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Commission permanente de l'Education
Projet de loi no 28
Loi concernant la restructuration des
commissions scolaires sur l'île de
Montréal
Séance du mercredi 8 décembre 1971
(Quinze heures cinquante-cinq minutes)
M. PILOTE (président de la commission permanente de l'Education):
A l'ordre, messieurs!
La séance commence. La parole est au ministre de l'Education.
Discussion générale
M. SAINT-PIERRE: Je ferai un bref commentaire, M. le Président.
Nous avons franchi l'étape de la deuxième lecture. J'ai
donné les textes des amendements. Nous sommes maintenant à
l'étude, article par article, du projet de loi. On me permettra un bref
commentaire.
Dans l'esprit de bien des gens incluant des parlementaires, des gens en
dehors de cette chambre, on pourrait trouver plusieurs raisons pour dire que le
bill no 28 est imparfait et qu'il faut le modifier dans tel sens et
souvent ce sont des sens contradictoires pour qu'il devienne acceptable.
Le gouvernement s'est constamment penché sur le bien commun de
l'ensemble de l'île de Montréal et je voudrais de nouveau
réaffirmer la détermination avec laquelle il entend continuer et
poursuivre l'étude du bill 28, tout en étant ouvert à des
suggestions d'amendements, mais en faisant constamment preuve d'une
cohérence, d'une démarche logique dans les champs qui ont
été mentionnés.
J'ai mentionné qu'on ne pouvait pas faire plaisir à tout
le monde, et à son père et c'est d'autant plus vrai que je sais
qu'il y a plusieurs personnes qui aujourd'hui voient la chose très
clairement. Ces mêmes personnes admettaient très humblement il y a
quelques semaines qu'elles étaient complètement
déroutées par le projet de loi no 28 et depuis ce
temps-là, elles sont maintenant démêlées.
Comme à l'accoutumée, j'ai pris connaissance d'un
communiqué du Parti québécois et je suis également
conscient d'une déclaration du président de ce parti qui semble
être démêlé.
Je considère qu'on fait preuve de démagogie de nouveau en
tentant de ressusciter des problèmes qui, comme je le mentionnais en
Chambre, existent à court terme tout au moins, dans la tête de
ceux qui les soulèvent et qui semblent délibérément
trouver toutes les occasions pour que, dans un projet de loi, on puisse avoir
la panacée à tous les problèmes du Québec. J'ai
expliqué qu'en matière linguistique, en matière de
relations de travail, il y a certaines manières d'aborder des
problèmes qui débordent de beaucoup le champ de
l'éducation.
Je considère démagogique aussi de ramener de nouveau
et il me semble qu'en Chambre tous les parlementaires dignes de ce nom
l'avaient compris de dire que des rapports fragmentaires qui ne
méritaient pas qu'on porte des jugements sur le projet de loi 63...On
part donc de ce point pour avoir déclaré qu'il n'y a plus rien,
que tous les éléments du problème sont devant nous et
qu'on est passé à l'action. Je maintiens que les rapports sont
fragmentaires; compte tenu de ce qui a été dit
précédemment par le premier ministre et par moi-même, on
peut se permettre encore d'attendre quelques mois avant d'avoir des rapports
complets.
Je prétends qu'il faut rappeler le projet de loi no 63, car le
groupe qui reçoit l'enseignement en anglais a gagné 3,819
élèves, pendant que le groupe qui reçoit l'enseignement en
français en a perdu 3,105; ce n'est pas faire preuve
d'intégrité intellectuelle. Il y a mille et un facteurs en dehors
du projet de loi no 63 et simplement le changement du nombre d'étudiants
dans les deux catégories, cela ne m'apparaît pas une raison pour
justifier les affirmations que l'on a faites dans le communiqué du Parti
québécois. J'ai transmis aux membres de la commission
parlementaire quelques statistiques touchant le nombre d'élèves
du milieu anglophone qui sont dans des classes d'immersion totale en
français. Ce sont des élèves qui comptaient dans le milieu
anglophone, mais l'on voyait que ce nombre s'établissait à deux
mille quelques cents, alors cela réduirait d'autant. Même à
cela, nous avons donc une situation fragmentaire et, sur le plan linguistique,
je pense que nous avons expliqué à plusieurs occasions notre
position.
Je termine simplement en rappelant de nouveau, pour mettre fin à
toutes les rumeurs, que malgré les attaques de toutes parts pour tenter
de dire qu'il serait préférable de remettre à plus tard
une réforme qui nous apparaît nécessaire, des objectifs
qu'il nous faut atteindre le plus rapidement possible et qui, de l'avis
même de plusieurs des partis politiques, des groupes qui ont comparu
devant nous, s'imposent avec urgence: Le gouvernement a l'intention de prendre
ses responsabilités, de ne pas faiblir, de ne pas céder et
surtout, le gouvernement n'a pas l'intention de considérer le projet de
loi no 28 comme la panacée de tous nos problèmes.
Il y a des problèmes linguistiques, nous les traiterons en temps
et lieu. Il y a des problèmes de relations de travail, nous les
traiterons en temps et lieu. Ce qui nous apparaît essentiel, c'est que le
projet de loi no 28 nous permet d'atteindre des objectifs que tous semblent
partager; ceci nous apparaît, sur le plan législatif, une mesure
urgente qui doit être adoptée à cette session-ci et c'est
dans cet esprit que nous allons suggérer des modifications, des
amendements qui précisent les textes que je vais mentionner, tout en
étant ouvert à des suggestions de l'Opposition.
Il me semble cependant que nous avons donné tout ce que nous
étions capables de donner dans l'intérêt du bien commun et
dans l'intérêt que nous commande une démarche
intellectuelle cohérente qui veut faire preuve d'une certaine
rigueur.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais non pas
reprendre les commentaires du ministre, mais le remercier toutefois des
précisions qu'il a voulu apporter et faire quelques commentaires avant
que nous n'abordions définitivement l'examen de ce projet de loi.
Dans le discours de deuxième lecture que faisait le ministre, M.
le Président, il déclarait ceci (c'est à la page 4 de son
texte) et je cite: "Tout au long de ce débat, j'ai porté beaucoup
d'attention aux anglophones de Montréal. Je leur ai
répété et expliqué les garanties majeures que leur
offre la loi actuelle. Nous avons procédé avec prudence envers le
groupe anglophone, non par crainte, mais parce que nous étions
conscients que les anglophones de Montréal étaient effectivement
le groupe dont les craintes étaient les plus justifiées, face
à un système qui met fin à certains privilèges.
Mais, les droits essentiels étant saufs, nous sommes convaincus que les
anglophones de Montréal pourraient profiter de l'occasion pour modifier
leur comportement et leur rôle au Québec, comme beaucoup d'entre
eux ont déjà entrepris de le faire, d'autres ayant de tout temps
agi conformément au bien-être de l'ensemble des
Québécois." Le ministre de poursuivre, parlant des francophones:
"Quant aux francophones, s'ils n'acquièrent pas de nouveaux droits ou
privilèges linguistiques, ils trouveront avantage à la
démocratisation des structures scolaires que propose le projet no 28.
J'en demeure, après tout ce que j'ai entendu, convaincu. "Nous
n'entendons pas, je le répète, intégrer au projet de loi
no 28 des dispositions linguistiques qui, à mon avis, seraient
partielles, mais je crois en toute bonne foi qu'on ne peut pas facilement
prouver que ce projet aura une influence déterminante sur la question
linguistique dans l'île de Montréal."
Partant de ce texte, M. le Président, je désirerais
d'abord faire observer au ministre que nous avons tous constaté que le
problème de la langue a été au cours des auditions de la
commission parlementaire un point d'accrochage qui a quand même
révélé un phénomène de cristallisation.
Cristallisation, dans certains cas d'une certaine émotivité et
cristallisation aussi, dans certains cas d'une situation d'inquiétude en
ce qui concerne le problème de la langue. Par ailleurs, si l'on regarde,
si l'on examine les amendements que le ministre a déposés et la
déclaration ministérielle qu'il avait faite et qui comportait les
éléments ou plutôt les thèmes de ces amendements, il
appert que le gouvernement a l'intention de procéder de façon
progressive à la mise en application de cette loi 28.
Dans cette optique, M. le Président, et compte tenu de ce que
j'ai dit au sujet de ce problème de la langue qui est en somme le
phénomène de cristallisation par excellence dans le Québec
à l'heure actuelle, je voudrais demander, étant donné que
la loi sera progressivement mise en application, que le gouvernement rappelle
la loi 63. Qu'entre-temps, il rappelle la loi 63. Qu'entre-temps, il modifie la
loi 64 et qu'il prépare une loi sur la langue, même si, et
pourtant, j'ai déjà beaucoup insisté là-dessus,
nous n'avons pas encore les conclusions de la commission d'enquête
Gendron. Je réfère ici aux déclarations du premier
ministre, aux déclarations du ministre des Affaires culturelles, cette
loi devrait avoir comme objectif d'assurer la priorité du
français au Québec et de faire du français la langue de
travail et de communication.
Sous toutes réserves, toutefois, conformément aux voeux
exprimés par les centrales syndicales, dans le respect des droits de la
minorité ce qui implique évidemment que les
mécanismes de cette loi, que je demande au gouvernement de
préparer, ne seront pas nécessairement faciles à inventer
je voudrais apporter une explication ici.
Cette attitude n'est pas, de la part de notre formation politique, un
recul, non plus qu'une condamnation de ce que nous avons fait lorsque nous
avons adopté en Chambre la loi 63. Il y avait, à l'époque,
des problèmes particuliers, dont le cas spécifique de
Saint-Léonard. D'ailleurs, avec l'accord de la presque totalité
des membres de l'Assemblée nationale, nous avons posé un geste de
bonne foi, déclarant que nous voulions procéder à un essai
loyal et qu'il appartiendrait à notre gouvernement ou au gouvernement
qui prendrait la relève, le cas échéant, de voir si les
mesures que nous avions prises alors, par voie législative,
s'avéraient efficaces et si les méthodes, les moyens de
persuasion dont nous avions parlé, sur lesquels nous avions
insisté, produiraient les effets que nous étions en droit
d'attendre, compte tenu des déclarations qui nous étaient faites,
qui nous venaient de part et d'autre, plutôt de la part de groupements
anglophones.
Il y a aujourd'hui une sorte de constat dont je ne puis pas
vérifier de façon scientifique le bien-fondé. On parle
d'un constat d'échec. On s'appuie, en cela, sur des statistiques qui, le
ministre l'a déclaré tout à l'heure, ne peuvent quand
même pas constituer des preuves formelles, péremptoires qui
établiraient que la situation de la langue s'est
détériorée au point que nous devrions immédiatement
intervenir. Mais comme il y a inquiétude, comme il y a
présomption de détérioration et comme, d'autre part, le
ministre a parlé d'une situation évolutive du Québec en ce
qui concerne la langue, selon ses propres termes, je crois
qu'immédiatement, c'est-à-dire dans l'espace de temps qui se
situera entre le moment où la loi 28 sera adoptée et le moment
où cette loi sera mise en application, le gouvernement devrait
procéder à la préparation d'une loi sur la
langue.
En rappelant la loi 63 à... Un instant, M. le Président,
le premier ministre pourra Vous poser une question tout à l'heure.
M. BOURASSA: ... le temps même si je peux me permettre bien
humblement de poser une question.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bien modestement, M. le premier ministre, je
vous l'accorde.
M. BOURASSA: Est-ce que le député propose que cette loi
sur la langue soit présentée et votée avant que la
commission Gendron ne fasse son rapport?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai tout à l'heure fait la
réserve, le premier ministre n'a peut-être pas saisi...
M. BOURASSA: J'étais distrait.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai dit même si j'ai déjà
déclaré que le gouvernement devait attendre les recommandations
de la commission Gendron et je crois qu'entre-temps... Si le premier ministre
veut me permettre de terminer, il pourra faire ses commentaires, je ne veux pas
être désagréable au premier ministre, mais je veux lui dire
tout ce que je pense là-dessus. Je dis qu'il y a une situation
évolutive. Ce sont les termes même du ministre de l'Education. Il
y a, d'autre part, l'attitude du gouvernement central en matière de ce
qu'il appelle le multiculturalisme du Canada et du Québec qui, je crois,
fait partie de cette situation évolutive et est un élément
de cette situation évolutive dont a parlé le ministre de
l'Education.
Considérant donc tous ces facteurs, tous ces faits,
inquiétude d'une part, cristallisation de l'opinion publique,
manifestation de tout genre, je demande au gouvernement, même si le
rapport de la commission Gendron n'a pas été
déposé, de prendre des dispositions pour préparer une loi
qui puisse être mise en application au moment où la loi 28 sera
elle-même mise en application afin de régler ce problème de
la langue dans la mesure où il peut être réglé par
des lois conformément aux exigences exprimées par les groupes qui
sont venus devant nous.
Avec cette réserve que tout cela doit être fait et
je reprends les termes mêmes des représentants des centrales
syndicales dans le respect des droits de la minorité.
J'exprime ici mon opinion, j'exprime l'opinion de mon collègue,
le député de Bagot, et celle de notre formation politique, afin
que l'on se rende compte une fois pour toutes que, lorsque nous avions
déclaré que nous voulions faire un essai loyal, nous
étions de bonne foi et parfaitement sincères, comme d'ailleurs
tous les députés qui ont voté la loi avec nous. Mais
d'autre part, compte tenu de la situation actuelle et des risques qu'il y
aurait de provoquer des conflits encore plus sérieux que ceux que nous
avons connus, je crois que le gouvernement devrait s'attaquer tout de suite
à ce problème, presser la commission Gendron de remettre, sinon
son rapport complet, du moins un document qui nous donnera les grandes
orientations des recommandations qu'on entend faire, afin qu'une fois pour
toutes, on cesse de parler de la langue au Québec et qu'on la parle. Je
reprends, en somme ici, d'une autre façon, d'une façon
plus formelle dirais-je les propositions que j'avais faites au ministre
lors de mon intervention en deuxième lecture. Je vous remercie, M. le
Président.
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, pour qu'il ne subsiste aucun
doute, est-ce que votre demande de rappel de la loi 63, vous dites: Avant la
mise en vigueur du projet de loi no 28...
M. CARDINAL: Le projet de loi final.
M. SAINT-PIERRE: Final, dans le sens des commissions scolaires
nouvelles?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non. Je crois que là, il appartiendra
au gouvernement d'examiner les délais, mais ces délais, je pense,
devront être assez courts.
M. SAINT-PIERRE: Votre point, M. le député de Chicoutimi,
c'est que, lors de l'existence des nouvelles commissions scolaires, puisque les
commissions scolaires actuelles vont continuer à avoir une existence
juridique jusqu'au moment où les nouvelles prendront forme et auront des
responsabilités, ce qui est important, c'est lors de l'existence de ces
nouvelles-là, qu'il y ait des lois, de telle sorte que, s'il y a des
correctifs ou des changements qui doivent être apportés, ces
changements, ces nouvelles lois soient en vigueur avant l'existence juridique
des nouvelles commissions scolaires à être
déterminées.
M. CARDINAL: Si vous me le permettez, avant la réponse à
cette question. Si le ministre se le rappelle, dans la réponse que je
lui ai faite en deuxième lecture, je lui ai souligné à
quelques reprises que je craignais que le carcan qu'imposait la mise en vigueur
totale de la loi 28 n'établisse une situation de droit et non plus de
fait qui fasse que l'on dise plus tard, même si on veut modifier la loi
qui est actuellement un projet, que l'on a donné des droits acquis.
Je me souviens très bien, par exemple et je vais prendre
un cas qui s'est présenté hier que dans une convention
collective, les fonctionnaires du Québec, sur une question beaucoup
moins importante, ce congé du 8 décembre, ont exigé que ce
congé qui avait été aboli même par les
autorités religieuses, soit conservé comme un
droit acquis. Or, vous vous imaginez comment certaines minorités,
qu'elles soient francophones ou anglophones parce que je sais que le
ministre voudra prendre l'exemple de l'est et de l'ouest, j'ai souvent entendu
cette réponse vont prétendre avoir des droits acquis si le
problème de la langue n'est pas réglé avant ou au moment
de l'implantation des nouvelles commissions scolaires. Je pense que cela
répond précisément à la question du premier
ministre. Et c'est en ce sens que j'ai soutenu qu'il y avait là un
carcan juridique qui ferait qu'après on ne pourrait plus régler
et je reprends les termes du ministre la question linguistique
dans le plan scolaire qui est bien différent des autres plans qu'il a
lui-même mentionnés: municipalités, corporations
privées, corporations publiques.
UNE VOIX: L'immigration.
M. CARDINAL: Au fond, je pense que la suggestion de mon collègue
de Chicoutimi qui est d'ailleurs la mienne, il l'a mentionné et
je lui en sais gré est très pertinente. Elle ne force pas
le gouvernement à régler la question, dans le projet, cette
semaine ou avant le 23 décembre. On a fort bien compris ce que le
ministre nous a dit dans sa réplique, où il a répondu
à chacune de nos questions, parfois d'une façon qui nous a
satisfaits et d'autres fois, d'une façon moins satisfaisante. On y
reviendra lors de cette commission. Mais, enfin, c'est le rôle des
parlementaires.
Je pense qu'on lui soumet aujourd'hui, ainsi qu'au premier ministre qui
est heureusement avec nous et qui dirige ce gouvernement, de se rendre compte
que c'est une suggestion non seulement pertinente mais qui démontre,
comme l'a dit le ministre, beaucoup de prudence, et comme ne l'a dit personne,
beaucoup de sagesse.
M. BOURASSA: A l'instar du Parti québécois, vous le
demandez tout de suite avant les Fêtes, quoi.
M. CARDINAL: Bien, je ne le sais pas. Je ne me prononce pas pour les
autres.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne voudrais pas que le premier ministre
n'envenime le conflit. S'il y a conflit. Je voudrais bien faire observer au
premier ministre que la demande que nous faisons au gouvernement est une
demande très sereine, très objective et nous la faisons en
étant bien conscients des difficultés que cela va comporter,
d'inventer des mécanismes qui permettent d'assurer, comme l'a dit le
premier ministre, la priorité du français, de faire du
français la langue de travail, de promouvoir évidemment
l'enseignement du français dans les écoles, cela va de soi, tout
en respectant, comme tous ceux qui nous ont demandé l'unilinguisme ici,
ce qu'ils appelaient les droits de la minorité.
Nous sommes conscients de la difficulté, nous l'avons
vécue. Par conséquent, notre but n'est pas d'embarasser le
gouvernement, de le gêner dans sa démarche, mais je crois que le
temps qui lui est imparti, depuis le moment où cette loi sera
votée et le moment où elle sera mise en application par
étapes, selon les structures et les mécanismes que nous avons
discutés, le gouvernement a la possibilité de poser un geste qui
manifeste de façon nette, précise, sans équivoque, son
intention de mettre en application la politique qu'il a lui-même
préconisée.
M. SAINT-PIERRE: Je ne sais pas si le député de Chicoutimi
était absent aux dernières séances que nous avons eues. Le
député de Bagot pourra me corriger mais je pense que votre voeu
est déjà exaucé. C'était une des raisons que
j'avais moi-même invoquées. Les motifs qui poussaient le
gouvernement à ne pas inclure des éléments de linguistique
étaient de trois points différents. Le premier, respecter cette
démarche intellectuelle qui voulait qu'on termine l'étape de la
recherche avant d'examiner les possibilités d'agir; le deuxième,
pour ne pas l'inclure, était le fait que l'ensemble politique
linguistique n'était pas relié uniquement à un
problème de structure scolaire, mais c'est un problème qui
était beaucoup plus vaste que cela et qu'on se refusait à aborder
ce problème linguistique, à la petite chandelle, en abordant des
problèmes à la pièce un par un et qu'on
préférait dans une législation aborder l'ensemble et le
troisième, avait provoqué les craintes du député de
Bagot. A ce sujet, nous disions qu'il y a quand même un délai
minimum dans le temps c'était 1973 mais on avait
déjà annoncé le fait que nous avions l'intention de
permettre un délai d'implantation plus long, nous avons quand même
deux ou trois ans pour pouvoir légiférer en matière
linguistique avant même l'existence juridique des commissions scolaires.
A cela le député de Bagot se demandait si les gens ne seraient
pas pris d'une certaine panique sachant que le projet de loi no 28 pourrait
être modifié par des législations ultérieures en
matière linguistique. C'est là un peu le sens de mon débat
de deuxième lecture, hier. Constamment, nous sommes dans une situation
évolutive, et en matière de relations de travail, en
matière linguistique et dans d'autres champs, il faudra que des
législations subséquentes puissent modifier...
M. CARDINAL: Justement, c'est ce que j'ai demandé au ministre en
l'interrogeant pendant son discours hier, je suis d'accord sur ce qu'il vient
de mentionner. Sur le fond, je ne suis pas d'accord; parce qu'ayant
été moi-même en contact avec la population pendant le
débat sur les projets de loi nos 62 et 28, je me rends très bien
compte que, si le gouvernement ne se prononce pas sur le fait qu'il y aura une
politique linguistique avant que ne s'appliquent les cadres et je ne
suis plus d'accord avec le ministre qui viennent donner certaines
garanties linguistiques dans la loi...
M. SAINT-PIERRE: Les commissions scolaires nouvelles?
M. CARDINAL: Oui, mais justement, si le gouvernement, aujourd'hui ou
demain ou la semaine prochaine, ne se prononce pas avant l'adoption du projet
de loi sur le fait qu'avant l'implantation des nouvelles commissions scolaires
là je rejoins le ministre qu'à ce moment-là,
non seulement il y aura incertitude dans la population tant francophone
qu'anglophone, tant chez ceux que l'on appelle les
Néo-Québécois ou ceux que d'autres appellent les
Néo-Canadiens ou les immigrants, et que l'on n'a pas encore
défini d'ailleurs parce que pendant combien de temps l'est-on
si le gouvernement ne donne pas ces assurances, d'une part, la
population aura des doutes, des angoisses, des anxiétés, elle
sera "insécure", et d'autre part, on aura établi, je le
répète, je m'excuse de répéter toujours la
même chose, des cadres qui donnent des garanties, même si on ne les
appelle pas des garanties dans la loi. Ce n'est pas le fait qu'une loi dise
"nous garantissons" qui garantit, ce sont les cadres qu'on établit
le premier ministre est un juriste averti qui font que des
garanties déjà existent.
Par conséquent, après cela on crie après des droits
acquis.
M. BOURASSA: Le député reprend sa position. Si je me
souviens bien, durant le débat sur le bill 63, c'est un peu ce qu'il
disait, que les deux allaient de pair, c'est-à-dire 63 et 62 et,
qu'avant l'élection, le bill 62 devait être voté.
Evidemment, cela n'a pas marché, on a fait l'élection sans tenir
compte de la promesse du député.
M. CARDINAL: Je peux même répéter qu'on nous
reprocherait de ne pas l'avoir voté.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre a posé une question
à ce sujet-là et, justement, le député de Bagot
vient d'apporter la réponse. Que le ministre se souvienne que,
dès le départ, nous lui avons posé cette question.
M. SAINT-PIERRE: Dès le départ...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dès le départ, nous lui avons
demandé de quelle façon il entendait procéder pour que
l'on ne considère pas les dispositions de la loi 28 comme un fait
acquis, comme des garanties légales, juridiques, dans ce domaine
particulier de la langue, même si le projet de loi no 28 n'a pas pour but
de légiférer sur le problème de la langue. C'est
là, la question. Alors, que l'on parle de délai, que le premier
ministre me demande en 1975, 1973 et tout ça, je dis que 1975 ce sera
bien tard et le premier ministre ne sera plus là. Un instant...
M. BOURASSA: Vous voulez faire une gageure?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le premier ministre, ce n'est pas un bon
élève; il n'écoute pas suffisamment le professeur avant de
poser des questions. Si le premier ministre me demande si c'est en 1975 ou en
1973, je dis que c'est le plus tôt possible.
M. BOURASSA: Si je comprends bien le député...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et cela, ça veut dire un délai.
Pour préparer une loi comme celle-là, je crois que le
gouvernement peut se donner un délai maximum de six, sept ou huit
mois.
M. BOURASSA: Cela veut dire que le rapport pourrait être rendu
public?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'espère que le travail, que les
pressions que vous avez faites auprès de la commission Gendron seront
telles que...
M. BOURASSA: Vous avez quand même pris connaissance de
l'impatience de votre prédécesseur?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je connais tout cela, mais je ne suis pas le
gouvernement. Le gouvernement est devant moi.
M. BOURASSA: Merci.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. TETLEY: Je ne parlerai pas. Je crois que les représentants des
partis précédents...
M. CHARRON: Je remercie le député de
Notre-Dame-de-Grâce pour cette impartialité.
M. TETLEY: Je vais répondre à vos arguments.
M. CHARRON: Vous allez essayer! M. le Président, j'ai
l'impression que nous commençons les travaux de la commission de
l'Education, Ils seront longs; non seulement à cause de l'amendement que
le Parti québécois apporterait qui semble déjà
avoir accroché la nervosité du ministre de l'Education, mais
aussi parce qu'il y en a une bonne série d'autres que nous avons
proposés et que nous avons déjà annoncés. Le
député de Bourget, chef parlementaire du Parti
québécois, a dit hier dans son discours de deuxième
lecture que notre appui au principe du projet de loi ne voulait en aucun temps
dire que nous allions faire, à cette table et lorsque nous remonterons
pour le comité plénier et lorsque nous franchirons la
troisième lecture, preuve de mollesse sur plusieurs points. Je m'en
voudrais de ne pas faire quelques remarques sur les débats entre les
deux vieux partis que je viens d'entendre, mais j'attendrais plutôt
d'avoir...
M. CARDINAL: Pardon, c'est un fait nouveau
l'Unité-Québec.
M. CHARRON: J'attendais plutôt d'avoir l'occasion d'arriver
à l'article en question et certainement qu'à ce moment-là
nous ne manquerons pas d'arguments. Aucun député du Parti
québécois n'échappera à sa volonté de
participer aux débats sur cette question.
M. SAINT-PIERRE: Cela va quand même vous donner le temps de vous
démêler.
M. CHARRON: Je veux quand même dire au ministre de l'Education que
je trouve fort regrettable que dans ces remarques d'ouverture aux travaux de la
commission de l'Education, il ait dit, d'une part, presque dit enfin,
j'ai hâte de le lire dans le journal des Débats que les
compromis maximums étaient déjà annoncés; il
annonçait à toutes fins pratiques, l'inutilité des
séances auxquelles nous allons nous livrer.
M. BOURASSA: J'invoque le règlement, M. le Président.
M. CHARRON: Vous n'avez pas le droit d'invoquer le règlement en
commission.
M. BOURASSA: S'il y a un gouvernement qui s'est montré
ouvert...
M. CHARRON: Si vous voulez allonger le débat!
M. BOURASSA: Non, non. Seulement deux minutes pour signaler au
député que, s'il y a un gouvernement qui s'est montré
ouvert aux amendements de l'Opposition, contrairement à ce qui se
faisait auparavant, c'est bien le gouvernement que je dirige.
M. CARDINAL: Je vais invoquer le règlement.
M. BOURASSA: Le ministre a dit tantôt que, d'après lui, il
avait fait le maximum de ce qui pouvait être fait, mais qu'il demeurait
quand même ouvert aux suggestions qui pouvaient être faites.
M. CHARRON: On verra.
M. BOURASSA: C'est la raison même des commissions.
M. CHARRON: Me référant au ton et au vocabulaire que le
ministre a employés pour immédiatement qualifier l'amendement
annoncé cet après-midi par le Parti québécois et
qui devrait venir à un moment ou l'autre de nos travaux il a
qualifié cet amendement de démagogique et de manque
d'honnêteté intellectuelle je lui signale tout de suite que
nous sommes à la porte d'un débat qui sera très dur, d'un
débat qui sera long. Le fait que le ministre ait employé ce
langage ne fera que susciter dans la population de l'autre côté
des écarts de langage que, je pense, le Parti québécois,
le premier, ne voudra pas avoir.
Tout le monde a déploré, y compris le représentant
du Parti québécois, en Chambre, au moment du bill 63, le fait que
le premier ministre de l'époque, un homme que je respecte, le
député de Missisquoi, ait été qualifié de
traitre, de lâche et de tout ce que vous voudrez pour avoir
présenté cette loi qu'aujourd'hui, comme ses collègues, il
serait prêt à rappeler. Mais, si le ministre, aussitôt que
quelqu'un se soulève contre cette loi, aussitôt que quelqu'un
amène et annonce un amendement, qualifie les arguments de ceux qui
amènent cet amendement de démagogique et de
malhonnêteté intellectuelle, il ouvre la porte à un flot
d'extrémisme qu'en aucun temps nous ne voudrions voir, ni à cette
table, ni encore moins dans la population.
M. BOURASSA: Je pense que l'autre jour...
M. CHARRON: Si vous me laissez terminer, vous pourrez rétablir
les faits après, selon l'article 270.
M. BOURASSA: C'est l'article 271. M. TREMBLAY (Chicoutimi): Note 2.
M. CHARRON: Habituellement, dans les débats, ce n'est pas la
procédure qui est votre fort! Vous êtes aussi bien de
rester...
Je veux simplement dire que le débat s'engage sur une pente
savonneuse qui peut nous conduire certainement à des choses que nous ne
voulons pas avoir. Je pourrais, moi aussi je le ferai à ce
moment-là et mes collègues aussi le feront rappeler toutes
les motivations qui, en 1969, nous faisaient nous opposer à ce bill,
motivations augmentées depuis l'année et demie d'application de
cette loi.
Je veux quand même terminer, puisque nous n'en sommes pas encore
rendus à ce débat, en disant au ministre de l'Education qu'une
des conséquences fondamentales, je crois, au-delà même de
toutes les implications linguistiques qu'a eues le bill 63, a été
de dévaloriser le Parlement aux yeux de la population. J'espère
que, dans le débat que nous allons entreprendre à nouveau, nous
saurons, de part et d'autre de la table, soit par notre vocabulaire, soit par
notre attitude, éviter de dégrader encore plus une institution
qui, à ce moment-là, j'étais dans les 25,000 en
avant, et je m'étais engagé, à ressuciter le débat
dès que j'en aurais l'occasion, je tiens promesse cet après-midi
éviter de dégrader, dis-je, une institution qui,
peut-être plus encore qu'en avril 1970 ou qu'en octobre 1970,a connu un
coup de mort.
Je suis de ceux, et mes collègues aussi, qui parcourent le
Québec, en essayant de redonner
confiance aux gens non seulement dans la politique, mais dans les
institutions parlementaires et les institutions de la démocratie
représentative. Nous sommes de ceux qui essayent d'expliquer la foi que
nous avons dans ces institutions pour apporter le changement au
Québec.
J'espère que nous ne serons pas les seuls et j'espère que
vous ne donnerez pas l'exemple comme si nous étions les seuls!
La façon dont le gouvernement avait, à ce
moment-là, adopté cette loi a marqué les annales de
l'histoire politique du Québec non seulement nous reviendrons sur
le côté linguistique, mais aussi sur le simple côté
politique en ce sens qu'un nombre considérable de nos concitoyens
ont à ce moment-là si vous me permettez l'expression
décroché du système démocratique dans lequel
nous vivons. Il s'est trouvé à ce moment-là des gens et
nous en rencontrons encore chaque jour la semaine dernière, je
tenais une assemblée sur le bill 28 à Montréal, où
j'expliquais certains des amendements que nous déposerons au cours de
cette commission des gens qui, avec toute bonne foi, pouvaient
épouser les causes que nous défendions et nous disaient:
Qu'est-ce que cela donne? On a bien vu, lors du bill 63, que même si
toute une population, une bonne partie de la population ou une partie vivante
et dynamique de la population est opposée à un projet de loi,
cette loi est adoptée avec une majorité écrasante à
l'Assemblée dite représentative et qu'on appelle
l'Assemblée nationale.
M. BOURASSA: Après un mois de débats.
M. CHARRON: M. le Président, lorsque nous aborderons ce point,
comme d'autres aussi et je ne veux pas minimiser à cause de
l'importance de celui-là, les autres amendements à portée
sociale et à portée économique que le Parti
québécois entend montrer sur le projet de loi no 28 je dis
et j'exprime, je pense bien au nom de tous mes collègues du Parti
québécois, l'espoir que ce débat ne tombera pas dans la
pente que vient de lui ouvrir le ministre de l'Education. Si vraiment vous
voulez défendre ce projet de loi-là, si vous voulez encore une
fois le maintenir pour qu'il s'applique en 1975 et en 1976, j'espère que
vous l'expliquerez à la population avec des arguments autres que ceux de
rejeter, de la façon dont vous venez de le faire, ceux qui n'ont pas
cette opinion-là.
M. BOURASSA: M. le Président, je voudrais seulement poser une
question au député. Evidemment, le député a
donné sa propre interprétation de la dévalorisation du
Parlement au cours de ce débat. Quelle que soit son opinion, on doit
quand même dire que, depuis que nous sommes au pouvoir j'aimerais
que l'ancien premier ministre soit ici pour défendre son point de vue,
mais de toute façon, je n'ai pas à parler pour lui quand
nous faisons un effort de valorisation qui est quand même important,
certains nous reprochent d'être trop ouverts aux représentations
qui nous sont faites soit par les différents partis d'Opposition, soit
par tous les groupes qui nous font des représentations. Je crois, quant
à moi, que c'est la raison d'être même des commissions
parlementaires ou du parlement d'être ouverts et d'accepter des
amendements qui soient faits. Je ne crois pas que l'on puisse reprocher au
gouvernement que je dirige de ne pas essayer de valoriser le Parlement ou les
institutions du Parlement, puisque nous sommes toujours ouverts à tous
les amendements ou à toutes les modifications qui sont faites.
Quant au climat dont vient de parler le député de
Saint-Jacques, il a accusé le ministre de l'Education de contribuer
à ce climat qui pourrait être détérioré.
Est-ce que je pourrais lui poser une question sur la propre déclaration
qui a été faite cet après-midi par le chef du parti et qui
dit que le Parti québécois tiendra, ce soir, une réunion
consacrée à l'étude des modes d'action possibles pour
obtenir le rappel du bill 63, notamment par le regroupement de tous les
Québécois favorables à la poursuite de cet objectif? Tout
le monde est d'accord pour adopter le bill 28, est-ce que ça veut dire
que le Parti québécois veut, au cours des prochains jours, partir
toute une série de manifestations dans la province, sur une question
comme celle de la langue?
M. CHARRON: Il faut comprendre ce que le texte dit; le Parti
québécois est membre d'un front commun pour la
démocratisation scolaire de l'île de Montréal qui a
travaillé sur le bill 28. Dans le manifeste de ce front commun, plus
d'une page sur quatre de ce manifeste était consacrée au rappel
nécessaire de la loi 63, selon l'avis de tous les organismes membres du
front commun. Ce sont eux, ce soir, que les représentants du Parti
québécois vont retrouver. Nous avons entrepris une série
d'actions sur le bill 28; nous sommes à faire le point sur ces
actions-là. Puisque l'occasion est donnée, désormais, aux
membres de l'Assemblée nationale de retirer le projet de loi 63, il est
normal que le front commun qui a participé au travail du bill 28 ait
aussi à étudier ce qu'il va faire pour appuyer cette manoeuvre
parlementaire, puisque nos règlements et la lettre même de
certains articles du projet de loi nous permettent de le faire ici en
Chambre.
M. BOURASSA: J'ai l'impression que le député patine
quelque peu, comme cela arrive à plusieurs hommes politiques...
M. CHARRON: Absolument pas.
M. BOURASSA: ... il n'a pas répondu à la question.
M. LAURIN: J'invoque le règlement, M. le
Président. Je ne crois pas que le député de
Saint-Jacques ait patiné. Je peux ajouter quelques renseignements
à l'adresse du premier ministre; notre société est ainsi
faite, qu'elle compte comme institution démocratique, en plus du
Parlement, plusieurs groupes intermédiaires qui, à l'occasion de
n'importe quel projet de loi, choisissent de s'exprimer par des voies
absolument démocratiques, soit par des lettres aux ministres, soit par
des représentations écrites, soit par des mémoires
présentés à des commissions parlementaires, soit par des
assemblées. En somme, il y a beaucoup de moyens démocratiques
dans une société telle que la nôtre pour des
représentants, des groupes ou des individus qui se sentent
intéressés au premier chef par une législation qui se
passe au Québec, de faire entendre leur voix. C'est tout à fait
normal.
Je refuse, je récuse, pour ma part, les insinuations du premier
ministre du Québec qui laisse entendre que nous voulions, que nous
pensons utiliser des moyens non démocratiques. A ce que je sache,
d'ailleurs, M. le Président, même la manifestation...
M. BOURASSA: J'invoque le règlement.
M. LAURIN: ... n'est pas quelque chose qui est antidémocratique,
c'est un droit.
M. BOURASSA: J'ai posé une question, M. le Président, je
peux la poser au chef du parti?
M. LAURIN: J'y ai répondu.
M. BOURASSA: Non, mais j'ai demandé si le Parti
québécois, j'ai posé ma question d'une façon bien
précise...
M. LAURIN: Bon, je n'ai pas terminé ma réponse.
M. BOURASSA: ... voulait le rappel immédiat du bill 63, avant
l'adoption du bill 28 ou concuremment à l'adoption du bill 28.
M. CHARRON: Concurremment puisque c'est un amendement à la
loi.
M. LAURIN: Je n'ai pas encore terminé ma réponse, M. le
Président. Depuis trois ou quatre mois, quand nous posons des questions
au premier ministre en Chambre, il dit souvent: C'est une question
hypothétique ou encore nous allons étudier, nous allons la
soumettre au conseil des ministres, à un comité d'étude.
Je lui dis la même chose aujourd'hui. Ce problème-là, nous
allons le soumettre à un comité d'étude qui en
l'occurrence s'appelle le Front pour la démocratisation scolaire de
l'île de Montréal. Ces gens-là sont des groupes
intermédiaires qui ont sûrement intérêt au maintien
de la vérité et à l'essor culturel des
Québécois. Je pense que nous pouvons leur faire confiance. Ils
prendont les meilleurs moyens pour que leurs vues soient acheminées par
les moyens les plus démocratiques au gouvernement actuel pour qu'il en
tienne compte.
M. BOURASSA: Mais, est-ce que je peux poser une question? Le
député est libre de répondre, évidemment. Est-ce
que le Parti québécois a l'intention, lui, puisqu'il fait partie
du front commun, de proposer toute une série de manifestations publiques
immédiates pour le rappel du bill 63?
M. LAURIN: Ce que nous avons l'intention de proposer, M. le
Président, est ce que nous proposons depuis le début de la
formation du Parti québécois, c'est-à-dire faire le
travail que souvent le gouvernement ne fait pas: un travail d'information
auprès de la population, un travail d'animation, un travail de formation
politique. C'est dans ce sens-là que nous essaierons de sensibiliser la
population à des problèmes qui intéressent encore une fois
son avenir culturel et démocratique au premier chef. Nous ne pouvons pas
préjuger à l'avance des décisions ou de la
stratégie ou des tactiques ou des moyens que nous pourrons prendre ou
que ce front pourra prendre pour que les thèses que nous
défendons et que nous avons parfaitement le droit de défendre,
puissent être reconnues et défendues par le plus grand nombre
possible de gens.
M. BOURASSA: Ce n'est pas toujours clair. M. CHARRON: J'espère,
M. le Président...
M. SAINT-PIERRE: On me permettra peut-être dans les deux tons...
Je pense qu'à la fois, lors des discussions sur les crédits du
ministère de l'Education puis le projet de loi que j'ai défendu,
j'ai tenté d'être très serein. Dans mes propos
d'aujourd'hui, il ne faudrait pas voir que j'ai voulu envenimer le
débat. Mais, je m'élève encore et lorsque vous dites...
Vous avez peut-être un problème réel à l'esprit, je
ne l'ai jamais nié, il faut retrouver mes propos, mais j'espère
simplement qu'en animant et en informant la population, vous ferez preuve de
plus d'intégrité intellectuelle. Là, je
répète mon sens qui est de parler de chiffres indiscutables
lorsqu'il faut rallier ces chiffres-là à des rapports
fragmentaires. Je pense que le député de Saint-Jacques est
parfaitement conscient de ce qui se passe...
Deuxièmement, il faudrait apporter aux gens des motifs plus
sérieux pour le rappel de la loi 63 que de dire que le groupe anglais a
gagné 3,800 élèves et que le groupe français en a
perdu 3,800. Parce qu'il y a mille et un autres facteurs qui ont pu jouer dans
ceci, qui n'ont rien à voir avec la loi 63; si on fait une
extrapolation; je l'ai mentionné en Chambre, en termes de pourcentage,
par des rapports fragmentaires et je n'ai pas l'intention de fausser le jeu de
l'information mais en termes de pourcen-
tage, il y a un pourcentage plus élevé qui a passé
du groupe anglais au groupe français que l'inverse. Ce sont des
résultats qui vous permettent de tirer des chiffres indiscutables.
Indiscutablement, le pourcentage a été plus élevé
en proportion des populations scolaires qui sont passées du groupe
francophone au groupe anglophone.
Moi, tout ce que je vous dis, c'est que ce sont des rapports
fragmentaires; nous poursuivons l'étude; à la mi-janvier nous
aurons des chiffres plus plausibles. Tout ce que nous pouvons dire dans le
moment, c'est qu'il semble que la loi 63 n'a eu aucun effet sur
l'anglicisation, la non-anglicisation des immigrants; elle a simplement
prolongé ce qui se faisait depuis 1945. Elle n'a ni
amélioré la situation, ni accéléré le
processus d'anglicisation des immigrants.
Ceci n'indique pas qu'il n'y a pas un problème. Tout ce que cela
indique et je répète les raisons que j'ai données, c'est
la nécessité, avant d'aborder à la pièce une
politique linguistique, pour être cohérent et logique, de terminer
notre recherche. Cela fait un siècle que nous nous sommes donné
quelques millions pour avoir une commission d'étude qui se penche sur le
problème. Avant même d'avoir une première recommandation,
nous allons commencer à poser des gestes dans les textes de loi,
à gauche et à droite. Est-ce que cela aurait été
logique avant même d'avoir eu une première recommandation de la
commission Parent de dire: On présuppose que c'est telle ou telle chose
qui peut être posée.
M. CHARRON: Mais vous l'avez fait en octobre 1969 quand votre parti a
voté une fragmentation de politique linguistique alors que la commission
Gendron venait d'être formée à peine un an auparavant. Vous
l'avez fait.
M. LEGER: Est-ce que le ministre me permet une question? Quand vous
parlez de jouer avec des chiffres quand vous avez rétabli votre version
des chiffres que l'on vous avait donnés, vous avez parlé d'un
pourcentage supérieur mais vous n'avez pas parlé des chiffres
absolus. Les chiffres absolus montraient quand même 4,000 contre 1,000.
Il est entendu que si vous parlez de pourcentage, la population anglophone
étant moins nombreuse, le pourcentage peut donner la version que vous
donnez. Mais en chiffres absolus, c'est le contraire.
M. SAINT-PIERRE : Mais je suis certain que le député
j'ai trop de respect pour lui, va admettre avec moi le fait que
dans l'ensemble de l'île de Montréal, entre l'année
scolaire 1969-70 et 1968-1969, s'il y a eu une augmentation de la population
francophone de 3,800 élèves et une baisse de la proportion
anglophone de 3,800, ce n'est pas la preuve que tout ceci est la cause du bill
63.
M. LAURIN: Ce qui démontre...
M. SAINT-PIERRE: Il va admettre avec moi que, s'il y a une baisse de la
natalité plus forte du côté francophone, strictement ce
facteur peut expliquer toute la différence qu'on retrouve dans ces deux
chiffres. A mon sens, c'est un peu fausser la situation parce que par hasard on
voit une augmentation et une diminution d'à peu près 3,800 et
3,100 et nous avons un peu l'impression que ce sont 3,800 élèves
qui sont partis d'un groupe et qui sont allés à l'autre. Ce n'est
nullement cela puisque l'on parle ici d'une différence sur la population
totale.
M. LAURIN : Mais, si comme vous dites, cela n'a rien changé, cela
signifie que la loi était inutile.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai demandé la
parole. Tout à l'heure, dans ses observations, le député
de Saint-Jacques je ne ferai pas cette intervention pour le quereller
parlant de la loi 63, déclarait que cela avait contribué
à dévaloriser de façon quasi fatale le parlementarisme.
Voilà une affirmation gratuite d'abord et deuxièmement qui ne
tient compte en rien des faits. La loi 63 a été le second projet
d'une loi qui s'est appelée d'abord la loi 85. Nous avons entendu des
centaines de personnes s'exprimer sur le sujet. Nous avons proposé le
projet de loi à la Chambre et nous avons eu un débat de
près d'un mois. S'il y a eu dévalorisation du parlementarisme,
c'est qu'il s'est trouvé en dehors du Parlement un groupe de gens qui,
avant même d'avoir lu le texte de la loi 63, avant même que d'avoir
entendu les explications qui eussent permis de faire comprendre aux citoyens
quelle était la portée de cette loi, ces gens, dis-je, avaient
déjà mobilisé, non pas nécessairement des groupes
représentatifs, dûment mandatés, démocratiquement
mandatés pour protester, mais avaient tout simplement fait descendre
dans la rue tous les gens qu'ils avaient pu rapailler, si on me permet le mot,
y compris des enfants de neuf à dix ans que l'on avait forcés
à sortir des écoles et à qui on disait: Le Parlement est
en train de voter une loi pour abolir le français. Cela, je l'ai
entendu, je l'ai lu sur les placards, sur les pancartes que l'on brandissait
ici devant le Parlement. S'il y a eu dévalorisation du parlementarisme,
cela ne s'est pas fait en Chambre parce que le débat qui s'est
institué à l'occasion de l'examen de ce projet de loi a
été un débat normal, vigoureux, énergique où
chacun des députés a pu s'exprimer. A preuve, une petite
opposition dite circonstancielle a tenu le Parlement en session pendant un mois
uniquement dans le but de discuter ce projet de loi et d'y apporter des
amendements ou de suggérer à la Chambre que le projet de loi soit
retiré.
Si M. Bertrand qui était premier ministre à ce
moment-là était ici, il pourrait le déclarer: Le
gouvernement de l'époque avait annoncé ses intentions, avait
indiqué le sens et la portée de la loi, les objectifs de la loi,
les raisons pour
lesquelles il présentait cette loi à ce moment-là.
Mais avant même qu'on ne l'entendît, les gens avaient pris fait et
cause parce que l'on avait procédé à un lessivage de
cerveaux. C'est de cette façon, s'il y a eu dévalorisation du
parlementarisme, que cela s'est produit. Le gouvernement qui était alors
en place a pris ses responsabilités et a fait passer un projet de loi
qui a été adopté à la quasi-unanimité de la
Chambre, avec des amendements qui nous ont été
suggérés par les membres de l'Opposition de l'époque.
Je crois que le gouvernement, le Parlement à ce moment-là,
a joué son rôle avec les moyens, les méthodes qui
étaient les siennes et qui sont encore les siennes compte tenu des
changements que nous nous occupons actuellement d'apporter à nos
techniques législatives et à nos techniques administratives. Je
trouverais donc injuste que l'on parle d'une dévalorisation du
parlementarisme quand, à ce moment-là, tous les mécanismes
qui permettaient aux citoyens de se faire entendre avaient été
utilisés. Ce qui s'est passé en dehors du parlement n'avait, au
fait, rien à voir avec la motivation profonde des gestes qu'a
posés le gouvernement à ce moment-là.
Je ne voudrais pas, M. le Président, qu'à l'occasion du
projet de loi no 28, on reprenne un débat d'une optique qui est nouvelle
peut-être, mais que l'on reprenne ce débat et que l'on ranime des
querelles purement émotives qui sont de nature à provoquer une
sorte d'éclatement, d'exaspération des passions. Je
m'inquiète, pour ma part, non pas de l'existence d'un front commun pour
la défense du français; je n'ai aucune sorte d'objection à
ce qu'il existe un tel front commun pour la défense des droits du
français, mais je ne voudrais pas que ce front commun utilise et
je pense bien que ce n'est pas son intention des méthodes
analogues ou identiques à celles dont on s'est servi lorsque nous avons
discuté démocratiquement en Chambre le projet de loi no 63.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. TETLEY: Je crois que le député de Richmond qui
représente un parti a préséance, mais j'espère que
je vais le suivre immédiatement.
M. BROCHU: M. le Président, je pense que l'on peut
souligner...
M. TETLEY: Pas ses idées.
M. BROCHU: Je pourrai revenir et vous resuivre ensuite dans les
vôtres. Je pense qu'il y a quand même un certain cheminement que
l'on peut souligner qui s'est effectué depuis le dépôt en
première lecture de ce fameux projet de loi no 28. Le ministre a
mentionné plus tôt qu'il voulait faire adopter son projet de loi
à tout prix, je le comprends et je comprends son attitude. Je pense que,
sur l'objectif global que le ministère s'est fixé en cette
matière pour la restructuration scolaire de l'île de
Montréal, on ne peut que souhaiter que ce grand objectif de
restructuration qui touche surtout, en premier lieu, l'aspect administratif, se
fasse. Je pense aussi que, dans l'ensemble, les Montréalais sont
d'accord sur cela; nous avons pu le constater à la commission
parlementaire. A présent, nous avons pu aussi souligner et voir
être soulignés différents aspects assez importants du bill.
J'aimerais ici affirmer la position du Ralliement créditiste à ce
sujet-là, car nous avons l'intention bien arrêtée de
déposer certains amendements précis. Le ministre a
mentionné plus tôt qu'il demeurait ouvert... J'espère que
cette intention continuera tout au long de nos travaux, puisque les remarques
que nous entendons faire comme les amendements que nous entendons
déposer se veulent objectifs et constructifs dans le sens d'apporter un
projet de loi qui réponde à une société moderne
québécoise sur l'île de Montréal, dans un contexte
socioculturel du Québec des années 1971.
A présent, nos amendements se situeront plus
spécifiquement peut-être, de façon générale,
sur trois aspects. Premièrement, sur l'aspect linguistique, je pense que
je n'ai pas besoin de brosser un tableau beaucoup plus élaboré
à ce sujet, puisque déjà, lorsque nous avons
évoqué cet argument à la table plus tôt, le
débat s'est ouvert. Je pense et c'est l'opinion de mes
collègues du Ralliement créditiste également
qu'à ce sujet-là, nous n'avons pas d'autre choix que d'exiger
également le retrait du bill 63. J'ai eu l'occasion d'affirmer
publiquement sur les ondes de la radio montréalaise cette semaine, ce
même argument, le retrait du bill 63, puisque le problème
linguistique des Canadiens français ne se réglera pas par
l'unification des structures scolaires et puisque la liberté de choix
laissée aux immigrants quant à la langue d'enseignement demeurera
entière dans le système scolaire unifié
montréalais, tel que proposé à l'heure actuelle par le
bill 28.
Alors, je pense qu'il nous faut aller plus loin. Je ne voudrais pas
être obligé de dire au ministre qu'il est contre le progrès
d'une société moderne, sur un plan linguistique qui n'est pas une
option, mais qui est simplement une réalité à
reconnaître dans les faits. Je pense que le débat qui a
été entamé tout à l'heure à ce
sujet-là a été suffisamment précis, même dans
sa brièveté, pour démontrer que la situation actuelle sur
l'île de Montréal, en ce qui concerne le bill 28, est suffisamment
claire à ce point de vue pour remodifier ce qui avait été
apporté dans une intention "louable" comme on l'a souligné tout
à l'heure.
Nous insistons sur cet aspect et nous entendons aussi animer le
débat de notre participation, sur l'aspect linguistique.
Deuxièmement, d'autres amendements que nous avons...
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, si vous me permettez...
Quelle est votre position exactement? Vous dites "le rappel du projet de
loi 63", est-ce que vous êtes favorable à l'existence
d'écoles anglaises? Est-ce que ce seraient les immigrants qui seraient
obligés d'aller à l'école française? Quelle est
votre position exactement?
M. BROCHU: C'est relativement aux immigrants: en venant au
Québec, qu'ils soient d'abord informés et qu'ils soient tenus de
se conformer à la langue de la majorité.
M. SAINT-PIERRE: Alors, le type de l'Ontario qui est muté au
Québec, c'est la position du Ralliement créditiste qu'il soit
obligé, forcé...
M. BROCHU: Je pense qu'à ce moment-ci, on discute du principe
global. Si vous entrez...
M. TETLEY: C'est très important.
M. BROCHU: ...dans une distinction et vous me dites, M. le ministre, que
votre beau-frère qui reste à Saint-Anselme...
M. SAINT-PIERRE: Je n'ai pas de beau-frère à
Saint-Anselme, mais il y a des immigrants qui arrivent ici de l'Ontario...
M. BROCHU:...qui est de langue anglaise, qui demeurait à deux
milles de l'autre côté de la frontière, qu'est-ce qu'on va
faire avec lui? Je pense que ce serait glisser sur un autre plan du
débat. Je vous parle ici du principe, et je fais simplement la
déclaration à ce sujet-là, au niveau de mon parti. Nous
aurons l'occasion de rediscuter des points précis, lorsque justement les
amendements seront déposés. Certains viendront du Parti
québécois, d'autres viendront de notre côté. A ce
moment-là, je pense qu'on pourra faire les nuances qui s'imposent, parce
que certaines nuances sont nécessaires. Je comprends votre intervention
dans ce sens-là.
A présent, un deuxième palier d'amendements.
M. SAINT-PIERRE: J'ai l'impression que vous êtes comme la FTQ,
vous demandez l'unilinguisme français sur du papier bilingue.
UNE VOIX: C'est très clair, M. le ministre.
M. BROCHU: Nous voulons faire plus que des déclarations
d'intention d'amendements, nous voulons apporter des amendements précis
et je pense qu'à ce sujet-là, on a intérêt
peut-être à le faire dans l'avenir, si le ministre veut entamer le
débat à ce sujet-là. Parce qu'il se rappellera qu'en
deuxième lecture on a quand même fait un discours sur des
intentions d'amendements, à certains moments. Ce qui est peut-être
un peu anormal.
Un deuxième plan sur lequel nous avons l'intention d'apporter
certains amendements aussi, c'est que nous voulons certaines garanties du
côté de la confessionnalité, entendue ici dans son sens
exact et, dans un troisième palier, au niveau de la
représentativité proportionnelle.
M. le Président, c'étaient, pour le moment, les
observations que j'avais à faire à ce sujet. Nous aurons
l'occasion d'en rediscuter article par article lorsque nous arriverons à
ce stade de nos travaux. Je tiens à souligner que nous avons l'intention
de tenir à ces amendements et aussi d'essayer d'apporter notre
contribution la plus positive possible au travail de la commission
parlementaire.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. TETLEY: Merci, M. le Président. Le député de
Chicoutimi a demandé le rappel du bill 63 dans un avenir peut-être
rapproché, dans un certain avenir qui n'est pas fixé.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai demandé au gouvernement de
préparer une loi comportant tout ça dans une période de
temps de six à huit mois au maximum, avant que ne soient mises en place
les structures, les premières structures.
M. TETLEY: Merci de votre précision. Le député de
Saint-Jacques a demandé le rappel du bill 63 immédiatement, si je
comprends bien son intervention. Le député de Richmond a
demandé le rappel du bill 63 sans donner de délai. M. le
Président, je me demande très sincèrement si le bill 63 et
toutes ses implications ont eu un essai véritable et loyal
j'emploie les termes du député de Chicoutimi lorsqu'il a dit "un
essai loyal". Est-ce qu'il y a eu un véritable essai, à ce
jour? Je vais soulever quatre faits que je connais comme député
de Montréal et comme citoyen de Montréal depuis ma naissance,
comme résidant de Montréal, comme protestant anglophone.
Je pense que ces faits concernent les anglophones protestants et aussi,
je crois, les anglophones catholiques.
Tout d'abord, est-ce qu'il y a véritablement suffisamment
d'écoles? A mon avis, il n'y avait pas d'attrait pour les anglophones
à passer au système francophone, parce que, pour une
première raison, il n'y avait pas suffisamment d'écoles, ce que
nous allons régler par le bill 28. Je vous donne mon propre exemple en
tant que père de famille; on a refusé mes deux enfants dans les
écoles françaises et il y a beaucoup d'autres exemples.
Deuxièmement, est-ce qu'il y avait de la part de la commission
scolaire, la CECM de Montréal, une véritable politique d'accueil
anx anglophones? Je crois que non. Je crois que la
présidente de la CECM lors de son témoignage, a admis
qu'il n'y avait pas d'accueil. Ils n'avaient pas les moyens d'accueillir les
anglophones.
Troisièmement, est-ce qu'il y avait véritablement de la
publicité? M. le Président, je note qu'il n'y avait pas de
publicité. Un de mes enfants, qui était en septième
année du cours primaire, voulait trouver une école
française, en première année du secondaire. Même si
elle avait des notes élevées, il n'y avait pas moyen de trouver
une école française et il n'y avait même pas de
publicité pour inciter les anglophones à fréquenter une
école française, de plus, la commission scolaire catholique ou
même protestante n'a pu fournir les informations nécessaires.
D'ailleurs, aucun accueil n'a été fait à ma fille. En
conséquence, elle prend trois et parfois quatre autobus pour se rendre
à mes frais à une école française privée. Je
ne le regrette pas. Comme ministre, j'ai un salaire assez élevé
pour payer cela, mais il y a des gens qui n'ont pas mon salaire et qui ne sont
pas capables de trouver une école pour leurs enfants.
Quatrièmement, est-ce qu'il y a un attrait, si un protestant doit
payer $900 ou $965 afin d'aller d'une école protestante à une
école française catholique à Montréal? Quelle est
la situation, à l'heure actuelle, M. le Président? Un de mes
amis, qui est assez riche, paie à peu près $600 ou $700 de taxes
scolaires et de plus son enfant a été accepté dans une
école française de la Commission des écoles catholiques de
Montréal. Il paie, je crois, $965 par année pour ce
privilège. Messieurs, je crois que c'est un droit d'apprendre le
français ou d'élever ses enfants en français, mais il doit
payer pour ce droit.
Comment peut-on dire qu'il y eu un essai véritable, un essai
loyal en vertu de ces quatre conditions? De plus, le ministre a noté
qu'il n'y avait pas de chiffres véritables à notre disposition.
Nous attendons les chiffres de la Commission des écoles catholiques de
Montréal, nous attendons les chiffres du Protestant School Board of
Greater Montreal, nous n'avons pas les chiffres. J'ai cependant quelques
chiffres du Montreal Star publiés dans un article daté du 4
décembre 1971. On y note déjà 1,114 étudiants en
septième année en français et 1,108 enfants en maternelle,
première année, deuxième année et troisième
année. Cela fait 2,222 anglophones au primaire, dans des classes
complètement françaises, d'immersion totale mais nous n'avons pas
les chiffres pour le secondaire. J'ai au moins un enfant au secondaire dans une
classe complètement française, et en face de ces chiffres, nous
en avons 3,800 de l'autre côté. Je crois que le bill est un
succès, parce que je pense qu'il en passe plus aux écoles
francophones que dans la direction inverse.
Je crois que l'argument principal des trois députés que
j'ai mentionnés est peut-être faible, et je le dis avec le plus
grand respect. Je cite un article du Devoir du 22 avril où on avait
parlé du problème, à mon avis, pour la première
fois. On parlait de certains chiffres et l'article stipule ou déclare,
je cite: "Ce sont des Canadiens français qui s'anglicisent et les
francophones sont aux écoles anglophones." Je me demande si ces
enfants-là perdent leur culture et leur langue, je me demande si mes
enfants perdent leur culture et leur langue. Ils ajoutent à leur culture
en apprenant une deuxième langue. Les trois enfants du
député de Westmount se trouvent dans des écoles
françaises. Est-ce qu'ils perdent leur culture? J'ai posé cette
question cet après-midi au député de Westmount. Au
contraire, à son avis. C'est à mon avis la faiblesse de
l'argument. Je crois que le fait de posséder deux langues, d'être
élevé dans une langue autre que sa langue maternelle ajoute
à sa propre culture.
M. le Président, je sais que c'est un problème difficile.
Je comprends très bien les soucis de mes collègues de langue
française des deux côtés de la table. Mais je crois
véritablement qu'il n'y a pas eu un réel essai du bill 63.
Merci.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député d'Ahuntsic.
M. LEGER: J'avais demandé la parole avant même que le
député soit prêt.
M. LE PRESIDENT: Vous venez après lui. La parole est au
député d'Ahuntsic. Alors vous revenez sur votre parole.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Ecoutez, M. le Président, vous êtes
souverain. Je m'exécute. Si je désire ajouter quelques mots,
c'est que j'ai été mêlé à certaines des
décisions qui ont été prises jusqu'ici en matière
linguistique. Tout d'abord, je voudrais souligner que je trouve parfaitement
légitimes les préoccupations qui sont manifestées par les
partis de l'Opposition. En fait, elles sont partagées par le
gouvernement. Personne ne niera la nécessité de renforcer le fait
français au Québec. Là où il y a divergence, c'est
dans les modalités à adopter et également dans le moment
à choisir. Il me semble que si, au cours de ce débat en
commission, on laisse dévier les différents commentaires qui
seront faits vers la question linguistique, on risque de s'éloigner du
sujet qui doit nous concerner. Le ministre de l'Education l'a souligné
à plusieurs reprises, il s'agit avant tout, avec le bill 28, d'un acte
administratif qui vise à réorganiser le secteur de
l'éducation sur l'île de Montréal. Le gouvernement n'a
certainement pas l'intention d'esquiver le débat linguistique.
Cependant, il serait tout à fait prématuré, avec la masse
d'information que nous avons actuellement, avec le fait que nous attendons
encore certains résultats d'une commission dont on peut penser ce que
l'on veut mais qui a tout de même été créée
pour présenter des rapports précis, de vouloir s'engager dans ce
type d'ac-
tions. Malgré tout, le gouvernement n'est pas resté
inactif. Je n'ai pas l'intention de faire, ici, le bilan des diverses mesures
qui ont été prises. Très récemment, l'Office de la
langue française s'est donné, pour la première fois, un
instrument qui lui permet de travailler sur le plan pratique. Je ne vois pas,
pour ma part, comment il serait possible de décider de but en blanc que
nous allons rappeler de législations majeures, même si certains
ont raison de ne pas en être parfaitement satisfaits.
Pour ma part, je ne vois pas comment il serait possible de
décider que nous allons légiférer alors que nous n'avons
pas tous les éléments nécessaires à notre
disposition. Je ne vois pas, non plus pourquoi il ne serait pas possible de
s'attacher uniquement à la législation qui nous est
proposée et de choisir un moment...
M. CARDINAL: Est-ce que le ministre me permettrait une brève
interruption?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Oui.
M. CARDINAL: Ce n'est pas dans le but de rétablir les faits, je
connais l'honnêteté intellectuelle du ministre, mais il a
mêlé les trois Oppositions. La position de mon collègue de
Chicoutimi et la mienne n'ont pas été de demander
immédiatement le rappel du projet de loi no 63, mais de dire: Attendez
le rapport de la commission Gendron, et avant que ne soient
définitivement implantées les nouvelles structures,
établissez positivement une politique globale de la langue.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): C'est exact, je l'ai bien noté. Mais,
là encore, convient-il de dissocier les deux problèmes? Et
ça, c'est l'opinion du gouvernement actuel. Nous pensons et nous
sommes loin d'être les seuls à le penser qu'en
établissant ces nouvelles structures, nous rationalisions un secteur qui
en a besoin. Nous pensons également, par ailleurs, qu'il faudra
certainement s'attaquer au problème de la langue, et je soulignais le
fait que nous n'avons pas été inactifs jusqu'ici.
Par conséquent, cette précision étant
donnée, je suggérerais à tous ceux qui sont à cette
table de donner leur attention au problème précis et de mettre de
côté, pour le moment, ce qui reste fondamental, j'en conviens,
mais ce qui n'a pas à être traité en ce moment, sauf si on
veut en faire de l'électoralisme ou si l'on veut en faire de la
démagogie. Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: La parole est au...
M. BROCHU: Est-ce que le ministre me permettrait une question?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Oui, bien sûr. M. BROCHU: Il y a quelques
petites choses qui chous chicotent. Sans qu'on déplace la question de
tout le problème linguistique au niveau du bill 28, le gouvernement est
quand même en posture de prendre certaines décisions et il ne doit
pas tout simplement attendre que le rapport Gendron soit sorti, et penser que
là, ce sera la lumière et que tout pourra se décider
à partir de ce moment-là. Il y a quand même la
décision finale. J'aimerais savoir de la bouche du ministre si, au
moins, le gouvernement, présentement, a dans son programme, dans les
études ou les recherches qu'il peut faire, certaines bribes de politique
globale en matière linguistique, de sorte qu'il puisse les
considérer à l'intérieur du projet de loi no 28, tel qu'on
le fait à l'heure actuelle, et non pas faire une scission entre leprojet
de loi no 28 et tout ce qui s'appelle question linguistique, puisqu'il y a des
implications â ce niveau-là.
M. SAINT-PIERRE: La réponse a déjà
été donnée. Le gouvernement presse la commission Gendron
de nous donner son rapport. Le ministre des Affaires culturelles, à
maintes reprises, l'a dit en Chambre.
M. BROCHU: Mais vous devriez quand même avoir une certaine
idée, même embryonnaire, d'une certaine politique en
matière linguistique.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Bien sûr, mais elle ne s'applique pas dans
le cadre de cette loi-là, et je vous ai donné quelques exemples
de mesures qui ont été prises et qui sont des mesures pratiques.
Précisément parce que je ne crois pas qu'un débat
s'impose, je ne crois même pas qu'un débat soit justifié,
je ne veux pas, élaborer trop longuement mais je peux vous affirmer
qu'actuellement, le gouvernement, le voudrait-il, n'est pas en mesure d'arriver
avec une politique plus complète que celle qui a déjà
été exposée.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, je voudrais quand même relever
certaines affirmations qui ont été faites par trois
députés en cette Chambre. Premièrement, concernant ce que
le député d'Ahuntsic et ministre des Affaires culturelles vient
d'affirmer, je n'accepte pas que le ministre dise que nous voulons, par
intention électorale ou par électoralisme, sortir les
problèmes que nous cause actuellement le bill 63. S'il y a tellement de
gens qui ont été sensibilisés depuis l'adoption de ce bill
en 1969, c'est qu'il est demeuré une tache à l'intérieur
du Québec, ce bill 63, et c'est une volonté de vivre qui
s'exprime, celle de toute une communauté qui se sent menacée et
qui en désire le rappel, quand on voit continuellement, tous les jours,
dans les journaux, à la télévision, à la radio, des
gens qui posent la question: Quand allez-vous rappeler le bill 63?
Tantôt le ministre disait qu'il était conscient du
problème français au Québec, qu'il voulait renforcer le
fait français, et que la seule chose qui le différencie des
partis d'Opposition était la question des moyens et du temps de le
faire. Moi, je dis que la différence qu'il y a entre les deux, ce sont
ceux qui en parlent et ceux qui veulent agir. C'est la différence entre
les faits et les moyens.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): C'est la différence entre le Parti
québécois et le gouvernement !
M. LEGER: M. le Président, j'ai la parole. Je vous ai
parfaitement écouté et je pense que je pourrais continuer. Le
député de Notre-Dame-de-Grâce affirmait tantôt que
parler, posséder une deuxième langue, c'était ajouter
à sa culture. Je suis bien d'accord, c'est une déclaration de
principe à laquelle je souscris.
Mais une déclaration de principe doit s'insérer dans un
contexte. Or, dans le contexte québécois, ajouter la langue
anglaise n'est pas uniquement et n'est pas nécessairement ajouter
à la culture, parce que cette affirmation ne tient pas compte du
contexte dans lequel le Québec vit, dans lequel il y a des pressions
économiques, des pressions sociales qui font que la langue anglaise
devient plus nécessaire que la langue française. La seule
façon de régler ce problème, c'est de
légiférer dans ce domaine-là au plus tôt et de ne
pas laisser une population, par des lois qui n'auraient pas été
faites, aux prises avec des pressions économiques qui vont à
l'encontre de la langue française.
C'est tellement vrai que le ministre nous soumet une coupure de journal
qui dit: "French immersion starts to work well at grade seven". C'est
exactement le contraire de ce que le ministre veut prouver qui ressort de cet
article-là. A un moment donné, on dit qu'on a essayé
d'inclure le français en deuxième année dans une
école et qu'on a introduit le français à la
septième année dans une autre école. On s'est
aperçu que le fait d'avoir introduit l'anglais en deuxième
année avait eu comme conséquence, d'après les mots de
l'article: "The fact that the absence of formal training in English in the
first three years of a French immersion course, the students may have fallen
behind in their acquisition of English skills to the point at which they might
experience some difficulty in coping with grade four requirements of regular
English with French as second language program". Ce qui veut dire que les
Québécois ont le problème inverse. Quand on intègre
l'anglais trop rapidement chez les Canadiens français, ceci leur nuit
dans leur progrès dans leur propre langue.
Je voudrais répondre à une déclaration du
député de Chicoutimi tantôt. Il a probablement raison de
dire qu'il y avait dans la population, lors du débat sur le bill 63, des
gens qui se sont élevés en nombre et que certains avaient
été jusqu'à affirmer qu'ils étaient pour perdre la
langue française. C'est probablement vrai qu'il y en a qui ont dit
ça. Il faudrait expliquer pourquoi c'est allé jusque là.
Quand on se reporte à 1969, lors de l'adoption du bill 63, pendant le
débat, le titre même de cette loi était: Loi pour
promouvoir la langue française. Or, comme la plupart des gens au
Québec ne sont pas familiers avec les textes de loi, ils auraient cru
que c'était une loi favorable à ça. Mais la population a
été sensibilisée, à ce moment-là, du fait
qu'il y avait dans la loi des articles qui étaient pour améliorer
le français au Québec mais qu'il y avait un article
précisément qui laissait la liberté à des individus
à des personnes de déterminer eux-mêmes le
choix de la langue d'enseignement pour leurs enfants. Or, ceci venait à
l'encontre des intérêts d'une collectivité. Si on tient
compte aussi du fait des pressions...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si vous le permettez. J'aurais une toute
petite question.
M. LEGER: J'achève, M. le député. Ceci arriverait
à rencontre des pressions économiques qui mettaient en danger
cette langue française du fait qu'on légiférait en plus
pour la langue en danger.
Je pense que c'était peut-être une affirmation très
forte de certains citoyens qui disaient que le français allait
être perdu au Québec mais c'était peut-être une
condition lointaine à un projet de loi immédiat.
Je termine. Après ça vous prendrez la parole, M. le
député de Chicoutimi...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai simplement une petite question.
M. LEGER: Allez-y.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est simplement pour rappeler un fait. Est-ce
que le député de Lafontaine, qui n'était pas ici à
ce moment-là, sait que les manifestations ont commencé... Il a
dit qu'on a intitulé ça: Loi pour promouvoir la langue
française. Est-ce qu'il sait que les manifestations de rue ont
commencé avant même que le projet de loi ne soit
déposé et qu'on en connaisse le titre?
M. LEGER: Ecoutez, cela ne veut pas dire que c'est dans ce
temps-là que les affirmations ont été faites. Vous ne
pouvez pas le prouver, moi non plus. Je voudrais quand même amener une
dernière question. Cela me fait de la peine que le premier ministre ne
soit pas présent. Tantôt, il semblait dire qu'il ne pouvait pas
tellement trouver de solution avant que le rapport Gendron soit
présenté. Je voudrais poser une question au ministre à la
place du premier ministre. Si le rapport Gendron
hypothétiquement, on n'est pas en période de questions pour dire
que c'est une question hypothétique concluait que la langue
française était en danger au Québec, non seulement en
danger mais dans une situation peut-être catastrophique à
long terme, est-ce que le gouvernement serait prêt à rappeler
à ce moment-là la loi 63?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, il faudrait vraiment
être irresponsable pour répondre à une question comme
celle-ci.
M. LEGER: Alors, ne prenez pas la parole.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): On se trouve en pleine hypothèse. Il est
impossible de préjuger des conclusions de ce rapport. D'ailleurs, tout
ce que je pourrais dire, c'est que le gouvernement prendra certainement ses
responsabilités comme il les a déjà prises en tenant
compte du contexte et en tenant compte de toutes les nécessités
qui s'imposent.
La question que je voulais vous poser, M. le Président, c'est que
je sais que nos débats ont une latitude considérable mais je ne
vois toujours pas la relation entre le projet de loi no 28 et la discussion
actuelle.
M. LEGER: M. le Président, je pense que le député
n'était pas présent...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre n'était pas ici au moment
où nous avons commencé ces séances. C'est le ministre de
l'Education lui-même qui a répondu à certaines affirmations
qui avaient été faites en dehors de la Chambre et c'est ça
qui a provoqué cet examen général du problème qui
est, ce qu'on pourrait appeler en termes d'opéra, un lever de
rideau.
M. SAINT-PIERRE: Peut-être qu'on peut suggérer de reprendre
article par article? On connaît une pierre d'achoppement et là on
discutera à fond la question de l'administration.
M. LEGER: D'accord. J'avais une dernière question parce que la
première présupposait une réponse du gouvernement que je
n'ai eue que partiellement. Etant donné que la commission Gendron a
été créée en décembre 1968, ça veut
donc dire que cette commission a travaillé durant trois ans avec comme
mandat d'établir la situation de la langue au Québec.
M. CARDINAL: ... décembre 1969. M. LEGER: 1968.
M. CHARRON: La commission Gendron, 1968.
M. LEGER: Décembre 1968.
M. CHARRON: ... le 9 décembre 1968.
M. LEGER: C'est ça.
M. CARDINAL: D'accord, oui.
M. LEGER: Est-ce qu'il ne serait pas normal qu'on demande,
premièrement, à l'occasion du débat qui se soulève
actuellement et que le gouvernement ne peut pas éviter, que cette
commission, après trois ans de travail, présente dans un
délai très court un rapport préliminaire qui permettrait
d'orienter toutes les discussions, et, deuxièmement, est-ce que la
commission Gendron n'a pas justement actuellement un rapport
préliminaire qu'elle pourrait présenter?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, malheureusement
et je le déplore la commission Gendron n'est pas en position de
nous présenter un rapport. Je vous rappelle que lorsque le gouvernement
actuel a pris le pouvoir, il a révisé le mandat de la commission
Gendron, il l'a restreint et il lui a imposé un échéancier
beaucoup plus court. Pourquoi? Précisément parce qu'il
était conscient de la nécessité d'intervenir dans le
domaine linguistique. Malheureusement, cet échéancier n'a pu
être respecté. Et le rapport que nous attendions en septembre ou
en octobre n'a pas été présenté. Ce n'est
absolument pas la faute du gouvernement et je crois que, pour ma part, j'ai
nettement laissé entendre au cours de plusieurs entrevues que nous
n'étions pas satisfait de cela bien qu'on ne puisse en blâmer la
commission. Le président nous a informés qu'il attendait les
résultats de certains projets de recherches.
Il se trouve que la commission Gendron a demandé une prolongation
de huit mois. Il y avait une décision à prendre à ce
moment-là, soit mettre fin aux travaux de cette commission, soit
accepter la prolongation. Mettre fin aux travaux de cette commission,
c'était renoncer à un investissement de près de $2
millions et c'est également renoncer aux données
accumulées depuis sa fondation., Prolonger, c'était
indiscutablement se créer un problème un peu plus complexe dans
le domaine linguistique puisqu'il n'est absolument pas possible d'en arriver
à des solutions plus globales que celles qui ont été
apportées jusqu'ici sans avoir une vue d'ensemble de la situation.
Là encore ce serait faire preuve d'irresponsabilité que d'agir
autrement.
La commission Gendron s'est engagée à présenter un
premier rapport en mars ou en avril sur le français langue de travail;
un deuxième rapport sur l'intégration des immigrants en juin ou
en juillet; un troisième rapport sur l'atmosphère
française au Québec, l'affichage, l'étiquetage, à
l'automne 1972 et, enfin, un dernier rapport sur les droits linguistiques
à la fin de l'année. Je ne dis pas qu'il sera nécessaire
d'attendre le dernier rapport avant d'agir mais encore faut-il que le premier
soit déposé. Et ceci n'a cependant pas empêché le
gouvernement de prendre certaines dispositions. L'exemple de la loi 64 est
très convaincant à cet égard. Théoriquement il
aurait mieux valu attendre d'avoir tous les résultats de cette vaste
enquête
avant d'agir mais le gouvernement était tellement conscient de la
nécessité d'apporter quelque chose de pratique qu'il a tout de
même, dans des domaines circonscrits, voulu se manifester.
Il en va de même pour le programme "français, langue de
travail" de l'Office de la langue française. En principe, la commission
Gendron devrait nous fournir des modèles d'action. J'espérais, en
tant que ministre responsable de cette office, que ces modèles d'action
nous arriveraient en septembre ou en octobre. Malheureusement, le rapport n'a
pas pu être déposé pour les raisons que je vous ai
exposées.
Qu'est-ce que le gouvernement a fait? Il a quand même voulu
créer un groupe de travail qui actuellement intervient sur le plan
pratique dans un certain nombre d'entreprises. Il a dû inventer ses
propres techniques, techniques qu'il révisera en cours de route. Ce
n'est pas l'idéal mais ceci manifeste une volonté claire et nette
de vouloir agir.
M. LEGER: Est-ce que le ministre pourrait me poser une question? Je vais
répondre bien...
M. LAURIN: ...circonscrit de l'école. Si vous avez agi deux fois
dans des domaines circonscrits, pourquoi n'agiriez-vous pas dans un autre
domaine circonscrit?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Parce que ce n'est pas un autre domaine
circonscrit. Si vous me disiez, par exemple, qu'il convient d'agir dans le
domaine de l'affichage, je vous dirai qu'en effet il s'agit d'un domaine
circonscrit. Pourquoi n'agissons-nous pas maintenant? Pour une seule raison.
C'est qu'il y a des implications économiques considérables et il
faut tout de même des études préliminaires. Vous n'allez
quand même pas bouleverser toute l'économie d'une
région!
M. CHARRON: Pourquoi avez-vous agi en octobre 1969 alors que la
commission Gendron ne fonctionnait que depuis un an? Pourquoi votre parti
je ne dis pas vous, vous n'étiez pas là a-t-il
accepté d'agir dans le domaine non circonscrit de l'école en
octobre 1969 en votant en faveur de la loi qui légalisait un statu quo
en plus de légaliser celui du statut des immigrants? Pourquoi avez-vous
accepté à ce moment-là de poser ce geste qui avait pour
effet de créer la loi 63 et pourquoi vous refuseriez-vous maintenant
à la retirer toujours en attendant les résultats du rapport
Gendron, la politique linguistique que vous pourrez édifier? Pourquoi,
avant même que le rapport Gendron ne figure dans la liste des documents
que la Chambre pourrait étudier, maintenir cette entrave-là
à toutes les décisions qui pourraient venir par la suite?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Avant de répondre à cette
question...
M. CHARRON: Pourquoi avez-vous agi en octobre 1969?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Avant de répondre à cette
question, je voudrais préciser, pour compléter ma réponse
touchant le rapport Gendron, qu'il est prévu que, si la commission ne se
sent pas capable de nous fournir les rapports, il n'y aura pas d'autres
délais et tous les documents devront être remis le 31
décembre 1972. A ce moment-là, le gouvernement prendra ses
responsabilités même s'il n'a que des résultats
parcellaires. Il aura sans doute à envisager une autre formule.
M. LEGER: Est-ce que le ministre peut me permettre,
précisément, parce que vous n'avez pas répondu à ma
question?
M. CHARRON: Si mon collègue me le permet, le ministre n'a pas
répondu à ma question, j'aimerais bien qu'il y
réponde.
M. LEGER: Il n'a pas répondu à la mienne non plus.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Votre question est formulée de telle
façon que vous semblez être d'accord avec moi lorsque je dis qu'il
ne s'agit pas là de mesures circonscrites. Il s'agit
véritablement de mesures globales. Par conséquent, vous
êtes en contradiction directe avec votre collègue, le
député de Lafontaine.
M. CHARRON: Non, non. M. LEGER: C'est circonscrit.
M. CHARRON: J'ai dit comme mon collègue... Un instant, M. le
Président. Je crois, comme mon collègue, que l'école est
un domaine circonscrit, mais...
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Alors, je retiens cela. Vous dites donc que
l'école est un domaine circonscrit.
M. CHARRON: Est un domaine où l'on peut agir. Vous dites non,
alors...
M. CLOUTIER (Ahuntsic): C'est un domaine circonscrit ou un domaine
où l'on peut agir?
M. CHARRON: Un domaine circonscrit, comme l'affichage, où il est
permis d'agir. J'ai dit: Il est permis d'agir dans le domaine de
l'école...
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Vous vous rendez compte du bouleversement?
M. CHARRON: Laissez-moi terminer ma question. Je vais vous l'expliquer
pour que cette fois, vous y répondiez. Vous dites: Non, ce
n'est pas un domaine circonscrit. Donc, il faut attendre une politique
linguistique globale. Mais je dis: Pourtant, ce n'était pas non plus un
domaine circonscrit en octobre 1969. Votre parti a accepté d'agir dans
ce domaine en votant la loi 63. Est-ce que c'était circonscrit en 1969?
Donc, cela vous permettait d'agir et ce ne l'est plus maintenant?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Je pense à la période
présente. C'est un fait que la commission Gendron a été
créée après que la loi 63...
M. CHARRON: Non, le 9 décembre 1968.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Peu de temps avant.
M. CHARRON: Le 9 décembre 1968. Et je vous citerai au cours du
débat l'intervention du jeune député de Mercier, candidat
à la chefferie du parti libéral à ce moment-là, qui
blâmait le gouvernement de ne pas attendre la commission Gendron pour
légiférer en matière linguistique sur le bill 63, qui
blâmait le gouvernement, pardon, d'hésiter en matière
linguistique... Je m'excuse, je me suis mal expliqué. Il blâmait
le gouvernement de l'Union Nationale de l'époque de se rabattre sur la
commission Gendron pour ne pas faire une politique linguistique plus vaste que
ne le faisait le projet de loi 63.
Il argumentait avec le ministre des Affaires culturelles de
l'époque j'ai relu tous les débats et avec le
premier ministre, l'actuel député de Missisquoi et disait: Le
gouvernement se camoufle derrière sa fameuse commission Gendron qu'il a
créée il y a un an pour ne pas amener une politique linguistique.
Le leader parlementaire de l'époque...
M. CLOUTIER (Ahuntsic): C'était peut-être vrai à ce
moment-là...
M. CHARRON: ... le député de Chambly...
M. CLOUTIER (Ahuntsic): ... mais ça ne l'est certainement
pas...
M. CHARRON: ... le leader parlementaire de l'époque du Parti
libéral avait présenté en deuxième lecture une
motion pour retarder l'étude du projet de loi. Je me rappelle du
libellé même de la motion parce qu'elle ne contient pas de
politique linguistique globale et qu'elle ne s'attaque qu'au domaine scolaire.
Or, on se foutait éperdument de la commission Gendron dans le Parti
libéral à ce moment-là; on blâmait le gouvernement
de l'Union Nationale de se camoufler derrière cette commission parce
que, disait-il, nous, dans le Parti libéral depuis 1966 notre programme
linguistique est clair; le chef du Parti libéral à
l'époque, M. Jean Lesage, disait: Le congrès des 4, 5 et 6
octobre 1968 qui m'a confirmé dans ma chefferie à l'Hôtel
Reine-Elisabeth a aussi réexpliqué la fermeté du
Parti libéral sur les questions linguistiques et nous n'avons pas
besoin, nous, d'une commission Gendron qui va remettre son rapport à des
calendes grecques et qui va demander des délais et des délais
pour prononcer immédiatement ce que nous pouvons faire. Il blâmait
le gouvernement de l'Union Nationale de se camoufler derrière cet
argument. Aujourd'hui, ce parti est devenu le gouvernement et se camoufle deux
fois plus.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Oh! pardon. La preuve que le Parti
libéral ne se camoufle pas derrière la commission Gendron, je
vous l'ai donnée tout à l'heure. Je vous l'ai donnée d'une
façon péremptoire; je vous ai bel et bien dit que nous avons
raccourci l'échéancier de cette commission pour éviter
qu'elle puisse servir de paravent. Je vous ai également dit que, devant
l'incapacité de la commission de présenter un rapport tel que
prévu, le gouvernement a manifesté son désaccord.
Cependant, il y avait là une décision à prendre. Il
fallait savoir si on renonçait à l'acquis ou si on acceptait de
prolonger. Malgré tout cela le gouvernement a agi. Le gouvernement n'a
certainement pas l'intention d'esquiver un débat linguistique, mais il
souhaite que ce débat linguistique se situe à un moment qui
convienne et il souhaite qu'on ne mélange pas tous les
problèmes.
Qu'avons-nous à discuter aujourd'hui? Nous avons à
discuter un projet de loi qui vise à réorganiser le
système scolaire sur l'île de Montréal.
M. LEGER: Est-ce que le ministre pourrait répondre à la
question que j'ai posée tantôt. Je vais la reformuler d'une
façon plus précise.
M. CHARRON: Nous aurons l'occasion d'y revenir...
M. LEGER: C'est ceci: Je vous ai demandé tantôt et
je pose une question bien précise, je vous demande de faire attention
à ce que vous allez me répondre est-ce qu'il est vrai que
la commission Gendron n'est pas en mesure de présenter un rapport
préliminaire actuellement?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Je crois que la commission Gendron je
n'ai pas vu le président depuis quelques semaines n'est pas en
mesure de présenter un rapport préliminaire maintenant. Si elle
l'avait été, elle l'aurait présenté devant nos
demandes incessantes.
M. LEGER: Alors vous allez entendre parler de nous autres bientôt,
M. le ministre.
M. SAINT-PIERRE: C'est une réponse claire. Vos questions sont
mêlées mais il me semble que les réponses sont claires.
M. LEGER: C'était très clair.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que je peux poser une question au
ministre des Affaires culturelles?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Oui, bien sûr!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que la commission Gendron et le
ministre là doit bien peser sa réponse avant de me
répondre parce qu'il sait que le député de Chicoutimi est
toujours bien informé...
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Par des méthodes souvent curieuses.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... a commencé la rédaction de
son rapport préliminaire?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Je l'ignore, M. le Président.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est dommage!
M. TETLEY: Est-ce que le député de Chicoutimi est membre
de la commission Gendron?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je n'ai pas cet honneur.
M. SAINT-PIERRE: ... d'esprit et d'injustice que, d'après le
député de Saint-Jacques, qui date, d'après vous, depuis la
loi 63. J'ai à l'esprit et à coeur les injustices qui datent d'un
siècle et je pense qu'on partage nos objectifs.
M. LAURIN: Comment se fait-il, M. le ministre, que votre gouvernement
reprend maintenant à son compte les mêmes arguments qu'il
reprochait au gouvernement du temps qui les utilisait à ce
moment-là?
M. SAINT-PIERRE: Je pense que la réponse a été
donnée à maintes et maintes reprises. Je pense qu'il y a une
question de temps...
M. LAURIN: Est-ce parce qu'on est au gouvernement qu'on utilise des
expédients comme ça?
M. SAINT-PIERRE: Non, je pense que, dans tous les secteurs, on ne tente
pas de remettre aux calendes grecques...
M. LAURIN: Est-ce que c'est la...
M. SAINT-PIERRE: Un instant, vous posez une question. Je pense que,
comme gouvernement, on examine tout le bilan sur le plan législatif.
C'est évident qu'il y a des gens, après le scrutin du 29 avril,
qui auraient voulu avoir une carte électorale différente le 30
avril. Pour moi, cela aurait été une erreur tragique d'impro-
viser dans l'espace d'une journée un problème. Est-ce qu'on s'est
attaqué ou non à ce problèmes? Est-ce qu'il n'y a pas eu
une législation, des gestes concrets qui ont été
posés. Est-ce qu'aux prochaines élections provinciales on n'aura
pas une véritable carte électorale qui va satisfaire les
objectifs?
Il y a quand même un élément de temps dans
ça; il y a quand même un élément d'une
démarche qui, si elle veut être cohérente, demande qu'on
termine la période de recherches.
Or on est à quelques mois, on presse la commission de produire
des rapports, et comme je le dis, avant l'implantation des nouvelles
structures, avant l'arrivée des nouvelles commissions scolaires, on a
encore devant nous deux ou trois ans et ce serait faux d'aborder le
problème linguistique par le biais en tentant d'introduire à tous
les projets de lois des petits éléments. On dit que l'on va
s'attaquer aux problèmes d'une façon globale, nous attendons
d'ici quelques mois des éléments de rapport, nous voulons
être cohérents et passer à l'action.
M. LAURIN: Ne pensez-vous pas qu'en reprenant, quand même,
l'argument de la commission Gendron, vous vous trouvez à
désavouer votre chef en disant...
M. SAINT-PIERRE: Ah non, là! Il n'y a aucune division dans le
parti libéral...
M. LAURIN: ... à ce moment-là au gouvernement de
l'utiliser...
M. SAINT-PIERRE: ... pardon...
M. CLOUTIER (Ahuntsic): ... M. le Président, donner
l'impression...
M. LE PRESIDENT: La parole est au député d'Ahuntsic.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Il ne faudrait pas, M. le Président,
donner l'impression que tout repose sur la commission Gendron. C'est là
un élément majeur dont il convient de tenir compte, mais ce n'est
pas nécessairement le seul élément. Ce que la commission
Gendron va nous apporter, je ne vous cache pas que je l'ignore. Je ne sais pas
quelle sera la valeur de son rapport, je souhaite qu'elle soit la plus grande
possible. Je répète d'ailleurs que le gouvernement n'est pas
lié par un rapport de commission et également que le gouvernement
a déjà, à sa disposition, un certain nombre de
données parcellaires. Il ne peut pas agir de manière globale sur
cette base, mais il est à souhaiter que la commission Gendron puisse
tout de même apporter les éléments qui permettront d'aller
encore plus loin. Cependant, si la commission Gendron ne remettait pas
il s'agit là d'une question purement hypothétique un
rapport satisfaisant, il faudra certainement trou-
ver une autre méthode. Il serait le ministre de
l'Education vient de le souligner parfaitement illogique de vouloir, par
le biais d'une loi comme celle-ci, s'attaquer à un problème comme
celui de la loi 63 en la rappelant, ce serait créer de tels
bouleversements que nous mettrions en péril, non seulement cette
réforme qui est essentielle, mais nous mettrions également en
péril une véritable politique linguistique.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BROCHU : Est-ce que le ministre tente de nous dire par là que
le gouvernement n'a pas de politique comme telle? Vous deviez quand même
avoir un programme électoral pour être élu de quelque
façon.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Est-ce que vous lisez de temps en temps le
journal des Débats?
M. BROCHU : Cela arrive, oui.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Le sujet demeure le projet de loi
28 et non la commission Gendron. Je donne la parole au député de
Beauce.
M. ROY (Beauce): M. le Président, je vous remercie, j'avais
demandé la parole depuis un certain temps. J'écoutais avec
beaucoup d'attention les interventions et les questions qui ont
été posées et je me demande réellement à
l'heure actuelle dans quelle direction le gouvernement semble s'orienter. On a
nettement l'impression que le gouvernement lui-même ne sait pas où
il va et qu'il s'oriente dans une route sans issue. Dans le projet de loi no
28, qu'on le veuille ou non, il n'y a pas lieu de se conter d'histoire, M. le
Président, il y a des incidences directes sur les questions
linguistiques et sur les questions confessionnelles. Et vouloir exclure la
question linguistique du projet de loi 28, je pense que ce serait faire fausse
route et commettre une erreur en partant.
M. le Président, dans toute politique, dans toute saine
administration, je pense qu'il y a toujours une façon de
procéder, il s'agit d'abord de procéder dans l'ordre, en
appliquant par étapes un programme qui est clairement établi,
clairement défini d'avance. A l'heure actuelle, on commence par la fin.
On nous a fait grand état, lors de l'étude en deuxième
lecture, de l'injustice qu'il y avait au niveau de la taxation scolaire de
Montréal, alors le député de Notre-Dame-de-Grâce,
ministre des Institutions financières nous a remis un document qui nous
a démontré clairement que depuis 1963 le taux de la taxe a
été à peu près le même entre les
écoles catholiques et les écoles protestantes. Alors, le ministre
a dit lui-même le député de Chicoutimi semble
trouver cela drôle, en tout cas, peu importe... M. le Président,
c'est tellement vrai que le gouvernement ne sait pas où il va, que je
permettrai de faire un parallèle avec l'éditorial de Claude Ryan
dans le journal Le Devoir de ce matin, lorsqu'il dit: Une question qui est loin
d'être vidée. Par un vote de 74 contre 9, l'Assemblée
nationale a approuvé hier, la deuxième lecture... Au
député de Saint-Jacques, je dirais qu'on fait autre chose que de
lire les "comiques" dans les journaux.
M. VEILLEUX: N'oubliez pas...
M. ROY (Beauce): L'Assemblée nationale a approuvé hier...
Le député de Saint-Jean, je m'excuse...
M. BROCHU: ... parce que le député de Saint-Jacques...
M. ROY (Beauce): ... non, parce qu'on a autre chose à faire que
de lire des "comiques" dans les journaux. Alors, en deuxième lecture, le
projet de loi no 28 je continue sur la restructuration scolaire
de l'île de Montréal, doit aborder dès aujourd'hui
l'étude détaillée de chaque article du projet de loi, y
compris les amendements annoncés le 1er décembre par M. Guy
Saint-Pierre.
Voici ce que dit M. Ryan: "A ne s'en tenir qu'au vote écrasant
d'hier, on serait porté à croire que les épineux
débats qui ont entouré cette question depuis dix ans sont sur le
point de prendre fin: Ce n'est toutefois là (qu'une illusion utopique)
qu'une illusion d'optique. Car si les parlementaires sont disposés
à se satisfaire de la logique habile mais souvent spécieuse du
ministre de l'Education...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il va y avoir une loi sur les opticiens.
M. ROY (Beauce): ... il n'en va pas ainsi des groupes importants qui
ont, dans cette question vitale, plus qu'un simple intérêt de
passage".
Je pense que ces questions méritent tout de même une
attention spéciale. Le gouvernement devrait préciser ses
politiques en matière linguistique avant d'aller plus loin. On a dit que
la commission Gendron devrait faire son rapport le 31 décembre 1972 et
que le gouvernement a décidé de hâter les décisions
de la commission Gendron et de l'obliger à présenter son rapport,
tout près de trois ans après la prise du pouvoir du gouvernement
libéral. Le gouvernement libéral savait en mai 1970 et en juin
1971...
M. CARDINAL : Cela a paru long, mais ça ne fait pas trois
ans.
M. ROY (Beauce): Il y a à peu près toute l'année
1970, l'année 1971 et l'année 1972.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il a ajouté les
intérêts.
M. ROY (Beauce): Le gouvernement savait, au cours de l'année
1970, qu'il allait présenter
un projet de loi sur la restructuration scolaire de l'île de
Montréal. D'ailleurs, il l'avait lui-même annoncé le bill
27. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas pris une décision à ce
moment-là, pour obliger la commission Gendron à publier son
rapport le 31 décembre 1971 au lieu de 1972, au moins une tranche? Le
gouvernement a retardé d'un an la décision, l'obligation pour la
commission Gendron de publier son rapport et, de ce fait, aujourd'hui le
gouvernement s'en lave les mains et il dit: On va attendre le rapport de la
commission Gendron avant de préciser notre politique linguistique. Le
gouvernement veut agir, mais il veut agir en quoi?
M. LE PRESIDENT: Article 1, section I.
M. SAINT-PIERRE: Article 1. Cela fait une heure et demie qu'on parle de
ça.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela ne fait rien. Cela nous instruit.
M. LE PRESIDENT: Article 1, section I.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qui s'instruit, s'enrichit.
M. SAINT-PIERRE: A l'article 581 c'est un amendement technique...
M. SAINT-GERMAIN: J'aurais quelque chose à dire, M. le
Président. Cela fait très longtemps que j'ai demandé la
parole. Je tiens aussi à dire mon mot s'il vous plaît.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Jacques-Cartier. Je m'excuse.
M. SAINT-GERMAIN: Je voulais dire que j'étais en Chambre
lorsqu'on a voté le bill 63, j'étais en Chambre comme
représentant du Parti libéral. Dans ce temps-là, nous
avions dans notre programme politique, le français comme langue de
travail bien avant la formation de la commission Gendron. Lors d'un
congrès, nous avions fait accepter cette politique par nos militants. Si
le bill 63 a été adopté avant le rapport de la commission
Gendron, c'est simplement parce qu'est survenu le problème de
Saint-Léonard. Cela me semble énormément évident.
Nous avions même reproché, dans le temps au gouvernement de ne pas
agir assez vite relativement à cette question, parce que dans le
contexte où nous vivions il était apparu que les
extrémistes des deux communautés culturelles du Québec
voulaient amplifier le problème. On a voulu, à un moment
donné, par des autorités locales et "par la rue", imposer aux
Québécois une politique linguistique ou une façon de
vivre. Comme ce n'est pas dans les traditions québécoises de se
laisser, "par la rue", imposer des politiques, le gouvernement du temps,
même trop tard, a pris ses responsabilités avec le bill 63. Le
Parti libéral, dans le temps, a pris ses responsabilités en
l'appuyant. Nous avions présenté un amendement pour bien
éclairer notre propre politique. Nous avons été heureux de
l'imposer. Si vous vous souvenez, il y avait quelques extrémistes qui
avaient pris le pouvoir à Saint-Léonard, qui avaient mis les gens
dans la rue sans réellement faire connaître à cette
population le contenu du projet de loi. Les extrémistes de l'autre
culture prenaient la rue eux aussi, la situation était extrêmement
tendue. Il était temps que les autorités dûment
élues par le peuple prennent le contrôle de la situation. Elles
l'ont pris.
Personnellement, je n'ai pas à le regretter; c'était la
seule solution logique pour des hommes élus démocratiquement,
conscients de leurs responsabilités.
On parle aujourd'hui du bill 63. Cela fait longtemps qu'on parle
français ici au Canada et dans la province de Québec et on ne l'a
jamais fait à cause d'une loi. On l'a fait parce que les francophones
voulaient parler français et conserver leur culture française. Et
si, dans les siècles à venir, on parle encore français au
Québec, c'est parce que chaque Québécois individuellement
voudra bien se servir de la culture française indépendamment des
lois. Pour quelqu'un qui a vécu, comme moi, dans l'ouest de
Montréal, on sait que depuis ces derniers vingt ans le français,
tout en respectant la liberté de chaque individu, a fait des
progrès marqués. Faire croire à la population que
légiférer au point de vue de la langue dans un ou deux ans serait
trop tard, eh bien! , c'est de la foutaise. Nous serons tous disparus nous
autres ici à l'Assemblée nationale et quelles que soient les
lois, on parlera encore français, M. le Président. C'est cela
qu'on doit dire à la population. Le bill 28 est déjà un
bill qui crée certaines inquiétudes parmi la population, c'est un
saut dans l'inconnu parce qu'il a une façon d'administrer tout à
fait nouvelle. S'il faut ajouter au projet de loi ou essayer par cette loi de
résoudre le problème de la langue, cette loi ne fonctionnera tout
simplement jamais. Parce que les gens, dans un tel contexte, ne voudront pas et
n'accepteront pas de travailler ensemble, à cause des risques qui seront
encourus. On peut vouloir mélanger les deux problèmes
c'est la liberté, les partis de l'Opposition peuvent bien le faire
mais c'est de la politique, c'est même de la vieille politique et
de l'ancienne politique avec les mêmes moyens, en essayant de susciter
des passions, comme on l'a malheureusement trop fait dans les contextes
politiques du Québec, il y a 30 et 50 ans. Ce sont de vieilles
façons d'agir, parce que le problème n'est pas là.
M. LE PRESIDENT: Article 1, section 1.
M. BROCHU: Je veux relever seulement un point. Lorsque le
député mentionne qu'il s'agit d'en faire une question de
politique ou même,
si je reprends les termes du ministre des Affaires culturelles, une
question de démagogie, moi je prendrai simplement l'argument inverse
pour vous dire: Si la population répond tellement à une prise de
position de cette sorte, est-ce que c'est de la démagogie que de
répondre à ce que le Québec français veut
être?
M. SAINT-GERMAIN: Ce n'est pas de la démagogie. Je veux dire ce
n'est pas le temps, le temps viendra et s'il y a lieu d'avoir des lois, on en
aura. Vouloir mêler les deux questions, je dis que ce sont des anciens
moyens, de vieux moyens politiques.
M. BROCHU: Vous parlez de temps, c'est quoi le temps? Le ministre a
mentionné tout à l'heure qu'on ne devait pas improviser en
matière de législation. Je pense que sur ce fait-là, il a
raison. Cependant, est-ce que ce serait improviser au niveau du bill 28 que de
tenir compte de l'incidence linguistique fortement présente dans cette
loi?
UNE VOIX: Cela ne serait pas...
M. BROCHU: Je m'excuse, lorsque le ministre a mentionné tout
à l'heure que le domaine de l'étiquetage, par exemple,
était un domaine circonscrit et qu'on devait procéder en ce
domaine et non pas en éducation, parce qu'il ne l'était pas, je
me demande quelle différence il y a entre le domaine des boîtes de
betteraves ou des boites de carottes en conserve et celui de
l'éducation? Qu'est-ce qui fait la différence?
M. SAINT-GERMAIN: La différence est parce qu'un débat sur
l'éducation, il faut bien être de formation française pour
le savoir, c'est extrêmement important au point de vue culturel. Vous
n'amèneriez pas un tel débat, si on arrivait avec une loi sur des
écriteaux. Mais parce que vous savez que l'éducation est
fondamentale au point de vue culturel, c'est pour cela que vous apportez cette
discussion. C'est parce que le gouvernement considère que la question de
l'éducation est fondamentale, qu'il ne veut pas imposer une
législation concernant la langue, sans l'inclure dans une politique
linguistique totale.
M. BROCHU: Mais il faut quand même ne pas retourner en
arrière dans cette vieille façon de procéder, puisqu'on
parle de vieilleries, et prendre bien garde de se cacher derrière le
rapport d'une commission qui est encore à venir parce que, dit on, on
est à l'approche des Fêtes et qu'on attend le père
Noël.
Quand même, un gouvernement qui est élu à certaines
politiques qu'il a offertes à la population et pour lesquelles il a
été élu. A présent, il est un centre de
décision en soi et il ne doit pas attendre continuellement, pour prendre
la moindre action, un rapport global qui viendra quand?
D'ailleurs, le ministre disait lui-même tout à l'heure: Si
le rapport ne nous vient que partiellement, à ce moment-là, on
prendra les décisions. Mais je pose une autre question: Sur quoi
allez-vous vous baser à ce moment-là, puisque vous admettez dans
les faits présentement que le gouvernement n'a aucune politique globale
dans le domaine linguistique?
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je ne voudrais pas refaire un
débat, on nous prête des intentions. Enfin, sans commentaire, nous
n'avons absolument pas dit ça. J'invite tous les députés
à...
M. BROCHU: Les faits sont là.
M. SAINT-PIERRE: Les faits sont là mais...
M. CHARRON: Le Parti libéral en a une depuis 1966, j'ai
déjà dit qu'il n'avait pas besoin de la commission Gendron.
M. SAINT-PIERRE: Alors, M. le Président, l'article 1.
M. LE PRESIDENT: L'article 1, section I.
De l'instruction publique dans l'île de
Montréal
Définition
M. SAINT-PIERRE: Je fais une modification M. le Président, au
paragraphe 581, sous-paragraphe c), il faudrait lire article 597 au lieu de
598, c'est une erreur technique.
M. CARDINAL: M. le Président, l'article de la section I qui
commence par l'article 581, s'ajoute à l'article 580 la Loi de
l'instruction publique. J'avais deux questions à poser au ministre, il
vient de répondre à une. La deuxième est celle-ci: Dans
l'alinéa a), on dit: "île de Montréal" définie comme
"l'ensemble des territoires décrits à l'annexe." Si j'ai bien
compris l'économie des amendements que le ministre apporte, est-ce que
l'annexe demeure? Parce qu'à ce moment-là, le comité
provisoire établira de sept à onze territoires.
M. SAINT-PIERRE: L'annexe demeure pour décrire l'ensemble du
territoire, et on aborde ce point-là un peu plus tard lorsqu'on parle du
nombre de commissions scolaires. Mais l'annexe demeure dans le projet de
loi.
M. CARDINAL: Je vais donc poser une question additionnelle pour bien
comprendre, quitte à reporter cette discussion plus tard.
M. SAINT-PIERRE: L'île Bizard?
M. CARDINAL: Est-ce que, justement, par annexe, maintenant, on entend
simplement la description du grand territoire et que "île de
Montréal" est ce que j'ai appelé "annexe" lors du débat de
deuxième lecture?
M. SAINT-PIERRE: Oui.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Sans délimitation.
M. SAINT-PIERRE: Sans délimitation.
M. CARDINAL: D'accord, merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Article 581 adopté? M. CARDINAL: Oui M. le
Président. M. LE PRESIDENT: Article 582.
Commissions scolaires Constitution et
composition
M. SAINT-PIERRE: Nous avions un amendement qui a été
distribué aux députés et que je vous mentionne. Comme le
conseil provisoire a les pouvoirs de recommander de sept à onze
commissions scolaires par les articles 10 a) et 10 b) que nous retrouvons plus
loin, il a fallu modifier l'article 582 pour réfléter cette
possibilité de changement. La modification vous est donnée
là. Au lieu de dire "onze," nous disons: "Des municipalités
scolaires sont érigées sur l'île de Montréal,
conformément aux articles 10 a) et 10 b) de la loi concernant la
restructuration des commissions scolaires sur l'île de
Montréal."
M. ROY (Beauce): M. le ministre, j'aurais une question à poser
sur ce point.
M. SAINT-PIERRE : Oui.
M. ROY (Beauce): Vous avez mentionné dans votre
déclaration ministérielle que les municipalités scolaires
pouvaient être réduites au nombre de sept.
M. SAINT-PIERRE: Oui.
M. ROY (Beauce): Est-ce que, dans le nouvel amendement, vous avez
l'intention de vous limiter à sept ou huit, ou si ça pourra
être même quinze, si vous le jugez à propos?
M. SAINT-PIERRE: Non, c'est textuellement dans les amendements
proposés, nous donnons au conseil provisoire un délai de six mois
pour recommander au lieutenant-gouverneur un minimum de sept et un maximum de
onze. Entre les deux, c'est à lui de décider.
M. CARDINAL: Il suffit d'avoir lu les amendements pour comprendre.
M. SAINT-PIERRE: 10 a) et 10 b).
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et d'avoir assisté aux séances
de la commission.
M. BROCHU: Cela limite strictement à onze la possibilité
des commissions scolaires sur l'île?
M. SAINT-PIERRE: Oui. M. BROCHU: Bon, d'accord!
M. SAINT-PIERRE: Cela, c'est un peu plus loin qu'on pourra en discuter
parce que l'amendement vient plus loin.
M. CHARRON: J'admets l'amendement apporté par le ministre
à l'article 582, mais il y a quand même un endroit où il y
a quelques questions que j'aimerais lui poser. Le gouvernement, par la loi, se
trouve-t-il quand même à créer onze commissions scolaires?
Est-ce qu'il y a une carte adjointe, et que le conseil provisoire devra partir
de cette carte? Ou bien a-t-il un mandat en blanc et les structures
peuvent-elles absolument différer d'avec celles-là? Vous
comprenez ce que je veux dire. Est-ce qu'on lui permet de modifier une carte ou
si on lui donne le mandat d'en faire une et de la recommander au conseil des
ministres?
M. SAINT-PIERRE: On lui donne le mandat d'en faire une avec les
contraintes que j'ai mentionnées: un minimum de sept, un maximum de
onze.
Il n'est nullement question, pour lui, à moins que le conseil
provisoire veuille bien partir de cet état-là, mais le conseil
provisoire est libre de partir de tout autre document.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bagot.
M. CARDINAL: Je m'excuse, M. le Président.
M. SAINTrPIERRE : Pour éviter toute ambiguïté, le
modèle, le type d'organisation de la commission scolaire unifiée,
cela demeure.
M. CHARRON: Cela, je le sais.
M. SAINT-PIERRE: Il n'est pas question que le conseil revienne.
M. CHARRON: Il reste quand même que le découpage a son
importance, par exemple, quant au fait que la majorité dans une
commission scolaire pourrait être d'une langue ou d'une autre. Je ne sais
pas, je ne suis pas un expert mais peut-être que la modification pourrait
faire qu'au lieu de trois commissions scolaires de majorité anglophone,
ce soit quatre, ou que ce soit deux ou vice versa. Je crains un peu le mandat
en blanc que l'on donne. Il me semble que c'est peut-être une
façon d'éviter, ici, au niveau del'Assemblée nationale de
trancher un
problème du fait qu'il nous est apparu à chaque fois, il y
a même des gens je pense que c'est la FTQ, le député
de Chicoutimi, qui a une excellente mémoire, me le dira qui ont
demandé que l'on donne des critères qui avaient prévalu au
découpage actuel. C'est bien cela?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député de Chicoutimi a
toujours une bonne mémoire.
M. CHARRON: Excellente.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quand il le veut.
M. CHARRON: Non seulement le gouvernement, au cours de la commission,
n'a-t-il pas précisé les critères qui avaient
prévalu dans sa tête à lui, pour faire ces onze commissions
scolaires-là de cette façon-là du découpage actuel,
non seulement, ne nous explique-t-il pas encore aujourd'hui les critères
qui avaient prévalu alors, mais il n'en impose aucun non plus au conseil
provisoire.
M. SAINT-PIERRE: C'est une question.
M. CHARRON: Je me souviens de votre déclaration
ministérielle. Je ne sais pas si on la retrouve dans le libellé
de l'amendement juridique. Vous dites que le principal critère à
obtenir est démographique. Je ne sais pas.
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que nous pouvons, pour aider dans la poursuite
des débats, réserver peut-être cette discussion-là
à l'article 10 a) et 10 b)? Parce que là, c'est un petit peu
prématuré. Tout ce que l'on fait à 582, c'est qu'au lieu
d'en dire onze on dit: des commissions scolaires, suivant 10 a) et 10 b). A 10
a) et 10 b), peut-être que là la discussion sera plus
pertinente?
M. CHARRON: Le ministre pourra comprendre que je ne suis pas certain de
cela. Si on connaissait les critères qui ont prévalu au
découpage actuel sur lesquels nous avons travaillé tout le temps
de la commission et que ces critères-là faisaient notre affaire,
que les principes qui ont prévalu sur d'autres pour le découpage
actuel étaient adoptés par la commission, alors peut-être
serait-il utile de maintenir onze municipalités scolaires pour justement
signifier au conseil provisoire qu'il doit, s'il a à modifier la carte,
quand même respecter les critères qui avaient été
ceux du gouvernement auparavant. Si on dit entre sept et onze
municipalités scolaires et qu'on ne signale pas la qualité des
critères qui avaient prévalu à établir
celle-là, on remet à une instance, je m'excuse, mais jusqu'ici,
non démocratique, le choix de découper une carte qui va susciter
pas mal de problèmes.
M. CARDINAL: Me permettez-vous? Je voudrais parler de ceci au
député de Saint-
Jacques. J'ai les mêmes soucis que lui et j'en ai parlé
dans mon bref commentaire au ministre lors de sa déclaration
ministérielle. J'en ai parlé à titre personnel aussi. Je
suggérerais que, techniquement, on réserve l'article 582, qu'on
ne l'adopte pas. Qu'on ne l'adopte qu'après avoir discuté de 10
a) et de 10 b).
M. CHARRON: J'admettrais cela.
M. CARDINAL: J'aurais beaucoup de questions à poser justement sur
ce que veut dire "proposer", sur ce que veut dire "adopter", etc.
M. CHARRON: Très bien. J'admets la suggestion. Est-ce que le
ministre accepte la suggestion du député de Bagot?
M. SAINT-PIERRE: Oui, d'accord.
M. CARDINAL: On n'adopte pas, M. le Président, l'article 582. On
le remet à 10 a) et b).
M. LE PRESIDENT: Article 583.
M. CHARRON: M. le Président, l'article 583, je pense que...
M. SAINT-PIERRE: On l'a déjà...
M. CHARRON: ...le ministre a proposé un amendement de
lui-même. J'aurais un sous-amendement à présenter, M. le
Président. Que l'amendement à l'article 583,
présenté par le ministre de l'Education, soit sous-amendé
en retranchant les deux derniers alinéas et en les remplaçant par
l'alinéa suivant, je cite: "Que le second alinéa de l'article 583
soit biffé..." Si on me permet, M. le Président, d'expliquer la
motivation sans vouloir non plus revenir sur un débat qu'on a
abordé en commission avec les témoins et même au cours de
la deuxième lecture...
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je m'excuse, c'est une question
de règlement. J'ai l'impression que ce sous-amendement n'est pas
recevable parce qu'il est contraire au sens même de l'amendement 583.
M. CHARRON: Non, 583 dit...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant, il faut bien s'entendre. Avant de
déclarer qu'un amendement est irrecevable ou qu'un sous-amendement est
irrecevable, il faut quand même entendre la proposition d'amendement et
l'explication, la justification de l'amendement.
M. CHARRON: Je pense qu'il l'a donnée. M. SAINT-PIERRE: Non non,
je m'excuse.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si ça détruit l'économie
de la loi, et puis du reste en
technique législative, un amendement, votre amendement, on peut
fort bien le déclarer non recevable.
Ce n'est pas parce qu'un sous-amendement vient changer un amendement
qu'il est nécessairement irrecevable. S'il fallait changer un article de
la loi qui touche l'économie générale de la loi, à
ce moment-là, il est irrecevable. Mais, du fait que le ministre a mis un
amendement dans sa loi, il a remis en cause l'article même de la loi,
fût-il très important dans le cadre général de cette
loi.
M. SAINT-PIERRE: Oui, mais, où j'en suis, c'est que l'amendement
proposé ici modifie l'article 583, alors que si on accepte l'amendement
du député de Saint-Jacques, pour le deuxième
alinéa, c'est l'équivalent de voter contre l'article 583,
puisqu'il dit que le dernier alinéa a été
enlevé.
M. CHARRON: Non, parce que l'article 583...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais à ce moment-là, M. le
Président, ce que dit le ministre est exact, en ce sens que l'amendement
du député peut faire disparaître l'article 583
lui-même, tout cela est discutable. On ne peut pas déclarer que
c'est irrecevable avant que de l'avoir discuté.
M. SAINT-PIERRE: Alors, on va écouter.
M. CHARRON: L'article 583, M. le Président, dit: "Chaque
commission scolaire est composée de quinze commissaires élus,
conformément aux articles 95 à 183", qui s'appliquent mutatis
mutandis et sous réserve de l'article 586. Ce sur quoi nous serions
prêts à voter. Mais, ce que nous changeons, c'est que nous faisons
disparaître la modalité particulière que le texte du
ministre rapportait à propos de ce que nous avons communément
appelé entre nous, à la table, les observateurs, ou les
commissaires qui ont d'abord été des commissaires. L'amendement
du ministre dit que ce sont des commissaires observateurs sans droit de
vote.
Nous voulons supprimer cet alinéa du projet de loi, mais nous
maintenons le début de l'article 583 et, notre sous-amendement
fût-il accepté, M. le Président, l'article 583 se lirait:
"Chaque commission scolaire est composée de quinze commissaires
élus, conformément aux articles 95 à 183" qui s'appliquent
mutatis mutandis, sous réserve de l'article 586. C'est un amendement
parfaitement recevable et je peux y apporter toutes les motivations que le
ministre connaît déjà. Il nous semble, pour deux raisons
particulières, que les deux alinéas de l'amendement n'ont rien
à faire là-dedans, ils viennent même contredire la
première partie, qui veut que les commissaires soient au nombre de 15,
et qu'ils soient élus conformément aux articles 95 à 183,
qui s'appliquent mutatis mutandis et sous réserve de l'article 586.
Nous avons deux motivations principales, M. le Président. La
première tient à la nature même des commissions scolaires.
Une commission scolaire, ce n'est pas un sénat pour représenter
des minorités linguistiques, sociales, religieuses,
ecclésiastiques ou n'importe quoi. La nature fondamentale d'une
commission scolaire, au sens même de la Loi de l'instruction publique,
est un conseil d'administration local de la chose scolaire. Point. En aucun
endroit, autre qu'à l'île de Montréal, si l'amendement du
ministre devait être adopté, elle n'a d'autre fonction que
celle-là. Il n'y a pas une commission scolaire au Québec à
qui on confie une autre fonction que celle d'administrer la chose scolaire sur
l'île de Montreal.
M. CARDINAL: M. le Président.
M. CHARRON: Là, à cause de la nature qu'on veut apporter
à l'article 583, par l'amendement du ministre, on lui donne une fonction
de plus, celle de devoir le suffrage universel ne l'ayant-il pas fait
refléter une situation linguistique ou ethnique sur l'île
de Montréal.
M. CARDINAL: Est-ce que le député de Saint-Jacques me
permet de l'interrompre, pour une question technique?
M. CHARRON: Oui.
M. CARDINAL: D'abord, disons que sur le fond de ce qu'il dit, nous
sommes entièrement d'accord. Le débat, par conséquent,
n'est donc pas terminé.
Il est six heures moins une minute, et nous avons convenu à
l'Assemblée nationale, qu'à la fin de chaque séance, nous
décidions du moment de la séance subséquente.
M. CHARRON: Dès la prochaine séance, j'apporterai ma
deuxième motivation.
M. CARDINAL: Alors, je suis prêt à laisser au
député de Saint-Jacques le droit de parole, pourvu que nous
puissions décider maintenant quand il pourra exercer ce droit de
parole.
M. CHARRON: Quand siégerons-nous à nouveau?
M. LE PRESIDENT: Nous pourrions siéger demain à dix
heures, non? A cause de la réforme électorale.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A cause de la réforme
électorale. Tous les députés sont membres.
M. CARDINAL: Est-ce qu'on pourrait faire une suggestion, lundi, quatre
heures?
M. LE PRESIDENT: Est-ce que tout le monde est d'accord pour lundi,
quatre heures?
M. CARDINAL: Lundi, quatres heures.
M. LE PRESIDENT: La séance ajourne ses
délibérations à lundi, quatre heures.
(Fin de la séance à 18 h)