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(Dix heures six minutes)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission élue permanente de l'éducation reprend
ses travaux. Je vous rappelle le mandat de cette commission qui est d'entendre
toute personne ou tout groupe qui désire intervenir sur le projet de loi
40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.
Ce matin, nous entendrons d'abord le Comité central des parents
de la CECM et ensuite le Comité de parents de la commission scolaire
Saint-Exupéry. Cet après-midi, à compter de 15 heures,
nous entendrons le Département des sciences religieuses de
l'Université du Québec à Montréal et ensuite la
Commission des écoles catholiques de Montréal. Finalement,
à 20 heures, le Comité de parents de la région 1 de la
Commission des écoles protestantes du grand Montréal et, par la
suite, la Fédération québécoise des associations
foyers-écoles.
Tout comme hier, à la suite d'une entente intervenue entre les
parties, les deux premiers organismes qui se feront entendre ce matin pourront
disposer d'une période de temps totale d'une heure trente minutes.
Sans plus tarder, j'invite maintenant les représentantes et le
représentant du Comité central des parents de la CECM à
bien vouloir d'abord s'identifier et à nous livrer ensuite en une
vingtaine de minutes le contenu de leur mémoire.
Comité central des parents de la CECM
Mme Keeney-Beaudoin (Alice): Bonjour, M. le Président, M.
le ministre, mesdames et messieurs membres de la commission parlementaire. Mon
nom est Alice Keeney-Beaudoin. Je suis le porte-parole des parents de la CECM
par la voie de son comité central. Ce comité est composé
de cinq comités régionaux: le comité régional de la
région est, ouest et nord, un comité régional
composé de délégués de parents du réseau des
écoles spéciales et un comité régional
composé des parents délégués du secteur anglophone.
C'est un comité que vous entendrez demain matin.
M'accompagnent aujourd'hui, Mme Gérardine Bissonnette,
déléguée du comité de parents de la région
est; M. Jean Olivier, délégué du comité de parents
de la région ouest et vice-président du comité central de
parents; Mme France Gauthier, déléguée du comité de
parents du réseau des écoles spéciales; au centre, Mme
Patricia Vaillancourt, déléguée du comité de
parents de la région nord et, immédiatement à ma droite,
Mme Jacqueline Beauchemin, qui est notre déléguée à
la Fédération des comités de parents de l'île de
Montréal dont elle est la présidente et aussi notre
déléguée à la Fédération provinciale
des comités de parents où elle est la directrice des parents de
la CECM, à son conseil d'administration.
Le secteur français de la CECM représente à lui
seul quelque 177 écoles. Compte tenu que, depuis vingt ans
déjà, les parents de la CECM s'impliquent dans les affaires
scolaires et réagissent aux événements qui agitent le
système de l'éducation, il nous aurait été
difficile de rester silencieux dans le présent débat. Ce silence
aurait été d'autant plus incompréhensible que l'actuel
projet de loi reprend l'hypothèse, maintes fois avancée puis
abandonnée, de la subdivision de la CECM.
Depuis la parution du livre blanc: Une école communautaire et
responsable, les parents de la CECM ont procédé à un
sérieux "remue-méninges": multiples soirées d'information,
sondages réalisés auprès de 10 000 parents du secteur
français, ateliers de réflexion et de discussion, mémoires
locaux; tout cela a permis au comité central de prendre le pouls de
l'opinion des parents et de l'exprimer dans ce mémoire.
D'entrée de jeu, disons que la majorité des parents de la
CECM appuie les grandes orientations du projet de loi 40 intitulé: Loi
sur l'enseignement primaire et secondaire public.
Nous reconnaissons l'urgence de regrouper les écoles sur une base
linguistique et de réaménager la confessionnalité dans le
respect de tous.
Nous considérons qu'il est nécessaire de procéder
à une redéfinition des rôles de la commission scolaire et
de l'école afin de permettre à celle-ci d'être responsable
de son projet éducatif.
Nous sommes convaincus qu'il est temps de redonner aux parents la place
qui leur revient de droit dans l'éducation scolaire de leurs
enfants.
Le statut de la commission scolaire. Le regroupement des écoles
sur une base confessionnelle ne répond plus aux besoins de la
société québécoise. Au nom du réalisme
financier et de la logique administrative, au
nom du droit de la communauté anglaise de gérer les
institutions qui reflètent et transmettent leurs valeurs, la division
des commissions scolaires selon le critère de la langue, surtout sur le
territoire métropolitain, s'impose. Cette réforme recueille
l'adhésion de la grande majorité des parents de la CECM.
J'oserais me permettre d'ajouter ici: de la majorité des parents dans
toute la province.
Par contre, la corrélation linguistique que le projet de loi
établit entre le nouveau statut des commissions scolaires et la taxe
spéciale qu'elles peuvent lever inquiète le comité
central. La taxe "linguistique" sur l'île de Montréal nous
ramène dix ans en arrière, à l'époque où
nous connaissions la taxe "confessionnelle". Seule la taxe "unifiée"
présentement appliquée par le Conseil scolaire de l'île de
Montréal nous paraît garantir le principe d'égalité
des chances.
Nous recommandons donc que le pouvoir de taxation des commissions
scolaires, du moins sur l'île de Montréal, demeure soumis à
la procédure actuelle "d'unification" au sein du Conseil scolaire de
l'île de Montréal.
Le Président (M. Blouin): Mme Beaudoin, dois-je comprendre
que vous avez l'intention de donner une lecture fidèle de tout votre
mémoire?
Mme Keeney-Beaudoin: Non, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Alors, vous avez compris notre
limite de temps maximale d'une heure trente.
Mme Keeney-Beaudoin: Oui. Ce sera fait dans la limite de temps
accordée.
Le Président (M. Blouin): Très bien.
Mme Keeney-Beaudoin: Confessionnalité. Si la
majorité des parents de la CECM trouvent parfaitement légitime de
déconfessionnaliser les commissions scolaires, il ne faut pas en
conclure pour autant qu'ils rejettent toute dimension spirituelle et religieuse
dans l'éducation de leurs enfants. Les parents tiennent, encore
aujourd'hui, au concept d'éducation intégrale qui, tout au cours
de l'histoire du Québec, a fait la spécificité de son
système d'éducation. Aussi, exigent-ils, avec force et
conviction, le droit pour leurs enfants de recevoir à l'école un
enseignement religieux de qualité. Cette exigence est toutefois assortie
d'une reconnaissance sans équivoque du droit individuel à la
liberté de conscience.
Les réaménagements de la confessionnalité tels que
projetés par le projet de loi 40 répondent fort bien à ces
attentes des parents francophones de la CECM.
Le droit pour les parents ou chaque enfant de choisir entre
l'enseignement religieux et l'enseignement moral; 2. La garantie de
qualité d'un enseignement religieux; 3. Le droit pour
l'élève de bénéficier d'un service gratuit
d'animation pastorale.
Ces garanties, du moins la première, nous paraissent d'autant
plus sérieuses qu'elles sont corroborées par l'article 41 de la
Charte québécoise des droits et libertés de la personne,
qui se lit comme suit: "Les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont
le droit d'exiger que, dans les établissements d'enseignement public,
leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme
à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la
loi."
Le projet de loi 40 va même plus loin dans la reconnaissance de ce
droit; il introduit la notion du droit collectif et offre des garanties en ce
sens aux groupes majoritaires dans chacune des écoles: 1.
possibilité de préparer un projet éducatif confessionnel;
2. possibilité pour les parents de demander un statut juridique
confessionnel pour l'école. (10 h 15)
Les parents du secteur français sont très heureux de voir
inscrits dans la loi ces deux droits qu'ils considèrent comme faisant
partie de leur héritage. Cependant, ils pourraient fort bien ne pas les
exercer.
Jusqu'à tout récemment encore, le secteur français
de la CECM formait un bloc homogène catholique. Divers facteurs d'ordre
social, religieux et politique ont fait éclater cette
homogénéité. Le pluralisme culturel, qui est devenu un
trait distinctif de la société métropolitaine, a
contribué à modifier progressivement l'attitude et les exigences
des parents de ce secteur quant à l'éducation religieuse de leurs
enfants.
C'est dans ce sens qu'il nous faut interpréter, nous semble-t-il,
le fait que, en 1975, les parents de la CECM, au cours de leur congrès
annuel, rejetaient majoritairement une proposition voulant créer des
écoles "autres" pour les élèves "exemptés" -cette
proposition s'appuyait sur l'importance du vécu chrétien dans le
projet éducatif d'une école catholique - et que, lors de notre
sondage en 1982, soit sept ans plus tard, 55% des répondants ont
affirmé désirer une école pluraliste pour leur enfant.
Or, la restructuration des commissions scolaires sur une base
linguistique, en réunifiant les francophones du CEPGM et les
francophones de la CECM, augmentera sans contredit le nombre d'enfants sans
allégeance religieuse ou d'autres allégeances religieuses dans
nos écoles de quartier.
Cette prise de conscience de la transformation de la clientèle
scolaire de nos écoles et l'esprit d'ouverture et d'accueil qui
en résulte nous amènent également à nous
interroger sur les articles 110 et 111 qui ont trait à l'animation
pastorale, sur le deuxième paragraphe de l'article 103 qui impose le
fardeau des coûts à la communauté religieuse
concernée et sur l'article 220 qui fait l'obligation à la
commission scolaire d'engager un animateur de foi catholique. Il ressort de ces
articles une inégalité de traitement systématique quelque
peu gênante, car difficilement explicable. Les enfants, selon qu'ils sont
catholiques, protestants ou "autres", ne peuvent prétendre aux
mêmes services. Cela nous semble peu conforme à l'esprit de
l'article 10 de la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne qui prône le droit à
l'égalité et cela, sans distinction, exclusion ou
préférence fondée sur la race et sur la religion.
Nous recommandons alors que les articles 110, 111, 103 et 220 soient
remaniés de façon à corriger ces
inégalités.
L'école de nos enfants. Le projet de loi sur l'enseignement
primaire et secondaire public ouvre sur l'énumération et la
description des services scolaires que chaque enfant du Québec est en
droit de recevoir.
La conception d'éducation annoncée par l'article 1,
reprise dans les articles 3 et 4 et renforcée à l'article 28 nous
inquiète sérieusement. La responsabilité
d'éveiller, de former et de développer toutes les resssources de
la personnalité de nos enfants ne semble être assurée que
pendant l'année du préscolaire. Les onze années de
primaire et de secondaire seront consacrées à des
activités d'enseignement qui les développeront intellectuellement
en vue des études à poursuivre ou du marché du travail
à conquérir.
Les enfants de demain devront-ils donc, eux aussi, vivre le choc
psychologique qu'ont subi leurs aînés en rentrant en 1re
année? Peut-on limiter au préscolaire la responsabilité de
développer toutes les facettes de la personnalité de nos enfants?
Ne doit-elle pas au contraire faire l'objet de notre attention tout au long de
la scolarité obligatoire? L'école, du primaire au secondaire, ne
doit-elle pas être plus qu'un lieu ou une période d'apprentissage
périodique aux objectifs utilitaires?
La conception de formation permanente nous, semblait acquise,
l'unanimité des agents éducatifs nous semblait assurée. La
dichotomie et l'utilitarisme qui se dégagent de ces quatre articles ne
peuvent donc résulter que d'un problème de style.
Dans le cas contraire, une discussion de fond sur le rôle de
l'école s'impose au plus tôt.
Nous recommandons alors que les quatre articles en question, soit 1, 3,
4 et 28, soient reformulés en conséquence.
La nécessité de décentraliser vers l'école
certains pouvoirs d'ordre pédagogique et de gestion des ressources
humaines et financières recueille l'accord d'une majorité de
parents. Ils veulent, pour l'école de leurs enfants, une marge de
manoeuvre suffisante qui lui permettra de concrétiser, d'adapter et
d'enrichir le projet éducatif national selon les particularités,
valeurs, attentes et besoins spécifiques de la communauté qu'elle
est appelée à servir et dans laquelle elle s'insère. Et
cette marge de manoeuvre, ces pouvoirs, les parents considèrent qu'ils
doivent être attribués directement à l'école. Cette
façon de voir trouve écho dans le projet de loi.
Depuis longtemps, les parents du comité central de la CECM
appuient les efforts de ceux qui manifestent le désir de s'impliquer
dans la structure scolaire. Malgré les acquis des dernières
années, de nombreux parents expriment l'intention de s'impliquer
davantage. La réponse positive que nous avons donnée, en avril
dernier, à la proposition d'un conseil de gestion formulée par le
conseil des commissaires de la CECM montre très bien notre enthousiasme
pour le mode de gestion proposé par les articles 35 et 39: les pouvoirs
attribués à l'école sont exercés par un conseil
d'administration multipartite où les parents sont majoritaires.
Nous sommes également très heureux que le projet de loi
protège, par les articles 25 et 26, les droits de l'élève
et reconnaisse aux étudiants du secondaire le droit de se prononcer sur
leur éducation ainsi que sur les ressources éducatives mises
à leur disposition.
À plusieurs occasions, les parents de la CECM avaient
exprimé des inquiétudes quant à la préparation des
divers milieux à assumer les pouvoirs ainsi attribués à
l'école. Les articles 86.7 et 216 du projet de loi tiennent compte de
ces inquiétudes. Cependant, l'école devrait pouvoir remettre, en
totalité ou en partie seulement, les responsabilités qu'elle ne
souhaite pas exercer à un moment donné. Ces pouvoirs seraient par
la suite récupérés graduellement selon les désirs
des écoles.
Il est important que le milieu et la commission scolaire, qui a une
responsabilité d'animatrice, fassent en sorte que ces solutions ne
demeurent pas permanentes. De telles situations iraient à l'encontre
d'un des objectifs de la loi que la majorité des parents approuvent,
c'est-à-dire la réappropriation de l'école par le
milieu.
L'instauration d'une administration collégiale, comme
l'élargissement de la consultation obligatoire auprès des
élèves et des enseignants, presse l'équipe-école
à adopter un mode de gestion éminemment démocratique et
responsable.
Les parents sont prêts à s'y engager dans le respect des
compétences, droits et responsabilités de chacun. Il est à
souhaiter que nos partenaires dans l'éducation de nos
enfants répondront également à l'invitation.
Oui?
Le Président (M. Blouin): Je crains que nous ne nous
soyons pas bien compris. Je vous ai précisé que nous avons, ce
matin, deux groupes à entendre, vous et le deuxième groupe que
j'ai identifié tout à l'heure. Au rythme où vont les
choses... Votre mémoire comprend 41 pages et vous avez
procédé à la lecture de 11 pages.
Mme Keeney-Beaudoin: À partir de la page 16, M. le
Président, il ne me reste qu'une page.
Le Président (M. Blouin): Vous comprendrez que,
déjà, vous avez pris une vingtaine de minutes; plus votre
présentation sera longue, moins il y aura d'échanges entre votre
groupe et les membres de la commission.
Mme Keeney-Beaudoin: Nous avons regardé notre
mémoire avant de partir et il nous semblait que ce qu'il y a là
devait être dit.
Le Président (M. Blouin): Je comprends, mais vous devez
aussi comprendre les contraintes avec lesquelles nous devons vivre.
Mme Keeney-Beaudoin: Je vais donc prendre la décision de
laisser faire le chapitre IV, qui est la commission scolaire, pour aller au
conseil d'administration, le territoire et la conclusion, mais c'est
vraiment...
Le Président (M. Blouin): Je vous rappelle, Mme Beaudoin,
que les membres de la commission ont eu l'occasion de lire ces documents qu'ils
ont déjà en main depuis un certain nombre de semaines; vous
pouvez toujours procéder sur-le-champ à un résumé
en quelques phrases du contenu de ces chapitres.
Mme Keeney-Beaudoin: Le conseil d'administration de ces nouvelles
commissions scolaires ne sera pas sans influencer considérablement la
dynamique des relations qu'elles entretiendront - c'est à la page 15
-avec leurs écoles dorénavant plus autonomes et plus
responsables.
La dernière élection scolaire, malgré les sommes
importantes consacrées à la publicité, a clairement
démontré le peu d'intérêt manifesté par les
citoyens en général par ce genre de représentation. Quant
à la formule avancée par le projet de loi, même si elle
crée un lien organique entre l'école et la commission, elle
présente des inconvénients tels, pour ne pas dire des
aberrations, que nous ne pouvons les appuyer.
Nous préférons de beaucoup un conseil des commissaires
mixte, en partie composé de représentants désignés
par les parents des conseils d'école réunis par bassin en
collège électoral et, en partie, de membres élus au
suffrage universel. La majorité des parents veut que le premier groupe
soit majoritaire, à l'exception des parents de la région ouest
qui désirent une proportion inverse. À notre avis, cette
composition respecte assez bien les principes et exigences suivantes: 1. Les
parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants
et doivent être en mesure de faire valoir leurs points de vue même
à cet échelon important de l'administration scolaire.
L'éducation scolaire relève également de la
responsabilité collective des citoyens. 2. L'école, en tant que
communauté éducative locale, doit avoir son porte-parole à
l'échelon régional pour faire valoir les besoins relatifs
à la mise en place de son projet éducatif.
Aussi, la commission scolaire, qui a la responsabilité d'assurer
à la population de son territoire les services éducatifs de
qualité, doit être en mesure de répartir les ressources
disponibles selon les exigences de la justice distributive et de faire une
évaluation des services offerts par ces écoles.
L'expression des besoins de chacune des écoles, à ce
niveau de décision, nécessite un ratio commissaire-écoles
raisonnable. La tâche de ces représentants doit, en effet,
permettre un dialogue véritable et une connaissance réelle du ou
des milieux-écoles.
Par contre, le nombre de commissaires ne devrait pas être trop
élevé. Au-delà d'un certain nombre, il sera difficile pour
chacun d'intervenir et la longueur des discussions risquera de paralyser le
fonctionnement. On sera alors tenté de déléguer plus de
pouvoirs à l'exécutif et il se développera, chez beaucoup
de commissaires et d'écoles, la perception qu'il leur est impossible de
se faire connaître et d'influencer les décisions.
Le territoire. Le comité central de la CECM s'est efforcé
de dégager l'opinion commune des parents des écoles du secteur
français sur l'éventualité d'un partage du territoire de
la Commission des écoles catholiques de Montréal.
La première démarche, en novembre 1982, a pris la forme
d'un vaste sondage adressé à 10 000 parents
d'élèves et auquel plus de 5000 parents ont répondu. Une
des questions du sondage portait sur la taille de la CECM. La deuxième
démarche a pris la forme d'une assemblée générale
extraordinaire des présidents et délégués des
comités d'école du secteur français, en octobre 1983.
(10 h 30)
Devant l'écart entre les résultats du sondage de novembre
1982 et ceux d'octobre 1983, le comité central des parents, au
moment de terminer le texte de ce mémoire, a consulté les
comités régionaux de parents dans le but de refléter le
plus fidèlement possible l'opinion commune des parents sur cette
question. On constate, à la lecture des positions des comités
régionaux et à la suite des consultations, que la question du
découpage du territoire de la commission scolaire demeure une question
très controversée.
Plusieurs raisons peuvent, en partie, expliquer cette controverse. Entre
autres, le manque général d'information chez l'ensemble des
parents et la diversité des milieux sur les plans social, politique et
religieux. À notre avis, une des principales raisons pour expliquer
cette espèce de confusion qui apparaît à chaque fois que
cette question est soulevée est le manque d'information sur l'importance
des conséquences positives ou négatives d'une telle
restructuration.
En conclusion, le projet de loi 40 sur la réforme des structures
scolaires soulève donc une foule de questions complexes que les parents
se sont employés à examiner de leur mieux, compte tenu de
l'information dont ils disposaient et compte tenu également de leur
disponibilité.
Cet examen a permis de dégager un certain nombre de consensus.
Aussi, les parents francophones de la CECM sont d'accord sur la division
linguistique des commissions scolaires, sur le choix par l'école de son
caractère confessionnel. Ils sont également d'accord avec la
nécessité d'un nouveau partage des pouvoirs entre la commission
scolaire et l'école, sur le besoin de laisser à la commission
scolaire le pouvoir de coordonner l'activité générale des
écoles. Toutefois, les parents désirent une participation accrue
aux prises de décision, à la fois au niveau de l'école et
de la commission scolaire.
Par ailleurs, sur la question du découpage du territoire de la
commission scolaire, qui demeure controversée, une étude plus
approfondie sur les avantages et les désavantages d'un tel changement
serait nécessaire et sage pour formuler une opinion commune largement
partagée. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Keeney-Beaudoin.
Chacune des formations politiques disposera d'une période d'un peu plus
de 30 minutes pour s'entretenir avec nos invités. M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
le Comité central des parents de la CECM pour le travail, l'effort, les
activités, le remue-méninges qui ont présidé
à la préparation d'un mémoire que je trouve
éminemment sérieux et substantiel. C'est une preuve de leur
responsabilisation et de leur capacité de se responsabiliser encore
davantage au service de l'école.
Le comité de parents se dit d'accord avec le plus grand nombre
des articles du projet de loi. Il propose cependant des améliorations
que nous étudierons avec la plus grande attention.
Le comité de parents se dit d'accord en particulier, et je pense
que c'est l'objet de nos plus grandes discussions à la commission
parlementaire, sur le transfert à l'école de
responsabilités importantes en matière de pédagogie,
responsabilités qui permettront à l'école de mettre sur
pied un projet éducatif qui vise le développement intégral
et optimal de l'enfant et qui vise à ce que chacun des moments
passés à l'école, des activités à
l'école puisse servir à ce développement et à la
création d'un environnement éducatif de qualité.
Le comité de parents se dit également d'accord pour que
cette responsabilité s'exerce d'une façon collégiale,
c'est-à-dire dans un esprit de concertation, dans un travail de
concertation avec les autres agents de l'école et
particulièrement avec les enseignants. Avec ce travail de concertation,
il deviendra possible au conseil de l'école et à ses divers
comités qui le nourissent, soit le comité des parents et celui
des enseignants, d'identifier les points forts et les points faibles de
l'école, d'établir des priorités, que ce soit le
développement physique de l'enfant ou le développement de
l'enseignement du français ou des mathématiques, ou le
développement du sens moral ou des valeurs chez l'enfant, ou le
développement, en somme ce qui sera constaté par les gens du
milieu, de juger du résultat qu'a l'application des régimes
pédagogiques et de faire les correctifs nécessaires.
Le comité des parents se dit d'accord avec cette
réappropriation par le milieu du projet éducatif de
l'école et l'établissement d'un plan d'action qui permettra
à l'école d'assumer véritablement sa
responsabilité, sa mission éducative. C'est là, encore une
fois, l'essentiel qui est discuté d'une façon
prépondérante au sein de cette commission.
Par ailleurs, plusieurs groupes s'interrogent à ce sujet et sont
venus nous dire leurs craintes. Par exemple, on craint que les parents ne
veuillent jouer, en vertu de ce projet de loi, à l'administrateur, ce
pourquoi ils ne sont pas faits, ce qu'ils ne veulent pas faire, mais ce que, de
toute façon, le rôle qui leur est imparti par le projet de loi au
conseil d'école les forcera à devenir, des administrateurs,
tâche pour laquelle ils n'ont ni le temps ni la disponibilité ni
le goût de s'employer. D'autres, souvent les mêmes, sont venus nous
dire que les parents au conseil d'école, qu'ils le veuillent ou non,
vont assumer un rôle qui serait davantage la mission de l'enseignant,
c'est-à-dire un rôle de pédagogue. Ce rôle
prépondérant, du fait qu'ils seraient
majoritaires au conseil d'école, ne correspond ni à leurs
droits ni à leurs capacités, ni à leur compétence
ni à leur disponibilité.
J'aimerais savoir de vous, étant donné que vous avez
étudié longuement ces aspects du projet, comment vous
réagissez à ces craintes qu'on a exprimées ou à ces
interrogations, ou même à ces déclarations ou à ces
convictions dont on nous a fait part.
Mme Keeney-Beaudoin: Je crois, M. le ministre, qu'il y a une
distinction à faire: c'est que tous les milieux ne sont pas
également prêts ou préparés à assumer ce
qu'on choisit d'appeler ou des responsabilités ou des pouvoirs et que,
dans l'application de la loi ou la réalisation de la réforme, il
faudrait, selon nos opinions, y aller en mettant la pédale douce, y
aller très progressivement et ne pas imposer à tous les milieux
en même temps de prendre ces responsabilités ou ces pouvoirs si
les gens ne se sentent pas prêts à le faire. Nous mentionnions
dans le mémoire, à plusieurs endroits, qu'il y a des milieux
très différents au point de vue social, économique et
religieux. Il y a beaucoup d'implications qui vont avec ces différences
de milieu. Sans contredit, nous avons, surtout au comité central de la
CECM et dans nos écoles, des parents qui sont prêts, des parents
qui le désirent ardemment depuis longtemps. À l'unanimité,
le message que vous font les parents, c'est que là où les gens
sont prêts, il faudrait y aller. Mais, par contre, il serait probablement
très sage de laisser faire ces milieux qui sont prêts à
faire une expérimentation, si on peut l'appeler comme cela, afin que
progressivement les autres milieux qui voient ce qui se passe, qui voient ce
que les parents peuvent finir par accomplir et à quel point leur
implication constante ou non est nécessaire... Ces autres parents en
arriveraient très progressivement à juger de leur point de
participation, là où ils pourraient eux aussi participer avec la
même intensivité que celle des autres milieux.
Dans tous les comités de parents, dans tous les comités
d'école, les gens sont unanimes à dire que, là où
on veut le faire, personne ne s'y oppose. Mais, par contre, chacun s'abstient.
Je ne suis pas prêt dans ce cas. Au moment de la pédagogie, je ne
pourrai pas y être. D'autres disent: Je n'ai pas le temps voulu. Je vois
cela difficilement dans mon école; là où les deux parents
travaillent dans chaque famille, il n'y aurait personne pour vraiment nous
représenter, mais, en y allant progressivement, nous croyons que
l'application serait moins douloureuse et que le choc serait moins grand.
M. Laurin: Le projet de loi prévoit cette
responsabilisation progressive, cette appropriation progressive qui peut
s'étaler sur un certain nombre d'années. Mais je crois vous avoir
entendue dire, cependant, qu'il ne faudrait pas que le temps soit trop long et
que, surtout, on retourne à l'état antérieur d'une
façon permanente. Donc, vous nous suggérez probablement
d'être encore plus souples à ce sujet, mais vous n'avez quand
même pas répondu à ma question: Est-ce que,
véritablement, en assumant ce rôle au conseil d'école les
parents deviennent des administrateurs et des pédagogues? Ou, sous une
autre forme, les parents doivent-ils être exclus de la pédagogie?
Est-ce prendre la place d'un autre que de s'occuper, par exemple, de juger du
rendement pédagogique d'une école ou du rendement
pédagogique d'un programme?
Mme Keeney-Beaudoin: La façon dont les parents voient leur
participation, c'est qu'ils la voient comme une participation de
cogestionnaires. Les parents sont consultés constamment sur plusieurs
facettes de l'éducation, que ce soit l'éducation physique,
matérielle, ou quelquefois pédagogique. Les parents
désireraient que les décisions prises à la suite des
multiples consultations dont eux, les parents, font l'objet reflètent
l'opinion exprimée par les parents, que cette consultation ne soit pas
seulement une consultation de bouche, que ce ne soit pas fait seulement pour le
faire, mais que les décisions qui en résultent tiennent compte de
ce que les parents ont eu à dire. Ils se voient en fonction de
cogestionnaires plutôt qu'en fonction de gens qui prennent
l'administration ou qui prennent la pédagogie aux administrateurs ou aux
pédagogues.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Beaudoin. Merci, M.
le ministre. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de saluer la
présidente du Comité central des parents de la Commission des
écoles catholiques de Montréal et ses collègues qui
l'accompagnent. La Commission des écoles catholiques de Montréal
a été une pionnière en ce qui touche la participation des
parents aux affaires scolaires. À cet égard, je veux rendre un
hommage spécial à l'ancienne présidente de la CECM, Mme
Thérèse Lavoie-Roux, ma collègue de L'Acadie, qui aura le
plaisir de vous interroger tantôt. Elle a joué un grand rôle
dans cette évolution qui a permis de rapprocher beaucoup les parents de
l'école. Je peux vous assurer que dans toute la mesure où
on présente des propositions réalistes à cette fin, nous
sommes extrêmement favorables à cette orientation. (10 h 45)
Le point clé, évidemment, est de
s'assurer que les propositions que l'on mettra de l'avant à cet
égard seront des propositions réalistes, solidement
vérifiées, ouvertes à l'expérimentation
évidemment, mais, comme vous l'avez dit justement, pas orientées
vers l'imposition de modèles uniformes qui ne tiennent pas compte de
l'état de développement et de préparation de
différents milieux, état qui peut varier considérablement,
même à l'intérieur d'un territoire comme celui de la CECM
et, à plus forte raison, quand on embrasse l'ensemble du territoire de
la province de Québec.
Je voudrais tout d'abord vous poser une question rapide. Vous parlez
d'un sondage qui a été fait auprès de 10 000 parents - je
pense que c'est à l'automne 1982. Il y en a un autre qui aurait
été fait par la suite mais cela a été plutôt
une consultation à l'occasion d'une assemblée
générale, je crois, n'est-ce pas? Est-ce que vous avez un rapport
écrit des résultats du sondage que vous pourriez nous
laisser?
Mme Keeney-Beaudoin: Oui, M. le Président.
M. Ryan: II y aurait moyen d'avoir des copies de ce sondage. Ce
serait intéressant. Très bien.
Dans votre document, il y a des formulations qui me laissent un petit
peu perplexe. Par exemple, lorsque vous dites: II est temps de redonner aux
parents la place qui leur revient de droit dans l'école. Vous dites cela
dès le début du mémoire. Je suis porté à
être d'accord avec vous à condition que nous nous entendions sur
ce qu'est cette place évidemment. Cela ouvre toute la discussion.
Est-ce qu'il est essentiel, pour que les parents aient leur place
à l'école, qu'ils détiennent la majorité dans un
conseil d'école comme celui que le ministre nous propose? Vous disiez
vous-même, je vous écoutais parler... J'ai trouvé que vos
propos étaient plus nuancés que ce qu'on trouve dans le texte de
loi. Vous disiez que les parents se voient comme cogestionnaires. Ils ne
veulent pas uniquement être des donneurs d'opinions dont on tiendra
compte quand cela fera l'affaire des administrateurs, ils veulent avoir
certaines assurances que les opinions qu'ils expriment seront
considérées à leur juste valeur et traduites en
décisions pratiques chaque fois que c'est possible.
Est-ce que cela fait partie de la nature même de l'idée que
vous émettez que les parents doivent détenir la majorité
au conseil d'école? C'est là un concept qui nous crée des
difficultés. Nous trouvons que ce n'est pas la bonne formule. J'aimerais
que vous nous disiez pourquoi c'est la bonne formule. Quand on regarde ce qui
s'est passé dans la participation des parents à la vie de
l'école depuis une quinzaine d'années, on a l'impression qu'on
allait vers une participation accrue qui a d'abord pris des formes
consultatives. On a dit ensuite: On voudrait être associé au
processus de décision. Tout à coup, il s'est fait un saut abrupt
depuis un an et demi, deux ans ou plus puis on dit: II faut qu'ils soient
majoritaires. Franchement, c'est une proposition dont le bien-fondé n'a
pas été démontré à ma satisfaction.
Mme Keeney-Beaudoin: M. le Président, comme nous l'avons
mentionné dans le mémoire, la proposition que les parents soient
majoritaires, a été une position d'une majorité des
parents. C'est donc dire que les parents ne sont pas unanimes sur ce point.
Où les parents sont unanimes, c'est pour dire qu'il convient d'avoir des
conseils mixtes, et à l'école et à la commission scolaire.
Mais les proportions de parents, d'administrateurs, de pédagogues,
varient toujours selon les milieux social, économique et religieux des
gens qui nous ont répondu.
M. Ryan: Vous dites ailleurs dans votre mémoire, à
la page 11 je crois: II faut que l'on procède à la
réappropriation de l'école par le milieu. Vous voyez, dans le
projet de loi 40, un geste important du gouvernement dans ce sens.
Une question que je voudrais vous poser à ce sujet. Autant je
peux concevoir cela pour le niveau primaire, que l'école doive devenir
davantage solidaire de son milieu immédiat, autant pour l'école
secondaire cela m'apparaît assez problématique.
Je vais vous donner l'exemple d'une commission scolaire dans ma
région où l'école polyvalente regroupe à peu
près 3000 étudiants. À la dernière assemblée
pour le choix des membres du comité d'école, savez-vous combien
il y avait de personnes qui ont répondu à l'invitation qui avait
été adressée à chaque parent individuellement? 28.
Vous savez comme moi que, dans l'ensemble des écoles secondaires, le
taux de participation à ces réunions est extrêmement
réduit. Sérieusement, est-ce qu'on va aller dire: On va confier
à un comité qui va émaner de cela la responsabilité
d'avoir la direction de l'école? La direction d'une école
secondaire est une grosse entreprise aujourd'hui. C'est aussi gros qu'une
usine. Sérieusement, est-ce qu'on peut dire: On va donner la direction
de cette école à un comité qui va être formé
d'une majorité de personnes émanant d'assemblées comme
celles qu'on a vues depuis une dizaine d'années?
C'est une question qui m'inquiète beaucoup. À part cela,
votre école secondaire polyvalente couvre un très grand
territoire. Des fois, c'est un territoire aussi grand que celui de la
commission scolaire elle-même. Allez-vous avoir deux directions, une qui
va émaner d'un petit groupe à
l'intérieur de l'école, l'autre, celle de la commission
scolaire, qui va représenter tout le territoire? J'ai bien de la
misère à me représenter cette possibilité, pour
être franc avec vous.
Le Président (M. Blouin): Mme Keeney-Beaudoin.
Mme Keeney-Beaudoin: J'aimerais que Mme Beauchemin réponde
à la question de M. Ryan, s'il vous plaît.
Mme Beauchemin (Jacqueline): C'est un fait exact que, dans la
majorité de nos écoles secondaires, le taux de participation des
parents à l'assemblée générale est toujours minime.
L'an passé, quand le livre blanc est sorti et que j'allais dans
différents endroits pour parler de ce livre blanc, cela a
été une opposition qui arrivait de certains membres de
comités d'école. Je me suis fait répondre par un autre
membre qui avait quand même une expérience, mais qui avait
laissé depuis quelque temps sa participation active auprès des
comités, que, tant que les parents ne seraient que consultés,
beaucoup de gens se fatiguaient de participer parce qu'ils n'étaient que
consultés et qu'on faisait plus ou moins cas de la consultation dans
certains milieux. Il est évident que, même si le taux de
participation est minime parce que les gens se fatiguent d'être
consultés et de ne pas être écoutés, il reste que
ceux qui sont là peuvent être plus actifs et peuvent avoir acquis
une expérience différente.
À l'école primaire, c'est sûr que les parents qui
viennent et qui assistent sont beaucoup plus nouveaux et ont moins
d'expérience. À la longue, ils acquièrent cette
expérience. Cela ne veut pas dire que, lorsque la participation
deviendra essentielle dans l'administration, nous n'aurons pas suffisamment de
gens qui pourront donner de leur temps, qui vont se consacrer à la chose
scolaire et qui y seront quand même très actifs et très
productifs.
Si on regarde les assistances dans n'importe quel milieu, on retrouve
toujours un taux de participation assez faible et les organismes fonctionnent
quand même. Je pense qu'il ne faut pas se fier au taux de participation.
Si on regarde le taux de participation aux élections scolaires, on verra
également que le taux est très faible. Par contre, les
administrateurs qui sont élus fonctionnent.
M. Ryan: Si vous aviez un taux de 15% à 20% pour nos
écoles secondaires, cela voudrait dire que vous auriez des
assemblées de parents de 300 à 500 personnes présents mais
il y a 25 ou 30 personnes. À partir d'une expérience comme
celle-là, faire tout un chambardement comme celui que propose le
ministre au point de vue des structures d'autorité dans l'école,
j'ai bien du mal à concevoir cela. Je ne veux pas engager de
débat trop long parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. Je vous fais
simplement part de ma réaction d'honnête citoyen qui regarde
cela.
Si vous me le permettez, je vais vous poser une question. Le directeur
d'une grosse école secondaire, de qui va-t-il relever d'après
vous?
Mme Beauchemin: II relève nécessairement de la
commission scolaire actuellement. Il reste au service des élèves
de l'école où il est.
M. Ryan: De qui doit-il relever? Nous connaissons la situation
actuelle, Mme Beauchemin. Mais, de qui doit-il relever d'après vous?
Mme Beauchemin: Actuellement, il relève de la commission
scolaire.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil vous demande, en fonction des hypothèses du projet de loi
40, selon vous, de qui il devrait relever?
M. Ryan: Pour vous donner cela plus concrètement: Le
président de la Fédération des directeurs d'école
est venu nous dire l'autre jour qu'il ne doit pas relever du directeur
général de la commission scolaire; pour les
bénéfices et les avantages, oui mais pour l'exercice de ses
fonctions, non. Est-ce que vous voyez cela de la même façon?
Mme Beauchemin: Oui, c'est un peu la même façon.
M. Ryan: Sans explication.
Mme Beauchemin: Bien, sans explication. C'est sûr que le
directeur est quand même au service de son école. Le conseil
d'administration de l'école doit voir à tout le fonctionnement et
à toute l'administration de l'école.
M. Ryan: Qu'est-ce que la commission scolaire va faire
là-dedans?
Mme Beauchemin: Elle est quand même là pour
l'ensemble des écoles. C'est une communauté de services qui voit
à l'ensemble de toutes ces écoles.
M. Ryan: Vous trouvez que le projet de loi lui donne une
autorité suffisante sur les écoles. Vous dites cela dans votre
mémoire, d'ailleurs.
Mme Beauchemin: C'est sûr que la première
autorité dans l'école, cela reste le directeur. Il est là
pour coordonner ce qui
sera décidé par le conseil d'administration. Ce conseil
d'administration sera formé non pas seulement de parents mais de tous
les agents d'éducation. C'est sûr qu'on craint dans beaucoup de
milieux, en disant que tous les parents n'ont pas le temps, ne sont pas aptes
et n'ont pas les qualités voulues. Est-ce que tous les commissaires
élus actuellement sont des pédagogues et des administrateurs
avant d'avoir été élus commissaires? Il y en a qui le
sont, mais tous n'ont pas également les mêmes qualités.
Chez les parents, on retrouvera également des gens qui ont le temps, qui
ont les qualifications et qui ont la capacité comme chez certains
commissaires actuellement.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. le député de Bourassa, je vous rappelle que trois
membres de votre formation politique ont réclamé de s'entretenir
avec nos invités; il reste 21 minutes.
M. Laplante: J'en tiendrai compte, M. le Président.
Mesdames, messieurs, aujourd'hui plus que jamais, je constate avec quelle
fierté mon évolution a passé par les comités
d'école. Je connais certains d'entre vous. Dieu sait que les
comités d'école, lorsqu'ils ont commencé, étaient
les parents pauvres dans une école. On nous taxait souvent de preneurs
de café, de mangeurs de biscuits. On avait un défi à
relever et, à la lecture du mémoire que vous présentez
aujourd'hui, j'aimerais que chaque parent puisse en prendre connaissance.
Il reste encore, dans l'opinion des administrateurs des commissions
scolaires et de certains directeurs, la peur du parent qui s'implique dans une
école, qui désire prendre des responsabilités. Mme
Beauchemin a dit, tout à l'heure, que les commissaires, souvent, ne sont
pas des pédagogues. Je n'ai jamais été pédagogue.
Je pense que, à l'époque où j'étais commissaire
à la CECM, je me suis consacré entièrement aux
comités d'école. J'ai pris mon orientation parmi les parents,
souventefois en affrontant les structures de la Commission des écoles
catholiques de Montréal. Je suis fier d'avoir fait ce travail. On
récolte, aujourd'hui, ce qu'on a semé à ce
moment-là. Continuez votre action pour avoir une emprise dans
l'école.
M. le député d'Argenteuil s'interroge sur la participation
des parents. En matière de participation des parents, ceux-ci ont
été écoeurés par les structures; voilà ce
qu'on a fait. Si j'avais le temps de tout vous raconter, à partir de la
Fédération des commissions scolaires, à partir de notre
commission scolaire, qui était, à ce moment-là, la CECM,
la population du Québec serait scandalisée de l'espace que les
commissaires et les cadres, les hauts fonctionnaires des commissions scolaires
voulaient laisser aux parents. Aujourd'hui, vous voulez prendre votre place
dans l'école et vous prenez votre place de façon rationnelle.
Bravo, continuez comme cela.
Je continuerai à travailler pour vous par le projet de loi 40 et
par d'autres projets. Si j'avais 20 ou 25 minutes, je continuerais, mais je ne
les ai pas. C'est toutefois le message important que je voulais vous
transmettre, message d'encouragement pour continuer et de diffuser votre
mémoire.
Il y a une chose qui me préoccupe et c'est la taille des
commissions scolaires. Je pourrais vous donner une foule d'exemples. Encore la
semaine dernière, certains événements sont survenus
à notre commission scolaire. Si on avait eu une commission scolaire
décentralisée, les enfants n'auraient pas passé quatre
jours sans aller à l'école. Un nouvel enfant habitant en face
d'une école n'a pu aller à l'école et, ensuite, il a
dû prendre l'autobus pour aller dans une autre école. Je pense que
cela n'arriverait pas dans un système décentralisé. La
taille d'une commission scolaire, pour vous, pour qu'elle soit humainement
profitable pour nos enfants, quelle serait-elle?
Dans votre mémoire, vous dites que les gens sont divisés.
Je vous demande une opinion personnelle; ce n'est pas une opinion qui peut
concerner vos comités d'école. La deuxième question:
Avez-vous eu des pressions pour appuyer la position des commissions scolaires
dans votre mémoire? Ce sont les deux questions fondamentales que je vous
pose. (11 heures)
Mme Beauchemin: Je répondrai à la première
question en ce qui concerne la taille de la commission scolaire où les
idées sont très partagées. Je vous dirai que,
sentimentalement et si on s'arrête là, personne ne divisera la
CECM, mais je pense qu'au-dessus des sentiments il y a d'autres
priorités auxquelles il faut s'accrocher.
Si on regarde la rentabilité des autres commissions scolaires sur
l'île de Montréal, qui sont quand même de taille beaucoup
plus réduite que la CECM et quand on se rend compte que des commissions
scolaires, qui comptent de 25 000 à 30 000 élèves, peuvent
offrir tous les services dont ont besoin nos étudiants, je pense que la
taille idéale peut se situer à ce niveau. La grosse machine
qu'est la CECM a même compris, à un moment donné, qu'elle
était trop grosse pour fonctionner, en se divisant elle-même en
régions administratives et en décentralisant certains pouvoirs au
niveau des régions.
Nous comptons actuellement trois régions françaises qu'on
souhaiterait conserver en trois commissions scolaires distinctes qui comptent
de 25 000 à 30 000
élèves en moyenne par région. La région
nord, où je vis, compte 51 écoles. C'est à peu près
sa taille. Bien sûr, dans la région nord, on peut offrir à
peu près tous les services.
Au départ, plusieurs personnes croyaient qu'à cause de la
grosseur de l'organisme il pouvait offrir des services particuliers. Je pense,
par exemple, aux enfants handicapés; je pense à certains besoins
d'enfants qui ont des difficultés d'apprentissage; je pense à des
centres particuliers comme Henri-Julien ou l'école Rosalie-Jetté
qui offrent un enseignement très spécialisé pour certains
enfants qui manifestent des besoins particuliers. Beaucoup croyaient que ces
services dépendaient de la grosseur de la commission scolaire, parce
qu'elle avait des revenus supplémentaires.
Si on regarde d'autres commissions scolaires, comme
Jérôme-LeRoyer, par exemple, ou Baldwin-Cartier, qui s'occupent
des besoins particuliers de leurs élèves, on se rend compte que
ces besoins pourraient être satisfaits même si la CECM était
divisée. Si on regarde ce qui se passe au niveau des régions,
cela explique également la situation. Maintenant, le fait que nous ayons
une superstructure, celle de la CECM qui vient chapeauter ces
différentes régions, double les frais d'administration et double
également la concertation, les discussions qui doivent se faire à
différents paliers. C'est dans ce sens que les gens sont partagés
et c'est ce qui fait que certains préféreraient la division de la
CECM.
J'irais même un peu plus loin dans cet exposé en disant que
des gens face aux services des commissaires qui sont élus selon le choix
de la division ou de la non-division dépend également de la
satisfaction. Par exemple, dans la région ouest, qui désire en
majorité le statu quo, c'est-à-dire qui veut rester à
l'intérieur d'une grosse CECM, les gens ont la chance d'avoir des
commissaires qui sont très près d'eux, qui se préoccupent
de l'opinion des parents et qui agissent directement dans les écoles.
Par contre, dans le nord, cette majorité est inversée. C'est la
majorité qui désire le partage de la CECM, qui demande
également plus de participation des parents, peut-être parce que
les commissaires de la région nord sont moins actifs et moins
près des parents, moins près des écoles. Il y a même
un quartier où on ne voit jamais le commissaire mettre le pied dans une
école. Dans la région est, c'est très partagé. Je
pense que tout cela se tient. Les gens qui sont satisfaits des services rendus
par leurs commissaires désirent davantage le statu quo, désirent
rester comme ils sont, alors que, dans les autres où le degré de
satisfaction est beaucoup inférieur, les gens demandent des changements
beaucoup plus radicaux.
Le Président (M. Blouin): Oui, Mme Beaudoin. M. Olivier,
je crois, désire ajouter un complément de réponse.
M. Olivier (Jean): Si vous me le permettez, pour répondre
à la question du député, à la page 23 de notre
mémoire, on écrit, à l'article 3: "Nous reconnaissons que
la taille de la CECM est considérable et que pour fonctionner de
façon efficace elle est subdivisée en régions
administratives." C'est pour fonctionner d'une façon efficace. "Cette
situation s'apparente à celle qu'on retrouve dans les compagnies ou les
organismes importants tels Hydro-Québec, Bell Canada, la CTCUM et
même le MEQ, le Mouvement Desjardins, etc." Pour cela vont-ils devenir
des unités divisées comme on veut le faire à la CECM? Je
ne le crois pas parce que la majorité des parents interrogés lors
du sondage de 1982 était pour le maintien territorial de la CECM.
Les membres de notre région, à 90%, sont encore pour le
statu quo sur le territoire. Dans les autres régions, c'est vrai qu'il y
a des divergences, mais à la région est c'est 50-50,
région nord 70% pour la restructuration, 30% contre. Si on fait le
compte au niveau du comité central comme tel, les parents de la CECM
privilégient le statu quo territorial de la CECM. Ce n'est pas parce
qu'elle est subdivisée en zones administratives que c'est prouvé
qu'on doit se diviser maintenant en commissions scolaires. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Olivier. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci. Cela me fait plaisir de saluer les
parents du Comité central des parents de la Commission des écoles
catholiques de Montréal. J'avais entre les mains la participation des
parents à la CECM qui a été préparée par M.
Charbonneau qui, depuis de nombreuses années, je pense, a
travaillé d'une façon très intime avec les parents de la
CECM. On voit le cheminement. C'est vrai que cela a commencé en 1965 et
cela a évolué tranquillement. Finalement, vous avez quand
même fait des progrès quant au niveau de participation que vous
avez d'abord à l'intérieur de la CECM et à
l'intérieur des écoles.
Je voudrais vous poser une première question. Depuis que, par
exemple, il y a eu la possibilité de créer les comités
d'orientation, qu'il y a eu une plus grande possibilité de participer
à la consultation - il y a même eu des objets de consultation
obligatoire, ce qui existait déjà à la CECM, je pense,
avant même la loi du ministère -est-ce que ceci a amené une
plus grande participation des parents ou si, pour la participation des parents,
c'est toujours aux
alentours des mêmes pourcentages qui n'étaient pas
très forts?
Mme Keeney-Beaudoin: Je crois, madame, qu'il y a tellement
d'objets différents, il y a tellement de degrés de satisfaction
différents. Ces degrés de satisfaction dépendent, d'abord,
de la direction d'école parce qu'on commence au niveau de l'école
et, si le parent se bute à des obstacles insurmontables au niveau de
l'école, il n'a pas l'envie ni l'ambition d'aller plus loin à
moins d'être un parent très têtu. Dans mon cas, il y a
quinze ans que je fais de la participation de parent, mais tout le monde n'a
pas six enfants. Tout le monde ne peut pas se permettre d'y participer si
longtemps. On rencontre des directeurs d'école qui sont réceptifs
aux interventions des parents et le chemin est beaucoup plus facile
après. Par contre, on en rencontre aussi d'autres qui dans les
premières années insistaient pour faire l'ordre du jour de la
réunion qui insistaient même pour présider la
réunion et faire le procès-verbal eux-mêmes. Vous comprenez
que dans ces écoles la participation des parents a été
très vite découragée.
Il y a tellement de niveaux où les parents ont besoin
d'être reçus de façon amicale, pour employer ce mot
à défaut d'un autre, qu'il est difficile de résumer le
degré de participation. Il y a tellement d'obstacles tout au long du
chemin pour se rendre jusqu'à la commission scolaire. Le premier
obstacle est souvent au niveau de l'école. Je suis persuadée que,
là où la direction d'école est réceptive, les
parents continuent dans la route; sinon, c'est là que la
démission des parents arrive.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que l'observation que vous faites, Mme
Beaudoin, est un peu celle que j'avais eu l'occasion de faire lorsque je
visitais les écoles de mon quartier dans le temps. C'était
très tranché entre une école et l'autre selon la
sécurité personnelle du directeur de l'école...
Mme Keeney-Beaudoin: Oui.
Mme Lavoie-Roux: ...selon aussi la possibilité objective
de participer. Comme vous le mentionniez tout à l'heure, de plus en plus
il y a des parents qui travaillent. Par exemple, j'avais noté que, dans
les milieux à forte concentration ethnique, les femmes participaient
peu, mais que les hommes participaient davantage. Il y a toutes sortes de
données qui diffèrent d'une école à l'autre,
particulièrement dans une agglomération comme Montréal
où vous remarquez une multiplicité ou une grande
diversité.
Seulement une question très courte. J'imagine qu'à votre
comité d'école vous voulez des enseignants?
Mme Keeney-Beaudoin: On ne peut pas concevoir un projet
éducatif...
Mme Lavoie-Roux: Je parle du conseil d'école.
Mme Keeney-Beaudoin: On ne peut pas concevoir un projet
éducatif dans une école sans les enseignants.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Sans cela, vous vous trouveriez
vis-à-vis des mêmes blocages que si vous vous retrouvez avec un
directeur d'école qui n'a pas d'ouverture d'esprit. Vous seriez,
finalement, seuls en face du directeur d'école.
Mme Keeney-Beaudoin: Mais ce sont vraiment des choses qui ne
peuvent pas être légiférées.
Mme Lavoie-Roux: Ah, c'est intéressant!
Mme Keeney-Beaudoin: C'est quelque chose qui doit venir de la
volonté des milieux. Il faut vraiment qu'il y ait une ambiance de
vouloir coopérer, parce qu'il est difficile là où il y a
imposition de volontés, de s'attendre à la coopération des
intervenants.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que vous touchez au point crucial et
c'est le point que, de ce côté-ci de la table de la commission,
nous avons continuellement soulevé. Vous ne pouvez pas
légiférer la concertation. Je pense que vous avez eu le meilleur
exemple de cela à la CECM avec le fameux rapport COGES. Nous n'en ferons
pas l'historique, mais ce fut assez ardu. Il a été produit, mais
il y avait beaucoup de résistance dans les écoles,
particulièrement de la part des directions d'école, des
enseignants et, dans certains cas, des parents à établir cette
cogestion. Il y avait aussi des difficultés ou une résistance de
la part des commissaires. Il y avait une foule de facteurs. Finalement,
malgré tout, je pense que vous avez évolué de plus en plus
vers cette forme jusqu'au moment où la CECM vous a offert trois
modèles de cogestion à différents degrés.
Je voudrais vous poser une question sur la confessionnalité. Vous
avez, quand même, eu des expériences isolées. Je pense,
entre autres, à l'expérience vécue à
Notre-Dame-des-Neiges. La loi prévoit que l'école doit
déterminer par un vote des parents son statut confessionnel et que ce
statut pourrait même être remis en question en cours d'année
et pas nécessairement au bout de trois ou cinq ans. Est-ce que vous avez
évalué ce que cela pourra créer comme
tension à l'intérieur d'une école? Si on se
réfère à l'expérience de Notre-Dame-des-Neiges, un
groupe de parents a demandé que l'école soit
déconfessionnalisée et, lors d'un vote, je pense qu'ils ont
obtenu la majorité. Par la suite, l'autre partie de l'école est
repartie en campagne pour faire renverser le vote. Peut-être que je
déforme les faits, mais pas beaucoup, je crois. Je pense que cela s'est
passé comme cela. Finalement, c'est allé devant les tribunaux et
il y a eu un jugement. C'est ce qui s'est passé dans une seule
école, dans un milieu qui n'était pas défavorisé,
où il y avait une participation assez exceptionnelle des parents.
Qu'en pensez-vous quand vous envisagez cela - que ce soit une commission
scolaire de 5000, 10 000 ou 20 000 personnes, je pense que cela importe peu;
c'est le nombre d'écoles - dans une commission scolaire qui aurait
quinze écoles et, finalement, dans toutes les écoles?
Mme Keeney-Beaudoin: Avec le nombre de sujets possibles de
réflexion par article de la loi, vous comprenez que nous n'avons pas
pris chaque article de la loi. Nous y sommes allés de façon
générale, là où il y avait des consensus. Je crois,
Mme la députée, pour répondre à votre question, que
je devrai prendre sur mes épaules la responsabilité de vous
répondre un peu personnellement parce que nous n'avons vraiment pas fait
de consultation à la base là-dessus. (11 h 15)
Après avoir suivi les débats de la commission assez
assidûment depuis le début et avoir été
amenés à des réflexions que nous n'avions pas pensé
faire auparavant, il me semble qu'une solution ou une proposition qui a
été maintes fois soutenue ici au cours des jours passés
est que ce débat sur la confessionnalité se fasse au niveau de la
commission scolaire plutôt qu'au niveau de l'école. Il semble que
cela éliminerait beaucoup de frictions et surtout ce sentiment
d'insécurité s'il fallait y revenir à tout instant.
Personnellement, la seule chose à laquelle j'avais pensé
auparavant, c'était que le fardeau de la preuve incombe aux gens qui
trouvent la nécessité de changer le statut confessionnel de
l'école plutôt qu'à ceux qui veulent le maintenir. Je n'ai
pas de mandat de mon comité de parents pour vous dire cela.
Mme Lavoie-Roux: Merci bien. J'ai une autre question. Il y a ici
des gens de la région nord-ouest et nord-est. J'aimerais demander ceci
à Mme Beaudoin! Je constate que la région ouest comme, d'ailleurs
- il ne faudrait pas passer à côté - la
représentante des écoles spéciales se posent de fortes
questions à savoir est-ce qu'on aura les mêmes services pour nos
écoles? Est-ce que c'est la région ouest qui, aujourd'hui,
regroupe le plus d'écoles en milieu économiquement faible?
Mme Keeney-Beaudoin: Oui, madame.
Mme Lavoie-Roux: Et la région nord est celle qui en a le
moins?
Mme Keeney-Beaudoin: Exactement.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ceci est un facteur qui - surtout si
on se réfère à la position de la représentante des
écoles spéciales - a joué quant à la
péréquation appliquée au niveau de l'ensemble de la
commission pour essayer, dans la mesure de ses moyens - on sait qu'ils ne sont
pas venus très fortement du ministère de l'Éducation -de
répondre aux besoins de ces populations ayant de plus grands besoins?
C'est peut-être un peu cette crainte que l'ensemble des services
spéciaux de la CECM qui ont développé
énormément de projets et qui ont fait énormément
d'études sur l'éducation spéciale et sur les milieux
défavorisés, ceci étant divisé, dilué, ce
soient, finalement, les populations et les enfants dans les écoles qui
en souffriraient. Ce sont peut-être d'autres raisons. D'ailleurs, vous en
avez mentionné un grand nombre. Est-ce que ceci a été un
facteur important dans les décisions que vous avez prises dans la
région ouest?
M. Olivier: Permettez, M. le Président, que je
réponde à Mme la députée? La région ouest
regroupe 47 écoles à la CECM. Sur 23 écoles qui
bénéficient du programme Opération renouveau actuellement,
il y en a 17 qui viennent directement de la région ouest qui sont
touchées à l'intérieur de notre région.
Le deuxième facteur: dans certaines écoles, on
dépasse maintenant les 45% et jusqu'à 86% de groupes ethniques
différents à l'intérieur de la même école;
c'est un gros facteur. Saint-Pascal-Baylon, par exemple, a 88% de groupes
ethniques. Il y a moins de 15% qui sont de souche québécoise,
francophone. On voit mal la restructuration proposée, dans notre
région du moins, dû à la faiblesse de l'économie et
aussi à la présence constante de nos commissaires qui travaillent
en très étroite collaboration. On a un tas de programmes: j'ai
mentionné Opération renouveau. On a maintenant le comité
à l'accueil qui touche directement nos groupes ethniques. Ce sont autant
de facteurs... Quant au choix de la confessionnalité à
l'intérieur de nos écoles, à tous les ans, on a un taux de
changement de lieu, de déménagement qui dépasse les 60%.
L'an passé, à mon école, et encore cette année, je
ne retrouve pas la moitié des parents que j'avais l'an passé.
Cela se retrouve dans tout le territoire, partant de
la rue Iberville jusqu'au West Island. C'est très grand.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question à Mme
Vaillancourt qui est aussi de la région nord, comme Mme Beauchemin. Mais
c'est vous, Mme Vaillancourt, qui êtes présidente du comité
régional.
Mme Vaillancourt (Patricia): Oui.
Mme Lavoie-Roux: Vous avez dans la région nord une
école-atelier dont on nous a dit l'autre jour à cette commission
parlementaire que les pouvoirs qu'elle exerce présentement sont,
à toutes fins utiles, les mêmes...
Mme Vaillancourt: Projetés dans le projet de loi.
Mme Lavoie-Roux: ...que ceux projetés dans le projet de
loi. Pouvez-vous nous dire si, d'abord, les parents d'une façon
très prononcée se sentent attirés vers cette école
et est-ce que ce comité d'école apporte à votre
comité régional et à l'ensemble des comités
d'école de votre région un dynamisme qu'on ne connaissait pas ou
un dynamisme nouveau? Est-ce un ajout pour l'ensemble des comités
d'école de la région nord?
Mme Vaillancourt: D'accord. Je vais répondre à
votre première question, Mme la députée. J'ai pris la
peine de contacter un membre du comité d'école avant de venir en
commission parlementaire, parce que, quand les cadres de la CECM sont venus
à la commission parlementaire, il y a eu une question de posée,
je pense, sur les pouvoirs. Selon la personne qui m'a donné des
informations, c'est vrai qu'au niveau de l'école il y a un conseil de
gestion. Cela ressemble un peu à ce que le projet de loi 40 veut nous
apporter. Je demandais la participation des parents à l'intérieur
de l'école. On me disait qu'au début, pour les parents,
l'école-atelier, c'est de l'inconnu. Il semble qu'au niveau du premier
cycle du primaire, il y a plus de participation à l'école qu'au
niveau du deuxième cycle du primaire. Mais encore là, ce sont
toujours les mêmes parents qui s'impliquent à tous les niveaux.
Les parents se disent: Quand on est à un comité ou à un
sous-comité, est-ce qu'il faut être à tous les autres
comités? Les parents réalisent vite que les efforts sont
difficiles à soutenir à l'intérieur de l'école.
C'est ce qui arrive en ce moment. Les parents au niveau de la région
nord, depuis que l'école-atelier s'est prise en main, on ne les voit
plus. On dirait qu'ils cherchent à s'isoler. C'est peut-être parce
qu'ils ont tellement à donner, par leur présence, au niveau de
l'école que le soir, au niveau régional, ils ne peuvent plus. Il
y a tout de même d'autres facteurs: la vie familiale, le
gagne-pain...
Mme Lavoie-Roux: Le travail.
Mme Vaillancourt: ...et tout cela. C'est ce que l'on
déplore parce qu'ils pourraient nous apporter beaucoup.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. M. le député de
Crémazie, ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur,
avec le consentement de l'ensemble des membres de cette commission.
M. Tardif: Merci, M. le Président et les membres de cette
commission, d'avoir accepté que je vienne rencontrer, en quelque sorte,
des gens de notre région, de la région nord, dont le territoire
est partiellement dans le comté de Crémazie. Il y a une partie
qui déborde dans L'Acadie, j'en conviens, et dans Bourassa
également, mais le coeur de la région, c'est le comté de
Crémazie. D'ailleurs, le siège social y est aussi.
Mme Lavoie-Roux: Cela, on pourrait en discuter.
M. Tardif: M. le Président, toute taquinerie mise à
part, je tiens à féliciter le Comité central des parents
de la CECM en général, et ses représentantes de la
région nord en particulier, pour ce mémoire qu'il est venu
présenter en commission. C'est d'autant plus - et il faudrait
peut-être le mettre entre guillemets - méritoire qu'ici même
en cette commission le député d'Argenteuil disait: Est-ce que
vous pensez que vraiment il y a un intérêt suffisant de la part
des parents quand on constate que dans la commission scolaire - si je le cite
bien; je n'ai pas fini, M. le député d'Argenteuil, je
commençais - de ma région, a-t-il dit, après avoir
procédé à des invitations personnelles auprès de
chacun des parents, 28 se sont montrés à une réunion? Je
pense que c'est à peu près cela le sens de ce que vous aviez
évoqué.
M. le Président, le fait est que c'est peut-être là,
non pas, si vous voulez, la raison fondamentale qui devrait nous amener
à poser ce genre de question, mais plutôt le contraire. S'il y a
tellement peu de participation, c'est que la place qui était faite
précisément aux parents n'était peut-être pas de
nature à susciter, sauf chez des personnes qui y croyaient fermement,
comme celles qui sont ici ce matin, énormément
d'enthousiasme.
M. le Président, Mme la présidente a dit tantôt que
cela dépendait des endroits, qu'à certaines écoles le
directeur ou la directrice insistait pour préparer lui-même ou
elle-même l'ordre du jour et rédiger les procès-verbaux.
J'ai été président d'un comité d'école et
délégué à la région 05, il y a de cela
quelques années, avant d'être dans cette enceinte. Pas longtemps,
c'est vrai...
Une voix: Huit ans.
Une voix: II s'est tanné vite.
M. Tardif: ...pour la simple raison qu'on a fermé notre
école. C'est une raison majeure. La deuxième, c'est qu'au moment
de la loi 27, le pouvoir des parents n'était même pas...
Tantôt, Mme la présidente a été très
généreuse lorsqu'elle a parlé d'un pouvoir consultatif, du
rôle consultatif des parents. M. le Président, ce n'était
même pas cela. Il y avait consultation sur les activités
parascolaires seulement et encore, ce n'était même pas sur la
nature des activités parascolaires qu'on consultait les parents,
c'était à peine pour savoir si c'était Mme Durand ou Mme
Lapierre qui allait accompagner les enfants lors d'une sortie. C'était
à peu près cela. Il n'était pas question de pouvoir
envoyer les enfants visiter l'usine de General Motors à
Sainte-Thérèse pour voir comment les voitures à la
chaîne se fabriquaient, plutôt qu'au Jardin botanique ou que
sais-je? Non, non. C'était pour savoir quelle dame allait accompagner
les enfants.
M. le Président, dans ce contexte, c'est vrai que les parents
étaient peu intéressés à venir à
l'école mais, dès lors que l'école a été
menacée de fermeture, je peux vous dire qu'il y a eu des parents qui
sont venus. Je peux vous dire que des parents, des mères, sont
allés recenser les registres de naissance pour voir combien d'enfants
étaient nés quatre ans plus tôt et ainsi aller en chercher
assez à la maison pour former une maternelle et permettre à
l'école de vivre une année de plus.
M. le Président, la participation des parents sera à la
mesure de la place qu'on leur fera dans les décisions. Je pense que
l'exemple de l'école-atelier, évoqué par la
députée de L'Acadie et Mme Vaillancourt, est assez
éloquent. Cette école compte maintenant environ 350
élèves.
Une autre école tout près de chez moi, dans le
comté de Crémazie, l'école Rudolph Steiner, a
été mise sur pied...
Le Président (M. Blouin): M. le ministre, je vous signale
que si voulez avoir le moindre échange avec nos invités vous
disposez de quatre minutes pour le faire.
M. Tardif: J'arrête là, M. le Président. Je
veux simplement dire qu'on a pris des vieux locaux d'une ancienne
résidence de religieuses, à côté de l'école
Sainte-Anne-de-Marie; les parents sont allés eux-mêmes avec un
marteau, une scie et des clous pour arranger les locaux les fins de semaine.
À Montréal, en 1983.
Mme Lavoie-Roux: C'était avant cela. M. Tardif:
Pardon?
Mme Lavoie-Roux: Bien avant cela, par des parents.
M. Tardif: Non, non. Mais cela se fait encore. Cela se faisait
peut-être avant, mais cela se fait encore.
Je reviens donc à une question qui a semblé diviser, en
tout cas, les régions entre elles, celle de la taille des commissions
scolaires. J'ai bien entendu M. Olivier lorsqu'il a dit: Écoutez, on
peut faire comme Bell, comme Hydro-Québec et déconcentrer comme
tel sans nécessairement morceler. C'est très bien, ce qu'il dit,
pour Montréal, mais j'essaie de voir comment une commission scolaire
comme celle de Verdun, qui a 5379 élèves francophones, pourrait
s'offrir la gamme de services spéciaux que l'on peut requérir,
compte tenu des problèmes que peuvent présenter certains enfants
ayant des difficultés d'apprentissage ou autres.
Cette péréquation pour laquelle il a plaidé aussi
éloquemment, je me demande s'il ne la verrait pas s'étendre
justement à l'échelle de l'île et non pas uniquement de la
CECM, ce que permet de faire l'organisation en cinq commissions scolaires
d'à peu près 25 000 à 30 000 élèves chacune.
C'est peut-être là-dessus que j'aimerais entendre la
présidente. J'ai cru comprendre qu'entre le point de vue exprimé
par Mme Beauchemin et les gens de l'Ouest... Tout le monde s'entend à
dire qu'il faut des services spéciaux, il y a une
péréquation qui est utile, et M. Olivier nous l'a bien
démontré, à l'intérieur de la CECM. (11 h 30)
Le Président (M. Blouin): Bon, cela va.
M. Tardif: Quand on se dit, Verdun, avec 5000
élèves, va-t-elle pouvoir s'en donner, il y en a également
d'autres? Comment règle-t-on ce problème?
Le Président (M. Blouin): Mme Keeney-Beaudoin.
Mme Keeney-Beaudoin: Nous l'avons dit, je crois, assez clairement
dans notre mémoire. Nous croyons qu'une étude approfondie sur les
conséquences positives ou négatives d'une redivision serait
vraiment
nécessaire avant que nos parents puissent exprimer une opinion
commune qui serait assez largement partagée pour qu'on la
considère comme étant l'opinion des parents. Pour ce qui est de
la péréquation, cela peut se faire par le Conseil scolaire de
l'île de Montréal. Notre regroupement de comités de parents
de l'île vous a exprimé le besoin que nous avons de conserver le
conseil scolaire pour toutes choses. Pour ce qui est de la division du
territoire de la CECM, nous devons vraiment nous en tenir à ce besoin
que nous sentons d'avoir une étude faite avec les ressources
nécessaires pour être vraiment capables de faire la preuve aux
parents des conséquences positives ou négatives d'un tel
remaniement.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Keeny-Beaudoin.
Merci, M. le ministre. Maintenant, je donne la parole...
M. Tardif: M. le Président...
Le Président (M. Blouin): Non, c'est terminé, M. le
ministre. M. le député de Saint-Henri.
Mme Lavoie-Roux: Vous reviendrez dans cinq ans.
Le Président (M. Blouin): Rapidement, s'il vous
plaît, M. le député de Saint-Henri, puisque nos ententes
nous obligent à procéder de la sorte.
M. Hains: Je tiens quand même à saluer les parents
de Montréal, qui forment le comité central des parents à
la CECM. J'ai regardé votre mémoire. Je le trouve vraiment
pondéré mais empreint aussi, je crois, d'inquiétudes. Ces
inquiétudes, je les relève très rapidement à la
page 9 de votre mémoire. Quand vous dites: "La conception
d'éducation nous inquiète sérieusement". Vous donnez toute
une série de justifications à vos inquiétudes. Je retrouve
aussi à la page 15 un passage où vous dites que la composition du
conseil d'administration a perdu sa légitimité. Vous dites aussi
que vous y trouvez même "des aberrations que nous ne pouvons endosser".
Donc, je crois, malgré que vous acceptez en gros le plan qui vous est
proposé par le projet de loi 40, vous êtes remplis
d'inquiétudes - comme je viens de le dire - et même d'incertitudes
là-dessus. C'est tellement vrai que vous êtes prêts à
dire que tous les milieux ne sont pas prêts à prendre ces
responsabilités et à prendre en bloc, franchement, tous ces
pouvoirs qui vont vous être donnés par le projet de loi 40.
Il vous apparaît à ce moment-là qu'une prise en
charge graduelle serait peut-être possible. En pratique, pensez-vous que
cela sera possible de prendre comme cela une loi de façon progressive.
Une loi, c'est une loi, et elle nous est imposée dans ses 625 articles.
J'ai peur à ce moment-là qu'il y ait des frictions, des
compensations, un petit jeu de passe-passe de pouvoirs qui peut être
très mal venu. À ce moment-là, si on fait un mauvais
départ avec ce projet de loi à cause des relations avec les
professeurs, avec les directeurs, avec les commissions scolaires, à ce
moment-là, on se dit: Toi, tu vas prendre cela, moi, je vais garder
cela, l'an prochain, je prendrai cela, etc. Ne pensez-vous pas qu'à ce
moment-là, ce sera vraiment un mauvais départ et que vous
préparez un petit peu tout doucement la fosse du projet de loi 40?
Le Président (M. Blouin): Mme Keeney-Beaudoin.
Mme Keeney-Beaudoin: Oui, M. le Président. Nous croyons
justement, à cause du nombre énorme d'articles de la loi et
surtout à cause de 59 amendements qui doivent être apportés
à des lois déjà existantes, qu'à l'intérieur
des lois actuelles il y aurait possibilité, avec peut-être moins
que 59 réaménagements, de permettre aux parents qui sont
prêts d'aller plus loin, d'aller de l'avant, de s'impliquer davantage et
d'aller vers une participation beaucoup plus active, presque cogestionnaire,
presque codécisionnelle. Nous croyons qu'il n'est peut-être pas
nécessaire d'y aller immédiatement en imposant une telle
réforme, malgré le fait que nous sommes d'accord avec les
orientations générales de ce qu'on veut accomplir et qui nous
permettraient de prendre la place qui nous convient au premier niveau de
l'éducation de nos enfants. Nous ne voulons surtout pas que notre
participation au niveau décisionnel des commissions scolaires en soit
diminuée pour autant; au contraire, nous demandons qu'elle soit
accrue.
Le Président (M. Blouin): Pour terminer.
M. Hains: Juste quelques mots pour finir. Je comprends que,
sentimentalement parlant, vous avez beaucoup de craintes et nous, logiquement
parlant, nous partageons entièrement votre opinion. Je remercie... Un
instant, s'il vous plaît, juste une petite minute. Je remercie d'une
façon toute spéciale M. Olivier qui a vanté nos
commissaires de l'ouest de Montréal pour leur bon travail. Je vous
prierais de saluer de ma part M. Hubert et Mme Pelletier qui font vraiment une
oeuvre admirable dans l'ouest de Montréal. Merci beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le
député de Saint-Henri. Sur ce, je remercie le Comité
central des parents de la CECM de sa participation aux travaux de notre
commission.
J'invite maintenant les représentants du Comité de parents
de la commission scolaire Saint-Exupéry à s'avancer et à
prendre place à la table des invités. Je rappelle
également au Comité de parents de la commission scolaire
Saint-Exupéry et aux membres de la commission parlementaire que la
même procédure devra être utilisée et, à cet
égard, je réclame la collaboration des membres de la commission
pour que les interventions soient les plus succinctes et les plus
précises possible pour que nous ayons le maximum d'échanges avec
nos invités. Nos invités procéderont à la
présentation de leur mémoire en une vingtaine de minutes et,
ensuite, chacune des deux formations politiques pourra s'entretenir avec
eux.
Avant que nous commencions notre entretien, puisque j'ai omis de le
faire au début de la séance, je vais, comme le prévoit le
règlement, identifier les membres de la commission qui sont: MM.
Brouillet (Chauveau), Champagne (Mille-Îles), Cusano (Viau), Laplante
(Bourassa), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Hains (Saint-Henri), Laurin
(Bourget), Leduc (Fabre), Paré (Shefford), Payne (Vachon), Ryan
(Argenteuil).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Charbonneau
(Verchères), Maltais (Saguenay), Doyon (Louis-Hébert), Gauthier
(Roberval), Mmes Harel (Maisonneuve), Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Rochefort
(Gouin), Sirros (Laurier).
Sans plus tarder, j'invite maintenant les représentants du
Comité de parents de la commission scolaire Saint-Exupéry
à s'identifier et à nous livrer le contenu de leur message.
Comité de parents de la commission scolaire
Saint-Exupéry
Mme Ducharme-David (Thérèse): Bonjour, je suis
Thérèse Ducharme-David, présidente du Comité de
parents de la commission scolaire Saint-Exupéry. J'ai à ma droite
M. Clément Page, secrétaire du comité de parents; à
ma gauche, M. Bernard Côté, membre du comité de parents et
membre du groupe de travail sur le projet de loi 40, Mmes Francine Trottier et
Michèle Berthiaume, anciens membres du comité de parents et
responsables des groupes de travail sur la restructuration scolaire depuis
déjà trois ans. Je vous informe que je ne lirai pas le
mémoire, mais que j'essaierai de vous en dégager les lignes
principales.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les
membres de la commission, mesdames et messieurs, permettez-moi, en
commençant, d'exprimer comment le Comité de parents de la
commission scolaire Saint-Exupéry a été touché de
recevoir une invitation à participer à la commission
parlementaire de l'éducation qui étudie le projet de loi 40. Nous
avons senti là comme une reconnaissance des nombreuses heures de travail
que nous avons consacrées à ce dossier depuis trois ans. Nous
venons vous présenter notre mémoire qui ne comporte pas tout ce
que nous avons pu exprimer autour de la réforme scolaire, mais qui rend
compte seulement du résultat final de cet effort.
Je sens que je représente ici, aujourd'hui, non seulement les
5000 familles dont les enfants fréquentent les écoles de la
commission scolaire Saint-Exupéry, situées à Longueuil,
Boucherville et Saint-Lambert, mais également un grand nombre de parents
qui, depuis 1971, pratiquement sans interruption, se sont
préoccupés du régime de participation des parents au sein
du système scolaire et qui ont voulu voir apparaître des
changements dans la place que le système scolaire accorde aux premiers
responsables de l'éducation, les parents.
En effet, dès 1973 et 1975, le Comité de parents de la
commission scolaire Saint-Exupéry avait fait parvenir des rapports et
des mémoires au ministère de l'Éducation demandant des
modifications à ce régime de participation strictement
consultatif accordé aux parents des élèves. Une même
tendance est apparue chez les parents au moment de l'étude du livre
vert: ceux-ci ont également cherché à faire valoir
l'importance à accorder à l'école et aux parents dans le
système public.
Dès l'annonce d'une éventuelle restructuration scolaire,
notre comité de parents s'est mis à la tâche. Vous avez
devant vous le troisième mémoire du Comité de parents de
la commission scolaire Saint-Exupéry sur le sujet. Un premier avait
suivi l'annonce du projet de réforme et était fondé sur
une consultation auprès de tous les parents de la commission scolaire
qui avait été réalisée dès le mois de
février 1982. À cette occasion, 3614 parents, représentant
76% des familles de notre commission scolaire, avaient clairement
exprimé qu'ils voulaient qu'on accorde plus de place à
l'école dirigée par un conseil d'école auquel ils
voulaient joindre un plus grand nombre de parents. Ils voulaient obtenir le
droit de choisir l'institution d'enseignement pour leurs enfants; ils voulaient
maintenir l'enseignement religieux; ils souhaitaient conserver des
écoles anglaises et françaises.
Les parents s'étaient montrés favorables au maintien des
commissions scolaires et à l'intégration des commissions
scolaires locales et régionales, catholiques et protestantes. Ils
demandaient également que ces commissions scolaires soient
administrées par des conseils formés par des représentants
des conseils d'école.
Dès l'année suivante, le 5 mars 1983, le comité de
parents, en séance spéciale, adoptait une série de
propositions portant sur le projet de restructuration scolaire
énoncé
dans le livre blanc, L'école, une école communautaire et
responsable. À travers ces recommandations, on retrouvait encore la
même tendance à vouloir assurer aux parents une place
marquée au sein du système scolaire.
En somme, nous nous retrouvons ici aujourd'hui avec le sentiment d'un
appui profond de la part des parents de notre milieu qui sont favorables
à une restructuration qui va dans le sens des grandes orientations
préconisées par le projet de loi 40. Notre mémoire en fait
état dès les premières pages. Nous soulignons un certain
nombre d'orientations du projet de loi qui obtiennent notre assentiment.
Permettez-moi d'insister sur la première, à savoir la
volonté d'accorder une plus grande place aux parents. À peu
près tout le monde peut convenir de cette assertion à savoir que
les parents doivent nécessairement avoir un mot à dire dans les
orientations de l'éducation de leurs enfants. Par contre, certains ont
de la difficulté à imaginer que les parents puissent avoir un
rôle décisionnel dans notre système d'enseignement primaire
et secondaire public. (11 h 45)
Nous voudrions ici répondre à deux objections qu'on
retrouve chez ceux qui refusent que les parents participent à
l'administration des écoles. En premier lieu, on sent que ces gens ne
reconnaissent pas aux parents la compétence administrative
nécessaire. Pourtant, à bien y penser, ce sont tous ou à
peu près tous des parents qui administrent les autres services publics
et les entreprises privées dans notre société. Ce sont
bien des parents citoyens qui administrent les loisirs, des parents conseillers
qui administrent les villes, des parents députés qui administrent
la province. Pourquoi alors des parents ne pourraient-ils pas administrer les
écoles?
En second lieu, un autre argument contre la participation des parents
dans le système scolaire est souvent véhiculé. D'ailleurs,
cet argument a probablement prévalu lorsque, entre le livre blanc et le
projet de loi, on a vu disparaître la participation des parents au
conseil de la commission scolaire. Cet argument est le suivant: connaissez-vous
un système public financé à même les fonds publics
qui est administré par les usagers? Si cet argument peut valoir à
certains niveaux, nous croyons qu'il ne vaut plus lorsqu'il s'agit de
l'administration des écoles. C'est comme si on attribuait au seul
pouvoir de l'argent, au seul capital, le droit fondé d'administrer une
réalité beaucoup plus complexe qu'une réalité
matérielle. Cette réalité, c'est l'éducation des
enfants. La responsabilité des enfants qui revient aux parents est,
à mon avis, l'origine d'un droit sur l'éducation aussi fort,
sinon beaucoup plus fort, que celui fondé par la taxation ou le
capital.
M. Ryan: Nous avons reçu un mémoire du
comité des parents de Saint-Exupéry et j'ai l'impression que ce
n'est pas ce que vous nous lisez actuellement. Est-ce que c'est un autre
document? Est-ce qu'on pourrait en avoir une copie?
Mme Ducharme-David: Oui, certainement. On va vous en remettre une
copie.
M. Ryan: Vous n'en avez pas maintenant.
Le Président (M. Blouin): Mme Ducharme-David, est-ce que
le texte que vous êtes en train de nous lire résume le
mémoire que vous avez produit?
Mme Ducharme-David: Les grandes orientations du
mémoire.
Le Président (M. Blouin): Est-ce que vous pourriez, au
moment où vous lisez votre texte, nous situer par rapport aux pages du
mémoire pour que les membres de la commission puissent avoir des
références par rapport au document qu'ils ont reçu depuis
quelques semaines?
Mme Ducharme-David: Au début, c'était à la
page 3.
Le Président (M. Blouin): Ce sera déjà un
peu plus facile parce que nous avons maintenant un texte pour suivre. D'accord,
poursuivez, madame.
Mme Ducharme-David: La responsabilité des enfants qui
revient aux parents est, à mon avis, l'origine d'un droit sur
l'éducation aussi fort, sinon beaucoup plus fort, que celui qui est
fondé par la taxation ou le capital.
Nous souhaitons donc que les aménagements qui pourraient
être apportés au projet de loi 40 ne viennent pas encore diminuer
cette place accordée aux parents, cette place fondée sur
l'importance de l'école elle-même dans le système. Il est
certain que, si d'autres modifications au projet de loi viennent encore
déplacer vers un niveau supérieur des pouvoirs qu'au
départ la restructuration scolaire voulait accorder à
l'école, non seulement l'école ne sera pas le pivot du
système, mais aussi les parents n'auront plus cette place qu'on leur
reconnaît en vertu de leur responsabilité éducative
à l'égard des enfants.
Nous insistons donc auprès de vous, mesdames et messieurs de la
commission, pour que vous accordiez toute votre attention à cette
dimension du projet de loi et à ses futurs amendements pour assurer
aux parents la place qui leur revient.
Notre mémoire contient également un certain nombre de
propositions, de modifications au projet de loi, quatorze au total. Vous avez
sans doute remarqué que l'ensemble des ces propositions vise, encore une
fois, à accorder une plus grande place à l'école, aux
personnes qui y travaillent, aux citoyens de son milieu, en somme, à la
base.
Je voudrais insister, ici, sur un point, à savoir notre
recommandation sur la consultation qui accompagne la demande de statut
confessionnel pour l'école. Forte de la réponse très
majoritaire de nos parents pour le maintien de l'enseignement religieux
à l'école, j'ai travaillé au sein de mon comité
d'école pour obtenir une résolution dans le sens de celle que
nous vous présentons. Cette résolution issue de mon comité
d'école est venue à mon comité de parents. Je l'ai
pilotée également au niveau de la section régionale de la
Fédération des comités de parents, section
Salaberry-Richelieu-Yamaska, et à l'assemblée
générale de la fédération en septembre dernier.
Permettez-moi donc de vous souligner que ce point me tient personnellement
à coeur et qu'il y a reçu l'assentiment de tous les milieux
où j'ai eu à le débattre.
En premier lieu, le projet de loi remplace une confessionnalité
légalisée par ce que j'appelle une confessionnalité par
choix. Nous avons là, je crois, la base positive d'un renouveau de
l'éducation chrétienne. Mais on devra s'assurer que ce choix se
fera de façon démocratique. Quant à nous, nous demandons
que les modalités de consultation soient inscrites dans la loi
même, particulièrement la consultation écrite des parents
qui aurait lieu à tous les cinq ans, au moment de la mise en place du
plan quinquennal des écoles.
Depuis que nous avons pris position sur le projet de loi 40, au mois
d'août dernier, nous avons pris connaissance des intentions de
règlement du ministère de l'Éducation en matière de
confessionnalité. Nous avons retrouvé dans ces orientations des
éléments extrêmement intéressants,
particulièrement en ce qui concerne l'information adéquate des
parents sur l'objet du choix, le caractère confidentiel du vote et la
participation la plus large possible des parents au scrutin. Mais vous savez
mieux que moi qu'un règlement n'a pas la force et la garantie d'un
article de loi. La loi appartient davantage aux gens qu'un règlement.
Elle confère une stabilité qu'aucun règlement ne peut
assurer et l'expérience nous démontre qu'on s'accommode plus
facilement d'une mauvaise application d'un règlement que de la
transgression d'une loi.
Il nous paraît donc important que l'article 32 du projet de loi
soit modifié pour intégrer les éléments qui se
lisent comme suit: "À tous les cinq ans ou au moment de la mise en
oeuvre du plan quinquennal d'utilisation des écoles, conformément
à l'article 200, l'école procède à une consultation
écrite de tous les parents au sujet de la reconnaissance de leur
établissement comme école catholique, protestante ou non
confessionnelle. À la suite d'une réponse majoritaire des parents
pour la reconnaissance confessionnelle, l'école en fait la demande
auprès du comité catholique ou du comité protestant
institué par la Loi sur le Conseil supérieur de
l'éducation".
Ce libellé est beaucoup plus ferme que celui qui est contenu
à l'article 32 et vise à ne pas laisser à un petit nombre
une décision aussi fondamentale. Dans le texte que nous proposons, ce
sont tous les parents qui sont consultés par écrit, à tous
les cinq ans, et obligation est faite à l'école de
procéder à une demande de statut dans le sens d'une
réponse majoritaire des parents. Ce sont ces éléments que
nous voulons voir apparaître dans le projet de loi définitif.
En conclusion, j'insisterais sur ceci: la restructuration scolaire, qui
vise particulièrement à résoudre certains problèmes
structurels qu'a connus le système d'éducation au Québec,
doit être une occasion unique pour rendre aux parents la place qui leur
revient dans ce système d'éducation public.
Je recommande aux membres de la commission, tant aux
représentants de l'Opposition qu'à ceux du gouvernement, de
veiller à ce que les parents obtiennent une place dans le système
où ils pourront réellement faire les choix d'orientations dans
leur école et dans les services qu'elle dispense à leurs enfants.
Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Ducharme-David. Selon
notre procédure, chaque formation politique disposera d'un peu plus de
35 minutes pour s'entretenir avec nos invités. M. le ministre.
M. Laurin: Je veux, d'abord, remercier le Comité de
parents de la commission scolaire Saint-Exupéry pour sa contribution
sérieuse et importante aux travaux de notre commission. Cette
contribution, comme on vient de le rappeler, couronne de longues années
d'études et de réflexion. Il importe donc d'y apporter beaucoup
d'attention. J'ai autant pris intérêt à la lecture de votre
mémoire qu'à l'audition du résumé que vous venez de
nous en faire ce matin.
Je note, évidemment, que le Comité de parents de la
commission scolaire Saint-Exupéry endosse la plupart des propositions du
projet de loi 40 et, en particulier, le rôle accru des parents, le
rôle décisionnel des parents au sein du conseil d'école, de
même que l'élargissement des pouvoirs qui sont attribués
à l'école, la nouvelle formule de
participation de tous les agents impliqués dans l'école,
l'approche plus respectueuse des milieux en matière de
confessionnalité, l'intégration des ordres primaire et
secondaire, la répartition des commissions scolaires en fonction du
critère linguistique et aussi la nécessité d'une liaison
plus étroite entre l'école et la commission scolaire.
Je voudrais centrer ma question sur ce qu'on appelle le projet
éducatif. Vous n'avez pas été sans remarquer que la raison
d'être profonde, la visée essentielle de ce projet de loi
était d'améliorer, de renforcer l'élaboration et
l'exécution d'un projet éducatif qui vise l'amélioration
de la qualité des services éducatifs de l'école. Les
mesures que nous proposons - constitution d'un conseil d'école,
rôle décisionnel des parents au sein de ce conseil d'école,
exercice collégial de la responsabilité au sein du conseil
d'école - n'ont pas d'autre raison d'être que celle-là,
c'est-à-dire réunir les conditions qui vont permettre à
une école de mieux connaître ses usagers, les enfants dont elle a
à assumer l'éducation, de mieux identifier les besoins,
d'établir les priorités que tous les agents de l'école
doivent poursuivre.
Je voudrais vous demander en quoi, selon vous, la participation, cette
fois décisionnelle, des parents peut aider davantage à
l'élaboration d'un véritable projet éducatif
accordé aux besoins des milieux et comment elle peut aider davantage
à l'exécution de ce plan, de ce projet éducatif qui vise
l'amélioration de la qualité de l'école dans le sens du
développement intégral et optimal des enfants dans toutes les
dimensions de leur personnalité.
Le Président (M. Blouin): Mme Ducharme-David.
Mme Ducharme-David: M. le ministre, nous pensons que, si les
parents sont présents au conseil d'école, ils auront une voix -
ils en ont déjà une, mais ils auront peut-être une
meilleure cote d'écoute - et qu'ils pourront apporter réellement
la couleur, le désir de ce qu'ils veulent pour leur enfant, à
cette école-là. Avec tous les autres agents qui seront à
ce conseil d'école, ce sera un apport fort intéressant parce
qu'à la fois les enseignants et la direction de l'école auront
immédiatement un avis de ce que les parents désirent pour leurs
enfants. Cela me paraît essentiel que les parents aient leur mot à
dire. (12 heures)
M. Laurin: Est-ce que cela veut dire que les parents dans cette
fonction auront à assumer des responsabilités qui, de fait,
devraient appartenir aux enseignants?
Mme Ducharme-David: Non, pas du tout. Je pense qu'on veut
travailler avec les enseignants. C'est un désir qui s'est exprimé
depuis le début. Dès qu'on a envoyé notre sondage, nous
avions demandé si les parents désiraient la participation des
enseignants et s'ils voulaient travailler avec eux. Cela a fait presque
l'unanimité. Les parents ne voient pas le conseil d'école sans
les enseignants et ils veulent travailler avec eux. Ils ne veulent pas prendre
leur place, ce n'est pas leur domaine. Ils veulent collaborer avec les
enseignants.
M. Laurin: Comment peut se faire concrètement cette
collaboration parents-enseignants, par exemple, au niveau de l'application, de
l'adaptation ou de l'enrichissement des programmes du ministère?
Mme Ducharme-David: Est-ce que M. Côté veut
répondre à cette question?
M. Côté (Bernard): Cela peut se faire de bien des
façons. Les parents qui arrivent à l'école comme membres
du comité d'école, ce sont quand même des gens qui ont
déjà une éducation et une expérience
derrière eux. Ils peuvent apporter le vécu du milieu, leur propre
vécu de parents, leur propre expérience acquise même dans
leur milieu de travail pour que le projet éducatif prenne une couleur
locale et une couleur aussi en lien direct avec le milieu de travail dans
lequel ils sont. Les enseignants connaissent bien le milieu scolaire, et c'est
tant mieux, mais les parents connaissant bien le milieu industriel, le milieu
commercial, etc., peuvent apporter des nuances et des compléments au
milieu scolaire comme tel. Cela peut se faire aussi par le fait que des parents
peuvent être enseignants à d'autres degrés dans d'autres
écoles et dire: Voici, ce que nous faisons ici au primaire va se
traduire, ou pourrait se traduire, ou ne pourra pas inversement se traduire au
secondaire de telle façon, parce que moi j'y suis au secondaire et
l'enseignant, lui, n'y est peut-être pas. Alors, c'est vraiment dans ce
sens-là que cela élargit la compétence de l'enseignant en
lui permettant d'avoir une vision, j'allais dire, pluridimensionnelle du
milieu, parce que les parents viennent effectivement d'autres milieux que celui
de l'enseignement, qui est le milieu professionnel de l'enseignant. On pourrait
disserter longtemps là-dessus.
M. Laurin: Avez-vous des exemples réussis de cette
collaboration actuellement?
M. Côté (Bernard): Je n'ai pas le relevé ici,
mais je dirais à peu près partout où il y a le plus de
sensibilisation à l'utilisation pédagogique du rnicro-ordinateur;
très
souvent, c'est venu par un club où les parents avaient pris
l'initiative et avaient intéressé des enseignants. Ce qui fait
que ce qui est en train de se produire et de devenir éventuellement une
politique du ministère a probablement commencé par des
parents.
Vous avez d'autres dimensions. Je ne dis pas que, par exemple, les camps
de fin de semaine ou les choses du genre ont toujours et uniquement
été le fait d'initiatives de parents qui se sont offerts pour
dire: Si on faisait cela... Mais ce sont des faits qui sont venus aussi des
parents. Alors, ce n'est pas "ou bien ou bien"; c'est vraiment ensemble.
J'insiste pour dire que le projet éducatif, pour moi, c'est vraiment un
projet de la communauté. C'est aberrant de penser qu'il serait
pensé, préparé et bâti sans qu'une partie importante
de cette communauté que sont les parents, soit simplement
"consultative". L'inverse est vrai aussi, mais je pense que la loi permet,
s'ils le veulent, aux enseignants d'être partie prenante du projet
éducatif et de toutes les autres décisions. Mais c'est "s'ils le
veulent" qui est important.
Mme Ducharme-David: J'aimerais ajouter autre chose, parce qu'il
me vient à l'esprit un fait très concret et cela se passe chez
nous, dans notre école. Il y a un enseignant qui a demandé
à ses élèves s'il y avait des parents qui voudraient venir
dans la classe pour expliquer leur travail, leur carrière ou un loisir
particulier. Alors, il y a justement des parents qui ont répondu
à cette invitation. Cela a été fort apprécié
par l'enseignant et par les élèves. C'est un exemple qui me vient
à l'esprit et qui est très concret dans le sens de ce que vous
venez de dire.
M. Laurin: Et vous en êtes venus à la conclusion que
le fait d'avoir un rôle non plus uniquement consultatif, mais
décisionnel irait dans le sens des meilleures initiatives
déjà prises et augmenterait encore la qualité de la
contribution des parents, en ce sens que, cette fois, les résultats
seraient plus assurés.
Mme Ducharme-David: De façon certaine, nous pensons que
les parents ont quelque chose à apporter à l'école et vice
versa.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, Mme
Ducharme-David. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Mme Ducharme-David, messieurs et mesdames qui
l'accompagnez, il me fait plaisir de vous rencontrer ce matin, de même
que mes collègues de l'Opposition qui siègent à cette
table avec nous.
J'ai écouté votre mémoire avec beaucoup
d'intérêt. On apprend toujours des choses à chaque
rencontre nouvelle que nous faisons. Au début, vous disiez, Mme
Ducharme-David, que vous aviez été touchée de l'invitation
que vous avez reçue du ministre. Je vous comprends parce qu'il y en a
beaucoup qui n'en ont pas eu. Je voudrais rappeler ceux-là à
votre bon souvenir. Il y en a beaucoup qui ont des choses très
substantielles à dire, qui avaient préparé des
études très fouillées en vue de les porter à
l'attention de la commission parlementaire et qui n'ont pas eu ce
privilège qui vous a été octroyé à partir
d'en haut, au nom de la démocratie, par la bienveillance de M. le
ministre de l'Éducation.
Ceci dit, je ne voudrais pas qu'on fasse de redite ce matin, le temps
est bref. Je vais en venir tout de suite à quelques arguments que vous
soulevez dans votre mémoire, surtout dans la version plus
détaillée que vous avez présentée ce matin, pour
vous signifier quelques points sur lesquels j'ai du mal à accepter les
arguments que vous présentez. Au sujet de la participation des parents,
je pense que nous sommes tous d'accord en principe. À certains moments,
vous semblez identifier ceux qui sont, du point de vue du gouvernement, autour
du projet de loi 40, vus comme des personnes qui ne seraient pas pour la
participation des parents. Je veux vous assurer qu'on peut, d'après moi,
être opposé fermement au projet du gouvernement tout en
étant hautement favorable à la participation des parents. En ce
qui nous touche, je voudrais vous rappeler que, tout en étant
opposés au projet de loi pour certaines raisons que je vais signaler
à votre attention, nous sommes en même temps très
favorables à la participation des parents. Nous avons, autour de cette
table, beaucoup de personnes dont toute la vie antérieure à leur
engagement dans la politique a consisté précisément
à promouvoir cette participation des citoyens et des parents dans tous
les secteurs de la vie collective, en particulier dans l'éducation.
Au début de votre mémoire, vous disiez qu'on a des
échevins-parents, on a des directeurs de loisir parents, on a des
députés-parents. Pourquoi n'aurait-on pas des administrateurs
d'école parents? Je vais vous dire pourquoi. C'est parce qu'on en a
déjà. Les commissions scolaires sont composées de citoyens
qui sont élus par leurs concitoyens; elles sont formées en
très grande majorité de parents. À 90%, les commissaires
d'écoles sont des parents. Il peut arriver que leurs enfants ne soient
pas à l'école à ce moment-ci, qu'ils l'aient
déjà été ou qu'ils se préparent à y
être, mais je pense que c'est là un fait de base qui est
corroboré par toutes les données que nous possédons
à ce sujet. Déjà, les parents participent à la
gestion des écoles, en majorité par leur titre
de citoyen qui s'intéresse plus particulièrement à
l'éducation.
Je ne voudrais pas être élu député comme
parent. Je suis parent, je suis citoyen individuel, je suis membre d'une
famille religieuse, je suis engagé davantage dans l'une des cultures
dominantes dans ce pays-ci, mais je ne voudrais être élu à
aucun de ces titres en particulier. Mon titre le plus glorieux, le plus
complet, celui qui m'habilite le plus à la gestion des biens publics,
des fonds publics, que ce soit dans l'éducation, les hôpitaux, les
relations du travail, le développement économique, c'est mon
titre de citoyen. S'il fallait qu'on commence à choisir les gens
à un titre particulier pour chaque affaire dans laquelle ils sont
engagés, je pense qu'on n'en sortirait pas.
C'est pour cela que je pense que le raisonnement que vous nous
présentez ici est fragile et je ne pourrais y souscrire. Je vous le dis
franchement. Si vous me disiez: Le système des commissions scolaires
électives, démocratiques, a permis que s'incrustent à la
direction des commissions scolaires des bandes - j'allais employer une
expression qui pourrait me valoir bien des problèmes - de gens
coupés des problèmes des enfants, des problèmes que
connaissent tous les parents, que vous en eussiez fait la démonstration
solide, je serais impressionné. Mais on n'a rien eu de cela, ni de la
part du gouvernement, ni de la part des gens qui se sont
présentés ici. Il y en a qui ont des problèmes avec leur
commission scolaire. On a des comités de parents qui en ont. On en a
avec le gouvernement. On n'est pas toujours content de la manière que
cela fonctionne. Tout le monde en a avec son administration. J'en ai avec mon
maire, avec mes échevins. Je pense bien qu'on ne peut pas partir de
choses comme celles-là pour bouleverser tout un système. Je
conçois mal ce point de vue.
Deuxièmement, vous avez parlé des usagers. Cela m'a
intéressé, parce que c'est moi qui ai posé la question
à plusieurs reprises. Donnez-nous d'autres exemples de cas où on
va dire aux usagers qu'on va leur donner le contrôle de la patente. Vous
nous répondez: Oui, c'est plus difficile à trouver, mais, dans le
cas de l'éducation, c'est spécial.
Je vais vous donner d'autres exemples. Prenez les hôpitaux, c'est
spécial aussi. C'est notre santé qui est impliquée. Quand
on va dans les hôpitaux, on pourrait faire un raisonnement en disant
qu'il faudrait que les patients qui ont fréquenté cet
hôpital, on leur en donne le contrôle. C'est eux qui savent comment
les infirmières, comment les médecins se comportent, comment la
bureaucratie hospitalière les traite, etc. On dit: Non, mieux vaut que
ce soient des gens compétents, mandatés pour cela qui le fassent.
La loi permet aux patients d'avoir une représentation au conseil
d'administration, qui est presque obligé de courir après eux pour
les amener à l'assemblée le dimanche. On se retrouve à
l'assemblée et les trois quarts des personnes qui sont là sont
des parents, des dames patronnesses, des membres du conseil d'administration et
des employés. Il faut être réaliste. Il faut aussi voir les
choses comme elles se passent dans le concret.
Ici, il n'y a personne qui proposerait sérieusement qu'on donne
une majorité aux usagers dans les hôpitaux. Dans les services
sociaux, demandez au gouvernement s'il est prêt à modifier sa loi
pour dire que ce seront des usagers qui devront être en majorité.
Il va vous dire non. Il y a une loi sur les services sociaux.
Dans les cégeps, on pourrait bien dire que les étudiants
sont assez âgés, à 16, 17, 18, 19 et 20 ans, qu'ils
seraient capables. On dit: Non, on va leur donner une représentation,
les parents en auront une, les professeurs en auront une, tout le monde en a
une. Ce n'est pas un système idéal, mais, au moins, il ne va pas
jusqu'à l'absurde.
Dans le cas des bibliothèques, on pourrait bien vous dire: Une
bibliothèque, ce n'est pas nécessaire que ce soit le maire qui
l'administre. Ce n'est pas lui qui va emprunter des livres. Il est capable de
s'en acheter, en général. On pourrait bien dire que ce seront les
usagers qui vont administrer cela, on va faire la loi en conséquence. On
pourrait ainsi modifier toutes nos lois. Je vous dis que je ne pense pas que ce
soit la bonne voie à suivre et je ne vois pas la garantie de ces
risques.
Il y a une chose, dans le cas de l'usager, qu'il ne faut pas oublier,
c'est que si vous lui donnez la direction de l'institution, vous le mettez en
conflit d'intérêts. Tu ne peux pas être usager et
gestionnaire en même temps et être également impartial des
deux côtés. On remarque une chose. Il y a deux
députés du Parti québécois qui ont parlé de
leurs expériences dans les écoles. Leurs expériences
personnelles, ils peuvent bien les digérer comme ils le veulent. Cela ne
nous intéresse pas ici. On pourrait chacun apporter son bagage
d'expériences. J'en ai eu cinq dans le système et j'en ai encore
un. Je n'ennuie pas les membres du comité avec cela. Je ne veux
justement pas créer de conflit d'intérêts et me servir de
ma petite expérience pour pousser mes idées
générales.
Je vous dis que, de ce point de vue, votre thèse, je pense
qu'elle ne passe pas. Le ministre lui-même n'a pas fait la
démonstration. Si on me la fait, j'ai deux oreilles pour écouter
et j'aime bien avoir des arguments qui m'ébranlent. Dans ce
temps-là, je me retire tout seul dans mon bureau et je
réfléchis. J'ai écouté jusqu'à maintenant et
je n'ai pas entendu cela. Si vous avez autre
chose à ajouter sur ces deux points, cela m'intéresserait
de l'entendre.
Je vais vous poser une autre question, car je ne veux pas prendre trop
de temps. Vous dites - cela m'a franchement inquiété -qu'il y a
un article qui est une grosse source de problèmes dans la loi, c'est
l'article 90. C'est l'article-charnière, qui est très imparfait,
comme il est rédigé. Pour avoir un système
équilibré, non seulement faut-il garder cet article, mais il faut
le renforcer, car c'est tout le problème du lien de l'école avec
la commission scolaire qui est posé. Nous soutenons qu'il faut un lien
organique entre l'école et la commission scolaire. Vous dites qu'on va
devoir affaiblir cet article, parce qu'il est trop dangereux comme il est
là. Je ne sais pas si vous demandez de l'affaiblir ou de l'abolir, en
tout cas, il n'en restera pas grand-chose. On va le vérifier, car je ne
veux pas être injuste. Remplacer le texte de l'article 90 par le suivant:
"Dans les domaines de compétence que le chapitre IV attribue aux
commissions scolaires, l'école exerce ses fonctions dans le cadre
défini pour la commission scolaire dont elle relève."
Franchement, dans le projet de loi, il en reste tellement peu à la
commission scolaire que, si on lui en enlève encore, on va se
réveiller avec le phénomène de l'atomisation des
écoles, l'isolement des écoles, l'émiettement,
l'éparpillement de notre système d'éducation. Je vous pose
ces questions-là en toute simplicité. Si vous avez des
commentaires sur ces points-là, cela m'intéressera au plus haut
point de les entendre. Je pourrais peut-être vous donner mon autre point,
en même temps.
Vous avez parlé de la confessionnalité. J'apprécie
le souci que vous manifestez de voir que le plus de garanties possible soient
inscrites dans le texte de la loi. Je vous assure de mon appui sur ce
point-là. Je voudrais seulement vous poser une petite question sur ce
dernier point. Est-ce que vous voyez un rôle pour la commission scolaire
dans tout cet aménagement de la confessionnalité ou si tout cela
doit se faire uniquement au niveau de l'école? Il y a eu cinq organismes
qui sont venus nous dire -l'Association des enseignants catholiques de langue
anglaise, la Commission des écoles protestantes du grand
Montréal, Alliance Québec, le Comité central des parents
de la CECM par la voix de sa présidente, Mme Beaudoin, le comité
pour la promotion de l'éducation en langue anglaise dans l'Ouest du
Québec - qu'il faut un rôle pour la commission scolaire.
Pourriez-vous me donner votre opinion sur ce point-là et sur n'importe
quel autre que j'ai soulevé? (12 h 15)
Le Président (M. Blouin): Mme Ducharme-David.
Mme Ducharme-David: Ça fait beaucoup de questions.
Le Président (M. Blouin): En essayant de...
Mme Ducharme-David: Je vais tenter d'y répondre. Je pense
que vous m'avez dit que les parents sont aussi à la commission scolaire.
C'est absolument vrai; on ne nie pas cela. Nous pensons qu'ils faisaient un bon
travail à la commission scolaire. Nous pensons cependant que c'est au
niveau de l'école, qui est le niveau des services éducatifs, que
les parents auront plus d'intérêt parce que c'est là que
ça se passe, l'éducation. C'est un peu ce que nous avons à
répondre là-dessus.
Pourriez-vous nommer un organisme public qui est payé à
même les taxes où on accorde le pouvoir aux usagers, ou quelque
chose comme cela?
Le Président (M. Blouin): C'est cela.
Mme Ducharme-David: On n'aime pas beaucoup ce terme, usagers;
cela nous a été apporté par différentes places. On
veut dire que les parents ne sont pas des usagers de l'école mais que ce
sont des personnes responsables à l'école, responsables de leurs
enfants. C'est là qu'est leur intérêt.
Pour ce qui est de l'article 90, on rejette catégoriquement que
les fonctions attribuées à l'école soient
encadrées, comme c'est indiqué dans cet article. Son application
pourrait donner lieu à une rééducation complète des
pouvoirs des futurs conseillers d'école et signifier dans certains
milieux l'inapplication de la loi qui cherche à établir des
pouvoirs au niveau de l'école. À notre avis, l'article 90 devrait
avoir pour objectif de signaler que l'école exerce ses fonctions
à l'intérieur d'un cadre qui est celui de l'enseignement primaire
et secondaire public.
Je pense que M. Côté a des...
M. Côté (Bernard): J'ai des observations
complémentaires. Quant aux parents membres des commissions scolaires, je
pense qu'il faut être assez réaliste pour se rendre compte que,
premièrement, il y a beaucoup de parents qui sont membres des
commissions scolaires, mais que c'est par accident qu'ils sont parents; ils
sont d'abord membres de la commission scolaire pour d'autres raisons.
Il faudrait faire la preuve qu'il y a 90% des commissaires qui sont
d'abord là parce qu'ils sont parents. Un indice, c'est que plusieurs y
vont parce qu'ils sont parents, mais ils s'en dégoûtent
très rapidement. Il suffit de lire l'ensemble des procès-verbaux
des assemblées des commissions scolaires pour s'apercevoir
qu'effectivement ce sont des administrateurs - et il en faut - et leur
préoccupation est surtout de faire de l'administration. Ou bien
ils sont débordés, ils sont obligés de le faire de
sorte que, si les parents entrent dans le système avec un pouvoir - ce
qu'ils réclament surtout, c'est un pouvoir d'ordre pédagogique -
c'est probablement, d'une certaine façon, pour faire contrepoids
à cet unique pouvoir trop souvent accaparé par l'administration.
Qu'il y ait une articulation à établir, je pense que tout le
monde en convient.
Deuxièmement, Mme David a repris le mot "usager" que je voulais
également reprendre, à savoir que les vrais usagers de
l'école, ce sont les enfants. Les responsables de l'école, par
exemple, ce sont aussi les parents, avec les enseignants et la direction.
Enfin, quant à l'allusion à l'atomisation des forces du
fait que les écoles deviennent plus autonomes et, donc, qu'on affaiblit
les commissions scolaires, je pense qu'il était facile à
prévoir que, à supposer qu'on le risque, ce qui n'est pas
exclu... C'est déjà fait, il y a une Fédération des
comités de parents. Vous pensez bien que, face au ministère, les
parents vont se regrouper. Comme ils auront des pouvoirs, ils vont se regrouper
d'une façon beaucoup plus forte pour faire échec au
ministère qui pourrait mettre la main sur les écoles, un peu
comme les commissions scolaires se regroupent pour faire échec aux
visées du ministère ou, au besoin - espérons-le, dans les
meilleures conditions - pour dialoguer avec lui. Alors, l'atomisation des
écoles est une possibilité, mais il y a l'inverse, à
savoir le regroupement par l'intermédiaire de quelque chose qui
ressemblerait à la Fédération des comités de
parents qui, cette fois, possède des pouvoirs. Cela pourrait
effectivement devenir un pendant très valable pour le ministère
qui risquerait d'administrer d'une façon trop solitaire.
Vous avez mentionné quelque chose sur la confessionnalité.
Je n'ai rien de précis à dire là-dessus. Est-ce que cela
devrait relever de la commission scolaire? Il faut être cohérent
avec ce qui est dit, avec le reste. Dans la mesure où la commission
scolaire s'occupe d'administration et supporte... Il faut le dire aussi, les
institutions administratives en place actuellement ne vont pas se volatiliser
du jour au lendemain; au contraire, elles deviennent des institutions de
support pour les parents qui entrent dans l'équipe de gestion des
écoles. Dans la mesure où la confessionnalité est un
problème administratif ou un problème éducatif, je dirais
qu'il faut que cela relève de l'une ou de l'autre instance. Il n'y a
rien qui peut se trancher au couteau. Dans ce sens, peut-être que la
commission scolaire aura des choses à dire sur la gérance
concrète des choix de confessionnalité, mais il faudra quand
même - et cela, c'est un droit vraiment profond et inaliénable, un
droit fondamental tel qu'on le dit dans les chartes des droits de l'homme -que
cela revienne aux individus et non aux commissions scolaires; donc, aux parents
en premier lieu.
M. Ryan: Le seul point que je voudrais ajouter là-dessus:
c'est vrai que le choix doit être celui des personnes impliquées,
des parents, mais il faut bien faire l'addition des choix à un moment
donné, il faut faire les combinaisons des aménagements
administratifs et pédagogiques qui vont répondre à ces
additions. C'est là que la décision personnelle ne peut pas
être le seul facteur. Il faut également un organisme qui va avoir
la responsabilité de faire des aménagements autres que celui de
dire: Nous autres, on a eu 51%, on emporte le paquet et arrangez-vous avec vos
problèmes. C'est cela qu'on veut éviter.
M. Côté (Bernard): C'est très juste, mais je
pense que, de toute façon, le problème existe actuellement et les
problèmes - comment dire? Je ne dirais pas de guerre de religion -
d'administration de la confessionnalité sont des problèmes
larvés, actuellement, que personne n'ose mettre sur la table. Si cette
loi peut nous aider, non pas à forcer les choses, mais à les
clarifier, je suis bien d'accord, par exemple, qu'il faudra prévoir les
mécanismes qui permettent de le faire de façon
démocratique et que, peut-être bien, comme vous le dites, les 51%
ne seraient pas suffisants. Il y a d'autres manières, je pense, de
parvenir à un certain mode de consensus. Là-dessus, je crois que
la porte est ouverte et doit rester ouverte. Dans ce sens, je pense que la loi
permet certaines choses parce que, c'est assez curieux, pour une loi qui
comporte 625 articles, le nombre de "s'ils le veulent", "si c'est possible",
"selon le cas", etc., fait de cette loi une loi très libérale
d'esprit. Espérons que cela pourra, un jour, être
administré de la même façon.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M.
Côté, merci, M. le député d'Argenteuil. M. le
député de Mille-Îles.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci. Je voudrais faire une
première remarque. Le député d'Argenteuil, dans son
introduction, est assez vague et général et fait parfois,
certaines allusions peut-être pertinentes ou impertinentes. À un
moment donné, autour de cette table, on a des personnes qui ont une
certaine expérience de la direction des écoles, il y a des
personnes qui ont des expériences comme commissaire d'école, il y
a même une ancienne présidente de commission scolaire, il y en a
ont des expériences au niveau de l'enseignement et il y en a aussi qui
ont des expériences au niveau des comités d'école. J'ai
bien dit, Mme la
députée, dans la direction d'école. Je pense que
chacun doit s'exprimer aussi pour le plus grand éclairage de cette
commission et de la population.
Les personnes qui viennent ici s'exprimer doivent, selon leur
expérience, peut-être essayer de faire évoluer le
débat dans le sens positif, dans un meilleur éclairage pour
assurer une meilleure éducaton à nos enfants. Je n'aime pas les
petites allusions voilées faites par des personnes qui ont eu certaines
expériences et qui profitent de la commission pour faire avancer les
choses selon certaines idées.
M. Ryan: Sur une question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Non, M. le député
d'Argenteuil. Vous connaissez la directive du président sur les
questions de privilège et les questions...
Mme Lavoie-Roux: II n'a pas été question de
privilège...
Le Président (M. Blouin): Un instant, s'il vous
plaît! Sur les questions de privilège voilées, à
moins que vous ne m'indiquiez, M. le député d'Argenteuil, de quel
article de notre règlement il s'agit, je vais demander au
député de Mille-Îles de poursuivre son intervention. S'il
s'agit d'une question d'opinion, d'impression ou même
d'interprétation, vous aurez l'occasion, ainsi que certains membres de
votre formation politique, de prendre la parole par la suite, de donner votre
interprétation des débats ou d'exprimer des opinions sur celles
qui ont été émises par un membre ou l'autre de la
commission parlementaire. M. le député de Mille-Iles.
M. Ryan: M. le Président, je m'excuse, mais sur une
question de règlement.
M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président, je pense
que tous ou tout...
Le Président (M. Blouin): Sur une question de
règlement, M. le député d'Argenteuil. . M. Ryan: Je
vous conteste le droit de décider si mon intervention est valable tant
que je ne l'ai pas faite. Vous ne savez pas ce que je vais dire.
Le Président (M. Blouin): C'est pour cela que je vous ai
demandé à quel article du règlement vous faisiez
allusion.
M. Ryan: Est-ce que je peux vous demander une directive bien
simple?
Le Président (M. Blouin): Très certainement.
M. Ryan: Est-ce que je pourrais seulement rappeler que ma
critique s'adressait uniquement au ministre et pas du tout à l'organisme
présent? Si vous me dites que je n'en ai pas le droit, je vais retirer
mes paroles.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Mille-Îles, vous avez la parole. Nous reprenons maintenant le
débat avec nos invités. Je crois que ce serait plus
convenable.
M. Champagne (Mille-Îles): Cela veut dire que les choses
sont plus claires et qu'on peut parler quand même de nos
expériences ici, à la fois comme parents, comme enseignants,
comme commissaires d'école, ou autres...
Mme Lavoie-Roux: On n'en parle plus.
M. Champagne (Mille-Îles): Cela me rassure, M. le
député d'Argenteuil.
Le Président (M. Blouin): Tant mieux!
M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président, je veux
remercier les parents de la commission scolaire Saint-Exupéry pour
l'excellent mémoire qu'ils ont présenté ce matin. J'ai
été frappé, dès l'introduction de votre
mémoire, de voir la consultation importante que vous avez eue dans votre
population et d'entendre que, dès 1973 et 1975, le comité de
parents de la commission scolaire avait fait parvenir des rapports et des
mémoires au ministère de l'Éducation de l'époque,
demandant des modifications à ce régime de participation
strictement consultatif. On sait qui avait les rênes du pouvoir à
cette époque. Il y en a qui ont eu le courage, en 1963, de mettre sur
pied le ministère de l'Éducation. Ce même gouvernement
d'alors, en 1973, a fait adopter la loi 21 qui permettait la création
des comités d'école, mais c'étaient des comités
consultatifs. Après dix ans, ce même parti politique semble
plutôt rétrograde dans le sens qu'il est contre une espèce
d'évolution normale des choses.
Si, il y a dix ans, on a donné aux comités d'école
et aux comités de parents un rôle consultatif et que, depuis dix
ans, ils ont fait la preuve qu'ils peuvent aider à l'éducation
des enfants dans chacun des quartiers et dans chacune des communautés
scolaires, je ne vois pas pourquoi le Parti libéral serait plus ou moins
en faveur d'une responsabilité.
Je vois d'ailleurs ceci dans votre conclusion et dans le dernier
paragraphe que je vais citer ici: "Je recommande aux membres de la commission,
tant aux
représentants de l'Opposition qu'à ceux du
gouvernement...". On a quand même une responsabilité de
législateurs à la fois comme gouvernement et comme Opposition.
Vous demandez aussi à l'Opposition de veiller à ce que les
parents obtiennent une place dans le système où ils pourront
assurément faire des choix. C'est cela une espèce de pouvoir:
faire des choix d'orientation dans leur école pour les services qu'elle
dispense à leurs enfants. Je comprends que vous en soyez rendus
là parce que ceux qui vivent dans les comités d'école,
ceux qui vivent dans une école savent que ce sont eux qui connaissent
les besoins du milieu et que, trop souvent hélasl ceux qui
décident à un stade plus élevé, que ce soit la
commission scolaire ou le ministère, les décideurs sont
très éloignés de la réalité. (12 h 30)
C'est un commentaire qu'il fallait faire, je pense. J'espère que
les gens de l'Opposition comprendront que vous, les parents, avec les
enseignants et toute la communauté, vous voulez faire évoluer le
débat pour donner une meilleure éducation aux enfants.
Je vais vous poser une question au sujet des élections dans le
milieu. Dans les commissions scolaires, on sait que la participation aux
élections est très faible. Aussi, il faut dire que la
participation dans les comités d'école pourrait être plus
forte. Voici la question que je vous pose: si, au lieu d'avoir un pouvoir
uniquement consultatif auprès des comités d'école, on
avait un rôle de participation décisionnelle, croyez-vous, madame,
que l'application de la loi 40, qui donnerait un pouvoir décisionnel aux
parents, ferait en sorte que la participation des parents à la chose
scolaire serait plus grande aux élections des comités
d'école?
Mme Ducharme-David: Je croirais que oui. Moi aussi, j'ai
parlé avec beaucoup de gens dans mon école, à la section
régionale, et même je suis déléguée à
la Fédération des comités de parents et j'ai posé
la question à ces parents et je crois que oui. Certains parents se sont
éloigné des comités d'école et nous disent - je
suis certaine que vous l'avez entendu vous aussi - qu'est-ce que cela nous
donne d'aller là? On n'a rien à dire de significatif. On parle et
ils ne nous écoutent pas. Quand on aura un mot à dire, qu'on sera
décisionnel, au moins ils nous écouteront. Je pense que cela va
amener un certain nombre de parents mais il ne faut pas se leurrer, il y aura
là les parents qui sont intéressés à
l'éducation, qui l'étaient déjà au niveau des
commissions scolaires, qui le sont au niveau des écoles et qui le seront
toujours, comme il y a un certain nombre d'entre eux qui sont
intéressés aux loisirs, aux hôpitaux ou à la
politique. Il y aura donc ces parents qui sont intéressés
à l'éducation qui y viendront. Ils s'y intéresseront de
près parce qu'ils auront quelque chose de significatif à dire. Je
le crois sincèrement.
M. Champagne (Mille-Îles): Madame, il est bien sûr
que si, dans chacune des écoles, on a un projet éducatif qui
intéresse les parents... Je pense aux activités parascolaires. Je
connaissais des parents dans mon milieu qui étaient
intéressés à ce qu'on enseigne peut-être le jeu
d'échec. Enfin, il y en a d'autres qui étaient
intéressés à des cours de flûte, des cours de piano
ou à des cours d'éducation physique plus particulièrement.
Et ces parents, considérant qu'ils étaient directement
intéressés à l'évolution de leur enfant,
étaient aussi prêts à aider d'autres enfants et à
participer. On a quand même vu un dynamisme dans le milieu. Je me dis
toujours que, tant et aussi longtemps que les parents sont directement
impliqués, ils vont participer dans le sens positif.
Cela me fait penser dans nos patelins, nos villages ou nos villes, si on
regarde le nombre de parents qui s'intéressent aux clubs sportifs, que
ce soit le hockey, le baseball ou n'importe quel autre sport, on voit une
participation débordante et intéressée parce que leur
enfant est là et joue à un sport, que ce soit le soccer entre
autres. Je pense qu'il y a au moins 800 enfants qui jouent au soccer dans mon
quartier et je pense qu'il y a 200 parents qui sont aussi
intéressés et jouent même au soccer. C'est cela, la
participation dans le milieu et c'est cela, le projet éducatif de
l'école. On les intéresse au plan parascolaire. J'étais
content d'entendre l'exemple du rnicro-ordinateur. Si les parents sont
intéressés aux microordinateurs comme les enfants le sont,
pourquoi ne pas faire en sorte que le comité d'école organise,
même pour une fin de semaine ou sur semaine, en dehors des heures de
classe, un cours d'initiation aux ordinateurs? Je pense que le comité
d'école peut le faire.
J'ai une dernière question à vous poser. Nous avons un
corps professoral compétent -on peut s'en réjouir - et
dévoué. Comme membres d'un comité d'école, vous
savez que la participation des enseignants est très importante, sinon
indispensable. La question que je veux vous poser est la suivante: est-ce que
vous seriez d'accord pour accorder une plus grande participation aux
enseignants et même aller jusqu'à accepter que le conseil
d'école soit formé à la fois des parents et des
enseignants sur une base paritaire?
Le Président (M. Blouin): Mme Ducharme-David.
Mme Ducharme-David: Les parents ont répondu à ce
sondage qu'ils ne concevaient
pas le conseil d'école sans la participation des enseignants, et
une participation importante, disent-ils. Comme c'est le désir des
parents de voir les enseignants siéger au conseil d'école et que
l'invitation leur est faite, dans le projet de loi 40, de s'y joindre, je pense
bien que les enseignants y viendront et qu'ils pourront travailler
ensemble.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup de votre
témoignage.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Mille-Îles. M. le député de
Louis-Hébert, en vous rappelant que votre formation politique dispose de
17 minutes pour compléter son intervention. D'accord? Allez-y, M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. J'ai
écouté avec intérêt le mémoire qui nous a
été présenté. Ce que j'y retrouve, c'est une
reprise intégrale des arguments que le ministre nous a servis à
différentes sauces, à différentes reprises. Le
mémoire exprime une opinion - et je la respecte - qui, à mon
avis, manque d'assise solide. Vous ne faites pas une démonstration
convaincante qui pourrait nous amener à reconnaître que votre
point de vue en est un qui fait suite à une étude
véritable du projet, à une analyse en profondeur de la
réalité.
Il est certain que votre façon de voir les choses donne une
satisfaction momentanée au ministre et qu'elle le réconforte, lui
redonne espoir et lui permet de distinguer ou d'identifier un certain nombre
d'appuis. Cependant, c'est une chose que d'avoir l'appui de groupements,
d'organismes ou même de personnes, c'en est une autre que d'avoir un
appui au niveau de l'argumentation, au niveau de la défense du fond du
projet de loi. Ce que vous nous dites dans votre mémoire ne peut pas, en
tout respect de l'opinion contraire, nous amener, en ce qui me concerne,
à partager le point de vue qui est le vôtre et qui est celui du
ministère.
Je sais que la consultation que vous avez faite en est une que vous avez
voulue honnête pour qu'elle vous permette d'être le reflet du
milieu. Je respecte cela. Cependant, je voudrais attirer plus
spécifiquement votre attention sur le fait que vous affirmez, dans votre
mémoire, un certain nombre de choses. Vous dites, entre autres, à
la page 5, par exemple - cela me paraît un jugement un peu subjectif et
même un procès d'intention - que si les gens sont hésitants
devant la façon de procéder du projet de loi qui confie aux
parents un pouvoir décisionnel, etc., on sent que ces gens ne
reconnaissent pas aux parents la compétence administrative
nécessaire. C'est une affirmation qui, comme je le disais, ressemble
beaucoup plus à un procès d'intention.
Vous nous avez dit que vous avez suivi les débats de cette
commission. Les raisons qui nous ont été apportées par les
gens venus témoigner et déposer devant cette commission sont
beaucoup plus en ce sens que tout d'abord un bon nombre de parents -et des gens
crédibles nous l'ont affirmé - ne désirent pas s'impliquer
dans la gestion quotidienne du détail des écoles. Ce n'est pas
une préoccupation majeure chez eux, ils préfèrent laisser
cela à des spécialistes, à des gens qui sont formés
pour cela. On peut reconnaître qu'il s'agit là d'une façon
de voir les choses qui est éminemment respectable. Le fait que l'on
vienne affirmer cela et déposer de tels témoignages à
cette commission ne constitue pas une négation de la compétence
administrative des parents. Pas du tout. C'est normal que, dans la vie, il y
ait un partage des tâches. Quand son soulier est brisé, on fait
appel au cordonnier plutôt que de s'acheter l'équipement qu'ilfaut pour le réparer, même si ce n'est pas sorcier de le
faire. C'est comme cela qu'on en est venu à des spécialisations,
dans les tâches respectives de tout le monde, qui, finalement, ont eu
pour effet d'enrichir tout le monde, chacun faisant mieux ce qu'il est
habitué à faire et ce qu'il a appris à faire. Alors, du
fait qu'une proportion très significative de gens ne veuillent pas
nécessairement que le pouvoir décisionnel au niveau de
l'école revienne aux parents, à mon avis, on ne peut pas conclure
que c'est un manque de reconnaissance aux parents d'une compétence
administrative.
Vous dites fort à propos que des parents sont échevins,
d'autres maires, d'autres députés; pour la plupart d'entre nous,
nous le sommes, bien sûr. Il y a des parents qui, en même temps, et
vous me donnerez vos réflexions là-dessus tout à l'heure,
se conduisent comme cela et je ne vois pas pourquoi, dans la vie de
l'école, cela devrait être différent. À la maison,
dans le foyer familial, le parent est en même temps le gestionnaire,
l'administrateur, celui qui partage et qui distribue les ressources et il est
en même temps, Dieu merci, la personne qui s'occupe des problèmes
pédagogiques, de la formation individuelle de ses enfants, qui voit
à évaluer leur capacité d'apprendre, qui voit à les
diriger et à les conseiller, mais il doit toujours faire cela en tenant
compte d'un certain nombre de contraintes qui découlent de son revenu,
de sa capacité de payer et de la façon qu'on est organisé
à la maison.
Par exemple, des parents peuvent très bien reconnaître
qu'un enfant étudie mieux seul dans sa chambre, que c'est
désirable qu'un enfant soit isolé, si possible, dans sa chambre.
On peut concevoir cela, en tout cas. Je ne suis pas un expert, c'est
peut-être
une situation désirable, sauf qu'il arrive que des parents
doivent réaliser qu'ils ne peuvent pas fournir une chambre à
chacun de leurs enfants avec un pupitre et on fait ce que l'on fait dans
plusieurs cas, et ce que j'ai fait moi-même finalement: on étudie
sur la table de la cuisine, pas parce que c'est la meilleure situation
possible, mais le parent a fait le partage du gestionnaire et en même
temps du responsable pédagogique de l'éducation de ses
enfants.
Alors, cette espèce de position dans laquelle on veut situer les
parents m'apparaît une position artificielle, une position qui ne tient
pas véritablement compte de la réalité. Mon
collègue d'Argenteuil soulignait que déjà les parents sont
à la commission scolaire, que déjà les parents sont,
à de nombreuses instances, au niveau de l'éducation de leurs
enfants. La proposition ministérielle au niveau de la formation de la
commission scolaire fait fi de cette présence. Elle va même plus
loin, elle risque de rendre antagonistes et hostiles des groupes qui,
finalement, ont beaucoup plus en commun, si on ne centre pas notre attention
sur leurs différences, qui ont beaucoup plus en commun qu'ils n'ont de
choses différentes entre eux. (12 h 45)
J'aimerais avoir votre opinion sur le rôle des parents,
responsables pédagogiques et le rôle des parents, administrateurs.
En d'autres mots, en quoi pour des gens qui sont à la commission
scolaire, qui, pour plusieurs d'entre eux, proviennent de comités
d'école, ont fait leur apprentissage là, ont pris leur
intérêt là, ont voulu accéder à un niveau
décisionnel par l'intérêt qu'ils ont, en quoi le fait
d'accéder à la table des commissaires d'école leur fait-il
perdre ce désir de servir en même temps les enfants et la
collectivité et la communauté?
Je veux aussi porter votre attention sur un paragraphe de votre
mémoire, à la page 6, où vous vous en prenez d'une
façon assez virulente à tout ce qui touche l'argent, le capital,
et où vous dites que la réalité de l'éducation est
beaucoup plus complexe, que ce n'est pas uniquement une réalité
matérielle et que l'éducation des enfants dépasse tout
cela, etc. C'est une évidence que de dire une chose semblable mais vous
faites une limitation indue comme si l'argument qu'on fait valoir pour voir la
préservation du suffrage universel, par exemple, c'est-à-dire
l'implication par voie de vote de tous et chacun d'une communauté, d'une
collectivité, comme si cet argument était tout simplement
basé sur l'apport financier, matériel, "gros sous", de cette
collectivité.
Je regrette beaucoup, ce n'est pas un argument déterminant.
L'argument qui m'apparaît beaucoup plus déterminant pour amener la
collectivité à s'impliquer par voie du suffrage universel
à la commission scolaire, c'est l'intérêt que j'ai en tant
que citoyen, que mon voisin a en tant que citoyen, que toute la
collectivité a en tant que citoyen, de voir une formation des enfants,
une formation des jeunes qui soit conforme à l'idée
générale que se fait la collectivité de ce qu'elle voudra
être, du développement auquel elle s'attend.
Tous et chacun d'entre nous avons un intérêt à voir
des enfants qui vont être à une école de telle nature
plutôt que de telle autre parce qu'il faut réaliser que cette
école va former le prochain médecin qui va me soigner, le
prochain avocat qui va me défendre, le maire qui va administrer ma
municipalité, le député...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Louis-Hébert, puis-je simplement vous suggérer que, si vous
désirez avoir quelque échange avec le groupe invité, vous
devrez procéder, parce qu'il vous reste six minutes maintenant?
M. Doyon: Je suis très conscient de cela, M. le
Président. Je pense qu'il est important de dire un certain nombre de
choses et je le fais avec sobriété et de façon à ne
froisser personne.
M. le Président, vous m'avez un peu interrompu. Ce que je disais,
c'est que l'intérêt que j'ai en tant que citoyen en est un qui est
général, qui ne tient pas principalement aux taxes que je paie
à la commission scolaire ou aux impôts que le ministre des
Finances retient sur mon salaire ou sur mes revenus. Il ne tient pas
principalement à cela. Il tient aussi à cela, mais il ne tient
pas principalement à cela. Il tient au fait que le produit fini de nos
écoles, c'est ce avec quoi, en tant que citoyen, en tant que personne
qui doit vivre dans un milieu donné, on devrait vivre. Votre
mémoire, en limitant à l'aspect du capital, à l'aspect
matériel, le fondement du droit du citoyen en général
d'être représenté à la commission scolaire, me
paraît - vous me permettrez le mot - un peu trompeur, un peu fallacieux
parce que si le seul argument qu'on nous faisait valoir pour défendre le
suffrage universel était qu'on paie, donc on a le droit de
contrôler... C'est aussi vrai, bien sûr, parce que le principe de
"no taxation without representation" est un principe qui doit être
défendu, mais cela va plus loin que cela. J'aimerais que vous nous
donniez votre réflexion là-dessus, si vous en avez une. Je sais
que vous n'avez pas nécessairement à partager mon point de vue,
comme moi je n'ai pas à partager le vôtre, mais je vous le dis
avec autant de sérénité et autant de conviction que vous,
et j'espère que j'aurai de votre part droit au même regard que
j'ai accordé à votre point de vue. Par la suite, selon le temps
qui pourra rester, j'aurai
peut-être une ou deux questions supplémentaires.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député. Mme Ducharme-David.
Mme Ducharme-David: M. le député, je veux vous dire
qu'on n'est pas venu ici pour vous apporter des arguments, mais un vécu
et le témoignage de ce qui se passe dans notre milieu. Sur ce, M.
Côté m'a demandé de répondre à votre
question.
Le Président (M. Blouin): En vous signalant, M.
Côté, que votre réponse ne devra pas excéder trois
minutes.
M. Côté (Bernard): D'accord, quatre phrases. Le
mémoire n'a pas été construit à partir du projet de
loi 40, mais à partir du sondage auprès des parents. Qu'il y ait
convergence, pour certaines personnes c'est très heureux, pour d'autres
moins.
Deuxièmement, bon nombre de parents ne désirent pas
s'impliquer dans la gestion -je fais la distinction avec administration - de
l'école, c'est une évidence. Bon nombre de gens ne
désirent pas s'impliquer dans la politique: Allons-nous fermer les
institutions politiques ou interdire l'accès aux institutions politiques
pour cette raison? C'est la même chose dans les écoles. On ne veut
pas fermer l'accès à la gestion décisionnelle des parents
sous prétexte qu'il y a bon nombre de parents qui ne veulent pas le
faire.
Troisièmement, les commissaires ne perdent pas leur
préoccupation de parents, je veux bien. Il faudrait des fois voir
à le prouver. L'expérience va malheureusement souvent en sens
contraire. Même si elle ne va pas en sens contraire, ils gardent leur
préoccupation de parents, mais ils sont obligés - c'est normal,
c'est leur fonction -d'ignorer quelque peu le milieu immédiat dans
lequel se passe réellement l'éducation pour gérer un
ensemble d'écoles qui ne sont pas nécessairement le reflet de
leur milieu, d'où la nécessité d'avoir des institutions
décisionnelles qui soient à la taille du milieu qu'elles
reflètent.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Côté. En
une minute, M. le député de Louis-Hébert?
M. Doyon: Oui, M. le Président. J'aimerais que les membres
qui sont à déposer devant cette commission puissent nous dire...
Vous nous dites que ce que vous nous transmettez, c'est finalement le reflet
des sondages et des opinions que vous avez recueillis dans votre milieu. Je
veux bien accepter cela, mais ce que je vous poserai comme question
supplémentaire, c'est que vous devez quand même avoir eu
l'occasion de faire une étude, aussi sommaire soit-elle, du projet de
loi 40. Étant donné que le but de cette commission est justement
d'entendre tout groupe ou toute personne qui désire intervenir sur le
projet de loi 40, il est impératif, et je ne pense pas qu'on puisse y
échapper, que, si vous êtes venus ici, ce soit pour vous prononcer
sur le projet de loi 40. Ce n'est pas une commission d'enquête
générale que nous faisons ici, c'est sur le projet de loi 40.
La question spécifique que je veux vous poser sur le projet de
loi 40 est celle-ci: Est-ce que vous avez pu déceler dans le projet de
loi 40 une indication quelconque qu'il y aurait pour la poursuite du projet
éducatif global des ressources additionnelles qui seraient mises
à la disposition soit des commissions scolaires, soit de l'école
ou des deux ensemble aux fins de la discussion?
Le Président (M. Blouin): C'est une question
précise qui touche aux possibilités d'augmentation des
ressources. Une réponse précise et concise, s'il vous
plaît!
Mme Ducharme-David: Nous croyons qu'il y aura déplacement
des ressources. C'est possible qu'il y ait augmentation des ressources. Nous
croyons que le but poursuivi, l'éducation des enfants, en vaut la
chandelle.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Ducharme-David.
Merci, M. le député de Louis-Hébert. M. le
député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier le comité de parents pour la présentation de son
mémoire. Je trouve incroyable qu'on puisse dire devant nous qu'il ne
s'agit pas d'une démonstration convaincante. Je n'en reviens pas du
tout. C'est quoi une démonstration convaincante? Il faudrait
peut-être que le député de Louis-Hébert nous
l'explique à un moment donné. J'ai cru comprendre qu'il voudrait
une démonstration faite avec des graphiques, des statistiques, le genre
de mémoire qui nous est présenté parfois en commission par
des spécialistes ou par des organisations telles que les commissions
scolaires, qui ont les moyens de se payer des spécialistes capables de
préparer des graphiques, des statistiques et des études
extrêmement fouillées. Ce ne n'est pas ce que nous attendons,
surtout de la part d'un groupe de parents. Vous avez présenté
votre point de vue d'une façon claire, sobre, précise et
suffisamment détaillée.
Personnellement, cela me satisfait. C'est ce que nous attendions de
vous.
Une autre remarque que je voudrais faire a trait à ce que le
député d'Argenteuil a dit. Il a comparé les usagers de
l'école aux usagers des hôpitaux. Je trouve cela incroyable qu'on
puisse faire de telles
comparaisons. J'ai bien aimé votre réponse au
député d'Argenteuil. Vous avez dit: Nous ne nous
considérons pas comme des usagers. Je pense que c'est le message que
tous les parents sont venus nous livrer ici. On a rarement entendu le mot
"usager" pour l'école comme on parle d'usager pour les hôpitaux.
Tous les parents sont venus nous dire que, s'ils souhaitaient une participation
plus grande au niveau de l'école et au niveau de la commission scolaire,
c'est à titre d'éducateurs, les premiers responsables de
l'éducation de leurs enfants. Je ne pense pas qu'on puisse, à ce
moment-là, confondre deux types de personnes qui font appel aux services
dans une communauté. Les hôpitaux constituent un service à
la communauté; les écoles constituent un service à la
communauté, mais il s'agit de deux types de service très
différents. Je pense que c'est la présence des enfants dans les
écoles qui fait toute cette différence. Je croyais que le message
a été suffisamment clair, mais je vois que ce n'est pas le cas,
car on arrive encore à nous présenter de tels arguments qui
visent à semer une certaine confusion dans les esprits.
Je voudrais vous poser une première question sur le contenu de la
page 4 de votre mémoire, à la composition du conseil
d'école qui, selon vous, devrait être laissée au choix de
chaque école afin de répondre aux exigences propres à
chaque milieu et respecter l'esprit même de la loi qui veut laisser plus
d'autonomie à l'école. À première vue, je trouve
cette proposition intéressante. Il y a deux questions qui me viennent
à l'esprit. Vous voulez respecter le milieu, c'est très bien, on
comprend cela, mais où cela peut-il nous conduire? Dans votre esprit,
vous aimeriez voir plus d'enseignants au conseil d'école ou plus de
professionnels au conseil d'école... Est-ce que vous trouvez que la
proposition du projet de loi 40 est insuffisante à cet égard?
Deuxième question qui me vient à l'esprit: Qui
déciderait finalement de la composition du conseil d'école? C'est
un peu le problème que cela me pose. Dans le projet de loi, c'est clair,
il y a quatorze membres et il y a des modalités précises, telles
la participation majoritaire des parents, la participation des enseignants,
s'ils le désirent, et des professionnels à l'intérieur de
l'école également. Est-ce que vous pourriez nous apporter des
précisions à cet égard?
Mme Ducharme-David: Si on veut laisser à chaque milieu le
choix, c'est parce que, dans certains milieux, il peut y avoir un milieu plus
restreint - je pense aux régions éloignées - où
moins de personnes peuvent constituer le conseil d'école. Je pense que
le projet de loi 40: dit au maximum 14. C'est vraiment pour que cela puisse
s'ajuster, qu'il y ait un, deux ou trois professeurs, s'ils le désirent,
du personnel non enseignant. C'est vraiment pour répondre aux besoins du
milieu. Nous pensons que ce sont eux qui doivent décider ensemble de la
composition de leur conseil d'école. (13 heures)
M. Leduc (Fabre): Donc, ce serait les différentes
composantes de l'école qui seraient consultées, si je comprends
bien, et qui pourraient faire une proposition. À qui? Cela pose un
problème au départ. Vous suggérez que ce soit le
comité d'implantation qui s'en occupe; cela pourrait peut-être
poser des problèmes d'organisation pour le comité d'implantation,
mais cela pourrait nous conduire à une formule où le personnel de
l'école serait paritaire avec les parents, autant de membres du
personnel de l'école qu'il y a de parents au sein du conseil
d'école. Cela pourrait nous conduire à cette formule.
Mme Ducharme-David: D'après le résultat du sondage,
la position prise par notre milieu demande que les parents soient majoritaires
à ce conseil d'école. Nous laissons au milieu la composition du
conseil d'école, mais à l'intérieur d'un cadre qui devrait
être défini.
M. Leduc (Fabre): D'accord. Vous êtes donc favorables,
malgré tout, à ce que les parents soient majoritaires au sein du
conseil d'école.
Ma deuxième question a trait à la commission scolaire.
Plusieurs organismes sont venus nous proposer une formule paritaire ou une
formule de participation des parents au conseil d'administration de la
commission scolaire. Les parents participent actuellement, ils sont deux, je
crois, présents à la commission scolaire. Est-ce que vous avez
réfléchi à cette formule? Qu'est-ce que vous
préconisez au niveau du conseil d'administration de la commission
scolaire?
Mme Ducharme-David: Notre milieu est d'accord avec le projet de
loi 40 sur ce sujet.
M. Leduc (Fabre): D'accord, merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Fabre.
Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: C'est en fait une question qui fait suite
à celle du député de Fabre, ça ne prendra qu'un
instant. J'aurais aimé faire des commentaires. Je vous remercie de votre
mémoire. Si la commission me le permet, je serai très
brève, ma question porte sur le conseil d'école.
Le Président (M. Blouin): Très bien,
rapidement, Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, à une question du
député de Mille-Îles, vous avez dit: II nous paraît
essentiel que les enseignants soient membres du comité d'école.
Par contre, dans votre proposition, vous demandez qu'ils soient invités.
N'y a-t-il pas une contradiction? Je comprends ce que le ministre a
expliqué hier, il a dit: Moi, je ne les ai invités que parce
qu'ils ont boudé mon comité d'orientation. Mais la CEQ a
laissé entendre que, cette fois-ci, peut-être qu'elle ne bouderait
pas si... Est-ce que vous seriez prêts à accepter un certain
nombre d'enseignants qui ne seraient pas majoritaires, parce qu'on garderait
les parents majoritaires - ce serait une obligation imposée par la loi -
dans la proposition du conseil d'école, ou si vous
préférez les garder comme des invités qui viendront ou qui
ne viendront pas?
Mme Ducharme-David: Je répète, encore une fois, que
nous désirons, nous voulons que les enseignants soient dans le conseil
d'école. J'ai vécu, moi aussi, cette période de conseil
d'orientation où ils n'ont pas voulu participer. Maintenant, si on le
définit dans la loi et qu'ils décident de ne pas y participer, on
peut se retrouver encore avec quelque chose qui ne fonctionnera pas et les
enseignants ne seront pas là. Je pense que s'ils sont invités,
ils vont venir parce que les parents et les autres agents désirent
qu'ils soient là. Finalement, ils y seront, les enseignants.
Mme Lavoie-Roux: Si le ministre recevait des indications de la
part de la CEQ qu'ils y seraient, vous ne seriez pas opposés à ce
que ce soit de fait dans la loi, que cela fasse partie de la composition du
conseil d'école?
Mme Ducharme-David: Nous sommes d'accord.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de L'Acadie.
Puisque le groupe ministériel dispose encore d'une période
de cinq minutes, je sais que le député de Chauveau
désirait intervenir rapidement.
M. Brouillet: Ce sera très rapide, je ne croirais pas
utiliser les cinq minutes. Je vais m'en tenir à un aspect très
particulier de l'argumentation, je ne veux pas tout reprendre ce qui a
été dit. On fait souvent allusion aux sondages qui ont
révélé qu'une majorité de parents ne semblaient pas
intéressés à participer à un conseil d'école
décisionnel. Pour tout dire, ils n'en veulent pas.
Je vous pose la question suivante: Si on faisait le même sondage
auprès de l'ensemble des citoyens - parce qu'on s'appuie sur cela pour
dire: laissons plutôt l'ensemble des citoyens décider et la
commission scolaire sera décisionnelle - qui ont à voter par le
suffrage universel pour élire les représentants de la commission
scolaire, sondage leur demandant: "Combien parmi vous seraient
intéressés à participer au pouvoir décisionnel
à la commission scolaire?", pensez-vous que les résultats
seraient beaucoup plus positifs que dans le cas des parents au niveau du
conseil d'école?
Mme Ducharme-David: Je crois que cela restera encore un certain
pourcentage de personnes de la population qui sont très
intéressées par l'éducation qui voudront participer
à ça, comme aux autres services qu'on a mentionnés
tantôt.
M. Brouillet: Quand nous voyons les mises en candidature de
citoyens pour siéger aux conseils d'administration des commissions
scolaires, finalement il y en a très peu. Il en a même les trois
quarts qui sont réélus sans opposition. Je crois que nous ne
pouvons pas nous appuyer sur cet argument pour refuser aux parents le pouvoir
décisionnel dans l'école parce qu'à ce moment-là il
faudrait le supprimer à bien d'autres endroits. Très bien.
Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Chauveau. Au nom de tous les membres de cette
commission parlementaire, je voudrais remercier les représentants du
Comité de parents de la commission scolaire Saint-Exupéry de leur
participation aux travaux de cette commission et, sur ce, la commission
élue permanente de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à
15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 7)
(Reprise de la séance à 15 h 2)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames, messieurs, la commission élue permanente de
l'éducation reprend ses travaux. Cet après-midi nous entendrons
d'abord les représentants du Département des sciences religieuses
de l'Université du Québec à Montréal et ensuite la
Commission des écoles catholiques de Montréal.
Selon l'entente conclue entre les partis, nous accorderons au premier
groupe invité une heure de présentation et d'échanges et
au deuxième groupe invité deux heures de présentation et
d'échanges.
Sans plus tarder, je demande aux représentants du
Département des sciences
religieuses de l'Université du Québec à
Montréal de bien vouloir d'abord s'identifier et de nous livrer en une
vingtaine de minutes le contenu de leur mémoire.
M. Rousseau (Louis): M. le Président...
Le Président (M. Blouin): Un instant, s'il vous
plaît! Puis-je demander à nos invités de bien vouloir
gagner leur siège? S'il vous plaît! M. le député de
Bourassa.
Alors, merci beaucoup. Très bien, allez- y.
Département des sciences religieuses de
l'UQAM
M. Rousseau: M. le Président, honorables membres de
l'Assemblée nationale, permettez-moi de me présenter. Mon nom est
Louis Rousseau, je suis le directeur du Département des sciences
religieuses de l'Université du Québec à Montréal.
M'accompagne mon collègue, Eric Volant, professeur au même
département.
Le Département des sciences religieuses de l'Université du
Québec à Montréal souhaite faire entendre son opinion aux
membres de la commission parlementaire de l'éducation à
l'occasion de l'étude du projet de loi 40 parce qu'il estime de sa
responsabilité sociale de contribuer à l'élargissement et
à l'approfondissement du débat politique autour de la question
scolaire, à partir de sa propre expertise et au meilleur du jugement des
universitaires qui le composent.
Nous vous présentons, vous le savez déjà, une
opinion rédigée dans le style le plus synthétique
possible. Nous croyons avoir compris qu'à propos de la présence
de la religion à l'école, le projet de loi 40 a réussi
dans sa longue phase d'élaboration à trouver une base d'entente
entre les grands partenaires institutionnels: les Églises, l'Opposition
libérale et le gouvernement. Dans ce contexte, faire entendre un point
de vue qui se forme sur une analyse différente de la
réalité peut sembler un acte futile, sans conséquences
politiques prévisibles; mais nous nous sommes dit qu'il faisait partie
de notre responsabilité d'universitaires de soumettre respectueusement
à la réflexion des élus du peuple les
éléments essentiels de notre compréhension de la
réalité socioculturelle du Québec actuel telle qu'elle
peut apparaître à des spécialistes de l'étude de la
religion. Nous comptons, bien sûr, sur vos questions pour fournir les
développements jugés nécessaires.
Depuis 1969, date de fondation de notre département, nos travaux
de recherche comme notre enseignement visent à éclairer la
nature, les fonctions et les significations des différentes traditions
religieuses de l'humanité dans une perspective faite à la fois
d'ouverture sympathique et de distance critique à l'égard des
manifestations de cette dimension fondamentale de la destinée humaine,
ici comme ailleurs, aujourd'hui comme dans le passé.
Cette approche non confessionnelle et scientifique constitue une
réponse de nos sociétés occidentales à la prise de
conscience d'une diversité évidente des conceptions du monde et
des manières concrètement élaborées pour relier les
individus et les groupes, par des symboles et des rites, aux situations limites
qui marquent la condition humaine.
Comme il s'agit là d'une expertise que l'histoire confessionnelle
encore récente du Québec n'a pas distribuée très
largement sur notre territoire et qui pourtant, nous semble-t-il, dispose d'une
grande pertinence pour l'éclairage de la difficile question de la place
de la religion et de la morale dans la réforme scolaire projetée,
nous osons soumettre aux membres de la commission un ensemble d'opinions
portant sur l'aménagement de la présence de la religion à
l'école.
Disons, tout d'abord, notre accord avec plusieurs des principes de base
qui fondent ce projet de loi. L'affirmation que l'école
québécoise est publique et commune, qu'elle peut intégrer
dans son projet éducatif les valeurs de la communauté à
laquelle elle dispense des services doit, à juste titre, servir de
référence première. L'accent nouveau mis sur la
participation des parents, des éducateurs professionnels et des
étudiants pourra sans doute corriger le centralisme
déploré depuis quelques années et rapprocher de la base
cet instrument culturel majeur qu'est l'école.
Notons enfin l'heureuse reconnaissance du critère linguistique
qui permettra de tirer le meilleur parti de notre héritage historique.
Nous nous abstiendrons toutefois de commenter dans le détail la mise en
oeuvre de ces principes, sauf celui qui a trait à l'intégration
des valeurs et des enseignements religieux dans l'école publique
à propos duquel nous croyons mal avisée, incohérente et
source de tensions endémiques l'orientation souhaitée par le
projet gouvernemental, même si elle tire une efficacité politique
réelle du quasi-concordat qui l'a précédé.
Notre opinion se fonde, premièrement, sur le statut observable de
la religion dans la société québécoise actuelle,
deuxièmement, sur une compréhension des principales fonctions du
religieux dans la vie humaine, et, troisièmement, sur une certaine
conception de l'école publique.
Ce n'est pas le lieu, ici, de brosser le portrait historique de la
société québécoise qui s'est construite très
largement, depuis le milieu du XIX siècle tout particulièrement,
à l'intérieur de l'univers des symboles, des
rites, des valeurs qu'articulait le clergé catholique. Que le
Québec ait pris alors le visage d'une Nation-Église quasi
unanime, cela fait partie de notre héritage; mais la situation actuelle
de même que l'avenir prévisible n'ont plus grand-chose à
voir avec cette phase de notre passé que le présent projet de loi
entend malheureusement, à certains égards, perpétuer.
Force nous est bien de reconnaître que l'Église catholique
ne joue plus ce rôle de pourvoyeuse de significations fondamentales et de
hiérarchie de valeurs où se fabriquait le consentement de la
majorité. Des phénomènes bien connus comme la
montée d'une nouvelle classe de définisseurs oeuvrant au sein de
l'État et de l'économie, l'ouverture aux valeurs et aux visions
du monde issues de l'environnement industriel et postindustriel, la partition
entre le domaine du public et celui du privé où se cherchent
présentement les nouvelles cohérences, tout cela dont
l'Église catholique comme les Églises protestantes ont à
la fois subi le contrecoup et souvent accéléré le
déroulement, a fragmenté la société
québécoise et mené à une crise des fondements
individuels et sociétaux que nul message unique n'a, semble-t-il, la
force de résoudre.
Dans cette conjoncture de véritable crise spirituelle qui ne se
résorbera pas au même rythme que celle de l'économie, on ne
risque pas de se tromper beaucoup si on affirme que les recherches
individuelles de sens et d'orientation du comportement s'effectueront pour une
large part dans le domaine spirituel traditionnellement occupé par les
religions. De même, la vie sociale s'enrichira de la contribution aux
débats portant sur ses finalités des différents groupes
porteurs de visions du monde. Loin donc, pensons-nous, de disparaître,
cette dimension de la vie humaine connaît présentement et
connaîtra probablement encore davantage dans un proche avenir une
montée de sa pertinence. Mais - et c'est là l'essentiel - la
caractéristique la plus importante de la réalité
religieuse contemporaine et celle que le législateur, à notre
avis, doit dès maintenant enregistrer dans sa loi, tient à
l'extrême diversité de ses manifestations du renouveau religieux.
La singularité du Québec à cet égard, parmi les
sociétés occidentales où ce processus est en marche depuis
le début des temps modernes, réside dans le caractère
récent et extrêmement rapide du processus de pluralisation
religieuse qui explique d'ailleurs que certains individus et certaines
institutions n'aient pas encore sérieusement enregistré sa
présence irréversible.
Quel doit être, dans ce contexte que nous venons rapidement de
décrire, le rôle de l'école publique dont l'État
assume la responsabilité à titre d'instrument majeur de la
production et de la reproduction de notre société? On conviendra
sans doute aisément que l'école publique ne doit pas servir
à fragmenter encore davantage une société
déjà suffisamment éclatée. À l'autre
extrême, il est tout aussi évident que l'école publique ne
peut se donner pour tâche d'unifier de force les citoyens par un
embrigadement idéologique systématique dont on rechercherait
d'ailleurs bien en vain la ou les sources de référence
efficaces.
Nous pourrions énoncer pour notre part la finalité
spécifique de l'école publique dans la dimension que nous
abordons dans ce mémoire, en parlant d'un instrument collectif cherchant
à promouvoir la coexistence simultanée et constructive des
diverses recherches de significations fondamentales et des diverses
réponses véhiculées par les groupes porteurs de
cohérences qui font la richesse de notre société
pluraliste actuelle. Voilà le sens, M. le Président, que nous
donnons à l'ouverture de l'école québécoise aux
valeurs religieuses. Il s'ensuit cependant dans notre esprit une mise en oeuvre
cohérente fort différente de celle du projet de loi et dont nous
ne pourrons soumettre ici qu'une ébauche suggestive, tant le projet
soumis à l'étude semble obéir à une tout autre
logique inspirée, me semble-t-il, davantage par les rapports de forces
d'une négociation entre institutions sociales que par une analyse
rigoureuse de l'état de notre société. Si l'école
publique et commune de l'avenir doit promouvoir la coexistence au sein d'une
société pluraliste, alors il va de soi qu'elle ne peut confier
l'espace de la vie spirituelle et religieuse à aucune communauté
confessante particulière, fût-ce celle d'une majorité tant
à l'échelle nationale qu'à l'échelle locale. (15 h
15)
Par sa définition même, une confession religieuse ou un
groupe spirituel est prosélyte et on ne peut lui confier la
responsabilité de promouvoir la coexistence des multiples
démarches qui, du point de vue d'un Etat démocratique moderne,
ont a priori une égale valeur. La déconfessionnalisation
proposée dans le projet est un pas dans le bon sens, mais celui-ci se
trouve rapidement annulé par un train de mesures contraires qui nous
mènent inéluctablement à des guerres de religion qui, pour
se dérouler à l'échelle locale, auront encore plus de
violence et déchireront encore plus les réseaux de
solidarité locale que les grandes batailles opposant les appareils
d'État aux grands appareils d'Église.
L'école publique et commune ne peut appartenir à la
majorité religieuse sans trahir sa vocation de servir d'instrument de
promotion d'une société qui s'entend au moins sur un certain
nombre de valeurs démocratiques comme celles d'égalité de
tous les citoyens, de liberté de conscience, de
justice et de dialogue. Le critère de la majorité, s'il a
pu servir autrefois sans trop d'injustice, ne peut absolument plus guider le
législateur qui doit s'inspirer du principe de l'égalité
absolue des droits. L'article 103 de l'actuel projet de loi, par exemple, qui
oblige ceux qui ne sont ni catholiques, ni protestants, en quelque sorte,
à payer deux fois pour l'enseignement religieux qu'ils désirent,
illustre bien l'impasse d'une mise en oeuvre fondée sur une
problématique majorité-minorité.
Nous proposons donc une déconfession-nalisation complète
de l'école québécoise publique. La transmission et la
diffusion des cohérences spirituelles et religieuses appartiennent aux
groupes ou communautés porteuses qui devraient toutes avoir le courage
d'assumer elles-mêmes, sans s'appuyer lourdement sur l'État, cette
composante de leur vie qui contribue à la richesse de notre
société. Par ailleurs, délestée de son rôle
catéchétique, l'école publique devrait, dans le cadre de
ses activités visant le développement de la personne, promouvoir
la sensibilisation et la connaissance des univers de signification et
d'orientation de l'action qui vivent dans notre société afin
d'éduquer les jeunes dans le respect des autres et d'eux-mêmes, de
leur indiquer des pistes possibles de croissance tout en s'abstenant de
privilégier de façon unique un ensemble de croyances et de
valeurs particulières, car c'est là le rôle des parents,
des groupes et des communautés qui fabriquent des segments de l'opinion
publique en société pluraliste.
On s'opposera, bien sûr, en disant tout de suite qu'une pareille
approche de la dimension religieuse est impossible. Nous répondrons
qu'elle n'est pas facile et qu'elle requiert une identification très
claire des nouveaux objectifs et une préparation adéquate du
personnel enseignant et des outils pédagogiques. Même difficile,
elle demeure, selon nous, tout à fait réalisable. Plusieurs
universités préparent des enseignants aptes à ce type
d'approche qui se fonde sur l'acquis de disciplines déjà
centenaires, solidement établies comme l'histoire des religions, la
phénoménologie, l'anthropologie, la sociologie et la psychologie.
Depuis la fin des années soixante, les programmes scolaires de la fin du
secondaire ouvrent la place à une approche dite de "culture religieuse",
à côté des programmes de cathéchèse et de
morale. Il y a là un acquis, une expérience très riche que
le Québec est pratiquement le seul à avoir tenté. Mais
hélasl c'est un acquis demeuré très marginal et,
d'ailleurs, semble-t-il, qu'au ministère de l'Éducation, l'on
s'apprête à le faire disparaître de la scène comme le
souligne d'ailleurs, en le déplorant, le mémoire
présenté conjointement par trois universitaires de Laval, de
Sherbrooke et de l'UQAM, qui dirigent des programmes de formation.
Des expérimentations en cours tendent toutefois à montrer
que, dès le niveau de l'école primaire, des activités
d'éveil et d'apprentissage sont possibles dans l'esprit que nous avons
présenté pour éduquer les jeunes et favoriser leur
croissance en milieu pluraliste. Il en va de même, d'ailleurs, dans le
domaine de l'animation pastorale dont le mandat pourrait être
redéfini pour s'ajuster à une école publique et commune
non confessionnelle et seconder ainsi les démarches d'exploration et
d'engagement des jeunes, en-deçà, toutefois, d'une
décision confessionnelle personnelle. On n'a qu'à penser, par
exemple, au rôle essentiel que pourraient jouer, au niveau secondaire,
des animateurs de vie étudiante qui aideraient les jeunes à
clarifier leur démarche dans la jungle des messages religieux et
spirituels de toutes sortes qui les sollicitent en tous sens et qui
inquiètent tellement des parents démunis devant un pareil
éventail que rien ne les a préparés à
comprendre.
Nous recommandons donc que la restructuration de l'école
québécoise, pour la rendre conforme à sa vocation
d'école publique, commune et démocratique, rejette la
problématique majorité-minorité qui inspire le
présent projet de loi et instaure partout des écoles non
confessionnelles.
Nous proposons que cette école non confessionnelle
intègre, selon des modalités spécifiques à chaque
niveau, un enseignement à visée humaniste qui initie les jeunes
citoyens et citoyennes à la variété des univers religieux,
aux fonctions et aux significations de ces visions du monde qui orientent et
fondent l'action.
Nous proposons de refuser la nouvelle polarisation qui semble
s'établir entre, d'une part, l'enseignement civique de la morale et,
d'autre part, l'enseignement théologique chrétien qui sous-tend -
cette polarisation -l'ensemble de l'actuel projet de loi. La formation morale
et l'initiation au phénomène religieux, comme nous les avons
décrites, devrait faire partie du curriculum commun de tous les jeunes
citoyens et citoyennes.
Nous proposons que l'éducation de la foi, par le moyen de
l'enseignement catéchétique et de l'animation pastorale, soit
reconnue comme du ressort et de la responsabilité des communautés
porteuses des visions religieuses du monde et ne puisse faire partie des
objectifs de l'école publique.
Nous proposons enfin que, dans la perspective d'une ouverture
démocratique aux valeurs religieuses, l'école publique, au moyen
d'un personnel d'animation adéquatement formé, soit attentive aux
démarches de recherche de sens et de valeurs de ses
étudiants.
Le mémoire que nous soumettons à la
commission parlementaire, dans l'espoir de pouvoir ainsi contribuer
à la difficile recherche qui est la sienne, propose donc que l'on
remette en chantier l'ensemble des propositions du projet de loi 40 qui touche
à la religion. Notre société pluraliste sera mal servie
par des demi-mesures et des compromis interinstitutionnels qui voilent,
hélas, des données cruciales de la situation. Il ne suffit pas de
séparer les cours de religion des cours de morale pour contribuer
à construire l'école publique qui servirait positivement la
coexistence des diverses recherches de significations fondamentales qui
préparent sans doute, pour le très long terme, la sortie de nos
sociétés occidentales de leur crise spirituelle actuelle. Je vous
remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Rousseau.
J'indique tout de suite que chacune des formations politiques disposera d'une
période de 20 minutes pour procéder aux échanges avec nos
invités. M. le ministre.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier bien sincèrement le
Département des sciences religieuses de l'Université du
Québec à Montréal pour le mémoire qu'il vient de
nous présenter. Comme je l'ai déjà dit à vos
confrères de l'Université McGill qui représentaient la
Faculté des sciences de l'éducation, je me réjouis
particulièrement que nos universités se soient
intéressées au projet de loi 40 suffisamment et à ce point
que ce projet leur ait donné le goût, le désir et la
volonté de venir éclairer la commission parlementaire de leur
savoir et de leur expertise.
Le mémoire que vous avez présenté est de
très haute tenue, mais il n'en demeure pas moins important car, si nous
acceptions les principes sur lesquels se base votre intervention, les
conséquences concrètes qui en résulteraient pour une des
charnières les plus importantes du projet de loi, c'est-à-dire
celui de la confessionnalité, en seraient considérables. C'est
là-dessus que je voudrais faire porter effectivement mon
intervention.
En passant, vous affirmez, d'entrée de jeu, votre accord avec
plusieurs des principes de base qui fondent le projet de loi 40, entre autres
le caractère public et commun de l'école, le projet
éducatif local, le rôle accru des parents et de
l'équipe-école, les commissions scolaires linguistiques.
Cependant, vous marquez aussi, et avec moult arguments à l'appui,
votre désaccord quant aux aménagements de la
confessionnalité que le projet propose.
Une majorité de parents exigent pourtant, avec non moins de force
et de conviction, le droit pour leurs enfants de recevoir à
l'école un enseignement religieux de qualité tout en
reconnaissant, sans équivoque, les droits individuels à la
liberté de conscience. C'est là la teneur de plusieurs
mémoires que nous avons entendus ou entendrons. Voilà donc ma
question: Comment, à votre avis, pourrait-on concrètement
concilier les attentes légitimes de ces parents avec votre vision de la
réalité religieuse contemporaine et les conclusions que vous en
tirez pour l'aménagement de la confessionnalité à
l'école?
Le Président (M. Blouin): M. Rousseau.
M. Rousseau: Vous me posez sans doute le problème que vous
vous êtes posé d'une façon très sérieuse. Il
me semble évident que la réponse souhaitable ne peut,
hélas! être une solution dont le déclenchement serait, par
exemple, pour dans six mois. Nous avons à cet égard, tout le
monde, toute cette société, à faire face à une
espèce de façon de définir le problème de la
présence de la religion à l'école qui, depuis, ma foi, le
début de la révolution tranquille a très peu
évolué. Après les quelques années tapageuses du
Mouvement laïc de langue française dont, enfin, ceux qui ont mon
âge et plus se souviennent, la chose est comme tombée dans
l'oubli. Et tant dans l'opinion publique que dans les débats de
l'arène politique, on s'est retrouvé devant une espèce de
polarisation entre, d'une part, une formule de présence de la religion
à l'école qui appartenait à un état
déjà dépassé de notre société mais
auquel on tenait absolument et que l'Église catholique elle-même
définissait comme la solution essentielle, celle qu'il fallait à
tout prix soutenir et, d'autre part, un groupe beaucoup moins important qui,
par antithèse en quelque sorte, soulignait qu'il ne faut absolument rien
avoir à faire avec la religion à l'école. Or, si vous avez
remarqué, la solution que nous proposons ne se situe ni d'un
côté ni de l'autre. C'est même un des motifs de
questionnement que nous avons à l'égard du projet que,
malgré lui en quelque sorte, avec sa double option:
cathéchèse d'un côté et morale laïque de
l'autre, il se retrouve prisonnier d'une espèce d'opposition que nous
trouvons non conforme à la situation de fait de la religion dans notre
société.
Il me semble donc qu'il aurait fallu et qu'il faudrait imaginer
dès maintenant une stratégie graduelle, mais l'ayant
déjà en tête, préparer les conditions
législatives pour qu'elle devienne effectivement réalisable
lorsque les mentalités auront suffisamment évolué; une
solution dont je crois en toute simplicité qu'elle devrait tenir compte
en tout cas d'éléments importants que nous avons apportés
dans notre mémoire.
Nous risquons de nous retrouver, hélas, dans une situation de
guerre à cet égard dans bien des écoles - et je le
déplore
vivement - qui ne peut que dégoûter bien des gens de la
religion elle-même et des institutions ou des groupes qui militent en
toute bonne foi et bonne conscience pour son importance et sa vitalité.
Alors que l'école publique ne devrait pas être le lieu où
l'on se battra, je crains fort, compte tenu de ce que nous connaissons de
l'organisation des groupes qui soutiennent des positions fortes à cet
égard et qui ont des organisations ramifiées partout à la
base, que redonner du pouvoir à la base est aussi redonner un territoire
de bataille et le multiplier par... (15 h 30)
Je ne veux pas prendre partie pour une solution défendue par un
parti ou un autre, mais j'essaie d'imaginer la situation que nous connaissons
tous. Or, il me semble qu'une des façons, en tout cas, d'aider pour que
le combat ne commence pas c'est de nous orienter vers un traitement du
religieux à l'école qui s'établisse à partir d'une
espèce de règle démocratique que les différentes
traditions spirituelles peuvent et doivent coexister sans qu'une
majorité s'instaure immédiatement en dominant et crée les
marginaux, c'est-à-dire les autres.
Je n'ai pas de suggestion empirique législative à cet
égard. Jusqu'à maintenant, dans tout ce que j'ai vu - des travaux
qui sont courageux - on se dirige vers une autre forme de courage, mais qui
voit venir en avant de nous ou qui promeut une école publique ayant
franchement comme objectif de permettre à la richesse d'une
société pluraliste de coexister. C'est peut-être le
leitmotiv de notre réflexion là-dessus; c'est notre
théorie politique de l'école vue dans sa dimension religieuse.
Là-dessus, nous pourrions innover. Je crois que nous avons des
conditions qui nous permettraient de faire une expérience que peu
d'autres pays ont tenté de faire.
M. Laurin: Merci beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Rousseau.
Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. Rousseau, il me fait plaisir de vous rencontrer pour
la discussion d'un des sujets les plus difficiles auxquels doivent faire face
les autorités politiques lorsqu'elles traitent d'éducation. J'ai
pris connaissance avec intérêt du mémoire que vous avez
préparé à l'intention de la commission parlementaire. Je
pense que, d'un point de vue logique, vous énoncez clairement les
problèmes qui découlent de l'approche retenue par le
gouvernement. Il y a d'autres approches qui auraient également
débouché sur des problèmes. Ce n'est pas un reproche que
je fais au gouvernement, comme s'il avait choisi l'unique voie qui
n'était pas la bonne. Personne ne connaît la voie parfaite dans ce
domaine.
La voie que vous proposez a l'avantage d'être logique, mais elle a
l'inconvénient, comme l'a laissé entendre le ministre de
l'Éducation tantôt, d'être très difficile
d'application et très difficilement conciliable avec les opinions que
nourrissent encore de très nombreux éléments de la
population. Déjà, depuis le début des travaux de la
commission parlementaire, nous avons vu défiler devant nous un certain
nombre de groupes et je crois que la majorité des groupes qui ont
traité de cette question a insisté pour que des
éléments clairs soient inscrits dans la loi garantissant que les
droits des familles en matière religieuse, philosophique ou morale
soient respectés dans le projet de loi.
En relisant votre mémoire, savez-vous, il me vient des souvenirs
à l'esprit. La solution proposée, si on prend cela dans un cadre
plus large, ce n'est pas tellement loin de ce qu'on a vu en France depuis le
début du siècle, abstraction faite du contexte historique
particulier dans lequel a pris naissance cette politique en France. Je pense
que, fondamentalement, c'est ce que voulaient faire les gens qui ont
créé l'école laïque en France. Les milieux
catholiques là-bas ne se sont jamais complètement
réconciliés avec cette orientation. C'est tellement vrai
qu'encore aujourd'hui, dans les écoles, au niveau de l'enseignement
primaire et secondaire en France, je crois que 20% de la population envoie ses
enfants dans les écoles privées catholiques et a réussi,
par la force de son poids politique à obtenir que l'État,
nonobstant ses théories logiques, soit obligé de lui verser des
subventions. Comme vous le savez, le gouvernement actuel en France a voulu
faire une réforme qui viserait surtout, selon ce que j'ai compris,
à incorporer dans le système public le personnel des institutions
privées et est obligé de s'astreindre à des
négociations extrêmement difficiles.
On pourrait parler de l'exemple des États-Unis qui est une autre
forme d'expérience montrant que la solution purement logique ne donne
pas satisfaction à des éléments très nombreux de la
communauté catholique en particulier. Comme ici, nous sommes une
société qui a été historiquement catholique, je ne
pense pas qu'on pourrait envisager de franchir un pas comme celui que vous nous
proposez dans un avenir prévisible. C'est là la manière
dont nous sommes portés à voir cette question de ce
côté-ci de la table de la commission parlementaire. Nous voulons
que le Québec continue à chercher, d'une manière plus
positive, à reconnaître le rôle dynamique que les valeurs
religieuses peuvent jouer à l'intérieur de nos écoles.
La conception que vous présentez est une conception qui
m'apparaît - je dirais le
mot bien simplement - réductrice par rapport à
l'idéal que les milieux catholiques ont généralement
proposé dans ces matières. Comme le gouvernement devra tenir
compte de l'ensemble des opinions qui s'expriment sur cette question, je serais
étonné qu'il puisse aller jusqu'au bout et le proposer.
Je conçois, d'autre part, que le projet de loi devant lequel nous
sommes va créer des difficultés. Nous en avons prévenu le
gouvernement. Nous trouvons, nous aussi, que les mécanismes
proposés dans le projet de loi laissent beaucoup à
désirer. Dans cet esprit, je relis ce que vous avez écrit en
conclusion de votre mémoire. Vous dites que vous aimeriez proposer au
gouvernement de remettre en chantier l'ensemble des propositions du projet de
loi 40 qui touchent la religion. Notre société, ajoutez-vous,
notre société pluraliste sera mal servie par des demi-mesures et
des compromis de caractère institutionnel qui nous voileraient des
données cruciales de la situation. Il ne suffit pas de séparer
les cours de religion des cours de morale pour contribuer à construire
l'école publique qui servira positivement la coexistence des diverses
recherches de la signification fondamentale qui préparent sans doute...
Quelle est la portée de cette proposition que contient le dernier
paragraphe de votre mémoire? Est-ce que cela veut dire que vous aimeriez
mieux qu'avant de légiférer dans le sens défini dans le
projet de loi 40, le gouvernement se remette à l'ouvrage avec les
milieux intéressés et consacre un certain temps à
rechercher un compromis plus substantiel aux formules qui sont proposées
dans le projet de loi 40?
Le Président (M. Blouin): M. Rousseau.
M. Rousseau: En réponse directe à votre question,
M. Ryan...
Le Président (M. Blouin): Nous allons suspendre les
travaux pour une ou deux minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 38)
(Reprise de la séance à 15 h 43)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nos invités et les membres de la commission qui sont au salon
rouge comprennent très bien ce qui se passe. Actuellement, d'importants
travaux de réparation sont effectués aux abords du salon rouge
où nous siégeons actuellement. C'est ce qui nous a obligés
à suspendre nos travaux. Il y avait des bruits persistants vraiment trop
forts et nous ne pouvions plus entendre les témoignages de nos
invités. On nous indique que les bruits subséquents devraient
être moins intenses.
M. Rousseau, vous avez la parole.
M. Rousseau: En réponse à votre question, M. Ryan,
il me semble qu'une partie des mesures contenues dans le projet de loi 40 qui
touchent à la confessionnalité pourraient, sans effet
préjudiciable, me semble-t-il, être mises en oeuvre dans des
délais assez courts. Je songe en particulier à l'option
très large pour des commissions scolaires linguistiques plutôt que
confessionnelles. Je ne crois pas qu'en touchant à cet aspect des
choses, nous nous engagions collectivement dans une espèce de
cul-de-sac. Je crois qu'il y a un large consensus... Vous êtes ceux qui
allez analyser ces choses. Vu de mon simple point de vue de citoyen, il me
semble que cet aspect qui touche à la confessionnalité pourrait
être mis en oeuvre.
Je suis, par ailleurs - je dis "je", représentant ici l'opinion
de mes collègues -convaincu que, si d'une part les négociations
avec les principaux représentants des Églises ont permis
d'aboutir à la formule que nous avons devant nous dans le projet de loi
et qu'à cet égard on peut dire que la négociation a
été faite et bien menée et conduite à terme, je
demeure profondément convaincu que, dans cette approche, l'analyse des
faits réels de notre société, pas simplement l'analyse des
opinions... Dans cette matière, bien sûr, vous devez tenir compte
des opinions. Les gens réclament de moins en moins des commissions
scolaires confessionnelles, de moins en moins des écoles
confessionnelles mais, néanmoins, une majorité d'entre eux - si
je comprends bien les sondages d'opinion - réclame de l'enseignement
religieux à l'école. Voilà!
Je crois que le législateur est obligé d'aller plus loin.
Si on ne veut pas que nos démocraties soient de pures démocraties
d'opinion, il faut quand même poser des questions de principe et analyser
les faits. Or, les faits sociaux réels, me semble-t-il, font en sorte
que l'école catholique ou l'école confessionnelle - c'est le seul
modèle qui ait une certaine cohérence - n'est d'ores et
déjà plus possible. Ceux qui regardent les choses, les
enseignants qui viennent étudier et que nous connaissons, ceux qui ont
des enfants et qui se soucient de la foi se rendent bien compte que cela n'a
rien à voir avec la mauvaise volonté des groupes de professeurs
ou avec de mauvais programmes. Le Québec est peut-être l'un des
pays au monde où l'on a fait le plus d'efforts pour actualiser la
catéchèse. Je crois qu'on n'a pas l'ombre d'une accusation
fondée à diriger contre tous ceux - et ils sont des milliers
-
qui ont travaillé d'arrache-pied pour faire une
catéchèse vraie, efficace, etc., dans nos écoles.
Or, nous savons maintenant que c'est un échec. Cet échec
est dû à quoi? Personne, dans le débat autour de
l'école confessionnelle, n'a fait d'analyse pour savoir comment
fonctionne vraiment la confessionnalité à l'école. Nous en
restons au niveau des principes juridiques formels. C'est là un des
contenus de notre mémoire. Bien sûr, on aurait pu faire la
démonstration et bâtir un long dossier. Ce que je souligne, c'est
qu'on devrait le faire. Demandons aux enfants comment cela se vit, s'ils en
tirent quelque chose. Analysons la façon dont cela fonctionne.
Si nous analysons cela, je pense que d'emblée nous nous rendrons
compte - pour plusieurs d'entre nous, ce sera très triste -qu'à
moins de bâtir une école extrêmement fermée comme
certaines confessions religieuses chez nous en ont la pratique - je ne les
condamne pas, c'est une pratique culturelle que d'avoir une école
très orthodoxe - seulement dans les cas d'écoles que
j'appellerais noviciats, pour ainsi dire, donc le plus étanches par
rapport aux influences externes, alors là, oui, peut-être qu'une
école confessionnelle peut vraiment se vivre.
L'objection que nous avons, entre autres, c'est qu'on peut
définir une école, on peut aménager des structures, sauf
que de fait cela ne fonctionnera pas, nous le savons maintenant. Le produit de
vingt ans d'investissements massifs, et de très belle qualité -
on pourrait faire autre chose, mais on a fait le mieux qu'on pouvait faire
-donne 90% de non-pratiquants chez les étudiants du niveau secondaire.
Bon, vous me direz: La pratique religieuse, ce n'est pas la foi. Je le sais
bien, sauf que c'est quand même un indicateur qu'on ne peut pas
considérer à la légère. L'école, dans nos
sociétés, transmet les valeurs de l'ensemble de la
société et notre société dans son ensemble,
hélasl n'a plus la cohérence de sa culture catholique.
Donc, là-dessus, oui, je crois qu'il ne faudrait pas se
précipiter, modifier immédiatement les structures sans avoir
travaillé, sans avoir fait un gros travail d'opinion publique. Je vous
l'accorde, l'opinion publique n'est pas prête, à ce que demain
matin, le gouvernement prenne notre mémoire et le mette en oeuvre, nous
le savons, mais pourquoi se précipiter trop vite sur cette question?
Le Président (M. Blouin): Nous allons à nouveau
suspendre nos travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 49)
(Reprise de la séance à 15 h 56)
Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît, je
demande à nos invités et aux membres de la commission de regagner
leur siège. Nous allons tenter de poursuivre nos travaux. C'est
probablement la première fois dans l'histoire de ce Parlement qu'un
président de commission parlementaire n'a pas de difficulté avec
les membres, mais avec les marteaux piqueurs. De toute façon, il
était bien convenu entre les partis politiques que, si certains bruits
devaient gêner la poursuite de nos travaux, nous devrions possiblement,
sporadiquement comme cela vient d'arriver - suspendre nos travaux pendant
quelques minutes.
Nous avons essayé de faire le maximum pour que nous puissions
continuer sans trop d'entrave. Évidemment, si cela se reproduisait, de
nouveau, nous devrions suspendre encore pendant quelques minutes. Je croise les
doigts et j'espère que nous pourrons poursuivre nos travaux sans
interruption.
M. Rousseau, je crois que vous avez terminé votre intervention.
M. le député d'Argenteuil désire vous poser une ou deux
questions supplémentaires. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: À la lumière de ce que vous avez dit en
réponse à la question que je vous ai posée, si le
gouvernement allait légiférer maintenant avec cette
mécanique qu'il propose pour toute la question de la
confessionnalité, est-ce que vous trouvez qu'il agirait imprudemment et
est-ce que ce serait mieux, finalement, ou moins mal, qu'il laisse la situation
continuer d'évoluer pendant un certain temps en vue de se donner le
temps voulu pour approfondir davantage le problème et essayer de
créer un consensus plus véritable. Plus on examine les structures
proposées... Savez-vous que depuis le début de la journée
d'hier seulement, il y a cinq organismes qui sont venus dire finalement que,
à l'examen, ils s'apercevaient que cette mécanique va
déboucher sur de gros problèmes. Vous, est-ce que vous trouvez
que ce serait agir imprudemment que de procéder maintenant à la
lumière de ce que vous avez dit?
Le Président (M. Blouin): M. Rousseau.
M. Rousseau: M. Ryan, vous et moi savons ce que signifie le mot
"prudentiel" et vous me faites trembler par votre question. Je répondrai
par un qualificatif plus modeste. Il me semblerait un peu imprudent de nous
engager immédiatement dans cette espèce de dualisme mettant face
à face l'école confessionnelle ou l'activité
catéchétique, d'une part, convenant à l'une ou l'autre des
majorités catholique ou protestante, selon le
cas, versus l'enseignement de la morale. Disons qu'il est clair pour moi
que, ce faisant, nous accepterions que nos écoles divisent les jeunes
citoyens et citoyennes au moment même où nous nous servons de
l'instrument école pour tâcher de les doter d'une civilité,
d'un savoir, d'une culture pour en faire des citoyens d'une même
société. Je ne veux évidemment pas tout
homogénéiser, mais il y a quelque chose de "divisif" et dont
j'imagine les universités ont, aussi, une part des
responsabilités au sens où je dois dire que nous n'avons pas fait
énormément d'efforts de communication pour mettre en circulation
des hypothèses autres. Je comprends, ma foi, le gouvernement de se
retrouver un peu devant des hypothèses semi-bétonnées - si
vous me permettez l'expression - qui paraissent claires, mais qui, ma foi,
résisteront mal, me semble-t-il. Encore qu'il y ait dans le projet de
loi des possibilités d'évolution. C'est-à-dire qu'il y a
des possibilités d'évolution, si on regarde bien ce projet de
loi.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Rousseau. M. le
député de Chauveau.
M. Brouillet: Merci, M. le Président. Messieurs, je pense
que votre mémoire nous amène à réfléchir sur
des questions assez fondamentales comme, par exemple, la place du
phénomène religieux dans la vie de l'humanité et dans la
vie de chaque individu. Vous vous référez à une situation
de pluralisme généralisé dans la façon dont vous
interprétez le monde contemporain pour dire que, finalement, il ne faut
pas que les organismes publics puissent servir d'instruments à l'une ou
l'autre de ces conceptions pour tâcher de la promouvoir ou de la faire
connaître au nom de la liberté de conscience, de la liberté
de pensée, du respect mutuel et de la tolérance
réciproque. Ce sont là, certes, des valeurs, des observations et
des concepts profonds qui méritent considération.
De là, vous concluez, par rapport au projet de loi, qu'il
faudrait décon-fessionnaliser complètement l'école au
Québec. Je pense qu'on ne peut pas aborder le problème de la
confessionnalité ou de la non-confessionnalité de l'école
d'une façon trop abstraite. Il faut vraiment la situer à
l'intérieur du contexte socioculturel bien particulier qu'est celui du
Québec. J'ai certaines réserves sur l'interprétation de la
situation québécoise. Il est vrai que le pluralisme, dont vous
avez fait état, existe. Mais vous avez dit aussi que les jeunes se
trouvent un peu perdus, que les jeunes flottent à gauche et à
droite, qu'ils ne savent plus trop où donner de la tête, qu'ils ne
savent pas trop à quel sens profond se rattacher. Je crois que ce n'est
pas le lot, si on fait une étude psychologique de l'évolution de
l'être humain, des jeunes au primaire et une partie du secondaire.
Peut-être que cela commence un peu plus tard quand le jeune est beaucoup
plus en contact direct avec l'ensemble de la société par le biais
des médias. Je pense que dans la vie, on commence par croire quelque
chose assez fermement et que c'est en cours d'existence que, finalement, se
pose la remise en question de notre croyance.
Quant à votre approche du phénomène religieux, si
vous le généralisez à tout âge, il faudrait,
dès qu'on prend un enfant en bas âge, éviter de lui dire
que c'est ce qu'il faut croire mais lui dire plutôt qu'on peut croire
à beaucoup de choses: Regarde tout cela et attends; au cours de ton
existence, tu verras un jour ou l'autre où te brancher. C'est pourquoi
je pense qu'il faut faire une distinction entre le primaire, le secondaire, le
cégep et l'université, dans l'approche du phénomène
religieux. Assez généralement et globalement, dans notre
société, dans plusieurs milieux et peut-être plus dans les
milieux moins cosmopolites que Montréal, il y a quand même un
certain rattachement de l'ensemble de la population à certaines valeurs
religieuses. Alors quand vous dites qu'il faut faire une distinction entre
l'école et le rôle des parents, je crois qu'il est difficile de
faire cela au primaire et au secondaire. Demander à des parents, qui
sont les premiers responsables de l'éducation, qui ont des croyances, de
s'abstenir de vouloir transmettre ces croyances aux jeunes, leur dire que
l'école va les situer dans un univers de pluralité où on
va dire aux enfants beaucoup de choses comme: Attendez et vous verrez plus tard
ce à quoi vous croirez, c'est difficile. Il est difficile de demander
cela à des parents et au comité d'école. Vous reconnaissez
que le comité d'école est composé de parents et que ce
comité peut aussi introduire des valeurs et dire à ces parents,
qui ont des enfants de sept, huit ou neuf ans, quand il est question du projet
d'école: Attention! faites abstraction de vos croyances pour analyser
cela. Je crois qu'à ce niveau, c'est un peu difficile de séparer
ainsi les champs ou les secteurs ou les lieux d'éducation.
Ce sont des considérations un peu préliminaires, mais je
crois que le problème de la confessionnalité de l'école,
tel qu'on l'a dans le projet de loi, se pose à trois niveaux. Il y a le
problème des cours d'enseignement religieux donnés à
l'école. Ces cours sont rattachés au choix, à l'option. On
n'impose pas les cours. Il y a donc une évolution considérable.
Il y a un certain temps, tous les jeunes devaient suivre des cours de religion
confessionnelle. Maintenant, c'est libre. Il n'y a que ceux qui y croient, qui
s'inscriront librement au cours qu'on leur donne. C'est un premier point. Le
deuxième point est le projet éducatif. Est-ce que, dans
le projet éducatif, on va introduire ou non des valeurs
religieuses?
L'autre niveau, c'est la reconnaissance officielle, l'étiquette
catholique ou non; c'est un autre niveau. Vous semblez dire que, sur ces trois
plans, il faut déconfessionnaliser. Il y a des distinctions à
faire. Dans une société où une bonne partie des gens sont
de confession religieuse protestante ou catholique - cela couvre une grosse
majorité - pourquoi ne laisserait-on pas aux parents et aux enfants - le
droit de recevoir dans le cadre de l'école des cours qu'on n'impose pas?
C'est libre. C'est un premier point.
Si on reconnaît aux parents la légitimité
d'élaborer un projet éducatif dans le milieu, avec des valeurs,
pour des enfants d'âge scolaire aux niveaux primaire et secondaire,
pourquoi imposerait-on à ces gens d'exclure systématiquement
toutes les valeurs religieuses dans le projet? Ce sont deux niveaux. Je
reconnais avec vous que le troisième niveau pose un autre genre de
difficulté, la reconnaissance officielle du caractère catholique
pour une école qui, par ailleurs, se veut commune et ouverte à
tout le monde. C'est un autre niveau de difficulté, mais j'aimerais que
vous me parliez sur ces trois niveaux. Je crois que ces trois niveaux n'ont pas
la même portée quant à la confessionnalité d'une
école.
M. Rousseau: Je vais demander à mon collègue...
Le Président (M. Blouin): M. Volant, en quelques
minutes.
M. Volant (Éric): Nous nous sommes situés surtout
à un niveau pédagogique. Donc, notre approche est vraiment
pédagogique. Nous cherchons, par un cours de culture religieuse,
à initier les jeunes à diverses religions, à diverses
visions du monde. On peut l'enseigner progressivement aux enfants dès le
primaire. Cela n'enlève pas la possibilité aux
élèves d'exprimer, à l'intérieur de ces cours,
leurs propres convictions et leur propre connaissance de la signification de
leur existence propre. Surtout dans un contexte historique et culturel comme le
Québec, il est indiqué qu'il y aura toujours une place
très importante faite à une initiation aux croyances et aux
valeurs chrétiennes, inmanquablement parce qu'on vit dans un contexte
historique, social et culturel où la majorité est
chrétienne.
Notre approche est donc une ouverture, finalement, et permettra à
des jeunes de prendre contact avec d'autres expressions religieuses, avec
d'autres expressions culturelles. Je trouve que c'est une véritable
ouverture d'esprit qu'on crée ainsi.
Quand vous parlez des trois niveaux, au niveau des cours de
l'enseignement religieux, il y a, bien sûr, la catéchèse.
En ce qui a trait à la confessionnalité, si l'école
catholique avait un projet éducatif d'inspiration catholique qui n'est
pas seulement au niveau de cours de catéchèse, mais qui va se
répéter et se reproduire au niveau de l'ensemble de
l'organisation de l'école, des règlements, au niveau de la
discipline, au niveau de la mentalité générale de
l'école, alors la liberté de ceux qui ne partagent pas la foi
catholique, la liberté de conscience pour ces élèves n'est
pas respectée.
Aussi, le clivage entre religion et morale; je n'imagine pas qu'une
religion, qu'elle soit catholique, qu'elle soit protestante ou islamique, peu
importe, toutes ces religions, je ne les imagine pas sans une morale. Faire
cette distinction entre les deux, c'est comme s'il y avait, d'une part, une
religion et, d'autre part, une morale. Je ne conçois pas non plus des
cours de morale qui seraient donnés sans qu'on ne fasse aucune
référence à des significations religieuses ou à des
visions du monde. C'est impossible. D'ailleurs la morale que nous connaissons
aujourd'hui dans notre société, ici même au Québec,
a ses sources très profondes dans des visions du monde qui sont
religieuses. On ne peut pas faire cette distinction, ce clivage entre morale et
religion d'une façon aussi radicale.
Je ne peux pas concevoir non plus, au niveau de la reconnaissance et
avec tous ses mécanismes, une majorité qui est... Finalement, on
est en face de ce qui s'appelle une démocratie numérique; mais
une démocratie numérique n'exprime pas nécessairement
l'expression de toute la communauté. Ce n'est pas l'expression de
l'ensemble d'une communauté. Cela peut se concevoir au niveau des
élections générales pour un parti politique. Mais quand il
s'agit de convictions aussi profondes et aussi vulnérables que celles de
la religion, de la morale et de la confessionnalité, je trouve qu'on ne
peut pas procéder de cette façon uniquement par une
majorité. Car nécessairement la minorité est brimée
et, peu importe qu'il y ait un système d'exemptions ou un système
d'options, restera toujours dans une situation très marginale par
rapport à l'ensemble de l'école, surtout si le projet
éducatif de l'école est d'inspiration nettement
chrétienne.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Volant. Merci, M. le
député de Chauveau.
M. Brouillet: ...de pouvoir poursuivre la discussion parce qu'il
y a des éléments intéressants dans ce que vous dites, mais
malheureusement le temps nous manque et M. le Président doit me retirer
le droit de parole.
Le Président (M. Blouin): Merci de
votre collaboration, M. le député de Chauveau. M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. M. Rousseau, dans
votre préambule qu'on ne retrouvait pas au mémoire, vous avez
dit, si j'ai bien compris et mes collègues aussi, qu'il y a un certain
consensus qui se dégageait tout d'abord de la part des principaux
intervenants dans le monde de l'éducation, des principaux partis
politiques, le pouvoir et l'Opposition, concernant le projet de loi 40.
J'aimerais vous rappeler que de notre côté, nous ne participons
à aucun consensus. Et d'après les mémoires de beaucoup de
gens qu'on a entendus ici, il me semble qu'au départ, à moins que
j'aie très mal compris les autres intervenants, il n'y a pas un
consensus aussi élaboré que vous nous le dites. Cependant, ce
n'est pas là ma question.
Vous avez parlé tout à l'heure avec le
député de Chauveau d'un point qui a toujours guidé la
saine démocratie au Québec. Lorsque vous dites dans vos
recommandations à la page 7: "Nous proposons que la restructuration de
l'école québécoise, pour la rendre conforme à sa
vocation d'école publique commune et démocratique, rejette la
problématique majorité/minorité", vous inversez un peu les
rôles. Si elle se veut démocratique, il faudra quand même
qu'elle soit choisie par la majorité. Sans cela, la règle
élémentaire de la démocratie n'est pas respectée et
vous ne pourrez surtout pas l'appeler l'école commune et
démocratique. Il faudra à ce moment-là l'appeler
l'école commune et totalitaire.
Comment voyez-vous l'antithèse que vous offrez en disant: "Une
école démocratique qui ne respecte pas l'ensemble de la
majorité"?
M. Rousseau: Je me suis sans doute mal exprimé, M. le
député. Je vais essayer de clarifier. Dans un certain nombre
d'ordres de questions et dans des sociétés de taille immense, nos
sociétés démocratiques en sont venues à imaginer,
et à juste titre, me semble-t-il, que si le peuple voulait gouverner et
qu'on constatait des opinions divergentes, ma foi, le moindre des maux serait
de donner par alternance, disent certaines personnes, successivement le pouvoir
de trancher à une majorité ou à une autre, et qu'ainsi le
système de domination d'une majorité sur une minorité
serait le moindre mal de la démocratie. Je ne pense pas que le fait
qu'une majorité impose en dernière analyse ses volontés
à une minorité ait jamais été
considéré comme étant la plus belle conquête de la
démocratie. Je veux dire que c'est mieux que le système
totalitaire, mais ce n'est certainement pas l'idéal.
Nos concitoyens amérindiens avaient préparé, avant
que nos ancêtres n'arrivent ici, une démocratie consensuelle sur
les questions majeures et fondamentales: On s'abstenait de trancher tant qu'on
n'était pas parvenu à convaincre tout le monde. Vous me dites:
Voilà, on charrie. Mais, il y avait des sociétés à
taille respectable. Pensons aux Iroquoisiens. Ce que je suggère - c'est
ce qu'il y a derrière ce paragraphe - c'est qu'en matière de
religion, en matière de conscience, je ne crois pas que nous puissions
aisément nous contenter d'un système de domination d'une
majorité sur une minorité. (16 h 15)
S'il s'agit de décider si on va paver la cour de
récréation, les opprimés ne seront pas opprimés au
quart de leur conscience. Peut-être que dans leur portefeuille cela va
faire mal, mais c'est plus acceptable. En matière religieuse, je ne
crois pas que, dès lors qu'on dit majorité minorité, on a
réglé le problème. Au contraire. Je pense que -d'ailleurs,
c'est sensible dans le projet de loi - cela pose un problème que de
trouver une mécanique qui ne fonctionnera bien que si on procède
simplement par le jeu majorité minorité.
Ce serait une erreur de penser que nous proposons un système
totalitaire, c'est bien l'inverse. Je crois que ce qu'il faut faire au niveau
de l'école à cet égard, c'est d'imaginer que les gens
procéderaient, après avoir obtenu le plus large consensus mais,
comme vous le savez sans doute plus que moi, les consensus les plus larges sont
souvent ceux dont le contenu est le plus minime. C'est pourquoi, d'ailleurs,
nous estimons qu'une école publique commune et démocratique... Je
pense que nos concitoyens protestants l'ont découvert en pratique avant
nous, non pas parce que ce génie était inné en eux, mais
simplement parce que leur expérience historique du pluralisme a
longuement précédé celle de la majorité
francophone.
M. Maltais: Vous conviendrez avec moi, M. Rousseau, qu'en dernier
ressort la démocratie doit quand même - surtout au Québec -
tenir compte des minorités. Il ne faudrait quand même pas dire
qu'un gouvernement doit administrer, doit légiférer
continuellement en fonction de la minorité, parce c'est la
majorité qui décide de la sorte de gouvernement qu'elle veut
avoir. Une fois qu'elle l'a élu, le gouvernement est obligé de
tenir compte de la majorité; la preuve, nous sommes la minorité
à l'Opposition et la majorité est de l'autre côté.
À partir de ce moment, je pense que tout gouvernement qui se veut
démocratique ne peut faire autrement que de gouverner pour la
majorité en tenant compte des particularités de la
minorité. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Saguenay. Sur ce, je remercie maintenant les
représentants du département des sciences religieuses de
l'Université du Québec à Montréal de leur
témoignage au cours de nos audiences. J'invite maintenant les
représentants de la Commission des écoles catholiques de
Montréal à bien vouloir s'approcher et s'installer à la
table des invités.
Comme je l'ai dit au début, je rappelle que nous avons
réservé une période de deux heures pour entendre la
Commission des écoles catholiques de Montréal. Lorsque la
commission aura terminé la présentation de son mémoire,
nous diviserons équitablement en deux parties égales la
période de temps qui restera en outre de la présentation du
contenu du mémoire.
Sans plus tarder, je demande aux représentants de la commission
de bien vouloir s'identifier d'abord et, ensuite, de procéder à
la présentation de leur mémoire en une vingtaine de minutes pour
que nous puissions avoir le plus de temps possible pour les échanges
entre les membres de la commission et nos invités.
CECM
M. Parent (Marcel): M. le Président, je veux vous
remercier de l'invitation que vous avez faite à la Commission des
écoles catholiques de Montréal de venir se faire entendre
à cette commission parlementaire.
J'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent.
D'abord, derrière moi, il y a une délégation de
commissaires, de membres du comité exécutif et M. Michel
Pallascio, le vice-président du comité exécutif, qui
accompagnent la délégation de la CECM.
La délégation de la CECM comprend aussi plusieurs
présidents de comité d'école qui endossent sa position
face au projet de loi 40. Il y a aussi le président de l'Association des
directeurs d'école de Montréal, lequel endosse les revendications
de la CECM en ce qui regarde l'intrégrité territoriale. Il aurait
aimé se faire entendre à cette commission parlementaire, mais il
semble que ce soit difficile.
Également, le président du Conseil scolaire de la ville de
Montréal, M. Jacques Mongeau, qui est venu participer à cette
présentation du mémoire des commissaires de la Commission des
écoles catholiques de Montréal. À la table, à mon
extrême gauche, le directeur du service du contentieux de la CECM, M.
Jude Parent, M. Hubert Comeau, responsable des services financiers, le
secrétaire général, M. Gaston Dugas, à mon
extrême droite, M. Jean-Claude Rondeau, le directeur
général, le directeur général adjoint, M.
Portuguais, et M. Florian Saint-Onge, directeur général adjoint,
délégué à la région nord.
M. le Président, avant de débuter, je voudrais vous
informer que la Commission des écoles catholiques de Montréal
s'en vient vous rencontrer en toute objectivité. Nous ne venons pas ici
pour critiquer le projet de loi 40. Nous ne venons pas ici dans un esprit
négatif. Je pense que nous venons apporter un éclairage nouveau.
Nous voulons sensibiliser les membres de la commission parlementaire à
une facette de la restructuration scolaire qui n'a pas été assez
touchée à notre avis, c'est la problématique de
l'implication du projet de loi 40 en milieu urbain et plus spécialement
à Montréal.
Nous vous avons fait parvenir, M. le Président, copie de notre
mémoire. Je dois vous dire que je n'ai pas l'intention de lire ce
mémoire. Nous avons préparé une synthèse dont
l'esprit est de vous faire connaître les grandes lignes, les orientations
de notre mémoire, pour en discuter et tâcher de faire avancer les
choses. À notre avis, le projet de loi 40 propose à toutes fins
utiles de faire disparaître la Commission des écoles catholiques
de Montréal. Cette dernière se retrouverait à la
tête du territoire qui était le sien en 1867 et ne compterait que
5000 élèves au lieu des 106 500 actuels. Les autres nouvelles
commissions scolaires de l'île de Montréal proposées par le
projet de loi en compteraient environ 30 000.
Soulignons que, depuis 138 ans, la CECM a répondu de façon
exemplaire et le plus souvent originale aux besoins d'une clientèle
métropolitaine hétérogène, donc unique, et qui a
toujours nécessité des approches particulières, de sorte
que la plupart des grands changements auxquels nous avons assisté dans
le secteur de l'éducation au Québec y ont d'abord vu le jour. Le
Département de l'instruction publique et plus tard, le ministère
de l'Éducation ont abondamment puisé à la CECM tant en
ressources humaines qu'en innovations pédagogiques. Cela a
été possible grâce à l'importante taille de la CECM,
qui lui a permis de regrouper dans tous les domaines des ressources suffisantes
pour mener à bien ses recherches fondamentales.
Faire disparaître la CECM, c'est faire disparaître la plus
grande institution scolaire du Québec. C'est également enlever
à cette institution son pouvoir de continuer à être
à l'avant-garde dans de nombreux secteurs de l'éducation et ce,
dans l'intérêt de tous les Québécois.
Démanteler la CECM, éparpiller les ressources humaines qui la
composent, ce ne saurait être une solution à certains malaises qui
peuvent être ressentis dans le milieu de l'éducation.
Montréal et son cortège de difficultés, voici
comment je pourrais appeler ou identifier le paragraphe suivant. C'est à
Montréal et à la CECM qu'il y a la plus forte concentration de
socio-économiquement
faibles. Sur le territoire de la CECM, 20% à 25% des
élèves changent d'école annuellement. Par exemple, dans la
seule secondaire Pierre-Dupuy, une école de 2000 élèves,
il y a un mouvement de 400 à 500 élèves par année,
ce qui n'inclut pas les élèves qui se déplacent à
l'occasion de la période de déménagement de
l'été. La majorité des immigrants vivent à
Montréal. Plus de 15% de la clientèle de la CECM n'est pas de
souche québécoise. Douze de nos écoles comptent de 20
à 30 ethnies différentes. La ville est un milieu propice à
la délinquance, à la violence physique et à l'usage de la
drogue. Les personnes handicapées, jeunes et adultes, se retrouvent pour
la plupart à Montréal à cause des services qui leur sont
offerts.
Nous croyons qu'à un milieu urbain équivaut une commission
scolaire. La CECM a épousé les préoccupations et les
problèmes de croissance du milieu montréalais. Elle a grandi au
rythme des fusions et des annexions et à la demande des
municipalités scolaires indépendantes qui souhaitaient profiter
de la qualité et de la diversité des services qu'elle
offrait.
L'école primaire Victor-Doré pour enfants gravement
handicapés a vu le jour il y a déjà 50 ans. L'école
Joseph-Charbonneau qui joue le même rôle au secondaire et le centre
Champagnat qui veille à la formation des adultes remontent à
moins de cinq ans.
La CECM offre de l'aide supplémentaire aux élèves
des milieux défavorisés à l'intérieur d'un progamme
appelé Opération renouveau et qui ne reçoit pratiquement
aucune subvention de la part du ministère de l'Éducation.
Depuis 1970, le secteur français de la CECM accueille de 2000
à 3000 jeunes immigrants à l'intérieur de classes
spéciales dispersées à travers tout le territoire.
À ce titre, des efforts considérables au chapitre des services
connexes sont faits pour faciliter l'intégration de ces
élèves dans les classes régulières.
La CECM a été la première à
démocratiser l'enseignement en créant des sections classiques
pour tous ceux qui le désiraient et en avaient la capacité, pour
qu'ils puissent accéder à l'enseignement universitaire.
Mentionnons le cas de l'école Le Plateau, une école
à "mi-temps musique, mi-temps pédagogique", l'école
Rosalie-Jetté pour les élèves enceintes, l'école
Marie-Anne pour les raccrocheurs, le centre expérimental Henri-Julien
pour les mésadaptés socio-affectifs. Pensons aussi aux quatre
écoles alternatives mises en place depuis cinq ans et à
l'école des métiers de l'automobile.
Le premier service d'éducation aux adultes du Québec a vu
le jour à la CECM en 1964. Ajoutons l'alphabétisation des
adultes, l'insertion sociale des adultes handicapés, ainsi que la
collaboration avec plus de 300 organismes dans le secteur des activités
socioculturelles.
La CECM offre annuellement à près de 500 entreprises des
programmes de perfectionnement et de recyclage de leur personnel.
Elle offre des services spécifiques aux jeunes chômeurs et
aux femmes qui désirent retourner sur le marché du travail.
Cette énumération de services que la CECM a offerts et
offre encore aujourd'hui peut sembler longue et pourtant, elle ne correspond
qu'à une partie de tout ce qu'elle a accompli depuis 138 ans. Il ne
faudrait pas oublier non plus la création des trois régions
administratives qui nous permet d'offrir plus de services aux moins bien nantis
grâce à la péréquation qui constitue l'une des
raisons d'être des commissions scolaires. Le secteur anglais profite
également de ces avantages.
Au chapitre de la participation des parents, dès 1963 la CECM
créait un comité consultatif d'éducation regroupant des
représentants des parents et des corps intermédiaires. En 1965,
elle entreprenait l'implantation des comités consultatifs de parents au
niveau de chacune des écoles.
Là aussi, le législateur s'est inspiré de
l'initiative et de l'expérience de la CECM pour rendre obligatoire, par
la loi 27 en 1971, la création de comités de parents dans toutes
les écoles du Québec alors que de tels comités existaient
déjà partout à l'intérieur de la CECM.
La taille de la CECM est sa principale garantie de qualité, nous
croyons. La taille de la CECM et le regroupement de compétences qu'elle
lui permet est la seule garantie, compte tenu du milieu urbain où elle
oeuvre, de la qualité de tous les services qu'elle offre, que ce soit
sur le plan pédagogique ou sur le plan administratif. À ce titre,
elle réalise d'importantes économies qu'elle affecte à la
recherche et au développement de nouveaux services
spécialisés qui n'existent pas ailleurs. (16 h 30)
Prenons, par exemple, le tableau qui suit. J'attire votre attention sur
ce tableau parce qu'il est assez révélateur. Au niveau du
personnel d'encadrement, chez les cadres scolaires, à la CECM, 1% du
personnel est affecté aux cadres et hors-cadres tandis que la moyenne
provinciale est de 2,9%. Chez nos professionnels, la moyenne est de 4,5%
à la CECM par rapport à 5,9% de moyenne provinciale. Au niveau
des directeurs d'école, 4% du personnel de la CECM sont directeurs et
adjoints par rapport à 5,5% de moyenne provinciale. En réduisant
la taille de la CECM, sera-t-on en mesure d'assurer aux élèves du
grand Montréal la même variété de services sans en
augmenter les coûts?
Nous aimerions aussi vous entretenir de la consultation sur le livre
vert. Les
résultats de la consultation sur le livre vert ont fait ressortir
que la population tenait au maintien des commissions scolaires, qu'elle
désirait que leurs pouvoirs soient accrus de façon qu'elle puisse
en déléguer un certain nombre aux écoles. On tient
par-dessus tout à ne pas déclencher de bouleversement qui
viendrait perturber davantage la vie des écoles. Est-ce cela que l'on
retrouve à l'intérieur du projet de loi 40? Nous avons de bonnes
raisons de nous interroger.
Le livre vert et la confessionnalité. Lors de la tournée
de consultation, le thème de la confessionnalité scolaire est
apparu comme une préoccupation constante chez la très grande
majorité des intervenants, alors que le livre vert avait pratiquement
escamoté cette question. À l'occasion de la conférence
Québec-commissions scolaires, le ministre de l'Éducation du temps
déclarait: "Le gouvernement tient à dissiper toute
équivoque au sujet de l'existence des commissions scolaires. Il est
définitif et clair, disait le ministre, que ces organismes seront
maintenus et verront leur statut revalorisé." Il disait encore: "Le
gouvernement entend prendre les mesures requises en vue de permettre aux
commissions scolaires d'assurer une plus grande responsabilité dans le
domaine de l'éducation." Ce sont les paroles du ministre de
l'Éducation. Le projet de loi 40 tient-il compte de cette volonté
politique?
La commission aimerait aussi faire connaître son opinion sur le
suffrage universel à la commission scolaire. L'existence d'un
gouvernement local autant scolaire que municipal repose fondamentalement sur
l'exercice périodique par la population concernée du recours au
suffrage universel pour élire ses représentants aux postes de
commissaires ou de conseillers municipaux. L'élection des commissaires
constitue le moyen pour les citoyens d'exprimer un choix quant aux personnes
qui les représentent, aux orientations et aux valeurs que ces personnes
privilégient et aux moyens proposés pour répondre aux
attentes exprimées.
La réforme pédagogique avant, d'après nous, une
nouvelle restructuration. Le milieu montréalais a vécu, en 1973,
il y a onze ans, une restructuration scolaire et des modifications
administratives. La loi 71, qui créait le Conseil scolaire de
l'île de Montréal, a enlevé aux commissions scolaires du
territoire plusieurs responsabilités: le pouvoir de taxation et le
pouvoir de disposer des immeubles dont elles demeurent propriétaires. En
1979, la loi 57 modifiait substantiellement la possibilité de recours
à l'impôt foncier comme source de financement local. Ces deux
réformes ont contribué à accroître l'asservissement
des commissions scolaires à l'égard des exigences
gouvernementales en matière d'imputabilité financière et
administrative.
En 1983, dix ans plus tard, après la restructuration scolaire de
l'île, dans un climat économique difficile, à la suite
d'une baisse catastrophique de la clientèle scolaire, au début
d'une démarche majeure visant à l'implantation de nouveaux
régimes pédagogiques, à la suite de décrets qui ont
tout à la fois modifié et augmenté les tâches du
personnel enseignant, on peut s'interroger sur la pertinence d'une nouvelle
restructuration scolaire qui ne pourrait que retarder, sinon renvoyer aux
calendes grecques, la réforme pédagogique. Car, contrairement
à toute attente, le ministère n'ajuste pas les allocations de
ressources aux priorités qu'il a lui-même établies. C'est
ainsi, par exemple, que, pour la mise en oeuvre de la réforme
pédagogique et l'implantation des nouveaux programmes, les commissions
scolaires ne disposent d'aucune ressource supplémentaire. Et là,
les administrateurs éprouvent quelques difficultés à
saisir cette logique, eux qui ont l'habitude d'investir davantage là
où ils placent leurs priorités.
À chaque école, son projet éducatif. La
concertation des divers intervenants est laborieuse (direction, enseignants,
parents, élèves au secondaire). Les conseils d'orientation
prévus par la loi 71 n'ont vu le jour qu'exceptionnellement et il y a,
là aussi, matière à réflexion. Les conventions
collectives présentent également un problème de taille:
minutage pointilleux de la tâche des enseignants, affectation du
personnel en vertu de l'ancienneté, effet de la supplantation, aussi
bien chez les employés que chez les usagers des services. Le
troisième obstacle tient à un trait sociologique
montréalais qui entraîne une famille sur cinq à changer de
domicile annuellement. Ce phénomène exige des communications
beaucoup plus fréquentes qu'ailleurs entre les écoles et la mise
en place de mécanismes de coordination. Comment peut-on imaginer un
système où chaque école aurait un projet éducatif
le moindrement articulé qui ne tiendrait pas compte des exigences du
réseau et des besoins d'une clientèle sans cesse en
mouvement?
Dans ce projet de loi 40, il y a un grand absent. C'est l'enseignant. La
CECM s'interroge sur le peu de place que réserve le projet de loi 40 aux
enseignants et enseignantes qui sont la clé de voûte de tout
système d'éducation, les premiers responsables, après les
parents, et souvent en lieu et place de la formation et de l'éducation
des enfants.
Considérant que le projet de loi 40 semble le moyen choisi par le
ministère de l'Éducation pour imposer, à l'ensemble de la
population sous le couvert d'une pseudodécentralisation vers
l'école, sa propre vision
politique de ce que devrait être la société
québécoise;
Considérant que les propositions du ministère tant sur les
plans du projet éducatif, du statut de l'école publique que de la
participation des parents et d'une centralisation administrative, ne font pas,
et loin de là, l'objet d'un consensus (voir la synthèse des
résultats de la consultation sur le livre vert).
Considérant aussi que le projet de loi 40 recherche, à
toutes fins utiles, l'abolition des commissions scolaires comme gouvernements
locaux et démocratiques;
Considérant que le mode d'élection proposé pour les
commissions scolaires ne peut être que source de conflits,
d'indécisions et même de chaos;
Considérant, par ailleurs, l'assurance donnée par le
ministre de l'Éducation en 1979, savoir que le gouvernement "entend
prendre les mesures nécessaires en vue de permettre aux commissions
scolaires d'assumer une plus grande responsabilité dans le domaine de
l'éducation";
Considérant que le projet de loi 40 veut abolir les structures
scolaires confessionnelles au profit d'un système neutre, sous
prétexte que les commissions scolaires constitueraient un obstacle
à la réussite de la réforme pédagogique,
prétention qui n'est d'ailleurs nullement prouvée par le MEQ;
Considérant que le projet de loi 40 prévoit la
disparition, dans les faits, de la Commission des écoles catholiques de
Montréal en la réduisant à ses limites de 1867;
Considérant les garanties constitutionnelles dont jouit la
CECM;
Considérant la contradiction du plan ministériel qui
prévoit une intégration des structures scolaires dans la province
et une division de celles qui existent à Montréal;
Considérant les besoins particuliers d'un milieu urbain comme
Montréal qui ne peut être bien servi au plan de l'éducation
que par une commission scolaire possédant la taille, les ressources
humaines et les ressources financières capables d'y répondre;
Considérant que le projet de loi 40 ne répond en rien -
bien au contraire - aux attentes de la population quant au renouveau
pédagogique et au resserrement des exigences en éducation;
Considérant que le projet de loi 40 constitue l'expression d'une
volonté ministérielle de dépouiller complètement
les commissions scolaires de leur autonomie et ce, en dépit des
réalités historiques et sociales qui caractérisent le
système scolaire actuel;
Considérant que le projet de loi 40 représente une rupture
de contrat social qui lie le gouvernement à la société
québécoise et ce, sans consultation populaire;
Considérant que la Commission des écoles catholiques de
Montréal n'entend pas se prononcer sur toutes les dispositions du projet
de loi concernant les autres commissions scolaires de la province;
Considérant tous ces faits, la Commission des écoles
catholiques de Montréal rejette l'ensemble des dispositions du projet de
loi 40 qui la concernent. Elle réclame plutôt une réforme
en profondeur de la répartition des pouvoirs entre le ministère
de l'Éducation et les commissions scolaires de telle façon que
ces dernières ne deviennent pas de simples succursales du
ministère. Elle réclame aussi une meilleure répartition
des ressources afin de permettre aux commissions scolaires de répondre
adéquatement aux besoins spécifiques des milieux qu'elles
desservent et aux attentes exprimées lors de la consultation sur le
livre vert.
Par ailleurs, la CECM continuera à prendre tous les moyens
nécessaires pour respecter intégralement la liberté de
conscience des personnes fréquentant les institutions sous sa
juridiction.
Voilà donc résumé, M. le Président, si vous
permettez...
Le Président (M. Blouin): Cela va.
M. Parent (Marcel): ...mesdames et messieurs les membres de la
commission, le contenu du mémoire de la Commission des écoles
catholiques de Montréal.
Avant de vous remercier de l'attention que vous avez prêtée
à mes propos, j'aimerais me permettre de répondre à
l'avance à une question qui, sans doute, est déjà sur vos
lèvres.
La CECM rejette le projet de loi 40 et réclame le maintien de son
statut confessionnel et de son territoire. Peut-on en conclure que la CECM ne
sera satisfaite que du statu quo? Je pense qu'il est bien important de
clarifier ce point. La réponse est tout simplement non. La Commission
des écoles catholiques de Montréal croit ce qu'elle signale aux
pages 46 et suivantes de son mémoire et, en particulier, à
compter de la page 63: Des mesures doivent être prises pour
améliorer les services éducatifs dans un milieu urbain comme
Montréal, où notre commission scolaire fait face à de
nombreux problèmes majeurs et mineurs, qui sont, cependant, loin de lui
être exclusifs. Dans plusieurs pages de ce mémoire, nous exposons
des problèmes qui nous semblent nécessiter une intervention. Nous
exposons ailleurs, au début de notre mémoire, les autres
problèmes inhérents au milieu urbain.
Notre position est la suivante: Nous ne croyons pas que les dispositions
prévues dans le projet de loi 40 viendront résoudre les graves
problèmes du milieu urbain. Nous croyons au contraire que les
propositions du ministre de l'Éducation viendront les
amplifier. Ni le fractionnement de la CECM, ni la
décentralisation proposée aux écoles quant aux
décisions à prendre dans le domaine pédagogique, ni la
structure administrative proposée ne permettront de faire face aux
problèmes des milieux défavorisés, à ceux
causés par le nomadisme de la population, par la violence, par la
délinquance, malheureusement, par le racisme; nous ne croyons pas que le
fractionnement des ressources aidera à résoudre les
problèmes des personnes handicapées physiquement et mentalement,
jeunes et adultes, ou encore à diminuer le nombre de décrocheurs
dans une ville comme Montréal.
En définitive, la Commission des écoles catholiques de
Montréal s'oppose au projet de loi 40 parce qu'il ne tient pas compte de
la problématique de l'éducation publique en milieu urbain et des
responsabilités que la société doit assurer à cet
égard.
Le projet de loi 40 n'est pas conçu en fonction des besoins d'une
grande ville comme Montréal. Ce n'est pas le premier exemple d'une
approche politique qui oublie de prendre en considération les vrais
problèmes de Montréal. Les responsables de la ville de
Montréal, depuis longtemps, l'ont dit à tous les gouvernements.
Ce n'est pas propre à votre gouvernement. Les membres de la
communauté urbaine vous le disent aussi occasionnellement.
Montréal a des problèmes différents de ceux que l'on
éprouve en province et c'est vrai aussi dans le domaine de
l'éducation. (16 h 45)
D'une façon bien objective, nous offrons donc au ministre de
l'Éducation et au gouvernement, dont il fait partie, toute notre
collaboration pour mener à bien, en collaboration avec tous les groupes
responsables: conseils scolaires, commissions scolaires, administrateurs,
parents, enseignants, une étude en profondeur de la problématique
de l'éducation en milieu urbain. Cela n'a pas été
touché dans le projet de loi d'une façon concrète, d'une
façon précise.
Je peux vous garantir, M. le Président et M. le ministre, au nom
de tous mes collègues de la CECM, que nous accepterons les changements
qui s'imposent et qui auront fait l'objet de consensus parmi ces groupes que je
viens de mentionner.
Nous ne pouvons accepter le projet de loi 40 dans sa forme actuelle, il
est trop contraire aux intérêts de la population jeune et adulte
de Montréal. Nous sommes pour le changement, mais seulement en fonction
de services accrus à cette population.
Le problème du projet de loi 40, M. le Président - je ne
sais pas si vous allez me permettre cette formule, elle n'est pas lapidaire,
mais elle est commune, elle est bien connue - c'est qu'à mon avis il
n'est pas encore "arrivé en ville". Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Parent. M. le
ministre.
M. Laurin: M. le Président, je veux d'abord saluer avec
plaisir le président de la CECM, avec qui j'ai eu le plaisir d'avoir
récemment un entretien très stimulant. Je veux aussi saluer les
commissaires et les officiers qui l'accompagnent. Je veux aussi saluer
l'importante délégation qui s'est jointe à lui. La CECM
nous présente un mémoire très élaboré de 94
pages, que j'ai lu avec beaucoup d'attention et dont il est évident
qu'il a été préparé avec beaucoup de soin.
Ce mémoire vise, au fond, deux objectifs majeurs. Le premier,
celui de la conservation de l'intégralité des structures du
système scolaire actuel et, deuxièmement, celui de la
conservation de l'intégrité actuelle entière du territoire
de la CECM. Cela est, bien sûr, compréhensible. Que ce soit au nom
de l'objectivité ou non, il est de commune renommée que la CECM
s'oppose depuis le début et avec détermination au projet
gouvernemental. Depuis le début, elle a lutté avec acharnement
contre l'adoption éventuelle de ce projet gouvernemental. Non seulement
y a-t-elle consacré beaucoup de temps, de soin et d'énergie, mais
elle a posé aussi beaucoup d'autres gestes en ce sens. Elle a
détaché certains de ses cadres pour lutter contre le projet. Elle
a multiplié les séances d'information que ce soit à
Montréal ou même en province. Elle a consacré des sommes
d'argent à un effort publicitaire destiné à lutter contre
le projet de loi et, aujourd'hui, elle nous présente un mémoire,
encore une fois, très élaboré et fort bien fait.
Évidemment, ce mémoire commence par une défense des
hauts faits et des mérites de la CECM, une sorte d'apologia pro vita sua
qui est tout à fait normale, bien qu'évidemment cette
défense passe sous silence les critiques que l'on peut avoir entendues
à l'endroit de la CECM. Le mémoire détaille ces hauts
faits et ces mérites. D'ailleurs, je connais très bien les
réalisations de la CECM et je dois dire immédiatement que je les
apprécie au plus haut point. La création de centres
spécialisés, des initiatives prises pour assurer une meilleure
éducation aux milieux défavorisés, certaines mesures
administratives de coordination des services, tout cela m'est bien connu.
Encore une fois, il n'est pas question de remettre en cause ou de critiquer, en
quoi que ce soit, ces réalisations.
Là où je suis moins bien avec la CECM, c'est quand elle
attribue à la seule dimension de la CECM l'excellence de ses
réalisations. Je crois que c'est là une sorte de blâme
indirect et immérité à l'endroit de
commissions scolaires de taille moins grande, mais qui ont quand
même fait montre d'initiatives similaires et réussies. Pas plus
tard qu'hier soir, on entendait, par exemple, le PSBGM, dont la taille est plus
petite, qui faisait état lui aussi de réalisations importantes.
D'autres commissions scolaires, ailleurs qu'à Montréal,
pourraient aussi faire connaître leurs états de service en ce
domaine.
La CECM prétend que le projet de loi 40 vise à faire
disparaître la CECM. Je crois que c'est là une affirmation
très grosse qui tronque la réalité. Un des buts du projet
de loi n'est pas du tout de faire disparaître la CECM, mais au contraire
de répartir autrement, dans des commissions scolaires de taille plus
égale, la clientèle actuellement desservie par la CECM.
En fait, le projet de loi 40 vise à corriger l'anomalie et la
distorsion, pour ne pas dire l'injustice, qui existent actuellement sur le plan
de la répartition et de la dispensation des services éducatifs
entre une CECM, dont la population desservie est actuellement de 106 500, et
d'autres commissions scolaires voisines dont la clientèle est
très faible; et à ce point faible que plusieurs remettent en
question les possibilités qu'elles ont de dispenser, grâce
à leur personnel cadre en particulier, les services nécessaires
à la population. Il importe de rétablir dans une juste
perspective les intentions du projet de loi. Par exemple, avec la
restructuration que nous proposons, il y aurait le même nombre de
commissions scolaires à Montréal, mais ces commissions scolaires
dispenseraient leurs services à une population à peu près
équivalente qui s'étalerait entre 25 000 et 35 000
élèves. C'est donc là une vue très
différente de la situation.
Entre autres choses, dans son mémoire, la CECM vise à la
conservation des structures confessionnelles actuelles. Je pense que ce
désir, tout en étant respectable et compréhensible, est de
plus en plus contesté et de plus en plus contestable également.
Beaucoup de groupes, pour ne pas dire de colloques, d'études,
d'articles, d'opinions sont venus nous dire que ce maintien, cette conservation
ne correspond pas à l'évolution que le Québec a connue
particulièrement depuis 20 ans. Alors que jusqu'à il y a 20 ou 30
ans, la population du Québec était passablement homogène
sur le plan confessionnel, la situation s'est transformée
considérablement et rapidement, ne serait-ce que grâce à
l'arrivée au Québec de courants migratoires importants qui
s'accumulent au fil des années et qui font que notre population est de
moins en moins homogène sur le plan confessionnel. Cela se traduit
évidemment au niveau de la population scolaire.
En même temps que la société
québécoise devenait de plus en plus diversifiée et
pluraliste, il existait une transformation également au niveau des
idées, au niveau des impératifs démocratiques. Par
exemple, c'est en 1974 qu'a été adoptée la Charte des
droits et libertés de la personne qui nous fait une obligation,
au-dessus de toutes les autres lois adoptées antérieurement et
à adopter ultérieurement, de respecter scrupuleusement les droits
et libertés de la personne, la liberté de conscience. Je pense
que c'est là un courant qui prendra de plus en plus de force au cours
des années qui viennent.
Ce n'est pas étonnant qu'à cette commission nous ayons
entendu des opinions très diverses sur le plan de l'aménagement
confessionnel des écoles. Plusieurs groupes -vous venez d'en entendre
un, celui qui vous a précédés - sont venus nous dire que
le projet de loi était trop confessionnel, qu'il était trop
généreux à l'égard du maintien de la
confessionnalité telle que nous l'avons connue. La CEQ l'a
prétendu. D'autres organismes, comme la faculté des sciences de
l'éducation et même des Églises, comme l'Église unie
du Canada, hier, nous le disaient, sans parler du mouvement laïc que vous
connaissez bien.
Donc, un bon nombre de groupes sont venus nous dire que nous ne sommes
pas allés assez loin dans le projet de loi 40. Il aurait fallu
déconfessionnaliser non seulement les commissions scolaires, les
structures, mais également l'école.
À l'opposé, d'autres groupes, dont vous êtes,
viennent nous dire que nous allons trop loin, que nos aménagements sont
trop draconiens. Cependant, je dois faire remarquer que même la
fédération dont vous faites partie va moins loin que vous.
Particulièrement dans la période d'échanges qui a suivi la
présentation de son mémoire, il est devenu évident que la
Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec
inclinait beaucoup plus dans le sens d'une division basée sur la langue
plutôt que sur la confessionnalité, même si des raisons de
politique interne l'ont empêchée, à son dernier
congrès, d'entériner ce courant majoritaire dans des
résolutions formelles.
Ce groupe qui nous reproche d'aller trop loin non seulement ne comporte
pas un effectif très nombreux, mais on peut sûrement dire qu'il
est en perte de vitesse dans l'opinion. Par contre, un plus grand nombre de
groupes sont venus nous dire que les aménagements de la
confessionnalité que présente la loi 40 se situent dans un juste
milieu, ces aménagements tenant compte de la tradition du Québec,
tenant compte des droits de la majorité confessionnelle du
Québec, qu'elle soit catholique ou protestante, tenant compte
également du vécu puisque c'est à l'école que se
vit la dimension religieuse de l'éducation et non
pas dans les structures, tenant compte également qu'il faut
maintenant incarner dans une loi ces droits à l'enseignement religieux,
au service de la pastorale et tenant compte que ces aménagements doivent
respecter, encore une fois, les droits et libertés d'une
société de moins en moins monolithique, de plus en plus
diversifiée et de plus en plus pluraliste. Je pense qu'un consensus de
plus en plus majoritaire est en train de se dégager à l'appui de
cette position de juste milieu qu'a adoptée le projet de loi 40. (17
heures)
II est enfin un autre élément qu'il importe de mettre dans
la balance. Je pense que, du côté des communautés
anglophones, il y a déjà une grande diversité d'opinions
que d'ailleurs les mémoires reflètent. Du côté
catholique, il y a également une évolution qui ne fait que se
précipiter, non seulement depuis une dizaine d'années, mais au
cours des deux dernières années. J'ai suivi avec attention, comme
vous probablement, les travaux du Synode des évêques
québécois qui se sont rendus récemment à Rome. J'ai
étudié avec soin la déclaration du pape qui a suivi cette
réunion. Je suis aussi avec beaucoup d'attention les travaux de la
Commission épiscopale du Québec.
Ce que j'en retire, c'est que la communauté catholique, telle
qu'elle s'exprime à travers ses chefs, oriente maintenant ses opinions
dans deux directions principales. Premièrement, elle continue de tenir
à ce que l'enseignement religieux, la pastorale, occupe une place
à l'école et une place importante. Deuxièmement, on tend
à mettre de plus en plus l'accent sur la communauté de base pour
le maintien et le développement des aspirations religieuses chez les
tenants de la foi catholique. On accorde de plus en plus d'importance à
ce qu'on appelait auparavant la paroisse et qu'on appelle maintenant les
communautés de base. Pour l'éducation initiale à la foi,
on compte donc de plus en plus sur les familles, sur le milieu familial.
Ensuite, on compte de plus en plus sur les Églises, pour qu'elles
assument une part toujours plus importante du développement de la foi et
les conséquences que les disciples d'une Église doivent en tirer
pour leur action concrète au niveau de leurs activités. C'est
dans cette perspective que le primat de l'Église
québécoise annonçait récemment qu'il faudra de plus
en plus viser à ce que ce soient les Églises, les
communautés de base, qui se chargent de la sacramentalisation et non
plus l'école.
Il y a donc, même du côté de l'Église
catholique, en même temps qu'une reviviscence, en même temps qu'un
retour aux sources, une évolution considérable dans le sens des
structures, des aménagements de la foi.
Ma première question serait donc la suivante: Face à tous
ces développements, que ce soit au niveau de la société
québécoise, au niveau des expressions d'opinions de tous les
groupes qui se prononcent, face à cette évolution et à ces
déclarations que nous entendons au niveau des Églises
protestantes, mais aussi de l'Église catholique, ne croyez-vous pas que
le moment est venu de procéder à des aménagements de la
confessionnalité qui seraient différents, et passablement
différents, de la thèse que vous nous proposez?
Le Président (M. Blouin): M. Parent.
M. Parent (Marcel): M. le Président. Merci, M. le
ministre, de l'intérêt que vous portez à notre
mémoire. Avant de répondre, je voudrais juste relever que vous
avez dit que vous n'étiez pas d'accord avec le début de notre
mémoire, qui disait que le projet de loi 40 faisait disparaître
à toutes fins utiles la CECM. Que voulez-vous que je vous dise? Le
projet de loi 40 la répartit autrement. Répartie autrement, la
CECM ce n'est plus la CECM. On est donc obligé de dire que ce projet de
loi est porté à faire disparaître la CECM. Vous nous dites
aussi que cela ne changera pas le nombre de commissions scolaires. On va
demeurer le même nombre de commissions scolaires, pas sur le territoire
de la CECM, mais sur le territoire de l'agglomération de
Montréal. Cette réalité qui est la CECM ne serait plus ce
qu'elle est aujourd'hui.
Concernant votre intervention sur la confessionnalité. Je dois
vous dire, M. le Président, qu'on en avait parlé longuement -vous
l'avez mentionné vous-même - à la fin du mois d'août,
lorsqu'on s'était rencontré. Ce que nous croyons, nous, les
commissaires de la CECM... D'abord, dans un premier temps, c'est une
réalité... Les commissaires qui forment le conseil de la
Commission des écoles catholiques de Montréal ont
été élus sur un programme. À l'intérieur de
ces programmes-là, on retrouvait, selon les individus, la garantie des
structures confessionnelles, la garantie de l'enseignement religieux de
qualité ou, dans d'autres programmes, on parlait d'améliorer la
qualité de l'enseignement religieux. On croit que, si on veut être
cohérents, si on veut être honnêtes envers les gens qui nous
ont élus, envers les gens qui ont élu le conseil des commissaires
actuel, on se doit de prendre les mesures pour répondre
adéquatement et honnêtement au mandat qu'on a
présenté à la population et que celle-ci nous a
donné. C'est pour cela qu'on vous dit qu'on ne se sent pas du tout
mandaté pour changer le statut confessionnel de notre commission
scolaire. Ceux qui prônaient l'amélioration de la qualité
de
l'enseignement religieux ou ceux qui prônaient l'école
catholique, non pas la structure, ne peuvent pas abonder dans le sens du projet
de loi 40 parce que, si on veut garantir que l'enseignement religieux de
qualité va continuer, si on veut garantir que l'école catholique
- l'école elle-même, la bâtisse - va demeurer catholique il
faut s'assurer des structures de soutien. Sans cela, elle ne vivra pas, elle va
mourir. C'est pour cela qu'on ne peut pas ne pas maintenir dans nos demandes le
statu quo concernant le statut de l'école confessionnelle.
Nous croyons que l'école confessionnelle est une
réalité historique, culturelle, québécoise. Nous
croyons qu'on ne peut pas faire disparaître cela par une loi. Les
tournées de consultation qu'on a faites ont d'ailleurs
démontré... Le consensus, vous me dites qu'il change, qu'il
semble y en avoir un qui s'en vient vers l'école laïque, mais on
est loin d'être rendu là. Nous, les commissaires, n'avons pas la
certitude que la population veut les écoles neutres. Vous nous avez dit:
Les gens qui sont venus avant vous, les gens qui sont venus nous rencontrer ici
prônaient l'école neutre, ne prônaient pas les structures
confessionnelles. Certains vous ont même reproché d'être
trop confessionnel dans votre projet de loi 40.
Où étaient-ils, ces gens-là, M. le ministre, lors
des élections scolaires? Où étaient-ils les gens qui
s'impliquent directement dans le processus démocratique de la vie
scolaire? Moi aussi, je les ai entendus; je suis ici depuis mardi soir et
j'écoute. C'est vrai ce que vous dites, très vrai. Je pense qu'on
est les premiers avec la CEPGM à demander de conserver nos structures
confessionnelles. Je m'inquiète de la démocratie
québécoise quand je vois des gens qui viennent ici prôner
certaines choses et qui, lorsque c'est le temps de poser des gestes concrets
pour se les assurer, ne sont pas là. C'est tellement important et on est
tellement peu sûr que nos commettants veulent des changements; moi, je
suis certain qu'ils n'en veulent pas, de changements. Ce n'est pas ce qui est
important pour eux; l'important pour eux est la qualité de
l'enseignement.
On croit, mes collègues commissaires et moi, que, sur une
question comme celle-là, si on veut changer cette réalité
religieuse québécoise, ce n'est pas avec une loi mais c'est en
recourant à des principes, à des opérations qui existent
en démocratie, et en allant se chercher un mandat clair, net et
précis de la part des Québécois. C'est l'opinion du
conseil des commissaires de la CECM.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Parent. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Nous sommes très heureux, du côté de
l'Opposition, d'accueillir les dirigeants de la Commission des écoles
catholiques de Montréal, à bien des titres. D'abord, parce que,
comme l'a mentionné tantôt M. le président, c'est la
commission scolaire la plus importante au Québec; c'est une commission
scolaire qui a une tradition plus que séculaire maintenant, qui existait
dès la Confédération, comme nous aurons l'occasion
de le rappeler tantôt, et qui n'a cessé depuis ce temps d'offrir
non seulement des services éducatifs de base comme ceux que
décrivent les premiers articles du projet de loi 40, mais un leadership
en matière pédagogique, en matière de réponse
aux besoins socioculturels de la population qui l'a placée à
l'avant-garde de toutes les commissions scolaires du Québec, souvent
même du pays, très souvent aussi du gouvernement.
Je vous raconte un petit incident que j'ai évoqué l'autre
jour brièvement. Nous parlons beaucoup de micro-ordinateurs dans les
écoles depuis un certain temps. L'an dernier, quand j'ai senti
l'obligation d'examiner moi-même cette question de plus près, je
me suis enquis auprès de certaines commissions scolaires de ce qu'elles
faisaient et j'ai été étonné de constater
qu'à la Commission des écoles catholiques de Montréal, on
était bien en avance sur tous les plans brumeux qui avaient
commencé à émaner du ministère de
l'Éducation à ce moment.
Ces temps derniers, voulant pousser mes explorations plus loin, je suis
allé visiter des institutions scolaires à Montréal. Je me
souviens d'une visite très instructive que j'ai faite à
l'école secondaire Louis-Joseph-Papineau où j'ai trouvé
que le ministère de l'Éducation et ses technocrates auraient bien
des leçons d'économie et de management dynamique à
prendre. Si, au lieu de concocter des organigrammes, on voulait aller davantage
voir comment les choses se passent au ras de la réalité... Je
pense que c'est ce qu'on vient défendre aujourd'hui au nom de la
Commission des écoles catholiques de Montréal; pour ma part, je
l'accueille avec beaucoup d'intérêt, de même que mes
collègues.
On a évoqué vers la fin du mémoire ou au
début, je ne me souviens pas trop, les privilèges et droits
constitutionnels que revendique la Commission des écoles catholiques de
Montréal. Le ministre, selon son habitude, s'est prudemment abstenu d'en
parler dans ses commentaires. C'est une réalité, cela fait partie
du paysage politique et légal. Il y a des contestations qui sont en
cours devant les tribunaux. On nous dit aujourd'hui, tout aussi fermement que
l'a fait la Commission des écoles protestantes dugrand
Montréal hier, qu'on entend se prévaloir de tous les recours dont
on dispose de ce côté. Encore une fois, je pense que
c'est un avertissement de prudence qui est servi au ministre. Lui, qui
voudra tantôt faire agir l'Assemblée nationale au nom de tous les
citoyens québécois, aura la responsabilité de faire en
sorte que la loi qu'il voudrait faire adopter n'engage pas tout le
Québec dans l'un de ces culs-de-sac légaux dont on a eu souvent
l'exemple sous le gouvernement actuel.
La taille de la Commission des écoles catholiques de
Montréal semble beaucoup inquiéter le ministre et ses
collaborateurs; il trouve cela gros. Je n'ai pas les chiffres devant moi
aujourd'hui - peut-être les avez-vous de votre côté et vous
pourrez les mentionner de manière plus précise tantôt -mais
je sais, pour avoir vu des chiffres à maintes reprises à ce
sujet, que dans à peu près tous les grands territoires urbains
d'Amérique du Nord, à Toronto, à Edmonton, à
Calgary, à Vancouver - aux États-Unis, c'est la même chose
- on ne fractionne pas les territoires scolaires à l'intérieur
d'une région métropolitaine comme on est en train de le faire
ici. Vous avez un organisme scolaire principal qui a la responsabilité
des écoles sur son territoire et qui peut agir à une certaine
dimension. Si on a des statistiques sur la clientèle scolaire des
grandes commissions scolaires dans ces villes métropolitaines dont j'ai
parlé, ce serait intéressant qu'on nous les donne.
Je veux demander au gouvernement comment il se fait qu'encore une fois
dans ce domaine-ci il faudrait se comporter d'une manière
complètement différente des autres. Il me semble que les autres
ne sont pas fous, on peut bénéficier de la sagesse de ceux qui
sont nos voisins, de ceux qui ont des problèmes comparables à
ceux auxquels nous faisons face. C'est un point que je signale à
l'attention du gouvernement.
Quand le gouvernement précédent a fait la réforme
des structures scolaires montréalaises, en 1971 je crois, il a d'abord
été question de fractionner le territoire de la Commission des
écoles catholiques de Montréal. Il y en a beaucoup qui ont eu
cette tentation, surtout parmi les technocrates qui conseillaient le
gouvernement. Finalement, le gouvernement, en regardant la
réalité de plus près, s'est rendu compte que ce
n'était pas la chose à faire et il a regroupé les
commissions scolaires d'une manière raisonnable, d'une manière
tellement raisonnable qu'au point de vue du nombre de commissions, comme le
disait le ministre tantôt, ce qu'on ferait aboutirait à un nombre
à peu près comparable. Il n'a pas touché au territoire de
la Commission des écoles catholiques de Montréal et à
celui du PSBGM, assez peu. Ce n'était pas simplement parce qu'il avait
peur des foudres qui pourraient émaner du président de la CECM ou
du président du PSBGM du temps. J'imagine que c'est aussi parce qu'il
trouvait que c'était une bonne chose à faire à ce moment.
Je ne sais pas si c'est Mme Lavoie-Roux qui était présidente.
D'ailleurs, je les comprends d'avoir craint en plus parce qu'ils auraient eu
une réponse qui les auraient inquiétés. (17 h 15)
J'apporte un autre argument. On va dire: Cela coûte très
cher. J'ai remarqué, dans le mémoire que les parents ont soumis
ce matin, qu'il y avait des chiffres émanant d'une étude qui
aurait été faite au ministère de l'Éducation sur
les frais de gestion des écoles à la CECM et dans l'ensemble du
Québec. D'après ce que je constate - c'était en page 34 du
mémoire qu'on nous a soumis ce matin, et à un autre endroit
également, je pense - pour les cadres et les hors cadres, le ratio des
administrateurs versus le nombre d'élèves, c'est-à-dire le
nombre d'administrateurs par rapport au nombre d'élèves serait
moins élevé à la CECM que dans le reste du Québec.
Par conséquent, il n'y aurait pas gros d'argent à épargner
là, M. le ministre. Si c'était cela l'argument, il ne vaudrait
pas cher. On nous dit que des cadres et des hors cadres il y en aurait un par
100 élèves à la CECM contre 2,9 par 100
élèves dans le reste de la province ou dans l'ensemble de la
province. Je ne peux pas vous l'assurer. Je pense que c'est dans le reste de la
province, mais on me corrigera au besoin. Les professionnels non-enseignants,
il y en a 4,5 par 100 élèves à la CECM. 5,9 par 100
élèves dans le reste du Québec. Les directions
d'écoles et directions adjointes, 4 par 100 élèves
à la CECM et 5,5% dans le reste du Québec. Par conséquent,
il n'y a pas de tragédie à la demeure ici. On est sur un terrain
assez solide. On peut regarder les choses avec impartialité et
sang-froid. Il n'y a pas lieu de partir en peur parce qu'il y aurait un
scandale quelconque au chapitre des coûts comparatifs de ce point de
vue.
Je signale, enfin, que ceux qui nous rencontrent aujourd'hui
détiennent un mandat politique que l'on doit respecter de manière
particulière. On peut bien jouer les parents, les commissaires; on peut
faire cela. Il y en a qui s'en font une spécialité. Mais je pense
qu'au bout du compte, on va se rendre compte que chacun ne détient pas
un mandat de même nature; qu'il y a des mandats qui sont objectivement
plus importants que d'autres dans une société
démocratique, à moins que toutes les théories que nous
avons apprises en matière de sciences politiques soient à refaire
de fond en comble. Dans cette perspective, je pense que non seulement on doit
recevoir les gens et faire l'acte rituel de les recevoir, mais on doit les
écouter et essayer de comprendre pourquoi ils s'opposent à
cela.
Il y a une des difficultés majeures qui se présentent. Je
laisse de côté la question de la confessionnalité. J'aurai
seulement une
brève question à poser là-dessus tantôt. Vous
nous dites: Le territoire de Montréal que nous représentons, nous
autres, comme CECM, est un territoire qui présente des
différences importantes avec d'autres territoires auxquels on pourrait
être tenté de le comparer. Vous avez signalé tantôt
que sous l'angle de la composition de la population, les origines ethniques,
les caractéristiques culturelles, ce milieu est très
différent des autres milieux, en particulier, les milieux de banlieues
plus stables et peut-être un peu plus uniformes auxquels on pourrait
être tenté de l'assimiler. Vous avez dit qu'au point de vue de la
mobilité de la population, il y a un taux de déplacement beaucoup
plus fort dans ce territoire que dans d'autres. Vous avez mentionné,
enfin, un point qui me paraît très important et qui, me
semble-t-il, sautait aux yeux, pour quelqu'un qui regarde la
réalité.
Dans le territoire de la CECM, les régions ou les districts
où les conditions de développement économique et social
ont été moins favorables que dans l'ensemble du territoire sont
plus nombreux et, par conséquent, requièrent une attention, une
mise en commun plus particulière. C'est un des autres arguments auxquels
on devra avoir des réponses satisfaisantes avant de pouvoir
considérer la proposition qui est mise de l'avant par le gouvernement et
qui entraîne le démantèlement de la Commission des
écoles catholiques de Montréal. Il y a une chose dont j'ai
beaucoup entendu parler au cours de mes deux dernières années,
parce qu'il m'est arrivé de suivre ces questions de plus près,
c'est l'expérience de décentralisation que l'on pratique à
la CECM depuis déjà un certain temps, l'expérience de
décentralisation d'abord à partir du centre vers des
régions qui ont été constituées et qui jouissent de
responsabilités substantielles - dont on aura l'occasion de parler
tantôt -et, deuxièmement, décentralisation envers
l'école à qui des responsabilités précises et assez
nombreuses ont été confiées par voie de
délégation d'autorité au cours des dernières
années. Ici, c'est un modèle. Je ne sais pas s'il est
arrivé que le gouvernement discute de cela sérieusement avec vous
de la CECM. Il me semble qu'il y a quand même des choses à
observer, qu'il y a des choses qui ont été faites et qui sont
vérifiables quant aux procédures qu'on a suivies, quant aux
résultats qui ont pu être obtenus, quant aux difficultés
qui ont pu être surmontées ou non surmontées. Il me semble
qu'il y a un stock d'expériences là qui devraient être
considérées avec intérêt par les parlementaires. En
tout cas, de notre côté, cela nous intéresse. Vous le
savez. Je vous ai demandé des renseignements à maintes reprises
là-dessus. J'entends continuer d'examiner cela de près, ainsi que
plusieurs de mes collègues.
Je voudrais en venir à quelques questions qui se dégagent
de votre intervention. J'en ai peut-être six ou sept mais je ne voudrais
pas prendre trop de temps non plus. Je vais essayer de les poser
brièvement; si les réponses pouvaient être brèves,
de manière à laisser la chance à mes collègues de
pouvoir intervenir et, en particulier, de manière à laisser la
chance à Mme Thérèse Lavoie-Roux, votre ancienne
présidente, celle qui vous a précédé dans cette
importante fonction, M. le président, de pouvoir parler, je pense que
tout le monde l'apprécierait vivement.
D'abord, sur la taille de la Commission des écoles catholiques de
Montréal, j'ai cru voir tantôt qu'on faisait des signes de
tête dans le sens qu'on avait peut-être des données plus
précises que celles que j'évoquais, concernant d'autres
territoires urbains qui auraient des commissions scolaires ou des institutions
scolaires de taille comparable. Est-ce que vous pourriez donner quelques
précisions là-dessus?
M. Parent (Marcel): Oui. J'ai ici un bulletin de l'Association
canadienne d'éducation qui donne le nombre des élèves dans
différentes commissions scolaires au Canada. À la CECM de
Montréal, on a 107 000 élèves; Metro Separate, de Toronto,
94 000; Calgary Public School, 84 000; Peel-Mississauga, 83 000; Scarborough,
78 000; Toronto, 76 000; Edmonton Public School Board, 69 000; North York, 67
000, etc. C'est donc dire que les grandes commissions scolaires ne sont pas un
fait unique à Montréal. Il y en a d'autres.
M. Ryan: Très bien. Maintenant, les services que vous avez
mis sur pied au cours des années pour répondre à des
besoins spéciaux, en éducation des adultes par exemple, pour
l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, pour les
décrocheurs, pour répondre à d'autres besoins
spécialisés en éducation, pensez-vous qu'il serait aussi
facile de les fournir si la Commission des écoles catholiques de
Montréal était ramenée à une taille de 30 000
à 35 000 élèves?
M. Parent (Marcel): II est certain qu'on ne pourrait pas s'offrir
tous ces services spécialisés. D'abord, est-ce qu'on aurait les
bassins de clientèle potentielle pour le faire? Aussi, est-ce qu'on
pourrait s'offrir les ressources sur le plan technique, sur le plan des
enseignants pour diffuser ces services? Vous m'avez parlé de
l'éducation des adultes tout à l'heure. Tout le monde sait que
notre directeur général a été très
près de ce service. Je lui demanderai donc de nous renseigner sur cette
question.
M. Dugas (Gaston): M. le Président, effectivement le
service d'éducation des adultes, dont on a dit qu'il était apparu
en 1964 à la CECM, est un service qui a pris énormément
d'expansion en bonne partie à cause de la présence sur le
territoire métropolitain d'un grand nombre d'industries et de groupes
populaires avec lesquels la CECM a conclu des ententes depuis une quinzaine
d'années.
Pour mettre sur pied les activités, il a fallu avoir recours
à des spécialistes qui pouvaient se permettre de consacrer
quelques mois et même davantage à l'analyse de situations
particulières et, après, en collaboration avec les organismes,
industries ou groupes populaires, de mettre sur pied le type de services. Quand
on regarde les autres commissions scolaires au Québec, il est bien
évident, comme M. le ministre de l'Éducation l'a souligné,
qu'il y a des réalisations fort intéressantes partout dans le
Québec. Il serait loin de notre pensée de vouloir mettre de
l'avant les réalisations de la CECM en laissant entendre qu'ailleurs, au
Québec, il n'y a pas eu de réalisations extrêmement
significatives. Bien au contraire.
Il faut avouer toutefois qu'il y a des types de réalisations, par
leur nature ou par leur ampleur, qui n'ont pu voir le jour à
Montréal qu'à cause de la taille et de ce que permet la taille:
la constitution d'un bassin de ressources. On a, par exemple, dans
l'éducation des adultes, l'expérience tout à fait
originale que constitue l'entente intervenue avec six centres
d'éducation populaire qui sont précisément dans les
quartiers ouvriers: ce sont des centres autogérés, avec une
participation de la CECM, par le biais de son service d'éducation des
adultes, au niveau de la planification des activités; mais il s'agit de
conseils d'administration reconnus par la loi et pour lesquels la CECM a une
contribution financière de plusieurs centaines de mille dollars par
année. C'est un genre d'expérience qui n'existe nulle part
ailleurs au Québec. On pourrait évidemment décrire, mais
ce serait trop long, les très nombreuses expériences sur le plan
des contacts avec les organismes et la formation en industrie.
Ce qu'il faut déplorer, dans le cas de l'éducation des
adultes, c'est que c'est un service qui a été pratiquement
décapité lors des coupures dramatiques de l'éducation des
adultes il y a deux ans. Depuis ces coupures, notre service a été
pratiquement coupé de moitié, mais ce n'est pas dû aux
ressources, ce n'est pas dû aux capacités de la CECM,
c'était dû uniquement aux ressources financières dont on
pouvait disposer.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais vous poser une
question à propos de la politique de la Commission des écoles
catholiques de Montréal en matière de décentralisation et
de délégation d'autorité en direction des régions
et des écoles. Je ne sais pas si vous pourriez résumer ce qui se
fait de ce côté. Je pars d'une question bien pratique. Ce matin,
on a fait mention des trois grandes régions sous lesquelles sont
regroupées les écoles relevant de la Commission des écoles
catholiques de Montréal. Quelqu'un du côté gouvernemental -
je crois que c'est le député de Bourassa -a dit - mais je ne veux
pas lui attribuer cela de manière trop précise, je pense que
c'était lui - Bien voilà, nous avons déjà la
matière de commission scolaire à taille plus raisonnable que nous
envisageons. Pourriez-vous me dire ce que font ces régions, ce qu'elles
peuvent faire en faisant partie du grand ensemble qu'est la CECM et qu'elles ne
pourraient pas faire si la CECM était morcelée ou
démantelée?
M. Parent (Marcel): Ce qui arrive, M. le Président, c'est
que cette grande commission scolaire qu'est la CECM et qui fait peur a pris les
moyens pour se rapprocher de sa clientèle et a pris les moyens pour
être plus près des attentes du milieu. La CECM, côté
français, est divisée en trois grandes régions qui
regroupent environ 30 à 35 écoles par région: une
région à l'est, une région au nord de Montréal et
une région dans le centre et sud-ouest de Montréal. On est
conscient, nous aussi, qu'une grande commission scolaire doit prendre des
mesures pour être sensible et à l'écoute de sa population;
c'est pour cela que nous avons décentralisé, mais en gardant une
unité administrative et l'avantage que cela nous donne au niveau des
économies. Parce que la commission n'est qu'une commission scolaire et
qu'elle est consciente des disparités culturelles et
socio-économiques de son territoire, elle peut, à même ses
budgets, mettre de l'avant une politique de péréquation
bénéfique à certains secteurs moins favorisés.
C'est parce que la CECM est la CECM, qu'elle a trois régions
administratives, qu'elle peut donner plus de support à la région
du sud-ouest, par exemple, de Montréal, où on a besoin d'injecter
plus de ressources humaines et plus de ressources pédagogiques. (17 h
30)
Nous avons avec nous le directeur des services financiers. J'aimerais
qu'il vous donne, par ordre de grandeur, les possibilités
d'investissement que nous pouvons nous permettre dans les différentes
régions. Nous pouvons provoquer de l'aide d'autres régions pour
des régions défavorisées parce que nous sommes la CECM. M.
Comeau, j'aimerais que vous nous parliez des chiffres.
M. Comeau (Hubert): En fait, on a trois grandes régions
administratives: une qui est
très défavorisée socio-économiquement, une
moyennement défavorisée et une que je dirais relativement
favorisée. Alors, dans notre processus de budgétisation, on tient
compte de ces facteurs. Le financement que l'on reçoit du
ministère de l'Éducation tient compte des types de
clientèles, mais ne tient pas compte des milieux
socio-économiques au-delà des mesures particulières pour
les milieux socio-économiquement faibles. Alors, on a des mesures
particulières qui s'appellent l'opération renouveau et autres,
mais, au-delà de cela, quand on fait nos partages budgétaires, on
tient compte de ces milieux.
À titre d'exemple, notre région la plus
défavorisée reçoit tout près de 20% de plus pour
les dépenses du personnel non enseignant que la région la plus
favorisée économiquement. En termes de dollars, cela veut dire
que cette région reçoit 3 000 000 $ de plus que si elle recevait
la moyenne de ce qu'on accorde à la région la plus
économiquement favorisée. L'autre région reçoit
tout près de 1 500 000 $ de plus que la région la plus
économiquement favorisée. Donc, il y a évidemment des
mesures particulières qui aident davantage ces régions
défavorisées, mais, au-delà de cela et de façon
systématique, dans notre processus de budgétisation, on fait une
répartition qui pondère les régions plus
défavorisées économiquement dans l'ordre de grandeur que
je vous ai donné.
M. Parent (Marcel): Je voudrais renchérir, à la
demande du député d'Argenteuil qui désirait des exemples
de décentralisation et de délégation. On a ici un document
qui explique la politique de participation des directeurs d'école
à différents niveaux. J'ai aussi copie du règlement
concernant la délégation de pouvoirs aux directeurs
d'école que nous aimerions déposer à cette commission
parlementaire.
Le Président (M. Blouin): Très bien, M. Parent.
M. Ryan: De quand date ce règlement? M. Parent
(Marcel): Pardon, monsieur?
Le Président (M. Blouin): De quand date le
règlement, M. Parent?
M. Parent (Marcel): II date de 1980, je crois.
M. Ryan: Avant le livre blanc.
Le Président (M. Blouin): D'accord! Nous en distribuerons
des copies aux membres de la commission. Cela va, M. le député
d'Argenteuil?
M. Ryan: Je suis obligé d'interrompre à cause du
temps, évidemment, parce qu'il y aurait beaucoup d'autres questions
à poser, mais je veux laisser un peu de temps aux autres.
Le Président (M. Blouin): Très bien, M. le
député d'Argenteuil. Mme la députée de Maisonneuve,
en vous rappelant que l'ensemble des membres de votre formation politique
dispose de quelque 23 minutes pour compléter l'échange.
Mme Harel: Alors, on va y aller rapidement, M. le
Président. Avant de vous poser mes questions, je voulais vous dire que
j'appréciais le fait que vous mainteniez vos positions, mais que vous
aviez écarté le ton polémique qu'on retrouvait dans le
mémoire original, en présentant la synthèse de vos
positions. Je pense que cela augure bien dans la discussion qu'on a.
Vous venez, en fait, de répondre à une question que je me
posais concernant la péréquation. Je connais relativement bien
certaines réalisations, notamment au chapitre des centres de formation
populaires et d'un certain nombre d'écoles plus
spécialisées et également en termes du personnel
professionnel non enseignant qui est mis à la disposition des
écoles dans les milieux économiquement faibles. Je veux
également vous poser rapidement trois questions, dont une concernant les
pouvoirs de l'école. Je lisais dans votre synthèse, à la
page 7, je crois, que vous envisagiez de déléguer un certain
nombre de pouvoirs aux écoles, si tant est que les pouvoirs des
commissions scolaires étaient accrus. Dans votre mémoire
original, vous y indiquiez que vous vouliez aller plus loin que ce que vous
faites présentement en prévoyant une enveloppe budgétaire
globale pour chaque école. J'aimerais savoir où vous en
êtes sur cette question. Également, vous demandez... Je sais que
vous avez soumis des formules de participation. En fait, ce n'est pas
là-dessus que je m'interroge, c'est bien plus sur ces pouvoirs que vous
considériez intéressant de déléguer aux
écoles. Là-dessus, à proprement parler...
M. Parent (Marcel): Si vous permettez, je demanderais au
directeur général de répondre.
M. Rondeau (Jean-Claude): M. le Président, en termes de
délégation de pouvoirs, donc de pouvoirs que le directeur
d'école reçoit, parce que nous maintenons que les pouvoirs
doivent aller au directeur d'école, quitte à ce qu'ils soient
partagés par la suite et exercés en collégialité
avec les parents et les enseignants, les pouvoirs, comme vous le voyez dans le
texte qui vous est remis, sont en matière pédagogique, en
matière de gestion des équipements de gestion
financière et de gestion du personnel. Ils couvrent à peu
près toutes les sphères d'activité de l'école.
Sur le plan de la gestion financière, ce que nous avons
mentionné dans notre mémoire, c'est que nous étudions
présentement, en collaboration avec les directeurs d'école, des
façons d'aller plus loin. Nous avons déjà une
décentralisation budgétaire, en particulier au niveau des
écoles secondaires et polyvalentes. Nous cherchons des façons
d'aller plus loin tout en sauvegardant un principe de péréquation
qui nous permet d'aider davantage les écoles qui sont les plus en
besoin. Les directeurs d'école sont partie prenante dans le processus et
nous devons aboutir à une solution pour le budget 1984-1985, donc pour
le prochain budget.
Mme Harel: Alors, si je comprends bien, lorsque vous nous parlez
de déléguer un certain nombre de pouvoirs aux écoles, il
faut lire plutôt "aux directeurs d'école". C'est bien le cas?
M. Rondeau: Oui.
Mme Harel: Une autre question, concernant les équipement
scolaires. Je m'interroge à savoir si les régions sont
actuellement équipées d'une façon similaire. S'il y a du
rattrapage à faire, dans quel état se trouveraient les
régions à l'aube d'une redivision en commissions scolaires?
M. Parent (Marcel): Je demanderais au responsable du service des
équipements, M. Dugas, de vous répondre.
M. Dugas: M. le Président, je ne pourrais vous donner des
chiffres exacts quant à la qualité des différents
immeubles et au nombre de pieds carrés donnés aux
différentes régions. Sauf que je peux vous dire qu'il y a un plus
grand nombre de pieds carrés dans la région ouest, la plus
défavorisée, que dans les autres régions. Quant aux
crédits qui sont accordés pour l'entretien physique de ces
immeubles, c'est toujours en fonction de la pondération des
élèves et du nombre de pieds carrés. Dans ce sens, la
même région bénéficie également d'un type de
péréquation.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je termine sur un
aspect dont vous avez parlé et c'est sur ce que vous disiez concernant
le mandat que vous considériez avoir sur la question de la
confessionnalité. Pour vous dire la vérité, je trouve cela
assez anachronique d'une certaine façon que ce soit la commission
scolaire située dans le territoire le plus cosmopolite du Québec,
celui qui dessert une population pluraliste, celui où il se fait sans
doute le plus important brassage d'idées, de valeurs, de croyances,
d'ethnies, de cultures, donc, je trouve cela un peu anachronique d'une certaine
façon que ce soit cette commission scolaire qui, plus que les autres, je
pense, insiste pour maintenir le caractère confessionnel de la
structure.
Il y a une certaine responsabilité qui est maintenant
dévolue à la collectivité québécoise
francophone, depuis, notamment, l'adoption de la loi 101 qui, je pense, au
chapitre de l'accueil des nouveaux arrivants dans les classes
françaises, est assez incontestée chez l'ensemble des
francophones du Québec. Il y a une certaine responsabilité qui
lui incombe. Vous-mêmes nous disiez recevoir maintenant 15% de votre
clientèle scolaire de souche autre que québécoise et avoir
dans certaines écoles la présence de sujets de 15, 20, 30 ethnies
différentes. C'est un autre aspect beaucoup plus social. Je pense aussi
qu'il y a de vos écoles où une majorité des enfants
viennent de familles monoparentales. C'est là une autre dimension
culturelle très différente. Je me demandais, d'une part, en
lisant votre mémoire, notamment à la page 54, si je devais y lire
que vous considériez valable et que vous recommandiez le maintien de
l'exemption. J'ai cru comprendre que vous étiez satisfaits du processus
d'exemption actuellement en vigueur. Je veux savoir si effectivement vous en
recommandez le maintien.
D'autre part, je voulais également vous demander si c'est
suffisant dans un projet éducatif de s'en référer à
un mandat politique au sens du mandat du groupe politique auquel on appartient
ou du mandat du programme du groupe politique auquel on appartient. C'est ce
que vous sembliez évoquer tantôt.
M. Parent (Marcel): Pas tout à fait.
Mme Harel: Pas tout à fait? Notamment au chapitre du
projet éducatif, je pense qu'il y a deux ou trois ans vous aviez, au
niveau des commissaires, décidé que le projet éducatif de
toutes les écoles devait être un projet éducatif
catholique. Est-ce que la dynamique n'est pas inversée? Est-ce que le
projet éducatif ne doit pas provenir du milieu? Je ne fais pas la
même lecture que vous du projet de loi. Je ne crois pas qu'on
écarte, d'aucune façon, l'enseignement religieux. Au contraire,
je pense qu'on en assure tout l'exercice. Est-ce que le projet éducatif
ne doit pas aller au-delà même du projet de loi, au sens de
reconnaître les valeurs religieuses des diverses
confes-sionnalités des enfants que l'on retrouve maintenant dans les
écoles francophones à Montréal?
Le Président (M. Blouin): M. Parent?
M. Rondeau: Tout à l'heure, M. Parent répondait
sous l'angle politique, donc le mandat reçu de la population, et je
pense qu'il lui appartenait de répondre sous cet angle-là. Je
vais essayer de répondre sur un plan administratif. Comme directeur
général d'une commission scolaire, ma fonction est
évidemment de planifier les activités, d'élaborer les
orientations sanctionnées par les commissaires, etc. C'est
également de faire en sorte que la machine administrative fonctionne,
donc, concrètement, de régler les problèmes qui
apparaissent au niveau des écoles, au niveau des régions ou des
services. Je suis, comme quelques-uns le savent, un nouveau directeur
général depuis le début du mois de mai. Je dois vous
avouer que je n'ai pas à travailler à des problèmes
relatifs à la confessionnalité ni à l'enseignement
religieux. Je n'ai pas à travailler à ces problèmes parce
que les orientations de la commission, les programmes mis en place pour
l'enseignement religieux ou l'animation pastorale dans les écoles
fonctionnent. Il y a effectivement le régime d'exemption religieuse.
C'est extrêmement rare que je doive intervenir pour faire en sorte que
les droits des élèves à l'enseignement moral, quand ils le
réclament, soient respectés effectivement dans les
écoles.
Or, le message que nous vous donnons dans le mémoire, c'est que,
quand on a à travailler dans la réalité quotidienne de
Montréal, on s'aperçoit que la question de la
confessionnalité n'est pas un problème auquel il faut apporter
des solutions actuellement. C'est probablement un problème pour des gens
qui travaillent à un autre niveau. On peut remercier le hasard qui nous
a fait entendre les représentants du département des sciences
religieuses tout à l'heure. Il reste que, pour nous, dans notre
vécu quotidien, nous n'avons pas à régler ce type de
problème.
Donc, comme administrateur de la commission, ma fonction est de
rapporter au conseil des commissaires ce qui fait vraiment problème dans
le quotidien. Ce qui fait problème dans le quotidien, ce sont la
violence, la difficulté d'en arriver à un rendement scolaire
équivalent dans certains milieux et l'intégration des allophones.
C'est cela le vécu de Montréal. Ce sont là, les
problèmes les plus urgents auxquels la commission doit apporter des
solutions immédiates. C'est son devoir. Ce ne sont sûrement pas
les problèmes reliés à l'exemption de l'enseignement
religieux. Si je pouvais vous apporter un exemple: dans une école dont
vous aurez l'occasion d'entendre parler - pour ne pas la nommer,
Notre-Dame-des-Neiges - quand on regarde l'évolution des statistiques
relatives à l'exemption de l'enseignement religieux, le nombre
d'exemptés dans cette école diminue depuis trois ans. Il ne
semble pas que, dans la pratique quotidienne, ce soit un problème
tellement aigu. (17 h 45)
Mme Harel: M. le Président, je termine là-dessus.
J'ai lu récemment un excellent travail réalisé au Conseil
scolaire de l'île de Montréal traitant du problème
d'intégration des enfants d'immigrants dans les écoles des
milieux économiquement faibles. Cette étude
révélait notamment qu'il fallait, pour faciliter
l'intégration de ces enfants, qu'ils s'y retrouvent sur le plan culturel
et sur le plan de leur croyance. On pense, par exemple, à des Africains
musulmans qui ne mangent pas certains types de viande, il faut que cela soit
reconnu par l'école au niveau du service de la cafétéria.
C'est très concret, mais il y avait une série d'exemples qui
étaient apportés. Vous me répondez sur le plan de
l'administration. Je vous repose la question sur le plan pédagogique.
Est-ce qu'un projet éducatif peut ne pas tenir compte de la
réalité des enfants d'une école? Ce projet éducatif
peut-il être éducatif au sens où il ne serait pas
réceptif, ne serait pas accueillant aux croyances, aux valeurs, aux
cultures des enfants qui sont de cette école, quelle que soit leur
confessionnalité, aussi minoritaire puisse-t-elle être? Il ne
s'agit pas qu'il y en ait un nombre suffisant, mais je pense qu'une seule
personne peut satisfaire au fait qu'un projet éducatif de la
majorité peut être réceptif même à cette
présence d'une minorité, aussi minoritaire soit-elle.
M. Rondeau: M. le Président, pour parler d'une
école où il y a une présence de plus de 80% d'allophones,
Saint-Pascal-Baylon, où on retrouve environ 45 ethnies, il y a
effectivement un projet d'école qui est en train de s'articuler et qui,
nous pensons, respecte les valeurs des différentes ethnies. On
n'éprouve pas à Saint-Pascal-Baylon de problèmes
particuliers quant au respect des valeurs des communautés asiatiques ou
sud-américaines qui se retrouvent dans l'école. La
nécessité de respecter ces valeurs est évidente. Nous
pouvons constater, dans cette école ou dans d'autres à forte
concentration d'allophones, la possibilité pour des catholiques d'avoir
un enseignement et un climat conformes à leurs valeurs sans que cela
vienne de quelque manière que ce soit en contradiction avec des valeurs
et des traits culturels différents.
Le Président (M. Blouin): Ça va, merci. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Il me fait
plaisir de saluer le président de la CECM et les cadres qui
l'accompagnent qui ont été, durant plusieurs années, des
collaborateurs précieux avec lesquels on a pu mettre sur pied des
programmes extrêmement intéressants dont, d'ailleurs, le
ministre de l'Éducation a reconnu la valeur, qu'il s'agisse de l'accueil
aux immigrants, du développement du leadership que la Commission des
écoles catholiques de Montréal a assumé dans le domaine de
l'enfance exceptionnelle ou des enfants en difficulté d'apprentissage
comme on les appelle aujourd'hui, qu'il s'agisse des milieux
économiquement faibles, enfin, d'une foule de politiques qui,
finalement, ont eu une influence sur non seulement la qualité des
services offerts à la population de Montréal, mais aussi sur bon
nombre d'autres commissions scolaires. Je pense que c'était normal.
Je voudrais revenir sur la question de la division du territoire. On le
sait, c'est une question qui revient. On pense au rapport Parent, au rapport
Pagé, en 1971-1972, mettez-en tant que vous en voudrez. Je me souviens
qu'en 1969 la population étudiante était de 231 000
élèves, si ma mémoire est bonne; elle est
présentement de 106 000 élèves. Si le gouvernement devait
aller de l'avant avec le projet de loi 40, c'est-à-dire une division
linguistique, la CECM aurait une population d'à peu près 86 000
ou 87 000, si je ne m'abuse.
On sait que, depuis longtemps, le ministère de l'Éducation
entretenait le dessein de morceler la CECM; on n'aimait pas ce deuxième
ministère de l'Éducation, on l'appelait ainsi et ceci nous a
été rappelé par un député
ministériel, hier, qui trouve qu'il y en a trop, qu'il y en aurait
même quatre: le PSBGM, la CECM, les régionales et le
ministère lui-même.
Je n'ai jamais exactement compris, surtout au moment où cette
commission se retrouverait avec 86 000 élèves... Le ministre nous
dit qu'elle est déséquilibrée par rapport aux commissions
scolaires qui l'entourent. Je suis d'accord avec vous, M. le ministre, mais
est-ce la raison fondamentale qui devrait nous faire modifier la taille d'une
commission scolaire quelle qu'elle soit? Ne devrait-on pas se poser la question
fondamentale: Est-ce qu'on va améliorer ou diminuer les services non
seulement dans cette commission, mais peut-être dans d'autres, à
cause du rayonnement qu'une commission comme celle-là peut avoir? Je
pense que c'est cela, la question fondamentale qu'on doit se poser. Non pas
pour protéger le statut ou la grosseur de quelqu'un, mais pour savoir
si, en réduisant la taille d'une commission scolaire, on va
améliorer la qualité des services comme, d'ailleurs, ce devrait
être l'objectif de fond avec la loi 40.
Je suis d'accord avec le ministre, il y a peut-être, sur
l'île de Montréal - je pense, en particulier, à Verdun,
c'est une idée qui me vient comme cela - une commission qui n'a pas
suffisamment de ressources. Par contre, elle est plus grande que d'autres hors
de Montréal. Il reste qu'on pourrait rétablir un certain
équilibre.
À partir du principe qu'il faut que tout le monde soit
égal, qu'il faut que tout le monde ait entre 25 000 et 35 000
élèves, il me semble que c'est simplement la poursuite d'un
objectif technocratique qui existe depuis des années et qui dit qu'il
faut enlever ce qu'on appelait un deuxième ministère de
l'Éducation.
D'ailleurs, si les problèmes que cela avait créés
avaient été si importants, avaient tellement diminué la
qualité des services dans les autres commissions scolaires de
l'île de Montréal, il faudrait se dire que, tous ensemble, quelles
que soient nos couleurs politiques, à titre de citoyens du
Québec, on a été irresponsables parce que cela fait 100
ans que cela dure. Je fais cette remarque parce qu'il faudrait essayer
honnêtement de savoir quels sont les objectifs qu'on poursuit quand on
parle du morcellement d'une commission scolaire. Ceci étant dit, je
voudrais passer à des questions qui devront être
limitées.
On parle beaucoup d'écoles communautaires. D'ailleurs,
c'était le titre du livre blanc du ministre: Une école
communautaire responsable. On ne sait pas encore au juste quelle dimension il
faut donner à cette école communautaire, sauf qu'on sait que
c'est, entre autres choses, une utilisation de l'école par la
communauté environnante, qui ne sera pas nécessairement la
communauté qui est dans l'école ou pas en totalité, parce
qu'on sait que, dans les écoles polyvalentes, il y a des enfants qui
viennent de partout. L'utilisation de leurs équipements. Je voudrais que
vous nous disiez quelle a été la politique, eu égard
à ce développement d'une école communautaire, qui a
été mise de l'avant par la CECM: depuis quand, quels en ont
été les fruits et est-ce que le fait de morceler la CECM
faciliterait l'utilisation de cette école par la communauté?
Cela, dans un premier temps.
Une deuxième question: En référence aux articles
123 et 130 du projet de loi, où on laisserait à l'école
l'usufruit des locations qu'elle pourrait faire ou l'utilisation qui pourrait
être faite de ses locaux durant ou après les heures de classe,
est-ce que ceci vous semble une mesure à favoriser, ou est-ce que cela
ne pourrait pas créer un certain déséquilibre au point de
vue des ressources des écoles? Au plan administratif, au point de vue
des ententes qui doivent être signées, est-ce que ceci pourrait
aussi créer des difficultés et rendre plus difficile ce qu'on
veut rendre plus facile dans les faits?
M. Parent (Marcel): M. le Président, pour répondre
à Mme la députée de L'Acadie, d'abord, je dois vous dire
que je suis d'accord avec vous concernant la
première partie de votre énoncé, en ce qui regarde
la qualité de vie dans les écoles. Vous nous demandiez, madame,
quelles étaient les implications de l'école communautaire, quelle
était la politique de la CECM face à l'ouverture de
l'école sur le milieu. Je n'ai pas à vous apprendre,
peut-être que je vais l'apprendre à certaines personnes, que la
Commission des écoles catholiques de Montréal - j'y ai
été associé par mon travail professionnel à ce
moment-là - a été la première commission scolaire
de la province à s'ouvrir réellement sur le milieu. Elle a
été la première, en 1953, à préparer les
premiers protocoles d'entente avec la ville de Montréal sur
l'utilisation des écoles pour fins de loisirs ou d'activités
physiques.
Actuellement, le service des sports et loisirs de la ville de
Montréal est présent dans une centaine d'écoles environ
sur le territoire de Montréal. Des écoles qui sont
utilisées à des fins scolaires durant 185 ou 190 jours par
année, pendant cinq à six heures par jour, servent à la
population pour répondre à leurs besoins d'activités
récréatives ou socioculturelles ou communautaires le soir. Il est
sûr qu'aucune municipalité n'aurait les moyens, aujourd'hui, de
construire ou d'aménager cent centres de loisirs ou cent centres
culturels. Par contre, grâce à la collaboration de la CECM avec la
ville, celle-ci met ses écoles à la disposition de la ville, au
prix coûtant, au moment où elles ne sont pas occupées
à des fins scolaires et la ville, parce qu'elle reçoit ces
services de la CECM, met à la disposition de la CECM, dans le même
ordre, ses arenas, ses patinoires et ses piscines.
En 1973, j'avais le plaisir de siéger à un comité,
ici à Québec, qui s'appelait le Comité de concertation
municipale et scolaire. Encore une fois, la Commission des écoles
catholiques de Montréal et la ville de Montréal étaient
appelées, comme organismes-ressources, à mettre sur pied ou
à établir un protocole d'utilisation des équipements
scolaires pour fins de loisirs. Cela a été l'histoire de la
collaboration de la commission scolaire avec la ville de Montréal sur le
plan des loisirs et de la culture. Cela a été une façon de
s'ouvrir sur son milieu. De plus en plus, on voit des groupements,
émanant de différents milieux géographiques ou
sociologiques, utiliser nos écoles pour d'autres fins, comme l'animation
communautaire, l'éducation populaire, etc.
Dans l'esprit du conseil des commissaires actuels, l'école est
une institution communautaire qui se doit de desservir la population dans le
sens le plus large du mot. Autrement dit, l'école doit continuer
à jouer son rôle d'éducatrice après les heures
normales ou conventionnelles de classe.
Pour ce qui est de la deuxième partie de votre intervention, Mme
la députée, je demanderais à M. Rondeau
d'enchaîner.
M. Rondeau: L'article 130 du projet de loi 40 dit: Les revenus
produits par la fourniture de biens ou services à la communauté
sont imputés aux crédits attribués à
l'école. Je pense qu'on peut tirer de cet article la conclusion que les
bénéfices tirés de la location des locaux des
écoles pourraient rester à l'école. Quand on examine la
pratique de la CECM depuis de très nombreuses années, on
s'aperçoit que quelques-unes des écoles sont très
favorisées, soit parce qu'elles sont situées à
proximité de stations de métro ou que leur disposition est
particulièrement avantageuse, ce qui fait qu'elles sont très en
demande. Si on devait appliquer ce principe, cela signifierait pour certaines
écoles des revenus additionnels de plusieurs dizaines de milliers de
dollars par année alors que les écoles qui n'ont pas la chance
d'être aussi bien situées ou dont la configuration physique est
moins favorable se retrouveraient sans aucun revenu.
Actuellement, à la CECM, les revenus de location sont
réunis dans un ensemble et les bénéfices servent à
la rénovation physique de l'ensemble des édifices de la
commission. Nous pensons que c'est finalement plus juste que de laisser ces
revenus à chacune des écoles.
Mme Lavoie-Roux: Au point de vue administratif, on doit signer
des ententes. Vous avez une longue tradition. Je voudrais que vous
répondiez très brièvement, je vais vous poser deux autres
petites questions, au point de vue administratif. Vous signez des ententes avec
la ville de Montréal-Nord, c'est là où il s'en fait le
plus, c'est presque tout votre territoire. Est-ce que vous avez
interprété que les articles 123 et 130 voudraient dire
dorénavant des ententes individuelles entre les écoles et la
ville de Montréal ou que la ville de Montréal devrait entretenir
des relations avec un grand nombre de partenaires, alors que,
présentement, tout se fait par l'entremise d'une seule unité
administrative? (18 heures)
M. Parent (Marcel): De la façon qu'on l'interprète,
c'est qu'avec l'avènement du nouveau projet, les villes auraient
à traiter avec chacune des écoles. L'expérience me porte
à dire que c'est pratiquement impensable. Voyez-vous un comité
d'école ou un commissaire d'écoles qui, pour une raison ou pour
une autre, n'est pas sensible aux besoins de l'ouverture de son école
dans son milieu communautaire pour la remettre à la disposition du
public? Immédiatement à côté il y a un autre
comité d'école qui, lui, est très enclin à
collaborer. Regardez les négociations, les dizaines de
négocations et la lourdeur du processus. C'est l'une des
raisons pour lesquelles on dit que Montréal a des
problèmes particuliers que la CECM vit des problèmes
particuliers.
Je passe encore le message au ministre et c'est très objectif et
très ouvert. M. le ministre, votre projet de loi, ne l'adoptez pas
immédiatement; ne l'adoptez pas sans vous concerter encore une fois avec
les intervenants, avec la CECM. On est prêt à parler, on est
prêt à collaborer, mais Montréal a des
spécificités qu'on ne retrouve nulle part en province et il faut
en tenir compte dans un esprit objectif. On n'est pas en guerre, personne ici
n'a rien à gagner ou à perdre. On remplit un mandat et on veut le
faire le plus honnêtement possible. On croit pouvoir vous aider, M. le
ministre, on croit réellement pouvoir vous aider en vous alertant et en
vous incitant à tenir compte de la réalité
montréalaise.
Le Président (M. Blouin): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'ai deux questions qui
sont longues; je vais essayer de les faire courtes et j'espère que les
réponses seront courtes.
M. Parent (Marcel): Les réponses seront courtes,
madame.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas un reproche, c'est le temps qui
nous presse. La première concerne la participation des parents. Je ne
voudrais pas que vous me fassiez tout l'historique de la participation des
parents, on a eu l'occasion de le faire ce matin avec votre comité
central. Je sais que, l'an dernier ou il y a deux ans, vous avez discuté
avec le comité central des parents des modèles de gestion
possibles qui auraient permis une plus grande participation des parents. Dans
ces modèles de gestion et de participation, y avait-il des pouvoirs de
décision que vous accordiez directement aux parents?
Dans la même veine, quoique la question soit différente, je
vois ici le directeur de la région nord, qui est le gardien, d'une
certaine façon, du projet de l'école-atelier et à qui on
accorde une gestion qui, à bien dés égards, est assez
similaire à celle que prévoit le projet de loi. Pourriez-vous
nous dire quelle évaluation vous en faites du point de vue de la
participation des parents et du point de vue d'un modèle qui pourrait
être adapté quant à la partie gestion - parce qu'il
resterait un projet éducatif particulier - à l'ensemble des
écoles de la Commission des écoles catholiques de
Montréal?
M. Parent (Marcel): M. Saint-Onge, si vous êtes bref, vous
pouvez répondre.
M. Saint-Onge (Florian): II est difficile de répondre
brièvement quand ça fait 19 ans qu'on travaille avec des
comités de parents. Je suis quand même très heureux de cet
exemple. Il ne faudrait pas voir dans mes propos, si on cite
l'école-atelier et qu'on rend hommage aux parents qui travaillent
à l'école-atelier, qu'il n'y a pas d'autres écoles
où les parents sont fort impliqués. Nous avons beaucoup
d'écoles où les parents sont impliqués.
Mme Lavoie-Roux: C'est parce que je la connais,
celle-là.
M. Saint-Onge (Florian): Cependant, s'il y a une école qui
peut ressembler à ce qu'on voit dans le projet, ce sont les parents qui
ont voulu réaliser une espèce de projet éducatif pour la
pédagogie ouverte; c'est donc dire qu'ils se sont impliqués et
que les enfants qui y vont le font par libre choix de l'école. C'est
donc un modèle de participation, mais, à ma grande surprise,
après avoir encouragé et favorisé la participation des
parents depuis 19 ans, il y a une certaine déception chez moi parce que,
même à cette école, nous avons des parents qui,
après quelques mois, quelques années de participation, trouvent
cela essoufflant. C'est là que je me dis que, s'il fallait qu'on soit
dans l'obligation d'appliquer dans toutes les écoles un modèle de
participation des parents dans le sens qu'on le voit dans le projet, ce serait
malheureux. C'est là, je pense, que la CECM a réalisé
qu'il y a des parents qui veulent beaucoup s'impliquer. Les uns sont plus
capables que les autres et elle a essayé de trouver des modèles
différents, et non d'appliquer à l'ensemble des écoles de
la CECM un même modèle, d'où, dans le mémoire, vous
retrouvez trois modèles possibles.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, Mme la
députée de L'Acadie. M. le député de Bourassa.
M. Laplante: Merci, M. le Président. C'est à mon
tour de saluer le président, M. Parent, les commissaires qui
l'accompagnent, mes anciens collègues, et les cadres avec qui j'ai eu le
plaisir de travailler durant quelques années. Le mémoire que vous
présentez, on ne pouvait pas s'attendre beaucoup à autre chose;
ayant été moi-même commissaire chez vous, vous êtes
là probablement surtout pour conserver l'acquis que vous avez.
Maintenant, les années portent à réflexion. Lorsque
je faisais partie de la Commission des écoles catholiques de
Montréal, nous avions cinq régions. Nous sentions
également à ce moment le besoin de dégager les
responsabilités de ce qu'on appelait la "boîte" dans le temps, la
Commission des écoles catholiques de Montréal,
en formant ces régions pour décentraliser la commission,
pour essayer de s'approcher de l'utilisateur de l'école, l'enfant. Avec
les années, le nombre d'élèves a diminué, on est
passé à trois régions plus la région administrative
anglophone.
Encore dans le même but, vous vous êtes aussi rendus, si M.
Saint-Onge s'en souvient également, aux luttes des régions, pour
avoir plus de pouvoirs. Comme décentralisation, je m'aperçois que
vous en avez eu un peu plus avec les années. Les directions
d'école en ont un peu plus, pas tellement plus, mais plus de
consultation cependant, qui se fait surtout au niveau des régions, avec
leurs pouvoirs décentralisés. Ce qui me fait comprendre,
aujourd'hui, que le temps est venu, pour le parent, d'être proche de son
institution. Lorsque vous parliez de diviser la commission en trois, en
respectant peut-être les régions, mais en respectant surtout les
villes qu'elles représentent, je verrais mal, chez nous,
Montréal-Nord divisée en deux: secteur Pie-IX en allant vers
l'est et laisser le secteur ouest à une autre commission scolaire.
Tout en respectant l'entité des villes, parce qu'on se dit
souvent un gros village, je suis favorable à la loi 40, soit vers une
décentralisation. Lorsqu'on voit la commission scolaire de Verdun qui
n'est plus capable de s'offrir de services, c'est par le conseil de l'île
qui fait une répartition plus juste des richesses de l'île de
Montréal, qui peut actuellement aider la commission scolaire de
Verdun... On a fait de grandes choses à Montréal par la
commission scolaire. Montréal a été longtemps le levier du
Québec, à cause de sa grande population. Il n'y a rien qui nous
empêche de nous asseoir sur nos lauriers et de dire qu'il n'y a pas
besoin de changement.
Le parent, en général, au Québec, exige cette
chose: des changements dans les structures. Il faut dire que Montréal
s'est développée aux dépens du reste du Québec. Il
faut être juste là-dessus. On a développé de grands
services à Montréal, mais aux dépens du Québec,
d'autres commissions scolaires également; l'opération 55 a voulu
que ce soient des commissions scolaires élémentaires et
secondaires. Il est temps d'intégrer ces commissions scolaires, de les
grossir, pour essayer de leur donner une espèce d'uniformité dans
les services tels que ceux que Montréal a pu se donner. Par contre, si
on avait, comme revenu d'impôts fonciers, une Place Ville-Marie à
chacune des commissions scolaires en province, je pense qu'elles auraient
été capables, elles aussi, elles auraient eu le talent de
développer des services comparables à ceux des grands centres
urbains.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Les questions que j'aurais à vous poser, je
vais vous les poser en bloc...
Le Président (M. Blouin): Posez-en...
M. Laplante: ...mais, ce que je regrette, c'est que j'aurais
aimé avoir beaucoup plus de temps; mais on n'en a pas.
Le Président (M. Blouin): Oui, mais tenez compte du fait,
M. le député de Bourassa, que dans quatre minutes vous devrez
conclure.
M. Laplante: Oui. La première question - si vous voulez la
prendre en note - vient de la région nord, elle est écrite par le
comité de parents: La haute administration n'est pas notre
spécialité et nous pouvons faire erreur - c'est ce qu'elle nous
dit -mais nous avons l'impression que les économies d'échelle que
la CECM peut réaliser sont presque automatiquement engouffrées
dans des dédoublements de postes nécessités par le
chevauchement de structures inévitable dans une commission scolaire de
cette taille. J'aimerais une réponse là-dessus, sur le
comité d'école.
Maintenant, vous avez le projet...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Bourassa, vous risquez de mettre nos invités dans l'embarras. Si vous
leur posez une série de questions...
M. Laplante: Non, trois questions seulement et je crois que ce
sont des gens qui sont capables d'y répondre.
Le Président (M. Blouin): Je vous demande d'avoir
vous-même l'esprit de synthèse si on veut, par la suite, que les
réponses fassent preuve de ce même esprit.
M. Laplante: D'accord. Vous avez adopté un projet
éducatif chrétien. J'aimerais connaître la consultation qui
a été faite et la réflexion des parents sur l'acceptation
d'un tel projet.
Ma troisième question touche aussi les projets éducatifs.
Pourriez-vous me dire, durant les trois dernières années à
la CECM, combien de projets éducatifs vous avez adoptés à
la table des commissaires?
Le Président (M. Blouin): Les questions sont relativement
précises. M. Parent.
M. Parent (Marcel): M. le Président, avant de
répondre, je dois absolument faire deux mises au point. Le
député de Bourassa a dit que la CECM et la ville de
Montréal s'étaient développées au détriment
de la province. Je vous rappellerai que les per capita que l'on reçoit
à Montréal sont les
mêmes que partout en province. Comme ce sont des questions de
chiffres et de statistiques, je passe la parole à M. Rondeau.
M. Laplante: ...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Bourassa, s'il vous plaît!
M. Rondeau: Je vais essayer de répondre brièvement
aux questions qui ont été soulevées. D'abord, la question
de dédoublement des postes. Le mémoire des parents, ce matin, a
bien relevé que le nombre de postes de cadres, de professionnels et de
directeurs d'école est inférieur à Montréal
comparativement à l'ensemble du Québec. Je pense que cela
répond à la question sur le dédoublement des postes.
Le Président (M. Blouin): D'accord.
M. Rondeau: Deuxièmement, le projet éducatif
chrétien. Je ne sais pas à quoi se réfère
exactement la question du député. Il y a actuellement à la
CECM un processus en marche pour définir les orientations de la
présente commission qui a été renouvelée en juin.
Les commissaires ont pris connaissance d'un premier document de travail hier
soir, les parents seront consultés au niveau du comité central et
au niveau des comités régionaux; en ce qui nous concerne, chaque
fois qu'il y a des définitions des orientations, les parents sont
toujours consultés. Ils ne sont peut-être pas consultés
individuellement, mais au niveau de chaque école.
M. Laplante: Non, j'aimerais faire une petite mise au point.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Bourassa, s'il vous plaît!
M. Laplante: Je parlais du projet d'avril 1980.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Bourassa, s'il vous plaît! Laissez répondre nos invités, M.
le député de Bourassa, s'il vous plaît!
M. Laplante: Ils mélangent les deux.
Le Président (M. Blouin): S'il vous plaîtl M. le
député de Bourassa, je vous demande votre collaboration, s'il
vous plaît! M. Rondeau, vous pouvez poursuivre.
M. Rondeau: Quant à la troisième question, sur le
nombre de projets éducatifs, de la façon que le
député pose sa question, c'est impossible d'y apporter des
réponses parce que la vie d'une commission scolaire ne se passe pas de
cette façon. Les écoles développent des projets qui
prennent une allure de plus en plus spécifique, une couleur locale. Dans
la majorité des cas, il n'y a aucune nécessité pour les
écoles de venir au conseil des commissaires pour faire approuver leurs
projets pour une raison fort simple, c'est que c'est conforme aux orientations
de la commission.
Donc, comme directeur général, je ne peux pas vous dire si
on en a accepté deux ou trois; ce que je peux vous dire, c'est que les
projets vraiment spéciaux, comme une école alternative,
l'école Lanaudière, qui a été approuvée par
les commissaires au printemps, sont des projets assez particuliers pour qu'ils
fassent l'objet d'une résolution formelle.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Rondeau. En
concluant en quelque trois minutes, M. le député de Viau.
M. Cusano: Non, c'est à lui.
Le Président (M. Blouin): Ah! Très bien. M. le
député de Saint-Henri.
M. Cusano: Dans un esprit de très grande collaboration, M.
le Président.
M. Hains: Au nom de mon confrère et collègue,
j'aimerais vous saluer. Il voulait vous saluer, mais, malheureusement, il
n'aura pas le temps de vous parler.
M. Cusano: Bonjour!
M. Hains: Voilà! C'est bref, mais c'est bien cordial.
C'est vrai que vous êtes une grosse commission scolaire, c'est
vrai que vous offrez aussi une kyrielle de services des plus variés et
des plus utiles. C'est vrai que vous avez des budgets prestigieux, que vous
administrez d'ailleurs avec beaucoup de compétence et d'économie,
mais laissez-moi vous dire que vous êtes trop beau, trop gros, trop
prospère et, comme le dirait M. le ministre, vous créez une
distorsion, presque une injustice. Alors, il faut vous diminuer, vous
affaiblir, vous amaigrir, vous charcuter pour ne pas porter ombrage aux
commissions scolaires ni même au ministère. (18 h 15)
Une voix: C'est vrai.
M. Hains: Alors, je vous le dis franchement, c'est la triste
impression que j'ai recueillie de la réponse de M. le ministre, tout
à l'heure, à votre intervention. Et, aujourd'hui, vous nous
présentez un mémoire qui, vraiment, vous fait honneur et qui se
refuse à votre disparition. Nous vous encourageons. Vous rejetez le
projet de loi 40 qui vous diviserait et qui pourrait briser tous vos
idéaux et vos belles réalisations.
Pour ne pas trop me perdre, parce que le temps est court, j'avais
plusieurs petites questions à vous poser; je vais en poser deux
très courtes. Dans vos deux réclamations principales, vous
demandez une réforme en profondeur de la répartition des
pouvoirs. Trouvez-vous que le projet de loi 40 va vous aider dans cette
décentralisation? Et, deuxième petite question, vous
réclamez une meilleure répartition des ressources. Est-ce que,
actuellement, par exemple, vous pouvez dire que, par manque de ressources, vous
devez vous priver de certains services? Et pensez-vous que la loi 40 va
améliorer votre situation?
Le Président (M. Blouin): M. Parent.
M. Parent (Marcel): II est certain, M. le Président, que
les commissions scolaires, dans tout le Québec, pas seulement nous,
manquent de ressources actuellement. L'éducation coûte cher.
Lorsqu'on a perdu notre pouvoir de taxation, on a perdu notre liberté
d'action. On est devenu, comme on le dit dans notre mémoire, une sorte
de succursale du ministère de l'Éducation et on est sujet
à le devenir encore plus.
M. Hains: J'ai posé mes deux questions.
Le Président (M. Blouin): Cela va? Alors, M. le
député de Saint-Henri, vous nous avez démontré
qu'on peut à la fois être bref et bien exprimer ses opinions. Sur
ce, je remercie les représentants de la Commission des écoles
catholiques de Montréal de leur importante participation à nos
travaux. Et nous suspendons nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 17)
(Reprise de la séance à 20 h 7)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission élue permanente de l'éducation reprend
ses travaux. Nous allons donc procéder dès maintenant à
l'audition du groupe dont le nom est le Comité de parents de la
région 1 de la Commission des écoles protestantes du grand
Montréal. Puisqu'il a été convenu que nous allions
consacrer un heure trente à la fois à la présentation de
votre mémoire et aux échanges entre les membres de la commission,
je vous demande donc, comme c'est la coutume, de procéder à votre
présentation d'une vingtaine de minutes après vous être
identifiés.
Comité de parents de la région de la
CEPGM
M. Savard (Serge): M. le Président, M. le ministre,
distingués membres de la commission, le Comité régional de
parents des écoles françaises de la Commission des écoles
protestantes du grand Montréal vous remercie de l'avoir invité
à cette commission. Mon nom est Serge Savard. Je suis conseiller
spécial au comité régional de parents et
délégué à la Fédération des
comités de parents de l'île de Montréal. Je vous
présente, à ma gauche, Mme Lucie Filion, présidente du
comité régional de parents et commissaire parent à la
commission scolaire; à sa gauche, M. Georges Halasz,
vice-président du comité régional de parents, et Mme
Renée Azoulay, qui, avec M. Halasz, compte parmi les doyens de la
participation aux structures parentales de la commission scolaire; enfin,
à ma droite, Mme Colombe Duclos, secrétaire du comité
régional de parents.
M. le Président, ce n'est pas sans heurts que les parents du
secteur français de la Commission des écoles protestantes du
grand Montréal sont parvenus à cette commission parlementaire.
Les difficultés que la commission scolaire a créées depuis
le dépôt du projet de loi ne se comptent plus et l'analyse de ces
difficultés risque de relever du vaudeville.
Nous tenons à préciser, afin qu'il n'y ait aucun
malentendu, que le présent mémoire se veut un complément
à celui qui sera présenté par le comité central de
parents de la commission scolaire, qui fera sa présentation dans les
prochains jours.
Nous tenons à préciser que le présent comité
régional de parents véhicule la pensée des parents
francophones dits, pour des besoins administratifs, protestants, sans qu'ils le
soient au plan religieux, faute d'avoir reçu l'agrément de la
part du comité central de parents, qui a pris à son compte le
point de vue des seuls parents anglophones ou des parents sincèrement
protestants. Cette précision ayant été apportée, je
laisse la parole aux élus des comités d'écoles
françaises de la CEPGM.
Mme Filion (Lucie): M. le Président, nous vous remercions
de l'occasion que vous nous donnez, par cette commission parlementaire,
d'exprimer notre inquiétude face à la menace que laisse planer le
piétinement de la confessionnalité et son articulation à
l'intérieur de nos écoles.
Souvent avez-vous entendu tonner très fort les ténors des
partisans de la confessionnalité, et peut-être en êtes-vous
venus à la conclusion que ces derniers reflétaient le voeu
général de la population québécoise. Oui?
Le Président (M. Blouin): Je m'excuse. Je vous ai induite
en erreur tout à l'heure. La période de temps qui sera
allouée à la présentation et aux échanges est d'une
heure.
D'accord?
Mme Filion: D'accord. Merci.
Le Président (M. Blouin): Je m'excuse.
Mme Filion: II nous a été donné de constater
que certains de ceux-ci étaient au nombre des élus des
très peu populaires élections scolaires du printemps dernier.
Nous, nous n'aurons pas la prétention de parler au nom de tous ceux qui
n'ont pas appuyé, malgré les multiples occasions qu'ils ont eues,
les groupes ultramontains ou confessionnalistes des plus modérés
aux plus intégrateurs. Non, M. le Président, nous ne vous
déposerons pas de pétition constituée fondamentalement de
feuilles de présence d'assemblées publiques tenues à
droite ou à gauche au cours des douze derniers mois.
Non, M. le Président, nous ne représentons aucun
abbé, moine, prêtre, rabbin ou évêque, fût-il
québécois. Les gens que nous représentons sont de simples
parents intéressés à l'avenir de leurs enfants et
conscients de leurs responsabilités vis-à-vis de la
société québécoise, des gens qui, avant même
d'être membres d'une secte religieuse, fût-elle catholique, sont
d'abord et avant tout des citoyens. D'ailleurs, nos gens revendiquent le titre
de Québécois à part entière alors que plusieurs
d'entre eux ne sont encore qu'en instance de naturalisation canadienne.
Ainsi, vous comprenez que nous représentons bon nombre de
Néo-Québécois qui n'en croient pas leurs yeux lorsqu'ils
constatent l'interdépendance de l'État et des Églises dans
l'élaboration d'un système d'écoles. Ces
Néo-Québécois sont du nombre de ceux que le chapitre de la
langue d'enseignement de la Charte de la langue française a
réunis dans le secteur français de la très anglophone
Commission des écoles protestantes du grand Montréal. Ceux-ci
sont donc d'une nouvelle vague de nouveaux arrivants qui ont peu de chose en
commun avec ceux qui les ont précédés.
On se souviendra que les premiers nouveaux arrivants en ce pays avaient
souvent quitté des contrées plus hostiles à la question
religieuse. Le Canada représentait alors une terre d'accueil et de
liberté. Ainsi, ils pouvaient, au Canada, laisser libre cours à
tous les élans religieux inadmissibles en leur pays d'origine.
Après ces conflits mémoraux des XVIIIe et XIXe
siècles, ceux qui avaient à quitter ces pays pour des convictions
religieuses l'ont fait. Ils ont développé un système
d'écoles imprégné de confessionnalité alors que
dans leur pays d'origine la société se constituait sur de
nouvelles bases. Nous savons qu'en notre pays les choses à ce sujet sont
demeurées statiques depuis plus d'un siècle comme si le temps
s'était arrêté.
Pendant ce temps, la plupart des pays du monde ont évolué
sur cette question et ce, depuis deux siècles jusqu'à nos jours.
Ainsi, de nos jours, les nouveaux arrivants sont riches d'une expérience
qu'il nous tarde de conquérir. Lorsqu'on vient d'une contrée
où le temporel s'est "sécularisé" du spirituel depuis des
générations, c'est un retour dans le temps que nous offrent les
États canadiens. Non pas que le folklore nous répugne mais, de
là à en faire notre lot quotidien, non merci! Tout être
évolué, lui, répugne à revenir en arrière
à l'époque de ses balbutiements.
M. le Président, les gens que nous représentons n'ont
peut-être pas de longues traditions ici au Canada, ils ont cependant un
passé marqué de sacrifices humains qui ont tracé la voie
de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Leurs traditions
sont marquées du signe du respect de tous les hommes, peu importe leur
nombre, peu importe leur race, peu importent leurs convictions religieuses,
toujours il leur sera assuré la liberté d'expression, la
liberté de pensée, la liberté de conscience.
Malheureusement, au même moment où il était question
en Europe de la reconnaissance de la liberté de pensée, ici, on
mettait en garde la population contre le fléau européen et, pour
s'en préserver, on faisait inscrire dans le temps et dans l'espace, dans
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, des garanties d'être
toujours préservés du laYcisme, de l'expression de la
liberté de conscience. Alors qu'on soulignait le centième
anniversaire du siècle des lumières, on se payait ici un autre
siècle d'obscurantisme.
Malgré la Déclaration universelle des droits de l'homme,
on se permettait de reconduire, comme si de rien n'était, des lois
sectaires en matière d'éducation. Même après avoir
constaté que nous n'avions pas le meilleur système
d'éducation au monde, alors que nous n'avions même pas de
ministère de l'Éducation, on s'est permis d'en avoir un sous
condition: à la condition qu'il ne soit qu'en partie responsable de sa
charge, à la condition qu'il soit chaperonné par un conseil
biconfessionnel de l'éducation et à la condition que les
comités confessionaux soient les maîtres d'oeuvre de
l'enseignement québécois. Il ne manque que le sacre du ministre
par un illustre archevêque et nous aurions tout du Moyen Âge.
Et on se demande pourquoi les nouveaux arrivants ont du mal à
s'intégrer dans ces conditions! Il fut un temps où la croyance
était que 1'evangelisation des peuples était l'oeuvre de la
civilisation. Il fut un temps où la croyance était que la
religion était gardienne de la langue. Aujourd'hui, la croyance est que
le système confessionnel est le phare de la culture. Nous, nous sommes
civilisés, nous fréquentons
des écoles françaises ici, au Québec; nous n'avons
aucun doute sur nos composantes culturelles. Aucune croyance ne pourra nous
convaincre du bien-fondé de la limitation de la liberté de
conscience. Nous ne croyons pas que la liberté de conscience soit
exclusivement réservée aux catholiques et aux protestants de
cette province. Nous ne croyons pas que la liberté de conscience soit
garantie par la liberté de religion.
M. le Président, comment pourrait-on alors prétendre
à la liberté de conscience si c'était le cas pour les
groupes autres que les catholiques ou les protestants, si ceux-ci peuvent
s'offrir à leurs frais un enseignement religieux particulier?
Également, comment pourrait-on assurer la liberté de conscience
chez ceux qui n'ont aucune foi religieuse, si celle-ci devait passer par
l'enseignement religieux? Quel enseignement religieux conviendra à ceux
qui se définissent librement comme athées, de même que
quelle formation morale? Comment concilier la liberté de conscience, la
liberté d'opinion, la liberté de pensée et le programme
national de morale?
M. Halasz (Georges): Nous profitons de l'occasion pour raviver
certains éléments de base de sémantique. Dans certains
milieux intéressés, on aime croire que le terme "protestant"
inclut tout groupe autre que catholique romain. Ainsi, on se gargarise de
l'ouverture que font les protestants aux athées, aux agnostiques, aux
religions indiennes, asiatiques, africaines ou polynésiennes. On encense
le tout d'une bible commune ou, à tout le moins, de certains passages
communs. Rien n'est plus ridicule que de se piquer du fait qu'on compte en son
sein bon nombre de protestants non croyants. Sans doute cherche-t-on une
équivalence au désormais célèbre catholique non
pratiquant. De plus, pourquoi prévoir un enseignement religieux
particulier aux frais de certaines communautés autres que catholiques ou
protestantes, si ces communautés sont incluses dans le groupe protestant
qui jouit de la générosité de l'État pour son
enseignement religieux?
Nous comprenons qu'il existe trois groupes distincts aux termes de la
législation sur l'éducation: les catholiques, les protestants et
les autres. Les autres, M. le Président, nous en sommes. À ces
autres, on propose une école commune et responsable. Dans cette
école, ces autres auront obligatoirement à choisir entre
l'enseignement religieux, catholique ou protestant, ou un cours d'enseignement
moral, catholique ou protestant, ou se payer un cours d'enseignement d'une
religion particulière tout en s'assurant d'atteindre les exigences
notionnelles et les objectifs catholiques ou protestants. Est-ce cela qu'on
appelle la liberté de religion ou, mieux encore, la liberté de
conscience? Ces autres pourront constituer la majorité et faire en sorte
que cette école demeure "civique", ou former la minorité et se
retrouver dans une école confessionnelle, catholique ou protestante.
À moins que le statut confessionnel de l'école n'en soit qu'un de
façade, il est à prévoir que ces autres soient soumis au
prosélytisme catholique ou protestant à l'intérieur des
écoles activement confessionnelles. Ces autres, même à
l'intérieur d'écoles qui auront par choix rejeté
l'étiquette confessionnelle, devront tolérer l'action
missionnaire des services de pastorale, si un seul catholique signale sa
présence, ou l'animation religieuse, si un protestant en fait la
demande. Est-ce cela la liberté de religion? Et ces autres devront se
satisfaire des programmes d'enseignement dits profanes dans la mesure ou
ceux-ci sont en accord avec la vision du monde et de l'homme des catholiques et
des protestants. Est-ce cela qu'on appelle le droit à l'instruction? La
liberté de pensée est-elle sauvegardée? Qu'advient-il de
la liberté de conscience? On invoque souvent que l'on vit dans un
contexte nord-américain où l'anglais est nécessaire pour
jouir de toutes les chances. N'est-ce pas moins vrai pour la
nécessité de recevoir la même instruction, sans nuance, que
nos voisins du Sud? Non, M. le Président, nous ne croyons pas à
la nécessité pour la société
québécoise de nuancer le contenu de la science et de la
connaissance pour que celles-ci s'ajustent aux valeurs d'une religion
particulière. Nous ne croyons pas que l'ensemble des
Québécois exige ce type de nuance propre aux
sociétés totalitaires. Si l'on croit à la liberté
de conscience, à la liberté d'opinion et à la
liberté de pensée, on doit permettre le libre accès aux
connaissances quelles qu'elles soient.
En accord ou pas avec quelque croyance que ce soit, ce droit, nous
croyons l'avoir et nous voulons qu'on le respecte enfin. Nous croyons aussi que
ce droit n'a jamais fait l'objet d'un renoncement des Québécois.
Il est grand temps qu'on le leur accorde.
Mme Azoulay (Renée): En conclusion, nous revendiquons de
toutes nos forces le droit à la liberté de conscience. Cette
liberté comprend la garantie que nos écoles
québécoises se consacreront à l'enseignement des sciences
et des arts propres à notre siècle, qu'aucune doctrine religieuse
ne sera suggérée sous la forme d'un quelconque
prosélytisme subtil, qu'on respectera le sérieux de la conception
de l'athéisme, de l'agnosticisme, du théisme ou du
polythéisme, en évitant tout commentaire relatif à ces
philosophies. Quant à la connaissance de ces phénomènes,
il peut faire l'objet d'un cours proprement profane se rapprochant
davantage
des sciences sociales que des dites sciences de l'homme. Qu'on
introduise à l'horaire un cours déconfessionnalisé du
développement des sciences sociales et on atteindra tous les objectifs
consciemment ou inconsciemment poursuivis en matière de civisme, de sens
moral et de l'homme responsable, sans introduire la théorie que tous ces
facteurs existent en fonction d'une cause première qui serait d'ordre
spirituel alors que le seul sens social suffit.
Nous croyons que le Québec n'inventera rien en ce domaine. Nous
devrons, comme le restant de l'humanité qui a évolué dans
la même direction, instituer une école commune à toutes les
dénominations présentes dans la population en éliminant
toutes les caractéristiques propres à seulement une d'entre elles
ou à quelques-unes seulement. C'est ce qu'on appelle la
déconfes-sionnalisation. Nous réclamons donc la
déconfessionnalisation de l'école, de la commission scolaire, du
ministère, des programmes et de l'enseignement, que tout soit mis en
oeuvre afin que commence une ère où l'on se consacrera à
l'instruction de nos enfants et que cet enseignement soit couronné de
l'éducation du sens social. Nous savons qu'un programme cohérent
en ce sens ne commencera que lorsque le législateur aura pris les
dispositions nécessaires afin de réaliser toute cette
déconfessionnalisation et de tracer les premiers jalons de la
laïcisation de l'enseignement primaire et secondaire public. Ainsi, nous
espérons que cette restructuration sera en opération avant que
nos enfants atteignent des niveaux postsecondaires. Vous n'avez donc, M. le
Président, pas plus de temps que nous en cette matière et nous
sommes conscients que tous les éléments sont réunis pour
parler d'un caractère d'urgence. Nous espérons que votre niveau
de conscience et celui de vos collègues sont aussi élevés
que le nôtre. C'est pourquoi nous vous avisons que nous n'accepterons pas
un rapport de la mise en place d'un système d'enseignement primaire et
secondaire public et commun à tous les Québécois et non
pas à l'école qu'on nous propose, soit une école commune
à certaines classes de Québécois seulement. Nous
n'accepterons plus d'être traités comme des "autres" parce que
nous ne sommes pas convertis à l'une ou l'autre des religions
nationales. Le seul fait de constater que plusieurs des nôtres sacrifient
le confort linguistique pour bénéficier de la paix
confessionnelle devrait vous indiquer le sérieux du problème. Ces
gens, vous le comprenez, ont choisi de mettre à l'abri leurs enfants et
que ce seraient eux, parents, qui lutteraient contre les éléments
contre-culturels de leur identité. Cependant, nous savons que ces
parents se lassent de jouer les sacrifiés, surtout s'ils constatent que
l'état des choses est dû à l'abandon du ministre face
à ses responsabilités.
C'est pourquoi, aujourd'hui, nous sommes venus vous demander de faire
votre part avant qu'il ne soit trop tard. Nous voulons que nos enfants
bénéficient d'un système d'enseignement primaire et
secondaire laïc, public et commun à tous les
Québécois sans le sacrifice linguistique des parents.
Le Président (M. Blouin): Mesdames, messieurs, merci. M.
le ministre, vous avez la parole et je rappelle aux membres de la commission,
pour éviter que certains n'en soient surpris, que chaque formation
politique disposera de vingt minutes environ pour procéder aux
échanges avec nos invités. M. le ministre.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier le comité de parents
du secteur français de la Commission des écoles protestantes du
grand Montréal pour le mémoire qu'il nous a
présenté, un mémoire franc, vigoureux et parfois
même acéré. Vous êtes des tenants de la
déconfessionnalisation complète de notre système scolaire.
Un certain nombre de groupes, avant vous, sont venus défendre la
même position. J'ai à la mémoire, par exemple, la Centrale
de l'enseignement du Québec; cet après-midi, le
département des sciences religieuses de l'UQUAM; et, même hier,
l'Église unie du Canada.
Vous reprenez en partie leurs arguments et vous en ajoutez d'une teneur
aussi élevée mais qui, aussi, on le sent à votre ton,
confine parfois à la polémique. J'ai reconnu chez vous des
accents qui me faisaient penser à Rivarol ou à Valdombre parfois,
des accents qui témoignent de votre impatience et de votre angoisse. Je
le comprends un peu à la lumière de cet historique bref, mais
senti, auquel vous avez fait allusion. D'abord, le nombre de parents
français à la Commission des écoles protestantes du grand
Montréal ne cesse d'augmenter. C'est un résultat de la nouvelle
politique d'intégration aux écoles françaises de la
plupart des nouveaux arrivants au Québec. Vous nous avez bien
décrit le périple qui les a amenés de leur pays d'origine
jusqu'ici, avec les valeurs et les croyances qu'ils véhiculent et leur
désarroi de se trouver dans des conditions telles que celles qui
existent ici au Québec sur le plan des structures confessionnelles que
nous avons. À cet égard, je suis, bien sûr, porté
à comprendre les raisons que vous transmettez en leur nom.
Il y a aussi d'autres groupes auxquels vous avez aussi fait allusion et
qui, eux, ne sont pas de nouveaux arrivants mais qui, pour des raisons
personnelles d'authenticité, préfèrent abandonner un
secteur auquel ils iraient naturellement sur le plan linguistique pour aller
vers un autre ou au profit d'autres valeurs qui leur sont plus
essentielles.
J'apporte donc une grande attention à vos interrogations et aux
positions qu'elles vous amènent à prendre. Il reste cependant
qu'il me semble que, emportée par vos convictions, vous faites une
lecture de certains articles du projet de loi no 40 qui, à mon avis, ne
correspond pas à la portée réelle de ces articles.
Vous affirmez par exemple que ces parents "autres" dont vous parlez
auront obligatoirement à choisir entre l'enseignement religieux
catholique ou protestant ou un cours d'enseignement moral catholique ou
protestant. Je ne pense pas que ce soit dans le projet de loi. Le projet de loi
parle bien d'un choix entre un enseignement confessionnel catholique ou
protestant et un enseignement moral qui n'est pas qualifié sur le plan
confessionnel, en aucune façon. D'ailleurs, si vous regardez les
programmes actuels d'enseignement moral du ministère, il n'y a pas de
référence à une confession religieuse
déterminée, identifiée.
Le projet de loi 40 va dans le même sens; il fait obligation
à l'école d'offrir à tout élève le choix
entre l'enseignement confessionnel et l'enseignement moral, mais non d'offrir
un enseignement moral religieux. Dans cette perspective où les choses
sont remises à l'endroit, ne croyez-vous pas que le projet de loi offre
quand même à l'école la possibilité réelle
d'intégrer les valeurs de ces nouveaux arrivants dont vous parlez dans
votre mémoire?
Le Président (M. Blouin): M. Savard.
M. Savard: M. le ministre, nous tenons à vous mettre en
garde devant l'illusion que provoque l'option de l'enseignement moral. Au cours
de la journée, un groupe de l'Université du Québec est
venu précisément confirmer ce que nous avons constaté,
parce que nous sommes des non-catholiques et des non-protestants ou nous avons
des affinités avec ceux-ci, à savoir que l'enseignement moral
découle des valeurs religieuses. (20 h 30)
Si le projet de loi s'était rapproché de l'expression
éthique, nous serions peut-être plus sympathiques à la
signification qu'on voudrait en donner. Cependant, nous avons la conviction que
l'enseignement moral qui émane du ministère est compatible avec
les valeurs judéo-chrétiennes, mais aucunement compatible avec
des valeurs qui ne seraient pas judéo-chrétiennes. Parce que le
ministère n'est pas déconfessionnalisé, parce que le
ministère, que je sache, n'a pas de service spécialisé en
valeurs non judéo-chrétiennes, mais s'est toujours limité
à ses valeurs, il n'a pas produit de programme d'enseignement moral
autre que judéo-chrétien. C'est le premier aspect qu'on
constate.
On reconnaît que le ministère fait ses premiers pas sur
cette voie. Il semble difficile de produire un programme satisfaisant parce
que, au départ, le ministère produit des choses à partir
d'un personnel sélectionné en fonction de ce que le
ministère produisait dans le temps, c'est-à-dire des programmes
confessionnels.
L'autre aspect de la question qui est très important, c'est le
fait que dans le secteur français de la Commission des écoles
protestantes du grand Montréal nous avons connu, dans le passé,
le régime des écoles laïques. Nous nous en souvenons et si
ce secteur fut, jusqu'à un passé récent, très
accueillant, c'est parce qu'il se caractérisait au plan factuel de son
laïcisme, ne gardant l'étiquette confessionnelle que pour la
légalité, ou pour l'administration, ou pour des raisons qui
n'atteignaient pas l'enfant.
Nous regrettons que sans le projet de loi 40, mais peut-être
à cause du projet de loi 40, nos écoles se confessionnalisent de
plus en plus à l'insu des parents très souvent. Cela se fait sur
une base progressive comme c'est la coutume, c'est-à-dire à
partir des plus bas niveaux de la scolarité et en progressant chaque
année. Alors, nous assistons sous le régime actuel à une
confessionnalisation du système qui ne l'était pas dans le
passé. Par contre, nous avons été incapables de constater
dans le projet de loi 40 qu'il proposait une moindre confessionnalité
que celle présente dans la loi actuelle. Au contraire, nous constatons
qu'il y a des obligations des écoles d'offrir des services qui ont
parfois un caractère collectif, lorsqu'on retrouve la présence de
certaines classes confessionnelles. Mais ce que la loi nous force à
faire, c'est à nous mélanger à des groupes dont nous
avions eu l'occasion de nous dissocier dans le passé. Nous
appréhendons très prudemment ce mélange qui ne
s'était pas fait dans le passé et que la loi nous forcerait
à faire.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Savard. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais
remercier les membres de la région 1 du PSBGM pour leur
présentation. Pour mieux comprendre le groupe que vous
représentez, voudriez-vous expliquer l'organisation du PSBGM? Est-ce que
la région 1 du PSBGM représente uniquement les écoles
françaises de la commission et combien d'écoles y a-t-il dans
cette région? Pour mieux comprendre votre point de vue, vous pourriez
nous décrire la composition, l'origine ethnique, l'allégeance
confessionnelle, le groupe et les parents qui fréquentent les
écoles de la région 1.
M. Savard: Je vais vous donner une réponse qui sera
complétée par la présidente de la région. Je trouve
très intéressant que vous demandiez ce que sont les
structures
parentales de la commission scolaire. Vous demandez si ce sont des
structures parentales?
Mme Dougherty: Non, non. Je crois qu'il y a plusieurs
régions.
M. Savard: Oui.
Mme Dougherty: J'ai été à la commission
scolaire, mais on a changé les régions depuis mon départ
il y a deux ou trois ans. Est-ce qu'on a regroupé toutes les
écoles françaises dans une région?
M. Savard: Oui.
Mme Dougherty: Est-ce la région 1?
M. Savard: Oui. La région 1 regroupe toutes les
écoles officiellement françaises de la commission scolaire.
Mme Dougherty: Combien d'écoles y a-t-il dans cette
région?
M. Savard: Nous comptons dix-sept écoles
françaises, dont deux diffusent un enseignement en français et en
anglais.
Mme Dougherty: Élémentaire et secondaire. Ce sont
les écoles aux deux niveaux.
M. Savard: Nous avons quinze... Pardon?
Mme Dougherty: II y a des écoles de niveau
élémentaire...
M. Savard: Oui, il y a des écoles
élémentaires.
Mme Dougherty: ...et secondaires.
M. Savard: Et des écoles secondaires. Nous manquons
d'écoles secondaires. Cependant, nous avons deux écoles
entièrement secondaires et une qui regroupe les niveaux de
l'élémentaire et du secondaire. Nous comptons quatorze
écoles strictement primaires.
Mme Dougherty: Merci. Quant aux enfants qui fréquentent
ces écoles, voudriez-vous nous donner un portrait de leur origine, de
leur allégeance religieuse?
M. Savard: Si vous avez été présidente de
cette commission scolaire, vous vous souvenez de ce qu'étaient les
choses à cette époque et cela n'a pas tellement changé. La
commission scolaire ne diffuse pas le pourcentage de gens qui sont protestants
par rapport à ceux qui ne le sont pas. C'est une politique de la
commission scolaire de garder ces données strictement confidentielles.
Alors, je ne peux vous répondre à ce sujet.
Mme Dougherty: Non. Je ne demande pas des chiffres, mais
seulement une idée parce que...
M. Savard: II faut quand même des chiffres pour
émettre des pourcentages. Les parents se sont souvent butés
à un mur d'obstination de la part de la commission scolaire à ne
pas révéler s'il était exact, par exemple, qu'il y a moins
de 35% de réels protestants à la commission scolaire. On s'est
limité à nous dire que ces chiffres sont strictement
confidentiels.
Mme Dougherty: Oui, mais c'est simplement parce que dans votre
mémoire vous avez parlé des nouveaux arrivants. Simplement pour
mon information personnelle, pour mes collègues ici et pour le public
qui nous regarde, j'aimerais savoir si on peut classer la plupart des enfants
qui fréquentent ces écoles comme des nouveaux arrivants, des
Néo-Québécois.
M. Savard: Oui. Les nouveaux arrivants représentent 80% de
notre secteur. En ce qui concerne les nouveaux arrivants, au plan ethnique,
vous savez qu'on a une très forte communauté asiatique qui est
nouvellement arrivée. Sur le plan de la confessionnalité, par
déduction, vous savez que les religions catholique et protestante en
Asie représentent 0,5%. À moins que le gouvernement canadien ne
sélectionne 100% de ses immigrants parmi ce 0,5%, il y a de fortes
possibilités que 99,9% de ceux-ci ne soient ni catholiques, ni
protestants.
Mme Dougherty: Prochaine question, est-ce que votre
mémoire est le résultat d'une large consultation auprès
des écoles de la région 1?
M. Savard: Le mémoire est le fruit d'une consultation des
délégués des écoles depuis juillet dernier. Les
délégués ont d'abord été amenés
à prendre connaissance du projet de loi. Nous sommes fiers de dire que
nous sommes la seule région à avoir procuré le projet de
loi à nos parents, bien que c'était l'été et
malgré qu'on ait prétexté que les parents n'avaient pas le
temps durant l'été de s'occuper de cette question. Dès
juillet, les délégués d'école ont été
amenés à prendre connaissance du projet de loi; ils ont
été chargés de consulter les parents au cours de
l'été. En septembre, malgré que nous ayons constaté
que le CCP avait procédé à la rédaction de son
mémoire, nous avons pris connaissance du mémoire du CCP. Nous
avons constaté que le CCP véhiculait très bien le point de
vue des anglophones, véhiculait très bien le point de vue des
protestants, mais ne véhiculait pas du tout le point de vue des
non-protestants ou encore des non-anglophones.
La région, compte tenu du délai qu'il nous restait, s'est
mise en marche rapidement et a fait une consultation. Vous pourriez poser la
question à la députée de Maisonneuve, qui est un parent de
notre secteur et qui est témoin du type de consultation qui s'est faite.
Dans certaines écoles, c'était l'assemblée
générale de tous les parents; on ne se limitait pas au
comité d'école pour se prononcer sur ce genre de question. La
majorité des écoles de notre secteur se sont prononcées
contre la confessionnalité. Cependant, compte tenu qu'il existait une
minorité qui appuyait la confessionnalité, le comité
régional a été forcé de constater qu'il y avait des
caractéristiques. Entre autres caractéristiques, la
déconfessionnalisation s'est manifestée dans les écoles
regroupant je le précise bien - une vaste concentration de parents
francophones dits protestants par la commission scolaire. Dans les deux
écoles qui se sont prononcées pour la confessionnalité, ce
sont - nous leur reconnaissons ce droit, le CCP véhicule très
bien leur pensée - des écoles de parents anglophones ou encore de
parents nettement protestants.
La région ne véhicule pas cette position, non pas parce
qu'elle ne l'accrédite pas, mais la région ne compte pas
présenter en duplicata une position qui est très bien
véhiculée par un autre organisme. La région a pris
à sa charge les laissés pour compte par le CCP et la commission
scolaire.
Mme Dougherty: M. Savard, je vous ai posé cette question
parce qu'il y a quelque chose qui me concerne. J'ai reçu une
communication, un résumé, un compte rendu d'une réunion du
12 décembre; c'est une réunion où les dix
présidents des écoles de la région 1 étaient
présents soit les écoles de Willowdale, Ogilvie, FACE,
Tétreaultville, Barclay, Iona, Maisonneuve, Westminster, l'Ile des
Soeurs et Van Horne. J'aimerais en lire un petit extrait: "Les
présidents des comités d'école présents à la
réunion sont arrivés au consensus suivant: le mémoire
concernant le projet de loi 40 envoyé à la commission
parlementaire au nom de la région 1 a été envoyé
à l'insu des comités d'école de la région 1." Je
regrette, je n'aimerais pas vous embarrasser, mais je crois' que je
n'assumerais pas mes responsabilités si je ne dévoilais pas cette
information; je le fais pour renseigner mes collègues, parce que je
crois qu'il faut établir clairement pour cette commission parlementaire
le statut de votre représentativité. J'aimerais vous demander,
comme résultat de cette résolution des présidents, des
vice-présidents des écoles de votre région, si vous avez
élargi la consultation pour mieux refléter leurs opinions.
(20 h 45)
M. Savard: Oui, Mme la députée. Vous avez bien
fait, compte tenu de votre position, de ne lire qu'en partie l'extrait du
procès-verbal que vous citez, parce que, si vous le lisez en entier,
vous constaterez que c'était une réunion à huis clos des
seuls présidents des comités d'école,
présidée par le président de la commission scolaire. Cette
réunion avait été convoquée par le président
de la commission scolaire, M. Butler. Au cours de cette réunion, je ne
sais pas à quel point de l'ordre du jour cela est apparu, mais M. Butler
s'est engagé à agréer - je ne sais pas si le
procès-verbal en fait mention -favorablement toute demande provenant
d'un comité d'école si celle-ci était adressée
directement à la commission scolaire sans passer par les structures
parentales. Ceci m'amène à déposer un document qui est une
lettre d'un officier de la commission scolaire, Mme Gaby Ostro qui invite
très fortement les parents à se dissocier du mémoire de la
région 1, C'est une lettre en date du 12 janvier 1984. De plus, cette
lettre est accompagnée d'une deuxième lettre qui invite les
comités d'école à agir, comme l'école Barclay, le
président de l'école Barclay, qui incite les gens à se
dissocier d'une action en justice intentée par le comité
régional de parents pour faire reconnaître ses droits comme
comité régional de parents. Je vous informe qu'aucune action en
justice n'est intentée jusqu'à maintenant. Tout ceci est possible
dans la mesure où ces actions sont entreprises par la commission
scolaire en s'assurant que les parents puissent en être absents en
convoquant des réunions à huis clos et surtout en s'assurant que
les représentants et les délégués des
comités d'école soient eux-mêmes absents afin qu'on puisse
dire n'importe quoi ou répéter n'importe quoi, allant
jusqu'à dire que la région 1 a intenté une action en
justice. Il me semble que c'est quelque chose de facilement
vérifiable.
Le Président (M. Blouin): Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Je n'aimerais pas poursuivre le débat,
parce que je ne suis pas au courant de tous les faits de la situation, c'est
évident. J'ai simplement reçu cette communication et j'ai
pensé que c'était mon devoir d'établir les faits de la
situation dans la mesure où je pourrais le faire.
J'ai simplement une question, M. Savard, ou peut-être Mme Filion
ou les autres membres du comité. Je me demande pourquoi vous avez choisi
le PSBGM, si vous avez eu tant de problèmes avec son orientation sur le
plan confessionnel?
Mme Filion: Je peux vous dire que,
jusqu'à un passé récent, nous n'avions pas de
problème confessionnel à cette commission scolaire, du moins dans
nos écoles, parce que, dans son esprit d'ouverture, sachant qu'il y
avait des enfants ou des parents de différentes ethnies et de
différentes religions, on n'imposait pas d'endoctrinement, il n'y avait
pas d'enseignement religieux ni de morale protestante dans nos écoles.
Je dis bien jusqu'à un passé récent, parce que, depuis
1980 ou 1981, si je ne m'abuse, on est en train de réimposer de
façon obligatoire le cours d'enseignement moral et religieux dans nos
écoles.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
Mme Filion: Si vous lisez la dernière partie du
mémoire, vous vous rendrez compte que nos enfants
bénéficient de la liberté de conscience, mais que nous,
les parents, nous sommes préjudiciés au plan linguistique.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Filion. Oui, M.
Savard.
M. Savard: J'aimerais signaler à Mme Dougherty que, depuis
son départ de la présidence de la commission scolaire, certaines
choses ont changé, comme l'aspect confessionnel. Nous regrettons
amèrement votre départ et nous espérons qu'à cette
commission parlementaire, vous agirez dans la même voie que celle que
vous empruntiez lorsque vous étiez présidente de la commission
scolaire.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de Jacques-Cartier. Mme la députée de
Maisonneuve, en vous rappelant que vous disposez d'une dizaine de minutes.
Mme Harel: Très bien. Le secteur, la région que
vous représentez est en croissance d'effectifs. Que je sache, chaque
année, des écoles nouvelles sont ouvertes et, chaque
année, je pense notamment que le secteur secondaire acquiert le maximum
d'élèves et demande l'ouverture de nouvelles écoles.
L'exemple que je peux apporter est sans doute celui de l'école
Maisonneuve qui, jusqu'en 1979, je crois, était unilingue anglophone;
par la suite, elle a dispensé l'enseignement en anglais et en
français; maintenant, elle est unilingue francophone. Il y a bien des
raisons qui militent en faveur des choix. Dans votre mémoire, je tiens
à vous dire que vous ne plaidez qu'un aspect, je pense, du dossier. Vous
savez, pour avoir participé à l'une de ces consultations
auxquelles M. Savard a fait références, je dois vous dire que ce
n'était pas l'ensemble du système d'enseignement que les parents
mettaient en cause sur le plan de la confessionnalité, c'était en
fait bien plus leur école et le maintien de leur réseau,
d'écoles en fait.
Cela m'a d'ailleurs permis d'acquérir cette conviction que bon
nombre de parents s'intéressent d'abord à l'école de leurs
enfants. Je reviens ensuite à une question sur cet aspect, les facteurs
qui président au choix sont multiples. D'ailleurs, ce caractère
multiethnique, vous avez cité un chiffre de 80%, il y a un bon nombre de
nouveaux arrivants qui sont venus de pays où il n'y a pas de tradition,
de pays où la tradition n'est pas à l'école
confessionnelle, malgré qu'ils soient eux-mêmes d'une
confessionnalité particulière. Ce caractère multiethnique,
un personnel enseignant très jeune et très dynamique, la petite
taille des écoles aussi, tout cela, ce sont des facteurs qui influent
sur le choix. Je pense simplement aux services communautaires de repas chauds,
de cafétérias au niveau primaire, aux haltes scolaires et
à l'aspect communautaire aussi. Je dois rendre hommage à cette
école car elle est dans un quartier du bas de la ville, très
proche même des organismes du milieu et de la petite histoire du milieu.
Il y a là tout un ensemble de facteurs qui en font, je pense, l'une de
nos véritables écoles québécoises.
Il y a 100 façons d'être Québécois,
indépendamment de ses origines, et sans doute est-ce nécessaire
de le préciser, cela se fait souvent parce que l'école de la CECM
est peut-être, pour bon nombre des gens qui sont de nouveaux arrivants,
une école plus exclusivement canadienne-française au sens
traditionnel du terme. Il reste qu'à proprement parler, les
écoles dispensent un enseignement à des gens qui appartiennent
à des confessionnalités fort différentes. On retrouve des
Grecs orthodoxes, on retrouve des Témoins de Jéhovah, on retrouve
des Africains ou des Arabes musulmans, on retrouve des catholiques. J'ai les
chiffres de la répartition des élèves. Il y a 1515
élèves dans l'ensemble de la Commission des écoles
protestantes du grand Montréal qui sont de religion catholique. 13 903
de religion protestante, 12 542 qui se déclarent d'autres religions,
3270 qui ne déclarent aucune religion, pour un total de 31 230 On voit
que c'est un peu moins de la moitié qui sont de confessionnalité
protestante et un peu plus qui se partagent entre catholiques, d'autres
religions ou aucune religion.
Je voudrais savoir de vous s'il n'y aurait pas une certaine
satisfaction, chez les parents que vous représentez, dans la mesure
où il serait convenu que l'école va maintenir cette
neutralité bienveillante à l'égard de l'ensemble des
croyances et des confessionnalités. Certains d'entre vous m'ont
déjà dit: "Ce ne sont pas des écoles neutres, ce sont des
écoles qui pratiquent une neutralité bienveillante à
l'égard des diverses
confessionnalités et des croyances".
Je pense par exemple à l'article 31 en particulier. Dans la
mesure où un projet éducatif ne serait pas celui d'une
confessionnalité particulière, mais celui des diverses
confessions ou croyances qui sont déclarées par les enfants qui
vivent à l'école, est-ce que cela ne rejoindrait pas les
objectifs poursuivis par les parents que vous représentez?
M. Savard: Nous voudrions avoir l'assurance que les écoles
que nous occupons actuellement, quoi qu'il arrive, nous les conserverons avec
la population qui les occupe. Vous savez que c'est une population qui est
tolérante, ouverte à ce qui est différent. Nous
recherchons pour nous-mêmes la différence. Cependant, ce qui nous
fait peur, c'est lorsque le projet de loi prévoit des comités de
mise en oeuvre qui auront comme tâche de distribuer des ressources aux
nouvelles commissions scolaires. On craint que l'on redistribue la population.
Nous craignons davantage le démantèlement de notre population que
celui des commissions scolaires; c'est le démantèlement de la
population que nous composons et qui serait refondue dans une population de
laquelle nous nous sommes volontairement tenus à l'écart. Cela
nous fait peur. Tout comme nous fait peur la limitation des frais de transport,
limitation comprise dans l'article 18 du projet de loi, où on dit que
l'on peut choisir l'école que l'on veut. Cependant, si notre choix sort
des normes d'acceptabilité du transport, ce sera aux frais des gens qui
auront choisi l'école. Nous ne voulons pas exagérer. Nous ne
voulons pas partir de Pointe-Claire et nous rendre à
Pointe-aux-Trembles. Ce facteur-là nous inquiète. Dans notre
secteur, nous avons des écoles qui ne sont pas des écoles de
quartier. Bien sûr, les écoles vont absorber les gens du quartier,
mais nos écoles vont aller chercher un vaste territoire et,
actuellement, ce territoire justifie, même au primaire, le transport
scolaire. Nous craignons sérieusement que, pour des économies qui
nous apparaissent des économies de bouts de chandelle, on ne rende plus
possible la fréquentation de certaines écoles. Dans notre
pensée, lorsque j'ai dit "des économies de bouts de chandelle",
ce sont des économies de bouts de chandelle pour le gouvernement mais
qui représentent une somme, un ticket modérateur pour les
usagers. Cela nous fait peur.
Le projet éducatif ne nous fait pas peur. Même si on peut
dire qu'on peut introduire des valeurs religieuses dans le projet
éducatif, cela ne nous fait pas peur, si nous demeurons la même
population. Cela nous fait peur si on nous "minorise" dans une population qui,
tantôt, a des tendances au confessionnalisme et tantôt est plus
modérée sur cette question. C'est évident que l'inconnu
nous fait peur et l'inconnu, pour nous, ce sont les gens dont nous nous sommes
écartés parce que nous croyions les connaître suffisamment
et pour ne pas être mal à l'aise avec eux. (21 heures)
Mme Harel: Très rapidement, M. le Président, est-ce
que, de toute façon, il ne vous faut pas faire face à une
réalité nouvelle? Vous en avez parlé, je pense, Mme la
commissaire parent, à savoir que, dans l'immédiat, sans doute -
est-ce un effet du dépôt du projet de loi - le caractère
protestant est fortement accentué. N'êtes-vous à vous
réinterroger, de toute façon, que ce soit dans le cadre actuel ou
à venir, sur des modalités qui permettraient de vous retrouver
dans des écoles de quartier avec des garanties même de respect
dans le projet éducatif à propos de ce que sont les enfants et
les parents que vous représentez ou encore du maintien du
réseau?
Le Président (M. Blouin): Mme Filion.
Mme Harel: De toute façon, il y a un engagement qui est
pris dans le sens qu'il n'y aura aucune fermeture d'école dans un
moratoire de cinq ans, je crois, et cela vaut pour les écoles de votre
région, j'imagine.
Mme Filion: Je l'espère. Il est vrai que nous nous
trouvons présentement dans un dilemme, celui du projet de loi 40, qui
fait que la liberté de conscience, pour nous, est en danger ainsi que le
dilemme de voir que, sans le projet de loi 40, de plus en plus nos
écoles se confessionnalisent. Nos écoles dites protestantes, qui
pratiquaient auparavant la neutralité confessionnelle, commencent
à voir un peu le protestantisme comme nos collègues
québécois catholiques voient le catholicisme. C'est ce qui nous
fait peur. Il est vrai que nous sommes présentement aux prises avec un
dilemme. C'est la raison pour laquelle nous avons présenté un
mémoire afin de sensibiliser les députés et surtout le
ministre à la liberté de conscience à laquelle nous tenons
mordicus.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Filion. Merci, Mme la
députée de Maisonneuve, également. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Malheureusement, nous n'avons que peu de temps à
notre disposition, mais je ne voudrais pas que vous soyez passés ici
sans qu'on vous ait au moins dit qu'au point de vue de l'interprétation
de l'histoire, il y a d'autres conceptions que celle que j'ai trouvée
dans votre mémoire qui circulent et qui ont, à mon point de vue,
plus de crédit au point de vue scientifique. Quand vous voulez nous
faire croire que tout
est demeuré statique dans ce pays depuis plus d'un siècle,
comme si le temps s'était arrêté, je ne sais pas où
vous étiez, mais cela a marché drôlement vite depuis une
vingtaine d'années.
Je voudrais vous dire une chose. Notre système scolaire au
Québec a été fondé sur la liberté de
conscience. Quand on l'a créé, au milieu du siècle
dernier, il y avait deux catégories de citoyens au Québec: il y
avait des catholiques et des protestants. On a inscrit dans la loi le principe
de la majorité, qui débouche sur les écoles communes. On a
inscrit aussi dans la loi dès ce temps-là, ce qui mettait le
Québec bien en avance sur la plupart des pays d'Europe de ce même
temps, le principe de dissidence. On l'a reconnu dans la loi. C'est toujours
écrit dans nos lois. Si vous regardez l'actuelle Loi sur l'instruction
publique, qui contient des passages qui remontent à plusieurs
générations, le droit des personnes qui n'ont pas les croyances
religieuses de la majorité d'avoir leurs écoles dissidentes est
clairement inscrit dans nos lois. C'est un genre de régime qui n'est
aucunement un sujet de gêne ou de honte pour nous, bien au contraire.
Le phénomène de l'incroyance et de la diversification des
allégeances religieuses est d'origine plutôt récente chez
nous. Il remonte surtout aux mouvements d'immigration que nous avons connus
depuis la guerre. Il y a eu beaucoup d'efforts d'adaptation de ce
côté-là. Il faut bien se souvenir d'une chose. Le peuple
québécois a été bâti par l'Église
catholique et aussi par les Églises protestantes dans une grande mesure.
Si nous avons des coopératives au Québec, ce n'est pas le
gouvernement qui nous les a données. Ce sont des curés qui ont
fondé des caisses populaires dans le sous-sol d'une église et qui
ont donné tout ce qu'ils pouvaient, avec les marguilliers. Aujourd'hui,
on a une grande force financière qui s'est émancipée du
clergé et qui est aujourd'hui une force complètement laïque.
Les syndicats ouvriers, dans une grande mesure, sont nés sous
l'influence du clergé. Moi-même, j'ai dirigé un journal qui
était d'inspiration religieuse. Je vous dirai une chose: c'était
la source de sa liberté chronique; ce n'était pas un obstacle. Il
était plus libre que tous les autres, et ce n'était pas un
accident, s'il avait une inspiration religieuse.
Depuis un certain nombre d'années, on a fait un paquet
d'ajustements. Les coopératives ne sont plus confessionnelles; les
syndicats ne sont plus confessionnels; les collèges ne sont plus
confessionnels; les universités, qui l'étaient, ne le sont plus
non plus; les organes de presse ne le sont plus. Nous avons fait un cheminement
considérable. Dans le domaine de l'éducation, il y a un
cheminement qui s'est également fait. Il est laborieux, lent et graduel,
ce dont, personnellement, je me félicite, parce que je ne vois pas du
tout de raisons de brûler les distances là-dedans et de courir aux
solutions purement logiques, comme celles que vous proposez, sous
prétexte de satisfaire une conception qui n'a pas encore large cours
dans notre société, que je sache, au point de s'exprimer sous la
forme de mouvement qui aurait un impact réel dans l'opinion.
Il y a une chose que nous pouvons dire, c'est que, malgré des
problèmes de structures qui sont réels et auxquels il faut
trouver des solutions, dans le concret des choses, je pense que le Canada et le
Québec méritent très bien le palmarès qu'on leur
donne dans toutes les grandes enquêtes sur l'état de la
liberté dans le monde; ils sont dans la catégorie numéro
un, très près de la tête. On peut bien chercher des
exemples tant qu'on voudra en dehors, mais, si on aborde les choses dans cet
esprit, je pense qu'on aboutira à des conflits.
Je voudrais vous dire une chose, c'est qu'on peut réaliser une
société laïque sur la base d'une philosophie pluraliste de
respect positif des croyances, pas seulement sur la base d'une philosophie qui
en fait abstraction dans les structures scolaires. On cherche, c'est laborieux,
il y a des problèmes dans le projet de loi actuel. Je voulais vous dire
que la conception de l'histoire que vous me présentez ici, on lisait
cela il y a 20 ou 25 ans, et déjà, cela nous faisait sourire,
parce que notre histoire est beaucoup plus riche, beaucoup plus complexe et
beaucoup plus nuancée que ne le laisse supposer votre
mémoire.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. Sur ce, j'invite... Il s'agit
nommément, M. Savard, d'une question d'opinion. Je ne pense pas que nous
puissions... Vous avez exprimé votre avis, M. le député
d'Argenteuil a exprimé le sien. Vous pouvez peut-être
réagir, mais très rapidement, parce que nous devons maintenant
accueillir le groupe suivant.
M. Savard: J'aimerais réagir très rapidement, parce
que le député d'Argenteuil peut jeter une certaine confusion dans
notre groupe. Lorsqu'il a parlé, par exemple, de la dissidence, je
rappelle au député d'Argenteuil que nous avons constaté
comme parents que la restructuration des commissions scolaires sur une base
linguistique amenait le démantèlement des commissions scolaires
confessionnelles. Dans le débat, l'automne dernier, nous avons tout de
même souligné qu'avec les clauses que la loi prévoit, les
gens qui ne seraient pas satisfaits de commissions scolaires linguistiques,
mais qui voudraient se regrouper sur une base confessionnelle, ce qui veut
dire, pour nous,
la reconstitution des commissions scolaires confessionnelles, pourraient
invoquer les articles de la dissidence amenés au projet de loi. Ceux-ci
nous ont dit: Cela n'a pas d'allure. Je comprends et nous avons compris qu'on
offrait dans le passé une dissidence. Ceux qui nous l'offraient ne nous
disaient pas que cela n'avait pas d'allure, mais, comme vous, ils disaient:
C'est plein de bon sens. Mais, aujourd'hui où c'est l'inverse et
où ce sont eux qui doivent l'invoquer, le chat sort du sac et on nous
dit: Cela n'a pas d'allure. C'est ce qu'il faut penser, que la dissidence dont
vous faites part comme témoignage de liberté, c'est de la
foutaise.
Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci, M. Savard. Au
nom de tous les membres de la commission, je remercie les représentants
du Comité de parents de la région 1 de la Commission des
écoles protestantes du grand Montréal de leur participation
à nos travaux.
Sur ce, j'invite maintenant la Fédération
québécoise des associations foyers-écoles à venir
prendre place à la table des invités. Il a été
convenu que nous allions consacrer deux heures - un maximum de deux heures -
à la fois à la présentation du mémoire de la
Fédération québécoise des associations
foyers-écoles et aux échanges entre les représentants de
cette fédération et les membres de la commission
parlementaire.
Maintenant que nos invités ont eu le temps de s'installer, je
vais donc leur demander d'abord de s'identifier et, ensuite, de procéder
en une vingtaine de minutes à la présentation de leur
mémoire. Alors, allez-y, madame.
Fédération québécoise des
associations foyers-écoles
Mme Daigle (Marion): Bonsoir, mesdames et messieurs. The
Québec Federation of Home and School Associations welcomes this
opportunity to address this National Assembly committee on Bill 40. I would
like to introduce the members of our association who are with me this evening.
My name is Marion Daigle, I am president of this association; to my right, Mr.
John Parker, who is our honorary president; to my left, Mrs. Sylvia Rankin, who
is president of the Lakeshore Regional Council of the Québec Federation
of Home and School Associations and Mr. Owen Buckingham, who is immediate past
president of our association.
M. Parker (John): Bonsoir, mesdames et messieurs. Pour la
Fédération québécoise des associations
foyers-écoles, l'année scolaire 1983-1984 marquera le
quarantième anniversaire d'une participation parentale active au
développement de l'éducation au Québec. Même si nos
lettres patentes, qui datent de 1959, stipulent que nos associations locales
seront formées dans les écoles offrant les programmes
d'études autorisés par le comité protestant, notre
fonction est d'aider à rendre l'opinion publique favorable à la
réforme et à l'avancement de l'éducation de l'enfant.
Notre fédération est membre de la Fédération
canadienne des foyers-écoles et parents-maîtres et, à ce
titre, porte le flambeau de la qualité de l'éducation non
seulement au Québec, mais dans tout le Canada. Pour en savoir davantage
sur l'historique, les structures et les objectifs de la
Fédération québécoise des associations
foyers-écoles, nous invitons le lecteur à consulter la brochure
intitulée: C'est de nous qu'il s'agit (annexe 1). Si vous voulez
consulter cette annexe, je l'ai ici.
Voici quelques dates dans notre histoire: en 1919, le premier groupe
foyers-écoles était créé par le Dr Percival, qui a
longtemps été directeur de l'éducation protestante, et, en
1930, la première association foyers-écoles était mise sur
pied à Montréal, à l'école MacVicar, sous
l'inspiration d'Helen Guiton. En 1940, M. Leslie N. Buzzell, alors
président de l'Association de Roslyn, réunissait un conseil
provincial regroupant presque une quinzaine d'associations
foyers-écoles; en 1941-1942, ce groupe publiait des brochures sur divers
sujets: alimentation, orientation scolaire, financement de l'éducation,
etc. Le 26 mai 1944 avait lieu la réunion de fondation de la
fédération. Alors, vous savez que notre fédération
existe depuis 40 ans. En 1959, nous recevions notre charte provinciale. (21 h
15)
Je suis très fier d'annoncer ces dates, d'attirer votre attention
sur ces dates parce que, même avant qu'il y ait un ministère de
l'Éducation, même avant qu'il y ait participation des parents dans
les autres écoles du Québec, il y a eu beaucoup de participation
de parents dans les écoles protestantes du Québec et ce sous
l'organisation de notre fédération.
La Fédération québécoise des associations
foyers-écoles, organisme bénévole, s'est
particulièrement distinguée par son travail dans toutes les
questions sur l'éducation. Durant cette période de plus de 20
ans, nous avons présenté dix mémoires sur ces questions
à diverses instances gouvernementales. À l'annexe II, on a la
liste des différents mémoires, j'ai un petit problème
à la trouver. Je peux vous dire que notre premier mémoire a
été présenté en 1962, à la commission
Parent. J'en suis très fier, parce que c'est moi, comme président
à ce moment, qui ai présenté ce mémoire. Dans ce
mémoire, nous avons recommandé la formation d'un ministère
de l'Éducation.
Quand on nous a demandé pourquoi, j'ai dit: Parce qu'il faut
donner l'égalité de chances à tous les enfants du
Québec.
Je me souviens très bien de la religieuse - j'ai oublié le
nom de cette belle dame très sage - qui m'a posé la question.
Elle a dit: M. Parker, vous, Montréalais, anglophone, voulez-vous dire
que vous croyez réellement à l'égalité de chances
pour tous les enfants du Québec? J'ai dit: Bien oui!
Vous savez, dans ce temps-là, les petites gens de la campagne
n'avaient pas le même sort, les mêmes chances en éducation
que les petites gens qui habitaient dans les grandes villes. Je félicite
le ministère de l'Éducation de son bon travail depuis ce temps,
avec les commissions scolaires et en coopération avec les autres
structures dans notre province, pour avoir vraiment donné beaucoup plus
de chances à tous nos enfants dans tout le Québec.
Le Président (M. Blouin): M. Parker, je vous avoue que
nous avons quelques difficultés à vous suivre. Je comprends que
vous êtes en train de faire une digression, si je ne m'abuse. C'est
cela?
M. Parker: Oui, oui. Maintenant...
Le Président (M. Blouin): Je vous signale, M. Parker, que
j'ai parcouru rapidement votre mémoire et que la seule lecture de votre
mémoire réclamera environ une heure et demie.
M. Parker: D'accord.
Le Président (M. Blouin): Alors, je vous demande de
résumer votre mémoire et de nous en livrer dès à
présent le contenu, si vous désirez que nous ayons un
échange significatif entre les membres de la commission et
vous-même.
M. Parker: Comme tout bon président, vous attirez mon
attention sur la nécessité d'être bref. Je vous en
remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Parker.
M. Parker: Maintenant, au sujet du projet de loi 40, dans la
ligne de pensée de cette grande tradition, en 1981, la
fédération a formé une équipe de travail
chargée d'étudier la question de la réorganisation
scolaire et de formuler des réponses à cet égard. À
la réunion annuelle de formation au leadership de cette
fédération, le 16 octobre 1982, le Dr Camille Laurin
prononça une allocution sur le thème: L'école
québécoise: une école communautaire et responsable.
Des délégués venant des quatre coins de la province
assistaient à ce congrès. Ils y entendirent les explications du
ministre et purent formuler leurs propres objections.
En matière de changement aux structures scolaires, la position de
la Fédération québécoise des associations
foyers-écoles est claire: le 6 mai 1983, les
délégués à la trente-neuvième
assemblée générale annuelle adoptaient la
résolution intitulée: Commissions scolaires confessionnelles, qui
se lisait comme suit: "II est résolu que la Fédération
québécoise des associations foyers-écoles adopte la
position que tout changement à nos structures scolaires actuelles ne
doit en aucun cas affecter le statut actuel des commissions scolaires
confessionnelles, tant qu'il n'y aura pas de garanties constitutionnelles
canadiennes pour des commissions scolaires linguistiques anglophones
élues, jouissant des services de soutien administratifs et
pédagogiques en anglais."
Le 6 juillet 1983, nous faisions parvenir un télégramme au
premier ministre Lévesque pour protester contre la présentation,
au début de l'été, d'un projet de loi important sur
l'éducation, à savoir le projet de loi 40. À cette
époque de l'année, en effet, pour un organisme
bénévole, fût-il francophone ou anglophone, il est
extrêmement difficile de tenir des réunions et de répondre
efficacement à une telle proposition gouvernementale.
C'est ensemble, par l'intermédiaire de la
fédération, que nous, parents, avons préparé ce
mémoire, convaincus qu'il nous incombe de façon ultime de
déterminer la façon dont nos enfants sont éduqués.
Le ministre a fréquemment balayé nos objections du revers de la
main en les qualifiant de partisanes, mais c'est effectivement aux parents que
revient cet intérêt partisan en tout dernier ressort: il s'agit du
développement de nos enfants, et il nous est très cher. Ces
derniers ne sont pas des pions que l'État peut manipuler pour ses fins
politiques. Nous rejetons de façon non équivoque le projet de loi
40 et la philosophie totalitariste sur laquelle il repose.
Mme Daigle: In 1962, the principal thème of the brief
which the Québec Federation of Home and School Associations submitted to
the Parent Royal Commission was equality of opportunity for all Québec
children. Up to that time, there were startling differences in the quality of
education available to children throughout Québec.
For example, children in the urban areas of Montréal and
Québec City benefitted from a much higher per capita expenditure than
elsewhere in the province. Better physical facilities, better educational
equipment and higher salaries attracted the most highly qualified teachers,
resulting in a superior educational offering here than was to be found in the
poorer rural segments of Québec.
The newly created Ministry of Education picked up the challenge. Huge
sums of money were spent in creating a network of new schools across the
province, with school bus service extending improved educational opportunities
to isolated communities.
We are proud to have played some small part as the very first volunteer
parent organization in bringing about this much needed reform which was
accomplished by the school boards of Québec's two traditional
confessional systems working in cooperation with the new Ministry of Education.
The Ministry and the Government provided the central authority and funding, and
the elected school boards were able to ensure that local traditions and values
he respected and local needs considered in setting up the new structures.
Now that more equitable educational services have been provided to
children throughout Québec, the next important task is to upgrade the
quality of education. We must see to it that the youth of this province are
prepared for the challenge of an evolving society of which the chief
characteristic is rapid and continuous change.
What are the factors which determine the quality of education? They are
many and they are complex. A selective list includes: proper motivation and
support of the student by his family, his peers and the rest of the community
so that he perceives his participation in the educational process as important
and worthwhile; quality instruction by dedicated and qualified teachers; a
course of study designed to provide children at the primary and elementary
level with basic communication skills in the first and second language, the
fundamentals of mathematics and some basic knowledge of history, geography,
literature, religion and/or ethics to provide a system of values for making
valid judgments about the world they live in; special help for those students
with learning disabilities as well as for those who are gifted; the best
physical plant and educational equipment the community can afford.
Quality is, in many respects, a very subjective concept. Like beauty,
quality is in the eye of the beholder. Parents must continue to be guaranteed
substantial local input and control through their elected school board
representatives.
Bill 40, if adopted, would permit the experts of the Ministry of
Education to set up whatever they conceive to be quality education. The clients
of the system, the parents and the pupils, as well as the professional
educators, would become passive recipients instead of active participants in
determining the direction of the educational process.
Mme Rankin (Sylvia): Les membres de la fédération
sont là pour aider. Ils donnent bénévolement de leur
temps, de leur énergie et de leurs ressources dans le but de promouvoir
et d'enrichir la qualité de l'éducation au niveau local de
l'école. À titre d'organisme provincial, la
fédération doit inspirer ses associations membres et mettre ses
ressources à leur disposition. Nous tenons à ce rôle
consultatif qui s'exprime, notamment, par la voie des comités
d'école et des comités de parents.
La fédération sait d'expérience que la plupart des
parents préfèrent choisir les questions qui les
intéressent dans leur propre contexte scolaire. Ils abhorrent perdre du
temps à discuter de règlements et de lois émanant du
gouvernement et pour lesquels ils n'ont pratiquement pas de droit de parole.
À cet égard, le projet de loi 40 n'offre aucune
amélioration.
À l'heure actuelle, le bénévolat change de
façon importante, que ce soit à l'école ou dans la
collectivité dans son ensemble. La vie familiale change, elle aussi. Les
deux parents sont à temps plein sur le marché du travail. Le
nombre de familles monoparentales augmente; le taux de natalité
décroît. Dans les régions extérieures à
l'île de Montréal, la population anglophone diminue. Toutes ces
raisons font qu'il est de plus en plus difficile de recruter des
bénévoles.
Pour de nombreuses familles, le temps se fait rare. Il n'y a pas si
longtemps, les bénévoles en puissance pouvaient se compter en
grand nombre et les heures qu'ils pouvaient consacrer à leur
école étaient relativement souples. C'est ce qui explique la
force du bénévolat à cette époque.
Les parents préfèrent que, pour les décisions de
fond touchant à l'éducation des enfants, les
responsabilités soient déléguées à des
commissaires représentant les écoles d'un quartier donné
et démocratiquement élus par tous les contribuables. Ces
commissaires sont alors chargés de défendre les
intérêts de l'ensemble de la population et c'est à elle
qu'ils doivent rendre des comptes.
Le projet de loi 40 n'a pas amené de changement à la
position de la fédération, clairement exprimée par la
résolution 83-1 adoptée par les délégués
à notre 39e assemblée générale annuelle, le 6 mai
1983. "Il est donc résolu que la Fédération
québécoise des associations foyers-écoles prie instamment
le gouvernement du Québec de veiller à ce que la
responsabilité de l'éducation au niveau local reste entre les
mains des commissaires d'écoles démocratiquement élus au
suffrage universel et siégeant à des commissions scolaires
confessionnelles représentant un vaste ensemble d'écoles. "Il est
de plus résolu que le ministre de l'Éducation du Québec
soit prié de transférer
aux commissions scolaires locales les pouvoirs voulus en matière
de taxation, de contrôle des programmes et d'engagement de personnel, de
façon à ce que ces commissions scolaires puissent respecter les
priorités et obligations envers les collectivités qu'elles
desservent." (21 h 30)
Le Président (M. Blouin): Mesdames et messieurs, je crains
que nous ne nous soyons pas bien compris. Vous avez mis, jusqu'à
maintenant, une vingtaine de minutes à présenter votre
mémoire et nous en sommes à la page 8 sur un mémoire qui
en contient, si je ne m'abuse, au-delà de 36. Au train où vont
les choses, si vous continuez au même rythme, vous mettrez environ une
heure et demie à deux heures à présenter votre
mémoire et cela annulera tous les échanges que vous pourriez
avoir avec les membres de la commission.
Ce que je vous demande de faire, c'est d'en résumer les chapitres
plutôt que de les lire les uns après les autres. Ensuite, lorsque
vos idées auront été exposées à la
commission, nous pourrons commencer l'échange entre les membres de la
commission et vous-mêmes. Je puis vous assurer, de toute façon,
que déjà les membres de la commission ont eu l'occasion de
prendre connaissance de votre mémoire dans son entier, puisqu'ils ont
déjà en leur possession ce mémoire depuis maintenant
quelques semaines, sinon quelques mois.
Vous comprenez un peu les contraintes avec lesquelles nous devons
procéder. Voilà pourquoi je vous demande de procéder
à un résumé de votre mémoire, pour qu'ensuite nous
puissions avoir quelques échanges significatifs.
Mme Daigle: First of all, I would like to point out that we had
hoped that we would be able to read our brief in full because we felt that, in
itself, it is a résumé of the ideas that we wish to present
before this commission. Bearing in mind that we are not going to be reading the
central part of our brief, which deals in good part with the historical
background and with the constitutional rights that we feel that we have as
parents in the school system presently, under the confessional system, we will
.therefore go to page 21 in the English section; en français, the
recommandations.
Québec Federation of Home and School Associations strongly urge
the Government of Québec to ensure that responsibility for education at
the local level be kept in the hands of school commissioners democratically
elected by universal suffrage to serve on confessional school boards
representing a broad community of schools. In addition, we recommend that the
Ministry of Education be asked to transfer to the local school boards powers of
taxation, control of curriculum and hiring of personnel, so that school boards
may meet their priorities and obligations to the communities they serve.
All Quebeckers, whether they be English-speaking or French-speaking,
Catholic, Protestant, Jewish, Greek Orthodox or of any other creed, we believe,
must feel a sense of unity about the maintenance of the civil rights -
guaranteed by the Canadian Constitution - of parents as a class of persons and
would support, through their elected members of the National Assembly, the
deletion or amendment of articles of Bill 40 which give offense to parents. We
ask, therefore, in the interest of uniting all Quebeckers in the preservation
of democratic traditions, that there be a substantial reduction in the
centralized decision power of the Ministry of Education, that its regulations
be made subject to review (including disallowance) by the National Assembly in
conformance with parliamentary democracy, and that there be a substantial
restoration of the autonomy of local school boards where parents and
communities can avail themselves of the opportunities for participation.
We further recommend that the Government of Québec follow the
democratic precedents already set in Canada. It should facilitate the
expeditious hearing of constitutional challenges of the authority of the
National Assembly to legislate parts of Bill 40. In so doing, it would be
following a worthy Canadian tradition. An illustration of expeditious treatment
in that tradition was the recent decision of the Government of Ontario to
bypass the Supreme Court of Ontario and refer directly to the Ontario Court of
Appeal the matter of the joint court action for French language school boards
of the French Canadian Association of Ontario and the French-speaking Teachers
Association of Ontario.
We ask that this revolutionary Bill 40 be referred to the Court because
its passage into law. We recommend it be referred to the Québec Court of
Appeal for an opinion on the constitutionality of those sections relating to
confessional and dissentient schools.
If that is not done before this legislation is passed into law, the
prospect is a sombre one. There will be a long period of disruptive judicial
warfare. Such an experience can only injure the province by alienating further
those who feel united in their opposition to the imposition of an authoritarian
linguistic nationalism that would destroy, under the guise of educational
reform, a public trust, guaranteed in 1867, for a public secular system of
democratic schools.
QFHSA has always supported reforms in the educational system that are
aimed at improving the educational, economic or
social welfare of the child. We will continue to support all sincere
efforts at real educational reform, reform whose chief goals are the
enhancement of the quality of education and the rationalization of educational
services. However, we will oppose with the utmost vigour any attempts by any
group to manipulate the educational system to further its own political or
ideological visions. We are of the opinion that Bill 40 represents just such an
attempt. It is up to this Standing Committee and the National Assembly to
protect the tradition of tolerance in this province and to restore tranquillity
and the sense of unity and common purpose in education. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Daigle. M. le
ministre.
M. Laurin: M. le Président, il me fait plaisir
d'accueillir à la commission la Fédération
québécoise des associations foyers-écoles et de lui dire
que j'ai lu son long mémoire de 36 pages avec intérêt,
même si la fédération me décrit, dans son journal,
édition de septembre 1983, comme un homme qui a des tendances racistes.
Cela ne m'empêche pas de dire, malgré tout, que non seulement j'ai
pu adresser longuement la parole à ces gens, ce que je n'ai pas fait
avec tous les groupes, mais que j'ai pris, encore une fois, un grand
intérêt à la lecture de leur mémoire.
Je trouve quand même que cette appellation, que vous avez
utilisée à mon égard, est grave, insultante et offensante
en plus d'être erronée. Je n'accepte pas non plus le mot que vous
avez utilisé dans votre mémoire en disant que le projet de loi
est un projet totalitaire. Là aussi, c'est un mot très grave et,
avant d'utiliser les mots, il faut savoir les peser. Si je regarde la
définition du mot "totalitaire" dans le dictionnaire français -
je pense que c'est la même dans les dictionnaires anglais - on dit: "se
dit des régimes politiques non démocratiques dans lesquels les
pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont
concentrés entre les mains d'un petit nombre de dirigeants". Je ne pense
pas que ce soit le cas au Québec. Le mot "totalitaire" aussi s'emploie
de ces régimes que nous avons connus, où on tente d'endoctriner
les jeunes, où on caporalise toute la vie collective et où l'on
jette en prison ou dans des camps de concentration ceux qui ne sont pas
d'accord avec le régime. Je ne sais pas si c'est ce que vous pensez du
gouvernement du Québec, mais si vous le pensez, c'est absolument
erroné.
Je trouve donc, pour le gouvernement du Québec et la
société québécoise, extrêmement insultante et
offensante votre remarque. Si vous avez préparé votre
mémoire sur le projet de loi 40 à partir de ces
préjugés, à partir de ces conditionnements, à
travers la lunette noire, profondément noire, que cela implique, je
pense qu'on peut dire que vous n'augmentez pas la crédibilité des
thèses que vous nous présentez.
Ceci ne m'empêche pas d'apprécier le travail que vous
faites dans les écoles depuis 1944, comme vient de le rappeler votre
président honoraire. Nous le reconnaissons tellement bien, d'ailleurs, -
ceci intéressera le député de Louis-Hébert - que
nous subventionnons votre association et que nous avons même
augmenté considérablement la subvention que nous vous versons
depuis quelques années. Ceci prouve que, même si un gouvernement
subventionne un organisme, ce n'est pas pour lui attacher des fils à la
patte, car je ne crois pas que la subvention que nous vous versons vous ait
attaché quelque fil que ce soit à la patte, si j'en juge par la
dénonciation tous azimuts que vous faites du projet de loi 40.
Dans votre mémoire, encore une fois, j'ai appris un certain
nombre de choses, en particulier dans sa partie historique très bien
faite, où vous nous faites l'histoire des écoles dissidentes en
particulier. Même si j'avais fouillé le sujet, j'y ai quand
même appris des choses, ainsi que dans la discussion que vous faites du
concept de l'école dissidente. En conclusion, comme un très petit
nombre de groupes, vous préconisez le maintien intégral du
système actuel et, en particulier, le maintien des structures
confessionnelles, même si vous venez juste d'entendre, lorsque l'autre
groupe était présent à cette commission, que la commission
scolaire protestante du grand Montréal compte une minorité
d'élèves que l'on pourrait qualifier de protestants. Je pense
qu'on pourrait faire les mêmes constatations ailleurs au Québec.
De toute façon, vous préconisez le maintien intégral du
système. On sent parfois que vous êtes tentés, comme
d'autres groupes, de le remplacer par un nouveau système basé sur
une division linguistique mais, là, vos craintes, vos
appréhensions sont telles que vous exigez, pour consentir à ce
changement, des conditions que l'on peut qualifier d'extraordinaires.
La garantie que pourrait vous donner, par exemple, l'adoption d'un
projet de loi qui entérinerait cette division des commissions scolaires
linguistiques, ce qui voudrait dire que le Parti québécois est
d'accord et au cas où le parti d'Opposition serait également
d'accord, cette garantie que constituerait ou que pourrait
éventuellement constituer l'unanimité des partis en
présence sur ce point très précis - j'entends bien, sur ce
seul point très précis - ne constituerait pas encore pour vous
une garantie suffisante. Il faudrait que nous y ajoutions une garantie
constitutionnelle canadienne dans le sens qu'il
faudrait que ces commissions scolaires linguistiques soient
intégrées dans le Canada Act.
Je signale en passant que, pour un gouvernement totalitaire, c'est
sûrement un sacrilège qu'on fait en accordant à la
minorité anglophone au Québec non seulement le droit à
l'enseignement en anglais pour tous les citoyens anglophones, mais le
contrôle et la gestion de toutes ses écoles, ce que ne fait
actuellement aucune province au Canada, sauf le Nouveau-Brunswick. C'est
sûrement un sacrilège que nous faisons, si on considère que
notre gouvernement est totalitaire. Mais, encore une fois, même cette
garantie que pourrait constituer l'accord des deux principaux partis au
Québec ne serait pas suffisante puisqu'il vous faudrait l'inscrire aussi
dans la constitution canadienne, alors même que la constitution
canadienne nous dit, depuis 116 ans, que l'éducation est une
compétence strictement provinciale, donc québécoise. (21 h
45)
Le temps me manque pour commenter tous les autres aspects de votre
mémoire. Je m'en tiendrai pour le moment à ces remarques,
laissant à mes collègues le soin de vous poser les questions trop
nombreuses que ce mémoire implique ou appelle.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Oui, M. le Président. Je croyais que M. le
ministre aurait quelques questions à vous adresser, mais j'ai
l'impression que vous vous parlez de manière très
catégorique de part et d'autre. Il me semble que le manque total
d'intérêt qu'exprime cette absence de questions à votre
endroit n'est pas tellement plus intéressant que certains qualificatifs
excessifs qu'on trouve dans votre mémoire.
Nous autres, M. le Président, qui avons déjà
été l'objet de quolibets très peu intéressants de
la part du ministre, nous nous étonnons qu'il prenne mal un terme qui a
été employé et qui, à mon point de vue, est
excessif, mais fait partie de la littérature polémique. Oui,
monsieur! Et le Parti québécois n'a pas à se scandaliser
de ce côté parce que c'est celui qui a le plus abusé,
depuis une dizaine d'années, en matière de démagogie
à l'encontre de ses adversaires. Je me souviens de certaines
séances à l'Assemblée nationale où nous avons
été l'objet de qualificatifs bien plus insultants que ce mot qui
est accollé non pas au gouvernement, mais à un projet de loi. On
dit cela couramment. On l'a dit récemment à propos du projet de
loi du gouvernement fédéral concernant l'établissement
d'une agence de sécurité du renseignement. J'ai dit
moi-même que c'était un projet de loi qui comportait des
éléments totalitaires. Je n'ai pas dit que M. Trudeau
était un Hitler, je n'ai pas dit que c'était un dictateur, j'ai
dit que ce projet de loi contenait, en germe, des éléments qui
pouvaient conduire à cela. C'est la tâche du gouvernement, s'il
n'est pas d'accord avec moi, de me réfuter. Mais ce n'est pas insultant
de se faire dire cela. J'ai vu souvent, quand j'étais dans le
journalisme, qu'on a écrit à propos de phrases que j'employais:
C'est du totalitarisme. Bien oui, mais on dit que ce n'est pas vrai et cela
finit là et on continue. Je pense que le ministre le sait très
bien, à part cela.
Ceci étant dit, il y a un lien qui me manque dans le dossier que
vous portez à notre attention ce soir. There is a missing link in my
mind upon trying to start a dialogue with you and I hope you will succeed in
filling that void. My contacts with the Home and School Associations and the
federation go back to a few years ago when I was active in the field of adult
education, in the fifties and the sixties. I remember your organization was
quite active and played a very useful role in getting the parents involved in
the school affairs. Since the last ten years - I would say the last 15 years -
I was involved in other forms of work, I could not have the direct contact with
your local chapters that I used to have in the good old time. I am glad to know
Mr. Parker and many of his associates of the time.
I would like you to tell us first about the present work of the
federation, not the federation as such, but mostly the local associations that
form the federation. How many chapters do you have in the Province of
Québec? How do you operate? How do you relate to school affairs? How do
you view, for instance, school committees wich are in action? In our schools,
are you more or less involved? Are you indifferent? What is your present
standing in the community from these ten points of active participation in
school affairs?
Le Président (M. Blouin): Mme Daigle.
Mme Daigle: Thank you. I am very pleased to tell you something
about the work of our association. We really operate on three levels: at the
local association level within the schools, at the provincial level as we are
here this evening, and also each individual member who joins the local
association becomes a member of the Canadian Home and School and Parent-Teacher
Federation.
At our local school level, we are there as a support system to the
principal and to the staff of teachers who work in a local school, an so, in
the first instance, each home and school association is independent in the
manner in which it wishes to work with its individual school, so that locally
there
are many different things that occur, depending upon the needs of that
local school. For example, we have had a long history of working as volunteers
in the school in the area of curriculum that is perhaps providing some of the
enrichment aspects of curriculum, for example, in helping to set up field trips
and helping to have drivers for those field trips and helping to their special
programs where parents have particular talents and can lend the teacher a hand
in enriching and enhancing a particular program that she has in her
classroom.
We are particularly busy in after-school activities and curriculum and
we also are increasingly busy in the area of lunch time programs since so many
of our children now stay at school over the lunch period. We are particularly
interested in child safety programs and in some of our schools there is a
curriculum being built on safety where both the parents and the staff have
gotten together to enrich that area of concern. We are particularly interested
in the area of computers at the moment. Many of the Home and School Association
have raised funds in order to provide either a computer for the school where
there was not one or to provide extra software where they may be a need, and
also as parent volunteers who have a particular expertise in that area to also
come in and to work for students on an individual basis or to give of their
particular time.
We are engaged, of course, in working in libraries. Many of our
elementary school libraries, I feel, would not operate as well as they do
without the help and dedication of our many home and schoolers. We are working
in the nurses' offices. We have, particularly in the Lakeshore area of our Home
and School Association, a very effective community affairs office where many of
our home and schoolers are engaged in helping with that. We are particularly
interested beyond education to the social and health of our children, and so,
we have committees working on such areas as child abuse and neglect, drugs and
alcool abuse, fitness and nutrition and so on and so forth. So that, as I
mentioned, wherever the school itself feels a need for extra help, then, the
parent volunteer is there to help with it.
M. Ryan: May I ask you how many chapters you have in the
province?
Mme Daigle: At the present time, we have approximately 66 local
associations.
M. Ryan: In what areas?
Mme Daigle: Throughout the areas of the province from the
Gaspé, Outaouais, Eastern Townships, south shore, Island of
Montréal, Québec, Baie-Comeau. In some instances, these groups
work jointly with school committees. We may have a school committee in a home
and school which is combined together because we have, as you realize, in some
areas very small school population therefore, a small number of parents to
work, but they seem to be very keen that both associations should be there and
so many of them are together as joint home and school and school committees. I
do feel particularly in our English-speaking community that we have a very good
rapport with our school committees. Many of them have joined us as group
affiliated members in our association. We also have a number of our school
boards who are also group affiliated members.
M. Ryan: Just by way of digression, if you allow me, I did not
complete what I wanted to say about your remarks concerning the Minister of
Education. I said I took exception to Minister's irritation concerning
the adjective which we mentioned. Is it true that in one issue of your
association newspaper you branded the minister as a racist?
Mme Daigle: We have the issue here and I would have to go through
it to see where this was mentioned but I cannot recall myself at anytime seeing
that. In fact, I do not feel we have any basis on which to address Dr. Laurin
in that manner. That is not really the issue.
M. Ryan: You are prepared to say that this is not the way you
think about him...
Mme Daigle: No. Not at all.
M. Ryan: ...in spite of your differences with him. O.K.
M. Parker: I just want to add something to that. Individually and
as an association, we would reject any appellation of the minister as racist or
of the Government of Québec or of the party in power as a racist.
M. Buckingham (Owen): It might be mentioned, Mr. Ryan, that last
year, when Dr. Laurin was doing his tour concerning Bill 40 or concerning the
White Paper at that time, one of the only meetings where he had no problem
whatsoever with the audience was chaired by the Québec Federation of
Home and Schools. Mrs. Daigle, myself and Dr. Laurin had no argument the way
that audience treated him.
M. Ryan: He must be blamed for that if he did not even run into a
good argument. There must be something wrong with your association or with your
chairman at that
meeting.
M. Buckingham: We had argument. We were quite polite that
time.
M. Parker: Just a comment here. There is obviously a feeling of
malaise on the part of many in the English community and we share that malaise
because of Bill 101 and the regulations and interpretations through which the
minister's agencies have pushed this text, as we think, to extremes. We have
not forgotten that and we have not forgotten the original process of Bill 40
which, in its original form, wised out English school boards off the Island of
Montréal, eliminated universal suffrage and reduced board powers to
insignificance. That was the original text.
Now, we will admit there has been an accommodation and that is good. But
there is a long way to go. I do not think we are being paranoid but we have to
learn to trust. There is presently a feeling of apprehension, a feeling of
mistrust on the part of the anglophone community which takes the form of
saying: Look, we want some guaranties, we want some continuation of our present
constitutional guaranties, we are not willing to accept, as a substitute, a
word of a party or a government which we have not yet learned completely to
trust.
Therefore, I think it is important, if we are going to begin to dialogue
and to establish trust, that we start to work together. One of the important
ways the Government could do this is to refer this Bill 40 to the courts.
M. Ryan: I will ask you a question in connection with this.
Personally, I am not too much in favor of references to the higher courts in
abstract terms for one simple reason: We had one experience of that sort about
three years ago when a reference was made to the Appeal Court and then to the
Supreme Court concerning the right of veto of the province of Québec.
The honourable Justices, with all the respect that is due to them, came up at a
conclusion with which I profondly disagreed. When they said that there must be
a substantial majority of provinces in favor of an amendment for it to pass, to
be valid, they deleted in one stroke of their distinguished pencil the right of
veto which we had politically, and for generations, and which we felt was
secured. We had never seen any indication of that criteria before in any
jurisprudence. They suddenly came up with that. (22 heures)
I would not like them to come up with another completely unexpected
criteria in this particular matter. So, my feeling is that, if things were to
follow the regular judiciary procedures, it would be far safer because, when
the courts are apprised of concrete cases arising out of real situations, then
they tend to limit themselves to the aspects which were brought to their
attention with supporting evidence, in terms of facts, documentation, etc.
where else to fit purely theoretical or abstract case which is put to them.
They may come up to the conclusions which will be of abounding nature without
their having apprehended all aspects of concrete reality. This is a difficulty
which I may understand and do understand. We, in Québec, have a certain
sense of insecurity in these matters which is not existing to the same extent
in other provinces. The least that I would expect from the governement though
is that while we have some cases under examination by the Courts, they should
act with extreme prudence - I think we have enough cases now being examined by
the Courts - for them to arrive at a reasonably and enlightening conclusion in
the next two or three years.
I would say before we have arrived at a certain stage of clarity which
does not exist at the moment in this area to a sufficient extent, they ought to
act with extreme prudence. This is a matter of personal opinion, just
exchanging with you in friendly terms in a climate of civic dialogue. Now, I do
not know if you have any comments to make. I would like to know who did this
historical study for you regarding the Constitution? As the minister said,
there are interesting aspects in your brief on this particular dimension of the
problem. I would like to know how you did this work and how you arrive to your
conclusions.
Mme Daigle: The author of this particular section was Dr. Kelvin
Potter who is one of our members, ex-president. He was expected to be here this
evening...
M. Ryan: Cutler?
Une voix: Kelvin Potter.
Mme Daigle: Kelvin Potter, he was expected to be here this
evening, but regrettably he is ill and unable to be with us. He has spent many
years with our association. The historical life of Québec is very much
an interest of his. He has spent considerable time studying this particular
aspect. He has participated with us in the writing of a number of previous
briefs. So he brings to this particular section his work for our association
previously and has updated it for us in the light of the proposed
legislation.
M. Ryan: To return to our immediate subject matter, you are close
to our schools in view of the nature and activities of your
association. I would like to ask you to comment upon the changes which
are proposed under Bill 40 in the structures and functioning of the local
school.
M. Parker: May I make one comment? It has to do with the proposal
of establishing boards which would be made up of individuals elected from
school councils. I just like to use the figures here to show what might well be
the result on the island of Montréal. A document suggests the dividing
of the island of Montréal into five French language boards and three
English language boards. I did a count of the various schools which make up
these boards. For example, board starting from East to West are French boards.
Board 6301 would contain 50 schools, 39 elementary, 11 high schools which would
mean that you would have some 50 schools electing a commissioner so that you
would have 50 commissioners in that one board. Board 6302, 50 elementary
schools, 24 high schools, so that would mean 74 schools, 74 commissioners
elected, each representing an individual school. In commission 6303, that is
the one in the middle, 35 elementary schools, 12 high schools, 47 schools and
47 members in this school commission. Commission 6304, these are the
francophone boards, 40 elementary, 10 high schools, 50 commissioners. And 6305,
42 elementary, 11 high schools, 53 commissioners. Each of these commissioners
representing an individual school. It would seem to me that this constitutes a
very unwieldy kind of a number. In the English boards, one board is 36
elementary schools, 36 high schools, 62 commissioners. So you have a board
consisting of 62 commissioners. Another board, 6322, 35 elementary schools, 18
high schools, that is 53 all total. One of the interesting facts is that we
have election of commissioners, 461 schools on the Island of Montréal,
with overlapping boundaries. How do you... you know. And then, there is a gross
inquality there in that you would have a small elementary school of 200 and a
high school of some 1500 or 1600 each electing one commissioner. It seems to me
that the whole thing is unwieldy and unworkable and that a ward system would be
much more democratic. That is one practical comment I would like to bring to
your attention.
M. Ryan: After school boards, if you could comment on the
structures which are proposed at the level of the school, I would be interested
in hearing your views. How do you think the school will function under Bill 40
with the school council, with the role which is proposed for the parents, the
teachers, the school principals? Are you satisfied with the setup which is
propounded in Bill 40?
Mme Daigle: I think I would feel that our home and school
associations themselves see that their role is to act in the manner in which
school councils are being proposed in the legislation. As I mentioned before,
it has always been our feeling that we were there to be supported. It was not
for us to make the major decisions for the school but rather to be consulted,
to give our opinions, to make valid suggestions which were beneficial for our
particular community school but that we always... The local school generally
sees itself as part of a larger community of schools and has always looked to
the elected commissioners at the school board level to be the decision-makers.
In our reading of Bill 40, it would appear that the school council would have
broad decision-making powers. It does not seem to us that indeed they will, but
it will be perhaps a lot of rubber stamping but, at the same time, it does
present a very major responsibility to see that each school does have an
effective school council, but there will be a sufficient number of parents
available to assist in all of the areas of concern that Bill 40 would
propose.
I would suggest to you, as we mentioned in our brief, that, in most
cases, our parents who volunteered in the schools -and I believe this to be
true of our school committees particularly in the English sector that we are
familiar with - have volunteered their time in a flexible way so they are free
to give the time that they have free from their other responsibilities. I do
feel that the confessionality question at the local level is one that they
would not necessarily feel that they would like to deal with, that is in having
three years to decide on the confessionality at the school level. They see
themselves presented with a problem which is not one that has to do with
pedagogy, which is of a major concern to them, but one which would perhaps even
cause some antagonism amongst the various parents in the local school. I do
think that they would feel we would have a definite problem in that, if they
are given the mandate to decide on whether the principal of the school should
remain in that school or to go, this would be a problem as proposed in Bill 40.
We do not see our role to be one in which to be competent to decide on the
principal's professional expertise.
Le Président (M. Blouin): Sir.
M. Buckingham: ...One of the area you asked about was the
principal's role. I do not think our parents see in that bill that they have
lost a stabilizing effect, because basically now most parents feel that the
principal has a stabilizing effect in that school, is a leader in that school.
Right now, if a principal changes school after three or
four years, that causes confusion. What this bill has done, has created
the principal into a political animal, because the principal, every year, can
be fired with a two third majority. The principal is in the position... Many
parents feel that the principal is in a position of playing politics to make
sure he has a job the next year, rather than having his first loyalty to the
children and the parents that he is representing; and his second loyalty is
probably to a schoolboard. Now his loyalty, according to Dr. Laurin, is to the
Ministry, not to the community he represents, and that is stated in the bill,
and it is stated in the principal master artisan.
Le Président (M. Blouin): D'accord, merci, M. Buckingham.
M. le député de Vachon.
M. Payne: It is my duty to remind you something. You mentioned
earlier that you have no recollection and certainly no policy of making
reference to racism with respect to Dr. Laurin and you referred to your own
newspaper. I would like to read from that newspaper called Home and School
News, 83-09-05: "Given these xenophobic tendencies of the Provincial
Government, given the racist leanings of Dr. Laurin and his nationalistic
cohorts... the scene is set for a season of unrest." So much for the mud
slinging. And then a little bit of back slapping, you say: "Home and School,
which has always been known for its intelligent approach to problems, must
maintain that exemplary conduct." I consider that to be hideous and outrageous
and verging on racism itself, and not the kind of language which will help this
National Assembly to reach an equitable solution with respect to the bill which
is before us.
Dans les pages de nos journaux anglais du Québec, se cache une
multitude de préjugés raciaux dont vous êtes parfois les
premiers responsables. Perhaps we should go in English. I would like to come to
Bill 40 and discuss very briefly two topics: parents' participation and
centralization. How do you feel about the project of Bill 40, which suggests
that for every school there should be a school committee elected by parents of
students attending the school in any given year, and that the principal and the
representative of the staff of the school should be members of this committee,
every school of Québec, and that one of the general thrusts of this bill
is to keep parents informed of the developments within the school and of the
school program, and to provide a kind of liaison between parents and the
schools themselves, what do you think of that general philosophy?
Mme Rankin: ...we think of the general approach of having school
committees?
M. Payne: Yes. I have just given you a list of their functions
and their roles.
Mme Rankin: We already have school committees.
M. Buckingham: It is not in Bill 40. We have that presently,
school committees with everything you said there according to the old law.
M. Payne: I said: What do you think of it? Because, in fact, Bill
40 consecrates that in terms of a right.
M. Buckingham: It is already a law now. So therefore if it is not
a law, is it not a right. May I ask that question please?
M. Payne: No. I am asking you the question and it is very simple.
It is not an obligation at the moment to have a school council. Right or
wrong?
Mme Rankin: An obligation to have a school council? There is no
such thing as a school council.
M. Payne: An orientation council or call it whatever you
want.
Mme Rankin: An orientation committee is what you are referring
to, which came as originally as to whether or not we wanted to have orientation
committees in our schools?
M. Payne: Right. Which has consultative functions.
Mme Rankin: The consultative function is done by the school
committee at this present moment. (22 h 15)
M. Payne: I would like to give you some of the examples of Bill
40 which attempts to democratize and consecrate rights for the parents
committee, to plan the educational policy of the school, to promote the parents
participation in the improvement of educational community services, to make
recommendations towards a more efficient cooperation within the school, and
then the Bill goes on to address itself to a number of recommendations such as
the education committee, the pupils' committee. This is an attempt to
democratize something, and it suggests that they should be a maximum of 14; a
maximum. Obviously, in outline areas, it can be much less.
This is an attempt to give an opportunity of full participation. I am
sure that you are not against the principle.
Mme Rankin: Not against the principle of democracy.
Mme Daigle: The point is that we have a law, now in
Québec, for school committees, where there is an opportunity for parents
participation and there are again number specified for minimums and guidelines
for approach to maximums. Therefore, I cannot see that Bill 40 proposes
anything that is different in terms of the parents' participation that one can
have at the local school level. We have that, now, in the legislation regarding
school committees.
M. Payne: So, I do not understand your disagreement if you say
there is no difference here. In fact, I would like to add one particularly
difference which is very important: mainly now it is the right of parents to
have that committee which is decisional, and that is the position of la
Fédération des parents du Québec who was vigourously
defending before this commission, the rights and the decisional rights which
are given by Bill 40.
Mme Rankin: The decisional rights?
M. Payne: The decisional functions of the school council.
Mme Rankin: The function of the school council according to this
is to carry out the decisions made the Ministry.
M. Payne: Oh no! I think you should read the mandate of the
school committee...
Mme Rankin: Of the school committee... Could you please tell me
when you are going to distinguish between the school committee and the school
council, because if you are talking one, you know, we will talk about one. But
if you talking the other one, the other one is Bill 71.
M. Payne: Je m'excuse. I am referring to "les conseils
d'école". I cannot...
Mme Rankin: O.K., that is the school council.
M. Payne: ...and you cannot see a difference between a decisional
"conseil d'école" and the present bill, the present law?
Mme Rankin: The present bill and school council are pretty much
one on the same.
M. Payne: You see no difference in that case between Bill 40 and
the present law?
Mme Rankin: No, no, no. You said: What do we think of school
committees, and we said: They are presently in the schools.
Then, you changed to discuss school councils which are two totally
different things.
M. Payne: On va laisser ça de côté. In terms
of decentralization, can you give one power which the Minister presently
possesses which you think he should not have and which is increased in Bill 40?
What increased powers does the Minister have in Bill 40 which he did not have
before? Could you give a list of those powers?
Mme Rankin: We are talking about decreased powers of the school
commissional level, we are not talking about increased powers of the
ministerial level. We talking about school boards actually having some sort of
power of taxation, of curriculum, over what happens within the school, the
distribution of ressources though decisions are already made prior to their
arrival at the school board level.
M. Payne: No, my question was: Can you give a list of the powers
of the Minister which are increased in this bill? You spent the whole chapter
to talk about centralization that would be based upon increased powers. Could
you give a list of those increased powers?
Mme Daigle: As I see it, the Ministry, today, already has taken
upon himself vast powers by legislation such as the law 57 regarding budgetary
considerations, the orders in council regarding "le régime
pédagogique" and the decrees. These things if anything are increased in
Bill 40 to the point where they become consolidated there in that particular
legislation. Those things become even stronger, and they appear now separately.
They are all combined together, all listed in chapters 5 and 6 and defined very
clearly.
M. Payne: But can you answer the question with respect to what
powers are increased? What increased powers does the Minister have?
M. Parker: What this Bill would do is remove as a powerful
influence the only locally elected... The form of government in the school
system, the only elected body would be the National Assembly and the Minister
would have all the powers that go with being a person representing that elected
body. Effectively, we submit that the school boards, which are being elected
according to the format that I read a little while ago, with one commissioner
from each school, would not operate effectively, would be divided up because
each commissioner, instead of representing a whole community, would be
representing the interest of a particular school. If you have as many as 72
commissioners with each one representing a
particular school, you have a level of elected government which is not
likely to be coherent or effective. That is the only elected body and the only
elected person, with any really...
Mr. Payne, I am sorry, let me finish this. The only really elected body
with any signifiant part of elected individual would be the Minister and the
Ministry of Education.
M. Payne: I am not talking about elections. I asked you a very
specific question. Could you give a list of increased powers, when you talk
about centralization? In passing, I would point out that, obviously - it is
obvious to anybody - the school commission is an example of an elected body as
well as the school council. I will give you a brief list of actual powers which
are held by the Minister: Teacher certification, school age entrance, le
régime pédagogique, regulations for building contracts and so on,
the disposal of unused buildings, the size of school commissions.
I cannot see any one example in that list that could be easily delegated
to the school commissions. However, there are certain areas which we have
decentralized. I would like to submit a few examples to you. Previously, it was
not possible to have a surplus in the budget. That is now possible. With
respect to independent auditors, we propose that the mandate should be worked
out locally. Teacher material, pedagogical material are now decentralized much
more than they have ever been before, which is an important teaching tool and
something which has been asked by teachers and by school commissions in recent
years, as you know. The whole area of student equivalences is now
decentralized. Students coming from other provinces...
M. Parker: To what level?
M. Payne: To the school commission level. Local curricula,
planning of local curricula, those are decentralized powers. I did ask you for
a list of centralized powers, but I am giving you an example of decentralized
powers.
When you make allusions to the school commission being devested of all
powers, the school commission has the following powers. Here are a few examples
that I picked out: the allocation of educational services, pedagogical
services, planning, adult education, special education, kids with learning
difficulties, integration policies, the hiring and the placing of personnel,
material, resources and property disposal following the regulations established
nationally, hiring of the director general and preparing the budget which now,
in fact, is tabled. It is not approved. It is tabled in Québec. It is
quite an impressive list of powers of the school commission, which is an
elected body. Would you not consider that this is a considerable and
interesting list of powers which are being given to the school commission?
Mme Daigle: One point in the list that you have mentioned that I
know parents have been concerned about is regarding the local planning of
curriculum. There are examples where the parents, in consultation with their
school principal, their school and director general and the overall members of
the school board itself, have attempted to plan local programs. I refer
particularly to the incident at the Baldwin-Cartier School Board where the
parents had made considerable progress in the development of a sex education
program which they duly submitted to the Ministry. This program was refused.
The Minister's reply, as I understand it, was that there was already a program
within the "régime pédagogique" which was to be implemented on a
uniform basis across the school system.
It is my understanding in this instance that there is room for local
planning, but that these programs must, in the final instance, be approved that
in almost all instances you would find in the list that you have given that
where the powers seem to be decentralized there is always a link for approval
and, in the final instance, it is the Minister of Education, the Ministry
itself that makes the decision as to whether these things are implemented or
not.
All of the things mentioned in the list have to be taken into
consideration budgetwise and again, I remind you that it is within the Ministry
of Education itself that we find so much of the centralizing powers regarding
budgets. School boards in the past were given powers of taxation and the means
by which they were able to decide for themselves how they would use those
particular resources. So while, the list may look as though the powers are
decentralized, the broad powers are still there within the Ministry. I would
suggest that it is perhaps one of the reasons for which we do have Court
actions pending as to where this power really does lie legally.
M. Payne: You give an example of the present situation concerning
sex instruction programs. I agree with you that it is necessary to have
provincial norms. As for the way in which the "régime
pédagogique" could be applied locally, I have just given you one example
of local curricula being planned locally, how provincial norms can be worked
out at the school commission level and, ultimately, at the school level in
consultation with the parents and the teachers. I would just like to be
reassured that there is not an increased list. If you believe that there is an
increase in powers
of the Minister, please table them and we will discuss them. My reading
- and I have given you a list - is pretty exhaustive and that list demonstrates
that there are no increased powers for the Ministry.
M. Parker: We could go through the list, Mr. Chairman, Chapter V,
if you like me to read the whole list of powers assigned to the Minister of
Education and then, there are not only those, but the Government may exact
regulations. Of course, the problem with doing these things by regulation is
that they are not subject to decision by the elected representatives, at the
National Assembly. If you go through that total list, there is practically
nothing that can be done without final reference or final decision by the
Ministry.
M. Payne: My one last question: Just in a word, can you give a
list of increased powers which the Minister now has, yes or no?
M. Parker: All I can say is that the situation has changed. There
was a time when the commissions, the Protestant commissions in particular -
which I have some familiarity with - had a great deal to do with establishing
the curriculum. We did, we established the curriculum inclose consultation with
staff, with teachers, with administrators and even with representatives of the
Federation of Homes and Schools Associations. So these were, of course, subject
to references to the Ministry, but we have a long history of curriculum-making
at the level of the school board. Now, the tendency with the "régime
pédagogique" seems to be more and more that there is a centralization of
curriculum-making at the level of the Ministry. (22 h 30)
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Parker. Merci, M. le
député de Vachon. Il faut maintenant...
M. Payne: Thank you. Deux secondes? I would just like to point
out that the "régime pédagogique" came in as the result of
recommendations from the parents after massive consultations. Their
recommendations were that there should be provincial norms for curriculum. That
is the result of it.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le
député de Vachon.
M. le député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Je sais que le temps
fuit. Alors, très rapidement pour laisser le temps à ma
collègue d'intervenir, en souhaitant la bienvenue aux membres de la
fédération, j'aimerais souligner qu'ils arrivent devant cette
commission avec des lettres de créance très impressionnantes.
À entendre le ministre, on pourrait croire que la réception qu'il
vous a réservée, c'est que l'invitation qui vous a
été faite et à laquelle vous vous êtes fort
gracieusement rendus était seulement dans le but de vous gronder, de
vous réprimander, de régler les vieux comptes avec vous et qui,
pis est, de le faire publiquement. Il est possible qu'il ait eu maille à
partir avec vous, mais la décence et la civilité voulaient que
ces choses se règlent privément, de façon à laisser
le moins de marques durables possible.
Je regrette publiquement moi-même que le ministre ait senti bon de
vous faire venir pour régler ses comptes publiquement. La preuve qu'on
puisse croire qu'il en est ainsi, c'est que c'est la première fois
depuis le début des travaux de cette commission - à moins que je
ne me trompe, parce que j'ai été très assidu, comme vous
le savez, M. le Président - que le ministre s'absente pendant la
discussion qui suit la présentation d'un mémoire. J'y vois
là le signe de quelque chose. On en tirera les conclusions.
Ce n'est pas en faisant parler le député de Vachon qui est
"his master's voice" finalement, un simple ersatz qui fait le message que le
ministre n'a pas la délicatesse de faire... Je le regrette vivement et
j'ai le droit le plus strict d'exprimer cette opinion...
M. Payne: ...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Je vais le faire malgré toutes les protestations
du député de Vachon qui continue de tenter...
M. Payne: ...cesser les insultes du député.
Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît! M. le
député de Louis-Hébert...
M. Doyon: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): J'ai compris dans votre
intervention que vous vouliez signaler certaines attitudes qui, à votre
point de vue, sont incorrectes. Alors, je vous signale de ne pas
vous-même provoquer des attitudes qui pourraient être
qualifiées de la même façon. D'accord? Et je souhaiterais
que nous procédions aux échanges avec nos invités, si vous
le voulez bien, M. le député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Je pense que le ministre
a la peau un peu mince, l'épiderme très délicat. Le
député d'Argenteuil a expliqué que, lorsqu'on est en
politique comme lorsqu'on est dans d'autres métiers, "if you
cannot stand the heat, get out of the kitchen". Cela fait partie du jeu. Que le
ministre s'offusque et qu'il fasse parler "his master's voice" à sa
place et qu'il n'ait pas la délicatesse...
M. Payne: Provocateur.
M. Doyon: ...de vous faire les messages qu'il a à vous
faire, je le déplore grandement. Ce que j'ai à dire, je le dis
publiquement, parce que, lorsqu'on court après les coups, on en
reçoit et quand on veut en avoir, j'en donne, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Très bien.
M. Doyon: Le ministre se réjouit publiquement et dit - je
me réjouirai avec lui - que vous avez obtenu une subvention. J'aimerais
savoir de votre part si cette subvention est considérable et de quel
ordre elle est, simplement pour clarifier ce point de vue.
Le Président (M. Blouin): Mme Daigle.
Mme Daigle: Yes, we received a grant of 18 000 $. We have
received that amount for the past three years.
M. Doyon: Cela fait trois ans que vous recevez ce montant de 18
000 $. Est-ce un montant qui vous est versé d'une façon
statutaire ou d'une façon discrétionnaire, selon la
volonté du ministre chaque année?
Mme Rankin: Discrétionnaire.
M. Doyon: Discrétionnaire. Merci. Vous avez, j'imagine, eu
l'occasion d'étudier en profondeur le projet de loi 40. Êtes-vous
en mesure d'indiquer à cette commission si, à votre avis, la
meilleure façon de renouveler et de provoquer un intérêt
véritable des citoyens, des contribuables vis-à-vis de la
commission scolaire ne serait pas, au lieu d'avoir ce que j'appelle des
"gimmicks", c'est-à-dire des moyens détournés de
nomination de parents par voie du comité d'école, plutôt de
donner de véritables pouvoirs à une commission scolaire qui
aurait les moyens de les exercer? Que pensez-vous d'une proposition
semblable?
If you prefer to answer that question in English, please be at ease to
do so.
M. Parker: I would begin an answer to that, subject to Mme la
présidente's further comment. Obviously, we prefer to operate within the
broader scope and mandate of a democratically elected commission. That is not
to say that the school does not have powers. The school has powers. I have
served as school principal something like ten years ago, in the early days,
when the school committees were first introduced. In my day, in 1974, I had for
the first time a school council, a school committee and a home and school
association; all three: the home and school by tradition, the school committee
by law and the school council by law. The school council was the staff in those
days. It was not the conseil d'école. It was a meeting of all the staff
with the principal. The school committee was an elected group of parents
meeting with the principal and then, there was the executive of the home and
school. As a matter of fact, I worked it out that we all met together three or
four times a year, particularly at the beginning, to establish a plan for the
school. This was long before there was any idea of a projet d'école.
Then, we divided up responsibilities and all worked together. As a matter of
fact, I won a national award as a principal for devising this method of working
with school committees and with parents.
We have a tradition in the English protestant system of participation of
parents, of working with parents, of professional teachers and principals
working in partnership. That is what Home and School is all about. The home is
primarly the parents' responsibility. Through the Home and School Association
they have influence on the school, but the operation of the school is within
the functions of the principal and the school commission.
Mme Daigle: If I understand your question, you want to know
whether or not the school council is a gimmick to be used for the illusion of
power at the local level. I do not know whether I would call it a gimmick, but
I do see it as a group of people who come together, duly elected, to serve.
They already do come to serve on an elected basis, so there is nothing that
would be changed there, but it would appear that they would be given greater
decision-making powers if, as we believe, the centralizing power is in the
Ministry. At the very best, the school council would be there to rubber-stamp
whatever was placed before them for approval.
I suppose that, along the way, good and valid suggestions would be made
and perhaps be taken into account but, in the final analysis, this is only one
local school operating within a large provincial network of local schools.
Therefore, it would seem to me that they would have to look very carefully at
the list of duties that they would have and they would all, at some stage or
another, have to be approved beyond the local school level. Bill 40 proposes
that. There will, of course, be school boards of a kind. We see those as a
"service coopératif" but, again, having no decision-making powers that
we find now in
our local school boards. Therefore, to whom do they go for the final
approval, if not to the Ministry of Education itself?
M. Doyon: Thank you.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
M. Doyon: Oui. Étant donné que le temps fuit
rapidement, je laisse maintenant la parole à quelqu'un d'autre. Je sais
que ma collègue de Jacques-Cartier a de nombreuses questions et peu de
temps.
Le Président (M. Blouin): Merci. D'abord, je vais donner
la parole à M. le député de Chauveau.
M. Brouillet: Merci, M. le Président. Avant d'aborder le
coeur du débat qui est la loi 40, j'aimerais faire une petite mise au
point concernant l'intervention du ministre au début de la
réunion de ce soir. M. le député de Louis-Hébert a
dit que M. le ministre devrait laver son linge sale privément. Je lui
ferai remarquer que, lorsque le linge sale a été sali
publiquement, il revient à ceux qui l'ont sali publiquement de le laver
publiquement. Je m'attendrais que ceux qui l'ont sali publiquement par des
dénonciations publiques puissent publiquement le laver en reprenant leur
attitude et les termes qu'ils ont utilisés.
Pour en venir au projet de loi, je vais aborder moi aussi le
thème de la centralisation et le thème de la participation des
parents. En ce qui concerne le thème de la centralisation, je ne
reviendrai pas sur ce que le député de Vachon a relevé. Il
vous a bien demandé si, selon vous, le projet de loi 40 augmentait les
pouvoirs du ministre. Jusqu'à preuve du contraire, on n'a pas pu
établir ceci. Au contraire, on a dressé toute une liste
d'articles où il y avait un effort de décentralisation. Mon
intervention va porter sur le point suivant: vous avez dit que dans les
années soixante vous avez réclamé la création d'un
ministère de l'Éducation parce que, pour vous, c'était
l'instrument indispensable pour assurer l'égalité des chances
à tous les Québécois d'accéder à une
éducation valable. Que je sache, aujourd'hui, le ministre de
l'Éducation n'a pas plus de pouvoirs qu'il n'en avait lorsqu'on a
créé le ministère de l'Éducation pour assurer cette
égalité des chances. Comment pouvez-vous justifier
qu'aujourd'hui... Je crois que l'égalité des chances demeure
toujours un objectif que nous devons poursuivre. Pourquoi ne croyez-vous pas
que les pouvoirs qui étaient nécessaires à l'époque
pour rendre possible cette égalité des chances ne soient plus
nécessaires maintenant et qu'on devrait enlever des pouvoirs au
ministre? Il y a une incohérence dans la position, à ce
moment-là.
Mon autre point sur la participation des parents, je vais vous le
donner. Vous insistez et vous revenez sur la nécessité de la
participation des parents. Vous avez fait la preuve que depuis plusieurs
décennies, dans votre milieu, vous êtes impliqués au niveau
de l'école. C'est très bien, c'est très louable; c'est un
exemple à suivre. Vous avez dit aussi, vous avez réaffirmé
que vous, parents, qui avez préparé ce mémoire, êtes
convaincus qu'il vous incombe de façon ultime de déterminer la
façon dont vos enfants sont éduqués. Je suis tout à
fait d'accord avec cela. Les parents ont des droits à l'égard de
l'éducation de leurs enfants. Ils doivent s'assurer des moyens pour
tâcher de suivre cette éducation et d'en être
responsables.
Alors qu'on veut donner aux parents dans les écoles un certain
pouvoir à l'égard du projet éducatif, lequel projet va
précisément comprendre les valeurs propres à une
communauté, vous dites: Non, on ne veut pas de ce pouvoir pour les
parents... Oui, puisque vous êtes contre le pouvoir décisionnel
que le projet de loi accorde aux parents au niveau de l'école. Vous
dites qu'ils l'auront par voie de délégation des commissaires
élus. Vous faites allusion au fait que le bénévolat a
diminué pour justifier que les parents n'ont pas le temps de s'occuper
de façon directe de l'éducation de leurs enfants, d'y veiller
d'une façon immédiate et directe par une responsabilité
directe. Vous dites de laisser cela à une responsabilité
indirecte, par voie de délégation, parce que le
bénévolat diminue.
Je trouve que ce sont des arguments qui sont un peu faibles. Je crois
que la logique de vos positions de base devrait vous amener à
reconnaître que dans le projet de loi 40 il y a des dispositions qui
correspondent à votre philosophie et qui la respectent. Vous parlez de
la philosophie qui anime le projet, mais je crois que, si on regarde les
dispositions de la loi avec des yeux dégagés de toute
appréhension - comme vous l'avez dit tantôt, il y a beaucoup
d'appréhension de notre côté - si on fait un effort pour
laisser tomber ces appréhensions et qu'on regarde le projet de loi tel
qu'il est, il répond énormément à votre philosophie
qui est un pouvoir au niveau de l'école, un pouvoir aux parents en ce
qui concerne la détermination des projets éducatifs dans
l'école. (22 h 45)
Je ne comprends pas votre acharnement contre le libellé du projet
de loi en partant de votre philosophie de l'éducation. Je crois qu'il y
a là des contradictions et c'est pour cela que je me dis qu'il doit y
avoir des raisons et les raisons ou les appréhensions que vous
nourrissez depuis longtemps, à mon sens, ne vous ont pas permis de faire
une lecture vraiment dégagée du projet de loi tel
qu'il est réellement.
Le Président (M. Blouin): Mme... M. Parker?
M. Parker: As far as citizens are concerned, the citizens in
their function, I do not think you would claim that all of them either have the
desire, the time or the ability to operate at the level of the elected council
and to administer. Now, I think all citizens have a right to input. All
citizens have a right to serve on a voluntary capacity but they do not
necessarily all participate in the active administration.
I think parents are in the same category. They cannot all participate.
They do not have the time. They do not have the inclination and some of them do
not have the training. So, from the point of view of operating a school, the
administration of the school really belongs on a broader basis to parents, to
citizens who are elected on a broader basis at the school commissions, who
assign responsibility to a professional person, to a professional administrator
who is removable by the school commission and who has to work with the parents
in conjunction with them. That is the kind of system that we see operating
effectively rather than each school setting up a decision-making council which
can fire the principal at any time, which sets up its budget for buying the
necessary equipment and so on. It means that, instead of one budget which takes
into account the needs of a number of units, you have each unit undertaking the
administrative function, you have parents on a part time volunteer basis,
having to undertake administrative functions which we, in our experience, feel,
for the most part, they do not want. As long as they are consulted, as long as
they are able to be present in the school councils or the school committees,
they actually do not want the administrative and the decision-making power at
the school level.
M. Brouillet: II y a beaucoup de points pour cela. Tout d'abord,
quand on parle de l'administration, vous savez fort bien que la part du budget
qui sera laissée à la décision du conseil d'école
est minime par rapport à l'ensemble du budget. Le gros de
l'administration, c'est à la commission scolaire que cela va se faire.
C'est beaucoup plus sur la définition du projet éducatif, de
certaines activités en fonction du projet éducatif qu'il y aura
une signification au niveau de l'école et de la décision qui va
relever de l'école. Ce n'est pas sur la décision à savoir
si on va acheter un tableau noir dans telle classe plutôt qu'une
corbeille à papier dans l'autre. Il ne reste plus grand-chose au niveau
de l'administration du budget au niveau de l'école. Ce n'est pas
là qu'est l'important. C'est justement sur le point essentiel que vous
maintenez, la qualité de l'éducation que nos enfants vont
recevoir dans le cadre d'un projet éducatif qui implique des
valeurs.
C'est sur cela que porte l'objet de la décision du conseil
d'école, l'objet le plus important. On a beaucoup dit: Ils ne veulent
pas être des administrateurs... C'est vrai. Vous dites: On va confier
à des administrateurs. Les commissaires sont élus. C'est du "part
time" autant que les parents qui vont aller au niveau de l'école. Il n'y
a pas de différence. Ils sont élus. On n'élit pas des
administrateurs sur la base de leur qualité d'administrateur tellement.
Pour l'administration comme telle, il y a la direction de la commission
scolaire, le directeur général et tout le personnel qui fait
l'administration quotidienne. Dans l'école, il y a le directeur. Il ne
faut pas s'imaginer que les parents, parce qu'ils ont un pouvoir de
décision, devront tous les soirs faire de l'administration de
l'école. C'est fausser le débat. C'est leurrer les gens et les
tromper en faisant croire cela.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Chauveau. Mme la députée de
Jacques-Cartier en vous rappelant qu'il vous reste sept minutes.
Mme Dougherty: Merci. I would like, first of all, to say that
Thérèse Lavoie-Roux asked me to tell you she was sorry she could
not stay. She had to go back to Montréal. She asked me to tell you how
much she had admired your work over the years. I would like to support her
congratulations for I too have been part of Home and School in the past and I
continue to follow your work very closely.
Because, le député de Vachon, insists constantly on this
question of centralization and decentralization, I just want to take two
minutes to say what I see as the reasons without giving a list of powers
contained in the law. I think that decentralizing effect that is being
perceived by most of the people who are coming forward to speak to this
commission is because it is a net effect... because the law is changing the
dynamic of the system. At the moment, we have school boards that do not have
large powers because they have been gradually taken away and we have a mass of
power at the Ministry. There are certain powers, financial power, particularly
important is this 6% tax that is still there, which is small but it is
important, certain powers to adapt "le régime pédagogique",
powers to give educational leadership and to distribute the resource according
to the needs of the different schools and so on. Now, what is happening in Bill
40, as I see it, is that some of these powers are being sent down to
the local school level. Let us put aside the question of whether they
are real or illusory powers. I think many of them are not very real, when it
comes down to it. But let us assume they are real. When you split that power
into all the parts that are represented by the individual schools, the parts
are substantially less than the combined power of the system. In other words,
the system is greater than the parts and you are losing that power, that
buffer, that discretion, that leadership possibility because the power has been
atomized and therefore, the net effect is that the MEQ powers become greater,
relatively to the other parts, and that is the centralizing effect. Because
there will be a power vacuum; where the boards, the systems do not have the
thrust, it will be filled by regulations from the top. That is the
centralization that is going to come. I think it is inevitable, whether or not
it is written in this law. It is the dynamic of the system that is going to
change in a dangerous way which will push the power up inevitably. The schools
will be more and more vulnerable because they do not have that system in
between.
I know time is very short. I only have seven minutes. I want to ask you
a question not about all the legal development which was much elaborated in
your brief, because I do agree and certainly hope that, at some point or other,
we get some clarification, after all these years, of what that "be enact"
really means. But whether it comes out in favor of some and less in favor of
others or whether it turns out to be a myth or something very substantial, I do
not think it is the crux of the matter. What we are dealing with here is the
quality of education, and I think you started your brief with a very nice
statement as to how you see the elements and the criteria for quality of
education. I think it is a much better statement than that we have at the
beginning of the Bill, when they try to define the elements of good
education.
Le Président (M- Blouin): Mme la députée de
Jacques-Cartier, vous n'avez le temps que pour une brève question
puisqu'il vous reste deux minutes.
Mme Dougherty: I want to know just why, on page 4, you express
the change in the parents'role as represented by Bill 40 a little bit
differently from some of the other people that we have heard. You say that the
parents would become passive recipients instead of active participants.
Effectively, in the next paragraph below, you say that the consultative role,
which obviously you value very much, would be eroded. Would you try to put in a
nutshell for us just exactly why you said it that way?
Le Président (M. Blouin): Mme Daigle, il faut
répondre très rapidement, s'il vous plaît.
Mme Daigle: I think that we did see in the role of the new school
council that the things that we would be obliged to deal with, of course, would
have to do with either the regulations or elements of the law that would come
down in the form of some kind of paperwork. We would be involved not in the
real decision-making power, but just in deciding that this month, for instance,
the Ministry wants up to do this, this and that. Therefore, we would just
become passive recipients in dealing with the mounds of material that would
come our way from some other power. It would leave us very little time to be
what we would call the active participants, where we would initiate in many
instances the things that we feel are important to the school and that we would
like to be actively engaged in.
Just yesterday, it was mentioned to me by a school committee person that
she felt that, in some instances, they were not always forging ahead in the
areas of concern that many of the parents had because so much of their time was
being taken up in material that was handed to them through government bodies
that required an answer on their part. As for the things that were concerning
her, that she might have been active in, such as school safety programs, which
is the reason why she was speaking to us in Home and School since we are very
involved in that, she wondered whether there might be a way in which a Home and
School and her school could deal with that because it was a real parental
concern. The school committee did not seem to have time to do that. So, I would
see the school councils functioning in that way even more. Thank you.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Daigle. M. le
député d'Argenteuil, vous désiriez intervenir.
M. Ryan: Oui. M. le Président, avec votre permission, je
voudrais soulever très brièvement une question. Plus tôt
dans la soirée, nous avons eu un échange à propos de cet
extrait du numéro de septembre 1983 de Home and School News.
Tantôt, vous m'aviez dit, en réponse à une question que je
vous avais posée, que vous n'aviez pas eu connaissance d'un tel article.
Ensuite, le député de Vachon a cité l'article que j'ai
devant moi. Cela me fait d'autant plus de peine de voir cet extrait que le
paragraphe qui précédait et celui qui le suit sont d'une tout
autre inspiration.
On disait dans le paragraphe précédent: "In all of this,
the voice of reason sometimes gets lost, smothered by angry
cries of frustration and outrage." Ensuite, vous continuiez,
après cet extrait: "Home and School, which has always been known for its
intelligent approach to problems, must maintain that exemplary conduct. At the
same time, however, we must be persistent in insisting on a just solution, the
problems originating at the Ministry of Education. We must insist on the
maintenance of basic human rights in a clear and concise but definite matter,
conceding nothing that would jeopardize our cultural, linguistic and
educational heritage."
Je voudrais vous demander ceci. In light of the evidence which was
deposited before us at a later stage of our discussion tonight, would you be
prepared to disavow this accusation of racist leanings which was clearly
formulated against the Minister of Education in that article which appeared in
the organ of the Home and School Federation. I think it would help clear up the
incident. I would not like to go back home with this troublesome memory on my
mind. I think the good doctor would certainly appreciate that. We missed his
presence during our discussion. He would have learned something if he had
remained with us. I think if we could clear this up publicly, it would serve
the cause of understanding and tolerance which we are all trying to serve in
our respective manner.
Le Président (M. Blouin): Mme Daigle.
Mme Daigle: Yes, I would like to point out, as we did after Dr
Laurin had left, that in no way did we mean that this be a racist attack. We
have an editorial staff working on our newspaper and I am quite certain that
the individual in this case, it was not his intention to have that particular
aspect in it at all.
M. Ryan: Would you be prepared to disallow this particular
passage?
Mme Daigle: Yes, indeed, we would. I would, on behalf of the
association, apologize for this if it appears to Dr. Laurin to be an insult to
him personally or...
M. Ryan: Très bien. I am not asking you to withdraw the
other term, however, which I found to be a perfectly legitimate one in an open
political debate.
Le Président (M. Blouin): Alors, très bien, sur
cette touche humaniste, je remercie les représentants de la
Fédération québécoise des associations
foyers-écoles pour leur participation.
Sur ce, nous ajournons nos travaux jusqu'à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 1)