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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Blouin): Mesdames, messieurs, j'invite
maintenant les membres de la commission parlementaire à bien vouloir
regagner leur siège.
La commission élue permanente de l'éducation reprend ses
travaux. Je rappelle le mandat de cette commission qui est d'entendre toute
personne ou tout groupe qui désire intervenir sur le projet de loi 40,
Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.
Les membres de cette commission parlementaire sont M. Brouillet
(Chauveau), M. Champagne (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), M. Gauthier
(Roberval), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin
(Bourget), M. Leduc (Fabre), M. Paré (Shefford), M. Payne (Vachon), M.
Ryan (Argenteuil).
Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Charbonneau
(Verchères), M. Maltais (Saguenay), M. Doyon (Louis-Hébert), Mme
Harel (Maisonneuve), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Rochefort (Gouin) et M.
Sirros (Laurier).
Je vais tout de suite vous indiquer l'horaire de cette journée du
mardi 17 janvier 1984. D'abord, nous entendrons comme premier groupe
invité, la Centrale de l'enseignement du Québec. Ensuite,
à 15 heures, le Conseil pédagogique interdisciplinaire du
Québec, l'Association québécoise des professeurs de
français et, à 20 heures, l'Association des directeurs
généraux des commissions scolaires protestantes du Québec
et le comité de l'enseignement en langue anglaise.
Sur ce, j'invite les représentants du premier groupe qui nous
visite aujourd'hui, la Centrale de l'enseignement du Québec, à
bien vouloir d'abord s'identifier et ensuite, à nous livrer le contenu
de leur mémoire en une vingtaine de minutes.
CEQ
M. Charbonneau (Yvon): M. le Président, M. le ministre,
madame et messieurs, membres de la commission, il me fait plaisir, dans un
premier temps, de vous présenter la délégation de la
Centrale de l'enseignement du Québec: à ma gauche, Mme Marie
Gagnon, vice-présidente du bureau national; à sa gauche, M.
Robert Bisaillon, président de la commission des en- seignantes et
enseignants de commissions scolaires; à sa gauche, M. Claude Gerbeau,
président de la Fédération des professionnelles et des
professionnels des services éducatifs du Québec. À ma
droite, M. Raymond Johnston, vice-président du bureau national, Mme
Danielle Lavallée, vice-présidente de la Fédération
du personnel de soutien et à sa droite, M. Pierre Tellier,
président du Syndicat des professionnelles et professionnels du
réseau des commissions scolaires du Québec. Mon nom est Yvon
Charbonneau; je suis président de la centrale.
D'abord, je voudrais vous dire, M. le Président et les membres de
la commission, quel intérêt nous avons mis dans ce débat
qui se tient depuis déjà plusieurs mois et même plusieurs
années - sans remonter dans l'histoire, c'est quand même depuis le
début des années soixante-dix ou du moins, dans
l'immédiat, depuis une couple d'années - sur toute cette
question de la restructuration, de la réforme dans le domaine qui nous
occupe.
Nous y avons mis beaucoup d'intérêt parce que c'est de
notre travail le plus quotidien dont il s'agit, finalement, et aussi parce
qu'il s'agit de la qualité du produit, du service que nous avons
à rendre à la population étudiante ainsi qu'à toute
la société du Québec, à tous les usagers du
système scolaire de l'enseignement public.
Nous nous sommes préparés avec soin non pas seulement en
vue de déposer un mémoire à cette commission parlementaire
à ce moment-ci, mais nous étions déjà prêts
depuis certainement deux ans à discuter de ces questions avec grand
intérêt. Nous sommes certainement prêts à ce
moment-ci également. Nous avons pris note et nous avons pris soin
d'étudier l'ensemble des étapes qui ont
précédé celle-ci, c'est-à-dire le projet de loi 40,
du point de vue des initiatives gouvernementales.
Le livre vert, il y a quelques années, suivi du document
appelé "L'école québécoise" ont provoqué
chez nous des études et des débats importants. Au terme de ces
débats nous avons pu, à quelques occasions, saisir le ministre de
l'Éducation de nos préoccupations ou de nos positions et, en
quelques autres occasions, cela n'a pas été possible. Nous
n'avons donc pas été absents de toute cette scène qui se
déploie maintenant de manière visible, mais qui a
été préparée par un long cheminement. Au contraire,
nous avons été des interlocuteurs assidus de toutes ces
propositions gouverne-
mentales. Même si nous avons l'impression de ne pas avoir toujours
été dûment écoutés, néanmoins nous
avons le sentiment d'avoir pris nos responsabilités au niveau de chacune
des étapes antérieures.
M. le Président, il nous sera difficile de livrer le contenu de
notre réflexion, de notre mémoire en 20 minutes. Je vous le dis
tout de suite et je fais appel à votre compréhension pour nous
permettre une présentation quelque peu plus élaborée de
notre point de vue, si les règles qui vous régissent vous
permettent cette compréhension.
Le Président (M. Blouin): Je vous dis tout de suite
à mon tour, M. Charbonneau, que j'ai rapidement parcouru votre
mémoire. Si vous vous attardez à procéder à sa
lecture, nous en aurons très certainement pour environ deux heures. La
règle veut que les groupes en général prennent une
vingtaine de minutes à présenter leur avis; souvent, ce sont des
résumés du mémoire qu'ils ont déposé.
Évidemment, on peut toujours excéder de quelque dix ou quinze
minutes mais au-delà de cela, je devrai vous demander de conclure.
M. Charbonneau (Yvon): M. le Président, je vous remercie
de cette compréhension. Nous allons essayer de nous y conformer tout en
ne lisant pas mot à mot le mémoire mais, bien entendu, en
essayant de le présenter dans son intégralité. Il est
assez rare que nous puissions avoir la parole et nous aimerions bien, cette
fois, pouvoir passer à travers l'ensemble de notre message. Je vous
assure qu'il ne s'agit pas d'en faire une lecture non plus, ligne à
ligne.
M. Ryan: Je veux juste soulever une question de règlement,
M. le Président, à ce moment, pour éviter tout malentendu.
Je ne crois pas que nous ayons une règle fixe obligeant les organismes
qui se présentent devant la commission à s'astreindre à un
cadre de 20 minutes. Vous l'avez suggéré à plusieurs
reprises avec l'accord implicite d'à peu près tous les membres de
la commission pour des fins d'efficacité qui se comprennent facilement.
Mais il est arrivé aussi dans certains cas que des mémoires
venant d'organismes qui ont un caractère plus largement
représentatif soient l'objet d'une considération plus
particulière. On pourrait vous rappeler des cas où la
présentation s'est étendue au-delà de la période
que vous suggériez. Je pense que ce matin, étant donné
l'importance du mémoire qui est présenté et le fait que
toute la matinée a été réservée pour la
discussion avec la délégation de la Centrale de l'enseignement du
Québec il faudrait peut-être que l'accent soit mis surtout sur la
bonne présentation du message, surtout étant donné que le
président de la CEQ vient de dire qu'il comprend d'autre part les
contraintes auxquelles nous ne pouvons pas être indifférents.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil, vous comprendrez que cette règle des 20 minutes de
présentation n'est effectivement pas un règlement. Il s'agit
d'une règle de fonctionnement d'ordre général. D'autre
part, vous savez aussi que la commission étant maîtresse de ses
travaux, les membres peuvent bien décider, par consentement, qu'ils
entendront pendant une période beaucoup plus prolongée les
organismes qui sont devant nous.
De plus, mon travail consiste, dans la mesure du possible et avec la
collaboration des membres de la commission et de nos invités, à
faire en sorte que nous puissions nous acquitter de notre mandat avec le plus
de sérieux, bien sûr, et d'efficacité possible. C'est dans
cette perspective que j'ai demandé la collaboration de nos
invités auxquels je demande maintenant de livrer le contenu de leur
message. Oui, M. le député de Chauveau.
M. Brouillet: Brièvement, sur cette question. J'aimerais
que vous preniez en considération le fait qu'il y a trois heures de
prévues pour le groupe. Nous appliquons normalement la règle des
20 minutes pour des périodes d'une heure et demie à deux heures.
Étant donné que trois heures sont réservées au
groupe, il faudrait tenir compte de cela pour lui permettre d'exposer
l'ensemble de son dossier.
Le Président (M. Blouin): Je pense bien que nous avons
maintenant tous et toutes compris l'esprit dans lequel nous amorçons nos
travaux ce matin.
M. Charbonneau (Yvon): Je sens que c'est une négociation
qui est en train de réussir.
Je voudrais dire à ce moment-ci de la présentation de
notre point de vue que, lorsqu'il s'agit d'entendre la position de ceux que
nous représentons, les personnels de l'éducation, les enseignants
et enseignantes, les professionnels et le personnel de soutien, nous sommes sur
le point d'entendre le point de vue de ceux et celles qui font et qui vivent
l'acte de l'éducation chaque jour avec environ 1 000 000 de jeunes
élèves et d'adultes dans les écoles du Québec.
On a entendu la semaine dernière beaucoup de témoignages
importants et intéressants de la part d'organisations qui se
considèrent comme des usagers, qui sont des administrateurs, qui sont
dans la gestion des écoles du système. Nous allons franchir une
étape de plus maintenant en parlant de ceux et celles qui sont non
seulement dans les
structures, non seulement dans les commissions scolaires, non seulement
dans les écoles, mais qui sont dans la classe chaque jour, sur le
premier front, avec l'autre partie qui s'appelle les étudiantes et les
étudiants du Québec. On franchit une étape de plus dans le
débat en ouvrant cette deuxième semaine. Je tiens à le
souligner parce que c'est vraiment le point de vue qui nous anime.
La sphère du pouvoir, le terrain du pouvoir sur lequel il y a eu
tant d'échanges la semaine dernière, ce n'est pas là le
terrain qui nous préoccupe. Nous sommes entraînés et un peu
forcés d'aller du côté de ces discussions à cause de
la manière dont le problème est posé par le ministre qui
veut créer un troisième palier décisionnel et qui veut
répartir de manière différente les pouvoirs et les
fonctions dans le système. Donc, il nous situe sur le terrain du
pouvoir, mais je dis, d'entrée de jeu, et vous allez le
reconnaître à travers les trois grands volets de notre
mémoire, que ce n'est pas là la sphère qui nous
intéresse et qui nous anime quand nous venons ici.
Le terrain qui est le nôtre est celui de l'action concrète,
de l'acte de l'éducation. Je pense aussi que c'est à ce genre de
tâche et de responsabilité que la population du Québec et
probablement beaucoup de milliers de parents qui nous écoutent
actuellement s'attendent que nous nous occupions, comme éducateurs et
éducatrices dans le Québec. C'est là-dessus qu'on veut
ouvrir le débat, quant à nous, sur le vécu et sur les
problèmes réels en suspens qui existent dans les écoles de
notre système scolaire.
Malheureusement, le choix du ministre de nous situer dans des
discussions sur les pouvoirs, les mécanismes, les structures et la
répartition des juridictions, nous voile et nous éloigne de ce
vécu et de ces problèmes. Alors, j'espère qu'on ne se fera
pas rappeler à l'ordre quand nous allons parler du vécu des
écoles et des problèmes réels, même si nous ne
parlons pas toujours des structures et des pouvoirs. Mais, nous pouvons en
parler aussi et nous en parlerons aussi dans notre deuxième chapitre.
Nous dirons ce que nous pensons de la proposition du ministre de
l'Éducation à ce moment-ci. Nous dirons en quoi elle nous semble
inutile et non souhaitée, voire largement irrecevable dans les
circonstances.
En toute légitimité, puisque nous sommes ici une
organisation syndicale, engagée sur le plan de l'éducation et sur
le plan social, nous sommes une organisation syndicale, on nous permettra
certainement et on nous reconnaîtra le droit de traiter de certaines
conditions de travail qui pourront être touchées et
affectées par la transformation du projet de loi 40 et par sa mise en
oeuvre. On nous permettra de parler aussi de la bousculade et d'une certaine
forme d'insécurité aussi que nous ressentons à travers ces
changements appréhendés. Également, nous parlerons
à ce chapitre-là du mode de relations du travail que nous
aimerions voir s'organiser entre nos organisations et celles qui
représentent le pouvoir, soit au niveau du ministère de
l'Éducation ou du gouvernement, soit au niveau des commissions
scolaires. Ce sera là le troisième volet de notre
présentation.
Pour la première partie, Mme Marie Gagnon fera la
présentation.
Le Président (M. Blouin): Mme Gagnon.
Mme Gagnon (Marie): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs, pour nous situer globalement avant d'aborder - pas ligne
à ligne mais, en gros, thème par thème - le chapitre I, je
voudrais donc dire ceci: Les lectures que nous pouvons faire, si l'on se
réfère au ministère de l'Éducation et à un
nous plus étroit, qui est la Centrale de l'enseignement du
Québec, du système québécois d'éducation,
donc, au moment où on se parle, dans ce Québec de 1984, sont
radicalement différentes. Je crois que c'est le moins qu'on puisse
dire.
Pour le ministère de l'Éducation, la
démocratisation scolaire est acquise. En ce qui nous concerne, nous la
tenons pour incomplète. Depuis 20 ans - c'est entendu et on est les
premiers à s'en réjouir - on a fait des pas de géant. Cela
va dans le bon sens peut-être en dépit du fait qu'il y a eu
quelques légers reculs - c'est aussi le moins qu'on puisse dire. Reste
néanmoins que la scolarisation des Québécoises et des
Québécois a augmenté considérablement.
Je nous rappelle que ce système d'éducation a
coûté 20 ans d'espoir, 20 ans d'argent et 20 ans d'effort. Il
demeure, sinon le meilleur, un des meilleurs instruments, je crois, de la
promotion collective de ce petit peuple ou de ce grand peuple qu'on veut
être, mais, en tout état de cause, de nous-mêmes.
L'accès physique à l'école garanti par la
démocratisation scolaire des années soixante est acquis, c'est
vrai, et la fréquentation scolaire aussi. Qu'elle soit obligatoire,
coercitive ou tout ce qu'on voudra, n'empêche cependant que, si ce sont
des conditions nécessaires à la démocratisation de
l'enseignement, de notre point de vue ce ne sont pas là des conditions
suffisantes.
Le plein exercice du droit à l'éducation doit être
assuré à la fois par cette instruction publique et gratuite et
par la mise en place de conditions qui assurent une éducation
intégrale et de qualité pour tous les enfants du Québec de
même qu'une véritable égalité des chances en ce
domaine.
Donc, malgré les acquis de la réforme, on le
répète, ces conditions sont loin d'être
atteintes en ce qui nous concerne. Sommairement, quelques chiffres,
très rapidement. Plus du tiers des élèves du secondaire ne
possèdent pas, à la fin de leurs études, leur
diplôme; 7% de francophones atteignent le niveau universitaire contre 15%
d'anglophones. Au Québec, il nous reste encore plus de 300 000
analphabètes complets. Les enfants d'origine populaire et les filles
sont loin d'occuper la place qui leur revient dans le système
d'éducation québécois.
L'analphabétisme donc, mais aussi l'échec, l'abandon et
l'absentéisme demeurent des problèmes impérieux à
résoudre et, à ce qu'il nous semble, les plus impérieux et
les plus urgents au moment où nous nous parlons.
Depuis un certain temps déjà, selon la lecture que nous
faisons, les politiques gouvernementales et les restrictions budgétaires
qu'on peut rejoindre en deux grands chapitres qui s'appelleront "coupures" -
cela ne surprendra personne - mais aussi "contrôles" ont
détérioré considérablement la qualité et la
quantité des services.
M. le ministre, vous avez, après avoir affirmé que la
réforme était acquise dans son essentiel, qualifié le
renouveau pédagogique de retour à l'essentiel. Je pense que vous
vous souviendrez que, nous, nous l'appelons retour en arrière pour les
questions de coupures et aussi de contrôles. Mentionnons rapidement ces
politiques qui nous ont amenés progressivement et tranquillement
à des réductions dramatiques des services d'accueil, à
l'intégration mécanique des enfants en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage sans ménagement et sans soutien,
à des nouveaux programmes qui ont été introduits - on n'en
a pas contre cela - mais sans aucune forme de préparation
adéquate, sans prendre tous les moyens qu'il faut pour s'assurer de la
réussite de l'opération. Des disciplines sont aussi
ajoutées sans qu'on annonce pour autant le temps de fréquentation
scolaire. On ajoute à cela une évaluation qui devient plus
sélective et on n'est plus certain d'avoir moins de monde dans notre
réseau.
La politique annoncée en formation professionnelle, nous faisons
la lecture que pour beaucoup d'enfants, elle sera une incitation" à ne
pas trop demander, à ne pas se rendre trop loin et à quitter
l'école assez rapidement. Bref, les coupures draconiennes que l'on sait
et les politiques de contrôle dont on vous parlera allègrement
à travers cette présentation ont été accrues pour
contrôler l'appareil dans son ensemble mais, on l'affirme, autant le
personnel que les élèves.
Il y a d'autres réductions budgétaires qui sont
annoncées, vous le savez, quand on regarde les crédits qui sont
demandés et accordés, et les détériorations peuvent
se poursuivre si on ne s'en occupe pas. Cependant, une chose qu'on se voudrait
de ne pas mentionner qui est d'une importance absolument capitale pour le
quotidien de nos membres mais aussi pour le quotidien des élèves
qu'ils servent, c'est l'application de ces décrets imposés dans
les circonstances que vous savez. Il se passera quoi avec cela par rapport aux
conditions d'apprentissage? On ne va pas nous parler de notre salaire au moment
où on se parle. On a augmenté le nombre des matières
à préparer, cela va sans dire, le nombre de cours à
dispenser, en conséquence et bien souvent, le nombre
d'élèves à rencontrer. S'ajoute à cela, une
comptabilisation qui est assez ridicule d'activités qui sont sans
objectifs pédagogiques à proprement parler. Ce sont des effets
certains sur la qualité de l'enseignement et sur la disponibilité
des enseignantes et des enseignants.
À telle enseigne, M. le ministre, la situation est suffisamment
dégradée pour que directement, après des échanges,
on le veut bien, vous ayez cru bon de donner mandat au Conseil supérieur
de l'éducation d'aller voir un peu ce que cela pouvait donner. En ce qui
nous concerne, nous constatons avec amertume que nous n'en sommes encore
qu'à P-1 et que le reste n'est pas de nature à nous rassurer.
Cette détérioration des conditions d'enseignement, alors que les
services professionnels et de soutien sont réduits souvent en bas du
minimum, diminue d'autant pour nous les moyens de lutter contre l'échec
scolaire.
Troisième constatation large. Ces problèmes qui nous
semblent impérieux de résoudre, en aucun cas la loi 40 ne peut
les régler. Il arrivera, sous bien des aspects même, qu'elle
risque de les empirer. Vous prétendez avoir fait une lecture de
problèmes si urgents à régler qu'il faille le faire
maintenant et principalement au niveau des structures. En ce qui nous concerne,
les structures, on ne les défendra pas comme on défendrait tous
les statu quo ce n'est surtout pas dans nos cordes. Il reste, néanmoins,
que tripoter les structures, au moment où on se parle, ce n'est pas
l'urgence nationale du siècle pour nous. Les problèmes qu'on vous
a mentionnés en matière d'absentéisme, en matière
d'abandon, en matière du peu de moyens dont nous disposons pour lutter
contre l'échec scolaire sont autrement plus importants.
Très rapidement, dans notre document, toujours au chapitre 1,
j'atterris à la gratuité scolaire. Je suis donc à la page
9.
Le Président (M. Blouin): Est-ce qu'il serait possible
d'approcher votre micro pour qu'on vous entende mieux, s'il vous
plaît?
Mme Gagnon: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup.
Mme Gagnon: Est-ce que ça va comme cela?
Le Président (M. Blouin): Parfait.
Mme Gagnon: Je suis donc à la page 9, la gratuité
scolaire. Le principe de la gratuité scolaire est reconnu, vous vous en
souviendrez, dans la Loi sur l'instruction publique. Je vous rappelle une
enquête de l'Association des comités de parents de la
région 03, qui a été faite en 1982, qui fait état
de ceci. Chaque enfant, au primaire, coûte à peu près 30 $
à ses parents par année pour fréquenter l'école. Au
secondaire, ce montant peut atteindre 80 $. On ne peut pas, à proprement
parler, parler de gratuité scolaire dans ce contexte.
Le Conseil supérieur de l'éducation vous alertait
d'ailleurs, M. le ministre, sur cette question dès septembre 1980. Pour
nous, la gratuité est essentielle et doit s'étendre le plus
possible à tout. Il va sans dire que les restrictions, dans la loi 40,
au minimum autour du matériel dans lequel l'élève
écrit sont une enfarge à cette gratuité. (10 h 30)
La confessionnalité. Je ne veux l'aborder que sous un seul
aspect, celui qui nous semble le plus important. Je pense qu'on ira chercher
cela à la page 10. La question qui se pose pour nous est la suivante:
Comment faire en sorte que la liberté de conscience de tous soit
respectée si le projet éducatif d'une école - on reviendra
au projet éducatif, mais je traite quand même de cet aspect
maintenant -intègre les croyances et les valeurs d'une confession
particulière? On ne va pas chercher cela dans les limbes; on n'invente
rien. Deux citations qui viennent du livre blanc suivent, à la page 10:
"L'éveil aux dimensions spirituelles de la vie ne tient ni au seul
enseignement religieux ni aux seuls services d'animation religieuse." Je vous
laisse la suite de la citation. "Le projet éducatif doit devenir le lieu
par excellence où s'expriment, en matière religieuse, les valeurs
et les aspirations des parents et de l'ensemble de la communauté
locale."
Par ailleurs, une mesure de la loi 40, qui pourrait paraître
favorable à première vue, transforme l'exemption de
l'enseignement religieux, dont on a allègrement et largement
parlé, en capacité d'opter soit pour l'enseignement moral, soit
pour l'enseignement religieux. Je ne veux pas m'étendre là-dessus
indéfiniment mais je vous demande, M. le ministre, ce que pourra
signifier la capacité réelle de choisir, pour une heure ou deux
heures par semaine, entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral
à partir du moment où tout le projet éducatif d'une
école aura, quant à lui, une saveur confessionnelle. Autrement
dit, pour toutes les matières, toutes les activités scolaires
à l'intérieur de l'horaire de l'élève, on aura un
projet éducatif confessionnel, mais on lui permettra, par ailleurs, au
primaire par parents interposés mais au secondaire par lui-même,
de choisir pour une heure ou deux heures par semaine entre l'enseignement moral
et l'enseignement religieux. Il nous semble donc que cette mesure, qui pourrait
paraître favorable pour transformer l'odieuse exemption en
capacité d'opter, est un leurre en matière de
confessionnalité.
En ce qui nous concerne, nous voulons que les droits des
minorités - et peut-être bientôt des majorités, si on
se fie aux derniers chiffres en matière de confessionnalité -
soient respectés. Il nous semble que la religion, les convictions
religieuses appartiennent à la personne, à l'individu et ne
peuvent jamais être imposées à qui que ce soit en fonction
d'un vote majoritaire. Voilà donc pour l'essentiel de ce que nous avons
à dire sur le sujet de la confessionnalité. Il va sans dire qu'au
niveau de l'échange on pourra y revenir.
À propos du projet éducatif, M. le ministre, c'est la
pierre d'angle, semble-t-il, de bien des choses à travers la loi 40.
Qu'est-ce qu'on peut bien penser de ce projet éducatif, nous, et
qu'est-ce que peuvent bien en penser les autres? Première constatation:
on en parle beaucoup, on en parle énormément, mais on arrive
assez mal à en donner une définition qui soit ferme et
fermée. Ou alors, au contraire, on a autant de définitions du
projet éducatif qu'on a de définisseurs du projet
éducatif. Au mieux, ou alors au plus petit, il s'agit, au fond, de faire
ce qui s'est à peu près toujours fait dans les écoles du
Québec, c'est-à-dire tenir compte de la réalité
vécue par les enfants et de la réalité du milieu. Par
ailleurs, à la lecture d'autres articles du projet de loi 40, mais aussi
du livre blanc, on se rend compte que cela pourrait vouloir dire beaucoup plus
que cette espèce d'adaptation essentielle de l'école à son
milieu. On est un peu ambigus et un peu partagés par rapport à
cela. Je vous le dis tout de suite, mais vous comprendrez facilement qu'on est
des lecteurs de vos documents. Ce n'est pas nous qui les écrivons; il
nous reste, en conséquence, un certain nombre de zones d'ombre.
Si ce projet éducatif est une véritable hypothèse
et que la marge de manoeuvre est véritablement consentie aux
écoles pour qu'elles soient très différentes les unes des
autres, on est assez inquiet. Premièrement, cela risque de mettre en
danger n'importe quel projet national défendable par ailleurs. Cela
ouvre la porte à la sanction et même à l'augmentation des
inégalités, compte tenu des inégalités de
ressources des milieux
donnés. Mais il reste, néanmoins, que cela dit, on pense
plutôt que c'est une opération assez "poudre aux yeux",
c'est-à-dire que, dans les faits, les écoles auront un tel devoir
d'appliquer ce qui est décidé en haut que leur marge de manoeuvre
sera effectivement restreinte. On pense encore que, sous couvert de donner au
milieu, à la base, la capacité de gérer ses propres
affaires par-dessus et en dehors des commissions scolaires, le ministère
de l'Éducation s'apprête, quant à lui, à atomiser
les lieux de pouvoir, en conséquence de quoi il se verra, lui, et lui
seul, capable d'aller mettre un peu d'ordre là-dedans et de gérer
ce qu'il faut par-dessus les gouvernements locaux qu'on avait par ailleurs.
Le projet éducatif pour nous, c'est d'abord un projet
éducatif national qui ne doit pas être imposé, mais
débattu démocratiquement. C'est, en conséquence, pour une
intervention significative de la communauté - je suis à la page
11 - au niveau des commissions scolaires principalement, là où
les moyens sont présents, où les gens sont suffisamment nombreux,
où les groupes sont organisés que l'opinion des
collectivités doit se faire valoir pour moduler, aménager,
améliorer, débattre d'un projet éducatif national, le
colorer par un projet éducatif régional au besoin et permettre,
par ailleurs - nous y tenons -qu'effectivement, les écoles tiennent
compte du vécu des enfants, du vécu de leur personnel, s'ouvrent
à leur milieu. C'est même l'une des revendications les plus
fondamentales que nous mettons de l'avant. Je pense que cela étant dit,
on aura, et largement, à l'occasion des échanges, la
possibilité de revenir sur le projet éducatif.
À propos de l'évaluation des apprentissages, rapidement,
nous reconnaissons l'importance de l'évaluation comme partie
intégrante du processus d'apprentissage. Je pense que tout le monde
s'entendra pour reconnaître deux missions, je ne dis pas deux vertus,
mais deux missions à l'évaluation. La première, on
l'appelle évaluation formative, c'est-à-dire voir en cours de
route ce qui est acquis et ce qui ne l'est pas de manière à faire
en sorte que ce qui ne l'est pas le soit. Mais, il y a aussi une mission
à l'éducation qui, elle, est plus de trier, sélectionner,
orienter les enfants en fonction des voies diverses qui leur sont offertes de
manière à reproduire le plus possible la pyramide sociale. Nous
mettons un accent délibéré, volontaire et
déterminé sur une évaluation qui soit, elle, formative et
qui se fasse le plus près possible de l'élève, donc le
plus souvent par l'enseignant associé avec les personnels professionnels
qui pourront l'aider pour faire en sorte qu'en cours de route les lacunes et
les trous soient comblés. Nous reconnaissons par ailleurs qu'à
d'autres paliers de gouvernement d'autres responsabilités doivent
être prises en matière d'évaluation. Mais je pense que nous
aurons l'occasion de revenir à cela.
À propos de la formation professionnelle, j'en ai glissé
un mot. M. le ministre, il nous reste infiniment de questions autour de la
formation professionnelle. On a eu l'occasion d'en parler dans les colloques
régionaux et dans les colloques nationaux. Vous pourrez voir les
questions qu'on vous adresse et qu'on continue de vous adresser en page 15. On
veut simplement vous dire ceci. C'est un des aspects fondamentaux du
système d'éducation. Ce qui s'annonce n'est pas de nature
à nous rassurer, non seulement au chapitre de l'égalité,
mais au chapitre de la capacité réelle d'acquérir une
réelle compétence non seulement des travailleurs mais des
citoyens. On se souviendra que l'éducation des adultes a
été le grand "charcutage". Le reproche essentiel, pour le jour
d'aujourd'hui, qu'on entend adresser au projet de loi 40, c'est de n'avoir pas
trouvé le moyen, à l'intérieur de sa revue
intégrale du système scolaire québécois, de
consacrer quelque part la reconnaissance du droit des adultes à la
formation et à la gratuité, à tout le moins jusqu'à
la fin du secondaire.
L'intégration et les services aux enfants en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage, on en a parlé beaucoup. Ce que nous
vivons dans les classes est une intégration qui se fait le plus souvent
mécaniquement, sans ménagement, sans appui et sans soutien. On
assiste cependant... Là-dessus, je voudrais attirer votre attention
parce qu'il s'annonce quelque chose qui va se généraliser
peut-être, on le craint. En page 18, donc, vous l'avez en trois points;
j'insiste sur cette chose qui est à la fois curieuse et un peu
inquiétante. On l'appelle une "tendance". On ne dispense plus de
services aux enfants qui ont de légères difficultés, on ne
les identifie plus et on intègre les autres dans les classes.
Deuxième partie de la tendance: II va sans dire que, constatant cela, on
s'empresse aussi de dire que probablement le rendement scolaire moyen de la
classe diminue, de sorte qu'il se trouve des élèves qui ont plus
de facilité, qui sont mieux situés socio-économiquement
parlant, qui réussiraient mieux - on les appelle les surdoués -
au sujet desquels on affirme qu'ils perdent leur temps.
Dernier paragraphe: C'est la chute de la tendance et c'est bien
là qu'on est inquiet. Après avoir assisté aux coupures
draconiennes pour les enfants en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage - je pense qu'on s'accordera pour parler des plus
démunis à l'occasion - est-ce que les ressources qu'on a
coupées là ne vont pas servir, au fond, à assurer des
ressources supplémentaires aux enfants qui sont, quant à eux,
plus doués? Croisez-moi cela avec
l'origine sociale généralel On sait que les enfants en
difficulté proviennent généralement des milieux socio-
économiquement faibles, que les enfants surdoués ont une tendance
curieuse à se retrouver souvent dans des milieux
socio-économiquement favorisés. Voilà comment on prend
l'argent qui était réservé aux plus démunis pour
l'offrir à ceux qui, ma foil s'en tireraient assez bien et probablement
de toutes les façons.
Au chapitre des services complémentaires, là aussi ce sont
des coupures, des disparitions de postes et des transferts, des obligations de
rendre ces services dans la mesure du possible à ceux qui restent en
place, les enseignantes et les enseignants bien souvent qu'on n'a pas pu faire
disparaître. Mais, c'est aussi une tendance à la privatisation,
c'est-à-dire que, en gros, quand l'école ou le système
scolaire ne rendront plus les services essentiels en matière de
psychologie, d'orientation, etc i je ne suis pas ici pour vous les nommer tous
- celles et ceux qui pourront se les offrir paieront en recourant à la
pratique privée, celles et ceux qui ne pourront pas se les payer s'en
passeront. C'est aussi comme cela qu'on détériore un service
d'enseignement et un service d'éducation publique.
Services de garde en milieu scolaire, une affirmation. On aura
l'occasion de la relever. En ce qui nous concerne, on affirme que le projet de
loi 40 décrète la disparition à brève
échéance des services de garde en milieu scolaire.
Secteur privé d'enseignement. Tout ce qu'on peut savoir au moment
où on se parle, c'est que la politique souventefois annoncée, on
ne l'a toujours pas. Mais, il reste qu'à la lecture du projet de loi 40,
on se rend bien compte que le système d'enseignement privé est
maintenu.
C'est en conclusion, à ce qu'il nous semble, la lecture qu'on
peut faire honnêtement du projet de loi 40. Au lieu de donner le
sérieux coup de barre qu'il aurait fallu donner pour que cesse la
détérioration des services, tant par les politiques de
contrôle que par les politiques de coupures, on chambarde les structures
scolaires sans donner, en aucun cas, de garanties formelles que les droits et
les capacités de s'instruire pour tous les enfants du Québec,
toutes les filles et tous les garçons, seront maintenus et garantis en
transférant, dans bien des cas, des obligations et des
responsabilités aux écoles en sachant très bien qu'elles
n'auront pas les moyens de les exercer.
Je vous remercie de m'avoir écoutée.
M. Charbonneau (Yvon:) Le deuxième volet de notre
présentation parle tout de même de ces questions, de ce terrain
sur lequel nous entraîne forcément un peu le projet de loi 40,
c'est-à-dire le terrain des juridictions, la sphère du pouvoir.
Même si, comme nous l'avons dit d'entrée de jeu, ce n'est pas ce
qui nous préoccupe, au moment où nous nous parlons, d'une
manière centrale, puisque nous serons insérés, comme
agents de l'éducation, dans ce réseau de pouvoirs à trois
paliers que le ministre veut implanter par le projet de loi 40, nous devons
prendre nos responsabilités et dire le plus clairement possible comment
ce nouvel agencement de juridictions nous paraît ne pas faire avancer les
choses. Bien au contraire, cela nous paraît devoir être
retiré, pour ce qui est de l'aspect de l'implantation d'un
troisième palier de pouvoir au niveau des écoles.
C'est l'épine dorsale du projet de loi 40, selon les propos que
tient le ministre sur cette question. On nous parle de l'école comme
étant le pivot du système. On s'aperçoit qu'il y a
beaucoup de pivots dans ce système. Hier soir, je discutais avec un
groupe d'enseignants pour essayer de voir le vécu encore davantage et
discuter avec eux. Ils m'ont dit: Si tu rencontres le ministre demain, dis-lui
que, pendant que l'école pivote, que les administrateurs parlotent,
l'école que nous vivons vivote. C'est le message qu'on doit vous
apporter ici. C'est le sentiment vécu par nos membres actuellement,
quelle que soit leur sphère de travail. .
La question du projet éducatif, dans l'esprit du ministre,
l'amène à nous proposer une structure de pouvoirs, un palier
décisionnel de plus dans le système pour prendre en charge sa
définition réduite, comme on vient de le démontrer, du
projet éducatif qu'il assimile, à notre avis, de manière
erronée au projet de l'école, car le projet éducatif est
quelque chose de beaucoup plus large, comprenant le palier de l'école
mais ne pouvant pas être réductible au niveau de l'école.
C'est un projet éducatif ou un projet au niveau de l'école
où tout le monde pourrait mettre son grain de sel, mais qui, finalement,
serait donné à la gestion, à l'administration d'un conseil
d'école où les parents auraient la majorité des
sièges et des voix. Il s'agit là d'un organisme
délibératif, d'un organisme où il se prend des
décisions, des votes. Nous sommes dans un palier décisionnel,
ainsi que le voudrait le projet de loi 40.
Nous disons que cette formule du projet de loi 40 comporte des risques
majeurs d'émiettement de la juridiction de cette fonction qui nous
semble vitale et qui consiste à devoir et à pouvoir organiser des
services de qualité, au niveau éducatif, dans l'ensemble des
régions du Québec pour l'ensemble des citoyens du Québec.
Le morcellement du système en quelque 3000 unités de
décision nous semble un pas inutile, nous semble même un obstacle
à une saine administration des objectifs et des moyens que nous avons
dans le domaine de
l'éducation.
De plus, en retour, par effet de cet émiettement au niveau de
3000 écoles, quelqu'un devra arbitrer, devra battre la mesure de ces
3000 pivots et ce sera le ministre de l'Éducation par ses bureaux
régionaux ou directement, par ses grands encadrements. C'est comme cela
que nous comprenons l'organisation politique qui est au centre du projet de loi
40, pour ce qui est de l'agencement du pouvoir scolaire. On nous
présente cela comme un rapprochement du pouvoir, d'un lieu de pouvoir
auprès de la population et des parents. En réalité, on
saute en même temps qu'on ébranle un palier intermédiaire,
celui des commissions scolaires. On passe par-dessus, au lieu de lui donner les
moyens d'organiser de manière valable - Dieu sait comme il y a du
travail à faire par les commissions scolaires dans leur propre
sphère de juridiction! - au lieu de leur donner les moyens, de donner
une chance renouvelée à ce palier de prendre vraiment ses
responsabilités en termes de distribution, d'organisation des services,
en termes de planification au niveau d'une collectivité, on passe
par-dessus et on dit que cela se fera 3000 fois dans le Québec par 3000
unités de coordination. Le chef d'orchestre de cet ensemble de pivots
devrait être quelque part. Autant il y a d'endroits où il y a des
prises de décisions, autant il y a des possibilités de tensions
et de conflits. (10 h 45)
Si on avait une autre approche, si le ministre nous parlait de
créer dans les écoles les instances où il y aura de la
concertation, non pas une instance où il y aura de l'autorité qui
va s'exercer et où il y aura un pouvoir, si le ministre cessait de nous
parler en termes de pouvoir et essayait de soulever les points de vue en
rapport avec cette préoccupation de donner du pouvoir, de rajuster le
pouvoir, s'il nous parlait, s'il restait sur le terrain de la
responsabilisation, terrain qu'il aborde, par ailleurs, mais le moyen qu'il met
de l'avant pour assumer cette responsabilité, ce sont des instruments de
pouvoir. C'est là que nous pensons que nous faisons fausse route par le
projet de loi 40.
Nous allons, par l'examen de quelques aspects, approfondir notre vision
de cette question. Le projet de loi 40 rendrait l'école responsable de
ce que le ministre appelle le projet éducatif, qui est bien plus large
que ce que peut faire une école, qui englobe l'école, les
calendriers scolaires, les programmes locaux, les programmes de services
complémentaires, les manuels, le choix des manuels dans chaque
école. Nous ne voyons pas du tout, comme éducateurs, la logique
d'un tel système. Il y a beaucoup de parents qui nous écoutent
actuellement et qui seraient un peu alarmés de savoir que, selon les
écoles, les années et les conseils d'école, le vote des
parents, il peut y avoir toutes sortes de changements de ce type.
Qui exercera ces fonctions? Encore là, il y aurait beaucoup
à dire. Au niveau de l'école, le conseil d'école, de temps
en temps; le directeur de temps en temps; les autres agents auraient aussi un
mot à dire. À un moment donné, des votes sont pris et
c'est au niveau des parents que tout cela se règle: les manuels, les
questions d'évaluation des apprentissages, les besoins de
perfectionnement des personnels. C'est une majorité de parents dans un
conseil d'école qui voteraient là-dessus. C'est cela qu'on pense
être la mauvaise piste, la mauvaise dimension du projet de loi 40. Comme
le ministre, malheureusement, passe son temps à dire que c'est cela le
fondement de son projet de loi, nous sommes obligés de demander le
retrait de ce qui fait le fondement du projet de loi, à toutes fins
utiles. Tant qu'il va définir son projet de loi par ce bout, puisque
c'est là qu'est le problème, nous sommes obligés d'en
demander le retrait.
Par ailleurs, la commission scolaire devra organiser, bien entendu, un
certain nombre de juridictions. Elle demeure l'employeur, mais les
écoles aussi peuvent être les employeurs de certaines
catégories de personnels.
Pour ce qui est du ministère de l'Éducation, dans le
système du projet de loi 40, nous interprétons qu'il consolide sa
mainmise sur le système. Malgré l'apparence de
décentralisation, de porter le pouvoir sur notre perron de porte, chacun
dans notre cour, malgré tout cela, les grands encadrements sont bien
consolidés dans une série de fonctions ou d'attributions relevant
du ministre sur les programmes d'études. Il y a un immense pouvoir
réglementaire qui est maintenu aussi. Un pouvoir réglementaire,
cela commence par un mètre de large et cela finit par un
kilomètre de long, tout le monde le sait. Il y a des commissions
d'étude au niveau même de l'Assemblée nationale qui ont
attiré l'attention du législateur sur l'extension qui peut se
prendre à travers l'exercice d'un pouvoir réglementaire qui fait
que, finalement, le législateur voit la surface des choses et le reste
se fait par d'autres procédures. Nous sommes alertés à ce
genre de dimension et de problème.
Sur le plan pédagogique, nous interprétons que la marge de
manoeuvre, la sphère d'influence des personnels de l'enseignement dans
leur travail quotidien va s'amenuiser, car le gouvernement se trouverait
à donner à des gens, qui le feraient en toute bonne
volonté mais sans le temps ou la disponibilité nécessaire,
la responsabilité de trancher sur des questions comme les programmes,
les manuels, le perfectionnement; cela se ferait au niveau
d'un conseil de parents dans les écoles. Nous pensons qu'il y a
d'autres manières d'organiser la relation entre les parents, les
enseigants et le directeur d'école que celle que suggère le
ministre, qui est l'implantation d'un palier décisionnel: on prend des
votes et les affaires se règlent. La réalité est beaucoup
plus complexe. Surtout cette réalité difficile mais riche
à laquelle on doit s'arrêter, qui est la réalité de
l'acte éducatif. Cette réalité se passe entre les
enseignants, les personnels de l'enseignement et les élèves.
Cette réalité ne se passe pas dans des votes pris dans des
conseils d'école ni dans des délibérations de
comité.
D'ailleurs, les parents, à notre connaissance,
légitimement - nous les avons encouragés à cela depuis
au-delà de dix ans, en ce qui concerne notre centrale - désirent
avoir une meilleure association à la prise de décision sur
certaines questions. Nous sommes bien d'accord avec cela, mais ils n'ont pas
demandé d'être les grands contrôleurs de l'éducation
école par école. Ils n'ont pas demandé d'être des
espèces de minipatrons ou avoir du pouvoir à temps plein dans les
écoles. Il n'y a aucun sondage qui appuie cette thèse. Les
relevés d'opinions et les sondages faits par le ministère de
l'Éducation lui-même sur la base des hypothèses du livre
vert, il y a plusieurs années, vont tout à fait dans le sens
contraire. On pourra revenir là-dessus tout à l'heure. Avec un
rôle accru des parents dans le système scolaire, nous sommes
d'accord, mais un rôle qui va jouer sur des formes différentes que
l'approche du projet de loi 40. Nous pourrons y revenir.
Le partage des responsabilités qu'esquisse le projet de loi 40
entre l'école et la commission scolaire risque aussi d'engendrer des
conflits en des lieux très multiples. Quand on parle de pouvoir, les
gens se dressent: ma juridiction, ta juridiction, nos sphères.
Automatiquement, on nous entraîne sur ce terrain. Actuellement, le
système est ainsi arrangé. Il y a un niveau de pouvoir au
ministère, d'autres niveaux de pouvoir aux commissions scolaires, qu'il
y a lieu d'ailleurs de réorganiser et de rationaliser en tant que
commissions scolaires: 150, 200, on verra le chiffre qui sortira quand le
ministre publiera ses derniers documents. Là, on nous dira: Maintenant,
il y en aura 3000 de ces lieux. On n'a pas les moyens dans la
société québécoise et dans le système
scolaire québécois de multiplier ainsi les lieux de possible
tension, parfois de confrontation inévitable, puisqu'il y aura là
exercice de pouvoir. Ce n'est pas nous, encore une fois, qui choisissons ce
terrain. Nous voulons qu'on nous l'évite dans la mesure du possible.
Qu'on nous l'évite pour le bien de l'éducation et pour cet
objectif aussi que nous avons d'avoir des relations du travail saines entre nos
organisations et nos employeurs.
L'introduction du palier école, avec pouvoir décisionnel
sur certaines questions vient compliquer cet exercice qui n'est
déjà pas facile, organisé comme cela l'est actuellement.
Par exemple, la question de l'établissement du calendrier scolaire: il y
a pas mal de cuisiniers à la sauce à l'école et dans les
commissions scolaires; par exemple, la question de certaines attributions en
matière de gestion du personnel, le plan d'effectifs par l'école,
la gestion de tout cela par la commission scolaire, toute la question du
directeur d'école. Celui-ci, premier employé du conseil
d'école, un lien très ténu, d'après la
déposition de la semaine dernière, avec la commission scolaire,
ne se reconnaîtra pas employé de la commission scolaire ou
relevant du directeur général... Où mène ce genre
de distribution de morceaux de pouvoir? Quand on distribue le pouvoir par
petits morceaux comme cela à tout le monde, nous soumettons
l'hypothèse que celui qui fait cela veut se garder le gros bout du
bâton.
La meilleure manière d'être au pouvoir et de manière
à peu près indiscutable et irréfutable de la part du
ministre, c'est de donner des petits morceaux de pouvoir à tout le
monde. La meilleure manière de ne pas avoir à faire face à
des interlocuteurs organisés qui servent de contrepoids dans le
système - ces interlocuteurs pourraient être les commissions
scolaires et les relations du travail que nous pourrions organiser, quant
à nous, avec les commissions scolaires et le gouvernement, à deux
niveaux - la meilleure manière de s'éviter tous ces
problèmes qui seraient dans la ligne d'une véritable
décentralisation, c'est de donner des morceaux de pouvoir à tout
le monde. Comme cela, tout le monde aura l'impression d'en avoir chez lui,
mais, en réalité, il y aura un grand maître de l'orchestre.
Ce sera celui qui est à Québec: le ministère de
l'Éducation. C'est ce que nous voyons dans la philosophie de base du
projet de loi 40 et c'est ce que nous rejetons. L'autonomie professionnelle des
travailleurs et des travailleuses de l'enseignement. Il y en a beaucoup la
semaine dernière et dans des articles dans les journaux qui ont
souligné la part très ténue faite par le ministre au
personnel, aux enseignants et enseignantes dans le projet de loi 40. Puisque
cela a été dit, nous pouvons certainement le corroborer quant
à nous.
Nous n'avons pas l'impression que ce projet de loi 40 se situe dans la
même ligne que la belle lettre vantant les qualités
professionnelles des enseignants qu'on nous envoyait quelques jours ou quelques
mois avant la dernière ronde de négociations. De toute
façon, on a déjà eu le temps de se faire une idée
sur cette lettre par ce qui s'en suivit dans les mois qui sont venus par
la suite, à l'occasion des décrets et des autres
bousculades qu'on nous a imposés.
De toute manière, à travers le projet de loi 40, on a
l'impression qu'on est quasiment des étrangers dans ces discussions. On
nous entrouvre une porte, un comité ici, mais il ne faudrait pas que
cela dérange trop. Il ne faudrait pas qu'on ait un mot à dire de
manière trop définitive sur quoi que ce soit. On nous
reconnaît bien des compétences, on nous flatte dans le sens du
poil quand c'est pour nous donner de l'ouvrage; quand c'est pour nous permettre
d'influencer l'orientation ou la dispensation de notre travail, on est
déjà là un peu plus dans le coin, un peu plus en dehors
des circuits qui comptent. C'est là la philosophie
générale que nous voyons dans le projet de loi 40 et nous pensons
vraiment que ce n'est pas la place que nous méritons et ce n'est pas la
place qu'attendent de nous voir occuper la population et les parents dans le
système scolaire. Ils attendent beaucoup plus.
Quand nous les rencontrons, le soir dans des réunions, ils nous
confient beaucoup de problèmes. Ils ne nous parlent pas beaucoup de nos
pouvoirs, etc. Ils nous parlent de leur vécu, de leur relation avec leur
enfant, de la relation de leur enfant avec eux à la maison. Ils se
demandent comment ils pourraient nous aider chez eux, ils nous demandent
comment ils pourraient nous aider à l'école. Ce sont des
questions concrètes comme celles-là. Ils ne nous parlent pas de
nos juridictions, ils nous parlent de leurs attentes. Nous voulons être
en mesure de répondre - mais en pleine responsabilité, pas
seulement sous le coup de diktats - à ces attentes, pas seulement dans
le cadre de règlements préfabriqués, parachutés,
pensés par d'autres, que nous devons ensuite exécuter.
Nous demandons un peu plus de place que cela dans le système.
Cela ne s'appelle pas demander du pouvoir, cela s'appelle demander une
sphère d'influence où on peut quand même avoir un mot
à dire et être pris en sérieuse considération. Ne
pas être tenu dans le coin en laisse comme un animal dangereux qu'on veut
empêcher le plus possible de venir jouer dans nos affaires.
Nous pouvons aussi parler du rôle des parents. C'est une question
à laquelle nous réfléchissons sérieusement au
niveau de nos affiliés dans un ensemble de réunions qui se
tiennent avec les parents et au niveau de notre centrale. C'est une question
fort préoccupante. Même si cela peut être, au niveau
populiste, soi-disant habile de la part du ministre de leur dire:
"Approchez-vous, je vous donne du pouvoir", nous pensons qu'il y a là
une grande dose d'illusions et beaucoup de parents l'ont senti d'après
ce que nous pouvons voir de nos contacts, d'après ce que nous pouvons
voir aussi de certains sondages qui sont menés dans les écoles
par les comités d'école et les comités de parents
eux-mêmes où il n'y a pas cet appétit de pouvoir mais
où il y a une soif de prise de reponsabilité de la part des
parents.
Nous la saluons depuis le temps que nous l'appelons, cette prise de
responsabilité. Nous en saluons l'avènement et nous voulons avoir
la possibilité, comme éducateurs, de nouer des relations - je
pèse le mot clé comme le ministre appuie tellement sur les mots
"pivot" et "palier décisionnel" - de "coopération" dans
l'égalité avec les parents au niveau de l'école, des
relations qui s'appuient sur la concertation, qui ne sont pas
embrouillées par des relations de pouvoir, des relations qui respectent
la spécificité de la contribution de chacun; les parents peuvent
faire un bon bout en notre direction et aller-retour chez eux, dans leur maison
avec leurs enfants en fonction de l'éducation. Nous pouvons aussi faire
un bon bout.
Nous avons des missions complémentaires différentes,
complémentaires spécifiques, qui exigent le respect des uns et
des autres. Nous sommes prêts à aller loin sur cette voie, mais
qu'on ne nous embrouille point, qu'on ne nous crée point d'obstacles
avec des paliers de pouvoir au niveau des écoles. Cela est non seulement
inutile mais nuisible, à notre avis. (11 heures)
Le rôle des parents, nous en sommes, et nous sommes prêts
à trouver des formules où les parents pourront avoir encore
davantage à dire dans le système là où cela compte,
quand c'est le temps d'organiser des services dans les régions entre les
écoles, des services qui vont pouvoir s'adresser à des enfants
qui sont au préscolaire, au primaire, au secondaire, qui changent de
quartier, d'habitat, de localité à l'intérieur d'un
territoire donné. Les parents ont un mot à dire et nous pensons
qu'on doit élargir leur place de ce côté-là.
Le droit des étudiants, je passe rapidement. J'inviterais le
ministre et la commission à recevoir le point de vue des
étudiants ici. Il y a par exemple un organisme comme la JEC qui a
préparé un mémoire. Il a des choses à dire. Il
représente un certain nombre d'étudiants visés par ces
mesures. Il n'a pas nécessairement des choses gentilles à dire
sur le projet de loi 40 mais cela ne veut pas dire que ce ne seront pas des
choses importantes. Il faudrait faire place à cela ici. Le projet de loi
40 parle des étudiants mais la place qui leur est faite est très
encadrée et finalement, c'est le directeur d'école qui convoque
les réunions, qui organise leur participation comme d'ailleurs il
organiserait la nôtre si on se fie à certains aspects du projet de
loi 40. On est capable de s'organiser un peu mieux que cela, je crois.
Le mode d'élection des commissions scolaires et des commissaires
d'école. Il y a
beaucoup de choses qui ont été dites là-dessus.
Bien entendu, dans la mesure où le ministre se rapproche d'une formule
de suffrage universel, ce sont des pas dans la bonne voie. On ne pense pas que
l'agencement qui prévoit que les commissaires sont élus au niveau
des écoles tout en pouvant habiter dans l'ensemble d'un territoire sans
véritable enracinement, soit une voie sur laquelle il faille continuer.
Il faut en revenir à des formules de suffrage universel; enlever
beaucoup d'ambiguïté dans les formules avancées
jusqu'à maintenant. Il faut se rappeler que c'est un service public.
Bien sûr, les parents ont beaucoup de choses à dire.
L'éducation est un service public qui concerne toute la population.
Qu'on ait, par choix de vie ou autrement, des enfants ou pas, on a tous un
intérêt à ce qu'il y ait de l'éducation de
qualité dans une société donnée. Cela a un rapport
avec le fait d'être parent, mais ce n'est pas le seul rapport. Il y a
deux légitimités à associer dans l'organisation et la
gestion de la direction des services éducatifs, les parents et les
citoyens. Il y a moyen de trouver des formules qui se combinent et qui
respectent en tout état de cause le suffrage universel.
La transparence de l'administration scolaire. On aurait beaucoup
à dire là-dessus quand on examine toute la mécanique des
délégations de pouvoir. C'est un domaine complexe, hautement
technique. Il y a des juristes qui peuvent élever leur famille au
complet en étudiant ces questions. Je ne m'arrêterai pas
là-dessus. On vous fait des suggestions aux pages 31 et 32 d'examiner
où les questions de délégation de pouvoir nous
mènent - la commission qui délègue au directeur
général, le directeur général qui
délègue aux cadres ou à l'école, l'école qui
délègue au directeur d'école, lequel peut avoir un adjoint
- on ne sait plus où est la décision là-dedans, où
est le responsable de qui et de quoi. Quand on est rendu à une
délégation de pouvoir en cascade, on pense qu'on s'éloigne
du véritable contrôle sur l'orientation de notre
éducation.
Un dernier mot sur les questions relatives à l'île de
Montréal et la CECM. Je pense qu'à défaut d'avoir des
propos sur l'ensemble du Québec, puisqu'on n'a pas nécessairement
accès à la dernière information sur la carte, etc., mais
sur l'orientation à l'égard de l'île de Montréal, il
nous semble que le ministre ne tient pas compte d'une manière suffisante
des besoins d'harmonisation ou de répartition des services au niveau de
l'île. Il atténue ou affaiblit en quelque sorte la juridiction de
l'organisme qui chapeaute actuellement l'ensemble des commissions scolaires de
l'île. De même qu'il ne tient pas suffisamment compte non plus du
bassin d'expertises et du potentiel organisationnel qui existe au niveau de la
CECM en proposant, semble-t-il, de découper cette commission scolaire en
quelques unités plus petites. Nous pensons qu'à partir de cet
exemple, on pourrait aussi, toutes proportions gardées, parler de la
CECQ. On se lance dans le débat de l'agencement des commissions
scolaires dissidentes, confessionnelles parfois maintenues dans certains
espaces. Ceci est trop long pour le temps qu'il nous reste.
Je conclus cette partie de notre présentation en implorant le
ministre de retirer ce projet de loi parce qu'il continue de le définir
de manière essentielle en termes d'attribution de pouvoirs à un
troisième palier. Cela embrouille les affaires; cela dérange tout
le monde; cela n'arrange rien et cela nous empêche de développer,
à l'aide d'expériences en cours, des relations fécondes de
coopération avec nos principaux partenaires dans l'acte éducatif
que sont les parents et les élèves, du moins pour le niveau
secondaire.
La troisième partie sera présentée par mon
collègue, M. Johnston.
Le Président (M. Blouin): M. Johnston.
M. Johnston (Raymond): M. le Président, puisque nous
sommes une organisation syndicale et que nous représentons du personnel
de l'ensemble des catégories du secteur de l'éducation
visé par la loi qu'on a devant nous, malgré que le temps se soit
écoulé assez rapidement, vous me permettrez quand même de
situer l'essentiel de notre position relativement à l'organisation
syndicale, à la représentation syndicale, aux droits des
salariés, au droit de négociation et autres questions
reliées au processus prévu par le projet de loi 40.
Je voudrais d'abord dire qu'on a été un peu
étonné, à la lecture du projet de loi 40, de voir ce qui
pouvait s'en dégager. Je dis un peu étonné, sans
l'être tout à fait. D'une certaine façon, on aurait pu
être en position de croire que, depuis 1976, on avait subi suffisamment
de lois spéciales pour ne pas se retrouver avec un projet de loi visant,
semble-t-il, une réforme scolaire qui tenterait de faire, à
l'occasion, une certaine mise en veilleuse des organisations syndicales, une
restriction des droits d'organisation syndicale en même temps qu'une
restriction des droits des salariés.
On aurait pu croire aussi que, le gouvernement s'étant fait
justice avec les lois 70, 105 et autres l'an passé, il ne sentirait pas
le besoin de venir une fois de plus mettre en cause des droits qui sont
maigres, mais reconnus par les décrets qui nous régissent au
niveau des commissions scolaires. L'histoire nous avait appris que le
gouvernement ne résistait pas à ses tentations, donc,
jusqu'à un certain point, on n'était pas non plus tellement
surpris. Cependant, on se serait attendu que le gou-
vernement respecte son Code du travail et ses décrets. On va
préciser cela.
Au niveau de l'organisation syndicale ou de la représentation
syndicale, plusieurs éléments nous frappent. Le premier, c'est
l'absence complète de rôle de l'organisation syndicale dans la
mise en place des nouvelles structures proposées par le gouvernement.
C'est le personnel de cadre, la direction de l'école, qui convoquerait
les enseignants et le reste du personnel, le cas échéant, pour
décider de la formation d'un comité pédagogique ou non.
C'est encore la direction de l'école qui convoquerait pour la nomination
des membres du comité pédagogique. C'est la direction de
l'école qui convoquerait les membres du personnel pour décider
s'ils doivent être représentés ou non à
l'intérieur du conseil d'école et, s'il devait y avoir une telle
représentation, c'est le président des élections qui
contrôlerait la procédure selon laquelle les représentants
du personnel participeraient au conseil d'école. On pense qu'il y a
là des opérations qui sont de la nature du tassage des
organisations syndicales.
Autre élément important, c'est l'ensemble des dispositions
qui visent à retirer, sous un titre ou sous un autre, le droit à
la syndicalisation. Il y a des choses qui sont clairement écrites;
notamment, la secrétaire du directeur général et la
secrétaire du directeur du personnel sont exclues d'une telle
accréditation. Plusieurs causes ont été entendues, lors de
demandes d'accréditation, où de telles propositions
étaient véhiculées par les employeurs. Presque chaque
fois, nous avons gagné contre les commissions scolaires autour de telles
représentations. Nous ne comprenons absolument pas que le gouvernement
profite d'une restructuration scolaire pour se faire justice, pour faire
justice à l'appareil patronal à l'égard du droit à
la syndicalisation, du droit d'appartenir à une unité
d'accréditation.
L'autre technique qui est utilisée aussi pour soustraire, dans un
certaine mesure, des gens des unités d'accréditation à
certains droits, c'est le recours à la sous-traitance. Et cela, on peut
noter qu'il y en a en très grande quantité dans le projet de loi
40. Je veux seulement vous citer rapidement quelques articles, car je n'ai pas
l'intention de faire l'énumération complète: l'article
201, l'article 249, l'article 103, les articles 117 à 119 et l'article
119 dans sa partie qui peut même être plus englobante, qui peut
même couvrir les articles 90 à 118, c'est-à-dire que cela
pourrait couvrir l'ensemble des services éducatifs au niveau de
l'école. Il y a quelque chose là. Il y a quelque chose qui
ressemble à un recours par le gouvernement à la technique de
l'entreprise privée pour viser à réduire les effets de la
syndicalisation.
En plus de cela, par le projet de loi 40, on vient établir des
mécanismes qui font sauter, à toutes fins utiles, la
liberté d'organisation syndicale. Je suis aux pages 36 et 37, M. le
Président. Les mécanismes prévus par le projet de loi 40
visent à faire en sorte, visent à contingenter, à
réglementer toute la restructuration syndicale devant accompagner la
restructuration scolaire. Il fait en sorte que seules les organisations
syndicales qui sont accréditées dans le territoire d'une nouvelle
commission scolaire pourront, éventuellement, revendiquer le droit
à représenter les salariés d'un groupe visé. Cela a
des effets en termes de liberté d'organisation syndicale, en termes de
liberté d'affiliation, mais aussi en termes de liberté
d'organisation. Par exemple, des groupes qui seraient en voie de fusion ne
pourraient pas réaliser la fusion sous l'empire de la loi 40 à
cause de telles dispositions. Il n'y a pas lieu que le législateur
décide à la place des travailleurs du mode d'organisation
syndicale qu'ils doivent se donner.
Il n'y a pas lieu, non plus, que le législateur décide des
libellés d'accréditation à la place des organisations
syndicales, sur la base des décisions prises par les travailleurs en
assemblée générale. Il y a des mécanismes qui sont
prévus au Code du travail là-dessus; il y a des traditions; il y
a aussi des mouvements qui sont imprimés progressivement qui viennent
modifier ces traditions sur la base de demandes qui sont faites par les
travailleurs eux-mêmes lorsqu'ils s'organisent, ou lorsqu'ils
décident de se réorganiser pour faire face, d'une façon
différente, à un employeur qui, à cause de sa situation
administrative, commence à avoir des comportements
différents.
Je n'aborderai pas dans le détail tout le chapitre de la
représentation syndicale, ou toute la section de la
représentation syndicale, mais je voudrais vous signaler qu'en plus de
cela, il y a un certain nombre d'obligations supplémentaire, qui
apparaissent dans les articles 410 à 415. Il y a en plus une zone grise,
une zone de vague qui est créée, du fait de dispositions
d'exception par rapport au régime général qui feraient en
sorte que, probablement, la véritable portée de ces dispositions
ne serait connue des parties de façon définitive que lorsque tout
le processus serait passé. Il y a donc là des risques
d'entraîner, pour les organisations syndicales et les salariés
qu'elles représentent, des inconvénients majeurs qu'un
gouvernement ne peut pas rechercher à moins de vouloir nuire à
l'action syndicale, à moins de vouloir limiter l'organisation syndicale.
(11 h 15)
Un deuxième volet qui nous inquiète beaucoup, c'est
l'impact des dispositions du projet de loi 40 sur le droit à la
négociation
de nos conditions de travail. On est porté à croire que,
volontairement ou involontairement, mais probablement volontairement, on a
prévu dans ce projet de loi des dispositions qui visent, si ce n'est pas
à écarter toute négociation véritable sur un
certain nombre de questions, au moins la rendre presque impraticable. Je suis
maintenant à la page 38. Les affectations, réaffectations,
mutations, répartition des fonctions et responsabilités, avec
l'ensemble des dispositions qui apparaissent dans le projet de loi no 40, il y
a de quoi s'inquiéter sur l'avenir de la négociation sur ces
questions; de même pour la sécurité d'emploi à cause
de l'ensemble des références qu'on fait à ce chapitre.
En ce qui concerne l'autonomie professionnelle, quand on est rendu
à prévoir dans un projet de loi que l'enseignant aura la
liberté de choisir les modalités d'application de la
méthode pédagogique, on peut voir un peu quel genre d'autonomie
professionnelle on va pouvoir négocier pour les personnels du secteur de
l'enseignement, les modalités d'application de la méthode.
Quant aux organismes de représentation syndicale, on est
habitué, depuis un certain nombre d'années, de négocier
dans nos conventions collectives la participation d'organismes, notamment la
participation des enseignants, mais il commence à y avoir un mouvement
pour les autres personnels aussi sur un bon nombre de questions.
Négocier ces processus suppose que ces processus, une fois qu'ils sont
négociés, ne sont pas mis en veilleuse par d'autres
mécanismes prévus par une disposition législative. On
pourra revenir là-dessus quant aux dispositions du projet de loi
concernant le conseil d'école, le comité pédagogique, etc.
Tout cela risque de mettre en veilleuse, pour ainsi dire, ou de mettre en
péril les comités de relations du travail, les organismes de
consultation au niveau de l'école et, dans certains cas, les organismes
de consultation au niveau de la commission qui ont été
négociés également, ce qui était le chapitre IV des
conventions collectives des enseignants.
Avec les dispositions qui apparaissent dans le projet de loi 40, on se
demande aussi si on pourra, comme on a tenté de le faire avec de maigres
succès jusqu'à maintenant mais tout de même avec un certain
succès, encore négocier des dispositions régissant les
conditions à l'enfance en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage. Quand on sait comment se distribue le pouvoir autour de cela,
on voit là des risques que ce droit de négociation
s'écarte ou s'étiole.
Quant au perfectionnement, le président de la centrale l'a
mentionné tantôt, si c'est le conseil d'école qui
décide à toutes fins utiles des plans de perfectionnement sur
recommandation du directeur, que deviennent les dispositions de nos conventions
collectives qui régissent le perfectionnement? Que deviennent les
mécanismes dans certains cas paritaires et décisionnels qui sont
encore maintenus par des décrets, prolongés par les
décrets imposés par le gouvernement? Que deviennent ces
mécanismes dans ce contexte-là? Il y a un bon nombre de
dispositions sur les mécanismes de promotion dans le projet de loi 40.
On était habitué à négocier certaines règles
de promotion à l'intérieur des conventions collectives, ne
serait-ce que des mécanismes? Dans ces cas-là, il y a de fortes
chances, avec les dispositions qui apparaissent dans le projet de loi 40, que
tout cela n'ait plus aucune utilité dans l'avenir.
Le calendrier scolaire. Le ministre va établir un certain nombre
de choses, la commission en établira d'autres et l'école encore
d'autres. Un pouvoir est réparti mais il fait en sorte que, finalement,
tout ce champ qui a déjà été couvert par nos
conventions collectives, qui était de l'ordre de la distribution, de
l'utilisation du nombre de journées pédagogiques dans
l'année, enfin de leur utilisation dans l'ensemble du calendrier, cela
veut dire que tout cela sortirait éventuellement du champ de la
négociation mais cela peut vouloir dire aussi des espèces
d'impossibilité, compte tenu de la distribution du pouvoir
vis-à-vis du calendrier scolaire, de coordonner dans certains cas de
façon potable le travail de personnels itinérants, parce qu'il y
a beaucoup de ce personnel dans tout le Québec.
Le Président (M. Blouin): M. Johnston, la
présentation a déjà requis plus d'une heure du temps de la
commission. Je souhaiterais que vous puissiez...
M. Johnston: Je vais accélérer, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Si vous pouviez
synthétiser votre présentation pour que nous procédions
par la suite à l'échange entre les membres de la commission et
les représentants de votre centrale, s'il vous plaît!
M. Johnston: Très bien. Sous-chapitre du droit à la
négociation. On est appelé quasiment à considérer
qu'il y a une espèce de fraude qui est pratiquée par le projet de
loi 40. Une espèce de fraude à l'égard, aussi, du respect
de nos conditions de travail. Tout ce que j'ai dit sur le champ du
négociable, cela s'applique aussi à des conditions de travail
existantes. Il y a d'autres cas qu'on peut également couvrir et qu'on
peut également mentionner. Ces cas sont mentionnés aux pages 40
et 41. Ce sont des questions couvertes par nos conventions collectives ou ce
qui en tient lieu plutôt, les décrets, et qui sont mises à
l'écart
éventuellement par le projet de loi 40. Je cite rapidement
quelques questions: On nous impose un régime d'organisation du travail
par l'article 98, le titulariat. On permet de réquisitionner du
personnel pour la commission de mise en oeuvre. On ne sait pas quelles sont les
conditions qui vont s'appliquer et la réquisition, ce n'est prévu
dans aucun des décrets applicables au personnel des commissions
scolaires.
Il y a disparition de décrets qui découle de l'ensemble
des dispositions du projet de loi 40. Des décrets promulgués il y
en a un, à toutes fins utiles, qui est en vigueur entre une commission
scolaire et chaque association de salariés, chaque syndicat. Avec la
nouvelle restructuration syndicale qui accompagne la restructuration scolaire,
on nous dit: Attention, vos décrets vont devenir caduques et les
dispositions qui sont comprises dans ces décrets vont devenir caducs
à moins que ce soit le décret qui était celui du syndicat
qui devienne accrédité selon les nouvelles règles
établies par le gouvernement. Cela implique une perte de droits pour un
bon nombre de personnes. Le gouvernement en est sûrement conscient. Ce
sont des droits importants, d'ailleurs.
Le comité d'enseignants sur l'enfance en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage, cela apparaît au décret des
enseignants E-l, à la clause 8901. Cela va devenir quoi, avec les
dispositions qui apparaissent dans le projet de loi 40? Ce type de
comité va devenir nécessairement un comité de nature
accessoire vu qu'il y en aura un autre prévu au niveau de la commission
par voie législative avec la même vocation, à toutes fins
utiles. Comparons les textes.
Je vais aller aux mécanismes de transition: Le projet de loi 40
comporte des ambiguïtés sur la notion d'employeur entre
l'école et la commission. Il comporte aussi des ambiguïtés
concernant les possibilités d'agir de la commission scolaire pendant que
le comité de mise en oeuvre travaille. À la limite, certaines
dispositions du projet de loi 40 pourraient apparaître comme étant
des obstacles au règlement de tous les litiges sur les décrets
actuellement en vigueur tant que la commission scolaire n'a pas obtenu
l'autorisation du comité de mise en oeuvre.
On pense qu'il y a là un problème d'alourdissement, si ce
n'est même de blocage, des relations du travail pendant la période
de transition. Également, je veux souligner la difficulté de la
sous-traitance au niveau de l'école. J'ai mentionné plusieurs cas
tantôt où le projet de loi faisait référence
à la sous-traitance. Mais que l'école ait le pouvoir de conclure
des ententes avec des organismes qui pourraient avoir pour effet, à
toutes fins utiles, de devenir des espèces de contrats de
sous-traitance, cela peut avoir pour effet aussi qu'on se ferait opposer en
négociation la possibilité de limiter les contrats à
forfait par un pouvoir qui serait à un autre niveau que celui de
l'employeur formel.
Sur les plans d'effectifs, les plans de transfert, on a pris
connaissance de la déclaration d'intention du ministre qui viserait
à modifier l'article 353, mais, malheureusement, on ne connaît pas
le texte de la proposition du ministre. Dans l'annexe au discours du ministre,
à l'ouverture de la commission parlementaire, on ne trouve pas les
dispositions du texte qui viendraient amender l'article 353, de sorte qu'on est
obligé encore aujourd'hui de considérer qu'il y a des risques que
la négociation ne soit pas nécessairement complète et
qu'elle ne couvre pas l'ensemble des volets qui sont de l'ordre des
préoccupations des salariés dans le cadre du transfert des
commissions scolaires actuelles aux nouvelles commissions scolaires.
Je voudrais mentionner qu'il a été prévu dans le
projet de loi 40 un mécanisme qui échappe à l'organisation
syndicale dans tous les plans de transfert, sauf la déclaration
d'intention du ministre qui dit: négociation sur les plans de transfert
et d'intégration. Il y a là-dedans des questions très
importantes qui sont non seulement de l'ordre de savoir quels salariés
vont aller dans quelle commission scolaire, mais comment tout cela va s'agencer
par rapport aux conditions de travail actuelles, comment les conditions de
travail seront respectées. On n'accepte pas que, par voie
législative, le gouvernement fasse table rase de droits acquis
différents dans certains milieux et que la rationalisation, le cas
échéant, ne soit pas à tout le moins
négociée.
On n'accepte pas non plus cette disposition du projet de loi 40 qui
garantit trois droits et qui a pour effet, à toutes fins utiles,
d'éliminer ceux qui ne sont pas mentionnés. On n'accepte donc pas
non plus que le projet de loi 40 fasse échec aux dispositions des
décrets existants, notamment le décret applicable au personnel de
soutien et aux professionnels qui prévoit un mécanisme en cas de
restructuration scolaire. On n'accepte pas non plus que des gens actuellement
couverts par des dispositions de décrets existants puissent perdre des
droits, le cas échéant, lors d'un transfert résultant du
projet de loi 40. Cela pourrait se produire tant pour les enseignants et les
professionnels que le personnel de soutien. Je souligne aussi que,
malheureusement, il n'y a pas, dans le projet de loi 40, une des garanties
fondamentales qui aurait dû y être comprise, la garantie du
maintien des postes et des emplois à l'occasion de la restructuration
scolaire. Il n'y a strictement rien sur ce terrain. Il ne semble pas non plus
qu'on ait prévu devoir aller beaucoup plus loin que cela.
Par ailleurs, l'autre dimension qui nous
préoccupe, c'est que, dans cette phase transitoire, nous sommes
en relation avec un employeur qui s'appelle la commission scolaire existante.
Il y aura parallèlement la nouvelle commission scolaire qui va se
constituer. Il y aura un comité de mise en oeuvre qui va exercer
certaines des fonctions de la commission scolaire existante et certaines des
fonctions de la nouvelle commission scolaire. Nos conditions de travail, dans
la mesure où elles ne seront pas respectées par le comité
de mise en oeuvre, les plans de transfert et d'intégration, dans la
mesure où ils ne seront pas respectés par les comités de
mise en oeuvre, par la commission de mise en oeuvre ou même par le
ministre, le projet de loi 40 est silencieux sur les droits de recours qu'on
aurait là-dessus. Ce projet de loi crée donc une situation
d'inquiétude profonde pour l'ensemble des catégories de
personnels qu'on représente au niveau des relations du travail.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Johnston. En
concluant, M. Charbonneau, rapidement, s'il vous plaît! (11 h 30)
M. Charbonneau (Yvon): Oui, un mot de conclusion, M. le
Président. Mon collègue, M. Johnston, vient de faire un plaidoyer
qui démontre qu'on n'a pas besoin d'avoir une réalité en
relations du travail plus compliquée, plus embrouillée, plus
pesante qu'on ne l'a déjà. Avec les décrets, il me semble
que le ministre et le gouvernement se sont payé la traite comme ils
l'entendaient. Si le projet de loi 40 est pour venir compliquer cela, enlever
encore des bouts là-dedans, continuer ni plus ni moins à nous
imposer des choses qui, normalement, devraient être de l'ordre des
relations du travail, tout en nous imposant une nouvelle répartition de
pouvoir, on nous dit: De grâce, évitez-nous cela,
évitez-vous cela, évitez cela aux parents aussi, aux commissions
scolaires. On n'a pas besoin de cela par les temps qui courent. Si
c'était pour améliorer la qualité du produit à la
fin, on pourrait en parler. D'ailleurs, on est prêt à vous parler
au niveau des négociations n'importe quand, mais pour améliorer
les choses, pas pour les embrouiller. Cela, c'est le premier plaidoyer de ma
collègue, Mme Gagnon.
Je crois établi que le projet de loi orienté comme il
l'est, passe à côté des vrais problèmes du
vécu avec sa complexité et ses expérimentations, nos
échecs aussi parfois, les uns et les autres, nos difficultés et
aussi nos possibilités. Cela passe à côté. Elle ne
nous aidera pas, la mesure centrale du projet de loi 40. J'ai essayé
d'expliquer que ce n'est pas par le fait qu'on introduit un palier de pouvoir
de plus qu'on vient d'arranger quelque chose dans le système.
Non pas parce que nous sommes des tenants du statu quo; on a plein de
changements en tête et on a plein de visions en termes
d'amélioration de l'école. On l'a écrit et on vous a remis
une quantité de mémoires. Vous savez fort bien que nous avons
plein de propositions de changement, mais pas celle-là. M. le ministre,
on vous demande de nous éviter cela et de l'éviter à la
population québécoise. On vous demande de nous laisser travailler
en paix et de nous laisser expérimenter avec les co-éducateurs
que sont les parents de nouvelles formules de coopération. On n'a pas
besoin pour cela d'un nouveau palier décisionnel, comme vous en faites
l'axe central de votre projet de loi. Au lieu de vous présenter 50
à 75 amendements, on vous demande un amendement: retirer le projet de
loi.
Le Président (M. Blouin): M.
Charbonneau, Mme Gagnon et M. Johnston, merci. M. le ministre, vous avez
la parole.
M. Laurin: M. le Président, je veux d'abord remercier la
CEQ pour le mémoire qu'elle présente à la commission. J'ai
pris un grand intérêt à la lecture de ce long
mémoire et aussi, ce matin, à la longue présentation de ce
mémoire.
Comme l'a dit le président de la CEQ, aussi bien le livre blanc
que le projet de loi 40 ont fait l'objet d'une étude fouillée de
la part de la CEQ, le mémoire a été préparé
avec beaucoup de soin. Comme cela n'est peut-être pas étonnant
à la suite de cette lecture fouillée et de cette étude
fouillée, la CEQ s'est transformée pour les besoins de la cause
en un bon avocat du diable. Selon la tradition, c'est d'opposition, je ne dirai
pas systématique mais fréquente, à toutes les politiques
d'éducation qui émanent des gouvernements aussi bien unionistes,
que libéraux, que péquistes. Elle en a présenté une
critique également très fouillée et une
contre-argumentation détaillée, en n'oubliant pas, au passage, de
faire un procès vigoureux de toutes les autres politiques actuelles du
ministère de l'Éducation: formation professionnelle,
éducation des adultes, politique d'intégration des enfants en
difficulté d'apprentissage, évaluation des apprentissages des
élèves, enseignement privé, compressions
budgétaires et décrets. Sur tous ces points, cela pourrait donner
lieu à de très longs échanges où le
ministère pourrait faire valoir aussi son point de vue, mais on sait
très bien qu'on n'aura pas le temps d'aborder tous ces autres sujets et
que ce n'est peut-être pas le lieu, ni l'occasion de le faire.
La CEQ porte également, et c'est tout à fait normal, une
très grande attention aux droits syndicaux tels qu'ils peuvent
apparaître dans le contexte du projet de loi 40. Cela est tout à
fait compréhensible, malgré que l'on puisse penser que c'est une
très grande partie du mémoire qui est
présentée dans l'optique de la défense des droits
syndicaux et qui est colorée par cette défense des droits
syndicaux. En ce sens, le mémoire de la CEQ s'inscrit dans le combat
syndical que cette dernière mène depuis plusieurs années.
Il s'incrit probablement aussi dans la préparation de la prochain ronde
de négociations et fait état, évidemment, des
revendications permanentes aussi bien qu'actuelles que la CEQ présente
depuis plusieurs années à l'occasion de la renégociation
des conventions collectives.
Peut-être peut-on déplorer que l'optique professionnelle,
même si elle est présente, ne l'est guère en fin de compte
et on pourrait peut-être penser que cette optique du caractère
professionnel de l'enseignant aurait pu être davantage
présente.
Je remarque aussi que la CEQ ne présente aucune proposition
d'amélioration au projet de loi. Comme le président l'a dit
à la fin, elle ne présente qu'un seul amendement, c'est le
retrait du projet de loi. Cela veut dire, au fond, que la CEQ ne trouve
absolument rien de bon dans ce projet et qu'elle en demande
conséquemment le rejet total et inconditionnel. C'est là une
attitude négativiste qui peut s'expliquer dans le contexte des
affrontements syndicaux-patronaux, mais c'est quand même une attitude qui
est difficilement acceptable.
Heureusement, lorsqu'on parcourt les déclarations successives de
la CEQ, on se rend compte que cette attitude négativiste n'est
peut-être pas aussi complète qu'il ne le paraît à la
lecture du mémoire ou à l'audition du mémoire que l'on
vient d'entendre. En effet, la CEQ a émis, par exemple, une
déclaration en 1983 qui a fait l'objet d'études par ses divers
chapitres régionaux. Même si la CEQ reprend, dans cette
déclaration, un bon nombre des critiques que nous avons entendues ce
matin, on peut quand même y voir un certain nombre de convergences avec
ce que contient le projet de loi 40. Par exemple, dans cette déclaration
de 1983, la CEQ, tout en rejetant clairement la thèse de l'école,
prolongement de la famille, reconnaît que les intérêts de la
collectivité à l'éducation se situent à deux
niveaux. D'abord, les intérêts globaux et généraux
de la collectivité qui justifient une représentation de
l'ensemble des citoyens et, deuxièmement, les intérêts
spécifiques des parents qui justifient une représentation
spécifique.
Dans un autre article de sa déclaration, la CEQ propose que, sur
la base de la reconnaissance de ce double niveau d'intérêt, les
commissions scolaires soient dirigées par un conseil constitué en
nombre égal, premièrement, de commissaires élus au
suffrage universel parmi les représentants autorisés des
associations de parents accréditées auprès des
écoles ou, à défaut de celles-ci, parmi les membres des
comités d'école; deuxièmement, de commissaires élus
au suffrage universel et direct sur la base d'un territoire donné. C'est
là une proposition qui rejoint celle du Conseil supérieur de
l'éducation, de la Fédération des comités de
parents, d'un certain nombre de commissions scolaires qui ont
déjà comparu devant cette commission et qu'il sera
intéressant d'examiner comme alternative à celle que propose le
projet de loi.
Dans un autre article de cette déclaration, la CEQ
réaffirme sa volonté de voir s'instaurer une collaboration
étroite entre les travailleurs de l'enseignement et les parents,
individuellement ou collectivement, dans le cadre de rapports
d'égalité - je reviendrai là-dessus un peu plus tard - qui
tiennent compte de la spécificité des rôles de chacun.
Dans un autre article, la CEQ appuie également le principe de
l'intégration de l'éducation préscolaire, primaire et
secondaire sous l'autorité d'une même commission scolaire dont le
territoire devrait avoir une taille qui permette d'éviter le
morcellement de certains services et qui assure une identification
réelle de la collectivité à cette commission scolaire.
Dans un autre article de sa déclaration, la CEQ demande que les
écoles à vocation régionale ou nationale et les services
d'éducation aux adultes soient rattachés à des commissions
scolaires, ce que, d'ailleurs, nous entendons faire.
Dans un autre article, la CEQ encourage la création
d'associations de parents, d'organisations étudiantes autonomes,
c'est-à-dire indépendantes des directions d'école et des
cadres fixés par l'État. Dans un autre article, la CEQ appuie la
formation de commissions scolaires non confessionnelles, appuie aussi
l'instauration d'un régime d'option entre l'enseignement religieux et
l'enseignement de la morale à tous les niveaux selon le choix des
parents ou, au secondaire, celui des étudiants, ce qui correspond
à ce que contient le projet de loi.
Enfin, la CEQ, dans un autre article, exige que toutes les implications
sur les droits des personnels découlant de l'implantation de toute forme
de restructuration scolaire, incluant la relocalisation des personnels des
commissions actuelles dans les nouvelles commissions, soient
négociées avec les syndicats, ce qui est l'objet de l'amendement
que j'ai annoncé à l'article 353 du projet de loi.
Le mémoire de la CEQ se situe autour de trois grands
paramètres: la qualité des services éducatifs, le
contrôle démocratique des institutions scolaires et,
troisièmement, la reconnaissance et le plein respect des droits
syndicaux. Si la CEQ me le permet, je voudrais reprendre le problème par
la fin et traiter successivement de ces trois sujets
extrêmement importants.
Donc, le premier point, le respect de la reconnaissance des droits
syndicaux. À la suite du dépôt du projet de loi sur
l'enseignement primaire et secondaire public, le gouvernement - comme vous le
savez et comme je l'ai déjà dit lorsque les cadres scolaires sont
venus ici - a décidé d'entreprendre des échanges avec les
associations syndicales et d'examiner avec elles les mécanismes de cette
loi qui affectent l'organisation syndicale et les effectifs. Quant à
elle, la CEQ a été rencontrée cinq fois depuis le mois
d'octobre 1983. Il nous est, en effet, apparu plus conforme aux pratiques
habituelles d'entreprendre des discussions avec les associations syndicales sur
ces questions compte tenu du fait que les conventions collectives
prévoient de tels échanges lors de la fusion ou de
l'intégration des commissions scolaires et surtout parce que nous
croyons que la recherche d'un consensus sur les modalités de transfert
est le moyen le plus approprié de solutionner les problèmes.
Un tel processus a essentiellement pour but, premièrement, de
discuter avec les syndicats de l'ensemble des dispositions de la loi qui les
concerne en tant que représentants des salariés impliqués
dans l'enseignement; deuxièmement, de tenter de convenir avec eux des
modalités d'application des règles de transfert et
d'intégration du personnel dans l'optique suivante: des ententes
à intervenir en vertu de l'amendement annoncé à l'article
353 pourraient lier le gouvernement et ses partenaires, les comités de
mise en oeuvre et les nouvelles commissions scolaires.
Pour les représentants du gouvernement, ces rencontres ont permis
d'identifier un certain nombre de problèmes, de les discuter et
d'entrevoir des solutions susceptibles de satisfaire les personnels
impliqués dans le transfert et l'intégration du personnel
auprès des nouvelles commissions scolaires. Donc, je rappelle que j'ai
annoncé, même si la formulation ne convient pas encore tout
à fait au vice-président M. Johnston, que l'article 353 sera
modifié pour prévoir une négociation formelle des normes
de transfert et d'intégration. J'ajoute aujourd'hui qu'à
défaut d'entente il pourra y avoir arbitrage des différends,
justement pour indiquer qu'une telle garantie pourra avoir pour effet de donner
de la crédibilité au processus proposé. Ce processus
pourra permettre d'intégrer dans le contenu de la réglementation
le résultat des consensus auxquels nous pourrons atteindre. Le but du
processus est, justement, de trouver des solutions aux problèmes que
vous avez soulevés, y compris même celui de l'article 353. (11 h
45)
J'aimerais maintenant en venir aux critiques détaillées
que M. Johnston a faites du projet de loi en ce qui concerne le respect et la
reconnaissance des droits syndicaux. Sur les mécanismes de transfert et
d'affectation, la CEQ reproche au projet de loi d'accorder au ministre le
pouvoir d'établir des normes par règlement, ce qui implique une
absence de négociations, pas de droit de recours ni de mécanisme
de règlement d'un différend; donc, pas de moyens de pression
à exercer. Nous proposons, en réponse, d'établir par
entente les règles de transfert et nous amenderons l'article 353 de
façon qu'il soit clair et sans équivoque à cet
égard.
Sur le recours des salariés lors du transfert et de
l'affectation, nous avons annoncé, lors de ces rencontres que nous avons
eues avec vous, que nous étions d'accord sur le principe. Il s'agira
maintenant, pour nous et pour vous, d'en négocier les modalités.
Si un différend s'annonce sur ces normes de transfert, je vous dis tout
de suite que nous essaierons de prévoir un mécanisme de
règlement et que ce mécanisme pourrait être celui qui est
prévu dans certaines conventions collectives, c'est-à-dire
l'arbitrage des différends.
Sur les droits des salariés, vous nous reprochez aussi le fait
que l'article 421 n'énumère que deux droits qui seront
protégés à l'occasion du transfert à la nouvelle
commission scolaire. Je pense qu'il faut noter ici que l'article 421
précise des droits individuels qui vont s'ajouter à ceux
déjà prévus à la convention collective applicable
à chaque salarié. J'aurai l'occasion, à la fin de ce que
j'ai à dire sur les droits syndicaux, de vous parler de garanties que je
vais rendre publiques, garanties que j'aimerais vous proposer et qui auraient
pour effet de maintenir les droits et les privilèges de la convention
collective, conformément à ce que j'ai toujours promis et
annoncé.
De la même façon, les normes proposées que j'ai
déposées à la table font en sorte que le nombre de mises
en disponibilité ou de non-rengagement d'enseignants ne sera pas
différent de celui qui résulte de la prévision de
clientèle, des paramètres de la tâche et des règles
de formation de groupes d'élèves. Quant au personnel
professionnel et de soutien, j'annonce aujourd'hui - si vous ne le savez
déjà, car je pense que vous le savez déjà -qu'il
n'y aura aucune réduction de personnel durant l'année scolaire
1985-1986.
De la même façon, les professionnels et les employés
de soutien travaillant dans une ou des écoles situées sur le
territoire d'une nouvelle commission scolaire seront intégrés
à leur ancien poste, en conservant leur classe d'emploi, leur nombre
d'heures et leur taux de traitement. Enfin, lors de son transfert ou de son
intégration, aucun salarié
ne sera déplacé à plus de 50 kilomètres de
son lieu de travail ou de son domicile.
Vous faites également d'autres représentations sur
l'organisation syndicale. Vous affirmez, par exemple, que le projet de loi
attaque la liberté d'organisation syndicale en remplaçant les
syndicats par le directeur d'école quand il s'agit de désigner
des représentants du personnel à certains comités, dont le
comité pédagogique. Or, la loi n'a pas pour but d'empêcher
les mécanismes conventionnels de jouer. Lorsque la convention
prévoit la création d'un comité qui a le même effet
que celui de la loi, il y a certainement lieu de permettre au syndicat d'y
désigner ses représentants. D'ailleurs, je crois que toutes les
personnes qui agissent actuellement au niveau des écoles sont membres
d'un syndicat, soit de la CEQ ou d'un autre organisme, et que ce que nous
prévoyons dans la loi, même si le directeur d'école ou le
directeur des élections y joue un rôle, c'est qu'on permette aux
syndiqués qui travaillent dans une école de désigner leurs
représentants aux comités qui sont prévus par la loi.
Vous avez parlé aussi de l'exclusion de certains employés
du certificat d'accréditation, par exemple, que le projet de loi exclue
la secrétaire du directeur général ou du directeur du
personnel de l'unité d'accréditation. Votre critique nous
apparaît pertinente à cet égard et nous avons l'intention
de laisser les commissaires du travail déterminer qui doit être
inclus ou exclu de l'unité accréditée, conformément
aux dispositions du Code du travail.
Vous avez insisté aussi beaucoup sur la sous-traitance en disant
que le projet de loi permettra d'augmenter le recours à cette
sous-traitance, notamment - vous le dites dans votre mémoire - dans le
transport scolaire, dans l'enseignement religieux autre que catholique et
protestant et dans les services à la communauté. Je pense qu'il
faut indiquer tout de suite, d'entrée de jeu, que les employeurs actuels
et futurs devront respecter les conventions collectives avant d'accorder de
tels contrats. Et, à propos de la sous-traitance en ce qui concerne les
services de garde, un amendement m'a été soumis par ma
collègue, ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu, qui nous recommande d'amender l'article 118 du projet de loi de
façon que l'école puisse organiser ou permettre l'organisation
dans ses locaux de services de garde pour les élèves de
l'enseignement primaire; qu'à la demande des parents, elle doit
permettre l'organisation dans ses locaux de tels services pour les
élèves de l'enseignement primaire; que l'école peut aussi
organiser dans ses locaux des services de garde en garderie pour les
élèves de l'éducation préscolaire âgés
de cinq ans, conformément à la Loi sur les services de garde
à l'enfance; qu'elle peut aussi permettre que d'autres personnes ou
organismes organisent des services de garde en garderie dans ses locaux,
conformément à la Loi sur les services de garde à
l'enfance. Nous avons l'intention d'incorporer la teneur de cet amendement dans
le texte du projet de loi.
Vous mentionnez aussi que la CEQ s'oppose aux libellés
prédéterminés, c'est-à-dire qu'elle s'oppose aux
dispositions législatives qui déterminent les seuls
libellés d'accréditation possibles et, de ce fait, la nature des
requêtes en accréditation. Disons, d'abord, qu'il est d'usage que
les commissaires du travail accordent des accréditations sur la base de
chacune des catégories de personnel, à savoir enseignant,
professionnel de soutien, y compris pour ce dernier groupe deux
sous-catégories distinctes, c'est-à-dire les employés
manuels et administratifs. Même si elle va plus loin que le Code du
travail, cette façon de faire qui est prévue au projet de loi
respecte, à mon avis, la pratique actuelle. De plus, elle permet, et
c'est là son but premier, la réorganisation syndicale dans un
délai propre à ce qu'au 1er juillet 1985 les salariés
connaissent quel syndicat les représente et quelle convention leur est
applicable.
Quant aux procédures d'accréditation, vous soutenez que
les articles 413 et 414 sont inopportuns puisqu'ils contiennent des
modalités différentes de celles du Code du travail.
Peut-être sont-elles différentes pour respecter le délai
dont je viens de parler, mais elles sont quand même de même nature
que celles du Code du travail. Tout ce que nous prévoyons, c'est que les
requêtes doivent être déposées dans un délai
prévu et que les décisions doivent, elles aussi, être
rendues dans un délai déterminé, toujours dans le but
qu'au 1er juillet 1985 les organisations syndicales soient en place.
Vous parlez aussi du droit à l'accréditation en soutenant
qu'on ne doit pas limiter le choix des salariés des nouvelles
commissions scolaires aux seules associations accréditées dans
les commissions scolaires actuelles. Là aussi, je pense que votre
critique est digne d'attention et je pense que l'on pourrait moduler cet
article de façon à permettre que les requêtes en
accréditation puissent être déposées par toute
association syndicale qui le jugerait opportun. Ceci pour répondre
à votre inquiétude au sujet de la période de maraudage.
Cependant, nous estimons que les délais pour le faire devraient
être les mêmes que ceux mentionnés dans le projet de loi
actuel. Par ailleurs, les autres règles du Code du travail devraient
s'appliquer à cette opération. Donc, on se rapprocherait du Code
du travail dans toute la mesure du possible.
Vous avez aussi beaucoup de critiques sur le champ du négociable.
Vous aviez, d'ailleurs, les mêmes critiques en 1979,
quand le gouvernement a fait adopter le projet de loi 71. Vous estimiez
que l'adoption de cette loi rétrécirait d'une façon
marquée le champ du négociable. Je ne crois pas que cela ait
été tellement le cas et je ne crois pas, non plus, que l'adoption
du projet de loi 40 va contribuer à rétrécir, comme vous
le dites, le champ du négociable, par exemple au chapitre de la
sécurité d'emploi, puisque ce que le projet de loi 40
prévoit, c'est que la présentation du plan d'effectifs par
l'école à la commission scolaire a surtout pour but de faire
connaître les besoins de l'école. Mais, c'est quand même la
commission scolaire qui aura la liberté de modifier les plans
d'effectifs, d'arbitrer ces plans d'effectifs présentés par les
diverses écoles et de faire en sorte que, dans la détermination
du budget, les règles budgétaires aussi bien que les
règles de la convention collective soient respectées.
Je pourrais dire la même chose sur ce qui est prévu au
sujet des pouvoirs accordés à l'école pour
l'intégration des élèves en difficulté
d'apprentissage puisque, là aussi, les politiques seront
déterminées par la commission scolaire comme cela est
prévu dans la convention collective, mais, comme la convention
collective le prévoit également, l'école aura un
rôle à jouer dans cette intégration puisque c'est à
l'école que l'action se passe. De la même façon pour le
perfectionnement, nous accordons à l'école -ce qui est tout
à fait normal et légitime -le droit de présenter ses
besoins en perfectionnement, mais c'est quand même la commission scolaire
qui prendra les décisions à cet effet, selon les
mécanismes paritaires déjà prévus à la
convention collective. Bref, ce que fait le projet de loi à cet
égard, c'est surtout préciser les pouvoirs accordés aux
différents acteurs. Il ne vise en aucune façon à aller
à l'encontre ou à jeter au panier des parties de conventions
collectives. Lors des futures rondes de négociations, les parties
pourront continuer de convenir de la manière d'encadrer, voire
même de restreindre les pouvoirs de gérance de l'employeur.
Vous soutenez aussi que le projet de loi s'attaque aux conditions de
travail déjà existantes ou déjà convenues par
décret ou par convention collective. Je pense que ce que j'ai
annoncé pour l'article 353 montre que nous aurons amplement l'occasion
de négocier chacun des sujets qui ont fait l'objet de votre
présentation ce matin et qu'il sera sûrement possible de discuter
des modalités de transfert et d'affectation du personnel de façon
que non seulement nous identifiions les problèmes, mais que nous en
venions à une entente entre les parties.
Quant au projet de normes de transfert et d'intégration que j'ai
fait déposer à la table où vous étiez
présents, je peux affirmer, sans crainte d'être démenti,
qu'il correspond en tout point ou presque au contenu de la convention
collective des enseignants. Vous vous demandez aussi qui sera le
véritable employeur, étant donné que l'article 404
précise que la commission scolaire existante doit avoir l'approbation du
comité de mise en oeuvre pour contracter une obligation qui se prolonge
après le 30 juin 1985. Je pense que le projet de loi devait
prévoir un article de ce genre puisqu'il faut prévoir la date
où le projet de loi entrera en fonction. (12 heures)
Cependant, je peux vous dire que cette disposition ne vise en aucune
façon à empêcher de remplir les obligations courantes qui
pourraient résulter de l'application de la convention collective.
Cependant, si votre inquiétude persiste à ce sujet, nous sommes
prêts à préciser cet article de façon que cette
inquiétude disparaisse.
Vous avez aussi ajouté que les décrets ne prévoient
pas l'utilisation de salariés pour les activités du comité
et de la commission de mise en oeuvre. Si vous voulez signifier par là
que le gouvernement doit respecter la convention collective, nous sommes
absolument d'accord. Là aussi, nous pourrons apporter les
précisions nécessaires de façon à diminuer et
à faire disparaître vos inquiétudes.
Vous vous inquiétez aussi que certaines conventions collectives
deviendront caduques le 30 juin 1985 et vous vous opposez, en
conséquence, à l'article 420. Votre critique à cet
égard voudrait signifier que cet article va impliquer une perte de
droits pour certains salariés et elle implique aussi que la formulation
de la réalité n'est pas complète. Cependant, je pense
qu'on peut s'entendre sur le fait qu'il y a de bonnes raisons de croire que
l'association qui sera accréditée au terme du processus
décrit dans le projet de loi sera celle qui possède la meilleure
convention collective et les meilleurs arrangements locaux.
D'autre part, en ce qui concerne la détermination de la
convention collective applicable à une nouvelle commission scolaire,
peut-être y a-t-il lieu, en effet, de réexaminer cette formulation
à la lumière de vos critiques et peut-être y aurait-il lieu
d'envisager que l'entente sur les normes de transfert et d'affectation du
personnel non seulement soit plus claire à cet égard, mais puisse
en préciser les modalités à la lumière des
représentations que vous nous faites ou que vous nous ferez.
Quant aux services de garde - j'y reviens - vous vous demandez ce qu'il
adviendra le 1er juillet 1985, lorsque expireront les permis
décernés dans le cadre de la Loi sur les services de garde
à l'enfance. Il n'y a pas de problème en ce qui concerne ces
employés, car la date du 1er juillet ne changera rien pour eux. Il y a
des
règles prévues à l'occasion du transfert de ces
employés aux commissions scolaires nouvelles. Les droits de ces
employés seront intégralement respectés.
J'arrive, comme je le disais, aux garanties que nous entendons offrir
aussi bien au personnel enseignant, aux professionnels qu'aux employés
de soutien, de la même façon que nous l'avons fait à des
séances précédentes aux cadres scolaires.
Déjà, le processus d'échange avec les associations
syndicales nous a permis de mettre sur la table une série de garanties.
Les principales garanties en termes de transfert à une nouvelle
commission scolaire, d'affectation à une école et
d'intégration dans un poste sont les suivantes: premièrement,
tous les salariés enseignants, tous les membres du personnel de soutien
et tous les professionnels seront transférés aux commissions
scolaires nouvelles en conservant les droits et les privilèges contenus
dans leur convention collective. La seule réserve, c'est que cette
garantie ne s'applique pas au salarié qui occupe un emploi temporaire ou
dont l'emploi se termine normalement le 30 juin d'une année scolaire.
Deuxièmement, les enseignants seront d'abord transférés
à la nouvelle commission scolaire qui prend charge de l'école ou
des écoles où ils travaillent. À compter du 1er juillet
1985, ils seront affectés auprès des élèves d'une
école de la nouvelle commission scolaire en fonction des règles
établies à la convention collective qui leur sera applicable
à cette date.
Les enseignants en disponibilité et les suppléants
réguliers seront, quant à eux, tous transférés
à l'une ou l'autre des commissions scolaires nouvelles de leur
territoire en fonction de la proportion de clientèle étudiante
dont chacune prend charge.
Troisièmement, les professionnels et les employés de
soutien travaillant dans une ou des écoles situées sur le
territoire d'une nouvelle commission scolaire seront intégrés
à leur ancien poste en conservant leur classe d'emploi, leur nombre
d'heures et leur taux de traitement. Les professionnels et les employés
de soutien qui travaillent dans les centres administratifs et dans des
écoles situés sur le territoire de plus d'une nouvelle commission
scolaire seront, eux aussi, intégrés, à leur classe
d'emploi, à un poste comportant le même nombre d'heures et le
même taux de traitement, en fonction du choix qu'ils expriment, de leur
ancienneté et de leurs qualifications.
Quatrièmement, lors de son transfert ou de son
intégration, aucun salarié ne se verra déplacé
à plus de 50 kilomètres de son lieu de travail ou de son
domicile, conformément aux dispositions de la convention collective
actuelle.
Cinquièmement, durant l'année scolaire 1985-1986, il n'y
aura aucune réduction du personnel professionnel et de soutien. Du
côté des enseignants, les mises en disponibilité ou les
non-rengagements pour l'année 1985-1986 seront limités à
ceux résultant de la prévision de clientèle, des
paramètres de la tâche et des règles de formation de
groupes d'élèves. Somme toute, 100% des enseignants vont
continuer à travailler dans une école auprès des
élèves de leur territoire selon des modalités identiques
à celles qu'on leur appliquait chaque année. Par ailleurs,
environ 50% des professionnels et 66% des employés de soutien
conserveront leur poste dans la même école. Quant aux
employés des centres administratifs, ils se verront attribuer un poste
de leur classe d'emploi, comportant les mêmes heures, au même lieu
de travail ou dans un lieu différent, sans toutefois jamais
dépasser un rayon de 50 kilomètres.
Quant aux règles de transfert, d'intégration et
d'affectation du personnel syndiqué, là aussi, nous pouvons
offrir des garanties qui peuvent apaiser vos inquiétudes. Ces
règles ont été déposées aux associations
syndicales entre le 16 et le 20 décembre 1983. Elles ont
été déposées sous la forme d'un document de travail
devant, si possible, faire l'objet d'une entente. Les modalités afin de
lier par entente les divers intervenants doivent, elles aussi, faire l'objet de
discussion. Comme le document de travail a été
déposé antérieurement à la loi qui le justifiait,
les représentants se sont réservé le droit, lors de la
discussion, de modifier les règles pour tenir compte des dispositions
finales de la loi à la suite des audiences de la commission
parlementaire.
Quant aux règles applicables aux non-syndiqués, c'est
là un autre problème. Le gouvernement convient que les
règles de transfert, d'intégration et d'affectation qu'il propose
aux associations syndicales seront applicables aussi à tous les
salariés non syndiqués. Nous envisageons des étapes
ultérieures que nous proposons au cours de janvier et de février
1984. Nous espérons que les discussions vont se continuer à bon
train. J'ai l'intention, pour ma part, de donner à mes
représentants le mandat suivant: premièrement, établir
d'une façon plus précise, plus définitive, la
participation des partenaires patronaux du gouvernement aux pourparlers, visant
ainsi à définir un cadre général de transfert,
d'intégration et d'affectation des personnels auprès des
nouvelles commissions scolaires; deuxièmement, de tout mettre en oeuvre
pour que mes représentants, avec les vôtres et ceux des autres
syndicats, d'ailleurs, conviennent de l'ensemble des règles de transfert
et d'intégration, de fixer les procédures de recours, le maintien
des conditions particulières et les modalités des nouveaux
horaires; enfin, de préciser la façon dont les ententes
pourraient lier les commis-
sions scolaires existantes, les nouvelles, les comités de mise en
oeuvre, les partenaires patronaux et le gouvernement.
Ma première question serait donc de vous demander si vous
entendez continuer à participer aux discussions qui ont
déjà fait l'objet de cinq réunions et,
deuxièmement, quelle est votre réaction à cette
étape-ci sur les garanties que nous entendons vous proposer.
Le Président (M. Blouin): M.
Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Nous notons avec soin les commentaires
ainsi que les énoncés de projets d'amendements que le ministre
expose. Nous prenons connaissance, pour la première fois d'un bon nombre
de ces suggestions qui sont mises de l'avant. Bien sûr, que nous allons
continuer de nous soucier de cette question et de faire le nécessaire
pour que les droits de nos membres, les conditions de travail et les relations
du travail que nous devons établir le soient dans le meilleur cadre
possible advenant qu'il y ait changement et nous nous comporterons à
l'avenir comme nous nous sommes comportés dans le passé, puisque
cela semble tellement fructueux à la première audition de cette
kyrielle d'amendements. Pour un mémoire négatif, on n'a jamais vu
une production aussi positive en aussi peu de temps! Alors, on l'accueille, on
va examiner cela et on va continuer.
C'est la partie 3 de notre mémoire que le ministre a longuement
commentée. On voit qu'il avait préparé un bon texte que
nous allons nous-mêmes examiner avec soin et on fera part à ses
représentants de nos commentaires détaillés. Il s'agit
là de questions fort complexes et fort techniques qui mettent en cause
une série de textes et de dispositions à caractère
juridique et autre. Il faut regarder cela avec soin. À mesure que nous
pourrons voir en profondeur la portée de ce que nous annonce le
ministre, dans la même mesure nous pourrons faire nos commentaires en
bonne et due forme à qui de droit. Nous rappelons que, quant à
nous, c'était la partie 3 de notre mémoire. Nous recevons ce que
le ministre dit avec attention. Quand nous aurons l'occasion de relire le texte
que vous nous avez livré, nous allons en mesurer tous les aspects et
vous faire part de ce qu'il en est.
Si nous pouvons maintenant aborder le centre de la discussion en ce qui
concerne le projet de loi 40 comme tel, je crois qu'on pourra voir davantage
quelles avenues s'ouvrent au lendemain de cette commission parlementaire. Si on
est toujours devant un obstacle central, si on est devant des accusations de
négativisme, etc., et d'opposition systématique, même si
cela produit des amendements positifs, si on est encore à cela comme
diagnostic de la part du ministre une fois qu'on aura débattu du fond
des questions, vous comprenez que les amendements prennent une drôle de
couleur dans un tel contexte.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le ministre.
M. Laurin: Je suis, quand même, heureux de cette
réaction initiale du président. Quand j'ai parlé de
négativisme tout à l'heure, j'ai, quand même, pris soin
d'indiquer que, dans une déclaration antérieure, heureusement,
j'avais découvert des points de convergence, pour ne pas dire quelques
points possibles d'accord. En somme, j'ai pris la position de la CEQ non
seulement à partir du mémoire qu'elle nous avait
présenté ce matin, mais à partir de toutes les
déclarations que la CEQ aura pu émettre au cours des derniers
mois ou même des dernières années. (12 h 15)
J'arrive maintenant au deuxième point central de votre
mémoire, celui du contrôle démocratique des institutions.
Je voudrais faire une première remarque. À l'occasion de la
présentation de la loi 71, en 1979, la CEQ a pris une position
très résolue et très déterminée d'opposition
contre ce projet, particulièrement en ce qui concerne le conseil
d'orientation de l'école. Si on s'en souvient bien, c'est la CEQ qui,
à ce moment, pendant la discussion du projet de loi et après
l'adoption du projet de loi 71, a donné le mot d'ordre à ses
membres de ne pas participer au conseil d'orientation, de ne pas y
déléguer de membres. Ce mot d'ordre a été suivi.
Vendredi, la fédération des directeurs d'école nous disait
que l'opération a été très réussie, en ce
sens qu'il n'existe pas de conseil d'orientation dans le plus grand nombre des
régions administratives du Québec. Je crois qu'il n'y en a que
cinq ou six qui existent.
Ma remarque est la suivante: Dans un premier temps, la CEQ se retire des
tables de direction ou de concertation, puis, dans un deuxième temps,
elle accuse le gouvernement d'ignorer les enseignants ou, du moins, les membres
de la CEQ. Elle accuse le gouvernement de les ignorer, de les mépriser,
de ne pas leur donner la place qui leur convient à titre de
collaborateurs indispensables, à titre de maîtres d'oeuvre
indispensables des services éducatifs et, au premier chef, de
l'enseignement proprement dit.
Évidemment, sur le plan tactique, cela peut se justifier. Mais,
sur le fond, comment se comporter face à cette attitude? Je peux vous
dire, en tout cas, que la loi 40 aurait sûrement été
différente si la CEQ n'avait pas donné ce mot d'ordre en 1979, si
elle ne l'avait pas répété, si elle n'avait pas
laissé
entendre qu'en ce qui concerne la loi 40, c'est-à-dire la
présence des enseignants aux conseils d'école, elle avait
l'intention d'adopter la même attitude, le même comportement, de
donner le même mot d'ordre. En somme, la loi 40 aurait été
différente à cet égard si la CEQ avait laissé
entendre ou garanti que ses membres pourraient participer aux conseils
d'école.
J'aimerais donc poser au président la question suivante, à
double volet: Pourquoi, en 1979, la CEQ a-t-elle interdit à ses membres
de participer aux travaux des conseils d'orientation? Pourquoi la CEQ a-t-elle
interdit à ses membres d'être présents aux conseils
d'orientation? Le deuxième volet de la question est le suivant: Est-ce
que la CEQ entend répéter cette interdiction à ses membres
de participer aux conseils d'école? C'est, d'ailleurs, la raison pour
laquelle nous avons dit: Les enseignants participeront aux conseils
d'école s'ils le désirent. Les enseignants participeront aux
conseils d'école non pas à titre égalitaire, justement
pour ne pas empêcher le fonctionnement des conseils d'école. Donc,
voici le deuxième volet de ma question: La CEQ entend-elle
répéter cette interdiction ou, au contraire, souhaite-t-elle la
participation de ses membres aux conseils d'école? Si oui, est-ce
qu'elle souhaite une participation ou une représentation paritaire aux
conseils d'école?
Le Président (M. Blouin): M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Dans le premier volet de sa question, le
ministre se réfère à 1979, à l'occasion de
l'adoption par l'Assemblée nationale de la loi 71 connue couramment dans
le milieu comme étant la loi sur les conseils d'orientation. Cela nous
ramène donc trois ou quatre ans en arrière et nous oblige
à reconstituer quelques éléments du contexte, sans quoi on
perd beaucoup à la discussion. À la fin de l'automne 1979 et au
début de l'année 1980, cela a été une
période très chaude dans l'avant-dernière ronde de
négociations. Il y avait eu des grèves dans le secteur public en
novembre et une grève dans le secteur de l'éducation à la
fin de janvier, début de février. On était donc en cours
de négociations et dans une période très serrée des
négociations.
Le gouvernement s'est retourné et a présenté,
à l'Assemblée nationale, un projet de loi, le 29 novembre 1979.
On sait ce que sont des projets de loi présentés dans les trois
ou quatre dernières semaines avant Noël. Première lecture,
le 29 novembre. Le ministre a parlé d'un débat. Nous avons
demandé une commission parlementaire pour faire entendre notre point de
vue là-dessus. Nous étions prêts. Le ministre de
l'époque nous l'a refusée, c'est-à-dire qu'il a
refusé d'entendre notre point de vue. Cela n'imposait pas seulement des
modifications à nos conditions comme salariés ou comme
enseignants, mais cela établissait aussi de nouveaux rapports avec les
autres catégories d'usagers, les parents, les administrateurs scolaires,
les directeurs d'école, etc. Dans cette loi, on faisait du directeur
d'école le président du conseil d'orientation. Des
énormités comme celle-là sont présentées le
29 novembre, ne peuvent être discutées par la voie d'un
débat public et son adoptées en troisième lecture le 21
décembre. Trois petites semaines dans le tohu-bohu d'une fin de session,
dans la période ultime d'une phase de négociations et,
aujourd'hui, on nous dit: Vous avez boycotté, vous avez interdit, vous
avez fait ceci, vous avez fait cela. Cela a réussi en plus. Merci
beaucoup.
On était en pleines négociations; on n'a pas eu la
possibilité de se faire entendre sur une mesure qui modifie nos rapports
entre nous et avec ceux qui nous entourent et ceux qui collaborent avec nous
à l'éducation; elle chambarde tout cela. Il y avait des
négociations en marche; on était dans le cours normal des
négociations, en train de préparer ou de réviser les
mécanismes, car il y en a et cela, le ministre omet de le dire. Dans
nombre de commissions scolaires et dans nombre d'écoles, il y a des
formules concrètes résultant d'ententes négociées
au plan local. On sait que, depuis longtemps, le chapitre de la consultation
est référé à bien des aspects au plan local. Il y a
donc une foule de comités pédagogiques élaborés, de
comités qui permettent la participation des enseignants et, dans bon
nombre d'endroits, cela fonctionne. Le ministre arrive et dit: Conseil
d'orientation pour tout le monde; en voici, d'ailleurs, le format: tant
d'enseignants, tant de parents et le président de cela est le directeur
d'école. Il faut que cela fonctionne, ce n'est pas discutable. La preuve
est qu'il l'adopte à la vapeur le 21 décembre.
Il faut faire attention. Je ne sais pas si le ministre est conscient des
dangers auxquels il s'expose en regardant comme cela en arrière et en
faisant des raccourcis rétrospectifs. Si jamais cela
l'intéressait, je pourrais lui relire des pages entières, non
tronquées, des programmes péquistes en éducation
adoptés depuis 1975, 1978, 1980 et 1982 et non réalisés.
Je ne les tronquerai pas; si jamais cela vous amuse de jouer dans les documents
d'une manière rétrospective, on va s'amuser, M. le ministre. Il
faut faire attention à cela et ne pas essayer de créer des
impressions qu'il y a du monde qui boycotte à temps plein.
Nous étions en train de négocier; nous étions
à la recherche d'accommodements et ce n'est pas une intervention
législative dont le gouvernement seul porte la responsabilité qui
devait nous déranger outre mesure dans
cette recherche de mécanismes qui résultent d'ententes
bilatérales. C'est cela qu'il faut chercher, au lieu de se faire
imposer... Et maintenant, le projet de loi 40 - c'est l'un de ses aspects les
plus détestables - encore une fois, va nous imposer des formules au lieu
de nous les laisser expérimenter et rechercher, et cela bloque la
recherche en plus. Je pourrais parler du conseil d'orientation; je peux vous
lire nos publications au complet et vous allez voir qu'on n'a interdit à
personne d'y participer, mais qu'on a recommandé des orientations et
c'est comme cela que cela s'est fait.
Il y a eu d'autres mécanismes de participation qui ont
été mis en place, cependant, autres que celui que le ministre
voulait mettre en place. Nous croyons que le ministre, à
l'époque, cherchait à contourner la négociation et
à diluer les mécanismes que nous étions en train
d'élaborer par la voie de la négociation. C'est pour cela qu'on a
eu cette attitude à l'égard du conseil d'orientation. Nous avons
proposé à la même époque - si le ministre lit nos
documents, il le verra - d'autres pistes pouvant nous permettre
d'établir de la collaboration, de la coopération avec nos
partenaires dans les écoles, et de telles modalités ont
été expérimentées. D'autres groupes en ont
témoigné, d'ailleurs, la semaine dernière devant vous. Je
crois que cela devrait mettre un terme à ces rappels, parce que cela
s'est fait dans des contextes qu'il fallait rappeler, je pense, pour ce qu'ils
sont.
Le deuxième volet de votre question: la loi 40 aurait
été différente si tel n'avait pas été notre
mot d'ordre. Que nous sommes donc puissants tout à coup! C'est
intéressant, quand même, de noter quelle force nous avons sur la
législation gouvernementale seulement en commandant à nos membres
de ne pas aller dans tel ou tel comité dans les écoles. C'est une
trouvaille importante. Nous allons, quand même, noter cette grande
influence que nous avons à travers ce comportement qui semble produire
beaucoup.
La CEQ entend-elle répéter ses mots d'ordre?
Écoutez, M. le ministre, on ne va pas discuter des fleurs du tapis si
vous ne nous permettez pas de discuter du tapis lui-même. Quel pouvoir,
quelle place, quel statut continuez-vous à vouloir donner aux conseils
d'école? Si vous en faites un palier décisionnel - vous avez
entendu le plaidoyer des directeurs d'école ici la semaine
dernière, qui ont évoqué les études de Roquet, les
études de Julien et compagnie, et tous les spécialistes en
arrière - si vous en faites un palier de pouvoir, pouvez-vous,
vous-même, nous demander en même temps de nous asseoir là
pour discuter de nos propres conditions, du plan d'effectifs, des affectations
et des mutations? Est-ce une formule logique? Est-ce que cela se tient debout
le moindrement? Vous nous demandez de participer à une instance qui va
disposer en gros de nos conditions et de nos relations. Si vous nous enlevez,
cependant, de la scène de discussion cette question de pouvoir, cette
question du palier décisionnel dans les écoles, on va pouvoir
parler de choses très intéressantes. Comme vous l'avez bien lu,
dans l'ensemble des politiques de la CEQ, il y a plein de propositions pour se
rapprocher sur le terrain de la coopération entre partenaires. Il y en a
plein en dehors des documents que nous avons lus aujourd'hui et il y en a
même dans le document - ces paragraphes ne vous ont peut-être pas
frappés dans le mémoire - autant à la page 30 qu'à
d'autres pages, qui soulignent que l'on peut certainement trouver des modes de
coopération pourvu qu'on nous débarrasse du palier
décisionnel dans l'école.
Si vous voulez simplement nous demander si on veut participer, sans vous
astreindre vous-même à une discussion sérieuse sur la
véritable justification de la nature du comité ou du conseil en
question, vous nous demandez de parler d'aspects secondaires plutôt que
des aspects principaux de la question, et je ne répondrai pas à
cela aujourd'hui. Discutons du fond des choses, reformulez votre loi et,
ensuite, on ira plus loin dans la discussion des détails.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le ministre.
M. Laurin: Oui, je comprends que la CEQ s'oppose à ce que
le projet de loi instaure un troisième palier de responsabilité
ou un troisième palier décisionnel au niveau de l'école.
Dois-je comprendre aussi que, si le projet de loi maintient ce troisième
palier de responsabilité, la CEQ refusera d'y participer, même si
sa représentation était paritaire avec celle des parents?
Le Président (M. Blouin): M. Charbon-neau. (12 h 30)
M. Charbonneau (Yvon): M. le ministre, vous faites cette semaine,
avec le même vocabulaire que je vous ai entendu utiliser la semaine
dernière, une équation à laquelle il faut justement
s'attaquer cette semaine. Vous dites "palier de responsabilités" et,
immédiatement après, vous dites "palier décisionnel" comme
s'il fallait, pour prendre des responsabilités, instaurer des
mécanismes décisionnels, comme s'il fallait créer un
troisième palier décisionnel au niveau de chacune des 2700
écoles du Québec pour assumer nos responsabilités dans
l'éducation. Tant que vous maintiendrez cette équation, vous
bloquez la discussion. Il n'est pas nécessaire d'instaurer un palier
décisionnel pour permettre aux agents de l'éducation d'exercer
leurs responsabilités au niveau des écoles. Si vous maintenez
toujours la
discussion sur le terrain du pouvoir, dans la sphère des
pouvoirs, vous bloquez la possibilité de trouver des véritables
convergences non pas sur les détails, mais sur le fond de la
question.
Nous ne sommes pas en chasse et en quête de pouvoir, ici. Nous
sommes à la recherche de modalités au niveau de l'école.
Nous pourrions prendre nos responsabilités comme éducateurs
côte à côte avec d'autres à qui nous reconnaissons la
fonction d'éducateurs, les parents, et d'autres à qui nous
reconnaissons des responsabilités, les étudiants, du moins pour
le niveau secondaire. Voilà notre objectif. Si vous revenez toujours en
termes de responsabilités égalent palier de décision et
qu'il n'y a pas d'autres manières de voir les choses, ce n'est pas
facile de discuter avec vous à ce moment-là. Si, à un
moment donné, vous êtes capables d'admettre qu'il y a d'autres
manières d'assumer des responsabilités qu'en créant des
instances où il se prend des votes, là, nous pourrons discuter de
formules. Avant les formules, il faut voir où est le fond de la
question.
M. Laurin: M. le Président, est-ce que la prise de
responsabilités n'implique pas une prise en charge, n'implique pas la
possession de moyens susceptibles de mettre en acte, en exécution, en
fonctionnement, ces responsabilités? Est-ce qu'un palier de
responsabilités conserve le moindrement quelque signification que ce
soit si on ne prévoit aucun instrument, aucun moyen pour que cette prise
de responsabilités se traduise sur le plan des réalités?
Comme le disait Jean-Paul Sartre à un moment donné, un pouvoir
qui n'a plus de main, une responsabilité qui n'a plus de moyen ne
constitue pas une véritable responsabilité. Dans ce que vous nous
dites ce matin, vous faites allusion à une responsabilité que
vous laissez en l'air, que vous laissez dans le vague, pour laquelle vous ne
prévoyez aucun moyen, aucun instrument susceptible de la faire passer du
champ de la théorie au champ de l'application. Ce matin, vous n'avez
fait aucune contreproposition à cet égard, sauf de vagues modes
de dialogue ou de coopération entre les divers intervenants de
l'école.
Le Président (M. Blouin): M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Oui, comme le disait ce dramaturge
français bien connu Armand Salacrou, nous ne sommes tous que des
apprentis cadavres. Je crois qu'au-delà des exercices de
littérature auxquels on peut se livrer de part et d'autre, il faut
toujours revenir au centre de nos préoccupations. On nous parle de
participation aux décisions, on nous parle de palier décisionnel.
Le ministre n'a pas fait la preuve devant l'opinion de la
nécessité absolument indispensable de créer un palier
décisionnel au niveau de l'école, d'habiller ce palier en conseil
d'école composé majoritairement de parents, avec une porte
entrouverte à d'autres agents. Il n'a pas fait la preuve que
c'était nécessaire et indispensable pour l'atteinte d'un service
d'éducation de qualité, pour répondre aux problèmes
que nous avons énumérés en première partie de notre
mémoire et aux autres problèmes que d'autres vous apportent ici
chaque fois qu'on ouvre un mémoire ou l'autre. La preuve n'est pas faite
du caractère indispensable de la nature que vous voulez donner à
ce palier. Bien entendu, au niveau de l'école, il faudra trouver une
formule.
Faisons l'hypothèse que vous faites pour l'ensemble de votre
projet de loi ce que vous avez fait tout à l'heure pour le chapitre des
relations du travail et que vous vous mettez à amender encore et encore.
À un moment donné, pris d'enthousiasme, vous amendez même
la nature des conseils d'école et vous n'en faites plus un palier
décisionnel. Faisons cette hypothèse, rose peut-être, mais
peut-être pas complètement irréaliste à force de le
redire et de vous le faire expliquer par ceux qui sont dans l'action
quotidienne. Peut-être qu'à un moment donné vous pourrez
arriver à cette conclusion. Si vous enlevez cela de là, tout de
suite, les gens sont à l'affût pour trouver des mécanismes
de coopération entre eux.
Ce n'est pas que nous qui disons cela. J'ai eu accès, par
exemple, à un sondage qui a été fait dans une école
importante de la banlieue de Québec, l'école secondaire des
Compagnons de Cartier, le même, d'ailleurs, qui a été
utilisé à Montréal auprès des parents. On posait
aux parents des questions à savoir s'ils voulaient participer aux
décisions ou être consultés; sur 17 objets qui leur
étaient soumis dont les plus importants étaient les projets
éducatifs, les objectifs de l'école, la discipline dans
l'école, le budget, la conduite des élèves, enfin tout ce
qu'il y a de majeur, les parents en ont pointé trois comme devant
être l'objet de décisions de la part: l'éducation sexuelle,
les modalités de leur participation - c'est bien normal - et le maintien
ou la fermeture de l'école; trois points seulement. Pour les quatorze
autres, souvent dans une relation de 2 à 1, on favorise la consultation
seulement. Quant à déterminer les orientations et les objectifs
de l'école, 60% se disent pour la consultation et 31% se disent pour la
décision. En ce qui concerne les visites éducatives, c'est 55%
contre 32%; pour les cahiers d'exercices, c'est 53% contre 20%; pour les
projets éducatifs de l'école, c'est 53% pour la consultation et
36% pour la décision. Il serait trop long d'énumérer tout
cela. Vous avez certainement accès à ces documents
qui, d'ailleurs, ne font que refléter les résultats des
consultations que le ministère de l'Éducation a faites,
résultats qui sont compilés dans vos propres sondages depuis
quelques années. Quand le gouvernement a fait connaître le livre
vert, les parents ont dit: Attention! On ne s'oriente pas tellement du
côté décisionnel, mais on veut être présents
et avoir une influence.
Le ministre devrait se rappeler cela et, s'il faut se recourir à
des citations, à des textes, à des titres et à des
pourcentages, vous avez plein de documents dans vos tiroirs qui montrent que
vous n'avez pas pris la bonne voie, que vous imposez au système quelque
chose qu'il n'a pas réclamé.
S'il vous plaît, à partir de cet exposé, cherchons
à améliorer le contrôle démocratique, par la
population, du système scolaire. Cela va se jouer au niveau du
gouvernement, des choix de gouvernement que la population va faire, et cela se
jouerait aussi, à notre avis, au niveau des commissions scolaires par un
mode amélioré de composition des commissions scolaires,
respectant en tout état de cause le suffrage universel, en conciliant et
non pas en opposant deux légitimités, celle qu'on a comme citoyen
de se mêler des affaires scolaires et celle qu'on a comme parent.
Qu'est-ce que vous avez réussi, jusqu'à maintenant, avec
votre proposition? À dresser les unes contre les autres commissions
scolaires et organisations de parents. Ce n'est pas la voie qu'il faut prendre.
Il faut chercher une voie qui concilie les intérêts et qui
organise ces intérêts dans des modes fonctionnels. On vous dit: Au
niveau de l'école pas de palier décisionnel. On va trouver des
formules de collaboration ensemble. On va s'arranger pour être
représentés et les parents aussi, auprès de la commission
scolaire. Dans la commission scolaire, les parents pourront aussi trouver le
moyen d'avoir accès au palier décisionnel à ce niveau,
là où cela compte, au lieu de mettre les écoles en
concurrence les unes avec les autres, en fausse concurrence, d'ailleurs.
Quand on est dans un village et qu'il faut envoyer les enfants à
l'école polyvalente à une distance de 25 ou 30 milles, est-ce
qu'ils ont le choix de l'autre école polyvalente, 20 milles plus loin?
Quels sont ces choix? Quand on est dans un village moyen," au Québec,
où il y a une école primaire, est-ce que j'ai le choix d'envoyer
mon enfant au village voisin? Quand on habite la ville de Québec,
à Sillery, par exemple, est-ce que j'ai le choix d'envoyer mes enfants
à Charlesbourg ou bien à Limoilou? Si j'habite Limoilou, est-ce
que je vais envoyer mes enfants dans une autre région de la ville? C'est
quoi, la nature de ces libres choix? Je crois qu'il n'y a pas vraiment une
réalité concrète derrière cela.
Il n'y a pas le besoin que vous énoncez d'enfler la notion de
projet éducatif jusqu'à en faire la base d'un conseil
d'école avec pouvoir décisionnel.
Le Président (M. Blouin): Cela va, merci.
M. le ministre.
M. Laurin: Je veux bien vous entendre, mais les parents ont,
quand même, cheminé depuis trois ou quatre ans. Les comités
d'école ont étudié avec beaucoup d'attention le livre
blanc que nous avons déposé en juin 1982. Tous les comités
d'école l'ont étudié avec soin. Ils ont aussi
étudié avec beaucoup de soin le projet de loi 40. Ils ont tenu
beaucoup d'assemblées aux niveaux local, régional et national et
ils sont venus nous dire deux choses aux audiences de la commission
parlementaire: la première, c'est qu'ils ne se satisfont pas du
rôle purement consultatif qu'ils ont eu jusqu'ici. Après dix
années de présence dans l'école, les 40 000 parents qui
oeuvrent au sein des comités d'école pensent qu'ils sont
prêts et motivés, qu'ils ont la capacité et la
disponibilité pour assumer maintenant un rôle plus important au
niveau de la prise de décisions. La deuxième chose qu'ils sont
venus nous dire, c'est qu'ils considèrent tout à fait normal que
le conseil d'école ait un rôle décisionnel au niveau de ce
qu'on appelle le projet éducatif. Cela veut-il dire que cela doit se
faire dans un climat d'opposition et de confrontation? Non, cela peut
parfaitement se faire dans un climat de concertation. Pourquoi dites-vous que
cela pourrait mener nécessairement ou inévitablement à des
confrontations alors que les parents sont venus nous dire qu'ils sont
prêts à assumer ce nouveau rôle, cette nouvelle
responsabilité, dans une optique de collaboration et de concertation,
à partir du niveau de compétence de chacun et dans le respect
intégral des compétences de chacun?
Le Président (M. Blouin): M.
Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Mme Gagnon va répondre à cet
aspect de votre question.
Le Président (M. Blouin): Mme Gagnon.
Mme Gagnon: Je vais essayer de faire un bout, M. le ministre, si
vous me le permettez. Vous avez raison de dire que, depuis le livre blanc - en
tout cas, de la lecture que j'ai faite des mémoires de la
fédération de parents, j'en arrive à la même
conclusion - les parents ont cheminé du côté du pouvoir et
qu'ils ne se contenteront plus d'un vague soin qu'on aurait
éventuellement de peut-être ou même obligatoirement les
consulter. Sauf que vous avez dû aussi voir
dans les mêmes mémoires qu'il y avait toujours une
espèce de veilleuse mise à l'intérieur de la plupart des
propositions des parents, qui vont parfois même dans le sens de renforcer
les pouvoirs que vous leur concédez, à savoir qu'ils ne veulent
devenir d'aucune manière les patrons ou les employeurs des personnels.
Ils ont toujours, à l'intérieur de leurs mémoires, ce
souci que ce travail se fasse en concertation le plus possible et de la
manière la plus collective. J'ai vu cela à l'intérieur des
mémoires et c'est conforme aux conversations que j'ai eues avec les
groupes de parents que j'ai rencontrés. Soit, là-dessus, on peut,
je pense, légitimement penser, de notre point de vue à nous,
qu'il y a un ver dans la pomme, c'est-à-dire qu'une fois la situation de
pouvoirs concédée, les rapports qui risquent de s'établir
sont effectivement des rapports de pouvoir et d'opposition.
M. Charbonneau disait tantôt: "Le jour où, dans une
école, on décidera de notre sort, peu ou prou, comme travailleurs
de l'enseignement, il se peut bien, nous connaissant comme vous nous
connaissez, qu'on n'attende pas d'être tous morts pour réagir." Je
pense qu'on devra sur les lieux mêmes de l'école se livrer
à la défense au minimum de notre existence et de notre survie.
Supposons que cela ne va pas là, soit! Ce que je comprends, moi, dans
l'attitude générale des parents, c'est qu'ils en ont ras le bol
d'être consultés pour la forme, comme plusieurs d'ailleurs,
sachant parfaitement qu'en bout de compte les gens qui les consultent ont
déjà pris les décisions, ou prendront celles, de toute
manière, qu'ils avaient pensé prendre avant les consultations.
(12 h 45)
J'affirme, pour ma part, compte tenu des positions de la centrale, que
l'école a, au moment où on se parle, effectivement les moyens des
responsabilités qu'on pense que l'école doit assumer. Il y a un
lien organique, pour nous, entre le projet éducatif, tel que vous
prétendez le défendre, les commissions scolaires qui,
éventuellement, se verraient remplacées par les écoles; de
tout cela, on pense qu'il n'est pas utile de se munir. Le gouvernement
régional que sont les commissions scolaires... En passant, on ne les
défend pas parce que c'est vieux et parce qu'on s'entend toujours bien
avec elles; on défend les commissions scolaires parce que c'est un
niveau qui permet aux gens d'avoir des moyens de se regrouper et de se faire
entendre. C'est un niveau de gouvernement qui est accessible à une
population donnée et qui peut présenter un contrepouvoir. Ce
n'est pas aux écoles de se substituer aux commissions scolaires et nous
ne pensons pas qu'il doive y avoir au Québec des projets
éducatifs locaux si divergents qu'on verrait apparaître des
écoles qui n'ont rien à voir les unes avec les autres et qui sont
en concurrence.
Compte tenu de cela, nous estimons que les écoles, avec les
aménagements qui s'imposent, avec des pouvoirs
délégués par les commissions scolaires, c'est entendu et,
à l'occasion, parfait, avec des mécanismes de concertation entre
les agents, ont parfaitement les moyens d'assumer les responsabilités
qu'on pense qu'au Québec elles doivent assumer.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Gagnon. M. le
ministre.
M. Laurin: De toute façon, M. le Président, les
parents ne se satisfont pas de ce rôle que vous décrivez et qui
paraît, selon vous, exister dans l'école actuelle. Ils nous l'ont
dit d'une façon qui ne laisse place à aucune équivoque.
Quand vous dites que cela mènera nécessairement à un
climat de confrontation ou à un rôle autoritaire des parents, on
peut souligner, encore une fois, que, si les enseignants participaient,
promettaient ou garantissaient de participer d'une manière plus
marquée au conseil d'école, ce rôle d'autorité des
parents serait beaucoup moins marqué qu'il ne semble l'être dans
le projet de loi 40.
Par ailleurs, les parents, même s'ils sont majoritaires, ne
seraient pas en mesure d'exercer toutes les parties de l'autorité
puisqu'ils nous ont dit et répété à plusieurs
reprises qu'ils entendent, encore une fois, respecter la compétence et
le niveau de spécialisation de chacun des intervenants à
l'école. Ce qui est visé, c'est, bien sûr, la fixation
d'objectifs communs, c'est-à-dire l'amélioration des services
éducatifs, la création d'un environnement éducatif de
qualité, la création d'un projet éducatif qui
reflète les besoins des clientèles, les aspirations du milieu,
les faiblesses que chacun des intervenants peut constater au niveau de
l'école, des mesures et un plan d'action qui visent le
développement optimal et intégral des enfants dans toutes les
dimensions de leur personnalité, mais ceci implique
nécessairement un exercice collégial des fonctions de
responsabilités dans le respect des compétences de chacun.
L'objectif est commun, mais les modalités d'intervention de
chacun se font à partir de ce qu'il connaît: la connaissance des
enfants, la connaissance des méthodes pédagogiques. Je ne vois
pas pourquoi vous vous opposeriez tellement à ce que chaque école
possède son projet éducatif. Il ne s'agit pas d'établir
une compétition entre les écoles. Il s'agit plutôt
d'établir une émulation au sens très positif du terme
entre les écoles. Même si les projets éducatifs sont divers
d'une école à l'autre, n'est-ce pas normal, puisque le projet
éducatif reflète ainsi la diversité des clientèles,
la diversité des aspirations des milieux, la diversité des
conditions qui prévalent dans tel milieu
déterminé?
Encore une fois, si les enseignants se retrouvaient d'une façon
plus évidente, plus sûre et plus garantie au niveau de ce conseil
d'école, il n'est pas dit du tout que ceci mènerait au climat de
confrontation. Je me demande pourquoi vous n'êtes pas d'accord avec cette
perspective plutôt positive. On sait que parfois la concertation est
difficile à établir, mais, si on ne le tente jamais, comment
pourra-t-on y arriver?
Le Président (M. Blouin): M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): M. le ministre, là-dessus - nous
vous demandons de réfléchir à nouveau aux fonctions ou aux
pouvoirs -vous avez enlevé le mot "pouvoirs" et mis le mot "fonctions"
mais à d'autres places, on voit que vous parlez de
"déléguer les pouvoirs du conseil d'école", alors, cela
revient au même - à la juridiction que vous voulez confier au
conseil d'école. Dans la mesure où vous révisez votre
orientation actuelle pour en faire un palier décisionnel, dans la
même mesure, je m'engage à ce qu'il se fasse dans notre
organisation les débats nécessaires pour qu'on trouve des
modalités de coopération au niveau des écoles, des
modalités concrètes, effectives, comme il existe, d'ailleurs, au
niveau de plusieurs territoires. Je crois qu'à ce moment-là, si
vous pouvez faire ce mouvement, nous pouvons faire l'autre, comme c'est
déjà, d'ailleurs, entrepris.
Vous savez, quand on regarde un peu en arrière - tout à
l'heure, vous citiez nos positions de 1983 - vous étiez au Parlement en
1971 quand nous poussions dans le dos du gouvernement de l'époque,
à propos des projets de loi 27 et 28, pour qu'il restructure les
commissions scolaires, qu'il les intègre, qu'il rende plus fonctionnels
le primaire et le secondaire ensemble, etc. Nous étions présents
dans le débat à l'époque pour que tout cela se
réorganise. Si on veut regarder les positions historiques, vous savez
aussi que nous avons été les défenseurs du droit des
parents à intervenir au niveau de la commission scolaire, à
être présents dans la commission scolaire par un de leurs
représentants. Nous nous sommes élevés contre des
injonctions que le gouvernement ou certaines commissions scolaires ont prises
contre des parents parce que, en temps de négociation, ils avaient des
rapports avec les enseignants dans une municipalité à l'ouest de
Montréal. Nous avons accepté, en février 1976, des parents
à la table de négociations, ce que le gouvernement ne voulait
même pas faire à l'époque. Nous sommes les pionniers,
à toute fins utiles, les premiers dans le système scolaire
à avoir défendu le droit de cité, de dire et de
décider, le droit d'intervention des parents dans le système
scolaire à travers toute l'histoire des dix ou douze dernières
années. Aujourd'hui, on ne veut pas se faire faire des leçons
là-dessus. Nous avons défendu cela alors qu'il y avait
très peu de voix qui le faisaient à l'époque. Nous sommes
heureux de voir qu'il y a de l'évolution et qu'il y a moyen d'aller plus
loin qu'auparavant. Mais nous disons: Attention! Se mettre la main à
trois mille endroits, cela pourrait aussi être se mettre dans un
système où on ne décidera pas de grand-chose comme
parents. Être présents dans 100, 125 ou 150 commissions scolaires,
là où cela compte, là où on peut organiser des
services sur une longue période en complémentarité,
appliquer le projet éducatif aux besoins d'une région, soit.
Aujourd'hui, j'ai un enfant qui est au préscolaire; l'an
prochain, il sera au primaire et cela pendant six ans. Il y en a un autre qui
arrive. On est ensuite au secondaire et j'ai deux ou trois enfants. C'est cela
le portrait de la famille moyenne au Québec. On a des
intérêts pas seulement à une école à la fois,
mais on en a à plusieurs niveaux et à plusieurs écoles.
C'est cela, un parent complet. Je ne suis pas parent d'une petite fille de
deuxième année. Je suis parent d'un enfant qui va faire de
l'école à partir du préscolaire jusqu'à la fin du
secondaire. C'est de cela qu'on est parent, quand on est parent.
À ce moment-là, si on ne veut pas couper tout cela en
petits morceaux, mais donner, justement, aux parents une prise sur le
système en fonction des intérêts de leur enfant à
travers dix ou douze ans de fréquentation, créons un lieu
d'accès où cela va compter; ne les amusons pas sur la couleur du
projet pédagogique au niveau de l'école classe blanche ou classe
verte, ni sur des détails. Ils sont prêts à être
consultés, à dire leur mot, nous sommes prêts à
regarder des choses avec eux. Ne concentrons pas nos énergies du
côté des voies secondaires et sans issue. Ce sont des
énergies précieuses, il faudra des milliers et des milliers de
parents, 25 000 ou 40 000, pour combler ces instances. Le temps qui se
dépense là-dedans est très précieux et faisons-le
servir à quelque chose qui compte. Nous sommes prêts à
collaborer dans cette voie-là.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le ministre.
M. Laurin: Oui, j'aimerais revenir sur cette question de la place
des enseignants dans l'école. Ne croyez-vous pas, M. le président
de la CEQ, qu'actuellement la Loi sur l'instruction publique ne prévoit
aucune place pour les enseignants ni au niveau de la commission scolaire, ni au
niveau de l'école? Ce que veut le projet de loi, c'est augmenter la
présence des enseignants au
niveau de l'école, c'est la rendre également plus
effective. Il y a plusieurs articles dans le projet de loi qui prévoient
une place accrue, plus importante au niveau de l'école pour les
enseignants. Je vais faire distribuer aux membres de la commission une liste
des pouvoirs que le projet de loi 40 accorde aux enseignants au niveau de
l'école. Je ne veux pas citer tous les articles, mais il n'y a aucun
doute que, si les articles 76, 77, 78, 39, 28, 91, 67, 68, 69, 185, 97, 99,
104, 105, 113, 307 du projet de loi 40 sont appliqués les enseignants
verront leur importance consacrée au niveau de l'école et qu'ils
pourront s'ils veulent bien assumer ces responsabilités, jouer un
rôle extrêmement important au niveau de l'école. Lorsqu'on
compare la loi actuelle de l'instrution publique, qui ne prévoit rien,
nulle part, pour l'enseignant, et le projet de loi 40 qui assure aux
enseignants une place marquée, importante à tous égards,
que ce soit sur le plan de l'adaptation du régime pédagogique, la
création de la grille horaire, la maquette temps pour les enseignants,
l'enrichissement des programmes, ne croyez-vous pas que les enseignants, en
assumant ces responsabilités, verront enfin consacrée
l'importance de leur rôle au niveau de l'école?
Le Président (M. Blouin): M. Charbon-neau, rapidement,
s'il vous plaît!
M. Charbonneau (Yvon): Mon collègue Robert Bisaillon va
répondre à cette question.
Le Président (M. Blouin): M. Bisaillon.
M. Bisaillon (Robert): II ne faudrait pas que vous pensiez que
les enseignants n'ont pas vu le projet de loi 40. Justement, ils ont vu le
projet de loi 40 et ils savent qu'il suit les décrets et, dans l'un
comme dans l'autre, ils considèrent que leur place a diminué.
C'est, quand même, curieux de voir comment on peut
intrépéter les choses différemment.
Quand vous dites que la Loi sur l'instruction publique n'accorde aucune
place aux enseignants, faut-il vous rappeler que nous avions jadis
négocié un certain nombre de mécanismes, tant au niveau de
l'école qu'au niveau de la commission scolaire, par lesquels les
enseignants se sentent tout à fait représentés? Sauf
qu'à l'instar des parents, qui revendiquent non pas le pouvoir, mais
qu'on tienne compte de leur avis lorsqu'ils sont consultés, c'est cela,
le genre de place qu'on veut. On n'a jamais demandé plus de pouvoirs. On
a simplement demandé de ne pas faire semblant que nous ne sommes pas
là lorsqu'on est là. Or, la place des enseignants, à
l'heure actuelle, dans l'école, du point de vue des enseignants, elle
n'existe pas ou de moins en moins, non pas en fonction des niveaux de pouvoir,
absolument pas, mais en fonction de la reconnaissance qu'on ne leur accorde
plus en termes d'autonomie, en termes de conditions de travail, en termes de ce
qui fait qu'un enseignant a à un moment donné les ressources qui
vont avec ses responsabilités. C'est à ce niveau-là - je
remarque que le ministre n'écoute pas, ce n'est pas grave...
M. Laurin: Je vous entends très bien, M. Bisaillon.
M. Bisaillon (Robert): ...que les enseignants sentent qu'ils ont
de moins en moins de place dans l'école. L'offre que vous leur faites
dans le projet de loi, c'est d'avoir deux représentants au conseil
d'école décisionnel et, ce matin, tout à coup, vous parlez
d'autre chose. Vous savez ce qui se passe à l'heure actuelle dans les
commissions scolaires; lorsqu'un syndicat, choisi par les enseignants justement
pour les représenter, va voir une commission scolaire pour discuter avec
elle, par exemple, d'une grille matières, il se fait répondre:
Nous ne pouvons plus parler avec vous parce que, dorénavant, ce sont les
écoles qui dirigent.
C'est ce genre de place qu'on avait, qu'on s'était
négociée, qu'on demande de continuer à avoir. On s'en
satisfait parfaitement, le reste étant la responsabilité de la
commission scolaire ou de l'école qui en tient compte, si elle le veut
bien ou qui n'en tient pas compte, si elle ne le veut pas. On ne revendique pas
des pouvoirs; on n'en veut pas. On veut la paix, d'une certaine façon.
Sacrez-nous patience avec les pouvoirs, mais permettez-nous de travailler selon
les responsabilités qu'on a. On n'en demande pas plus.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Bisaillon. Nous allons
maintenant suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures. Je rappelle aux
membres de la commission qu'il serait souhaitable que nous puissions
réintégrer le salon rouge quelques minutes avant le début
de nos travaux pour que nous commencions à temps.
Comme tout le monde l'aura compris, nous poursuivrons nos
échanges entre les membres de la commission et les représentants
de la Centrale de l'enseignement du Québec. Sur ce, nous suspendons nos
travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise de la séance à 15 h 4)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît;
La commission élue permanente de l'éducation reprend
maintenant ses travaux. J'invite donc les représentants de la Centrale
de l'enseignement du Québec à venir
reprendre leur place à la table des invités. S'il vous
plaît! Comme cela a été convenu avant que nous suspendions
nos travaux pour l'heure du dîner, je donne maintenant la parole à
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je salue avec plaisir la
présence des dirigeants de la Centrale de l'enseignement du
Québec à cette commission parlementaire.
Le mémoire qu'on nous a présenté ce matin a
dû, forcément, être résumé par les
porte-parole de la centrale, mais ceux d'entre nous qui ont eu l'occasion de le
lire en entier savent qu'il s'agit d'un mémoire très substantiel,
qui va au coeur du problème et qui a le mérite particulier de
nous centrer sur les deux questions essentielles que soulève le projet
de loi 40, c'est-à-dire, d'une part, la qualité de l'enseignement
qui doit être assurée par-delà toute chose et,
deuxièmement, la qualité du contrôle démocratique
que la collectivité exercera sur le fonctionnement du système
d'enseignement.
Ce matin, on a parlé très longtemps des droits des
travailleurs syndiqués qu'il faudrait veiller à protéger,
si jamais le projet doit devenir loi. J'aurai l'occasion d'en dire un mot
tantôt. C'est un aspect très important. Or, je crois que les deux
aspects vraiment essentiels sur lesquels notre attention doit demeurer
centrée sont, d'une part, la qualité de l'enseignement et,
d'autre part, le contrôle démocratique de l'enseignement.
Dans cette perspective, je voudrais souligner que, contrairement
à ce qu'ont pu laisser entendre les propos initiaux du ministre de
l'Éducation ce matin, je n'ai pas eu l'impression que nous étions
en présence d'un mémoire négatif. Le ministre a
laissé entendre que l'opposition de la Centrale de l'enseignement du
Québec au projet de loi 40 ne l'étonnait pas, vu que la centrale
se serait plus ou moins systématiquement opposée à tout ce
qui s'est fait de bien dans ce domaine depuis de nombreuses années. Je
voudrais dire qu'on peut être positif, M. le ministre, tout en
étant en désaccord avec le gouvernement.
Ce que j'ai cru saisir dans le mémoire qui nous a
été présenté ce matin, c'est une vision
éminemment positive dans la perspective des deux éléments
essentiels que j'ai mentionnés. Le souci de la qualité de
l'enseignement est au moins aussi grand chez ceux qui nous ont parlé ce
matin au nom de la Centrale de l'enseignement du Québec que chez
n'importe quel des membres de la commission parlementaire permanente de
l'éducation, y compris évidemment le ministre de
l'Éducation, excepté que c'est une autre conception qu'on nous
présente. C'est une conception très différente de la
manière dont il convient de rechercher une qualité plus grande
dans l'enseignement et un meilleur contrôle démocratique. On peut
être très positif sans, encore une fois, partager l'opinion du
gouvernement.
Je soulignerai que, pour ma part, c'est la quatrième fois depuis
moins d'un an que j'ai l'occasion d'entendre des représentants de la
Centrale de l'enseignement du Québec en commission parlementaire. Une
première occasion s'était présentée en mars
dernier, lors du conflit qui sévissait dans les écoles à
la suite de l'adoption des lois autoritaires que l'on sait, en particulier la
loi 105 qui décrétait unilatéralement, jusque dans le
moindre détail, les conditions de travail des enseignants. Je pense
qu'à cette occasion nous avions eu une rencontre éminemment
positive qui fut marquée par quelques incidents spectaculaires, mais
dont le contenu général a eu une influence certaine sur la
décision qui fut prise par la suite de rechercher une solution par la
voie de la conciliation, approche qu'avait toujours refusée jusque
là le gouvernement.
En décembre dernier, la Centrale de l'enseignement du
Québec est venue à deux reprises devant une commission
parlementaire. Tout d'abord, elle est venue devant la commission qui
étudiait le projet de loi 57 visant des modifications à la loi
101, la Charte de la langue française. La contribution fournie à
ce moment fut éminemment constructive; certains éléments
ont d'ailleurs pu être retenus parce qu'ils apportaient des
améliorations intéressantes.
De même, à la commission parlementaire de
l'éducation, nous avons rencontré en décembre Mme Gagnon,
la vice-présidente de la centrale, accompagnée d'une
délégation qui représentait le secteur de la Centrale de
l'enseignement du Québec qui oeuvre dans le domaine collégial.
Encore là, nous avons eu une présentation éminemment
positive dont nous souhaitons, d'ailleurs, que les effets s'en
répercutent dans les décisions que devra prendre le ministre au
sujet de son projet de règlement des études collégiales.
Alors, c'est la quatrième rencontre aujourd'hui et, dans l'ensemble,
toutes ces rencontres de la CEQ avec l'institution parlementaire,
représentée dans trois occasions sur quatre par la commission
permanente de l'éducation et à une autre occasion par la
commission des communautés culturelles et de l'immigration, se sont
soldées par un bilan nettement positif.
Évidemment, je comprends la réaction du ministre, parce
que quiconque présenterait un projet de loi comme le sien souhaiterait
que tout le monde qui en parle en traite de manière favorable. C'est un
réflexe normal que je ne condamne pas chez le ministre. Je le comprends.
Je lui demande de faire le même effort pour comprendre ceux qui expriment
les opinions contraires à celles du gouvernement. L'opposition des
enseignants
est ferme, elle est catégorique, elle est fondamentale. Le
président de la centrale l'a dit tantôt, à la suite des
objections qu'il soulève à l'encontre de certains aspects
essentiels du projet de loi, la Centrale de l'enseignement du Québec est
conduite à demander le retrait du projet de loi. Elle ne veut pas de
rapiéçage. Elle ne veut pas de négociation à la
pièce pour savoir si on peut rafistoler tel ou tel article. C'est
l'économie générale du projet de loi qu'elle trouve
boiteuse et je pense que c'est notre devoir, comme parlementaires, de
l'enregistrer.
Cette opposition que nous avons entendu exprimer n'est d'ailleurs pas
une première dans l'expérience que la commission parlementaire
vit depuis une semaine. Le témoignage de la Centrale de l'enseignement
du Québec vient s'ajouter à celui des commissaires
d'école. Vous savez, on nous a joué une petite saynète la
semaine dernière. On nous a amené des représentants de
quelques commissions scolaires individuelles au début des audiences de
la commission, choisis soigneusement par le ministre et ses collaborateurs pour
impressionner la galerie. En questionnant ces gens des commissions scolaires,
on s'est aperçu que, même sur des aspects essentiels du projet de
loi, ils étaient loin d'être nécessairement d'accord avec
le gouvernement. D'ailleurs, il y en a qui sont venus dire ici - on aura ces
choses-là dans les comptes rendus des travaux de la commission - des
choses qui ne vont pas du tout dans le sens de ce que le projet de loi demande.
Plus fondamentale a été la comparution de la
Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec
qui est venue exprimer avec beaucoup de vigueur une position
foncièrement contraire à celle du gouvernement.
Par conséquent, de la part de ces milliers de citoyens qui
détiennent dans le système scolaire public du Québec une
responsabilité reposant sur un mandat démocratiquement
reçu de leurs concitoyens, il y a une opposition fondamentale au projet
de loi. Les directeurs généraux des commissions scolaires dont le
ministre avait lui-même reconnu, à l'occasion du conflit des
enseignants en mars dernier, qu'ils étaient parmi les témoins les
mieux informés, les plus compétents, les plus avertis que l'on
puisse songer à rencontrer à l'occasion d'un débat
semblable sont venus dire au ministre avec beaucoup de politesse,
évidemment -dans des termes moins durs que ceux qu'on a pu entendre ce
matin, mais le langage de fond était le même - que son projet est
irrecevable. Ils lui ont demandé purement et simplement de le
retirer.
Vendredi dernier, l'Association des cadres scolaires, laquelle regroupe
tous les éléments qui ne sont pas des salariés
syndiqués du côté pédagogique et administratif mais
qui sont en dessous des directeurs généraux dans la structure
d'autorité à l'intérieur de notre système
d'enseignement, est venue dire au gouvernement: Si vous voulez rendre service
à la qualité de l'enseignement, le mieux que vous puissiez faire
serait de retirer votre projet. Ils nous l'ont dit avec force explications.
Surtout, on a eu l'occasion d'avoir des échanges, au niveau des
questions pédagogiques, qui ont été parmi les plus
éclairants que nous ayons eus jusqu'à maintenant.
Dans son mémoire, la Centrale de l'enseignement du Québec
a souligné l'absence des étudiants. En entendant cette partie du
mémoire, ce matin, j'ai révisé la liste des organismes que
le ministre, dans sa sagesse, a jugé opportun d'inviter à se
présenter devant la commission. Le seul organisme étudiant que
j'ai trouvé sur la liste est un regroupement d'étudiants
universitaires dont nous avons pu constater, lors de l'étude d'un projet
de loi concernant la syndicalisation étudiante, qu'il est assez
faiblement représentatif. C'est un organisme contre lequel je n'ai
absolument rien, mais qui nous a dit lui-même qu'il représentait
les étudiants d'un nombre très limité d'institutions.
J'espère que le gouvernement verra à ce que le point de vue des
étudiants soit entendu par cette commission de manière plus
complète que ce qu'indique la liste portée à notre
connaissance jusqu'à ce jour.
Par conséquent, ce ne sont pas des oppositions marginales. Ce ne
sont pas des petits groupes de mécontents, d'agitateurs ou de
dévoyés civiques ou sociaux qui s'opposent à votre projet
de loi, M. le ministre, c'est à peu près tout ce que le milieu de
l'enseignement public québécois compte d'artisans professionnels.
Les directeurs d'école sont venus soutenir un autre point de vue,
l'autre jour, par l'intermédiaire de l'Association
québécoise des directeurs d'école, on a constaté en
les interrogeant que, sur certaines questions de fond, ils n'avaient pas
d'explication valable. Quand on a demandé à M. de Guire, de qui
va relever le directeur d'école, il voudrait bien qu'il relève de
la commission scolaire dans tout ce qui touche sa sécurité et les
avantages dont il jouit, mais il voudrait que pour le reste il relève
d'une autre autorité. Il n'y a personne de censé qui va accepter
une chose comme celle-là. D'ailleurs, on n'a pas eu de réponse
à cette question fondamentale qui a été adressée,
l'autre jour, à l'Association québécoise des directeurs
d'école.
M. le ministre trouve refuge dans l'argument des parents en nous
disant: Oui, les parents demandent ceci. Je dis au ministre une chose:
Comme ministre, sa fonction n'est pas de donner satisfaction à tout prix
à une association, c'est de tenir compte de l'ensemble des points de vue
qui lui auront été présentés et des
intérêts du
groupe qui représente les comités de parents dans les
commissions scolaires en considérant également le point de vue et
les intérêts légitimes de tous les autres agents du
système d'éducation. De la manière dont les
témoignages s'accumulent, je pense que le ministre va avoir le fardeau
de la preuve. Il l'a déjà, d'ailleurs. Quand on présente
un projet de loi d'aussi grandes conséquences, on a la
responsabilité de prouver aussi qu'il répond à des voeux
assez largement répandus dans la population. De ce câté-ci,
les interrogations se multiplient et s'aggravent à mesure que nous
progressons dans nos travaux.
La présence de la Centrale de l'enseignement du Québec
nous aide également à réaliser de manière
peut-être plus concrète la place absolument insatisfaisante que le
projet de loi 40 fait à l'enseignant dans le système
d'enseignement réorganisé que l'on nous propose. Le ministre a
cité tantôt une série d'articles. Je pense que c'est le
gouvernement qui a distribué cette note intitulée "La place des
enseignants dans le projet de loi 40". On pourrait citer tous ces articles.
Nous les connaissons tous, les articles qui traitent du rôle de
l'enseignant. D'abord, c'est dispersé un petit peu partout et
éparpillé à différents endroits dans le projet de
loi. Il faut faire un travail de rapaillage pour avoir une idée
d'ensemble de ce que cela représente. Nulle part, dans le projet de loi,
on ne trouve une définition claire, une énumération claire
des fonctions essentielles et majeures de l'enseignant dans le système
d'enseignement. On aurait été mieux de prendre le texte des
conventions collectives - qui sont malheureusement des décrets, pour
l'instant - où on aurait trouvé une énumération qui
m'apparaît encore incomplète, mais qui va plus au coeur des choses
que cette espèce de salmigondis d'articles dispersés, disparates
qu'on trouve dans le projet de loi et dont plusieurs ne rendent compte que de
manière bien imparfaite de ce qu'on voudrait exprimer.
Je pense que c'est un des défis majeurs du gouvernement. S'il
veut procéder avec son projet de loi, il faut absolument qu'il
réussisse à définir la place et le rôle de
l'enseignant dans le système d'une manière qui soit satisfaisante
au jugement des intéressés. Il me semble que, lorsque le
gouvernement fait une loi en matière syndicale, il s'arrange pour
travailler avec les parties au maximum. S'il en arrive à des
dispositions qui ne satisfont ni les uns ni les autres, il y a un
problème. Il est obligé de remettre son ouvrage sur le
métier. Dans ce cas-ci, je pense que cet aspect du projet de loi, la
place et le rôle des enseignants, laisse énormément
à désirer.
J'ajoute un autre élément à propos du sujet qui a
pris beaucoup de temps ce matin: la question des droits syndicaux. Je ne suis
pas en mesure de commenter maintenant les déclarations qu'a faites le
ministre là-dessus parce que nous sommes dans un domaine
extrêmement complexe. On l'a vu, d'ailleurs; le projet de loi a fait
l'objet de travaux pendant des mois au gouvernement et on a été
obligé de nous arriver avec une liste de modifications
considérables. Il n'y a pas encore eu de négociations entre les
intéressés. Quand vous êtes obligés, si jamais le
reste du projet de loi devenait acceptable, de vous mettre à table pour
harmoniser les points de vue des uns et des autres, c'est une tâche
énorme. Il faut avoir un peu de connaissance de ce qu'implique la
négociation sur ces questions-là pour savoir que ce n'est pas une
déclaration lue d'une demi-heure de la part d'un des
éléments intéressés, de la part du parrain du
projet qui va disposer de ces questions. Il reste énormément de
travail à faire. Ce que je crois constater, c'est que le gouvernement
n'a pas bien mesuré la portée du changement qu'il veut
introduire.
Nous fonctionnons maintenant, depuis une génération, sur
la base d'un régime de relations bipolaires dans le système
d'enseignement. On peut dire que le mode de négociations qu'incarne
notre système de relations du travail est absolument central dans tout
le fonctionnement du système d'enseignement et on voudrait lui
superposer un autre mode de relations qui relève d'une autre
philosophie, d'une autre logique. C'est évident qu'à mesure qu'on
va serrer le contenu des articles de près on va constater des points
d'accrochage qui seront extrêmement nombreux et dont la plupart peuvent
difficilement être prévus à l'heure actuelle. C'est le
droit du gouvernement d'envisager un changement fondamental de régime et
je lui dis qu'il va falloir qu'il ajoute bien d'autres points particuliers
à ceux déjà très nombreux qu'a
énumérés le ministre ce matin pour disposer d'un
problème aussi fondamental et aussi délicat, aussi complexe que
celui-là.
On a parlé beaucoup de la loi 71, ce matin. Je serais
plutôt d'accord avec le président de la Centrale de l'enseignement
du Québec pour considérer que ça ne donnera pas
grand-chose de refaire de manière détaillée le
procès de tout ce qui a pu arriver au cours des cinq dernières
années. Nous savons, cependant, deux choses, entre autres. Tout d'abord,
nous savons que la structure qu'on avait voulu rendre officielle avec la loi
71, en 1979, ne s'est pas concrétisée dans les institutions,
contrairement à ce qu'avait décrété le
législateur.
Deuxièmement, même si cette structure ne s'est pas
concrétisée, il s'est réalisé dans un très
grand nombre d'institutions d'enseignement des expériences de
collaboration et de concertation qui, dans de nombreux cas, ont
été excellentes. Il ne faudrait pas
conclure, M. le ministre, parce que la structure définie
unilatéralement et autoritairement par le législateur - le
législateur sous l'influence de la majorité gouvernementale en
1979 - n'a pas donné tous les résultats officiels que vous
attendiez, que rien de bon ne s'est fait sur le terrain. Au contraire,
là où on ne s'est pas trop empêtré dans les
structures, il y a eu des expériences de concertation et de
collaboration - direction d'école, personnel enseignant et non
enseignant, parents, élèves dans bien des cas, qui ont pu
être excellentes. Si le gouvernement avait dit: On va faire un
relevé de toutes ces expériences et on va essayer de
légiférer à partir de cela, peut-être aurait-il
conclu, d'abord, qu'il n'était pas nécessaire de
légiférer.
Deuxièmement, s'il avait conclu à la
nécessité de légiférer, il ne serait pas
arrivé avec un projet aussi uniformisant que celui qu'on nous propose
actuellement. J'ai l'impression que le gouvernement s'apprête à
répéter exactement la même erreur qu'en 1979, sans savoir
où il s'en va. On a demandé: Avez-vous un cahier
d'expériences valables pour appuyer une formule comme celle que met de
l'avant le projet de loi 40? Tout ce qu'on a, ce sont des bribes, des bribes
d'expérience qui n'ont même pas été
vérifiées avec des critères d'évaluation le
moindrement sérieux. Si on nous avait dit qu'on a fait une cinquantaine
d'expériences dans le sens de ce qu'on propose, qu'on a fait
évaluer cela - pour prendre une source que le ministre affectionne de
citer depuis quelques jours - par la faculté des sciences de
d'éducation de l'Université McGill d'une manière
impartiale et indépendante et en voici les résultats, cela
pourrait être excellent. Je serais moi-même prêt à
réviser plusieurs de mes opinions, mais on n'a rien de cela. On nous
arrive avec des petits récits embryonnaires et des désirs
d'autorité plus grande de tel ou tel secteur de la société
et on nous dit: Voici ce qu'on a conçu pour cela. Je vous le dis, M. le
ministre, je pense que vous allez commettre exactement la même erreur qui
a été commise en 1979, assez curieusement par le même
gouvernement. Il me semble que vous auriez pu être instruit par cette
expérience et en tirer des éléments qui auraient pu
être très utiles.
J'ai remarqué que le ministre a pris une heure et demie, ce
matin, pour interroger la CEQ et discuter avec elle. Je n'ai pas d'objection,
c'est une rencontre importante et, que le ministre veuille prendre tout le
temps dont il estime avoir besoin, je n'ai pas d'objection. Je le
préviens tout de suite que je prendrai beaucoup moins de temps que cela.
Cependant, vous remarquerez qu'il n'a pas été question de la
qualité de l'enseignement. On a passé la moitié de cette
période d'échanges sur la question des droits des enseignants et
l'autre moitié sur des questions de structures. Mais la qualité
de l'enseignement, elle, les objections très nombreuses qui ont
été formulées à l'encontre du projet sous l'angle
de la qualité de l'enseignement, il n'en a pas été
question. J'insiste beaucoup pour rappeler...
M. Laurin: J'y arrivais.
M. Ryan: Le ministre me dit qu'il y arrivait mais par
condescendance, j'imagine, il n'a pas décidé de prolonger
davantage l'échange, se rappelant qu'il y avait une douzaine d'autres
membres autour de la table qui ont aussi un certain nombre de questions qu'ils
veulent discuter avec les représentants de la CEQ. Quoi qu'il en soit,
cela reste au coeur du problème. Je vous l'ai dit dès le
début, M. le ministre, au nom de notre formation politique et de
nombreux autres témoins qui sont venus ici et qui vous l'ont
répété, il y a des difficultés fondamentales qui
sont soulevées par le projet de loi 40 et qui n'ont pas encore
trouvé de réponses.
Je mentionne seulement un exemple en passant: l'éducation des
adultes. On ne peut pas régler le problème de l'éducation
des adultes de manière aussi sommaire que le fait le projet de loi 40.
Si c'est le genre de synthèse que vous vous apprêtez à
livrer au public à la suite des travaux de la commission Jean, si les
articles où il est question de manière généralement
évasive et imprécise de l'éducation des adultes dans le
projet de loi 40 constituent un élément important de la
réponse du gouvernement aux travaux de la commission Jean et à
ses recommandations, je pense que cela fait assez minable, tout compte fait. Je
pense qu'il y a de quoi s'inquiéter grandement de ceux qui ont
présentement la responsabilité de l'éducation entre leurs
mains au nom de la collectivité.
J'en viens à un dernier aspect, soit le contrôle
démocratique qui doit s'exercer sur l'enseignement. J'ai cru comprendre
- je ne veux pas mal interpréter les propos qui nous ont
été communiqués ce matin - que, fondamentalement, la
Centrale de l'enseignement du Québec veut conserver le système
général que nous avons actuellement, c'est-à-dire un
système qui comporte évidemment des écoles, des
établissements d'enseignement, des services éducatifs de toutes
sortes et qui comporte, au niveau régional, un organisme directeur,
élu au suffrage universel, de préférence par les citoyens
- on y reviendra tantôt, car je ne veux pas prêter aux gens de la
CEQ des idées qu'ils n'auraient point - et, troisièmement, un
ministre investi de pouvoirs réels pour agir au nom de la
collectivité. J'ai remarqué qu'on a passé pardessus cette
partie du mémoire ce matin,
mais elle est là. Il y a deux ou trois bonnes pages qui vont
intéresser spécialement le ministre de l'Éducation,
où on montre assez clairement que ce projet ne comporte aucune
espèce de réduction le moindrement concrète des pouvoirs
ou de l'autorité du ministre sur l'ensemble du système
d'enseignement.
Ce que la CEQ nous dit, c'est qu'il faut conserver la commission
scolaire comme organisme démocratique, comme organisme investi de
responsabilités véritables. Je pense qu'on y reviendra
tantôt, mais c'est un point sur lequel je suis tout à fait
d'accord. C'est une position éminemment constructive, une position de
continuité, une position qui est tout à fait dans la tradition
québécoise en matière d'enseignement public. (15 h 30)
Personnellement, je suis très heureux de constater que la CEQ
tient à maintenir cet élément essentiel de la structure
non pas parce que cela est un fétiche auquel il ne faudrait pas toucher
à aucune espèce de condition, mais parce que, dans notre
système d'enseignement, c'est l'élément
d'équilibre. C'est l'élément qui vient se situer entre le
citoyen individuel et l'école individuelle et le gouvernement d'un autre
côté. Si cette structure intermédiaire n'a pas une certaine
consistance, une certaine force, une certaine valeur représentative, un
rôle précis garanti par la loi, c'est évident que la force
de la dynamique centralisatrice qui émane du ministère de
l'Éducation et du gouvernement, avec les ressources immenses dont il
dispose, finira par écraser l'autre. Après avoir
écrasé les commissions scolaires, je crois pouvoir affirmer sans
aucune espèce d'hésitation que l'écrasement des
écoles ne serait plus qu'une question de temps et qu'on serait
tombé dans un système hautement centralisé, alors qu'on
nous aurait annoncé au départ exactement le contraire.
J'ai été très intéressé par
l'échange que le ministre a eu avec vous, M. Charbonneau, au sujet du
conseil d'école. Il vous a fait une ouverture dans laquelle, si j'ai
bien compris, vous n'avez pas mordu. Je ne sais pas comment M. de Guire a
dû réagir en fin de compte parce que, l'autre jour, il vous a tenu
un langage tout à fait contraire. Il a même fait de sa position
sur ce point une espèce de condition de son appui continu au projet de
loi. Vous avez dit à M. Charbonneau et à la
délégation de la CEQ: Notre conseil d'école, s'il
était sur une base paritaire, représentation égale des
parents et des enseignants, est-ce que vous seriez prêts à
"embarquer" dans cela? Le président de la CEQ n'est pas tombé
dans le piège pour une raison évidente. Si vous y allez sur une
base paritaire, vous n'êtes plus sur une base décisionnelle,
à ce moment, il faut que votre école fonctionne à tous les
jours. Supposez qu'un organisme paritaire prenne trois mois à s'entendre
sur une question - c'est son droit - il faut que les décisions se
prennent pendant ce temps. Il faut savoir où elles vont se prendre. Cela
remet en cause toute la structure.
Vous avez fait des ouvertures très fortes. Vous avez dit aux
parents: II faut que vous ayez la majorité. Les directeurs
d'école vous ont dit: On ne veut pas d'enseignants dans cela.
Maintenant, vous venez leur dire: On va vous mettre moitié,
moitié. Je ne sais pas trop, mais j'ai l'impression que c'est pas mal
flottant votre affaire. J'ai l'impression que cela s'en va d'un récif
à l'autre sur une mer passablement agitée et, à un moment
donné, la chaloupe va finir par avoir des trous, si elle n'en a pas
déjà. Cela va être bien important qu'on en discute. Ce
n'est pas parce que l'on ne s'intéresse pas à la qualité
de l'éducation. Il y a eu tantôt un reproche voilé,
à savoir que les gens qui disent cela devraient parler de la
qualité de l'éducation et ne pas s'occuper du reste. Nous ne
sommes pas maîtres de l'agenda des travaux d'une commission
parlementaire, comme vous le savez. Le gouvernement met ses priorités
sur la table et il nous dit: Je vous présente un projet qui traite
surtout de structures de direction et de contrôle démocratique.
Nous sommes bien obligés d'en discuter. Si on nous avait livré un
livre blanc sur l'éducation des adultes ou un programme d'action sur
l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, ou encore une
politique en matière de formation professionnelle, nous serions
infiniment plus heureux d'être autour de la table que nous ne le sommes
à propos du projet de loi 40. Il faut que nous discutions le projet de
loi 40 et, par conséquent, comme vous l'avez dit vous-même, il
faut bien que nous consacrions un peu d'attention aux structures que l'on nous
propose.
Vous avez dit qu'au niveau de l'école, en particulier, les
structures qu'on propose sont des structures conflictuelles qui ne pourront pas
donner de bons résultats pour l'enseignement. Je suis porté
à voir les choses dans une perspective qui va dans la même
direction générale. Tant qu'on n'aura pas résolu ces
ambiguïtés fondamentales qu'on trouve presque à toutes les
pages du livre blanc, il sera très difficile pour le gouvernement de
faire une oeuvre valable.
Cela étant dit, je voudrais adresser quelques questions à
la délégation de la CEQ, que je vais essayer de faire les plus
brèves possible. Dans la mesure où les réponses seront
claires, je pense qu'on pourra disposer du présent intervenant sans
prendre trop de temps.
Le Président (M. Blouin): Très bien.
M. Ryan: Ma première question: Vous ne trouvez pas
satisfaisant le rôle des enseignants, tel que décrit dans le
projet de loi
40. Évidemment, vous avez émis des objections de fond
à l'encontre du projet de loi 40 que je comprends, encore une fois, et
que je partage largement, mais dans une loi-cadre sur l'enseignement primaire
et secondaire comme celle dont rêve le ministre de l'Éducation,
comment selon vous, devraient être définis la place et le
rôle des enseignants?
Le Président (M. Blouin): M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Avant de répondre
précisément à cette question, je voudrais faire un ou deux
commentaires, à partir des propos de M. Ryan. Il s'agit d'un accueil
positif à un mémoire qui se veut positif et c'est un peu ce qu'il
nous reste d'encouragement à se présenter devant la commission
parlementaire que de se rendre compte qu'il y a encore des gens qui peuvent
regarder les textes des documents que l'on soumet dans toute leur ampleur
plutôt que de nous catégoriser, de nous jeter à la
tête des épithètes, de nous mettre dans le coin et de nous
peinturer en noir, d'une manière négative. C'est un peu cela qui
nous donne espoir, des propos comme ceux qu'on vient d'entendre, pour continuer
d'essayer d'entamer un dialogue, même si on a l'impression que le mur de
surdité, en certains lieux, est assez difficile à percer. Cela
nous encourage quand même. On a vraiment besoin de propos comme
ceux-là.
Tout à l'heure, j'ai rencontré la presse, comme l'a fait
le ministre. On me demandait comment j'évaluais le débat et j'ai
répondu: C'est même encourageant, on a pu déployer nos
arguments, c'est positif. Le ministre, comme premier responsable de
l'éducation, entame au moins la discussion. Nous sommes
déjà venus à des commissions parlementaires où il
ne nous parlait même pas. Il nous a parlé ce matin. Il a l'air de
s'intéresser et il nous pose des questions. Il n'est pas d'accord
spontanément, mais il n'est pas fermé non plus. Je trouvais qu'il
y avait des signes encourageants malgré tout, malgré la
difficulté de percer le mur. On me rapporte les propos qu'il tient sur
nous en conférence de presse et c'est dans un tout autre sens. En dehors
des débats que nous avons maintenant, il répète
textuellement des accusations à propos de 1979, du conseil
d'orientation, textuellement, avec la mise au point qu'on a faite ce matin.
À la suite de cela, rien n'a changé. Textuellement, on a
interdit, on a été négatif, on a boycotté, etc.
C'est dommage que la discussion n'ait rien fait progresser. Une deuxième
remarque, et je termine mes commentaires généraux. "La CEQ n'a
rien avancé et n'a rien proposé." Le ministre lui-même a
cité à pleines pages des propositions que nous avons dans nos
cartons. Il dit à la presse et aux médias, parce que cela va
passer sur les ondes ce soir un peu partout, qu'on a ni plus ni moins des
phrases creuses à dire et des affaires... Alors, j'espère qu'on
pourra rétablir...
Le Président (M. Blouin): M.
Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): ...c'est un voeu que je veux
émettre à la fin de ces commentaires généraux -
véritablement une atmosphère de dialogue et non pas se lancer des
propos négatifs qui sont en dehors de la commission scolaire et qui
nuisent au dialogue qu'on devra poursuivre demain et après-demain.
Alors, je voulais au moins souligner que c'est encourageant d'entendre
des propos positifs et qui nous ramènent au coeur du problème. Et
là, j'arrive aux questions: la qualité de l'éducation, les
services qu'il faut améliorer ou compléter, les engagements que
ce gouvernement a pris politiquement et qui ne sont pas encore
réalisés, notamment au chapitre de l'éducation des
adultes. Je reviens aux commentaires de M. Ryan à propos du
contrôle démocratique, par le biais des commissions scolaires.
Nous avons nous-mêmes avancé un concept qui fait son petit bout de
chemin, à savoir les commissions scolaires composées en partie de
citoyens élus au suffrage universel et en partie de personnes provenant
du milieu parental, mais élues aussi au suffrage universel. C'est une
idée qui avait l'air de rien au début. Tout le monde disait: "On
n'a jamais pensé à cela. C'est bizarre." J'ai noté que,
après un an et demi ou deux ans, l'idée commence à faire
son chemin, parce qu'elle est une formule non pas d'antagonisme, non pas
d'opposition, mais de conciliation de deux sphères
d'intérêts.
Un ministre normal de l'Éducation aurait pensé à
cela tout seul, parce que cela concilie les champs d'intérêts et
cela ajoute une qualité au contrôle démocratique. Ce sont
des contributions positives je pense, et quand on a des paragraphes à
citer comme ceux-là à partir des propos de la CEQ de la part du
ministre, qui sont des paragraphes qui font son affaire, les autres paragraphes
juste avant, qui condamnent ses politiques, ne sont pas faits plus par des fous
que le paragraphe qui faisait son affaire. C'est un peu cela qui est à
considérer. On aime entendre des personnes qui prennent le temps de
regarder nos documents dans toute leur ampleur.
Le rôle des enseignants, la question précise, on en a
parlé passablement ce matin. Nous pouvons y revenir parce que c'est bien
normal qu'on s'attende de la part de notre organisation à être
plus explicite ou le plus explicite possible. Mais, avant de passer la parole
à mon collègue, M. Robert
Bissaillon, qui complétera, je rappelle qu'on nous amène
à parler toujours de manière hypothétique: "Si
c'était un autre cadre ou une autre loi, qu'aimeriez-vous?" Nous pouvons
essayer de nous livrer à l'exercice, mais, l'obstacle premier, nous
l'avons bien décrit ce matin, c'est que le cadre même du projet de
loi 40 est vicié à cet égard, en posant tous les
problèmes en termes de juridiction et de pouvoirs. Mon collègue,
M. Bisaillon, va enchaîner là-dessus.
Le Président (M. Blouin): M. Bisaillon.
M. Bisaillon (Robert): II n'y a rien de magique dans la
définition du rôle des enseignants. Ce sera un certain nombre de
phrases qui paraîtront peut-être creuses, mais qui ne sont pas
inutiles à répéter. Le rôle des enseignants, au
risque de passer pour des créditistes, est d'enseigner,
c'est-à-dire d'assumer le développement pédagogique des
élèves dans la dimension de l'enseignement et de l'acquisition
des connaissances, mais aussi d'un certain nombre d'autres aptitudes et de
comportements.
Pour exercer ce rôle, cela suppose évidemment qu'on
reconnaît aux enseignants une compétence individuelle, donc une
certaine autonomie dans la façon d'exercer leur travail, une
compétence collective aussi et, en vertu de cette compétence
collective, une responsabilité qui les habilite à intervenir,
toujours individuellement et collectivement, mais, chaque fois que les
conditions ne sont pas réunies pour que leur compétence puisse
s'exercer, que ce soit dans la classe, dans l'école, à
l'intérieur d'une commission scolaire ou de tout le système de
l'éducation, c'est reconnaître aussi leur droit d'intervention
dans la détermination des besoins minimaux qu'ils ont le droit
d'exprimer professionnellement pour accomplir ce rôle et cette fonction,
entre autres, lorsqu'il s'agit de besoins de perfectionnement, lorsqu'il s'agit
de la critique de toutes les "innovations pédagogiques" qui ne cessent
de déferler sur l'école depuis que la plupart enseignent.
L'enseignant est souvent l'objet de la réforme et très
souvent, il la subit. On pense que le rôle des enseignants est d'assumer
les réformes et non de se les faire imposer. Parce que justement cela a
été écrit par le ministre, je suis à l'aise pour le
citer, parce que l'enseignant est situé au centre de la relation d'aide
avec les élèves. Je pense que, chaque fois que cette relation
d'aide est compromise par les conditions dans lesquelles les enfants font leur
apprentissage, l'individu, dans une classe, face à ses
élèves et les individus qui enseignent collectivement ont le
droit d'intervenir.
Il se trouve aussi que les enseignants ont le droit, je pense, de
protéger leur travail en s'organisant en des associations syndicales
comme ils le font et en revendiquant des conditions de vie pour les
élèves et pour eux, mais aussi des conditions de travail. Il n'y
a rien de sorcier là-dedans, mais c'est toujours ce qu'on a
revendiqué et cela explique aussi la place qu'on veut avoir dans
l'école. Ce n'est pas la place des autres, ce n'est pas une place contre
les autres, ce n'est pas une place au-dessus des autres mais c'est une place,
et ce n'est pas une citation dans un projet de loi.
Le Président (M. Blouin): Merci.
M. Ryan: Dans la même ligne de vos préoccupations,
M. Charbonneau disait ce matin que la CEQ s'oppose à ce qu'on
crée un palier décisionnel au niveau de l'école. D'autre
part, je pense que M. Charbonneau et les membres de la délégation
de la CEQ conviendront facilement qu'il y a beaucoup de décisions qui
doivent se prendre et qui se prennent quotidiennement au niveau de
l'école. Je pense que ce n'est pas ce qu'il faut comprendre de ce qui a
été dit ce matin. (15 h 45)
J'aimerais aussi que vous nous disiez comment vous voyez
concrètement le fonctionnement ordinaire de l'école. Étant
donné que vous êtes du côté syndical, vous
reconnaissez que, pour avoir un bon syndicat, il faut un bon
représentant de la partie patronale de l'autre côté. Il
faut que cela se fasse à deux. C'est un régime bipolaire, celui
des relations du travail que nous avons. Il y a des salariés, des
employeurs. Chacun peut avoir ses qualités et ses défauts.
J'aimerais que vous nous disiez le plus simplement possible comment vous voyez
la bonne marche de l'école, quel est le rôle de l'enseignant
là-dedans, qu'est-ce que les parents peuvent venir faire
là-dedans, quel est le rôle du directeur également,
peut-être en donnant un ou deux exemples pour qu'on voie un petit peu
plus pratiquement la portée exacte de votre position.
M. Charbonneau (Yvon): Mme Gagnon va répondre à
votre question, M. Ryan.
Mme Gagnon: En essayant d'oublier le moins d'intervenants
possible, car je pense qu'ils sont tous aussi importants dans leur
sphère spécifique. Quand on dit qu'on ne veut pas que
l'école devienne un lieu décisionnel, M. Ryan, vous avez raison,
il va sans dire qu'on ne suppose pas que quotidiennement il y aura toujours un
téléphone décroché entre le directeur
d'école et la commission scolaire pour savoir s'il doit avancer ou
reculer, ne fût-ce que d'un pas. Ce n'est pas du tout de ce
côté-là que l'on va.
On affirme - vous avez eu raison de le souligner aussi - que le
responsable central
en éducation au Québec, c'est le ministère de
l'Éducation et son ministre qui définira donc les grands
encadrements. On n'a pas d'objection à cela. Le niveau
intermédiaire des commissions scolaires finalisera, si besoin est, les
politiques. On les espère souvent larges les politiques et
aménagables. On ne veut pas d'un projet éducatif national qui
soit dicté d'autorité. On veut au contraire que les
collectivités puissent contribuer à le façonner.
En bas de cela, des écoles. Est-ce qu'il n'y a pas par hasard
quelque raffinement à inventer et quelques discussions importantes
à mener entre les écoles et les commissions scolaires à
propos d'un certain nombre de pouvoirs délégués?
Probablement. On n'affirme pas que tout est au poil dans les relations
écoles et commissions scolaires. On dit cependant que, pour gérer
au quotidien et remplir sa vraie fonction d'école, il n'est point besoin
de loi 40. La véritable fonction de l'école, pour nous - M.
Bisaillon en a fait un bout en parlant des enseignants - c'est effectivement de
former les élèves; les former, c'est-à-dire à la
fois les instruire et les éduquer. On n'en sort pas, cela se gère
et se vit au quotidien et, autant que possible, en tenant compte de toutes
celles et de tous ceux qui interviennent dans le processus. D'abord, les
enfants. Quand on tient compte des enfants, on se trouve à tenir compte
des milieux qui les ont vu naître et qui continuent de les
protéger en dehors de l'école. Jamais nous n'avons dit qu'une
place ne devrait pas être laissée à l'école pour
s'ouvrir sur les besoins du milieu, y compris sur le monde. C'est au contraire
une thèse qu'on défend nous-mêmes et depuis longtemps que
toute pédagogie, pour être efficace, doit s'occuper d'être
incarnée dans le réel. Le réel pour des enfants, c'est le
plus souvent une famille, indépendamment de son modèle, et c'est
le plus souvent aussi un quartier, n'importe lequel donné, mais un.
Les enseignantes, les enseignants et les autres personnels contribuent
dans la mesure de leurs responsabilités respectives à assumer la
première tâche, donc instruire, éduquer et former. Ils sont
aussi, au même titre que les parents et les enfants sitôt qu'ils
ont atteint, j'ai envie de dire l'âge de raison... On dit au secondaire
commodément, mais il n'est pas interdit de faire en sorte que les
enfants soient impliqués plus tôt à leur mesure, à
leur échelle dans un certain nombre de choses qui les concernent.
C'est donc au chapitre de la vie collective de l'école que nous
faisons intervenir les mécanismes de collaboration dans un souci de
coopération et pas de décision, d'affrontement et d'exercice de
pouvoirs. Cela veut dire quoi? Concrètement, cela veut dire que, par
rapport à n'importe quelle politique donnée qui doit s'inscrire,
une fois raffinée par les commissions scolaires, dans le vécu
quotidien de l'école, cela doit le moins possible se faire
d'autorité. Cela doit le plus possible se faire après que ceux et
celles qui sont chargés d'appliquer les politiques auront
été consultés et qu'on aura pris en compte ce qu'ils ont
à dire sur la chose, s'assurant par la suite que d'un bout à
l'autre de la chaîne il y ait le moins possible de monde qui se voie
contraint de faire ce dont ils sont convaincus qu'ils ne doivent pas
s'occuper.
Cela se gère au quotidien dans le calme. Cela ne suppose pas
qu'à tout moment on demande des permissions à qui que ce soit. On
s'assure en même temps, autant que possible, d'être le moins
possible désincarné et de faire en sorte que cela ne nous
mène pas à l'abstraction.
M. Ryan: II m'arrive souvent de rencontrer des responsables
d'écoles ou de commissions scolaires et de me faire dire que dans telle
école il y a beaucoup de collaboration entre les enseignants, la
direction de l'école et les parents. Est-ce qu'il y aurait
déjà une directive qui aurait été émise par
la CEQ ou une suggestion à l'endroit des enseignants de ne pas faire de
chose comme celle-là?
Mme Gagnon: Jamais. Même et au contraire, il nous arrive au
national de nous mettre d'accord pour, autant que faire se peut, rajeunir un
certain nombre de dossiers. Depuis un bout de temps déjà, je vous
assure qu'on fait tout ce qu'on peut pour retravailler les mécanismes,
les volontés, tout ce qui entoure la collaboration et la
participation.
Cependant, je mentirais si j'affirmais que tous les milieux sont sur un
pied d'égalité en ce qui regarde la tradition des relations, si
bien que dans certains cas, c'est plus facile, ça va mieux, ça va
plus vite et dans d'autres, évidemment, l'histoire a, à
l'occasion, laissé un certain nombre de traces et il y a plus de travail
de rattrapage à faire. Jamais on n'a donné de consigne de cette
nature-là; jamais même on n'a supposé qu'on puisse penser
à la donner.
M. Ryan: L'autorité habituelle dans l'école est le
directeur?
Mme Gagnon: Oui.
M. Ryan: Vous n'avez pas d'objection à cela?
Mme Gagnon: Non.
M. Ryan: Est-ce que le directeur, selon vous, devrait relever
plutôt d'un conseil d'école comme celui que le projet de loi 40
propose ou du directeur général de la com-
mission scolaire comme le prévoit la loi actuelle sur
l'instruction publique?
M. Charbonneau (Yvon): Je crois que le débat est autour du
mot "relever". Nous pensons que le directeur d'école doit être
sous la juridiction de la commission scolaire par le biais du directeur
général de la commission scolaire. La commission scolaire doit
donc être son employeur et que cela soit clair.
Par contre, si on prend le mot "relever" au sens plus large,
c'est-à-dire dans l'exercice quotidien ou courant des fonctions, on peut
avoir une ligne d'autorité claire, mais dans l'exercice de la
responsabilité du directeur d'école, il faut aller chercher un
éclairage; il faut consulter; il faut prendre des avis. Dans certains
cas la prise d'avis peut être rendue obligatoire. On peut aussi, s'il
s'agit, par exemple, du choix de manuels, aller jusqu'à prévoir
l'obligation d'obtenir une recommandation du personnel enseignant. Il y a
là tout un dosage ou une échelle qu'on peut bâtir, selon ce
dont on parle. Un directeur d'école qui ne prendrait ses mandats que du
directeur général parce que c'est ce qui est écrit dans le
livre, ferait rapidement fausse route. Il ne s'appuierait pas sur l'expertise
de son école; il ne prendrait pas avis des parents et mènerait
son école selon ce qui lui vient de la direction
générale.
Par contre, un directeur d'école qui ne ferait que s'appuyer sur
son entourage immédiat, sans admettre que son école fait partie
d'un ensemble d'écoles qui dessert une population plus large que son
quartier immédiat, sans accepter que le service qui se dispense au
numéro untel de la rue unetelle, c'est une partie d'un service plus
large pour une collectivité, lui aussi ferait fausse route. Au niveau
juridictionnel, au niveau de l'employeur, nous pensons que le directeur
d'école doit être clairement en rapport avec le directeur
général et la commission scolaire. Dans l'exercice de ses
fonctions, il doit s'inspirer, s'éclairer de l'apport de son contexte.
Cela fera un meilleur directeur d'école s'il prend davantage cet
éclairage-là que s'il le néglige.
M. Ryan: Une autre question en rapport avec le fonctionnement de
l'école. Vous n'êtes pas contre l'existence de structures de
collaboration, de concertation dans l'école, mais vous dites que la
collaboration doit se faire sur un pied d'égalité et que les
mécanismes doivent être définis plutôt au niveau de
l'école que dans une loi qui va imposer le même moule à
tout l'ensemble des écoles du Québec. Est-ce que c'est bien la
position...
M. Charbonneau (Yvon): Avec une petite nuance, cela peut
être au niveau de l'école ou au niveau d'un territoire
donné, d'un groupe d'écoles. Il se peut qu'à la suite d'un
dialogue continu sur plusieurs mois ou plusieurs semaines, on en arrive
à trouver une formule qui convienne à un ensemble d'écoles
d'un territoire donné. Nous n'allons pas nécessairement
jusqu'à préconiser quelque chose de spécifique et de
différent, école par école; il peut y avoir des
espèces de consensus régionaux sur un mode de faire. Cela peut
fort bien être envisageable dans le système.
M. Ryan: Très bien. Il y a un autre point sur lequel vous
êtes revenu à maintes reprises au cours de la dernière
année, depuis l'ouverture du débat autour du projet de loi 40 et
du livre blanc sur l'école communautaire, et à propos duquel vous
n'avez pas eu beaucoup l'occasion jusqu'à maintenant d'expliquer
clairement ce que vous entendez. On dit qu'il y a un projet éducatif
national; tout le monde est d'accord pour qu'il y ait des grandes lignes. Les
objectifs du système d'enseignement sont définis par le pouvoir
politique qui siège à Québec, incarné par un
ministre, appuyé ou contrôlé le mieux possible par des
députés. Tout le monde est d'accord là-dessus; il n'y a
pas de discussion entre nous autour de la table.
Deuxièmement, on dit qu'il va y avoir un projet local dans une
mesure qui reste sujette à discussion. Je pense que c'est une chose dont
on peut convenir facilement aussi. Vous, vous dites qu'il ne faut pas oublier
la dimension régionale également. Il faut qu'à
l'échelle d'un territoire les citoyens puissent se donner un projet ou
un programme de travail dans le domaine de l'éducation qui tiendra
compte des réalités économiques, sociologiques,
culturelles de ce territoire. J'aimerais que vous précisiez un peu ce
que vous entendez par cette dimension régionale du projet
éducatif et que vous nous disiez si vous l'avez trouvée de
manière satisfaisante dans le projet de loi.
M. Charbonneau (Yvon): Après avoir échangé
quelque peu sur les formes que pourrait prendre la présence des
enseignants à l'école, voilà maintenant une question qui
nous amène sur le fond. Cela nous oblige à nous rappeler que,
dans le projet de loi 40, le ministre décrit un projet éducatif
fort exigeant et le situe au niveau de l'école. Étant
donné qu'il donne beaucoup de fonctions au niveau de l'école, il
se dit que, pour gérer cela, pour prendre avis sur ces questions, pour
diriger ce mandat, il lui faut un organe décisionnel. C'est logique de
ce point de vue. La source du problème provient, à notre avis,
d'une mauvaise appréhension de l'aspect projet éducatif qui est
dévolu, normalement, à une école. Il en met trop sur la
table de l'école par rapport
à ce qui nous semble être plus normal.
Par exemple, le ministre confie une espèce de mandat
socioculturel, une mission socioculturelle, à l'article 92, à une
école donnée. L'éducation aux adultes, école par
école; calendrier scolaire, application des programmes, manuels,
programmes de services complémentaires - cela peut aller loin - normes
d'évaluation et ce qui régit le passage du primaire au
secondaire, école par école. J'omets de citer les numéros
d'articles, mais si cela peut être utile dans le débat je les
ajouterai. Les services éducatifs autres que les services
d'enseignement. On a parlé du perfectionnement ce matin. Il semble y
avoir quelques petits changements à l'horizon; on verra.
J'ai donné plusieurs exemples qui, à notre avis,
constituent une tâche qui dépasse normalement ce qui aurait du bon
sens de confier à une école prise individuellement. Cela a du bon
sens, cependant, de confier la plupart de ces tâches, à notre
avis, à un ensemble d'écoles dans une région.
Définir, par exemple, le service à la communauté que peut
rendre un établissement scolaire, à notre avis, cela a du bon
sens quand on prend un ensemble d'établissements scolaires pour faire
une politique. École par école, cela mène où?
L'éducation aux adultes, école par école - reprenez les
points - les manuels, les normes de passage du primaire au secondaire,
école par école, sur un territoire. Comme le ministre en met
beaucoup sur la table, il se dit: Il faut que je crée un organe, un
palier décisionnel pour gérer cela. S'il en mettait moins, ou
s'il se faisait une meilleure idée de ce qu'est une marge de manoeuvre
réelle ou utile d'une école, il n'aurait pas besoin de
créer un tel organe pour gérer cela. C'est là qu'il faut
voir la source du problème.
À notre avis, donc, le projet éducatif, c'est une
appellation qui a été pas mal galvaudée, utilisée
par tout le monde. C'est un concept que nous définissons, nous, comme
renvoyant à trois grands niveaux. La responsabilité du ministre
est impliquée dans le projet éducatif, la dimension nationale -et
il y a beaucoup d'articles qui la décrivent - et la dimension qui
réfère à la collectivité régionale. Si le
ministre était imbu d'une véritable philosophie de
décentralisation, il arrêterait là de
légiférer en termes de structures scolaires. Lui, il a
défini ses pouvoirs; il établit ce que sont les attributions ou
la juridiction de la collectivité. Et une véritable philosophie
de décentralisation consisterait en ce que la collectivité
ensuite s'arrange avec sa juridiction pour s'équiper dans les
écoles une par une. (16 heures)
Quand on dépasse cela, quand le projet de loi 40 à la fois
définit le palier de la commission scolaire mais en même temps le
palier de l'école, il ne serait plus vrai de la part du ministre
d'abolir carrément les commissions scolaires. Cela ne serait plus vrai
quant à l'intention profonde. D'ailleurs, quand on remonte un peu dans
la littérature ministérielle qui a précédé
le projet de loi 40, cela allait beaucoup plus loin du côté des
formes juridiques: corporations, conseils d'administration. Il est revenu sur
les formes mais il nous jure qu'il ne change pas d'idée sur le fond. Il
y a matière à s'interroger là-dessus. Ses conseillers
juridiques l'ont, je pense, persuadé de ne pas maintenir son idée
de "corporation-école"; cela n'avait pas trop d'allure et faisait
présager des conflits interminables. Mais il dit: Je vous jure que je
garde l'idée profonde. Mais vers où allait l'idée
profonde? Voilà ce à quoi il faut ramener le débat. Le
projet éducatif a une dimension nationale et une dimension de service
à la collectivité. La dynamique de ces deux paliers devrait
normalement assurer à la fois le contrôle démocratique et
un service de qualité.
Le rapport commission-école va s'établir dans le milieu.
On pense que, avec une juridiction ainsi répartie dans deux paliers, on
a assez d'encadrement légiféré. Le reste, c'est la vie qui
va s'en emparer. Ce sont les gens qui vont se parler en région. On pense
qu'il y aurait beaucoup d'intérêt de la part de la commission et
du gouvernement à réviser ce concept. Je crois que c'est ce
gouvernement qui a souvent parlé des collectivités
régionales qui doivent se prendre en main. On doit bâtir un
Québec en faisant appel au dynamisme des régions, etc. C'est le
temps de l'appliquer maintenant dans le domaine scolaire. Mais vous ne
l'appliquerez pas si vous disposez à la fois de ce que sont les
commissions scolaires et de ce qu'elles doivent faire. Disposez de ce que
seront les commissions scolaires et laissez-les agir ensuite au service des
collectivités. C'est de la véritable décentralisation,
ça. On n'a pas besoin d'aller plus loin. Si cela échoue dans
quelques années, il y aura à ce moment-là un nouveau
brassage à faire dans toutes ces questions. Quand même, on pense
que l'expérience n'a pas été vraiment poussée. Les
commissions scolaires ont plutôt été prises en
espèce de tutelle depuis quelques années par le ministère
de l'Éducation. Il les appelait ses "partenaires" mais, souvent,
c'était une relation encore plus intime que cela qui existait entre les
deux. Finalement, on s'aperçoit qu'il y a un effort d'autonomisation des
commissions scolaires et c'est bien. Je pense qu'on va y gagner
démocratiquement.
Pourquoi avons-nous eu des critiques très dures contre les
commissions scolaires qu'on a dites antidémocratiques et on en a mis,
comme d'autres? Parce qu'elles étaient devenues des espèces de
coquilles creuses
vidées par en haut, encadrées. Revalorisons ce niveau et
nous sommes prêts à faire un nouvel essai de cela.
Voilà, je crois, la philosophie de base mais rapportée
à son point central, le projet éducatif. Ce qui reste au niveau
des écoles, ce sera important. Ce sera la mise en oeuvre adaptée
de tout cela. Mais on n'a pas besoin de nous enliser dans un palier
décisionnel formel ou objet de législation pour réussir
à ce niveau-là.
M. Ryan: En ce qui regarde la composition des commissions
scolaires, vu le rôle important que vous voulez continuer à leur
accorder, il est important de l'examiner soigneusement. Vous dites dans votre
mémoire, à la page 30: "Par ailleurs, nous reconnaissons que les
parents ont des intérêts spécifiques dans la gestion
scolaire. Ces deux niveaux de préoccupation - celui des citoyens
élus à l'élection générale et celui des
parents - doivent être présents au conseil des commissaires." Vous
êtes plutôt vague là-dessus. Est-ce que vous allez
jusqu'à la parité ou si vous laissez cette question ouverte?
Est-ce qu'il devrait y avoir autant de parents que de commissaires ou si c'est
plutôt le principe que vous préconisez ici, ou allez-vous plus
loin que cela?
M. Charbonneau (Yvon): Alors, là-dessus...
M. Ryan: Et si vous voulez expliquer pourquoi également
vous pensez qu'on peut créer deux catégories de commissaires qui
vont être foncièrement différentes quant à l'origine
de leur mandat.
M. Charbonneau (Yvon): D'accord. Je veux bien répondre
à votre question et aller un peu plus loin sur la modalité que ce
que dit notre mémoire, mais quand même dans le même sens. Ce
que dit notre mémoire, c'est l'importance de reconnaître la
gestion des affaires éducatives dans la collectivité, de
reconnaître deux légitimités, la légitimité
du droit des citoyens à s'occuper d'un service public. Il faut, pour
ajouter de la qualité à ce contrôle démocratique -
ce n'est pas tout en démocratie d'avoir des mécanismes formels,
le suffrage universel et des choses comme cela - essayer d'aller plus loin,
surtout sur des questions qui font appel à l'humain, aux relations
humaines, comme les questions éducatives. On s'est dit: Est-ce que cela
ne correspondrait pas un peu à la philosophie sociale
québécoise d'essayer de faire une place à ce qu'on
pourrait considérer aussi comme l'usager? Il y a eu plusieurs
expériences, dans certains réseaux au Québec, à
travers les réformes issues de la révolution tranquille,
où on essaie de créer une place aux usagers. Nous pensons qu'il y
a moyen de trouver une formule où on pourrait concilier, tout en
enrichissant la démocratie scolaire, le processus de
démocratisation, qui n'est jamais complètement terminé de
toute façon, dans quelque société que ce soit; nous
pensons qu'il y a moyen de l'enrichir et de le compléter en imaginant un
concept de commission scolaire où une moitié des commissaires
serait élue sur une base de suffrage universel en tant que citoyens
éligibles, sur une base de quartier, et où l'autre moitié
serait élue aussi par suffrage universel - j'insiste sur cela parce que
notre position s'est précisée à mesure que nos
débats se sont approfondis - mais à partir d'un critère
d'éligibilité spécifié (parents
accrédités ou représentants autorisés des
associations de parents accrédités auprès des
écoles) dans l'hypothèse où il y aurait des associations
de parents qui se formeraient et qui, à un moment donné, par un
processus comme pour les associations d'étudiants, deviendraient
accréditées etc.
Ou bien, à défaut de cette formule d'association de
parents accréditée, les membres des comités
d'école, par exemple, devraient, pour être éligibles,
être membres d'un comité d'école mais éligibles, non
pas entre parents, par le suffrage universel, toujours selon le principe de la
formule de suffrage universel, pour une moitié, citoyens, comme
critère de base, l'autre moitié, membres au moins d'un
comité d'école. Cela concilierait deux légitimités,
deux droits légitimes d'avoir un mot à dire au niveau
décisionnel, mais un niveau décisionnel déterminant, parce
que là on a à gérer un ensemble de projets, de programmes,
une réalité éducative pour une région
donnée. Les polyvalentes sont souvent complémentaires au niveau
des options dans des territoires donnés. Quand on pense à
l'éducation des adultes, c'est nécessairement
complémentaire: les programmes, les manuels, cela n'a pas de sens de
gérer cela école par école. Les parents, selon ce mode,
pourraient avoir accès au niveau décisionnel à la
commission scolaire. Les parents, dans certaines consultations, nous parlent
d'accès à la décision, mais voilà une
réponse organisée au problème, non pas une réponse
de morcellement, et une façon de dire: Du pouvoir, en veux-tu, en
voilà! On lance cela comme ceci. On l'organise en même temps qu'on
le remet. À ce moment, tout le monde pourrait y trouver son compte, je
le crois.
M. Ryan: Une dernière question, M. le Président.
D'ordinaire, autant au niveau de la commission scolaire que de l'école,
quand on veut avoir un représentant des enseignants pour faire partie
d'un comité ou pour donner le point de vue des enseignants, on s'adresse
aux structures syndicales. On dit, par exemple, à l'Alliance des
professeurs, à Montréal: La commission scolaire va former
un comité paritaire ou un comité conjoint, on aimerait
avoir des représentants des enseignants, est-ce que vous voudriez
collaborer à cela, ou participer à cette mise en marche? Dans le
projet de loi, au niveau de l'école, c'est la même chose. Dans le
projet de loi, on écrit, vers les articles 67 et 68: On va former un
comité pédagogique au niveau consultatif au niveau de
l'école. Le syndicat, c'est comme s'il n'existait pas. Le principal va
vous réunir et vous prendrez un vote. Mais comment réagissez-vous
à cela? C'est un des points que n'a pas soulignés le ministre
parmi ceux que vous aviez soulignés ce matin. J'aimerais que vous nous
disiez comment vous voyez cette mise en marche?
M. Charbonneau (Yvon): Cela me fait beaucoup de peine quand on
voit, dans un projet de loi ou dans une mesure qui risque de s'appliquer, cette
approche où on essaie de passer à côté d'une
instance représentative ou de la contourner. Ce n'est pas parce qu'on
tient absolument à des juridictions qui n'ont qu'une valeur
légale, mais c'est parce qu'on essaie d'avoir une approche syndicale qui
intègre la préoccupation pédagogique et professionnelle.
On travaille très fort sur cela depuis que notre organisation existe et,
chaque année, on dépense des centaines de milliers de dollars en
services, en recherches, on fait des congrès qui se tiennent aux trois
quarts sur des questions pédagogiques, des questions professionnelles,
des questions éducatives. Je prends à témoin notre
congrès de 1980 où les trois quarts des résolutions qui
venaient coiffer un processus de préparation de trois à quatre
ans... Des dossiers pédagogiques sur des matières
éducatives, on en a préparé énormément.
Quand on se présente face à l'autorité telle
qu'organisée ou prétendument organisée par le ministre
à travers son projet de loi, on sent toujours qu'il faudrait essayer de
passer à côté.
Plus tard, on nous dit: Vous pratiquez un syndicalisme de relations de
travail, vous ne vous occupez pas du bien général. C'est une
accusation qui n'a pas du tout sa raison d'être par les travaux que nous
faisons. Par l'accueil qui est fait à nos travaux et à nos
préoccupations, on nous pousse à ce genre d'attitude, on nous
pousse à des réactions défensives. S'il y avait une
réaction d'accueil à tous nos travaux pédagoqiques,
à tous nos débats sur la confessionnalité, sur le
préscolaire, sur la formation de base de la petite enfance... Enfin,
j'en ai des dizaines et des dizaines de politiques établies par nos
instances, nos congrès. Il n'y a pas un conseil général
qu'on tient à la CEQ sans qu'il y ait une journée, une
journée et demie de débats sur des questions éducatives.
On pense qu'il serait normal que soit accepté par nos interlocuteurs
notre point de vue, quand on le présente en tant qu'éducateurs,
en tant que personnes ayant une certaine expertise pédagogique.
Nous avons certains courants - et c'est bien normal - à
l'intérieur du mouvement syndical. Il y a des gens qui disent qu'un
syndicat, c'est pour des conditions de travail; il y en a d'autres qui disent
qu'un syndicat, c'est pour le combat social; il y en a d'autres qui disent:
Puisqu'on est dans l'éducation, notre syndicat devrait s'orienter sur la
pédagogie. C'est un peu tout cela. Il y a une dimension d'intervention
sociale, il y a une dimension de relations de travail et il y a une dimension
pédagogique et éducative. C'est une espèce d'option que
nous essayons de développer qui intègre les divers volets. On
pense que, sans prétention, on peut quand même être un
interlocuteur valable auprès des commissions scolaires et du ministre
sur des questions éducatives et pédagogiques. C'est pour cela que
je vous disais au début que cela nous fait un peu de peine parce qu'on
investit tellement là-dedans qu'il me semble que cela devrait être
pris en considération sérieusement.
Quand il y a des bouts dans nos documents qui font l'affaire du
ministre, il nous les cite et il dit: Ah! vous êtes positifs. Le
paragraphe d'avant et le paragraphe d'après qui procèdent des
mêmes études condamnent certaines politiques gouvernementales;
ceux-là, il ne les cite pas. Ce sont les mêmes études, les
mêmes consultations, les mêmes débats. Il est très
content quand cela va dans le sens d'une convergence superficielle avec ses
affaires, mais, quand cela n'aboutit pas à son résultat,
là, on est négatif. Quand on appuyait la loi 101, on était
positif. C'est toujours le même syndicat, c'est toujours la même
optique syndicale, la même option syndicale que nous pratiquons:
intervention sociale, relations de travail, pédagogie et
éducation, et on essaie d'intégrer cela dans une option
d'ensemble. On aimerait cela que nos propos soient accueillis. Quand on voit
des manoeuvres pour contourner les représentations qu'on essaie de
faire, naturellement, on aimerait mieux que cela n'arrive pas.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci, M.
Charbonneau; merci, M. le député d'Argenteuil. M. le
député de Chauveau.
M. Brouillet: Merci, M. le Président. Messieurs les
représentants de la CEQ, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt et
d'attention l'exposé intégral de votre mémoire et le texte
écrit depuis le début. J'ai écouté aussi toutes les
explications orales que vous avez fournies. Je puis donner mon opinion que cela
manifeste un travail approfondi, assidu -vous l'avez mentionné dans
votre point de départ - et je crois que le résultat du travail
révèle tout le sérieux et l'énergie que
vous mettez depuis longtemps à analyser la chose scolaire et
à faire des propositions quant à l'organisation de cette chose
scolaire.
Il est évident que, comme le ministre, je reconnais que de prime
abord le style, la présentation peut révéler une position
un peu négative, mais, à travers ce refus catégorique du
projet, je pense qu'on peut déceler dans votre texte des observations,
des suggestions qui nous amènent à nous interroger encore plus
profondément sur l'orientation même du projet de loi et qui nous
amènent à retenir certaines suggestions qui pourraient contribuer
à améliorer certains aspects du projet de loi. (16 h 15)
II y a trois grands volets à votre mémoire qui
reflètent trois arguments fondamentaux sur lesquels vous vous appuyez
pour rejeter le projet de loi. Vous vous référez à la
détérioration éventuelle de la qualité des services
en éducation, si jamais le projet de loi était adopté,
à la réduction du contrôle démocratique et à
la négation de certains droits syndicaux. Alors, dès le point de
départ de votre exposé, vous nous avez dit que le terrain du
pouvoir n'était pas le terrain qui vous préoccupait. Je me
permets de vous dire un peu la façon dont j'ai compris cela. Ce n'est
certainement pas le terrain du pouvoir syndical qui ne vous préoccupe
pas. Je crois qu'il y a aussi un pouvoir syndical. C'est une
réalité dont le projet de loi ne fait pas tout à fait
abstraction. D'ailleurs, votre dernier chapitre est là pour nous prouver
que les droits syndicaux vous préoccupent et que c'est
précisément l'objet de la troisième partie.
C'est plutôt la question du pouvoir des autres instances,
c'est-à-dire le pouvoir des parents, le pouvoir de la commission
scolaire, le pouvoir du ministère de l'Éducation. Encore
là, je pense que votre affirmation a dépassé votre
pensée au point de départ, parce que vous semblez faire de la
répartition du pouvoir entre ces trois instances un point quand
même assez fondamental auquel vous vous opposez. Entre autres, le
troisième palier de pouvoir, je ne pense pas que ce soit quelque chose
qui ne vous préoccupe pas. Enfin, toutes vos interventions depuis le
début manifestent que c'est un point qui vous préoccupe tellement
que vous dites que c'est ce point, entre autres, qui fait que vous vous opposez
au projet de loi globalement.
J'aimerais revenir sur cette question du troisième palier de
pouvoir. Votre position est bien claire: Vous refusez un troisième
palier de pouvoir qui se situerait au niveau de l'école, pouvoir
décisionnel, c'est bien entendu. Votre thèse est que
l'émiettement du pouvoir, l'atomisation du pouvoir livrerait les 3000
écoles ou, enfin, les nouveaux centres, à l'omniprésence
toute-puissante du ministère de l'Éducation et qu'en
réalité, le résultat serait une centralisation des
pouvoirs. Alors, cela paraît assez paradoxal au point de départ.
Un effort de décentraliser les pouvoirs au niveau de l'école
amène une centralisation.
Je serais personnellement d'accord avec votre argument si,
effectivement, le niveau intermédiaire, le niveau régional
n'existait plus et était supprimé. Je crois qu'une lecture du
projet de loi 40 nous révèle que la commission scolaire conserve
des pouvoirs considérables. Parmi les arguments que vous avez
employés pour justifier cette présence, entre autres, il y a des
besoins régionaux qui dépassent le niveau du quartier, etc. Il y
a aussi des sources de financement et de ressources qui dépassent le
niveau du quartier pour une meilleure répartition des ressources sur une
base plus large, un genre de péréquation, si vous voulez. Je suis
très sensible à cet argument, mais je crois que le projet de loi,
dans les pouvoirs qu'il reconnaît aux commissions scolaires,
protège cette répartition des ressources et protège la
mise sur pied de services à l'ensemble de la population d'une
région, services qu'une école, qu'un milieu ne pourrait pas
donner.
Donc, je serais d'accord avec vous pour dire qu'il y aurait un
réel danger de centralisation par une atomisation excessive, mais, comme
le projet de loi reconnaît la présence de la commission scolaire,
réaffirme son pouvoir et lui conserve encore d'énormes pouvoirs
de contrôle sur les écoles, de ce qui va se faire dans les
écoles, un droit de regard et un droit de contrôle, je ne vois pas
très bien que cette thèse de centralisation puisse vraiment
être fondée dans le cas actuel, dans le cadre du projet de loi 40.
J'aimerais avoir vos réactions sur cela. Je passerai ensuite au
rôle des parents, à l'autonomie professionnelle. J'aurai quelques
autres questions sur d'autres points.
Le Président (M. Blouin): M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): J'apporterai un élément de
réponse en invitant le député -je sais bien qu'il a fait
cet exercice - à le refaire en faisant deux colonnes pour voir un peu la
réalité derrière les mots. D'abord, une colonne où
on voit les pouvoirs de l'école -les articles 90 à 127 - les
pouvoirs - ou les fonctions dans le nouveau langage; c'est l'équivalent
- attribués à l'école. Mettez dans l'autre colonne les
attributions ou les fonctions dévolues à la commission scolaire.
C'est vrai qu'il y en a pour les deux. Vous avez raison là-dessus. Mais
la colonne lourde se veut l'école. Les choix lourds.
Il me semble que c'est un petit peu le monde à l'envers. Il
faudrait plutôt que la colonne qui a les fonctions les plus importantes,
les fonctions les plus
significatives pour un milieu donné soit au niveau d'une
étendue territoriale significative; pas trop grande parce qu'il y a eu
de très mauvaises expériences avec des commissions scolaires
à territoire trop étendu, qui étaient loin de leurs
écoles, puis pas trop petite non plus pour qu'il y ait un bassin
significatif, un bassin viable d'élèves et qu'on puisse
bâtir une structure de services là-dessus qui ait du bon sens. Il
y a donc une espèce de milieu à obtenir et, en plusieurs
régions, c'est assez facile à obtenir. C'est déjà
fait, d'ailleurs.
Il faudrait que les fonctions principales entre l'école et la
commission scolaire soient quand même attribuées à ce
palier qui s'appelle la commission scolaire. Il peut rester ensuite des
fonctions de coloration ou des aspects d'adaptation finale, fine, à
l'école de ce qui a été convenu au niveau d'un territoire
donné. Les élèves circulent d'un quartier à l'autre
dans un même territoire. Les familles se déplacent. Il faut tenir
compte de cela et il faut tenir compte aussi du caractère sociologique
de chaque région. Dans certaines régions, il faudrait
développer davantage certaines options professionnelles, il faut
organiser certains types de services plus que dans d'autres. Certains milieux
ont déjà plus de moyens matériels. Donc, les services
peuvent se colorer autrement. Il y a des efforts de rattrapage très
précis à faire dans certains bassins de population.
C'est ce que peut faire une intervention bien pensée, bien
conçue au niveau d'une commission scolaire, mais c'est ce que ne peut
pas faire, à notre avis, de manière très habile et
pertinente, une école seule. C'est ce qu'on vous dit. Un meilleur
partage entre les deux colonnes; le principal à la commission et
l'adaptation de tout cela à l'école. Je pense qu'il y a du
travail pour les deux.
Ainsi vu, vous comprendrez qu'on n'a pas besoin d'un palier
décisionnel au niveau de l'école comme le conçoit le
ministre parce qu'on replace les attributions selon un autre partage que celui
qu'il entrevoit.
Quant à la question de savoir si cela va mener à la
centralisation plus tard, écoutez, on a droit de projeter une certaine
analyse comme celle-là. On ne dit pas que le ministre se fait l'avocat
du diable ou quoi que ce soit. On dit tout simplement... En dynamique
politique, si vous êtes le ministre, M. Brouillet, et que vous avez 3000
unités devant vous, dans une hypothèse, et si, dans l'autre
hypothèse, vous avez 150 corps organisés qui s'appellent des
commissions scolaires, êtes-vous plus maître de la situation dans
un cas que dans l'autre? Je n'ai pas d'hésitation à dire que vous
êtes plus maître de la situation si vous êtes face à
3000 parcelles que face à 150 corps bien constitués, bien
représentatifs de la popu- lation. Vous êtes plus maître du
jeu dans le deuxième cas, même si en apparence vous avez
donné 3000 parcelles de pouvoir à 3000 unités. C'est notre
hypothèse. Seul l'avenir peut le dire vraiment, mais je crois qu'il y a
un bon sens à cette analyse politique.
M. Brouillet: Oui. Je suis d'accord avec votre dernière
conclusion, mais ce n'est pas le cas. Je ne serais pas le ministre
vis-à-vis de 3000. Les commissions scolaires vont être là
comme intermédiaires. La plupart des pouvoirs dévolus à
l'école seront sous le regard et le contrôle des commissions
scolaires.
Écoutez, je vais passer à un autre point, le rôle
des parents.
M. Charbonneau (Yvon): D'accord.
M. Brouillet: Je pense que nous sommes tous d'accord que le
rôle des parents est important. On ne peut s'accuser de ne pas
reconnaître un rôle aux parents. Je crois que ce serait tellement
grossier qu'il n'y a personne qui oserait affirmer cela. Les parents jouent un
rôle important.
Je vais aller au coeur - vous l'avez dit vous-même - de la
question de ne pas reconnaître aux parents un certain pouvoir
décisionnel au niveau de l'école. Cependant, vous êtes
prêt à reconnaître que les parents participent au pouvoir
décisionnel au niveau de la commission scolaire. Ce n'est donc pas tant
la participation des parents au pouvoir décisionnel qui vous chicote,
parce que vous êtes prêts à l'admettre au niveau de la
commission scolaire. C'est le fait de reconnaître ce pouvoir additionnel
aux parents au niveau de l'école. Le fond de votre argument, c'est que
vous semblez dire que c'est bien difficile de vivre ensemble, dans un
même lieu, un souci de participation, de concertation et l'existence d'un
pouvoir décisionnel. C'est là le fond, si on regarde l'ensemble
de votre exposé.
Finalement, même s'il y a de la concertation - il en faut partout
de la concertation puisque tout le monde en parle - le fait de la
reconnaissance d'un besoin de participation ou de concertation n'évacue
pas la nécessité d'un lieu de décision. Je pense qu'on est
tous d'accord avec cela. Où allons-nous mettre le lieu de
décision? Vous dites que, pour protéger la concertation, il faut
éloigner cela de l'école. Éloignons le lieu de
décision de l'endroit où vivent les personnes qui sont
touchées ou affectées par ces décisions. Je trouve un peu
bizarre cet argument. Pour protéger la concertation, éloignons le
plus possible le lieu de décision de l'endroit où se fait la
concertation, là où vivent les gens qui vont être
touchés par ces décisions. Franchement, j'ai de la
difficulté à épouser cela.
Qui décide actuellement? Les matières sur lesquelles le
conseil d'école aura à décider, il y a des gens qui
actuellement décident de ces matières, c'est la commission
scolaire. Qui est la commission scolaire? Ce sont les commissaires. Ne
croyez-vous pas que, si le lieu de décision est beaucoup plus
près du lieu de concertation, le pouvoir d'influence des gens du milieu
concerné par les décisions pourra s'exercer de façon
beaucoup plus grande sur ceux qui prennent des décisions? À ce
moment-là, j'inclus les professeurs enseignants, l'autonomie
professionnelle des enseignants.
Vous avez dit que la présence des parents au niveau du conseil
d'école dans un pouvoir décisionnel réduirait l'autonomie
professionnelle. À partir de la situation actuelle, ma thèse est
le contraire: cela va l'augmenter. Les professionnels de l'enseignement qui
sont assujettis à des décisions qui sont prises par les
commissaires n'ont à peu près pas de pouvoir d'influence sur les
décisions des commissaires actuellement. Tandis que là, si les
décisions sont prises par un comité où siègent les
parents, éventuellement des professeurs, du personnel et tout, les
décisions qui concernent les professeurs dans leur tâche
professionnelle de pédagogue auront beaucoup plus de chance d'être
influencées par ces professeurs. L'autonomie des professeurs, à
mon sens, sera beaucoup plus grande et ils seront beaucoup moins des simples
exécutants de décisions sur lesquelles ils n'ont aucun pouvoir
d'influence car ils auront un pouvoir d'influer sur les décisions qui
vont les concerner.
J'ai beaucoup de difficulté à accepter cette position:
pour protéger la concertation, éloignons le lieu de
décision. J'aimerais savoir un peu ce que vous pensez de cet argument
que je viens de présenter.
Mme Gagnon: Je pense que vous aurez remarqué...
Le Président (M. Blouin): Mme Gagnon, juste avant que vous
répondiez à la question du député de Chauveau, je
signale au député de Chauveau que, dans cinq minutes, je devrai
donner la parole à Mme la députée de L'Acadie. Vous en
êtes presque à votre conclusion. D'autre part, je demande la
collaboration des membres de la commission, puisque sept d'entre eux ont encore
demandé d'intervenir. Uniquement par déférence à
l'égard des autres groupes qui ont été convoqués
aujourd'hui, il serait souhaitable qu'à 18 heures, nous puissions mettre
fin à notre échange avec la Centrale de l'enseignement du
Québec et passer aux autres groupes dont nous avions prévu
l'audition pour aujourd'hui. Mme Gagnon.
Mme Gagnon: Merci. M. le député de
Chauveau, je pense que vous vous êtes aperçu que, dans la
thèse ministérielle, il y a deux choses qui sont intimement
liées: c'est à la fois la capacité de décider, le
lieu de décider et les thèmes de décision qui
deviendraient désormais ceux de l'école, autrement dit une sorte
de tout là-dedans qui fait en sorte qu'on invente un lieu de
décision parce qu'on a décidé de remettre à ce
niveau un certain nombre de décisions à prendre. En contrepartie
de cela, notre thèse est aussi liée. (16 h 30)
Pour répondre à votre question, on ne fait pas un
fétiche de l'éloignement du centre de décision pour que
les milieux soient harmonieux. Ce n'est pas cela. Le fond de la question pour
nous, c'est que les décisions les plus importantes qui doivent
être prises encore aujourd'hui - en dehors de celles que le
ministère prend - il nous semble qu'elles doivent l'être à
un niveau intermédiaire, donc pas les 2700 écoles
fractionnées, livrées souvent à elles-mêmes sans
grands moyens, sans instruments, avec beaucoup moins de personnel d'appui ou
faisant en sorte aussi qu'une collectivité, globalement, peut
difficilement arriver à s'exprimer à travers 2700 foyers.
J'ai dit ce matin, et je le répète, qu'on ne trouve pas
que les commissions scolaires sont magnifiques et qu'elles doivent rester
là parce que c'est vieux et parce qu'on s'entend toujours bien avec
elles; ce n'est pas cela. C'est parce que cela nous apparaît être,
sous réserve de la transformation des territoires, on le veut bien, sous
réserve d'un certain nombre d'aménagements, on le veut bien, un
lieu où il y a suffisamment de gens qui peuvent s'exprimer pour
influencer, contrebalancer au besoin - bref, y intervenir - le projet
éducatif global, qui est celui de la nation québécoise, et
non pas seulement celui du ministère.
Ce n'est pas: on éloigne, on rapproche, on efface. On a dit, on
affirme et on peut bien vous répéter que prendre un nombre X de
pouvoirs dans certains cas, cela nous paraît folichon. N'ayons pas peur
des mots. Je pense que l'exemple de cinq écoles différentes qui
donnent les mêmes degrés et ont cinq manuels différents -
à supposer qu'il y en ait cinq d'acceptés sur la liste
gouvernementale - c'est un peu folichon. Décider qu'à
l'intérieur d'une école donnée, il y aura ces
décisions de pouvoir - je prend cet exemple-là, je pourrais en
avoir d'autres -qui seront prises par un groupe et par un groupe seulement des
intervenants, c'est mettre en péril la capacité de l'ensemble des
intervenants dans une école donnée d'agir de concert pour la
mission première et essentielle d'une école, qui est celle
d'éduquer, de former des élèves, de leur enseigner. C'est
cela; ce n'est pas que ce soit plus ou moins proche ou plus ou moins loin.
II nous semble, encore une fois, que les véritables pouvoirs
doivent être assumés à la fois au ministère et au
niveau des commissions scolaires et que, par ailleurs, on doit laisser, cela va
sans dire, à l'école la marge nécessaire pour les
appliquer correctement, avec bon sens, dans le souci du respect du milieu
où elle est.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Gagnon. M. le
député de Chauveau.
M. Brouillet: Un petit mot. Vous m'avez dit que j'avais encore
cinq minutes?
Le Président (M. Blouin): Je vous ai dit cela il y a cinq
minutes, M. le député de Chauveau. Mme la députée
de L'Acadie.
M. Brouillet: Je vous remercie. J'aurais encore beaucoup d'autres
choses, mais, enfin, le débat n'est pas encore terminé.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier la Centrale de l'enseignement du Québec pour son
mémoire. Il est très fouillé et porte vraiment sur tous
les aspects du projet de loi 40. Je me suis un peu étonnée au
point de départ d'entendre le ministre n'intervenir que sur la
troisième partie de votre mémoire qui, évidemment, touche
tous les droits syndicaux des travailleurs et des travailleuses de
l'enseignement et qui est, évidemment, une préoccupation
première de votre centrale. Il reste que - peut-être même
que M. Charbonneau s'en souviendra - il n'y a peut-être pas si longtemps
- je ne suis pas certaine que ce soit le ministre Laurin; j'ai essayé de
le vérifier, mais je n'ai pas été capable de le retrouver
- au moment où vous étiez venus pour le débat sur la
négocation, c'est-à-dire les problèmes touchant les
négociations, un ministre - je n'affirmerai pas que c'était le
ministre Laurin - vous avait reproché de ne vous préoccuper que
de questions syndicales.
Aujourd'hui, alors que vous abordez le projet de loi 40 sous
différents aspects, entre autres tout ce qui touche la qualité de
l'éducation, surtout ce que sont les véritables priorités
en éducation, le ministre prend bien soin de ne parler que de la partie
qui touche les droits syndicaux. Je pense que, pour le ministre, il est bon
d'entretenir dans l'esprit du public l'idée que la Centrale de
l'enseignement du Québec n'a d'autres préoccupations que les
réclamations au nom des droits de ses membres et que, dans le fond, la
qualité de l'éducation ou enfin les véritables
problèmes de l'école ne l'intéressent pas. Il faut surtout
perpétuer cette image dans le public, c'est très important.
Ceci étant dit, je vais essayer de ne pas prendre mes 20 minutes,
pour donner aussi la chance de parler à mes collègues, et je vais
vous poser des questions très précises, tout en ayant, au point
de départ, le souci de mentionner que, pour les problèmes que
vous soulevez touchant l'échec scolaire, l'abandon scolaire, l'absence
de politique en formation professionnelle, l'éducation des adultes, il y
a des reproches véritables à adresser au gouvernement. Si on
relève les débats de l'étude des crédits qui
remonte à 1977 - à ce moment-là, j'y étais - 1978,
1979 et 1980 - et je suis sûre que cela a été poursuivi
depuis ce temps-là -chaque année, ces problèmes ont
été présentés au gouvernement comme des
priorités. On lui demandait, sur le problème de l'abandon
scolaire: Des études ont été faites, qu'est-ce que vous
faites? Sur le problème de la formation professionnelle... Et,
finalement, comme réponse, au bout de pratiquement huit ans - cela fera
huit ans quand la loi sera adoptée - ce sera un projet qui fait un
réaménagement de structures sans vraiment encore avoir
apporté des réponses à ces problèmes bien plus
fondamentaux, si les discours qu'on fait à propos de notre
préoccupation des jeunes, de la jeunesse, de leur avenir est une
véritable préoccupation.
Je passe à mes questions. Vous dites, à la page 10, que,
touchant la confessionnalité, vous émettez des craintes, à
savoir que, même avec la division linguistique, vu les dispositions que
le projet de loi contient pour la reconnaissance des écoles
confessionnelles, il n'y ait pas un véritable respect des consciences.
Je résume un peu votre pensée. Quelle est la solution ou la
proposition de solution de la CEQ?
D'une part, c'est vrai qu'il y a ce besoin de respect des consciences et
qu'il y a des gens qui, pour des raisons de conscience, ne veulent pas de
confessionnalité ou ne veulent pas que les écoles soient
confessionnelles, mais vous avez aussi, dans la population, quand même
bon nombre de parents, quelles que soient leurs motivations - et là, je
ne veux pas entrer dans les détails, s'ils pratiquent ou s'ils ne
pratiquent pas, etc. Il reste qu'il y a encore, je pense, un bon noyau de
parents qui désirent que l'école puisse avoir un projet
éducatif auquel sera intégrée la dimension
confessionnelle. Je voudrais savoir - et je comprends vos appréhensions
- quelle serait la proposition de la CEQ eu égard à toute la
question de la confessionnalité.
M. Charbonneau (Yvon): Mme Gagnon va répondre à
l'aspect de votre question qui porte sur la confessionnalité. Sur la
première partie qui traite des services, nous aurons un
complément de réponse.
Mme Gagnon: Mme Lavoie-Roux, il va sans dire qu'on n'est pas des
extraterrestres et qu'on sait à peu près comme peut
être
laborieuse et difficile dans le Québec la question de la
confessionnalité. En passant, cela l'est chez nous aussi. Il ne faut pas
croire que les membres qu'on représente sont spontanément tous
d'accord à propos d'un sujet qui est, au fond, aussi diviseur d'une
population que celui de la confessionnalité. Je vous épargne les
dernières statistiques cependant, mais je ne suis pas certaine en le
disant que ce ne soit pas tellement vous que j'épargne que moi, parce
que je ne suis pas si certaine que cela que mes dernières sont les
dernières. Quoi qu'il en soit, il semble bien, en tout état de
cause - et cela n'a pas été contesté - qu'au moment
où on se parle il y aurait quand même une légère
majorité de citoyennes et de citoyens du Québec qui seraient
d'accord pour une décon-fessionnalisation quelconque du système
d'éducation. Que ce soit pour une école laïque, ou une
école neutre, ou une école pluraliste - je n'entrerai pas
là-dedans - il y aurait quand même une majorité. Cela nous
amènerait à inverser notre raisonnement, c'est-à-dire que,
puisqu'il y a une majorité, c'est donc la minorité qu'il faut
protéger -un instant! Je pense que cela, c'est un sondage - mais, au
moment où on se parle, dans le Québec d'aujourd'hui, on est quand
même en présence d'une bonne assise confessionnelle dans les
appareils d'éducation. Bon!
Ce qu'on reproche fondamentalement au projet de loi 40 - et c'est
peut-être le plus qu'on peut lui reprocher au chapitre de la
confessionnalité, mais c'est lourd - c'est de prétendre
régler un problème qui était odieux et livré comme
odieux pour tout le monde, c'est-à-dire cette exemption, cette demande
de droit d'exemption qui, par ailleurs, n'était pas respectée
dans bien des cas, qu'on contournait chaque fois qu'on le pouvait et qui avait
comme aboutissement - je ne dirai pas en général, mais
fréquemment - que les enfants exemptés, qui n'étaient pas
nombreux - on le comprendra, avec la procédure qui était
imposée - se retrouvaient complètement isolés, en dehors
de la classe, n'importe où, livrés à eux-mêmes. Il y
a des variantes, mais c'est à peu près cela.
Alors, on voit apparaître, au moment du projet de loi 40,
l'idée de l'option; donc une véritable option. Compte tenu des
statistiques dont je viens de vous parler, on se dit - admettons que ce n'est
pas réparti équitablement partout dans la province, mais quand
même - qu'il y a un certain nombre de milieux qui vont s'estimer
satisfaits. L'option révélant davantage ce que les gens croient
que l'exemption qui était pleine d'embûches, on peut
peut-être s'en tirer un peu comme cela. On n'avait pas prévu,
évidemment, être d'accord - on n'était pas d'accord au
moment du livre blanc et on n'a pas changé d'idée - sur la
reconnaissance confessionnelle des écoles, mais c'est une autre affaire.
Cela n'a pas une incidence démocratisante sur l'option. C'est une autre
affaire. Ce qu'il y a de pis au fond, et probablement plus encore que la
reconnaissance officielle d'un statut confessionnel qui est une chose qui peut
être juridique, ma foi, et avoir des conséquences relatives, ce
qu'il y a de pis, dis-je, c'est la capacité qu'auraient donc des
écoles données, où la majorité exprimée
aurait été effectivement dans le sens de la confessionnalisation,
de se doter d'un projet éducatif qui serait confessionnel plus qu'avant,
c'est-à-dire qu'au lieu d'une déconfessionnalisation relative,
qui nous semble aller quand même dans le courant de l'avenir, du moins
pour les appareils d'État, on assisterait au contraire à une
reconfessionnalisation du système un peu par le biais. Cela va poser un
certain nombre de problèmes.
Qu'est-ce que cela peut vouloir dire pour un enfant, pour ses parents ou
pour un adolescent d'opter pour une heure ou deux par semaine - je ne voudrais
pas m'enfermer entre l'enseignement moral et l'enseignement religieux et se
trouver par ailleurs dans une école où tous les enseignements
dans toutes les matières seront colorés par la
confessionnalité? Il nous semble en conséquence qu'on ne peut pas
prétendre avoir réglé le problème en affirmant,
d'une part, qu'on optera, mais qu'en même temps on peut avoir des projets
éducatifs confessionnels.
Je pense que déclarer que l'école est publique et commune
dans un article et lui ajouter celui qui suit en disant que, cependant, elle
pourra partager un projet éducatif confessionnel et refléter les
valeurs du milieu, cela commence à ressembler à la quadrature du
cercle dans bien des endroits. On n'a pas une solution immédiate et
précise. Pour nous, il va sans dire que, par respect de ce qui semble
avoir été jusqu'à maintenant une tradition bien assise, on
n'évacue pas l'enseignement religieux de l'école. On le
maintient. On le maintient à l'horaire avec l'option. Les enfants et les
adolescents et leurs parents ou leurs parents ont donc le choix entre
l'enseignement religieux et l'enseignement moral. Il nous semble cependant, en
contrepartie de cela, que la confessionnalité doit se limiter à
cela à l'intérieur des écoles, à moins que d'autres
activités ne soient à l'école sous la
responsabilité des Églises et un peu hors horaire, ou alors un
système mixte. Par exemple, supposons que ceux qui ne sont pas
pratiquants auraient, quant à eux, des activités analogues ou
autres au même moment. On n'a pas d'objection à cela. Par contre,
on refuse complètement que tous les enseignements soient colorés
et soumis aux règles de la confessionnalité. Cela nous semble une
aberration pour le respect des
droits des non-croyants.
M. Charbonneau (Yvon): En complément, Mme la
députée, je voudrais vous inviter ainsi que vos collègues
de la commission, à consulter un des mémoires qui vous ont
été remis et qui provient de la Maison internationale de la rive
sud. Il représente le point de vue des immigrants et de l'école
québécoise. C'est le mémoire 131. Le ministre n'a pas mis
cet organisme au nombre des organismes invités, mais je crois qu'il y
aurait un très grand avantage pour tout le monde à entendre le
point de vue en question. Il établit, je crois, une preuve dans le sens
qu'il y aurait discrimination dans l'emploi pour certains adultes qui
voudraient notamment avoir un emploi dans le secteur scolaire. Il
établit aussi qu'il y a une discrimination et des injustices dans le
traitement des enfants dans les écoles publiques qui ne partageraient
pas la foi ou l'option religieuse d'une école donnée, laquelle
option se traduit pas un projet éducatif confessionnel - il y a un
problème là - un non-respect des minorités et des
libertés de conscience. C'est un plaidoyer de très grande
qualité et je crois qu'au moment où un peu partout au
Québec, par diverses lois, on essaie d'avoir un meilleur accueil, de
favoriser l'intégration des immigrants, notamment par le biais des
institutions scolaires où on dit aux immigrants de venir à
l'école de la majorité, il faut qu'ils s'y sentent à
l'aise. Il y a des milieux où c'est devenu un véritable
problème. On peut actuellement faire l'hypothèse que l'enfant
d'un hindou sera attiré vers une école francophone, si son statut
est catholique; ce parent pourrait-il enseigner dans l'école où
va son enfant? On en arrive donc à des situations assez difficiles
à vivre, je crois.
À la première partie de votre question où vous avez
mentionné un aspect, à savoir que deviendraient les services dans
l'optique de ce nouveau système "commission et école avec centre
décisionnel", mon collègue, Pierre Tellier, président de
notre secteur des professionnels, va répondre. (16 h 45)
M. Tellier (Pierre): Nous avons été
intéressés de voir les députés de l'Opposition
s'inquiéter de la qualité de l'éducation. La
qualité . de l'éducation. Plus souvent qu'autrement on ne pense
qu'à l'enseignement proprement dit, qu'à l'acte d'enseigner. Mais
il y a des activités qui doivent compléter l'acte d'enseigner:
par exemple les activités de psychologie et d'orientation, d'orthophonie
au plan des écoles. Les activités d'animation aussi, que ce soit
de l'animation de la vie scolaire ou de l'animation de la pastorale
actuellement dans les écoles catholiques et de l'animation de la vie
religieuse dans les écoles protestantes et aussi toute la notion de
conseil pédagogique et de support au plan des moyens et des techniques
d'enseignement. Particulièrement pour cette dernière
catégorie de support à l'enseignement, c'est un service qui se
donne au plan d'une commission scolaire. Seules quelques très grosses
écoles pourraient se doter d'un personnel capable d'apporter un certain
support à l'enseignement.
Par conséquent, dans les commissions scolaires, si le pouvoir se
déplace trop vers les écoles, il en résultera une lutte ou
une certaine tendance à vouloir s'arracher des responsabilités et
cette lutte provoquera la disparition d'un certain nombre de services au plan
de la commission scolaire, services qui se dispensent à l'ensemble des
écoles et qui répondent à la fonction de
péréquation que doit avoir une commission scolaire. Dans certains
milieux où il y a des inégalités importantes, la
commission scolaire a une fonction de régulation des services à
dispenser. La commission scolaire ayant une vision régionale des
problèmes, elle peut distribuer les services et non pas essentiellement
attendre que les écoles viennent se les arracher, que les écoles
mieux nanties, par exemple, puissent se doter de moyens pour aller se chercher
plus de services et ce, au détriment d'écoles moins bien nanties.
Je parle au plan du conseil pédagogique, mais c'est la même chose
aussi au plan de la psychologie, au plan de l'orientation, au plan de
l'orthophonie, au plan de certaines autres activités encore moins
fréquentes dans les commissions scolaires: ergothérapie,
orthopédagogie, etc. Les écoles qui en ont le plus besoin sont
souvent les écoles qui ont le plus besoin d'aide de la commission
scolaire, de cet organisme régional qui a la charge de dispenser les
services, de les distribuer à l'intérieur de la commission.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Avec cette question de la
péréquation des services, je suis très familière.
Vous l'avez bien mentionné, et je suis convaincue que
particulièrement les gens des grandes commissions scolaires ou des
grandes agglomérations urbaines nous en feront part, parce que c'est
là souvent que s'accumulent les problèmes.
M. le Président, j'ai deux questions à poser. La
première: J'aimerais avoir votre réaction sur l'article 307 qui
prévoit la création de cet organisme sans but lucratif
composé majoritairement d'enseignants ayant pour objet de produire et
d'évaluer du matériel pédagogique, qui me semble
être un organisme dont le ministre se doterait, mais qui ne semble tenir
aucunement compte des structures syndicales actuelles. La deuxième:
Est-ce que vous avez examiné, en relation avec ceci - je n'aurai pas le
temps de revenir pour une autre question - la recommandation de la
faculté d'éducation de
l'Université McGill touchant la création possible d'un
conseil des programmes indépendant du ministère et composé
à parts égales de professeurs, de représentants du public
et d'autres professionnels? J'aimerais vous demander si vous êtes
d'accord avec la Fédération des commissions scolaires et le
groupe de McGill qui ont fait des recommandations quant à des pouvoirs
qui devraient être donnés aux commissions scolaires. Est-ce que
vous les avez examinées? Est-ce qu'en gros vous êtes d'accord avec
la liste des pouvoirs qu'ils énuméraient comme devant être
remis aux commissions scolaires? Cela fait plusieurs questions, mais je n'en
poserai plus.
Le Président (M. Blouin): Cela fait plusieurs questions,
Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Ils peuvent choisir celles auxquelles ils
veulent répondre.
Le Président (M. Blouin): Oui, je
préférerais cela. Vous comprenez maintenant dans quelle situation
nous sommes placés et, dans quatre minutes, je devrai donner la parole
à un autre intervenant. Je vous invite à résumer votre
pensée. Si vous pouvez le faire sur l'ensemble des sujets
évoqués, tant mieux! sinon, comme le suggérait avec
beaucoup d'à-propos Mme la députée de L'Acadie, sur un des
sujets qu'elle a évoqués.
M. Charbonneau (Yvon): Sur la question renvoyant à une
suggestion qui serait dans le mémoire de la faculté
d'éducation de l'Université McGill, nous allons examiner cette
recommandation et nous ferons parvenir une note vous disant notre avis sur
cette suggestion dès que ce sera possible, dans les prochains jours.
Sur la question de l'organisme sans but lucratif, avec mandat de
création et d'évaluation de matériel pédagogique,
l'article 307, nous avons étudié cette question avec un certain
soin. Nous savons, par exemple, que le Conseil supérieur de
l'éducation... Pardon?
Le Président (M. Blouin): Je vous signale, M. Charbonneau,
que vous devrez concentrer cette réponse en deux ou trois minutes. Nous
sommes vraiment serrés dans le temps.
M. Charbonneau (Yvon): Ce serait plus facile si je n'avais pas
étudié la question.
Le Président (M. Blouin): Probablement. Je fais appel
à votre esprit de synthèse, M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Cela tient en une page. C'est quand
même une étude assez substantielle qu'on a faite, mais la
synthèse tient en une page.
Le Président (M. Blouin): S'il y a consentement, lisez la
page. Ensuite...
M. Charbonneau (Yvon): D'accord.
Le Président (M. Blouin): ...je vous céderai la
parole.
M. Charbonneau (Yvon): C'est une question qui est assez nouvelle.
Le conseil supérieur suggère de ne pas aller du côté
de la production, mais de l'évaluation seulement. On a vu - vous aurez
l'occasion d'en discuter avec certains de nos collègues de
l'enseignement tout à l'heure - une autre organisation qui voit avec
intérêt cette proposition.
Dans notre mémoire, à la page 40, nous avons seulement
soulevé l'aspect du statut et des conditions de travail des personnels
pouvant être affectés à cet organisme. Mais notre
réflexion va plus loin et on rappellera ici que, dès 1977, au
sommet de La Malbaie, nous avons réclamé la nationalisation de
l'édition scolaire. En 1980, à notre congrès, nous avons
réclamé la mise sur pied de collectifs de création
pédagogique, au niveau des enseignants et enseignantes et des personnels
de l'enseignement. Nous réfléchissons à ce sujet depuis
quelques années.
Nous avons aussi pris quelques initiatives en la matière, en
termes de création d'un certain nombre d'instruments qui peuvent servir
à appuyer des interventions pédagogiques. Nous avons fait cela
seuls ou avec d'autres groupes ou avec d'autres individus.
Par rapport à l'article 307, je dois dire ici que, s'il s'agit de
l'avènement d'un secteur public de production pédagogique qui
viendrait se juxtaposer, côtoyer le secteur privé de production,
nous croyons qu'il y aurait là un pas de l'avant, une initiative
intéressante. Si ce n'est rien de plus qu'une PME que le gouvernement va
financer, c'est autre chose. Premièrement, il faut qu'il soit clair
qu'il s'agit d'un secteur public de production pédagogique.
Deuxièmement, si cet organisme met réellement à
contribution les talents, l'expertise du milieu - ce n'est pas seulement une
affaire parachutée d'en haut - les enseignants, les professionnels sur
le terrain, les professionnels de certains services gouvernementaux aussi,
certaines facultés universitaires et certains instituts de recherche, si
on met vraiment leurs expertises à profit par le truchement de cet
organisme, c'est encore un point positif.
Enfin, je dirai que les critères de production de cet organisme
devraient présenter quelque chose d'original et de spécifique par
rapport à ce qui se fait déjà
sur le marché privé: apporter quelque chose de plus, avoir
une espèce de caractère de pédagogie, mais vraiment
progressiste, avec certains paramètres sociaux, par exemple, pour
être très attentif aux problèmes de sexisme, de racisme, de
valeur d'éducation aux droits fondamentaux. Donc, nous sommes d'accord
pour une production, mais qu'elle soit vraiment caractérisée
comme un progrès par rapport à ce qui existe sur le
marché. Alors nous saluerions, si cela répondait à tous
ces critères, une telle initiative.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Charbonneau. M. le
député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais
commencer par féliciter la CEQ pour l'excellent mémoire qu'elle
nous a présenté. J'aurais beaucoup de questions à poser,
j'en poserai une seule, M. le Président. Je voudrais laisser à
mes collègues la chance d'en poser également. Le temps file,
malheureusement.
La CEQ a démontré dans son mémoire une ouverture
d'esprit par rapport à la participation des parents. Je reviens sur
cette question parce qu'elle me semble fondamentale dans le débat que
nous avons présentement en commission parlementaire. Quel rôle
devraient jouer les parents? La CEQ a donc démontré une ouverture
d'esprit, entre autres quant à la participation des parents à la
commission scolaire même. Ce qui m'étonne tout de même dans
une des positions qu'elle a prises dans son mémoire, c'est le rejet du
projet éducatif au niveau de l'école. Je reviens également
là-dessus. Je sais que cela a été évoqué,
mais cela ne m'apparaît pas suffisamment clair. Il me semble qu'on a
droit à une certaine précision de la CEQ quant au projet
éducatif au niveau de l'école.
Vous avez parlé du projet éducatif au niveau national et
au niveau régional et de la possibilité d'une projet
éducatif au niveau de quelques écoles qui se regrouperaient, par
exemple. Mais je ne comprends toujours pas pourquoi vous refuseriez à un
conseil d'école de se doter d'un projet éducatif. Le projet
éducatif, tel que je le comprends, rapidement, c'est le résultat
d'une concertation entre les responsables de l'éducation des enfants
pour un meilleur fonctionnement de l'école, un meilleur climat à
l'intérieur de l'école et donc une meilleure qualité de
l'action éducative à l'intérieur de l'école,
l'action éducative qui signifie beaucoup de choses.
La qualité de l'éducation, il me semble, est reliée
aussi, dans une école donnée, à l'efficacité des
interventions pour régler des problèmes donnés. C'est
relié, bien sûr, à la mentalité d'un milieu et
à la capacité des éducateurs de travailler ensemble et, il
ne faudrait pas l'oublier, c'est à titre d'éducateurs que les
parents veulent avoir un pouvoir décisionnel au niveau de l'école
et de la commission scolaire, qu'ils veulent avoir leur mot à dire dans
la perspective d'un projet éducatif avec les autres éducateurs
responsables: professionnels, enseignants, direction, qui ont actuellement des
pouvoirs d'intervention à l'intérieur de l'école.
Les parents nous ont dit ceci: Nous sommes regroupés dans des
comités d'école. Bien sûr qu'on peut agir également
de façon responsable, mais on n'est toujours que consultatifs,
c'est-à-dire qu'on peut rejeter nos suggestions et nos recommandations.
Alors, ma question est celle-ci: Si on veut véritablement que les
parents agissent en tant que premiers éducateurs de leurs enfants et si
on est d'accord sur le fait que l'action des parents peut améliorer la
qualité de l'éducation à l'intérieur même de
l'école, c'est-à-dire dans le vécu même de
l'école, comment envisager ce rôle des parents sans qu'on leur
accorde un pouvoir décisionnel au niveau du conseil d'école?
C'est ma question.
Le Président (M. Blouin): M.
Charbonneau, vous avez eu l'occasion, vous vous en souvenez, au cours de
la journée, de répondre à une bonne partie de ces
préoccupations. Je vous demande donc maintenant de résumer votre
intervention pour ne pas répéter inutilement les mêmes
arguments. M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Eh bien, les mêmes questions, mais
on voit peut-être...
Le Président (M. Blouin): Oui, je comprends, mais, alors,
s'il s'agit des mêmes questions et des mêmes arguments, je...
M. Charbonneau (Yvon): D'accord!
Le Président (M. Blouin): ...suggérerais qu'on
passe à un autre intervenant.
M. Charbonneau (Yvon): Je pense que, face à ce genre de
questions soulevées, et ce n'est pas du tout un reproche que je fais de
ramener les mêmes questions, ce sont des discussions longues et, si on
était ici un groupe d'enseignants et un groupe de parents, ce sont des
discussions qui dureraient des heures; il faut se reprendre plusieurs fois pour
arriver à établir vraiment ce dont on parle. Alors, quand on
parle de projet éducatif, je vous répète seulement ceci:
pour nous, un projet éducatif, c'est le projet d'ensemble, le projet de
l'École québécoise. Je rappelle les réserves que
nous avons sur le contenu du livre orange, mais disons l'École
québécoise avec un grand É. C'est le projet
éducatif du Québec, le livre de bord de la société
québécoise en matière éducative. Comment cela se
réalise-t-il
ensuite? Par des interventions du ministère, par des
interventions des juridictions exercées par les commissions scolaires et
aussi, certainement, par l'intervention de ces lieux précis d'action que
sont les écoles. (17 heures)
Comme nous voyons le système, on n'a pas besoin d'alourdir le
palier école d'un mécanisme décisionnel du même type
que ce qui existe dans les commissions scolaires. On n'a pas besoin d'un palier
comme celui-là. Il suffirait de mettre en place des mécanismes de
concertation où les associations de parents, s'il se crée des
associations autonomes avec le temps, ou des comités de parents, les
associations que sont les nôtres, les usagers... Pensez aux adultes qui
sont aussi des usagers des services éducatifs. L'ensemble des parties
intéressées au développement de l'éducation
trouvent donc, par leurs mécanismes, un moyen d'arriver à dire
à l'école ce qui en est. Cela peut prendre la forme d'une table
de gestion, d'une table de coordination, d'une table de concertation où
les différentes parties se rassemblent et ont chacune leurs organismes
qui les mandatent et on discute. Finalement, par ce jeu du va-et-vient, on
trouve certainement des solutions à la plupart des problèmes mais
des problèmes, taillés à la mesure de ce qu'on peut
régler dans une école donnée. Il ne faut pas en donner
plus que ce qui a du bon sens, à ce niveau de l'école. C'est un
peu le créneau de réponse sur lequel je suis obligé de
revenir.
M. Leduc (Fabre): Donc, au niveau de l'école, les parents
demeureraient consultatifs, dans votre esprit.
M. Charbonneau (Yvon): Sur certaines questions, leur avis
pourrait être formellement requis; sur d'autres questions, il se pourrait
que nous devions exiger une recommandation de leur part, comme, sur certaines
questions, notre avis pourrait être formellement requis ou encore aucune
décision ne serait prise sans qu'on ait fait une recommandation.
Pensons aux questions de méthode et de manuels pour ce qui est de
notre part. Pensons à la question de la confessionnalité, par
exemple, ou de l'option entre divers types d'enseignement pour les parents,
pour la fermeture d'une école. En quelque sorte, on peut aller
jusqu'à rendre le point de vue des parents liant sur certaines
questions. Cela peut aller jusque-là, mais limitons le nombre de
questions où cette juridiction -décisionnelle, en somme - doit
s'exercer. Tenons cela dans un ordre assez limité pour le
mini-réseau de services scolaires qui doit s'édifier pour le
bénéfice d'une collectivité. C'est une question
d'équilibrer tout cela pour que le système ne prenne pas une
dérive vers l'émiettement.
M. Leduc (Fabre): La Fédération des commissions
scolaires était prête à aller jusqu'à introduire
dans la loi un certain nombre de pouvoirs mais qu'elle pourrait
déléguer au conseil d'école. Il y aurait donc une
délégation de pouvoirs. Enfin, si on suit l'idée de la
fédération des commissions scolaires, on pourrait envisager une
délégation de pouvoirs, donc aller un peu dans le sens du projet
de loi, mais par le biais d'une délégation de pouvoirs qui serait
dans le projet de loi. Est-ce que vous iriez jusque-là?
M. Charbonneau (Yvon): Oui. Je pense que c'est tout à fait
acceptable et, d'ailleurs, c'est tout à fait dans le sens des articles
qui apparaissent dans le programme du Parti québécois, au
chapitre de l'éducation où l'on dit: établir dans chaque
région une commission scolaire régionale ayant juridiction
directe sur toutes les écoles de tous les niveaux,
élémentaire et secondaire, situées sur son territoire. Je
pense que c'est tout à fait compatible, c'est plein de bon sens.
M. Leduc (Fabre): Mais, si une école, un conseil
d'école est d'accord pour exercer les pouvoirs qu'une commission
scolaire lui déléguerait, on revient au projet éducatif.
Vous êtes donc d'accord sur le fond que le milieu pourrait exercer les
pouvoirs du projet de loi 40, à la condition que cela se fasse par
délégation de la commission scolaire.
M. Charbonneau (Yvon): En dialoguant, nous venons de voir comment
un projet éducatif prend sa forme à travers des interventions se
conjuguant au niveau de l'école, de la commission et du ministère
de l'Éducation. Le projet éducatif prend sa forme, sa vie,
à travers cette conjugaison. Mais, à notre avis, au niveau des
juridictions, pour plus de netteté, pour qu'on se comprenne bien dans le
système, il suffit de deux niveaux de juridiction formelle.
M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le
député de Fabre. En rappelant aux derniers intervenants que
quatre autres membres ont demandé la parole et que nous devrons
suspendre la séance à 18 heures et mettre fin à cet
échange fructueux avec les gens de la CEQ, M. le député de
Louis-Hébert, s'il vous plaît!
M. Doyon: Merci, M. le Président. Je vais passer
par-dessus les remerciements d'usage, faute de temps. Je ne peux cependant
passer sous silence la tentative, dont nous avons été
témoins de la part de M. le ministre Laurin, d'amenuiser, à mon
sens, la portée du mémoire qui nous a été
présenté en donnant l'impression qu'il était
limité à des préoccupations de nature syndicale. Or, c'est
loin d'être le cas. Une simple consultation de la table des
matières nous permet de nous rendre compte que les trois quarts du
mémoire sont consacrés à des préoccupations d'autre
nature. Je pense qu'il est nécessaire de souligner cela. L'impression
qui est donnée et qui risque de rester est souvent celle qui se
dégage de l'intervention d'une personne qui est la plus responsable au
niveau du projet de loi pour ce qui est de son adoption, c'est-à-dire,
le ministre. Le ministre a insisté hors de proportion sur ce qui
était une partie importante, mais quand même marginale, du
mémoire qui nous était présenté.
Pour poursuivre la discussion qui a été engagée
avec le député de Fabre, j'aimerais savoir de votre part,
étant donné que le principe, là comme ailleurs, disant
qu'on ne donne pas ce qu'on n'a pas... Pour que la commission scolaire puisse
déléguer des pouvoirs ou en permettre l'exercice en consultation
avec elle par d'autres agents quelconques, il est nécessaire que la
commission scolaire dispose de pouvoirs supplémentaires ou, en tout cas,
de pouvoirs réels qui ont des conséquences véritables.
Est-ce que vous pouvez donner une idée à cette commission
parlementaire du genre de pouvoirs que devrait avoir une véritable
commission scolaire et des pouvoirs qui seraient de nature à provoquer
l'intérêt chez la population, chez les parents et amener de sa
part une possibilité de procéder à une
délégation de pouvoirs véritables, comme je le dis,
étant donné qu'elle ne peut quand même pas
déléguer ce qu'elle n'a pas obtenu en premier lieu?
M. Charbonneau (Yvon): Voilà le débat tel qu'il
devrait se faire le plus, si on était face à un projet de loi qui
nous amène une vraie proposition de décentralisation, deux
paliers. Notre discussion depuis ces heures se ferait pour savoir comment
organiser les pouvoirs des commissions scolaires, les juridictions, les
responsabilités par rapport à ceux du ministre. On serait dans
une discussion depuis trois ou quatre heures à ce niveau, commission
scolaire et ministère. À cause de la structure du projet de loi
40, on est empêtré dans toute cette division des pouvoirs
écoles-commission scolaire et on oublie ou on risque de négliger
le principal, c'est-à-dire ce qui ferait l'objet d'une véritable
décentralisation, soit la dynamique ministère-commissions
scolaires.
Votre question nous ramène à ce niveau. Je crois que la
semaine dernière vous avez eu des suggestions qui sont pleines de sens
là-dessus, provenant de la fédération elle-même et
des directeurs généraux. Pour économiser du temps, je peux
vous dire qu'en gros, c'est aussi l'approche que nous verrions.
Cela supposerait, en somme, une espèce de consolidation du
pouvoir des commissions scolaires, si on veut l'appeler pouvoir, ou des
fonctions, en faisant remonter là où cela doit être,
à notre avis, au niveau des commissions scolaires, les attributions qui
ont été éparpillées au niveau des écoles
dans la dynamique du projet de loi 40. Il s'agirait de consolider cela à
ce palier. Cela permettrait une distribution plus équitable des
ressources, une organisation plus rationnelle des ressources au niveau d'un
territoire. Au niveau des relations du travail, cela aurait des avantages
certains pour rationaliser le système. Nous saurions avec qui faire
affaires, 150 commissions scolaires, 150 lieux décisionnels.
Si le ministre de l'Éducation va dans le sens de ce qu'on entend
de certains autres ministres, qu'il regarde des schémas où
l'avenir du régime des relations du travail pourrait être un peu
plus décentralisé, admettons deux paliers, ministère ou
gouvernement et commissions scolaires, voilà un schéma avec
lequel on peut faire des relations du travail un peu plus rationnelles que s'il
y a trois niveaux de pouvoir. On ne sait plus trop où est... Par le jeu
des délégations de pouvoirs... Je suis passé rapidement,
mais ce sont des pages lourdes d'importance qu'il y a dans notre mémoire
sur le jeu des délégations. On ne sait plus qui fait quoi dans le
système: commissions scolaires, écoles. Cela ne peut pas faire de
bonnes relations du travail. C'est dans ce sens-là.
On n'en parle pas beaucoup ici, c'est un peu regrettable. Je crois que
c'est notre responsabilité comme éducateurs de le faire. Quand on
parle de responsabilisation, il y a aussi au coeur de l'école la
responsabilisation étudiante. Puisque les étudiants ne sont pas
ici, on a parlé du RAEU et il viendra. Je crois qu'il a de bonnes
critiques à faire, d'après son mémoire, à propos du
projet de loi 40. Le mémoire du mouvement de la Jeunesse
étudiante chrétienne qui représente des étudiants
concernés par le projet de loi 40 place au coeur de ce
phénomène de responsabilisation la responsabilisation
étudiante et déclare à cet égard le projet de loi
40 inacceptable. J'espère que la commission parlementaire pourra
recevoir ce point de vue ici. La JEC dénonce l'augmentation des
inégalités prévisibles par le truchement des projets
éducatifs monnayés école par école. Je crois que
c'est un point de vue très sérieux de jeunes qui ont une optique
sociale intéressante en même temps qu'ils présentent leur
point de vue de jeunes. Il faudrait qu'il y ait place dans une commission
parlementaire sur l'éducation pour entendre le point de vue de ceux dont
il s'agit, le million dont on parle et à qui on s'adresse. Il faudrait
faire place à ce point de vue, même si ce ne sont pas des
propos
qui vont dans le sens du projet de loi.
M. Doyon: Pour poursuivre la discussion, je le souhaite vivement
aussi. Nous avons fait des représentations à plusieurs reprises
auprès du ministre et j'espère que celles que vous faites d'une
façon très convaincante auront le résultat d'amener le
ministre à entendre ces organismes représentant les jeunes,
représentant les étudiants et les étudiantes. Nous sommes
prêts - nous l'avons indiqué dès le début de la
commission - à prendre le temps qu'il faudra pour permettre à des
organismes qui ne sont pas sur la liste... Que voulez-vous? Le ministre a fait
du magasinage là-dedans comme dans le reste. Il nous a proposé
une liste de magasinage; il avait un catalogue d'intervenants possibles et il a
passé une commande de 78 articles. C'est comme cela qu'il a
fonctionné. Nous lui disons que nous ne voulons pas être partie
à ce genre de magasinage, qu'on ne veut pas être complices de
cela. Les remarques que vous faites sont fort à propos et nous n'avons
aucune hésitation à les approuver avec toute la vigueur que nous
pouvons.
Le discours ministériel veut que l'établissement d'un
palier décisionnel au niveau de l'école soit le seul moyen pour
amener ce qu'on pourrait appeler des initiatives locales, c'est-à-dire
la prise en charge par le milieu d'un certain nombre de choses. Cependant, il y
a des gens qui sont venus devant la commission avec des preuves qu'il y avait
de nombreuses initiatives locales et que le milieu, avec les pouvoirs
limités dont disposent actuellement les commissions scolaires,
encarcanées comme elles le sont -alors que nous sommes dans un projet de
loi qui permettrait de les "désencarcaner" - dans plusieurs cas, avait
réussi dès initiatives locales qui collaient à la
réalité et que cela avait été un succès.
Pouvez-vous nous dire si vous êtes en mesure de corroborer ces
affirmations et si vous avez des exemples qui vous viennent à
l'esprit?
Le Président (M. Blouin): Mme Gagnon.
Mme Gagnon: On n'a pas de cas précis à mettre sur
la table, sauf que la connaissance qu'on a veut que, chaque fois qu'il n'y a
rien de détérioré dans un milieu, où on prend le
temps de s'asseoir ensemble pour décider de quelque chose dans
l'intérêt de l'ensemble, cela donne de bons résultats. Sur
le terrain, les relations sont excellentes à partir du moment où
elles ne sont pas coercitives, ni imposées et qu'il se trouve aussi que
les projets mis de l'avant répondent à un véritable besoin
et à des attentes correctes pour l'ensemble des participants.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
M. Doyon: Dernière question, M. le Président.
M. Charbonneau (Yvon): En complément très rapide
sur ce sujet, je vous renverrai au témoignage de certaines commissions
scolaires venues ici la semaine dernière et à qui vous avez
posé des questions. Je les voyais par la télédiffusion.
Elles ont apporté des témoignages précis
d'expériences heureuses, progressistes de rapports avec les parents de
leur milieu et des rapports progressistes au niveau des écoles. Je crois
qu'on pourrait reprendre ces témoignages-là à titre
d'exemple.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Dernière
question, M. le député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Oui. Vous avez, avec d'autres, dénoncé le
système électoral proposé pour la formation de la
commission scolaire par le projet de loi 40. Je pense que la preuve a
été faite et le ministre est en train de réaliser et je me
demande... Enfin, c'est une réflexion personnelle que je ne peux pas
m'empêcher d'avoir. Comment se fait-il que le ministre ait attendu
d'être ici, assis où il l'est, pour reconnaître que le
système qu'il proposait ne pouvait pas fonctionner avec des tables
scolaires de 40 ou 50 personnes, avec la possibilité de voter un peu
partout, avec des commissions scolaires de 200 élèves par rapport
à d'autres plus importantes, avec des gens qui représenteraient
200 contribuables et d'autres, 12 000?
Vous proposez une commission scolaire modifiée. J'ai eu
l'impression que le ministre avait tenté une certaine
récupération de votre idée de ce
côté-là. Je voudrais seulement m'assurer qu'on se comprend
bien. Si j'ai bien compris votre proposition, vous voulez maintenir le suffrage
universel - c'est un principe de base - et à partir de ce maintien du
suffrage universel vous reconnaissez que la communauté, globalement, a
des intérêts dans les systèmes scolaires, doit être
représentée d'une façon significative à la
commission scolaire et qu'en même temps, les parents ont aussi des
préoccupations et, à ce titre, ont le droit de faire partie de la
commission scolaire. (17 h 15)
Ce que vous proposez - c'est là que j'en viens - c'est qu'une
partie des membres de la commission scolaire soit nécessairement des
parents, c'est-à-dire... Est-ce que j'interprète correctement
votre proposition à savoir qu'une des conditions supplémentaires
d'éligibilité des commissaires d'école, serait
d'être parent d'élève de la commission scolaire, mais que
tout le monde, parent ou non, en vertu du suffrage universel, voterait pour les
catégories de commissaires? Il y
aurait deux catégories. Il y aurait un minimum de membres de la
commission scolaire. À titre d'exemple, si elle comprend quinze membres,
il y en aurait au moins sept ou huit qui devraient être des parents
d'élèves de la commission scolaire. Est-ce la proposition que
vous faites?
M. Charbonneau (Yvon): Oui, parents d'élèves, mais
avec une précision, c'est-à-dire membres de comité
d'école, ou bien encore représentants d'organisations
représentatives de parents actifs, en quelque sorte, dans le domaine
scolaire. Ce serait un critère d'éligibilité. Les listes
des membres de comités d'école sont officielles; on sait de qui
il s'agit. Alors, il suffirait pour ces gens-là d'avoir ce
critère d'éligibilité pour être éligibles par
voie de suffrage universel. Et cette moitié, provenant des
comités de parents se joindrait à l'autre moitié
élue au suffrage universel. Mais le seul critère
d'éligibilité, c'est le droit d'électeur en
général.
Le Président (M. Blouin): Alors...
M. Doyon: Avec votre permission, M. le Président, c'est
différent de ce que je croyais comprendre du ministre alors qu'il
interprétait vos propos à savoir que, simplement les gens qui
auraient qualité de parent seraient admis à voter pour une
certaine catégorie de commissaires.
M. Charbonneau (Yvon): C'est pour cela que j'ai...
M. Doyon: Ce n'est pas ce que vous dites?
M. Charbonneau (Yvon): Non, parce que j'ai toujours
insisté aujourd'hui pour dire que dans les deux ordres de situation,
c'est le suffrage universel qui est le mode électoral. C'est le
critère d'éligibilité qui est plus spécifique pour
la deuxième moitié, c'est-à-dire membres de comité
d'école ou représentants d'associations de parents.
Quant au reste des procédures d'élection, nous avons
plusieurs autres propositions qui ajoutent un caractère pratique
à cette approche nouvelle qui pourrait ressusciter, je crois, ou
revitaliser le processus électoral scolaire en s'inspirant passablement
des procédures qui ont cours dans le domaine municipal par exemple.
Enfin, nous avons plusieurs suggestions pratiques. Si jamais nous avions un
cadre de débat où ce serait possible, nous pourrions apporter
d'autres suggestions.
M. Doyon: Merci beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Louis-Hébert. M. le député de
Mille-Îles.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci, M. le Président.
Je félicite les membres de la Centrale de l'enseignement du
Québec de s'être présentés devant nous. Je peux vous
dire qu'en premier lieu, j'avais lu votre mémoire et que cela m'avait
choqué. Je vous ai écouté aujourd'hui et j'ai
remarqué chez vous aussi une écoute et je pense que de notre
côté, vous avez remarqué une écoute. Et plus la
discussion évolue, plus je pense qu'il y a des points sur lesquels il
peut y avoir consensus. Je suis content de voir dans le mémoire, entre
autres, qu'il y a un consensus au point de vue de l'intégration du
primaire et du secondaire. Je suis content de voir qu'il y a un consensus de
plus en plus répandu au sujet des commissions scolaires linguistiques.
Je suis content de voir aussi que, de plus en plus, il y a un consensus au
sujet du régime d'option d'enseignement religieux dans les
écoles. Quant au suffrage universel, il y a des propositions sur la
table et cela demeure très intéressant.
J'étais content ce matin d'apprendre qu'il y avait eu aussi, au
point de vue syndical et au point de vue des enseignants, des rencontres avec
la CEQ au cours des mois d'octobre, de novembre et de décembre, au cours
desquelles on rassurait les enseignants en leur donnant des garanties, des
garanties syndicales qui ont été déposées d'une
façon officielle ce matin. C'est sûr que si la loi 40 est
adoptée, il peut y avoir, s'il y a intégration, entre autres, du
primaire et du secondaire, des appréhensions de la part des enseignants:
Qu'est-ce que je deviens? Et je pense que ce matin, par les propositions qui
ont été mises officiellement sur la table et qui ont fait l'objet
de discussions avec votre centrale, il y a quand même un
élément positif de sécurisation. Mais, comme vous l'avez
dit ce matin, M. Charbonneau, c'est bien sûr que c'est assez technique,
c'est complexe et cela mérite d'être étudié. Je
pense aussi qu'on s'en va dans une très bonne direction.
Si on en arrive au coeur de la problématique qui est sur la
table, c'est à la fois beaucoup plus émotif et basé sur le
raisonnement et sur la philosophie. Je peux vous dire par exemple - et je ne
voudrais offusquer personne autour de la table - que, pour sécuriser le
parent ou l'enfant dans un patelin ou dans un quartier, on aurait le meilleur
président de commission scolaire et les meilleurs commissaires dans une
région, moi, comme parent, je ne serais pas sécurisé
à savoir si, dans mon école, il va y avoir une très bonne
qualité d'enseignement. Quand même, je ne voudrais pas froisser le
ministre, mais, même si on avait le ministre le plus extraordinaire au
monde, comme parent, je ne serais pas nécessairement
sécurisé en sachant qu'il va y avoir une
meilleure qualité d'enseignement dans le patelin. Il y a une
chose, par contre, dont je suis certain. Si, dans l'école du quartier,
il y a un bon directeur d'école, le parent va être
sécurisé, l'enfant aussi, et j'ai alors des chances d'avoir pour
mon fils une très bonne éducation. C'est toute cette philosophie
qui est sur la table, donner au milieu la couleur qu'il veut avec, comme pilier
peut-être, le directeur d'école, qui relève encore de la
commission scolaire. Je pense qu'on charrie trop en disant qu'on enlève
tout à la commission scolaire et qu'on donne tout à
l'école, ce n'est pas vrai et vous le savez. Mais si, dans une
école qu'on veut communautaire et responsable, on donne la
responsabilité à la fois au directeur d'école et au
commissaire d'école, qui est élu dans le patelin, si on donne
aussi une responsabilité aux enseignants, aux parents et aux
étudiants du milieu pour avoir une meilleure éducation, je pense
personnellement que c'est là la clé de la qualité de
l'enseignement. Il faut l'avoir vécu de l'intérieur comme
enseignant pour savoir comment la commission scolaire est
éloignée et, à plus forte raison, le ministère de
l'Éducation. Il faut l'avoir vécu aussi comme parent responsable
d'un comité d'école pour savoir comment la commission scolaire
est éloignée tout comme le ministère de l'Éducation
d'ailleurs.
C'est pourquoi l'école veut se prendre en main. Depuis dix ans,
il y a une évolution très importante. Aujourd'hui, au moment
où on se parle, il y a plus de 40 000 parents qui sont impliqués
dans des comités d'école. Il est bien sûr qu'on veut les
meilleurs services éducatifs dans notre patelin. Pour avoir de meilleurs
services éducatifs, je pense qu'il faut avoir une concertation et rendre
l'école responsable. On la rendra responsable en donnant des moyens et
je pense que le projet de loi 40 donne ces moyens, j'en suis même
assuré. S'il y a concertation dans le milieu pour se dire qu'on veut une
école très autoritaire dans le quartier, s'il y a consensus entre
le commissaire, les enseignants, les étudiants, les parents et le
directeur de l'école, pourquoi pas? Si on veut alors une école
plus permissive, on fera aussi un consensus avec le commissaire d'école
élu dans le patelin, les enseignants, les étudiants, les parents
et le directeur d'école. Je pense que c'est le coeur de la
problématique.
Dans le passé, on a toujours dit que la commission scolaire et,
à plus forte raison, le ministère de l'Éducation sont
très éloignés. Je pense que ce sont ceux qui vivent dans
le milieu qui connaissent les besoins du milieu. Je ne parle pas, par exemple,
du choix des manuels, du choix des méthodes et de toutes ces choses. Je
pense -il ne faut pas charrier non plus - que la communauté, avec l'aide
de ceux qui font partie de cette communauté, à la fois les
enseignants et les directeurs, connaît les besoins du milieu. Je
comprends aussi que la centrale et que les professeurs ne soient
peut-être pas trop chauds au sujet du projet de loi 40, car je sais qu'il
n'y a pas un corps professionnel qui a été bousculé comme
les professeurs ou les enseignants. Si on regarde l'évolution depuis
vingt ans, je pense qu'il n'y a pas un corps professionnel qui ait
été bousculé par - appelons cela des négociations,
des projets de loi - toutes sortes de réformes, toutes sortes de
méthodes d'enseignement. Il faut avoir été dans le domaine
de l'enseignement pour s'apercevoir combien de fois on change de
méthodes seulement en dix ans. Je comprends que les professeurs soient
désabusés un peu et qu'ils n'embarquent pas trop, mais ils
savent, par exemple, que pour améliorer la qualité de
l'enseignement avec les parents, le directeur d'école, le commissaire,
qui va être très près d'eux... Il ne siégera pas
dans la région, il va siéger très près d'eux. Je
crois que c'est la façon d'avoir la meilleure qualité
d'enseignement.
J'en arrive à ma question, M. Charbonneau. Tout à l'heure,
on en a parlé. Je voudrais savoir ce que la loi 40 va faire perdre aux
enseignants pour qu'ils assurent une meilleure qualité de
l'éducation dans le milieu, près des étudiants. Nous avons
eu des exemples et je voudrais savoir si vous êtes au courant des
commissions scolaires qui l'ont essayé, soit la commission scolaire de
Sherbrooke, entre autres, celle de Jacques-Cartier et celle de Morilac. M.
Charbonneau, je voudrais savoir ce que la loi 40 va faire perdre aux
enseignants pour qu'ils assurent une meilleure qualité de
l'enseignement.
Le Président (M. Blouin): M.
Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Mon collègue, M. Bisaillon, va
répondre à cette question. Au cours de la présentation de
la question, vous avez fait référence au point de vue des
principaux, des directeurs d'école. Vous avez dit: II ne faut pas
charrier, etc., cela va relever des commissions scolaires. Je voudrais vous
renvoyer à la page 42 du mémoire de la fédération
québécoise, le mémoire no 52 que vous avez reçu la
semaine dernière.
Le Président (M. Blouin): M.
Charbonneau, j'allais justement indiquer aux membres de la commission
que les préambules qui nous amènent tous azimuts risquent de
provoquer, de la part de nos invités, des réactions qui
sauraient, elles aussi, nous éloigner de l'objet même de notre
discussion. L'objectif de notre rencontre est principalement de recueillir vos
commentaires sur des sujets les plus précis possible
relativement au projet de loi 40. Si, chaque fois, avant de poser une
question, les membres de la commission parlementaire se permettent des
préambules extrêmement généraux et
élaborés, vous comprendrez que nous ne réussirons pas
à cerner des problèmes particuliers et à pouvoir ensuite
éclairer davantage la commission sur le mandat qui nous a
été confié par l'Assemblée nationale. C'est pour
cela que je souhaiterais - surtout compte tenu de l'heure et compte tenu que
vous avez eu l'occasion, au cours de cette journée, de présenter
abondamment vos opinions sur les différents sujets dont nous avons
traité - que les questions s'adressent à vous directement et non
pas à d'autres groupes qui sont venus ou qui viendront devant nous, ou
qui ont déposé des mémoires au Secrétariat des
commissions. Je préférerais que vous répondiez beaucoup
plus précisément aux questions qui vous sont nommément
adressées. S'il vous plaît!
M. Charbonneau (Yvon): D'accord. Étant donné que la
question a déjà été ainsi posée, est-ce
qu'au moins pour cette fois-ci vous allez me permettre de prendre juste 30
secondes? C'est parce qu'on dit: Vous charriez. C'est une intervention assez
dure si on prend au sérieux les propos du député disant:
Vous charriez. Je voulais le reporter à des textes officiels qui vont
dans le sens de nos propos. Si vous pensez que cela peut aider, cela me prendra
30 secondes.
Le Président (M. Blouin): Je veux uniquement que vous
compreniez l'esprit de ces échanges, M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Ah oui!
Le Président (M. Blouin): Que vous compreniez aussi que
maintenant nous avons des limites de temps qui ne nous permettent pas de...
M. Charbonneau (Yvon): D'accord.
Le Président (M. Blouin): ...reprendre le débat
à tout propos.
Oui, M. le député de Viau, je vous en prie. Je crois que
nous avons bien compris l'esprit de ces échanges.
M. Cusano: Je voudrais bien qu'on comprenne...
Le Président (M. Blouin): ...et M. Charbonneau a
compris.
M. Cusano: ...que nos invités ont la prérogative de
répondre de la façon qu'ils le décident.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Viau, s'il vous plaît! Je comprends que M. Charbonneau a très bien
saisi l'objet de cette intervention qui ne vise pas du tout, comme vous semblez
le croire, à limiter les propos de nos invités, mais davantage
à retrouver un souci d'efficacité que nous ne devons jamais
perdre dans ce genre de discussion. M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Cela vise les préambules des
questions.
Le Président (M. Blouin): Mais oui.
M. Charbonneau (Yvon): À la page 42 du mémoire des
directeurs d'école, on dit: Nous voulons qu'un lien existe entre les
deux paliers, commission scolaire et école. Savez-vous quel lien, M. le
Président? Pas par eux, ce lien sera établi entre nos deux
paliers par la présence d'un commissaire d'école qui siège
au conseil d'école et au conseil des commissaires. Deuxièmement,
on dit: L'article 90 du projet de loi, nous le trouvons inutile et tendancieux.
Savez-vous ce que dit l'article 90? Il dit que les écoles exercent leurs
fonctions dans le cadre défini par les commissions scolaires. Je ne
pense pas qu'on charriait énormément, pas assez pour faire du
transport. Robert. (17 h 30)
Le Président (M. Blouin): Cela va. M. Bisaillon.
M. Bisaillon (Robert): Quand le député de
Mille-Îles, je crois, parle de qualité de l'éducation et
qu'il essaie de faire un lien avec le projet de loi 40, j'essaie aussi de faire
un lien avec le projet de loi 40. On peut avoir plusieurs mesures de la
qualité de l'éducation. La principale mesure que j'ai, c'est
notre capacité à dispenser des services et l'analyse qu'on fait
des conditions dans lesquelles sont placés ceux qui vivent dans
l'école. Vous-même avez parlé assez éloquemment - je
ne vous contredirai pas là-dessus - des bousculades dont les enseignants
ont été l'objet depuis un certain nombre d'années. Vous
pourriez ajouter, pour la période où vous n'étiez pas dans
les écoles, les décrets dont les effets se font sentir sur la
qualité de l'éducation, l'augmentation de la charge, etc.
Je pense que c'est une mesure de qualité de l'éducation,
la partie 1 de notre mémoire, sur laquelle il a été
difficile de discuter ce matin. Par rapport à cela, je pense qu'il y a
une espèce de modèle théorique d'école qui a
été construit, inventé au ministère - je ne dis pas
dans la tête du ministre tout seul, mais au ministère - qu'on
distille maintenant, d'abord comme des vapeurs, mais aussi comme un nuage
au-dessus des problèmes réels de l'école et de ceux qui y
vivent. Mais l'un n'est pas la réponse à l'autre. Je veux dire
que, s'il y
avait un troisième palier, les problèmes qu'on a
décrits dans le chapitre 1 seraient encore là, exactement les
mêmes, au point de vue de la qualité de l'éducation. C'est
pour cela que, lorsque vous faites un rapport entre la qualité de
l'éducation et le remède que vous semblez voir dans la loi 40, je
ne le fais pas. Vous dites: Trouvez-nous des solutions qui corrigent les
problèmes de l'éducation et on dira: II y a une réforme
qui correspond à des problèmes qu'on rencontre en
éducation. Je pense à cet effet que le projet de loi 40
manifeste, entre autres, que la relance de l'éducation ne fait pas
partie de la relance du gouvernement, elle fait partie d'autre chose. Dans ce
sens, qu'on ajoute un, deux ou trois paliers de pouvoirs, qu'est-ce que cela va
changer s'il y a encore trop d'élèves dans les classes, si les
enfants sont mal intégrés ou sans services? Tout ce que vous
pouvez retracer dans la partie 1, c'est cela, les problèmes en
éducation, lorsqu'on veut parler de qualité et pas d'autre chose.
On parle ici de structure.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Mille-Iles, rapidement s'il vous plaît.
M. Champagne (Mille-Îles): M. le président, vous
parlez de projets éducatifs au point de vue régional et national.
J'ai une crainte personnelle que ce soit une espèce de planification,
une uniformisation. Je pense que, s'il y a un projet éducatif dans le
milieu, sur certains points et sur certains services éducatifs, cela va
créer une certaine émulation. Cela fera en sorte que
l'école ne sera pas une école planifiée, mais une
école diversifiée. Je veux vous poser une question. Si on regarde
l'évolution du système de l'enseignement et l'implication des
parents depuis bien avant 1973 où il y a eu la loi 27 qui a
créé des comités de parents et où, avant 1973, des
professeurs, entre autres, se sont impliqués dans le milieu, dans ces
comités, aujourd'hui, on se retrouve avec 40 000 parents qui
s'impliquent, et aussi des professeurs. Ne croyez-vous pas que c'est
l'aboutissement normal de toute cette évolution d'implication à
la fois des parents, des professeurs et des étudiants dans notre
système actuellement? Ne croyez-vous pas que la loi 40 est
l'aboutissement de cette évolution depuis une quinzaine
d'années?
Le Président (M. Blouin): Compte tenu de tout ce que vous
nous avez bien expliqué aujourd'hui, je crois que vous pouvez
succinctement répondre à cette question.
M. Charbonneau (Yvon): Très succinctement, M. le
Président, en renvoyant l'auteur des questions et les membres de la
commission à l'avis du Conseil supérieur de l'éducation,
aux pages 10 et 11, où le Conseil supérieur de l'éducation
dit qu'un projet éducatif peut s'épanouir sans qu'il soit
nécessaire d'en appuyer la réalisation par un texte de loi, que
c'est une réalité lentement bâtie à partir des
consensus établis dans une école qui devient ainsi une
communauté éducative. Voilà, je crois, le genre de lecture
que je vous recommanderais dans les prochaines heures. C'est assez inspirant
à ce niveau.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Charbonneau. M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: Merci, M. le Président. Ce matin, M. le
ministre, avec une certaine bonhommie, a qualifié votre rôle
d'avocat du diable. Pour moi, vous êtes un sacré bon diable! Vous
êtes un avocat vraiment très éclairé et la seule
ressemblance que je pourrais vous trouver avec le diable, c'est que vous avez
la flamme et le feu de défendre votre cause et la cause des
écoles et des enfants avec beaucoup de vivacité.
Au cours d'une intervention antérieure, j'avançais que la
philosophie - je ne serai pas long, M. le Président - qui anime le
projet de loi 40 et toutes les modalités qui en découlent
était vraiment fausse et inutile. Je disais que le problème n'est
pas dans la structure, mais à l'intérieur de l'école.
Inutile de démolir la structure, de décrocher les cadres et les
décors, ce qu'il faut, c'est que le ministre de l'Éducation
finisse enfin par rejoindre des professeurs, qu'il les accepte, qu'il les
apprécie, les valorise et améliore leurs conditions de finances
et de travail qu'il a singulièrement ébranlées par les
décrets. Je crois que seuls des professeurs satisfaits et heureux
pourront vraiment faire la restructuration désirée. Je vous pose
trois petites questions, malgré que M. le président va
peut-être dire que je suis récapitulatif, mais la
récapitulation c'est une des bonnes qualités d'un professeur, et
j'en suis un ancien, vous le savez.
Voilà mes trois petites questions, vous répondrez à
la fin comme vous le voudrez: Croyez-vous que l'entrée massive des
parents aux postes d'autorité peut vraiment opérer ce changement
pour une école heureuse? Croyez-vous vraiment que la dévaluation
des commissions scolaires et la diminution de leurs pouvoirs peuvent ramener la
paix et l'harmonie dans le système d'enseignement? Et, enfin,
croyez-vous que le rôle effacé de l'enseignant qui sera
confiné aux quatre murs avec le droit de circuler dans les corridors,
rendra les professionnels de l'enseignement vraiment soumis et fidèles
à leurs hautes fonctions que j'apprécie toujours? Si vous voulez
répondre succinctement à ces trois petites questions.
Le Président (M. Blouin): Alors, évidemment, M. le
député de Saint-Henri, vous avez dit vous-même qu'il
s'agissait dans
une certaine mesure de répétitions. Alors, dans cet
esprit, M. Charbonneau, vous comprendrez que je vous demande d'être
succinct.
M. Charbonneau (Yvon): L'arrivée massive des parents,
est-ce que cela va améliorer le système scolaire s'ils entrent
à des postes d'autorité? C'est ce que j'ai compris comme
première question. Nous avons suggéré que les parents
arrivent au palier décisionnel qui s'appelle commission scolaire assez
largement, autant qu'il y a de commissions scolaires et pour moitié en
termes de composition. Je ne sais pas si le député qualifie cela
de massif, mais c'est certainement une arrivée en nombre important de
parents, plus les structures, ou les comités, ou les tables de
consultation qui existeraient au niveau des écoles; cela fait plusieurs
milliers de parents. Je crois que, oui, il y a un apport positif à
travers tout cela pourvu qu'on sache bien démêler quand est-ce
qu'on est à un niveau d'autorité et quand est-ce qu'on est
à un niveau de concertation et de coopération. Il y a quelque
chose de positif au principe. Maintenant, il y a un effort à faire de la
part de ceux qui s'engagent là-dedans, que ce soit de notre
côté ou que ce soit du côté des parents. Cela prend
du temps. Il faut se pénétrer des problèmes. C'est
exigeant et, moyennant ces conditions, c'est certainement positif. Alors, quant
au reste de vos questions, je crois que ce sont des questions pour faire
réfléchir vos collègues de la commission.
M. Mains: C'est justement mon but. Le Président (M. Blouin):
Très bien.
M. Hains: J'ai deux petites questions très vite.
Le Président (M. Blouin): Deux petites vite.
M. Hains: Premièrement, quel jugement portez-vous sur
l'état actuel de nos écoles? Cela va être vite. Est-ce
vraiment une situation inquiétante actuellement, comme le disait M. le
ministre, et qui demande une restructuration complète?
M. Charbonneau (Yvon): Mme Gagnon.
Mme Gagnon: C'est bien. Je suis contente. On revient quand
même au chapitre 1. J'avais peur qu'on n'y arrive pas. Écoutez,
monsieur, en clair, le meilleur résumé qu'on puisse faire, c'est
que jamais on ne nous fera dire que, même s'il y a des lacunes à
combler, des limites de la réforme à repousser, des
améliorations urgentes à apporter dans les chapitres dont on a
parlé et qui sont particulièrement en danger, cela ne va pas
mieux maintenant que cela allait dans les écoles du Québec entre
1948 et 1955, disons. Il nous semble donc, et une bonne fois pour toutes, qu'il
y a quelque chose qui va dans le bon sens, sauf erreur de parcours. Mais,
là, il y a des erreurs de parcours qui se commettent à l'occasion
de la crise économique, notamment, et cela dure. Il paraît que
cela reprend et cela ne reprend jamais, puis de toute manière on se
retrouve toujours avec les mêmes mesures draconiennes de coupures et de
contrôle. Ce sont des problèmes importants à
résorber maintenant. C'est ni l'entrée massive à des
postes de décision de la part des parents, quoique je salue qu'il y ait
40 000 parents qui soient prêts à s'occuper d'éducation au
Québec, ni les réponses à vos autres questions dont les
autres dérivent qui vont régler les problèmes que M.
Bisaillon cernait très bien tantôt. Il y a des affaires
impérieuses à régler maintenant: nos analphabètes,
300 000 et plus, les enfants en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage qui sont entrés de force dans des écoles qui les
ont elles-mêmes évacués pour toutes sortes de raisons - il
ne faut pas oublier cela dans nos prières - sans ménagement, sans
préavis et sans soutien. C'est là la situation vécue et
cela déteint sur l'ensemble du système scolaire.
Vu qu'on est revenu au chapitre 1, cela fait longtemps qu'il y a quelque
chose qui me turlupine et vous allez voir que ce n'est pas
antiréglementaire: les projets éducatifs locaux. On a des
réserves, on a des questions, on n'a pas - je le répète
-d'opposition de principe à ce qu'une école se donne un
modèle un peu particulier. Mais tout dépend et je pense que le
gouvernement et le ministère ont à se poser ces questions que je
vais vous donner en vrac parce que je sais que le temps presse: Au bout du
processus des projets éducatifs locaux si tant est que ce ne soit pas
une fumisterie, est-ce que les écoles du Québec seront
plutôt semblables ou plutôt dissemblables? Au bout du processus des
projets éducatifs locaux, n'aura-t-on pas sabordé certains acquis
de la démocratisation scolaire en fonction des régions
périphériques principalement et en fonction des milieux
socio-économiques? N'aura-t-on pas sacrifié, en prétendant
faire l'affaire de quelques-uns qui veulent, pour des raisons qui leur
appartiennent et qui ne sont pas toutes mauvaises, imprégner à
l'école un modèle donné, est-ce que pour faire cela on
n'aura pas mis en cause l'égalité profonde du système
scolaire qu'on veut par ailleurs se donner?
J'attire votre attention sur les ressources des milieux. Elles ne sont
pas les mêmes. Il y a des ouvertures dans le projet de loi 40 qui feront
que les bénéfices retirés de la location en tout ou en
partie de
l'école ne seront pas comptabilisés pour les fins de
subventions qui viennent du MEQ uniquement pour les fins des subventions qui
sont de la péréquation interne des commissions scolaires. Cela va
nous faire nous situer en deux groupes différents. On va y aller vite,
on n'a pas le temps de nuancer. D'accord? Vous parlez d'émulation
plutôt que de compétition. Je vous signale - je ne sais pas qui me
l'a apporté mais, grâce au ciel, il se trouve que j'avais
intuitivement raison. Émulation, compétition, c'est du pareil au
même; étant entendu qu'en français, par ailleurs, il n'y a
pas de synonyme, il se trouve qu'ils sont dans la définition comme
étant des synonymes.
Compétition entre les écoles. Vous êtes de
Saint-Henri, monsieur?
M. Hains: Exactement.
Mme Gagnon: Compétition entre Saint-Henri et Westmount?
Compétition entre Saint-Roch et Sillery Garden, qu'on comblera par le
choix de l'école? Il se trouvera peut-être beaucoup de gens pour
préférer le projet éducatif de Saint-Roch à celui
de Sillery et d'assumer que leurs enfants iront à Saint-Roch
plutôt qu'à Sillery. Projet court éventuellement? Projet
éducatif plus court quand on connaît les pressions qui s'exercent
sur les milieux socio-économiquement faibles? Ah! Pas par mauvaise
volonté mais parce qu'il arrive parfois, à l'occasion, que
lorsque le père et la mère sont sans travail - parce que par les
temps qui courent, cela se trouve - le plus vieux ou la plus vieille pourrait
être tenté, lui, ou elle d'abandonner l'école. Et
voilà!
Les ressources? La capacité de mettre un peu de beurre sur le
pain quand on est bien "greyé", soi-même, passablement
scolarisé, assez équipé et, par-dessus le marché,
fortuné. Si on trouve - et on trouvera et cela, c'est déjà
trouvé - que le ministère ne va pas assez vite côté
rnicro-ordinateur - quand je vous dis que cela se trouve, je l'ai entendu
plusieurs fois - on verra des milieux qui auront beaucoup plus de
facilité à passer la tasse auprès des parents pour se
"greyer" eux-mêmes en micro-ordinateurs d'abondance pendant que d'autres
se contenteront de ce minimum consenti en période de crise qui
caractérise pour le moment les politiques budgétaires du
gouvernement à l'égard de l'éducation.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Gagnon. Cela va, M.
le député de Saint-Henri.
M. Hains: J'aurais une autre petite question sadique à
présenter.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Saint-Henri, est-ce que vous pourriez...
M. Hains: Très, très courte.
Le Président (M. Blouin): Est-ce que vous pourriez, si
nécessaire, penser un peu à votre voisin de droite?
M. Hains: Oui, mais c'est bien dur. Alors, je vais la sacrifier
pour le bien de la communauté.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci, M. le
député de Saint-Henri pour votre collaboration. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
M. Hains: C'est pour vous que je fais cela.
Mme Dougherty: Merci. J'aimerais remercier la CEQ de son
excellente analyse et surtout d'avoir donné tant d'importance à
la question clé que tout le monde doit se poser, y compris le ministre
et nos amis d'en face: Est-ce que le projet de loi va améliorer la
qualité de l'éducation? À mon sens, c'est le
critère ultime par lequel il faut juger le projet. Si la réponse
est non, je crois qu'il faut cesser de gaspiller nos énergies en le
discutant.
En ce qui concerne la qualité, j'aimerais vous demander
d'élaborer un peu votre pensée - cela touche la question
posée par Mme Lavoie-Roux, mais je cherche une autre dimension de la
réponse - sur deux éléments que vous avez soulevés
dans votre premier chapitre. Il s'agit de deux catégories d'enfants qui
sont déjà très vulnérables "at risk" - est-ce qu'il
y a un mot en français "at risk", je ne sais pas - dont pourrait
profondément préjuger le projet de loi. Je parle des enfants des
milieux défavorisés et des enfants ayant des difficultés
d'apprentissage. (17 h 45)
Voudriez-vous nous expliquer, décrire peut-être la
dynamique que vous envisagez que propose le projet de loi 40 et qui aura un
impact négatif sur ces deux catégories d'enfants? Je sais que
vous y voyez un impact négatif. Il y a beaucoup de gens parmi tous les
intervenants dans ce projet qui n'y sont pas sensibilisés, qui n'ont pas
vu le danger intégral de ce projet de loi?
M. Charbonneau (Yvon): II y a un élément de
réponse qui me vient à votre question et qui est
évoqué dans la première partie de notre mémoire.
D'ailleurs aux enfants ayant des problèmes d'apprentissage, de
comportement entre autres, le projet n'apporte rien à notre avis pour
améliorer la situation qui leur est faite. Actuellement, la politique du
gouvernement, c'est de tendre à intégrer le plus grand nombre de
ces étudiants dans des classes régulières. Au niveau des
mesures facilitant ou permettant
cette intégration de manière efficace et positive pour
l'élève, les mesures de soutien n'ont pas toujours suivi. On a
parlé dans certains cas d'intégration sauvage, un peu à la
hâte, sans les mesures de soutien. Ce que nous pensons, à travers
ce qu'on peut imaginer être l'application du projet de loi 40, on ne l'a
pas vécu mais on a l'expérience du passé. Avec le
morcellement des services qui s'ensuivra, est-ce que chaque école va se
donner sa politique de mesures de soutien à l'enfance en
difficulté? Est-ce que cela n'aurait pas plus de bon sens de mettre un
bassin de ressources, de services spécialisés au niveau de la
commission et ensuite de faire circuler ces ressources au service des
écoles? Il me semble que c'est partie d'un projet éducatif,
l'aide spéciale qu'on va porter à cette catégorie
d'élèves.
C'est la responsabilité de la commission oeuvrant au niveau d'un
territoire de prévoir les services et de faire en sorte que tout le
monde en ait sur le territoire. Sinon, si on prend la thèse du projet
éducatif, telle que décrite par le ministre, l'école qui
est dans un milieu assez bien nanti, les parents participent davantage, le
comité fonctionne. Ils sont exigeants, ils parviennent à obtenir
des budgets de la commission et ils vont finir par avoir de bons services pour
leur minorité d'élèves en difficulté. Le milieu
d'à côté, moins équipé humainement parlant
pour pousser et obtenir les ressources, en aura moins et c'est lui qui en a le
plus besoin. C'est cela la thèse de l'inégalité sociale
à travers les projets éducatifs à la couleur du quartier.
Cela mène à cela et, à notre avis, il y a une
possibilité de recul par rapport à certains acquis. Pour
consolider ces acquis -ce n'est pas parfait partout - on pense qu'il est
préférable de renforcer la fonction commission scolaire pour
assurer le maintien de services au moins de qualité minimale à
tout le monde.
Mme Dougherty: Si je comprends bien, c'est vraiment un projet qui
risque de renforcer l'inégalité des chances. Est-ce que vous
êtes d'accord?
M. Charbonneau (Yvon): Oui, cela ouvre la porte à cela
parce qu'on dit que chaque milieu - en parlant d'un quartier, le milieu
immédiat d'une école - se prenne en main. Cela fait une belle
thèse pour le temps qu'on parle tout seul, mais quand on se met à
en discuter, quand cette thèse commence à être
discutée par d'autres, on s'aperçoit que, dans l'application,
cela peut engendrer des effets qui ne sont pas toujours évidents dans le
discours ministériel officiel.
Mme Dougherty: Merci. J'aimerais simplement poursuivre un peu la
question posée par M. Doyon. Je crois qu'une des présomptions du
projet de loi, sinon la présomption principale est qu'il faut absolument
un changement de loi pour responsabiliser les parents. Je crois qu'il pourrait
être fort utile de faire un bilan - et de le rendre public - des
écoles ou des projets dans les écoles où les parents
exercent des pouvoirs importants, où ils ont pris leurs
responsabilités en concertation avec les enseignants et avec le
directeur de l'école afin d'implanter leurs priorités ou
d'adapter le programme à leurs besoins. Il y a un mythe qui circule et
qui veut que les parents ne soient pas impliqués et qu'ils ne puissent
pas s'impliquer d'une façon raisonnable, légitime sans ce
chambardement inutile, je crois, du système. On pourrait
démystifier la base du projet de loi en faisant un bilan de ce qui se
passe en réalité. Est-ce que vous avez la capacité de le
faire? Je connais un peu mieux le milieu anglophone et je sais qu'il y a des
centaines d'écoles où les parents sont très
impliqués et très satisfaits de leur participation, mais on n'a
pas eu l'occasion de les entendre jusqu'à maintenant. Du
côté francophone, je crois qu'il y a une mauvaise perception de la
situation.
M. Charbonneau (Yvon): Je crois que nous pourrons essayer de
contribuer à cet examen plus en profondeur de la situation -c'est une
bonne suggestion que vous faites -si jamais on nous débarrasse de cette
pelure de banane qu'est cette discussion sur les pouvoirs à
l'école, afin qu'on puisse discuter des vraies choses, des vraies
réalités, des vrais problèmes et des vrais mandats. Il est
bien entendu qu'on aurait eu plus de temps pour parler de ces questions fort
intéressantes que vous soulevez si on en prenait moins pour discuter de
choses qui, à notre avis, ne sont pas utiles dans les circonstances.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci beaucoup, Mme la
députée de Jacques-Cartier. Sur ce, au nom de tous les membres de
la commission, je remercie les représentantes et les
représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec de leur
importante participation aux travaux de cette commission parlementaire et je
suspends les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.
M. Laurin: Juste une seconde.
Le Président (M. Blouin): Juste un petit moment, M. le
ministre.
M. Laurin: Oui. Je remercie, moi aussi, en mon nom, la centrale
pour les fructueux échanges éclairants que nous avons eus. Et
comme je l'avais annoncé ce matin, j'ai le plaisir de faire parvenir aux
membres de la commission un document d'information sur la
portée de certains articles concernant la répartition des
pouvoirs entre les trois niveaux, à la suite des points soulevés
par un certain nombre d'associations, dont l'Association des cadres scolaires
du Québec, lors de la présentation de son mémoire à
la commission.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Nos
travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures, ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 53)
(Reprise de la séance à 20 h 6)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît! Dès le commencement de cette séance ce soir, nous
allons accueillir les représentants du Conseil pédagogique
interdisciplinaire du Québec. Je demanderai donc aux
représentants de cet organisme de bien vouloir, d'abord, identifier ceux
des leurs qui ont bien voulu se déplacer pour venir discuter avec les
membres de la commission et, ensuite, de nous livrer en une vingtaine de
minutes, comme c'est la règle générale, le contenu de leur
mémoire pour qu'ensuite nous procédions à l'échange
qui suivra entre les membres de la commission et les représentants du
conseil pédagogique.
Conseil pédagogique interdisciplinaire du
Québec
M. Robitaille (Jacques): Merci, M. le Président. Je crois
qu'il convient, dans un premier temps, de présenter le Conseil
pédagogique interdisciplinaire du Québec. Il regroupe 23
associations professionnelles d'enseignants. Ces associations sont
formées soit par disciplines, soit par niveaux. Certaines existent
même depuis plus de 25 ans. Le rôle de ces associations
professionnelles consiste, entre autres, et de plus en plus d'ailleurs,
à rendre des services pédagogiques à leurs membres. Plus
de 10 000 enseignantes et enseignants sont membres de ces associations et ce,
sur une base volontaire. Plusieurs d'entre eux oeuvrent
bénévolement les soirs ou les fins de semaine pour
préparer des congrès, la revue pédagogique de leur
association ou d'autres travaux de nature pédagogique. Plusieurs membres
de ces associations ont également participé à la
préparation des programmes, des guides pédagogiques ou autres
instruments de nature pédagogique. Le conseil d'administration du CPIQ
tente, d'ailleurs, de refléter cette diversité.
Avant la présentation de notre mémoire, M. le
Président, il me fait plaisir de vous présenter d'abord, à
ma droite, M. Richard Pallascio, vice-président. M. Pallascio est
ex-président de l'Association mathématique du Québec. Il
est présentement professeur au cégep Édouard-Montpetit et
il est également chercheur en sciences de l'éducation. À
sa gauche, Mme Gisèle Charlebois, secrétaire du CPIQ. Mme
Charlebois est enseignante à la Commission des écoles catholiques
de Verdun. Elle est membre de l'Association professionnelle de l'enseignement
du commerce. À ma gauche, Mme Gaby Lefrançois-Denis,
conseillère à l'organisation. Mme Denis est enseignante à
la commission scolaire Le Gardeur. Elle est membre de l'Association des
professeurs de sciences du Québec. Mme Denis enseigne au niveau primaire
à une 6e année, Mme Charlebois enseigne présentement le
commerce et le secrétariat. Mme Denis est membre de l'Association des
professeurs de sciences du Québec; elle est également membre de
trois autres associations professionnelles d'enseignants, question de se tenir
à jour. Je suis moi-même conseiller pédagogique en sciences
humaines à la commission scolaire régionale de Chambly, ancien
président de la Société des professeurs d'histoire du
Québec.
Le CPIQ a analysé le contenu du projet de loi sous l'angle de la
pédagogie. En privilégiant une grille d'analyse
pédagogique, le CPIQ risque d'aller à l'encontre de certains
écrits portant sur des réalités différentes. Ces
réalités peuvent être syndicales, culturelles ou sociales,
autant de réalités, d'ailleurs, qui ont également leur
valeur et leur importance. Or, le CPIQ espère que son point de vue
s'alignera sur celui d'autres organismes qui ne manqueront pas d'intervenir au
cours de cette consultation.
Ce mémoire va donc aborder cinq aspects de la mosaïque
scolaire qui lui semblent particulièrement importants: les structures de
représentation, le partage des responsabilités en matière
de pédagogie, la constitution d'une instance pédagogique
nationale, le dilemme de la confessionnalité et l'absence des
enseignants au sein de la commission de mise en oeuvre.
Les structures de représentation. L'approche
préconisée par le projet de loi nous apparaît comme une
approche systémique, c'est-à-dire une approche où tous les
agents oeuvrent ensemble en vue d'une action commune. Pour le CPIQ, une telle
approche suppose une représentation égalitaire des partenaires si
on veut que le pouvoir appartienne à l'ensemble et non à l'une de
ses composantes. Dans ce contexte, à la page 3 du mémoire, nous
soulignons que le conseil d'école doit d'abord viser à
établir des consensus plutôt qu'à gagner des batailles sur
le dos des intervenants. Or, tel qu'établi présentement, le
projet de conseil d'école du projet de loi 40 fait penser à un
conseil d'hôpital formé majoritairement d'usagers, donc de
patients, et qui aurait le pouvoir de
fixer les méthodes de traitement que doivent utiliser les
médecins.
C'est donc la raison pour laquelle le CPIQ propose qu'aucun groupe n'y
occupe une position majoritaire. Au primaire, par exemple - ce n'est qu'un
exemple - le conseil devrait être composé de trois parents, trois
membres du personnel, dont au moins deux enseignants, en plus du directeur et
du commissaire. Au secondaire, le conseil devrait être composé de
trois élèves, trois parents, trois membres du personnel, dont au
moins deux enseignants, en plus du directeur et du commissaire. Ces
considérations nous paraissent absolument fondamentales. Notre position
face au projet de loi 40: nous serions prêts à l'endosser pourvu
que ce fondement s'inscrive dans la philosophie même du projet, autrement
dit que le projet applique le fondement philosophique qu'il prétend
instaurer, c'est-à-dire une égalité des partenaires.
Vient également le cas du comité pédagogique de
l'école. Ce comité pédagogique, pour nous, doit jouer un
rôle aussi important que celui du comité médical dans un
hôpital. C'est la raison pour laquelle le CPIQ demande que l'article 69
soit modifié. L'article 69 mentionne les objets sur lesquels les
enseignants pourraient demander, à l'intérieur de leur
comité pédagogique, d'être consultés. On dit, entre
autres, au deuxième alinéa que les enseignants voudraient
être consultés sur l'orientation générale en vue de
l'enrichissement des programmes. Je trouve que ce n'est pas suffisant. C'est
non seulement sur l'orientation générale, mais également
sur l'enrichissement. Le comité pédagogique doit être
capable de faire des représentations et des recommandations
précises, à savoir si, dans tel programme, l'enrichissement est
bon et de qualité. De même, pour l'orientation et
l'élaboration des programmes locaux, le comité pédagogique
doit être capable de faire des représentations précises non
seulement sur les critères, mais voir si le programme local remplit
vraiment ces conditions.
De même, pour le libellé du cinquième alinéa,
les critères pour le choix des méthodes pédagogiques, des
manuels scolaires et du matériel didactique, cela ne prend pas seulement
des critères, mais des recommandations sur le choix même. Le
comité pédagogique doit être capable de dire s'il
recommande tel ou tel manuel scolaire, telle ou telle méthode
pédagogique et être capable d'expliciter clairement ses
raisons.
Venons-en maintenant au partage des responsabilités en
matière de pédagogie, page 5 du mémoire. Le CPIQ appuie
l'objectif sous-jacent à toute restructuration scolaire qui donne
à l'école la maîtrise de son projet éducatif et les
pouvoirs qui lui permettent de le mettre en oeuvre en plaçant les
ressources pédagogiques et éducatives au service direct de
l'école et en faisant de celle-ci le lieu essentiel de son acte
pédagogique.
Dans l'ensemble, lorsqu'on lit le projet de loi, la section V du
chapitre III sur les fonctions de l'école correspond, en gros, aux
attentes du CPIQ face au rôle de l'école en matière
pédagogique. Cependant, les articles 66, 69 et 72 prévoient les
sujets sur lesquels les différents comités peuvent être
consultés et au sujet desquels ils peuvent formuler des recommandations.
Si le ministère désire que le rôle de ces comités
soit reconnu à l'intérieur de l'école, il doit veiller
à ce que leurs recommandations ne restent pas lettre morte de la part du
conseil d'école. C'est la raison pour laquelle le CPIQ recommande
qu'à la suite d'une consultation de la part du conseil d'école ou
à la suite du désir de se faire entendre sur tout sujet relevant
de leur compétence les comités ayant soumis des recommandations
au conseil d'école reçoivent par écrit, de la part de ce
dernier, les raisons d'un rejet partiel ou global de leur point de vue.
Quant aux responsabilités dévolues aux commissions
scolaires, dans l'ensemble, le CPIQ croit que les commissions scolaires
reçoivent des pouvoirs suffisants pour exercer une coordination
pédagogique entre les écoles et pour constituer un regroupement
suffisamment cohérent face au MEQ.
L'article 206 mérite, toutefois, quelques précisions. En
effet, l'organisation pédagogique comprend notamment
l'évaluation, la didactique et l'innovation. Chacune de ces dimensions
suscite la création de nombreuses activités pratiques et la
préparation de nombreux instruments que l'enseignante ou l'enseignant
pourra ensuite utiliser en classe. Or, l'enseignante ou l'enseignant ne peut
préparer seul des tests diagnostiques suffisamment fidèles et
valides à l'intérieur de leur charge normale de travail qui
vient, par surcroît, d'être augmentée. Par ailleurs,
l'école ne peut assumer seule la présence de personnes-ressources
compétentes capables de concevoir ou d'appliquer de telles
activités dans chacune des matières. Il appartient donc aux
commissions scolaires de mettre à la disposition des écoles de
telles personnes-ressources: conseillers pédagogiques, docimo-logues,
spécialistes en moyens et techniques d'enseignement. On pourrait en
ajouter: conseillers d'orientation, psychologues, travailleurs sociaux,
etc.
Or, de façon globale, se pose alors le problème de la
taille des commissions scolaires. Le CPIQ estime qu'une commission scolaire
devrait avoir une clientèle suffisante pour s'assurer les services de
conseillers pédagogiques compétents dans tous les champs
d'enseignement, ainsi que ceux de spécialistes en moyens d'enseignement,
en
évaluation pédagogique et dans tous les services que nous
avons mentionnés précédemment.
Dans le cas où une commission scolaire aurait une
clientèle d'élèves trop faible, soit pour des
considérations géographiques ou socio-économiques, il y
aurait lieu de signer avec d'autres commissions scolaires des ententes
d'échanges de services selon un rationnel administratif acceptable. Il
nous apparaît, en effet, inadmissible que chaque petite commission
scolaire d'une même région ait son conseiller pédagogique
en français, son conseiller pédagogique en enseignement
religieux, mais aucun, par exemple, en sciences humaines, en sciences ou en
arts, et qu'elle confie l'administration de ces dossiers à titre partiel
à une personne qui n'aurait, par ailleurs, aucune formation
spécifique et ne pourrait donc jouer le rôle de personne-ressource
auprès des enseignantes et enseignants.
Enfin, face aux responsabilités du ministère de
l'Éducation, le CPIQ trouve que ses pouvoirs, là aussi, doivent
continuer d'être des pouvoirs d'encadrement, ceci à condition que
le ministère ne se mette pas à élaborer une
réglementation, des instructions ou des procédures trop
tatillonnes.
La constitution d'une instance pédagogique nationale. Dans le
cadre de sa mission de développement pédagogique et dans son
effort de soutien aux enseignants et à leurs pratiques
pédagogiques, le MEQ veut, par l'article 307, constituer "un organisme
sans but lucratif, composé majoritairement d'enseignants, ayant pour
objet de produire et d'évaluer du matériel
pédagogique".
Le CPIQ trouve louable cette initiative du ministre. L'augmentation de
la tâche des enseignants, l'implantation des nouveaux régimes
pédagogiques, l'arrivée de nouveaux programmes appelant une
pédagogie nouvelle et commandant la venue d'instruments
pédagogiques nouveaux nécessitent la création et la mise
en place d'un organisme semblable. Ce dernier serait composé
d'enseignants, contrôlé par eux et répondrait à des
besoins concrets qu'ils éprouvent présentement en classe.
Or, de l'avis du CPIQ, le gouvernement ne va pas assez loin. Il est
temps, en effet, que le Québec se dote d'un organisme de
développement pédagogique. Outre la production ou
l'évaluation du matériel pédagogique, ce centre devrait
avoir les rôles suivants: un rôle de conseil sur tout sujet de
nature pédagogique, que ce soit l'enseignement et l'apprentissage, ou
didactique auprès du ministre qui le consulterait, tout en gardant son
pouvoir décisionnel; un rôle de développement qui
comprendrait l'expérimentation ou l'application en classe des recherches
effectuées dans les universités, de même que le
perfectionnement continu des enseignants.
La mise sur pied d'un organisme semblable devrait permettre, d'ailleurs,
de meilleurs rapports entre les intervenants, que ce soient les
universités, les commissions scolaires et les associations
professionnelles, qui sont soucieux du développement de la
pédagogie dans le cadre de leur mission spécifique. De la
même façon, cet organisme devrait être en liaison avec
d'autres centres pédagogiques à l'étranger.
En ce qui concerne la structure de cet organisme, le ministre a le choix
d'en créer un de toute pièce ou de faire appel à un
organisme déjà existant. À cet égard, la structure
du CPIQ représente un acquis qui mérite considération.
Tout enseignant, pratiquement, peut devenir membre d'une association
professionnelle puisque la plupart des disciplines précollégiales
sont actuellement organisées en associations. En outre, les
présidentes et présidents d'associations sont élus au
suffrage universel de leurs membres, et les membres du conseil d'administration
du CPIQ sont élus par les présidentes et présidents
d'associations. C'est pourquoi la structure décisionnelle actuelle du
CPIQ nous semble très représentative et se compare
avantageusement à de nombreuses organisations du milieu de
l'éducation. Une annexe à ce mémoire vous
précisera, d'ailleurs, les rôles, les fonctions et la structure de
cet organisme. Elle pourrait sans doute servir de document de travail pour sa
mise en place.
Le CPIQ recommande donc de mettre sur pied cet organisme le plus
rapidement possible et offre sa collaboration à cet égard. Il
veillera à ce que les ressources humaines et financières soient
réellement viables et qu'elles permettent à un organisme
semblable de grandir et de développer des outils pédagogiques
adéquats, tout en ayant les moyens de les diffuser efficacement.
Toutefois, afin de permettre à cet organisme de jouer pleinement
son rôle, le CPIQ recommande qu'il soit doté des pouvoirs
additionnels suivants: donner au MEQ des avis sur tout sujet de nature
pédagogique ou didactique; développer, d'une part, la
pédagogie en expérimentant de nouvelles approches ou de nouveaux
matériels pédagogiques, d'autre part, le perfectionnement continu
des enseignants en collaboration avec les intervenants, universités,
commissions scolaires, etc.
Enfin, le CPIQ recommande au ministère d'étudier
sérieusement la possibilité que le CPIQ, en collaboration avec
ses associations membres, devienne cet organisme visé par l'article 307.
Toutefois, pour ce dernier point, cela dépendra de
l'interprétation que donnera le ministère à cet article
qui, pour l'instant, demeure fort imprécis.
Sur la confessionnalité de l'école, je
voudrais rappeler l'essence d'une proposition qui avait
été votée le 26 septembre 1981 à l'occasion d'un
colloque sur ce sujet. "Que le Québec procède à la
déconfessionnalisation de toutes les structures scolaires,
c'est-à-dire un système scolaire unique, donc, la fusion des deux
réseaux, catholique et protestant; la disparition des fonctions
assumées par les sous-ministres de foi catholique et de foi protestante,
ainsi que celles dévolues aux comités catholique et protestant du
Conseil supérieur de l'éducation; la redéfinition de la
composition du Conseil supérieur de l'éducation en fonction de
critères autres que la confessionnalité; la disparition des
commissions scolaires catholiques et protestantes au profit de commissions
scolaires neutres comme le sont les conseils de ville et les
municipalités. Que le nouveau statut des écoles en soit un
d'écoles communautaires ouvertes à tous sans
référence à l'appartenance ou à la pratique
religieuse. Que l'on instaure un système d'options entre le cours
d'enseignement moral laïc et le cours d'enseignement religieux,
confessionnel ou non."
Sur ce point, plusieurs aspects du projet de loi 40 semblent
répondre à nos vues. Pourtant, il reste plusieurs articles du
projet de loi qui établissent des éléments propres
à réinstaurer, de façon plus ou moins camouflée, la
confessionnalité des écoles et instaurent, par le fait
même, des privilèges de nature discriminatoire entre les
confessionnalités catholique et protestante et les minorités
religieuses ou sans religion.
En effet, l'article 31 consacre la discrimination que subissent
actuellement les non-croyants et ceux qui pensent que la religion n'a rien
à voir avec l'école et il berce encore les gens dans l'illusion
de quartiers unanimes en fonction de critères moraux ou religieux.
Même si l'article 32 est soumis à des règles
édictées par le ministre en vertu de l'article 309, il semble
inadmissible qu'une majorité impose des croyances à une
minorité, si faible soit-elle.
Un peu plus bas dans notre mémoire, au troisième
paragraphe, nous disons que l'article 81 décerne aux comités
confessionnels des pouvoirs inquisitoires qui leur permettent de juger de la
compétence des professeurs d'enseignement religieux qui, parfois, n'ont
pas toujours le choix d'enseigner ou non cette matière.
Si l'article 101 garantit le choix de l'enseignement moral ou religieux,
catholique, protestant, voire d'une autre confession religieuse, l'article 110
ne garantit le financement de services d'animation pastorale que pour les
catholiques. La possibilité de tels services pour les protestants n'est
accordée que sur demande et rien n'est prévu pour les autres
enfants qui peuvent pourtant avoir besoin d'une aide morale; ils risquent alors
de subir une interprétation judéo-chrétienne de la
réalité. (20 h 30)
L'article 220 garantit le poste de conseiller en éducation
chrétienne dans chaque commission scolaire et rien pour les autres.
Enfin - c'est le paragraphe suivant -même si l'article 475 transforme les
recommandations des comités catholique ou protestant en simples "avis au
point de vue religieux sur les programmes, les manuels et le matériel
didactique pour l'enseignement autre que religieux que le ministre est tenu de
leur transmettre avant leur adoption ou leur autorisation", le CPIQ trouve ces
avis non pertinents.
En résumé - au dernier paragraphe - il n'y a qu'une
façon d'abolir ces privilèges discriminatoires, c'est de
déconfessionnaliser le projet éducatif lui-même. Cela ne
veut pas dire qu'il soit exclu de prendre en considération les valeurs
morales ou religieuses individuelles dans l'établissement de ce projet.
Le phénomème religieux existe dans notre société et
ne doit pas être ignoré par l'école. Par contre,
l'école n'a pas, dans sa mission éducative, à endoctriner
qui que ce soit, encore moins les enfants, ni à imposer au nom d'une
majorité, si forte soit-elle, des valeurs ou un statut à
caractère religieux, ce qui pourrait créer chez certains
individus un dilemme en ce qui concerne la fréquentation d'une
école en particulier. Suivent une série de recommandations sur
cet aspect.
Enfin, un mot pour dire que le CPIQ trouve un peu étrange de ne
pas voir la présence d'enseignants au sein de la commission de la mise
en oeuvre. Est-ce un oubli?
Conclusion. Dans l'ensemble, le CPIQ trouve que, du point de vue
pédagogique, le projet de loi 40 constitue une amélioration. Dans
notre projet original, nous aurions souhaité que ce soit
l'assemblée générale de l'école qui décide
du projet éducatif de l'école et qui élise son
commissaire. Il n'en est pas ainsi et nous le regrettons.
Nous trouvons, toutefois, adéquat le partage actuel, grosso modo,
des pouvoirs entre l'école, la commission scolaire et le
ministère. Enfin, le CPIQ se réjouit grandement de la
présence de l'article 307 qui constitue à ses yeux un pas dans la
bonne direction.
Vous trouverez, à la suite de cela, toutes les recommandations
que nous avons présentées dans notre mémoire. Cependant,
nous voudrions insister sur l'aspect fondamental que représente pour
nous la question d'une représentation égale de tous les
partenaires au sein du conseil d'école. C'est notre première
recommandation.
Au sujet de l'article 69, qui traite du rôle du comité
pédagogique, nous disons qu'il ne doit pas être un organisme qui
intervient sur des critères, mais qu'il doit être capable de faire
ses recommandations à savoir sur
quelles méthodes pédagogiques il privilégie son
champ d'action, sur quel matériel pédagogique, sur quels manuels
scolaires, etc. Nous disons également que les articles 66, 69 et 72
doivent être le fait de recommandations sur lesquelles il doit y avoir
une réponse écrite de la part du conseil d'école pour
être capable d'expliquer son refus global ou partiel des recommandations
de ces comités. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Robitaille.
M. le ministre.
M. Laurin: Je voudrais, d'abord, remercier le Conseil
pédagogique interdisciplinaire du Québec pour son excellent
mémoire que j'ai lu et écouté avec beaucoup d'attention.
Vous vous présentez à nous, ce soir, comme des enseignants qui
veulent être entendus à titre de professionnels,
c'est-à-dire à titre de spécialistes de l'enseignement
d'une discipline ou d'une autre. En fait, votre organisme regroupe 23
associations d'enseignants qui ont choisi de s'unir sur la base de la
discipline qu'ils enseignent. Votre association compte près de 10 000
membres, ce qui est considérable. Ce n'est donc pas étonnant que
vous disiez, dès le début de votre mémoire, que vous avez
tenté d'analyser le contenu du projet de loi sous l'angle de la
pédagogie qui constitue la spécificité de votre action de
professionnels de l'enseignement. C'est, d'ailleurs, bien là la
visée principale du projet de loi. Je suis donc très heureux que
vous ayez privilégié dans votre mémoire la grille
d'analyse pédagogique.
Je constate avec plaisir, il va sans dire, que vous êtes d'accord
pour reconnaître dans l'école le pivot, la base, le centre, la
pierre d'angle du système éducatif et, donc, qu'il faut valoriser
davantage l'école et qu'il faut transférer, confier à
l'école la maîtrise de son projet éducatif et qu'il faut
donc, en conséquence, accorder à l'école les pouvoirs
propres à mettre ce projet éducatif en oeuvre.
Je constate aussi avec beaucoup de plaisir que vous êtes d'accord
pour reconnaître au conseil d'école ou à l'école par
le biais du conseil d'école qui en exerce les fonctions les
responsabilités nombreuses qui lui sont nécessaires justement
pour maîtriser et mettre en oeuvre ce projet éducatif, par exemple
développer le modèle pédagogique et l'encadrement
approprié, déterminer le type de regroupement des
élèves, les horaires, le temps d'enseignement, les
matières à option et les services complémentaires,
planifier l'évaluation des apprentissages des élèves,
implanter, analyser, évaluer les approches pédagogiques,
participer à la répartition des effectifs, faire partie du
comité de sélection qui choisit le directeur d'école et,
enfin, être consultée par la commission scolaire ou demander
elle-même une modification ou une révocation de son acte
d'établissement. Ces fonctions de l'école, exercées par le
biais de son conseil d'école, sont en effet indispensables pour qu'elle
assume véritablement la maîtrise de son projet
éducatif.
Je suis heureux de constater aussi que vous êtes d'accord pour que
l'on confie au comité pédagogique des responsabilités
très précises. Le projet de loi énumère plusieurs
points sur lesquels la consultation de ce comité pédagogique est
nécessaire et, là aussi, vous manifestez votre accord. En
même temps, il énumère les points sur lesquels le
comité pédagogique, le comité des enseignants peut et
même doit faire des recommandations au conseil de l'école.
Là-dessus, vous voulez même que nous allions plus loin, que le
projet de loi aille plus loin, et vous recommandez que son rôle ne se
limite pas, par exemple, à faire des recommandations quant aux
orientations des programmes d'enrichissement ou quant à
l'élaboration des programmes locaux, mais vous désirez que le
comité pédagogique fasse des recommandations sur les
enrichissements, sur les adaptations et sur les additions mêmes que
l'école pourrait faire aux programmes. Je pense que c'est là une
recommandation sérieuse, pertinente. Il est très possible
qu'à la réflexion nous en arrivions effectivement à la
même conclusion, mais qu'il faille demander au comité
pédagogique de faire des recommandations non seulement sur les
orientations, mais sur la matière même des adaptations, des
additions et des enrichissements aux programmes.
Je constate aussi avec plaisir que vous êtes d'accord pour trouver
que les pouvoirs importants qui sont laissés à la commission
scolaire constituent des pouvoirs suffisants, qui lui permettront d'exercer une
coordination pédagogique entre les écoles et aussi, en même
temps, de constituer un regroupement suffisamment cohérent face au
ministère de l'Éducation. En même temps, je suis heureux de
constater que vous êtes d'accord avec le mode d'élection
envisagé qui fait que chaque école puisse être
représentée au sein de la commission scolaire. Vous nous mettez
en garde contre des commissions scolaires qui auraient une taille trop petite.
Vous craignez, en effet, qu'on ne puisse alors accorder aux écoles du
territoire un soutien suffisant, mais vous dites vous-mêmes qu'on devrait
faciliter, ce que le projet de loi 40 prévoit d'ailleurs, des ententes
de services entre commissions scolaires plus petites et commissions scolaires
plus grandes pour que les élèves de chacune des écoles
puissent compter sur des services éducatifs de la plus haute
qualité possible et sur les conseillers pédagogiques et
les ressources nécessaires pour permettre à cette
école de dispenser des services administratifs de qualité. Vous
rejoignez, d'ailleurs, ainsi certaines des appréhensions qui nous ont
été manifestées cet après-midi même par la
Centrale de l'enseignement du Québec et aussi par l'Association des
cadres scolaires, qui voulaient s'assurer que, dans le projet de loi 40, dans
le système remanié que nous préconisons, on s'assure que
les élèves ne soient jamais perdants, mais qu'au contraire ils
soient toujours gagnants. Ceci peut valoir pour des commissions scolaires plus
petites, mais ceci peut valoir également pour des commissions scolaires
qui se situent dans des milieux défavorisés.
Par exemple, on s'est inquiété cet après-midi et
d'autres jours à savoir si les écoles en milieux
défavorisés pouvaient toujours compter sur des ressources
susceptibles d'assurer des services de qualité. Je pense qu'on peut
répondre à ceci que le moindre doute ne peut guère
subsister quant à la certitude que toutes les écoles du
Québec, qu'elles soient situées dans des milieux
économiques défavorisés ou dans des commissions scolaires
plus petites, sauront dispenser les services de qualité partout. Il
revient, en effet, au gouvernement d'établir les grandes orientations
des politiques, par exemple, pour les milieux économiquement faibles,
pour l'enfance en difficulté et, par la suite - le projet de loi 40 ne
modifie pas la Loi sur l'instruction publique actuelle sur ce point - c'est la
commission scolaire qui assure, en vertu du projet de loi 40, la
répartition des ressources, après avoir évalué les
demandes des écoles, par exemple, après avoir
étudié les prévisons budgétaires de chacune des
écoles. Les élèves des milieux défavorisés,
en particulier, ont des besoins spécifiques que l'école,
d'ailleurs, pourra beaucoup mieux identifier, à mon avis, que les
commissions scolaires, du fait qu'ils auront été
identifiés par les agents mêmes des écoles. Ces besoins se
traduiront inévitablement par les demandes budgétaires des
écoles. Ce sera ensuite la responsabilité des commissions
scolaires d'assurer la péréquation de toutes les ressources
humaines et financières pour garantir à ces écoles des
services éducatifs de qualité et une distribution qui
réponde aux besoins propres de ces milieux. Cependant, à la suite
de vos représentations, nous verrons s'il n'y a pas lieu d'être
encore plus précis. (20 h 45)
Je constate aussi avec plaisir que votre organisme est d'opinion que les
pouvoirs du ministre sont adéquats au niveau pédagogique et
qu'ils laissent aux écoles de même qu'aux commissions scolaires la
latitude, la marge de manoeuvre dont elles ont besoin pour assumer totalement
leurs responsabilités. Vous ne voudriez pas, malgré tout, que le
ministère vienne par la porte d'en arrière, à l'aide de
règlements tatillons, enlever indirectement ce qu'il leur accorde dans
le projet de loi, mais je pense m'être exprimé assez souvent
à ce sujet pour vous assurer qu'il n'en sera pas ainsi.
Vous êtes également d'accord avec le projet de loi 40
lorsqu'il annonce son intention d'instituer une commission pédagogique
nationale. Le projet de loi n'est guère davantage explicite à cet
égard, mais je salue avec plaisir les suggestions que vous nous faites.
Vous dites que cet organisme devrait être un organisme-conseil. J'en
suis. Il devrait conseiller le ministre en toute matière qui a trait
à la pédagogie. Vous estimez que cet organisme devrait pouvoir
évaluer tout matériel pédagogique destiné aux
écoles, J'en suis également. Vous estimez que cet organisme
devrait faire des expériences et pousser même les
expérimentations jusque dans les écoles, qu'il devrait
étudier les besoins de perfectionnement des enseignants et soutenir
également l'avis des associations professionnelles. Je pense que ce sont
là d'excellentes suggestions qu'il nous conviendra d'approfondir.
Vous allez aussi jusqu'à la mise en oeuvre et, tout en approuvant
les mécanismes qui sont prévus au projet de loi, vous voudriez
que la commission nationale de mise en oeuvre comporte aussi une
représentation formelle d'enseignants, au même titre qu'elle
prévoit la participation d'autres partenaires importants du milieu de
l'éducation. Je pense que c'est là une excellente suggestion et
nous y apporterons la plus grande considération.
Je pense donc qu'après la lecture du mémoire de votre
association qui, encore une fois, regroupe plus de 10 000 spécialistes
de l'enseignement, il n'est plus vrai de dire, comme on tentait de le faire cet
après-midi, qu'il existe chez les enseignants une opposition ferme,
catégorique et fondamentale aux principales orientations ou formulations
de ce projet de loi. Vous acceptez les orientations de base du projet, tout en
nous faisant des suggestions appropriées.
Je voudrais donc vous poser une double question à cet
égard. Est-ce à dire que, si une offre était faite aux
enseignants de participer au conseil d'école sur une base paritaire,
comme vous le suggérez, les enseignants pourraient accepter selon vous
de siéger à un conseil d'école qui aurait les fonctions
qui sont énumérées au projet de loi que vous approuvez et
qui assurent au conseil d'école la maîtrise de son projet
éducatif?
Deuxièmement, c'est une question qui découle un peu de la
première, est-ce à dire que vous estimez que l'école,
centre du système, pierre d'angle du système, et que
l'équipe-école, c'est-à-dire les intervenants
de l'école groupés au sein du conseil d'école, sont
capables de prendre en main les responsabilités que le projet de loi
leur confie à ce chapitre?
Le Président (M. Blouin): M. Robitaille.
M. Robitaille: Je vais laisser à Mme Charlebois le soin de
répondre.
Le Président (M. Blouin): Mme
Charlebois.
Mme Charlebois (Gisèle): Pour ce qui est de l'offre de
participer au conseil d'école, d'abord nous, en tant que Conseil
pédagogique interdisciplinaire, nous voyons la nécessité
d'y participer sur une base paritaire. Je crois qu'étant donné
l'importance des enjeux et du niveau de pouvoir de décision qui est,
quand même, accordé à cette partie d'organisme scolaire,
les enseignants ne verront pas la possibilité de passer à
côté, parce que ne pas embarquer dans le conseil d'école,
c'est rater le bateau. Personnellement, je suis dans une école, j'y
travaille comme enseignante. Avec la mise sur pied d'un conseil d'école
qui a, quand même, un certain niveau de pouvoir de décision, il
faut que les enseignants y participent. Au niveau du conseil d'orientation qui
avait été suggéré il y a quelques années, il
y a eu effectivement un boycottage mais, à ce moment-là, la loi
prévoyait que les enseignants devaient y être obligatoirement,
sinon le conseil d'orientation n'existait pas.
Or, vous avez, M. le ministre, pris la précaution de ne pas
inclure la même restriction, ce qui fait que, si les enseignants refusent
d'y participer, ils auront tout simplement raté le bateau. Devant une
situation semblable, c'est un avis peut-être personnel, mais c'est l'avis
d'un grand nombre d'enseignants, dont tous ceux qui étaient aussi en
assemblée de présidents, au moment du vote et de l'acceptation du
mémoire, c'était l'avis de tout le monde, une volonté des
enseignants de s'engager et de s'impliquer dans la question scolaire.
Le Président (M. Blouin): Merci. M.
Robitaille, le deuxième volet: les intervenants à
l'école ont-ils la capacité de répondre à ces
exigences?
M. Robitaille: M. le Président, dans le cas où tous
les partenaires manifesteront de la bonne volonté, apprendront à
se parler et à se faire confiance - c'est un mécanisme
d'apprentissage qui prend un certain temps -j'ai grande confiance qu'à
un moment donné chacun sera capable de prendre ses
responsabilités. Il ne faut, quand même, pas oublier qu'un conseil
d'école, de toute façon, est un pouvoir décisionnel, mais
que celui qui a le vrai pouvoir de décision, finalement, c'est
l'élève. Lorsque l'élève n'est pas d'accord avec un
style d'école, il manifeste, mais il manifeste à sa façon.
Il décroche, il s'absente, il fait du vandalisme; c'est sa façon
à lui de dire que cela va mal. Peut-être qu'à un moment
donné, si tous les partenaires décident de se mettre ensemble
à la tâche, il y aura une amélioration de ce
côté-là.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le ministre.
M. Laurin: Est-ce à dire, M. Robitaille, que vous trouvez
que c'est à bon droit qu'on doit laisser à l'école un
niveau de responsabilité important sur le plan de l'environnement
éducatif, du projet éducatif, et qu'on peut dire, en somme, que
l'école constitue un véritable palier de responsabilité au
sein du système éducatif?
M. Laurin: M. Robitaille.
M. Robitaille: Je vais d'abord répondre et, ensuite, pour
le reste, je vais céder la parole à Mme Charlebois. Je crois que
l'école est en mesure de le déterminer. Je pense que, s'il y
avait un conseil d'école paritaire et que les gens acceptaient de se
parler - c'est une hypothèse, on me dira que c'est idéaliste - il
y aurait sûrement amélioration. L'école serait
peut-être à même de déterminer des ressources qu'elle
est capable d'obtenir et celles qu'elle ne serait pas capable d'obtenir et
qu'elle pourrait alors facilement demander à la commission scolaire. Si
une école est capable de percevoir clairement quelles sont ses
responsabilités, par exemple vis-à-vis de l'implantation ou de
l'application des programmes, elle s'apercevra assez vite qu'elle ne peut pas
former une espèce de petit milieu fermé, autarcique de
développement pédagogique. Elle aura assez rapidement besoin de
l'aide d'une commission scolaire. Je n'ai aucune de ces craintes que beaucoup
de commissions scolaires entretiennent, qu'on écarte tout leur
personnel, que les conseillers pédagogiques soient tout simplement mis
en disponibilité ou soient récupérés à
l'intérieur des écoles.
Prenons même ce scénario. Supposons que les conseillers
pédagogiques soient envoyés à l'intérieur des
écoles et qu'on leur disent: Désormais, vous êtes au
service de l'école, vous êtes des espèces d'agents
multidisciplinaires. Je sais bien, comme conseiller pédagogique, que la
première réaction que j'aurais si on me demandait des choses au
niveau du français, qui n'est pas ma matière, je saurais que mon
ancien collègue de la commission scolaire est dans telle école et
je lui donnerais un coup de téléphone pour lui demander: Que
penses-tu
de cela? Et s'il avait quelque chose en sciences humaines, il me
donnerait un coup de téléphone et me demanderait mon avis ou
même ma collaboration. Même, parfois, on pourrait faire des
séances d'animation conjointe d'une école à l'autre. Je
n'ai aucune crainte, il y aurait un modèle qui se reconstituerait, veux,
veux pas. Pour le reste, je laisse maintenant à Mme Charlebois le soin
de répondre.
Mme Charlebois: Vous avez demandé si l'école
était capable de prendre en main les responsabilités qui lui
étaient confiées par le projet de loi 40. Cela dépend,
justement, du niveau de pouvoirs que lui confie le projet de loi. Il ne s'agit
pas de l'administration globale de l'école, mais de la politique et de
l'image que l'école veut se donner. À ce moment-là, les
points sur lesquels le conseil d'école a à se prononcer sont les
points sur lesquels les personnes les plus aptes à apporter vraiment
leur point de vue sont celles qui oeuvrent immédiatement dans le domaine
de l'éducation et ce sont, évidemment, les enseignants; ce sont
les parents aussi qui ont une grande responsabilité dans
l'éducation de leurs enfants et les jeunes eux-mêmes. Au niveau
secondaire, que les jeunes participent, finalement, à la prise de
décisions pour des choses qui les concernent directement est une bonne
chose. C'est vraiment à cause du niveau de pouvoirs que lui accorde la
loi que je crois que les gens seront capables de prendre en main leurs
responsabilités.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Charlebois. Merci, M.
le ministre. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: J'ai écouté avec intérêt le
mémoire que nous a lu M. Robtaille au nom du Conseil pédagogique
interdisciplinaire du Québec. Avant de formuler quelques remarques,
j'aurais peut-être une couple de questions à vous adresser, M.
Robitaille, pour mon information et celle de nos concitoyens qui nous
écoutent. Le Conseil pédagogique interdisciplinaire du
Québec est une superstructure. Cela regroupe des associations qui,
elles-mêmes, regroupent des professeurs dans des disciplines
spécialisées, si je comprends bien. Qu'avez-vous comme
équipement de secrétariat, vous autres?
Mme Charlebois: Je peux répondre à cela...
M. Ryan: Oui.
Mme Charlebois: ...étant donné que je suis la
secrétaire administrative. Nous avons une employée à temps
plein, qui est une secrétaire engagée, mais il reste que, pour
tout le fonctionnement, il y a le conseil d'administration qui prépare
les assemblées des présidents. Les assemblées de
présidents prennent les positions politiques et, après, le
conseil d'administration voit à appliquer les politiques qui ont
été votées en assemblée de présidents.
M. Ryan: Ces positions... Oh! Excusez-moi.
Mme Charlebois: En fait, les positions sont
généralement prises à la suite de la mise sur pied de
comités déterminés par l'assemblée des
présidents, qui ont des mandats très précis pour
étudier certains points de vue comme, justement, le projet de loi
40.
M. Ryan: Au cours des douze derniers mois, avez-vous pris
d'autres positions publiquement?
Le Président (M. Blouin): M. Robitaille.
M. Ryan: On a eu un gros conflit dans l'enseignement le printemps
dernier. Il me semble qu'on n'a pas entendu parler de vous autres du tout?
M. Pallascio (Richard): Nous avons pris position sur la loi 105.
Nous avons eu une correspondance avec le ministère de
l'Éducation, par l'intermédiaire de M. André Rousseau, qui
est le sous-ministre responsable du secondaire et du primaire; nous nous
inquiétions d'un certain nombre de conséquences de nature
pédagogique à partir de certaines dispositions du décret.
Il faut bien comprendre que nous ne sommes pas un syndicat. Nous ne sommes pas
là pour traiter de relations de travail. Quand nous disons que nous
appuyons certaines dispositions du projet de loi 40, il faut toujours le
prendre avec la lunette pédagogique. Comme syndiqués, nous avons
peut-être d'autres réserves au niveau des relations de travail,
mais notre intervention ici ne porte que sur les aspects pédagogiques du
projet de loi. Je pense qu'il faut bien saisir cela et c'est là-dessus
que nous intervenons. (21 heures)
Comme autre intervention récente, nous avons pris position sur le
projet d'installation d'un réseau de micro-ordinateurs dans le
système d'éducation et, l'an dernier, sur la formation
professionnelle des jeunes. Nous avons participé aux rencontres
nationales organisées par le ministère sur ce sujet, mais
toujours d'un point de vue pédagogique.
M. Ryan: Ces positions sur la loi 105 et sur le projet de
réseau de microordinateurs, ce sont des positions que vous avez prises
de manière plutôt privée. Cela n'a pas été
communiqué au grand public, à ma connaissance.
M. Pallascio: Cela a été communiqué aux
médias d'information. C'est publié surtout dans les revues
spécialisées. Ce ne sont pas des déclarations
toujours...
M. Ryan: Parce que nous autres, nous n'en avons pas eu.
M. Pallascio: ...aussi tape-à-l'oeil que celles qui
concernent les relations de travail où tout le monde se sent un peu
concerné dans sa peau, mais c'est publié.
M. Ryan: Sur une question comme le réseau des
micro-ordinateurs, cela nous intéresserait au plus haut point, mais je
n'ai jamais entendu parler d'une prise de position encore. Je vous dis cela
franchement. Pourtant, j'ai suivi le dossier d'assez près.
Je vais vous poser une dernière question qui est
indiscrète; j'espère que la réponse va dissiper toutes les
apparences ou les tentations de préjugés que je pourrais avoir.
Je vois que l'adresse de votre organisme est 600 rue Fullum, à
Montréal. Cela me semble être bien proche du ministère de
l'Éducation. Est-ce que je me trompe? Est-ce que c'est au même
endroit?
M. Pallascio: Nous sommes dans un local qui nous est
prêté par le ministère de l'Éducation, mais nous ne
sommes pas des gouvernementaux de service. Cela, je peux vous l'assurer. Nous
bénéficions d'un local qui nous est prêté. C'est
effectivement vrai, c'est dans l'édifice du ministère de
l'Éducation, mais nous sommes indépendants du
ministère.
M. Ryan: Merci. J'ai pris connaissance avec intérêt
du mémoire que vous nous avez communiqué. J'ai quelques questions
à vous poser là-dessus. En ce qui regarde - je vous ferai une
couple d'observations générales bien simplement - le partage des
pouvoirs et des responsabilités entre l'école et la commission
scolaire, je suis quelque peu étonné de voir que vous avez la
satisfaction un peu facile. Vous semblez trouver que le partage qui est
proposé là est convenable dans l'ensemble. Vous demandez qu'on
précise les responsabilités respectives de l'école et de
la commission scolaire sur un point particulier, soit en ce qui regarde
l'évaluation, l'innovation pédagogique. Je suis content de cette
précision qui m'apparaît capitale, entre parenthèses. Mais
que la composition de la commission scolaire soit intéressante, vous
êtes un des seuls organismes qui nous aient dit cela. Je suis content de
l'entendre. Jusqu'à maintenant, ce que nous entendons dire, c'est que
c'est un système plutôt bâtard, qui créerait bien
plus de difficulté que de clarté en tout cas. Je respecte le
droit que vous avez d'avoir votre opinion et de l'exprimer là-dessus. On
va l'examiner, excepté qu'il n'y a pas assez d'explications pour qu'on
fasse un examen très approfondi sur ces points. Pour être franc
avec vous et moi-même, je ne serais pas enclin à passer six mois
à étudier cette suggestion particulière dont je me demande
encore d'où elle a pu venir, parce qu'elle m'apparaît tellement
insolite par rapport à toutes nos normes connues de
représentation démocratique. Je préférerais
chercher dans d'autres voies, pour être, encore une fois, bien franc avec
vous.
Il y a une chose qui m'a intrigué dans votre mémoire.
Lorsque vous parlez de la confessionnalité, de toutes les dispositions
du projet de loi qui traitent de ce sujet, vous demandez qu'on en supprime un
certain nombre; que vous demandez, finalement, la présence de la
religion à l'école se réduise à cette
possibilité d'avoir un cours de religion ou de morale.
Évidemment, des services d'animation pastorale sur demande. C'est une
conception qui se défend. Vous savez comme moi qu'il y a d'autres
conceptions qui ont cours sur ces sujets. Vous savez comme moi qu'il y a un
grand nombre de nos concitoyens qui ont une conception différente de
l'éducation elle-même, du processus éducatif
lui-même. Ils ne voient pas la religion seulement comme une des 39
marques dans la famille des produits Heinz de l'éducation. Ils la voient
comme une force unificatrice plus importante.
J'avais une rencontre, ces jours derniers, avec un groupe de
responsables d'organismes catholiques de langue anglaise, par exemple. Eux
autres, ils tiennent beaucoup - ils vont nous le dire au cours des prochaines
semaines ici - à ce que la présence de la religion à
l'école, ce soit plus que cette possibilité que vous
évoquez dans votre mémoire. Autant je trouve qu'on a le devoir de
respecter ceux qui ont une autre conception, autant je trouve qu'on doit
respecter ceux qui représentent la conception dont je viens de parler.
Je me demande comment concilier cela avec la position qui est
énoncée dans votre mémoire. S'il fallait l'accepter
à la lettre, cela nous conduirait assez loin.
Le Président (M. Blouin): M. Pallascio.
M. Pallascio: Merci, M. le Président. Je peux
peut-être répondre à cela. Je dois, d'abord, dire que notre
position en est une professionnelle. Individuellement, les gens étaient
plutôt portés, pour des raisons pédagogiques que nous
n'avons point invoquées ici, vers l'école laïque. Je
m'explique: il y a des études exploratoires qui sont assez
inquiétantes au point de vue pédagogique et qui ne mettent en
cause l'enseignement de type dogmatique qu'on retrouve dans l'enseignement
catéchétique et qui peuvent - ce ne sont pas des recherches
concluantes actuellement - éventuellement retarder le
développement cognitif des enfants. D'un point de vue
pédagogique, nous trouvons cela inquiétant et nous avons fait la
recommandation à l'époque au ministère de
l'Éducation de favoriser la continuité de ces recherches. Mais,
professionnellement, en tant que professionnels de l'enseignement, nous voyons
quand même, comme vous le dites, un certain nombre de gens qui tiennent
à ce que l'enseignement religieux continue à l'école et
c'est pour cela que nous avons opté professionnellement pour un
régime d'options qui semble être présent dans le projet de
loi et faire un relatif consensus. À côté de cela - je veux
seulement terminer -nous avons, je pense, été assez explicites
pour dire que l'école doit permettre individuellement à tous
d'exprimer leurs valeurs, de les vivre, mais non pas de les codifier dans le
projet éducatif qui pourrait avoir comme conséquence de
relativement les imposer aux autres. C'est tout.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Vous parlez, à un moment donné, de la
création d'une instance pédagogique nationale, à propos de
l'article 307 du projet de loi. Je dois vous dire que je vous trouve un peu
ambitieux, avec l'équipement que vous avez, de demander de devenir cet
organisme. Je trouve que cela affaiblit même l'ensemble de votre
mémoire. Pour être bien franc avec vous, vous êtes une
fédération d'associations regroupant des spécialistes de
telle ou telle discipline, et fédération, c'est
déjà un lien très lâche. Moi, je ne vois pas du tout
au nom de quels critères le gouvernement serait bien avisé de
confier à un organisme comme le vôtre la tâche d'être
cet organisme pédagogique dont je souhaite vivement, pour ma part, la
création. Je pense qu'on a besoin au Québec d'un organisme
autonome qui va se consacrer surtout à la recherche, à la
promotion de l'innovation dans le domaine éducatif, à de
l'expérimentation en matière pédagogique. Je pense que
c'est extrêmement important que nous ayons cela et nous ne l'avons pas
actuellement, à ma connaissance. Mais il me semble que cela prendrait un
organisme d'un tout autre genre qu'un organisme représentatif comme le
vôtre. Je ne vois pas d'où a pu vous venir cette idée.
J'aimerais avoir des explications là-dessus. Pour être franc, cela
me semble être plutôt farfelu.
Le Président (M. Blouin): M. Robitaille.
M. Robitaille: M. le Président, si cela prend une autre
structure, cela prendra une autre structure. Cela ne nous dérange pas.
Ce qu'on veut, c'est qu'il y en ait un organisme. Ce qu'on veut, c'est que les
en- seignants aient leur place à l'intérieur de cet organisme. On
dit qu'on pense représenter les enseignants. Si on nous fait la preuve
qu'on n'est peut-être pas représentatifs des enseignants, si on
nous fait la preuve que cela prend autre chose, bravo! Mais nous, on
prétend qu'actuellement on représente, quand même, des
enseignants. La plupart de ces enseignants ont, quand même, oeuvré
en tant que pédagogues soit dans l'élaboration de programmes,
soit dans l'élaboration de guides pédagogiques, soit dans la
préparation d'examens. Ils sont membres d'associations professionnelles
et je me dis que, si ces gens-là sont capables de faire des exercices
comme ceux-là, ils sont capables également de poursuivre,
finalement, une tâche qu'ils ont été capables
d'entreprendre, et souvent, même à l'intérieur de leur
charge de travail. Maintenant, il faut leur donner la chance de pouvoir
chercher, expérimenter, innover dans des conditions normales. Le
problème qui se pose à l'heure actuelle, c'est que, pour la
plupart, nous sommes des bénévoles. On travaille le jour et on
essaie de penser pédagogie le soir ou les fins de semaine. Il serait
temps qu'il y ait quelque chose qui fasse que les enseignants, du moins
certains d'entre eux soient capables de s'y consacrer à temps plein.
Nous croyons qu'à l'heure actuelle les associations sont fort bien
pourvues en ressources humaines pour être capables de bâtir ces
instruments pédagogiques. Le CPIQ a joué un rôle moteur, de
ce côté-là. D'ailleurs, il n'y a pas encore eu de lutte de
pouvoir entre le CPIQ et les associations membres. Jusqu'ici, il y a eu
convergence d'intérêts. Quand on parle de pédagogie dans
l'enseignement et qu'on n'est pas au niveau des luttes politiques, on est
capable d'avoir des buts communs.
M. Ryan: Je voudrais vous poser une couple de questions sur
l'école. Comment voyez-vous l'école par rapport à la
commission scolaire? Est-ce une entité qui va être à peu
près complètement autonome vis-à-vis de la commission
scolaire ou si vous la voyez rattachée à la commission scolaire
par un lien d'autorité quelconque? Dans le système que nous
envisageons, le directeur d'école relèverait-il du conseil
d'école dont vous parlez ou de la commission scolaire?
M. Robitaille: Dans notre esprit, l'école est
rattachée à la commission scolaire. Je pense qu'on a passé
l'ère de l'école communautaire irresponsable où
c'était la corporation-école. Je pense qu'on a
dépassé cela avec le projet de loi no 40. Donc, elle est
rattachée à la commission scolaire.
M. Ryan: Nous n'en sommes pas sûrs, remarquez bien. Les
mots ont changé, mais le contenu ne semble pas avoir
évolué
tellement. Mais chacun a droit à son opinion.
M. Robitaille: Oui. Quant au directeur d'école, je pense,
si j'ai bien lu le projet de loi, que c'est la commission scolaire qui demeure
son employeur. Que le conseil d'école ait participé au
comité de sélection ou que le comité d'école soit
capable de dire, à un moment donné, qu'il n'est pas satisfait de
ses services, personnellement, cela me paraît tout à fait
normal.
M. Ryan: Mais de qui va-t-il...
M. Robitaille: Même si le principal était
renvoyé par son conseil d'école, il continue de travailler au
sein de la commission scolaire, que je sache. Il ne perd pas sa "job". Il ne se
ramasse pas dans la rue ou sur le chômage.
M. Ryan: Alors, vous donneriez au conseil d'école le
pouvoir de renvoyer le principal, si je comprends bien?
Le Président (M. Blouin): M. Robitaille.
M. Robitaille: Dans le cadre où il y a consensus des
partenaires et où il y a représentation égalitaire,
théoriquement, ma réponse est oui.
M. Ryan: Je vais vous donner, moi aussi, un exemple
théorique, M. Robitaille. Vous avez un comité paritaire
composé de sept personnes, d'après ce que je comprends: trois
parents, trois enseignants et le directeur. Dans votre conception, est-ce que
tout ce monde vote?
M. Robitaille: Je n'ai pas compris votre question.
M. Ryan: Vous avez un comité paritaire qui dirige
l'école. Le conseil d'école comprend sept personnes,
d'après la page 3 de votre texte. "Au primaire, le conseil devrait
être composé de trois parents, trois membres du personnel dont au
moins deux enseignants, en plus du directeur et du commissaire." Le commissaire
est là. Est-il un membre votant ou s'il est membre ex officio? Est-ce
qu'il vote?
M. Robitaille: Oui.
M. Ryan: II vote. Le directeur, lui, vote-t-il?
M. Robitaille: Non.
M. Ryan: II ne vote pas. Supposez maintenant qu'il arrive une
situation où trois parents et trois membres du personnel ont des
opinions différentes, soit trois d'un côté et trois de
l'autre, comme c'est fort susceptible d'arriver, qu'est-ce qui se produira? Qui
va décider? Ce serait le commissaire, d'après la logique de votre
système. On va dire qu'on va y penser de nouveau. Merci.
Le Président (M. Blouin): Cela va? M. Pallascio: Je
voulais répondre.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. Pallascio.
M. Pallascio: Je pourrais ajouter un élément de
réponse.
Le Président (M. Blouin): Pour compléter, oui. (21
h 15)
M. Pallascio: Ce qu'il faut comprendre dans notre position, c'est
la conception globale qu'on se fait et de la commission scolaire et de
l'école. Le modèle d'école que l'on privilégie est
un modèle d'école coopérative où tous les agents de
l'éducation oeuvrent à un projet éducatif donné et
prennent les moyens pour essayer de le réaliser. La commission scolaire
est vue, de notre point de vue, beaucoup plus comme une entreprise
pédagogique que comme gouvernement local, comme certains se plaisent
à nommer ce palier de décision. "Palier de décision", je
n'aime pas beaucoup cela comme terme. Pour nous, c'est beaucoup plus une
entreprise pédagoqique qui a à coordonner des services, à
s'assurer que tout le monde a les bons services, qu'il n'y a pas de parents
pauvres dans la commission scolaire, et à coordonner ce qui se passe
dans son territoire.
Je sais bien que, pour beaucoup d'administrateurs scolaires, le mot
"consensus" ne fait pas partie de leur vocabulaire, mais, pour nous, il est
important que les actions qui se passent au niveau d'une école ne se
fassent pas sur le dos d'un partenaire. C'est pour cela qu'on devrait
peut-être prévoir des mécanismes dans la loi,
éventuellement, si ce conseil d'école reste dans la loi, pour
que, justement, si l'un des partenaires - que ce soient les parents, les
enseignants ou peut-être même le directeur d'école - n'est
pas d'accord avec une position, eh bien, les discussions se suivent, qu'il n'y
ait pas d'action précipitée, autrement dit que, jusqu'à un
certain point, on doive faire consensus pour faire aller de l'avant un projet
éducatif dans une nouveauté pédagoqique, une nouvelle
méthode pédagogique, par exemple, ou le choix de manuels, ainsi
de suite. Pour nous, c'est peut-être la conception qu'on a de
l'école et de la commission scolaire qui encadre ces écoles, qui
les coordonne, qui les surpervise. C'est là qu'on doit retrouver un peu
la logique de notre proposition et moins en
termes d'employeurs et d'employés, de qui a le dernier mot en fin
de compte et ainsi de suite.
M. Ryan: J'aurais juste une petite remarque en terminant.
J'apprécie le souci que vous avez de faire en sorte qu'aucun des
partenaires essentiels ne soit écrasé par les autres au niveau du
fonctionnement de l'école. Je pense que c'est un souci qui est
très valable et dont le législateur devra tenir compte. Ce qui
m'inquiète là-dedans, c'est le fonctionnement de toute cette
mécanique. Le projet de loi attribue un très grand nombre de
responsabilités à l'école. Quand on lit les articles qui
vont de 99 jusqu'à 120, on trouve un très grand nombre de
fonctions qui sont attribuées à l'école. Je suis
porté à me dire que, s'il faut que tout cela passe par un
comité comme celui dont vous parlez, les gens vont passer leur temps en
réunions et, pendant ce temps-là, le travail ne se fera pas.
C'est pour cela que je suis enclin à désirer fortement qu'il y
ait un directeur qui ait des responsabilités véritables, qu'il
les exerce en tenant compte des opinions des uns et des autres. Que certaines
des ces responsabilités doivent être soumises au processus
codécisionnel, c'est une chose qu'on doit envisager aussi. J'ai
l'impression qu'il y a tout un décorticage à faire, un partage de
fonctions et de responsabilités de manière que tout cela puisse
marcher dans des conditions de diligence et d'efficacité optimales.
C'est de ce point de vue qu'il y a des interrogations qui surgissent dans mon
esprit. Je pense que l'idée d'association sur une base
d'égalité dont vous parlez est une très bonne idée;
peut-être que la formule demande à être examinée de
beaucoup plus près, à être rodée davantage, surtout
à recevoir un contenu fonctionnel pour savoir ce qui relèverait
de ceci et de cela. Cela pourrait aider beaucoup. Pour l'instant, nous en
sommes encore à des approximations. Il va falloir que, comme membres de
la commission, nous essayions de dépasser cela. Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci beaucoup, M. le
député d'Argenteuil. M. le député de Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président. Je voudrais dire,
tout d'abord, que, si on regarde la formation de votre organisme, qui regroupe
23 associations professionnelles et qui réussit à amener plus de
10 000 membres, donc du personnel enseignant, à travailler
bénévolement, à s'occuper de pédagogie, si, en
plus, j'écoute les remarques que vous faites et si je lis votre
mémoire où on retrouve constamment la préoccupation
pédagogique, effectivement, on ne pourra pas vous faire l'objection
qu'on a entendue, à plusieurs reprises, dans d'autres mémoires,
où on dit: On n'a pas le souci de la pédagogie. C'est tout
à fait le contraire dans la présentation du mémoire de
votre organisme, c'est un souci constant, seulement de pédagogie,
d'après ce que j'en déduis, en tout cas.
Face à cela, vous dites que votre association appuie l'objectif
qui donne à l'école la maîtrise de son projet
éducatif et les pouvoirs nécessaires pour le mettre en place.
Cela est fondamental dans le projet de loi. C'est aussi la discussion qui
revient à chaque présentation de mémoire. Donc, votre
préoccupation est pédagogique et je pense que les intervenants
avant moi ne l'ont pas mis en doute. C'est clair et net. C'est officiel. Vous
dites que, comme professionnel enseignant, oui, c'est à l'école
que se vit effectivement la pédagogie et c'est à elle qu'on doit
donner les pouvoirs de la mettre en application.
Ma question est un peu à deux volets, mais elle se rattache
à une seule chose: Y a-t-il une autre place qu'à l'école
où on peut avoir cette fameuse concertation dont on parle
continuellement? À la présentation de chacun des mémoires,
on n'y échappe pas, les gens disent, et avec raison, à mon avis,
qu'il faut qu'il y ait une concertation de tous les agents du monde de
l'éducation: les enseignants, les autres personnels, les parents et,
évidemment, les enfants. Il doit y avoir une concertation, une
collaboration continuelle de tout le personnel qui est au service des enfants.
Est-ce que cela peut se faire ailleurs qu'à l'école? Je ne veux
pas y répondre, cela peut être oui ou non. Vous dites qu'on doit
donner les pouvoirs à l'école pour qu'elle ait la maîtrise
de son projet éducatif. On a dit tantôt qu'il y a des choses qui
n'ont pas marché dans le système, parce qu'il n'y avait pas de
pouvoirs à l'école. Pensez-vous que cette concertation est
possible ailleurs qu'à l'école? Si elle n'est pas possible
ailleurs qu'à l'école, si on ne reconnaît pas les pouvoirs
à l'école, ne risque-t-on pas, encore une fois, de parler pour
rien, parce qu'on ne donnera pas, là où la concertation peut se
faire, les pouvoirs pour attirer les gens?
Vous avez parlé tantôt des enseignants qui ne pourront pas
manquer le bateau parce qu'ils vont avoir les pouvoirs et que ce sera
intéressant de participer. Ce sera plus qu'intéressant, ce sera
indispensable parce que ce sera la vie pédagogique qu'on vadécider à l'école en fonction du projet de loi 40.
Donc, en très courts termes, est-ce que la concertation est vraiment
à l'école ou si elle peut se faire ailleurs? Si elle ne peut se
faire ailleurs et qu'on ne donne pas les pouvoirs reconnus dans le projet de
loi 40 au comité d'école, est-ce qu'on ne parle pas pour ne rien
dire?
Le Président (M. Blouin): M. Robitaille.
M. Robitaille: M. le Président, si on parle vraiment de
concertation au sujet de la vie pédagogique même, au niveau
vraiment des problèmes pédagogiques que vit un milieu
donné, je pense que c'est au niveau de l'école que cela doit se
vivre. On posait tout à l'heure la question: S'il y a des
problèmes, qui prend la décision? Il faut quand même
distinguer deux volets ou deux paliers de décision. Je pense que le
principal a les pouvoirs nécessaires, à l'article 86, pour
exercer la gestion quotidienne de l'école, mais, quand on arrive
vraiment au palier où on s'attaque à l'orientation, il faut
prendre le temps d'arriver à un consensus. Il ne faut pas qu'il y en ait
un, à un moment donné, qui abatte la massue et qui dise:
Maintenant, je tranche, c'est fini. Je vais vous donner un exemple concret.
Supposons que les gens ne s'entendent vraiment pas sur la question des manuels
scolaires, je peux vous dire que personnellement je préfère que
les gens n'aient pas de manuels scolaires, plutôt que si cela se faisait
sur le dos des enseignants, les enseignants prennent les manuels et les
laissent de côté. Cela serait un beau gaspillage.
Alors, à votre question, je répondrai que la ligne de feu
est à l'école. La commission scolaire doit être là
au niveau du soutien et de la coordination, quand il s'agit de coordonner des
services que l'école ne peut pas se payer. L'école ne pourra pas
se payer des conseillers pédagogiques, des docimologues, des techniciens
ou des personnes de tout acabit en nombre suffisant. C'est là que la
commission scolaire va pouvoir l'aider et être une ressource pour elle.
Mais si on pose la question, à savoir où se situent les enjeux,
c'est à l'école.
Mme Charlebois: Pour répondre à votre question, je
dirai qu'il est souhaitable qu'il y ait concertation au niveau de la commission
scolaire, c'est évident. Par contre, il est essentiel qu'il y ait
concertation au niveau de l'école. On a dit tout à l'heure que la
personne qui, en fin de compte, avait le dernier mot, c'était l'enfant.
C'est le jeune qui peut accepter ou refuser l'éducation qu'on lui
apporte. Il y a aussi un deuxième intervenant qui est important et c'est
l'enseignant. Si l'enseignant se sent impliqué dans les politiques
prises dans son école, s'il embarque, il va embarquer les jeunes aussi.
Demain matin, je serai en classe. J'y étais hier encore. On
prépare des activités pour nos élèves. Le conseil
des enseignants est consulté et, finalement, rien n'est
décidé sans que les enseignants soient impliqués. Lorsque
des décisions ont été prises concernant des
activités d'école et d'élèves sans que les
enseignants soient directement consultés ou impliqués
immédiatement, cela n'a jamais très bien fonctionné. Cela
fonctionne quand les gens sentent que ce qui est fait les regarde, qu'on leur a
demandé ce qu'ils en pensent d'après leur expérience
personnelle avec les jeunes. C'est l'enseignant en classe qui sait si une
méthode pédagogique fonctionne. C'est évident que, si les
élèves dorment au nez du professeur, il y a des questions
à se poser. Si les élèves détestent un livre et le
mettent de côté, il y a, là aussi, des questions à
se poser.
Les personnes vraiment impliquées dans l'éducation sont
les enfants, les enseignants et aussi les parents. Les parents savent, quand
leurs enfants reviennent à la maison, ce qui se passe et ce qu'ils
aiment ou n'aiment pas. La direction de l'école a des pouvoirs de
gestion; aussi, le directeur peut certainement influencer la prise de position
politique, les orientations. Même si le directeur n'a pas droit de vote
au conseil d'école, il est évident que son avis va être
pris en considération.
Il est nécessaire qu'il y ait concertation entre tous les agents
de l'éducation si on veut que l'acte pédagogique atteigne son but
et parvienne à une formation globale et totale du jeune et qu'il se
sente lui-même impliqué dans son éducation.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Charlebois. Merci, M.
le député de Shefford. M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: Enfin, moi aussi, je suis vraiment heureux de voir que
vous avez le souci de l'excellence de l'acte pédagogique. Je vous en
félicite. Je suis, cependant, un peu surpris de voir que M. le ministre
n'a point mentionné ni ne vous a félicité sur la question
de la confessionnalité dans les écoles. Il n'a pas
effleuré le sujet et j'aurais bien aimé avoir son opinion.
Votre attitude est radicale. Vous êtes le premier organisme
à vraiment contester ouvertement le droit des parents ou d'une
majorité à un enseignement religieux à l'école. Je
respecte vraiment aussi votre opinion là-dessus. À la page 14 de
votre mémoire, en haut, vous dites ceci: "L'article 220 garantit le
poste de conseiller en éducation chrétienne dans chaque
commission scolaire et rien pour les autres - vous ajoutez et cela me semble un
petit peu farfelu - ce qui contribue ainsi à enrichir les plus riches."
Je me demande vraiment si ce sont les plus riches qui vont avoir simplement
l'éducation chrétienne ou si les pauvres n'y participeront pas du
tout.
M. Robitaille: M. le Président, j'aurais bien aimé
que le député continue de lire. Je vais me permettre de le faire.
"En effet, une enquête réalisée par le Conseil
supérieur de l'éducation indique qu'au primaire le degré
de suffisance du matériel didactique relatif aux diverses
matières est le plus élevé pour l'enseignement religieux
(+21),
alors qu'il est parmi les plus faibles en formation morale (-5)." C'est
dans ce sens-là.
M. Hains: Je ne comprends pas encore, M. le Président.
Admettons, comme vous le dites, que l'enseignement religieux est mieux
organisé, enfin, qu'il a plus de matériel pédagogique,
est-ce que, à ce moment, les pauvres comme les riches n'en profitent pas
autant? C'est votre assertion que je trouve vraiment farfelue lorsque vous
dites que cela va contribuer à enrichir les plus riches.
M. Robitaille: Ce ne sont pas les personnes qu'on vise ici. On
dit qu'actuellement les catholiques sont fort bien servis en matériel
didactique pour l'enseignement religieux. Quand il s'agit de formation morale,
pour l'enseignement moral, le matériel pédagogique qu'ils ont
entre les mains est un matériel pédagogique vraiment autre, tant
en quantité qu'en qualité. (21 h 30)
M. Hains: Est-ce qu'au point de vue de la religion catholique,
vous ne convenez pas avec moi que les riches vont en profiter comme les
pauvres? C'est votre attestion que je trouve un peu farfelue: "ce qui contribue
à enrichir les plus riches."
M. Robitaille: Je vais laisser la parole à M. Pallascio
là-dessus.
Le Président (M. Blouin): M. Pallascio.
M. Pallascio: C'est peut-être notre phrase qui est
ambiguë, c'est peut-être la façon dont elle est
formulée. Il y a une inversion dedans. Par riches, on ne veut pas dire
au point de vue de la richesse pécuniaire ou sociale; les riches
là-dedans sont les catholiques actuellement au point de vue du
matériel didactique. Si on ne garantit qu'aux catholiques du personnel
comme des conseillers en éducation chrétienne, ce sont ces
gens-là qui développent le matériel didactique. Alors, ils
vont donc contribuer à accroître la banque de matériel
didactique pour l'enseignement catholique alors que, là on retrouve un
peu de pauvreté en matériel didactique, on ne garantit pas de
personnel dans les commissions scolaires. C'est ce qu'on voulait dire. C'est
peut-être mal dit, mais c'est ce qu'on voulait dire.
M. Hains: Comme vous l'avez dit, c'est l'expression,
peut-être. Je comprends 'votre opinion; vous voulez plutôt dire que
la religion catholique recevra encore un peu plus de matériel alors que
les autres en recevront moins. C'est cela que vous voulez dire. Je vous
comprends très bien, mais c'est vraiment mal formulé, à
mon sens.
À la page 14, en bas, vous dites ceci: "En résumé,
il n'y a qu'une façon d'abolir ces privilèges discriminatoires,
c'est de déconfessionnaliser le projet éducatif lui-même."
Vous posez la majeure, radicale. "Cela ne veut pas dire qu'il soit exclu de
prendre en considération les valeurs morales et religieuses
individuelles dans l'établissement de ce projet." Pourquoi? On dirait
que vous avez un petit reproche. "Le phénomène religieux existe
dans notre société et ne doit pas être ignoré par
l'école." Selon moi - à moins que je ne comprenne mal votre texte
une fois de plus - vous êtes vraiment dans une contradiction flagrante.
Vous posez un dilemme; vous dites qu'il n'en faut pas, mais, cependant, il
faudrait en faire et, pour régler le problème, du revers de la
main, vous niez le droit aux catholiques de recevoir l'enseignement
religieux.
Le Président (M. Blouin): M. Robitaille, pour
éclaircir ce point, je crois.
M. Hains: Est-ce que j'ai raison, M. Ryan?
Le Président (M. Blouin): M. Robitaille, allez-y'.
M. Robitaille: II y a deux aspects. Sur la question de
l'enseignement religieux et moral, je pense qu'on a dit ce qu'on avait à
dire. Il va y en avoir de l'enseignement religieux et moral, on l'admet. On dit
qu'il peut y avoir des valeurs chrétiennes ou autres qui peuvent
être intégrées à l'intérieur d'un projet
éducatif, si une communauté le désire. Ce qu'on ne veut
pas, c'est que, maintenant, le projet éducatif lui-même
s'identifie comme étant catholique, comme étant protestant ou
comme étant de toute confessionnalité.
Qu'on intègre des aspects catholiques ou des aspects protestants,
je pense que la question de fraternité, de toute façon, et
certaines valeurs concernant ces aspects-là, sont acceptées par
la majorité des confessions religieuses. On ne veut pas qu'une
école dise qu'elle est catholique et que son projet éducatif doit
être catholique, nonobstant qu'il y ait des personnes minoritaires,
quelle que soit cette minorité, si infime soit-elle.
M. Hains: Vous parlez d'un projet éducatif. Est-ce que
vous acceptez la même théorie pour l'école proprement
dite?
M. Robitaille: Exactement.
Le Président (M. Blouin): Ça va?
M. Hains: Oui, ça va.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Saint-Henri.
M. le député de Chauveau.
M. Brouillet: Le temps passe; je vais m'en tenir à un
point qui a déjà été abordé, mais je crois
qu'il est bon d'y revenir. Cela se réfère, justement, à
cette préoccupation pédagogique que vous avez manifestée
et c'est sous cet angle que vous avez fait l'analyse du projet de loi 40. Ce
qui nous préoccupe tous, de même que ceux qui ont
été à l'origine de la préparation du projet de loi
40 et de tout ce qui l'a précédé et qui l'a rendu
possible, c'est peut-être une recherche de moyens pour tâcher
d'améliorer la qualité de l'éducation de nos enfants. Sur
cela, je pense que nous sommes tous d'accord et c'est l'intention qui nous
motive tous.
Sur un point précis, vous laissez entendre que rendre à
l'école un pouvoir décisionnel dans les matières d'ordre
éducatif, pédagogique, serait de nature à améliorer
précisément la pédagogie. On nous a laissé entendre
dans d'autres mémoires que le fait d'approcher le lieu de
décision du lieu de la concertation pourrait rendre impossible la
concertation ou nuire énormément au climat favorable à la
concertation. Après vous avoir entendu tantôt, après avoir
entendu Mme Charlebois, en particulier, nous expliquer les enjeux de l'acte
pédagogique qui se joue vraiment à l'école, je suis
porté à croire que, si nous voulons favoriser la concertation
dans ces matières d'ordre pédagogique à l'école,
dans ce qui se vit à l'école, le fait de donner à
l'école un pouvoir de décision va favoriser la concertation
beaucoup plus que lui nuire, comme on l'a laissé croire cet
après-midi. Si les gens qui se concertent savent que finalement, au bout
du compte, ce qui va ressortir de la concertation aura une valeur de
décision, à mon sens, cela va les inciter à participer,
précisément par le biais de la concertation, à ce qui
deviendra décisionnel dans le milieu.
Ma question est la suivante: D'après vous, croyez-vous que le
fait de rendre le pouvoir décisionnel au lieu même où se
fait la concertation sur des matières d'ordre pédagogique est de
nature à favoriser la concertation plutôt qu'à lui
nuire?
Le Président (M. Blouin): M. Robitaille, rapidement, s'il
vous plaît!
M. Robitaille: À la condition, M. le Président,
qu'il y ait égalité de représentation, à la
condition que le modèle soit coopératif, à la condition
que les partenaires veuillent bien se parler, et se parler dans un but commun
et non en termes de lutte de pouvoir. À la condition, donc, que les gens
prennent le temps de discuter pour arriver à un consensus.
M. Brouillet: Très bien. Pour compléter un peu, ne
croyez-vous pas - c'est mon point de vue - que le fait de rendre
décisionnel ce qui va se passer à l'école va
précisément favoriser ce dialogue ou cette concertation qui est
une des conditions précisément? Mon point de vue, c'est que, si
on donne un pouvoir décisionnel à ce qui va se passer à
l'école entre les intervenants, ce sera un des moyens pour favoriser
cette ouverture au dialogue entre les différents partenaires.
Le Président (M. Blouin): M. Robitaille.
M. Robitaille: Si ces conditions sont réalisées, il
n'y a aucun doute, dans mon esprit, que l'école deviendra suffisamment
responsable pour pouvoir déterminer ce qu'elle est capable d'assumer et
ce qui lui sera nécessaire de la part de la commission scolaire pour
l'aider soit dans sa gestion pédagogique, soit dans sa gestion
administrative, soit dans sa gestion des ressources humaines.
M. Brouillet: Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le
député de Chauveau. Dans le même esprit de concision afin
que nous entendions ensuite l'autre groupe, Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Je trouve la
mission de votre conseil très intéressante et j'avoue que,
même si je suis impliquée depuis longtemps dans le monde de
l'éducation, c'est la première fois que je rencontre votre
association. Existez-vous depuis longtemps? Est-ce que votre organisme existe
depuis longtemps?
M. Robitaille: L'organisme, le CPIQ, s'appelait autrefois le CPI.
C'était un organisme qui relevait de la CEQ.
M. Dougherty: CPI?
M. Robitaille: CPI, Conseil pédagogique
interdisciplinaire. Cet organisme avait été formé à
l'époque par M. Fernand Toussaint, qui était alors à la
CEQ et qui avait souhaité l'intervention des associations
professionnelles d'enseignants pour donner un éclairage
pédagogique. Après le virage idéologique que l'on a connu
au cours des années soixante-dix, le CPI de l'époque a
été plutôt abandonné par la CEQ. Il a tenté
de vivre par de maigres moyens, par une espèce de volonté commune
des associations parce que les associations sentaient, quand même, le
besoin de se prononcer sur des grandes questions pédagogiques. Ce
même M. Toussaint, devenu directeur des programmes au ministère de
l'Éducation, s'est de nouveau intéressé à l'action
du CPIQ. Depuis, le CPIQ reçoit une subvention en plus des cotisations
de ses associations pour l'aider
dans son travail. Cela lui permet de développer des actions
pédagogiques. Cela lui permet même de tenter de bâtir du
matériel pédagogique.
Actuellement, notre organisme est en train de faire des recherches et
doit présenter, au mois de mai, ses trois premiers travaux à
caractère interdisciplinaire. Ces travaux à caractère
interdisciplinaire doivent être lancés dans le cadre d'un
congrès qui doit avoir lieu au mois de mai, congrès qui s'adresse
aux enseignants du primaire, souvent les grands oubliés du
système scolaire. Ce congrès a pour titre L'enseignement du
primaire, une question d'organisation. Mme Denis, qui est ici à ma
gauche d'ailleurs, pourrait vous en parler si vous voulez la rencontrer. On
essaie actuellement de faire ces travaux, bien humblement, encore une fois,
souvent par les soirs, les fins de semaine. Le ministère nous a
prêté, par ailleurs, des agents de recherche qui nous aident,
quand même, à pousser ces travaux dans la mesure de leurs moyens.
M. le critique officiel de l'Opposition nous disait qu'on n'avait pas
été visibles là-dessus. Je suis bien content de l'entendre
dire. On va s'arranger, je pense, maintenant pour être plus visibles.
Mme Dougherty: Dernière question, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Oui.
Mme Dougherty: Cet après-midi, la CEQ a soulevé une
crainte qui me semble être bien fondée. Il s'agit d'enfants
très vulnérables dans n'importe quel système, les enfants
des milieux défavorisés et les enfants ayant des
difficultés d'apprentissage. Ne voyez-vous pas le danger soulevé
par la CEQ que ces enfants soient défavorisés par le morcellement
du système et surtout des centres décisionnels du système
proposé par le projet de loi?
M. Robitaille: M. le Président, nonobstant ces craintes,
l'article 202 dit, quand même, que la commission scolaire répartit
les services éducatifs entre les écoles de son territoire. Il y a
un comité fonctionnel de principaux à l'intérieur des
commissions scolaires. On pourra avoir des principaux qui pourront gueuler, qui
pourront tenter de faire les ténors, mais, s'il y a des écoles
qui sont plus favorisées que d'autres au niveau de la clientèle,
j'ai l'impression qu'ils vont se le faire dire aussi par leurs collègues
qui, eux, sont moins favorisés. Ce comité a, lui aussi, des
recommandations à faire à la commission scolaire. Je ne crois pas
que la répartition des effectifs pédagogiques arrive comme cela
d'on ne sait où et s'en aille au petit bonheur. (21 h 45)
Mme Charlebois: S'il y a danger pour l'intégration sauvage
ou le manque de soutien, je ne crois pas qu'il puisse venir du projet de loi
40, mais plutôt d'autres règlements qui proviendraient du
ministère à côté de cela. Alors, ce n'est pas le
projet de loi 40 lui-même qui peut menacer réellement les enfants
et les enseignants pour la question d'intégration des enfants en
difficulté d'apprentissage.
Mme Dougherty: Simplement un commentaire. J'aimerais vous
rappeler que -je ne sais pas si vous êtes au courant - la
fédération des parents a déploré l'article qui
propose la formation de ce comité des principaux. Elle proteste contre
ce regroupement des principaux d'école. Donc, je suis un peu surprise
que vous ne voyiez pas la possibilité réelle que certains enfants
risquent de tomber entre plusieurs pierres.
M. Robitaille: Je cède la parole à M.
Pallascio.
Le Président (M. Blouin): Rapidement, s'il vous
plaît!
M. Pallascio: Ce ne sera pas très long. Je relève
une citation du président de la fédération des directeurs
d'école M. de Guire, qui disait que la qualité de
l'éducation sera améliorée quand les décisions
seront prises par des gens près de l'action, ce avec quoi nous sommes
complètement d'accord. La seule chose qui nous surprend, c'est qu'il
semblerait nous exclure des centres de décision, alors que les gens qui
sont près de l'action, qui sont les plus susceptibles de faire attention
à ces enfants qui ont besoin de plus d'aide, ce sont, justement, les
enseignants et les autres élèves avec qui ils vivent. C'est pour
cela que, loin d'avoir cette crainte, nous pensons justement le contraire,
c'est-à-dire qu'en se rapprochant du lieu de l'action et des
problèmes les décisions seront plus responsables.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de Jacques-Cartier. Avant que nous accueillions
l'Association québécoise des professeurs de français, M.
le député de Louis-Hébert m'a indiqué qu'il
désirait intervenir brièvement. M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. L'intervention que nous
avons entendue me frappe comme étant la plus susceptible de mettre du
baume sur les plaies du ministre de l'Éducation après la
journée qu'il a dû passer avec la CEQ. Je comprends qu'on doit
peut-être avoir toutes sortes de sons de cloche. Ce qui me frappe dans le
son de cloche qui nous est donné ce soir, c'est qu'il n'est pas
appuyé sur une analyse en
profondeur de la situation. J'en veux simplement pour exemple ce que
vous dites sur les responsabilités du ministère de
l'Éducation. Je vous trouve brefs et courts quand vous dites: "Dans
l'ensemble, le CPIQ croit que les pouvoirs du ministre, évoqués
dans les chapitres V, VI et VII sont adéquats au niveau
pédagogique." Et voilà ce que vous faites comme analyse du
partage des pouvoirs au ministère de l'Éducation. Cela me
paraît être rapide; cela me paraît être bref et cela me
paraît très peu convaincant, surtout après avoir entendu
les intervenants qui sont venus ici jusqu'à maintenant. Ils ont
été nombreux; ils n'ont pas tous eu un point de vue qui
était en complet désaccord avec le ministre de
l'Éducation, mais je dois dire qu'ici, vous battez tous les records dans
la brièveté de l'analyse que vous faites du partage des pouvoirs
entre les commissions scolaires et le ministère de l'Éducation.
Je ne sais pas si c'est parce que la chose vous paraît tellement
évidente qu'elle doit être dite aussi rapidement, sans plus de
preuves, mais, le moins que je puisse dire, c'est que je reste sur mon
appétit.
Une question, une seule question. Est-ce que vous n'êtes pas
d'avis que, même si vous croyez adéquat le partage des pouvoirs,
le partage des fonctions et des responsabilités entre le
ministère de l'Éducation, les écoles et les commissions
scolaires, le fait de mettre en place environ 3000 centres
décisionnnels, cela va être de nature à... Même si on
ne changeait pas un seul iota dans le partage des pouvoirs qui sont
conférés au ministre de l'Éducation, même si on ne
touchait à rien, est-ce que vous ne croyez pas que, par la simple force
d'attraction des masses - car, dans le rapport politique de forces, il y a
aussi l'attraction des masses - le morcellement des centres de décision
en 3000 centres de décision sera, par comparaison, de nature à
augmenter de façon considérable la force réelle dans les
faits du ministre de l'Éducation, même si on ne touchait à
rien? Ce qui est loin d'être le cas, enfin, ce qui n'est pas
prouvé à notre satisfaction à nous. Est-ce que vous avez
une opinion là-dessus?
Le Président (M. Blouin): M. Robitaille.
M. Robitaille: Je pourrais passer la parole à M.
Pallascio.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M.
Pallascio.
M. Pallascio: Justement, ce postulat, parce que c'est bien un
postulat - M. Charbonneau l'a bien dit cet après-midi; il a parlé
d'une hypothèse, mais c'est plus strictement un postulat - en supposant
que n'existent pas les commissions scolaires entre les écoles et le
ministère, il a dit qu'il serait plus facile au ministère de
contrôler 150 commissions scolaires plutôt que 2700 écoles.
Nous ne sommes pas de cet avis. Nous n'acceptons pas ce postulat.
Nous sommes d'accord avec le partage des pouvoirs. Que voulez-vous qu'on
dise de plus? Nous avons dit que nous étions d'accord avec ce partage de
pouvoirs, en gros. On avait quand même eu un certain nombre de
réserves. Nous n'acceptons pas ces postulats. Je peux même vous
dire qu'un ancien président de la CEQ, dans un panel, a exprimé
le même avis. Donc, tout le monde dans la CEQ n'est pas
nécessairement d'accord avec ce postulat.
M. Doyon: Dernière question, M. le Président. Ce
sera très bref. Est-ce que la plupart de vos membres sont membres de la
CEQ? Étant donné qu'ils sont enseignants, j'imagine qu'ils le
sont tous. Est-ce que le point de vue que vous exprimez ici a été
communiqué à votre instance syndicale? Est-ce qu'il a
été discuté dans les assemblées syndicales qui ont
préparé, accepté et élaboré le
mémoire de la CEQ? Avez-vous eu un rôle à jouer dans la
préparation du mémoire de la CEQ? Si oui, quel a
été ce rôle? Sinon, pourquoi n'en avez-vous pas joué
un? Je vois très peu de similitude entre votre mémoire - en fait,
je n'en vois aucune, à toutes fins utiles - et celui
présenté par la Centrale de l'enseignement du Québec.
Le Président (M. Blouin): M. Robitaille.
M. Robitaille: Le mémoire de la CEQ est le mémoire
de la CEQ. Le mémoire du CPIQ est le mémoire du CPIQ. La grille
d'analyse de la CEQ était sa grille d'analyse. Nous avons une autre
grille d'analyse qui est celle de la pédagogie. Il se peut fort bien
qu'il y ait des grilles d'analyse différentes. C'est tout à fait
normal.
Nous, nous regardons et nous donnons un avis pédagogique sur le
projet de loi. Je pense que l'introduction de notre mémoire le situait
clairement. La CEQ n'avait pas à nous consulter ou à nous
demander notre avis et nous n'avions pas à demander l'avis de la CEQ
là-dessus.
M. Doyon: Cela va.
Le Président (M. Blouin): Merci.
M. Pallascio: M. le Président...
Le Président (M. Blouin): Oui, très rapidement, M.
Pallascio.
M. Pallascio: Nous ne sommes pas un sous-ensemble de la CEQ.
Moi-même, je suis un syndiqué à la CSN. Il y a même
des professeurs d'université dans nos associations. Nous couvrons tous
les niveaux et nous
sommes donc répartis dans plusieurs entités syndicales.
Nous ne sommes pas un sous-ensemble de la CEQ. C'est peut-être important
de le préciser.
Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci beaucoup, M.
Pallascio, de cette précision.
Sur ce, je remercie les responsables du Conseil pédagogique
interdisciplinaire du Québec de leur participation aux travaux de notre
commission.
J'invite maintenant les représentantes de l'Association
québécoise des professeurs de français à bien
vouloir venir prendre place à la table des invités. Comme vous le
savez maintenant, vous devrez nous livrer le contenu de votre mémoire en
une vingtaine de minutes, après que vous vous serez identifiées.
Cela va?
D'abord, si vous voulez bien vous identifier et procéder ensuite
à la présentation de votre mémoire.
Association québécoise des professeurs
de français
Mme Belleau (Irène): M. le Président, je suis
Irène Belleau, présidente de l'Association
québécoise des professeurs de français, professeure au
secondaire à la CECQ, libérée d'enseignement depuis un an
pour préparer un congrès international, le congrès mondial
des professeurs de français, qui aura lieu en juillet 1984 au Centre
municipal des congrès, à Québec. Habituellement, je suis
évidemment professeure au secondaire.
Et voici Denise Picard, professeure de sixième année
à la commission scolaire de Charlesbourg, vice-présidente de
l'AQPF. Nous sommes donc les deux mandatées de l'association pour vous
entretenir en fin de soirée.
Le projet de loi 40 est d'une envergure telle qu'il aurait fallu que
l'AQPF mette sur pied plusieurs comités, dans bien des coins du
Québec, pour pouvoir vous présenter aujourd'hui une position sur
chacun des aspects touchés par le projet de loi 40, tous les aspects de
la restructuration scolaire. C'était impossible pour l'association. Je
n'ai pas besoin de vous répéter ce que M. Robitaille vous a dit
tout à l'heure: nous sommes des associations professionnelles qui ne
fonctionnent que par le bénévolat. Les soirs, les nuits et les
fins de semaine y passent plus souvent que vous ne pourriez le croire.
Le Président (M. Blouin): Nous le constatons ce soir,
d'ailleurs.
Mme Belleau: Oui, c'est cela. C'est un bel exemple. Vous
n'ignorez pas non plus qu'à l'heure actuelle les enseignants sont
démobilisés, déstabilisés, pour ne pas dire
démoralisés. Nous sommes probablement deux exceptions à la
règle. Ces enseignants révèlent, bien sûr, une
indifférence assez profonde face à tout ce qui s'appelle
renouveau. Donc, après 17 heures, il est difficile aujourd'hui de
convoquer des enseignants pour discuter de questions autres qu'essentiellement
pédagogiques. Je vous avoue qu'on les rejoint encore pour discuter de
choses essentiellement pédagogiques. On a quantité de
comités sur l'implantation des programmes, le matériel
didactique, l'évaluation des étudiants. Enfin, sur cela, on ne
peut pas trop se plaindre, les professeurs de français sont encore assez
bien engagés dans leur rôle professionnel en dehors des heures
régulières de travail.
Donc, le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui se
ressent, bien sûr, de cette situation. Nous nous en sommes donc tenus
à étudier certains aspects du projet de loi 40, certains articles
du projet de loi 40 qui traitent plus particulièrement,
évidemment, de la langue, puisque c'est ce qui fait notre raison
d'être professionnel, et qui concernent, bien sûr, la
pédagogie. Donc, toute la question fondamentale du renouveau de
l'ensemble de la structure scolaire, nous n'avons pas pris position sur cette
question. J'allais dire "malheureusement". Je crois que nous aurions eu bien
des choses à dire. Je vais donc laisser Mme Picard vous lire le
mémoire que nous avons présenté sur les aspects que nous
avons pris le temps de regarder et, ensuite, nous répondrons à
vos questions. Mme Picard.
Le Président (M. Blouin): Mme Picard.
Mme Picard (Denise): M. le Président, l'Association
québécoise des professeurs de français, depuis sa
fondation, a participé aux grands débats entourant la situation
linguistique du Québec et a contribué au développement de
la didactique du français au Québec.
Le projet de loi 40 sur la restructuration scolaire du Québec
n'est pas sans effet direct sur l'un ou l'autre des volets importants du champ
d'intervention de l'AQPF. Voilà pourquoi l'AQPF a décidé
de présenter ce mémoire à la commission permanente de
l'éducation.
Depuis une vingtaine d'années, la société
québécoise s'inscrit dans le sillon des changements majeurs. La
démocratisation de l'enseignement en est un et des plus importants. Elle
a permis et permet toujours à des milliers de jeunes d'avoir
accès à des institutions d'éducation de qualité,
à des services éducatifs diversifiés correspondant
à une gamme variée d'enseignements, de méthodes,
d'encadrements. (22 heures)
Le système scolaire québécois actuel, malgré
tous les aménagements qu'il a subis
depuis la révolution tranquille, appelle une autre étape:
celle de permettre à l'école d'être le lieu
véritable de l'enracinement social et culturel, de se donner des assises
solides dans son propre environnement, d'afficher et d'affirmer fermement son
caractère linguistique, ses principes de tolérance quant à
l'option des valeurs religieuses et morales, en même temps que consacrer
la primauté de son rôle dans la formation et le
développement des jeunes et des adolescents. C'est dans cet esprit que
l'AQPF croit en la nécessité de compléter la
réforme amorcée au tournant des années soixante. C'est
dans cet esprit aussi qu'elle n'hésitera pas à s'impliquer dans
la mise en oeuvre de ce projet de réforme, pour autant que sa voix
puisse contribuer à l'avenir collectif de l'école
québécoise.
L'AQPF se réjouit de la création de commissions scolaires
linguistiques. Déjà, en 1970, l'AQPF adoptait en assemblée
générale une résolution qui demandait l'unification des
structures scolaires selon la langue. Depuis le rapport Parent, études,
rapports, recommandations et même projets de loi ont balisé la
réflexion collective sur les structures confessionnelles du
système scolaire sans jamais arriver à trouver une nouvelle
structure acceptable appuyée d'un large consensus de la population.
À l'intérieur du système, les exemptions à
l'enseignement religieux confessionnel et les embryons d'un enseignement moral
mal défini ont créé des situations frôlant parfois
le ridicule. Le caractère confessionnel ne peut plus, à notre
avis, servir de critère unique pour assurer l'identification des
commissions scolaires. La diversité des options chez les citoyens
québécois et le respect de la liberté de conscience,
à notre avis, exigent une autre base de définition du statut des
commissions scolaires.
Cette nouvelle répartition selon la langue permettra,
croyons-nous, de rendre plus authentiques les visages des commissions scolaires
du Québec. En effet, les commissions scolaires actuelles, dites
protestantes ou catholiques, inscrivent dans leurs écoles des enfants
autres que catholiques et protestants. Cette structure devenue caduque dans sa
représentativité exige un changement. De plus, nous estimons que
la nouvelle structure respecte les aspirations de la communauté
anglophone. La volonté maintes fois exprimée de laisser à
la minorité anglophone québécoise ses institutions
apparaîtra plus évidente et manifestera plus clairement son refus
de partager les aspirations légitimes de la communauté
francophone québécoise fortement majoritaire.
Toutefois, l'AQPF estime nécessaire de prendre tous les moyens
pour que le caractère français du Québec soit bien
visible. Nous croyons que distinguer la struc- ture des commissions scolaires
par la langue peut contribuer à cette opération essentielle.
De plus, l'AQPF veut réitérer ici sa conviction profonde
que l'Assemblée nationale du Québec a le droit exclusif de
légiférer en matière de langue et d'enseignement. Nous
croyons que le peuple québécois a le droit de protéger sa
langue dans tous les domaines de la vie sociale, politique, économique
et culturelle. Le jugement Deschênes qui nie au Québec cette
compétence nous porte à croire en l'urgente
nécessité de maintenir une application ferme de la Charte de la
langue française et de la clause Québec, notamment.
L'AQPF croit, nous le répétons, que le gouvernement du
Québec doit déclarer et faire en sorte que la véritable
école québécoise est et doit être francophone et
qu'elle continuera d'accueillir tous les immigrants qui ne sont pas de souche
anglaise.
L'AQPF veut manifester son plein accord avec l'article 3.1° et
l'article 77. L'article 3.1° se lit comme suit: "Les services
d'enseignement ont pour but de favoriser les apprentissages fondamentaux", etc.
L'article 77: "Le personnel de l'école doit prendre les mesures
nécessaires pour asurer la qualité de l'usage de la langue
écrite et parlée." Ces deux principes, selon nous, sont les
assises essentielles de toute charte de l'enseignement, a fortiori de
l'enseignement du français au Québec.
Les apprentissages fondamentaux de la langue nationale doivent recevoir
le traitement qu'exige leur importance. Tous les agents de l'éducation
doivent avoir le souci d'un suivi rigoureux dans le développement des
habiletés langagières de chaque enfant.
Nous sommes d'accord avec cet article de loi, non seulement pour l'objet
énoncé, mais avec le lieu bien identifié de la
responsabilité. En effet, qui peut le mieux assurer cette fonction,
sinon les éducateurs constamment et directement en contact avec les
jeunes? Cette mesure, pour être efficace, doit recevoir l'appui ferme et
inconditionnel de l'appareil gouvernemental.
Quant aux articles 9 et 10, ils se lisent comme suit: Article 9. "Les
services d'accueil sont des services destinés à
l'élève qui ne connaît pas suffisamment le français
pour être intégré dans une classe ordinaire." Article 10.
"Les services de soutien linguistique en français sont des services
destinés à l'élève qui ne possède pas une
connaissance usuelle du français."
L'AQPF veut redire au ministre de l'Éducation que les services
d'accueil et de soutien linguistique sont essentiels et, compte tenu de notre
expérience dans ce secteur, nous estimons qu'un effort de consolidation
doit être fait. Ces services doivent être de tout premier ordre
pour les jeunes immigrants et immigrantes et l'école doit
être encore plus accueillante que par le passé pour ce type
de clientèle. L'apport des communautés culturelles est sans
contredit une richesse pour la société québécoise
tout entière, première bénéficiaire des fruits de
ces services.
L'article 12 revêt une aussi grande importance dans
l'apprentissage des éléments fondamentaux de la langue. L'article
12 se lit comme suit: "Les services de soutien pédagogique sont des
services qui ont pour but de prévenir les difficultés
d'apprentissage ou de faciliter le rattrapage ou le passage d'une classe
à une autre."
Les services de soutien pédagogique pour les élèves
qui manifestent une faiblesse en français à quelque niveau que ce
soit doivent être offerts au bon moment. Tout retard dans l'application
des mesures de rattrapage peut engendrer maints facteurs psychologiques comme
la désaffection de l'école, des erreurs d'orientation et conduire
les jeunes à décrocher de leur idéal initial.
L'article 91, à notre avis, est la cheville essentielle de ce
projet. Cet article devrait insister davantage sur la nécessité
pour chaque école de définir un projet éducatif à
la mesure des aspirations de la collectivité. Il doit tenir compte,
selon nous, de l'importance de l'enseignement de la culture
québécoise et de l'histoire nationale. Il nous semble que c'est
le lieu tout désigné pour inscrire la promotion de notre
identité collective, de notre patrimoine, de notre culture latine et
américaine, etc.
À l'article 107, l'AQPF souhaite que soit clairement
exprimée une politique du livre et non pas seulement l'idée de
favoriser l'accès à des livres de lecture et de
référence.
Chaque école pourrait et devrait se donner un tel instrument de
développement et l'intégrer à son projet éducatif.
Le ministère des Affaires culturelles, à ce que nous sachions,
élabore actuellement la phase finale d'une telle politique. À
notre avis, le projet de loi 40 pourrait s'en inspirer.
La lecture est essentielle à la formation des jeunes et
l'enseignement du français ne peut qu'en recueillir les effets
salutaires.
Enfin, les épreuves uniques dont il est question aux articles 294
et 298 nous laissent perplexes. Que seront ces épreuves uniques? La
politique de l'évaluation en français au ministère de
l'Éducation n'est pas encore arrêtée; ces épreuves
seront-elles uniformes et n'y en aura-t-il qu'une pour juger de toutes les
composantes de la maîtrise de la langue? De plus, la marge de
discrétion du ministre à l'article 298 nous semble fort
impertinente.
Quant à l'article 299, nous sollicitons du ministre que soit
inscrit et intégré en deuxième paragraphe l'article 84 de
la loi 101 qui se lit comme suit: "Aucun certificat de fin d'études
secondaires ne peut être délivré à
l'élève qui n'a du français parlé et écrit
la connaissance exigée par le programme du ministère de
l'Éducation du Québec."
Depuis quelques années, bien des critiques désobligeantes
sont tombées sur l'école québécoise. Les parents,
la presse...
Mme Belleau: J'ai oublié de dire que nous avions
supprimé la partie 3 pour la lecture, vu qu'on nous avait
invitées à réduire le plus possible le temps
d'intervention. Alors, on a supprimé le chapitre 3, mais, si vous voulez
poser des questions là-dessus, vous serez bien libres de le faire
après, même si nous n'en faisons pas la lecture. Denise passe donc
au chapitre 4.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Belleau. Je peux vous
assurer que, de toute façon, les membres ont pris connaissance du
contenu du mémoire que vous leur avez soumis.
Mme Belleau: Merci.
Mme Picard: Depuis quelques années, bien des critiques
désobligeantes sont tombées sur l'école
québécoise. Les parents, la presse en général l'ont
considérée comme une cible importante. Les changements multiples
et de tous ordres que l'école a vécus (ou subis) ont
laissé dans l'ombre les pas feutrés mais sûrs que la
pédagogie du Québec a faits depuis 20 ans.
Grâce à l'action et à la réflexion soutenues
d'agents de développement pédagogique et de conseillers
pédagogiques, grâce aussi à l'être professionnel des
professeurs de français eux-mêmes, l'enseignement du
français au Québec s'est donné une place importante dans
la francophonie. Les nouveaux programmes, leur implantation et leur application
devraient recevoir tout le support nécessaire des "services
pédagogiques" dans les écoles.
À cet effet, l'AQPF exige que le projet de loi accorde aux
enseignants une place importante; précise qui sera responsable de la
pédagogie dans l'école; détermine, de façon claire
et précise, quels "services pédagogiques" seront mis en place
pour favoriser la poursuite des développements de la pédagogie du
français au Québec.
En résumé, M. le Président, l'AQPF recommande que
soit bien identifiée l'école québécoise
francophone; que l'article 84 de la loi 101 soit intégré au
projet de loi 40; qu'une politique de la lecture accompagne et renforce
l'article 107; que l'école québécoise soit
déclarée école laïque et tolérante; que le
projet de loi 40 accorde aux enseignants une place aussi importante que celle
qui est reconnue aux parents; que le projet de loi 40 précise les
rôles et responsabilités des
responsables de la pédagogie dans l'école; que des
services pédagogiques soient mis en place dans les écoles et dans
les commissions scolaires pour assurer le développement de la
pédagogie du français au Québec; que l'enseignant se voit
reconnaître une place dans la mise en oeuvre du projet de loi 40.
Voilà, M. le ministre de l'Éducation, l'essentiel du
message que l'Association des professeurs de français voulait faire
entendre. Il n'est pas loin de votre objectif fondamental de revaloriser
l'école et de redonner à tous les agents de l'éducation le
sens de l'essentiel qu'une réforme peut risquer de masquer. L'AQPF
souhaite fermement qu'un consensus se dégage sur ce projet de loi et
favorise un avenir serein à l'école québécoise.
Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Picard et Mme
Belleau. M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
l'AQPF pour la qualité de son mémoire que j'ai lu avec beaucoup
d'attention. Je n'ai pas été sans remarquer -ce qui est tout
à l'éloge de nos deux présentatrices - aussi bien la
qualité du français écrit que du français
parlé, ce que d'ailleurs l'AQPF recommande pour tous les membres du
personnel enseignant au sein des écoles.
Évidemment, comme l'a dit l'AQPF, cette association vit sous le
signe du bénévolat. Ceci ne l'a pas empêchée, au
cours des dernières années, d'être très dynamique.
J'ai suivi de près les efforts incessants, le zèle dont elle a
fait preuve pour la promotion de l'enseignement du français, d'un
français de qualité, dans nos écoles, et même pour
la promotion de la pédagogie, de la didactique du français, aussi
bien au Québec qu'à l'étranger. J'ai en mémoire,
non seulement la revue dans laquelle les membres de l'AQPF se commettent
régulièrement, mais également leur participation
éminente à des congrès internationaux consacrés
à l'apprentissage et au développement des études
françaises.
L'AQPF, en raison de ses limites, a voulu limiter
particulièrement son examen du projet de loi aux articles qui touchent
la langue et la pédagogie, même si elle vient de nous dire, en
terminant, qu'elle est d'accord avec les principes fondamentaux du projet de
loi et qu'elle espère qu'un consensus pourra s'établir autour de
ce projet pour que la communauté québécoise puisse en
bénéficier le plus tôt possible.
De la même façon je me limiterai moi aussi, dans mes
remarques, à la pédagogie et à la didactique du
français. Comme l'AQPF le sait sûrement, les gouvernements
successifs, et particulièrement depuis quelques années,
consacrent une extrême importance à la revolorisation de l'ensei-
gnement du français. C'est la raison pour laquelle nous avons
révisé, à l'heure actuelle, au moment où nous nous
parlons, la presque totalité des programmes de l'enseignement du
français au niveau primaire et au niveau secondaire. Nous sommes
même en train de le faire au niveau collégial, car, même
à ce niveau, cela nous paraît nécessaire, ne serait-ce que
pour compenser les faiblesses, les lacunes des dernières années.
(22 h 15)
Ces nouveaux programmes sont maintenant dotés et
accompagnés également de guides pédagogiques. Nous en
sommes actuellement à la phase d'implantation de ces programmes aux
divers niveaux du primaire et du secondaire. On peut donc espérer que,
d'ici quelques années, grâce à ces programmes en
particulier, l'enseignement de la langue française aura connu et
connaîtra encore des améliorations notables, ce qui est tout
à fait naturel et normal, puisqu'il s'agit du Québec, une nation
où la langue de la majorité est la langue française. Donc,
sur ce plan, le gouvernement, je pense, a pris ses responsabilités et
nous sommes très heureux de compter sur l'appui et la collaboration
incessante de l'AQPF pour la promotion des objectifs communs que le
gouvernement entretient avec votre association.
Je suis heureux de constater que, pour vous également,
l'école doit être non seulement le lieu d'apprentissages
fondamentaux de qualité, ainsi qu'il est dit à l'article 3, mais
également un lieu véritable d'enracinement social et culturel.
Comme il s'agit, la plupart du temps, d'un milieu francophone, il ne fait aucun
doute, au fur et à mesure que l'école s'enracinera davantage dans
son milieu social et culturel, que c'est toute la culture, en même temps
que la langue, qui en bénéficiera. J'ai été
heureux, en passant, de vous entendre dire que vous étiez d'accord avec
une position que nous avons longuement et plusieurs fois affirmée,
c'est-à-dire celle du droit exclusif du Québec à
légiférer en matière de langue et d'enseignement. Vous
témoignez d'une façon plus particulière de votre
approbation à l'endroit de certains articles de la loi, par exemple,
l'article 3, qui parle des apprentissages fondamentaux; les articles 9, 10 et
12, qui parlent des services d'accueil, qui parlent des services de soutien
linguistique et des services de soutien pédagogique. Je peux vous
assurer qu'il n'est pas de notre intention de diminuer en quoi que ce soit
l'ampleur de l'effort que nous faisons, non seulement pour maintenir, mais
développer ces services pour faire face aux nouveaux défis
auxquels le Québec doit faire face puisqu'il a décidé
maintenant d'accueillir dans les écoles de la majorité la
totalité ou presque des nouveaux arrivants qui viennent d'autres
pays.
II y a aussi d'autres articles avec lesquels vous êtes d'accord,
en particulier, l'article 91 et l'article 107. À propos de l'article
107, comme vous l'avez souligné, effectivement, depuis quelques
années, le ministère des Affaires culturelles est en train de
préparer une politique de la lecture et il se prépare à la
rendre publique très bientôt. Je pense que ceci aidera
également au développement et à la promotion de la
connaissance d'un français de qualité par les citoyens
francophones et même anglophones et je me ferai un plaisir de lui
transmettre aussi bien vos considérations que vos voeux.
L'article 294 et surtout l'article 298 vous laissent davantage
perplexes. À l'article 294, il s'agit des épreuves uniques pour
l'enseignement du français. Je ne puis encore répondre exactement
à votre question, mais il est évident que, si nous parlons
d'examen unique, c'est que nous considérons cette matière comme
très importante et que nous voulons assurer une qualité minimale
du français parlé et écrit dans toutes les écoles
du Québec, chez tous les élèves du Québec. C'est la
raison pour laquelle nous avons parlé ici d'un examen unique. C'est
d'ailleurs au service de professeurs spécialisés comme vous
l'êtes que nous recourrons pour l'établissement des questions qui
serviront à cet examen unique. Donc, vous aurez amplement l'occasion de
dire votre mot et de nous faire profiter de votre expertise à cet
égard.
En ce qui concerne l'article 298, tout en comprenant votre
perplexité, je ne peux pas dire que je la partage. C'est peut-être
parce qu'il est toujours difficile dans un article de loi de signifier toute la
portée des articles que nous formulons, mais, en réalité,
cet article 298 n'a pas pour effet d'accroître les pouvoirs du ministre.
Il précise un pouvoir que le ministre exerce déjà depuis
1966 en vertu de sa responsabilité générale en
matière d'éducation. Si vous relisez bien les deux alinéas
de cet article, vous verrez que le premier attribue au ministre le pouvoir de
réviser les résultats obtenus par un élève aux
épreuves uniques imposées par le ministre, lorsque cette
épreuve unique comporte des erreurs ou des difficultés de
rédaction - ce qui peut arriver - qui ont pour effet de pénaliser
les élèves, alors que le deuxième alinéa attribue
au ministre le pouvoir de pondérer les résultats obtenus par un
élève aux épreuves de l'école afin de rendre
celles-ci comparables aux résultats obtenus par les élèves
aux épreuves du ministre dans les mêmes matières.
Ce pouvoir qui s'exerce actuellement s'exerce dans le cadre de
règles scientifiques et, ce qui est important, il s'applique non pas
à des individus, mais à des groupes d'élèves par
école. Cette pondération donne, je crois - l'expérience en
témoigne - un portrait plus réel des acquis des
élèves et tient compte de la responsabilité
partagée en matière d'évaluation qui ressort des
politiques récentes que nous avons rendues publiques en matière
d'évaluation.
Quant à l'article 84, il n'est pas, à mon avis,
nécessaire de l'intégrer, de l'insérer dans la loi 40
parce qu'il existe déjà dans la loi 101 et, même si cet
article ne prend pas sa place dans la même loi que la loi 40, c'est quand
même la volonté du législateur qui s'exprime là
aussi et le ministère de l'Éducation est tenu de voir à ce
que cet article 84 soit effectif, c'est-à-dire que les résultats
dans les activités des écoles, dans le fonctionnement des
écoles correspondent à la volonté du législateur
telle qu'elle s'exprime à l'article 84.
Je n'aurais que deux questions à vous poser. L'une porte sur
votre conclusion où vous réclamez une place importante pour les
enseignants sur le plan de la pédagogie, au niveau de l'école, et
une autre touche plus particulièrement à l'article 77 du projet
de loi qui se lit ainsi: "Le personnel de l'école doit prendre les
mesures nécessaires pour assurer la qualité de l'usage de la
langue écrite et parlée."
Sur le premier point, donc, votre association voudrait que le projet de
loi 40 accorde aux enseignants une place importante avec celle des parents. Ma
question est la suivante: Pourriez-vous préciser la place que vous
accorderiez personnellement aux enseignants? Estimez-vous, d'après votre
expérience, que la collaboration qui résultera du voisinage des
parents et des professeurs au sein d'un conseil d'école
décisionnel sera susceptible d'améliorer la pédagogie?
C'est là ma première question.
Ma deuxième, encore une fois, touche à l'article 77. Vous
soutenez dans votre mémoire que l'AQPF est pleinement d'accord avec
l'article 77, mais cet après-midi nous avons entendu la Centrale de
l'enseignement du Québec qui soutenait dans son mémoire que cet
article transfert sur le dos des enseignants une responsabilité que la
CEQ qualifie d'institutionnelle. Est-ce que votre association croit que la
qualité de la langue parlée et écrite constitue une
nouvelle responsabilité dévolue aux enseignants et enseignantes
du Québec? Ne croyez-vous pas -ce que j'ai cru sentir dans votre
mémoire -que c'est plutôt, et justement, un des devoirs
fondamentaux de tous les enseignants?
Le Président (M. Blouin): Mme Belleau.
Mme Belleau: La première question, vous l'avez, à
mon sens, très bien formulée, puisque c'est dans ces termes que
nous nous la sommes posée nous-mêmes: la place des enseignants
dans le nouveau projet de loi et dans quelle mesure parents et professeurs
pourront ou ne pourront pas vivre la
concertation dont on parlait ou dont on parle, en tout cas, depuis
déjà un bon moment, bien avant, bien sûr, le projet de loi
40.
Les enseignants à l'école, à l'heure actuelle,
à notre avis, n'ont plus de pouvoirs. Je les ai décrits un peu
tout à l'heure comme désabusés, démoralisés,
déstabilisés, à cause, bien sûr, de
différents événements qui se sont passés depuis
cinq ou six ans et que je ne rappellerai pas ici parce que nous les connaissons
tous. Cela a fait, probablement, que l'ensemble des enseignants à
l'heure actuelle, et peut-être plus particulièrement encore les
professeurs de français parce qu'ils s'engageaient dans toutes sortes
d'activités - ils étaient vraiment, je crois, dans bien des
écoles, des agents très actifs dans leur milieu - les
enseignants, dis-je, à l'heure actuelle, je crois, n'ont plus beaucoup
de pouvoirs. Même à l'intérieur de leur école,
même à l'intérieur de leur propre classe, le pouvoir qu'ils
ont, c'est, bien sûr, de suivre les programmes, d'essayer de renouveler
leurs méthodes selon ces nouveaux programmes, d'essayer
d'améliorer leur pédagogie, mais tout cela dans un contexte
vraiment pas toujours favorable au développement même de cette
pédagogie.
Toutes les écoles ne se sont pas donné un projet
éducatif qui reposerait sur l'importance du français dans
l'école. Alors, la place que les enseignants occupent à l'heure
actuelle dans l'école, je dirais, dans bien des cas, qu'elle n'est pas
à la hauteur de ce qu'elle devrait être. C'est pourquoi, dans un
certain sens, sans peut-être l'avoir affirmé très
catégoriquement, il nous apparaît que le projet de loi 40
accorderait... Je mets bien mes verbes au conditionnel, parce que je sais que
je suis face à un projet de loi; je ne suis pas en face d'une loi. Il
nous a semblé, à la lecture du projet de loi 40, que celui-ci
accorderait aux enseignants plus de pouvoirs ou, en tout cas, il y aurait des
mécanismes qui permettraient aux enseignants de véritablement
être plus conscients des enjeux mêmes de leur propre
pédagogie. Ils ne sont pas tellement consultés actuellement sur
l'utilisation des manuels. Ils ne sont pas consultés dans tous les
milieux sur la meilleure façon d'évaluer l'apprentissage du
français écrit, l'apprentissage du français parlé,"
l'apprentissage de tous ces mécanismes, de toutes ces techniques
d'expression orale ou d'expression écrite, ces mécanismes, par
exemple, de la connaissance de la littérature québécoise,
de ce qui se fait actuellement dans les écoles dans ce domaine. (22 h
30)
Donc, il nous apparaît, à la lecture du projet de loi 40,
que les enseignants auraient des mécanismes qui leur permettraient
d'être plus conscients des enjeux, des pouvoirs qu'ils devraient avoir au
niveau de la pédagogie. Si c'est cela que le projet de loi 40 vise, si
c'est cela que le projet de loi 40 va véritablement assurer, je crois
que les enseignants - en tout cas les enseignants de français pour ne
parler que pour eux - seront véritablement intéressés au
défi que représente cette concertation à
l'intérieur d'une école où parents et professeurs doivent
travailler en collaboration. Cela ne sera pas facile. Je suis convaincue que,
dans plusieurs cas, ce sera peut-être, avant le temps d'une concertation,
le temps d'un affrontement. Mais si les parents qui sont véritablement
représentatifs des gens qu'ils doivent représenter - j'allais
dire de leur clientèle -si les enseignants sont véritablement
représentatifs de l'ensemble des enseignants de leur école et si
chacune de ces deux catégories a vraiment la compétence pour
juger des objets qu'elle doit juger et assurer ainsi sa
crédibilité, je ne vois pas comment parents et enseignants se
tireraient aux cheveux.
Il y a moyen, me semble-t-il - peut-être sommes-nous un peu
idéalistes, peut-être le projet de loi l'est-il un peu
lui-même -dans l'ensemble, que parents et professeurs en arrivent en tout
cas à se parler, dans un premier temps, et, dans un deuxième
temps, peut-être à s'affronter et, dans un troisième temps,
espérons-le, à travailler en concertation.
De là à dire que les parents doivent donner leur avis sur
des objets où ils sont, disons, plus ou moins compétents, on
s'est posé un certain nombre de questions là-dessus. J'imagine
que les parents qui vont élire des leurs à un conseil
d'école vont les choisir d'après leur compétence. Les
parents qui interviendraient, par exemple, pour juger de la valeur d'un manuel
d'enseignement ou d'une méthode pédagogique, j'imagine que les
parents vont voir à choisir leurs représentants de façon
qu'ils aient véritablement la compétence pour le faire. Sinon,
ils vont perdre toute crédibilité face aux enseignants. Le choix
d'un manuel, le choix d'une méthode relèvent d'une
compétence. Cela relève des enseignants. Cela relève de la
pédagogie. Les parents qui jugeront de ces objets à
l'intérieur d'un conseil d'école devront, à notre avis,
être véritablement compétents s'ils veulent assurer leur
crédibilité auprès des professeurs. Je ne sais pas si j'ai
répondu à votre première question.
La deuxième était la question d'une nouvelle
responsabilité que le projet de loi accorderait au personnel de
l'école par l'article 77. Tous les professeurs, tout le personnel de
l'enseignement, de l'éducation, à notre avis, sont responsables
de la qualité de la langue parlée, écrite, sous tous ses
aspects, la lecture aussi, évidemment. Est-ce une nouvelle
responsabilité? À vrai dire, non.
Nous croyons que les enseignants, les directeurs d'école, les
directeurs généraux des commissions scolaires ont
déjà cette responsabilité, mais nous croyons que l'article
77 fait bien d'être écrit là. Il va susciter dans les
milieux une prise de conscience plus ferme - enfin, nous l'espérons - de
cette responsabilité.
J'imagine que, lorsque vous parlez du personnel de l'école, ce
sont aussi les élèves. Je vous dis cela en passant. J'avais
trouvé un peu curieux, étrange, cette section IV du projet de loi
parce qu'elle traite du personnel de l'école. Elle est titrée:
Personnel de l'école. Il y a, premièrement, dispositions
générales; il y a, deuxièmement, directeur d'école.
Je m'attendais à trouver aussi un troisièmement, qui serait, je
ne sais pas, les enseignants et, quatrièmement, les
élèves. Bien sûr que la question des élèves
est traitée ailleurs, mais la question véritablement du personnel
enseignant est éparse dans l'ensemble du projet de loi. Nous aurions
aimé que, dans le chapitre sur le personnel de l'école, il y ait
une partie sur le directeur d'école. Il pourrait peut-être y avoir
aussi une partie plus explicite sur le personnel enseignant de l'école.
J'ai répondu longuement, je m'en excuse.
Le Président (M. Blouin): Cela va, merci.
Mme Belleau: Denise, as-tu quelque chose à ajouter?
Le Président (M. Blouin): Cela va? Mme Belleau:
Oui.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Merci, M. le Président. Je vous salue avec
plaisir, mesdames les porte-parole de l'association des professeurs de
français du Québec. Est-ce que votre association regroupe les
professeurs de français de tous les niveaux d'enseignement ou seulement
ceux du niveau secondaire?
Mme Belleau: De tous les niveaux: de la maternelle à
l'université et ceux qui enseignent autant le français langue
maternelle que le français langue seconde ou étrangère, ou
qui enseignent dans les classes d'accueil ou qui enseignent la
littérature québécoise dans les universités.
M. Ryan: Le mémoire que vous avez présenté
ce soir, a-t-il été soumis à plusieurs organismes avant
d'être présenté ici ou s'il a été
préparé par un petit groupe et envoyé ici?
Mme Belleau: C'est une bonne question, surtout dans la situation
que nous vivons à l'heure actuelle à l'AQPF,
débordé que nous sommes par le travail de préparation du
congrès mondial, et tout le reste. Oui, bien sûr, nous avons
créé deux comités pour étudier le projet de loi. On
nous a donné plusieurs avis portant sur les structures. Comme je l'ai
dit tout à l'heure, cette question n'était pas mûre, alors
nous ne l'avons pas véritablement traitée dans le mémoire.
En plus, on a toujours des comités permanents. Il y en a toujours un qui
traite de la question de l'école et de la question des politiques
linguistiques à l'intérieur de l'association. Ce sont des
comités permanents. De plus, nous avions inscrit une commission à
notre dernier congrès, au Palais des congrès, à
Montréal, en novembre dernier, sur cette question. Bien sûr que,
pour la majorité des questions soumises à l'AQPF qui ont une
certaine envergure, comme celle du projet de loi 40, habituellement, nous
faisons des sondages à l'intérieur des quelque 2000 membres de
l'association. Cette fois-ci, il faut dire qu'on n'est pas allé
consulter les 2000 enseignants jusqu'à la base. Je vous avoue que ce
n'est pas la tentation qui a manqué. Ensuite, le conseil
d'administration a pris position sur l'ensemble des questions qui lui ont
été soumises par les comités dont j'ai parlé tout
à l'heure.
M. Ryan: Merci. Je vous posais cette question - je suis bien
honnête avec vous -parce que, contrairement au ministre de
l'Éducation, je trouve que le mémoire est un peu faible. D'abord,
je trouve que la langue laisse beaucoup à désirer. Venant d'une
association qui regroupe des professeurs de français, je pense que c'est
un aspect qui aurait dû être particulièrement
surveillé. Deuxièmement, je trouve que les recommandations
restent très générales et qu'il serait difficile, pour
nous, d'envisager des choses concrètes à partir de là. Je
comprends les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles vous
travaillez et le projet d'un sixième congrès mondial, comme vous
avez dit, auquel vous êtes attelés actuellement, je comprends tout
cela. Je vous le dis en toute simplicité parce que je ne voudrais pas
vous donner des impressions fausses.
Tantôt, mes collègues auront sans doute des questions
à vous poser sur le texte. Il y a deux réserves que je serais
porté à vous communiquer. Quand vous dites que la
véritable école québécoise est française,
que l'école au Québec est française, en règle
générale, comme le dit la loi 101, je pense que nous n'y voyons
pas de difficulté, ni d'un côté ni de l'autre de la table.
Je pense qu'il faut reconnaître également que, vu que la loi
reconnaît qu'on peut avoir l'école anglaise pour les enfants de
langue anglaise,
avec toutes les précisions techniques qu'apportent les
dispositions de la loi 101 là-dessus, je pense que cette école
est aussi québécoise que l'autre et qu'il n'y a pas deux
catégories de Québécois, ceux qui seraient des purs et
ceux qui seraient de deuxième classe, en somme. Par conséquent,
cette partie de votre mémoire - c'est peut-être une question de
formulation également, peut-être que cela a été fait
dans un climat de rapidité un peu inusité - j'ai de la
difficulté à souscrire à cette formulation, je vous le dis
franchement. Une des conditions essentielles d'un consensus véritable
entre nous tous au Québec, c'est, je pense, que nous nous
considérions tous comme des citoyens égaux. Nous devons viser
à ce que tout le monde parle le français, mais, ceux dont
l'anglais est la langue maternelle, nous avons intérêt à ce
qu'ils la conservent, et nous avons tellement intérêt à ce
qu'ils le fassent que nous reconnaissons dans nos lois qu'ils ont droit
à des écoles anglaises. On a amendé la loi 101 ces temps
derniers pour assurer qu'ils auront également droit à des
institutions sociales, sanitaires et hospitalières qui fonctionneront
dans leur langue. Alors, ce point-là prête à discussion,
à mon point de vue, dans le mémoire. Je ne le sais pas,
tantôt, vous pourrez peut-être nous donner des explications
là-dessus.
Un deuxième point qui m'a laissé perplexe et qui
même m'a retrouvé en désaccord avec vous, c'est la partie
que vous n'avez point lue tantôt: la partie 3, où vous dites que
vous êtes en faveur d'une école francophone neutre, laïque,
tolérante. Vous dites que c'est la meilleure façon d'en arriver
au véritable esprit oecuménique. Là-dessus, je suis
obligé de vous dire que, personnellement, en tout cas, je suis en
désaccord avec vous sur ce point précis. Il me semble qu'on a
pensé cela longtemps qu'on pourrait arriver à
l'oecuménisme en faisant abstraction des différences religieuses.
Aujourd'hui, tous ceux qui sont engagés sérieusement dans le
mouvement oecuménique, ceux qui savent de quoi ils parlent quand ils
traitent de ces choses-là, vous diront que la seule façon de
pratiquer l'oecuménisme de manière sérieuse, c'est d'abord
pour chacun d'être pleinement lui-même: s'il est catholique, de
l'être pleinement en profondeur; s'il est luthérien, de
l'être en profondeur; s'il est anglican, de l'être en profondeur,
de se développer au maximum dans sa ligne propre et, à mesure
qu'il se développe, de s'ouvrir à la dimension de l'autre
également. C'est aujourd'hui dans ce sens que se font les travaux de
recherche oecuménique. On essaie de trouver des traits communs en
profondeur, mais sans violenter en aucune manière les traits qui nous
différencient les uns des autres.
C'est tellement vrai, ceci, qu'il y a des pays qui ont adopté la
ligne que vous préconisez; ce n'est pas une ligne nouvelle. Aux
États-Unis, on a l'école neutre, l'école laïque et
tolérante. En France également, depuis la fin du siècle
dernier, déjà on a cela. Mais, c'était une école
qui était tellement peu satisfaisante pour un très grand nombre
de catholiques qu'ils se sont sentis obligés de créer des
écoles privées à côté pour pouvoir donner
à leurs enfants un enseignement correspondant véritablement
à leurs aspirations. C'est tellement important qu'en France en
particulier, vous le savez comme moi, l'enseignement privé catholique
regroupe à peu près 20% de toute la clientèle scolaire.
C'est beaucoup, 20%. C'est un phénomène tellement important que
l'État, malgré toutes ses professions de foi laïque, est
obligé de verser des fonds publics à ces écoles. Je pense
qu'il va être obligé de le faire pendant encore un bon bout de
temps. Aux États-Unis, l'État ne verse pas de fonds aux
écoles catholiques, mais les catholiques croient tellement à la
nécessité de ces écoles qu'ils les financent
eux-mêmes à coups de sacrifices de toutes sortes. Je n'ai pas le
pourcentage de la clientèle des écoles primaires et secondaires
qui fréquente les écoles catholiques aux États-Unis, mais
cela se compte par centaines et par centaines de milliers aujourd'hui.
Par conséquent, je pense que la manière dont vous proposez
la solution du problème est un raccourci peut-être un peu simple,
surtout étant donné ce qu'a été notre tradition et
le point où nous en sommes. Je ne sais pas ce que l'avenir nous
réserve. Peut-être que, dans une génération ou deux,
les événements vous donneront raison et il faudra que tout le
monde s'ajuste à cela. Mais dans l'état où nous sommes
actuellement, étant donné ce que nous avons été, je
pense qu'il faut une approche qui soit plus positivement respectueuse de ces
éléments qui nous ont caractérisés longtemps comme
peuple, qui caractérisent encore une grande partie d'entre nous et qui
devraient -plusieurs d'entre nous le souhaitent caractériser
également les générations qui nous suivront.
Par conséquent, là-dessus, je suis obligé de mettre
une sourdine, mais avec le maximum de respect que je puisse exprimer pour
l'opinion que vous avez émise dans votre texte. Je voulais simplement
vous dire qu'à mon humble avis la vision de l'oecuménisme que
véhicule votre texte n'est pas une vision qui correspond le mieux aux
tendances les plus récentes du mouvement oecuménique dans le
monde. (22 h 45)
Lorsque vous dites, en particulier: Nous croyons que d'une certaine
manière, et souvent par cette manière certaine - je ne sais pas
trop ce que cela veut dire - la formation religieuse et l'enseignement d'une
religion ne sont qu'une variante de la
sélection, je trouve cela un petit peu fort. Je ne serais pas
capable de signer une chose comme celle-là et je ne voudrais pas que
vous partiez d'ici en ayant l'impression que j'aurais pu être sympathique
à une assertion comme celle-là. C'est vrai que la religion
sépare. Si vous êtes un adhérent de la religion hindoue,
vous êtes séparé de celui qui adhère à la
religion catholique; si vous adhérez à l'une des confessions
protestantes, vous êtes séparé à certains
égards de celui qui adhère à la religion juive. La
fonction des religions est de permettre à chacun de se définir,
de s'exprimer, de se réaliser selon certaines croyances, selon certaines
formes d'ascèse spirituelle propre aux uns et aux autres.
Je ne crois pas que ce soit une bonne manière de rendre compte du
fait religieux que de dire que c'est une influence qui fait de la
sélection. On pense que vous avez voulu dire de la
ségrégation. Quand vous dites à l'article suivant que vous
voulez éviter un étau répressif et qu'en
conséquence vous proposez la laïcité, la tolérance,
je crois qu'on peut respecter les valeurs religieuses sans créer cet
étau répressif que vous redoutez.
En tout cas, je voulais vous communiquer ces impressions en toute
limpidité, en toute simplicité. Je pense l'avoir fait aussi
nettement que c'était possible. Il me semble que de la part d'un groupe
comme le vôtre, on serait en droit d'exiger des affirmations
peut-être plus nuancées, surtout plus étayées sur
une étude en profondeur de ce dossier extrêmement
compliqué.
Si vous me permettez, seulement une question. Si vous voulez me
répondre là-dessus, sentez-vous bien à l'aise. J'aime
beaucoup la discussion. Je ne cherche pas à la provoquer...
Mme Belleau: Oui, je vais le faire.
M. Ryan: ...mais je ne veux pas l'étouffer cependant.
Pardon?
Mme Belleau: Oui, je vais le faire. J'attendais simplement que
vous...
M. Ryan: Très bien. Est-ce que vous me permettez de vous
adresser une question en même temps et, ensuite, si la réponse est
complète, vous en aurez pas mal terminé avec moi? Vous dites
souhaiter que le projet de loi 40 précise les rôles et
responsabilités des responsables de la pédagogie dans
l'école. Vous avez dit dans vos explications tantôt que les
enseignants sont actuellement dans un état de découragement, de
morosité ou de pessimisme qui s'explique par bien des
événements que vous avez eu la pudeur de ne point évoquer
avec précision. Nous, de l'Opposition, n'avons pas la même
pudeur.
Nous savons que, dans une très grande mesure, les politiques du
gouvernement depuis deux ou trois ans ont été largement
responsables de cette situation. Je ferme cette parenthèse pour vous
demander ceci: Quand vous dites que les rôles et les
responsabilités des responsables de la pédagogie devraient
être précisés, j'aimerais que nous nous expliquiez
davantage votre pensée là-dessus. La thèse vers laquelle
le gouvernement voudrait nous orienter est celle voulant que ces questions
soient largement sous le contrôle d'un organisme qui serait
composé en majorité de personnes qui ne sont pas des enseignants.
Comment voyez-vous cela? Il y a un organisme qui nous a dit l'autre jour - je
pense que c'est la Faculté des sciences de l'éducation de
l'Université McGill - qu'il voudrait qu'il y ait une distinction claire
établie. Ils mentionnaient les politiques éducatives
générales, ce qu'ils appellent les décisions d'ordre
davantage professionnel. Ils disaient aussi que les décisions qui se
rattachent à la pédagogie du point de vue professionnel devraient
relever des enseignants. J'aimerais que vous nous expliquiez votre position sur
ce point particulier et nous dire comment vous voyez cela dans
l'école.
Le Président (M. Blouin): Mme Belleau.
Mme Belleau: Sur ce point particulier, est-ce que vous me donnez
la nuit? Je vais prendre environ deux heures pour vous répondre. J'ai
une idée bien précise sur cela.
Le Président (M. Blouin): Malheureusement...
Mme Belleau: Mais auparavant je veux revenir sur la question de
l'oecuménisme. Le sens qu'il faut donner au mot "oecuménisme"
dans le chapitre 3, que nous n'avons pas lu, n'est pas tout à fait le
sens que vous avez donné. Enfin, il se rattache un peu à ce que
vous avez donné comme signification en faisant la
référence à tout ce qui existe et qui a existé,
bien sûr, aux États-Unis. C'est plutôt le sens d'ouverture
et en plus du respect de l'autre, peu importe sa croyance, peu importe sa
profession confessionnelle, qu'il soit catholique, qu'il soit protestant, qu'il
soit boudhiste. Les immigrants que j'ai reçus dans ma classe ne sont pas
catholiques, ne sont pas protestants; ils se réfèrent à
d'autres croyances. Peu importe la croyance que reconnaît l'enfant, au
niveau des enfants et des professeurs, que le climat de l'école soit un
climat de respect des croyances des autres. C'est dans ce sens-là qu'on
a écrit "oecuménisme".
Quand on a dit que la formation religieuse et l'enseignement d'une
religion n'étaient qu'une variante de la sélection... Je
n'élaborerai pas sur cela pour vous raconter
toutes les petites histoires qui arrivent dans les écoles au
sujet des cours de religion ou des cours d'enseignement moral qui suscitent,
dans bien des cas, des situations plus ou moins oecuméniques. Je pense
que nous ne sommes pas en accord sur ce point de vue; nous sommes en
désaccord. Nous croyons que l'école doit être
complètement tolérante; elle doit permettre toutes les
professions; elle doit permettre toutes les croyances; elle ne doit pas
sélectionner dans ce sens-là. Je ne sais pas si cela
répond à votre question. C'est ce que je voulais dire pour le
moment. Quant à la question de préciser les rôles de la
pédagogie, j'en ai parlé un petit peu tout à l'heure en
parlant des objets sur lesquels les catégories de personnes doivent
intervenir, soit les élèves, soit les parents, soit les
professeurs. Vous faites référence à une intervention de
l'Université McGill. Je ne peux m'y référer, je ne la
connais pas; je ne l'ai pas entendue. Je n'ai pas écouté tous les
mémoires qui ont été présentés ici. Si je
comprends bien le sens de ce que vous avez dit de cette intervention de
l'Université McGill, ce serait que les politiques qui relèvent de
la pédagogie devraient relever d'une instance professionnelle. C'est
bien cela? Enfin, c'est ce que j'ai cru comprendre. En tout cas, que la
décision relève des enseignants puisque ce sont les professeurs
qui doivent prendre en main, avoir la charge, avoir la responsabilité de
leur propre profession. Je vous ai demandé deux heures pour vous en
parler. Ce sont des discussions qui se font à l'AQPF depuis des
années, surtout - mais je ne veux pas entrer dans un long débat -
je dirais depuis que la...
Le Président (M. Blouin): Vous avez bien compris. Mme
Belleau, vous avez bien compris. Vous n'aviez pas deux heures.
Mme Belleau: Je n'avais pas...?
Le Président (M. Blouin): Que vous n'aviez pas deux
heures.
Mme Belleau: Non, je n'ai pas deux heures, mais je voudrais
simplement dire qu'au moment où la Corporation des enseignants du
Québec est devenue la Centrale des enseignants du Québec, cela a
changé beaucoup de choses dans la profession. Le jour où,
pédagogiquement et professionnellement, il n'y a pas quelqu'un qui prend
à sa charge cette profession, on se sent un peu démuni. Ce ne
sont pas les associations professionnelles qui peuvent jouer le rôle, par
exemple, d'une corporation comme les médecins, comme les avocats, comme
les infirmières, comme les techniciens. Il y a un organisme, il y a un
lieu qui permet à l'ensemble d'un corps de prendre à sa charge
cette profession. Chez les enseignants, on n'a pas cela. La CEQ, c'est une
centrale syndicale, même si elle nous représente
pédagogiquement et sous certains rapports, sous d'autres, non. Cela
n'existe pas. Il n'y a pas de corps qui rassemble, qui reconnaît et qui
protège, jusqu'à un certain point, l'ensemble de la profession au
même titre qu'une corporation. Si c'est ce que McGill voulait dire, oui,
bien sûr, je pense qu'il faut le reconnaître; les enseignants n'ont
pas cette reconnaissance d'une corporation profes-sionelle. Ce ne sont pas les
associations qui peuvent le faire et ce n'est pas non plus la centrale au
niveau syndical qui peut faire cela. Je ne sais pas si j'ai répondu
à votre question.
Le Président (M. Blouin): Cela va? Une voix: Je
vous remercie, madame.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Belleau. M. le
député de Mille-Îles.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci, M. le Président.
Il me fait plaisir d'entendre les représentants de l'Association
québécoise des professeurs de français qui ont
été dans le passé des ardents défenseurs et des
promoteurs de la langue française en faisant partie, entre autres, du
Mouvement Québec français, en se présentant en commission
parlementaire pour la loi 101 et aussi en s'impliquant dans chacune des
écoles pour faire la promotion de la langue française. Nous avons
entendu aujourd'hui plusieurs enseignants et principalement, cet
après-midi, le syndicat des enseignants, qui avait son vocabulaire et
ses préoccupations. Nous avons entendu, ce soir, les professionnels de
l'enseignement. Nous avons entendu le Conseil pédagogique
interdisciplinaire du Québec qui représente 10 000 membres. Nous
entendons maintenant l'Association québécoise des professeurs de
français; cela fait différent comme vocabulaire et leurs
préoccupations sont beaucoup plus professionnelles et beaucoup plus
quotidiennes. Je pense qu'il faut être professeur pour savoir que le
syndicat peut avoir son langage, mais les professeurs, qui vivent tous les
jours dans un contexte avec des étudiants, un principal d'école
et avec des parents, ont, eux aussi, des préoccupations de meilleure
pédagogie et de meilleure qualité d'enseignement.
Je suis d'accord avec vous dans la perspective où les enseignants
devraient avoir une plus grande responsabilité. Je pense que s'il faut
améliorer la qualité de l'enseignement, il faut donner une plus
grande responsabilité aux enseignants, les motiver pour qu'ils soient
plus impliqués. Si on leur donne plus de responsabilités, ils
vont s'impliquer davantage, parce qu'on peut se
réjouir d'avoir au Québec un corps professoral
compétent. Dans le passé et actuellement ils ont
démontré et ils démontrent encore qu'ils se
dévouent à la cause scolaire pour une meilleure qualité de
l'enseignement. C'est pour cela que j'aurais tendance, comme vous, à
donner une plus grande responsabilité au niveau de l'école. Je ne
peux pas dire que je suis uniquement pour la représentation d'une
personne ou plus, mais j'aurais surtout tendance à dire qu'il y aurait
une représentation égale à la fois des enseignants et des
parents au comité d'école. Je pense qu'il faut tenir compte de
tout ce qu'il y a dans le milieu pour faire en sorte qu'on ait une meilleure
qualité d'enseignement. Ma question va porter sur le projet
éducatif local plutôt que national et régional. Il y a des
personnes qui nous disent qu'on devrait concentrer le projet éducatif au
niveau national et au niveau régional, au niveau de la commission
scolaire. La loi 40 préconise plutôt un projet éducatif
dans chacune des écoles. Comme professeur dans un milieu, pensez-vous
que la loi 40 devrait plutôt favoriser le projet éducatif local
pour avoir une meilleure qualité d'enseignement qu'un projet
éducatif régional ou national? Sans rejeter le projet
éducatif national, est-ce qu'il faut rejeter le projet éducatif
local et quelle est son importance? Quelle est l'importance du projet
éducatif local?
Le Président (M. Blouin): Mme Belleau.
Mme Belleau: Je vais vous répondre comme simple professeur
d'une école bien ordinaire et je vais vous dire que, là où
je m'engage, c'est là où je travaille, c'est là où
je sens les véritables besoins, c'est là où je peux
évaluer la pertinence de mon action. Le projet éducatif local,
à mon sens, c'est le lieu où les engagements doivent se prendre
à la base: élèves, professeurs, parents, directeurs
d'école, tout le monde. Je n'ai pas nommé le personnel non
enseignant, mais, dans ma tête, il est bien là. Si, toutefois,
l'ensemble des écoles se donnait un projet éducatif local
coloré, à sa manière, à sa façon, selon ses
besoins, selon ses priorités, je n'hésiterais pas à croire
que, dans une certaine mesure, cela pourrait même faire une
verrière très intéressante au niveau régional. Et
je dis: Pourquoi pas? Je ne sais pas si Denise a d'autres avis à donner
sur cela, mais, pour moi, il me semble que le projet éducatif local,
c'est le lieu d'un véritable engagement et c'est là que cela
devrait se faire, ce... (23 heures)
Le Président (M. Blouin): Merci.
Mme Belleau: ...qui n'empêche pas, bien sûr, des
projets éducatifs régionaux, si la région veut bien se les
donner, ou des projets éducatifs nationaux.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
Mme Belleau: Mais ils sont d'un autre ordre, ils ont une autre
envergure.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Mille-Iles.
M. Champagne (Mille-Îles): Je pense qu'on rejoint cette
préoccupation de dire qu'on veut une école communautaire, une
école responsable. Pour pouvoir réaliser un projet, une
qualité d'enseignement et se donner des services à la mesure de
la communauté, encore faut-il qu'il y ait des moyens et je pense, comme
vous l'avez dit, que la loi 40 répond à cette attente.
Voici une autre remarque en parlant de l'article 77: "Le personnel - et
je le cite -de l'école doit prendre les mesures nécessaires pour
assurer la qualité de l'usage de la langue écrite et
parlée." Je pense que ce n'est pas une tâche que l'on donne de
plus à tous les enseignants. Je peux vous donner ce témoignage
que j'ai vu de nombreux enseignants, que ce soient des professeurs de
géographie, des professeurs d'histoire, des professeurs
d'économie ou de science religieuse ou profane, qui avaient comme
objectif de faire même la correction grammaticale, la correction
orthographique, et je pense que l'article 77 n'ajoute rien de plus que ce qui
se passe aujourd'hui, dans le quotidien. Je pense que cela peut aussi
être un appui aux professeurs de français qui, en dehors des
heures de classe, veulent aussi que le français soit une
priorité, qu'il soit bien parlé, qu'il soit bien écrit.
Alors, je vous remercie beaucoup de votre témoignage, mesdames.
Mme Belleau: Bien.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Mille-Iles. Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
l'association des professeurs de français de s'être
présentée devant la commission. À plusieurs reprises,
déjà, j'ai eu l'occasion de vous rencontrer et, si ma
mémoire est fidèle, vous n'étiez pas là au moment
de la loi 101, quand votre association a présenté son
mémoire; c'était à une heure aussi tardive et en fin de
soirée, tout comme aujourd'hui. Alors, vous êtes toujours entendus
assez tardivement.
En page 4 de votre mémoire, je voudrais que vous m'expliquiez ce
que vous voulez dire au deuxième paragraphe: "...nous estimons que la
nouvelle structure respecte les aspirations de la communauté anglophone.
La volonté maintes fois exprimée de laisser à la
minorité anglophone québécoise ses institutions
apparaîtra plus évidente et
manifestera plus clairement son refus de partager les aspirations
légitimes de la communauté francophone québécoise
fortement majoritaire." Qu'est-ce que vous voulez dire? Le fait qu'elle aspire
à avoir ses propres institutions, que le Québec lui
reconnaît - et mon collègue d'Argenteuil le mentionnait tout
à l'heure d'une façon encore plus explicite tout récemment
- la gouverne de ses propres institutions culturelles et sociales, pourquoi
opposez-vous cela à un refus de sa part de partager les aspirations
légitimes de la communauté francophone
québécoise?
Mme Belleau: Oui, j'avais retenu tout à l'heure... Vous
avez terminé votre question?
Le Président (M. Blouin): Oui.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Le Président (M. Blouin): Oui, allez-y.
Mme Belleau: J'ai retenu quelque chose tout à l'heure du
député d'Argenteuil. Je voulais le relever et, finalement, je
l'ai oublié. J'y reviens justement à propos de votre
question.
Oui, dans un sens, ce qu'on veut dire, c'est que le Québec a
toujours reconnu la nécessité de laisser à la
minorité anglophone ses institutions. On est bien d'accord avec cela. On
laisse à la minorité anglophone québécoise ses
institutions. Cette volonté de lui laisser ses institutions a
été maintes fois exprimée et on n'a pas changé
d'avis nous non plus. Donc, avec les commissions scolaires linguistiques, cette
volonté qu'a le Québec de laisser à la minorité
anglophone québécoise ses institutions va paraître plus
évidente, il me semble, que si c'étaient des commissions
scolaires confessionnelles.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais pourquoi l'assimilez-vous...
Mme Belleau: Et la deuxième partie -j'y viens...
Mme Lavoie-Roux: ...à un refus de la communauté
anglophone de partager les aspirations légitimes de la communauté
francophone?
Mme Belleau: Enfin, je pense qu'à l'AQPF on a toujours un
peu rêvé - une espèce d'utopie peut-être - que la
communauté anglophone québécoise, un jour, enfin -vous
allez voir, c'est sans doute un rêve -ne ferait qu'un tout,
c'est-à-dire que la communauté anglophone
québécoise ferait siennes toutes les aspirations du peuple
francophone québécois. Je ne veux pas dire qu'elle les refuse;
j'ai peur de m'exprimer sur cela...
Mme Lavoie-Roux: Vous dites: Ferait siennes toutes les
aspirations de la communauté francophone québécoise.
Est-ce que cela voudrait dire qu'à ce moment il n'y aurait qu'un
système d'éducation francophone au Québec? Est-ce
là ce que vous voulez dire?
Mme Belleau: C'est peut-être utopique, mais c'est un peu ce
qu'on avait pensé. Alors que là, bien sûr, c'est
impossible. On garde un système scolaire francophone et un
système scolaire anglophone.
Mme Lavoie-Roux: On pourrait entrer dans une longue discussion.
Vous dites que ce sont les aspirations légitimes de la communauté
francophone québécoise qu'il n'y ait qu'un seul système
scolaire ou enfin que ce système d'école soit francophone. Je ne
crois pas que ce soient là les aspirations légitimes de la
communauté francophone québécoise, puisque cette
communauté francophone québécoise, dont le gouvernement
est un gouvernement indépendantiste ou dont l'option fondamentale est
l'indépendance, a maintenu et vient même d'accentuer le maintien
des institutions anglophones. Quand vous dites que ce serait là
répondre à l'ensemble des aspirations légitimes de la
communauté francophone québécoise, je pense que c'est un
désir que vous manifestez; ce n'est pas vraiment la pensée de la
majorité francophone.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
Mme Belleau: Enfin, je ne veux pas non plus parler ici pour le
peuple québécois, mais j'ai l'impression... Enfin, c'est une
impression et je n'irai pas plus loin. Ce n'est peut-être pas toujours
bien exprimé, ce n'est peut-être pas toujours dit dans des termes,
j'allais dire choyés, cette idée qu'il y a un peuple
québécois francophone au Québec... Enfin, je ne veux pas
entrer dans les détails non plus.
Le Président (M. Blouin): D'accord.
Mme Lavoie-Roux: Ma deuxième question va vraiment porter
davantage sur l'objet de la loi 40. Vous vous souciez - et je vous en
félicite d'ailleurs, cela a toujours été votre
préoccupation - de la promotion du français et...
Mme Belleau: Bien sûr.
Mme Lavoie-Roux: ...dans votre cas, de la qualité de
l'enseignement du français, etc. Je me demande, à regarder la loi
40 et à regarder les problèmes que vous rencontrez quant à
l'atteinte de cet objectif qu'un français de qualité soit
enseigné, que les enfants parlent et écrivent un français
de qualité, ce que le projet de loi 40 vous
apporte de plus pour réaliser cet objectif, puisque, vous en avez
fait mention vous-même, c'est relié aux programmes, à la
qualité des programmes, à la qualité des outils
pédagogiques, du support pédagogique, conseillers
pédagogiques et autres. Dans ce sens, je ne vois pas le lien ou ce que
la loi 40 telle quelle apporte, sauf là où l'on dit: II faudrait
que le personnel des écoles prenne les mesures nécessaires pour
assurer la qualité de l'usage de la langue française, de la
langue écrite et parlée, ce qui a d'ailleurs toujours
été une préoccupation générale,
peut-être pas toujours, mais en tout cas sûrement depuis plusieurs
années, que non seulement c'est à travers l'enseignement du
français qu'on améliore la qualité de la langue, mais
à travers toutes les matières d'enseignement. Je ne vois vraiment
pas ce que le projet de loi 40 apporte de plus qui vous permet d'atteindre les
objectifs poursuivis par votre association.
Le Président (M. Blouin): Mme Belleau.
Mme Belleau: Oui. Je crois que le projet de loi 40... Enfin, cela
touche les structures, je ne suis pas plus connaissante qu'il le faut de
l'ensemble des structures du projet de loi 40, mais il y a une chose sur
laquelle les professeurs de français s'interrogeaient beaucoup en lisant
le projet de loi: ce n'est pas si l'enseignement du français serait
meilleur ou serait davantage favorisé par le projet de loi 40, ce
n'était pas là leur interrogation, leur interrogation
était la suivante: Où sont, dans le projet de loi 40, les
véritables services pédagogiques qui, eux, peuvent aider,
favoriser, améliorer l'enseignement du français? Jusqu'à
un certain point, on est resté perplexe, je vous l'avoue, puisque les
agents de développement pédagogique qui existaient depuis des
années pour l'enseignement de presque toutes les matières, en
français, bien sûr... Nous ne parlons plus des agents de
développement pédagogique; pour nous, ils sont devenus des agents
disparus prématurément, des ADP. Au moment où on en aurait
eu besoin, les ADP sont disparus.
De plus en plus, ce ne sont pas seulement les ADP qui sont disparus dans
la brume, ce sont aussi les conseillers pédagogiques en français
qui disparaissent. Jusqu'à un certain point, cette interrogation
était très présente à l'esprit des profs de
français. À notre avis, ce n'est pas le temps, au moment de
l'implantation des nouveaux programmes, du choix des nouveaux manuels, ce n'est
pas le temps de faire disparaître cette structure de support à
l'enseignement de toutes les matières, mais plus
particulièrement, bien sûr, du français; je défends
ma cause.
Où sont-ils ces services pédagogiques dans le projet de
loi 40? Ils sont sans doute au niveau des commissions scolaires. Ils sont
déjà là maintenant. Le projet de loi 40 favorisera-t-il -
je vous pose la question parce que je n'ai pas la réponse -
l'implantation d'une structure de services pédagogiques au niveau des
écoles? Si oui, bravo, j'applaudis, je suis très heureuse et j'ai
bien hâte d'en voir la naissance. Si le projet de loi 40 mise, accorde
une importance plus particulière à l'école, s'il veut
être logique, il doit, à mon sens, apporter plus de services et de
support pédagogique à l'enseignement au niveau des
écoles.
Comment cela se concrétisera-t-il dans la pratique? J'imagine
qu'il n'y aura pas un conseiller pédagogique en français dans
chaque école ni un conseiller pédagogique en sciences humaines
dans chaque école, le CPIQ l'a souligné tout à l'heure, on
crierait au gaspillage des ressources humaines. Mais j'imagine, enfin, je
l'espère et le souhaite, que le projet de loi 40 précise
où seront les véritables services pédagogiques et à
qui ils rendront service. Les conseillers pédagogiques, à l'heure
actuelle, à notre avis - c'est aussi l'avis de Denise, j'en suis
convaincue - sont plus au service des commissions scolaires qu'à celui
des enseignants. Là, je l'affirme: d'après nous, la structure des
conseillers pédagogiques est plus au service des commissions scolaires
qu'au service des enseignants, malheureusement, selon nous. Je ne crois pas que
c'était le but premier de leur vocation, je crois que leur vocation,
leur rôle a changé avec le temps et nous aimerions bien que ce
rôle revienne plus précisément à l'école.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
Mme Belleau: M. le Président me dit d'arrêter de
parler.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
Le Président (M. Blouin): Enfin, je suggère que
l'échange puisse se poursuivre de façon ordonnée. Je crois
que Mme la députée de L'Acadie avait une intervention
supplémentaire à faire.
Mme Lavoie-Roux: Elle sera très courte, ce sera
plutôt une conclusion. Je désire vous remercier. Si
j'interprète bien les explications que vous venez de nous donner, les
problèmes de qualité de l'enseignement du français que
vous venez de présenter à la commission, comme vous l'avez fait
dans le passé, d'ailleurs, ne trouveront pas nécessairement leur
solution dans un projet dont le fond se rapporte surtout à une question
de structure et non pas à des ressources supplémentaires ou
à des conditions qui vont remotiver les enseignants. C'est ce que j'ai
cru comprendre de votre
intervention. En tout cas, vous êtes aussi perplexe que je le suis
quant aux effets sur la qualité de l'enseignement du projet de loi 40 et
je vous remercie de votre réponse.
Le Président (M. Blouin): Merci. (23 h 15)
Mme Belleau: À ce point de vue, nous avons dit que nous
aurons le projet de loi 40 à l'oeil.
Le Président (M. Blouin): D'accord, merci. M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Oui. Nous préférons avoir le projet de
loi à l'oeil dès maintenant et je pense que c'est la sagesse qui
nous impose cette réaction, parce que, des propos de Mme Belleau, je
retiens à peu près ceci. Si le projet de loi, quand il sera
devenu une loi, donne de bons résultats, ce sera un bon projet, ce sera
une bonne loi et nous serons pour son adoption. S'il ne donne pas de
résultats satisfaisants, ce sera un mauvais projet de loi et nous
réservons notre décision et notre jugement sur ce projet de loi.
Je regrette beaucoup, mais nous ne pouvons pas attendre les résultats du
projet de loi pour savoir s'il est bon ou mauvais. Nous devons l'évaluer
à sa face même avec les éléments dont nous disposons
et nous ne pouvons pas nous réfugier dans des paroles semblales qui sont
dans le sens que, s'il donne de bons résultats, il est bon ou quelque
chose de la sorte.
Mme Belleau a affirmé, tout à l'heure, en réponse
à une question de M. le ministre, que le projet de loi 40 accorderait
aux enseignants des pouvoirs accrus. Je lui pose ma question dès
maintenant. J'aimerais qu'elle puisse me nommer le genre de pouvoirs accrus qui
sont accordés aux enseignants. Le fait de ne pas participer aux
comités d'école est-il un pouvoir accru? Le fait d'être
tenus à l'écart, avec une porte à peine entrouverte et en
filigrane, dans tout le projet de loi, une espèce de souhait qui va dans
le sens que les enseignants ne sont pas absolument nécessaires, c'est
finalement ce que le ministre nous a dit. Vous l'avez reconnu et d'autres
intervenants l'ont reconnu. On a félicité le ministre de sa
sagesse en ne faisant pas de la présence des enseignants une exigence
pour le fonctionnement des comités d'école et on a vu de sa part
un signe de sagesse dans cette façon de faire.
Ce que je me pose comme question -et je vous la pose en même temps
- c'est ceci: Quels sont les pouvoirs supplémentaires accordés
aux enseignants? De la même façon, ce que je vous demande,
même si vous avez dit que vous n'avez pas regardé les structures -
et Mme la députée qui m'a précédé en a fait
mention, tout à l'heure -c'est vraiment un projet où il nous faut
parler de structures et on s'en rend compte à la lecture de votre
mémoire où, ne voulant pas parler de structures, finalement, vous
ne touchez pas à l'essentiel du projet de loi. C'est extrêmement
superficiel et extrêmement marginal comme réflexions sur le fond
du projet de loi 40. Tout cela pour vous dire que le mémoire que vous
nous présentez actuellement - je suis prêt à
reconnaître qu'on n'a pas à toujours avoir la même opinion;
je n'ai aucune difficulté à le reconnaître - ne nous
éclaire pas. Il ne peut pratiquement pas nous éclairer pour la
simple et bonne raison que vous dites vous-mêmes: Nous ne sommes pas en
mesure de discuter des structures et nous n'en discuterons pas. Nous allons
aborder le côté essentiellement pédagogique de
l'enseignement du français.
Dans les circonstances et compte tenu de la nature du projet de loi, il
est écrit dans le ciel que votre mémoire n'est pas de nature
à faire avancer la discussion. Je le dis franchement. Je le dis sans
aigreur et sans amertume. Je le dis comme c'est présenté. Vous
nous dites vous-mêmes: Nous ne discutons pas de structures parce que nous
n'avons pas étudié à fond cette question et nous n'avons
pas fait toute la consultation qui s'impose dans les circonstances. Ce n'est
pas un blâme. C'était nécessaire que le mémoire que
vous présenteriez après cette décision - compte tenu du
projet de loi 40 qui, lui, touche essentiellement, en grande partie, les
structures - ne puisse pas nous éclairer beaucoup. La deuxième
question que je veux vous poser est la suivante: Pensez-vous, en tant
qu'enseignante, que la présence et l'établissement de 2700
à 3000 nouveaux centres de décision et le fait d'avoir une loi
régissant l'instruction ou l'enseignement au Québec, vous
placeront dans une meilleure position pour enseigner le français? Ne
craignez-vous pas d'avoir, par exemple, dans l'enseignement du français
- je vous pose la question un peu en profane - vous, le spécialiste du
français, à faire la preuve aux membres des comités
d'école qui, par définition, ne sont pas nécessairement
des spécialistes, ne sont pas des gens qui sont versés dans cette
matière. Vous aurez continuellement à leur faire la preuve que
les méthodes que vous employez sont les meilleures, que vous prenez les
meilleurs moyens, les moyens les plus productifs pour arriver à des fins
de promotion, de défense et d'utilisation adéquate du
français? Ne craignez-vous pas des situations semblables? J'aurais
beaucoup d'autres questions à vous poser là-dessus, mais si vous
répondiez à ces deux questions principales, je serais
satisfait.
Le Président (M. Blouin): Mme Belleau.
Mme Belleau: Je n'ai pas très bien compris le début
de votre intervention. Je ne sais pas quoi dire sur cela.
Le Président (M. Blouin): Mme Belleau, la première
partie de la question portait sur...
M. Doyon: M. le Président, devant l'incertitude de Mme
Belleau, je suis prêt à répéter un peu ce que j'ai
dit. Peut-être que cela aidera.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Louis-Hébert...
Des voix: Non. Non. Non!
Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît! M. le
député de Louis-Hébert, si vous permettez, pour essayer de
faire évoluer le débat, je pourrais très simplement
rappeler à Mme Belleau que la question portait sur les pouvoirs
additionnels qui, selon vous, sont contenus dans le projet de loi à
l'égard du rôle des enseignants.
Mme Belleau: On attend que le projet de loi soit adopté
pour dire si on est pour ou contre. Est-ce bien cela?
Le Président (M. Blouin): C'est cela.
M. Doyon: Non, vous avez dit, Mme Belleau, dans une
réponse à une question du ministre...
Mme Belleau: Oui.
M. Doyon: ...que vous conceviez que le projet de loi 40 - j'ai
pris le mot à mot de vos paroles ici - accordera aux enseignants des
pouvoirs accrus.
Le Président (M. Blouin): Quels sont-ils?
M. Doyon: Vous avez affirmé cela. Je vous demande quels
sont ces pouvoirs.
Mme Belleau: D'accord, là, je comprends. Très
bien.
Le Président (M. Blouin): D'accord. Allez-y, Mme
Belleau.
Mme Belleau: Oui, enfin, si j'ai bien lu le projet de loi 40 - si
je l'ai mal lu, il faut me le dire le plus rapidement possible - j'ai compris
que les enseignants au comité pédagogique auraient la
possibilité en tout cas d'être davantage consultés, d'avoir
un droit de parole plus sérieux, plus structuré que maintenant.
C'est cela que j'ai voulu dire.
Le Président (M. Blouin): D'accord, très bien.
Mme Belleau: Quant aux 3700 centres de décision, je ne
répéterai pas ce que j'ai dit tout à l'heure, mais,
fondamentalement, mon être de professeur me lie davantage à un
centre de décision à ma mesure et non pas à un centre de
décision qui est quelque part ailleurs sur la Côte-Nord ou dans la
Beauce, qui comprend l'ensemble de tout le Québec. Je veux bien un
projet national. Il pourrait y avoir des projets régionaux, mais le
centre de décision là où je travaille, où je
m'engage, c'est le centre de l'école.
Quant à savoir si ces 3700 centres de décision seront
efficaces, efficients, valorisants, enfin, je peux vous dire que c'est ce qu'on
espère.
Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci, Mme
Belleau.
Mme Belleau: II y avait une autre question concernant les
comités pédagogiques.
Le Président (M. Blouin): C'est cela.
Mme Belleau: Enfin, si j'ai bien compris, il y avait un autre
aspect à votre question. C'était la question, par exemple, des
véritables comités pédagogiques où les enseignants
seront. C'est relié un peu à ce que j'ai dit tout à
l'heure, ces comités pédagogiques, le comité des
enseignants, si les enseignants sont là comme des professionnels, je ne
vois pas pourquoi ils proposeraient des choses que le conseil d'école
refuserait par la suite.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, Mme Belleau.
Pour conclure, Mme la députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Je serai
très brève, parce que mes collègues ont déjà
abordé les questions que j'avais à l'esprit. J'aimerais
simplement dire que, pour un groupe qui prêche la tolérance, la
nécessité de s'ouvrir aux acquis différents -à la
page 12, vous avez parlé d'une société moderne et
actuelle, du sens humain global, universel, etc., - je trouve que votre
mémoire révèle une étroitesse d'esprit que je
trouve inacceptable. J'aimerais vous demander, si la véritable
école québécoise est et doit être francophone,
quelle est la désignation que vous réservez aux écoles
anglophones. C'est la seule question que j'aimerais poser.
Le Président (M. Blouin): Mme Belleau.
Mme Belleau: Oui. C'est ce que je voulais dire tout à
l'heure, je l'ai encore oublié. C'est le mot "véritable" que vous
remettez en question sans doute, parce que, si l'école francophone est
véritable, l'école anglaise semble ne pas l'être.
Le Président (M. Blouin): C'est cela.
Mme Belleau: Le mot est un peu fort, je vous l'avoue. Je crois
que les écoles anglophones peuvent être aussi vraies que les
écoles francophones. Alors, si le mot vous choque, rayez-le.
Le Président (M. Blouin): Alors, cela va, madame?
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Blouin): Très bien.
Mme Dougherty: C'est déjà rayé.
Le Président (M. Blouin): Alors, sur ce, Mme
Belleau...
Une voix: ...beaucoup de pouvoirs.
Le Président (M. Blouin): ...et Mme Picard, je vous
remercie de votre participation aux travaux de la commission. Nous allons
maintenant ajourner nos travaux à demain, 10 heures.
Une voix: Merci, mesdames.
Mme Belleau: Merci de nous avoir entendues.
(Fin de la séance à 23 h 26)