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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mardi 24 septembre 2024 - Vol. 47 N° 52

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 64, Loi instituant le Musée national de l’histoire du Québec


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Journal des débats

9 h 30 (version non révisée)

(Neuf heures quarante-six minutes)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.

Alors, la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 64, Loi instituant le Musée national de l'histoire du Québec.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Dionne (Rivière-du-Loup—Témiscouata) est remplacée par Mme Poulet (Laporte) et Mme Ghazal (Mercier), par M. Zanetti (Jean-Lesage).

La Présidente (Mme Poulet) : Merci. Alors, nous entendrons ce matin les témoins suivants : le Conseil en éducation des Premières Nations; Pre Chantal... Catherine Larochelle et Mme Camille Robert; et Pre Johanne Lamoureux.

Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants du Conseil en éducation des Premières Nations. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour exposer vos propos et, par la suite, nous procéderons à un échange entre les députés et le ministre. Alors, la parole est à vous.

M. Gros-Louis (Denis) : «Kwe». Bonjour, Mme la Présidente. (S'exprime dans une langue autochtone). Mon nom traditionnel est «l'homme qui travaille pour la liberté». Je suis le directeur général du Conseil en éducation des Premières Nations. Je suis accompagné aujourd'hui de M. John Martin, qui est membre de la nation Gesgapegiag, micmaque et porteur du dossier de l'éducation à l'Assemblée des premières nations Québec-Labrador. Donc, je vais partager mon temps avec lui.

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, je m'excuse de vous interrompre, juste vous... vous mentionner qu'il va y avoir une traduction simultanée.

M. Gros-Louis (Denis) : Merci, Mme la députée. Donc, le CEPN est une organisation mandatée par 22 communautés représentant huit nations ici, au Québec, ayant pour objectif d'appuyer la prise en charge de l'éducation par et pour les Premières Nations, en collaboration avec l'Assemblée des premières nations Québec-Labrador et l'Institut Tshakapesh.

Nous avons déposé un mémoire offrant huit recommandations et deux propositions d'amendements à votre projet de loi. Nous croyons que les éléments que nous apportons sont utiles pour faire de cette institution un élément précurseur de la collaboration, du respect mutuel et de réflexion, bien sûr. En tant qu'organisation oeuvrant en éducation, le CEPN salue l'objet du projet de loi n° 64, soit de créer une institution muséale. Ce projet étant un vecteur éducatif, nous souhaitons rallier nos forces dans son déploiement.

D'ailleurs, depuis son annonce en avril dernier, nous avons proactivement collaboré avec les parties chargées du projet, avec le Musée de la civilisation, qui a la charge de la programmation et des expositions. Nous avons eu une discussion franche avec l'historien Éric Bédard, consultant pour le projet, et on lui a offert quatre recommandations.

Cependant, nous sommes de l'avis que le projet de loi n° 64, dans sa forme actuelle, ne reconnaît pas clairement l'apport fondamental des premiers peuples. Il ne répond pas aux appels à l'action de la commission Viens et ne tient pas compte des principes de réconciliation et de reconnaissance des enjeux systémiques.

Par exemple, à son article 2 du projet, il indique que la fonction du nouveau musée est de faire connaître et de promouvoir l'histoire du Québec, y compris l'apport des communautés qui ont façonné son parcours et son territoire. Nous croyons qu'une simple référence aux communautés de façon générique et un peu à la légère n'intègre pas pleinement et respectueusement les contributions des premiers peuples qui habitent et qui ont façonné ces territoires depuis des milléniaux. Pire encore, cette référence aux communautés, étant une autre méconnue, risque de perpétuer des comportements discriminants et des préjugés envers nos jeunes et nos nations.

• (9 h 50) •

Le projet devrait ainsi clairement préciser l'apport constitutif des premiers...

M. Gros-Louis (Denis) : ...avec nos savoirs, nos langues, cultures et systèmes de gouvernance distincts, à l'histoire, aux territoires et à la société contemporaine au Québec. Pour nous, les musées doivent être des lieux de socialisation et d'éducation de premier rang qui reflètent les histoires du Québec, y compris celle des Premières Nations. Au cours des dernières années, le CEPN a travaillé à répondre aux besoins croissants en matière de connaissances et d'outils pédagogiques concernant les premiers peuples.

En 2020, le CEPN a collaboré dans le développement d'une compétence sur les réalités des Premières Nations, particulièrement pour les universités, dans l'espoir qu'elles soient incluses au référentiel des compétences de la profession enseignante du ministère de l'Éducation. Le 11 septembre dernier, nous avons dévoilé le portail pédagogique Les voix du territoire qui propose des contenus conçus et validés par des spécialistes en éducation et en savoirs autochtones. La création d'une institution muséale doit s'harmoniser aux initiatives pédagogiques des Premières Nations telles que les voix du territoire. Mr. Martin.

M. Martin (John) : S'exprime dans sa langue.

I just spoke to you in one of the first official languages of the many First Nations on the Québec territory. These are our languages, it is who we are, our cultures, our... values. As Mr. Gros-Louis said, this project has from its beginning been stained with controversy, from Mr. Bédard suggesting that the rich history of our peoples is a simple prehistory, which is contrary to your ancestors' beliefs. We are human beings with spirits and souls. We are anything but simple.

Our people have had governance structures long before the arrival of Europeans on this territory. We have the Wabanaki Confederacy, we have the... and many other confederacies which are comparable to the NATO alliance of today. These are not simple prehistoric documents or organizations. They're very much alive. We have a rich history with protocols and ceremonies, which is very well recorded in our wampum belts. The word prehistory suggests that there was no history before Champlain. I think we have a, I think, a different view and understanding of what history means to the premier's suggestion that the history of these lands can be limited to one of, like a movie portrayal of Cartier or Champlain, or even the minister's own remarks, which seemed to suggest that this project would take on a rather reductive view of the history of these lands, including the... the seventh district of the Mi'kmaq on the Gaspe Peninsula, where my people have lived on since time immemorial.

As diverse as they are from one another, these statements are reminiscent of past policies that nourished discourses of exclusion, alienation and otherness that led to discrimination, violence and genocide towards our peoples and our lands which continue to hurt our people to this day. What's more, the categorization of first peoples of the land as a prehistory evokes the infamous doctrine of discovery, which has been repudiated a 15th century racist justification for the systematic dispossession and colonization of our sovereign nations.

Based on the invalid presumption of the racial superiority of European peoples, the doctrine of discovery has been denounced by international law, the Supreme Court of Canada, the Truth and Reconciliation Commission and even the Pope who last recognized and apologized for the wrongs caused by this doctrine. We believe that the discursive back and forth that has shaped the first stages of this project has created further incertitude and vagueness, which is a fertile soil for the reproduction of misconceptions, misunderstandings and further ignorance. Only by the recognition... by recognizing the rich and fundamental role, both past and present, of First Nations peoples in the history and their intrinsic relationship to our lands, can we bring forth the educational objectives of this new museum.

We believe there is still time to explain and rectify. Premier Legault did it himself five years ago. Back in October 2019, he apologized to First Nations and Inuit for the harm caused by policies...

M. Martin (John) : ...and public services poorly adapted to our realities. Qualifying the position of the Québec Government as unworthy of Québec society.

Mr. Legault said that this was in large part due to the generalized ignorance about the realities of our nations. Mr. Legault said this a day after the release of the Viens commission's 142 calls to action, which calls for the Québec Government to recognize the existence of systemic discrimination and to develop with our governments a path forward.

There has been missed opportunities in the past, many of them pertaining to legislation that your Government has recently adopted or is currently trying to put forth. Bill 64 is yet another opportunity to setting right the wrongs of the past, to officially acknowledge our languages, cultures, visions and distinctive forms of government as critical, rich, diverse and fundamental for the past, the present, and the future of these lands.

With this pedagogical objective in sight, this new institution could be a first step towards a new beginning, toward the mutual understanding, awareness, recognition and learning that the Premier mentioned in his 2019 apology. This could be a first step of renewal to fight against and put a cap on ignorance, prejudices, misconceptions, stereotypes and discrimination that have for so long affected and to this day continues to hurt our people, I say again. We firmly believe that the eight recommendations... and two amendments put forth in our joint brief to this committee are a step in that direction... Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup de votre exposé. Alors, on va débuter la période d'échange avec M. le ministre pour une période de 16min 30 s.

M. Lacombe : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous. Je vous ai salués juste avant le début des travaux, mais je le dis au micro: Merci de vous être déplacés. Merci de venir entamer... bien, en fait, c'est déjà commencé, mais de venir continuer cette discussion avec nous.

D'abord, j'aimerais... j'aimerais souligner que je suis quand même heureux de savoir que vous êtes pour le projet, c'est-à-dire que vous trouvez qu'il est légitime d'avoir ce musée, que vous trouvez que c'est un projet dont... que c'est un musée dont le Québec doit se doter. Je pense qu'on est beaucoup dans les nuances, pour la suite, et c'est là-dessus, peut-être, que j'aimerais vous entendre. Juste, donc, pour que ce soit clair, vous êtes d'accord avec le fait que ce soit un musée qui s'intéresse à la nation québécoise? Est-ce que je me trompe avec ça? Évidemment, après ça, on pourrait discuter de l'apport des Premières Nations, des Inuits, des premiers peuples à la nation québécoise, mais est-ce que vous êtes d'accord avecle principe que ça peut être un musée qui va parler de la nation québécoise en tant que telle?

M. Martin (John) : I think... if I understand your comments correctly, the issue of legitimization, I think... Any... anything that will be legitimate must recognize and include First Nations as active participants, First Nations and Inuits. We have to be there. We have to be a part of the governance structures. We have to be sitting on that board or whatever it is that's going to be managing this body. Otherwise, I have difficulty giving legitimacy to an organization that will not do that, you know. I am all for a museum act that will recognize the history of Québec, but not at the exclusion or the diminished position of our people in that... in that act. I mean, we have to move forward here, in terms... and begin to step away from the ideology of colonization and one dominating over the other.

M. Lacombe : Pardon. Oui?

• (10 heures) •

M. Gros-Louis (Denis) : J'allais compléter, M. le ministre. Dans le fond, ce n'est pas une question de nous-vous, c'est une question d'un point de vue pédagogique. Pour les huit nations qui sont représentées s'assurer que c'est clair, quel rapport que vous allez... qu'on va faire ensemble, en collaboration. au Conseil en l'éducation des Premières Nations, c'est de travailler ensemble puis de s'assurer que c'est clair, quel rapport que vous allez... qu'on va faire ensemble, en collaboration. C'est ça, le chemin de la réconciliation. Donc, l'expertise qui va parler de nos cheminements, de nos cheminements communs ou conjoints, vont venir de nos experts. Donc, par... Votre proactivité à nous accueillir dans le projet va démontrer toute sa légitimité, mais si on reste...


 
 

10 h (version non révisée)

M. Gros-Louis (Denis) : ...dans un dans un vieux paradigme nouveau, ça va perdre tout son sens.

M. Lacombe : Bien, c'est intéressant comme discussion, parce que... Et je ne suis pas le plus grand expert des enjeux des premiers peuples, je n'ai pas cette... je n'ai pas cette prétention. Mais c'est intéressant comme discussion parce qu'au Québec, on est dans une logique de discussion de nation à nation. C'est ce que vous souhaitez, c'est ce que nous souhaitons aussi, on a ces discussions de nation à nation. Des musées sur des nations autochtones, il en existe, par exemple, les Hurons-Wendat à Wendake, les Abénaquis à Odanak. Il y a plusieurs institutions muséales un peu partout, soutenues financièrement, notamment, par le gouvernement du Québec, qui s'intéressent à... dont les musées, s'intéressent aux nations... aux différentes nations autochtones.

Là où je pense qu'on peut avoir une discussion, puis ça m'intéresse de comprendre le raisonnement, c'est : Pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas avoir un musée qui s'intéresse précisément à la nation québécoise, non pas aux nations autochtones, mais aux nations... à la nation québécoise, tout en parlant évidemment du fait que la nation québécoise, elle est née de la rencontre avec les gens qui étaient déjà ici, avec les premiers peuples, et que, s'il n'y avait pas eu cette rencontre-là, la nation québécoise, elle n'existerait pas aujourd'hui, d'une part, et, d'autre part, que les Premières Nations et les Inuits ont influencé, à travers, ensuite, les années, la construction de la nation québécoise, donc la rencontre, mais aussi l'influence des Premières Nations des Inuits sur la nation québécoise, mais que le musée parle d'abord et avant tout de la nation québécoise. Est-ce que vous comprenez cette nuance? Est-ce que vous êtes en accord, en désaccord avec cette nuance?

M. Martin (John) : I think, the use of the terminology «nation to nation» carries with it a lot. And I think, in terms of having the respectful and... a nation-to-nation dialog means that we are talking at the same level, minister to minister, chief to chief, you know, and having that respect. And right now, if we look at the relationship between the Québec Government and the First Nations people is very much a relationship based from the Québec Government and community by community, you know. So, it's... I think, we have some work to do in terms of having a nation-to-nation dialog per se, you know. I can safely say that the... people in our nation, we have our language, we have our culture, we have our hunt season territory, we have our government structures in place... we have had... We have our preconfederation treaties, a whole chain of treaties. We had a treaty with the first President of the United States, 1776. These are nations with nation status that have existed on this territory for a long time... the Government has refused to recognize that.

M. Lacombe : Je comprends, je comprends. Donc, vous parlez de la relation de nation à nation puis des défis que ça pose. Mais, disons, si je reformule : Un musée qui va s'intéresser... Parce que des musées qui s'intéressent aux nations autochtones, il en existe, ils s'intéressent aux nations autochtones en tant que telles et exclusivement à ces nations autochtones. Si le projet est adopté et qu'on crée un musée national de l'histoire du Québec qui va s'intéresser à l'histoire de la nation québécoise et qu'on intègre à ça la naissance, évidemment, de la nation québécoise, donc, la rencontre, l'influence que les Premières Nations et les Inuits ont eues sur le Québec à cette époque, sur la naissance de la nation québécoise à l'époque, puis ensuite, à travers les années sur sa construction. Ça, dans votre esprit, est-ce que c'est un modèle qui tient la route, qui vous convient?

M. Martin (John) : Well, I think, when we are talking about Québec, you are talking about the museums, and the museums can have its exhibits in terms of what transpire in Québec, it's... full right to do so. The idea behind the museums is to talk about the He idea about the history. And, right now, we have a big issue with the terminology prehistory, which... like before your time, there was no history... prehistory Before history, you know. I think that the first step in legitimizing anything is the recognition of our people who are recognizing...

M. Martin (John) : ...the legitimacy of our history, for how long we've been here, you know, recognizing the nationhood, you know, and the territories that remain unceded. That's... It's not a simple question, Mr. Minister, it's a very complex situation that we have here. You're asking us to endorse, you know, what we perceive to be still the remanence of a colonial body  which continues in the same steps that it has, the glorification and, you know, the raising its people and oh yeah we are going to mention you yeah you were there, yeah, yeah, you contribute to that. But this is who we are, and this is what we are, and this is what the society is. We are an integral part of this society today. We are here, we are not leaving, we are not going anywhere, you know, and we've been asking for a long time to be treated equally, to be treated fairly, you know, and to have that respect that's given to nations...

M. Gros-Louis (Denis) : Moi, je compléterais, monsieur le ministre, en posant moi-même une question: votre question, on pourrait y trouver une réponse différente si vous pouviez confirmer votre intérêt ou votre engagement à mettre en œuvre les recommandations qu'on vous a proposées. Ça changerait drôlement la dynamique de réponse, parce que là, ça serait comment on va démontrer aux jeunes et aux gens qui vont fréquenter le musée, comment la nation que vous appelez québécoise a évolué avec toutes les influences des Premières Nations, les contenus, on veut participer, on veut collaborer. Si vous dites que les vos, les propositions qu'on vous a déposées ainsi que les huit recommandations ne sont pas prises en charge, vous gardez une position de nous-vous. Nous, ce qu'on dit: prenez les huit recommandations, acceptez les deux règles... les deux changements, puis là, à ce moment-là, on va avoir un discours qui va complètement changer. Donc, jusqu'où vous, comme mandataire du gouvernement, vous avez le mandat d'aller compléter toute la richesse que nos cultures ont apporté à l'ensemble du tissu social?

M. Lacombe : Pardon, j'ai un petit chat dans la gorge. Mais d'abord, peut-être juste une précision: Tantôt, on a parlé de préhistoire. Je comprends que ces propos-là vous ont heurté. C'était très maladroit d'ailleurs. Évidemment, ce n'est pas moi qui les ai tenus. Je n'ai jamais utilisé et je l'aurais présenté d'une façon différente. Je pense que depuis, vous avez eu une discussion avec Monsieur Bédard qui, à cette époque-là, pensait bien, bien faire en l'expliquant de cette façon. Visiblement, l'objectif n'a pas été atteint, là,  mais je pense que vous avez constaté en discutant avec lui qu'il n'y avait pas de mauvaise intention. Mais je comprends que les propos ont pu être blessants. Je le comprends tout à fait. J'aurais probablement été blessé aussi. Maintenant, vous faites beaucoup effectivement de recommandations, mais il y en a huit, des propositions d'amendement aussi qu'on va regarder. Mais je pense qu'à la base, il y a peut-être, et je suis très sensible à ce qu'est ce que vous venez m'expliquer, c'est-à-dire pour nous, accepter la présence même d'un musée qui va parler de la nation québécoise, c'est un peu tourner le dos aux revendications qu'on a donc que vous avez depuis, depuis des centaines d'années. Je comprends que ça vous met dans une position délicate puis on ne vous demande pas de l'endosser, mais on essaie plutôt, je dirais, d'obtenir tout ce qu'on peut de vous comme information, comme point de vue, pour qu'on puisse se doter d'un musée sur la nation québécoise, sur l'histoire de la nation québécoise et non pas un musée, sur l'histoire de l'occupation du territoire québécois, mais un musée sur la nation québécoise, sur son histoire, mais qu'on puisse intégrer évidemment à ça tout l'apport des premiers peuples, donc des Premières Nations, des Inuits, que ce soit à la base, à la rencontre, parce que j'ai une collègue qui me le rappelle souvent au Conseil des ministres, si on n'avait pas été bien accueilli ici au départ, on ne serait pas là, on serait plus là. Donc, évidemment que cette... ces rencontres au pluriel ont permis la naissance de la nation québécoise. Puis à travers les décennies, les centaines d'années, ensuite, les premiers peuples ont continué d'avoir une influence sur la construction de la nation. Mais il reste que nous sommes des nations différentes, à moins que vous que vous me disiez que ça ne soit pas le cas, je serais intéressé de vous entendre. Donc, je pense qu'on est dans un terrain qui est qui est délicat, qui est très émotif aussi. Donc, nous, on essaie de, je dirais, de faire le mieux, c'est-à-dire d'avoir ce musée sur la nation québécoise tout en intégrant du mieux possible la contribution, évidemment, qui a été l'influence très grande des...

M. Lacombe : ...les Premières Nations, les Inuits.

• (10 h 10) •

M. Gros-Louis (Denis) : Vous avez vu dans votre... quand vous vous êtes assis, il y a une petite carte qui s'appelle

M. Lacombe : Oui.

M. Gros-Louis (Denis) : ...les voies du territoire. Le projet pédagogique émane de plusieurs demandes des professeurs du Réseau québécois qui nous demandent : On veut faire les bonnes choses, on veut bien faire, on veut mieux représenter la situation des Premières Nations, surtout chez les jeunes dans le réseau provincial. Donc, en réponse à un besoin provincial, on a travaillé avec le ministère de l'Éducation, avec votre collègue, M. Drainville, pour lancer un portail où nos experts mettent à jour les contenus pédagogiques pour être conséquents de nos réalités contemporaines. C'est à ce même niveau-là qu'on veut s'assurer que le gouvernement est conséquent, on ne peut pas avoir un musée qui voit une seule partie de l'histoire et qui en oublie des pans importants. Nous, on en a des experts, comme vous avez mentionné, dans nos musées, qui pourraient ou qui vont s'assurer que le travail de travailler différemment en collaboration puis en réconciliation s'effectue. Donc, si ça se fait avec votre collègue, M. Drainville, au niveau de l'éducation, moi, je considère que c'est aussi facile de le faire puis de dire : On prend ce courage politique là, puis on va travailler ensemble. Puis c'est... puis je reviens, ce n'est pas une question de nous contre vous, vous revenez un peu là-dessus, c'est comment on va travailler différemment, puis une des manières de le faire, c'est d'avoir au conseil d'administration un représentant de nos communautés auprès de votre... de l'institution muséale pour s'assurer que, comme probablement vous faites référence à Mme Jourdain, on a ce petit rappel-là, au niveau du gouvernement, que dans la réalité de tous les jours, il y a des actions gouvernementales qui peuvent avoir un impact sur les Premières Nations. Chez les jeunes, c'est important qu'il y ait ce sens critique là, ce sens pédagogique là, puis c'est à ce niveau-là qu'on s'implique, M. le ministre.

M. Lacombe : D'accord. Bien, je... Mais je veux juste être très clair, moi, je ne suis pas dans une logique de vous contre nous, de nous contre vous, pas du tout. Mais je suis dans une logique où est-ce que... En fait, je poserais la question : Considérez-vous que vous faites partie de la nation québécoise ou vous considérez plutôt que nous sommes des nations qui cohabitent ensemble et dont le développement est évidemment lié, dont l'histoire est entremêlée?

M. Martin (John) : Well, Mr. Minister, I don't consider myself as a Québécois. I consider myself as a member of the Mi'gmaq Nation because we've been there, here since times immemorial. We have our Grand Council which has been there for... since the arrival of the Europeans. It predates the Europeans, the Grand Council of the Mi'gmaq Nation,  the Santé Mawiómi. We have our defined territory. We have seven districts in that territory. Everything in my history, in my  culture tells me that we are a distinct nation.

M. Lacombe : Je comprends et, en tout cas, je pense que le temps vient de se terminer, mais c'est... Je continuerai à mes lectures et évidemment je continuerai de vous écouter. Mais merci d'avoir répondu à mes questions.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. On poursuit les échanges avec la députée de Robert-Baldwin pour une période de 12 min 23 s.

Mme Garceau : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vous remercie infiniment pour ce mémoire qui est non seulement fort intéressant, mais très important dans les discussions que nous sommes en train d'avoir concernant ce projet de loi, et je le rappelle à M. le ministre, et je crois qu'il faut vraiment adresser, aborder le coeur de l'enjeu ici parce que le projet de loi, c'est la Loi instituant le Musée national de l'histoire du Québec et non un musée de la nation québécoise ou de l'histoire de la nation québécoise. Je crois qu'il faut faire une distinction entre les deux. Et compte tenu des déclarations qui sont sorties, que ça soit du premier ministre, que ça soit du ministre de la Culture, que ça soit d'Éric Bédard au moment de l'annonce, que «we» était offusquant et légitime de votre part. Moi, j'aimerais comprendre de vous la façon que vous voyez votre implication, vos contributions qui doivent être représentées dans ce musée, dans cette trame, si je peux dire, la narration...

Mme Garceau : ...la narrative historique de l'histoire du Québec; on va arriver à la nation québécoise dans un instant, mais de l'histoire du Québec. Comment vous voyez vos contributions? De quelle façon est-ce que vous voulez que le gouvernement collabore avec vous dans cette optique?

M. Gros-Louis (Denis) : D'abord, la... le point de départ, c'est bien sûr l'accueil le plus positif possible des recommandations. Ce qu'on demande, c'est la participation, et une participation claire. Comme j'ai mentionné tout à l'heure au niveau de l'amendement n° 2, au niveau des conseils d'administration, c'est important que chacun des membres du futur conseil d'administration du musée ait une connaissance des Premières Nations pour être capable d'avoir cet équilibre dans l'offre muséale puis dans le contenu pédagogique. Puis moi, je pousserais davantage : que ce siège-là ne devrait pas être un expert... — j'aime bien les universités — mais qui vient... que ce soit un expert de nos communautés, pour avoir vraiment cette... toute cette assise-là qui... puis le... cette influence-là qui vient de nos communautés.

Mais ce qui est aussi important dans l'approche des recommandations, c'est huit possibilités d'apprendre à travailler différemment en complémentarité. Ce qu'on veut apprendre aux jeunes, que ce soit dans nos communautés, Premières Nations, ou dans les jeunes qui vont fréquenter le musée, c'est : Plus tu te connais, plus tu t'apprécies. Donc, on veut que les jeunes connaissent nos récits, connaissent nos histoires, ne connaissent pas des clichés, ne connaissent pas des... les stéréotypes qui malheureusement sont encore présents dans beaucoup de matériel éducatif qu'on retrouve tant au niveau du primaire que du secondaire, donc on ne veut pas que ce soit une extension dans l'institut muséal, puis c'est dans cette approche-là que le CEPN veut collaborer.

On veut s'assurer que nos protocoles culturels soient respectés. Mais, pour les faire respecter, il faut qu'ils soient connus. C'est ça, le but des musées, c'est d'aller chercher là où il y a eu des erreurs dans le passé puis de les faire... bien, je ne dirais pas : les faire ressortir, mais d'amener cette dynamique-là où le musée, à son ouverture, on va pouvoir dire : Wow! Ça représente tout le monde. Juste de nous avoir... d'avoir fait une référence comme aux communautés, ce n'est pas assez. Je pense qu'il faut être clair, puis un geste clair, c'est de la part du ministre et de vos collègues d'accepter notre amendement n° 1 et de dire : Oui, voici la place, clairement, qu'il y a... qu'il y aura pour vos musées. Et là, à ce moment-là, c'est un beau geste de collaboration. Voilà.

La Présidente (Mme Poulet) : M. Martin.

M. Martin (John) : Yes. Now, you know, we hear a lot about talking about... what are the contributions. You know, obviously, there are contributions that are there, First Nations, Inuit or Quebeckers. I think it's not just about the contributions. I think when you talk about history, you have to take the good, the bad and the ugly, right, and there are some things that... throughout the history of Québec, that are not very positive, you know, a recent one... well, to me recent anyway, the Oka crisis, you know. There's a lot of things that have happened, and I think... you know, when I'm looking at, you know, our relationship, and the museum wants to talk about the relationship, I think, respect and honesty, you know, not exclusion, but being brave enough to speak the truth, you know, because the truth is the way to reconciliation, really, and I think you have an opportunity here, through the museum, to be able to do that.

We've come through these difficult times, we have a relationship. We want to continue to work with you, but that relationship has had an impact, and I think we need to talk about that impact in this museum project as well, what people are going to look at. You know, the history of Québec is not all roses, you know, there are things that happened here to our people, to many of our nations, and I think it is really worthwhile to put this in front of your people, and the young people, to understand what has happened there, you know, and speak the truth about colonizing factors, you know, recognize it and walk with it, you know, and I think that's the way forward as far as I'm concerned, you know. Thank you.

• (10 h 20) •

Mme Garceau : C'est...

Mme Garceau : ...comprendre de votre côté. Lorsque vous entendez le ministre parler, on va se parler de nation à nation, la nation québécoise, les nations autochtones, pour moi, il y a un élément d'exclusion là-dedans. Est-ce que vous le voyez de la même façon ou non, les contributions des peuples autochtones depuis le début.

M. Martin (John) : Well, I think that's self evident in the question that you ask. The question that you ask, it is the recognition that there has been that exclusion, you know. I believe the chiefs of Québec, a long time ago, put forward the 15 principles in terms of the relationship with the Québec Government. Now, they would like to see it, you know. And those principles, I can say, have not been fully respected, you know. There is a desire, yes, to have that relationship, but it requires mutual respect, you know. And giving, you know, 15 minutes of your time to speak to the chiefs of Québec and then just leave it hanging there and not really have a discussion, you know, it's coming in making a statement to our chief, you know, this is not a sign of respect. It is coming and saying : Hey, here I am. This the law and this is it. And the conversation ends there.

Mme Garceau : C'est un... M. Martin,  moment important, je crois, pour nous tous, comme a été mentionné dans le mémoire, que les musées doivent être le reflet de l'histoire complexe, riche et diversifiée. On est là les contributions depuis le début de l'histoire des peuples autochtones est hautement pertinentes à l'évolution de l'histoire du Québec. Et donc de mon côté, j'aimerais comprendre. Pour vous, qu'est-ce que vous souhaitiez voir en termes de... Je sais que c'est très important au niveau de la réconciliation, qu'on soit dans un modèle de co-construction ensemble pour atteindre l'objectif, que ça soit un musée qui reflète les complexités de notre histoire. Et donc, dans ce volet ou de ce mode de co-construction là, je ne sais pas s'il y a eu des discussions, des rencontres préalables au dépôt du projet de loi, suite au dépôt du projet de loi, mais je sais que je ne sais pas si on vous a parlé du comité scientifique. Et ce comité scientifique là va avoir des membres, des experts qui vont s'occuper du contenu historique de ce musée. Je ne sais pas si on vous en a parlé, parce qu'il me semble que ce serait important d'avoir des représentants des Premières Nations sur ce comité. Je voulais vous entendre là-dessus.

M. Martin (John) : I think you have to step out of your comfort zone. The Government of Québec have to step out of its comfort zone, you know. Step away from the colonizing mindset, you know, I'm always wanting to dominate and be the one that's OK.  I think that, you know, if that can be done, you know, and we approach each other on an actual Nation to Nation and respectable relationship it will go a long way. In doing that, we can walk hand in hand and we can do great things together. And I think that the future for tour people as well as our nations, you know, will be a much better one. If we're able to move forward and choose integrity and respect, you know. So, I think  that, you know, that's how I see things moving forward, you know, having a museum that actually reflects those things that are really important in terms of moving forward. Thank you.

M. Gros-Louis (Denis) : On a en effet rencontré l'équipe du Musée de la civilisation qui chapeaute le projet. Et comme aujourd'hui, on a tendu la main pour dire qu'on était intéressés à participer parce que je reviens à mon idée de départ, on veut s'assurer que les contenus qui sont financés par le Québec soient...

M. Gros-Louis (Denis) : ...conséquents l'un de l'autre. Puis l'approche de laisser les Premières Nations vous dire notre histoire, nos contenus fonctionne bien. En éducation, c'est un premier pas, mais qui est quand même un très bon premier pas. Depuis deux semaines, c'est encore jeune comme... comme relation, mais ça fonctionne. Donc, il y a une autre opportunité qui se présente à vous qui êtes assis autour de la table, et c'est certain que si le gouvernement et vous, les oppositions, de travaillez ensemble pour accueillir notre main tendue, bien, c'est un beau message qu'on envoie aux jeunes de... qu'on est capable de travailler ensemble et on va participer.

C'est sûr que nous au Conseil en éducation des Premières Nations, on n'est pas des spécialistes en musées, on est des spécialistes en contenus pédagogiques avec nos écoles qu'on opère et qui vont très bien. On veut s'assurer que ça, ça se multiplie au niveau muséal dans le projet qui est qui nous... pour lequel on se rencontre aujourd'hui. Donc, oui, on veut participer activement, si c'est ce pas au CEPN qu'on va trouver des experts,  on va les trouver dans le réseau et c'est important que ça vienne de  la...

La Présidente (Mme Poulet) : Je m'excuse de vous interrompre. Alors, on va poursuivre les discussions avec le député de Jean-Lesage pour une période de 4 min 8 s.

M. Zanetti : Merci infiniment. Bon, j'ai très peu de temps, je vais aller droit au but. Je veux d'abord vous remercier pour votre générosité et votre patience, puis la main tendue que vous nous offrez aujourd'hui, puis je veux vous dire que toutes les recommandations de votre mémoire, nous, on va proposer les amendements... les amendements que vous proposez et d'autres qui reflètent ces revendications-là, puis je suis... je suis certain qu'il va y avoir de l'ouverture auprès du ministre, là. Moi, je vais... je pense qu'on va être capables de s'entendre. J'ai cet espoir-là, je nourris cet espoir-là.

J'ai l'impression que la confusion, puis j'aime... bon, j'ai peu de temps donc je vous dis un peu comment je comprends la confusion, puis dites-moi si vous... si c'est ce que vous voulez dire. Dites-moi si j'ai tort ou s'il y a quelque chose à corriger.

Le musée s'appelle Musée de l'histoire du Québec et il ne traite que de l'évolution de la nation québécoise. Au fond, c'est ça le cœur du problème. Quand le musée, par exemple, qu'il y a à Wendake, de la Nation huronne-wendat, il ne s'appelle pas Musée de l'histoire du Québec, il s'appelle... c'est le Musée de la Nation huronne-wendat, donc il ne prétend pas parler de l'ensemble de l'histoire du Québec, il parle d'une nation. C'est comme si le gouvernement veut, d'une certaine façon, faire ça pour la nation québécoise, ce qui m'apparaît légitime aussi, mais qu'en même temps, ça s'appelle histoire du Québec. Donc c'est comme ça entraîne... entretient une confusion entre les deux. Puis, de ce que je comprends au fond, il faudrait soit dire c'est le Musée de la nation du Québec... de la nation québécoise ou encore dire c'est le Musée de l'histoire du Québec, et là on parle de toutes les nations du Québec finalement. Est-ce que c'est... Est-ce que je comprends la bonne chose?

M. Martin (John) : I'm not sure that I fully understand your question there, but...

M. Zanetti : I can do it in English if you want.

M. Martin (John) : Would you?

M. Zanetti : Yes, yes. So, the main confusion seems to be it's called the Museum of the History of Québec, and it speaks only of the Québécois nation. And for example, other museums like the museum in Wendake, it's not called the Museum of the history of Québec, it's called the Museum of the Hurons-Wendat. So, it speaks of the nation, and it does not pretend to talk of everything, the whole history of Québec. So, this seems to be the confusion. So, my question is, should that museum like... or be called the Museum of the history of the Québec Nation, or be called the Museum of the history of Québec and then talk of all the nations in Québec? Is that your position or we can do both?

• (10 h 30) •

M. Martin (John) : Well, I think... Yes, yes. Well, I think, when we are talking about the history of Québec, if it's a museum of the history of Québec, then obviously it shouldn't be exclusive. O.K.? Then, it's no longer the history of Québec , you know, and we understand the Québec Government's efforts, you know, since the day of René Lévesque, in terms of seeking recognition of nation status when, at the same time, you know, that relationship is not reflected toward us. You know, it's a matter of a diminish view of who we are as nations. So, that there in itself creates a...


 
 

10 h 30 (version non révisée)

M. Martin (John) :...problematic in terms, you know, having a museum that's about the history of Québec. Then it cannot be exclusive. We have to be, you know, very explicit in the inclusion of First Nations and Inuits. Thank you.

La Présidente (Mme Poulet) : Je m'excuse de vous interrompre. La période d'échange est terminée, alors je vous remercie de votre contribution à nos travaux. La commission suspend ses travaux pour quelques instants, le temps de préparer les prochains témoins.

(Suspension de la séance à 10 h 31)

(Reprise à 10 h 36)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, bonjour. Nous poursuivons nos travaux avec Mme Larochelle et Mme Robert. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour exposer vos propos, votre mémoire, et par la suite ça va être une période d'échange. Alors, on vous écoute.

Mme Larochelle (Catherine) : Merci. Mme la Présidente, M. le ministre, chers députés, merci de nous recevoir aujourd'hui dans le cadre de ces consultations particulières. Mon nom est Catherine Larochelle. Je suis professeure agrégée d'histoire au Département d'histoire de l'Université de Montréal. Je suis également chercheuse régulière du Centre d'histoire des régulations sociales et administratrice de la Fondation Archives et patrimoine religieux du Grand Montréal. Avec ma collègue Camille Robert, nous sommes représentantes de l'organisme Histoire engagée. En plus de mes recherches qui portent sur l'histoire de l'enfance, l'histoire du racisme et l'histoire de la culture catholique, je réfléchis et j'écris depuis plusieurs années sur les manières de rendre l'histoire du Québec porteuse pour le XXIe siècle.

Mme Robert (Camille) : Bonjour, je m'appelle Camille Robert. Je suis doctorante et chargée de cours au département d'histoire de l'UQAM. Je suis aussi membre du Centre d'histoire des régulations sociales et du Groupe d'histoire de Montréal. Depuis quelques années, je travaille avec plusieurs médias et organismes dans le cadre d'initiatives de vulgarisation de l'histoire auprès de différents publics. Et mes champs de spécialisation touchent principalement l'histoire du Québec contemporain, l'histoire des femmes, l'histoire du travail et l'histoire des mouvements sociaux.

Notre allocution d'aujourd'hui est basée sur une lettre ouverte qu'on a publiée dans La Presse en mai dernier avec 34 autres cosignataires, pour la plupart des historiennes et historiens issus des milieux universitaires, de l'histoire publique et communautaires. Dans cette lettre, on soulignait les risques d'un retour au récit national centré sur les grands événements et les héros qui viserait avant tout à susciter la fierté. On mettait de l'avant l'importance de l'histoire dans la compréhension des sociétés humaines, avec toutes les nuances et la rigueur que ça implique.

Mme Larochelle (Catherine) : Dans l'optique où ce musée serait créé coûte que coûte, nous voulons profiter de notre présence devant vous pour partager ce qui est à notre sens essentiel pour que ce projet de loi, et éventuellement le Musée national de l'histoire du Québec, soit une référence importante dans le monde muséal et dans le monde de l'histoire et qu'il remplisse sa mission. Pour ce faire, il est essentiel que le musée adopte une vision de l'histoire qui soit plurielle, multidimensionnelle et ouverte aux interprétations concurrentes. Dans un premier temps, ma collègue va insister sur pourquoi il est essentiel que l'histoire présentée soit une histoire plurielle, puis j'élaborerai sur le comment faire pour présenter une histoire plurielle.

Mme Robert (Camille) : Dans les derniers mois, plusieurs interventions sur ce projet ont soulevé des questions par rapport à la conception de la nation qui va être mise de l'avant et à la place qui va être donnée aux différentes communautés qui ont façonné le Québec. Sans répéter ce qui a été dit, on veut réitérer l'importance de mettre de l'avant une compréhension plurielle de la nation québécoise, qui ne soit donc pas ethnique et centrée sur un seul groupe de langue et de culture française.

Au fil des siècles, l'idée de nation s'est elle-même transformée, et c'est donc important de situer aussi cette notion-là dans l'histoire. Ce qui fait de nous des Québécoises et des Québécois aujourd'hui ne s'appuie pas sur les mêmes bases ni les mêmes termes qu'au XIXe siècle ou au XXe siècle. Ça serait aussi anachronique de parler de nation québécoise à l'époque de la Nouvelle-France.

Les formes de collectivité et de solidarité qui ont construit la société québécoise sont variées. On peut par exemple penser à l'histoire régionale ou locale qui crée parfois un sentiment d'appartenance encore plus important que l'histoire nationale. À notre avis, cette histoire devrait aussi avoir sa place dans ce musée.

• (10 h 40) •

La conception dominante de la nation québécoise a longtemps exclu certains groupes qui ont pourtant joué un rôle important dans l'histoire de ce qu'on nomme aujourd'hui le Québec. On pense bien sûr aux nations autochtones, mais aussi aux communautés juives, aux communautés noires ou aux communautés d'origine italienne, chinoise ou irlandaise, pour ne nommer que celles-ci. Les individus qui appartiennent à ces groupes, même s'ils sont établis au Québec depuis plusieurs générations, ou plusieurs millénaires dans le cas des autochtones, ont encore souvent de la difficulté à se retrouver dans l'histoire telle qu'on l'enseigne dans les écoles ou qu'on la présente dans les musées. Dans le contexte d'une exposition, ce serait possible de mettre de l'avant plusieurs fils qui relient ces histoires à travers des thématiques communes comme l'éducation, la culture, la langue ou les migrations. C'est aussi important d'envisager ces...

Mme Robert (Camille) : ...l'histoire dans toute leur complexité plutôt que dans un rôle accessoire, en marge d'une trame principale qui resterait centrée sur les Canadiens français.

Certains pans du passé ne peuvent être compris qu'à travers ces liens. Par exemple, on ne peut pas raconter l'histoire des rébellions sans parler des anglophones qui y ont pris part. Le développement des chemins de fer doit aussi être compris à travers les ouvriers qui les ont construits ou les porteurs noirs qui travaillaient dans les trains. La grève des midinettes, ces ouvrières juives et canadiennes-françaises, s'inscrit dans l'histoire des résistances à ce qu'on a appelé la grande noirceur. On ne pourrait pas présenter le développement d'Hydro-Québec dans les années 70 sans inclure les points de vue des Cris et des Inuits. Ou encore, on peut difficilement comprendre l'émergence du Front de libération du Québec sans tenir compte de l'influence de la pensée et des luttes décoloniales, notamment en Algérie. Une trame qui serait seulement centrée sur la nation, comprise dans son sens ethnique, ne permettrait pas de raconter notre histoire dans toute sa complexité.

Depuis le début des audiences, il a été question des avenues pour intéresser les jeunes. On a toutes deux la chance d'enseigner l'histoire du Québec à des jeunes adultes depuis plusieurs années et d'offrir des conférences à différents publics. Il ne faut pas sous-estimer leur intérêt pour une histoire plurielle, dense et complexe qui permet d'éclairer certaines de leurs préoccupations actuelles. À notre avis, ce n'est pas en reproduisant un récit national calqué sur les manuels scolaires qu'on va réussir à capter leur attention, mais plutôt en leur offrant une histoire en mouvement, vue et comprise à partir du présent.

Mme Larochelle (Catherine) : Une fois que nous avons identifié ces défis, quelles sont les solutions possibles afin de mettre de l'avant une histoire plurielle? Donc, nous voulons insister sur l'importance d'établir des liens non seulement avec le réseau muséal québécois, mais aussi et surtout avec les nombreux centres d'archives et sociétés d'histoire qui préservent des pans importants de notre histoire.

Avant d'être dans les musées ou les manuels scolaires, l'histoire du Québec se trouve dans les archives, dans les centres de recherche universitaires, elle se trouve dans les sociétés d'histoire et dans les communautés. C'est là qu'elle est élaborée tous les jours. Mentionnons par exemple tout le travail réalisé dans les dernières années autour de l'histoire du quartier chinois de Montréal ou encore la richesse des fonds du Centre d'archives régional Séminaire de Nicolet. On peut penser aussi aux expositions et aux visites organisées par les Archives gaies du Québec, aux initiatives pour valoriser les archives de la Maison d'Haïti, à tout le travail fait par le CEPN, qu'on vient d'entendre, ou encore au classement d'importants fonds d'archives syndicaux qui sont indispensables pour comprendre l'histoire ouvrière. Le musée devra établir des liens importants avec ces lieux et ces groupes pour s'assurer un ancrage dynamique dans l'espace citoyen et une ouverture à la façon dont l'histoire s'y écrit. À notre avis, cela devrait figurer dans le projet de loi et dans la composition du conseil d'administration.

Il sera ainsi très important de ne pas seulement s'appuyer sur les archives détenues par l'État. Plusieurs pans de l'histoire du Québec s'y trouvent déjà, mais d'autres en sont complètement absents. Certains groupes n'y sont pas représentés, alors que d'autres ont décidé de conserver leurs propres archives. On peut penser, par exemple, aux archives des congrégations religieuses. Leur conservation est un enjeu brûlant depuis le début du XXIe siècle. Et rappelons que les congrégations catholiques sont les dépositaires d'archives qui permettent d'écrire une bonne part de l'histoire d'avant 1950. Leurs archives documentent l'histoire de plusieurs des systèmes de la société québécoise dans laquelle nous vivons.

Les collaborations avec ces organismes, que ce soit pour l'exposition permanente, pour des projets temporaires ou même pour des projets hors site, pourraient être mutuellement bénéfiques. De tels partenariats fourniraient des ressources financières à ces centres, alors qu'ils sont souvent dans une situation précaire, ça a été amplement mentionné durant ces audiences. Et parallèlement ces partenariats offriraient au musée un ancrage varié et durable avec divers milieux. Il s'agirait aussi d'une piste pour valoriser une histoire plus locale, alors que le projet des Espaces bleus a été abandonné. Cela ferait du musée un musée au service de la quête de sens historique de la société québécoise.

La plupart des musées mettent habituellement de l'avant leurs propres collections. Dans le cas du Musée national de l'histoire du Québec, l'occasion pourrait être saisie de donner une vitrine aux documents et aux objets qui dorment, en quelque sorte, dans de nombreux centres d'archives et sociétés d'histoire auxquels seuls quelques archivistes, chercheurs et chercheuses ont habituellement accès, sans pour autant favoriser leur acquisition à long terme.

Mme Robert (Camille) : On insiste donc sur l'importance que le musée adopte une approche plurielle de l'histoire. C'est pourquoi il faut dépasser l'idée d'un récit unique et homogène et mettre de l'avant les multiples identités, expériences et héritages qui ont façonné notre histoire. Seule cette diversité des voix et des perspectives va permettre de créer un musée vivant, porteur de sens pour tous et en mesure de refléter la richesse du passé québécois tout en étant pertinent pour les générations actuelles et futures. Vous retrouverez nos trois recommandations dans notre mémoire, qu'on va déposer sous peu. On vous remercie pour votre attention. Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. Alors, on va débuter la période d'échange avec M. le ministre pour une période de 16 minutes 30 secondes...

M. Lacombe : ...Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous deux de vous prêter à l'exercice et de venir discuter avec nous, de... vous exposez votre point de vue, c'est toujours précieux dans l'étude d'un projet de loi.

Allons tout de suite au cœur du sujet. Un musée dont le principal objet est, disons, l'histoire de la nation québécoise, il n'en existe pas au Québec, puis c'est un peu au cœur de... Tout ce débat, cette discussion autour de la nation québécoise et comment on devrait être large ou moins large dans l'interprétation, tout ça, c'est un peu au cœur des débats qu'on a depuis quelques jours. Je serais curieux de... Je vous lance la question de façon très ouverte : Dans votre esprit, parce que je vous écoutais parler puis j'ai pris quelques notes, l'idée que vous vous faites du projet qu'on présente quand on parle de nation, quelle est-elle? Parce que vous avez parlé d'origine ethnique, comme si vous aviez l'impression... je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, je vous offre la tribune, peut-être, pour clarifier, mais comme si vous pensiez que notre conception de la nation, elle était d'abord, d'abord et avant tout, ethnique. Moi, j'ai un problème avec ça, là. Donc, je me demande est-ce que... vous pouvez peut-être préciser.

Mme Larochelle (Catherine) : Absolument, vous me rassurez. En fait, la question de qu'est-ce que la nation québécoise, finalement, c'est une question assez complexe. Si on le prend dans son sens strict, une histoire de la nation québécoise, donc de ce projet politique, de ce projet politicoculturel, ça couvrirait les 60 dernières années, donc ça serait un musée sur les 60 dernières années en quelque sorte. Parce qu'avant ça, c'est la nation canadienne-française, puis avant ça, bien, la nation, ça n'existe pas. Donc, si on avait un musée du Royaume de France, il n'irait pas jusqu'à aujourd'hui dans l'histoire qu'il exposerait. Donc, ça, c'est au sens strict, et je comprends très bien que ce n'est pas ça, le projet. Et donc, si on prend le concept de nation dans le sens d'une structuration, d'une structure politique, sociale, culturelle, qui est une structure qui est apparue avec l'arrivée de la démocratie libérale au XIXᵉ siècle, c'est quelque chose qui change dans le temps, et ça, je pense que vous serez d'accord avec moi. Et donc ce qui nous intéresse, en fait, c'est qu'est-ce qu'elle est, cette nation, aujourd'hui. Si je comprends bien, vous... la nation, c'est donc tous les Québécois et Québécoises. Et donc la question qu'on doit se poser, c'est : Quelle histoire va être porteuse pour cette nation contemporaine inclusive? Il y a eu un récit proposé au XIXᵉ siècle, il y a eu le récit de... l'histoire de la nation canadienne-française parce que c'était ce récit-là qui était important à l'époque. Il y a eu un récit proposé après la Révolution tranquille parce que c'était un récit important à cette...

M. Lacombe : Qu'est-ce que vous voulez dire, un récit qui a été proposé?

Mme Larochelle (Catherine) : Bien, c'est-à-dire que l'histoire... Elle n'existe pas, l'histoire du Québec. Il n'y a pas comme quelque chose qui existe qui... dans l'air, qui s'appellerait l'histoire du Québec, c'est quelque chose qu'on construit. Le passé, le passé existe. Le passé, on en a des traces. Le passé fourmille de toutes sortes de choses, de solidarité, de guerre, de courage, de violence, d'amour, d'amitié, de... Le passé, il fourmille. Et on prend ce qui fait du sens, ce qui est porteur pour les enjeux qu'on a aujourd'hui, puis c'est comme ça qu'on construit un récit historique. Et donc il a été construit plusieurs fois, ce récit-là. Et donc ça ne va pas de soi, que c'est les patriotes, c'est ça qui est important de raconter. Ça peut tout à fait être le cas, mais c'est parce que ça fait sens pour notre société d'aujourd'hui, ça nous donne une compréhension et du passé et de notre présent, ça résonne en quelque sorte. Et donc ce n'est pas pour rien qu'on... Il y a peu de femmes dans l'histoire. Elles ont existé et elles étaient autant là que les hommes. Et donc c'est pour ça, je vous dis, le récit, il est construit. Donc, quel récit est important pour notre collectivité aujourd'hui? Et nous, ce qu'on répond, c'est : ce qui est important, c'est un récit pluriel. C'est ce qu'on entend. Quand on enseigne, c'est ce qu'on entend dans les sociétés d'histoire. Et donc c'est ça, notre proposition.

• (10 h 50) •

M. Lacombe : Mais, quand vous dites un récit... quand vous dites un récit pluriel, parce que parfois on dit les mêmes choses, mais on a l'impression qu'on ne dit pas les mêmes choses, parfois ce n'est pas le cas du tout, mais, quand vous dites un récit pluriel, ce que vous avez en tête, c'est les exemples historiques dont vous avez parlé tantôt, de peuples qui... par exemple, des vagues de migrations, des gens qui arrivent au Québec, qui participent, je pense à la communauté italienne notamment. On a eu Mme Ferretti qui est venue nous... nous en faire un.... puis je trouvais que son exemple était particulièrement éloquent. On est tout à fait d'accord avec ça. Puis c'est comme ça qu'on conçoit l'histoire de la nation québécoise. D'ailleurs, si vous avez lu la mission que nous proposons pour le musée...

M. Lacombe : ...dans ce sens-là. Quand vous lisez la façon dont la mission est rédigée, est-ce que ça vous rassure sur, disons, le caractère pluriel de ce qu'on veut y raconter?

Mme Robert (Camille) : Bien, en fait, en lisant l'intitulé du projet de loi, nous, on est d'accord sur l'idée d'un musée qui porte sur l'histoire du Québec, mais si l'objet de ce musée-là, c'est uniquement la nation québécoise, peut-être que, là, ça pose un peu plus problème.

M. Lacombe : Pourquoi?

Mme Robert (Camille) : Parce que si on entend, par exemple, la nation québécoise et les communautés, toutes les communautés qui ont contribué au parcours de la nation québécoise et au territoire de la nation québécoise, bien, on vient donner un rôle accessoire à ces communautés-là, incluant les Premières Nations.

M. Lacombe : Je comprends.

Mme Robert (Camille) : Donc, ça a été souligné par d'autres intervenants, puis nous, ce qu'on pense, c'est que, si l'objet n'est qu'uniquement cette nation québécoise qui est comprise comme les descendants des ancêtres Canadiens français puis tous les gens qui vont ensuite y adhérer, par la suite, bien, ça efface, un, les différences historiques de ce qu'on conçoit comme nation, par exemple, la nation québécoise, c'est, grosso modo, à partir des années 60 que ça en vient à être une identité qui est commune, avant ça, c'est autre chose, mais aussi c'est qu'on occulte les liens réels et importants entre diverses communautés. Par exemple, quand on... quand on parle de l'histoire des Noirs au Québec, ça ne date pas des vagues d'immigration dans les années 60, 70, c'est une présence qui remonte à la Nouvelle-France puis qui a été souvent occultée dans l'histoire.

Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il faut prendre en compte toutes ces nuances, toutes ces subtilités puis aussi ces échanges entre des communautés qui ont occupé le territoire du Québec.

M. Lacombe : Oui, mais je veux juste revenir parce que ça me fatigue, je vous avoue, là, vous dites la nation... Bien, d'abord, on s'entend que la nation québécoise, elle existe, là?

Mme Robert (Camille) : Oui.

M. Lacombe : Ça, vous le dites vous-même, mais vous dites dans les 60 dernières années parce qu'avant on ne pouvait pas... Est ce que je me trompe? C'est ce que vous dites? Avant il y a une soixantaine d'années, pour vous, la nation québécoise, elle n'existe pas, elle s'est construite, disons, plus...

Mme Robert (Camille) : À travers une identité canadienne française, par exemple. Donc, pas au sens qu'on lui attribue aujourd'hui.

M. Lacombe : Mais, pour vous, ça fait une soixantaine d'années que la nation québécoise existe. Est-ce que je comprends ça?

Mme Larochelle (Catherine) : Bien qu'elle s'appelle comme ça, oui, tout à fait.

M. Lacombe : O.K., d'accord. Ce qui me fatigue, c'est que vous faites encore le lien avec les Canadiens français et leurs descendants, comme si, dans notre esprit, parler de nation québécoise... donc ce que vous dites s'est construit dans les 60 dernières années, c'était exclusivement que de parler de blancs, d'hommes et de femmes blancs, d'origine canadienne française qui ont des noms de famille français, entre guillemets, donc des Tremblay de ce monde, en occultant les différentes communautés qui se sont installées au Québec puis qui ont influencé son développement. Moi, je suis en désaccord avec ça, là, ce n'est pas du tout ce qu'on propose.

Mme Larochelle (Catherine) : Bien, dans ce cas-là, on est d'accord.

M. Lacombe : Donc, la façon dont le projet de loi est rédigé, la mission, en fait, qui est proposée dans le projet de loi, c'est de dire : La nation québécoise, elle existe, on en convient. Actuellement, il n'y a pas de musée au Québec qui s'intéresse exclusivement à l'histoire de la nation québécoise. Parce que, disons que je pars de votre point de vue, de votre argumentaire, même si elle existe, disons, en son sens le plus moderne depuis 60 ans, la nation québécoise, elle existe, et, si on veut en parler, il faut bien parler de comment elle s'est construite, en incluant évidemment toute l'influence des communautés.

Puis, aujourd'hui, la nation québécoise, qu'est-ce que c'est? Bien, c'est... c'est des Québécois d'origine italienne qui se disent Québécois, c'est des Québécois d'origine haïtienne qui se disent Québécois parce qu'ils font partie du Québec, parce que, pour eux, leur histoire, elle est québécoise, puis ils font partie de la nation. Donc, l'objectif, c'est de créer un musée qui va s'intéresser à la nation québécoise. Ça n'existe pas.

Et je prends les communautés autochtones, par exemple, les Premières Nations et les Inuits, ils ont des musées qui s'intéressent à leurs nations. Est-ce que ce n'est pas justifié, donc, d'avoir un musée qui, avec les nuances que je viens de faire, s'intéresse à l'histoire de la nation québécoise?

Mme Robert (Camille) : Bien, je pense que ces musées-là qui existent, effectivement, n'existent pas à ressource égale, de toute évidence, ils n'ont pas, tu sais... en termes d'infrastructures, de budgets, d'équipes, ce n'est pas la même envergure. Puis de ce qu'on a entendu de plusieurs représentants d'organismes des Premières Nations, jusqu'à présent, c'est qu'il y a une volonté réellement que leur histoire soit incluse et représentée dans ce musée-là, que leur point de vue soit pris en compte. Donc, je pense que l'idée... Ça serait une occasion ratée si on disait : Bien, ils ont leur musée puis on va avoir le nôtre, mais...

M. Lacombe : Il faut parler d'eux, c'est sûr.

Mme Robert (Camille) : Pardon?

M. Lacombe : Il faut parler d'eux, c'est sûr, parce que la nation québécoise, elle est née de rencontres.

Mme Robert (Camille) : Mais aussi, je pense qu'il ne faut pas leur laisser un rôle qui serait accessoire, c'est-à-dire que... les premiers contacts entre colons et communautés autochtones, puis, après ça, ils disparaissent un peu de l'histoire. Tout au long de l'histoire du Québec, les Premières Nations ont joué un rôle important, puis dans plusieurs grands événements...

Mme Robert (Camille) : ...j'ai donné l'exemple du développement d'Hydro-Québec dans les années 70. Il y a eu des traités, il y a eu des négociations, des mobilisations. Puis ce qu'on dit, c'est que cette histoire qui va être mise de l'avant doit tenir compte de l'ensemble des communautés, qu'il s'agisse des Premières Nations, mais aussi de communautés qui sont là depuis plusieurs siècles.

M. Lacombe : Donc, est ce que dans votre esprit, c'est possible de faire l'histoire de la nation québécoise tout en faisant référence, que ce soit au début et à la fois pendant. Donc, est-ce que c'est possible de faire, de faire l'histoire de la nation québécoise en faisant référence à la contribution, dans ce cas-ci, des Premières Nations, des Inuits au fur et à mesure, parce que nos histoires sont, sont, sont, sont entremêlées, quelqu'un me donnait cette image-là, puis c'est l'histoire de nations qui est évidemment dont l'histoire est entremêlée. Est-ce que c'est possible de le faire sans pour autant en faire un musée qui serait dénaturé, c'est-à-dire où, plutôt que de parler de la nation québécoise, on dirait bien, on va parler de l'occupation du territoire, ce qui serait davantage un musée de société.

Mme Larochelle (Catherine) : Mais je ne pense pas que c'est dénaturer le projet que de faire en sorte qu'en fait on comprenne que la nation québécoise, elle, c'est-à-dire. Les communautés autochtones. Les nations autochtones sont une partie intégrante de la nation québécoise.

M. Lacombe : Mais ils ne nous disent pas ça. Ce matin, vous savez, ils nous ont dit : On ne se considère pas Québécois. 

Mme Larochelle (Catherine) : Ils sont aussi absolument des nations. Mais ça, on peut se poser la question pourquoi ils ne se considèrent pas Québécois?

M. Lacombe : Parce qu'ils ont leurs propres nations. Et moi, je comprends ça.

Mme Larochelle (Catherine) : Oui, mais je ne pense pas que c'est nécessairement exclusif l'un et l'autre. Mais de toutes les manières, le Québec tel qu'il est aujourd'hui, la nation québécoise, on ne peut pas la comprendre sans cette composante-là.

M. Lacombe : Je suis d'accord.

Mme Larochelle (Catherine) : Et donc ce n'est pas un sous, ce n'est pas quelque chose qui vient s'adjoindre, c'est une partie intégrante de ce passé-là. Et donc, et comme je vous disais tout à l'heure, ça dépend quels sont nos enjeux aujourd'hui. Et je pense que l'enjeu de la réconciliation est un enjeu pressant. Et donc le récit qui va être proposé par ce musée-là, il va faire des choix. Le passé, on fait toujours des choix dans ce qu'on va choisir, même si c'est juste le passé de la nation québécoise. On va faire des choix. Mais ces choix-là, ils sont faits pour qui, pour quoi? Donc pourquoi on crée un musée d'histoire du Québec ou un musée d'histoire de la nation québécoise? Donc, pourquoi il n'y a pas eu des manifestations, je pense, pour dire au gouvernement : Créez un musée d'histoire du Québec. Et donc j'imagine qu'il y a une raison derrière ça et là donc, c'est peut-être moi qui vous renvoie la question. Moi, je peux vous dire, je peux vous donner ma réponse. On est des historiennes, on ne vous dira pas on n'en veut pas de musée d'histoire dans l'absolu. L'histoire, en ça, on considère que c'est très important. C'est un enjeu démocratique, c'est un enjeu d'équité, de justice, même de justice réparatrice peut-être ça. Il en a été question avec les intervenants, justement. C'est un enjeu humain, c'est un enjeu de question, une question de se faire reconnaître notre dignité quand on se voit dans un musée. Et se voir, ça ne veut pas dire quelqu'un qui nous ressemble nécessairement.

M. Lacombe : Mais, il faut que ce soit au bon endroit. C'est là un peu mon... C'est-à-dire, on ne peut pas.

Mme Larochelle (Catherine) : Pourquoi ça ne serait pas au bon endroit. C'est ça que je ne comprends pas.

M. Lacombe : Bien, si le sujet de ce nouveau musée est l'histoire de la nation québécoise, je le répète, évidemment qu'on ne peut pas parler de l'histoire de la nation québécoise sans parler de la contribution à cette nation québécoise, des premiers peuples, je veux dire, ça serait complètement insensé. Et quand je parle de contribution, ce n'est pas de les mettre dans la garde-robe à l'entrée, pas du tout, mais c'est de parler évidemment de la rencontre du départ. Et après, au fur et à mesure que la nation québécoise se développe, de parler de cette histoire qui est entremêlée, oui, mais avec un focus sur la nation québécoise parce qu'elle n'a pas de musée, la nation québécoise. Un musée comme le Musée de la civilisation a un mandat qui est différent dans la loi. Son mandat, c'est de s'intéresser à l'histoire des occupants du territoire. C'est un musée de société et ça cadre. Est-ce que je peux le dire parfaitement? En tout cas, après ça, ça cadre beaucoup plus avec, disons, le point de vue que vous amenez aujourd'hui, vous ne trouvez pas?

• (11 heures) •

Mme Robert (Camille) : Bien, ce musée-là s'appelle un musée national d'histoire du Québec. Donc je pense que je ne veux pas parler à ta place, mais ça nous conviendrait tout à fait que son objet soit l'histoire du Québec. Ça, ça laisserait justement la possibilité de s'intéresser à la nation québécoise, mais aussi à plein d'autres aspects de l'histoire du Québec qui ne touchent pas nécessairement aux enjeux de la nation. Par exemple, moi, je suis une spécialiste de l'histoire des femmes. Pour bien comprendre l'histoire des femmes, je pense qu'on ne peut pas rester que dans le cadre national pour comprendre plein de formes d'histoire, plein de sous-champs de recherches. Il faut sortir de ce cadre national là pour s'intéresser aussi à travers d'autres lunettes, d'autres cadres d'analyse à ces objets-là. Puis les femmes concernent, ça concerne 50 % de la population à peu près. Donc, je pense que de rester seulement dans le cadre national de la nation québécoise, on s'empêche de traiter d'autres formes d'histoire, on s'empêche de traiter de certains liens qui sont très...


 
 

11 h (version non révisée)

Mme Robert (Camille) : ...réels dans l'histoire puis qui font partie de notre passé collectif.

Mme Larochelle (Catherine) : Puis, je pense que ce n'est pas incompatible, c'est juste que la notion de l'histoire de la nation québécoise peut induire en erreur qu'on a déjà une idée de quel est le passé dont on parle. Alors, que quand on dit l'histoire du Québec, on comprend bien que c'est la nation québécoise contemporaine dont on parle, à qui on va faire comprendre d'où elle vient, avec un récit qui est porteur pour aujourd'hui. Donc, l'un ou l'autre, ce n'est pas... Ça peut... tous les deux répondent à la même mission, mais je pense que ça va être plus facile à comprendre si on appelle ça un musée d'histoire du Québec.

M. Lacombe : Je comprends bien. Là, il nous reste quoi, une minute?

La Présidente (Mme Poulet) : 53 secondes.

M. Lacombe : 53 secondes. Rapidement. C'est à vérifier, là, mais on me disait que le Musée canadien de l'histoire, par exemple, un des objectifs de son plan stratégique, c'est de stimuler l'adhésion des Canadiens à la nation canadienne. Est-ce qu'un musée canadien de l'histoire pourrait avoir... Est-ce qu'un musée québécois de l'histoire du Québec pourrait avoir le même objectif, c'est-à-dire avec la nation québécoise?

Mme Larochelle (Catherine) : Ça va être rapide répondre à ça, mais je pense que c'est quelque chose qui peut être un résultat qui ne doit pas nécessairement être l'objectif dans la création. Mais si le musée est bien fait, si les Québécois et les Québécoises qui le visitent sont contents de la façon dont on regarde l'histoire en face, que ça leur donne des sources de réflexion, des sources de compréhension de la société d'aujourd'hui dans laquelle ils vivent, le sentiment d'adhésion va suivre, s'ils se sentent représentés aussi.

M. Lacombe : Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci. Alors, on poursuit les échanges avec la députée de Robert-Baldwin.

Mme Garceau : Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames, d'être ici aujourd'hui. Fort intéressant, votre témoignage. Et évidemment, on n'a pas eu l'opportunité de lire votre mémoire, mais j'ai très hâte de le recevoir. Et je crois qu'on est vraiment aujourd'hui, ce matin, dans le cœur de l'enjeu en termes de l'objectif de ce musée. Et avec grand respect au ministre, depuis le début, le discours ou les représentations qu'on fait valoir devant les groupes, c'est vraiment axé sur l'histoire de la nation québécoise, qui n'est pas la même que l'histoire nationale de l'histoire du Québec. Et vous venez vraiment de, si je peux dire, concrétiser la différence entre les deux. Donc, je vous remercie pour ça.

Est-ce que, d'après vous, lorsque vous lisez, dans la disposition législative... Parce que, là, je ne sais pas, en termes de recommandations quelles sont vos recommandations, mais essentiellement, est-ce que vous êtes confortable avec... On comprend les intentions du ministre, mais la façon que la disposition, elle est décrite en termes de l'objectif et les fonctions, ce n'est pas de miser sur l'histoire de la nation québécoise. Et on le dit clairement, de faire connaître et de promouvoir l'histoire du Québec dans son... dans le sens large, inclusif, et je vais reprendre vos termes, votre terme, une histoire plurielle, si je peux dire, sa culture et son identité distincte, ainsi que de témoigner de l'évolution de la nation québécoise et de la part des communautés. Est-ce que vous, vous êtes confortables avec cette description de l'objectif du musée?

Mme Robert (Camille) : Bien, notre recommandation à ce sujet allait dans le sens de celle de l'Institut d'histoire de l'Amérique française, c'est-à-dire, il y avait une légère reformulation, puis d'inclure aussi que cela ne pouvait se faire qu'en prenant en considération le fait que les Premières Nations et Inuits sont des sujets de plein droit de cette histoire du Québec. Puis effectivement, j'ai l'impression que cette différence entre un musée national de l'histoire du Québec et un musée d'histoire de la nation québécoise est au cœur des divergences de certains groupes puis même peut-être entre vous. Puis, en fait, l'histoire du Québec, c'est une histoire qui est plus englobante, c'est-à-dire que l'histoire de la nation peut faire partie de l'histoire du Québec. L'histoire des premiers colons qui ont été présents ici puis leur évolution dans le temps, l'histoire des nations autochtones peut faire partie de l'histoire du Québec, l'histoire de différentes communautés ethnoculturelles qui sont arrivées à divers moments, tout ça peut être englobé dans un musée d'histoire du Québec...

Mme Robert (Camille) : ...Québec. À partir du moment où on prend exclusivement l'objet de la nation québécoise, là, c'est là que, peut-être, on se coupe certaines nuances dans l'interprétation, puis c'est là, justement, qu'on s'empêche peut-être de faire une histoire plurielle.

Mme Garceau : Et probablement contre-productif en ce qui a trait à atteindre une réconciliation avec les peuples autochtones, les Premières Nations, je dirais.

Mme Robert (Camille) : Puis, si on ne les inclut pas d'une façon qui soit respectueuse et qui ne soit pas utilitariste non plus, c'est-à-dire : Venez nous donner vos ressources et vos savoirs, puis on fait ce qu'on veut avec ça, c'est-à-dire si on les inclut d'une façon qui est accessoire, j'ajouterais que ça va à l'encontre de ce qui se fait dans le milieu muséal depuis plusieurs années. Il y a beaucoup de sensibilité, de réflexion et de travail qui est entrepris en vue d'une... de démarches de décolonisation, de collaboration égalitaire avec les Premières Nations et les Inuits. Ce n'est pas parfait, mais c'est vraiment une tendance qu'on observe dans les milieux de la muséologie depuis plusieurs années.

Du côté de l'enseignement aussi, il en a été question, mais les enseignants, enseignantes au secondaire, par exemple, veulent en apprendre davantage sur l'histoire des communautés autochtones au Québec, puis aussi d'une façon qui ne soit pas seulement dans une perspective de souvenirs douloureux ou de... mais de voir aussi quelles étaient ces communautés-là, quels étaient... ou quels sont encore leurs modes de gouvernance, leur culture, leur fierté aussi.

Donc, je dirais que pour s'inscrire dans une approche novatrice, il faut vraiment qu'il y ait un travail collaboratif qui soit fait. Puis on a eu la chance d'écouter l'allocution juste avant nous, puis il y a eu plusieurs pistes très pertinentes qui ont été suggérées en ce sens-là. Donc, il y a vraiment des perches qui sont tendues, puis, je pense, c'est important de les saisir.

Mme Larochelle (Catherine) : Puis je pense que de toute manière, l'histoire de la nation québécoise, elle va être quand même centrale dans cette exploration-là, puisque c'est ce qui permet de comprendre justement où on en est aujourd'hui.

Et les rapports avec les communautés autochtones... On entend beaucoup parler de rencontres depuis le début de ces audiences-là. Mais je pense que, quand même, il faut mentionner déjà que la conception nationale, quand elle est née au Québec au XIXᵉ siècle, elle est née par opposition aux Premières Nations et par déshumanisation de ces Premières Nations, et là je vous le dis vraiment en tant qu'experte de ce sujet-là, c'est là-dessus que mes recherches portent. On a enseigné aux enfants à détester les Premières Nations. Et ça, ça a été le ciment de la construction nationale, et donc on ne peut pas faire l'économie de ce contexte-là quand on parle de l'histoire nationale.

Ça ne veut pas dire faire une histoire culpabilisante ou une histoire dont on ait honte, ça veut dire peut-être être inconfortable, un peu, comme il a été mentionné tantôt.

Mais... Et ça, je peux vous le dire, ça fait des années maintenant que j'ai une expérience terrain d'enseigner, mais aussi de faire des conférences dans différents milieux, dans des milieux souverainistes, dans des milieux composés de retraités, dans des centres de femmes, dans des groupes de recherche, dans des cégeps, et je présente mes recherches sur l'histoire du racisme au Québec, et cette histoire-là, elle est reçue. Elle est reçue avec même parfois de la gratitude, parce qu'elle offre des clés de compréhension sur nos propres enfances, sur ce qu'on nous a dit et sur l'état actuel de notre société, d'où ça vient, ces enjeux-là qu'on connaît.

Et donc je pense qu'il faut avoir ce courage-là aussi de dire : Ça fait partie de notre histoire, et c'est tout à fait correct de regarder l'histoire en face. Et ce n'est pas incompatible avec l'idée de développer un sentiment de fierté, au contraire, ça peut même le favoriser. Ça veut dire : Aïe! nous, on est capables au Québec de regarder l'histoire en face, et de s'unir face à ce passé-là, et d'avoir cette histoire commune qu'on regarde.

Mme Garceau : Est-ce que, pour vous, miser sur le concept de la nation québécoise... Admettons, si le ministre décide d'amender l'intitulé du projet de loi, et là on mise beaucoup sur l'histoire de la nation québécoise, est-ce que pour vous c'est de politiser le musée?

• (11 h 10) •

Mme Larochelle (Catherine) : L'histoire est toujours politique. Donc, je ne pense pas que ça serait de le politiser davantage. Je pense que ça serait peut-être une occasion manquée que... de laisser le musée avoir un meilleur accueil. Donc, là, comme je vous disais tantôt, c'est une question définitionnelle qui finalement peut vouloir dire la même chose, l'un ou l'autre. Mais c'est... c'est complexe, c'est complexe à expliquer, et je pense qu'aujourd'hui ce serait mieux reçu... et, je pense aussi, la raison de ces audiences et comment ça... les réactions au moment de l'annonce l'ont un peu montré...

Mme Larochelle (Catherine) : ...donc, en termes d'acceptabilité sociale, ce serait plus prudent, à mon avis, peut-être que tu pourras poursuivre, d'y aller avec là... ce qui est écrit en ce moment, le Musée d'histoire du Québec.

Mme Garceau : Oui, j'aimerais, si vous me permettez, vous entendre à ce sujet-là, également, si vous avez quelque chose à ajouter.

Mme Robert (Camille) : Oui, bien, ça revient un peu à ce que j'ai mentionné plus tôt, mais je pense que, si on reste avec cette idée d'un musée qui porte sur l'histoire du Québec que l'histoire du Québec, ce soit l'objet du musée, ça nous permet d'avoir une vision qui est beaucoup plus large de l'histoire, qui reflète mieux les recherches, qui reflète mieux les intérêts aussi du public pour une histoire qui ne se limite pas nécessairement à l'objet qu'est la nation québécoise.

Après, comme l'a spécifié Catherine, si on parle de l'histoire du Québec, c'est certain que la nation québécoise en fait partie, on ne peut pas passer à côté de cette donnée-là, mais il faut aussi tenir compte de tout ce qu'il y a autour. Il faut tenir compte des communautés dont le rôle et les trajectoires ne peuvent pas être comprises que par rapport à la nation québécoise. C'est-à-dire qu'il y a des différents groupes qui sont présents au Québec, depuis plusieurs siècles, dans certains cas, qu'on pense aux populations noires, aux populations juives, qui sont là depuis très longtemps, bien, leur rôle ne peut pas être compris qu'à travers la nation québécoise. Il faut voir aussi c'est quoi, les trajectoires de ces groupes ici et qu'est-ce qu'ils ont apporté en termes de contribution à la société québécoise, pour plein de choses aussi anodines que les épiceries Steinberg, mais il y a beaucoup de choses qui font partie de notre culture populaire, de notre patrimoine qui relèvent des différentes communautés qui composent le Québec.

Mme Garceau : Vous avez parlé de partenariat, et on sait très bien, en ce qui a trait les difficultés qu'ont les musées régionaux sur le plan financier, tout ça... Est-ce que vous voyez un rôle que ce musée pourrait jouer pour aider les musées régionaux en tant que... pour, si je peux dire, que certains aspects de l'histoire soient peut-être racontés dans différents musées régionaux?

Mme Robert (Camille) : Bien, le souci d'inclure l'histoire régionale, c'est une préoccupation qui est revenue chez plusieurs des collègues qu'on a consultés. Puis, souvent, ces petits musées régionaux, c'est revenu, là, dans les audiences, mais... ont très peu de ressources. Les sociétés d'histoire locales aussi ont très peu de ressources puis accomplissent un travail quand même assez important avec peu de moyens.

Donc, effectivement, je pense qu'il pourrait y avoir des partenariats mutuellement bénéfiques, ça va être aussi présent dans notre mémoire, mais qui permettent, un, d'aider, de soutenir ces lieux locaux d'exercice, de compréhension de l'histoire, mais aussi ça bénéficierait, je crois, à ce futur musée national.

Mme Larochelle (Catherine) : Puis c'est des collaborations qu'on pense au-delà du monde muséal. Donc, on n'est pas muséologues, nous-mêmes, on est plus ancrés dans le monde historien. Et donc c'est un amendement qu'on propose dans nos recommandations, c'est vraiment de... plus le musée aura pour mandat de mettre en œuvre des collaborations avec des sociétés d'histoire régionales et locales ainsi qu'avec des centres d'archives... Parce que... pourquoi ces collaborations sont importantes à nos yeux?, d'ailleurs, c'est ce qu'on a entendu de beaucoup de nos collègues, et notamment de collègues qui travaillent dans les milieux communautaires, dans ces lieux-là, c'est que ces lieux là, ainsi que les lieux de la recherche universitaire, ils sont souvent aux premières loges des enjeux historiques qui sont en demande, en fait, par les citoyens, des questions que les citoyens se posent, et ils veulent chercher des réponses dans l'histoire. Et donc c'est des lieux qui sont vraiment aux premières loges, et les collaborations avec le musée seraient très bénéfiques, en ce sens qu'après le musée aurait, comment dire, une légitimité, puis il serait porteur vraiment de ces quêtes de sens qui ont cours tous les jours partout au Québec.

Mme Garceau : Merci beaucoup. Je pense que c'est...

La Présidente (Mme Poulet) : Oui. Parfait. Alors, je cède maintenant la parole au député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, j'ai beaucoup de questions, peu de temps, ça fait que je vais vous poser quelques questions en me disant que vous allez bien... vous pourrez répondre à celles que vous estimez... à laquelle vous estimez que vous avez le temps de répondre, mais c'est comme une variation sur un même thème.

Mettons, la principale question, ce serait : Comment on pourrait définir la nation québécoise aujourd'hui? Sous-question : Comment on définit une nation? Autre question : Comment on... par quoi on ne peut pas définir une nation? Et dernière question : C'est quoi, les enjeux, actuellement, dans le milieu académique autour de la définition de la nation ou de la nation québécoise? Désolé.

Mme Robert (Camille) : Est-ce qu'on a deux ou trois heures pour répondre à vos questions?

M. Zanetti : Bien, c'est ça, c'est pour ça que j'ai mis plusieurs... j'imagine qu'il y en a une, là-dedans, qui se répond plus vite, là, mais je vous laisse choisir.

Mme Robert (Camille) : Bien, il y a plusieurs sens à la nation québécoise, tu sais, autant des philosophes, que des politologues, que des...

Mme Robert (Camille) : ...tout le monde vous donnera une réponse différente, mais on peut l'entendre dans différents sens. Si on y va avec une vision plus inclusive de la nation, tu sais, les gens finalement qui habitent ici, qui ont un rapport d'appartenance au Québec, autant des gens qui ont un statut de citoyenneté que d'autres qui n'en ont pas pour différentes raisons, c'est des gens qui sont là parfois depuis 10 ans, d'autres qui sont là depuis plusieurs générations, donc le rapport à la nation, il est complexe. Puis je pense que les audiences ont permis de montrer que ça n'allait pas de soi, c'est quoi, la nation québécoise, qui s'identifient comme faisant partie de la nation québécoise. Puis, même chez des personnes autochtones, vous aurez toutes des réponses très différentes, variant d'une personne à l'autre, même quelqu'un... des personnes au sein d'une même communauté. Donc, je pense que c'est assez complexe d'identifier ce que c'est.

Mais quelque chose qu'on voulait mettre de l'avant dans notre allocution, je pense, c'est que la nation, c'est aussi quelque chose qui s'est construit historiquement, qui a pris différentes formes à travers l'histoire, et qu'en retour l'histoire participe de la construction de cette nation-là à travers des récits, à travers l'enseignement, à travers des musées aussi. Donc, je ne sais pas si tu voulais intervenir.

Mme Larochelle (Catherine) : Oui. Bien, je pense que c'est vers là que je m'en allais aussi, c'est-à-dire que l'histoire construit aussi la nation. Et donc l'occasion de ce musée-là, c'est une occasion de participer à construire qu'est-ce qu'on entend par nation québécoise aujourd'hui. Puis c'est pour ça qu'on propose une histoire plurielle, c'est-à-dire d'offrir finalement à tous ceux qu'on veut dans cette nation-là une histoire qui puisse satisfaire leur besoin de compréhension de ce parcours historique. Et donc c'est pour ça qu'on ne peut pas statuer d'emblée c'est quoi, ces besoins de compréhension, puis on ne s'est pas prononcé sur le contenu précis, parce que ça, ce n'est pas justement un travail, disons, qui relève... qui doit se faire entre ces murs, mais qui doit se faire plutôt par les équipes muséales qui sont au courant de quelles sont les préoccupations.

Il a été dit avant nous par les intervenants précédents que ce sont les enseignants d'histoire au secondaire qui demandent davantage de matériel pédagogique pour enseigner différemment puis enseigner de façon plus profonde l'histoire des Premières Nations. C'est quelque chose qu'on remarque beaucoup à l'université aussi, les étudiants ont soif de comprendre ces histoires-là, ont soif de comprendre aussi les questions de colonialisme et tout ça. Et donc l'histoire sert... c'est ça, elle sert à construire la nation, elle est aussi un produit de la nation. C'est un peu tautologique, là, c'est un peu un cercle qui se nourrit.

Mme Robert (Camille) : Mais une pièce aussi qu'on a évoquée dans notre allocution, c'est que, à travers des approches thématiques, on peut parler de plusieurs choses. Si on parle de rapport à la culture, de rapport à la langue, bien, on est... oui, on peut parler de la nation québécoise, mais on peut parler aussi de plein d'autres choses puis de voir c'est quoi, les liens entre, par exemple, les déplacements des canadiens-français vers les États-Unis pour le travail ou des déplacements forcés de certaines populations qui ont pris refuge au Québec lors de vagues d'accueil des réfugiés. Donc, je pense, dans le milieu académique, du moins, on est moins dans cette... oui, il y a des gens qui s'intéressent à l'histoire de la nation, bien sûr, mais on est aussi dans des approches thématiques qui permettent d'examiner une très grande variété d'enjeux dans toute leur complexité.

La Présidente (Mme Poulet) : Je vous remercie. Très intéressant. Alors, je vous remercie de votre contribution aux travaux de la commission. Je suspends les travaux quelques instants afin d'accueillir le prochain témoin.

(Suspension de la séance à 11 h 19)

(Reprise à 11 h 25)

La Présidente (Mme Poulet) : Oui, alors, de retour en commission sur l'étude de projet de loi. Alors, on accueille maintenant Mme Lamoureux. Alors, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous exposer vos propos, votre mémoire, et, par la suite, il va y avoir une période d'échange. Alors, allez-y, on vous écoute.

Mme Lamoureux (Johanne) : D'accord. Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés, à titre de titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la muséologie...

Mme Lamoureux (Johanne) : ...citoyenne, je vous remercie de l'invitation qui m'a été faite de venir présenter devant vous quelques réflexions sur la création annoncée par le projet de loi n° 64, le Musée de l'histoire nationale du Québec.

Je vous propose trois recommandations, élaborées autour des trois concepts que le projet convoque, le musée, l'histoire, la nation. Les trois termes ont en commun d'avoir simultanément connu leur premier apogée durant la seconde moitié du XIXe siècle, bien que le Québec, comme d'autres jeunes nations, se les soit appropriés un peu plus tardivement, au cours du XXe. Constater ça, c'est dire qu'il paraît de toute première importance de nous assurer que la création de cette nouvelle institution prévoie des mécanismes de réflexion et d'actualisation qui rendent pertinentes, aujourd'hui, chacune de ces trois notions, puisque leur connotation, voire, parfois même, leur définition s'est beaucoup modifiée en près de 200 ans. Et la question se pose de savoir comment doter cette structure d'un mode opératoire qui lui permette d'être pertinente aujourd'hui et d'évoluer dans le temps.

Les musées — d'autres que moi ont dû vous le dire — se distinguent par leur haute cote de crédibilité auprès des publics. Il y a eu une enquête en 2006, une autre, en 2016, par Patrimoine Canada, qui ont montré qu'entre 86 % et 94 % selon les questions, des répondants déclaraient avoir confiance dans les musées davantage que dans la presse écrite ou les médias électroniques. Le fait qu'ils les consultent moins souvent est peut-être un facteur de cette confiance. Les musées constitueraient donc une source fiable pour le récit, la fabrication et la compréhension de l'histoire. De surcroît, je pense qu'on s'entendrait à dire que le musée est aujourd'hui une institution vivante, dont la définition a récemment fait l'objet d'un débat international, avant d'être promulguée à Prague en août 2022.

Le tournant mettant davantage l'attention sur les personnes que sur les objets aux musées avait déjà été initié il y a une cinquantaine d'années, mais la nouvelle définition renvoyait et renvoie toujours à la relation avec les communautés, plutôt qu'avec les publics, et insistait moins sur la conservation — le mot d'ordre est, désormais, la diffusion — qu'elle n'insistait sur la durabilité. Dans cette perspective, l'esquisse de projet du futur musée donne confiance. Pas de construction envisagée, mais une reconversion d'un lieu patrimonial. Pas de collection à étudier, accumuler, enrichir et entreposer dans des réserves, qui, par définition, sont toujours insuffisantes, surtout quand il s'agit de collections d'histoire, puisque pratiquement tout peut y entrer. L'absence de collections permanentes palliée, il semblerait, par l'emprunt aux collections du Musée de la civilisation pourrait aussi servir à mettre à profit d'autres collections, d'art, de science, que celles-ci soient ou non nationales.

Le musée n'est plus une institution qui se contente d'incarner un récit stable dans une suite d'artefacts uniques ou exemplaires. D'une part, l'émergence de nouveaux types d'expériences muséales, par exemple, le mode immersif, signale que l'objet n'est peut-être même plus le principal vecteur de transmission de la culture. D'autre part, l'expérience de l'objet que font les visiteurs de musées, quand ils sont confrontés à un objet, paraît moins orientée par leur désir d'en éprouver la singularité et l'unicité que par la possibilité de le capter, de le multiplier en images à partager.

• (11 h 30) •

Pour crédibles qu'ils soient, les musées ne font pas moins aujourd'hui l'objet de remises en cause, à laquelle les professionnels du milieu participent souvent, en se dotant de démarches réflexives, voire critiques, qui les honorent. Je pense qu'on a tendance à penser que ce sont les experts muséologues qui mènent la critique de l'institution muséale, alors qu'elle est très vivante du sein même de l'institution. C'est que la grande question de l'heure, pour le musée, sa manière de s'actualiser et de savoir s'il peut ou non être une institution décoloniale, une institution qui ne soit pas fondée sur l'extraction, et plus... et l'accumulation de ce qui a été extrait des lieux où les objets sont trouvés, et, plus subtilement, qu'il ne soit pas un système de classification occidentale qui est souvent une hiérarchie déguisée et qui force des objets à se conformer à des critères...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Lamoureux (Johanne) : ...par rapport auquel il ne se situe pas. Certains doutent même que le musée puisse être décolonisé, mais je poursuis un partenariat de recherche avec six des grands musées québécois et canadiens, et je dois dire qu'au moins la moitié de ces partenaires, de ces grands partenaires muséaux, sont activement engagés dans une telle démarche d'autochtonisation, dans cette perspective de décolonisation. Vous me direz qu'un musée sans collections va échapper à l'écueil de la colonisation, mais s'il a pour but ou pour mandat de commencer en 1608 et que sa création est déjà engagée sans avoir consulté en amont les communautés autochtones, sans avoir éprouvé la nouvelle temporalité qu'une telle démarche entraîne dans nos processus généralement un ralentissement, il ne pourra qu'avoir des assises coloniales et, pire, des assises coloniales non reconnues.

Ce faisant, aujourd'hui, un tel musée compromettrait sa crédibilité, voire sa légitimité ici et ailleurs. Et indépendamment de la question que cela soulève, dans un monde où la communication fait loi, il risque d'être victime de la perception que les gens d'ici et d'ailleurs en auront.

Ma première recommandation serait donc d'inclure un mécanisme de consultation autochtone et, par exemple, de constituer le comité aviseur autochtone sur la question, plutôt que de privilégier un ou une représentante autochtone. C'est un système qui ne fonctionne pas vraiment, personne ne se sentant autorisé à parler pour tous. La formule d'un comité est préférable et beaucoup de musées l'ont mis en place pour la poursuite de leurs activités.

Je serai plus brève sur les deux autres thèmes. La création, la création d'un musée, caractérisé par un mandat disciplinaire qui s'inscrit dans un champ constitué du savoir, l'histoire, s'avère de plus en plus rare. À vrai dire, presque tous les musées et les musées montréalais, très certainement, ont pour visée de se présenter sous un mandat élargi qui dit de moins en moins son nom disciplinaire. Les musées d'art se veulent non pas des musées d'histoire de l'art, mais des musées culture. Les musées de sciences ne sont pas des musées de botanique, d'entomologie ou d'astronomie, ils sont des espaces pour la vie. Les centres d'histoire se réinventent comme centres de la mémoire. La grande opération du XIXᵉ siècle, où les musées ont spécialisé leur champ de collectionnement, semblent avoir été abandonnés, probablement pour être plus attractifs à un plus grand public, probablement aussi à cause de la liberté que cela offre de se nourrir à plusieurs disciplines et de proposer des expériences qui sont chapeautées par des thèmes plus quotidiens. Hein, on a plus envie d'aller dans un espace pour la vie que dans un musée entomologique.

Et voici que, dans un tel contexte, on nous promet bravement un musée d'histoire. Nous savons tous, empiriquement, que la pratique rétrospective de l'histoire, qui a eu cours au XIXᵉ siècle, un siècle qu'on a dit le siècle de l'histoire, n'a plus cours depuis des décennies. L'histoire, émancipée des seuls enjeux géopolitiques de la nation, a vu son champ s'élargir sans limites. On peut aller chercher à la bibliothèque une histoire des larmes, une histoire du savon. Tout objet en tant qu'il est investi par des pratiques et des relations situées dans le temps est désormais susceptible de voir se nouer autour de lui des relations à éclaircir, à démêler et à traduire en récits incarnés en objets. Nous sommes passés d'une histoire positiviste, qui se prenait pour une reconstitution du passé, à une histoire qui reconnaît l'impact de ses propres opérations intellectuelles, de ce qu'elle reconnaît comme document et du statut qu'elle donne à ceux-ci dans le récit qu'elle produit.

L'histoire se fabrique, c'est un lieu commun et c'est pour ça qu'elle est intéressante. Mais qui plus est, je pense que nous serions tous d'accord aujourd'hui, l'histoire se trafique. Et donc en guise de deuxième recommandation, je souhaiterais voir l'institution annoncée dotée de mécanismes de réflexion sur la fabrique de l'histoire.

La Présidente (Mme Poulet) : Je m'excuse de vous interrompre, madame, le temps est...

La Présidente (Mme Poulet) : ...écoulé. Alors, on va procéder à la période d'échange avec le ministre pour une période de 16 min 30 s.

M. Lacombe : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Et il vous restait un paragraphe, vous dites?

Mme Lamoureux (Johanne) : Oui.

M. Lacombe : Bon, bien, allez-y, on vous écoute.

Mme Lamoureux (Johanne) : En guise de deuxième... Je souhaiterais voir l'institution annoncée dotée de mécanismes de réflexion sur la fabrique de l'histoire dans un modèle qui convoque les experts, bien sûr, et leurs perspectives, mais aussi qui convoque les citoyens à des laboratoires quasi pédagogiques sur l'histoire, à une sensibilisation de la fabrique. Et je ne peux pas croire que le projet d'histoire de la nation, sur lequel... sous lequel le nouveau musée s'inscrit, va se penser comme une doxa, comme le prêt-à-porter d'un grand roman national, parce que j'ai trop confiance dans le monde muséal québécois. Mais il faudrait aussi résister à la tentation spéculaire, au désir de créer un musée miroir qui cherche à produire de la ressemblance à tout prix, de nous fusionner tous dans certains engouements, histoire d'en finir avec la différence. Le goût du portrait dans les métaphores politiques du Québec m'ont beaucoup intéressé. Je me rappelle du temps où, autour des lois d'affichage, la loi 101, on parlait du visage linguistique de Montréal. Il faut donc que le déploiement du national bénéficie de la polyphonie que favorisent les pratiques muséales et qu'on développe des récits de façon chorale, avec beaucoup de solos, certes, mais dans un élan qui cherche à devenir plutôt qu'à ressembler à ce qu'on connaît déjà. Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : Alors merci, M. le ministre, vous avez pris de votre temps pour que madame puisse terminer son exposé. Alors je vous cède maintenant la parole.

M. Lacombe : Merci. J'attendais comme... comme un réflexe que vous me donniez la parole, mais, dans le fond, la période était déjà commencée. Merci. Merci pour ce témoignage comme on l'appelle. Donc, merci de nous avoir fait part de votre point de vue sur le projet de loi. Je vais peut-être rebondir tout de suite sur ce que vous venez tout juste de dire. Vous dites que vous espérez que ce ne soit pas, et là je vous cite de mémoire, mais que ce ne soit pas un musée miroir où on va un peu faire l'apologie de seulement de ce qui nous... de ce qui nous rassemble en faisant abstraction des différences. Mais en même temps, est-ce que vous n'êtes pas d'accord pour dire que la nation québécoise, c'est justement ça? Ce sont des individus qui, malgré leurs différentes origines, souvent, partagent plusieurs choses en commun. Vous avez, vous avez parlé de la langue rapidement, notamment la langue, mais aussi des valeurs qui sont des valeurs québécoises. Je suis certain qu'on pourra nommer tous et chacun qui est qui font consensus. Donc au-delà des différences bien sûr, qui font la richesse de notre nation, il y a aussi ce qui nous rassemble. Puis faire un musée, donc sur la nation québécoise, est-ce qu'en ce sens-là, ce n'est pas justement une bonne idée?

Mme Lamoureux (Johanne) : Je n'ai aucun problème avec l'idée. Je pense que mes remarques ne touchent pas le contenu en la ressemblance. Bon, on peut parler de... on peut parler de hockey, on peut parler de langue, on peut parler... Demander une approche polyphonique, c'est viser la manière dont on va l'aborder. Il faut essayer de sortir de discours hégémoniques, de discours monolithiques et d'essayer de décliner toutes les possibilités autour d'un contenu donné.

M. Lacombe : Quand vous... quand vous parlez de la nation québécoise, juste pour qu'on puisse bien situer  peut-être votre réflexion là-dessus, quel est votre point de vue par rapport à l'existence ou non d'une nation québécoise ou comment la conceptualisez-vous, si je peux vous le demander?

Mme Lamoureux (Johanne) : Écoutez, comme historienne de l'art, je n'ai pas énormément passé de temps à conceptualiser la nation et donc pour moi, c'est une réalité qui existe. Il y a une nation québécoise. Je trouve que cette remarque-là était claire dans ma conclusion où j'invitais à faire un musée qui serait du côté du devenir plutôt que de la ressemblance. Et donc je me suis beaucoup intéressée à la façon dont les préoccupations envers la langue impactaient mon domaine, par exemple, à savoir la production artistique. Comment est-ce qu'on est un artiste visuel dans une société qui est obnubilée par des questions de langage? Donc oui, les caractéristiques de la nation québécoise m'ont beaucoup, m'ont beaucoup intéressé et je reconnais qu'il y en a une.

• (11 h 40) •

M. Lacombe : D'accord...

M. Lacombe : ...et quand vous... Donc, vous êtes d'accord avec l'idée d'un Musée national de l'histoire du Québec qui aurait pour objet donc principal l'histoire de la nation québécoise?

Mme Lamoureux (Johanne) : Oui, avec l'idée. Comme je vous dis, moi, je pense que c'est une excellente idée de parler d'histoire au Québec.

M. Lacombe : D'histoire, parce que le débat, il est beaucoup autour de l'histoire du Québec. Donc je pourrais simplifier en disant l'histoire des gens qui, historiquement, ont occupé le territoire québécois et l'histoire de la nation québécoise, et là, bon, on dit souvent : Bien, le titre du projet de loi, c'est pour la création du Musée national de l'histoire, alors que l'intention du législateur est on ne peut plus claire, c'est-à-dire créer un musée où le principal objet sera l'histoire de la... l'étude de l'histoire de la nation québécoise. Donc, où est-ce que vous vous situez sur... dans ce spectre-là? Est-ce que, pour vous, c'est une bonne idée d'avoir un musée parce qu'il n'en existe pas qui s'intéresse à l'histoire de la nation québécoise?

Mme Lamoureux (Johanne) :  Alors moi, je suis assez intéressée, d'une par, par l'idée qu'il y ait un musée disciplinaire, en l'occurrence ici l'histoire, mais qui permet justement de faire le point à partir des experts, à partir des citoyens. Tout le monde a un point de vue sur l'histoire, donc je n'ai pas de... je n'ai pas de problème avec cette histoire nationale. Je... Au risque de dire un lieu commun, je mettrais plutôt un S à tout ça. Je pense qu'aujourd'hui parler d'une histoire nationale du Québec, ce n'est pas envisageable. Il peut y avoir une nation et des histoires.

M. Lacombe : Intéressant.

Mme Lamoureux (Johanne) : Et je pense que c'est comme quand je parle d'une polyphonie, plusieurs fois, je pense à quelque chose de semblable et je pense que ça enrichit le discours sur l'histoire.

M. Lacombe : Mais à... C'est intéressant, là, parce qu'à ce moment-là, comment faites-vous la distinction entre la société québécoise puis la nation québécoise? Il y a des... il y a certains de vos collègues universitaires qui sont venus me dire : Il y a une distinction très nette entre la société québécoise qui est composée de différentes... de gens de différents horizons et la nation québécoise qui, finalement, c'est ce qui nous lie.Bon. Tantôt, on en parlait tantôt, là, il y a des éléments qui nous lient ensemble puis qui font de nous une nation. Avec ce que vous venez de dire, quelle distinction faites-vous entre nation puis société? Parce que vous parlez davantage, vous, d'un musée de la société québécoise, là, si je comprends bien, ce qui existe déjà avec le Musée de la civilisation.

Mme Lamoureux (Johanne) : C'est... Exactement, et on voit bien qu'il y a tellement de musées qui changent de nom maintenant. On a vu le Musée des civilisations au Canada devenir un musée d'histoire. Donc, on voit bien qu'il y a une proximité entre les deux. Dans le temps qui m'est alloué, je vous dirais qu'un... très certainement un des grands déterminants de la différence est politique, et que les pressions politiques risquent d'être plus importantes dans la création d'un musée de la nation que dans un musée de la société québécoise.

M. Lacombe : Je comprends, et puis on pourra revenir sur l'indépendance après rapidement. Mais j'essaie d'y aller rapidement aussi. Vous dites que vous êtes d'accord, j'essaie de bien comprendre, là. Vous dites que vous êtes d'accord avec l'idée d'avoir un musée qui va s'intéresser à l'histoire de la nation québécoise.

Mme Lamoureux (Johanne) : Oui.

M. Lacombe : Mais en même temps, vous nous dites donc on a le concept de nation. Vous me dites que vous êtes d'accord avec avec un musée là-dessus, mais en même temps, vous nous dites après : Bien, pour moi, pour être davantage représentatif, il faudrait que ce soit un musée des histoires parce qu'il y a l'histoire de plusieurs peuples qui... au Québec. Donc là, on est davantage dans le concept de société, un terrain qui est déjà occupé par le Musée de la civilisation. Je reviens au concept donc d'un musée national de l'histoire, un musée sur la... l'histoire de la nation québécoise. Comment vous, vous...

Mme Lamoureux (Johanne) : Bien, la nation, elle ne se constitue pas dans une éprouvette, hein? Elle arrive sur un territoire qui est déjà occupé puis elle décide qu'elle va se constituer là. Donc, déjà là, on a une option de polyphonie, d'avoir plusieurs versions de cette histoire-là.

M. Lacombe :  Oui.

Mme Lamoureux (Johanne) : Mais ce n'est pas une génération spontanée, la nation québécoise, là.

M. Lacombe : Non, non, tout à fait. Elle s'est construite sur des centaines... sur des centaines d'années, là, puis après, bon, on peut... on peut s'obstiner sur les dates, mais... Donc, est-ce que... est-ce que, si on met bien en contexte la façon dont la nation québécoise est née, c'est-à-dire, elle est née de rencontres puis, évidemment, comme vous dites, elle n'est pas dans une éprouvette sous une cloche de verre, c'est-à-dire elle est en interaction avec... Son histoire à la nation québécoise, elle est aussi entremêlée à celle des nations autochtones par exemple. La nation québécoise, elle s'est construite avec des vagues d'immigration, des communautés...

M. Lacombe : ...d'ailleurs dans le monde qui se sont installés ici, qui ont participé à faire du Québec ce qu'il est aujourd'hui. Si on tient tout ça en considération, est-ce que ça, ça répond à vos préoccupations?

Mme Lamoureux (Johanne) : Oui, dans la mesure où il y a une reconnaissance et une participation des autochtones à ce récit-là. Oui, je trouverais ça aberrant qu'un musée raconte la... cette naissance d'une nation québécoise en effaçant cette question-là, ça m'apparaît... puis il faut penser qu'un musée soit ou non un musée d'histoire nationale, il va exister sur une scène internationale. Ça n'existe plus des musées de la nation par la nation, pour la nation. Les musées sont les musées, ils existent au regard de tous, et je ne pense pas qu'on serait énormément crédibles si on procédait à un tel effacement et à une telle réécriture de l'histoire.

M. Lacombe : Et, si je vous disais qu'il y a déjà des rencontres qui ont eu lieu, des discussions qui ont eu lieu entre le Musée de la civilisation, qui est chargé des expositions, et le conseil en éducation des Premières Nations, justement, pour s'assurer qu'on se positionne bien sur la contribution, donc, des Premières Nations et des Inuits à la construction de la nation québécoise, et que, sur le comité scientifique qui va être constitué par le musée, il y aura aussi au moins, là, un représentant des nations autochtones., ou, en tout cas, un expert en ces questions-là, est-ce que ça vous rassure?

Mme Lamoureux (Johanne) : Ça me rassure qu'il y ait eu des consultations avec le conseil pédagogique. Je vous dirais que le modèle de la représentation par une personne me paraît absolument... comme Québécois, moi, je l'ai tellement vécu au Canada, être la francophone qui doit assurer dans un comité ou dans un jury, c'est un modèle qui m'indispose.

Et maintenant les musées, généralement, pour ces questions-là, ont un comité aviseur autochtone. Une des choses, une des manières de faire qu'on apprend à travailler avec les autochtones, et ma génération, évidemment, a dû apprendre à faire ça, parce que, pendant des années, on ne s'en est guère occupé, on apprend que ce que les autochtones aiment, dans ces délibérations-là, ce qu'ils valorisent, c'est d'échanger avec d'autres autochtones sur le projet en question, pas simplement avec leurs interlocuteurs dans le cadre du projet, et donc leur fournir un espace de discussion sur la question qui est susceptible de faire générer des approches plus stimulantes. Et donc, moi, je proposerais un comité aviseur autochtone plutôt que la représentation d'une seule personne.

M. Lacombe : D'accord. D'accord, je comprends. C'est un sujet qui est complexe et délicat. Tantôt justement, un comité aviseur pour la naissance de ce projet, j'entends l'idée. En même temps, quand je dis que c'est délicat, on a entendu justement tantôt le Conseil en éducation des Premières Nations nous dire qu'ils ne veulent pas non plus cautionner. Je comprends tout à fait, là, un musée qui glorifierait, en quelque sorte, avec un certain effet qu'il pourrait créer, la nation québécoise, alors que, pour les Premières Nations, les Inuits, évidemment, ça a été les colonisateurs, donc les envahisseurs à un certain moment. Donc, on est dans un terrain qui est délicat. Mais j'entends bien votre suggestion.

Puis sur... peut-être sur les collections, ça m'a fait sursauter un peu tantôt, parce que la... de la façon dont vous présentez... Vous avez... Vous avez parlé de collections en présentant l'absence de collections, comme si le musée n'aurait jamais de collections. C'est à dire effectivement, on n'a pas de collection de départ, mais il est prévu que le musée puisse se doter... en fait, il va devoir se doter d'une collection, puis il va avoir ce mandat-là. C'est dans la loi. Est-ce que c'était votre perception ou est-ce que vous trouvez que c'est une bonne chose?

• (11 h 50) •

Mme Lamoureux (Johanne) : Pas vraiment. Les débats les plus stimulants et raides sur les collections, sur les musées se font autour des collections, et des collections de musées d'histoire, parce que, par définition, est historisable à peu près n'importe quoi, hein? Ça, c'est dans le mécanisme qu'on a étudié tout au long du XXᵉ siècle. Quelque chose va être historique parce que c'est ancien, parce que c'est unique, parce qu'on ne voit pas de quel droit on l'exclurait du champ de l'histoire. Et donc très rapidement les musées croulent, hein, il y a même un groupe de travail américain, Active Collections, qui accuse les musées d'histoire de souffrir de «hoarding», parce qu'il vient un moment donné où on n'arrive plus à...

Mme Lamoureux (Johanne) : ...gérer cette masse-là.

M. Lacombe : Non, je comprends. Ça doit être... ça doit être du sport. Je pense que vous l'avez bien mimé tantôt, mais... Puis en terminant peut-être, et je suppose qu'il nous reste à peu près une minute, mais je vous pose la question. J'aimerais bien que ce musée soit très numérique, c'est-à- dire pas, pas exclusivement, mais qu'il se serve des moyens numériques, entre autres, pour nous faire revivre des moments historiques puis un peu comme si on y était. Je trouve que c'est une belle façon notamment d'initier nos jeunes à notre histoire en leur faisant vivre des moments. Qu'est-ce que vous pensez de cette technologie dans les musées?

Mme Lamoureux (Johanne) : Je suis... Je n'en ai pas parlé parce que ce n'est pas ma spécialité, mais je vous remercie de le souligner. Je pense que c'est très important de déployer les outils numériques et de les déployer avec rigueur. J'ai eu l'occasion de constater que, souvent, les reconstitutions sont l'occasion d'embellir la réalité à partir de données qu'on n'a pas, mais que le numérique nous permet d'inventer. Et donc je suis complètement pour le numérique, mais un numérique rigoureux...

M. Lacombe :  Super! Merci.

Mme Lamoureux (Johanne) : ...comme le reste de ce qu'on aurait dans les musées.

M. Lacombe : Bien, comme le reste d'ailleurs, effectivement, comme les expositions. Merci beaucoup. Merci d'avoir répondu à mes questions.

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on poursuit la période d'échange avec la députée de Robert-Baldwin.

Mme Garceau : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, Mme Lamoureux, pour votre témoignage. J'aimerais revenir sur tout l'aspect de consultation avec les autochtones. Vous avez parlé d'un comité aviseur comité aviseur, autochtone puis qu'il y en a dans des musées. Pourriez-vous juste élaborer là-dessus en termes de quels musées, comment ça fonctionne?

Mme Lamoureux (Johanne) : Le Musée McCord en a un, et alors chaque musée est un peu différent en fonction du processus d'auto-optimisation où il est rendu. Mais on assisté, par exemple, à la transformation du Musée des beaux-arts du Canada où il y a maintenant un département de voix autochtones et qui a une fonction extrêmement centrale et transversale dans le musée, c'est-à-dire qu'il ne se prononce pas uniquement sur des questions autochtones, mais sur l'ensemble.

Un des malentendus autour de la question autochtone, c'est on va... on va trouver les bons interlocuteurs, les interlocuteurs qui vont vouloir parler avec nous en l'occurrence, et on va leur montrer ce qu'on veut faire puis on va leur demander leur avis. Mais l'époque dans les musées est à la co-création, et ce qu'il faut leur demander, c'est : Vous raconteriez ça comment? Et à partir de là, qu'ils aient un espace pour ajouter des éléments qui façonnent le récit dès le départ, pas trouver une version de l'histoire qui viendrait valider. Ça n'arrivera pas ça parce qu'un des principes de base de la recherche avec les autochtones maintenant, c'est l'autodétermination de la recherche autochtone. Donc, il faut les laisser amener les éléments qu'ils voudraient avoir.

Alors, le Musée McCord a un comité aviseur, le Musée des beaux- arts du Canada, de manière beaucoup plus centrale, un département avec un vice-directeur aux affaires autochtones, ce qui s'appelle Les voix autochtones et où, comme l'expliquait ce directeur, Steve Luft, à un événement qu'on a organisé, toutes les décisions du musée sont susceptibles d'être impliquées dans ça. On ne recrute plus de la même manière. On a une hygiène de travail qui est affectée par ça. C'est vraiment une rencontre de civilisations si vous voulez, et donc ça, c'est... je dirais que c'est la modification la plus profonde.

D'autres le font de manière plus informelle, je sais, et ça, mes informations ne sont pas fraîches, datent d'à peu près cinq ou six ans, que le Musée des beaux-arts de Montréal consultait quand il y avait... uniquement quand il y avait des questions qui touchaient la réalité autochtone.

Nous, quand on... j'ai organisé une exposition sur les... au Musée des beaux-arts du Canada, et on avait une idée un peu originale qui n'était pas nécessairement sympathique de tous les côtés, on est allés exposer l'idée au... à l'Association des conservateurs autochtones pour voir si c'était gérable et selon quels paramètres ils faisaient. Les musées le font depuis cette expo-là, elle était il y a déjà une vingtaine d'années. Donc, c'est des pratiques que les musées ont depuis très longtemps.

Mme Garceau : Donc, il y a le comité aviseur, mais tel que mentionné par le ministre, il va y avoir également...

Mme Garceau : ...comité scientifique, et ce comité scientifique va être responsable du contenu, du volet contenu historique et numérique. Donc, je... Est-ce que, compte tenu qu'il va y avoir un comité, si je peux dire, scientifique, peut-être qu'il devrait y avoir un comité scientifique autochtone ou au moins des représentants des des Premières Nations sur ce comité scientifique.

Mme Lamoureux (Johanne) : Préférablement plus qu'un, je dirais, mais, de toute façon, si vous avez un comité aviseur autochtone, il y a des solutions qui vont venir de ça. Il faut comprendre aussi qu'une des oppositions qui sous-tend ce que vous dites, c'est que nous, on va avoir la science, on va avoir un comité scientifique, donc pour les savoir, on va être solide. Après ça, on va prendre leur point de vue, qui serait juste un point de vue. Il y a des savoirs autochtones, hein? Et le savoir ne sera pas du côté des scientifiques, il va être autant du côté du... et ça va être l'articulation de deux régimes de savoirs ou même de plusieurs régimes de savoir.

Mme Garceau : Oui, exactement. Donc, sur les deux comités, si on peut dire. Lorsque vous parlez, peut-être pas un représentant, si vous pourriez élaborer à ce sujet là. Donc, combien de représentants?

Mme Lamoureux (Johanne) : Bien, moi... Oh! je ne sais pas combien de membres il y a sur votre comité, là, donc je ne peux pas... je ne peux pas vous dire ça prend... Mais, par définition, ce qu'on appelle un peu familièrement le... à mon avis, vous ne trouverez pas un autochtone pour participer comme seul autochtone à un tel comité s'il n'y a pas une structure ouverte de dialogue avec les communautés sur ces questions-là.

Mme Garceau : Est-ce que le musée devrait s'inspirer... Parce que je le sais qu'on a eu un groupe cet avant-midi, le Conseil en éducation des Premières Nations. Ils parlaient beaucoup... Ils ont mentionné le Musée McCord et M. Jonathan Lainey, si ma mémoire m'est fidèle. Est-ce qu'on doit s'inspirer en termes de qu'est-ce que le Musée McCord fait en ce qui a trait...

Mme Lamoureux (Johanne) : Le Musée McCord est un modèle parce qu'il est sur un processus d'autochtonisation. Il n'a pas encore centralisé la chose aussi radicalement que le Musée des beaux-arts du Canada. Ils ont aussi... Mais tous les musées cherchent à avoir un conservateur autochtone, et Jonathan Lainey a effectivement une pratique vraiment importante dans le milieu montréalais pour tous... et il doit être consulté plus souvent qu'à son tour, mais, oui, c'est une référence. Et là il travaille au McCord, qui est un musée d'histoire sociale, hein? Donc, il y a toutes sortes de formes d'histoire pour revenir à la distinction entre nations et sociétés. Mais auparavant, il travaillait au Musée de l'histoire à Ottawa. Donc, il a une bonne compréhension de toutes les scènes.

Mme Garceau : Mme Lamoureux, vous n'avez pas eu l'opportunité de parler, je crois, de votre troisième recommandation.

Mme Lamoureux (Johanne) : Oui, c'est au sujet de la nation. J'en ai parlé... je ne l'ai pas formulé comme... mais c'était sur cette question d'essayer d'éviter le miroir à tout prix, hein, et donc d'aller du côté d'un élan qui cherche à produire une image de la nation québécoise, qui devient plutôt... qu'une nation québécoise qui s'efforce frileusement de se ressembler.

Mme Garceau : O.K. Pour vous, Mme Lamoureux, à la lecture du projet de loi... Parce que vous avez parlé... évidemment, votre première recommandation est liée aux consultations avec les autochtones, et la pertinence, et comment c'est important. Donc, pour vous, à la lecture du projet de loi, est-ce que l'intention du législateur est de vraiment miser sur l'histoire de la nation québécoise, à la lecture du projet de loi, versus l'histoire du Québec?

Mme Lamoureux (Johanne) : J'ai eu ce sentiment-là, et j'aurais été très réconfortée que même le projet de loi, qui est vraiment une esquisse qui ne dit pas grand-chose, là, qui déclare une intention, mais il m'apparaît que même cette intention-là aurait dû compter parmi ses paramètres la question autochtone.

Mme Garceau : O.K. Donc, une. Est-ce que vous avez une...

Mme Lamoureux (Johanne) : Et, oui, je l'ai...

• (12 heures) •

Mme Garceau : Oui. Est-ce que vous avez une recommandation en termes d'amendement, je dirais, à l'article 2, concernant les fonctions qu'on devrait intégrer les peuples autochtones...


 
 

12 h (version non révisée)

Mme Lamoureux (Johanne) : ...oui.

Des voix : ...

Mme Lamoureux (Johanne) : Ça peut être juste de chercher à ouvrir le dialogue et à... mais c'est ça, il faut initier une démarche avec des groupes, savoir que ça va prendre du temps.

Mme Garceau : Oui. Et, pour vous, le début de l'histoire... on devrait commencer à quel moment, l'histoire du Québec ou l'histoire de la nation québécoise? Est-ce que vous voyez une distinction entre les deux?

Mme Lamoureux (Johanne) : Je n'ai pas de problème. Pour moi, la date n'est pas d'une grande importance, mais, si c'est une date de colonisation, il faut que ce soit posé comme une date de colonisation et qu'on reconnaisse que s'initie quelque chose là, dans un terrain où il y a déjà autre chose.

Mme Garceau : O.K. Et vous ne voyez pas de différence entre... Parce qu'il y a des gens qui sont venus nous parler en termes de... le terme de la «nation québécoise», il y a le nationalisme qui a évolué avec le temps en raison des politiques, que c'est quand même un terme politisé. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

Mme Lamoureux (Johanne) : Oui, le terme est politisé. Je vous dirais que, sur les trois termes, là, «musée», «histoire», «nation», il n'y en a... il n'y en a pas un qui veut dire la même chose que ce qu'il voulait dire quand ils avaient leurs apogées communes, à la fin du XIXᵉ siècle, là, donc c'est... Il faut s'embarquer dans un régime de nuances et de différences, oui.

Mme Garceau : Il y a eu des gens qui sont venus nous parler de s'assurer que ça soit un musée rassembleur, une histoire plurielle qu'on devrait intégrer dans la trame narrative de l'histoire du Québec. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça, ces propos?

Mme Lamoureux (Johanne) : Une histoire plurielle, oui. Moi, j'aimerais beaucoup une expo sur le consensus, parce qu'au Québec, on aime ça, quand on est tous d'accord puis qu'on est tous... Et, curieusement, c'est une manière de fonctionner, politiquement, des nations autochtones, et moi, je me suis toujours demandé : Mon Dieu, est-ce que est ce qu'on est... est-ce qu'on a développé un besoin consensuel à travers des années de fréquentation? Chaque fois que je retourne en France, je me dis : Mon Dieu! Je ne peux pas croire qu'on vient de là : ils s'engueulent tout le temps, ils s'obstinent tout le temps, ils ne sont jamais d'accord. Donc, il y a des... il y aurait des notions à explorer qui permettraient de tracer des ponts.

Oui, des histoires plurielles, mais pourquoi pas le musée comme espace de débat? Les musées veulent à tout prix être des institutions qui pacifient la société. Je ne suis pas sûre que c'est là leur mission la plus centrale.

Mme Garceau : Et de réflexion.

Mme Lamoureux (Johanne) : Ça, c'est hyper important. Au moment où on en vient à se demander si, bien... si le sens de l'histoire, apprendre aux... apprendre et discuter avec les citoyens de la fabrication de l'histoire, je pense que ce serait vraiment une fonction pédagogique précieuse du musée.

Mme Garceau : Merci beaucoup, Mme Lamoureux... passer la...

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, oui, je cède maintenant la parole au député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Je vous remercie, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation vraiment éclairante, très intéressante. Effectivement, quelque chose comme une exposition sur les consensus historiques, sur ce qui rassemble, ça pourrait être intéressant, mais aussi un lieu de débat. Je trouve ça vraiment, vraiment fécond.

Évidemment, bon, le projet de loi dresse des lignes directrices beaucoup plus larges que ça, puis j'imagine que ça va appartenir au comité scientifique, mais j'aimerais vous entendre peut-être sur, justement, les gens qui vont faire les expositions, finalement. Puis, quand on regarde le projet de loi, qui est quand même assez bref, on voit que le premier conseil d'administration et la première direction générale seront nommés par le gouvernement, puis ensuite les successifs seront nommés selon les lois habituelles pour tous les autres musées. Mais qu'est-ce que vous pensez de ça, par exemple? Est-ce que vous estimez que cette façon de faire là respecte l'autonomie et l'indépendance des musées, finalement?

Mme Lamoureux (Johanne) : Pas comme je le voudrais. Moi, je suis une adepte du bras de distance et, à partir du moment où le gouvernement intervient dans les nominations, nominations...

Mme Lamoureux (Johanne) : ...et des comités d'administration, nomination, pire encore, des comités scientifiques. Je pense que c'est vraiment aux spécialistes à aller chercher l'expertise avec laquelle ils veulent travailler.

M. Zanetti : Vous connaissez des exemples internationaux, par exemple, de façons de nommer des administrations muséales qui ne donnent pas cette distance-là, pour des musées d'État comme celui-là?

Mme Lamoureux (Johanne) : Je ne suis pas une spécialiste de la gouvernance, donc je pense que la chaire d'Yves Bergeron est plus spécialiste de ces questions-là. Mais comme le concept de «Arm's length policy» la politique de bras de distance triomphe en Angleterre, j'irais voir du côté anglo-saxon voir comment ils font ces choses-là et si de telles nominations en cours ou s'il y a un autre processus qui a été mis en place.

M. Zanetti : O.K., parfait, merci. Et vous avez parlé de l'importance d'actualiser le contenu des musées. Est-ce que vous pouvez nous développer, par exemple, ce point-là?

Mme Lamoureux (Johanne) : Merci, parce que ce n'est pas tout à fait ce que... C'est d'actualiser l'idée de musée. Actualiser les contenus, tous les professionnels sont experts là-dedans. Je ne suis pas vraiment inquiète, on va avoir des contenus actuels au point d'en oublier l'histoire. Donc ça, ce n'est pas du tout une question qui m'inquiète, mais s'assurer qu'on a un musée qui ne retombe pas dans de vieilles ornières de pratiques muséales. Et le grand récit de l'histoire du Québec, ça, ce serait pour les musées qui ne fonctionnent plus en fonction de grands récits comme ça. Il a été un temps où le musée d'art, par exemple, était la mise en récit du manuel d'histoire de l'art. Bien, ce n'est plus ça maintenant, ce n'est plus cette grande histoire-là où on change de chapitre et de pays à chaque fois qu'on change de salle. Donc, c'est plus les façons de faire, de retomber dans de vieilles façons de faire qui m'inquiète que la transformation des contenus. Oui.

M. Zanetti : Bien, je vous remercie. Pour moi ça fait le tour. De toute façon, il me reste 30 secondes. Donc, merci beaucoup.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci, Mme Lamoureux pour votre contribution à nos travaux. Alors, avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques. Alors, je vous remercie, à vous tous, chers membres de la commission, pour votre contribution à nos travaux. La commission ayant accompli son mandat, elle ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 08)


 
 

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