais nous réfléchirons quand
même à la possibilité que vous nous offrez d'être
encore plus clair, plus explicite et d'ajouter le mot formation, lorsqu'il est
utile ou nécessaire pour la compréhension de l'objet du projet de
loi, même au chapitre I.
En fait, le projet de loi vise à favoriser, par tous les moyens,
une meilleure qualité de l'enseignement, en favorisant
l'émergence et la réalisation de projets éducatifs propres
à chaque école, projets éducatifs qui visent à
inciter le personnel de l'école, les intervenants de
l'équipe-école à mettre ensemble leurs compétences,
leurs responsabilités, leur savoir pour identifier les priorités
de l'école, les besoins de l'école, les besoins des enfants, des
élèves, justement dans toutes les dimensions de leur
personnalité, et pour permettre à ces intervenants de
l'équipe-école d'utiliser à cet égard le
régime pédagogique, les programmes, mais aussi les ressources de
tout le personnel, toutes les activités qui sont prévues à
l'école ainsi que tous les moments que l'enfant passe à
l'école. Nous croyons qu'en facilitant l'émergence et la
réalisation de ces projets éducatifs, nous allons non seulement
donner une saveur locale au projet éducatif, mais surtout permettre aux
enfants de recevoir de l'école ce qu'ils doivent y recevoir d'une
façon prioritaire en fonction des lacunes, par exemple, qui ont pu
être constatées et surtout en fonction des objectifs d'une
formation totale. (20 h 30)
C'est là un but majeur du projet de loi et ce serait d'ailleurs
là la première question que j'aurais à vous poser: Vous,
membres du comité d'école, êtes-vous d'avis que ce que
contient à cet égard le projet de loi pour faciliter
l'émergence et la réalisation du projet éducatif est non
seulement justifié, mais impératif pour inciter, permettre et
favoriser la mise en place et la réalisation de projets éducatifs
dans chacune des écoles du Québec? Voilà ma
première question. Croyez-vous qu'il faille aller jusqu'où va le
projet de loi pour permettre et favoriser l'émergence et la
réalisation de projets éducatifs? Incidemment, j'aimerais bien
savoir quel est le projet éducatif que vous vous êtes donné
à votre école et comment vous entendriez utiliser ce que
prévoit le projet de loi pour l'identification de vos priorités
et leur réalisation.
Ma deuxième question est un peu connexe à la
précédente, en même temps qu'elle en découle: Comme
vous le constatez, on prévoit la constitution d'un conseil
d'école qui réunit les divers intervenants de l'école.
Parmi ces intervenants, il y a les parents qui, jusqu'ici, n'avaient qu'un
rôle consultatif et qui, désormais, auront un rôle
décisionnel. Croyez-vous utile, important ou essentiel que le projet de
loi prévoie ainsi cette participation des parents? Selon vous, les
parents peuvent-ils apporter une contribution essentielle à
l'identification des priorités du projet éducatif et à la
réalisation de ces priorités? En conséquence, voyez-vous
leur contribution essentielle? Deuxièmement, pensez-vous qu'ils ont le
temps, l'énergie, la capacité et la compétence pour le
faire? Croyez-vous qu'ils peuvent le faire dans un esprit de concertation avec
les autres agents ou les autres intervenants de l'école? Croyez-vous
absolument inévitable ou fatal que cela ne puisse mener qu'à des
confrontations, des conflits et des politisations au niveau de l'école
et en particulier du conseil d'école?
Le Président (M. Blouin): Mme
Bouchard.
Mme Bouchard: M. le Président, je ne sais pas si je
pourrai répondre, je vais essayer en tout cas. C'est presque un discours
qu'il me faudrait faire pour couvrir l'ensemble. Je vais essayer très
rapidement. Justifier ce projet de loi c'est sûrement impératif
et, au moins, ce qu'il y a là-dedans, qui, d'après nous autres,
n'est pas assez par rapport à nos besoins, c'est déjà un
pas dans le sens de ce que nous faisons, dans le sens aussi de ce que notre
commission scolaire fait, qu'elle vous a d'ailleurs présenté,
mais il faut aller plus loin en avant. Donc il est impératif de
justifier.
Notre projet éducatif. Ici, il faudrait presque faire une petite
histoire mais il y a trois ans on s'était réuni, un groupe
d'enseignants, de parents et la direction, pour essayer d'établir ce que
serait le projet éducatif de nos écoles. On a essayé de
voir un peu et d'entendre les parents, les enseignants et finalement on s'est
dit: Plutôt que d'essayer de définir à partir de ce que
nous voudrions comme projet éducatif dans nos écoles, si on
essayait d'épouser le mouvement des parents, des enseignants et des
enfants dans nos écoles et qu'en épousant ce mouvement et en le
soutenant se dessine un projet. C'est là-dedans qu'on est. Il n'est pas
encore dessiné, pas aussi beau que dans plein de beaux projets
d'école. On n'a pas de beaux projets écrits encore, mais plein de
choses se font. Il y a des enseignants et des parents qui travaillent ensemble
sur ce qu'ils voudraient voir comme travail à domicile. Il y a des
enseignants qui ont une tendance plus progressiste et il y en a d'autres qui
sont un petit peu plus lents dans le sens de certaines orientations que
plusieurs d'entre nous voudraient privilégier.
On s'est dit que, de la même façon que le gouvernement
tentait actuellement de différencier vers les écoles, si on
n'avait pas le même effort de différenciation vers les enfants,
vers les classes et vers les enseignants dans les classes, ce serait tout
à fait absurde. C'est plus dans un climat de soutien à
l'expression des différences et à l'acceptation de ces
différences.
Comme parent, est-ce que je crois la contribution essentielle? Si je n'y
croyais pas je ne serais pas ici aujourd'hui et je ne serais surtout pas ici
comme parent parce que j'aurais pu utiliser d'autres tribunes et d'autres
possibilités. Si j'y suis comme parent c'est que ça
m'apparaît fondamental, c'est aussi que j'ai vu d'assez près des
écoles qui ont tenté d'innover sans l'accord des parents. J'ai vu
personnellement - et je pense que ceux qui m'entourent pourraient vous en dire
autant - que quand un parent est en désaccord avec ce qui se passe
à l'école, le désaccord va vite vers l'agressivité.
Et, quand un parent est en désaccord et agressif, ça va vite vers
un enfant désinvolte et révolté dans une classe, de sorte
que, s'il n'y a pas entente et concertation possibles entre les parents et les
enseignants dans un milieu, disons-nous tout de suite qu'on défait les
uns et les autres ce que nous faisons chacun de son côté.
Jocelyne aurait quelque chose à dire là-dessus.
Mme Cloutier: Je voudrais revenir à votre première
question, M. le ministre. Je trouve rassurant que vous parliez du projet
éducatif en ces termes, c'est-à-dire dans le sens que chaque
projet soit le résultat d'une démarche et d'un besoin d'un milieu
particulier. Or, dans la mesure où on accepte la différence et,
par conséquent, la diversité des projets, je pense qu'il est
facile de comprendre qu'il faut accepter en même temps le principe que,
les besoins étant différents, les ressources devront être
affectées en fonction des besoins. C'est la raison pour laquelle, je
pense, il faudrait, dans le projet de loi, assurer les milieux qu'ils auront
les pouvoirs nécessaires pour prendre les décisions pertinentes
au projet qui aura été élaboré dans le milieu.
Je donnerai comme exemple la question de l'intégration des
enfants en difficulté d'adaptation. Il se peut que dans un milieu -vous
avez parlé de priorité tantôt - ce soit une priorité
l'an prochain. Dans cette hypothèse, on peut penser que les enseignants
auront besoin d'appui, d'aide; et une école pourrait, s'étant
donné cette priorité, renoncer à certains autres projets
qu'elle ne jugerait pas essentiels pour privilégier une telle
démarche. Or, il n'est pas certain que dans l'école voisine on
aurait choisi de faire la même expérience au même moment.
C'est la raison pour laquelle l'école a besoin de pouvoir gérer,
selon ses besoins, les ressources ou le budget qui lui seraient
alloués.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mmes Cloutier et
Bouchard. Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
de leur mémoire les parents de l'école Vaillancourt, laquelle est
située dans la région de Laval, si je ne m'abuse.
Mme Bouchard: C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: J'ai quelques questions précises à
vous poser, mais ce qui me frappe dans votre mémoire, c'est
évidemment le désir que vous avez que l'école ait le plus
de pouvoirs possible, c'est-à-dire qu'on lui donne la plus grande
latitude possible pour répondre aux besoins locaux et réaliser
son projet éducatif. Je pense qu'en
soi c'est un désir légitime.
Mais ce qui m'inquiète un peu... j'ai l'impression que,
finalement, vous regrettez peut-être le fait que le projet de loi ne
retienne pas la corporation légale qui avait été retenue -
est-ce que je me trompe? -ou, enfin, présentée dans
l'école communautaire, dans le livre blanc sur l'école
communautaire et responsable. Autant je trouve que, d'une part, comme je le
disais, vous exprimez des désirs qui peuvent être légitimes
pour une école, autant j'ai l'impression que vous vous détachez
d'un milieu un peu plus large, évidemment dans le sens d'un territoire
plus grand, où il n'y a pas uniquement votre école, mais d'autres
écoles ayant des besoins différents, une clientèle
différente, dans des milieux plus ou moins favorisés que le
vôtre, je l'ignore. Cela, du point de vue d'une responsabilité
envers une société un peu plus large. Je ne parle pas de la
grande société du Québec, mais même d'une
société à l'échelle d'une région ou à
l'échelle d'une ville assez importante, cela m'inquiète. Pourquoi
je vous dis cela? Parce que vous dites, à l'article 202 en page 4: "La
commission scolaire répartit les services éducatifs dans les
écoles de son territoire conformément aux besoins et aux demandes
exprimés par les écoles en tenant compte des projets
éducatifs locaux." Finalement, vous ne laissez pas beaucoup de marge
pour cette redistribution dont plusieurs ont parlé, ici, comme d'une
nécessité au plan social. Alors, j'aimerais avoir votre
réaction à ce sujet. Je peux comprendre le projet que vous
voulez, mais il me semble un peu détaché de la
réalité un peu plus grande de la région ou du milieu plus
large où votre école est située et où elle n'est
pas la seule.
Mme Bouchard: J'apprécie personnellement beaucoup cette
remarque. Je pense que les membres de notre comité d'école
l'apprécieraient énormément. La dernière discussion
de fond a posé le problème de l'inégalité des
chances au niveau de la société québécoise et de
l'inégalité des chances dans notre quartier, et on a pris
conscience qu'il y avait cinq familles dont les enfants ne mangeaient pas tous
les jours. Le problème que vous posez m'apparaît fondamental.
À notre avis, il n'est pas question d'aller chercher pour nous
seuls ce qui pourrait être distribué de façon plus
équitable. Il est apparu clair, lorsqu'on a discuté de ce projet,
qu'on accepterait même une enveloppe réduite pour notre
école, mais qui nous appartienne, la commission scolaire ayant une
enveloppe qui pourrait s'appeler "Enveloppe pour projets spéciaux ou
besoins spéciaux". Si cela devait réduire notre enveloppe, je
suis persuadée que notre école n'hésiterait pas à
le faire pour que d'autres milieux, qui ont moins de chance que nous, aient
droit... Bien sûr, mais on ne se leurre pas non plus là-dessus.
L'école ne corrigera pas, à elle seule, les
inégalités sociales. On est prêt à y contribuer,
même si on sait que le coeur du problème n'est pas là, mais
on peut y travailler et je pense que votre souci est le nôtre. En voulant
avoir plus d'autonomie, cela ne doit jamais, de notre point de vue, être
au détriment des autres. Ce n'est pas dans cet esprit que cela s'est
fait. C'est uniquement à l'intérieur de ce qui pourrait nous
concerner, tout en respectant ces besoins spécifiques, et cela nous
apparaît possible.
Mme Lavoie-Roux: Je ne mets pas du tout en doute votre souci et
votre sincérité que votre école ou votre comité
d'école ait eu à l'égard de ce problème quand vous
dites: On serait même prêt, dans une perspective de redistribution,
de sacrifier une partie de notre budget au bénéfice d'une autre
école ou d'un autre milieu qui en aurait davantage besoin. Mais il faut
bien se dire que vous êtes un comité d'école durant les
années 1984, 1985 et 1986. Un autre comité d'école vous
succède et une autre école, à côté, de la
même commission scolaire, ne pense peut-être pas de la même
façon. (20 h 45)
À mon point de vue, si le projet de loi prévoyait des
choses aussi précises que celles que vous demandez ou que vous
décrivez, le danger serait grand que les écoles n'aient pas
toutes le même souci que vous avez et qu'on se retrouve devant une
situation injuste. Il ne faut pas oublier - on l'a même vécu
jusqu'à maintenant, peu importent les responsabilités qui
étaient données aux comités d'école même
à l'intérieur d'une commission scolaire - comment les
écoles peuvent être en concurrence les unes avec les autres. Elles
font quand même des représentations budgétaires et il est
difficile, même au niveau d'une commission scolaire, de faire une
péréquation un tant soit peu redistributrice des ressources.
Mme Bouchard: C'est simplement pour dire que, de notre point de
vue, cela devrait être prévu. Il est possible de le
prévoir, tout en respectant l'autorité locale au sein de la
même commission scolaire. Je sais bien que, si l'on demande, chaque fois,
à chacun des comités d'école de sacrifier tant de leur
budget, cela ne se fera pas ou ce sera difficile à faire. Mais s'il est
prévu qu'il y a un budget de tant pour chacune des écoles que
chacune gère, quitte au besoin, si cette enveloppe devait diminuer,
à ce qu'il y ait une enveloppe relativement - peu importe, je ne connais
pas l'ordre de grandeur des montants, je n'ai pas travaillé assez
longtemps au sein des commissions scolaires pour le savoir - équitable
en marge de cela,
pour permettre des projets spéciaux dans des milieux qui ont
davantage besoin. Cela devrait être davantage prévu, je suis
d'accord avec vous, mais cela n'empêche absolument en rien que chaque
école soit autonome au niveau de la gestion de son budget; c'est tout
simplement dans la façon de prévoir les répartitions que
le gouvernement peut établir des critères différents.
Mme Lavoie-Roux: C'est en tenant compte des projets
éducatifs locaux... Vous demandez, dans le fond, un budget global que
vous pourriez administrer vous-même à partir de normes
établies soit au niveau du ministère ou de la commission
scolaire, mais que vous pourriez l'administrer.
En page 10 - je ne veux pas trop prendre le temps de mes
collègues - vous demandez - que les articles 316, 317, 318 et 319 soient
biffés. Ces articles ont trait à la révocation ou à
la suspension du permis d'enseignant. Un peu avant, dans votre mémoire,
vous parlez aussi du pouvoir qui devrait être donné à la
commission scolaire de résilier en n'importe quel temps j'imagine avec
des raisons qui seraient valables - le contrat ou l'engagement du directeur
d'école. Ce n'est pas ce que vous avez dit?
Mme Bouchard: Pas à n'importe quel temps, le conseil
devant faire la preuve de l'incapacité du directeur...
Mme Lavoie-Roux: Oui, oui, mais vous pourriez... Le contrat est
prévu pour trois ans; entre-temps, vous pourriez résilier pour
cause de...
Mme Bouchard: ...d'incapacité, mais en en faisant la
preuve.
Mme Lavoie-Roux: ...en faisant la preuve.
Mme Bouchard: Nous demandons d'ajouter cela.
Mme Lavoie-Roux: II reste que, dans ces deux cas, tant dans le
cas de la révocation des permis pour les enseignants que dans le cas de
la résiliation du contrat du directeur d'école, il me semble que
vous demandez beaucoup de pouvoirs pour le comité d'école. Il
semble bien que cela relèverait uniquement de votre décision que
la suspension ou la révocation d'un permis d'enseignant, alors que vous
savez fort bien, parce que vous avez des enfants à l'école, que
vous êtes des parents. À l'intérieur d'une école, il
y a aussi des conflits d'intérêts, non pas dans un sens
pécuniaire, mais dans le sens de sa propre implication à
l'endroit de ses enfants, à l'endroit du professeur qu'on juge bon ou
moins bon pour ses enfants. Souvent, on a vu des cas quelquefois
justifiés, d'autres fois, qui l'étaient moins, de parents qui
demandaient non pas le renvoi d'un professeur, mais son tranfert dans une autre
école, etc. Ce sont des pouvoirs, à moins qu'ils ne soient un peu
mieux balisés, qui me semblent très grands pour un comité
d'école et qui, dans le fond, ne seraient pas à l'avantage du
fonctionnement du conseil d'école.
Le Président (M. Blouin): Mme Bouchard.
Mme Bouchard: En réponse à votre question,
peut-être qu'on n'a pas bien exprimé ce qu'on voulait dire mais,
à l'article 315, on laisse la possibilité au ministre de
suspendre et ce n'est pas à nous à toucher à cela. Cela ne
nous paraît pas être de nos fonctions. Ce qu'on refuse, c'est que
n'importe quel parent, à propos de tout et de rien, aille se plaindre au
ministre. De notre point de vue, c'est précisément dans le souci
d'équité que vous formulez que nous demandons que cela n'existe
pas, c'est-à-dire qu'on ne puisse pas aller se plaindre n'importe quand
d'un enseignant qui est un professionnel. Nous ne voulons pas que, pour toutes
sortes de raisons, parce que ses valeurs sont différentes des
nôtres, on aille se plaindre au ministre. Cela nous apparaît tout
à fait inadmissible.
Si un parent est en désaccord, il peut venir au comité
d'école maintenant. Enfin! il y aura une autorité
identifiée parce que, jusqu'à maintenant, on nous dit: Ah'. Cela
dépend de la commission scolaire, cela dépend du
ministère, cela dépend du directeur, cela dépend du
syndicat. Cela dépend toujours de quelqu'un qu'on n'arrive jamais
à voir. Là, on saura qui on pourra voir, les gens membres d'un
conseil d'école, et on pourra leur dire: II y a un problème
là. Puis, ils pourront en discuter. Cela nous apparaît beaucoup
plus normal comme démarche. On n'aurait absolument aucune objection si,
après discussion si, après essai d'un règlement au niveau
local avec la direction ou avec le conseil d'école - d'abord avec
l'enseignant, ensuite avec la direction et éventuellement avec le
conseil d'école - il fallait aller vers le ministre, en tout cas, je ne
pense pas qu'on aurait objection. Mais, on prévoit comme cela de
façon relativement simple que toute personne intéressée
peut porter plainte au ministre contre un enseignant. En tout cas, cela nous
apparaît discriminatoire contre des professionnels avec lesquels on a le
goût de travailler, qui sont nos collaborateurs, qui ne sont pas des gens
contre qui on veut travailler, qui sont ceux qui aiment, comme nous, nos
enfants, qui sont les seules personnes sur qui on puisse s'appuyer. Alors, on
pense qu'il peut y avoir
discrimination de certains parents et exagération si on donne
possibilité de plainte n'importe quand, n'importe comment. C'est dans le
même sens que vous le demandez.
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse. Vous avez raison. Je n'avais pas vu
que l'article 315 n'était pas biffé. Mais dans le cas où
des parents porteraient plainte au comité d'école, si on est
d'accord avec ce ou ces parents et que vous demandiez... Ce n'est pas
nécessairement une suspension ou une révocation de permis. Cela
peut être simplement un transfert parce que vous jugez que l'enseignant
ne s'adapte pas au projet éducatif, etc. À ce moment, vous feriez
vos représentations à la commission scolaire.
Mme Bouchard: C'est cela. Mais l'expérience aussi nous le
dit et on peut espérer que cela pourrait se passer, dans bon nombre
d'écoles, comme cela: Lorsqu'il y a un parent qui est en
désaccord, il y en a parfois un à côté qui est
d'accord. On espère qu'enfin les enseignants vont cesser d'être
les boucs émissaires de parents en désaccord entre eux.
Actuellement, que se passe-t-il dans notre système scolaire? Très
souvent, les enseignants sont devant des demandes contradictoires. Ils ont beau
essayer de gérer cela - c'est vrai aussi pour la direction de
l'école - ils le gèrent de leur mieux mais comment peut-on
gérer dans une même classe une demande pour un enseignement
très humaniste ou humaniste sociocentriste et en même temps une
autre pour un enseignement très systématique? Cela ne se
gère pas. Ce n'est pas possible. On ne gère pas des
contradictions en même temps. L'enseignant fait de son mieux. Le parent X
est insatisfait et le parent Y est insatisfait. Résultat: Tout le monde
est insatisfait de l'école publique et un certain nombre retire leurs
enfants et les envoie ailleurs.
De notre point de vue, ce qui se passe actuellement... Quand on parle de
conflit, cela me donne peut-être l'occasion d'en dire un mot. De mon
point de vue, les conflits latents - c'est là le mien et c'était
très partagé au comité d'école - sont beaucoup plus
graves. Les conflits latents, non dits, où le parent à la maison
dit: II ne se foute rien à cette école, il ne s'enseigne rien, on
ne sait pas ce qu'ils font, qu'est-ce que nos enfants apprennent? Ces conflits
sont beaucoup plus importants que ne pourrait l'être n'importe quel des
conflits ouverts qui pourraient exister dans une école et,
jusqu'à preuve du contraire, les médecins n'hésitent pas
à opérer lorsqu'il faut extraire un corps qui est vraiment malade
à l'intérieur d'un organisme. Pourquoi aurait-on tant peur
lorsque c'est nécessaire de faire une opération?
Mme Cloutier: En parlant de conflit, je voudrais revenir aussi
sur la deuxième question du ministre concernant l'intervention des
parents ou leur participation à l'école. Selon
l'expérience que j'ai de cette vie commune, depuis 18 ans que je suis
à la même école, cette année, nous avons 21 parents,
c'est-à-dire le maximum de parents au comité d'école, et
deux parents suivent régulièrement les réunions parce que,
malheureusement, ils auraient souhaité être membres du
comité d'école, mais il y a une limite quant au nombre.
Donc, la disponibilité des parents ne fait aucun doute, à
mon avis, selon les expériences que j'ai vécues. Quant à
leur capacité de s'entendre, il me semble que si on est assis autour de
la même table, qu'on a défini ensemble des projets, il est
sûrement possible qu'il y ait à certains moments divergence
d'opinions, mais je pense que la situation en soi favorisant le dialogue nous
permet d'espérer qu'il y aura possibilité de trouver des
consensus.
Actuellement, lorsque les décisions qui font l'objet d'un certain
mécontentement sont prises à l'extérieur - en
général, avec de bonnes raisons, parce qu'elles ont
été prises pour un ensemble d'écoles - si elles ne
conviennent pas à un milieu, il est difficile pour les gens de
s'exprimer puisqu'il faudrait aller à un autre palier. L'avantage de la
structure qui est proposée permet aux parents d'être
fréquemment en contact, d'être très près des gens
qui prendraient les décisions, donc, de favoriser le dialogue, et on
peut espérer que dans ces conditions il y ait plus de chance que les
conflits soient réglés.
Mme Lavoie-Roux: Merci bien.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. M. le député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci M. le Président. Permettez-moi
d'abord de saluer les représentants de l'école Vaillancourt qui
est située dans le comté de Fabre et qui est une école
reconnue pour son dynamisme relié précisément à la
participation du milieu, à la participation des parents.
À cet égard, j'aurais une seule question, M. le
Président. Dans certains milieux, on critique cette formule de
participation directe, la reliant à l'échec, selon le point de
vue, mais, en tout cas, au prétendu échec ou au véritable
échec que connaît cette formule dans les cégeps, les CLSC,
les hôpitaux. On prétend également que cette formule
favorise finalement une minorité de parents actifs ou plus instruits et
que la formule va défavoriser les milieux où les parents sont
moins instruits.
Je vais vous lire un extrait d'un article de Mme Lysiane Gagnon qui
s'intitule: "Les
conscrits de la participation". Ce sont les parents, bien sûr,
qu'elle vise. Seulement quelques lignes qui résument son article:
L'infime minorité de parents déjà active dans des
comités d'école se réjouira de cet accroissement de
pouvoirs, mais, pour la majorité des parents que la loi obligera
à participer sans qu'ils l'aient jamais ni souhaité ni
demandé, cela équivaudra à une sorte de conscription.
J'aimerais avoir votre opinion sur cette critique qu'on a entendue à
plusieurs reprises également en commission.
Le Président (M. Blouin): Mme Bouchard, oui.
Mme Bouchard: Merci, M. le Président. Je vous avoue que
j'ai lu ses articles avec beaucoup de révolte. Pour moi, c'est le
mépris du peuple québécois et particulièrement des
ouvriers québécois. C'est mépriser les gens de nos milieux
que de dire qu'ils ne sont pas capables, qu'ils ne veulent pas, parce qu'on
sait que cela n'est pas vrai pour peu qu'on leur ouvre les portes. Bien
sûr, quand les portes sont fermées, il est difficile d'entrer.
Il est vrai que c'est une minorité de parents qui, dans ce projet
de loi encore, sans doute, gérera l'école, mais est-ce que c'est
une minorité plus ou moins importante que si ce sont seulement les
commissaires qui gèrent? Bon. C'est donc un pas en avant. Ce n'est pas
encore le grand pas et probablement qu'on n'est pas encore prêt à
le faire dans l'ensemble des milieux, ce grand pas. Mais de là à
penser que, demain matin ou demain soir, tous les parents devront venir
à une réunion de notre école et qu'ils vont devoir venir
toutes les semaines pour se prononcer, je trouve que c'est une farce
monumentale. Qu'il y ait un comité d'école qui veuille aller
sonder ce que pense son monde, ce que pensent les parents, ce qu'on fait
régulièrement, nous avons l'impression que deux bonnes
assemblées, exactement ce qu'on a chaque année, suffisent pour
aller sonder, pour percevoir ce que ressentent nos gens en regard des grandes
politiques et des grandes orientations de l'école. Au-delà de
cela, on va continuer comme on le fait maintenant à gérer en
collaboration avec l'école; la seule différence c'est qu'on sera
décisionnel. La "réunionite" et toute la grande peur que tout le
monde soit obligé de venir demain matin, particulièrement que les
femmes soient lésées là-dedans... Figurez-vous que les
femmes sont parfois très heureuses de laisser les enfants au foyer et de
pouvoir s'occuper d'autres choses que de changer des couches. (21 heures)
Mme Cloutier: Je voudrais ajouter qu'il y a différentes
formes de participation. On peut demander aux parents d'assister à une
réunion. On peut utiliser le sondage. Je donnerai un exemple. Il y a
trois ans, j'ai fait un sondage auprès des parents. Ce sondage contenait
six pages de questions, une page d'explications. Il s'adressait au père
et à la mère, aux deux parents. Or, 71% des parents de
l'école y ont répondu. C'était une autre façon
d'aller chercher la participation des parents et de connaître leur
opinion et leurs choix. Je conviens qu'il ne faudrait pas abuser des sondages,
mais il faudrait peut-être trouver d'autres moyens originaux de les faire
participer. On a une preuve que lorsqu'on sait tenir compte de leur
disponibilité, du type de disponibilité qu'ils ont, il y a
différents moyens qu'on peut utiliser.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Fabre. M. le député de Saint-Henri.
M. Hains: J'ai été agréablement surpris de
votre intervention qui fait la distinction entre l'instruction et
l'éducation. Je me dis comme vous, à quoi bon former des experts
en micro-ordinateurs, si on ne peut pas former les esprits et les coeurs de nos
enfants? À quoi bon restructurer des cadres du système scolaire
si nous oublions, comme vous le dites vous-mêmes, les valeurs
psychomotrices, affectives, morales et religieuses? Je vous lance des fleurs,
Mme Bouchard, ainsi qu'à votre compagne et compagnon sur ce sujet. Vous
comprenez fort bien que seule la concertation parents-professeurs pourra
apporter une excellente éducation à nos enfants. Votre noble
souci devrait animer tous les agents formateurs de notre jeunesse.
Après ces fleurs, je vous pose une question. J'ai une crainte
cependant et je vous demanderais de la dissiper si c'est possible. Est-ce que
ce partage des responsabilités pour satisfaire tous les intervenants,
parents, enseignants, directeurs et ministère, est possible avec le
projet de loi 40 actuellement?
Le Président (M. Blouin): Mme
Bouchard.
Mme Bouchard: Le projet de loi pourrait aller plus loin. La seule
réponse que je peux vous donner est déjà donnée:
c'est un pas en avant, c'est un pas dans le sens où nous voulons aller;
c'est un pas qui ne va pas assez loin, selon nous, mais quand on regarde
l'ensemble des intervenants, on est obligé de comprendre qu'il va
peut-être assez loin. Au fur et à mesure, si on accepte de s'en
aller dans ce sens-là, il nous apparaît qu'on a plus de chance de
réussir à donner à l'enfant - j'allais dire une
éducation d'une plus grande qualité, mais je crains toujours ces
mots - une éducation qui se rapproche sans doute davantage des attentes
et des
besoins des parents. J'ai le goût d'ajouter quelque chose parce
que cela m'apparaît important. Je pense justement au journaliste qui
disait: Ce n'est pas vrai que la famille et l'école doivent fusionner.
Je pense effectivement que ce n'est pas vrai, que ce sont deux entités
distinctes et qu'elles doivent demeurer distinctes, mais elles sont
complémentaires. Si on ne regarde pas nos complémentarités
et nos différences... Je pourrais parler du couple. Quand une femme veut
avoir l'égalité avec l'homme, elle ne veut pas être
identique. Les parents réclament un certain nombre de pouvoirs, parce
qu'ils ont une responsabilité partagée avec l'Etat,
partagée avec les enseignants, l'État représentant d'une
certaine façon le mouvement éducatif dessiné au niveau de
l'ensemble. Responsabilité partagée veut dire pouvoirs
partagés, veut dire concertation au risque de défaire ce qu'on
fait les uns les autres. Et je donne un tout petit exemple dans une de nos
classes, et vous le comprendrez très vite. L'enfant arrive chez lui en
disant: Aïe, je me suis amusé. J'ai fait du théâtre de
marionnettes aujourd'hui. Je suis assez content! Et le parent dit: Tu as encore
perdu ton temps toute la journée. Qu'est-ce qui se passe? Tout ce que
vient de découvrir l'enfant sur le plan créateur, sur le plan...
Si on veut continuer à défaire continuellement ce que l'autre
fait, on peut continuer comme cela se passe actuellement, chacun de son
côté voulant baratter son petit beurre, mais peut-être bien
que, si on faisait chacun sa part, le beurre serait à la fois meilleur
et il y en aurait pour plus de monde.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Bouchard. Merci, M.
le député de Saint-Henri. M. le député de
Mille-Iles.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le
Président. Je vais saluer les représentants de l'école
Vaillancourt, de Laval. Une courte question: Dans votre mémoire, il est
question de la formation du conseil d'école. Peut-on comprendre que vous
êtes d'accord avec la composition du conseil d'école, tel que
formulé par le projet de loi? J'ai été surpris de voir en
annexe la liste des membres du comité d'école Vaillancourt. Vous
êtes environ 25 personnes, un responsable des professeurs, une
directrice, mais comment voyez-vous cela, avec l'expérience que vous
avez, la répartition du conseil d'école idéal? Iriez-vous
jusqu'à dire que les professeurs devraient être majoritaires, ou
les parents, etc.? Je veux avoir votre opinion sur la constitution d'un
comité d'école idéal, selon vous.
Le Président (M. Blouin): Mme
Bouchard.
Mme Bouchard: II y a une remarque que je voudrais faire, une
remarque presque préalable. Il y a un enseignant au comité
d'école, mais, à chacun des sous-comités, nous retrouvons
deux, trois ou quatre enseignants. Si on mettait en globalité combien
d'enseignants participent aux comités globaux de l'école, on en
aurait pas loin d'une douzaine. Possiblement qu'il n'y a pas loin d'une
douzaine d'enseignants qui participent à la réalité de
l'organisation ou de l'administration de l'école, à part leur
tâche propre. Si vous me demandez mon avis personnel - et là je ne
répondrai pas au niveau du comité d'école, on n'a pas
discuté à fond cette question et il faut dire qu'on était
peut-être partagé là-dessus - c'est que cela devrait
être un pouvoir paritaire pour qu'il y ait la plus grande concertation et
la plus grande collaboration possible, et j'y crois. Je sais aussi que d'aucuns
craignent -et c'est partagé à ce niveau-là - de sorte que
je ne pense pas qu'on puisse donner un avis actuellement au ministre ou aux
membres de cette commission sur ce sujet.
Le Président (M. Blouin): D'accord, merci. Merci, M. le
député de Mille-Iles. Cela va? M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Je vais continuer la
question du député de Mille-Îles et je vais m'adresser
à Mme Cloutier. Vous voyez cela comment, le conseil d'école?
Voyez-vous les enseignants majoritaires? Les voyez-vous en partie là?
Vous les voyez comment?
Mme Cloutier: Je pense qu'il y a différentes façons
de voir que chacun puisse participer aux décisions. C'est ce qui
m'apparaît important. On pourrait le faire en mettant un comité
paritaire, on pourrait aussi le faire en donnant aux enseignants le pouvoir
décisionnel sur des questions qui sont d'ordre professionnel comme
celle, par exemple, du choix des manuels scolaires.
M. Maltais: Mme Cloutier, je m'excuse, je voudrais savoir comment
vous le voyez. Est-ce que vous voyez des enseignants au comité
d'école, paritaire ou non? Est-ce que vous en voyez?
Mme Cloutier: Je vois au moins un enseignant, comme c'est
proposé.
M. Maltais: Un enseignant.
Mme Cloutier: C'est-à-dire que je ne vois pas d'objection
à ce qu'il y ait des enseignants au comité d'école. Je
pense que, indépendamment des personnes, si l'on regarde la
structure...
M. Maltais: Mme Cloutier, est-ce que
vous êtes d'accord avec ce que la Fédération des
directeurs d'école a déclaré ici?
Mme Cloutier: Je pense que la fédération voit
davantage les enseignants...
M. Maltais: N'en recommande pas du tout, si j'ai bien
compris.
Mme Cloutier: Non, non. La fédération voit
davantage les pouvoirs, les décisions touchant la question des
enseignants remis aux enseignants eux-mêmes. C'est le point de vue d'un
certain nombre de mes collègues aussi. Les décisions touchant par
exemple des questions comme je l'ai mentionné tantôt, d'ordre
pédagogique, les parents reconnaissent en majorité la
légitimité de les remettre entre les mains des enseignants. Je
pense que sur de telles questions les enseignants sont intéressés
à décider des outils avec lesquels ils travailleront.
En ce qui concerne l'orientation générale de
l'école, je pense qu'il y a des enseignants qui y sont
intéressés et d'autres qui n'y sont pas. En principe, on n'a
pas...
M. Maltais: Mme Cloutier, est-ce que vous voyez une situation de
conflit dans le fait que de vos employés deviennent vos patrons?
Mme Cloutier: Je pense qu'une situation où les enseignants
seraient paritaires risque d'être une situation qui crée des
conflits, et du fait que les enseignants...
M. Maltais: Merci.
Mme Cloutier: ...seraient mandatés pour jouer un
rôle qui n'irait peut-être pas dans le sens des objectifs de
l'organisation, mais plutôt dans le sens des objectifs que poursuivent
les enseignants comme groupe.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Cloutier, merci, M.
le député de Saguenay. Sur ce je remercie M. Côté,
Mme Bouchard et Mme Cloutier de leur participation aux travaux de cette
commission au nom de tous les membres de la commission.
J'invite maintenant les représentants de la
Fédération des travailleurs du Québec à bien
vouloir s'approcher de la table des invités afin de nous livrer d'abord
le contenu de leur mémoire en une vingtaine de minutes. Après
avoir pris connaissance globalement du document qui nous a été
remis par la Fédération des travailleurs du Québec, je
constate qu'une lecture systématique de ce document ne pourrait pas se
faire bien en deçà d'une heure. Donc, j'invite les membres, je
fais appel à leur esprit de synthèse pour réduire à
une vingtaine de minutes la présentation pour que nous ayons le maximum
de temps ensuite pour procéder aux échanges entre les membres de
la commission et nos invités.
Maintenant que les représentants de la FTQ sont installés
à la table des invités, je les invite d'abord à
s'identifier et ensuite à nous livrer le contenu de leur
présentation.
FTQ
M. Daoust (Fernand): Vous m'avez invité à
présenter les gens qui m'accompagnent. Je vais commencer par Mona
Josée Gagnon qui est à ma droite, du service de recherche de la
FTQ; Fernand Boudreault, secrétaire-trésorier de l'Association
internationale des débardeurs et vice-président de la FTQ; Allan
Robindaine de l'Union des employés de service, permanent syndical;
à ma gauche Claude Morisseault, le directeur québécois du
Syndicat canadien de la fonction publique et vice-président de la FTQ;
Claude Ducharme, le directeur québécois des Travailleurs unis de
l'automobile et vice-président de la FTQ; André Valiquette,
permanent syndical au Syndicat canadien de la fonction publique, et Jacques
Sztuke, du Syndicat des employés professionnels et de bureau. (21 h
15)
Je vais tenter de résumer succinctement ce mémoire que
nous vous avons soumis. C'est à un double titre que nous nous
présentons devant vous, d'abord à titre d'usagers et
d'usagères, car la FTQ représente 400 000 travailleurs sur le
territoire québécois et une bonne partie de ceux-ci sont des
parents et ont des élèves tant au primaire qu'au secondaire.
C'est aussi à titre de représentante des employés
syndiqués que nous retrouvons dans le réseau scolaire; chez nous,
nous représentons surtout des employés de soutien.
Il est à propos de vous rappeler que la FTQ a toujours eu
à coeur la qualité et l'accessibilité de notre
système public d'éducation. Depuis de nombreuses années,
nous sommes intervenus régulièrement dans tous les débats
concernant l'école en mettant l'accent sur le rôle à notre
avis central de l'école dans la démocratisation et la lutte aux
inégalités dans notre société. C'est donc à
partir de ces grands principes que nous avons considéré le projet
de loi 40. Nous nous sommes beaucoup plus intéressés à la
philosophie politique qui se dégage de ce projet de loi qu'à ses
aspects très complexes et mécaniques.
Nous aborderons successivement les questions suivantes: la participation
et le pouvoir dans l'école, notre conception de l'école
démocratique et jouant un rôle dans la démocratisation face
à certains aspects du projet de loi 40. Nous parlerons de quelques
enjeux, eu égard à la démocratisation toujours mise en
cause par la restructuration des commissions scolaires. Nous aborderons
certaines de nos inquiétudes par rapport à
l'éducation des adultes, l'oubliée du projet de loi. Nous nous
interrogerons ensuite sur les droits syndicaux des employés actuels des
commissions scolaires et nous terminerons par une très brève
conclusion.
Le pouvoir dans l'école. Nous voulons commencer par vous dire
très clairement que nous sommes pour une plus grande participation des
parents usagers dans l'école. Nous sommes pour cette participation de la
même façon que nous favorisons, par principe et par
idéologie, un meilleur contrôle des populations sur les
institutions publiques quelles qu'elles soient, un meilleur partage du pouvoir
dans notre société. C'est, pour nous, quelque chose de
fondamental et nous trouvons malheureux que, parce que plusieurs jugent que la
formule proposée par le projet de loi n'est pas acceptable, cet enjeu
absolument fondamental soit plus ou moins relégué aux oubliettes,
dans l'esprit de certaines personnes.
Qui plus est, en ce qui concerne l'école en particulier, il
semble clair que la formule actuelle de participation ne fonctionne pas. Qu'il
s'agisse de résultats d'enquêtes ou de leur représentation
officielle, c'est clair que les parents militants, les membres des
comités d'école, sont insatisfaits. Nous croyons que c'est
à partir de la perception et du désenchantement de ces parents
militants qu'il faut évaluer la formule actuelle de participation dans
l'école. Donc, nous sommes d'accord avec le ministre pour dire: Oui,
ça doit changer. Mais nous ne le suivons pas jusqu'au bout, car nous
avons d'importantes réserves sur la formule spécifique
proposée. Nous allons étudier un à un les points de cette
formule scientifique.
Les enseignants. Le projet de loi constitue, selon nous, une provocation
à l'égard des enseignants. On leur offre une présence
minuscule aux conseils d'école et, encore, on dit presque que leur
présence est facultative. Cela vient après le livre blanc,
où il était question de revaloriser l'enseignant. Nous croyons
que le ministre et les parents n'ont pas le choix. Les enseignants et leur
structure syndicale doivent faire partie de la réforme; il n'y aura pas
de réforme sans eux et sans elle. Si le projet de loi 40 devait
être adopté tel quel, ce seraient les parents qui, dans chaque
école, seraient obligés de ramasser les pots cassés. Nous
souhaitons et demandons instamment au ministre de négocier quelque chose
d'acceptable avec les enseignants. La qualité de l'enseignement, c'est
à eux qu'on la doit en grande partie et il nous faut le
reconnaître.
Les citoyens. Là encore, on constate un recul par rapport au
livre blanc. Les citoyens n'ont plus de place au conseil d'école. Chez
nous, à la FTQ, ce n'est pas d'hier que nous insistons sur le
côté public de l'école. Le mot "public", d'après le
Petit Robert - je cite la définition - signifie: Ce qui concerne le
peuple pris dans son ensemble; qui appartient à la collectivité
sociale, politique et en émane. Public veut dire pour nous que
l'école, pas plus que les hôpitaux ou le réseau routier,
n'appartient à ses seuls usagers directs et indirects. L'école
appartient à l'ensemble de la société.
L'aménagement des pouvoirs à l'intérieur de l'école
doit refléter ce phénomène. Disons qu'à l'heure
actuelle l'école fonctionne sur un mode autoritaire, mais qu'elle n'est
pas reconnue comme un lieu de pouvoir. Le pouvoir est à la commission
scolaire. Si on veut reconnaître l'école comme un lieu de pouvoir,
mais qu'on laisse en chemin cet aspect important, le côté public,
c'est, selon nous, une forme de recul.
Enfin, tout cela évoque un concept important, celui de
l'école communautaire. Comme centrale syndicale, c'est une question qui
nous préoccupe énormément. Nous sommes intervenus sur ces
questions à d'autres niveaux, les universités, notamment,
où nous avons toujours insisté sur la fonction de services
à la collectivité. La FTQ, dans le passé, a réussi
à signer quelques protocoles d'entente avec, entre autres,
l'Université du Québec à Montréal, afin que ce
service à la collectivité puisse se concrétiser dans des
services, dans des gestes, dans des instruments, dans des outils qui sont mis
à notre disposition. Nous craignons que la réforme
proposée ne soit le signe d'une espèce de repli de
l'école, alors que nous souhaitions une ouverture sur les organisations
du quartier ou de la paroisse. Pour nous, l'école a une vocation
communautaire et il faut l'inscrire quelque part.
Les élèves. Pour ce qui est des élèves, nous
pensons que si le projet de loi 40 veut s'inscrire dans une réflexion
sur la démocratie à l'école, ils sont les premiers
concernés. Nous croyons qu'il faut viser une plus grande
responsabilisation et autonomie des enfants et des adolescents. Minimalement,
cela veut dire que le projet de loi n'a pas à spécifier que seuls
les élèves du second cycle du secondaire seront dignes de
siéger au conseil d'école. Les associations
d'élèves doivent être maîtresses de leur nomination.
C'est une très vieille revendication syndicale qui devrait, il nous
semble, s'appliquer aussi aux adolescents.
Pour ce qui est des élèves du primaire, nous ne faisons
pas de proposition d'amendement formelle. Nous regrettons qu'ils soient
éliminés d'office et nous sommes conscients en même temps
des problèmes que des réunions en soirée peuvent poser.
Disons que nous nous posons des questions et que nous pensons qu'il faudrait
entendre la parole des enfants directement et que cela peut remettre en cause
bien des
fonctionnements dans l'école. De façon
générale, nous croyons qu'il faudrait que nous soyons tous plus
à l'écoute des jeunes. Il faut leur donner plus de moyens de se
faire entendre. En somme, pour nous, le conseil d'école, pour être
équilibré et refléter ce qu'est l'école, aurait,
grosso modo, la composition suivante: pour la moitié, ceux et celles qui
font fonctionner l'école et à qui elle est destinée,
c'est-à-dire les personnes, à tous les niveaux, dont les
enseignants, les personnes de soutien, évidemment, et les
élèves; pour l'autre moitié, les usagers indirects,
c'est-à-dire les parents et les citoyens, avec une majorité
très importante du côté des parents.
Le défi de la participation. Comme nous l'avons dit dans notre
mémoire, la participation n'est pas seulement un principe, c'est surtout
une pratique. Ce que nous voulons dire par là, c'est qu'il y a des
inégalités d'accès à la participation qu'il faut
considérer d'une part et que, d'autre part, la participation, cela ne
marche pas tout seul.
Nous voulons dissiper une équivoque, s'il y en a une. Nous ne
sommes pas de ceux qui pensent que les parents, les élèves, les
citoyens, les employés de soutien, bref l'ensemble des
non-professionnels, des non-spécialistes dans l'école, ne peuvent
pas participer valablement. Cela a beaucoup été dit, dans
beaucoup de milieux. Nous mettons cela en rapport avec les patrons, nous
faisons des analogies, qui disent assez souvent que les travailleurs n'ont pas
à se mêler d'organisation du travail. Nous pensons plutôt
ici à la très intéressante enquête du Conseil
supérieur de l'éducation sur les comités d'école.
Un aspect qui ressortait très fort, mais dont, sauf erreur, il n'a pas
beaucoup été question dans le présent débat, c'est
l'influence des facteurs de la scolarité et du revenu dans le
désir de participation des parents. Il faut aussi mentionner que le sexe
a de l'importance. En gros, selon nous, plus on est riche, plus on est instruit
et, encore plus, si l'on est un homme, plus on veut participer, plus on se sent
capable et, probablement, plus on se fait respecter. C'est là quelque
chose d'important qui milite, selon nous, pour un soutien à la
participation parentale, tout particulièrement un soutien orienté
vers l'aplanissement de ces inégalités.
Un deuxième axe de réflexion en ce qui concerne la
participation, c'est qu'il importera plus que jamais, avec l'existence de
conseils d'école décisionnels, de voir au bon fonctionnement des
instances démocratiques consultatives: comités d'école,
assemblées générales de parents, associations
d'élèves et le reste. 11 ne faut pas diminuer le nombre de
personnes impliquées dans l'école à la faveur de cette
réforme. Il faut préserver le dynamisme et le rôle des
structures consultatives.
Une école démocratique. Sous ce thème, nous avons
regroupé dans notre mémoire des réflexions sur trois
sujets: la décentralisation des pouvoirs, le caractère commun de
l'école et la confessionnalité. Comme nous l'avons
souligné, nos réflexions trouvent leur sens dans notre conviction
que l'école est un acquis des classes populaires et doit toujours
être dédiée à une mission de démocratisation
sociale.
La décentralisation. Notre première inquiétude
concerne la décentralisation des pouvoirs vers l'école. Nous ne
sommes pas contre tout réaménagement, loin de là, mais
nous avons l'impression que le projet de loi 40 va trop loin. Notre
inquiétude s'alimente notamment à certains passages du livre
blanc qui a précédé le projet de loi et dont nous retenons
que, pour le ministre, les problèmes d'inégalité,
d'accessibilité et de péréquation ont été
réglés par le grand vent de la réforme des années
soixante et que maintenant, il faut ouvrir un autre chapitre, celui de la
responsabilisation de l'école.
À la FTQ, on veut bien responsabiliser l'école, mais nous
sommes convaincus qu'on n'a jamais fini de combattre l'accessibilité et
les inégalités sociales. C'est une mission permanente de
l'école. Il y a peu de temps, nous étions ici pour parler de
francisation des milieux de travail et nous avions un peu la même
optique. Il y a des défis que, par définition, on n'a jamais fini
de relever. La lutte aux inégalités, selon nous, suppose
l'existence ou la survie d'organismes au-dessus des écoles qui auront
pour mission d'aplanir les inégalités, de donner plus aux milieux
qui ont moins, somme toute, l'école a une mission de
péréquation. C'est pour cela que, quand nous voyons en plus que,
par le projet de loi 40, les écoles pourraient s'amasser un
pécule, louer leur équipement et leurs locaux dans une logique de
rentabilité, on se dit qu'on risque de revenir au vieux système:
des écoles de riches et des écoles de pauvres, des commissions
scolaires de riches et des commissions scolaires de pauvres. En plus, on
s'inquiète pour les droits fondamentaux, comme la gratuité
scolaire, les garderies en milieu scolaire et le reste.
Nous demandons donc au ministre de revoir le projet de réforme en
s'assurant que la mission de péréquation du réseau
scolaire pourra être maintenue.
Une école commune. Pour nous, une école commune, c'est
l'école de quartier, du village ou de territoires, au secondaire,
où toutes les catégories de clientèle sont à
l'aise. Une école commune intègre dans son projet éducatif
la réalité sociologique dans laquelle elle baigne, mais chez
elle, tous ont les mêmes droits, prérogatives et
privilèges. Or, le projet de loi 40 invite les écoles à se
personnaliser et, par conséquent, offre le choix de l'école. En
pratique, le choix de
l'école, cela ne veut pas dire grand-chose en milieu rural, au
niveau primaire, sauf dans les milieux favorisés peut-être, et
dans tous les cas, être obligé de fréquenter une
école éloignée est une pénalisation; cela
crée des classes de citoyens. (21 h 30)
À la FTQ, nous sommes contre le libre choix parce que nous sommes
contre le libre rejet. Nous ne voulons pas que des catégories plus
actives se façonnent une école qui leur plaira à elles,
mais qui rejettera objectivement les autres. Nous ne voulons pas que, dans des
quartiers hétérogènes, comme il y en a à
Montréal, il y ait l'école des petits bourgeois d'un
côté et l'école des moins instruits de l'autre. Nous sommes
contre les inégalités et, à cause de cela, nous voulons
une école vraiment commune.
La confessionnalité. C'est dans cette optique qu'on aborde la
question de la confessionnalité scolaire. Nous ne sommes pas
opposés à la présence de la religion et de l'animation
pastorale à l'école, dans la mesure où il existera une
véritable option. Là où cela ne va pas, c'est dans
l'insertion de la confessionnalité dans le projet éducatif
même, dans l'existence juridique de l'école. Cela aussi ouvre la
porte à des exclusives, des intolérances et des
inégalités. C'est contre l'idée que nous avons d'une
école commune et nous ne pouvons pas ne pas penser aux guerres de
tranchées qui s'annoncent dans les écoles sur la question du
statut confessionnel. Nous pensons aux nouveaux Québécois qui,
dans certaines écoles de Montréal, sont majoritaires. Selon nous,
il faudrait donc déconfessionnaliser l'école au niveau de son
statut et de son projet éducatif.
Les commissions scolaires démocratiques. Des propos
déjà tenus résulte que nous trouvons que les commissions
scolaires doivent détenir des pouvoirs et champs de
responsabilités significatifs. Nous ne reprendrons pas cela ici.
Sur la question du critère linguistique pour le
redécoupage des commissions scolaires, c'est la formule qui s'impose en
raison d'un consensus assez général. Nous favorisions auparavant
les commissions scolaires unifiées à Montréal et nous nous
inclinons devant les consensus qui se font au sein de la société
québécoise. Nous nous interrogeons cependant sur la pertinence de
généraliser la commission scolaire linguistique partout, d'en
faire, somme toute, un droit fondamental pour la minorité
anglophone.
La solution proposée par le livre blanc à cet égard
nous semblait raisonnable et notre inquiétude est que des commissions
minuscules par la population et énormes par le territoire ne puissent
donner les services de qualité auxquels la population aurait droit.
Dans notre mémoire, nous formulons aussi une inquiétude
par rapport au démantèlement de la CECM. Nous trouvons que le
ministre n'a pas donné de garanties quant à la continuité
des services très spécialisés et très
compétents qu'avait développés cette commission scolaire
dans des domaines comme l'éducation des adultes et les milieux
défavorisés.
Enfin, et c'est un point majeur, nous continuons à soutenir la
formule du suffrage universel dans des territoires regroupant plusieurs
écoles; en fait, de vraies circonscriptions électorales pour
l'élection des commissaires d'école, au nom du caractère
public du réseau scolaire. Nous sommes conscients du problème que
pose la désaffection populaire aux élections.
Nous proposons à nouveau deux solutions: la
démocratisation du financement électoral et l'officialisation de
l'importance des élections scolaires par une loi qui obligerait les
employeurs à accorder un congé, comme cela se fait aux niveaux
provincial et fédéral.
L'éducation des adultes. Voilà un sujet qui n'est
qu'effleuré dans le projet de loi 40. Nous le déplorons, nous
réclamons des amendements et il va sans dire que nous sommes inquiets.
Dans l'attente d'une loi spécifique au sujet de l'éducation des
adultes, nous recommandons d'inclure dans le projet de loi la reconnaissance de
l'éducation des adultes comme un droit et, corrollairement, comme une
mission de l'école; la reconnaissance du principe de la gratuité,
particulièrement pour ce qui est de l'alphabétisation et de la
formation de base; la reconnaissance de la nécessité de services
spécifiques aux adultes. Nous estimons qu'il faut prévoir un ou
des lieux de participation pour les étudiants adultes. Cela pourrait
être une association consultative, corrollaire des associations
d'élèves et de parents. En plus, on peut penser au conseil
d'école par la participation des citoyens.
Dans la suite de nos revendications, nous voudrions qu'il soit bien
établi que la formation acquise hors école est tout aussi valable
lorsqu'elle est équivalente. L'article 208 peut répondre à
cette préoccupation. Enfin, s'assurer que les services aux adultes sont
dispensés par des institutions publiques. À ce sujet, l'article
201 nous inquiète. Nous souhaitons pouvoir intervenir de nouveau lorsque
le gouvernement fera connaître sa politique sur le sujet. Dans
l'intervalle, nous pressons le ministre de modifier le projet de loi pour y
faire une place aux adultes.
Sur les droits syndicaux, cela ne sera pas très long. La
restructuration scolaire proposée par le projet de loi 40 engendre de
l'incertitude et de l'insécurité parmi le personnel de soutien
que nous représentons. Pour plusieurs, l'opération décret
commencée lors de la dernière ronde de négociations se
poursuit. Le projet de loi entraîne des modifications aux conditions de
travail, crée
de nouveaux droits de gérance et ignore à toutes fins
utiles les associations de salariés qui représentent le personnel
de soutien. Les mécanismes d'implantation des nouvelles structures
sabrent dans les droits syndicaux et mettent de côté les droits
acquis du personnel de soutien. Il n'est prévu aucune véritable
négociation avec les syndicats, comme s'il valait mieux ignorer les
problèmes que de tenter de les résoudre. En cas de
mésentente, nous croyons que les mécanismes usuels du Code du
travail devraient s'appliquer.
Qui serait l'interlocuteur valable des salariés et de leurs
associations face à la répartition proposée des pouvoirs
entre la commission scolaire et les écoles? C'est la commission scolaire
qui demeure l'employeur, mais c'est le directeur d'école qui assure la
gestion du personnel, et ce dernier demeure soumis au conseil d'école
dont il doit veiller à exécuter les décisions. Dans un tel
contexte, les conditions de travail négociées autrefois seront
très difficiles à faire respecter, d'autant plus que le projet
donne de nouveaux droits à l'employeur.
À titre d'exemple, le projet de loi permet différentes
formes de sous-traitance. Nous sommes catégoriquement opposés
à la sous-traitance parce qu'elle entraîne
l'insécurité d'emploi et des conditions de travail minimales pour
ceux qui doivent la subir.
De même, on se demande pourquoi le projet de loi intervient dans
le perfectionnement du personnel de soutien. Nos conventions collectives
prévoient des comités paritaires. Nous ne comprenons pas pourquoi
le conseil d'école ou encore moins le comité pédagogique
de l'école aurait à déterminer les besoins de
perfectionnement du personnel de soutien.
En ce qui concerne l'article 223 du projet de loi, on comprendrait le
législateur d'abolir les dispositions désuètes visant
à prévenir la contagion de la tuberculose, mais on s'explique mal
que le projet de loi prolonge ces dispositions touchant la tuberculose à
toutes formes de maladies. Il s'agit là de la création d'un droit
de gérance exorbitant d'autant plus qu'en d'autre temps on parle
beaucoup de réadaptation et de réinsertion sociale des malades,
blessés et handicapés.
Plusieurs de nos membres, faisant partie du personnel de soutien,
occupent des fonctions pédagogiques ou éducatives. Ils devraient
être clairement exclus des modalités prévues aux articles
224 et suivants du projet de loi, afin de ne pas créer deux
régimes distincts de conditions de travail.
Les mécanismes d'implantation des nouvelles commissions scolaires
mettent de côté un principe important du Code du travail qui se
lit comme suit: "Tout salarié a droit d'appartenir à une
association de salariés de son choix..." Cela est
particulièrement vrai en ce qui concerne le cas de plusieurs syndicats
regroupant les concierges. Il faut se demander si l'article 412 du projet de
loi ne désavantage pas les syndicats qui ne représentent que des
sous-catégories de salariés.
L'exclusion automatique de la personne agissant comme secrétaire
du directeur général ou du directeur du personnel va
également à l'encontre du principe énoncé dans
l'alinéa précédent, d'autant plus que ces personnes sont
actuellement syndiquées dans plusieurs commissions scolaires.
Les comités de mise en oeuvre devraient utiliser prioritairement
le personnel des commissions scolaires et les conventions collectives devraient
continuer de s'appliquer à tout le personnel qui y travaille.
Le projet de loi devrait prévoir le maintien des droits
individuels et collectifs sans égard à la convention collective
qui devient applicable. L'association de salariés détenant plus
d'un certificat d'accréditation et ayant conclu plus d'une convention
collective devrait pouvoir choisir la convention collective qu'elle
désire voir appliquer. Au minimum, une telle réforme devrait
inclure les dispositions visant à maintenir le niveau d'emploi et
à empêcher la déclassification du personnel et la
déqualification des emplois pour un certain nombre d'années.
En conclusion, l'ensemble des commentaires qui précèdent,
que vous retrouvez dans le mémoire, que nous les ayons exprimés
sous forme de remarques générales ou sous forme de revendications
spécifiques d'amendements, entraîne que la FTQ n'est pas en mesure
de donner son appui au projet de loi 40 tel qu'il est présenté.
C'est clairement d'amendements substantiels que le projet de loi de
réforme a besoin pour qu'il nous devienne acceptable. Même s'il y
a déjà longtemps que ce projet de réforme est dans l'air,
nous demandons au ministre de prendre le temps requis pour améliorer son
projet de loi et profiter de façon optimale des nombreuses
représentations qui ont été faites lors des audiences de
cette commission parlementaire.
La FTQ estime que le projet de loi 40 revêt une importance
capitale pour notre devenir collectif et tout doit être mis en oeuvre
pour que s'instaure enfin dans nos écoles un climat de collaboration et
de respect mutuel.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Daoust. M. le
ministre.
M. Laurin: J'ai d'abord grand plaisir, M. le Président,
à saluer l'importante délégation de la FTQ, aussi bien
celle qui est assise à la table que celle qui n'a pu trouver place
à
la table. Je la remercie et je la félicite pour l'importante
contribution qu'elle fait à nos travaux. Je n'ai qu'un seul regret,
c'est celui que le mémoire ne nous a été communiqué
que ce matin car la lecture cursive que j'en ai faite m'en a fait voir toute la
richesse, aussi bien sur le plan des principes de la philosophie qui sous-tend
les positions de la FTQ que sur le plan des propositions concrètes
qu'elle nous fait, non pas sur un seul sujet, mais sur la plupart des sujets
importants que vise le projet de loi.
Ceci veut dire évidemment que nous lirons ce mémoire
à tête reposée et que nous serons mieux en mesure d'en
tirer la substantifique moelle en vue d'atteindre l'objectif que vous
mentionniez à la fin de votre mémoire et que je partage,
c'est-à-dire de conférer à ce très important projet
de loi toute la solidité dont il a besoin pour satisfaire les objectifs
de notre société.
Évidemment, je ne pourrai pas relever tous les sujets que vous
avez touchés. Je ne voudrais en toucher que quelques-uns, laissant aux
autres membres de la commission le soin d'aborder les autres. J'ai bien
aimé ce que vous avez dit sur la participation, une participation que
vous estimez essentielle, mais que vous craignez de voir se dégrader si
elle n'est pas bien assise et si elle n'est pas encadrée et
stimulée. J'ai apprécié particulièrement le
plaidoyer que vous faites à l'endroit de la participation des parents au
sein de l'école. Vous rappelez à juste titre la consultation qui
avait suivi la présentation du livre vert de mon
prédécesseur et l'enquête du Conseil supérieur de
l'éducation, consultation et enquête qui démontraient d'une
façon très nette que les parents ne voulaient pas devenir les
patrons de l'école, mais qu'ils avaient, dans leur très grande
majorité, des représentations très précises; par
exemple, 92% des parents voulaient avoir le droit de choisir le genre
d'éducation scolaire de leurs enfants, 83% réclamaient celui de
définir les grandes orientations de l'école et 79%
réclamaient le droit d'être partenaires à part
entière pour ce qui concerne les questions pédagogiques.
Le but que vise le projet de loi - j'y reviendrai tout à l'heure
- ce n'est pas de faire des parents les patrons de l'école, mais bien
d'en faire des partenaires au sein d'une équipe-école où
tous les intervenants auront leur rôle à jouer à partir de
leurs expériences, de leurs droits, de leur savoir, de leur
compétence. (21 h 45)
Je partage aussi entièrement vos vues en ce qui concerne la
démocratisation de notre système scolaire. Il est vrai que nous
avons fait de grands pas depuis 1960, mais je n'ai jamais prétendu qu'il
fallait arrêter notre marche. Il y a encore beaucoup de progrès
à accomplir, ne serait-ce qu'en raison de notre incapacité de
maintenir à l'école tous les élèves qui y vont, ne
serait-ce qu'en raison des taux de passage du secondaire au collégial
qui sont encore trop faibles, ne serait-ce aussi qu'en raison des obstacles ou
des contraintes que posent l'accès aux écoles et à des
études de qualité les contraintes économiques, les
contraintes sociales et même les contraintes sexistes que nous
connaissons encore. Donc, il n'est pas question pour nous d'arrêter cet
effort de démocratisation.
Je vous suis moins cependant quand vous dites que nous semblons avoir
renoncé à la mission de péréquation du
réseau scolaire qui a été la nôtre jusqu'ici. J'ai
eu l'occasion de déposer à cette commission un document qui
montre, au contraire, que, depuis trois ans, nous continuons de faire des
progrès en ce sens, surtout depuis que, dans nos nouvelles règles
budgétaires, dans les allocations que nous versons aux commissions
scolaires, nous tenons maintenant compte -et d'une façon fine - de la
situation particulière de chacune des commissions scolaires du
Québec, du profil de la clientèle qu'elles desservent, des poches
de pauvreté qui peuvent se situer dans ces territoires; autant de
facteurs dont justement nous tenons compte aussi bien dans les règles
budgétaires que dans les allocations que nous versons. Nous en tenons
compte dans les enveloppes de base, mais nous en tenons compte en plus dans les
allocations spécifiques que nous versons aux commissions scolaires, soit
pour répondre aux besoins de clientèles spéciales, celle
des milieux défavorisés, celle des enfants en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage, soit pour combler d'autres besoins
spéciaux ou particuliers qui nous sont signalés par certaines
commissions scolaires ou par l'ensemble des commissions scolaires. Nous avons
même adopté depuis quelques années une politique de
péréquation qui tient compte du rendement variable de la taxe
foncière au niveau de toutes les commissions scolaires du Québec,
qui tient compte, par nos mécanismes de normalisation qui impliquent des
déboursés parfois très importants, du rendement,
justement, très inégal de ces taxes foncières selon les
territoires du Québec. Je me ferai un plaisir de vous faire parvenir ces
documents qui vous montreront que le souci que nous avons de lutter contre les
inégalités sociales est toujours aussi grand qu'il l'a
été.
Je suis aussi d'accord avec vous lorsque vous dites que l'école
doit s'ouvrir le plus largement possible sur le milieu. Je sais que la FTQ a
beaucoup contribué à cette prise de conscience au niveau des
universités et au niveau des collèges, mais je conçois
qu'il faille maintenant faire la même chose au niveau des écoles.
Nous n'avons en aucune façon renoncé au principe que nous avions
énoncé dans le livre blanc à cet égard. Nous
voulons plus que jamais que les écoles puissent maintenant faire
bénéficier le quartier ou le milieu où elles sont
enracinées de toutes les ressources de l'école, que ces
ressources soient humaines, scientifiques, matérielles,
financières, que ce soit sur le plan de l'équipement culturel ou
sportif, ou que ce soit sur le plan des ressources humaines que contient
l'école. Je pense que, si les articles de loi sont appliqués dans
le bon esprit, nous aboutirons à ce résultat, même si nous
savons qu'il y a un rythme d'évolution qu'il faudra respecter; mais je
crois quand même que l'objectif est clair et que les écoles se
mettront en marche pour l'atteindre.
Je voudrais aussi dire quelques mots sur un des oublis que nous avons
faits et pour lequel vous vous inquiétez: les adultes. Ce n'est qu'un
oubli apparent parce que le projet de loi a été
élaboré à une époque où nous travaillions
à l'élaboration d'une politique sur l'éducation des
adultes. Nos lois sont très insuffisantes actuellement. En fait, la
pratique dépasse nos pratiques législatives. Dans le champ de
l'éducation des adultes, nous posons maintenant des gestes que nos lois
ne nous permettent pas de poser. Nous le faisons quand même en ouvrant,
par exemple, nos écoles secondaires et nos collèges à des
clientèles adultes de plus en plus nombreuses alors que les lois ne nous
y autorisent pas.
Avant d'amender la Loi sur l'instruction publique, il fallait quand
même que nous sachions davantage où nous allions, comme vous le
savez, je l'ai annoncé à cette commission, nous sommes à
la toute veille de mettre au point notre politique d'éducation des
adultes et, dès que cela serait fait, il nous fera plaisir d'amender le
projet de loi 40 en conséquence afin d'atteindre les divers objectifs
que vous avez mentionnés. D'abord, le droit à l'éducation,
le droit à une éducation de base. Deuxièmement, la
gratuité des services éducatifs. Troisièmement, la
spécificité des méthodes d'organisation
pédagogique. Quatrièmement, une participation des adultes
à la vie des écoles où ils auront à étudier.
Et, cinquièmement - ce qui est extrêmement important - la
reconnaissance des acquis dont les adultes pourront témoigner lorsqu'ils
voudrait s'inscrire dans le réseau scolaire.
J'annonce en vrac les directions que prendront ces amendements, mais il
était impossible d'y procéder avant que le gouvernement ait
adopté une politique.
Je voudrais aussi revenir sur ce que vous avez dit - qui m'a paru
très sévère - sur les droits des syndicats. J'ai
été étonné d'entendre et de lire vos propos
à cet égard. Je me les explique peut-être en pensant que
vous n'avez pas entendu les amendements ou les assurances que j'ai
données à d'autres groupes syndicaux qui sont venus à
cette commission et qui auraient pu apaiser vos inquiétudes et vous
amener à formuler autrement vos remarques à cet égard.
J'ai annoncé dès le début des travaux de la
commission, que nous amenderions l'article 353 en disant que nous
procéderions, en ce qui concerne les modalités de transfert et
d'intégration des personnels d'une commission scolaire ancienne à
une commission scolaire nouvelle, par voie d'ententes, par voie de
négociations et que ces négociations seraient menées lors
de rencontres conjointes que mes officiers auraient avec tous les syndicats
concernés. D'ailleurs, ces échanges ont déjà
commencé et je sais que les syndicats de la FTQ ont rencontré mes
officiers sept ou huit fois et que nous devons les rencontrer encore trois ou
quatre fois, au cours des quinze prochains jours. De toute façon, je
voulais vous répéter que la discussion de ces modalités de
transfert et d'intégration se fera selon les pratiques reconnues,
c'est-à-dire par voie de négociations selon des mécanismes
que vous connaissez, que nous connaissons et que nous reconnaissons, et qui
devraient aboutir à des ententes.
Par ailleurs, j'en profite pour vous remercier d'avoir participé
aux échanges que nous avons déjà eus et pour vous inviter
à participer aux autres, car j'espère bien que nous pourrons en
arriver à une entente.
J'ai noté aussi d'autres remarques, d'autres points plus
précis, dont le suivant. Vous croyez difficile de respecter les
conventions collectives étant donné que l'école serait
désormais dirigée par un conseil d'école et que le
directeur d'école assumerait la gestion du personnel de l'école.
Je dois vous dire que le projet de loi n'a, en aucune façon, pour effet
d'empêcher la convention collective de s'appliquer. Tout ce que nous
cherchons dans le projet de loi, c'est de préciser les
responsabilités des intervenants au niveau de l'école, mais ces
intervenants au niveau de l'école assumeront leurs
responsabilités dans le respect le plus strict des conventions
collectives en vigueur, que ce soit sur le point que vous avez soulevé
ou sur quelque autre que ce soit. Par exemple, cela vaut pour la
sous-traitance. Vous craignez que la restructuration puisse engendrer la
multiplication de la sous-traitance pour des services qui seraient normalement
dispensés par des employés de soutien. Tel n'est pas l'objectif
du projet de loi. Cependant, si le recours à la sous-traitance pouvait,
à l'avenir, s'avérer opportun, les employeurs actuels et futurs
devront respecter en tout point les conventions collectives avant de recourir
à la sous-traitance, puisque toutes les conventions collectives
prévoient des règles pour tout employeur qui veut recourir
à la sous-traitance. La convention collective devrait être
respectée en tout point à cet égard.
Je dirais la même chose pour vos remarques au sujet du
perfectionnement du personnel de soutien. Comme vous l'avez noté, les
conventions collectives prévoient actuellement des comités
paritaires et ces derniers continueront d'exister, continueront de fonctionner.
Ce n'est pas du tout dans l'intention du projet de loi 40 de jeter au panier
des morceaux de convention collective. Au lendemain de la restructuration, les
conventions collectives vont continuer d'exister, que ce soit au sujet du
perfectionnement ou d'autre chose.
Vous nous parlez aussi d'une autre de vos inquiétudes. Vous
prétendez que le projet de loi va à l'encontre du droit de tout
salarié d'appartenir à l'association de son choix. Je pense que
vous visez ici les secrétaires du directeur général ou du
directeur du personnel. Votre analyse à cet égard - je l'ai
déjà, d'ailleurs, signalé à quelques-uns de vos
confrères - nous apparaît non seulement intéressante, mais
pertinente. Nous croyons, en effet, que le législateur devrait laisser
les commissaires du travail déterminer qui doit être inclus ou
exclu de l'unité accréditée conformément au Code du
travail; donc, il y aura un amendement dans le projet de loi à cet
égard.
Dans une recommandation plus importante, vous nous proposez que le
syndicat nouvellement accrédité sur un territoire puisse choisir
la convention collective qui sera applicable au salarié de ce
territoire, si celui-ci détient plus d'une accréditation et plus
d'une convention collective. Vous en profitez pour dire aussi que vous proposez
le maintien des droits individuels et collectifs des salariés. Ce que
j'ai à dire à ce sujet, c'est ceci. Concernant la
détermination de la convention collective applicable, nous sommes
prêts à reconnaître que diverses situations peuvent exister.
C'est d'ailleurs pourquoi, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous
entendons procéder par entente, par négociation, par
échange, afin que nous puissions identifier ces situations diverses et
dans l'espoir que l'entente nous permette de préciser les
modalités de transfert et d'intégration dans ces situations
diverses ou variables que vous nous ferez connaître.
Quant au maintien des droits des salariés, là aussi je
répète que la restructuration scolaire ne vise en aucune
façon à retirer des droits aux salariés des commissions
scolaires. Quant aux modalités, nous pourrons les discuter dans le cadre
de l'entente dont j'ai parlé à quelques reprises. (22 heures)
Nous voulons donc - ceci résume mon propos - vous faire part des
garanties en termes de transfert à une nouvelle commission scolaire et
d'intégration que nous voulons assurer aux organismes syndicaux. On peut
facilement les résumer. Premièrement, tous les salariés
seront transférés aux commissions scolaires nouvelles en
conservant les droits et les privilèges contenus dans leur convention
collective. Toutefois, cette garantie ne s'appliquerait pas au salarié
qui occupe un emploi temporaire.
Deuxième garantie, les employés de soutien, travaillant
dans une ou des écoles situées sur le territoire d'une nouvelle
commission scolaire, seront intégrés à leur ancien poste
en conservant leur classe d'emploi, leur nombre d'heures et leur taux de
traitement. Les employés de soutien, qui travaillent dans les centres
administratifs et dans des écoles situées sur le territoire de
plus d'une nouvelle commission scolaire, seront intégrés, pour
leur part, dans leur classe d'emploi à un poste comportant le même
nombre d'heures et le même taux de traitement en fonction du choix qu'ils
expriment, en fonction de leur ancienneté et en fonction de leurs
qualifications.
Troisièmement, lors de son transfert ou de son
intégration, aucun salarié ne se verra déplacé
à plus de 50 kilomètres de son lieu de travail ou de son
domicile, conformément aux dispositions de la convention collective
actuelle.
Quatrièmement, durant l'année scolaire 1985-1986, aucune
mise en disponibilité ni aucune mise à pied d'un employé
régulier ne pourra être effectuée au cours de cette
période. Somme toute, environ 66% des employés de soutien
conserveront leur poste dans la même école. Quant aux
employés des centres administratifs, ils se verront attribuer un poste
de leur classe d'emploi comportant les mêmes heures, au même lieu
de travail ou dans un lieu différent, sans toutefois jamais
dépasser un rayon de 50 kilomètres.
Nous vous avons remis ou nous vous remettrons ces garanties lors des
échanges dont je parlais tout à l'heure. J'espère que ces
échanges vont se continuer jusqu'à la conclusion d'une entente
appropriée.
Un dernier point sur lequel je voudrais revenir, c'est la
représentation des enseignants au conseil d'école. Vous demandez
une représentation plus importante au nom d'un principe qui se lit
ainsi: Toute réforme est impossible sans la collaboration d'une
majorité d'enseignants et d'enseignantes. Nous sommes tout à fait
d'accord avec ce principe. L'enseignant est le maître dans sa classe; il
est le maître d'un savoir qu'il dispense à ses
élèves; il a des lumières sur la relation éducative
qu'il doit instaurer entre lui-même et ses élèves; il joue
donc un rôle primordial non seulement dans la vie pédagogique,
mais dans la vie en entier de l'école. Nous voulons donc cette
participation. Nous voulons donc cette contribution absolument essentielle de
l'enseignant à la vie de l'école et, en particulier, au projet
éducatif.
Mais, si nous sommes d'accord pour dire qu'une réforme est
impossible sans la collaboration d'une majorité d'enseignants, que
devons-nous faire quand cette collaboration nous est refusée? Vous dites
que le ministère et les enseignants ne peuvent plus discuter ensemble.
Non, je ne le crois pas. Nous sommes ouverts à toute discussion. Mais
même si nous discutons, si la conclusion est toujours la même,
à savoir que la Centrale de l'enseignement, la structure syndicale,
refuse sa collaboration, refuse d'être représentée aux
conseils d'école, comme cela a été le cas avec la loi 71
pour les conseils d'orientation, que devons-nous faire?
Faut-il sacrifier l'existence même d'un conseil d'école
pour ne pas courir le risque d'une paralysie ou d'un non-fonctionnement qui
suivrait nécessairement le mot d'ordre, s'il est suivi, de
non-participation de la structure syndicale? Ou, au contraire, faut-il courir
le risque de conserver le conseil d'école et d'assurer une
représentation paritaire aux enseignants, en comptant que, même si
un mot d'ordre est donné, il ne sera peut-être pas suivi et que le
conseil d'école pourra quand même fonctionner? Voilà le
dilemme où nous nous trouvons à l'heure actuelle. Ce n'est donc
pas un refus, c'est simplement une évaluation des risques que
comporterait l'acceptation du principe que vous énoncez et que nous
partageons.
Ma question serait donc: Pouvez-vous nous suggérer d'autres
modalités ou mécanismes que ceux que nous prévoyons dans
le projet de loi pour assurer cette collaboration, cette participation des
enseignants à la responsabilisation de l'école, à la mise
en place d'une équipe-école chargée de l'identification,
de la mise en place et de la réalisation d'un projet éducatif
propre à chaque école?
Le Président (M. Blouin): M. Daoust.
M. Daoust: Je dois vous dire que vos propos à
l'égard de tout le problème des relations de travail qui
découle des différentes dispositions de votre projet de loi nous
rassurent. Dans la mesure où vous privilégiez les ententes, les
échanges, la négociation, nous vous suivons et nous vous
accompagnons sur ce terrain. Vous l'avez mentionné déjà
depuis quelques mois, des rencontres se font, des hypothèses
s'étudient, des pistes de solutions s'annoncent. C'est notre souhait,
somme toute, qu'on manifeste la plus grande ouverture d'esprit afin que ce
problème puisse trouver des solutions par la négociation. Cela va
dans le sens de nos revendications. Je vous le rappelle: Vos propos
là-dessus nous rassurent à ce moment-ci.
La question que vous me posez au sujet de la participation des
enseignants, c'est une question un peu - je ne dirai pas piégée
-délicate à aborder, quant à nous. Ceci étant dit,
je dois vous dire que le projet de loi, tel qu'il a été
déposé, ne faisait pas, selon nous, la place que vous avez
mentionnée et que vous souhaitez aux enseignants au sein du conseil
d'école, puisqu'à l'article 39 il est mentionné, au point
3, que ce conseil serait composé de quatorze membres au plus et que,
parmi ceux-ci, on retrouverait "au moins un membre du personnel enseignant de
l'école élu par ses pairs, si ceux-ci le désirent." C'est
peut-être de l'histoire passée, et tant mieux. Dans la mesure
où les enseignants verront qu'ils ont un rôle à jouer,
qu'ils seront invités formellement, dans la même mesure, notre
souhait serait qu'ils participent. Nous manifesterions une très grande
inquiétude et un très grand désappointement si les
enseignants refusaient une main qui leur est tendue. Nous ne cessons de le
répéter, nous l'avons dit dans ce mémoire, nous l'avons
dit préalablement: Les enseignants ontune place, je ne dirai pas
complète et totale à occuper dans ces structures, mais une place
qui leur revient à cause du rôle central qu'ils sont
appelés à jouer.
Encore une fois, dans la mesure où on leur aménage les
espaces voulus, les droits qui sont les leurs, qu'on n'ignore pas leur
structure syndicale, puisque c'est leur choix de se regrouper à
l'intérieur d'une structure syndicale; dans la mesure où ils sont
conviés à tous les niveaux de leur structure; aussi bien au
niveau national qu'au niveau des différentes commissions scolaires et
des conseils d'école, à jouer un rôle; dans la mesure
où ce sera bien précis ou bien précisé, je vous le
répète, quant à nous, nous serions vivement
désappointés qu'ils n'assument pas ce type de
responsabilités.
Ce n'est, évidemment, pas l'endroit pour faire le procès
des relations de travail et des immenses difficultés qu'a pu
connaître le milieu québécois au cours des dernières
négociations qui se sont échelonnées sur de multiples
années, mais il y a des cicatrices qui demeurent sans aucun doute et qui
peuvent expliquer les comportements. Encore une fois, il y a des ouvertures
d'esprit qui sont essentielles, des attitudes qui doivent être
modifiées substantiellement et fondamentalement afin que ceux-ci se
sentent à l'aise dans les propositions qu'on leur soumet.
Quant à nous, parents, enseignants, citoyens,
élèves constituent cette communauté tellement essentielle,
tellement indispensable pour le bon fonctionnement de toutes les structures
scolaires que si un groupe refuse une participation, ce serait au
détriment de l'ensemble de la société
québécoise. Encore une fois, nous appellerions de tous nos voeux
la participation des enseignants dans des structures
réaménagées
et modifiées qui leur feront la place qui leur revient à
cause de l'importance qu'ils assument dans le milieu scolaire.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Daoust. Merci, M. le
ministre. Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
les représentants de la FTQ pour leur mémoire et surtout pour
leur tentative de sensibiliser le ministre à certains problèmes
réels. Il me fait particulièrement plaisir de saluer la
présence du secrétaire général. J'ai l'impression
qu'on retourne en arrière. On discutait de restructuration autour d'une
autre table, il y a peut-être déjà beaucoup
d'années, mais cela ne me paraît pas si loin.
Je dois vous dire que, sur un grand nombre de points, nous partageons
votre point de vue. À la page 14 vous écrivez: "C'est avec
inquiétude que nous voyons le gouvernement s'engager dans la voie de ce
qui nous apparaît une fermeture de l'école au milieu, sous couvert
d'une ouverture de l'école aux parents." C'est une inquiétude que
nous avons et je pense que le gouvernement, pour faire accepter le projet de
loi 40, a parié sur le principe de la participation des parents qui est
bon en soi. Je pense qu'il a évolué depuis plusieurs
années et il y a encore place pour l'évolution.
Je suis personnellement un peu inquiète de certains
mémoires que nous avons eus où, de bonne foi, les parents
sollicitent encore de plus en plus de pouvoirs et semblent sans vouloir faire
de l'école un milieu assez fermé. On semble avoir oublié,
et dans le projet de loi et aussi dans les débats, le véritable
concept de l'école communautaire. On semble la réduire à
une école qui mettra, en dehors des heures de classe, ses
équipements à la disposition de la communauté ou du milieu
environnant. Fort bien, mais je pense que le concept de l'école
communautaire dépasse de beaucoup l'utilisation maximale des locaux
physiques d'une école en dehors des heures de classe. C'est ce que vous
dites dans votre mémoire, au fond. Je pense qu'il est important de le
souligner. (22 h 15)
Depuis le début, mes collègues et moi-même, je pense
que ce n'est pas une idée opportuniste que nous tentons de faire valoir;
c'est véritablement une inquiétude qui, pour plusieurs de mes
collègues, remonte à assez longtemps, particulièrement
ceux qui ont été impliqués activement dans le milieu
scolaire. C'est le danger - vous le soulignez très bien - d'oublier, par
une réduction trop grande des pouvoirs des commissions scolaires, la
possibilité de péréquation des ressources non seulement au
plan financier, mais au plan humain. Cette péréquation, je la
trouve presque plus importante au plan humain, au plan des ressources
enseignantes, des ressources des directions d'école. Alors que souvent
certains ou un grand nombre, par inclination, ne vont pas dans les milieux
défavorisés, heureusement, par la possibilité de
relocaliser les enseignants sur une plus grande échelle, on permet une
péréquation des ressources humaines qui nous semble absolument
importante pour les milieux les plus défavorisés.
Évidemment, vous touchez au suffrage universel. Inutile de vous
dire que, de ce côté-ci de la table, nous croyons
véritablement au maintien du suffrage universel tel qu'il existe. Vous
soulignez fort bien la nécessité de la revalorisation du
processus électoral qui, depuis quelques années, loin
d'être valorisé, a été probablement
dévalorisé parce qu'on s'acheminait vers un suffrage universel
qui, même s'il a été amélioré par rapport au
livre blanc, reste encore boiteux avec deux catégories de commissaires
dont certains élus par un demi-suffrage universel et d'autres par un
autre type de suffrage universel. Je pense que ceci est important si on veut
maintenir ce palier intermédiaire entre le ministère de
l'Éducation et les écoles.
Je ne reviendrai pas sur la question du pouvoir syndical ou sur la
nécessité de protéger les droits déjà acquis
par les travailleurs dans quelque catégorie qu'ils se retrouvent. Je
pense que le ministre y a touché largement. Il semble qu'il y ait des
pourparlers. Je me suis demandé si, dans le projet de
décentralisation très accentué vers l'école et
aussi dans le découpage de commissions scolaires - si on prend par
exemple la CECM - c'est aussi votre perception à savoir s'il n'y a pas
une tentative du côté du gouvernement de réduire le pouvoir
syndical, qu'il soit chez les enseignants ou ailleurs. Jusqu'à
maintenant, quand le ministre parle de la réduction des territoires sur
l'île de Montréal, je n'ai pas encore trouvé de raison
très valable, sauf qu'il faut faire un meilleur équilibre. Je
dois dire que, là-dessus, il y a probablement des réajustements
à faire, mais au point où il veut les faire, on se demande si ce
n'est vraiment pas le pouvoir syndical qu'on veut réduire dans le
système scolaire. J'aimerais vous demander si vous avez un peu cette
perception.
M. Daoust: Je vais prendre les points les uns après les
autres. Notre conception de l'école vous est connue. On la retrouve dans
le mémoire. Je voudrais, cependant, insister sur le fait que, pour nous,
l'école est la propriété collective de l'ensemble des
citoyens du Québec, que l'école a une fonction éducative,
sans aucun doute, mais qu'elle doit être au service du milieu. C'est pour
cette raison que dans les conseils
d'école, bien que nous reconnaissions l'importance des parents et
des enseignants qui doivent s'y retrouver afin de faire un équilibre sur
le plan des échanges et de la représentativité, nous
souhaitons aussi que le milieu s'y retrouve par la présence de citoyens
dont les modalités d'élection pourraient, sans aucun doute,
être explicitées en d'autres lieux.
Par la présence de ces derniers, nous pensons que le milieu
pourrait un peu mieux s'exprimer à l'égard des finalités
de l'école. La fonction éducative - je le répète -
est son rôle premier. Mais l'école, qui est au service de
l'ensemble des citoyens, doit s'ouvrir à ceux-ci par une présence
et, au-delà de la présence, par un tas de gestes concrets. Il est
inconcevable que nos écoles soient fermées, dans la plupart des
cas, au milieu. Il y a un tas d'associations de toutes sortes, groupes
populaires, associations volontaires de toute nature et de toute tendance, qui
ont besoin de l'école dans leur fonctionnement, qui ont besoin de
l'école comme lieu physique, qui ont besoin de l'école pour des
cours qui s'adressent aux adultes, qui ont besoin de l'école pour
encadrer leur programme d'action. C'est pour cela qu'on insiste beaucoup sur la
présence de citoyens au sein du conseil d'école; c'est la
charnière entre le milieu et ceux qui font fonctionner l'école et
ceux qui y participent comme élèves, comme enseignants ou comme
personnel.
À l'égard de la présence des parents, très
rapidement dans mes remarques préalables j'ai mentionné qu'en
certains milieux on fait des gorges chaudes sur la capacité
réelle des parents de participer adéquatement. Ce n'est pas notre
point de vue; c'est même tout à fait contradictoire avec nos
prises de position qui vous sont connues. On fait des analogies et des
rapprochements entre le point de vue qui s'exprime assez souvent au sein de
l'entreprise où des employeurs refusent systématiquement la
collaboration des travailleurs dans les grands projets de l'entreprise.
Heureusement, il y a un déblocage qui est très lent mais qui
s'annonce au sein de la plupart des sociétés industrielles, qui
veut que de plus en plus les travailleurs, les artisans, ceux qui oeuvrent,
ceux qui donnent les services soient de plus en plus appelés à
collaborer dans le fonctionnement de l'entreprise, dans ses finalités et
dans sa critique aussi.
On fait des analogies entre le rôle des parents. On explicite
beaucoup dans notre mémoire qu'il va falloir stimuler leur
participation, faire en sorte qu'ils soient compétents; et pour
être compétents, il faut être informé et
formé. Il faudra que les pouvoirs publics leur donnent les moyens de
leur participation. Ce n'est pas par une espèce d'effet magique que ces
derniers deviendront subitement compétents dans un tas de
problèmes aussi complexes que ceux qu'on aborde devant votre commission.
Il y a des moyens qui vous sont connus et qui nous sont connus mais qui
tournent autour de fonds qui devront être dégagés afin que
ces gens-là puissent être adéquatement formés pour
assumer pleinement un rôle démocratique.
Il faudra aussi, à notre sens, que les parents et ceux qui
participeront au fonctionnement des conseils d'école puissent de temps
à autre, sans être assujettis à des règles de
confidentialité, retourner dans leur milieu respectif pour
vérifier la qualité de leur mandat, mesurer la qualité
démocratique de ce qu'ils disent, de ce qu'ils font, de ce qu'ils
décident au sein de ces conseils.
Dans notre mémoire, on insiste beaucoup pour éviter que
cela ne devienne une espèce de cénacle technocratique. On a
mentionné que, de plus en plus, il y a une tendance qui s'amorce,
à savoir que les gens plus instruits, plus riches, surtout les hommes,
vont pouvoir participer, à moins qu'on ne prenne les moyens pour
redresser cette situation, avec plus d'importance que l'ensemble de la
population. Je pense que ce serait une lacune très grave de ne pas se
rendre compte qu'il faudra trouver les moyens pour éviter cette tendance
qui s'amorce ou qui s'annonce.
À l'égard du suffrage universel, nous rappelons, à
la page 28 de notre mémoire, que nous ne voulons, d'aucune façon,
atténuer l'impact ou, comme on le mentionne, les dégâts du
suffrage universel par l'ajout de commissaires à statut spécial.
Cela nous semble aberrant au point de vue démocratique. C'est
déresponsabiliser le citoyen électeur de ne pas lui donner la
plénitude des pouvoirs des délégations qu'on retrouverait
au sein des commissions scolaires en y ajoutant toutes sortes
d'éléments artificiels munis de toutes sortes de
compétences et de toutes sortes de représentativités.
L'école, les gouvernements municipaux, le gouvernement du Québec,
les structures démocratiques doivent être assujettis à des
règles et nous ne voyons pas qu'on puisse les diluer en ajoutant, au
sein des commissions scolaires, des personnes autres que celles qui seraient
choisies par le suffrage universel. Pour nous, c'est fondamental.
Encore faudra-t-il - et on l'a mentionné dans notre
mémoire - que tout le processus électoral soit vidé des
faiblesses que certains d'entre nous ont pu connaître dans le
passé, où des groupes structurés dans notre
société, quels qu'ils soient parmi les gens les plus prestigieux
de notre milieu, ont fait peser leur poids politique pour faire en sorte que
des regroupements non rattachés à des machines politiques n'aient
pas voix au chapitre au moment des élections scolaires.
Peut-être faudra-t-il penser à des formes de financement.
Peut-être faudra-t-il traduire et transposer dans le domaine de
l'élection aux commissions scolaires d'autres critères, d'autres
modalités ou d'autres techniques que nous retrouvons à d'autres
niveaux électoraux au sein de notre société. Cela nous
semble fondamental qu'on tienne compte de ce point de vue.
Donc, munir les parents, les enseignants inévitablement - ils ont
leurs structures syndicales, sans aucun doute peuvent-ils y avoir recours - et
tous ceux qu'on retrouve au conseil d'école de tous les outils
indispensables pour qu'ils puissent assumer leur rôle et, à
l'égard des commissions scolaires, faire en sorte que le jeu
démocratique ne soit pas faussé comme on l'a vu dans le
passé.
À l'égard de votre dernière question, c'est un peu
plus compliqué.
Mme Lavoie-Roux: C'est un peu plus délicat.
M. Daoust: Elle s'adresserait beaucoup plus au ministre
lui-même qu'à nous, à ce moment-ci. Je pense qu'il me
serait difficile de la commenter.
Mme Lavoie-Roux: Bon! D'accord. Une question très
précise: Quand vous parlez du libre choix de l'école, vous y
voyez un élément possible de discrimination ou de
perpétuation, si je puis dire, d'inégalités sociales.
Est-ce que je me trompe si j'interprète votre mémoire comme
voulant dire que ceci pourrait être un prétexte à une
école donnée pour refuser, à partir de certains
critères, des élèves qu'on jugerait moins aptes ou moins
capables? Est-ce ainsi que je dois l'interpréter? (22 h 30)
M. Daoust: Je ne sais pas si cela peut aller jusque-là.
Notre inquiétude, c'est qu'il se crée des espèces de
ghettos ou des espèces de regroupements qui, par leur définition
même, seraient discriminatoires à l'égard de ceux qui ne
partageraient pas tel ou tel point de vue ou telle ou telle orientation. Cela
nous semble un projet quelque peu utopique. Au-delà de l'utopie, ce
n'est pas mauvais de se plonger dans des projections de ce type. Je pense que
ce n'est pas malsain, non plus, au point de vue philosophique. Quand on retombe
un peu sur le plan concret, on souhaite des écoles qui seront à
l'image de la population d'un quartier donné, où tous et toutes
pourront recevoir un enseignement de même qualité. En fait, pour
être bien francs, on est profondément inquiets de ce libre choix.
On trouve qu'il contient, dans son essence, des aspects discriminatoires. On se
retrouverait beaucoup plus à l'aise dans des écoles qui
reconnaîtraient de façon systématique la pluralité
des orientations religieuses et des idées, qui ne seraient pas des
écoles de riches et des écoles de pauvres, qui ne seraient pas
des écoles où on retrouve des concentrations de telle ou telle
minorité ethnique, ce qui serait nettement au désavantage du
processus d'intégration que doit connaître l'école dans
notre milieu.
Enfin, on souhaiterait que les gens se retrouvent dans le quartier,
qu'ils soient propriétaires de leur école. Je pense bien que je
n'ai pas à répéter ce que j'ai dit, on souhaiterait mais
qu'ils se retrouvent sur un pied d'égalité et que l'on ne
constitue pas, ici et là, toutes sortes de petits lieux, d'endroits de
rencontre où des gens qui pensent à peu près les
mêmes choses, qui ont à peu près les mêmes
orientations, assez souvent les mêmes portefeuilles, se donnent les
mêmes projets de société par l'école. On trouverait
ça dangereux sur le plan de la lutte aux inégalités
sociales, entre autres.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Daoust. Merci, Mme la
députée de L'Acadie. M. le député de Chauveau.
M. Brouillet: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir
de saluer, de même que mes collègues, les représentants de
la FTQ. Après tout ce qui a été dit, tous les commentaires
qu'on a faits, les questions qu'on a posées sur votre mémoire, je
vais essayer de me glisser, de me faufiler entre tout cela pour, quand
même, trouver quelques questions qui pourraient faire avancer le
débat.
J'aimerais revenir au conseil d'école. Vous avez manifesté
certaines réticences quant à sa composition telle qu'elle est
proposée dans le projet de loi. Vous suggérez un
rééquilibre, un réaménagement. Je ne m'attarderai
pas beaucoup sur cela, parce que vous l'avez abordé tantôt et que
certaines questions ont été posées là-dessus.
J'aimerais simplement revenir à une question peut-être plus
fondamentale en ce qui concerne le conseil d'école. Je crois que c'est
important. Je pense bien que la question que je vais vous poser est implicite
un peu à vos propos, mais ce serait peut-être bon que vous
l'explicitiez au profit de nos auditeurs et des membres de la commission. Vous
avez insisté beaucoup sur l'importance de la participation des agents
qui se retrouvent à l'école: parents, enseignants, professionnels
non-enseignants, étudiants et direction d'école. Si
j'interprète bien vos propos, vous êtes pour cet aspect
très important' du projet de loi 40 qui, à mon sens, est un des
éléments substantiels, qu'il y ait, au niveau de l'école,
par le biais d'un conseil d'école, un pouvoir décisionnel reconnu
par la loi quant à certaines questions très spécifiques
à la vie
pédagogique de l'école. Je crois que vous adoptez cet
élément important du projet de loi.
M. Daoust: II n'y a pas d'ambiguïté, nous sommes
carrément de cet avis. Nous estimons qu'il s'agit là d'un aspect
démocratique à retenir. Lieu de collégialité, lieu
où les gens s'affrontent inévitablement -nous vivons dans une
société conflictuelle -lieu où il se fait des consensus,
lieu d'équilibre, de prise en charge. Enfin, on ne peut pas ne pas
être farouchement en faveur de cela et il faut saluer le projet de loi
dans cette partie-là, quant à ses fins, quant à son
objectif fondamental, nous en sommes. C'est une question d'équilibre
encore une fois, de meilleure représentativité de certains
groupes.
M. Brouillet: Par mes questions, j'essaie de déterminer un
peu la substantialité des amendements que vous aimeriez voir dans le
projet pour être d'accord avec lui. Je pensais que c'était un
point substantiel et vous êtes d'accord avec cela. Donc, ce n'est pas
là que vous appelez un amendement. Je suis à la recherche de la
substantialité que vous aimeriez voir changer. Je pense qu'on va y venir
bientôt.
Pour ce qui est, justement, du conseil d'école, le projet de loi
reconnaît la présence d'un citoyen au conseil d'école par
le biais du commissaire élu. C'est au niveau de la proportion, je pense
bien, entre les différents intervenants. C'est sur ce point-là,
surtout, que vous aimeriez un meilleur équilibre, parce que les
différentes composantes que vous voudriez voir apparaître au
conseil d'école, le projet de loi les spécifie: commissaire
élu par l'ensemble des citoyens au suffrage universel,
représentation de parents, les enseignants, le personnel non enseignant
et aussi les étudiants au secondaire. Ce serait au niveau de la
proportion; autrement dit, la majorité des parents serait un point que
vous n'accepteriez pas.
Si nous abordons maintenant le conseil des commissaires, votre point
fondamental, c'est qu'il n'y ait pas d'autres commissaires que ceux élus
au suffrage universel par les citoyens électeurs contribuables. J'ai un
peu de difficulté à épouser la défense que vous
faites de ce principe. Je vous suis très bien. Je pense que cela se
défend très bien qu'étant donné le caractère
public de l'école il est important que l'ensemble des citoyens se
préoccupent de leur école sur leur territoire. Une façon
de les amener à s'en occuper, c'est de leur permettre et de les inciter
par toutes sortes de moyens à élire les responsables de ces
écoles à la commission scolaire. Très bien. Mais quand
vous dites: Pour protéger ce principe, il ne faut qu'aucune autre
personne n'y parvienne par d'autres voies parce que cela viendrait enfreindre
la démocratie, là, vraiment, je pense que vous tirez un peu fort
les conclusions de votre prémisse. Je trouve très important que
s'élabore un projet éducatif, que s'élaborent des besoins
ou qu'existent des intérêts spécifiques à
l'école locale, et, par ailleurs, il y ait la commission scolaire
où on doit prendre en considération un intérêt un
peu plus général, une collectivité plus vaste et que ce
soit le lieu de l'arbitrage des intérêts particuliers. Cela en
prend un; on le reconnaît et c'est très bien. Mais je crois que
c'est important qu'il y ait, à un moment donné, un pont bien
organisé, je dirais quasiment institutionnalisé, qui
s'établisse entre l'école où s'élaborent les
besoins propres à un milieu, où s'expriment les
intérêts spécifiques d'un milieu donné, et le lieu
où vont s'arbitrer ces intérêts au nom d'un
intérêt général, un certain pont
institutionnalisé pour que les décisions qui se prendront
à la commission scolaire puissent être prises à partir
d'une connaissance exacte des besoins particuliers.
Il y a plusieurs groupes, d'ailleurs, qui sont venus le dire et des gens
qui tenaient beaucoup à la démocratie et qui tenaient au suffrage
universel au nom de la démocratie, qui acceptaient la formule et qui
l'ont même proposée. Ce sont eux qui ont proposé une
formule d'un conseil de commissaires où siégeraient, pour la
moitié, des commissaires élus au suffrage universel et, pour
l'autre moitié, des commissaires élus par les comités
d'école. Alors, je ne vois pas très bien où se trouve
votre point fondamental là-dedans. Est-ce dans le maintien du suffrage
universel ou si c'est dans l'exclusion de toute autre personne qui ne viendrait
pas d'un suffrage universel? Quel est votre point fondamental?
Le Président (M. Blouin): M. Daoust.
M. Daoust: Vous retrouvez notre orientation aux pages 26, 27 et
28 et je vais lire la dernière partie, quitte à la commenter
quelque peu: "II va sans dire que nous n'approuvons pas, non plus, la formule
spécifique proposée par le projet eu égard à
l'élection des commissaires sur la base de l'école; la
décentralisation du pouvoir au profit des écoles peut
entraîner une défense des intérêts immédiats
pouvant aller contre les objectifs plus larges de démocratie sociale et
il est donc de toute première importance que les commissions scolaires
demeurent les lieux où s'opéreront les nécessaires
arbitrages."
On estime qu'il est plus que normal, cela va de soi, qu'en un lieu
quelconque, puisqu'il y a des pouvoirs qui vont inévitablement
s'affronter, il y ait des arbitrages et des médiations qui puissent
s'opérer. Je ne veux pas, non plus, faire des analogies un peu faciles,
mais c'est le rôle
de l'Assemblée nationale et du gouvernement d'assumer cette
fonction d'arbitrage, de médiation, d'orientation et tout ce qui peut en
découler. On estime qu'au sein des commissions scolaires cela devrait
être la même chose, que les gens qui sont là le soient
à part entière et non pas qu'il y ait deux types de commissaires;
qu'ils détiennent les pouvoirs d'un électorat bien
identifié, qu'on connaisse les enjeux de la revalorisation du
fonctionnement des élections scolaires, que je ne veux pas
répéter, sauf peut-être un petit mot.
Quelque part dans la loi, je ne sais plus à quel article, il est
mentionné, que les élections se feraient le dimanche.
Là-dessus, on a des vues qu'on voudrait vous exprimer fort rapidement.
Les élections provinciales et fédérales se font sur
semaine. Les employeurs aux élections provinciales et
fédérales permettent à leurs salariés de se
libérer de leur travail pendant quelques heures pour aller voter. On
estime que les élections scolaires devraient suivre substantiellement le
même type de modèle afin de faire en sorte que l'ensemble de la
population et les salariés, puisqu'ils sont les plus nombreux, puissent
accomplir leurs devoirs électoraux sans qu'il leur en coûte et
qu'on ne fasse pas nécessairement des élections le dimanche, avec
toutes les conséquences que cela peut comporter.
Ceci étant dit, on souhaiterait donc qu'il y ait une très
grande unité - une unité, point; c'est complet une unité -
de la part de ceux qu'on retrouve au sein des commissions scolaires, qu'il n'y
ait pas deux types de commissaires, mais un seul type. On estime que la
population en général va faire la part des choses. Il s'agira,
là aussi, de stimuler la participation par toutes sortes de moyens,
comme ceux qu'on a pu décrire un peu succinctement, pour que les gens
puissent assumer leur rôle au moment des élections scolaires.
Pour nous, je le répète, c'est peut-être un peu
brutal comme déclaration, mais cela nous semble impensable que,
démocratiquement, il y ait deux ou trois types de personnes qui soient
appelées à assumer des fonctions décisionnelles à
l'intérieur d'une structure démocratique. On ne voit pas pourquoi
il y aurait une différence parce qu'on est à l'école,
différence qu'on ne retrouve ni au niveau municipal, ni au niveau de la
société complète sur le plan politique au Québec,
par exemple.
M. Brouillet: Alors, je crois que vous concevez une façon
de vivre la démocratie par le biais d'un processus électoral. La
présence de délégués de parents au niveau de la
commission scolaire, actuellement, nous savons que cela existe, il y en a deux
qui sont acceptés. De l'avis de plusieurs, la présence de parents
qui ont des enfants dans les écoles à la commission scolaire est
un apport important pour éclairer ceux qui ont à prendre des
déciaions. Les inconvénients que vous y voyez, à mon point
de vue, ne font pas le poids aux avantages qu'il pourrait y avoir à la
présence d'un certain nombre -je ne dis pas nécessairement d'une
façon paritaire - de parents délégués par les
comités d'école qui siégeraient au sein de la commission
scolaire. Vous semblez trouver fondamental qu'il n'y ait personne d'autre qui
parvienne au conseil des commissaires, autrement que par la voie du suffrage
universel. C'est fondamental pour vous?
M. Daoust: Pour nous, c'est fondamental. Je n'ai pas à
vous rappeler que, dans bien des cas, les citoyens et les citoyennes qui se
font élire sont des parents ou des gens qui ont été
parents ou qui le seront éventuellement.
M. Brouillet: Les parents désignés par les
comités d'école sont au fait de telle école en
particulier, dont ils connaissent les besoins, les aspirations, et qui, au sein
de la commission scolaire où doivent se prendre des décisions ou
des arbitrages, font connaître les intérêts ou les besoins
particuliers de leur école. Ce n'est pas seulement le fait qu'ils soient
parents d'enfants, mais c'est le fait que ce sont des parents qui viennent
d'une école, qui siègent au comité d'école de cette
école et qui connaissent les besoins de cette école. (22h
45)
Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci, M. le
député de Chauveau. M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: Bonsoir, messieurs et Mme la recherchiste. Il me fait
plaisir de vous saluer. M. Daoust, j'ai reconnu en vous l'ancien commissaire de
la CECM. Je suis content de votre intervention sur le rôle obscur de
l'enseignant dans le projet de loi. Vous dites même que c'est une
provocation des professeurs, vu leur présence jugée assez
facultative au conseil d'école. Je suis content de vous l'entendre dire,
parce que M. le ministre a là-dessus l'entendement assez dur. Il essaie
toujours de minimiser nos interventions sur ce sujet. Je n'irai pas plus loin,
vous en avez déjà parlé. C'est un bon signe, ce soir,
parce que M. le ministre commence à s'interroger. Il vous a même
demandé un nouveau mécanisme pour arriver à ses fins.
C'est un bon signe.
Deuxièmement, vous avez aussi vécu d'heureuses initiatives
à la CECM. Comme vous le savez, je suis un ancien directeur
d'école. De votre temps, nous avons vécu l'insertion des parents
dans l'organisation scolaire. Ensemble, nous avons observé leur
montée en importance, en compétence et en
implication aussi. Avec votre expérience, pourriez-vous nous dire
si vraiment les parents ont été et sont encore vraiment
acceptés à la CECM et aux autres commissions scolaires en
général? D'après vous, jusqu'où devraient aller les
droits des parents? Vous parlez, à la page 15, de maintenir le dynamisme
des structures traditionnelles. Seriez-vous d'avis qu'on leur donne le pouvoir
décisionnel ou qu'on les maintienne plutôt dans leur pouvoir de
consultation?
M. Daoust: Notre intervention en est une de reconnaissance du
rôle fondamental que doivent jouer les parents dans l'école,
évidemment au sein du conseil d'école. Nous n'avons aucun doute
sur leur compétence. Nous ne manifesterons aucune méprise
à ce sujet. Le rôle qu'ils jouent dans leur milieu,
l'intérêt qu'ils manifestent à l'égard des enfants
qui sont les leurs et qu'on retrouve dans nos écoles justifient,
à notre sens, leur présence et justifient qu'ils ne s'occupent
pas exclusivement de broutilles et de détails, comme cela a pu
être le cas dans le passé, mais qu'ils aient des fonctions
décisionnelles et qu'ils jouent un véritable rôle dans
l'orientation de l'école sur tous les plans.
Il n'est pas facile pour moi de faire des commentaires sur ce qu'ont pu
être les comités d'école à la CECM et sur le
rôle des parents dans les structures scolaires du Québec. Je pense
qu'il y a abondamment de documents là-dessus qui ont formulé des
critiques à l'égard du peu de pouvoirs qu'ils avaient. Nous
sommes d'accord avec la plupart de ces critiques. Mais, enfin, notre position
fondamentale en est une de confiance, d'acceptation et nous sommes d'accord
avec le rôle qu'on veut leur faire jouer, mais pas à ce point
qu'il devienne prédominant, non plus. Je répéterai qu'il
s'agit d'un équilibre à trouver. La solution que nous proposons,
il n'y a pas de modalités fort précises quant au nombre, mais un
équilibre qui fera en sorte qu'il n'y ait pas de la part d'un groupe
vis-à-vis d'un autre une surreprésentation, mais qu'il y ait une
représentation adéquate de tous les artisans, de tous ceux qui
s'intéressent à l'école.
M. Hains: Merci. Une autre petite question très courte. Le
premier ministre, M. René Lévesque, et tous ses ministres dans le
domaine financier ont décidé de faire de Montréal le fer
de lance de la reprise économique et même d'y investir des
millions de dollars. Deuxièmement, le ministre Richard, des Affaires
culturelles, a décidé aussi, dans son programme la renaissance
culturelle, de faire de Montréal le coeur et le moteur des institutions
et des manifestations dans les arts et les sciences.
Je crois que ces politiques ont été très bien
accueillies en général malgré des petites pointes d'envie
bien normales des autres partenaires municipaux. Mais, franchement, quelle
n'est pas notre stupéfaction - la mienne en tout cas, et ma crainte - de
voir notre ministre de l'Éducation se dissocier de cette politique
gouvernementale et vouloir démanteler à Montréal trois de
nos plus belles institutions qui font l'honneur et la fierté de
Montréal, de la province, du pays et, je dirais même, outre-mer!
Je vous ai nommé, vous l'avez certainement deviné, la Commission
des écoles catholiques de Montréal, le Protestant School Board et
le Conseil scolaire de l'île de Montréal.
M. Daoust, vous avez des spécialistes en dynamitage à la
FTQ. Pourriez-vous nous trouver des experts pour désamorcer cette bombe
qui menace de faire sauter ces trois grosses institutions qui font vraiment
l'honneur et la réputation de Montréal? Qu'en pensez-vous?
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: Non, non. Je voudrais bien une réponse.
Le Président (M. Blouin): Oui.
M. Hains: Évidemment, ce que j'ai dit est imagé,
mais je voudrais bien savoir ce que vous en pensez et ce qu'il y aurait
à faire.
Le Président (M. Blouin): À faire?
M. Hains: Si c'est possible, très brièvement, car
M. le Président commence à compter le temps, et avec raison,
parce que le temps avance.
M. Daoust: Écoutez, les commissions scolaires qui sont
à l'image des citoyens par leur taille ne peuvent pas être pour
nous l'objet de récriminations. Les immenses commissions scolaires, qui
sont devenues à peu près anonymes dans certains cas, qui sont
loin des réalités, qui se technocratisent dans leur
fonctionnement, ne peuvent pas recueillir chez nous des appuis. Ce n'est pas le
fait de garder telle ou telle structure dans sa composition actuelle qui est un
gage de succès, non plus. Je pense qu'il faut être ouvert à
ces possibilités qu'il y ait plus de commissions scolaires, qu'à
la CECM il y ait un "démembrement", ce mot étant dit entre
guillemets. On ne peut pas s'y opposer dans la mesure où les gens vont
se retrouver. Ce n'est pas facile de se retrouver dans cette boîte que
vous connaissez et qui s'appelle la CECM; c'est un géant, dans le fond.
Qu'on veuille rapprocher des commissions scolaires des citoyens, des
enseignants, des élèves, des parents, que cette commission
scolaire colle à une réalité qui est la nôtre
à Montréal, je
ne vois pas en quoi on pourrait, quant à nous, s'y opposer. Les
experts en dynamitage que nous avons chez nous, qui sont des travailleurs
syndiqués et qui font un travail syndiqué, comme vous le savez
sans aucun doute, ne seraient pas d'une très grande utilité pour
faire bouger qui que ce soit dans ce domaine.
Le Président (M. Blouin): Merci. Merci, M. le
député de Saint-Henri. Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Vous avez tellement
insisté sur cet aspect, vous l'avez présenté comme
étant fondamental; vous avez dit à plusieurs reprises que ce
serait impensable que, sur le plan du suffrage universel, l'ensemble des
commissaires siégeant à la commission scolaire ne soit pas issu
des mêmes modalités de nomination dans le cadre d'une
élection au suffrage universel. Vous allez me permettre d'y revenir pour
deux raisons. Vous savez que, depuis 1979, il y a des commissaires parents qui
siègent maintenant à la direction des commissions scolaires.
Alors, il y a les commissaires élus selon le mode qu'on
connaît.
Avec raison, vous faites appel à une espèce de
revitalisation qui nous viendrait d'une réforme du mode
d'élection et des modes de financement. J'abonde dans votre sens. La
publicité qui a été faite, par exemple, dans le
métro ou dans les médias, lors de la dernière
élection, malgré qu'elle était abondante et
coûteuse, n'a pas eu comme résultat de déclencher chez nos
concitoyens, les Montréalais, en particulier, le goût de
participer aux élections. À quatorze heures, j'étais la
neuvième, je pense, à inscrire mon vote dans le bureau de scrutin
où un peu plus de 300 personnes étaient inscrites.
Je veux savoir de vous ceci. Vous avez dit: Les citoyens peuvent
être élus comme parents. Là-dessus, vous avez raison, parce
qu'il y a présentement, je pense, 70% ou plus de commissaires qui sont
également parents d'enfants inscrits dans des écoles pour
l'ensemble du territoire québécois. Ne concevez-vous pas qu'on
puisse porter plusieurs casquettes, suivant la fonction qu'on occupe, mais si
on n'est pas élu comme tel ou nommé ou, tout simplement, si on ne
siège pas à ce titre-là, on n'a pas à assumer
l'ensemble des attributions qui sont les nôtres? En d'autres termes, par
exemple ce n'est pas parce qu'il y a des enseignants au sein de la
députation péquiste ou libérale que, pour autant, le point
de vue des enseignants est représenté. Vous le savez très
bien, parce que la plupart d'entre vous portent plusieurs casquettes, je pense.
Vous assumez plusieurs fonctions dans la société et, pourtant,
vous avez la capacité de les distinguer. Un autre exemple: un enseignant
syndiqué peut très bien, à un autre niveau, être
élu président ou présidente de sa garderie et devenir
employeur. On peut, comme cela, dans la société occuper plusieurs
fonctions concurremment, au même moment.
Donc, je reviens avec ma question: Parce que certains commissaires ou
même la majorité d'entre eux peuvent être parents, est-ce
que vous assumez le fait qu'ils représentent le point de vue des
parents? Vous savez que la Centrale de l'enseignement du Québec
elle-même a recommandé dans son mémoire l'équivalent
d'une commission scolaire composé, pour moitié de
représentants choisis par et parmi les parents et, pour l'autre
moitié, de commissaires élus pleinement au suffrage universel.
Donc, ce n'est pas si aberrant, ce n'est pas si impensable que cela. Sur le
strict plan de la démocratie, on voit de nombreux conseils
d'administration qui sont à la fois composés de
représentants du personnel, de représentants
socio-économiques. On pourrait ajouter certainement des personnes qui
seraient élues éventuellement, qui pourraient être
élues pleinement au suffrage universel. Finalement, ne pensez-vous pas
qu'on finit toujours par avoir la fonction de ses attributions?
M. Daoust: C'est le rôle qu'on voit, évidemment,
à la commission scolaire qui nous fait opter pour cette orientation.
Tout le problème des inégalités sociales, des partages,
des arbitrages qui devront se faire entre de multiples pouvoirs, nous convainc
qu'il ne faut pas doubler la représentation, mais qu'il doit y avoir des
unités de représentation comme telles. Un endroit où c'est
démocratique, c'est le suffrage universel: tous peuvent se faire
élire dans la mesure où ils ont les critères qui
permettent leur éligibilité. Mais il ne faut pas qu'il y ait deux
types de commissaires. Cela dévalorise, à notre sens, dans une
certaine mesure, sans, non plus, aller trop loin, la qualité des
débats. Les gens, au sein d'une commission scolaire, vont dire: La voix
des parents va s'exprimer par tant de représentants habilités
à le faire et la voix des citoyens va s'exprimer par ceux qui sont
élus et qui émanent du suffrage universel. Cela crée des
confusions, je pense, dans la population et ce n'est pas susceptible de
provoquer des consensus, je ne dirais pas faciles - ce n'est jamais facile dans
certains milieux - aussi valables au point de vue démocratique. (23
heures)
II est entendu qu'on peut porter de multiples chapeaux, mais quand on
détient une légitimité qui nous est donnée par le
suffrage universel on la détient et on est comptable de ses faits et
gestes devant ceux
qui nous ont portés à tel ou tel poste. Cela provoquerait,
je pense, au sein de la société, dans des commissions scolaires
qui ne seraient pas trop immenses - je reviens un peu à ce que vous
disiez - un intérêt beaucoup plus marqué d'avoir ce type de
composition que celui qui est suggéré dans le projet de loi.
Mme Harel: M. le Président, seulement une dernière
question, parce que cela me semble, comme à vous aussi, assez
fondamental. Quand on fait référence à la
démocratie, au processus électoral, je vous pose à nouveau
la question: Est-ce que, dans un domaine aussi central que l'école, la
démocratie, c'est finalement de laisser le rapport de forces du
processus électoral jouer dans le sens où on s'incline devant les
gagnants et où on conçoit, à ce moment-là, que ceux
qui ont perdu doivent ronger leur frein et revenir ultérieurement? Dans
ce sens, je me demande si c'est approprié pour l'école, parce
que, en attendant, votre enfant est à l'école. En d'autres
termes, vous pouvez avoir sur le plan électoral un théâtre
de luttes qui sont légitimes, mais vous pouvez avoir... Par exemple,
ici, à votre place, la semaine dernière, il y a un mouvement
scolaire confessionnel qui, d'entrée de jeu, est venu dire qu'il
était d'abord organisateur d'élections scolaires. C'était
là sa définition première. Être organisateur
d'élections scolaires, est-ce salutaire d'une certaine façon pour
l'ensemble du processus d'apprentissage, si vous voulez, qui fait que votre
enfant est là pour un certain temps seulement? En tant que parents, il
est possible que vous soyez prêts à vous entendre avec n'importe
qui. Il n'y a pas d'adversaire. Lorsque vous êtes les parents d'un
enfant, c'est l'école de votre enfant qui vous intéresse. Il n'y
a pas là d'adversaire d'une autre formation politique. Ce n'est pas
aussi conflictuel, dans le sens où il n'y a pas des libéraux ou
des péquistes; ce sont des parents d'un enfant qui porte un
prénom avec lequel le vôtre joue. N'est-il pas nécessaire,
en démocratie, d'introduire ce processus consensuel de manière
à ne pas laisser le rapport conflictuel qui est le rapport de forces
électoral jouer au détriment, justement, de la nécessaire
"consensualité" qui doit se dégager pour l'école?
M. Daoust: Au sein du conseil scolaire, évidemment, par la
définition ou la description des groupes qui y seront, il y a
déjà des balises
parents-enseignants-citoyens-élèves, les uns détenant des
pouvoirs qui émanent d'organismes, comme cela peut être le cas
d'enseignants, enfin quelles que soient les modalités, les autres ayant
été choisis par une forme de suffrage universel, tous ayant
été choisis par une forme de suffrage universel, en tout cas,
entendons-nous là-dessus. C'est au niveau de l'école.
Au niveau de la commission scolaire, si je me laisse entraîner
dans votre analyse, il faudrait quasiment dire: Ceux qui seront là par
le suffrage universel n'auraient peut-être pas la même
légitimité. C'est cela qui nous inquiète, ces
espèces de qualités différentes selon qu'on vienne du
milieu des parents ou selon qu'on ait été élus par
l'ensemble des citoyens. Comme on estime qu'il va y avoir un tel bouillonnement
au sein du conseil d'école, on est d'accord avec cette structure, elle
est saine, démocratique, etc., il n'y a pas de difficulté. Quant
à nous, il y a une adhésion. Ce bouillonnement qui se fera dans
30 ou 40 écoles par commission scolaire doit-il se refléter
nécessairement à la commission scolaire? Nous pensons qu'il va se
refléter inévitablement, mais par l'ensemble des commissaires
élus qui, eux, le seront par la voie du suffrage universel. Encore une
fois, les conseils d'école pourront être fort actifs au moment des
élections des citoyens qui vont se présenter à la
commission scolaire. En fait, il y a toutes sortes de groupes qui vont se
constituer.
Mme Harel: Justement, est-ce que le fondement de toute cette
réflexion, c'est de savoir - permettez-moi, c'est une mauvaise
expression - quel label on porte quand on s'occupe de l'ensemble de la chose
scolaire? Je vous dirai qu'en termes pratiques, pour vous donner un exemple, je
peux ne pas être la députée de Maisonneuve, mais la maman
de Catherine. Chacun d'entre nous peut se retrouver comme cela à porter
une attribution qui est différente et c'est plus à ce titre qu'on
peut, ou plus au titre justement de citoyens, comme vous l'exprimiez si bien...
Je suis entièrement d'accord avec la définition que vous nous
avez lue de l'école publique, c'est-à-dire l'ensemble de la chose
du peuple. Je crois que c'est extrêmement important qu'il y ait aussi une
présence qui émane du suffrage universel. Je crois qu'il est
important aussi qu'elle puisse être tempérée par,
justement, la maman ou le papa des élèves qui sont à telle
et telle école.
M. Daoust: Oui, mais, écoutez, on ne peut pas
dépouiller une personne de ce qu'elle est. La maman de Catherine, on la
connaît. Qu'est-ce que vous voulez? Si vous êtes à un
conseil d'école ou à une commission scolaire, vous ne serez pas
que la mère de Catherine, vous serez ce que vous êtes et il est
fort normal qu'il en soit ainsi. Le cadre supérieur d'une entreprise au
sein d'un conseil scolaire n'aura pas tout à fait les mêmes
réactions que le dynamiteur que voulait nous décrire le
député à l'égard d'un tas de problèmes que
notre société vit et connaît. Vous savez, on est ce qu'on
est, au
fond, avec toutes les qualités et tous les défauts. Je ne
vous l'apprendrai pas. On ne se dégage pas du milieu qui est le
nôtre, de nos orientations, en fin de compte, et c'est cela la
démocratie. Vous savez, dire à quelqu'un, parce qu'il
émane d'un conseil d'école, qu'il va représenter les
parents, peut-être, mais, encore une fois, c'est la double
identité des gens qu'on va retrouver au sein des commissions scolaires
qui nous inquiète.
Le type de démocratie qu'on vit à l'école, on
estime qu'il devrait être identique à celui qu'on souhaite vivre
à d'autres niveaux politiques et, au-delà de tout cela, il y a
toujours le ministre et le ministère de l'Éducation.
Le Président (M. Blouin): Rapidement, Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Écoutez, je voulais juste vous dire: Et s'il y
avait double légitimité? Mais c'est un débat qu'on
poursuivra.
Le Président (M. Blouin): D'accord, merci. En conclusion,
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Conclusion?
Le Président (M. Blouin): Conclusion de cette
journée.
M. Ryan: Pas nécessairement. Je ne sais pas si ma
collègue de Jacques-Cartier veut parler ensuite. Je pense que chacun a
son droit. À moins que vous n'ayez des décisions à nous
communiquer là-dessus.
Le Président (M. Blouin): J'ignorais que la
députée de Jacques-Cartier... Non. Est-ce que vous avez des
directives à demander, M. le député d'Argenteuil?
M. Ryan: Non, je n'en ai surtout pas.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Vous avez la
parole.
M. Ryan: Je veux exercer mon droit d'interroger les dirigeants de
la Fédération des travailleurs du Québec dans l'esprit le
plus constructif possible, M. le Président, soyez sans
inquiétude. J'ai lu le mémoire avec attention. Sur le sujet qu'on
vient de discuter, je suis parfaitement d'accord avec la
Fédération des travailleurs du Québec sur le grand danger
que présente l'idée d'une division de la
légitimité. Si les commissions scolaires n'étaient pas
fondées sur le suffrage universel... On peut envisager n'importe quoi.
Un cégep, par exemple, c'est une institution qui est une créature
du gouvernement en vertu d'une loi qui permet de le faire et, ensuite, d'une
incorporation spéciale. Il n'y a personne qui est élu au suffrage
universel dans le cégep. Tous les gens qui sont là le sont par
mode d'autorité déléguée. Qu'on en ait un certain
nombre de telle catégorie et un certain nombre d'une autre
catégorie, cela va très bien, mais, si on devait en avoir la
moitié élue au suffrage universel et l'autre moitié par
des canaux spéciaux, limités par des segments plus limités
de la population, je pense que là, il y aurait une contradiction
fondamentale et, quand on introduit la contradiction, c'est qu'on remet en
question l'institution même qui s'appelle la commission scolaire. C'est
ce que nous soutenons de ce côté-ci depuis le début du
débat. On peut bien la remettre en question, mais qu'on la remette en
question totalement, on verra vraiment où on veut nous conduire. Nous,
nous voulons garder un organisme de gouvernement démocratique des
affaires scolaires au niveau régional. Nous disons que, s'il est au
suffrage universel, qu'il le soit. Et s'il n'y avait pas de possibilité,
pour les parents, de représentations privilégiées par ce
mécanisme, la thèse gouvernementale vaudrait quelque chose, mais
c'est tout le contraire qui est la réalité.
L'expérience enseigne que, depuis quelques années, depuis
que l'expérience des comités d'école est en marche, de
plus en plus, les commissaires sont des personnes qui ont servi d'abord au
niveau du comité d'école ou du comité de parents. Ils
arrivent ensuite à la responsabilité plus large qui est celle de
la gestion générale du réseau d'enseignement sur leur
territoire. C'est normal, mais ils ne sont pas sortis de la cuisse de Jupiter
et ils ne sont pas venus d'une officine quelconque de petits bourgeois d'un
coin du territoire. Ce sont des gens, en grande majorité, aujourd'hui,
qui sont issus de cette source. Et cela me semble bien plus sain qu'ils soient
venus de cette source sans contrainte spéciale, sans encadrement
particulier comme celui que propose le projet de loi, que s'ils étaient
venus par cette voie. Parce qu'à ce moment, au lieu d'augmenter, comme
on le voudrait, l'influence des parents, peut-être qu'on la
réduirait à ces représentants professionnels.
Je pense qu'il y avait une certaine logique dans l'idée de la loi
71 qui disait: On va avoir deux parents à la commission scolaire, si
c'est une commission scolaire intégrée: un du secondaire, un du
primaire mais qui n'auront pas droit de vote. Parce qu'à ce moment, dans
bien des cas, ils ont exercé une très grande influence, ils ont
été très appréciés au plan
pédagogique, mais ils n'avaient pas à se compromettre avec toutes
les décisions administratives qui étaient prises, les questions
d'engagement de personnel, les questions de nominations, les questions d'octroi
de contrat et tout; cela leur donnait une position qui leur permettait
de mieux défendre les droits des parents. Dès fois, cela
va bien et on dit: Maintenant, il faut qu'ils votent. Mais il faut regarder la
noblesse de l'autre rôle qui était là, de l'autre fonction
qui était là avant de la renvoyer du revers de la main.
En tout cas, de ce côté, depuis le début du
débat, nous n'avons pas hésité à soutenir le
principe qu'il doit y avoir une sorte de commissaire d'école élu
au suffrage universel, mais sans porter obstacle à toutes sortes de
modalités pour la participation des parents. Maintenant, c'est un
premier point, je veux que ce soit bien clair, Mme Lavoie-Roux l'a dit
tantôt et je pense que c'est une conviction unanime de notre
côté.
Cela dit, je voudrais faire quelques autres observations à propos
de votre mémoire pour vous poser une couple de questions. Je trouve que
votre mémoire est généreux, mais un peu flottant par
rapport aux questions qui nous intéressent. Quant à nous, c'est
la quatrième semaine que nous entreprenons à siéger et il
y a un certain nombre de questions qui se sont dégagées avec plus
de clarté à mesure que nous avançons. Je reviens à
l'une d'elles. La question fondamentale est celle des pouvoirs et des
attributions des commissions scolaires. Si vraiment on doit avoir un
système d'enseignement qui repose sur un organisme élu au
suffrage universel, qui a la responsabilité du système sur un
territoire donné, il faut que les attributions et les pouvoirs de ce
groupe de citoyens, qui sont mandatés démocratiquement pour agir
au nom de leurs concitoyens, soient clairement établis. Dans votre
mémoire, tout ce que je trouve là-dessus, c'est un passage
plutôt vague au bas de la page 24. Vous écrivez: "Les pages qui
précèdent indiquent que nous favorisons le maintien de
commissions scolaires détenant suffisamment de pouvoirs et de
prérogatives pour que soit assurée et perpétuée,
avec toutes les énergies et ressources nécessaires, la mission de
démocratisation et de péréquation sociale qui revient,
selon notre centrale, au réseau scolaire..." Maintenant, j'ai
été étonné de ne pas trouver dans votre
mémoire une analyse du projet de loi de ce point de vue.
Il y a un grand nombre d'organismes qui sont venus nous voir ici et qui
nous ont dit: La commission scolaire qui va découler du projet de loi
40, c'est une commission scolaire décharnée, une commission
scolaire réduite à l'impuissance, une commission scolaire
dépouillée d'attributions qui sont essentielles à
l'accomplissement de sa mission. Est-ce que je pourrais avoir votre
réaction sur ce point particulier? Est-ce que vous trouvez que le projet
de loi 40 est satisfaisant à ce point de vue? Y aurait-il certaines
améliorations que vous voudriez proposer pour qu'il soit plus vigoureux?
(23 h 15)
Le Président (M. Bluuin): M. Daoust.
M. Daoust: Je pense que nous pouvons dire que nous ne retrouvons
pas dans le projet, jusqu'à correction s'il y a lieu, des garanties
suffisantes qui permettraient ce rôle de péréquation
sociale et de lutte aux inégalités que nous estimons fondamental
et qui doit être assumé par les commissions scolaires. Il y a une
inquiétude qui s'est manifestée à l'étude du projet
de loi. C'est pour cela que, tout au long du mémoire, nous avons
insisté assez abondamment sur le rôle du système scolaire
dans ce type d'objectif et qu'il faudrait des lieux qui soient clairement
définis et précisés afin que cette mission du
système scolaire dans son ensemble ne soit pas oubliée ni
laissée pour compte.
Je vous avouerai qu'il y a des inquiétudes, quant à nous.
Notre lecture du projet de loi nous a laissés un peu sur notre
appétit. Nous avons dit quelque part dans le mémoire qu'on
affirme les principes; quant aux modalités, nous souhaitons que le
ministre s'assure que cette fonction ne sera diluée d'aucune
façon. Elle nous semble fondamentale sans aucun doute. Le système
scolaire, qui est l'un des outils de lutte contre les inégalités
- ce n'est pas le seul outil, sans aucun doute - ne doit pas être
agencé de façon telle que cet objectif soit plus ou moins
laissé de côté.
On ne dit pas qu'il est laissé de côté, mais il y a
des inquiétudes que nous ne parvenons pas facilement à
préciser à ce moment-ci. Un peu comme nous l'avons dit à
l'égard d'un organisme planificateur qui pourrait s'apparenter au
Conseil scolaire de l'île de Montréal où, là aussi,
nous faisons état de certaines de nos inquiétudes, toujours dans
le sens des remarques que j'ai faites il y a quelques instants.
M. Ryan: Je voudrais vous poser une autre question sur ce sujet.
J'ai bien noté votre formule habile vers la fin; vous avez des
inquiétudes que vous ne parvenez pas, à l'heure actuelle,
à formuler avec suffisamment de précisions, mais j'espère
que vous pourrez nous envoyer une annexe. Il serait utile d'avoir un
complément à cette partie de votre mémoire qui, pour nous,
est capitale.
Dans la même veine, je voudrais vous poser une autre question,
parce que je voudrais avoir un peu plus de précisions. Il a
été question du conseil d'école; je ne veux pas entrer
dans la tuyauterie, je pense qu'on pourrait en discuter indéfiniment. Ce
que je voudrais porter à votre attention cependant, c'est qu'avant de
nous arriver avec un madrier comme celui-là le ministre aurait dû
au moins avoir le bon sens de consulter les organismes
intéressés, en particulier les organismes qui représentent
les enseignants. Il y a bien des difficultés devant lesquelles
nous sommes placés qui auraient peut-être pu être
aplanies. Je comprends qu'on avait toutes sortes d'autres conflits, il y a
à peine quelques mois, qui rendaient les contacts très difficiles
sur d'autres sujets, mais là, on est à pied d'oeuvre sur toute
cette question, la définition de la place de chaque
élément dans cette école de demain qu'on nous propose; on
est devant un madrier qui ne résiste pas à l'examen.
Il n'y a à peu près personne qui vient soutenir que cela a
du bon sens comme c'est là. Quand on demande à ces gens ce qu'ils
ont à formuler comme suggestion de remplacement, les gens disent comme
vous dites: On ne le sait pas trop; on va regarder cela; il faudrait faire
attention; on souhaite que les enseignants acceptent. On ne peut pas faire une
loi dans un tel esprit; ce n'est pas facile.
Je voudrais vous faire part de l'état d'esprit des gens. Je
rentre d'un séjour de trois jours dans mon comté où j'ai
eu toutes sortes de réactions de gens de tous les milieux. C'est une
réaction que j'appellerais de "puzzlement"; les gens sont perplexes, ils
ne savent pas où on s'en va avec cette affaire. C'est pour cela qu'on
essaie de s'éclairer en causant avec vous autres.
Je vais vous poser une question précise. Le directeur
d'école, c'est un élément capital; c'est un peu comme dans
n'importe quel établissement, il faut un directeur qui ait un statut
clair, un statut précis. Dans un cégep, le directeur est
engagé par le conseil d'administration du cégep et il
répond au conseil d'administration du cégep. Dans une commission
scolaire - c'est un domaine que vous connaissez, parce que vous avez
été commissaire vous-même, M. Daoust, pendant plusieurs
années - le directeur est nommé par la commission scolaire et il
répond à la commission scolaire suivant la Loi actuelle sur
l'instruction publique, par l'entremise du directeur général de
la commission scolaire. Voudriez-vous que ce lien soit rompu, comme le propose
le projet de loi et comme le désire la Fédération
québécoise des directeurs d'école, ou qu'il soit maintenu?
En pensant à l'aspect de la péréquation - parce que c'est
évident que la répartition du talent et des ressources humaines,
comme le disait la députée de L'Acadie tantôt, est un
élément capital - en pensant aussi à l'unité du
système. Je vous pose la question parce que c'est un des points
charnières sur lesquels il y a beaucoup de difficultés autour du
projet de loi.
M. Daoust: Encore une fois, vous entrez dans des modalités
qu'on a examinées, mais à l'égard desquelles on n'a pas pu
dégager une opinion structurée à ce moment-ci. On a bien
vu que le directeur d'école pourra, au bout d'une période de cinq
ans, sur décision majoritaire du conseil scolaire, non pas être
démis de ses fonctions, mais être l'objet d'un vote de
non-acceptation pour la poursuite de son mandat. On s'interroge
là-dessus; les opinions ne sont pas contradictoires, mais s'affrontent
à l'intérieur de notre centrale. Qu'un conseil d'école
puisse porter un jugement sur un directeur d'école, ça peut se
défendre; ce dernier, sachant les sanctions qu'il pourra peut-être
subir éventuellement, aura peut-être une attitude un peu moins
technocratique, un peu moins autoritaire -dans le bon sens du mot, si vous
voulez -peut-être une attitude un peu plus démocratique. Cela se
défend que le milieu, le conseil d'école puisse
éventuellement dire à son directeur: Vous ne correspondez plus
aux aspirations, à l'idée qu'on se fait d'un directeur
d'école.
L'autre thèse est qu'un directeur d'école pourrait
être complaisant, politiser quelque peu sa fonction, être à
l'écoute de tous en même temps et donner des coups de chapeau
à gauche et à droite. C'est un aspect sur lequel, encore une
fois, on n'a pas pu dégager une opinion très limpide, si je peux
employer cette expression. C'est un pari d'envergure, sans aucun doute, que ce
dernier soit obligé de se renouveler dans ses idées pour
correspondre à la réalité qui est la sienne. La plupart
d'entre nous ont à la mémoire certains directeurs et directrices
d'école qui étaient nettement dépassés par les
événements et qui étaient un empêchement à un
épanouissement des enfants fréquentant l'école. Dans
certains cas, ils étaient même complètement, mais
complètement décrochés de la réalité. Encore
une fois, c'est sans aucun doute un point central, mais on ne peut pas trancher
au couteau. Il y a peut-être une expérience à vivre. On ne
serait pas formellement opposé à ces articles du projet de loi
à ce moment-ci. Peut-être qu'avec le temps - cinq ans, c'est cinq
ans - et avec l'expérience on verra ce que cela peut donner. Mais
certains soutiennent que c'est un facteur de démocratisation. J'essaie
de vous donner un peu les deux tendances pour vous dire à quel point
c'est complexe dans notre esprit.
M. Ryan: Oui, j'essaie de comprendre. M. Daoust: Nous
aussi.
M. Ryan: II y a là un problème de fond. On peut
bien essayer d'avoir le meilleur des deux mondes, mais, à un moment
donné, il faut faire des choix clairs. Je pense que le mouvement
syndical a toujours été réputé comme n'ayant pas
peur de proposer des choix clairs aux autorités publiques. Ici, je
reviens à mon exemple du directeur d'école. D'après le
projet de loi, il est l'employé de la commission scolaire, mais, quand
on lit le projet de loi, on s'aperçoit que la commission scolaire
n'aura
pas d'autorité sur lui. L'autorité va être
donnée à un conseil d'école dont on ne sait pas comment il
sera composé. Personne ne s'entend là-dessus. Je me dis: Si la
commission scolaire est l'organisme démocratiquement mandaté par
la population, il me semble franchement que c'est à elle de le nommer et
d'exercer une certaine autorité sur lui dans l'exercice de ses fonctions
et, à un moment donné, de l'affecter ailleurs si cela ne marche
pas. Que le conseil d'école émette son opinion, que le conseil
d'école doive même donner son assentiment pour certaines
décisions qui seront précisées dans la loi, je n'aurais
pas d'objection, mais je veux savoir où ce personnage va loger, parce
que, si on n'est pas capable de dire clairement où va loger le
personnage clé de l'école, de qui il va relever et comment il va
fonctionner, tout l'édifice est un château de cartes.
M. Daoust: J'accepterais l'invitation que vous nous avez faite un
peu plus tôt de vous faire connaître une opinion - j'allais dire
plus représentative - qui aurait fait l'objet d'une réflexion
plus poussée là-dessus qu'à ce moment-ci.
M. Ryan: C'est cela. Très bien. Je l'apprécie et je
vous suggérerais peut-être, à ce sujet, de lire non
seulement le mémoire présenté ici par la Centrale de
l'enseignement du Québec, mais également le compte rendu de
l'échange de vues très long que la commission a eu avec la
délégation qui représentait la Centrale de l'enseignement
du Québec, parce que, indépendamment des opinions qu'on peut
avoir sur certaines opinions politiques de cette centrale ou d'autres,
d'ailleurs - sans allusion particulière - je pense que,
là-dessus, la Centrale de l'enseignement du Québec est quand
même l'organisme le plus autorisé à parler au nom de ces
enseignants dont nous convenons tous qu'ils ont un rôle central à
jouer dans l'école, quelle que soit la structure définitive qu'on
prévoira. Là-dessus, ils ont été extrêmement
réservés. Ils n'ont pas... Ils ne consentent même pas
à ce qu'on inscrive dans la loi une formule précise, mais, sur la
question du lien de l'école avec la commission scolaire, ils ont
été très explicites. Ils préfèrent nettement
que le directeur de l'école relève de la commission scolaire dans
l'exercice courant de ses attributions, sujet, évidemment, à
celles de ses fonctions qui seront définies par la loi comme relevant
d'un conseil d'école, par exemple, etc. Je suis content de ce que vous
dites et je ne veux pas pousser davantage la discussion sur ce point.
Il y a deux autres aspects que je voulais soulever. Il y a l'aspect de
l'éducation des adultes que vous avez soulevé avec
énormément de pertinence. Je pense que les remarques que vous
formulez là-dessus sont très judicieuses. J'ai
écouté les explications qu'a données le ministre
tantôt. Il m'apparaîtrait assez curieux, au moment où on
prétend refaire la loi-cadre de l'enseignement public au Québec
aux niveaux primaire et secondaire, que la réalité de
l'éducation des adultes ne soit pas un des éléments
essentiels dans cette loi. Le ministre nous a dit tantôt que sa politique
s'en vient. Tant mieux. Cela fait longtemps qu'on l'attend, mais il semble
qu'il faut qu'on trouve le moyen d'insérer dans la loi les
éléments essentiels de la politique d'éducation des
adultes du gouvernement. Par exemple, qu'il ne soit pas question
d'éducation des adultes dans les articles 1 à 13, qui
définissent les fonctions du système d'enseignement, cela fait
très bizarre. J'étais très heureux de vous voir insister
sur le principe de la gratuité dans l'éducation des adultes, au
moins pour les niveaux primaire et secondaire. Je pense que c'est un acquis
qu'on a établi il y a de cela une vingtaine d'années et qu'on a
perdu en grande partie, au cours des cinq dernières années, avec
l'augmentation des frais d'inscription pour certains cours, surtout dans le
domaine de la formation professionnelle, comme vous le savez, et la suppression
de bien d'autres cours de formation populaire, de culture populaire qui,
autrefois, étaient accessibles à des conditions
équivalentes à la gratuité. Je suis content que vous
l'ayez soulevé. Je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser
sur les six propositions que vous faites là-dessus. Je suis d'accord de
la première à la dernière et je souhaite vivement qu'on
trouve le moyen d'intégrer tous ces éléments dans le
projet de loi, si jamais il doit connaître une forme plus parfaite. (23 h
30)
À ce sujet, quand vous parlez de reconnaître la
nécessité des services spécifiques et distincts
destinés aux adultes, est-ce que vous dites que ceci inclut les
éléments suivants: vous avez des services d'orientation et de
consultation, une facilité d'accès aux services de
bibliothèque, etc.? Au point de vue administratif, est-ce que vous vous
êtes posé des questions à ce sujet?
Je vais vous poser une autre question. Vous avez dit tantôt,
à propos de la Commission des écoles catholiques de
Montréal et de la Commission des écoles protestantes du grand
Montréal, que vous seriez plutôt sympathiques au projet du
gouvernement de ramener ces commissions scolaires à la taille des
commissions scolaires moyennes qui existeront dans le Québec. Ce qu'on
envisage comme taille moyenne des commissions scolaires pour la région
de Montréal, c'est de 18 000 à 21 000 élèves
environ, primaire et secondaire. L'autre jour, en rencontrant les
représentants de la commission scolaire régionale de Chambly, qui
compte une
population de 21 000 élèves, uniquement au secondaire, ils
nous ont dit: On a absolument besoin d'une taille comme celle que nous avons
pour être en mesure d'offrir des services vraiment compétents
concernant l'éducation des adultes en particulier. Est-ce que vous vous
êtes interrogés sur la répercussion que pourra avoir le
démembrement de ces deux grandes commissions scolaires de
Montréal sur la qualité des services d'éducation des
adultes qui ont pu être offerts et peut-être sur la qualité
d'autres services spécialisés comme les services à
l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage?
Une voix: Oui.
M. Ryan: Si on vous faisait la démonstration - certains
pensent l'avoir déjà faite devant la commission, mais cela reste
ouvert à la discussion - qu'une certaine taille doit être
maintenue dans le milieu métropolitain, à cause de la nature
spéciale, la configuration culturelle, sociale, économique tout
à fait spéciale, le milieu métropolitain, est-ce que ce
serait le genre d'argument qui pourrait vous amener à réviser
votre position qui n'est d'ailleurs pas énoncée d'une
manière trop explicite dans votre mémoire? Nous craignons pour la
diminution de la qualité des services dans ces domaines, qui font partie
d'un système d'enseignement moderne, s'il y a trop de réduction
à des tailles trop moyennes.
M. Daoust: Évidemment, nous ne pouvons énoncer de
chiffres qui nous permettraient de dire: Voici la taille idéale d'une
commission scolaire. Par ailleurs, nous avons quelque peu commenté,
à la page 26, le sujet que vous avez abordé. Je vais le lire
rapidement, quitte à le commenter: "Nous craignons que le projet de loi
40 ne nous annonce le retour des inégalités économiques
entre commissions scolaires, s'il n'y a pas un organisme central responsable de
procéder à une répartition plus juste des ressources. De
plus, sans vouloir absolument préserver le territoire actuel de la CECM,
nous considérons que le ministre n'a pas offert de garantie visant
à assurer le maintien ou la préservation de certains acquis pour
lesquels la population a payé et dont elle est en droit de continuer
à jouir. Nous pensons notamment à l'expertise de la CECM dans
l'enseignement en milieu défavorisé, l'éducation des
adultes, l'abandon scolaire ou les toxicomanies, etc., en bref, ce genre de
dossiers qui ont précisément beaucoup à voir avec cette
mission de péréquation sociale."
À l'égard de vos remarques au sujet de l'éducation
des adultes, quant à nous, nous les partageons. D'ailleurs, vous l'avez
mentionné vous-même, vous avez indiqué de façon
précise que vous n'étiez pas en désaccord avec
l'orientation que vous retrouviez dans ce mémoire au sujet de
l'éducation des adultes. Chez nous, c'est une très grande
préoccupation et un très grand malaise que nous avons voulu
exprimer à l'égard des articles du projet de loi au sujet de
l'éducation des adultes. Je ne veux pas reprendre ce qu'on a
déjà dit et ce que vous avez mentionné. Je pense qu'on est
tout à fait sur la même longueur d'onde. Il tarde de savoir
exactement quelle orientation ou quel accueil on fera au rapport de la
commission Jean. Nous, dans une société qui connaît les
mutations que l'on sait, inouïes sur tous les plans, dans une
société où le taux d'analphabétisme est fort
élevé - on parle de 200 000 à 600 000 personnes au
Québec, selon la définition qu'on donne des analphabètes -
quant aux droits que doivent avoir ces gens qui ont payé le
système scolaire depuis toujours et qui sont sous-scolarisés,
quant à tous ces phénomènes, on se dit que la dimension de
l'éducation des adultes n'a pas recueilli dans le projet de loi
l'attention qu'elle méritait.
De façon un peu plus précise, c'est entendu que des
services d'éducation des adultes, il en existe. On ne voit pas une
atomisation de ceux-ci et un éclatement des interventions dans le
domaine de l'éducation des adultes dans une société comme
la nôtre où les gens sont mobiles, où les problèmes
d'emplois et de recyclage, de réadaptation sont fréquents,
où on dit de plus en plus qu'un travailleur devra changer cinq ou six
fois d'emploi; on parle d'éducation permanente de plus en plus. C'est
entendu qu'il faudra des lieux où il y aura une concertation, où
il y aura des grandes politiques. Ce n'est pas au niveau de l'école,
sans aucun doute, quoiqu'il doive y avoir une préoccupation à ce
niveau, c'est tellement évident. C'est de façon beaucoup plus
centralisée que nous voyons les pouvoirs dans le domaine des politiques
à instaurer à l'égard de l'éducation des adultes,
des niveaux beaucoup plus centralisés que ceux qu'on ne voit pas. Il y a
chez nous là-dessus, encore une fois, dans le projet de loi, une
insatisfaction ou un mécontentement - il faut employer le mot, il ne
faut pas avoir peur des mots - à ce sujet-là.
M. Ryan: Je suis bien content de ces remarques que vous faites.
En causant avec des responsables scolaires à Montréal, dans
plusieurs commissions scolaires, ce que j'ai cru comprendre, c'est ceci: C'est
qu'en divisant les commissions scolaires, comme le propose le projet de loi, on
pourrait réussir à offrir à la clientèle moyenne,
à l'enfant moyen qu'on trouve un peu partout des services de
qualité convenable un peu partout, mais, dans les milieux qui ne sont
pas comme la moyenne, qui sont particulièrement handicapés par
des
difficultés économiques, par un contexte
géographique et culturel plus difficile, cela ne serait pas possible.
Là, cela prend une mise en commun des ressources à une
échelle plus large pour être capable d'innover, pour être
capable de faire des expériences, pour être capable d'affecter une
partie plus grande des ressources. C'est cela l'enjeu de tout le
problème du découpage territorial à Montréal. Je
suis content de...
Tantôt, dans vos remarques, j'avais pensé que vous alliez
un peu plus dans le sens du découpage proposé par le
gouvernement. Là, dans votre réponse, vous nous avez
ramené au texte de votre mémoire qui exprime suffisamment
d'inquiétude pour le moment à mon point de vue. Si jamais il y
avait un complément de réponse là-dessus, je pense que ce
serait extrêmement intéressant aussi. Je l'apprécie.
Voulez-vous me permettre seulement une petite question à propos
du conseil d'école? J'avais oublié de la poser tantôt.
C'est une précision que j'aimerais avoir. Vous avez dit que vous
êtes favorable au conseil d'école. Nous ne savons pas, encore une
fois, comment il pourrait être constitue exactement, mais disons que nous
sommes favorables à cela. Le conseil d'école, le voyez-vous comme
un organisme indépendant de la commission scolaire ou qui va exercer ses
fonctions sous l'autorité et la responsabilité
générale de la commission scolaire?
M. Daoust: On ne le voit pas indépendant de la commission
scolaire. Il y a des aller et retour inévitables, indispensables. Il ne
peut pas exister en vase clos. Il y a des liens de toutes sortes qui devront
s'établir entre ce conseil et la commission scolaire. Non, ce n'est pas
une entité à ce point autonome qu'elle puisse faire fi des grands
projets qui y sont véhiculés et qui doivent être
véhiculés à un niveau plus élevé, celui de
la commission scolaire.
M. Ryan: Je prends un exemple concret. Je ne cherche pas à
faire des difficultés artificielles. On va prendre l'implantation des
programmes qui découlent du régime pédagogique. La
commission scolaire peut avoir une politique d'implantation de ces programmes.
Il pourrait arriver, comme c'est écrit dans le projet de loi, que le
conseil d'école décide que l'application du régime
pédagogique va se faire comme ceci et comme cela. Il n'y a rien dans le
projet de loi qui prévoie qu'il devrait le faire en conformité
avec les orientations et peut-être les échéanciers
définis par la commission scolaire. En cas de conflit, sur une question
comme celle-là, est-ce que vous trouvez que la commission scolaire
devrait avoir une certaine autorité où que chaque conseil
d'école pourrait fonctionner à sa guise?
M. Daoust: Vous êtes dans des modalités qui sont
assez complexes, pour vous dire le fond de notre pensée. Il y a des
arbitrages qui devront se faire. Ce n'est pas un conseil d'école non
plus à ce point dépouillé de pouvoir, d'autorité et
de rôle que, somme toute, il ne sera que l'estampille de la commission
scolaire. Il faut qu'il y ait une espèce d'équilibre des
pouvoirs, une espèce de va-et-vient sur le plan des idées et des
orientations. Qui va trancher? On l'a dit dans notre mémoire à
l'égard de certains grands problèmes. C'est la commission
scolaire qui est là pour faire les arbitrages et les médiations
qui s'imposent.
M. Ryan: Dans le projet de loi, vous ne rencontrez nulle part le
mot "direction" à propos de la commission scolaire, le mot
"contrôle", par exemple. Ce sont toutes des expressions flottantes:
soutien, coordination, aide; il n'y a jamais rien de clair. J'aimerais que vous
examiniez cela de plus près; vous avez dit tantôt que vous
étiez pour le faire. Nous, c'est une de nos sources
d'inquiétude.
M. le Président, je pense que j'ai écoulé le temps
dont je pouvais disposer.
Le Président (M. Blouin): Et bien davantage, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Mais c'était pour l'utilité commune.
Le Président (M. Blouin): Mais j'en suis conscient. M. le
député de Mille-Îles.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci, M. le
Président.
Souvent le député d'Argenteuil parle d'inquiétude.
Je deviens de plus en plus inquiet face à son obsession de
légitimité égale aussi suffrage universel uniquement. Je
ne sais pas si, éventuellement, le député d'Argenteuil
venait en ligne d'autorité, il ne retirerait pas la loi 30 et non la loi
71, comme vous avez dit tout à l'heure. La loi 30 donne le pouvoir aux
parents de siéger aux commissions scolaires. On parle de statu quo dans
votre formation politique et actuellement la loi 30 fait en sorte qu'il y ait
deux parents qui siègent au niveau de la commission scolaire, le projet
de loi 30 leur donne le droit de vote, mais les parents ont refusé leur
droit de vote considérant que, automatiquement, ils seraient
minoritaires. Imaginez-vous deux parents qui arrivent au niveau d'une
commission scolaire, qui ont à voter sur une question; c'est sûr
qu'ils seraient toujours renversés.
Cela m'inquiète toujours cette légitimité, ce
suffrage universel et la loi 30 qui s'exerce actuellement. Parmi tous ceux qui
sont passés ici, personne n'a demandé de
retirer la loi 30, parce que les parents sont là pour
représenter les parents qui viennent des comités
d'école.
Je ne pense pas que le député d'Argenteuil
s'inquiète du fait que le Conseil de l'île de Montréal n'a
pas été élu au suffrage universel. Nous avons des
éléments socio-économiques qui ont été
nommés. Vous avez aussi des éléments politiques,
socio-économiques et vous avez toutes sortes de représentations,
il n'y a personne qui va parler de l'illégitimité du Conseil de
l'île de Montréal.
De plus en plus, dans notre société, on donne un droit aux
usagers et je pense que c'est une évolution démocratique. On le
voit dans beaucoup d'associations. J'ai même fait partie d'un conseil
d'administration où on a accepté la cooptation, à savoir
que, dans un conseil d'administration de quatorze personnes, il y avait douze
personnes élues et on allait chercher d'autres personnes à notre
choix.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Mille-Îles, si vous le permettez, j'aimerais vous ramener à une
réalité qui, de plus en plus, s'approche de nous,
c'est-à-dire qu'à minuit, nous devrons ajourner nos travaux. Il y
a deux membres, c'est-à-dire vous et Mme la députée de
Jacques-Cartier, qui ont demandé d'intervenir en conclusion. Si nous
pouvions, en toute bonne collaboration, diviser ce temps également en
deux parties, il me semble que...
M. Champagne (Mille-Îles): Je vais faire un effort, M. le
Président, mais le député d'Argenteuil a été
tellement volubile ce soir après une journée de repos ou
d'absence à notre commission parlementaire, qu'il avait beaucoup de
choses à dire. C'est pour cela, dans ce flot, qu'on est porté
également à résumer un peu moins. (23 h 45)
M. le secrétaire général de la FTQ, vous avez un
autre principe qui dit: "No taxation without representation." Aux niveaux
secondaire et primaire, le budget est de 4 000 000 000 $ pour
l'éducation; le pouvoir de taxation des élus au suffrage
universel auquel vous faites toujours référence est simplement de
4%, à savoir 181 000 000 $ sur un budget de 4 000 000 000 $. Vous voyez
à la fois une évolution dans le sens de la démocratie, il
y en a qui sont venus le dire ici, et à la fois une évolution
dans le sens d'une moins grande responsabilité des élus à
la base. Est-ce qu'on devrait se rallier à l'idée du
député d'Argenteuil qui dit: légitimité, suffrage
universel, point à la ligne? Ou devrait-on faire en sorte de regarder
l'évolution et le sens des responsabilités aujourd'hui des 181
000 000 $ sur 4 000 000 000 $? Ne devrions-nous pas aller dans un sens plus
évolutif que le sens stationnaire?
Le Président (M. Blouin): M. Daoust.
M. Daoust: Non, vos remarques ne nous convainquent pas qu'il
faille changer notre orientation de fond à l'égard du suffrage
universel. En gros - je ne veux pas répéter ce que j'ai
mentionné - on ne veut pas déresponsabiliser les gens qui seront
élus à ce niveau et éviter des espèces de conflits
sur la légitimité. Il y a tant de centaines de millions de
dollars... On peut faire la même chose à l'égard de
nombreux niveaux politiques; à ce compte-là, il faudrait
peut-être supprimer le suffrage universel. Non, non, je ne dis pas
à tous les niveaux, mais à des niveaux inférieurs en se
disant, somme toute, que c'est toujours l'État qui devrait être
omniprésent partout. Je ne veux pas pousser cette argumentation, parce
qu'on n'y croit pas.
On se dit que, pour faire en sorte que les gens se sentent dans le coup,
il faut leur donner les pouvoirs et les accueillir selon des normes et des
règles comme celles qu'on a pu décrire dans notre document.
M. Champagne (Mille-Îles): D'accord. Une dernière
observation pour ne pas mettre de la confusion autour de cet
élément de suffrage universel. Il faut dire que la loi 40,
à l'article 138, prévoit que "la commission scolaire est
administrée par un conseil d'administration composé du
commissaire de chaque école". Ensuite, à l'article 140: "À
le droit de vote à cette élection, toute personne qui, à
la date du scrutin, a la qualité d'électeur au sens de l'article
2."
C'est quand même une modalité du suffrage universel, mais
c'est rattaché beaucoup plus à l'institution qu'à la
grande immensité du territoire. Est-ce que, si on est rattaché
simplement à une institution, ce n'est pas démocratique et ce
n'est pas le suffrage universel qui entre à l'état pur? C'est la
question qu'on peut se poser.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci M. le
député de Mille-Îles. Mme la députée de
Jacques-Cartier...
Mme Dougherty: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): ...qui conclura cette fois.
Mme Dougherty: Pardon?
Le Président (M. Blouin): Qui conclura.
Mme Dougherty: Merci. J'ai beaucoup apprécié votre
analyse de la notion de la démocratie scolaire. Selon votre analyse, si
j'ai bien compris, il faut un pouvoir politique qui relève de l'ensemble
de la communauté,
qui est responsable, imputable à la communauté pour la
qualité de l'éducation pour l'ensemble des élèves
de la région. Dans cette analyse, vous avez soulevé l'idée
importante de l'égalité des chances, le principe aussi de
l'école commune qui ne marginalise personne et la
nécessité ou l'importance d'un palier décisionnel
politique qui puisse agir comme contrepoids efficace à la
centralisation. À cet égard, je crois que vous avez fait deux
remarques que je trouve très pertinentes.
D'abord, vous avez soulevé le risque qu'en cherchant à
responsabiliser l'école, on risque de déresponsabiliser la
communauté. À la page 11, vous avez dit: "...nous comprenons que
certains voient dans le projet de réforme une menace de centralisation
puisqu'il n'est pas évident que le pouvoir parental pourrait devenir un
contre-pouvoir efficace."
Je crois que la question qui se pose ici est une question qui touche au
fond du projet de loi 40. Est-ce que la qualité de l'éducation
est mieux servie par une multiplicité de centres décisionnels ou
est-elle mieux servie par une instance décisionnelle politique
régionale? En d'autres mots, est-ce que les conditions qui favorisent la
démocratie, selon votre analyse de la démocratie scolaire,
coïncident avec les conditions qui favorisent la qualité de
l'éducation? La démocratie est-elle la meilleure sauvegarde de la
qualité de l'éducation? Pour moi, c'est une question primordiale
qui est à la base de la discussion ici. Est-ce que vous avez une
réponse?
Le Président (M. Blouin): M. Daoust.
M. Daoust: Au tout début de vos remarques, vous avez fait
état de notre déclaration à la page 11 où il est
question de contre-pouvoir efficace. Il faut rappeler que cette conclusion
s'inscrit dans un paragraphe qui porte pour titre: Le défi de la
participation. Sans répéter ce que j'ai mentionné trop
longuement, je voudrais rappeler qu'il va falloir doter les gens qui sont
appelés à participer de tous les outils et de tous les moyens
voulus pour que la démocratie puisse se vivre adéquatement. Il
n'y a pas de démocratie sans information et sans formation. C'est
l'essence même de la démocratie dans nos sociétés
modernes.
Les gens dépourvus sur ce plan sont de bien piètres
participants à toutes les structures dans lesquelles ils sont
conviés à jouer un rôle. En gros, démocratisation et
finalité de l'école, pour nous, sont presque synonymes. On n'a
pas peur de la démocratie dans la mesure où cela ne devient pas
du bavardage et que cela ne devient pas des lieux tellement
émiettés et fragmentés qu'on assiste, comme on l'a dit
à quelques endroits dans notre document, à une espèce
d'atomisation des responsabilités. C'est quoi l'équilibre normal?
Bon conseil d'école muni, nanti de pouvoirs, d'un rôle, d'une
fonction; on est complètement d'accord. C'est un défi pour la
société. Là-dessus, on ne le conteste pas, c'est
révolutionnaire, à notre sens. En tout cas, c'est
extrêmement novateur au sein de la société
québécoise, cet appel à la participation. Ce rôle
qu'on veut faire jouer aux acteurs principaux, compte tenu des modalités
qu'on pourrait apporter au projet de loi, cela pourrait avoir des effets
d'entraînement dans d'autres milieux et on n'est pas indifférent
à cela. Nous qui sommes en milieu de travail, nous savons fort bien
qu'il y a des débats - je l'ai mentionné un peu - au sein de
toutes les sociétés industrielles à l'égard de la
place des travailleurs dans l'entreprise. On ne peut pas s'opposer à ce
que les gens les plus près de l'école, les parents, les
enseignants, les citoyens se rapprochent de ce lieu de pouvoir et puissent
l'animer, puissent l'orienter.
On n'est pas non plus indifférent à la
nécessité d'une centralisation d'un tas de rôles et d'un
tas de fonctions, compte tenu du principe de fond qu'on n'a pas cessé de
mentionner, la lutte aux inégalités sociales, à la
démocratisation du système d'enseignement. C'est une lutte
incessante qui va demander de tous les acteurs une présence continue. Il
y a des pouvoirs qui ne se cèdent pas. Il y a des pouvoirs qui
s'acceptent, qui se prennent. C'est pour cela qu'on est d'accord, encore une
fois, avec le conseil scolaire et les structures qui sont
suggérées, qui vont permettre, normalement, à la suite des
amendements qui pourront y être apportés, une espèce
d'équilibre souhaitable. On ne fait pas d'opposition entre
démocratie et efficacité du système scolaire.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Daoust. Merci, Mme la
députée de Jacques-Cartier. Au nom de tous les membres de la
commission, je remercie la représentante et les représentants de
la Fédération des travailleurs du Québec de leur
participation aux travaux de notre commission. Sur ce, la commission
élue permanente de l'éducation ajourne ses travaux à
demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 57)