L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de l'éducation

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de l'éducation

Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le mardi 28 septembre 1971 - Vol. 11 N° 85

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de loi no 28 - Loi concernant la restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal


Journal des débats

 

Commission permanente de l'Education

Projet de loi no 28 Loi concernant la restructuration des

commissions scolaires sur l'île de Montréal

Séance du mardi 28 septembre 1971

(Dix heures dix minutes)

M. PILOTE (président de la commission permanente de l'Education): A l'ordre, messieurs!

Je tiens à saluer les membres de la commission ainsi que ceux qui ont des mémoires à présenter. Aujourd'hui, nous écouterons, dans l'ordre, la Corporation des enseignants du Québec, la Ligue des propriétaires de Montréal, la Société d'agriculture des comtés de Baldwin et de Jacques-Cartier, la Confédération des syndicats nationaux et l'Alliance des professeurs de Montréal. Nous suspendrons à midi et demi pour reprendre à deux heures et demie.

La parole est au ministre de l'Education.

Exposé général

M. SAINT-PIERRE: Merci, M. le Président. Avant d'aborder le projet de loi 28 et d'énoncer un court exposé, on me permettra de signaler ce qui a été fait quant au projet de loi no 27 par le gouvernement à la suite des séances de la commission. Vous vous rappelez que, collectivement, nous nous étions entendus sur un amendement qui permettait durant la période de l'été d'avoir des séances de travail. Je pense que tous les membres de la commission ont été informés des décisions du gouvernement et je suis à leur disposition pour toute explication sur ce sujet.

M. le Président, un deuxième point qui pourrait retenir notre attention et sur lequel nous pourrions peut-être, au cours de la période du déjeûner, nous entendre entre les différentes parties, c'est la question du nombre de jours de séance. Nous avions prévu, tel qu'entendu au mois de juillet, trois jours de séance que j'ai tenté d'organiser fin septembre, début octobre, et ce sont les trois jours que nous avons cette semaine. Mais compte tenu du nombre d'organismes qui ont exprimé le désir d'être entendus par la commission, il semble nécessaire d'avoir peut-être d'autres jours de séance. J'ai, avec le leader du Parlement, obtenu quelques dates que nous pourrions discuter à l'heure du déjeûner et je vous laisse comme suggestion vendredi matin de cette semaine où la commission pourrait siéger jusqu'à midi et demi et la possibilité de dates ultérieures que nous pourrions discuter si cela convient au programme avant la réouverture de la session, fin octobre.

M. le Président, il y a sept ans, le rapport de la commission d'enquête Parent, dans le cadre d'une nouvelle organisation du système d'éducation du Québec, proposait des mesures diver- ses dont la création de plusieurs organismes, la mise en marche de réformes pédagogiques et le regroupement des commissions scolaires du Québec. Les recommandations du rapport Parent ont, pour la plupart, été mises en oeuvre. Elles ont formé l'essentiel de notre actuel système d'éducation.

Le projet de loi no 27, adopté l'été dernier par l'Assemblée nationale, constituait l'une des dernières mesures administratives favorisant un développement plus harmonieux de notre système scolaire. Cependant, un autre projet tout aussi important pour un fort groupe de citoyens québécois se trouve aujourd'hui devant l'Assemblée nationale. Essentiellement tracé à la suite du rapport Parent par le comité Pagé, dont le rapport était déposé en octobre 1968, le projet de loi no 28 définit la restructuration scolaire de l'île de Montréal.

Il a donné lieu à nombre de discussions passionnées dès le dépôt du rapport Parent, celui du rapport Pagé, puis le dépôt à l'Assemblée nationale du projet de loi no 62, par le ministre de l'Education de l'époque, M. Jean-Guy Cardinal, ainsi que des séances de la commission parlementaire de l'Education qui avait, à l'époque, entendu les mémoires de différents organismes.

Il y a sept ans que la population du Québec a pris connaissance du projet de restructuration scolaire de Montréal. Il y a sept ans que se poursuivent les palabres sur ce thème. Les objectifs du projet de loi ont été discutés et adoptés par deux gouvernements au moins comme des objectifs valables.

Aujourd'hui, nous sommes sur le point de passer à l'action afin de réaliser une restructuration dont je voudrais évoquer schématique-ment les avantages. Les avantages que le gouvernement croit voir découler d'une restructuration scolaire de l'île de Montréal constituent les objectifs essentiels de ce projet.

Ce sont les suivants: 1. Assurer l'équilibre administratif entre les diverses corporations scolaires de l'île; 2. Voir à une répartition équitable des ressources en fonction de la communauté de l'ensemble du territoire de l'île de Montréal, sans distinction de religion, de race ou de fortune; 3. Compléter un plan de rationalisation administrative amenant une décentralisation des services du ministère de l'Education; 4. Doter l'île de Montréal d'un système scolaire où jouent harmonieusement les mécanismes démocratiques. Le projet de loi no 28 prévoit en effet l'élection des commissaires par toute la population dans chaque territoire scolaire. 5. Favoriser les échanges de cours, de services et d'enseignants entre les divers groupes qui forment la population de l'île de Montréal.

Ces objectifs, le gouvernement actuel les a acceptés. Nous ne sommes donc pas ici aujour-

d'hui pour les remettre une fois de plus en question, pour exprimer des points de vue particuliers d'individus ou de groupes. Nous ne sommes pas non plus ici pour ouvrir une querelle constitutionnelle qui intéresse assez peu la population en général et qui n'est qu'une diversion menant sur un terrain ésotérique, et privilégier une discussion qui devrait être un échange général où on ne perd jamais de vue le bien commun des Québécois et spécialement des enfants qui fréquentent le système scolaire montréalais.

J'invite, au cours des jours qui viennent, divers groupes intéressés à soumettre des recommandations, à évaluer avec nous l'aspect législatif d'une importante mesure administrative afin que la loi qui doit en découler remplisse vraiment ses buts sans brimer une ou l'autre des parties de la population.

Lors de la commission parlementaire sur le projet de loi no 27, le gouvernement a modifié considérablement son projet initial en tenant compte de nombreuses recommandations qui nous furent soumises en cours de route par des mécanismes comme celui que nous utilisons en ce moment.

Nous sommes prêts, de la même façon, à amender le projet de loi no 28 si l'on nous offre des opinions susceptibles d'améliorer le contenu pratique de cette loi. Je souhaite que les discussions soient constructives et qu'elles ne s'étendent pas sur des thèmes politiques. Il faut espérer aussi qu'elles ne soient pas mues par la défense d'aucun privilège, mais se déroulent en fonction du mieux-être de la majorité des habitants de l'île de Montréal.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.

M. CARDINAL: M. le Président, le projet de loi no 62, qui a enfanté le projet de loi no 28, si on peut s'exprimer ainsi, avait été déposé au mois d'octobre 1969. Des commissions parlementaires ont tenu des séances jusqu'au mois de mars 1970 et de nombreux groupes ont été entendus.

Je suis heureux d'entendre le ministre dire qu'il n'a pas l'intention de politiser la question, parce que, malheureusement, je dois rappeler que lors des réunions de cette commission parlementaire, l'ancien député d'Ahuntsic, qui était le critique officiel de l'éducation, avait sans cesse retardé les travaux par des interventions d'ordre politique. Je rappellerai, par exemple, que l'Opposition d'alors nous avait longuement critiqués parce qu'on nommait le président du Conseil métropolitain. Je suis surpris de constater aujourd'hui que le gouvernement, dans son projet, nomme le président, le vice-président et quatre membres, si je ne me trompe. Mais je ne veux pas justement retomber dans ces discussions stériles et négatives.

Je serai très bref. Je souligne le côté positif du projet que nous présente le gouvernement et j'aurai quelques brèves critiques qui pourront nous aider peut-être, comme on l'a fait pour le projet de loi no 27 à amender le projet de loi no 28.

L'aspect positif, c'est que les objectifs que le gouvernement poursuit sont sensiblement les mêmes que ceux qui sont indiqués dans le rapport Parent, le rapport Pagé et dans le projet de loi no 62. A quelques termes près, les mêmes vues sont poursuivies. Par conséquent, nous serions mal venus, nous de l'Union nationale, de l'Opposition officielle, de ne pas être d'accord sur le principe du projet de loi. Nous sommes cependant en première lecture; il n'y a pas eu de débat de deuxième lecture et je ne pense pas que ce soit ici l'endroit pour faire le débat de deuxième lecture. Le ministre et les autres députés représentants de chacun des partis pourront prendre le temps qui leur est permis par les règlements de l'Assemblée nationale pour le faire.

Le côté négatif du projet tel qu'il se présente à première vue me parait être, premièrement que le Conseil métropolitain qui devait posséder l'équipement ne semble plus, d'après le nouveau projet, avoir ce même pouvoir. Je crains que l'on ne retourne dans la même situation et qu'on tourne en rond parce que ce sont les commissions scolaires qui, chacune dans son secteur, vont conserver leurs écoles, au sens d'édifices en brique ou en pierre ou en bois, selon les quartiers. Ceci me paraît dangereux à Montréal parce que c'est justement un des problèmes. Je pense, par exemple, aux enfants handicapés; je pense à certains secteurs défavorisés. On pourrait multiplier les exemples.

Deuxièmement : le conseil me semble devenir — je m'excuse pour l'expression — une espèce de fantoche, en ce sens qu'il va émaner en grande partie du gouvernement et que d'autre part ses pouvoirs sont diminués au profit des commissions scolaires que j'appelle locales ou régionales. L'expression a peu d'importance.

Le troisième point qui me frappe, c'est que, dans l'intention, bonne, du ministre ou du gouvernement de protéger certaines minorités, on va faire jouer la démocratie d'une façon assez paradoxale, en ce sens qu'on va accepter la démocratie pourvu qu'elle ne vienne pas — le ministre a employé l'expression tantôt; je la répète — attaquer certains privilèges. C'est ce droit du gouvernement de nommer deux personnes, si on n'est pas content du résultat des élections. Si on appliquait ce régime-là en matière municipale ou en matière provinciale, ça créerait un assez drôle de résultat.

Autre critique, c'est qu'il existe déjà un fameux projet de loi, qui est devenu loi et qui a été longtemps discuté. C'est pendant l'étude de ce projet de loi qui s'appelait le projet de loi no 63, que le projet de loi no 62 a été déposé. Les deux formaient un diptyque, d'ailleurs, et le gouvernement d'alors était entièrement d'accord sur ce sujet. Dans cette loi, des garanties déjà ont été données. Or, on vient ajouter dans

le nouveau projet no 28 ce qui me semble des dédoublements. Par exemple, ce conseil catholique et ce conseil protestant qui viennent dédoubler le comité catholique et le comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation.

On vient ajouter d'autres garanties; je ne veux pas être très technique et repasser tout le projet qui est assez long. Je souligne ces points au ministre en partant pour qu'il y repense avant la deuxième lecture et avant la troisième lecture et en comité plénier, lorsqu'on verra le bill article par article.

Il y a un autre aspect — et c'est le dernier, M. le Président, avec votre permission, que je vais souligner — c'est l'aspect syndical. Je ne sais pas quelle va être la réaction des divers syndicats. Je ne sais pas si le ministre pourra éventuellement répondre à cette question-là: Est-ce que la négociation se fera au niveau du comité métropolitain, au niveau des onze arrondissements, au niveau provincial, indépendamment du comité métropolitain ou des commissions scolaires? Ceci, je le regrette — à moins que je n'aie pas compris — ne me parait pas évident dans le projet de loi et peut, dans l'avenir — surtout lorsque nous sommes en période de négociations, ce qui est le cas présentement — créer des difficultés.

On se rappelle la question du classement des enseignants. On se rappelle que la question a été soulevée une seconde fois à l'occasion du projet de loi no 27. Je me permets de le rappeler au ministre aujourd'hui.

M. le Président, c'étaient des remarques purement préliminaires que je voulais faire ce matin, en matière d'éducation au nom du parti que je représente. Mes collègues qui m'accompagnent pourront compléter, s'ils le désirent, comme les membres des autres partis.

Je remercie le ministre de nous avoir fait cet exposé du début et je vous remercie, M. le Président, de m'avoir permis de m'exprimer avant qu'on ne commence les travaux.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.

M. BROCHU: Simplement quelques brèves remarques, M. le Président, au nom de mon parti. En fait, le bill de ce matin n'est pas tout à fait nouveau dans sa conception, puisqu'il est le pendant de certaines études et de certaines recherches qui ont été effectuées par le passé.

Le bill 28 se rapporte aussi à plusieurs principes tantôt administratifs, tantôt éducatifs comme tels avec certaines incidences linguistiques et même constitutionnelles.

Cependant, à mon sens, ce n'est pas le moment d'entrer dans les interprétations de tous ces aspects puisque nous sommes réunis surtout pour entendre les différents groupes désireux de faire des représentations et qui auront soit à jouir de l'application de la loi ou encore à la subir.

J'aimerais simplement, M. le Président, à ce moment-ci, émettre le voeu que les sessions de la commission parlementaire que nous tenons à partir de ce matin soient fructueuses et que l'on tienne vraiment compte des remarques et des critiques qui seront soumises par les différents corps qui ont exprimé le désir de se faire entendre.

Pour ma part, je me réserve le droit de faire, un peu plus tard, si vous voulez, à la lumière des différentes suggestions et des différentes remarques qui nous seront soumises, une analyse plus complète et plus profonde du bill 28 comme tel et de son application.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, nous avons eu l'occasion, hier, de rendre public le fruit de l'analyse que notre parti a menée sur le projet de loi no 28, d'immédiatement faire connaître, avant le début des travaux de la commission, les principes essentiels qui nous semblaient protéger et ceux qui ne nous semblaient pas protéger, dans le projet de loi no 28, ceux pour lesquels nous étions prêts à engager la lutte.

Si nous avons fait cela hier, ce n'est pas par désintéressement de la commission, au contraire. Nous avons bien signalé, à ce moment-là, que nous gardions une ouverture quant aux modalités, mais il nous semblait essentiel, en tant que parti politique, particulièrement sur l'île de Montréal, de faire . connaître notre opinion et notre analyse de là situation. D'autant plus que le principe du projet de loi, celui de l'unification des commissions scolaires, celui de l'unification pédagogique de l'élémentaire et du secondaire, figurait au programme de notre parti depuis 1969. C'est donc dire que, là-dessus, nous ne faisions qu'expliquer, dans le corridor que nous fixait le projet de loi gouvernemental, notre appréciation de chacune des modalités.

Ce que nous avons fait, M. le Président, et ce que nous allons faire devant les témoignages des différents membres de la commission, les questions que nous allons leur poser, de même que les vérifications d'opinions qu'ils seront bien gentils de nous permettre de faire, c'est de vérifier une opinion que nous avons développée sur le projet de loi. Si le principe du projet de loi vaudra notre adhésion en deuxième lecture, nous avons exprimé, hier, des craintes quant aux modalités qui, si elles devaient rester telles qu'elles figurent actuellement dans les différents articles du projet de loi, pourraient complètement contrecarrer le principe qui vaut, je pense, l'adhésion de tous les groupes montréalais, à l'exception des ardents défenseurs de privilèges.

C'est-à-dire que nous pourrions souhaiter, par exemple, une union, une unification législative, ce que nous vaudrait l'adoption du principe du projet de loi, mais que, dans les faits, dans le déroulement quotidien, soit du

conseil scolaire, soit des différentes commissions scolaires ou même des comités d'écoles, la réalité soit tout autre que la lettre de la loi.

Il nous est apparu, à la lecture et à l'analyse du projet de loi — et c'est ce que nous avons fait connaître hier également — que si certains articles du projet de loi devaient être adoptés tels qu'ils figurent, ce serait à plusieurs endroits d'immenses trous dans le souhait qu'a tout le monde d'un conseil scolaire et d'une unification des commissions scolaires de Montréal.

Nous l'avons soulevé, un peu comme l'a repris ce matin le député de Bagot, sur la question des droits que se réserve le ministre, par exemple, tant le droit immense et inacceptable, quant à moi, auprès du conseil scolaire, les nominations qu'il se réserve de faire à son bon droit lorsqu'une minorité n'est pas représentée, selon le texte même de la loi, au niveau des commissions scolaires, ou le rôle qu'il se trouve à se réserver, in absentia, si vous voulez, dans le fait qu'il ne donne pas plus de pouvoir aux comités d'écoles qu'il n'en donne actuellement.

Nous pourrions, tout le monde, nous gargariser, à volonté, et dire qu'enfin il y aura cette unification, que les structures scolaires contestées, démodées, depuis des années à Montréal seront modifiées. Mais quand nous allons regarder pratiquement comment fonctionnera cette nouvelle structure, nous allons nous apercevoir que les immenses trous que nous aurons laissés là au moment de l'adoption de la loi feront que, tôt ou tard, nous aurons une structure unifié sur papier mais que, dans son comportement quotidien, nous aurons laissé tellement de garanties ici et là à tel petit groupe ou à tel puissant groupe ou à telle autre catégorie confessionnelle ou linguistique que, finalement, elle ne sera unifiée que sur papier. Dans le déroulement quotidien de la vie scolaire à Montréal nous assisterons à ce quoi nous assistons à l'intérieur de la CECM actuellement, si vous voulez, à deux structures linguistiques qui, même si elles sont unifiées sur papier, fonctionnent quotidiennement, tout le monde le sait, c'est l'histoire de la CECM, de façon complètement indépendante.

Dernière remarque ou dernier exemple que j'apporte à cette théorie, c'est l'article du projet de loi, l'article des adjoints comme on l'appelle maintenant dans le vocabulaire et qui va revenir dans le débat, qui permet à la minorité locale d'une commission scolaire à quatre postes précis nommés dans la loi de se trouver un adjoint. On défendra, bien sûr, toujours selon le principe du texte et du papier, qu'il s'agit-là d'une chose tout à fait anodine, qu'il s'agit de reconnaître que là où il faudra assurer l'enseignement dans la langue de la minorité, il est normal qu'il y ait des adjoints. On défendra tous ces principes-là, sauf que tout le monde sait que, pour nous, en tout cas, cette consécration légale peut être le début d'une structure complètement indépendante et complètement parallèle.

Ce sera, sur papier, des adjoints, bien sûr, mais, dans le comportement des différentes commissions scolaires, tout le monde sait très bien que tôt ou tard ils fonctionneront de façon complètement indépendante comme ils l'ont fait à l'intérieur de la CECM. Ainsi, on aura complètement contrecarré le désir qu'on avait exprimé dès le départ.

Nous allons nous appliquer quand même, si nous adhérons au principe du projet de loi, à vérifier pour que chacun des articles du projet de loi ne soit pas, tôt ou tard, le tendon d'Achille de cette unification des commissions scolaires que nous souhaitons et que tous les organismes sur l'île de Montréal, j'espère, souhaitent. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: La parole est à M. Yvon Charbonneau, représentant de la Corporation des enseignants du Québec.

Corporation des enseignants du Québec

M. CHARBONNEAU: M. le Président, messieurs les membres de la commission parlementaire, la Corporation des enseignants avait déjà fait connaître son point de vue sur le projet de loi no 62 en février 1970. Nous avons cru bon, à l'occasion de l'étude du projet de loi no 28, de rappeler certains des principes que nous avons mis de l'avant à ce moment-là. "Puisque nous vivons en régime démocratique, disions-nous à ce moment-là, les structures administratives du système scolaire doivent être également démocratiques. Comme toutes les structures gouvernementales, elles doivent reposer sur les principes de l'élection, de la consultation et de la participation des citoyens aux décisions. Elles doivent aussi encadrer la consultation et la participation, les mesurer selon les exigences du bien commun."

Nous insistions également pour que les structures administratives soient très fonctionnelles, étant nous-mêmes des praticiens de l'enseignement aux prises quotidiennement avec les rouages que les autorités mettent en place. "Les structures scolaires administratives doivent être démocratiques et fonctionnelles." C'était là notre postulat de base. "Ces deux principes, disions-nous en substance, doivent se rejoindre au niveau bien concret d'un plan d'ensemble de développement scolaire pour le Québec. "Plan d'ensemble qui, par ses objectifs, ses étapes, son rythme de progression, assure la qualité des services scolaires à toute la population du Québec, corrige les inégalités, favorise les plus démunis et, ce qui est le plus important, crée une solidarité entre le gouvernement, les administrations scolaires, les enseignants et les parents dans la poursuite d'un authentique progrès scolaire. "Pour la corporation, il apparaît clair que la responsabilité de l'école appartient d'abord à l'Etat, non pas d'abord à des communautés, qu'elles soient linguistiques ou confessionnelles." — Je pense que les affirmations que nous

avions à ce moment-là prennent beaucoup de relief dans le débat sur le projet de loi 28. — "Dans toute la mesure où le bien commun le permet, l'Etat doit respecter les désirs de ces groupes linguistiques et confessionnels et les satisfaire dans l'organisation scolaire. Mais le bien commun pose une limite aux réponses à des revendications de cet ordre. Ce qui compte d'abord, c'est que tous les citoyens, indépendamment de leur langue et de leur religion, puissent bénéficier d'un système scolaire qui pratique la mise en commun et l'économie des ressources et qui assure à chacun la qualité de l'enseignement et des divers services scolaires susceptibles d'en faire un homme épanoui et un citoyen éclairé "

Comme application de ces principes, nous avons réclamé l'unité de l'administration scolaire et la diversité religieuse et linguistique au niveau des écoles, positions d'ailleurs reformulées par la CEQ lors de l'étude en commission parlementaire du projet de loi no 27.

Par ailleurs, il y a longtemps que nous revendiquons la pleine démocratisation du système scolaire montréalais et une participation plus large des parents dans l'administration et l'orientation de la chose scolaire. Bref, les positions de la CEQ sur le projet de loi no 28 sont basées sur les idées principales suivantes: 1- Les structures scolaires de l'île de Montréal doivent être pleinement démocratiques et affranchies, dans leur ordre, de la tutelle gouvernementale. 2- La restructuration doit assurer une répartition des responsabilités entre le ministère, le conseil scolaire et les commissions, qui favorise la mise au point et la réalisation d'une véritable planification du développement scolaire de l'île de Montréal, planification qui s'inscrit dans les cadres définis pour l'ensemble du Québec par le ministère de l'Education. 3- La restructuration doit assurer une plus juste répartition des ressources financières entre les commissions scolaires pour que tous les citoyens aient les mêmes possibilités de développement. 4- Il faut que les structures scolaires soient sans l'ombre d'un doute au service de l'épanouissement de la majorité francophone de l'île de Montréal, ce qui n'exclut pas certaines mesures tenant compte des privilèges acquis par la minorité anglophone. 5- La restructuration scolaire doit favoriser la participation des parents à la vie scolaire, une participation qui porte sur des objets de réelle importance et qui leur permette de travailler en étroite collaboration avec les enseignants. 6- La restructuration doit être fonctionnelle et prévoir des mécanismes clairs réglementant les relations de travail dans ce con texte de transformation: les travailleurs n'ont pas à faire les frais des chambardements des structures de l'employeur.

Face au projet de loi no 28, vu le peu de temps laissé par le législateur pour mener une étude en profondeur de toutes les dispositions de cette loi, la CEQ ne prétend pas pouvoir s'exprimer sur tous les aspects de cette question. De plus, certains de ses syndicats affiliés auront analysé en profondeur la réalité locale montréalaise et en seront arrivés à des conclusions concrètes sur certaines questions que nous avons convenu de ne pas traiter au niveau de la centrale.

La CEQ est satisfaite du fait que le projet de loi no 28 intègre l'enseignement élémentaire et secondaire, catholique et protestant, francophone et anglophone, sous la compétence des mêmes instances administratives. Nous y voyons un souci certain de fonctionnalité et de justice sociale, tout en déplorant cependant que le législateur n'ait pas cru le reste du Québec assez évolué pour lui accorder un système similaire. Il y a là un hiatus et une incohérence que seules des considérations politiques n'arrivent vraiment pas à expliquer, à notre point de vue.

La CEQ approuve, dans les circonstances, le mode de financement prévu pour le conseil et les commissions. Il s'agit d'une amélioration fondamentale par rapport au système de taxation fondée sur la confession des contribuables. Cependant, la réforme du financement scolaire ne devrait pas s'arrêter là; on devrait étudier la possibilité de financer l'ensemble du système scolaire québécois à même l'impôt sur le revenu, tout en évitant que les municipalités n'occupent le champ laissé libre par les commissions scolaires. Le projet de loi no 28 n'est peut-être pas l'occasion de régler la question de la fiscalité scolaire, mais nous demandons au législateur de dire ce qu'il compte faire en profondeur à cet égard.

Quant à la participation des parents à la vie scolaire, il nous semble que le projet propose des mécanismes bien orientés dans l'ensemble. La démocratie scolaire a certainement des occasions de s'exercer à travers ces mécanismes d'élection et de consultation prévus par le projet. Le déclenchement d'un véritable dynamisme scolaire montréalais pourrait probablement neutraliser la tendance centralisatrice du gouvernement et de son allié prévisible, le conseil scolaire.

Le projet de loi no 28 nous semble vulnérable, cependant, sur trois plans majeurs. Sans chercher à minimiser les éléments positifs que nous venons de souligner, nous devons tout de même dénoncer certains aspects très importants de ce projet. Une loi se mesure par ses intentions générales, certes, mais elle existe surtout par les applications concrètes qui pourront s'en faire. La CEQ constate donc, avec regret, qu'un grand nombre de dispositions de ce projet de loi reflètent des attitudes gouvernementales qui nous sont familières et qui polluent la vie quotidienne du Québec. 1. Une loi centralisatrice et paternaliste.

Le gouvernement ne se donne pas seulement

les instruments de planification nécessaires au rôle qu'il doit jouer dans l'enseignement québécois, il met en place des mécanismes qui lui permettront éventuellement d'exercer une véritable tutelle sur l'administration scolaire de la ville de Montréal. 2. Une loi colonialiste.

Le gouvernement intègre l'enseignement francophone et anglophone, mais il instaure en même temps sur l'île un véritable district bilingue où les problèmes linguistiques des Québécois ne trouveront sûrement pas de solution. 3. Un bill d'employeur.

Quant aux relations de travail, il s'agit d'un bill d'employeur. Le gouvernement, en dehors d'un respect minimum des lois générales du travail, ne s'est guère élevé au-dessus de ses relations employeur-employés pour proposer à l'Assemblée nationale une législation qui reflète l'esprit de ces lois du travail et qui protège les droits des citoyens au service des corporations scolaires existantes.

Le premier élément de notre critique porte sur les relations, en quelque sorte, entre le ministère de l'Education et les administrations scolaires mises en place à Montréal. Nous trouvons normal que le gouvernement, que le ministère de l'Education détiennent les instruments de planification nécessaires à l'exercice de leurs responsabilités. Ce qui équivaut à une utilisation rationnelle des fonds publics et à des préoccupations quant au développement global de l'enseignement.

Nous jugeons non moins nécessaire de démocratiser l'administration scolaire, de permettre l'exercice de véritables pouvoirs au niveau régional et local. Le projet de loi nous inquiète sérieusement à ce point de vue, et voici pourquoi.

L'article 11 des dispositions transitoires confère au conseil, dans la composition provisoire qui est prévue à l'article 9, des pouvoirs et des devoirs qui détermineront les orientations et le fonctionnement de l'administration scolaire de Montréal pour plusieurs années.

Or, les membres de ce conseil sont nommés par le gouvernement parmi les membres des commissions scolaires existantes. Il semble de plus que ce pouvoir de choisir ne suffise pas. Pour élargir ses possibilités, le gouvernement se donne à l'article 10 le droit de désigner quatre personnes supplémentaires à la CECM.

Il faudrait être naif à notre avis pour ne pas comprendre que les personnes choisies auront une tendance naturelle à jouer un rôle de commis du gouvernement.

Tout en constatant que la majorité des membres du conseil, dans sa composition permanente, est désignée par les commissaires d'école et qu'il s'agit d'un progrès par rapport au projet de loi précédent, il faut cependant avouer que cette amélioration isolée ne contribue pas tellement à faire disparaître le danger de tutelle — nous regrettons presque le mot "déguisée" — et ceci d'une part, pour les raisons mentionnées ci-dessus, et, d'autre part, à cause des pouvoirs et de la composition de l'exécutif et des moyens de contrôle du gouvernement.

Les pouvoirs conférés au président et au vice-président par les articles 620 et 622 englobent toute l'activité du conseil; ils s'exercent à la fois au niveau des organismes de décision et de l'administration interne.

Leur nomination par le gouvernement est un autre facteur et non le moindre qui nous porte à douter de l'autonomie du conseil dans les domaines où l'on prévoit qu'il sera autonome.

Quant à l'exécutif, nous nous interrogeons surtout sur l'opportunité de permettre au conseil de lui déléguer indifféremment n'importe lequel de ses pouvoirs. Une délégation abusive de pouvoirs ne risquerait-elle pas de réduire à néant, à toutes fins pratiques, ce conseil?

Enfin, nous réprouvons l'obligation faite au conseil d'obtenir l'autorisation du ministre pour l'adoption des règlements de régie interne et la nécessité d'obtenir l'approbation gouvernementale pour les règlements qui créent les différents services et établissent leur champ d'activité. Ces services nous apparaissent être au coeur de l'exercice des pouvoirs du conseil et nous ne voyons pas en quoi cette approbation est nécessaire à la planification gouvernementale.

Si le gouvernement doit jouer à fond son rôle de planification, sans pour autant chercher à mettre en tutelle l'administration scolaire de l'île de Montréal, l'Assemblée nationale devra amender le projet de loi no 28 de façon à clarifier les fonctions respectives du gouvernement et des instances régionales et locales. Sous des apparences de démocratisation, ce projet nous parait mettre en place certains rouages qui pourraient favoriser la bureaucratie d'Etat ou le contrôle politique.

La CEQ demande donc avec insistance au législateur de permettre que s'amorce par ce projet de loi une planification scolaire décentralisée. Depuis six ou sept ans, prétextant la faiblesse des commissions scolaires, le ministère de l'Education a beaucoup centralisé. Puisque par la loi no 27 et le projet de loi no 28 le gouvernement prétend revaloriser les commissions scolaires, le simple bon sens exige qu'il leur permette d'accomplir un travail réel dans leur ordre, un travail autre que l'exécution des directives ministérielles. Si les organismes scolaires locaux ou régionaux doivent s'inscrire sous le chapitre de la démocratisation, le ministère de l'Education devrait repenser sérieusement plusieurs de ses procédures de contrôle actuelles. Le projet de loi no 28, devrait, selon la CEQ, donner le signal de ce second volet de planification scolaire au Québec, celui où les régions seront appelées à contribuer vraiment.

LE BILL 28 ET LA LANGUE

Même si la plupart des commissions scolaires prévues par le projet de loi no 28 sont en majorité francophones, nous croyons que, dans

les faits, cette loi va contribuer à l'anglicisation de l'île de Montréal.

L'infâme loi no 63 a déjà établi la dualité linguistique et culturelle du Québec et il semble que ce bill no 28 va confirmer sur le plan des structures scolaires, le caractère de district bilingue de l'île de Montréal. On pourrait au moins espérer de ce gouvernement qu'il attende la législation fédérale sur les districts bilingues avant de courber l'échine. Alors que les Québécois francophones sont déjà conditionnés à l'anglicisation et que, particulièrement à Montréal, la prédominance de l'anglais s'accroît chaque jour dans les milieux de travail comme dans la vie sociale, selon cette loi, il y aura demain toute une portion de l'île de Montréal qui sera desservie par des commissions scolaires à majorité anglophone. C'est dire que les dizaines de milliers de Québécois francophones devront lutter chaque jour pour obtenir tous les services scolaires auxquels ils ont droit en français. Nous ne voulons pas de Sturgeon Falls au Québec; nous ne voulons pas que des Québécois francophones puissent être contraints à lutter en anglais pour l'obtention d'une école francophone au Québec.

Nous estimons que le projet de loi no 28, sournoisement, vient forcer des Québécois francophones au bilinguisme.

Comment, en effet, croire qu'un francophone unilingue arrivera jamais à se faire comprendre et à obtenir justice par une commission scolaire anglophone? Tout le monde sait qu'être bilingue à Montréal, c'est pour un Français, parler l'anglais.

D'ailleurs, le législateur reconnaît le danger que nous évoquons, puisqu'il prévoit, à l'article 583, que le lieutenant-gouverneur en conseil peut, s'il constate que la minorité francophone ou anglophone n'est pas représentée par suite d'une élection normale, nommer sur recommandation du ministre de l'Education deux autres commissaires d'écoles pour des mandats d'une année scolaire, après consultation des présidents des comités d'écoles de la minorité intéressée.

De plus, à l'article 589, le législateur propose certaines mesures de nature à assurer le bilinguisme sur le plan des services. Donc, le législateur reconnaît la possibilité, le danger que nous avons évoqué. Ces dispositions témoignent néanmoins d'uns stratégie de cataplasmes et de compromission.

D'abord, si on prévoit la nomination par le ministre de commissaires francophones dans une commission donnée, c'est qu'en fait on prévoit la possibilité d'en arriver à des commissions composées uniquement d'anglophones. Ces nominations seraient de façon flagrante des accrocs graves à la démocratie, des espèces de béquilles paternalistes destinées à canaliser la minorité francophone et les autres minorités. On ne saurait concevoir que ces commissaires complémentaires, s'il devait y en avoir, soient nommés par le gouvernement. Ils devraient être élus par les contribuables ou les comités d'éco- les de la minorité en question, s'il devait y en avoir.

Mais, sur le fond, il est impensable que le gouvernement du Québec laisse se constituer dans la réalité deux zones sur l'île de Montréal: la francophone et l'anglophone, coiffées d'un conseil scolaire forcément bilingue. Le projet de loi no 28 est, sous le chapitre de la langue, un rapiéçage et un leurre malodorant que nous dénonçons carrément.

C'est à Montréal que se joue la carte du Québec francophone. Toute lâcheté, toute compromission à ce niveau est condamnable avec la dernière énergie sur le plan des principes, sans compter la non-rentabilité économique du bilinguisme institutionnalisé, la rentabilité économique étant l'argument massue de ce gouvernement.

En conséquence, la CEQ réclame: a) que le projet de loi 28 soit amendé de façon à ce que le conseil scolaire et les commissions scolaires soient unilingues français; b)qu'en conséquence le français soit déclaré par le projet de loi seule langue officielle de travail et d'administration scolaire sur l'île; c) que les commissions scolaires puissent organiser des écoles anglophones, là où un nombre suffisant d'anglophones, déjà engagés dans le système, le désirent; d) que l'on dispense, dans ces écoles anglophones, au moins la moitié de l'enseignement en langue française; e) que les enfants des immigrants québécois soient intégrés au système francophone d'enseignement public.

Si l'Assemblée nationale ne révise pas le bill no 28 en fonction de ce minimum décent pour un Québec francophone, il faudra donner raison à ceux qui affirment que ce gouvernement serait l'instrument qui applique certaines recommandations de lord Durham au siècle dernier.

Troisième volet de notre critique: Un bill d'employeur? Titre, sous forme de question, pour le moment.

Dans les quelques dispositions du projet qui touchent aux relations de travail, nous voyons peu de souci de la part de l'Etat de protéger les travailleurs qui subiront les contrecoups de ces transformations; de plus, nous cherchons en vain une conformité avec l'esprit de nos lois générales du travail.

Les transformations consécutives à cette loi seront l'occasion des perturbations profondes pour les employés des organismes, la perspective de ces bouleversements est une source d'insécurité.

Un gouvernement attentif aux problèmes des citoyens devrait ne rien négliger pour diminuer cette insécurité et faciliter l'adaptation des travailleurs impliqués aux changements prévus.

La mention des articles 36 et 37 du code du travail et la mention de la Loi de l'instruction

publique que nous retrouvons à l'article 17 des dispositions transitoires ainsi que la consultation prévue au paragraphe b) de l'article 11 des mêmes dispositions nous apparaissent insuffisantes dans ce contexte.

La formule de référence aux articles 36 et 37 a déjà été employée dans la Loi de la Communauté urbaine de Québec et de longs débats juridiques se sont engagés sur la portée réelle de l'article 36 dans un cas de fusion par voie législative, qui ne semble pas entrer dans le champ d'application de ces articles.

D'ailleurs, même s'il n'existait aucun doute au sujet de l'application de l'article 36, cet article ne garantirait pas la souplesse nécessaire aux rajustements des accréditations syndicales.

La formule de référence au code du travail et à la Loi de l'instruction publique et l'état de la discussion ne permettent donc pas aux travailleurs impliqués d'être assurés du maintien de leurs conditions de travail et d'une solution adéquate à leurs problèmes de transfert.

Pourtant, les problèmes qui se poseront seront nombreux. Mentionnons-en quelques-uns rapidement: — La sécurité d'emploi. — Les espérances de carrière par les déplacements et le jeu de l'ancienneté. — Les bénéfices sociaux à harmoniser. — Les espérances de perfectionnement.

Le plan d'intégration doit toucher à de telles questions et, en régissant ces questions, il deviendra partie intégrante du régime de travail des employés. Dans le contexte de notre droit du travail, les syndicats ont le droit de négocier leur régime de travail.

En conséquence, la CEQ demande: a) Que l'article 11 des dispositions transitoires soit amendé en modifiant le paragraphe b) de manière à rendre obligatoire la négociation du plan d'intégration. b) Que l'article 17 soit amendé de manière à prévoir explicitement que les accréditations et les conventions ne seront pas invalidées et qu'aucune procédure en vue de l'obtention d'une accréditation ou de l'exécution d'une convention ne sera invalidée. c) Que l'amendement de l'article 17 prévoie que le nouvel employeur est lié, comme s'il y était nommé, par l'accréditation ou la convention et qu'il devient, par le fait même, partie à toute procédure s'y rapportant aux lieu et place de l'employeur précédent. d) Que cet amendement prévoie également que les associations de salariés accréditées peuvent renoncer à leur accréditation et demander par requête au commissaire-enquêteur en chef que leurs droits d'accréditation soient transférés à une nouvelle association ou à l'une ou l'autre des associations qui détient des accréditations dans le territoire de l'employeur. e) Que l'article 18 soit amendé de manière à prévoir que le nouvel employeur est lié par les contrats individuels des employés, de la même manière que l'employeur précédent.

Ces suggestions d'amendements sont faites dans le but d'assurer la protection individuelle et collective des droits des travailleurs concernés, certes. Mais qui ne voit pas que ces amendements amélioreront nettement le climat général des relations de travail sur l'île de Montréal et éviteront de multiples querelles coûteuses et génératrices de conflits stériles? A défaut de trouver des mécanismes suffisants dans le code du travail, la CEQ demande que cette loi particulière soit claire sur ces points, sans quoi il faudra condamner le bill no 28 comme étant une manoeuvre d'employeur cherchant à imposer son jeu par le biais d'une confusion législative calculée.

La CEQ n'a pas l'impression — nous devons vous le dire franchement — que ses critiques au sujet de ce projet de loi, sur certains points, seront prises au sérieux, si on en juge par les critiques que nous avions formulées au sujet du projet de loi no 27, qui ont été rejetées quant au projet de loi no 27 et appliquées quant au projet de loi no 28. Probablement que les suggestions que nous avons ici seront pour le prochain projet de loi. Je ne le sais pas.

De toute façon, il est clair que nos propos sur la langue seront qualifiés de doctrinaires, d'irréalistes, en certains milieux gouvernementaux et journalistiques. Nous croyons néanmoins que ces positions sont les seules compatibles avec le respect authentique de la majorité francophone montréalaise et québécoise. Ce n'est pas notre faute si des compromissions du passé nous ont amenés dans une situation où le simple fait de réclamer des choses aussi naturelles que ce que nous réclamons paraissent un fait extraordinaire.

Quant à des suggestions pratiques, nous croyons en avoir émises plusieurs sur le plan de l'amélioration de la démocratisation et sur le plan de l'aménagement des relations de travail.

Nous croyons vraiment qu'elles seront accessibles à l'entendement du législateur actuel et compatibles avec sa conception habituelle du réalisme et de l'efficacité.

Quant aux difficultés qui surgiront, qui seront évoquées sur le plan constitutionnel, nous devons dire que nous sommes parfaitement d'accord avec la liberté que semble prendre le ministre de l'Education au sujet de ce papier qui s'appelle la constitution du Canada. Nous allons l'appuyer aussi longtemps qu'il le voudra sur cette question.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Bagot.

M. CARDINAL: M. Charbonneau, j'aurais deux questions à vous poser. Votre critique du

projet de loi 28 paraît claire. Il y a cependant deux points en particulier où j'aurais besoin d'être éclairé davantage. A la page 3 de votre mémoire, vous dites qu'il est clair que l'Etat est d'abord l'organisme responsable de l'éducation. Vous l'aviez dit devant la commission permanente précédente, au mois de février 1970. A la page 4, au numéro 1, vous dites: "Les structures scolaires de l'île de Montréal doivent être pleinement démocratiques et affranchies dans leur ordre de la présence gouvernementale." Ma question est donc double: comment pouvez-vous lier l'affirmation de la page précédente avec cette deuxième affirmation? Je pose ma question autrement: qu'est-ce que ça veut dire exactement "les structures scolaires doivent être affranchies dans leur ordre de la présence gouvernementale? " S'agit-il simplement d'une présence physique par des gens nommés par le gouvernement, à quelque niveau que ce soit, ou s'il s'agit d'une absence totale, si vous voulez, du ministère de l'Education, qui est l'organisme de l'Etat dans le domaine des commissions scolaires et de leur administration?

J'admets que c'est une question très générale, mais enfin, si vous affirmez, d'un côté, que c'est le rôle d'abord de l'Etat, peut-être que le numéro un pourrait être rédigé autrement ou peut-être que je n'en saisis pas exactement la portée. C'est ma première question.

M. CHARBONNEAU: Quand nous disons qu'il appartient d'abord à l'Etat et non pas à des communautés de veiller à l'éducation, c'est une affirmation générale et c'est celle-là qui a été le consensus du Québec, je pense bien, depuis l'instauration du ministère de l'Education. Cela ne veut pas dire cependant que l'Etat doive aller jusqu'à, par ses contrôles, ses directives, imposer sa présence dans la régie interne du conseil scolaire de ville, par exemple, et aller jusqu'à se donner les leviers nécessaires pour contrôler, dans les décisions principales, les orientations de ce conseil. Quand nous disons: "Les structures scolaires de l'île de Montréal dans leur ordre devront être affranchies", nous pensons que la régie interne, nous pensons que l'instauration de certains services propres à l'île de Montréal, l'organisation de la vie scolaire en fonction des réalités de cette communauté devraient être pensées par des gens élus, représentant les commissions scolaires, enfin selon la structure qui sera établie d'ici un an par les dispositions transitoires. Mais, tout de même, pour nous, quand nous confions à l'Etat l'éducation, cela ne veut pas dire qu'il va remplacer, se substituer aux mécanismes que, par ailleurs, il met en place.

Ici, c'est ce qui nous apparaît être le biais ou le vice de ce projet de loi, en même temps que l'on accorde, que l'on revalorise, dit-on, la structure à la base, ou au niveau de la région, en même temps on s'arrange pour la dominer par l'adoption des règlements, par l'adoption de plusieurs normes.

M. CARDINAL: M. Charbonneau, vous avez entendu, je pense, mes remarques du début, et c'est un des points que j'ai soulignés. Mais ce qui m'inquiète, et ce n'est pas d'aujourd'hui, même si nous sommes membres de l'Opposition, c'est qu'il y a encore des gens qui voudraient bien que l'Etat ne soit pas présent du tout. D'autre part, l'on sait que dans le cas des organismes prévus par le projet de loi no 28, même amélioré, même s'il n'y a pas la présence physique de personnes désignées, soit dans le provisoire, au cours des étapes, soit plus tard, ne craignez-vous pas que si l'Etat n'intervient pas, dans certains domaines importants, l'on crée un deuxième ministère de l'Education sur l'île de Montréal?

M. CHARBONNEAU: Oui, c'est pourquoi nos principes doivent se lire d'une façon complémentaire l'un à l'autre. On a fait état de la préoccupation que vous mentionnez au principe 2. Une planification qui s'appuie sur le dynamisme des régions, nous pensons que c'est possible, nous pensons que c'est le temps qu'une telle planification s'amorce au Québec sur le dynamisme des régions, mais en respectant les cadres généraux définis pour l'ensemble du Québec. C'est ce que nous disons par la suite.

M. CARDINAL: D'accord, M. le Président.

M. CHARBONNEAU: Nous sommes conscients de ces multiples juridictions, de ces multiples autorités, mais nous pensons qu'il y a lieu de créer un emboîtement de ces responsabilités qui soit plus harmonieux que ce qui est prévu par le projet de loi ou que la mise en tutelle.

M. CARDINAL: D'accord. Je ne suis pas ici pour défendre le ministre ou le projet de loi no 28, bien au contraire, mais il y a une chose que je dois cependant soumettre. On l'a vu à l'occasion du projet de loi no 27, on l'a vu lorsque la commission permanente de la Fonction publique s'est réunie pour le classement des enseignants, on l'a vu à l'occasion du projet de loi no. 30 concernant les collèges d'enseignement général et professionnel, qu'il y a cette espèce de dualité qui veut que, chaque fois que l'on a un problème au niveau régional ou local, on en appelle au gouvernement. Chaque fois qu'on n'a pas de problème, on voudrait bien que le gouvernement ne soit pas là. C'est le dosage de tout cela qui me paraît difficile et délicat.

Je vous pose tout de suite ma deuxième question pour ne pas prendre trop de temps. A la page 10, vous avez l'alinéa b) et l'alinéa c). L'alinéa b) émet un principe général, que le français soit la seule langue officielle de travail et d'administration scolaire sur l'île de Montréal. A l'alinéa c), vous admettez cependant que des commissions scolaires puissent organiser des

écoles anglophones. Est-ce que je comprends bien, est-ce que vous voulez dire que toute l'administration, au niveau des commissions scolaires ou du conseil métropolitain, se fasse uniquement en langue française et que la langue anglaise ne soit permise qu'au niveau de l'école...

M. CHARBONNEAU: Oui.

M. CARDINAL: ... l'école étant entendue comme une communauté d'élèves, d'enseignants, de cadres, etc.

M. CHARBONNEAU: Oui, c'est ce que nous disons.

M. CARDINAL: Evidemment, ceci découle de ce que vous avez dit à la page 9, lorsque vous parlez de districts bilingues. Je suis d'accord avec vous sur... une chose m'a frappé dans le projet de loi no 28 après coup, parce qu'il a été déposé à l'Assemblée nationale en juillet, cela a été le projet fédéral, évidemment, qui n'est pas le sujet de cette commission, de districts bilingues. C'est vrai que si on ne fait pas attention, le projet de loi no 28, tel que rédigé, crée en certains secteurs de Montréal, pas partout mais en certains secteurs, l'équivalent de districts bilingues. Il y en aurait donc deux l'un pardessus l'autre, l'un fédéral et l'autre municipal.

M. CHARBONNEAU: Si vous permettez, M. Cardinal, nous avons dit "dans certaines régions de l'île de Montréal seulement"; là, vous pensez aux commissions scolaires, mais comment le conseil va-t-il fonctionner? Ce sera un véritable district bilingue au niveau du conseil scolaire, cela recouvre toute l'île.

M. CARDINAL: Je ne discuterai pas de ce principe, parce que l'on va entrer dans une discussion qui a déjà longtemps été débattue ici. Est-ce que le Québec doit être unilingue ou bilingue? Chacun des partis s'est déjà prononcé à ce sujet-là et je ne veux pas reprendre la discussion. Je voulais que vous m'éclairiez sur ces deux paragraphes qui ne paraissent pas contradictoires mais qui s'éclairent davantage par l'explication que vous venez de donner. Merci, M. Charbonneau.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de l'Education.

M. SAINT-PIERRE: J'aurais, moi aussi, une explication à demander à la page 12. Je m'explique mal — mes mathématiques peuvent être défectueuses — cette tutelle déguisée, puisque le projet de loi prévoit bien que ce sont les commissaires élus qui désignent onze des membres d'un conseil de quinze. Le gouvernement en nomme quatre; alors, il me semble que les onze élus ont un contrôle absolu.

Au niveau de la nomination à l'exécutif — donc pour le conseil, ce sont des membres élus qui ont le contrôle absolu; il n'y a aucun doute sur cela — le gouvernement en nomme deux, mais comme le contrôle du conseil, qui nomme soit trois ou cinq membres, est détenu par lui, à l'exécutif aussi les membres, nommés par le gouvernement, sont forcément minoritaires et sont forcément majoritaires ceux élus par la population.

Ce que je ne comprends pas, c'est votre dernier paragraphe, où vous dites que vous vous interrogez sur l'opportunité de permettre au conseil de lui déléguer indifféremment n'importe lequel de ses pouvoirs. Je ne comprends pas; est-ce que votre intervention signifie que, de par la loi, on devrait empêcher le conseil, qui est forcément majoritaire par les membres élus, restreindre ses pouvoirs, l'empêcher?

M. CHARBONNEAU: Non...

M. SAINT-PIERRE: On a aussi cette contradiction: on voudrait que les lois permettent le plus de flexibilité possible pour, dans un cas donné, qu'un conseil puisse avoir une marge de manoeuvre pour exercer, comme bon il l'entend, la gestion scolaire. Dans d'autres cas, on voudrait qu'on soit peut-être restreint. C'est là que je ne comprends pas.

M. CHARBONNEAU: Nous regardons l'économie générale de la loi et nous voyons les commissions, bien sûr, le conseil et l'exécutif; il nous semble qu'il y a une construction de la loi qui fait que les pouvoirs ont une tendance à s'accumuler vers le sommet.

Bien sûr, au niveau du simple rapport de nombre de voix, les commissaires ont la majorité par rapport à ceux qui sont nommés par le ministre au niveau du conseil, et ainsi à l'exécutif, mais vu qu'il n'y a pas de balises, qu'il n'y a pas de critères quant aux pouvoirs que le conseil peut déléguer à l'instance supérieure, forcément plus restreinte et forcément plus sujette également aux directives ministérielles, qu'il n'y a rien qui empêche que les pouvoirs montent, il y a une tendance assez naturelle aux pouvoirs à se déléguer vers le sommet comme ça, selon notre expérience du milieu scolaire. Les directives ministérielles étant très près également du conseil scolaire, nous pensons que c'est là une concentration indue, en tout cas des mécanismes qui permettent facilement de handicaper la démocratie que, par ailleurs, on s'ingénie à vouloir instaurer. D y a un danger là-dedans.

M. SAINT-PIERRE: Mais, est-ce que dans votre mémoire, — c'est soulevé, je pense, par le député de Saint-Jacques— ce n'était pas un reproche qu'on faisait au projet de loi de ne pas donner suffisamment de pouvoirs au conseil et trop aux commissions scolaires locales qui sont situées près des collectivités? Enfin, est-ce que ce n'est pas empêcher les gens élus démocra-

tiquement de bien vouloir donner les pouvoirs qu'ils jugeront? C'est ce que je ne comprends pas. Est-ce que ce n'est pas restreindre finalement la liberté de manoeuvre des gens qui sont élus démocratiquement qu'on suggère, dans le dernier paragraphe de la page 12? En d'autres termes, on voudrait que le gouvernement, par voie législative, empêche ou freine la possibilité de manoeuvre de gens démocratiquement élus. D me semble que c'est un petit peu l'inverse...

M. CHARBONNEAU: Ce que nous voudrions, c'est que, dans le projet de loi, il y ait une certaine énumération des pouvoirs du conseil scolaire et certaines interdictions de transférer certains de ces pouvoirs à l'exécutif; que les pouvoirs fondamentaux du conseil scolaire, il soit clair qu'ils vont rester à ce niveau et que l'exécutif ne les aspirera pas en cours de fonctionnement par des règlements internes.

M. SAINT-PIERRE: Pour le législateur, accepter cette suggestion que vous venez de formuler, est-ce que ce n'est pas faire preuve encore d'une position plus centralisatrice, c'est-à-dire en empêchant ceux qui sont démocrait-quement élus à l'intérieur de la gestion scolaire de leur donner cette liberté de manoeuvre qu'on leur donne actuellement? Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'actuellement on permet au conseil scolaire d'en donner beaucoup et de ne pas en donner suivant la confiance qu'on fait à l'exécutif, suivant la façon dont vont les choses. Mais il me semble que cette liberté de manoeuvre, ce n'est pas justement... Ne pas la donner, ce serait faire preuve, véritablement, d'un esprit — ce dont on nous accuse d'ailleurs dans le mémoire — centralisateur, d'un esprit paternaliste, en disant: Vous ne pouvez pas faire plus que ça et n'allez pas plus loin que ça.

M. CHARBONNEAU: Je crois réellement qu'au niveau de l'exécutif on aurait des gens qui seront à temps plein, en quelque sorte, dans la gestion scolaire. Il est facile pour de telles personnes d'en arriver, par le travail qu'elles y mettent, à contrôler en quelque sorte la pensée du conseil scolaire. C'est pourquoi on trouverait que le législateur accroîtrait la démocratie scolaire en mettant des crans d'arrêt à cette succion des pouvoirs par les professionnels nommés en quelque sorte par le ministère de l'Education au niveau de l'exécutif.

M. SAINT-PIERRE: C'est toujours le même problème que les organisations ont — je ne veux pas vous lancer de pierre particulière — le problème entre le champ d'action des permanents dans une centrale syndicale versus un conseil d'administration qui, lui, est responsable des politiques. Mais, est-ce qu'il n'est pas bon de laisser au conseil d'administration cette latitude d'en donner plus ou de tirer sur la corde?

M. CHARBONNEAU: Je ne sais pas le parallèle qu'on peut faire avec les structures syndicales. Je ne connais pas ça.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je désirerais poser quelques questions rapides au ministre de l'Education. A la page 16 du mémoire de la CEQ, on trouve certaines recommandations au chapitre de la langue. D'abord, on demande que le projet de loi no 28 soit amendé de façon que le conseil scolaire et les commissions scolaires soient unilingues français. Quel est l'avis du ministre au sujet de cette proposition?

M. SAINT-PIERRE: Enfin, c'est le premier organisme qu'on entend qui fait une telle recommandation. Il est évident qu'à la lecture du projet de loi no 28 le gouvernement n'a pas jugé bon de s'inspirer d'une telle recommandation. Maintenant, on est venu ici pour entendre d'autres organismes. Je pense que pour une question aussi fondamentale que celle-là, c'est une fois que tout le processus de cette consultation sera terminé... Mais il est évident que la position actuelle du gouvernement va à l'encon-tre de cela.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, M. le Président, compte tenu des déclarations qui ont été faites par le responsable de la langue au gouvernement, le ministre des Affaires culturelles, est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il y a eu consultation avec son collègue au sujet d'une recommandation dont le ministre devait bien s'attendre à ce qu'elle vint?

M. SAINT-PIERRE: Une recommandation touchant la position du gouvernement telle que décrite dans le projet de loi no 28?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.

M. SAINT-PIERRE: Evidemment, les grands principes du projet de loi no 28, avant même son dépôt en première lecture, avaient été ratifiés par l'ensemble du cabinet et c'était la position du gouvernement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Donc, est-ce que l'ensemble du cabinet était d'avis que ce conseil scolaire et les commissions scolaires fussent unilingues français?

M. SAINT-PIERRE: Bien, je pense qu'à la lecture du projet de loi no 28, il devient évident que le gouvernement reconnaît la nécessité de donner une commission scolaire unifiée, c'est-à-dire une commission scolaire qui n'est ni catholique, ni protestante, ni uniquement française, ni uniquement anglaise et de donner des droits, selon le projet de loi no 28, aux parents quant au choix de l'école catholique, de l'école

protestante et de l'école neutre, d'autres législations provinciales accordant des droits sur le plan linguistique.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais il s'agit naturellement, M. le Ministre, et vous le comprenez, de structures administratives dans lesquelles se retrouveront des gens de langue française et des gens de langue anglaise. Est-ce que le ministre ou le gouvernement, de même que le ministre des Affaires culturelles, responsable de la langue, sont d'avis que l'on doive instaurer à ce niveau l'unilinguisme français?

M. SAINT-PIERRE: Il est inutile pour moi de reprendre les propos tenus récemment par le ministre des Affaires culturelles concernant la commission Gendron. Compte tenu du fait que cela me semble un dossier séparé, le gouvernement n'a pas trouvé à propos d'inscrire dans le projet de loi no 28, dans les moindres détails, le déroulement comme peut-être le suggérait le président de la CEQ au niveau de l'administration scolaire, comme on le fait d'ailleurs sur le plan municipal ou pour la Communauté urbaine de Montréal. Il n'y a pas dans le texte de la communauté urbaine une disposition prévoyant si les gens doivent parler français ou anglais.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela équivaut-il à dire que liberté est donnée aux organismes concernés d'utiliser la langue qui leur paraît la plus utile ou les deux langues alternativement, selon les besoins de ces organismes?

M. SAINT-PIERRE: Je pense un peu que ce qui se fait sur le plan municipal va prévaloir sur le plan scolaire. Il y a certaines régions où, sur le plan municipal, il ne se pose aucun problème. Il y a d'autres régions qui sont des régions frontières où, là, les problèmes se trouvent, mais je pense que localement les collectivités sont capables de trouver les accommodements requis.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, au paragraphe b) de la seconde proposition de la CEQ, on demande qu'en conséquence le français soit la seule langue officielle de travail et d'administration scolaire sur l'île de Montréal. Compte tenu des déclarations du premier ministre sur le sujet, des déclarations du ministre des Affaires culturelles, quelle est l'intention du ministre de l'Education à cet égard?

M. SAINT-PIERRE: Eh bien, c'est la même réponse que j'ai donnée auparavant. Je pense que dans le projet de loi no 28 tel que déposé, on a un peu statué sur ceci. On laisse le dossier ouvert, compte tenu des travaux de la commission Gendron, mais je pense que là il n'appartiendrait pas de retrouver la solution à ce problème réel à l'intérieur du projet de loi no 28.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. le Ministre, des réponses que vous me donnez, j'en conclus que vous avez reconnu que le Québec dans ce domaine avait marqué des étapes, qu'un gouvernement, pour la première fois en 1969, avait élaboré ce qui doit devenir une politique globale de la langue et qu'à ce stade-ci des études et des travaux de la commission Gendron, le gouvernement ne veut pas encore définir nettement une politique en matière linguistique.

M. SAINT-PIERRE: Non, le gouvernement a indiqué que quant au cheminement, après avoir pour la première fois dans un siècle investi autant dans une commission créée en 1969 pour examiner les problèmes de la langue, il serait prématuré d'en donner des éléments de politique.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, au paragraphe d), on demande que l'on dispense dans ces écoles anglophones au moins la moitié de l'enseignement en langue française. Le ministre pourrait-il, pour nous éclairer, afin que nous puissions apprécier cette recommandation de la CEQ, nous dire quel cas l'on a fait des prescriptions de la loi 63 en ce qui concerne l'enseignement du français dans les écoles dites anglophones?

M. SAINT-PIERRE: Le règlement numéro six a été adopté par le ministre de l'Education l'an dernier. Il était en vigueur cette année dans toutes les écoles anglaises du Québec. Il n'y a pas de problème majeur à ce sujet; il y a les problèmes touchant le personnel spécialisé nécessaire; il peut y avoir quelques périodes de transition, mais ce règlement numéro six visait à accroître la qualité de l'enseignement du français langue seconde dans les écoles anglaises, la rendait obligatoire dès la première année du cours élémentaire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une dernière question, M. le ministre. Au paragraphe e) on demande que les enfants des immigrants québécois soient intégrés au système francophone d'enseignement public. Quelle est la position du ministre de l'Education ou du gouvernement à ce sujet, compte tenu toujours des déclarations du ministre des Affaires culturelles, responsable de la politique linguistique du gouvernement?

M. SAINT-PIERRE: Là encore il faut toujours avoir à l'esprit que les lois peuvent être changées par un gouvernement, mais tant qu'elles ne sont pas changées, le ministre voit à ce que les lois actuellement en vigueur soient observées. Touchant le paragraphe e), je pense que le gouvernement précédent avait donné, par la loi no 63, des droits aux immigrants; actuellement on voit à l'observance de ces droits. Je soumets la réserve que ces lois peuvent être changées.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais le ministre sait que, par la loi no 64 présentée par le ministre des Affaires culturelles et approuvée à l'unanimité de la Chambre, l'on a consacré ce principe du choix de la langue par les immigrants. Est-ce que la loi no 64, lorsqu'il s'est agi...

M. SAINT-PIERRE: Des corporations professionnelles?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Des corporations professionnelles.

M. SAINT-PIERRE: Je pense que ce n'était pas tout à fait la même chose. Elle facilitait, pour ceux qui avaient une connaissance d'usage du français, leur admission au sein des corporations professionnelles. Mais si on parle des enfants des immigrants québécois intégrés à un système francophone ou non francophone, je pense que vous avez un chiffre de trop; il faut parler de la loi no 63.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je crois qu'il y a la loi no 63 et que la loi no 64 est venue consacrer ce principe. C'est le ministre des Affaires culturelles qui a présenté cette loi au nom du gouvernement. Reprenons globalement les cinq propositions de la CEQ. Le ministre ne peut nous dire, à ce stade-ci de nos études du projet de loi no 28, si son gouvernement entend accepter les recommandations qui sont faites ici par la CEQ.

M. SAINT-PIERRE: La réponse est négative sur deux plans. Dans un premier temps, alors qu'on entend un premier mémoire, il serait prématuré de dire — il y a d'excellentes suggestions dans ce mémoire — si nous devons accepter ou pas les recommandations relatives aux relations de travail, alors que nous n'avons pas encore entendu les autres mémoires.

Sur le point spécifique de la langue, je pense que la réponse est doublement négative, en ce sens qu'il serait deux fois plus prématuré de tenter d'accepter des choses, compte tenu de la discussion que nous venons d'avoir sur les travaux de la commission Gendron, et sur le plan de la politique linguistique de commencer à avoir des éléments de politique, alors même que le travail de recherche n'a pas été soumis au gouvernement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le ministre, vous accepterez avec moi que cette réponse est une dérobade, en quelque sorte. Je ne veux pas donner au terme un sens trop péjoratif, mais ce projet de loi a quand même été longuement élaboré; il a déjà été discuté; il a déjà été même présenté sous une autre version lors de la présentation du projet de loi no 62. Il était à prévoir — le ministre le sait depuis des années — que ces sujets seraient fatalement évoqués et que ces sujets seront évoqués par d'autres organismes qui comparaîtront devant nous. Voici que ce matin la CEQ nous présente des propositions formelles. Je demande encore une fois au ministre ceci, afin de nous éclairer, d'éclairer la commission, de même que les témoins qui viendront devant nous, si le gouvernement a l'intention de poser dans la loi no 28 le problème global de la langue dans le secteur, évidemment, de l'île de Montréal et, ultérieurement, dans l'ensemble du Québec.

M. SAINT-PIERRE: Ce n'est pas l'intention du gouvernement de tenter, à l'intérieur du projet de loi no 28, de régler un problème qui est à l'étude.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm.

M. MASSE (Montcalm): Etant donné que l'objet premier de la Corporation des enseignants, c'est les relations de travail, la corporation a consacré le chapitre trois de son mémoire à ce problème très d'actualité au Québec. Est-ce que le président pourrait élaborer sur les dangers qu'il voit dans ce projet de loi, afin que les législateurs soient immédiatement sensibilisés à des conflits éventuels entre les enseignants et les organismes d'éducation?

M. CHARBONNEAU: Sous l'angle des relations de travail, essentiellement, nous nous en remettons à ce qu'on nous informe être les expériences vécues à l'occasion de transformations de structures semblables à la Loi de la communauté urbaine de Québec.

Il semble que la simple référence aux articles 36 et 37 du code du travail laisse place à des interprétations diverses qui occasionnent des retards très grands dans la solution des problèmes qui se posent.

Deuxièmement, nous avons dans l'article 17 du bill no 28 une situation qui nous semble être de nature assez confuse quand nous prenons connaissance du texte lui-même. Je lis l'article 17 des dispositions transitoires: "Les personnes à l'emploi des commissions scolaires existantes le 30 juin 1973 deviennent, le 1er juillet 1973des employés soit du conseil, soit des commissions scolaires nouvelles, conformément au plan d'intégration dressé à cette fin par le conseil..."

Jusqu'ici, nous sommes d'avis que c'est sensé de laisser ça au plan d'intégration. Nous avons déjà fait des remarques, cependant, sur la manière d'en arriver à ce plan d'intégration, remarques qui s'accrochent à l'article 11.

On continue: "...subordonnément aux droits et obligations des commissions scolaires existantes et de leurs employés, et sous réserve, quant aux salariés au sens du code du travail et aux associations accréditées pour les représenter, des dispositions des articles 36 et 37..."

Et il y a une autre référence à la Loi de l'instruction publique.

Nous trouvons qu'il y a vraiment trop de portes ouvertes à des interprétations multiples "subordonnément" et "sous réserve" d'un tas de choses. Nous aimerions que le législateur précise clairement qu'il entend respecter les droits individuels et collectifs des employés.

Le troisième élément de ma réponse: Comme je l'ai mentionné quelque part dans le mémoire, certains de nos syndicats affiliés, dont l'Alliance et d'autres associations de l'île, présenteront leur point de vue. Ce sera un point de vue complémentaire qui reflétera peut-être davantage, d'une façon concrète, les problèmes d'application que soulèvent des dispositions aussi vagues et aussi enchevêtrées que celles de l'article no 17.

On pourrait peut-être concevoir que ces réponses-là peuvent venir également des syndicats affiliés.

M. MASSE (Montcalm): A moins que le ministre n'ait une réponse tout de suite, nous pourrions peut-être attendre le mémoire de l'Alliance.

M. SAINT-PIERRE: D'accord.

M. CHARBONNEAU: C'est ce que je suggère en fait, parce que nous avons conçu notre travail de façon complémentaire pour que certains points de vue viennent de l'analyse concrète des problèmes locaux.

M. LE PRESIDENT (Veilleux): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. Charbonneau, j'ai très peu de questions à vous poser, parce que l'ensemble du mémoire de la CEQ est tout à fait conforme aux positions que nous avons énoncées, nous hier. Je ne vous poserai pas de questions sur la partie de votre mémoire qui porte sur la langue, parce que vous venez, via le député de Chicoutimi, d'expérimenter ce que nous connaissons depuis 17 mois. En effet, chaque fois que nous abordons ce problème-là, c'est la merveilleuse référence à cette merveilleuse commission Gendron, qui a un merveilleux retard dans son merveilleux rapport. Ce qui fait que ça permet toujours au gouvernement d'éviter de parler de la politique linguistique qu'il a promise au moment de l'élection avec, entre autres, un autre slogan bien connu.

Pour nous, nous aurons l'occasion de reprendre l'ensemble de vos propositions là-dessus — parce qu'elles sont les nôtres également — lors du débat aussi bien en deuxième lecture qu'en comité plénier et même en troisième lecture.

Ma question porte sur une remarque que vous faites à la page 4, la cinquième au bas, qui dit que, bien sûr, parmi les objectifs généraux d'une restructuration scolaire, en particulier sur l'île de Montréal, "elle doit favoriser la participation des parents à la vie scolaire.

Cette participation doit porter sur des objets de réelle importance — je vous cite — et leur permettre de travailler en étroite collaboration avec les enseignants aux objectifs et au fonctionnement de l'école."

Vous avez évidemment étudié comme nous le projet de loi no 28. Celui-ci fait référence, quant aux pouvoirs et au rôle du comité d'école, à l'article récemment amendé, via la loi no 27, de la Loi de l'instruction publique. Lorsque nous avons étudié la loi no 27 en commission — c'était au mois de juin, je pense — vous étiez venu, au nom de votre centrale syndicale, en même temps, je me souviens, qu'une association de parents-maîtres, je crois, déposer vos opinions quant à ce que stipulait l'article prévu au projet de loi no 27 quant au rôle des parents.

En gros, je le rappelle, le rôle du comité d'école est d'encourager les parents à participer à la vie scolaire. Donc, la fonction première est d'encourager la deuxième fonction qui est de faire des recommandations quant à la qualité de la vie scolaire, etc. Nous nous étions trouvés d'accord, si ma mémoire est fidèle, votre centrale, l'association des parents qui était venue témoigner et mon parti politique, pour dire que ce genre de phrases creuses qu'on retrouve pour préciser un rôle au comité des parents étaient absolument inacceptables; qu'il fallait, dans l'esprit d'une participation que devait refaire une restructuration comme celle du projet de loi no 27 et comme le fait le projet de loi no 28, augmenter, dans vos termes mêmes, favoriser la participation des parents autrement que par des voeux pieux mais par des pouvoirs concrets.

Nous avions énoncé, à ce moment-là, une série de pouvoirs, de recommandations que la recommandation 286 du rapport Parent faisait quant au rôle que pouvait avoir le comité d'école. Est-ce que sur le projet de loi no 28, même si votre paragraphe est très laconique, vous seriez prêt à exiger du législateur un amendement au rôle prévu au comité d'école, comme nous l'avions fait ensemble momentanément, quant nous parlions du bill 27? Avez-vous toujours la même conception de ce que doit être le comité d'école quant à ses pouvoirs et quant à son rôle et le suggérez-vous encore au moment où nous étudions le bill 28?

M. CHARBONNEAU: Oui. Nos conceptions actuelles au sujet du comité d'école sont sûrement les mêmes qu'au moment de l'étude du projet de loi no 27. Nous ne sommes pas revenus sur cette question cette fois-ci parce que nous avons préféré traiter de trois aspects seulement, aimant mieux avoir quelques idées claires que quatre douzaines d'idées confuses.

Quant à l'avis du comité scolaire lui-même, nous, en tant que centrale, avons adopté comme politique l'obtention d'une négociation à

deux paliers, provincial et local ou régional, justement pour que soit rendue possible l'élaboration par les intéressés, les syndicats et les commissions scolaires, à leur niveau, de formes originales de participation des parents et des enseignants. Dans un tel contexte et dans l'esprit dans lequel nous avons rédigé, par exemple, notre dernier projet de convention provinciale, il est bien clair que pour nous doivent s'élaborer au niveau local ou régional les modalités concrètes de la participation, doivent pouvoir s'expérimenter des formules nouvelles qui associent de plus près, certainement, parents et enseignants.

La réponse est assez générale mais nous croyons avoir mis au point certaines formules de négociation qui permettraient d'arriver à des formules concrètes, suite à des négociations réelles au niveau dont nous parlons, au deuxième niveau. Par ailleurs, nos syndicats affiliés vous diront exactement le degré d'implication qu'ils pressentent que leurs membres peuvent accepter dans des comités avec les parents. Pour nous, comme orientation générale, nous voulons trouver des formules. Nous voulons que la machine permette que des formules se trouvent à la base où s'associent vraiment parents et enseignants, avec des pouvoirs réels sur la vie de l'école.

M. SAINT-PIERRE: Si on retient ces deux principes de participation des parents et de démocratisation des structures.

Ne trouvez-vous pas que finalement il y a un grand pas de fait dans le sens que l'on donne à tous l'élection des commissaires, non seulement sur le plan de l'élection des commissaires, mais du fait que le droit de vote est abaissé à 18 ans et que, pour se présenter comme commissaire, ce que je trouve dans l'intervention du député de Saint-Jacques, c'est qu'on met de côté un peu le rôle des commissaires? En effet, lorsque les commissaires seront élus par toutes les personnes de 18 ans et plus et pour se présenter commissaire, il s'agit d'avoir 21 ans et plus sans être nécessairement propriétaire. Les commissaires qui ont des pouvoirs très réels dans notre droit scolaire, ça représente des parents, ça aussi, il ne faut pas négliger ça et je pense qu'il y aurait peut-être un danger d'avoir une double structure. Je pense que là on tente d'institutionnaliser le rôle des parents comme parents, on accentue les responsabilités des commissaires et on élargit le sens de l'éligibilité pour la charge de commissaire. Il me semble que, d'après cette première expérience, nous pourrons peut-être tirer des conclusions, mais il y aurait peut-être un danger, même pour les syndicats d'enseignants, de ne pas savoir véritablement qui détient l'autorité ou enfin qui peut prendre des responsabilités.

M. CHARBONNEAU: Si vous permettez, à ce sujet-là, c'est une chose que la démocratisation par voie d'élection au niveau de la commis- sion scolaire, mais c'est autre chose que la participation d'enseignants et de parents au niveau de l'école. L'argument que vous soulignez indique bien comment on a voulu démocratiser la vie au niveau de la commission scolaire. D'autres auront des propos plus précis que nous sur les pouvoirs relatifs de la commission et du conseil, mais ce dont il est question dans l'interrogation ici, c'est au niveau de l'école. A vrai dire, il nous semble qu'il y aurait lieu d'accorder vraiment un coup de barre de ce côté, parce que le bien de l'enfant, comme l'a dit un certain gouvernement, c'est quand même au niveau de l'école et non pas au niveau de la commission, finalement, qu'il se joue, et la participation doit aussi s'engager fermement de ce côté-là, à ce niveau-là.

M. CHARRON: J'admets la remarque du ministre de l'Education quant à l'effort qu'apporte le projet de loi no 28, sur la démocratisation au niveau de la structure intermédiaire, celle de la commission locale. Nous allons appuyer chacune des modifications que vous faites là-dessus, mais je crois que le président de la centrale des enseignants a raison, en disant que ce n'est pas parce que maintenant il y aura 15 commissaires élus au suffrage universel que la participation des parents au niveau de l'instruction de leurs enfants dans l'école se trouve amplifiée par le fait que désormais, au lieu d'être nommés par l'archevêque, il y aura droit de vote, et par rotation, s'il vous plaît, à tous les trois ans. Ce sont deux choses. Nous en reparlerons ensemble en tout cas.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Papineau.

M. ASSAD: M. Charbonneau, à la page 4, numéro 4, à la dernière partie du paragraphe, vous dites qu'il y a certaines mesures tenant compte des privilèges acquis par les minorités anglophones. Vous dites à la page 16, b) "qu'en conséquence le français soit la langue officielle de travail et d'administration scolaire sur l'île de Montréal..." Il me semble qu'il est évident que ce sera la première chose que l'on réclamera comme privilège acquis ou presque un droit de vouloir, à certains endroits de l'île de Montréal, administrer en anglais là où il y a une population à 80 p.c. ou à 90 p.c. d'anglophones.

M. CHARRON: Le député de Papineau considère-t-il que c'est un privilège ou un droit?

M. CHARBONNEAU: Pourrait-on, pour bien comprendre la question, demander au député de Papineau, s'il voit, s'il pressent que, parce que ce sera la première chose que demanderont les anglophones, c'est une chose qui va de soi ici dans le Québec?

Peut-on concevoir que, dans votre question, c'est ce que vous sous-entendez, que parce qu'ils le demanderont, il faudra continuer comme ça?

M. ASSAD: Non, mais...

M. CHARBONNEAU: C'est un début de précision.

M. ASSAD: Ce que je veux dire ici, c'est que vous avez tenu compte qu'il y a des privilèges ou des droits acquis et c'est certainement la première chose qu'ils vont demander, que soit respecté le fait que, dans des endroits où ils sont en majorité, certaines commissions scolaires soient administrées dans leur langue.

M. CHARBONNEAU: Nous avons employé l'expression "Privilèges acquis" parce que nous trouvons que ça un sens différent de droits acquis; deuxièmement, les privilèges auxquels nous faisons allusion à la page 4, c'est le paragraphe c) de la page 16 qui s'en occupe et non pas les autres paragraphes.

M. CHARRON: J'ai mal interprété... M. CHARBONNEAU: C'est la...

M. CHARRON: ... la question du député de Papineau. Posez-vous la question au président de la Corporation des enseignants parce qu'à votre avis il y avait contradiction entre les deux parties ou si c'est parce que vous êtes d'accord de considérer comme eux le font que "leurs droits" qu'ils vont défendre ici d'administrer une structure scolaire en leur langue? Est-ce que pour vous c'est un droit comme nous allons l'entendre ou si c'est un privilège? Etes-vous d'accord avec ce que dit le président de la corporation quand il dit que c'est un privilège?

M. ASSAD: Non. Ce à quoi je veux en venir, c'est qu'il était prêt à tenir compte que c'était un privilège.

M. CHARRON: Oui, selon lui. M. ASSAD: Selon lui.

M. CHARBONNEAU: Le privilège dont nous tenons compte, c'est le maintien de certaines écoles pour les anglophones, pour ceux qui sont déjà engagés dans le système. C'est le privilège que nous reconnaissons. L'autre privilège, qui est d'avoir du bilinguisme au niveau de l'administration scolaire, celui-là, nous nous permettons de l'écarter.

M. ASSAD: En d'autres mots, quand ils sont dans leur commission scolaire ou quand ils sont en majorité, les résidants plus les commissaires d'écoles, est-ce que vous considérez que c'est encore seulement un privilège acquis?

M. CHARBONNEAU: Oui, oui.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais questionner M. Charbonneau sur les propositions qui se trouvent à la page 16 de son mémoire en regard de ce qui est déclaré au paragraphe 4 de la page 4. On dit: "Ce qui n'exclut pas certaines mesures tenant compte des privilèges acquis par la minorité anglophone". D'autre part, on demande que le projet de loi soit amendé de façon que le conseil scolaire et les comissions scolaires soient unilingues français.

M. Charbonneau, est-ce que vous pourriez nous décrire ou nous dire ce que vous considérez historiquement et juridiquement comme un privilège dans l'optique de ce problème général de la langue de la minorité?

M. CHARBONNEAU: J'aimerais bien pouvoir répondre avec compétence à votre question dont je sens la bonne motivation. Je sens un appui indirect à notre mémoire par la formulation de votre question. Quant à moi, je refuse d'engager le débat sur le plan juridique et sur le plan de l'histoire conçu comme un amas de vieilles choses dans le passé. Pour moi, l'histoire du Québec est devant nous. C'est à partir de maintenant qu'il faut l'écrire et non pas en regardant ce qui s'est fait depuis cent et quelques années.

A ce moment-là, je n'engage pas de débat sur le plan de la constitution et je fais à peu près comme le ministre Saint-Pierre, je fais semblant de ne pas en tenir compte.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Charbonneau, c'est une réponse fort habile...

M. CARDINAL: Voulez-vous changer de côté?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... mais elle ne règle toutefois pas la question de fait. Il existe quand même une minorité anglophone importante à Montréal. Que cette minorité ait eu des droits ou des privilèges, il reste que l'histoire, s'il s'agit de privilèges, les a consacrés. Est-ce que, à votre avis — parce que nous allons entendre évidemment les représentants des groupements anglophones — la proposition que vous faites respecterait ce que les anglophones considèrent maintenant comme des droits et ce que d'autres appellent des privilèges, encore que les faits aient confirmé ces privilèges et en aient fait, à toutes fins utiles, des droits? C'est là leur prétention, à tout le moins.

M. CHARBONNEAU: Nous posons le problème sous un angle que nous voulons réaliste. Tenant compte des faits, nous nous disons: Est-ce qu'il n'est pas normal d'exiger que l'administration des affaires scolaires se fasse dans une langue, la langue de la majorité des citoyens de l'île de Montréal et de la majorité des citoyens du Québec, sur le plan officiel? Si la réponse est oui à cela, les autres faits que l'on

peut accumuler autour, c'est un contexte, mais il faut une intention, il faut un projet à travers ce brouillon de Québec qui a été, en quelque sorte, élaboré par les compromissions du passé et des diptyques avortés, etc.

Est-ce que finalement on ne pourrait pas, à travers tout cela, avoir un projet et en arriver à définir la personnalité du Québec quant à la langue, quant au respect de la langue de la majorité des francophones? Il me semble que c'est le temps; il me semble que cela aussi, c'est tenir compte des faits. C'est dans un secteur qui relève de l'Etat en très grande partie, où l'influence prédominante relève de l'Etat; il n'y a pas ce conflit avec les industries et cette soumission à des capitaux étrangers dans ce domaine-là.

Tout de même, s'il y a un secteur que le Québec peut aménager conformément au respect de sa majorité, c'est bien le secteur scolaire, compte tenu de ça aussi que nous appelons la réalité de base, nous. Les autres aspects, nous les qualifions de secondaires, et c'est à partir de maintenant qu'on va essayer de tracer la voie du respect de la majorité au Québec.

Cela ne répond probablement pas exactement à toutes les questions sur le plan juridique et historique mais c'est intentionnel, d'une part, et, d'autre part, je ne me suis pas préparé pour faire un débat juridique et historique ici, étant donné qu'on n'en sort jamais avec un tel type de débat.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Charbonneau, mon intention n'est pas de vous engager dans un débat juridique ou historique. Mais je veux quand même vous amener à considérer certains faits. Et, partant de ce que vous venez de dire, à supposer que l'on admette votre proposition qui, dans les principes, peut être justifiable, il reste qu'il y aura, au sein de cette administration scolaire renouvelée de l'île de Montréal, des francophones et des anglophones qui devront travailler ensemble sur un plan rigoureusement administratif.

Est-ce que vous croyez réaliste, compte tenu des habitudes acquises et du fait qu'un très grand nombre de ces administrateurs sont appelés à travailler avec des administrateurs de langue française, d'exiger d'eux que, dès le départ, ils admettent que le français soit la seule langue de travail? Je pose le problème en termes rigoureusement pratiques parce qu'il y a quand même des gens là qui ont un certain âge; si c'étaient tous des gens qui sont à l'école, on pourrait dire: Ils vont être bilingues et ça va venir très vite. Mais ce ne sont quand même pas des enfants qui vont administrer, ce sont des gens qui, depuis toujours, ont fait leurs affaires en anglais dans ce secteur précis de l'administration scolaire. Est-ce que cette proposition vous paraît réaliste et est-ce qu'elle est de nature, à votre avis, à favoriser l'établissement d'un climat de sérénité nécessaire à l'administration scolaire?

M. CHARBONNEAU: Nous avons nous-mêmes concédé que plusieurs personnes du secteur politique ou journalistique allaient qualifier d'irréalistes nos propos sur la langue. Nous l'avons nous-mêmes écrit à la page 21. Alors, ça c'est un élément de réponse. J'ai retenu dans votre question l'insistance que vous avez mise sur l'expression "dès le départ". Est-ce que vous trouvez réaliste que, dès le départ, on adopte radicalement, en quelque sorte, pour les anglophones, la langue française dans l'administration? Vous introduisez la notion d'une transition, la notion d'étapes, ce qui n'est pas dans le projet de loi, ce qui ne semble pas être dans l'intention du législateur. Ce que nous trouvons à dénoncer, vous et nous, en somme, si je comprends bien, c'est le manque de projets clairs, bien orientés de la part du législateur à travers tout ça; c'est l'espèce de maintien de la confusion et du bilinguisme et de certaines formules qu'on a bien connues et bien expérimentées qui vont toujours dans le sens de l'anglicisation progressive de la majorité francophone de l'île. Alors, si nous sommes d'accord là-dessus, nous allons sûrement être d'accord pour exiger du législateur qu'il définisse son projet quant à l'essor de la culture et de la langue française sur l'île de Montréal et dans le Québec, et nous allons sûrement être d'accord, également, pour dénoncer la confusion qu'il veut entretenir une fois de plus par ce projet de loi.

Il est clair que les anglophones ont acquis dans les faits certaines habitudes de fonctionnement, mais nous ne voulons pas voir inscrire ce dualisme, ce bilinguisme dans des institutions scolaires. Je pense que ça c'est un projet, c'est une intention bien claire qui peut s'atteindre peut-être par des étapes, je n'ai pas étudié la question des étapes ou la question de la transition, mais qui doit s'atteindre et qui doit être marquée bien clairement par le législateur comme un objectif, non pas rien qu'une promesse.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Charbonneau, au paragraphe c) de vos recommandations, à la page 16, vous dites: Que les commissions scolaires puissent organiser des écoles anglophones là où un nombre suffisant d'anglophones déjà engagés dans le système le désirent.

Vous admettez évidemment qu'ils ont le droit d'organiser des écoles anglophones là où il y a un nombre suffisant d'anglophones. Mais lesdites commissions scolaires devront quand même requérir les services d'administrateurs qui, à leur tour, feront partie de ce conseil scolaire et de l'ensemble des structures.

Vous reconnaissez, au paragraphe c), le droit qu'ont ces gens d'utiliser leur langue, d'apprendre leur langue, de la parler et de s'en servir. Par ailleurs, vous leur niez le même droit lorsqu'ils seront membres, lorsqu'ils parleront en leur qualité d'anglophones au sein du conseil scolaire et des commissions scolaires. Est-ce qu'il

n'y a pas une sorte de contradiction dans ces propositions?

M. CHARBONNEAU: Je pense bien qu'il faut lire vraiment, ici au paragraphe d), que ce que nous accordons, c'est au niveau des écoles. Alors une école est dirigée par un principal qui, lui, sera probablement de langue anglaise, s'il est principal d'une école anglophone, et qui devra dans ses relations avec la commission scolaire travailler en français puisqu'au niveau de la commission, comme du conseil, l'administration devrait être en une seule langue, le français.

Alors, je ne vois pas exactement le problème. La personne exerce ses droits à l'intérieur de l'école. La communauté anglophone se voit servie par un réseau d'écoles mises en place par les commissions scolaires, mais ça ne doit pas venir perturber la vie linguistique et culturelle de la commission scolaire et du conseil parce qu'on accorde des services dans une autre langue à un groupe minoritaire. On ne voit pas pourquoi il y aurait relation nécessaire entre l'existence d'écoles anglophones et une administration qui devient bilingue ou anglophone au niveau de la commission ou du conseil selon le cas. On ne voit pas de relation nécessaire entre ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous leur concédez le droit d'organiser leurs écoles,...

M. CHARBONNEAU: Nous leur reconnaissons le droit.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... de diriger ces écoles en utilisant la langue anglaise; par ailleurs, dès le moment où ils seront appelés à s'exprimer via les structures du conseil scolaire et des commissions scolaires, vous ne leur reconnaissez plus le droit d'utiliser cette langue, mais plutôt de se soumettre à la volonté d'une majorité francophone.

M. CHARBONNEAU: Ce que vous décrivez là, ce que nous voulons en quelque sorte pour le milieu scolaire, c'est la réplique à l'inverse de ce qui se passe dans le milieu des affaires. Au niveau de l'entreprise, au niveau de la manufacture, dans les relations entre l'employé et son petit patron immédiat, la vie se passe en français généralement. Mais quand on arrive au niveau de la gérance intermédiaire ou supérieure, on s'aperçoit que, dans le Québec, dans la vie du Québécois ordinaire, on doit évoluer vers un bilinguisme avancé si on veut traverser ces couches de gérance intermédiaire et atteindre le niveau supérieur. Cela, c'est la réalité que l'absence de politique linguistique du gouvernement dans le domaine du travail impose aux Québécois à coeur de jour. Nous ne voulons pas que ce soit la même chose au niveau scolaire; nous voulons vraiment que ce soit clair dans ce secteur-là et qu'il y ait une prédominance, qu'il y ait un unilinguisme défini sans aucun doute au niveau de la commission et du conseil scolaires. Ces structures nous appartiennent, ces structures appartiennent à la majorité et nous ne voyons pas pourquoi nous devrions calquer encore le modèle industriel comme on l'a fait dans les polyvalentes jusque dans les commissions scolaires et le conseil scolaire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. Charbonneau.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Croyez-vous, M. Charbonneau, que, dans le système actuel ou du moins futur, les employés ou ceux qui oeuvreront dans le système scolaire et qui sont de langue française seront forcés de travailler en anglais ou seront privés de leur droit soit de parler ou de travailler en français?

M. CHARBONNEAU: A moins que je n'aie mal compris, j'ai l'impression d'avoir déjà abordé le sujet. Pouvez-vous reformuler votre question?

M. SAINT-GERMAIN: Je voulais dire: Est-ce que vous croyez que ceux qui sont de langue française et qui seront appelés à travailler dans les nouvelles structures seront obligés de travailler en anglais ou de faire des rapports en anglais ou de causer en anglais lorsqu'ils ne l'entendent pas?

M. CHARBONNEAU: Pas avec ce que nous proposons.

M. SAINT-GERMAIN: Non, mais avec ce qui est proposé dans la loi actuellement?

M. CHARBONNEAU: Ce sont des portes ouvertes; ce sont des possibilités, on regarde quel pourra être le fonctionnement d'une commission scolaire dans une région en majorité anglophone de l'île de Montréal. Essayons d'imaginer un peu le fonctionnement de cette commission scolaire; essayons de voir un peu en quelle langue devra parler le citoyen qui veut obtenir certains droits ou certains services de sa commission scolaire. Si le citoyen est francophone et que la commission scolaire est totalement anglophone — sauf la personne que nommera le ministre ou quelque chose comme ça — essayons d'imaginer concrètement l'état de dépendance, en quelque sorte, qu'on impose à un citoyen francophone d'aller débattre ses problèmes face à une commission scolaire ainsi constituée.

Deuxièmement, prenons le cas d'un principal d'une école francophone dans une commission scolaire anglophone. Essayons encore d'imaginer comment devra fonctionner cette personne. Quelle langue elle devra utiliser finalement pour

avoir raison, pour se faire entendre, si ce n'est l'anglais? Moi, je pose la question. Vous avez sûrement l'expérience d'un milieu bilingue plus que moi mais il me semble que c'est ainsi que cela va se passer.

Nous voulons à tout prix éviter, enlever du projet de loi, de telles possibilités de voir un Québécois francophone démuni, dépendant d'un "board" quelque part dans l'Ouest de qui dépendrait finalement la qualité des services. Nous avons dit que nous voulions éviter des Sturgeon Falls au Québec. Ce que nous voulons dire concrètement, c'est qu'on doit à tout prix éviter qu'un groupe de francophones soit à un moment donné pris dans des débats — comme on en a déjà vu d'ailleurs sur l'île de Montréal — pour obtenir une école unilingue française, une école francophone devant un "board" d'anglophones. Nous voulons éviter des situations d'humiliation du genre pour des Québécois francophones sur l'île de Montréal. Nous pensons que c'est tout simplement un minimum de décence. Nous devons nous respecter également à ce point de vue.

M. SAINT-GERMAIN: Mais ne pouvez-vous pas faire la même comparaison, par exemple, au niveau des structures municipales, comme le ministre l'a fait précédemment? Vous avez des exemples bien concrets. Il y aura, par exemple, dans l'ouest de Montréal une commission scolaire qui sera en très grande majorité de langue anglaise. Il y a par contre des villes comme Pointe-Claire, Dorval — que je connais personnellement — des villes comme Lachine. Je ne crois pas qu'aucun citoyen de langue française dans ces villes ait été privé de ses droits linguistiques. Si on veut prendre Lachine en particulier, où il y a une légère majorité de langue anglaise, tout à l'hôtel de ville se fait en français. Je n'ai jamais entendu de plaintes des citoyens concernant les questions de langues à Lachine.

M. CHARBONNEAU: J'ai l'impression que l'exemple que vous citez reflète exactement ce que nous voulons, mais nous le voulons assuré par législation. Si l'exemple que vous citez est la réalité pour cette ville, nous voulons tout simplement que la loi nous amène à ceci et non pas à des consensus temporaires selon la langue du moment pour tel ou tel groupe de conseillers municipaux ou de commissaires.

M. SAINT-GERMAIN: Lorsque vous faites une comparaison, par exemple, avec l'industrie privée. il faudrait tout de même, à mon avis, continuer cette comparaison. Dans l'industrie privée, bien des fois, le capital est anglais, la direction est anglaise. Vous dites: Aux bas échelons on parle français mais lorsqu'on arrive à la direction il faut parler anglais. N'avez-vous pas le contraire, ici, au point de vue de la commission scolaire? Les gens de langue anglaise pourront parler anglais localement au niveau de leur propre commission scolaire, mais la direction restera toujours française. A ce que je sache, le ministère de l'Education ne travaille pas en anglais. Vous avez là l'inverse de ce qui arrive en pratique dans l'industrie privée. Ne croyez-vous, même sans législation, en toute liberté d'action, qu'en faisant travailler ces gens de langue anglaise et de langue française, vous aiderez à la culture française vis-à-vis des gens de langue anglaise, sans législation, tout en respectant leur liberté, parce que les hommes sont toujours sensibles lorsqu'on parle de leur liberté?

Ils devront à la longue constater que, dans le Québec, lorsqu'on veut se faire comprendre et se faire entendre à la haute direction, c'est absolument le contraire que dans l'industrie privée, il faut parler en français.

M. CHARBONNEAU: Ce que vous semblez souhaiter, nous voulons tout simplement que la loi nous l'assure.

M. SAINT-GERMAIN: C'est une question d'opinion sur les valeurs qu'on attache aux libertés individuelles de chaque Québécois.

UNE VOIX: Les mesures de guerre.

M. SAINT-GERMAIN: Ce n'est pas trop trop l'occasion d'en parler.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député d'Iberville.

M. CROISETIERE: M. le Président, me référant à l'article 2, du chapitre 2 du mémoire présenté par la Corporation des enseignants, à la page 8, on mentionne entre autres que: "... on devrait étudier la possibilité de financer l'ensemble du système scolaire québécois à même l'impôt sur le revenu, tout en évitant que les municipalités n'occupent le champ laissé libre par les commissions scolaires. Le projet de loi no 28 n'est peut-être pas l'occasion de régler la question de la fiscalité scolaire mais nous demandons au législateur de dire ce qu'il compte faire en profondeur à cet égard."

Ma question s'adresse au ministre. Est-ce qu'il pourrait, à ce moment-ci, nous donner des informations additionnelles? Car je remarque qu'il y a des mémoires, entre autres le mémoire no 6 présenté par la société d'agriculture des comtés de la région de Montréal, qui semblent s'inquiéter. Est-ce que le ministre préfère attendre...

M. SAINT-PIERRE: C'est parce qu'une autre loi a déjà été mentionnée par le gouvernement sur le financement scolaire qui a déjà fait l'objet de plusieurs déclarations publiques, où dans ses grandes lignes on nous l'a indiqué. Je pense que nos intentions sont quand même établies...

M. CROISETIERE: C'est parce que...

M. SAINT-PIERRE: Personnellement nous sommes contre. Le gouvernement n'a pas l'intention de faire le retrait complet de l'impôt foncier scolaire. Nous croyons qu'il est nécessaire. Sans ça, les commissaires deviennent comme une association de parents qui administrent des fonds versés par le gouvernement provincial et la dépendance des instances décentralisées vis-à-vis du gouvernement devient d'autant plus forte, il n'y a aucune possibilité — un peu comme dans les hôpitaux — de récupérer à même l'impôt foncier des dépenses inadmissibles ou enfin un certain sens des responsabilités.

Disons que ce n'est pas le projet de loi no 28, c'est plutôt un autre projet de loi qui sera déposé à la prochaine session.

M. CROISETIERE: Très bien.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que dans le sens de la suggestion de M. Charbonneau, si on devait retirer l'impôt foncier scolaire, on impliquait une augmentation de l'impôt sur le revenu? Parce que l'impôt foncier scolaire c'est $400 millions et ça ne se trouve pas sur les arbres, il faudrait augmenter les taxes, l'impôt foncier scolaire.

M. CROISETIERE: C'est parce que cette demande revient occasionnellement par les conseils des comtés et les municipalités.

M. SAINT-PIERRE: Je pense que le gouvernement a clairement fait voir qu'après une période de temps, nous allons faire un retrait graduel de l'impôt foncier scolaire au bénéfice des municipalités pour leur permettre d'être mieux en mesure de faire face à leurs obligations. Nous retenons cependant qu'il y aura toujours un certain montant de l'impôt foncier scolaire. On a dit qu'il y a une nouvelle loi sur le financement qui va modifier le taux des particuliers, le taux des compagnies, qui va apporter des modifications assez importantes, qui sera déposée à la prochaine session.

M. CROISETIERE: A la prochaine session?

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Saint-Laurent.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Juste une question additionnelle au ministre sur le même sujet. Est-ce que ce que vient de dire le ministre nous permet de conclure qu'il y a eu consultation très directe entre lui et son collègue des Affaires municipales avec qui nous avons discuté l'autre jour la Loi de l'évaluation foncière?

M. SAINT-PIERRE: Oui, d'ailleurs c'est réflété sur l'évaluation dans le projet de loi no 28, comme dans le projet de loi no 27, on voit qu'il y a un lien direct avec le projet de loi no 48 déposé par M. Tessier pour les fins scolaires. Et d'autant plus, notre loi sur le financement scolaire va tenter d'éviter le morcellement des instances chargées de récupérer la taxe scolaire, mais à la base il y a eu collaboration.

M. CARDINAL: Une précision sur le même sujet, avant qu'on ne passe à autre chose, parce que c'est un sujet marginal. Le ministre a dit deux choses. H vient de dire "à la prochaine session". Est-ce qu'il veut dire à la reprise des travaux?

M. SAINT-PIERRE: A la reprise des travaux, je ne suis pas familier avec ça.

M. CARDINAL: Deuxième question, lors du débat sur le projet de loi no 27, le sujet est revenu et à l'Assemblée nationale.

J'ai posé une question au ministre de l'Education qui m'a laissé croire que, selon les projets que l'ancien gouvernement avait préparés après des études dans le domaine du financement scolaire, il pourrait y avoir un retrait graduel jusqu'à un blocage déterminé de l'impôt scolaire. Je ne partage pas son opinion quand il fait la comparaison entre les hôpitaux et les commissions scolaires; je ne vois pas pourquoi ces gens ne seraient pas aussi responsables que les administrateurs d'universités, d'hôpitaux, etc., qui n'ont pas de pouvoirs de taxation. Est-ce que j'ai vraiment compris que le ministre veut dire que cette loi, dont il ne peut pas, évidemment, nous donner le texte actuellement, prévoit vraiment le retrait, sur une période de temps, de l'impôt foncier des commissions scolaires jusqu'à un montant X qu'on ne connaît pas, mais avec cette clause que ce serait immédiatement remis aux municipalités?

M. SAINT-PIERRE: Ce n'est pas par législation. Cela se ferait uniquement par des normes administratives. Je tiens à préciser qu'il y a eu, d'une part, le document de M. Garneau, qui était public, à la conférence provinciale-municipale, qui expliquait cela clairement. C'est, sur une période de cinq ans, un transfert graduel d'une partie de l'impôt foncier scolaire au bénéfice des municipalités.

Deuxième point que je voulais souligner, c'est que l'impôt foncier scolaire normalisé n'a pas été augmenté depuis deux ou trois ans, c'est-à-dire que le taux de $1.45 par $100 de valeur réelle d'évaluation, que nous demandons à tous les contribuables de payer, n'a pas été augmenté, de telle sorte que, proportionnellement, disons, au coût de l'éducation au cours des trois dernières années, il y a eu un net transfert entre la charge imputable à l'impôt foncier scolaire et celle qui provient des fonds généraux de la province. Il y a donc ce $1.45 qui, premièrement, n'a pas été augmenté et qui, deuxièmement, sur une période de cinq ans, sera abaissé à $1.40, plus, avec la nouvelle loi, l'introduction d'un double taux, un taux pour

les compagnies différent d'un taux pour les particuliers et, enfin, d'autres mesures.

M. CARDINAL: On attendra cette loi pour en discuter.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: M. Charbonneau, à la page 16, paragraphe c), j'aimerais avoir une précision sur l'intention de votre mémoire quand vous dites: "Que les commissions scolaires puissent organiser des écoles anglophones là où un nombre suffisant d'anglophones déjà engagés dans le système..." Est-ce que, dans votre esprit, cela veut dire, par exemple, que les enfants qui ne sont pas, actuellement, dans les écoles seraient considérés, un peu comme au paragraphe e), comme des immigrants qui seraient intégrés au système francophone ou si les enfants de ces gens vont continuer, disons s'ils sont en nombre suffisant, à bénéficier d'écoles anglaises? Parce que vous mentionnez "déjà engagés dans le système".

M. CHARBONNEAU: Il est clairement défini, ici, l'intention d'en arriver à un Québec dont la vie générale soit unilingue francophone, y compris pour ceux qui sont anglophones. Maintenant, nous avons écrit "engagés dans le système". Nous n'avons pas inscrit le mot "scolaire" parce que, pour nous, actuellement, un jeune anglophone de deux ou trois ans, même s'il n'est pas encore dans le système scolaire, est dans le système d'un Québec bâti sur un bilinguisme, comme on le connaît.

Je relie cet élément de réponse à la suggestion de M. Tremblay, tout à l'heure, où il parlait de mesures en vue d'un passage d'un état à l'autre. Je pense qu'il y a ici une possibilité d'organisation transitoire, mais l'intention est bien marquée: c'est d'en arriver à un système unilingue pour tout le monde. C'est l'extinction du bilinguisme.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, mon intervention est à partir des remarques que faisait le député de Jacques-Cartier tout à l'heure. Il nous a à peu près amenés au fond du problème que soulève la page 16 du mémoire de la CEQ. Le problème, avec la nouvelle structure qu'amène le projet de loi no 28, c'est qu'on y prévoit toutes sortes de garanties pour tout le monde, pour chaque père et chaque fils, sauf qu'on n'a pas prévu de langue à cette structure, ce qui fait que, dans l'entendement de plusieurs personnes, cette structure sera donc bilingue. On s'est refusé à choisir l'une ou l'autre, ce qui permet légitimement, étant donné que ce n'est pas précisé, que c'est flou, au député de Jacques-Cartier d'échafauder légitimement — je le dis encore une fois — le raisonnement qu'il a fait.

Cela permet également aussi légitimement à des témoins qui vont venir tout à l'heure à la commission ou à n'importe quel citoyen montréalais d'échafauder le raisonnement parfaitement contraire, parce qu'aussi il n'y a aucune disposition dans le projet de loi qui le permet.

Quand vous dites, par exemple, en répondant à M. Charbonneau que le principal d'école francophone dans la commission scolaire, c'est le même qui va englober votre comté francophone à l'intérieur d'une commission scolaire anglophone. Si je calcule bien, votre district aurait une commission scolaire à majorité anglophone. Comme la loi ne prévoit rien à cet égard quant à la langue de travail, langue d'administration de la nouvelle structure, vous dites: Il y aura le droit d'être servi en français jusqu'à l'échelon supérieur, conseil scolaire de l'île. Par contre, parce que la loi ne prévoit rien également, le principal d'une école anglophone dans Pointe-aux-Trembles où la minorité est de 15 p.c. pourra se prévaloir du même droit et obliger ainsi la commission scolaire à majorité francophone de l'endroit de le servir dans sa langue à lui puisque la loi ne dit rien quant à ça.

Si la commission scolaire de cette partie de l'île qui est le numéro 9, porte cette étiquette francophone par le simple jeu munérique, du fait que la population francophone est plus nombreuse dans ce coin-là, puisque ce n'est pas précisé dans la loi, le principal d'école, ou n'importe quel anglophone pourra exiger d'être servi en anglais à la fois dans son district, à la fois à la commission scolaire et à la fois au conseil scolaire de l'île. C'est ça un district bilingue comme le disait tout à l'heure le député de Bagot.

C'est pour ça qu'on dit que le projet de loi se trouve à en créer un avant que la loi fédérale ne vienne au jeu. Ce que nous demandons, conformément à ce que vient de suggérer également le président de la Corporation des enseignants, c'est qu'on lui en précise une identité linguistique, tout en reconnaissant des droits à la minorité, mais que cette loi-là ne se cache pas et ne fasse pas croire que les deux groupes sont égaux. Il y a, ici au Québec, et disons, avant tout à Montréal, parce que c'est là que se joue notre destin, une majorité francophone. Et on doit le .dire. On doit, en même temps, — là je serais d'accord, une fois que serait définie cette majorité francophone — assurer, au moyen de garanties dans le projet de loi, le droit des anglophones à avoir leurs écoles. C'est un droit qu'on ne peut pas leur enlever, qu'aucun ne peut leur enlever d'avoir l'enseignement dans leur langue, mais avoir une structure scolaire propre à une minorité, ou parallèle à une minorité. A force de garanties, cela peut équivaloir à une structure parallèle, où ils sont, dans cette structure-là, comme s'ils étaient uniques au monde. C'est un privilège. C'est juste cela que nous avons à trancher, finalement, concernant la question de la langue. Il ne s'agit pas de tout ressortir le débat du bill 63, mais le fait

que le bill 28 se refuse de l'affronter, parle de la structure scolaire de Montréal comme si c'était en Suède ou n'importe où ailleurs, il refuse de reconnaître le fait qu'il y a là-bas une majorité, sans brimer les droits de la minorité, nous donne l'occasion et va donner l'occasion, dans cette structure-là, de soulever tous les problèmes.

Je vois déjà les journaux relater, au lendemain de l'entrée en vigueur de cette nouvelle structure-là, le fait que le principal anglophone dont je vous parlais tantôt, celui de Pointe-aux-Trembles, légitimement, pourrait exiger d'être servi en anglais jusqu'à la commission scolaire et on serait bien mal placé pour le dire, parce que la loi n'en a pas parlé.

Et de la même façon, il pourrait y avoir des Sturgeon Falls, comme dit exactement le mémoire de la Corporation des enseignants du Québec, parce que, légitimement, il se groupera, dans votre ville ou dans une autre ville de l'ouest de Montréal, puisque c'est là qu'est la majorité anglophone, des Français qui, parce que la loi n'a pas précisé quelle était la langue de la structure, ou quels étaient les droits de chacun et s'est refusée à affronter le fait qu'il y avait là une majorité et une minorité, monter jusqu'au conseil scolaire, venir parader au ministère pour demander l'application de la loi.

Le problème n'est pas qu'on le tranche, c'est qu'on ne le tranche pas, avec le projet de loi 28. On laisse toute la situation comme cela. On fait semblant de ne pas voir le problème en disant: Cela dépend: là où ce sera anglophone, ce sera anglophone. Mais oui, mais il y a tout de suite quelqu'un qui dit: Il va y avoir des francophones. D'un autre côté, on dit: Là où il y aura des francophones? On se refuse à regarder le problème, et cela va nous sauter dans le visage à un moment donné.

M. SAINT-PIERRE: Mais, est-ce que la position du député de Saint-Jacques c'est que, dans la province de Québec, pour tous les organismes administratifs, parce que là, on ne parle pas du gouvernement du Québec, on parle d'une instance décentralisée, une instance où on veut reconnaître — et c'est à un des points du mémoire — une certaine liberté d'action au niveau des populations locales, au niveau des gens qu'ils vont élire démocratiquement?

La position du député de Saint-Jacques est que dans tous les organismes administratifs de la province, en dehors même du gouvernement du Québec, la seule langue qu'on peut employer, qu'on doit demander...

M. CHARRON: La seule langue officielle devrait être le français.

M. SAINT-PIERRE: ... la seule langue officielle devrait être le français. C'est donc dire qu'il faudrait peut-être songer à adopter une loi qui empêche, pour prendre un cas d'espèce, la CSN d'utiliser, d'avoir des gens à l'intérieur d'un organisme, comme un organisme syndical...

M. CHARRON: Je n'ai pas mentionné les organismes syndicaux.

M. SAINT-PIERRE: Pourquoi...

M. CHARRON: J'ai mentionné les organismes étatiques, j'ai mentionné les municipalités...

M. SAINT-PIERRE: Mais les organismes...

M. CHARRON: Qu'une centrale syndicale décide de parler la langue qu'elle veut, c'est son problème, mais pour l'Etat québécois, il devrait être reconnu, dans toutes ses instances administratives, comme francophone.

M. SAINT-PIERRE: Je pense que l'organisme étatique dont vous parlez doit refléter les conditions qui existent. Je ne pense pas que c'est par une loi qu'on va imposer des choses comme celles-là. Il va se retrouver, à l'intérieur d'une collectivité, un dynamisme. Pour quelle raison, lorsque nous avons discuté de la communauté urbaine, n'avez-vous pas exigé que la seule langue utilisée soit le français, que personne n'ait le droit de s'exprimer en anglais? On peut le faire, ce sont des choses que l'on peut changer.

Je l'ai dit au départ, le chapitre n'est pas fermé là-dessus, compte tenu qu'un gouvernement peut toujours faire des lois sur des choses semblables; dans la constitution, cela peut se faire. Il y a peut-être un moment approprié pour le faire, et j'ai exprimé l'opinion qu'avant de commencer ces choses, il me semblait, intellectuellement, qu'il était plus logique et plus cohérent avec soi-même d'attendre le déroulement des recherches. De toute façon, on tourne un peu en rond. On fait faire des recherches de $2 millions — pour la première fois depuis un siècle — et avant même qu'on les obtienne, on presse la commission de nous donner les résultats des recherches. On va prendre, à gauche et à droite...

M. CHARRON: La première chose que la commission Gendron va vous dire, c'est qu'il y a ici une majorité francophone. On n'a pas besoin de la commission Gendron pour nous le dire.

M. SAINT-PIERRE: On n'a pas formé la commission Gendron pour nous faire dire cela.

M. CHARRON: A partir de cela, il est possible pour n'importe quel gouvernement de légiférer à l'encontre ou dans le sens de cela, mais il ne peut pas faire semblant de ne pas le voir. On a la même occasion de le faire dans le projet de loi no 28.

M. SAINT-PIERRE: Je sais qu'il y a des groupes qui aiment tirer des conclusions avant d'avoir terminé la période de recherche, mais il me semble que dans un déroulement intellectuel logique, il faut finir la recherche, il faut analyser les alternatives et là, il faut prendre les décisions. C'est dans cet esprit que le projet de loi no 28 a été fait.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Bagot.

M. CARDINAL: M. le Président, je ne peux pas être entièrement d'accord avec le ministre de l'Education pour deux raisons: des raisons de fait et des raisons d'avenir. Il est vrai qu'on peut attendre le rapport de la commission Gendron pour décider d'une politique générale de langue au Québec. Dans un secteur particulier qui est celui de l'éducation, si l'on crée des structures — je demande simplement au ministre de réfléchir, je ne lui donne même pas, je n'aurais pas le droit de le faire, d'ailleurs, une directive; je lui demande d'y réfléchir sérieusement — par le projet de loi no 28, à Montréal, en se rendant compte du dynamisme justement, si on reprend les termes du ministre, qu'il y a dans ce domaine à Montréal, il y a fort à craindre que des habitudes ne se créent et que malgré le rapport de la commission Gendron ou d'autres commissions, le gouvernement soit dans une position beaucoup plus difficile pour commencer à établir des étapes.

Je pense qu'à cette table, aujourd'hui, on a quand même fait la distinction entre l'enseignement et l'administration. On dit: Chacun a droit à l'enseignement dans sa langue, sauf la remarque sur les immigrants qui vient du mémoire qui nous est présenté. On a dit: Cependant, l'administration, c'est différent. Il y a des phénomènes tout récents qui se sont produits. Il y a des tables de négociations — là, je reprends ce qu'a dit le député de Saint-Jacques — auxquelles j'ai jadis participé, qui sont du domaine privé et où, parce qu'il y avait à la table un anglophone, toutes les discussions et les procès-verbaux étaient en langue anglaise.

Au contraire, il s'est produit le phénomène de la commission Parent et de la commission Pagé où francophones et anglophones ont utilisé, en fait, la langue française. Comme disait M. Charbonneau, on peut attendre que cela se fasse, mais je partage en partie, connaissant bien Montréal, les craintes de M. Charbonneau que des usages contraires ne s'établissent justement à cause de la nature du Montréalais qui, lorsqu'il est en présence de quelqu'un d'une autre langue et qu'il sent une difficulté chez son vis-à-vis lorsque celui-ci a parfois des difficultés d'entendement, est porté, parce qu'il est bilingue, à utiliser l'autre langue. C'est le dynamisme qui se produit à Montréal actuellement et qui ne joue pas dans l'autre sens. Il suffit d'aller dans un magasin; je ne parle pas des entreprises privées.

M. SAINT-PIERRE: Si l'on parle du monde de l'éducation, je pense que l'on doit quand même admettre que dans tous les rapports entre le ministère et les organismes scolaires, que dans les rapports de groupes conjoints, comme le Conseil supérieur de l'éducation, on retrouve à la fois des anglophones et des francophones, que même aux tables de travail sur le plan syndical, je pense qu'il faut admettre que la langue française est largement, non pas largement employée mais exclusivement employée.

Je ne vois pas l'avantage de tenter de statuer dans le moindre détail, comme d'ailleurs à la Communauté urbaine de Montréal, comme dans un nombre d'organismes publics. Maintenant, est-ce que les progrès linguistiques dépendent constamment de lois? J'en doute fortement, personnellement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, dans la continuité de ce qu'a dit mon collègue, le député de Bagot, je reviens aux questions ou à l'ensemble des questions que j'ai posées au ministre au départ sur ce problème de la langue. Il n'échappe à personne qu'il s'agit là d'une question délicate, d'une matière explosive. Le gouvernement nous propose une législation qui vise à créer de nouvelles structures d'administration scolaire sur l'île de Montréal. Evidemment, si on prend ça in se, il ne semble pas y avoir de problème et on ne serait pas justifié si on ne regardait que l'aspect mécanique de poser le problème de la langue. Mais c'est précisément à l'intérieur de la structure scolaire, de l'administration scolaire que se pose, de la façon la plus aiguë, le problème de la langue.

Je suis d'accord lorsque le ministre dit: Bon, nous avons la commission Gendron, qui nous fera des recommandations. Je l'ai déjà dit moi même, je suis d'avis qu'on attende les recommandations de la commission Gendron pour élaborer une politique globale. Le ministre a prévu le coup tout à l'heure lorsque, se dérobant un peu, il a répondu à mes questions. Il a dit: Nous laissons la porte ouverte, le dossier n'est pas fermé. Mais il reste que le gouvernement pose un geste extrêmement sérieux et que, dès là que cette loi sera proclamée ou sanctionnée, il existera telle chose qu'une structure scolaire régissant l'île, qu'une loi scolaire régissant l'île de Montréal. Le ministre peut peut-être, avec raison compter sur le dynamisme de la population de Montréal. Mais, comme le disait le député de Bagot, l'habitude étant acquise, si l'on n'a pas prévu certains droits, si le gouvernement n'a pas inscrit dans la loi des provisions qui tiennent compte de façon claire, précise et spécifique du problème de la langue, il y a grand danger que les recommandations de la commission Gendron, soit dans un sens ou dans l'autre, ne soient caduques au moment où le gouvernement les présentera à la population et voudra les appliquer. C'est qu'alors, il devra reprendre le travail à pied d'oeuvre

et refondre ces lois, les amender et avec le résultat qu'il dérangera des situations de fait, des habitudes acquises et que l'on remettra encore en cause toute la question des droits, des privilèges, etc. et, si vous me permettez l'expression, M. le Président, qui n'est pas très parlementaire, on recréera le bordel.

M. SAINT-PIERRE: Oui, je pense un peu comme tantôt pour les comités d'école. Lorsqu'on parle d'habitudes acquises, on oublie un peu que le projet de loi no 28 va bousculer énormément d'habitudes acquises jusqu'à ce jour et depuis plus d'un siècle. Qu'on prenne la situation qui prévaut actuellement à l'intérieur du système confessionnel protestant, qui touche une partie importante, 60,000 élèves protestants, qu'on regarde ce qui se passe au niveau administratif et de langue de travail à ce secteur, qu'on regarde, comme l'a souligné le député de Saint-Jacques, à l'intérieur d'une structure catholique ce qui s'est passé pour toutes sortes de raisons jusqu'ici à l'intérieur de la CECM, et je pense que quand même le projet de loi 28 ne peut que faire de grands progrès dans ce secteur.

J'indique simplement qu'il ne me semble pas opportun d'inclure immédiatement dans le temps et dans ce projet de loi de s'attaquer au problème réel qu'on soulève.

M. CHARRON: M. le Président, une dernière remarque, si vous me permettez, à la suite des propos du député de Chicoutimi. Le fait qu'on se réfère constamment à l'attente du rapport Gendron peut être, en une certaine occasion, un leurre. D'abord, nous ne connaissons pas quelles seront ces recommandations et chacun sait par expérience, et ce n'est pas moi le plus expérimenté là-dedans, qu'il y a tout un monde à franchir entre le dépôt d'un rapport de commission royale d'enquête et l'application de ses recommandations par un gouvernement. Il y a tout un monde. Cela a pris sept ans, par exemple, avant d'obtenir l'application du rapport Parent quant à la structure scolaire de Montréal, on y arrive.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député de Saint-Jacques convient avec moi que le gouvernement d'alors aurait fait preuve d'irresponsabilité, si on prend un peu de recul, s'il n'avait pas attendu le dépôt du rapport Parent pour commencer à faire des réformes majeures dans le domaine scolaire? Est-ce qu'il n'y a pas une cohérence dans la démarche intellectuelle de faire le travail...

M. CHARRON: Je ne refuse pas à un gouvernement le droit de faire une enquête, qu'elle soit royale ou non, sur un problème pour obtenir de meilleures solutions. Je pense que la politique sociale que défend, seul, malheureusement, le ministre Castonguay actuellement est à partir d'un rapport dont tout le monde s'inspire. Ce n'est pas ça que je remets en question.

Mais le député de Chicoutimi a légitimement souligné que ce n'est pas parce que le rapport va être déposé qu'il faut croire qu'il sera immédiatement appliqué. On ne sait pas quelles recommandations on aura et on ne sait pas quelle sera la majorité à l'intérieur du cabinet à ce moment-là pour décider si oui ou non applique telle recommandation. Dire à la population: Attendez le rapport Gendron, il assurera vos droits, c'est lui faire sauter une étape dont, je pense, plus personne ne se leurre actuellement.

Deuxièmement, le projet de loi 28 ressemble en un point au projet de loi 63, il prend une habitude et la transforme en droit. Le droit à l'école anglaise pour les anglophones n'avait jamais été consacré. Il l'a été par l'article 2 de la loi 63. Actuellement, qu'on le veuille ou non, si on adopte le projet de loi 28 comme il est là, dans son bilinguisme, on se trouve à créer un droit. Actuellement, il n'y a pas de langue définie quant à l'administration scolaire à Montréal. Il y en a eu une pour chaque groupe. Et là, au moment où on l'unifie, on consacre la structure bilingue.

Supposons que le rapport Gendron vous recommande de faire la structure scolaire francophone à Montréal et que vous décidiez — il y a un paquet de "si" là — de donner suite à cette recommandation, vous vous heurteriez à un droit, parce que vous l'auriez désormais consacré par la loi 28. Les anglophones viendraient défiler ici pour vous dire: Depuis l'adoption, en novembre 1971, de la loi 28, vous nous avez reconnu le droit d'utiliser notre langue à tous les niveaux de la structure scolaire à Montréal et maintenant vous nous enlevez ce droit. Il ne faut pas se faire d'illusion; en refusant de trancher le problème de la langue dans l'administration scolaire à Montréal, on ratifie, on consacre en droit une habitude passée, c'est-à-dire du bilinguisme administratif. Si Gendron nous recommande la commission scolaire uni-lingue-francophone sur le plan administratif, comme le demande la CEQ, comme le demande le Parti québécois et que, par hasard, on décide d'y donner suite, nous allons désormais nous heurter à un droit. C'est pour cela qu'il serait important de donner suite à la recommandation de la CEQ et de le faire tout de suite — parce qu'il n'y a pas de droit en cette matière à Montréal; il y a une habitude — avant que cela devienne un droit et qu'on soit "poigné" avec pour cinq, six ou huit ans après.

C'est justement aller à l'encontre de votre idée; vous allez trop vite en consacrant le bilinguisme avant le rapport Gendron. Vous ne savez pas ce que Gendron va vous dire quant à la langue de l'administration scolaire à Montréal. Vous consacrez le bilinguisme, comme c'est là. Soyez logique avec votre philosophie d'attendre Gendron et ne faites pas de droit tout de suite.

M. SAINT-PIERRE: Je prends acte qu'avant même que la commission Gendron nous fasse des recommandations vous avez fait votre idée.

M. CHARRON: Certainement.

M. SAINT-PIERRE: Moi, par cohérence, je préfère — si on ne dépense pas $2 millions pour rien — attendre. Je suis ouvert à des types de recommandations pour voir la réflexion de types qui se sont penchés sur un problème.

M. CHARRON: Et si on ne veut pas avoir dépensé $2 millions pour rien? Et si Gendron, par hasard, recommandait l'unilinguisme français dans la structure administrative de l'école, seriez-vous prêts, pour ne pas avoir dépensé pour rien, à appliquer ce règlement sur l'île de Montréal en allant à l'encontre d'un droit que vous aviez reconnu quelques années auparavant?

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: A la suite de cette législation, M. le Président, il faut penser qu'il s'établira entre les francophones et les anglophones des relations. Ces gens travailleront ensemble.

En pratique, ils se connaîtront mieux, il se créera des amitiés, il se créera des relations, comme il s'en est créé au point de vue municipal, et il ne faut pas croire que tous les Canadiens français et tous les Anglais se mettront là tous les matins à exiger leurs droits.

Il faut avoir travaillé avec le public au niveau des différents corps publics dans des comtés où la minorité est nombreuse pour savoir qu'à l'échelle humaine, ça ne fonctionne pas comme ça. Il ne faut pas en partant considérer toujours les Québécois comme des extrémistes d'un côté ou de l'autre. Je crois que la très grande majorité des Québécois est de bonne volonté et lorsqu'ils sont appelés à travailler ensemble, ils le prouvent, de par leur conduite.

Je ne vois pas ce que la commission Gendron, personnellement, vient faire là-dedans. Si je ne m'abuse, elle a été établie pour essayer d'apporter des solutions à certaines personnes ou à certains groupes qui se croiraient maltraités au point de vue linguistique. Le but des études de la commission Gendron est donc de rendre justice à tous les Québécois au point de vue de la langue.

Mais la commission Gendron n'a pas été établie pour brimer les droits de qui que ce soit. Personnellement, je crois qu'en pratique, si on veut rendre cette législation absolument inapplicable en fait, il s'agirait, par certains articles, de restreindre les libertés d'action ou les droits linguistiques ou religieux que certains Québécois considèrent comme étant les leurs pour les rendre en fait absolument inapplicables. Personnellement, je n'attends certainement pas le résultat des études de la commission Gendron pour savoir que les gens de langue anglaise de mon comté ont des droits, et la commission Gendron me conseillerait-elle de mettre ou d'accepter dans cette législation un article qui irait contre les droits de mes concitoyens que je m'y opposerais. Dans ma vie, j'ai toujours parlé le français quand je l'ai voulu, je n'ai jamais demandé à qui que ce soit la permission de le faire, dans n'importe quelle occasion ou situation, je n'attends pas que les concitoyens de langue anglaise soient obligés, non plus, de demander à qui que ce soit la permission de parler l'anglais, lorsqu'ils le veulent bien.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bagot.

M. CARDINAL: Je vais reprendre une phrase du ministre de l'Education, parce que, si il l'a vraiment prononcée, elle me surprend. Il aurait dit tantôt qu'on a attendu le rapport Parent pour commencer les réformes. Or, je rappellerai que les réformes de l'éducation ont commencé en 1958, que le ministère de l'Education a été créé en 1964 et que la quatrième partie, la bonne, est sortie pendant la campagne électorale de 1966. Je pense qu'un membre du Parti libéral devrait s'en souvenir.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: Le député de Saint-Jacques, tantôt, a soulevé des inquiétudes quant à la consécration d'un droit en vertu du bill no 28. J'aimerais bien personnellement, pour ma propre information, que soit le ministre ou les juristes qui sont ici autour puissent me dire à moi si c'est vraiment vrai. Est-ce que si le gouvernement, par exemple, à la suite du rapport Gendron, décide de changer quelque chose dans le bill 28, automatiquement, en vertu du bill 28, on invoquerait un droit? Est-ce que son inquiétude est réelle? J'aimerais bien que les juristes ou les avocats qui sont ici puissent m'informer là-dessus.

M. CARDINAL: Si M. le Président me le permet, ce n'est pas dans ce sens, je pense, que mon collègue de Chicoutimi et moi-même sommes intervenus. C'était uniquement — je termine là-dessus, surtout qu'il est presque midi et demi — pour inciter le ministre à y penser profondément avant d'adopter définitivement le projet de loi.

Sur le plan juridique, la question que pose le député demanderait un très long développe ment et probablement que personne ne s'entendrait. Je reprends la position du ministre et, là-dessus, je suis entièrement d'accord. J'étais trop heureux quand j'ai entendu sa déclaration, disant: C'est assez parlé de la question constitutionnelle au sujet du projet de loi no 28 ou du projet de loi no 27 devenu loi. On les adoptera et on verra après s'il y en a qui veulent les contester. J'ai la même attitude vis-à-vis de ceci. Si un jour il y a lieu d'amender le projet de loi no 28 parce qu'il aura été imparfait au départ, je ne soulèverais ni la question constitutionnelle

ni la question juridique. Je pense que le gouvernement du Québec a le droit d'adopter les lois qu'il pense les meilleures pour les citoyens du Québec. Je ne commenterai pas davantage, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Il est midi trente. Je remercie la Corporation des enseignants du Québec et M. Charbonneau. A deux heures trente, nous entendrons la Ligue des propriétaires de Montréal, représentée par M. Gilles Tremblay.

La séance est levée.

Reprise de la séance à 14 h 34

M. PILOTE (président de la commission parlementaire de l'Education): A l'ordre, messieurs!

J'inviterais le représentant de la Ligue des propriétaires de Montréal, M. Gilles Tremblay, à bien vouloir faire son exposé.

M. Tremblay.

Ligue des propriétaires de Montréal

M. PERRAS: Excusez-moi, si vous le permettez. Je suis le Dr Loyola Perras, président de la Ligue des propriétaires de Montréal.

Nous avons pris connaissance du projet de loi no 28. Nous croyons que c'est le devoir de notre association de présenter un mémoire, vu que le coût des dépenses scolaires a tellement augmenté et que les propriétés foncières sont saturées de taxes actuellement.

Nous avons nommé M. Tremblay président du comité d'étude de la réforme fiscale; avec plusieurs autres, nous avons rédigé le mémoire que nous vous présentons. Alors, si vous le permettez, je vais donner la parole à M. Tremblay, qui va présenter le mémoire.

M. LE PRESIDENT: La parole est à M. Tremblay.

M. TREMBLAY (Gilles): Messieurs, la Ligue des propriétaires de Montréal a étudié attentivement le présent projet de loi et particulièrement les dispositions se rapportant à la taxation.

Dans ce mémoire, nous vous proposons certaines recommandations qui, à notre avis, rendraient la loi plus juste.

Nous énonçons premièrement un principe de base. Comme base du système de taxation scolaire, nous vous proposons ceci: "Tous les citoyens qui sont dans des situations financières identiques ont droit à s'attendre à un traitement identique. Il ne devrait pas y avoir de discrimination. Ce principe fondamental de justice devrait s'appliquer à tout régime fiscal". Ceci est un extrait du "Ontario Committee on Taxation", le rapport Smith, tome Il, page 12.

C'est dire que les individus qui touchent des revenus semblables devraient payer les mêmes impôts et que, par corollaire, les personnes qui habitent des logements de valeur égale devraient payer les mêmes taxes scolaires.

Selon l'article 650 du bill 28, une surcharge serait imposée sur les propriétés évaluées à plus de $100,000. Cette mesure semble être une tentative d'imposer un système d'impôts progressifs sur le revenu dans un domaine, celui de l'impôt foncier, où une telle mesure ne peut que causer des anomalies et de graves injustices. Nous nous expliquons.

Incidence sur le locataire. "Ce n'est pas le propriétaire mais bien le locataire qui, à la longue, paie les impôts fonciers." Encore un extrait du rapport Smith aux pages 6, 7, 8 et 93.

Le propriétaire n'est que l'agent du fisc. Il perçoit la taxe scolaire de ses locataires pour la remettre à la municipalité qui, à son tour, la remet à la commission scolaire. Le fait que la taxe scolaire est comprise dans le loyer et qu'elle passe entre les mains du propriétaire ne l'enrichit pas plus qu'elle n'enrichit la municipalité qui partage avec lui la responsabilité de la percevoir. Cet acte de sa part ne change en rien le fait que la taxe scolaire est à la charge du locataire. N'oublions pas toutefois que le propriétaire paie toujours la taxe sur le logement ou la maison qu'il occupe. Nous pouvons dire, en toute vérité, qu'à la longue c'est l'occupant du logement qui paie la taxe scolaire.

Considérez aussi que la valeur totale d'une propriété n'a rien à voir avec la valeur des logements qu'elle contient. Comme preuve, nous vous proposons quelques exemples qui démontrent aussi l'incidence de la surtaxe proposée sur les loyers. Si vous le désirez, nous vous fournirons volontiers les adresses des propriétés en question.

Nous montrons dans un tableau ici quatre propriétés évaluées de $265,500 en descendant à $25,070. La première propriété a 64 logements mais ces logements se louent, en moyenne, $73 par mois. La surtaxe par an sur cette propriété serait de $1,900, ce qui fait environ $30 par année par logement ou 3.5 p.c. du loyer annuel. La propriété suivante, de $164,000 aurait un effet à peu près semblable excepté que les logements, dans ce deuxième immeuble, sont loués, en moyenne, $106, une classe un peu plus à l'aise.

Considérons ensuite un logement dans une maison de la troisième rangée. L'immeuble est évalué à $28,000 et il n'y a que six logements dans la maison qui se louent $86 par mois. Ces locataires n'auraient rien à payer. Si vous voulez voir une anomalie encore plus frappante, considérez la dernière ligne.

Les deux logements dans la maison sont loués à $375 par mois, une classe de gens plus à l'aise que ceux qui paient $73 par mois et qui ne paieraient aucune surtaxe sur leur logement.

Donc, la surtaxe proposée sera injuste dans le cas d'un bon nombre de locataires, pas tous, mais un bon nombre. Certains d'entre eux, habitant des logements modestes, paieront plus tandis que d'autres plus fortunés, ne souffriront aucune augmentation.

Pour ce qui est de l'incidence pour le propriétaire, quelques-uns ne pourront pas faire absorber la surtaxe par leurs locataires car l'imposition d'une telle taxe à un niveau arbitraire de $100,000 créera un chevauchement insensé. Quelques rues de Montréal, pour vous donner un exemple, sont bordées de maisons de dix et de vingt unités comportant des logements quasi identiques. Celles de dix logements sont évaluées à moins de $100,000 tandis que celles de vingt logements dépassent cette somme. Mais n'oubliez pas que les logements sont toujours semblables. Donc, il serait difficile pour le propriétaire d'une grosse maison d'exiger une augmentation afin de défrayer la surtaxe si le propriétaire de la petite maison voisine n'en fait pas autant.

Ajoutons qu'à titre d'impôt sur le revenu, si tel est le cas de l'article 650, la mesure est particulièrement injuste car le revenu net, imposable, d'une propriété n'a qu'une relation très imprécise avec son évaluation municipale. Une propriété imposante peut bien être rentable mais elle peut tout aussi bien être déficitaire. Considérez aussi que la surtaxe ne vise au hasard que quelques propriétaires. Si un impôt progressif sur le revenu doit être imposé, dissimulé sous forme de surtaxe ou autrement, pourquoi ne pas l'imposer à toute la population? Aux propriétaires bien entendu, mais aussi aux marchands,, aux manufacturiers, aux professionnels aux salariés, enfin à tous.

Autres considérations. Nous constatons aussi que la surtaxe en question n'est pas appliquée au reste de la province par le projet de loi 27. Pourquoi donc cette discrimination à l'égard des Montréalais?

Enfin, nous nous interrogeons sur la nécessité d'une augmentation de la taxe scolaire à l'heure actuelle, que ce soit par surtaxe ou autrement. Il nous semble que l'un des buts de la restructuration scolaire serait d'augmenter l'efficacité du système non seulement au niveau de l'enseignement, mais au chapitre administratif aussi.

En améliorant les structures, en faisant une meilleure utilisation du matériel et du personnel scolaires, en centralisant les achats, en contrôlant mieux les coûts de construction, en évitant la duplication dans des régions voisines, en évitant le luxe insolent qui saute parfois aux yeux, il nous semblerait possible d'absorber en entier le coût occasionné par la création d'un palier administratif additionnel au niveau du conseil de l'île. De plus, face à la réduction du taux des naissances, accompagnée d'une baisse déjà évidente des inscriptions dans les écoles, il nous semblerait loisible de s'attendre à une diminution des budgets scolaires.

Pour résumer, une surtaxe sur la propriété à revenus aura un effet particulièrement injuste. Elle fera augmenter certains loyers — mais pas tous — sans égard à la valeur des logements et elle pénalisera certains propriétaires — encore pas tous — sans égard à la rentabilité de leurs immeubles ou à leur habilité de payer. Cette surtaxe va évidemment à l'encontre de l'énoncé

de principe pour un système de taxation juste et équitable.

Face à ces constatations, nous recommandons, premièrement, que l'article 650 soit biffé du bill no 28 et, deuxièmement, que l'on songe à réduire la taxe scolaire dans l'immédiat plutôt que de l'augmenter.

Selon l'article 600, le conseil de l'île sera composé de quinze membres désignés soit par le ministre de l'Education soit par les commissions scolaires. Tous, semble-t-il, auront une orientation éducationnelle et se préoccuperont avant tout des programmes d'étude et des questions connexes.

Mais, dans ce groupe, qui se préoccupera particulièrement de l'incidence qu'aura le prélèvement des vastes sommes nécessaires sur le milieu dans lequel le conseil de l'Ile doit oeuvrer? Nous croyons que les propriétaires sont tout désignés pour remplir cette fonction.

Les propriétaires sont — et je le souligne — responsables des taxes scolaires, même celles qui sont indirectement payées par les locataires. Si les locaux sont libres, si un propriétaire essuie des pertes de loyer pour quelque raison que ce soit, il doit quand même payer les impôts fonciers exigés. A ce titre, il doit avoir droit de regard sur la disposition des deniers pour lesquels il est tenu responsable.

A la lumière de ces faits, nous recommandons:

Premièrement: Que deux membres soient ajoutés au conseil de l'île et que ces membres soient désignés par la Ligue des propriétaires de Montréal ;

Deuxièmement: Que ces deux membres aient voix délibérante et jouissent des mêmes pouvoirs que les membres désignés par les commissions scolaires;

Troisièmement: Qu'un de ces membres représentant des propriétaires siège au comité exécutif et soit désigné à ce poste par la Ligue des propriétaires de Montréal.

Les articles 606 et 646:

Selon ces articles, le bill 28 accorderait au conseil de l'île le plein pouvoir de fixer le taux de la taxe scolaire des particuliers et celui des corporations.

Nous sommes d'avis que ces pouvoirs sont excessifs à l'époque où nous vivons, car les sommes en jeu deviendront trop importantes lors de la création du conseil. Nous croyons qu'à ce moment on devra tenir compte de l'interrelation de la taxe scolaire avec celles qui sont prélevées dans d'autres champs de taxation et établir un équilibre raisonnable entre celles-ci.

Nous croyons que l'ensemble, la totalité des revenus retirés de la population par les gouver- nements aux divers échelons doit avoir une certaine limite; il nous semble aussi qu'il appartient au gouvernement provincial d'établir les priorités pour la disposition d'une large part de ces fonds. Une des priorités de nos jours pour la région de Montréal, habitée par le tiers de la population de la province, est sans aucun doute le relèvement économique, mais il peut y en avoir d'autres, évidemment. Il y a aussi les priorités à établir entre notre région et le reste de la province.

Le conseil de l'île, si bien intentionné qu'il soit, n'étant pas en mesure de connaître ni d'apprécier les priorités existant à l'échelon provincial, pourrait bien accaparer une trop large part de l'assiette fiscale et, par ce fait, créer un déséquilibre dans l'allocation des fonds perçus des contribuables. En quelque sorte, il pourrait subvertir inconsciemment le programme du gouvernement que ce soit dans le domaine du relèvement économique ou ailleurs.

Nous ne pouvons pas affirmer qu'un tel événement se produira. Nous soulignons simplement que le projet de loi ouvre la porte à des abus. Nous croyons que le gouvernement ne devrait pas laisser cette pleine liberté au conseil de l'île. Nous recommandons que le gouvernement, tenant compte des besoins des autres ministères, des priorités à l'échelon provincial dans tous les secteurs économiques et sociaux, se réserve le droit d'établir des marges à l'intérieur desquelles le conseil de l'île devra fixer le taux des taxes scolaires et que ces marges soient évidemment révisées périodiquement.

Nous croyons, messieurs, avoir avancé des propositions favorables à l'ensemble de la population de l'île, et de la province, et nous espérons que vous y songerez sérieusement. Agréez, messieurs, l'expression de nos sentiments distingués.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Bagot.

M. CARDINAL: A l'occasion du mémoire de la Ligue des propriétaires de Montréal, j'aurais une question à poser au ministre pour éclaircir la situation. Le ministre, ce matin, lorsque nous avons reçu le mémoire de la CEQ, nous a annoncé que non pas à la prochaine session, mais à la reprise des travaux, au cours ou d'ici à la fin de la session, il présenterait un projet de loi pour modifier la structure du financement de l'éducation au Québec.

Est-ce que, dans l'esprit du ministre et du gouvernement actuel, ce nouveau projet de loi viendrait modifier le financement des commis-

sions scolaires établi dans le projet de loi 28? Cela pourrait peut-être répondre à certaines préoccupations de la Ligue des propriétaires de Montréal.

M. SAINT-PIERRE: Je pense qu'en substance il n'y aura pas de modification dans des éléments assez importants, parce qu'il y a un caractère historique. Par exemple, les subventions statutaires, pour en nommer un, seraient enlevées, c'est-à-dire des montants qui correspondent à peine à 10 p.c. ou 15 p.c. des coûts totaux d'éducation. Honnêtement, je pense que ça va avoir surtout beaucoup plus d'effet à l'extérieur de l'île de Montréal où on a à la fois des commissions scolaires régionales et les commissions scolaires locales qui se partagent l'assiette, où il y a sur le même territoire une commission scolaire protestante et catholique, où il y a une taxe pour les neutres.

La loi du financement scolaire va sûrement avoir plus d'effet à l'extérieur de l'île de Montréal que sur le projet de loi 28. Je pense que l'esprit même du financement dans le projet de loi 28 va demeurer, à savoir, au niveau de l'île, un taux de taxe qui est fixé, qui tient compte de normes provinciales.

Ajoutez à ceci des dépenses non pas inadmissibles mais au-delà de nos normes provinciales, qui pourraient être utilisées dans des cas de rattrapage, qui pourraient être, suivant les décisions du conseil de l'île, affectées à certains endroits plus qu'à d'autres et, enfin, les conditions actuelles que nous avons, un taux de taxe pour les compagnies, un taux de taxe pour les particuliers. Alors, à l'île même, il n'y aura pas de...

Peut-être pour répondre à la question soulevée, je prends note du désir de la Ligue des propriétaires. Je pense que cela déborde le projet de loi no 28. Cela touche à l'ensemble de la taxation foncière et des discussions avec le ministère des Affaires municipales. Nous avons tenté, dans les deux projets de loi, de nous y conformer. C'est ce qui explique les $100,000. Le problème demeure mais c'est ce même type de problème; nous avons tenté, sur le plan scolaire et sur le plan municipal, d'avoir la même approche. C'est ce qui explique une certaine concordance entre les deux, sans pour autant...

M. CARDINAL: Une question additionnelle, M. le Président, si vous me le permettez. Elle s'adresse aussi aux représentants de la Ligue des propriétaires qu'au ministre. Dois-je comprendre que le tableau, à la page 2, est fondé uniquement sur l'excédent des $100,000 ou sur le fait que toute propriété de $100,000 serait surtaxée? Le texte de loi ne parle de surtaxe que sur l'excédent et non pas sur la valeur totale.

M. TREMBLAY (Gilles): Précisément. Le taux de taxe scolaire, à Montréal, pour un particulier, est de $1.65. Le taux de la taxe des neutres est de $2.90. Donc, il y a une différence de $1.25. Sur l'immeuble de $265,000, si vous voulez soustraire $100,000, cela veut dire que vous multipliez l'excédent de $165,000 par $1.25 par $100 d'évaluation, ce qui vous donne $1,900, c'est-à-dire que la surtaxe sur la première propriété sera de $1,900 et, pour la deuxième, de $750.

M. CARDINAL: Evidemment, mais il faut admettre que sous le nouveau système préconisé par le gouvernement, il n'y aurait pas deux sortes de taxation: l'une dite des neutres, qui, actuellement, est divisée, à mon humble point de vue, d'une façon inéquitable, et l'autre dite des confessionnels. Dans le projet de loi no 28, il n'y a qu'un seul taux plus la surtaxe.

M. TREMBLAY (Gilles): Mais M. Cardinal, actuellement, à Montréal, le taux des particuliers est le même, quelle que soit la religion de l'individu: le taux de la taxe d'un protestant, d'un catholique ou d'un individu qui ne pratique aucune religion. Ils paient tous $1.65. Comment est faite la répartition de ces fonds? Nous l'ignorons. Mais nous parlons du prélèvement des sommes, non pas de la distribution.

M. CARDINAL: Elle est faite...

M. TREMBLAY (Gilles): Tandis que la taxe des corporations est de $2.90 par $100 d'évaluation, donc $1.25 de plus.

M. CARDINAL: Evidemment la répartition, actuellement — le ministre me corrigera — est faite selon la loi, qui est modifiée, en fait, presque à chaque année. Ce n'est que depuis 'quelques années que le taux, par exemple, des catholiques et des protestants est le même, parce qu'autrefois il y avait trois taux.

C'est pourquoi je vous dis, en étudiant le tableau, qu'il y a peut-être lieu de s'asseoir et de réfléchir, comme l'a dit le ministre, parce qu'il faut tenir compte de ce phénomène que la taxe des neutres comme telle disparaît, qu'il y a un seul taux de taxe plus une surtaxe sur l'excédent du $100,000, que la maison soit unifami-

liale ou qu'elle soit à revenu, si je comprends bien.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de l'Assomption.

M. PERREAULT: La Ligue des propriétaires aimerait voir biffer l'article 650. Mais admettons que l'on garde l'article 650, à la page 2 vous mentionnez que la valeur totale d'une propriété n'a rien à voir avec la valeur des logements qu'elle contient. Est-ce qu'alors, si on se basait, pour cette surtaxe, sur la valeur locative du rôle, vous ne seriez pas plus favorisés, ne corrigerait-on pas cette anomalie?

M. TREMBLAY (Gilles): Oui, effectivement, ce serait plus équitable. J'aimerais vous mentionner en passant, un rapport du "Ontario Committee on Taxation" que voici. C'est la seule étude que nous avons pu trouver qui traite non seulement des impôts fonciers mais de l'interrelation des impôts fonciers avec les taxes d'affaires, avec les taxes municipales et avec les taxes provinciales et fédérales, qui traite le tout dans son ensemble. C'est un ouvrage formidable et qui a été très bien reçu en Ontario.

Effectivement, dans ce rapport, M. Smith proposait, pour dégrever certains propriétaires, une exemption de base: que les premiers $1,000, $2,000 ou $3,000 (ce serait à déterminer) ne seraient pas taxés et que ça s'appliquerait à toute la population. En d'autre mots, une personne qui est propriétaire d'une maison unifamiliale bénéficierait d'une exemption de taxes sur les premiers $2,000 ou $3,000 d'évaluation.

La personne qui habite un logement loué bénéficierait aussi d'une exemption de base qui pourrait lui être payée par subvention ou en réduisant la totalité de la taxe du propriétaire pour que les loyers soient plus bas. Mais ce serait un peu long à vous expliquer, il faut une couple de chapitres pour élaborer ce programme, mais je vous recommanderais très fortement de lire le rapport du "Ontario Committee on Taxation".

M. CARDINAL: Vous n'avez pas pensé que l'impôt payé par les propriétaires pour fins de taxes scolaires pourrait être exempté de l'impôt fédéral, par exemple?

M. TREMBLAY (Gilles): Que l'impôt...

M. CARDINAL: Que l'impôt payé pour fins scolaires par les propriétaires du Québec pourrait être déductible de l'impôt sur le revenu fédéral. Cela aiderait beaucoup de monde et ça apporterait des fonds au Québec.

M. TREMBLAY (Gilles): Je suis absolument d'accord, mais pourvu que non seulement les propriétaires de maisons unifamiliales, mais aussi les locataires puissent réclamer une réduction d'impôt sur les taxes scolaires d'après l'impôt qui est payé par le propriétaire pour eux.

M. LE PRESIDENT: Merci. Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. Tremblay, sur la première partie du mémoire qui a été déposé par la Ligue des propriétaires, vous recevez mon accord, mais vous savez que, pour notre part, nous préconisons le financement de l'éducation à partir de l'impôt progressif sur le revenu. Comme vous, nous considérons la taxation foncière comme injuste. Le témoignage que vous apportez, comme quoi l'article 650 de la loi, s'il était adopté, ne ferait qu'augmenter l'injustice de ce système, tombe à point, je pense.

Vous qualifiez d'arbitraire, à un moment donné, le choix de $100,000 qu'a effectué le ministre de l'Education. C'est à lui que je vais poser la question, parce que je ne crois pas, — on a mis tellement de temps avant de rédiger ce projet de loi — qu'on soit arrivé à la rédaction de l'article 650 sans étude préalable. Pourquoi $100,000 plutôt que $90,000 ou $125,000? D'autre part, a-t-on calculé, dans l'hypothèse où la loi devait être votée, quel est le revenu, disons le pourcentage de revenu, que cette surtaxe pourrait signifier dans tous les revenus du conseil de l'île?

M. SAINT-PIERRE: C'est une question qu'on avait discutée, je pense, à la commission des Affaires municipales, ça relève de la même chose. Les $100,000, c'était en partant de l'hypothèse que dans la contribution pour l'impôt foncier, tant municipal que scolaire, il y aurait une différence entre l'individu et la compagnie commerciale qui peut être impliquée dans la spéculation immobilière, qui peut être impliquée dans plusieurs logements. Or, les $100,000 étaient pour permettre à un petit contribuable qui a un ou deux logements d'être soustrait à ceci, puisqu'en général, ce sont des revenus raisonnablemement modestes, les $100,000 étant une espèce de palier où on déborde, d'une part, la maison unifamiliale et, d'autre part, la maison de deux ou trois logements qu'un individu pourrait avoir, et là, qu'on tombe en général sur des corporations. C'est qu'antérieurement on a eu le phénomène que des grandes corporations, par des jeux que les avocats connaissent plus que moi, avaient comme propriétaires d'édifices de $20 millions, $30 millions, $40 millions des personnes qui se soustrayaient alors à la taxe des neutres qui, comme l'indique monsieur, était différente. C'était simplement pour trouver une façon de...

M. CHARRON: Il reste que l'exemple apporté par la Ligue des propriétaires, le tableau de la page 2, va un peu à l'encontre de ce que vous venez de dire, parce que, dans l'évaluation municipale, — c'est celle sur laquelle vous vous basez — si on regarde le prix des loyers actuellement et ceux qui seraient touchés par une éventuelle hausse des loyers par la suite, comme on le dit, en citant le rapport du comité ontarien, c'est finalement le locataire qui paie. Ce sont des gens qui paient actuellement un loyer de $73 par mois, tandis que des gens à $375 par mois se trouveraient sauvés de cette surtaxe, parce que la maison est évaluée à $25,000. Je ne peux pas concevoir cela, ou alors c'est au ministre des Affaires municipales qu'il faut le demander — puis je ne serais pas sûr d'avoir une réponse, le connaissant — mais comment se fait-il qu'on ait choisi $100,000 à peu près comme ça sans calculer ce que ça signifie comme revenu du conseil de l'île? Pourquoi avoir choisi un montant, un taux de surtaxe qui risque, selon l'analyse de la Ligue des propriétaires — et le ministre ne m'a pas donné une autre analyse qui pourrait me prouver le contraire — d'aggraver le système foncièrement injuste de la taxe foncière à Montréal? Je ne vois pas pourquoi vous mettez l'article 650. Est-ce un revenu tellement important que vous ne pouvez pas vous en passer?

Il est évalué à combien, sur l'île de Montréal, ce revenu-là? Qu'est-ce qu'il signifierait dans le revenu du conseil de l'île?

M. SAINT-PIERRE: De mémoire — je peux obtenir l'information — je ne pourrais pas le citer, mais il faut penser qu'en partie la législation vise — les $100,000 ont été dans cela — les endroits comme Place Ville-Marie qui, avant, pouvaient être, par un jeu d'avocat encore une fois, donnés comme propriété à un particulier qui alors disait: Moi, je suis catholique, je suis particulier et je paie $1.65.

M. CHARRON: Oui, mais la loi abolit cela. La loi abolit la classification religieuse pour la taxation.

M. SAINT-PIERRE: Non, mais la loi...

M. CHARRON: Donc, il ne pourra pas la défiler.

M. SAINT-PIERRE: Oui, je le sais. La loi retient cependant, contrairement peut-être à l'impression que le député de Bagot a pu laisser, ce double taux pour les particuliers et pour les compagnies. La religion n'entre pas mais il y a une différence de taux entre les particuliers et les compagnies.

Or, c'était pour trouver une façon de bien définir "compagnie", de ne pas avoir quelqu'un qui est propriétaire de Place Ville-Marie, et qui, par un jeu juridique, peut mettre M. X propriétaire de Place V i 11 e-M a r i e et de payer à peu près la moitié du fardeau qu'équitablement Place Ville-Marie devait payer. Maintenant, où s'arrête la limite? Là, je nomme des édifices qui me viennent à l'esprit. Est-ce que Westmount Square, avec 360 logements, tombait dans cette même catégorie et là, on baissait? On ne voulait pas toucher le propriétaire qui a cinq ou trois logements alors que cela peut être pour lui la forme de revenu unique qu'il possède.

Par contre, il fallait s'arrêter. Dans des études des Affaires municipales, c'est à peu près ce montant de $100,000. L'exemple de $265,000 m'apparaît quand même un cas d'espèce. Si on prend l'ensemble, pour répondre spécifiquement aux préoccupations que vous soulevez, des logements à Montréal ainsi que l'ensemble des évaluations, je pense que l'on trouvera que cette mesure-là, à tort ou à raison, touche celui qu'on veut toucher, c'est-à-dire le gros propriétaire.

M. CHARRON: En tout cas, avant l'adoption de l'article 650...

M. SAINT-PIERRE: On pourrait...

M. CHARRON: ... il va falloir très certainement clarifier cela. Il faudra savoir la raison de cela parce qu'on ne peut pas l'accepter juste comme tape-à-1'oeil, comme cela et dire: Ce qui vaut $100,000 on le taxe plus. On peut se ramasser avec le fait que ce sont les petits locataires qui vont...

M. SAINT-PIERRE: Je ne sais pas si le député de Saint-Jacques était ici, mais fondamentalement, on a accepté que sur le plan scolaire, on n'était pas pour avoir un système sur le plan de l'évaluation, sur le plan de la perception, particulièrement à l'île de Montréal, qui était pour être différent de celui que nous avions sur le plan municipal.

C'est une réplique de ce que l'on retrouve dans la Loi de la communauté urbaine. A l'époque, il y a eu une longue discussion avec des représentants de la Ligue des propriétaires et autres organismes sur la rédaction de ce texte-là. Le débat est encore ouvert puisque cette loi-là, no 48, n'a pas été adoptée encore. Elle est encore en commission. Sur cet aspect d'évaluation de taux différents pour les particuliers et pour les compagnies, on ne peut calquer ce qui se faisait sur le plan municipal et si le législateur et l'ensemble des membres trouvent que sur le plan municipal il faut apporter des modifications ou des changements pour les mêmes raisons, puisque les points que vous soulevez s'appliqueraient également sur le plan municipal, je pense qu'il serait dans notre intention, par concordance, d'apporter les mêmes changements sur le plan scolaire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, le mémoire de la Ligue des propriétaires de Montréal est extrêmement intéressant. J'en-

tendais tout à l'heure le député de Saint-Jacques parler du caractère injuste et inéquitable de la taxation foncière à Montréal. Cela me faisait souvenir des déclarations multiples qu'avait faites le député de Bagot alors qu'il était ministre de l'Education, et après, et des recommandations qu'il avait soumises au début de l'année 1970 afin de corriger cette situation qu'il considérait comme injuste et inéquitable.

Je désirerais poser une question au ministre de l'Education à la suite de la proposition que fait M. Tremblay dans son mémoire au nom des propriétaires de Montréal. Il demande, premièrement, à la page 3, que l'article 650 soit biffé du projet de loi no 28 et, deuxièmement, que l'on songe à réduire la taxe scolaire dans l'immédiat plutôt que de l'augmenter.

La question que je veux poser au ministre est la suivante: Compte tenu de la Loi no 48 et du projet de loi dont nous a parlé ce matin le ministre sur le réaménagement de la fiscalité scolaire, est-ce que le ministre peut, en tenant compte des recherches et des données qui ont été recueillies par son ministère et par les autres ministères du gouvernement, nous indiquer dans quel sens ira la fiscalité dans le domaine scolaire? Est-ce qu'elle ira dans le sens d'une diminution, comme le demande la Ligue des propriétaires, ou s'il y aura statu quo pendant X années avec le risque de voir se produire une augmentation?

M. SAINT-PIERRE: Je tiens à dire que sur l'île de Montréal — une petite précision pour nous ramener à notre sujet — le taux qui correspond à notre $1.45 à pleine valeur, c'est $1.60. Sur le $1.65, les $0.05 additionnels sont des dépenses inadmissibles qui ont été acceptées et par les protestants et par les catholiques. Compte tenu de la variation entre l'évaluation réelle et l'évaluation à Montréal, c'est ce qui explique l'écart entre $1.45 et $1.60.

Ayant expliqué cette différence entre $1.45 et $1.60, je suis à dire que ce serait exactement la même position que j'ai expliquée ce matin pour l'ensemble de la province, c'est-à-dire un transfert graduel d'une faible partie de l'impôt foncier scolaire en faveur de la communauté urbaine dans le cas de l'île de Montréal.

Si ma mémoire est précise, c'est $0.01 par année. Cela semble peu mais ce sont des millions C'est l'absence d'augmentation du taux de taxe; c'est même la régression de ce taux de taxe à raison de $0.01 par année sur une période de cinq ans. Ce qu'il est important de souligner, c'est que l'impôt foncier scolaire qui était, il y a quelques années, peut-être autant que 60 p.c. du coût total de l'éducation, dans l'espace de cinq ans va devenir à peine 30 p.c. du coût total de l'éducation. Entre-temps, les coûts augmentent et...

M. CARDINAL: Est-ce que ce n'est pas 50 p.c. actuellement?

M. SAINT-PIERRE: Non, c'est plus bas que ça actuellement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous parlez d'une régression au rythme de $0.01 par année, sur une période de cinq ans, ce qui fait $0.05...

M. SAINT-PIERRE: Oui, mais ceux qui ont connu un taux de croissance assez élevé...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, laissons tomber ce qui s'est passé avant. Mais dans l'hypothèse, dans l'optique du réaménagement que nous propose le ministre des Affaires municipales et de celui que vous allez nous proposer, est-ce qu'on peut s'attendre à une régression beaucoup plus importante que celle que vous venez d'indiquer?

M. SAINT-PIERRE: Non, parce que là, d'une façon responsable, $0.01 ne semble pas beaucoup mais traduit pour l'ensemble de la province de Québec — et c'est ce dont nous parlons — des millions assez importants. J'ai été moi-même renversé. C'est assez facile à calculer, puisqu'on obtient à peu près $400 millions avec $1.40; alors, $0.05, cela vous donne une indication.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre pourrait me dire s'il y a une relation entre cette régression, pour importante qu'elle puisse être en masse, et par ailleurs l'augmentation graduelle du coût de la vie?

M. SAINT-PIERRE: Je ne comprends pas le sens de la question. Que voulez-vous dire? Il n'y a pas de relation, mais c'est certain, si c'est le sens de votre question, qu'au niveau de l'individu, compte tenu de l'augmentation des salaires sur une période de cinq ans, cela signifiera que de son revenu personnel la taxe scolaire va diminuer plus que l'équivalent des $0.05 parce que son salaire continue d'augmenter et que le taux scolaire baisse; l'écart devient de plus en plus important. Je ne sais pas si c'est le sens de votre question.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui. Toutefois, la réponse est moins précise que ma question ne l'était. Je demande au ministre si le ministre des Affaires municipales et lui-même, dans l'optique d'un réaménagement fiscal, ont tenu compte de cette indexation et s'ils sont capables de nous dire si, à un moment donné, il y aura une sorte d'équilibre?

M. SAINT-PIERRE: On n'a pas tenu compte d'une indexation. C'est un taux...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ce que je voulais que le ministre nous dît.

M. LE PRESIDENT: Alors je remercie M. Tremblay.

M. TREMBLAY (Gilles): Est-ce que vous me permettez d'ajouter un mot, s'il vous plaît?

M. LE PRESIDENT: Très bien.

M. TREMBLAY (Gilles): Je crois que l'on perd un peu de vue l'essentiel de notre mémoire dans les discussions qui se sont amorcées ici. C'est que peut-être le gouvernement semble préoccupé par le prélèvement des fonds, et puis, comme M. Cardinal le disait, peut-être qu'en moyenne, sur l'ensemble des propriétés de l'île de Montréal, ça peut être équitable, mais d'après nous, cette mesure cause des écarts inéquitables presque incroyables, nous disons mêmes injustes. Le Dr Perras, le président de la ligue, me disait de ne pas employer ce mot devant des législateurs, de grâce. Donnez-lui la signification que vous voulez, mais permettez-moi donc de parler un instant de justice.

En fait de taxation, nous pourrions dire qu'il y a deux genres de justice: une justice horizontale et une justice verticale. Sur le plan vertical, disons que nous échelonnons les revenus des contribuables, en partant de celui qui a zéro de revenu, $1,000, $2,000, $3,000, $100,000, $1 million, à la limite que vous voudrez. Certains pourraient dire que tout le monde devrait payer le même impôt, disons $500 par année, mais celui qui n'a aucun revenu ne pourrait pas, et celui qui a $1 million de revenu, ce serait une bagatelle.

Donc, on songe à un autre système, on songe à un revenu par pourcentage. Donc, celui qui ne gagne rien ne payerait rien, celui qui gagne $1,000 payerait le pourcentage de $1,000, etc. Toujours le même pourcentage. Mais on a constaté aujourd'hui que les personnes plus fortunées avaient peut-être un plus grand pouvoir de payer, alors au point de vue de l'impôt sur le revenu, on établit ce qu'on appelle un impôt progressif. Celui qui gagne environ $4,000 ou $5,000 par année va payer 19 p.c. ou 20 p.c, et ça monte jusqu'à 80 p.c. pour ceux qui gagnent au-delà de $100,000.

C'est très bien, ceci. Disons que, malgré les opinions partagées qui peuvent se présenter dans l'ensemble de la population, la Ligue des propriétaires accepte le principe du revenu progressif, ce principe de justice verticale.

Mais à n'importe quel niveau, ce que nous demandons, c'est que M. A qui a $10,000 de revenu soit taxé au même taux que M. B qui a $10,000 de revenu. C'est justement ce que votre article 650 détruit.

Vous pouvez dire: Ce monsieur-ci fait beaucoup d'argent; ce monsieur-là a une propriété déficitaire, mais, en faisant une moyenne, si on leur impose à tous les deux une surtaxe de $1.25, ça va arriver; ça va être équitable. Cela ne l'est pas du tout. Vous dites qu'une propriété de $100,000 devrait avoir une surtaxe. Pourquoi? Est-ce que c'est un impôt foncier? Est-ce que c'est une taxe scolaire qui a toujours été basée sur la valeur de la propriété ou est-ce une tentative d'imposer un système d'impôt progressif dans un milieu où l'impôt progressif ne s'adapte pas?

Vous avez tous peut-être constaté dans les journaux, il y a un an ou deux, que la Place Bonaventure — un immeuble de quoi, $30, $40 millions,, je ne le sais pas — avait paru sur la liste des propriétés qui devaient être vendues par le shérif pour n'avoir pas payé ses taxes à la ville de Montréal. Il y a eu une réorganisation financière parce que la Place Bonaventure, à ce moment-là, était déficitaire. Il n'y avait pas de revenu; il n'y avait pas d'excédent de revenu.

Si vous vouliez établir un système de revenu progressif, parfait, pourvu qu'il y ait un revenu; pourvu que les dispositions soient prises pour démontrer que telle propriété donne un revenu net dans la poche de son propriétaire. Il ne s'agit pas de dire que, parce qu'elle est grosse, parce qu'elle vaut au-delà de $100,000, ce monsieur-là doit être riche. Cela peut être absolument faux.

Prenez certaines rues de Montréal. Il y a deux ans, la rue Bellechasse a été creusée de long en large et laissée à ciel ouvert pendant un an. Cette année, passez sur le boulevard Saint-Laurent, si vous êtes capable, parmi les tas de roches, les machines, etc. Un individu qui achète une propriété dans une de ces rues-là — sur le boulevard Décarie non pas la partie en autoroute, mais le prolongement entre Côte Saint-Luc et Sherbrooke qui va être creusé de la même manière l'année prochaine — peut prendre toutes les précautions voulues; il peut transiger avec un courtier absolument honnête et acheter une propriété rentable, mais je vous garantis que, l'année prochaine, elle ne sera pas rentable parce que la rue va être creusée, parce que la pollution, la poussière, le bruit, etc., vont chasser ses locataires et qu'il va être un an, peut-être deux, à se remettre de ses pertes de l'année prochaine. Son immeuble peut valoir $100,000 ou $200,000; il peut avoir mis les économies de sa vie dans cet immeuble, mais il peut tout aussi bien les perdre l'année prochaine que faire un profit.

C'est l'essentiel de notre point de vue: Si vous appliquez des mesures d'impôt progressif sur le revenu, messieurs, de grâce, assurez-vous qu'il y ait un revenu! Pas un revenu brut, mais un revenu net dans la poche du propriétaire. Taxez-le si vous voulez. Si je suis fortuné, si j'ai de gros revenus, je serai des plus heureux de payer de gros impôts; ça indique que j'ai beaucoup d'argent dans mes poches, mais quand je n'en ai pas, messieurs, de grâce, ne supposez-pas que je suis riche ou que les gens individuellement sont riches parce qu'ils sont propriétaires d'un immeuble.

Vous devriez constater aussi qu'à Montréal nous sommes dans une période très difficile pour la location de propriétés. Nous avons même songé que peut-être la loi du moratoire devrait être rétablie dans certains milieux. Consultez la Banque d'épargne; consultez n'importe quelle

institution financière qui prête sur hypothèque; vous allez constater que plusieurs de ces sociétés, peut-être un peu plus averties les unes que les autres, consentent à ne pas recevoir de paiement sur le capital, mais à recevoir uniquement leurs intérêts parce qu'il y a un grand nombre de propriétaires qui opèrent à déficit, qui ne peuvent pas s'aquitter de leurs obligations à cause du surcroît de logements à Montréal. Cela est causé par une foule d'événements qui ont secoué la population, un exode de personnes de langue anglaise, un ralentissement de l'immigration. Mon doux! Regardez les quartiers entiers et vous trouverez que, sur cinq maisons, il y en a quelquefois, quatre de suite à vendre. Je ne peux pas vous en dire plus. Je veux simplement vous répéter que, si le principe de l'impôt sur le revenu doit être appliqué, l'on prenne les précautions de prouver qu'il y a un revenu ou de permettre au propriétaire de prouver qu'il a ou qu'il n'a pas de revenu.

Vous pourriez avoir accès au rapport d'impôt des propriétaires. Je ne sais pas comment vous pouvez vous y prendre dans les milieux gouvernementaux, mais il y a certainement un moyen d'y voir. Si ces mesures-là ne vous sourient pas, de grâce, abandonnez l'article 650.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm.

M. MASSE (Montcalm): Tout en donnant en grande partie raison au représentant de la Ligue des propriétaires concernant les calculs en matière de taxe, j'aimerais toucher un autre point de son mémoire sur les questions touchant l'article 600. Prétextant sa responsabilité en matière de taxation, la Ligue des propriétaires demande que soient ajoutés au conseil de l'île deux membres.

J'aimerais poser une question concernant la représentativité de la Ligue des propriétaires, par rapport à l'ensemble des propriétaires de l'île de Montréal, au sujet de cette demande. Est-ce que vous pourriez nous apporter des données à ce sujet-là?

M. TREMBLAY (Gilles): Il me fait plaisir de répondre à cette question, parce que vraiment c'est un peu osé de la part de la Ligue des propriétaires de vouloir s'insinuer dans le conseil de l'île. Mais laissez-moi vous expliquer.

Je crois que vous serez d'accord que le conseil de l'île se préoccupera surtout de problèmes d'éducation et nous nous demandons si vraiment il considérera le climat économique de la région. Nous, dans notre mémoire, nous appuyons sur l'injustice causée aux locataires, nous parlons de représentation au conseil de l'île, nous proposons que les pouvoirs du conseil en matière de taxation soient réduits.

Les propriétaires, je crois qu'ils ont ceci en commun avec l'ensemble de la population de Montréal, souhaitent agir dans un climat de prospérité, et l'ensemble des besoins de l'île doivent être considérés. Si nous attirons de l'industrie, des constructeurs, des commerces de tout genre, si notre population est plus prospère, c'est nécessairement un climat plus souhaitable pour l'ensemble de la population qui rend non seulement les propriétés plus rentables, mais qui est à l'avantage de toute la population.

Je reviens un peu à votre question. Quelle est notre représentativité? Il y a 130,000 propriétaires au moins dans la ville de Montréal. Nous croyons les représenter. Mais je dis qu'il devrait y avoir — pour peut-être modifier un peu notre argumentation — une représentation du monde des affaires au conseil de l'île pour renseigner le conseil sur les réalités du climat économique dans la région.

Nous proposons deux membres de notre ligue. Peut-être préféreriez-vous deux membres de la chambre de commerce?

M. CHARRON: Pas plus que ça.

M. TREMBLAY (Gilles): Je crois que ce serait bien souhaitable; n'oubliez pas que vous avez ici une commission qui va avoir un budget peut-être supérieur à celui de cinq ou six provinces canadiennes et qui fonctionnera indépendamment du gouvernement provincial. Pas complètement, non, mais avec un large degré d'indépendance. Pourquoi ne pas créer un conseil de l'île de la voirie, avec son propre pouvoir de taxation, pour refaire les routes et régler les problèmes de circulation de l'île?

Pourquoi pas un conseil de l'île de la santé avec encore des pouvoirs de taxation sur l'étendue de la population? Il me semble que le gouvernement doit s'interroger sur les priorités à établir. Est-ce que c'est plus important d'avoir une école additionnelle dans un certain quartier de Montréal ou un hôpital à Baie-Comeau ou une route à Noranda ou une industrie nouvelle qui va créer une partie des 100,000 emplois que nous espérons tous avoir?

M. MASSE (Montcalm): Indépendamment de tout ce que vous avez dit concernant le bien-fondé qu'il y ait des hommes d'affaires siégeant au conseil, d'une part, rien dans la loi présentée n'empêche un homme d'affaires de se présenter au poste de commissaire et de gravir les échelons au même titre que tous les autres citoyens. Deuxièmement, votre argument ne répond pas à ma question concernant la représentativité de la Ligue des propriétaires. Vous avez dit: Il y a 150,000 propriétaires à Montréal. D'accord. Mais la ligue, elle, en représente combien sur les 150,000 pour vouloir elle-même désigner des représentants au conseil, particulièrement à l'exécutif?

M. TREMBLAY (Gilles): Je ne pourrais pas, franchement, répondre directement à votre question. Je ne le sais pas.

M. MASSE (Montcalm): Je vais la poser autrement. Combien y a-t-il de membres dans la Ligue des propriétaires de Montréal?

M. TREMBLAY (Gilles): Je ne le sais pas. Je suis désolé.

M. MASSE (Montcalm): Je pense que la loi n'interdit pas à un homme d'affaires, à un propriétaire d'être candidat, de se faire élire et de représenter la facette homme d'affaires au conseil, actuellement.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je voudrais demander, M. le Président, au Dr Perras s'il connaît le nombre de propriétaires qui sont membres de cette ligue des propriétaires.

M. PERRAS : Vous voulez dire le nombre de membres que nous avons dans notre association?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.

M. PERRAS: Je ne le sais pas. Cela varie à tous les mois. La contribution est pour un an, alors cela varie. C'est comme la chambre de commerce, d'ailleurs. De toute façon, nous avons une charte qui nous autorise à représenter les 150,000 propriétaires de Montréal.

Ce que je peux ajouter aux dires de M. Tremblay, c'est que vu que les propriétaires fonciers défraient 51 p.c. des frais du budget scolaire, il semble qu'il serait raisonnable qu'un ou deux représentants des propriétaires soient représentés à la commission scolaire pour savoir où leurs deniers sont dirigés.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Perras et M. Tremblay, évidemment, nous aurions aimé connaître le nombre exact de propriétaires, mais cela n'infirme pas le mémoire que vous nous avez présenté qui, je crois, est extrêmement sérieux, surtout compte tenu des dernières explications que nous a fournies M. Tremblay à partir de cette notion de justice horizontale et de justice verticale. Justement, lorsque nous aurons à discuter de cet article 650 et de quelques autres qui sont connexes, j'aimerais beaucoup que le ministre de l'Education nous fournisse des données sur la situation foncière à l'île de Montréal, selon les secteurs, afin que nous ayons une idée exacte de la valeur des propriétés ou de la dévaluation qu'elles ont connue en raison de certains facteurs qu'évoquait tout à l'heure M. Tremblay. Parce qu'il s'agit d'un mémoire qui, à mon sens, touche une question fondamentale. C'est une question de dollars et de cents. Compte tenu de tous les constats qui ont été faits sur le caractère inéquitable et injuste de la taxation foncière sur l'île de Montréal, il m'apparaît nécessaire, pour le gouvernement et pour tous les parlementaires, de retenir très sérieusement les propositions qui ont été faites par la Ligue des propriétaires, tout en souhaitant que ceux-ci nous fournissent des renseignements plus précis sur le nombre de gens qui font partie de cette association.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Sur l'article 600, aussi sur l'amendement que vous suggérez, puisque c'est le député de Montcalm qui a lancé le débat là-dessus, j'ai deux choses à vous dire. D'abord, vous savez que le projet de loi s'il n'est pas amendé, prévoit que le ministre se réserve le droit de nommer quatre commissaires au conseil scolaire de l'île. Or, si vous vous inquiétez de la représentation des milieux d'affaires, connaissant bien le parti au pouvoir actuellement, ne vous inquiétez pas. Ils seront là massivement, d'une part.

Deuxièmement, sur votre argumentation concernant les deux sièges que vous demandez pour votre ligue, si on se réfère à la première page de votre document, votre argumentation est que les propriétaires sont finalement les responsables des taxes scolaires. D'autres part, vous dites vous-même, à la première page, que ce n'est pas le propriétaire mais bien le locataire qui, à la longue, paie les impôts fonciers. Alors, pourquoi ne seraient-ce pas deux locataires, plutôt, qui auraient droit de siéger à la commission scolaire puisque ce sont, à toutes fins pratiques, eux qui paient?

M. TREMBLAY (Gilles): C'est une bonne question. Je crois qu'en général les membres des commissions scolaires, de celles que j'ai connues personnellement, sont surtout et avant tout des parents qui se préoccupent le plus de l'éducation de leurs enfants.

A l'âge où les enfants finissent leurs cours élémentaire et secondaire, nos citoyens, malheureusement, se désintéressent presque complètement des affaires scolaires. On dit: Laissons ça à la prochaine génération, à ceux qui ont de jeunes enfants. Dans ce groupe, il y aura sûrement des propriétaires et des locataires. Mais ces propriétaires et ces locataires auront pour préoccupation primordiale l'éducation de leurs enfants et particulièrement l'école dans leur quartier. Ils se préoccuperont, d'après nous, beaucoup moins de la santé économique de l'île de Montréal. Je crois qu'il appartient à une association, soit d'homme d'affaires, de propriétaires ou autres qui ont une vue d'ensemble ou des horizons peut-être un peu plus larges d'au moins siéger au conseil de l'île pour renseigner le conseil de l'île et souligner les incidences économiques des politiques, des taux de taxes et des modes de taxation proposés par le conseil de l'île.

M. CHARRON: Je trouve que votre analyse

est un peu rapide. Si vous dites que les propriétaires sont plus intéressés à la santé économique de l'île de Montréal que les locataires, vous faites ainsi abstraction de la majorité des citoyens de l'île de Montréal qui sont locataires. Je ne pense pas que les locataires de votre maison, que ce soit celui qui paie $73 par mois ou celui qui en paie $375, soient désintéressés de la situation économique de Montréal. Il en va de leur travail, il en va de leur sécurité.

M. TREMBLAY (Gilles): Je ne crois pas que...

M. LE PRESIDENT: M. Tremblay, il nous reste trois mémoires à écouter cet après-midi. Comme il est déjà trois heures et demie, et que nous ajournerons à six heures, je pense que nous avons pas mal vidé la question. Je vous remercie et remercie la Ligue des propriétaires de sa représentation et nous allons en prendre bonne note.

M. TREMBLAY (Gilles): Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: La parole est à la Société d'agriculture des comtés de Baldwin et de Jacques-Cartier, dont le représentant est M. Larivière.

Société d'agriculture des comtés de Baldwin et de Jacques-Cartier

M. LARIVIERE (Arcade): M. le Président, M. le ministre, messieurs les députés, mes chers amis. Je suis le président de la Société d'agriculture des comtés de Baldwin, Jacques-Cartier et Marguerite-Bourgeoys. C'est la raison pour laquelle on m'a demandé de venir à Québec, et d'être le porte-parole des cultivateurs qui sont ici présents. Je les remercie d'avoir bien voulu monter à Québec. Nous sommes une vingtaine, je crois, de vrais cultivateurs et non des à-peu-près.

Je vous remercie d'abord de bien vouloir m'écouter, c'est déjà un signe d'un gouvernement démocratique et cela, les gens l'oublient trop souvent.

Nous soussignés, cultivateurs propriétaires des comtés de Robert-Baldwin, Jacques-Cartier et Marguerite-Bourgeoys, après avoir pris connaissance du bill 28 concernant la commission scolaire de l'île de Montréal et de l'île Bizard, qui sera présenté à la présente session de l'Assemblée nationale, nous nous opposons fortement à l'article 644 que nous craignons, que nous ne comprenons pas, en partie, et nous sommes ici pour le comprendre.

Le second paragraphe de l'article 644 dit: "Tout immeuble qui, en vertu d'une loi spéciale, est évalué à un montant inférieur à sa valeur réelle, pour fins d'imposition des taxes municipales, est porté au rôle d'évaluation de la communauté à sa valeur réelle pour fins d'imposition des taxes scolaires." On craint cela.

M. LE PRESIDENT: Monsieur le ministre.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, ce n'est pas mon but de prouver au député de Saint-Jacques que nous ne sommes pas seulement avec les milieux d'affaires et que nous comprenons les problèmes de l'agriculture, mais peut-être pour accélérer le débat — je dois dire que nous avons ici la copie de votre mémoire — et pour expliquer, le gouvernement accepte de modifier cet article. Il y a eu, dans la rédaction des deux projets de loi, peut-être une omission et nous revisions le texte de 644, 2e paragraphe, qui vous inquiète, pour refléter exactement ce que nous avons dans l'article 30 du projet de loi 48, Loi sur l'évaluation foncière, que je vais vous lire: "Tout terrain, appartenant à un agriculteur, ainsi que les bâtiments qui s'y trouvent, à l'exception des bâtiments de ferme, sont portés au rôle à leur valeur marchande". L'autre paragraphe est celui qui va vous intéresser: "Un tel terrain est exempt de toute taxe foncière générale ou spéciale — et ça s'appliquerait à la taxe scolaire — pour la partie de la valeur portée au rôle qui excède $150 l'arpent, sous réserve, quant à son imposition, de l'article 107".

Alors, en d'autres termes, le gouvernement accepte votre point de vue et accepte d'apporter un amendement à 644 de telle sorte qu'il reflète le paragraphe 30 de la Loi sur l'évaluation municipale qui exempte pour toutes fins de taxe foncière, générale, spéciale ou scolaire les propriétés des agriculteurs pour tout montant qui excède $150.

M. LARIVIERE (Arcade): Je comprends ça, mais ce qui ne nous paraît pas clair dans le bill 48 que vous venez de nommer, c'est qu'on désigne les bâtiments avec la ferme. On se loge dans une maison, pourquoi ne pas le définir? La maison de ferme d'abord, la désigner toujours. Vous mentionnez seulement le terrain et vous ne mentionnez pas la maison. On se demande dans quoi on se trouve à demeurer nous autres, ce n'est pas clair. On aimerait être éclairé. Il y a plusieurs cultivateurs qui sont ici et ils ont peur. On comprend que notre cas, sur l'île de Montréal, est différent d'autres cas en dehors de la ville de Montréal. On nous vise depuis plusieurs années en voulant nous taxer. Nous prétendons que si vous nous taxez de la manière que cela l'est là, aucun cultivateur ne pourrait continuer de survivre. Cela, c'est garanti et je suis certain que des députés ou des ministres ici ont des parents qui sont cultivateurs et qui connaissent la situation du cultivateur. Pourquoi les gens s'éloignent-ils de l'agriculture? C'est parce qu'on ne peut pas arriver. Si on se fait un salaire de $8,000 par année, vous imposez une taxe scolaire de $3,000; à Montréal, on aura la taxe municipale, ensuite la Commission urbaine va s'en venir avec une troisième taxe. Pensez-y comme il le faut, à quelle place on va se ramasser? Dans la rue. Je prétends que les habitants ont droit de venir se

faire entendre et de vous prouver qu'ils ont raison d'avoir peur; leur cas est spécial, ils sont sur l'île de Montréal.

M. SAINT-PIERRE: J'admets avec vous que, dans l'article 644 tel que rédigé actuellement, on pouvait laisser planer le doute qu'en fait l'immeuble, même la ferme, même le bâtiment, même les terrains pouvaient être portés à la valeur aux livres, à la valeur réelle, à la valeur marchande et qu'ainsi l'agriculteur pouvait être taxé pour l'ensemble de la valeur marchande de ses biens. Alors je tiens simplement à vous assurer que nous apportons une modification à 644 pour le rendre conforme à 30. Je transmets copie du mémoire que vous nous avez présenté à la commission parlementaire qui est responsable de l'étude du projet de loi 30, qui n'est pas accepté encore. Là ça repose évidemment le problème que vous soulignez et qu'on pourrait peut-être discuter dans une autre commission.

M. LARIVIERE (Arcade): Nous avons confiance en vous, M. le ministre, et en votre régime.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, est-ce que vous me permettriez d'ajouter quelque chose à ce qu'a dit le ministre? Les représentations qu'on nous fait actuellement sont d'autant plus justifiées, même compte tenu de ce que vient de dire le ministre, que les lois qu'on nous a présentées ne comportent même pas une définition exacte de cultivateur. Donc, ces gens-là ont raison de s'inquiéter parce qu'il y a une définition de cultivateur qu'on ne peut pas retenir là-dedans parce qu'elle n'englobe pas nécessairement les gens qui doivent être couverts par ça.

M. LARIVIERE (Arcade): Disons que nous sommes les vrais cultivateurs qui gagnent leur vie avec la culture. Celui qui gagne sa vie avec la culture n'est pas celui pour qui ce n'est qu'une source de revenu. Même les vrais cultivateurs, il y en a parmi eux qui sont obligés de chercher de l'ouvrage en dehors pour être capables d'arriver à payer ce qu'ils doivent. Je pense que vous devriez prendre en considération qu'on est un cas spécial, parce qu'on est sur l'île de Montréal.

Ce n'est pas nous qui l'avons voulu. Cela fait 85 ans que mes parents se sont établis à Saint-Laurent; mes parents sont morts et j'ai continué. Je ne peux pas faire autre chose, et c'est le cas de mes confrères, les habitants de notre bout. Nous sommes tous dans le même cas. Nous verriez-vous, demain, partir avec une valise pour nous chercher un emploi? Nous ne serions pas capables, il n'y en a pas.

M. CHARRON: M. Larivière, tantôt le ministre vous a lu l'article 30 de la loi 48. Est-ce que votre groupe a fait valoir son opinion? Qu'est-ce que vous pensez de l'article 30?

M. LARIVIERE (Arcade): Nous sommes censés revenir à la commission mais je vois qu'il était au courant, je savais qu'il serait au courant. C'était fixé au 7 octobre, je crois et cela a été remis. Nous venions encore nous opposer à cet article-là. Nous vous disons — j'espère que vous êtes sincères — qu'un cultivateur, au revenu que nous avons, ne peut arriver; vous nous mettez dans la rue. Des acheteurs? Je suis placé pour vendre mais il n'y a pas un maudit acheteur qui veut venir, ni aujourd'hui, ni demain; il n'y a pas d'acheteur.

Est-ce qu'on peut nous forcer à nous mettre dans la rue? On devrait avoir le droit de vivre chez nous et de mourir chez nous. Il y a des gens âgés qui sont réellement inquiets pour l'avenir. Il y a des gens de l'île Bizard ici, c'est du monde âgé. Je crois que vous venez de l'île Bizard vous aussi, vous connaissez cela. Il y a des gens âgés qui ont 30 ou 40 arpents, ils sont venus au monde là, et ils ont 75 ou 78 ans. Pourquoi ne pas les laisser tranquilles, les laisser mourir chez eux? Si le terrain se vend, là vous les taxerez; celui qui veut développer le terrain a le droit d'être taxé, mais nous autres, si nous voulons gagner notre vie avec la culture, nous voudrions être tranquilles et mourir en paix. Mettez-vous à notre place.

M. SAINT-PIERRE: M. Larivière, simplement pour tenter d'éclairer le débat. Vos représentations générales et très pertinentes portent sur la situation de l'agriculteur vis-à-vis de l'impôt foncier scolaire. Le point soulevé par le député de Chicoutimi à savoir la définition, puisqu'il y en a une dans l'article 30, "pour les fins du présent article, le mot "agriculteur", n'est peut-être pas adéquat.

M. LARIVIERE (Arcade): Elle n'est pas claire.

M. SAINT-PIERRE: Elle n'est pas claire. Pour la définition et pour les $150 par arpent, qui serait la seule somme imposable...

M. LARIVIERE (Arcade): C'est déjà du tiers que vous nous augmentez. C'est déjà quelque chose. La vraie valeur était de $100 et vous nous augmentez déjà d'un tiers. Je prétends que c'est déjà un départ. C'est pour cela que l'on craint.

M. SAINT-PIERRE: D'accord.

M. LARIVIERE (Arcade): On craint un peu pour le reste.

M. SAINT-PIERRE: Pour les fins du projet de loi 28, nous allons modifier l'article 644 pour réfléter l'esprit de l'article 30, et à l'autre commission qui doit se réunir, on pourra reprendre à fond le débat. Comme je l'avais souligné, pour les fins d'imposition et de taxes scolaires, on s'est conformé...

M. LARIVIERE (Arcade): Vous avez toute notre confiance, excepté que nous espérons que vous allez nous protéger.

M. CHARRON: Cela veut dire, M. Larivière, que vous allez revenir pour le bill 48.

M. LARIVIERE (Arcade): Pour le bill 48, nous allons revenir.

M. CHARRON: J'espère que vous ne lâcherez pas votre bout.

M. LARIVIERE (Arcade): Il le faut, si on lâche, c'est la mort. Il ne faut pas lâcher.

M. CHARRON: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier. A l'ordre! J'inviterais la salle à ne pas manifester, ce n'est pas permis ici, à la salle 81-A.

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, je voulais ajouter quelque chose pour clarifier la situation, mais je vois que tout est bien clair. M. Larivière sait bien qu'il pourra revenir étudier le bill 48 afin de clarifier davantage l'article 30. Je réserve mes commentaires lors de cette étude.

M. LARIVIERE (Arcade): Je dois vous dire que nous n'avons pas pris d'avocat parce que des députés m'ont dit que nous étions capables de nous comprendre, qu'il y avait des gens au gouvernement capables de nous comprendre. C'est pour cela que nous venons nous faire entendre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez bien fait, cela va vous coûter moins cher.

M. LARIVIERE (Arcade): C'est tout? Merci.

M. PEARSON: M. le Président, le problème, qui avait déjà été soulevé lors de l'étude du bill 62, en somme, est un peu un cas d'exception. Premièrement, il faut arriver à une définition de "cultivateur". Deuxièmement, sur l'île de Montréal, en particulier dans notre secteur, c'est-à-dire dans Saint-Laurent et dans Jacques-Cartier, il y a des gens qui ne sont pas des cultivateurs. Ce sont d'anciens cultivateurs qui se réservent seulement un emplacement et qui font quand même de l'argent avec la vente de terrains.

Mais, il reste des cultivateurs, M. Larivière et d'autres en sont, et le danger est de placer ces gens-là sur le même pied que d'anciens cultivateurs qui sont devenus spéculateurs. Je pense qu'il faudrait apporter une précision dans la définition du mot "cultivateur" pour ces gens-là.

M. LARIVIERE (Arcade): C'est parce qu'il y en a qui on vendu ou ont laissé d'autres acheter. Nous ne sommes pas des spéculateurs.

M. PEARSON: C'est ça.

M. LARIVIERE (Arcade): Nous sommes de vrais cultivateurs et mes amis ici, en arrière, mes confrères, vivent des produits de la ferme. Je ne sais pas si vous suivez ça, mais à Montréal, sur le marché central, une partie de l'été, les produits ont été, le vrai mot pourris. Prenez aujourd'hui une boite de tomates. Elles se vendent $1 la boîte et vous les payez, dans les magasins, 20 livres pour $1. Cela fait $0.05 la livre. Vous les payez dans les magasins $0.30 et $0.39 la livre. Ce n'est pas nous qui avons l'argent. C'est ce qu'il faut comprendre. Les patates, cet été, étaient à $0.45 et à $0.60 la poche. A ce moment-ci, vous achetez des patates à $0.75 la poche. Pensez-vous que c'est un cadeau d'essayer de gagner notre vie? Mettez-vous cultivateurs, vous allez voir. C'est pour ça que nous perdons nos garçons. Ils ne veulent pas rester parce qu'ils ne seront pas capables d'arriver.

En tout cas, je vous remercie d'avoir eu la gentillesse de m'écouter. J'ai une voix éraillée. Ce n'est pas ma faute, mais je vous remercie quand même.

M. LE PRESIDENT: Je tiens à remercier la Société d'agriculture des comtés de Baldwin et de Jacques-Cartier de sa représentation, ainsi que M. Larivière, le président. Nous prenons bonne note de vos représentations.

M. LARIVIERE (Arcade): Merci beaucoup, messieurs.

M. DUMONT: M. le ministre, j'aurais une simple question. On fait allusion, dans ce mémoire, à cette remise annuelle de 35 p.c. Est-ce que, dans le projet de loi 28, rien ne sera changé et que la remise de 35 p.c. continuera d'exister pour ces cultivateurs qui ont fait entendre ce mémoire?

M. SAINT-PIERRE: Le projet de loi 28 ne change rien à l'article.

M. DUMONT: Très bien, je voulais vous l'entendre dire.

M. LARIVIERE (Arcade): C'était juste pour nous aider, ça. Nous n'arrivions pas plus avec cela.

M. LE PRESIDENT: Nous allons écouter maintenant la Confédération des syndicats nationaux, M. Marcel Pepin.

Confédération des syndicats nationaux

M. PEPIN: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, nous avons pensé de distribuer aux députés et aux membres de la commission deux documents: un premier qui est un mémoire général et un deuxième, intitulé no 2, qui est un document comparatif.

Il nous est arrivé dans le passé, à quelques

reprises, d'offrir aux députés non pas exclusivement un mémoire donnant nos idées générales et particulières, mais aussi donnant un texte comparatif qui traduisait en termes légaux ou en termes législatifs les propositions générales et particulières que nous faisions. Nous avons cru que, dans le cas de ce mémoire, ça valait la peine. C'est un projet de loi pour nous d'une extrême importance et nous nous sommes dit que le gouvernement, le ministre ou les députés, s'ils sont d'accord avec nous sur certaines propositions, pourraient peut-être avoir avantage à voir un projet de texte législatif pour saisir quel est exactement le point de vue que nous soutenons.

Lorsque nous vous remettons un texte comparatif comme celui-là, j'espère aussi que vous comprendrez que nous n'avons pas l'expérience des textes législatifs. Nous ne sommes pas habituellement des gens qui font la législation et qui rédigent des articles de loi. Mais nous nous sommes dit: Peut-être que cela pourra être utile si un député ou si le ministre considère que telle proposition peut être recevable, qu'il examine le texte précis que nous offrons quitte à le faire vérifier, bien sûr, par les juristes ordinaires du gouvernement ou du parti politique qui voudrait s'en servir.

Si nous avons fait ce travail, qui a d'ailleurs pris énormément d'heures parce que c'est assez complexe, c'est uniquement, donc, dans le but d'aider aux membres de la commission et, éventuellement, à tous les députés de l'Assemblée nationale.

Cette première remarque étant faite, je voudrais aussi vous dire que le premier document est un mémoire de la Confédération des syndicats nationaux, préapré non pas exclusivement par nous, mais conjointement avec certains de nos organismes affiliés et, notamment, comme il l'est indiqué, la Fédération nationale des enseignants québécois, la Fédération des services publics et le Conseil central des syndicats nationaux de Montréal, puisque ce conseil est directement affecté, la réforme se faisant sur le territoire de Montréal.

Je voudrais aussi ajouter, en troisième remarque préliminaire, que je ne prétends pas être compétent sur tous les aspects techniques ou même philosophiques qui peuvent être dégagés de notre mémoire. Lorsqu'il y aura des questions qui seront posées par vous, s'il y en a, il se peut que je fasse appel à certains de ceux qui m'accompagnent, qui seront peut-être plus articulés sur un point que sur un autre.

J'essaierai quand même de donner toutes les réponses que je peux donner personnellement, mais sur certains points particuliers, je demanderai au président et aux membres de la commission d'accepter qu'un autre réponde pour supplémenter s'il y a lieu.

Maintenant, j'avais l'intention de faire cette remarque à la fin de la comparution, mais je pense que je peux la faire immédiatement. Je crois comprendre qu'un règlement de la com- mission parlementaire ne nous permet pas d'annexer au journal des Débats un document, à moins qu'il ne soit lu. J'avais déjà essayé ça à une commission parlementaire et on m'avait dit dans le temps que ce n'était pas possible. La seule remarque que je voulais faire, c'est que je vais vous donner lecture...

M. LE PRESIDENT: Si c'est le désir de la commission, on peut l'envoyer intégralement au journal des Débats.

M. PEPIN: C'est parce qu'à ce moment-là, ça me permettrait d'être un peu plus court et d'épargner du temps si vous avez des questions. Mais je vous fais remarquer, M. le Président, qu'il m'est arrivé à une commission parlementaire de vouloir procéder ainsi et on m'a dit: Non, ce n'est pas permis. Alors si c'est permis maintenant, je suis bien content.

M. CARDINAL: M. le Président, je m'excuse, mais à l'Assemblée nationale, à la session présente qui est ajournée, ceci s'est produit à deux reprises où même des discours de députés, je ne parle pas de personnes comparaissant, ont été déposés en entier pour paraître au journal des Débats sans être lus.

M. LE PRESIDENT: Ici aussi à une autre commission que je présidais, on a accepté intégralement des mémoires.

M. PEPIN : Alors, je vais vous en lire quand même des extraits, je ne vous le lirai pas au complet, je pense que de cette façon on peut épargner du temps. Vous allez avoir la trame générale de notre mémoire, de notre prise de position et après peut-être que ça vous permettra de poser les questions que vous voudrez. Ce pourquoi je vous dis ceci, c'est qu'il me semble qu'il est important pour nous, la CSN et les organismes affiliés, qu'au moins ce soit dans le journal des Débats. Si ce procédé est acceptable, maintenant qu'on n'a pas besoin de tout le lire, j'en suis très heureux et je pense que ça peut aussi soulager quant au temps les travaux de votre commission.

M. LE PRESIDENT: Nous remettrons au journal des Débats copie de votre mémoire qui y sera transcrit, M. Pepin.

(Voir mémoire de la CSN publié en annexe)

M. PEPIN: Je vous remercie, M. le Président.

Alors, vous avez comme point de départ l'introduction. Je vous rappelle tout simplement que nos prises de position en ce moment sont appuyées par des décisions de nos instances du mouvement, qu'il s'agisse du conseil confédéral, du bureau confédéral et j'ajouterai comme commentaires le congrès de la CSN de décembre dernier où, sur la question de l'unilinguisme français et sur la question aussi d'avoir

des modes, des moyens pour y arriver, la CSN s'est prononcée et la CSN réclame que le français soit vraiment la langue officielle, la langue nationale au Québec.

Je pense que le projet de loi no 28 est pour nous d'une extrême importance et je crois qu'il faut dire que la réorganisation scolaire sur l'île de Montréal ne pourrait, quant à nous, subir de retard parce qu'à notre avis le gouvernement alors encourrait une grave responsabilité. Mais le projet 28 actuel, dans sa rédaction telle que présentée, ne répond pas, quant à nous, à ce que nous croyons être les exigences de la majorité de la population de l'île de Montréal et nous pensons que dans ce domaine il est impérieux que le gouvernement tienne compte énormément des intérêts de la population de l'île de Montréal.

Je comprends qu'il nous dira, comme gouvernement, que, lui, il pense en tenir compte. Je ne prétends pas que la CSN doive dire: Nous, nous avons la vérité et les autres ne l'ont pas. Ce que nous venons vous dire ici, c'est que nous croyons que ce projet tel que présenté ne représente pas ou ne tient pas compte suffisamment des intérêts de la population.

Comme premier grand chapitre, nous insistons énormément sur le problème des quartiers défavorisés et nous croyons que, sur l'île de Montréal, il y a suffisamment d'études qui ont été réalisées jusqu'à maintenant pour nous permettre de voir qu'il y a des quartiers qu'on pourrait qualifier de surfavorisés, mais toujours relativement parce que dans le domaine de l'éducation, je ne crois pas que quiconque puisse dire qu'il y a quelqu'un qui est surfavorisé dans l'absolu.

On peut être surfavorisé relativement à un autre groupe qui l'est moins. Or, sur l'île de Montréal, le territoire concerné par la réforme proposée par le bill 28, il y a — vous le savez aussi bien que moi — des différences énormes d'un quartier à un autre. Aussi, nous pensons qu'il faut trouver un moyen pour qu'il y ait un transfert de ressources vers les quartiers défavorisés par rapport à ceux qui — comme je le mentionnais précédemment — en reçoivent davantage.

Nous croyons que le projet de loi doit effectivement prévoir des dispositions précises, concrètes pour permettre qu'il y ait un rattrapage, rattrapage qui est absolument essentiel. Donc, que priorité soit donnée au rattrapage des quartiers défavorisés. Qu'en ce sens soit établie une véritable autorité scolaire régionale avec mandat et pouvoirs d'instaurer un programme accéléré de rattrapage en termes de transfert de ressources vers les commissions scolaires défavorisées.

Qu'en plus soit instaurée une décentralisation des décisions au niveau local afin de permettre aux citoyens concernés de se donner des objectifs pédagogiques propres et des moyens originaux de les atteindre.

M. le Président, permettez-moi de faire un bref commentaire là-dessus. Bien sûr, c'est assez imprécis tel que c'est donné. C'est une intention qui pourrait être qualifiée exclusivement d'intention généreuse. Quant à nous, ce n'est pas exclusivement et uniquement dans le domaine des intentions dites généreuses. Nous croyons que, dans certains territoires de l'île de Montréal, il y aurait moyen de réorienter la pédagogie telle qu'elle se donne à l'heure actuelle pour faire en sorte que le milieu scolaire ne soit pas un milieu que les jeunes repoussent fatalement comme c'est le cas dans plusieurs territoires de l'île de Montréal.

Si je pouvais vous donner un exemple précis, prenez un quartier — j'ai en tête Pointe-Saint-Charles— où je pense qu'il y a un rattrapage énorme à faire. Il y a des élèves qui sont actuellement aux études depuis très peu de temps, depuis le mois de septembre; ils arrivent de vacances et sur une classe de 30 ou 32 personnes, il y en a au moins 30 qui ont quelque chose de physique, un rhume, etc., en tout cas, qui sont malades physiquement à l'heure actuelle. Cela ne veut pas dire qu'ils ne sont pas à la classe; ils y sont quand même, mais ils sont handicapés et remarquez bien que nous sommes au point de départ de l'année scolaire. Il y a une série de motifs, me dira-t-on, qui peuvent justifier ou expliquer plutôt cette situation. Disons quand même que, si ces enfants ont été obligés de passer l'année à Montréal sur les trottoirs sans qu'ils aient pu sortir, sans qu'ils aient pu prendre un air que d'autres ont la chance d'avoir ailleurs, peut-être que la pédagogie à Montréal, dans ce territoire, pourrait être réorientée différemment et peut-être que les sports auraient une plus grande place pour eux. Mais je ne pense pas qu'on puisse le décider, ni à l'Assemblée nationale, ni à la commission parlementaire, ni même sans doute dans un grand ensemble comme le conseil scolaire. Voilà pourquoi notre effort à nous — et vous le verrez plus loin — est pour une forte centralisation administrative, mais, au niveau pédagogique, de tenter par tous les moyens de laisser la chance aux gens dans les commissions scolaires de prendre certaines décisions.

Deuxième grand point: Le français, langue d'enseignement et de communication. Vous pourrez lire nos observations là-dessus. Ce matin, vous avez beaucoup questionné mon collègue M. Yvon Charbonneau et discuté avec lui. Généralement, nous avons, je pense, des thèses qui se rapprochent, même si je pense que nous allons à l'heure actuelle un peu plus loin dans un certain domaine. Nous croyons qu'à l'heure actuelle le projet de loi fait en sorte qu'effectivement la structure des commissions scolaires à Montréal sera une structure bilingue.

Lorsque le ministre répondait ce matin aux questions, soit de M. Tremblay ou d'autres députés, qu'il disait qu'il attendait le rapport de la commission Gendron avant d'adopter une politique générale ou même une politique adop-

table au milieu scolaire, ma réflexion personnelle est qu'effectivement dans le projet de loi no 28 le gouvernement prend déjà une position.

Il prend une position, même si elle n'est pas dite explicitement dans le projet. Il prend une position parce qu'il permet, dans le fond, qu'il y ait le bilinguisme à peu près partout; et même, il prend une position parce qu'il prévoit d'adjoindre des francophones ou anglophones, suivant le cas, à certains niveaux administratifs.

Peut-être que cet argument d'attendre la commission Gendron est recevable pour certains. Quant à moi, M. le ministre, MM. les députés, je crois que vraiment, avec ce projet de loi, le gouvernement a pris une position. Cela ne veut pas dire que le gouvernement, maintenant, ne peut pas changer d'attitude ou d'avis, mais je ne crois pas que vous puissiez dire que c'est en raison de la commission Gendron que vous ne prenez pas position. Vous le prenez effectivement, dans les faits, une position. Du moins, c'est mon avis, de ce côté-là.

Quant aux recommandations précises, la langue des communications écrites et parlées, dans l'administration scolaire sur l'île de Montréal, c'est le français. Je serais prêt immédiatement à dire que, si cela cause des problèmes d'adaptation, qu'il y ait un certain temps, des étapes à franchir. Je n'y ai pas d'objection. Il ne faut pas embarrasser les gens. Il faut voir vraiment qu'on s'en va dans cette direction et que cela prenne un an de plus, ce n'est pas ce qui va nous permettre de nous diviser ici.

Deuxièmement, que la langue d'enseignement soit le français, l'anglais la langue seconde. Et nous ajoutons immédiatement: "Cependant — et c'est probablement ici où il y a une distinction entre ce qui a été dit ce matin et ce que nous vous proposons — conscients des difficultés inhérentes à l'application immédiate de ce principe, nous recommandons que, dans une première étape, soit jusqu'en 1978 — vous allez peut-être dire: Pourquoi n'a-t-il pas pris 1979 ou 1977, c'est parce que c'est une époque de cinq ans — les commissions scolaires offrent obligatoirement un enseignement en français aux francophones et aux nouveaux immigrants et un enseignement bilingue aux anglophones et aux néo-québécois ayant déjà choisi l'enseignement en anglais".

Ce qui veut dire que jusqu'en 1978 il est bien clair que c'est d'abord l'enseignement en français aux francophones et aux nouveaux immigrants. Je ne m'embarquerai pas cependant dans la définition de ce qu'on peut appeler "nouveaux immigrants". J'espère qu'il y aura des juristes pour y voir. Quant à moi, j'essaie de vous donner uniquement l'idée ou la recherche que nous faisons.

M. SAINT-PIERRE: Pourriez-vous définir enseignement bilingue, M. Pepin?

M. PEPIN: Je vais y arriver tout de suite, parce que c'est la deuxième partie.

L'enseignement bilingue. Dans le bill 63, vous avez prévu que, pour ce qui est de ceux qui vont à l'école anglaise, ils soient obligés de recevoir un enseignement en français au moins à peu près à 40 p.c, de telle sorte qu'en sortant de l'école ils ne puissent pas avoir de diplôme à moins d'avoir une connaissance d'usage du français. Ici, je ne discute pas si "connaissance d'usage" est une bonne expression ou non; je regarde tout simplement ce qui a été fait par le bill 63.

Notre proposition signifierait qu'au lieu des 40 p.c, il y ait une augmentation de ces 40 p.c. à compter de 1978, parce que dans la recommandation précédente, vous voyez bien que l'anglais est enseigné comme langue seconde dans toutes les écoles. Après 1978, nous croyons que, dans la même ligne que le bill 63, nous n'avons qu'à augmenter les pourcentages. A ce moment, je pense que sur ce point nous sommes collés, du moins en partie, au bill 63 qui a été combattu, sans doute pour d'autres motifs, mais là-dessus je pense que nous en arriverons éventuellement à avoir une véritable province française.

Je pense donc que cela est très important pour nous, Québécois. Vous savez jusqu'à quel point, personnellement en tout cas, j'ai toujours tenté de livrer mes combats et mes luttes bien plus au niveau social et économique qu'au niveau national. Je me rends facilement compte que nous ne pouvons pas, à l'heure actuelle, détacher ces deux éléments. Je crois que l'Assemblée nationale ou votre commission doit apporter une extrême attention à ce problème si on veut s'éviter des problèmes plus sérieux. Je sais que vous le ferez, mais je voulais, au moins, que vous sachiez quelles sont nos positions et quelles sont aussi les miennes là-dessus.

Donc, comme recommandation: Que soit biffé du projet de loi le pouvoir du cabinet de désigner deux commissaires supplémentaires dans les commissions scolaires où le ministre jugerait que la minorité n'est pas représentée.

Je n'ai pas lu tous les paragraphes concernant cela, mais je considère que les électeurs de Montréal éliront ceux qu'ils voudront et que le cabinet provincial, ou le lieutenant-gouverneur en conseil, n'a pas à en ajouter, à mon avis. Il n'en ajoutera pas au Conseil municipal de Montréal, il n'en ajoutera pas au Conseil municipal de Québec. Les électeurs de Montréal doivent avoir assez de maturité pour y pourvoir.

Oui, allez-y.

M. SAINT-PIERRE: C'est simplement une explication. Dans les faits, il faut bien reconnaî-tre que, sociologiquement, le partage de la population ne se fait pas toujours d'une façon équitable. Je tiens d'ailleurs à préciser, parce que cela a peut-être été mal compris, que le ministre ne nomme pas toujours deux représentants. Même si la minorité est insuffisamment représentée, d'après tous les critères, il n'en nomme pas. Il en nomme seulement lorsqu'il

n'y a aucun représentant de la minorité linguistique.

Alors, je vous repose la question en prenant comme exemple la commission scolaire de l'ouest de l'île de Montréal, avec 16 p.c. environ de Canadiens français. A une commission scolaire unifiée, si vous n'avez aucun commissaire qui est de langue française, sur quinze commissaires ou neuf que vous recommandez — c'est la même chose — trouvez-vous qu'il y a, pour la démocratie, un avantage non pas de changer le résultat du vote entre francophones et anglophones, mais de donner aux francophones au moins un porte-parole qui sait ce qui se passe à la commission scolaire? Vous êtes en faveur de la commission scolaire unifiée. Or, même s'il y a un partage différent — vous soulignez qu'il y a beaucoup de pédagogie — trouvez-vous qu'il serait normal que, dans l'ouest de l'île, avec 16 p.c. de la population qui est francophone, ces gens n'aient aucun représentant à la commission scolaire? C'est dans ce sens que...

M. PEPIN: Très bien. Je comprends fort bien votre intention. C'est sans doute pour éviter certaines injustices qui pourraient se créer dans le sens non pas de l'élection comme telle, mais quant à l'application de certaines politiques.

Moi, je vous suggérerai tout simplement, dans ce cas, de nommer des observateurs qui ne seront pas des commissaires à plein titre.

M. SAINT-PIERRE: Qui auraient le droit de siéger sans avoir le droit de vote.

M. PEPIN: C'est cela. Qui ont le droit de parole. Dans combien d'organismes avons-nous fait cela? Je pense que l'Assemblée nationale a fait cela dans le cas de la Commission de l'industrie de la construction récemment. Vous avez dit: Nous voulons savoir comment cette affaire sera administrée et vous avez nommé quelqu'un comme observateur du ministère du Travail. Le type qui est nommé là, il est là à titre d'observateur. Il fait rapport au ministre. S'il arrive des choses, après cela, le ministre peut plus facilement les corriger. Il peut avoir un certain poids, aussi, comme observateur. Même s'il n'a pas le droit de vote, ses avis, parfois, peuvent être retenus. Est-ce que cela répond à votre question?

M. SAINT-PIERRE: Oui, c'est parfait. Merci.

M. PEPIN: L'autre recommandation: Biffer l'obligation de nommer des sous-directeurs régionaux. Je pense que j'ai eu l'occasion de m'exprimer là-dessus.

Concernant maintenant l'administration, comme troisième grand point...

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, M. Pepin, mais peut-être que cela pourrait être intéressant...

M. PEPIN: Allez-y.

M. SAINT-PIERRE: ... de reprendre le même cas. Encore une fois, il faut se rappeler qu'avec 16 p.c. de la population, disons, étudiante qui est francophone dans l'ouest, dans le cas d'une commission scolaire unifiée, que le gouvernement et vous-même accepteriez, c'est évident qu'avec les quatre postes qu'on mentionne — d'ailleurs, c'est très clair, il me semble, d'après le projet de loi — on ne peut pas avoir une double structure, comme on l'a à la CECM dans le moment. Il n'y aura — je l'ai répété à plusieurs reprises — qu'un seul service du personnel, qu'un seul service des étudiants et qu'un seul service des programmes.

Mais compte tenu qu'il y a 16 p.c. des enfants qui sont des Canadiens français et que, dans l'ouest de la ville de Montréal, on peut s'attendre, avec 16 p.c, que ces gens n'auraient pas la majorité; compte tenu qu'au niveau des cadres, présumément, il y a un danger — la majorité a ses droits partout, dans l'ouest comme dans l'est — n'y a-t-il pas un avantage à s'assurer que, dans l'ensemble des fonctions requises — parce que, sur l'île de Montréal, on a plusieurs enseignants et plusieurs cadres — il y ait au moins quatre personnes d'expression française qui soient à un certain poste de niveau autre que les employés de service? Ne voyez-vous pas?

M. PEPIN: C'est possible. Dans ce domaine, penser avoir la vérité absolue, je voudrais bien m'en garder. Je pense que, si vous acceptez le reste des autres recommandations concernant la question de la langue, de la communication, vous réglez une partie du problème.

Là où il n'est pas réglé, c'est au niveau de la pédagogie. Si vous acceptez aussi cette idée de décentraliser, quant à la pédagogie, au niveau de la commission scolaire, il n'est pas réglé. Mais la pédagogie peut-elle être tellement différente si je suis d'expression anglaise ou d'expression française?

M. CHARRON: M. Pepin, me permettez-vous, tout de suite, de répondre aussi à la question que vient de poser le ministre?

M. PEPIN: Je n'ai pas d'objection.

M. CHARRON: Parce que, moi, je considère que, malgré le raisonnement que fait le ministre, il y aura dans chacune des commissions scolaires une minorité. Il a donné l'exemple de l'ouest à 16 p.c, francophone. Donnons l'exemple de l'est à 16 p.c. anglophone également. Ce sera le devoir des commissions scolaires, en vertu de l'article 587 de la Loi de l'instruction publique, d'assurer un enseignement de qualité à la fois aux anglophones et aux francophones, et aux protestants et aux catholiques et aux neutres, de nommer les adjoints de la langue de la minorité qu'il faudra.

Selon moi, un directeur de service pédagogique qui sait qu'il a affaire à une minorité importante d'étudiants d'une autre minorité, s'il est conscient que l'article 587 l'oblige à assurer un enseignement de qualité, il ira se chercher les adjoints qu'il voudra, il en nommera trois, il en nommera huit, mais ce qu'il y a de dangereux dans le projet de loi et ce en quoi la CSN a raison de demander ça, c'est la consécration légale de ce poste d'adjoint qui ne figurait même pas dans l'ancien projet de loi du gouvernement 1962. Et cela, c'est dangereux, parce que cette seule création de cette consécration de l'adjoint lui crée une autonomie qui, tôt ou tard, pour qui vit sur l'île de Montréal, et j'y vis depuis 24 ans, se consacre comme indépendance totale. Cela a commencé à la CECM par être des adjoints et ça a fini par être un bureau complètement indépendant qu'on ne rencontre plus jamais.

Je n'ai pas d'objection, en suivant le même raisonnement, je me dis que ce sera le devoir, en vertu de 587, de trouver les adjoints qu'il faudra quand il le faudra. Mais de consacrer ces postes-là dans une autonomie à la minorité, qu'elle soit francophone dans l'ouest ou anglophone dans l'est, c'est le tendon d'Achille de toute l'unification. On sera unifié en haut sur papier, c'est parfait, mais dans le comportement quotidien de la commission scolaire, on arrivera dans la commission scolaire 8 ou dans la commission scolaire 11 et il y aura le bureau des Anglais et le bureau des Français ou protestants, catholiques, si vous voulez, mais c'est surtout la langue qui est intéressante là-dedans.

Si nous nous opposons, nous aussi, comme la CSN, à cet aspect-là du projet de loi, ce n'est pas parce que nous jugeons qu'ils n'ont pas droit d'avoir, surtout dans le niveau pédagogique ou le service aux étudiants, des gens qui parlent la langue des étudiants avec qui ils travaillent. Mais, que ce soit une règle administrative, qu'ils sont obligés d'ailleurs, selon 587, de fournir. Mais une création légale d'une exception, c'est le début de la fin.

M. PEPIN: Merci. Notre troisième point majeur concerne l'administration même et les pouvoirs. Nous considérons que l'élection au suffrage universel, ce qui est proposé dans le projet, confère aux commissaires du conseil scolaire et des commissions scolaires, tel caractère de représentativité sans qu'ils aient constamment à recourir à Québec.

Ils sont responsables à la population qui les élit. Ils sont responsables donc de la chose scolaire à Montréal. Nous admettons, cependant, que le ministère de l'Education doive s'assurer que ces normes pédagogiques et administratives minimales, des minima qui sont fixés, que ces règles soient observées. Nous admettons aussi que le gouvernement s'assure que l'administration scolaire se fasse selon les règles de la démocratie et de la légalité. C'est aussi normal. Autrement le gouvernement a ce pouvoir et je crois qu'il doit le conserver. Et nous ne croyons pas que le ministre ou le cabinet aient à s'ingérer constamment, indûment, continuellement dans l'administration de la chose scolaire. Ceci, quant à nous, aurait comme conséquence de fausser le jeu démocratique et la représentativité de ceux qui ont été élus.

Comme nous l'avons dit, nous nous opposons à ce que le lieutenant-gouverneur en conseil désigne quatre commissaires, je pense que je me suis exprimé là-dessus, au conseil scolaire et nous nous opposons aussi à ce que ce soit le gouvernement qui décide qui sera président et qui sera vice-président de ce même conseil.

Je sais qu'il y a déjà eu des projets de loi présentés par l'Union Nationale — je pense que c'était le bill 67, dans le temps — pour la commission scolaire. Je sais qu'on a fait cette tentative et je pense que, si on l'accepte, vous ne nommerez pas le maire de Montréal, vous autres. Les citoyens de Montréal vont le nommer. Je sais aussi que toute comparaison est odieuse, n'est-ce pas? On ne peut pas comparer des choses qui ne se comparent pas exactement.

M. CHARRON: Le maire de Montréal est odieux, aussi.

M. PEPIN: Par voie analogique je pense que je peux au moins dire que si les électeurs de Montréal élisent des gens, bien, c'est entre eux qu'ils doivent choisir qui va présider les réunions, qui va gouverner avec eux toute l'affaire.

Le projet de loi prévoit que les commissaires élus par la population auraient un mandat de trois ans et que ceux qui seraient nommés par le gouvernement auraient un mandat de quatre ans. Est-ce que pour nous il n'y a pas une certaine démonstration que le gouvernement, par ce truchement, peut s'assurer le contrôle du conseil scolaire surtout par le fait que vous changez les commissaires par tiers? Vos représentants, si ça existe encore, sont nommés pour quatre ans. Les autres sont élus pour trois ans, mais on en change trois à tous les ans. Qui va être le plus permanent? Qui va avoir les meilleures informations? Qui va être le plus apte à prendre des décisions et à dire aux autres: Ecoute, tu arrives toi, là; nous, nous sommes ici depuis longtemps?

Je pense qu'il faut examiner ce problème de cette façon. Cette règle, je crois qu'elle existe dans la Loi de l'instruction publique à l'heure actuelle. Dans les autres commissions scolaires, la rotation est de trois ans. Il faut vraiment se poser la question. Est-ce qu'on doit la reproduire dans le cas de l'île de Montréal? Nous, nous ne le pensons pas. Nous disons deux choses — à la page 15 — que je lis parce qu'il y a deux propositions là-dedans qui peuvent peut-être paraître contradictoires: "Nous pensons que ce système de rotation ne peut avoir pour effet que de diluer lamentablement l'intérêt de la

population pour les élections scolaires et de parcelliser les enjeux véritables de ces élections."

C'est notre première proposition, un des arguments que nous donnons.

Si vous avez à voter à tous les ans pour élire trois commissaires, cela vous prend au moins deux élections pour faire un bouleversement auquel vous croyez, vous, comme électeurs comme citoyens parce que si la règle de 15 ou de 9 existe, c'est le même principe. Il y a un premier groupe qui s'en va, le tiers. Moi, je ne suis pas d'accord sur la politique de la commission scolaire. Alors, je veux élire d'autres commissaires. J'en élis trois autres — disons que mes thèses sont acceptées par le reste de la population — mais ces trois-là ne peuvent pas faire changer la majorité si elle est confortablement installée, toujours dans l'hypothèse où elle est bien en place, et c'est ce qu'elle désire. Il me faudra l'année suivante en élire trois autres ou un ou deux suivant le nombre final que la loi fixera et ça me prendra une autre élection. A ce moment-là, est-ce que vous ne croyez pas — cela peut se discuter — que la population peut perdre tout intérêt à de telles élections où effectivement cela prend pas mal de temps pour changer les choses?

Deuxième proposition. Le gouvernement aurait voulu saper à la base le pouvoir et le caractère de continuité des instances scolaires qu'il n'aurait pas pris d'autres formules que celle-là; celle-là aurait été suffisante.

Si je suis — là, je prends la proposition inverse — élu comme commissaire d'écoles, nous formons un bloc, les 9 ou les 15, et nous travaillons ensemble. Finalement, il se produit des difficultés et il y a des divisions mais il y a toujours une majorité qui reste quand même, qui vote les affaires dans une même orientation. Il arrive qu'il y en a trois qui partent et qui s'en vont à l'élection. Ils peuvent de nouveau être élus, c'est possible. Ils peuvent se faire réélire. Mais dans l'hypothèse où il y a un changement, la continuité n'existera pas parce que vous avez reçu d'abord un mandat de trois ans, tout le monde. Vous essayez de faire une politique, de faire des choix, de décrire ou de développer de nouvelles situations et, en cours de route, il y a des risques pour vous de voir cette majorité — en tout cas théorique pour les fins de mon propos actuel — disparaître.

Je vous suggère donc qu'il n'y ait pas une telle rotation et que, même si les gens veulent former un parti politique au sein des commissions scolaires de Montréal, cela les regardera.

Ce n'est sûrement pas aussi mauvais que cela parce que vous ne seriez pas ici s'il n'y avait pas de partis politiques. Ce devrait être la même chose au niveau des commissions scolaires.

Cependant, je crois que cela est important pour le respect de la démocratie qu'il y ait une règlementation concernant les dépenses électorales. Autrement, en théorie, tout le monde sera libre, sera égal. Il y en a qui seront plus égaux les uns que les autres. Une règlementation, vous en avez déjà une au niveau provincial. Je ne dis pas que c'est la meilleure, je ne dis pas que c'est celle-là qui devrait être instaurée. Nous ne faisons pas de proposition concrète sauf en vous disant que ce sera prévu par voie réglementaire, adoptée par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Nous demandons aussi que, pendant la période électorale, l'employeur soit tenu d'accorder un congé avec solde à celui qui se présente aux élections. Cela ne vaut que pour la période électorale, quitte, par voie de règlement, à déterminer quelle est la durée, quant au gouvernement, d'une période électorale. Je sais que cela n'existe pas dans la législation présentement, cette deuxième partie. Tout ce qui existe, je crois que c'est dans la Loi de la Fonction publique, c'est un congé mais sans solde. Si quelqu'un est trop pauvre pour se présenter, s'il a besoin de son salaire, cela peut couper une possibilité pauvre.

Il y a aussi un point particulier lorsque nous demandons que ce ne soit pas le lieutenant-gouverneur en conseil qui nomme le représentant d'une commission scolaire au conseil lorsque la commission ne procède pas à la nomination ou au remplacement de quelqu'un. Nous croyons que, dans ce cas, on devrait décréter de nouvelles élections tout simplement. D'ailleurs, c'est un cas théorique sans doute parce que cela ne devrait pas arriver bien fréquemment, normalement. Si cela arrive, s'ils ne sont pas capables de s'entendre pour désigner quelqu'un, que ce ne soit pas le lieutenant-gouverneur qui fasse le choix. S'ils se chicanent, au cas où vous seriez l'arbitre de la chicane, on retournera aux électeurs.

S'il arrive qu'il y ait encore la même confusion, nous vous suggérons à ce moment-là que cette commission scolaire soit mise sous tutelle par le conseil scolaire. Ce sont là les principales recommandations que nous vous faisons. Je ne vous les lis pas, celles qui sont inscrites ici, je pense que je viens de vous le dire.

Le quatrième grand point est la centralisation administrative et ce que j'ai mentionné précédemment: la décentralisation pédagogique. Nous croyons fermement que les pouvoirs de la commission scolaire, du conseil scolaire, doivent être évidemment bien déterminés de même que les pouvoirs des commissions scolaires, mais une telle situation doit être traitée pour qu'il y ait une véritable et saine administration. La répartition des pouvoirs et prérogatives entre le conseil scolaire et la commission scolaire revêt donc une importance considérable.

Nous vous proposons que le conseil scolaire soit une véritable autorité scolaire au plan régional avec tous les pouvoirs nécessaires à une planification du fonctionnement et du développement de l'enseignement. Nous avons déjà revendiqué, pour le conseil scolaire, le mandat et les pouvoirs nécessaires pour présider à une plus juste répartition des ressources sur l'île.

Cette raison pourrait être suffisante pour justifier notre revendication d'une plus grande centralisation au niveau administratif et financier.

Il y en a d'autres évidemment, il y a une nécessité d'assurer une coordination des activités de toutes les administrations scolaires, aussi bien en ce qui concerne le personnel que les équipements; le nombre et la diversité des institutions et des personnes en cause ne peuvent tolérer d'écarts très sensibles.

Le conseil scolaire doit devenir l'employeur unique. J'y reviendrai un peu plus tard. Mais, d'ores et déjà, quant à nous, le conseil scolaire doit devenir l'employeur unique, l'unique propriétaire des biens meubles, des biens immeubles et, évidemment, par voie de conséquence, le seul négociateur des subventions gouvernementales. On verra aussi qu'il sera le seul négociateur avec les syndicats.

Bref, la responsabilité claire et entière de toute l'administration repose sur le conseil scolaire autre que la responsabilité pédagogique. Ces dispositions n'impliquent pas que le conseil, une fois établies ses normes et règles, ne puisse déléguer, s'il le décide, de ses pouvoirs de gérance à un autre échelon.

J'ai mentionné précédemment la question pédagogique. J'ai essayé de donner une illustration de ce que nous voulons et je pense que c'est absolument essentiel que l'Assemblée nationale fasse quelque chose de très particulier de ce côté — je ne dis pas de très particulier dans le sens d'exorbitant — mais ait de ce problème une vision différente de ce qui a été fait à l'heure actuelle. Je pense que la CECM, jusqu'à maintenant, a mis de l'argent de plus mais je ne pense pas que cela donne des résultats. Elle a mis de l'argent de plus en permettant l'engagement de personnes compétentes, bien sûr, mais ce n'est pas uniquement par une question d'ajouter de l'argent et je crois qu'il y a certaines études qui ont été réalisées, entre autres à New York, en milieu défavorisé, pour démontrer que ce n'est pas uniquement en ajoutant de l'équipement ou de l'argent qu'on peut résoudre ce genre de problème.

M. SAINT-PIERRE: A propos de ces études à New York, une des conclusions était cependant l'impossibilité de dissocier administration et pédagogie et la nécessité, pour les raisons très valables que vous indiquez, que l'école doit réfléter le milieu, de rapprocher le plus près possible des collectivités l'administration scolaire.

Il se peut fort bien qu'à Saint-Henri, pour le choix des professeurs, on n'ait pas les mêmes critères qu'on peut avoir dans une administration centrale sur l'ensemble de l'île. Il me semble qu'il y a là une petite contradiction entre ce désir d'avoir l'école et la collectivité près du milieu, les résultats de l'étude de New York et ce désir de votre part d'avoir ça très centralisé.

M. PEPIN: Retenons que, pour le choix des professeurs, une fois l'intégration réalisée, notre suggestion à nous est que ça reste au niveau de la commission scolaire qui ferait la recommandation au conseil scolaire. C'est aussi dans notre texte. Sur ce point, la commission scolaire s'occupera d'avoir les jurys nécessaires pour l'admission des nouveaux professeurs, pour tenir compte d'une partie de ce que venez de mentionner.

Il y a un autre point, semble-t-il, M. le ministre. Si vous avez une administration par onze commissions scolaires sur le territoire, il est bien probable que les normes décidées, disons à Québec, seraient identiques par tête de pipe sur un territoire. Je dis probable, il peut y avoir des variantes aussi, mais je pense qu'il y a plus de chances avec une administration plus centralisée sur l'île de Montréal, de ce côté, de tenir compte que le transfert des ressources pour tous ceux qui contribuent, sur l'île de Montréal, se fasse par ce truchement plutôt que se faire par Québec. Peut-être que je me trompe, mais c'est ça.

Il y a un autre point aussi. Il y a toute la question du personnel aussi. On va y retoucher plus loin. Dans la mesure où vous avez douze centres de décisions de ce côté, il y a des gens qui, à l'heure actuelle, ont 25 ans d'ancienneté sur un territoire ou à la commission scolaire de Montréal. Même si j'y retouche plus loin, je pense que ça vaut la peine de le retenir ici. A l'heure actuelle, ils ont un droit d'aller prendre la place d'autres dans le cas de diminution d'emplois ou encore dans le cas de promotion. Si vous divisez maintenant votre groupe en douze endroits, tôt ou tard, ils vont être localisés dans un endroit et leur chance de promotion, pour prendre cet exemple, va être limitée dans leur territoire et ne sera pas, comme elle l'est présentement, sur l'ensemble du territoire couvert par la CECM.

Ce ne sont peut-être par les arguments les plus frappants mais ils sont importants pour les hommes et les femmes qui travaillent là-dedans.

Vous avez passé votre vie de salarié, de travailleur à voir telle situation et puis, par l'application d'une loi, si bonne soit-elle à d'autres aspects, ne me donne pas la même sécurité, le même avantage que j'avais, est-ce, me direz-vous, le prix qu'il faut payer pour tout changer? Possible, mais je pense qu'il y a moyen de ne pas payer ce prix et d'en arriver à ce que ce soit le conseil scolaire qui soit le véritable employeur pour tous. Cela a d'autres conséquences, qu'il soit propriétaire des biens meubles et immeubles. Est-ce qu'il est absolument requis que les commissions scolaires elles-mêmes soient les organismes administratifs au même sens que le conseil scolaire? En tout cas, dans une projection théorique, est-ce que c'est absolument requis? Pour nous, nous ne le croyons pas et nous pensons qu'il est préférable qu'il en soit ainsi et de donner beaucoup plus de travail à exécuter aux commissions scolaires, particulièrement sur le plan pédagogique.

M. SAINT-PIERRE: Mais si on retient votre suggestion, on est un peu tenté de retenir le concept d'une commission scolaire unique qui s'occupe des 1,600,000 élèves. Je sais que, sur le plan de l'efficacité, de la gestion, on peut peut-être arriver à des arguments pour ça, mais j'avais l'impression que les études de New York avaient prouvé tout le contraire. Même en dehors de la pédagogie, quand il faut réparer une vitre, si on a une administration qui s'occupe de l'ensemble de New York, ça prend trois semaines pour faire réparer la vitre qui est cassée dans telle école. Il y a cette nécessité d'avoir ça tout près des gens.

M. PEPIN: Je crois que la commission scolaire existante — parce que je ne plaide pas pour une seule commission scolaire générale — sur place, même si ce n'est pas elle qui a la responsabilité administrative de tout, va fatalement voir à ce que les vitres soient réparées lorsqu'elles seront brisées. Je comprends que c'est un exemple que vous donnez.

Maintenant, là-dedans, encore une fois, je ne prétends pas qu'il n'y ait qu'une seule thèse qu'on puisse soutenir ni qu'on soit absolument certain. Rapprochons-nous plus du peuple, c'est bien sûr, mais ne nous arrangeons pas non plus pour que ce soit morcelé ou parcellisé au point que les gens ne pourront pas agir. Ils auront l'autonomie, la liberté en apparence, mais ils ne pourraient pas l'exercer. Cela, je crois aussi qu'il faut le retenir.

M. CARDINAL: M. le Président, dans le même ordre d'idées, si on me permet. Est-ce qu'ici on ne pourrait pas faire une analogie, qui a déjà été faite d'ailleurs à une autre commission parlementaire, concernant les immeubles? Ce matin, j'ai souligné, en réponse au ministre, parmi les réserves que j'avais concernant le projet 28, que le comité disons de l'île devrait être propriétaire des immeubles pour en faire une répartition plus juste, que je craignais le partage et que chacun garde ses immeubles. Mais on ne pourrait pas faire l'analogie suivante, pour aider le gouvernement à réfléchir, entre le rôle d'un propriétaire et le rôle de ses locataires?

En d'autres mots, le propriétaire d'un ou de plusieurs immeubles s'est toujours occupé, disons, de l'administration centrale, des grosses réparations et tout le reste, mais le locataire sur place, peu importe où demeure le propriétaire, s'occupe de ces petites choses dont on parle, l'exemple de la vitre brisée. Est-ce que l'on ne peut pas trouver justement un mécanisme qui à la fois satisfasse les deux objectifs que vous poursuivez?

Je termine là-dessus. J'ai l'impression, à vous entendre, M. Pepin, que votre mémoire contient divers groupes de propositions qui ne peuvent pas se séparer. Ce n'est pas que le tout forme un tout qui ne peut se diviser. Non, je n'irai pas jusque là. Mais il y a un certain nombre de propositions, dans l'ordre pédagogique, par exemple, ou dans l'ordre administratif, je vais même jusqu'à la division de la carte, qui ne peuvent pas se prendre séparément. Et la suggestion qui a été faite tantôt d'observateurs plutôt que de membres d'une commission scolaire m'apparaît très positive. Je pense que c'est dans cet esprit qu'il faut analyser votre mémoire, en prenant non seulement les textes que vous donnez en annexe et qui peuvent aider à la législation, mais en prenant surtout l'esprit de deux ou trois des chapitres de votre thèse, si on peut ainsi l'appeler, et en essayant de l'articuler dans un texte juridique qui permette d'atteindre des objectifs qui semblent opposés.

M. PEPIN: Je pense que vous avez bien raison. Comme vous le dites aussi, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas une pièce détachable dans toute l'affaire, mais nous avons essayé de suivre une trame générale et vraiment les morceaux s'imbriquent les uns les autres. Je crois que ce que nous soutenons ici, c'est vraiment pour rapprocher l'école de son milieu, que les gens soient très près. Quant à l'administration, c'est un peu plus éloigné. Je pense que cela peut se réaliser.

Encore une fois, M. le ministre, MM. les députés, sur une question comme celle-là, si importante soit-elle, je ne voudrais pas me présenter comme expert en vous disant: Moi, je suis sûr que là j'ai la vérité. Bien malin celui qui pourrait le faire.

M. SAINT-PIERRE: On est dans le même esprit, on cherche un peu la vérité. Mais j'avais l'impression qu'un de vos groupes affiliés au niveau des CEGEP — c'est une des thèses qui se défend très bien à savoir qu'on n'est pas capable de faire cette distinction, cette division entre l'administration et la pédagogie — si on lit leurs mémoires vis-à-vis du rôle de la commission pédagogique et du conseil d'administration, il y avait une ligne de pensée, et là je suis un peu surpris de voir qu'on prétend que dans les faits c'est très possible de descendre la pédagogie très près des problèmes en bas, au niveau de l'école presque et l'administration, ça peut être très loin en haut.

M. PEPIN: Je peux vérifier ce point et, si j'ai d'autres commentaires à ajouter, je les enverrai aux membres de la commission. Mais disons que notre recherche à l'heure actuelle est orientée de ce côté-là.

Nous vous proposons aussi de former des comités d'utilisation sociale de l'école. Dans l'école il y a des biens investis importants; c'est utilisé tant d'heures par jour, tant de semaines par année. Est-ce qu'il y a moyen que le milieu puisse s'en servir? Bien sûr, on peut faire des réunions syndicales à l'occasion, mais ce n'est pas uniquement du côté des réunions syndicales que nous proposons, mais qu'il y ait un comité d'utilisation sociale chargé de proposer à la

commission un plan d'utilisation complémentaire d'équipement scolaire pour des fins socio-culturelles communautaires. L'école doit être considérée comme un outil ou un équipement appartenant à l'ensemble de la communauté, au service de la communauté. Une fois utilisée aux fins d'enseignement aux enfants d'âge scolaire, l'école, si elle est libre, peut être mise à la disposition des citoyens comme un moyen de parfaire leur formation ou leur information ou encore de se livrer à des activités à l'échelle de l'arrondissement comme citoyens de la communauté.

Je pense que c'est aussi une suggestion positive qui peut être très utile dans beaucoup de quartiers.

Vous avez ensuite nos recommandations que je ne vous lis pas parce que nous en avons discuté.

Nous touchons maintenant le problème de la déconfessionnalisation des structures scolaires. Je pense que ça vaut la peine ici que je lise. C'est une affaire parfois un peu difficile à traiter; même encore au Québec c'est parfois pas trop simple de parler de ces problèmes. Je pense qu'il faut le faire et le faire ouvertement; on n'est plus à l'âge où on a à se cacher les uns des autres.

Le projet de loi prévoit des commissions scolaires unifiées donc non confessionnelles. J'espère qu'on ne se trompe pas; je ne pense pas qu'on se trompe. Il prévoit par contre la constitution d'un comité catholique, d'un comité protestant pour chacune des commissions scolaires. Ces comités sont chargés de veiller à l'application des règlements du comité catholique ou du comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation pour les écoles de leurs commissions auxquelles ils sont applicables. Ce sont donc les écoles qui seront confessionnelles. Au niveau de la structure même, ce n'est pas confessionnel, mais au niveau de l'école, tel que nous l'interprétons, l'école serait confessionnelle.

Dans le contexte pluraliste de l'île de Montréal, il nous apparaît que, pour assurer des services équitables à tous, l'école devrait être non confessionnelle. Le rapport Parent proposait en 1966 d'ouvrir des écoles neutres à Montréal, sinon de créer une commission scolaire neutre. Notre position nous apparaît, quant à nous, plus simple.

En effet, les écoles protestantes sont déjà neutres de facto. Chez les catholiques, la situation a considérablement évolué et continue de le faire de façon accélérée. Je connais assez bien le milieu de Montréal et je pense que tout le monde le connaît assez bien pour le savoir. Les faits ont précédé la loi dans ce domaine et au moins au niveau secondaire de l'enseignement, l'enseignement religieux n'est souvent que l'enseignement d'une morale ou même d'une discussion sur la vie. J'ai des enfants qui vont à l'école à ce niveau, je suis en mesure d'en témoigner. Nous demandons donc que l'école soit multiconfessionnelle, c'est-à-dire que l'horaire des cours doit prévoir des périodes pour l'enseignement religieux ou autre, au niveau élémentaire. Ce sont les parents qui chaque année devront faire connaître à la direction de l'école l'enseignement religieux ou autre qu'ils veulent voir dispenser à leur enfant. Au niveau secondaire ce sont les élèves qui choisiront eux-mêmes les cours qu'ils veulent recevoir.

Cette solution a pour effet d'éviter la situation pour le moins complexe, quant à nous, proposée par le projet de loi où chaque commission scolaire devrait entretenir probablement six genres d'écoles, catholiques, françaises, anglaises, etc. Je comprends bien qu'on peut avoir un même bâtiment, je présume bien, et y faire des divisions, des cloisons: d'un côté les catholiques; les Anglais, d'un autre, etc.

M. CARDINAL: M. le Président, est-ce qu'on pourrait poser une objection à M. Pepin sur ce point? Je ne la pose pas sur le plan de la confessionnalité. Cette discussion-là d'ailleurs au sujet du projet de loi 62 était venue sur le tapis et avait duré fort longtemps. Je la pose sur un tout autre plan — sans vouloir faire du "juridisme", je serais le dernier à vouloir en faire dans ce domaine.

Ma question s'adresse autant au ministre. Est-ce que ce schéma proposé par le gouvernement est fait non seulement pour respecter la liberté des gens — parce qu'on pourrait concevoir un autre système qui la respecte, y compris le système que vous proposez — mais pour éviter, justement, un accrochage avec l'Acte de l'Amérique du Nord britannique?

M. SAINT-PIERRE: D'une part, ce sont sûrement des atouts dans notre jeu d'avoir ces comités catholiques et le choix des écoles catholiques, protestantes ou autres. D'autre part, il y a le fait que des gens — et là peut-être que M. Pepin pourrait commenter — qui prétendent que le type d'école que vous prévoyez, c'est-à-dire l'école où on réserve une période où des catholiques vont dans une classe et des protestants vont dans une autre, mais où les groupes sont mêlés, soit sur le plan de la langue, sur le plan français uniquement — bien que jusqu'en 1978 il y aura deux types d'école, si je comprends bien — mais il y a des gens, en particulier dans la hiérarchie catholique, qui prétendent que ce n'est pas une école catholique, que l'école catholique c'est plus que simplement avoir des cours de géographie et un cours de morale catholique, que c'est une ambiance. Je ne veux pas me faire expert et vous donner une description de tout ceci.

C'est pour respecter cette conception que l'école catholique c'est quelque chose d'autre que l'enseignement religieux. On tient compte que même les règlements actuels du comité catholique permettent, pour ceux qui ont choisi l'école catholique, d'être exemptés de l'enseignement catholique dans son sens formel du terme, une période d'enseignement religieux; c'est plutôt pour reconnaître ceci.

Des sociologues prétendent qu'à Montréal, au niveau élémentaire, on sera surpris, qu'il n'y aura pas même une désaffectation de la pratique religieuse, comme vous faites mention ici, que les parents vont encore préférer l'école catholique. Moi, je suis un peu tenté à dire qu'ils ont raison. Ce sont peut-être des contradictions de la vie. C'est simplement l'expérience qui va nous le donner. Il n'est pas impossible non plus que, sur une période de temps, 80 p.c. des gens choisissent une école neutre.

Et l'école neutre, à mon sens, va correspondre à ce que vous appelez ici une école multiconfessionnelle. C'est une école où il y aura le mardi à onze heures une période d'une heure où on parlera de morale naturelle ou de justice sociale ou des droits et obligations des individus vis-à-vis de la société. Mais ce qu'on appelle école neutre, ce concept se rapproche de ce que vous appelez, vous, une école multiconfessionnelle et qui, pour la hiérarchie catholique, est effectivement une école neutre.

M. CARDINAL: Je comprends que nous sommes ici pour entendre M. Pepin particulièrement, mais le ministre n'a pas répondu exactement à ma question; je m'excuse de le rappeler. Deuxièmement, je ne vois pas ce qu'est la conception de l'école catholique, même si on accepte que la géographie ne s'enseigne pas de la même façon à des catholiques qu'à des protestants. A supposer qu'on accepte cet axiome, je ne vois pas en quoi ça exige la constitution d'un deuxième comité catholique et d'un deuxième comité protestant alors qu'il en existe déjà.

M. PEPIN : Même si la thèse gouvernementale était retenue, pourquoi aurait-on un deuxième comité? Sur ça aussi je me suis bien posé la question.

M. CARDINAL: Je ne suis pas capable de le suivre jusque là.

M. SAINT-PIERRE: Pour répondre à ça, si jamais — donnant l'opinion du député de Saint-Jacques — le gouvernement avait à défendre l'aspect constitutionnel du projet de loi, je pense que c'est un élément important de dire qu'une classe de personnes, à savoir des catholiques ou des protestants, qui vont élire parmi les catholiques et parmi les protestants et qui vont avoir une responsabilité en ce qui touche l'école confessionnelle...

M. CARDINAL: Le ministre vient de répondre, merci.

M. CHARRON: M. le Président, pour une fois je ferai une intervention pour donner raison au ministre. Dans les rencontres que j'ai faites avant la séance de la commission, à Montréal, il m'a été donné de m'entretenir avec des milieux ecclésiastiques. Cela faisait longtemps que je n'en avais pas vu, nous avions beaucoup de choses à nous dire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Depuis votre baptême?

M. CHARRON: A peu près; ça ne fait quand même pas tellement longtemps, moi!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je m'aperçois qu'il se cherche un parrain!

M. CHARRON: Et j'ai entendu effectivement — je dis ça à l'intention du président de la CSN, dont le mémoire là-dessus apporte une note particulière — qu'on a la conviction, dans les milieux catholiques, que c'est une concession ultime que le ministre a dû faire pour que sa loi soit constitutionnelle, mais que, si ce païen avait écouté ses penchants, il n'y aurait même pas de comité confessionnel à Montréal. L'opinion des milieux confessionnels, de ceux qui tiennent beaucoup à la confessionnalité — on aura peut-être l'occasion de l'entendre à la commission, j'ai bien l'impression — c'est qu'on considère ce comité comme étant absolument insuffisant pour assurer la confessionnalité de l'école.

Alors, eux, ils seront opposés comme vous à la création des comités en disant que ce n'est pas assez.

J'aurais une question, par exemple. Je comprends l'esprit de la CSN, dans son mémoire, et j'ai une question à poser au ministre là-dessus. On reconnaît, dans la structure du bill 28, des écoles catholiques — avec leur comité — protestantes ou autres. Maintenant, l'affectation des locaux sera faite par la commission scolaire locale qui sera composée de gens "confessionnels", entre guillemets, si vous voulez. C'est-à-dire qu'il peut arriver, dans une commission scolaire, que les quinze ou les neuf commissaires — les quinze commissaires, selon le bill 28 — seraient des catholiques très convaincus, très pratiquants — ce qui est pleinement leur droit — et que, lorsqu'ils ont à faire l'affectation des locaux, ils favorisent d'abord, sachant que la loi a été très cruelle sur le plan de la confessionnalité — c'est une inquiétude qui existe — les catholiques, les protestants ensuite, parce qu'ils sont surtout anglais et, finalement, les autres. C'est là le danger. On dit que la confessionnalité se trouve peut-être réduite ici au niveau des comités d'école, que ce n'est pas suffisant pour ceux qui s'y inquiètent.

Je prends, par exemple, la commission scolaire, aussi abracadabrante qu'elle soit, qui comprend Westmount, Notre-Dame-de-Grâce, Pointe-Saint-Charles et Saint-Henri. Les commissaires auront, à un moment donné, à affecter le nombre d'écoles catholiques qu'il doit y avoir dans leur commission, le nombre d'écoles protestantes et le nombre d'écoles autres, pour employer la terminologie. Il se posera un choix politique là-dedans. Il y a des bâtiments, dans

Westmount, qui sont neufs; il y a des bâtiments, dans Pointe-Saint-Charles, qui tiennent à peine debout. Y a-t-il des critères qui empêcheront une discrimination confessionnelle? Moi, je pense que les confessionnalistes vont prendre là leur revanche. Y a-t-il un critère pour empêcher une telle discrimination?

M. SAINT-PIERRE: La meilleure garantie, c'est peut-être justement que je crois comprendre que le député de Saint-Jacques et peut-être M. Pepin — je ne voudrais pas vous faire dire des choses que vous n'auriez pas dites — ont beaucoup de méfiance vis-à-vis du gouvernement et du ministère, mais beaucoup de confiance dans les gens qui sont élus localement. Moi aussi, j'ai beaucoup confiance aux gens élus localement. La meilleure garantie, c'est que les quinze qui sont élus par une collectivité n'auront pas à l'esprit uniquement, particulièrement pour les motifs que M. Pepin a évoqués, des questions de religion ou des questions de langue.

Pour des bâtiments, j'ouvre une parenthèse, parce que les bâtiments, c'est peut-être un problème différent. Si nous avions eu, comme suggéré par la commission Pagé, sur l'ensemble du territoire, des structures linguistiques, c'est-à-dire trois commissions scolaires anglaises et sept françaises, le partage des bâtiments entre les deux groupes aurait été un vrai problème. Mais, dans le moment, il n'y a pas ce problème. Au départ, le partage des bâtiments est un peu sur le territoire des onze. Il y aura sûrement des accommodations entre élèves qui sont dans des zones limitrophes, mais les bâtiments appartiendront à ceux qui sont là. Alors, nous n'avons pas ce problème.

Maintenant, à l'affectation, il y a quand même des cas assez évidents. J'ai confiance que, localement, ceux qui sont élus prendront leurs responsabilités, seront capables, vis-à-vis de leurs commettants, de justifier leurs décisions, de la même façon que nous, nous avons à nous justifier et que M. Pepin a à justifier ses décisions.

M. CHARRON : Si M. Pepin me permet, je pense que, dans l'esprit de la population, c'est souvent une des choses qui la touche le plus, dans ses critiques quant à cela. On a connu, dans Saint-Henri, par exemple, la construction d'une superbe polyvalente affectée aux Anglais, l'école James Laing — cela a fait tout un problème — pendant que les francophones se trouvaient encore... Là, on disait: Discrimination, etc. On ne l'écarte pas, dans le projet de loi, au contraire. Je vois très bien des arguments qui sont faux ou vrais, je n'en sais rien.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse mais...

M. CHARRON: Mais, dans une commission scolaire qui comportera une majorité et une minorité, les gens de la minorité diront toujours que, sur le plan des locaux, des bâtiments, la majorité se sert toujours mieux, et qu'elle réserve pour elle les principales écoles neuves.

M. SAINT-PIERRE: La majorité, dans votre esprit, est-elle confessionnelle ou linguistique?

M. CHARRON: Cela peut être anglais ou français comme cela peut être confessionnel. C'est pour cela que j'ai soulevé le problème. C'est parce qu'à mon avis cela peut exister là-dedans aussi.

M. SAINT-PIERRE: Au niveau de la construction des nouveaux bâtiments, ce n'est même pas au conseil scolaire, je regrette. C'est pratiquement au ministère de l'Education qu'on autorise cela. Dieu sait qu'on essaie le plus possible de tenter de favoriser cela dans les milieux défavorisés.

Où on n'est pas aidé, c'est que, si l'on prend le centre de Montréal, il y a une baisse très prononcée de population. Il y a des écoles qui sont presque vides, mais, dans des régions où on ne voudrait pas en donner, il y a des croissances de population assez phénoménales. Il y a quand même des places-élèves à remplir là, mais, au niveau des bâtiments, le plein jeu de la péréquation, je pense, va jouer et joue actuellement.

Vous citez James Laing. Les gens des Cantons de l'Est pourraient situer le cas dans les Cantons de l'Est: c'est un cas assez frappant. Mais quel était le problème là-bas dans les Cantons de l'Est? Je m'excuse, je vais en donner un portrait assez rapide. Cest que la régionale de l'Estrie, strictement au niveau francophone, ne pouvait pas s'entendre dans ses priorités et se disputait avec le séminaire de Sherbrooke, quelque chose comme ça; ça a pris cinq ans. Même si le ministère voulait en donner aux francophones, du côté des anglophones, dès la première année, on avait un plan préétabli disant: Voici la première école, voici la deuxième. Les besoins étaient là mais, finalement, comme résultats, on avait trois écoles polyvalentes pour les anglophones qui étaient construites et il n'y en avait pas une pour les francophones. Ce n'est pas parce que nous ne voulions pas en donner, mais parce que le milieu n'était pas capable de résoudre ses propres difficultés sur le plan des priorités d'implantation.

M. CARDINAL: C'est ça, le danger, à la ville de Mont-Royal. C'est pourquoi je trouve que le bill 62, sur ce plan-là, était mieux que le bill 28, parce que l'on donnait à une autre autorité ce choix-là. Vous venez de toucher un autre point très sensible. Que l'on parle de discrimination, que l'on parle d'autre chose, je crains qu'après l'adoption du projet de loi 28, tel que proposé, nous ayons les mêmes problèmes, sauf qu'ils se situeront à un autre niveau.

M. SAINT-PIERRE: Mais, par expérience, depuis les seize mois que j'occupe mes fonc-

tions, tant que le milieu n'a pas trouvé une solution à ses problèmes d'implantation,-il est à peu près inutile pour le ministère de tenter de forcer les gens, même si on leur donnait une école d'avance. Dans le bill 28, il y a au moins cet avantage que c'est la collectivité au niveau de la commission scolaire locale, qui doit résoudre son premier problème et le soumettre au conseil scolaire qui lui, tenant compte d'impératifs de planification et de concertation, a quand même un rôle à jouer. Cela, c'est dans le texte.

M. PEPIN: M. le ministre, peut-être êtes-vous d'accord aussi sur la méfiance qu'on peut entretenir envers le gouvernement provincial, quel qu'il soit. Je pense qu'il faut qualifier la méfiance dans un sens objectif. Plus on est éloigné de la réalité, plus c'est difficile pour le pouvoir en haut de prendre de meilleures décisions. Vous pourrez peut-être me dire: Pourquoi voulez-vous l'envoyer au conseil scolaire? Je pense que je me suis exprimé là-dessus. On ne peut pas, dans chaque rue, avoir un gouvernement. Alors, quand on parle de méfiance, c'est dans ce sens-là, pour ce qui est des fins du présent mémoire.

Maintenant, j'en arrive à un autre point: le découpage de la carte scolaire. Nous faisons une suggestion pour diminuer le nombre de 11 à 7. Nous ne retenons pas ce qui a déjà été proposé ailleurs, dans le rapport Parent, pour la division, mais nous vous disons que cela pourrait se faire par un autre truchement. Nous vous donnons des chiffres sur ce que ça va représenter comme personnes qui doivent être disponibles pour les postes à occuper, d'après le projet de loi 28. Encore là, ce n'est pas une question de principe comme telle, mais nous pensons qu'il y a peut-être lieu de travailler sur cela que ce serait peut-être plus "travaillable," plus efficace de cette façon-là. Donc, nous vous recommandons que le nombre de commissaires soit de neuf par commission scolaire et que le nombre de commissions scolaires soit réduit à sept.

M. CARDINAL: Puis-je vous interrompre, M. Pepin, avec la permission du président? Puis-je demander au ministre si le dernier découpage est encore un découpage nouveau par rapport à celui du bill 62 où il y avait eu trois fois un découpage?

M. SAINT-PIERRE: C'est exactement le même que pour le bill 62. Je suis ouvert; je ne sais pas s'il y aura des mémoires sur quelques points particuliers.

M. CARDINAL: J'ai posé cette question pour aider tous les gens, y compris ceux qui viennent devant la commission. On avait, à ce moment-là, à la demande du député Jean Lesage qui était dans l'Opposition, fourni au ministère des chiffres de population, de valeurs mobilières, de prospectives du milieu étudiant pour chacun des secteurs et, même, en supposant qu'on fasse des agencements différents. Le ministre pourrait-il fournir à l'Assemblée nationale et à ceux qui en auraient besoin de tels documents, mais mis à jour parce que nous sommes, quand même, presque deux ans après le dépôt du projet 62?

M. SAINT-PIERRE: Nous les avons pour les étudiants, mais je peux les demander pour les électeurs. Je pense qu'on attendait...

M. CHARRON: Le ministre a dit tantôt que c'est la même carte que lors du projet 62?

M. SAINT-PIERRE: Il n'y a pas eu de changement.

M. CARDINAL: Il y a eu trois versions différentes.

M. CHARRON: Le quartier Hamstead ne s'est-il pas trouvé à changer de commission scolaire?

M. SAINT-PIERRE: Non. C'est exactement la même carte. Mais moi, j'étais ouvert à des suggestions de groupes pour des modifications. Exemple, les gens se posaient la question et je me la posais moi-même: Est-ce que c'était une bonne chose d'avoir Pie IX pour une division, compte tenu que dans Pie IX il y a des écoles de chaque côté de la rue, est-ce qu'il ne serait pas mieux d'aller dans les terres, pour employer un terme d'agriculteur, pour diviser ça? Ce sont des choses auxquelles nous sommes ouverts.

M. PEPIN: Ce que nous recommandons, c'est qu'il y ait un comité d'experts. Evidemment, on me demandera peut-être qui seront ces experts? J'espère qu'il y en aura. Mais, pour essayer de faire le découpage en tenant compte de tous les facteurs, même si je peux tenir pour acquis que vous, ou le cabinet, avez dû tenir compte d'un bon nombre de facteurs... Mais, vous comprendrez que si vous joignez, comme vous le suggérez, je pense, à la commission scolaire numéro 4, Notre-Dame-de-Grâce, Westmount, Pointe-Saint-Charles, Saint-Henri, en tout cas, cela demande sûrement d'être expliqué pourquoi on en arrive à une telle situation.

M. CHARRON: M. Pepin, quand vous dites dans votre mémoire, sept municipalités scolaires au lieu de onze, c'est le rapport Parent qui préconisait sept?

M. PEPIN: Le découpage, quant à nous, ne doit pas être nécessairement celui proposé par le rapport Parent.

M. CHARRON: Non, je sais, mais pourquoi voulez-vous moins de municipalités scolaires?

M. PEPIN: Je pense qu'avec la mobilisation

que nous avons à faire du très grand nombre de personnes, à l'heure actuelle il n'y a que sept commissaires à la commission scolaire, je pense que c'est ça, sept à la commission scolaire de Montréal, d'un coup sec on en nomme pas mal plus. Evidemment, nous ne sommes pas attachés au chiffre sept. Si les experts, dans leurs études, se rendaient compte que, pour que ce soit plus efficace, c'est mieux huit, ou encore c'est mieux neuf, vous savez, le chiffre sept n'est pas un chiffre magique pour nous,

M. CHARRON: Je pensais que dans votre esprit vous aviez imaginé une nouvelle carte où, par exemple, les francophones auraient été majoritaires partout?

M. PEPIN: On n'a pas eu le temps de faire ça. Maintenant, si la commission parlementaire siégeait plusieurs jours, peut-être que ce soir on pourrait commencer... on n'aura pas le temps! On ne risquera pas de ce côté-là!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le chiffre sept pour vous ce n'est pas sacramentel.

M. PEPIN: Ce n'est pas sacramentel.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il y a toute une série d'autres facteurs qu'on pourrait examiner.

M. PEPIN: C'est ça!

M. CARDINAL : Dans le fond, vous suggérez qu'on fasse la même chose que pour la carte électorale?

M. PEPIN: Pour la carte électorale? Avoir des comités d'experts encore qui vont travailler. Il me semble qu'il y en a eu plusieurs.

M. CHARRON: Je te donne un "poll" bleu, donne-moi un "poll" rouge!

M. PEPIN: L'autre grand point concerne un domaine qui nous est un peu familier, la question des relations de travail. Là-dessus, M. le ministre, MM. les membres, M. le Président, je me permets de lire, parce que je pense qu'il faut exactement bien situer le problème.

Les fins du projet ne sont pas de régler les problèmes concernant les employés des commissions scolaires. Cependant, l'application de la loi provoquera des bouleversements considérables.-

A première vue, le projet peut sembler libéral en ce qu'il prévoit que tous les employés de commissions scolaires existantes deviendront des employés, soit du conseil, soit de l'une ou l'autre des commissions.

Le transfert de tous les employés d'une unité de négociation à une autre, transfert qui en soi comporte de sérieux problèmes, devrait, au sens du projet, se faire dans l'harmonie puisqu'il s'effectuera selon un plan préparé par le conseil provisoire en collaboration avec les commissions scolaires existantes et après que le conseil aura bien voulu effectuer les consultations appropriées. De toute façon, les articles 36 et 37 du code s'appliquant, personne ne sera donc lésé. Mais, la réalité est loin d'être aussi simple.

En effet, il faudrait prévoir douze nouveaux employeurs: onze commissions scolaires et le conseil. Comme il existe déjà trois comités de négociation dans certaines commissions scolaires: employés de bureau, employés d'entretien, concierges, il faudrait prévoir également quant au personnel de soutien, 35 unités de négociation nouvelles: 33 dans les commissions scolaires et deux au conseil.

Même si les problèmes de diversité des conditions de travail peuvent être possiblement amoindris en 1973 par suite de l'uniformisation des conventions dans les commissions scolaires concernées à la suite de la ronde actuelle de la négociation provinciale, il est à prévoir que d'autres problèmes sérieux surviendront: le choix du nouvel employeur sera-t-il laissé à chaque employé ou y aura-t-il intégration forcée? S'il y a choix, quels critères? Le choix sera-t-il final? Qui deviendra employé du conseil et comment se fera le choix pour devenir employé du conseil?

Les employés s'interrogent déjà d'ailleurs quant à ce qu'il adviendrait de leurs droits d'ancienneté s'il devait y avoir après l'intégration d'autres transferts d'une commission scolaire à l'autre comme il est prévisible que cela puisse se produire. Comme les problèmes des employés ne sont pas uniquement des problèmes de principe mais aussi des problèmes fortement individualisés, les employés sont inquiets. Ils se demandent déjà dans quelle commission scolaire nouvelle sera leur plus grande chance, s'ils pourront travailler à proximité de leur domicile, etc. Comme la réalité veut que la CECM actuelle se subdivise, selon le projet de loi, dans neuf commissions scolaires nouvelles — je pense que c'est neuf au lieu de huit qu'il faut lire — les questions que se posent les employés et les problèmes que cause l'intégration aux employés sont évidents.

Outre les problèmes propres à l'intégration, demeurent toujours les problèmes surgissant de l'application des conventions. Ces problèmes seront amplifiés par l'existence de 12 centres de décision, de 12 procédures différentes à suivre dans la discussion des problèmes parce qu'il y aura 12 employeurs.

La multiplication des employés de cadres, en plus de coûter une fortune, pourra engendrer un fouillis parfois inextricable tant sur le plan de la recherche de solutions que sur celui des interprétations et des solutions à y apporter. Pour éviter ces problèmes, pour assurer aussi que les droits et intérêts des employés seront intégralement respectés, nous croyons que la loi doit stipuler clairement quatre choses:

Premièrement, le conseil est l'employeur

unique au sens du code du travail. Je me suis exprimé précédemment sur ce point. Tous les employés étant au service d'un seul employeur, seront éliminés du coup tous les problèmes de transfert définitif parce que tout le monde va être employé du conseil. Il sera alors question de mobilité du personnel au service de l'une ou l'autre des commissions scolaires sans que le statut de l'employé soit affecté. Il restera à établir avec cet employeur les règles d'affectation du personnel, soit au service du conseil, soit au service de l'une ou l'autre des commissions scolaires nouvelles.Pour ce faire, la loi doit donner au conseil le mandat de négocier avec les syndicats concernés.

Il nous semble en effet que les droits des employés ne peuvent être défendus que par leur propre association et qu'il n'est que juste que ces associations participent directement au processus d'intégration. Les questions d'affectation, de réaffectation, d'ancienneté, de mobilité, etc., doivent être discutées par les syndicats afin qu'ils prennent une part active et responsable à la négociation.

Une fois l'intégration faite, le conseil embauche les enseignants aux recommandations des commissions scolaires — c'est le problème que j'ai mentionné précédemment à une question de M. le ministre — qui font elles-mêmes la sélection des nouveaux enseignants et contrôlent le processus de perfectionnement.

Troisièmement, pour éviter des problèmes additionnels, il faut que la loi prévoie que la restructuration des commissions scolaires sur l'île ne soit ni l'occasion ni la cause de la mise à pied d'un certain nombre d'employés actuellement à l'emploi des commissions scolaires existantes.

Quatrième point, la loi doit prévoir également que le conseil provisoire doit embaucher prioritairement des personnes à l'emploi de l'une ou l'autre des commissions scolaires de l'île de Montréal afin d'éviter, le 1er juillet 1973, un problème de surplus de personnel parce qu'un certain nombre de fonctions seraient remplies par des employés qui n'étaient pas au service des commissions scolaires existantes.

Je vous lis immédiatement les recommandations parce qu'elles sont assez précises. Vous les retrouverez d'ailleurs dans le document no 2. Je ne me souviens pas des numéros des articles, ce doit être l'article 17, je présume, et les suivants.

Que le conseil scolaire soit l'employeur unique;

Que le plan d'intégration — je pense qu'ici c'est une idée un peu nouvelle et je pense que cela mérite d'être examiné — du personnel dans les nouvelles structures fasse l'objet d'une entente à être négociée entre le conseil scolaire et les syndicats représentant le personnel concerné; qu'à défaut d'entente entre les parties, au plus tard le 1er mai 1973, un tribunal d'arbitrage spécial soit constitué pour entendre les représentations de tous les organismes intéressés et rende une décision qui sera exécutoire au plus tard le 1er juillet 1973.

Je crois comprendre que le projet de loi actuel prévoit que c'est la commission ou le conseil qui a le pouvoir de prendre une décision. Cette décision va être prise après consultation, mais elle a un pouvoir décisionnel. Les employés ont un syndicat à l'heure actuelle, pour un très grand nombre d'entre eux, mais il y a des relations contractuelles. Par le projet de loi, on arrêterait les relations contractuelles pour ce qui concerne l'intégration du personnel. C'est, à toutes fins pratiques, le conseil ou les commissions scolaires qui pourraient décider comme elles l'entendent.

M. CARDINAL: M. Pepin? M. PEPIN: Oui.

M. CARDINAL: Je pense que vous attachez beaucoup d'importance à ces recommandations.

M. PEPIN: Oui.

M. CARDINAL: Vous le soulignez d'ailleurs par le ton de votre voix.

M. PEPIN: J'essaie, parfois.

M. CARDINAL: C'est dans votre domaine. Votre voix est tout à fait sereine.

J'ai soulevé ce point ce matin. Les premiers —la CEQ — qui sont venus l'ont aussi soulevé, mais là vous proposez un mécanisme. Est-ce que le ministre, dès aujourd'hui, peut nous dire non pas qu'il envisage de prendre le mécanisme que vous proposez, mais qu'il envisage de modifier le projet de loi pour qu'il y ait un mécanisme? Parce que je crains fort que, quel que soit le genre d'employés dont on parle: les enseignants en passant par les cadres jusqu'aux employés manuels, l'on ait, après l'adoption du projet de loi 28 tel qu'il est rédigé, un problème de classement. Et on sait ce que c'est. Est-ce que le ministre peut répondre à cette question?

M. SAINT-PIERRE: C'est comme la constitution. On n'exclut sûrement pas une révision, suivant ce qui a été soulevé par la CEQ ce matin, suivant la CSN, pour tenter de définir —sans pour autant donner un cadre trop rigide à la façon dont ceci pourrait se faire — peut-être d'une façon plus précise de quelle façon l'intégration pourrait se faire et quelles seraient les différentes étapes dans le travail de l'intégration.

M. CARDINAL: Est-ce qu'il y a du travail qui a été fait en accord avec la Fonction publique qui s'occupe des questions de convention?

M. SAINT-PIERRE: Sans aller dans les détails, on doit dire que les tables de travail

provinciales, dans un sens, ont un peu à l'esprit de ne pas se retrouver avec des problèmes, tenant compte que sur le plan scolaire 40 p.c. de ceux qui sont là vont être impliqués dans un processus d'intégration. Je pense qu'au moins un avantage de la table provinciale sera de minimiser de beaucoup ce qui aurait été autrement une tâche très difficile parce qu'il y avait quand même, pas nécessairement sur les salaires mais sur les avantages sociaux, beaucoup de divergences. On pouvait avoir 95 p.c. des gens qui — je donne un chiffre — avaient quinze jours de maladie et 5 p.c. qui avaient 22 jours. Il faut faire toute cette intégration.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. le ministre...

M. SAINT-PIERRE: Il y a aussi la question de se trouver un mécanisme équitable, peu importe qui est l'employeur, et qui donne sûrement une priorité — je suis d'accord avec l'esprit — à ceux qui sont en place dans le moment pour assumer des fonctions dans un cadre complètement différent. Si on retient onze commissions scolaires, il y a onze directeurs généraux à trouver. Quel est le mécanisme qu'on va trouver, par concours, et selon lequel, si quelqu'un n'est pas choisi directeur général, il puisse se présenter pour d'autres concours inférieurs? C'est différent des élections: le perdant ne rebrousse pas chemin sans rien avoir.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. le ministre, à ce sujet-là justement, votre réponse n'est pas, à mon sens, assez précise et de ce fait n'est pas satisfaisante. Vous dites que vous n'excluez pas la possibilité d'inventer un mécanisme, comme le suggère la CSN et les organismes qu'elle représente ici. Est-ce que, dans les faits, concrètement, étant donné que vous avez un échéancier — cette loi, vous allez nous la présenter bientôt, je l'espère, et vous allez devoir la mettre en application — vous avez un comité de travail qui étudie actuellement le problème de ce mécanisme, mécanisme qui pourra peut-être être différent à certains égards de celui que propose la CSN? Est-ce que vous avez un comité de travail qui s'est attelé à cette tâche en collaboration avec la Fonction publique?

M. SAINT-PIERRE: Non, il n'y a pas de comité en soi qui est attaché à cela. Un peu comme nous l'avons fait pour le projet de loi 27, nous comptons mettre sur pied un groupe de travail — mission 28 — qui va tenter du côté du ministère de prévoir un peu tous ces...

M. CARDINAL: D'accord, vous l'avez promis dans le cas du projet de loi 27 tandis que...

M. SAINT-PIERRE: Non, le simple point, c'est qu'on est ouvert à des améliorations. Il ne s'agit pas de tenter d'avoir un cadre impossible à vivre. Je pense qu'il serait, vous le reconnaîtrez, d'une certaine prudence de ma part d'au moins donner la chance aux employeurs d'exprimer leur point de vue et de nous donner peut-être d'autres aspects...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord, M. le ministre...

M. SAINT-PIERRE: ... et le gouvernement, par après, pourra considérer l'ensemble de ces recommandations pour arriver avec un cadre peut-être plus précis que ce que nous avons dans le moment.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous entends très bien quand vous dites cela. Vous nous dites simplement: Nous n'excluons pas la possibilité d'inventer un mécanisme. D'accord, mais c'est purement négatif. Or, vous savez très bien qu'il faudra en mettre un en place, un mécanisme, et qu'il est urgent...

M. SAINT-PIERRE: Oui, mais il y en a un de prévu.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... de préparer ce mécanisme et de nous donner aujourd'hui l'assurance qu'il y aura tel mécanisme. Parce que, même si d'autres organismes viennent devant nous et expriment des points de vue qui peuvent être différents de celui qu'a exprimé M. Pepin, vous serez toujours devant l'obligation de devoir proposer un mécanisme.

M. SAINT-PIERRE: Oui, mais je pense quand même que dans le texte de loi il y a, dans le moment, un mécanisme. C'est-à-dire qu'il y a des responsabilités qui sont assignées, il y a des fonctions qui sont données.

Je ne pense pas que, d'après le texte de loi, on doive assumer les responsabilités que jusqu'ici on a données au conseil provisoire, mais on peut peut-être préciser davantage son cadre de référence, on peut peut-être lui donner des indications plus précises.

M. PEPIN: Un point essentiel pour nous, c'est que la loi ne donne pas un pouvoir arbitraire ou discrétionnaire à une des parties.

M. SAINT-PIERRE: D'accord.

M. PEPIN: Et puis l'article 17, je pense, donne ce pouvoir à une seule partie: le conseil provisoire. Nous sommes, comme je le disais, en relations contractuelles, à l'heure actuelle, et puis, par le projet de loi, tout cela serait mis de côté et ce serait au conseil, même s'il a l'obligation de nous entendre, à prendre la décision.

Alors ça, c'est le point central de l'affaire. Deuxième point que je voudrais soulever: il a été question d'un comité de travail. Quelqu'un vous a demandé s'il y en avait un qui étudiait le

problème au niveau de votre ministère, votre réponse a été négative. Mais si vous décidiez d'en former un, même avant l'adoption du projet de loi, avant la discussion à l'Assemblée nationale, moi, je vous dis que nous sommes disposés à collaborer avec le ministère pour voir si nos propositions sont concordantes, si ça peut aller, ou étudier toute autre proposition. Là-dessus, je ne vois pas pourquoi on aurait tellement à se chicaner entre nous. Nous avons l'esprit ouvert, je pense bien que tous les syndicats impliqués seraient prêts à participer à un tel comité pour étudier un projet de loi sur une matière comme celle-là, avant que l'Assemblée nationale en soit saisie. La plupart des députés vont dire: Bien, on va se référer à l'article 36 et à l'article 37. Ce n'est pas une réponse. Cela ne peut pas marcher, on a l'expérience et ça n'a pas été fait pour ça, les articles 36 et 37 du code du travail.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est la raison pour laquelle, M. Pepin, j'insiste auprès du ministre, non pas pour qu'il nous donne le détail de ce mécanisme, mais pour qu'il nous donne l'assurance qu'il y a un comité qui va s'atteler immédiatement, ce soir, à la tâche de l'inventer, ce mécanisme.

UNE VOIX: On va nommer le député de Chicoutimi à ce comité.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela irait peut-être plus vite.

M. PEPIN: Bien, si c'était dès ce soir, je vous informe que nous aurons des représentants si vous nous y invitez.

Maintenant, dans les textes précis que nous suggérons au document Il, vous allez noter cependant que nous faisons une référence, à un certain moment, à l'article 36 (c'est à la page 32 du document) et je voudrais vous expliquer pourquoi.

Lorsqu'on donne le pouvoir à deux parties de négocier puis qu'on leur donne, s'il n'y a pas entente, la possibilité de recourir à un tiers, il faut que le tiers ait une assise, un mandat, à moins de lui dire: Tu as le mandat en blanc, fais n'importe quoi. Alors notre référence à l'article 36, à ce moment, c'est uniquement au niveau du principe de l'article 36, parce que l'article 37 qui le suit dit toujours que le commissaire enquêteur a constamment le droit de prendre les mesures pour appliquer l'article 36. Ce qui reviendrait à dire que l'arbitre, s'il y a seulement un arbitre ou si c'est tout un conseil d'arbitrage, comme nous le suggérons, le conseil a le pouvoir de régler ces problèmes, mais s'assoyant sur l'article 36, il devient donc une espèce de commissaire enquêteur avec le même pouvoir que le commissaire enquêteur en vertu du code du travail pour régler ces problèmes-là.

C'est dans cet esprit que nous suggérons la référence à l'article 36, mais si vous ne faites que la référence à l'article 36, comme cela a été fait dans le cas de la Communauté urbaine de Québec, c'est un fouillis. S'il y avait dix accréditations différentes, parfois même trois centrales syndicales, et même quand c'est à l'intérieur de la même centrale syndicale, les conditions peuvent différer d'un endroit à un autre. Je ne parle pas des conditions monétaires qui peuvent être normalisées par le truchement de la négociation provinciale, mais toutes les autres conditions. Le droit d'ancienneté ne s'exerce pas de la même façon dans un endroit et dans un autre, ça dépend des conventions collectives, du militantisme du syndicat parfois, de la résistance patronale.

Alors voilà pourquoi je vous exhorte à ne jamais remarquer, dans un projet de loi, qui fait de la "défusion" ou de la fusion une simple référence aux articles 36 et 37.

Je peux vous donner une autre information, si vous ne le savez déjà; on nous a demandé, au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, de faire des propositions au ministre du Travail pour les cas de fusion de municipalités, communautés de transport et autres. Ce n'est pas le même problème qu'ici, ici c'est de la "défusion" et là-bas c'est de la fusion; tout dépend maintenant si vous acceptez notre idée d'avoir un seul employeur. Je pense que, d'ici quinze jours, s'il n'y a pas accord entre les membres du comité ad hoc qui travaillent au niveau du conseil sur ces principes, au moins le ministre aura les rapports de chacune des parties du côté syndical et du côté patronal. Je ne pense pas qu'il y ait des désaccords profonds entre nous, tout le monde réalisant que les articles 36 et 37, comme référence exclusive dans la loi, ça ne donne absolument rien et ça conduit à un désordre considérable.

Je ne sais pas si, quant à l'intégration des employés, quant au problème des relations de travail, j'ai été assez clair ou si vous avez besoin d'autres éclaircissements. C'est un problème très difficile; ce n'est pas d'une grande facilité de ce côté-là. Quant à nous, nous voyons par nos propositions quelque chose qui, valablement, peut régler le problème.

Nous vous suggérons aussi, à la page 34 du document numéro 2, qu'"à cette fin il — le conseil — doit prioritairement recourir aux commissions scolaires existantes pour obtenir le personnel requis. Les employés ainsi prêtés maintiendront leur statut d'employés à leur commission scolaire". Cela est pendant la période transitoire; une fois la période transitoire terminée, ce ne sera pas ainsi. "A défaut de personnel disponible dans les commissions scolaires, le conseil pourra procéder à l'engagement d'employés temporaires pour une période n'excédant pas le 1er juillet 1973". Le conseil provisoire, quand il sera créé, va avoir besoin de personnel. Où va-t-il le prendre et quel va être le statut de ces employés? Est-ce qu'ils vont commencer immédiatement à demander une accréditation en vertu du code du travail? La

plupart d'entre eux, ceux qui travaillent dans des commissions scolaires, sont organisés en syndicats, ont déjà une convention collective, soit en cours ou peut-être en voie de renouvellement. Mais ils sont protégés par des conditions de travail écrites dans un document. Le conseil scolaire, s'il a besoin de personnel, ira piger sans doute dans les commissions scolaires existantes et les employés maintiendront la même convention collective qu'ils ont à l'heure actuelle parce qu'il ne s'agit que d'une période transitoire devant se terminer au 1er juillet 1973 ou quelque chose comme ça. C'est la suggestion que nous faisons pour éviter des difficultés énormes. Nous n'avons pas l'impression d'épuiser tout le sujet. Nous ne disons pas non plus qu'il n'y aura pas un petit problème. Il va en avoir quand même mais je pense que le plus gros des problèmes se trouverait réglé par un mécanisme comme celui que nous suggérons, l'arbitraire du conseil étant disparu.

Nous traitons, en huitième lieu, de l'enseignement aux adultes et nous avons de la difficulté à comprendre pourquoi le projet de loi 28 ne mentionne pas ce secteur de l'éducation des adultes. Nous y mettons pas mal d'insistance. On sait que l'on peut, dans des milieux, élever le niveau scolaire de la population. Je pense que l'éducation des adultes est un point important et je crois que ni le ministre ni le ministère ne l'ont négligé; je pense que depuis quelques années il y a eu pas mal d'efforts au niveau de l'éducation des adultes mais, sur l'île de Montréal, avec la réorganisation scolaire, nous croyons que la loi éventuelle doit la couvrir. Aussi nous vous recommandons donc que l'éducation des adultes soit assurée par l'implantation d'un service d'éducation permanente dans chacune des commissions scolaires de l'île de Montréal, tel que cela existe déjà dans les commissions scolaires régionales du Québec.

M. LE PRESIDENT: Pardon, M. Pepin; le député de Bagot.

M. CARDINAL: J'ai une question à poser au ministre; justement cette question est venue devant moi à l'occasion du projet de loi 27. A cause de décisions de tribunaux en matière de relations patronales, il est arrivé qu'on ait à quelques reprises décidé que le ministère n'avait pas véritablement juridiction sur des questions comme l'éducation des adultes, d'une part, et la maternelle, d'autre part. Dans le projet de loi 27 — si mes souvenirs sont bons — on a eu des dispositions qui sont venues précisément donner cette juridiction. Comme le projet de loi 27 ne s'applique qu'en dehors de l'île de Montréal... Il le couvre pour ces fins? Ah bon! Est-ce que M. Pepin serait satisfait?

M. SAINT-PIERRE: L'explication est que, dans le projet de loi 27, il y a certaines dispositions qui modifient...

M. PEPIN: Et cette disposition s'applique, c'est 573 a) du projet de loi 27. Cela s'applique, je retire, j'ai parlé trop longtemps là-dessus.

M. CARDINAL: Je m'excuse de mon interruption, mais...

M. PEPIN: Je vous en remercie.

M. SAINT-PIERRE: Les autres suggestions qui sont peut-être fort valables, personnellement, je trouve qu'on pourrait les retrouver dans la réglementation à la fois du conseil scolaire et des commissions scolaires. Ce n'est peut-être pas dans le projet de loi, il y a des choses fort valables. Ici, vous avez les comités d'éducation des adultes. Je ne suis pas certain où ça doit se situer nécessairement. Exemple: C'est évident que pour l'enfance inadaptée, pour prendre un cas d'espèce, il n'y a rien réellement — sauf la mention du terme comme préoccupation du conseil scolaire — qui empêche les commissions scolaires et le conseil scolaire d'avoir des comités, d'avoir une organisation à l'échelle de l'île pour un problème du type de l'enfance inadaptée comme pour l'éducation des adultes.

M. PEPIN: Comme j'ai été rappelé à l'ordre par le député de Bagot et avec raison, me permettriez-vous quand même de vous rappeler que le bill 27 dit "qu'une commission scolaire régionale peut, avec l'autorisation du ministre..." Est-ce que le bill 28 pourrait aller un peu plus loin que ça? Des efforts de négociation?

M. SAINT-PIERRE: C'est que, là encore une fois, on ne veut pas que le gouvernement ait tous les pouvoirs d'imposer d'une façon dictatoriale ce qui doit être fait. On pense que le milieu dans ce sens-là... Je ne sais pas si ça va être une divergence entre la CSN et la FTQ, mais j'en ai discuté privément avec M. Daoust de la FTQ, et il trouvait que toute l'éducation des adultes qui était une richesse à l'intérieur de l'île de Montréal et de la CECM, ne devait pas s'éparpiller au niveau des commissions scolaires. Il a dit qu'elle devait être greffée autour du conseil scolaire et qu'on ne devait pas retrouver d'éducation des adultes, à moins qu'il n'y ait eu des changements, au niveau des conseils scolaires.

Or nous, nous avons préféré en donner, sur le plan pédagogique, la responsabilité aux commissions scolaires locales, donner aux conseils scolaires cette préoccupation de coordination de l'éducation des adultes en laissant beaucoup de flexibilité dans le plan des moyens pour ce qu'on pourrait faire avec ceci.

C'est là que vous dites peu, mais j'imagine que si ça correspond au besoin du milieu les 15 commissaires élus, même si on retient votre suggestion, à tous les trois ans, avec un parti politique qui met de l'avant l'obligation de l'éducation des adultes, eux vont exercer ce

droit, alors que, dans d'autres milieux peut-être, on va dire qu'on ne veut pas s'en occuper. Il n'y a rien comme quand le gouvernement veut imposer de force l'éducation des adultes à une commission scolaire qui ne veut pas s'en occuper.

M. PEPIN: De toute façon, vous connaissez l'intention que nous poursuivons...

M. SAINT-PIERRE: Oui, oui.

M. PEPIN: ... c'est couvert en partie, à tout le moins, par le bill 27 et reproduit dans le bill 28. Je demande tout simplement si on peut aller un peu plus loin que ça.

Vous avez aussi d'autres recommandations là-dessus. Je pense que vous pouvez les regarder, ça fait déjà assez longtemps que je vous entretiens et je voudrais terminer au moins par la taxation scolaire.

Ce n'est pas très long. Quant à nous, il y a déjà une amélioration dans le bill 28, c'est clair, les rôles d'évaluation uniformisés. Le mode d'imposition — ce n'est peut-être pas le temps de le régler à l'heure actuelle, j'espère que nous y arriverons — mais je me permettrais de donner une statistique aux membres de la commission, statistique qui date de 1961, parce que c'est basé sur le recensement de 1961. Notons, entre nous, que les statistiques c'est, pour un politicien, la même chose qu'un réverbère pour un ivrogne; cela sert beaucoup plus à s'appuyer qu'à s'éclairer, c'est vrai, mais quand même.

M. SAINT-PIERRE: Et comme disait M. Duplessis: "Pour prêter de mauvaises intentions aux autres, c'est comme l'argent, il faut en avoir soi-même."

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous voyez qu'il a des lettres.

M. PEPIN: Dans une étude réalisée pour analyser l'impact de l'impôt foncier, municipal et scolaire — donc pas exclusivement scolaire — par rapport au stade de revenu, on découvre, basé toujours sur 1961 — c'est le chiffre s'appliquant sur l'ensemble du Canada — que ceux qui avaient un revenu de $2,000 et moins, payaient 8 p.c. d'impôt foncier.

C'est-à-dire que 8 p.c. de leur revenu était consacré à payer l'impôt foncier. Si vous prenez ceux dont le revenu se situe entre $2,000 et $3,000, toujours avec la même base, en 1961, c'était à 4.9 p.c; de $3,000 à $4,000, 4.5 p.c; finalement, vous en arrivez, pour ceux de $10,000 et plus, à 4.1 p.c. Ce qui veut dire que, plus vous êtes pauvre, avec ce système d'impôts, plus votre pourcentage est élevé par rapport à ce que vous payez comme impôts. Je sais qu'à peu près tout le monde est d'accord pour dire que c'est un système injuste, qu'il faut le refaire. Mais je tenais, puisque j'ai eu cette statistique, à vous en faire part. Si c'est utile pour les membres de la commission, je verrai à en faire faire des copies — même si c'est au journal des Débats — pour vous les faire parvenir.

M. SAINT-PIERRE: Ici, on retient, M. Pepin, que déjà il y a quand même eu une modification substantielle. D'où proviennent les revenus pour faire face au coût de l'éducation? En 1971, à peu près, 65 p.c. peuvent venir de l'impôt sur le revenu. On pourrait peut-être, si on reprend vos statistiques, appliquer 65 p.c. de l'impôt sur le revenu et trouver que, là, les... Pardon?

M. CHARRON: Actuellement, il n'y a pas 65 p.c qui viennent de l'impôt sur le revenu, mais cela vient du gouvernement.

M. SAINT-PIERRE: Non, non. Cela vient de l'impôt sur le revenu.

M. CHARRON: Ce n'est pas seulement l'impôt sur le revenu.

M. SAINT-PIERRE: Bien, voyons, le budget de l'éducation est près de $1,800, millions et l'impôt foncier scolaire représente à peu près $400 millions. Alors?

M. PEPIN: Alors, les $1,800 millions ne viennent pas uniquement de l'impôt sur le revenu.

M. CHARRON: Il y a la taxe de vente là-dedans.

M. PEPIN: Il y a les taxes de vente, etc.

M. CHARRON: Ce sont toutes les sources de revenu du gouvernement.

M. PEPIN: N'oubliez pas qu'il y a la taxe de vente, en plus, qui sert à payer cela. C'est une taxe régressive.

M. CHARRON: Cela aussi.

M. PEPIN: Ceux qui sont à $5,000 et moins sont plus affectés que les autres, en proportion. C'est une taxe régressive.

Voilà, M. le Président, messieurs les membres, la présentation de notre mémoire. Si vous avez d'autres questions, nous sommes à votre disposition.

M. CARDINAL: Avec la permission du président, car je pense que le ministre n'a rien à ajouter. Ce qui m'a frappé depuis ce matin non seulement en parlant de la CSN mais dans les travaux de cette commission, c'est la façon positive dont les personnes qui se sont présentées devant nous ont suggéré des choses à faire pour améliorer le projet, contrairement — je ne voudrais pas être méchant — à d'autres commis-

sions où il y avait des débats parfois assez orageux.

Je pense que ce document de la CSN a couvert à peu près tous les domaines qui avaient pu être mentionnés. Il revient sur certaines choses, par exemple, qui nous ont été apportées par la CEQ. Il n'insiste pas davantage sur les relations du travail, c'est-à-dire qu'il les place dans un contexte, comme je l'ai indiqué tantôt. Evidemment, il faudrait lire presque tout le document pour poser des questions précises et, surtout, lire l'annexe que vous avez fournie, qui vient l'illustrer dans un texte. Dans le premier document, ce sont surtout ce que j'appellerais des généralités, des principes que vous émettez. Si on parle du rattrapage des quartiers défavorisés, c'est sûr qu'il faut un organisme responsable. Dans le domaine des universités, par exemple, le ministère a essayé de faire du rattrapage. Le ministre sait que ceci est très difficile parce que, comme le député de Saint-Jacques l'a souligné, dès que vous faites du rattrapage, c'est-à-dire que vous donnez plus à certains qu'à d'autres, le juge et les critères sont facilement des choses qui peuvent être non seulement discutables mais critiquables. On sait que le son de cloche que l'on entend au sujet du rattrapage des quartiers défavorisés pourrait être entendu d'une tout autre façon à d'autres séances de cette commission.

Moi, je pense que le ministre devrait, avec tous ses gens, étudier très attentivement ce mémoire. Je reviens surtout sur une question posée par le député de Chicoutimi, pour que le ministre, justement, s'il lui faut attendre la fin de deux ou trois séances, n'attende quand même pas trop pour, à un moment donné, pendant les travaux de cette commission, se prononcer et nous dire: Il y aura un mécanisme, par exemple, pour l'intégration du personnel dans cette "défusion". Il y aura un mécanisme de rattrapage pour réviser la question du nombre des commissaires, par exemple, et tous les points qui ont été soulevés depuis ce matin. C'est la seule chose que je pourrais dire parce que, de fait, ceci est très sérieux. Qu'on n'attende pas de lire le journal des Débats, parce qu'on sait qu'en matière de commission cela prend un certain temps, mais, si des documents peuvent être déposés pour compléter ceci, comme on nous l'a offert tantôt, cela vaudrait la peine, je pense, de les envoyer au secrétaire de la commission. Sans que nécessairement ils soient annexés au journal des Débats, qu'ils soient remis aux députés, membres de la commission.

M. PEPIN: M. le Président, si vous me le permettez, à la suite de l'intervention de M. Cardinal: Si, après lecture des choses précises qui sont proposées par nous, vous sentez le besoin — nous ne voulons pas abuser du temps de la commission ni des membres — de nous questionner sur certains aspects, soyez assurés que nous serons à votre disposition.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne voudrais pas reprendre ce qu'a dit mon collègue, le député de Bagot, mais on signalait, avec raison, que le gouvernement et les gouvernements ont tardé à apporter ce projet de loi sur la restructuration scolaire de l'île de Montréal. Cela est un constat. Quels que soient les gouvernements qui ont été en place, nous le déplorons tous. Nous en prenons chacun notre part de responsabilité.

Mais à l'écoute du mémoire présenté par M. Pepin, au nom de la CSN et d'autres organismes, je me disais que ce retard a quand même eu ceci de bénéfique, qu'il nous permet d'avoir maintenant une conception beaucoup plus élargie de cet immense problème qu'est celui de l'organisation scolaire de l'île de Montréal.

La réflexion à laquelle s'est livrée la CSN apporte une éclairage très précieux, particulièrement aux députés qui ne sont pas de l'île de Montréal et ne vivent pas dans ce milieu, cette immense agglomération de l'île de Montréal. Je représente un milieu que M. Pepin connaît bien, où les problèmes de Montréal ne nous sont connus que de façon fragmentaire. Or, la façon dont vous avez exposé le problème et les points que vous avez soulevés m'incitent à vous dire que le retard dont je parlais tout à l'heure a peut-être été, à certains égards, utile puisqu'il nous permet maintenant, en tenant compte des divers stades par lesquels nous avons passé, de voir comment nous pouvons envisager cette question de toute l'organisation scolaire de l'île de Montréal.

Le gouvernement dont je faisais partie avait déposé le projet de loi no 62, qui n'était pas un projet parfait, loin de là. Nous avions entendu, à ce moment-là, des représentations. Celles qui nous sont faites aujourd'hui sur le projet de loi no 28 sont beaucoup plus complètes, même si on reprend, d'une façon générale, les principes qui les soutenaient.

J'ai retenu, M. Pepin, avec beaucoup d'attention le problème du rattrapage des quartiers défavorisés. Justement parce que je ne connais pas la vie à Montréal, ce que vous nous dites m'a vivement frappé et va m'inciter, comme tous mes autres collègues, à demander au gouvernement de se pencher particulièrement sur cette question. En ce qui concerne le français langue d'enseignement et de communications, vous ne vous attendez certes pas à ce que je vous donne ma bénédiction catholique, apostolique et romaine tout de suite, sans examen, mais vous avez à peu près, à quelques différences près, repris ce que nous avaient dit les gens de la CEQ ce matin. Il reste quand même, dans mon esprit, des zones grises et j'estime que ce problème ne pourra être examiné de façon claire, sereine et lucide que lorsque nous aurons entendu les représentants de la collectivité anglophone.

Je maintiens toutefois ce que je disais au ministre ce matin, ce que vous avez souligné vous-même, ce que mon collègue de Bagot et notre collègue de Saint-Jacques ont souligné, c'est que le gouvernement, dès qu'il nous présente ce projet de loi, fait un pas dans un sens et un pas qui pourrait être décisif. J'entends très bien que la commission Gendron doit présenter son rapport mais nous avons franchi des étapes depuis ce temps-là et les esprits ont évolué. Même ceux qui ont défendu tel ou tel projet de loi peuvent avoir non pas modifié radicalement leur point de vue, mais peuvent, aujourd'hui, concevoir le problème sous un autre éclairage.

Par conséquent, j'estime que le gouvernement devrait être extrêmement prudent dans ce domaine et tenir compte des représentations qui nous ont été faites par la CEQ et par les organismes que vous avez représentés. La matière est délicate, elle est explosive et si le gouvernement pose un geste dans ce sens-là, ce geste pourrait être fatal en ce sens qu'il créerait des droits dont pourraient.se prévaloir des gens qui se diraient lésés par d'autres gestes que le gouvernement pourrait ultérieurement poser à la suite des recommandations que fera la commission Gendron.

Vous avez aussi parlé de la question générale de la décentralisation à Montréal, de centralisation administrative. Ce sont là des questions extrêmement importantes qui ont un caractère technique. Vous nous avez fait des propositions fort utiles qu'il va nous falloir examiner très attentivement en raison justement de leur caractère technique et de toutes les implications qu'elles peuvent avoir, que ce soit au niveau des relations de travail, au niveau de l'administration scolaire ut sic par le conseil, etc. Ce sont des questions qu'il nous faudra étudier en détail et en nous servant évidemment de l'autre document fort utile que vous avez déposé.

Je voudrais insister brièvement sur le problème de la déconfessionnalisation. Vous avez fait valoir des points de vue très intéressants. Vous vous doutez fort bien que vos propositions vont certainement soulever des protestations. Je voudrais encore une fois, ici, attirer l'attention du ministre, de la commission et des gens qui viennent témoigner devant nous sur le problème suivant: c'est qu'un grand nombre d'organismes fort respectables viennent devant nous et nous parlent du problème de la confessionnalisation. Ces gens se disent quelquefois les porte-parole des diverses hiérarchies. Je voudrais une fois pour toutes — et j'espère que le ministre a pris contact avec les membres des hiérarchies catholique, protestante ou juive — que les hiérarchies catholique, protestante ou juive nous fassent connaître leur avis et viennent nous le faire connaître ici.

Je n'accuse personne. Je ne prétendrai pas que la hiérarchie se dérobe. Mais je me dis que les gens qui viennent ici et qui prétendent parler au nom de la hiérarchie ne sont pas, à mes yeux, habilités à le faire et je ne recevrai leurs représentations que comme des représentations individuelles et de groupes respectables mais pas comme des représentations faites au nom de la hiérarchie. Je serais extrêmement heureux, je suis désireux de voir ici et d'entendre les représentants de la hiérarchie nous dire, à nous, que nous soyons juifs, catholiques, protestants, quel est leur point de vue, quelle est exactement leur attitude en cette matière délicate de la confession dans les écoles.

Le reste de votre mémoire, M. Pepin, qui concerne le découpage de la carte scolaire, n'est pas vraiment de ma compétence. Ne connaissant pas la vie scolaire à Montréal, je suis mal placé pour en parler et je me fie aux renseignements qui me sont fournis par les spécialistes du gouvernement, par le ministre et par des gens comme vous qui connaissez mieux le milieu.

Les relations de travail, nous en avons parlé, l'enseignement aux adultes, nous sommes d'accord et le ministre, à la suite de l'intervention de mon collègue le député de Bagot, vous a donné des renseignements à ce sujet-là. Le problème de la taxation scolaire, nous en avons parlé assez longuement et cet après-midi nous avons entendu un mémoire.

Je voudrais conclure en vous disant ceci: Je serais porté, non pas à approuver dans son entier, globalement, le mémoire que vous avez présenté, mais je crois que ce mémoire est non seulement utile, mais qu'il apporte un éclairage qui, à mon sens, est à bien des égards inédit et va permettre aux députés membres de la commission et à tous les membres de l'Assemblée nationale d'étudier d'une façon très objective, à partir de données précises, cette question extrêmement épineuse de la réorganisation scolaire de l'île de Montréal dont nous avons dit qu'elle a trop tardé mais dont je pense, pour ma part, que ce retard a peut-être été utile en ce sens que nous avons maintenant une idée beaucoup plus nette de la dimension du problème et des problèmes que vous avez évoqués.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Montcalm.

M. PEPIN: Me permettriez-vous de dire juste un mot pour remercier M. Tremblay? Si vraiment c'est là son sentiment qu'il exprime et si ce sentiment était partagé par les autres membres de la commission, l'objectif que nous nous sommes fixé, quant à nous, c'est vraiment de faire un travail plus en profondeur, ce n'est pas d'essayer de créer une situation émotive mais de dire: Quant à nous, nous voyons le problème de telle façon.

Si c'est là le sentiment des membres de la commission, nous n'aurons sûrement pas travaillé en vain. Tout ce que nous allons souhaiter, c'est que, par la suite, vous reteniez au moins quelques petits paragraphes de ça pour la future loi.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, afin de poursuivre une étude approfondie du mémoire, je tiens, en passant, à féliciter la CSN pour les textes comparatifs qui, pour le travail législatif, sont toujours intéressants pour les députés.

Je voudrais quand même poser quelques questions. D'abord, au sujet de la langue nationale du Québec qui semble être la position de fond de la CSN et qui se reflète comme langue d'enseignement dans ce mémoire-là.

Est-ce que je reflète bien la position de la CSN lorsque je dis que cette langue française devrait devenir la langue d'enseignement partout au Québec, en réalité, et non pas uniquement dans l'île de Montréal?

M. PEPIN: Là, on prépare un mémoire concernant l'île de Montréal, mais si on avait à en présenter un...

M. MASSE (Montcalm): Mais par extension ce serait pour l'ensemble.

M. PEPIN: Bien sûr!

M. MASSE (Montcalm): Est-ce que ça irait jusqu'à refuser l'enseignement privé en langue anglaise?

M. PEPIN: Si l'enseignement privé est payé par ceux qui envoient leurs enfants là, aucune espèce d'objection.

M. MASSE (Montcalm): D'accord!

M. PEPIN: Ils peuvent se bâtir leurs propres écoles. On ne peut pas les en empêcher.

M. MASSE (Montcalm): D'accord! Maintenant, M. le Président, il y a un problème qui est revenu régulièrement dans au moins deux mémoires depuis le début, c'est celui de la responsabilité de l'Etat et des moyens d'action que prend l'Etat pour appliquer sa responsabilité. Tant à la CEQ, ce matin, qu'à la CSN, on confie énormément à l'Etat des responsabilités générales en matière d'éducation.

Mais ne semble-t-il pas y avoir une contradiction entre cette responsabilité qui échoit au ministre de l'Education et au gouvernement et les moyens d'action qu'on refuse, tout en donnant le droit soit à des comités consultatifs ou à des observateurs mais non pas à des hommes qui, nommés par lui, reflètent directement sa position, donc sa responsabilitté, qui a été donnée par la législation?

Ne pensez-vous pas qu'il y a une espèce de contradiction, qui n'apparaît pas uniquement dans ce mémoire de la CSN, mais qui semble être plutôt une règle générale depuis quelques mois au Québec actuellement, entre, d'une part, confier à l'Etat beaucoup de responsabilités et, d'autre part, essayer, par contre, que le milieu local élise lui-même toutes les personnes sans trop de relations avec l'Etat?

M. PEPIN: Je suis content que vous me posiez la question. Notre position, je pense qu'elle est un peu nuancée là-dessus. Nous disons: L'Etat a vraiment une responsabilité en matière d'éducation. L'Etat, c'est lui qui va décider comment la chose sera structurée. Il le fait par un projet de loi; il délègue des pouvoirs, à toutes fins pratiques. Si je comprends bien les choses, le régime dans lequel nous sommes, tant pour les municipalités que pour les commissions scolaires, c'est une délégation de pouvoirs de l'Assemblée nationale à d'autres organismes.

Une fois qu'il délègue ces pouvoirs, il peut le faire en disant: Vous vous occupez de tout, sans aucune intervention de ma part. C'est tout de même dans les statuts. Généralement, pour les municipalités il y a une très grande autonomie sauf qu'il y a une commission municipale, je pense qu'elle s'appelle ainsi, mais lorsqu'il y a une municipalité prise en défaut, il peut y avoir tutelle. Cela est prévu dans les statuts. En dehors de ces cas-là, la communauté municipale a beaucoup d'indépendance, je crois, vis-à-vis du gouvernement, à tel point que chaque fois que la municipalité veut changer sa loi ou sa charte, elle est obligée de venir devant vous, à la commission des bills privés ou publics, je ne sais trop. En tout cas, vous avez à l'approuver.

Une fois approuvée, c'est la municipalité qui est maîtresse de cela. Dans notre position, pour les commissions scolaires, le conseil scolaire, nous disons: Donnez pas mal de responsabilités aux gens sur place, mais il y a certains domaines où le gouvernement doit constamment avoir un droit de regard là-dessus. Je ne me souviens pas à quelle page du mémoire, mais nous disons justement qu'il doit surveiller si vraiment tout se passe légalement là-dedans. Il y a certaines autres choses là-dessus. La référence exacte est à la page 13 : "Que le ministère de l'Education s'assure que ses normes pédagogiques et administratives minimales soient observées, nous croyons que c'est normal." Ce qui veut dire qu'il ne faudrait pas que ce soit tatillon. Quand le gouvernement intervient dans toutes les matières, sur tous les points, généralement c'est une source de conflits parce qu'il n'est pas assez informé pour prendre de telles décisions. Au moins, sur des choses de base, nous disons que le gouvernement doit avoir l'oeil là-dessus.

Si, dans un quartier de Montréal, peu importe s'il y a onze ou sept commissions scolaires, on n'entend pas respecter un minimum — si tout le monde accepte dans la province parce que le ministère l'a placé comme cela, après consultation ou non — et si on ne veut pas le faire, que le ministère puisse intervenir pour dire: Cela au moins, ce point-là, vous allez le réaliser. Nous sommes d'accord là-dessus.

J'ai l'impression, en écoutant ce matin M. Charbonneau, de la CEQ, que nous ne serions pas en opposition ou en divergence là-dessus.

Je n'ai pas qualité de parler pour lui mais disons donc que c'est difficile de la réconcilier, c'est difficile de dire: Tout le pouvoir va être là,

l'exercice on va le surveiller à tous les jours, ou de dire encore: Le pouvoir est vraiment là, on en délègue la plus grande partie et on se garde des modes de surveillance sur certains aspects.

Le projet de loi parle de régie interne que vous devez approuver, je pense, du lieutenant-gouverneur en conseil, des règlements de régie interne. Nous n'avons pas osé vous suggérer de l'enlever parce que nous nous sommes dit: Qu'est-ce que ça veut dire, régie interne, jusqu'où ça va? Ne sachant pas exactement la portée de ce que peut être un règlement de régie interne — nous avions, dans notre mémoire initial, dans notre projet initial, traité de cette question — nous l'avons rayé, parce qu'on se demandait si, par le truchement de la régie interne, on ne peut pas toucher d'autres aspects qui seraient très importants et là-dessus, le ministre n'aurait plus aucun pouvoir.

Mais si nous avions une bonne définition de ce que c'est que la régie interne, nous demanderions même que le lieutenant-gouverneur en conseil n'ait pas à approuver, si c'était vraiment comme on l'entend généralement la régie interne. Je ne sais pas si ça répond...

M. MASSE (Montcalm): Cela répond au problème. Je le souligne tout simplement parce qu'il semble que, depuis quelques mois, on revient toujours entre ces deux tendances qui sont un peu différentes, entre confier toute la responsabilité à l'Etat et, ensuite, en pratique, multiplier les comités consultatifs, les organismes de toutes sortes. Finalement, le pouvoir est tellement dilué que, autant vous que nous, on ne sait pas qui prend la responsabilité parce qu'on le cherche et vous êtes pris avec le problème. Je vais prendre l'actualité, les gars de Lapalme ou d'autres. A un moment donné...

M. PEPIN: Cela arrive de temps en temps.

M. MASSE (Montcalm): ... tout le monde cherche.

M. PEPIN : ... vous faites un bon voyage.

M. MASSE (Montcalm): C'est qu'à un moment donné, on cherche qui est le responsable parce qu'on a tellement dilué l'autorité qu'elle n'est plus nulle part. Il y a une autre question, il y a un problème qui revient souvent depuis ce matin: celui des privilèges des anglophones. On définit globalement les privilèges des anglophones. Est-ce que vous pourriez, pour mon bénéfice en tout cas si ce n'est pas pour celui des autres, les définir un petit peu, en pratique, ces privilèges des anglophones?

M. PEPIN: De la manière que j'ai pensé le problème, que je le pense, je me dis: A l'heure actuelle, les anglophones ont un réseau d'éducation publique, payé par nous et ils vont à ces écoles. Avec le changement du projet de loi 63, on leur a dit: Maintenant, tu vas continuer à aller là, si tu veux, mais tu vas apprendre le français, au moins la langue d'usage. Tout le monde a critiqué cela beaucoup, mais je ne retiens pas l'effet des critiques pour les fins de mon propos. C'est un droit qu'ils avaient avant le projet de loi 63 d'être là. J'appelle ça un droit pour les fins de mon propos.

Le projet de loi 63 a changé la nature ou l'exercice de ce droit. Lorsque j'arrive, je me dis: Très bien, ils ont voulu avoir un double réseau — parce que c'est double réseau, quant à nous — français et anglais. On propose maintenant une forme unifiée sur l'île de Montréal. Je pense que c'est raisonnable ils peuvent alléguer qu'ils avaient un droit, avant. C'était fait de telle façon que c'était séparé. Ils peuvent alléguer cela. Mais les catholiques ou les francophones pourraient l'alléguer aussi parce qu'ils avaient leur propre réseau.

Alors, dans cette matière, je ne pense pas que quiconque puisse soulever valablement la question de son droit antérieur, alors qu'on lui permet l'instruction et que toute la communauté dit: Tu vas te faire instruire, il n'y a pas de problème pour toi, je ne t'enlève pas le droit d'aller aux écoles. Je te dis: Vas aux écoles, tu vas avoir un enseignement, pour une période de temps, ce sera exclusivement ou possiblement en langue anglaise et, par le truchement du projet de loi 63, il y a cependant la clause de 40 p. c. qui s'applique. Après ça, au bout de cinq ans, je renverse la vapeur, j'en mets plus du côté français.

Je ne suis pas assez bon théoricien pour dire ce qu'est le droit, à quel moment cela devient un privilège. Mais tout ce que je me dis, c'est que je ne crois pas que, par une telle position prise par nous, si elle était retenue par l'Assemblée nationale, on mette en cause des choses fondamentales du côté des anglophones.

Puis, pour les nouveaux immigrants — je termine là-dessus — pour autant qu'on s'entende sur ce qu'est un immigrant, celui qui est arrivé au pays même l'an passé, et qui a commencé à envoyer ses enfants dans le réseau anglais, bien, moi, je ne veux pas arriver et lui dire: Maintenant, tu vas les prendre et les envoyer au réseau français. De ce côté, je l'assimile pour les fins de mon propos aux anglophones. Mais ceux qui vont venir par la suite, ceux-là, sauront, avant d'entrer sur le territoire, que s'ils veulent vivre au Québec, ils vont aller au réseau français. Je pense que ce n'est pas une position... Là, ils pourront me dire: Tu vas empêcher l'immigration. Je pense qu'il y en a d'autres ailleurs qui l'ont empêché depuis un sacré bon bout de temps.

M. MASSE (Montcalm): Maintenant, une question de détail. Vous avez plaidé tout à l'heure, disons avec raison, un congé avec solde pour ceux qui sont candidats ou élus à un poste quelconque. Est-ce que vous ne pensez pas que cela devrait s'étendre également à l'employeur? Je vais vous donner un exemple bien concret.

Cela va fort bien dans un organisme ou un syndicat, disons un syndicat de l'Etat où il y a des centaines de personnes et où on peut facilement jouer avec les effectifs, mais quand vous arrivez avec un employé d'un petit magasin qui est seul, cela pose un problème important. En réalité, il y a énormément de personnes qui sont à leur propre compte, artisans ou autrement, qui ont aussi un revenu de $3,500 et qui feraient peut-être, si on veut étendre la démocratie jusque là, de bons candidats à un poste électif. Est-ce que vous ne croyez pas que lui aussi, c'est-à-dire l'employé seul, puis finalement l'employeur, devrait avoir aussi son congé avec solde? Et si tel est le cas, est-ce que ce n'est pas aussi bien d'avoir comme commissaire d'écoles un traitement suffisamment élevé pour que le gars puisse vivre?

M. PEPIN: Mais ce n'est pas le traitement comme commissaire que je demande, c'est la période électorale. Si ça me prend quinze jours ou trois semaines pour faire une campagne, me faire connaître, pour que les gens disent...

M. MASSE (Montcalm): Cela s'applique de la même façon, que ce soit pendant la période ou après.

M. PEPIN: Non, mais on présume qu'une fois l'élection faite, ce n'est pas de nature permanente.

M. MASSE (Montcalm): Je prends un exemple de ce que vous demandez. Pendant la période d'élection qui durerait, disons, un mois, l'argument joue quand même pour l'employeur qui a une petite boutique, qui est un artisan, qui gagne $3,500. Je pense que c'est aussi vrai pour lui que pour l'autre bonhomme qui travaille à l'Hydro-Québec à $3,500.

M. PEPIN: Bien, je pense qu'il y a des choses qu'on peut faire puis il y en a d'autres qu'on ne peut pas faire.

M. MASSE (Montcalm): J'essaie de plaider la justice pour tout le monde.

M. PEPIN: D'accord. Mais moi aussi je peux la plaider pour tout le monde. On peut le faire différemment, si vous voulez. Adoptez une loi pour dire que chaque fois que je me présente, si je remplis certaines conditions, disons si 10 p.c. 15 p.c. ou 20 p.c. des électeurs ont voté pour moi — parce que n'importe quel "crack-pot" pourrait se présenter pour avoir un mois de congé — certaines conditions étant établies, je ne perdrai pas de salaire, que l'Etat va le payer, de la même façon que vous recevez des montants, vous autres, lorsque vous êtes en campagne électorale provinciale, si vous avez 20 p.c...

M. MASSE (Montcalm): Des dépenses.

M. PEPIN: Des dépenses, mais ça pourrait être une des dépenses électorales. C'est un autre moyen, tout le monde serait traité identiquement. Il y a déjà quelques entreprises qui acceptent ce principe et qui...

M. MASSE (Montcalm): Vous admettez que la proposition formulée par la CSN demanderait à être complétée dans le sens dont on parle.

M. PEPIN: Bien sûr! Là-dessus, je savais bien que ça pouvait créer un débat — c'est évident — mais je pense que si l'on veut réaliser une meilleure forme démocratique, il faut faire une recherche de ce côté. Que ce soit ce moyen ou un autre, je pense qu'il faut avoir quelque chose dans les statuts.

M. MASSE: Très bien, merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, les travaux de la commission achèvent, je veux simplement faire une remarque à M. Pepin sur le contenu du mémoire présenté par la CSN. Elle porte sur la priorité du rattrapage des quartiers défavorisés que, tout à son honneur, la CSN a placé au premier rang de son mémoire.

Je suis député dans un quartier dit défavorisé et je suis membre d'un parti politique qui a pris une majorité dans ces quartiers. Vous pouvez être sûrs que les opinions et les désirs que vous avez exprimés, j'ai cherché moi aussi les moyens de les refléter dans le projet de loi 28.

J'ai été, comme vous, sidéré, par le rapport du Conseil supérieur de l'éducation qui a probablement aidé à la confection de votre rapport. J'ai été sidéré de la faiblesse de la réponse gouvernementale à ce moment-là, nous parlant de ce million consacré au rattrapage des zones défavorisées sur un budget de $1,400,000,000. Je cherche moi aussi des moyens de rattraper, dit-on, ce qui a été perdu dans ces quartiers, sauf que je ne vois pas autrement que vous le faites que d'espérer; il n'y a pas moyen dans la loi de trouver de disposition autre que celle-là, sauf de renforcer la structure centrale, la nouvelle structure qui s'appelle le conseil scolaire de l'île.

C'est de lui qu'on peut attendre la solution et c'est pour cela que vous dites: Que soit établie une véritable autorité scolaire régionale — je suis d'accord avec vous — avec mandat et pouvoir d'instaurer un pouvoir accéléré de rattrapage. Il faut lui donner cette instance qui coiffe ces pouvoirs.

Je veux vous dire que nous allons travailler, prendre l'esprit de votre rapport dans ce domaine-là et suggérer des amendements lorsque nous serons en comité plénier pour véritablement faire du conseil scolaire de l'île un conseil fort, parce que c'est de lui que nous pouvons espérer une politique de rattrapage pour les zones défavorisées. Je dis espérer et c'est là-dessus que je veux insister pour terminer.

Il ne faut pas mettre tous nos oeufs dans le même panier. Ce n'est pas parce qu'il y aura cette structure qu'elle va nécessairement jouer en faveur des zones défavorisées. Nous pourrons dire, nous, les Montréalais, que nous serons désormais équipés sur le plan scolaire, sur le plan de la structure, pour avoir une politique de rattrapage, si nous en voulons une. Mais il restera toujours que l'essentiel de l'oeuvre viendra d'une part du ministère de l'Education et aussi d'autre part des 15 commissaires au conseil scolaire de l'île.

Mais nous ne savons pas quelle sera la mentalité qui prédominera chez ces quinze membres. Je veux mettre en garde tous les citoyens qui espèrent beaucoup de cette nouvelle structure, qui comme nous adhèrent au principe de cette nouvelle structure, de ne pas penser que la bataille est gagnée. Et je le dis au président de la centrale syndicale — encore pour quelques jours — qui a préconisé le deuxième front.

Je pense que, pour ce deuxième front, c'est une victoire que d'obtenir cette structure-là. Mais aucun organisme populaire de Montréal ou aucun citoyen soucieux de voir s'installer à Montréal une politique de rattrapage ne doit considérer la partie gagnée, parce que désormais il y aura une structure scolaire unifiée. Il faudra veiller attentivement, au niveau des commissaires que nous élirons dans nos quartiers, à ce que cette idéologie prédomine — vous voyez que les chances continuent à diminuer au moment où on se met à jouer avec la structure — espérer que cette majorité se reflète également au conseil scolaire de l'île et que les quatre nominations gouvernementales ne viennent pas contrecarrer un souffle qui aurait pu survenir à travers les onze issues des commissions scolaires.

On commence à mettre beaucoup de si pour finalement espérer une politique que tout le monde souhaite, et le ministre de l'Education, j'en suis convaincu, est le premier à la souhaiter. Je dis que, sur le plan législatif et dans le corridor très étroit que nous réserve l'étude d'un projet de loi, qui porte sur une structure d'organisation scolaire, tous les membres le veulent. Je ne tiens aucun compte des partis politiques, je suis convaincu que les quatre partis sont intéressés à ça, sauf que nous ne pouvons pas l'inscrire dans le projet de loi autre que de dire: Eh bien, au moins les instruments seront là. Il existera désormais un conseil scolaire fort qui pourra, s'il le veut, décider d'avoir une politique générale prioritaire pour quatre ou cinq ans dans un domaine ou dans l'autre.

Mais je le dis à vous, la CSN, au Conseil central de Montréal, chez qui je sais que c'est une priorité, comme aux gars de l'Alliance qui vont venir témoigner demain, à tous ceux qui oeuvrent dans ce sens-là à Montréal, on peut se battre comme des damnés pour que le conseil scolaire soit véritablement fort et puisse imposer sa volonté à des commissions scolaires riches actuellement et qui seraient rebelles à une politique sociale dans ce sens-là, mais la bataille ne sera pas gagnée. Et j'espère que vous serez encore dans la CSN à ce moment-là pour nous aider.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Pepin.

M. PEPIN: M. le Président, juste un mot pour vous référer, par rapport à ce que vient de dire le député de Saint-Jacques, à la page 14, du document 2, 606 Il). Je ne vous dis pas que ça donne toute la réponse au problème que vous avez soulevé mais si vous pouvez aller plus loin dans un texte législatif, prévoir tous les moyens, moi je suis bien d'accord. Là nous avons indiqué que le conseil doit prioritairement corriger ces disparités. C'est un moyen.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de l'Education.

M. SAINT-PIERRE: Je voudrais simplement, moi de même, remercier M. Pepin pour le mémoire qui me semble être très bien, très pertinent et bien documenté; nous allons l'étudier avec attention. J'ai noté des suggestions à la fois heureuses et qui, je pense, vont nous permettre — c'est le but de la séance d'aujourd'hui, comme je le disais ce matin — d'avoir tous ces progrès.

M. LE PRESIDENT: Je remercie, au nom de la commission, M. Pepin et la Confédération des syndicats nationaux pour l'excellent mémoire qu'ils ont présenté. Nous ajournons à dix heures demain matin alors que nous entendrons l'Alliance des professeurs de Montréal représentée par M. Marc Rondet.

La séance est ajournée.

(Fin de la Séance: 1-7 h 59)

MEMOIRE SUR LE PROJET DE LOI 28:

LOI CONCERNANT LA RESTRUCTURATION DES

COMMISSIONS SCOLAIRES SUR L'ILE DE MONTREAL

MEMOIRE PRESENTE A LA COMMISSION PARLEMENTAIRE DE L'EDUCATION

PAR

LA CONFEDERATION DES SYNDICATS NATIONAUX ET SES ORGANISMES AFFILIES, NOTAMMENT:

LA FEDERATION NATIONALE DES ENSEIGNANTS QUEBECOIS

LA FEDERATION DES SERVICES PUBLICS LE CONSEIL CENTRAL DES SYNDICATS NATIONAUX DE MONTREAL

SEPTEMBRE 1971

INTRODUCTION

La Confédération des Syndicats nationaux attache une très grande importance à la réorganisation scolaire sur l'île de Montréal. Cette entreprise, qui a déjà trop tardé, revêt une signification particulière du fait que l'île de Montréal occupe une place prépondérante dans la vie du Québec sous tous ses aspects.

D'abord, l'éducation est la principale richesse naturelle du Québec, celle que les Québécois peuvent contrôler le plus complètement. C'est certainement notre plus efficace instrument de promotion collective.

Ensuite l'organisation de l'enseignement sur l'île de Montréal touche aux fondements mêmes de la lutte menée par la majorité francophone du Québec pour rentrer en possession de ses droits sur le développement de la société québécoise sous tous ses aspects. Pour des raisons faciles à comprendre, cette lutte sera gagnée ou perdue principalement à Montréal.

La CSN veut se situer sur le terrain le plus rationnel possible face au projet de réorganisation scolaire sur l'île de Montréal. Cette rationalité n'implique pas une exposition claire et ferme des objectifs que nous entendons défendre.

Pour bien comprendre la position de notre centrale, il est nécessaire de rappeler la décision du Conseil confédéral d'octobre 1969 d'exiger l'unilinguisme français au Québec à tous les niveaux. Toujours en octobre 1969, le Bureau confédéral de la CSN se prononçait contre le projet de loi 63: "L'appui de la CSN à toute législation touchant la langue ne sera jamais acquis tant et aussi longtemps que le français n'aura pas été promulgué la langue nationale du Québec et que les dispositions législatives devant en assurer la promotion n'auront pas été sanctionnées", disait entre autres la proposition.

Ceci étant établi, nous voulons insister sur le fait que la langue d'enseignement n'est pas le seul aspect important dans le projet de loi 28. Au moins aussi fondamental nous apparaît le problème de l'inégalité criante dans la répartition des ressources entre les quartiers défavorisés et les autres quartiers de l'île de Montréal. Etre démuni en français n'est pas plus réjouissant que de l'être en anglais ou en grec. Nous exigeons de façon pressante des mesures établissant un système de rattrappage pour les quartiers défavorisés.

Un troisième point fondamental attire notre attention dans le projet de loi 28: le jeu démocratique se trouve faussé par l'intrusion constante, tatillonne et indue du gouvernement central québécois dans l'administration de la chose scolaire sur l'île de Montréal. Nous rejetons cette tutelle du ministre et du cabinet sur la population de l'île.

Enfin, comme centrale syndicale, tout l'aspect des relations de travail nous concerne au plus haut degré. Or, les problèmes posés par l'intégration du personnel dans les nouvelles structures nous semblent avoir été négligés dans le projet de loi 28. Nous comptons bien exposer clairement nos exigences quant au sort fait aux travailleurs dans le cours de cette réorganisation scolaire.

Bref, la CSN veut établir clairement que: 1) même si la réorganisation scolaire sur l'île de Montréal ne saurait subir davantage de retard sans que le gouvernement encoure une grave responsabilité, nous ne croyons pas que le projet de loi 28, dans sa rédaction actuelle, réponde aux exigences de la majorité de la population de l'île de Montréal; 2) si le gouvernement devait à nouveau faire fi de la volonté et des intérêts de la population, comme il l'a fait pour la loi 63, il pertuberait dangereusement la vie socio-politique sur l'île de Montréal.

1. LE RATTRAPAGE DES QUARTIERS DEFAVORISES

Depuis quelques années, des études sont venues confirmer ce que tout observateur le moindrement lucide pouvait percevoir: l'école n'est pas adaptée aux besoins spécifiques des milieux défavorisés. Plus brutalement, force nous est de conclure que l'école et le système d'éducation en général ne font qu'entretenir la situation de marginalité des citoyens de ces milieux. De fait le système d'éducation actuel ne fait que maintenir les défavorisés dans leur état de non-participation aux bénéfices de la société développée.

Que ce soit les études de la CE.CM. sur l'école en milieu défavorisé (1), que ce soit les recherches du Docteur Marsan et des services de santé de la ville de Montréal (2), que ce soit les recherches d'un groupe de psychologues de l'université de Montréal sur l'école en milieu défavorisé (3), les conclusions sont les mêmes: l'école est complètement inapte à jouer son rôle de promotion sociale et individuelle dans ce milieu. On a cru longtemps que c'était le milieu lui-même qui rejetait l'école: on sait maintenant que c'est plutôt l'école qui rejette ce milieu.

Bien qu'on ait pris conscience de cet état de choses depuis quelque temps, à la C.E.C.M. entre autres, on est encore très loin d'avoir mis en oeuvre les mesures propices à le corriger, ni même d'avoir situé le problème dans sa véritable perspective.

(1) "L'école en milieu défavorisé" — Claude Hébert, C.E.C.M., 1969.

(2) Le Devoir, 21 juillet 1971, page 1.

(3) Le Devoir, 14 septembre 1971, page 5.

Il faut donc instaurer un mécanisme efficace de rattrapage. D'abord, installer sur l'île de Montréal une véritable autorité scolaire avec mandat et pouvoir d'effectuer un transfert net de ressources vers les quartiers défavorisés. N'ayons pas peur de le dire, il faut pour un temps instituer un excès en sens contraire de celui qui a joué historiquement à Montréal, geler pour un temps les nouveaux investissements ailleurs, pour les concentrer dans une opération de rattrapage intensif dans les quartiers défavorisés.

Mais attention! Le rattrapage quantitatif n'est pas à lui seul suffisant, loin de là. Des expériences américaines l'ont démontré (1): il est illusoire de croire que les défavorisés rattraperont les favorisés par la seule injection d'argent nouveau et la seule augmentation des équipements. Il faut permettre à la population du milieu défavorisé de se donner des objectifs propres sur le plan de l'école et des moyens originaux de les atteindre.

Cet objectif exige que soit prévu dans le projet de loi un partage judicieux et équilibré des pouvoirs entre le conseil scolaire et les commissions scolaires. Donner au conseil tous les pouvoirs nécessaires à une coordination et une planification du fonctionnement et du développement de l'enseignement sur l'île de Montréal, tout en laissant aux commissions scolaires les pouvoirs nécessaires pour orienter la pédagogie selon les caractéristiques du milieu que l'école doit desservir.

(1) Center for Urban Education: District Decentralized Programs. Evaluation of ESEA, Title I, Projects in New York City, 1968-1969,...

ESEA : Elementary and Secondary Education — Oct. 1968.

Recommandations

Que priorité soit donnée, dans le projet de loi 28, au rattrapage des quartiers défavorisés;

Qu'en ce sens soit établie une véritable autorité scolaire régionale, avec mandat et pouvoirs d'instaurer un programme accéléré de rattrapage en terme de transfert de ressources vers les commissions scolaires défavorisées (singulièrement, les commissions no 1, 4, 7);

Qu'en plus soit instaurée une décentralisation des décisions au niveau local afin de permettre aux citoyens concernés de se donner des objectifs pédagogiques propres et des moyens originaux de les atteindre.

2. LE FRANÇAIS, LANGUE D'ENSEIGNEMENT ET DE COMMUNICATION

Nous affirmons le droit de la collectivité québécoise à conserver sa langue. Nous soutenons que c'est sur l'île de Montréal que la langue de la majorité est le plus menacée et que c'est là que la bataille entreprise pour en faire un instrument d'affirmation collective sera gagnée ou perdue.

Ainsi, ce n'est pas parce que les anglophones ignorent la langue française qu'il faut plonger toute la population dans un dédoublement de structure au plan linguistique. Nous considérons normale et juste l'obligation pour les anglophones occupant des postes dans l'administration

scolaire québécoise d'être bilingues. Il ne faut pas consacrer les privilèges indus de la minorité anglophone. Si la langue officielle d'enseignement et de communications écrites et parlées dans l'administration scolaire n'est pas le français, une grande partie des cadres francophones devra être bilingue, limitant ainsi l'accès à des postes importants de personnes compétentes et parlant la langue de la majorité. Nous sommes plutôt d'avis que l'ignorance de l'anglais ne doit en aucune façon constituer un obstacle à la promotion des cadres francophones.

Le projet de loi 28 prend bien garde de traiter directement de la langue d'enseignement et de communication. Cette précaution de style ne leurre cependant personne. Les provisions du projet de loi 28 contiennent tout ce qu'il faut pour constituer l'île de Montréal en district bilingue sur le plan scolaire. Bien plus, le projet de loi 28 contient tout ce qu'il faut pour conférer au gouvernement les pouvoirs d'imposer ses décisions envers et contre toute volonté contraire de la majorité de la population de l'île de Montréal.

L'obligation de nommer dans chacune des commissions scolaires un adjoint francophone ou anglophone selon le cas, à la direction de l'enseignement, à celle des services aux étudiants et à celle du personnel, constitue un dédoublement de la structure qui institutionnalise le bilinguisme et le biculturalisme sur l'île de Montréal.

Il en est de même pour l'obligation de nommer dans chaque commission scolaire deux sous-directeurs généraux, l'un francophone et l'autre anglophone.

Consacrer ainsi une situation de biculturalisme et de bilinguisme va certainement à l'encontre des intérêts de la majorité francophone de l'île de Montréal. Cette situation a joué historiquement contre les francophones et il est plus que temps de la corriger.

Autre mesure qui indique la volonté du gouvernement d'imposer le bilinguisme à la population de Montréal: l'autorité que se réserve le cabinet de nommer deux commissaires supplémentaires dans les commissions scolaires où le ministre jugerait que l'élection au suffrage universel n'aura pas assuré la représentation de la minorité. Une telle mesure, qui fausse la représentation, constitue une forme de tutelle du ministre sur la population de l'île de Montréal, avec comme but toujours de consacrer un caractère de bilinguisme et de biculturalisme qui a toujours joué contre les intérêts menacés de la majorité francophone.

De plus, le pouvoir que se réserve le cabinet de désigner quatre membres au conseil scolaire de l'île de Montréal, de même que de nommer le président et le vice-président de l'exécutif, vise à permettre au gouvernement d'imposer ses vues bilingues et biculturelles au cas où la population viendrait à en décider autrement.

Ces jeux arithmético-politiques ne trompent que ceux qui veulent bien se laisser tromper. Quant à nous, tout cela ne fait que manifester la méfiance d'un gouvernement lié aux intérêts d'une puissante minorité envers une population qui pourrait se montrer insoumise, c'est-à-dire désireuse de mettre un terme à une situation injuste et dangereuse même à court terme.

Recommandations 1. QUE la langue des communications écrites et parlées dans l'administration scolaire sur l'île de Montréal soit le français; 2. QUE la langue d'enseignement dans les écoles de l'île de Montréal soit le français. L'anglais pourra être enseigné comme langue seconde.

Cependant, conscients des difficultés inhérentes à l'application immédiate de ce principe, nous recommandons que dans une première étape, soit jusqu'en 1978, les commissions scolaires offrent obligatoirement un enseignement en français aux francophones et aux nouveaux immigrants et un enseignement bilingue aux anglophones et aux néo-québécois ayant déjà choisi l'enseignement en anglais.

S'il est encore besoin d'expliquer cette position, rappelons qu'en ce qui concerne l'immigration, le comité interministériel sur l'enseignement des langues aux néo-canadiens avait proconisé, dès janvier 1967, l'intégration des immigrants au secteur scolaire francophone. 3. QUE soit biffé du projet de loi le pouvoir du cabinet de désigner deux commissaires supplémentaires dans les commissions scolaires où le ministre jugerait que la minorité n'est pas représentée;

QUE soit biffé du projet de loi l'obligation faite aux commissions scolaires de donner deux sous-directeurs généraux, l'un francophone ou anglophone, selon le cas, dans le service de l'enseignement, les services aux étudiants et les services au personnel.

3.DECENTRALISATION A MONTREAL DE L'ADMINISTRATION SCOLAIRE

Des 34 articles que contient le projet de loi 28 concernant le conseil scolaire de l'île de Montréal et son comité exécutif, on compte 26 renvois au ministre et/ou au lieutenant-gouverneur en conseil. Ce petit calcul ne donne même pas la mesure de la limitation réelle du pouvoir du conseil scolaire par Québec.

Nous considérons que l'élection au suffrage universel des commissaires du conseil scolaire et des commissions scolaires leur confère un caractère de représentativité suffisant pour que ces organismes soient autonomes par rapport à Québec. Qu'ils soient responsables à la population qui les élit suffit, de façon générale, à assurer le contrôle démocratique de l'administration scolaire sur l'île de Montréal.

Que le ministère de l'Education s'assure que ses normes pédagogiques et administratives minimales soient observées, nous croyons que c'est normal.

Que le gouvernement s'assure que l'administration scolaire sur l'île de Montréal se fasse selon les règles de la démocratie et de la légalité, c'est aussi normal.

Mais il est anormal et abusif que le ministre ou le cabinet s'ingèrent indûment et continuellement dans l'administration de la chose scolaire sur l'île de Montréal de façon à fausser le jeu démocratique et la représentativité des responsables devant la population qui les élit.

Ainsi, nous nous opposons à ce que le lieutenant-gouverneur en conseil désigne quatre commissaires au conseil scolaire de même que le président et le vice-président de l'exécutif de ce même conseil. Cela aussi équivaut à une tutelle du gouvernement et du ministre sur la population de l'île de Montréal.

Bien plus, le projet de loi 28 prévoit que les commissaires élus par la population et membres du conseil scolaire auraient un mandat de trois ans, alors que ceux nommés par le gouvernement auraient un mandat de quatre ans. Est-il besoin de démontrer plus clairement la volonté du gouvernement de s'assurer le contrôle du conseil scolaire?

Il y a plus: le projet de loi 28 prévoit le remplacement par 1/3, à chaque année, des commissaires des commissions scolaires locales. Cela vaut aussi pour les commissaires qui auront été désignés au conseil par leur commission scolaire. On peut se demander pourquoi ce qui est valable pour les échevins municipaux et les députés ne l'est plus pour les commissaires.

Nous pensons que ce système de rotation ne peut avoir pour effet que de diluer lamentablement l'intérêt de la population pour les élections scolaires et de parcelliser les enjeux véritables de ces élections. Le gouvernement aurait voulu saper à la base le pouvoir et le caractère de continuité des instances scolaires qu'il ne s'y serait pas pris autrement.

De plus, l'absence de réglementation concernant les dépenses électorales exclut la participation d'une couche importante de la société à l'administration de la chose scolaire. Nous croyons que pour maintenir le jeu démocratique des institutions représentatives, le projet de loi devrait prévoir une réglementation des dépenses électorales pour les élections scolaires comme on a commencé de le faire pour les élections à l'Assemblée nationale. Pour accentuer l'accessibilité de personnes de toutes les couches sociales au poste de commissaire, nous croyons qu'il faut prévoir l'obligation pour l'employeur d'accorder un congé avec solde à toute personne candidate à un tel poste. Les conditions à respecter pour ce faire pourront être précisées dans des règlements de la loi 28.

Enfin pour ne pas dénier à la population d'une commission scolaire le droit de choisir elle-même ses représentants, nous nous opposons à ce que le lieutenant-gouverneur en conseil procède à la nomination du représentant d'une commission scolaire au conseil scolaire dans le cas où une commission ne procéderait pas à la nomination ou au remplacement de son représentant dans le mois qui suit l'élection ou la vacance (art. 600 et 605). Nous réclamons que dans ce cas, le lieutenant-gouverneur en conseil décrète de nouvelles élections. Si elles génèrent la même confusion, la commission scolaire concernée sera mise sous tutelle par le conseil scolaire.

Recommandations

QUE le conseil scolaire soit composé des seuls représentants désignés par et parmi les commissaires de chacune des commissions scolaires;

QUE l'exécutif du conseil scolaire soit choisi par et parmi les commissaires désignés par chacune des commissions scolaires pour les y représenter;

QUE l'exécutif soit composé de cinq personnes, dont un président et un vice-président; QUE tous les commissaires soient élus à tous les trois ans pour un mandat de trois ans;

QUE le projet de loi 28 prévoie une réglementation des dépenses électorales du genre de celle en vigueur pour les élections à l'Assemblée nationale;

QUE dans le cas où une commission scolaire ne procède pas à la nomination ou au remplacement de son représentant au conseil scolaire dans le mois qui suit l'élection ou la vacance, le lieutenant-gouverneur en conseil décrète de nouvelles élections. Si ces élections génèrent la même confusion, que la commission concernée soit mise sous tutelle par le conseil.

4. CENTRALISATION ADMINISTRATIVE ET DECENTRALISATION PEDAGOGIQUE SUR L'ILE DE MONTREAL

Selon les provisions du projet de loi 28, le conseil scolaire se voit pris entre l'arbre et l'écorce, limité qu'il est dans ses pouvoirs par le gouvernement du Québec d'une part et les commissions scolaires locales d'autre part.

Nous croyons fermement qu'une telle situation ne peut être que néfaste à une saine administration de la chose scolaire sur l'île de Montréal. Nous avons déjà traité de la question des pouvoirs du conseil scolaire par rapport au ministre et au lieutenant-gouverneur en conseil. Mais la répartition des pouvoirs et prérogatives entre le conseil scolaire et la commission scolaire revêt une importance non moins grande.

Nous réclamons que le conseil scolaire soit une véritable autorité scolaire au plan régional, avec tous les pouvoirs nécessaires à une planification du fonctionnement et du développement de l'enseignement sur l'île de Montréal.

En traitant de la question du rattrapage des milieux défavorisés, nous avons déjà revendiqué pour le conseil scolaire le mandat et les pouvoirs nécessaires pour présider à une plus juste répartition des ressources sur l'île de Montréal. Cette raison suffirait à elle seule à justifier notre revendication pour une centralisation des pouvoirs administratifs et financiers au conseil scolaire. Mais il y en a d'autres.

La nécessité évidente d'assurer une coordination des activités de toutes les administrations scolaires de l'île joue dans le même sens. Aussi bien pour ce qui concerne le personnel que les équipements, le nombre et la diversité des institutions et des personnes en cause ne peuvent tolérer d'écarts sensibles, étant donné d'autre part la limitation des ressources disponibles et l'urgence impérative de procéder à leur affectation d'une façon plus juste et équitable que ce ne fut fait jusqu'à présent.

A cette fin, le conseil scolaire doit devenir l'employeur unique, l'unique propriétaire des biens meubles et immeubles et le seul négociateur des subventions gouvernementales. Bref, il doit avoir la responsabilité claire et entière de toute l'administration autre que pédagogique. Ces dispositions n'impliquent pas que le conseil scolaire, une fois établies ses normes et règles de fonctionnement, ne puisse déléguer ses pouvoirs de gérance à l'échelon local, celui des commissions scolaires. Nous exigeons seulement que le conseil ait les moyens de réaliser les tâches que nous avons définies plus haut.

D'autre part et corollairement, nous exigeons une véritable décentralisation au plan pédagogique sur l'île de Montréal. Cela implique que l'administration pédagogique, les activités didactiques, bref tous les pouvoirs qu'il n'est pas nécessaire de concentrer au niveau du conseil scolaire pour qu'il puisse réaliser ses fins propres, doivent relever des commissions scolaires locales.

Nous avons déjà dit plus haut que la population des milieux défavorisés doit avoir le loisir de se fixer des objectifs différents avec des moyens originaux de les réaliser, afin de rendre l'école adéquate à la vie de ces milieux. De façon plus générale, toute collectivité locale doit de même pouvoir choisir les orientations pédagogiques dans ses écoles. Il s'agit de rapprocher l'école du milieu.

A cette fin, la nature et les pouvoirs des comités d'école revêtent une importance primordiale.

Enfin, il faut constituer des comités d'utilisation sociale de l'école, chargés de proposer à la commission scolaire un plan d'utilisation complémentaire de l'équipement scolaire, pour des fins socio-culturelles communautaires. L'école doit être considérée comme un outil ou un équipement appartenant à la communauté et au service de la communauté. Ainsi, une fois utilisée aux fins de l'enseignement aux enfants d'âge scolaire, l'école, si elle est libre, doit être mise à la disposition des citoyens comme un moyen de parfaire leur formation ou leur information ou encore de se livrer à des activités, à l'échelle de l'arrondissement, comme citoyen de la communauté.

Recommandations

QUE le conseil scolaire soit une véritable autorité scolaire au plan régional;

QU'il ait le mandat et les pouvoirs d'assurer une planification du fonctionnement et du développement de l'enseignement;

QU'il ait le mandat et les pouvoirs d'assurer une coordination des différentes administrations et une répartition des ressources conséquentes avec les priorités qu'il détermine;

QU'il soit l'unique employeur au sens du Code du Travail et le propriétaire unique des biens mobiliers et immobiliers;

QU'il soit l'unique négociateur des subventions gouvernementales;

QU'il soit chargé de présenter un budget annuel équilibré, intégrant les prévisions de dépenses des commissions scolaires qu'il aura approuvées;

QU'il présente des états financiers annuels, intégrant les rapports de dépenses des commissions scolaires;

QU'il soit seul habilité à recevoir tout don, legs ou autres libéralités;

QU'il verse chaque année, aux dates qu'il détermine, les montants requis pour permettre aux commissions scolaires d'effectuer leurs dépenses courantes de fonctionnement;

QUE le conseil soit le détenteur des pouvoirs et prérogatives non spécifiquement reconnues aux commissions scolaires;

QUE les commissions scolaires soient de véritables autorités locales au plan pédagogique;

QU'au niveau des règlements de la loi, on prévoie que tout citoyen, sans distinction, peut faire partie du comité d'école, les parents demeurant les seuls électeurs;

QUE soient formés des comités d'utilisation sociale de l'école, chargés de soumettre à la commission scolaire un plan d'utilisation de l'équipement scolaire à des fins socio-culturelles communautaires.

5. LA DECONFESSIONNALISATION DES STRUCTURES SCOLAIRES

Le projet de loi 28 prévoit des commissions scolaires unifiées, donc non-confessionnelles. Il prévoit par contre la constitution d'un comité catholique et d'un comité protestant pour chacune des commissions scolaires. Ces comités sont chargés de veiller à l'application des règlements du comité catholique ou du comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation pour les écoles de leur commission auxquelles ils sont applicables. Ce sont donc les écoles qui seront confessionnelles.

Dans le contexte pluraliste de l'île de Montréal, il nous apparaît que pour assurer des services équitables à tous l'école devrait être non-confessionnelle. Le rapport Parent proposait dès 1966 d'ouvrir les écoles neutres à Montréal, sinon de créer une commission scolaire neutre. Notre position nous apparaît plus simple.

En effet, les écoles protestantes sont déjà neutres de facto. Chez les catholiques, la situation a considérablement évolué et continue de le faire de façon accélérée. Les faits ont précédé la loi dans ce domaine et, au moins au niveau secondaire l'enseignement religieux n'est souvent que l'enseignement d'une morale ou une discussion sur la vie.

Nous demandons donc que l'école soit multiconfessionnelle, i.e. que l'horaire des cours doit prévoir des périodes pour l'enseignement religieux ou autre. Au niveau élémentaire, les parents, chaque année, feront connaître à la direction de l'école l'enseignement religieux ou "autre" qu'ils veulent voir dispensé à leur enfant. Au niveau secondaire, les élèves choisiraient eux-mêmes les cours qu'ils veulent recevoir.

Cette solution a pour effet d'éviter la situation pour le moins complexe proposée par le projet de loi 28 où chaque commission scolaire devrait entretenir six genres d'écoles: catholiques françaises, catholiques anglaises, protestantes françaises, protestantes anglaises, "autres" françaises, "autres" anglaises.

Recommandations

QUE les écoles soient multi-confessionnelles;

QUE les comités catholiques et protestants soient abolis.

6. DECOUPAGE DE LA CARTE SCOLAIRE

Le projet de loi 28 prévoit onze commissions scolaires et quinze commissaires par commission, pour un grand total de cent soixante-cinq commissaires élus sur l'île de Montréal, sans compter les deux commissaires supplémentaires que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra nommer le cas échéant, comme il est prévu à l'article 583. Nous croyons qu'un si grand nombre de commissaires n'assurera pas une meilleure représentation de la population tout en accroissant les coûts d'administration. Si l'on considère que l'actuelle C.E.C.M. ne compte que sept commissaires pour une population environ quatre fois plus importante que celle d'une commission scolaire comme celles prévues au projet de loi 28, on est en droit de se demander le pourquoi d'une telle multiplication des commissaires. Nous croyons que le nombre de neuf commissaires par commission scolaire serait plus convenable.

Quant au nombre de commissions scolaires, nous ne savons pas pourquoi le projet de loi 28 en prévoit onze. Le rapport Parent en proposait sept et le rapport Pagé treize. Nous ne savons pas sur quelles bases géographiques et sur quels critères socio-économiques et linguistiques s'est effectué le découpage de la carte scolaire dans le projet de loi 28. Par exemple, la réunion de Westmount et de Notre-Dame-de-Grâce d'une part et de St-Henri et Pointe St-Charles d'autre part dans la commission no 4 est fondée sur quels critères? Linguistiques? Socio-économiques?

Quoi qu'il en soit, la CSN préférerait s'en tenir au nombre de sept, tel que proposé par le rapport Parent. Un nombre plus restreint de commissions scolaires permettrait d'offrir des services scolaires de qualité à un coût sensiblement diminué. Nous ne croyons pas que la juste représentation de la population en souffrirait. Au lieu de gonfler démesurément à cent soixante-cinq le nombre de commissaires sur l'île de Montréal (169 si on compte les quatre commissaires désignés au Conseil scolaire par le lieutenant-gouverneur en conseil), nous reviendrons à des proportions plus raisonnables avec le nombre de soixante-trois commissaires.

Enfin, nous croyons qu'il serait plus équitable de prévoir que le découpage des quartiers électoraux à l'intérieur des commissions scolaires soit fait, pour toutes les commissions scolaires, par une commission indépendante d'experts se rapportant au Conseil scolaire provisoire. Cette mesure assurerait une certaine uniformisation des critères de découpage pour toute l'île de Montréal et éliminerait toute possibilité de marchandage au niveau local.

Recommandations

QUE le nombre de commissaires soit de neuf par commission scolaire; QUE le nombre de commissions scolaires soit réduit à sept;

QUE le découpage du territoire de l'île de Montréal en sept municipalités scolaires et celui de chaque municipalité scolaire en neuf quartiers ou districts électoraux soit fait par une commission indépendante d'experts formés par et se rapportant au conseil scolaire provisoire.

7. LES RELATIONS DE TRAVAIL

Les fins du projet de loi 28 ne sont pas de régler les problèmes concernant les employés des commissions scolaires existantes. Cependant, l'application de la loi provoquera des bouleversements considérables en matière de relations de travail au point qu'il faille y accorder une attention particulière.

A première vue, le projet de loi peut sembler très libéral en ce qu'il prévoit que tous les employés de commissions scolaires existantes deviendront les employés soit du conseil, soit de l'une ou l'autre des commissions scolaires nouvelles.

Le transfert de tous les employés d'une unité de négociation à une autre, transfert qui en soi comporte de sérieux problèmes, devrait, au sens du projet de loi, se faire dans l'harmonie puisqu'il s'effectuera selon un plan préparé par le conseil provisoire en collaboration avec les commissions scolaires existantes et après que le conseil aura bien voulu effectuer les consultations appropriées. De toute façon, les articles 36 et 37 du Code du Travail s'appliquant, personne ne sera lésé. La réalité n'est pas si simple.

En effet, il faudrait prévoir douze nouveaux employeurs: onze commissions scolaires et le conseil. Comme il existe déjà trois comités de négociation dans certaines commissions scolaires: (1) employés de bureau; (2) employés d'entretien; (3) concierges, il faudrait prévoir également, quant au personnel de soutien, trente-cinq unités de négociation nouvelles: trente-trois dans les commissions scolaires et deux au conseil.

Même si les problèmes de diversité des conditions de travail des employés peuvent être possiblement amoindris en 1973 par suite de l'uniformisation des conventions collectives dans les commissions scolaires concernées à la suite de la négociation provinciale, il est à prévoir que d'autres problèmes sérieux surviendront: — le choix du nouvel employeur sera-t-il laissé à chaque employé ou y aura-t-il intégration forcée? — s'il y a choix, quels critères s'appliqueront? — le choix sera-t-il final? — qui deviendra employé au conseil et comment se fera le choix pour devenir employé du conseil?

Les employés s'interrogent déjà quant à ce qu'il adviendrait de leurs droits d'ancienneté s'il devait y avoir, après l'intégration, d'autres transferts d'une commission scolaire à l'autre, comme il est prévisible que cela se produise.

Comme les problèmes des employés ne sont pas uniquement des problèmes de principe mais aussi des problèmes individualisés, les employés sont inquiets. Ils se demandent déjà dans quelle commission scolaire nouvelle sera leur plus grande chance d'avancement, s'ils pourront travailler à proximité de leur domicile, etc. Comme la réalité veut que la CE.C.M. actuelle se subdivise, selon le projet de loi, dans huit commissions scolaires nouvelles, les questions que se posent les employés et les problèmes que l'intégration cause aux employés sont évidents.

Outre les problèmes propres à l'intégration du personnel, demeureront toujours les problèmes surgissant de l'application des conventions collectives. Ces problèmes seront amplifiés par l'existence de douze centres de décisions, de douze procédures différentes à suivre dans la discussion des problèmes parce qu'il y aura douze employeurs.

La multiplication des employés de cadres, en plus de coûter une fortune, engendrera un fouillis inextricable tant sur le plan de la recherche de solutions que sur celui des interprétations et des solutions à apporter à des problèmes de même nature.

Pour éviter la multiplication des problèmes et pour assurer que les droits et intérêts des employés seront intégralement respectés, la loi doit stipuler clairement quatre choses:

I- Le conseil est l'employeur unique au sens du Code du travail. Tous les employés étant au service d'un seul employeur, seront éliminés du coup tous les problèmes de transfert définitif. Il sera alors question de mobilité du personnel au service de l'une ou l'autre des commissions scolaires sans que le statut de l'employé soit affecté. Il restera à établir avec cet employeur les règles d'affectation du personnel, soit au service du conseil, soit au service de l'une ou l'autre des commissions scolaires nouvelles. Pour ce faire, la loi doit donner au conseil le mandat de négocier avec les syndicats concernés.

Il nous semble en effet que les droits des employés ne peuvent être bien défendus que par les associations syndicales qui les représentent et qu'il n'est que juste que ces associations participent directement au processus d'intégration du personnel dans les nouvelles structures. Les questions d'affectation, de réaffectation, d'ancienneté, de mobilité, de droits acquis, de conditions de travail, etc., doivent être discutées par les syndicats afin qu'ils prennent une part active et responsable à la négociation.

II — Une fois l'intégration faite, le conseil embauche les enseignants aux recommandations des commissions scolaires, qui font elles-mêmes la sélection des nouveaux enseignants et contrôlent le processus de perfectionnement.

III — Pour éviter des problèmes additionnels, il faut que la loi prévoie que la restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal ne soit ni l'occasion ni la cause de la mise à pied d'un certain nombre d'employés actuellement à l'emploi des commissions scolaires existantes.

IV — La loi doit prévoir également que le conseil provisoire doit embaucher prioritairement des personnes à l'emploi de l'une ou l'autre des commissions scolaires de l'île de Montréal afin d'éviter, le premier juillet 1973, un problème de surplus de personnel parce qu'un certain nombre de fonctions seraient remplies par des employés qui n'étaient pas au service des commissions scolaires existantes.

Recommandations

QUE le conseil scolaire soit l'employeur unique au sens du Code du Travail;

QUE le plan d'intégration du personnel dans les nouvelles structures fasse l'objet d'une entente à être négociée entre le conseil scolaire et les syndicats représentant le personnel concerné; qu'à défaut d'entente entre les parties, au plus tard le premier mai 1973, un tribunal d'arbitrage spécial soit constitué pour entendre les représentations de tous les organismes intéressés et rende une décision exécutoire au plus tard le premier juillet 1973;

QU'aucun employé ne puisse être congédié ou mis à pied ou subir de baisse de traitement ni de classe, à l'occasion ou par le fait de la mise en vigueur de la loi;

QUE le conseil provisoire puise son personnel requis à même le personnel des commissions scolaires existantes.

8. L'ENSEIGNEMENT AUX ADULTES

Il est surprenant que le projet de loi 28 néglige complètement le secteur de l'éducation des adultes dans la réorganisation scolaire sur l'île de Montréal. Pourtant, les commissions scolaires existantes couvrent ce secteur et il nous apparaît nécessaire de prévoir dans la loi l'organisation de l'enseignement aux adultes.

D'autant plus que l'évolution socio-économique des sociétés industrielles du genre de la société québécoise exige de façon de plus en plus impérative que les travailleurs deviennent professionnellement mobiles, qu'ils se recyclent une ou plusieurs fois dans le cours d'une vie.

Il faut assurer l'organisation d'un service d'éducation permanente complet et accessible à tous. C'est là un droit fondamental qu'on ne peut dénier à personne.

Recommandations

QUE l'éducation des adultes soit assurée par l'implantation d'un service d'éducation permanente dans chacune des commissions scolaires de l'île de Montréal tel que cela existe déjà dans les commissions scolaires régionales du Québec;

QUE le conseil scolaire crée à son niveau une commission de coordination et de planification formée des représentants des services d'éducation permanente des commissions scolaires et des comités d'éducation des adultes proposés ci-après, ces derniers étant en majorité.

QUE cette commission ait pour fonction de recueillir les fonds des subventions du ministère de l'Education et des autres recettes; d'étudier les prévisions des dépenses des services d'éducation permanente des commissions scolaires et de répartir les fonds selon les besoins; de faciliter la collaboration entre les S.E.P. et au besoin de coordonner certaines activités; d'organiser certains services de recherche et de planification des ressources pouvant bénéficier à l'ensemble des S.E.P.;

QUE soit établi dans chaque commission scolaire un comité d'éducation des adultes formé: lo — d'étudiants-adultes inscrits aux cours du S.E.P., élus par une assemblée générale convoquée en octobre de chaque année, et 2o — de représentants d'organismes du milieu;

QUE ce comité ait pour fonction de voir à ce que les étudiants-adultes aient un service d'éducation répondant à leurs besoins et qu'à cet effet il fasse à la direction du S.E.P. toute recommandation qu'il juge pertinente aussi bien pour l'éducation académique et professionnelle que pour les problèmes financiers et administratifs; de participer à l'orientation des programmes de culture populaire, d'en contrôler l'orientation, d'accepter, rejeter ou imposer tel ou tel type de programmes, cela à l'intérieur des normes et procédures administratives de la D.G.E.P.; de donner leur avis sur le choix des formateurs; d'élire des représentants à la commission de coordination et de planification créée par le conseil scolaire.

9. LA TAXATION SCOLAIRE

Le projet de loi 28 prévoit un nouveau système de taxation qui remplace celui fondé sur la confession religieuse des personnes. De plus, les rôles d'évaluation sont uniformisés.

Nous croyons que ce système est déjà plus juste que l'ancien. Cependant, tout en acceptant ce nouveau mode de taxation comme mesure transitoire, nous affirmons notre conviction que le système scolaire serait plus justement et efficacement financé au moyen d'un impôt progressif sur le revenu des particuliers et surtout des entreprises.

En effet, des calculs basés sur le recensement de 1961 démontrent que la taxation foncière fait porter aux couches les plus démunies de la société une part proportionnellement démesurée du coût de l'éducation: le pourcentage du revenu familial consacré à l'impôt foncier (municipal et scolaire) est beaucoup plus élevé pour les pauvres que pour les riches. (Les trois classes de revenu qui supportent un fardeau relatif dépassant la moyenne nationale sont justement celles qui ont un revenu de moins de $4,000 par année.)

Recommandations

QUE l'on prépare dès maintenant le passage de la taxation foncière à la taxation sur le revenu comme source de financement du système scolaire;

QUE parallèlement on prépare une réforme globale du régime fiscal québécois afin d'assurer une répartition des coûts de l'éducation qui soit fonction des revenus réels des diverses catégories de citoyens.

Document(s) associé(s) à la séance