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Commission permanente de l'Education
Projet de loi no 28 Loi concernant la restructuration
des
commissions scolaires sur l'île de
Montréal
Séance du mardi 28 septembre 1971
(Dix heures dix minutes)
M. PILOTE (président de la commission permanente de l'Education):
A l'ordre, messieurs!
Je tiens à saluer les membres de la commission ainsi que ceux qui
ont des mémoires à présenter. Aujourd'hui, nous
écouterons, dans l'ordre, la Corporation des enseignants du
Québec, la Ligue des propriétaires de Montréal, la
Société d'agriculture des comtés de Baldwin et de
Jacques-Cartier, la Confédération des syndicats nationaux et
l'Alliance des professeurs de Montréal. Nous suspendrons à midi
et demi pour reprendre à deux heures et demie.
La parole est au ministre de l'Education.
Exposé général
M. SAINT-PIERRE: Merci, M. le Président. Avant d'aborder le
projet de loi 28 et d'énoncer un court exposé, on me permettra de
signaler ce qui a été fait quant au projet de loi no 27 par le
gouvernement à la suite des séances de la commission. Vous vous
rappelez que, collectivement, nous nous étions entendus sur un
amendement qui permettait durant la période de l'été
d'avoir des séances de travail. Je pense que tous les membres de la
commission ont été informés des décisions du
gouvernement et je suis à leur disposition pour toute explication sur ce
sujet.
M. le Président, un deuxième point qui pourrait retenir
notre attention et sur lequel nous pourrions peut-être, au cours de la
période du déjeûner, nous entendre entre les
différentes parties, c'est la question du nombre de jours de
séance. Nous avions prévu, tel qu'entendu au mois de juillet,
trois jours de séance que j'ai tenté d'organiser fin septembre,
début octobre, et ce sont les trois jours que nous avons cette semaine.
Mais compte tenu du nombre d'organismes qui ont exprimé le désir
d'être entendus par la commission, il semble nécessaire d'avoir
peut-être d'autres jours de séance. J'ai, avec le leader du
Parlement, obtenu quelques dates que nous pourrions discuter à l'heure
du déjeûner et je vous laisse comme suggestion vendredi matin de
cette semaine où la commission pourrait siéger jusqu'à
midi et demi et la possibilité de dates ultérieures que nous
pourrions discuter si cela convient au programme avant la réouverture de
la session, fin octobre.
M. le Président, il y a sept ans, le rapport de la commission
d'enquête Parent, dans le cadre d'une nouvelle organisation du
système d'éducation du Québec, proposait des mesures
diver- ses dont la création de plusieurs organismes, la mise en marche
de réformes pédagogiques et le regroupement des commissions
scolaires du Québec. Les recommandations du rapport Parent ont, pour la
plupart, été mises en oeuvre. Elles ont formé l'essentiel
de notre actuel système d'éducation.
Le projet de loi no 27, adopté l'été dernier par
l'Assemblée nationale, constituait l'une des dernières mesures
administratives favorisant un développement plus harmonieux de notre
système scolaire. Cependant, un autre projet tout aussi important pour
un fort groupe de citoyens québécois se trouve aujourd'hui devant
l'Assemblée nationale. Essentiellement tracé à la suite du
rapport Parent par le comité Pagé, dont le rapport était
déposé en octobre 1968, le projet de loi no 28 définit la
restructuration scolaire de l'île de Montréal.
Il a donné lieu à nombre de discussions passionnées
dès le dépôt du rapport Parent, celui du rapport
Pagé, puis le dépôt à l'Assemblée nationale
du projet de loi no 62, par le ministre de l'Education de l'époque, M.
Jean-Guy Cardinal, ainsi que des séances de la commission parlementaire
de l'Education qui avait, à l'époque, entendu les mémoires
de différents organismes.
Il y a sept ans que la population du Québec a pris connaissance
du projet de restructuration scolaire de Montréal. Il y a sept ans que
se poursuivent les palabres sur ce thème. Les objectifs du projet de loi
ont été discutés et adoptés par deux gouvernements
au moins comme des objectifs valables.
Aujourd'hui, nous sommes sur le point de passer à l'action afin
de réaliser une restructuration dont je voudrais évoquer
schématique-ment les avantages. Les avantages que le gouvernement croit
voir découler d'une restructuration scolaire de l'île de
Montréal constituent les objectifs essentiels de ce projet.
Ce sont les suivants: 1. Assurer l'équilibre administratif entre
les diverses corporations scolaires de l'île; 2. Voir à une
répartition équitable des ressources en fonction de la
communauté de l'ensemble du territoire de l'île de
Montréal, sans distinction de religion, de race ou de fortune; 3.
Compléter un plan de rationalisation administrative amenant une
décentralisation des services du ministère de l'Education; 4.
Doter l'île de Montréal d'un système scolaire où
jouent harmonieusement les mécanismes démocratiques. Le projet de
loi no 28 prévoit en effet l'élection des commissaires par toute
la population dans chaque territoire scolaire. 5. Favoriser les échanges
de cours, de services et d'enseignants entre les divers groupes qui forment la
population de l'île de Montréal.
Ces objectifs, le gouvernement actuel les a acceptés. Nous ne
sommes donc pas ici aujour-
d'hui pour les remettre une fois de plus en question, pour exprimer des
points de vue particuliers d'individus ou de groupes. Nous ne sommes pas non
plus ici pour ouvrir une querelle constitutionnelle qui intéresse assez
peu la population en général et qui n'est qu'une diversion menant
sur un terrain ésotérique, et privilégier une discussion
qui devrait être un échange général où on ne
perd jamais de vue le bien commun des Québécois et
spécialement des enfants qui fréquentent le système
scolaire montréalais.
J'invite, au cours des jours qui viennent, divers groupes
intéressés à soumettre des recommandations, à
évaluer avec nous l'aspect législatif d'une importante mesure
administrative afin que la loi qui doit en découler remplisse vraiment
ses buts sans brimer une ou l'autre des parties de la population.
Lors de la commission parlementaire sur le projet de loi no 27, le
gouvernement a modifié considérablement son projet initial en
tenant compte de nombreuses recommandations qui nous furent soumises en cours
de route par des mécanismes comme celui que nous utilisons en ce
moment.
Nous sommes prêts, de la même façon, à amender
le projet de loi no 28 si l'on nous offre des opinions susceptibles
d'améliorer le contenu pratique de cette loi. Je souhaite que les
discussions soient constructives et qu'elles ne s'étendent pas sur des
thèmes politiques. Il faut espérer aussi qu'elles ne soient pas
mues par la défense d'aucun privilège, mais se déroulent
en fonction du mieux-être de la majorité des habitants de
l'île de Montréal.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.
M. CARDINAL: M. le Président, le projet de loi no 62, qui a
enfanté le projet de loi no 28, si on peut s'exprimer ainsi, avait
été déposé au mois d'octobre 1969. Des commissions
parlementaires ont tenu des séances jusqu'au mois de mars 1970 et de
nombreux groupes ont été entendus.
Je suis heureux d'entendre le ministre dire qu'il n'a pas l'intention de
politiser la question, parce que, malheureusement, je dois rappeler que lors
des réunions de cette commission parlementaire, l'ancien
député d'Ahuntsic, qui était le critique officiel de
l'éducation, avait sans cesse retardé les travaux par des
interventions d'ordre politique. Je rappellerai, par exemple, que l'Opposition
d'alors nous avait longuement critiqués parce qu'on nommait le
président du Conseil métropolitain. Je suis surpris de constater
aujourd'hui que le gouvernement, dans son projet, nomme le président, le
vice-président et quatre membres, si je ne me trompe. Mais je ne veux
pas justement retomber dans ces discussions stériles et
négatives.
Je serai très bref. Je souligne le côté positif du
projet que nous présente le gouvernement et j'aurai quelques
brèves critiques qui pourront nous aider peut-être, comme on l'a
fait pour le projet de loi no 27 à amender le projet de loi no 28.
L'aspect positif, c'est que les objectifs que le gouvernement poursuit
sont sensiblement les mêmes que ceux qui sont indiqués dans le
rapport Parent, le rapport Pagé et dans le projet de loi no 62. A
quelques termes près, les mêmes vues sont poursuivies. Par
conséquent, nous serions mal venus, nous de l'Union nationale, de
l'Opposition officielle, de ne pas être d'accord sur le principe du
projet de loi. Nous sommes cependant en première lecture; il n'y a pas
eu de débat de deuxième lecture et je ne pense pas que ce soit
ici l'endroit pour faire le débat de deuxième lecture. Le
ministre et les autres députés représentants de chacun des
partis pourront prendre le temps qui leur est permis par les règlements
de l'Assemblée nationale pour le faire.
Le côté négatif du projet tel qu'il se
présente à première vue me parait être,
premièrement que le Conseil métropolitain qui devait
posséder l'équipement ne semble plus, d'après le nouveau
projet, avoir ce même pouvoir. Je crains que l'on ne retourne dans la
même situation et qu'on tourne en rond parce que ce sont les commissions
scolaires qui, chacune dans son secteur, vont conserver leurs écoles, au
sens d'édifices en brique ou en pierre ou en bois, selon les quartiers.
Ceci me paraît dangereux à Montréal parce que c'est
justement un des problèmes. Je pense, par exemple, aux enfants
handicapés; je pense à certains secteurs
défavorisés. On pourrait multiplier les exemples.
Deuxièmement : le conseil me semble devenir je m'excuse
pour l'expression une espèce de fantoche, en ce sens qu'il va
émaner en grande partie du gouvernement et que d'autre part ses pouvoirs
sont diminués au profit des commissions scolaires que j'appelle locales
ou régionales. L'expression a peu d'importance.
Le troisième point qui me frappe, c'est que, dans l'intention,
bonne, du ministre ou du gouvernement de protéger certaines
minorités, on va faire jouer la démocratie d'une façon
assez paradoxale, en ce sens qu'on va accepter la démocratie pourvu
qu'elle ne vienne pas le ministre a employé l'expression
tantôt; je la répète attaquer certains
privilèges. C'est ce droit du gouvernement de nommer deux personnes, si
on n'est pas content du résultat des élections. Si on appliquait
ce régime-là en matière municipale ou en matière
provinciale, ça créerait un assez drôle de
résultat.
Autre critique, c'est qu'il existe déjà un fameux projet
de loi, qui est devenu loi et qui a été longtemps discuté.
C'est pendant l'étude de ce projet de loi qui s'appelait le projet de
loi no 63, que le projet de loi no 62 a été déposé.
Les deux formaient un diptyque, d'ailleurs, et le gouvernement d'alors
était entièrement d'accord sur ce sujet. Dans cette loi, des
garanties déjà ont été données. Or, on vient
ajouter dans
le nouveau projet no 28 ce qui me semble des dédoublements. Par
exemple, ce conseil catholique et ce conseil protestant qui viennent
dédoubler le comité catholique et le comité protestant du
Conseil supérieur de l'éducation.
On vient ajouter d'autres garanties; je ne veux pas être
très technique et repasser tout le projet qui est assez long. Je
souligne ces points au ministre en partant pour qu'il y repense avant la
deuxième lecture et avant la troisième lecture et en
comité plénier, lorsqu'on verra le bill article par article.
Il y a un autre aspect et c'est le dernier, M. le
Président, avec votre permission, que je vais souligner c'est
l'aspect syndical. Je ne sais pas quelle va être la réaction des
divers syndicats. Je ne sais pas si le ministre pourra éventuellement
répondre à cette question-là: Est-ce que la
négociation se fera au niveau du comité métropolitain, au
niveau des onze arrondissements, au niveau provincial, indépendamment du
comité métropolitain ou des commissions scolaires? Ceci, je le
regrette à moins que je n'aie pas compris ne me parait pas
évident dans le projet de loi et peut, dans l'avenir surtout
lorsque nous sommes en période de négociations, ce qui est le cas
présentement créer des difficultés.
On se rappelle la question du classement des enseignants. On se rappelle
que la question a été soulevée une seconde fois à
l'occasion du projet de loi no 27. Je me permets de le rappeler au ministre
aujourd'hui.
M. le Président, c'étaient des remarques purement
préliminaires que je voulais faire ce matin, en matière
d'éducation au nom du parti que je représente. Mes
collègues qui m'accompagnent pourront compléter, s'ils le
désirent, comme les membres des autres partis.
Je remercie le ministre de nous avoir fait cet exposé du
début et je vous remercie, M. le Président, de m'avoir permis de
m'exprimer avant qu'on ne commence les travaux.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.
M. BROCHU: Simplement quelques brèves remarques, M. le
Président, au nom de mon parti. En fait, le bill de ce matin n'est pas
tout à fait nouveau dans sa conception, puisqu'il est le pendant de
certaines études et de certaines recherches qui ont été
effectuées par le passé.
Le bill 28 se rapporte aussi à plusieurs principes tantôt
administratifs, tantôt éducatifs comme tels avec certaines
incidences linguistiques et même constitutionnelles.
Cependant, à mon sens, ce n'est pas le moment d'entrer dans les
interprétations de tous ces aspects puisque nous sommes réunis
surtout pour entendre les différents groupes désireux de faire
des représentations et qui auront soit à jouir de l'application
de la loi ou encore à la subir.
J'aimerais simplement, M. le Président, à ce moment-ci,
émettre le voeu que les sessions de la commission parlementaire que nous
tenons à partir de ce matin soient fructueuses et que l'on tienne
vraiment compte des remarques et des critiques qui seront soumises par les
différents corps qui ont exprimé le désir de se faire
entendre.
Pour ma part, je me réserve le droit de faire, un peu plus tard,
si vous voulez, à la lumière des différentes suggestions
et des différentes remarques qui nous seront soumises, une analyse plus
complète et plus profonde du bill 28 comme tel et de son
application.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, nous avons eu l'occasion, hier, de
rendre public le fruit de l'analyse que notre parti a menée sur le
projet de loi no 28, d'immédiatement faire connaître, avant le
début des travaux de la commission, les principes essentiels qui nous
semblaient protéger et ceux qui ne nous semblaient pas protéger,
dans le projet de loi no 28, ceux pour lesquels nous étions prêts
à engager la lutte.
Si nous avons fait cela hier, ce n'est pas par
désintéressement de la commission, au contraire. Nous avons bien
signalé, à ce moment-là, que nous gardions une ouverture
quant aux modalités, mais il nous semblait essentiel, en tant que parti
politique, particulièrement sur l'île de Montréal, de faire
. connaître notre opinion et notre analyse de là situation.
D'autant plus que le principe du projet de loi, celui de l'unification des
commissions scolaires, celui de l'unification pédagogique de
l'élémentaire et du secondaire, figurait au programme de notre
parti depuis 1969. C'est donc dire que, là-dessus, nous ne faisions
qu'expliquer, dans le corridor que nous fixait le projet de loi gouvernemental,
notre appréciation de chacune des modalités.
Ce que nous avons fait, M. le Président, et ce que nous allons
faire devant les témoignages des différents membres de la
commission, les questions que nous allons leur poser, de même que les
vérifications d'opinions qu'ils seront bien gentils de nous permettre de
faire, c'est de vérifier une opinion que nous avons
développée sur le projet de loi. Si le principe du projet de loi
vaudra notre adhésion en deuxième lecture, nous avons
exprimé, hier, des craintes quant aux modalités qui, si elles
devaient rester telles qu'elles figurent actuellement dans les
différents articles du projet de loi, pourraient complètement
contrecarrer le principe qui vaut, je pense, l'adhésion de tous les
groupes montréalais, à l'exception des ardents défenseurs
de privilèges.
C'est-à-dire que nous pourrions souhaiter, par exemple, une
union, une unification législative, ce que nous vaudrait l'adoption du
principe du projet de loi, mais que, dans les faits, dans le déroulement
quotidien, soit du
conseil scolaire, soit des différentes commissions scolaires ou
même des comités d'écoles, la réalité soit
tout autre que la lettre de la loi.
Il nous est apparu, à la lecture et à l'analyse du projet
de loi et c'est ce que nous avons fait connaître hier
également que si certains articles du projet de loi devaient
être adoptés tels qu'ils figurent, ce serait à plusieurs
endroits d'immenses trous dans le souhait qu'a tout le monde d'un conseil
scolaire et d'une unification des commissions scolaires de Montréal.
Nous l'avons soulevé, un peu comme l'a repris ce matin le
député de Bagot, sur la question des droits que se réserve
le ministre, par exemple, tant le droit immense et inacceptable, quant à
moi, auprès du conseil scolaire, les nominations qu'il se réserve
de faire à son bon droit lorsqu'une minorité n'est pas
représentée, selon le texte même de la loi, au niveau des
commissions scolaires, ou le rôle qu'il se trouve à se
réserver, in absentia, si vous voulez, dans le fait qu'il ne donne pas
plus de pouvoir aux comités d'écoles qu'il n'en donne
actuellement.
Nous pourrions, tout le monde, nous gargariser, à volonté,
et dire qu'enfin il y aura cette unification, que les structures scolaires
contestées, démodées, depuis des années à
Montréal seront modifiées. Mais quand nous allons regarder
pratiquement comment fonctionnera cette nouvelle structure, nous allons nous
apercevoir que les immenses trous que nous aurons laissés là au
moment de l'adoption de la loi feront que, tôt ou tard, nous aurons une
structure unifié sur papier mais que, dans son comportement quotidien,
nous aurons laissé tellement de garanties ici et là à tel
petit groupe ou à tel puissant groupe ou à telle autre
catégorie confessionnelle ou linguistique que, finalement, elle ne sera
unifiée que sur papier. Dans le déroulement quotidien de la vie
scolaire à Montréal nous assisterons à ce quoi nous
assistons à l'intérieur de la CECM actuellement, si vous voulez,
à deux structures linguistiques qui, même si elles sont
unifiées sur papier, fonctionnent quotidiennement, tout le monde le
sait, c'est l'histoire de la CECM, de façon complètement
indépendante.
Dernière remarque ou dernier exemple que j'apporte à cette
théorie, c'est l'article du projet de loi, l'article des adjoints comme
on l'appelle maintenant dans le vocabulaire et qui va revenir dans le
débat, qui permet à la minorité locale d'une commission
scolaire à quatre postes précis nommés dans la loi de se
trouver un adjoint. On défendra, bien sûr, toujours selon le
principe du texte et du papier, qu'il s'agit-là d'une chose tout
à fait anodine, qu'il s'agit de reconnaître que là
où il faudra assurer l'enseignement dans la langue de la
minorité, il est normal qu'il y ait des adjoints. On défendra
tous ces principes-là, sauf que tout le monde sait que, pour nous, en
tout cas, cette consécration légale peut être le
début d'une structure complètement indépendante et
complètement parallèle.
Ce sera, sur papier, des adjoints, bien sûr, mais, dans le
comportement des différentes commissions scolaires, tout le monde sait
très bien que tôt ou tard ils fonctionneront de façon
complètement indépendante comme ils l'ont fait à
l'intérieur de la CECM. Ainsi, on aura complètement
contrecarré le désir qu'on avait exprimé dès le
départ.
Nous allons nous appliquer quand même, si nous adhérons au
principe du projet de loi, à vérifier pour que chacun des
articles du projet de loi ne soit pas, tôt ou tard, le tendon d'Achille
de cette unification des commissions scolaires que nous souhaitons et que tous
les organismes sur l'île de Montréal, j'espère, souhaitent.
Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: La parole est à M. Yvon Charbonneau,
représentant de la Corporation des enseignants du Québec.
Corporation des enseignants du Québec
M. CHARBONNEAU: M. le Président, messieurs les membres de la
commission parlementaire, la Corporation des enseignants avait
déjà fait connaître son point de vue sur le projet de loi
no 62 en février 1970. Nous avons cru bon, à l'occasion de
l'étude du projet de loi no 28, de rappeler certains des principes que
nous avons mis de l'avant à ce moment-là. "Puisque nous vivons en
régime démocratique, disions-nous à ce moment-là,
les structures administratives du système scolaire doivent être
également démocratiques. Comme toutes les structures
gouvernementales, elles doivent reposer sur les principes de l'élection,
de la consultation et de la participation des citoyens aux décisions.
Elles doivent aussi encadrer la consultation et la participation, les mesurer
selon les exigences du bien commun."
Nous insistions également pour que les structures administratives
soient très fonctionnelles, étant nous-mêmes des praticiens
de l'enseignement aux prises quotidiennement avec les rouages que les
autorités mettent en place. "Les structures scolaires administratives
doivent être démocratiques et fonctionnelles." C'était
là notre postulat de base. "Ces deux principes, disions-nous en
substance, doivent se rejoindre au niveau bien concret d'un plan d'ensemble de
développement scolaire pour le Québec. "Plan d'ensemble qui, par
ses objectifs, ses étapes, son rythme de progression, assure la
qualité des services scolaires à toute la population du
Québec, corrige les inégalités, favorise les plus
démunis et, ce qui est le plus important, crée une
solidarité entre le gouvernement, les administrations scolaires, les
enseignants et les parents dans la poursuite d'un authentique progrès
scolaire. "Pour la corporation, il apparaît clair que la
responsabilité de l'école appartient d'abord à l'Etat, non
pas d'abord à des communautés, qu'elles soient linguistiques ou
confessionnelles." Je pense que les affirmations que nous
avions à ce moment-là prennent beaucoup de relief dans le
débat sur le projet de loi 28. "Dans toute la mesure où le
bien commun le permet, l'Etat doit respecter les désirs de ces groupes
linguistiques et confessionnels et les satisfaire dans l'organisation scolaire.
Mais le bien commun pose une limite aux réponses à des
revendications de cet ordre. Ce qui compte d'abord, c'est que tous les
citoyens, indépendamment de leur langue et de leur religion, puissent
bénéficier d'un système scolaire qui pratique la mise en
commun et l'économie des ressources et qui assure à chacun la
qualité de l'enseignement et des divers services scolaires susceptibles
d'en faire un homme épanoui et un citoyen éclairé "
Comme application de ces principes, nous avons réclamé
l'unité de l'administration scolaire et la diversité religieuse
et linguistique au niveau des écoles, positions d'ailleurs
reformulées par la CEQ lors de l'étude en commission
parlementaire du projet de loi no 27.
Par ailleurs, il y a longtemps que nous revendiquons la pleine
démocratisation du système scolaire montréalais et une
participation plus large des parents dans l'administration et l'orientation de
la chose scolaire. Bref, les positions de la CEQ sur le projet de loi no 28
sont basées sur les idées principales suivantes: 1- Les
structures scolaires de l'île de Montréal doivent être
pleinement démocratiques et affranchies, dans leur ordre, de la tutelle
gouvernementale. 2- La restructuration doit assurer une répartition des
responsabilités entre le ministère, le conseil scolaire et les
commissions, qui favorise la mise au point et la réalisation d'une
véritable planification du développement scolaire de l'île
de Montréal, planification qui s'inscrit dans les cadres définis
pour l'ensemble du Québec par le ministère de l'Education. 3- La
restructuration doit assurer une plus juste répartition des ressources
financières entre les commissions scolaires pour que tous les citoyens
aient les mêmes possibilités de développement. 4- Il faut
que les structures scolaires soient sans l'ombre d'un doute au service de
l'épanouissement de la majorité francophone de l'île de
Montréal, ce qui n'exclut pas certaines mesures tenant compte des
privilèges acquis par la minorité anglophone. 5- La
restructuration scolaire doit favoriser la participation des parents à
la vie scolaire, une participation qui porte sur des objets de réelle
importance et qui leur permette de travailler en étroite collaboration
avec les enseignants. 6- La restructuration doit être fonctionnelle et
prévoir des mécanismes clairs réglementant les relations
de travail dans ce con texte de transformation: les travailleurs n'ont pas
à faire les frais des chambardements des structures de l'employeur.
Face au projet de loi no 28, vu le peu de temps laissé par le
législateur pour mener une étude en profondeur de toutes les
dispositions de cette loi, la CEQ ne prétend pas pouvoir s'exprimer sur
tous les aspects de cette question. De plus, certains de ses syndicats
affiliés auront analysé en profondeur la réalité
locale montréalaise et en seront arrivés à des conclusions
concrètes sur certaines questions que nous avons convenu de ne pas
traiter au niveau de la centrale.
La CEQ est satisfaite du fait que le projet de loi no 28 intègre
l'enseignement élémentaire et secondaire, catholique et
protestant, francophone et anglophone, sous la compétence des
mêmes instances administratives. Nous y voyons un souci certain de
fonctionnalité et de justice sociale, tout en déplorant cependant
que le législateur n'ait pas cru le reste du Québec assez
évolué pour lui accorder un système similaire. Il y a
là un hiatus et une incohérence que seules des
considérations politiques n'arrivent vraiment pas à expliquer,
à notre point de vue.
La CEQ approuve, dans les circonstances, le mode de financement
prévu pour le conseil et les commissions. Il s'agit d'une
amélioration fondamentale par rapport au système de taxation
fondée sur la confession des contribuables. Cependant, la réforme
du financement scolaire ne devrait pas s'arrêter là; on devrait
étudier la possibilité de financer l'ensemble du système
scolaire québécois à même l'impôt sur le
revenu, tout en évitant que les municipalités n'occupent le champ
laissé libre par les commissions scolaires. Le projet de loi no 28 n'est
peut-être pas l'occasion de régler la question de la
fiscalité scolaire, mais nous demandons au législateur de dire ce
qu'il compte faire en profondeur à cet égard.
Quant à la participation des parents à la vie scolaire, il
nous semble que le projet propose des mécanismes bien orientés
dans l'ensemble. La démocratie scolaire a certainement des occasions de
s'exercer à travers ces mécanismes d'élection et de
consultation prévus par le projet. Le déclenchement d'un
véritable dynamisme scolaire montréalais pourrait probablement
neutraliser la tendance centralisatrice du gouvernement et de son allié
prévisible, le conseil scolaire.
Le projet de loi no 28 nous semble vulnérable, cependant, sur
trois plans majeurs. Sans chercher à minimiser les
éléments positifs que nous venons de souligner, nous devons tout
de même dénoncer certains aspects très importants de ce
projet. Une loi se mesure par ses intentions générales, certes,
mais elle existe surtout par les applications concrètes qui pourront
s'en faire. La CEQ constate donc, avec regret, qu'un grand nombre de
dispositions de ce projet de loi reflètent des attitudes
gouvernementales qui nous sont familières et qui polluent la vie
quotidienne du Québec. 1. Une loi centralisatrice et paternaliste.
Le gouvernement ne se donne pas seulement
les instruments de planification nécessaires au rôle qu'il
doit jouer dans l'enseignement québécois, il met en place des
mécanismes qui lui permettront éventuellement d'exercer une
véritable tutelle sur l'administration scolaire de la ville de
Montréal. 2. Une loi colonialiste.
Le gouvernement intègre l'enseignement francophone et anglophone,
mais il instaure en même temps sur l'île un véritable
district bilingue où les problèmes linguistiques des
Québécois ne trouveront sûrement pas de solution. 3. Un
bill d'employeur.
Quant aux relations de travail, il s'agit d'un bill d'employeur. Le
gouvernement, en dehors d'un respect minimum des lois générales
du travail, ne s'est guère élevé au-dessus de ses
relations employeur-employés pour proposer à l'Assemblée
nationale une législation qui reflète l'esprit de ces lois du
travail et qui protège les droits des citoyens au service des
corporations scolaires existantes.
Le premier élément de notre critique porte sur les
relations, en quelque sorte, entre le ministère de l'Education et les
administrations scolaires mises en place à Montréal. Nous
trouvons normal que le gouvernement, que le ministère de l'Education
détiennent les instruments de planification nécessaires à
l'exercice de leurs responsabilités. Ce qui équivaut à une
utilisation rationnelle des fonds publics et à des préoccupations
quant au développement global de l'enseignement.
Nous jugeons non moins nécessaire de démocratiser
l'administration scolaire, de permettre l'exercice de véritables
pouvoirs au niveau régional et local. Le projet de loi nous
inquiète sérieusement à ce point de vue, et voici
pourquoi.
L'article 11 des dispositions transitoires confère au conseil,
dans la composition provisoire qui est prévue à l'article 9, des
pouvoirs et des devoirs qui détermineront les orientations et le
fonctionnement de l'administration scolaire de Montréal pour plusieurs
années.
Or, les membres de ce conseil sont nommés par le gouvernement
parmi les membres des commissions scolaires existantes. Il semble de plus que
ce pouvoir de choisir ne suffise pas. Pour élargir ses
possibilités, le gouvernement se donne à l'article 10 le droit de
désigner quatre personnes supplémentaires à la CECM.
Il faudrait être naif à notre avis pour ne pas comprendre
que les personnes choisies auront une tendance naturelle à jouer un
rôle de commis du gouvernement.
Tout en constatant que la majorité des membres du conseil, dans
sa composition permanente, est désignée par les commissaires
d'école et qu'il s'agit d'un progrès par rapport au projet de loi
précédent, il faut cependant avouer que cette amélioration
isolée ne contribue pas tellement à faire disparaître le
danger de tutelle nous regrettons presque le mot
"déguisée" et ceci d'une part, pour les raisons
mentionnées ci-dessus, et, d'autre part, à cause des pouvoirs et
de la composition de l'exécutif et des moyens de contrôle du
gouvernement.
Les pouvoirs conférés au président et au
vice-président par les articles 620 et 622 englobent toute
l'activité du conseil; ils s'exercent à la fois au niveau des
organismes de décision et de l'administration interne.
Leur nomination par le gouvernement est un autre facteur et non le
moindre qui nous porte à douter de l'autonomie du conseil dans les
domaines où l'on prévoit qu'il sera autonome.
Quant à l'exécutif, nous nous interrogeons surtout sur
l'opportunité de permettre au conseil de lui déléguer
indifféremment n'importe lequel de ses pouvoirs. Une
délégation abusive de pouvoirs ne risquerait-elle pas de
réduire à néant, à toutes fins pratiques, ce
conseil?
Enfin, nous réprouvons l'obligation faite au conseil d'obtenir
l'autorisation du ministre pour l'adoption des règlements de
régie interne et la nécessité d'obtenir l'approbation
gouvernementale pour les règlements qui créent les
différents services et établissent leur champ d'activité.
Ces services nous apparaissent être au coeur de l'exercice des pouvoirs
du conseil et nous ne voyons pas en quoi cette approbation est
nécessaire à la planification gouvernementale.
Si le gouvernement doit jouer à fond son rôle de
planification, sans pour autant chercher à mettre en tutelle
l'administration scolaire de l'île de Montréal, l'Assemblée
nationale devra amender le projet de loi no 28 de façon à
clarifier les fonctions respectives du gouvernement et des instances
régionales et locales. Sous des apparences de démocratisation, ce
projet nous parait mettre en place certains rouages qui pourraient favoriser la
bureaucratie d'Etat ou le contrôle politique.
La CEQ demande donc avec insistance au législateur de permettre
que s'amorce par ce projet de loi une planification scolaire
décentralisée. Depuis six ou sept ans, prétextant la
faiblesse des commissions scolaires, le ministère de l'Education a
beaucoup centralisé. Puisque par la loi no 27 et le projet de loi no 28
le gouvernement prétend revaloriser les commissions scolaires, le simple
bon sens exige qu'il leur permette d'accomplir un travail réel dans leur
ordre, un travail autre que l'exécution des directives
ministérielles. Si les organismes scolaires locaux ou régionaux
doivent s'inscrire sous le chapitre de la démocratisation, le
ministère de l'Education devrait repenser sérieusement plusieurs
de ses procédures de contrôle actuelles. Le projet de loi no 28,
devrait, selon la CEQ, donner le signal de ce second volet de planification
scolaire au Québec, celui où les régions seront
appelées à contribuer vraiment.
LE BILL 28 ET LA LANGUE
Même si la plupart des commissions scolaires prévues par le
projet de loi no 28 sont en majorité francophones, nous croyons que,
dans
les faits, cette loi va contribuer à l'anglicisation de
l'île de Montréal.
L'infâme loi no 63 a déjà établi la
dualité linguistique et culturelle du Québec et il semble que ce
bill no 28 va confirmer sur le plan des structures scolaires, le
caractère de district bilingue de l'île de Montréal. On
pourrait au moins espérer de ce gouvernement qu'il attende la
législation fédérale sur les districts bilingues avant de
courber l'échine. Alors que les Québécois francophones
sont déjà conditionnés à l'anglicisation et que,
particulièrement à Montréal, la prédominance de
l'anglais s'accroît chaque jour dans les milieux de travail comme dans la
vie sociale, selon cette loi, il y aura demain toute une portion de l'île
de Montréal qui sera desservie par des commissions scolaires à
majorité anglophone. C'est dire que les dizaines de milliers de
Québécois francophones devront lutter chaque jour pour obtenir
tous les services scolaires auxquels ils ont droit en français. Nous ne
voulons pas de Sturgeon Falls au Québec; nous ne voulons pas que des
Québécois francophones puissent être contraints à
lutter en anglais pour l'obtention d'une école francophone au
Québec.
Nous estimons que le projet de loi no 28, sournoisement, vient forcer
des Québécois francophones au bilinguisme.
Comment, en effet, croire qu'un francophone unilingue arrivera jamais
à se faire comprendre et à obtenir justice par une commission
scolaire anglophone? Tout le monde sait qu'être bilingue à
Montréal, c'est pour un Français, parler l'anglais.
D'ailleurs, le législateur reconnaît le danger que nous
évoquons, puisqu'il prévoit, à l'article 583, que le
lieutenant-gouverneur en conseil peut, s'il constate que la minorité
francophone ou anglophone n'est pas représentée par suite d'une
élection normale, nommer sur recommandation du ministre de l'Education
deux autres commissaires d'écoles pour des mandats d'une année
scolaire, après consultation des présidents des comités
d'écoles de la minorité intéressée.
De plus, à l'article 589, le législateur propose certaines
mesures de nature à assurer le bilinguisme sur le plan des services.
Donc, le législateur reconnaît la possibilité, le danger
que nous avons évoqué. Ces dispositions témoignent
néanmoins d'uns stratégie de cataplasmes et de compromission.
D'abord, si on prévoit la nomination par le ministre de
commissaires francophones dans une commission donnée, c'est qu'en fait
on prévoit la possibilité d'en arriver à des commissions
composées uniquement d'anglophones. Ces nominations seraient de
façon flagrante des accrocs graves à la démocratie, des
espèces de béquilles paternalistes destinées à
canaliser la minorité francophone et les autres minorités. On ne
saurait concevoir que ces commissaires complémentaires, s'il devait y en
avoir, soient nommés par le gouvernement. Ils devraient être
élus par les contribuables ou les comités d'éco- les de la
minorité en question, s'il devait y en avoir.
Mais, sur le fond, il est impensable que le gouvernement du
Québec laisse se constituer dans la réalité deux zones sur
l'île de Montréal: la francophone et l'anglophone, coiffées
d'un conseil scolaire forcément bilingue. Le projet de loi no 28 est,
sous le chapitre de la langue, un rapiéçage et un leurre
malodorant que nous dénonçons carrément.
C'est à Montréal que se joue la carte du Québec
francophone. Toute lâcheté, toute compromission à ce niveau
est condamnable avec la dernière énergie sur le plan des
principes, sans compter la non-rentabilité économique du
bilinguisme institutionnalisé, la rentabilité économique
étant l'argument massue de ce gouvernement.
En conséquence, la CEQ réclame: a) que le projet de loi 28
soit amendé de façon à ce que le conseil scolaire et les
commissions scolaires soient unilingues français; b)qu'en
conséquence le français soit déclaré par le projet
de loi seule langue officielle de travail et d'administration scolaire sur
l'île; c) que les commissions scolaires puissent organiser des
écoles anglophones, là où un nombre suffisant
d'anglophones, déjà engagés dans le système, le
désirent; d) que l'on dispense, dans ces écoles anglophones, au
moins la moitié de l'enseignement en langue française; e) que les
enfants des immigrants québécois soient intégrés au
système francophone d'enseignement public.
Si l'Assemblée nationale ne révise pas le bill no 28 en
fonction de ce minimum décent pour un Québec francophone, il
faudra donner raison à ceux qui affirment que ce gouvernement serait
l'instrument qui applique certaines recommandations de lord Durham au
siècle dernier.
Troisième volet de notre critique: Un bill d'employeur? Titre,
sous forme de question, pour le moment.
Dans les quelques dispositions du projet qui touchent aux relations de
travail, nous voyons peu de souci de la part de l'Etat de protéger les
travailleurs qui subiront les contrecoups de ces transformations; de plus, nous
cherchons en vain une conformité avec l'esprit de nos lois
générales du travail.
Les transformations consécutives à cette loi seront
l'occasion des perturbations profondes pour les employés des organismes,
la perspective de ces bouleversements est une source
d'insécurité.
Un gouvernement attentif aux problèmes des citoyens devrait ne
rien négliger pour diminuer cette insécurité et faciliter
l'adaptation des travailleurs impliqués aux changements
prévus.
La mention des articles 36 et 37 du code du travail et la mention de la
Loi de l'instruction
publique que nous retrouvons à l'article 17 des dispositions
transitoires ainsi que la consultation prévue au paragraphe b) de
l'article 11 des mêmes dispositions nous apparaissent insuffisantes dans
ce contexte.
La formule de référence aux articles 36 et 37 a
déjà été employée dans la Loi de la
Communauté urbaine de Québec et de longs débats juridiques
se sont engagés sur la portée réelle de l'article 36 dans
un cas de fusion par voie législative, qui ne semble pas entrer dans le
champ d'application de ces articles.
D'ailleurs, même s'il n'existait aucun doute au sujet de
l'application de l'article 36, cet article ne garantirait pas la souplesse
nécessaire aux rajustements des accréditations syndicales.
La formule de référence au code du travail et à la
Loi de l'instruction publique et l'état de la discussion ne permettent
donc pas aux travailleurs impliqués d'être assurés du
maintien de leurs conditions de travail et d'une solution adéquate
à leurs problèmes de transfert.
Pourtant, les problèmes qui se poseront seront nombreux.
Mentionnons-en quelques-uns rapidement: La sécurité
d'emploi. Les espérances de carrière par les
déplacements et le jeu de l'ancienneté. Les
bénéfices sociaux à harmoniser. Les
espérances de perfectionnement.
Le plan d'intégration doit toucher à de telles questions
et, en régissant ces questions, il deviendra partie intégrante du
régime de travail des employés. Dans le contexte de notre droit
du travail, les syndicats ont le droit de négocier leur régime de
travail.
En conséquence, la CEQ demande: a) Que l'article 11 des
dispositions transitoires soit amendé en modifiant le paragraphe b) de
manière à rendre obligatoire la négociation du plan
d'intégration. b) Que l'article 17 soit amendé de manière
à prévoir explicitement que les accréditations et les
conventions ne seront pas invalidées et qu'aucune procédure en
vue de l'obtention d'une accréditation ou de l'exécution d'une
convention ne sera invalidée. c) Que l'amendement de l'article 17
prévoie que le nouvel employeur est lié, comme s'il y
était nommé, par l'accréditation ou la convention et qu'il
devient, par le fait même, partie à toute procédure s'y
rapportant aux lieu et place de l'employeur précédent. d) Que cet
amendement prévoie également que les associations de
salariés accréditées peuvent renoncer à leur
accréditation et demander par requête au
commissaire-enquêteur en chef que leurs droits d'accréditation
soient transférés à une nouvelle association ou à
l'une ou l'autre des associations qui détient des accréditations
dans le territoire de l'employeur. e) Que l'article 18 soit amendé de
manière à prévoir que le nouvel employeur est lié
par les contrats individuels des employés, de la même
manière que l'employeur précédent.
Ces suggestions d'amendements sont faites dans le but d'assurer la
protection individuelle et collective des droits des travailleurs
concernés, certes. Mais qui ne voit pas que ces amendements
amélioreront nettement le climat général des relations de
travail sur l'île de Montréal et éviteront de multiples
querelles coûteuses et génératrices de conflits
stériles? A défaut de trouver des mécanismes suffisants
dans le code du travail, la CEQ demande que cette loi particulière soit
claire sur ces points, sans quoi il faudra condamner le bill no 28 comme
étant une manoeuvre d'employeur cherchant à imposer son jeu par
le biais d'une confusion législative calculée.
La CEQ n'a pas l'impression nous devons vous le dire franchement
que ses critiques au sujet de ce projet de loi, sur certains points,
seront prises au sérieux, si on en juge par les critiques que nous
avions formulées au sujet du projet de loi no 27, qui ont
été rejetées quant au projet de loi no 27 et
appliquées quant au projet de loi no 28. Probablement que les
suggestions que nous avons ici seront pour le prochain projet de loi. Je ne le
sais pas.
De toute façon, il est clair que nos propos sur la langue seront
qualifiés de doctrinaires, d'irréalistes, en certains milieux
gouvernementaux et journalistiques. Nous croyons néanmoins que ces
positions sont les seules compatibles avec le respect authentique de la
majorité francophone montréalaise et québécoise. Ce
n'est pas notre faute si des compromissions du passé nous ont
amenés dans une situation où le simple fait de réclamer
des choses aussi naturelles que ce que nous réclamons paraissent un fait
extraordinaire.
Quant à des suggestions pratiques, nous croyons en avoir
émises plusieurs sur le plan de l'amélioration de la
démocratisation et sur le plan de l'aménagement des relations de
travail.
Nous croyons vraiment qu'elles seront accessibles à l'entendement
du législateur actuel et compatibles avec sa conception habituelle du
réalisme et de l'efficacité.
Quant aux difficultés qui surgiront, qui seront
évoquées sur le plan constitutionnel, nous devons dire que nous
sommes parfaitement d'accord avec la liberté que semble prendre le
ministre de l'Education au sujet de ce papier qui s'appelle la constitution du
Canada. Nous allons l'appuyer aussi longtemps qu'il le voudra sur cette
question.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Bagot.
M. CARDINAL: M. Charbonneau, j'aurais deux questions à vous
poser. Votre critique du
projet de loi 28 paraît claire. Il y a cependant deux points en
particulier où j'aurais besoin d'être éclairé
davantage. A la page 3 de votre mémoire, vous dites qu'il est clair que
l'Etat est d'abord l'organisme responsable de l'éducation. Vous l'aviez
dit devant la commission permanente précédente, au mois de
février 1970. A la page 4, au numéro 1, vous dites: "Les
structures scolaires de l'île de Montréal doivent être
pleinement démocratiques et affranchies dans leur ordre de la
présence gouvernementale." Ma question est donc double: comment
pouvez-vous lier l'affirmation de la page précédente avec cette
deuxième affirmation? Je pose ma question autrement: qu'est-ce que
ça veut dire exactement "les structures scolaires doivent être
affranchies dans leur ordre de la présence gouvernementale? " S'agit-il
simplement d'une présence physique par des gens nommés par le
gouvernement, à quelque niveau que ce soit, ou s'il s'agit d'une absence
totale, si vous voulez, du ministère de l'Education, qui est l'organisme
de l'Etat dans le domaine des commissions scolaires et de leur
administration?
J'admets que c'est une question très générale, mais
enfin, si vous affirmez, d'un côté, que c'est le rôle
d'abord de l'Etat, peut-être que le numéro un pourrait être
rédigé autrement ou peut-être que je n'en saisis pas
exactement la portée. C'est ma première question.
M. CHARBONNEAU: Quand nous disons qu'il appartient d'abord à
l'Etat et non pas à des communautés de veiller à
l'éducation, c'est une affirmation générale et c'est
celle-là qui a été le consensus du Québec, je pense
bien, depuis l'instauration du ministère de l'Education. Cela ne veut
pas dire cependant que l'Etat doive aller jusqu'à, par ses
contrôles, ses directives, imposer sa présence dans la
régie interne du conseil scolaire de ville, par exemple, et aller
jusqu'à se donner les leviers nécessaires pour contrôler,
dans les décisions principales, les orientations de ce conseil. Quand
nous disons: "Les structures scolaires de l'île de Montréal dans
leur ordre devront être affranchies", nous pensons que la régie
interne, nous pensons que l'instauration de certains services propres à
l'île de Montréal, l'organisation de la vie scolaire en fonction
des réalités de cette communauté devraient être
pensées par des gens élus, représentant les commissions
scolaires, enfin selon la structure qui sera établie d'ici un an par les
dispositions transitoires. Mais, tout de même, pour nous, quand nous
confions à l'Etat l'éducation, cela ne veut pas dire qu'il va
remplacer, se substituer aux mécanismes que, par ailleurs, il met en
place.
Ici, c'est ce qui nous apparaît être le biais ou le vice de
ce projet de loi, en même temps que l'on accorde, que l'on revalorise,
dit-on, la structure à la base, ou au niveau de la région, en
même temps on s'arrange pour la dominer par l'adoption des
règlements, par l'adoption de plusieurs normes.
M. CARDINAL: M. Charbonneau, vous avez entendu, je pense, mes remarques
du début, et c'est un des points que j'ai soulignés. Mais ce qui
m'inquiète, et ce n'est pas d'aujourd'hui, même si nous sommes
membres de l'Opposition, c'est qu'il y a encore des gens qui voudraient bien
que l'Etat ne soit pas présent du tout. D'autre part, l'on sait que dans
le cas des organismes prévus par le projet de loi no 28, même
amélioré, même s'il n'y a pas la présence physique
de personnes désignées, soit dans le provisoire, au cours des
étapes, soit plus tard, ne craignez-vous pas que si l'Etat n'intervient
pas, dans certains domaines importants, l'on crée un deuxième
ministère de l'Education sur l'île de Montréal?
M. CHARBONNEAU: Oui, c'est pourquoi nos principes doivent se lire d'une
façon complémentaire l'un à l'autre. On a fait état
de la préoccupation que vous mentionnez au principe 2. Une planification
qui s'appuie sur le dynamisme des régions, nous pensons que c'est
possible, nous pensons que c'est le temps qu'une telle planification s'amorce
au Québec sur le dynamisme des régions, mais en respectant les
cadres généraux définis pour l'ensemble du Québec.
C'est ce que nous disons par la suite.
M. CARDINAL: D'accord, M. le Président.
M. CHARBONNEAU: Nous sommes conscients de ces multiples juridictions, de
ces multiples autorités, mais nous pensons qu'il y a lieu de
créer un emboîtement de ces responsabilités qui soit plus
harmonieux que ce qui est prévu par le projet de loi ou que la mise en
tutelle.
M. CARDINAL: D'accord. Je ne suis pas ici pour défendre le
ministre ou le projet de loi no 28, bien au contraire, mais il y a une chose
que je dois cependant soumettre. On l'a vu à l'occasion du projet de loi
no 27, on l'a vu lorsque la commission permanente de la Fonction publique s'est
réunie pour le classement des enseignants, on l'a vu à l'occasion
du projet de loi no. 30 concernant les collèges d'enseignement
général et professionnel, qu'il y a cette espèce de
dualité qui veut que, chaque fois que l'on a un problème au
niveau régional ou local, on en appelle au gouvernement. Chaque fois
qu'on n'a pas de problème, on voudrait bien que le gouvernement ne soit
pas là. C'est le dosage de tout cela qui me paraît difficile et
délicat.
Je vous pose tout de suite ma deuxième question pour ne pas
prendre trop de temps. A la page 10, vous avez l'alinéa b) et
l'alinéa c). L'alinéa b) émet un principe
général, que le français soit la seule langue officielle
de travail et d'administration scolaire sur l'île de Montréal. A
l'alinéa c), vous admettez cependant que des commissions scolaires
puissent organiser des
écoles anglophones. Est-ce que je comprends bien, est-ce que vous
voulez dire que toute l'administration, au niveau des commissions scolaires ou
du conseil métropolitain, se fasse uniquement en langue française
et que la langue anglaise ne soit permise qu'au niveau de l'école...
M. CHARBONNEAU: Oui.
M. CARDINAL: ... l'école étant entendue comme une
communauté d'élèves, d'enseignants, de cadres, etc.
M. CHARBONNEAU: Oui, c'est ce que nous disons.
M. CARDINAL: Evidemment, ceci découle de ce que vous avez dit
à la page 9, lorsque vous parlez de districts bilingues. Je suis
d'accord avec vous sur... une chose m'a frappé dans le projet de loi no
28 après coup, parce qu'il a été déposé
à l'Assemblée nationale en juillet, cela a été le
projet fédéral, évidemment, qui n'est pas le sujet de
cette commission, de districts bilingues. C'est vrai que si on ne fait pas
attention, le projet de loi no 28, tel que rédigé, crée en
certains secteurs de Montréal, pas partout mais en certains secteurs,
l'équivalent de districts bilingues. Il y en aurait donc deux l'un
pardessus l'autre, l'un fédéral et l'autre municipal.
M. CHARBONNEAU: Si vous permettez, M. Cardinal, nous avons dit "dans
certaines régions de l'île de Montréal seulement";
là, vous pensez aux commissions scolaires, mais comment le conseil
va-t-il fonctionner? Ce sera un véritable district bilingue au niveau du
conseil scolaire, cela recouvre toute l'île.
M. CARDINAL: Je ne discuterai pas de ce principe, parce que l'on va
entrer dans une discussion qui a déjà longtemps été
débattue ici. Est-ce que le Québec doit être unilingue ou
bilingue? Chacun des partis s'est déjà prononcé à
ce sujet-là et je ne veux pas reprendre la discussion. Je voulais que
vous m'éclairiez sur ces deux paragraphes qui ne paraissent pas
contradictoires mais qui s'éclairent davantage par l'explication que
vous venez de donner. Merci, M. Charbonneau.
M. LE PRESIDENT: Le ministre de l'Education.
M. SAINT-PIERRE: J'aurais, moi aussi, une explication à demander
à la page 12. Je m'explique mal mes mathématiques peuvent
être défectueuses cette tutelle déguisée,
puisque le projet de loi prévoit bien que ce sont les commissaires
élus qui désignent onze des membres d'un conseil de quinze. Le
gouvernement en nomme quatre; alors, il me semble que les onze élus ont
un contrôle absolu.
Au niveau de la nomination à l'exécutif donc pour
le conseil, ce sont des membres élus qui ont le contrôle absolu;
il n'y a aucun doute sur cela le gouvernement en nomme deux, mais comme
le contrôle du conseil, qui nomme soit trois ou cinq membres, est
détenu par lui, à l'exécutif aussi les membres,
nommés par le gouvernement, sont forcément minoritaires et sont
forcément majoritaires ceux élus par la population.
Ce que je ne comprends pas, c'est votre dernier paragraphe, où
vous dites que vous vous interrogez sur l'opportunité de permettre au
conseil de lui déléguer indifféremment n'importe lequel de
ses pouvoirs. Je ne comprends pas; est-ce que votre intervention signifie que,
de par la loi, on devrait empêcher le conseil, qui est forcément
majoritaire par les membres élus, restreindre ses pouvoirs,
l'empêcher?
M. CHARBONNEAU: Non...
M. SAINT-PIERRE: On a aussi cette contradiction: on voudrait que les
lois permettent le plus de flexibilité possible pour, dans un cas
donné, qu'un conseil puisse avoir une marge de manoeuvre pour exercer,
comme bon il l'entend, la gestion scolaire. Dans d'autres cas, on voudrait
qu'on soit peut-être restreint. C'est là que je ne comprends
pas.
M. CHARBONNEAU: Nous regardons l'économie générale
de la loi et nous voyons les commissions, bien sûr, le conseil et
l'exécutif; il nous semble qu'il y a une construction de la loi qui fait
que les pouvoirs ont une tendance à s'accumuler vers le sommet.
Bien sûr, au niveau du simple rapport de nombre de voix, les
commissaires ont la majorité par rapport à ceux qui sont
nommés par le ministre au niveau du conseil, et ainsi à
l'exécutif, mais vu qu'il n'y a pas de balises, qu'il n'y a pas de
critères quant aux pouvoirs que le conseil peut déléguer
à l'instance supérieure, forcément plus restreinte et
forcément plus sujette également aux directives
ministérielles, qu'il n'y a rien qui empêche que les pouvoirs
montent, il y a une tendance assez naturelle aux pouvoirs à se
déléguer vers le sommet comme ça, selon notre
expérience du milieu scolaire. Les directives ministérielles
étant très près également du conseil scolaire, nous
pensons que c'est là une concentration indue, en tout cas des
mécanismes qui permettent facilement de handicaper la démocratie
que, par ailleurs, on s'ingénie à vouloir instaurer. D y a un
danger là-dedans.
M. SAINT-PIERRE: Mais, est-ce que dans votre mémoire,
c'est soulevé, je pense, par le député de
Saint-Jacques ce n'était pas un reproche qu'on faisait au projet
de loi de ne pas donner suffisamment de pouvoirs au conseil et trop aux
commissions scolaires locales qui sont situées près des
collectivités? Enfin, est-ce que ce n'est pas empêcher les gens
élus démocra-
tiquement de bien vouloir donner les pouvoirs qu'ils jugeront? C'est ce
que je ne comprends pas. Est-ce que ce n'est pas restreindre finalement la
liberté de manoeuvre des gens qui sont élus
démocratiquement qu'on suggère, dans le dernier paragraphe de la
page 12? En d'autres termes, on voudrait que le gouvernement, par voie
législative, empêche ou freine la possibilité de manoeuvre
de gens démocratiquement élus. D me semble que c'est un petit peu
l'inverse...
M. CHARBONNEAU: Ce que nous voudrions, c'est que, dans le projet de loi,
il y ait une certaine énumération des pouvoirs du conseil
scolaire et certaines interdictions de transférer certains de ces
pouvoirs à l'exécutif; que les pouvoirs fondamentaux du conseil
scolaire, il soit clair qu'ils vont rester à ce niveau et que
l'exécutif ne les aspirera pas en cours de fonctionnement par des
règlements internes.
M. SAINT-PIERRE: Pour le législateur, accepter cette suggestion
que vous venez de formuler, est-ce que ce n'est pas faire preuve encore d'une
position plus centralisatrice, c'est-à-dire en empêchant ceux qui
sont démocrait-quement élus à l'intérieur de la
gestion scolaire de leur donner cette liberté de manoeuvre qu'on leur
donne actuellement? Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'actuellement on
permet au conseil scolaire d'en donner beaucoup et de ne pas en donner suivant
la confiance qu'on fait à l'exécutif, suivant la façon
dont vont les choses. Mais il me semble que cette liberté de manoeuvre,
ce n'est pas justement... Ne pas la donner, ce serait faire preuve,
véritablement, d'un esprit ce dont on nous accuse d'ailleurs dans
le mémoire centralisateur, d'un esprit paternaliste, en disant:
Vous ne pouvez pas faire plus que ça et n'allez pas plus loin que
ça.
M. CHARBONNEAU: Je crois réellement qu'au niveau de
l'exécutif on aurait des gens qui seront à temps plein, en
quelque sorte, dans la gestion scolaire. Il est facile pour de telles personnes
d'en arriver, par le travail qu'elles y mettent, à contrôler en
quelque sorte la pensée du conseil scolaire. C'est pourquoi on
trouverait que le législateur accroîtrait la démocratie
scolaire en mettant des crans d'arrêt à cette succion des pouvoirs
par les professionnels nommés en quelque sorte par le ministère
de l'Education au niveau de l'exécutif.
M. SAINT-PIERRE: C'est toujours le même problème que les
organisations ont je ne veux pas vous lancer de pierre
particulière le problème entre le champ d'action des
permanents dans une centrale syndicale versus un conseil d'administration qui,
lui, est responsable des politiques. Mais, est-ce qu'il n'est pas bon de
laisser au conseil d'administration cette latitude d'en donner plus ou de tirer
sur la corde?
M. CHARBONNEAU: Je ne sais pas le parallèle qu'on peut faire avec
les structures syndicales. Je ne connais pas ça.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je désirerais
poser quelques questions rapides au ministre de l'Education. A la page 16 du
mémoire de la CEQ, on trouve certaines recommandations au chapitre de la
langue. D'abord, on demande que le projet de loi no 28 soit amendé de
façon que le conseil scolaire et les commissions scolaires soient
unilingues français. Quel est l'avis du ministre au sujet de cette
proposition?
M. SAINT-PIERRE: Enfin, c'est le premier organisme qu'on entend qui fait
une telle recommandation. Il est évident qu'à la lecture du
projet de loi no 28 le gouvernement n'a pas jugé bon de s'inspirer d'une
telle recommandation. Maintenant, on est venu ici pour entendre d'autres
organismes. Je pense que pour une question aussi fondamentale que
celle-là, c'est une fois que tout le processus de cette consultation
sera terminé... Mais il est évident que la position actuelle du
gouvernement va à l'encon-tre de cela.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, M. le Président, compte tenu des
déclarations qui ont été faites par le responsable de la
langue au gouvernement, le ministre des Affaires culturelles, est-ce que le
ministre pourrait nous dire s'il y a eu consultation avec son collègue
au sujet d'une recommandation dont le ministre devait bien s'attendre à
ce qu'elle vint?
M. SAINT-PIERRE: Une recommandation touchant la position du gouvernement
telle que décrite dans le projet de loi no 28?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.
M. SAINT-PIERRE: Evidemment, les grands principes du projet de loi no
28, avant même son dépôt en première lecture, avaient
été ratifiés par l'ensemble du cabinet et c'était
la position du gouvernement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Donc, est-ce que l'ensemble du cabinet
était d'avis que ce conseil scolaire et les commissions scolaires
fussent unilingues français?
M. SAINT-PIERRE: Bien, je pense qu'à la lecture du projet de loi
no 28, il devient évident que le gouvernement reconnaît la
nécessité de donner une commission scolaire unifiée,
c'est-à-dire une commission scolaire qui n'est ni catholique, ni
protestante, ni uniquement française, ni uniquement anglaise et de
donner des droits, selon le projet de loi no 28, aux parents quant au choix de
l'école catholique, de l'école
protestante et de l'école neutre, d'autres législations
provinciales accordant des droits sur le plan linguistique.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais il s'agit naturellement, M. le Ministre,
et vous le comprenez, de structures administratives dans lesquelles se
retrouveront des gens de langue française et des gens de langue
anglaise. Est-ce que le ministre ou le gouvernement, de même que le
ministre des Affaires culturelles, responsable de la langue, sont d'avis que
l'on doive instaurer à ce niveau l'unilinguisme français?
M. SAINT-PIERRE: Il est inutile pour moi de reprendre les propos tenus
récemment par le ministre des Affaires culturelles concernant la
commission Gendron. Compte tenu du fait que cela me semble un dossier
séparé, le gouvernement n'a pas trouvé à propos
d'inscrire dans le projet de loi no 28, dans les moindres détails, le
déroulement comme peut-être le suggérait le
président de la CEQ au niveau de l'administration scolaire, comme on le
fait d'ailleurs sur le plan municipal ou pour la Communauté urbaine de
Montréal. Il n'y a pas dans le texte de la communauté urbaine une
disposition prévoyant si les gens doivent parler français ou
anglais.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela équivaut-il à dire que
liberté est donnée aux organismes concernés d'utiliser la
langue qui leur paraît la plus utile ou les deux langues alternativement,
selon les besoins de ces organismes?
M. SAINT-PIERRE: Je pense un peu que ce qui se fait sur le plan
municipal va prévaloir sur le plan scolaire. Il y a certaines
régions où, sur le plan municipal, il ne se pose aucun
problème. Il y a d'autres régions qui sont des régions
frontières où, là, les problèmes se trouvent, mais
je pense que localement les collectivités sont capables de trouver les
accommodements requis.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, au paragraphe b) de la seconde
proposition de la CEQ, on demande qu'en conséquence le français
soit la seule langue officielle de travail et d'administration scolaire sur
l'île de Montréal. Compte tenu des déclarations du premier
ministre sur le sujet, des déclarations du ministre des Affaires
culturelles, quelle est l'intention du ministre de l'Education à cet
égard?
M. SAINT-PIERRE: Eh bien, c'est la même réponse que j'ai
donnée auparavant. Je pense que dans le projet de loi no 28 tel que
déposé, on a un peu statué sur ceci. On laisse le dossier
ouvert, compte tenu des travaux de la commission Gendron, mais je pense que
là il n'appartiendrait pas de retrouver la solution à ce
problème réel à l'intérieur du projet de loi no
28.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. le Ministre, des réponses que
vous me donnez, j'en conclus que vous avez reconnu que le Québec dans ce
domaine avait marqué des étapes, qu'un gouvernement, pour la
première fois en 1969, avait élaboré ce qui doit devenir
une politique globale de la langue et qu'à ce stade-ci des études
et des travaux de la commission Gendron, le gouvernement ne veut pas encore
définir nettement une politique en matière linguistique.
M. SAINT-PIERRE: Non, le gouvernement a indiqué que quant au
cheminement, après avoir pour la première fois dans un
siècle investi autant dans une commission créée en 1969
pour examiner les problèmes de la langue, il serait
prématuré d'en donner des éléments de
politique.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, au paragraphe d), on demande que
l'on dispense dans ces écoles anglophones au moins la moitié de
l'enseignement en langue française. Le ministre pourrait-il, pour nous
éclairer, afin que nous puissions apprécier cette recommandation
de la CEQ, nous dire quel cas l'on a fait des prescriptions de la loi 63 en ce
qui concerne l'enseignement du français dans les écoles dites
anglophones?
M. SAINT-PIERRE: Le règlement numéro six a
été adopté par le ministre de l'Education l'an dernier. Il
était en vigueur cette année dans toutes les écoles
anglaises du Québec. Il n'y a pas de problème majeur à ce
sujet; il y a les problèmes touchant le personnel
spécialisé nécessaire; il peut y avoir quelques
périodes de transition, mais ce règlement numéro six
visait à accroître la qualité de l'enseignement du
français langue seconde dans les écoles anglaises, la rendait
obligatoire dès la première année du cours
élémentaire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une dernière question, M. le ministre.
Au paragraphe e) on demande que les enfants des immigrants
québécois soient intégrés au système
francophone d'enseignement public. Quelle est la position du ministre de
l'Education ou du gouvernement à ce sujet, compte tenu toujours des
déclarations du ministre des Affaires culturelles, responsable de la
politique linguistique du gouvernement?
M. SAINT-PIERRE: Là encore il faut toujours avoir à
l'esprit que les lois peuvent être changées par un gouvernement,
mais tant qu'elles ne sont pas changées, le ministre voit à ce
que les lois actuellement en vigueur soient observées. Touchant le
paragraphe e), je pense que le gouvernement précédent avait
donné, par la loi no 63, des droits aux immigrants; actuellement on voit
à l'observance de ces droits. Je soumets la réserve que ces lois
peuvent être changées.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais le ministre sait que, par la loi no 64
présentée par le ministre des Affaires culturelles et
approuvée à l'unanimité de la Chambre, l'on a
consacré ce principe du choix de la langue par les immigrants. Est-ce
que la loi no 64, lorsqu'il s'est agi...
M. SAINT-PIERRE: Des corporations professionnelles?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Des corporations professionnelles.
M. SAINT-PIERRE: Je pense que ce n'était pas tout à fait
la même chose. Elle facilitait, pour ceux qui avaient une connaissance
d'usage du français, leur admission au sein des corporations
professionnelles. Mais si on parle des enfants des immigrants
québécois intégrés à un système
francophone ou non francophone, je pense que vous avez un chiffre de trop; il
faut parler de la loi no 63.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je crois qu'il y a la loi no 63 et que la loi
no 64 est venue consacrer ce principe. C'est le ministre des Affaires
culturelles qui a présenté cette loi au nom du gouvernement.
Reprenons globalement les cinq propositions de la CEQ. Le ministre ne peut nous
dire, à ce stade-ci de nos études du projet de loi no 28, si son
gouvernement entend accepter les recommandations qui sont faites ici par la
CEQ.
M. SAINT-PIERRE: La réponse est négative sur deux plans.
Dans un premier temps, alors qu'on entend un premier mémoire, il serait
prématuré de dire il y a d'excellentes suggestions dans ce
mémoire si nous devons accepter ou pas les recommandations
relatives aux relations de travail, alors que nous n'avons pas encore entendu
les autres mémoires.
Sur le point spécifique de la langue, je pense que la
réponse est doublement négative, en ce sens qu'il serait deux
fois plus prématuré de tenter d'accepter des choses, compte tenu
de la discussion que nous venons d'avoir sur les travaux de la commission
Gendron, et sur le plan de la politique linguistique de commencer à
avoir des éléments de politique, alors même que le travail
de recherche n'a pas été soumis au gouvernement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le ministre, vous accepterez avec moi que
cette réponse est une dérobade, en quelque sorte. Je ne veux pas
donner au terme un sens trop péjoratif, mais ce projet de loi a quand
même été longuement élaboré; il a
déjà été discuté; il a déjà
été même présenté sous une autre version lors
de la présentation du projet de loi no 62. Il était à
prévoir le ministre le sait depuis des années que
ces sujets seraient fatalement évoqués et que ces sujets seront
évoqués par d'autres organismes qui comparaîtront devant
nous. Voici que ce matin la CEQ nous présente des propositions
formelles. Je demande encore une fois au ministre ceci, afin de nous
éclairer, d'éclairer la commission, de même que les
témoins qui viendront devant nous, si le gouvernement a l'intention de
poser dans la loi no 28 le problème global de la langue dans le secteur,
évidemment, de l'île de Montréal et, ultérieurement,
dans l'ensemble du Québec.
M. SAINT-PIERRE: Ce n'est pas l'intention du gouvernement de tenter,
à l'intérieur du projet de loi no 28, de régler un
problème qui est à l'étude.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm.
M. MASSE (Montcalm): Etant donné que l'objet premier de la
Corporation des enseignants, c'est les relations de travail, la corporation a
consacré le chapitre trois de son mémoire à ce
problème très d'actualité au Québec. Est-ce que le
président pourrait élaborer sur les dangers qu'il voit dans ce
projet de loi, afin que les législateurs soient immédiatement
sensibilisés à des conflits éventuels entre les
enseignants et les organismes d'éducation?
M. CHARBONNEAU: Sous l'angle des relations de travail, essentiellement,
nous nous en remettons à ce qu'on nous informe être les
expériences vécues à l'occasion de transformations de
structures semblables à la Loi de la communauté urbaine de
Québec.
Il semble que la simple référence aux articles 36 et 37 du
code du travail laisse place à des interprétations diverses qui
occasionnent des retards très grands dans la solution des
problèmes qui se posent.
Deuxièmement, nous avons dans l'article 17 du bill no 28 une
situation qui nous semble être de nature assez confuse quand nous prenons
connaissance du texte lui-même. Je lis l'article 17 des dispositions
transitoires: "Les personnes à l'emploi des commissions scolaires
existantes le 30 juin 1973 deviennent, le 1er juillet 1973des
employés soit du conseil, soit des commissions scolaires nouvelles,
conformément au plan d'intégration dressé à cette
fin par le conseil..."
Jusqu'ici, nous sommes d'avis que c'est sensé de laisser
ça au plan d'intégration. Nous avons déjà fait des
remarques, cependant, sur la manière d'en arriver à ce plan
d'intégration, remarques qui s'accrochent à l'article 11.
On continue: "...subordonnément aux droits et obligations des
commissions scolaires existantes et de leurs employés, et sous
réserve, quant aux salariés au sens du code du travail et aux
associations accréditées pour les représenter, des
dispositions des articles 36 et 37..."
Et il y a une autre référence à la Loi de
l'instruction publique.
Nous trouvons qu'il y a vraiment trop de portes ouvertes à des
interprétations multiples "subordonnément" et "sous
réserve" d'un tas de choses. Nous aimerions que le législateur
précise clairement qu'il entend respecter les droits individuels et
collectifs des employés.
Le troisième élément de ma réponse: Comme je
l'ai mentionné quelque part dans le mémoire, certains de nos
syndicats affiliés, dont l'Alliance et d'autres associations de
l'île, présenteront leur point de vue. Ce sera un point de vue
complémentaire qui reflétera peut-être davantage, d'une
façon concrète, les problèmes d'application que
soulèvent des dispositions aussi vagues et aussi
enchevêtrées que celles de l'article no 17.
On pourrait peut-être concevoir que ces réponses-là
peuvent venir également des syndicats affiliés.
M. MASSE (Montcalm): A moins que le ministre n'ait une réponse
tout de suite, nous pourrions peut-être attendre le mémoire de
l'Alliance.
M. SAINT-PIERRE: D'accord.
M. CHARBONNEAU: C'est ce que je suggère en fait, parce que nous
avons conçu notre travail de façon complémentaire pour que
certains points de vue viennent de l'analyse concrète des
problèmes locaux.
M. LE PRESIDENT (Veilleux): Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. Charbonneau, j'ai très peu de questions à
vous poser, parce que l'ensemble du mémoire de la CEQ est tout à
fait conforme aux positions que nous avons énoncées, nous hier.
Je ne vous poserai pas de questions sur la partie de votre mémoire qui
porte sur la langue, parce que vous venez, via le député de
Chicoutimi, d'expérimenter ce que nous connaissons depuis 17 mois. En
effet, chaque fois que nous abordons ce problème-là, c'est la
merveilleuse référence à cette merveilleuse commission
Gendron, qui a un merveilleux retard dans son merveilleux rapport. Ce qui fait
que ça permet toujours au gouvernement d'éviter de parler de la
politique linguistique qu'il a promise au moment de l'élection avec,
entre autres, un autre slogan bien connu.
Pour nous, nous aurons l'occasion de reprendre l'ensemble de vos
propositions là-dessus parce qu'elles sont les nôtres
également lors du débat aussi bien en deuxième
lecture qu'en comité plénier et même en troisième
lecture.
Ma question porte sur une remarque que vous faites à la page 4,
la cinquième au bas, qui dit que, bien sûr, parmi les objectifs
généraux d'une restructuration scolaire, en particulier sur
l'île de Montréal, "elle doit favoriser la participation des
parents à la vie scolaire.
Cette participation doit porter sur des objets de réelle
importance je vous cite et leur permettre de travailler en
étroite collaboration avec les enseignants aux objectifs et au
fonctionnement de l'école."
Vous avez évidemment étudié comme nous le projet de
loi no 28. Celui-ci fait référence, quant aux pouvoirs et au
rôle du comité d'école, à l'article récemment
amendé, via la loi no 27, de la Loi de l'instruction publique. Lorsque
nous avons étudié la loi no 27 en commission
c'était au mois de juin, je pense vous étiez venu, au nom
de votre centrale syndicale, en même temps, je me souviens, qu'une
association de parents-maîtres, je crois, déposer vos opinions
quant à ce que stipulait l'article prévu au projet de loi no 27
quant au rôle des parents.
En gros, je le rappelle, le rôle du comité d'école
est d'encourager les parents à participer à la vie scolaire.
Donc, la fonction première est d'encourager la deuxième fonction
qui est de faire des recommandations quant à la qualité de la vie
scolaire, etc. Nous nous étions trouvés d'accord, si ma
mémoire est fidèle, votre centrale, l'association des parents qui
était venue témoigner et mon parti politique, pour dire que ce
genre de phrases creuses qu'on retrouve pour préciser un rôle au
comité des parents étaient absolument inacceptables; qu'il
fallait, dans l'esprit d'une participation que devait refaire une
restructuration comme celle du projet de loi no 27 et comme le fait le projet
de loi no 28, augmenter, dans vos termes mêmes, favoriser la
participation des parents autrement que par des voeux pieux mais par des
pouvoirs concrets.
Nous avions énoncé, à ce moment-là, une
série de pouvoirs, de recommandations que la recommandation 286 du
rapport Parent faisait quant au rôle que pouvait avoir le comité
d'école. Est-ce que sur le projet de loi no 28, même si votre
paragraphe est très laconique, vous seriez prêt à exiger du
législateur un amendement au rôle prévu au comité
d'école, comme nous l'avions fait ensemble momentanément, quant
nous parlions du bill 27? Avez-vous toujours la même conception de ce que
doit être le comité d'école quant à ses pouvoirs et
quant à son rôle et le suggérez-vous encore au moment
où nous étudions le bill 28?
M. CHARBONNEAU: Oui. Nos conceptions actuelles au sujet du comité
d'école sont sûrement les mêmes qu'au moment de
l'étude du projet de loi no 27. Nous ne sommes pas revenus sur cette
question cette fois-ci parce que nous avons préféré
traiter de trois aspects seulement, aimant mieux avoir quelques idées
claires que quatre douzaines d'idées confuses.
Quant à l'avis du comité scolaire lui-même, nous, en
tant que centrale, avons adopté comme politique l'obtention d'une
négociation à
deux paliers, provincial et local ou régional, justement pour que
soit rendue possible l'élaboration par les intéressés, les
syndicats et les commissions scolaires, à leur niveau, de formes
originales de participation des parents et des enseignants. Dans un tel
contexte et dans l'esprit dans lequel nous avons rédigé, par
exemple, notre dernier projet de convention provinciale, il est bien clair que
pour nous doivent s'élaborer au niveau local ou régional les
modalités concrètes de la participation, doivent pouvoir
s'expérimenter des formules nouvelles qui associent de plus près,
certainement, parents et enseignants.
La réponse est assez générale mais nous croyons
avoir mis au point certaines formules de négociation qui permettraient
d'arriver à des formules concrètes, suite à des
négociations réelles au niveau dont nous parlons, au
deuxième niveau. Par ailleurs, nos syndicats affiliés vous diront
exactement le degré d'implication qu'ils pressentent que leurs membres
peuvent accepter dans des comités avec les parents. Pour nous, comme
orientation générale, nous voulons trouver des formules. Nous
voulons que la machine permette que des formules se trouvent à la base
où s'associent vraiment parents et enseignants, avec des pouvoirs
réels sur la vie de l'école.
M. SAINT-PIERRE: Si on retient ces deux principes de participation des
parents et de démocratisation des structures.
Ne trouvez-vous pas que finalement il y a un grand pas de fait dans le
sens que l'on donne à tous l'élection des commissaires, non
seulement sur le plan de l'élection des commissaires, mais du fait que
le droit de vote est abaissé à 18 ans et que, pour se
présenter comme commissaire, ce que je trouve dans l'intervention du
député de Saint-Jacques, c'est qu'on met de côté un
peu le rôle des commissaires? En effet, lorsque les commissaires seront
élus par toutes les personnes de 18 ans et plus et pour se
présenter commissaire, il s'agit d'avoir 21 ans et plus sans être
nécessairement propriétaire. Les commissaires qui ont des
pouvoirs très réels dans notre droit scolaire, ça
représente des parents, ça aussi, il ne faut pas négliger
ça et je pense qu'il y aurait peut-être un danger d'avoir une
double structure. Je pense que là on tente d'institutionnaliser le
rôle des parents comme parents, on accentue les responsabilités
des commissaires et on élargit le sens de l'éligibilité
pour la charge de commissaire. Il me semble que, d'après cette
première expérience, nous pourrons peut-être tirer des
conclusions, mais il y aurait peut-être un danger, même pour les
syndicats d'enseignants, de ne pas savoir véritablement qui
détient l'autorité ou enfin qui peut prendre des
responsabilités.
M. CHARBONNEAU: Si vous permettez, à ce sujet-là, c'est
une chose que la démocratisation par voie d'élection au niveau de
la commis- sion scolaire, mais c'est autre chose que la participation
d'enseignants et de parents au niveau de l'école. L'argument que vous
soulignez indique bien comment on a voulu démocratiser la vie au niveau
de la commission scolaire. D'autres auront des propos plus précis que
nous sur les pouvoirs relatifs de la commission et du conseil, mais ce dont il
est question dans l'interrogation ici, c'est au niveau de l'école. A
vrai dire, il nous semble qu'il y aurait lieu d'accorder vraiment un coup de
barre de ce côté, parce que le bien de l'enfant, comme l'a dit un
certain gouvernement, c'est quand même au niveau de l'école et non
pas au niveau de la commission, finalement, qu'il se joue, et la participation
doit aussi s'engager fermement de ce côté-là, à ce
niveau-là.
M. CHARRON: J'admets la remarque du ministre de l'Education quant
à l'effort qu'apporte le projet de loi no 28, sur la
démocratisation au niveau de la structure intermédiaire, celle de
la commission locale. Nous allons appuyer chacune des modifications que vous
faites là-dessus, mais je crois que le président de la centrale
des enseignants a raison, en disant que ce n'est pas parce que maintenant il y
aura 15 commissaires élus au suffrage universel que la participation des
parents au niveau de l'instruction de leurs enfants dans l'école se
trouve amplifiée par le fait que désormais, au lieu d'être
nommés par l'archevêque, il y aura droit de vote, et par rotation,
s'il vous plaît, à tous les trois ans. Ce sont deux choses. Nous
en reparlerons ensemble en tout cas.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Papineau.
M. ASSAD: M. Charbonneau, à la page 4, numéro 4, à
la dernière partie du paragraphe, vous dites qu'il y a certaines mesures
tenant compte des privilèges acquis par les minorités
anglophones. Vous dites à la page 16, b) "qu'en conséquence le
français soit la langue officielle de travail et d'administration
scolaire sur l'île de Montréal..." Il me semble qu'il est
évident que ce sera la première chose que l'on réclamera
comme privilège acquis ou presque un droit de vouloir, à certains
endroits de l'île de Montréal, administrer en anglais là
où il y a une population à 80 p.c. ou à 90 p.c.
d'anglophones.
M. CHARRON: Le député de Papineau considère-t-il
que c'est un privilège ou un droit?
M. CHARBONNEAU: Pourrait-on, pour bien comprendre la question, demander
au député de Papineau, s'il voit, s'il pressent que, parce que ce
sera la première chose que demanderont les anglophones, c'est une chose
qui va de soi ici dans le Québec?
Peut-on concevoir que, dans votre question, c'est ce que vous
sous-entendez, que parce qu'ils le demanderont, il faudra continuer comme
ça?
M. ASSAD: Non, mais...
M. CHARBONNEAU: C'est un début de précision.
M. ASSAD: Ce que je veux dire ici, c'est que vous avez tenu compte qu'il
y a des privilèges ou des droits acquis et c'est certainement la
première chose qu'ils vont demander, que soit respecté le fait
que, dans des endroits où ils sont en majorité, certaines
commissions scolaires soient administrées dans leur langue.
M. CHARBONNEAU: Nous avons employé l'expression
"Privilèges acquis" parce que nous trouvons que ça un sens
différent de droits acquis; deuxièmement, les privilèges
auxquels nous faisons allusion à la page 4, c'est le paragraphe c) de la
page 16 qui s'en occupe et non pas les autres paragraphes.
M. CHARRON: J'ai mal interprété... M. CHARBONNEAU: C'est
la...
M. CHARRON: ... la question du député de Papineau.
Posez-vous la question au président de la Corporation des enseignants
parce qu'à votre avis il y avait contradiction entre les deux parties ou
si c'est parce que vous êtes d'accord de considérer comme eux le
font que "leurs droits" qu'ils vont défendre ici d'administrer une
structure scolaire en leur langue? Est-ce que pour vous c'est un droit comme
nous allons l'entendre ou si c'est un privilège? Etes-vous d'accord avec
ce que dit le président de la corporation quand il dit que c'est un
privilège?
M. ASSAD: Non. Ce à quoi je veux en venir, c'est qu'il
était prêt à tenir compte que c'était un
privilège.
M. CHARRON: Oui, selon lui. M. ASSAD: Selon lui.
M. CHARBONNEAU: Le privilège dont nous tenons compte, c'est le
maintien de certaines écoles pour les anglophones, pour ceux qui sont
déjà engagés dans le système. C'est le
privilège que nous reconnaissons. L'autre privilège, qui est
d'avoir du bilinguisme au niveau de l'administration scolaire, celui-là,
nous nous permettons de l'écarter.
M. ASSAD: En d'autres mots, quand ils sont dans leur commission scolaire
ou quand ils sont en majorité, les résidants plus les
commissaires d'écoles, est-ce que vous considérez que c'est
encore seulement un privilège acquis?
M. CHARBONNEAU: Oui, oui.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais
questionner M. Charbonneau sur les propositions qui se trouvent à la
page 16 de son mémoire en regard de ce qui est déclaré au
paragraphe 4 de la page 4. On dit: "Ce qui n'exclut pas certaines mesures
tenant compte des privilèges acquis par la minorité anglophone".
D'autre part, on demande que le projet de loi soit amendé de
façon que le conseil scolaire et les comissions scolaires soient
unilingues français.
M. Charbonneau, est-ce que vous pourriez nous décrire ou nous
dire ce que vous considérez historiquement et juridiquement comme un
privilège dans l'optique de ce problème général de
la langue de la minorité?
M. CHARBONNEAU: J'aimerais bien pouvoir répondre avec
compétence à votre question dont je sens la bonne motivation. Je
sens un appui indirect à notre mémoire par la formulation de
votre question. Quant à moi, je refuse d'engager le débat sur le
plan juridique et sur le plan de l'histoire conçu comme un amas de
vieilles choses dans le passé. Pour moi, l'histoire du Québec est
devant nous. C'est à partir de maintenant qu'il faut l'écrire et
non pas en regardant ce qui s'est fait depuis cent et quelques
années.
A ce moment-là, je n'engage pas de débat sur le plan de la
constitution et je fais à peu près comme le ministre
Saint-Pierre, je fais semblant de ne pas en tenir compte.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Charbonneau, c'est une réponse fort
habile...
M. CARDINAL: Voulez-vous changer de côté?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... mais elle ne règle toutefois pas la
question de fait. Il existe quand même une minorité anglophone
importante à Montréal. Que cette minorité ait eu des
droits ou des privilèges, il reste que l'histoire, s'il s'agit de
privilèges, les a consacrés. Est-ce que, à votre avis
parce que nous allons entendre évidemment les
représentants des groupements anglophones la proposition que vous
faites respecterait ce que les anglophones considèrent maintenant comme
des droits et ce que d'autres appellent des privilèges, encore que les
faits aient confirmé ces privilèges et en aient fait, à
toutes fins utiles, des droits? C'est là leur prétention,
à tout le moins.
M. CHARBONNEAU: Nous posons le problème sous un angle que nous
voulons réaliste. Tenant compte des faits, nous nous disons: Est-ce
qu'il n'est pas normal d'exiger que l'administration des affaires scolaires se
fasse dans une langue, la langue de la majorité des citoyens de
l'île de Montréal et de la majorité des citoyens du
Québec, sur le plan officiel? Si la réponse est oui à
cela, les autres faits que l'on
peut accumuler autour, c'est un contexte, mais il faut une intention, il
faut un projet à travers ce brouillon de Québec qui a
été, en quelque sorte, élaboré par les
compromissions du passé et des diptyques avortés, etc.
Est-ce que finalement on ne pourrait pas, à travers tout cela,
avoir un projet et en arriver à définir la personnalité du
Québec quant à la langue, quant au respect de la langue de la
majorité des francophones? Il me semble que c'est le temps; il me semble
que cela aussi, c'est tenir compte des faits. C'est dans un secteur qui
relève de l'Etat en très grande partie, où l'influence
prédominante relève de l'Etat; il n'y a pas ce conflit avec les
industries et cette soumission à des capitaux étrangers dans ce
domaine-là.
Tout de même, s'il y a un secteur que le Québec peut
aménager conformément au respect de sa majorité, c'est
bien le secteur scolaire, compte tenu de ça aussi que nous appelons la
réalité de base, nous. Les autres aspects, nous les qualifions de
secondaires, et c'est à partir de maintenant qu'on va essayer de tracer
la voie du respect de la majorité au Québec.
Cela ne répond probablement pas exactement à toutes les
questions sur le plan juridique et historique mais c'est intentionnel, d'une
part, et, d'autre part, je ne me suis pas préparé pour faire un
débat juridique et historique ici, étant donné qu'on n'en
sort jamais avec un tel type de débat.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Charbonneau, mon intention n'est pas de
vous engager dans un débat juridique ou historique. Mais je veux quand
même vous amener à considérer certains faits. Et, partant
de ce que vous venez de dire, à supposer que l'on admette votre
proposition qui, dans les principes, peut être justifiable, il reste
qu'il y aura, au sein de cette administration scolaire renouvelée de
l'île de Montréal, des francophones et des anglophones qui devront
travailler ensemble sur un plan rigoureusement administratif.
Est-ce que vous croyez réaliste, compte tenu des habitudes
acquises et du fait qu'un très grand nombre de ces administrateurs sont
appelés à travailler avec des administrateurs de langue
française, d'exiger d'eux que, dès le départ, ils
admettent que le français soit la seule langue de travail? Je pose le
problème en termes rigoureusement pratiques parce qu'il y a quand
même des gens là qui ont un certain âge; si c'étaient
tous des gens qui sont à l'école, on pourrait dire: Ils vont
être bilingues et ça va venir très vite. Mais ce ne sont
quand même pas des enfants qui vont administrer, ce sont des gens qui,
depuis toujours, ont fait leurs affaires en anglais dans ce secteur
précis de l'administration scolaire. Est-ce que cette proposition vous
paraît réaliste et est-ce qu'elle est de nature, à votre
avis, à favoriser l'établissement d'un climat de
sérénité nécessaire à l'administration
scolaire?
M. CHARBONNEAU: Nous avons nous-mêmes concédé que
plusieurs personnes du secteur politique ou journalistique allaient qualifier
d'irréalistes nos propos sur la langue. Nous l'avons nous-mêmes
écrit à la page 21. Alors, ça c'est un
élément de réponse. J'ai retenu dans votre question
l'insistance que vous avez mise sur l'expression "dès le départ".
Est-ce que vous trouvez réaliste que, dès le départ, on
adopte radicalement, en quelque sorte, pour les anglophones, la langue
française dans l'administration? Vous introduisez la notion d'une
transition, la notion d'étapes, ce qui n'est pas dans le projet de loi,
ce qui ne semble pas être dans l'intention du législateur. Ce que
nous trouvons à dénoncer, vous et nous, en somme, si je comprends
bien, c'est le manque de projets clairs, bien orientés de la part du
législateur à travers tout ça; c'est l'espèce de
maintien de la confusion et du bilinguisme et de certaines formules qu'on a
bien connues et bien expérimentées qui vont toujours dans le sens
de l'anglicisation progressive de la majorité francophone de
l'île. Alors, si nous sommes d'accord là-dessus, nous allons
sûrement être d'accord pour exiger du législateur qu'il
définisse son projet quant à l'essor de la culture et de la
langue française sur l'île de Montréal et dans le
Québec, et nous allons sûrement être d'accord,
également, pour dénoncer la confusion qu'il veut entretenir une
fois de plus par ce projet de loi.
Il est clair que les anglophones ont acquis dans les faits certaines
habitudes de fonctionnement, mais nous ne voulons pas voir inscrire ce
dualisme, ce bilinguisme dans des institutions scolaires. Je pense que
ça c'est un projet, c'est une intention bien claire qui peut s'atteindre
peut-être par des étapes, je n'ai pas étudié la
question des étapes ou la question de la transition, mais qui doit
s'atteindre et qui doit être marquée bien clairement par le
législateur comme un objectif, non pas rien qu'une promesse.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Charbonneau, au paragraphe c) de vos
recommandations, à la page 16, vous dites: Que les commissions scolaires
puissent organiser des écoles anglophones là où un nombre
suffisant d'anglophones déjà engagés dans le
système le désirent.
Vous admettez évidemment qu'ils ont le droit d'organiser des
écoles anglophones là où il y a un nombre suffisant
d'anglophones. Mais lesdites commissions scolaires devront quand même
requérir les services d'administrateurs qui, à leur tour, feront
partie de ce conseil scolaire et de l'ensemble des structures.
Vous reconnaissez, au paragraphe c), le droit qu'ont ces gens d'utiliser
leur langue, d'apprendre leur langue, de la parler et de s'en servir. Par
ailleurs, vous leur niez le même droit lorsqu'ils seront membres,
lorsqu'ils parleront en leur qualité d'anglophones au sein du conseil
scolaire et des commissions scolaires. Est-ce qu'il
n'y a pas une sorte de contradiction dans ces propositions?
M. CHARBONNEAU: Je pense bien qu'il faut lire vraiment, ici au
paragraphe d), que ce que nous accordons, c'est au niveau des écoles.
Alors une école est dirigée par un principal qui, lui, sera
probablement de langue anglaise, s'il est principal d'une école
anglophone, et qui devra dans ses relations avec la commission scolaire
travailler en français puisqu'au niveau de la commission, comme du
conseil, l'administration devrait être en une seule langue, le
français.
Alors, je ne vois pas exactement le problème. La personne exerce
ses droits à l'intérieur de l'école. La communauté
anglophone se voit servie par un réseau d'écoles mises en place
par les commissions scolaires, mais ça ne doit pas venir perturber la
vie linguistique et culturelle de la commission scolaire et du conseil parce
qu'on accorde des services dans une autre langue à un groupe
minoritaire. On ne voit pas pourquoi il y aurait relation nécessaire
entre l'existence d'écoles anglophones et une administration qui devient
bilingue ou anglophone au niveau de la commission ou du conseil selon le cas.
On ne voit pas de relation nécessaire entre ça.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous leur concédez le droit d'organiser
leurs écoles,...
M. CHARBONNEAU: Nous leur reconnaissons le droit.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... de diriger ces écoles en utilisant
la langue anglaise; par ailleurs, dès le moment où ils seront
appelés à s'exprimer via les structures du conseil scolaire et
des commissions scolaires, vous ne leur reconnaissez plus le droit d'utiliser
cette langue, mais plutôt de se soumettre à la volonté
d'une majorité francophone.
M. CHARBONNEAU: Ce que vous décrivez là, ce que nous
voulons en quelque sorte pour le milieu scolaire, c'est la réplique
à l'inverse de ce qui se passe dans le milieu des affaires. Au niveau de
l'entreprise, au niveau de la manufacture, dans les relations entre
l'employé et son petit patron immédiat, la vie se passe en
français généralement. Mais quand on arrive au niveau de
la gérance intermédiaire ou supérieure, on
s'aperçoit que, dans le Québec, dans la vie du
Québécois ordinaire, on doit évoluer vers un bilinguisme
avancé si on veut traverser ces couches de gérance
intermédiaire et atteindre le niveau supérieur. Cela, c'est la
réalité que l'absence de politique linguistique du gouvernement
dans le domaine du travail impose aux Québécois à coeur de
jour. Nous ne voulons pas que ce soit la même chose au niveau scolaire;
nous voulons vraiment que ce soit clair dans ce secteur-là et qu'il y
ait une prédominance, qu'il y ait un unilinguisme défini sans
aucun doute au niveau de la commission et du conseil scolaires. Ces structures
nous appartiennent, ces structures appartiennent à la majorité et
nous ne voyons pas pourquoi nous devrions calquer encore le modèle
industriel comme on l'a fait dans les polyvalentes jusque dans les commissions
scolaires et le conseil scolaire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. Charbonneau.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: Croyez-vous, M. Charbonneau, que, dans le
système actuel ou du moins futur, les employés ou ceux qui
oeuvreront dans le système scolaire et qui sont de langue
française seront forcés de travailler en anglais ou seront
privés de leur droit soit de parler ou de travailler en
français?
M. CHARBONNEAU: A moins que je n'aie mal compris, j'ai l'impression
d'avoir déjà abordé le sujet. Pouvez-vous reformuler votre
question?
M. SAINT-GERMAIN: Je voulais dire: Est-ce que vous croyez que ceux qui
sont de langue française et qui seront appelés à
travailler dans les nouvelles structures seront obligés de travailler en
anglais ou de faire des rapports en anglais ou de causer en anglais lorsqu'ils
ne l'entendent pas?
M. CHARBONNEAU: Pas avec ce que nous proposons.
M. SAINT-GERMAIN: Non, mais avec ce qui est proposé dans la loi
actuellement?
M. CHARBONNEAU: Ce sont des portes ouvertes; ce sont des
possibilités, on regarde quel pourra être le fonctionnement d'une
commission scolaire dans une région en majorité anglophone de
l'île de Montréal. Essayons d'imaginer un peu le fonctionnement de
cette commission scolaire; essayons de voir un peu en quelle langue devra
parler le citoyen qui veut obtenir certains droits ou certains services de sa
commission scolaire. Si le citoyen est francophone et que la commission
scolaire est totalement anglophone sauf la personne que nommera le
ministre ou quelque chose comme ça essayons d'imaginer
concrètement l'état de dépendance, en quelque sorte, qu'on
impose à un citoyen francophone d'aller débattre ses
problèmes face à une commission scolaire ainsi
constituée.
Deuxièmement, prenons le cas d'un principal d'une école
francophone dans une commission scolaire anglophone. Essayons encore d'imaginer
comment devra fonctionner cette personne. Quelle langue elle devra utiliser
finalement pour
avoir raison, pour se faire entendre, si ce n'est l'anglais? Moi, je
pose la question. Vous avez sûrement l'expérience d'un milieu
bilingue plus que moi mais il me semble que c'est ainsi que cela va se
passer.
Nous voulons à tout prix éviter, enlever du projet de loi,
de telles possibilités de voir un Québécois francophone
démuni, dépendant d'un "board" quelque part dans l'Ouest de qui
dépendrait finalement la qualité des services. Nous avons dit que
nous voulions éviter des Sturgeon Falls au Québec. Ce que nous
voulons dire concrètement, c'est qu'on doit à tout prix
éviter qu'un groupe de francophones soit à un moment donné
pris dans des débats comme on en a déjà vu
d'ailleurs sur l'île de Montréal pour obtenir une
école unilingue française, une école francophone devant un
"board" d'anglophones. Nous voulons éviter des situations d'humiliation
du genre pour des Québécois francophones sur l'île de
Montréal. Nous pensons que c'est tout simplement un minimum de
décence. Nous devons nous respecter également à ce point
de vue.
M. SAINT-GERMAIN: Mais ne pouvez-vous pas faire la même
comparaison, par exemple, au niveau des structures municipales, comme le
ministre l'a fait précédemment? Vous avez des exemples bien
concrets. Il y aura, par exemple, dans l'ouest de Montréal une
commission scolaire qui sera en très grande majorité de langue
anglaise. Il y a par contre des villes comme Pointe-Claire, Dorval que
je connais personnellement des villes comme Lachine. Je ne crois pas
qu'aucun citoyen de langue française dans ces villes ait
été privé de ses droits linguistiques. Si on veut prendre
Lachine en particulier, où il y a une légère
majorité de langue anglaise, tout à l'hôtel de ville se
fait en français. Je n'ai jamais entendu de plaintes des citoyens
concernant les questions de langues à Lachine.
M. CHARBONNEAU: J'ai l'impression que l'exemple que vous citez
reflète exactement ce que nous voulons, mais nous le voulons
assuré par législation. Si l'exemple que vous citez est la
réalité pour cette ville, nous voulons tout simplement que la loi
nous amène à ceci et non pas à des consensus temporaires
selon la langue du moment pour tel ou tel groupe de conseillers municipaux ou
de commissaires.
M. SAINT-GERMAIN: Lorsque vous faites une comparaison, par exemple, avec
l'industrie privée. il faudrait tout de même, à mon avis,
continuer cette comparaison. Dans l'industrie privée, bien des fois, le
capital est anglais, la direction est anglaise. Vous dites: Aux bas
échelons on parle français mais lorsqu'on arrive à la
direction il faut parler anglais. N'avez-vous pas le contraire, ici, au point
de vue de la commission scolaire? Les gens de langue anglaise pourront parler
anglais localement au niveau de leur propre commission scolaire, mais la
direction restera toujours française. A ce que je sache, le
ministère de l'Education ne travaille pas en anglais. Vous avez
là l'inverse de ce qui arrive en pratique dans l'industrie
privée. Ne croyez-vous, même sans législation, en toute
liberté d'action, qu'en faisant travailler ces gens de langue anglaise
et de langue française, vous aiderez à la culture
française vis-à-vis des gens de langue anglaise, sans
législation, tout en respectant leur liberté, parce que les
hommes sont toujours sensibles lorsqu'on parle de leur liberté?
Ils devront à la longue constater que, dans le Québec,
lorsqu'on veut se faire comprendre et se faire entendre à la haute
direction, c'est absolument le contraire que dans l'industrie privée, il
faut parler en français.
M. CHARBONNEAU: Ce que vous semblez souhaiter, nous voulons tout
simplement que la loi nous l'assure.
M. SAINT-GERMAIN: C'est une question d'opinion sur les valeurs qu'on
attache aux libertés individuelles de chaque
Québécois.
UNE VOIX: Les mesures de guerre.
M. SAINT-GERMAIN: Ce n'est pas trop trop l'occasion d'en parler.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député d'Iberville.
M. CROISETIERE: M. le Président, me référant
à l'article 2, du chapitre 2 du mémoire présenté
par la Corporation des enseignants, à la page 8, on mentionne entre
autres que: "... on devrait étudier la possibilité de financer
l'ensemble du système scolaire québécois à
même l'impôt sur le revenu, tout en évitant que les
municipalités n'occupent le champ laissé libre par les
commissions scolaires. Le projet de loi no 28 n'est peut-être pas
l'occasion de régler la question de la fiscalité scolaire mais
nous demandons au législateur de dire ce qu'il compte faire en
profondeur à cet égard."
Ma question s'adresse au ministre. Est-ce qu'il pourrait, à ce
moment-ci, nous donner des informations additionnelles? Car je remarque qu'il y
a des mémoires, entre autres le mémoire no 6
présenté par la société d'agriculture des
comtés de la région de Montréal, qui semblent
s'inquiéter. Est-ce que le ministre préfère
attendre...
M. SAINT-PIERRE: C'est parce qu'une autre loi a déjà
été mentionnée par le gouvernement sur le financement
scolaire qui a déjà fait l'objet de plusieurs déclarations
publiques, où dans ses grandes lignes on nous l'a indiqué. Je
pense que nos intentions sont quand même établies...
M. CROISETIERE: C'est parce que...
M. SAINT-PIERRE: Personnellement nous sommes contre. Le gouvernement n'a
pas l'intention de faire le retrait complet de l'impôt foncier scolaire.
Nous croyons qu'il est nécessaire. Sans ça, les commissaires
deviennent comme une association de parents qui administrent des fonds
versés par le gouvernement provincial et la dépendance des
instances décentralisées vis-à-vis du gouvernement devient
d'autant plus forte, il n'y a aucune possibilité un peu comme
dans les hôpitaux de récupérer à même
l'impôt foncier des dépenses inadmissibles ou enfin un certain
sens des responsabilités.
Disons que ce n'est pas le projet de loi no 28, c'est plutôt un
autre projet de loi qui sera déposé à la prochaine
session.
M. CROISETIERE: Très bien.
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que dans le sens de la suggestion de M.
Charbonneau, si on devait retirer l'impôt foncier scolaire, on impliquait
une augmentation de l'impôt sur le revenu? Parce que l'impôt
foncier scolaire c'est $400 millions et ça ne se trouve pas sur les
arbres, il faudrait augmenter les taxes, l'impôt foncier scolaire.
M. CROISETIERE: C'est parce que cette demande revient occasionnellement
par les conseils des comtés et les municipalités.
M. SAINT-PIERRE: Je pense que le gouvernement a clairement fait voir
qu'après une période de temps, nous allons faire un retrait
graduel de l'impôt foncier scolaire au bénéfice des
municipalités pour leur permettre d'être mieux en mesure de faire
face à leurs obligations. Nous retenons cependant qu'il y aura toujours
un certain montant de l'impôt foncier scolaire. On a dit qu'il y a une
nouvelle loi sur le financement qui va modifier le taux des particuliers, le
taux des compagnies, qui va apporter des modifications assez importantes, qui
sera déposée à la prochaine session.
M. CROISETIERE: A la prochaine session?
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Saint-Laurent.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Juste une question additionnelle au ministre
sur le même sujet. Est-ce que ce que vient de dire le ministre nous
permet de conclure qu'il y a eu consultation très directe entre lui et
son collègue des Affaires municipales avec qui nous avons discuté
l'autre jour la Loi de l'évaluation foncière?
M. SAINT-PIERRE: Oui, d'ailleurs c'est réflété sur
l'évaluation dans le projet de loi no 28, comme dans le projet de loi no
27, on voit qu'il y a un lien direct avec le projet de loi no 48
déposé par M. Tessier pour les fins scolaires. Et d'autant plus,
notre loi sur le financement scolaire va tenter d'éviter le morcellement
des instances chargées de récupérer la taxe scolaire, mais
à la base il y a eu collaboration.
M. CARDINAL: Une précision sur le même sujet, avant qu'on
ne passe à autre chose, parce que c'est un sujet marginal. Le ministre a
dit deux choses. H vient de dire "à la prochaine session". Est-ce qu'il
veut dire à la reprise des travaux?
M. SAINT-PIERRE: A la reprise des travaux, je ne suis pas familier avec
ça.
M. CARDINAL: Deuxième question, lors du débat sur le
projet de loi no 27, le sujet est revenu et à l'Assemblée
nationale.
J'ai posé une question au ministre de l'Education qui m'a
laissé croire que, selon les projets que l'ancien gouvernement avait
préparés après des études dans le domaine du
financement scolaire, il pourrait y avoir un retrait graduel jusqu'à un
blocage déterminé de l'impôt scolaire. Je ne partage pas
son opinion quand il fait la comparaison entre les hôpitaux et les
commissions scolaires; je ne vois pas pourquoi ces gens ne seraient pas aussi
responsables que les administrateurs d'universités, d'hôpitaux,
etc., qui n'ont pas de pouvoirs de taxation. Est-ce que j'ai vraiment compris
que le ministre veut dire que cette loi, dont il ne peut pas,
évidemment, nous donner le texte actuellement, prévoit vraiment
le retrait, sur une période de temps, de l'impôt foncier des
commissions scolaires jusqu'à un montant X qu'on ne connaît pas,
mais avec cette clause que ce serait immédiatement remis aux
municipalités?
M. SAINT-PIERRE: Ce n'est pas par législation. Cela se ferait
uniquement par des normes administratives. Je tiens à préciser
qu'il y a eu, d'une part, le document de M. Garneau, qui était public,
à la conférence provinciale-municipale, qui expliquait cela
clairement. C'est, sur une période de cinq ans, un transfert graduel
d'une partie de l'impôt foncier scolaire au bénéfice des
municipalités.
Deuxième point que je voulais souligner, c'est que l'impôt
foncier scolaire normalisé n'a pas été augmenté
depuis deux ou trois ans, c'est-à-dire que le taux de $1.45 par $100 de
valeur réelle d'évaluation, que nous demandons à tous les
contribuables de payer, n'a pas été augmenté, de telle
sorte que, proportionnellement, disons, au coût de l'éducation au
cours des trois dernières années, il y a eu un net transfert
entre la charge imputable à l'impôt foncier scolaire et celle qui
provient des fonds généraux de la province. Il y a donc ce $1.45
qui, premièrement, n'a pas été augmenté et qui,
deuxièmement, sur une période de cinq ans, sera abaissé
à $1.40, plus, avec la nouvelle loi, l'introduction d'un double taux, un
taux pour
les compagnies différent d'un taux pour les particuliers et,
enfin, d'autres mesures.
M. CARDINAL: On attendra cette loi pour en discuter.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.
M. PEARSON: M. Charbonneau, à la page 16, paragraphe c),
j'aimerais avoir une précision sur l'intention de votre mémoire
quand vous dites: "Que les commissions scolaires puissent organiser des
écoles anglophones là où un nombre suffisant d'anglophones
déjà engagés dans le système..." Est-ce que, dans
votre esprit, cela veut dire, par exemple, que les enfants qui ne sont pas,
actuellement, dans les écoles seraient considérés, un peu
comme au paragraphe e), comme des immigrants qui seraient
intégrés au système francophone ou si les enfants de ces
gens vont continuer, disons s'ils sont en nombre suffisant, à
bénéficier d'écoles anglaises? Parce que vous mentionnez
"déjà engagés dans le système".
M. CHARBONNEAU: Il est clairement défini, ici, l'intention d'en
arriver à un Québec dont la vie générale soit
unilingue francophone, y compris pour ceux qui sont anglophones. Maintenant,
nous avons écrit "engagés dans le système". Nous n'avons
pas inscrit le mot "scolaire" parce que, pour nous, actuellement, un jeune
anglophone de deux ou trois ans, même s'il n'est pas encore dans le
système scolaire, est dans le système d'un Québec
bâti sur un bilinguisme, comme on le connaît.
Je relie cet élément de réponse à la
suggestion de M. Tremblay, tout à l'heure, où il parlait de
mesures en vue d'un passage d'un état à l'autre. Je pense qu'il y
a ici une possibilité d'organisation transitoire, mais l'intention est
bien marquée: c'est d'en arriver à un système unilingue
pour tout le monde. C'est l'extinction du bilinguisme.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, mon intervention est à partir
des remarques que faisait le député de Jacques-Cartier tout
à l'heure. Il nous a à peu près amenés au fond du
problème que soulève la page 16 du mémoire de la CEQ. Le
problème, avec la nouvelle structure qu'amène le projet de loi no
28, c'est qu'on y prévoit toutes sortes de garanties pour tout le monde,
pour chaque père et chaque fils, sauf qu'on n'a pas prévu de
langue à cette structure, ce qui fait que, dans l'entendement de
plusieurs personnes, cette structure sera donc bilingue. On s'est refusé
à choisir l'une ou l'autre, ce qui permet légitimement,
étant donné que ce n'est pas précisé, que c'est
flou, au député de Jacques-Cartier d'échafauder
légitimement je le dis encore une fois le raisonnement
qu'il a fait.
Cela permet également aussi légitimement à des
témoins qui vont venir tout à l'heure à la commission ou
à n'importe quel citoyen montréalais d'échafauder le
raisonnement parfaitement contraire, parce qu'aussi il n'y a aucune disposition
dans le projet de loi qui le permet.
Quand vous dites, par exemple, en répondant à M.
Charbonneau que le principal d'école francophone dans la commission
scolaire, c'est le même qui va englober votre comté francophone
à l'intérieur d'une commission scolaire anglophone. Si je calcule
bien, votre district aurait une commission scolaire à majorité
anglophone. Comme la loi ne prévoit rien à cet égard quant
à la langue de travail, langue d'administration de la nouvelle
structure, vous dites: Il y aura le droit d'être servi en français
jusqu'à l'échelon supérieur, conseil scolaire de
l'île. Par contre, parce que la loi ne prévoit rien
également, le principal d'une école anglophone dans
Pointe-aux-Trembles où la minorité est de 15 p.c. pourra se
prévaloir du même droit et obliger ainsi la commission scolaire
à majorité francophone de l'endroit de le servir dans sa langue
à lui puisque la loi ne dit rien quant à ça.
Si la commission scolaire de cette partie de l'île qui est le
numéro 9, porte cette étiquette francophone par le simple jeu
munérique, du fait que la population francophone est plus nombreuse dans
ce coin-là, puisque ce n'est pas précisé dans la loi, le
principal d'école, ou n'importe quel anglophone pourra exiger
d'être servi en anglais à la fois dans son district, à la
fois à la commission scolaire et à la fois au conseil scolaire de
l'île. C'est ça un district bilingue comme le disait tout à
l'heure le député de Bagot.
C'est pour ça qu'on dit que le projet de loi se trouve à
en créer un avant que la loi fédérale ne vienne au jeu. Ce
que nous demandons, conformément à ce que vient de
suggérer également le président de la Corporation des
enseignants, c'est qu'on lui en précise une identité
linguistique, tout en reconnaissant des droits à la minorité,
mais que cette loi-là ne se cache pas et ne fasse pas croire que les
deux groupes sont égaux. Il y a, ici au Québec, et disons, avant
tout à Montréal, parce que c'est là que se joue notre
destin, une majorité francophone. Et on doit le .dire. On doit, en
même temps, là je serais d'accord, une fois que serait
définie cette majorité francophone assurer, au moyen de
garanties dans le projet de loi, le droit des anglophones à avoir leurs
écoles. C'est un droit qu'on ne peut pas leur enlever, qu'aucun ne peut
leur enlever d'avoir l'enseignement dans leur langue, mais avoir une structure
scolaire propre à une minorité, ou parallèle à une
minorité. A force de garanties, cela peut équivaloir à une
structure parallèle, où ils sont, dans cette structure-là,
comme s'ils étaient uniques au monde. C'est un privilège. C'est
juste cela que nous avons à trancher, finalement, concernant la question
de la langue. Il ne s'agit pas de tout ressortir le débat du bill 63,
mais le fait
que le bill 28 se refuse de l'affronter, parle de la structure scolaire
de Montréal comme si c'était en Suède ou n'importe
où ailleurs, il refuse de reconnaître le fait qu'il y a
là-bas une majorité, sans brimer les droits de la
minorité, nous donne l'occasion et va donner l'occasion, dans cette
structure-là, de soulever tous les problèmes.
Je vois déjà les journaux relater, au lendemain de
l'entrée en vigueur de cette nouvelle structure-là, le fait que
le principal anglophone dont je vous parlais tantôt, celui de
Pointe-aux-Trembles, légitimement, pourrait exiger d'être servi en
anglais jusqu'à la commission scolaire et on serait bien mal
placé pour le dire, parce que la loi n'en a pas parlé.
Et de la même façon, il pourrait y avoir des Sturgeon
Falls, comme dit exactement le mémoire de la Corporation des enseignants
du Québec, parce que, légitimement, il se groupera, dans votre
ville ou dans une autre ville de l'ouest de Montréal, puisque c'est
là qu'est la majorité anglophone, des Français qui, parce
que la loi n'a pas précisé quelle était la langue de la
structure, ou quels étaient les droits de chacun et s'est refusée
à affronter le fait qu'il y avait là une majorité et une
minorité, monter jusqu'au conseil scolaire, venir parader au
ministère pour demander l'application de la loi.
Le problème n'est pas qu'on le tranche, c'est qu'on ne le tranche
pas, avec le projet de loi 28. On laisse toute la situation comme cela. On fait
semblant de ne pas voir le problème en disant: Cela dépend:
là où ce sera anglophone, ce sera anglophone. Mais oui, mais il y
a tout de suite quelqu'un qui dit: Il va y avoir des francophones. D'un autre
côté, on dit: Là où il y aura des francophones? On
se refuse à regarder le problème, et cela va nous sauter dans le
visage à un moment donné.
M. SAINT-PIERRE: Mais, est-ce que la position du député de
Saint-Jacques c'est que, dans la province de Québec, pour tous les
organismes administratifs, parce que là, on ne parle pas du gouvernement
du Québec, on parle d'une instance décentralisée, une
instance où on veut reconnaître et c'est à un des
points du mémoire une certaine liberté d'action au niveau
des populations locales, au niveau des gens qu'ils vont élire
démocratiquement?
La position du député de Saint-Jacques est que dans tous
les organismes administratifs de la province, en dehors même du
gouvernement du Québec, la seule langue qu'on peut employer, qu'on doit
demander...
M. CHARRON: La seule langue officielle devrait être le
français.
M. SAINT-PIERRE: ... la seule langue officielle devrait être le
français. C'est donc dire qu'il faudrait peut-être songer à
adopter une loi qui empêche, pour prendre un cas d'espèce, la CSN
d'utiliser, d'avoir des gens à l'intérieur d'un organisme, comme
un organisme syndical...
M. CHARRON: Je n'ai pas mentionné les organismes syndicaux.
M. SAINT-PIERRE: Pourquoi...
M. CHARRON: J'ai mentionné les organismes étatiques, j'ai
mentionné les municipalités...
M. SAINT-PIERRE: Mais les organismes...
M. CHARRON: Qu'une centrale syndicale décide de parler la langue
qu'elle veut, c'est son problème, mais pour l'Etat
québécois, il devrait être reconnu, dans toutes ses
instances administratives, comme francophone.
M. SAINT-PIERRE: Je pense que l'organisme étatique dont vous
parlez doit refléter les conditions qui existent. Je ne pense pas que
c'est par une loi qu'on va imposer des choses comme celles-là. Il va se
retrouver, à l'intérieur d'une collectivité, un dynamisme.
Pour quelle raison, lorsque nous avons discuté de la communauté
urbaine, n'avez-vous pas exigé que la seule langue utilisée soit
le français, que personne n'ait le droit de s'exprimer en anglais? On
peut le faire, ce sont des choses que l'on peut changer.
Je l'ai dit au départ, le chapitre n'est pas fermé
là-dessus, compte tenu qu'un gouvernement peut toujours faire des lois
sur des choses semblables; dans la constitution, cela peut se faire. Il y a
peut-être un moment approprié pour le faire, et j'ai
exprimé l'opinion qu'avant de commencer ces choses, il me semblait,
intellectuellement, qu'il était plus logique et plus cohérent
avec soi-même d'attendre le déroulement des recherches. De toute
façon, on tourne un peu en rond. On fait faire des recherches de $2
millions pour la première fois depuis un siècle et
avant même qu'on les obtienne, on presse la commission de nous donner les
résultats des recherches. On va prendre, à gauche et à
droite...
M. CHARRON: La première chose que la commission Gendron va vous
dire, c'est qu'il y a ici une majorité francophone. On n'a pas besoin de
la commission Gendron pour nous le dire.
M. SAINT-PIERRE: On n'a pas formé la commission Gendron pour nous
faire dire cela.
M. CHARRON: A partir de cela, il est possible pour n'importe quel
gouvernement de légiférer à l'encontre ou dans le sens de
cela, mais il ne peut pas faire semblant de ne pas le voir. On a la même
occasion de le faire dans le projet de loi no 28.
M. SAINT-PIERRE: Je sais qu'il y a des groupes qui aiment tirer des
conclusions avant d'avoir terminé la période de recherche, mais
il me semble que dans un déroulement intellectuel logique, il faut finir
la recherche, il faut analyser les alternatives et là, il faut prendre
les décisions. C'est dans cet esprit que le projet de loi no 28 a
été fait.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Bagot.
M. CARDINAL: M. le Président, je ne peux pas être
entièrement d'accord avec le ministre de l'Education pour deux raisons:
des raisons de fait et des raisons d'avenir. Il est vrai qu'on peut attendre le
rapport de la commission Gendron pour décider d'une politique
générale de langue au Québec. Dans un secteur particulier
qui est celui de l'éducation, si l'on crée des structures
je demande simplement au ministre de réfléchir, je ne lui donne
même pas, je n'aurais pas le droit de le faire, d'ailleurs, une
directive; je lui demande d'y réfléchir sérieusement
par le projet de loi no 28, à Montréal, en se rendant
compte du dynamisme justement, si on reprend les termes du ministre, qu'il y a
dans ce domaine à Montréal, il y a fort à craindre que des
habitudes ne se créent et que malgré le rapport de la commission
Gendron ou d'autres commissions, le gouvernement soit dans une position
beaucoup plus difficile pour commencer à établir des
étapes.
Je pense qu'à cette table, aujourd'hui, on a quand même
fait la distinction entre l'enseignement et l'administration. On dit: Chacun a
droit à l'enseignement dans sa langue, sauf la remarque sur les
immigrants qui vient du mémoire qui nous est présenté. On
a dit: Cependant, l'administration, c'est différent. Il y a des
phénomènes tout récents qui se sont produits. Il y a des
tables de négociations là, je reprends ce qu'a dit le
député de Saint-Jacques auxquelles j'ai jadis
participé, qui sont du domaine privé et où, parce qu'il y
avait à la table un anglophone, toutes les discussions et les
procès-verbaux étaient en langue anglaise.
Au contraire, il s'est produit le phénomène de la
commission Parent et de la commission Pagé où francophones et
anglophones ont utilisé, en fait, la langue française. Comme
disait M. Charbonneau, on peut attendre que cela se fasse, mais je partage en
partie, connaissant bien Montréal, les craintes de M. Charbonneau que
des usages contraires ne s'établissent justement à cause de la
nature du Montréalais qui, lorsqu'il est en présence de quelqu'un
d'une autre langue et qu'il sent une difficulté chez son
vis-à-vis lorsque celui-ci a parfois des difficultés
d'entendement, est porté, parce qu'il est bilingue, à utiliser
l'autre langue. C'est le dynamisme qui se produit à Montréal
actuellement et qui ne joue pas dans l'autre sens. Il suffit d'aller dans un
magasin; je ne parle pas des entreprises privées.
M. SAINT-PIERRE: Si l'on parle du monde de l'éducation, je pense
que l'on doit quand même admettre que dans tous les rapports entre le
ministère et les organismes scolaires, que dans les rapports de groupes
conjoints, comme le Conseil supérieur de l'éducation, on retrouve
à la fois des anglophones et des francophones, que même aux tables
de travail sur le plan syndical, je pense qu'il faut admettre que la langue
française est largement, non pas largement employée mais
exclusivement employée.
Je ne vois pas l'avantage de tenter de statuer dans le moindre
détail, comme d'ailleurs à la Communauté urbaine de
Montréal, comme dans un nombre d'organismes publics. Maintenant, est-ce
que les progrès linguistiques dépendent constamment de lois? J'en
doute fortement, personnellement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, dans la
continuité de ce qu'a dit mon collègue, le député
de Bagot, je reviens aux questions ou à l'ensemble des questions que
j'ai posées au ministre au départ sur ce problème de la
langue. Il n'échappe à personne qu'il s'agit là d'une
question délicate, d'une matière explosive. Le gouvernement nous
propose une législation qui vise à créer de nouvelles
structures d'administration scolaire sur l'île de Montréal.
Evidemment, si on prend ça in se, il ne semble pas y avoir de
problème et on ne serait pas justifié si on ne regardait que
l'aspect mécanique de poser le problème de la langue. Mais c'est
précisément à l'intérieur de la structure scolaire,
de l'administration scolaire que se pose, de la façon la plus
aiguë, le problème de la langue.
Je suis d'accord lorsque le ministre dit: Bon, nous avons la commission
Gendron, qui nous fera des recommandations. Je l'ai déjà dit moi
même, je suis d'avis qu'on attende les recommandations de la commission
Gendron pour élaborer une politique globale. Le ministre a prévu
le coup tout à l'heure lorsque, se dérobant un peu, il a
répondu à mes questions. Il a dit: Nous laissons la porte
ouverte, le dossier n'est pas fermé. Mais il reste que le gouvernement
pose un geste extrêmement sérieux et que, dès là que
cette loi sera proclamée ou sanctionnée, il existera telle chose
qu'une structure scolaire régissant l'île, qu'une loi scolaire
régissant l'île de Montréal. Le ministre peut
peut-être, avec raison compter sur le dynamisme de la population de
Montréal. Mais, comme le disait le député de Bagot,
l'habitude étant acquise, si l'on n'a pas prévu certains droits,
si le gouvernement n'a pas inscrit dans la loi des provisions qui tiennent
compte de façon claire, précise et spécifique du
problème de la langue, il y a grand danger que les recommandations de la
commission Gendron, soit dans un sens ou dans l'autre, ne soient caduques au
moment où le gouvernement les présentera à la population
et voudra les appliquer. C'est qu'alors, il devra reprendre le travail à
pied d'oeuvre
et refondre ces lois, les amender et avec le résultat qu'il
dérangera des situations de fait, des habitudes acquises et que l'on
remettra encore en cause toute la question des droits, des privilèges,
etc. et, si vous me permettez l'expression, M. le Président, qui n'est
pas très parlementaire, on recréera le bordel.
M. SAINT-PIERRE: Oui, je pense un peu comme tantôt pour les
comités d'école. Lorsqu'on parle d'habitudes acquises, on oublie
un peu que le projet de loi no 28 va bousculer énormément
d'habitudes acquises jusqu'à ce jour et depuis plus d'un siècle.
Qu'on prenne la situation qui prévaut actuellement à
l'intérieur du système confessionnel protestant, qui touche une
partie importante, 60,000 élèves protestants, qu'on regarde ce
qui se passe au niveau administratif et de langue de travail à ce
secteur, qu'on regarde, comme l'a souligné le député de
Saint-Jacques, à l'intérieur d'une structure catholique ce qui
s'est passé pour toutes sortes de raisons jusqu'ici à
l'intérieur de la CECM, et je pense que quand même le projet de
loi 28 ne peut que faire de grands progrès dans ce secteur.
J'indique simplement qu'il ne me semble pas opportun d'inclure
immédiatement dans le temps et dans ce projet de loi de s'attaquer au
problème réel qu'on soulève.
M. CHARRON: M. le Président, une dernière remarque, si
vous me permettez, à la suite des propos du député de
Chicoutimi. Le fait qu'on se réfère constamment à
l'attente du rapport Gendron peut être, en une certaine occasion, un
leurre. D'abord, nous ne connaissons pas quelles seront ces recommandations et
chacun sait par expérience, et ce n'est pas moi le plus
expérimenté là-dedans, qu'il y a tout un monde à
franchir entre le dépôt d'un rapport de commission royale
d'enquête et l'application de ses recommandations par un gouvernement. Il
y a tout un monde. Cela a pris sept ans, par exemple, avant d'obtenir
l'application du rapport Parent quant à la structure scolaire de
Montréal, on y arrive.
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député de Saint-Jacques
convient avec moi que le gouvernement d'alors aurait fait preuve
d'irresponsabilité, si on prend un peu de recul, s'il n'avait pas
attendu le dépôt du rapport Parent pour commencer à faire
des réformes majeures dans le domaine scolaire? Est-ce qu'il n'y a pas
une cohérence dans la démarche intellectuelle de faire le
travail...
M. CHARRON: Je ne refuse pas à un gouvernement le droit de faire
une enquête, qu'elle soit royale ou non, sur un problème pour
obtenir de meilleures solutions. Je pense que la politique sociale que
défend, seul, malheureusement, le ministre Castonguay actuellement est
à partir d'un rapport dont tout le monde s'inspire. Ce n'est pas
ça que je remets en question.
Mais le député de Chicoutimi a légitimement
souligné que ce n'est pas parce que le rapport va être
déposé qu'il faut croire qu'il sera immédiatement
appliqué. On ne sait pas quelles recommandations on aura et on ne sait
pas quelle sera la majorité à l'intérieur du cabinet
à ce moment-là pour décider si oui ou non applique telle
recommandation. Dire à la population: Attendez le rapport Gendron, il
assurera vos droits, c'est lui faire sauter une étape dont, je pense,
plus personne ne se leurre actuellement.
Deuxièmement, le projet de loi 28 ressemble en un point au projet
de loi 63, il prend une habitude et la transforme en droit. Le droit à
l'école anglaise pour les anglophones n'avait jamais été
consacré. Il l'a été par l'article 2 de la loi 63.
Actuellement, qu'on le veuille ou non, si on adopte le projet de loi 28 comme
il est là, dans son bilinguisme, on se trouve à créer un
droit. Actuellement, il n'y a pas de langue définie quant à
l'administration scolaire à Montréal. Il y en a eu une pour
chaque groupe. Et là, au moment où on l'unifie, on consacre la
structure bilingue.
Supposons que le rapport Gendron vous recommande de faire la structure
scolaire francophone à Montréal et que vous décidiez
il y a un paquet de "si" là de donner suite à cette
recommandation, vous vous heurteriez à un droit, parce que vous l'auriez
désormais consacré par la loi 28. Les anglophones viendraient
défiler ici pour vous dire: Depuis l'adoption, en novembre 1971, de la
loi 28, vous nous avez reconnu le droit d'utiliser notre langue à tous
les niveaux de la structure scolaire à Montréal et maintenant
vous nous enlevez ce droit. Il ne faut pas se faire d'illusion; en refusant de
trancher le problème de la langue dans l'administration scolaire
à Montréal, on ratifie, on consacre en droit une habitude
passée, c'est-à-dire du bilinguisme administratif. Si Gendron
nous recommande la commission scolaire uni-lingue-francophone sur le plan
administratif, comme le demande la CEQ, comme le demande le Parti
québécois et que, par hasard, on décide d'y donner suite,
nous allons désormais nous heurter à un droit. C'est pour cela
qu'il serait important de donner suite à la recommandation de la CEQ et
de le faire tout de suite parce qu'il n'y a pas de droit en cette
matière à Montréal; il y a une habitude avant que
cela devienne un droit et qu'on soit "poigné" avec pour cinq, six ou
huit ans après.
C'est justement aller à l'encontre de votre idée; vous
allez trop vite en consacrant le bilinguisme avant le rapport Gendron. Vous ne
savez pas ce que Gendron va vous dire quant à la langue de
l'administration scolaire à Montréal. Vous consacrez le
bilinguisme, comme c'est là. Soyez logique avec votre philosophie
d'attendre Gendron et ne faites pas de droit tout de suite.
M. SAINT-PIERRE: Je prends acte qu'avant même que la commission
Gendron nous fasse des recommandations vous avez fait votre idée.
M. CHARRON: Certainement.
M. SAINT-PIERRE: Moi, par cohérence, je préfère
si on ne dépense pas $2 millions pour rien attendre. Je
suis ouvert à des types de recommandations pour voir la réflexion
de types qui se sont penchés sur un problème.
M. CHARRON: Et si on ne veut pas avoir dépensé $2 millions
pour rien? Et si Gendron, par hasard, recommandait l'unilinguisme
français dans la structure administrative de l'école, seriez-vous
prêts, pour ne pas avoir dépensé pour rien, à
appliquer ce règlement sur l'île de Montréal en allant
à l'encontre d'un droit que vous aviez reconnu quelques années
auparavant?
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: A la suite de cette législation, M. le
Président, il faut penser qu'il s'établira entre les francophones
et les anglophones des relations. Ces gens travailleront ensemble.
En pratique, ils se connaîtront mieux, il se créera des
amitiés, il se créera des relations, comme il s'en est
créé au point de vue municipal, et il ne faut pas croire que tous
les Canadiens français et tous les Anglais se mettront là tous
les matins à exiger leurs droits.
Il faut avoir travaillé avec le public au niveau des
différents corps publics dans des comtés où la
minorité est nombreuse pour savoir qu'à l'échelle humaine,
ça ne fonctionne pas comme ça. Il ne faut pas en partant
considérer toujours les Québécois comme des
extrémistes d'un côté ou de l'autre. Je crois que la
très grande majorité des Québécois est de bonne
volonté et lorsqu'ils sont appelés à travailler ensemble,
ils le prouvent, de par leur conduite.
Je ne vois pas ce que la commission Gendron, personnellement, vient
faire là-dedans. Si je ne m'abuse, elle a été
établie pour essayer d'apporter des solutions à certaines
personnes ou à certains groupes qui se croiraient maltraités au
point de vue linguistique. Le but des études de la commission Gendron
est donc de rendre justice à tous les Québécois au point
de vue de la langue.
Mais la commission Gendron n'a pas été établie pour
brimer les droits de qui que ce soit. Personnellement, je crois qu'en pratique,
si on veut rendre cette législation absolument inapplicable en fait, il
s'agirait, par certains articles, de restreindre les libertés d'action
ou les droits linguistiques ou religieux que certains Québécois
considèrent comme étant les leurs pour les rendre en fait
absolument inapplicables. Personnellement, je n'attends certainement pas le
résultat des études de la commission Gendron pour savoir que les
gens de langue anglaise de mon comté ont des droits, et la commission
Gendron me conseillerait-elle de mettre ou d'accepter dans cette
législation un article qui irait contre les droits de mes concitoyens
que je m'y opposerais. Dans ma vie, j'ai toujours parlé le
français quand je l'ai voulu, je n'ai jamais demandé à qui
que ce soit la permission de le faire, dans n'importe quelle occasion ou
situation, je n'attends pas que les concitoyens de langue anglaise soient
obligés, non plus, de demander à qui que ce soit la permission de
parler l'anglais, lorsqu'ils le veulent bien.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bagot.
M. CARDINAL: Je vais reprendre une phrase du ministre de l'Education,
parce que, si il l'a vraiment prononcée, elle me surprend. Il aurait dit
tantôt qu'on a attendu le rapport Parent pour commencer les
réformes. Or, je rappellerai que les réformes de
l'éducation ont commencé en 1958, que le ministère de
l'Education a été créé en 1964 et que la
quatrième partie, la bonne, est sortie pendant la campagne
électorale de 1966. Je pense qu'un membre du Parti libéral
devrait s'en souvenir.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Saint-Laurent.
M. PEARSON: Le député de Saint-Jacques, tantôt, a
soulevé des inquiétudes quant à la consécration
d'un droit en vertu du bill no 28. J'aimerais bien personnellement, pour ma
propre information, que soit le ministre ou les juristes qui sont ici autour
puissent me dire à moi si c'est vraiment vrai. Est-ce que si le
gouvernement, par exemple, à la suite du rapport Gendron, décide
de changer quelque chose dans le bill 28, automatiquement, en vertu du bill 28,
on invoquerait un droit? Est-ce que son inquiétude est réelle?
J'aimerais bien que les juristes ou les avocats qui sont ici puissent
m'informer là-dessus.
M. CARDINAL: Si M. le Président me le permet, ce n'est pas dans
ce sens, je pense, que mon collègue de Chicoutimi et moi-même
sommes intervenus. C'était uniquement je termine
là-dessus, surtout qu'il est presque midi et demi pour inciter le
ministre à y penser profondément avant d'adopter
définitivement le projet de loi.
Sur le plan juridique, la question que pose le député
demanderait un très long développe ment et probablement que
personne ne s'entendrait. Je reprends la position du ministre et,
là-dessus, je suis entièrement d'accord. J'étais trop
heureux quand j'ai entendu sa déclaration, disant: C'est assez
parlé de la question constitutionnelle au sujet du projet de loi no 28
ou du projet de loi no 27 devenu loi. On les adoptera et on verra après
s'il y en a qui veulent les contester. J'ai la même attitude
vis-à-vis de ceci. Si un jour il y a lieu d'amender le projet de loi no
28 parce qu'il aura été imparfait au départ, je ne
soulèverais ni la question constitutionnelle
ni la question juridique. Je pense que le gouvernement du Québec
a le droit d'adopter les lois qu'il pense les meilleures pour les citoyens du
Québec. Je ne commenterai pas davantage, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Il est midi trente. Je remercie la Corporation des
enseignants du Québec et M. Charbonneau. A deux heures trente, nous
entendrons la Ligue des propriétaires de Montréal,
représentée par M. Gilles Tremblay.
La séance est levée.
Reprise de la séance à 14 h 34
M. PILOTE (président de la commission parlementaire de
l'Education): A l'ordre, messieurs!
J'inviterais le représentant de la Ligue des propriétaires
de Montréal, M. Gilles Tremblay, à bien vouloir faire son
exposé.
M. Tremblay.
Ligue des propriétaires de
Montréal
M. PERRAS: Excusez-moi, si vous le permettez. Je suis le Dr Loyola
Perras, président de la Ligue des propriétaires de
Montréal.
Nous avons pris connaissance du projet de loi no 28. Nous croyons que
c'est le devoir de notre association de présenter un mémoire, vu
que le coût des dépenses scolaires a tellement augmenté et
que les propriétés foncières sont saturées de taxes
actuellement.
Nous avons nommé M. Tremblay président du comité
d'étude de la réforme fiscale; avec plusieurs autres, nous avons
rédigé le mémoire que nous vous présentons. Alors,
si vous le permettez, je vais donner la parole à M. Tremblay, qui va
présenter le mémoire.
M. LE PRESIDENT: La parole est à M. Tremblay.
M. TREMBLAY (Gilles): Messieurs, la Ligue des propriétaires de
Montréal a étudié attentivement le présent projet
de loi et particulièrement les dispositions se rapportant à la
taxation.
Dans ce mémoire, nous vous proposons certaines recommandations
qui, à notre avis, rendraient la loi plus juste.
Nous énonçons premièrement un principe de base.
Comme base du système de taxation scolaire, nous vous proposons ceci:
"Tous les citoyens qui sont dans des situations financières identiques
ont droit à s'attendre à un traitement identique. Il ne devrait
pas y avoir de discrimination. Ce principe fondamental de justice devrait
s'appliquer à tout régime fiscal". Ceci est un extrait du
"Ontario Committee on Taxation", le rapport Smith, tome Il, page 12.
C'est dire que les individus qui touchent des revenus semblables
devraient payer les mêmes impôts et que, par corollaire, les
personnes qui habitent des logements de valeur égale devraient payer les
mêmes taxes scolaires.
Selon l'article 650 du bill 28, une surcharge serait imposée sur
les propriétés évaluées à plus de $100,000.
Cette mesure semble être une tentative d'imposer un système
d'impôts progressifs sur le revenu dans un domaine, celui de
l'impôt foncier, où une telle mesure ne peut que causer des
anomalies et de graves injustices. Nous nous expliquons.
Incidence sur le locataire. "Ce n'est pas le propriétaire mais
bien le locataire qui, à la longue, paie les impôts fonciers."
Encore un extrait du rapport Smith aux pages 6, 7, 8 et 93.
Le propriétaire n'est que l'agent du fisc. Il perçoit la
taxe scolaire de ses locataires pour la remettre à la
municipalité qui, à son tour, la remet à la commission
scolaire. Le fait que la taxe scolaire est comprise dans le loyer et qu'elle
passe entre les mains du propriétaire ne l'enrichit pas plus qu'elle
n'enrichit la municipalité qui partage avec lui la responsabilité
de la percevoir. Cet acte de sa part ne change en rien le fait que la taxe
scolaire est à la charge du locataire. N'oublions pas toutefois que le
propriétaire paie toujours la taxe sur le logement ou la maison qu'il
occupe. Nous pouvons dire, en toute vérité, qu'à la longue
c'est l'occupant du logement qui paie la taxe scolaire.
Considérez aussi que la valeur totale d'une
propriété n'a rien à voir avec la valeur des logements
qu'elle contient. Comme preuve, nous vous proposons quelques exemples qui
démontrent aussi l'incidence de la surtaxe proposée sur les
loyers. Si vous le désirez, nous vous fournirons volontiers les adresses
des propriétés en question.
Nous montrons dans un tableau ici quatre propriétés
évaluées de $265,500 en descendant à $25,070. La
première propriété a 64 logements mais ces logements se
louent, en moyenne, $73 par mois. La surtaxe par an sur cette
propriété serait de $1,900, ce qui fait environ $30 par
année par logement ou 3.5 p.c. du loyer annuel. La
propriété suivante, de $164,000 aurait un effet à peu
près semblable excepté que les logements, dans ce deuxième
immeuble, sont loués, en moyenne, $106, une classe un peu plus à
l'aise.
Considérons ensuite un logement dans une maison de la
troisième rangée. L'immeuble est évalué à
$28,000 et il n'y a que six logements dans la maison qui se louent $86 par
mois. Ces locataires n'auraient rien à payer. Si vous voulez voir une
anomalie encore plus frappante, considérez la dernière ligne.
Les deux logements dans la maison sont loués à $375 par
mois, une classe de gens plus à l'aise que ceux qui paient $73 par mois
et qui ne paieraient aucune surtaxe sur leur logement.
Donc, la surtaxe proposée sera injuste dans le cas d'un bon
nombre de locataires, pas tous, mais un bon nombre. Certains d'entre eux,
habitant des logements modestes, paieront plus tandis que d'autres plus
fortunés, ne souffriront aucune augmentation.
Pour ce qui est de l'incidence pour le propriétaire, quelques-uns
ne pourront pas faire absorber la surtaxe par leurs locataires car l'imposition
d'une telle taxe à un niveau arbitraire de $100,000 créera un
chevauchement insensé. Quelques rues de Montréal, pour vous
donner un exemple, sont bordées de maisons de dix et de vingt
unités comportant des logements quasi identiques. Celles de dix
logements sont évaluées à moins de $100,000 tandis que
celles de vingt logements dépassent cette somme. Mais n'oubliez pas que
les logements sont toujours semblables. Donc, il serait difficile pour le
propriétaire d'une grosse maison d'exiger une augmentation afin de
défrayer la surtaxe si le propriétaire de la petite maison
voisine n'en fait pas autant.
Ajoutons qu'à titre d'impôt sur le revenu, si tel est le
cas de l'article 650, la mesure est particulièrement injuste car le
revenu net, imposable, d'une propriété n'a qu'une relation
très imprécise avec son évaluation municipale. Une
propriété imposante peut bien être rentable mais elle peut
tout aussi bien être déficitaire. Considérez aussi que la
surtaxe ne vise au hasard que quelques propriétaires. Si un impôt
progressif sur le revenu doit être imposé, dissimulé sous
forme de surtaxe ou autrement, pourquoi ne pas l'imposer à toute la
population? Aux propriétaires bien entendu, mais aussi aux marchands,,
aux manufacturiers, aux professionnels aux salariés, enfin à
tous.
Autres considérations. Nous constatons aussi que la surtaxe en
question n'est pas appliquée au reste de la province par le projet de
loi 27. Pourquoi donc cette discrimination à l'égard des
Montréalais?
Enfin, nous nous interrogeons sur la nécessité d'une
augmentation de la taxe scolaire à l'heure actuelle, que ce soit par
surtaxe ou autrement. Il nous semble que l'un des buts de la restructuration
scolaire serait d'augmenter l'efficacité du système non seulement
au niveau de l'enseignement, mais au chapitre administratif aussi.
En améliorant les structures, en faisant une meilleure
utilisation du matériel et du personnel scolaires, en centralisant les
achats, en contrôlant mieux les coûts de construction, en
évitant la duplication dans des régions voisines, en
évitant le luxe insolent qui saute parfois aux yeux, il nous semblerait
possible d'absorber en entier le coût occasionné par la
création d'un palier administratif additionnel au niveau du conseil de
l'île. De plus, face à la réduction du taux des naissances,
accompagnée d'une baisse déjà évidente des
inscriptions dans les écoles, il nous semblerait loisible de s'attendre
à une diminution des budgets scolaires.
Pour résumer, une surtaxe sur la propriété à
revenus aura un effet particulièrement injuste. Elle fera augmenter
certains loyers mais pas tous sans égard à la
valeur des logements et elle pénalisera certains propriétaires
encore pas tous sans égard à la rentabilité
de leurs immeubles ou à leur habilité de payer. Cette surtaxe va
évidemment à l'encontre de l'énoncé
de principe pour un système de taxation juste et
équitable.
Face à ces constatations, nous recommandons, premièrement,
que l'article 650 soit biffé du bill no 28 et, deuxièmement, que
l'on songe à réduire la taxe scolaire dans l'immédiat
plutôt que de l'augmenter.
Selon l'article 600, le conseil de l'île sera composé de
quinze membres désignés soit par le ministre de l'Education soit
par les commissions scolaires. Tous, semble-t-il, auront une orientation
éducationnelle et se préoccuperont avant tout des programmes
d'étude et des questions connexes.
Mais, dans ce groupe, qui se préoccupera particulièrement
de l'incidence qu'aura le prélèvement des vastes sommes
nécessaires sur le milieu dans lequel le conseil de l'Ile doit oeuvrer?
Nous croyons que les propriétaires sont tout désignés pour
remplir cette fonction.
Les propriétaires sont et je le souligne
responsables des taxes scolaires, même celles qui sont indirectement
payées par les locataires. Si les locaux sont libres, si un
propriétaire essuie des pertes de loyer pour quelque raison que ce soit,
il doit quand même payer les impôts fonciers exigés. A ce
titre, il doit avoir droit de regard sur la disposition des deniers pour
lesquels il est tenu responsable.
A la lumière de ces faits, nous recommandons:
Premièrement: Que deux membres soient ajoutés au conseil
de l'île et que ces membres soient désignés par la Ligue
des propriétaires de Montréal ;
Deuxièmement: Que ces deux membres aient voix
délibérante et jouissent des mêmes pouvoirs que les membres
désignés par les commissions scolaires;
Troisièmement: Qu'un de ces membres représentant des
propriétaires siège au comité exécutif et soit
désigné à ce poste par la Ligue des propriétaires
de Montréal.
Les articles 606 et 646:
Selon ces articles, le bill 28 accorderait au conseil de l'île le
plein pouvoir de fixer le taux de la taxe scolaire des particuliers et celui
des corporations.
Nous sommes d'avis que ces pouvoirs sont excessifs à
l'époque où nous vivons, car les sommes en jeu deviendront trop
importantes lors de la création du conseil. Nous croyons qu'à ce
moment on devra tenir compte de l'interrelation de la taxe scolaire avec celles
qui sont prélevées dans d'autres champs de taxation et
établir un équilibre raisonnable entre celles-ci.
Nous croyons que l'ensemble, la totalité des revenus
retirés de la population par les gouver- nements aux divers
échelons doit avoir une certaine limite; il nous semble aussi qu'il
appartient au gouvernement provincial d'établir les priorités
pour la disposition d'une large part de ces fonds. Une des priorités de
nos jours pour la région de Montréal, habitée par le tiers
de la population de la province, est sans aucun doute le relèvement
économique, mais il peut y en avoir d'autres, évidemment. Il y a
aussi les priorités à établir entre notre région et
le reste de la province.
Le conseil de l'île, si bien intentionné qu'il soit,
n'étant pas en mesure de connaître ni d'apprécier les
priorités existant à l'échelon provincial, pourrait bien
accaparer une trop large part de l'assiette fiscale et, par ce fait,
créer un déséquilibre dans l'allocation des fonds
perçus des contribuables. En quelque sorte, il pourrait subvertir
inconsciemment le programme du gouvernement que ce soit dans le domaine du
relèvement économique ou ailleurs.
Nous ne pouvons pas affirmer qu'un tel événement se
produira. Nous soulignons simplement que le projet de loi ouvre la porte
à des abus. Nous croyons que le gouvernement ne devrait pas laisser
cette pleine liberté au conseil de l'île. Nous recommandons que le
gouvernement, tenant compte des besoins des autres ministères, des
priorités à l'échelon provincial dans tous les secteurs
économiques et sociaux, se réserve le droit d'établir des
marges à l'intérieur desquelles le conseil de l'île devra
fixer le taux des taxes scolaires et que ces marges soient évidemment
révisées périodiquement.
Nous croyons, messieurs, avoir avancé des propositions favorables
à l'ensemble de la population de l'île, et de la province, et nous
espérons que vous y songerez sérieusement. Agréez,
messieurs, l'expression de nos sentiments distingués.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Bagot.
M. CARDINAL: A l'occasion du mémoire de la Ligue des
propriétaires de Montréal, j'aurais une question à poser
au ministre pour éclaircir la situation. Le ministre, ce matin, lorsque
nous avons reçu le mémoire de la CEQ, nous a annoncé que
non pas à la prochaine session, mais à la reprise des travaux, au
cours ou d'ici à la fin de la session, il présenterait un projet
de loi pour modifier la structure du financement de l'éducation au
Québec.
Est-ce que, dans l'esprit du ministre et du gouvernement actuel, ce
nouveau projet de loi viendrait modifier le financement des commis-
sions scolaires établi dans le projet de loi 28? Cela pourrait
peut-être répondre à certaines préoccupations de la
Ligue des propriétaires de Montréal.
M. SAINT-PIERRE: Je pense qu'en substance il n'y aura pas de
modification dans des éléments assez importants, parce qu'il y a
un caractère historique. Par exemple, les subventions statutaires, pour
en nommer un, seraient enlevées, c'est-à-dire des montants qui
correspondent à peine à 10 p.c. ou 15 p.c. des coûts totaux
d'éducation. Honnêtement, je pense que ça va avoir surtout
beaucoup plus d'effet à l'extérieur de l'île de
Montréal où on a à la fois des commissions scolaires
régionales et les commissions scolaires locales qui se partagent
l'assiette, où il y a sur le même territoire une commission
scolaire protestante et catholique, où il y a une taxe pour les
neutres.
La loi du financement scolaire va sûrement avoir plus d'effet
à l'extérieur de l'île de Montréal que sur le projet
de loi 28. Je pense que l'esprit même du financement dans le projet de
loi 28 va demeurer, à savoir, au niveau de l'île, un taux de taxe
qui est fixé, qui tient compte de normes provinciales.
Ajoutez à ceci des dépenses non pas inadmissibles mais
au-delà de nos normes provinciales, qui pourraient être
utilisées dans des cas de rattrapage, qui pourraient être, suivant
les décisions du conseil de l'île, affectées à
certains endroits plus qu'à d'autres et, enfin, les conditions actuelles
que nous avons, un taux de taxe pour les compagnies, un taux de taxe pour les
particuliers. Alors, à l'île même, il n'y aura pas de...
Peut-être pour répondre à la question
soulevée, je prends note du désir de la Ligue des
propriétaires. Je pense que cela déborde le projet de loi no 28.
Cela touche à l'ensemble de la taxation foncière et des
discussions avec le ministère des Affaires municipales. Nous avons
tenté, dans les deux projets de loi, de nous y conformer. C'est ce qui
explique les $100,000. Le problème demeure mais c'est ce même type
de problème; nous avons tenté, sur le plan scolaire et sur le
plan municipal, d'avoir la même approche. C'est ce qui explique une
certaine concordance entre les deux, sans pour autant...
M. CARDINAL: Une question additionnelle, M. le Président, si vous
me le permettez. Elle s'adresse aussi aux représentants de la Ligue des
propriétaires qu'au ministre. Dois-je comprendre que le tableau,
à la page 2, est fondé uniquement sur l'excédent des
$100,000 ou sur le fait que toute propriété de $100,000 serait
surtaxée? Le texte de loi ne parle de surtaxe que sur l'excédent
et non pas sur la valeur totale.
M. TREMBLAY (Gilles): Précisément. Le taux de taxe
scolaire, à Montréal, pour un particulier, est de $1.65. Le taux
de la taxe des neutres est de $2.90. Donc, il y a une différence de
$1.25. Sur l'immeuble de $265,000, si vous voulez soustraire $100,000, cela
veut dire que vous multipliez l'excédent de $165,000 par $1.25 par $100
d'évaluation, ce qui vous donne $1,900, c'est-à-dire que la
surtaxe sur la première propriété sera de $1,900 et, pour
la deuxième, de $750.
M. CARDINAL: Evidemment, mais il faut admettre que sous le nouveau
système préconisé par le gouvernement, il n'y aurait pas
deux sortes de taxation: l'une dite des neutres, qui, actuellement, est
divisée, à mon humble point de vue, d'une façon
inéquitable, et l'autre dite des confessionnels. Dans le projet de loi
no 28, il n'y a qu'un seul taux plus la surtaxe.
M. TREMBLAY (Gilles): Mais M. Cardinal, actuellement, à
Montréal, le taux des particuliers est le même, quelle que soit la
religion de l'individu: le taux de la taxe d'un protestant, d'un catholique ou
d'un individu qui ne pratique aucune religion. Ils paient tous $1.65. Comment
est faite la répartition de ces fonds? Nous l'ignorons. Mais nous
parlons du prélèvement des sommes, non pas de la
distribution.
M. CARDINAL: Elle est faite...
M. TREMBLAY (Gilles): Tandis que la taxe des corporations est de $2.90
par $100 d'évaluation, donc $1.25 de plus.
M. CARDINAL: Evidemment la répartition, actuellement le
ministre me corrigera est faite selon la loi, qui est modifiée,
en fait, presque à chaque année. Ce n'est que depuis 'quelques
années que le taux, par exemple, des catholiques et des protestants est
le même, parce qu'autrefois il y avait trois taux.
C'est pourquoi je vous dis, en étudiant le tableau, qu'il y a
peut-être lieu de s'asseoir et de réfléchir, comme l'a dit
le ministre, parce qu'il faut tenir compte de ce phénomène que la
taxe des neutres comme telle disparaît, qu'il y a un seul taux de taxe
plus une surtaxe sur l'excédent du $100,000, que la maison soit
unifami-
liale ou qu'elle soit à revenu, si je comprends bien.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de l'Assomption.
M. PERREAULT: La Ligue des propriétaires aimerait voir biffer
l'article 650. Mais admettons que l'on garde l'article 650, à la page 2
vous mentionnez que la valeur totale d'une propriété n'a rien
à voir avec la valeur des logements qu'elle contient. Est-ce qu'alors,
si on se basait, pour cette surtaxe, sur la valeur locative du rôle, vous
ne seriez pas plus favorisés, ne corrigerait-on pas cette anomalie?
M. TREMBLAY (Gilles): Oui, effectivement, ce serait plus
équitable. J'aimerais vous mentionner en passant, un rapport du "Ontario
Committee on Taxation" que voici. C'est la seule étude que nous avons pu
trouver qui traite non seulement des impôts fonciers mais de
l'interrelation des impôts fonciers avec les taxes d'affaires, avec les
taxes municipales et avec les taxes provinciales et fédérales,
qui traite le tout dans son ensemble. C'est un ouvrage formidable et qui a
été très bien reçu en Ontario.
Effectivement, dans ce rapport, M. Smith proposait, pour dégrever
certains propriétaires, une exemption de base: que les premiers $1,000,
$2,000 ou $3,000 (ce serait à déterminer) ne seraient pas
taxés et que ça s'appliquerait à toute la population. En
d'autre mots, une personne qui est propriétaire d'une maison
unifamiliale bénéficierait d'une exemption de taxes sur les
premiers $2,000 ou $3,000 d'évaluation.
La personne qui habite un logement loué
bénéficierait aussi d'une exemption de base qui pourrait lui
être payée par subvention ou en réduisant la
totalité de la taxe du propriétaire pour que les loyers soient
plus bas. Mais ce serait un peu long à vous expliquer, il faut une
couple de chapitres pour élaborer ce programme, mais je vous
recommanderais très fortement de lire le rapport du "Ontario Committee
on Taxation".
M. CARDINAL: Vous n'avez pas pensé que l'impôt payé
par les propriétaires pour fins de taxes scolaires pourrait être
exempté de l'impôt fédéral, par exemple?
M. TREMBLAY (Gilles): Que l'impôt...
M. CARDINAL: Que l'impôt payé pour fins scolaires par les
propriétaires du Québec pourrait être déductible de
l'impôt sur le revenu fédéral. Cela aiderait beaucoup de
monde et ça apporterait des fonds au Québec.
M. TREMBLAY (Gilles): Je suis absolument d'accord, mais pourvu que non
seulement les propriétaires de maisons unifamiliales, mais aussi les
locataires puissent réclamer une réduction d'impôt sur les
taxes scolaires d'après l'impôt qui est payé par le
propriétaire pour eux.
M. LE PRESIDENT: Merci. Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. Tremblay, sur la première partie du mémoire
qui a été déposé par la Ligue des
propriétaires, vous recevez mon accord, mais vous savez que, pour notre
part, nous préconisons le financement de l'éducation à
partir de l'impôt progressif sur le revenu. Comme vous, nous
considérons la taxation foncière comme injuste. Le
témoignage que vous apportez, comme quoi l'article 650 de la loi, s'il
était adopté, ne ferait qu'augmenter l'injustice de ce
système, tombe à point, je pense.
Vous qualifiez d'arbitraire, à un moment donné, le choix
de $100,000 qu'a effectué le ministre de l'Education. C'est à lui
que je vais poser la question, parce que je ne crois pas, on a mis
tellement de temps avant de rédiger ce projet de loi qu'on soit
arrivé à la rédaction de l'article 650 sans étude
préalable. Pourquoi $100,000 plutôt que $90,000 ou $125,000?
D'autre part, a-t-on calculé, dans l'hypothèse où la loi
devait être votée, quel est le revenu, disons le pourcentage de
revenu, que cette surtaxe pourrait signifier dans tous les revenus du conseil
de l'île?
M. SAINT-PIERRE: C'est une question qu'on avait discutée, je
pense, à la commission des Affaires municipales, ça relève
de la même chose. Les $100,000, c'était en partant de
l'hypothèse que dans la contribution pour l'impôt foncier, tant
municipal que scolaire, il y aurait une différence entre l'individu et
la compagnie commerciale qui peut être impliquée dans la
spéculation immobilière, qui peut être impliquée
dans plusieurs logements. Or, les $100,000 étaient pour permettre
à un petit contribuable qui a un ou deux logements d'être
soustrait à ceci, puisqu'en général, ce sont des revenus
raisonnablemement modestes, les $100,000 étant une espèce de
palier où on déborde, d'une part, la maison unifamiliale et,
d'autre part, la maison de deux ou trois logements qu'un individu pourrait
avoir, et là, qu'on tombe en général sur des corporations.
C'est qu'antérieurement on a eu le phénomène que des
grandes corporations, par des jeux que les avocats connaissent plus que moi,
avaient comme propriétaires d'édifices de $20 millions, $30
millions, $40 millions des personnes qui se soustrayaient alors à la
taxe des neutres qui, comme l'indique monsieur, était différente.
C'était simplement pour trouver une façon de...
M. CHARRON: Il reste que l'exemple apporté par la Ligue des
propriétaires, le tableau de la page 2, va un peu à l'encontre de
ce que vous venez de dire, parce que, dans l'évaluation municipale,
c'est celle sur laquelle vous vous basez si on regarde le prix
des loyers actuellement et ceux qui seraient touchés par une
éventuelle hausse des loyers par la suite, comme on le dit, en citant le
rapport du comité ontarien, c'est finalement le locataire qui paie. Ce
sont des gens qui paient actuellement un loyer de $73 par mois, tandis que des
gens à $375 par mois se trouveraient sauvés de cette surtaxe,
parce que la maison est évaluée à $25,000. Je ne peux pas
concevoir cela, ou alors c'est au ministre des Affaires municipales qu'il faut
le demander puis je ne serais pas sûr d'avoir une réponse,
le connaissant mais comment se fait-il qu'on ait choisi $100,000
à peu près comme ça sans calculer ce que ça
signifie comme revenu du conseil de l'île? Pourquoi avoir choisi un
montant, un taux de surtaxe qui risque, selon l'analyse de la Ligue des
propriétaires et le ministre ne m'a pas donné une autre
analyse qui pourrait me prouver le contraire d'aggraver le
système foncièrement injuste de la taxe foncière à
Montréal? Je ne vois pas pourquoi vous mettez l'article 650. Est-ce un
revenu tellement important que vous ne pouvez pas vous en passer?
Il est évalué à combien, sur l'île de
Montréal, ce revenu-là? Qu'est-ce qu'il signifierait dans le
revenu du conseil de l'île?
M. SAINT-PIERRE: De mémoire je peux obtenir l'information
je ne pourrais pas le citer, mais il faut penser qu'en partie la
législation vise les $100,000 ont été dans cela
les endroits comme Place Ville-Marie qui, avant, pouvaient être,
par un jeu d'avocat encore une fois, donnés comme
propriété à un particulier qui alors disait: Moi, je suis
catholique, je suis particulier et je paie $1.65.
M. CHARRON: Oui, mais la loi abolit cela. La loi abolit la
classification religieuse pour la taxation.
M. SAINT-PIERRE: Non, mais la loi...
M. CHARRON: Donc, il ne pourra pas la défiler.
M. SAINT-PIERRE: Oui, je le sais. La loi retient cependant,
contrairement peut-être à l'impression que le député
de Bagot a pu laisser, ce double taux pour les particuliers et pour les
compagnies. La religion n'entre pas mais il y a une différence de taux
entre les particuliers et les compagnies.
Or, c'était pour trouver une façon de bien définir
"compagnie", de ne pas avoir quelqu'un qui est propriétaire de Place
Ville-Marie, et qui, par un jeu juridique, peut mettre M. X propriétaire
de Place V i 11 e-M a r i e et de payer à peu près la
moitié du fardeau qu'équitablement Place Ville-Marie devait
payer. Maintenant, où s'arrête la limite? Là, je nomme des
édifices qui me viennent à l'esprit. Est-ce que Westmount Square,
avec 360 logements, tombait dans cette même catégorie et
là, on baissait? On ne voulait pas toucher le propriétaire qui a
cinq ou trois logements alors que cela peut être pour lui la forme de
revenu unique qu'il possède.
Par contre, il fallait s'arrêter. Dans des études des
Affaires municipales, c'est à peu près ce montant de $100,000.
L'exemple de $265,000 m'apparaît quand même un cas d'espèce.
Si on prend l'ensemble, pour répondre spécifiquement aux
préoccupations que vous soulevez, des logements à Montréal
ainsi que l'ensemble des évaluations, je pense que l'on trouvera que
cette mesure-là, à tort ou à raison, touche celui qu'on
veut toucher, c'est-à-dire le gros propriétaire.
M. CHARRON: En tout cas, avant l'adoption de l'article 650...
M. SAINT-PIERRE: On pourrait...
M. CHARRON: ... il va falloir très certainement clarifier cela.
Il faudra savoir la raison de cela parce qu'on ne peut pas l'accepter juste
comme tape-à-1'oeil, comme cela et dire: Ce qui vaut $100,000 on le taxe
plus. On peut se ramasser avec le fait que ce sont les petits locataires qui
vont...
M. SAINT-PIERRE: Je ne sais pas si le député de
Saint-Jacques était ici, mais fondamentalement, on a accepté que
sur le plan scolaire, on n'était pas pour avoir un système sur le
plan de l'évaluation, sur le plan de la perception,
particulièrement à l'île de Montréal, qui
était pour être différent de celui que nous avions sur le
plan municipal.
C'est une réplique de ce que l'on retrouve dans la Loi de la
communauté urbaine. A l'époque, il y a eu une longue discussion
avec des représentants de la Ligue des propriétaires et autres
organismes sur la rédaction de ce texte-là. Le débat est
encore ouvert puisque cette loi-là, no 48, n'a pas été
adoptée encore. Elle est encore en commission. Sur cet aspect
d'évaluation de taux différents pour les particuliers et pour les
compagnies, on ne peut calquer ce qui se faisait sur le plan municipal et si le
législateur et l'ensemble des membres trouvent que sur le plan municipal
il faut apporter des modifications ou des changements pour les mêmes
raisons, puisque les points que vous soulevez s'appliqueraient également
sur le plan municipal, je pense qu'il serait dans notre intention, par
concordance, d'apporter les mêmes changements sur le plan scolaire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, le mémoire de
la Ligue des propriétaires de Montréal est extrêmement
intéressant. J'en-
tendais tout à l'heure le député de Saint-Jacques
parler du caractère injuste et inéquitable de la taxation
foncière à Montréal. Cela me faisait souvenir des
déclarations multiples qu'avait faites le député de Bagot
alors qu'il était ministre de l'Education, et après, et des
recommandations qu'il avait soumises au début de l'année 1970
afin de corriger cette situation qu'il considérait comme injuste et
inéquitable.
Je désirerais poser une question au ministre de l'Education
à la suite de la proposition que fait M. Tremblay dans son
mémoire au nom des propriétaires de Montréal. Il demande,
premièrement, à la page 3, que l'article 650 soit biffé du
projet de loi no 28 et, deuxièmement, que l'on songe à
réduire la taxe scolaire dans l'immédiat plutôt que de
l'augmenter.
La question que je veux poser au ministre est la suivante: Compte tenu
de la Loi no 48 et du projet de loi dont nous a parlé ce matin le
ministre sur le réaménagement de la fiscalité scolaire,
est-ce que le ministre peut, en tenant compte des recherches et des
données qui ont été recueillies par son ministère
et par les autres ministères du gouvernement, nous indiquer dans quel
sens ira la fiscalité dans le domaine scolaire? Est-ce qu'elle ira dans
le sens d'une diminution, comme le demande la Ligue des propriétaires,
ou s'il y aura statu quo pendant X années avec le risque de voir se
produire une augmentation?
M. SAINT-PIERRE: Je tiens à dire que sur l'île de
Montréal une petite précision pour nous ramener à
notre sujet le taux qui correspond à notre $1.45 à pleine
valeur, c'est $1.60. Sur le $1.65, les $0.05 additionnels sont des
dépenses inadmissibles qui ont été acceptées et par
les protestants et par les catholiques. Compte tenu de la variation entre
l'évaluation réelle et l'évaluation à
Montréal, c'est ce qui explique l'écart entre $1.45 et $1.60.
Ayant expliqué cette différence entre $1.45 et $1.60, je
suis à dire que ce serait exactement la même position que j'ai
expliquée ce matin pour l'ensemble de la province, c'est-à-dire
un transfert graduel d'une faible partie de l'impôt foncier scolaire en
faveur de la communauté urbaine dans le cas de l'île de
Montréal.
Si ma mémoire est précise, c'est $0.01 par année.
Cela semble peu mais ce sont des millions C'est l'absence d'augmentation du
taux de taxe; c'est même la régression de ce taux de taxe à
raison de $0.01 par année sur une période de cinq ans. Ce qu'il
est important de souligner, c'est que l'impôt foncier scolaire qui
était, il y a quelques années, peut-être autant que 60 p.c.
du coût total de l'éducation, dans l'espace de cinq ans va devenir
à peine 30 p.c. du coût total de l'éducation. Entre-temps,
les coûts augmentent et...
M. CARDINAL: Est-ce que ce n'est pas 50 p.c. actuellement?
M. SAINT-PIERRE: Non, c'est plus bas que ça actuellement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous parlez d'une régression au rythme
de $0.01 par année, sur une période de cinq ans, ce qui fait
$0.05...
M. SAINT-PIERRE: Oui, mais ceux qui ont connu un taux de croissance
assez élevé...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, laissons tomber ce qui s'est passé
avant. Mais dans l'hypothèse, dans l'optique du
réaménagement que nous propose le ministre des Affaires
municipales et de celui que vous allez nous proposer, est-ce qu'on peut
s'attendre à une régression beaucoup plus importante que celle
que vous venez d'indiquer?
M. SAINT-PIERRE: Non, parce que là, d'une façon
responsable, $0.01 ne semble pas beaucoup mais traduit pour l'ensemble de la
province de Québec et c'est ce dont nous parlons des
millions assez importants. J'ai été moi-même
renversé. C'est assez facile à calculer, puisqu'on obtient
à peu près $400 millions avec $1.40; alors, $0.05, cela vous
donne une indication.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre pourrait me dire s'il y
a une relation entre cette régression, pour importante qu'elle puisse
être en masse, et par ailleurs l'augmentation graduelle du coût de
la vie?
M. SAINT-PIERRE: Je ne comprends pas le sens de la question. Que
voulez-vous dire? Il n'y a pas de relation, mais c'est certain, si c'est le
sens de votre question, qu'au niveau de l'individu, compte tenu de
l'augmentation des salaires sur une période de cinq ans, cela signifiera
que de son revenu personnel la taxe scolaire va diminuer plus que
l'équivalent des $0.05 parce que son salaire continue d'augmenter et que
le taux scolaire baisse; l'écart devient de plus en plus important. Je
ne sais pas si c'est le sens de votre question.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui. Toutefois, la réponse est moins
précise que ma question ne l'était. Je demande au ministre si le
ministre des Affaires municipales et lui-même, dans l'optique d'un
réaménagement fiscal, ont tenu compte de cette indexation et
s'ils sont capables de nous dire si, à un moment donné, il y aura
une sorte d'équilibre?
M. SAINT-PIERRE: On n'a pas tenu compte d'une indexation. C'est un
taux...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ce que je voulais que le ministre nous
dît.
M. LE PRESIDENT: Alors je remercie M. Tremblay.
M. TREMBLAY (Gilles): Est-ce que vous me permettez d'ajouter un mot,
s'il vous plaît?
M. LE PRESIDENT: Très bien.
M. TREMBLAY (Gilles): Je crois que l'on perd un peu de vue l'essentiel
de notre mémoire dans les discussions qui se sont amorcées ici.
C'est que peut-être le gouvernement semble préoccupé par le
prélèvement des fonds, et puis, comme M. Cardinal le disait,
peut-être qu'en moyenne, sur l'ensemble des propriétés de
l'île de Montréal, ça peut être équitable,
mais d'après nous, cette mesure cause des écarts
inéquitables presque incroyables, nous disons mêmes injustes. Le
Dr Perras, le président de la ligue, me disait de ne pas employer ce mot
devant des législateurs, de grâce. Donnez-lui la signification que
vous voulez, mais permettez-moi donc de parler un instant de justice.
En fait de taxation, nous pourrions dire qu'il y a deux genres de
justice: une justice horizontale et une justice verticale. Sur le plan
vertical, disons que nous échelonnons les revenus des contribuables, en
partant de celui qui a zéro de revenu, $1,000, $2,000, $3,000, $100,000,
$1 million, à la limite que vous voudrez. Certains pourraient dire que
tout le monde devrait payer le même impôt, disons $500 par
année, mais celui qui n'a aucun revenu ne pourrait pas, et celui qui a
$1 million de revenu, ce serait une bagatelle.
Donc, on songe à un autre système, on songe à un
revenu par pourcentage. Donc, celui qui ne gagne rien ne payerait rien, celui
qui gagne $1,000 payerait le pourcentage de $1,000, etc. Toujours le même
pourcentage. Mais on a constaté aujourd'hui que les personnes plus
fortunées avaient peut-être un plus grand pouvoir de payer, alors
au point de vue de l'impôt sur le revenu, on établit ce qu'on
appelle un impôt progressif. Celui qui gagne environ $4,000 ou $5,000 par
année va payer 19 p.c. ou 20 p.c, et ça monte jusqu'à 80
p.c. pour ceux qui gagnent au-delà de $100,000.
C'est très bien, ceci. Disons que, malgré les opinions
partagées qui peuvent se présenter dans l'ensemble de la
population, la Ligue des propriétaires accepte le principe du revenu
progressif, ce principe de justice verticale.
Mais à n'importe quel niveau, ce que nous demandons, c'est que M.
A qui a $10,000 de revenu soit taxé au même taux que M. B qui a
$10,000 de revenu. C'est justement ce que votre article 650 détruit.
Vous pouvez dire: Ce monsieur-ci fait beaucoup d'argent; ce
monsieur-là a une propriété déficitaire, mais, en
faisant une moyenne, si on leur impose à tous les deux une surtaxe de
$1.25, ça va arriver; ça va être équitable. Cela ne
l'est pas du tout. Vous dites qu'une propriété de $100,000
devrait avoir une surtaxe. Pourquoi? Est-ce que c'est un impôt foncier?
Est-ce que c'est une taxe scolaire qui a toujours été
basée sur la valeur de la propriété ou est-ce une
tentative d'imposer un système d'impôt progressif dans un milieu
où l'impôt progressif ne s'adapte pas?
Vous avez tous peut-être constaté dans les journaux, il y a
un an ou deux, que la Place Bonaventure un immeuble de quoi, $30, $40
millions,, je ne le sais pas avait paru sur la liste des
propriétés qui devaient être vendues par le shérif
pour n'avoir pas payé ses taxes à la ville de Montréal. Il
y a eu une réorganisation financière parce que la Place
Bonaventure, à ce moment-là, était déficitaire. Il
n'y avait pas de revenu; il n'y avait pas d'excédent de revenu.
Si vous vouliez établir un système de revenu progressif,
parfait, pourvu qu'il y ait un revenu; pourvu que les dispositions soient
prises pour démontrer que telle propriété donne un revenu
net dans la poche de son propriétaire. Il ne s'agit pas de dire que,
parce qu'elle est grosse, parce qu'elle vaut au-delà de $100,000, ce
monsieur-là doit être riche. Cela peut être absolument
faux.
Prenez certaines rues de Montréal. Il y a deux ans, la rue
Bellechasse a été creusée de long en large et
laissée à ciel ouvert pendant un an. Cette année, passez
sur le boulevard Saint-Laurent, si vous êtes capable, parmi les tas de
roches, les machines, etc. Un individu qui achète une
propriété dans une de ces rues-là sur le boulevard
Décarie non pas la partie en autoroute, mais le prolongement entre
Côte Saint-Luc et Sherbrooke qui va être creusé de la
même manière l'année prochaine peut prendre toutes
les précautions voulues; il peut transiger avec un courtier absolument
honnête et acheter une propriété rentable, mais je vous
garantis que, l'année prochaine, elle ne sera pas rentable parce que la
rue va être creusée, parce que la pollution, la poussière,
le bruit, etc., vont chasser ses locataires et qu'il va être un an,
peut-être deux, à se remettre de ses pertes de l'année
prochaine. Son immeuble peut valoir $100,000 ou $200,000; il peut avoir mis les
économies de sa vie dans cet immeuble, mais il peut tout aussi bien les
perdre l'année prochaine que faire un profit.
C'est l'essentiel de notre point de vue: Si vous appliquez des mesures
d'impôt progressif sur le revenu, messieurs, de grâce, assurez-vous
qu'il y ait un revenu! Pas un revenu brut, mais un revenu net dans la poche du
propriétaire. Taxez-le si vous voulez. Si je suis fortuné, si
j'ai de gros revenus, je serai des plus heureux de payer de gros impôts;
ça indique que j'ai beaucoup d'argent dans mes poches, mais quand je
n'en ai pas, messieurs, de grâce, ne supposez-pas que je suis riche ou
que les gens individuellement sont riches parce qu'ils sont
propriétaires d'un immeuble.
Vous devriez constater aussi qu'à Montréal nous sommes
dans une période très difficile pour la location de
propriétés. Nous avons même songé que
peut-être la loi du moratoire devrait être rétablie dans
certains milieux. Consultez la Banque d'épargne; consultez n'importe
quelle
institution financière qui prête sur hypothèque;
vous allez constater que plusieurs de ces sociétés,
peut-être un peu plus averties les unes que les autres, consentent
à ne pas recevoir de paiement sur le capital, mais à recevoir
uniquement leurs intérêts parce qu'il y a un grand nombre de
propriétaires qui opèrent à déficit, qui ne peuvent
pas s'aquitter de leurs obligations à cause du surcroît de
logements à Montréal. Cela est causé par une foule
d'événements qui ont secoué la population, un exode de
personnes de langue anglaise, un ralentissement de l'immigration. Mon doux!
Regardez les quartiers entiers et vous trouverez que, sur cinq maisons, il y en
a quelquefois, quatre de suite à vendre. Je ne peux pas vous en dire
plus. Je veux simplement vous répéter que, si le principe de
l'impôt sur le revenu doit être appliqué, l'on prenne les
précautions de prouver qu'il y a un revenu ou de permettre au
propriétaire de prouver qu'il a ou qu'il n'a pas de revenu.
Vous pourriez avoir accès au rapport d'impôt des
propriétaires. Je ne sais pas comment vous pouvez vous y prendre dans
les milieux gouvernementaux, mais il y a certainement un moyen d'y voir. Si ces
mesures-là ne vous sourient pas, de grâce, abandonnez l'article
650.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm.
M. MASSE (Montcalm): Tout en donnant en grande partie raison au
représentant de la Ligue des propriétaires concernant les calculs
en matière de taxe, j'aimerais toucher un autre point de son
mémoire sur les questions touchant l'article 600. Prétextant sa
responsabilité en matière de taxation, la Ligue des
propriétaires demande que soient ajoutés au conseil de
l'île deux membres.
J'aimerais poser une question concernant la
représentativité de la Ligue des propriétaires, par
rapport à l'ensemble des propriétaires de l'île de
Montréal, au sujet de cette demande. Est-ce que vous pourriez nous
apporter des données à ce sujet-là?
M. TREMBLAY (Gilles): Il me fait plaisir de répondre à
cette question, parce que vraiment c'est un peu osé de la part de la
Ligue des propriétaires de vouloir s'insinuer dans le conseil de
l'île. Mais laissez-moi vous expliquer.
Je crois que vous serez d'accord que le conseil de l'île se
préoccupera surtout de problèmes d'éducation et nous nous
demandons si vraiment il considérera le climat économique de la
région. Nous, dans notre mémoire, nous appuyons sur l'injustice
causée aux locataires, nous parlons de représentation au conseil
de l'île, nous proposons que les pouvoirs du conseil en matière de
taxation soient réduits.
Les propriétaires, je crois qu'ils ont ceci en commun avec
l'ensemble de la population de Montréal, souhaitent agir dans un climat
de prospérité, et l'ensemble des besoins de l'île doivent
être considérés. Si nous attirons de l'industrie, des
constructeurs, des commerces de tout genre, si notre population est plus
prospère, c'est nécessairement un climat plus souhaitable pour
l'ensemble de la population qui rend non seulement les propriétés
plus rentables, mais qui est à l'avantage de toute la population.
Je reviens un peu à votre question. Quelle est notre
représentativité? Il y a 130,000 propriétaires au moins
dans la ville de Montréal. Nous croyons les représenter. Mais je
dis qu'il devrait y avoir pour peut-être modifier un peu notre
argumentation une représentation du monde des affaires au conseil
de l'île pour renseigner le conseil sur les réalités du
climat économique dans la région.
Nous proposons deux membres de notre ligue. Peut-être
préféreriez-vous deux membres de la chambre de commerce?
M. CHARRON: Pas plus que ça.
M. TREMBLAY (Gilles): Je crois que ce serait bien souhaitable; n'oubliez
pas que vous avez ici une commission qui va avoir un budget peut-être
supérieur à celui de cinq ou six provinces canadiennes et qui
fonctionnera indépendamment du gouvernement provincial. Pas
complètement, non, mais avec un large degré
d'indépendance. Pourquoi ne pas créer un conseil de l'île
de la voirie, avec son propre pouvoir de taxation, pour refaire les routes et
régler les problèmes de circulation de l'île?
Pourquoi pas un conseil de l'île de la santé avec encore
des pouvoirs de taxation sur l'étendue de la population? Il me semble
que le gouvernement doit s'interroger sur les priorités à
établir. Est-ce que c'est plus important d'avoir une école
additionnelle dans un certain quartier de Montréal ou un hôpital
à Baie-Comeau ou une route à Noranda ou une industrie nouvelle
qui va créer une partie des 100,000 emplois que nous espérons
tous avoir?
M. MASSE (Montcalm): Indépendamment de tout ce que vous avez dit
concernant le bien-fondé qu'il y ait des hommes d'affaires
siégeant au conseil, d'une part, rien dans la loi
présentée n'empêche un homme d'affaires de se
présenter au poste de commissaire et de gravir les échelons au
même titre que tous les autres citoyens. Deuxièmement, votre
argument ne répond pas à ma question concernant la
représentativité de la Ligue des propriétaires. Vous avez
dit: Il y a 150,000 propriétaires à Montréal. D'accord.
Mais la ligue, elle, en représente combien sur les 150,000 pour vouloir
elle-même désigner des représentants au conseil,
particulièrement à l'exécutif?
M. TREMBLAY (Gilles): Je ne pourrais pas, franchement, répondre
directement à votre question. Je ne le sais pas.
M. MASSE (Montcalm): Je vais la poser autrement. Combien y a-t-il de
membres dans la Ligue des propriétaires de Montréal?
M. TREMBLAY (Gilles): Je ne le sais pas. Je suis
désolé.
M. MASSE (Montcalm): Je pense que la loi n'interdit pas à un
homme d'affaires, à un propriétaire d'être candidat, de se
faire élire et de représenter la facette homme d'affaires au
conseil, actuellement.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je voudrais demander, M. le Président,
au Dr Perras s'il connaît le nombre de propriétaires qui sont
membres de cette ligue des propriétaires.
M. PERRAS : Vous voulez dire le nombre de membres que nous avons dans
notre association?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.
M. PERRAS: Je ne le sais pas. Cela varie à tous les mois. La
contribution est pour un an, alors cela varie. C'est comme la chambre de
commerce, d'ailleurs. De toute façon, nous avons une charte qui nous
autorise à représenter les 150,000 propriétaires de
Montréal.
Ce que je peux ajouter aux dires de M. Tremblay, c'est que vu que les
propriétaires fonciers défraient 51 p.c. des frais du budget
scolaire, il semble qu'il serait raisonnable qu'un ou deux représentants
des propriétaires soient représentés à la
commission scolaire pour savoir où leurs deniers sont
dirigés.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Perras et M. Tremblay, évidemment,
nous aurions aimé connaître le nombre exact de
propriétaires, mais cela n'infirme pas le mémoire que vous nous
avez présenté qui, je crois, est extrêmement
sérieux, surtout compte tenu des dernières explications que nous
a fournies M. Tremblay à partir de cette notion de justice horizontale
et de justice verticale. Justement, lorsque nous aurons à discuter de
cet article 650 et de quelques autres qui sont connexes, j'aimerais beaucoup
que le ministre de l'Education nous fournisse des données sur la
situation foncière à l'île de Montréal, selon les
secteurs, afin que nous ayons une idée exacte de la valeur des
propriétés ou de la dévaluation qu'elles ont connue en
raison de certains facteurs qu'évoquait tout à l'heure M.
Tremblay. Parce qu'il s'agit d'un mémoire qui, à mon sens, touche
une question fondamentale. C'est une question de dollars et de cents. Compte
tenu de tous les constats qui ont été faits sur le
caractère inéquitable et injuste de la taxation foncière
sur l'île de Montréal, il m'apparaît nécessaire, pour
le gouvernement et pour tous les parlementaires, de retenir très
sérieusement les propositions qui ont été faites par la
Ligue des propriétaires, tout en souhaitant que ceux-ci nous fournissent
des renseignements plus précis sur le nombre de gens qui font partie de
cette association.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: Sur l'article 600, aussi sur l'amendement que vous
suggérez, puisque c'est le député de Montcalm qui a
lancé le débat là-dessus, j'ai deux choses à vous
dire. D'abord, vous savez que le projet de loi s'il n'est pas amendé,
prévoit que le ministre se réserve le droit de nommer quatre
commissaires au conseil scolaire de l'île. Or, si vous vous
inquiétez de la représentation des milieux d'affaires,
connaissant bien le parti au pouvoir actuellement, ne vous inquiétez
pas. Ils seront là massivement, d'une part.
Deuxièmement, sur votre argumentation concernant les deux
sièges que vous demandez pour votre ligue, si on se réfère
à la première page de votre document, votre argumentation est que
les propriétaires sont finalement les responsables des taxes scolaires.
D'autres part, vous dites vous-même, à la première page,
que ce n'est pas le propriétaire mais bien le locataire qui, à la
longue, paie les impôts fonciers. Alors, pourquoi ne seraient-ce pas deux
locataires, plutôt, qui auraient droit de siéger à la
commission scolaire puisque ce sont, à toutes fins pratiques, eux qui
paient?
M. TREMBLAY (Gilles): C'est une bonne question. Je crois qu'en
général les membres des commissions scolaires, de celles que j'ai
connues personnellement, sont surtout et avant tout des parents qui se
préoccupent le plus de l'éducation de leurs enfants.
A l'âge où les enfants finissent leurs cours
élémentaire et secondaire, nos citoyens, malheureusement, se
désintéressent presque complètement des affaires
scolaires. On dit: Laissons ça à la prochaine
génération, à ceux qui ont de jeunes enfants. Dans ce
groupe, il y aura sûrement des propriétaires et des locataires.
Mais ces propriétaires et ces locataires auront pour
préoccupation primordiale l'éducation de leurs enfants et
particulièrement l'école dans leur quartier. Ils se
préoccuperont, d'après nous, beaucoup moins de la santé
économique de l'île de Montréal. Je crois qu'il appartient
à une association, soit d'homme d'affaires, de propriétaires ou
autres qui ont une vue d'ensemble ou des horizons peut-être un peu plus
larges d'au moins siéger au conseil de l'île pour renseigner le
conseil de l'île et souligner les incidences économiques des
politiques, des taux de taxes et des modes de taxation proposés par le
conseil de l'île.
M. CHARRON: Je trouve que votre analyse
est un peu rapide. Si vous dites que les propriétaires sont plus
intéressés à la santé économique de
l'île de Montréal que les locataires, vous faites ainsi
abstraction de la majorité des citoyens de l'île de
Montréal qui sont locataires. Je ne pense pas que les locataires de
votre maison, que ce soit celui qui paie $73 par mois ou celui qui en paie
$375, soient désintéressés de la situation
économique de Montréal. Il en va de leur travail, il en va de
leur sécurité.
M. TREMBLAY (Gilles): Je ne crois pas que...
M. LE PRESIDENT: M. Tremblay, il nous reste trois mémoires
à écouter cet après-midi. Comme il est déjà
trois heures et demie, et que nous ajournerons à six heures, je pense
que nous avons pas mal vidé la question. Je vous remercie et remercie la
Ligue des propriétaires de sa représentation et nous allons en
prendre bonne note.
M. TREMBLAY (Gilles): Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: La parole est à la Société
d'agriculture des comtés de Baldwin et de Jacques-Cartier, dont le
représentant est M. Larivière.
Société d'agriculture des comtés
de Baldwin et de Jacques-Cartier
M. LARIVIERE (Arcade): M. le Président, M. le ministre, messieurs
les députés, mes chers amis. Je suis le président de la
Société d'agriculture des comtés de Baldwin,
Jacques-Cartier et Marguerite-Bourgeoys. C'est la raison pour laquelle on m'a
demandé de venir à Québec, et d'être le porte-parole
des cultivateurs qui sont ici présents. Je les remercie d'avoir bien
voulu monter à Québec. Nous sommes une vingtaine, je crois, de
vrais cultivateurs et non des à-peu-près.
Je vous remercie d'abord de bien vouloir m'écouter, c'est
déjà un signe d'un gouvernement démocratique et cela, les
gens l'oublient trop souvent.
Nous soussignés, cultivateurs propriétaires des
comtés de Robert-Baldwin, Jacques-Cartier et Marguerite-Bourgeoys,
après avoir pris connaissance du bill 28 concernant la commission
scolaire de l'île de Montréal et de l'île Bizard, qui sera
présenté à la présente session de
l'Assemblée nationale, nous nous opposons fortement à l'article
644 que nous craignons, que nous ne comprenons pas, en partie, et nous sommes
ici pour le comprendre.
Le second paragraphe de l'article 644 dit: "Tout immeuble qui, en vertu
d'une loi spéciale, est évalué à un montant
inférieur à sa valeur réelle, pour fins d'imposition des
taxes municipales, est porté au rôle d'évaluation de la
communauté à sa valeur réelle pour fins d'imposition des
taxes scolaires." On craint cela.
M. LE PRESIDENT: Monsieur le ministre.
M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, ce n'est pas mon but de prouver au
député de Saint-Jacques que nous ne sommes pas seulement avec les
milieux d'affaires et que nous comprenons les problèmes de
l'agriculture, mais peut-être pour accélérer le
débat je dois dire que nous avons ici la copie de votre
mémoire et pour expliquer, le gouvernement accepte de modifier
cet article. Il y a eu, dans la rédaction des deux projets de loi,
peut-être une omission et nous revisions le texte de 644, 2e paragraphe,
qui vous inquiète, pour refléter exactement ce que nous avons
dans l'article 30 du projet de loi 48, Loi sur l'évaluation
foncière, que je vais vous lire: "Tout terrain, appartenant à un
agriculteur, ainsi que les bâtiments qui s'y trouvent, à
l'exception des bâtiments de ferme, sont portés au rôle
à leur valeur marchande". L'autre paragraphe est celui qui va vous
intéresser: "Un tel terrain est exempt de toute taxe foncière
générale ou spéciale et ça s'appliquerait
à la taxe scolaire pour la partie de la valeur portée au
rôle qui excède $150 l'arpent, sous réserve, quant à
son imposition, de l'article 107".
Alors, en d'autres termes, le gouvernement accepte votre point de vue et
accepte d'apporter un amendement à 644 de telle sorte qu'il
reflète le paragraphe 30 de la Loi sur l'évaluation municipale
qui exempte pour toutes fins de taxe foncière, générale,
spéciale ou scolaire les propriétés des agriculteurs pour
tout montant qui excède $150.
M. LARIVIERE (Arcade): Je comprends ça, mais ce qui ne nous
paraît pas clair dans le bill 48 que vous venez de nommer, c'est qu'on
désigne les bâtiments avec la ferme. On se loge dans une maison,
pourquoi ne pas le définir? La maison de ferme d'abord, la
désigner toujours. Vous mentionnez seulement le terrain et vous ne
mentionnez pas la maison. On se demande dans quoi on se trouve à
demeurer nous autres, ce n'est pas clair. On aimerait être
éclairé. Il y a plusieurs cultivateurs qui sont ici et ils ont
peur. On comprend que notre cas, sur l'île de Montréal, est
différent d'autres cas en dehors de la ville de Montréal. On nous
vise depuis plusieurs années en voulant nous taxer. Nous
prétendons que si vous nous taxez de la manière que cela l'est
là, aucun cultivateur ne pourrait continuer de survivre. Cela, c'est
garanti et je suis certain que des députés ou des ministres ici
ont des parents qui sont cultivateurs et qui connaissent la situation du
cultivateur. Pourquoi les gens s'éloignent-ils de l'agriculture? C'est
parce qu'on ne peut pas arriver. Si on se fait un salaire de $8,000 par
année, vous imposez une taxe scolaire de $3,000; à
Montréal, on aura la taxe municipale, ensuite la Commission urbaine va
s'en venir avec une troisième taxe. Pensez-y comme il le faut, à
quelle place on va se ramasser? Dans la rue. Je prétends que les
habitants ont droit de venir se
faire entendre et de vous prouver qu'ils ont raison d'avoir peur; leur
cas est spécial, ils sont sur l'île de Montréal.
M. SAINT-PIERRE: J'admets avec vous que, dans l'article 644 tel que
rédigé actuellement, on pouvait laisser planer le doute qu'en
fait l'immeuble, même la ferme, même le bâtiment, même
les terrains pouvaient être portés à la valeur aux livres,
à la valeur réelle, à la valeur marchande et qu'ainsi
l'agriculteur pouvait être taxé pour l'ensemble de la valeur
marchande de ses biens. Alors je tiens simplement à vous assurer que
nous apportons une modification à 644 pour le rendre conforme à
30. Je transmets copie du mémoire que vous nous avez
présenté à la commission parlementaire qui est responsable
de l'étude du projet de loi 30, qui n'est pas accepté encore.
Là ça repose évidemment le problème que vous
soulignez et qu'on pourrait peut-être discuter dans une autre
commission.
M. LARIVIERE (Arcade): Nous avons confiance en vous, M. le ministre, et
en votre régime.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, est-ce que vous me
permettriez d'ajouter quelque chose à ce qu'a dit le ministre? Les
représentations qu'on nous fait actuellement sont d'autant plus
justifiées, même compte tenu de ce que vient de dire le ministre,
que les lois qu'on nous a présentées ne comportent même pas
une définition exacte de cultivateur. Donc, ces gens-là ont
raison de s'inquiéter parce qu'il y a une définition de
cultivateur qu'on ne peut pas retenir là-dedans parce qu'elle n'englobe
pas nécessairement les gens qui doivent être couverts par
ça.
M. LARIVIERE (Arcade): Disons que nous sommes les vrais cultivateurs qui
gagnent leur vie avec la culture. Celui qui gagne sa vie avec la culture n'est
pas celui pour qui ce n'est qu'une source de revenu. Même les vrais
cultivateurs, il y en a parmi eux qui sont obligés de chercher de
l'ouvrage en dehors pour être capables d'arriver à payer ce qu'ils
doivent. Je pense que vous devriez prendre en considération qu'on est un
cas spécial, parce qu'on est sur l'île de Montréal.
Ce n'est pas nous qui l'avons voulu. Cela fait 85 ans que mes parents se
sont établis à Saint-Laurent; mes parents sont morts et j'ai
continué. Je ne peux pas faire autre chose, et c'est le cas de mes
confrères, les habitants de notre bout. Nous sommes tous dans le
même cas. Nous verriez-vous, demain, partir avec une valise pour nous
chercher un emploi? Nous ne serions pas capables, il n'y en a pas.
M. CHARRON: M. Larivière, tantôt le ministre vous a lu
l'article 30 de la loi 48. Est-ce que votre groupe a fait valoir son opinion?
Qu'est-ce que vous pensez de l'article 30?
M. LARIVIERE (Arcade): Nous sommes censés revenir à la
commission mais je vois qu'il était au courant, je savais qu'il serait
au courant. C'était fixé au 7 octobre, je crois et cela a
été remis. Nous venions encore nous opposer à cet
article-là. Nous vous disons j'espère que vous êtes
sincères qu'un cultivateur, au revenu que nous avons, ne peut
arriver; vous nous mettez dans la rue. Des acheteurs? Je suis placé pour
vendre mais il n'y a pas un maudit acheteur qui veut venir, ni aujourd'hui, ni
demain; il n'y a pas d'acheteur.
Est-ce qu'on peut nous forcer à nous mettre dans la rue? On
devrait avoir le droit de vivre chez nous et de mourir chez nous. Il y a des
gens âgés qui sont réellement inquiets pour l'avenir. Il y
a des gens de l'île Bizard ici, c'est du monde âgé. Je crois
que vous venez de l'île Bizard vous aussi, vous connaissez cela. Il y a
des gens âgés qui ont 30 ou 40 arpents, ils sont venus au monde
là, et ils ont 75 ou 78 ans. Pourquoi ne pas les laisser tranquilles,
les laisser mourir chez eux? Si le terrain se vend, là vous les taxerez;
celui qui veut développer le terrain a le droit d'être
taxé, mais nous autres, si nous voulons gagner notre vie avec la
culture, nous voudrions être tranquilles et mourir en paix. Mettez-vous
à notre place.
M. SAINT-PIERRE: M. Larivière, simplement pour tenter
d'éclairer le débat. Vos représentations
générales et très pertinentes portent sur la situation de
l'agriculteur vis-à-vis de l'impôt foncier scolaire. Le point
soulevé par le député de Chicoutimi à savoir la
définition, puisqu'il y en a une dans l'article 30, "pour les fins du
présent article, le mot "agriculteur", n'est peut-être pas
adéquat.
M. LARIVIERE (Arcade): Elle n'est pas claire.
M. SAINT-PIERRE: Elle n'est pas claire. Pour la définition et
pour les $150 par arpent, qui serait la seule somme imposable...
M. LARIVIERE (Arcade): C'est déjà du tiers que vous nous
augmentez. C'est déjà quelque chose. La vraie valeur était
de $100 et vous nous augmentez déjà d'un tiers. Je
prétends que c'est déjà un départ. C'est pour cela
que l'on craint.
M. SAINT-PIERRE: D'accord.
M. LARIVIERE (Arcade): On craint un peu pour le reste.
M. SAINT-PIERRE: Pour les fins du projet de loi 28, nous allons modifier
l'article 644 pour réfléter l'esprit de l'article 30, et à
l'autre commission qui doit se réunir, on pourra reprendre à fond
le débat. Comme je l'avais souligné, pour les fins d'imposition
et de taxes scolaires, on s'est conformé...
M. LARIVIERE (Arcade): Vous avez toute notre confiance, excepté
que nous espérons que vous allez nous protéger.
M. CHARRON: Cela veut dire, M. Larivière, que vous allez revenir
pour le bill 48.
M. LARIVIERE (Arcade): Pour le bill 48, nous allons revenir.
M. CHARRON: J'espère que vous ne lâcherez pas votre
bout.
M. LARIVIERE (Arcade): Il le faut, si on lâche, c'est la mort. Il
ne faut pas lâcher.
M. CHARRON: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier. A l'ordre!
J'inviterais la salle à ne pas manifester, ce n'est pas permis ici,
à la salle 81-A.
M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, je voulais ajouter quelque
chose pour clarifier la situation, mais je vois que tout est bien clair. M.
Larivière sait bien qu'il pourra revenir étudier le bill 48 afin
de clarifier davantage l'article 30. Je réserve mes commentaires lors de
cette étude.
M. LARIVIERE (Arcade): Je dois vous dire que nous n'avons pas pris
d'avocat parce que des députés m'ont dit que nous étions
capables de nous comprendre, qu'il y avait des gens au gouvernement capables de
nous comprendre. C'est pour cela que nous venons nous faire entendre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez bien fait, cela va vous coûter
moins cher.
M. LARIVIERE (Arcade): C'est tout? Merci.
M. PEARSON: M. le Président, le problème, qui avait
déjà été soulevé lors de l'étude du
bill 62, en somme, est un peu un cas d'exception. Premièrement, il faut
arriver à une définition de "cultivateur". Deuxièmement,
sur l'île de Montréal, en particulier dans notre secteur,
c'est-à-dire dans Saint-Laurent et dans Jacques-Cartier, il y a des gens
qui ne sont pas des cultivateurs. Ce sont d'anciens cultivateurs qui se
réservent seulement un emplacement et qui font quand même de
l'argent avec la vente de terrains.
Mais, il reste des cultivateurs, M. Larivière et d'autres en
sont, et le danger est de placer ces gens-là sur le même pied que
d'anciens cultivateurs qui sont devenus spéculateurs. Je pense qu'il
faudrait apporter une précision dans la définition du mot
"cultivateur" pour ces gens-là.
M. LARIVIERE (Arcade): C'est parce qu'il y en a qui on vendu ou ont
laissé d'autres acheter. Nous ne sommes pas des spéculateurs.
M. PEARSON: C'est ça.
M. LARIVIERE (Arcade): Nous sommes de vrais cultivateurs et mes amis
ici, en arrière, mes confrères, vivent des produits de la ferme.
Je ne sais pas si vous suivez ça, mais à Montréal, sur le
marché central, une partie de l'été, les produits ont
été, le vrai mot pourris. Prenez aujourd'hui une boite de
tomates. Elles se vendent $1 la boîte et vous les payez, dans les
magasins, 20 livres pour $1. Cela fait $0.05 la livre. Vous les payez dans les
magasins $0.30 et $0.39 la livre. Ce n'est pas nous qui avons l'argent. C'est
ce qu'il faut comprendre. Les patates, cet été, étaient
à $0.45 et à $0.60 la poche. A ce moment-ci, vous achetez des
patates à $0.75 la poche. Pensez-vous que c'est un cadeau d'essayer de
gagner notre vie? Mettez-vous cultivateurs, vous allez voir. C'est pour
ça que nous perdons nos garçons. Ils ne veulent pas rester parce
qu'ils ne seront pas capables d'arriver.
En tout cas, je vous remercie d'avoir eu la gentillesse de
m'écouter. J'ai une voix éraillée. Ce n'est pas ma faute,
mais je vous remercie quand même.
M. LE PRESIDENT: Je tiens à remercier la Société
d'agriculture des comtés de Baldwin et de Jacques-Cartier de sa
représentation, ainsi que M. Larivière, le président. Nous
prenons bonne note de vos représentations.
M. LARIVIERE (Arcade): Merci beaucoup, messieurs.
M. DUMONT: M. le ministre, j'aurais une simple question. On fait
allusion, dans ce mémoire, à cette remise annuelle de 35 p.c.
Est-ce que, dans le projet de loi 28, rien ne sera changé et que la
remise de 35 p.c. continuera d'exister pour ces cultivateurs qui ont fait
entendre ce mémoire?
M. SAINT-PIERRE: Le projet de loi 28 ne change rien à
l'article.
M. DUMONT: Très bien, je voulais vous l'entendre dire.
M. LARIVIERE (Arcade): C'était juste pour nous aider, ça.
Nous n'arrivions pas plus avec cela.
M. LE PRESIDENT: Nous allons écouter maintenant la
Confédération des syndicats nationaux, M. Marcel Pepin.
Confédération des syndicats
nationaux
M. PEPIN: M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés, nous avons pensé de distribuer aux
députés et aux membres de la commission deux documents: un
premier qui est un mémoire général et un deuxième,
intitulé no 2, qui est un document comparatif.
Il nous est arrivé dans le passé, à quelques
reprises, d'offrir aux députés non pas exclusivement un
mémoire donnant nos idées générales et
particulières, mais aussi donnant un texte comparatif qui traduisait en
termes légaux ou en termes législatifs les propositions
générales et particulières que nous faisions. Nous avons
cru que, dans le cas de ce mémoire, ça valait la peine. C'est un
projet de loi pour nous d'une extrême importance et nous nous sommes dit
que le gouvernement, le ministre ou les députés, s'ils sont
d'accord avec nous sur certaines propositions, pourraient peut-être avoir
avantage à voir un projet de texte législatif pour saisir quel
est exactement le point de vue que nous soutenons.
Lorsque nous vous remettons un texte comparatif comme celui-là,
j'espère aussi que vous comprendrez que nous n'avons pas
l'expérience des textes législatifs. Nous ne sommes pas
habituellement des gens qui font la législation et qui rédigent
des articles de loi. Mais nous nous sommes dit: Peut-être que cela pourra
être utile si un député ou si le ministre considère
que telle proposition peut être recevable, qu'il examine le texte
précis que nous offrons quitte à le faire vérifier, bien
sûr, par les juristes ordinaires du gouvernement ou du parti politique
qui voudrait s'en servir.
Si nous avons fait ce travail, qui a d'ailleurs pris
énormément d'heures parce que c'est assez complexe, c'est
uniquement, donc, dans le but d'aider aux membres de la commission et,
éventuellement, à tous les députés de
l'Assemblée nationale.
Cette première remarque étant faite, je voudrais aussi
vous dire que le premier document est un mémoire de la
Confédération des syndicats nationaux, préapré non
pas exclusivement par nous, mais conjointement avec certains de nos organismes
affiliés et, notamment, comme il l'est indiqué, la
Fédération nationale des enseignants québécois, la
Fédération des services publics et le Conseil central des
syndicats nationaux de Montréal, puisque ce conseil est directement
affecté, la réforme se faisant sur le territoire de
Montréal.
Je voudrais aussi ajouter, en troisième remarque
préliminaire, que je ne prétends pas être compétent
sur tous les aspects techniques ou même philosophiques qui peuvent
être dégagés de notre mémoire. Lorsqu'il y aura des
questions qui seront posées par vous, s'il y en a, il se peut que je
fasse appel à certains de ceux qui m'accompagnent, qui seront
peut-être plus articulés sur un point que sur un autre.
J'essaierai quand même de donner toutes les réponses que je
peux donner personnellement, mais sur certains points particuliers, je
demanderai au président et aux membres de la commission d'accepter qu'un
autre réponde pour supplémenter s'il y a lieu.
Maintenant, j'avais l'intention de faire cette remarque à la fin
de la comparution, mais je pense que je peux la faire immédiatement. Je
crois comprendre qu'un règlement de la com- mission parlementaire ne
nous permet pas d'annexer au journal des Débats un document, à
moins qu'il ne soit lu. J'avais déjà essayé ça
à une commission parlementaire et on m'avait dit dans le temps que ce
n'était pas possible. La seule remarque que je voulais faire, c'est que
je vais vous donner lecture...
M. LE PRESIDENT: Si c'est le désir de la commission, on peut
l'envoyer intégralement au journal des Débats.
M. PEPIN: C'est parce qu'à ce moment-là, ça me
permettrait d'être un peu plus court et d'épargner du temps si
vous avez des questions. Mais je vous fais remarquer, M. le Président,
qu'il m'est arrivé à une commission parlementaire de vouloir
procéder ainsi et on m'a dit: Non, ce n'est pas permis. Alors si c'est
permis maintenant, je suis bien content.
M. CARDINAL: M. le Président, je m'excuse, mais à
l'Assemblée nationale, à la session présente qui est
ajournée, ceci s'est produit à deux reprises où même
des discours de députés, je ne parle pas de personnes
comparaissant, ont été déposés en entier pour
paraître au journal des Débats sans être lus.
M. LE PRESIDENT: Ici aussi à une autre commission que je
présidais, on a accepté intégralement des
mémoires.
M. PEPIN : Alors, je vais vous en lire quand même des extraits, je
ne vous le lirai pas au complet, je pense que de cette façon on peut
épargner du temps. Vous allez avoir la trame générale de
notre mémoire, de notre prise de position et après
peut-être que ça vous permettra de poser les questions que vous
voudrez. Ce pourquoi je vous dis ceci, c'est qu'il me semble qu'il est
important pour nous, la CSN et les organismes affiliés, qu'au moins ce
soit dans le journal des Débats. Si ce procédé est
acceptable, maintenant qu'on n'a pas besoin de tout le lire, j'en suis
très heureux et je pense que ça peut aussi soulager quant au
temps les travaux de votre commission.
M. LE PRESIDENT: Nous remettrons au journal des Débats copie de
votre mémoire qui y sera transcrit, M. Pepin.
(Voir mémoire de la CSN publié en annexe)
M. PEPIN: Je vous remercie, M. le Président.
Alors, vous avez comme point de départ l'introduction. Je vous
rappelle tout simplement que nos prises de position en ce moment sont
appuyées par des décisions de nos instances du mouvement, qu'il
s'agisse du conseil confédéral, du bureau
confédéral et j'ajouterai comme commentaires le congrès de
la CSN de décembre dernier où, sur la question de l'unilinguisme
français et sur la question aussi d'avoir
des modes, des moyens pour y arriver, la CSN s'est prononcée et
la CSN réclame que le français soit vraiment la langue
officielle, la langue nationale au Québec.
Je pense que le projet de loi no 28 est pour nous d'une extrême
importance et je crois qu'il faut dire que la réorganisation scolaire
sur l'île de Montréal ne pourrait, quant à nous, subir de
retard parce qu'à notre avis le gouvernement alors encourrait une grave
responsabilité. Mais le projet 28 actuel, dans sa rédaction telle
que présentée, ne répond pas, quant à nous,
à ce que nous croyons être les exigences de la majorité de
la population de l'île de Montréal et nous pensons que dans ce
domaine il est impérieux que le gouvernement tienne compte
énormément des intérêts de la population de
l'île de Montréal.
Je comprends qu'il nous dira, comme gouvernement, que, lui, il pense en
tenir compte. Je ne prétends pas que la CSN doive dire: Nous, nous avons
la vérité et les autres ne l'ont pas. Ce que nous venons vous
dire ici, c'est que nous croyons que ce projet tel que présenté
ne représente pas ou ne tient pas compte suffisamment des
intérêts de la population.
Comme premier grand chapitre, nous insistons énormément
sur le problème des quartiers défavorisés et nous croyons
que, sur l'île de Montréal, il y a suffisamment d'études
qui ont été réalisées jusqu'à maintenant
pour nous permettre de voir qu'il y a des quartiers qu'on pourrait qualifier de
surfavorisés, mais toujours relativement parce que dans le domaine de
l'éducation, je ne crois pas que quiconque puisse dire qu'il y a
quelqu'un qui est surfavorisé dans l'absolu.
On peut être surfavorisé relativement à un autre
groupe qui l'est moins. Or, sur l'île de Montréal, le territoire
concerné par la réforme proposée par le bill 28, il y a
vous le savez aussi bien que moi des différences
énormes d'un quartier à un autre. Aussi, nous pensons qu'il faut
trouver un moyen pour qu'il y ait un transfert de ressources vers les quartiers
défavorisés par rapport à ceux qui comme je le
mentionnais précédemment en reçoivent
davantage.
Nous croyons que le projet de loi doit effectivement prévoir des
dispositions précises, concrètes pour permettre qu'il y ait un
rattrapage, rattrapage qui est absolument essentiel. Donc, que priorité
soit donnée au rattrapage des quartiers défavorisés. Qu'en
ce sens soit établie une véritable autorité scolaire
régionale avec mandat et pouvoirs d'instaurer un programme
accéléré de rattrapage en termes de transfert de
ressources vers les commissions scolaires défavorisées.
Qu'en plus soit instaurée une décentralisation des
décisions au niveau local afin de permettre aux citoyens
concernés de se donner des objectifs pédagogiques propres et des
moyens originaux de les atteindre.
M. le Président, permettez-moi de faire un bref commentaire
là-dessus. Bien sûr, c'est assez imprécis tel que c'est
donné. C'est une intention qui pourrait être qualifiée
exclusivement d'intention généreuse. Quant à nous, ce
n'est pas exclusivement et uniquement dans le domaine des intentions dites
généreuses. Nous croyons que, dans certains territoires de
l'île de Montréal, il y aurait moyen de réorienter la
pédagogie telle qu'elle se donne à l'heure actuelle pour faire en
sorte que le milieu scolaire ne soit pas un milieu que les jeunes repoussent
fatalement comme c'est le cas dans plusieurs territoires de l'île de
Montréal.
Si je pouvais vous donner un exemple précis, prenez un quartier
j'ai en tête Pointe-Saint-Charles où je pense qu'il y
a un rattrapage énorme à faire. Il y a des élèves
qui sont actuellement aux études depuis très peu de temps, depuis
le mois de septembre; ils arrivent de vacances et sur une classe de 30 ou 32
personnes, il y en a au moins 30 qui ont quelque chose de physique, un rhume,
etc., en tout cas, qui sont malades physiquement à l'heure actuelle.
Cela ne veut pas dire qu'ils ne sont pas à la classe; ils y sont quand
même, mais ils sont handicapés et remarquez bien que nous sommes
au point de départ de l'année scolaire. Il y a une série
de motifs, me dira-t-on, qui peuvent justifier ou expliquer plutôt cette
situation. Disons quand même que, si ces enfants ont été
obligés de passer l'année à Montréal sur les
trottoirs sans qu'ils aient pu sortir, sans qu'ils aient pu prendre un air que
d'autres ont la chance d'avoir ailleurs, peut-être que la
pédagogie à Montréal, dans ce territoire, pourrait
être réorientée différemment et peut-être que
les sports auraient une plus grande place pour eux. Mais je ne pense pas qu'on
puisse le décider, ni à l'Assemblée nationale, ni à
la commission parlementaire, ni même sans doute dans un grand ensemble
comme le conseil scolaire. Voilà pourquoi notre effort à nous
et vous le verrez plus loin est pour une forte centralisation
administrative, mais, au niveau pédagogique, de tenter par tous les
moyens de laisser la chance aux gens dans les commissions scolaires de prendre
certaines décisions.
Deuxième grand point: Le français, langue d'enseignement
et de communication. Vous pourrez lire nos observations là-dessus. Ce
matin, vous avez beaucoup questionné mon collègue M. Yvon
Charbonneau et discuté avec lui. Généralement, nous avons,
je pense, des thèses qui se rapprochent, même si je pense que nous
allons à l'heure actuelle un peu plus loin dans un certain domaine. Nous
croyons qu'à l'heure actuelle le projet de loi fait en sorte
qu'effectivement la structure des commissions scolaires à
Montréal sera une structure bilingue.
Lorsque le ministre répondait ce matin aux questions, soit de M.
Tremblay ou d'autres députés, qu'il disait qu'il attendait le
rapport de la commission Gendron avant d'adopter une politique
générale ou même une politique adop-
table au milieu scolaire, ma réflexion personnelle est
qu'effectivement dans le projet de loi no 28 le gouvernement prend
déjà une position.
Il prend une position, même si elle n'est pas dite explicitement
dans le projet. Il prend une position parce qu'il permet, dans le fond, qu'il y
ait le bilinguisme à peu près partout; et même, il prend
une position parce qu'il prévoit d'adjoindre des francophones ou
anglophones, suivant le cas, à certains niveaux administratifs.
Peut-être que cet argument d'attendre la commission Gendron est
recevable pour certains. Quant à moi, M. le ministre, MM. les
députés, je crois que vraiment, avec ce projet de loi, le
gouvernement a pris une position. Cela ne veut pas dire que le gouvernement,
maintenant, ne peut pas changer d'attitude ou d'avis, mais je ne crois pas que
vous puissiez dire que c'est en raison de la commission Gendron que vous ne
prenez pas position. Vous le prenez effectivement, dans les faits, une
position. Du moins, c'est mon avis, de ce côté-là.
Quant aux recommandations précises, la langue des communications
écrites et parlées, dans l'administration scolaire sur
l'île de Montréal, c'est le français. Je serais prêt
immédiatement à dire que, si cela cause des problèmes
d'adaptation, qu'il y ait un certain temps, des étapes à
franchir. Je n'y ai pas d'objection. Il ne faut pas embarrasser les gens. Il
faut voir vraiment qu'on s'en va dans cette direction et que cela prenne un an
de plus, ce n'est pas ce qui va nous permettre de nous diviser ici.
Deuxièmement, que la langue d'enseignement soit le
français, l'anglais la langue seconde. Et nous ajoutons
immédiatement: "Cependant et c'est probablement ici où il
y a une distinction entre ce qui a été dit ce matin et ce que
nous vous proposons conscients des difficultés inhérentes
à l'application immédiate de ce principe, nous recommandons que,
dans une première étape, soit jusqu'en 1978 vous allez
peut-être dire: Pourquoi n'a-t-il pas pris 1979 ou 1977, c'est parce que
c'est une époque de cinq ans les commissions scolaires offrent
obligatoirement un enseignement en français aux francophones et aux
nouveaux immigrants et un enseignement bilingue aux anglophones et aux
néo-québécois ayant déjà choisi
l'enseignement en anglais".
Ce qui veut dire que jusqu'en 1978 il est bien clair que c'est d'abord
l'enseignement en français aux francophones et aux nouveaux immigrants.
Je ne m'embarquerai pas cependant dans la définition de ce qu'on peut
appeler "nouveaux immigrants". J'espère qu'il y aura des juristes pour y
voir. Quant à moi, j'essaie de vous donner uniquement l'idée ou
la recherche que nous faisons.
M. SAINT-PIERRE: Pourriez-vous définir enseignement bilingue, M.
Pepin?
M. PEPIN: Je vais y arriver tout de suite, parce que c'est la
deuxième partie.
L'enseignement bilingue. Dans le bill 63, vous avez prévu que,
pour ce qui est de ceux qui vont à l'école anglaise, ils soient
obligés de recevoir un enseignement en français au moins à
peu près à 40 p.c, de telle sorte qu'en sortant de l'école
ils ne puissent pas avoir de diplôme à moins d'avoir une
connaissance d'usage du français. Ici, je ne discute pas si
"connaissance d'usage" est une bonne expression ou non; je regarde tout
simplement ce qui a été fait par le bill 63.
Notre proposition signifierait qu'au lieu des 40 p.c, il y ait une
augmentation de ces 40 p.c. à compter de 1978, parce que dans la
recommandation précédente, vous voyez bien que l'anglais est
enseigné comme langue seconde dans toutes les écoles.
Après 1978, nous croyons que, dans la même ligne que le bill 63,
nous n'avons qu'à augmenter les pourcentages. A ce moment, je pense que
sur ce point nous sommes collés, du moins en partie, au bill 63 qui a
été combattu, sans doute pour d'autres motifs, mais
là-dessus je pense que nous en arriverons éventuellement à
avoir une véritable province française.
Je pense donc que cela est très important pour nous,
Québécois. Vous savez jusqu'à quel point, personnellement
en tout cas, j'ai toujours tenté de livrer mes combats et mes luttes
bien plus au niveau social et économique qu'au niveau national. Je me
rends facilement compte que nous ne pouvons pas, à l'heure actuelle,
détacher ces deux éléments. Je crois que
l'Assemblée nationale ou votre commission doit apporter une
extrême attention à ce problème si on veut s'éviter
des problèmes plus sérieux. Je sais que vous le ferez, mais je
voulais, au moins, que vous sachiez quelles sont nos positions et quelles sont
aussi les miennes là-dessus.
Donc, comme recommandation: Que soit biffé du projet de loi le
pouvoir du cabinet de désigner deux commissaires supplémentaires
dans les commissions scolaires où le ministre jugerait que la
minorité n'est pas représentée.
Je n'ai pas lu tous les paragraphes concernant cela, mais je
considère que les électeurs de Montréal éliront
ceux qu'ils voudront et que le cabinet provincial, ou le lieutenant-gouverneur
en conseil, n'a pas à en ajouter, à mon avis. Il n'en ajoutera
pas au Conseil municipal de Montréal, il n'en ajoutera pas au Conseil
municipal de Québec. Les électeurs de Montréal doivent
avoir assez de maturité pour y pourvoir.
Oui, allez-y.
M. SAINT-PIERRE: C'est simplement une explication. Dans les faits, il
faut bien reconnaî-tre que, sociologiquement, le partage de la population
ne se fait pas toujours d'une façon équitable. Je tiens
d'ailleurs à préciser, parce que cela a peut-être
été mal compris, que le ministre ne nomme pas toujours deux
représentants. Même si la minorité est insuffisamment
représentée, d'après tous les critères, il n'en
nomme pas. Il en nomme seulement lorsqu'il
n'y a aucun représentant de la minorité linguistique.
Alors, je vous repose la question en prenant comme exemple la commission
scolaire de l'ouest de l'île de Montréal, avec 16 p.c. environ de
Canadiens français. A une commission scolaire unifiée, si vous
n'avez aucun commissaire qui est de langue française, sur quinze
commissaires ou neuf que vous recommandez c'est la même chose
trouvez-vous qu'il y a, pour la démocratie, un avantage non pas
de changer le résultat du vote entre francophones et anglophones, mais
de donner aux francophones au moins un porte-parole qui sait ce qui se passe
à la commission scolaire? Vous êtes en faveur de la commission
scolaire unifiée. Or, même s'il y a un partage différent
vous soulignez qu'il y a beaucoup de pédagogie
trouvez-vous qu'il serait normal que, dans l'ouest de l'île, avec 16 p.c.
de la population qui est francophone, ces gens n'aient aucun
représentant à la commission scolaire? C'est dans ce sens
que...
M. PEPIN: Très bien. Je comprends fort bien votre intention.
C'est sans doute pour éviter certaines injustices qui pourraient se
créer dans le sens non pas de l'élection comme telle, mais quant
à l'application de certaines politiques.
Moi, je vous suggérerai tout simplement, dans ce cas, de nommer
des observateurs qui ne seront pas des commissaires à plein titre.
M. SAINT-PIERRE: Qui auraient le droit de siéger sans avoir le
droit de vote.
M. PEPIN: C'est cela. Qui ont le droit de parole. Dans combien
d'organismes avons-nous fait cela? Je pense que l'Assemblée nationale a
fait cela dans le cas de la Commission de l'industrie de la construction
récemment. Vous avez dit: Nous voulons savoir comment cette affaire sera
administrée et vous avez nommé quelqu'un comme observateur du
ministère du Travail. Le type qui est nommé là, il est
là à titre d'observateur. Il fait rapport au ministre. S'il
arrive des choses, après cela, le ministre peut plus facilement les
corriger. Il peut avoir un certain poids, aussi, comme observateur. Même
s'il n'a pas le droit de vote, ses avis, parfois, peuvent être retenus.
Est-ce que cela répond à votre question?
M. SAINT-PIERRE: Oui, c'est parfait. Merci.
M. PEPIN: L'autre recommandation: Biffer l'obligation de nommer des
sous-directeurs régionaux. Je pense que j'ai eu l'occasion de m'exprimer
là-dessus.
Concernant maintenant l'administration, comme troisième grand
point...
M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, M. Pepin, mais peut-être que cela
pourrait être intéressant...
M. PEPIN: Allez-y.
M. SAINT-PIERRE: ... de reprendre le même cas. Encore une fois, il
faut se rappeler qu'avec 16 p.c. de la population, disons, étudiante qui
est francophone dans l'ouest, dans le cas d'une commission scolaire
unifiée, que le gouvernement et vous-même accepteriez, c'est
évident qu'avec les quatre postes qu'on mentionne d'ailleurs,
c'est très clair, il me semble, d'après le projet de loi
on ne peut pas avoir une double structure, comme on l'a à la CECM dans
le moment. Il n'y aura je l'ai répété à
plusieurs reprises qu'un seul service du personnel, qu'un seul service
des étudiants et qu'un seul service des programmes.
Mais compte tenu qu'il y a 16 p.c. des enfants qui sont des Canadiens
français et que, dans l'ouest de la ville de Montréal, on peut
s'attendre, avec 16 p.c, que ces gens n'auraient pas la majorité; compte
tenu qu'au niveau des cadres, présumément, il y a un danger
la majorité a ses droits partout, dans l'ouest comme dans l'est
n'y a-t-il pas un avantage à s'assurer que, dans l'ensemble des
fonctions requises parce que, sur l'île de Montréal, on a
plusieurs enseignants et plusieurs cadres il y ait au moins quatre
personnes d'expression française qui soient à un certain poste de
niveau autre que les employés de service? Ne voyez-vous pas?
M. PEPIN: C'est possible. Dans ce domaine, penser avoir la
vérité absolue, je voudrais bien m'en garder. Je pense que, si
vous acceptez le reste des autres recommandations concernant la question de la
langue, de la communication, vous réglez une partie du
problème.
Là où il n'est pas réglé, c'est au niveau de
la pédagogie. Si vous acceptez aussi cette idée de
décentraliser, quant à la pédagogie, au niveau de la
commission scolaire, il n'est pas réglé. Mais la pédagogie
peut-elle être tellement différente si je suis d'expression
anglaise ou d'expression française?
M. CHARRON: M. Pepin, me permettez-vous, tout de suite, de
répondre aussi à la question que vient de poser le ministre?
M. PEPIN: Je n'ai pas d'objection.
M. CHARRON: Parce que, moi, je considère que, malgré le
raisonnement que fait le ministre, il y aura dans chacune des commissions
scolaires une minorité. Il a donné l'exemple de l'ouest à
16 p.c, francophone. Donnons l'exemple de l'est à 16 p.c. anglophone
également. Ce sera le devoir des commissions scolaires, en vertu de
l'article 587 de la Loi de l'instruction publique, d'assurer un enseignement de
qualité à la fois aux anglophones et aux francophones, et aux
protestants et aux catholiques et aux neutres, de nommer les adjoints de la
langue de la minorité qu'il faudra.
Selon moi, un directeur de service pédagogique qui sait qu'il a
affaire à une minorité importante d'étudiants d'une autre
minorité, s'il est conscient que l'article 587 l'oblige à assurer
un enseignement de qualité, il ira se chercher les adjoints qu'il
voudra, il en nommera trois, il en nommera huit, mais ce qu'il y a de dangereux
dans le projet de loi et ce en quoi la CSN a raison de demander ça,
c'est la consécration légale de ce poste d'adjoint qui ne
figurait même pas dans l'ancien projet de loi du gouvernement 1962. Et
cela, c'est dangereux, parce que cette seule création de cette
consécration de l'adjoint lui crée une autonomie qui, tôt
ou tard, pour qui vit sur l'île de Montréal, et j'y vis depuis 24
ans, se consacre comme indépendance totale. Cela a commencé
à la CECM par être des adjoints et ça a fini par être
un bureau complètement indépendant qu'on ne rencontre plus
jamais.
Je n'ai pas d'objection, en suivant le même raisonnement, je me
dis que ce sera le devoir, en vertu de 587, de trouver les adjoints qu'il
faudra quand il le faudra. Mais de consacrer ces postes-là dans une
autonomie à la minorité, qu'elle soit francophone dans l'ouest ou
anglophone dans l'est, c'est le tendon d'Achille de toute l'unification. On
sera unifié en haut sur papier, c'est parfait, mais dans le comportement
quotidien de la commission scolaire, on arrivera dans la commission scolaire 8
ou dans la commission scolaire 11 et il y aura le bureau des Anglais et le
bureau des Français ou protestants, catholiques, si vous voulez, mais
c'est surtout la langue qui est intéressante là-dedans.
Si nous nous opposons, nous aussi, comme la CSN, à cet
aspect-là du projet de loi, ce n'est pas parce que nous jugeons qu'ils
n'ont pas droit d'avoir, surtout dans le niveau pédagogique ou le
service aux étudiants, des gens qui parlent la langue des
étudiants avec qui ils travaillent. Mais, que ce soit une règle
administrative, qu'ils sont obligés d'ailleurs, selon 587, de fournir.
Mais une création légale d'une exception, c'est le début
de la fin.
M. PEPIN: Merci. Notre troisième point majeur concerne
l'administration même et les pouvoirs. Nous considérons que
l'élection au suffrage universel, ce qui est proposé dans le
projet, confère aux commissaires du conseil scolaire et des commissions
scolaires, tel caractère de représentativité sans qu'ils
aient constamment à recourir à Québec.
Ils sont responsables à la population qui les élit. Ils
sont responsables donc de la chose scolaire à Montréal. Nous
admettons, cependant, que le ministère de l'Education doive s'assurer
que ces normes pédagogiques et administratives minimales, des minima qui
sont fixés, que ces règles soient observées. Nous
admettons aussi que le gouvernement s'assure que l'administration scolaire se
fasse selon les règles de la démocratie et de la
légalité. C'est aussi normal. Autrement le gouvernement a ce
pouvoir et je crois qu'il doit le conserver. Et nous ne croyons pas que le
ministre ou le cabinet aient à s'ingérer constamment,
indûment, continuellement dans l'administration de la chose scolaire.
Ceci, quant à nous, aurait comme conséquence de fausser le jeu
démocratique et la représentativité de ceux qui ont
été élus.
Comme nous l'avons dit, nous nous opposons à ce que le
lieutenant-gouverneur en conseil désigne quatre commissaires, je pense
que je me suis exprimé là-dessus, au conseil scolaire et nous
nous opposons aussi à ce que ce soit le gouvernement qui décide
qui sera président et qui sera vice-président de ce même
conseil.
Je sais qu'il y a déjà eu des projets de loi
présentés par l'Union Nationale je pense que
c'était le bill 67, dans le temps pour la commission scolaire. Je
sais qu'on a fait cette tentative et je pense que, si on l'accepte, vous ne
nommerez pas le maire de Montréal, vous autres. Les citoyens de
Montréal vont le nommer. Je sais aussi que toute comparaison est
odieuse, n'est-ce pas? On ne peut pas comparer des choses qui ne se comparent
pas exactement.
M. CHARRON: Le maire de Montréal est odieux, aussi.
M. PEPIN: Par voie analogique je pense que je peux au moins dire que si
les électeurs de Montréal élisent des gens, bien, c'est
entre eux qu'ils doivent choisir qui va présider les réunions,
qui va gouverner avec eux toute l'affaire.
Le projet de loi prévoit que les commissaires élus par la
population auraient un mandat de trois ans et que ceux qui seraient
nommés par le gouvernement auraient un mandat de quatre ans. Est-ce que
pour nous il n'y a pas une certaine démonstration que le gouvernement,
par ce truchement, peut s'assurer le contrôle du conseil scolaire surtout
par le fait que vous changez les commissaires par tiers? Vos
représentants, si ça existe encore, sont nommés pour
quatre ans. Les autres sont élus pour trois ans, mais on en change trois
à tous les ans. Qui va être le plus permanent? Qui va avoir les
meilleures informations? Qui va être le plus apte à prendre des
décisions et à dire aux autres: Ecoute, tu arrives toi,
là; nous, nous sommes ici depuis longtemps?
Je pense qu'il faut examiner ce problème de cette façon.
Cette règle, je crois qu'elle existe dans la Loi de l'instruction
publique à l'heure actuelle. Dans les autres commissions scolaires, la
rotation est de trois ans. Il faut vraiment se poser la question. Est-ce qu'on
doit la reproduire dans le cas de l'île de Montréal? Nous, nous ne
le pensons pas. Nous disons deux choses à la page 15 que
je lis parce qu'il y a deux propositions là-dedans qui peuvent
peut-être paraître contradictoires: "Nous pensons que ce
système de rotation ne peut avoir pour effet que de diluer
lamentablement l'intérêt de la
population pour les élections scolaires et de parcelliser les
enjeux véritables de ces élections."
C'est notre première proposition, un des arguments que nous
donnons.
Si vous avez à voter à tous les ans pour élire
trois commissaires, cela vous prend au moins deux élections pour faire
un bouleversement auquel vous croyez, vous, comme électeurs comme
citoyens parce que si la règle de 15 ou de 9 existe, c'est le même
principe. Il y a un premier groupe qui s'en va, le tiers. Moi, je ne suis pas
d'accord sur la politique de la commission scolaire. Alors, je veux
élire d'autres commissaires. J'en élis trois autres disons
que mes thèses sont acceptées par le reste de la population
mais ces trois-là ne peuvent pas faire changer la majorité
si elle est confortablement installée, toujours dans l'hypothèse
où elle est bien en place, et c'est ce qu'elle désire. Il me
faudra l'année suivante en élire trois autres ou un ou deux
suivant le nombre final que la loi fixera et ça me prendra une autre
élection. A ce moment-là, est-ce que vous ne croyez pas
cela peut se discuter que la population peut perdre tout
intérêt à de telles élections où
effectivement cela prend pas mal de temps pour changer les choses?
Deuxième proposition. Le gouvernement aurait voulu saper à
la base le pouvoir et le caractère de continuité des instances
scolaires qu'il n'aurait pas pris d'autres formules que celle-là;
celle-là aurait été suffisante.
Si je suis là, je prends la proposition inverse
élu comme commissaire d'écoles, nous formons un bloc, les 9 ou
les 15, et nous travaillons ensemble. Finalement, il se produit des
difficultés et il y a des divisions mais il y a toujours une
majorité qui reste quand même, qui vote les affaires dans une
même orientation. Il arrive qu'il y en a trois qui partent et qui s'en
vont à l'élection. Ils peuvent de nouveau être élus,
c'est possible. Ils peuvent se faire réélire. Mais dans
l'hypothèse où il y a un changement, la continuité
n'existera pas parce que vous avez reçu d'abord un mandat de trois ans,
tout le monde. Vous essayez de faire une politique, de faire des choix, de
décrire ou de développer de nouvelles situations et, en cours de
route, il y a des risques pour vous de voir cette majorité en
tout cas théorique pour les fins de mon propos actuel
disparaître.
Je vous suggère donc qu'il n'y ait pas une telle rotation et que,
même si les gens veulent former un parti politique au sein des
commissions scolaires de Montréal, cela les regardera.
Ce n'est sûrement pas aussi mauvais que cela parce que vous ne
seriez pas ici s'il n'y avait pas de partis politiques. Ce devrait être
la même chose au niveau des commissions scolaires.
Cependant, je crois que cela est important pour le respect de la
démocratie qu'il y ait une règlementation concernant les
dépenses électorales. Autrement, en théorie, tout le monde
sera libre, sera égal. Il y en a qui seront plus égaux les uns
que les autres. Une règlementation, vous en avez déjà une
au niveau provincial. Je ne dis pas que c'est la meilleure, je ne dis pas que
c'est celle-là qui devrait être instaurée. Nous ne faisons
pas de proposition concrète sauf en vous disant que ce sera prévu
par voie réglementaire, adoptée par le lieutenant-gouverneur en
conseil.
Nous demandons aussi que, pendant la période électorale,
l'employeur soit tenu d'accorder un congé avec solde à celui qui
se présente aux élections. Cela ne vaut que pour la
période électorale, quitte, par voie de règlement,
à déterminer quelle est la durée, quant au gouvernement,
d'une période électorale. Je sais que cela n'existe pas dans la
législation présentement, cette deuxième partie. Tout ce
qui existe, je crois que c'est dans la Loi de la Fonction publique, c'est un
congé mais sans solde. Si quelqu'un est trop pauvre pour se
présenter, s'il a besoin de son salaire, cela peut couper une
possibilité pauvre.
Il y a aussi un point particulier lorsque nous demandons que ce ne soit
pas le lieutenant-gouverneur en conseil qui nomme le représentant d'une
commission scolaire au conseil lorsque la commission ne procède pas
à la nomination ou au remplacement de quelqu'un. Nous croyons que, dans
ce cas, on devrait décréter de nouvelles élections tout
simplement. D'ailleurs, c'est un cas théorique sans doute parce que cela
ne devrait pas arriver bien fréquemment, normalement. Si cela arrive,
s'ils ne sont pas capables de s'entendre pour désigner quelqu'un, que ce
ne soit pas le lieutenant-gouverneur qui fasse le choix. S'ils se chicanent, au
cas où vous seriez l'arbitre de la chicane, on retournera aux
électeurs.
S'il arrive qu'il y ait encore la même confusion, nous vous
suggérons à ce moment-là que cette commission scolaire
soit mise sous tutelle par le conseil scolaire. Ce sont là les
principales recommandations que nous vous faisons. Je ne vous les lis pas,
celles qui sont inscrites ici, je pense que je viens de vous le dire.
Le quatrième grand point est la centralisation administrative et
ce que j'ai mentionné précédemment: la
décentralisation pédagogique. Nous croyons fermement que les
pouvoirs de la commission scolaire, du conseil scolaire, doivent être
évidemment bien déterminés de même que les pouvoirs
des commissions scolaires, mais une telle situation doit être
traitée pour qu'il y ait une véritable et saine administration.
La répartition des pouvoirs et prérogatives entre le conseil
scolaire et la commission scolaire revêt donc une importance
considérable.
Nous vous proposons que le conseil scolaire soit une véritable
autorité scolaire au plan régional avec tous les pouvoirs
nécessaires à une planification du fonctionnement et du
développement de l'enseignement. Nous avons déjà
revendiqué, pour le conseil scolaire, le mandat et les pouvoirs
nécessaires pour présider à une plus juste
répartition des ressources sur l'île.
Cette raison pourrait être suffisante pour justifier notre
revendication d'une plus grande centralisation au niveau administratif et
financier.
Il y en a d'autres évidemment, il y a une nécessité
d'assurer une coordination des activités de toutes les administrations
scolaires, aussi bien en ce qui concerne le personnel que les
équipements; le nombre et la diversité des institutions et des
personnes en cause ne peuvent tolérer d'écarts très
sensibles.
Le conseil scolaire doit devenir l'employeur unique. J'y reviendrai un
peu plus tard. Mais, d'ores et déjà, quant à nous, le
conseil scolaire doit devenir l'employeur unique, l'unique propriétaire
des biens meubles, des biens immeubles et, évidemment, par voie de
conséquence, le seul négociateur des subventions
gouvernementales. On verra aussi qu'il sera le seul négociateur avec les
syndicats.
Bref, la responsabilité claire et entière de toute
l'administration repose sur le conseil scolaire autre que la
responsabilité pédagogique. Ces dispositions n'impliquent pas que
le conseil, une fois établies ses normes et règles, ne puisse
déléguer, s'il le décide, de ses pouvoirs de
gérance à un autre échelon.
J'ai mentionné précédemment la question
pédagogique. J'ai essayé de donner une illustration de ce que
nous voulons et je pense que c'est absolument essentiel que l'Assemblée
nationale fasse quelque chose de très particulier de ce
côté je ne dis pas de très particulier dans le sens
d'exorbitant mais ait de ce problème une vision différente
de ce qui a été fait à l'heure actuelle. Je pense que la
CECM, jusqu'à maintenant, a mis de l'argent de plus mais je ne pense pas
que cela donne des résultats. Elle a mis de l'argent de plus en
permettant l'engagement de personnes compétentes, bien sûr, mais
ce n'est pas uniquement par une question d'ajouter de l'argent et je crois
qu'il y a certaines études qui ont été
réalisées, entre autres à New York, en milieu
défavorisé, pour démontrer que ce n'est pas uniquement en
ajoutant de l'équipement ou de l'argent qu'on peut résoudre ce
genre de problème.
M. SAINT-PIERRE: A propos de ces études à New York, une
des conclusions était cependant l'impossibilité de dissocier
administration et pédagogie et la nécessité, pour les
raisons très valables que vous indiquez, que l'école doit
réfléter le milieu, de rapprocher le plus près possible
des collectivités l'administration scolaire.
Il se peut fort bien qu'à Saint-Henri, pour le choix des
professeurs, on n'ait pas les mêmes critères qu'on peut avoir dans
une administration centrale sur l'ensemble de l'île. Il me semble qu'il y
a là une petite contradiction entre ce désir d'avoir
l'école et la collectivité près du milieu, les
résultats de l'étude de New York et ce désir de votre part
d'avoir ça très centralisé.
M. PEPIN: Retenons que, pour le choix des professeurs, une fois
l'intégration réalisée, notre suggestion à nous est
que ça reste au niveau de la commission scolaire qui ferait la
recommandation au conseil scolaire. C'est aussi dans notre texte. Sur ce point,
la commission scolaire s'occupera d'avoir les jurys nécessaires pour
l'admission des nouveaux professeurs, pour tenir compte d'une partie de ce que
venez de mentionner.
Il y a un autre point, semble-t-il, M. le ministre. Si vous avez une
administration par onze commissions scolaires sur le territoire, il est bien
probable que les normes décidées, disons à Québec,
seraient identiques par tête de pipe sur un territoire. Je dis probable,
il peut y avoir des variantes aussi, mais je pense qu'il y a plus de chances
avec une administration plus centralisée sur l'île de
Montréal, de ce côté, de tenir compte que le transfert des
ressources pour tous ceux qui contribuent, sur l'île de Montréal,
se fasse par ce truchement plutôt que se faire par Québec.
Peut-être que je me trompe, mais c'est ça.
Il y a un autre point aussi. Il y a toute la question du personnel
aussi. On va y retoucher plus loin. Dans la mesure où vous avez douze
centres de décisions de ce côté, il y a des gens qui,
à l'heure actuelle, ont 25 ans d'ancienneté sur un territoire ou
à la commission scolaire de Montréal. Même si j'y retouche
plus loin, je pense que ça vaut la peine de le retenir ici. A l'heure
actuelle, ils ont un droit d'aller prendre la place d'autres dans le cas de
diminution d'emplois ou encore dans le cas de promotion. Si vous divisez
maintenant votre groupe en douze endroits, tôt ou tard, ils vont
être localisés dans un endroit et leur chance de promotion, pour
prendre cet exemple, va être limitée dans leur territoire et ne
sera pas, comme elle l'est présentement, sur l'ensemble du territoire
couvert par la CECM.
Ce ne sont peut-être par les arguments les plus frappants mais ils
sont importants pour les hommes et les femmes qui travaillent
là-dedans.
Vous avez passé votre vie de salarié, de travailleur
à voir telle situation et puis, par l'application d'une loi, si bonne
soit-elle à d'autres aspects, ne me donne pas la même
sécurité, le même avantage que j'avais, est-ce, me
direz-vous, le prix qu'il faut payer pour tout changer? Possible, mais je pense
qu'il y a moyen de ne pas payer ce prix et d'en arriver à ce que ce soit
le conseil scolaire qui soit le véritable employeur pour tous. Cela a
d'autres conséquences, qu'il soit propriétaire des biens meubles
et immeubles. Est-ce qu'il est absolument requis que les commissions scolaires
elles-mêmes soient les organismes administratifs au même sens que
le conseil scolaire? En tout cas, dans une projection théorique, est-ce
que c'est absolument requis? Pour nous, nous ne le croyons pas et nous pensons
qu'il est préférable qu'il en soit ainsi et de donner beaucoup
plus de travail à exécuter aux commissions scolaires,
particulièrement sur le plan pédagogique.
M. SAINT-PIERRE: Mais si on retient votre suggestion, on est un peu
tenté de retenir le concept d'une commission scolaire unique qui
s'occupe des 1,600,000 élèves. Je sais que, sur le plan de
l'efficacité, de la gestion, on peut peut-être arriver à
des arguments pour ça, mais j'avais l'impression que les études
de New York avaient prouvé tout le contraire. Même en dehors de la
pédagogie, quand il faut réparer une vitre, si on a une
administration qui s'occupe de l'ensemble de New York, ça prend trois
semaines pour faire réparer la vitre qui est cassée dans telle
école. Il y a cette nécessité d'avoir ça tout
près des gens.
M. PEPIN: Je crois que la commission scolaire existante parce que
je ne plaide pas pour une seule commission scolaire générale
sur place, même si ce n'est pas elle qui a la
responsabilité administrative de tout, va fatalement voir à ce
que les vitres soient réparées lorsqu'elles seront
brisées. Je comprends que c'est un exemple que vous donnez.
Maintenant, là-dedans, encore une fois, je ne prétends pas
qu'il n'y ait qu'une seule thèse qu'on puisse soutenir ni qu'on soit
absolument certain. Rapprochons-nous plus du peuple, c'est bien sûr, mais
ne nous arrangeons pas non plus pour que ce soit morcelé ou
parcellisé au point que les gens ne pourront pas agir. Ils auront
l'autonomie, la liberté en apparence, mais ils ne pourraient pas
l'exercer. Cela, je crois aussi qu'il faut le retenir.
M. CARDINAL: M. le Président, dans le même ordre
d'idées, si on me permet. Est-ce qu'ici on ne pourrait pas faire une
analogie, qui a déjà été faite d'ailleurs à
une autre commission parlementaire, concernant les immeubles? Ce matin, j'ai
souligné, en réponse au ministre, parmi les réserves que
j'avais concernant le projet 28, que le comité disons de l'île
devrait être propriétaire des immeubles pour en faire une
répartition plus juste, que je craignais le partage et que chacun garde
ses immeubles. Mais on ne pourrait pas faire l'analogie suivante, pour aider le
gouvernement à réfléchir, entre le rôle d'un
propriétaire et le rôle de ses locataires?
En d'autres mots, le propriétaire d'un ou de plusieurs immeubles
s'est toujours occupé, disons, de l'administration centrale, des grosses
réparations et tout le reste, mais le locataire sur place, peu importe
où demeure le propriétaire, s'occupe de ces petites choses dont
on parle, l'exemple de la vitre brisée. Est-ce que l'on ne peut pas
trouver justement un mécanisme qui à la fois satisfasse les deux
objectifs que vous poursuivez?
Je termine là-dessus. J'ai l'impression, à vous entendre,
M. Pepin, que votre mémoire contient divers groupes de propositions qui
ne peuvent pas se séparer. Ce n'est pas que le tout forme un tout qui ne
peut se diviser. Non, je n'irai pas jusque là. Mais il y a un certain
nombre de propositions, dans l'ordre pédagogique, par exemple, ou dans
l'ordre administratif, je vais même jusqu'à la division de la
carte, qui ne peuvent pas se prendre séparément. Et la suggestion
qui a été faite tantôt d'observateurs plutôt que de
membres d'une commission scolaire m'apparaît très positive. Je
pense que c'est dans cet esprit qu'il faut analyser votre mémoire, en
prenant non seulement les textes que vous donnez en annexe et qui peuvent aider
à la législation, mais en prenant surtout l'esprit de deux ou
trois des chapitres de votre thèse, si on peut ainsi l'appeler, et en
essayant de l'articuler dans un texte juridique qui permette d'atteindre des
objectifs qui semblent opposés.
M. PEPIN: Je pense que vous avez bien raison. Comme vous le dites aussi,
ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas une pièce détachable
dans toute l'affaire, mais nous avons essayé de suivre une trame
générale et vraiment les morceaux s'imbriquent les uns les
autres. Je crois que ce que nous soutenons ici, c'est vraiment pour rapprocher
l'école de son milieu, que les gens soient très près.
Quant à l'administration, c'est un peu plus éloigné. Je
pense que cela peut se réaliser.
Encore une fois, M. le ministre, MM. les députés, sur une
question comme celle-là, si importante soit-elle, je ne voudrais pas me
présenter comme expert en vous disant: Moi, je suis sûr que
là j'ai la vérité. Bien malin celui qui pourrait le
faire.
M. SAINT-PIERRE: On est dans le même esprit, on cherche un peu la
vérité. Mais j'avais l'impression qu'un de vos groupes
affiliés au niveau des CEGEP c'est une des thèses qui se
défend très bien à savoir qu'on n'est pas capable de faire
cette distinction, cette division entre l'administration et la pédagogie
si on lit leurs mémoires vis-à-vis du rôle de la
commission pédagogique et du conseil d'administration, il y avait une
ligne de pensée, et là je suis un peu surpris de voir qu'on
prétend que dans les faits c'est très possible de descendre la
pédagogie très près des problèmes en bas, au niveau
de l'école presque et l'administration, ça peut être
très loin en haut.
M. PEPIN: Je peux vérifier ce point et, si j'ai d'autres
commentaires à ajouter, je les enverrai aux membres de la commission.
Mais disons que notre recherche à l'heure actuelle est orientée
de ce côté-là.
Nous vous proposons aussi de former des comités d'utilisation
sociale de l'école. Dans l'école il y a des biens investis
importants; c'est utilisé tant d'heures par jour, tant de semaines par
année. Est-ce qu'il y a moyen que le milieu puisse s'en servir? Bien
sûr, on peut faire des réunions syndicales à l'occasion,
mais ce n'est pas uniquement du côté des réunions
syndicales que nous proposons, mais qu'il y ait un comité d'utilisation
sociale chargé de proposer à la
commission un plan d'utilisation complémentaire
d'équipement scolaire pour des fins socio-culturelles communautaires.
L'école doit être considérée comme un outil ou un
équipement appartenant à l'ensemble de la communauté, au
service de la communauté. Une fois utilisée aux fins
d'enseignement aux enfants d'âge scolaire, l'école, si elle est
libre, peut être mise à la disposition des citoyens comme un moyen
de parfaire leur formation ou leur information ou encore de se livrer à
des activités à l'échelle de l'arrondissement comme
citoyens de la communauté.
Je pense que c'est aussi une suggestion positive qui peut être
très utile dans beaucoup de quartiers.
Vous avez ensuite nos recommandations que je ne vous lis pas parce que
nous en avons discuté.
Nous touchons maintenant le problème de la
déconfessionnalisation des structures scolaires. Je pense que ça
vaut la peine ici que je lise. C'est une affaire parfois un peu difficile
à traiter; même encore au Québec c'est parfois pas trop
simple de parler de ces problèmes. Je pense qu'il faut le faire et le
faire ouvertement; on n'est plus à l'âge où on a à
se cacher les uns des autres.
Le projet de loi prévoit des commissions scolaires
unifiées donc non confessionnelles. J'espère qu'on ne se trompe
pas; je ne pense pas qu'on se trompe. Il prévoit par contre la
constitution d'un comité catholique, d'un comité protestant pour
chacune des commissions scolaires. Ces comités sont chargés de
veiller à l'application des règlements du comité
catholique ou du comité protestant du Conseil supérieur de
l'éducation pour les écoles de leurs commissions auxquelles ils
sont applicables. Ce sont donc les écoles qui seront confessionnelles.
Au niveau de la structure même, ce n'est pas confessionnel, mais au
niveau de l'école, tel que nous l'interprétons, l'école
serait confessionnelle.
Dans le contexte pluraliste de l'île de Montréal, il nous
apparaît que, pour assurer des services équitables à tous,
l'école devrait être non confessionnelle. Le rapport Parent
proposait en 1966 d'ouvrir des écoles neutres à Montréal,
sinon de créer une commission scolaire neutre. Notre position nous
apparaît, quant à nous, plus simple.
En effet, les écoles protestantes sont déjà neutres
de facto. Chez les catholiques, la situation a considérablement
évolué et continue de le faire de façon
accélérée. Je connais assez bien le milieu de
Montréal et je pense que tout le monde le connaît assez bien pour
le savoir. Les faits ont précédé la loi dans ce domaine et
au moins au niveau secondaire de l'enseignement, l'enseignement religieux n'est
souvent que l'enseignement d'une morale ou même d'une discussion sur la
vie. J'ai des enfants qui vont à l'école à ce niveau, je
suis en mesure d'en témoigner. Nous demandons donc que l'école
soit multiconfessionnelle, c'est-à-dire que l'horaire des cours doit
prévoir des périodes pour l'enseignement religieux ou autre, au
niveau élémentaire. Ce sont les parents qui chaque année
devront faire connaître à la direction de l'école
l'enseignement religieux ou autre qu'ils veulent voir dispenser à leur
enfant. Au niveau secondaire ce sont les élèves qui choisiront
eux-mêmes les cours qu'ils veulent recevoir.
Cette solution a pour effet d'éviter la situation pour le moins
complexe, quant à nous, proposée par le projet de loi où
chaque commission scolaire devrait entretenir probablement six genres
d'écoles, catholiques, françaises, anglaises, etc. Je comprends
bien qu'on peut avoir un même bâtiment, je présume bien, et
y faire des divisions, des cloisons: d'un côté les catholiques;
les Anglais, d'un autre, etc.
M. CARDINAL: M. le Président, est-ce qu'on pourrait poser une
objection à M. Pepin sur ce point? Je ne la pose pas sur le plan de la
confessionnalité. Cette discussion-là d'ailleurs au sujet du
projet de loi 62 était venue sur le tapis et avait duré fort
longtemps. Je la pose sur un tout autre plan sans vouloir faire du
"juridisme", je serais le dernier à vouloir en faire dans ce
domaine.
Ma question s'adresse autant au ministre. Est-ce que ce schéma
proposé par le gouvernement est fait non seulement pour respecter la
liberté des gens parce qu'on pourrait concevoir un autre
système qui la respecte, y compris le système que vous proposez
mais pour éviter, justement, un accrochage avec l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique?
M. SAINT-PIERRE: D'une part, ce sont sûrement des atouts dans
notre jeu d'avoir ces comités catholiques et le choix des écoles
catholiques, protestantes ou autres. D'autre part, il y a le fait que des gens
et là peut-être que M. Pepin pourrait commenter qui
prétendent que le type d'école que vous prévoyez,
c'est-à-dire l'école où on réserve une
période où des catholiques vont dans une classe et des
protestants vont dans une autre, mais où les groupes sont
mêlés, soit sur le plan de la langue, sur le plan français
uniquement bien que jusqu'en 1978 il y aura deux types d'école,
si je comprends bien mais il y a des gens, en particulier dans la
hiérarchie catholique, qui prétendent que ce n'est pas une
école catholique, que l'école catholique c'est plus que
simplement avoir des cours de géographie et un cours de morale
catholique, que c'est une ambiance. Je ne veux pas me faire expert et vous
donner une description de tout ceci.
C'est pour respecter cette conception que l'école catholique
c'est quelque chose d'autre que l'enseignement religieux. On tient compte que
même les règlements actuels du comité catholique
permettent, pour ceux qui ont choisi l'école catholique, d'être
exemptés de l'enseignement catholique dans son sens formel du terme, une
période d'enseignement religieux; c'est plutôt pour
reconnaître ceci.
Des sociologues prétendent qu'à Montréal, au niveau
élémentaire, on sera surpris, qu'il n'y aura pas même une
désaffectation de la pratique religieuse, comme vous faites mention ici,
que les parents vont encore préférer l'école catholique.
Moi, je suis un peu tenté à dire qu'ils ont raison. Ce sont
peut-être des contradictions de la vie. C'est simplement
l'expérience qui va nous le donner. Il n'est pas impossible non plus
que, sur une période de temps, 80 p.c. des gens choisissent une
école neutre.
Et l'école neutre, à mon sens, va correspondre à ce
que vous appelez ici une école multiconfessionnelle. C'est une
école où il y aura le mardi à onze heures une
période d'une heure où on parlera de morale naturelle ou de
justice sociale ou des droits et obligations des individus vis-à-vis de
la société. Mais ce qu'on appelle école neutre, ce concept
se rapproche de ce que vous appelez, vous, une école
multiconfessionnelle et qui, pour la hiérarchie catholique, est
effectivement une école neutre.
M. CARDINAL: Je comprends que nous sommes ici pour entendre M. Pepin
particulièrement, mais le ministre n'a pas répondu exactement
à ma question; je m'excuse de le rappeler. Deuxièmement, je ne
vois pas ce qu'est la conception de l'école catholique, même si on
accepte que la géographie ne s'enseigne pas de la même
façon à des catholiques qu'à des protestants. A supposer
qu'on accepte cet axiome, je ne vois pas en quoi ça exige la
constitution d'un deuxième comité catholique et d'un
deuxième comité protestant alors qu'il en existe
déjà.
M. PEPIN : Même si la thèse gouvernementale était
retenue, pourquoi aurait-on un deuxième comité? Sur ça
aussi je me suis bien posé la question.
M. CARDINAL: Je ne suis pas capable de le suivre jusque là.
M. SAINT-PIERRE: Pour répondre à ça, si jamais
donnant l'opinion du député de Saint-Jacques le
gouvernement avait à défendre l'aspect constitutionnel du projet
de loi, je pense que c'est un élément important de dire qu'une
classe de personnes, à savoir des catholiques ou des protestants, qui
vont élire parmi les catholiques et parmi les protestants et qui vont
avoir une responsabilité en ce qui touche l'école
confessionnelle...
M. CARDINAL: Le ministre vient de répondre, merci.
M. CHARRON: M. le Président, pour une fois je ferai une
intervention pour donner raison au ministre. Dans les rencontres que j'ai
faites avant la séance de la commission, à Montréal, il
m'a été donné de m'entretenir avec des milieux
ecclésiastiques. Cela faisait longtemps que je n'en avais pas vu, nous
avions beaucoup de choses à nous dire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Depuis votre baptême?
M. CHARRON: A peu près; ça ne fait quand même pas
tellement longtemps, moi!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je m'aperçois qu'il se cherche un
parrain!
M. CHARRON: Et j'ai entendu effectivement je dis ça
à l'intention du président de la CSN, dont le mémoire
là-dessus apporte une note particulière qu'on a la
conviction, dans les milieux catholiques, que c'est une concession ultime que
le ministre a dû faire pour que sa loi soit constitutionnelle, mais que,
si ce païen avait écouté ses penchants, il n'y aurait
même pas de comité confessionnel à Montréal.
L'opinion des milieux confessionnels, de ceux qui tiennent beaucoup à la
confessionnalité on aura peut-être l'occasion de l'entendre
à la commission, j'ai bien l'impression c'est qu'on
considère ce comité comme étant absolument insuffisant
pour assurer la confessionnalité de l'école.
Alors, eux, ils seront opposés comme vous à la
création des comités en disant que ce n'est pas assez.
J'aurais une question, par exemple. Je comprends l'esprit de la CSN,
dans son mémoire, et j'ai une question à poser au ministre
là-dessus. On reconnaît, dans la structure du bill 28, des
écoles catholiques avec leur comité protestantes ou
autres. Maintenant, l'affectation des locaux sera faite par la commission
scolaire locale qui sera composée de gens "confessionnels", entre
guillemets, si vous voulez. C'est-à-dire qu'il peut arriver, dans une
commission scolaire, que les quinze ou les neuf commissaires les quinze
commissaires, selon le bill 28 seraient des catholiques très
convaincus, très pratiquants ce qui est pleinement leur droit
et que, lorsqu'ils ont à faire l'affectation des locaux, ils
favorisent d'abord, sachant que la loi a été très cruelle
sur le plan de la confessionnalité c'est une inquiétude
qui existe les catholiques, les protestants ensuite, parce qu'ils sont
surtout anglais et, finalement, les autres. C'est là le danger. On dit
que la confessionnalité se trouve peut-être réduite ici au
niveau des comités d'école, que ce n'est pas suffisant pour ceux
qui s'y inquiètent.
Je prends, par exemple, la commission scolaire, aussi abracadabrante
qu'elle soit, qui comprend Westmount, Notre-Dame-de-Grâce,
Pointe-Saint-Charles et Saint-Henri. Les commissaires auront, à un
moment donné, à affecter le nombre d'écoles catholiques
qu'il doit y avoir dans leur commission, le nombre d'écoles protestantes
et le nombre d'écoles autres, pour employer la terminologie. Il se
posera un choix politique là-dedans. Il y a des bâtiments,
dans
Westmount, qui sont neufs; il y a des bâtiments, dans
Pointe-Saint-Charles, qui tiennent à peine debout. Y a-t-il des
critères qui empêcheront une discrimination confessionnelle? Moi,
je pense que les confessionnalistes vont prendre là leur revanche. Y
a-t-il un critère pour empêcher une telle discrimination?
M. SAINT-PIERRE: La meilleure garantie, c'est peut-être justement
que je crois comprendre que le député de Saint-Jacques et
peut-être M. Pepin je ne voudrais pas vous faire dire des choses
que vous n'auriez pas dites ont beaucoup de méfiance
vis-à-vis du gouvernement et du ministère, mais beaucoup de
confiance dans les gens qui sont élus localement. Moi aussi, j'ai
beaucoup confiance aux gens élus localement. La meilleure garantie,
c'est que les quinze qui sont élus par une collectivité n'auront
pas à l'esprit uniquement, particulièrement pour les motifs que
M. Pepin a évoqués, des questions de religion ou des questions de
langue.
Pour des bâtiments, j'ouvre une parenthèse, parce que les
bâtiments, c'est peut-être un problème différent. Si
nous avions eu, comme suggéré par la commission Pagé, sur
l'ensemble du territoire, des structures linguistiques, c'est-à-dire
trois commissions scolaires anglaises et sept françaises, le partage des
bâtiments entre les deux groupes aurait été un vrai
problème. Mais, dans le moment, il n'y a pas ce problème. Au
départ, le partage des bâtiments est un peu sur le territoire des
onze. Il y aura sûrement des accommodations entre élèves
qui sont dans des zones limitrophes, mais les bâtiments appartiendront
à ceux qui sont là. Alors, nous n'avons pas ce
problème.
Maintenant, à l'affectation, il y a quand même des cas
assez évidents. J'ai confiance que, localement, ceux qui sont
élus prendront leurs responsabilités, seront capables,
vis-à-vis de leurs commettants, de justifier leurs décisions, de
la même façon que nous, nous avons à nous justifier et que
M. Pepin a à justifier ses décisions.
M. CHARRON : Si M. Pepin me permet, je pense que, dans l'esprit de la
population, c'est souvent une des choses qui la touche le plus, dans ses
critiques quant à cela. On a connu, dans Saint-Henri, par exemple, la
construction d'une superbe polyvalente affectée aux Anglais,
l'école James Laing cela a fait tout un problème
pendant que les francophones se trouvaient encore... Là, on disait:
Discrimination, etc. On ne l'écarte pas, dans le projet de loi, au
contraire. Je vois très bien des arguments qui sont faux ou vrais, je
n'en sais rien.
M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse mais...
M. CHARRON: Mais, dans une commission scolaire qui comportera une
majorité et une minorité, les gens de la minorité diront
toujours que, sur le plan des locaux, des bâtiments, la majorité
se sert toujours mieux, et qu'elle réserve pour elle les principales
écoles neuves.
M. SAINT-PIERRE: La majorité, dans votre esprit, est-elle
confessionnelle ou linguistique?
M. CHARRON: Cela peut être anglais ou français comme cela
peut être confessionnel. C'est pour cela que j'ai soulevé le
problème. C'est parce qu'à mon avis cela peut exister
là-dedans aussi.
M. SAINT-PIERRE: Au niveau de la construction des nouveaux
bâtiments, ce n'est même pas au conseil scolaire, je regrette.
C'est pratiquement au ministère de l'Education qu'on autorise cela. Dieu
sait qu'on essaie le plus possible de tenter de favoriser cela dans les milieux
défavorisés.
Où on n'est pas aidé, c'est que, si l'on prend le centre
de Montréal, il y a une baisse très prononcée de
population. Il y a des écoles qui sont presque vides, mais, dans des
régions où on ne voudrait pas en donner, il y a des croissances
de population assez phénoménales. Il y a quand même des
places-élèves à remplir là, mais, au niveau des
bâtiments, le plein jeu de la péréquation, je pense, va
jouer et joue actuellement.
Vous citez James Laing. Les gens des Cantons de l'Est pourraient situer
le cas dans les Cantons de l'Est: c'est un cas assez frappant. Mais quel
était le problème là-bas dans les Cantons de l'Est? Je
m'excuse, je vais en donner un portrait assez rapide. Cest que la
régionale de l'Estrie, strictement au niveau francophone, ne pouvait pas
s'entendre dans ses priorités et se disputait avec le séminaire
de Sherbrooke, quelque chose comme ça; ça a pris cinq ans.
Même si le ministère voulait en donner aux francophones, du
côté des anglophones, dès la première année,
on avait un plan préétabli disant: Voici la première
école, voici la deuxième. Les besoins étaient là
mais, finalement, comme résultats, on avait trois écoles
polyvalentes pour les anglophones qui étaient construites et il n'y en
avait pas une pour les francophones. Ce n'est pas parce que nous ne voulions
pas en donner, mais parce que le milieu n'était pas capable de
résoudre ses propres difficultés sur le plan des priorités
d'implantation.
M. CARDINAL: C'est ça, le danger, à la ville de
Mont-Royal. C'est pourquoi je trouve que le bill 62, sur ce plan-là,
était mieux que le bill 28, parce que l'on donnait à une autre
autorité ce choix-là. Vous venez de toucher un autre point
très sensible. Que l'on parle de discrimination, que l'on parle d'autre
chose, je crains qu'après l'adoption du projet de loi 28, tel que
proposé, nous ayons les mêmes problèmes, sauf qu'ils se
situeront à un autre niveau.
M. SAINT-PIERRE: Mais, par expérience, depuis les seize mois que
j'occupe mes fonc-
tions, tant que le milieu n'a pas trouvé une solution à
ses problèmes d'implantation,-il est à peu près inutile
pour le ministère de tenter de forcer les gens, même si on leur
donnait une école d'avance. Dans le bill 28, il y a au moins cet
avantage que c'est la collectivité au niveau de la commission scolaire
locale, qui doit résoudre son premier problème et le soumettre au
conseil scolaire qui lui, tenant compte d'impératifs de planification et
de concertation, a quand même un rôle à jouer. Cela, c'est
dans le texte.
M. PEPIN: M. le ministre, peut-être êtes-vous d'accord aussi
sur la méfiance qu'on peut entretenir envers le gouvernement provincial,
quel qu'il soit. Je pense qu'il faut qualifier la méfiance dans un sens
objectif. Plus on est éloigné de la réalité, plus
c'est difficile pour le pouvoir en haut de prendre de meilleures
décisions. Vous pourrez peut-être me dire: Pourquoi voulez-vous
l'envoyer au conseil scolaire? Je pense que je me suis exprimé
là-dessus. On ne peut pas, dans chaque rue, avoir un gouvernement.
Alors, quand on parle de méfiance, c'est dans ce sens-là, pour ce
qui est des fins du présent mémoire.
Maintenant, j'en arrive à un autre point: le découpage de
la carte scolaire. Nous faisons une suggestion pour diminuer le nombre de 11
à 7. Nous ne retenons pas ce qui a déjà été
proposé ailleurs, dans le rapport Parent, pour la division, mais nous
vous disons que cela pourrait se faire par un autre truchement. Nous vous
donnons des chiffres sur ce que ça va représenter comme personnes
qui doivent être disponibles pour les postes à occuper,
d'après le projet de loi 28. Encore là, ce n'est pas une question
de principe comme telle, mais nous pensons qu'il y a peut-être lieu de
travailler sur cela que ce serait peut-être plus "travaillable," plus
efficace de cette façon-là. Donc, nous vous recommandons que le
nombre de commissaires soit de neuf par commission scolaire et que le nombre de
commissions scolaires soit réduit à sept.
M. CARDINAL: Puis-je vous interrompre, M. Pepin, avec la permission du
président? Puis-je demander au ministre si le dernier découpage
est encore un découpage nouveau par rapport à celui du bill 62
où il y avait eu trois fois un découpage?
M. SAINT-PIERRE: C'est exactement le même que pour le bill 62. Je
suis ouvert; je ne sais pas s'il y aura des mémoires sur quelques points
particuliers.
M. CARDINAL: J'ai posé cette question pour aider tous les gens, y
compris ceux qui viennent devant la commission. On avait, à ce
moment-là, à la demande du député Jean Lesage qui
était dans l'Opposition, fourni au ministère des chiffres de
population, de valeurs mobilières, de prospectives du milieu
étudiant pour chacun des secteurs et, même, en supposant qu'on
fasse des agencements différents. Le ministre pourrait-il fournir
à l'Assemblée nationale et à ceux qui en auraient besoin
de tels documents, mais mis à jour parce que nous sommes, quand
même, presque deux ans après le dépôt du projet
62?
M. SAINT-PIERRE: Nous les avons pour les étudiants, mais je peux
les demander pour les électeurs. Je pense qu'on attendait...
M. CHARRON: Le ministre a dit tantôt que c'est la même carte
que lors du projet 62?
M. SAINT-PIERRE: Il n'y a pas eu de changement.
M. CARDINAL: Il y a eu trois versions différentes.
M. CHARRON: Le quartier Hamstead ne s'est-il pas trouvé à
changer de commission scolaire?
M. SAINT-PIERRE: Non. C'est exactement la même carte. Mais moi,
j'étais ouvert à des suggestions de groupes pour des
modifications. Exemple, les gens se posaient la question et je me la posais
moi-même: Est-ce que c'était une bonne chose d'avoir Pie IX pour
une division, compte tenu que dans Pie IX il y a des écoles de chaque
côté de la rue, est-ce qu'il ne serait pas mieux d'aller dans les
terres, pour employer un terme d'agriculteur, pour diviser ça? Ce sont
des choses auxquelles nous sommes ouverts.
M. PEPIN: Ce que nous recommandons, c'est qu'il y ait un comité
d'experts. Evidemment, on me demandera peut-être qui seront ces experts?
J'espère qu'il y en aura. Mais, pour essayer de faire le
découpage en tenant compte de tous les facteurs, même si je peux
tenir pour acquis que vous, ou le cabinet, avez dû tenir compte d'un bon
nombre de facteurs... Mais, vous comprendrez que si vous joignez, comme vous le
suggérez, je pense, à la commission scolaire numéro 4,
Notre-Dame-de-Grâce, Westmount, Pointe-Saint-Charles, Saint-Henri, en
tout cas, cela demande sûrement d'être expliqué pourquoi on
en arrive à une telle situation.
M. CHARRON: M. Pepin, quand vous dites dans votre mémoire, sept
municipalités scolaires au lieu de onze, c'est le rapport Parent qui
préconisait sept?
M. PEPIN: Le découpage, quant à nous, ne doit pas
être nécessairement celui proposé par le rapport
Parent.
M. CHARRON: Non, je sais, mais pourquoi voulez-vous moins de
municipalités scolaires?
M. PEPIN: Je pense qu'avec la mobilisation
que nous avons à faire du très grand nombre de personnes,
à l'heure actuelle il n'y a que sept commissaires à la commission
scolaire, je pense que c'est ça, sept à la commission scolaire de
Montréal, d'un coup sec on en nomme pas mal plus. Evidemment, nous ne
sommes pas attachés au chiffre sept. Si les experts, dans leurs
études, se rendaient compte que, pour que ce soit plus efficace, c'est
mieux huit, ou encore c'est mieux neuf, vous savez, le chiffre sept n'est pas
un chiffre magique pour nous,
M. CHARRON: Je pensais que dans votre esprit vous aviez imaginé
une nouvelle carte où, par exemple, les francophones auraient
été majoritaires partout?
M. PEPIN: On n'a pas eu le temps de faire ça. Maintenant, si la
commission parlementaire siégeait plusieurs jours, peut-être que
ce soir on pourrait commencer... on n'aura pas le temps! On ne risquera pas de
ce côté-là!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le chiffre sept pour vous ce n'est pas
sacramentel.
M. PEPIN: Ce n'est pas sacramentel.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il y a toute une série d'autres
facteurs qu'on pourrait examiner.
M. PEPIN: C'est ça!
M. CARDINAL : Dans le fond, vous suggérez qu'on fasse la
même chose que pour la carte électorale?
M. PEPIN: Pour la carte électorale? Avoir des comités
d'experts encore qui vont travailler. Il me semble qu'il y en a eu
plusieurs.
M. CHARRON: Je te donne un "poll" bleu, donne-moi un "poll" rouge!
M. PEPIN: L'autre grand point concerne un domaine qui nous est un peu
familier, la question des relations de travail. Là-dessus, M. le
ministre, MM. les membres, M. le Président, je me permets de lire, parce
que je pense qu'il faut exactement bien situer le problème.
Les fins du projet ne sont pas de régler les problèmes
concernant les employés des commissions scolaires. Cependant,
l'application de la loi provoquera des bouleversements
considérables.-
A première vue, le projet peut sembler libéral en ce qu'il
prévoit que tous les employés de commissions scolaires existantes
deviendront des employés, soit du conseil, soit de l'une ou l'autre des
commissions.
Le transfert de tous les employés d'une unité de
négociation à une autre, transfert qui en soi comporte de
sérieux problèmes, devrait, au sens du projet, se faire dans
l'harmonie puisqu'il s'effectuera selon un plan préparé par le
conseil provisoire en collaboration avec les commissions scolaires existantes
et après que le conseil aura bien voulu effectuer les consultations
appropriées. De toute façon, les articles 36 et 37 du code
s'appliquant, personne ne sera donc lésé. Mais, la
réalité est loin d'être aussi simple.
En effet, il faudrait prévoir douze nouveaux employeurs: onze
commissions scolaires et le conseil. Comme il existe déjà trois
comités de négociation dans certaines commissions scolaires:
employés de bureau, employés d'entretien, concierges, il faudrait
prévoir également quant au personnel de soutien, 35 unités
de négociation nouvelles: 33 dans les commissions scolaires et deux au
conseil.
Même si les problèmes de diversité des conditions de
travail peuvent être possiblement amoindris en 1973 par suite de
l'uniformisation des conventions dans les commissions scolaires
concernées à la suite de la ronde actuelle de la
négociation provinciale, il est à prévoir que d'autres
problèmes sérieux surviendront: le choix du nouvel employeur
sera-t-il laissé à chaque employé ou y aura-t-il
intégration forcée? S'il y a choix, quels critères? Le
choix sera-t-il final? Qui deviendra employé du conseil et comment se
fera le choix pour devenir employé du conseil?
Les employés s'interrogent déjà d'ailleurs quant
à ce qu'il adviendrait de leurs droits d'ancienneté s'il devait y
avoir après l'intégration d'autres transferts d'une commission
scolaire à l'autre comme il est prévisible que cela puisse se
produire. Comme les problèmes des employés ne sont pas uniquement
des problèmes de principe mais aussi des problèmes fortement
individualisés, les employés sont inquiets. Ils se demandent
déjà dans quelle commission scolaire nouvelle sera leur plus
grande chance, s'ils pourront travailler à proximité de leur
domicile, etc. Comme la réalité veut que la CECM actuelle se
subdivise, selon le projet de loi, dans neuf commissions scolaires nouvelles
je pense que c'est neuf au lieu de huit qu'il faut lire les
questions que se posent les employés et les problèmes que cause
l'intégration aux employés sont évidents.
Outre les problèmes propres à l'intégration,
demeurent toujours les problèmes surgissant de l'application des
conventions. Ces problèmes seront amplifiés par l'existence de 12
centres de décision, de 12 procédures différentes à
suivre dans la discussion des problèmes parce qu'il y aura 12
employeurs.
La multiplication des employés de cadres, en plus de coûter
une fortune, pourra engendrer un fouillis parfois inextricable tant sur le plan
de la recherche de solutions que sur celui des interprétations et des
solutions à y apporter. Pour éviter ces problèmes, pour
assurer aussi que les droits et intérêts des employés
seront intégralement respectés, nous croyons que la loi doit
stipuler clairement quatre choses:
Premièrement, le conseil est l'employeur
unique au sens du code du travail. Je me suis exprimé
précédemment sur ce point. Tous les employés étant
au service d'un seul employeur, seront éliminés du coup tous les
problèmes de transfert définitif parce que tout le monde va
être employé du conseil. Il sera alors question de mobilité
du personnel au service de l'une ou l'autre des commissions scolaires sans que
le statut de l'employé soit affecté. Il restera à
établir avec cet employeur les règles d'affectation du personnel,
soit au service du conseil, soit au service de l'une ou l'autre des commissions
scolaires nouvelles.Pour ce faire, la loi doit donner au conseil le mandat de
négocier avec les syndicats concernés.
Il nous semble en effet que les droits des employés ne peuvent
être défendus que par leur propre association et qu'il n'est que
juste que ces associations participent directement au processus
d'intégration. Les questions d'affectation, de réaffectation,
d'ancienneté, de mobilité, etc., doivent être
discutées par les syndicats afin qu'ils prennent une part active et
responsable à la négociation.
Une fois l'intégration faite, le conseil embauche les enseignants
aux recommandations des commissions scolaires c'est le problème
que j'ai mentionné précédemment à une question de
M. le ministre qui font elles-mêmes la sélection des
nouveaux enseignants et contrôlent le processus de perfectionnement.
Troisièmement, pour éviter des problèmes
additionnels, il faut que la loi prévoie que la restructuration des
commissions scolaires sur l'île ne soit ni l'occasion ni la cause de la
mise à pied d'un certain nombre d'employés actuellement à
l'emploi des commissions scolaires existantes.
Quatrième point, la loi doit prévoir également que
le conseil provisoire doit embaucher prioritairement des personnes à
l'emploi de l'une ou l'autre des commissions scolaires de l'île de
Montréal afin d'éviter, le 1er juillet 1973, un problème
de surplus de personnel parce qu'un certain nombre de fonctions seraient
remplies par des employés qui n'étaient pas au service des
commissions scolaires existantes.
Je vous lis immédiatement les recommandations parce qu'elles sont
assez précises. Vous les retrouverez d'ailleurs dans le document no 2.
Je ne me souviens pas des numéros des articles, ce doit être
l'article 17, je présume, et les suivants.
Que le conseil scolaire soit l'employeur unique;
Que le plan d'intégration je pense qu'ici c'est une
idée un peu nouvelle et je pense que cela mérite d'être
examiné du personnel dans les nouvelles structures fasse l'objet
d'une entente à être négociée entre le conseil
scolaire et les syndicats représentant le personnel concerné;
qu'à défaut d'entente entre les parties, au plus tard le 1er mai
1973, un tribunal d'arbitrage spécial soit constitué pour
entendre les représentations de tous les organismes
intéressés et rende une décision qui sera
exécutoire au plus tard le 1er juillet 1973.
Je crois comprendre que le projet de loi actuel prévoit que c'est
la commission ou le conseil qui a le pouvoir de prendre une décision.
Cette décision va être prise après consultation, mais elle
a un pouvoir décisionnel. Les employés ont un syndicat à
l'heure actuelle, pour un très grand nombre d'entre eux, mais il y a des
relations contractuelles. Par le projet de loi, on arrêterait les
relations contractuelles pour ce qui concerne l'intégration du
personnel. C'est, à toutes fins pratiques, le conseil ou les commissions
scolaires qui pourraient décider comme elles l'entendent.
M. CARDINAL: M. Pepin? M. PEPIN: Oui.
M. CARDINAL: Je pense que vous attachez beaucoup d'importance à
ces recommandations.
M. PEPIN: Oui.
M. CARDINAL: Vous le soulignez d'ailleurs par le ton de votre voix.
M. PEPIN: J'essaie, parfois.
M. CARDINAL: C'est dans votre domaine. Votre voix est tout à fait
sereine.
J'ai soulevé ce point ce matin. Les premiers la CEQ
qui sont venus l'ont aussi soulevé, mais là vous proposez un
mécanisme. Est-ce que le ministre, dès aujourd'hui, peut nous
dire non pas qu'il envisage de prendre le mécanisme que vous proposez,
mais qu'il envisage de modifier le projet de loi pour qu'il y ait un
mécanisme? Parce que je crains fort que, quel que soit le genre
d'employés dont on parle: les enseignants en passant par les cadres
jusqu'aux employés manuels, l'on ait, après l'adoption du projet
de loi 28 tel qu'il est rédigé, un problème de classement.
Et on sait ce que c'est. Est-ce que le ministre peut répondre à
cette question?
M. SAINT-PIERRE: C'est comme la constitution. On n'exclut sûrement
pas une révision, suivant ce qui a été soulevé par
la CEQ ce matin, suivant la CSN, pour tenter de définir sans pour
autant donner un cadre trop rigide à la façon dont ceci pourrait
se faire peut-être d'une façon plus précise de
quelle façon l'intégration pourrait se faire et quelles seraient
les différentes étapes dans le travail de
l'intégration.
M. CARDINAL: Est-ce qu'il y a du travail qui a été fait en
accord avec la Fonction publique qui s'occupe des questions de convention?
M. SAINT-PIERRE: Sans aller dans les détails, on doit dire que
les tables de travail
provinciales, dans un sens, ont un peu à l'esprit de ne pas se
retrouver avec des problèmes, tenant compte que sur le plan scolaire 40
p.c. de ceux qui sont là vont être impliqués dans un
processus d'intégration. Je pense qu'au moins un avantage de la table
provinciale sera de minimiser de beaucoup ce qui aurait été
autrement une tâche très difficile parce qu'il y avait quand
même, pas nécessairement sur les salaires mais sur les avantages
sociaux, beaucoup de divergences. On pouvait avoir 95 p.c. des gens qui
je donne un chiffre avaient quinze jours de maladie et 5 p.c. qui
avaient 22 jours. Il faut faire toute cette intégration.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. le ministre...
M. SAINT-PIERRE: Il y a aussi la question de se trouver un
mécanisme équitable, peu importe qui est l'employeur, et qui
donne sûrement une priorité je suis d'accord avec l'esprit
à ceux qui sont en place dans le moment pour assumer des
fonctions dans un cadre complètement différent. Si on retient
onze commissions scolaires, il y a onze directeurs généraux
à trouver. Quel est le mécanisme qu'on va trouver, par concours,
et selon lequel, si quelqu'un n'est pas choisi directeur général,
il puisse se présenter pour d'autres concours inférieurs? C'est
différent des élections: le perdant ne rebrousse pas chemin sans
rien avoir.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. le ministre, à ce
sujet-là justement, votre réponse n'est pas, à mon sens,
assez précise et de ce fait n'est pas satisfaisante. Vous dites que vous
n'excluez pas la possibilité d'inventer un mécanisme, comme le
suggère la CSN et les organismes qu'elle représente ici. Est-ce
que, dans les faits, concrètement, étant donné que vous
avez un échéancier cette loi, vous allez nous la
présenter bientôt, je l'espère, et vous allez devoir la
mettre en application vous avez un comité de travail qui
étudie actuellement le problème de ce mécanisme,
mécanisme qui pourra peut-être être différent
à certains égards de celui que propose la CSN? Est-ce que vous
avez un comité de travail qui s'est attelé à cette
tâche en collaboration avec la Fonction publique?
M. SAINT-PIERRE: Non, il n'y a pas de comité en soi qui est
attaché à cela. Un peu comme nous l'avons fait pour le projet de
loi 27, nous comptons mettre sur pied un groupe de travail mission 28
qui va tenter du côté du ministère de prévoir
un peu tous ces...
M. CARDINAL: D'accord, vous l'avez promis dans le cas du projet de loi
27 tandis que...
M. SAINT-PIERRE: Non, le simple point, c'est qu'on est ouvert à
des améliorations. Il ne s'agit pas de tenter d'avoir un cadre
impossible à vivre. Je pense qu'il serait, vous le reconnaîtrez,
d'une certaine prudence de ma part d'au moins donner la chance aux employeurs
d'exprimer leur point de vue et de nous donner peut-être d'autres
aspects...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord, M. le ministre...
M. SAINT-PIERRE: ... et le gouvernement, par après, pourra
considérer l'ensemble de ces recommandations pour arriver avec un cadre
peut-être plus précis que ce que nous avons dans le moment.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous entends très bien quand vous
dites cela. Vous nous dites simplement: Nous n'excluons pas la
possibilité d'inventer un mécanisme. D'accord, mais c'est
purement négatif. Or, vous savez très bien qu'il faudra en mettre
un en place, un mécanisme, et qu'il est urgent...
M. SAINT-PIERRE: Oui, mais il y en a un de prévu.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... de préparer ce mécanisme et
de nous donner aujourd'hui l'assurance qu'il y aura tel mécanisme. Parce
que, même si d'autres organismes viennent devant nous et expriment des
points de vue qui peuvent être différents de celui qu'a
exprimé M. Pepin, vous serez toujours devant l'obligation de devoir
proposer un mécanisme.
M. SAINT-PIERRE: Oui, mais je pense quand même que dans le texte
de loi il y a, dans le moment, un mécanisme. C'est-à-dire qu'il y
a des responsabilités qui sont assignées, il y a des fonctions
qui sont données.
Je ne pense pas que, d'après le texte de loi, on doive assumer
les responsabilités que jusqu'ici on a données au conseil
provisoire, mais on peut peut-être préciser davantage son cadre de
référence, on peut peut-être lui donner des indications
plus précises.
M. PEPIN: Un point essentiel pour nous, c'est que la loi ne donne pas un
pouvoir arbitraire ou discrétionnaire à une des parties.
M. SAINT-PIERRE: D'accord.
M. PEPIN: Et puis l'article 17, je pense, donne ce pouvoir à une
seule partie: le conseil provisoire. Nous sommes, comme je le disais, en
relations contractuelles, à l'heure actuelle, et puis, par le projet de
loi, tout cela serait mis de côté et ce serait au conseil,
même s'il a l'obligation de nous entendre, à prendre la
décision.
Alors ça, c'est le point central de l'affaire. Deuxième
point que je voudrais soulever: il a été question d'un
comité de travail. Quelqu'un vous a demandé s'il y en avait un
qui étudiait le
problème au niveau de votre ministère, votre
réponse a été négative. Mais si vous
décidiez d'en former un, même avant l'adoption du projet de loi,
avant la discussion à l'Assemblée nationale, moi, je vous dis que
nous sommes disposés à collaborer avec le ministère pour
voir si nos propositions sont concordantes, si ça peut aller, ou
étudier toute autre proposition. Là-dessus, je ne vois pas
pourquoi on aurait tellement à se chicaner entre nous. Nous avons
l'esprit ouvert, je pense bien que tous les syndicats impliqués seraient
prêts à participer à un tel comité pour
étudier un projet de loi sur une matière comme celle-là,
avant que l'Assemblée nationale en soit saisie. La plupart des
députés vont dire: Bien, on va se référer à
l'article 36 et à l'article 37. Ce n'est pas une réponse. Cela ne
peut pas marcher, on a l'expérience et ça n'a pas
été fait pour ça, les articles 36 et 37 du code du
travail.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est la raison pour laquelle, M. Pepin,
j'insiste auprès du ministre, non pas pour qu'il nous donne le
détail de ce mécanisme, mais pour qu'il nous donne l'assurance
qu'il y a un comité qui va s'atteler immédiatement, ce soir,
à la tâche de l'inventer, ce mécanisme.
UNE VOIX: On va nommer le député de Chicoutimi à ce
comité.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela irait peut-être plus vite.
M. PEPIN: Bien, si c'était dès ce soir, je vous informe
que nous aurons des représentants si vous nous y invitez.
Maintenant, dans les textes précis que nous suggérons au
document Il, vous allez noter cependant que nous faisons une
référence, à un certain moment, à l'article 36
(c'est à la page 32 du document) et je voudrais vous expliquer
pourquoi.
Lorsqu'on donne le pouvoir à deux parties de négocier puis
qu'on leur donne, s'il n'y a pas entente, la possibilité de recourir
à un tiers, il faut que le tiers ait une assise, un mandat, à
moins de lui dire: Tu as le mandat en blanc, fais n'importe quoi. Alors notre
référence à l'article 36, à ce moment, c'est
uniquement au niveau du principe de l'article 36, parce que l'article 37 qui le
suit dit toujours que le commissaire enquêteur a constamment le droit de
prendre les mesures pour appliquer l'article 36. Ce qui reviendrait à
dire que l'arbitre, s'il y a seulement un arbitre ou si c'est tout un conseil
d'arbitrage, comme nous le suggérons, le conseil a le pouvoir de
régler ces problèmes, mais s'assoyant sur l'article 36, il
devient donc une espèce de commissaire enquêteur avec le
même pouvoir que le commissaire enquêteur en vertu du code du
travail pour régler ces problèmes-là.
C'est dans cet esprit que nous suggérons la
référence à l'article 36, mais si vous ne faites que la
référence à l'article 36, comme cela a été
fait dans le cas de la Communauté urbaine de Québec, c'est un
fouillis. S'il y avait dix accréditations différentes, parfois
même trois centrales syndicales, et même quand c'est à
l'intérieur de la même centrale syndicale, les conditions peuvent
différer d'un endroit à un autre. Je ne parle pas des conditions
monétaires qui peuvent être normalisées par le truchement
de la négociation provinciale, mais toutes les autres conditions. Le
droit d'ancienneté ne s'exerce pas de la même façon dans un
endroit et dans un autre, ça dépend des conventions collectives,
du militantisme du syndicat parfois, de la résistance patronale.
Alors voilà pourquoi je vous exhorte à ne jamais
remarquer, dans un projet de loi, qui fait de la "défusion" ou de la
fusion une simple référence aux articles 36 et 37.
Je peux vous donner une autre information, si vous ne le savez
déjà; on nous a demandé, au Conseil consultatif du travail
et de la main-d'oeuvre, de faire des propositions au ministre du Travail pour
les cas de fusion de municipalités, communautés de transport et
autres. Ce n'est pas le même problème qu'ici, ici c'est de la
"défusion" et là-bas c'est de la fusion; tout dépend
maintenant si vous acceptez notre idée d'avoir un seul employeur. Je
pense que, d'ici quinze jours, s'il n'y a pas accord entre les membres du
comité ad hoc qui travaillent au niveau du conseil sur ces principes, au
moins le ministre aura les rapports de chacune des parties du côté
syndical et du côté patronal. Je ne pense pas qu'il y ait des
désaccords profonds entre nous, tout le monde réalisant que les
articles 36 et 37, comme référence exclusive dans la loi,
ça ne donne absolument rien et ça conduit à un
désordre considérable.
Je ne sais pas si, quant à l'intégration des
employés, quant au problème des relations de travail, j'ai
été assez clair ou si vous avez besoin d'autres
éclaircissements. C'est un problème très difficile; ce
n'est pas d'une grande facilité de ce côté-là. Quant
à nous, nous voyons par nos propositions quelque chose qui, valablement,
peut régler le problème.
Nous vous suggérons aussi, à la page 34 du document
numéro 2, qu'"à cette fin il le conseil doit
prioritairement recourir aux commissions scolaires existantes pour obtenir le
personnel requis. Les employés ainsi prêtés maintiendront
leur statut d'employés à leur commission scolaire". Cela est
pendant la période transitoire; une fois la période transitoire
terminée, ce ne sera pas ainsi. "A défaut de personnel disponible
dans les commissions scolaires, le conseil pourra procéder à
l'engagement d'employés temporaires pour une période
n'excédant pas le 1er juillet 1973". Le conseil provisoire, quand il
sera créé, va avoir besoin de personnel. Où va-t-il le
prendre et quel va être le statut de ces employés? Est-ce qu'ils
vont commencer immédiatement à demander une accréditation
en vertu du code du travail? La
plupart d'entre eux, ceux qui travaillent dans des commissions
scolaires, sont organisés en syndicats, ont déjà une
convention collective, soit en cours ou peut-être en voie de
renouvellement. Mais ils sont protégés par des conditions de
travail écrites dans un document. Le conseil scolaire, s'il a besoin de
personnel, ira piger sans doute dans les commissions scolaires existantes et
les employés maintiendront la même convention collective qu'ils
ont à l'heure actuelle parce qu'il ne s'agit que d'une période
transitoire devant se terminer au 1er juillet 1973 ou quelque chose comme
ça. C'est la suggestion que nous faisons pour éviter des
difficultés énormes. Nous n'avons pas l'impression
d'épuiser tout le sujet. Nous ne disons pas non plus qu'il n'y aura pas
un petit problème. Il va en avoir quand même mais je pense que le
plus gros des problèmes se trouverait réglé par un
mécanisme comme celui que nous suggérons, l'arbitraire du conseil
étant disparu.
Nous traitons, en huitième lieu, de l'enseignement aux adultes et
nous avons de la difficulté à comprendre pourquoi le projet de
loi 28 ne mentionne pas ce secteur de l'éducation des adultes. Nous y
mettons pas mal d'insistance. On sait que l'on peut, dans des milieux,
élever le niveau scolaire de la population. Je pense que
l'éducation des adultes est un point important et je crois que ni le
ministre ni le ministère ne l'ont négligé; je pense que
depuis quelques années il y a eu pas mal d'efforts au niveau de
l'éducation des adultes mais, sur l'île de Montréal, avec
la réorganisation scolaire, nous croyons que la loi éventuelle
doit la couvrir. Aussi nous vous recommandons donc que l'éducation des
adultes soit assurée par l'implantation d'un service d'éducation
permanente dans chacune des commissions scolaires de l'île de
Montréal, tel que cela existe déjà dans les commissions
scolaires régionales du Québec.
M. LE PRESIDENT: Pardon, M. Pepin; le député de Bagot.
M. CARDINAL: J'ai une question à poser au ministre; justement
cette question est venue devant moi à l'occasion du projet de loi 27. A
cause de décisions de tribunaux en matière de relations
patronales, il est arrivé qu'on ait à quelques reprises
décidé que le ministère n'avait pas véritablement
juridiction sur des questions comme l'éducation des adultes, d'une part,
et la maternelle, d'autre part. Dans le projet de loi 27 si mes
souvenirs sont bons on a eu des dispositions qui sont venues
précisément donner cette juridiction. Comme le projet de loi 27
ne s'applique qu'en dehors de l'île de Montréal... Il le couvre
pour ces fins? Ah bon! Est-ce que M. Pepin serait satisfait?
M. SAINT-PIERRE: L'explication est que, dans le projet de loi 27, il y a
certaines dispositions qui modifient...
M. PEPIN: Et cette disposition s'applique, c'est 573 a) du projet de loi
27. Cela s'applique, je retire, j'ai parlé trop longtemps
là-dessus.
M. CARDINAL: Je m'excuse de mon interruption, mais...
M. PEPIN: Je vous en remercie.
M. SAINT-PIERRE: Les autres suggestions qui sont peut-être fort
valables, personnellement, je trouve qu'on pourrait les retrouver dans la
réglementation à la fois du conseil scolaire et des commissions
scolaires. Ce n'est peut-être pas dans le projet de loi, il y a des
choses fort valables. Ici, vous avez les comités d'éducation des
adultes. Je ne suis pas certain où ça doit se situer
nécessairement. Exemple: C'est évident que pour l'enfance
inadaptée, pour prendre un cas d'espèce, il n'y a rien
réellement sauf la mention du terme comme préoccupation du
conseil scolaire qui empêche les commissions scolaires et le
conseil scolaire d'avoir des comités, d'avoir une organisation à
l'échelle de l'île pour un problème du type de l'enfance
inadaptée comme pour l'éducation des adultes.
M. PEPIN: Comme j'ai été rappelé à l'ordre
par le député de Bagot et avec raison, me permettriez-vous quand
même de vous rappeler que le bill 27 dit "qu'une commission scolaire
régionale peut, avec l'autorisation du ministre..." Est-ce que le bill
28 pourrait aller un peu plus loin que ça? Des efforts de
négociation?
M. SAINT-PIERRE: C'est que, là encore une fois, on ne veut pas
que le gouvernement ait tous les pouvoirs d'imposer d'une façon
dictatoriale ce qui doit être fait. On pense que le milieu dans ce
sens-là... Je ne sais pas si ça va être une divergence
entre la CSN et la FTQ, mais j'en ai discuté privément avec M.
Daoust de la FTQ, et il trouvait que toute l'éducation des adultes qui
était une richesse à l'intérieur de l'île de
Montréal et de la CECM, ne devait pas s'éparpiller au niveau des
commissions scolaires. Il a dit qu'elle devait être greffée autour
du conseil scolaire et qu'on ne devait pas retrouver d'éducation des
adultes, à moins qu'il n'y ait eu des changements, au niveau des
conseils scolaires.
Or nous, nous avons préféré en donner, sur le plan
pédagogique, la responsabilité aux commissions scolaires locales,
donner aux conseils scolaires cette préoccupation de coordination de
l'éducation des adultes en laissant beaucoup de flexibilité dans
le plan des moyens pour ce qu'on pourrait faire avec ceci.
C'est là que vous dites peu, mais j'imagine que si ça
correspond au besoin du milieu les 15 commissaires élus, même si
on retient votre suggestion, à tous les trois ans, avec un parti
politique qui met de l'avant l'obligation de l'éducation des adultes,
eux vont exercer ce
droit, alors que, dans d'autres milieux peut-être, on va dire
qu'on ne veut pas s'en occuper. Il n'y a rien comme quand le gouvernement veut
imposer de force l'éducation des adultes à une commission
scolaire qui ne veut pas s'en occuper.
M. PEPIN: De toute façon, vous connaissez l'intention que nous
poursuivons...
M. SAINT-PIERRE: Oui, oui.
M. PEPIN: ... c'est couvert en partie, à tout le moins, par le
bill 27 et reproduit dans le bill 28. Je demande tout simplement si on peut
aller un peu plus loin que ça.
Vous avez aussi d'autres recommandations là-dessus. Je pense que
vous pouvez les regarder, ça fait déjà assez longtemps que
je vous entretiens et je voudrais terminer au moins par la taxation
scolaire.
Ce n'est pas très long. Quant à nous, il y a
déjà une amélioration dans le bill 28, c'est clair, les
rôles d'évaluation uniformisés. Le mode d'imposition
ce n'est peut-être pas le temps de le régler à l'heure
actuelle, j'espère que nous y arriverons mais je me permettrais
de donner une statistique aux membres de la commission, statistique qui date de
1961, parce que c'est basé sur le recensement de 1961. Notons, entre
nous, que les statistiques c'est, pour un politicien, la même chose qu'un
réverbère pour un ivrogne; cela sert beaucoup plus à
s'appuyer qu'à s'éclairer, c'est vrai, mais quand même.
M. SAINT-PIERRE: Et comme disait M. Duplessis: "Pour prêter de
mauvaises intentions aux autres, c'est comme l'argent, il faut en avoir
soi-même."
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous voyez qu'il a des lettres.
M. PEPIN: Dans une étude réalisée pour analyser
l'impact de l'impôt foncier, municipal et scolaire donc pas
exclusivement scolaire par rapport au stade de revenu, on
découvre, basé toujours sur 1961 c'est le chiffre
s'appliquant sur l'ensemble du Canada que ceux qui avaient un revenu de
$2,000 et moins, payaient 8 p.c. d'impôt foncier.
C'est-à-dire que 8 p.c. de leur revenu était
consacré à payer l'impôt foncier. Si vous prenez ceux dont
le revenu se situe entre $2,000 et $3,000, toujours avec la même base, en
1961, c'était à 4.9 p.c; de $3,000 à $4,000, 4.5 p.c;
finalement, vous en arrivez, pour ceux de $10,000 et plus, à 4.1 p.c. Ce
qui veut dire que, plus vous êtes pauvre, avec ce système
d'impôts, plus votre pourcentage est élevé par rapport
à ce que vous payez comme impôts. Je sais qu'à peu
près tout le monde est d'accord pour dire que c'est un système
injuste, qu'il faut le refaire. Mais je tenais, puisque j'ai eu cette
statistique, à vous en faire part. Si c'est utile pour les membres de la
commission, je verrai à en faire faire des copies même si
c'est au journal des Débats pour vous les faire parvenir.
M. SAINT-PIERRE: Ici, on retient, M. Pepin, que déjà il y
a quand même eu une modification substantielle. D'où proviennent
les revenus pour faire face au coût de l'éducation? En 1971,
à peu près, 65 p.c. peuvent venir de l'impôt sur le revenu.
On pourrait peut-être, si on reprend vos statistiques, appliquer 65 p.c.
de l'impôt sur le revenu et trouver que, là, les... Pardon?
M. CHARRON: Actuellement, il n'y a pas 65 p.c qui viennent de
l'impôt sur le revenu, mais cela vient du gouvernement.
M. SAINT-PIERRE: Non, non. Cela vient de l'impôt sur le
revenu.
M. CHARRON: Ce n'est pas seulement l'impôt sur le revenu.
M. SAINT-PIERRE: Bien, voyons, le budget de l'éducation est
près de $1,800, millions et l'impôt foncier scolaire
représente à peu près $400 millions. Alors?
M. PEPIN: Alors, les $1,800 millions ne viennent pas uniquement de
l'impôt sur le revenu.
M. CHARRON: Il y a la taxe de vente là-dedans.
M. PEPIN: Il y a les taxes de vente, etc.
M. CHARRON: Ce sont toutes les sources de revenu du gouvernement.
M. PEPIN: N'oubliez pas qu'il y a la taxe de vente, en plus, qui sert
à payer cela. C'est une taxe régressive.
M. CHARRON: Cela aussi.
M. PEPIN: Ceux qui sont à $5,000 et moins sont plus
affectés que les autres, en proportion. C'est une taxe
régressive.
Voilà, M. le Président, messieurs les membres, la
présentation de notre mémoire. Si vous avez d'autres questions,
nous sommes à votre disposition.
M. CARDINAL: Avec la permission du président, car je pense que le
ministre n'a rien à ajouter. Ce qui m'a frappé depuis ce matin
non seulement en parlant de la CSN mais dans les travaux de cette commission,
c'est la façon positive dont les personnes qui se sont
présentées devant nous ont suggéré des choses
à faire pour améliorer le projet, contrairement je ne
voudrais pas être méchant à d'autres commis-
sions où il y avait des débats parfois assez orageux.
Je pense que ce document de la CSN a couvert à peu près
tous les domaines qui avaient pu être mentionnés. Il revient sur
certaines choses, par exemple, qui nous ont été apportées
par la CEQ. Il n'insiste pas davantage sur les relations du travail,
c'est-à-dire qu'il les place dans un contexte, comme je l'ai
indiqué tantôt. Evidemment, il faudrait lire presque tout le
document pour poser des questions précises et, surtout, lire l'annexe
que vous avez fournie, qui vient l'illustrer dans un texte. Dans le premier
document, ce sont surtout ce que j'appellerais des
généralités, des principes que vous émettez. Si on
parle du rattrapage des quartiers défavorisés, c'est sûr
qu'il faut un organisme responsable. Dans le domaine des universités,
par exemple, le ministère a essayé de faire du rattrapage. Le
ministre sait que ceci est très difficile parce que, comme le
député de Saint-Jacques l'a souligné, dès que vous
faites du rattrapage, c'est-à-dire que vous donnez plus à
certains qu'à d'autres, le juge et les critères sont facilement
des choses qui peuvent être non seulement discutables mais critiquables.
On sait que le son de cloche que l'on entend au sujet du rattrapage des
quartiers défavorisés pourrait être entendu d'une tout
autre façon à d'autres séances de cette commission.
Moi, je pense que le ministre devrait, avec tous ses gens,
étudier très attentivement ce mémoire. Je reviens surtout
sur une question posée par le député de Chicoutimi, pour
que le ministre, justement, s'il lui faut attendre la fin de deux ou trois
séances, n'attende quand même pas trop pour, à un moment
donné, pendant les travaux de cette commission, se prononcer et nous
dire: Il y aura un mécanisme, par exemple, pour l'intégration du
personnel dans cette "défusion". Il y aura un mécanisme de
rattrapage pour réviser la question du nombre des commissaires, par
exemple, et tous les points qui ont été soulevés depuis ce
matin. C'est la seule chose que je pourrais dire parce que, de fait, ceci est
très sérieux. Qu'on n'attende pas de lire le journal des
Débats, parce qu'on sait qu'en matière de commission cela prend
un certain temps, mais, si des documents peuvent être
déposés pour compléter ceci, comme on nous l'a offert
tantôt, cela vaudrait la peine, je pense, de les envoyer au
secrétaire de la commission. Sans que nécessairement ils soient
annexés au journal des Débats, qu'ils soient remis aux
députés, membres de la commission.
M. PEPIN: M. le Président, si vous me le permettez, à la
suite de l'intervention de M. Cardinal: Si, après lecture des choses
précises qui sont proposées par nous, vous sentez le besoin
nous ne voulons pas abuser du temps de la commission ni des membres
de nous questionner sur certains aspects, soyez assurés que nous
serons à votre disposition.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne voudrais pas
reprendre ce qu'a dit mon collègue, le député de Bagot,
mais on signalait, avec raison, que le gouvernement et les gouvernements ont
tardé à apporter ce projet de loi sur la restructuration scolaire
de l'île de Montréal. Cela est un constat. Quels que soient les
gouvernements qui ont été en place, nous le déplorons
tous. Nous en prenons chacun notre part de responsabilité.
Mais à l'écoute du mémoire présenté
par M. Pepin, au nom de la CSN et d'autres organismes, je me disais que ce
retard a quand même eu ceci de bénéfique, qu'il nous permet
d'avoir maintenant une conception beaucoup plus élargie de cet immense
problème qu'est celui de l'organisation scolaire de l'île de
Montréal.
La réflexion à laquelle s'est livrée la CSN apporte
une éclairage très précieux, particulièrement aux
députés qui ne sont pas de l'île de Montréal et ne
vivent pas dans ce milieu, cette immense agglomération de l'île de
Montréal. Je représente un milieu que M. Pepin connaît
bien, où les problèmes de Montréal ne nous sont connus que
de façon fragmentaire. Or, la façon dont vous avez exposé
le problème et les points que vous avez soulevés m'incitent
à vous dire que le retard dont je parlais tout à l'heure a
peut-être été, à certains égards, utile
puisqu'il nous permet maintenant, en tenant compte des divers stades par
lesquels nous avons passé, de voir comment nous pouvons envisager cette
question de toute l'organisation scolaire de l'île de
Montréal.
Le gouvernement dont je faisais partie avait déposé le
projet de loi no 62, qui n'était pas un projet parfait, loin de
là. Nous avions entendu, à ce moment-là, des
représentations. Celles qui nous sont faites aujourd'hui sur le projet
de loi no 28 sont beaucoup plus complètes, même si on reprend,
d'une façon générale, les principes qui les
soutenaient.
J'ai retenu, M. Pepin, avec beaucoup d'attention le problème du
rattrapage des quartiers défavorisés. Justement parce que je ne
connais pas la vie à Montréal, ce que vous nous dites m'a
vivement frappé et va m'inciter, comme tous mes autres collègues,
à demander au gouvernement de se pencher particulièrement sur
cette question. En ce qui concerne le français langue d'enseignement et
de communications, vous ne vous attendez certes pas à ce que je vous
donne ma bénédiction catholique, apostolique et romaine tout de
suite, sans examen, mais vous avez à peu près, à quelques
différences près, repris ce que nous avaient dit les gens de la
CEQ ce matin. Il reste quand même, dans mon esprit, des zones grises et
j'estime que ce problème ne pourra être examiné de
façon claire, sereine et lucide que lorsque nous aurons entendu les
représentants de la collectivité anglophone.
Je maintiens toutefois ce que je disais au ministre ce matin, ce que
vous avez souligné vous-même, ce que mon collègue de Bagot
et notre collègue de Saint-Jacques ont souligné, c'est que le
gouvernement, dès qu'il nous présente ce projet de loi, fait un
pas dans un sens et un pas qui pourrait être décisif. J'entends
très bien que la commission Gendron doit présenter son rapport
mais nous avons franchi des étapes depuis ce temps-là et les
esprits ont évolué. Même ceux qui ont défendu tel ou
tel projet de loi peuvent avoir non pas modifié radicalement leur point
de vue, mais peuvent, aujourd'hui, concevoir le problème sous un autre
éclairage.
Par conséquent, j'estime que le gouvernement devrait être
extrêmement prudent dans ce domaine et tenir compte des
représentations qui nous ont été faites par la CEQ et par
les organismes que vous avez représentés. La matière est
délicate, elle est explosive et si le gouvernement pose un geste dans ce
sens-là, ce geste pourrait être fatal en ce sens qu'il
créerait des droits dont pourraient.se prévaloir des gens qui se
diraient lésés par d'autres gestes que le gouvernement pourrait
ultérieurement poser à la suite des recommandations que fera la
commission Gendron.
Vous avez aussi parlé de la question générale de la
décentralisation à Montréal, de centralisation
administrative. Ce sont là des questions extrêmement importantes
qui ont un caractère technique. Vous nous avez fait des propositions
fort utiles qu'il va nous falloir examiner très attentivement en raison
justement de leur caractère technique et de toutes les implications
qu'elles peuvent avoir, que ce soit au niveau des relations de travail, au
niveau de l'administration scolaire ut sic par le conseil, etc. Ce sont des
questions qu'il nous faudra étudier en détail et en nous servant
évidemment de l'autre document fort utile que vous avez
déposé.
Je voudrais insister brièvement sur le problème de la
déconfessionnalisation. Vous avez fait valoir des points de vue
très intéressants. Vous vous doutez fort bien que vos
propositions vont certainement soulever des protestations. Je voudrais encore
une fois, ici, attirer l'attention du ministre, de la commission et des gens
qui viennent témoigner devant nous sur le problème suivant: c'est
qu'un grand nombre d'organismes fort respectables viennent devant nous et nous
parlent du problème de la confessionnalisation. Ces gens se disent
quelquefois les porte-parole des diverses hiérarchies. Je voudrais une
fois pour toutes et j'espère que le ministre a pris contact avec
les membres des hiérarchies catholique, protestante ou juive que
les hiérarchies catholique, protestante ou juive nous fassent
connaître leur avis et viennent nous le faire connaître ici.
Je n'accuse personne. Je ne prétendrai pas que la
hiérarchie se dérobe. Mais je me dis que les gens qui viennent
ici et qui prétendent parler au nom de la hiérarchie ne sont pas,
à mes yeux, habilités à le faire et je ne recevrai leurs
représentations que comme des représentations individuelles et de
groupes respectables mais pas comme des représentations faites au nom de
la hiérarchie. Je serais extrêmement heureux, je suis
désireux de voir ici et d'entendre les représentants de la
hiérarchie nous dire, à nous, que nous soyons juifs, catholiques,
protestants, quel est leur point de vue, quelle est exactement leur attitude en
cette matière délicate de la confession dans les
écoles.
Le reste de votre mémoire, M. Pepin, qui concerne le
découpage de la carte scolaire, n'est pas vraiment de ma
compétence. Ne connaissant pas la vie scolaire à Montréal,
je suis mal placé pour en parler et je me fie aux renseignements qui me
sont fournis par les spécialistes du gouvernement, par le ministre et
par des gens comme vous qui connaissez mieux le milieu.
Les relations de travail, nous en avons parlé, l'enseignement aux
adultes, nous sommes d'accord et le ministre, à la suite de
l'intervention de mon collègue le député de Bagot, vous a
donné des renseignements à ce sujet-là. Le problème
de la taxation scolaire, nous en avons parlé assez longuement et cet
après-midi nous avons entendu un mémoire.
Je voudrais conclure en vous disant ceci: Je serais porté, non
pas à approuver dans son entier, globalement, le mémoire que vous
avez présenté, mais je crois que ce mémoire est non
seulement utile, mais qu'il apporte un éclairage qui, à mon sens,
est à bien des égards inédit et va permettre aux
députés membres de la commission et à tous les membres de
l'Assemblée nationale d'étudier d'une façon très
objective, à partir de données précises, cette question
extrêmement épineuse de la réorganisation scolaire de
l'île de Montréal dont nous avons dit qu'elle a trop tardé
mais dont je pense, pour ma part, que ce retard a peut-être
été utile en ce sens que nous avons maintenant une idée
beaucoup plus nette de la dimension du problème et des problèmes
que vous avez évoqués.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Montcalm.
M. PEPIN: Me permettriez-vous de dire juste un mot pour remercier M.
Tremblay? Si vraiment c'est là son sentiment qu'il exprime et si ce
sentiment était partagé par les autres membres de la commission,
l'objectif que nous nous sommes fixé, quant à nous, c'est
vraiment de faire un travail plus en profondeur, ce n'est pas d'essayer de
créer une situation émotive mais de dire: Quant à nous,
nous voyons le problème de telle façon.
Si c'est là le sentiment des membres de la commission, nous
n'aurons sûrement pas travaillé en vain. Tout ce que nous allons
souhaiter, c'est que, par la suite, vous reteniez au moins quelques petits
paragraphes de ça pour la future loi.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm.
M. MASSE (Montcalm): M. le Président, afin de poursuivre une
étude approfondie du mémoire, je tiens, en passant, à
féliciter la CSN pour les textes comparatifs qui, pour le travail
législatif, sont toujours intéressants pour les
députés.
Je voudrais quand même poser quelques questions. D'abord, au sujet
de la langue nationale du Québec qui semble être la position de
fond de la CSN et qui se reflète comme langue d'enseignement dans ce
mémoire-là.
Est-ce que je reflète bien la position de la CSN lorsque je dis
que cette langue française devrait devenir la langue d'enseignement
partout au Québec, en réalité, et non pas uniquement dans
l'île de Montréal?
M. PEPIN: Là, on prépare un mémoire concernant
l'île de Montréal, mais si on avait à en présenter
un...
M. MASSE (Montcalm): Mais par extension ce serait pour l'ensemble.
M. PEPIN: Bien sûr!
M. MASSE (Montcalm): Est-ce que ça irait jusqu'à refuser
l'enseignement privé en langue anglaise?
M. PEPIN: Si l'enseignement privé est payé par ceux qui
envoient leurs enfants là, aucune espèce d'objection.
M. MASSE (Montcalm): D'accord!
M. PEPIN: Ils peuvent se bâtir leurs propres écoles. On ne
peut pas les en empêcher.
M. MASSE (Montcalm): D'accord! Maintenant, M. le Président, il y
a un problème qui est revenu régulièrement dans au moins
deux mémoires depuis le début, c'est celui de la
responsabilité de l'Etat et des moyens d'action que prend l'Etat pour
appliquer sa responsabilité. Tant à la CEQ, ce matin, qu'à
la CSN, on confie énormément à l'Etat des
responsabilités générales en matière
d'éducation.
Mais ne semble-t-il pas y avoir une contradiction entre cette
responsabilité qui échoit au ministre de l'Education et au
gouvernement et les moyens d'action qu'on refuse, tout en donnant le droit soit
à des comités consultatifs ou à des observateurs mais non
pas à des hommes qui, nommés par lui, reflètent
directement sa position, donc sa responsabilitté, qui a
été donnée par la législation?
Ne pensez-vous pas qu'il y a une espèce de contradiction, qui
n'apparaît pas uniquement dans ce mémoire de la CSN, mais qui
semble être plutôt une règle générale depuis
quelques mois au Québec actuellement, entre, d'une part, confier
à l'Etat beaucoup de responsabilités et, d'autre part, essayer,
par contre, que le milieu local élise lui-même toutes les
personnes sans trop de relations avec l'Etat?
M. PEPIN: Je suis content que vous me posiez la question. Notre
position, je pense qu'elle est un peu nuancée là-dessus. Nous
disons: L'Etat a vraiment une responsabilité en matière
d'éducation. L'Etat, c'est lui qui va décider comment la chose
sera structurée. Il le fait par un projet de loi; il
délègue des pouvoirs, à toutes fins pratiques. Si je
comprends bien les choses, le régime dans lequel nous sommes, tant pour
les municipalités que pour les commissions scolaires, c'est une
délégation de pouvoirs de l'Assemblée nationale à
d'autres organismes.
Une fois qu'il délègue ces pouvoirs, il peut le faire en
disant: Vous vous occupez de tout, sans aucune intervention de ma part. C'est
tout de même dans les statuts. Généralement, pour les
municipalités il y a une très grande autonomie sauf qu'il y a une
commission municipale, je pense qu'elle s'appelle ainsi, mais lorsqu'il y a une
municipalité prise en défaut, il peut y avoir tutelle. Cela est
prévu dans les statuts. En dehors de ces cas-là, la
communauté municipale a beaucoup d'indépendance, je crois,
vis-à-vis du gouvernement, à tel point que chaque fois que la
municipalité veut changer sa loi ou sa charte, elle est obligée
de venir devant vous, à la commission des bills privés ou
publics, je ne sais trop. En tout cas, vous avez à l'approuver.
Une fois approuvée, c'est la municipalité qui est
maîtresse de cela. Dans notre position, pour les commissions scolaires,
le conseil scolaire, nous disons: Donnez pas mal de responsabilités aux
gens sur place, mais il y a certains domaines où le gouvernement doit
constamment avoir un droit de regard là-dessus. Je ne me souviens pas
à quelle page du mémoire, mais nous disons justement qu'il doit
surveiller si vraiment tout se passe légalement là-dedans. Il y a
certaines autres choses là-dessus. La référence exacte est
à la page 13 : "Que le ministère de l'Education s'assure que ses
normes pédagogiques et administratives minimales soient
observées, nous croyons que c'est normal." Ce qui veut dire qu'il ne
faudrait pas que ce soit tatillon. Quand le gouvernement intervient dans toutes
les matières, sur tous les points, généralement c'est une
source de conflits parce qu'il n'est pas assez informé pour prendre de
telles décisions. Au moins, sur des choses de base, nous disons que le
gouvernement doit avoir l'oeil là-dessus.
Si, dans un quartier de Montréal, peu importe s'il y a onze ou
sept commissions scolaires, on n'entend pas respecter un minimum si tout
le monde accepte dans la province parce que le ministère l'a
placé comme cela, après consultation ou non et si on ne
veut pas le faire, que le ministère puisse intervenir pour dire: Cela au
moins, ce point-là, vous allez le réaliser. Nous sommes d'accord
là-dessus.
J'ai l'impression, en écoutant ce matin M. Charbonneau, de la
CEQ, que nous ne serions pas en opposition ou en divergence
là-dessus.
Je n'ai pas qualité de parler pour lui mais disons donc que c'est
difficile de la réconcilier, c'est difficile de dire: Tout le pouvoir va
être là,
l'exercice on va le surveiller à tous les jours, ou de dire
encore: Le pouvoir est vraiment là, on en délègue la plus
grande partie et on se garde des modes de surveillance sur certains
aspects.
Le projet de loi parle de régie interne que vous devez approuver,
je pense, du lieutenant-gouverneur en conseil, des règlements de
régie interne. Nous n'avons pas osé vous suggérer de
l'enlever parce que nous nous sommes dit: Qu'est-ce que ça veut dire,
régie interne, jusqu'où ça va? Ne sachant pas exactement
la portée de ce que peut être un règlement de régie
interne nous avions, dans notre mémoire initial, dans notre
projet initial, traité de cette question nous l'avons
rayé, parce qu'on se demandait si, par le truchement de la régie
interne, on ne peut pas toucher d'autres aspects qui seraient très
importants et là-dessus, le ministre n'aurait plus aucun pouvoir.
Mais si nous avions une bonne définition de ce que c'est que la
régie interne, nous demanderions même que le lieutenant-gouverneur
en conseil n'ait pas à approuver, si c'était vraiment comme on
l'entend généralement la régie interne. Je ne sais pas si
ça répond...
M. MASSE (Montcalm): Cela répond au problème. Je le
souligne tout simplement parce qu'il semble que, depuis quelques mois, on
revient toujours entre ces deux tendances qui sont un peu différentes,
entre confier toute la responsabilité à l'Etat et, ensuite, en
pratique, multiplier les comités consultatifs, les organismes de toutes
sortes. Finalement, le pouvoir est tellement dilué que, autant vous que
nous, on ne sait pas qui prend la responsabilité parce qu'on le cherche
et vous êtes pris avec le problème. Je vais prendre
l'actualité, les gars de Lapalme ou d'autres. A un moment
donné...
M. PEPIN: Cela arrive de temps en temps.
M. MASSE (Montcalm): ... tout le monde cherche.
M. PEPIN : ... vous faites un bon voyage.
M. MASSE (Montcalm): C'est qu'à un moment donné, on
cherche qui est le responsable parce qu'on a tellement dilué
l'autorité qu'elle n'est plus nulle part. Il y a une autre question, il
y a un problème qui revient souvent depuis ce matin: celui des
privilèges des anglophones. On définit globalement les
privilèges des anglophones. Est-ce que vous pourriez, pour mon
bénéfice en tout cas si ce n'est pas pour celui des autres, les
définir un petit peu, en pratique, ces privilèges des
anglophones?
M. PEPIN: De la manière que j'ai pensé le problème,
que je le pense, je me dis: A l'heure actuelle, les anglophones ont un
réseau d'éducation publique, payé par nous et ils vont
à ces écoles. Avec le changement du projet de loi 63, on leur a
dit: Maintenant, tu vas continuer à aller là, si tu veux, mais tu
vas apprendre le français, au moins la langue d'usage. Tout le monde a
critiqué cela beaucoup, mais je ne retiens pas l'effet des critiques
pour les fins de mon propos. C'est un droit qu'ils avaient avant le projet de
loi 63 d'être là. J'appelle ça un droit pour les fins de
mon propos.
Le projet de loi 63 a changé la nature ou l'exercice de ce droit.
Lorsque j'arrive, je me dis: Très bien, ils ont voulu avoir un double
réseau parce que c'est double réseau, quant à nous
français et anglais. On propose maintenant une forme
unifiée sur l'île de Montréal. Je pense que c'est
raisonnable ils peuvent alléguer qu'ils avaient un droit, avant.
C'était fait de telle façon que c'était
séparé. Ils peuvent alléguer cela. Mais les catholiques ou
les francophones pourraient l'alléguer aussi parce qu'ils avaient leur
propre réseau.
Alors, dans cette matière, je ne pense pas que quiconque puisse
soulever valablement la question de son droit antérieur, alors qu'on lui
permet l'instruction et que toute la communauté dit: Tu vas te faire
instruire, il n'y a pas de problème pour toi, je ne t'enlève pas
le droit d'aller aux écoles. Je te dis: Vas aux écoles, tu vas
avoir un enseignement, pour une période de temps, ce sera exclusivement
ou possiblement en langue anglaise et, par le truchement du projet de loi 63,
il y a cependant la clause de 40 p. c. qui s'applique. Après ça,
au bout de cinq ans, je renverse la vapeur, j'en mets plus du côté
français.
Je ne suis pas assez bon théoricien pour dire ce qu'est le droit,
à quel moment cela devient un privilège. Mais tout ce que je me
dis, c'est que je ne crois pas que, par une telle position prise par nous, si
elle était retenue par l'Assemblée nationale, on mette en cause
des choses fondamentales du côté des anglophones.
Puis, pour les nouveaux immigrants je termine là-dessus
pour autant qu'on s'entende sur ce qu'est un immigrant, celui qui est
arrivé au pays même l'an passé, et qui a commencé
à envoyer ses enfants dans le réseau anglais, bien, moi, je ne
veux pas arriver et lui dire: Maintenant, tu vas les prendre et les envoyer au
réseau français. De ce côté, je l'assimile pour les
fins de mon propos aux anglophones. Mais ceux qui vont venir par la suite,
ceux-là, sauront, avant d'entrer sur le territoire, que s'ils veulent
vivre au Québec, ils vont aller au réseau français. Je
pense que ce n'est pas une position... Là, ils pourront me dire: Tu vas
empêcher l'immigration. Je pense qu'il y en a d'autres ailleurs qui l'ont
empêché depuis un sacré bon bout de temps.
M. MASSE (Montcalm): Maintenant, une question de détail. Vous
avez plaidé tout à l'heure, disons avec raison, un congé
avec solde pour ceux qui sont candidats ou élus à un poste
quelconque. Est-ce que vous ne pensez pas que cela devrait s'étendre
également à l'employeur? Je vais vous donner un exemple bien
concret.
Cela va fort bien dans un organisme ou un syndicat, disons un syndicat
de l'Etat où il y a des centaines de personnes et où on peut
facilement jouer avec les effectifs, mais quand vous arrivez avec un
employé d'un petit magasin qui est seul, cela pose un problème
important. En réalité, il y a énormément de
personnes qui sont à leur propre compte, artisans ou autrement, qui ont
aussi un revenu de $3,500 et qui feraient peut-être, si on veut
étendre la démocratie jusque là, de bons candidats
à un poste électif. Est-ce que vous ne croyez pas que lui aussi,
c'est-à-dire l'employé seul, puis finalement l'employeur, devrait
avoir aussi son congé avec solde? Et si tel est le cas, est-ce que ce
n'est pas aussi bien d'avoir comme commissaire d'écoles un traitement
suffisamment élevé pour que le gars puisse vivre?
M. PEPIN: Mais ce n'est pas le traitement comme commissaire que je
demande, c'est la période électorale. Si ça me prend
quinze jours ou trois semaines pour faire une campagne, me faire
connaître, pour que les gens disent...
M. MASSE (Montcalm): Cela s'applique de la même façon, que
ce soit pendant la période ou après.
M. PEPIN: Non, mais on présume qu'une fois l'élection
faite, ce n'est pas de nature permanente.
M. MASSE (Montcalm): Je prends un exemple de ce que vous demandez.
Pendant la période d'élection qui durerait, disons, un mois,
l'argument joue quand même pour l'employeur qui a une petite boutique,
qui est un artisan, qui gagne $3,500. Je pense que c'est aussi vrai pour lui
que pour l'autre bonhomme qui travaille à l'Hydro-Québec à
$3,500.
M. PEPIN: Bien, je pense qu'il y a des choses qu'on peut faire puis il y
en a d'autres qu'on ne peut pas faire.
M. MASSE (Montcalm): J'essaie de plaider la justice pour tout le
monde.
M. PEPIN: D'accord. Mais moi aussi je peux la plaider pour tout le
monde. On peut le faire différemment, si vous voulez. Adoptez une loi
pour dire que chaque fois que je me présente, si je remplis certaines
conditions, disons si 10 p.c. 15 p.c. ou 20 p.c. des électeurs ont
voté pour moi parce que n'importe quel "crack-pot" pourrait se
présenter pour avoir un mois de congé certaines conditions
étant établies, je ne perdrai pas de salaire, que l'Etat va le
payer, de la même façon que vous recevez des montants, vous
autres, lorsque vous êtes en campagne électorale provinciale, si
vous avez 20 p.c...
M. MASSE (Montcalm): Des dépenses.
M. PEPIN: Des dépenses, mais ça pourrait être une
des dépenses électorales. C'est un autre moyen, tout le monde
serait traité identiquement. Il y a déjà quelques
entreprises qui acceptent ce principe et qui...
M. MASSE (Montcalm): Vous admettez que la proposition formulée
par la CSN demanderait à être complétée dans le sens
dont on parle.
M. PEPIN: Bien sûr! Là-dessus, je savais bien que ça
pouvait créer un débat c'est évident mais je
pense que si l'on veut réaliser une meilleure forme démocratique,
il faut faire une recherche de ce côté. Que ce soit ce moyen ou un
autre, je pense qu'il faut avoir quelque chose dans les statuts.
M. MASSE: Très bien, merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, les travaux de la commission
achèvent, je veux simplement faire une remarque à M. Pepin sur le
contenu du mémoire présenté par la CSN. Elle porte sur la
priorité du rattrapage des quartiers défavorisés que, tout
à son honneur, la CSN a placé au premier rang de son
mémoire.
Je suis député dans un quartier dit
défavorisé et je suis membre d'un parti politique qui a pris une
majorité dans ces quartiers. Vous pouvez être sûrs que les
opinions et les désirs que vous avez exprimés, j'ai
cherché moi aussi les moyens de les refléter dans le projet de
loi 28.
J'ai été, comme vous, sidéré, par le rapport
du Conseil supérieur de l'éducation qui a probablement
aidé à la confection de votre rapport. J'ai été
sidéré de la faiblesse de la réponse gouvernementale
à ce moment-là, nous parlant de ce million consacré au
rattrapage des zones défavorisées sur un budget de
$1,400,000,000. Je cherche moi aussi des moyens de rattraper, dit-on, ce qui a
été perdu dans ces quartiers, sauf que je ne vois pas autrement
que vous le faites que d'espérer; il n'y a pas moyen dans la loi de
trouver de disposition autre que celle-là, sauf de renforcer la
structure centrale, la nouvelle structure qui s'appelle le conseil scolaire de
l'île.
C'est de lui qu'on peut attendre la solution et c'est pour cela que vous
dites: Que soit établie une véritable autorité scolaire
régionale je suis d'accord avec vous avec mandat et
pouvoir d'instaurer un pouvoir accéléré de rattrapage. Il
faut lui donner cette instance qui coiffe ces pouvoirs.
Je veux vous dire que nous allons travailler, prendre l'esprit de votre
rapport dans ce domaine-là et suggérer des amendements lorsque
nous serons en comité plénier pour véritablement faire du
conseil scolaire de l'île un conseil fort, parce que c'est de lui que
nous pouvons espérer une politique de rattrapage pour les zones
défavorisées. Je dis espérer et c'est là-dessus que
je veux insister pour terminer.
Il ne faut pas mettre tous nos oeufs dans le même panier. Ce n'est
pas parce qu'il y aura cette structure qu'elle va nécessairement jouer
en faveur des zones défavorisées. Nous pourrons dire, nous, les
Montréalais, que nous serons désormais équipés sur
le plan scolaire, sur le plan de la structure, pour avoir une politique de
rattrapage, si nous en voulons une. Mais il restera toujours que l'essentiel de
l'oeuvre viendra d'une part du ministère de l'Education et aussi d'autre
part des 15 commissaires au conseil scolaire de l'île.
Mais nous ne savons pas quelle sera la mentalité qui
prédominera chez ces quinze membres. Je veux mettre en garde tous les
citoyens qui espèrent beaucoup de cette nouvelle structure, qui comme
nous adhèrent au principe de cette nouvelle structure, de ne pas penser
que la bataille est gagnée. Et je le dis au président de la
centrale syndicale encore pour quelques jours qui a
préconisé le deuxième front.
Je pense que, pour ce deuxième front, c'est une victoire que
d'obtenir cette structure-là. Mais aucun organisme populaire de
Montréal ou aucun citoyen soucieux de voir s'installer à
Montréal une politique de rattrapage ne doit considérer la partie
gagnée, parce que désormais il y aura une structure scolaire
unifiée. Il faudra veiller attentivement, au niveau des commissaires que
nous élirons dans nos quartiers, à ce que cette idéologie
prédomine vous voyez que les chances continuent à diminuer
au moment où on se met à jouer avec la structure
espérer que cette majorité se reflète également au
conseil scolaire de l'île et que les quatre nominations gouvernementales
ne viennent pas contrecarrer un souffle qui aurait pu survenir à travers
les onze issues des commissions scolaires.
On commence à mettre beaucoup de si pour finalement
espérer une politique que tout le monde souhaite, et le ministre de
l'Education, j'en suis convaincu, est le premier à la souhaiter. Je dis
que, sur le plan législatif et dans le corridor très
étroit que nous réserve l'étude d'un projet de loi, qui
porte sur une structure d'organisation scolaire, tous les membres le veulent.
Je ne tiens aucun compte des partis politiques, je suis convaincu que les
quatre partis sont intéressés à ça, sauf que nous
ne pouvons pas l'inscrire dans le projet de loi autre que de dire: Eh bien, au
moins les instruments seront là. Il existera désormais un conseil
scolaire fort qui pourra, s'il le veut, décider d'avoir une politique
générale prioritaire pour quatre ou cinq ans dans un domaine ou
dans l'autre.
Mais je le dis à vous, la CSN, au Conseil central de
Montréal, chez qui je sais que c'est une priorité, comme aux gars
de l'Alliance qui vont venir témoigner demain, à tous ceux qui
oeuvrent dans ce sens-là à Montréal, on peut se battre
comme des damnés pour que le conseil scolaire soit véritablement
fort et puisse imposer sa volonté à des commissions scolaires
riches actuellement et qui seraient rebelles à une politique sociale
dans ce sens-là, mais la bataille ne sera pas gagnée. Et
j'espère que vous serez encore dans la CSN à ce moment-là
pour nous aider.
M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Pepin.
M. PEPIN: M. le Président, juste un mot pour vous
référer, par rapport à ce que vient de dire le
député de Saint-Jacques, à la page 14, du document 2, 606
Il). Je ne vous dis pas que ça donne toute la réponse au
problème que vous avez soulevé mais si vous pouvez aller plus
loin dans un texte législatif, prévoir tous les moyens, moi je
suis bien d'accord. Là nous avons indiqué que le conseil doit
prioritairement corriger ces disparités. C'est un moyen.
M. LE PRESIDENT: Le ministre de l'Education.
M. SAINT-PIERRE: Je voudrais simplement, moi de même, remercier M.
Pepin pour le mémoire qui me semble être très bien,
très pertinent et bien documenté; nous allons l'étudier
avec attention. J'ai noté des suggestions à la fois heureuses et
qui, je pense, vont nous permettre c'est le but de la séance
d'aujourd'hui, comme je le disais ce matin d'avoir tous ces
progrès.
M. LE PRESIDENT: Je remercie, au nom de la commission, M. Pepin et la
Confédération des syndicats nationaux pour l'excellent
mémoire qu'ils ont présenté. Nous ajournons à dix
heures demain matin alors que nous entendrons l'Alliance des professeurs de
Montréal représentée par M. Marc Rondet.
La séance est ajournée.
(Fin de la Séance: 1-7 h 59)
MEMOIRE SUR LE PROJET DE LOI 28:
LOI CONCERNANT LA RESTRUCTURATION DES
COMMISSIONS SCOLAIRES SUR L'ILE DE MONTREAL
MEMOIRE PRESENTE A LA COMMISSION PARLEMENTAIRE DE L'EDUCATION
PAR
LA CONFEDERATION DES SYNDICATS NATIONAUX ET SES ORGANISMES AFFILIES,
NOTAMMENT:
LA FEDERATION NATIONALE DES ENSEIGNANTS QUEBECOIS
LA FEDERATION DES SERVICES PUBLICS LE CONSEIL CENTRAL DES SYNDICATS
NATIONAUX DE MONTREAL
SEPTEMBRE 1971
INTRODUCTION
La Confédération des Syndicats nationaux attache une
très grande importance à la réorganisation scolaire sur
l'île de Montréal. Cette entreprise, qui a
déjà trop tardé, revêt une signification
particulière du fait que l'île de Montréal occupe
une place prépondérante dans la vie du Québec sous tous
ses aspects.
D'abord, l'éducation est la principale richesse naturelle du
Québec, celle que les Québécois peuvent contrôler le
plus complètement. C'est certainement notre plus efficace instrument de
promotion collective.
Ensuite l'organisation de l'enseignement sur l'île de
Montréal touche aux fondements mêmes de la lutte menée par
la majorité francophone du Québec pour rentrer en possession de
ses droits sur le développement de la société
québécoise sous tous ses aspects. Pour des raisons faciles
à comprendre, cette lutte sera gagnée ou perdue principalement
à Montréal.
La CSN veut se situer sur le terrain le plus rationnel possible face au
projet de réorganisation scolaire sur l'île de Montréal.
Cette rationalité n'implique pas une exposition claire et ferme des
objectifs que nous entendons défendre.
Pour bien comprendre la position de notre centrale, il est
nécessaire de rappeler la décision du Conseil
confédéral d'octobre 1969 d'exiger l'unilinguisme français
au Québec à tous les niveaux. Toujours en octobre 1969, le Bureau
confédéral de la CSN se prononçait contre le projet de loi
63: "L'appui de la CSN à toute législation touchant la langue ne
sera jamais acquis tant et aussi longtemps que le français n'aura pas
été promulgué la langue nationale du Québec et que
les dispositions législatives devant en assurer la promotion n'auront
pas été sanctionnées", disait entre autres la
proposition.
Ceci étant établi, nous voulons insister sur le fait que
la langue d'enseignement n'est pas le seul aspect important dans le projet de
loi 28. Au moins aussi fondamental nous apparaît le problème de
l'inégalité criante dans la répartition des ressources
entre les quartiers défavorisés et les autres quartiers de
l'île de Montréal. Etre démuni en français
n'est pas plus réjouissant que de l'être en anglais ou en grec.
Nous exigeons de façon pressante des mesures établissant un
système de rattrappage pour les quartiers défavorisés.
Un troisième point fondamental attire notre attention dans le
projet de loi 28: le jeu démocratique se trouve faussé par
l'intrusion constante, tatillonne et indue du gouvernement central
québécois dans l'administration de la chose scolaire sur
l'île de Montréal. Nous rejetons cette tutelle du ministre et du
cabinet sur la population de l'île.
Enfin, comme centrale syndicale, tout l'aspect des relations de travail
nous concerne au plus haut degré. Or, les problèmes posés
par l'intégration du personnel dans les nouvelles structures nous
semblent avoir été négligés dans le projet de loi
28. Nous comptons bien exposer clairement nos exigences quant au sort fait aux
travailleurs dans le cours de cette réorganisation scolaire.
Bref, la CSN veut établir clairement que: 1) même si la
réorganisation scolaire sur l'île de Montréal ne saurait
subir davantage de retard sans que le gouvernement encoure une grave
responsabilité, nous ne croyons pas que le projet de loi 28, dans sa
rédaction actuelle, réponde aux exigences de la majorité
de la population de l'île de Montréal; 2) si le gouvernement
devait à nouveau faire fi de la volonté et des
intérêts de la population, comme il l'a fait pour la loi 63, il
pertuberait dangereusement la vie socio-politique sur l'île de
Montréal.
1. LE RATTRAPAGE DES QUARTIERS
DEFAVORISES
Depuis quelques années, des études sont venues confirmer
ce que tout observateur le moindrement lucide pouvait percevoir: l'école
n'est pas adaptée aux besoins spécifiques des milieux
défavorisés. Plus brutalement, force nous est de conclure que
l'école et le système d'éducation en général
ne font qu'entretenir la situation de marginalité des citoyens de ces
milieux. De fait le système d'éducation actuel ne fait que
maintenir les défavorisés dans leur état de
non-participation aux bénéfices de la société
développée.
Que ce soit les études de la CE.CM. sur l'école en milieu
défavorisé (1), que ce soit les recherches du Docteur Marsan et
des services de santé de la ville de Montréal (2), que ce soit
les recherches d'un groupe de psychologues de l'université de
Montréal sur l'école en milieu défavorisé (3), les
conclusions sont les mêmes: l'école est complètement inapte
à jouer son rôle de promotion sociale et individuelle dans ce
milieu. On a cru longtemps que c'était le milieu lui-même qui
rejetait l'école: on sait maintenant que c'est plutôt
l'école qui rejette ce milieu.
Bien qu'on ait pris conscience de cet état de choses depuis
quelque temps, à la C.E.C.M. entre autres, on est encore très
loin d'avoir mis en oeuvre les mesures propices à le corriger, ni
même d'avoir situé le problème dans sa véritable
perspective.
(1) "L'école en milieu défavorisé" Claude
Hébert, C.E.C.M., 1969.
(2) Le Devoir, 21 juillet 1971, page 1.
(3) Le Devoir, 14 septembre 1971, page 5.
Il faut donc instaurer un mécanisme efficace de rattrapage.
D'abord, installer sur l'île de Montréal une véritable
autorité scolaire avec mandat et pouvoir d'effectuer un transfert net de
ressources vers les quartiers défavorisés. N'ayons pas peur de le
dire, il faut pour un temps instituer un excès en sens contraire de
celui qui a joué historiquement à Montréal, geler pour un
temps les nouveaux investissements ailleurs, pour les concentrer dans une
opération de rattrapage intensif dans les quartiers
défavorisés.
Mais attention! Le rattrapage quantitatif n'est pas à lui seul
suffisant, loin de là. Des expériences américaines l'ont
démontré (1): il est illusoire de croire que les
défavorisés rattraperont les favorisés par la seule
injection d'argent nouveau et la seule augmentation des équipements. Il
faut permettre à la population du milieu défavorisé de se
donner des objectifs propres sur le plan de l'école et des moyens
originaux de les atteindre.
Cet objectif exige que soit prévu dans le projet de loi un
partage judicieux et équilibré des pouvoirs entre le conseil
scolaire et les commissions scolaires. Donner au conseil tous les pouvoirs
nécessaires à une coordination et une planification du
fonctionnement et du développement de l'enseignement sur l'île de
Montréal, tout en laissant aux commissions scolaires les pouvoirs
nécessaires pour orienter la pédagogie selon les
caractéristiques du milieu que l'école doit desservir.
(1) Center for Urban Education: District Decentralized Programs.
Evaluation of ESEA, Title I, Projects in New York City, 1968-1969,...
ESEA : Elementary and Secondary Education Oct. 1968.
Recommandations
Que priorité soit donnée, dans le projet de loi 28, au
rattrapage des quartiers défavorisés;
Qu'en ce sens soit établie une véritable autorité
scolaire régionale, avec mandat et pouvoirs d'instaurer un programme
accéléré de rattrapage en terme de transfert de ressources
vers les commissions scolaires défavorisées
(singulièrement, les commissions no 1, 4, 7);
Qu'en plus soit instaurée une décentralisation des
décisions au niveau local afin de permettre aux citoyens
concernés de se donner des objectifs pédagogiques propres et des
moyens originaux de les atteindre.
2. LE FRANÇAIS, LANGUE D'ENSEIGNEMENT ET DE
COMMUNICATION
Nous affirmons le droit de la collectivité
québécoise à conserver sa langue. Nous soutenons que c'est
sur l'île de Montréal que la langue de la majorité est le
plus menacée et que c'est là que la bataille entreprise pour en
faire un instrument d'affirmation collective sera gagnée ou perdue.
Ainsi, ce n'est pas parce que les anglophones ignorent la langue
française qu'il faut plonger toute la population dans un
dédoublement de structure au plan linguistique. Nous considérons
normale et juste l'obligation pour les anglophones occupant des postes dans
l'administration
scolaire québécoise d'être bilingues. Il ne faut pas
consacrer les privilèges indus de la minorité anglophone. Si la
langue officielle d'enseignement et de communications écrites et
parlées dans l'administration scolaire n'est pas le français, une
grande partie des cadres francophones devra être bilingue, limitant ainsi
l'accès à des postes importants de personnes compétentes
et parlant la langue de la majorité. Nous sommes plutôt d'avis que
l'ignorance de l'anglais ne doit en aucune façon constituer un obstacle
à la promotion des cadres francophones.
Le projet de loi 28 prend bien garde de traiter directement de la langue
d'enseignement et de communication. Cette précaution de style ne leurre
cependant personne. Les provisions du projet de loi 28 contiennent tout ce
qu'il faut pour constituer l'île de Montréal en district bilingue
sur le plan scolaire. Bien plus, le projet de loi 28 contient tout ce qu'il
faut pour conférer au gouvernement les pouvoirs d'imposer ses
décisions envers et contre toute volonté contraire de la
majorité de la population de l'île de Montréal.
L'obligation de nommer dans chacune des commissions scolaires un adjoint
francophone ou anglophone selon le cas, à la direction de
l'enseignement, à celle des services aux étudiants et à
celle du personnel, constitue un dédoublement de la structure qui
institutionnalise le bilinguisme et le biculturalisme sur l'île de
Montréal.
Il en est de même pour l'obligation de nommer dans chaque
commission scolaire deux sous-directeurs généraux, l'un
francophone et l'autre anglophone.
Consacrer ainsi une situation de biculturalisme et de bilinguisme va
certainement à l'encontre des intérêts de la
majorité francophone de l'île de Montréal. Cette situation
a joué historiquement contre les francophones et il est plus que temps
de la corriger.
Autre mesure qui indique la volonté du gouvernement d'imposer le
bilinguisme à la population de Montréal: l'autorité que se
réserve le cabinet de nommer deux commissaires supplémentaires
dans les commissions scolaires où le ministre jugerait que
l'élection au suffrage universel n'aura pas assuré la
représentation de la minorité. Une telle mesure, qui fausse la
représentation, constitue une forme de tutelle du ministre sur la
population de l'île de Montréal, avec comme but toujours de
consacrer un caractère de bilinguisme et de biculturalisme qui a
toujours joué contre les intérêts menacés de la
majorité francophone.
De plus, le pouvoir que se réserve le cabinet de désigner
quatre membres au conseil scolaire de l'île de Montréal, de
même que de nommer le président et le vice-président de
l'exécutif, vise à permettre au gouvernement d'imposer ses vues
bilingues et biculturelles au cas où la population viendrait à en
décider autrement.
Ces jeux arithmético-politiques ne trompent que ceux qui veulent
bien se laisser tromper. Quant à nous, tout cela ne fait que manifester
la méfiance d'un gouvernement lié aux intérêts d'une
puissante minorité envers une population qui pourrait se montrer
insoumise, c'est-à-dire désireuse de mettre un terme à une
situation injuste et dangereuse même à court terme.
Recommandations
1. QUE la langue des communications
écrites et parlées dans l'administration scolaire sur l'île
de Montréal soit le français; 2. QUE la langue d'enseignement
dans les écoles de l'île de Montréal soit le
français. L'anglais pourra être enseigné comme langue
seconde.
Cependant, conscients des difficultés inhérentes à
l'application immédiate de ce principe, nous recommandons que dans une
première étape, soit jusqu'en 1978, les commissions scolaires
offrent obligatoirement un enseignement en français aux francophones et
aux nouveaux immigrants et un enseignement bilingue aux anglophones et aux
néo-québécois ayant déjà choisi
l'enseignement en anglais.
S'il est encore besoin d'expliquer cette position, rappelons qu'en ce
qui concerne l'immigration, le comité interministériel sur
l'enseignement des langues aux néo-canadiens avait proconisé,
dès janvier 1967, l'intégration des immigrants au secteur
scolaire francophone. 3. QUE soit biffé du projet de loi le pouvoir du
cabinet de désigner deux commissaires supplémentaires dans les
commissions scolaires où le ministre jugerait que la minorité
n'est pas représentée;
QUE soit biffé du projet de loi l'obligation faite aux
commissions scolaires de donner deux sous-directeurs généraux,
l'un francophone ou anglophone, selon le cas, dans le service de
l'enseignement, les services aux étudiants et les services au
personnel.
3.DECENTRALISATION A MONTREAL DE L'ADMINISTRATION
SCOLAIRE
Des 34 articles que contient le projet de loi 28 concernant le conseil
scolaire de l'île de Montréal et son comité
exécutif, on compte 26 renvois au ministre et/ou au
lieutenant-gouverneur en conseil. Ce petit calcul ne donne même pas la
mesure de la limitation réelle du pouvoir du conseil scolaire par
Québec.
Nous considérons que l'élection au suffrage universel des
commissaires du conseil scolaire et des commissions scolaires leur
confère un caractère de représentativité suffisant
pour que ces organismes soient autonomes par rapport à Québec.
Qu'ils soient responsables à la population qui les élit suffit,
de façon générale, à assurer le contrôle
démocratique de l'administration scolaire sur l'île de
Montréal.
Que le ministère de l'Education s'assure que ses normes
pédagogiques et administratives minimales soient observées, nous
croyons que c'est normal.
Que le gouvernement s'assure que l'administration scolaire sur
l'île de Montréal se fasse selon les règles de la
démocratie et de la légalité, c'est aussi normal.
Mais il est anormal et abusif que le ministre ou le cabinet
s'ingèrent indûment et continuellement dans l'administration de la
chose scolaire sur l'île de Montréal de façon à
fausser le jeu démocratique et la représentativité des
responsables devant la population qui les élit.
Ainsi, nous nous opposons à ce que le lieutenant-gouverneur en
conseil désigne quatre commissaires au conseil scolaire de même
que le président et le vice-président de l'exécutif de ce
même conseil. Cela aussi équivaut à une tutelle du
gouvernement et du ministre sur la population de l'île de
Montréal.
Bien plus, le projet de loi 28 prévoit que les commissaires
élus par la population et membres du conseil scolaire auraient un mandat
de trois ans, alors que ceux nommés par le gouvernement auraient un
mandat de quatre ans. Est-il besoin de démontrer plus clairement la
volonté du gouvernement de s'assurer le contrôle du conseil
scolaire?
Il y a plus: le projet de loi 28 prévoit le remplacement par 1/3,
à chaque année, des commissaires des commissions scolaires
locales. Cela vaut aussi pour les commissaires qui auront été
désignés au conseil par leur commission scolaire. On peut se
demander pourquoi ce qui est valable pour les échevins municipaux et les
députés ne l'est plus pour les commissaires.
Nous pensons que ce système de rotation ne peut avoir pour effet
que de diluer lamentablement l'intérêt de la population pour les
élections scolaires et de parcelliser les enjeux véritables de
ces élections. Le gouvernement aurait voulu saper à la base le
pouvoir et le caractère de continuité des instances scolaires
qu'il ne s'y serait pas pris autrement.
De plus, l'absence de réglementation concernant les
dépenses électorales exclut la participation d'une couche
importante de la société à l'administration de la chose
scolaire. Nous croyons que pour maintenir le jeu démocratique des
institutions représentatives, le projet de loi devrait prévoir
une réglementation des dépenses électorales pour les
élections scolaires comme on a commencé de le faire pour les
élections à l'Assemblée nationale. Pour accentuer
l'accessibilité de personnes de toutes les couches sociales au poste de
commissaire, nous croyons qu'il faut prévoir l'obligation pour
l'employeur d'accorder un congé avec solde à toute personne
candidate à un tel poste. Les conditions à respecter pour ce
faire pourront être précisées dans des règlements de
la loi 28.
Enfin pour ne pas dénier à la population d'une commission
scolaire le droit de choisir elle-même ses représentants, nous
nous opposons à ce que le lieutenant-gouverneur en conseil
procède à la nomination du représentant d'une commission
scolaire au conseil scolaire dans le cas où une commission ne
procéderait pas à la nomination ou au remplacement de son
représentant dans le mois qui suit l'élection ou la vacance (art.
600 et 605). Nous réclamons que dans ce cas, le lieutenant-gouverneur en
conseil décrète de nouvelles élections. Si elles
génèrent la même confusion, la commission scolaire
concernée sera mise sous tutelle par le conseil scolaire.
Recommandations
QUE le conseil scolaire soit composé des seuls
représentants désignés par et parmi les commissaires de
chacune des commissions scolaires;
QUE l'exécutif du conseil scolaire soit choisi par et parmi les
commissaires désignés par chacune des commissions scolaires pour
les y représenter;
QUE l'exécutif soit composé de cinq personnes, dont un
président et un vice-président; QUE tous les commissaires soient
élus à tous les trois ans pour un mandat de trois ans;
QUE le projet de loi 28 prévoie une réglementation des
dépenses électorales du genre de celle en vigueur pour les
élections à l'Assemblée nationale;
QUE dans le cas où une commission scolaire ne procède pas
à la nomination ou au remplacement de son représentant au conseil
scolaire dans le mois qui suit l'élection ou la vacance, le
lieutenant-gouverneur en conseil décrète de nouvelles
élections. Si ces élections génèrent la même
confusion, que la commission concernée soit mise sous tutelle par le
conseil.
4. CENTRALISATION ADMINISTRATIVE ET
DECENTRALISATION PEDAGOGIQUE SUR L'ILE DE MONTREAL
Selon les provisions du projet de loi 28, le conseil scolaire se voit
pris entre l'arbre et l'écorce, limité qu'il est dans ses
pouvoirs par le gouvernement du Québec d'une part et les commissions
scolaires locales d'autre part.
Nous croyons fermement qu'une telle situation ne peut être que
néfaste à une saine administration de la chose scolaire sur
l'île de Montréal. Nous avons déjà traité de
la question des pouvoirs du conseil scolaire par rapport au ministre et au
lieutenant-gouverneur en conseil. Mais la répartition des pouvoirs et
prérogatives entre le conseil scolaire et la commission scolaire
revêt une importance non moins grande.
Nous réclamons que le conseil scolaire soit une véritable
autorité scolaire au plan régional, avec tous les pouvoirs
nécessaires à une planification du fonctionnement et du
développement de l'enseignement sur l'île de Montréal.
En traitant de la question du rattrapage des milieux
défavorisés, nous avons déjà revendiqué pour
le conseil scolaire le mandat et les pouvoirs nécessaires pour
présider à une plus juste répartition des ressources sur
l'île de Montréal. Cette raison suffirait à elle seule
à justifier notre revendication pour une centralisation des pouvoirs
administratifs et financiers au conseil scolaire. Mais il y en a d'autres.
La nécessité évidente d'assurer une coordination
des activités de toutes les administrations scolaires de l'île
joue dans le même sens. Aussi bien pour ce qui concerne le personnel que
les équipements, le nombre et la diversité des institutions et
des personnes en cause ne peuvent tolérer d'écarts sensibles,
étant donné d'autre part la limitation des ressources disponibles
et l'urgence impérative de procéder à leur affectation
d'une façon plus juste et équitable que ce ne fut fait
jusqu'à présent.
A cette fin, le conseil scolaire doit devenir l'employeur unique,
l'unique propriétaire des biens meubles et immeubles et le seul
négociateur des subventions gouvernementales. Bref, il doit avoir la
responsabilité claire et entière de toute l'administration autre
que pédagogique. Ces dispositions n'impliquent pas que le conseil
scolaire, une fois établies ses normes et règles de
fonctionnement, ne puisse déléguer ses pouvoirs de gérance
à l'échelon local, celui des commissions scolaires. Nous exigeons
seulement que le conseil ait les moyens de réaliser les tâches que
nous avons définies plus haut.
D'autre part et corollairement, nous exigeons une véritable
décentralisation au plan pédagogique sur l'île de
Montréal. Cela implique que l'administration pédagogique, les
activités didactiques, bref tous les pouvoirs qu'il n'est pas
nécessaire de concentrer au niveau du conseil scolaire pour qu'il puisse
réaliser ses fins propres, doivent relever des commissions scolaires
locales.
Nous avons déjà dit plus haut que la population des
milieux défavorisés doit avoir le loisir de se fixer des
objectifs différents avec des moyens originaux de les réaliser,
afin de rendre l'école adéquate à la vie de ces milieux.
De façon plus générale, toute collectivité locale
doit de même pouvoir choisir les orientations pédagogiques dans
ses écoles. Il s'agit de rapprocher l'école du milieu.
A cette fin, la nature et les pouvoirs des comités d'école
revêtent une importance primordiale.
Enfin, il faut constituer des comités d'utilisation sociale de
l'école, chargés de proposer à la commission scolaire un
plan d'utilisation complémentaire de l'équipement scolaire, pour
des fins socio-culturelles communautaires. L'école doit être
considérée comme un outil ou un équipement appartenant
à la communauté et au service de la communauté. Ainsi, une
fois utilisée aux fins de l'enseignement aux enfants d'âge
scolaire, l'école, si elle est libre, doit être mise à la
disposition des citoyens comme un moyen de parfaire leur formation ou leur
information ou encore de se livrer à des activités, à
l'échelle de l'arrondissement, comme citoyen de la
communauté.
Recommandations
QUE le conseil scolaire soit une véritable autorité
scolaire au plan régional;
QU'il ait le mandat et les pouvoirs d'assurer une planification du
fonctionnement et du développement de l'enseignement;
QU'il ait le mandat et les pouvoirs d'assurer une coordination des
différentes administrations et une répartition des ressources
conséquentes avec les priorités qu'il détermine;
QU'il soit l'unique employeur au sens du Code du Travail et le
propriétaire unique des biens mobiliers et immobiliers;
QU'il soit l'unique négociateur des subventions
gouvernementales;
QU'il soit chargé de présenter un budget annuel
équilibré, intégrant les prévisions de
dépenses des commissions scolaires qu'il aura approuvées;
QU'il présente des états financiers annuels,
intégrant les rapports de dépenses des commissions scolaires;
QU'il soit seul habilité à recevoir tout don, legs ou
autres libéralités;
QU'il verse chaque année, aux dates qu'il détermine, les
montants requis pour permettre aux commissions scolaires d'effectuer leurs
dépenses courantes de fonctionnement;
QUE le conseil soit le détenteur des pouvoirs et
prérogatives non spécifiquement reconnues aux commissions
scolaires;
QUE les commissions scolaires soient de véritables
autorités locales au plan pédagogique;
QU'au niveau des règlements de la loi, on prévoie que tout
citoyen, sans distinction, peut faire partie du comité d'école,
les parents demeurant les seuls électeurs;
QUE soient formés des comités d'utilisation sociale de
l'école, chargés de soumettre à la commission scolaire un
plan d'utilisation de l'équipement scolaire à des fins
socio-culturelles communautaires.
5. LA DECONFESSIONNALISATION DES STRUCTURES
SCOLAIRES
Le projet de loi 28 prévoit des commissions scolaires
unifiées, donc non-confessionnelles. Il prévoit par contre la
constitution d'un comité catholique et d'un comité protestant
pour chacune des commissions scolaires. Ces comités sont chargés
de veiller à l'application des règlements du comité
catholique ou du comité protestant du Conseil supérieur de
l'éducation pour les écoles de leur commission auxquelles ils
sont applicables. Ce sont donc les écoles qui seront
confessionnelles.
Dans le contexte pluraliste de l'île de Montréal, il nous
apparaît que pour assurer des services équitables à tous
l'école devrait être non-confessionnelle. Le rapport Parent
proposait dès 1966 d'ouvrir les écoles neutres à
Montréal, sinon de créer une commission scolaire neutre. Notre
position nous apparaît plus simple.
En effet, les écoles protestantes sont déjà neutres
de facto. Chez les catholiques, la situation a considérablement
évolué et continue de le faire de façon
accélérée. Les faits ont précédé la
loi dans ce domaine et, au moins au niveau secondaire l'enseignement religieux
n'est souvent que l'enseignement d'une morale ou une discussion sur la vie.
Nous demandons donc que l'école soit multiconfessionnelle, i.e.
que l'horaire des cours doit prévoir des périodes pour
l'enseignement religieux ou autre. Au niveau élémentaire, les
parents, chaque année, feront connaître à la direction de
l'école l'enseignement religieux ou "autre" qu'ils veulent voir
dispensé à leur enfant. Au niveau secondaire, les
élèves choisiraient eux-mêmes les cours qu'ils veulent
recevoir.
Cette solution a pour effet d'éviter la situation pour le moins
complexe proposée par le projet de loi 28 où chaque commission
scolaire devrait entretenir six genres d'écoles: catholiques
françaises, catholiques anglaises, protestantes françaises,
protestantes anglaises, "autres" françaises, "autres" anglaises.
Recommandations
QUE les écoles soient multi-confessionnelles;
QUE les comités catholiques et protestants soient abolis.
6. DECOUPAGE DE LA CARTE SCOLAIRE
Le projet de loi 28 prévoit onze commissions scolaires et quinze
commissaires par commission, pour un grand total de cent soixante-cinq
commissaires élus sur l'île de Montréal, sans compter les
deux commissaires supplémentaires que le lieutenant-gouverneur en
conseil pourra nommer le cas échéant, comme il est prévu
à l'article 583. Nous croyons qu'un si grand nombre de commissaires
n'assurera pas une meilleure représentation de la population tout en
accroissant les coûts d'administration. Si l'on considère que
l'actuelle C.E.C.M. ne compte que sept commissaires pour une population environ
quatre fois plus importante que celle d'une commission scolaire comme celles
prévues au projet de loi 28, on est en droit de se demander le pourquoi
d'une telle multiplication des commissaires. Nous croyons que le nombre de neuf
commissaires par commission scolaire serait plus convenable.
Quant au nombre de commissions scolaires, nous ne savons pas pourquoi le
projet de loi 28 en prévoit onze. Le rapport Parent en proposait sept et
le rapport Pagé treize. Nous ne savons pas sur quelles bases
géographiques et sur quels critères socio-économiques et
linguistiques s'est effectué le découpage de la carte scolaire
dans le projet de loi 28. Par exemple, la réunion de Westmount et de
Notre-Dame-de-Grâce d'une part et de St-Henri et Pointe St-Charles
d'autre part dans la commission no 4 est fondée sur quels
critères? Linguistiques? Socio-économiques?
Quoi qu'il en soit, la CSN préférerait s'en tenir au
nombre de sept, tel que proposé par le rapport Parent. Un nombre plus
restreint de commissions scolaires permettrait d'offrir des services scolaires
de qualité à un coût sensiblement diminué. Nous ne
croyons pas que la juste représentation de la population en souffrirait.
Au lieu de gonfler démesurément à cent soixante-cinq le
nombre de commissaires sur l'île de Montréal (169 si on compte les
quatre commissaires désignés au Conseil scolaire par le
lieutenant-gouverneur en conseil), nous reviendrons à des proportions
plus raisonnables avec le nombre de soixante-trois commissaires.
Enfin, nous croyons qu'il serait plus équitable de prévoir
que le découpage des quartiers électoraux à
l'intérieur des commissions scolaires soit fait, pour toutes les
commissions scolaires, par une commission indépendante d'experts se
rapportant au Conseil scolaire provisoire. Cette mesure assurerait une certaine
uniformisation des critères de découpage pour toute l'île
de Montréal et éliminerait toute possibilité de
marchandage au niveau local.
Recommandations
QUE le nombre de commissaires soit de neuf par commission scolaire; QUE
le nombre de commissions scolaires soit réduit à sept;
QUE le découpage du territoire de l'île de Montréal
en sept municipalités scolaires et celui de chaque municipalité
scolaire en neuf quartiers ou districts électoraux soit fait par une
commission indépendante d'experts formés par et se rapportant au
conseil scolaire provisoire.
7. LES RELATIONS DE TRAVAIL
Les fins du projet de loi 28 ne sont pas de régler les
problèmes concernant les employés des commissions scolaires
existantes. Cependant, l'application de la loi provoquera des bouleversements
considérables en matière de relations de travail au point qu'il
faille y accorder une attention particulière.
A première vue, le projet de loi peut sembler très
libéral en ce qu'il prévoit que tous les employés de
commissions scolaires existantes deviendront les employés soit du
conseil, soit de l'une ou l'autre des commissions scolaires nouvelles.
Le transfert de tous les employés d'une unité de
négociation à une autre, transfert qui en soi comporte de
sérieux problèmes, devrait, au sens du projet de loi, se faire
dans l'harmonie puisqu'il s'effectuera selon un plan préparé par
le conseil provisoire en collaboration avec les commissions scolaires
existantes et après que le conseil aura bien voulu effectuer les
consultations appropriées. De toute façon, les articles 36 et 37
du Code du Travail s'appliquant, personne ne sera lésé. La
réalité n'est pas si simple.
En effet, il faudrait prévoir douze nouveaux employeurs: onze
commissions scolaires et le conseil. Comme il existe déjà trois
comités de négociation dans certaines commissions scolaires: (1)
employés de bureau; (2) employés d'entretien; (3) concierges, il
faudrait prévoir également, quant au personnel de soutien,
trente-cinq unités de négociation nouvelles: trente-trois dans
les commissions scolaires et deux au conseil.
Même si les problèmes de diversité des conditions de
travail des employés peuvent être possiblement amoindris en 1973
par suite de l'uniformisation des conventions collectives dans les commissions
scolaires concernées à la suite de la négociation
provinciale, il est à prévoir que d'autres problèmes
sérieux surviendront: le choix du nouvel employeur sera-t-il
laissé à chaque employé ou y aura-t-il intégration
forcée? s'il y a choix, quels critères s'appliqueront?
le choix sera-t-il final? qui deviendra employé au conseil
et comment se fera le choix pour devenir employé du conseil?
Les employés s'interrogent déjà quant à ce
qu'il adviendrait de leurs droits d'ancienneté s'il devait y avoir,
après l'intégration, d'autres transferts d'une commission
scolaire à l'autre, comme il est prévisible que cela se
produise.
Comme les problèmes des employés ne sont pas uniquement
des problèmes de principe mais aussi des problèmes
individualisés, les employés sont inquiets. Ils se demandent
déjà dans quelle commission scolaire nouvelle sera leur plus
grande chance d'avancement, s'ils pourront travailler à proximité
de leur domicile, etc. Comme la réalité veut que la CE.C.M.
actuelle se subdivise, selon le projet de loi, dans huit commissions scolaires
nouvelles, les questions que se posent les employés et les
problèmes que l'intégration cause aux employés sont
évidents.
Outre les problèmes propres à l'intégration du
personnel, demeureront toujours les problèmes surgissant de
l'application des conventions collectives. Ces problèmes seront
amplifiés par l'existence de douze centres de décisions, de douze
procédures différentes à suivre dans la discussion des
problèmes parce qu'il y aura douze employeurs.
La multiplication des employés de cadres, en plus de coûter
une fortune, engendrera un fouillis inextricable tant sur le plan de la
recherche de solutions que sur celui des interprétations et des
solutions à apporter à des problèmes de même
nature.
Pour éviter la multiplication des problèmes et pour
assurer que les droits et intérêts des employés seront
intégralement respectés, la loi doit stipuler clairement quatre
choses:
I- Le conseil est l'employeur unique au sens du Code du travail. Tous
les employés étant au service d'un seul employeur, seront
éliminés du coup tous les problèmes de transfert
définitif. Il sera alors question de mobilité du personnel au
service de l'une ou l'autre des commissions scolaires sans que le statut de
l'employé soit affecté. Il restera à établir avec
cet employeur les règles d'affectation du personnel, soit au service du
conseil, soit au service de l'une ou l'autre des commissions scolaires
nouvelles. Pour ce faire, la loi doit donner au conseil le mandat de
négocier avec les syndicats concernés.
Il nous semble en effet que les droits des employés ne peuvent
être bien défendus que par les associations syndicales qui les
représentent et qu'il n'est que juste que ces associations participent
directement au processus d'intégration du personnel dans les nouvelles
structures. Les questions d'affectation, de réaffectation,
d'ancienneté, de mobilité, de droits acquis, de conditions de
travail, etc., doivent être discutées par les syndicats afin
qu'ils prennent une part active et responsable à la
négociation.
II Une fois l'intégration faite, le conseil embauche les
enseignants aux recommandations des commissions scolaires, qui font
elles-mêmes la sélection des nouveaux enseignants et
contrôlent le processus de perfectionnement.
III Pour éviter des problèmes additionnels, il faut
que la loi prévoie que la restructuration des commissions scolaires sur
l'île de Montréal ne soit ni l'occasion ni la cause de la mise
à pied d'un certain nombre d'employés actuellement à
l'emploi des commissions scolaires existantes.
IV La loi doit prévoir également que le conseil
provisoire doit embaucher prioritairement des personnes à l'emploi de
l'une ou l'autre des commissions scolaires de l'île de Montréal
afin d'éviter, le premier juillet 1973, un problème de surplus de
personnel parce qu'un certain nombre de fonctions seraient remplies par des
employés qui n'étaient pas au service des commissions scolaires
existantes.
Recommandations
QUE le conseil scolaire soit l'employeur unique au sens du Code du
Travail;
QUE le plan d'intégration du personnel dans les nouvelles
structures fasse l'objet d'une entente à être
négociée entre le conseil scolaire et les syndicats
représentant le personnel concerné; qu'à défaut
d'entente entre les parties, au plus tard le premier mai 1973, un tribunal
d'arbitrage spécial soit constitué pour entendre les
représentations de tous les organismes intéressés et rende
une décision exécutoire au plus tard le premier juillet 1973;
QU'aucun employé ne puisse être congédié ou
mis à pied ou subir de baisse de traitement ni de classe, à
l'occasion ou par le fait de la mise en vigueur de la loi;
QUE le conseil provisoire puise son personnel requis à même
le personnel des commissions scolaires existantes.
8. L'ENSEIGNEMENT AUX ADULTES
Il est surprenant que le projet de loi 28 néglige
complètement le secteur de l'éducation des adultes dans la
réorganisation scolaire sur l'île de Montréal. Pourtant,
les commissions scolaires existantes couvrent ce secteur et il nous
apparaît nécessaire de prévoir dans la loi l'organisation
de l'enseignement aux adultes.
D'autant plus que l'évolution socio-économique des
sociétés industrielles du genre de la société
québécoise exige de façon de plus en plus
impérative que les travailleurs deviennent professionnellement mobiles,
qu'ils se recyclent une ou plusieurs fois dans le cours d'une vie.
Il faut assurer l'organisation d'un service d'éducation
permanente complet et accessible à tous. C'est là un droit
fondamental qu'on ne peut dénier à personne.
Recommandations
QUE l'éducation des adultes soit assurée par
l'implantation d'un service d'éducation permanente dans chacune des
commissions scolaires de l'île de Montréal tel que cela existe
déjà dans les commissions scolaires régionales du
Québec;
QUE le conseil scolaire crée à son niveau une commission
de coordination et de planification formée des représentants des
services d'éducation permanente des commissions scolaires et des
comités d'éducation des adultes proposés ci-après,
ces derniers étant en majorité.
QUE cette commission ait pour fonction de recueillir les fonds des
subventions du ministère de l'Education et des autres recettes;
d'étudier les prévisions des dépenses des services
d'éducation permanente des commissions scolaires et de répartir
les fonds selon les besoins; de faciliter la collaboration entre les S.E.P. et
au besoin de coordonner certaines activités; d'organiser certains
services de recherche et de planification des ressources pouvant
bénéficier à l'ensemble des S.E.P.;
QUE soit établi dans chaque commission scolaire un comité
d'éducation des adultes formé: lo
d'étudiants-adultes inscrits aux cours du S.E.P., élus par une
assemblée générale convoquée en octobre de chaque
année, et 2o de représentants d'organismes du milieu;
QUE ce comité ait pour fonction de voir à ce que les
étudiants-adultes aient un service d'éducation répondant
à leurs besoins et qu'à cet effet il fasse à la direction
du S.E.P. toute recommandation qu'il juge pertinente aussi bien pour
l'éducation académique et professionnelle que pour les
problèmes financiers et administratifs; de participer à
l'orientation des programmes de culture populaire, d'en contrôler
l'orientation, d'accepter, rejeter ou imposer tel ou tel type de programmes,
cela à l'intérieur des normes et procédures
administratives de la D.G.E.P.; de donner leur avis sur le choix des
formateurs; d'élire des représentants à la commission de
coordination et de planification créée par le conseil
scolaire.
9. LA TAXATION SCOLAIRE
Le projet de loi 28 prévoit un nouveau système de taxation
qui remplace celui fondé sur la confession religieuse des personnes. De
plus, les rôles d'évaluation sont uniformisés.
Nous croyons que ce système est déjà plus juste que
l'ancien. Cependant, tout en acceptant ce nouveau mode de taxation comme mesure
transitoire, nous affirmons notre conviction que le système scolaire
serait plus justement et efficacement financé au moyen d'un impôt
progressif sur le revenu des particuliers et surtout des entreprises.
En effet, des calculs basés sur le recensement de 1961
démontrent que la taxation foncière fait porter aux couches les
plus démunies de la société une part proportionnellement
démesurée du coût de l'éducation: le pourcentage du
revenu familial consacré à l'impôt foncier (municipal et
scolaire) est beaucoup plus élevé pour les pauvres que pour les
riches. (Les trois classes de revenu qui supportent un fardeau relatif
dépassant la moyenne nationale sont justement celles qui ont un revenu
de moins de $4,000 par année.)
Recommandations
QUE l'on prépare dès maintenant le passage de la taxation
foncière à la taxation sur le revenu comme source de financement
du système scolaire;
QUE parallèlement on prépare une réforme globale du
régime fiscal québécois afin d'assurer une
répartition des coûts de l'éducation qui soit fonction des
revenus réels des diverses catégories de citoyens.