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Version finale

28e législature, 4e session
(25 février 1969 au 23 décembre 1969)

Le jeudi 27 novembre 1969 - Vol. 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 55 - Loi des référendums


Journal des débats

 

Commission permanente de la constitution

Bill 55 — Loi des référendums

Séance du jeudi 27 novembre 1969

(Dix heures trois minutes)

M. BERTRAND (président de la commission de la constitution): A l'ordre, messieurs!

Nous sommes à la commission de la constitution pour examiner ce que j'ai déjà appelé, je crois, un document de travail intitulé projet de loi 55, Loi des référendums.

Il n'existe pas à l'heure actuelle de loi des référendums au Québec. Nous avons jugé à propos d'en proposer une à l'attention de la Chambre, et comme la Chambre l'a décidé, à l'attention de la commission parlementaire de la constitution. Ce projet de loi renferme certains principes. Le projet de loi lui-même est très volumineux, mais on constatera que c'est surtout à cause de la structure à mettre en place à l'occasion de la tenue d'un référendum.

Quant aux principes eux-mêmes, on les retrouve dans quelques-uns des articles de la loi. Je laisse à la commission le soin de suggérer de quelle manière nous pourrions procéder à cette étude; si nous voulons d'abord commencer par un examen de ce que peut être un référendum, d'abord quels sont les modes de consultation populaire, les élections, le plébiscite, les référendums ou le référendum, si nous voulons commencer par examiner ces problèmes-là? Il y a eu hier une heureuse suggestion qui m'est venue du chef de l'Opposition, je lui laisse le soin de la faire à la commission.

M. LESAGE: Je vous remercie, M. le Président. J'avais demandé à M. Jean-Claude Rivest, qui est le chef recherchiste de l'Opposition et qui est en même temps le secrétaire adjoint de la commission de la constitution, de faire un examen du bill 55 et surtout des principes du bill 55.

M. Rivest, il y a quelques jours, m'a fait part du résultat de ses recherches et de son travail. Il m'a parlé des distinctions à apporter entre élection, plébiscite, référendum; il m'a dit qu'il avait trouvé chez les auteurs français en particulier des choses qui pourraient être extrêmement utiles. Il m'a parlé de l'expérience de l'Alberta en particulier où il y a une loi qui n'a jamais été appliquée. Au Manitoba, en 1916 je crois, une loi des référendums avait été adoptée qui a été déclarée ultra vires par le Conseil privé.

Toutes ces choses peuvent nous intéresser parce qu'un référendum ne peut se faire, à cause de notre Constitution, qu'à l'intérieur de certains cadres, aussi longtemps que nous aurons la Constitution que nous avons et surtout aussi longtemps que le poste de lieutenant-gou- verneur existe, et surtout parce que le lieutenant-gouverneur est une des deux branches — parce qu'il n'y en a plus que deux — du Parlement.

Alors, je pense bien que M. Rivest, a fait cette étude — je n'ai pas eu besoin de le lui demander — et il m'a assuré que c'était une étude qu'il avait faite sur une base non partisane. Je lui ai demandé, après une conversation d'ailleurs avec le secrétaire de la commission, M. Morin, s'il serait disposé à nous donner le fruit de ses travaux. Il m'a répondu oui, mais à condition que M. Morin n'ait pas le droit de le contre-interroger.

M. LE PRESIDENT: C'est le problème d'ailleurs qui est soulevé. Nous avons décidé, si le disciple doit comparaître devant son maître... Ce n'est pas un de vos élèves?

M. LESAGE: Non.

M. MASSE: Le reniez-vous au départ? Attendez donc qu'il ait lu le texte.

M. LESAGE : M. Rivest n'a pas fait son cours à Québec.

M. LE PRESIDENT: II a fait son cours à Montréal?

M. LESAGE: Oui. C'est un électeur de notre ami le Dr Lussier.

M. LE PRESIDENT: Ah! du comté de l'Assomption. Quel est votre prénom, M. Rivest?

M. RIVEST: Jean-Claude.

M. LE PRESIDENT: Jean-Claude. Je pense que tous les membres de la commission seraient heureux d'écouter le fruit de vos travaux. Si vous aviez, par contre, non pas dans l'immédiat, des copies à nous remettre, nous pourrions les faire polycopier. Le secrétaire de la commission pourrait se charger de cela. Après la séance, nous allons vous donner le soin de présenter la première et nous aurons ensuite, si vous le voulez bien, des copies de votre texte.

M. LESAGE : M. le Président, je crois que M. Rivest n'a pas de textes...

M. LE PRESIDENT: Alors on aura le journal des Débats. C'est parce qu'on le consulte souvent... D'accord, alors, le journal des Débats nous rapportera vos propos M. Rivest.

M. RIVEST: L'idée du référendum évidemment, comme l'a expliqué tout à l'heure le premier ministre, s'inscrit dans la nécessité qu'il y a aujourd'hui, dans la plupart des sociétés occidentales, d'assurer une participation plus effective des citoyens à l'administration générale des affaires publiques.

Les auteurs définissent souvent le mécanisme du référendum comme étant un élément de démocratie directe ou semi-directe, c'est-à-dire que de temps à autre et dans certaines conditions, les citoyens sont appelés à se prononcer directement sur un projet de loi ou une mesure administrative. Peut-être qu'au départ il serait bon de donner une définition, si vous voulez simplement théorique; je l'ai empruntée à Bartoli dans un livre qui analyse le phénomène du référendum en France et qui s'intitule "Sociologie du référendum dans la France moderne".

Le référendum, essentiellement, est le procédé par lequel l'ensemble des citoyens se prononce directement sur une question de gouvernement, un texte ou une mesure mise en oeuvre ou que l'on envisage de mettre en oeuvre, au lieu que cette question soit tranchée par les représentants des citoyens et les pouvoirs constitués. Donc le référendum consiste essentiellement dans une mise en veilleuse du principe ordinaire — de la représentativité des citoyens par les élus du peuple, pour privilégier sur un ou plusieurs problèmes— l'opinion directement exprimée par les citoyens. En examinant le texte du projet de loi no 55, on voit que c'est à peu près le principe qui est indiqué, particulièrement à l'article 4 qui se lit comme suit: "Le lieutenant-gouverneur en conseil peut ordonner que les électeurs du Québec soient consultés par référendum, conformément à la présente loi, sur tout sujet qu'il indique et sur lequel il désire obtenir leur opinion." Donc le principe qu'on retrouve à l'article 4 du projet de loi répond grosso modo à l'idée de la tenue d'un référendum i.e. assurer une participation peut-être plus effective des citoyens à l'administration des affaires publiques.

Immédiatement, le premier ministre l'a évoqué tantôt on fait généralement une certaine distinction entre référendum et plébiscite. Le référendum comme tel s'attache surtout à une idée, c'est-à-dire que, du moins sur le plan théorique, les gens sont appelés à se prononcer pour une idée, pour un principe, pour une politique ou pour une mesure administrative. Il n'a pas directement, en principe, de relation avec l'homme ou enfin le gouvernement qui propose le référendum. En pratique par contre, on remarque que, dans l'expérience de presque tous les pays et singulièrement de la France, les gouvernements ont tous eu tendance à plébisciter, si vous voulez, la tenue du référendum, c'est-à-dire à engager leurs responsabilités sur une mesure qu'ils soumettaient à l'électorat. Ici lorsque nous regardons l'économie de la rédaction du projet de loi no 55, on voit qu'il est accordé une très grande place au rôle que doivent jouer, dans la mécanique des référendums, les partis politiques.

Je pense que c'est peut-être une indication d'une volonté de vouloir plébisciter, si vous voulez, la tenue d'un référendum, c'est-à-dire que les partis politiques seraient peut-être sus- ceptibles de se prononcer officiellement. Alors, le parti au pouvoir pourrait, théoriquement du moins, y engager sa responsabilité.

Malgré tout il y a tout un domaine où le gouvernement ne pourrait pas ou n'aurait absolument aucune justification pour engager sa responsabilité comme par exemple, en 1912, lors du référendum sur la prohibition, lorsqu'on a posé la question suivante, à savoir si les gens étaient pour ou contre la prohibition — je vois mal comment un gouvernement pourrait engager son sort sur une question semblable. Par exemple, en Suède, vers les années 1950, on s'est demandé si on devait adopter la conduite à gauche ou à droite; je vois mal sur ce genre de questions comment...

M. LE PRESIDENT: Dans quel pays?

M. RIVEST: En suède, en 1955. Je vois mal comment un gouvernement pourrait plébisciter la tenue d'un tel référendum. Alors, cela c'est sur la notion générale du référendum.

Maintenant, le type de référendum qui nous est présenté par le projet de loi 55, est bien particulier. Mais pour l'information des membres de la commission, j'ai pensé qu'il serait bon quand même de déborder le type de référendum qui nous est présenté par le bill 55 et de donner un aperçu bref et général des différentes possibilités qui existent dans la législation, ou dans la constitution des autres pays.

Je dois faire remarquer immédiatement que, dans la plupart des pays, où la loi permet le référendum, le référendum lui-même est inclus dans la constitution même des pays. Je n'ai pas retrouvé de pays, du moins parmi ceux que j'ai vérifiés — je ne dis pas qu'il n'en existe pas — où c'est simplement une loi du Parlement qui décrète le référendum.

M. LE PRESIDENT: En France, c'est dans la constitution...

M. RIVEST: Oui, en France, c'est l'article 11. C'est dans la constitution de 1958. On peut distinguer les référendums selon la matière sur laquelle ils portent. Il y a des référendums qui s'adressent surtout à des mesures législatives, c'est-à-dire qu'il y a des lois qui peuvent être référées au vote populaire, d'autres sont exclusivement en matière constitutionnelle. Par exemple, tous les Etats américains sauf un, je crois, ont la technique du référendum pour amender leur constitution interne.

Maintenant aux Etats-Unis, s'il fallait prendre l'exemple des Etats-Unis pour rédiger une constitution interne, on s'apercevrait vite que dans les constitutions internes des différents Etats américains et non pas de l'Etat fédéral, on trouve à peu près n'importe quoi allant des droits privés, aux problèmes des terres et forêts jusqu'aux pouvoirs du gouverneur, etc.

M. LE PRESIDENT: M. Rivest, non pas pour vous interrompre mais pour préciser, la définition que l'on donne du plébiscite et du référendum est la suivante: le plébiscite, c'est le vote du peuple qui aurait pour objet de légaliser un coup d'Etat — on réfère à un plébiscite de 1852 en France — de ratifier un acte du pouvoir exécutif (le plébiscite de 1870) ou de décider de la nationalité d'un territoire. Il semblerait qu'on met l'accent sur ceci: il y a un plébiscite quand il s'agit surtout de faire confirmer un acte posé par le gouvernement, alors que le référendum, ce serait le vote direct des citoyens dont l'objet est soit de ratifier une mesure d'ordre législatif ou constitutionnel préalablement adoptée par le Parlement, soit de faire prendre en considération par le Parlement ou même l'adopter directement, une proposition de loi d'initiative populaire. Est-ce qu'en droit vous voyez une différence fondamentale dans ces deux points de vue?

M. RIVEST: C'est celle que vous venez d'exprimer, mais d'après ce que j'ai lu, c'est qu'en pratique les deux notions finissent par se confondre, sauf dans les cas, comme je l'ai indiqué tantôt, comme celui de la Suède où c'était une mesure administrative strictement. A ce moment-là, c'était le référendum tel quel. Mais, étant donné que les partis politiques, comme je l'expliquais tantôt, sont amenés à prendre position là-dessus, on finit toujours par plébisciter d'une façon ou d'une autre dans le concret la tenue d'un référendum.

M. LESAGE: Je pense bien, M. le premier ministre, que la racine latine des mots peut nous donner des indications. Le référendum vient de l'expression "ad referendum", c'est référer à d'autres, référer au peuple. On en réfère au peuple pour savoir ce qu'il pense sur telle ou telle question, tandis que plébiscite...

M. LE PRESIDENT: ... ça implique que cela...

M. LESAGE: ... vient de plebs, décret. M. LE PRESIDENT: ... émane du peuple.

M. LESAGE: II y a une nuance entre les deux. Dans référendum, on va chercher l'opinion, dans plébiscite, on va chercher plutôt une approbation ou une désapprobation.

M. LE PRESIDENT: C'est ça.

M. LESAGE: C'est à peu près d'ailleurs la nuance que M. Rivest avait faite au début.

M. LE PRESIDENT: Alors...

M. PROULX: Est-ce le linguiste ou le juriste qui apparaît chez vous à ce moment-là?

M. LESAGE: Les deux. C'est le gars qui a fait ses éléments latins.

M. PROULX: Vous n'auriez pas doublé votre "Belles-Lettres" vous, par exemple? Non?

UNE VOIX: Tu ne doubleras pas tes élections.

M. LE PRESIDENT: Par exemple, quand le député de Saint-Jean fera confirmer le geste qu'il a posé, ce sera un plébiscite.

M. RIVEST: C'est un excellent exemple. Alors on peut déterminer, à l'intérieur d'un projet de loi ou à l'intérieur d'une constitution, différents types de référendums, selon qu'on veuille qu'il ait pour sujet, pour objet, un texte législatif, ou une mesure administrative, ou bien un texte qui fait partie de la constitution d'un Etat ou d'un pays.

Par contre, il y a différentes formes d'interventions de la population qui sont offertes par le référendum.

Le premier type, comme je l'ai indiqué tantôt, c'est celui qu'on a dans le projet de loi numéro 55, c'est le type d'un référendum de consultation. C'est essentiellement un référendum en vertu duquel le gouvernement demande simplement et strictement l'opinion des citoyens sur un ou des sujets qu'il indique. C'est une consultation, c'est en somme un sondage général de l'opinion publique sur une question.

Sa valeur juridique n'est qu'une valeur morale, strictement. Le gouvernement n'est aucunement obligé de suivre l'opinion de la population; évidemment il s'exerce quand même une pression politique assez grande.

Un deuxième type de référendum, qui assure une participation beaucoup plus directe de la population aux affaires publiques, c'est le référendum de ratification.

Il y en a de deux catégories: facultatif et obligatoire. Si le référendum de ratification est facultatif, c'est en somme l'exercice, par la population, d'un droit de veto sur une mesure législative adoptée par les représentants du peuple. Le référendum facultatif est la possibilité donnée au peuple de s'opposer à l'application d'une mesure prise par les gouvernants. Par exemple: une loi élaborée par ceux-ci pourra être abrogée par un vote contraire du peuple. Mais ce vote n'aura lieu que si un nombre fixe de citoyens en fait la demande. En général, c'est de 8 p.c. à 10 p.c. du nombre des électeurs qui étaient inscrits sur les listes électorales à l'élection qui a précédé le déclenchement de ce référendum. Donc un nombre fixe de citoyens en fait la demande, par voie de requête ou de pétition, pendant un certain délai qui suit la publication de la loi. En général, on prend un délai de 90 jours. Et si personne ne réclame durant cette période, le vote, c'est-à-dire la tenue d'un référendum, celui-ci n'a pas lieu et la

loi s'applique d'elle-même, c'est-à-dire que la loi entre en vigueur. Le silence du peuple, s'il n'y a pas de requête formulée, à ce moment-là équivaut à une acceptation de la mesure législative qui a été adoptée par les représentants du peuple.

Un exemple de cette forme de référendum existe au Canada même, dans la province de l'Alberta; c'est une loi de 1942 que nous retrouvons dans les statuts refondus de l'Alberta de 1955.

A titre d'information, je peux vous donner une idée exacte de ce qui peut arriver dans ce cas-là. Aux articles 3, 4, et 5 de la loi que je viens de mentionner, la façon dont ça se passe, c'est que la Législature adopte une loi, et dans la loi, il est spécifié qu'elle n'entrera pas en vigueur avant les 90 jours qui suivent l'ajournement de la session au cours de laquelle la loi a été adoptée.

Alors pendant cette période, un certain nombre d'électeurs —la loi albertaine prévoit au moins un nombre de dix p.c. — peuvent adresser une requête au lieutenant-gouverneur en conseil, afin de le prier de référer la loi en cause au vote direct des électeurs.

Maintenant sur les exigences de la pétition, ce n'est quand même pas un mécanisme qu'on peut déclencher assez facilement, 10 p.c. des électeurs doivent signer la requête et on a des exigences aussi, à savoir qu'il y ait 85 p.c. des circonscriptions électorales qui soient représentées à l'intérieur des 10 p.c. des électeurs, et il y a d'autres conditions, c'est une exigence assez stricte.

Tout ce problème-là soulève un problème constitutionnel assez sérieux dans le texte, dans l'économie de notre constitution actuelle puisque, si les gens répondent oui à la loi, c'est-à-dire si les gens l'approuvent, à ce moment-là, comme la loi a été votée à l'Assemblée législative, il n'y a pas tellement de problèmes et le lieutenant-gouverneur accorde sa sanction et la loi entre en vigueur dans les délais normaux.

Par contre si les gens s'opposent à la mesure, à ce moment-là la loi doit être rappelée et enlevée des statuts directement à la prochaine session par une loi de la Législature. Et je me demande — je l'évoquerai tantôt quand j'examinerai le problème constitutionnel — étant donné les pouvoirs de la Législature, si la Législature du Québec ou d'une autre province a véritablement le pouvoir de se départir ainsi de ses prérogatives et de se mettre à la merci d'un autre corps législatif qui soit le peuple directement. Parce que dans la constitution on prévoit que le pouvoir législatif — c'est l'article 92, j'y reviendrai tantôt — est donné directement à la Législature. La définition de la Législature, eh bien, c'est le lieutenant-gouverneur, l'Assemblée nationale et un Conseil législatif quand il en existe un.

M. LAPORTE: Mais est-ce qu'il faut dans la mesure législative que vous venez de nous décrire qu'une certaine proportion du vote soit enregistrée pour que le référendum soit valide?

M. RIVEST: Non.

M. LAPORTE: Alors on peut avoir dans une province, dans celle dont vous nous parlez, 10 p.c. des citoyens qui se rendent s'exprimer au référendum et ça peut valoir pour 90 p.c...

M. RIVEST: Non, c'est 10 p.c. Les 10 p.c. que j'ai mentionnés, ce sont les 10 p.c. des gens qui signent la requête...

M. LAPORTE: Oui, mais au bas de la requête signée est-ce qu'il va y avoir 3 p.c. des gens qui vont voter, et puis cela est valide.

M. RIVEST: Exactement.

M. LAPORTE: Contre 97 p.c. de gens qui s'abstiennent. Est-ce qu'il y a des endroits, dans ce que vous avez relevé, où les abstenants sont considérés comme ayant voté affirmativement?

M. RIVEST: Je n'en ai pas vus.

M. LAPORTE: Vous n'en avez pas vus.

M. RIVEST: Mais tout ce problème-là se soulève dans plusieurs Etats américains où cette formule-là existe.

M. LAPORTE: Mais il peut arriver qu'une infime minorité...

M. RIVEST: Et en pratique, c'est exactement ce qui arrive.

M. LAPORTE: Alors est-ce que les référendums que vous avez vérifiés souffrent du même mal que nos référendums municipaux? C'est-à-dire que c'est un problème extraordinaire que d'amener les gens à aller voter.

M. RIVEST: En général, oui. M. LAPORTE: Merci.

M. LE PRESIDENT: En 1942, on ne l'a pas eu.

M. LAPORTE: C'est un autre problème. C'étaient les "one sided arguments".

M. LE PRESIDENT: Oui, mais peu importe.

M. LAPORTE: Oui, mais il peut arriver quand même...

M. LE PRESIDENT: Tout dépend.

M. LAPORTE: ... qu'on consulte le peuple sur un problème.

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. LAPORTE: Sur le bill 63, 3 p.c. de la population ou 5 p.c. pourraient théoriquement nous obliger à retirer le bill.

M. LE PRESIDENT: Suivant la formule utilisée là...

M.LAPORTE: Oui.

M. LE PRESIDENT: ... pas suivant celle que nous avons dans les mains. Il va le dire tantôt.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je suis sûr que votre référence à 1942 n'indique pas que vous seriez d'accord pour organiser une guerre à chaque fois qu'il y a un référendum.

M. LE PRESIDENT: Je n'irai pas jusque là.

M. LACROIX: Au lieu de présider le référendum...

M. RIVEST: Donc, dans ce type de référendum, qui est un référendum de ratification, on accorde tout simplement le droit de veto à la population pendant un temps donné et, si elle ne se prévaut pas de ce droit, la loi entre en vigueur directement.

L'autre variante du référendum de ratification, c'est que dans la loi même qui est adoptée à l'Assemblée législative, on oblige, pour que la loi entre en vigueur, le peuple à se prononcer directement, dans un sens ou dans l'autre; c'est-à-dire que, nécessairement, le référendum aura lieu, tandis que dans la première catégorie, si le référendum n'est pas demandé dans les délais, à ce moment-là, la loi entre immédiatement en vigueur, mais c'est encore un référendum dit de ratification.

Ce deuxième type existe couramment dans tous les Etats américains, au plan des amendements à la constitution, c'est-à-dire que tous les amendements à la constitution doivent être référés à la population par voie de référendum. Dans un certain nombre — une vingtaine — d'Etats américains, ce type existe pour l'adoption de lois.

Le troisième type de référendum va encore plus loin; le premier était le simple référendum de consultation, le deuxième était le référendum de ratification des lois par la technique que je vient d'expliquer et le troisième, en fait, n'est pas techniquement un référendum, on appelle cela "l'initiative", qui donne, comme le mot l'indique, véritablement l'initiative au peuple de proposer des lois au Parlement, qui est obligé de les voter, suivant l'opinion qui est exprimée par la population, ou bien donne au peuple ou à un pourcentage de la population, le droit de simplement faire annuler une loi qui existe déjà dans les statuts des Etats qui ont cette technique.

Dans la loi albertaine, cette forme d'initiative existe. La procédure est assez simple, bien qu'elle soit encore plus exigente, évidemment, que pour un simple référendum de ratification. 20 p.c. des électeurs inscrits sur les listes peuvent adresser au lieutenant-gouverneur une requête, une pétition, proposant un texte de loi sur un sujet que cette portion de la population exprime.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il est représentatif, encore, de toutes les circonscriptions électorales?

M. RIVEST: Oui, exactement. De 85 p.c. des circonscriptions électorales.

M. LESAGE: Ce qui veut dire qu'en vertu de la loi albertaine M. Rivest, un groupe pourrait préparer un projet de loi sur les langues...

M. RIVEST: Exactement.

M. LESAGE: ... par exemple le Front du Québec français et s'il réussissait à faire signer une pétition par 20 p.c. des électeurs...

M. RIVEST: II pourrait exiger la tenue d'un référendum.

M. LESAGE: ... sur son projet de loi. M. RIVEST: Oui, maintenant...

M. LESAGE: Si le projet de loi est approuvé, qu'est-ce qui arrive?

M. RIVEST: Je vais vous l'indiquer tantôt, mais juste avant, je voudrais dire ceci: il est très difficile d'employer cette technique-là. La première exigence, c'est qu'il y a quand même des conditions précises et particulières pour la formule d'initiative. D'abord le sujet doit être de juridiction provinciale quant on adresse la pétition au lieutenant-gouverneur et la deuxième exigence, c'est que cela ne doit pas être un "money bill".

M. LESAGE: Ah bon!

M. RIVEST: Alors, vous voyez que quand même...

M. LESAGE: Le projet de loi ne doit impliquer aucune dépense d'argent.

M. RIVEST: Oui.

M. LE PRESIDENT: Alors, cela restreint considérablement l'initiative populaire.

M. RIVEST: Cela restreint considérablement la portée de cette formule d'initiative. Alors, qu'arrive-t-il selon que les gens se prononcent

pour ou contre la requête qui a été adressée et qui ensuite a rempli les conditions nécessaires pour appeler l'électorat à se prononcer? Je suis d'avis, que cela est pratiquement inconstitutionnel, parce que cette formule de référendum lie drôlement l'Assemblée nationale. Dans le cas où une loi, comme je l'ai indiqué a été proposée et où la décision est affirmative, la loi proposée "shall be enacted", doit être votée par l'assemblée, "without amendement", sans amendement de la Législature. Dans le cas contraire, si les gens se prononcent dans un sens négatif, la Législature n'a pas le droit de présenter, pour une période de trois ans, une loi semblable. Cela est la forme peut-être la plus directe de référendum qui soit possible d'avoir au Canada.

M. PLAMONDON: A quel endroit peut-il y avoir ce genre de loi actuellement en vigueur. Est-ce que vous avez des exemples?

M. RIVEST: Dans des pays comme la Suisse; il existe aussi aux Etats-Unis, dans certains Etats américains, et dans d'autres pays.

M. PLAMONDON: II n'y en a pas au Canada présentement?

M. RIVEST: Non.

M. PLAMONDON: Dans aucune province canadienne?

M. RIVEST: Sauf en Alberta. Je ne pense pas que ce soit une loi qui soit dans l'ordre naturel, pour les raisons que je vais expliquer tantôt, parce que la constitution canadienne limite l'usage des référendums, à mon avis, au simple référendum de consultation, comme on trouve dans le projet de loi numéro 55. En Colombie-Britannique aussi il existe une loi, c'est un sous-alinéa d'un article de la loi électorale qui, à toutes fins pratiques, prévoit la tenue d'un référendum exactement du même ordre que le projet de loi 55. On dit tout simplement que, selon le bon plaisir du lieutenant-gouverneur en conseil, lorsqu'une expression d'opinion de la part des électeurs est désirable sur n'importe quel sujet d'intérêt public, le lieutenant-gouverneur en conseil peut décréter la tenue d'un référendum et fixer les règlements qui doivent déterminer la procédure à suivre. Et c'est simplement un alinéa, c'est l'article 197, l'alinéa 2 de la loi...

M. LE PRESIDENT: Mais la procédure, à ce moment-là, est déterminée par le lieutenant-gouverneur en conseil...

M. RIVEST: ... En conseil, en général.

M. LESAGE: C'est une loi de quelle année?

M. RIVEST: C'est une loi qui date de 1953. Elle est encore en vigueur.

M. LESAGE: Elle porte la marque de...

M. LE PRESIDENT: Je pense que ce n'est pas d'une grande importance.

M. LESAGE: Non, elle était marquée...

M. LEFEBVRE: C'est un mauvais exemple qu'on donne.

M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas un exemple que nous avons suivi dans le projet de loi 55.

M. LESAGE: Nous reparlerons de ça. Il ne faudrait pas mêler M. Rivest à nos discussions.

M. LE PRESIDENT: Non. Il faudrait le dégager de tout cela.

M. LESAGE: Dans le moment...

M. LE PRESIDENT: II restera avec nous.

M. LESAGE: ... je lui ai demandé d'être bref.

M. LE PRESIDENT: Cela lui parait facile. Il est très objectif.

M. CHOQUETTE: C'est un universitaire distingué.

M. RIVEST: II est en train de m'enlever tous mes arguments! Alors le problème constitutionnel qui est soulevé par le référendum, surtout comme je l'ai expliqué, le référendum, de ratification et d'initiative vient de l'économie générale de l'Acte de l'Amérique Britannique du Nord de 1867 et aussi de certaines dispositions précises de cette même loi qui nous sert encore de Constitution.

Au Manitoba en 1916, on a adopté une loi du référendum qui constituait un référemdum d'initiative et qui télescopait, si je peux m'ex-primer ainsi, très directement les pouvoirs de l'Assemblée et du lieutenant-gouverneur quant à la sanction des bills. On donnait la possibilité à un certain nombre d'électeurs de proposer une loi au gouvernement et le lieutenant-gouverneur, à ce moment-là, devrait décréter la tenue d'un référendum; et selon que la réponse était affirmative, la loi du référendum telle que rédigée en Colombie Britannique disait qu'à partir du moment où les gens disaient oui à une loi, cette loi prenait effet en entrait en vigueur sans même qu'il y ait simple rapport à l'Assemblée législative et sans même que soit exigée la sanction du lieutenant-gouverneur en conseil, si ce n'est qu'on l'obligeait à prescrire les modalités pour l'entrée en vigueur de la loi, entre autres la publication dans la Gazette officielle.

Alors on a évidemment constesté la constitu-tionnalité de cette loi et la cour d'Appel du Manitoba a déclaré cette loi-là inconstitutionnelle, de même que le conseil privé. Les motifs

de cela paraissent assez évidents; je viens de les indiquer. C'est qu'on ne peut absolument pas enfreindre les prérogatives royales, la prérogative royale du lieutenant-gouverneur i.e. les pouvoirs qui sont accordés à Sa Majesté la reine de sanctionner les bills suivant le texte de la Constitution, selon "son bon plaisir".

Je signale ce jugement pour une raison assez simple. On a dit, et je pense que cela pourra être d'intérêt pour les travaux futurs de la commission de la Constitution, que l'article 92.1 de la Constitution accordait aux Législatures provinciales le pouvoir de modifier leur constitution interne sauf les pouvoirs du lieutenant-gouverneur tels que réservés dans le libellé même de l'article. Or les jugements, particulièrement ceux de la cour d'Appel du Manitoba... Le Conseil privé ne s'est pas clairement prononcé sur cette question parce qu'il avait disposé du problème juridique qui lui était soumis en disant que tout simplement on enfreignait la prérogative royale, que cette loi-là était ultra vires. Mais dans le jugement de la cour d'Appel d'Ontario, on examine longuement la portée de l'article 92.1 dont on...

M. LESAGE: De l'Ontario ou bien du Manitoba?

M. RIVEST: Du Manitoba, pardon... dont on se prévaut toujours pour vouloir refaire une constitution interne complète pour le Québec.

Or le jugement...

M. LE PRESIDENT: Pourriez-vous, si vous voulez, nous donner la référence d'abord de la cour d'Appel, et deuxièmement, du Conseil privé?

M. RIVEST: La cour d'Appel, c'est 1916 —1917 Manitoba Law Reports, Volume 27, Page 1. Et, ce sur quoi je veux peut-être insister...

M. LESAGE: Quelle est la référence du Conseil privé?

M. RIVEST: Le Conseil privé, c'est 1919, Appeal Cases, page 935. Il y a un obiter dictum, je pense bien qu'on ne peut pas lui donner plus grande force juridique que cela, mais quand même il peut être assez significatif; je m'écarte un peu là du problème spécifique du référendum. C'est le juge Perdue, à la page 23 du Jugement de la cour d'Appel du Manitoba qui dit que les amendements qui sont possibles en vertu de 92.1 ne peuvent pas être équivalents à substituer une nouvelle constitution interne pour une ou l'autre des provinces et même à substituer un des principes fondamentaux sur lesquels repose toute l'économie de l'Acte de l'Amérique du nord britannique.

Un de ces principes-là, certainement, à mon avis, dans l'esprit du juge — et aussi il l'a indiqué — c'est le principe de la responsabilité ministérielle. Il donne, d'ailleurs, un peu plus loin ce que, selon lui, veut dire l'article 92.1 qui pourrait en outre permettre au gouvernement de modifier les pouvoirs qui seraient accordés à une Législature pour modifier sa constitution interne. Il dit que ça s'adresse surtout à un certain nombre de détails dont il donne des exemples: la procédure, le nombre des membres en Chambre, les divisions électorales, la qualification des électeurs, et quelques autres...

M. LE PRESIDENT: Obiter dictum, où cette opinion dans le jugement — ce n'est pas juger, c'est une opinion — c'est en cour d'Appel du Manitoba...

M. RIVEST: Du Manitoba.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette opinion a été reprise devant le Conseil privé?

M. RIVEST: Suivant une façon de procéder que le Conseil privé adopte très souvent, il ne s'est pas prononcé là dessus. Mais, il semble que ce soit la décision la plus haute qu'on ait sur cette question, celle de la cour d'Appel du Manitoba.

M. LESAGE: J'ai lu en partie le jugement du Conseil privé, et Lord Haldane dans son jugement dit bien: Ayant disposé du point principal suivant la coutume de leurs "lordships", nous n'allons pas plus loin dans l'examen du jugement de la cour d'Appel du Manitoba.

M. LE PRESIDENT: Ils ne s'occupent pas de l'opinion qui a été exprimée.

M. LESAGE: Du moment qu'ils peuvent trancher le noeud principal, ils ne vont pas plus loin.

M. RIVEST: Je ne voudrais pas donner l'impression que ce serait absolument impossible, il faut aussi comprendre que, ce pourquoi la cour d'Appel a tellement insisté sur l'article 92.1, c'est que le point qu'elle voulait prouver était le fait que la Législature du Manitoba n'avait pas le droit de créer une Législature en dehors de celle qui avait été prévue. On disait que c'était aller trop loin que d'interpréter l'article 92.1 pour...

M. LE PRESIDENT: Voulez-vous dire, M. Rivest, que, d'après cette opinion, ça limiterait joliment l'initiative d'un gouvernement quel qu'il soit dans les modifications qu'il voudrait apporter à une constitution interne? C'est ça?

M. RIVEST: C'est ça.

M. CHOQUETTE: M. Rivest, dites-vous que, suivant ce jugement-là, le principe de la responsabilité ministérielle est intangible?

M. RIVEST: Oui, je penserais que oui, moi...

M. CHOQUETTE: Je pense qu'il y a un mauvais jugement.

M. RIVEST: A cause du préambule de la constitution qui établit... Je pense que c'est un des grands principes de la constitution qui établit que la Constitution du Canada doit être similaire à celle de l'Angleterre. C'est souvent cité dans les jugements en droit constitutionnel.

M. LE PRESIDENT: Alors, vous examinez le problème en droit.

M. RIVEST: Uniquement.

M. LE PRESIDENT: C'est une opinion que vous émettez.

M. RIVEST: Pour des raisons, j'abandonne un peu cet aspect-là. Je reviens au référendum de consultation, à mon avis, ne pose pas de problème. La seule condition, par contre, qui devra toujours exister, c'est que ça devrait être exclusivement sur des sujets relevant, en vertu de 92, de la compétence juridictionnelle des provinces. Par exemple, on n'aurait pas le droit de...

M. LESAGE: Vous voulez dire... exclusivement!

M. RIVEST: Ah oui! clairement. La Législature provinciale ou le lieutenant- gouverneur en conseil n'aurait pas le droit de demander aux gens: "Etes-vous pour ou contre le retrait des forces armées de l'OTAN de la part du Canada" ou sur un problème complètement en dehors de sa juridiction.

UNE VOIX: Sur l'immigration.

M. RIVEST: Maintenant, je l'ai lu dans un article, lorsque le projet de loi a été déposé à la Chambre des communes à Ottawa, on a demandé si la Législature provinciale avait le droit de poser la question suivante dans un référendum de consultation strictement: êtes-vous pour ou contre l'indépendance du Québec?

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. RIVEST: Là-dessus, — je comprends qu'il y a une tout autre dimension politique à l'histoire — mais strictement sur le plan constitutionnel, je ne vois pas ce qui pourrait empêcher la Législature provinciale de poser cette question.

M LESAGE: Est-ce pour faire plaisir au député de Saint-Jean?

M. RIVEST: Non, non!

M. LE PRESIDENT: Non, d'ailleurs je pense que le député de Saint-Jean, à moins que je ne me trompe, s'était opposé à la tenue d'un référendum là-dessus, prétendant que c'était un droit trop fondamental pour le soumettre au peuple!

Si mon souvenir est bon! Est-ce que le député de Saint-Jean pourrait peut-être clarifier?

M. PROULX: C'est provisoire, cela, M. Bertrand.

M. LAPORTE: Votre ancien chef vous écoute.

M. LE PRESIDENT: C'est un obiter dictum.

M. PROULX: Est-ce que ce n'est pas M. Rémi Paul qui a dit qu'au sujet de la prostitution et du jeu, il fallait qu'on consulte le peuple?

M. LE PRESIDENT: Non, mais est-ce que vous n'avez pas déjà exprimé cette opinion-là?

M. PROULX: Pas dans ce sens-là; c'est un sujet extrêmement difficile et on ne peut pas soumettre cela à un référendum. Cela donne une autre façon de faire une élection, tout simplement.

M. LE PRESIDENT: Par le parti politique qui propose cela au peuple. C'est la voix que vous avez choisie.

UNE VOIX: II arrive votre chef. M. PROULX: C'est ça même.

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse. Nous n'avions que le "whip". Le chef est arrivé.

M. LACROIX: Vous allez être obligé de vous déprendre souvent tout seul...

M. PROULX: Ah! cela ne fait rien. La nécessité crée l'organe.

M. LE PRESIDENT: Excusez-nous, M. Ri-vest.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est justement, vous avez osé...

M. LACROIX: Ah! cela va être bien bon!

M. RIVEST: Alors je voudrais tout simplement, en terminant, examiner peut-être d'un peu plus près le mécanisme qui est prévu pour tenir un référendum de consultation strictement.

M. LEVESQUE (Laurier): II y aura quand même coalition?

M. LE PRESIDENT: Non. Si vous aviez été ici au début, vous auriez vu pourquoi M. Rivest est au bout de la table et, deuxièmement, combien, depuis le début de ses remarques, il s'exprime d'une manière absolument apartisane.

M. LESAGE: Voici, M. Lévesque, c'est parce que j'avais chargé, au nom de l'Opposition, M. Rivest, qui est notre chef recherchiste, de faire des...

UNE VOIX: Pourquoi pas recommencer...

M. LESAGE: Eh bien, je ne voudrais pas qu'il reste sur une fausse impression.

M. LEVESQUE (Laurier): La courtoisie...

M. LE PRESIDENT: On veut éclairer le député de Laurier.

UNE VOIX: II ne veut pas être éclairé.

M. LESAGE: M. Rivest m'avait fait part du résultat de ses recherches et j'ai cru que ce serait intéressant pour tous les membres de la commission d'en bénéficier. Or j'ai suggéré au premier ministre et au président de la commission qu'il en fasse part.

M. LE PRESIDENT: C'est cela.

M. PROULX: Je pense qu'il s'est fait des recherches pour les deux partis.

M. LE PRESIDENT: D'ailleurs, le député de Saint-Jean vous tiendra au courant...

M. LESAGE: D'ailleurs, M. Rivest est...

M. BOUSQUET: Etes-vous payé par le gouvernement ou par le parti libéral?"

M. LE PRESIDENT: II est payé par l'Opposition et je pense que, d'après les propos que m'a tenus le chef de l'Opposition, c'est un excellent travailleur.

Et c est heureux que nous fournissions à l'Opposition des services comme ceux -là; je pense qu'une opposition a besoin d'avoir autour d'elle des chercheurs.

M. PROULX: Des hommes compétents.

M. LE PRESIDENT: Des hommes compétents, c'est le cas de le dire.

UNE VOIX: Alors, sur le projet de loi...

M. LESAGE: Nous n'avons aucune prétention à l'omniscience.

M. PROULX: Non, surtout vous.

M. LESAGE: C'était clair, monsieur, C'est évident qu'à comparer au député de Saint-Jean, je suis clair et brillant.

UNE VOIX: C'est clair.

M. RIVEST: Alors mes points sur ce que...

M. LE PRESIDENT: Vous pouvez continuer dans le calme, monsieur.

M. RIVEST: Voici les points sur lesquels je voudrais peut-être, en terminant, insister, les points que je voudrais souligner, soumettre à l'attention des membres du comité. Une loi du référendum, du moins d'après celles que j'ai pu consulter et qui existent, soit dans d'autres constitutions d'autres pays, soit dans de simples lois, doit prévoir un certain nombre de problèmes. J'en énumère cinq.

D'abord, je pense qu'elle doit déterminer clairement ceux qui auront le droit d'utiliser le référendum.

Deuxièmement, je pense qu'elle doit dire exactement aussi...

M. LE PRESIDENT: Vous appelleriez cela le droit d'initiative.

M. RIVEST: Oui, obtenir l'initiative.

Le deuxième problème: ceux qui auront le droit de voter.

Le troisième: la détermination des sujets qui pourront faire l'objet d'un référendum. La procédure pour cette détermination-là.

Le quatrième: le moment où un référendum pourra être déclenché, et avec lui, tout l'appareil qui devra servir au référendum.

M. LESAGE: Quand vous parlez du moment, M. Rivest, vous voulez dire la date.

M. RIVEST: Oui, oui, la date.

M. LESAGE: Après qu'il est décidé qu'un référendum sera tenu soit par l'Assemblée nationale...

M. LE PRESIDENT: Ou autrement.

M. LESAGE: ... soit par le lieutenant-gouverneur en conseil, après que les questions sont rédigées. Vient le moment de préciser la date exacte à laquelle sera tenu le référendum. C'est l'élément que vous venez de mentionner.

M. RIVEST: C'est exactement ça. Je vais simplement mentionner quelques points là-dessus en rapport avec le projet de loi 55. Ceux qui auront le droit d'utiliser le référendum le projet de loi 55 l'exprime assez clairement: il dit que C'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui peut ordonner...

M. LE PRESIDENT: Vous pouvez référer aux articles, ça permettra aux membres de...

M. RIVEST: C'est l'article 4, c'est toujours l'article 4 qui... Le reste fait plutôt partie de la mécanique de la loi.

M. LE PRESIDENT: C'est ça.

M. RIVEST: Alors c'est l'article 4 qui détermine que c'est le lieutenant- gouverneur en conseil qui peut ordonner que les électeurs du Québec soient consultés par voie d'un référendum. Ailleurs on pourrait, je pense, songer, tout en laissant peut-être la prérogative au lieutenant-gouverneur en conseil de le faire, à qualifier davantage l'article 4 en amenant d'une façon ou d'une autre l'Assemblée nationale à participer à la tenue du référendum. Par exemple, dans le système français, ce n'est pas le président de la République seul qui est la grande autorité exécutive qui décrète le référendum, parce que le président de la République, selon l'article 11, sur proposition du gouvernement durant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées publiées au journal officiel, "Le Français", peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics. Il y a un peu plus loin dans la Constitution française un article qui donne la discrétion au président de décréter un référendum. C'est quand il s'agit, par une technique assez complexe, d'une révision d'un article de la constitution.

M. LE PRESIDENT: Le référendum que M. de Gaulle a tenu n'avait pas été décidé par le Parlement, c'était une initiative personnelle.

M. RIVEST: Oui, je pense que le dernier, oui.

M. LE PRESIDENT: Le dernier référendum, celui où il a mis son poste en jeu plus ou moins.

M. LESAGE: C'était sur une question constitutionnelle.

M. LE PRESIDENT: Oui. M. LESAGE: En vertu de...

M. RIVEST: Cela modifiait complètement le système de la constitution.

M. LE PRESIDENT: C'est ça.

M. LESAGE: Ce n'était pas en vertu de l'article 11?

UNE VOIX: Non, non.

M. LEVESQUE (Laurier): II y a une chose à propos de cela que peut-être il serait bon de voir, pour savoir aussi ce que le ministre en pense. M. Bonenfant, dans l'Action de ce matin — je le lisais par hasard — a un article sur le référendum et il parle du cas suisse évidemment qui est bien connu, où le droit de l'initiative dans le sens négatif existe; en Italie, je pense que c'est positif aussi, il peut avoir une loi pourvu qu'elle soit faite avec des articles, articulée comme une loi, et si X milliers d'électeurs...

M. LE PRESIDENT: Oui, nous l'avons tout examinée.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais je veux dire l'autre cas.

M. LESAGE: Non, mais ça été fait avant que vous arriviez.

M. LEVESQUE (Laurier): Je m'excuse... M. LESAGE: M. Rivest nous a donné...

M. LE PRESIDENT: Nous avons examiné:le projet de loi du Manitoba surtout, et de l'Alberta.

M. LEVESQUE (Laurier): Si vous avez abordé la question, je m'excuse, c'est simplement pour savoir oui ou non; dans le cas du rappel d'une loi — c'est arrivé assez souvent et ça peut arriver encore —...

M. LESAGE : Nous l'avons examinée.

M. LEVESQUE (Laurier): ... est-ce qu'il est possible de penser au droit d'initiative de tant de milliers d'électeurs pour demander que...

M. LE PRESIDENT: C'est ce que nous avons examiné tantôt. Vous le verrez d'ailleurs dans le journal. Si le député de Laurier le permet, tous ces propos-là ont été tenus tantôt par M. Rivest dans l'analyse de la loi de 1'Alberta et du Manitoba.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce qu'il y a eu des expressions d'opinion surtout du gouvernement dans le sens d'une possibilité de faire ça ou non?

M. LESAGE: Oui, ça été fait par M. Rivest, parce qu'il y a eu un jugement de la cour d'Appel du Manitoba et du Conseil privé.

M. LE PRESIDENT: Le gouvernement ici n'a pas manifesté d'opinion à ce sujet-là. M. Rivest a dit ce qui se faisait ailleurs.

M. LESAGE : II y a un jugement du Conseil privé qui nous dit quels sont les cadres constitutionnels à l'intérieur desquels il est possible d'avoir des référendums.

M. LEVESQUE (Laurier): Présentement, oui.

M. LESAGE: Ceux qui doivent, en vertu de la constitution actuelle.

M. RIVEST: L'initiative déclenchée, il y aurait moyen de chercher peut-être à qualifier ou à pondérer un peu la prérogative qu'on accorde à ce...

M. LE PRESIDENT: Vous voulez dire laisser l'initiative au lieutenant-gouverneur en conseil, oui, et peut-être une autre initiative, un autre mode laissé au Parlement.

M. RIVEST: Oui, je fonde ce que je viens d'affirmer...

M. LE PRESIDENT: En donnant vos exemples, vous avez l'exemple de la France.

M. RIVEST: ... sur le caractère profondément exceptionnel, je pense, que doit prendre dans le contexte québécois... En Suisse, c'est un mécanisme politique absolument normal, c'est très courant la tenue du référendum. Ici on n'a pas cette pratique-là, c'est un phénomène un peu nouveau.

M. RIVEST: Si on veut en faire vraiment un mécanisme politique exceptionnel, je pense qu'on a avantage à marquer ce caractère-là dans tous le processus de déclenchement et de déroulement du référendum.

Le deuxième problème, évidemment, est réglé directement par le projet de loi, c'est-à-dire ceux qui auront le droit de vote, en faisant reposer tout le mécanisme de la loi du référendum sur la loi électorale, on a disposé de ce problème-là.

L'autre problème que je voudrais souligner, c'est le problème des sujets qui peuvent faire l'objet d'un référendum. L'article 4, encore une fois, précise que "le lieutenant-gouverneur en conseil peut ordonner que les électeurs du Québec soient consultés par référendum, conformément à la présente loi, sur tout sujet qu'il indique". C'est-à-dire que le lieutenant-gouverneur en conseil dispose d'une discrétion totale et absolue.

Encore une fois, je vais référer au texte français. Ce ne sont pas tous les sujets qui peuvent, en France, faire l'objet d'un référendum. On peut soumettre au référendum "tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, comportant approbation d'un accord de la communauté européenne ou tendant à autoriser la ratification des traités qui, sans être contraires à la constitution, auront des incidences sur le fonctionnement des institutions."

Donc, en France, il semble que ce soit limité à l'appareil structurel des institutions gouverne- mentales françaises. Maintenant, cela est prévu dans le texte. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu de déterminer — encore une fois si on veut faire du référendum un mécanisme exceptionnel — un certain nombre de sujets. Je comprends que cela peut être limitatif à certains moments, et peut-être difficile, de tracer la ligne ou la limite, mais quand même, si on adoptait des grandes catégories de sujets sans aller trop dans les détails, peut-être que cela pourrait donner que le référendum pourrait être...

M. LE PRESIDENT: Cela, c'est nouveau dans la constitution française, c'est depuis la dernière constitution. Auparavant...

M. RIVEST: En France, la tradition, c'est d'attacher la tenue de référendums à des questions constitutionnelles ou d'organisations...

M. LE PRESIDENT: Même auparavant, même avant la dernière constitution.

M. RIVEST: Par contre, dans d'autres pays, comme je l'indiquais tout à l'heure, la Suède, vous voyez avec la conduite à gauche et à droite on peut aller...

M. LE PRESIDENT: N'importe quel sujet.

M. RIVEST: N'importe quel sujet. Aux Etats-Unis, en général, évidemment, puisque les constitutions internes des Etats contiennent des dispositions sur n'importe quoi, il y a des dispositions de droits privés simplement, des dispositions administratives, etc. Dans les constitutions internes des Etats, tous les Etats américains, sauf un je crois, ont un mécanisme de référendum pour amender la constitution. Alors, lorsqu'un gouvernement légifère, disons sur les terres et forêts, dans certains Etats, il se trouve à faire un amendement à la constitution interne de l'Etat et, à ce moment-là, le mécanisme du référendum joue.

A partir du moment où le sujet qui fait l'objet d'une législation ne tombe pas dans la constitution interne, dans 15 ou 20 Etats seulement, on peut avoir recours au référendum. Tandis qu'en dehors de cela, on ne peut pas avoir recours au référendum.

M. CHOQUETTE: M. Rivest, compte tenu de la constitution fédérale des Etats-Unis, enfin fédérale dans le même sens que notre constitution fédérale, est-ce qu'il y a des référendums qui ont été tenus par des Etats américains où la question de la compétence constitutionnelle de ces Etats a été mise en cause, parce que la question posée excéderait la compétence des Etats en vertu de la constitution américaine?

M. RIVEST: Je n'ai pas de cas, mais je pense que oui. C'est pour cela que tantôt j'ai affirmé

qu'au Québec on ne pourrait déterminer un sujet qui pourrait faire l'objet d'un référendum et qui serait à l'extérieur des pouvoirs impartis à la juridiction des provinces, et justement à cause de problèmes qui sont survenus dans l'Etat fédéral américain au sujet de la tenue des référendums. On ne peut pas sortir du cadre constitutionnel qui est fixé et je pense que, dans les Etats américains, le problème s'est posé.

Les grandes catégories de sujets que je verrais, à première vue, après avoir parcouru un peu les autres lois, ce serait peut-être le partage des responsabilités étatiques entre les différents pouvoirs, c'est-à-dire l'exécutif, tout l'aménagement des rapports entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire, uniquement sur le plan interne, les modifications importantes à être apportées à certaines institutions, comme par exemple, si c'était possible, le principe de la responsabilité ministérielle ou encore sur le plan des grandes structures administratives que l'Etat pourrait se donner, soit des administrations régionales.

J'ai vu dans un journal qu'au Manitoba, récemment, en 1966 ou 1967, je pense, on a fait un référendum sur la question de la fusion des commissions scolaires. Je ne sais pas si c'était en vertu d'une loi précise du référendum ou en vertu d'une loi scolaire, je n'ai pas vu le résultat.

M. LESAGE: C'était peut-être une loi spéciale. Il n'y a rien qui empêche de passer une loi spéciale, parce que le plébiscite de 1942 au fédéral avait été tenu en vertu d'une loi spéciale.

M. LEVESQUE (Laurier): Dans le cas du Manitoba, si j'ai bonne mémoire, le gouvernement voulait la fusion, et le référendum a dit non.

M. RIVEST: Alors, quant à la rédaction des sujets, je comprends que ça pourrait être difficile, mais on pourrait songer à déterminer des sujets importants, si on veut véritablement faire du référendum quelque chose d'exceptionnel, au lieu d'être dans l'usage courant et ce qui en fait n'est peut-être pas dans nos moeurs politiques ou dans nos habitudes politiques.

Quant à la rédaction de la question, le projet de loi accorde à l'Assemblée nationale le droit de discuter assez largement de la rédaction de la question. C'est le paragraphe 2 de l'article 4: les électeurs sont consultés lors des référendums par voie de questions qui leur sont posées, dont le texte doit être soumis, sur proposition du premier ministre, à l'approbation de l'Assemblée nationale, et on permet même la discussion de l'ordre des questions s'il y a plusieurs questions.

Je pense que, dans les questions, c'est assez difficile de faire un commentaire, sinon de dire que les questions doivent être simples. L'expé- rience américaine, à ce sujet-là, c'est que quand ils adoptent un projet de loi et qu'ils vont ensuite en référendum, il y a de véritables parchemins qui sont remis aux électeurs, des projets de loi au complet; c'est assez bizarre comme technique.

Donc, des questions simples, des questions claires. Les questions doivent être claires, précises et compréhensibles. Maintenant, le problème que je voudrais mentionner aussi, à ce moment-ci, c'est peut-être la difficulté... Enfin le projet de loi ne prévoit absolument rien sur le plan de la question de l'information qui sera donnée, qui sera attachée au déclenchement du mécanisme du référendum.

Il peut être facile de dire oui ou non à une question, mais il faut quand même que la population soit informée des conséquences ou des implications que peut avoir un oui ou un non.

Alors, comment, en vertu de quoi et par qui va être faite l'information? Quel sera le rôle des organismes gouvernementaux à cet égard? Quels seront les droits qui seront accordés aux diverses tendances, même si théoriquement on peut penser qu'elles sont largement minoritaires? Je pense que, si on veut véritablement utiliser le référendum pour qu'il soit quelque chose de sérieux et de déterminant, là-dessus, on doit prévoir au moins une égalité des chances.

M. LESAGE: M. le Président, est-ce que vous permettez de demander à M. Rivest...

M. LE PRESIDENT: Vous allez peut-être parler de l'Office d'information.

M. LESAGE: Est-ce que, d'après toute l'économie du projet de loi qui est devant nous, un rôle assez grand n'est pas laissé aux partis politiques?

M. RIVEST: Oui.

M. LESAGE: Puisque ce sont les partis politiques qui auront des représentants.

M. RIVEST: Et on enlève la disposition en ce qui a trait aux limites des dépenses.

M. LESAGE: Oui, je comprends ça. Tout le chapitre des dépenses électorales ne s'applique pas en vertu du projet de loi qui est devant nous, parce que tout le projet de loi réfère aux articles de la loi électorale. Par conséquent, il y a un grand rôle qui est laissé aux partis politiques. A ce moment-là, les partis politiques n'ont pas de sources particulières de revenus. Je dégage M. Rivest de ce que je dis, complètement. C'est une observation personnelle, mais j'en profite pour le faire au moment où il soulève cette question de la nécessité d'informer le public.

Alors, si on laisse cette responsabilité aux partis politiques, eh bien, quand on sait ce que coûtent l'information et la publicité, je me demande s'il ne faudrait pas trouver les moyens de permettre aux opposants de faire leur publicité.

M. LE PRESIDENT: Je crois bien que...

M. LESAGE: II y a plus que cela. Supposons par exemple que tous les partis politiques sont d'accord pour répondre oui à une question et qu'un organisme, comme le Front — je le prends au hasard parce que c'est plus dans les nouvelles — comme le Front du Québec français par exemple, veut s'y opposer, est-ce qu'il serait juste à ce moment-là que les partis politiques ou même le gouvernement par l'Office d'information et de publicité, les partis politiques à même leurs fonds électoraux, fassent de la publicité pour le oui et laissent les opposants presque sans source de revenus? Je pense que c'est une question très importante.

Je ne voudrais pas engager M. Rivest dans cette discussion, mais nous aurons à en discuter entre nous.

M. LEVESQUE (Laurier): Cela peut devenir à toutes fins pratiques le triomphe de la propagande automatique dans chaque cas, si cela n'est pas prévu.

M. LE PRESIDENT: Voici cela a été une des raisons, je l'ai dit très honnêtement, pour laquelle nous n'avons pas voulu tenir de référendum — c'est une des raisons — à l'occasion des élections. C'est une des raisons, le contrôle des dépenses.

M. RIVEST: Si vous me permettez, je dois dire...

M. LE PRESIDENT: C'était pratiquement impossible.

M. LEVESQUE (Laurier): Oui, mais cela élimine une chose...

M. LE PRESIDENT: Je note cela. J'aurai d'ailleurs, soit ici, soit plus tard, l'occasion de donner des raisons là-dessus, mais je voulais en parler en passant.

M. RIVEST: Je dois dire aussi que dans les lois que j'ai consultées sur les référendums, nulle part à ma connaissance je n'ai vu de dispositions spéciales...

M. LE PRESIDENT: Non.

M. RIVEST: ... relatives au problème de l'information.

M. LE PRESIDENT: Non. Il n'y en a pas.

M. LEVESQUE (Laurier): II faut dire que la plupart des lois qui concernent les référendums, celles qui sont les mieux connues, comme aux Etats-Unis et en Suisse, sont quand même des lois anciennes qui datent du temps où le problème de l'information comme il se pose aujourd'hui ne se posait pas. Il est nécessaire d'y repenser.

M. LE PRESIDENT: Si on prenait pour les fins de discussion la tenue du dernier référendum en France, à ce moment-là il serait peut-être important de savoir s'il y a eu de la publicité de faite, publicité par l'Office...

M. LEVESQUE (Laurier): Ils ont eu un droit égal, je me souviens, à la télévision...

M. LE PRESIDENT: Oui, à la télévision, je me souviens. Mais maintenant...

M. LEVESQUE (Laurier): L'affichage.

M. LE PRESIDENT: ... est-ce qu'il y a eu d'autre publicité de faite, soit des annonces dans les journaux, des panneaux-réclame?

M. LEVESQUE (Laurier): en France les panneaux-réclame sont divisés, si j'ai bonne mémoire. Ils ont fait la même division, pour les non et pour les oui, qu'ils font, en général, au moment des élections.

Et j'ai vu, tout le monde pouvait voir à la télévision au moment du dernier référendum, de vastes étalages de panneaux-réclame comme ils font en France, où il y avait des oui, des non, des oui, des non. C'était divisé équitablement, autant qu'on pouvait voir.

M. LESAGE: La seule expérience personnelle que j'aie vécue, c'est l'expérience de 1942.

M. LE PRESIDENT: On était organisé.

M. LESAGE: A ce moment-là en 1942 — sur la question du plébiscite, lors du plébiscite fédéral sur la question de la mobilisation des troupes, la conscription pour me servir du terme employé à ce moment-là — le gouvernement s'était prononcé pour le oui, le premier ministre du Québec s'était prononcé pour le oui, les partis politiques fédéraux avec leur caisse électorale s'étaient chargés de publicité. Les opposants dont je faisais partie n'avaient pas de sources de revenu. Nous avons dû faire des sacrifices financiers considérables.

M. LE PRESIDENT: La ligue pour la défense du Canada.

M. LESAGE: C'est cela. Il a fallu faire des sacrifices...

M. LE PRESIDENT: Je me rappelle maintenant.

M. LESAGE: ... financiers considérables. Moi, j'étais à ce moment-là contre les deux chefs.

M. LE PRESIDENT: Le bénévolat a été la règle.

M. LESAGE: Ce qui est arrivé, c'est que dans le Québec, avec le bénévolat nous avons eu une vaste majorité de la population qui a dit non.

M. LE PRESIDENT: Par principe.

M. LESAGE: ... mais nous n'avons pas pu pénétrer dans les autres provinces parce que nous n'en avions pas les moyens.

Alors notre information, notre publicité, nous n'avons pas pu la faire pénétrer dans les autres provinces où il y a eu un oui massif.

C'est depuis ce temps-là que j'ai peur des référendums.

M. RIVEST: Alors en terminant, je voulais simplement souligner un point, formuler une suggestion qui recouperait tous les problèmes, entre autres ceux que j'ai soulignés à propos du projet de loi.

Disons grosso modo que peut-être que dans la rédaction du projet de loi, l'exécutif a trop de prérogatives qu'il manque de pondération sur certains points que j'ai pu indiquer, entre autres sur le moment de déclencher les élections, sur l'opportunité du référendum, sur les sujets, la détermination des sujets.

Je comprends que le président des élections aura un droit de surveillance sur tout le déroulement du référendum. Encore une fois, faudrait-il revenir pour mentionner à nouveau — cela a déjà été mentionné aux séances précédentes de la commission — la nécessité qu'il y aurait de créer un conseil constitutionnel qui, lui, pourrait au moins donner ses avis au gouvernement, soit sur la rédaction des questions, soit sur la détermination des sujets, soit comme en France — on parle des deux assemblées, donner son avis sur le moment de déclencher les élections, surveiller l'application — établir des normes d'équité pour toutes les tendances sur le plan de l'information, comme on vient de le souligner. Tout cela en plus des autres fonctions dont on a parlé précédemment ici, au sujet de ce conseil constitutionnel. Je pense que cela pourrait être une forme capable de pondérer ce déséquilibre qui m'apparaît, quant à moi, exister dans la rédaction de l'article 4.

M. LEFEBVRE: M. Rivest, vous avez parlé du droit qui serait attribué au conseil constitutionnel de donner son avis sur le moment de déclencher les élections...

M. RIVEST: Les référendums.

M. LEFEBVRE: C'est juste pour...

M. RIVEST: Non, c'est seulement une suggestion. Cela existe en France.

M. LEFEBVRE: ... le journal des Débats...

M. RIVEST: En France, le conseil constitutionnel a un certain droit de regard et de surveillance sur toute la procédure et toute la technique du déclenchement du référendum. Maintenant, ailleurs, cela n'existe pas. Je dois aussi peut-être signaler, avant de terminer, que le seul pays qui a le même système politique, la même organisation politique que la nôtre et qui a une technique de référendum, est l'Australie. Cela s'applique presque exclusivement en matière constitutionnelle.

M. LE PRESIDENT: Cela joue un peu le rôle de frein à des amendements qui peuvent être proposés à la constitution par voie législative dans un Parlement. Cela peut jouer le rôle de frein...

M. RIVEST: C'est cela.

M. LE PRESIDENT: ... à des amendements qui seraient proposés, surtout dans un Parlement où nous avons une seule Chambre.

M. RIVEST: C'est exactement le même principe que nous avons souligné.

M. LAPORTE: Est-ce que l'examen que vous avez fait de cette question vous a amené à étudier, à mesure que des référendums étaient tenus, si cela pouvait aboutir à décharger le gouvernement de son devoir de décider? Est-ce que c'est une façon, autrement dit, de s'en remettre à d'autres plutôt que de prendre ses responsabilités?

M. RIVEST: Cela peut toujours en être une. Mais disons, peut-être pas pour répondre directement à votre question, que l'expérience globale d'à peu près tous les pays en ce qui concerne le référendum aboutissent à un oui. Sauf en somme en France où on a l'exemple du dernier référendum qui a été une surprise. Et en France, entre autres, dans la littérature juridique française, on conteste vivement la procédure du référendum. Ce n'est pas une procédure qui est acceptée par tout le monde. Aux Etats-Unis, actuellement, malgré la prolifération d'appels directs aux votes des électeurs, on sent un abstentionniste de plus en plus marqué et il ne semble pas que ce soit une technique qui puisse véritablement atteindre les objectifs de départ.

M. LAPORTE: Est-ce que le référendum est une façon efficace de consulter les citoyens sur un problème donné?

M. RIVEST: C'est très difficile à déterminer. Mon impression globale est que c'est efficace dans la mesure où cela ne se produit pas trop souvent.

M. LAPORTE: Est-ce qu'il y a actuellement des auteurs qui, ayant étudié le référendum dans son application, là où il est appliqué, en viennent à la conclusion que le référendum n'a jamais été ou a cessé d'être efficace dans les buts qu'il désirait atteindre, c'est-à-dire consulter le peuple?

M. RIVEST: II y en a.

M. LAPORTE: II y a des auteurs qui mettent en doute même le principe du référendum?

M. RIVEST: Oui. Entre autres, ce que j'ai vu, c'est en France particulièrement. Je l'ai souligné tantôt. La technique du référendum est vivement contestée pour les raisons que vous avez indiquées.

M. CHOQUETTE: ... En France même, n'y a-t-il pas un exemple de référendum qui a servi à ce que l'on a appelé, peut-être, un coup de force constitutionnel? Pardon?

M. BOUSQUET: Du temps de Bonaparte...

M. LEVESQUE (Laurier): Sous Napoléon III.

M. CHOQUETTE: Non, non. Je parle d'une chose récente, en 1962. Est-ce qu'il n'y a pas eu un référendum qui a servi à amender la constitution, alors que c'était très contesté? Si l'on devait avoir recours à cette procédure-là justement pour faire les modifications...

M. RIVEST: Oui, c'est en 1961. M. CHOQUETTE: 1961.

M. LEVESQUE (Laurier): Pour les pouvoirs spéciaux là?

M. CHOQUETTE: Mon souvenir est très vague, mais il me semble que l'on a abusé en somme du procédé...

M. PROULX: Pour consulter la population, est-ce que vous accordez une certaine crédibilité à toute cette méthode scientifique d'enquêtes de psychologues, enfin dans l'enquête que l'on a faite dernièrement? Est-ce que vous y accordez une certaine crédibilité pour tâter le pouls d'une population?

M. LE PRESIDENT: Est-ce que les collègues ont d'autres questions?

M. LESAGE: J'aurais une question peut-être à poser. M. Rvest a mentionné à plusieurs reprises les référendums tenus au niveau des Etats chez nos voisins du Sud. Est-ce que ces référendums ne sont pas ordinairement tenus à l'occasion des élections législatives?

M. RIVEST: Ils ont le choix. J'ai vu des constitutions d'Etats où ils ont le choix. C'est soit au moment des élections ou en dehors.

M. LESAGE: Oui. Ordinairement, c'est au moment des élections?

M. RIVEST: C'est ça. Oui, oui.

M. LESAGE: Et ça devient une corvée terrible d'aller voter parce qu'il faut voter pour les représentants du peuple. Il faut voter... Il y a un tas d'élections qui se tiennent le même jour, il faut donner de nombreux votes et, en plus de cela, il faut répondre à des questions auxquelles sont attachés des documents qui prennent presque la proportion de volumes. Alors, ce n'est pas surprenant que l'abstentionnisme soit de plus en plus marqué !

M. RIVEST: II y a même un référendum aux Etats-Unis où, non seulement c'était un volume, mais c'était un texte qui avait un mètre de long.

M. LESAGE: Un mètre de long.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est bon pour tapisser.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'on a d'autres...

M. LEVESQUE (Laurier): Donc il découle de l'article de Bonenfant ce matin si vous ne l'avez pas évoqué... C'est parce que j'ai vu arriver la loi électorale. Tout le monde dit que la loi est reliée à la loi électorale, et, quelque soit l'usage qu'on fasse du référendum, s'il est le moindrement fréquent, en tenant compte des restrictions que M. Rivest évoquait, ça se trouve à poser — et ça nous amène dans un autre domaine, mais j'aimerais bien qu'on ne l'oublie pas — ça se trouve à poser le problème des listes électorales ou des listes permanentes. Cela implique, encore une fois, que s'il n'y a pas une énumération à chaque fois, à supposer que le processus doive servir si peu que ce soit régulièrement, ça impliquerait qu'il y ait des listes permanentes.

C'est la dernière remarque que Bonenfant fait, et il me semble, qu'elle saute aux yeux.

M. CHOQUETTE: M. Rivest, est-ce que je pourrais vous poser une question? Vous y avez peut-être répondu mais pour résumer... D'après vous, dans quelles circonstances le référendum est-il manifestement utile?

M. RIVEST: Dans l'approbation des modifications constitutionnelles, des changements...

M. CHOQUETTE: Donnez-vous votre opinion, c'est tout.

M. RIVEST: Moi, personnellement je le restreindrais à des questions constitutionnelles, d'amendements constitutionnels, de revision constitutionnelle.

M. LE PRESIDENT: Mais, par contre, vous nous avez dit tantôt que, dans plusieurs pays ou dans plusieurs Etats américains, cela portait sur n'importe quel sujet.

M. RIVEST: Oui.

M. LE PRESIDENT: II y avait un droit d'initiative, soit pour le lieutenant-gouverneur en conseil, pour le gouvernement, ou pour l'assemblée, droit d'initiative assez vaste sur n'importe quel sujet.

M. LEVESQUE (Laurier): Mais, M. le Président, — je pense que je dois répéter, parce que vous étiez occupé avec le chef de l'opposition — il me semble que cela vaudrait la peine de ne pas l'oublier non plus, parce qu'à part le problème de l'information, si aux Etats-Unis, très souvent, ou la plupart du temps, c'est au moment des élections, c'est parce que ça coincide avec le moment où les électeurs ont tous été rechiffrés, enfin sont tous présents. Alors, chez nous, si on relie cela à la loi électorale et que ça doive servir le moindrement régulièrement, enfin si l'on ne passe pas une loi simplement pour la mettre dans un statut, est-ce que ça ne pose pas — est-ce que le gouvernement y a pensé — le problème des listes permanentes de nouveau?

M. LE PRESIDENT: J'ai reçu une lettre. Le député de Laurier m'en avait parlé. Je regrette, je n'ai pas la lettre avec moi. Je pourrai probablement la verser au dossier... (Voir annexe)

M. LEVESQUE (Laurier): De M. Drouin?

M. LE PRESIDENT: Si mon souvenir est bon, le coût de la préparation d'une liste électorale permanente serait d'environ $1 million et demi par année. M. Drouin, auriez-vous avec vous le texte de la lettre que vous m'avez envoyée? Voulez-vous la faire venir? Je pourrais peut-être la lire.

M. LESAGE: Si vous voulez vous approcher, seulement un instant. Vous m'avez dit en réponse à une question que je vous ai posée avant la séance que ça coûtait $30 par tête par année quelque part — je m'excuse, je faisais trois choses en même temps — en Australie?

M. DROUIN: En Australie, je crois que ça revient à $2 par tête par année.

M. LESAGE: $2 par tête par année.

M. DROUIN: Parce qu'eux, ils font une révision tous les trois mois. Ils ont quatre révisions par année.

M. LEVESQUE (Laurier): M. Drouin, parce que ça sert dans tous les Etats et est-ce que selon les périodes, c'est une liste nationale qui est mise à la disposition des Etats? Est-ce qu'ils s'en servent au niveau municipal aussi?

M. DROUIN: Je l'ignore. Excusez-moi.

M. LE PRESIDENT: Si nous avons terminé avec M. Rivest, je pourrais faire entendre M. Beaudoin.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que nous pourrions avoir la lettre?

M. LE PRESIDENT: Oui, oui. Je le fais venir. Entendre M. Beaudoin sur le problème suivant: Pourquoi n'y a-t-il pas de tenue de référendum en même temps que les élections? Me Pierre Beaudoin.

M. LESAGE: On va remercier M. Rivest.

M. LE PRESIDENT: Mais oui, absolument.

M. LESAGE: On va lui demander de reprendre ses fonctions comme sous-secrétaire.

M. LE PRESIDENT: Oui. Je vous remercie beaucoup au nom de tous les membres de la commission pour l'excellent travail que vous nous avez présenté.

Me Pierre Beaudoin est attaché à notre bureau d'officiers légistes.

M. BEAUDOIN: Disons que, pour apporter peut-être quelques petites précisions.

M. LE PRESIDENT: Monsieur, étant donné que vous avez fait des études semblables à celles de Me Rivest, partagez-vous son opinion au sujet du plébiscite et des référendums?

M. BEAUDOIN: Disons qu'il y a peut-être quelques petites précisions. Je suis d'accord avec l'essentiel de tout ce qu'il a dit, je pense que c'est une très bonne étude qu'il a faite. Disons que pour ce qui est du plébiscite et du référendum, on peut dire qu'en fait les deux termes sont confondus et pas seulement ici, mais on peut dire par exemple qu'en Suisse, Maurice Duberger dit lui-même que les mots "plébiscite" et "référendum" sont employés l'un pour l'autre. Au Canada, ici, traditionnellement on a utilisé les termes également l'un

pour l'autre; en 1942, il y a eu le plébiscite au fédéral, en 1948, il y a eu la loi du référendum à Terre-Neuve, par laquelle Terre-Neuve est entré dans la Confédération canadienne. Je pense que l'un ou l'autre des termes finalement peut être utilisé. Il y avait au départ, si vous voulez, une différence de nature, mais à cause de l'utilisation qui en a été faite un peu partout, je pense qu'aujourd'hui les termes sont presque interchangeables; ça, c'est mon opinion sur la question.

M. LESAGE: II y a beaucoup de gens qui disent que sous le général de Gaulle les référendums ont été plébiscités.

M. BEAUDOIN: Oui, justement.

M. LESAGE: Ce qui veut dire qu'il reste une distinction dans les deux termes.

M. BEAUDOIN: Le dernier plébiscite qu'on a tenu en France sous le terme de plébiscite était tenu sous Napoléon III; depuis ce temps-là, toutes les consultations populaires ont été tenues sous le terme de référendum.

M. LESAGE: Oui. On en concluait la plupart du temps que le général de Gaulle se faisait plébisciter par des référendums.

M. BEAUDOIN: En France le mot "plébiscite" était surtout...

M. LE PRESIDENT: Etait de la démocratie directe.

M. BEAUDOIN: ... porté sur un homme, alors qu'un référendum sur une question qui était posée.

M. LESAGE: C'est ça.

M. BEAUDOIN: Bien que le plébiscite, d'après l'étymologie strictement, ne devrait pas normalement porter seulement sur...

M. LEVESQUE (Laurier): Avec de Gaulle, même un référendum c'est un plébiscite.

M. LESAGE: Plébiscite vient de plebs qui veut dire peuple.

M. BEAUDOIN: Alors disons que pour ce qui nous occupe, le terme "référendum" serait certainement approprié.

Maintenant, quitte à savoir pourquoi on ne devrait pas tenir — une autre question que M Rivest a soulevé que je voudrais peut-être préciser — c'est à savoir s'il y aurait possibilité d'inconstitutionnalité d'un référendum. Je pense qu'en étudiant l'arrêt du Conseil privé sur la cause du Manitoba, on peut venir à la conclusion qu'un référendum strictement consultatif n'est pas inconstitutionnel, enfin n'apporte aucune inconstitutionnalité, c'est ce qu'on prévoit faire ici.

Ce qui pourrait être inconstitutionnel, ce qui pourrait lier les pouvoirs du lieutenant-gouverneur ou de l'assemblée, ce serait un référendum obligatoire où le gouvernement s'engagerait à suivre le résultat. Mais pour ce qui est d'un référendum strictement consultatif, je pense qu'il n'y a pas de problèmes constitutionnels là-dessus.

Maintenant, à la question de savoir pourquoi on ne tient pas de référendum à l'occasion des élections, là, évidemment, il y a plusieurs arguments qui peuvent être invoqués. J'ai ici des arguments qui favorisent l'exclusion, c'est-à-dire qui favorisent le partage entre les élections et les référendums, on pourrait sans doute évidemment en invoquer pour lier le référendum aux élections.

Les motifs qui pourraient être invoqués ici pour distinguer, si vous voulez, la tenue des référendums de celle des élections sont de deux ordres principaux. D'abord, il serait presque impossible de contrôler les dépenses faites à l'occasion d'un référendum, notamment par les organismes intéressés qui ne sont pas reliés directement à un parti politique. C'est toute la philosophie, à ce moment-là, du contrôle des dépenses qui est sanctionnée par la Loi électorale actuelle qui pourrait être contournée si on permettait la tenue de référendum lors d'élections générales.

Un deuxième ordre de motifs — j'élaborais sur le premier tout à l'heure — on pourrait dire que, s'il y a référendum en même temps qu'une élection, il y aurait danger de confusion dans l'esprit de la population. Traditionnellement, une élection a toujours pris d'une certaine manière l'allure d'un plébiscite pour ou contre le gouvernement au pouvoir évidemment. A ce moment-là, la population pourrait confondre les deux problèmes, à savoir: donner une absolution ou un mandat à un gouvernement et, d'autre part, donner son accord ou non à la question qui est posée par référendum. A mon sens, ce seraient les deux principaux motifs qui devraient vous pousser à ne pas lier la tenue des élections à celle d'un référendum.

D'abord, le contrôle des dépenses. Nous savons qu'en vertu des articles 372 et suivants de la Loi électorale, les dépenses au cours d'une période électorale sont sévèrement contrôlées. L'article 373 précise que personne d'autre que l'agent officiel d'un candidant ou d'un parti reconnu ne doit faire ou autoriser des dépenses électorales.

Qu'est-ce qui arriverait si un référendum devait être tenu à l'occasion d'une élection? Admettons, par hypothèse, qu'un ou deux partis politiques suggèrent à la population de répondre oui à la question et un autre parti suggère de répondre non. A ce moment-là, l'élection ne se ferait plus uniquement, bien sûr,

sur les partis et sur leur programme mais également sur leur option dans la réponse à donner au référendum. Alors les partis politiques ne seraient pas les seuls groupements organisés à se prononcer sur le problème soulevé par le référendum. Il est normal de prévoir que tous les groupements responsables feraient connaître leur position et il faudrait même — et ce serait même normal — que les groupements responsables soient encouragés à faire connaître leur position sur la question posée.

A ce moment-là, pour faire connaître leur position, ces groupements seraient appelés à faire, forcément, une certaine publicité et à faire des dépenses en conséquence. Ces dépenses, en plus de promouvoir aux yeux de la population l'idée soutenue par le groupement, favoriseraient directement le parti ou les partis politiques qui se seraient identifiés à l'opinion défendue par le groupement concerné. Exemple, le parti X décide de recommander aux élections de répondre oui. Or, un corps intermédiaire, la Société Saint-Jean-Baptiste, la chambre de commerce ou un autre — évidemment, ces deux-là ne seraient peut-être pas d'accord — décide, lui aussi, de faire campagne pour la même réponse et engage des dépenses en ce sens. On constate facilement quel danger il y aurait d'une confusion plus ou moins grande entre les dépenses du parti politique X et les dépenses du groupement ou du corps intermédiaire Y. Les dépenses du mouvement deviendraient alors en fait des dépenses électorales, même si le mouvement n'était pas tenu de passer par l'entremise d'un agent officiel. Un groupement pourrait engager à ce moment-là des sommes énormes lui provenant de quelque source que ce soit, y compris peut-être même des partis politiques, dans une lutte qui amènerait ce groupement-là à favoriser directement un parti politique au cours d'une campagne électorale. Aucun contrôle ne pourrait être exercé sur ces dépenses sauf évidemment en modifiant la Loi électorale et puis en exigeant que le groupement passe par un agent officiel, etc., ce qui pose une foule de problèmes. Il faudrait presque qu'il y ait des agents dans chaque bureau et même, éventuellement, un agent officiel dans chaque circonscription électorale.

Alors, c'est la principale raison, je pense, pour laquelle il faudrait distinguer la tenue des référendums de la tenue des élections.

Le second motif s'explique un peu par lui-même, c'est qu'à mon sens il serait néfaste qu'une confusion s'établisse dans l'esprit des électeurs à l'occasion d'une élection où serait tenu un référendum.

Le fait de voter pour un parti politique entraîne normalement l'adhésion aux politiques proposées par ce parti, et il pourrait paraître incongru qu'un jour un parti soit élu pour former un gouvernement mais que, d'autre part, les électeurs rejettent les positions de ce parti-là sur la question qui a été posée dans le référendum. Alors ce sont les deux principales raisons, je pense, pour lesquelles il est préférable de séparer les deux questions.

M. LE PRESIDENT: M. Beaudoin, je vous remercie beaucoup de ce travail sur les raisons qui militent en faveur de la tenue d'un référendum en dehors d'une élection. Est-ce que des collègues ont des questions à poser?

M. LEVESQUE (Laurier): Cela me parait probant.

M. LESAGE: Etant donné ce que vient de dire M. Beaudoin, évidemment je ne voudrais pas l'engager dans une telle discussion, il y aurait peut-être lieu d'inscrire certaines prohibitions quant à la tenue d'un référendum durant une période électorale. Mais tout ça viendra, je le pense bien, plus tard.

UNE VOIX: Nous avons une optique là-dessus.

UNE VOIX: Discrétion quant à la date...

M. LESAGE: C'est 36c: "Tout bref pour la tenue d'un référendum devient nul dès qu'un bref d'élection est émis avant la date à laquelle doit avoir lieu le scrutin, lors de ce référendum."

M. LE PRESIDENT: C'est édicté dans la loi. C'est ça.

M. LESAGE: Je me demande si c'est assez clair.

M. LE PRESIDENT: II y a moyen de le préciser, mais quand nous avons élaboré la loi, il était clair qu'il n'y avait pas de référendum en même temps que les élections.

M. LESAGE: De toute façon nous examinerons, en comité...

M. LEFEBVRE: M. le Président, c'est peut-être prématuré de soulever la question maintenant, mais, à mon avis, il reste quand même quelque chose d'important dans cette affaire parce que le gouvernement pourrait utiliser le référendum comme une sorte de sondage à la toute veille d'une élection, juste avant l'émission des brefs. C'est pour ça, quant à moi, que la date de la tenue du référendum devrait être discutée à l'Assemblée nationale en même temps...

M. LE PRESIDENT: Ah, ça c'est un autre problème! Mais sur le problème que M. Beaudoin a examiné, est-ce qu'on a d'autres questions?

Merci, merci beaucoup, M. Beaudoin.

Est-ce qu'on a l'intention d'entreprendre ce

matin l'examen du bill, article par article, ou si on préfère relire tout ce qui a été dit? On pourrait compter que cette première séance a été une séance — c'est le cas de le dire — préliminaire d'information, et nous pourrons peut-être — à moins que les travaux parlementaires nous en empêchent — tenir une autre séance d'ici à l'ajournement; mais je crois, je le dis immédiatement, que ce sera plutôt possible lors de la reprise des travaux parlementaires en février, étant donné la besogne législative qui nous reste à abattre.

Deuxièmement, nous devons tenir des séances, aujourd'hui d'ailleurs, au sujet du bill 62. Nous devons nous partager entre les travaux de la commission ici et les travaux en Chambre.

Je note immédiatement que le chef de l'Opposition sera retenu en Chambre pour l'examen de certains projets de loi qui ont été commencés, alors que la commission de l'Education siégera ici à compter de 4 heures.

M. LESAGE: 3 h 30.

M. LE PRESIDENT: 3 h 30, cet après-midi.

M. LEVESQUE: Qu'est-ce qu'il y a en haut, juste en passant?

M. LE PRESIDENT: En haut il y a Rexfor...

M. LESAGE : Nous allons terminer le bill 24...

M. LE PRESIDENT: Le bill 24 et Rexfor...

M. LESAGE: Le bill 57.

M. LE PRESIDENT: Le bill 57.

M. LESAGE: Le bill du ministre des Terres et Forêts pour l'exploitation forestière.

M. LEVESQUE: Ah, le bill péquiste là...

M. LESAGE: En réponse à la question que vous avez posée, à savoir si nous devrions entreprendre l'étude, article par article...

M. LE PRESIDENT: Pas ce matin.

M. LESAGE: Pas ce matin, c'est sûr et pas même la prochaine fois. Toute l'économie de la loi, tout le principe de la loi est en définitive à l'article 4. C'est à cet article 4 que se posent de nombreuses questions sur lesquelles M. Rivest et M. Beaudoin ont attiré notre attention.

Première chose: y a-t-il lieu de déterminer les catégories de sujets sur lesquels un référendum pourrait être tenu?

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. LESAGE: Deuxièmement, est-ce qu'on devrait laisser au lieutenant-gouverneur...

M. LE PRESIDENT: Seul.

M. LESAGE: Seul au lieutenant-gouverneur en conseil, le pouvoir d'ordonner un référendum ou si l'Assemblée nationale ne devrait pas être consultée sur le point quant à la tenue?

M. LE PRESIDENT: Quant à la tenue.

M. LESAGE: Si on décide d'avoir une loi des référendums, est-ce qu'il ne faudrait pas en profiter pour établir un conseil constitutionnel qui aurait un rôle à jouer dans la détermination des sujets, dans la préparation des questions, etc.?

Troisièmement, est-ce que cela ne veut pas dire qu'il nous faudra une liste électorale permanente?

Quatrièmement, est-ce que la date de la tenue du référendum ne devrait pas être fixée par l'Assemblée nationale et non pas par le lieutenant-gouverneur en conseil?

Je pense qu'à la lecture des expertises...

M. LE PRESIDENT: C'est cela, des travaux.

M. LESAGE: Des rapports qui nous ont été faits par MM. Rivest et Beaudoin, nous pourrons dégager un nombre de questions de principe très importantes et que nous devrions, à mon sens, vider, avant d'entreprendre l'étude du projet de loi, article par article, puisqu'il s'agit après tout d'une concordance.

Il y a aussi cette question très sérieuse de l'information et de la publicité. Il faudrait bien que le gouvernement, je crois, étudie cette question et nous dise quelle est l'opinion du Conseil des ministres sur la façon, comment dirais-je, d'obvier à ce que je considère un obstacle majeur. Et une dernière question qui devrait peut-être être la première: Est-ce que, étant donné toutes ces circonstances, il vaut mieux avoir une loi des référendums ou s'il vaut mieux ne pas en avoir? C'est fondamental.

M. LEFEBVRE: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: A l'intérieur, oui.

M.LEFEBVRE: M. le Président, une seule question. Je m'inquiète de la présence à vos côtés du sous-ministre des Affaires intergouvernementales et j'aimerais demander au premier ministre...

M. LESAGE: II est secrétaire, le sous-ministre.

M. LEFEBVRE: Ah! je m'excuse, je ne connaissais pas ce détail, mais...

M. LESAGE: De la même façon que M. Rivest est assistant...

M. LE PRESIDENT: M. Pelletier, je crois...

M. LEFEBVRE: Je me demandais si ça indiquait que le gouvernement voulait utiliser la loi des référendums pour des questions qui concernent les relations intergouvernementales.

M. LESAGE: Ah! je pensais que c'était pour plébisciter M. Morin.

M. LE PRESIDENT: En réponse à la dernière question du chef de l'Opposition, il n'y a aucun doute, nous croyons, nous du gouvernement, qu'il est important que nous soyons dotés d'une telle loi des référendums, nous le croyons. Et c'est pourquoi nous avons soumis ce document.

Deuxièmement, ce document —bien entendu, je l'ai dit dès le début, je l'ai déjà déclaré — serait un document de travail. Ce qui veut dire que je suis prêt et mes collègues sont prêts à discuter des principes que l'on retrouve à l'article 4 ou qui s'en dégagent. C'est pourquoi nous l'avons soumis dès après sa première lecture à la commission parlementaire de la constitution. Le but que nous poursuivons, c'est d'essayer d'élaborer une loi des référendums qui réponde en autant que possible aux idées d'abord et aux opinions, non seulement d'un gouvernement mais du Parlement.

Et c'est pourquoi nous utilisons cette commission parlementaire de la constitution où tous les parlementaires, ou quelques-uns des parlementaires des deux partis ou des autres partis sont représentés.

M. LEVESQUE (Laurier): J'avoue que, pour ma part, j'ai fait partie de ce...

M. HOUDE: Je voudrais quand même faire remarquer que ce projet de loi concernant les...

M. LEVESQUE (Laurier): Ce n'est pas mon tour.

M. HOUDE: ... les référendums est à sens unique. Je veux dire par là que dans tous les exemples que M. Rivest a donnés, enfin dans plusieurs exemples, il était continuellement question, également dans le projet de loi, que la population, que le peuple pouvait selon certaines modalités exiger à un moment donné un référendum.

M. LE PRESIDENT: Non, je pense que c'est le droit de l'initiative ça. C'est le premier problème.

Le peuple, d'après le projet de loi, n'a aucune initiative comme tel. C'est le gouvernement qui l'a, par l'article 4 et il y aurait les autres possibilités.

M. HOUDE: Etant donné que cela existe ailleurs, est-ce qu'on peut songer, à un moment donné, dans la série de questions?

M. LE PRESIDENT: Nous l'avons, si vous voulez relire — étiez-vous ici depuis le début?

M. HOUDE: Oui.

M. LE PRESIDENT: Vous avez entendu les propos de M. Rivest. Vous pourrez les relire, comme nous, et vous verrez quelles sont toutes les modalités, quels sont les genres de référendums. Il nous a donné toutes sortes d'exemples.

M. LEVESQUE (Laurier): Je crois que j'ajouterai quand même à la question...

M. LE PRESIDENT: Vous avez l'initiative au peuple, le référendum de ratification...

M. LEVESQUE (Laurier): J'ajouterai aux questions du chef de l'Opposition celle-là. Je me souviens, par exemple, comment s'appelaient-elles, ces damnées lois, qui étaient devenus symboliques, en 1960? Je donne un exemple: le retrait du bill...

M. CHOQUETTE: La Loi Guidon...

M. LEVESQUE (Laurier): Oui, quelque chose dans ce genre-là.

M. CHOQUETTE: La loi Picard.

M. LEVESQUE (Laurier): Autrement dit des lois où on a l'impression — et cela peut durer assez longtemps — quelles ont été des lois exorbitantes ou des lois injustes et dont une bonne partie de la population — mais on peut difficilement savoir laquelle — en demande le retrait.

M. LEFEBVRE: Pas besoin d'une loi pour cela, on a juste besoin d'un bon gouvernement.

M. LEVESQUE (Laurier): II reste quand même que la question peut être posée sérieusement si un nombre X de milliers de citoyens ne pouvaient pas, une fois le mécanisme en marche...

M. LE PRESIDENT: II s'agit, M. le député d'Ahuntsic, de tenir un référendum pour savoir, de la part du peuple, quel est le bon.

M. LESAGE: Quant à moi, cela commence à me faire penser à des élections générales.

M. LEVESQUE (Laurier): On ne doit pas escamoter la question, moi, j'avoue que...

M. LESAGE: Non, non.

M. LE PRESIDENT: Non.

M. LEVESQUE (Laurier): J'avoue que je fais

partie de ceux que cela séduit comme n'importe qui au départ, les référendums. Sur la même base des questions du chef de l'Opposition, on peut commencer à se demander, peut-être avant n'importe quoi, est-ce que nous sommes mûrs pour cela et est-ce que, vraiment, le processus est aussi bon que, d'instinct, on l'imagine? En tout cas, cela vaut la peine d'y réfléchir parce qu'il y a l'air d'avoir autant de questions qu'il y a de réponses.

M. LESAGE: II y a une chose certaine, c'est que, dans tout pays ou tout Etat, si l'on veut, à majorité et minorité, cela peut devenir un instrument extrêmement dangereux.

M. LE PRESIDENT: Très dangereux.

M. LESAGE: Et puis, l'autre plébiscite de 1942, ce n'était pas une question de race ou de langue, mais cela y touchait...

M. LE PRESIDENT: Cela l'est devenu.

M. LESAGE: C'est devenu une question de race. Il est inévitable, à ce moment-là, que si on est pris avec une question de race, avec une question de langue, il est inévitable, dis-je, que la majorité l'emporte. Et c'est certainement un instrument dangereux pour les minorités.

C'est peut-être une des raisons pour lesquelles nous devrions limiter le champ d'application quant aux sujets qui pourraient faire l'objet d'un référendum.

Evidemment, nous n'aurons qu'une loi. Cela ne sera pas partie de la constitution.

M. LE PRESIDENT: Pour le moment.

M. LESAGE: Non. Alors, c'est un autre danger.

M. CHOQUETTE: L'idée du conseil constitutionnel...

M. LESAGE: Oui.

M. CHOQUETTE: ... soumise par M. Rivest pourrait peut-être tempérer...

M. LE PRESIDENT: Nous en avons déjà parlé lorsque le Conseil législatif a été aboli. Nous avions examiné la possibilité d'une deuxième Chambre — pour le moment cette idée-là a été mise de côté — ou la création d'un conseil constitutionnel. Nous en avions parlé à la commission parlementaire de la constitution. Est-ce qu'il y aurait lieu de créer un tel conseil et de lui faire jouer un rôle à l'occasion des référendums? C'est le problème que vous avez soulevé tantôt. Je pense que tous ces problèmes-là méritent d'être examinés. Que l'on tienne pour acquis que ce projet-là n'est pas apporté en vue d'imposer quoi que ce soit. Je voudrais que, si nous avons une loi, comme je le souhaite, cette loi-là reflète autant que possible l'opinion de la majorité et qu'elle soit dégagée complètement de toute partisanerie politique. Nous l'avons démontré ce matin. Si nous devons bâtir un outil, que ce soit un outil qui réponde véritablement aux idées des parlementaires.

M. LESAGE: M. le Président, pourrais-je faire une suggestion? Cette idée du conseil constitutionnel qui a surgi à l'occasion de l'abolition du Conseil législatif m'a toujours frappé comme étant peut-être une nécessité. Et d'ailleurs je pense, M. le Président, que vous-même, vos idées vont — je ne voudrais pas présumer vos opinions...

M. LE PRESIDENT: Je l'ai envisagé.

M. LESAGE: ... vont un peu dans la même direction. Est-ce que, M. le Président, je pourrais suggérer que vous chargiez, soit de vos légistes, soit des experts, de préparer ce que l'on pourrait peut-être appeler un livre blanc sur l'établissement possible d'un conseil constitutionnel. Je suggère que vous commenciez par la préparation d'un livre blanc.

M. LE PRESIDENT: Je dois dire qu'il y a déjà des travaux qui ont été faits dans ce sens-là. J'en avais fait préparer à l'occasion du bill proposant l'abolition du Conseil législatif. A ce moment-là, je vous avais dit que c'était prématuré, que nous n'avions pas le temps de les examiner; mais je peux faire continuer ces travaux qui pourront être versés ici aux dossiers, à la commission parlementaire de la constitution.

M. LESAGE: Si nous pouvions avoir quelque chose d'assez précis, cela nous orienterait sur une structure...

M. LE PRESIDENT: Sur une structure de conseil constitutionnel. Oui, parfait.

Nous vous saluons, M.

Michaud. Vous arrivez à la dernière heure. Vous allez recevoir le même salaire que les autres. Non, il venait tout simplement comme observateur.

UNE VOIX: Cela, c'est pour les meilleurs convenances.

UNE VOIX: II n'arrive pas comme un cheveu sur la soupe.

M. MICHAUD: Non, non. Mais je comprends qu'au sujet des référendums, vous allez éviter que ce soient des plébiscites.

M. LESAGE: M. Beaudoin...

M. LE PRESIDENT: Si vous voulez, vous lirez le journal des Débats...

M. LEVESQUE (Laurier): 385, 390, 279, ce n'est pas recevable comme remarque cela.

M. LE PRESIDENT: Voulez-vous proposer que le président quitte le fauteuil?

M. MICHAUD: 332.

M. LE PRESIDENT: Alors, je quitte le fauteuil en remerciant les membres de la commission parlementaire et les journalistes.

M. LEVESQUE (Laurier): Oh, la liste, la lettre de M. Drouin.

M. LE PRESIDENT: Oui. Dès qu'elle sera arrivée, je la transmettrai.

(Fin de la séance: 11 h 47)

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