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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Blouin): Je demande aux membres de la
commission parlementaire de bien vouloir prendre place. S'il vous plaît;
S'il vous plaît! Je demande aux membres de la commission parlementaire de
bien vouloir regagner leur siège.
S'il vous plaît; Je demande aux membres de la commission
parlementaire de prendre place pour que nous commencions nos travaux.
Mesdames, messieurs, la commission élue permanente de
l'éducation reprend ses travaux. Permettez-moi d'abord de souhaiter la
bienvenue, au nom de tous les membres de cette commission parlementaire, aux
invités qui participeront à nos travaux, au public qui nous
visite au salon rouge et, évidemment, aux milliers de nos concitoyens et
concitoyennes qui, grâce à la télédiffusion de nos
séances, peuvent suivre nos travaux.
Nous avons reçu de l'Assemblée nationale le mandat
suivant: entendre toute personne ou tout groupe qui désire intervenir
sur le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.
Le nombre d'organismes que nous aurons à entendre et la période
de quelques semaines au cours desquelles nous aurons à débattre
de ce sujet indiquent bien l'ampleur de notre tâche et, en
conséquence, l'efficacité et la rigueur dont nous devrons tous et
toutes faire preuve.
Avant que ne commencent véritablement nos travaux, je vais tout
de suite identifier les membres de cette commission parlementaire qui sont: M.
Brouillet (Chauveau), M. Champagne (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), Mme
Harel (Maisonneuve), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri),
M. Laurin (Bourget), M. Leduc (Fabre), M. Gauthier (Roberval), M. Payne
(Vachon), M. Ryan (Argenteuil).
Les intervenants et les intervenantes de cette commission sont: M.
Bisaillon (Sainte-Marie), Mme Juneau (Johnson), M. Maltais (Saguenay), M. Doyon
(Louis-Hébert), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Paré (Shefford),
M. Rochefort (Gouin), M. Sirros (Laurier).
Comme le veut la procédure, s'il n'y pas de questions
préliminaires, je vais maintenant inviter le ministre.
M. le député d'Argenteuil.
Les organismes invités M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, j'aurais une question
préliminaire à soulever au sujet de la liste des organismes qui
doivent être invités à se présenter devant la
commission parlementaire.
Un problème a surgi vers la fin de décembre alors que le
gouvernement m'a fait remettre une liste d'organismes qui avaient
été convoqués à se présenter devant la
commission parlementaire. J'ai constaté que cette liste contenait les
noms de soixante-dix-huit organismes ou associations, alors qu'en fait le
nombre total des mémoires qui ont été adressés
à la commission parlementaire s'élève à quelque
250.
Je ne sais pas l'interprétation que le gouvernement donnera
aujourd'hui à cette liste qui nous a été
communiquée à l'époque mais j'ai fortement insisté,
et je le fais de nouveau ce matin, pour que cette liste qui a été
préparée par le gouvernement ne soit qu'une première liste
et qu'elle n'épuise en aucune manière la liste des organismes
invités à se présenter devant la commission. Je voudrais
soulever, à ce sujet, une question de discipline et de courtoisie qui me
semble avoir été oubliée par le gouvernement. Lorsqu'une
commission parlementaire doit siéger, elle communique son intention
d'entendre les organismes qui veulent soumettre leur point de vue à la
commission parlementaire et ensuite elle les convoque. Mais il me semble que
l'interprétation que nous devrions donner à la disposition de
notre règlement qui traite de cette question, c'est que tous doivent
être convoqués sur un pied d'égalité. Si l'on fait
une convocation, on l'adresse à tous les organismes
intéressés et non pas simplement à une liste choisie.
Dans ce cas-ci, le fait qu'on ait arrêté une liste choisie,
qu'on n'ait pas adressé d'invitation à tout le monde, a
créé un malentendu chez plusieurs organismes. Il y en a qui m'ont
adressé des messages à ce sujet. Il y a des organismes qui
s'étonnent d'avoir été omis de la liste d'invitation
pendant que d'autres recevaient des invitations, des organismes qui ont
absolument la même importance que ceux qui ont pu être
invités.
Je voudrais vous communiquer une couple de messages que j'ai
reçus à ce sujet. Par exemple, le Comité de coordination
de la concertation régionale du territoire de la
Yamaska qui gravite autour de la commission scolaire régionale de
ce côté, m'adresse le message suivant: "Nous avons appris que
notre groupe représentant les agents d'éducation, quatre
commissions scolaires de notre territoire, ne pourrait présenter son
mémoire collectif prévu dans le cadre des audiences publiques de
la commission parlementaire portant sur le projet de loi 40. Pourtant, nous
étions inscrits au numéro 38 et avions déposé ledit
mémoire dans les délais prévus, considérant qu'au
cours de la dernière année, nous avons poursuivi dans notre
milieu une longue réflexion sur le livre blanc et le projet de loi 40,
réflexion impliquant les nombreux agents d'éducation de notre
milieu ainsi que de la population en général; considérant
que le législateur aura sans doute à prendre conscience de
l'impact qu'un tel projet de loi crée auprès des gens de la base.
Pour tous ces motifs, nous vous demandons de veiller à ce que nos
représentants soient entendus par la commission parlementaire permanente
de l'éducation." "Espérant que vous prendrez les mesures
nécessaires, nous vous prions d'accepter nos salutations
distinguées."
Je recevais ces jours-ci, du président du conseil des
commissaires de la commission scolaire Lakeshore, le message suivant: "En
réponse à notre demande - je vous prierais, M. le
Président, d'écouter ceux-ci attentivement, non pas parce que
vous êtes distrait, mais à cause de l'importance de ce qui est dit
au niveau des faits - le secrétariat des commissions de
l'Assemblée nationale nous a informés que la commission scolaire
Lakeshore n'a pas été choisie pour faire une
représentation devant la commission de l'éducation sur le projet
de loi 40.
Nous protestons avec véhémence contre cette exclusion
arbitraire, d'autant plus que nous avons des soupçons à
l'égard des raisons qui ont motivé cette décision. Nous
demandons à nouveau que la commission scolaire Lakeshore soit entendue
sur cette importante question."
Je voudrais qu'il soit absolument clair -j'ai reçu des appels
téléphoniques et mon bureau en a également reçu au
cours de la journée d'hier, d'organismes qui s'attendaient à
être invités comme les autres et à qui on a dit qu'ils
n'avaient pas été retenus sur la liste des organismes qui ont
été choisis pour se présenter - et qu'on dissipe, ce matin
avant que nous commencions nos travaux, ce malentendu qui s'est
érigé entre nous. Si le gouvernement est prêt à
prendre l'engagement qu'une convocation sera immédiatement
adressée à tous les organismes qui ont exprimé le
désir de se faire entendre, quitte à ce qu'on les entende...
J'aurais aimé, entre parenthèses, que le gouvernement
consultât l'Opposition au sujet de l'ordre dans lequel les
mémoires seront présentés à la commission. Cela
aurait pu contribuer à un fonctionnement encore plus harmonieux de la
commission et cela se fait souvent. Mais là, tout a été
fait unilatéralement, je tiens à le signaler. Nous n'avons rien
eu à voir jusqu'à maintenant dans le choix des organismes, ni
dans le choix de l'ordre dans lequel ils seront appelés à se
présenter. Si le gouvernement est prêt à prendre
l'engagement ferme, ce matin, d'adresser sans délai une convocation
à tous ces organismes qui ont été laissés de
côté sur la liste qui nous a été communiquée
au mois de décembre, cela pourrait régler le problème, je
pense.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Fabre.
M. Michel Leduc
M. Leduc (Fabre): M. le Président, il est vrai que la
commission va entendre 78 organismes qui ont effectivement été
choisis par le gouvernement. Ces organismes seront entendus pendant un mois.
J'ai eu l'occasion de rencontrer le député d'Argenteuil avant
Noël avec des gens du cabinet pour lui exposer la situation et pour lui
présenter la liste des organismes qui avaient alors été
invités par le gouvernement à se présenter en commission.
Il est important, je pense, de dire que, pour toutes les commissions, lorsqu'il
y a des audiences, la tradition veut que ce soit le gouvernement qui
établisse la liste et qui envoie les convocations aux différents
organismes. Nous ne créons pas de précédent à cette
commission. Le gouvernement a simplement agi comme il le fait pour chaque
commission. C'est la première chose à établir.
Lorsque j'ai eu l'occasion de rencontrer le député
d'Argenteuil, je lui ai demandé, au nom du ministre, de nous soumettre
une liste d'invités qu'il aimerait voir à la commission. Le
député d'Argenteuil m'a alors dit qu'il y penserait et que nous
aurions l'occasion de nous rencontrer après les fêtes, dans la
semaine précédant la commission, pour qu'une entente soit
établie avec le gouvernement pour savoir quels autres organismes
pourraient s'ajouter aux 78 déjà invités. J'ai
personnellement attendu en vain l'appel du député d'Argenteuil.
J'étais personnellement disponible. Par ailleurs, nous avons reçu
une lettre - je dois le dire - dans laquelle nous trouvions une liste
d'organismes, environ 70, que proposait le député d'Argenteuil.
Il n'y a jamais eu de demande de rencontre de sa part.
Je dois ajouter que j'ai également dit au député
d'Argenteuil - je le répète ici -que le gouvernement est toujours
disposé à recevoir d'autres organismes. Les 78 organismes
invités l'ont été après une première
sélection. Il s'agit d'une première sélection, d'une
première préparation et
d'une première invitation. Cette liste pourra s'allonger, selon
la volonté de la commission.
Pour notre part, nous croyons qu'il pourrait s'avérer suffisant
d'entendre 78 organismes pour que la commission soit suffisamment
éclairée. Si la commission juge que c'est insuffisant, qu'elle a
besoin d'éclairage supplémentaire, qu'elle a besoin d'entendre
d'autres organismes pour compléter ce que nous aurons entendu
après un mois de commission, absolument rien ne s'oppose à ce que
nous invitions d'autres organismes et que la commission poursuive ses travaux
au-delà du 4 février.
Il n'y a vraiment pas de malentendu. Les choses ont été
bien établies avant la commission. Nous avons pris l'initiative de
rencontrer l'Opposition et de lui montrer une ouverture d'esprit quant à
notre intention d'entendre d'autres groupes mais, encore une fois, je pense que
dans notre esprit il s'agissait d'établir une première liste de
78 organismes qui, à notre point de vue, sont représentatifs des
différents milieux. Il s'agit d'organismes à caractère
national, à caractère régional et à
caractère local. Il s'agit d'organismes qui représentent des
points de vue sur la confessionnalité, sur la participation des parents,
etc. Cette liste est suffisamment représentative des différents
milieux et des différents groupes qui représentent l'ensemble des
mémoires.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Fabre, j'ai bien peur que si nous poursuivons cette discussion nous nous
engagions dans un faux débat. Afin de clarifier la situation et la
procédure que nous devons suivre, je me permettrai de lire l'article
118a de notre règlement, qui est ainsi libellé: "1. Sauf dans le
cas prévu à l'article 113a - ce qui n'est pas notre cas
-lorsqu'un projet de loi est envoyé à une commission élue
après la première lecture -voilà qui est notre cas - avis
doit être donné par le secrétaire des commissions dans la
Gazette officielle du Québec." Donc, il y a d'abord un avis qui doit
être donné par le secrétaire des commissions dans la
Gazette officielle du Québec. On continue: "Après cet avis, les
personnes ont un délai de trente jours pour déposer au
secrétariat des commissions cent exemplaires de leur mémoire,
accompagnés d'un bref résumé. "112. Après ce
délai, le secrétaire des commissions fait parvenir à
chaque membre de la commission un exemplaire des mémoires et des
résumés. "113. Il convoque les personnes qui ont
déposé des mémoires au moins sept jours avant la
réunion où elles se feront entendre." Quatrièmement, cela
ne nous concerne pas. "115. À l'ouverture de la séance, le
président donne lecture de l'ordre du jour -c'est ce que je ferai tout
à l'heure. Il appelle à tour de rôle les personnes
convoquées et si celles-ci ne se présentent pas ou ne sont pas
prêtes à procéder, elles perdent leur droit de se faire
entendre, à moins que la commission n'en décide autrement.
Voilà ce qui est important: "116. Lorsqu'elle croit être
suffisamment renseignée, la commission peut décider de cesser les
auditions. "117. Elle représente à l'Assemblée le rapport
prévu à l'article 144."
Il me semble donc dans les circonstances, comme l'indique très
bien l'avis qui est paru dans la Gazette officielle, que tous les organismes et
toutes les personnes qui ont déposé des rapports peuvent
potentiellement être entendu à cette commission et que seule une
motion en vertu de l'article 118a, 6, qui indiquerait que la commission est
suffisamment renseignée, pourrait décider de faire cesser les
travaux de notre commission parlementaire.
Voilà pourquoi je ne voudrais pas que nous nous engagions dans un
débat sur ce sujet et surtout dans un débat de procédure.
Je crois que ce n'est pas le moment, surtout au début de nos travaux. Si
nous pouvions dès à présent entendre les remarques
préliminaires du ministre et du représentant de l'Opposition, je
crois que ce serait la procédure la plus sage.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, sur ce même point; je ne
veux pas prolonger la discussion indéfiniment. Je pense que c'est
important de ne pas laisser s'introduire des malentendus qui pourraient avoir
des conséquences graves pour le fonctionnement de notre système
et de nos institutions. J'entendais le député de Fabre dire
tantôt que le gouvernement part avec le préjugé que 78
représentations pourraient suffire à éclairer la
commission et qu'à ce moment-là, elle pourrait juger. J'aime
mieux le préjugé inverse, qu'on parte avec l'idée qu'on va
entendre tout le monde. Si, en cours de route, le gouvernement estimait qu'il a
été suffisamment instruit, qu'il suive la procédure
prévue. Qu'il présente une motion à cette fin qui serait
discutée à son mérite. Il me semble qu'à ce
moment-ci, la manière dont le problème était
présenté par le député de Fabre, qui parle quand
même au nom du gouvernement dans cette chose, est inacceptable. (10 h
30)
Je voudrais corriger une erreur de fait qui a été commise
également en ce qui me touche: le député de Fabre disait
qu'on n'a pas communiqué avec lui. Mon bureau a tenté de le
rejoindre le mardi qui a suivi le jour de l'an; on a répondu que le
député de
Fabre n'était pas là, qu'il était en congé.
À ce moment-là, nous avons communiqué directement avec le
bureau du ministre le même jour.
Le Président (M. Blouin): Très bien, M. le
député d'Argenteuil. Merci, je crois que vous avez bien saisi
l'esprit du règlement. Sur ce avant que...
Mme la députée de L'Acadie.
Discussion générale
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais que le
député de Fabre nous énumère les critères
sur lesquels on s'est basé pour retenir ces 78 mémoires. Il reste
que cela est très important, sans cela il semble que ce soit une
décision arbitraire d'entendre ces 78 mémoires plutôt que
les 78 autres. Dans les explications qu'il nous a données, cela ne m'est
pas apparu très clair.
Le Président (M. Blouin): À moins que...
Mme Lavoie-Roux: À ce moment-là, on peut aussi lui
imputer toutes sortes de motifs sur la foi de ceux qu'il a
énoncés.
Le Président (M. Blouin): Mme la députée de
L'Acadie, je veux bien que, très rapidement, le député de
Fabre puisse nous indiquer les critères qui ont présidé
à cette sélection mais je ne voudrais pas que cela engage un
débat sur les critères de sélection et les premiers
groupes que nous entendrons au cours de ces travaux.
M. le député de Fabre, rapidement, s'il vous
plaît.
M. Leduc (Fabre): Rapidement, M. le Président. On a tenu
compte du caractère national des organismes. Tous les organismes qui
sont reliés au monde de l'éducation et qui ont un
caractère national ont été invités. On a
également tenu compte des groupes régionaux, de la
répartition géographique pour que toutes les régions du
Québec puissent être entendues lorsqu'il y avait
possibilité ou lorsqu'il y avait des mémoires qui
émanaient des régions. Je pense qu'à ce point " de
vue-là il y a une représentation régionale tant pour les
commissions scolaires que pour les comités de parents.
Il y a bien sûr les mémoires émanant des commissions
scolaires, les mémoires émanant des comités de parents,
des comités d'école, mémoires aussi qui touchent à
des thèmes spécifiques - je pense qu'il fallait en tenir compte -
telle la confessionnalité. Il fallait, pour ce qui est de la
confessionnalité, qu'il y ait une expression d'opinions diverses. Je
crois que la communauté anglophone est bien représentée
dans la liste des 78 mémoires. Je peux vous énumérer en
gros ce que cela donne comme synthèse: il y a 15 groupes de
commissaires, 18 groupes de parents; ces 18 groupes de parents comprennent les
anglophones de même que les parents catholiques. Il y a environ cinq
groupes d'administrateurs, directeurs généraux, cadres,
directeurs d'école. Il y a environ dix groupes d'enseignants, certains
à caractère professionnel, d'autres à caractère
syndical. Environ seize groupes d'anglophones. Là, je confonds toutes
les catégories parmi ces groupes d'anglophones, les parents, les
administrateurs, les groupes à caractère national comme Alliance
Québec. Il y a également quelques autres groupes qui
présentent des points de vue particuliers comme l'AFEAS, l'Office des
personnes handicapées, le Regroupement des associations
étudiantes universitaires. Comme vous voyez, il s'agit d'une grande
diversité d'opinions que nous aurons l'occasion d'entendre.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le
député de Fabre. M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: M. le Président, je pense qu'il est important,
au début de nos travaux, qu'un certain nombre de choses soient
établies clairement. Ce sur quoi je veux insister, dans un premier temps
- et je dis bien dans un premier temps - c'est sur le fait que les
renseignements que j'ai sont qu'une quarantaine de commissions scolaires ont
pris la peine de se réunir, de consulter tous les agents qui sont
impliqués dans le travail quotidien qu'ils font. Ils ont consulté
les enseignants, ils ont consulté les directeurs d'école, ils ont
consulté les orienteurs professionnels et ils ont fait un travail
absolument extraordinaire de ce côté. Plus que cela, après
avoir fait ce travail extraordinaire, ils ont pris la peine de rédiger
des rapports, de les faire adopter par les gens qui avaient été
consultés, et c'était de la véritable consultation, ne
nous trompons pas, parce qu'on a déjà assisté à des
simulacres de consultation; c'était de la véritable consultation.
Se fiant sur le mandat qu'on avait confié à la commission
parlementaire, ces gens ont contacté le secrétariat des
commissions et ont transmis des mémoires dans les délais
prescrits. Il y en a 4D qui ont fait cela.
Ce matin, l'ordre du jour nous apprend qu'il va y en avoir quatre qui
seront entendus, quatre de suite, et le député de Fabre nous dit
qu'un des critères fondamentaux qui ont présidé au choix
des organismes, c'est le caractère de représentativité
nationale. Or, on s'aperçoit dès ce matin que les quatre
intervenants sont des commissions scolaires qui sont de caractère local,
ce qui vient en contradiction avec son premier argument. D'un autre
côté,
les 40 commissions scolaires sont élues au suffrage universel. Ce
sont des représentants de la population qui les a élus
démocratiquement. Je ne pense pas que nous ici nous soyons
placés, M. le Président, et je termine là-dessus, pour
faire un choix entre des commissions scolaires qui est représentatif et
qui ne l'est pas? Agir de cette façon, c'est faire preuve de la plus
totale discrimination. Si les travaux de cette commission doivent s'engager sur
cette voie avec des commissions scolaires qui sont triées sur le volet
par le ministre, qui tout à l'heure ne s'occupait pas de cette
discussion, il préférait lire son journal, je vous dis que c'est
mal engagé, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Nous allons avoir des problèmes parce que nous
devrons nous entendre sur les intervenants....
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Louis-Hébert, s'il vous plaît...
M. Doyon: ... qui vont venir ici devant cette commission.
Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît! M. le
député de Louis-Hébert, je tiens à vous signaler
que le débat s'engage actuellement en fonction de ce qui est
rigoureusement prévu à l'article 118a que j'ai lu tout à
l'heure. On peut débattre toute la journée et toute la nuit
même, si vous le voulez, de la représentativité de tel ou
tel organisme, puisqu'il y en a au-delà de 200. Nous pouvons passer
toute la journée à faire cela. Mais je crois que ce qu'il est
important de retenir, c'est que la commission se réunit, il y a des
organismes qui seront entendus dès aujourd'hui, après les
remarques préliminaires du ministre et du représentant de
l'Opposition. Et, la commission, pour mettre fin à ses travaux, selon ce
qui est prévu à l'article, devra juger qu'elle est suffisamment
renseignée.
Pour le moment, je crois savoir que nous avons quatre semaines de
travaux qui sont déjà prévues et, si après ces
quatre semaines, la commission n'est pas suffisamment renseignée, le
règlement prévoit que les travaux doivent se poursuivre. C'est
pour cela que je vous dis qu'au fond, nous sommes peut-être en voie de
nous engager sur un faux débat et que, si nous voulons nous mettre
à apprécier la qualité des 243 organismes ou personnes qui
ont soumis des mémoires à la commission, nous n'en sortirons pas.
Et je ne crois pas que ce soit passionnant pour ceux et celles qui suivent nos
travaux.
M. Doyon: M. le Président, nous ne sommes pas ici pour
donner un spectacle. Et je ne pense pas que notre préoccupation
première soit d'être passionnants pour les gens qui nous
écoutent. Notre préoccupation première, actuellement, est
de nous assurer que le mandat qui a été confié à
cette commission parlementaire soit respecté. Et, ce mandat, quel
est-il? La commission élue permanente de l'éducation a pour
mandat d'entendre toute personne ou tout groupe qui désire intervenir
sur le projet de loi 40, etc. Or, qu'est-ce que le gouvernement nous apprend?
Que ce n'est pas toute personne; ce sera un tiers des personnes, 78... Et, M.
le Président... C'est pour cela que j'ai limité mon propos. Vous
avez étendu mon intervention à toutes les personnes, etc. J'ai
limité mon propos aux 40 commissions scolaires. Et je voudrais
dès maintenant avoir un engagement du ministre qu'il fera tout ce qui
est nécessaire pour ne faire aucune discrimination, de quelque nature
que ce soit, envers les commissions scolaires. Elles sont toutes aussi
légitimes les unes que les autres et elles ont toutes le droit de se
faire entendre en conformité avec le mandat confié à cette
commission.
M. le Président, sur cette question, je vois que vous vous
impatientez légèrement, je vous dis que nous avons le droit de
parler 20 minutes chacun là-dessus et j'ai à peine pris quelques
minutes. Alors, c'est important que cette question soit vidée.
Autrement, nous y reviendrons tant et plus, tellement que les 20 minutes que
vous pensez épargner maintenant vont en coûter 40 et plus, M. le
Président. Et nous devons dès maintenant savoir du ministre s'il
a l'intention, oui ou non, de traiter toutes les commissions scolaires, qui
sont toutes aussi légitimes les unes que les autres, qui ont toutes
été élues par la population et qui toutes ont reçu
un mandat clair de la population, si le ministre a l'intention de traiter ces
commissions scolaires sur un pied d'égalité ou s'il a
l'intention, comme cela s'annonce maintenant, d'après la teneur des
mémoires que nous avons en main, de donner une impression
d'unanimité avec quatre commissions scolaires qui sont, grosso modo,
semble-t-il, en accord avec le projet de loi 40, quand on sait que plus de 80%
ou 85% des commissions scolaires - et là, je suis très
conservateur - sont en désaccord sur des points fondamentaux du projet
de loi. Est-ce que le ministre veut jeter de la poudre aux yeux dès le
début? Ne nous trompons pas. Ce ne peut être l'effet du hasard
que, parmi les 40 mémoires qui ont été soumis, il y en ait
4 qui soient entendus aujourd'hui. Et, comme par hasard, on se retrouve avec 4
commissions scolaires qui sont en accord, grosso modo, avec le projet de loi du
ministre. On ne peut pas faire semblant que le hasard fait si bien les
choses.
Le Président (M. Blouin): Je vous répète, M.
le député, très simplement que nous sommes effectivement
en train de nous engager dans un faux débat.
M. Doyon: Pas du tout. C'est fondamental, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Je vous rappelle... Non,
permettez-moi de m'exprimer, si vous le voulez bien, parce que le gouvernement,
par le leader du gouvernement, selon notre tradition, n'a que le droit de fixer
l'ordre des témoins qui seront entendus. Il n'a pas de discrétion
à l'égard du nombre d'intervenants que nous devrons entendre au
cours de cette commission. Je répète que ce n'est que par une
motion par laquelle on indiquera que nous sommes suffisamment renseignés
que nous pourrons mettre fin à nos travaux.
C'est pour cela que je vous dis, M. le député, que c'est
un faux débat que de présumer que nous mettrons automatiquement
fin à nos travaux.
Un instant s'il vous plaît!
Moi, ce que je dois faire, c'est de faire en sorte que les travaux se
déroulent selon les règlements qui régissent ces
commissions parlementaires. C'est pour cela que j'ai lu, au début, ce
règlement qui m'apparaît très clair à cet
égard. Si l'on désire encore discuter de cette question, on peut
bien en discuter puisque, comme M. le député de
Louis-Hébert l'a très bien dit, chaque député peut
s'exprimer pendant une vingtaine de minutes sur ce sujet. S'il y a des
députés qui veulent prendre la parole, je n'ai pas d'objection,
mais il me semble que la situation est claire.
M. Leduc (Fabre): M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député
de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Je pense qu'il est important de notre
côté de rétablir les faits chaque fois que l'Opposition
affirme un certain nombre de choses.
Le député de Louis-Hébert... M. le
Président, il est important de dire ceci...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Fabre, je voudrais, si vous le permettez, puisque nous sommes sur une question
qui touche le règlement, que les interventions portent sur le
règlement lui-même et non pas sur les procès d'intention
qu'on peut faire à un membre ou à un autre membre de la
commission parlementaire.
C'est dans cette perspective que j'ai dit que nous ne nous en sortirons
pas si nous commençons à présumer qu'un
député a voulu dire telle chose lorsqu'il a fait son
intervention. Je souhaiterais que les interventions que nous faisons maintenant
portent sur le règlement lui-même afin que la situation soit
très claire et que nous puissions ensuite commencer nos travaux.
M. Leduc (Fabre): M. le Président, le débat porte
sur la liste, sur le nombre d'intervenants que nous devons entendre en
commission.
Quant à nous, nous avons dit que nous étions
disposés, si c'est nécessaire, à entendre tous les
intervenants qui en ont manifesté le désir, parce que ce ne sont
pas tous les intervenants. Il y a une trentaine de mémoires qui ont
été déposés sur les 250.
M. le Président, je voudrais ajouter ceci. Si nous entendons tous
les mémoires, je voudrais signaler à l'Opposition que nous
entendrons beaucoup plus de mémoires émanant des comités
de parents et des comités d'écoles que des commissions scolaires
parce qu'il y a beaucoup plus de mémoires qui ont été
déposés devant cette commission qui émanent des
comités de parents et des comités d'écoles.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Fabre. Voilà! Vous déplacez le débat.
M. Leduc (Fabre): M. le Président, j'ajoute ceci parce que
le député de Louis-Hébert a tellement insisté sur
les commissions scolaires. Je pense qu'il aurait été important
qu'il insiste sur la présence des comités d'écoles et des
comités de parents.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Fabre. Je crois que cela complète un peu la
présentation que vous vouliez faire.
M. le député de Saguenay.
M. Maltais: M. le Président, je pense que pour clarifier
la situation, si le ministre était prêt à s'engager, comme
l'a dit le député de Fabre, à convoquer tous ceux qui
veulent se faire entendre, sur 250 - il y en a peut-être une trentaine
qui ne sont pas intéressés. Ils ont envoyé des
mémoires pour dépôt seulement - qu'il convoque tout ce
monde et cela va régler le problème. Cela fait trois fois que
cette commission est remise. Ce n'est pas la faute des intervenants si elle est
toujours remise aux calendes grecques. Le ministre peut montrer une bonne
volonté. Qu'il convoque tout le monde, cela va régler le
problème. Cela va remplir le mandat que l'Assemblée nationale a
donné à cette commission. (10 h 45)
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Chauveau.
M. Brouillet: Pour revenir justement à l'aspect
réglementaire de la discussion, je
crois que le fait d'avoir convoqué simplement 78 groupes à
ce jour ne ferme pas la porte du tout à la possibilité que nous
offre le règlement de décider, sept jours avant l'audition de
ceux qui ne sont pas convoqués actuellement, de les convoquer. Nous
sommes à un mois... Oui, j'ai bien entendu tantôt le
règlement. On dit: Pourvu que les groupes soient convoqués sept
jours avant - nous sommes loin encore du 7 ou 8 février
-l'échéance de ceux qui sont convoqués. À ce
moment, le règlement offre la possibilité à une commission
de décider si elle est suffisamment informée. On se garde cette
possibilité que nous offre le règlement et sept jours avant que
nous ayons à convoquer éventuellement d'autres personnes, nous
discuterons pour savoir si nous sommes suffisamment informés ou non.
À ce moment, je ne vois pas pourquoi, aujourd'hui, nous poursuivons la
discussion puisque le règlement nous offre la possibilité de
discuter de cette question, sept jours avant l'audition des autres
personnes.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Chauveau.
M. le député de Viau.
M. Cusano: M. le Président, il me semble qu'il est
très clair que le mandat de la commission est d'entendre toute personne
ou tout groupe qui est intéressé, qui désire intervenir.
Le règlement est très clair que ces personnes... Ce n'est pas
qu'elles peuvent être convoquées, mais elles doivent être
convoquées, selon le règlement. En partant... je ne vous ai pas
interrompu, M. le député de Fabre...
M. Leduc (Fabre): J'aimerais que vous relisiez le
règlement pour les députés.
Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît, M. le
député de Fabre, vous avez eu l'occasion d'intervenir. Le
député de Viau a également le droit d'intervenir.
M. le député de Viau.
M. Cusano: C'est partir sur des faux pas ce matin, lorsqu'on nous
annonce ici qu'il y a 78 organismes qui seront entendus. Il est très
clair dans nos règlements que toute personne intéressée
doit être convoquée et ce n'est qu'après que la commission,
d'elle-même, comme vous l'avez dit, décide si elle est
suffisamment informée ou non, qu'elle peut cesser ou continuer ses
travaux. Je ne vois pas qu'on puisse commencer une commission parlementaire en
nous imposant déjà le bâillon sur la commission avant
même qu'on ait entendu les personnes qui, selon nos règlements,
ont toutes le droit d'être convoquées.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Viau, vous êtes en train - c'est pour cela que je dis que nous sommes en
train de tenir un faux débat - de tenir des propos qui devraient,
à mon avis, se tenir si nous avions à débattre une motion
en vertu de l'article 118a, 6, c'est-à-dire au moment où la
commission jugera qu'elle est suffisamment renseignée.
M. Cusano: M. le Président, je ne vois pas comment cela
est un faux débat lorsque le représentant du gouvernement nous
dit qu'il y a 78 organismes qui ont été retenus selon ses
critères. Ce n'est pas le représentant du gouvernement qui
établit, c'est la commission qui établit qui doit être
entendu.
Le Président (M. Blouin): C'est cela.
M. Cusano: Pour le bon fonctionnement de cette commission, il
serait très sage de sa part de retirer ses paroles sur le nombre
d'organismes qui seront invités.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je reconnais que vous avez fait
un effort loyal pour clarifier la signification et la portée du
règlement, je l'apprécie. Il y a un préjudice qui a
été créé à des organismes à cause de
la manière d'agir du gouvernement. J'en ai donné un exemple
tantôt, la commission scolaire de Lakeshore s'est fait dire en
téléphonant au secrétariat des commissions qu'elle n'avait
pas été choisie pour faire une représentation devant la
commission élue permanente de l'éducation. D'autres organismes
ont eu exactement la même réponse, nous a-t-on communiqué
par téléphone. Au moins, est-ce qu'on pourrait faire une
démarche pour écrire à ces organismes qui ne sont pas sur
la liste choisie pour leur dire qu'on reconnaît, comme commission
parlementaire, leur droit d'être convoqués et qu'ils seront
convoqués au stade où ce sera justifié par le cheminement
de nos travaux? C'est vrai que le règlement dit qu'ils seront
convoqués...
Le Président (M. Blouin): Enfin, M. le
député d'Argenteuil...
M. Ryan: ...dans les sept jours. Au moins, s'il y avait une
communication qui leur était adressée pour corriger le
préjudice qui leur a été causé et dissiper le
malaise dans lequel ils se trouvent placés, cela pourrait clarifier la
situation et on pourrait passer à autre chose. Mais, j'aimerais...
Le Président (M. Blouin): C'est une bonne solution, M. le
député d'Argenteuil. Nous pourrions leur envoyer copie de
l'article
118a.
M. Ryan: Sans excuse pour cette marque de discrimination qui a
été commise à l'endroit de certains et sans explication.
J'aimerais mieux qu'il y ait une lettre dans le même sens que la
convocation qui leur a été adressée. Ce qui faisait
curieux, c'est qu'on écrit à 78 organismes et on leur dit, dans
la lettre de convocation: Selon le mandat de la commission, toute personne,
tout organisme intéressé à se faire entendre est
invité. Ce n'était pas nécessaire. Il n'y avait aucune
urgence à inviter au mois de décembre ceux qui vont venir au mois
de février. Le règlement mentionne sept jours avant la date
où ils vont se présenter. Vous renvoyez les autres aux calendres
grecques. Ils n'existent pas. Ils se font même dire, en
s'enquérant de la discipline qu'on veut suivre, qu'ils n'ont pas
été choisis. Je voudrais qu'on dissipe ce malaise pour que tout
soit clair.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil, je dois vous répéter, puisqu'il me semble que c'est
mon rôle et mon devoir de tenir les travaux de cette commission
parlementaire selon le règlement - de toute façon, nous ne
pouvons pas faire autrement -que, dans mon esprit, et cela, en parfaite
adéquation avec le règlement, tous les organismes et toutes les
personnes qui ont déposé des mémoires au
secrétariat des commissions peuvent être entendus à cette
commission parlementaire, à moins que la commission ne décide
qu'elle est suffisamment renseignée.
M. Ryan: "Ont un droit égal à": est-ce que cela
serait acceptable pour vous?
Le Président (M. Blouin): "Ont un droit égal",
à moins que la commission ne juge qu'elle est suffisamment
renseignée, puisque cela fait partie des règlements.
M. Ryan: Si vous étiez prêt à leur
écrire dans ce sens, je serais parfaitement satisfait.
Le Président (M. Blouin): Comme je viens de le dire, c'est
exactement l'esprit du règlement 118a. Je suis prêt à leur
écrire pour leur expliquer la teneur du règlement.
M. Ryan: Merci beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. Sur ce, nous allons maintenant
désigner un rapporteur qui fera évidemment rapport de nos travaux
à l'Assemblée nationale, lorsque nous aurons terminé.
M. Laurin: Je proposerais le député de Shefford, M.
Roger Paré.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Shefford, très bien. M. le député de Shefford sera le
rapporteur de cette commission. Comme le veut la procédure
coutumière, je vais maintenant demander successivement à M. le
ministre de l'Éducation et à M. le critique de l'Opposition de
nous livrer, avant que nous n'entendions les premiers organismes
invités, leurs remarques préliminaires. M. le ministre, vous avez
la parole.
Remarques préliminaires M. Camille
Laurin
M. Laurin: M. le Président, avant de vous présenter
l'objet de nos travaux, j'aimerais faire trois remarques préliminaires.
Je veux d'abord remercier les quelque 250 groupes, organismes ou citoyens qui
ont pris le temps et la peine de préparer un mémoire pour cette
commission. Certains y ont consacré des centaines d'heures et des
efforts soutenus et considérables. Je crois qu'ils méritent notre
profonde reconnaissance. Cette abondance de mémoires, de même que
leur qualité, témoigne de l'extrême importance que
revêt la mission éducative pour tous et chacun. Chacun veut pour
lui-même ou ses enfants l'éducation la plus poussée et la
meilleure possible, y voyant, à bon droit, une garantie et une condition
essentielle de développement, d'épanouissement, d'insertion
sociale et professionnelle réussie et, pour tout dire, de bonheur. Une
collectivité, pour sa part, progresse d'autant plus sur tous les plans
que chacun de ses membres peut bénéficier d'une éducation
de qualité, en prise sur le milieu. Or, c'est précisément
ce double objectif que vise le projet de loi.
Je voudrais enfin dire que j'ai rempli tous les engagements que j'avais
rendus publics au cours de la démarche entreprise il y a deux ans. Le
livre blanc a été déposé, tel que promis, à
l'Assemblée nationale en juin 1982. J'ai tenu par la suite, tel que
promis, des consultations dans toutes les régions du Québec et
auprès de tous les partenaires du monde de l'éducation. À
la suite de ces consultations qui m'ont permis de m'entretenir avec quelque
6000 participants, j'ai fait connaître une liste substantielle
d'amendements importants en mars 1983. Tel que promis, le projet de loi, qui
incorporait les éléments du livre blanc et les amendements, a
été déposé à l'Assemblée nationale en
juin 1983. Tel que promis encore, j'ai rendu publiques les orientations et la
teneur des nouveaux règlements en octobre 1983, afin que les
participants à la commission parlementaire puissent en tenir compte lors
de la présentation de leur mémoire. Tel que promis enfin, une
commission parlementaire a été convoquée,
afin que toute la collectivité québécoise
participe, ne serait-ce que par le truchement de la télévision,
à cet important débat et le fasse avancer avant que ne commence
l'étude formelle du projet de loi à l'Assemblée
nationale.
Au nom du gouvernement et en mon nom propre, je suis satisfait et fier
que tous ces engagements aient été tenus. Ce respect de la parole
donnée contribue déjà à donner à ce projet
de loi et à la volonté gouvernementale qui en assure
l'élan toute la crédibilité et l'importance
appropriées.
L'Assemblée nationale, par sa commission élue permanente
de l'éducation, inaugure donc aujourd'hui l'examen du projet de loi 40
sur l'enseignement primaire et secondaire public. La
télédiffusion de ces travaux en souligne l'importance et permet
à la population de s'y associer de plus près. De nombreux
citoyens, organismes et associations ont manifesté leur volonté
d'y prendre part activement dans les quelque 250 mémoires
adressés à la commission. Ces mémoires s'ajoutent aux
multiples interventions qui ont contribué déjà de
manière significative à la qualité des débats.
Le moment vient de conclure l'ample démarche entreprise par la
présentation du projet gouvernemental pour "Une école
communautaire et responsable". La préparation du livre blanc, puis sa
publication en juin 1982, la tournée effectuée dans les
régions jusqu'à la fin de l'automne qui a suivi, l'annonce de
modifications à la proposition initiale en mars 1983, le
dépôt du projet de loi 40 en juin, la communication des
orientations des futurs règlements en octobre, toutes ces étapes
ont conduit résolument et sans précipitation à celle de la
décision où nous entrons maintenant.
Je désire faire partager trois convictions qui m'animent au terme
de ces deux ans d'intense réflexion collective.
Premièrement, la visée de départ continue de
s'imposer avec vigueur. Le meilleur moyen de favoriser la qualité de
l'éducation est de donner à l'école et à ses agents
la place qui leur revient dans le système éducatif.
Deuxièmement, à défaut d'une unanimité sans
doute impossible, des courants majoritaires se sont formés autour des
aspects principaux du projet. Ces courants s'affirment assez puissamment pour
porter plus loin, à la faveur des débats de cette commission, la
considération de points restés controversés qu'il est
souhaitable et possible d'améliorer.
Troisièmement, la société québécoise
est en mesure de puiser, dans les vingt années d'efforts
considérables qu'elle vient de consacrer à l'éducation, la
sagesse et la détermination nécessaire pour parachever la
réforme scolaire et pour mettre en oeuvre correctement autant
qu'harmonieusement les changements qu'elle est apte à choisir.
Ces convictions, je les tire particulièrement de mon observation
de la démarche accomplie jusqu'ici et je ne doute pas qu'elles
trouveront de nouveaux appuis dans les travaux que commence cette commission.
Permettez-moi, M. le Président, de rassembler mes propos autour de
chacune de ces trois convictions. Le projet de loi 40, ainsi qu'il
apparaît de plus en plus clairement à tous, est marqué au
coin du souci toujours plus aigu d'assurer la qualité de
l'éducation. Cette qualité de l'éducation ne peut se
concrétiser plus efficacement qu'en plaçant l'école entre
les mains de ceux qui la font. La proposition gouvernementale vise donc
à remettre l'école aux élèves et à leurs
parents, aux enseignants et au directeur: le but est de susciter la
qualité de l'éducation à sa source même.
Tous s'accordent à reconnaître que l'école est,
parmi toutes les instances du système scolaire, le lieu premier de la
qualité de l'éducation, parce qu'elle est le lieu premier de
l'activité éducative. Revaloriser l'école et son projet
éducatif, c'est toucher la condition essentielle d'une bonne
éducation, c'est-à-dire un milieu centré sur les enjeux
éducatifs animés par des agents qui partagent des objectifs
communs et qui sont solidairement responsables de ces objectifs, de leur action
ainsi que de ses résultats. (11 heures)
Responsabiliser l'école, voilà la visée essentielle
du projet de loi. "Une école communautaire et responsable." Tout le
projet du gouvernement tient dans son titre. Projet vaste, nous l'avons tous
pressenti dès le départ, projet simple, tout compte fait, qui
repose sur une idée également simple: faire que l'école
soit vraiment au centre du système scolaire; faire que sa vie et son
développement commandent l'organisation, les règles de
fonctionnement et les pratiques quotidiennes de tous les partenaires du
système scolaire. Cet objectif constitue la réponse la plus
directe aux préoccupations des parents, des enseignants et de l'ensemble
des citoyens, qui mettent le plus souvent l'école au coeur de leurs
discours sur l'éducation.
D'où vient donc ce projet? Il prend son sens et son inspiration
dans l'évolution que poursuit le système scolaire du
Québec. Il y a 20 ans, comme l'a rappelé le livre blanc, il
importait d'élever le niveau de scolarisation de l'ensemble des jeunes,
d'accroître considérablement et de répartir
équitablement les ressources consacrées à
l'éducation, de procéder à des regroupements qui
permettraient d'atteindre plus facilement des seuils communs de qualité.
Égalité des chances et accessibilité aux études
commandaient alors de consolider, d'intégrer, de
généraliser.
Mais, aujourd'hui, la situation a évolué. Nous disposons,
dans l'ensemble du territoire, d'équipements scolaires importants; les
enseignants et les autres personnels ont atteint des niveaux
élevés de compétence et d'expérience; l'allocation
des ressources financières est normalisée; les règles
d'admission à l'école et de sanction des études ont
été uniformisées; les régimes pédagogiques
doivent être appliqués dans toutes les écoles; la plupart
des programmes d'enseignement ont été renouvelés,
précisés et enrichis de guides pédagogiques; le
matériel didactique et le soutien pédagogique sont maintenant
plus disponibles...
Tous ces instruments de la démocratisation des services
éducatifs sont désormais bien en place. Ce qui importe
maintenant, c'est que les communautés scolaires se les approprient pour
mieux les intégrer au projet éducatif qu'il leur appartient de se
donner dans chaque école. Ce qui importe, c'est que les moyens et les
responsabilités se rejoignent au plan de l'école, là
où s'exerce l'activité éducative. Ce qui importe, c'est de
permettre à l'école d'être responsable
d'elle-même.
Un double mouvement nous presse d'agir en ce sens et de porter plus loin
l'évolution dans laquelle notre système scolaire est
engagé; d'une part, la relance pédagogique, qui axe
l'école québécoise sur le service de l'enfant et de ses
apprentissages, d'autre part, des impératifs sociaux et communautaires
qui appellent à la participation des usagers, premiers
intéressés des services publics et à la prise en charge
des agents et des milieux locaux par eux-mêmes.
Parlons d'abord de la relance pédagogique. Après la
poussée soutenue de quinze ans de développement, nous nous sommes
arrêtés collectivement, à l'aide d'un livre vert en 1977,
pour faire le point au sujet de l'enseignement primaire et secondaire. Le
document a donné lieu à l'époque à une consultation
d'une envergure sans précédent, marquée par le retour de
milliers de réponses au questionnaire qui l'accompagnait, par la
présentation de 500 mémoires, par des audiences dans toutes les
régions du Québec, par un débat public
considérable. Une préoccupation centrale s'est alors
imposée: la qualité de la pédagogie et des apprentissages.
L'événement clé des dernières années en ce
qui concerne l'évolution de l'éducation scolaire au Québec
demeure sans conteste l'établissement du plan d'action "L'École
québécoise" en 1979, puis des régimes pédagogiques
en 1981 qui entendaient donner suite à la volonté
générale de concerter efforts et attention sur cette
préoccupation. Or ce mouvement a fait apparaître un partenaire
paradoxalement nouveau pour le système d'éducation,
c'est-à-dire l'école. Le titre même du plan d'action:
"L'École québécoise", est à cet égard lourd
de signification en parlant d'emblée de cette entité de base dont
nos lois ne traitaient pratiquement pas jusqu'ici. Tout ce plan de 1979 portait
sur une valorisation de l'école en mettant de l'avant le
développement de projets éducatifs et leur prise en charge par
leurs artisans les plus directs et les plus immédiats.
L'évolution des tendances sociales s'est, elle aussi,
accélérée et nous pousse dans la même direction. Les
tendances sociales accordent, en effet, de plus en plus d'importance à
la place des usagers des services, à la responsabilité
première des agents et des milieux locaux, à l'engagement et
à la concertation des forces de développement régional.
Dans les services publics en particulier, les citoyens deviennent de plus en
plus sensibles aux contraintes de systèmes qui leur échappent,
bloqués qu'ils sont dans des normes, des règles, des
conventions.
Contre un envahissement des bureaucraties et une extension sans cesse
accrue de l'intervention des pouvoirs supérieurs dans leur vie et dans
la vie de leur milieu, ils cherchent les moyens de regagner prise sur des
services qui leur appartiennent. Ainsi, quels éducateurs, quels parents,
quels élèves n'éprouvent pas le sentiment que
l'école leur échappe, prisonnière de tous les
conditionnements extérieurs qui pèsent sur elle? Les lois 30 et
71 adoptées en 1979 ont amorcé déjà un
redressement; elles entendaient rapprocher les partenaires immédiats de
l'école entre eux et rapprocher l'école de son milieu en lui
attribuant la possibilité juridique de se donner un projet
éducatif et de se doter d'un conseil d'orientation. Ce n'était
là qu'un début qui montrait la voie de développements plus
importants.
Cette amorce s'est heurtée à d'importantes
difficultés qu'il faut maintenant travailler à surmonter.
À l'école, que fréquentent quotidiennement nos enfants,
que pouvons-nous trop souvent observer? Le peu de prise des parents et des
communautés locales sur les orientations et la vie de l'école, la
faible autonomie et le maigre pouvoir de décision reconnu à
l'école, à son directeur, aux enseignants et aux parents,
l'incertitude sur le maintien ou la fermeture de l'école, la taille
parfois excessive de l'école et la difficulté d'y créer un
climat humain de qualité, le poids et la rigidité des conventions
collectives et de leur application, les servitudes du transport scolaire et ses
coûts humains, sociaux, pédagogiques trop élevés, le
caractère limité de la vie démocratique à
l'intérieur même de l'école, les malaises liés aux
aménagements de la confessionnalité scolaire. Toutes ces
doléances se sont exprimées maintes fois, sous maintes formes.
Elles convergent vers
une même constatation de base: l'école, dont le plan
d'action, "L'École québécoise", propose de faire le pivot
du système scolaire, est en réalité tout autre chose que
le pivot. À bien des égards, l'école est trop souvent
bloquée; l'école n'a pas vraiment les moyens de ses
responsabilités; l'école échappe à son directeur et
à ses enseignants, à ses élèves et à leurs
parents.
Les autres éléments du système scolaire sont
évidemment partie prenante sous ce diagnostic. Aux commissions
scolaires, on reproche leurs préoccupations souvent plus administratives
que pédagogiques, leur éloignement des communautés
locales, la lourdeur de leur fonctionnement et le poids de leur emprise sur les
écoles. Le ministère de l'Éducation est l'objet de
semblables griefs auxquels s'ajoutent les tendances à la centralisation
et à la normalisation, l'extension et les lenteurs de la bureaucratie,
des comportements et des attitudes peu propices au dialogue. On relève
en outre, comme des causes de difficultés provenant de la structure des
commissions scolaires, leur fréquente compartimentation selon les
enseignements primaire et secondaire, leur nombre, leur chevauchement, leur
division selon la confessionnalité.
C'est l'objectif poursuivi par le gouvernement dans son projet de
s'affronter à ces difficultés. Le moyen choisi, c'est de
responsabiliser l'école parce qu'il n'est pas de meilleure garantie de
la qualité de l'éducation que de compter avant tout sur
ceux-là même qui font l'école.
C'est autour de ce choix fondamental que s'articulent les principales
composantes du projet de loi. Premièrement, dès les deux premiers
chapitres et comme pour donner le ton à l'ensemble, le projet de loi
définit la nature et les objectifs des services éducatifs offerts
aux élèves. Il précise l'ensemble des droits et
obligations des élèves et des parents en matière
d'éducation scolaire. C'est tout à fait volontairement qu'est
ainsi traité en priorité ce qui concerne les
réalités éducatives elles-mêmes et les usagers
auxquels elles sont destinées.
Deuxièmement, le projet de loi établit le statut de
l'école et il définit l'ensemble des responsabilités et
des pouvoirs qui lui sont reconnus. L'école sera un établissement
exerçant des pouvoirs clairement définis dans la loi, notamment
l'application du régime pédagogique, l'élaboration des
programmes de services complémentaires, les modalités de
l'évaluation des apprentissages, l'organisation des services
éducatifs à l'intention de la collectivité. L'école
est placée sous l'autorité d'un conseil d'école nettement
conçu comme un lieu de concertation: dans le respect des
compétences spécifiques de chacun, les représentants des
divers partenaires, parents, enseignants, personnel non enseignant,
élèves, seront appelés à faire ensemble avec le
commissaire d'école et avec le directeur les choix jugés les plus
bénéfiques pour la qualité des services éducatifs
offerts aux élèves. Le projet de loi n'impose d'ailleurs pas un
modèle unique pour la composition du conseil. Il ne détermine que
le minimum apparu souhaitable pour en assurer le fonctionnement.
À moins que les intéressés n'en jugent autrement,
ce conseil sera assisté d'un comité de parents, d'un
comité d'enseignants et d'un comité d'élèves, ayant
pour fonctions principales de conseiller le conseil d'école sur des
sujets déterminés et de promouvoir la participation à la
vie de l'école. De concert avec l'ensemble des comités de
l'école, le conseil est responsable de donner à l'école
des orientations et un plan d'action accordés à son milieu et de
définir ainsi les éléments de base du projet
éducatif de l'école. Le directeur d'école assure la mise
en oeuvre de ce projet éducatif, l'administration courante et le bon
fonctionnement de l'école, de même qu'il veille à la
qualité des services éducatifs dispensés.
Troisièmement, le projet de loi redéfinit le statut et le
rôle des commissions scolaires, en particulier leurs fonctions de
soutien, de planification, de coordination et de répartition
équitable des ressources. Les commissions scolaires ont ainsi la
responsabilité d'assurer à la population de leur territoire les
services éducatifs auxquels elle a droit, les écoles, pour leur
part, ayant la charge de dispenser ces services. Pour raffermir l'enracinement
de la commission scolaire dans la vie des écoles, le projet
prévoit que les commissaires seront dorénavant membres d'un
conseil d'école et élus au suffrage universel selon une liste
électorale ayant comme unité de scrutin une école de la
commission scolaire, librement choisie par les électeurs, plutôt
que le quartier géographique de résidence, comme c'était
le cas jusqu'ici.
Il est également prévu que les commissions scolaires
auront dorénavant un statut linguistique, francophone ou anglophone, et
qu'elles auront compétence, à la fois pour le primaire et le
secondaire. Il est enfin prévu que leurs territoires seront
modifiés et leur nombre réduit d'environ la moitié. (11 h
15)
Quatrièmement, en matière de confessionnalité
scolaire, le projet de loi assure l'exercice démocratique des
libertés de conscience et de religion et des droits historiques des
communautés catholiques et protestantes. Ainsi le projet de loi garantit
le droit à l'enseignement religieux catholique ou protestant et permet
aussi, selon certaines conditions, des enseignements religieux d'autres
confessions. Il établit partout le système d'options entre
l'enseignement religieux et l'enseignement moral, garantit aux
catholiques les services d'animation pastorale, offre aux protestants la
possibilité d'avoir des services d'animation religieuse, permet aux
communautés scolaires de définir des projets éducatifs
comportant certaines valeurs religieuses et accorde aux écoles de
pouvoir demander, après une consultation des parents conduite selon les
règles prévues, une reconnaissance comme école catholique
ou protestante.
Cinquièmement, le rôle de l'État et, plus
spécifiquement, du ministère de l'Éducation, est
précisé et surtout recentré sur les grands encadrements
nationaux relatifs aux services éducatifs, aux ressources humaines, aux
ressources matérielles et aux ressources financières. Dans chacun
de ces quatre champs, les responsabilités ministérielles sont
plus nettement situées au plan de l'orientation, du maintien de la
cohérence générale du système et de
l'équité, c'est-à-dire de la justice. Le ministre est
délesté de certains pouvoirs qui ressemblaient à des
pouvoirs discrétionnaires. Certains pouvoirs ont été
transférés aux commissions scolaires. Ainsi en est-il, par
exemple, des autorisations de dérogation au régime
pédagogique et des approbations des budgets. Le projet de loi
prévoit également qu'un organisme sans but lucratif,
majoritairement composé d'enseignants, pourra se voir confier des
tâches de production pédagogique. Sera ainsi rendue plus
transparente la participation de ces importants agents du réseau
à l'élaboration de plusieurs instruments pédagogiques
d'intérêt national. L'ensemble de ces dispositions s'inscrit dans
une volonté de recentrer le ministère sur sa mission nationale
propre et de favoriser un exercice plus décentralisé des
responsabilités.
Sixièmement, enfin, le projet de loi prévoit des
mécanismes et des modalités de mise en oeuvre du nouveau
régime. Une commission nationale de mise en oeuvre, assistée de
son comité exécutif et des comités locaux de mise en
oeuvre, constitueront les principales chevilles ouvrières d'une
implantation que l'on veut ordonnée, harmonieuse, respectueuse des
besoins et des rythmes des communautés. On y précise que les
conseils d'école disposeront du temps nécessaire pour assumer
progressivement, selon le calendrier qui leur conviendra, les pouvoirs et
responsabilités attribués par la loi aux conseils
d'école.
Telle est donc la teneur du projet qui recentre le système
scolaire entier sur l'école dans un nouvel équilibre entre les
partenaires. La visée est claire et résolue, c'est-à-dire
que notre loi régissant l'éducation scolaire, préscolaire,
et l'enseignement primaire et secondaire, soit une véritable charte de
l'école, assurant aux élèves des services éducatifs
de qualité.
Après ce bref survol du projet de loi, j'aimerais maintenant
commenter les principales objections qu'il a suscitées, même si
elles ne me paraissent pas atteindre l'intention de fond du projet de loi. Ces
objections ont trait d'abord à la déstabilisation qui menacerait
le système scolaire à la suite des changements
préconisés. À cet égard, je ferai simplement deux
observations. D'abord, bien des commissions scolaires et des écoles
n'ont pas attendu le projet de loi 40 pour chercher et réussir des
aménagements inédits de leurs responsabilités en
dépassant souvent les lois en vigueur et en s'avançant même
plus loin que l'actuel projet de loi. Leur expérience démontre,
dans les faits, non seulement que les changements envisagés sont
applicables sans déstabiliser le système, ' mais encore qu'il est
nécessaire de légitimer les efforts ainsi observés et
surtout d'étendre à tous les milieux les possibilités
ainsi ouvertes.
Ensuite, ceux qui soulèvent l'objection de la
déstabilisation ne semblent pas s'apercevoir que ce sont les
éléments avec lesquels ils sont généralement
d'accord qui vont apporter le plus de changements structurels. Par exemple, la
division des commissions scolaires selon la langue, l'intégration des
enseignements primaire et secondaire sous une même compétence et
la réduction du nombre de commissions scolaires. Il est pourtant curieux
qu'à cet égard ils ne craignent pas le dérangement du
système. En réalité, ce contre quoi ils en ont, c'est la
nouvelle répartition des responsabilités. Mais ils ne parviennent
pas à désigner les ambiguïtés qu'ils
dénoncent. Et surtout, ils ne proposent rien pour les lever, sinon que
de se replier sur le statu quo en renonçant au nouvel équilibre
envisagé.
Ce sont souvent les mêmes opposants qui brandissent haut et fort,
et systématiquement, contre toute évidence, l'autre objection
principale, celle de la centralisation à laquelle serait livré le
système scolaire sous le ministère de l'Éducation. Ces
opposants ont nui à la teneur du débat suscité par le
projet de loi. D'une part, en braquant les feux sur le ministère de
l'Éducation, ils ont esquivé l'examen des vrais enjeux,
c'est-à-dire les besoins de l'école en regard des besoins de
l'enfant et, en conséquence, les nouveaux rapports à
établir entre les partenaires. D'autre part, ils ont évité
l'analyse même du projet, tâchant de parler d'autant plus fort que
leur objection était sans fondement. Il est, en effet,
profondément erroné de prétendre que le projet de loi 40
tend à affaiblir le rôle des commissions scolaires de
manière à livrer les écoles démunies à
l'emprise gouvernementale dans un propos inavoué
d'étatisation.
Ceux qui exploitent cet argument manifestent plutôt leur
incapacité de
remettre le moindrement en cause le rôle des commissions
scolaires, sinon en tâchant de rattraper leur retard et de faire croire
soudainement à leurs efforts de responsabilisation de l'école.
Leurs craintes non fondées leur bouchent les yeux et les empêchent
de lire correctement le texte même du projet de loi.
En réalité, non seulement les commissions scolaires sont
clairement maintenues comme instances intermédiaires et conservent
à l'égard des écoles de réelles
responsabilités, mais encore les rapports de subordination qui les lient
à maints égards actuellement au ministère de
l'Éducation sont redéfinis en termes de partnership qui les
associent organiquement, d'une part, au ministère et, d'autre part, aux
écoles.
Par ailleurs, le ministère de l'Éducation n'est pas
resté de son côté sans instituer son autocritique, ni sans
se soumettre à la révision générale des
rôles. Le projet de loi délimite plus précisément
que jamais jusqu'ici ceux de ces rôles qu'il doit tenir en vertu de la
mission éducative de l'État. À cet égard, dans son
analyse du projet, le Conseil supérieur de l'éducation n'y voit
pas autre chose, en ce qui concerne le rôle de l'État, que celui
qui lui revient normalement. Le Conseil supérieur de l'éducation
dit, en effet, dans son avis adopté à la 287e réunion, le
22 septembre 1983, aux pages 12 et 13 ceci: "Sans nier ou réduire les
énoncés sur la primauté de l'activité
pédagogique et sur la responsabilité des parents et des autres
éducateurs en éducation, il est nécessaire -c'est le
conseil qui parle - de reconnaître l'importance du rôle de
l'État en éducation. C'est à lui que revient la
responsabilité de proposer un plan d'ensemble, d'inviter à la
coordination tous les agents. "En matière de pédagogie,
précise encore le conseil, l'énumération des pouvoirs du
ministre et du gouvernement correspond à l'idée que l'on peut se
faire du rôle de l'État en éducation. C'est dit-il ce que
l'expérience des 20 dernières années en éducation a
appris à la population."
Dans l'application de ce rôle de l'État, il faut voir ainsi
que je l'ai démontré sur pièce en communiquant, en
octobre, les orientations des futurs règlements que le projet de loi 40
opère un important mouvement de décentralisation. Il
transfère des pouvoirs réels aux commissions scolaires et aux
écoles. Il réduit notablement la lourdeur bureaucratique de
l'administration en transformant plusieurs dispositions qui prendront une
portée générale plutôt que de requérir une
intervention particulière en chaque cas. De la sorte seront
entraînés une simplification et un allégement notable des
transactions entre le ministère et les commissions scolaires.
À ceux qui persistent à faire croire que le
ministère de l'Éducation conforte ses positions à la
faveur du projet de loi, je demande quels sont les pouvoirs additionnels que
s'arroge le ministère? En quoi les commissions scolaires et les
écoles sont-elles affaiblies? J'affirme nettement, pour ma part, que le
projet de loi vise la décentralisation du système scolaire vers
les écoles. J'entendrai par ailleurs avec la plus grande attention
toutes les recommandations présentées à cette commission
pour améliorer le projet de loi en ce sens.
J'ai fait moi-même l'exercice de relire une nouvelle fois le
projet afin de le rendre encore plus net si possible sur ce point. J'ai
annoncé quelques amendements en rendant publiques au mois d'octobre les
orientations des règlements prévus dans la suite du projet de
loi. Il s'agit de trois suppressions dans la liste des matières
assujetties au pouvoir de réglementation du gouvernement ou du ministre
de l'Éducation. J'ajoute aujourd'hui cinq autres amendements dans le
même sens.
Amendements au projet de loi
Je dépose pour publication au journal des Débats la liste
de tous ces amendements qui paraît dans l'annexe au texte des notes qui
servent au présent exposé.
Selon l'article 33, "le ministre peut établir une école
à vocation régionale ou nationale"; il est proposé de
préciser qu'une telle école ne puisse être instituée
qu'après entente avec la commission scolaire dont elle relèvera,
cette entente statuant sur toutes les matières
énumérées dans la suite de l'article.
Selon l'article 234, "une commission scolaire doit, à la demande
du ministre, transférer la propriété d'un immeuble
excédentaire à un organisme public que le ministre
désigne"; le retrait de cet article est proposé.
L'article 242 exige que la commission scolaire intègre dans son
budget de l'année suivante son déficit ou son surplus; il est
proposé de maintenir cette exigence en ce qui concerne le
déficit, mais de permettre à la commission scolaire
d'étaler son surplus comme elle l'entend.
À l'article 245, le pouvoir accordé au ministre de
préciser le mandat du vérificateur externe nommé par la
commission scolaire est nouveau, bien que le ministre l'exerçât
déjà avec l'accord des commissions scolaires; sans contester ce
pouvoir, des organismes ont demandé qu'il soit restreint de telle sorte
que les précisions définies par le ministre s'appliquent
généralement au mandat de tous les vérificateurs et non
particulièrement à tel vérificateur; on demande
également que de telles précisions soient apportées
après consultation des commissions scolaires. Il est proposé que
l'article soit modifié dans le sens de l'une et de l'autre demande.
II est proposé de supprimer l'alinéa 6 de l'article 308 au
sujet des renseignements à fournir pour l'autorisation d'emprunter sur
un marché étranger; les articles 246 et 247 suffisent à
cet égard.
Il est proposé de supprimer l'alinéa 5 de l'article 309 au
sujet des conditions d'admission d'un élève qui ne relève
pas de la compétence d'une commission scolaire et au sujet de la
prescription et des modalités de paiement des frais de scolarité;
il sera traité de ces matières en meilleure place dans les
règles budgétaires annuelles, établies après
consultation obligatoire des commissions scolaires.
Il est proposé de supprimer les alinéas 6 et 7 de
l'article 309 également au sujet des allocations versées aux
commissaires et au sujet des normes de remboursement des dépenses des
commissaires et des membres d'un conseil d'école ou d'un comité;
un nouvel article habilitera plutôt la commission scolaire à
décider en ces matières (nouvel article 191).
Il est proposé de modifier l'article 353 en établissant
que les normes de transfert et d'intégration des personnels
syndiqués des anciennes aux nouvelles commissions scolaires soient
déterminées par entente avec les syndicats.
Je suis tout disposé à considérer d'autres
amendements susceptibles d'établir hors de tout doute la volonté
de décentralisation inscrite dans le projet de loi.
J'en arrive maintenant à ma deuxième conviction selon
laquelle, au-delà des courants majoritaires qui se sont
dégagés, d'autres améliorations demeurent
nécessaires et possibles. J'estime en effet que le projet gouvernemental
est encore perfectible et qu'il vaut la peine d'y travailler avec
résolution parce que c'est un projet que nous devons et que nous pouvons
réaliser. Les objections de la déstabilisation et de la
centralisation ne prévalent pas réellement contre lui. Le
débat au contraire a permis que se fassent jour des courants
majoritaires assez forts pour accréditer nettement les
éléments les plus centraux du projet et pour laisser voir la
possibilité d'améliorer plusieurs points demeurés
litigieux.
Une première ligne de convergence s'est dessinée quant
à la valorisation et à la responsabilisation de l'école.
L'accord est général sur la nécessité de donner
à l'école plus d'importance, plus de pouvoir, plus de
stabilité aussi - et en particulier grâce aux moratoires sur les
fermetures d'établissements - et de la replacer avec plus
d'évidence au centre de notre organisation scolaire. C'est là le
coeur même du chapitre troisième du livre blanc où sont
exposés les fondements de la proposition gouvernementale. C'est
également la poutre maîtresse autour de laquelle est
charpenté le projet de loi.
(11 h 30)
Un deuxième lieu de convergence, très proche du premier,
porte sur le développement et l'affermissement des projets
éducatifs locaux, de même que sur leur enracinement dans la vie
socio-communautaire des milieux. Il s'agit là de permettre à
l'école de définir ses besoins, ses valeurs, ses objectifs et ses
priorités en fonction de ce que pensent, de ce que vivent, de ce que
constatent parents, élèves, enseignants et autres membres du
personnel. Le projet de l'école, élaboré et poursuivi en
concertation, guide son organisation et se traduit en un plan d'action dont
chacun prend sa part. Les partenaires de l'équipe-école cherchent
ainsi à utiliser chaque ressource, chaque moment, chaque
activité, en fonction des besoins et des objectifs d'apprentissage des
enfants. Chaque école doit être en mesure de former et de vivre
quotidiennement son identité, de poursuivre ses propres visées,
de s'ouvrir aux besoins de la communauté à laquelle elle
appartient, de devenir en somme un véritable pôle de
développement culturel, en prise sur son milieu. Cette école,
mise en possession de ses usagers et de ses agents, rejoint ainsi les
aspirations d'une vaste majorité de citoyens.
Une troisième convergence a trait à l'accroissement du
rôle des parents dans l'organisation et l'orientation de la vie des
écoles. Les parents, premiers responsables de l'éveil et de la
croissance de leurs enfants, désirent une participation plus
déterminante à leur cheminement scolaire et aux services
éducatifs qui leur sont destinés. Des craintes et des
appréhensions ont pu se manifester. Des marchands de peur s'en sont
immédiatement emparés pour convaincre les parents qu'ils allaient
s'en mettre trop sur le dos. Il reste qu'un courant très majoritairement
favorable s'est dégagé autour de cette intention de fond, en
dépit de résistances qui n'ont peut-être rien
d'étonnant dans la structure et le système en place.
Le Conseil supérieur de l'éducation l'observe encore ici
très clairement: "Si l'on se fie aux congrès et assemblées
de parents qui ont suivi l'annonce du projet gouvernemental de restructuration
scolaire, on se rend compte que les parents demeurent fidèles à
l'attitude observée dans l'enquête du conseil en 1978: ils veulent
participer à part entière aux prises de décision dans
l'école tout en n'ayant pas l'intention en quoi que ce soit de
supplanter les éducateurs à qui ils confient leurs enfants. Ils
ne veulent pas devenir maîtres absolus dans l'école. Mais ils
veulent, de plus en plus, exercer une capacité réelle
d'intervention sur le plan pédagogique. "De même, ajoute le
conseil, la présence des parents au conseil d'administration de la
commission scolaire
depuis 1979, les groupes consultés l'ont confirmé, a
permis un regard neuf sur les questions relatives à l'administration
scolaire en centrant davantage les commissions sur ce qui favorise
l'activité pédagogique des écoles. De ce seul fait, on
peut penser à une représentation élargie des parents sans
pour autant aller jusqu'à un conseil composé uniquement de
parents." C'était une citation du Conseil supérieur de
l'éducation.
La nécessité d'une redéfinition de la carte
scolaire présente une quatrième ligne de convergence. Un accord
d'importance majeure se construit quant au choix de la division linguistique
des commissions scolaires. Cet accord est également observé de
manière explicite par le Conseil supérieur de l'éducation,
et je le cite: "On peut dire sans trop de risque de se tromper, écrit le
conseil, qu'un certain consensus est en train de se former autour d'une
restructuration des commissions scolaires sur une base linguistique. Les
consultations du conseil à cet égard sont
révélatrices. Plusieurs intervenants, tant chez les anglophones
que chez les francophones, préfèrent opter pour des commissions
scolaires linguistiques. On juge qu'il s'agit là d'un compromis
historique acceptable, celui qui a le plus de chance de réussir.
D'autres points sont aussi agréés, par exemple: la
réduction du nombre de commissions scolaires, la suppression des
dédoublements confessionnels, l'intégration des
compétences quant à l'enseignement primaire et quant à
l'enseignement secondaire. Voilà autant d'objets qui auraient en
d'autres temps, suscité des affrontements passionnés et qui
reçoivent actuellement de larges appuis dans la perspective d'une
structure organisationnelle et d'un découpage territorial à la
fois plus rationnel, plus fonctionnel et mieux accordé aux besoins
éducatifs et à ceux des communautés.
Un courant majoritaire, enfin, s'est également formé quant
au réaménagement de l'exercice de la confessionnalité
scolaire: inscription du droit à l'enseignement religieux dans la loi
elle-même, généralisation du système d'option entre
l'enseignement de la religion et l'enseignement de la morale, maintien des
services d'animation pastorale et possibilité pour l'école
d'obtenir un statut confessionnel. Toutes ces dispositions ont l'accord du
grand nombre.
Il faut se réjouir que la collectivité ait su mener ce
débat difficile et qu'un certain consensus, qui ne saurait certes forcer
l'unanimité, ait pu s'établir ainsi sur la
nécessité de procéder dans le respect des droits et
libertés de la personne, de même que dans le respect de nos
traditions, à des changements d'importance.
Toutes ces convergences, on a pu les voir s'affirmer avec de plus en
plus de constance et de netteté. Il importe d'autant plus d'en prendre
acte que des oppositions opiniâtres pourraient risquer de nous faire
oublier que, comme, peut-être, à aucun autre moment de notre
histoire des 20 dernières années, de larges accords se sont
réalisés sur les éléments les plus centraux du
dossier si vaste et ardu de la restructuration scolaire.
Mais il est d'autres éléments de la proposition
gouvernementale qui n'ont pas recueilli autant d'adhésions et qui ont
prêté à de plus ou moins amples controverses. Controverses
qui n'ont pas été inutiles puisqu'elles ont permis de nouveaux
approfondissements, comme il faut toujours l'attendre d'une discussion
raisonnable. À la faveur de ces approfondissements, le gouvernement
s'est attaché à améliorer certains aspects de sa
proposition en introduisant des modifications qui sont maintenant
intégrées dans le présent projet de loi. D'autres
améliorations demeurent cependant souhaitables et possibles, ainsi que
je l'ai indiqué tantôt en parlant de la décentralisation.
J'ai fait part déjà de nouveaux amendements à ce
sujet.
J'ajoute ici une autre proposition d'amendement, également
formulée en annexe. Elle a trait aux normes de transfert et
d'intégration des personnels syndiqués, des anciennes aux
nouvelles commissions scolaires. Plutôt que de maintenir l'article 353
remettant au ministre le soin de déterminer ces normes, j'ai
demandé qu'elles soient établies par entente avec les
représentants des personnels intéressés. En ce qui
concerne le personnel cadre, la concertation sera assurée
également en cette matière avec les associations. Cette
démarche est en cours et je demanderai que soit amendé en
conséquence l'article 353 du projet de loi.
D'autres aspects du projet sont susceptibles d'être ainsi
améliorés, particulièrement à la faveur des travaux
de cette commission. Je signale l'aspect suivant fort important: la composition
du conseil d'administration des commissions scolaires et le mode
d'élection de ses membres. Les avis paraissent se rassembler à ce
sujet autour d'une formule située entre le statu quo et la proposition
initiale du gouvernement parue dans le livre blanc. Le gouvernement a retenu
une formule du genre dans le projet de loi. Le conseil supérieur en a
recommandé une autre selon laquelle le conseil d'administration d'une
commission scolaire se composerait de représentants élus par les
conseils d'écoles et de citoyens élus au suffrage universel par
circonscription, les premiers devant être majoritaires.
Je considère qu'il y a place encore pour la recherche d'une
solution qui s'approche le plus possible des paramètres qu'il faut
tâcher de tenir ensemble, c'est-à-dire un conseil qui concilie la
représentation des communautés-écoles, la
représentation
des contribuables et des citoyens ainsi que le maintien du suffrage
universel. Je souhaite donc que des améliorations du projet de loi
surgissent de l'examen des mémoires présentés à la
commission et des discussions qui vont s'ensuivre.
La troisième conviction que je désire maintenant exprimer,
c'est que le moment est venu d'une décision réfléchie
à l'égard d'un projet issu des expériences d'échecs
et de réussites des 20 dernières années, mûri et
débattu pour lui-même depuis de longs mois. Je suis
persuadé que nous sommes collectivement capables de franchir ce pas et
de nous engager de manière à la fois prudente et résolue
dans de nouvelles réalisations. Le projet repose en effet sur de solides
assises. Il s'inspire d'abord des résultats de consultations
systématiques comme celles qui ont suivi la parution du livre vert sur
l'enseignement primaire et secondaire - ainsi que je l'ai rappelé - mais
aussi d'enquêtes scientifiques comme celles qui ont été
menées sur les enseignants du Québec et sur la participation des
parents dans l'école, de sondages, de relevés des opinions
exprimées dans les médias, dans des colloques, des tables rondes,
des manifestes de tout genre. Plus immédiatement, c'est le renouveau
pédagogique marqué par l'énoncé politique et le
plan d'action à l'école québécoise qui a
déclenché cette nouvelle proposition gouvernementale.
Les éléments de ce renouveau pédagogique sont
nombreux et importants: revalorisation de la formation de base, allongement de
la formation générale, équilibre nouveau des
matières à enseigner, renouvellement et précision des
programmes d'étude, fabrication de guides pédagogiques,
détermination des pratiques d'évaluation des apprentissages,
relance des services personnels et complémentaires à offrir aux
élèves, amélioration des mesures destinées aux
besoins de groupes particuliers, comme élèves en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage, élèves de
milieux économiquement faibles, enfants inuits et amérindiens,
intensification des échanges d'information entre l'école et les
parents.
Les nouveaux régimes pédagogiques ont
intégré tous ces éléments. Ils se sont
accompagnés d'autres dispositions: lois 30 et 71, touchant le projet
éducatif de l'école et la participation des parents, orientation
sur la place des élèves dans le système scolaire,
politique de la formation professionnelle des jeunes, politique de la formation
et du perfectionnement des enseignants, plan d'introduction de l'informatique
à l'école. C'est dans cet immense mouvement essentiellement
animé par la recherche de la qualité de l'éducation que
s'inscrit le projet de loi maintenant à l'étude. Il ajoute moins
à des changements ressentis déjà comme nombreux qu'il
n'offre un meilleur instrument pour assumer ces changements au service de la
pédagogie et des apprentissages.
En effet, ce qu'il s'agit de faire maintenant, c'est de donner à
l'école les moyens de réaliser l'ensemble de ce renouveau. Il
faut nous assurer que l'école a vraiment, structurellement,
pourrions-nous dire, les pouvoirs qui correspondent à ces
responsabilités. Autrement, à défaut d'en avoir vraiment
les moyens, l'école pourrait bien ne pas pouvoir vivre son projet
éducatif ni aller au bout du renouveau pédagogique dans lequel
elle est engagée. Elle pourrait même - et cela bien des gens le
déplorent déjà - être rapidement
récupérée par toutes les technocraties que nous savons.
(11 h 45)
L'une des conditions majeures créées par le projet de loi
pour favoriser cette prise en main de l'école par elle-même c'est
qu'il fait de l'école un authentique centre de décision. Il lui
assure une autonomie - une marge de manoeuvre, comme on dit - plus grande que
celle dont elle dispose actuellement. L'école pourra dorénavant
être vraiment responsable, c'est-à-dire assez maîtresse de
ses choix et de ses gestes pour pouvoir en répondre auprès de
ceux qu'elle doit servir. La responsabilisation de l'école, c'est
essentiellement cela et c'est ce que le projet de loi propose à tous les
partenaires du système scolaire - parents, éducateurs enseignants
et non enseignants, administrateurs, commissaires - et à l'ensemble de
la population qui les soutient. C'est tous ceux qui oeuvrent dans
l'éducation scolaire de nos enfants et nos enfants eux-mêmes qui
reçoivent la possibilité de prendre pleinement leurs
responsabilités, sans devoir s'en remettre à quelque pouvoir
supérieur et souvent anonyme dont les gestes les dispenseraient d'avoir
à assumer les orientations et les résultats de leurs propres
actions.
L'expérience de la réforme des années soixante est
bien claire à ce sujet. La décision qui nous est proposée
s'éclaire davantage encore, en effet, si nous prenons du recul en
l'inscrivant aussi dans notre évolution scolaire des vingt
dernières années. Rendre l'école accessible,
accroître la qualité des apprentissages, favoriser l'enracinement
des écoles dans leur milieu, réunir parents et personnel scolaire
autour d'un même projet, n'est-ce pas ce qu'à travers chacune des
étapes franchies, nous recherchons et poursuivons depuis le début
de la réforme scolaire? En fait, aucun des besoins et des
problèmes soulevés dans le projet gouvernemental n'est totalement
nouveau; peu de solutions, non plus, dont on n'ait pas déjà
discuté d'une façon ou d'une autre. Le projet de loi actuel
reprend à son compte les cheminements commencés.
Dans la mesure où le renouveau pédagogique
réclamait avant tout l'attention
au cours des années soixante-dix, les problèmes de
structures demeurés pourtant lancinants et irrésolus depuis le
rapport Parent s'étaient estompés momentanément. Mais ils
se sont imposés à nouveau quand il s'est agi d'assurer à
l'école les moyens nécessaires pour se prendre en charge selon
ses responsabilités pédagogiques plus nettement reconnues. En
même temps que la mise en oeuvre du plan d'action ramenait
d'elle-même à l'attention collective la question des structures,
elle suscitait cependant une nouvelle manière de l'aborder:
désormais, c'est la pédagogie qui détermine la question
des structures, c'est la pédagogie qui indique la base sur laquelle
entreprendre de restructurer, et cette base, c'est l'école même.
Voilà ouverte la voie par laquelle assumer enfin toutes les parts de
l'héritage de la commission Parent restées trop longtemps en
suspens.
L'ensemble de ces facteurs manifeste qu'une décision peut
maintenant être arrêtée. Tous les problèmes ne sont
pas parfaitement résolus. Mais, ainsi que l'observe le Conseil
supérieur de l'éducation, et je le cite, "un système
d'éducation a plus de chances de se transformer positivement s'il
s'appuie sur une volonté commune pragmatique plus que sur une logique
idéale mais sans racines concrètes." En considérant le
chemin parcouru et l'étape où nous sommes, il est possible
d'affirmer que nous avons atteint, à maints égards, une sorte de
momentum historique qu'il est impérieux de saisir en cueillant certains
fruits parvenus à maturité et en tablant sur des convergences
plus fortes que jamais. Nous ne pourrions réprimer un sentiment de
profonde déception dans la conscience collective si nous devions
échouer au moment même de décider.
La décision importe, mais également sa mise en oeuvre par
la suite. Il faut veiller avec soin aux conditions de cette mise en oeuvre.
À cet égard, l'inspiration du projet doit être celle qui
guide son implantation. Le projet est fondé sur cette idée force:
personne ne peut mieux assurer la qualité de l'éducation que
ceux-là même qui font l'école. Il est essentiel de
favoriser avant tout la prise en charge de l'activité éducative
par les premiers intéressés. De même, en
conséquence, la mise en oeuvre du projet doit être assumée
aussi par les intéressés en premier lieu. C'est eux qui devront
se trouver au coeur et au centre des concertations nécessaires.
Il faut voir que trois postulats de base sont alors en cause auxquels
doivent adhérer l'ensemble des partenaires. Ces postulats sont les
suivants: accepter la diversité comme richesse, reconnaître la
compétence des uns des autres, respecter les responsabilités les
uns des autres. Je sais que le ministère de l'Éducation
cède, de l'avis de plusieurs partenaires, au travers de se croire trop
souvent le seul compétent et responsable. J'entends donc qu'il mette en
oeuvre lui-même et résolument les postulats avancés et
veiller à ce qu'il évite de jouer des rôles à la
place d'autres partenaires.
Il s'agit en réalité d'une saine pédagogie que tous
les éducateurs ont à s'appliquer à eux-mêmes de la
manière dont ils sont invités à le faire par notre
politique éducative et nos programmes d'études dans leurs
interventions auprès des élèves, c'est-à-dire
reconnaître et respecter les différends, aider à apprendre,
stimuler la motivation, tenir que chacun est apte à faire ce qu'il faut
et ne pas le faire à sa place.
C'est dans ces perspectives que j'ai bien l'intention de situer la mise
en oeuvre du projet gouvernemental. La démarche enclenchée au
sujet des normes de transfert et d'intégration des personnels, et dont
j'ai fait mention tantôt, dans mes propositions d'amendement du projet de
loi, s'inscrit dans le sens de l'association des partenaires et de la
responsabilisation des premiers intéressés. Il en sera de
même quant aux manières d'assurer le soutien de tous les agents
dans leur nouveau rôle.
Des ressources et des pratiques sont déjà
appliquées au perfectionnement, à l'animation, au soutien des
commissaires, des parents membres de conseils et de comités, les cadres,
les directeurs d'écoles, les enseignants et autres personnels. Beaucoup
n'ont pas attendu le projet de loi 40 pour s'intéresser activement
à la décentralisation, à l'autonomie de gestion, aux
projets éducatifs de l'école. Depuis l'adoption de la loi 71, en
1979, de multiples initiatives sont nées en ce sens à même
les ressources et les services déjà disponibles,
réaménagés et exploités selon les nouveaux choix
des intéressés eux-mêmes. Le rôle du ministère
n'est pas de définir d'en haut les formes de soutien nécessaires.
Son rôle est d'assurer les ressources. Il est aussi de veiller à
la meilleure information possible de tous les intéressés quant
aux lois, règlements, cadres généraux que les
communautés scolaires sont appelées à s'approprier en
percevant les objectifs poursuivis et en dégageant de ce qui est
prescrit toutes les virtualités de prise en charge autonome et
responsable.
La tâche de mettre en oeuvre le projet adopté sera
confiée spécialement à une commission nationale et
à des comités locaux. Ces organismes auront un rôle
déterminant à jouer non seulement quant aux démarches
à accomplir, mais aussi quant aux ressources de soutien à assurer
et quant à l'esprit qui doit animer toute l'entreprise. Sur tout ce qui
peut éclairer et faciliter cette tâche, je serai
particulièrement heureux d'accueillir les suggestions que voudront
formuler tous ceux que s'apprête maintenant à recevoir cette
commission parlementaire.
En conclusion, je voudrais affirmer à nouveau que les trois
convictions que j'ai exprimées, nous pouvons tous les observer à
l'oeuvre dans le mouvement qui porte et anime l'ensemble du projet
proposé maintenant à l'adoption de l'Assemblée nationale.
Je forme le voeu que les débats conduits dans cette dernière
étape s'inscrivent dans le même mouvement et qu'ils mènent,
dans un esprit d'ouverture et de résolution à la fois, au pas
décisif qu'il nous est possible de franchir.
Une école éducative, humaine, attentive aux besoins des
enfants, une école capable de favoriser les apprentissages, de
définir et de poursuivre un projet éducatif de qualité
centré sur les enfants et bien enraciné dans la
communauté; une école dont l'ensemble des agents collaborent
à une même oeuvre et s'efforcent de créer un milieu
où il fasse bon vivre et apprendre, n'est-ce pas ce que nous voulons
tous? Et n'est-ce pas ce qui nous indique sans l'ombre d'un doute qu'on ne se
trompe pas en voulant faire de l'école le pivot du système
scolaire? Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le ministre.
M. le député d'Argenteuil, vous avez la parole.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Merci, M. le Président. Dès le
début des travaux de la commission parlementaire permanente de
l'éducation qui est chargée d'examiner les vues de la population
québécoise sur le projet de loi 40, je voudrais féliciter
les organismes du milieu de l'effort considérable de recherche et de
réflexion auquel ils se sont livrés en guise de
préparation aux séances publiques de la commission
parlementaire.
Mes collègues et moi-même avons lu avec beaucoup
d'intérêt et de profit les quelque 250 mémoires soumis
à notre attention. Nous y avons trouvé une connaissance
vécue des problèmes scolaires, une accumulation d'expertises
pédagogique, administrative et professionnelle, une recherche de
réalisme et d'équilibre, un souci, enfin, du bien de l'enfant, de
la famille et de l'école dont nous avons lieu d'être fiers comme
collectivité. Un journaliste écrivait en fin de semaine que, de
tous les sujets susceptibles de nous passionner, l'éducation est encore
celui qui nous fait réagir le plus spontanément et je dirais
peut-être aussi de la manière la plus intéressée.
À travers toutes les déceptions que nous avons connues ces
dernières années, il y a là de quoi nous encourager
à poursuivre avec optimisme notre recherche d'un destin collectif sans
cesse meilleur.
De tous les biens que les sociétés modernes mettent
à la disposition de leurs membres, il n'en est pas de plus fondamentaux
ni de plus productifs en longue période que ceux qui se rattachent au
système d'enseignement. Les sociétés qui veulent
progresser au plan économique doivent investir
généreusement dans la formation sans cesse renouvelés
d'une main-d'oeuvre souple et compétente. Les sociétés qui
veulent s'assurer un avenir solide et créateur, non seulement au plan
politique, mais aussi aux plans social, culturel et moral, doivent fournir
à leurs citoyens, par l'entremise d'un système d'enseignement
dynamique, une préparation appropriée en vue des tâches de
la vie professionnelle et des défis de la vie familiale, civique,
politique et religieuse.
Dans son rapport récent sur le déclin de l'enseignement
public aux États-Unis, rapport intitulé "A Nation at Risk", la
commission nationale sur l'excellence en éducation, créée
par le président Reagan, tire deux conclusions majeures. Elle constate
d'abord que la qualité générale du système
d'enseignement américain a connu une diminution inquiétante,
d'où elle conclut qu'en raison de leurs performances médiocres
dans le domaine de l'éducation, les États-Unis sont maintenant
menacés de perdre la place dominante qu'ils ont occupée dans les
affaires mondiales au cours de la dernière génération. La
commission conclut ensuite qu'il n'y a pas d'autre voie vers l'excellence pour
une nation que la poursuite incessante des normes les plus
élevées dans le domaine de l'éducation. "La connaissance,
l'étude, l'information, le perfectionnement de l'esprit, écrit la
commission d'enquête américaine, sont les nouvelles
matières premières sur lesquelles se fondent désormais les
échanges entre les peuples. Elles connaissent aujourd'hui une diffusion
aussi fulgurante que celle que connurent naguère les nouveaux
médicaments miracle, les fertilisants synthétiques et les "blue
jeans". Ne serait-ce que pour conserver et améliorer la marge
ténue dont nous disposons encore sur les marchés internationaux -
c'est toujours la commission d'enquête américaine qui parle - nous
devrons nous consacrer à la réforme de l'éducation pour
tous, pour les jeunes et les vieux, pour les riches et les pauvres, pour la
majorité autant que pour la minorité. L'acquisition des
connaissances, voilà l'indispensable investissement dont nous avons
besoin pour réussir dans l'âge nouveau de l'information où
nous entrons." (12 heures)
La Commission nationale sur l'excellence en éducation refuse
toutefois de limiter ses horizons aux seules questions du commerce et de
l'industrie. Elle embrasse aussi les lignes de force intellectuelles, morales
et spirituelles du peuple américain, lesquelles, et je cite de nouveau
la
commission, "sont le tissu même de notre société. Le
peuple américain doit savoir ceci: les personnes dépourvues du
niveau de développement, de connaissances et de culture essentiel
à notre époque ne se verront pas seulement refuser les avantages
matériels qui sont le corollaire de la compétence
professionnelle, elles seront aussi incapables de participer pleinement
à la vie nationale. Aussi, un niveau élevé de
participation aux bienfaits de l'éducation est-il essentiel au
fonctionnement d'une société libre et démocratique, et
à la promotion d'une culture commune à tous les citoyens et ce
particulièrement dans une société qui s'enorgueillit de la
place centrale qu'elle accorde au pluralisme et à la liberté
individuelle".
Parce qu'il a compris depuis longtemps l'importance capitale de
l'éducation pour l'avenir du peuple québécois, le Parti
libéral du Québec a été à l'origine de la
plupart des changements apportés à notre système
d'enseignement depuis le début du XXe siècle. À une
époque plus récente, on lui doit particulièrement la
démocratisation et la modernisation du système d'enseignement du
Québec, lesquelles furent effectuées avec audace et courage par
le gouvernement Lesage au début des années soixante. Le
développement de l'enseignement secondaire et collégial public;
la gratuité de l'enseignement à ces deux niveaux; le
développement de l'enseignement universitaire; la multiplication
phénoménale des effectifs étudiants aux niveaux
secondaire, collégial et universitaire; la syndicalisation
généralisée des personnels enseignants et
l'amélioration considérable des conditions de travail dans ce
secteur; le développement de l'éducation des adultes à
tous les niveaux; autant de progrès qui tirent leur origine de
l'élan inspiré et des postulats posés dans le secteur de
l'éducation par la révolution tranquille.
En raison de l'intérêt très vif que nous avons
toujours porté à l'éducation, nous du Parti libéral
du Québec avons suivi de manière très active les
débats qui ont entouré le projet de réforme des structures
de l'enseignement primaire et secondaire et ce dès avant la publication
du livre blanc de juin 1982 sur l'école communautaire et responsable.
Dès les mois qui précédèrent la publication du
livre blanc, une commission spéciale de notre parti, que dirigeaient M.
Henri-François Gautrin et le député de
Marguerite-Bourgeoys, M. Lalonde, effectuait une tournée du
Québec afin de sonder le pouls de la population à ce sujet.
À l'issue de son travail, la commission spéciale publiait un
rapport qui a largement servi d'inspiration aux orientations que nous avons
défendues depuis ce temps. Toutes les étapes qui ont suivi la
publication du livre blanc ont été l'objet d'une attention suivie
de la part de notre formation politique. Chaque fois qu'il le fallait, nous
sommes intervenus avec vigueur et clarté, mais autant que possible sans
partisanerie et surtout en évitant de verser dans les procès
d'intention et les querelles stériles de personnalité.
Vu l'importance souveraine que nous attachons à
l'éducation, vu le rôle capital du système d'enseignement
dans la formation et la transmission des valeurs fondamentales qui permettent
l'existence dans notre société d'un consensus transcendant les
divergences culturelles et religieuses et les oppositions partisanes, il eut
été souhaitable, à mon point de vue, qu'une réforme
comme celle que veut engager le gouvernement avec le projet de loi 40 donne
lieu, comme cela arrive assez souvent à l'Assemblée nationale,
à un consensus large entre les partis politiques.
À une période où les assises mêmes de notre
société ont été plus souvent qu'à leur tour
ébranlées et où nous paraissons plus incertains que jamais
au sujet de notre avenir collectif, un consensus ferme autour des
finalités et des structures de l'enseignement primaire et secondaire eut
été de la part de notre société un signe
encourageant de cohésion. Nous avons travaillé, quant à
nous, à faciliter un tel consensus en mettant l'accent dans nos
interventions sur les aspects positifs. Mais, à moins que ne se produise
un changement de cap important du côté gouvernemental, tel ne
paraît pas être la direction dans laquelle nous nous orientons.
En tout premier lieu, le contexte actuel n'est guère propice
à une réforme d'envergure comme celle que propose le ministre de
l'Éducation. De l'avis général, les milieux
concernés, le monde de l'éducation n'a pas encore fini, loin de
là, de diriger les effets des soubresauts très importants
survenus depuis quelques années dans ce secteur. On commence à
peine l'implantation des nouveaux régimes pédagogiques et des
nouveaux programmes. On tente encore, tant bien que mal, de réparer les
effets souvent dévastateurs des coupures budgétaires chez les
enseignants qui demeurent les premiers artisans du système
d'enseignement. L'impact des décrets imposés l'an dernier, de
manière autoritaire et unilatérale par le gouvernement
s'avère si lourd que le ministre de l'Éducation s'est vu
obligé récemment de solliciter à ce sujet l'intervention
spéciale du Conseil supérieur de l'éducation. Ce n'est
d'ailleurs que dans quelques mois que nous saurons à quel degré
la qualité de l'enseignement a pu être affectée par l'effet
des coupures et des décrets.
Que le gouvernement veuille entreprendre dans un contexte aussi
difficile une réforme dont le succès dépendra
inexorablement de la collaboration entre les partenaires et de l'esprit de
confiance qui
existera entre eux voilà qui tient soit de l'illusion, soit du
caprice, soit de l'entêtement mais sûrement pas d'une vue
pondérée et réaliste des choses. C'est d'ailleurs
là l'une des principales critiques que l'on a adressées à
partir des sources les plus diverses au livre blanc sur l'école
communautaire et responsable. Sur la base d'observations individuelles
glanées ici et là, les auteurs de ce document ont dressé
de toute pièce une problématique artificielle qui apparaît
beaucoup plus comme une construction de l'esprit que comme un portrait
fidèle de la réalité. Il n'est pas étonnant
qu'à partir d'une base aussi contestable ils aient été
amenés à concevoir pour l'école de demain
l'échafaudage branlant et incertain que décrit le projet de loi
40.
En second lieu, il importe de signaler l'absence de tout consensus le
moindrement substantiel autour des propositions mises de l'avant par le
ministre de l'Éducation. J'écoutais le ministre tantôt
parler des convergences plus fortes que jamais qu'il croit observer. Au niveau
de la stratosphère c'est peut-être un fait, la stratosphère
où lui-même semble évoluer plus souvent qu'autrement. Je
crois que s'il a lu attentivement les mémoires qui ont été
soumis à cette commission et dont nous aurons l'occasion de prendre
connaissance, c'est là une observation qui est hautement contestable. La
très grande majorité de ces mémoires remettent en effet en
cause, l'une ou l'autre des orientations jugées fondamentales par le
ministre de l'Éducation. Dans l'état actuel des choses, le projet
ministériel n'est l'objet d'aucun consensus. Il oppose plutôt le
gouvernement à la population et surtout au milieu
d'éducation.
S'il ne s'agissait que de regrouper les commissions scolaires afin
qu'elles puissent dispenser de manière intégrée
l'enseignement primaire et secondaire, s'il ne s'agissait que de réduire
le nombre des commissions scolaires de manière à les ramener
à un nombre plus raisonnable, il s'agirait certes d'une
réalisation très importante qui requerrait un temps et une
attention considérables. Mais le concours actif des milieux
intéressés et du public serait à tout le moins largement
assuré. La séparation des commissions scolaires en celles qui
dispensent l'enseignement secondaire et d'autres qui dispensent l'enseignement
primaire est en effet un mode d'organisation dépassé. Le
regroupement des commissions scolaires est non seulement souhaitable mais
inévitable. Ces objectifs ne sont pas les objectifs principaux du projet
gouvernemental. Ce qui caractérise le projet - à cet égard
il y a un certain accord entre des choses que disait le ministre tantôt
et ce que nous constatons -de loi 40 ce sont les changements majeurs qu'il
voudrait instaurer dans le statut et le rôle respectif de la commission
scolaire et de l'école ainsi que les changements qu'il veut introduire
à l'intérieur même de l'école dans les rapports
entre les principaux agents de l'éducation. Là, réside
l'essentiel du projet de loi 40 c'est sur cela, qu'il faut le juger.
Nous sommes d'accord comme la très grande majorité des
intervenants dans ce débat sur la nécessité de donner une
plus large responsabilité à l'école et de renforcer le
rôle indispensable des parents dans le système d'enseignement.
Nous sommes disposés à appuyer toutes les mesures
concrètes et raisonnables visant à promouvoir ces objectifs.
L'école, avais-je signalé dans un rapport que je soumettais
à notre formation parlementaire en novembre 1982, est l'incarnation
première du système d'enseignement sous l'angle du service
à la population. Elle est l'institution de base par laquelle les
services éducatifs atteignent quotidiennement la population parce que
ses tâches concrètes sont multiples et difficiles et que les
situations pratiques varient beaucoup d'un milieu à l'autre parce que,
dans tous les domaines, on éprouve aujourd'hui le besoin de redonner les
responsabilités plus authentiques à la base et l'école
doit jouir d'une saine autonomie et d'une marge de manoeuvre
élevée dans la poursuite de son projet éducatif et la
gestion de ses ressources humaines, financières et
matérielles.
Au sujet du rôle des parents, on pouvait trouver dans le
même rapport les observations suivantes: "à titre de premier
responsable de l'éducation de leurs enfants, les parents ont un
rôle indispensable à remplir dans la vie de l'école. Ils
ont intérêt à s'impliquer dans la vie de l'école.
Ils ont aussi, à cet égard, des titres de compétence
incontestables qui leur viennent de leur mission de parents et de
l'expérience éducative acquise au sein de la famille ainsi que de
la connaissance directe et quotidienne qu'ils ont de leurs enfants. Les parents
ont été associés depuis plus de 20 ans d'une
manière grandissante au travail de l'école. Il faut maintenir et
renforcer les structures qui ont permis cette participation accrue."
Ces vues que j'énonçais, il y a plus d'un an, furent
approuvées par le groupe parlementaire libéral et, ensuite, par
le conseil général du Parti libéral du Québec.
Elles sont toujours celles de notre parti. Nous adhérons fermement, en
conséquence, au double objectif de la valorisation du rôle des
parents et de la responsabilisation de l'école. Mais autant nous
étions et demeurons d'accord sur les objectifs fondamentaux que le
gouvernement met de l'avant, autant nous n'avons cessé de souligner que
ces objectifs ne sauraient être promus au mépris ou dans l'oubli
de certains autres éléments tout aussi essentiels à la
santé et à la bonne marche du système d'enseignement. Avec
son projet
de réforme, le gouvernement, au nom d'objectifs nobles, risquait,
avons-nous signalé dès le début du débat, de semer
la pagaille dans le système d'enseignement. Nous l'avons prévenu,
dès la publication du livre blanc, des dangers que présentait son
projet. De très nombreux organismes l'ont aussi fait de leur
côté.
Nous avions espéré que le débat qui suivit la
publication du livre blanc exercerait une influence salutaire sur la politique
du gouvernement. De fait, le gouvernement a sans doute apporté un
certain nombre de changements au projet que le livre blanc mettait de l'avant,
il y a 18 mois. Mais à peu d'exceptions près - et le ministre l'a
confirmé tantôt - l'économie générale du
projet gouvernemental est demeurée la même. Aussi, nos raisons de
nous opposer au projet du gouvernement sont-elles aussi fortes aujourd'hui
qu'au lendemain de la publication du livre blanc.
Dans un débat aussi fondamental, il importe que les positions des
uns et des autres soient clairement connues. Aussi, avant d'indiquer en quoi le
projet de loi reste inacceptable, je voudrais indiquer la manière dont
nous, au Parti libéral du Québec, concevons l'aménagement
des structures scolaires dans notre société. Notre conception
gravite autour de huit propositions principales.
Il faut d'abord que le système d'enseignement appartienne
à la communauté et soit placé sous la
responsabilité d'organismes publics composés de membres
démocratiquement élus par la population. Je rappellerai plus loin
qu'il doit y avoir une place légitime dans l'enseignement pour les
institutions privées. Il n'en reste pas moins que l'enseignement
primaire et secondaire doit d'abord et principalement être public. Il
doit être accessible à tous et il doit être placé
sous la responsabilité de personnes détenant un mandat de la
population et responsables à cette dernière. (12 h 15)
En second lieu, il faut, au sommet du système, une
autorité politique. Cette autorité, ce doit être un
ministre de l'Éducation investi à cette fin de pouvoirs
appropriés. La création du ministère
québécois de l'Éducation remonte au gouvernement Lesage et
à la révolution tranquille. Avec la commission Parent, elle fut
le double détonateur qui entraîna la réorganisation en
profondeur du système d'enseignement québécois. Nous ne
renions pas cet héritage. Bien au contraire, nous en sommes fiers. Comme
nous acceptons le principe d'un ministère de l'Éducation, nous
voulons aussi que ce ministre soit investi de l'autorité dont il a
besoin pour s'acquitter efficacement de sa tâche. Nous refusons cependant
que le ministre de l'Éducation exerce sur l'ensemble du système
d'enseignement une autorité tentaculaire, omniprésente et sans
cesse croissante. Nous voulons au contraire que les pouvoirs du ministre de
l'Éducation soient nettement circonscrits par la loi,
conformément aux perspectives que laissait entrevoir à cet
égard le livre blanc. Nous voulons aussi qu'un redressement
s'opère dans le sens d'une véritable décentralisation des
pouvoirs présentement détenus et exercés de manière
trop souvent écrasante par le ministère de
l'Éducation.
En matière d'enseignement, le peuple québécois
aurait pu opter pour la tradition fortement centralisatrice qui a cours depuis
longtemps en France. Il aurait pu opter en faveur d'un système à
l'intérieur duquel le ministre aurait été le
dépositaire de tous les pouvoirs et où tous les artisans auraient
été des fonctionnaires dépendant de près ou de loin
de l'autorité du ministre. Dans ce domaine, comme dans plusieurs autres,
notre peuple a plutôt opté pour la tradition
anglo-américaine, laquelle maintient entre le gouvernement et la
population, dans le domaine de l'éducation, une structure
intermédiaire de décision munie d'un mandat politique de la
population et investie d'un pouvoir réel de direction sur les services
de l'enseignement dispensé à l'intérieur de son
ministère. Cette structure intermédiaire, c'est au Québec
la commission scolaire, considérée jusqu'à
récemment comme un véritable gouvernement local en matière
d'éducation. Depuis plus d'un siècle, la commission scolaire fait
partie du système politique québécois. Elle a sans doute
perdu des plumes depuis l'avènement du ministère de
l'Éducation. Elle demeure néanmoins un élément
important de notre vie collective. Tandis que certains voudraient s'en
débarrasser, d'autres, dont nous sommes, veulent plutôt faire en
sorte qu'elle puisse continuer longtemps de servir la communauté
québécoise de façon responsable.
Il ne suffit pas que les commissions scolaires existent sur papier. Si
leur existence doit avoir un sens, il faut que les commissions scolaires aient
la responsabilité réelle de la qualité des services
publics d'enseignement dispensés sur leur territoire respectif. Elles
doivent posséder à cette fin et les pouvoirs voulus pour agir et
les moyens nécessaires pour soutenir leurs interventions.
Les commissions scolaires, suivant notre tradition
québécoise, ont été formées de membres
élus par suffrage universel à partir d'unités
géographiques de représentation que définissait la loi.
Ces unités étaient et demeurent de nature territoriale;
c'était tantôt la circonscription, le quartier, le district et
c'étaient des unités territoriales. Ce principe doit demeurer. Il
doit aussi signifier, qu'au mandat reçu du peuple par les commissaires,
doivent s'ajouter une
autorité correspondante et des pouvoirs de décision qui ne
peuvent en définitive qu'être attribués aux
détenteurs du mandat démocratique donné par les
citoyens.
Les commissaires d'écoles, en contrepartie, ont l'obligation de
s'appuyer pour agir sur le concours actif de tous les agents de
l'éducation. Élèves, enseignants, parents, professionnels
non enseignant, personnel technique et de soutien, administrateurs scolaires,
corps intermédiaires, autorités municipales et provinciales,
citoyens ordinaires, tous ont intérêt à ce que les
investissements faits par la communauté dans l'éducation soient
gérés de la manière la plus efficace. Sous des formes
répondant à l'apport propre de chacun, tous doivent trouver le
moyen de participer à l'action quotidienne et au fonctionnement du
système d'enseignement. Le système est la propriété
de personne en particulier mais la propriété de tous. Tous
doivent trouver leur mot à dire dans sa bonne marche.
La forme première d'intervention du système d'enseignement
dans la société est l'école. L'école est un
véritable creuset social et culturel. Tout le monde y passe. Elle est la
fenêtre ouverte du système d'enseignement sur la communauté
locale. Après avoir été très longtemps une
institution purement locale, l'école a attendu d'être
perçue davantage à mesure que se développaient les rouages
de notre société comme un élément à
l'intérieur d'un système beaucoup plus large où
l'autorité supérieure fut trop souvent appelée à
jouer un rôle excessif. À juste titre, on veut aujourd'hui
restituer à l'école sa vocation locale. Encore une fois, nous
souscrivons à cet objectif même si nous doutons de
l'opportunité d'inscrire dans un texte de loi les vues trop uniformes
quant à la manière dont il doit se réaliser.
Au sujet de l'objectif lui-même, deux réserves s'imposent.
Tout d'abord à l'intérieur du système d'enseignement, il y
a de nombreuses fonctions qui ne pourront jamais être accomplies
exclusivement ni même principalement par l'école locale mais qui
exigent et exigeront des interventions à l'échelle beaucoup plus
vaste d'une région. C'est le cas notamment de l'éducation des
adultes, des services spécialisés à l'intention de
l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, l'animation
pédagogique, la gestion du personnel, les politiques d'investissement,
etc.
En second lieu, à l'intérieur même de ses propres
attributions, l'école a besoin et aura besoin dans l'avenir d'être
soutenue, orientée voir au besoin d'être contrôlée et
guidée par une structure plus large et mieux équipée qui
doit nécessairement être la commission scolaire. Il est essentiel
qu'un lien organique clair et fort existe entre l'école et la commission
scolaire. Il ne saurait être question sous quelque prétexte que ce
soit de créer 3000 écoles indépendantes les unes des
autres au Québec. Si jamais un projet de cette nature devait se
réaliser, on peut prédire qu'il en résulterait soit une
diminution considérable de la qualité de l'enseignement, soit une
dépendance de plus en plus poussée des institutions ainsi
atomisées envers le ministère de l'Éducation.
À l'intérieur de l'école, il faut que les
responsabilités soient clairement définies. Le premier agent de
l'éducation, c'est l'élève; il doit être
amené à se prendre en charge le plus possible suivant des
modalités qui varieront évidemment avec les degrés
d'enseignement, mais qui devront privilégier au maximum l'exercice de la
libre association. Après l'élève, l'agent le plus
important, c'est l'enseignant; en classe, où l'élève passe
le plus clair de son temps à l'école, l'autorité ne peut
être que l'enseignant. Il serait irréaliste, par contre,
qu'exerçant en classe une autorité que nul ne lui conteste
sérieusement, l'enseignant soit, pour ainsi dire, assujetti en dehors de
la classe à des structures où il ne serait plus guère
qu'un figurant, qu'un élément infiniment minoritaire, un
exécutant, une voix sans pouvoir réel. Il faut promouvoir la
liberté et la responsabilité de l'enseignant en classe et en
dehors de la classe. Ce n'est pas en écrivant cyniquement que
l'enseignant pourra participer à telle ou telle tâche "s'il le
désire" - c'est le langage du projet de loi 40 - qu'on réglera ce
problème capital.
Les parents, pour des raisons évidentes, ont un
intérêt vital à ce qui se passe à l'école.
Celle-ci est le premier milieu extérieur au foyer dans lequel leur
enfant est appelé à s'intégrer. L'école est,
à cause de cela, surtout au niveau primaire, un véritable
prolongement de la famille. Que les parents veuillent être
associés à la vie de l'école, c'est normal.
L'expérience a d'ailleurs montré, dans des cas très
nombreux, l'utilité indéniable de la participation des parents
à la vie de l'école. Cette contribution est essentielle; elle
demande aujourd'hui à s'élargir, à s'intégrer
davantage dans le processus décisionnel. Cela est parfaitement
compréhensible. Mais les parents, en général, ne demandent
pas le contrôle du pouvoir dans l'école; ils veulent participer
à l'exercice du pouvoir, ce qui est tout autre chose. Le problème
consiste à trouver l'équation souple qui leur permettra de le
faire sans mettre en danger le rôle non moins essentiel des autres agents
de l'éducation.
Pour l'ensemble de l'école, il faut une tête, une
direction. On doit envisager de plus en plus des mécanismes
collégiaux pour l'exercice de l'autorité. Mais cela n'effacera
jamais le besoin d'une autorité qui s'identifie
clairement dans une fonction et une personne déterminées.
À l'école, cette personne, cette fonction, c'est le directeur
d'école. En vertu de la loi 71 de 1979, le directeur d'école est
actuellement investi de plusieurs pouvoirs et attributions définis dans
la loi. Mais il est nommé, révoqué, muté ou promu
par la commission scolaire. Et toujours selon les dispositions de la loi 71, le
directeur d'école exerce ses attributions - et là, je cite le
texte de la loi 71 - "sous l'autorité du directeur général
de la commission scolaire". Ainsi sont assurés à la fois
l'unité de l'autorité, laquelle est essentielle à la bonne
marche de l'école, et le rattachement organique des écoles
à la commission scolaire, lequel est essentiel au bon fonctionnement de
l'ensemble du système d'enseignement.
Le système public met à la disposition de la population
des écoles qui doivent, par définition, être publiques,
c'est-à-dire ouvertes à tout le monde. Il serait plus facile et
peut-être plus logique d'assurer ce caractère de l'école en
faisant abstraction des différences que l'on observe chez les citoyens
en matière d'option religieuse et de culture. La tradition
québécoise a cependant voulu jusqu'à maintenant qu'au lieu
de faire abstraction des options religieuses et des différences
linguistiques, le système d'enseignement les assume positivement, tout
en respectant les droits fondamentaux de tous. Aussi longtemps que notre
société fut homogène, cette politique allait pour ainsi
dire de soi. Aujourd'hui que les options spirituelles sont de plus en plus
diversifiées et que la composition culturelle de la population s'ouvre
à des apports extérieurs de plus en plus variés, de
nombreux problèmes surgissent toutefois à l'intérieur du
système. Comme législateurs, nous avons le devoir d'être
conscients de ces problèmes et d'y apporter des solutions conformes aux
meilleures exigences de la démocratie et de la justice. Je me contente
de noter pour l'instant, et jusqu'à preuve du contraire, que je ne vois
pas comment un système qui permet et respecte l'expression des croyances
religieuses à l'école serait moins démocratique qu'un
système qui prétendrait les exclure de l'école. À
prime abord, la première voie me paraît même beaucoup plus
conforme que la seconde au principe fondamental de la liberté
d'expression.
À la lumière des objectifs qui viennent d'être
évoqués, nous avons scruté attentivement du
côté de l'Opposition le projet de loi 40, dans l'espoir d'y
trouver des éléments vraiment neufs qui l'auraient rendu plus
acceptable que le livre blanc de juin 1982 sur l'École communautaire et
responsable. Nous avons au contraire trouvé dans le projet de loi la
présence de la plupart des éléments qui faisaient du livre
blanc un document inacceptable. On a effectué de nombreux changements de
détail à divers endroits et le ministre en a annoncés
d'autres ce matin. Mais les vices structurels qui caractérisaient le
document de juin 1982 sont toujours présents dans le projet de loi 40.
Permettez que je les signale rapidement.
Premièrement, tandis que le gouvernement occupe depuis des mois
le monde de l'éducation à discuter interminablement des rapports
entre l'école et la commission scolaire et du rôle de chaque agent
éducatif à l'intérieur de l'école, la trame de fond
du projet de loi 40 est tout autre. Le discours politique du gouvernement parle
de décentralisation, de responsabilisation de l'école. Mais, en
réalité, le projet de loi 40 tend vers une centralisation plus
forte du pouvoir au profit du ministre de l'Éducation, de ce même
ministre dont le livre blanc disait, il y a un an et demi, qu'il fallait le
délester d'une bonne partie de ses devoirs actuels.
La tendance centralisatrice du projet de loi est inscrite dans la
logique même du texte du document. Chaque fois que le gouvernement
enlève un pouvoir à la commission scolaire sous prétexte
de le donner à l'école, il tend en effet à multiplier des
situations de conflit ou de dépendance où le gouvernement sera
lui-même appelé, tôt ou tard, à intervenir plus
directement qu'aujourd'hui. Le projet de loi propose une atomisation du
système d'enseignement. La phase suivante consistera logiquement
à resserrer le lien de dépendance rattachant chaque unité
au centre même du système. Cet aboutissement logique a d'ailleurs
été clairement perçu et dénoncé par un grand
nombre d'organismes qui se présenteront devant la commission
parlementaire. (12 h 30)
II faut, en outre, étudier chaque article du projet de loi pour
discerner que, loin de réduire les pouvoirs du ministre, il tend au
contraire à les augmenter. Les articles où il est question des
pouvoirs du ministre sont très nombreux. On en compte plus de 80.
À peu près nulle part, on ne trouve d'articles entraînant
une réduction significative des pouvoirs du ministre. À de
nombreux endroits, par contre, on trouve des articles visant à renforcer
les pouvoirs du ministre ou à lui en conférer de nouveaux. Et
nous aurons amplement l'occasion d'en faire la preuve au cours des
débats des prochaines semaines. Force est de conclure, à l'examen
du projet de loi 40 sous l'angle de la décentralisation des pouvoirs du
ministère de l'Éducation, que la montagne a accouché d'une
souris. Le danger d'une centralisation accrue est plus fort que jamais. Il
constitue même le vice central de tout le projet gouvernemental.
Le deuxième objet de critique: la
composition, le rôle et les pouvoirs des commissions scolaires
sont définis d'une manière si boiteuse dans le projet de loi 40
qu'on se demande qui voudra à l'avenir s'engager à servir
à ce niveau. À travers les formules alambiquées que l'on
trouve un peu partout dans le texte du projet de loi, celui-ci tend
inexorablement vers l'affaiblissement radical des commissions scolaires. Une
fois réalisée cette première étape,
l'élimination définitive des commissions scolaires
souhaitée d'ailleurs dans le programme politique du Parti
québécois ne sera plus qu'une question de temps.
En ce qui touche la composition des commissions scolaires, le livre
blanc proposait l'abolition du suffrage universel en ce qui touche le choix des
commissaires. Le suffrage universel était remplacé par une
formule pseudo-fédérative où la commission scolaire devait
être composée de représentants des conseils d'école
en plus de quelques représentants des municipalités et d'un
représentant des institutions privées. Cette formule donna lieu
à un rejet très général. Obligé par
l'opinion de revenir au principe du suffrage universel, le parrain du projet de
loi a imaginé à cette fin un mode de représentation qui ne
satisfait pas davantage le milieu concerné et les amis de la
véritable démocratie. L'élection d'un commissaire par
école entraînerait des disparités de représentation
inacceptables au niveau de la commission scolaire. Elle créerait aussi
des problèmes fort difficiles au chapitre de l'organisation pratique.
Nous refusons ce mode de représentation parce qu'il nous apparaît
irréaliste et peu démocratique.
En ce qui touche les fonctions et les pouvoirs des commissions
scolaires, le projet de loi 40 souffre d'un vice majeur. Tandis qu'il
crée l'impression de préserver, en bonne partie, la fonction
administrative des commissions scolaires, il ampute ces dernières de la
plupart des responsabilités pédagogiques qui leur incombent
présentement. Ainsi, l'application des régimes
pédagogiques jusqu'à maintenant attribuée à la
commission scolaire est transférée globalement et sans nuance
à l'école; il n'est plus question d'une responsabilité
propre des commissions scolaires à cet égard. À toutes
fins utiles, il en est de même de l'évaluation, des
apprentissages, de l'intégration de l'enfance en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage, des modalités de passage du primaire au
secondaire, du choix des méthodes pédagogiques et des manuels. La
commission scolaire se voit attribuer en ces matières, quand on daigne
seulement la mentionner, un vague rôle de planification et de soutien.
Nulle part, il n'est clairement établi dans le projet de loi qu'elle
devra exercer une autorité véritable. Le plus grave de tout,
c'est sans doute l'abolition ou à tout le moins l'amenuisement radical
du lien organique entre l'école et la commission scolaire. Le rôle
pédagogique de la commission scolaire envers l'école est
ramené à une fonction de soutien à laquelle ne se rattache
aucune autorité propre. L'école se voit attribuer des
responsabilités très étendues en matière
pédagogique. Il n'est nulle part indiqué qu'elle devra
s'acquitter de ses responsabilités sous l'autorité et la
surveillance de la commission scolaire.
Nulle part cette ambiguïté n'est-elle plus évidente
que dans les articles du projet de loi qui traitent du directeur
d'école. Celui-ci est "choisi", dit le projet de loi, par la commission
scolaire, mais il est en réalité nommé par la commission
scolaire et choisi par un organisme où le conseil d'école est
majoritaire. La commission scolaire n'a plus aucune autorité sur le
directeur d'école. Celui-ci relève désormais du conseil
d'école. Mais, à supposer que le directeur ne fasse plus
l'affaire de l'école, là, l'école le renvoie à la
commission scolaire et cette dernière a l'obligation de l'affecter
ailleurs. Nous étions familiers depuis quelques années avec la
technique du "bumping". Il faudra s'habituer désormais à la
technique du dumping.
Contrairement aux stipulations du projet de loi 40, nous tenons à
conserver les commissions scolaires comme élément clé du
système public de l'enseignement, mais nous ne voulons pas des
commissions scolaires émasculées et desséchées que
propose le projet de loi 40.
Troisièmement, en raison du rôle qui lui revient et encore
davantage de celui que voudrait lui attribuer le projet de loi 40,
l'école dont rêve le ministre de l'Éducation doit
être l'objet d'un examen attentif. Bon nombre des propositions contenues
dans le projet de loi à ce sujet ne résistent guère
à un examen sérieux.
Tout d'abord, les fonctions et les pouvoirs de l'école sont
définis d'une manière ambiguë et trompeuse.
L'énumération qu'on trouve à cet égard dans le
projet de loi impressionne à première lecture, mais, quand on
scrute de près la liste des pouvoirs attribués à
l'école, on constate vite que l'on est en présence de nombreuses
questions qui restent sans réponse. Tantôt, on attribue à
l'école des responsabilités qu'elle ne saurait exercer seule,
parce qu'elle n'en a ni la compétence, ni les moyens, tantôt, on
lui propose des tâches qui devront être accomplies sous l'empire de
contraintes définies au niveau du ministère de
l'Éducation. Il faut réviser très soigneusement le partage
des fonctions entre l'école et la commission scolaire, entre le conseil
d'école et le directeur d'école, entre la direction de
l'école et les enseignants.
La structure d'autorité que le projet de loi propose d'instituer
à l'intérieur de l'école
n'est pas davantage satisfaisante. Un conseil d'école à
composition majoritairement parentale et jouissant de pouvoirs très
étendus serait une source perpétuelle de tensions entre le
conseil d'école et le directeur d'école et aussi entre le conseil
d'école et le personnel enseignant. Il est inconcevable que l'on veuille
imposer une formule semblable dans toutes les écoles du Québec,
alors que l'on n'en a nulle part fait l'expérience véritable et
concluante.
Pour montrer comment les vues du côté gouvernemental
peuvent être peu fiables à ce sujet, il faudrait rappeler que,
dans le programme politique du Parti québécois, il était
question de constituer un conseil d'école, mais, on disait encore, dans
la dernière version de ce document qui remonte à 1982, que le
conseil d'école devrait être composé, sur une base
paritaire, d'un nombre égal de représentants des parents et des
enseignants au niveau primaire et d'un nombre égal de
représentants des parents, des enseignants et des élèves
au niveau secondaire. Ce n'est pas du tout ce qu'on trouve dans le projet de
loi. C'est une tout autre conception.
Dans l'échafaudage de structures qu'il voudrait imposer partout,
sans expérimentation préalable, encore une fois, le gouvernement
ne fait à peu près jamais de distinction entre l'école
primaire et l'école secondaire. Il ne saurait être question pour
des personnes sérieuses d'imposer le même modèle
d'organisation à des écoles primaires dont la majorité
compte entre 200 et 300 élèves et à des écoles
polyvalentes où l'on trouve de 1500 à plus de 3000
élèves. C'est pourtant ce que le gouvernement envisage de faire
avec le projet de loi 40.
Quatrièmement, à voir agir le gouvernement depuis un an et
demi dans le secteur de l'éducation, j'ai acquis l'impression qu'il
s'est trop souvent laissé guider par des perceptions erronées en
ce qui touche le rôle respectif des parents et celui des enseignants. Au
sujet des premiers, le gouvernement se nourrit d'un idéalisme abstrait;
au sujet des seconds, il se nourrit au contraire de mauvais souvenirs et de
préjugés.
Au niveau des commissions scolaires, la preuve a été faite
que la très grande majorité des commissions scolaires sont
déjà composées, dans une proportion de 70% et plus, de
parents qui ont des enfants dans les écoles de la commission scolaire
où ils sont commissaires. En quoi des changements radicaux comme ceux
que propose le gouvernement concernant la composition des commissions scolaires
pourraient-ils améliorer la situation à cet égard?
Qu'est-ce qui empêche les parents intéressés de se porter
candidats aux élections scolaires et de s'y faire élire?
Au niveau de l'école, surtout de l'école
élémentaire, la preuve est aussi faite qu'une étroite
participation des parents à la vie de l'école est bienfaisante,
voire indispensable. À juste titre, les parents ont maintes fois
souligné qu'ils voudraient être associés au processus
décisionnel. Cette attente est légitime dans la mesure où
elle respecte la différenciation normale des rôles à
l'intérieur de l'école. Elle devient éminemment
contestable si elle va jusqu'à exiger, comme le fait le projet de loi
40, que le contrôle de l'école loge, à toutes fins utiles,
entre les mains des parents. Je signale d'ailleurs à cet égard
que le projet de loi 40 va beaucoup plus loin que ce qu'avaient indiqué
les consultations qui suivirent la publication du livre vert il y a quelques
années et précédèrent la publication du livre
orange. Une rigidité excessive, une uniformité trop
précise ne sauraient être recommandables en ces choses. C'est
pourtant cette voie que retient le gouvernement, contre toutes les indications
du réalisme.
En ce qui touche les enseignants, le projet de loi 40 procède de
conceptions qui ne sont rien de moins qu'insultantes pour les membres de cette
profession. Prétendant définir l'action professionnelle de
l'enseignant dans l'école, le projet de loi le fait d'une manière
fort incomplète, sans tenir compte de ce qui est souvent
déjà inscrit dans les conventions collectives. Quant au corps
enseignant comme tel, il doit se contenter d'une représentation nulle au
sein de la commission scolaire, d'une représentation très
minoritaire au sein du conseil d'école et, pour le reste, d'un
comité pédagogique démuni de tout pouvoir. Dans le choix
des enseignants qui siégeront au conseil d'école, on prend en
outre le soin de s'assurer que le syndicat qu'il y représente sera exclu
du processus. Sur ces deux aspects majeurs de la réforme des structures
scolaires, soit le rôle et la place des parents et des enseignants, le
gouvernement devra réviser ses positions.
Au chapitre de la confessionnalité, les aménagements
proposés dans le projet de loi sont, à première vue,
attrayants. Ils risquent toutefois de donner lieu dans la pratique à des
difficultés nombreuses. Je vois mal, pour ma part, toutes ces questions
concernant la présence des valeurs religieuses à l'école
se réglant uniquement entre l'école et les comités
confessionnels, c'est-à-dire par-dessus la tête de la commission
scolaire, laquelle n'aurait aucun rôle à jouer dans le processus,
selon le projet de loi. Il me semble que ce n'est pas là la bonne
manière d'en arriver à des agencements harmonieux et
économiques des ressources dont nous disposons et ce, en
conformité avec les voeux et les besoins de la population.
Au plan des principes, deux questions de fond semblent avoir
été escamotées. Tout d'abord, si les catholiques - je
prends ce
groupe comme exemple et non pas du tout à l'exclusion des autres
- en raison de notre tradition propre et de notre conception de la
démocratie, doivent conserver une sorte de droit collectif à des
écoles confessionnelles, comment peut-on décider que l'exercice
de ce droit sera conditionné au plan local par l'obtention d'une
majorité qui risque d'être parfois artificielle, équivoque
et éphémère? Une famille catholique ou protestante
aurait-elle moins de droit à cet égard parce qu'elle aurait
choisi d'habiter dans l'ouest ou dans l'est de la région de
Montréal? Les anglo-catholiques qui comptent pour environ 50% de la
population anglophone ont fait valoir à ce sujet, avec beaucoup de
sérieux, les conditions auxquelles il faudra satisfaire pour que le
projet de réaménagement des commissions scolaires suivant des
lignes linguistiques leur soit acceptable. Leurs inquiétudes sont
partagées par des milliers de parents francophones.
D'autre part, si l'école doit être en même temps
publique et commune, comme le dit le texte du projet de loi, comment peut-on
éviter l'opposition de ceux pour qui l'école ne saurait
être en même temps commune et franchement confessionnelle, sans
porter atteinte à la liberté de conscience des parents qui ne
veulent pas qu'une influence religieuse s'exerce sur leurs enfants à
l'école?
Je ne veux pas multiplier à plaisir les interrogations. Le
problème est déjà suffisamment embrouillé pour
qu'on évite de le compliquer davantage. Comme législateurs, nous
avons néanmoins la grave obligation de faire en ces matières des
choix lucides, justes et pratiques. Je ne voudrais pas, pour ma part,
être complice d'une orientation qui équivaudrait à traiter
les élèves et les parents de manière inégale, selon
qu'ils adhèrent à telle ou telle conception religieuse ou morale.
Je ne voudrais pas davantage être complice d'une orientation qui
entraînerait une érosion progressive de la présence des
valeurs religieuses dans le système d'enseignement
québécois. (12 h 45)
La position de notre groupe politique à ce sujet se veut ouverte
et compréhensive, mais, en même temps, fidèle à
notre tradition historique et positivement respectueuse des valeurs religieuses
et morales. Nous partons du postulat que la liberté de conscience et de
religion doit être respectée, mais, au lieu d'interpréter
ce postulat suivant le mode réducteur qui consisterait, au nom d'une
philosophie laïque intransigeante, à interdire toute
présence explicite de la religion à l'école, nous croyons
que le postulat doit plutôt être interprété d'une
manière positive, c'est-à-dire de façon à donner
aux grandes familles religieuses le maximum de chances d'avoir accès
à des écoles répondant à leurs convictions et
reflétant leurs valeurs propres. Nous sommes d'autre part conscients de
l'extrême complexité des situations concrètes auxquelles
font aujourd'hui face en ces matières les commissaires d'école,
les directeurs d'école et les enseignants. Aussi, est-ce avec un
préjugé favorable envers les écoles confessionnelles, mais
avec un esprit ouvert en ce qui touche certains réaménagements
éventuels, que nous entendons aborder cette partie du débat.
Dans la mesure où des réponses satisfaisantes seront
apportées aux questions qui viennent d'être soulevées, les
réaménagements des commissions scolaires suivant des lignes
linguistiques seraient acceptables, tant du côté protestant que du
côté catholique. Des milieux importants ont cependant
soulevé des objections sérieuses quant à la
validité constitutionnelle du projet de loi gouvernemental.
Il faut regretter que le gouvernement n'ait rien fait au cours des
derniers mois pour chercher à dissiper ce malaise. Il faut
déplorer l'absence totale de dialogue entre le gouvernement et les
milieux intéressés à ce sujet. Serait-il honnête et
réaliste que le gouvernement cherche à implanter son projet avant
que les difficultés constitutionnelles aient été
honnêtement et régulièrement dissipées? Vu le
dossier plutôt négatif du gouvernement en matière de
contestation constitutionnelle devant les tribunaux, on est enclin à
répondre en formulant à l'endroit du gouvernement une mise en
garde sévère.
Enfin, des volets majeurs de la politique d'éducation du
gouvernement sont traités en parents pauvres, quand ils ne sont pas tout
simplement ignorés dans le projet de loi 40. La raison de ces omissions
est très simple: après des années d'attentisme, le
gouvernement n'est pas encore prêt à dévoiler sa politique
dans ces domaines à propos desquels il a pourtant pris des engagements
précis à maintes reprises.
Le secteur qui retient le plus l'attention est celui de
l'éducation des adultes. Après tous les beaux discours du
gouvernement à ce sujet, on pensait que l'éducation des adultes
se verrait accorder, dans le projet de loi, le droit de cité comme
partie intégrante, comme dimension essentielle du système
d'enseignement public québécois. Mais il n'en est rien.
L'éducation des adultes fait si peu partie des préoccupations du
gouvernement qu'il n'en est aucunement question dans les articles 1 à 13
du projet de loi 40 qui définissent les services éducatifs devant
être fournis par le système d'enseignement et dont le ministre
nous disait tantôt qu'ils avaient été
délibérément inscrits en tête de tout le projet de
loi pour montrer l'importance que le gouvernement y attache. On cherche en vain
dans ces articles l'évocation, la dimension capitale de
l'éducation des adultes.
Au chapitre de la gratuité, on avait établi, il y a de
nombreuses années, le principe voulant que l'éducation primaire
et secondaire soit de plus en plus disponible gratuitement pour tous les
citoyens, sans distinction d'âge. Un comité que j'avais l'honneur
de présider, sous les auspices du ministère de la Jeunesse dans
le temps - il y a déjà 20 ans - avait recommandé que ce
principe soit accepté par le gouvernement comme un élément
de base de la politique d'éducation. Or, après les reculs que
nous avons connus à ce sujet au cours des dernières
années, voici que l'article 15 du projet de loi, qui traite de la
gratuité, ouvre la porte à des reculs encore plus importants. Il
ne comporte aucune espèce de garantie ou d'engagement à cet
égard en ce qui touche l'éducation des adultes. À
plusieurs endroits, le projet de loi 40 ouvre aussi la porte à des
délégations de responsabilités qui permettraient de
refiler à des organismes de qualité plus ou moins établie
des responsabilités que la commission scolaire ou l'école ne
voudrait pas assumer en matière d'éducation des adultes. Est-ce
là une manière convenable pour le système public
d'enseignement d'assumer ses responsabilités dans un domaine aussi
vital?
Enfin, contrairement à ce qu'avait suggéré avec
insistance la commission Jean, ni au plan pédagogique, ni au plan
administratif l'éducation des adultes ne se voit-elle garantir la
moindre trace de ce statut distinct, de ces structures propres d'organisation
dont elle a besoin, au jugement de tous les experts, pour s'épanouir
normalement. Il n'est pas davantage question, dans le projet gouvernemental, de
la participation des étudiants adultes aux structures consultatives ou
directionnelles qu'il prétend instituer dans les écoles
publiques.
Les services à l'enfance en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage sont également l'objet d'un traitement très
insatisfaisant dans le projet de loi 40. Au cours des dernières
années, des milliers d'enfants en difficulté d'apprentissage ont
été intégrés dans les classes
régulières sans recevoir en même temps le soutien
pédagogique nécessaire. Les conditions dans lesquelles s'est
faite l'intégration ont souvent été très
dommageables pour ces enfants et pour les autres. Le projet de loi 40 n'offre
à cet égard aucune perspective d'amélioration. La
manière imprécise et vague dont on y aborde le problème de
l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage laisse
même présager que l'on pourrait rapidement aller vers de nouveaux
reculs.
Le projet de restructuration fournissait aussi au gouvernement une belle
occasion de préciser enfin sa politique au sujet des institutions
privées d'enseignement, lesquelles, au niveau secondaire, recrutent
environ 12% de la clientèle totale des établissements
d'enseignement. Par souci de justice envers ces institutions que l'on maintient
depuis des années dans l'incertitude quant à leur statut futur,
par souci de justice aussi envers le secteur public qui a le droit de savoir
à quoi s'en tenir au sujet du sort réservé aux
établissements privés, il aurait été normal
-à tout le moins hautement désirable - que le gouvernement
explicite enfin, à l'occasion du projet de loi 40, sa politique sur
l'enseignement privé, cette politique qu'il promet de six mois en six
mois depuis maintenant plusieurs années et dont il n'a jamais
accouché. Tout ce qu'on trouve à ce sujet dans le projet de loi
40, ce sont des dispositions secondaires prévoyant la participation des
établissements privés à certains organismes à
vocation uniquement consultative.
On chercherait en vain dans le projet de loi des indications sur la
politique du gouvernement dans le secteur de la formation professionnelle.
Après avoir publié en mai 1982 un livre blanc à ce sujet,
le gouvernement procéda au cours des mois qui suivirent à des
rencontres d'information avec les milieux intéressés. Depuis ce
temps, on a l'impression que le gouvernement procède étape par
étape à la mise en place de cette politique qui n'a jamais
donné lieu jusqu'à ce jour à un véritable
débat au niveau politique.
Une dernière critique s'impose au sujet du traitement que le
projet de loi 40 réserve aux structures scolaires de la région
métropolitaine de Montréal et de la région de
Québec. Dans la région de Montréal, deux organismes, la
Commission des écoles catholiques de Montréal et le Bureau des
écoles protestantes du Grand-Montréal, accomplissent depuis des
générations un travail de premier plan dans des conditions
souvent difficiles. Très souvent, parce qu'ils devaient faire face
à des problèmes inédits, ces deux organismes ont
joué un râle de pionnier, de leader dans le domaine
pédagogique. Dans des domaines comme l'enseignement des langues
secondes, la participation des parents, l'adaptation des services
éducatifs aux besoins des milieux moins favorisés, ils ont pris
des initiatives dont le rayonnement a maintes fois débordé les
frontières de la région métropolitaine, voire du
Québec. Si la Commission des écoles catholiques de
Montréal et le Bureau des écoles protestantes du
Grand-Montréal ont pu exercer un rôle comme celui-là, ce
fut principalement en raison du bassin plus large de ressources dont ils
pouvaient disposer en raison de leur taille adaptée aux besoins de la
région métropolitaine.
Or, le projet de loi projette de sabrer dans cet actif avec un
sans-gêne qui frise l'irresponsabilité. D'autres commissions
scolaires d'importance, par exemple celle de Chambly, sont également
atteintes par cette
psychose du nivellement et de l'uniformisation qui semblent avoir
inspiré le gouvernement. Nulle part autant que dans le cas de la
Commission des écoles catholiques de Montréal, l'ampleur de la
déstructuration qu'implique le projet gouvernemental n'est-elle
cependant aussi voyante, aussi susceptible d'entraîner des
conséquences néfastes.
La manie de dérangement du gouvernement atteint également
le Conseil scolaire de l'île de Montréal, lequel exerce avec
compétence et efficacité depuis une dizaine d'années une
action bienfaisante de coordination et de péréquation fiscale et
budgétaire au sein de l'ensemble du système scolaire public de
l'île de Montréal. Le projet de loi 40 ne propose pas l'abolition
pure et simple du conseil scolaire de l'île de Montréal, mais il
projette de le placer dans une situation de totale dépendance à
l'endroit du bon plaisir du ministre. C'est ainsi que le ministre entend
réaliser, semble-t-il, son projet de décentralisation!
Le gouvernement doit cesser de se nourrir de pensées
technocratiques et uniformisantes. Il doit cesser de se laisser influencer par
les expériences négatives qu'il a pu avoir avec certains
organismes. Le règlement des problèmes reliés à
Montréal requiert des solutions adaptées aux besoins de la
réalité métropolitaine, non seulement dans le secteur de
l'éducation, mais aussi dans la plupart des autres domaines. Les
structures d'éducation qu'on trouve présentement dans la
région de Montréal sont loin d'être, dans l'ensemble, une
source de gaspillage et d'inefficacité. Elles produisent
généralement des résultats très positifs dans des
conditions qui ne sont pas les mêmes que dans le reste du Québec
et qui défient, par conséquent, toute comparaison simpliste qu'on
voudrait tenter d'instituer. Avant de consentir à l'opération de
charcuterie que propose le ministre de l'Éducation à ce sujet,
nous tiendrons à entendre le point de vue des organismes
intéressés. Nous exigerons aussi que le ministre fasse la preuve
du bien-fondé des changements qu'il entend imposer.
De ce tour d'horizon, je voudrais rapidement dégager trois
conclusions principales. D'abord, le gouvernement fera fausse route s'il
s'obstine, contre toutes les indications reçues, à
procéder avec son projet de loi, à moins d'y avoir apporté
des modifications très substantielles. Le gouvernement a refusé,
en outre, de tenir compte des avis qui lui ont été
communiqués au cours des derniers mois au sujet de son projet de loi.
Les consultations bidons du ministre de l'Éducation n'étaient
sûrement pas le genre d'exercice capable de l'éclairer vraiment
sur les sentiments réels des milieux concernés. Avec ses
invités triés sur le volet, avec ses réunions
fermées au grand public et à la presse, la démarche
ministérielle ressemblait beaucoup plus à une tournée de
propagande qu'à une mission d'information ou de consultation.
Quoiqu'il en soit, les milieux d'éducation, qui sont parmi les
plus consciencieux et les plus industrieux, les plus travailleurs que je
connaisse, ont répondu abondamment et avec beaucoup de compétence
à l'invitation gouvernementale. Nous constaterons toutefois à
l'occasion des séances publiques de cette commission que leurs avis
furent plus souvent qu'autrement laissés de côté ou encore,
de manière plus subtile, retenus seulement dans certains
éléments qui faisaient l'affaire du ministre et de ses
conseillers.
Dans sa teneur générale, le projet de restructuration
scolaire était et demeure contraire aux vues de la grande
majorité des intervenants du monde de l'éducation. Il ressemble
beaucoup plus à une immense et coûteuse toile d'araignée,
tissée à la mesure des illusions du ministre de
l'Éducation, qu'à une solution réaliste aux
problèmes actuels de l'enseignement.
Le projet gouvernemental survient en outre à un moment fort peu
propice. Dans les milieux de l'éducation, on préférerait
infiniment s'en tenir pour l'instant à l'oeuvre combien plus importante
et positive de la mise en place de la réforme pédagogique. On en
est encore à s'ajuster aux conséquences pénibles des
coupures budgétaires et des décrets. On attend enfin, avant
d'ouvrir de nouveaux chantiers pourtant très urgents, que soit connue la
politique du gouvernement dans des domaines aussi chargés d'implications
que l'éducation des adultes, l'enfance en difficulté d'adaptation
et d'apprentissage, l'enseignement privé et la formation
professionnelle. Comment concevoir qu'une réforme aussi ambitieuse que
celle que propose le projet de loi 40 puisse être entreprise
convenablement dans un contexte aussi empêtré?
Le gouvernement sait aussi que la mise en oeuvre du projet de loi 40
nécessitera au moins une année de démarches
préliminaires et transitoires et ce, après l'adoption du projet
de loi par l'Assemblée nationale, si cela devait être le cas un
jour. Or, une bonne partie de l'année qu'il faudrait consacrer à
cet exercice coïncidera fort probablement avec la période au cours
de laquelle le Québec sera déjà plongé dans la
fièvre d'une élection générale. Le ministre de
l'Éducation serait-il assez irréaliste pour oser entreprendre une
réforme aussi importante dans des conditions semblables, surtout dans
l'hypothèse où l'absence actuelle de consensus devrait se
maintenir à la suite des travaux de la commission parlementaire?
J'espère bien que non, car il faudrait alors le juger très
sévèrement. (13 heures)
Quoi qu'il en soit, nous abordons avec un esprit d'ouverture et de
dialogue les travaux de la commission parlementaire permanente de
l'éducation. Nous écouterons avec respect et attention les
organismes qui se présenteront devant nous, y compris - et cela va de
soi - les organismes dont nous ne partagerons pas les opinions. Nous
espérons aussi - et je le répète avec toute la
fermeté possible - que tous les organismes désireux de se faire
entendre devant cette commission auront la chance de se présenter devant
les parlementaires. Nous espérons enfin que cette consultation n'aura
pas lieu pour rien. Nous espérons que le gouvernement voudra tenir
compte des opinions qui lui auront été communiquées.
À tous ceux qui se présenteront devant cette commission,
je veux donner l'assurance, au nom de notre formation politique, qu'ils seront
écoutés avec respect et que leurs arguments seront
examinés avec toute l'attention nécessaire.
Quant au gouvernement, il convient de lui rappeler que celui qui engage
une consultation aussi solennelle et générale contracte par le
fait même des obligations exigeantes envers la population. Il contracte
l'obligation d'écouter sérieusement les opinions qu'on voudra lui
transmettre et de se mettre dans l'état de disponibilité qui le
rendra ensuite capable de modifier, au besoin, ses orientations si celles-ci
sont, de toute évidence, contraires, comme nous le pensons dans le cas
présent, à celles de la majorité de la population qu'il
prétend servir.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le
député d'Argenteuil. Il est 13 h 2 et, sur ce, la commission
élue permanente de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à
15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 2)
(Reprise de la séance à 15 h 10)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Auditions
La commission élue permanente de l'éducation reprend ses
travaux. Je vais donc, comme le prévoit le règlement, vous
indiquer quels sont les organismes que nous allons entendre aujourd'hui et leur
demander en même temps de s'identifier, s'ils sont présents dans
la salle.
D'abord, la commission scolaire de Jacques-Cartier.
Une voix: Présents.
Le Président (M. Blouin): Présents. La commission
scolaire Morilac. Une voix: Présents.
Le Président (M. Blouin): Présents. La commission
scolaire catholique de Sherbrooke et la commission scolaire Beauport sont
présentes. Mais, comme la commission scolaire de Sherbrooke est
convoquée pour ce soir, je présume qu'elle sera parmi nous dans
quelques heures.
Sans plus tarder, je vais rappeler à tous nos invités que
la tradition veut que, généralement, les groupes d'invités
prennent une vingtaine de minutes pour présenter le contenu de leur
mémoire et, ensuite, qu'à chaque formation politique soit
allouées aussi une vingtaine de minutes pour poser des questions et
demander des avis supplémentaires à nos groupes
invités.
Sur ce, je vais demander aux représentants de notre premier
organisme invité, la commission scolaire de Jacques-Cartier, de bien
vouloir d'abord s'identifier. Il serait aussi pratique peut-être pour
certains membres d'identifier le territoire de leur commission scolaire,
où il se situe, et, une fois qu'ils se seront identifiés, de
procéder à la présentation de leur mémoire.
Aussi le député d'Argenteuil me demande si vous pouvez
indiquer à quel niveau s'adresse votre commission scolaire,
c'est-à-dire au niveau primaire ou secondaire.
Commission scolaire de Jacques-Cartier
M. Neveu (Daniel): M. le Président, la commission scolaire
de Jacques-Cartier est située à Longueuil et c'est une commission
scolaire locale, donc de niveau primaire. Si vous me le permettez, je
présenterai mes collègues à la commission.
Le Président (M. Blouin): Oui.
M. Neveu: Mme Ginette Courchesne, déléguée
du comité de parents de la commission scolaire; à ma gauche, M.
Raymond Guay, président du comité de parents de la commission
scolaire; Mme Lucille Théroux-Saint-Laurent, vice-présidente du
conseil des commissaires et moi-même, Daniel Neveu, président du
conseil des commissaires.
M. Guay.
M. Guay (Raymond): M. le Président, M. le ministre de
l'Éducation, mesdames et messieurs les députés, je ne
voudrais pas reprendre tout l'avant-propos du mémoire dont nous ferons
lecture dans quelques minutes, mais permettez-moi de vous indiquer quelques
facettes du travail mené par les commissaires et les parents tout au
cours de l'étude du projet de loi.
D'une part, un sondage a été mené par
le comité de parents de la commission scolaire de Jacques-Cartier
de Longueuil, auquel plus de 5490 familles ont répondu. L'une des
principales conclusions de ce sondage mené par la firme
indépendante Informa-Log Inc., est que l'école devienne le
pôle d'attraction et le pivot du système scolaire au
Québec.
D'autre part, un comité ad hoc a été formé,
composé de commissaires et de parents. Le sondage a, de plus, servi
d'inspiration à ce même comité. Le travail de concertation
commissaires-parents a débouché sur la présentation d'un
mémoire conjoint, ce qui est, à notre avis, une première
au Québec. Nous nous devons de préciser que le mémoire a
été adopté à l'unanimité et par le conseil
des commissaires et par l'assemblée générale du
comité de parents de la commission scolaire.
Nous favorisons les principales orientations incluses dans le projet de
loi, mais, pour répondre davantage aux besoins et aux désirs des
commissaires et des parents, nous vous soumettons quelques amendements qui
permettront d'atteindre l'objectif visé, une école communautaire
et responsable.
Permettez-moi de céder la parole à M. Daniel Neveu et
à Mme Ginette Courchesne qui vont procéder à la lecture du
mémoire de la commission scolaire de Jacques-Cartier. Par la suite, il
nous fera plaisir de répondre à vos différentes
interrogations.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci.
M. Neveu: M. le Président, il nous apparaît
important, voire essentiel, avant d'aborder le contenu même de ce
mémoire, de faire état du cheminement propre de la commission
scolaire de Jacques-Cartier dans ce dossier de la restructuration scolaire au
Québec.
Dès le mois de décembre 1981, les commissaires prenaient
connaissance du projet de livre blanc et de l'avant-projet de loi. En janvier
1982, une rencontre d'information avait lieu pour les commissaires et les
membres de l'assemblée générale du comité de
parents. Un consensus s'est dégagé parmi tous les participants,
à savoir que tous les agents de l'éducation devaient se concerter
face à cette réforme et faire valoir, au nom de la commission
scolaire, leurs remarques et leurs observations sur les principales
orientations que contiendra le livre blanc lors de son dépôt.
Un comité ad hoc sur la réforme scolaire était
formé en août 1982 avec le mandat d'étudier les principes
et les modalités de L'école, une école communautaire et
responsable, et d'essayer de dégager un consensus autour des principales
orientations de la réforme proposée.
Ce comité était constitué de parents, de cadres
d'école, de cadres de service, de personnel non enseignant, du directeur
général et de commissaires. Faisant suite aux quatre rencontres
des membres de ce comité, une soirée d'information était
organisée pour la population en général et, plus
particulièrement, pour les parents d'enfants d'âge
préscolaire et aussi pour les contribuables sans enfant.
Dès le début de février 1983, les trois
commissaires membres de ce comité tenaient des audiences publiques afin
de connaître l'opinion des gens et des groupes organisés sur le
contenu de la réforme.
En juin 1982, le comité de parents de la commission scolaire
établissait un plan d'action à deux volets: diffusion de
l'information et sondage d'opinions. Au début d'octobre se tenaient deux
soirées d'information et d'échanges au cours desquelles
près de 300 personnes se sont présentées. En novembre,
tous les parents de la commission scolaire recevaient une synthèse du
livre blanc, préparée par le comité de parents. Trois
semaines plus tard, 7688 familles de la commission scolaire étaient
invitées à remplir un questionnaire pour faire connaître
leurs opinions sur certains aspects de cette réforme. En tout, 5490
familles ont répondu au questionnaire pour un taux de participation de
71,4%. La compilation des réponses révèle, entre autres,
que les répondants avaient, dans 52% des cas, lu au moins un document
sur la réforme proposée. Le conseil des commissaires en
février et le comité de parents en mai se prononçaient
officiellement sur le contenu du livre blanc.
Dans un deuxième temps, le mandat du comité ad hoc du
conseil des commissaires devait se poursuivre avec le dépôt du
projet de loi 40. Animés par le même souci de concertation, les
intervenants de Jacques-Cartier avaient une fois de plus l'occasion
d'échanger leurs points de vue sur la réforme scolaire
proposée par le ministre de l'Éducation.
Acceptant d'emblée le principe que l'école devienne le
pôle d'attraction de tout notre système scolaire au Québec,
il a été décidé que le mémoire
présenté aujourd'hui en soit un conjoint du comité de
parents et du conseil des commissaires de la commission scolaire de
Jacques-Cartier.
En terminant, nous pouvons affirmer que ce mémoire est
véritablement le fruit d'une concertation des parents et des
commissaires de notre commission scolaire et non pas seulement le fait de
quelques individus. Il est l'expression d'un point de vue commun sur le projet
de loi. Ainsi, croyons-nous avoir respecté entièrement la
décision unanime du conseil des commissaires de produire un
mémoire qui tienne compte
des consensus exprimés par tous les intervenants.
Nous espérons donc maintenant que ce mémoire contribuera
à enrichir le débat autour du projet de loi 40 pour que
l'école puisse pleinement remplir sa mission éducative que la
réforme veut consacrer.
Le ministre de l'Éducation, M. Camille Laurin, dans son
allocution à l'Assemblée nationale le 30 juin 1983, lors du
dépôt du projet de loi sur l'enseignement primaire et secondaire
public, disait que le contenu de cette loi est centré sur les services
éducatifs et sur le projet éducatif de l'école.
Essentiellement, l'objectif fondamental du projet est de faire des
réalités de l'école le pivot de notre système
scolaire. Le projet de loi, présenté comme un ensemble de moyens,
allait enfin permettre la réalisation de cet objectif.
Nous avons maintes fois eu l'occasion d'affirmer que nous, à
Jacques-Cartier, adhérions entièrement à ce grand principe
d'une plus grande responsabilisation de l'école en ce qui concerne sa
mission éducative. C'est spécifiquement sous cet angle que nous
ferons part dans ce mémoire de nos réactions au projet de loi 40.
Est-ce que les principaux moyens mis de l'avant par le projet de loi vont
permettre l'atteinte de l'objectif?
Avant d'aller plus loin, nous désirons, toutefois, attirer
l'attention des membres de la commission sur le fait que nous nous sommes
particulièrement intéressés au chapitre traitant de
l'école et de la commission scolaire.
Mme Courchesne (Ginette): L'école. Nous sommes totalement
favorables à ce que l'école assume tous les pouvoirs d'ordre
pédagogique qui lui sont confiés par le projet de loi. Compte
tenu que les programmes d'enseignement sont établis à
l'échelle de la province et que les objectifs à atteindre sont
les mêmes partout, ne serait-il pas souhaitable que l'application du
régime pédagogique soit sous la responsabilité de
l'école? En effet, dans un contexte où l'école
détermine ses orientations et son plan d'action, en accord avec le
milieu qu'elle dessert, il serait incohérent qu'elle ne soit pas
responsable de l'application du régime pédagogique que peut
enrichir son personnel enseignant. Une saine gestion commande que la
responsabilité d'une activité donnée soit située au
niveau où elle se réalise.
Les ressources de l'école. La mission éducative dans un
système scolaire constitue son unique priorité. Tous les autres
services existent en périphérie pour permettre la pleine
réalisation de cette mission.
Il nous apparaît important de souligner, quant aux ressources
mises à la disposition de l'école, que la commission scolaire
demeure l'organisme de décision. Le projet de loi y gagnerait en
clarté s'il était spécifié que l'école doit
transmettre pour approbation à la commission scolaire ses plans
d'effectifs, ses besoins de perfectionnement ou encore ses besoins
d'amélioration de locaux, tel que précisé dans les cas des
prévisions budgétaires de l'école.
Quant aux services à la communauté, nous sommes
également d'accord avec le fait que l'école ait "pour mission de
promouvoir les intérêts sociaux et culturels de la
communauté à laquelle elle dispense des services." Cet aspect
permettra, entre autres, une plus grande utilisation des locaux assurant ainsi
la rentabilisation maximale des biens publics pour un mieux-être de la
communauté.
Nous appréhendons, toutefois, que les responsabilités qui
incomberaient ainsi au conseil d'école dans l'organisation et
l'administration courante de ces services l'éloigneraient de sa mission
première. Par ailleurs, nous tenons à ce que le conseil
d'école conserve ses droits d'élaborer les politiques concernant
les services à la communauté. Nous préférons donc
que l'organisation de ces services puisse relever de la commission scolaire ou
de tout autre organisme qui verrait à respecter les politiques des
écoles avant de négocier des protocoles d'entente.
Le conseil d'école. Nous acceptons la composition du conseil
d'école telle que définie par l'article 39, à l'exception,
cependant, de l'alinéa 1 qui inclut le commissaire de l'école.
Nous nous opposons à ce que, d'abord, le commissaire soit élu au
niveau de l'école et qu'il fasse partie de plein droit du conseil
d'école. Nous ne voyons pas d'un bon oeil que le débat politique
fasse ainsi son entrée officielle dans l'école. Nous craignons
que le processus électoral, avec tout ce que cela comporte, ne vienne
éloigner l'école et son conseil d'école de leur mission
première. Que le milieu prenne en charge son école ne signifie
pas qu'il faille, en plus d'élire un nombre majoritaire de parents au
conseil d'école, élire par suffrage universel un commissaire. Les
inévitables conséquences d'une élection, comme la campagne
elle-même, les jeux politiques, etc., ont d'autant plus de dangers de
laisser des séquelles que le milieu est relativement petit. Ainsi,
spécialement parce que nous croyons que l'école doit devenir le
centre de notre système scolaire et que son conseil d'école doit
être totalement responsable de la mission éducative, nous ne
désirons pas courir ce risque que l'élection du commissaire
vienne nuire à l'atteinte de l'objectif premier du projet de loi.
Un autre raison justifie le rejet de la présence d'un commissaire
élu comme membre du conseil d'école. Cette raison, tout aussi
importante que la précédente, nous
la trouvons à l'article 138 qui dit que "la commission scolaire
est administrée par un conseil d'administration composé du
commissaire de chaque école." Un conseil chargé d'administrer un
ensemble d'écoles devrait être formé d'individus libres de
tout conflit d'intérêts. Tel ne serait pas le cas si la loi n'est
pas amendée à ce chapitre. Imaginons un seul instant dans quelle
situation se trouvera un commissaire lorsque, par exemple, le conseil
d'administration aura à décider qu'en vertu de l'article 217 son
école n'a pas respecté un règlement et que la commission
scolaire doit se substituer aux décisions prises par son école.
Enfin, au risque de nous répéter, nous sommes persuadés
que les préoccupations électoralistes primeront au
détriment de la collectivité. Nous ne croyons pas à la
pertinence et au bien-fondé de l'élection d'un commissaire
attaché à une école.
Nous traitons plus loin de la composition du conseil d'administration de
la commission scolaire telle que nous l'envisageons à la commission
scolaire de Jacques-Cartier. Toutefois, nous croyons que le commissaire, s'il
le désire, devrait avoir la possibilité de faire partie d'un
conseil d'école, mais sans droit de vote comme personne-ressource. C'est
pourquoi nous souhaitons que le mouvement heureusement amorcé depuis
quelques années pour que de plus en plus de commissaires soient
impliqués dans les comités d'école ou les comités
de parents se poursuive et soit encouragé.
En ce qui concerne les comités d'école, nous nous
réjouissons que le projet de loi prévoie la formation, au niveau
de l'école, d'un comité de parents, d'un comité
pédagogique et d'un comité des élèves, dans la
mesure où les personnes concernées le désirent. Il est
indéniable qu'avec un tel réseau de consultation, où tous
les intervenants auraient l'occasion de s'exprimer, l'école aurait
toutes les chances d'élaborer et de réaliser son projet
éducatif. De plus, les membres du conseil d'école ainsi
éclairés pourront assurer une gestion des plus efficaces.
Cependant, dans un cadre d'apprentissage global, nous souhaitons que la
possibilité de formation d'un comité d'élèves ne
soit pas limitée au seul niveau secondaire, mais qu'elle s'applique
également aux élèves du primaire. Nous sommes bien
conscients qu'un comité d'élèves du primaire ne pourrait
pas jouer le même rôle qu'un comité d'élèves
au secondaire. Le but visé en fait, en permettant à ces
élèves de former leur comité, en serait beaucoup plus un
de formation que de consultation.
Le directeur d'école. Nous aimerions porter à l'attention
des membres de la commission parlementaire quelques ambiguïtés que
nous avons relevées dans les articles touchant la direction de
l'école, ambiguïtés qui pourraient nuire au fonctionnement
de l'école. Par les articles 82 et 84, le conseil d'école a le
pouvoir de recommander à la commission scolaire l'embauche d'un
directeur et la résiliation du mandat du directeur. Or, à
l'article 83, le conseil a, tout à coup, le pouvoir de décider de
ne pas renouveler le mandat du directeur. Dans ces trois cas, articles 82, 83,
84, pour le conseil d'école, nous privilégions un pouvoir de
recommandation auprès de la commission scolaire puisque celle-ci, de
toute façon, en vertu de l'article 219, est l'employeur du personnel
affecté à son fonctionnement et à celui des écoles.
Il s'agit là de beaucoup plus qu'une simple question de
sémantique. Il est, en effet, extrêmement important que, dans une
structure que nous voulons tous fonctionnelle, les rôles et pouvoirs de
chacun soient clairement définis. La commission scolaire étant
l'employeur, elle est la seule à pouvoir embaucher un directeur et
renouveler ou résilier son mandat. Que la commission scolaire agisse,
dans ces circonstances, en prenant en considération les recommandations
du conseil d'école nous apparaît, cependant, essentiel.
M. Neveu: La commission scolaire. Tous les intervenants de la
commission scolaire de Jacques-Cartier approuvent la formation de commissions
scolaires linguistiques, non confessionnelles et intégrées, qui
auront compétence sur toutes les écoles de leur territoire dont
le statut linguistique sera le même que le leur. Quant aux fonctions de
la commission scolaire, afin de permettre à l'école de jouer
pleinement son rôle, il est intéressant de noter que le projet de
loi confie à la commission scolaire le soin, entre autres, de
répartir les services éducatifs et d'assurer le soutien à
l'organisation scolaire. Les fonctions essentielles de coordination et de
planification, qui appartiennent de plein droit à la commission
scolaire, sont très bien cernées dans le projet de loi. Nous
déplorons, cependant, que la fonction de contrôle, tout aussi
importante dans le processus de gestion, soit, elle, moins bien définie.
Nous souhaiterions, afin d'éviter au maximum les fausses
interprétations et les conflits de juridictions, que cette fonction de
contrôle, que doit exercer la commission scolaire, soit mieux
définie.
Cette recommandation ne diminue en rien la responsabilité de
l'école dans son champ de compétence. Elle s'inscrit davantage
comme un moyen supplémentaire octroyé à la commission
scolaire pour que l'école ait tous les outils nécessaires
à la réalisation de ses fonctions. (15 h 30)
Les ressources. Que ce soit au niveau des ressources humaines,
matérielles ou financières, nous croyons que le projet de loi
est consistant avec l'objectif visé. Par conséquent, nous
sommes satisfaits des articles de ces sections du chapitre IV, dans la mesure,
évidemment, où le texte de loi tiendra compte de la
nécessité pour la commission scolaire de détenir le
pouvoir de contrôle, tel que nous le mentionnions
précédemment.
Sans reprendre au complet l'argumentation que nous faisions valoir
lorsque nous avons traité de la composition du conseil d'école,
permettez-nous de rappeler ici notre opposition à ce qu'un commissaire,
issu d'une école, siège à ce titre au conseil
d'administration de la commission scolaire. À la commission scolaire de
Jacques-Cartier, nous préconisons la formule mixte et paritaire d'un
nombre restreint de membres désignés par et parmi les parents
membres des conseils d'école et des commissaires élus au suffrage
universel. Ainsi, les membres du conseil d'administration n'auraient pas
à défendre des intérêts particuliers, à
être juges et parties. Ils seraient donc plus en mesure de
réaliser la mission générale de la commission
scolaire.
Les différents comités consultatifs de la commission
scolaire créés par le projet de loi vont permettre au conseil
d'administration d'exercer plus adéquatement ses fonctions. Nous
apprécions que la loi les détermine puisque, de cette
façon, une certaine uniformité de gestion sera assurée
dans l'ensemble du Québec.
Permettez-nous, en guise de conclusion, de vous présenter les
amendements que le comité de parents et le conseil des commissaires de
Jacques-Cartier souhaitent voir apporter à la loi 40.
Que l'alinéa 1 de l'article 39 concernant l'élection du
commissaire au conseil d'école soit retranché.
Il est nécessaire d'inclure au texte de loi, aux articles 120,
122 et 126, que l'école transmet à la commission scolaire pour
approbation, avec ou sans modification son plan d'effectifs, ses besoins de
perfectionnement de personnel et d'amélioration de locaux.
La promotion des intérêts sociaux et culturels de la
communauté et l'organisation de ses activités répondant
aux besoins exprimés pourraient être sous la responsabilité
de la commissions scolaire ou de tout autre organisme, après entente,
bien sûr, avec l'école.
Il est important, dans un processus de formation et d'apprentissage, que
les élèves du primaire aient aussi la possibilité de
former un comité d'élèves. Ainsi, le mot "secondaire"
devrait être biffé de l'article 70.
Il est essentiel, selon nous, que l'article 83 soit amendé de la
façon suivante: Le mandat du directeur de l'école est d'une
durée de cinq ans. Le mandat est renouvelé automatiquement,
à moins que le directeur décide de ne pas le renouveler ou que la
commission scolaire décide de ne pas le renouveler à la suite
d'une recommandation en ce sens du conseil d'école par un vote aux deux
tiers des membres.
Parmi les fonctions de la commission scolaire, il est important que la
fonction de contrôle que doit exercer la commission scolaire dans le
cadre de sa compétence soit beaucoup mieux définie et qu'elle ne
laisse aucune zone grise dans le partage des responsabilités entre
l'école et elle-même.
Le conseil d'administration de la commission scolaire devra être
formé en partie de parents membres des conseils d'école et de
commissaires élus au suffrage universel. Le nombre de personnes ainsi
désignées ou élues ne devra pas excéder douze et la
parité entre les deux types de représentants devra être la
règle.
En deux phrases, M. le Président, un court résumé
de ce mémoire de la commission scolaire de Jacques-Cartier. À la
suite de toute cette consultation et de cette concertation qui a
été vécue chez nous, tous les intervenants,
majoritairement, au niveau des deux comités et du conseil des
commissaires, unanimement se disent entièrement favorables à une
restructuration qui irait dans le sens d'une plus grande responsabilisation de
l'école. Et, pour nous, les moyens que préconise le projet de
loi, à tout le moins un certain nombre d'entre eux, il y a
matière, justement, à les modifier ou à les amender dans
le sens, effectivement, qu'on puisse atteindre l'objectif essentiel du projet
de loi qui est de confier une plus grande responsabilité au milieu.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Neveu. M. le
ministre.
M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
la délégation pour son mémoire à la fois clair,
sobre et cohérent. Je voudrais surtout la féliciter pour le souci
démocratique dont elle a fait preuve en désirant associer
à sa réflexion plus de 6000 familles et en respectant les
opinions recueillies lors des réunions ou lors des sondages qui ont
été tenus. Je pense que, si tous les organismes faisaient la
même chose, on aurait une bonne idée de ce que veut vraiment la
population.
Je félicite aussi la délégation non seulement pour
son souci démocratique, mais pour son souci de concertation puisqu'elle
a voulu associer dans cet effort important de réflexion non seulement
les commissaires, mais également les parents, les cadres et du personnel
de l'école. Je pense que cela donne une validité, une
crédibilité accrue à l'opinion qu'elle nous
présente aujourd'hui.
Quant à cette opinion, évidemment, je
ne voudrais pas la commenter trop longuement puisqu'elle épouse
en grande partie les conclusions de la proposition gouvernementale. J'accueille
avec plaisir cette opinion globale qui veut que l'école devienne
véritablement le pivot du système scolaire plutôt que cette
école orbite qui existe actuellement et que certains voudraient
consacrer pour toutes les générations à venir.
Je reconnais aussi que la commission scolaire aussi bien que les parents
sont d'accord pour que l'on transfère à l'école la
majorité, pour ne pas dire la plus grande partie des pouvoirs d'ordre
pédagogique, puisque les commissaires et les parents trouvent que
l'école est mieux placée pour assumer ces responsabilités
d'ordre pédagogique que tous les autres organismes. Évidemment,
la commission scolaire de Jacques-Cartier et les parents de Jacques-Cartier,
dans un souci de bon aloi, veulent que l'objectif qu'ils partagent soit atteint
et, pour cela, ils nous proposent des amendements que nous étudierons
avec attention. Je dois, cependant, reconnaître avec plaisir que les
commissaires autant que les parents sont d'accord pour dire que ce projet
d'école, que ce projet de structure scolaire que nous présentons
est un projet viable et non pas un rêve, que ce projet est faisable,
qu'il peut se matérialiser, se concrétiser et que non seulement
il peut être fait, mais que c'est dans l'ordre des choses qu'il le
soit.
Je note aussi avec plaisir que la délégation est d'avis
que les pouvoirs entre commissions scolaires et écoles sont bien
répartis, sans trop d'ambiguïtés même s'il y a lieu de
les préciser, et que la répartition de ces pouvoirs peut conduire
à une meilleure qualité de l'éducation.
Je note, enfin, que la délégation est d'accord pour que,
à la tête d'une école, se trouve un conseil d'école,
assisté, cependant, par des comités représentant les
parents, les enseignants, le personnel non enseignant et les
élèves, et même, au niveau de l'école primaire, des
enfants qui, bien sûr, auraient peut-être moins le pouvoir de
recommander des solutions que le pouvoir de se former à leurs propres
responsabilités en assumant d'ores et déjà une sorte de
prise en charge afin qu'ils deviennent partie prenante de leur propre
éducation.
J'imagine, après cette opinion que nous avons entendue, que la
commission scolaire de Jacques-Cartier n'est pas d'accord avec la position
générale de la Fédération des commissions
scolaires. Je voudrais me contenter de vous poser une seule question, car je
sais que mes collègues en auront d'autres à vous poser. Vous
voulez que nous clarifiions la fonction de contrôle de la commission
scolaire. J'en suis, mais j'aimerais vous demander si vous avez des suggestions
à nous faire afin que nous en arrivions à définir avec
plus de précision cette fonction de contrôle que devrait, selon
vous, exercer la commission scolaire sur les conseils d'école.
Le Président (M. Blouin): M. Guay. Je m'excuse, M.
Neveu.
M. Neveu: M. le Président, oui, à notre sens et
selon l'étude qu'on a pu faire, nous avons décelé un
certain nombre d'articles. En guise d'exemple, pour éclairer mon propos,
on dit dans le projet de loi que l'école relève de la commission
scolaire. Le directeur doit rendre compte de son administration à son
conseil d'école. La commission scolaire demeure l'employeur. La
direction d'une école donnée, qui doit rendre compte de son
administration à son conseil d'école, reste l'employée de
la commission scolaire. Le lien hiérarchique entre, par exemple, la
direction générale de la commission scolaire et les
employés qui travaillent au sein des écoles n'est pas
suffisamment clair, à notre sens. Un autre exemple: on parle des
fonctions de contrôle dans une valeur d'évaluation. L'école
aura maintenant et fort heureusement des fonctions spécifiques à
exercer, entre autres, l'application du régime pédagogique. Nous
retrouvons cela à l'article 94.
Le directeur, selon ses attributions et ses fonctions, doit
exécuter les décisions de son conseil d'école. Qui entre
l'école et la commission scolaire pourra tenter d'évaluer ce qui
se vit au niveau des écoles, l'évaluer dans le sens d'un
mieux-être possiblement, dans le sens d'une amélioration? Il y a
des objectifs que les écoles, les conseils d'école se donnent
auxquels aussi adhéreront les directions d'école qui
relèvent de ces conseils.
On demande d'apporter plus de clarté sur ce lien
hiérarchique qui devrait exister entre la commission scolaire et
l'école, le directeur d'école, concernant les fonctions du
conseil d'école, fonctions au niveau de l'orientation, au niveau du
régime pédagogique, est un peu l'exécutant, mais le lien
hiérarchique doit absolument demeurer et être inscrit au niveau de
la loi pour que la direction d'école ne soit pas prise à ne pas
savoir à qui se rapporter sur tel ou tel dossier. C'est cette
ambiguïté qui risquerait que le conseil d'école ne se trouve
pris dans une situation qui ne lui permettra pas avec autant de facilité
d'atteindre l'objectif pour lequel il est créé dans la loi.
On revient et je termine sur cet aspect du contrôle. Tel qu'on le
retrouve dans le projet de loi, le conseil d'administration aura effectivement
une difficulté à exercer cette fonction de contrôle au
niveau de l'évaluation, laquelle s'inscrit dans un cadre de gestion. Il
aura de la difficulté à
l'exercer parce qu'il est formé, selon le projet de loi, d'un
représentant de chacune des écoles. Vous imaginez dans quelle
situation un ou une commissaire serait lorsqu'on discuterait de l'école
concernée, de son école, puisque, inévitablement dans un
système comme celui-ci, la personne élue au suffrage universel,
issue d'une seule école, sera clairement identifiée à une
école. Humainement, dans un conseil d'administration, les membres vont
hésiter à juger, à évaluer une des écoles de
leurs collègues de crainte d'avoir à subir les mêmes
choses, à tort ou à raison. C'est dans ce sens qu'on se dit: Si
cette fonction hiérarchique était davantage définie, on
atteindrait fort probablement le but visé de clarifier cette situation
qui est, d'ailleurs, relevée par beaucoup d'intervenants
actuellement.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Neveu.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je vous remercie et je remercie
également les membres du conseil d'administration de la commission
scolaire de Jacques-Cartier du mémoire qu'ils ont
présenté. Je suis heureux d'être d'accord avec le ministre
pour convenir que le mémoire est clair et sobre. Il est en même
temps concis, ce qui n'est pas un mince mérite dans le genre d'exercice
que nous faisons ici. J'aurais un certain nombre de questions à vous
poser. Tout d'abord, le ministre a fait une remarque, au début de son
intervention, à laquelle vous n'avez pas fait suite dans vos propos, M.
Neveu. Votre commission scolaire fait partie de la Fédération des
commissions scolaires catholiques du Québec, n'est-ce-pas?
M. Neveu: Oui, M. Ryan. (15 h 45)
M. Ryan: Est-ce que vous avez inscrit votre dissidence lors des
assemblées de la fédération qui ont porté sur
l'examen du projet de loi? Est-ce que vous l'avez énoncée
publiquement? Je vois qu'on ne fait pas mention de cela du tout dans le
cheminement que vous avez suivi. À la première page de votre
mémoire, vous décrivez votre cheminement; il n'est pas du tout
question de ce qui aurait pu se passer avec votre fédération.
Est-ce que vous avez donné une indication quelconque là-dessus ou
si vous êtes prêt à en donner une maintenant?
M. Neveu: J'ai déjà eu l'occasion de donner des
indications. Il me fait plaisir de les livrer aux membres de la commission
parlementaire. Effectivement, ce qui s'est vécu à la commission
scolaire de Jacques-Cartier répondait à l'un des souhaits du
président général de la fédération, M.
Chagnon, que chacune des commissions scolaires membres puisse
véritablement étudier le projet de loi sans toutes ses facettes.
Étant membres de la fédération, on a suivi cette
suggestion, puisqu'il ne s'agissait naturellement pas d'une directive, et
c'est, somme toute, ce qui vous est présenté aujourd'hui.
Quant à l'autre aspect de la question, j'ai effectivement eu
l'occasion, à plusieurs reprises, de rencontrer le président de
la fédération, d'autant plus qu'il est président d'une
commission scolaire sur le même territoire que nous, et de lui faire part
publiquement des intentions de la commission scolaire de Jacques-Cartier et du
cheminement qui avait été le nôtre depuis les tout
débuts. J'ai également eu l'occasion, au nom de l'ensemble des
commissaires de Jacques-Cartier qui font partie du conseil des commissaires de
la régionale de Chambly à laquelle nous appartenons au niveau du
territoire, d'enregistrer officiellement une dissidence quant à la
position qui a été prise, puisque la position de la
fédération était de demander purement et simplement le
retrait du projet de loi. Compte tenu de la démarche qui avait
été faite chez nous, on ne pouvait certainement pas abonder dans
le même sens.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je constate un peu plus loin, à la
première page de votre mémoire, que vous dites avoir formé
un comité "constitué de parents, de cadres d'école et de
service, de personnel non enseignant, du directeur général et de
commissaires." Il n'est pas question du tout des enseignants dans votre
mémoire. Est-ce que je pourrais savoir ce qui est arrivé de ce
côté?
M. Neveu: Oui. Je peux vous dire, d'ailleurs, que cela a
été à notre regret, à tous les membres du conseil
des commissaires. Ces consultations - je n'ai rien à apprendre à
personne, je pense bien, dans le secteur de l'éducation - se sont tenues
à Jacques-Cartier à une période de l'année
où, finalement, les enseignants avaient d'autres priorités que
celles d'aborder le livre blanc et le projet de loi 40. On a tenu les membres
du syndicat des enseignants de Champlain au courant du cheminement; ils ont
été effectivement invités aussi à participer
à chacune des ces rencontres. Compte tenu des circonstances et de
l'impossibilité qui était la leur de se joindre au comité,
on a quand même tenu à ce qu'ils reçoivent toute la
documentation permise pour, au moins, suivre le cheminement qui était le
nôtre.
M. Ryan: Pensez-vous honnêtement, M. L'Heureux... M.
Neveu?
M. Neveu: Neveu, oui, M. Ryan.
M. Ryan: ...que, si les enseignants ne sont pas partie prenante,
à tous les stades de la réforme projetée, cette
réforme peut réellement fonctionner?
M. Neveu: Ils ne sont pas partie prenante, M. Ryan, sur les
fonctions dévolues à l'école... Je ne comprends pas tout
à fait le sens...
M. Ryan: Oui. Je peux bien vous donner un exemple tout de
suite.
M. Neveu: S'il vous plaîtî
M. Ryan: Prenez le conseil d'école. Dans le programme du
Parti québécois, on dit qu'il y aura un conseil d'école au
niveau primaire - puisque c'est le niveau qui vous intéresse -
formé, dans des proportions égales, de représentants des
enseignants et de représentants des parents. Et là on a un
conseil d'école qui sera formé en majorité de parents. On
a déjà eu beaucoup d'indications montrant que les enseignants ne
sont pas d'accord sur cette formule. Qu'est-ce que vous en pensez? J'aimerais
que vous me disiez pour quelle raison on aurait un conseil d'école
formé en majorité de parents. Au nom de quels principes
démocratiques? Je conçois que vous êtes favorables à
une commission scolaire élue démocratiquement. Vous voulez
qu'elle ait la responsabilité de l'ensemble des services
éducatifs dispensés sur son territoire. Je me demande comment
vous allez faire le joint entre tout cela. S'il s'agit d'exercer des fonctions
sous le contrôle général de la commission scolaire avec une
autorité véritable - d'ailleurs, je vais en venir à cela
tout de suite après -peut-être que cela peut se concevoir. Mais
est-ce qu'on peut envisager qu'un conseil comme cela, qui aura toutes les
fonctions mentionnées dans le projet de loi, qui sera plus ou moins
indépendant et composé en majorité de parents, encore une
fois, pourrait prendre des décisions pédagogiques où les
personnes normalement les plus compétentes devraient être les
enseignants?
Le Président (M. Blouin): M. Neveu.
M. Neveu: Donc, de vos questions, j'en retiens deux auxquelles on
va tenter de répondre. La première était sur la
participation des enseignants. La seconde: Pourquoi, finalement, les parents
devraient-ils être majoritaires au sein des conseils d'école? Mme
Saint-Laurent répondra à la première et mes
collègues, des parents également, répondront à
l'autre volet de la question.
Mme Théroux-Saint-Laurent (Lucille):
Pour ce qui est de la part des enseignants dans le projet de loi, je
crois qu'il faut s'en tenir à l'aspect qui est le leur,
c'est-à-dire l'aspect professionnel. Dans ce sens, bien qu'on dise dans
le projet de loi: "s'ils le désirent", il est bien entendu que le projet
de loi, en soi, laisse la place aux enseignants qui veulent prendre une part
active dans le processus d'identification des besoins et répondre aux
besoins identifiés dans le milieu en étant membres du conseil
d'école, s'ils le désirent, bien entendu, avec une proportion qui
n'est pas établie par les règlements ou par la loi, mais qui dit
que les parents doivent être majoritaires. Mais être majoritaire,
cela peut être un de plus, cela peut être deux de plus. On ne donne
pas de nombre. La quantité d'enseignants qui peuvent siéger
à un conseil d'école n'est pas déterminée par la
loi; on peut donc en retrouver plusieurs selon la grandeur de l'école et
l'implication souhaitée par les gens. Alors, c'est pour le conseil de
l'école. Pour ce qui est de la structure au niveau consultatif dans
l'école, on aura, comme le prévoit la loi d'ailleurs, un
comité pédagogique formé du personnel enseignant et du
personnel non enseignant dans chacune des écoles, bien entendu, s'ils le
désirent. La loi ne les y force pas et la loi ne les empêche pas
de prendre la place qu'ils veulent prendre.
Sur l'aspect professionnel, qui concerne les méthodes, sur
l'aspect consultatif, en termes de contenu vraiment centré sur
l'enseignement, c'est-à-dire sur l'exercice de leur profession, ils ont
toute la place. Il n'y a pas de parents au comité pédagogique. Il
n'y aura que des enseignants et du personnel non enseignant. Donc,
l'école, grâce à son comité pédagogique,
pourra s'alimenter, et il nous semble absolument aberrant de penser qu'un
conseil d'école où siégeront parents et enseignants ne
s'alimentera pas à même les comités et, en particulier, au
comité pédagogique. Selon l'expérience vécue chez
nous et à bien des endroits - nous avons des contacts avec d'autres
personnes dans le milieu de l'éducation - personne ne veut nier aux
enseignants la part qu'ils ont au niveau professionnel en terme de contenu dans
l'enseignement. Sur ce, je crois que les enseignants ont leur place au niveau
de l'école.
Au niveau de la commission scolaire, les enseignants n'ont effectivement
pas une place dans la structure administrative. Je crois que c'est heureux,
puisque la commission scolaire est leur employeur. Dans ce sens-là, je
n'irai pas plus loin au niveau de leur place dans la structure, mais, au niveau
professionnel, on leur fait une place qui est très importante. Si on
regarde à la
page 34 du projet de loi, à l'article 185, on dit que la
commission scolaire peut constituer un comité consultatif des services
aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage.
Ce comité est formé de représentants des parents de ces
élèves, du personnel en cause, qui sont effectivement les
professionnels non enseignants et les enseignants formés en adaptation
scolaire. Alors, ils ont là, encore une fois, une place, mais au niveau
professionnel. Je crois que, s'ils veulent la prendre, le projet de loi leur
fait une place de choix, à mon avis.
M. Ryan: C'est très bien. Les enseignants vont nous donner
des points de vue complémentaires là-dessus. Évidemment,
je ne serais pas satisfait de ceci, mais je respecte votre opinion quand
même, remarquez bien.
Je voudrais revenir à ce qu'a dit tantôt M. Neveu à
propos du directeur.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil, pour bien suivre notre débat, je crois qu'il y avait une
réponse du côté des parents aussi.
M. Ryan: Ah oui! Excusez-moi.
M. Guay (Raymond): Vous avez demandé pourquoi les parents
étaient majoritaires. Je crois que, dans la structure proposée on
veut redonner davantage l'école aux parents et on donne aussi une place
aux enseignants. Comme Mme Saint-Laurent le disait tout à l'heure, je
pense que les enseignants vont prendre leur place auprès des parents,
car, depuis les dernières négociations qui ont eu lieu l'an
dernier, les enseignants se rapprochent et invitent les parents à les
rencontrer de plus en plus. C'est peut-être au niveau syndical, mais je
pense que déjà il y a là une amorce et que c'est une porte
ouverte à une plus grande participation conjointe des parents et des
enseignants dans l'école. Allons actuellement dans les écoles,
voyons ce qui s'y passe: les parents travaillent de plus en plus avec les
enseignants et les enseignants ont besoin des parents.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Guay. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je tiendrais à vous dire que nous sommes tous
d'accord sur la dernière partie de votre réponse. Il n'y a pas de
problème là, c'est dans les modalités proposées par
le projet de loi que surgissent des difficultés auxquelles je n'ai pas
de réponse claire.
Je vais poser une autre question à celui ou à celle de la
délégation qui voudra bien me répondre. M. Neveu
tantôt a parlé du rôle du directeur, qui est un rôle
absolument charnière dans la structure. Vous avez dit: II ne faut pas
qu'il soit placé dans la situation où il serait obligé de
se demander de qui je relève. Vous avez demandé que des
clarifications soient apportées dans le texte de la loi
là-dessus. Je n'ai pas vu clairement ce que vous envisagiez comme
amendement dans le texte de loi. Je vais vous poser une question: Dans la loi
actuelle, le directeur exerce ses fonctions sous l'autorité du directeur
général de la commission scolaire. Est-ce que vous êtes
pour ou contre cela?
M. Neveu: On est pour cela. C'est, d'ailleurs, dans ce
sens-là que je disais tantôt que le lien hiérarchique -
cela a été mon expression - devra être maintenu entre la
direction générale de la commission scolaire et les directions
d'école.
M. Ryan: C'est très bien. Je vous remercie. Cela me
satisfait.
M. Neveu: C'est ce que je disais.
M. Ryan: Très bien, je voulais qu'on clarifie cela. Je
suis bien content. Une autre question à propos du régime
pédagogique. Vous dites dans votre mémoire que vous acceptez
toutes les fonctions pédagogiques qui sont proposées pour
l'école. Je suis moi-même porté à les accepter, pour
être franc avec vous, mais pas de manière exclusive. Je vais
prendre un exemple concret de l'application du régime
pédagogique. Prenons un exemple pratique: supposons qu'il s'agisse d'un
nouveau programme de français en 4e année et que la
manière dont ce programme est appliqué à l'école ne
soit pas jugée convenable ou dans le meilleur intérêt des
enfants ou en conformité avec les normes les plus exigeantes de ce
côté-là et que la commission scolaire se rende compte de
cette situation. Il peut arriver que deux ou trois membres du conseil
d'école, eux, aient jugé dans leur sagesse que le français
s'enseignait de telle manière; ou un enseignant, cela peut aussi
arriver. Est-ce que vous reconnaissez un pouvoir d'intervention à la
commission scolaire dans un cas comme celui-là, un pouvoir de
redressement de la situation autre que le pouvoir de mise en tutelle qui est
proposé à l'article 207 ou 217?
M. Neveu: D'abord, je pense qu'avant de répondre au corps
même de votre question, M. Ryan, il faut faire bien attention. Je
comprends que le conseil d'école aurait la possibilité - vous me
reprendrez si j'interprète mal ce que vous dites - de décider de
la façon dont un enseignant doit fonctionner, doit travailler dans sa
classe. Il n'y a absolument rien dans le projet de loi qui nous permet de
penser que le conseil d'école va avoir une autorité
de fait sur l'enseignement dans chacune des classes. L'enseignant va
devoir continuer à être le seul maître de sa classe,
à enseigner le programme officiel du ministère.
M. Ryan: Je m'inspire du texte du projet de loi, quand on dit,
à l'article 94: "L'école est responsable de l'application du
régime pédagogique." On vous dit ailleurs -je pense que c'est
à un article précédent -que, quand on parle de
l'école, on parle du conseil d'école; les deux sont synonymes.
Cela veut dire qu'il peut se mettre le nez assez loin, s'il est plutôt
interventionniste.
M. Neveu: On dit également à l'article 104 que
chaque membre du personnel enseignant détermine les modalités
d'application du régime pédagogique.
M. Ryan: Justement, il y a tellement d'articles qui chevauchent
les uns les autres - vous l'avez vous-même mentionné tantôt
-qu'on éprouve le besoin d'avoir des clarifications pour ne pas se
retrouver dans la pratique avec des chevauchements de fonctions ou de
rôles qui donneront lieu à des conflits. (16 heures)
M. Neveu: Non, sur ce point-là spécifiquement, si
vous me le permettez, M. le Président, je ne voyais pas
d'ambiguïté comme telle puisqu'il me semble clairement
établi dans le texte du projet de loi que les fonctions du conseil
d'école ne permettent pas, justement, d'intervenir au niveau des
modalités, des méthodes d'enseignement et, finalement au niveau
du vécu en classe. Toutefois, en ce qui concerne le régime
pédagogique ou tout ce qui est service éducatif, le conseil
d'école va devoir se prononcer sur les principales orientations sur
l'enrichissement des programmes, en collaboration avec le corps enseignant. Je
ne crains pas du tout, M. Ryan, que les conseils d'école interviennent
dans les classes.
M. Ryan: Je vais poser ma question d'une autre manière
parce que je suis sûr qu'on est près de se comprendre. Est-ce que
vous reconnaissez qu'il doit y avoir un certain rôle assez important pour
la commission scolaire dans la mise en oeuvre du régime
pédagogique dans les écoles qui relèvent de sa
compétence?
M. Neveu: Effectivement. On disait tantôt - c'était
d'ailleurs un des exemples que je fournissais - que la commission scolaire
souhaitait que la fonction de contrôle soit mieux définie dans le
texte de loi. On peut facilement donner comme exemple l'application du
régime pédagogique qui est sous la responsabilité de
l'école et de son conseil, de la direction et de son corps
enseignant.
M. Ryan: Dans la situation dont je vous ai parlé,
supposons que, dans une école, l'application de tel programme se fasse
de travers, est-ce que la fonction de contrôle que vous reconnaissez
à la commission scolaire comporterait un pouvoir d'intervention de
manière à redresser la situation? Ou, est-ce que l'école
peut dire: En vertu de la loi, on est indépendant, on regrette; vous
avez une fonction de service, vous nous avez dit ce que vous pensiez, et
bonjour?
Mme Théroux-Saint-Laurent: Dans ce sens-là, je
pense qu'il ne faut pas penser que, parce que la loi déplace des
pouvoirs, c'est-à-dire donne à l'école des pouvoirs que la
commission scolaire avait, les gens dans les écoles vont, tout à
coup, arrêter de se questionner, de se concerter et d'utiliser les
ressources qui sont disponibles. Dans ce sens-là, je pense
qu'effectivement, lorsque, dans les écoles, on aura à
décider de l'application du régime pédagogique, les gens
auront à aller cueillir des informations pour devenir efficaces,
rentables et capables de répondre vraiment à ce que la loi ou le
régime pédagogique prescrit. Les gens devront donc se concerter
et ce sera dans un effort de plus grande qualité.
Je pense qu'il ne faut pas se leurrer. Dans une école, dans un
milieu donné qui est assez fort, il pourrait y avoir un groupe de gens
qui impose des choses, des idées, des façons d'appliquer un
régime pédagogique, mais, dans la façon de le vivre et
dans la façon de véhiculer les contenus prévus dans un
régime pédagogique... Est-ce que ce n'est pas cela qu'on veut,
une couleur locale? Pour autant que le régime pédagogique est
appliqué, pour autant que les contenus sont assurés, dans la
façon dont cela se fait, si cela répond aux besoins du milieu, le
milieu peut se donner ce qu'on appelle une couleur locale. L'école
deviendra responsable. Si, en l'appliquant, dans sa façon de le juger
apte à répondre aux besoins ou aux valeurs énoncés
dans le milieu, on se rend compte que le régime pédagogique n'est
pas bien respecté, c'est là que la commission scolaire pourra
intervenir. Seulement au moment où elle se rendra compte que le
régime n'est pas bien respecté et non pas dans la façon de
l'appliquer. Là est toute la différence. On veut permettre aux
écoles d'avoir l'air de ce que le milieu veut. C'est ce qu'on appelle,
M. Ryan, le projet éducatif à couleur locale.
M. Ryan: Ça va.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Une dernière question. Là-dessus, je crois
comprendre que, si ça ne va pas bien, vous reconnaissez que la
commission scolaire non seulement peut, mais doit intervenir au nom de
sa responsabilité.
Mme Théroux-Saint-Laurent: Je le souhaite beaucoup en
termes de respect de régime et non pas de la façon...
M. Ryan: Pas légalement? Est-ce que la loi devrait lui
donner ce pouvoir-là, ou non?
Mme Théroux-Saint-Laurent: Elle le lui donne.
M. Ryan: Actuellement?
Mme Théroux-Saint-Laurent: Elle le lui donne à
l'article 217, page 39.
M. Ryan: C'est cela que je vous ai dit; c'est le pouvoir ultime,
en tout dernier lieu. Est-ce que cela veut dire qu'elle ne pourra rien faire
tant qu'elle ne décidera pas de les mettre en tutelle? Il me semble
qu'il doit y avoir d'autres formes...
Mme Théroux-Saint-Laurent: M. Ryan, si je sais qu'on peut
me mettre en tutelle... Je présume que les gens seront encore
intelligents, même s'ils sont dans les écoles, qu'ils ne sont pas
à la commission scolaire. Je présume que, dans les écoles,
les gens avant d'être mis en tutelle vont se parler et la tutelle sera le
coup de massue.
M. Ryan: Vous avez droit à votre opinion...
Mme Théroux-Saint-Laurent: Je ne souhaite pas qu'on s'y
rende.
M. Ryan: ...mais je ne la partage pas du tout. Je pense que vous
reconnaissez qu'en fin de compte, il y a un problème. Une autre
question: Est-ce que vous concevez qu'il pourrait et qu'il devrait y avoir...
Là, on parle d'un projet éducatif local. Très bien, mais
une commission scolaire, à l'échelle de sa région,
pourrait décider d'avoir un projet régional. Elle pourrait se
dire qu'elle représente une population rurale, une population
ouvrière, une population qui est dans le domaine des services et qu'il
faudrait mettre l'accent sur tel ou tel point. Est-ce que la commission
scolaire, dans un tel cas, ayant décidé d'avoir certaines
priorités sur son territoire, aura le pouvoir de donner des orientations
aux écoles ou si chaque école pourrait dire, en vertu des
pouvoirs qu'elle aurait: Nous regrettons, mais nous n'avons pas de directive
à recevoir de vous?
Mme Théroux-Saint-Laurent: Moi, je pense que c'est
exactement cela, M. Ryan. C'est cela que le projet de loi veut. Une commission
scolaire ne pourra plus imposer sa façon de concevoir l'éducation
par un groupe de personnes à un niveau qui est loin de l'école.
Si, dans une région donnée, les gens peuvent se parler et
s'entendre sur un projet commun, régional, il n'y a pas de limite. Les
limites sont celles que les gens se mettront. Mais, si effectivement il y a des
écoles qui ne veulent pas, elles prendront l'article qui leur dit
qu'elles sont responsables et elles diront à la commission scolaire: Je
regrette, nous n'embarquons pas. C'est effectivement ce que la loi dit. Je
pense que c'est ce que la loi veut.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme
Théroux-Saint-Laurent. Cela va, M. le député
d'Argenteuil?
Mme Théroux-Saint-Laurent: J'ai bien dit la loi, M.
Ryan.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): M. le Président, au début de
votre mémoire, vous parlez d'un sondage que vous avez fait faire
auprès de la population de votre commission scolaire, sondage qui a
été réalisé par une société
indépendante, auquel ont participé 5490 familles, ce qui
représente une participation d'au-delà de 70%, ce qui est fort
impressionnant. Par contre, vous ne parlez pas du tout des résultats ou
de certains résultats de ce sondage. Est-ce que vous pourriez nous
éclairer à cet égard? Par exemple, quelle est la position
de la population qui a été sondée en ce qui concerne la
participation des parents au niveau de l'école? Une autre question
intéressante, c'est ce que les gens pensent du caractère
décisionnel du conseil d'école, des pouvoirs qui sont
confiés à l'école. Est-ce que vous pouvez nous donner
certaines idées sur ce que pense la population?
Le Président (M. Blouin): Je comprends que votre question
touche particulièrement deux points, la participation des parents et le
rôle décisionnel du comité d'école. M. Neveu.
M. Neveu: Si vous me le permettez, M. le Président, compte
tenu que le sondage avait été mené par le comité de
parents, à tout seigneur, tout honneur, je vais leur laisser le soin de
commenter et de répondre aux questions.
M. Guay (Raymond): Sur la participation des parents, il y a
près de 70%, si ma mémoire est fidèle, des parents qui
sont intéressés à une plus grande participation avec le
nouveau système qui est proposé. Le sondage, il faut bien le
dire, avait été fait dans le cadre du dépôt du livre
blanc, Une
école communautaire et responsable. Dans le cas des pouvoirs
décisionnels, au-delà de 54% des parents désiraient un
plus grand pouvoir de décision au niveau de l'école.
M. Leduc (Fabre): Je reviens sur une autre question, M. le
Président, celle de la fonction de contrôle de la commission
scolaire. Je voudrais que vous clarifiiez certaines idées que vous avez
exprimées tout à l'heure. Vous avez parlé d'un
contrôle que la commission scolaire devrait exercer sur l'école.
Vous avez parlé d'un lien hiérarchique qui devrait exister entre
le directeur d'école et le directeur général de la
commission scolaire. Est-ce que, pour vous, ce contrôle devrait s'exercer
dans tous les domaines ou dans certains domaines spécifiques? La
question que je me pose, c'est: Est-ce que vous n'enlevez pas l'autonomie
à l'école, ce qui est précisément dans le projet de
loi? Comment conciliez-vous cela, l'autonomie donnée à
l'école par rapport au contrôle hiérarchique? J'aimerais
que vous précisiez le mieux possible votre point de vue.
Le Président (M. Blouin): M. Neveu.
M. Neveu: Quant à la première partie de la
question, je pense bien que, pour réinstaurer, si vous voulez, ce lien
hiérarchique, il ne suffirait que de stipuler dans la loi que les
directions d'école relèvent, au niveau hiérarchique de
l'organigramme, de la direction générale. Quant à
jusqu'où peut s'étendre ce pouvoir de contrôle, moi, j'y
vois là un sens contrôle-évaluation. Ce n'est pas un
contrôle dans le sens répressif ou de coups de baguette, c'est
dans le sens d'évaluation. Donc, jusqu'où ce contrôle
peut-il s'exercer? C'est, bien sûr, d'abord dans les limites des
fonctions qui sont celles de la commission scolaire, d'une part. Je ne pense
pas que celles-là causent des problèmes. Quant aux fonctions
spécifiquement dévolues aux conseils d'école - toutes les
fonctions d'ordre pédagogique - la commission scolaire devra avoir cette
faculté, cette possibilité d'évaluer le travail,
d'évaluer si les besoins exprimés et les attentes du milieu au
niveau pédagogique ont été mis en place dans
l'école afin que soit réalisée cet objectif. Si on n'a pas
cette notion d'aller jusqu'à l'évaluation des fonctions
pédagogiques, si cela ne s'inscrit pas dans la loi, on court le risque
que des milieux, des conseils d'école, merveilleusement bien
structurés avec de bonnes directions d'école, ne
bénéficient pas d'une évaluation de l'extérieur. Ce
ne pourrait être qu'une auto-évaluation. L'évaluation qui
peut être faite à l'extérieur dans un cadre de gestion,
c'est généralement très sain, dans le sens que c'est un
élément dynamique. C'est dans ce sens qu'on propose d'amender la
loi. Donc, cela peut aller, effectivement, si le besoin se fait sentir,
jusqu'à une évaluation quant aux fonctions dévolues aux
conseils d'école.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
M. Leduc (Fabre): Donc, si je comprends bien, évaluation
et non-intervention de façon à donner des directives sur la
manière de gérer ou d'organiser le projet éducatif?
M. Neveu: C'est cela. Il n'y a pas de directive qui doit
émaner de la commission scolaire vers le conseil d'école. C'est
une évaluation; c'est un outil de gestion.
M. Leduc (Fabre): Très bien. Une autre question. Vous
proposez une formule de représentation au conseil d'administration de la
commission scolaire, une formule mixte parents-commissaires élus.
Comment concilier cela avec l'idée de maintenir un lien avec
l'école, que l'école soit représentée à la
commission scolaire, que le point de vue de l'école soit défendu
à la commission scolaire? Est-ce que vous ne brisez pas ce lien qui me
semble indispensable pour que l'école accorde tout le soutien
nécessaire à son bon fonctionnement?
M. Neveu: Vous avez absolument raison de prétendre que
c'est un lien essentiel. Toutefois, on pense - on en est persuadé
également, compte tenu de tout ce qui s'est fait chez nous - que la
formule que nous préconisons n'atténuera aucunement ce lien entre
l'école et la commission scolaire, mais qu'elle a beaucoup plus de
chances de le rendre viable, profitable, enrichissant de part et d'autre. Et je
m'explique. C'est dans le sens que, tel que le projet de loi le
préconise, les conseils d'administration des commissions scolaires
seraient formés exclusivement de membres issus d'une école. Il y
aurait effectivement un lien qui existerait entre la commission scolaire et une
école, l'individu qui la représente. Ce que nous
préconisons, c'est que ce soit un genre de collège
électoral formé pour que les membres des conseils d'école
délèguent des leurs. Donc, les personnes qui seront élues
émanant des conseils d'école, elles vont véritablement
représenter les écoles du territoire ou de leur territoire en
raffermissant les liens pour l'ensemble de la communauté et non pas
identifiés à une seule école.
M. Leduc (Fabre): Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le
député de Fabre. M. le député de Saint-Henri.
M. Mains: J'ai deux petites questions, M. le Président.
Nous, du Parti libéral, dans une tournée que nous avons faite
à travers la province, avons rencontré de très nombreux
comités et conseils de parents. À ce moment-là, il y a
environ un an, ces gens-là, les parents, préféraient
surtout le pouvoir de pression qu'ils pouvaient exercer auprès des
autorités plutôt que le pouvoir de décision que vous
donnerait le projet de loi. Vous semblez accepter cela avec beaucoup de
bravoure. Est-ce que je peux savoir comment vous évaluez ces nouvelles
responsabilités qu'on s'apprête à déposer sur vos
épaules?
Mme Courchesne: Nous souhaitons justement ces
responsabilités parce que ce qui est un peu fatigant, quand on travaille
dans un comité d'école ou un comité de parents, c'est de
ne jamais pouvoir prendre de décision. On est consulté et, selon
les commissions scolaires, ou selon les écoles, on est
écouté ou non. En fait, à un moment donné, on
aimerait bien pouvoir prendre des décisions. Quant il y a un consensus
au niveau des parents, on aimerait que l'idée passe. Si on n'a aucun
pouvoir de décision, comment voulez-vous qu'on aille loin? Au
départ, bien sûr, cela fait un peu peur d'avoir à prendre
des décisions quand on n'a pas l'habitude. On s'habitue très vite
à cela. (16 h 15)
M. Hains: Je vous le souhaite bien. En tout cas, moi, je suis un
ancien directeur d'école. J'ai peut-être mal tourné
dernièrement, mais enfin je suis ici aujourd'hui. Vous parlez vraiment
avec beaucoup de détails de l'ambiguïté du statut actuel du
directeur d'école. Vous dites qu'il est nommé par la commission
scolaire, mais qu'il a été choisi ou suggéré par un
organisme. Si le directeur d'école ne vous va pas, à un certain
moment, vous avez le droit comme cela de le renvoyer à la commission
scolaire qui le mettra sur des tablettes ou bien lui trouvera peut-être
un autre emploi dans une autre école. C'est un peu la technique du
dumping dont parlait notre porte-parole ce matin. Est-ce que vous ne trouvez
pas cela vraiment un peu méprisant pour un professionnel du
métier?
Mme Courchesne: Précisément, ce qu'on demande,
c'est que cela ne soit pas le conseil d'école qui décide de
résilier, par exemple, le mandat d'un directeur d'école puisque
l'employeur, c'est la commission scolaire; ce serait à la commission
scolaire de prendre cette décision, sur recommandation du conseil
d'école évidemment.
M. Hains: C'est cela. C'est vous-même qui allez recommander
la démission du directeur d'école ou enfin son départ de
votre école pour qu'il soit placé ailleurs, parce qu'il ne vous
satisfait pas.
Mme Courchesne: En principe, son mandat est de cinq ans.
M. Hains: Cinq ans, mais, s'il ne vous va pas après deux
ou trois ans, vous avez la liberté, je crois, de recommander sa
démission et là la commission scolaire prendra la décision
de le coucher sur une tablette ou de l'envoyer ailleurs.
Mme Courchesne: Ou de l'envoyer à une école qui
conviendrait mieux à sa personnalité ou à sa façon
de voir les choses.
M. Hains: Mais si tous les postes sont occupés, madame,
qu'est-ce qui arrive? Voilà'. Moi je trouve cela vraiment injurieux, non
parce que je suis un ancien directeur d'école, mais parce que c'est
quand même un professionnel de l'enseignement.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Saint-Henri. M. le député de Vachon.
M. Payne: J'aimerais vous saluer au nom du conseil des
députés de la rive sud ainsi qu'en mon nom personnel comme
député de Vachon. J'ai été en mesure
d'évaluer le travail exceptionnel de votre commission scolaire lors de
la consultation sur le projet de loi et sur le livre blanc qui le
précédait. Je connais plusieurs de vos enseignants, de vos
parents et les personnes qui ont participé à la consultation. Il
y a d'ailleurs eu beaucoup de commentaires dans la région sur la
consultation qui a été tout à fait impressionnante.
Je prétends que, malgré les discussions politiques et
partisanes, il y a un certain consensus qui commence à se dégager
depuis quelques mois, particulièrement au niveau de la valorisation de
l'école, de la suggestion pour le développement de projets
locaux, de l'accroissement du rôle des parents, de la révision de
la carte scolaire et aussi de quelques modifications importantes en ce qui
concerne l'option confessionnelle ou linguistique.
Les défenseurs du statu quo mettraient de côté ces
suggestions progressistes, à mon avis, pour invoquer la
non-applicabilité du projet de loi et du livre blanc. Ils
rejetteraient du revers de la main l'idéalisme du projet.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Vachon, est-ce que vous avez une question à poser à nos
invités pour que nous puissions procéder?
M. Payne: M. le Président, c'était ma
question.
Le Président (M. Blouin): Très bien, d'accord.
Une voix: Bravo!
M. Payne: Quant à cette idée, à savoir que
le livre blanc et le projet de loi seraient non applicables, que ce serait un
projet idéaliste, quelles sont vos expériences vis-à-vis
de la participation des parents au niveau du comité d'école tel
que proposé dans le livre blanc? Est-ce que vous considérez qu'un
tel pessimisme devrait être général à cet
égard, à la suite de l'adoption du projet de loi? Je crois qu'une
partie de la réponse se trouve dans la manière dont vous avez
engagé la consultation auprès des parents.
Le Président (M. Blouin): M. Guay.
M. Guay (Raymond): M. le Président, à ce sujet,
dans le sondage qui a été fait après le dépôt
du livre blanc, on disait: Les comités d'école actuels sont
orientés vers la consultation. Le livre blanc vous suggère une
école avec plus de responsabilités et devant servir davantage le
milieu. Plus de 71% ont répondu être d'accord avec ce principe. Si
on fait le tour des comités d'école et des comités de
parents de la région, de plus en plus, les gens nous disent: Si on peut
enfin avoir certains pouvoirs dans l'école, on va nous voir le bout du
nez. C'est un élément très important, à mon avis,
qui vient répondre à votre interrogation.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Guay.
Oui, Mme Courchesne.
Mme Courchesne: II y a une chose qu'on oublie très souvent
lorsqu'on parle des parents, c'est qu'actuellement on est au niveau primaire.
Il y a tout de même une nouvelle génération de parents qui
est instruite, qui a un certain nombre d'idées et qui est
intéressée à suivre vraiment ce qui se passe dans les
écoles. Quand votre enfant commence à la maternelle et en
première année, vous allez voir ce qui se passe, vous regardez
cela. Cela vous prend peut-être un an pour voir tout ce qui va et tout ce
qui ne va pas et, ensemble, on commence à avoir des idées. On
aimerait que les choses changent, bougent dans le sens des valeurs du milieu.
Le milieu est toujours très petit.
Ce qui intéresse les parents, ce n'est pas l'ensemble des
écoles du Québec. Ce qui m'intéresse ou ce qui les
intéresse, c'est l'école que fréquentent mes enfants, donc
mon quartier. Quelles sont les valeurs de mon quartier? Qu'est-ce que
j'aimerais voir dans mon secteur? Les parents, si vous leur donnez l'occasion
d'exercer des pouvoirs de décision - tout le monde le sait dans le
milieu - pourront influencer un grand nombre de personnes et aller de l'avant.
Par exemple, dans notre secteur, il est très important d'accorder une
grande valeur à la langue parlée. Il est possible que les parents
décident de mettre cela de l'avant dans le milieu. Dans un autre milieu,
ce qui serait le plus important, c'est peut-être le sport; c'est ce qu'on
va plutôt valoriser à l'intérieur du régime
pédagogique. On ne touchera jamais aux programmes. Ils sont fixés
et ils sont pour tout le monde. Mais on est là pour donner du dynamisme,
si vous voulez, au milieu afin que les enfants soient plus contents et nous
aussi.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Mme
Théroux-Saint-Laurent, une brève réponse
complémentaire.
Mme Théroux-Saint-Laurent: Pour reprendre un peu ce que je
n'ai pas eu l'occasion de répondre à M. le député,
ex-directeur d'école, quand on parlait des pouvoirs de pression et de
décision, je crois que la loi permet les deux. Les parents, s'ils le
désirent, pourront garder au niveau de l'école un comité
de parents ayant un pouvoir de pression. Les pressions des parents, ceux qui ne
veulent que faire des pressions y trouveront leur compte et ils pourront les
parents qui veulent prendre des décisions au niveau de l'école,
mais tout demeure dans l'école.
Le Président (M. Blouin): Je n'avais pas compris que vous
vouliez revenir sur une question antérieure. Cela va. M. le
député de Vachon.
Mme Théroux-Saint-Laurent: C'était dans la
participation des parents.
Le Président (M. Blouin): Si l'on veut.
M. Payne: C'est très simple, il faut être
très ferme dans votre réponse. Est-ce qu'il y a la moindre chose,
dans le projet de loi, en ce qui concerne le chapitre "Comités de
l'école", leur rôle et leur participation, sur
l'applicabilité de ce principe qui enlèverait quoi que ce soit
à la commission scolaire dans son rôle de soutien du réseau
d'écoles?
Mme Courchesne: Non, à mon avis. C'est clair?
Le Président (M. Blouin): Bon, très bien. Merci, M.
le député de Vachon. Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais vous
remercier de votre mémoire. Je constate que, malgré votre appui
en
principe au but visé, celui de valoriser le rôle de
l'école et surtout le rôle des parents, vous avez soulevé
au moins deux problèmes majeurs qui, à mon avis, sont
fondamentaux: d'abord, l'ambiguïté du rôle et de
l'imputabilité du directeur d'école, et le rôle et
l'imputabilité des commissaires. Ce sont deux problèmes que notre
porte-parole a soulevés ce matin dans son discours d'ouverture.
Ma question porte sur les pouvoirs consacrés aux parents dans le
projet de loi. Voudriez-vous nous préciser, sur le plan pratique, ce que
vous envisagez comme pouvoirs décisionnels pour les parents dans le
projet de loi, des pouvoirs que vous n'avez pas dans le système actuel?
Sur le plan pratique et non théorique, qu'est-ce que vous envisagez
comme pouvoirs décisionnels pour les parents?
Le Président (M. Blouin): M. Guay ou Mme Courchesne.
M. Guay (Raymond): Oui.
Le Président (M. Blouin): M. Guay.
M. Guay (Raymond): Cela entre, à mon avis, dans les
fonctions de l'école. Dans l'application du régime
pédagoqique, l'école peut se donner un comité
pédagogique composé d'enseignants et le conseil d'école
peut être alimenté par ce comité pédagogique pour
donner une orientation plus grande ou une plus grande ouverture à
l'application du régime pédagogique. Par la suite, vous avez le
service d'enseignement, tout l'aspect de l'évaluation: bulletins,
critériums et autres, et les services à la communauté.
Le Président (M. Blouin): Mme la
députée.
Mme Dougherty: D'abord, sur l'application du régime
pédagogique, qu'est-ce que vous entendez par le mot "application"? Comme
vous l'avez dit à la page 5: "...les programmes d'enseignement sont
établis à l'échelle de la province et les objectifs
à atteindre sont les mêmes partout." Quels sont les
éléments qui restent à l'école dans le... Qu'est-ce
que vous entendez par le mot "application"? Quelles sont les décisions
qui restent aux parents?
M. Guay (Raymond): Mme Saint-Laurent pourrait
répondre.
Le Président (M. Blouin): Mme Saint-Laurent.
Mme Théroux-Saint-Laurent: Sur ce point, d'après la
lecture et l'interprétation que je fais de l'application du
régime pédagogique, il est évident que les parents dans
chacune des écoles auront des pouvoirs qu'ils n'ont pas
présentement. Je crois que, dans le contexte actuel de la loi, il est
impossible pour des parents, dans une école d'une commission scolaire
où il y a plusieurs écoles, de décider si, par exemple,
dans cette école, on accordera une plus grande part, comme le disait
madame tout à l'heure, aux arts, à la langue ou si on fera la
promotion de tel type d'activité plutôt que de tel autre. La
commission scolaire établit pour l'ensemble de ces écoles une
façon de procéder, répartit les ressources qui sont sous
sa juridiction et tout le monde marche au même pas. Dans l'application du
régime pédagogique, chaque école pourra choisir, à
l'intérieur des normes prescrites par le régime
pédagogique, des priorités et même des contenus, puisque le
régime pédagogique permet, en plus du minimum qui est
prévu pour tout le monde, des ajouts. Les enseignants pourront, selon
leur compétence et selon la diversité de leurs affinités
ou de leur goût personnel pour certains types d'activités,
promouvoir un visage bien spécial dans une école. (16 h 30)
En plus du régime pédagogique, quand on parle des services
à la communauté, présentement, la plupart des commissions
scolaires ont au niveau de leur territoire une politique de location de salles,
une politique d'utilisation de bâtisses qui est uniforme pour tout le
monde. Dans la nouvelle loi, une école pourra se donner des services qui
répondent à son milieu et si, dans un milieu X, on veut refaire
de l'école le centre communautaire où, lors des 25e anniversaires
de mariage, c'est dans la salle de l'école qu'on ira, quand on aura des
mariages, tout le monde pourra louer la salle. Cela a l'air des détails,
mais ce sont des choses concrètes. Présentement, il y a une
politique d'ensemble et, effectivement, la politique est suivie pour tout le
monde sur le même pied. Les gens pourront se donner des choses plus
personnelles, beaucoup plus spécifiques.
On parle aussi de l'évaluation. Je pense que, quand on parle
d'évaluation, on ne parle pas beaucoup ici des moyens
d'évaluation selon les milieux. Il y a des gens dans certains milieux
qui demeurent attachés à quelque chose sentimentalement ou
à cause des préjugés ou parce que cela a toujours
été comme cela; peut-être qu'ils sont plus conservateurs
que d'autres. Il demeure que des gens souhaitent encore des évaluations
où on a la note, où on a le rang, où on a des choses qui
correspondent plus à leurs besoins. Eh bien! ils pourront se le donner.
L'école qui veut un régime d'évaluation par des fiches
personnalisées pourra se le donner. Je pense que ce sont là des
faits concrets sur différents aspects où la loi peut permettre
à une école de se donner des services.
Une dernière chose qui me vient à l'idée: Par
exemple, au niveau des commissions scolaires, on a énormément de
difficultés à répondre à des besoins en terme
d'orthophonie. On décèle beaucoup de difficultés de
langage chez les jeunes. Présentement, la commission scolaire, avec les
limites budgétaires qu'elle a, se donne des services d'orthophonie qui
sont distribués à l'intérieur de la commission scolaire
selon les possibilités financières et le temps dont la personne
dispose. On a beaucoup parlé des milieux défavorisés, mais
on n'en parle pas beaucoup là. Mais si, dans un milieu
défavorisé, on sent que l'accent devrait être mis sur le
dépistage et sur le soin particulier des élèves en
difficulté, pourquoi l'école ne pourrait-elle pas engager,
à même les ressources qui lui seront données par la
commission scolaire, un orthophoniste à temps partiel?
Présentement, la commission scolaire en a un et on s'en sert pour tout
le monde, selon les possibilités que l'on a. Couleur locale.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Je suis une ancienne présidente d'une
commission scolaire où j'ai vu toutes sortes de priorités
exprimées au niveau local dans chaque école. Je me demande
comment il se fait que les priorités pédagogiques dont vous
parlez, priorité pour les arts, priorité pour les sports,
priorité pour la musique... Je me demande comment il se fait que,
même aujourd'hui, dans des dizaines et des centaines d'écoles, on
voit des programmes, des priorités des parents de chaque école,
exprimées exactement comme vous les avez décrites, sans avoir un
changement dans la loi. Je me demande où est le problème. Est-ce
qu'on a besoin d'un chambardement de tout le système pour valoriser les
priorités des parents ou est-ce que la possibilité n'existe pas
à l'heure actuelle? Mais, ce n'est peut-être pas demandé
suffisamment fort par les parents, parce qu'il y a des centaines
d'écoles qui réussissent très bien à exprimer leurs
priorités exactement comme vous les avez décrites.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. Guay.
M. Guay (Raymond): M. le Président, par le fait que les
écoles n'ont pas ces pouvoirs, dans beaucoup de cas, les commissions
scolaires ayant juridiction sur les écoles à ce moment-là,
les parents veulent bien, ils font des pressions pour obtenir une école
qui soit axée davantage sur les arts, mais ce n'est pas la
priorité pour la commission scolaire et les parents restent sur leur
appétit.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, Mme la
députée de Jacques-Cartier. Maintenant, nous devrons, avant 18
heures, entendre un autre organisme. J'invite donc les deux derniers
intervenants à faire des interventions succinctes et aussi nos
invités à nous donner des réponses succinctes. M. le
député de Chauveau.
M. Brouillet: Passons immédiatement aux questions.
J'aimerais quand même situer le cadre de ma question, cela va de soi. Un
des aspects assez important, je crois, de nos préoccupations en ce qui
concerne cette réforme, c'est d'assurer un lien entre les conseils
d'école et le conseil des commissions scolaires. Il faut qu'il y ait un
rapport assez étroit entre les deux. Vous semblez privilégier le
transfert d'une partie des membres du conseil d'école au niveau de la
commission scolaire pour assurer la présence de l'école au sein
de la commission scolaire. Le projet de loi privilégie l'autre
direction. Pour assurer le lien, on va faire en sorte qu'un des membres de la
commission scolaire soit présent au conseil d'école. Je pense
qu'on s'entend sur la nécessité qu'il y ait un lien entre les
deux instances décisionnelles et administratives. Je vais vous poser une
question sur une des solutions possibles. Vous vous opposez au projet de loi en
faisant appel à deux raisons sur ce plan, le projet de loi qui stipule
que le commissaire élu sera présent au conseil
d'école.
La première raison, c'est que vous avez peur d'une politisation
au sein de l'école par le biais d'une élection. Je ne vois pas
très bien la portée exacte de votre raison parce que, de toute
façon, les parents qui vont composer le conseil d'école sont des
parents qui seront soumis au processus électoral. La communauté
de l'école aura à vivre une élection. Dans l'autre cas,
c'est évident que le champ où va se jouer l'élection sera
plus vaste car ce sera au suffrage universel. Quand même, le jeu
électoral est déjà présent dans l'école, de
toute façon. Disons que, pour cette raison, je ne vois pas très
bien.
La deuxième raison, c'est le conflit d'intérêts.
Disons que je suis peut-être un peu plus sensible à cette raison.
Une solution que je vous proposerais - j'aimerais connaître votre
réaction à cette solution -c'est que le commissaire élu,
pour assurer le lien, devrait d'office assister, être membre du conseil
d'école et, pour éviter un conflit d'intérêts, il
n'aurait pas droit de vote. Il serait là pour bien connaître ce
qui se passe, écouter, savoir ce qui se passe à l'école.
Quand il arriverait à la commission scolaire, il pourrait vraiment
être au fait de ce qui se passe à l'école, mais il ne
serait pas lié par un vote auquel il aurait participé quand il
aurait à prendre une décision, au niveau de la commission
scolaire, dans
l'intérêt de l'ensemble des écoles. Que pensez-vous
de cette solution?
Le Président (M. Blouin): Mme Courchesne.
Mme Courchesne: C'est exactement ce qu'on souhaite, c'est dans le
mémoire.
Le Président (M. Blouin): Cela résume bien la
pensée des représentants de la commission scolaire. M. Neveu.
M. Neveu: Je pourrais étayer juste un petit peu plus.
Le Président (M. Blouin): Oui, rapidement s'il vous
plaît!
M. Neveu: Je voudrais quand même relever le commentaire du
député de Chauveau, à savoir qu'il ne voit pas très
bien la difficulté dans le fait qu'il y a une élection au sein
d'une école. Il ne voit pas la difficulté qu'on y voyait.
Très rapidement. Bien sûr, quand on parle d'élection au
suffrage universel cela sous-entend toute une mécanique qu'on ne
retrouve pas lorsqu'un groupe se rencontre, se crée en assemblée
générale et voit à se déléguer des membres.
C'est un des aspects.
Le second, dans le même ordre d'idées, c'est que la loi
prévoit actuellement que les membres des conseils d'école issus
des parents vont être nommés selon une procédure
déjà préétablie dans la loi et que,
subséquemment, le commissaire devra être élu au suffrage
universel. Dans l'attente de l'arrivée de la personne élue au
suffrage universel, c'est la direction de l'école qui assume la
présidence du conseil d'école. Encore là, si, pendant un
mois, il y a un groupe d'individus au sein du conseil d'école qui
s'implique, qui s'engage et que, dans la principale fonction, le plan
d'orientation, la personne élue va intervenir, va arriver par la suite,
à ce moment-là, il peut véritablement se créer,
strictement au niveau de l'élection, des conflits qu'on
déplorerait au niveau de l'école.
Le Président (M. Blouin): Cela va. M. le
député de Saguenay, succinctement, s'il vous plaît!
M. Maltais: Brièvement, trois petites questions. Est-ce
que, comme une commission scolaire, vous avez la visite d'information du
ministre, M. Laurin, lors de sa tournée? Vous parlez beaucoup de
suffrage universel et vous allez beaucoup plus loin aussi que le ministre. Le
ministre va au suffrage universel par école alors que vous n'y allez pas
du tout, parce que le principe d'être élu au suffrage pourrait
gêner certaines procédures à l'intérieur du
comité d'école. Il y a une petite question qui me vient a
l'esprit. Si personne n'est élu, vous n'avez pas dit que vous
étiez contre l'article 258 qui permet de taxer... Vous savez qu'il y a
un principe en saine démocratie: pour taxer, il faut être
élu. Je n'ai pas vu dans votre mémoire des renonciations. Tout ce
beau système coûtera des dollars et la loi vous permet d'aller
chercher 6% de votre budget. Vous devrez taxer l'ensemble des contribuables de
votre commission scolaire dont une partie aura été exclue de la
voie décisionnelle. Est-ce que vous croyez que cela est correct?
Le Président (M. Blouin): M. Neveu.
M. Neveu: Quant à votre première question, à
savoir si on a eu l'occasion de participer à la séance
d'information que le ministre de l'Éducation a pu tenir dans notre
région, effectivement, on devait y participer, mais cette
rencontre-là a été reportée subséquemment.
Par contre, on a eu l'occasion de participer à des rencontres
d'information sur tout le territoire avec la direction régionale du
ministère de l'Éducation et non pas avec le ministre Laurin.
Quant au second volet de votre question, vous dites qu'on est contre le
suffrage universel. On n'est pas contre le suffrage universel, au contraire. On
en fait même un amendement. Ce sur quoi on est contre, c'est de le situer
au niveau de l'école. On dit que le suffrage universel devrait
partiellement être maintenu au niveau du conseil d'administration de la
commission scolaire. Pourquoi partiellement maintenu? C'est tout simplement
pour faire référence à ce qu'on vit actuellement.
Actuellement, l'ensemble des membres du conseil d'administration est élu
au suffrage universel. On dit: Demain, avec le projet de loi, on
préconise qu'il y ait la moitié des membres qui soit
élue.
M. Maltais: Partiellement, pour vous, ça veut dire
quoi?
M. Neveu: Partiellement, en termes de quantité.
Actuellement, c'est l'ensemble, la totalité et demain, on dit que c'est
la moitié qui devra être élue au suffrage universel et les
autres seront issus des conseils d'école.
Le Président (M. Blouin): Ça va, M. le
député de Saguenay?
M. Maltais: D'accord. Ce sera plus long tout à
l'heure.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, au nom
de tous les membres de cette commission parlementaire, je remercie les
responsables de la commission scolaire
Jacques-Cartier de leur précieuse collaboration aux travaux de
cette commission.
J'invite maintenant les membres de la commission scolaire Morilac
à s'avancer pour prendre place à la table des invités. Je
rappelle à ces invités que nous leur demanderons d'abord
d'identifier les responsables de leur commission scolaire et ensuite
d'identifier le territoire de leur commission scolaire et le niveau
d'enseignement auquel ils s'adressent. Pour les fins du journal des
Débats, bien sûr, ils devront s'identifier personnellement avant
de nous livrer le contenu de leur mémoire. Très bien, nous vous
écoutons.
Commission scolaire Morilac
Mme Custeau (Colette): Merci, M. le Président. La
commission scolaire Morilac est une commission scolaire primaire et elle est
située dans l'Estrie. Elle regroupe les villes de Valcourt, Richmond et
Windsor.
Il me fait plaisir de vous présenter les gens qui m'accompagnent.
D'abord, M. René Pelletier, représentant des parents; M. Guy
Létourneau, directeur général, et M. Jean-Guy Bolduc,
directeur d'école. Si vous me le permettez, M. le Président, je
vais faire la lecture du mémoire...
Le Président (M. Blouin): Vous êtes très
humble, vous oubliez de vous présentez.
Mme Custeau: Je m'excuse. Colette Custeau, présidente du
conseil des commissaires.
M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission
parlementaire, la commission scolaire Morilac est heureuse de vous faire part
de l'analyse qu'elle fait du projet de loi 40 à partir de son
expérience vécue depuis de nombreuses années,
particulièrement dans l'élaboration de projets éducatifs
propres à chacune des écoles. (16 h 45)
Les commissaires d'écoles, les membres du comité de
parents, les cadres de la commission scolaire, les directeurs d'école et
les professionnels non enseignants ont convenu de se présenter ensemble
devant cette " commission parlementaire pour bien manifester le consensus des
différents agents sur les propos que nous allons vous livrer.
Ce qui nous incite à faire cette communication, c'est la
conscience d'avoir été parmi les pionniers dans la recherche
d'une autonomie relative des écoles dans le système actuel. Cette
expérience nous confère une certaine compétence pour
parler de la situation d'une école qui a un projet éducatif.
Étant donné que le gouvernement propose que l'ensemble du
système scolaire primaire et secondaire public s'oriente dans cette
direction, nous croyons avoir une responsabilité sociale de participer
au débat que le projet suscite.
Nous commenterons particulièrement un aspect du projet de loi qui
devrait, à notre avis, être à l'origine d'une modification
majeure dans la façon d'administrer le système scolaire. Il
s'agit de la volonté de reconnaître une autonomie à
l'école pour qu'elle puisse vivre un projet éducatif qui comporte
des orientations et un plan d'action accordés à son milieu et
élaborés en collaboration permanente avec les parents, les
élèves et le personnel de l'école. C'est en
considérant cette orientation fondamentale que nous serons amenés
à commenter diverses mesures proposées dans le projet de loi.
Le projet éducatif, ce qu'il est pour nous. L'idée que
chaque école se dote d'un projet éducatif propre correspondant
aux aspirations particulières des agents du milieu a été
et est encore une source d'action dynamique pour le développement
harmonieux de chacune de nos écoles. Nous avons constaté qu'une
école avait besoin d'un cadre de référence signifiant,
préparé par elle, afin de lui permettre de se situer face
à l'ensemble des sollicitations extérieures qui lui arrivent de
toutes parts, de prendre conscience de ce qui constitue l'essentiel de son
activité auprès des enfants et, enfin, de planifier les diverses
actions à réaliser dans le temps et selon un ordre de
priorités correspondant à ses besoins. Un tel cadre de
référence favorise la prise en charge et le contrôle de son
action éducative auprès des enfants. Le projet éducatif a
été un instrument privilégié par la commission
scolaire Morilac pour atteindre cet objectif.
Nous ne croyons pas que toutes nos écoles aient toujours eu un
projet éducatif et nous sommes bien conscients qu'il y a encore beaucoup
de chemin à parcourir afin que la réalité vécue
dans chacune d'elles corresponde entièrement aux idéaux que nous
visons. Si on met de l'avant un concept relativement récent, celui de
projet éducatif, c'est, croyons-nous, pour mettre l'accent sur certains
aspects de la réalité jusque-là mis en veilleuse.
Pour nous, les aspects les plus importants que promeut l'idée de
projet éducatif d'école sont les suivants. Premièrement,
le développement chez chacun des agents de la conscience des
finalités des actions entreprises auprès des enfants et des
motivations qui justifient les gestes posés. Deuxièmement, le
développement de la solidarité entre les personnes agissant
auprès des enfants et du sens de la responsabilité collective
tant en ce qui concerne les objectifs à poursuivre et les actions
à réaliser qu'en ce qui concerne les résultats obtenus.
Troisièmement, le développement de la prise d'initiative qui
amène les gens à
rechercher eux-mêmes les solutions aux problèmes qui les
confrontent sans réclamer en premier lieu une intervention venant de
l'extérieur. Enfin, le développement d'une façon de
gérer favorisant l'interaction entre les agents, s'appuyant sur leur
compétence et leur reconnaissant l'autonomie indispensable pour assumer
leur mission éducative auprès des enfants.
La présence de ces quatre éléments dans l'esprit
qui anime les actions de l'école nous permet d'identifier qu'une
école vit un projet éducatif. Le projet éducatif n'est pas
pour nous principalement une technique de planification des objectifs et des
plans d'action. Il ne consiste pas non plus essentiellement dans
l'appropriation au niveau local des objectifs et des plans d'action
élaborés par le MEQ. Le projet éducatif met l'accent sur
le vécu réel de l'école, l'identification par
l'école de ses intentions concernant l'éducation des enfants et
la prise en charge des actions à réaliser pour mettre en oeuvre
ces intentions.
La commission scolaire Morilac considère que ses écoles
auront atteint les objectifs qu'elle poursuit, premièrement, lorsque
chacune d'elles aura pris en charge, dans l'école, l'orientation,
l'organisation, la réalisation et l'évaluation de l'ensemble des
activités et des situations vécues d'abord par les enfants, mais
aussi par les parents et les membres du personnel de l'école;
deuxièmement, lorsque tous les agents se sentiront solidairement
responsables d'en améliorer les résultats en tirant le meilleur
parti de l'ensemble des ressources disponibles.
C'est là une approche peu légaliste de la notion de projet
éducatif. Nous ne saurions accepter une définition de projet
éducatif qui minimiserait cette idée de prise en charge de
l'activité éducative vécue dans l'école par tous
les agents. Cette idée constitue pour nous la clef de voûte qui
permettra à l'école de devenir dans les faits le pivot du
système scolaire.
Le projet éducatif et l'école. Les pouvoirs de
l'école. La commission scolaire Morilac est d'accord pour que la loi
reconnaisse des pouvoirs spécifiques à l'école et, sur cet
aspect, le projet de loi 40 correspond à ses attentes.
Nous sommes convaincus qu'il est possible, dans la structure actuelle,
de déléguer aux écoles les pouvoirs que se propose de leur
accorder le projet de loi. Nous l'avons d'ailleurs fait depuis plusieurs
années. Cependant, nous sommes conscients aussi que les écoles
sont à la merci d'une conception centralisatrice de l'administration.
Nous croyons qu'une identification des pouvoirs de l'école dans la loi
constitue une protection minimale nécessaire contre cette tendance
centralisatrice. Permettez-nous cependant de nous poser des questions sur
l'augmentation concrète de l'autonomie de l'école.
Nous constatons que le ministère de l'Éducation ne laisse
ni à l'école, ni à la commission scolaire aucun des
pouvoirs qu'il exerce actuellement. De plus, plusieurs appuis au projet de loi
nous semblent provenir de groupes qui interprètent ce projet comme une
augmentation des pouvoirs de leurs groupes. C'est le cas, notamment, du groupe
des parents et de celui des directeurs d'école. Enfin, la formulation de
certains articles du projet de loi, particulièrement l'article 217,
pourrait, croyons-nous, permettre à une commission scolaire d'intervenir
dans l'exercice des pouvoirs d'ordre pédagogique attribués
à l'école. Si chaque interprétation soulignée
ci-dessus est possible, l'application de cette loi sera ou bien une source de
tension entre les groupes ou bien génératrice de
déceptions pour plusieurs.
La responsabilité du projet éducatif au niveau de
l'école. À la lecture du projet de loi, nous n'identifions pas
clairement qui est responsable du projet éducatif de l'école.
Nous percevons une confusion sur les organismes habilités à
déterminer et à gérer le projet éducatif. À
l'article 28, on écrit que l'école est sous l'autorité
d'un conseil d'école. Aux articles 65, 68 et 71, on détermine que
les comités d'école ont pour fonction de donner leur avis sur la
détermination des orientations et l'établissement du plan
d'action du projet éducatif de l'école. C'est là une
fonction consultative.
C'est le deuxième paragraphe de l'article 91 qui introduit la
confusion. Il est écrit: "Les parents, le personnel et les
élèves peuvent, de concert, donner à l'école des
orientations et un plan d'action accordés à son milieu. Les
orientations et le plan d'action qu'ils définissent ainsi de temps
à autre constituent des éléments de projet éducatif
de l'école." C'est là une fonction décisionnelle.
Si nous comprenons bien l'esprit de ce projet de loi, c'est le conseil
d'école qui est responsable de la mission de l'école; les
parents, le personnel et les élèves influencent le conseil
d'école par le biais des comités consultatifs. Comment peut-on
alors, d'une part, définir la fonction de ces derniers comme
étant consultative et, d'autre part, accorder aux groupes qui les
composent le pouvoir de donner à l'école des orientations et un
plan d'action?
Notre avis est que ce pouvoir de définir les
éléments déterminants du projet éducatif de
l'école doit appartenir au conseil d'école et la loi ne doit
laisser aucune ambiguïté sur cet aspect. En effet, quel pouvoir
aurait un conseil d'école qui ne maîtriserait pas les
décisions portant sur ce qui constitue l'essentiel de l'activité
de
l'école, c'est-à-dire son projet éducatif?
La confusion disparaîtrait si le deuxième paragraphe de
l'article 91 était rédigé de la façon suivante: "Le
conseil d'école, de concert avec les parents, le personnel et les
élèves, donne à l'école des orientations et un plan
d'action accordés à son milieu. Les orientations et le plan
d'action qu'il définit ainsi constituent des éléments du
projet éducatif de l'école."
Nous recommandons au ministre de modifier le texte de cet article. Cela
confirmerait clairement l'autorité du conseil d'école sur le
projet éducatif de l'école et ne laisserait aucun doute sur le
rôle des comités d'école. Dans cette perspective, il va de
soi aussi qu'il doit appartenir au conseil d'école d'établir les
modalités de consultation des comités sur le projet
éducatif de l'école, car nous sommes convaincus que la
définition des modalités de consultation et d'action fait partie
intégrante de la prise en charge.
Le projet éducatif de l'école et la commission scolaire.
Le rôle de soutien de la commission scolaire. Le fait pour chaque
école d'avoir son projet éducatif propre modifie en profondeur la
relation entre la commission scolaire et les écoles sous sa juridction.
D'une relation axée sur la fonction de direction à travers
laquelle la commission scolaire détermine des orientations communes
à toutes les écoles, une commission scolaire s'achemine vers une
relation axée sur le service et le soutien aux actions issues des
écoles. Nous avons vécu cette difficile transformation de
rôle.
Nous sommes heureux que le projet de loi reconnaisse à la
commission scolaire cette fonction de soutien. En effet, à l'article
206, on peut lire: "La commission scolaire assure le soutien à
l'organisation pédagogique des écoles."
Il nous apparaît que le soutien pédagogique constitue un
besoin important de l'école pour l'aider à assumer sa mission
éducative, et l'école doit participer activement à
l'identification de ses besoins de soutien comme à la définition
du plan d'action mis en oeuvre pour y répondre. C'est là,
d'après notre expérience, une condition essentielle à
l'efficacité de toute action de soutien de l'activité
éducative des écoles.
La commission scolaire, à cause de sa relation quotidienne avec
les écoles, est en situation privilégiée pour assumer ce
rôle de soutien pédagogique dans le respect véritable des
besoins des écoles. La structure proposée par le projet de loi 40
renforce cette situation en donnant aux écoles la possibilité
d'exercer un contrôle sur les activités de la commission scolaire.
Ainsi, les écoles peuvent avoir un contrôle réel sur les
plans de soutien élaborés par la commission scolaire, ce qui ne
serait pas le cas si ce rôle de soutien était attribué
à un autre palier du système scolaire, comme le ministère,
pour ne citer qu'un exemple.
Cependant, étant donné que l'expression "l'organisation
pédagogique" utilisée à l'article 206 peut prêter
à diverses interprétations, les unes étant très
ouvertes et les autres étant plutôt restrictives, nous
recommandons d'utiliser plutôt l'expression "soutien à
l'organisation des services éducatifs dispensés par
l'école". Cette référence aux services éducatifs a
l'avantage d'utiliser une notion clairement définie à l'article 1
du projet de loi.
Le rôle d'animation de la commission scolaire. Nous avons
constaté au cours de notre expérience que les écoles
avaient besoin que la commission scolaire joue un rôle d'animation en
plus de son rôle de soutien de leurs actions propres. (17 heures)
Nous croyons que, si la commission scolaire n'avait pas, année
après année, incité les écoles à approfondir
leur projet éducatif, si elle n'avait pas interrogé
l'adéquation des priorités qu'elles se sont données avec
les besoins du milieu, si elle n'avait pas remis en question leur ouverture
à la participation des agents, beaucoup de nos écoles seraient
retombées dans la routine du fonctionnement quotidien et n'auraient pas
investi les efforts nécessaires au contrôle conscient de leur
développement. C'est à travers les avis donnés sur le
projet éducatif de l'école que la commission scolaire a
joué une partie de ce rôle d'animation.
Nous sommes convaincus que tant que les valeurs sous-jacentes au
fonctionnement par projets éducatifs d'école ne sont pas
largement intégrées dans l'école, ce rôle
d'animation joué par la commission scolaire s'avère essentiel.
Sans une commission scolaire qui exercerait ce rôle de façon
très active dans les premières années de l'implantation de
la loi, nous croyons qu'une école pleinement responsable de son
activité auprès des enfants prendra plus de temps à
s'inscrire dans la réalité.
Puisque la loi reconnaît à la commission scolaire le
rôle de s'assurer que la population de son territoire reçoive les
services éducatifs auxquels elle a droit dans les écoles
situées sur son territoire (art. 199), puisque la loi reconnaît
à la commission scolaire le rôle d'informer la population de son
territoire des services éducatifs et des services à la
communauté qui lui sont offerts dans les écoles (art. 205),
puisque la loi reconnaît à la commission scolaire le rôle de
veiller à ce que les écoles évaluent les apprentissages de
l'élève (art. 207), il apparaît pertinent que
l'école rende compte de son projet éducatif à la
commission scolaire et que cette dernière ait le pouvoir de transmettre
à l'école son avis sur le projet éducatif de
l'école.
C'est pourquoi la commission scolaire Morilac recommande qu'on modifie
l'article 38 du projet de loi de façon à spécifier que le
rapport d'activité de l'école porte sur l'état de son
projet éducatif et que ce rapport doit être remis à la
commission scolaire. Même si l'article 37 oblige l'école à
fournir à la commission scolaire tout renseignement exigé par
elle, il n'apparaît pas superflu d'indiquer dans la loi que le projet
éducatif de l'école doit être remis à la commission
scolaire. De plus, la commission scolaire Morilac recommande qu'on ajoute,
après l'article 207, un article indiquant que la commission scolaire
peut donner aux écoles son avis sur le projet éducatif de
l'école.
Soyons clairs, nous ne demandons pas pour la commission scolaire le
pouvoir de définir les projets éducatifs des écoles, ni
celui de leur imposer des orientations communes; nous souhaitons que la
commission scolaire ait l'occasion de souligner à l'école ce qui
constitue, à son avis, les points forts et les points faibles de son
projet éducatif à partir d'une vision plus large de l'état
des services éducatifs dispensés sur son territoire. Nous croyons
que l'école a besoin d'un agent externe jouant le rôle de miroir
afin de l'aider à mieux prendre conscience de sa réalité.
Le fait pour une commission scolaire de donner son avis sur le projet
éducatif de l'école remplit une partie de ce rôle
très important.
Le rôle de contrôleur de la commission scolaire. Nous
souhaitons que la relation entre la commission scolaire et les écoles
soit basée sur la coopération et l'aide mutuelle. Dans cette
perspective, nous nous inquiétons particulièrement du contenu de
l'article 217 faisant de la commission scolaire le contrôleur du
gouvernement et du ministère de l'Éducation.
Il nous semble que cet article pourrait permettre à une
commission scolaire d'imposer ses vues aux écoles en pédagogie en
invoquant l'obligation qu'elle a de faire respecter les lois et les
règlements. Nous pensons que cet article contribuera au maintien du
système actuel, car alors, si cela se produisait, les énergies de
l'école continueront d'être polarisées par ce qui vient
"d'en haut" et non par "un plan d'action accordé à son milieu et
élaboré en collaboration permanente avec les parents, les
élèves et le personnel de l'école". Lorsqu'on constate,
d'une part, tout le champ d'intervention que se sont gardé le
gouvernement et le ministère de l'Éducation et, d'autre part,
l'obligation faite à la commission scolaire de mettre l'école en
demeure de se conformer aux lois et règlements, il y a là tout ce
qu'il faut pour que l'école ne devienne jamais "le pivot du
système scolaire".
Malgré cette crainte, nous voulons manifester notre accord avec
la proposition que la commission scolaire assume la fonction de contrôle
de l'application dans les écoles des lois et des règlements du
gouvernement et/ou du ministre. Nous croyons qu'il est moins risqué pour
les écoles que le contrôle soit exercé par un organisme qui
connaît leur évolution et qui est à même de juger de
leur situation propre.
D'ailleurs, nous avons dû, dans le passé, prendre des
libertés avec les directives du ministère et avec les
priorités qu'il voulait nous imposer parce qu'elles auraient eu pour
effet d'empêcher telle ou telle école de prendre en main la
solution de problèmes plus urgents identifiés par l'ensemble des
agents du milieu. Cette liberté relative est une condition essentielle
de la reconnaissance d'une autonomie véritable de l'école et un
facteur déterminant de la motivation qu'elle aura pour entreprendre une
démarche en vue de se donner un projet éducatif propre.
En effet, quelle pertinence y a-t-il à réaliser une
analyse de sa situation, à déterminer des priorités
d'action convenues dans le milieu, à se donner des orientations
correspondant à ses aspirations si tout le temps d'action disponible
doit être occupé à appliquer ce qui vient du
ministère? Nous osons affirmer qu'en situation de projet éducatif
d'école, lorsqu'il y a dans un milieu donné conflit entre les
priorités du système scolaire et les priorités largement
identifiées par les parents, le personnel et les élèves
d'un milieu, ces dernières doivent avoir temporairement
préséance sur les premières. C'est là le test de
vérité des intentions du projet de loi qui est
présentement à l'étude.
Le projet éducatif et le ministère de l'Éducation.
Comme vous pouvez l'entrevoir, un système d'éducation
reconnaissant à l'école le droit et le pouvoir de se donner un
projet éducatif propre correspondant aux besoins et aux aspirations des
personnes du milieu implique des changements importants dans la
mentalité et dans la pratique des relations entre la commission scolaire
et les écoles. Nous pensons que la plus élémentaire
cohérence implique des changements tout aussi importants dans la
mentalité et dans la pratique des relations entre le ministère de
l'Éducation, d'une part, et les commissions scolaires et les
écoles, d'autre part.
Le projet éducatif national. Nous reconnaissons à
l'État le pouvoir et la responsabilité de définir des
objectifs éducatifs communs à tous les élèves du
Québec. Cette responsabilité se concrétise principalement
dans la précision des objectifs obligatoires des programmes
d'études. L'ensemble des objectifs définis par l'État pour
l'éducation des enfants constitue ce qu'on appelle de plus en plus "le
projet éducatif national".
L'existence de ce "projet éducatif national" conditionne
grandement le projet
éducatif de l'école. En effet, l'école ne saurait
ignorer qu'elle fait partie d'un réseau plus vaste, qu'un
élément de son vécu est la mobilité de sa
clientèle scolaire et que son mandat d'éducation lui vient
d'abord de l'État avant de lui venir de l'assemblée des
parents.
Au cours des deux dernières décennies, le focus a
été mis sur la construction de ce "projet éducatif
national", ce qui a eu pour effet de renforcer les pouvoirs centraux, parfois
au détriment de la mise en valeur des initiatives locales. Actuellement,
on observe dans beaucoup de milieux une aspiration à orienter et
à contrôler à son niveau les actions vécues dans
l'école. C'est cette aspiration qui a donné naissance à
des projets éducatifs d'école.
Le projet de loi 40 reconnaît la légitimité d'un
projet éducatif de l'école tout en donnant à
l'école la responsabilité d'assurer l'éducation dans le
cadre des programmes d'études. Est-ce à dire que le projet
éducatif de l'école consiste uniquement à appliquer le
"projet éducatif national"? Est-ce à dire que le projet
éducatif de l'école consiste à répondre aux besoins
locaux après avoir appliqué les programmes, politiques et
directives issus du MEQ. Est-ce à dire que le projet éducatif de
l'école consiste à répondre aux aspirations du milieu en
faisant fi des minima nationaux?
Nous pensons que le projet éducatif de l'école doit
assurer l'unité de l'action de l'école, qu'il englobe l'ensemble
des activités éducatives de l'école auprès des
enfants. Dans cette perspective, le seul projet éducatif
véritable est celui vécu au niveau de l'école. Ce qu'on
appelle le "projet éducatif national" n'est qu'un des
éléments du projet éducatif de l'école. Le projet
éducatif de l'école doit, en effet, établir un
équilibre entre les demandes de l'État, les aspirations du milieu
et les besoins particuliers des enfants qui fréquentent
l'école.
Le rôle du ministère dans un contexte de projet
éducatif d'école. L'existence de projets éducatifs
d'école implique que le MEQ n'intervienne d'autorité que dans les
domaines où il est essentiel d'établir un minimum commun à
toutes les écoles et qu'il laisse l'initiative des décisions sur
le développement des services pédagogiques à chacun des
milieux en réponse à ses besoins et à ses aspirations
propres. Cette orientation présuppose, à notre avis,
premièrement, que les écoles et les commissions scolaires cessent
de demander au ministère de l'Éducation de résoudre les
problèmes qu'elles peuvent solutionner à leur niveau et qu'en
retour le ministère de l'Éducation cesse de prendre à son
compte la solution des problèmes qui peuvent être
réglés au niveau de l'école ou à celui de la
commission scolaire; deuxièmement, qu'on modifie la mentalité qui
nous fait accepter a priori le caractère obligatoire, voire même
infaillible, de tout ce qui vient d'en haut; troisièmement, que dans
toute action demandée aux écoles, ce qui est souhaitable soit
clairement distingué de ce qui est obligatoire.
Nous aimerions que le ministère de l'Éducation soit assez
convaincu que l'école doit être le pivot du système
scolaire pour refuser de solutionner tous les problèmes qui lui sont
soumis, pour éviter la tentation de donner un caractère juridique
obligatoire à toutes ses grandes politiques et pour ne plus revenir
à l'habitude d'indiquer les priorités auxquelles devrait
s'ajuster annuellement l'action de toutes les écoles du
Québec.
Nous ne demandons pas que le ministère de l'Éducation
cesse d'agir pour le développement de l'éducation au
Québec; nous demandons que, sur l'essentiel, il intervienne avec les
moyens juridiques dont il dispose et que, dans les autres domaines, ses
interventions soient basées sur des stratégies d'animation du
milieu plutôt que sur des stratégies faisant appel à
l'utilisation de la loi, des règlements ou de directives. C'est la
qualité et la pertinence du contenu qu'il a à proposer qui
doivent déterminer l'adhésion des milieux plus que
l'autorité juridique qu'il peut utiliser pour imposer ses points de vue.
L'expérience de la politique relative à l'intégration des
élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage
illustre bien l'efficacité de cette stratégie.
Les interventions du ministère de l'Éducation dans des
actions de soutien. Il nous apparaît que l'articulation globale des
interventions dans le domaine pédagogique sera la suivante à la
suite de l'adoption du projet de loi présentement à
l'étude: premièrement, le gouvernement édicte le
régime pédagogique (article 308); deuxièmement, le
ministre établit les programmes d'études (article 292),
évalue et approuve les manuels scolaires et le matériel
didactique (articles 293 et 307); troisièmement, la commission scolaire
s'assure que la population reçoit les services éducatifs (article
199), veille à ce que les écoles évaluent les
apprentissages de l'élève (article 207) et assure le soutien
à l'organisation pédagogique des écoles (article 206);
quatrièmement, l'école dispense les services éducatifs
(article 92), est responsable de l'application des programmes d'études
(article 99), choisit les manuels scolaires et le matériel didactique
(article 105) et établit les normes et les modalités
d'évaluation des apprentissages des élèves (article 113).
(17 h 15)
Le projet de loi ne nous paraît pas attribuer au ministère
de l'Éducation un rôle prépondérant dans les actions
de soutien pédagogique. Ce rôle est attribué à
la
commission scolaire. Nous croyons que cette volonté
exprimée dans la loi devra se traduire dans la réalité par
une nette diminution de l'action du ministère dans ce champ
d'activité et par un transfert aux commissions scolaires et aux
écoles des budgets disponibles pour les activités de soutien
pédagogique.
Quant au soutien qui serait offert aux commissions scolaires par le
ministère de l'Éducation, il devrait être régi par
les mêmes règles que celles qui devraient s'appliquer au soutien
des écoles par la commission scolaire. Les commissions scolaires
devraient participer à l'identification de leurs besoins et au choix des
priorités d'intervention dont elles seront l'objet. De plus, elles
devraient avoir la possibilité d'exercer un contrôle sur les plans
d'action élaborés pour concrétiser ces priorités.
Le projet de loi 40 appelle le ministère à mieux distinguer les
actions de promotion de celles de soutien et de perfectionnement afin de
laisser ces deux dernières catégories d'actions aux organismes
qui en ont la responsabilité propre.
Nous n'avons pas de recommandations de modifications au projet de loi
à formuler sur le rôle du ministère de l'Éducation,
car la loi ne saurait édicter un changement de mentalité.
Cependant, nous serions heureux que le ministre nous informe des mesures qu'il
entend prendre pour s'assurer que le ministère qu'il dirige
n'interviendra d'autorité que sur le minimum nécessaire à
toutes les écoles et ajustera sa mentalité et ses
modalités concrètes d'intervention à la nouvelle
réalité issue de l'existence de projets éducatifs
d'école. Nous nous permettons de suggérer au ministre d'indiquer,
dans son rapport annuel de chacune des cinq prochaines années, les
actions concrètes qui se seront réalisées au sein de son
ministère pour atteindre cet objectif.
Le projet éducatif et l'implantation de la loi. La lecture du
projet de loi nous informe que les énergies au moment de l'implantation
seront surtout mobilisées pour résoudre des questions techniques
dont nous reconnaissons l'importance. Nous croyons, cependant, que
l'inspiration de la réforme proposée commande qu'autant
d'énergies, sinon plus, soient mobilisées pour s'assurer
qu'à tous les paliers du système scolaire l'objectif de prise en
charge et de responsabilisation soit activement poursuivi dès les
premières phases de l'implantation de la loi.
Les structures et les processus utilisés lors de l'implantation
de la loi véhiculeront les intentions véritables de cette
réforme. L'intention est-elle de réaliser une réforme des
structures? Alors, l'implantation mettra l'accent sur la mise en place de la
nouvelle structure. L'intention est-elle une réforme de la gestion du
système afin de rendre les écoles plus responsables et plus
autonomes? Alors, l'implantation mettra l'accent sur le développement
d'actions susceptibles d'accélérer la prise en charge, et dans ce
contexte le projet éducatif pourrait s'avérer un objet important
dans l'action des nouveaux conseils d'école. L'intention est-elle de
poursuivre à la fois les deux objectifs énoncés ci-haut?
Alors, l'implantation devra accorder autant d'importance à chacun d'eux.
À notre avis, la structure d'implantation devrait refléter
l'importance de l'objectif de responsabilisation et les mandats donnés
devraient le confirmer dans la réalité.
Lors de l'implantation de la réforme, il faudra faire face
à deux ordres majeurs de problèmes. Le premier est relié
à l'accroissement de la compétence des agents car les changements
de rôle nécessiteront l'acquisition de compétences et
d'attitudes nouvelles; le second est relié aux relations
interpersonnelles et aux relations entre les paliers du système, car
l'ampleur du changement proposé suscitera des incertitudes, des luttes
pour le contrôle du pouvoir et la mise en place d'un nouveau mode de
fonctionnement.
Dans ce contexte provoqué par la nouvelle loi, le comité
d'implantation se doit d'avoir un mandat portant sur le développement de
la prise de responsabilité. Les commissions scolaires doivent aussi
jouer dès le début un rôle actif de soutien aux
écoles pour aider à résoudre le plus rapidement possible
les difficultés particulières de leur milieu sur chacun des deux
ordres de problèmes que nous avons mentionnés.
Nous sommes d'avis que le comité local d'implantation devrait
avoir pour rôle de voir à ce que la commission scolaire mette en
place un mécanisme de soutien adéquat pour aider les
écoles et le personnel de la commission scolaire à assumer leurs
nouveaux rôles dans un esprit favorisant le développement de la
responsabilité. Il devrait aussi avoir pour rôle de voir à
ce que les premières politiques de la commission scolaire soient
préparées selon des modalités respectant l'esprit et les
objectifs de la loi. Nous croyons que le modèle de relations entre la
commission scolaire et les écoles utilisé au moment de
l'implantation de la loi risque d'influencer, pour plusieurs années, la
nature des rapports entre une commission scolaire et ses écoles. C'est
pourquoi nous insistons pour qu'au moment de l'implantation on tienne compte de
l'objectif du développement de la prise en charge et de la
responsabilité.
La présence du directeur général de la nouvelle
commission scolaire sur le comité d'implantation devrait favoriser
l'exercice de ce rôle par le comité d'implantation et assurer, par
la suite, une continuité des
actions au niveau de la commission scolaire.
Permettez-nous une dernière considération sur
l'implantation de la loi. Pour alimenter l'action des comités locaux
d'implantation et celle des commissions scolaires et des écoles, on peut
déjà anticiper que le ministère de l'Éducation
publiera une quantité importante de documents. Nous demandons au
ministère de faire l'exercice et, dès ce moment, de distinguer
clairement les documents portant sur des opérations obligatoires de ceux
portant sur des opérations de soutien et pouvant être
facultatives. Quant à nous, nous classons dans la première
catégorie les documents destinés à fournir au
comité national d'implantation les informations nécessaires pour
qu'il assume ses fonctions et nous classons dans la seconde catégorie
les outils de travail dont les milieux disposeront pour accomplir les
tâches inhérentes à l'exercice de leurs fonctions
propres.
En conclusion, nous avons voulu vous présenter nos convictions
face au projet éducatif de l'école, ainsi que quelques
réflexions qu'a suscitées chez nous la lecture du projet de loi
40. L'expérience que nous avons vécue n'a pas toujours
été facile, mais elle s'est avérée, cependant, fort
stimulante pour le développement de nos écoles. Cette
expérience fut particulièrement significative pour le
développement de l'implication des parents.
À travers l'élaboration du projet éducatif de
l'école, les parents ont pu jouer dans leur école un rôle
plus grand et plus valorisant en participant activement à la
détermination des orientations principales de l'école, en se
prononçant sur les priorités d'action et en centrant leurs
interventions sur l'activité éducative de l'école. Le
projet éducatif a permis à tous les agents d'avoir davantage une
action éducative concertée et nous sommes convaincus que cette
concertation dans l'action est de nature à accroître la
qualité des services donnés aux enfants.
En terminant, nous invitons les membres de cette commission
parlementaire à s'assurer que la loi fera en sorte que l'école
devienne le lieu véritable où s'exerce la prise en charge de
l'action éducative et qu'elle devienne, par l'exercice des
responsabilités qu'on lui confie, le véritable maître
d'oeuvre de son projet d'éducation pour les enfants qu'elle accueille.
Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Custeau. Vous
comprendrez que vous avez mis une quarantaine de minutes à
présenter votre mémoire et que, conséquemment, je
demanderai aux membres de la commission de procéder avec des
interventions précises, succinctes parce que nous devons suspendre nos
travaux à 18 heures et les reprendre à 20 heures avec d'autres
groupes.
M. le ministre.
M. Laurin: Voilà un autre mémoire solide,
cohérent, clair, qui dénote une réflexion aiguë,
aussi bien que profonde, de même qu'une expérience longue et
fouillée des problèmes. Je voudrais donc féliciter, en
conséquence, chaleureusement la commission scolaire Morilac pour la
présentation de ce mémoire. Je me réjouis que la
commission scolaire Morilac ait précédé le gouvernement
dans la mise sur pied de projets qui visent à responsabiliser
l'école, ainsi que ses agents. Je dois vous dire que nous avons
puisé, en rédigeant ce projet de loi et le livre blanc, dans vos
expériences et la teneur de votre mémoire m'indique que nous
n'avons pas fini d'y puiser et de nous en enrichir. Je souscris à la
quasi-totalité des considérations que vous venez de nous lire. Je
prends à mon compte, en particulier, votre définition du projet
éducatif qui, d'après ce que j'ai entendu, dépasse de loin
l'instruction que l'on peut donner aux enfants, mais qui couvre le
développement de tous les aspects de la personnalité de l'enfant,
de même que tous les aspects de l'environnement éducatif de
l'école si nécessaire à un sain développement de la
personnalité des enfants.
Je reprends aussi à mon compte les considérations que vous
faites valoir sur la nécessité de changer la mentalité,
les attitudes, le comportement du ministère de l'Éducation. S'il
était nécessaire, il y a quinze ans, dix ans, que le
ministère de l'Éducation assume des responsabilités
très importantes du fait de l'inadéquation de notre
système scolaire, je pense qu'en vertu même des progrès que
nous avons effectués sur le plan de la pensée, de
l'expérimentation pédagogique, de la formation des personnels, du
bâti même des écoles il convient maintenant que le
ministère de l'Éducation change sa mentalité et fasse de
plus en plus confiance aux écoles, surtout du fait que vous nous donnez
la preuve que les milieux sont maintenant parfaitement capables de prendre en
charge le développement de leurs institutions scolaires.
Je reprends aussi à mon compte vos considérations sur la
nécessité que l'implantation de la réforme constitue en
elle-même la preuve de cette nouvelle ère que nous inaugurons avec
le projet de loi et qu'une importance beaucoup plus grande soit donnée
aussi bien à l'animation et au soutien que les commissions scolaires
doivent apporter aux écoles qu'à l'animation et au soutien, non
imposés d'en haut cependant, que le ministère de
l'Éducation doit apporter aux collectivités locales pour
l'implantation de cette réforme. Encore une fois, nous puiserons, dans
les semaines qui viennent, encore volontiers dans le trésor de
considérations que vous venez de nous
soumettre.
En réalité, je ne voudrais vous poser qu'une seule
question. Qu'est-ce qui vous a guidés, vous, à la commission
scolaire de Morilac, à prendre cette initiative, il y a quelques
années, de transférer de votre propre chef des
responsabilités pédagogiques aux écoles?
Deuxièmement, est-ce que ce transfert a impliqué et continue
d'impliquer une double concertation, concertation, d'abord, de ceux qui
agissent au niveau de l'école: enseignants, directeurs d'école,
parents, cadres, mais concertation qui couvre également non seulement
l'instruction, mais les autres activités éducatives de
l'école? Comment évaluez-vous, après quatre, cinq ou six
ans d'expérimentation, les résultats de ce transfert des pouvoirs
pédagogiques que vous avez effectué au niveau de
l'école?
Dans la même veine, est-ce que vous considérez, en
conséquence, que ce projet de loi qui incarne, au fond, votre
expérience est véritablement viable, faisable, que la
répartition des pouvoirs qui y est inscrite correspond à votre
expérience, à la réalité que vous connaissez?
Enfin, troisièmement, comment considérez-vous que le fait
d'inscrire dans un projet de loi ce qui ressort de votre expérience peut
constituer une aide, une incitation pour toutes les écoles du
Québec à aller plus vite, à aller plus loin et d'une
façon plus sûre dans le sens de la responsabilisation de
l'école? (17 h 30)
Le Président (M. Blouin): II s'agit d'une large question,
mais je crois que, comme votre mémoire était très
éloquent, vous pouvez résumer certains éléments
rapidement. J'insiste sur ce point, parce qu'il y a d'autres membres qui
désirent intervenir aussi.
Mme Custeau: D'accord. Pourquoi on l'a fait chez nous? C'est
à partir d'une consultation, c'est-à-dire d'une évaluation
de notre vécu. On s'est dit que, d'abord, chaque école avait des
compétences et que l'action se vivait dans chaque école. À
ce moment-là, le conseil des commissaires a décidé de
déléguer à l'école certains pouvoirs. J'aimerais
que le directeur général qui était là au moment de
ce chantier, si on veut, puisse répondre à la question.
M. Létourneau (Guy): Pour continuer, le constat principal
qui avait été fait dans le temps, c'était la
déresponsabilisation de tous les agents de l'éducation. Quand on
demandait aux enseignants de faire des choses, de changer des choses, ils
disaient: On ne peut pas, les programmes sont mal faits, les manuels sont mal
faits. Quand on demandait aux directeurs d'école d'apporter des
changements, eux aussi disaient: On n'a pas le budget, on n'a pas les
ressources, on n'a rien pour faire les choses. Donc, les gens reportaient
régulièrement la responsabilité aux paliers
supérieurs. Ce n'était jamais leur faute. Donc, dans un premier
temps, nous voulions responsabiliser les agents de l'éducation dans
chacune des écoles.
La première chose à faire a été de
décentraliser le budget, par exemple. Chaque école a eu son
budget; chaque école a pu aussi avoir la mainmise sur des
décisions d'ordre pédagogique, par exemple, le choix des
méthodes d'enseignement, le choix des manuels, le choix des
activités à faire pendant les journées pédagogiques
et ainsi de suite. Cela a rendu, petit à petit, les gens plus
responsables. Ils étaient encore influencés facilement par toutes
sortes de courants qui arrivaient à tout propos. Une idée
nouvelle passait, un groupe de parents faisait une pression et on était
porté à faire des changements dans chacune des écoles dans
ce temps-là. On s'en allait vers ce qu'on appelait un programme en
zigzag. On va un certain temps à gauche; un groupe de pression nous
ramène à droite et on s'en va à droite. On s'est dit qu'il
faudrait se donner des orientations. C'est là qu'est arrivée
l'idée des projets éducatifs et qu'on a pensé donner
à chacune des écoles la capacité, la possibilité,
de se donner des orientations, de se donner un plan d'action et de
l'évaluer de concert avec tous les agents du milieu: les parents, les
enseignants, etc.
Le Président (M. Blouin): Très bien.
Mme Custeau: M. le Président, si vous me le permettez,
pour répondre à la deuxième partie de la question: Est-ce
que cela permet aux écoles d'aller plus loin, je demanderais au
représentant des parents...
Le Président (M. Blouin): Enfin, moi, j'ai compris que le
ministre vous demandait si la double concertation touchait seulement
l'instruction, comme deuxième point, et que le premier point touchait -
effectivement, vous y avez répondu - le fait de responsabiliser les
intervenants.
Mme Custeau: D'accord.
Le Président (M. Blouin): Le deuxième point qu'a
soulevé le ministre touchait la double concertation, à savoir si
elle ne concernait que l'instruction ou d'autres éléments.
M. Bolduc (Jean-Guy): Si vous le permettez, le projet
éducatif, à la façon dont on le comprend et dont on le
définit, inclut vraiment toutes les dimensions qui impliquent l'enfant
et les personnes engagées dans l'école. À ce
moment-là, on ne regarde pas seulement le côté instructif;
on regarde, autant que possible, tous les autres aspects: émotif,
affectif. Bien sûr que cela ne s'est
pas fait du premier coup et que ce n'est pas arrivé comme cela.
Mais depuis le temps que les projets éducatifs sont bâtis, il y a
des écoles qui sont rendues à leur deuxième ou
troisième projet éducatif triennal. Il commence à y avoir
là une prise en charge plus globale de toute la démarche de
l'enfant. Jusqu'à maintenant, je pense qu'on peut dire que cela se fait
en concertation avec toutes les personnes impliquées.
Le Président (M. Blouin): D'accord. Est-ce que je dois
comprendre que vous avez évalué maintenant le transfert de ce
pouvoir depuis cinq ou six ans?
M. Bolduc: Je pense qu'il reste encore des petits réflexes
de tout laisser au centre et il faut toujours se dire: On décentralise,
on décentralise. On y pense et on dit: C'est vrai, on a acquis quelque
chose; on a acquis de l'expérience. On est encore obligé de se
discipliner. Le réflexe n'est pas encore complètement
installé. Cette chose prend du temps à se faire. Quand on parle
de changement de mentalité, c'est ce que cela veut dire. Mais c'est
faisable et c'est très heureux; une fois que c'est un peu
installé, cela change tout le climat des rapports humains.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Laurin: Oui. Le sens de ma question, c'est: Est-ce que la
qualité a changé et, deuxièmement est-ce que la loi va
aider dans le même sens?
M. Bolduc: Bien, s'il y en a qui interprètent la loi dans
le même sens que nous l'interprétons. Quant à nous, nous
croyons qu'avec la loi, telle qu'elle s'annonce, on peut continuer à
fonctionner dans cet esprit. D'accord? Même elle nous encourage. En tant
que parent, par exemple, moi, je me vois encouragé maintenant à
participer beaucoup plus activement et beaucoup plus initialement, ni plus ni
moins. Les parents, jusqu'à maintenant vivaient la situation des faits
accomplis. Les enseignants savaient comment cela fonctionnait, les commissaires
savaient comment cela se budgétisait, les parents arrivaient et
là il leur fallait tout apprendre avant de pouvoir décider, eux
aussi, et participer à la décision. Sachant que nous serions
maintenant dans un conseil d'école, le projet de l'école serait
encore plus le nôtre. On se retrouverait beaucoup plus facilement et ce
serait beaucoup plus encourageant. Un des petits phénomènes qu'on
vit comme parents dans ce système, c'est d'être un peu à la
remorque et de tirer des bouts de laine. Ce n'est pas une situation tellement
positive.
Le Président (M. Blouin): Cela va, merci. M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Dans son
préambule, le ministre nous a dit qu'il était pleinement d'accord
avec ce mémoire. J'ai quelques petites questions très
brèves.
Nulle part ou très peu dans votre mémoire, on ne fait
état de la relation entre enseignants, comité d'école et
projet éducatif. De quelle façon la consultation s'est-elle faite
avec eux lorsque vous avez préparé le mémoire? Est-ce
qu'ils ont été intervenants ou consultés? Quelle a
été la réaction des enseignants?
Mme Custeau: M. le Président, nous déplorons avec
M. le député le fait que les enseignants ne se soient pas
associés à notre mémoire, pour des raisons, je pense, bien
évidentes de syndicat probablement. Par contre, la situation de projet
éducatif qui se vit dans chacune de nos écoles rencontre
l'adhésion très majoritaire des enseignants chez nous.
M. Maltais: Vous parlez, un peu plus loin, dans votre
mémoire d'un ministère de l'Éducation interventionniste
dans le milieu des commissions scolaires. Cela, c'est un fait connu et
même le ministre l'a admis tout à l'heure. Somme toute, vous lui
dites, en dehors de son programme éducatif national, de se mêler
de ses affaires, en ce sens qu'il vous laisse avec ses contrôles
tatillons et que vous êtes capables de prendre vos
responsabilités.
Vous demandez une décentralisation du ministère et des
commissions scolaires vers l'école. Quels sont les pouvoirs - je ne veux
pas de détails - grosso modo en deux points, qui vous tiennent à
coeur et que vous aimeriez que le ministère et les commissions scolaires
décentralisent vers l'école?
Le Président (M. Blouin): Mme Custeau.
Mme Custeau: M. le Président, ce n'est pas tellement les
pouvoirs identifiés comme tels, mais c'est dans la façon. Quand
on parle de changements de mentalité, c'est surtout dans la façon
d'exercer ces pouvoirs. Ce n'est pas en termes de pouvoirs comme tels.
M. Maltais: D'accord.
Mme Custeau: Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?
Peut-être M. le directeur?
M. Bolduc: M. le Président, je pense qu'il est important
de prendre conscience que, lorsque l'école est en projet
éducatif, elle s'est donné une série de plans d'action
qu'elle a établis selon un ordre prioritaire et
elle s'est aussi donné probablement un rythme pour atteindre les
objectifs qu'elle s'est fixés en collaboration avec tous les agents. Il
est important qu'une école qui est en démarche, comme on vient de
le signifier, ne soit pas, à tout instant, dérangée par
des directives qui arrivent de l'extérieur. Or, ce qui est important,
c'est que, si on donne à l'école le pouvoir de s'organiser, par
la suite, dans la façon d'entrer en contact avec elle, ou de
l'influencer, on doit respecter le rythme et les objectifs qu'elle s'est
fixés.
Le Président (M. Blouin): Cela va.
M. Maltais: M. le Président, toujours en se
référant au mémoire, vous nous parlez, à un certain
moment, de la commission scolaire comme un agent externe auquel vous vouliez
donner aussi les pouvoirs de contrôleur, de vérificateur. Comment
concilier une commission scolaire, avec les pouvoirs que vous voulez lui
donner, et la façon dont on l'éloigne de l'école? Est-ce
que vous avez un lien particulier que vous privilégiez dans l'approche
des deux?
Mme Custeau: Je ne suis pas sûre de très bien
comprendre la question, M. le Président.
M. Maltais: Je répète. Vous dites, à un
moment donné, dans votre mémoire, que la commission scolaire est
un organisme de soutien, un organisme de contrôle, etc., qui doit
être perçu comme un agent externe à l'école. Mais,
par contre, plus loin, vous allez même un peu plus loin que le projet de
loi en disant que la commission scolaire devrait garder un rôle de
vérificateur à l'intérieur du projet éducatif de
l'école. Comment conciliez-vous les deux?
Mme Custeau: D'accord. On ne prend pas le terme
"extérieur" dans le sens que vous l'entendez. On a choisi ce terme dans
le rôle de contrôle, en ce sens que la commission scolaire est un
organisme extérieur à chaque école propre. Le rôle
de la commission scolaire se veut rattaché à chaque école
et ce rôle, on le retrouve dans son rôle d'animation, dans son
rôle de soutien. Pour nous, la commission scolaire n'est pas un organisme
extérieur à l'école, dans le sens où vous
l'entendez.
M. Maltais: D'accord. Au début de votre mémoire,
vous nous dites: - M. le Président, je veux être très bref,
pour vous faire plaisir - Nous sommes convaincus qu'il est possible, dans la
structure actuelle, de déléguer aux écoles les pouvoirs
que propose de leur accorder le projet de loi. Êtes-vous toujours
d'accord avec cela?
Mme Custeau: Nous sommes toujours d'accord.
M. Maltais: Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le
député de Saguenay. Mme la députée de Johnson.
Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président.
Je veux appuyer les paroles du ministre qui a félicité
tout à l'heure la commission scolaire Morilac. Je peux vous dire que
j'ai été maintes fois témoin des efforts
déployés par la commission scolaire Morilac en fait de projets
éducatifs. Cette commission fait un excellent travail depuis fort
longtemps.
Je voudrais revenir à l'intervention du député
d'Argenteuil, ce matin, qui disait que les commissions scolaires perdaient des
plumes, qu'on voudrait s'en débarrasser ou qu'il suffit que les
commissions scolaires existent sur papier. Je voudrais vous demander si,
à la suite de vos expériences vécues. depuis de nombreuses
années, comme vous le dites au début de votre mémoire,
vous croyez que le projet de loi 40 serait un outil que le ministère est
en train de se donner pour vraiment se débarrasser, comme le
député d'Argenteuil le dit dans son intervention, des commissions
scolaires ou si vous croyez que le projet de loi 40 est un outil pour vous
aider, autant vous que les parents et tous les intervenants du milieu scolaire.
J'aimerais que vous nous parliez de cette expérience vécue.
Mme Custeau: La lecture du projet de loi 40 ne nous permet pas de
conclure que le gouvernement veut se débarrasser des commissions
scolaires. Par contre, cela nous permet de conclure à une volonté
politique de donner plus de pouvoirs aux parents dans chacune des
écoles. C'est ce qu'on privilégie chez nous depuis longtemps et
cela n'enlève pas le pouvoir de la commission scolaire et des
commissaires. Un pouvoir qu'on partage, on ne le perd pas, on le partage, mais
on le garde. En ce sens, rien ne nous permet de conclure à une
volonté politique de faire disparaître les commissions
scolaires.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
Mme Juneau: En fin de compte, si je comprends bien, votre
expérience a été très positive jusqu'à
maintenant?
Mme Custeau: C'est cela. Mme Juneau: Merci, madame.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, Mme la
députée de Johnson. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, j'ai écouté avec
beaucoup d'intérêt le mémoire dont on nous a fait lecture
et j'ai constaté que c'est la deuxième fois qu'on reçoit
un mémoire émanant d'une commission scolaire à la
préparation duquel les enseignants n'ont pas été
impliqués. Il y a eu des circonstances spéciales auxquelles vous
avez fait allusion de manière peut-être un peu voilée, mais
on comprend ce que vous avez voulu dire. Pensez-vous qu'une réforme
comme celle-là, si elle devait être amorcée sans la
participation des enseignants, sans leur participation clairement
définie et jugée satisfaisante par eux, aurait des chances de
réussir d'une manière sérieuse? (17 h 45)
Le Président (M. Blouin): Mme Custeau.
Mme Custeau: Je demanderais, si vous le permettez, M. le
Président, au directeur, M. Bolduc, de répondre.
Le Président (M. Blouin): M. Bolduc.
M. Bolduc: Je pense qu'il est important d'associer les
enseignants à cette démarche des projets éducatifs.
Maintenant, le fait que les enseignants ne se soient pas prononcés sur
notre mémoire n'implique pas que, dans l'action de nos écoles,
ils ne soient pas impliqués à la préparation et à
la réalisation de projets éducatifs. Il peut y avoir des
circonstances que vous pouvez fort bien deviner qui font qu'ils manifesteront
leur appui ou leur désaccord par d'autres voies que celle-ci.
Le Président (M. Blouin): Très bien.
M. Ryan: Le rattachement de l'école à la commission
scolaire soulève plusieurs questions. Il y en a une qui a
déjà fait l'objet d'échanges avec la commission scolaire
qui vous a précédés tantôt, celle de
Jacques-Cartier, c'est la question relative au statut du directeur
d'école. Vous n'en parlez pas de manière nette dans votre
mémoire. C'est une question sur laquelle vous passez rapidement. Comment
voyez-vous le statut de directeur d'école? Est-ce que le projet de loi
est satisfaisant pour vous de ce côté?
Mme Custeau: M. le directeur.
M. Bolduc: II est sûr que le projet de loi provoque un
changement dans le rôle du directeur d'école en ce sens qu'il
l'approche du pouvoir politique que deviendrait le conseil d'école.
C'est une constatation. Qu'est-ce que cela peut devenir? Évidemment,
tout dépend du jeu d'influences que permet une telle organisation. Je ne
crois pas qu'il soit impossible pour le directeur d'école de transiger
directement avec son conseil d'école, tout en gardant un lien avec une
commission scolaire qui lui assure un soutien dans l'organisation des services
éducatifs.
M. Ryan: Ce sont des mots qui me font penser un peu à ceux
du ministre. Je ne veux pas être provocant, mais est-ce que le directeur
d'école, d'après vous, demeure un employé de la commission
scolaire?
M. Bolduc: Oui, il demeure un employé de la commission
scolaire, soumis au jugement d'un conseil d'école.
M. Ryan: C'est un employé de la commission scolaire qui ne
relève pas de la commission scolaire.
M. Bolduc: C'est-à-dire qu'il relève de la
commission scolaire, mais son mandat peut être modifié sur
recommandation du conseil d'école.
M. Ryan: Mais pas sur l'initiative de la commission scolaire?
M. Bolduc: Possiblement. M. Ryan: Ce n'est pas
sûr?
Mme Custeau: Si vous le permettez, M. le Président...
M. Ryan: Pardon?
Le Président (M. Blouin): Oui, Mme Custeau.
Mme Custeau: ...le directeur général voudrait
ajouter quelque chose.
Le Président (M. Blouin): Ah oui! M.Létourneau.
M. Létourneau: Nous avons déjà
discuté de ce sujet. Nous ne l'avons pas explicité longuement,
mais j'aimerais quand même vous faire part des réflexions que nous
avons eues. Il est clair que le directeur d'école ne peut pas avoir deux
patrons: le directeur général et le conseil d'école. Si on
veut protéger le projet éducatif d'une école, à mon
avis, il est essentiel que le directeur d'école ait pour patron le
conseil d'école seulement et non pas le directeur général.
Les relations entre l'école, le conseil et la commission scolaire seront
de conseil à conseil.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
M. Ryan: Non. Ce n'est pas complet. M. le directeur a fait signe
qu'il voulait donner...
Le Président (M. Blouin): Oui, très bien,
M. Bolduc.
M. Bolduc: Je vais ajouter un aspect, c'est que le conseil
d'école a le pouvoir de recommander à la commission scolaire de
changer les fonctions ou de remplacer le directeur d'école. Il n'a pas
le pouvoir de le congédier. Or, le directeur d'école, qui se voit
ainsi l'objet d'une telle recommandation par son conseil d'école,
retourne sous la responsabilité de la commission scolaire qui doit
l'affecter à une autre tâche. C'est pourquoi je dis qu'il est
soumis au jugement du conseil d'école, mais demeure l'employé de
la commission scolaire qui est responsable de sa nouvelle affectation, s'il
fait l'objet d'une telle recommandation.
M. Ryan: La composition de la commission scolaire, vous n'en
dites pas un mot dans votre mémoire. Quelle est votre opinion? Avez-vous
une position sur ce point-là?
Mme Custeau: La composition de la commission scolaire, c'est vrai
qu'on n'en fait pas mention dans le mémoire. Au moment de la
consultation, ce qui est apparu, c'est que l'on souhaite, d'abord, que des gens
qui siègent soient élus au suffrage universel. Il n'y a pas eu de
consensus dans le sens que les commissaires souhaitaient qu'il y ait une
majorité de commissaires élus au suffrage universel et que les
parents souhaitaient qu'il y ait une majorité de parents qui soient
membres du conseil des commissaires. Mais le consensus s'est fait sur le fait
qu'il y ait des gens élus au suffrage universel et des gens issus des
écoles.
Le Président (M. Blouin): D'accord.
M. Ryan: Dernière question, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Vous dites, à la page 8, que, dans
l'hypothèse d'un conflit entre les priorités du système
scolaire et les priorités largement identifiées par les parents,
le personnel et les élèves d'un milieu, ces dernières
doivent avoir temporairement préséance sur les
premières.
Mme Custeau: C'est vrai.
M. Ryan: II y a deux questions qui me viennent à l'esprit
à ce sujet. D'abord, à supposer qu'il y ait 2500 écoles
qui fassent cela, qu'arrive-t-il? De plus, s'il est nécessaire de le
faire, qui doit décider, sous le contrôle de qui et à
l'intérieur de quelles limites?
Mme Custeau: M. le Président, c'est vrai qu'on est
d'accord sur le fait que le "projet éducatif national" soit
temporairement mis en veilleuse; on dit bien "temporairement". Pour nous, ce
n'est pas une catastrophe si 2500 élèves retardent l'application
d'une directive de quelques mois parce que, dans une école
donnée, la priorité est ailleurs. En tout cas, pour nous, ce
n'est pas une catastrophe.
Le Président (M. Blouin): D'accord. Cela va, M. le
député d'Argenteuil? Oui, très bien, M. Pelletier.
M. Pelletier (René): Je répondrais à cela
que c'est d'abord penser en termes de ministère que de poser une
question comme celle-là. Cela supposerait que toutes les écoles
aient le même besoin en même temps. Cela va un peu contre
l'idée du projet éducatif qui respecte des besoins bien
identifiés dans des lieux bien identifiés. Si chacune des
écoles prenait cette idée ou cette hypothèse de
fonctionnement en disant: Arrêtez un petit peu, ralentissez un petit peu,
nous, on fonctionne, on a déjà défini des
priorités, ce serait justement tant mieux. Ce serait un signe de
responsabilisation.
Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci, M. Pelletier.
Cela va, M. le député d'Argenteuil? Merci beaucoup. M. le
député de Roberval, rapidement, s'il vous plaît!
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Est-ce que le
critique officiel de l'Opposition me permettra d'excéder de quelques
minutes?
Le Président (M. Blouin): Je vous suggère d'abord
d'épuiser le temps que vous avez à votre disposition, M. le
député de Roberval.
M. Gauthier: M. le Président, vous devriez savoir qu'une
question amène une réponse.
Le Président (M. Blouin): Alors, posez votre question, M.
le député de Roberval.
M. Gauthier: II n'y a pas moyen de savoir si je vais avoir une
prolongation.
Le Président (M. Blouin): Allez-y.
M. Gauthier: Je vais poser mes questions.
M. Ryan: Cela dépend de la question.
M. Gauthier: Je vais poser mes questions et le président
décidera si vous pouvez répondre. Mes questions ne concernent pas
la plomberie, car je pense qu'il y a des choses quand même
intéressantes dont le ministre devra tenir compte dans la
rédaction finale de son projet de loi, mais surtout des principes. Il y
a trois choses que les parents fondamentalement se demandent face à la
réforme et cela m'intéresse d'avoir votre avis parce que vous
avez une expérience réelle de ces choses-là. D'abord,
est-ce que l'école qui va naître de la réforme telle que
présentée va répondre davantage aux besoins des parents?
Est-ce que les parents - on a laissé croire dans certaines
publicités que les parents ne souhaitaient pas plus de pouvoirs -
effectivement ont donné l'impression dans cette expérience qu'ils
souhaitaient plus de pouvoirs et qu'ils étaient capables de les assumer?
Puisque je dois faire très vite, voici la troisième question. On
a également laissé voir que la commission scolaire n'aurait plus
de rôle véritable. De la part du directeur général
ou de la présidente, je voudrais savoir de quelle façon la
commission scolaire a vécu ces transformations. Est-ce qu'elle a senti
qu'elle avait encore une place et que son rôle était
d'importance?
Le Président (M. Blouin): Merci. Mme Custeau.
Mme Custeau: J'ai compris que la première partie de la
question s'adressait surtout aux parents.
Le Président (M. Blouin): Aux besoins des parents et s'ils
souhaitent effectivement des pouvoirs.
M. Gauthier: Pour nous dire si l'école répond mieux
aux besoins des parents, ce pourraient être les parents et le directeur
d'école pourra compléter.
M. Pelletier: C'est évident qu'actuellement les parents
sont impliqués dans la consultation à tous les niveaux. Quand on
fait un projet éducatif, c'est un processus qui dure une année
juste au niveau de la préparation et, une fois mis en branle, il peut
s'échelonner sur deux ou trois ans. Donc, les parents sont
consultés. Ils se retrouvent et ils participent aux correctifs à
mesure qu'ils se produisent. Des fois, cela ne va pas aussi vite que certains
groupes de parents le voudraient. Ce n'est pas toujours la vie en rose, mais on
se reconnaît un peu plus là-dedans. Avec l'exercice et
l'expérience, on pourrait éventuellement se reconnaître
encore davantage.
L'autre aspect de votre question...
M. Gauthier: Est-ce que les parents ont accepté d'assumer
ces responsabilités accrues?
M. Pelletier: La façon dont la loi est arrivée a
fait peur à quelques parents au départ. Ils se demandaient s'ils
deviendraient des administrateurs non payés. Finalement, lorsqu'on s'est
mis à nous expliquer ce qu'est un conseil d'école avec ses
fonctions et ses responsabilités, on s'est dit qu'on ne devait pas faire
la plomberie quotidienne. On décidera des orientations, on
décidera des choses et on les fera exécuter par des gens; et
c'est le directeur d'école qui peut faire ces choses-là. Quand on
a compris qu'il y a un exécutant et des personnes qui décident et
qui jugent des actions qui sont posées, c'est beaucoup moins
énervant et c'est moins lourd comme charge. Il faut prendre cette
distanciation-là. Il ne faut pas penser qu'on va devenir des
exécutants.
Le Président (M. Blouin): Cela va? Oui?
M. Bolduc: Je voudrais répondre à la question.
C'est bien évident que la préparation d'un projet éducatif
permet aux parents et aux enseignants de fixer des priorités ensemble,
de préparation des plans d'action et, par la suite, de procéder
à l'évaluation. Or, j'imagine que cela répond,
évidemment, à des besoins qu'ils ont eu l'occasion de
manifester.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Bolduc. Oui, M.
Létourneau, pour le dernier volet de la question.
M. Létourneau: Si la commission scolaire a encore un
rôle à jouer? Pour moi, la commission scolaire a encore un
rôle de soutien à jouer. Les écoles, du jour au lendemain,
n'auront pas toutes les compétences pour assumer les nouvelles
responsabilités. Même chez nous après six ou sept ans de
décentralisation, alors que les écoles se sont donné des
projets éducatifs, la commission scolaire joue encore un rôle de
soutien et d'animation et aussi donne des avis. À titre d'exemple, le
conseil des commissaires fait la tournée des écoles tous les ans,
une fois par année, écoute les projets éducatifs, les
plans d'action des agents de l'éducation, c'est-à-dire le
directeur, les enseignants et les parents - à quelques reprises, il y a
eu des enfants impliqués - dit ce qu'il en pense et donne son avis sur
le projet éducatif. De l'avis même des écoles, c'est une
chose assez importante.
On dit, d'ailleurs, dans le mémoire que c'est un miroir, un
reflet qu'un organisme extérieur apporte à une école afin
qu'elle ne se centre pas sur elle-même, parce que les commissaires vont
aussi transporter ce qui se passe ailleurs. Ils ont une vision d'ensemble plus
grande et peuvent transporter plus facilement des expériences
vécues. À titre de directeur général, je pense que
je peux aider les directeurs d'école à mettre en commun leurs
forces et leurs faiblesses pour
qu'ils en arrivent à mieux diriger une école. Comment
faire une analyse de la situation, comment fixer les priorités, comment
vivre avec un nouveau conseil d'école? Ce sont toutes des questions
qu'on a déjà posées et qu'on devra se poser dans
l'avenir.
M. Gauthier: Me permettez-vous? Le Président (M.
Blouin): D'accord.
M. Gauthier: Vous m'avez éclairé sur le fait que
les parents acceptaient d'assumer le rôle, vous m'avez
éclairé sur le fait que la commission scolaire avait un
rôle et était capable de le jouer, mais il reste un aspect un peu
obscur. Je m'adresserais peut-être au directeur général qui
a vécu un peu les deux systèmes avant et après: Est-ce que
vous avez conscience que vos écoles répondent mieux aux besoins
de chacun des milieux? Avez-vous des choses à nous citer?
M. Létourneau: J'aimerais vous donner une étude
bien scientifique pour savoir si les enfants apprennent mieux. Nous sommes
faibles sur ce point d'évaluation. Mais il est évident que les
valeurs, que les projets entrepris dans chacune des écoles sont issus
des parents et des enseignants. Après sept, huit ans, j'ai l'impression
que les parents sont plus heureux et se sentent plus responsables de
l'école qu'avant et que les enseignants aussi sont plus partie prenante,
plus responsables. On a visé, dans plusieurs écoles, des choses
très intéressantes et il me semble que cela ne peut pas faire
autrement, si on a du monde satisfait, qui travaille mieux et dans un meilleur
climat, que les enfants apprennent mieux. Vous comprendrez qu'il est difficile
de faire des tests d'évaluation pour voir comment, il y a sept ans, un
enfant prenait de temps à apprendre à lire et, aujourd'hui,
combien cela prend de temps.
Mais quand on regarde le climat de toutes les écoles, on se
disait encore dernièrement: La première bonne chose du projet
éducatif, cela a été d'apprendre aux gens à se
parler. Dans plusieurs écoles, il y avait des conflits latents et, quand
on s'est dit: II faut se donner des orientations, les conflits ont sorti et il
a fallu résoudre ces conflits. Aujourd'hui, on a des gens qui sont
capables de se parler de pédagogie, qui sont capables de se parler
d'enseignement, de méthodes d'évaluation, de tout cela. Il me
semble qu'ils doivent faire mieux ensemble que tout seuls individuellement dans
leur classe.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
M. Gauthier: Je vous remercie beaucoup et je vous félicite
d'avoir accepté de jouer le rôle de précurseurs dans ce
grand projet éducatif. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Roberval. Vous avez été efficace. Cela
vous étonne vous-même, je crois. Mais notre
générosité à votre égard nous amène
à accorder une brève question au député de
Viau.
M. Cusano: M. le Président, je serai plus bref que le
député de Roberval. Vous avez mentionné que vous avez
décentralisé le budget dans les écoles. Je ne voudrais
pas, à cause du temps limité, entrer dans tous les
détails, mais pouvez-vous nous dire quels sont ces montants et s'ils ont
été répartis de la même façon,
c'est-à-dire sur la base du nombre d'élèves? Comment
avez-vous fait cette décentralisation du budget? Est-ce que c'est bref,
cela, M. le Président?
Le Président (M. Blouin): Cela va. J'espère que la
réponse sera aussi brève.
M. Létourneau: Je vais essayer de répondre
brièvement. D'abord, le budget est décentralisé à
chacune des écoles à tout point de vue, excepté le salaire
des personnels. Mais les gens font leur plan de personnel et, ordinairement, il
reste même une marge de manoeuvre pour que l'école puisse engager
des gens à temps supplémentaire, à temps partiel ou des
contractuels. On va même jusque-là. Il y a un montant de base,
plus un per capita. Le montant de base est pour tenir compte qu'il y a des
frais fixes, quelle que soit la dimension de l'école, et le reste, per
capita. Même le surplus est transférable à l'année
suivante, et le déficit aussi.
M. Cusano: En termes de montants réels, est-ce que vous
pouvez nous donner une indication pour deux écoles de 250
élèves? Quels seraient ces chiffres?
M. Létourneau: Le montant de base, c'est 1000 $. Cette
année, c'est 75 $ par élève.
M. Cusano: C'est 1000 $ de base, plus 75 $ par
élève.
M. Létourneau: Plus 75 $ par élève. M.
Cusano: Merci.
Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci beaucoup, M. le
député de Viau.
Au nom de tous les membres de la commission, je remercie beaucoup MM.
Bol-duc, Létourneau, Mme Custeau et M. Pelletier de leur collaboration
très précieuse aux travaux de cette commission. Sur ce, nous
suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 3)
(Reprise de la séance à 20 h 2)
Le Président (M. Rlouin): À l'ordre s'il vous
plaît!
La commission permanente de l'éducation reprend ses travaux
à 20 h 2. C'est de bon augure pour les jours qui viennent et on m'a dit
qu'il y a consentement pour que le ministre du Travail, député de
Sherbrooke, M. Fréchette, remplace M. Rochefort (Gouin) comme
intervenant, au cours de nos travaux de ce soir.
Sans plus tarder, étant donné qu'ils se sont
déjà installés à la table des invités,
j'inviterais donc un porte-parole de la commission scolaire catholique de
Sherbrooke à s'identifer, à identifier les représentants
de la délégation et, ensuite, à nous indiquer à
quel niveau scolaire ils s'adressent et de procéder, par la suite,
à la présentation du mémoire en une vingtaine de minutes,
car il est beaucoup plus profitable, je crois... Vous savez que la plupart des
membres ont déjà pris connaissance de votre mémoire, et il
est beaucoup plus profitable d'avoir des échanges plus prolongés
que d'assister à une longue lecture qui limite ensuite les
échanges entre les membres de la commission et nos invités que
vous êtes.
Commission scolaire catholique de Sherbrooke
M. Demers (Denis): Merci M. le Président. Mon nom est
Denis Demers, président de la commission scolaire catholique de
Sherbrooke.
Nous couvrons le territoire de Sherbrooke et de Sherbrooke
métropolitain. Nous sommes une commission scolaire primaire et les
personnes qui m'accompagnent ici, ce soir, sont, à mon extrême
droite, M. Réginald Sauvageau, président de notre comité
de parents, M. Parr, président d'un de nos comités d'école
et membre de notre comité de parents; à ma gauche, le directeur
général, M. Bernard Desruisseaux; immédiatement à
côté de M. Desruisseaux, M. Rolland Quintal, directeur
général adjoint, et M. Roger Poirier, qui représente ici
les PME au niveau de cette commission parlementaire. Immédiatement
à ma droite, mon collègue commissaire M. Michel Ellyson,
président du comité exécutif de notre commission
scolaire.
M. le Président, nous tâcherons dans la lecture de notre
mémoire de retenir que vous souhaiteriez que nous le fassions dans une
période d'une vingtaine de minutes.
Le Président (M. Blouin): Merci.
M. Demers: M. le Président de la commission parlementaire
sur l'éducation, M. le ministre de l'Éducation, honorables
membres de la commission parlementaire, mesdames et messieurs.
À titre de président du conseil des commissaires de la
commission scolaire catholique de Sherbrooke, nous avons le plaisir de vous
présenter le présent mémoire. Nous tenons d'abord à
vous remercier de l'opportunité que vous donnez à certains des
partenaires de la CSCS de se faire entendre relativement au projet de loi sur
l'enseignement primaire et secondaire public.
Notre mémoire est le fruit du travail du comité de
parents, du conseil des commissaires, de la direction générale et
des professionnels de la CSCS. Il traduit la volonté commune de
concertation de tous ces partenaires.
Notre cheminement. Le mercredi 17 mars 1982, le conseil des commissaires
de la CSCS rendait publique son intention d'implanter un nouveau mode de
gestion.
Au sujet du cheminement amorcé dès septembre 1981 par une
réflexion commune, le président du conseil des commissaires
déclarait vouloir mettre l'emphase dans notre organisation non sur les
pouvoirs, mais sur le lieu approprié où doit être prise une
décision.
C'est dire que nous considérions et considérons toujours
qu'une décision doit être prise dans la mesure du possible par
celles et ceux qui sont le plus près de l'action, soit les personnes qui
sont les plus susceptibles d'avoir la meilleure compréhension des
problèmes.
Notre philosophie de gestion. Ainsi, le conseil des commissaires de la
CSCS adoptait une ligne d'action voulant favoriser la participation active des
partenaires au processus décisionnel. Ces partenaires sont les
élèves, les parents, les membres du personnel de l'école
et la direction de l'école.
La concertation entre partenaires. Le conseil des commissaires
désirait faire de l'école le pivot de la commission scolaire. Les
modalités de réalisation de cette conception doivent être
définies par tous les partenaires selon le cheminement amorcé en
septembre 1981. Les commissaires ont engagé la commission scolaire
catholique de Sherbrooke dans une nouvelle étape, celle de la
concertation entre tous les partenaires qui veulent bien y adhérer.
Le processus n'est pas facile, nous en convenons. Nous
considérons qu'il est même parfois difficile d'amener nos
partenaires à s'impliquer activement dans le processus
décisionnel. Il n'est pas suffisant de faire état d'une telle
volonté; encore faut-il que ces partenaires comprennent et assument les
responsabilités rattachées à un pouvoir
décisionnel. Il s'agit d'une opération délicate
puisque nous touchons alors le domaine très sensible des
changements de mentalité.
Dans ce cheminement, il est essentiel de maintenir un équilibre,
qui parfois s'avère fragile, entre les changements de mentalité
et les changements de la structure décisionnelle d'une commission
scolaire. Nous estimons qu'on oublie trop facilement que ce sont plus souvent
les modalités du fonctionnement administratif que la structure globale
qui empêchent les partenaires de cheminer ensemble, de se concerter et de
mettre en place les mécanismes qui assurent le développement
intégral et harmonieux des élèves.
L'objectif fondamental qui guide notre démarche est
essentiellement d'assurer à nos élèves la qualité
des services éducatifs qui leur sont dispensés. En
conséquence, toute la structure scolaire doit être conçue
d'abord en fonction de l'atteinte de cet objectif et les modalités du
fonctionnement administratif doivent être par la suite cohérentes
avec un tel objectif.
C'est dans cette perspective que plusieurs partenaires au sein de notre
commission scolaire ont scruté le projet de loi 40. Ils l'ont
étudié selon une approche critique positive en respectant les
dispositions des chapitres.
Les élèves. Le principe original sous-jacent à ce
chapitre est celui des droits des élèves à des services
éducatifs. Nous croyons que c'est la première fois qu'ils sont
affirmés dans un projet de loi. Nous reconnaissons ces nouveaux droits
aux élèves, en plus des obligations généralement
faites à une commission scolaire et au ministère de
l'Éducation. Cependant, il nous apparaît très
conséquent que le projet de loi fasse aussi mention du cas des
élèves dits surdoués. L'article 18 accorde aussi aux
parents de l'élève le droit de choisir l'école qui
répond le mieux à leur préférence ou dont le projet
éducatif correspond le mieux à leurs valeurs. L'expérience
de notre commission scolaire nous amène à exprimer certaines
réserves quant à ce droit.
Sur le territoire de la CSCS, les parents sont très
attachés au principe de l'école de quartier ou de
municipalité. Dans un récent sondage sur le livre blanc du
ministre de l'Éducation, 184 répondants sur 198 donnaient leur
accord à l'énoncé suivant: "Un bassin d'alimentation
devrait normalement être déterminé pour chaque école
physique afin de déterminer qui a droit au transport gratuit et qui a
priorité en cas de surplus d'inscription d'élèves dans une
école."
Nous estimons que le droit du choix de l'école ne devrait pas
avoir pour conséquence la disparition du principe d'une école de
quartier ou de municipalité.
L'école. La lecture de l'article 34 nous pose un problème.
Suivant notre interprétation, nous percevons difficilement comment une
commission scolaire pourrait, à l'intérieur de la période
mentionnée de cinq ans, créer une nouvelle école. Le
projet de loi devrait laisser cette possibilité à une commission
scolaire.
Le livre blanc du ministre de l'Éducation postulait que l'on
devait rendre la communauté responsable de son école. On jugeait
ainsi que la communauté pouvait gérer son école selon ses
besoins et ses attentes. L'article 29 laisse à la commission scolaire le
soin d'établir une école et d'en indiquer notamment la
composition du conseil. L'article 39 présente un modèle uniforme
de la composition du conseil et, ce, pour toutes les écoles du
Québec. Notre vécu nous permet de présenter une
alternative à cet encadrement.
Les écoles de la CSCS sont décisionnelles quant à
leur budget. À cette fin, nous avons demandé aux directions
d'école de consulter les comités d'école et les
enseignants sur la composition d'un comité du budget. Très
majoritairement, les parents et enseignants ont opté pour un
comité décisionnel paritaire. En conséquence, il nous
apparaîtrait respecter l'esprit du projet de loi si le milieu
école pouvait définir lui-même le modèle de conseil
d'administration correspondant parfaitement à ses besoins et attentes.
Ainsi, pour les années à venir, on laisserait place à
l'initiative du milieu quant à la création de nouveaux
modèles de conseil.
Le conseil des écoles à vocation régionale. Dans le
même ordre d'idées, les écoles à vocation
régionale devraient avoir la possibilité d'établir leur
propre modèle de conseil afin qu'il soit fonctionnel. Notre vécu
nous permet de penser que la formule du projet de loi pourrait difficilement
s'appliquer de par la nature même des clientèles de ces
écoles.
Vous nous permettrez une dernière remarque sur les dispositions
du chapitre III. L'article 38 fait obligation à l'école de
publier un rapport d'activité qu'elle rend public de la manière
qu'elle détermine. Nous croyons que cette obligation devrait inclure une
publication faite lors d'une assemblée générale des
parents de l'école.
La commission scolaire. Une commission scolaire a comme objectif, entre
autres, de veiller à la répartition des services éducatifs
qu'elle offre sur son territoire. Une saine gestion des fonds publics
nécessite que des personnes voient à une distribution juste et
équitable entre les milieux de toutes les ressources disponibles. Ainsi,
un des aspects du rôle de commissaire est de voir à la bonne
gestion de la richesse collective.
Un autre aspect, celui de représentant officiel d'une ou de
plusieurs écoles. À ce titre, le commissaire doit
représenter les intérêts de son école auprès
de la
commission scolaire. Négliger un des deux aspects
équivaudrait à nier une partie de notre réalité
scolaire. Si un commissaire ne devait être qu'un représentant
d'une école, c'est toute la communauté scolaire qui en
souffrirait. Si un commissaire ne devait s'intéresser qu'à la
répartition de la richesse collective, c'est le milieu école qui
se sentirait lésé dans la légitimité de ses
attentes. Notre vécu nous permet d'établir ces principes
fondamentaux.
Les conceptions, à notre commission scolaire, de la
représentation électorale. Deux conceptions prévalent
à la CSCS quant au type de représentation électorale. Il
s'agit de la formule préconisée par le projet de loi 40, soit la
représentation par école, et la formule existante, soit la
représentation par quartier électoral.
La représentation par école. La formule du projet de loi
40 plaît au comité de parents de notre commission scolaire. Parmi
les avantages d'une telle formule, on retient le lien direct qui est ainsi
créé entre l'école et la commission scolaire, assurant
à la première une influence certaine sur la seconde. Les parents
considèrent aussi que le commissaire d'école, lorsqu'il
siégera au conseil de la commission scolaire, saura faire preuve d'un
souci du bien commun.
Certains parents et commissaires ont par contre exprimé des
craintes quant au grand nombre de commissaires à un futur conseil de la
commission scolaire de Sherbrooke, lequel totaliserait environ 42 personnes. Si
le gouvernement devait retenir la formule de la représentation par
école, nous croyons que les pouvoirs du comité exécutif
prévus à l'article 181 devraient être passablement
modifiés. L'élaboration des règles et modalités de
répartition des ressources financières entre les écoles et
la détermination du taux de la taxe scolaire devraient relever de la
compétence du conseil d'administration de la commission scolaire. Il en
va de même pour toutes les politiques de ladite commission. Laisser
à un comité exécutif le soin d'établir au nom du
conseil d'administration un taux de taxes nous paraît un accroc au
principe de la démocratie scolaire telle que nous la connaissons. (20 h
15)
La représentation par quartier électoral. Le conseil des
commissaires de la CSCS retient, quant à lui, la formule actuelle de la
représentation par quartier électoral. Parmi les avantages d'une
telle formule, on retient notamment celui de rôle d'arbitre des
différentes composantes de la commission scolaire. Cette formule
pourrait cependant être déficiente si le commissaire d'un quartier
entretenait peu ou pas de relations suivies avec son ou ses comités
d'école. Si le gouvernement devait retenir la formule de la
représentation par quartier électoral, nous maintiendrions les
mêmes restrictions susmentionnées quant aux pouvoirs du
comité exécutif. Nous ajoutons cependant que la taille du conseil
des commissaires pourrait être réduite dans la mesure du possible.
Elle pourrait idéalement être ramenée à quelque dix
membres. Dans ce cas, il serait préférable de ne pas avoir de
comité exécutif. Toutes les décisions seraient prises par
le conseil d'administration. Le commissaire élu serait tenu de convoquer
des réunions regroupant les conseils d'école de son quartier afin
de maintenir un lien direct entre les écoles et la commission scolaire.
Il pourrait y avoir quatre réunions annuelles obligatoires. Dans
l'éventualité d'un grand nombre de postes de commissaires, un
comité exécutif serait nécessaire.
La fréquence des élections et le nombre de mandats du
commissaire. Nonobstant la formule retenue par le gouvernement, nous estimons
que les élections des commissaires devraient se tenir en bloc tous les
quatre ans et, afin d'assurer un renouveau au conseil d'administration de la
commission scolaire, un commissaire ne pourrait exercer plus de deux mandats
successifs, une période de quatre années devant s'écouler
entre le deuxième et un nouveau mandat. S'il y avait vacance au poste de
commissaire, nonobstant la formule retenue par le gouvernement, toute vacance
à un poste de commissaire devrait être comblée par une
élection au suffrage universel.
Le conseil d'administration de la commission scolaire. Nonobstant la
formule retenue par le gouvernement, nous pensons que tous les pouvoirs
devraient être confiés au conseil d'administration dont ceux
précédemment mentionnés, soit l'élaboration des
règles et modalités de répartition des ressources
financières entre les écoles, la détermination du taux de
la taxe scolaire et l'adoption de toutes les politiques de la commission
scolaire. Le conseil d'administration aurait la possibilité de
déléguer ses pouvoirs à un éventuel comité
exécutif, suivant les attentes et les besoins exprimés par un
milieu.
En conséquence, l'article 181 pourrait se lire comme suit: Le
comité exécutif exerce les pouvoirs que lui délègue
le conseil d'administration. Il pourrait être chargé notamment
d'exécuter, selon le cas, les décisions du conseil
d'administration; de préparer le budget et les rapports financiers;
d'exercer les pouvoirs de la commission scolaire quant aux emprunts - et il
peut, à cette fin, mandater une personne pour négocier ces
emprunts - de conclure les contrats; d'appliquer les politiques adoptées
par le conseil d'administration.
L'article 182 prévoit l'établissement de règles de
régie interne pour le comité exécutif. Les parents et
commissaires de la
CSCS désireraient que soient inscrites dans la loi les deux
règles suivantes: Un commissaire du comité exécutif, tel
que prévu dans le projet de loi, devrait s'abstenir de voter lorsque est
débattu un problème relatif à son école, ceci afin
d'éviter les conflits d'intérêts; tout commissaire devrait
pouvoir assister à un comité privé du comité
exécutif si on y discute d'une affaire concernant son école ou
son quartier. Il va de soi que ce commissaire serait tenu au secret du huis
clos.
Le pouvoir de taxation et de perception de la taxe scolaire. Nous
acceptons d'emblée que le projet de loi laisse à une commission
scolaire son pouvoir de taxation. Nous pensons cependant que devrait être
également conservé à la commission scolaire le pouvoir de
perception (article 267) sous réserve que les coûts de perception
demeurent les mêmes que ceux qui seraient encourus par une
municipalité à qui serait confié ce pouvoir. De plus, une
commission scolaire devrait pouvoir taxer selon les ressources qui lui sont
nécessaires pour satisfaire tous les droits de l'élève
tels que décrits au chapitre II du projet de loi. L'organisme qui doit
satisfaire aux obligations qui lui sont faites doit, en conséquence,
disposer des ressources nécessaires à cette fin.
Le comité de gestion de la commission scolaire. L'article 184
fait obligation à une commission scolaire d'établir, sous la
direction du directeur général, un comité de gestion
où siège une majorité de directions d'école. Les
parents et les commissaires de la CSCS croient que chaque commission scolaire
devrait avoir la responsabilité de juger de la pertinence de l'existence
d'un tel comité de gestion, d'autant plus que le projet de loi
établit le lien direct entre l'école et la commission scolaire
par l'intermédiaire du commissaire d'école, alors qu'actuellement
ce lien est assuré par les directions d'école avec le directeur
général. Nous ne voyons pas la pertinence de maintenir deux liens
directs, possiblement conflictuels, dans l'éventualité de
l'adoption du projet de loi.
Le comité consultatif du transport. L'article 187 établit
la constitution d'un comité consultatif du transport. Nous nous
permettons de vous souligner qu'il nous paraît très pertinent
d'inclure dans ce comité un représentant des élèves
utilisateurs.
Les options professionnelles, l'éducation aux adultes, le
transport scolaire, et les services informatiques. L'article 199 fait
obligation à la commission scolaire de s'assurer que la population de
son territoire reçoive les services éducatifs auxquels elle a
droit. Ces services éducatifs incluent les options professionnelles. Or,
selon l'article 92, c'est l'école qui dispense les services aux
élèves que la commission scolaire y a inscrits et c'est la
commission scolaire qui répartit les services éducatifs entre les
écoles; articles 92 et 202. Notre expérience nous permet de vous
proposer une autre voie. La région de l'Estrie compte sept commissions
scolaires primaires d'importance inégale. Il est assuré que la
commission scolaire catholique de Sherbrooke, de par son bassin de population,
pourra sans doute s'offrir les services qu'elle déterminera, mais il
n'est pas du tout assuré que les autres commissions scolaires pourront
en faire autant. C'est pourquoi nous proposons que le projet de loi donne aux
commissions scolaires le pouvoir de créer un organisme régional,
et de lui confier certaines responsabilités, notamment, la
répartition des options professionnelles, les services de
l'éducation aux adultes, le transport scolaire, les services
informatiques. Les commissions scolaires seraient tenues de dispenser ces
services. L'organisme régional serait sous la responsabilité
conjointe des sept commissions scolaires de l'Estrie.
La consultation sur la répartition des services éducatifs.
L'article 202 prévoit que la commission scolaire répartisse les
services éducatifs entre les écoles de son territoire. Les
parents, les commissaires de la CSCS demandent que la commission scolaire soit
tenue de consulter les conseils d'école avant d'effectuer cette
répartition.
Le ministre de l'Éducation et la consultation du
ministère. Certains partenaires de notre commission scolaire
considèrent que les consultations faites par le ministère
souffriraient de quelques lacunes. Les remarques les plus souvent entendues
sont les suivantes: On oublie parfois de consulter un ou des partenaires; le
temps laissé pour faire la consultation est trop court; le vocabulaire
utilisé est parfois incompréhensible pour certains partenaires,
ce qui implique que la consultation peut être peu significative. Nous
estimons que le ministère devrait corriger ces lacunes. Malgré
tout, nous souhaitons, à l'articles 292, que le ministère soit
tenu d'établir ses divers programmes en collaboration avec les
commissions scolaires, les enseignants, les enseignantes et les parents.
La liste des manuels scolaires: L'article 293 permet au ministre
d'établir la liste des manuels scolaires qu'il autorise. Si le milieu
école doit s'approprier le processus décisionnel, le ministre
devrait se limiter à publier une liste critique des manuels.
L'école choisirait ses manuels selon cette liste, ce qui est d'ailleurs
souvent le cas actuellement.
La réglementation: Nous pensons que trois principes devraient
guider le ministère dans l'établissement de sa
réglementation. 1 La réglementation du ministère doit
permettre une réglementation propre à
chaque commission scolaire. 2° Le ministère de
l'Éducation doit s'obliger à cansulter tous ses partenaires sur
sa réglementation. 3° Toute réglementation non
spécifiée à l'article 308 relèverait de la
compétence des commissions scolaires.
L'article 308 présente les domaines de réglementation que
se réserve le ministère. Puisque nous considérons que le
ministère s'y réserve trop de pouvoirs, nous pensons qu'il
devrait limiter les domaines de sa réglementation. L'article 308
pourrait se lire comme suit: "Le gouvernement peut, par règlement,
1° établir un régime pédagogique pour
déterminer le cadre général d'organisation des services
éducatifs. Ce régime peut porter sur: a) l'admission, b) le
nombre d'heures par année des activités éducatives, c) les
cycles de l'enseignement primaire et de l'enseignement secondaire, d)
l'établissement d'objectifs terminaux d'apprentissage, e) les
matières obligatoires et les matières à option, f) le
nombre d'unités par matière, g) le passage de l'école
primaire à l'école secondaire, h) la sanction des études;
2° définir ce qui constitue une fonction pédagogique ou une
fonction éducative; 3° déterminer les normes et les
conditions d'acquisition et de disposition des biens immeubles, 4°
déterminer les normes, les conditions et la procédure d'octroi
des contrats de construction, d'agrandissement, d'aménagement majeur, de
reconstruction, de démolition ou de transformation majeure d'un immeuble
d'une commission scolaire; 5° déterminer la nature et la forme des
renseignements fournis au ministre des Finances et au ministre de
l'Éducation pour l'application du premier alinéa de l'article
247, de même que la date à laquelle ces renseignements doivent
être fournis."
Les allocations aux membres du conseil d'administration de la commission
scolaire et des conseils d'école. L'article 309 indique dans ses
paragraphes 6 et 7 que le ministère peut réglementer les normes
de remboursement des dépenses des commissaires et des membres des
conseils d'école. Une telle réglementation devrait être
laissée aux commissions scolaires. En outre, de façon à
s'assurer de la plus large participation possible des parents au conseil
d'école, la loi devrait inclure à l'article 309 des allocations
aux parents d'un conseil pour les frais de garde.
Les dispositions provisoires. La commission de mise en oeuvre. L'article
340 présente la composition de la commission de mise en oeuvre. Nous
estimons qu'elle devrait inclure une personne choisie parmi les membres des
associations représentatives des professionnels des commissions
scolaires.
Les plans de transfert du personnel.
Nous estimons que l'article 349 devrait spécifier que les plans
de transfert doivent inclure tout le personnel des commissions scolaires
existantes.
Le comité de mise en oeuvre. Nous pensons que l'article 368
devrait faire obligation au ministre de consulter tous les organismes
impliqués quant à la nomination des membres du comité de
mise en oeuvre. De plus, nous estimons que le comité de mise en oeuvre
devrait inclure une personne choisie parmi les membres des associations
représentatives des professionnels des commissions scolaires.
L'engagement du directeur général et du directeur
général adjoint. L'article 381 spécifie que le directeur
général d'une commission scolaire doit obligatoirement être
choisi dans une banque composée essentiellement des actuels directeurs
généraux et directeurs généraux adjoints. Nous
pensons que le projet de loi ne devrait pas obliger les comités de mise
en oeuvre à engager un candidat qui occupe actuellement un poste de
directeur général ou de directeur général adjoint.
Une organisation devrait avoir la possibilité d'engager un candidat qui
réponde à ses attentes et besoins. La procédure que nous
suggérons serait de retenir obligatoirement, pour fins d'étude,
les candidatures des actuels directeurs généraux et directeurs
généraux adjoints. Cependant, la sélection d'un candidat
devrait respecter la procédure normale des concours de promotion, et la
sélection finale devrait permettre au meilleur candidat d'obtenir le
poste de directeur général.
Nous tenons à vous souligner que les actuels directeur
général et directeur général adjoint de la CSCS se
dissocient de cette position.
Conclusion. M. le Président, vous nous permettrez de terminer
notre présentation par quelques réflexions communes des parents,
des commisaires, des professionnels et des membres de la direction
générale de la CSCS.
Nous espérons que la loi qui sera adoptée permettra
à la commission scolaire catholique de Sherbrooke de poursuivre la
démarche amorcée en septembre 1981. L'important pour les
partenaires de la CSCS, c'est d'apprendre et de continuer à travailler
ensemble à l'établissement d'une concertation réelle entre
tous les agents d'éducation. L'essentiel pour nous ne consiste pas
à départager des pouvoirs selon les sphères d'influence,
mais bel et bien à s'assurer que les bonnes décisions soient
prises aux bons endroits et le plus possible en concertation avec tous les
partenaires.
C'est en travaillant ensemble à l'élaboration de nouvelles
modalités administratives que nous parviendrons à changer les
mentalités dans notre commission scolaire.
Toute cette démarche n'a qu'un but ultime, soit
d'améliorer notre efficacité et ce, pour assurer le
développement intégral et harmonieux de nos enfants.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Demers. Je crois
comprendre que la liste des amendements proposés par votre commission
scolaire qui est annexée à votre mémoire reprend les
points que vous venez de développer.
M. Demers: C'est exact.
Le Président (M. Blouin): Très bien, merci. M. le
ministre.
M. Laurin: Je remercie chaleureusement la commission scolaire
catholique de Sherbooke pour l'étude sérieuse et substantielle
qu'elle a faite du projet de loi 40, comme elle le dit si bien elle-même,
à partir de son vécu et en fonction de la démarche qu'elle
a accoutumé de faire depuis quelques années. C'est probablement
la raison pour laquelle son mémoire fourmille de recommandations et de
suggestions intéressantes. (20 h 30)
J'ai déjà eu l'occasion de rencontrer presque tous les
membres qui sont assis à la table et je me rappelle avoir eu avec elles
et avec eux un échange extrêmement constructif dont je retrouve
d'ailleurs plusieurs échos dans le mémoire qui nous est
présenté aujourd'hui.
Je les félicite aussi pour cette attitude pragmatique qu'ils ont
et en vertu de laquelle, par exemple, ils peuvent déclarer que ce qui
les intéresse, ce n'est pas la répartition des pouvoirs mais bien
la recherche des lieux les plus appropriés de décision dans une
attitude de concertation, d'équipe dans le but d'atteindre l'objectif de
la mission éducative qui est l'amélioration de la qualité
de l'éducation pour chacun de nos enfants.
Il est réconfortant de voir que le mémoire qui nous est
présenté aujourd'hui est justement le fruit de cette
concertation, le fruit de cette démarche à laquelle ont
été associés des commissaires, des parents, des directeurs
généraux, des cadres et mêmes des enseignants si j'ai bien
compris. Et le résultat de cette concertation, de cette démarche,
c'est de prévoir que cette école pivot, concept auquel
adhère la commission scolaire catholique de Sherbrooke, est une
réalité non seulement faisable, non seulement viable, mais une
réalité qui est en voie d'implantation dans la plupart des
écoles qui relèvent de la commission scolaire catholique de
Sherbrooke. Vous nous en avez d'ailleurs donné un exemple, car,
déjà, les budgets sont décentralisés à votre
commission scolaire et ceci semble avoir amélioré la
situation.
Je pense que vous avez aussi parfaitement raison de dire qu'il ne suffit
pas de changer les structures, il faut, en même temps, que ce changement
soit accompagné par un autre changement plus important, plus lent, plus
difficile au niveau des mentalités. Comme on nous le disait cet
après-midi - c'était d'ailleurs une autre commission scolaire de
votre région - c'est que, bien souvent, cette démarche de
concertation révèle des conflits qui étaient jusqu'alors
latents et que la concertation a précisément pour fonction de
mettre en lumière, dans un premier temps, mais qu'elle permet de
résoudre, dans un second temps, et que ce rapprochement se fait toujours
en fonction d'un objectif commun et aboutit toujours à une
amélioration de la qualité de l'éducation. C'est bien
comme cela que nous l'entendons. Lorsque vous conviez le ministère de
l'Éducation à changer, lui aussi, ses mentalités, à
changer ses pratiques de consultation, à les faire plus longues,
à les faire plus étoffées et à consulter
véritablement les instances décentralisées, nous en sommes
et nous espérons bien que nous marquerons de cette façon la
nouvelle ère que veut instaurer le projet de loi 40. Vous nous faites
plusieurs suggestions et vous savez déjà que nous en avons retenu
quelques-unes. Ce matin, j'ai eu le plaisir d'annoncer que l'article 309, aux
sixième et septième alinéas, serait amendé dans le
sens de votre recommandation et que, également, nous amenderions
l'article qui traite du transfert et de l'intégration des personnels de
façon que ceci se fasse par entente entre le gouvernement et les
organismes syndicaux concernés ou les associations concernées. Je
pense ici aux directeurs généraux et aux directeurs
d'école.
Dans les autres suggestions que vous nous faites, il y a
énormément à glaner, par exemple, lorsque vous nous
suggérez d'être peut-être encore plus souples que nous le
sommes dans la constitution d'un modèle de conseil d'école,
modèle que vous voudriez voir plus souple pour tenir compte des
écoles primaires, des écoles secondaires, mais aussi des
écoles régionales. Nous apporterons sûrement une
très grande attention à votre suggestion.
Je retiens aussi cette autre suggestion sur la table de gestion qui,
à votre avis, n'est peut-être pas nécessaire dans le
nouveau modèle étant donné qu'elle viendrait
dédoubler une autre voie de communication qui existe
déjà.
Je retiens aussi cette suggestion très intéressante d'un
organisme régional qui serait constitué conjointement des
commissions scolaires de la région, qui dépendrait, bien
sûr, des commissions scolaires de la région, et qui assumerait
certaines fonctions d'importance proprement
régionale, comme la répartition des options
professionnelles ou la répartition de services pour élèves
que l'on appelle communément en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage, mais qui, bien souvent, sont des élèves
handicapés pour lesquels des services très spéciaux sont
nécessaires, sans parler des élèves surdoués
également auxquels il est important, je crois, de faire enfin droit dans
nos énumérations de clientèle.
Toutes ces suggestions seront étudiées pour notre part. Il
est bien possible effectivement que nous continuions, à l'examen, d'en
retenir d'autres outre celles que nous avons déjà retenues.
Je voudrais, enfin, vous poser une seule question. Vous affirmez
à plusieurs endroits dans votre mémoire que le conseil des
commissaires a voulu favoriser la participation active des partenaires au
processus décisionnel, c'est-à-dire élèves,
parents, membres du personnel de l'école et direction d'école.
J'aimerais vous demander si vous pouvez expliquer à la commission
parlementaire les raisons qui vous ont amenés à prendre cette
orientation, à adopter cette démarche et à poser les
gestes que vous avez posés au cours des dernières
années.
Le Président (M. Blouin): M. Demers.
M. Demers: M. le Président, pour répondre à
la question du ministre de l'Education, lorsque nous parlons de notre
vécu, nous référons, bien sûr, à des choses
difficiles que nous avons vécues à l'intérieur de notre
commission scolaire qui nous ont fait prendre cette orientation, parce que nous
croyons profondément qu'au niveau de notre commission scolaire, il est
important que nous nous questionnions ensemble. Il est difficile de
décider d'autorité au niveau du conseil des commissaires ou
même au niveau de la direction générale sans tenir compte
de l'avis de tous.
Bien sûr, dans cette démarche, nous favorisons la
participation, mais nous estimons également important de ne pas
l'imposer d'autorité. C'est pourquoi nous disons dans notre
mémoire que nous laissons nos partenaires libres d'y adhérer.
Nous espérons, chaque fois que nous le faisons, avoir un avis de
tous. Lorsque nous le recevons, nous en tenons compte avant de décider.
Cette démarche nous permet donc de prendre une décision,
puisqu'il faut la prendre éventuellement cette décision, et
d'avoir quelque chose de mieux étoffé et, bien sûr, quelque
chose qui nous permet de répondre, sinon en totalité, du moins,
en partie à l'ensemble des partenaires. C'est ce que nous voulons et
c'est ce que nous nous efforçons de faire au sein de notre commission
scolaire.
M. le Président, je ne sais pas si les partenaires souhaitent
ajouter quelque chose. Le Président (M. Blouin): Cela va? Une
voix: Cela va.
Le Président (M. Blouin): Cela va, M. le ministre? Merci.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Merci, M. le Président. Je voudrais souligner que
le mémoire de la commission scolaire catholique de Sherbrooke nous a
vivement intéressés. En vous écoutant, M. le
Président, je me faisais une observation. Je me disais qu'aujourd'hui
cela fait deux commissions scolaires de votre région que nous entendons.
Il y a eu celle de Morilac cet après-midi et vous. Il y en a d'autres
qui sont laissées en attente pour une période indéfinie,
en particulier la commission scolaire régionale de l'Estrie, la
commission scolaire de l'Asbesterie également. Je voudrais en profiter
pour signaler que s'il y avait eu une meilleure planification et des
consultations plus sérieuses entre le gouvernement et l'Opposition, il y
aurait eu moyen de regrouper ces témoignages de manière que l'on
puisse profiter de la complémentarité des uns et des autres. Cela
n'enlève aucun mérite à ce que vous avez dit. Mais la
seule pensée de présumer qu'on devra attendre pendant
peut-être un mois et demi avant d'entendre d'autres points de vue de gens
qui sont vos voisins nous chagrine.
Cela étant dit, je voudrais signaler une chose qui m'a
frappé dans votre mémoire, que j'ai trouvé très
clair, très bien présenté. Il y a un certain nombre de
problèmes de fond auxquels vous n'avez pas touchés, les
problèmes qui sont au coeur du débat qui oppose le gouvernement
à tout un ensemble de milieux, y compris l'Opposition. Cela est plus
normal, quand c'est l'Opposition; ce n'est pas trop alarmant, parce que c'est
la règle même de notre système parlementaire, mais je crois
que l'opposition est beaucoup plus répandue que cela dans le milieu en
général, même dans la région d'où vous venez.
Je remarque que, sur les relations entre l'école et la commission
scolaire, sur tout le lien qui doit exister entre l'école et la
commission scolaire, votre mémoire est pratiquement silencieux. C'est un
point que vous ne touchez pratiquement pas.
De même, sur le statut du directeur d'école, qui est un des
éléments clés de la réforme proposée, il n'y
a pas d'observations dans votre mémoire et, s'il y en a que vous voulez
ajouter tantôt, cela me fera plaisir de les entendre. Vous ne prenez pas
position, non plus, sur le regroupement des commissions scolaires primaires et
secondaires - je vais vous en dire un petit mot tantôt - vous n'exprimez
pas d'opinion
sur la confessionnalité; vous n'exprimez pas d'opinion non plus
sur la formule du regroupement des commissions scolaires suivant des lignes
linguistiques. Je mentionne ces points-là juste pour rappeler combien le
paysage est vaste - ce ne sont pas des reproches que j'entendrais vous adresser
- et pour signaler à l'attention du ministre qu'il ne faudrait pas qu'il
parte trop vite en pensant que son projet est passé avec vous autres
comme une lettre à la poste. Je présume que, sur tous ces
points-là, vous avez des réactions qui ne sont peut-être
pas aussi simples qu'on pourrait l'imaginer.
J'ai remarqué une chose également. Quand vous parlez du
conseil d'école, vous faites une suggestion au gouvernement que n'a
point souligné le ministre dans les commentaires qu'il a faits à
la suite de votre présentation. Vous dites que le conseil d'école
devrait avoir une composition dont la nature serait laissée à
l'initiative de l'école, étant donné les situations
très variées qui peuvent surgir d'une école à
l'autre. C'est un point de vue auquel nous sommes très sensibles de ce
côté-ci. Vous signalez à l'attention du ministre qu'une
formule uniforme pour tout le Québec, pour tous les genres
d'écoles serait "carcanesque" et trop forte pour ce qu'une vision
réaliste des choses devrait suggérer. J'ai été bien
content de trouver cette suggestion dans votre mémoire.
Il y a beaucoup d'autres points. Il y a une série de points
particuliers - là-dessus, je suis très heureux d'être
d'accord avec le ministre - qui contribueront à améliorer ces
parties du projet de loi dont vous traitez. Le problème de taxation, par
exemple, quand vous le posez, a été souligné par beaucoup
d'organismes, et je pense que c'est bon qu'il ait été
souligné ici. Je crois bien que le gouvernement voudra se rendre aux
opinions exprimées là-dessus. Il me semble que c'est de la nature
de la commission scolaire d'avoir cette responsabilité de percevoir ses
taxes. Si elle juge devoir faire une entente avec une corporation municipale
à cette fin-là, c'est son droit, mais il ne devrait pas
être écrit dans la loi que c'est l'autre qui va percevoir cela
pour elle obligatoirement. Si c'est le point de vue que vous avez voulu
souligner, je voulais vous dire que je suis tout à fait d'accord avec
vous.
Je vais vous poser quelques questions, si vous me le permettez. Quand
vous proposez que les commissions scolaires aient la possibilité de
créer un organisme régional qui aurait la responsabilité
de dispenser certains services exigeant une taille plus large, comme
l'éducation des adultes, la répartition des options
professionnelles, je pense que, dans votre région en particulier, c'est
un problème que vous faites bien de souligner, parce qu'il a
été porté à mon attention par d'autres. Je voudrais
vous demander s'il y avait une commission scolaire regroupée, s'il y
avait le regroupement des commissions scolaires élémentaires et
secondaires, si vous envisagez un autre organisme pour cela ou si les nouvelles
commissions scolaires que propose le gouvernement pourraient faire ce
travail-là ou si, même avec la nouvelle carte scolaire des
commissions scolaires regroupées, il faudrait envisager un organisme
régional comme celui-là?
En même temps, si vous pouvez me donner votre opinion sur le
regroupement, cela ferait mon affaire. (20 h 45)
M. Demers: M. le Président, pour répondre au
député, M. Ryan, quand nous parlons de créer un organisme
régional, dans notre vécu et dans nos échanges avec les
autres commissions scolaires primaires de notre région, nous nous
sommes, bien sûr, rendu compte qu'il y avait à notre endroit une
crainte que nous tenions à souligner à cette commission
parlementaire, une crainte par rapport à la commission scolaire de
Sherbrooke, d'avoir tous les services à Sherbrooke. Nous étions
convaincus à Sherbrooke que s'il devait y avoir une ouverture, nous
devrions le faire savoir. Nous avons cette ouverture. Cependant, nous estimons
que le fait de créer un organisme régional permettrait à
l'ensemble des commissions scolaires, qui seraient sans doute
intégrées à ce moment-là, de pouvoir
échanger et de décider ensemble de ce qui pourrait être
confié à Sherbrooke et de ce qui pourrait être
confié à d'autres commissions scolaires qui nous entourent parce
que les services qu'elles pourraient offrir seraient plus appropriés
dans leur région. Ce sont les choses que nous avons remarquées et
c'est la raison pour laquelle nous l'avons souligné dans notre
mémoire.
Quant au regroupement primaire-secondaire et à
l'intégration, au niveau des commissaires à Sherbrooke, tout le
monde est d'accord avec cela. D'ailleurs, dans votre exposé, vous
indiquiez que nous ne l'avions pas fait ressortir. C'est exact. Vous disiez
également qu'il y avait la commission scolaire régionale de
l'Estrie. Comme commission scolaire primaire, nous faisons partie de la
commission scolaire régionale de l'Estrie et c'est à ce niveau
qu'un regroupement primaire-secondaire n'appartiendrait pas seulement à
Sherbrooke, mais à différentes commissions scolaires. En d'autres
termes, les écoles secondaires sur le territoire qui nous entoure
demeureraient, nous le croyons, rattachées à ces commissions
scolaires ce qui, bien sûr, ferait disparaître l'entité
d'aujourd'hui, dans le système actuel, qui est la CSRE.
Compte tenu de cela, nous croyons important de se regrouper pour pouvoir
discuter. On ne pense pas que nous puissions
vivre isolés. On va devoir continuer de se parler pour tenter de
se comprendre. C'est dans le respect de ces partenaires que nous estimons que
nous avons parlé de cet organisme régional. Je ne sais pas si
cela répond à votre question quant au regroupement. Cependant, ce
sont à peu près les choses qui ont été
discutées à l'intérieur de notre comité.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: J'ai deux autres questions, dont une sur les relations
entre l'école et la commission scolaire et, de manière un peu
plus particulière, sur le statut du directeur. Doit-il relever de la
commission scolaire ou du conseil d'école? Avez-vous établi une
position?
M. Demers: Voici ce que nous avons remarqué dans notre
vécu. Lorsque vient le temps de nommer un directeur d'école - et
c'est arrivé à quelques occasions - nous avons remarqué
que les parents dans les écoles, les comités d'école
actuels souhaitaient avoir voix au chapitre dans le sens de nous dire ce qu'ils
souhaiteraient avoir comme direction d'école. Nous n'avons jamais senti
qu'ils souhaitaient se substituer à la commission scolaire et dans ce
sens-là, en tout cas, dans le système actuel, nous pouvons dire
qu'ils souhaitent donner leur opinion, mais ils nous laissent la
possibilité de nommer la direction d'école. Est-ce que ce serait
problématique? C'est fort possible, mais nous ne pouvons pas... On n'a
pas vécu d'autre formule. Ce dont nous pouvons parler, c'est de la
formule de notre vécu actuel.
M. Ryan: Le conseil d'école, si je comprends bien, vous
aimeriez mieux que cela reste plutôt général dans la loi?
Vous aimeriez qu'au niveau de chaque école, j'imagine, sous la
responsabilité générale de la commission scolaire, on
puisse décider. Dans une école, ce serait mieux d'avoir un
conseil d'école à composition paritaire. Auriez-vous objection
à cela, vous autres?
M. Demers: M. le Président, nous n'aurions aucune
objection à voir dans nos unités administratives d'école
les gens s'interroger, travailler ensemble et déterminer ensemble ce
qu'ils souhaiteraient avoir comme conseil d'école ou comme comité
d'école. Nous avons remarqué, toujours dans ce vécu, que
les partenaires à ce niveau, chez les parents, ne souhaitent pas non
plus se substituer aux enseignants. Nous voulons leur faire confiance à
ce niveau afin qu'ils puissent faire la démarche qu'ils souhaiteraient
dans leur milieu.
M. Ryan: Une dernière question. Il y en aurait beaucoup
d'autres, mais la limite de temps nous oblige à abréger. Vous
dites des choses qui m'ont paru très intéressantes à
propos des pouvoirs réglementaires du ministre. En particulier, vous
faites des suggestions qui touchent l'article 309 du projet de loi où on
énumère toute une série de pouvoirs réglementaires
du ministre. Vous faites une énumération.
J'ai essayé de faire une comparaison avec ce qui est
déjà compris dans le texte du projet de loi. Pourriez-vous nous
expliquer les changements principaux que vous suggérez par rapport au
texte du projet de loi, dans la mesure où ils ne sont pas
corrigés par les amendements qui ont été
déposés ce matin?
M. Demers: Si je ne m'abuse, le député d'Argenteuil
fait référence à l'article 308 du projet de loi
plutôt qu'à l'article 309.
M. Ryan: Vous avez raison, c'est cela. Mes lunettes sont un peu
sales.
M. Demers: Je vous en prie, nous avons compris que toute personne
est susceptible de faire une erreur.
M. Ryan: J'étais à la bonne page, cependant.
M. Demers: Avec votre permission, j'inviterais le directeur
général de notre commission scolaire, M. Desruisseaux, à
répondre à cette question.
M. Desruisseaux (Bernard): Pour y répondre, on peut
diviser l'article 208 en deux parties: la partie qui a trait au régime
pédagogique...
Le Président (M. Blouin): On a beaucoup de
difficulté avec ce numéro, c'est 308.
M. Desruisseaux: Excusez-moi, c'est 308. La première
partie a trait au régime pédagogique. Ce qu'on a retranché
de la proposition du projet de loi, c'est ce qui ne paraissait pas, à
notre point de vue, nécessaire au ministère pour accomplir la
tâche qu'il doit accomplir dans le système scolaire. Ce
n'était pas, à notre avis, absolument nécessaire pour lui.
Par contre, nous croyons que ce peut être très utile pour les
écoles ou la commission scolaire d'avoir un assez haut niveau de
liberté à l'égard de ces points pour la gouverne des
écoles et pour l'enseignement.
Je prends, par exemple, le temps prescrit pour les services
éducatifs. On croit pouvoir faire confiance à l'école pour
qu'elle le détermine elle-même. Étant donné que le
ministère détermine les objectifs à atteindre, c'est
suffisant. Que l'école détermine les
moyens, y compris le temps à y consacrer pourvu que, dans la
province, un temps égal soit donné à tout le monde durant
une année.
Pour ce qui concerne les autres aspects de l'article, nous avons
essayé de préserver les droits que nous possédons
actuellement. Nous avons retranché ce qui nous paraissait un
empiétement sur ce que nous possédons déjà comme
pouvoirs.
M. Ryan: Vous trouviez qu'il y avait des accroissements de
pouvoirs ministériels à certains endroits.
M. Desruisseaux: Oui.
M. Ryan: C'est ce que nous pensions, mais on avait entendu le
contraire.
M. Desruisseaux: C'est ce que nous voudrions sauvegarder: au
moins sauvegarder les pouvoirs que nous possédons actuellement tout en
essayant d'en acquérir quelques autres particulièrement au niveau
du régime pédagogique.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député de Sherbrooke et ministre du Travail.
M. Fréchette: Oui, M. le Président, une très
brève remarque d'ordre général, d'abord; ensuite, une
seule question à la délégation de la commission scolaire
catholique de Sherbrooke.
Ma remarque d'ordre général est pour remercier la
délégation de la présentation de son mémoire et de
son contenu. M. le Président, vous allez comprendre pourquoi je suis en
mesure de corroborer ou de confirmer des affirmations qui sont faites dans le
mémoire, plus particulièrement au niveau de la volonté
qu'a manifestée la commission scolaire catholique de Sherbrooke depuis
1981, d'impliquer le plus grand nombre possible de partenaires dans le
processus décisionnel. J'ai une seule question et je ne pense pas qu'on
l'ait abordée jusqu'à maintenant. Ce pourrait être une
simple question de précision ou alors pour me faire expliciter des
choses que j'aurais mal comprises. Vous mettez beaucoup d'emphase sur une
volonté que vous manifestez de, précisément, voir
s'impliquer le plus grand nombre possible de partenaires dans le processus
décisionnel. Vous identifiez expressément et nommément les
élèves, les parents, les membres du personnel de l'école,
la direction de l'école. La précision que j'apprécierais
pouvoir obtenir, c'est la suivante: Est-ce que les enseignants dans
l'école ne sont pas reconnus ou identifiés comme tels ou alors,
est-ce que j'ai mal compris? Si j'ai mal compris, cela règle le
problème. Si, par ailleurs, il n'y avait pas de référence
expresse à la participation active des enseignants au processus
décisionnel, j'apprécierais qu'on puisse nous expliquer pourquoi
il y aurait une semblable exclusion, si telle est la situation; je veux
être bien clair là-dessus.
Le Président (M. Blouin): M. Demers.
M. Demers: M. le Président, il n'est pas question
d'exclure, bien sûr, les enseignants de cette démarche. Nous
laissons à chaque unité administrative dans les écoles le
soin de s'interroger. Quand nous parlons, entre autres, de
décentralisation, ce que nous voulons faire ou ce que nous voulons
à l'intérieur des structures actuelles, c'est inviter ces
partenaires ensemble à s'interroger et, à l'intérieur de
cette démarche, les enseignants, s'ils veulent y participer, peuvent y
participer. Lorsque nous faisons référence entre autres au
budget, nous indiquons dans notre mémoire que majoritairement, dans nos
écoles, les parents et les enseignants, avec la direction de
l'école, souhaitaient avoir des comités paritaires. Nous laissons
cela à leur discrétion. Nous estimons que cela leur appartient de
décider cela ensemble.
Cependant, ce qui nous apparaît important, c'est de s'assurer que
nos directions d'école soient d'accord pour partager avec ces
partenaires ce pouvoir, conscients que nous sommes que, dans nos écoles,
ce qui représente la commission scolaire officiellement, si je peux
m'exprimer ainsi - je ne suis pas sûr de prendre le bon terme, mais quand
même - c'est la direction de l'école au niveau d'une
décentralisation administrative. Nous sommes heureux de la participation
de nos directions d'école qui partagent avec les enseignants, les
parents, qui leur demandent: Qu'est-ce que vous souhaiteriez avoir? C'est
à la suite de cette décision qui leur appartient, nous respectons
cela. Nous n'intervenons jamais pour leur dire: Vous devriez faire ceci ou
cela. Ils peuvent demander des avis. Ils peuvent faire référence
à la direction générale, s'ils le veulent plus
particulièrement, mais cela ne leur est pas imposé. Ils ont le
loisir de le faire pour eux-mêmes.
Le Président (M. Blouin): Cela va? M. le ministre.
M. Fréchette: Juste une petite question additionnelle, M.
le Président. Quand vous nous donnez ces précisions ou ces
détails, M. Demers, est-ce que vous le faites à partir de
l'expérience ou des expériences que vous vivez depuis 1981,
effectivement? C'est ce qui se passe actuellement sur le plan pratique de
l'administration de la commission?
M. Demers: M. le Président, je dois
vous dire que cela ne se fait pas depuis 1981 puisque nous exprimions
que notre réflexion débutait en septembre 1981. L'annonce avait
été faite par le conseil des commissaires en mars 1982 et,
à partir de cette démarche, nous avons ensuite
décentralisé au niveau budgétaire dans les unités
administratives. On en retrouve au centre administratif de la commission
scolaire, mais aussi dans nos unités administratives écoles qui
sont reconnues comme telles, qui ont leur budget. Ce n'est pas autre chose que
cela, notre démarche. (21 heures)
M. Frechette: Cela répond à mes questions, M. le
Président. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: M. Demers, comme la commission scolaire Morilac qui
vous a précédé cet après-midi, vous insistez, en
page 3, sur la nécessité de changer la mentalité
plutôt que la structure. Et cela rejoint le vieux proverbe: Ce n'est pas
l'habit qui fait le moine. Ce n'est pas non plus, nécessairement, la
restructuration scolaire qui va changer les associations. Vous nous affirmez
à la page 3 de votre mémoire que, depuis près de deux ans,
avec la loi actuelle, vous avez réussi à faire de l'école
le pivot de votre commission scolaire. Mais, à la page 21 - et je vous
cite - vous dites ceci: "Nous espérons que la loi qui sera
adoptée permettra à la commission scolaire catholique de
Sherbrooke de poursuivre la démarche amorcée en septembre 1981."
Alors, je vous pose deux questions. Premièrement, est-ce que vous pouvez
affirmer que vous êtes convaincus vous aussi, comme la commission
scolaire Morilac - et je la cite - qu'"il vous est possible dans la situation
actuelle, dans la structure actuelle de déléguer aux
écoles les pouvoirs que se propose de leur accorder le projet de loi
actuel"?
Une deuxième petite question: Pourquoi craignez-vous, comme vous
nous le dites à la page 21, de ne pas pouvoir poursuivre votre
démarche de septembre 1981 avec ce nouveau projet de loi?
Le Président (M. Blouin): M. Demers.
M. Demers: M. le Président, à l'intérieur de
notre démarche, dans la structure actuelle, nous reconnaissons qu'il
n'est pas facile de faire cette démarche. Nous reconnaissons
également que les mentalités doivent changer. On peut
certainement penser que ce sont là des voeux pieux, mais il n'en demeure
pas moins que nous croyons également qu'il nous est impossible
présentement de pouvoir continuer d'imposer d'autorité. Or,
lorsque nous parlons comme nous le faisons, ce que nous espérons, c'est
que cette démarche puisse se continuer, parce que nous croyons que, pour
notre commission scolaire - et nous n'avons aucune prétention, M. le
Président, je vous prie de nous croire, nous n'avons aucune
prétention, dis-je, au niveau de l'ensemble des écoles du
Québec - ce que nous souhaitons, à l'intérieur de notre
démarche, comme si le projet de loi était accepté, c'est
que l'ensemble des partenaires puissent se faire entendre, se faire comprendre.
Pour l'école, on les retrouve à la commission scolaire. Pour la
commission scolaire, on retrouve cela dans notre système par rapport au
ministère de l'Éducation. Nous faisons également
état dans notre mémoire que la réglementation du
ministère est effectivement, autant dans la structure actuelle que dans
le projet de loi -et nous ne sommes pas devins - nous espérons que la
réglementation du ministère... bref que le ministère
s'imposera par rapport à l'ensemble des partenaires que sont les
commissions scolaires, une consultation, une véritable consultation.
Nous ne pouvons certes pas cacher que nous craignons quelque
réglementation qui pourrait suivre le projet de loi 40. Nous craignons
cela davantage que le projet de loi, puisque le projet de loi nous donne
l'opportunité de pouvoir - d'abord, nous sommes ici pour faire des
représentations - dire des choses. Et lorsque la réglementation
vient, nous avons un peu l'impression qu'elle échappe au
législateur et que nous sommes pris, nous sommes coincés pour
articuler la démarche comme elle a été imposée.
Nous n'imposons pas à nos écoles, nous ne voulons pas qu'on nous
impose des choses. C'est la raison pour laquelle nous formulons cela.
Le Président (M. Blouin): Merci. Cela va? Merci beaucoup.
M. le député de Vachon.
M. Payne: Je pense que votre mémoire est bourré de
suggestions positives, basées sur une expérience
accélérée depuis trois ans. J'espère bien que le
gouvernement prend en considération toutes les suggestions. Par exemple,
je vous en nommerai une, mais je pourrais en donner une centaine, il y en a
plusieurs.
À l'article 202, lorsqu'on dit que la commission scolaire devrait
être responsable de la répartition des services, il
m'apparaît logique que cela devrait se faire obligatoirement en
consultation avec les comités d'école. Comme le ministre, j'ai
été impressionné par la suggestion concernant le besoin de
se concerter au niveau de la région. D'ailleurs, si je suis bien
informé, après avoir discuté à plusieurs reprises
avec l'Association des anglophones de l'Estrie, ils ont eu plusieurs
expériences de concertation avec le milieu francophone. Vous
témoignez, dans votre vécu, des expériences fort
intéressantes.
Lorsque vous parlez d'un organisme régional, à moins que
je fasse erreur, et vous me corrigerez si c'est le cas, d'après ce que
je lis, vous n'exigez pas nécessairement un organisme autre qu'un
organisme souple, léger et probablement très peu coûteux.
Cela pourrait, selon moi, être une table de concertation, de services en
commun. Par exemple, au niveau du transport scolaire, très souvent avec
la carte scolaire proposée pour la commission scolaire linguistique
anglophone, il y aurait tout intérêt - voilà le sens de ma
question - de se concerter avec le milieu francophone; et c'est la même
chose pour les services informatiques. Pensez-vous que le projet de loi
basé sur la philosophie du livre blanc qui le précédait va
contribuer précisément à maximiser ce principe de
concertation au niveau des services en commun?
M. Demers: M. le Président, pour répondre à
la question du député, nous espérons pour le moins que
nous pourrons effectivement créer nous-mêmes cet organisme
régional. C'est bien évident! D'ailleurs, il en existe un
présentement, un organisme régional de concertation et les propos
que vous tenez, bien sûr, nous croyons que nous pourrions effectivement,
entre autres, au niveau du transport scolaire, faire en sorte que les
anglophones puissent également y participer, de manière surtout
à minimiser les coûts. On peut certainement nous faire confiance
à ce niveau. Il y a une expertise, particulièrement au niveau de
la commission scolaire régionale de l'Estrie qui, actuellement, a la
responsabilité du transport scolaire, entre autres, et il y a des
organismes de consultation régionalement à ce niveau. Or, nous
croyons qu'en termes de coût, cela ne serait quand même pas si
difficile. Nous ne sommes pas très éloignés l'un de
l'autre et nous pourrions certainement nous parler pour mieux nous comprendre
à ce sujet. Nous espérons qu'on nous fera confiance.
M Payne: Je ne veux pas m'engager dans la question linguistique
mais simplement pour souligner ce qui, je pense, s'impose. Ce qui est
remarquable dans votre exposé, c'est l'optimisme que vous
démontrez face à la réforme. Si, depuis trois ans, vous
êtes engagés dans un exercice de concertation progressiste - je
sais que vous avez un conseil de concertation - est-ce que cela existe
vraiment? Est-ce avancé? Et ceci dit, je peux dire après avoir lu
le projet de loi et le livre blanc, ce que le projet de loi ne refuse pas est
permis.
M. Demers: M. le Président, si vous le permettez, nous
aimerions faire préciser, lorsque vous parlez d'un organisme de
concertation. Voulez-vous dire à l'intérieur de notre commission
scolaire?
M. Payne: Je veux dire intercommission scolaire,
interlinguistique.
M. Demers: C'est cela, entre les commissions scolaires.
M. le Président, nous souhaitons bien sûr à
l'intérieur de notre commission scolaire, avoir, autant que faire se
peut, une concertation entre tous les partenaires. Encore une fois, nous
réitérons que nous respectons ces partenaires et que nous suivons
la voie normale, que ce soit avec nos directions d'école, nos
enseignants, les parents, les cadres de la commission scolaire, la direction
générale, enfin tous les partenaires. Ce que nous
espérons, c'est que tout le monde puisse y participer.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le
député de Vachon. Pour terminer, M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. À
l'écoute et à la lecture de votre mémoire, on constate une
chose qu'on a répétée aux mémoires des autres
commissions scolaires qui vous ont précédés. J'ai
été très surpris de ne pas entendre, encore une fois, le
ministre de l'Éducation et le ministre du Travail déplorer -
pourtant vous avez été choisis par le ministre pour venir ici
à la commission parlementaire parmi tant d'autres, parmi 250 autres - le
fait que les agents principaux dans les écoles, les 70 000 enseignants
au Québec, n'aient pas participé, comme vous le dites dans votre
mémoire à la première page.
J'aurais honte et je trouve cela scandaleux de voir le ministre de
l'Éducation et le ministre du Travail acquiescer, sans aller en
profondeur, aussi rapidement à un mémoire auquel les "bergers de
l'enseignement", comme on les appelle, n'ont pas été
invités à participer. Pour une étude plus sérieuse,
un mémoire plus exhaustif, je pense qu'il aurait été
avantageux pour vous, les commissions scolaires, les comités de parents
et les comités d'école, d'avoir l'avis des personnes qui auront,
éventuellement, à travailler conjointement avec ces
comités d'école et les commissions scolaires bidons qui
resteront. Il faudra quand même s'assurer que les enseignants embarquent
dans le système. Comment, comme commission scolaire, pouvez-vous
concevoir un tel revirement du système sans la participation
immédiate de ceux-ci dans le processus de consultation qui
nécessitera automatiquement un intérêt premier dans la
commission scolaire, dans l'école, puisqu'on en fait le pivot du
système, alors qu'on les éloigne au départ du processus de
consultation, non pas nécessairement de la part des commissions
scolaires, mais de la part du gouvernement? Comment voulez-vous que la
population ait des garanties, que les élèves aient des garanties
que tout fonctionnera aussi harmonieusement que le ministre le souhaite?
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Saguenay, je vous invite à poser vos questions à nos
invités, ils sont là pour cela. Si vous avez des questions
à poser au ministre, vous allez engendrer des débats. Je
préférerais que vous posiez vos questions à nos
invités; vous aurez d'autres occasions, en deuxième lecture ou
autrement, de faire vos affirmations à l'égard du ministre et du
gouvernement et ils auront l'occasion d'y répondre. M. Demers.
M. Ryan: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Oui, monsieur.
M. Ryan: Je ne pense pas qu'il soit dans vos attributions de
limiter comme cela le droit de parole d'un député.
Déjà, de gros sacrifices sont faits par les intervenants pour
tenir compte des contraintes de temps que nous avons. Il me semble qu'un
député a le droit d'émettre une opinion en même
temps qu'il pose une question. Je ne pense pas qu'il y ait de règlement
qui vous autorise à lui interdire de faire cela, à moins que je
ne me trompe.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil, c'est simplement le mandat qui nous a été
confié par l'Assemblée nationale qui, il me semble, nous invite
à poser des questions à nos invités plutôt
qu'à engendrer des débats entre les membres de' cette commission
parlementaire. Je peux le relire si vous voulez.
M. Ryan: Oui.
Le Président (M. Blouin): Le mandat est d'entendre toute
personne ou tout groupe qui désire intervenir sur le projet de loi 40,
Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public. Il me semble que mes
remarques sont parfaitement conformes au mandat que nous avons reçu de
l'Assemblée nationale.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je crois que le mandat que vous avez rappelé,
c'est celui que nous avons, c'est un fait, mais le règlement en vertu
duquel nous nous acquittons de ce mandat, c'est le règlement de
l'Assemblée nationale dans sa partie qui régit le travail des
commissions. Je ne pense pas qu'on doive... Nous sommes prêts à
collaborer avec vous au maximum et nous apprécions l'esprit de bonne
efficacité dans lequel vous nous invitez à fonctionner, mais je
ne voudrais pas que vous pensiez qu'en principe nous acceptons de nous faire
limiter, comme le suggère votre dernière intervention. (21 h
15)
Le Président (M. Blouin): Enfin, vous savez très
bien, M. le député d'Argenteuil, que tout cela est une question
de collaboration. Si nous acceptons de nous concentrer sur le mandat qui nous a
été confié, nous pourrons en venir à bout. Si nous
nous mettons à nous invectiver de part et d'autre, connaissant
très bien l'atmosphère que peuvent prendre, à certains
moments, certaines commissions parlementaires, vous savez très bien que
nous n'arriverons pas à bout du mandat qui nous a été
confié. C'est dans cet esprit que je suggère au
député de Saguenay - je ne le lui impose pas - de bien vouloir
adresser des questions à nos invités qui sont venus pour cela et
d'éviter, dans la mesure du possible, des débats qui pourraient
s'éterniser et ne pas mener cette commission très loin, je
crois.
M. Maltais: M. le Président, je pense que je peux
simplement ajouter que le fait que j'ai relevé des propos de certains
ministres n'est pas, à mon avis...
Le Président (M. Blouin): Comprenez-vous l'esprit, M. le
député de Saguenay?
M. Maltais: Je comprends très bien l'esprit, mais
permettez-nous quand même de pouvoir interroger nos invités. Si,
dans ces interrogations, on doit relever les propos qui ont été
dits antérieurement lorsqu'on a interrogé d'autres
invités, il n'est pas antiparlementaire de le faire. Si cela l'est, je
m'en excuse, mais je pense qu'on a un travail à faire ici et on doit
très bien le faire.
Le Président (M. Blouin): Ce n'est pas antiparlementaire.
Je vous suggère... Sinon, il n'y aurait plus de parlementarisme.
M. Maltais: Si le fait de dire la vérité est
antiparlementaire, M. le Président, on va s'abstenir.
Le Président (M. Blouin): Je vous suggère
simplement un esprit de travail qui ferait en sorte que nous ayons le maximum
d'échanges avec les invités qui se sont déplacés
pour nous rencontrer. Cela va?
M. Maltais: Cela va.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, M.
Demers.
M. Demers: M. le Président, nous respectons les propos de
l'honorable député de Vachon... Est-ce Vachon?
Le Président (M. Blouin): Saguenay. M. Demers:
Saguenay, je m'excuse.
M. Maltais: M. le Président, cela, c'est
antiparlementaire.
Le Président (M. Blouin): On repart encore... Quand ce ne
sont pas les membres, ce sont les invités!
M. Demers: M. le Président, nous respectons les propos de
l'honorable député de Saguenay. Nous ne croyons pas qu'une
école sans enseignant fonctionnera longtemps. Tout le monde est bien
conscient de cela. Nous réitérons nos propos à ce niveau
et nous invitons les enseignants dans nos écoles à participer,
nous ne le leur imposons pas d'autorité. Ils participent s'ils le
veulent et c'est dans notre démarche à l'intérieur de
notre vécu présentement. Nous pensons avoir déjà
répondu dans le sens que, s'il n'y a pas d'enseignant, dans notre
système scolaire, nous pourrons difficilement fonctionner. On ne peut
quand même pas se faire d'illusion à ce niveau.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
M. Demers: M. le directeur général souhaiterait
ajouter...
Le Président (M. Blouin): Très bien, M.
Desruisseaux.
M. Desruisseaux: Je voudrais ajouter seulement que, dans les
faits, ils participent très activement à toutes nos offres de
participation.. Dans tous les comités, par exemple, dans notre politique
budgétaire, dans tous les comités décisionnels à
l'égard du budget, il y a des enseignants. Il n'y a pas une école
où il n'y a pas d'enseignants au comité. Nous avons une
école où il n'y a pas de parents. Les parents ne veulent
être que consultatifs. Mais les enseignants sont partout au
comité. Toutefois, dans la participation à la composition de
notre mémoire, ils ont plutôt choisi de donner leur opinion par
leur association.
M. Maltais: M. le Président, je pense que, comme vous le
dites très bien, dans tous les comités, les enseignants
participent. À celui qui implique une réforme fondamentale du
système d'enseignement québécois, celui qui engagera les
générations futures, comment se fait-il, d'après vous, que
les enseignants refusent de participer, alors qu'ils ont participé
à tous les autres? Celui-là devrait être une
priorité pour eux.
Le Président (M. Blouin): Alors, cela va? Sur ce,
je...
M. Fréchette: M. le Président. Le
Président (M. Blouin): Oui?
M. Fréchette: Je voulais soulever une question de
règlement. Le député de Saguenay, fort habilement
d'ailleurs, pose une question au témoin, qui devrait normalement
être adressée au ministre de l'Éducation. Je ne pense pas
que ce soit de la juridiction des témoins ou des invités qui sont
là de répondre à une question de la nature de celle qui
vient d'être posée. Cela pourra faire l'objet d'une argumentation
ou d'une discussion entre les gens qui sont ici autour de la table, mais on ne
va pas demander aux invités...
Le Président (M. Blouin): M. le ministre du Travail, je
crois que nos invités ont effectivement indiqué, comme vous
êtes en train de le répéter, que ce n'était pas
à eux de répondre à ce genre de question. C'est ce que
j'ai déduit de la réponse qu'ils nous ont faite. Alors...
M. Cusano: M. le Président, c'est de ce
côté-ci.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Viau.
M. Cusano: On aurait quelques questions. Je vais essayer, compte
tenu du temps, de les rendre aussi précises que possible. Lorsque vous
parlez de participation budgétaire au niveau de l'école, je
présume qu'il y a une décentralisation du budget. Il y a des
sommes qui sont allouées à chacune des écoles, c'est
basé sur le nombre d'élèves. Pouvez-vous nous dire combien
il y a d'élèves dans une école moyenne de votre commission
scolaire? Quel est le montant qui est alloué? Comment est faite cette
répartition budgétaire? Quelle est vraiment la liberté
budgétaire de l'école dans votre commission scolaire?
M. Demers: M. le Président, j'inviterais notre directeur
général ou notre directeur général adjoint à
répondre à la question du député.
M. Desruisseaux: Le nombre d'élèves dans une
école moyenne est d'environ 300 élèves, mais cela varie
des écoles d'environ trois classes à des écoles d'environ
800 élèves. Une école de 300 élèves
reçoit environ 100 000 $; une école de 700 élèves
reçoit environ 215 000 $. Votre deuxième question est de quelle
manière les fonds sont-ils attribués?
M. Cusano: C'est-à-dire comment ces fonds-là sont
répartis par niveau. Par exemple, les classes d'enfance inadaptée
doivent avoir certaines normes. Ma question est de savoir comment... Est-ce que
vous leur donnez le budget et que vous leur dites de s'arranger avec ou si vous
avez certaines normes que vous imposez?
M. Desruisseaux: Nos opérations budgétaires se font
en deux temps. Il y a d'abord un premier temps où on alloue des sommes
et ces sommes sont allouées à partir de règles qui ont
été ordinairement conçues, imaginées au sein d'une
table de gestion formée de directeurs d'école et de cadres de la
commission scolaire et soumises à l'exécutif ou au conseil, selon
le cas, pour être sanctionnées. Par la suite, ces règles
sont appliquées et ceci donne certains montants équivalant
à ceux que je viens de donner. Après cela, l'école ayant
ce montant-là, avec son comité budgétaire, fait son budget
et décide à quoi elle va le consacrer. Les budgets sont
retournés à la commission scolaire et, pour être dans la
légalité, approuvés par le conseil des commissaires. On
consolide l'ensemble des budgets des unités administratives, ce qui
constitue le budget de la commission scolaire. C'est en gros la manière
dont nous procédons.
Le Président (M. Blouin): Ça va? Oui, M. le
député de Viau.
M. Cusano; Je comprends qu'il y ait toute cette concertation - je
ne voudrais pas arriver dans la plomberie du budget - mais j'aimerais que vous
me disiez, si possible, sinon vous pourrez le faire parvenir après
à la commission, comment, dans une école typique, ces 100 000 $ -
vous avez mentionné la somme de 100 000 $ pour une école de 300
élèves - sont répartis. Est-ce qu'il y a de l'entretien
qui est couvert par cela? Est-ce qu'il y a des salaires pour des
spécialistes? Est-ce que ce sont strictement des manuels scolaires? Que
représentent ces 100 000 $? C'est ce que j'aimerais que vous
précisiez, si cela est possible.
Le Président (M. Blouin): M.
Desruisseaux.
M. Desruisseaux: Je pense qu'il serait plus rapide de vous dire
ce que cela exclut. Ce serait plus simple.
M. Cusano: Oui, parfait.
M. Desruisseaux: Cela exclut le salaire des enseignants; cela
exclut les salaires de la direction de l'école; l'entretien de la
bâtisse est exclu et, naturellement, tout le service de la dette et ces
choses-là. Mais, en ce qui concerne l'école, cela veut dire qu'il
reste à l'école tout l'aspect pédagogique, les
surveillances, tout ce qui est parascolaire et le personnel de
secrétariat. C'est à l'école, le personnel de
secrétariat. Le personnel qui n'est pas considéré, ce sont
les enseignants et la direction de l'école.
M. Cusano: Le personnel de secrétariat, c'est
déjà un chiffre considérable, selon le nombre de
secrétaires que vous avez. Ma question très précise, c'est
de savoir exactement, sur ces 100 000 $, combien il est vraiment alloué
au niveau pédagogique, là où les parents et la direction
de l'école ont vraiment la responsabilité.
M. Desruisseaux: Je pense qu'on peut exclure seulement le
secrétariat. Tout le reste est pédagogique. Si vous voulez avoir
une idée de la marge de manoeuvre que peut avoir une école, par
exemple - parce que c'est clair qu'elle a des contraintes, elle a des
dépenses à faire - une école qui a entre 700 et 800
élèves a eu l'an dernier un surplus budgétaire de 20 000
$. On voit très fréquemment des écoles de 300
élèves qui ont eu l'an dernier - je viens de finir l'analyse -
entre 3000 $ et 5000 $ comme surplus. Cela peut nous donner un peu une
idée de la marge de manoeuvre qu'elles peuvent quand même
avoir.
M. Cusano: Une dernière question.
Le Président (M. Blouin): Oui, en concluant.
M. Cusano: Comme je l'ai mentionné tout à l'heure,
est-il possible de faire parvenir à la commission un budget typique
d'une telle école?
M. Desruisseaux: Très facilement. M. Cusano:
Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Viau. Au nom de tous les membres de cette commission,
nous vous remercions pour votre importante collaboration aux travaux de notre
commission. Sur ce, j'inviterais maintenant les représentants de la
commission scolaire Beauport à venir prendre place à la table des
invités. Il est 21 h 30.
M. Leduc (Fabre): M. le Président...
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député
de Fabre.
M. Leduc (Fabre): ...je requiers le consentement pour faire
inscrire le député de Montmorency comme intervenant à la
commission.
Le Président (M. Blouin): Est-ce que...
M. Richard: M. le Président, comme le député
d'Argenteuil et le député de Saint-Henri, je dois comprendre que
la culture est indissociable de l'éducation.
Une voix: C'est lui qui va présenter le
mémoire?
Le Président (M. Blouin): Le ministre des Affaires
culturelles et député de Montmorency remplacera le ministre du
Travail et député de Sherbrooke. Je vous demanderais d'abord
d'identifier le niveau auquel... Je crois que c'est dans votre mémoire,
de toute façon...
Commission scolaire Beauport
Mme Gosselin (Simone): M. le Président...
Le Président (M. Blouin): ...ensuite d'identifier les
responsables qui vous accompagnent et de nous livrer le contenu de votre
mémoire.
Mme Gosselin: ...nous desservons une clientèle de niveau
élémentaire qui compte environ 4900 élèves. Cette
commission scolaire a été formée en 1972 par le
regroupement des villes de Giffard, Beauport,
Sainte-Thérèse-de-Lisieux et Sainte-Brigitte-de-Laval. Cela veut
dire que c'est une commission scolaire en banlieue de la ville de
Québec, secteur est et rive nord. Je vous présente ici, à
la délégation, Mme Léma Lemay, qui est
vice-présidente du conseil des commissaires et également
présidente du comité exécutif de la commission scolaire
Beauport; M. Jean-Pierre Gagnon, qui est président du comité de
parents; à ma gauche, Mme Diane Provencher, directrice
générale de la commission scolaire Beauport, et Mme Christiane
Bruyère, qui est directrice d'une de nos écoles à la
commission scolaire Beauport, donc, représentante du groupe des
directeurs d'école de la commission scolaire Beauport. (21 h 30)
M. le Président, je vais me permettre de présenter le
mémoire, mais sans le lire, plutôt en le commentant, étant
donné que vous en avez tous, je crois, reçu une copie.
Peut-être que cette formule va nous faire passer d'une façon
superficielle sur certains points, mais nous comptons bien pouvoir approfondir
davantage au niveau des questions qui nous serons posées.
Le présent mémoire fait suite à une
démarche, quand même, assez particulière qui a
été engagée au niveau de la commission scolaire Beauport
dès le dépôt du livre blanc en 1982. La
préoccupation des représentants de la commission scolaire
à ce moment, étant donné que le sujet était Une
école communautaire et responsable, c'était de faire une
démarche la plus objective possible, la plus dégagée
possible, impliquant avant tout le plus grand nombre d'agents divers au niveau
de la commission scolaire Beauport. À cette fin, un comité a
été formé dans le milieu, qu'on a appelé un
comité multi-agents. Ce comité était formé de
représentants du milieu, de représentants d'étudiants de
niveau secondaire, de responsables de comités d'école de niveau
secondaire et de niveau élémentaire, de directeurs
d'école, de membres de comités d'école, de cadres
scolaires et de commissaires. Je dois ajouter immédiatement que les
enseignants ont également été invités; nous avons
eu une certaine collaboration dont nous pouvons vous faire part, si vous le
voulez.
À la suite de la formation de ce comité multi-agents, il y
a eu toute une démarche de consultation. Elle a commencé par une
séance d'information chapeautée par le comité
multi-agents. Cette séance d'information a regroupé dans une
même salle 300 personnes du milieu. Tous les groupes étaient
représentés et ont eu droit de s'exprimer très librement
au niveau de l'information. L'assistance a été invitée -
et elle a effectivement répondu - à questionner de façon
très dégagée et libre les représentants de chacun
des groupes présents, les groupes dont j'ai parlé
tantôt.
Découlant de cette séance d'information, un questionnaire
a été préparé par le comité multi-agents et
distribué à un certain nombre de citoyens, encore là, des
différents groupes du milieu. Ce questionnaire était, en fait, un
sondage pour connaître les avis, les opinions du milieu concernant le
livre blanc. Ce fut l'une des premières démarches.
Le Président (M. Blouin): J'espère que vous avez
bien compris les consignes que nous avons données aux autres organismes.
Nous ne voulons pas vous restreindre dans vos moyens. Si vous désirez
lire votre texte, nous avons l'expérience des longueurs de texte et je
crois qu'en une vingtaine de minutes vous réussirez à lire votre
texte intégralement. Si vous désirez le faire, je vous invite
à le faire.
Mme Gosselin: Non. Je vous remercie, M. le Président, mais
je vais peut-être accélérer au niveau du préambule
et entrer immédiatement dans le vif du sujet. Les informations que je
vous donne ne sont effectivement pas contenues dans le mémoire et
pourront servir.
Le Président (M. Blouin): D'accord. Mme Gosselin:
Si on revient au vif du
sujet, à la suite du sondage, des points très clairs ont
été dégagés, des points d'accord avec le contenu du
livre blanc. Ces points sont listés à la page 3 du mémoire
et touchent, entre autres, le statut de l'école, c'est-à-dire que
le milieu était contre une école-corporation avec un statut
corporatif strictement au plan légal. Il y a eu également accord
ou avis, au niveau du sondage, pour le maintien du suffrage universel,
c'est-à-dire qu'on veut que la population continue à élire
ses représentants au niveau de la commission scolaire. Quand je dis la
population, c'est toute la population d'un milieu.
Il y a eu également un accord au niveau de l'intégration
primaire-secondaire. Là-dessus, je dois ajouter qu'à la
commission scolaire Beauport, cet élément n'a quand même
pas été soulevé. En ce moment, c'est un dossier qui est
toujours sur la glace et au sujet duquel on espère toujours avoir un
appui et un avis clair du ministère de l'Éducation afin d'y
donner suite. Il y a eu également au niveau du sondage un accord sur la
possibilité pour un parent d'inscrire son enfant à l'école
de son choix. Également, nous étions d'accord avec la proposition
du livre blanc concernant le statut confessionnel ou non confessionnel,
c'est-à-dire que ce soient les citoyens du milieu qui aient à
faire le choix du statut de leur école.
En dehors de ce sondage, il y a eu une autre démarche
communautaire qui a été une consultation sur la carte. Là,
je vais simplement mentionner, même si la carte scolaire n'est pas partie
de la loi 40 telle que déposée, que nous apprécions quand
même avoir eu un accord à ce niveau à la suite de la
démarche qui a été faite dans le milieu.
Par rapport à l'objectif global de la loi 40 - en fait, c'est le
coeur du mémoire -qui est la valorisation de l'école,
c'est-à-dire la nécessité de lui donner une marge de
manoeuvre réelle, comme vous avez pu le constater à la lecture du
mémoire, l'avis de la commission scolaire Beauport est clair: nous
sommes d'accord avec cet objectif majeur de la réforme. Je vais passer
assez rapidement sur les pages 4, 5 et 6 où vous avez des constatations
sur le vécu actuel de la commission scolaire Beauport. Également,
nous y faisons le lien entre le vécu actuel et les changements qui
seraient apportés au niveau de la loi 40.
Voici les modifications que nous espérons voir apporter et sur
lesquelles je me permettrai d'insister surtout. La première, c'est que
nous ne croyons pas qu'il soit justifié et surtout réaliste de
proposer un modèle unique d'exercice de pouvoir dans les écoles.
Nous étions présents, ce matin, lorsque le ministre de
l'Éducation a fait part dans son discours d'ouverture de l'intention du
ministère de permettre, justement, qu'il n'y ait pas de modèle
unique d'exercice de fonction. Par contre, nous croyons que la loi 40, telle
qu'elle est formulée actuellement surtout à l'article 35, ne
concorderait pas avec cette intention. De plus, si nous nous reportons au livre
blanc, il avait été établi clairement que l'objectif de
responsabilisation de l'école incite à ne pas édicter un
modèle unique de conseil d'école. Par contre, nous sommes d'avis
que la loi devrait obliger le milieu à se donner une structure de
fonctionnement d'école, mais ne pas préciser exactement le
modèle de structure. Cela pourrait être apporté dans une
orientation ou, disons, une loi-cadre.
Une autre modification que nous souhaitons voir apporter à la loi
40, c'est qu'il y ait plus de souplesse dans le régime
pédagogique. À l'article 210, il y a une mince ouverture à
ce niveau; à notre avis, elle est quand même encore trop
restreinte. Nous souhaiterions qu'une commission scolaire ait plus de latitude
à ce niveau.
Une autre modification que nous souhaitons apporter, c'est la
possibilité pour l'école de participer à la
sélection de tout le personnel. Ici, je fais référence
à l'article 224, mais ce n'est pas au niveau de l'article
précisément que l'on souhaite une modification. Nous le jugeons
excellent, sauf que nous nous demandons, dans les faits, comment il pourrait
être appliqué compte tenu des conventions collectives actuellement
en vigueur. Il faudrait qu'il y ait suite à ce moment.
Une autre modification est davantage liée à une
préoccupation, disons. On veut actuellement, au niveau de la loi, donner
des pouvoirs aux écoles et ce qui nous paraît être
proposé ici est surtout un déplacement de pouvoirs de la
commission scolaire vers les écoles. La crainte que nous avons, c'est
qu'on ne fasse que déplacer un problème qui serait
identifié et qui aurait peut-être été à
l'origine de la restructuration que l'on propose, c'est-à-dire que l'on
transpose dans les écoles la situation que l'on reprocherait
actuellement aux commissions scolaires. On reproche aux commissions scolaires
de ne pas rejoindre l'ensemble de la population. Alors, il nous apparaît
que, si on ne dépasse pas, dans la loi, le simple déplacement de
pouvoir on ne solutionnera pas le problème que l'on veut régler.
Nous croyons qu'il devrait y avoir dans la loi une obligation, pour les
écoles ou pour la structure responsable du fonctionnement de
l'école, de se donner des mécanismes de consultation pour
rejoindre l'ensemble du milieu. Maintenant, c'est bien sûr que nous
prévoyons déjà les objections. En fait, cela ne couvrirait
pas nécessairement l'entier fonctionnement des écoles, mais cela
pourrait être sur des sujets très précis. Et, à ce
moment, la consultation devrait également impliquer qu'il y ait
obligation de tenir compte du résultat. Alors,
je vous donnerai des exemples, si vous le désirez.
En ce qui concerne les modifications qui seraient apportées, il y
a également la préoccupation qu'il n'y ait pas un modèle
de gestion unique pour les écoles. Nous voudrions que soit prévue
également, si ce n'est dans la loi 40, au moins dans ses
modalités d'application, une procédure pour apporter une
modification de la façon d'exercer le pouvoir. Nous ne croyons pas qu'en
modifiant simplement une structure on puisse modifier la façon actuelle
d'exercer le pouvoir.
Un autre point qui nous apparaît extrêmement important,
c'est l'implantation de la nouvelle loi. Nous ne croyons pas qu'il soit
réaliste de penser qu'on puisse, dans un échéancier
très précis et à court terme, effectuer un mouvement
général et obliger à ce moment-là des organismes
qui ne seraient pas prêts à fonctionner selon une nouvelle
structure prédéterminée. Ceci ne nous semble pas
cohérent avec l'objectif même de la loi qui est de revaloriser le
milieu et de lui permettre d'exercer les responsabilités qu'il veut bien
exercer. Nous croyons que ce sera extrêmement important, dans
l'implantation de la loi, de tenir compte du rythme de fonctionnement des
milieux.
M. le Président, ceci m'apparaît être les points les
plus importants. Nous pourrons, dans un échange de questions et de
réponses, discuter davantage de ces sujets et peut-être ajouter
ceux dont je n'aurais pas parlé dans ma présentation.
Pour ce qui est des aspects divers du mémoire, il y a certains
points qui ont été apportés concernant, par exemple, la
production de matériel pédagogique. Il nous apparaît
extrêmement important à ce moment-ci que le développement
pédagogique ne soit pas le parent pauvre du système
d'éducation. Même si on veut implanter des programmes, si on n'a
pas prévu de donner aux écoles des moyens pédagogiques
adaptés, je pense que cela rendrait assez difficile l'implantation de
ces nouveaux programmes et à ce moment l'amélioration de la
qualité des services. (21 h 45)
Au niveau des aspects divers contenus dans la loi, on suggère la
formation d'un organisme de développement pédagogique. Nous
souscrivons à la formation de cet organisme. Nous avons également
pris connaissance des avis du Conseil supérieur de l'éducation
à ce niveau. Notre position n'est pas à l'encontre de celle du
Conseil supérieur de l'éducation. Par contre, nous voulons que
soit préservée la préoccupation de ne pas limiter la
créativité. Actuellement, étant donné certaines
carences au niveau de la production de matériel pédagogique, nous
avons déjà un excellent travail qui se fait de la part de nos
équipes d'enseignants.
Concernant d'autres points, nous sommes également d'accord, tel
que prévu à l'article 212, qu'il y ait des mécanismes de
consultation des écoles. Nous croyons que l'école est un lieu
privilégié pour établir ce qui devrait être du
ressort de l'école, c'est-à-dire tout ce qui ferait l'objet d'une
concertation.
Nous sommes en désaccord sur le fait que le directeur
d'école aura des comptes à rendre à deux endroits. Nous
croyons, étant donné le mode de fonctionnement que la loi
prévoit, que cela ira à l'encontre d'une saine gestion. Par
contre, il y a un aspect qui demeure important, et je le lie ici, au
vécu de notre commission scolaire. Nous croyons que le directeur
d'école doit relever de la direction générale. Par contre,
ceci n'exclut pas l'obligation pour le directeur d'école de rendre des
comptes à son milieu. Nous dissocions "relever de", c'est-à-dire
le lien hiérarchique, et l'obligation quand même pour le directeur
d'école d'avoir à répondre dans son milieu de la gestion
de l'école.
Nous sommes également en désaccord, M. le
Président, avec la nomination par le ministre du président du
comité de mise en oeuvre. Nous croyons que les comités locaux ont
la maturité requise pour procéder à la formation des
comités. Encore là, si on veut vraiment responsabiliser les
milieux, je pense qu'il faut aller jusqu'au bout dans cette ligne.
Au niveau de l'élection du commissaire d'écoles, en fait,
nous savons maintenant que le suffrage universel sera maintenu. Par contre, il
y a eu au niveau du milieu une indication en ce qui concerne les
mécanismes reliés à l'élection du commissaire
d'écoles, dont le choix par l'électeur de l'école
où il désire voter. En fait, nous ne croyons pas que ce soit
réaliste de penser que l'électeur pourra choisir l'école
où il aura à voter dans les faits.
Également, nous ne sommes pas d'accord avec l'interdiction pour
un membre du personnel d'une commission scolaire de se porter candidat dans une
autre commission scolaire que celle où il est employé. En fait,
si un membre de personnel de commission scolaire veut se présenter dans
une autre commission scolaire que celle où il travaille, nous sommes en
accord.
En conclusion, M. le Président, je vais reprendre ce que nous
vous avons en page 16. Le livre blanc propose de faire de l'école une
école communautaire et responsable. Au niveau de la commission scolaire
Beauport, nous considérons que la loi 40 dans sa forme actuelle ne rend
pas l'école davantage responsable au sens où l'école
n'aura pas de pouvoirs décisionnels... En fait, dès le
départ - et nous vous l'avons démontré au début du
mémoire - elle aura quand même à répondre des
pouvoirs au niveau de la commission scolaire. Quant à l'aspect
communautaire, les
écoles, si elles le veulent, continueront à offrir des
services de garde, des activités sportives, des activités
socioculturelles, ce qui se fait actuellement.
Nous croyons que la loi 40, dans sa forme actuelle, ne constitue pas une
réforme en profondeur au niveau de l'éducation, mais beaucoup
plus un réaménagement de certaines structures. Pourtant, nous
croyons en la nécessité d'effectuer une vraie réforme,
à savoir de remettre entre les mains des citoyens le pouvoir de
décision qu'ils doivent nécessairement avoir pour se donner une
école qui réponde à leurs aspirations. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme Gosselin. M.
le ministre.
M. Laurin: M. le Président, pour la quatrième fois
aujourd'hui, je me réjouis de trouver à la même table une
présidente de commission scolaire, un directeur général,
une directrice générale, une directrice d'école, un
président de comité de parents en minorité, en somme, tous
les représentants qui forment et symbolisent à nos yeux ce
comité multi-agents qui fait partie de la démarche initiale qu'a
entreprise la commission scolaire Beauport.
Je me réjouis aussi de la démarche de concertation qui a
été entreprise pour étudier aussi bien le livre blanc que
le projet de loi qui en a résulté, ainsi que les nombreuses
mesures de consultation qu'a cru bon de prendre la commission scolaire
Beauport. Je me réjouis, par exemple, qu'à votre séance
d'information il y ait eu plus de 300 personnes, que plusieurs personnes aient
répondu ensuite à un questionnaire-sondage et que les rencontres
se soient succédé par la suite. C'est déjà
là un effet heureux de la présentation du livre blanc que d'avoir
provoqué cette animation, que d'avoir provoqué ces
échanges considérables d'information dans le milieu. Je pense que
la cause de l'éducation a déjà avancé de ce seul
fait. Mais, en plus, je me réjouis des résultats de cette
démarche que vous nous communiquez aujourd'hui dans votre
mémoire.
Je constate plusieurs points d'accord avec le projet de loi. Il me fait
surtout plaisir de constater cet accord sur la valorisation de l'école,
sur la marge de manoeuvre réelle qu'elle doit avoir et sur la
qualité de responsables que doivent assumer tous les responsables
scolaires, aussi bien au niveau de l'école qu'au niveau de la commission
scolaire. Je pense que c'est là la clé du succès en
éducation et surtout une des garanties de la qualité future.
Vous nous faites plusieurs suggestions qui seront étudiées
avec beaucoup d'attention. Comme beaucoup d'autres, vous nous recommandez de ne
pas adopter un modèle unique de gestion ou d'exercice de fonctions au
niveau de l'école. Le projet de loi ne fige quand même pas la
situation dans le ciment là-dessus. Nous établissons des
paramètres, nous établissons des minima justement parce que nous
pensons que chaque école pourra, à son gré, à
l'intérieur de ces paramètres ou de ces minima, établir un
modèle de gestion qui lui soit propre. De même, dans le projet de
loi, nous disons qu'un conseil d'école pourra préparer son
modèle au cours de deux ou trois années et ne sera pas
obligé d'arriver immédiatement à des conclusions. Il y a
là déjà beaucoup de souplesse. Vous nous demandez de
penser à une plus grande souplesse encore. Nous étudierons vos
suggestions en conséquence.
Je voudrais plutôt m'arrêter à cette dimension
pédagogique dont vous avez traité abondamment. Vous craignez, en
somme, qu'en confiant à l'école une responsabilité plus
grande, pour ne pas dire très importante en matière de
pédagogie, on ne règle pas le problème que vous avez
décrit et en vertu duquel, par exemple, la commission scolaire pouvait
être jugée un peu trop lointaine par rapport à cet exercice
du pouvoir pédagogique. Je voudrais vous poser une question à ce
sujet: Ne pensez-vous pas, quand même, qu'en déplaçant le
pouvoir pédagogique vers les écoles, là où se passe
l'action éducative, là où travaillent les divers agents:
directeurs d'école, enseignants, parents, élèves, on a
quand même un peu plus de chances d'arriver à la constitution de
cette équipe-école composée des divers intervenants
à l'école, des divers agents qui sont chargés de
créer, en somme, l'environnement éducatif approprié ou de
prendre des décisions quant à l'application des programmes ou des
modèles pédagogiques?
Je comprends que vous voudriez que la consultation du milieu soit faite,
mais, précisément, ne croyez-vous pas que le fait de doter
l'école d'un comité de parents qui continuera d'exister, d'un
comité pédagogique que nous constituons composé
d'enseignants et d'un comité d'élèves permettra
précisément à ce conseil de gestion de l'école de
s'assurer qu'il ne prendra pas de décision avant de s'être nourri
et de s'être éclairé aux recommandations et aux suggestions
qui pourront lui venir de ce milieu immédiat que constituent les
trois comités dont je fais mention et dont l'un, le comité
des parents, représente quand même les 250 ou 300 parents qui ont
des enfants à l'école?
C'est donc cette question que je voudrais vous poser et une
additionnelle. J'ai cru comprendre que vous auriez voulu que la loi soit encore
plus explicite en ce qui concerne le pouvoir décisionnel du conseil
d'école. En somme, vous seriez incliné à penser que la loi
aurait peut-être dû accorder encore plus de pouvoirs sur le
plan
pédagogique au conseil d'école.
Mme Gosselin: C'est une question que nous avons longuement
discutée dans le milieu. Si vous me le permettez, M. le ministre, je
vais demander à Mme Provencher de vous donner la réponse.
Le Président (M. Blouin): Mme
Provencher.
Mme Provencher (Diane): II y a plusieurs choses dans votre
question. Dans un premier temps, pour être bien compris, ce qu'on dit,
c'est qu'on est très conscients que la loi contient des dispositions ou
des pouvoirs additionnels au niveau de l'école en termes
pédagogiques. Mais on le prend comme étant, si vous voulez, un
transfert théorique. Je dis cela entre guillemets, parce que, quand on
regarde notre vécu chez nous, on dit: Ce sont déjà les
écoles qui sont responsables de l'application des programmes ou des
régimes pédagogiques ou, encore, qui choisissent le
matériel didactique. Je vous donne un exemple: chez nous, il n'y a pas
un devis d'implantation de programmes au niveau de la commission; il y a un
devis d'implantation de programmes par école. Alors, sur cela, on se
dit: D'accord, dans la loi, les mots "commissions scolaires" sont
changés, on met le mot "école", mais dans les faits, dans la
vraie vie, c'est quand même les écoles qui vont continuer de se
donner un devis d'implantation de programmes et de choisir le matériel
didactique. Alors, c'est dans ce sens que l'on dit qu'il n'y a pas une
révolution si grande par rapport au vécu. De toute façon,
on a tous commencé, d'abord, par une décentralisation
pédagogique et non pas une décentralisation budgétaire.
Donc, c'est peut-être ce qui nous fait dire cela et qui paraît
peut-être drôle pour quelqu'un qui lit le mémoire.
Une autre chose, c'est que vous demandez: Est-ce qu'on ne croit pas que,
quand même, ce sera une amélioration? Le conseil d'école,
pour nous, où on a un doute, c'est quand on n'est pas d'accord avec un
modèle unique. On se dit que, dans certains milieux, un conseil
composé majoritairement de parents, c'est peut-être cela la bonne
solution. Mais, pour d'autres écoles, ce n'est pas cela, leur choix. Sur
cela, on n'en a pas parlé tout à l'heure, mais notre sondage
était très révélateur. La majorité des
parents - chez nous, en tout cas - rejetait le conseil d'école
décisionnel composé d'une majorité de parents. Ce qui
n'était pas clair, c'est ce qu'ils proposaient à la place. Quand
on arrivait à la question: Si vous n'êtes pas d'accord, qu'est-ce
que vous proposez, là, c'était très partagé. Vous
aviez un quart des répondants qui souhaitaient un comité
formé également de parents et d'enseignants, un quart qui
souhaitaient un conseil d'orientation modifié, 20% qui souhaitaient le
statu quo et 18% qui souhaitaient qu'il y ait des citoyens au conseil
d'école. Il y avait diverses formules. Autrement dit, ce que l'on
retient de cela au niveau du modèle, c'est qu'on se dit dans le fond
qu'il faudrait peut-être faire obligation aux écoles de se donner
un organisme de gestion, mais que l'organisme de gestion soit celui qui
convient à l'école. Cela pourrait très bien être un
comité d'école ou un comité tripartite:
élèves, parents, enseignants. C'est dans ce sens-là qu'on
parle de modèle unique. (22 heures)
Alors, donc, si je reviens à votre question, au niveau des
pouvoirs, on dit: D'accord, c'est peut-être souhaitable. Maintenant, au
niveau de l'amélioration, on apporte deux solutions additionnelles
à cela. Uniquement dire: Les pouvoirs pédagogiques,
dorénavant, sont au niveau des écoles. On ne voit pas tellement
ce que cela change pour nous. Alors, on se dit qu'il faudrait peut-être
ajouter quelque chose à cela. Ce qu'on voudrait, c'est que l'organisme -
je dis bien l'organisme, je ne dis pas le conseil de l'école - que le
milieu se donnerait soit obligé d'aller consulter l'ensemble des parents
du milieu sur des sujets précis. Il pourrait y avoir des sujets
prévus dans la loi à cet effet. On pense, entre autres, à
la confessionnalité, au territoire, au bassin d'une école. On
voudrait que la loi prévoie également que l'organisme de
l'école se sente lié par les résultats. C'est dans ce
sens-là que les solutions additionnelles qu'on demande auraient pour
fins de renforcer la mainmise des citoyens du milieu sur leur école. On
se dit: si un comité d'école ou un conseil d'école - on
l'appellera comme on voudra - s'assied et dit: Bon, on va gérer cela,
s'il prend lui-même toutes les décisions sans jamais aller
consulter les gens, qu'est-ce que cela changera par rapport à un conseil
des commissaires ou un comité de parents ou un comité
d'école? C'est uniquement un déplacement et les gens du milieu
n'ont pas plus leur mot à dire sur ce qui se passe dans
l'école.
Le Président (M. Blouin): Cela va? Très bien,
merci. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais simplement exprimer mon appréciation
pour l'expérience dont on nous a fait part. Je serais très
intéressé à vous poser des questions, mais j'ai des
collègues qui ont également des questions à vous poser et
la première serait la députée de Jacques-Cartier, Mme
Dougherty. J'ai pris bonne note des remarques que vous avez faites, surtout
vers la fin; des choses très intéressantes ont été
dites. Je pense que vous n'êtes pas le premier organisme à
souligner le danger
d'une uniformité trop grande dans les définitions de
structures que le projet de loi pourrait comprendre. Par conséquent, de
ce point de vue-là, je peux vous assurer que vous avez trouvé une
oreille très attentive de notre côté. Je passe maintenant
la parole à Mme Dougherty avec la permission du président.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. J'aimerais vous remercier de votre
mémoire au nom de notre formation politique. Au début, vous avez
parlé d'un sondage réalisé en 1982, lequel fut suivi de
discussions et de réunions de toutes sortes. Je suis un peu
étonnée des conclusions. À la page 3, la conclusion semble
être que le projet de loi 40 respecte la position de la majorité
des répondants au sondage concernant le statut de l'école, le
maintien du suffrage universel, etc. La plus grande partie de l'argumentation
de votre mémoire va dans le sens contraire. Vous avez soulevé,
par exemple, l'écart flagrant entre les promesses du livre blanc et le
texte du projet de loi 40, surtout en ce qui concerne les pouvoirs du conseil
de l'école. Ma première question est: quelles sont les questions
que vous avez posées dans votre sondage? Est-ce que vous avez une copie
de ces questions?
Mme Provencher: Non, je n'en ai malheureusement pas, mais on
pourra en déposer si vous le souhaitez. J'ajoute que ce questionnaire a
été préparé avec les participants et il
était très dogmatique et très lié au livre blanc et
il couvrait vraiment l'ensemble du livre blanc. Il était très
sérieux, très élaboré. Nous n'avons pas objection
à vous en faire parvenir une copie.
Mme Dougherty: Comment pourriez-vous conclure que le projet de
loi 40 respecte la position de la majorité? Est-ce que ce n'est pas
plutôt qu'ils étaient d'accord avec les principes exprimés
dans le livre blanc? Dans votre mémoire, vous avez souligné
à plusieurs reprises que le projet de loi 40 ne reflète pas les
promesses du livre blanc.
Mme Gosselin: Effectivement, au moment où nous avons fait
toute la démarche de consultation, elle s'est faite sur le livre blanc.
C'est bien sûr qu'il y a eu différentes étapes depuis 1982.
Après le livre blanc, il y a eu des consultations également
à d'autres niveaux qu'au niveau de la commission scolaire Beauport
uniquement et il y a vraiment eu des modifications -comme vous dites - assez
fondamentales. Dans un deuxième temps, nous nous sommes
reconcertés, mais spécifiquement par rapport au texte de loi qui
avait été déposé, c'est-à- dire le texte de
la loi 40. Je pense qu'à ce moment-là, nous avons voulu
être réalistes et nous prononcer de nouveau sur le projet de loi
qui est actuellement déposé puisque ce serait
éventuellement la loi à laquelle on devrait être
soumis.
Mme Provencher: Je voudrais ajouter que dans notre
mémoire, on spécifie bien -c'est très important - que
lorsqu'on dit que le projet de loi 40 respecte la position de la
majorité des répondants, on a dit "concernant" et on cite. Il y a
uniquement, pour bien se comprendre, les éléments qui sont
cités là qui sont concordants avec ce qui est dans le projet de
loi 40.
Mme Dougherty: Même le statut de l'école que vous
avez critiqué plus tard dans votre argumentation, le statut, les
pouvoirs... Quand vous parlez de statut, vous parlez des pouvoirs.
Mme Provencher: Non. Dans le sondage, on avait demandé -
prenons cette question -Est-ce que vous seriez d'accord avec une
école-corporation au sens du Code civil et si vous n'êtes pas
d'accord, quelle formule? Il y avait quatre ou cinq formules de rechange de
proposées. Les gens avaient rejeté majoritairement la formule de
l'école-corporation et ils nous avaient demandé que
l'école continue d'être une entité institutionnelle et que
les écoles continuent de relever de la commission scolaire. C'est pour
le statut. Un peu plus loin, on parle de l'organisme de gestion de
l'école, ce qui n'est pas... C'est pour cela qu'au niveau de l'organisme
de gestion, on n'a pas traité des résultats du sondage à
l'intérieur de notre mémoire. C'est pour cela que je veux bien
distinguer cela. Le sondage, quand on sort des éléments du
sondage, c'est uniquement sur ces aspects qu'il rencontre le projet de loi 50,
parce qu'à ce moment-là, c'est une autre consultation qu'il
aurait fallu faire à la sortie du projet de loi 40.
Mme Dougherty: Oui, merci. Cela m'amène à la
deuxième question, parce qu'à la page 6, vous avez dit que "les
fonctions sont plutôt des tâches - vous parlez des fonctions du
conseil de l'école - d'exécution, c'est-à-dire que la
plupart du temps, l'école est responsable d'appliquer ce qui a
été décidé ailleurs." Vous avez soulevé des
exemples révélateurs à la page 7. Je ne vais pas les lire,
mais je crois qu'ils démontrent un écart flagrant entre les
promesses du livre blanc et le texte du projet de loi 40. Donc, ma
deuxième question s'adresse au ministre et j'aimerais qu'il explique
l'écart.
Le Président (M. Blouin): Mme la députée de
Jacques-Cartier, nous ne sommes pas ici pour adresser des questions au
ministre. Nous sommes ici pour adresser des questions à nos
invités qui se sont déplacés pour les fins du mandat qui
nous a été confié par l'Assemblée nationale et vous
aurez d'autres occasions pour poser des questions directement au ministre. Je
crois que si nous commençons de façon très formelle des
débats entre les intervenants et les différents membres de cette
commission, nous n'en sortirons pas.
Mme Dougherty: M. le Président, je proteste contre votre
décision, parce que je crois que nous sommes ici pour éclaircir
des éléments du projet de loi 40. Je crois que le mémoire
de la commission scolaire Beauport demande des explications au ministre, parce
qu'il soulève à plusieurs reprises le fait qu'il y a des
écarts entre les promesses, les principes exposés ou
énoncés dans le livre blanc qui ne sont pas
reflétés dans le projet de loi 40. Faut-il attendre plusieurs
mois pour avoir une réponse à cette question? C'est une question
fondamentale pour notre débat ici.
Le Président (M. Blouin): Mme la députée de
Jacques-Cartier, j'ai tenté tout à l'heure d'expliquer dans quel
esprit ces travaux devraient normalement se dérouler et de vous faire
comprendre, ne serait-ce que par déférence à
l'égard des groupes que nous avons invités ce soir qu'il serait
normal, compte tenu du mandat que nous avons reçu et qui est très
clair, que nous entendions les personnes que nous avons invitées et que
nous ayons donc, en conséquence - et il me semble que cela
découle de notre mandat -des échanges avec les personnes que nous
avons invitées. Je ne crois pas qu'il convienne que nous commencions
à avoir des échanges de part et d'autre entre les membres de la
commission. Cela aura pour effet de faire dévier considérablement
l'objectif que nous nous sommes fixé.
Mme Dougherty: Je vais poser une autre question à la
représentante de la commission scolaire Beauport. À la page 8,
vous avez conclu que la marge de manoeuvre de l'école prévue dans
le projet de loi 40 restait considérablement réduite par les
régimes pédagogiques, les règles budgétaires - je
cite votre mémoire à la page 8 -certaines clauses des conventions
collectives, les programmes d'études obligatoires, le règlement
sur le transport scolaire, les instructions du MEQ, la réglementation de
la commission scolaire. Est-ce que vous croyez qu'on peut amender le projet de
loi afin d'éliminer ces contraintes?
Mme Gosselin: II faut ajouter également, en fait, qu'au
niveau de la page 8, nous ajoutons un paragraphe qui se lit comme suit: "II
s'avère important de déterminer des encadrements au plan
national." C'est bien sûr que nous pensons qu'il faut qu'il y ait des
encadrements au plan national. Il est également important de
définir la mission de l'école et le cadre dans lequel elle doit
fonctionner. Toutefois, est-ce en définissant des règles du jeu
dans le détail au niveau national qu'on fera de l'école
l'élément principal du système scolaire? En fait, notre
préoccupation est davantage à l'effet d'établir une
réglementation qui limite de façon excessive les libertés
d'action dans les milieux pour que ceux-ci puissent définir leurs
attentes et y répondre.
Il y a là des contraintes effectivement et nous demandons que, au
niveau de certains des points qui sont cités ici, il y ait des
assouplissements au niveau national. Il faut également ajouter que
c'était en fait ce qu'on voulait démontrer au niveau de ces
pages: c'est que peut-être nous n'avons pas la même vision que
l'ensemble des personnes qui ont eu à se prononcer sur la loi 40 mais
nous, nous ne croyons pas qu'elle donne pleine liberté aux écoles
et nous nous référons également à l'article 90 de
la loi 40, qui dit en fait que l'école exerce ses fonctions dans le
cadre défini par la commission scolaire dont elle relève.
En fait, l'école demeure soumise à la commission scolaire,
doit répondre à la commission scolaire et doit également
répondre au niveau national, tel que la situation existe et continuera
d'exister après l'implantation de la loi 40.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
Mme Dougherty: Autrement dit, est-ce que c'est réaliste de
s'attendre que l'école soit vraiment autonome dans le sens que vous
souhaitez, étant donné la réalité des restrictions
énumérées ici?
Mme Gosselin: Quand on se réfère à
l'autonomie de l'école, ce n'est pas une autonomie complète. Je
ne pense pas qu'il y ait aucun organisme d'éducation, même les
écoles privées, qui ait une autonomie complète et nous ne
pensons pas que ce soit souhaitable. Le paragraphe qui dit qu'il faudra des
encadrements nationaux, nous y croyons et nous le croyons toujours pertinent.
(22 h 15)
C'est bien sûr que, poussée à l'extrême, une
entière, entière autonomie au niveau des écoles n'est pas
possible. Ce que nous demandons, c'est qu'il y ait assouplissement sur des
points précis, facilitant l'exercice du pouvoir dans les écoles
et la "responsabilisation" du milieu par le fait même. Ce que nous
souhaitons, c'est qu'il n'y ait pas une réglementation trop
précise et qu'on donne une certaine latitude au milieu, une marge de
manoeuvre réelle. Bien sûr, ce serait long
d'énumérer ici, sur chacun des points, quelles seraient
ces marges de manoeuvre. Ce que nous exprimons, c'est l'espoir qu'on tienne
compte de cette préoccupation et qu'on établisse le moins
possible de réglementation. Cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas y en
avoir.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Mme la
députée de Jacques-Cartier, allez-y.
Mme Dougherty: À la page 10, vous dites que "le livre
blanc affirme que les écoles et leurs communautés d'appartenance
sont maintenant tout à fait capables de se prendre en main." Vous posez
une question importante: "Pourquoi le projet de loi 40 ne prévoit-il
aucune nouvelle mesure susceptible d'amener une plus grande participation du
milieu à la vie de chaque école?" Qu'est-ce que vous envisagez
à cet égard?
Mme Gosselin: Je vais demander à Mme Provencher de vous
donner la réponse.
Le Président (M. Blouin): Mme
Provencher.
Mme Provencher: Je reviens un peu à l'intervention
précédente que j'ai faite. Ce qu'on envisage, par rapport aux
comités d'école, aux conseils d'école ou aux organismes de
gestion au niveau de l'école, c'est que la loi fasse obligation à
l'organisme d'aller consulter le milieu sur des sujets précis et non pas
que les décisions qui vont régir la vie des écoles se
prennent en vase clos, c'est-à-dire à l'intérieur d'un
comité, peu importe la composition de ce comité. On voudrait que,
d'une part, il y ait obligation pour l'organisme qui régit
l'école d'aller consulter l'ensemble des parents. On voudrait qu'il y
ait une liste de sujets précis sur lesquels il y aurait consultation
obligatoire. On voudrait également que la loi fasse obligation à
l'organisme de gestion de l'école de se sentir lié par les
résultats obtenus lors de ces consultations.
Mme Dougherty: Oui, mais qu'est-ce qui, dans le projet de loi,
rend impossible une telle consultation?
Mme Provencher: Rien dans le projet de loi ne la rend impossible.
Absolument rien, sauf qu'il n'y a pas cette obligation. Puisqu'elle n'y est
pas, on extrapole et on se dit: Cela pourrait vouloir dire qu'un conseil
d'école ou un organisme de gestion de douze personnes, au niveau de
l'école, pourrait décider de la confessionnalité d'une
école, ou encore pourrait décider du bassin d'une école,
du territoire d'une école. Autrement dit, la loi ne l'empêche pas,
mais la loi ne l'oblige pas. On pense que, si on veut que l'ensemble des
citoyens puisse davantage participer à donner une couleur à
l'école du quartier, il devrait y avoir obligation d'aller prendre le
pouls du milieu, le pouls du quartier pour certains sujets précis. C'est
sûr qu'on ne croit pas qu'il faille faire cela continuellement, mais on
pense qu'il y a des points majeurs qui marquent la vie d'une école. J'ai
donné l'exemple de la confessionnalité; il me semble que c'est un
sujet sur lequel l'ensemble des citoyens d'un milieu devrait se prononcer et
non pas simplement un organisme, qu'il s'appelle le conseil d'école ou
autrement.
Mme Dougherty: Une dernière question.
Le Président (M. Blouin): Une dernière question,
Mme la députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: À la page 13, vous parlez de l'implantation
de la réforme. Il semble que vous craigniez que plusieurs écoles
ne seront pas prêtes à assumer les pouvoirs accordés par la
loi 40. Croyez-vous qu'il y aura plusieurs écoles, dans cette
catégorie, qui ne voudront pas assumer l'autonomie prévue?
Mme Gosselin: C'est une question fondamentale au niveau de la
refonte. Notre préoccupation est liée au vécu actuel. La
commission scolaire Beauport existe quand même depuis 1972, mais on peut
dire que depuis au moins sept ans il y a une volonté ferme de la part de
la commission scolaire d'amener les écoles à assumer le plus
possible de responsabilités. Ce que nous pouvons vous dire à
partir d'une évaluation de la situation actuelle, c'est que la prise en
charge des diverses écoles est très différente d'une
école à l'autre et nous savons pertinemment que nous n'aurions
jamais pu imposer - cela ne nous serait pas venu à l'idée -
à une école des responsabilités qu'elle ne veut pas
à ce moment précis ou qu'elle ne se sent pas capable d'assumer
à un moment précis malgré notre volonté de
l'impliquer.
Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci, Mme la
députée de Jacques-Cartier. Il reste deux intervenants et,
ensuite, nous pourrons suspendre nos débats. M. le député
de Montmorency et ministre des Affaires culturelles.
M. Richard: Merci, M. le Président. Je voudrais tout
d'abord féliciter la commission scolaire Beauport pour la qualité
de son mémoire et surtout pour la qualité de son
expérience de consultation dont elle a pris l'initiative et qui s'est
révélée très heureuse. Je suis curieux de nature,
M. le Président, et on a piqué un peu ma curiosité quand
on a dit qu'on a consulté - et je le sais pertinemment - plusieurs
personnes, que
l'assistance était nombreuse et qu'on a même
consulté beaucoup d'enseignants. Alors, je voudrais savoir quelle a
été la réaction des enseignants.
Mme Gosselin: M. Richard demande précisément quelle
a été la participation des enseignants ou leur réaction
à propos de notre démarche...
M. Richard: Oui, vous dites au début... Mme Gosselin:
...de consultation. M. Richard: Oui, oui.
Le Président (M. Blouin): Mme
Provencher.
Mme Provencher: Je pense que, pour bien saisir toute la question
des enseignants, il faut se situer dans le contexte. On était dans un
contexte de moyens de pression. D'ailleurs, d'autres commissions scolaires vous
l'ont dit avant nous. Mais je me souviens très bien qu'on a
compilé les résultats du sondage au travers des moyens de
pression. Je pense qu'il faut dire cela, parce que cela change un peu la
participation qu'on obtient généralement quand on n'est pas dans
un contexte de moyens de pression. La réaction des enseignants, cela a
été... Moi, je comprends l'organisme qui représente les
enseignants dans votre question, c'est cela? Ou les enseignants en
général?
M. Richard: Non, pas forcément. Les enseignants.
Mme Provencher: Bon. Alors, au tout début de la
démarche, les gens étaient très favorables, ils ont
participé. C'est un des groupes qui a exprimé un point de vue au
panel. Beaucoup d'enseignants étaient là ce soir-là. Il y
a également des enseignants qui ont participé à la
confection du questionnaire qui a été distribué dans le
milieu et il y a des enseignants qui ont participé à la
compilation des résultats du sondage. Alors, face à la
démarche, les enseignants chez nous - je ne dis pas à la tonne -
mais il y a des enseignants qui ont participé, même dans le
contexte qu'il y avait à ce moment-là.
M. Richard: Je vous remercie. J'aurais une deuxième
question à vous poser et là, j'avoue qu'il m'a paru que
j'éprouvais les mêmes appréhensions que Mme la
députée de Jacques-Cartier en ce qui a trait aux
mécanismes de consultation que vous recommandez à la page 12 de
votre mémoire. Je pense que c'est vous, Mme Provencher, qui avez
répondu aux questions portant là-dessus. J'avoue - je pense que
c'est peut-être cela que Mme la députée de
Jacques-Cartier voulait dire aussi - j'avoue que je vois mal comment on
pourrait rendre cette recommandation applicable. Est-ce que vous entendez
imposer, pour certaines questions que vous qualifieriez d'ordre majeur, le
référendum?
Le Président (M. Blouin): Mme
Provencher.
Mme Provencher: Oui. En fait, oui, exactement. Vous mentionnez un
référendum, c'est un moyen. Il pourrait y avoir d'autres moyens.
Mais, nous, on...
M. Richard: Quels seraient... Je m'excuse de vous
interrompre...
Mme Provencher: Oui.
M. Richard: ...mais quels seraient les autres moyens que le
référendum, parce que je n'en vois pas?
Mme Provencher: Bon. Écoutez, cela peut être un
questionnaire, cela peut être une assemblée
générale; il peut y avoir différents mécanismes. On
n'est pas entré... C'est toute forme de consultation sur des sujets
précis qui décident du sort d'une école.
M. Richard: Oui, alors, sauf le référendum, parce
qu'on peut imaginer qu'il est relativement facile d'imposer des règles
d'application pour l'exercice d'un référendum mais, quand on
parle d'un questionnaire et qu'on voudrait ensuite rendre la réponse aux
questions obligatoire, vous imaginez qu'il y a un pas que j'éviterais de
franchir.
Mme Provencher: Oui, en fait, quand on a relu une deuxième
fois le mémoire, on s'est aperçu qu'en écrivant le mot
"mécanisme", peut-être que cela porte à confusion. Au lieu
de dire le mot "mécanisme", il faudrait peut-être plutôt
dire: faire obligation à l'organisme de gestion de l'école de
consulter le milieu sur certains sujets. On ne voudrait pas que ce soit
réglementé dans le détail, la procédure de
consultation et ainsi de suite. Ce n'est pas l'esprit parce qu'on tombe
exactement dans ce qu'on ne voudrait pas qui soit fait et ce n'est pas notre
intention. C'est plutôt sur le principe. On voudrait que, sur les sujets
importants qui décident de l'orientation d'une école, l'ensemble
des gens du milieu puissent se prononcer. Et, à l'heure actuelle,
à moins que cela soit prévu expressément dans un
règlement... C'est sûr que vous pouvez nous dire: Bien,
écoutez, faites-le, il n'y a rien qui vous en empêche. C'est vrai.
Mais je me dis que, à ce moment-là, on vous demande: Qu'est-ce
que la réforme a changé? C'était un comité
d'école qui prenait cette décision
sur un même sujet, cela aura changé quoi si c'est un
conseil d'école qui prend la même décision sur le
même sujet? C'est du même ordre. On dit donc, à ce moment,
qu'une réforme de cet ordre n'a pas changé grand-chose. Ce sont
encore douze personnes qui décident que l'école, cette fois-ci, a
un statut confessionnel.
Le Président (M. Blouin): Cela va? Dernière
question, M. le ministre.
M. Richard: Dernière question, toute courte, M. le
Président. Mme Gosselin, vous indiquez dans votre mémoire que
vous souhaiteriez que l'école puisse participer à la
sélection de tout son personnel. Selon vous, est-ce que ce serait une
mesure susceptible d'améliorer la qualité des apprentissages?
Mme Gosselin: En fait, je pense qu'au niveau de
l'amélioration de la qualité, c'est une question de base. C'est
sûr que, si l'école a la possibilité d'aller chercher le
personnel qu'elle croit capable de répondre à ses besoins, c'est
la situation idéale.
Si on pense à ce qui se passe actuellement, nous avons
très peu de marge de manoeuvre au niveau de la commission scolaire et
nous ne voyons pas comment, s'il n'y a pas de modifications au niveau des
conventions collectives, on pourra avoir davantage de marge de manoeuvre. Je
pense que la possibilité pour un milieu de choisir son personnel est un
principe très important lié à la qualité des
services.
Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci, M. le
ministre.
M. Richard: Merci.
Le Président (M. Blouin): Pour conclure, M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Je suis de l'avis du
député de Montmorency. J'aurais aimé, avec les
différents représentants de la commission scolaire,
comités de parents et directeurs d'école, voir aussi assis
à cette table un représentant des enseignants. Malheureusement,
ce n'est pas le cas.
Mais, ce qui me frappe le plus dans votre mémoire, c'est la
conclusion. Contrairement à ce que le ministre affirmait tout à
l'heure, qu'il était très réjoui, vous dites que le projet
de loi 40, dans sa forme actuelle, ne rend pas l'école davantage
responsable et qu'elle n'aura pas plus de pouvoirs décisionnels selon ce
que le projet de loi 40 apporte. Ceci veut dire que, si le projet de loi 40
n'est pas modifié, tel que vous le stipulez dans les pages
précédentes, pour vous il devient inadmissible et vous n'y
adhérez pas. C'est cela?
Mme Gosselin: En fait, il ne s'agit pas de faire une loi, surtout
au niveau de l'objectif qui est poursuivi par la réforme, pour que,
nécessairement, en ce qui concerne la pratique, il y ait une
réelle prise en charge par le milieu. Il y a déjà eu
d'autres lois. Il y a eu la loi 71 qui prévoyait des conseils
d'orientation. Elle n'a jamais été mise en pratique. Alors, nous
pensons que, si on veut vraiment atteindre l'objectif de revalorisation, de
prise en charge par le milieu, il faut en même temps prévoir non
seulement dans le texte de la loi mais également dans les
modalités d'application et surtout en tenant compte de la volonté
des milieux, il faut prévoir le suivi et comment, dans la
réalité, l'objectif poursuivi pourrait être atteint. Nous
n'avons pas l'assurance -nous ne sommes pas plus optimistes qu'il ne faut par
rapport au projet de loi actuel -que, nécessairement, il y aura une
modification au niveau de la participation et au niveau de l'implantation. Par
contre, nous avons adhéré au projet de loi qui est
déposé parce qu'il manifeste quand même une volonté;
au moins, c'est quand même un pas en vue de donner au milieu,
c'est-à-dire aux écoles, des responsabilités.
M. Maltais: Je pense que vos craintes sont justifiées.
Merci.
Le Président (M. Blouin): Très bien. On m'a dit que
le député de Chauveau désirait intervenir
brièvement. Il conclura.
M. Brouillet: Je voudrais revenir un peu sur les points de
désaccord que vous avez mentionnés dans votre mémoire. Le
point de désaccord qui porte tout d'abord sur la responsabilité
qu'a le directeur d'école de rendre des comptes. Vous mentionnez que,
selon le projet de loi, il devrait rendre des comptes à deux endroits.
Si je comprends bien, vous aimeriez qu'il ne rende des comptes qu'à un
endroit. Je crois que c'est assez normal. Quel serait cet endroit,
d'après vous?
Mme Gosselin: Si vous me permettez, M. le Président,
j'aimerais que Mme Bruyère, qui est directrice d'école,
réponde à cette question.
Le Président (M. Blouin): Mme Bruyère.
Mme Bruyère (Christiane): D'abord, le statut qui est
conféré à l'école et qui semble l'englober comme
étant une entité institutionnelle, nous, les directeurs
d'école de la commission scolaire Beauport, croyons qu'on devrait quand
même relever du directeur général ou de la directrice
générale. Cela n'empêche pas qu'on a aussi des comptes
à rendre au conseil d'école qui sera formé, peu importe sa
composition. C'est quand même du conseil
d'école qu'on reçoit les mandats. On craignait un peu que
l'efficacité d'un directeur d'école n'aille pas
nécessairement avec la popularité qu'il peut avoir au sein de son
conseil d'école. Je me dis que ce n'est pas toujours facile pour un
directeur d'avoir à faire face à un conseil d'école qui ne
prendra peut-être pas des mesures qui sont populaires auprès d'un
parent en particulier. Cela pourrait peut-être amener des conflits. C'est
pour cela que, pour savoir de qui relever, on souhaitait que ce soit de la
directrice générale et qu'on rende aussi des comptes de notre
administration aux conseils d'école.
M. Brouillet: Donc vous admettez qu'on ne peut pas beaucoup
sortir du fait qu'il doit rendre des comptes à deux endroits?
Mme Bruyère: Je me dis qu'il est quand même
mandaté par son conseil d'école. Moi qui suis une nouvelle
directrice depuis l'année dernière, je pense, par exemple, au
niveau de la supervision et de la relation d'aide qui peut m'être
accordée par ma supérieure, que je ne suis pas certaine que je
pourrais retrouver cette même relation au niveau du conseil
d'école. De toute façon, je pense que d'avoir à relever du
directeur et d'avoir des comptes à rendre au niveau du conseil
d'école, cela n'empêche pas d'avoir un projet éducatif
à l'intérieur d'une école. De toute façon, à
l'heure actuelle, je pense que les comités d'école, advenant le
cas où ils ne sont pas satisfaits du directeur qui gère
l'établissement, peuvent quand même faire une recommandation au
niveau de la commission scolaire. Il n'y a pas une commission scolaire qui ne
tiendrait pas compte de cette recommandation, même si c'est d'un
comité d'école.
Le Président (M. Blouin): Cela va?
M. Brouillet: L'autre point de désaccord concerne le
mécanisme d'élection du commissaire d'écoles. Vous
mentionnez dans votre mémoire votre désaccord sur certains
mécanismes et vous en mentionnez un, celui qui consiste à faire
de l'école le point de ralliement des électeurs.
L'électeur décide pour quelle école il va voter.
D'après vous, quel serait l'autre mécanisme? Si ce n'est pas
l'école, est-ce que vous reviendrez au critère territorial?
Est-ce que vous privilégieriez...
Mme Gosselin: En fait, vous rejoignez la question du suffrage
universel dont on a très peu parlé dans notre mémoire, on
le reconnaît. Il y a également eu un cheminement au niveau de
cette question. Entre la volonté de favoriser le plus possible le lien
entre le commissaire et l'école et la situation concrète de
choisir un mode électoral qui soit applicable. Nous avons encore
énormément de points d'interrogation. C'est pour cela qu'on ne
l'a pas mentionné ici. Il y a des intentions très dynamiques
à ce sujet-là dans le but vraiment de rejoindre la
préoccupation que le commissaire d'écoles doit vraiment
être lié à l'école et représentatif. Par
contre, notre grande difficulté à vouloir se donner un mode
électoral est liée davantage à la structure actuelle.
C'est que nous avons des écoles élémentaires et nous avons
des écoles secondaires qui ont des bassins différents. Alors,
nous sommes liés à une réalité qui nous rend
très difficile une définition précise. On ne saurait ce
soir vous dire: Nous avons retenu un modèle plutôt qu'un autre.
Nous n'avons pas encore la solution.
M. Brouillet: Très bien.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Chauveau. Sur ce, je remercie les représentantes
et le représentant de la commission scolaire Beauport de leur importante
participation aux travaux de notre commission. Je remercie également
tous les membres de cette commission pour leur esprit positif qui a
animé tous les débats au cours de cette journée de travail
qui, je crois, s'est bien déroulée. Sur ce, j'ajourne les travaux
jusqu'à demain à 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 37)