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Commission de la Constitution
Séance du 14 août 1969
(Dix heures cinq minutes)
M. BERTRAND (président de la commission de la Constitution): II
est dix heures. Les séances des commissions commencent à temps,
d'habitude.
Mes chers collègues, lors de notre dernière séance,
le 4 décembre 1968, nous avions convenu, à la suggestion de M.
Choquette et d'autres membres de la commission, d'entendre quelques experts, en
particulier, M. Jean-Charles Bonenfant, à la fois sur les
mécanismes d'amendement et sur le fond même de la constitution
interne au cours d'une prochaine séance qui sera également
publique.
Ce matin, M. Bonenfant est ici à notre disposition. Nous pouvons,
certes, l'interroger sur les mécanismes d'amendements, sur le fond
même de la constitution interne mais en particulier nous nous
étions entendus, Je crois, sur ce que l'on appelle le régime
présidentiel.
M. LESAGE: C'est-à-dire que nous avions convenu d'entendre M.
Bonenfant sur ce point.
M. BERTRAND: L'entente sur le régime présidentiel. Nous
pouvons y consacrer cette séance de l'avant-midi. M. Bonenfant, je vous
remercie d'être présent. Comme M. Morin l'a indiqué dans sa
lettre, je crois bien que vers midi et demi nous devrions avoir terminé
cette séance. Il nous appartiendra ensuite de fixer la date d'une
prochaine réunion.
Alors, bienvenue, M. Bonenfant. J'ignore comment vous voulez
procéder. Voulez-vous faire un exposé rapide de ce qu'est le
régime présidentiel, après quoi mes collègues
pourront probablement vous poser des questions.
M. LAPORTE: M. le Président, pourrais-je vous signaler que M.
Lacroix remplace M. Pinard, et que M. Houde remplace M. Paul
Gérln-Lajoie?
M. BERTRAND: Nous avons également des changements à faire
de notre côté. M. Gabias n'y étant plus. Nous en avons une
couple.
M. LESAGE: Je pense que M. Gelly...
M. BERTRAND: Alors, M. Laporte, vous venez de suggérer que...
M.LAPORTE: M. Lacroix et M. Houde fas- sent partie de la commission
à la place de M. Pinard et de M. Gérin-Lajoie.
M. BERTRAND: Quant à nous, je m'entendrai avec M. Rémi
Paul pour trouver deux de nos collègues, car ce matin une autre
commission siège, la commission sur l'étude de la Loi de
copropriété. Alors, d'Ici la prochaine séance, nous
verrons à remplacer les membres qui sont disparus.
A moins que mes collègues aient d'autres questions à poser
à l'ouverture de cette séance, je donne la parole à M.
Bonenfant.
M. BONENFANT: Je vous remercie d'abord. Je suis flatté de votre
invitation. Evidemment, j'ai l'avantage d'être un témoin tout
prêt. Je pense bien que c'est ce qui facilitait les choses. Voici comment
je vous propose de procéder.
Je pourrais faire un exposé schématique très rapide
en soulignant certains aspects, et ensuite vous pourriez me demander des
précisions.
Tout de suite, il y a un choix à faire. Comme M. le
président vient de le faire remarquer, au fond, il, y a deux
problèmes. Sans avoir l'air pédant, je dirai qu'il y a le
problème de la constitution, au sens formel, c'est-à-dire la
façon dont on doit la rédiger ou la modifier ce qui est
lié et, deuxièmement, celui de la constitution au sens
matériel, c'est-à-dire ce qu'on doit mettre à
l'intérieur de cette constitution.
Dans ce dernier sujet, il y a le problème que vous venez de
soulever qui, à mon sens, est fondamental: c'est le problème d'un
système présidentiel. Si vous voulez, je peux commencer par ce
problème du système présidentiel, d'autant plus qu'on en a
beaucoup parlé ces derniers temps. Dans presque tous les partis
politiques, certains représentants ont soumis l'idée qu'un
régime présidentiel serait peut-être meilleur que le
régime que nous avons.
Alors, si vous y consentez, Je pourrai commencer ce n'est
peut-être pas tout à fait logique en exposant le
problème que pose précisément cette question du
régime présidentiel. Est-ce que ça vous convient?
M. LE PRESIDENT (Bertrand): Très bien, M. Bonenfant Si vous le
permettez, MM. les membres de la commission, à dix heures vingt-cinq, je
devrai m'absenter pour aller recevoir le haut-commissaire de la
Nouvelle-Zélande. Pendant mon absence, avec votre permission, M. Masse,
le nouveau ministre des Affaires intergouvernementales, pourrait me remplacer.
Je reviendrai sans délai.
M. BONENFANT: Donc, Je vais parler du régime présidentiel
et Je pense que ce qui est important, dès le début, c'est de
savoir ce que veulent dire les mots. Très souvent, on discute parce
qu'on ne donne pas le même sens aux mots que l'on emploie. Je crois que,
lorsqu'on parle du régime présidentiel, ça peut vouloir
désigner trois choses qui sont assez différentes.
Premièrement, ça peut désigner un système
où le chef symbolique de l'Etat est un président. Par exemple, au
lieu d'avoir un lieutenant-gouverneur dans le Québec, on pourrait avoir
un président du Québec, en gardant exactement le même
système qu'aujourd'hui. Je tiens à vous dire que,
personnellement, je suis favorable à un tel système. En effet, je
suis contre la monarchie, non pas par sentiment antibritannique, mais parce que
Je pense que c'est un système qui est aujourd'hui désuet.
Il reste que, si dans le Québec on veut changer de
système, il y a un problème juridique, comme vous le savez. En
effet, pour toucher à la fonction du lieutenant-gouverneur, il faut
avoir recours à un amendement qui ne peut pas être proposé
par la Législature du Québec. Mais Je pense qu'en
général, lorsqu'on parle du régime présidentiel, ce
n'est pas ça qu'on a à l'esprit. Ce qu'on peut avoir à
l'esprit je saute immédiatement à l'extrême
c'est le régime de type américain. Je dirai qu'entre le
régime de type américain et le régime présidentiel
qui remplacerait le lieutenant-gouverneur par un président il y a le
système français, c'est-à-dire le système de
copilotes, où il y a un président ayant certains pouvoirs et un
premier ministre.
Donc, pour la clarté de mon exposé, je vais essayer de
voir ce qu'est le système américain, quels sont ses avantages et
aussi quels sont ses inconvénients. Parce que, dès le
début, je tiens à être honnête et à vous dire
que je ne suis pas favorable, personnellement, au système de type
américain.
Tout de suite, je vous apporte un argument d'autorité, mais je
vais essayer ensuite de l'é-tayer par des preuves. Il est assez
révélateur de voir que, dans le monde entier, depuis à peu
près cinquante ans, aucun pays n'a voulu imiter les Etats-Unis. Tous les
nouveaux systèmes politiques qui sont nés s'éloignent du
système américain, en général. C'est l'historien
américain très célèbre Commager qui faisait
remarquer récemment que c'était peut-être humiliant pour
les Etats-Unis, mais que personne n'avait vraiment imité leur
système politique, ces dernières années. Je pense que les
Philippines l'ont imité.
Par ailleurs, tous les nouveaux systèmes politiques qui sont
nés sont, soit de type russe ce qui pose un problème assez
spécial, comme vous le savez, à cause de la prédominance
du parti soit des systèmes à responsabilité
ministérielle, mais avec certaines modifications comme je souhaiterais
qu'il y en ait.
Quelles sont les caractéristiques du système
américain? Je pense que les grandes caractéristiques du
système américain sont, si on simplifie, l'unité du chef
de l'Etat, président élu par un système qui, aux
Etats-Unis, est désuet et que tout le monde critique.
Deuxièmement, c'est le fait que les ministres ou les membres du cabinet
ne sont pas pris dans le corps législatif; troisièmement, ce qui
est la différence fondamentale, c'est que la responsabilité
ministérielle n'existe pas, c'est-à-dire que l'Exécutif ne
peut pas être défait par le pouvoir législatif, et que
l'Exécutif est élu à date fixe.
Le premier point est: Y a-t-il avantage à posséder un chef
unique de l'Etat? Moi, je crois que, dans l'état actuel des choses,
c'est une faiblesse pour un système que le chef de l'Etat soit en
même temps le chef politique du parti majoritaire. Comme on le dit d'une
façon moqueuse aux Etats-Unis, celui qui déclare la guerre est le
même que celui qui lance la première balle lors de l'ouverture des
séries mondiales. Je pense que, plus tard, on aura peut-être de
l'Etat une idée plus fonctionnelle, mais, pour le moment, les gens ont
besoin d'avoir un chef symbolique de l'Etat qui n'a pratiquement pas de
pouvoirs, qui ouvre les expositions, qui donne des conseils aux scouts, qui
donne des congés dans les collèges, et un chef réel, si
vous voulez, qui est le premier ministre. Donc, personnellement, et ce sera
peut-être un sujet à discuter plus tard parce qu'encore une
fois je donne mes opinions, mais évidemment j'admet que je me trompe
peut-être Je pense qu'une des premières questions à
se poser c'est: dans un système politique, vaut-il mieux avoir deux
chefs de l'Etat, le chef symbolique, comme nous l'avons, le
lieutenant-gouverneur ou le gouverneur, qui pourrait s'appeler un
président ou un premier ministre, ou bien, comme aux Etats-Unis, un chef
unique? Donc, c'est le premier problème que cela pose.
Le deuxième problème qui se pose est celui-ci. Je pense
que, dans le Québec, c'est important parce que ceux qui souhaitent le
régime présidentiel y reviennent souvent. Le cabinet doit-il
être formé de personnes puisées, selon la bonne
volonté du chef de l'Etat, dans n'importe quel milieu?
Cest un des refrains que vous entendez très souvent; Le
système américain permet d'aller chercher le président de
telle grande société
pour qu'il puisse être ministre, alors que notre système
force à puiser dans le monde politique.
A première vue, ça frappe les gens, mais je crois que le
système américain, même dans ce sens-là, n'est pas
bon. Cela pose tout le problème de la conception de l'homme politique.
Cela a l'air un peu bizarre de le poser devant vous, moi de l'extérieur,
mais je pense que l'homme politique moderne est avant tout un
généraliste, généraliste intelligent capable de
communiquer. Or, je pense que la meilleure façon de former ce
généraliste, c'est l'entraînement politique. En d'autres
termes, et je ne le dis pas par flagornerie, je crois qu'il est plus difficile
d'être un bon homme politique dans notre système de
responsabilité ministérielle que dans le système
américain. Et je crois qu'il y a eu plus de « nouilles »
dans les hommes politiques américains que dans les hommes politiques de
type britannique. Par conséquent, je crois que ce n'est pas un avantage
aussi considérable que ça de pouvoir aller chercher des membres
du cabinet en dehors du milieu politique. Nous verrons qu'il y a
peut-être un moyen terme: c'est le système français dont
nous parlerons tout à l'heure.
Donc, la deuxième question vous verrez que dans mon
exposé, je vais procéder souvent de cette façon
qu'on doit se poser est peut-être celle-ci: Est-ce qu'il y a avantage
à ce que les ministres viennent de milieux étrangers à la
politique? On fait remarquer ç'a été
souligné dans un grand magazine américain récemment
que l'avantage du système anglais est de préparer un «
shadow cabinet », un cabinet éventuel aussi.
Dans le système britannique et dans le nôtre, un tel peut
se préparer pendant des années dans l'Opposition à
être ministre des Finances, un autre à être ministre des
Terres et Forêts, tandis qu'aux Etats-Unis, c'est toujours de
l'improvisation...
M. LEVESQUE (Laurier): Ce n'est pas comme ça du tout que
ça se passe.
M. BONENFANT: C'est toujours de l'improvisation. Or, on a fait remarquer
que ça prenait à peu près six mois à un membre du
cabinet américain pour s'initier. Vous avez vu les débuts de la
politique de Nixon; ç'a été un peu lent, mais il commence
à être initié.
Donc, c'est le deuxième problème que vous pouvez
peut-être vous poser: Est-ce que c'est mieux de puiser les ministres un
peu partout ou si c'est mieux de les puiser dans le monde politique? Et je
reviens à l'idée qu'il s'agit de savoir ce qu'est un homme
politique. Pour moi, c'est un généraliste et c'est
peut-être pour ça que, malheureusement, il y a deux professions
qui vont toujours triompher dans la politique: les avocats puis les
journalistes. Ce sont, à mon sens, les meilleurs
généralistes qui puissent exister.
Le troisième les notaires sont inclus dans les avocats;
d'ailleurs, ils pourraient disparaître pour devenir des avocats
...
M. BERTRAND: Si M. Bellemare était ici, vous auriez une
réponse.
M. BONENFANT: Bien, je pense que le cas de M. Bellemare peut s'expliquer
de la façon suivante: c'est que son caractère de
généraliste, il l'a acquis par la politique, au fond, pendant 25
ans. Je pense qu'il est devenu généraliste.
M. LESAGE: II a toujours regretté de ne pas être
avocat.
M. BONENFANT: Si vous voulez souligner le cas de M. Bellemare, je l'ai
souvent entendu dire qu'il était bien malheureux de ne pas être
avocat.
M. LE PRESIDENT: C'est vrai.
M. PROULX: M. Bonenfant, vous oubliez les professeurs. Il y a douze
professeurs brillants parmi nous.
M. BONENFANT: Bien, si vous continuez, vous allez faire entrer tout le
monde dans les généralistes. Je pense que toute personne qui
abandonne sa profession devient un généraliste, aussi,
peut-être. C'est peut-être ça.
Donc, le troisième point dans la constitution américaine
qui paraît une supériorité qui l'est jusqu'à
un certain point à mon sens c'est l'absence de
responsabilités, c'est-à-dire le fait que l'exécutif est
indépendant du pouvoir législatif. Mais ça, c'est tout
à fait spécieux, si on réfléchit un certain temps,
on s'aperçoit que ce n'est pas aussi vrai qu'on le pense et on
s'aperçoit qu'il y a des inconvénients.
M. LESAGE : Les Etats-Unis, dans le fond, ont appliqué à
la lettre la théorie de la séparation des pouvoirs de
Montesquieu.
M. BONENFANT: Ah, bien oui, voici comment le régime est
né. C'est peut-être un point qu'il est important de souligner.
Lorsqu'on a créé le système américain, à la
fin du XVIIIe siècle, on a cru qu'on imitait le système anglais
et, il était surtout, inspiré par Montesquieu. On a
voulu réaliser la séparation des pouvoirs qui n'existe
plus, vous le savez mieux que moi, dans notre système. On sait
ça.
Donc, premièrement, les membres du cabinet doivent voir leur
nomination approuvée par le Sénat. Vous savez qu'un
président ne choisira pas quelqu'un que le Sénat a dans le nez!
il est des présidents qui ont eu des difficultés.
Le deuxième inconvénient du système à
mon sens, il est très important et ]e crois qu'avant d'adopter le
système américain dans le Québec, on devrait y penser
c'est le fait que l'exécutif, aux Etats-Unis, est souvent
impuissant. C'est une chose qu'on oublie très souvent. On a l'impression
d'un président qui est extrêmement puissant. C'est vrai, il l'est
en politique extérieure. Mais, en politique intérieure, c'est un
homme qui, souvent, est très paralysé. D'abord, il est
paralysé lorsque le parti adverse contrôle la Chambre basse et le
Sénat. Et c'est arrivé assez souvent dans l'histoire. J'ouvrirai
une parenthèse pour dire que si on appliquait le système dans le
Québec, avec notre carte électorale, c'est ce que vous auriez
à l'heure actuelle. Vous le savez. Et, deuxièmement, il est
même paralysé lorsque ses amis contrôlent le pouvoir
législatif. Cela a été souligné par les gens de
sciences politiques. Les premiers mois de Kennedy n'ont vu aucune loi
importante adoptée. Kennedy se trouvait incapable de faire adopter ses
lois. Encore aujourd'hui, ces dernières années, le
président peut souhaiter la meilleure loi possible. Elle revient
diminuée des Chambres. Nous en avons eu un bel exemple: le bill des
Droits Civiques.
Je crois que le fait que l'exécutif ne contrôle pas le
législatif car dans la responsabilité
ministérielle, il y a un double contrôle c'est une
faiblesse du système américain. Et Je pense que si on adoptait un
tel système, ici, dans le Québec, loin d'avoir de
l'efficacité, cela paralyserait, au point de vue législatif, le
fonctionnement du Québec, quelle que soit l'option politique du
Québec, parce que je crois que le problème reste le même
dans toutes les options politiques.
Donc, vous voyez que le système américain, à mon
sens, ne possède pas tous les avantages qu'on imagine à
première vue. Il y a cependant un point qui, à mon sens, est
important. C'est que le système américain, avec des
élections à date fixe, avec l'absence de ce que j'appellerais le
petit jeu, si vous voulez, de la responsabilité ministérielle,
semble plus sérieux. Aux Etats-Unis on ne se demande pas: Est-ce que le
premier ministre va annoncer des élections? Est-ce qu'il va y avoir des
élections cet automne? On ne se demande pas: Est-ce que le gou-
vernement va être défait? Je crois que c'est une
supériorité du régime américain.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on se le demande au Québec?
M. BONENFANT: Je suis un observateur de l'extérieur, que
voulez-vous? Mais, précisément, je crois qu'une
responsabilité ministérielle modifiée, c'est-à-dire
une responsabilité qui ne jouerait que dans quelques occasions qui
seraient établies par des textes constitutionnels, une
responsabilité ministérielle qui n'empêcherait pas
d'établir des élections à date fixe, mais avec une
dissolution possible à la demande de la majorité
législative. En d'autres termes, nous pouvons garder notre
système, mais faire disparaître cette question peut-être un
peu ridicule, si vous voulez, du jeu qui était un sport, autrefois.
Quand la politique était un sport, c'était amusant, pour le
premier ministre, de cacher la date des élections, ce qui permettait au
parti au pouvoir de louer les salles avant, etc., etc.
Je pense que cet argument, qui est en faveur des Américains, peut
être corrigé. Donc, vous voyez qu'avant d'adopter le
système américain que je viens d'esquisser, je crois qu'il
faudrait y réfléchir.
II y a troisièmement le système français. Je dis le
système français, ce pourrait être le système
italien, jusqu'à un certain point. Ce peut être le système,
Je dirais, de tous ces pays qui ont adopté la responsabilité
ministérielle, avec certaines modifications. Quelles sont les
caractéristiques du système français? Je pense que les
plus importantes, qui mériteraient qu'on les discute, sont les
suivantes: Premièrement, c'est la dualité une
dualité assez spéciale des chefs de l'Etat.
En France, comme vous le savez, le président a des pouvoirs et le
premier ministre en a. C'est ce que les professeurs de sciences politiques
appellent les copilotes. Je pense que le système français,
à ce point de vue, a des inconvénients considérables. Le
président en arrive, surtout lorsqu'il a une forte personnalité
et l'histoire n'est pas loin pour le montrer à
écraser le premier ministre et à en faire un fantoche.
Même dans les événements récents,
malgré tout on le voit dans la dévaluation du franc
on s'aperçoit que c'est le président qui a eu l'influence et que
le premier ministre a joué peut-être un rôle assez
effacé. A l'époque du général, inutile de vous
souligner que le premier ministre n'avait pas une importance
considérable.
Par conséquent, cette dualité française
mériterait d'être discutée avant qu'on l'accepte. Moi, je
crois que le chef théorique de l'Etat doit avoir quelques pouvoirs, plus
que notre lieutenant-gouverneur. Cependant, il ne doit pas, à mon sens,
avoir les pouvoirs du président de la France. Donc, c'est un des
premiers points.
Le deuxième point, qui est peut-être le plus important
je crois que pour les députés, c'est un point important
c'est le fait qu'en France les ministres cessent d'être
députés. En d'autres termes comme le dit la constitution
il y a incompatibilité en France entre le fait d'appartenir au
cabinet et le fait d'être député et le fait de
pratiquer une profession. Cest assez amusant parce qu' il y a une
incompatibilité qui n'existe pas en France: on peut être maire, on
peut être membre d'un conseil général, tout en étant
ministre. C'est pour ça que les professeurs de sciences politiques font
remarquer que la constitution française n'est pas logique. On dit: Quand
vous serez ministre, vous cesserez d'être député, mais on
lui permet de rester maire. Par exemple, M. Chaban-Delmas est encore maire de
Bordeaux. On lui permet de rester conseiller général, en d'autres
termes, de garder des tâches qui sont celles où s'accomplit
peut-être le plus de petite politique.
Par conséquent, on sent que c'est dans la nature des choses que
celui qui est ministre continue à être en contact avec
l'électorat, si vous voulez.
M. PROULX: Est-ce que les ministres sont pris dans la députation,
en France?
M. BONENFANT: On peut les prendre à n'importe quel endroit. A ce
point de vue là, la réponse est: En Belgique, en Italie, en
France, on peut les prendre en dehors de la députation, mais, si on les
prend dans la députation en France, ils sont obligés de
démissionner et sont remplacés par leur suppléant. C'est
assez amusant parce qu'en France, aux élections, on élit le
député mais on élit en même temps un
suppléant. Le suppléant est là, lui, pour remplacer le
député lorsqu'il devient ministre. Il vient de se passer quelque
chose d'assez amusant, d'ailleurs, auquel a été mêlé
notre ancien ambassadeur, M. Bousquet M. Bousquet était le
suppléant de M. Couve de Murville. M. Couve de Murville, cessant
d'être ministre, n'est plus député. Il aurait aimé
que M. Bousquet démissionne comme suppléant pour que lui puisse
se représenter comme député. M. Bousquet a dit: Non, je
reste.
M. PROULX: II est têtu, comme le nôtre.
M. BONENFANT: Par conséquent, je crois qu' il y a avantage
à ce que les ministres soient députés. Il y a des pays, en
Australie et en Allemagne par exemple, où c'est la constitution qui dit
que le ministre doit être député.
Evidemment, il y a un argument qui dit que les ministres se trouvent
ainsi à avoir trois tâches à accomplir: celle de directeur
d'une section de l'administration, celle de membre du cabinet et celle de
représentant d'une circonscription.
Je crois qu'une meilleure organisation du pouvoir exécutif, une
meilleure organisation du pouvoir législatif, l'utilisation
réelle des assistants parlementaires feraient disparaître une
foule de ces inconvénients. C'est peut-être un point
extrêmement important sur lequel on peut discuter: Est-ce qu'un ministre
doit être député? En France, à l'heure actuelle, il
y a une forte campagne pour revenir à l'ancien système. Il y a,
en particulier, un sénateur, qui est en même temps professeur de
sciences politiques, M. Marcel Préleau, qui a fait une grande campagne
pour revenir à l'ancien système du ministre-député.
Il a fait une remarque qui était peut-être un peu cruelle. Il a
remarqué, et il a donné des preuves, que le ministre qui a
cessé d'être député pour être ministre
continue quand même à s'occuper vous me permettrez
d'utiliser le mot à s'occuper du « patronage » dans
sa circonscription. Il sent qu'il a besoin de surveiller les nominations dans
les bureaux de tabac. Il sent qu'il a besoin d'une assise populaire, si vous
voulez. C'est une chose qui m'a considérablement frappé.
Donc, en résumé, c'est très schématique,
mais je pense que lorsque nous parlons de régime présidentiel, il
faut avoir trois choses à l'esprit, qui sont différentes.
D'abord, remplacer le lieutenant-gouverneur par un président. Je pense
bien que je suis d'accord là-dessus. J'ai toujours été
contre la monarchie. Je trouve ridicule que ce soient simplement des rapports
sexuels qui donnent un titre politique. Deux-xiêmement, le système
américain, je trouve qu'il ne serait pas profitable à notre
province. Troisièmement, le système français a
peut-être deux aspects intéressants: d'abord, le fait que le
président a plus de pouvoirs je crois que c'est
intéressant à étudier et, deuxièmement, le
fait que les ministres ne sont pas députés, qu'ils cessent
d'être députés et sont remplacés par leur
suppléant. C'est un exposé qui est peut-être
schématique, mais je suis à votre disposition pour plus de
précisions.
M. CHOQUETTE: M. Bonenfant, je voudrais vous poser une question. A
l'intérieur du sys-
tème français, pouvez-vous nous expliquer comment joue le
système de la responsabilité ministérielle?
M. BONENFANT: D'une façon schématique, si vous voulez,
c'est que, d'abord, fondamentalement, elle existe encore, c'est-à-dire
que le pouvoir exécutif est soumis au contrôle du pouvoir
législatif. Ce qui veut dire qu'on a le droit d'interroger
l'exécutif, qui est censé répondre, et,
deuxièmement, qu'un cabinet peut être mis en minorité
à la Chambre basse.
Depuis la constitution de 1958 et à cause de la
prépondérance du parti gaulliste, il est évident que les
occasions ont manqué pour mettre en minorité un gouvernement.
Cependant, théoriquement, ce qui arrive, c'est je n'ai pas la
constitution française devant moi, mais j'explique de mémoire
que la mise en question de la responsabilité ministérielle
est limitée à certaines occasions et en vertu de
procédures précises. Par ailleurs, au cours d'une session, elle
ne peut en réalité se poser qu'à quelques reprises.
A ce sujet-là, une proposition a été faite au
Parlement canadien par un député. Vous savez qu'à Ottawa
il y a beaucoup de projets de loi qui sont présentés par de
simples députés, mais qui restent en panne. Un
député a donc proposé tout un système que j'ai
trouvé, moi, très intéressant. C'est que, par exemple, une
fois le gouvernement élu, il faudrait qu'il se présente au moins
une fois devant le Parlement et là la question de la
responsabilité serait posée. Pendant la session, on ne
permettrait qu'à deux ou trois reprises de la poser. Ensuite, on
permettrait tout de même au gouvernement de la poser et,
troisièmement, on aurait des élections à date fixe. Enfin,
on permettrait la dissolution lorsque la majorité de la Chambre le
demanderait.
Je pense que ce qui vaudrait la peine d'être étudié,
c'est la façon de conserver les avantages de la responsabilité
ministérielle sans en subir les inconvénients? Du moins les
inconvénients considérables. Parce qu'il y a un autre avantage de
la responsabilité ministérielle je pense bien que vous
l'admettrez tous c'est de maintenir l'ordre à l'intérieur
d'un parti politique. Je pense que les partis politiques étant
nécessaires, il n'y a pas d'autre solution.
Si vous ne donnez pas le pouvoir de dissolution, vous avez la
débandade dans un parti politique. Aux Etats-Unis, pourquoi les partis
politiques n'existent-ils véritablement qu'en temps d'élections?
C'est parce que précisément le président n'a pas cette
férule de la dissolution.
Donc, en France je rappelle de mémoire la
responsabilité ministérielle ne joue pas, com- me chez nous, au
petit hasard. Notre erreur à nous, c'est qu'elle joue en vertu de
conventions. Vous savez qu'il n'y a aucun texte de loi; ce sont des
conventions. Une convention, c'est toujours dangereux. Comme l'a dit un
humoriste anglais, « ce n'est jamais violé, parce que le fait de
la violer prouve que cela n'existe pas. »
M. CHOQUETTE: En somme, M. Bonenfant, dans le système
français, que se produit-il si le gouvernement est défait sur un
projet?
M. BONENFANT: II n'est pas obligé, dans toutes les circonstances,
de démissionner, mais, dans certains cas, le président peut
ordonner la dissolution.
M. CHOQUETTE: Ah, oui, je comprends.
M. BONENFANT: Cependant, il ne peut pas toujours l'ordonner. Par
exemple, je ne me rappelle pas le délai d'une façon
précise, mais, si des élections ont déjà eu lieu il
y a je crois moins d'un an, il ne pourra pas les ordonner parce que la
dissolution se fera automatiquement.
M. LESAGE: M. Bonenfant... M. BONENFANT: Oui.
M. LESAGE: ... vous avez dit,toutà l'heure, que, dans le
régime de responsabilité ministérielle auquel vous songiez
un régime de responsabilité ministérielle
modifié le chef de l'Etat, dont vous parliez et qui aurait
plutôt un caractère symbolique, pour éviter la
dualité, devrait quand même avoir certains pouvoirs. Pourriez-vous
nous dire à quels pouvoirs vous pensez, par exemple?
M. BONENFANT: Cest un sujet qui m'intéresse beaucoup. Je crois
qu'on devrait lui donner les pouvoirs suivants, et je vais m'expliquer d'abord
d'une façon très générale. Premièrement, on
devrait lui donner le pouvoir d'empêcher le premier ministre et son
gouvernement de violer un principe important de droit constitutionnel. Je vais,
tout à l'heure, donner un exemple concret que nous avons peut-être
failli vivre il y a quelques années.
Deuxièmement, cependant, moi, Je ferais ce qu'on a fait en
Irlande du Sud et non en Irlande du Nord: j'accompagnerais le chef de l'Etat
d'un conseil constitutionnel formé de juges en chef et de certains
professeurs de droit. Le chef de l'Etat ne pourrait prendre ces
décisions-là qu'après avoir consulté son conseil
constitutionnel. Qu'est-ce que j'entends par principes de droit
constitutionnel importants? Bien, j'entendrais, premièrement,
ceux qui seraient énoncés dans la constitution. Mais, en
l'absence de constitution, je vais vous donner un exemple qui aurait pu
être vécu il y a deux ans. Vous vous rappelez peut-être
qu'après les élections de 1966 il a été question
remarquez bien que c'était peut-être une fausse rumeur,
mais le problème s'est posé et à ce moment-là j'ai
été consulté de savoir si M. Johnson, qui venait
d'être élu, aurait pu ordonner la dissolution des Chambres sans se
présenter devant le Parlement.
Si, par exemple, M. Johnson s'était présenté devant
M. Lapointe et lui avait dit: Je demande des élections, quelle aurait
été l'attitude constitutionnelle de M. Lapointe? Remarquez bien
qu'il aurait pu accorder des élections ou les refuser; ce sont des
conventions et on ne sait pas ce qui aurait été vrai. Mais, je
pense que cela vaudrait la peine de dire, par exemple c'est un principe,
c'est un exemple que je donne que tout gouvernement, après les
élections, doit forcément se présenter devant la Chambre
pour que joue, si nécessaire, le principe de la responsabilité.
Eh bien, je crois que si un premier ministre ne faisait pas cela, le chef de
l'Etat, devrait avoir les pouvoirs, après consultation d'un conseil
constitutionnel, de l'empêcher de violer un principe important de droit
constitutionnel. Est-ce que cela vous donne une bonne idée?
M. LESAGE: Oui. C'est un exemple sur ce point-là. Avez-vous
d'autres exemples, là, où il y a d'autres pouvoirs?
M. BONENFANT: Je pense que précisément dans la
rédaction d'une constitution on devrait se demander quels sont les
points sur lesquels le chef théorique de l'Etat et j'insiste
accompagné d'un conseil constitutionnel, devrait avoir
juridiction. Je n'ai pas étudié le détail. L'exemple qui
me vient à l'esprit est la violation d'un principe important de droit
constitutionnel. Celui que j'avais à l'esprit, qui est
hypothétique et c'est pour cela que je l'ai choisi...
M. LESAGE: Oui.
M. BONENFANT: ... c'est ce qui aurait pu se passer après les
élections de 1966.
M. LEVESQUE (Laurier): En fait, ce que vous proposez, c'est plutôt
un système parlementaire avec un président.
M. BONENFANT: Oui. L'exemple que...
M. LEVESQUE (Laurier): Ce n'est pas un système
présidentiel?
M. BONENFANT: Oh non, non.
M. LEVESQUE (Laurier): D'accord.
M. BONENFANT: Je reviens à ma distinction de tout à
l'heure. Il y a le président qui est un « dummy »
jusqu'à un certain point, si vous voulez, un idole de bois, comme disait
Bernard Shaw. Deuxièmement, vous avez un président, comme en
France, qui est un copilote. Troisièmement, vous avez le système
américain où c'est le chef de l'Etat. Je pense que ce sont les
trois options possibles. Cest à l'intêrieur de cela qu'il faut se
décider. En somme. Qu'on donne un peu plus de pouvoirs ou un peu moins,
là, cela devient une question de dosage, je dirais.
On a dans le monde l'exemple de l'Inde, l'exemple de l'Irlande,
l'exemple de l'Allemagne et l'exemple de l'Italie, où il y a un peu plus
de pouvoirs.
M. PROULX: L'Espagne?
M. BONENFANT: L'Espagne, c'est tout à fait différent.
L'Espagne et le Portugal, j'aime autant ne pas en parler.
M. LEVESQUE (Laurier): Si vous permettez, tout ce que vous
décrivez là, ce sont des systèmes qui ne sont pas des
systèmes présidentiels. Je veux dire...
M. BONENFANT: Non, non...
M. LEVESQUE (Laurier): ... que peu importe qu'il y ait un
président, on peut le nommer comme on veut. Mais c'est un
lieutenant-gouverneur avec un petit peu plus de pouvoirs, surtout dans le
domaine de... Enfin, à partir de là, s'il a des pouvoirs,
qu'est-ce qu'on lui donne?
M. BONENFANT: Je dirai que le seul système présidentiel
est le système américain.
M. LEVESQUE (Laurier): Bien, c'est ça.
M. BONENFANT: Il y a peut-être un autre exemple, c'est celui de la
Suisse, mais il faut faire attention. La Suisse, dans tous les domaines, il ne
faut jamais l'invoquer parce que c'est un cas particulier. En Suisse, vous avez
un cabinet nommé par les Chambres; qui n'est pas soumis à la
responsabilité ministérielle mais par ailleurs, avec un
remplacement chaque année, pratiquement. Donc, le système suisse,
qui
fait l'admiration de beaucoup de gens, je pense qu'il fonctionne parce
que c'est la Suisse. Le fédéralisme suisse, on dit qu'il
fonctionne bien, mais il ne fonctionnerait pas ailleurs. C'est tout. Je crois
que le cas de la Suisse est un cas tout à fait spécial au point
de vue historique.
M. PROULX: M. Bonenfant, les politicolo-gues français ont
toujours critiqué la Ve République. Ils accusaient de Gaulle de
s'être fait une constitution £ sa grandeur et à sa taille.
Quels sont les reproches majeurs qu'on fait à cette constitution?
M. BONENFANT: Je crois que le premier reproche que l'on peut faire
à la constitution française...
M. PROULX: Au point de vue présidentiel.
M. BONENFANT: ... c'est de créer ce que J'appellerais
c'est Duverger qui a utilisé l'expression le système de
copilote. C'est que dans le système français, vous avez un
président qui a des pouvoirs et Dieu sait s'il en a et il
y a un article de la constitution, l'article 16, qui lui permet d'intervenir
rigoureusement, et vous avez un premier ministre.
Or, si le président est prestigieux c'est arrivé,
vous le savez, dans l'histoire s'il est intelligent ça
vient d'arriver dans le cas de la dévaluation du franc et,
surtout, s'il a de l'influence dans certains domaines, le premier ministre a
une situation un peu effacée. J'admets que le critère des
chansonniers n'est peut-être pas un critère infaillible en
politique, mais Dieu sait les moqueries qu'on a pu entendre sur Couve de
Murville, précisément, qui a été beaucoup plus
prestigieux comme ministre des Affaires extérieures que comme premier
ministre. C'est parce qu'il était écrasé par le
président.
Je crois que c'est la dualité du système qui est
dangereuse.
M. PROULX: Les critiques n'étaient pas réellement
fondées au point de vue constitutionnel; elles étaient
fondées parce que le président avait une personnalité
imposante. Demandez-le aux Français. On reproche strictement 2 cette
constitution d'avoir créé un poste à la taille de de
Gaulle.
M. BONENFANT: A la taille de de Gaulle. Mais, faites attention, il
semble bien que depuis que Pompidou est là, vous avez le même
phénomène! Pour la dévaluation du franc, il semble bien
que la décision a surtout été prise par le
président. Et on dit que c'est le président qui a imposé
ses vues au premier ministre.
M. PROULX: C'est donc dire que toutes ces critiques n'étaient pas
nécessairement fondées.
M. BONENFANT: Oui, mais ça...
M. PROULX: On disait: Après de Gaulle, qu'arrivera-t-il,
qu'arrivera-t-il?
M. BONENFANT: Je pense qu'un système où il y a une
dualité est assez dangereux parce que, en définitive, il faut
tout de même aboutir à quelqu'un qui décide. Il y en a un
qui sera toujours effacé par l'autre. Oui?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Avant 1958, en France, quels étalent
exactement les pouvoirs du président?
M. BONENFANT: Ils étaient nuls. Ses pouvoirs étaient nuls.
Le président était une sorte d'arbitre. Il portait le pantalon
rayé pour ouvrir les expositions de peinture, les expositions de
jonquilles. Je dirais que ses pouvoirs étaient à peu près
analogues, ou, peut-être un peu supérieurs à ceux de notre
gouverneur-général ou de notre lieutenant-gouverneur.
C'est que, précisément, on avait en France, un
système où le premier ministre était roi. Mais attentionl
Les malheurs du système français, l'instabilité
française n'était pas due nécessairement à
ça. Elle était due à d'autres phénomènes. Si
on invoque l'instabilité, ici, comme raison de changer de régime,
je crois que cet argument ne vaut pas. L'instabilité, dans l'histoire du
Québec, n'a guère existé. Au contraire, on a eu des
gouvernements plutôt stables.
M. LEVESQUE (Laurier): Qu'est-ce que ça va changer?
M. BONENFANT: Précisément, M. Lévesque, je pense
que la correction ne doit pas venir de là. La correction doit venir
d'une carte électorale plus équitable et, deuxièmement, je
crois, d'une loi électorale différente qui serait la loi
allemande permettant le double vote, c'est-à-dire le vote pour la
circonscription et le vote pour le parti politique, ce qui permettrait
d'ajouter les votes obtenus pour la liste politique aux votes obtenus dans les
circonscriptions.
Le système allemand avait d'ailleurs été
expliqué par M. Boily au congrès de la Fédération
libérale, il y a trois ou quatre ans.
Je pense que les malheurs que vous redoutez de l'existence d'un
troisième parti ne sont pas dus à ce système-là.
L'instabilité qui pourrait résulter d'un troisième parti
dans le Québec peut être corrigée autrement.
M. LEVESQUE (Laurier): Je vous ferais remarquer que le mot malheur est
de vous, pas de moi.
M. BONENFANT: Je l'ai dit avec un sourire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bonenfant, vous avez parlé tout
à l'heure de pouvoirs accrus au lieutenant-gouverneur ici, enfin,
à un président, appelons-le comme on voudra.
A supposer qu'on se débarrasse de cette exigence de la
constitution actuelle qui fait qu'on ne puisse pas toucher à cette idole
du lieutenant-gouverneur, quel serait, à votre avis, le mode de
nomination, du choix de ce lieutenant-gouverneur ou de ce président?
M. BONENFANT: Il y a deux options possibles. Il y a deux modes
d'élection, peut-être un troisième. Mais vous allez voir
que le troisième entre dans le deuxième.
Premièrement, le premier mode, c'est l'élection populaire.
Il faudrait faire bien attention que l'élection populaire ne se
réalise pas dans les circonstances actuelles, parce que je pense que
vous auriez le risque d'avoir un chef de l'Etat qui pourrait différer du
pouvoir législatif. Et même s'il n'a pas beaucoup de pouvoirs,
cela créerait des embêtements. C'est le premier système,
c'est le système de vote populaire, comme en France, je ne dirai pas
comme aux Etats-Unis, parce que le collège électoral
déforme les choses, aux Etats-Unis.
Deuxièmement, c'est le système qui existe en Inde, qui va
être utilisé dans une semaine en Inde, qui vient d'être
utilisé en Allemagne. C'est l'élection du président par un
ensemble de corps législatifs. Par exemple, en Inde, vont élire
le président les membres de la Chambre basse, les membres du
Sénat et les membres des législatures locales. Par exemple, si
vous transposez cela dans le Québec, ce n'est que de
l'hypothèse on pourrait concevoir un chef théorique de
l'Etat qui serait élu par les députés, par les maires des
grandes villes, par une sorte de collège électoral, et les
préfets.
M. LESAGE: Parce qu'il ne faudrait pas oublier la partie rurale, a on
dit les maires des grandes villes il faudrait dire aussi les
préfets.
M. BONENFANT: II y a un troisième aspect aussi, ce serait de le
faire élire par le corps électoral. Mais là, je voudrais
parler d'une chose dont je n'ai pas parlé encore. Je pense qu'un jour
vous allez être obligés vous allez rire de moi,
peut-être vous allez être obligés de faire
ressusciter la Chambre haute. En d'autres termes, je crois que nous avons
besoin d'une Chambre haute élective, mais élective pour les
régions. Et je pense que cela permettrait de faire à la Chambre
basse une carte électorale qui serait plus équitable, et de
représenter à la Chambre haute les régions avec la
représentation proportionnelle, comme en Australie. C'est une de mes
marottes, qu'on pourrait ressusciter la Chambre haute, mais une Chambre haute
qui aurait du prestige, pas comme l'ancienne. A ce moment-là, je verrais
très bien le président élu par cet ensemble que
formeraient la Chambre haute et la Chambre basse. Vu qu'il n'aura pas de
pouvoirs, ce serait aussi bien de simplifier les mécanismes
d'élection pour que cela ne coûte pas cher et que cela ne prenne
pas de temps. Parce qu'il ne faut pas perdre de temps autour d'un être
qui n'a pas de pouvoirs, après tout.
M. LESAGE : M. Bonenfant, tout à l'heure vous parliez du
système allemand où il y a un député d'élu
pour chaque circonscription. Et, en plus, il y a des députés qui
siègent parce qu'ils sont le choix du parti politique, à partir
de sa liste.
M. BONENFANT: Oui.
M. LESAGE: Je voudrais savoir quelle est votre opinion là-dessus.
Au lieu de ce deuxième groupe de députés, et pour
remplacer une deuxième Chambre, ne pourrait-on pas avoir un
système allemand modifié comme suit: Des députés
élus pour les circonscriptions électorales, dont le nombre
pourrait être réduit, et des députés élus par
régions?
M. BONENFANT: Je pense que vous reposez un autre problème. Tout
à l'heure, j'ai répondu à M. Lévesque que
j'étais en faveur du système allemand. C'est pour éviter
ce que M. Lévesque peut redouter, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas
coincidence entre le résultat électoral global et le
résultat parlementaire. C'est d'ailleurs la situation que vous avez
à l'heure actuelle. Le système allemand a été
inventé afin de permettre et cela arrive très souvent,
permettez à un humble électeur de le dire quand on vote,
on peut le souhaiter, de voter pour un candidat. Par exemple, dans ma
circonscription, j'appartiens à votre circonscription, je ne
dirai pas comment je vote je peux souhaiter voter pour vous ou votre
adversaire. Par ailleurs, je peux souhaiter voter pour le parti de M.
Lévesque. Or, le système
allemand permet à la personne de voter deux fois. Elle vote,
premièrement, pour son député, et, deuxièmement,
elle vote pour le parti. Ce qui permet de pondérer le résultat
semblable au nôtre, si vous voulez.
Les calculs ont été faits en Allemagne, cela permet de
faire coihcider, jusqu'à un certain point, la majorité
parlementaire et la majorité globale, générale. C'est pour
cela que le système allemand est utilisé. Vous, vous dites: Ne
serions-nous pas mieux d'avoir un autre système, où il y aurait
des députés élus, comme aujourd'hui, et d'autres
élus par des régions? A ce moment-là, vous ne corrigerez
pas le défaut de la différence entre la majorité
parlementaire et la majorité globale.
M. LESAGE: Le vote populaire.
M. BONENFANT: Le vote populaire. Une chambre régionale... De plus
en plus on s'aperçoit que le Québec, au point de vue
administratif, à tous les points de vue, devient un ensemble de
régions. Au fond c'est assez amusant. On retrouve le problème de
M. de Gaulle, le problème du sénat et le problème des
régions.
M. CHOQUETTE: Le gouvernement est tombé sur cette
question-là.
M. BONENFANT: En France, oui. Mais je crois que ce que proposait le
système français était mauvais tel qu'il était
proposé, et surtout je pense ce sont mes idées que
le président n'a pas procédé de la bonne façon.
Mais je crois que dans le Québec c'est peut-être un sujet
d'à-côté il y aurait avantage à avoir une
représentation régionale. Et ce qui serait très amusant,
c'est que dans cette représentation régionale
c'était une idée de M. Lauren-deau on pourrait avoir la
représentation proportionnelle parce que la responsabilité
ministérielle ne jouerait pas à ce niveau-là.
Après tout, ce qui est important pour la démocratie, c'est
de représenter tout l'éventail des opinions. C'est pour ça
que des systèmes qui se complètent sont très utiles.
M. CHOQUETTE: M. Bonenfant, me permettez-vous de revenir un peu en
arrière? Vous avez parlé au début de votre exposé
du principe de la responsabilité ministérielle. J'ai l'impression
que c'est ce qui fait l'essentiel de la différence entre le
système parlementaire tel que nous l'avons et le système
présidentiel américain dans sa pureté. On a des
systèmes intermédiaires, comme le système français,
comme on pourrait avoir un système parlementaire de type britannique
comme nous le pratiquons ici au Québec avec une responsabilité
ministérielle mitigée parce que nous vivons tout le monde
va l'admettre ici au Québec et au gouvernement canadien à
Ottawa, dans un système où le principe de la
responsabilité ministérielle est appliqué de façon
draconienne puisque aussitôt qu'une mesure gouvernementale est
défaite, cela entraîne tout de suite la chute du gouvernement.
La contrepartie évidemment de ce système, c'est
l'alignement systématique des partis ministériel et d'Opposition
l'un contre l'autre à la Chambre, n'est-ce pas? Vous avez semblé
indiquer tout à l'heure, M. Bonenfant, que vous seriez partisan de
mitiger en quelque sorte ce principe de la responsabilité
ministérielle qui a un effet assez déplorable, à mon avis,
sur la vie parlementaire.
M. BONENFANT: Très bien, je suis de votre avis.
M. CHOQUETTE: Dans quel sens verriez-vous que nous puissions prendre le
système que nous avons et mitiger ou diminuer l'importance de cette
responsabilité ministérielle de façon à ne pas
créer ce climat?
M. BONENFANT: Ma première réponse serait la suivante: Ce
serait d'abord de le dire dans des textes. Comme vous le savez, à
l'heure actuelle la responsabilité ministérielle n'est
basée que sur des conventions constitutionnelles. Or, une convention, on
peut toujours la violer. On ne peut pas aller devant un tribunal pour la
plaider, et je pense que cela a pu fonctionner dans le système anglais.
Mais pour nous qui sommes peut-être un peu plus, j'oserais dire
cartésiens, ça ne nous satisfait pas toujours.
Donc, le premier point, la première réponse à votre
question est que j'établirais, dans des textes qui feraient partie de la
constitution fondamentale, les circonstances dans lesquelles la
responsabilité doit jouer. En d'autres termes, pour prendre un exemple
d'Ottawa, ce qui s'est passé il y a deux ans quand le gouvernement a
été défait, vous aviez dans tous les bureaux de tabac des
gens qui disaient: C'est constitutionnel, ce n'est pas constitutionnel. Cela en
est devenu ridicule.
Donc, le premier point, je dirais dans quelles circonstances cela doit
jouer, selon moi. Je pense que, premièrement, à la suite d'une
élection générale il faudrait toujours que ça joue
une fois. Aucun doute. Maintenant à l'intérieur d'une session, je
permettrais que ça joue un certain
nombre de fois mais que je limiterais les occasions afin de ne pas
perdre de temps a des petits jeux, si vous voulez, de cache-cache, savoir si un
député est malade, si on va être capable d'en
repêcher un autre, etc. Vous savez ce qui s'est passé dans notre
histoire du Québec, au début surtout. A l'époque où
il y avait des auberges autour du Québec, les députés
s'éloignaient. On a prolongé des débats pendant huit
heures pour tacher de faire revenir les gens et les faire voter. A Ottawa, M.
King a déjà fait sonner les cloches durant quatre heures et demie
pour avoir un vote.
Donc, je ferais disparaître tout cet aspect ridicule, si vous
voulez, et je limiterais le nombre de fois où la responsabilité
peut se poser d'une façon générale.
Un autre point, c'est qu'elle se poserait à chaque fois que le
gouvernement consentirait à la poser. En d'autres termes, cela ne
deviendrait pas un petit jeu de l'Opposition.
M. CHOQUETTE: C'est-à-dire à chaque fois que le
gouvernement mettrait sa tête en jeu sur une mesure.
M. BONENFANT: Le gouvernement dirait: Messieurs, si la mesure est
repoussée, je regrette, c'est comme si nous étions
défaits. Je pense que pour la discipline du parti
évidemment les gens critiquent les partis politiques mais je crois que
c'est encore le meilleur système le premier ministre doit avoir
la discrétion, le pouvoir de dire: Je regrette, messieurs, mais la
responsabilité joue et vous vous exposez à avoir des
élections si vous ne votez pas. Cela répond-il à votre
question?
M. CHOQUETTE: Oui, cela répond très bien à ma
question. Il y a le budget évidemment qu'on pourrait inclure... Il y a
un certain nombre de mesures fondamentales...
M. BONENFANT: Ecoutez, il n'y a pas un gouvernement qui oserait dire que
le budget n'est pas une question fondamentale.
M. CHOQUETTE: Oui, c'est ça. M. BONENFANT: Cela va de soi.
M. LESAGE: M. Bonenfant, une clarification au sujet du système
allemand.
M. BONENFANT: Oui.
M. LESAGE: N'y a-t-il pas de danger, dans ce système, que les
députés élus pour chaque circonscription jouent, en
définitive, un rôle secondaire, parce que les têtes
d'affiche du parti seraient sur la liste politique?
M. BONENFANT: J'ai pensé ça...
M. LESAGE: N'est-il pas dangereux qu'à cause d'un manque de
motivation on manque de bons candidats dans les circonscriptions?
M. BONENFANT: J'ai pensé ça et, d'après ce que j'ai
lu, une fois qu'ils sont élus, on oublie leur origine. Il faut dire
qu'il semble... écoutez, là...
M. LESAGE: Oui, mais les têtes d'affiche, le danger, c'est qu'ils
ne les oublient pas.
M. BONENF ANT: ... la tête d'affiche aimera peut-être mieux
se présenter dans une circonscription. C'est peut-être plus
glorieux de se faire élire dans une circonscription que de se faire
élire parce qu'on a été désigné par le parti
sur une liste. Je ne connais pas suffisamment la réalité
politique allemande pour le dire. Ce qui frappe, c'est...
M. LESAGE: Je pense à la réalité politique
québécoise.
M. BONENFANT: Faites attention. Moi, j'ai l'impression...
M. LESAGE: Je fais bien attention; je pose des questions.
M. BONENFANT: Moi, je pense que la liaison, surtout pour le
député de ville, du député avec sa circonscription
c'est épouvantable de parler dans le temple comme ça; mol,
je ne suis pas un député va avoir tendance à
s'amenuiser un peu. Le patronage va disparaître un peu.
M. LESAGE: La tendance est commencée depuis longtemps.
M. BONENFANT: Montréal et Québec, c'est une bonne partie
de la province; c'est plus de la moitié de la province à l'heure
actuelle. Je ne sais pas, mais j'ai l'impression que, quelle que soit la forme
de recrutement, une fois rendu au Parlement, le député va valoir
selon ses qualités propres et non pas selon sa provenance.
M. LAPORTE: M. Bonenfant, dans notre système parlementaire, on
peut manifestement être ministre sans être
député.
M. BONENFANT: Oui, mais là...
M. LAPORTE: Je voudrais que vous nous expliquiez pendant combien de
temps, constltution-nellement, cela peut durer. Est-ce qu'il y a des
limites?
M. BONENFANT: Je sais que vous avez posé le problème en
Chambre. Voici ce que je crois, voici l'opinion que j'ai souvent donnée.
Premièrement, ce n'est basé que sur une convention, c'est bien
entendu, alors qu'en Australie, avec raison, il y a quelques années, on
a adopté un texte de loi exigeant que, dans les six mois, le ministre
devienne député ou membre du Sénat. Ici, moi, je crois que
la vraie doctrine constitutionnelle est la suivante du moins, c'est ce
que j'enseigne une fois membre du cabinet, le ministre doit, dans un
délai raisonnable, se présenter devant le peuple. Vous allez me
dire: Qu'est-ce que c'est que le délai raisonnable? Je pense qu'on ne
doit pas dépasser trois ou quatre mois.
M. LAPORTE: Si on le dépasse?
M. BONENFANT: Il n'y a aucune sanction. Vous pouvez l'attaquer
politiquement, mais il n'y a aucune sanction. C'est pour ça qu'à
mon sens, si on garde le système actuel, ce serait quelque chose
à mettre dans la constitution. On devrait dire dans la constitution:
Celui qui entre dans le cabinet doit, dans un délai de tant... Le
général MacNaughton a été ministre de la Guerre
c'était tout de même un poste important pendant la guerre
pendant près de dix mois sans être député. Il
s'est fait battre.
M. LAPORTE: Il a démissionné.
M. BONENFANT: II a démissionné. Mais vous ne pouvez rien
faire, sinon le maudire et l'attaquer, si vous êtes dans
l'Opposition.
M. LAPORTE: Quel rapprochement constitutionnel faites-vous avec le cas
du conseiller législatif, lorsque la Chambre haute existait, qui
était ministre d'Etat pendant un, deux, trois ou quatre ans? Il
participait, en somme, à la responsabilité du gouvernement, sans
être jamais élu.
M. BONENFANT: Le point est assez bien connu. Autrefois, on pouvait, au
Canada, être membre de la Chambre haute et être premier ministre
à Ottawa. Vous avez eu deux premiers ministres qui étaient
membres de la Chambre haute. Ici, 9. Québec, vous en avez eu deux.
Avec les années, la convention s'est établie qu'on ne
devait pas être membre de la Chambre haute, mais être membre de la
Chambre basse, si on avait un poste important dans le cabinet. Pour prendre un
exemple à Ottawa. Comment s'appelait ce multimillionnaire qui est mort
il y a quelques années, le sénateur qui a été
ministre du Commerce? C'est M. McCutcheon. Il a été ministre du
Commerce et ç'a été regardé comme un peu bizarre.
Quant à l'exemple québécois, vous me permettrez de ne pas
entrer dans les détails; ce n'est pas mes affaires.
M. LESAGE: Non, mais il faut admettre que, lorsque le Conseil
législatif existait, il y avait un très grand avantage à
avoir, au conseil des ministres, le leader gouvernemental à la Chambre
haute...
M. BONENFANT: Cela, c'était entendu.
M. LESAGE: ... pour l apréparation de la législation,
etc.
M. BONENFANT: C'est ce que vous avez à Ottawa avec M. Martin
à l'heure actuelle.
M. LESAGE: Oui, c'est cela. M. BONENFANT: Exactement.
M. LAPORTE: Mais Je parle de la constitution.
M. LESAGE: Evidemment, à ce moment-là, le leader du
gouvernement prend connaissance de la législation qu'il doit
présenter, à la deuxième...
M. BONENFANT: Mais ce qu'il ne faut jamais oublier et ce qui nous fait
revenir I notre sujet, c'est que tout cela est basé sur des conventions.
Si on garde la constitution de type actuel, si on la modifie et si on la
rédige, on aurait intérêt à mettre dans des textes
ce qui, aujourd'hui, n'est que convention.
M. LAPORTE: Ce qui reviendrait à dire que sauf sur sanction de
l'opinion publique, qui s'exprime par des élections, un ministre peut
être ministre pendant tout un parlement sans être
député dans notre système actuel.
M. BONENFANT: J'airal plus loin, il pourrait être premier
ministre. Vous pouvez, encore une fois, l'attaquer; il est sûr qu'au
point de vue politique II aura peut-être de la difficulté à
se défendre, mais vous ne pouvez pas aller de-
vant un tribunal. Ce qui fait que quelque chose nous oblige
Juridiquement, c'est le fait qu'on est capable de le plaider; tandis qu'une
convention ne se plaide pas.
M. CHOQUETTE: M. Mackenzie King, il me semble, a été
premier ministre; ayant été défait à
l'élection, il s'est représenté.
M. BONENFANT: Bien voici. Il a été défait aux
élections de novembre 1925 et M. Lapointe a dirigé le
gouvernement. Il s'est fait élire au mois de mars.
M. CHOQUETTE: Non, M. Bonenfant. C'est en 1945 que M. Mackenzie King a
été défait dans son comté, et il s'est
représenté dans son comté en janvier.
M. BONENFANT: Mais cela a été la même chose en 1925.
Il avait été défait et c'est M. La-pointe qui a conduit le
gouvernement. Vous vous souvenez, avant la crise constitutionnelle de Byng de
Vimy, M. King s'est fait élire, cette fois je pense, dans l'Ile du
Prince-Edouard.
M. LESAGE: En 1945, il s'était fait élire dans
Glengarry.
M. BONENFANT: Oui.
M. LESAGE: D'après mon souvenir, il s'était fait
élire avant que la Chambre se réunisse pour la première
fois.
M. BONENFANT: Je pense que oui.
M. LESAGE: Je suis convaincu. Nous avions siégé...
M. BONENFANT: C'est pour cela que...
M. LESAGE: ... à la fin de septembre, et l'élection
partielle avait été déclarée tout de suite
après l'élection générale.
M. BONENFANT: ... j'aime mieux l'exemple de 1925 qui est
catégorique. En 1925, il était assis dans les tribunes et il
surveillait M. Lapointe qui conduisait le gouvernement. C'est en 1925, avant la
crise constitutionnelle de 1926.
M. PROULX: M. Bonenfant...
M. BONENFANT: Oui.
M. PROULX: ... vous dites qu'aux Etats-Unis le président n'a pas
beaucoup de pouvoirs législatifs et qu'il est très faible au
point de vue de l'imposition de sa volonté. Ne serait-il pas dû au
fait que deux Chambres existent? Il y a la Chambre de représentants qui
est une espèce de foire. On parle de la nôtre...
M. BONENFANT: Si vous me le permettez, je peux essayer de
développer l'idée suivante: quelles sont les raisons de
l'incapacité législative du président aux Etats-Unis?
Est-ce cela que vous avez à l'esprit?
M. PROULX: Oui.
M. BONENFANT: Je pense que la première raison est la suivante: il
est exposé, dans certaines circonstances, et c'est arrivé deux ou
trois fois dans l'histoire, à être en face d'une Chambre basse,
surtout, et d'une Chambre haute parfois, où ses adversaires sont
majoritaires. Donc, vous comprendrez que, forcément, il aura de la
difficulté à faire adopter les mesures qu'il propose.
Deuxièmement, même si son parti a la majorité dans les deux
Chambres, parce qu'il n'y a pas de représentants directs du gouvernement
dans les deux Chambres et surtout parce qu'il y a un comité, qui accepte
les lois, qui est très important dans les deux Chambres, c'est à
ce moment-là qu'on met de côté les projets du
président, très souvent.
Cela a été frappant lors des débuts de
l'administration Kennedy. Une foule de mesures, que Kennedy croyait utiles et
nécessaires, étaient bloquées par ce comité qui ne
faisait même pas en sorte qu'elles soient présentées en
Chambre. N'oubliez pas qu'aux Etats-Unis vous avez des milliers de projets qui
restent à la porte de la Chambre, si vous voulez.
M. PROULX: Mais ce comité-la n'est pas composé des membres
nommés par le président. Ce n'est pas lui qui contrôle ses
hommes ou qui prépare cette législation.
M. BONENFANT: Justement. Vous tombez... UNE VOIX: C'est la «
séniorité ».
M. BONENFANT: Je ne vous dis pas que cela ne peut pas se corriger, mais
il est sûr d'un autre côté qu'il y a un autre cran
d'arrêt pour le président, c'est le budget. Le président
peut avoir les plus belles politiques au monde, par exemple, pour faire
disparaître la pauvreté, il sera arrêté par des
républicains, même s'il est républicain, ou des
démocrates, même s'il est démocrate, qui vont lui couper
son
budget. Il est sûr que le système américain paralyse
l'Exécutif.
M. LEVESQUE (Laurier): Si vous permettez...
M. LESAGE: Evidemment, à ce moment-là, le danger que vous
mentionniez tantôt, à cause du « lobbying », des
intrigues de couloir, est le grand danger du patronage par l'administration,
sous la direction du président, pour amener les sénateurs et les
« congressmen », moyennant faveurs de l'administration...
M. BONENFANT: A faire ce qu'ils veulent.
M. LESAGE: ... à faire ce qu'ils veulent. Disons que la tentation
est grande et que...
M. PROULX: Il n'y a pas de danger pour nous au Québec.
M. LESAGE: ... si vous y succombez...
M. LEVESQUE (Laurier): Si vous permettez...
M. LESAGE: Un instant. Disons que le danger est plus grand en vertu du
système américain parce que le patronage, c'est reconnu qu'il
fleurit aux Etats-Unis.
M. PROULX: Beaucoup plus qu'ici.
M. LEVESQUE (Laurier): Si vous permettez, pourrait-on poser une ou deux
questions? M. Bonenfant, très évidemment c'est son droit
comme professeur et comme expert, j'ai déjà lu ses articles
n'est pas particulièrement favorable au système
présidentiel.
M. BONENFANT: Non, et je l'ai dit dès le début.
M. LEVESQUE (Laurier): Bon, d'accord. Maintenant, il y a des
accommodements. Vous parliez, par exemple, du fait que, dans le système
américain, et vous pourriez, jusqu'à un certain point, dire que
c'est un peu l'équivalent de vos conventions, dont vous parlez dans
notre système. Par exemple, le système de «
séniorité », l'« appropriation committee »,
quand il s'agit de dépenser un budget et le pouvoir même de
dépenser, la possibilité pour les comités permanents,
à toutes fins pratiques d'enterrer des lois».
M. BONENFANT: Ils le font.
M. LEVESQUE (Laurier): Bien oui, et justement de ne pas les amener en
Chambre. Enfin, toutes ces choses-là, autant que je me souvienne, ne
sont écrites nulle part; ça devient là aussi des
précédents, des règlements internes de la Chambre. Donc,
il y a certaines choses dans le système américain qui, si on
prenait la même imagination que vous avez prise pour améliorer le
système...
M. BONENFANT: Très bien.
M. LEVESQUE (Laurier): ...parlementaire, enfin, et ses conventions,
pourraient très bien être aménagées de façon
à le rendre beaucoup plus proche de l'efficacité dont vous
parlez.
M. BONENFANT: Je crois que vous avez raison à première
vue, mais j'apporterai l'argument suivant: Est-ce que ce n'est pas la nature du
système américain qui secrète, je dirais naturellement,
les abus dont vous parlez? Parce que ce qui fait la différence dans le
système américain c'est que l'absence de responsabilité
ministérielle, l'absence de possibilité de dissolution ne permet
pas de maintenir la discipline dans le parti politique.
M. LEVESQUE (Laurier): Je m'attendais à ce que vous parliez de
ça surtout.
M. BONENFANT: Bien, j'en ai parlé tout à l'heure.
M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais je veux dire comme...
M. BONENFANT: C'est un argument. Je crois, c'est la raison...
M. LEVESQUE (Laurier): Parce que tous les autres exemples que vous
donnez sont fondamentalement nuls.
M. BONENFANT: On peut dire qu'ils peuvent être
corrigés.
M. LEVESQUE (Laurier): Il y a des choses qui peuvent facilement
être corrigées.
M. BONENFANT: Oui, oui, je suis de votre avis. Mais admettez que
ça peut venir naturellement du système.
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, bien enfin, comme les abus du système
parlementaire peuvent aussi être dans la nature du système...
Prenez, par exemple, le « cabinet system »
pour reprendre le Mclntosh qui l'étudie. Lui aussi, est-ce que ce
n'est pas dans sa nature même dans le monde moderne, complexe de plus en
plus, de devenir une sorte de dictature qui a le danger en plus d'être
camouflée à l'occasion?
M. BONENFANT: Oui, mais c'est une dictature qui, en temps de crise, peut
être arrêtée.
Il y a tout de même un mécanisme... Ecoutez, on le voit en
Angleterre. Dieu sait les fluctuations de M. Wilson. On le voit.
Je pense que notre système, le système qu'on appelle
britannique mais qui est tout de même passé dans le monde entier,
épouse davantage l'opinion populaire. AuxEtats-Unis, quand on est pris
avec un mauvais président, on est pris pour quatre ans.
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, mais enfin, il a été
élu par tout le monde.
M. BONENFANT: Par un mauvais système à l'heure
actuelle.
M. LEVESQUE (Laurier): Bien oui, d'accord.
M. CHOQUETTE: M. Bonenfant, tout à l'heure vous nous parliez de
ce qui s'était produit dans les cinquante dernières
années. Est-ce que dans les cinquante dernières années on
a adopté le système parlementaire tel que nous l'avons dans notre
pays?
M. BONENFANT: Bien, certainement. Voici un petit tableau de ce qui s'est
passé. Cela a été étudié par beaucoup
d'auteurs. Dans les cinquante dernières années, il y a eu
l'influence de deux guerres, la guerre qui s'est terminée en 1918-19 et
la dernière. On pourrait dire qu'il y a trois sortes de pays, trois
sortes de constitutions qui sont nées.
Premièrement, il y a les constitutions inspirées par celle
de la Russie soviétique. Je les mets de côté, mais en
soulignant tout de même le fait que la responsabilité
ministérielle est reconnue dans ces constitutions-là, mais
à cause de la prépondérance du parti, tout le
mécanisme est faussé. Donc, je mets de côté tous ces
pays-là.
Deuxièmement, il y a les pays, les quelques pays qui ont
été influencés par les Etats-Unis. Il y a les Philippines
qui ont été influencées, il y a les pays d'Amérique
du Sud qui existaient déjà, et le seul pays où le
système américain fonctionne bien je prétends qu'il
ne fonctionne pas très bien c'est les Etats-Unis, il ne faut pas
oublier que les pays qui se gargarisent de constitution, comme les pays
d'Amérique du Sud, sont précisément les pays où
ça fonctionne le moins bien. C'est que la « constitu-tionnalite
» devient dangereuse à un certain moment, et je crois que c'est le
cas de l'Amérique du Sud.
Ce qui veut dire qu'il y a une troisième catégorie de pays
qui sont nés des deux guerres. Tous les pays qui sont nés de la
désagrégation de l'Empire austro-allemand, Tchécoslovaquie
etc, ont adopté un système de responsabilité
ministérielle avec quelques petites différences. En particulier
au lendemain de la guerre, il y a eu ce que connaissent bien les
étudiants, la République de Weimar qui est la constitution par
excellence de laboratoire. Malheureusement, elle n'a pas réussi à
cause de l'hitlérisme, mais je pense que les Allemands ont repris
l'exemple de Weimar et que la constitution allemande à l'heure actuelle
est une constitution qui fonctionne joliment bien et qui, au point de vue
économique en tout cas, ne les a pas embarrassés. On le voit. Par
conséquent, presque tous les pays qui sont nés des deux guerres
ont adopté un système qui n'est pas le système
américain. Prenons le Japon, par exemple. Le Japon, qui était
pourtant influencé par les Américains, a pris un système
de type britannique. Fait assez amusant, hier soir je lisais un article d'un
bonhomme qui n'est pas content de la constitution du Japon, un Japonais qui
disait: Faisons bien attention, n'abandonnons pas ce système de type
britannique pour aller au système de type américain, modifions
plutôt notre système.
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que là, vous n'avez pas le cas sui
generis d'un empereur qu'il s'agissait de caser quelque part dans les
institutions?
M. BONENFANT: Bien oui, mais...
M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais on imaginerait difficilement à
côté du Mikado un président à la mode
américaine! A ce moment-là, votre dualité deviendrait
baroque.
M. BONENFANT: Moi, je pense que ce n'est pas la raison. Je pense qu'il y
a une autre raison, M. Levesque, c'est que la plupart des juristes japonais
avaient été formés en France et en Angleterre et je crois
qu'ils ont eu de l'influence dans la rédaction de la constitution.
M. LEVESQUE (Laurier): Mais, il reste quand même qu'après
la guerre de 1945, c'est bien connu, les Japonais ont tout laissé
tomber, sauf ce symbole national qu'était le Mikado, ce qui prouve
à quel point cela était important pour eux.
M. BONENFANT: Qui est une sorte de drapeau.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est la seule chose qu'ils ont exigée au
moment de la capitulation: la protection, si vous voulez, de la personne
sacrée, etc. Enfin, cela vaut ce que cela vaut, mais, pour eux, cela
valait beaucoup. Donc, cela compte.
M. BONENFANT: Si vous le permettez, je vais vous lire la fin de
l'article de ce juriste japonais. « Nous pensons que l'idéal
à poursuivre consisterait à mettre le contenu de modèles
britanniques contemporains dans le contenant juridique déjà
acquis, c'est-à-dire la démocratisation et la modernisation des
partis politiques japonais. Nous ne devrions pas abandonner trop vite ces
efforts difficiles, mais primodiaux pour ce que les Anglais ont construit
pendant trois siècles. »
M. LEVESQUE (Laurier): Mais, si vous me le permettez, votre exemple
historique des 50 dernières années, est-ce que cela ne
découle pas d'un climat prédominant? En Europe continentale, tous
les pays étaient, je crois, sous l'emprise de la tradition
parlementaire. La plupart des autres pays, à part le Japon, qui sont
apparus ailleurs qu'en Europe étaient des ex-colonies anglaises ou
françaises. Donc, ils ont emboîté le pas. De la même
façon, les Philippines, qui étaient sous l'emprise
américaine, ont été portées à copier le
modèle américain. Jusqu'à un certain point, cela ne
découle-t-il pas en grande partie des mentalités qui
s'étaient formées?
M. BONENFANT: Je crois que vous expliquez bien la genèse, mais si
le système américain était nettement supérieur,
même dans les circonstances, est-ce qu'on n'irait pas le chercher? Il y a
une réflexion de l'historien américain Commager que je trouve
assez frappante. Des 60 Etats qui sont nés depuis 1945, aucun n'a
adopté le système américain. C'est tout de même
assez frappant.
M. LEVESQUE (Laurier): Sauf que vous avez certaines évolutions
qui peuvent être aléatoires, puisqu'on ne sait pas où elles
mènent. Enfin, je prends le cas de pays assez instables ce qui
est arrivé au Pakistan, par exemple où, à
l'occasion, on s'aperçoit qu'on passe d'un système à
l'autre selon des accidents de parcours, sans savoir où l'on
aboutira.
M. BONENFANT: Où vous auriez peut-être raison, c'est qu'il
n'y en a pas de système idéal.
Nous devons nous demander, à mon sens, qu'est-ce qui nous
convient, pour deux choses. Premièrement, pour avoir une activité
législative et une activité de contrôle efficace parce que
je crois que le rôle du Parlement, c'est de contrôler, maintenant;
deuxièmement cela a l'air peut-être pompeux pour que
la démocratie se réalise. C'est le seul critère,
d'après moi, d'un bon système; ce n'est pas l'imitation
d'autrui.
M. LESAGE: L'efficacité et le caractère
démocratique. Il faut essayer d'élever les deux au plus haut
degré possible, ce qui n'est pas toujours facile.
M. BONENFANT: Je crois que notre système peut devenir efficace
avec deux grandes modifications. Au niveau de l'Exécutif, il faut
diviser le travail en commissions. Excusez si je me mêle de vos
problèmes; vous m'avez fait venir, donc je vais parler. Je pense qu'il
serait assez facile de libérer les membres du cabinet de bien des
tâches en divisant le travail. Par exemple, je crois que le premier
ministre ne devrait même pas être président du Conseil; il
devrait être uniquement premier ministre. Deuxièmement, au niveau
parlementaire j'ai travaillé un peu au comité de la
réforme parlementaire; je pense que nous avons fait déjà
des progrès il y a des progrès possibles
considérables qui permettraient, à mon sens, de faire
disparaître bien des choses qui vous fatiguent et qui semblent vous
paralyser.
M. LESAGE: M. Bonenfant, vous avez parlé avec un certain
enthousiasme, pour ne pas dire avec beaucoup d'enthousiasme de la constitution
allemande. Je pense bien que mes collègues de la commission aimeraient
vous poser la question que je vais vous poser: Quels volumes ou encore quels
documents de référence pourriez-vous nous conseiller de lire pour
nous mettre au courant le plus parfaitement possible de cette constitution
allemande?
M. BONENFANT: J'ai utilisé, dans ce domaine-là, deux
sources de renseignement. Premièrement, je travaille beaucoup avec la
Documentation française. C'est une source fantastique de documents.
Deuxièmement, j'ai toujours été un lecteur du Monde; j'ai
toujours suivi...
M. PROULX: Ce n'est pas trop scientifique pour les
députés?
M. BONENFANT: Il n'y a rien de trop scientifique pour les
députés, je l'espère. Je ne connais pas d'ouvrage
précis. J'ai suivi l'activité
allemande, surtout dans le Monde, à chaque élection
allemande. Je parle plus que modestement l'allemand. Je suis allé en
Allemagne récemment; malheureusement, je me suis aperçu que mon
allemand n'était pas suffisant pour comprendre. Je n'ai pas à la
tête d'ouvrages très, très précis; je pourrai
vérifier. J'ai pris mes renseignements un peu partout, si vous voulez.
D'ailleurs, un de mes premiers contacts a été
précisément avec ce que le professeur Boily avait
préparé pour l'un des congrès de la
Fédération libérale, je crois. Cette étude sur le
système électoral avait été présentée
il y a quatre ou cinq ans.
Mais je pourrais préparer deux choses, des
références en anglais ou en français ou en allemand aussi
et peut-être un petit exposé sur le système allemand.
M. LESAGE: M. Morin vient de glisser le mot « Duverger
».
M. BONENFANT: Duverger ne développe pas énormément
cet aspect. Il y a à peu près cinq pages dans Duverger sur
ça. Dans le gros volume de Thémis sur les institutions politiques
qui est, à mon sens, un des bons ouvrages à lire, un excellent
ouvrage, à mon sens.
M. LAPORTE: Lequel?
M. BONENFANT: Les institutions politiques dans la collection
Thémis.
M. MASSE: Je crois qu'il serait intéressant que vous
prépariez pour la commission et les députés une certaine
documentation concernant cette question de la constitution allemande.
M. BONENFANT: Si vous voulez. D'abord, vous savez que la meilleure
façon d'apprendre une chose, c'est de l'enseigner. Donc, cela me
permettra à moi aussi de faire le point, je pense bien. Je serais une
page en avant sur vous.
M. LESAGE: Ce serait très apprécié.
M. BONENFANT: Donc, je vais m'en occuper, cela m'intéresse.
M. PROULX: M. Bonenfant, on parle depuis plusieurs années de
rapatrier la constitution. Serait-il possible aussi de rapatrier la monarchie
au Canada afin que nous ayons notre monarque canadien?
M. BONENFANT: Ecoutez, vous allez vous faire tomber...
M. PROULX: Je pense à Pierre I. Ce ne serait peut-être pas
héréditaire, mais on pourrait peut-être trouver des
formules.
M. BONENFANT: Si vous permettez, je tiens à vous le dire tout de
suite, j'ai toujours été contre la royauté. J'ai
été un des premiers à protester contre le serment actuel.
J'ai été très heureux de voir naître une forme de
serment que j'ai peut-être été l'un des premiers à
suggérer. Je pense que le seul argument en faveur de la monarchie
donc je suis contre c'est de dire que ce n'est pas important. Mais moi,
ce n'est pas mon avis parce que, si on s'habitue à ne pas attacher
d'importance à des simagrées, on en vient à tout
considérer comme des simagrées. Je crois que la mauvaise monnaie
corrompt toujours la bonne. C'est pour ça que je voudrais que la
monarchie disparaisse.
M. LEVESQUE (Laurier): Les Canadiens français ne sont pas
censés être royalistes?
M. PROULX: Vous n'avez pas assisté à l'intronisation du
prince de Galles, cette cérémonie extraordinaire?
M. BONENFANT: Oui, je l'ai suivie. J'assiste au carnaval d'hiver
aussi.
M. PROULX: C'est un beau film en couleurs que j'ai vu.
M. BONENFANT: Là, je pense qu'on se lance dans un domaine qui
n'est pas le mien.
M. LEVESQUE (Laurier): Pour revenir au système
présidentiel sans discuter du pour et du contre si vous
prenez ce système pur, quelles que soient les modalités qu'on
puisse éliminer, celui des Etats-Unis, c'est-à-dire un
chef...
M. BONENFANT: Le chef réel de l'Etat.
M. LEVESQUE (Laurier): Le chef d'Etat qui est à la fois chef du
gouvernement et chef d'Etat, élu par tous et dont le pouvoir
exécutif est complet, c'est-à-dire qui a la séparation de
son pouvoir exécutif.
M. BONENFANT: D'après vous, recrute-t-il ses ministres où
il veut?
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, c'est ça, il a le contrôle de
l'exécutif. Deuxièmement, si vous prenez ça, est-ce
conciliable? Il s'agit de savoir à quel point les options sont ouvertes
pour le
Québec qui est une province dans un pays tel qu'il existe, sans
entrer dans plus de détails, est-ce conciliable avec un régime
fédéral tel que celui dans lequel nous sommes?
M. BONENFANT: Je crois que c'est conciliable dans un régime
fédéral, bien entendu, parce que, précisément, la
caractéristique du fédéralisme devrait être de
permettre aux parties composantes de se réaliser comme elles le veulent.
Précisément, si le Canada demeure ce qu'il est, je verrais
très bien le Québec ayant des institutions politiques
différentes, même si je ne les crois pas nécessaires.
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que vous ne venez pas directement, de
toute façon à un système confédéral dans le
sens strict du mot et non pas à une fédération telle que
conçue?
M. BONENFANT: Non, je pense que le caractère
confédératif ne naîtrait pas de là, mais de la
répartition des compétences.
Si vous permettez, c'est un élément de
confédération, mais je pense que l'élément
essentiel de confédération se fait au niveau du partage des
compétences plutôt qu'au niveau de la différence des
institutions.
M. LEVESQUE (Laurier): Quand on voit un système
fédéral tel qu'il a existé jusqu'ici, que ce soit ici ou
aux Etats-Unis, peu importe les modalités, est-il concevable que le
gouvernement central ait un régime d'institutions pendant qu'une partie
aussi importante qu'un état ou une province enfin on ne se
chicanera pas sur les notions a un régime institutionnel
totalement différent?
M. BONENFANT: Je le crois, et ça devrait être
précisément ça, le fédéralisme. Je pense que
si le fédéralisme avait été ainsi, il n'aurait
peut-être pas les embêtements qu'il a aujourd'hui.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est-à-dire, il aurait été
une confédération.
M. BONENFANT: Peut-être, là c'est une question de mots.
Où s'arrête la confédération et où commence
la fédération? Vous le savez, les auteurs ne l'ont jamais su, ils
n'ont jamais été capables de tracer les frontières.
Je pense que ce système serait plus de la nature d'une
confédération que d'une fédération.
M. LEVESQUE (Laurier): Ce que je veux dire, c'est que si vous avez un
régime prési- dentiel, si le Québec opte pour ça au
niveau exécutif, cela implique que vraiment il y a un homme et son
groupe qui représentent, comme personne d'autre, l'ensemble de la
population du Québec.
M. BONENFANT: Exactement.
M. LEVESQUE (Laurier): Alors, si vous mettez ça en
parallèle avec un autre régime qui, lui, maintient le
parlementarisme et dont la représentativité est
complètement différente, qui recoupe la population
québécoise, ça peut faire curieux.
M. BONENFANT: C'est un peu bâtard, je l'admets, mais si vous
permettez, je corrigerai un peu votre affirmation,... y représente sa
province, mais dans les domaines qui sont de la compétence de la
province.
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, d'accord, mais ce que je veux dire, c'est
que vous avez vraiment un symbolisme d'une force extraordinaire vis-a-vis d'une
représentativité complètement diffuse. En tout cas vous
n'êtes pas sortis du bois.
M. PROULX: M. Bonenfant, vous avez parlé de recréer au
Québec une Chambre haute.
M. BONENFANT: Oui.
M. PROULX: Vous avez dit qu'elle pourrait être législative.
Mais, fondamentalement, vous ne croyez pas que l'existence de deux chambres
législatives, c'est un peu artificiel, c'est un peu bâtard, qu'on
devrait avoir un système électoral qui tienne à la fois
compte du vote populaire et du vote pour les partis, et qu'il soit unique,
plutôt que d'avoir deux chambres? Fondamentalement, ce n'est pas une
faiblesse d'une structure parlementaire.
M. BONENFANT: Je pense que c'est Gambetta qui a dit: « Un
système bicaméral, c'est un charriot qui est trainé par
deux chevaux qui vont en sens inverse. » Je ne suis pas tout a fait de
votre avis, je pense que le bicaméralisme, tout de même, existe
dans la plupart des pays du monde." Donc, c'est peut-être un argument
d'autorité, mais c'est un argument qui en vaut bien d'autres. Par
exemple, aux Etats-Unis, vous avez 49 états qui l'ont, c'est tout de
même un début. Je mets de côté la preuve
d'autorité, que je n'aime pas.
Deuxième avantage du bicaméralisme, c'est ça qui
est important, et c'est à mon sens ce qui
serait important pour le Québec, c'est d'obtenir une
représentation diversifiée des éléments.
M. PROULX: Ne pouvons-nous pas l'avoir par le vote populaire
ordinaire?
M. BONENFANT: Oui mais vous allez avoir les inconvénients. Je
vais vous donner un exemple tiré du Québec. Refaites la carte
électorale du Québec en faisant disparaître les
circonscriptions privilégiées de l'article 80 et en donnant
à Montréal la représentation à laquelle elle a
droit. C'est Montréal qui va contrôler la province de
Québec. Pour faire une carte électorale équitable, vous
êtes obligés de donner à Montréal à la
Chambre basse une prépondérance que les régions un peu
éloignées n'aimeront pas.
Mais, précisément, pour corriger ce mal-là, si vous
avez une Chambre haute vous avez le contrepoids régional, en d'autres
termes, vous réaliseriez à l'intérieur du Québec un
embryon de fédéralisme. Vous allez dire; Nous avons assez de
difficulté avec le fédéralisme général pour
ne pas le créer à l'intérieur du Québec. Mais je
pense que, de plus en plus, avec la diversité qu'on va rencontrer dans
le Québec, avec le caractère régional que prend le
Québec, il faudrait tenir compte de cet aspect dans la
représentation. C'est pour ça qu'une Chambre haute refaite,
à mon sens, avec la représentation proportionnelle, surtout,
ça serait un enrichissement pour le pouvoir législatif.
M. LE PRESIDENT (M. Bertrand): M. Bon-enfant, une Chambre haute
élective.
M. BONENFANT: Oui.
M. LE PRESIDENT (M. Bertrand): Alors, élue pour une même
période de temps.
M. BONENFANT: Non, voici justement un autre argument qui est important.
A l'heure actuelle, de quoi se plaint-on? On se plaint que le peuple n'est
consulté que par des enquêtes privées. Si vous aviez,
précisément, des élections à la Chambre haute, par
rotation, ça permettrait périodiquement de prendre le pouls
populaire. Cest ce que vous avez en Australie, par exemple. Moi, je crois qu'un
conseil législatif électif, avec une autre vision, si vous
voulez, que celle d'autrefois, ça serait un enrichissement pour les
institutions populaires.
M. LE PRESIDENT (M. Bertrand): Avec une autre vision, lui
accorderiez-vous des pouvoirs similaires à ceux...
M. BONENFANT: Non, moi je lui accorde- rais des pouvoirs limités,
parce que la véritable représentation doit être la
représentation de la Chambre basse. Je lui enlèverais le pouvoir
de refuser le budget, comme il l'avait pourtant dans le passé.
Deuxièmement, je ne lui permettrais qu'un pouvoir de cran d'arrêt,
si vous voulez, ça lui permettrait de faire échec à une
mesure pendant une ou deux sessions.
M. LE PRESIDENT (M. Bertrand): Un peu à l'instar des pouvoirs
exercés par la chambre des Lords d'Angleterre.
M. BONENFANT: Exactement
M. LEVESQUE (Laurier): ... un conseil économique et social
régional?
M. BONENFANT: Non, là, je ne suis pas de votre avis. Conseil
régional et non pas économique. Je crois que vouloir remplacer
une Chambre haute par un conseil économique, c'est une erreur, qui a
été déterminée par le corporatisme d'autrefois. J'y
suis opposé énergique-ment parce que la représentation des
intérêts économiques, cela doit se faire avant la
législation et non pas au niveau du législateur à mon
sens. Mais ce serait une chambre régionale, et j'insiste sur le fait
que, de plus en plus dans le Québec, vous le savez mieux que moi, se
posent des problèmes de régions qui n'ont pas la
représentation politique.
M. PROULX: Quand vous parlez de représentation assez annuelle,
vous pensez sans doute à la chambre des représentants aux
Etats-Unis, où les représentants sont élus tous les deux
ans, ce qui permet d'avoir pouls...
M. BONENFANT: Justement, la Chambre américaine n'est pas un bon
exemple, parce que la Chambre américaine étant élue pour
deux ans, est un des corps législatifs les plus
dépréciés au monde. Vous le savez, on dit que la
première année, ça consiste à remplir les promesses
d'élection, et la deuxième année à faire des
promesses pour les prochaines élections. Mais, le défaut de la
Chambre américaine, c'est qu'elle est renouvelable en entier tous les
deux ans. Tandis que ma Chambre haute serait renouvelable par rotation, un peu
comme le Sénat américain, si vous voulez.
M. PROULX: Comme les échevins.
M. BONENFANT: Oui, ça permettrait de tâter le pouls de
l'opinion populaire, à mon sens.
M. LE PRESIDENT (M. Bertrand): Je re-
grette infiniment d'avoir été obligé de
m'absenter.
Vous avez dit, au début de vos remarques, ce matin, que vous
n'étiez pas favorable à un régime présidentiel.
M. BONENFANT: Cela a été catégorique.
M. LE PRESIDENT: Par contre, vous avez apporté une nuance.
M. BONENFANT: Oui.
M. LE PRESIDENT: Vous avez dit que vous seriez favorable à ce que
le poste de lieutenant-gouverneur disparaisse et que nous ayons, disons, un
président. Ce président-là serait-il élu ou
nommé?
M. BONENFANT: Nous avons touché au problème tout à
l'heure. A mon sens, il devrait être élu. Je crois qu'il est assez
ridicule, même si le fédéralisme subsiste, que le
lieutenant-gouverneur soit nommé par Ottawa. Evidemment, une convention
commence à s'établir que l'on consulte la province. Mais il reste
tout de même qu'il y a certains lieutenants-gouverneurs qui ont
été nommés sans aucune consultation. Donc, je ne voudrais
pas qu'il soit nommé par Ottawa. S'il n'est pas nommé par Ottawa,
à mon sens, il devrait être élu. Voici les solutions que
nous avons esquissées tout à l'heure. Il peut être
élu par une sorte de vaste collège électoral. Ou bien, il
peut être élu par...
M. LE PRESIDENT: Non, je ne veux pas vous obliger à
répondre à cette question.
M. BONENFANT: Non, mais nous en avons discuté tout à
l'heure.
M. LE PRESIDENT: Vous en avez discuté. Je m'excuse.
M. LACROIX: M. Bonenfant, je crois que le système actuel n'est
pas si mal, si on lui apportait des modifications, soit dans la formation de la
carte électorale, et dans le rajeunissement des règlements qui
régissent actuellement notre Assemblée nationale. Changer
seulement pour le plaisir de changer, et changer de noms et dire des mots...
Apparemment, le système que nous connaissons actuellement, si on le
rajeunissait, si on le modernisait, il pourrait très bien satisfaire aux
besoins de la province de Québec.
M. BONENFANT: Je suis entièrement de votre avis et je reposerais
le problème autrement. Moi je n'aime pas me griser d'idées.
Malgré tout, j'ai l'air d'un théoricien, mais je ne le suis pas.
Pourquoi ne se demande-ton pas ce qui ne marche pas dans le système
actuel? Au lieu de chercher des modèles théoriques, de quoi
n'êtes-vous pas contents à l'heure actuelle? Qu'est-ce qui vous
paralyse dans votre travail? Et pour faire disparaître ces
inconvénients, qu'est-ce qu'il faut faire? Moi, je crois que c'est comme
cela qu'il faut poser le problème. Parce qu'il y a une manie de la
constitution dans le monde, et c'est assez bizarre. Ce sont les peuples les
moins civilisés qui abusent des constitutions. Il reste qu'à
l'heure actuelle, un des peuples qui, à mon sens, est magnifique, c'est
le peuple d'Israël. Bien, ils n'en ont pas de constitution en Israël.
Ils n'ont pas jugé que c'était important d'en avoir, et Dieu sait
s'ils réussissent bien. On n'est pas obligé d'avoir une
constitution formelle. On peut se contenter d'une constitution
matérielle. Tous les pays en ont. Moi, je pense qu'on devrait se
demander ce qui ne va pas. Qu'est-ce qui m'empêche d'être efficace
comme gouvernement? Qu'est-ce qui m'empêche de pouvoir réaliser
quelque chose? Corrigeons cela et vous allez vous apercevoir qu'il n'y a
peut-être pas énormément de choses fondamentales à
corriger.
M. LE PRESIDENT: II y a certainement, vous le dites, des choses à
corriger. Tous les députés sont à même de le
constater. Depuis que nous avons des commissions, qui siègent beaucoup
plus régulièrement, les députés prennent beaucoup
plus d'intérêt, il n'y a aucun doute, aux travaux de la Chambre.
Il s'agit de continuer dans ce sens-là. C'est déjà un
rôle important pour le député. Il y a des plaintes des
députés au sujet des lois. Les lois leur arrivent quand elles
sont toutes préparées. A ce moment-là, vous avez
l'exécutif qui prépare, qui élabore des lois à la
suite d'études, qui les formule et qui dépose un projet. On n'a
pas trouvé de moyens d'associer les députés à ce
travail de préparation des lois. A première vue, Je crois, moi,
que c'est très difficile à faire. Qu'avez-vous à dire
là-dessus?
M. BONENFANT: Bien, j'ai une réponse et c'est un sujet qui
m'intéresse. J'ai été beaucoup mêlé au
travail de la commission de la réforme parlementaire. Moi, Je pense
qu'il y a tout de même un début de réponse. Tout, en
politique, vous le savez mieux que moi, ne se règle pas du jour au
lendemain. Je pense que, d'abord, le travail en commission s'est nettement
perfectionné. Je pense que vos com-
missions sont plus logiques et elles fonctionnent mieux. Mais il reste
beaucoup à faire. Il faudrait que, dans bien des cas, les commissions
qui ont à étudier des projets techniques aient un personnel
technique. Je vais vous donner un exemple que je connais un peu. J'ai fait
partie du comité de rédaction de la Loi de la
copropriété. C'est un sujet extrêmement technique. Je vous
avoue que je n'ai pas tout compris. J'ai lu ensuite les
délibérations de la commission qui a étudié cette
loi. Eh bien, quand le conseiller juridique était là et donnait
des explications, cela me semblait beaucoup mieux fonctionner que lorsque les
députés étalent seuls. Parce que, je reviens à ce
que j'ai dit tout à l'heure, le député de qualité
est avant tout un généraliste dont le rôle est
précisément de digérer les technocrates et de faire
digérer les technocrates au public. D'après moi, c'est ça,
le rôle de l'homme politique. Je m'excuse d'en parler devant vous. Mais
je pense que c'est ça. Le spécialiste en politique...
M. LE PRESIDENT: Vous décrivez pas mal notre rôle. On le
vit, nous, quotidiennement et c'est passablement cela.
M. LE SAGE: Au comité de législation du conseil des
ministres, il est très difficile de concevoir qu'on puisse faire un
travail efficace, bien fait, sans la présence et la contribution
constante...
M. LE PRESIDENT: Des experts.
M. LESAGE: ... des experts en la matière et des juristes.
M. BONENFANT: Oui, mais vous voulez, évidemment, c'est le
problème que vous me posez; Je me rappelle que M. Lesage me l'avait
posé il y a quatre ou cinq ans, savoir ce qu'on doit faire accomplir aux
députés? Moi, je crois que le rôle extrêmement
important du député d'arrière-plan, qui n'est pas
d'arrière-plan, mais le député moyen, si vous voulez,
c'est son rôle de contrôle. C'est que, de plus en plus, le
rôle du Parlement n'est pas uniquement de légiférer, c'est
de contrôler.
M. LE PRESIDENT: Nous l'avons été pendant plusieurs
années.
M. PROULX: Je suis patient.
M. BONENFANT: C'est de contrôler...
UNE VOIX: Vous êtes pressé.
UNE VOIX: Vous avez besoin d'être patient.
M. LESAGE: Ce n'est pas tant de le dire, ce qui est important pour
arriver...
M. PROULX: Déclaration officielle.
M. LESAGE: ... ce n'est pas tellement de dire qu'on n'est pas
pressé, mais de le montrer.
M. LE PRESIDENT: Je voyais dans le sourire de M. Proulx une question
à laquelle je réponds.
M. LESAGE: Non, mais je voulais dire à M. Proulx que ce qui est
important c'est non pas les échelons en politique...
M. PROULX: C'est comme un ministre qui parle.
M. LESAGE: ... ce n'est pas tant de dire qu'on n'est pas pressé
que de faire la preuve qu'on n'est pas pressé par ses actes.
UNE VOIX: Il n'est pas pressé par ses actes.
M. PROULX: Comme chef de parti, vous n'êtes pas pressé,
vous non plus.
M. CHOQUETTE: Le principe de la...
M. LE PRESIDENT: Il veut sans doute faire allusion à des gens qui
ne sont pas présents dans son parti.
M. LESAGE: Je regardais...
M. LE PRESIDENT: Ne comptons pas votre petit Wagner.
M. LESAGE: Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Allez-y, M. Bonenfant.
M. BONENFANT: Moi, je crois qu'on doit se demander quel est le
rôle d'un parlement moderne. A mon sens, le rôle d'un parlement
moderne est triple. Premièrement, son rôle est de
légiférer, mais, à mon sens, il va falloir que les
parlements modernes légifèrent d'une façon de plus en plus
générale pour permettre ensuite une délégation
réglementaire. Je pense que dans x années les lois seront moins
nombreuses et plus générales et que l'exécutif aura plus
de pouvoir réglementaire.
Deuxièmement, cela comporte nécessaire-
ment un rôle de contrôle. Il va falloir et je sais
que cela préoccupe certains députés ici que toute
la législation déléguée, les règlements que
vous adoptez soient systématiquement déposés devant des
commissions afin de permettre de les critiquer et même de les faire
abroger dans certains cas.
En 1965, il y a eu une réunion à Genève sur le
rôle du parlementaire et les représentants se sont entendus pour
dire que le rôle du député moderne était surtout un
rôle de contrôle beaucoup plus que de législateur.
Enfin, troisièmement, je crois que le rôle du parlement est
d'être une sorte de forum de la nation, mais il faut faire attention,
j'ai l'impression que les moyens comme la télévision et la radio
remplacent un peu ce forum-là, à l'heure actuelle.
Donc, le rôle de contrôle est très important et Je
pense que le député je ne sais trop comment l'appeler
maintenant qui veut travailler...
M. LEVESQUE (Laurier): Pas pressé.
M. BONENFANT: ... peut trouver, dans ce rôle de contrôle,
une tâche extrêmement importante et féconde pour ses
concitoyens.
M. LE PRESIDENT: Je reviens au deuxième problème, je parle
du travail des députés, le rôle des ministres. Il ne faut
pas avoir été ministre longtemps, qu'on ait appartenu à
n'importe quel gouvernement, pour réaliser que la présence du
ministre, disons d'une façon assez continue, en Chambre, au moment
où il doit, par contre, administrer... Il y a certainement là un
problème. De là est venu, chez plusieurs, l'idée d'un
régime où on pourrait, je ne dis pas en entier, peut-être
partiellement, éviter un peu la présence du ministre en Chambre;
de là était venue l'Idée d'un système
présidentiel.
M. BONENFANT: Mais vous avez la solution: Utilisez vraiment l'assistant
parlementaire. Je pense qu'on n'a pas à Ottawa comme à
Québec, remarquez bien vraiment utilisé l'assistant
parlementaire. Je crois qu'il y aurait moyen d'avoir un véritable
assistant parlementaire qui pourrait, en Chambre, remplir une foule de
tâches du ministre.
M. PROULX: Je ne voudrais pas paraître intéressé,
mais je trouve cette idée-là excellente.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Proulx, de cette invitation.
M. LESAGE: L'utilisation d'un adjoint parlementaire dépend
beaucoup de la conception que le ministre se fait du rôle de son
adjoint.
M. BONENFANT: D'ailleurs, je me rappelle, M. Lesage, que vous avez
déjà parlé vous-même de votre rodage à
Ottawa. Si d'abord on fait passer les adjoints parlementaires par
différents ministères et si la relation humaine, si vous voulez,
entre le ministre et son assistant parlementaire est bonne, je crois que cela
peut soulager le ministre de son travail.
M. LESAGE: D'accord. Mol, je me souviens très bien que M. Abbott,
le ministre des Finances, me confiait même le rôle de
présenter, de défendre les résolutions du budget. Je
m'Imaginais que c'était parce qu'il avait beacoup d'ouvrage jusqu'au
jour où j'ai constaté qu'il était derrière les
rideaux. C'était pour voir comment je faisais cela. Mais, quand
même, il y a moyen.
M. BONENFANT: Moi, je le crois. Je crois qu'on n'a pas utilisé
à fond l'assistant parlementaire.
M. LESAGE: II arrive que des questions soient posées, par
exemple, à l'ordre du Jour. Si le ministre est absent, il me semble que
l'adjoint parlementaire, s'il y en a un à ce ministère, devrait
être en mesure de répondre aux questions administratives. S'il
s'agit de questions sur la politique du ministère, pendant l'absence du
ministre, l'adjoint parlementaire peut en prendre note et le ministre vient, le
lendemain, exposer la politique de son ministère sur la question
posée. Ce sont des choses qui peuvent se faire.
M. BONENFANT: Cest ce que je crois. Evidemment, moi, je vois cela de
l'extérieur, un peu en profane, mais f ai l'Impression qu'une meilleure
utilisation de la fonction d'adjoint parlementaire permettrait de faire
disparaître les inconvénients dont parlait le premier ministre
tout à l'heure.
M. LACROIX: Tout de même, l'expérience que j'ai
vécue en Chambre, c'est que les ministres à peu près les
plus compétents, les plus efficaces et ceux qui connaissaient le mieux
leur affaire étaient constamment en Chambre. Ceux qui étaient les
plus faibles étaient, la plupart du temps, absents.
M. BONENFANT: Vous êtes député, vous
avez le droit de porter un jugement. Moi, je ne porte pas de
jugement.
M. LEVESQUE (Laurier): II y a peut-être une autre chose pour nous
ramener, quand même, au sujet principal d'aujourd'hui, soit
l'évaluation du régime présidentiel; l'autre, on le
connaît un peu...
M. BONENFANT: Oui.
M. LEVESQUE (Laurier): ...c'est qu'à moins de devenir
caricaturaux, actuellement, on a 108 parlementaires.
M. BONENFANT: Oui.
M. LEVESQUE (Laurier): Avec la population du Québec, supposons
qu'on se rendrait à 125 parlementaires je parle de la même
base de population; quand même, c'est assez loin dans l'avenir
vous pouvez présumer que 75 ou quelque chose comme cela sera toujours
plus ou moins un maximum et ce sera probablement plus pris de 65 ou de 70.
M. LE PRESIDENT: M. Lévesque, voulez-vous vous rapprocher un peu
du micro? On perd beaucoup de vos propos.
M. LEVESQUE (Laurier): ... du côté gouvernemental. Avec un
parlement divisé, on peut arriver à une sorte de pluralisme des
partis. Cela correspondrait à un pluralisme de notre
société aussi.
M. BONENFANT: Oui.
M. LEVESQUE (Laurier): II peut très bien arriver que les
gouvernements ne dépassent pas, dans un avenir prévisible,
l'équipe parlementaire d'un gouvernement, 70 à peu près.
Si vous commencez à prendre des députés comme ministres
dans le régime actuel, cela va jusqu'à une vingtaine et je
n'exagère pas et que vous employez plus intensément les
adjoints parlementaires ou quelque chose d'équivalent, vous aboutissez
à 40, peut-être davantage, parlementaires qui ont tous des
fonctions administratives très précises.
Je reviens au système présidentiel. Il me semble qu'on est
porté à comparer un peu superficiellement le monstre de 200
millions d'Américains avec les 6 millions de Québécois. Un
des éléments essentiels c'est l'étroitesse, si vous
voulez, de la base de choix pour ce genre de travail exécutif. Si vous
ajoutez les adjoints, cela me paraît être un argument de plus en
fa- veur d'un système présidentiel. J'aime bien votre idée
de l'homme politique qui se prépare longuement, mais je ne l'ai pas vue
tellement appliquée dans les cabinets depuis quelques années. Le
système présidentiel permet, quand même, d'aller dans tous
les secteurs de la société et, s'il joue convenablement, de
bâtir un Exécutif qui ne vient pas siphonner le parlement. Le
parlement peut continuer à jouer son rôle de contrôle d'une
façon convenable. Tandis qu'autrement je ne le vois plus.
M. BONENFANT: J'admets que les arguments que vous venez de
développer sont assez puissants. Il n'y a pas de système parfait.
Si vous le permettez, je réponds par l'argument de l'incapacité
de l'Exécutif en face du pouvoir législatif dans le
système présidentiel. Je pense qu'il ne faut pas se laisser
tromper par l'exemple américain, par la prospérité
américaine. Je ne crois pas que la prospérité
américaine, les choses merveilleuses que les Américains ont
accomplies soient dues au système politique.
M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais je vous ai bien dit qu'il ne faudrait
pas non plus tomber dans l'extrême qui serait de dire: II y a une
équivalence automatique entre le monstre de 200 millions
d'Américains, l'incroyable diversité de leurs régions, de
leurs intérêts, de leurs intrigues, etc. et une population, quand
même beaucoup plus facile à toucher, qui est celle de 6 millions
de Québécois.
M. LE PRESIDENT: M. Bonenfant, pour revenir a l'argument de M.
Lévesque, vous dites que le rôle du député devient
de plus en plus et deviendra encore davantage un rôle de contrôle.
Ce contrôle, ne le dépolitise-t-on pas plus dans un système
présidentiel où les députés se sentent
peut-être un peu plus libres de critiquer la législation que dans
notre système actuel.
M. BONENFANT: Je reviens à mon argument. Il est sûr que le
système américain a certains avantages. Ce serait stupide de dire
qu'il n'en a pas. Mais je pense que le petit avantage que vous gagnez à
dépolitiser le rôle du député si vous le
permettez, j'ouvre une parenthèse pour dire qu'à
l'intérieur d'une commission le député est un peu plus
dépolitisé, je pense que cela a été remarqué
à plusieurs reprises...
M. LE PRESIDENT: J'en prends note.
M. BONENFANT: Je crois que ce petit avan-
tage, qui est un avantage que j'admets, n'est pas suffisant dans ma
pensée pour équilibrer les désavantages que je vois dans
un système américain. Et j'ajouterai une chose que j'ai
oubliée. C'est qu'il y a une certaine continuité en politique,
aussi, et le meilleur système est peut-être, pour autant qu'il n'a
pas de défaut considérable, celui qu'on a déjà
pratiqué. Il y a une économie de temps.
Supposons que le Québec décide de se donner un nouveau
système. Il y aura une période d'adaptation de quatre ou cinq ans
qui, à mon sens, stérilisera jusqu'à un certain point
l'activité du Québec. C'est pour cela que j'aime mieux partir
d'un système établi et le corriger plutôt que de chercher
une formule miraculeuse qui est toujours belle à l'extérieur. Les
Américains trouvent que le système britannique est beau...
M. LE PRESIDENT: Le but est beaucoup plus d'essayer de conserver tout ce
que nous avons de bon et de trouver ailleurs ce qui peut être bon
également.
M. LESAGE: Ou d'inventer.
M. LE PRESIDENT: Ou d'inventer de nouvelles formules.
M. BONENFANT: Si vous permettez...
M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas de faire table rase. Il y a des
éléments qui sont bons, qui doivent être
préservés, mais là où il y a des vices vous
le notiez tout à l'heure il s'agit d'adopter la meilleure formule
pour corriger ces vices. C'est notre but.
M. LESAGE: Mais sans jamais oublier que ce qui doit toujours nous
préoccuper, c'est l'efficacité et...
M. LE PRESIDENT: C'est cela.
M. LESAGE: ... la démocratie. Et la balance entre les deux est
toujours très difficile à maintenir. Il ne faut pas sacrifier
l'une au profit de l'autre.
M. LE PRESIDENT: C'est le but poursuivi.
Il n'y a pas d'idée quant à moi fixée
à tel ou tel système. J'ai souvent parlé d'emprunter
à d'autres systèmes des éléments qui pourraient
nous permettre de corriger certains des vices que nous trouvons dans notre
système.
M. CHOQUETTE: Je me demande si le pre- mier ministre n'était pas
absent lorsque M. Bonenfant a justement...
M. LE PRESIDENT: Je lirai...
M. CHOQUETTE: ... commenté...
M. LE PRESIDENT: Je ne veux pas...
M. CHOQUETTE: Non, non, mais je veux simplement le souligner, parce que
cela tombe à point. Cela correspond tout à fait à la
question que venait de poser le premier ministre au sujet... M. Bonenfant
préconisait, dans le système que nous avons, une
responsabilité ministérielle atténuée qui
permettrait un rôle plus...
M. LE PRESIDENT: Je le lirai.
M. BONENFANT: Si vous permettez, une responsabilité
ministérielle qui serait énoncée dans des termes
constitutionnels. J'insiste sur cet aspect.
Mais pour revenir à ce que vient de dire le premier ministre, il
y a une série de questions que nous pouvons nous poser. Par exemple,
croyez-vous qu'un Etat à deux têtes comme nous en avons un n'est
pas mieux qu'un Etat où vous seriez à la fois premier ministre et
président? Vous seriez obligé d'aller ouvrir les expositions de
coquelicots, et en même temps de diriger la province.
M. LE PRESIDENT: Je vous avoue...
M. BONENFANT: Est-ce que cela n'est pas utile d'avoir un
lieutenant-gouverneur...
M. LE PRESIDENT: ... que même quand on a un lieutenant-gouverneur
qui participe à toutes ces sortes de cérémonies à
caractère social ou autre...
M. BONENFANT: Il en faut.
M. LE PRESIDENT: ... il reste quand même que le premier ministre
ou le chef de l'Opposition le premier ministre entre autres est
obligé d'y aller.
M. BONENFANT: Mais dans un système présidentiel, vous
iriez plus souvent.
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. LEVESQUE (Laurier): Dans un système présidentiel, je
m'excuse, les coquelicots, le
président les passe à d'autres: peut être au
vice-président aux Etats-Unis.
M. BONENFANT: II les passe au drapeau; c'est le drapeau qui remplace le
chef de l'Etat.
M. LEVESOUE (Laurier): Là, je pense que vous...
M. BONENFANT: Non, non, c'est infiniment important.
M. LEVESQUE (Laurier): ... tordez un peu les choses en fonction de vos
préférences, ce qui est parfaitement normal.
M. BONENFANT: Nous aurons de la difficulté à vous
convertir.
M. LEVESQUE (Laurier): Bien oui, quand cela paraît trop...
M. PROULX: On a parlé de dépolitiser le rôle du
député, surtout peut-être en Chambre. Dans le comté,
il est difficile de dépolitiser le rôle du député.
Depuis trois ans, c'est difficile. En Angleterre, M. Bonenfant, les
députés n'ont-ils pas l'habitude de voter quelquefois contre le
gouvernement?
M. BONENFANT: Oui, oui.
M. PROULX: Et au Québec, ce n'est pas une tradition, une
convention peut-être...
M. BONENFANT: Vous pouvez la commencer si vous voulez.
M. PROULX: J'ai assez de problèmes à l'heure actuelle, je
ne veux pas m'embarras-ser avec d'autres.
M. BONENFANT: Faites attention. Si vous suivez un peu la politique
anglaise, il reste tout de même que pour maintenir l'ordre dans son
parti, le premier ministre utilise précisément la menace de la
dissolution. Je crois que cela fait partie de l'évolution politique de
la Grande-Bretagne. Les Anglais sont plus évolués au point de vue
de la politique que nous ne le sommes.
M. CHOQUETTE: Le député de Saint-Jean devrait être
sensible à cet aspect.
M. PROULX: II ne se fait pas de patronage à Outremont...
M. LE PRESIDENT: Le problème que soulève le
député de Saint-Jean est réel. Il est réel. De
là vient le fait on le note déjà que les
travaux qui se font dans les commissions dépolitisent un peu les
députés.
M. PROULX: M. le Premier ministre, c'est parce que, souvent, un
député peut être complètement contre la politique du
gouvernement et il aimerait pouvoir faire, comme dans certains pays, comme en
Angleterre, où la tradition veut que l'on puisse voter contre le premier
ministre.
M. BONENFANT: Si vous permettez, monsieur...
M. PROULX: Ces traditions-là nous en empêchent et nous
sommes toujours sous la menace d'élections subites. Je trouve que
c'est...
M. BONENFANT: Ce que j'ai suggéré, comme restriction
à la responsabilité ministérielle tout à l'heure,
ferait disparaître une grande partie des inconvénients dont vous
parlez.
UNE VOIX: C'est cela. Cest cela.
M. BONENFANT: Précisément, je ne voudrais pas qu'on
utilise souvent la responsabilité ministérielle, mais elle
devrait rester comme une soupape, si vous voulez.
M. PROULX: Cette période de: Toi, tais-toi, ne peut plus exister
maintenant. Si on prend une position différente de son gouvernement, on
devrait pouvoir l'exprimer en Chambre. Et puis, on pourrait être
obligé de démissionner, nous aussi. Il y a le problème des
élections générales ou de la démission. On pourrait
avoir d'autres attitudes que celles-là.
M. BONENFANT: Modifiez les règles.
M. LESAGE: Est-ce que vous voulez dépolitiser les séances
des commissions?
M. PROULX: Non. Je parle surtout pour la Chambre.
M. LESAGE: Les séances de commissions sont passablement
dépolitisées.
M. PROULX: Oui, Mais je pense...
M. LESAGE: Sauf quelques exceptions. Les exceptions sont
remarquables.
M. PROULX: Oui.
M. LESAGE: C'est lorsque vous présidiez.
M. PROULX: Oui, ah! C'était autrefois. Maintenant j'ai pris de
bonnes résolutions.
M. LE PRESIDENT: Vous avez fait des constatations malveillantes.
M. LESAGE: Non, non.
M. LE PRESIDENT: Malveillantes.
M. LESAGE: Non, c'est une constatation de...
M. LE PRESIDENT: Bien oui, mais elle est malveillante.
M. PROULX: Vous parlez d'audace.
M. LE PRESIDENT: Le climat n'était pas tellement
dépolitisé.
M. PROULX: M. Lesage... Vous n'êtes pas pressé, vous.
M. LE PRESIDENT: Allez-y, M. Proulx.
M. PROULX: Attendez, le temps Joue contre vous.
M. BONENFANT: Parce qu'en Angleterre c'est comme en France.
M. CHOQUETTE: Le député de Saint-Jean ne comprend
peut-être pas qu'il faut choisir entre être assistant parlementaire
ou indépendant. C'est le choix qu'il a à faire.
M. PROULX: Etre député d'Outremont, cela ne pose pas de
problème.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous n'avons pas la liberté de
choix.
UNE VOIX: II n'y a pas de liberté de choix.
M. BONENFANT: Voici, c'est qu'en Angleterre, ces dernières
années, on a accepté, en général, que la
responsabilité ministérielle ne joue pas toujours d'une
façon stupide comme autrefois, si vous voulez. Mais cela revient
à ce que je disais tout à l'heure. Je pense que le critère
du jeu de la responsabilité ministérielle doit dépendre
dans certains cas, de l'acceptation ou du refus du gouvernement.
Je pense que si on mettait dans des textes constitutionnels certaines
limites au jeu de la responsabilité ministérielle, certains des
incon- vénients que vous déplorez disparaîtraient, si on
garde le système de responsabilité ministérielle,
évidemment.
M. PROULX: L'expérience a été faite à Ottawa
quand le gouvernement Pearson demandait à tous les députés
de voter selon leur conscience sur la peine de mort.
M. BONENFANT: C'est déjà arrivé à
Québec. Dans le cas du vote des femmes, il y a quelques années,
c'est ce qui est arrivé. Chaque année c'était un spectacle
de voir comment se partageaient les députés des deux partis. J'ai
connu cela dans ma jeunesse et c'était assez amusant de voir ceux qui
étaient en faveur du vote des femmes et ceux qui étaient contre.
C'est déjà arrivé dans le Québec et cela pourra
arriver. Il n'appartient qu'au premier ministre de le décider.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, avez-vous d'autres questions à poser
à M. Bonenfant?
M. LEVESQUE (Laurier): J'aurais une simple suggestion à faire.
C'est qu'on a abordé un sujet, le régime présidentiel,
dont plusieurs, au Parlement, à commencer par le premier ministre
lui-même, ont assez souvent parlé, mais c'est resté flou
jusqu'ici. Je crois que M. Bon-enfant nous a dit très honnêtement
qu'il était venu, dès le début...
M. BONENFANT: Oui et j'étais aussi bien de le dire.
M. LEVESQUE (Laurier): Oui. D'ailleurs, si vous ne l'aviez pas dit, cela
aurait paru quand même. Il nous a dit qu'il est venu comme un adversaire
de ce système-là, ce qui nous permet d'avoir un éclairage
négatif, extraordinairement étayé, d'ailleurs,
d'argumentations. J'aurais une suggestion à faire. La commission ne
pourrait-elle pas prévoir le sujet en vaut la peine que
quelqu'un qui soit favorable, autant que possible... On va attendre qu'il
finisse...
M. BONENFANT: S'il vous plaît, j'aurais quelque chose à
ajouter.
M. LEVESQUE (Laurier): D'accord. Je voudrais suggérer simplement
que la commission trouverait peut-être avantage à inviter, de
façon à pouvoir le pousser au pied du mur aussi, et en relisant
ce qui est sorti de la séance de ce matin, quelqu'un qui, à
qualifications égales ou comparables, défendrait le
système présiden-
tiel afin qu'on puisse avoir de façon plus précise les
deux côtés de la médaille.
M. BONENFANT: Je ne voudrais pas généraliser, mais il y a
un phénomène assez amusant. Il semble que ceux qui s'occupent de
sciences politiques à Québec sont plutôt contre le
régime présidentiel, et qu'à Montréal on est
plutôt en faveur de ce régime. C'est l'éternelle
dualité du Québec, je pense.
M. LE PRESIDENT: J'ai ici deux articles... M. BONENFANT: Dans Le Devoir,
oui.
M. LE PRESIDENT: ... qui ont été publiés dans Le
Devoir.
M. BONENFANT: Qui étaient excellents, d'ailleurs.
M. LE PRESIDENT: Sous la plume de Claude Corbeau et Pierre Laforte.
M. BONENFANT: Oui. J'ai vu les articles. Ils sont excellents.
M. LE PRESIDENT: Ils sont tous deux professeurs à
l'Université du Québec, à Montréal, et les deux
articles sont favorables.
M. BONENFANT: Oui, je sais. Malgré qu'il y ait des
réserves, par moment, par exemple.
M. LE PRESIDENT: Voici ce que nous pouvons faire, M. Lévesque.
C'est que, d'abord quant à moi, je voudrais lire les propos de M.
Bonen-fant. Nous pourrions peut-être avoir une réunion du
comité directeur pour voir un peu quelle marche on pourrait donner
à la commission, et nous ferons rapport. Mais j'aimerais savoir s'il y a
encore d'autres questions à poser à M. Bonenfant.
M. LESAGE: J'aurais une question. A quel moment, M. Bonenfant,
pensez-vous que vous pourrez nous remettre votre papier sur le régime
allemand?
M. BONENFANT: A la fin de septembre à peu près.
M. LE PRESIDENT: Fin de septembre.
M. BONENFANT: Ah! dites ce que vous voulez, je vais le faire. Moi,
c'est...
M. LESAGE: Non, non, je ne veux pas vous...
M. BONENFANT: Bien, c'est fin d'août, on arrive à la fin
d'août.
M. LE PRESIDENT: Fin de septembre, ça nous va. Cela nous donne un
mois.
M. LESAGE: C'est-à-dire qu'on arrive au milieu d'août
demain.
M. LE PRESIDENT: Oh non!
M. BONENFANT: Oui, c'est vrai, vous avez raison.
M. LE PRESIDENT: Fin de septembre, je pense que c'est très
bien.
M. BONENFANT: II y a un autre aspect qui avait été
soulevé, je vous le signale, et qui est très intéressant.
C'est, si vous rédigez une constitution, comment la
rédigerez-vous? Là il y a plusieurs écoles, aussi. Il y a
l'école, mol, encore là, je vais être catégorique,
moi, je suis contre une constituante. On va me tomber sur le dos dans certains
milieux, mais je crois qu'une constituante n'aurait que très peu de
succès, de réussite ici. On a l'exemple des conventions
américaines qui, depuis quelques années, sont devenues des
réunions pour le...
M. LE PRESIDENT: Là n'est pas le problème, d'ailleurs.
Vous aviez ce problème-là, qui est fondamental, et vous aviez le
deuxième problème.
M. BONENFANT: C'était de savoir comment la rédiger et
comment la préserver, si vous voulez.
M. LESAGE: Bien.
M. BONENFANT: Je peux esquisser le sujet, si vous voulez,
simplement.
M. LE PRESIDENT: Pas d'objection. M. LESAGE: Oui.
M. BONENFANT: Premièrement, encore là, je suis
catégorique, je crois que réunir une constituante, comme on l'a
demandé en certains milieux, que vous connaissez, ça ne serait
pas pratique. Je crois que les meilleurs rédacteurs et, encore
une fois, ce n'est pas pour vous flagorner ce sont encore les
représentants élus, à condition évidemment qu'ils
travaillent en prenant des renseignements, et le reste. Cependant, ce que je
verrais assez bien, ca serait, au
cours d'élections qui viendront peut-être un jour, qu'on
dise que les députés qui sont élus sont élus
presque certainement pour rédiger une constitution.
Donc, à mon sens, la rédaction ne doit pas relever d'un
corps parallèle à celui des députés, mais doit
relever du corps normal, qui a reçu une certaine
délégation pour ce faire, ce qui est déjà
arrivé en France, d'ailleurs, au lendemain de la guerre.
Deuxièmement, une fois la constitution rédigée, à
mon sens, une fois un projet rédigé, je crois et là
ça posera bien des problèmes qu'elle devrait être
soumise à un référendum d'approbation. A ce
moment-là, mais, là encore, moi, sur le référendum,
j'ai bien des hésitations. Le référendum, ça
paraît bien en théorie, mais je vous prie de croire que quand vous
êtes obligés de rédiger les questions, vous vous apercevez
que ce n'est pas facile, et que demander à l'ensemble de la population
de se prononcer sur des problèmes constitutionnels assez
compliqués, ça devient assez délicat. Tout de même,
je crois que c'est le seul procédé qu'il faudrait utiliser.
Maintenant, dans cette constitution-là, il faudrait mettre des
garanties. Il ne faudrait pas qu'on puisse y toucher facilement. Je crois qu'il
s'agirait de déterminer pourquoi il faut, à mon sens, certaines
précautions.
Je pense qu'une des précautions devrait être analogue
à la précaution de rédaction, c'est-à-dire que,
pour toucher à des points importants, je pense qu'il faudrait le
consentement par référendum. Inutile de vous dire qu'à
l'heure actuelle, ça pose un problème constitutionnel, à
la suite de la décision dans l'affaire du Manitoba, mais je crois que
les problèmes de droit, ça peut toujours être résolu
quand on veut les résoudre. Donc, ça esquisse un peu, si vous
voulez, ce que j'aurais à dire sur ce sujet. C'est peut-être un
peu comprimé, mais...
M. PROULX: M. Bonenfant, j'aurais le problème de faire
rédiger cette constitution par des élus. Le seul danger,
ça ne serait pas qu'on ferait une constitution à notre
mesure.
M. BONENFANT: Pensez-vous que les autres n'en feront pas une I leur
mesure?
M. PROULX: Non, mais ils nous font prendre...
M. BONENFANT: Le danger de certains éléments, à
l'heure actuelle, c'est qu'ils confondent deux choses. Ils confondent la
constitution pour le Québec et leur souhait de système pour tout
le Canada. Je crois que ce sont deux problèmes différents.
M. PROULX: Je ne parle pas du Canada.
M. BONENFANT: Non, mais M. Lévesque vient d'acquiescer, je pense
qu'il a saisi ce que je voulais dire. C'est que, jusqu'ici, ceux qui ont
demandé une constituante le demandaient avec des idées bien
arrêtées sur la nature du Québec qui aurait la prochaine
constitution. Je crois que c'est dangereux. Ce que j'ai aimé dans les
travaux qui ont été faits pour votre commission, par exemple par
le professeur Jacques Brossard, c'est qu'ils sont faits en tenant compte de
toutes les options possibles. C'est ce que j'ai essayé de faire
aujourd'hui. Je pense qu'il est très dangereux de remettre tous ces
problèmes-là en disant: Quand le Québec sera
indépendant, ou des trucs comme ça. C'est que tout est possible,
même à l'intérieur du système actuel. Il faut
commencer même à l'intérieur du système actuel.
M. LESAGE: M. Bonenfant, quant à mol, je suis bien d'accord.
C'est qu'il appartient aux élus, je pense bien, de rédiger une
constitution à partir de tous les principes tels que vous les avez
exposés ou modifiés.
Il s'agit pour les élus de se faire aider par des experts etc.
Mais simplement ça doit être leur responsabilité. Pour ce
qui est du référendum, personnellement je crois qu'il peut
être très utile à un moment donné d'y avoir recours
en général.
M. BONENFANT: Oui, J'aurai une remarque à faire sur ça. Je
pense que le référendum est impossible dans les circonstances
actuelles, tant que nous n'aurons pas de listes permanentes, le
référendum va devenir une pagaille épouvantable.
M. LESAGE: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Pourquoi...
M. BONENFANT: Parce qu'en l'absence de listes électorales, vous
êtes obligés d'avoir une campagne de 45 jours.
M. LE PRESIDENT: ... devenir une pagaille? C'est entendu qu'une loi du
référendum ne sera pas utilisée quotidiennement d'abord.
Il faut partir de cela. Les problèmes importants seront soumis au
peuple.
Deuxièmement, nous avons déjà tout un
mécanisme électoral qui peut être utilisé
indé-
pendamment. On parle de listes permanentes en vue des élections.
On en parle depuis des années.
M. BONENFANT: Mais pourquoi ne pas...
M. LE PRESIDENT: Je n'ai aucune objection de principe à des
listes permanentes.
M. LESAGE: La principale objection à une liste permanente que
j'ai toujours entendue, c'est que même si vous avez une liste permanente
ça vous prend encore une période de temps assez longue pour la
reviser en vue d'une élection, ou en vue d'un référendum
à une date donnée.
M. BONENFANT: Exactement. M. Lesage, vous avez un très bel
exemple actuellement dans le Canada. La Colombie-Britannique va voter. En
Colombie-Britannique on a pu tenir des élections 35 ou 36 jours
après la décision. Tout ce qu'on a en Colombie-Britannique, ce
sont des listes permanentes qui sont liées à la
démographie.
M. LESAGE : M. Bonenfant, je ne vous donne pas tort, je vous dis quels
ont été les arguments invoqués à l'encontre d'une
liste permanente. Les arguments invoqués à l'encontre d'une liste
permanente ont été surtout des arguments de coût. Je vous
dis ce qui a été fait, je ne porte pas de jugement.
M. BONENFANT: Je sais.
M. LESAGE: Voyez-vous, avec la préparation d'une liste
électorale, nous y arrivons avec un délai, entre la dissolution
et le jour du vote, qui est de 46 jours.
M. BONENFANT: C'est serré.
M. LESAGE: Oui, mais on y arrive en 46 jours. Vous donnez l'exemple de
la Colombie canadienne où le délai a été entre 35
et 40 jours. Donc, il n'y a pas une grosse différence.
M. BONENFANT: Oui.
M. LESAGE: Je n'ai pas d'objection à la tenue de listes
permanentes et j'aurais d'autant moins d'objection que ces listes pourraient
être utilisées plus souvent. Si elles sont utilisées
seulement pour les élections générales ou pour des
élections partielles, je me demandais si cela en valait la chandelle.
Mais si on utilise ces listes pour des référendums, je crois que
ça vaudra le coût.
M. BONENFANT: C'est pour ça que je l'ai dit à propos du
référendum.
M. LESAGE: Cela vaudrale coût additionnel. Je suis d'accord. Mais
j'en arrive à vos référendums.
M. LEVESQUE (Laurier): M. Lesage, à propos de cela, il y a une
question que j'ai posée en Chambre et à laquelle je n'ai pas eu
de réponse. Je ne sais pas quelle est l'opinion des membres de la
commission. On parle d'emploi des listes permanenetes. Maintenant la
qualité d'électeur municipal ressemble à peu pris
totalement si la nouvelle loi qui a été proposée
est adoptée à celle d'électeur au niveau
québécois si vous voulez. Ce que je me demande je n'ai pas
eu de réponse c'est pourquoi puisqu'on l'a au niveau provincial,
c'est-à-dire le vote à 18 ans, cela m'a l'air d'être la
seule exception majeure. S'il y avait cette même définition
d'électeur, cela ne pourrait-il pas également servir dans cet
immense paquet?
M. LE PRESIDENT: Une raison additionnelle pour établir des listes
permanentes.
M. LEVESQUE (Laurier): Je n'ai jamais su pourquoi. J'ai eu une
réponse dans le genre: Le comité y a pensé, il a
laissé ça de côté. On l'a laissé 21 ans.
Pourquoi? Est-ce qu'on le sait?
M. LE PRESIDENT: Dans la ville de Québec, ils ont le vote
à 18 ans.
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, il y a plusieurs cas. Pourquoi?
M. LE PRESIDENT: De la part des municipalités, il y a eu des
représentations à l'effet qu'on voulait attendre
l'expérience dans la ville de Québec. Mais il n'y a pas
d'objection de principe à ce que le vote municipal soit exactement
suivant les mêmes critères.
M. LEVESQUE (Laurier): Comme dans les mairies, je pense, en France, on
aurait vraiment un emploi massif.
M. BONENFANT: En France, on fait des élections dans trois
semaines et en Angleterre de même et on évite tous les abus d'une
longue campagne. Si vous voulez diminuer les dépenses
électorales, c'est un bon moyen aussi.
M. LESAGE: D'accord. Maintenant, M. Bonenfant, au sujet du
référendum, ou les référendums, c'est là que
j'en arrivais. Croyez-vous
qu'avec notre système qu'un parti au pouvoir serait
justifié de tenir un référendum le jour d'une
élection générale? C'est ma première question.
Ma deuxième question: De quelles précautions, de quelles
garanties devrait être entourée la rédaction de la ou des
questions? Faudrait-il faire intervenir, à ce moment-là, le
pouvoir judiciaire, comme la cour d'Appel? Vous y avez pensé, j'en suis
sûr.
M. BONENFANT: Oui. Premièrement, je crois que, surtout au
début, pour éviter des dépenses électorales et
surtout si on n'a pas de liste permanente, il serait bien de tenir le
référendum à l'occasion des élections. C'est ce qui
se fait aux Etats-Unis. Comme vous le savez, les gens ont à voter pour
toutes sortes de choses. Par ailleurs, je vois un danger c'est que ça va
politiser le référendum.
M. LESAGE: Certainement.
M. BONENFANT: Mais au début, si vous n'avez pas...
M. LESAGE: Sur une question qui serait posée, où les
partis s'opposent, moi je crois, que...
M. BONENFANT: Moi, j'aime mieux que ce soit séparé.
M. LESAGE: ... ce serait fausser et la réponse à la
question posée au référendum et risquer de fausser le
résultat de l'élection, d'un côté ou de l'autre, ou
même les deux.
M. BONENFANT: Oui mais à condition que vous possédiez une
loi du référendum qui permette d'opérer rapidement. C'est
pour ça que j'insistais sur les listes permanentes.
M. LESAGE: Je suis parti de là, M. Bonen-fant.
M. BONENFANT: Très bien.
M. LESAGE: Je vous ai dit que ma seule objection aux listes permanentes
ç'avait été le coût mais que cette objection
disparaîtrait dès l'instant où ces listes serviraient plus
souvent. Donc, j'étais d'accord. Mais à partir de l'existence de
listes permanentes, vous comprenez bien le danger que je perçois
à la tenue d'un référendum. Lorsqu'on tient des
référendums aux Etats-Unis, à l'occasion des
élections, les questions posées sont sur des questions
strictement de pouvoir administratif.
M. BONENFANT: Oui, doit-on permettre aux noirs d'avoir des
habitations?
M. LESAGE: C'est différent et assez anodin, ce n'est pas sur des
questions de paix ou de guerre, ce n'est pas sur des questions
constitutionnelles, c'est sur des questions administratives.
M. BONENFANT: Il y en a aussi sur des questions constitutionnelles. Il y
a un détail qui va peut-être vous amuser, c'est qu'un
référendum est une politique qui, généralement, est
très conservatrice. Les gens qui votent en référendum sont
plus conservateurs que les représentants du peuple.
M. LESAGE: Je le sais, d'ordinaire c'est non. D'ailleurs on sait
l'expérience que nous avons.
M. BONENFANT: Cela a été étudié.
M. LESAGE: On vient de l'avoir à Lévis, dans le cas de la
construction, c'est-à-dire ce n'était pas... mais, dans les
référendums qui sont tenus ici au niveau municipal, il est
certain que nous avons connaissance de ce phénomène que vous
mentionnez; le conservatisme fondamental de la population...
M. BONENFANT: En Australie aussi.
M. LESAGE: ... qui répond assez régulièrement non
et qui veut rester sur les choses acquises, sur les choses établies.
Mais disons que ce sont les résultats. Au point de vue...
M. BONENFANT: La rédaction maintenant.
M. LESAGE: ... de la rédaction des questions, c'était ma
deuxième question.
M. BONENFANT: Cela, c'est bien difficile. Je me rappelle avoir
déjà travaillé à la rédaction de la
question, vous vous rappelez peut-être, M. Lesage, c'était
à vos débuts, du référendum pour faire
disparaître la fameuse classe d'électeurs corporatifs à
Montréal.
M. LESAGE: La classe « C ».
M. BONENFANT: Nous étions un petit comité de trois ou
quatre; il y avait en particulier, M. Pigeon et nous avons travaillé
longtemps avant de réussir à rédiger la question. C'est
extrêmement difficile parce qu'on peut suggérer la réponse
dans la façon de rédiger la
question. C'est pour ça que je crois que la question devrait
être rédigée par un organisme qui n'est pas trop lié
au gouvernement. Je reviens à un organisme général qui,
d'après moi, dans le Québec, pourrait être utile. C'est une
sorte de conseil constitutionnel auquel on pourrait confier...
M. LESAGE: Un conseil d'Etat.
M. BONENFANT: Là un conseil d'Etat pose un problème; moi
je suis favorable au conseil constitutionnel.
M. LESAGE: Qu'on l'appelle comme on voudra.
M. BONENFANT: Je pense que ça devrait être
rédigé par un organisme composé, par exemple, de juges,
certains juges, certains professeurs aussi, qui, d'après moi, sont
peut-être dégagés des luttes populaires, si vous
voulez.
M. LE PRESIDENT (M. Bertrand): M. Bonen-fant, ne verriez-vous pas, par
exemple, une commission comme celle-ci qui, avec des experts, pourrait
rédiger la question?
M. BONENFANT: Certainement.
M. LE PRESIDENT (M. Bertrand): En fait, on ne soumettra jamais par voie
de référendum un problème qui ne soit pas, disons, devant
l'opinion publique, un problème important. Alors, à ce
moment-là la Loi du référendum prévoit un
mécanisme au moyen duquel la question devrait être formulée
par une commission de la Chambre et votée par la Chambre. Il y a
peut-être un inconvénient à ça...
M. BONENFANT: C'est d'ailleurs une bonne façon de valoriser les
commissions. On parlait de la nécessité de valoriser les
commissions. La meilleure façon de valoriser quelqu'un, c'est de le
faire travailler, après tout. Je crois qu'une commission qui est
bipartite, pourrait faire une rédaction qui serait intelligente.
M. LESAGE: Oui, mais M. Bonenfant, si, en partant de la commission,
même si vous avez la majorité gouvernementale, il arrive...
M. BONENFANT: Partout...
M. LESAGE: Bien oui, partout. Mais cela n'arrive pas, si vous faites
faire cela par une...
M. BONENFANT: Mais qu'est-ce que vous voulez, M. Lesage? A un moment
donné, il faut que ce soit le gouvernement qui triomphe.
M. LE PRESIDENT: C'est ça.
M. LESAGE: D'accord, mais on n'est pas obligé de faire
exprès pour faire triompher le gouvernement sur les
référendums.
M. BONENFANT: Bien, il y aurait peut-être la soupape suivante: La
question ne pourrait être posée au référendum que si
elle a fait l'unanimité de la commission. Si elle ne fait pas
l'unanimité de la commission, prévoir un mécanisme de
rédaction par le juge en chef.
M. LESAGE: Là, très bien. Vous avez une... comment
dirais-je?
M. BONENFANT: ... une soupape... M. LESAGE: ... une soupape, oui.
M. BONENFANT: Mais je pense que c'est bon de valoriser les
commissions.
M. LESAGE: Oui, oui, j'en suis. Je n'ai pas d'objection au
système que vous mentionnez, que, si l'unanimité ne se fait pas
lia commission, ce soit référé...
M. PROULX: Est-ce que je pourrais poser une question à M. Lesage,
sur le même sujet, pour avoir son opinion? Quels seraient les questions
qui pourraient être posées dans un référendum? Quels
seraient les sujets ou les thèmes qui seraient fondamentaux,
d'après vous?
M. LESAGE: Qu'est-ce que vous en pensez, M. Proulx?
M. PROULX: Bien, je voudrais avoir votre opinion là-dessus.
M. LESAGE: Bien, j'aimerais avoir la vôtre.
M. PROULX: C'est parce qu'on a eu dans l'histoire du Canada, deux
grands...
M. LESAGE: M. Bonenfant a donné un exemple tantôt. Il
serait bon de soumettre les principaux points de la constitution à un
référendum. En principe, j'étais d'accord, à
condition que cela soit entouré de certaines garanties...
M. PROULX: On a eu dans l'histoire du Canada, deux grands
référendums. Un sur la prohibition en 1904... on peut se demander
si c'est
M. Laurier qui a fait passer ce référendum-là. La
province de Québec était contre la prohibition. L'Ontario
était pour la prohibition. De telle façon que cela a encore
divisé et le Québec et l'Ontario. On a fait un autre
référendum, durant la guerre, concernant la conscription. Le seul
effet a été de diviser encore les Canadiens français et
les Canadiens anglais.
M. LESAGE: Oui, je suis bien d'accord.
M. PROULX: Québec a voté contre la conscription. Les
Anglais et le reste ont voté pour...
M. LE PRESIDENT: C'est le danger d'un référendum...
M. LESAGE: Oui, oui, c'est le danger des plébiscites...
M. PROULX: Ce que je veux dire, c'est que, dans ces deux cas, cela n'a
fait que diviser le Québec et le Canada, et cela n'a absolument rien
donné. M. King a imposé quand même la conscription.
M. LESAGE: Oui, mais, M. Proulx, comprenez bien que si vous arriviez,
par exemple, aux droits fondamentaux des minorités, jamais vous ne
pourriez avoir, à une commission parlementaire, l'unanimité sur
le référendum. Parce que c'est là le danger. C'est pour
cela que j'ai tellement reproché à M. King et je
m'étais séparé de mon parti d'avoir tenu un
plébiscite sur la question de la conscription. Cela ne pouvait avoir
pour effet que de diviser le pays.
M. PROULX: C'est ça.
M. BONENFANT: On cherche un exemple. La résurrection d'un conseil
législatif élu pour représenter les régions
pourrait être un thème de...
M. LESAGE: Et cela évidemment ne touche pas les droits des
minorités.
M. LE PRESIDENT: Non, cela ne se divise pas.
M. BONENFANT: Ce serait peut-être la chose...
M. LESAGE: Sur les référendums, il y a une chose à
laquelle il faut faire attention...
M. LE PRESIDENT: Cela dépend des problèmes...
M. LESAGE: ... ce sont les droits des mino- rités. Parce que si
nous commencions dans le Québec à tenir des
référendums qui toucheraient les droits des minorités, eh
bien, je pense que nous poserions un geste qui pourrait avoir pour nous, comme
minoritaires dans l'ensemble du Canada, des conséquences
extrêmement graves.
M. PROULX: Le danger que je trouverais dans un référendum
M. Bonenfant, dites-mol ce que vous en pensez c'est qu'on peut
« en-carcaner » l'histoire d'une nation ou d'un peuple. C'est
ça le problème. On peut...
M. LE PRESIDENT: Par la question qui est posée?
M. PROULX: Oui et non. C'est qu'on ne règle pas l'histoire d'un
peuple, l'histoire d'une nation par un référendum. C'est le vrai
danger. Je ne parle pas en termes de partis ou en termes de quoi que ce soit.
C'est ça. Pour la Chambre haute, d'accord. Mais c'est le danger
fondamental de mettre l'histoire d'un peuple, l'histoire d'une nation dans un
référendum.
M. LESAGE: Ce n'est pas tant l'histoire... C'est l'avenir...
M. LE PRESIDENT: A ce moment-là, M. Proulx, elle est quand
même soumise au jeu des partis politiques. Parce que les partis
politiques prônent devant le peuple des idées, des options...
M. CHOQUETTE: Cela fige...
M. LE PRESIDENT: ... Alors, à ce moment-là, l'histoire est
soumise au jeu des partis. Quand vous soumettez... Posons le problème
comme vous le posez. L'histoire d'un peuple soumise à un
référendum par une option. Je crois que c'est peut-être la
meilleure manière à ce moment-là.
M. PROULX: C'est que cela peut pour prendre l'expression heureuse
du jeune et brillant député d'Outremont cela peut figer
d'une façon artificielle, mettre dans un carcan l'avenir d'un peuple et
d'une nation qui peut s'épanouir d'une autre façon.
M. LE PRESIDENT: Oui...
M. LESAGE: Disons, M. Proulx, que je suis parfaitement d'accord avec
vous pour dire que toute tenue de référendum est
hérissée de difficultés si elle touche à des
questions fondamentales. Et c'est à cause du danger que cela
représente que, tantôt, j'ai demandé à M.
Bonenfant de bien vouloir nous décrire certains mécanismes de
contrôle, de garanties, de précautions, malgré qu'en
principe je sois d'accord.
M. PROULX: Et moi, M. Lesage, comme membre de cette commission, je tiens
à exprimer clairement que je vois un grand danger et que je
présenterais beaucoup d'objections à jouer l'avenir du
Québec par un référendum. Je m'y oppose.
M. LACROIX: Qui exposerait à la population les implications de la
question posée dans un référendum?
M. LEVESQUE (Laurier): D'ailleurs, c'est là le
problème.
M. LACROIX: Si c'est le gouvernement qui pose la question à la
population, naturellement il a tout l'appareil administratif, il a la
publicité de tout cela. Mais, ceux qui veulent faire la contrepartie,
exposer à la population l'autre côté de la médaille,
qui va les aider qui va les financer?
M. BONENFANT: Moi, j'ai de la difficulté à
développer mes arguments. Je suis contre le référendum en
général.
M. PROULX: Boni
M. BONENFANT: Mais, Je cromprends que le gouvernement aime
peut-êtxe avoir dans sa poche, comme instrument, la possibilité
d'un référendum. C'est une distinction qu'il faut faire, je
crois. Le référendum a réussi dans des pays tout à
fait spéciaux; c'est le cas de la Suisse. Mais, la Suisse, comme je le
disais tout à l'heure, n'est jamais un exemple en institutions
politiques; c'est un cas spécial. Quant aux référendums
d'Australie, il y en a eu un certain nombre qui n'ont pas été
brillants. En général, moi je crois que le
référendum, ce n'est pas une bonne politique. Si on élit
des gens, qu'ils prennent leurs responsabilités, c'est tout.
M. LACROIX: C'est cela.
M. CHOQUETTE: c'est de nature de la démocratie athénienne
qui existe seulement en théorie.
M. BONENFANT: Oui, mais cela a été fait pour un petit
groupe, la démocratie athénienne.
M. CHOQUETTE: C'est cela.
M. BONENFANT: Ce n'est pas de la démocratie, la démocratie
athénienne.
M. CHOQUETTE: Oui.
M. BONENFANT: Cela a été fait pour un petit groupe.
M. CHOQUETTE: Bien, oui, justement.
M. BONENFANT: Les esclaves étaient là pour
l'étayer.
M. CHOQUETTE: Justement, vous aviez un petit groupe qui vivait
grâce aux esclaves qui n'avaient pas un mot à dire, mais le petit
groupe, c'est lui qui dirigeait.
M. BONENFANT: Je suis de votre avis. M. CHOQUETTE: Dans le club, cela va
bien.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est à peu près comme à
Outremont.
M. CHOQUETTE: Si le député de Laurier continue, je lui
dirai...
M. LE PRESIDENT: Un instant M. Choquette.
M. CHOQUETTE: ... qu'en tant qu'électeur j'aurai à aller
le voir et à discuter de la question avec lui.
M. PROULX: On va vous laisser vous faire élire tout seul. Nous
n'irons pas dans votre comté.
M. LACROIX: Vous venez de perdre un vote!
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, et il a besoin de nous pour le vote.
M. CHOQUETTE: Non, mais j'ai ma date. Cela s'annule.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous parliez de la tenue de
référendums. Sans me prononcer sur le sujet, Je suis sympathique
à l'idée de référendums à certaines
conditions. Cependant, on ne peut pas parler de référendum
à l'occasion d'une élection générale.
M. BONENFANT: Parce qu'on a voté sur un ensemble.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il faut dissocier les problèmes
d'administration et les problèmes locaux de certaines grandes
questions
qui peuvent être posées à l'occasion d'une
élection générale. Le référendum, à
ce moment-là, ne pourra être tenu qu'indépendamment du
scrutin général et porter sur des questions fondamentales. M.
Lesage disait tout à l'heure : Il ne faudrait pas que ce soit le
gouvernement qui ait la haute main là-dessus. Forcément, le
gouvernement qui pose la question sous forme de référendum met sa
tête à prix. Il demande à être jugé sur une
question précise et c'est là le sens, l'objet du
référendum.
Personnellement, je n'ai pas d'objection à une formule de
référendum. Il reste, toutefois, à définir des
mécanismes qui permettent, comme le disait tout à l'heure le
député des Iles-de-la-Madeleine, à qui que ce soit des
citoyens de donner la contrepartie. Si, par exemple, je suis chef de
gouvernement et que je décrète un référendum, je
dis: Bon, nous sommes pour ou contre telle ou telle chose et je prends tous les
moyens d'information pour faire valoir ma thèse. A ce moment-là,
le référendum est faussé. Alors, c'est un danger qu'il
nous faut prévoir. Je ne sais pas par quel moyen il serait possible
d'éviter une difficulté aussi sérieuse qui, elle, met en
cause la démocratie.
M. BONENFANT: Oui, j'admets ce que vous dites, mais, ne croyez-vous pas
que la discussion est un peu faussée ici parce que certains ont à
l'esprit certains référendums sur l'avenir du Québec?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ça!
M. BONENFANT: Bon! Moi, je laisse de côté ce genre de
référendum.
S'il s'agit d'un référendum pour approuver, par exemple,
la création d'une institution politique, j'ai peur et je vais
être prudent dans mes paroles que l'ensemble des votants ne soit
malheureusement pas aussi compétent que ses représentants pour
décider du problème. Par exemple, s'il est nécessaire de
créer une seconde Chambre, je crois et ce n'est pas pour vous
flagorner, je crois que les députés sont plus compétents
que l'ensemble de la population pour le décider qu'il appartient
aux députés de l'imposer même, cette seconde Chambre, s'ils
la croient bonne.
Le danger c'est que dans toute la discussion on songe à un
référendum spécial, disons-le, sur l'avenir du
Québec, par exemple. Et là, tout ce que vous venez de dire, je
l'admets.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sur des options constitutionnelles.
M. BONENFANT: Sur des options plus que constitutionnelles, des options
fondamentales.
M. LE PRESIDENT: M. Proulx.
M. PROULX: M. Lesage, tout à l'heure, a fait des allusions
partisanes. Me permettez-vous d'en faire une?
M. LE PRESIDENT: Si vous me demandez la permission, je vais vous la
refuser.
M. PROULX: Non, non.
M. LE PRESIDENT: Si vous la faites, je ne pourrai pas vous en
empêcher.
M. PROULX: En 1962, M. Bonenfant, nous avons eu la nationalisation de
l'électricité.
M. LESAGE: Cela vous a pris du temps pour y penser.
M. PROULX: Est-ce que cela aurait du être le sujet d'un
référendum ou le sujet d'une élection?
M. LESAGE: Vous pensez que M. Bonenfant va vous répondre?
M. PROULX: Je le sais.
M. BONENFANT: J'ai mes idées sur cela.
M. PROULX: Oui? Je sais, monsieur, que vous êtes capable de
répondre.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on a d'autres questions à poser
à M. Bonenfant?
M. LESAGE: Avez-vous déjà pensé à ce que M.
Bonenfant a dit tantôt à l'effet que lors de
référendums, la réponse négative est une grande
tentation pour la population?
M. PROULX: Ah, la chicane est prise, c'est cela que j'ai voulu.
UNE VOIX: C'est bon!
M. LE PRESIDENT: Alors, messieurs, si on n'a pas d'autres questions
à poser à M. Bonenfant, nous allons attendre son travail...
M. BONENFANT: Oui, très bien.
M. LE PRESIDENT; ... qui a été commandé pour la fin
de septembre.
M. BONENFANT: Oui.
M. LE PRESIDENT: Je suggérerai qu'afin de faire le point sur tous
les problèmes qui peuvent se poser, dont celui de la déclaration
des droits de l'homme, nous ayons, le 29 août à dix heures, une
rencontre des membres du comité directeur pour établir un plan de
travail. Ce comité directeur était formé, entre autres, de
M. Dozois. Je suggère que M. Masse remplace M. Dozois. Il y a
également M. Lesage, M. Bousquet, M. Laporte et le président du
comité.
Le 29 août, nous serons en mesure de tracer le programme des
prochaines séances. Est-ce que les membres du comité acceptent
cette suggestion?
M. PROULX: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Oui, M. Proulx.
M. PROULX: Est-ce que dans le travail qu'on a demandé, M.
Bonenfant pourra préparer une bibliographie? Est-ce que cela a
été décidé?
M. LE PRESIDENT: Pardon?
M. BONENFANT: Oui. D'ailleurs, je prépare toujours une
bibliographie quand je travaille.
M. LE PRESIDENT: Alors, merci infiniment, M. Bonenfant...
M. BONENFANT: C'est moi qui vous remercie.
M. LE PRESIDENT: ... de votre présence et de vos propos. Merci
aux membres du comité. Comité directeur vendredi le 29 août
à dix heures, à ma salle de conférence.
(Fin de la séance: 12h 15)