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(Quinze heures quarante-quatre minutes)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission élue permanente de l'éducation se
réunit cet après-midi pour compléter l'étude des
crédits du ministère de l'Éducation et, notamment, se
pencher sur l'étude du programme 10: Organisation et
réglementation des professions.
Les membres de cette commission sont MM. Blank (Saint-Louis), LeBlanc
(Montmagny-L'Islet), Desbiens (Dubuc), Fortier (Outremont), Lavigne
(Beauharnois), Laurin (Bourget), Leduc (Saint-Laurent), Leduc (Fabre),
O'Gallagher (Robert Baldwin), Proulx (Saint-Jean), Rochefort (Gouin).
Les intervenants sont: MM. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue),
Bisaillon (Sainte-Marie), Hains (Saint-Henri), Kehoe (Chapleau), Martel
(Richelieu), Saintonge (Laprairie), Vaillancourt (Orford), Vaugeois
(Trois-Rivières).
M. le ministre, avez-vous quelques remarques préliminaires?
M. Laurin: Oui, M. le Président. Chers
collègues...
Le Président (M. Blouin): Avant de commencer, je vous
rappelle, conformément à l'entente et à l'ordre que nous
avons reçu de la Chambre, que les travaux se termineront à 18
heures.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ce n'est pas beaucoup. On va avoir
seulement trois heures...
Remarques préliminaires M. Camille
Laurin
M. Laurin: M. le Président, chers collègues.
À titre de ministre responsable de l'application des lois
professionnelles, il m'est agréable de présenter la demande de
crédits de l'Office des professions du Québec pour 1983-1984 et,
par la même occasion, de rendre compte de l'activité de cet
organisme pour l'année 1982-1983.
C'est avec plaisir que je répondrai moi-même aux questions
des membres de la Commission parlementaire des corporations professionnelles,
cependant que le président de l'office, M. André Desgagné,
qui se trouve à mes côtés, pourra fournir aux membres de la
commission tout renseignement supplémentaire susceptible de leur
être utile.
J'aimerais rappeler au départ que le Code des professions a
été adopté le 6 juillet 1973 et l'Office des professions
du Québec a été mis sur pied à l'automne de la
même année. L'année 1983-1984 marquera donc le 10e
anniversaire du système professionnel que nous connaissons
aujourd'hui.
Ce système professionnel est caractérisé par une
recherche d'équilibre entre l'autogestion et
l'hétérogestion, c'est-à-dire la gestion de l'organisation
professionnelle à la fois par des professionnels élus par et
parmi les professionnels eux-mêmes et des personnes nommées en
dehors d'eux. Au sein de ce système apparaît l'Office des
professions. Bien qu'il réponde au ministre responsable de l'application
des lois professionnelles, l'Office des professions possède les
caractéristiques d'un organisme autonome par rapport au gouvernement. Il
est dirigé par un conseil d'administration de cinq membres.
L'office a pour fonction principale de voir à ce que chaque
corporation professionnelle s'acquitte adéquatement de sa tâche de
protection du public. Il exerce donc un rôle de surveillance à
l'endroit des 39 corporations professionnelles. Pour remplir ce mandat, il
dispose de certains pouvoirs, dont voici les plus importants. 1) II nomme,
après consultation du Conseil interprofessionnel et des organismes
socio-économiques, de deux à quatre administrateurs, citoyens non
membres de la profession, voire d'aucune profession, pour siéger au
bureau de chaque corporation professionnelle; 2) II publie, deux fois par
année, les décisions rendues par les comités de discipline
des corporations et par le Tribunal des professions; 3) II s'assure que chaque
corporation adopte un ensemble de règlements régissant
l'activité professionnelle, ayant même le pouvoir
d'édicter, à la place des corporations, certains
règlements directement reliés à la protection du public,
si celle-ci refuse de les adopter dans des délais raisonnables; 4) II
administre un programme de subventions destinées à aider les
corporations à assumer leurs responsabilités, notamment en
matière d'inspection professionnelle et de formation continue;
5) II fait également - et c'est là un rôle fort
important - des recommandations au gouvernement sur les questions touchant le
système professionnel, par exemple les règlements et les lois
régissant les corporations professionnelles ou encore la constitution de
nouvelles corporations professionnelles, de même que la fusion ou la
dissolution de corporations existantes.
En évoquant succinctement les principales fonctions de l'Office
des professions du Québec, j'ai couvert les activités courantes
qu'il réalise de façon régulière. Mais, outre ces
activités, un certain nombre de dossiers ont fait l'objet de
préoccupations particulières de l'office au cours de cette
année.
Premier dossier: la publicité sur les services professionnels.
Cette question largement débattue, tant à l'étranger qu'au
Québec, a fait l'objet cette année d'une attention toute
spéciale de la part de l'Office des professions. J'ai demandé
à l'office de procéder à un examen approfondi de cette
question. L'office a donc tenu une consultation qui s'est
déroulée en deux étapes: d'abord un sondage de l'opinion
publique sur les besoins de la population en matière de
publicité; puis, la tenue d'un colloque, ou forum public, où l'on
a envisagé les modes d'ouverture possibles du régime actuel de
publicité en matière de services professionnels. L'office a par
la suite publié les "Actes" de ce colloque, en plus d'une étude
et d'une bibliographie qui faisait déjà le point sur ce sujet.
L'office dispose donc maintenant d'une somme d'information suffisante pour lui
permettre de prendre position prochainement sur cette question complexe.
L'office doit verser à ce dossier, en 1983, un énoncé de
politiques spécifiquement québécoises.
Deuxième dossier: la réorganisation des professions
comptables. Les débats amorcés en 1972 ont trait à la
définition d'un champ d'exercice exclusif de la comptabilité et
aux conditions d'accès à ce champ. Les corporations
visées, CA, CGA et RIA, ont, depuis ce temps, fait valoir
différents points de vue et fait connaître leurs positions
respectives. Pour sa part, l'office a fait connaître en 1980 son avis sur
la question. Ce dernier limitait le champ exclusif à la
vérification tout en proposant différentes modalités de
regroupement des corporations intéressées. La commission
parlementaire des corporations professionnelles a pu entendre, en 1981, les
positions des intervenants, auxquels se sont joints deux autres groupes: les
administrateurs agréés et le Syndicat de comptables
généraux licenciés de pratique privée.
Il y a quelques mois, j'ai fait part aux corporations de mon
désir de tirer la situation au clair au cours de la présente
année. À cette fin, je les ai conviées à reprendre
leurs pourparlers avec le président de l'office et en présence de
mon conseiller politique en vue de trouver une solution au problème de
l'organisation de la profession de comptables autour de deux champs dont l'un,
qui serait exclusif, se réduit essentiellement à la
vérification tandis que l'autre englobera principalement la
comptabilité de gestion. L'office doit me faire rapport sur cette ultime
tentative de concertation.
Troisième dossier: la liste des médicaments
vétérinaires. En vertu de la Loi sur les médecins
vétérinaires, c'est le rôle de l'office de dresser,
après consultation des parties identifiées, une liste des
médicaments qui ne peuvent être prescrits que par les
médecins vétérinaires. Il s'agit d'un dossier complexe qui
a donné lieu à des projets, des consultations multiples et
à une étude par une firme indépendante sur le
marché des médicaments vétérinaires. Par la suite,
l'office a établi une série de critères devant servir
à la sélection des médicaments devant être compris
dans la liste. Ayant obtenu l'accord des différents intervenants sur le
choix de ces critères, l'office dressera donc, à l'aide de ces
critères, la liste qu'il soumettra à la consultation et il estime
être en mesure de me formuler ses recommandations à la fin de
l'été.
Comme autres dossiers, pour compléter ce tableau, je voudrais
noter l'aval que nous avons donné à la constitution en
corporation professionnelle des inhalothérapeutes, sous le régime
du Code des professions.
Un mot maintenant sur la question de la formation en sciences
infirmières. En juin 1981, j'ai demandé l'avis de l'office sur ce
sujet. L'office a fait l'examen de cette question aux trois niveaux de
formation et a remis son avis. À la lumière des deux
recommandations de l'office, il me sera maintenant possible de prendre une
décision en cette matière.
La commission sera sans doute intéressée d'apprendre que
d'autres actions et travaux de l'office sont présentement en voie
d'achèvement. Je veux mentionner les conditions supplémentaires
au diplôme ou à la formation de base et les comités de la
formation, l'efficacité du mécanisme du titre
réservé en regard de la protection du public, les conditions
requises pour la radio-protection, l'autorisation d'actes médicaux et
infirmiers et son application, et plusieurs autres sujets non moins
importants.
Je tiens à assurer les membres de cette commission que, dans
toutes les questions touchant les corporations professionnelles - et il va sans
dire - la protection du public qui constitue un mandat commun, - l'office,
autant que le gouvernement, a le souci d'appuyer ses actions sur des
données de base qui reflètent bien l'état de la question,
qui mettent à jour les besoins
de la population, qui apportent également une expertise valable
sur ce qui se fait ici et à l'étranger, et finalement, qui
permettent de prendre les décisions les plus adaptées à la
situation vécue par tous les intéressés dans le milieu
québécois.
Voilà, M. le Président, le compte rendu de
l'activité de l'Office des professions pour l'année
1982-1983.
Permettez-moi d'ajouter un mot sur les orientations retenues pour
l'année 1983-1984. À la suite d'un examen de ses
activités, l'office a dégagé ses orientations. En plus
d'être cohérentes et complémentaires, ses orientations
s'ajustent de façon articulée aux impératifs de la mission
que le Code des professions lui attribue explicitement, ou encore par une
logique implicite. Cet exercice permet à l'office d'assurer que les
orientations retenues cette année arrivent à point nommé
dans l'évolution du système professionnel
québécois.
Premier dossier: la réduction des conflits interprofessionnels.
Le système professionnel actuel résulte de l'association, d'une
part, de composantes créées par le Code des professions en 1973
et, d'autre part, d'éléments qui existaient déjà
depuis plus ou moins longtemps. Or malgré le fait que le
législateur ait assigné une fonction commune à tous,
à savoir la protection du public, force était de composer avec la
réalité qui s'avère toujours plus complexe. C'est ainsi
que certains droits acquis des corporations, au lieu de s'harmoniser dans la
concertation et la complémentarité des professions, se sont
trouvés opposés au point d'engendrer parfois certains conflits de
juridiction. Il devient donc souhaitable, pour ne pas dire nécessaire,
pour l'office autant que pour d'autres constituantes du système,
d'atténuer sinon de régler ces conflits de juridiction, notamment
dans le secteur de la dentisterie et de l'optique. Dans le domaine de la
santé, l'office tentera d'élargir l'éventail des actes que
des tiers sont autorisés à poser. Ce travail se fera avec la
collaboration de toutes les corporations professionnelles
concernées.
Deuxième dossier: la mise en place et l'ajustement de certains
éléments du système. Dès l'adoption du Code des
professions, l'office s'est préoccupé de mettre en place les
éléments majeurs prévus par cette loi afin d'assurer,
dès le départ, le fonctionnement efficace du système
professionnel. Toutefois, des difficultés et des problèmes
relativement complexes sont apparus en cours de fonctionnement. Or, comme un
système ne peut bien fonctionner qu'avec toutes ses composantes,
l'office retient comme priorités la mise en place de tous les moyens de
fonctionnement du système prévus au code et également
l'ajustement d'autres moyens qui se sont révélés moins
efficaces à l'usage. Parmi ceux-ci, on retrouve les règlements
sur la liste des médicaments vétérinaires et celle des
médicaments podiatriques, les conditions d'exercice de la radiologie. On
touche, en outre, aux conditions supplémentaires au diplôme de
base et également aux modalités du comportement
déontologique des professionnels en cas de conflit de travail. Enfin, en
regard de la protection du public, certains mécanismes demandent
à être revus, voire modifiés: le titre
réservé, la publicité en matière de services
professionnels ainsi que l'inspection professionnelle. Tous ces dossiers ont
leur impact sur le fonctionnement efficace du système actuel. Aussi,
l'office entend-il consacrer ses efforts à résoudre ces
questions.
Troisième dossier: la diffusion de l'information utile aux
consommateurs. Malgré toute l'énergie déployée
à parfaire le système professionnel, à réglementer
les actes, à établir pour les professionnels des exigences de
formation, de compétence et de déontologie, il apparaît
illusoire d'espérer que les citoyens puissent retirer de cette
organisation tous les bienfaits qu'ils sont en droit d'attendre, à moins
qu'ils ne soient informés des services offerts et de leurs droits et
recours possibles. Le droit du public à l'information impose à
l'office la nécessité d'informer pour réaliser, selon le
code, son mandat de protection du public. C'est pourquoi l'office entend
évaluer les besoins du public en cette matière et consacrer des
efforts à l'information des citoyens sur toute question qui les
concerne. Parallèlement, il prendra les mesures pour rendre accessible
cette information: par exemple, renseigner les citoyens sur leurs droits et
recours en matière de services professionnels, porter plus d'attention
aux demandes de renseignements et aux cas de plaintes, établir des
contacts avec les groupes de citoyens.
Quatrième dossier: l'an II du système professionnel. Car,
en cette année qui marque, comme je le signalais au début de cet
exposé, le dixième anniversaire de sa mise sur pied, l'office
entend susciter une réflexion sur l'ensemble du système
professionnel, de son fonctionnement, de ses mécanismes et de son
efficacité en vue de mettre au point des propositions visant à
l'amélioration de ce système qui a déjà dix ans.
À titre de ministre responsable de l'application des lois
professionnelles, je suis heureux de donner ici mon appui au projet mis de
l'avant par l'office pour souligner cet événement et je souhaite
qu'il puisse le réaliser avec le concours de toutes les composantes du
système professionnel actuel, sans oublier le public pour le bien duquel
le système existe.
Un dernier mot, M. le Président, sur l'évolution des
crédits de l'office. Les crédits à voter pour 1983-1984
s'élèvent à
2 663 600 $, alors qu'ils s'élevaient, en 1982-1983, à 2
677 900 $, soit une diminution de 0,5%. Je suis disposé à
répondre maintenant aux questions que les membres de la commission
voudraient bien me poser.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Saint-Laurent vous avez quelques remarques
préliminaires.
M. Germain Leduc
M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, chers
collègues, je voudrais, tant comme député de l'Opposition
responsable du dossier des corporations professionnelles que comme
professionnel, remercier tous ceux qui, au cours de l'année 1982-1983,
ont oeuvré dans le domaine des corporations professionnelles. Je pense
d'abord à l'Office des professions, à son président, M.
Desgagnés, et à son équipe, au conseil interprofessionnel
et surtout à son directeur administratif, M. Fréchette, enfin
à tous les membres des bureaux des 39 corporations professionnelles. Il
est évident que le rôle de tous les intervenants est capital dans
l'atteinte des buts visés, soit d'abord et avant tout une protection du
public et ensuite le bien-être des professionnels de toutes les
corporations. Ce rôle, bien sûr, n'est pas facile. En plus d'avoir
à prendre position sur des sujets très importants, tels la
publicité sur les services professionnels, la déontologie
professionnelle, les conditions supplémentaires exigées de leurs
diplômés par les corporations professionnelles, le
mécanisme du titre réservé et de l'exercice exclusif, la
tarification, ils auront à répondre aux plaintes formulées
par les consommateurs contre les corporations professionnelles et leurs
membres. (16 heures)
En plus, ces intervenants seront souvent confrontés aux conflits
existant entre les différentes corporations professionnelles quant
à leurs champs d'activité respectifs. Qu'il suffise de mentionner
- et ici j'en passe -les problèmes existant entre les trois corporations
comptables, entre les optométristes et les opticiens d'ordonnance, entre
les ingénieurs et les diplômés de l'École de
technologie supérieure, entre les médecins et les chiropraticiens
et entre les hygiénistes dentaires et les dentistes.
Dans tout dossier chaud, il faudra que le ministre responsable de
l'application des lois professionnelles soit très prudent et
évite les solutions trop faciles. Il devra, sauf dans des cas
extrêmes, recourir aux décrets. Il devra retenir qu'un
règlement, pour être respecté et avoir de
l'autorité, doit d'abord s'appuyer sur une nécessité, sur
un besoin et sur un consensus.
Il faut bien réaliser que si on impose par décret des
règlements, donc à l'en-contre de la volonté des
corporations professionnelles et des membres, ces règlements devront
être appliqués par cette même corporation professionnelle
qui devra, à son tour, les imposer par la suite à ses membres,
situation tout de même assez paradoxale. La solution imposée
risque donc de ne rien régler et risque même d'aggraver le
problème.
Je voudrais maintenant parler de certains dossiers qui devraient retenir
d'une façon particulière notre attention et l'attention du monde
des corporations professionnelles. Une règle devra toutefois toujours
guider les intervenants dans leurs démarches et leur recherche des
solutions aux problèmes, soit la protection du public. C'est le but,
d'ailleurs, de l'Office des professions et du Code des professions.
Les corporations professionnelles en conflit avec d'autres corporations
professionnelles devront, par ailleurs, tenter de régler leurs
problèmes entre elles au moyen de compromis plutôt que de se
précipiter immédiatement vers l'État. Dans leur recherche
de solutions, elles devront toujours avoir à l'esprit que les
professionnels bénéficient dans la société de
privilèges et que l'octroi de privilèges implique en contrepartie
l'acceptation de responsabilités et d'obligations à certaines
concessions.
Il y a un dossier qui, au cours de l'année passée, a
soulevé beaucoup d'intérêt et des réactions tant de
part du public en général que de la part des professionnels
eux-mêmes, c'est celui de la publicité sur les services
professionnels. Je vais donc vous parler de la publicité sur les
services professionnels. Dès 1977, l'Office des professions recommandait
au gouvernement une certaine libéralisation de la publicité sur
les services professionnels, plus particulièrement sur les prix, la
catégorie ou le type de services professionnels. Plus récemment,
soit l'an passé, en 1982, deux sondages ont établi que les
Québécois favorisaient la publicité sur les services
professionnels. Les professionnels, eux, contrairement aux consommateurs, se
montrent très réticents à la libéralisation de la
publicité sur les services professionnels, exception faite de certaines
corporations professionnelles à caractère un peu plus commercial,
comme, par exemple, les opticiens d'ordonnance. La grande majorité des
professionnels continue de penser que toute publicité qui n'est pas
informative ne convient guère aux corporations professionnelles, est
contraire à l'intérêt public, contribuerait à
diminuer la qualité des services professionnels, à faire
augmenter les prix, vu le coût élevé de la
publicité, à duper les consommateurs et à favoriser le
gaspillage. Même si ces considérations
demeurent très valables, n'y aurait-il pas lieu pour les
professionnels, sans qu'ils versent complètement dans l'information
promotionnelle, qu'elle soit plus transparente, plus visible et que les biens
et les services qu'ils offrent soient plus accessibles?
Dans cette ligne de pensée, la corporation professionnelle
devrait sûrement s'intéresser et promouvoir la publicité ou
l'information qu'on appelle sociétale, c'est-à-dire celle qui
s'adresse au public, qui informe les citoyens plutôt que les
consommateurs, mais il ne faudrait peut-être pas que les professionnels
ratent le bateau de l'information, de la communication avec les citoyens et
avec le public en général comme ils le font actuellement. Il y a
sûrement là matière à réflexion.
En ce qui concerne maintenant les conditions supplémentaires,
nous savons que les corporations professionnelles imposent aux
diplômés des établissements d'enseignement pour l'obtention
d'un diplôme; l'Office des professions s'est prononcé contre leur
application. L'office trouve préférable et suffisant que l'on
s'en remette à l'établissement d'enseignement pour la formation
complète des diplômés, y compris les cours et examens
supplémentaires, plutôt qu'aux corporations professionnelles. Nous
savons par ailleurs que le conseil interprofessionnel ne partage pas le point
de vue de l'office sur ce sujet. Nous croyons, nous, que les corporations
doivent absolument contrôler la compétence et le niveau de
formation des diplômés pour remplir un rôle premier des
corporations professionnelles, soit la protection du public.
En cette perspective, la compétence des professionnels, à
mon sens, est un élément essentiel. Seul un professionnel
compétent peut offrir au public un service fiable et de qualité.
Nous sommes d'accord avec les principes émis en ce sens par le conseil
interprofessionnel. Ces principes, à mon sens, fondamentaux
établissent: premièrement, la responsabilité pour les
corporations professionnelles d'évaluer la compétence des
professionnels et, partant, un rôle de surveillance sur le contenu des
études et le contrôle de l'admission à l'exercice de la
profession; deuxièmement, la spécificité de chacune des
corporations professionnelles et, en conséquence, l'impossibilité
d'établir ou d'imposer un modèle unique pour toutes les
corporations; troisièmement, la nécessité pour ce
professionnel d'acquérir plus particulièrement deux types de
connaissances pour exercer sa profession adéquatement: d'abord, les
connaissances pour la compréhension d'un domaine d'activité
professionnelle et ensuite les connaissances pour l'exercice d'une
activité professionnelle; quatrièmement, les rôles et
responsabilités complémentaires des établissements
d'enseignement et des corporations professionnelles dans la formation des
professionnels. Enfin, la nécessité de la recherche de
l'excellence dans la formation des professionnels.
Ces grands principes supposent donc que les corporations
professionnelles doivent demeurer responsables de l'évaluation et de la
compétence des membres à l'entrée de la corporation.
À la suite des audiences publiques d'avril 1982 sur ce sujet et des
recommandations qu'a dû lui faire l'Office des professions, l'opinion du
ministre devrait être faite, je pense.
Les titres réservés. En ce qui concerne la
problématique du titre réservé, il serait peut-être
approprié d'en parler un peu plus, un peu pour mentionner surtout
l'évolution que j'ai perçue dans l'attitude de l'office sur cette
question. Alors que, en 1976, il privilégiait le mécanisme du
titre réservé par opposition au mécanisme de l'exercice
exclusif, il semble maintenant que l'office voit la nécessité de
recommander certaines mesures propres à accroître
l'efficacité du titre réservé.
L'office soutient toujours que le titre réservé,
contrairement à l'exercice exclusif, permet la concurrence. Il faudrait
peut-être reconnaître que la concurrence existe dans la plupart des
professions d'exercice exclusif, mais qu'elle se fait souvent avec d'autres
professions et, dans bien des cas, il faut, il me semble, parler d'acte
partagé plutôt que d'acte exclusif.
Le problème demeure complexe, bien sûr; il faudra
évaluer les neufs mesures proposées par l'office. Il faudra se
demander si le mécanisme du titre réservé est suffisant
pour bien protéger le public. Est-ce que, dans l'ensemble, les moyens
proposés par l'office pour permettre aux corporations professionnelles
de remplir adéquatement leur rôle sont réalistes? Est-ce
que la campagne d'information proposée ou tout autre mécanisme
quelconque permettra au public de discerner les vrais professionnels des
charlatans? Est-ce que le public voudra s'informer ou pensera à
s'informer? Est-ce que les employeurs voudront collaborer? Comment, en effet,
obliger un employeur à s'assurer de l'appartenance d'un de ses
employés à une corporation professionnelle? Peut-on
également obliger un employeur à imposer à ses
employés d'afficher leur titre? Est-ce que les universités vont
accepter la réglementation nécessaire des titres
académiques? Quel sera le coût de la bureaucratie exigée
par ces mesures ou ces moyens?
Devant ces interrogations, ne serait-il pas mieux dans le seul but de
protéger adéquatement le public, de maintenir ou d'établir
dans certains cas et de le maintenir dans d'autres cas, le mécanisme de
l'exercice exclusif? Est-ce que, pour maintenir à tout prix le principe
de la concurrence, nous
pouvons nous permettre de prendre certains risques quant à la
qualité des services professionnels offerts au public? Il me semble que
non.
Maintenant, le problème des CA, des CGA et des RIA, on en a
parlé tantôt, le grand et célèbre problème
des corporations de comptables, soit les CA, les CGA et les RIA, qui a
généré un contentieux qui perdure et pourrit depuis plus
de dix ans. Il serait peut-être temps, il me semble, de fêter avec
Pénélope le retour d'Ulysse et de disposer de ce dossier. Le
ministre l'avait mentionné.
Si la proposition de juillet dernier des RIA dans le sens de fondre les
trois corporations de comptables en une seule corporation et deux champs
d'activité: soit un champ de comptabilité, de management ou de
gestion et un champ de la comptabilité et de la vérification,
donc si cela devait être retenu, il faudrait bien s'assurer que cette
solution n'en sera pas une de facilité ni de nivellement par le bas. Il
faudait bien s'assurer, également, que le fait de donner le titre
réservé de CA à tous les comptables des trois corporations
qui exerceraient, par ailleurs, dans deux champs d'activité
complètement différents, ne créerait pas de confusion dans
le public. Il faudrait, de toute nécessité, que la
définition du terme "vérification publique" soit claire et
précise. Il faudrait également très bien baliser le champ
d'exercice de chacun des deux groupes.
Il demeure que la création d'une corporation unique pour les
trois corporations de comptables permettrait une fois pour toutes de mettre de
l'ordre dans ce fouillis et permettrait également de mettre de l'avant
un programme de formation unique pour tous les professionnels de la
comptabilité qui devraient, en cours de route, opter pour l'un ou
l'autre des deux grands champs d'exercice. Il n'y aurait alors qu'un organisme
chargé de contrôler l'accès à la profession et une
seule commission d'éthique et de contrôle des membres. La solution
retenue devra, de toute nécessité, contenir les
éléments requis de protection du public et de justice pour les
trois groupes de professionnels.
Les ingénieurs en face de la - c'est quasiment cela - ETS. Dans
le dossier des diplômés de l'École de technologie
supérieure, nous constatons que le gouvernement, par l'adoption d'un
décret en juin 1981, a décidé que ces
diplômés détenaient une formation universitaire en
ingénierie et que cette formation donnait ouverture aux permis
délivrés par la Corporation professionnelle des ingénieurs
du Québec. Malheureusement, nous devons aussi constater que ce
décret n'a rien réglé. Le contentieux entre la Corporation
des ingénieurs du Québec et les diplômés de
l'École de technologie supérieure demeure entier. En ne statuant
pas sur l'accréditation et sur les modalités
d'intégration, le ministre aura évité les
véritables questions majeures de ce problème et n'aura
réussi qu'à aggraver le problème, à mon sens. En
effet, à ce jour, l'adoption de ce décret aura donné lieu
à deux recours judiciaires: l'un de la part de l'ETS contre l'Ordre des
ingénieurs du Québec et l'autre, de la part des ingénieurs
du Québec contre l'ETS. Les ingénieurs, dans les deux cas,
allèguent que le décret de 1981 est ultra vires. Il est bien
évident qu'il y a un braquage de la part de l'Ordre des
ingénieurs, qui n'accepte absolument pas le décret de juin 1981
et qui refuse d'accorder le titre d'ingénieur aux diplômés
de l'ETS.
Dans ce dossier, le ministre, il me semble, a posé des gestes
prématurés. Avant de passer des décrets, il aurait
peut-être fallu d'abord que les champs d'exercice soient très bien
définis et qu'également, on propose différentes solutions
au titre à donner aux diplômés de l'ETS. Au lieu de penser,
pour les diplômés de l'ETS, à une intégration
complète au sein de la Corporation des ingénieurs, ne faudrait-il
pas penser plutôt à une corporation polyprofes-sionnelle des
sciences appliquées qui pourrait chapeauter, par exemple, l'Ordre des
ingénieurs, l'Ordre des géologues, l'Ordre des technologistes
supérieurs, l'Ordre des chimistes et peut-être d'autres
corporations connexes. Il demeure que le problème devrait être
réglé à brève échéance.
Passons au dossier des optométristes et des opticiens
d'ordonnance. Dans ce dossier, on sait que le gouvernement a imposé, par
décret, en juin 1982, des règlements régissant ces deux
corporations professionnelles. Ces règlements ont eu pour effet de
libéraliser la publicité par les opticiens d'ordonnance,
d'obliger les optométristes à remettre au client, sans
réquisition aucune, la prescription ou l'ordonnance et, enfin, de
permettre la pratique conjointe dans un même bureau des
optométristes et des opticiens d'ordonnance. Or, tout en étant
d'accord avec certains de ces règlements, nous devons constater
malheureusement que ce décret n'a pas satisfait les opticiens
d'ordonnance et a profondément choqué les optométristes,
à tel point que les optométristes considèrent que le
problème n'est nullement réglé. En novembre dernier, ils
demandaient une intervention gouvernementale pour forcer les membres des deux
corporations à se concerter afin de mettre un terme à une lutte
vieille de douze ans que se livrent ces deux groupes. Face à cet
imbroglio, il y aurait peut-être lieu de savoir quelle est la position du
ministre. Est-ce que, pour lui, le dossier est fermé?
Le dossier du tarif chez les notaires. En ce qui concerne la
tarification chez les
professionnels et particulièrement chez les notaires, je pense
qu'il faut, encore là, être très prudent. C'est connu,
depuis 1977, l'Office des professions du Québec dénonce la
tarification. L'Office des professions soutient que la tarification
empêche la concurrence, ne va pas dans le sens du meilleur
intérêt du public et ne profite qu'aux professionnels. Je pense
que c'est simplifier les choses. Sans prétendre que la tarification est
une condition sine qua non de la qualité des services professionnels
offerts au public, il demeure que, dans le domaine des services et
particulièrement à une époque où on a beaucoup de
spécialisation, la tarification, à mon sens, est une garantie de
qualité des services professionnels. Je ne crois pas, par exemple, que
l'on puisse espérer avoir des services professionnels de qualité
en laissant jouer sans limite la concurrence. Le client trouvera toujours un
professionnel, surtout à une époque où la plupart des
professions sont encombrées, prêt à rendre des services
professionnels à un prix inférieur. N'étant nullement en
mesure de juger de la qualité des services, le client risque d'en avoir
pour son argent. Le professionnel qui veut rendre des services professionnels
de qualité doit, de toute nécessité, en cette
époque de spécialisation, avec un nombre invraisemblable de lois,
pratiquer en équipe, posséder des équipements de pointe,
consacrer du temps et des fonds à la formation continue et à la
recherche et embaucher du personnel qualifié. Dans ces conditions, il ne
peut absolument pas pratiquer à rabais.
La disparition du tarif signifierait, à mon sens, la disparition
de firmes importantes de professionnels disposant de beaucoup d'expertise et
d'expérience, ayant une grande solvabilité face aux recours en
responsabilité. Ces firmes importantes demeurent également la
meilleure garantie contre la défalcation ou dol de la part des
professionnels. Encore là, je pense qu'il faudrait faire un choix.
Veut-on favoriser la concurrence à tout prix au détriment de la
qualité des services et de la protection du public? Est-ce que le
ministre est favorable à la tarification chez les notaires? Cette
question s'impose après tous les atermoiements auxquels les notaires ont
eu droit depuis de nombreuses années. À quand le tarif
révisé pour les notaires?
Le dossier des acupuncteurs, on en a parlé. En ce qui concerne le
dossier des acupuncteurs, est-ce que le ministre question bien courte - peut
nous dire s'il y a une solution en vue, de sorte que l'exercice de
l'acupuncture puisse, dans un avenir prévisible, être
contrôlé au Québec? C'est une situation qui dure depuis
1976.
Le dossier des professionnels à l'emploi du gouvernement
fédéral. À la suite de la décision rendue par la
Cour fédérale dans la cause de Lefebvre et qui soulevait la
question de juridiction du Québec pour les professionnels
exerçant au Québec pour le compte du fédéral, je
voudrais savoir s'il y a des développements ou s'il y en aura? (16 h
15)
Sur le dossier des tests linguistiques, je voudrais être
très bref et simplement m'enquérir auprès du ministre s'il
serait d'accord pour abolir les tests destinés aux aspirants à la
pratique professionnelle et qui détiennent un diplôme d'une
institution d'enseignement de niveau secondaire du Québec, qu'elle soit
francophone ou anglophone, ainsi que ceux qui détiennent un
diplôme décerné par une institution francophone du
Québec, de niveau collégial ou de niveau universitaire. Je
voudrais également savoir si le ministre trouve logique d'imposer aux
corporations professionnelles le fardeau de l'administration des tests
linguistiques, lorsque requis.
Le dossier des règlements non adoptés. Plusieurs
corporations professionnelles se plaignent de la lenteur administrative de
l'Office des professions quant à l'adoption de certaines règles
ou modifications de règlements soumises par ces corporations. Certaines
demandes dateraient de plusieurs années. Est-ce qu'il y a une
explication à ces délais qui semblent, dans certains cas,
inacceptables? On pourrait peut-être savoir où cela accroche.
Le dossier des inhalothérapeutes, on en a parlé
tantôt. Je ne sais pas si on a adhéré à leur demande
ou si on l'a acceptée.
Je voudrais que le ministre m'indique si une décision a
été prise quant à la formation d'une corporation
professionnelle distincte, à la suite de l'opinion ou de l'avis de
l'Office des professions. Que penser de la position du conseil
interprofessionnel, qui semble ne pas être d'accord? Il y a
peut-être une question ici que je voudrais soulever, c'est l'affaire
Zaor. On en a entendu parler à la télévision...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Saint-Laurent, est-ce que je peux vous signaler qu'il y a déjà un
certain nombre de questions qui ont été adressées au
ministre.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est la dernière.
Le Président (M. Blouin): C'est la dernière? Bon,
allez-yl
M. Leduc (Saint-Laurent): On a vu à la
télévision, on y a mentionné la fameuse affaire Zaor. Je
pense que c'est relatif à l'article 89 du Code des professions. La
question d'indemnisation à l'article 89 prévoit qu'on doit
indemniser les gens, les clients qui perdent de l'argent à la suite de
défalcation ou de dol de la part de professionnels.
Évidemment, je pense bien qu'on touche surtout les avocats et les
notaires. Je trouve que c'est une situation inacceptable. Si on a un fonds
d'indemnisation, je crois qu'on devrait indemniser les gens qui subissent des
pertes. Il y a des professionnels qui font faillite. Évidemment, ce sont
des situations que notre époque favorise, mais il faut protéger
le public. Alors, je pense qu'il serait temps de s'interroger à savoir
s'il ne devrait pas y avoir une protection totale. Si on parle d'indemnisation,
à mon sens, cela devrait être une indemnisation totale. Je pense
que, dans l'affaire Zaor, on veut aller en cour. Je pense que c'est en cour.
Mais, personnellement, depuis plusieurs années, cela me fatigue beaucoup
d'entendre parler du fait qu'il y a des gens qui perdent de l'argent à
cause de défalcation ou de dol. Je pense qu'on devrait établir
clairement s'il y a fraude, s'il y a dol, qu'il faut indemniser les clients qui
se trouvent à perdre de l'argent. Et la façon de le faire: Je
pense que c'est de les indemniser à 100% et non pas de la façon
qu'on le fait actuellement. On le fait sur une base d'indemnisation
-véritablement, le mot, c'est cela. On les indemnise jusqu'à
concurrence de 200 000 $ chez les notaires et - je ne sais pas si c'est exact -
de 100 000 $ chez les avocats. Or je pense que c'est inacceptable dans le cas
de réclamations qui peuvent quelquefois friser le million. Je pense
qu'il va falloir que les notaires autant que les avocats, si les corporations
professionnelles veulent que leur propre corporation soit respectée,
prennent leurs responsabilités, qu'ils soient responsables. Il y a quoi?
Il y a 9 000 avocats. Je pense qu'ils sont capables de se cotiser. Et on est 2
500 notaires. J'ai eu des informations et, apparemment, notre contribution
serait d'environ 100 $ par année, alors qu'on paie 1 400 $ pour la
responsabilité professionnelle. On pourrait sûrement ajouter de
l'argent de façon à éviter des catastrophes.
C'étaient les points que je voulais toucher. Évidemment, en ce
qui concerne les crédits, peut-être qu'on pourrait y revenir
tantôt.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Saint-Laurent. Je dois d'abord préciser que
cette commission est la commission des corporations professionnelles, qui est
distincte de la commission de l'éducation et qu'en conséquence,
nous devons procéder à la nomination d'un rapporteur. Je crois
que le ministre avait une suggestion à nous faire.
M. Laurin: Oui, je proposerais M. Michel Leduc.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Alors, M. le ministre,
vous avez la parole.
M. Fortier: M. le Président. Le Président (M.
Blouin): Oui.
M. Fortier: Juste un instant, s'il vous plaît. Je ne sais
pas si le ministre et mon collègue de Saint-Laurent seraient d'accord.
Mon collègue a abordé plusieurs sujets et le ministre
également. Pour ma part, si on pouvait s'entendre pour aborder les
sujets un par un et peut-être nous permettre à l'occasion de poser
une question additionnelle avant d'aborder le sujet suivant, cela nous
permettrait d'avoir un dialogue beaucoup plus intelligent, plutôt que de
permettre aux deux interlocuteurs principaux de vider la question et ensuite
à nous de revenir pour des questions additionnelles. Alors, si on
pouvait s'entendre sur une telle marche à suivre, cela nous permettrait
d'avoir un déroulement plus ordonné de la discussion.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Lorsque le
ministre a apporté l'essentiel de sa réponse, si, sur le
même sujet, vous désirez intervenir, je ne pense pas qu'il y ait
de difficulté.
M. Fortier: Alors, je demanderais au ministre d'aborder les
sujets un à un, dans l'ordre qu'il décidera lui-même et
qu'il nous permette d'intervenir.
Réponse du ministre
M. Laurin: Je me soumettrai avec plaisir à la suggestion
du député d'Outremont. Je voudrais d'abord remercier le critique
officiel de l'Opposition pour son exposé docte, documenté, ouvert
et constructif. Par la même occasion, je voudrais souhaiter la bienvenue
au député de Saint-Laurent comme critique officiel des
corporations professionnelles. Je pense que sa première intervention
montre la qualité de sa réflexion. Il fait plusieurs
commentaires, suggestions et critiques également. Je pense qu'ils
méritent tous d'être relevés.
Le premier sujet que le député de Saint-Laurent aborde,
c'est celui des conflits. Effectivement, le domaine des corporations
professionnelles, malheureusement, a été marqué depuis
plusieurs années de conflits nombreux et aigus. Je prends en très
bonne part le conseil que me fait le député de Saint-Laurent
d'être très prudent quand j'aborde ces problèmes,
d'éviter des solutions faciles et de tenter d'appuyer, d'asseoir ces
solutions sur les besoins véritables aussi bien du public que des
professionnels.
C'est vraiment la ligne de conduite que je m'étais fixée
mais j'avoue que ce n'est pas toujours facile de suivre une ligne de conduite
comme celle-là, surtout quand il s'agit de conflits qui, comme le
député l'a souligné, ont perduré et ont
été marqués par
des antagonismes qui semblent irréconciliables, des positions
tranchées où des compromis pointent difficilement à
l'horizon.
Je serais tout à fait d'accord avec le député de
Saint-Laurent quand il recommande aux corporations professionnelles
elles-mêmes de tenter de régler ces conflits de juridiction ou ces
conflits de zone grise entre elles avant de recourir à la solution
médiatrice ultime qui est la solution ministérielle. Je n'aurais
pas de meilleur souhait de mon côté à énoncer que
celui-là même que le député vient d'énoncer.
Malheureusement, il y a loin de la coupe aux lèvres et, dans la
pratique, ce n'est pas toujours comme cela que malheureusement les choses se
présentent.
Il reste cependant qu'il importe de répéter encore une
fois cette directive ou ce souhait que les corporations le plus possible
s'entendent entre elles et nous arrivent avec des solutions qui leur
agréent mutuellement, plutôt que de forcer un règlement par
un arbitrage qui est probablement toujours insatisfaisant parce qu'il
mécontentera une partie ou l'autre. Je pense que les actions que nous
avons dû prendre depuis quelques années pour régler
certains conflits montrent bien que les conseils du député de
Saint-Laurent n'ont pas toujours été suivis. Je continue
d'espérer qu'ils le seront à l'avenir.
En ce qui concerne la publicité sur les services professionnels,
j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les remarques
que le député de Saint-Laurent avait à nous tenir à
ce propos. Je pense que ses remarques sont marquées au coin de la
sagesse et du bon sens. Je peux l'assurer que nous leur accorderons toute
l'attention qu'il convient et que mérite leur justesse. Je remarque que
le député de Saint-Laurent ne met pas de côté la
nécessité d'une information plus grande, sinon d'une
publicité plus marquée que devraient accepter les corporations
professionnelles. Il y a lieu en effet de distinguer entre publicité sur
les produits, sur les services et une information que le député a
appelé "sociétale" et qui, je crois, est absolument
nécessaire, pour ne pas dire indispensable, au fur et à mesure
qu'évolue notre société. Là aussi, cependant, la
prudence s'impose et, avant d'en arriver à une politique
générale, je pense qu'il faut s'entourer de tous les avis, de
toutes les expertises nécessaires. C'est la raison pour laquelle j'ai
demandé à l'office de pousser davantage ses études
à cet égard, que ce soit par sondages ou par audiences publiques.
Il importe de bien comprendre les objections que les corporations, et en
particulier les plus traditionnelles ou les plus anciennes, peuvent avoir
à cet égard. Je pense que même si on peut ne pas partager
entièrement leurs points de vue, il importe, pour une dernière
fois, d'aller au fond du baril et de connaître toutes les objections, les
réticences, les réserves ainsi que les motifs sur lesquels elles
s'appuient avant de procéder.
J'ai l'impression que les audiences auxquelles nous avons
procédé, d'une part, et les études comparatives que nous
continuons de mener dans les autres pays vont considérablement
éclairer notre lanterne et vont nous permettre d'appuyer les
décisions qu'il faudra bien, ultimement, prendre sur les meilleures
raisons possible. Le député de Saint-Laurent semble très
exactement informé sur l'évolution de la situation, mais
peut-être pourrais-je demander malgré tout au président de
l'office s'il y a quelque chose à ajouter et qui pourrait être
utile aux membres de la commission sur l'état du dossier.
Un mot sur le cheminement du dossier: À la suite des sondages et
des colloques que nous avons tenus, nous avons poursuivi à l'office un
travail interne - si je peux m'exprimer ainsi - en vue de préparer,
comme le disait le ministre dans son exposé, un énoncé de
politique en matière de publicité. Nous espérons pouvoir
lui transmettre cet énoncé au cours de l'automne. Pour l'instant,
je pense qu'il serait prématuré de faire connaître les
paramètres de nos orientations. Nous n'en sommes pas encore là et
nous préférons travailler dans le silence pour l'instant,
étant donné que nous ne sommes pas encore tout à fait
sûrs de nos orientations.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Desgagné. M. le
ministre.
M. Laurin: Évidemment, les orientations et
l'énoncé ne m'ayant pas encore été
présentés, je trouverais imprudent de me prononcer
immédiatement parce que je pense que ce qu'on me présentera sera
étoffé, complexe, long aussi et que cela méritera de ma
part toute la considération nécessaire.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que, d'après vous, c'est
normal qu'on relie tarification à publicité? Je n'en vois pas
tellement la nécessité, mais vous semblez insister beaucoup
là-dessus.
Publicité professionnelle
M. Laurin: D'abord, c'est relié dans l'histoire du
dossier. C'est par l'étude du problème de la tarification qu'on a
débouché sur la question de la publicité, n'est-ce-pas?
C'est l'histoire du dossier. Il y a aussi un certain lien logique parce qu'un
des objets de la publicité, c'est bien les prix des services. Que ces
prix soient tarifés ou libres, la question se posera toujours de savoir
si on doit faire une publicité autour de ces prix, de sorte que ce n'est
pas sans lien logique non plus que de parler de tarification en
même temps que de publicité.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je vais en profiter alors que vous parlez de
publicité. C'est que je pense que, lorsque la loi de 1973 a
créé l'Office des professions, on a fait une hypothèse
fondamentale, à savoir que: Toutes les professions devaient être
traitées sur le même pied ou à peu près, les
problèmes étant extrêmement semblables, mais on insistait
beaucoup sur la protection des consommateurs ou des utilisateurs des services
professionnels.
Quand j'étais ingénieur-conseil - je le suis de moins en
moins à force de pratiquer la politique depuis deux ans et demi - quand
je pratiquais le génie-conseil, cela me faisait bien sourire parce que,
lorsque le législateur parlait de protection d'un individu, eu
égard à la profession de notaire ou de médecin, je
comprenais parfaitement ce que le législateur pouvait signifier. (16 h
30)
Lorsqu'un bureau, quelle que soit sa dimension, fait affaires avec une
compagnie aussi considérable qu'Hydro-Québec ou qu'il travaille
pour Pechiney, une multinationale, ou qu'il travaille pour de très
grandes compagnies, c'est à se demander à qui le
législateur devrait penser parce que, à ce moment-là, dans
un cas comme celui-là, à l'origine on pensait en termes de
protection des individus qui utilisent les services professionnels... Si on
pense à mon métier qui était auparavant celui
d'ingénieur-conseil, ce genre de protection des clients devenait tout
à fait farfelu parce que, si on compare Hydro-Québec, qui a un
actif de plusieurs milliards de dollars, je crois que le législateur
devrait peut-être penser davantage à la protection de celui qui
exerce sa profession vis-à-vis de ces clients.
J'aborde le sujet que nous avons devant nous, la publicité;
après, ce sera le préambule. Je dois vous avouer candidement que
je ne connais pas toutes les professions qui sont régies par le Code des
professions, mais je me demande si on ne fait pas erreur en essayant de traiter
toutes les professions sur le même pied. Le ministre nous disait qu'il y
aurait un effort de réflexion, cette année, qui serait fait. Ma
question va dans le sens suivant: est-ce que réellement on devrait
continuer? Cela fait dix ans que nous sommes régis par ce Code des
professions. Je pense bien que M. Castonguay, dans le temps, avait tenté
de mettre un peu d'ordre dans tout cela; il était parti de principes en
essayant de les appliquer de la même façon. Je me demande si, en
essayant d'appliquer les mêmes règles à tout le monde, y
inclus la publicité, on ne fait pas fausse route. J'aimerais vous
demander, dans un premier temps, si après dix ans, ce ne serait pas le
temps de faire le point, en particulier en ce qui concerne la publicité,
de ne pas avoir des règles différentes pour différents
types de profession puisque, de toute évidence, on ne parle pas le
même langage lorsqu'on parle d'un bureau de génie-conseil qui est
en concurrence avec Bechtel des États-Unis et si on parle du notaire qui
est en compétition avec son collègue du coin de la rue.
M. Laurin: La toile de fond de la réforme, je pense que
vous avez raison de le rappeler, s'orientait autour d'une certaine
homogénéité dans l'organisation professionnelle, mais il y
avait aussi un postulat d'hétérogénéité dans
la mesure où des règlements étaient prévus pour
assurer la place à la spécificité des corporations
professionnelles. Depuis, l'office a repris sa réflexion sur les deux
dossiers que vous avez particulièrement évoqués: le
dossier de la tarification et le dossier de la publicité.
Si vous vous reportez aux études qu'a menées l'office, je
pense qu'elles vont dans le sens d'une reconnaissance plus grande de
l'hétérogénéité. Je m'explique. L'office,
jusqu'à maintenant, a préconisé, en matière de
tarification, de changer le texte législatif dans le sens suivant - le
texte législatif c'est 12.u dont il s'agit - à savoir que, au
lieu de prévoir que l'office soit obligé de suggérer des
tarifs, il soit possible à l'office de le faire, ce qui laisse place,
comme vous le voyez, à une certaine
hétérogénéité, beaucoup plus grande que le
législateur l'avait prévu avec 12.u, tel qu'on le lit
présentement.
Quant à la publicité, aux termes du code de 1973, le
régime est le même pour toutes les corporations professionnelles.
Il est dit qu'un des règlements obligatoires des corporations
professionnelles doit viser à déterminer les
éléments et les conditions de la publicité, le postulat
étant le même pour toutes les corporations professionnelles
à savoir que toute publicité est interdite, sauf exception.
Les orientations de l'office jusqu'à maintenant indiquent qu'on
devrait libéraliser la publicité donc, ouvrir la
publicité, changer en quelque sorte le postulat sinon, fondamentalement,
de le rendre... C'est pour cela qu'on parle de libéralisation puisque le
postulat est qu'il n'y a pas de publicité. Nous préconisons une
libéralisation de la publicité, mais la mesure de cette
libéralisation va s'établir au niveau des règlements de
sorte que, encore là, vous voyez que la position de l'office
évolue vers une reconnaissance plus grande de
l'hétérogénéité que ne le fait le
législateur de 1973.
M. Fortier: Mais, juste pour continuer, si vous me le permettez,
cela me fait plaisir
que vous alliez dans cette direction, je crois que le ministre disait
que, cette année, il y aurait un effort de réflexion qui serait
beaucoup plus global. Je me demande si on ne devrait pas aller plus loin parce
qu'on s'aperçoit au Québec qu'il y a beaucoup de temps et
d'énergie qui sont dépensés pour résoudre de vrais
problèmes. Quand il s'agit de vrais problèmes, je pense qu'il
faut prendre le temps de les résoudre, mais, d'autres fois il y a du
temps et de l'énergie qui sont dépensés pour de faux
problèmes. Je vais vous en mentionner un qui m'a toujours fait sourire.
C'est tout le temps et l'énergie qui ont été
dépensés par l'Ordre des ingénieurs et par ses membres sur
la pratique du génie en compagnie limitée. Il faut savoir qu'il y
a 99,999% de tout le génie-conseil au Québec qui est fait par des
compagnies limitées qui ne sont reconnues officiellement ni par l'Office
des professions, ni par l'Ordre des ingénieurs du Québec. Pire
que cela, chaque fois que le ministre du développement
économique, que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme,
que le premier ministre fait allusion à des boîtes comme la SNC ou
Lavalin, qui ne sont pas des bureaux de génie-conseil et qui ne peuvent
pas s'appeler ingénieurs-conseils parce que c'est Lavalin Inc. et SNC
Inc.. Tous ces gens pratiquent en compagnie limitée, mais le
gouvernement continue à leur donner des contrats, continue à les
appeler ingénieurs-conseils et on en est rendu à discuter pour
savoir quels règlements devraient prévaloir dans le cas
où, éventuellement, en l'an 2050, l'Ordre des
ingénieurs-conseils permettrait la pratique du génie-conseil en
compagnie limitée. À partir de là, on aborde toute la
question de la publicité. La compagnie qui s'appelle XYZ Inc., qui n'est
pas régie d'une façon très directe par les
règlements de la profession, puisqu'il s'agit d'un bureau de
consultants, elle peut faire toute la publicité qu'elle veut bien
à moins d'en arriver à un accommodement avec l'Ordre des
ingénieurs. C'est pour cela que je me demandais si à l'avenir on
voudrait bien voir les problèmes tels qu'ils sont et arrêter
d'être hypocrite au point de continuer à discuter de
problèmes qui n'en sont pas puisque, de toute évidence,
l'industrie, parce qu'il s'agit d'une industrie... Je prends l'exemple du
génie-conseil parce que je le connais; il y a peut-être des
exemples d'autres professions que je connais moins. C'est la raison pour
laquelle je me demandais si, en parlant de la publicité en particulier -
c'est la raison pour laquelle j'ai abordé ce dossier - on allait
être beaucoup plus réaliste et essayer de continuer à
mettre les problèmes sous le tapis.
M. Laurin: Je remercie beaucoup le député
d'Outremont pour ses remarques. Je pense qu'elles sont très pertinentes
pas seulement en ce qui concerne la profession à laquelle il appartient
mais également quant au principe. Il est peut-être difficile de
mettre toutes les corporations sur le même pied quand on envisage ce
problème. Ce qui veut dire qu'un modèle unique demanderait
à être modifié en ce qui concerne telle ou telle
profession. Le meilleur des exemples, c'est celui des opticiens, où nous
avons cru nécessaire d'intervenir avant même que nous ne
connaissions les résultats généraux de l'étude qui
est menée actuellement, parce que, là, il nous semblait
évident que nous avions affaire à un cas d'espèce. Il
s'agissait non seulement de services en tant que tels mais de biens; les
montures, par exemple, ou les lentilles. Nous savons que, dans ce domaine, il
entre des facteurs différents, des facteurs de production, des facteurs
de commercialisation. La concurrence peut jouer en effet d'une façon
beaucoup plus marquée. Je pense que cet exemple va aussi à
l'appui de la thèse que vous défendez selon laquelle il faudrait
peut-être envisager autre chose qu'un modèle unique. Même si
nous pouvons nous mettre d'accord sur des principes généraux, il
faudrait voir quand même, lorsqu'il s'agit d'application, à
diversifier les solutions auxquelles nous pouvons penser. Je pense que les
remarques que vous avez faites vont éclairer davantage l'avis que
l'office est en train de préparer actuellement.
Conditions d'octroi du permis d'exercice de la
profession
M. Leduc (Saint-Laurent): Sur la question des conditions
supplémentaires, il y a eu des audiences publiques en avril 198... La
question, bien sûr, que je pose est la suivante: Est-ce qu'il y a eu ce
cheminement? Est-ce que l'opinion du ministre est faite? Est-ce qu'il est
d'accord pour reconnaître qu'on doit respecter les conditions
suppplémentaires pour les professions, pour les corporations
professionnelles? Je sais que l'Office des professions dit bien qu'on devrait
s'en remettre strictement aux institutions d'enseignement. C'est ce que j'ai pu
comprendre. Peut-être que j'ai mal compris. Le ministre ne semblait pas
tout à fait d'accord avec cette prise de position.
M. Laurin: En fait, c'est une question dont l'étude
remonte à 1978-1979. Il y a déjà un avis de l'office qui a
été rendu public à l'époque et qui s'appuyait,
quand même, sur des questions de fait. Nous savons, par exemple, que,
dans 30 corporations sur 39, il ne suffit pas à un candidat à
l'exercice d'une profession de détenir un diplôme approuvé
par le gouvernement conformément à l'article 184 du Code des
professions. Bien au contraire, il doit en outre, le plus souvent, satisfaire
à
des conditions exigées par les corporations et dont les
principales, si l'on fait abstraction des conditions à caractère
administratif, sont des stages, des cours ou des examens professionnels. Ainsi,
20 corporations imposent des stages de formation professionnelle dont la
durée varie, selon les cas, de quelques mois à plusieurs
années. Dans 25 corporations, les candidats doivent se présenter
à des examens professionnels qui souvent s'échelonnent sur
plusieurs jours. Enfin, sept corporations exigent de leur candidats qu'ils
suivent des cours et même des programmes entiers de formation
professionnelle.
L'étude de l'office a dévoilé aussi qu'il y avait
une diversité dans les objectifs poursuivis par les corporations qui
imposent ainsi des conditions supplémentaires aux candidats à
l'exercice. Celles-ci dont, notamment, les cours et les examens professionnels,
ainsi que certains stages professionnels, visent tantôt à initier
le candidat à l'exercice de sa profession, tantôt à combler
les lacunes de sa formation de base, à la compléter, à
l'approfondir et même à en contrôler la qualité.
C'est cela, la situation concrète.
Alors, il faut bien constater que le Québec,
particulièrement au cours des 20 dernières années, s'est
doté d'établissements d'enseignement dont la qualité des
programmes est assurée par l'intermédiaire d'organismes tels le
Conseil des universités et le Conseil des collèges, parmi les
diplômes conférés par ces établissements. Par
ailleurs, ceux qui donnent ouverture au permis sont déterminés
par décret gouvernemental. Dans ce contexte, la question qui se pose est
la suivante: Est-il toujours indiqué que les corporations
professionnelles puissent imposer des conditions supplémentaires comme
des cours, des stages, des examens, aux diplômés de ces
établissements? Est-ce que les interventions des corporations dans la
formation de base, telles qu'elles se retrouvent, souvent inchangées
d'une année à l'autre, se justifient encore de nos jours? C'est
la question que nous avons tenté de considérer.
Une des conclusions à laquelle nous en sommes arrivés,
c'est qu'il serait probablement possible que ce que demandaient les
corporations au cours des années précédentes puisse
être inclus dans les programmes de base que dispensent les
établissements d'enseignement, comme enseignement de base absolument
indispensable. Les corporations croient qu'ainsi on veut les écarter
d'un champ qui, comme vous l'avez rappelé, demeure leur
responsabilité, c'est-à-dire contrôler la
compétence, contrôler le niveau de formation. Mais il reste que ce
n'est pas là du tout l'intention, je pense, de l'office, telle qu'elle
transparaît à travers son avis.
L'office n'écarte pas pour autant les corporations du domaine de
la formation de base des professionnels. Au contraire, l'office propose un
resserrement de la coopération entre les établissements
d'enseignement et les corporations, celles-ci agissant à titre de
consultant privilégié. C'est ainsi que l'office recommande que la
formation de base inclue les cours de formation professionnelle exigés
actuellement par des corporations professionnelles dans tous les cas où
leur nécessité est démontrée. L'office recommande
aussi que l'évaluation des candidats en conséquence, en vue de
l'exercice de la profession, relève de la responsabilité des
établissements d'enseignement.
En revanche, l'office estime que les corporations doivent, lorsque la
protection du public l'exige, imposer aux candidats au permis des
périodes d'initiation encadrées notamment des stages. Ce faisant,
on limite la fonction des conditions supplémentaires à la
fonction d'initier, c'est-à-dire d'insérer progressivement un
candidat dans l'exercice de sa profession. Le moment est peut-être venu,
pour les institutions d'enseignement et pour les corporations professionnelles,
d'établir entre elles les bases d'une complémentarité
nouvelle, c'est-à-dire d'une coopération adaptée à
notre époque et à ses attentes. C'est en ce sens que nous
continuons nos études. Les audiences que nous avons demandées -
parce qu'il semble que le problème n'avait pas été
suffisamment exploré - vont nous permettre, sûrement, d'ajouter
des éclairages nouveaux à la question sans oublier, encore une
fois, l'expertise que peuvent nous procurer sur cette question le Conseil des
universités et le Conseil des collèges, qui sont sûrement
très intéressés. (16 h 45)
Quant aux audiences qui ont eu lieu, comme vous le savez, nous avons
reçu 65 mémoires dont 57 ont fait l'objet d'audiences publiques,
c'est-à-dire qu'on a pu défendre, qu'on a pu étoffer
davantage. Ces audiences se totalisent par 1622 pages. C'est très
fourni, très étoffé, et vous ne vous étonnerez pas
que l'office n'ait pas encore terminé l'analyse, l'étude des
questions que soulève chacun de ces mémoires. Vous ne vous
étonnerez pas non plus que l'office n'ait pas encore atteint la
convergence nécessaire qui conduirait à l'énoncé
d'hypothèses et peut-être même de conclusions qu'on voudrait
proposer au ministre. Là-dessus, il y a peut-être d'autres efforts
ou d'autres progrès qui ont été faits. Peut-être que
M. Desgagné pourrait compléter.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous semblez, d'après votre
énoncé, avoir pris position, si je comprends bien. Vous dites: On
va faire administrer ces examens par les
établissements d'enseignement.
M. Laurin: Mais, rappelons le contexte, les audiences publiques
ont été tenues sur un avis de l'office et non pas sur un projet
d'avis, de sorte que la position de l'office était acquise au
départ. Cela ne veut pas dire qu'elle ne peut pas évoluer
à la suite des auditions, mais il y avait une position explicite de
l'office au départ. Pourquoi cette position? Le ministre l'a
rappelé tantôt. Cela me permet d'évoquer l'idée qui
a été soumise tout à l'heure. C'est qu'en matière
de conditions supplémentaires, à l'inverse de ce qui en est dans
d'autres domaines, la situation est extrêmement
hétérogène au départ, très
diversifiée, au point que le ministre, qui était placé
devant des décisions à prendre au sujet du financement, de
stages, etc., a voulu se donner un recul. Il a demandé à l'office
de décréter un moratoire, il a demandé à l'office,
à la faveur de ce moratoire, d'examiner la situation pour tirer les
choses au clair, donc pour essayer de trouver un cadre à
l'intérieur duquel il pourrait apprécier les demandes de
financement des conditions supplémentaires. Vous voyez! Donc, c'est une
recherche d'homogénéité qui est au départ de ce
dossier, contrairement à ce qui en est dans les autres dossiers. Ce
cadre, l'office l'a proposé. Il est un peu plus nuancé que celui
qu'on a évoqué tantôt. L'office a proposé qu'en
principe la formation de base suffise pour obtenir un permis d'exercice. Mais
l'office assortit son principe de beaucoup de nuances en disant: II arrive,
mais il faudra le démontrer, étant donné la
finalité nouvelle qu'on donne aux conditions supplémentaires, il
peut arriver, il peut être souhaitable, il peut être justifiable de
prévoir des conditions supplémentaires, outre le diplôme,
de prévoir des stages, de prévoir d'autres formules comme celles
des corporations professionnelles, dans un règlement. Donc, c'est un
principe avec des nuances. Pourquoi cela? C'est parce qu'il y a ménage
à faire, comme le disait le ministre tantôt, aussi bien au niveau
des programmes de formation de base qui sont administrés par les
établissements d'enseignement qu'au niveau des conditions
supplémentaires. Il y a un lien qu'il faut maintenir et il faut
éviter le double emploi. Il ne faudrait pas, pour des raisons
d'insuffisance des programmes de formation de base, qu'on ajoute de la
formation sous couleur de conditions supplémentaires pour combler des
lacunes. Il y a un ménage à faire, c'est pourquoi le Conseil des
universités est dans le coup, aussi bien que l'office, pour que la
question soit envisagée dans son ensemble. Mais il y a un point sur
lequel l'office a pris position, c'est que la finalité des conditions
supplémentaires, ce n'est pas de combler les lacunes de la formation de
base, c'est d'insérer le professionnel dans son milieu de travail.
M. Leduc (Saint-Laurent): Votre opinion n'est pas encore
définitive là-dessus.
M. Laurin: Non, non.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous êtes dans un cheminement de
pensée.
M. Laurin: Oui. Les audiences nous ont permis d'ajouter des
nuances et elles nous permettront de proposer au ministre une position
nuancée encore plus que celle que nous lui avons proposée avant
les audiences.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, une dimension que j'aimerais
évoquer, et peut-être pour ajouter à la réflexion du
président de l'office, c'est l'expérience qui est celle du
Québec, je crois, que de plus en plus - là je tombe
peut-être au niveau de la formation technique - on s'est aperçu
qu'il était préférable de s'assurer que cette formation
-et je crois que c'est la position du gouvernement - soit donnée dans
l'industrie là où les gens connaissent les problèmes,
là où l'équipement moderne se trouve, pour finalement
donner cette responsabilité à l'industrie pour que ceux qui
doivent acquérir de nouvelles techniques le fassent dans un milieu qui
soit le plus près de la réalité et le plus près des
technologies du jour, d'autant plus qu'il doit y avoir pour l'État des
gains appréciables à ne pas tenter de toujours rattraper
l'industrie en ce qui a trait à telle et telle forme de technique.
Bien sûr, quand on parle en termes de corporation professionnelle,
on peut passer un jugement démontrant que ces professions sont
fixées dans le temps et que les technologies, les techniques ou la
formation qu'on doit acquérir sont permanentes. Le ministre de
l'Éducation, qui s'occupe également des corporations
professionnelles, me suivra là-dessus, je pense, dans l'avenir, il y
aura de plus en plus de professions qui devront s'adapter à de nouvelles
techniques, de nouvelles technologies. Dans la mesure où les
universités - j'en sais quelque chose pour avoir siégé au
conseil de l'Université de Montréal pendant huit ans -
réagissent extrêmement lentement et doivent suivre un processus
extrêmement lent pour faire adopter de nouveaux programmes, dans cette
même mesure, les universités ne sont pas tellement en mesure de
s'adapter d'une façon très rapide à de nouvelles
conditions qui peuvent varier et qui, dans l'avenir, varieront très
rapidement.
Par ailleurs, les universités ne permettent pas de donner une
formation sur
le tas quoique, dans le cas de la médecine, c'est peut-être
différent, mais, si je prends mon cas personnel, lorsque j'étais
à Polytechnique, on utilisait davantage d'ingénieurs qui
étaient à la fois dans la pratique et dans l'enseignement.
Maintenant, ce sont quasiment toujours des professeurs qui sont totalement dans
l'enseignement. Si l'on prend les comptables agréés et tout cela,
ils ont un programme qui est varié, qui fait suivre l'utilisation de
stages dans l'industrie de cours que les candidats doivent suivre et d'examens
qu'ils doivent passer. C'est la raison qui m'amène - et,
malheureusement, je n'ai pas suivi tout le débat des 160 mémoires
qui ont été présentés, je ne sais pas si ce genre
de problème a été évoqué - à me
demander si le ministre pouvait nous en dire quelque chose. Vous semblez
orienter votre pensée pour permettre aux corporations professionnelles
de ne donner un certain enseignement qu'en fonction de la protection du public.
J'oserais croire, même pour assurer la formation définitive de
plusieurs pratiquants de professions données, que les corporations
professionnelles pourraient peut-être s'adapter à l'avenir - cela
s'est fait et s'est révélé vrai dans le passé et
faire cette adaptabilité à de nouvelles conditions beaucoup plus
rapidement que ne le feraient les universités, mais je ne nie pas que
les universités devraient tenter de donner la formation de base la plus
complète possible. Si on refusait à l'avenir aux corporations
professionnelles de remplir ce rôle, je crois qu'on se priverait d'une
faculté d'adaptation à la réalité de l'avenir qui
sera en mouvement très rapide et, surtout pour les professions, je crois
que c'est à la presque totalité d'entre elles de s'adapter
à de nouvelles techniques et à des nouvelles technologies qui,
elles-mêmes, évolueront rapidement.
Qu'on pense à l'ordinateur. On a pas fini de voir quelle sera
l'importance de l'ordinateur - je dirais même pour les avocats -
sûrement dans les professions qui touchent la science, mais, même
pour des professions qui, à première vue, ne touchent pas
à la science, je crois que ces nouvelles technologies auront des
répercussions considérables. On ferait peut-être fausse
route de s'en aller dans une direction qui serait plutôt orientée
vers ce qui s'est fait dans le passé plutôt que d'adapter une
solution qui permettrait à l'avenir, aux professions et aux corporations
professionnelles de chercher à s'adapter à des
réalités nouvelles et constantes et de s'adapter aussi aux
techniques et aux technologies du jour, tout cela en prenant en
considération les problèmes financiers du ministre des Finances
qui devrait, au contraire, se réjouir que les professionnels soient
prêts à financer eux-mêmes une certaine partie des
coûts additionnels qui pourraient être encourus par cette formation
additionnelle qui est organisée présentement par les corporations
professionnelles, qui, je crois, dans plusieurs cas, ne sont pas assujetties
à un quelconque financement de l'État, quoique, à ce
sujet, je ne sois pas tellement au courant de la réalité.
M. Laurin: Effectivement, le ministère de
l'Éducation contribue à cet enseignement également, en
particulier pour le barreau, mais vous avez raison de lier ce problème
au problème plus général des politiques d'enseignement et
en particulier aux politiques d'enseignement professionnel à tous les
niveaux et particulièrement au niveau des collèges et des
universités. Il est vrai que la science et la technologie
évoluent très rapidement. Ce qui était objet de recherche
dans mon temps - et dont je n'entendais jamais parler à la
faculté de médecine - a été intégré
en cours de route au cursus fondamental des facultés de médecine.
Je suis convaincu qu'il en est de même dans les autres facultés;
ce qui faisait l'objet de recherches en génie, il y a sept ou huit ans,
que ce soit au niveau des principes, des avancées spectaculaires sur le
plan de la science pure ou sur le plan d'appareils ou d'équipements qui
sont liés à l'avancée spectaculaire dans le domaine des
principes, tout cela doit être incorporé au fur et à mesure
que le consensus se fait, aussi bien dans le curriculum que dans les
équipements de laboratoire. Je pense que cela se fait de plus en plus.
Je ne connais pas beaucoup de facultés qui n'aient pas leur
comité du curriculum, qui vise justement à adapter le curriculum
aux progrès rapides - de plus en plus rapides - des diverses
disciplines. Je pense qu'il faut souhaiter que cela se continue. C'est un
défi que les universités et les collèges doivent relever.
Ce sont d'ailleurs là des considérations que nous ont fait valoir
le Conseil des universités et le Conseil des collèges dans les
avis qu'ils nous donnent; ils nous recommandent aussi un examen approfondi de
cette question avant d'en arriver à des conclusions pour tenir compte de
ces liens, d'une part, et, deuxièmement, de l'évolution à
l'intérieur même des collèges et à
l'intérieur des universités qui se dotent de comités de
curriculum qui visent à cette incorporation de plus en plus rapide des
progrès scientifiques et technologiques.
Notre politique de l'enseignement professionnel, effectivement, au
niveau des collèges, prévoira maintenant des liaisons beaucoup
plus organiques entre les établissements scolaires et les industries,
aussi bien pour la conception des programmes - parce qu'un programme doit tenir
compte de ce qui se fait dans le domaine de l'industrie et
particulièrement des industries
québécoises ou canadiennes - que pour les professeurs
eux-mêmes, surtout ceux qui enseignent les matières
professionnelles, qui doivent être au courant de ce qui se passe dans les
industries. Ils doivent se renseigner soit par la lecture qu'ils font des
revues, mais aussi peut-être par des contacts directs avec des
collègues qui travaillent dans des industries ou même par des
stages de perfectionnement que les professeurs eux-mêmes doivent faire
dans les industries; ceci vaut aussi bien pour les enseignants des
collèges que pour les enseignants d'université également
où cela se fait différemment, probablement par le relais de
centres d'innovation industrielle du genre de ceux qui existent à
l'École polytechnique. On doit aussi le faire au niveau des
étudiants eux-mêmes en prévoyant une formation pratique
beaucoup plus exigeante et qui ne se dispense plus uniquement dans les
établissements d'enseignement, mais qui peut également être
dispensée pour une période d'années dans les industries,
et ceci aussi bien pour l'enseignement régulier que pour le
perfectionnement qui s'impose de plus en plus, étant donné la
rapidité des progrès. Ce sont là toutes des
considérations dont il nous faut tenir compte. Et c'est peut-être
une des conclusions à laquelle nous en arrivons. Malgré ces
incorporations successives, il faut peut-être viser à donner
à nos étudiants des collèges et des universités une
formation qui, tout en intégrant ce qui fait consensus, doit quand
même privilégier une formation de base au niveau des grands
postulats ou des grands axiomes, la compréhension parfaite des bases
d'une science ou d'une discipline pour que les adaptations, par la suite,
puissent se faire tout au long de la carrière sur une base solide et
grâce à des moyens qu'on met d'ailleurs de plus en plus en place,
des stages de formation continue, des "refreshing courses", des stages. (17
heures)
Toute cette question des conditions supplémentaires est
liée aux considérations que nous tenons à l'heure
actuelle, et elles étaient présentes dans les mémoires que
nous avons reçus. Notre décision, la mienne en tout cas ou celle
du ministre, sera sûrement en fonction non seulement de la situation
présente en ce qui concerne les conditions supplémentaires
actuelles, mais également de cette prospective que nous dégageons
de plus en plus, car il s'agit de ne pas se tromper. Encore une fois, il faut
prendre des bonnes décisions.
M. Fortier: Dans quelle mesure la décision que vous
prendrez à ce sujet-là va-t-elle tout de même permettre une
adaptation rapide et, par ailleurs, comment relier ce problème au fait,
pour prendre l'exemple des comptables agréés, que la
décision qu'on va prendre au Québec va tellement être
originale qu'on va se couper de ce qui se fait en Amérique du Nord?
Autrement dit, je crois qu'on doit être conscient que nous vivons quand
même en Amérique du Nord et qu'une solution originale pour le
Québec pourrait créer des difficultés sur le plan des
affaires à des individus qui seraient appelés à oeuvrer
à l'échelle de l'Amérique et du Canada dans son
ensemble.
M. Laurin: C'est la raison pour laquelle d'ailleurs l'office
multiplie les missions d'information dans les autres provinces et dans les
autres pays car il faut également tenir compte du marché
nord-américain dans lequel exercent nos professionnels et qu'ils ne
peuvent pas négliger.
M. Fortier: Merci.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous permettez, car l'heure avance,
il y aurait peut-être lieu qu'on touche certains points...
M. Laurin: Oui.
M. Leduc (Saint-Laurent): ...pour certaines catégories de
professionnels, parce qu'il y en a plusieurs qui attendent des réponses,
j'en ai l'impression.
Le titre réservé
M. Laurin: II y avait une dernière question que vous
m'aviez posée sur le titre réservé. Je pense que,
très brièvement, je pourrais faire le point sur cela. Comme vous
le savez, l'office a publié pour des fins de consultations un document
d'orientation sur le titre réservé et sur la protection du
public. L'office s'est demandé si le mécanisme du titre
réservé atteignait le but qu'avait fixé le
législateur lors de l'adoption du Code des professions, soit la
protection du public. L'étude de la question a nécessité
l'examen de la documentation et des mémoires disponibles, la compilation
de données pertinentes, la réalisation de missions d'information
aux États-Unis et en Europe, la tenue d'un colloque sur le titre
réservé, la publication des actes de ce colloque et l'examen des
réactions à ce document. Le soucis d'ouverture de l'office a
sensibilisé divers organismes qui sont habituellement peu
préoccupés par la réglementation professionnelle.
Contrairement aux voeux de plusieurs corporations à titre
réservé, le document d'orientation ne retient pas
l'hypothèse qu'elles formulaient relativement à leur conversion
en corporations d'exercice exclusif. Il présente plutôt un
ensemble de moyens qui permettront aux corporations à titre
réservé de fonctionner et de s'acquitter efficacement de leur
responsabilité.
L'étude suggère aussi des mesures destinées
à valoriser le mécanisme du titre réservé
auprès de la population et des organismes concernés par les
services professionnels et la protection du public. Grâce à ces
mesures, l'office croit que ce mécanisme protégera le public
conformément aux attentes du législateur. Cette étude a
fait l'objet de consultations auprès d'au-delà de 150 organismes
et l'office procède actuellement à l'analyse de la
synthèse des mémoires reçus de ces organismes. Ce n'est
qu'une fois cette analyse complétée que l'office pourra me
remettre un avis sur la base des travaux réalisés et des
commentaires suscités par le document d'orientation, mais, dès
que je l'aurai en main, je tenterai de prendre une décision dans les
plus brefs délais.
M. Leduc (Saint-Laurent): L'avis n'a pas encore été
soumis?
M. Laurin: Non.
Les corporations de comptables
M. Leduc (Saint-Laurent): Peut-être qu'on pourrait toucher
la question soulevée par les trois corporations de comptables. Je sais
qu'actuellement il y a des tractations, il y a des rencontres de certains
comptables, non pas nécessairement des CA, mais des comptables m'ont
appelé et voulaient savoir au juste où on en était.
M. Laurin: En décembre 1982, j'ai effectivement
envoyé une lettre aux trois corporations les invitant à un ultime
effort de coopération en vue d'atteindre cet objectif commun qu'elles
disent endosser, celui de l'organisation des professions comptables à
l'intérieur d'une seule corporation. Dans cette lettre, je donnais deux
paramètres qui, de fait, sont les mêmes que ceux que vous avez
mentionnés: d'une part, une distinction entre le champ d'exercice que
constitue la vérification et, d'autre part, la comptabilité de
gestion. Je donnais quelques avenues qu'il convenait d'explorer ensemble en vue
d'atteindre cet objectif. Comme vous l'avez dit également, nous tentions
d'en arriver à une définition claire et non plus ambiguë
mais claire, précise, de la vérification publique et du champ
d'exercice. Sur cette base, nous avons rencontré de nouveau les
corporations en présence de mon conseiller politique. Bien sûr,
des membres de l'office ont tenu déjà six réunions, dont
la dernière a eu lieu ce matin. Je continue d'espérer que ces
réunions nous permettront de déboucher sur une solution
concrète. Le seul fait qu'on ait pu en tenir six, c'est
déjà un bon signe.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela n'a pas traîné,
à ce qu'on m'a dit.
M. Laurin: C'est-à-dire que le seul fait qu'on ait pu en
tenir six, c'est déjà quand même un exploit. Cela montre
qu'on a pu explorer toutes les avenues, toutes les pistes, toutes les
dimensions du problème. Il est possible qu'il subsiste encore des points
d'accrochage, des réticences, mais peut-être pourrais-je demander
à M. Desgagné de faire le point, puisqu'il sort justement de la
sixième réunion.
M. Fortier: Cette réunion s'est-elle
déroulée en votre présence? Non?
M. Laurin: Non. Comme le disait le ministre, nous avons donc
réuni les corporations professionnelles, les trois corporations
professionnelles en cause, dans le cadre des paramètres que le ministre
nous suggérait dans sa lettre de décembre dernier. Au fur et
à mesure des discussions, nous avons identifié les
hypothèses de solution et nous avons travaillé en particulier sur
une hypothèse de solution qui consistait à regrouper tous les
comptables, toute la profession, autour d'une seule corporation
professionnelle, dont le titre aurait été corporation
professionnelle des comptables agréés ou des experts comptables,
avec toutes sortes de mécaniques, aussi à l'intérieur, en
particulier un mécanisme qui assurerait le contrôle du champ
exclusif à l'intérieur de cette corporation par ceux qui exercent
dans ce champ exclusif, par le mécanisme d'un processus
décisionnel particulier en ce qui concerne les matières
concernant ce champ. Les trois corporations ont travaillé avec nous
à la mise au point de cette hypothèse. Elles devaient soumettre
cette hypothèse au bureau respectif; ce qui a été fait la
semaine dernière, lundi dernier pour une corporation. Ce matin, nous
attendions les résultats de ces consultations de leur bureau. Je dois
vous dire que la consultation - je m'excuse de ne pas en avoir fait rapport au
ministre, puisque j'en sors - a donné le résultat suivant: c'est
que deux corporations sur trois sont généralement d'accord sur
l'hypothèse, compte tenu que cette hypothèse représentait
pour elles des compromis, donc, comme un ensemble acceptable mais non pas
acceptable en tout point. Il y avait même une corporation qui exprimait
certaines réserves sur certains points mais l'ensemble semblait quand
même convenable. Donc, deux corporations sur trois se sont
déclarées favorables à l'hypothèse que nous avions
travaillée. Une troisième corporation a exprimé, au
contraire, des vues assez divergentes par rapport à cette
hypothèse. Le bureau de cette corporation n'a pas voulu accepter
l'hypothèse que nous avions travaillée, l'hypothèse de
corporation unique, celle que je viens d'exposer
grossièrement. Nous devons évaluer la situation à
partir de ces derniers éléments qui nous ont été
fournis ce matin. J'en ferai rapport au ministre. Est-ce qu'il y aura lieu de
poursuivre? Tout espoir n'est pas perdu, comme le disait le ministre, puisque
même la corporation qui a exprimé une réticence globale a
déclaré qu'elle était quand même disposée
à donner le mandat à son président de continuer les
rencontres.
M. Leduc (Saint-Laurent): Le ministre a-t-il fixé une
échéance?
M. Laurin: Je m'étais fixé une
échéance qui était juin 1983, mais, comme les
réunions se multiplient, se prolongent et qu'une solution n'est pas
encore en vue, il faudra que je me pose la question, à savoir si je
décide de trancher d'autorité, mais vous m'avez rappelé
qu'il faut être prudent, qu'il faut éviter les solutions qui ne
font pas consensus. Ou me faudra-t-il tenter une dernière
démarche, une dernière réunion conjointe où je
proposerai des compromis qui amèneront chacun à faire des
concessions? Pour le moment, mon idée n'est pas arrêtée,
mais j'aurais bien souhaité pouvoir régler ce problème
avant la fin de l'année.
M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord. Maintenant, en ce qui
concerne le dossier des diplômés de l'École de technologie
supérieure...
M. Fortier: Une courte question. M. Leduc (Saint-Laurent):
D'accord.
M. Fortier: Est-ce que les deux... J'imagine que vous ne voudriez
pas nommer celles qui ont approuvé la dissidente, mais est-ce que les
deux qui ont approuvé le principe regroupent l'ensemble majoritaire des
individus qui font partie des corporations professionnelles en question?
M. Laurin: Non. M. Fortier: Merci.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Est-ce que les problèmes se voient au
niveau de la définition du champ d'action de chaque corporation ou
d'accès à la corporation? Où est le noeud du
problème?
M. Laurin: L'hypothèse couvrait l'ensemble des
problèmes, y compris les conditions d'accès et les conditions de
contrôle de l'exercice. L'hypothèse couvrait l'ensemble.
M. O'Gallagher: Le problème se loge toujours sur le fait
que les CA sont beaucoup plus nombreux que les deux autres corporations
ensemble. Si on regarde, les CA ont environ 8700 membres et les deux autres
ensemble en ont 4800. C'est là le gros problème.
M. Leduc (Saint-Laurent): Qui est dissident? Est-ce que ce sont
les CA?
M. Fortier: II ne veut pas le dire. M. O'Gallagher: C'est
une évidence.
M. Laurin: C'était une hypothèse globale que nous
avions présentée, qui couvrait tous les éléments
litigieux.
M. O'Gallagher: II faut procéder avec beaucoup de soin
pour garder la qualité de la profession, surtout pour ne pas baisser le
niveau... Je pense que ceci fait l'objet... Je pense que l'office comme le
ministre...
M. Laurin: Oui, il y a deux obstacles qu'il faut éviter;
ce sont ceux que le député de Saint-Laurent avait
manifestés: Éviter la facilité et éviter le
nivellement. Je suis bien d'accord avec les objectifs, mais les moyens... Il
faut quand même rappeler, par exemple, que les programmes de formation,
parce qu'on ne peut pas les exclure non plus de l'examen du problème,
ont évolué dans ces divers domaines au cours des dernières
années. Cela est un des éléments qu'il faut faire
valoir.
M. O'Gallagher: II y a eu une certaine évolution, cela est
évident.
M. Laurin: Par exemple, je sais que les programmes des CGA, quand
on compare ce qu'ils sont en 1983 à ce qu'ils étaient même
en 1978, sont très différents. Ils ont connu une évolution
remarquable. Est-ce que c'est suffisant pour fonder, appuyer certaines des
hypothèses que nous avons présentées? C'est de cela qu'on
discute actuellement.
M. O'Gallagher: C'est à souhaiter que la solution vienne
des ordres et des associations.
M. Laurin: J'aurais souhaité, comme le
député de Saint-Laurent le disait tout à l'heure, que les
corporations règlent entre elles ce problème, mais qu'elles nous
arrivent avec une solution qui fait le consensus, l'unanimité. Ma
tâche serait très facile alors, mais cela ne s'est pas encore
produit. Je continue d'espérer que cela pourra se produire d'ici deux
mois. Autrement, si vous avez des suggestions à faire, je les
écouterai avec attention. (17 h 15)
Les diplômés de l'ETS
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela va. Si vous permettez, on va
toucher au dossier des diplômés de l'ETS quasiment contre les
ingénieurs, comme on le mentionnait tantôt. Évidemment, il
y a là un problème. Je pense qu'il y a eu des décisions
qui ont été prises, il y a eu un décret. Le
problème se situe au niveau du titre. Est-ce qu'il va y avoir
accréditation, est-ce qu'il va y avoir intégration? Il y a deux
procès en cours et il n'y a pas eu de jugement de rendu.
M. Laurin: Non, parce qu'il y a procès en cour vous
comprendrez que je suis encore plus prudent pour énoncer la moindre
opinion. Ce que je peux vous dire cependant, c'est que, malgré ces
actions judiciaires qui ont été prises de part et d'autre, le
dialogue n'a jamais été rompu entre d'une part la corporation des
ingénieurs, les représentants des étudiants en technologie
supérieure et le ministère. Nous avons, malgré les
contestations en cours, continué à étudier chacun des
aspects du problème en tentant de découvrir des voies nouvelles,
que ce soit sur le plan de l'accréditation, que ce soit sur la
délimitation du champ d'exercice, que ce soit sur le plan de
l'inspection professionnelle.
Je peux vous dire que ces échanges non seulement ont
été positifs et constructifs mais nous laissent entrevoir, une
fois qu'on aura le jugement et quel que soit le jugement, une reprise du
dialogue qui pourrait nous conduire à de meilleures solutions que celles
qui avaient déjà été envisagées.
Il n'est pas impossible qu'on ajoute comme hypothèse celle que
vous avez vous-même évoquée, celle d'une corporation
polyprofessionnelle. Je sais depuis longtemps qu'une pareille solution a
été retenue par exemple en Alberta, où nous retrouvons
dans une même corporation des géologues, des ingénieurs et
une autre catégorie de professionnels que j'oublie. C'est sûrement
là un modèle qui peut comporter beaucoup d'avantages à
première vue.
On pourrait même être plus ambitieux et penser à
regrouper dans une seule et unique corporation les membres de corporations
existantes, que ce soit certains groupes de techniciens en sciences
appliquées, par exemple. C'est là une autre avenue qui
mérite, je crois, un examen attentif et, pour ma part, je suis
très intéressé à ce que l'office poursuive cette
réflexion dans ce sens-là pour le jour où le dialogue
pourra reprendre, une fois le jugement donné, afin d'apporter une
solution logique, cohérente et complète, aussi, à ce
problème en fonction de l'évolution de notre
société et encore une fois, des progrès rapides des
sciences et de la technologie.
M. Leduc (Saint-Laurent): On pense bien que cela va prendre du
temps parce que, si je comprends bien, c'est sûrement une mesure
dilatoire de la part des ingénieurs. Ils vont peut-être se rendre
en Cour suprême; alors, vous ne pourrez pas intervenir tant que la Cour
suprême n'aura pas rendu jugement. Cela risque d'être long, vous ne
pensez pas?
M. Laurin: C'est là présumer de l'intention de
l'Ordre des ingénieurs. Pour ma part, je ne suis pas du tout convaincu
que telle serait leur décision, sourtout à la lumière des
échanges que nous avons continué d'entretenir malgré les
contestations en cours et qui dénotaient un effort, un désir
très réel de la part de la Corporation des ingénieurs de
régler le problème en fonction d'une réalité qui
nous est bien connue et en fonction également d'une logique que les
divers partenaires épousent de plus en plus. Donc, je continue
d'être modérément optimiste malgré que la situation
judiciaire pourrait nous laisser penser autrement.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, puisque les recours en cours
nous donnent le temps de rêver et de penser, j'aimerais peut-être
évoquer cette possibilité à laquelle vient de faire
allusion le ministre. Les corporations multiprofessionnelles, vous en
évoquez la possibilité pour les ingénieurs ou les
professions connexes. On pourrait l'évoquer d'ailleurs pour d'autres
professions. D'ailleurs, dans le domaine de la médecine, c'est le
rêve de faire en sorte que ceux qui pratiquent à
l'intérieur d'un hôpital puissent se parler, peut-être, de
façon plus directe. Si on veut évoquer seulement les principes
généraux de cette possibilité, est-ce que le schéma
que vous avez en tête évoquerait la possibilité qu'à
l'intérieur d'une même profession, on retrouve des gens qui
avaient quand même un droit de pratique, des titres
réservés ou des droits de pratique assez bien définis?
J'imagine que l'éventail de ce schéma pourrait quand même,
quoique non défini présentement, j'imagine, évoquer
diverses possibilités. Ma première question serait celle-ci:
Est-ce que vous avez tenté d'approfondir cette possibilité? Quels
seraient les grands principes qui pourraient gouverner une discussion sur ce
sujet?
M. Laurin: Pour le moment, l'idée paraît bonne
à la plupart des interlocuteurs, mais je dois dire qu'elle n'a pas
été fouillée. Il importerait maintenant de l'expliciter
dans ses diverses dimensions. D'abord, quant au titre, certains professionnels
possèdent actuellement un titre exclusif, alors que d'autres
possèdent un titre réservé. Il
faudrait voir comment cela peut s'aménager à
l'intérieur d'une même corporation. Deuxièmement, il
faudrait, bien sûr, délimiter le champ d'exercice d'une
façon assez précise. Il faudrait aussi penser aux diverses
modalités d'inspection professionnelle et voir comme elles pourraient
s'exercer. Je pense que ceci démontre qu'il y a lieu d'étudier
d'une façon plus concrète et plus explicite une idée qui,
au départ, quand même, paraît valable.
M. Fortier: À mon avis, l'idée - on laissera les
ordres se débattre avec leurs problèmes juridiques -
mérite quand même une certaine attention. Je lisais
dernièrement un éditorial du président de l'Ordre des
ingénieurs qui évoquait une réalité que j'ai
vécue moi-même alors que j'étais président d'un
bureau de génie-conseil assez considérable où, à
l'intérieur d'un même bureau, on retrouve des ingénieurs,
des techniciens, des technologues et mêmes des dessinateurs, qui sont
surtout des techniciens. Contrairement à ce qui se fait en
médecine et que je connais beaucoup moins, ces gens se côtoient
quotidiennement, échangent entre eux et, en particulier, j'évoque
les bureaux de génie-conseil. Cela se retrouve dans d'autres grandes
sociétés comme Bell Canada et autres. Il y a un esprit de
camaraderie et de collaboration entre ces différentes personnes. On ne
peut pas dire qu'au niveau des individus les relations sont mauvaises; au
contraire, à l'intérieur d'un même bureau, ces gens se
côtoient, travaillent ensemble et, en somme, la légalité de
fonctionner dans telle et telle juridiction est peut-être moins grande
que la loi le voudrait. On peut à l'occasion s'insurger contre ces
pratiques, mais il reste que, dans la pratique, ce sont les équipes qui
font le succès de telle et telle entreprise. Ce sont les équipes
qui font les succès de tel et tel bureau de génie-conseil, ce qui
fait que, finalement, c'est tel ingénieur qui travaillera en
collaboration très étroite avec tel technologue qui a une
formation beaucoup plus pratique dans un domaine donné. Ceci fera le
succès d'un rapport ou le succès d'une étude sur un sujet
donné. Pour ma part, je crois que cette avenue, loin d'être
rejetée, devrait être étudiée d'une façon
très approfondie. Il m'aurait semblé que - je reviens aux propos
de mon collègue de Saint-Laurent - si on formait de ces groupes plus
considérables, ce seraient des sous-groupes de l'Office des professions
d'une certaine façon. Ces gens qui ont des problèmes communs et
qui sont exercés au jour le jour devraient apprendre à
régler leurs problèmes ensemble plutôt que de toujours
attendre que les problèmes soient résolus finalement par le
ministre responsable et apprendre à vivre leurs problèmes au jour
le jour à l'intérieur de ces groupes, puisque c'est comme cela
que cela se fait en pratique. En pratique, ces gens oeuvrent quotidiennement
ensemble, que ce soit des technologues... Je ne veux pas parler des titres,
cette question est un autre problème, mais je parle de l'exercice de la
profession ou des responsabilités qu'ils exercent à
l'intérieur des travaux de génie. C'est peut-être
différent dans d'autres professions; la médecine se pratique
d'une façon plus individualiste, quoique, dans les hôpitaux, c'est
peut-être de moins en moins le cas. C'est une profession que je ne
connais pas, mais sûrement que, dans le domaine du génie, les
responsabilités sont communes. Ce n'est pas l'oeuvre d'un seul
inégnieur, c'est l'oeuvre de groupes ou d'associations
d'ingénieurs avec des technologues et des
ingénieurs-technologues, pour ne pas utiliser le mot, et des
techniciens. J'oserais penser qu'il y a là une avenue, peut-être
hypothétique, peut-être illusoire, et on peut se permettre d'y
rêver, mais, à mon avis, c'est une proposition qu'il ne faudrait
pas rejeter du revers de la main.
M. Laurin: Mais, comme le député d'Outremont le
sait, la pratique déborde très souvent les limites de
l'organisation professionnelle, parce que la pratique se fait par des personnes
qui ont non seulement appris à travailler ensemble, mais à se
connaître, à connaître les responsabilités propres
qui leur incombent, le savoir qu'elles possèdent, les compétences
de chacun et l'équipe fonctionne sur la base du respect fondé sur
la connaissance. C'est ce qui fait que la pratique devrait probablement
constituer une inspiration pour les corporations professionnelles quand elles
en arrivent à définir leur mode d'organisation, mais ce n'est pas
toujours le cas où il y a un "time life", un décalage entre le
moment où la pratique, telle qu'elle se fait, s'incarne dans des
structures ou dans des modes d'organisation. On peut le déplorer, mais
c'est malheureusement le fait. Je voudrais bien, pour ma part, que, sur le plan
corporatif, structurel et organisationnel, cette même connaissance
réciproque et ce même respect fondé sur
l'appréciation des compétences de chacun puissent se traduire
dans des modèles d'organisation. C'est là le mérite, je
pense, de la suggestion qu'on nous fait, de penser à une corporation
polyprofessionnelle, mais il ne faudrait pas se contenter simplement
d'émettre ce voeu. Il faudrait passer à l'examen concret,
spécifique et détaillé des exigences d'une pareille
idée, parce qu'elle comporte des exigences et probablement des
changements importants sur le plan des traditions et des habitus.
J'espère que le stimulus que cet éditorial que vous avez
mentionné a apporté ne se perdra pas et qu'il va s'incarner dans
des dispositifs qui seront mis sur pied pour qu'on puisse instaurer, au niveau
corporatif
ou intercorporations, ce dialogue qui m'apparaît absolument
nécessaire.
M. Fortier: En toute honnêteté, ce éditorial
ne faisait pas allusion à une corporation polyprofessionnelle. Il
évoquait le travail en pratique qui se faisait en équipe. Et
ceci, seulement pour une dernière question sur le sujet, dans
l'évolution de ce dossier des ingénieurs et de l'École de
technologie supérieure, à un moment donné, n'y a-t-il pas
eu un dossier qui évoquait la possibilité pour les
ingénieurs et les technologues supérieurs - appelons-les comme on
veut - d'oeuvrer ensemble? N'y avait-il pas déjà une amorce qui
allait dans ce sens?
M. Laurin: Oui. Malheureusement, les contestations judiciaires
sont apparues plus vite ou trop vite pour que ce dialogue qui avait
été amorcé puisse véritablement donner lieu
à des conclusions qui auraient pu être acceptables aux deux
parties. Ce dialogue a quand même continué et cette idée
d'une corporation mixte n'est écartée par aucun des intervenants,
mais le délai qui nous est imposé par les contestations
judiciaires nous a quand même permis d'aller plus loin ou plus
profondément dans les modalités auxquelles il faudrait penser
pour que cela devienne un modèle opérationnel.
M. Fortier: Merci.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Saint-Laurent.
Divers dossiers
M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai évoqué
également le dossier des optométristes et des opticiens
d'ordonnance. Il y a eu un décret adopté en juin 1982, l'an
dernier qui, comme je le disais, n'a satisfait à peu près
personne. Les opticiens étaient peut-être un peu plus d'accord,
mais les optométristes s'y sont opposés et ne sont pas d'accord
du tout avec ce décret. Pour le ministre, le problème est-il
réglé?
M. Laurin: C'est-à-dire qu'il est réglé,
mais pas de la façon que j'aurais souhaité. J'aurais
préféré qu'on en vienne à un accord ou à une
solution qui fasse l'affaire des corporations concernées.
Malheureusement, il m'a fallu trancher dans un certain sens, mais, pour moi, le
dossier n'est quand même pas fermé. (17 h 30)
II y a une contestation judiciaire en cours. On dit que l'action du
ministre a été ultra vires. On verra bien ce que les cours en
diront, mais j'ai quand même dit aux corporations concernées que,
pour moi, le dossier n'était pas fermé. J'avais pris la solution
qui me semblait la plus juste et qui me semblait protéger davantage le
public et aller dans le sens des intérêts du public
également, aussi bien en ce qui concerne la tenue des bureaux que la
remise à l'ordonnance et la publicité, mais j'ai dit aux
corporations qu'on verrait à l'usage l'effet de ces décrets. On
verrait, par exemple, si les catastrophes ou les désastres qu'on
prédisait se matérialiseraient. On évaluerait l'effet des
décrets sur la pratique et sur les divers aspects de la pratique des uns
ou des autres membres des deux corporations concernées. J'ai même
envoyé une lettre à cet effet aux optométristes en leur
disant qu'on tenterait par tous les moyens possibles d'évaluer l'impact
des décrets sur la pratique des opticiens et des optométristes.
Je m'apprête à demander au président de l'office de
procéder à cette évaluation. Il faut quand même
laisser passer quelques mois et, selon les résultats de celle-ci, on
pourra regarder à nouveau les décrets d'ici cinq ou six mois et
voir s'il n'y aurait pas lieu de les amender à la lumière de
l'étude qui sera faite.
M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord. Ensuite, j'ai touché
au tarif des notaires. Cela vous concerne un peu.
M. Fortier: Veux-tu que je prenne cela à ta place?
M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai évoqué le
problème; alors, je voudrais savoir où en est le ministre dans ce
dossier, si les notaires peuvent espérer un tarif, si d'abord il est
d'accord avec la tarification et, ensuite, si le tarif des notaires est pour
bientôt. Depuis 1969, il n'y a pas eu de changement ni de modification.
Dans les villes, si vous me le permettez, vu l'inflation, c'est peut-être
acceptable pour les notaires. Il y a eu un ajustement, bien sûr, mais
dans les campagnes je pense que ce n'est pas vrai et que c'est injuste pour les
notaires des campagnes particulièrement où un terrain qui valait
200 $ il y a dix ans en vaut peut-être 2000 $ aujourd'hui. Ce n'est pas
le cas dans les villes, mais il y a un problème en dehors des villes et
on attend de savoir où on en est.
M. Laurin: C'est un dossier qui a exigé de notre part un
immense travail. D'abord, il faut dire que, contrairement à la politique
générale qu'on évoquait tout à l'heure sur la
publicité et qui touche de très près à la question
des tarifs, nous avons décidé de procéder
immédiatement et de préparer un tarif pour la raison que vous
avez mentionnée. C'est que ce tarif n'avait pas été
révisé depuis 1969 et que la situation économique aussi
bien que professionnelle a beaucoup évolué. Mais nous avons
tenté de faire cette révision conformément aux
articles de la loi sur les notaires. Il fallait que la Chambre des
notaires joue son rôle dans cette révision. Nous avons donc
dû passer par la Chambre des notaires pour qu'elle prépare son
propre projet. Nous avons aussi demandé à l'Association des
notaires de préparer son propre projet. Nous avons reçu ces deux
projets. L'office a également joué un rôle très
important. Il a procédé à l'étude de ces deux
propositions et il a fait ses propres propositions de modifications. Nous avons
ensuite consulté certains ministères dont, en particulier, le
ministère de la Justice qui compte à son emploi un bon nombre
d'avocats et de notaires. Par la suite, nous nous sommes tous entendus sur une
proposition, mais il fallait qu'elle nous arrive dans la forme officielle,
c'est-à-dire par une résolution à la Chambre des notaires,
ce qui a été fait.
Par la suite, il fallait publier dans la Gazette officielle, nous
l'avons fait, et il fallait procéder à l'adoption du dernier
règlement qui aurait donné effet au tarif. Là, nous avons
dû soumettre ce projet de règlement final à nos divers
comités ministériels, comité de développement
social, comité de développement économique, et il y a
encore certains obstacles qu'il nous faut résoudre comme par exemple la
politique des divers gouvernements sur les façons de corriger
l'inflation. Il ne faut pas encourager l'inflation par des règlements.
Comme le tarif n'avait pas été révisé depuis 1969,
il y avait des majorations évidemment qui allaient au-delà de ce
que les gouvernements nous proposaient dans leur politique antiinflationniste.
Nous sommes en train d'examiner ces derniers obstacles ou ces dernières
difficultés et les rencontres se continuent entre les notaires et le
ministère de l'Éducation et aussi le ministère des
Finances. Je pense que je peux vous annoncer que cette dernière
proposition pourra être adoptée d'ici quelques mois. Ces derniers
obstacles sont en train d'être résolus et j'ai bon espoir que le
nouveau tarif entrera en vigueur le 1er juillet 1983 dans sa
quasi-totalité sauf pour un ou deux articles dont la mise en vigueur
pourrait être retardée jusqu'au 1er janvier 1984.
Mais je pense que ce nouveau tarif constituera une amélioration
majeure par rapport au tarif actuel, non seulement parce qu'il majorera le
tarif là où il avait besoin d'être majoré mais parce
qu'il contiendra d'une façon implicite ou explicite des indications de
changements quant à la façon même de concevoir le
rôle du notaire.
Sans pouvoir dévoiler le détail de ces mesures que vous
connaissez proprablement, puisque vous êtes notaire, on en arrivera
à une meilleure compréhension par le public du rôle du
notaire et on en arrivera aussi à une meilleure protection du public par
le biais de ce nouveau tarif.
M. Leduc (Saint-Laurent): II faut donc dire que la Chambre des
notaires devrait en principe être d'accord.
M. Laurin: Oui.
M. Leduc (Saint-Laurent): Sur la formule proposée.
M. Laurin: Oui.
M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord.
M. Fortier: Une question sur ce sujet. Juste pour mon
intérêt personnel, est-ce que ce tarif qui s'applique aux notaires
est un tarif minimal, un tarif absolu qui s'applique uniformément
à toute la clientèle? Est-ce qu'il s'appliquera à l'avenir
également au gouvernement du Québec si jamais il utilisait des
notaires lui-même?
M. Laurin: C'est sûr qu'il aura une portée
générale et il s'appliquera à tous ceux qui ont à
charger des tarifs.
M. Fortier: Mais c'est un tarif uniforme? Ce n'est pas un tarif
minimal?
M. Laurin: Non, c'est un tarif uniforme, sauf... un tarif
fixe...
M. Fortier: Un tarif fixe.
M. Laurin: ...plutôt qu'obligatoire. Je crois que c'est
plus juste. Il y a un tarif par escalier, parce que cela dépend du type
de transactions, de la valeur des propriétés dans certains
cas.
Il serait fixe pour l'immobilier et minimum pour reste.
M. Fortier: Fixe pour...
M. Laurin: L'immobilier et minimum pour le reste, les autres
actes.
M. Fortier: D'accord. Est-ce que c'est une innovation, c'est
nouveau?
M. Laurin: Non.
M. Fortier: Non, cela a toujours été là.
M. Laurin: C'est différent. C'est modulé
différemment.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous allez avoir également le
tarif horaire? Cela va. Le dossier des acupuncteurs.
M. Laurin: Comme je n'ai pas encore l'avis de l'office, je pense
que je vais demander à M. Desgagné de faire le point sur la
question.
Pour faire une question courte, il y
avait trois problèmes qui retenaient l'attention des
intervenants, le problème de la définition de l'acupuncture, le
problème de savoir si, au préalable, il devait y avoir un
contrôle médical, c'est-à-dire le problème de la
référence médicale et le problème de la formation
de l'acupuncteur. Ces trois problèmes retenaient le dossier
jusqu'à maintenant.
Les travaux et les rencontres ont donné le résultat
suivant: les deux premiers problèmes ont été
réglés à la satisfaction de tous les intervenants. Le
problème de la formation est en voie de règlement et ce qui
retarde, c'est qu'on a dû mettre dans le coup le ministère de
l'Éducation, puisque c'est lui qui doit déterminer les conditions
de formation et qui doit reconnaître les écoles de formation. Il y
a un comité qui siège assidûment; il est
présidé par un représentant de la corporation des
médecins et on devrait connaître les résultats dans les
prochaines semaines, sinon le prochain mois.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est donc dire qu'on peut
espérer avoir le règlement d'ici... quoi?
M. Laurin: Au cours de l'été peut-être.
M. Leduc (Saint-Laurent): Au cours de l'été, on
aurait le règlement.
M. Laurin: Oui.
M. Fortier: Une courte question. Pouvez-vous me dire combien de
personnes seraient membres de cette corporation?
M. Laurin: Je sais qu'il y a cinq groupements. Il y a
l'Association d'acupuncture du Québec, l'Institut canadien
d'acupuncture, les Acupuncteurs unis du Québec, le Centre d'acupuncture
du Québec et l'Ordre des acupuncteurs du Québec. Je n'ai pas les
chiffres exacts, mais on va pouvoir vous les fournir.
M. Fortier: Enfin, c'est juste pour avoir un ordre de grandeur.
Ma seconde question, M. le ministre, c'est: Est-ce que cette pratique - je ne
suis pas au courant de la question, c'est la raison pour laquelle je vous le
demande - crée un problème avec le collège des
médecins ou si cette difficulté possible a été
aplanie?
M. Laurin: Bien, je ne peux vous donner exactement le nombre des
acupuncteurs. D'autant plus qu'il va falloir procéder à des
examens de qualification pour savoir ceux qui correspondent au barème
d'excellence qu'il nous faut absolument établir. Donc, on ne sait pas
combien vont pouvoir passer à travers cet examen de qualification.
Quant au problème que cela peut poser à l'ordre des
médecins, je pense que l'ordre des médecins est très au
courant du problème depuis un certain nombre d'années et il
participe à tous nos travaux. Il est très présent à
toutes les étapes de la prise de décision.
Les tests linguistiques
M. Leduc (Saint-Laurent): Ensuite, le dossier des tests
linguistiques. J'ai soulevé la question, à savoir si le ministre
ou imposait aux corporations professionnelles le fardeau de l'administration
des tests linguistiques. Si j'ai bien compris, ces tests linguistiques
relèveraient maintenant des corporations professionnelles.
M. Laurin: Non, ils ne relèvent pas des ordres
professionnels. Ils relèvent de l'Office de la langue française
actuellement.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais je pensais qu'il était
question de les transférer.
M. Laurin: C'est une hypothèse qui a été
soulevée dans certains quartiers. Elle a dû probablement
être véhiculée aux corporations professionnelles. Je ne
sais pas l'accueil que les corporations pourraient faire à cette
suggestion, mais je pense qu'il faudrait poser la question au ministre
responsable puisque j'ai cessé d'occuper cette fonction. Je pense
même que toute cette question devrait être portée à
l'attention de mon collègue plutôt qu'à la mienne
maintenant.
Cependant, je peux vous donner les raisons pour lesquelles, à
l'époque où j'étais responsable, je n'ai pas
exempté des tests linguistiques ceux qui étaient en possession
d'un certificat de Secondaire V ou même d'un diplôme
d'études collégiales. C'est parce qu'à l'époque les
programmes de français dans les écoles secondaires anglophones,
de l'avis de tous, y compris des parents anglophones, ne donnaient pas une
connaissance suffisante ou une connaissance d'usage de la langue
française. On me disait même à l'époque que la
situation était encore pire dans les collèges puisque le temps
réservé à l'enseignement de la langue seconde dans les
collèges anglophones était extrêmement limité et que
ceux qui n'avaient pas, en arrivant au collège, acquis une connaissance
d'usage de la langue française avaient très peu de chance de
parfaire leur formation dans cette langue.
Je sais que des efforts intenses sont faits actuellement pour corriger
ces lacunes mais, au moment où j'ai quitté la
responsabilité de l'Office de la langue française, les
progrès n'étaient sûrement pas encore assez marqués
pour que je puisse exempter des tests linguistiques les professionnels
diplômés des écoles secondaires
ou des collèges. (17 h 45)
Cependant, j'ai souvent manifesté mon souhait que la connaissance
de la langue seconde que dispensent les institutions anglophones soit à
ce point suffisante qu'on puisse se dispenser de leur imposer des tests
linguistiques. J'aimerais bien qu'on puisse les exempter le plus tôt
possible de cette obligation. Cependant, il faut également respecter
l'autre principe ou l'autre impératif que les citoyens de langue
française du Québec ont droit à des services
professionnels dans leur langue. Il faut voir à ce que les
professionnels qui possèdent le permis d'exercice puissent satisfaire
à cette obligation.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne voudrais pas trop insister mais
je pense que, en ce qui concerne les étudiants qui vont surtout dans les
institutions francophones aux niveaux collégial et universitaire,
après deux ou trois ans de niveau collégial et peut-être
quatre ans d'université, ils doivent à ce moment-là
connaître suffisamment le français.
M. Laurin: Ce n'était pas le cas au moment où
j'assumais ces responsabilités.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ce n'était pas le cas?
M. Laurin: Non.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ils pouvaient faire quatre ans
d'université dans une institution francophone et ne pas connaître
suffisamment...
M. Laurin: Ce ne sont que des cas très spécifiques
et pas très nombreux, parce que ceux à qui s'appliquaient les
tests étaient des diplômés de collèges anglophones
ou d'universités anglophones.
M. Leduc (Saint-Laurent): Non, je parle de ceux des des
institutions francophones.
M. Laurin: Ceux-là n'ont pas à passer...
M. Leduc (Saint-Laurent): S'ils n'ont pas suivi trois ans au
niveau secondaire, ils doivent passer les tests.
M. Laurin: C'est cela.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ils peuvent aller dans un
collège francophone, à l'université francophone, ils
doivent subir les tests. Je pense que c'est inacceptable.
M. Laurin: II faut voir la pratique. Les cas auxquels vous vous
référez - je me rappelle en particulier le cas d'un ex-
collègue - constituent des cas d'exception. C'est véritablement
un hasard qui amène un candidat francophone dans certaines institutions
de ce genre.
M. O'Gallagher: M. le ministre, comme ministre de
l'Éducation, vous avez dit qu'il y a eu de l'amélioration depuis
plusieurs années dans...
M. Laurin: Je n'ai pas dit depuis plusieurs années.
M. O'Gallagher: ...les écoles anglophones pour donner une
connaissance adéquate aux anglophones. J'ai aussi constaté dans
ma propre famille qu'entre les plus vieux et les plus jeunes enfants, il y a eu
une amélioration considérable au point que je pense
qu'aujourd'hui on peut prendre cette décision, surtout au point de vue
des professionnels. Je ne parle pas nécessairement de tout le monde mais
au moins de faire le premier pas au niveau des professionnels qui sont
diplômés d'abord des institutions secondaires anglophones
où le ministre de l'Éducation, d'après son mandat, doit
leur garantir une formation adéquate en français. Les gens qui
ont suivi leurs cours dans une institution universitaire anglophone, même
si c'est au Québec, sont beaucoup plus exposés aujourd'hui au
fait français qu'avant. On est rendu au point qu'on devrait au moins
commencer à regarder cette affaire-là avec un peu plus de
réalisme plutôt que dans un esprit politique.
M. Laurin: C'est justement ce que nous voulons faire, aborder
cette question avec réalisme en fonction des objectifs qu'on peut avoir,
mais surtout en fonction de ce qui se passe dans la réalité. Je
partage le même objectif que vous, j'ai hâte de voir arriver le
moment où on pourra exempter de tests linguistiques tous nos
diplômés de cégeps ou nos diplômés de
l'école secondaire pour ceux qui se destinent à une profession
où les tests sont requis, comme par exemple, les infirmières
auxiliaires.
Encore une fois, je ne peux que vous répéter que, il y a
un an et demi, quand j'ai quitté ces responsabilités, ce
n'était pas encore le cas. Je sais que mon collègue examine cela
dans l'ensemble des questions qu'il est en train de réviser. Je lui
ferai sûrement une suggestion qui correspondra à l'état de
l'enseignement de la langue seconde qui se dispense actuellement dans nos
écoles secondaires et dans nos collèges.
M. O'Gallagher: Mais vous, comme ministre de l'Éducation,
êtes-vous satisfait des étudiants finissants du secondaire
anglophone, du cégep anglophone ou des universités anglophones,
ont-ils une connaissance indiquant que votre mandat est rempli, c'est-
à-dire est-ce que les finissants du secondaire ont une
connaissance adéquate, un "working knowledge" si vous le voulez, du
français?
M. Laurin: Nous avons fait beaucoup d'efforts en ce sens au
niveau du ministère depuis quatre ou cinq ans.
M. O'Gallagher: Pourquoi?
M. Laurin: Mais il faut également que les commissions
scolaires, qui ont un rôle important dans l'application des programmes,
fassent aussi cet effort et que les résultats en témoignent.
Encore une fois, je pense qu'on s'est approché de plus en plus de
l'objectif. Je ne peux pas vous dire encore à ce moment-ci si l'objectif
est atteint, mais on va sûrement travailler tous ensemble pour qu'il soit
atteint le plus tôt possible et qu'on puisse exempter des tests
linguistiques les professionnels formés au Québec.
M. O'Gallagher: Est-ce qu'au niveau de l'Office des professions
on a des statistiques qui sont disponibles sur le nombre de professions par
catégorie qui ont subi ces examens linguistiques? Avez-vous fait une
étude, un sondage ou un résumé de toute la situation des
tests linguistiques?
M. Laurin: L'Office n'est présent à cette question
que par le biais de sa présence au comité chargé de
l'élaboration des tests. Il y a un représentant de l'office qui
siège régulièrement avec deux autres membres au
comité des tests et c'est ce comité qui est responsable par
exemple de la révision des tests auxquels on vient de procéder,
des nouveaux tests qui doivent maintenant tenter d'apprécier la
connaissance d'un français qui est approprié à l'exercice
d'une profession donnée. L'office a participé à ces
travaux-là, mais je ne pense pas que l'office ait d'autre mission que
celle-là; peut-être ont-ils fait d'autres études?
Si nous avons des statistiques, elles nous parviennent de l'Office de la
langue française; la meilleure source, c'est l'Office de la langue
française pour ces statistiques-là. Je n'en ai pas ici sous la
main, mais elles nous parvenaient autrefois de l'Office de la langue
française et c'est sa responsabilité d'ailleurs, comme le disait
le ministre.
M. O'Gallagher: Donc, on peut conclure qu'il reste encore le
double standard pour les jeunes anglophones québécois?
M. Laurin: C'est-à-dire que, dès que la
réalité, le réalisme, comme vous l'avez dit, nous
permettra d'être sûrs que les citoyens francophones pourront se
faire servir ou dispenser des services dans leur langue, la situation sera
normalisée.
M. O'Gallagher: II n'a pas été prouvé qu'ils
n'ont pas été servis dans leur langue.
M. Laurin: Je pense qu'il y a beaucoup de
témoignages...
M. O'Gallagher: C'est dommage que la situation soit encore trop
embrouillée au point de vue politique pour en arriver...
M. Laurin: ...pour le moment, je suis très heureux de
constater que les progrès ont été encore plus rapides que
prévu et qu'on puisse maintenant envisager à très court
terme l'atteinte de l'objectif, qui était celui de la loi 101.
M. O'Gallagher: Vous m'avez dit cela l'an dernier, M. le
ministre, et j'espère que je vais voir les résultats
prochainement.
M. Laurin: II y a encore plus de progrès que l'an dernier.
Cela s'est encore amélioré par rapport à l'an dernier.
M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, il y a plusieurs corporations
professionnelles qui se sont plaintes de la lenteur apportée disons
à accepter ou à sanctionner les règlements soumis par les
corporations professionnelles. Il faudrait peut-être connaître la
cause ou les causes.
M. Laurin: Je voudrais d'abord discuter de l'assertion. Je ne
suis pas sûr que la situation soit si déplorable que cela parce
que, en date du 31 mars 1983, 231 règlements obligatoires sur un total
de 238 sont entrés en vigueur. Des sept règlements qui n'ont pas
encore fait l'objet d'une adoption, cinq touchent la Corporation
professionnelle des technologues des sciences appliquées, une
corporation récemment constituée en vertu du Code des
professions. Quant aux deux autres règlements, l'un concerne la
conservation des dossiers des avocats et l'autre la publicité des
optométristes, dossiers en suspens.
M. Leduc (Saint-Laurent): Depuis quand?
M. Laurin: Je pense que M. Desgagné pourrait vous donner
plus de détails là-dessus. Je sais en tout cas qu'il ne se passe
guère de semaine sans que je présente au Conseil des ministres un
autre règlement. Je ne pense pas qu'on soit si en retard que cela.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est parce qu'apparemment, il y en a
certains qui traînent en longueur. On m'a dit qu'il y en avait qui
pouvaient traîner au-delà de quatre ou cinq ans. Je ne sais pas
si...
M. Laurin: Évidemment, il y a le
moratoire qui affecte beaucoup le règlement, Le moratoire dont on
a parlé tantôt dans le contexte du dossier "Conditions
supplémentaires". Le moratoire, cela affecte tous les règlements
qui touchent à la formation, y compris les règlements de 184 du
code, 184 b) et les règlements de 94 i). Cela affecte un bon nombre de
règlements. Il y a des règlements qui attendent que le moratoire
soit levé.
Le moratoire a été levé partiellement dans le cas
du règlement des conditions supplémentaires provenant de la
corporation des médecins mais, quant au reste, il est toujours valable
et c'est peut-être une des causes des délais.
J'admettrai une chose au départ: Nous avons nos lenteurs, comme
tous les organismes, comme tous les hommes d'ailleurs, mais je pense que la
plupart de nos lenteurs s'expliquent. Il y a des causes internes. Nos
ressources sont limitées. Nous avons quand même 39 corporations,
bientôt 40 à satisfaire. Quand on en satisfait une, l'autre n'est
pas contente, évidemment. Il y a des causes externes, le moratoire dont
je vous ai parlé, et il y a des causes qui tiennent au dossier
aussi.
Sur l'ensemble des règlements qu'on a adoptés depuis 1973
- au-delà de 800 - on peut bien s'imaginer que les règlements qui
restent sont les plus complexes, ceux qui demandent le plus d'expertise et
c'est aussi une des raisons pour lesquelles cela prend plus de temps.
M. Fortier: Est-ce que c'était expliqué dans votre
rapport annuel?
M. Laurin: Habituellement, on en fait état dans notre
rapport annuel. On donne d'ailleurs l'état de la
réglementation.
M. Leduc (Saint-Laurent): On a le dossier des
inhalothérapeutes. Est-ce qu'on y a donné suite?
M. Laurin: En ce qui nous concerne, nous sommes prêts
à procéder.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous êtes prêts à
procéder.
Maintenant, j'ai soulevé la question de l'affaire Zaor et
l'article 89. Je me demande si vous avez une position, une opinion sur...
M. Laurin: Évidemment, le barreau a dû régler
les demandes en fonction de son propre règlement et, en particulier, en
vertu des articles 4.03 et 4.04.
L'article 4.03 fixe l'indemnité maximale à 100 000 $ pour
le total des réclamations et à 20 000 $ par réclamant.
Cependant, l'article 4.04 permet au conseil général de verser une
indemnité supérieure à ces montants dans des circonstances
exceptionnelles motivées par des considérations humanitaires et
c'est précisément ce que le barreau a fait en ajoutant certains
montants aux réclamations de six des seize clients lésés
par l'avocat, ce qui équivalait dans certains cas à un minimum de
4000 $ et dans certains cas à un maximum de 84 000 $.
Donc, le total des réclamations payées a été
porté de fait à 230 000 $, soit 130 000 $ de plus que le maximum
prévu. Les montants nécessaires pour payer cet excédent
ont été recueillis auprès de tous les avocats du
Québec par le biais d'une cotisation supplémentaire de 40 000
$.
Un total de 21 réclamations avaient été produites
dont le montant nous est toutefois inconnu. Mais l'important, c'est que le
Barreau du Québec a été saisi d'un rapport recommandant
d'augmenter les limites du fonds d'indemnisation. Si le barreau retient cette
recommandation qui lui est faite par le comité administratif, le fonds
d'indemnisation sera d'un minimum de 250 000 $ et les limites des
réclamations seront de 50 000 $ par client et de 250 000 $ par
avocat.
M. Leduc (Saint-Laurent): Même encore là, est-ce que
vous pensez que c'est suffisant?
M. Laurin: Je ne pourrais vous donner une réponse comme
cela, tout de suite. Mais si vous soulevez la question, on va la regarder et on
verra si les règlements actuels sont véritablement suffisants
à cet égard.
M. Leduc (Saint-Laurent): Particulièrement quand on
constate que, pour la responsabilité professionnelle, on paie des
cotisations de 1500 $ par année, je trouve assez aberrant que -
évidemment, c'est toujours trop - en cas de catastrophe, en cas de
défalcation ou de dol, on ait peut-être à payer 100 $ par
année. Je pense que... Peut-être qu'il y a des notaires et des
avocats qui ne seront pas satisfaits de m'entendre, mais c'est toujours une
question que j'ai soulevée. Cela m'a toujours préoccupé.
(18 heures)
Je pense que si l'on veut que les gens fassent confiance aux notaires et
aux avocats, il faudra que, lorsque ces notaires et avocats détiennent
des sommes en fidéicommis, ils soient responsables. C'est impensable
que, dans une réclamation de 1 000 000 $, on puisse dire: Voici, nous
avons 200 000 $ de distribués. Comme je le disais tantôt, si on a
des privilèges, on a également des responsabilités et il
faudra les assumer. Tant qu'on ne réglera pas cela, les gens auront des
réserves en ce qui concerne les professionnels, particulièrement
ces deux catégories, parce que ce sont les deux seules
catégories qui peuvent détenir des sommes... Une
voix: ...les comptables.
M. Leduc (Saint-Laurent): ...peut-être les comptables,
oui.
M. Fortier: Les ingénieurs le font quand ils
agissent...
Le Président (M. Blouin): II est...
M. Fortier: ...en tant que gestionnaires de projets, mais ce
n'est pas en tant qu'ingénieurs, c'est en tant que professionnels. C'est
tout à fait différent.
Le Président (M. Blouin): II est 18 heures.
M. Fortier: J'ai seulement une couple de questions...
M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai terminé. Si vous le
permettez, on pourrait regarder un peu les crédits; on pourrait prendre
dix minutes, un quart d'heure. Vas-y donc.
M. Fortier: La première question, c'est qu'on voit
que...
M. Laurin: Pouvez-vous réduire cela à quatre ou
cinq minutes?
M. Fortier: Trois ou quatre minutes, oui, d'accord. La
première question qui me vient à l'esprit, c'est que la
totalité du budget est assumée par l'État. Donc, est-ce
qu'on doit présupposer - excusez mon ignorance - que les employés
de l'office sont des fonctionnaires à plein titre régis par les
mêmes règlements?
M. Laurin: C'est cela.
M. Fortier: C'est cela. On voit un plafonnement dans les
dépenses - je pense que le président du Conseil du trésor
ne s'y opposera pas - mais est-ce que le président de l'office s'y
oppose?
M. Laurin: Nous sommes habitués à fonctionner dans
le cadre des sommes qui nous sont allouées; on retourne même
depuis un certain nombre d'années des crédits
périmés. Cette année, vous avez dû constater qu'on a
retourné près de 400 000 $.
M. Fortier: Ah! Tant que cela?
M. Laurin: Oui. Remarquez que la marge de manoeuvre se
réduit d'autant plus que, dans la somme, il y a beaucoup de montants qui
sont purement des sommes que l'on transfère; par exemple, les
subventions, les salaires sont intangibles. Il y a beaucoup d'argent; donc, la
marge de manoeuvre de l'office devient de plus en plus réduite avec les
années. Mais, pour l'instant, si on voulait satisfaire à tous les
désirs des corporations, par exemple accélérer le
traitement des dossiers, il faudrait ajouter des ressources, mais nous ne
sommes pas dans un contexte favorable.
M. Fortier: J'ai une dernière question, quant à
moi. Le président de l'office est nommé par le
lieutenant-gouverneur en conseil?
M. Laurin: Le Conseil des ministres.
M. Fortier: Pour combien de temps est-ce que c'est...?
M. Laurin: Cinq ans.
M. Fortier: C'est cinq ans. Merci.
M. Leduc (Saint-Laurent): Au poste services, je voudrais savoir
si l'office nomme des administrateurs à chaque corporation. De deux
à quatre, c'est cela?
M. Laurin: C'est cela.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que c'est l'office qui paie les
administrateurs qu'il nomme?
M. Laurin: Le régime est assez bizarre. L'office paie mais
dans la mesure où les administrateurs élus sont payés.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ah bon!
M. Laurin: II y a donc des corporations où les
administrateurs nommés ne se voient octroyer aucune somme, sauf les
déboursés, évidemment.
M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai une dernière question. Il y
a eu une mission d'envoyée en Europe, à l'automne 1981, pour
l'étude des normes de radiologie. Je voudrais savoir quel a
été le coût et s'il y a eu un rapport de fait, à la
suite de cette mission.
M. Laurin: Je pense que vous avez, sinon cette
année...
M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne l'ai pas vu.
M. Laurin: ...en réponse à une question, du moins
l'an dernier... Je n'ai pas sous la main le renseignement concernant le
coût, n'est-ce pas?
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui.
M. Laurin: Vous l'avez eu l'an dernier
parce que la même question avait été posée
quant aux voyages à l'étranger.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce qu'il y a eu un rapport de
soumis?
M. Laurin: Le rapport est en voie de rédaction. Voici
pourquoi il a tardé: c'est que non seulement on est allé sur
place interroger des spécialistes, mais on a aussi ramassé une
masse de documentation. Nous avons voulu traiter la documentation dans le
rapport et c'est l'une des raisons pour lesquelles le rapport a tardé
jusqu'à maintenant. Cela n'a pas cependant retardé
l'évolution du dossier avec le MAS, puisque nous fonctionnons au sein
d'un comité. Nous nous servons déjà de l'expertise obtenue
dans cette mission.
M. Leduc (Saint-Laurent): Quand vous donnez des subventions pour
les inspections professionnelles et la formation continue, quels sont vos
critères pour en donner à certaines corporations et ne pas en
donner à d'autres?
M. Laurin: Les critères ont été
exprimés dans un décret du gouvernement. En gros, ce sont
ceux-ci: nous privilégions d'abord l'inspection professionnelle parce
que nous estimons que c'est l'une des missions principales d'une corporation
professionnelle. Selon la nature du projet, son importance et sa valeur, nous
attribuons une subvention qui ne peut pas excéder 15 000 $, c'est le
maximum.
M. Fortier: Quel montant d'argent existait-il pour cela cette
année?
M. Laurin: 178 000 $ pour l'ensemble des subventions.
M. Fortier: Merci.
M. Laurin: Maintenant, nous subventionnons aussi des programmes
de formation continue dans la mesure où ces programmes sont
reliés à une inspection professionnelle, donc sont
justifiés à la suite d'une inspection professionnelle. Nous
réservons une somme pour les fins de démarrage. Cela concerne
surtout la nouvelle corporation qui a été
créée.
Le Président (M. Blouin): Cela va. Alors...
M. Leduc (Saint-Laurent): En forçant, j'aurais
peut-être eu d'autres questions.
Le Président (M. BLouin): Le programme 10: Organisation et
réglementation des professions, est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Blouin): II est adopté. Je
demanderai donc au député de Fabre, notre rapporteur
désigné, de faire rapport à l'Assemblée nationale
dans les plus brefs délais.
La commission élue permanente des corporations professionnelles a
accompli le mandat qui lui avait été confié. Sur ce,
j'ajourne les travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 06)