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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mercredi 18 septembre 2024 - Vol. 47 N° 49

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 64, Loi instituant le Musée national de l’histoire du Québec


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures vingt-quatre minutes)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Alors, la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le sujet... sur le projet de loi n° 64, Loi instituant le Musée national de l'histoire du Québec. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Dionne, Rivière-du-Loup–Témiscouata est remplacée par Mme Poulet, Laporte et Mme Ghazal, Mercier est remplacée par M. Zanetti, Jean Lesage.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci. Alors, nous entendrons ce matin les témoins suivants : la Fondation Lionel-Groulx et l'Institut d'histoire de l'Amérique française.

Alors, je vous souhaite la bienvenue, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fondation Lionel-Groulx. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite... je vous invite donc à commencer.

Mme Ferretti (Lucia) : Alors, merci pour l'invitation et bonjour à tous. Permettez-moi de présenter notre délégation, Myriam D'Arcy, directrice générale de la fondation Jacques Beauchemin, sociologue, longtemps professeur à l'UQAM, et moi-même, Lucia Ferretti, historienne, professeure jusqu'à tout récemment à l'Université du Québec à Trois-Rivières.

La mission de notre fondation, c'est d'œuvrer au développement, au rayonnement de la nation québécoise par la promotion de son histoire, de sa langue, de sa culture. Et ça fait 68 ans qu'on existe. On l'a fait de bien des manières, mais, depuis une quinzaine d'années, nous avons acquis une grande expertise dans la production de contenus originaux de qualité et de grande diffusion sur l'histoire du Québec. Et je vais en donner rapidement quelques exemples.

Pendant huit ans, entre 2015 et 2023, nous avons organisé à la Grande Bibliothèque une cinquantaine de rencontres sur les figures marquantes de notre histoire. Ces rencontres étaient animées par l'historien Éric Bédard. Depuis 2019, notre équipe de collaborateurs a bonifié ou rédigé plus de 300 articles dans Wikipédia sur des sujets reliés à l'histoire du Québec. Et plusieurs sont d'ailleurs arrimés au contenu des programmes scolaires...

Mme Ferretti (Lucia) : ...depuis 2022, la fondation produit Nos géants. C'est une série de capsules pédagogiques qui met en valeur les personnalités qui ont contribué à la défense et à la vitalité du français au Québec. Et enfin, depuis cette année, nous nous intéressons à 12 lois qui ont marqué le Québec. Ces lois du droit civil ont structuré la société québécoise de manière unique depuis 1867. Ces entretiens sont animés par la vulgarisatrice en histoire, Myriam... et se déroule à la Grande Bibliothèque. Pour tous ces projets, nous avons bénéficié de partenariats majeurs avec des organisations dont la crédibilité est immense. BANQ, MATV, VLB éditeur, TVA, Télé-Québec en classe, la plateforme pédagogique Ma zone CEC Cube télé. Ces organisations, tout comme la présence de nos entretiens sur le web, ont assuré à nos productions une diffusion considérable.

Tous ces succès nous portent à penser que nous pouvons,  sans fausse humilité, apporter une pierre utile à la construction de ce magnifique projet qu'est un Musée national de l'histoire du Québec. Parce que, vous l'avez lu dans le mémoire, nous disons un oui enthousiaste au projet de loi n° 64. Ce musée est pertinent. Selon nous, il est même nécessaire, compte tenu de la nature particulière, unique du Québec dans le contexte canadien et nord-américain. Partout, les petites nations comme la Catalogne ou l'Écosse, ou les États fédérés comme la Bavière, la Californie, le Nouveau-Brunswick, beaucoup d'autres, disposent de tels musées. L'heure du Musée national d'histoire du Québec est venue.

Nous affirmons d'ailleurs que ce musée sera pertinent dans la mesure où ce sera le Musée de l'histoire nationale des Québécois. Là, je ne vous donnerai pas un cours, mais j'aimerais quand même prendre quelques secondes pour faire la différence entre nation et société, hein? Alors, une nation, c'est une collectivité d'individus vue dans ce qu'ils ont en commun, une langue, une culture, une histoire, des institutions, hein, une volonté de continuer à exister ensemble, puis même des problèmes sur la solution desquels ils peuvent s'obstiner, mais qu'ils ont en commun d'identifier comme étant des problèmes.

Une société, c'est exactement la même collectivité d'individus, mais vue, cette fois, dans toutes leurs diversités, région, capitale, métropole, variété de couleurs politiques, les bleus, les rouges aujourd'hui, on rajoute beaucoup de couleurs, hein, diversité d'origines ethniques ou de cultes religieux, inégalités socioéconomiques, variété d'orientations sexuelles, mettez-les tous, la diversité dans toutes ses composantes.

• (11 h 30) •

Pour nous, de la Fondation Lionel-Groulx, ce qui doit caractériser le nouveau musée, ce qui va faire sa différence et surtout sa pertinence, ce sera son accent sur la perspective nationale. Les Québécois forment une nation. Cette nation existe et le musée va la montrer.  À cet effet, nous faisons six recommandations. Un, le musée doit tendre à inclure et à illustrer la diversité de la société québécoise, mais en montrant que notre histoire trouve tout son sens unique en raison de l'existence d'une nation québécoise. Deux : le musée doit justement être centré sur la présentation du parcours historique de notre nation, il mettra en lumière le fil et j'ose même dire l'arbre de notre histoire nationale, parce que c'est par cette réappropriation que nous serons tous, comme Québécois, Québécois de souche ou Québécois de feuille, nous serons tous en mesure de mieux comprendre le présent et de mieux dessiner notre avenir en commun. De même, les touristes étrangers qui visiteront le musée viendront à la rencontre de notre nation unique en Amérique du Nord.

Troisième recommandation : les nations autochtones, présentes en sol québécois de temps immémorial, sont des nations elles aussi. C'est justement pourquoi notre troisième recommandation...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Ferretti (Lucia) : ...et qu'elles occupent une place distincte, que le musée reconnaîtra selon des modalités de cocréation qui leur conviendront, ce qui n'empêchera, évidemment, pas le musée de parler de la rencontre, de la contribution des autochtones dans la naissance de la nation québécoise et des contacts continus entre nos nations au fil du temps.

Quatre, le musée adoptera un fil chronologique. Il le fera pour rendre justice à l'histoire elle-même. Il le fera aussi pour des raisons de clarté, d'intelligibilité. Le passé est un déroulement chronologique de faits, d'événements, de phénomènes qui, très souvent, découlent les uns des autres. Pour comprendre la trajectoire d'une nation, il faut donc en suivre la route, épouser le même parcours. Les visiteurs se repéreront mieux ainsi.

Notre cinquième recommandation consiste à dire qu'une des manières de présenter la complexité de l'histoire est de construire le récit autour de figures marquantes, hommes et femmes, dans lesquelles les Québécois reconnaîtront les artisans de notre histoire commune. Ces hommes et ces femmes, il ne s'agit pas d'en faire des héros ou des héroïnes, ce n'est pas notre perspective. Mais à partir d'un personnage, on peut présenter et humaniser tout un pan d'histoire. On parle de Champlain pour raconter la rencontre, mais après, évidemment, on sort de Champlain, pour présenter le contexte de la rencontre. On parle de Marie Fitzbach ou de Mary Keogh pour raconter la solidarité sociale dans la forme qu'elle a prise chez nous. On part d'Ignace Bourget pour raconter la forte présence de l'Église catholique dans notre histoire, mais, évidemment, on en sort. On parle de Marie-Claire Kirkland pour mesurer l'évolution considérable de la situation des Québécoises dans la seconde moitié du XXe siècle. Un personnage, il faut le voir non pas comme un héros, une héroïne, mais comme une porte d'entrée dans notre histoire, susceptible de rejoindre de très vastes publics. Évidemment, du vrai, des vrais artéfacts, des vrais documents, des vrais enregistrements.

Et, enfin, la dernière de nos recommandations, c'est que les objectifs de ce musée doivent être l'exploration, la découverte, la connaissance, d'une part, mais ils doivent être aussi, comme tout musée d'histoire nationale partout au monde, un facteur de renforcement de la cohésion nationale. Il serait bon, il serait même très bon qu'à sortir du Musée national d'histoire du Québec nous en sachions plus sur l'histoire du Québec et que, d'une manière légitime, nous puissions aussi entretenir la conscience que les Québécois forment une nation. Merci beaucoup, nous sommes prêts à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup de votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange avec M. le ministre, pour une période de 16 min 30 s.

M. Lacombe : Merci beaucoup, madame... Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup à vous trois d'être venus nous voir, Mme D'Arcy, Mme Ferretti, M. Beauchemin. J'ai trouvé votre exposé particulièrement clair, c'est tout à votre honneur. C'était très bien structuré, et je vous avoue que c'est de la musique à mes oreilles, je ne m'en cacherai pas, donc je l'avoue candidement.

Je trouve que la...  Je trouve que la distinction que vous faites entre société et nation, elle est particulièrement éloquente, et c'est quelque chose, je pense, qui... qui est au cœur, qui est au cœur du débat entourant le projet de loi, entourant le projet d'avoir un musée national de l'histoire du Québec, et c'est ce qui crée un peu, donc, le débat, c'est ce qui crée, parfois, la polémique. Qu'est-ce que... Et un musée de société, on en a un au Québec, on a le Musée de la civilisation qui joue ce rôle-là, et qui le joue très, très bien, d'ailleurs. Mais un musée qui parle de la nation québécoise, ça n'existe pas encore, et ce qu'on veut, effectivement, mettre sur pied.

Qu'est-ce que... Et je vais aller un peu ailleurs avec ma question, mais, quand on veut créer ce musée-là, ce qu'on se fait parfois répondre, c'est qu'on souhaite instrumentaliser une institution, qu'on souhaite faire la promotion d'un récit qui serait notre vision de l'histoire. Donc, même le choix...

M. Lacombe : ...de parler de la nation québécoise dans un musée, ce sera un choix politique, donc ce serait en quelque sorte une instrumentalisation du musée. Qu'est-ce que vous répondez à cette critique-là qui nous est formulée?

Mme Ferretti (Lucia) : Bien, je crois que, sincèrement... Mes compagnons continueront peut-être la discussion. Mais je crois sincèrement que, franchement, c'est une question factuelle, il existe une nation québécoise. C'est ici qu'on parle français, c'est ici qu'on a développé des institutions qui nous représentent. Celle-ci en est une tout à fait parlante, n'est-ce pas? C'est... La nation existe.

Vouloir faire un musée d'histoire nationale, franchement, ce n'est pas une idée originale, hein, ce n'est pas quelque chose qui sort d'un chapeau, il y a des musées d'histoire des nations partout. Donc, on ne s'inscrit pas dans une trajectoire qui n'est pas déjà tracée, elle est déjà tracée, ça existe.

Moi, j'ai été vraiment frappée, et avec un certain plaisir... Récemment, c'étaient les Jeux olympiques, et je regardais comme tout le monde, je pense, un peu les Jeux olympiques à la télévision. J'étais jusqu'à un certain point enthousiasmée par la simplicité avec laquelle on parlait des athlètes canadiens, du Canada, de notre nation dans les reportages de Radio-Canada, dans les annonces publicitaires. Il n'y avait rien qui faisait débat, O.K. Le Canada était présent comme nation, et on ne commençait pas à dire : Mais est-ce que c'est une nation? Est-ce que ce n'est pas une nation? Qui sont les gens qui sont dans cette nation-là? Non.

La perspective nationale, c'est ce qui nous met en commun. Au Québec, on a aussi beaucoup de choses en commun, je les ai mentionnées tout à l'heure. Alors, célébrons ça. Célébrons ça non pas pour en faire un récit épique, un récit théologique, non, pas du tout, mais la nation, elle existe, elle existe, et donc on la montre à voir, tout simplement ça.

Maintenant, qu'il y ait des débats, qu'il y ait des ostinations, j'en ai moi-même parlé, ça peut arriver. Mais disons que c'est quand même seulement dans certaines circonstances bien particulières, les nations très fragiles, les nations dont certains ne veulent pas reconnaître qu'elles existent, qu'on dit aux gens : Mais formez-vous une nation. Habituellement, c'est accepté, de former une nation. Je ne pense pas que les Français, malgré tout ce qu'on peut connaître, hein, et ce qu'on peut voir d'eux, hésitent sur le fait qu'ils forment une nation. Nous formons une nation, tout simplement. Il y a... Il n'y a pas d'agressivité, il n'y a pas... il n'y a rien, c'est juste une constatation, je dirais, de fait.

Donc, un musée répond à ça. Je ne sais pas si vous voulez compléter. Mais, pour moi, ça m'apparaît une évidence.

• (11 h 40) •

M. Lacombe : Bien, pour moi aussi, je vous avoue, mais... Et donc je creuse juste un peu plus, parce que... Et j'ai eu cette réaction lorsque j'ai déposé le projet de loi et que j'ai été questionné. La crainte, c'est qu'on ne parle... Et j'ai adoré votre formule, «Québécois de souche ou Québécois de fait», et je trouve que c'est une belle façon de l'exprimer. Il a beaucoup été question, donc, de cette crainte qu'on ne parle pas, par exemple, des peuples autochtones, donc des Premières Nations, des Inuits, alors que le Québec, vous l'avez dit tantôt, est né de rencontres, et c'est à la base de la naissance de la nation québécoise.

Mais, pour certains, je pense que le souhait, ce que j'en comprends, des critiques, ce serait d'avoir un musée de... sur l'histoire de l'occupation de la vallée du Saint-Laurent, en quelque sorte, c'est-à-dire : Voici tout ce qui s'est passé sur ce territoire, sans égard à la nation, voici ce qui s'est passé sur le territoire, de façon, bon, plus ou moins chronologique, et pour eux c'est ça, un musée national de l'histoire du Québec, et elle est là, la distinction entre un musée peut-être de société et un musée national de l'histoire du Québec qui va mettre l'histoire de la nation québécoise au cœur de ses activités, de sa mission. Est-ce que vous êtes d'accord, plus ou moins, avec cette façon-là de raisonner?

M. Beauchemin (Jacques) : Bien, moi, je dirais que cette lecture-là des choses se... proposerait un musée national sans nation, hein, c'est-à-dire qu'au fond il y a une négation de la nation dans ce désir ou cette volonté de refaire, refabriquer l'histoire du Québec à partir de composantes qu'on assemblerait, là, et on dirait : Au total, ça fait quelque chose qui s'appelle le Québec, sauf qu'il y aurait un grand absent en plein centre et qui serait la nation québécoise. Parce qu'au fond, en toute société, on a besoin d'une référence, on a besoin de se représenter comme formant un ensemble...

M. Beauchemin (Jacques) : ...et cet ensemble-là, au Québec comme ailleurs, c'est habituellement l'ensemble national. Alors, il n'y a aucune raison pour laquelle on devrait se priver de ce... ce besoin de nous rassembler dans une histoire commune, même si elle est traversée bien évidemment de conflits, de tensions comme en toute société démocratique. Mais rien ne devrait nous empêcher d'exprimer ou d'illustrer la nation dont on vient de dire très pertinemment qu'elle existe de fait.

Et, quand vous demandez aux Québécois si la nation québécoise existe, dans la majorité des cas on va vous répondre : Oui, je suis Québécois, je suis Québécoise, de la même manière que dans d'autres pays. Vous demanderez à des Français si la France existe. Bien, ils vont dire : Je suis Français, je suis Française. Et ça, ça ne veut pas dire que ces nations-là ne sont pas traversées de conflits puis de contradictions, de tensions qui sont parfois très vives. Il n'empêche qu'il existe toujours cette espèce de position de surplomb à partir de laquelle on s'aperçoit comme formant une collectivité nationale, et c'est la raison pour laquelle un musée d'histoire nationale est pertinent et nécessaire. C'est un lieu de rassemblement de la diversité, c'est un lieu où on peut se représenter notre existence commune et un parcours commun, même si ce parcours-là a été au fil des années et des siècles jonché de conflits puis de tensions. On ne fera pas l'histoire du Québec ici, qui est bien connue de tous, mais il n'empêche qu'au bout du compte il y a quelque chose qui s'appelle la nation québécoise.

Mme Ferretti (Lucia) : Cette nation-là... Moi, je suis très contente, je m'appelle Lucia Ferretti. Comme je dis toujours, mes ancêtres ne viennent pas du Lac-Saint-Jean. Mes ancêtres génétiques ne viennent pas du Lac-Saint-Jean, mes ancêtres ethniques ne viennent pas du Lac-Saint-Jean, mais mes ancêtres nationaux viennent du Lac-Saint-Jean, parce que je suis Québécoise. Alors, c'est tout simplement ça. Je dis toujours : Mes ancêtres sont Marie Rollet et Louis Hébert, O.K., qui sont les premiers colons français qui ont fait souche en Amérique. Évidemment, sur le plan génétique, sur le plan ethnique, non. Mais, à un moment donné, il y a la nation québécoise. Elle existe, elle existe dans son caractère, que plein de monde sont venus nous rejoindre. J'ai parlé de Mary Kehoe. J'aurais pu parler, mon Dieu... Daniel Johnson, ses ancêtres, j'aurais pu parler de Claude Ryan, j'aurais pu parler de... On parlait de Carlo Honorato Catelli, qui a fondé quand même un «plant» national au Québec, on s'entend-tu, les pâtes Catelli. Ce n'est pas ça, le point. Le point n'est pas l'ethnicité, le point est le désir d'abord des souvenirs en commun et le désir de continuer en commun.

Donc, nous, on récuse un peu l'idée qu'on doive tous être sectionnés et on récuse l'idée d'un récit de majorité, parce qu'on pense que les nations autochtones sont des nations, et elles ont droit d'être reconnues comme pas les premiers Québécois, on se comprend, c'est des nations. Donc, elles décideront de la façon dont elles veulent présenter leur histoire, mais c'est tout à fait normal aussi qu'elles soient incluses dans le grand musée national d'histoire du Québec. Pour le reste, il y a une nation québécoise qui s'est enrichie sans arrêt de l'apport d'individus, d'individus qui sont venus la rejoindre au fil du temps. Même s'il y a 10 000 Italiens qui ont immigré en 1954 en même temps que mon père, c'étaient 10 000 individus qui sont venus contribuer à la nation québécoise.

Donc, dans cette perspective-là, en effet, c'est dommage de se priver de la possibilité de raconter l'histoire d'une nation puis de simplement raconter l'histoire d'un territoire.

M. Lacombe : Bien, vous m'enlevez les mots de la bouche, et je... et donc j'ajoute que, et vous le dites avec beaucoup d'éloquence, nécessairement, dans un musée national de l'histoire du Québec qui va parler de la nation québécoise, nécessairement, on doit aussi, donc, parler des Premières Nations, des Inuits, donc des premiers peuples, parce qu'ils sont à la naissance... Ils étaient là, sur le territoire, effectivement, bien, bien, bien avant la naissance de la nation québécoise, mais la nation est née...

Mme Ferretti (Lucia) : De cette rencontre.

M. Lacombe : ...de ces rencontres. Et ça, il faut en parler, il faut...

Mme Ferretti (Lucia) : Absolument.

M. Lacombe : ...il faut... Quand on parle de la naissance de la nation québécoise, il faut en parler. Mais qu'est-ce que vous répondez aux gens qui ont encore cette crainte-là aujourd'hui? Parce qu'à mon sens, c'est complètement conciliable...

M. Lacombe : ...et, encore une fois, je répète beaucoup ce mot-là, mais je trouve que vous le dites avec beaucoup d'éloquence, vous l'expliquez bien, mais qu'est-ce que vous répondez aux gens qui ont encore cette crainte, qu'on fasse comme si les Premières Nations n'avaient pas existé puis que le Québec avait seulement commencé à une époque plus ou moins contemporaine?

Mme Ferretti (Lucia) : Je ne sais pas ce qu'on peut offrir de plus. Excusez-moi, mais je ne sais pas ce qu'on peut offrir de plus que de dire : Il y a un espace dans ce musée là où si les nations autochtones veulent parler d'elles-mêmes, exposer leur propre point de vue sur l'histoire, qui est notre histoire commune, mais qui est aussi leur propre histoire, leur histoire parce que les contacts ont été vécus, perçus, peuvent être interprétés différemment, bon, nous on pense que c'est une manière respectueuse de procéder, d'offrir un espace dans le Musée national d'histoire du Québec pour les nations autochtones, un espace dans lequel ils présenteront aussi leur point de vue. Parce que c'est toute une vitrine. Je peux aller au Musée huron de Lorette, je peux aller... mais, je veux dire à Québec, dans le Musée national d'histoire, offrir... Et ce n'est pas pour les exclure de la nation québécoise, c'est pour les reconnaître en tant que nation. Et après, ils en feront ce qu'ils voudront. S'ils disent : Non, non, on ne veut pas aller chez vous, bien, je veux dire, franchement, c'est franchement à eux de décider. Nous, on ne se sent pas légitimes pour le décider. Donc, les nations autochtones, elles existent. Notre nation, elle existe, elle s'est enrichie de l'apport d'individus au fil du temps, et c'est ça qu'on va raconter.

M. Lacombe : Rapidement, il me restait peut-être deux questions. Puis je sors du noyau de ce dont on est en train de parler, je vais un peu à côté. Je veux vous poser deux questions rapides — il nous reste trois minutes — sur les jeunes et sur le numérique. Je commence par le numérique. Vous avez effleuré le sujet tantôt. Vous avez parlé de l'importance qu'il y ait des artefacts et qu'on puisse les voir, tout ça. Lorsque j'ai présenté le projet, j'ai dit que je souhaitais qu'il soit le plus... que ce soit le musée le plus numérique au Canada, peut-être un des plus numériques, effectivement, dans le monde. Mais je trouvais ça intéressant, on a eu beaucoup de réactions de gens qui nous ont dit... d'experts comme vous, qui nous ont dit : Attention, c'est important aussi, les artefacts, ça crée souvent une réaction, les gens veulent ça. Comment... Rapidement, comment vous feriez le... comment vous atteindriez l'équilibre entre les deux?

• (11 h 50) •

Mme D'Arcy (Myriam) : Alors, je vais me permettre de répondre. En fait, c'est ça, il faut trouver l'équilibre. Parce que les artefacts, les archives, les documents, tout ça, c'est... je veux dire, c'est une porte d'entrée, là, certaine sur l'histoire presque charnelle, donc, tandis que le numérique a sa place. Puis, bien sûr, tout ça... on va dévoiler une exposition la semaine prochaine, qui est vraiment entièrement numérique. Donc, les deux sont conciliables, mais il ne faut pas, disons, faire l'économie des artefacts pour le numérique, tu sais, il ne faut pas aller au tout au numérique. Et les jeunes, si on présente l'histoire de manière chronologique, bien, on leur raconte une histoire. Alors, c'est comme ça qu'on va les intéresser. C'est vraiment... c'est ça, la chronologie est la clé.

M. Lacombe : Et, en terminant, je vais sauter la question sur les jeunes, mais je vais plutôt vous poser la question sur la commémoration. Vous connaissez bien la commémoration. Est-ce que vous pensez que le Musée national de l'histoire du Québec doit jouer un rôle dans la planification, l'élaboration, tout ce qui se fait autour des commémorations au Québec?

Mme D'Arcy (Myriam) : Oui, tout à fait. Ce sera l'organisme... l'institution désignée, je crois, pour réfléchir à comment mettre en valeur, comment commémorer des anniversaires qui ont structuré notre histoire. Alors, oui, je crois que le musée un rôle à jouer fondamental.

M. Lacombe : Je m'arrête ici. Merci beaucoup pour votre témoignage. Je termine juste en disant : Je le trouve très très inspirant et très apaisant aussi. Je pense qu'on est capable d'avoir cette discussion-là et que ce ne soit pas nécessairement conflictuel, toujours. Donc, je trouve que c'est encore une fois très éloquent. Merci.

Mme Ferretti (Lucia) : Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci. Alors, on va poursuivre les discussions avec la députée de Robert-Baldwin pour une période de 12 min et 32 s.

Mme Garceau : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous trois et merci pour l'excellent mémoire et votre présence aujourd'hui. C'est très apprécié. On a fait quelques virtuels hier, donc c'est toujours bien d'avoir des gens devant nous. Très intéressant, Mme Ferretti, Mme Ferretti...

Mme Garceau : ...en ce qui a trait à la présence d'implication des autochtones, des nations autochtones que vous avez précisées. Et j'ai vu dans les mémoires, vous mentionnez que le musée doit tendre vers l'inclusion et l'illustration de la diversité québécoise. Donc, j'aimerais... Pourriez-vous élaborer parce que ça touche évidemment les nations autochtones? Est-ce que vous pourriez élaborer un petit peu plus à ce sujet?

Mme Ferretti (Lucia) : Est-ce que vous voulez que j'élabore sur les autochtones ou sur les anglophones puis sur les autochtones?

Mme Garceau : Les autochtones. Puis après ça ce que vous voulez dire par la diversité québécoise.

Mme Ferretti (Lucia) : O.K. Alors, sur les autochtones, bien, je pense que, dans notre mémoire, on a avancé cette idée de consacrer une place distincte aux nations autochtones. Moi, si j'étais... Je ne suis pas Huronne, je ne suis pas Mohawk, mais si j'étais Huronne ou Mohawk, je n'aimerais pas qu'on définisse pour moi que je suis Québécoise. Peut-être que si eux-mêmes se disent, je suis Québécois ou je suis Canadien, c'est tout à fait légitime. Mais que quelqu'un de l'extérieur de la nation vienne décider à leur place, je trouve que c'est un manque de respect.

Peut-être que ça n'en est pas un. Peut-être que ce n'est pas perçu comme ça. Tant mieux. Notre proposition, elle ne vise absolument pas à dire ce ne sont pas des Québécois. Si ce n'était pas des Québécois aussi, selon nous, eh bien, on donne 2 millions de plus à différents musées autochtones qui existent déjà. Nous croyons qu'ils ont tout à fait leur place dans le musée national d'histoire. Mais pour éviter ce qui, peut-être, c'est ma sensibilité, notre sensibilité à la Fondation Groulx.

Peut-être que c'est juste une question de sensibilité, mais pour éviter de définir à leur place qui sont les nations autochtones, on a pensé que c'était mieux de laisser une place pour qu'ils puissent se définir eux-mêmes et accepter de partager avec les visiteurs de l'ensemble du Québec, du Canada, du monde, quelle est leur vision à eux de l'histoire, comment eux voient la rencontre, le parcours, les conséquences. On a pensé que c'était bien de leur laisser une place de grande visibilité pour qu'ils puissent, s'ils la désirent, mais il ne faudrait absolument pas que ça soit perçu comme nous considérons qu'ils ne sont pas des Québécois. S'ils veulent être des Québécois, bien franchement, tout le monde peut être Québécois, évidemment, mais on trouvait que leur situation est particulière parce qu'ils forment vraiment des nations. Elle est particulière et donc elle mérite, peut-être, s'ils la veulent, une place dans le musée. Je sais, c'est ce qu'on a écrit. Je ne veux pas élaborer plus parce que je n'ai rien à dire de plus. Ça nous semble complet en soi.

Maintenant, sur la diversité québécoise, bien, comme je l'ai dit, la société québécoise, elle est en effet extrêmement plurielle. Elle l'est de plus en plus, tu sais. Il y a des individus, depuis toujours, qui sont venus nous rejoindre, hein? Une de mes belles-soeurs s'appelle Hamann. Hamann? D'où ça vient, Hamann? Eh bien, ça vient que, du temps de la Nouvelle-France, il y a eu des mercenaires allemands qui sont venus combattre à un moment donné et qui se sont implantés. Il n'y a pas plus québécois que le nom Hamann. Ça fait 400 ans qu'ils sont ici.

Ce n'est pas le point. Le point? La diversité, elle est là sous toutes ces diversités ethniques, diversités de culte, diversités de toutes sortes. On l'a dit, c'est notre société. Il reste qu'il y a aussi une nation, une nation qui partage certaines choses. Et tous ceux qui sont... D'abord, tout le monde est convié. De notre point de vue, de notre perspective, je parle de la Fondation Lionel-Groulx, nous sommes tous conviés et nous convions tout le monde à devenir Québécois, indépendamment des options politiques. Ça n'a rien à voir. Nous convions tout le monde à devenir Québécois. Et ça veut dire à reconnaître que, même si on s'appelle Lucia Ferretti, Louis Hébert et Marie Rollet peuvent être nos ancêtres parce que c'est eux qui ont, dans le fond, fait souche de la nation. Cette nation-là, elle a fait souche par eux, elle a fait souche par les Hamann, elle a fait souche par tous les gens qui sont venus depuis la Nouvelle-France. Elle a fait souche par les...

Mme Ferretti (Lucia) : ...Johnson, par tous les Irlandais qui sont venus au moment de la maladie de la pomme de terre puis qui ont été accueillis ici à bras ouverts. Elle est faite de tous ceux qui ont fui, les Hongrois, en 1956, qui sont arrivés ici, les Italiens, je n'ai pas besoin d'en parler. Les autres, ils sont venus se fondre dans une nation qui est la nation québécoise qui se caractérise par des institutions communes, une langue en commun, la volonté de partager l'avenir, la volonté surtout de reconnaître qu'en effet nous formons une nation.

Mme Garceau : Mais, en ce qui a trait aux peuples autochtones, les communautés, les différentes communautés, ils font partie... ils vont dire qu'ils font partie de la nation québécoise au sens large.

Mme Ferretti (Lucia) : Absolument. Absolument. D'ailleurs, ils sont dans le Musée national d'histoire du Québec.

Mme Garceau : ... O.K. Et donc vous mentionnez... j'ai trouvé très intéressant en ce qui a trait au... parce que vous parlez de leur laisser une place distincte.

Mme Ferretti (Lucia) : S'ils veulent la prendre.

Mme Garceau : S'ils veulent la prendre. Et donc, s'ils veulent la prendre, parce que je vais... je vais aller un petit peu plus loin, ils vont la prendre, et donc... Et donc comment est-ce que... Parce que vous parlez, vous utilisez : Selon les modalités de cocréation qui leur conviendront. Et donc est-ce que... parce qu'il y a un comité qui a été créé ad hoc, est-ce qu'il devrait y avoir des représentants des peuples autochtones sur ce comité avec...

Mme Ferretti (Lucia) : Sur le comité qui définit la partie autochtone du musée?

Mme Garceau : Le volet historique, avec l'historien Éric Bédard.

Mme Ferretti (Lucia) : Absolument... C'est-à-dire dans la partie...

Mme Garceau : Parce que, là, en ce moment, il y a juste deux personnes qui ont été ciblées.

Mme Ferretti (Lucia) : Oui, oui, oui, absolument. Pour tout ce qui est... Pour tout ce qui est la partie autochtone, ils la définiront comme ils voudront. Pour ce qui est la partie que... évidemment, le Musée national d'histoire du Québec va parler de la rencontre avec les autochtones, eh bien, évidemment, s'ils font partie du comité scientifique, ils pourront, jusqu'à un certain point, essayer d'influencer aussi, comme tout le monde. Parce que, je suis d'accord avec vous, ce sont aussi des Québécois. Mais nous, tout ce qu'on dit, c'est qu'il y a une section du musée où, dans le fond, on n'interviendra pas. Si eux veulent présenter un point de vue différent sur la rencontre, et c'est probable, que le point de vue qui est celui, on va dire, de l'historiographie, elle-même, plurielle des rapports entre autochtones et Québécois au fil des siècles, eh bien, s'ils veulent présenter quelque chose qui dit leur point de vue, pourquoi pas? Pourquoi pas? Aujourd'hui, il y a un article dans La Presse, hein, c'est mes collègues qui me l'ont dit, et il y a un article dans La Presse qui montre que le pavillon Lionel-Groulx à l'Université de Montréal va garder son nom mais qu'il va y avoir une sculpture autochtone qui montre que c'est tout à fait possible d'avoir une diversité de perspective sur des enjeux. C'est d'ailleurs ça, la démocratie. Je pense que ce n'est pas ici à vous que j'ai besoin de dire ça. Donc, il peut y avoir une diversité de perspectives sur... Et nous, on s'attend à ce que les autochtones, dans la section autochtone du musée, bien, puissent librement présenter leur point de vue, qui ne sera probablement pas le même que le point de vue dans le reste du musée, mais c'est normal, c'est des nations.

• (12 heures) •

Mme Garceau : Pourquoi une place distincte en termes... au niveau du musée? Parce que, si on regarde... grande possibilité, parce qu'on l'a vu dans plusieurs mémoires, que le récit historique sera raconté selon une chronologie, la chronologie des événements, des grands repères, et donc, dans ce sens-là, ils vont faire partie de cette chronologie, de cette trame.

Mme Ferretti (Lucia) : Absolument, absolument. L'histoire des autochtones ne s'arrête pas à la Nouvelle-France. Je vais laisser mon collègue parler.

M. Beauchemin (Jacques) : Non, mais je veux... j'allais simplement ajouter le fait que les nations autochtones ont un statut très particulier en Amérique, hein, pas seulement au Québec, mais dans toute l'Amérique. C'est-à-dire que ces nations-là ont un parcours historique qui n'est pas tout à fait le même que celui des nations dans lesquelles elles se trouvent, hein? Et c'est un peu normal, c'est une... une très ancienne revendication qu'elles sont. C'est un peu normal qu'elles veuillent raconter l'histoire à leur manière parce... Et c'est vrai que le sort qui leur a été réservé historiquement est assez particulier. Dans le pire des cas, on parle de... presque d'une tentative d'extermination, ce qui est beaucoup moins le cas...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Beauchemin (Jacques) : ...beaucoup moins est vrai dans le cas du Québec d'ailleurs et de la Nouvelle-France qu'ailleurs en Amérique. Mais en tout cas, ils en ont vécu une forme... une relation, disons, aux nations européennes venues en Amérique... Ils ont une relation compliquée et assez souffrante par moment, ce qu'on peut comprendre. Et on peut aussi comprendre leur désir de raconter leur propre histoire en disant : Bien oui, on est au Québec comme vous, mais on n'est pas des Québécois tout à fait de la même façon que vous. On a un parcours historique qui se distingue un petit peu. Alors, qu'est ce qu'on peut faire? Alors là, il y a un problème qui est presque insoluble. La solution qu'on a trouvée à la fondation m'apparaît la meilleure. Mais le problème insoluble est le suivant ou bien on les force à devenir Québécois avec nous, vous êtes dans le musée ou vous êtes des Québécois vous êtes avec nous. Et là, ils nous disent : Oui, mais pas tout à fait, nous sommes des nations en nous-mêmes. Ou bien on leur donne une place dans le musée et là, au risque de se faire dire : Bien là, vous nous excluez, c'est une façon de nous mettre dans le garde-robe, là, puis on a notre place, puis vous, vous avez votre musée. Alors, qu'est ce qu'on peut faire? Alors, on peut dire que dans un musée d'histoire nationale, le Musée national, les nations autochtones ont forcément leur place. Ils font partie de notre histoire. Il faut qu'on soit avec eux, avec elles. Mais ces nations-là veulent aussi, légitimement, je crois, raconter leur histoire qui n'est pas tout à fait inscrite dans le même parcours historique que la nôtre, pas complètement, hein. Alors donc, c'est un peu normal. Alors, comment on s'en sort? Bien, la meilleure façon de s'en sortir, c'est de leur permettre de prendre la parole pour eux- mêmes, par eux-mêmes, et puis de raconter cette histoire-là. Puis si finalement ils en arrivent à la conclusion que la rencontre avec les Européens, au fil du temps, n'a pas été fructueuse pour elles, bien, c'est ce que... c'est ça.

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, ça se termine ici. Je vous remercie. On poursuit les discussions avec le député de Jean-Lesage pour une période de 4 min et 8 s.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, c'était vraiment à la fois un mémoire et une présentation éclairante et vraiment intéressante. J'ai peu de temps, je vais essayer d'aller à quelque chose qui n'a pas été couvert puis que je trouve très important aussi et qui fait écho chez d'autres groupes ou d'autres personnes qui ont commenté le projet de musée en général, plus que le texte du projet de loi.

Vous faites la recommandation essentiellement que... que ce musée-là puisse favoriser l'unité nationale, favoriser le sentiment d'adhésion à la nation québécoise, mettons, si j'extrapole, là. Je trouve ça très intéressant, très important. Il y a des gens qui... qui expriment des méfiances par rapport au... à la dimension, disons mémoire plutôt qu'histoire du musée, parce qu'ils disent : Ah! il faut que ce soit comme objectif. Puis là, si on fait comme de la commémoration, il y a des gens qui craignent... J'imagine, là, qu'un récit gagne. Mettons, un récit parce que vous l'avez dit, la nation c'est parcouru de contradiction. Il y a dans la nation québécoise un conservatisme singulier, un progressisme singulier qui ne sont jamais d'accord, des fois en tout cas, sur certaines choses. Mais alors comment, comment dans la mémoire, mettons, faire en sorte qu'il n'y ait pas, disons, un récit qui en gomme un autre, puis comment faire dans... à la fois dans le respect de l'exposition de cette diversité-là, mais cette multiplicité-là, favoriser l'adhésion à la nation? Aïe! C'est une grande question, là, pour deux minutes. Mais répondez-y comme vous vous voulez, je la trouve importante.

Mme Ferretti (Lucia) : On va pratiquer notre esprit de synthèse. On va essayer de pratiquer l'esprit de synthèse.

L'esprit de synthèse, c'est que la nation, premièrement, elle existe. Deuxièmement, c'est un organisme vivant. Comme tout organisme vivant, elle a non seulement évolué dans le temps, mais à chaque période de son histoire évidemment, il y avait des gens qui... on est en démocratie depuis 1792, hein? Alors, il y a des gens qui voyaient les choses d'une certaine façon, d'autres d'une autre façon. Il y a un parcours, il y a des... Il y a des choses évidentes. L'implantation, il faut en parler. Les grands événements politiques, certainement qu'il faut en parler. Bon, il y a un parcours national, il y a un parcours de conservation. Les gens d'autrefois ne voyaient pas la vie comme nous. Sur certains pans, oui, sur d'autres non. Un musée d'histoire, ça doit d'abord expliquer hier à aujourd'hui, hein? Et ça doit expliquer aujourd'hui par hier...

Mme Ferretti (Lucia) : ...donc, on part des situations contemporaines, on retourne dans le passé et on voit les développements, ou on explique qu'autrefois on avait un sens de la famille différent. Autrefois, on avait une conception du temps différente. Autrefois, on avait l'éternité après la mort. Autrefois, on avait ci, on avait ça, c'est autrefois. Aujourd'hui, c'est différent. Aller au contact de la différence dans le passé nous prépare à aller au contact de la différence dans le présent. Moi, je trouve que l'histoire... évidemment, je suis historienne, je vais prêcher pour ma paroisse, mais quelle belle discipline, c'est la discipline qui fait dialoguer le passé et le présent en montrant les origines et en, aussi, montrant les différences dans le passé.

Maintenant, il va y avoir une exposition permanente, j'imagine, mais il va y avoir des expositions temporaires aussi, j'imagine, dans ce musée-là. Donc il y aura un renouvellement constant possible des regards, des approches. Ça va être un musée vivant, tout comme notre nation est vivante. Donc, il y a, oui, une exposition permanente qui raconte le grand parcours de notre nation. Et il y aura un comité scientifique pour en déterminer les scansions. Et après, bien, il y a les expositions temporaires qui éclaireront un volet puis un autre. C'est... c'est un beau projet, le projet du Musée d'histoire nationale du Québec. C'est un beau projet. Il ne faut pas passer à côté de ça. Toutes les nations ont ces défis-là, mais toutes les nations dans un contexte...

La Présidente (Mme Poulet) : Je m'excuse de vous interrompe, Mme. C'est vraiment intéressant, mais par contre il faut... il faut... Je vous remercie pour votre contribution à ces travaux. Je vais suspendre ces travaux quelques instants afin que le prochain groupe puisse se préparer. Merci.

(Suspension de la séance à 12h 09)

(Reprise à 12 h 12)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on reprend nos travaux. Nous accueillons les représentants de l'Institut d'histoire de l'Amérique française...

La Présidente (Mme Poulet) : ...je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, je vous invite donc à commencer votre exposé.

M. Wien (Thomas) : Je vous remercie, Mme la Présidente. Je vais commencer par présenter l'Institut d'histoire de l'Amérique française. Depuis sa fondation par Lionel Groulx il y a bientôt 80 ans, notre Institut rassemble des personnes qui étudient ou fréquentent l'histoire de l'Amérique française dans les établissements d'enseignement supérieur, y compris les étudiants et les étudiantes, dans les administrations et au sein du grand public.

L'IHAF compte près de 300 membres aujourd'hui. Il a pour mission de promouvoir et de diffuser la recherche au sujet de l'histoire du fait français en Amérique. Pour y arriver, il mise notamment sur la Revue d'histoire de l'Amérique française, la voici, la publication savante de référence dans le domaine depuis anno domini 1947.

Je nous présente. Ma collègue, Karine Hébert, est professeure d'histoire au département des lettres et humanités de l'Université du Québec à Rimouski, et elle est vice-présidente de l'HIAF. Elle est spécialiste de l'histoire sociale et culturelle du Québec contemporain. Quant à moi, je me nomme Thomas Wein, je suis professeur associé et nouvellement retraité au département d'histoire de l'Université de Montréal et je suis président de l'HIAF. Je m'intéresse à l'histoire de la Nouvelle-France et du monde authentique français. Je me permets de préciser que le conseil d'administration de l'HIAF a donné hier, pas plus tard qu'hier, son appui à l'intervention présentée aujourd'hui. Et je voulais aussi vous dire que nous nous excusons du dépôt tardif de notre mémoire, erreur d'aiguillage de ma part, mais au moins ce retard aura-t-il permis de consulter notre conseil d'administration.

Mme Hébert (Karine) : Nous remercions l'Assemblée nationale de l'invitation à commenter le projet du Musée national d'histoire du Québec. Ce n'est pas tous les jours qu'on fonde un musée puis encore moins un musée d'histoire, et c'est véritablement une occasion à saisir pour nous.

L'institution sera influente, c'est évident. Elle va être appelée à orienter les perspectives historiques de publics variés, des Québécois et des Québécoises, incluant les néoquébécois et néoquébécoises, des touristes, et, au sein de ces groupes, on l'espère, des jeunes tout spécialement. Et comme le formule le projet de loi, elle va contribuer aussi à assurer une présence du Québec dans le réseau muséal international.

Et enfin, quant au dernier volet du mandat, qui est d'établir des liens avec le réseau muséal québécois, on espère qu'il va favoriser à moyen terme une collaboration soutenue avec les régions du Québec et qu'il va permettre de renouer avec le principe des espaces bleus qui ont été abandonnés en cours de route.

Les musées régionaux sont fragiles et ils doivent pouvoir bénéficier de cet ajout dans l'écosystème muséal québécois et non pas être menacés par ce nouveau joueur qui viendrait accaparer des ressources déjà trop maigres, mais, dans tous les cas, le musée possède un mandat ambitieux et notre contribution à cette commission est fidèle à ce que nous sommes comme association. Donc, ce qu'on veut, c'est poursuivre la réflexion sur le sens à accorder au récit du passé québécois que va présenter le nouveau musée, tel que ce mandat-là s'inscrit dans le projet de loi qu'on discute aujourd'hui.

En évoquant brièvement ce qui secoue la planète historienne, voire la planète tout court, nous plaidons pour autre chose qu'un récit qui serait attelé au manuel scolaire. On favorise plutôt une lecture de l'histoire qui va à la rencontre de notre société actuelle, tout en nous dépaysant, donc vers une histoire qui nous ressemble et qui nous rassemble. Et c'est d'autant plus important à l'heure où la planète brûle et où l'univers électronique véhicule, presque mine de rien, une véritable homogénéisation culturelle, ce qui accentue la pression sur l'expérience de la vie française en Amérique.

Donc, quelle histoire présenter dans ces temps tourmentés, dirons-nous? Plutôt que de prescrire une histoire activiste, il nous semble que la nouvelle institution devrait se concentrer sur une mission plus classique qui serait en lien avec le rôle de compréhension du passé que doit jouer l'histoire. Rappelons que le présent projet de loi vise à fonder un musée national de l'histoire du Québec et non pas un musée d'histoire nationale du Québec.

En juin dernier, Stéphan La Roche, qui est président directeur du Musée de la civilisation, présentait le futur MNHQ en disant que c'est un projet important qui est porteur de sens et qui se doit d'être rassembleur...

Mme Hébert (Karine) : ...et nous souscrivons tout à fait à cette vision d'une histoire rassembleuse axée, comme le formule le projet de loi, sur la distinction québécoise. Mais pour être vraiment rassembleuse et faire état de cette distinction québécoise, une telle histoire doit, de l'avis de l'institut, passer par la prise en compte non seulement des valeurs communes et des consensus, mais aussi des tensions et des conflits qui ont marqué ce passé et qui en sont véritablement constitutifs. Et tenir compte ainsi de la réelle complexité du passé, ce n'est pas le noircir, mais c'est en reconnaître l'irréductible complexité, c'est en reconnaître ses sens multiples. Et c'est, à notre avis, une condition indispensable pour commencer à relever ensemble les considérables défis d'aujourd'hui et de demain.

M. Wien (Thomas) : Pour y arriver, il importerait, dans un premier temps, d'historiciser la notion de nation québécoise qui se trouve au cœur même de la fonction du musée, d'après le projet de loi. L'intention rassembleuse est évidente puisqu'on y tient à reconnaître non seulement la nation québécoise, mais aussi les communautés qui ont cheminé avec elle. Et, si les rapports entre les deux ne sont pas explicités, la formule n'exclut pas la reconnaissance de la nation civique qui réunit tous les Québécois et les Québécoises, nation qui aurait pris de la place, tant bien que mal, de celle, ethnique, du groupe fondateur canadien-français. En même temps, l'ancienneté de la nation induite par la formulation «évolution de la nation québécoise» pose d'emblée la question des débuts de cette histoire nationale qu'il faut se garder de projeter trop loin dans le passé.

Maintenant, regardons de plus près ces communautés évoquées dans le projet de loi. Dans ce contexte, le mot possède une connotation surtout ethnique. C'est un premier pas vers la description de la complexité socioculturelle du Québec d'aujourd'hui et d'hier. Mais pourquoi s'arrêter en si bon chemin? Depuis les années 70, les historiens et les historiennes ont contribué à mettre en évidence les revendications de multiples groupes de leur droit de procéder, voire de faire sa propre histoire. Ces groupes sont parfois des communautés ethniques, mais elles ne sont pas les seules, il y a les ouvriers et les ouvrières, les femmes et, plus récemment, la mouvance LGBTQ+ et les groupes racisés qui pourraient aussi s'inscrire dans cette dynamique. Leur prise en compte est d'autant plus importante que c'est à cette échelle que se vit si souvent l'histoire. C'est par ici que passe le changement social et bien des acquis de notre société distincte.

• (12 h 20) •

Enfin, une communauté à part s'impose, celle des autochtones. Le texte leur ménage une place on ne peut plus discrète, du moins, peut-on penser que le travail, je cite, « façonner le territoire», fin de la citation, de la nation québécoise leur incombe, au moins, en partie. Si c'est le cas, disons que l'énoncé pèche au mieux par l'euphémisme. Après tout, les premiers peuples ne se sont pas contentés de façonner le territoire, ils ont poussé l'audace jusqu'à le posséder. En 2024, il nous semble impensable de marginaliser ainsi les premiers habitants et habitants du territoire, d'invisibiliser  une longue cohabitation et d'ignorer ce qui, depuis quelque temps, ressemble fort à l'affirmation nationale de ses concitoyens et concitoyennes.

Nous ne nous prononcerons pas sur la question de jusqu'où faire remonter au MNHQ, la présentation attentive du passé autochtone. Mais, dans cette histoire depuis longtemps imbriquée, les autochtones sont des sujets historiques autonomes au même titre que les membres de la nation québécoise.

Mme Hébert (Karine) : Donc, à la lumière des réflexions, dont on vient de vous faire part, ce que nous proposons aujourd'hui comme recommandations, c'est de reformuler légèrement le premier alinéa de l'article 24.2 du présent projet de loi afin de prendre en considération ces réflexions-là.

Et ce bout de texte, donc, le 24.2, pourrait se lire ainsi : «De contribuer à la compréhension et à la diffusion de l'histoire du Québec — et non pas de faire connaître et promouvoir — sa culture et son identité distincte, ainsi que de témoigner du cheminement complexe de la nation québécoise et des communautés et groupes sociaux qui ont façonné son parcours et son territoire...

Mme Hébert (Karine) : ...ceci ne pouvant se faire qu'en prenant en considération le fait que les Premières Nations et Inuits sont des sujets à plein titre de cette histoire du Québec. Je vous remercie et on... nous sommes prêts à accueillir vos questions.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. Alors, effectivement, nous allons commencer la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous pour une période de 14 minutes.

M. Lacombe : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous deux de vous êtes apprêtés à l'exercice. C'est toujours précieux, je sais que ça... ça vous a demandé beaucoup de préparation, donc merci. Peut-être pour partir la discussion sur des bases claires, j'ai envie de vous poser une question plutôt simple pour démarrer ce bloc d'échange : Êtes-vous d'accord avec l'affirmation qu'il existe une nation québécoise?

M. Wien (Thomas) : Réponse rapide, oui.

M. Lacombe : ...donc je comprends qu'il y en aurait, ce serait quoi?

M. Wien (Thomas) : Non, non, je... Oui, je suis entièrement d'accord. Karine, est-ce que tu es d'accord?

Mme Hébert (Karine) : Oui, tout à fait. Je ne serais pas membre de l'Institut d'histoire de l'Amérique française sinon.

M. Lacombe : Donc, à ce titre-là, est-ce que... Bien, en fait, en... je dirais, le cheminement logique de cette question-là, donc, on convient que la nation québécoise, elle existe, qu'elle a son identité et qu'on cohabite avec d'autres nations, c'est-à-dire les nations autochtones, qui ont aussi leur propre histoire. Donc, êtes-vous d'accord avec cet énoncé-là?

M. Wien (Thomas) : Oui.

M. Lacombe : Donc, je vous pose cette question-là. Parce qu'évidemment, à mon sens, et c'est au... c'est à la base du projet, la nation québécoise, actuellement, il n'y a aucun musée qui s'intéresse à son histoire de façon exclusive, c'est-à-dire on en parle ailleurs, Musée de la civilisation est un bon exemple, Musée de la civilisation qui est un musée de société, mais un musée qui ne s'intéresse qu'à l'histoire de la nation québécoise, il n'en existe pas. Est-ce que ce n'est pas légitime? Et, évidemment, la nation québécoise, elle est née de rencontres avec d'autres nations, et ici, évidemment, on parle des nations autochtones, et évidemment, sans ces rencontres-là, la nation québécoise n'existerait pas aujourd'hui. Mais, puisque nos nations cohabitent et que la nation québécoise n'a actuellement pas de musée qui lui est entièrement dédié, est-ce que ce n'est pas légitime d'avoir un musée qui parle exclusivement, donc, de la nation québécoise et, bien sûr, la façon dont... dont elle est née, cette nation québécoise, c'est-à-dire de la rencontre avec les nations autochtones, qui était ici au départ?

M. Wien (Thomas) : Moi, j'aurais tendance à vous répondre, c'est une... C'est une très bonne question, mais j'aurais tendance à répondre en disant que c'est un musée national de l'histoire du Québec et qu'un musée national de l'histoire du Québec devrait porter sur l'ensemble des personnes qui habitent le territoire québécois actuellement et, bien sûr, surtout historiquement, ce qui donne lieu, en principe, à une histoire, comme... comme je l'ai dit tantôt, imbriquée, une histoire qui, jusqu'à un certain point, est commune, une histoire qui est marquée par beaucoup de collaboration mais aussi par des tensions indéniables, la tension la plus fondamentale étant bien sûr que nous, les allochtones, nous avons... comment dire, excusez l'expression, tassé les autochtones de leur territoire en grande partie. Et je pense que c'est seulement en englobant tous les... tous les acteurs et actrices que nous pourrons en faire une histoire qui leur rend justice tous et toutes... à tous et toutes.

M. Lacombe : Je comprends, je comprends votre réponse, mais je voudrais... je voudrais peut-être qu'on précise. C'est-à-dire, je le répète, il n'y a pas de musée, actuellement, qui s'intéresse à la nation québécoise exclusivement. Il y a des musées qui s'intéressent exclusivement à différentes nations autochtones, j'en ai visité, ils sont d'ailleurs magnifiques. La nation québécoise, elle n'a pas ce musée-là actuellement. Est-ce que ce n'est pas légitime d'en avoir un, d'abord, où il serait aussi question des nations autochtones? Parce qu'encore une fois la nation québécoise, elle est née de la rencontre avec les nations autochtones qui étaient sur le territoire avant. Parce que ce que vous nous dites essentiellement... et corrigez-moi là, mais c'est... selon vous, ça devrait davantage, comme...

M. Lacombe : ...ça devrait davantage... comme je l'ai déjà dit, comme j'ai déjà utilisé la formule, selon vous, ça devrait être davantage un musée sur l'occupation du territoire à travers les années qu'un musée sur la nation québécoise. Mais pourquoi est-ce qu'on n'a pas... Est-ce que ce n'est pas un projet qu'il est légitime d'avoir un musée seulement sur la nation québécoise et sa naissance donc?

Mme Hébert (Karine) : Peut être qu'on a une... on est en face d'une certaine ambivalence dans le projet de loi ici, dans la mesure où le musée qui nous est proposé, qui est fondé par le projet de loi qu'on est en train de discuter, c'est un musée national de l'histoire du Québec. Un musée national, c'est une institution fondée par le gouvernement du Québec sur l'histoire nationale. Donc, l'objet du musée, tel qu'il est proposé dans le projet de loi, ce n'est pas l'histoire nationale du Québec, c'est l'histoire du Québec. À l'intérieur de cette histoire du Québec là, bien évidemment que l'histoire de la nation québécoise a une place privilégiée et, à cet égard là, c'est tout à fait légitime de l'inclure à l'intérieur du musée.

Mais l'idée, c'est de la comprendre, cette naissance de la nation québécoise, puis on la comprend à partir de ce qu'elle est aujourd'hui, mais on la plaque sur ce qui se passait au... En la faisant remonter dès l'époque de la Nouvelle-France, par exemple, et les contacts avec les populations autochtones. Mais nous, ce qu'on dit, c'est : Ce qu'il faut faire, c'est de reconnaître toute cette complexité-là et voir les différentes collaborations qui se sont manifestées sur le territoire du Québec dans le cadre d'un musée d'histoire du Québec.

M. Lacombe : Oui, je comprends. Ah! bien, c'est intéressant comme discussion. Et je fais juste une parenthèse, vous avez parlé tantôt de la complexité du passé, des conflits, il ne fallait pas en faire abstraction, je suis totalement d'accord avec vous parce que je veux dire, le Québec... l'histoire de la nation québécoise, elle est parsemée de luttes. C'est intrinsèquement lié à ce qu'on est aujourd'hui. Donc évidemment, je suis d'accord avec ça. Mais c'est intéressant ce que vous nous dites, parce que si je comprends bien, vous basez l'intervention, votre intervention d'aujourd'hui, toute l'analyse donc que vous avez préparée sur le titre du musée, c'est- à-dire Musée national de l'histoire du Québec. Si...

Mme Hébert (Karine) : Mais aussi sur... excusez-moi, mais aussi sur le mandat qui lui est donné...

M. Lacombe : Ce que nous proposons...

Mme Hébert (Karine) : ...en 24.2, là. 

M. Lacombe : Exact.

M. Wien (Thomas) : C'est ça et surtout, oui. 

M. Lacombe : Ce que vous nous dites, si je comprends bien, c'est ce que vous, nous... La proposition à 24.2, qui vient modifier la Loi sur les musées nationaux, selon vous, ne cadre pas exactement. Vous avez fait une... une proposition de modification tantôt. Vous dites : Ça ne cadre pas exactement avec ce que devrait être un musée national de l'histoire du Québec. Si le... Si on a exactement le même document, mais que le nom du musée est le Musée de l'histoire de la nation québécoise ou le Musée national de la Nation québécoise... de l'histoire de la nation québécoise, on commence... ça commence à être long, là. Mais est-ce que vous avez la même intervention aujourd'hui où vous nous dites : Bien, c'est tout à fait légitime, ça fonctionne bien.

• (12 h 30) •

M. Wien (Thomas) : Bien, écoutez, vous faites ce que vous voulez, n'est-ce pas? Mais...

M. Lacombe : Pas exactement, mais bon...

M. Wien (Thomas) : Oui, d'accord. On est bien d'accord. Mais il me semble qu'il y a quand même un principe de base, quel que soit le nom qu'on donnera au musée, et ce principe de base est tout simplement qu'il faut présenter et faire l'histoire de tous les citoyens et citoyennes du Québec, y compris les peuples autochtones. C'est tout. Et on peut parler et mettre l'accent sur la nation québécoise à l'intérieur de ce cadre-là. Mais c'est un musée qui s'adresse, à part aux touristes, bien sûr, s'adresse à l'ensemble de la population québécoise.

M. Lacombe : Est-ce que... tantôt, on a eu... Vous avez des collègues historiens, sociologues qui ont fait une distinction assez éloquente entre société et nation.

M. Wien (Thomas) : ...

M. Lacombe : Un musée de société, on en a déjà un au Québec, c'est le Musée de la civilisation. Un musée sur la nation québécoise, on n'en a pas. Et je reviens encore à ça : Est-ce que ce n'est pas légitime d'avoir une institution qui va d'abord et avant tout parler de la nation québécoise parce que ça n'existe pas à l'heure actuelle, tout en parlant de sa naissance, c'est-à-dire la contribution des peuples... des peuples autochtones, des nations autochtones et en passant évidemment à travers l'histoire, à toute la contribution des vagues d'immigration qui sont arrivées... parce qu'ils ont contribué au façonnement de la nation québécoise. Mais je n'arrive pas... C'est parce que je n'arrive pas à saisir...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

M. Lacombe : ...dire si vous êtes d'accord ou pas avec un musée de la... qui parle de la nation québécoise, tout en parlant de la contribution, évidemment, des gens qui l'ont façonnée, puis tout en parlant des Premières Nations, qui sont à la base de la naissance de notre nation québécoise?

Mme Hébert (Karine) : Peut-être que... Puis, bon, vous êtes... vous êtes des politiciens, vous êtes des législateurs. On est des historiens, donc le sens des mots a une importance pour nous, d'où notre volonté de vouloir clarifier... de vouloir clarifier ce qui nous a été présenté, et ce qui a été présenté, c'est un projet national d'histoire du Québec. À l'intérieur de ça, puis dans la proposition qu'on vous fait, dans la reformulation, on ne remet pas du tout en question l'existence ni la pertinence de traiter de la nation québécoise, mais ce qu'on... ce qu'on essaie de dire c'est qu'à notre avis un musée d'histoire du Québec aurait une plus grande portée et aurait, probablement, une meilleure... une meilleure réception s'il ouvrait un petit peu plus la... la façon de présenter l'histoire du Québec, pour permettre à tout le monde de s'y sentir rattaché.

Puis on a écouté, tout à l'heure, l'intervention de nos collègues, notamment notre collègue Lucia Ferretti, qui disait : Au sortir du musée, ce qu'on veut, c'est que les gens qui visitent comprennent mieux l'histoire nationale et se sentent plus compétents en histoire nationale. Nous, ce qu'on voudrait, c'est que ce soit plus large que ça, et que ce soit l'histoire du Québec qui soit mieux comprise, et qu'à l'intérieur de cette histoire-là on soit capables de mettre en perspective la place prépondérante qu'occupe la nation québécoise. Et, pour nous, c'est un plus pour tout le monde, ce n'est pas antinomique, là.

M. Lacombe : Non, je comprends. Mais, en même temps, bon, tantôt, vous disiez, je ne sais pas si c'était à la blague, mais qu'on fait... ce qu'on veut. Je vous confirme qu'on ne fait pas toujours ce qu'on veut, qu'on travaille en tant que parlementaires, avec l'Assemblée nationale, puis c'est un peu ce qu'on voit aujourd'hui. Si je faisais ce que je voulais, j'adopterais le projet de loi sans consultations, mais... Pas parce que je le veux. Moi, personnellement, là, je trouve que ces consultations sont importantes. Mais... Je ne me rappelle pas où j'allais avec ça, là, je me suis perdu dans... je me suis perdu dans mon commentaire.

Mais, en fait, oui, vous disiez : Vous faites ce que vous voulez. En fait, je... je reviendrais sur ce commentaire-là, en disant : Bien, c'est-à-dire, on propose ce qu'on veut, évidemment, ce qu'on souhaite, parce qu'on a une intention, puis dans ce cas-ci, l'intention, elle n'est... elle n'est pas de créer un musée sur l'histoire de l'occupation, encore une fois, de la vallée du Saint-Laurent, elle n'est pas de créer un musée qui serait une courtepointe de toutes les cultures qui... qui cohabitent, parfois, au Québec. L'intention, elle est de créer un musée qui n'existe pas aujourd'hui, c'est-à-dire un musée sur l'histoire de la nation québécoise.

Je comprends que le titre... Vous nous dites : Le titre que portera le musée nous incite — c'est-à-dire vous — à dire : Bien, vous devriez être plus larges. Mais l'intention, moi, je pense qu'elle est légitime, celle de créer un musée sur l'histoire de la nation québécoise ou, en tout cas, où la nation québécoise va être vraiment prépondérante. Et là je me sens comme un député de l'opposition qui termine sa question sans question.

M. Wien (Thomas) : Bien, écoutez, on pourrait ergoter sur la question de la prépondérance. Je voulais revenir sur le... Ça fait deux fois, je crois, M. le ministre, que vous nous dites que ce que nous proposons, ce serait une histoire de l'occupation du territoire, mais ce n'est pas ça du tout. C'est-à-dire, il y a cet aspect là de l'occupation du territoire, c'est bien évident, mais ce sont des... Tout à l'heure, Mme Ferretti... et vous avez vu sûrement qu'il y a... sur bien des points, nos points de vue se recoupent, mais, à un moment donné, vers le milieu de son intervention... au début, là, Mme Ferretti a dit que c'est...

La Présidente (Mme Poulet) : C'est tout le temps qu'il nous reste pour la partie gouvernementale, je m'en excuse. On va poursuivre les discussions avec la députée de Robert-Baldwin, pour une période de 10 min 30 s.

Mme Garceau : Bonjour. Un échange très intéressant, M. le ministre, et j'aimerais continuer dans cette voie, parce que... et moi aussi, compte tenu, également, des autres mémoires que nous venons tout juste à peine de recevoir, dans lesquels nous avons des experts, des historiens qui disent : Bien, regardez, la mission du Musée de la civilisation et la mission proposée concernant le Musée...

Mme Garceau : ...de l'histoire, c'est sensiblement les mêmes missions. Et donc là je regarde l'intitulé du projet de loi, et vous avez parfaitement raison qu'on parle d'un musée national de l'histoire du Québec, et non pas : musée national de la nation québécoise. Donc, il y a une distinction, d'après votre témoignage, à faire ici qui est quand même très, très importante, n'est-ce pas? Oui?

M. Wien (Thomas) : Karine. Oui. Oui, oui! Oui.

Mme Hébert (Karine) : Bien, en fait... Oui.

Mme Garceau : Non, mais j'aimerais... J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que j'entends M. le ministre, avec cette intention, qu'il n'y a pas de musée sur la nation québécoise, mais cette intention-là n'est pas décrite dans le projet de loi que nous avons devant nous, et c'est pour ça que tout le monde... plusieurs historiens... et ce que nous avons lu dans les mémoires, on parle essentiellement... bien là, on regarde l'histoire du Québec, et l'histoire du Québec, on a déjà trois musées d'État au Québec et on a évidemment le Musée de la civilisation qui, évidemment, fait des expositions concernant l'histoire du Québec, et donc on ne veut pas avoir un dédoublement. Est-ce qu'on est en train de faire ça avec ce nouveau musée, la création de ce nouveau musée? Et j'aimerais vous entendre précisément sur cette question, parce que, vous venez un peu rejoindre ma pensée lorsque j'ai pris connaissance du projet de loi, il y a quand même une distinction à faire qui est très importante.

Mme Hébert (Karine) : Bien, je pense qu'hier, l'intervention de notre collègue Martin Pâquet était très éclairante à cet égard-là, donc je ne veux pas rajouter... reprendre son argumentaire. Mais cette idée-là de réfléchir, de prendre le temps de bien distinguer les deux, ça s'impose.

Je n'ai pas particulièrement d'inquiétude sur la pertinence d'avoir un musée d'histoire du Québec. Je pense qu'il y a vraiment quelque chose à faire notamment, comme on l'a dit, en développant un écosystème muséal qui intégrerait les différentes régions dans cette perspective-là. Donc, il y a un espace pour cette institution-là.

Mais je laisserais peut-être la parole à mon collègue, M. Wien, pour préciser où est-ce qu'il s'en allait avec sa dernière intervention, parce que je pense que c'était directement dans le lien de ce que vous posez comme question.

M. Wien (Thomas) : Oui... Merci. Merci, Mme la députée, merci, Karine. Oui. Bien, c'était encore une fois un plaidoyer en faveur de... d'une histoire ouverte où il y aurait de la place pour tout le monde.

Et, pour essayer de répondre à votre question sur comment distinguer, donc, les institutions, j'ai l'impression que... Bon. Le Musée de la civilisation a deux belles expositions permanentes : il y en a une qui est consacrée à la nation québécoise, disons, et il y a l'autre qui est consacrée aux peuples autochtones. Et je pense qu'une des façons qui permettrait... qui... par laquelle le nouveau musée se distinguerait, c'est qu'il va mettre ces deux histoires-là en regard.

• (12 h 40) •

Mme Garceau : O.K., donc une histoire, comme vous avez mentionné, plus rassembleuse...

M. Wien (Thomas) : Voilà.

Mme Garceau : ...dans ce nouveau musée pour tenir compte également de toutes les complexités de notre histoire, mais l'histoire des autochtones, l'histoire des communautés culturelles. Et donc, quelle serait l'approche... quelle serait l'approche pour assurer que ce musée reflète, représente toute cette diversité dans notre histoire?

Mme Hébert (Karine) : Bien, je pense que les... en ce moment, le musée, qui est en voie d'être structuré, s'est quand même adjoint un comité scientifique intéressant, a pris la peine d'aller recruter des historiens un peu partout, probablement des représentants aussi de différentes communautés, et c'est quand même un comité qui va avoir un rôle important à jouer dans l'approche qui va être privilégiée. Disons que ça doit être une approche qui va favoriser le dialogue, tu sais, qui ne présentera pas nécessairement qu'une seule trame, mais qui serait en mesure de présenter...

Mme Hébert (Karine) : ...le dialogue entre différentes trames. Puis au final, bien, quand on dialogue, on parle ensemble et ça donne quelque chose... ça donne quelque chose de cohérent. Et l'idée, ce n'est pas d'avoir un monologue avec quelques petites voix autour, mais un véritable dialogue qui s'en va dans une certaine direction. C'est tout un défi pour un musée, mais ça va être vraiment au rôle du... le rôle du comité scientifique de réfléchir à la meilleure façon de faire se parler ces différentes interprétations de l'histoire du Québec.

Mme Garceau : Très intéressant que vous parlez de ce comité, parce qu'évidemment il y a comme ce comité scientifique qui a été nommé par le gouvernement, mais il y a aussi... il va y avoir un conseil... un conseil d'administration, un C.A. C'est ça, ma compréhension d'après le projet de loi, on pourra s'en reparler après. Mais, en termes de les autres personnes, parce que je vois évidemment l'historien Éric Bédard, il y a aussi Jenny Thibault, la directrice générale et artistique de la Société des arts technologiques. Pour vous, quelles autres personnes devraient être sur ce comité?

Mme Hébert (Karine) : Bien, en ce moment, ce que ce que j'ai compris, puis, bon, vous me corrigerez si ma compréhension n'est pas la bonne, mais les deux personnes que vous venez de nommer, donc historien puis responsable du contenu numérique, eux ont déjà été nommés, mais la constitution du comité scientifique est la responsabilité en ce moment du Musée de la civilisation qui est en train de structurer la façon dont va se développer le musée. Et il y a plusieurs démarches qui sont en cours pour aller chercher des experts dans différents domaines, dans différentes régions, de différentes communautés, pour sa... pour former le comité avec les deux personnes dont vous avez parlé. Le conseil d'administration, comme dans n'importe quel musée, va servir à gérer le musée, mais pas nécessairement à structurer l'exposition, parce que ce comité scientifique là a été... est en train de se former pour préparer l'exposition permanente qui devrait ouvrir, là, au moment où le musée va être inauguré.

Mme Garceau : Sur ce comité, est-ce que vous croyez qu'il devrait y avoir des représentants des Premières Nations?

M. Wien (Thomas) : Absolument.

Mme Hébert (Karine) : Bien oui.

Mme Garceau : Et quels autres groupes d'après vous, en termes des communautés culturelles ou autres?

Mme Hébert (Karine) : Bien, je vais parler pour ma paroisse, si je peux me permettre, dans le sens où on parle d'un musée d'histoire du Québec. En ce moment, la... il y a une grosse partie des ressources muséales qui sont concentrées dans les métropoles, dans Montréal et Québec, et l'abandon des espaces bleus a quand même fragilisé ou, disons, préoccupé plusieurs musées dans les régions, plusieurs personnes qui travaillent. On a entendu la Fédération Histoire Québec hier qui a parlé de ça. Donc, probablement qu'il devrait y avoir des représentants des différentes régions aussi du Québec pour s'assurer que la place de ces régions-là soit incluse dans la grande trame narrative qui va être présentée dans le musée.

M. Wien (Thomas) : Et, si je peux me permettre un complément de réponse, je ne sais pas où est-ce qu'on s'arrêterait si on se mettait à nommer beaucoup de représentants et représentantes des communautés culturelles, d'autant plus que, dans notre intervention, nous disons que la diversité passe par... aussi par la condition sociale, par le genre et ainsi de suite. C'est ça, la complexité de l'histoire du Québec. Et donc je vois mal comment y nommer des représentants. Mais j'ai bien l'impression que, parmi les historiens et les historiennes, il y a beaucoup de spécialistes de ces questions-là qui pourraient à la fois se prononcer sur les questions d'ordre technique et aussi, jusqu'à un certain point, faire la liaison puisqu'il est... si j'ai bien compris, il est bel et bien question de... d'y ajouter un volet d'histoire citoyenne à ce musée.

Mme Garceau : Est-ce que vous croyez qu'une consultation nationale serait nécessaire pour déterminer les composantes du musée de l'histoire?

M. Wien (Thomas) : Est-ce que c'est vraiment nécessaire? Je n'en suis pas certain. Karine?

Mme Hébert (Karine) : Il faudrait que le mandat soit... de la... bien, soit vraiment très clair, parce que c'est le genre de discussion qui peut s'étirer pendant des années, dans la mesure où est-ce que le mandat...

La Présidente (Mme Poulet) : Je m'excuse de vous interrompre, on va poursuivre, le délai est écoulé. Alors...

La Présidente (Mme Poulet) : On va poursuivre les discussions avec le député de Jean-Lesage pour une période de 3 min 30 s.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre intervention. J'ai l'impression qu'il y a beaucoup de choses dans la réalisation concrète de ce musée-là qui vont dépendre, comme vous l'avez dit, du comité scientifique. Puis, bon, ce qui est contenu dans le projet de loi, c'est extrêmement général. On peut. Beaucoup de choses différentes pourraient découler de ce qui est mis là-dedans. Cela dit, comme on va avoir à faire des propositions, peut être d'amendements sur ce qui est écrit dans le projet de loi en ce moment, je me demandais si vous aviez, dans votre mémoire, peut-être proposé des idées, des modifications proposées, des amendements, par exemple, des mots qu'il faudrait changer concrètement dans ces articles-là, ou bien... fin de la question. Je vous en poserai une autre après.

Mme Hébert (Karine) : Bien, en fait, oui, c'est l'objectif même de notre intervention, dans le sens où on croit à l'indépendance des institutions paragouvernementales. Un musée national n'est pas un musée politique. D'où l'importance d'avoir un mandat très clair qui se dégage justement d'un billet politique à l'intérieur même du mandat qu'on lui confie. Je ne sais pas si vous me comprenez, mais pour nous, ça doit être un musée, on l'a dit, un musée d'histoire du Québec. Et la proposition qu'on fait en 24.2, c'est justement de le préciser. Donc, contribuer à la compréhension et à la diffusion de l'histoire du Québec plutôt que de contribuer, de faire de par la promotion de l'histoire du Québec. C'est une manière pour nous d'assurer une certaine indépendance du musée, de sa culture, de son identité distincte. Ça, il n'y a pas de problème, mais de témoigner du cheminement complexe de la nation québécoise, donc de ne pas tenir pour acquis que la nation existe en elle-même de façon naturelle, mais plutôt d'expliquer comment est-ce qu'elle a été créée en tenant compte des communautés mais aussi des groupes sociaux. Donc, on élargit le dialogue à l'ensemble des groupes sociaux. On a parlé des classes sociales, des identités de genre, ce genre de choses-là. Et aussi d'ajouter véritablement une phrase qui prendrait en considération la place particulière qui s'occuperait des Premières Nations et les Inuits à l'intérieur de ça, de ce récit-là?

M. Zanetti : Est-ce que, selon vous, ce musée-là devrait avoir comme fonction de, comment je formulerais ça, de favoriser l'unité nationale ou augmenter le sentiment d'adhésion à l'identité nationale?

• (12 h 50) •

M. Wien (Thomas) : Oui, oui, tout à fait. Et vous verrez dans le mémoire que notre point de départ, c'est un peu les défis d'aujourd'hui, ne serait-ce que le changement climatique. Et ce que l'univers électronique peut poser  comme menace à la vie en français ici? Et le but de notre intervention, c'est justement de favoriser la mise en place d'un musée qui favoriserait le vivre ensemble. Et nous, nous trouvons qu'il faut justement passer par un examen critique du passé pour y arriver.

La Présidente (Mme Poulet) : Je vous remercie. C'est tout le temps qui nous reste. Fort intéressant. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. La Commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 51)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 02)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, bonjour, tout le monde. Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 64, Loi instituant le Musée national de l'histoire du Québec.

Alors, cet après-midi, nous entendrons les témoins suivants : Pr Yves Bergeron, Pr Jonathan Livernois, Pr Gérald Bouchard et Pr Laurier Turgeon.

Alors, on va avoir un format hybride, cet après-midi. Alors, je vous souhaite la bienvenue à vous trois. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, je vous invite donc à commencer.

M. Bergeron (Yves) : Merci. Merci de me recevoir en commission parlementaire aujourd'hui. Puis je salue mes deux collègues de la chaire qui sont en visioconférence puis... Lisa Baillargeon.

C'est important de signaler d'entrée de jeu que l'équipe de la Chaire de recherche stratégique sur... UQAM, sur la gouvernance des musées et le droit de la culture considère que, d'abord et avant tout, c'est un... la création d'un musée national, c'est un privilège de l'État. Donc, on a choisi de centrer notre analyse sur la mission du musée autour de sept recommandations. 

Donc, la mission, pourquoi? Parce que c'est central. La mission d'un musée, c'est ce qui structure le mandat, les objectifs, les responsabilités qui structurent le mode de fonctionnement. C'est pourquoi on a écarté des remarques qui concerneraient, par exemple, la régie du musée. L'objectif étant de préciser la mission de ce musée national.

Donc, on va tenter de présenter de manière assez rapide la chaire, pour nous concentrer sur le contexte et les enjeux de la création de ce musée et ensuite passer en revue les sept grandes recommandations qu'on formule.

Alors, la Chaire sur la gouvernance des musées a été créée à l'UQAM en 2017 et on s'est inspiré de la définition de la Société des musées du Québec sur... qui considère que la gouvernance, ça constitue en quelque sorte le fil conducteur entre les grandes fonctions qui structurent l'écosystème du monde muséal. Jusqu'à maintenant, les universités s'étaient intéressées aux musées, mais plutôt du point de vue des collections, des expositions. Et ce qu'il y avait de nouveau avec cette chaire, c'est qu'on convoquait trois disciplines complémentaires : la muséologie, la gestion, mais aussi le droit de la culture. Et pourquoi le droit? Parce que, dans la pratique quotidienne des musées, bien, cette pratique, elle est balisée par toute une série de législations, de conventions internationales, on pense aux conventions de l'UNESCO notamment, mais, aussi, c'est encadré par le droit souple, l'éthique adoptée par la Société des musées du Québec, par le Conseil international des musées, mais aussi par tous les corps professionnels qui travaillent dans les musées. On peut penser aux archives et à d'autres secteurs.

Donc, on a choisi d'inscrire cette chaire dans la perspective de la recherche, à la fois fondamentale, mais aussi appliquée. Pourquoi? Pour tisser des liens durables avec le monde professionnel. Et c'est pour ça que la chaire vise à développer des outils de gestion qui sont adaptés aux milieux professionnels.

À ce jour, l'équipe compte 41 membres, dont 12 professeurs, 30 chercheurs, des professeurs-chercheurs à l'UQAM, mais aussi dans des universités au Québec et en Europe et aux États-Unis. Donc, des chercheurs qui... une équipe, au fond, qui est accompagnée en même temps par un comité-conseil, donc des gens qui ont une large expérience dans le monde des musées.

Alors, moi, j'en suis le titulaire, j'ai travaillé, pour préciser les choses, 17 ans dans le monde des musées, dans les musées fédéraux, mais aussi surtout 10 ans au Musée de la civilisation. J'enseigne la muséologie depuis l'année... au tournant des années 2000 à l'Université de Montréal, puis ensuite à l'UQAM. Et je veux quand même souligner que j'ai participé à l'équipe du Vérificateur général du Québec qui a réalisé le dernier audit sur les musées nationaux. Donc, j'ai pris conscience à ce moment-là de l'importance de l'énoncé de la loi, parce que tout ce qu'on avait à évaluer, c'était toujours en fonction de l'énoncé de mission, donc l'engagement que chaque musée prend à l'égard des citoyens de la société.

Ma collègue, Lisa Baillargeon, est membre de plusieurs conseils d'administration, elle est à l'École des sciences de gestion. Elle est aussi sur le conseil d'administration du Musée d'art contemporain. Donc, elle connaît bien ces dynamiques de musées nationaux. Notre collègue, Nadia Smaili, est aussi...

M. Bergeron (Yves) : ...qui est aussi en sciences de la gestion, est spécialiste, elle, en éthique et en prévention et détection de la fraude, et Pierre Bosset, en sciences juridiques, est spécialiste du droit de la culture, et notre dernière collègue Michèle Rivet, qui est ex-juge présidente du Tribunal des droits de la personne du Québec, mais elle est aussi... pour notre bonheur, elle est aussi muséologue, donc elle a intégré l'équipe, et elle est membre... elle a été membre du C.A. ICOM Canada, mais elle est aussi vice-présidente du conseil d'administration du musée canadien des droits de la personne.

On a réalisé plusieurs projets. Bien, comme toute... toute équipe universitaire, on organise des colloques, on a publié des ouvrages, des articles, mais pas juste au Québec, à l'international, sur la gouvernance, les enjeux qui sont liés à la gouvernance et toujours dans une perspective de diffuser ce qui constitue l'originalité de la muséologie québécoise. La chaire a réalisé, d'ailleurs, en créant un consortium il y a deux ans, un grand projet de recherche, le Conseil international des musées sur le financement public des musées, et ce rapport devrait paraître dans quelques... quelques semaines et il devrait, donc, avoir un impact important.

Maintenant, ce qui est important, le contexte et les enjeux de la création d'un musée national. Le projet de loi, c'est important. C'est le premier, je ne vous apprends rien, musée national depuis la création du Musée de la civilisation il y a 40 ans. C'était en 84, il nous a ouvert ses portes en 88. Et il faut reconnaître qu'un musée national, ça contribue à changer le réseau muséal. Le Musée de la civilisation a... puis je... le terme n'est pas... je pense que le terme est très juste, a révolutionné la muséologie en transformant le réseau muséal québécois, mais c'est... et le réseau aussi international. Il ne faut jamais oublier que c'est le seul musée au Canada à ce jour qui a exporté à l'international son concept et sa philosophie. Et d'ailleurs les universités québécoises en bénéficient parce que 40 % des étudiants qui viennent étudier en maîtrise, au doctorat en muséologie choisissent le Québec parce qu'il y a une renommée internationale dans le secteur de la muséologie. Le grand public ne le sait pas nécessairement parce que c'est un créneau qui est particulier, mais c'est une réalité dont on profite, tout le monde, aujourd'hui. Donc, la création d'un musée national, je le disais en introduction, c'est la prérogative d'un gouvernement, et la majorité des États se dotent normalement de musées nationaux dans quatre catégories de musées, hein, art et art contemporain, musée de société, musée d'histoire mais aussi musée de sciences, et on peut donc féliciter le gouvernement de compléter son réseau de musées nationaux en choisissant de créer un musée consacré à l'histoire.

• (15 h 10) •

Deux mots sur... sur les distinctions entre musée d'État et musée privé, parce que ce n'est pas toujours compris par le grand public, les mandats et responsabilités ne sont pas les mêmes. Il y a toujours des nouveaux musées qui s'ajoutent périodiquement dans le réseau muséal québécois, mais au final, ça change peu de choses parce que ces musées privés sont libres d'aborder les thématiques de leur choix, ils ne répondent pas nécessairement à des orientations définies par le gouvernement au ministère de la Culture. Alors que, contrairement aux musées privés, bien, dans... les musées... la mission des musées nationaux, elle est... elle engage l'institution à moyen et long terme. Et il y a aussi cet effet structurant des réseaux... des musées nationaux sur le réseau muséal parce que ces grands musées accompagnent les musées sur l'ensemble du territoire et rendre des services que des musées privés ne rendent pas nécessairement. Donc, ils ont aussi le mandat de... même s'ils sont à Québec et Montréal, de desservir toutes les régions et ils s'adressent à tous les citoyens, toutes les citoyennes. Il est donc essentiel que les communautés aussi se reconnaissent dans les musées nationaux qui ont des impacts partout sur le territoire.

La première recommandation croit que le Musée national de l'histoire du Québec aurait avantage à proposer une approche réflexive fondée sur le rôle social du musée. Pourquoi? Parce que cette approche a été innovante au moment de la création du Musée de la civilisation, parce que ça s'inscrivait dans le mouvement de la nouvelle muséologie, c'était innovant dans les années 80. Aujourd'hui, ce qu'il y a de différent, c'est que cette valeur-là, elle a... elle a fini par remonter jusqu'au sommet du Conseil international des musées, de telle sorte qu'en 2022 ICOM a adopté une nouvellement définition qui précise justement que le rôle social est au cœur de la mission de tous les musées. Ce n'est plus les collections qui sont...

M. Bergeron (Yves) : ...c'est le rôle social, et ça conduit d'ailleurs le conseil international à engager tout un grand chantier pour la refonte des codes d'éthique, parce qu'il y a vraiment un changement de posture important. Donc, le rôle social du musée, c'est précisément, je tiens à le rappeler, ce que le Musée de la civilisation fait depuis 1988, qui est... et c'est devenu le modèle de musée de société pour toutes les catégories de musées, ce qui explique l'attractivité, comme je le mentionnais, internationale des programmes de formation en muséologie au Québec.

La recommandation deux : Le musée national d'histoire devrait se définir comme un musée qui favorise une approche interdisciplinaire de l'histoire, parce que le projet de loi... en fait, on croit que le projet de loi devrait préciser que l'histoire du Québec, ça ne relève pas uniquement de la discipline historique. L'histoire du Québec est étudiée, comprise par l'histoire, bien entendu, au premier chef, mais la sociologie, l'archéologie, la littérature, la géographie, l'anthropologie, l'éducation, les arts vivants, en fait les sciences naturelles...

La Présidente (Mme Poulet) : Je m'excuse de vous interrompre. Le temps est terminé. Ça va vite.

M. Bergeron (Yves) : Oui. C'est bien.

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, je vous remercie. Nous allons...

Une voix : ...

M. Bergeron (Yves) : Oui, oui, oui...

La Présidente (Mme Poulet) : Nous allons commencer les périodes d'échange. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Lacombe : Bien, on aura effectivement l'occasion, je pense... Vous alliez traverser vos recommandations, on les a tous bien reçues puis on aura l'occasion, au cours des... je pense, de la prochaine demi-heure ou un peu plus, même, d'échanger les uns après les autres.

Merci d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer, de vous être préparé, d'avoir produit le mémoire aussi en amont de tout ça. Donc, c'est... c'est bien apprécié, d'autant plus que vous avez beaucoup d'expérience et que vous avez déjà travaillé dans un musée national, le Musée de la civilisation. Donc, merci beaucoup.

Peut-être, je vais y aller avec quelques questions en rafale. Quand vous dites que la mission du Musée national de l'histoire du Québec est analogue à celle du Musée de la civilisation, c'est... c'est comme ça que vous commencez votre troisième recommandation, puis vous nous suggérez même de... si nous conservons la mission telle quelle du MNHQ, de modifier la mission du Musée de la civilisation, il y a quand même une distinction, c'est-à-dire, dans la loi sur les musées nationaux, lorsqu'on parle du Musée de la civilisation, on parle des habitants du territoire québécois, donc beaucoup plus d'un point de vue de société, vous le savez, tandis qu'à l'intérieur de... du projet de loi que nous proposons sur le Musée national de l'histoire du Québec, on parle... je résume, mais principalement de la nation québécoise. Et ce matin d'ailleurs on avait une discussion intéressante sur la distinction entre société et nation. Vous avez probablement été à l'écoute. Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est déjà... puis je le... je pose la question de façon très ouverte parce que ça m'intéresse, est-ce que ce n'est pas déjà une distinction qui est suffisante?

M. Bergeron (Yves) : À mon sens, non...

M. Lacombe : Non?

M. Bergeron (Yves) : ...parce qu'on peut... quand ce n'est déjà pas clair pour les gens qui travaillent dans les musées, je ne suis pas certain que ce soit clair pour les citoyens, qui voient là deux musées... deux musées d'histoire.

Le... Peut-être que l'ambiguïté vient du fait qu'au moment où le législateur a préparé le projet de loi qui définissait le Musée de la civilisation, le concept de musée de société n'existait pas, c'est né au sein du Musée de la civilisation et c'est ça qui a contribué à sa notoriété. Donc, on parlait de l'histoire. Alors, pour le grand public, c'est deux... ça resterait deux musées d'histoire.

Moi, je pense qu'on aurait avantage à miser sur le fait que la reconnaissance internationale du Musée de la civilisation, elle repose justement sur cette particularité. Moi, j'ai lu des thèses, j'ai participé à des soutenances et des colloques où des musées européens essaient de... tentent de dire aujourd'hui qu'ils ont inventé ça, le concept de musée de société. Ce n'est pas le cas. C'est né ici, à Québec, en 1988. Un peu avant parce que l'équipe de Roland Arpin avait déjà travaillé à définir le concept et la mission, mais le fait est que c'est devenu rapidement le modèle de musée qui s'est répandu partout au Québec et ailleurs au Canada. Je pense, c'est une occasion qui permet ça.

M. Lacombe : ...je ne veux pas vous mettre sur le gril sur la formulation puis entrer trop dans les détails, mais, si on reste à très haut vol, comment reformuleriez-vous le libellé, là, dans le cas du Musée de la civilisation?

M. Bergeron (Yves) : Oui. Je n'ai pas... Je n'ai pas fait l'exercice, mais je me souviens que c'est... une des dernières années où je travaillais au Musée de la civilisation, on avait fait... on avait fait cet exercice-là, puis finalement on avait abandonné parce qu'on disait : Bien là, il faudra aller changer... changer la loi, mais il y avait eu cette réflexion-là au sein même du musée....

M. Bergeron (Yves) : ...donc, je sais qu'il y a des gens... probablement qu'ils ont continué à travailler sur ça, mais c'est vraiment une des particularités de la muséologie au Québec sur laquelle on devrait miser.

M. Lacombe : Parfait. C'est bien noté. Merci beaucoup. Vous avez mentionné d'entrée de jeu que vous êtes heureux, d'accord avec la création d'un musée national d'histoire, que ça vient non pas compléter, mais participer à compléter le réseau québécois. Je vais aller dans les nuances. Est-ce que vous êtes d'accord que le Québec a toute la légitimité de se doter d'un musée? Vous avez entendu les discussions de ce matin sur l'histoire de la nation québécoise.

M. Bergeron (Yves) : Pourquoi le Québec ne l'aurait pas? Les... tous les pays le font. Puis d'ailleurs il y a un renouveau des musées d'histoire, pendant une certaine période, je dirais qu'il y a eu une tendance à privilégier plutôt les musées d'art contemporain, mais les musées d'histoire se sont renouvelés partout, puis notamment dans les musées... dans les musées de ville. Les musées de ville sont des musées très intéressants, parce qu'ils parlent des communautés. Et un des exemples peut-être qui témoignent le mieux de cette tendance-là, c'est le centre... de Montréal qui est devenu le... qui s'est refondé, il y a... il y a quelques mois. C'est un musée qui est fondamentalement un musée d'histoire, qui n'utilise pas le terme musée, mais qui fait exactement ça. Mais en... en réalité, quand on examine le concept de ce musée-là, c'est un musée d'histoire contemporaine. C'est un musée qui calque un peu le modèle des musées d'art contemporain, en disant : Il y a de l'histoire, mais on va d'abord parler de la société, aujourd'hui, des Montréalais. Et c'est pour ça que c'est particulièrement intéressant que ça se renouvelle dans des... dans des grandes villes à travers le monde. Et ça, c'est une tendance aussi, là, ça se fait à Montréal, mais on le voit ailleurs dans le monde.

M. Lacombe : Est-ce que vous trouvez que la façon dont est rédigé le projet de loi, spécifiquement la mission du Musée national de l'histoire du Québec... est-ce que vous trouvez que c'est rassembleur comme miission de la façon dont c'est libellé?

M. Bergeron (Yves) : Ça, c'est une question compliquée. Je vous dirais que l'énoncé de mission définit les grands paramètres. C'est... après, c'est dans le programme scientifique, dans le programme culturel que les choses trouvent leur place. Quand le Musée de la civilisation a... quand le projet de loi du Musée de la civilisation a été adopté, il faut se rappeler que tout le monde au Québec contestait ça. Le réseau, la Société des musées du Québec était contre l'ouverture de ce musée, parce qu'on disait que ça allait compétitionner des musées qui existaient déjà, le Musée du Québec qui va devenir le Musée national des beaux-arts du Québec. Et ce que la SMQ voulait, c'était qu'on redistribue cet argent-là. Si on n'avait pas... si le gouvernement n'avait pas tenu sa position et créé le Musée de la civilisation, la muséologie québécoise, elle ne serait pas là où on en est aujourd'hui. Ça, j'en suis parfaitement convaincu.

M. Lacombe : Et je n'ai pas la prétention de vouloir révolutionner le monde de la muséologie avec ce projet de loi...

M. Bergeron (Yves) : Non, mais...

M. Lacombe : ...je trouve que c'est intéressant, parce que plus ça change, certains diront, plus c'est pareil. Parce qu'aujourd'hui, bon, la Société des musées, ils viendront s'exprimer, mais il y a des gens, on entend des gens quand même nous dire : Il y a déjà des musées qui existent, entre autres dans les régions, et il ne faut pas en créer un nouveau. Il faudrait plutôt redistribuer cet argent-là. Donc, comme quoi, parfois ça se fait malgré l'opposition de certaines personnes puis que, des décennies après, on ne le regrette pas.

• (15 h 20) •

M. Bergeron (Yves) : L'histoire se répète.

M. Lacombe : L'histoire se répète. Donc, si je comprends bien, la réponse que vous venez de me donner, c'est vous n'avez pas... C'est plutôt général comme libellé, comme énoncé de mission. Donc, c'est davantage dans... Vous ne jugez pas que c'est rassembleur ou non rassembleur. Vous dites : C'est dans l'application de...

M. Bergeron (Yves) : C'est dans l'application, mais on souligne aussi dans notre rapport le fait qu'il y ait... il y a une trop grande parenté dans la mission des deux musées. À notre avis, ça crée... ça crée de la confusion.

M. Lacombe : D'accord. Je le comprends, je le note, puis ça sera utile à... aux discussions qui vont suivre, puis à notre à notre... à notre réflexion. Je vous avoue que je suis un peu surpris, encore là, ce n'est pas péjoratif. Je veux laisser... parce que vous n'êtes pas rendus là dans la... vous ne vous êtes pas rendus là dans la liste, tantôt, la... au numéro six. Donc, recommandation numéro six, vous dites que le projet de loi devrait préciser que le musée s'inscrit dans une perspective décoloniale et collaborative avec les Premières Nations, les communautés culturelles et les citoyens. Perspective décoloniale, qu'est-ce que... Comment... Qu'est-ce que vous voulez dire puis comment est-ce que ça peut s'appliquer à un musée qui va avoir comme principal objet...

M. Lacombe : ...objet l'histoire de la nation québécoise?

M. Bergeron (Yves) : Je sais que c'est un... c'est un sujet qui est... qui est délicat, la décolonisation. On est parfaitement, parfaitement conscient de ça. Sauf qu'il faut savoir que, sur la scène internationale, au sein du réseau du Conseil international des musées, c'est une posture qui a été adoptée par tout le monde et qui concerne notamment les cultures autochtones. Et nous, on pense qu'il faut... il faut une forme d'humilité là-dessus. D'abord, ils ont été... ils ont parcouru ce territoire, ils l'ont exploré, ils l'ont occupé pendant 12 000 ans, donc, d'une part, on ne peut pas exclure ça. Mais l'enjeu international, actuellement, concerne peut-être un peu moins le Québec, quoi que, dans la décolonisation, c'est aussi toute la problématique de restitution aux... aux communautés culturelles des biens. En Europe, c'est leur relation avec l'Afrique et l'Asie qui est un peu problématique, ils sont... ils sont engagés dans des processus de restitution. En même temps, on ne peut pas faire l'économie de ça puisque... Il faut y réfléchir, en tout cas, sérieusement. Nous, on a organisé un colloque international sur cette question-là. Il y a des musées qui trouvent des solutions. Puis il ne faut pas oublier aussi que la nouvelle génération, puis je parle du Québec, mais ailleurs, parce que je vais enseigner dans d'autres universités, mais je vais dans d'autres pays, je participe à des colloques... la nouvelle génération formée, là, partout, là, ils sont sensibles à cette question-là. Pour eux, ça ne pose pas un problème. Alors, je pense qu'on ne peut pas faire l'économie de ça.

M. Lacombe : Vous le... bien, c'est un point de vue qui est intéressant. Vous le formulez de cette façon-là, dans ces mots-là dans votre... dans votre mémoire. Est-ce que, selon vous, on atteint le même objectif ou sensiblement le même objectif en ayant un musée national de l'histoire du Québec qui va principalement, donc, avoir pour mission de s'intéresser à l'histoire de la nation québécoise? Et, comme la nation québécoise, elle est née, et je ne suis pas historien, mais comme la nation québécoise, elle est née de rencontres, notamment avec d'autres nations, les nations autochtones, si on fait une place à cette rencontre, qui est à la base... qui est à... de la naissance de la construction de la nation québécoise, donc, si c'est présent dans le musée pour expliquer que ces rencontres ont permis l'édification de la nation québécoise avec les décennies, avec... est-ce que... est-ce que vous trouvez que ça répond à cet objectif?

M. Bergeron (Yves) : Ce n'est pas antinomique. Je ne pense pas que ce soit problématique. Ce qui est aussi très clair dans les grandes transformations des musées... Moi, j'ai travaillé longtemps et je m'intéresse... notamment, je fais... on... le même groupe de recherche sur les tendances qui se transforme ici comme ailleurs. Une des... Une des grandes postures maintenant qui est... qui fait consensus dans la communauté muséale à l'Association des musées canadiens, à la SMQ, partout, c'est que les musées doivent travailler plus étroitement avec les communautés, ils doivent consulter maintenant la... Je dirais que la position d'autorité autrefois des musées, ce n'est plus possible. Donc, les musées n'ont pas le choix. Partout, c'est la même chose. Aux États-Unis, j'ai parcouru des musées cet été aux États-Unis, ils sont aussi dans cette... dans cette même dynamique-là. Et ça donne... Vous savez, un musée, ce n'est pas là juste pour donner un point de vue, un musée, c'est là aussi pour ouvrir à différents points de vue. Roland Arpin disait souvent : Un musée, c'est là pour réfléchir. Un musée qui donne que des réponses, c'est... posez-vous la question. C'est d'abord un jeu de réflexion. Et ça, c'est dans l'esprit de la nouvelle muséologie.

M. Lacombe : Mais on peut... Est-ce que vous êtes d'accord avec le fait qu'on... Parce que c'est au coeur du débat. C'est ça, la vraie question qui en...

M. Bergeron (Yves) : Oui.

M. Lacombe : On va avoir des discussions pendant des heures, mais on va toujours revenir à ça, c'est au cœur du débat, un musée sur l'histoire de la nation québécoise. Est-ce que vous êtes d'accord avec le fait qu'on peut lui donner cette mission-là tout en étant ouvert, tout en, comme c'est d'ailleurs écrit dans la mission, acceptant le fait puis l'intégrant dans des expositions, que les communautés qui se sont installées au Québec, on parlait ce matin, des Italiens par exemple, je pourrais en nommer beaucoup d'autres, ont collaboré, ont contribué à ce qu'est la... non pas société, mais la nation québécoise aujourd'hui? Est-ce que vous êtes d'accord avec ça, qu'on peut dire que ce sera un musée sur la nation québécoise, mais remplir ces objectifs-là puis être ouvert quand même à la diversité?

M. Bergeron (Yves) : Bien, absolument. À mon avis, ce n'est plus... ce n'est plus un problème. Puis je peux vous dire que ce n'est pas une problématique pour les jeunes qui sortent des universités partout au Canada, aux États-Unis et dans les pays européens...

M. Lacombe : Parce que, si on veut faire un musée qui parle de tout le monde, on ne parlera de personne à la fin.

M. Bergeron (Yves) : Non, bien, on... ce n'est pas... ce n'est pas ce que je dis. C'est que le fait... le fait quand même d'avoir un dialogue avec les communautés, ça... ça n'entre pas...

M. Bergeron (Yves) : ...après discussion, avec un discours sur la nation.

M. Lacombe : Mais, en même temps, il ne faudrait pas se retrouver... C'est l'objectif en tout cas derrière le projet, c'est d'éviter de se retrouver avec un musée où il y aurait un espace pour parler de l'histoire de la communauté anglophone, un autre pour parler des différentes nations autochtones, un autre pour parler de la nation québécoise, un autre pour parler des Irlandais et un autre pour parler des Italiens parce que, là, si on fait ça, si on a cette courtepointe, il nous manque... il nous manque ce qui nous lie ensemble, ce qui fait de nous tous ensemble, la nation québécoise.

M. Bergeron (Yves) : Je comprends votre préoccupation, puis en même temps c'est le défi qu'aura l'équipe à relever. Mais, moi, je... Écoutez, j'ai travaillé dans les musées, j'en forme, je les vois les cohortes depuis 24 ans maintenant et franchement, j'ai confiance en eux. C'est des enjeux avec lequel ils négocient bien.

M. Lacombe : Je partage cette confiance. Il nous reste deux minutes. L'indépendance du musée, j'ai senti une crainte, ou en tout cas une préoccupation ou une appréhension, là, parfois, on s'obstine sur les mots, on discute avec des gens très éduqués qui ont le sens des mots. Je ne sais pas comment vous... quel est le bon qualificatif, mais j'ai senti que cette question-là, en tout cas, vous intéressait, disons ça comme ça. C'est un musée qui... Vous connaissez la Loi sur les musées nationaux. Donc, c'est un musée qui sera indépendant, évidemment, qui aura sa propre gouvernance avec un conseil d'administration. Il aura son P.D.G.. C'est un musée, évidemment, où les expositions vont être menées, vont être imaginées par un comité scientifique. Donc, le gouvernement n'est pas là en train de nommer les gens sur le comité scientifique. Est-ce que vous pensez que le musée à l'indépendance... va avoir l'indépendance nécessaire pour bien faire son travail?

M. Bergeron (Yves) : Je crois que oui. Je voulais rappeler une chose importante, c'est qu'au moment de la création du Musée de la civilisation, 84, on est soumis au gouvernement du Parti québécois. Ce n'était pas fondé, mais ça inquiétait les gens le fait que ce soit peut-être un projet nationaliste. Ce que je sais, et je l'ai bien documenté auprès de Roland Arpin puis de Denis Bougeois. J'ai consulté une foule de personnes qui étaient là au moment où ce projet-là s'est mis en place. Quand Robert Bourassa revient au pouvoir, au gouvernement, il est inquiet de l'avenir du Musée de la civilisation. Il y a une coquille, mais il n'y a rien dans le musée, il y a 10 professionnels, il y a un embryon de projet, puis on est à un an et demi de l'ouverture, et il est inquiet et il demande à Roland Arpin de prendre la direction du musée et de dépolitiser parce qu'au départ c'est le musée de l'homme d'ici, c'était le nouveau musée.

La Présidente (Mme Poulet) : Je m'excuse de vous interrompre, mais la période pour... d'échange avec la partie gouvernementale est terminée. Alors, on va... je vais céder la parole à la députée de Robert-Baldwin.

Mme Garceau : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous, M. Bergeron, et évidemment à vous qui vous êtes présentés virtuellement. Merci beaucoup de votre participation. On va continuer cette discussion fort intéressante, si vous pourriez peut-être terminer votre réponse.

• (15 h 30) •

M. Bergeron (Yves) : Donc, très rapidement, Robert Bourassa, lui donne... lui demande de prendre la direction du musée et de surtout d'éviter que ce soit un projet politique, donc de dépolitiser ce projet-là. Et ça s'est défini d'ailleurs... et bon, Arpin a travaillé ça avec Henri Dorion, avec Michel Côté, avec d'autres. Ils ont défini un projet de musée qui en a fait un musée... un musée de société. Ils ont mis en place, dans la gestion quotidienne de ce musée-là, des balises pour s'assurer que ce soit un musée pluriel, que le musée c'était le... c'est l'expression qu'il utilisait souvent, que ce ne soit pas un musée qui monologue, mais qui donne la parole à plusieurs disciplines, à plusieurs points de vue. Et ça a été finalement le moteur qui a donné le... qui a défini un peu, disons, les grandes caractéristiques de ce musée-là et qui a fait que le musée a été, dès l'ouverture, le musée le plus fréquenté au pays. Les gens venaient de partout pour voir à Québec qu'est ce que c'était que ce musée-là. Et donc, il y avait cette préoccupation. Donc, j'ai toujours pris conscience, pour en avoir discuté très souvent avec lui puis avec d'autres directeurs de musée, que c'est une question importante que la direction artistique et la production des expositions, de la programmation culturelle, disons, dispose d'un espace de liberté. D'ailleurs, Roland Arpin avait ajouté quelque chose de très important dans le guide sur la gestion en disant : Ici, on a le droit à l'erreur...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Bergeron (Yves) : ...et il faisait confiance aux professionnels, et ce n'est pas les... même les directeurs des services n'intervenaient pas dans la production des expos, c'était vraiment l'affaire des professionnels, et ça, ça ne s'était jamais vu dans d'autres types de musées. Donc, il y avait toute une série comme ça, je pourrais l'expliquer longtemps, mais, bref, pour moi, ça reste important parce que ce n'est pas vrai dans tous les musées.

Mme Garceau : Je suis d'accord avec vous que c'était important à ce moment-là, en 1985, et c'est aussi important en 2024 de s'assurer que ça soit dépolitisé, tout cet aspect du musée.

Et aussi j'aimerais, M. Bergeron, vous entendre sur... parce que vous avez parlé, là, le... M. le ministre l'a mentionné, dans votre mémoire, concernant la parenté des deux missions entre le Musée de la civilisation et le musée actuel... la création du nouveau musée, compte tenu de la mission, qui sont sensiblement, vous avez mentionné, équivalentes. Et donc comment faire cette distinction entre les missions des deux musées? Parce qu'en prenant connaissance de votre mémoire, vous mentionnez de modifier la mission du Musée de la civilisation...

M. Bergeron (Yves) : ...

Mme Garceau : Pas la modifier?

M. Bergeron (Yves) : La préciser, préciser son originalité.

Mme Garceau : La préciser. O.K. La préciser, la préciser, mais est-ce qu'on ne devrait pas, dans le contexte de ce projet de loi, modifier la mission du musée de... du nouveau musée pour qu'il y ait une distinction entre les deux?

M. Bergeron (Yves) : Bien là, ce n'est pas à moi d'en juger. C'est parce qu'il faudrait avoir les deux documents pour pouvoir... pour pouvoir l'évaluer. Mais je pense que ça mérite d'être... d'être réfléchi.

Vous savez, ça fait 40 ans. On vit longtemps avec les musées nationaux. Je pense que ça vaut la peine de prendre le temps qu'il faut pour préciser des choses, parce que ça enracine la responsabilité du musée pour très longtemps, là. C'est très, très rare que les... les musées sont redéfinis dans des nouveaux projets de loi.

Mme Garceau : Vous avez mentionné également une de vos recommandations concernant cette consultation, une recommandation de tenir une consultation nationale, comme l'a fait le Musée canadien de l'histoire, qui permettrait d'établir un consensus social sur les grandes orientations que devrait adopter et préciser le musée national. Pourriez-vous élaborer en termes de quand est-ce qu'on devrait avoir cette consultation ou quand est-ce qu'on devrait la faire, cette consultation nationale?

M. Bergeron (Yves) : Écoutez, ce n'est pas à... ce n'est pas à moi à déterminer ça. Je ne connais pas le calendrier du ministère de la Culture et du musée à cet égard-là. Mais je voulais rappeler que la dernière fois où il y a eu une modification importante d'un projet de loi... bien, en fait, oui, dans la mission du musée, c'était le Musée canadien des civilisations qui devenait le Musée canadien de l'histoire. Et puis il y a là aussi une parenté avec ce qu'on a pu observer dans les médias. Il y a eu les mêmes remarques, les mêmes contestations, mais finalement, au gouvernement fédéral, ils ont décidé de faire une consultation nationale. Ça a duré quelques semaines. Ils sont allés un peu partout sur le territoire. Et finalement, le projet de loi a été adopté, le musée a poursuivi sur la même lancée, mais il s'est redéfini dans sa grande exposition permanente qui a été revue en 2017 et qui, curieusement, reprenait la même perspective que la première exposition du Musée de la civilisation, Mémoires, avec un regard sur... un regard, aussi, historique mais en même temps critique sur les enjeux de la société aujourd'hui, ce que faisait l'expo Mémoires.

C'est... Je pense, c'est un exercice démocratique qui en vaut la peine parce que c'est un musée qui concerne tout le monde et pas juste... pas juste les universitaires puis les spécialistes du monde des musées qui ont leur propre vision de ce que devrait être un musée. Je pense qu'il faut entendre les communautés.

Mme Garceau : Oui, les communautés dans le sens que peut-être ça serait intéressant de les entendre afin de préciser la mission du musée. Est-ce que vous seriez d'accord...

M. Bergeron (Yves) : Bien, après... après c'est au... c'est à l'équipe du musée de préciser les balises, mais on ne peut pas toujours être dans un rapport d'autorité, dire : Voici, voici une institution culturelle qui est importante pour vous puis voici comment elle va se déployer. On pouvait peut-être faire ça il y a 40 ans, mais je ne suis pas sûr qu'on... c'est le cas aujourd'hui.

Mme Garceau : Peut-être une consultation, si je peux dire, nationale menée par le comité scientifique...

Mme Garceau : ...est-ce que ça, ce serait une option?

M. Bergeron (Yves) : Bien, ça pourrait être le cas, mais ce n'est pas à moi à traiter des directives là-dessus.

Mme Garceau : ...la question à l'expert. Donc...

M. Bergeron (Yves) : Moi, j'attire votre attention sur ça.

Mme Garceau : Donc je voulais... je voulais savoir. M. le ministre a touché sur l'aspect de toute cette perspective décoloniale que vous avez mentionnée dans votre rapport pour tenir compte des Premières Nations, les communautés culturelles et les citoyens. Vous avez aussi parlé d'agir d'une façon collaborative avec les Premières Nations, les communautés culturelles, les citoyens. Comment est-ce que nous allons assurer cette approche de collaboration?

M. Bergeron (Yves) : Là, c'est de la régie interne. Il s'agit surtout que ce soit... que ce soit considéré par l'équipe comme une valeur... une valeur commune, mais je peux vous confirmer que c'est déjà une valeur commune au Conseil international des musées, à la Société des musées du Québec.

Mme Garceau : Vous avez mentionné, et j'aimerais revenir sur ce point, de l'UNESCO, et de cette convention en 2022 en ce qui a trait à la définition du musée, qui précise le rôle social qui est au cœur de la mission de tous les musées. Est-ce que vous croyez que nous devrions préciser dans le projet de loi cette définition? Est-ce que ce serait utile de préciser afin que... pour atteindre votre objectif, que d'avoir une approche réflexive?

Mme Garceau : Peut-être que mes collègues seraient mieux placés que moi pour répondre à la question. Lise ou Pierre?

M. Bosset (Pierre) : Oui, bien, alors c'est une définition qui n'est pas dans une... dans un traité international, là, parce que l'ICOM, le Conseil international des musées, n'est pas une organisation intergouvernementale, donc il n'y a pas de traité qui s'élabore au sein de cette organisation. Mais ils ont quand même, au fil du temps, redéfini à plusieurs reprises la notion de musée. Et ça donne lieu à des grands débats presque existentiels sur ce qu'est un musée. Chose certaine, ça pourrait être une chose intéressante, effectivement, peut-être dans la loi plus générale sur les musées nationaux, de préciser que l'entendement que l'on a au Québec de ce qu'est un musée, c'est le même que celui qui a été adopté par le Conseil international des musées. Ce serait une hypothèse intéressante, je pense.

Mme Garceau : O.K. Oui, vous voulez ajouter?

M. Bergeron (Yves) : Le Québec a sa propre définition de ce qu'est un musée, d'ailleurs, cette... la conception du musée, c'est plutôt on parle d'institution muséale... c'est plus englobant, c'est plus démocratique que la notion de musée qui est européenne et qui concerne une catégorie très, très spécifique de musées. Il avait même été question en 2018... en 2019 à Kyoto, quand ça a été discuté, d'adopter cette... la position.

Pourquoi c'est important, une définition? Parce que, bon, le Québec a sa définition du musée, les Américains aussi. Mais, dans plusieurs pays, dans les législations, quand il est question de musée, quand ils n'ont pas de définition, c'est celle de l'ICOM qui prime. Et quand la définition de l'ICOM dit : Bien, le rôle central du musée, c'est... aujourd'hui, ce n'est pas nécessairement le patrimoine et les collections, c'est le rôle social, ça vient changer le mandat des institutions, parce que, quand on les évalue, on ne regarde pas juste : Est-ce que vous avez protégé des patrimoines? Qu'est-ce que vous faites à cet égard-là? Mais qu'est-ce que vous avez fait pour des questions qui ont été débattues, très, très larges, sur la justice sociale. Nous, on considère que...

La Présidente (Mme Poulet) : Je vous remercie. Désolée, encore une autre fois, de vous interrompre. Alors, on poursuit les échanges avec le député de Jean-Lesage.

• (15 h 40) •

M. Zanetti : Pour combien de temps?

La Présidente (Mme Poulet) : Pour trois minutes 28 secondes.

M. Zanetti : Merci. Alors, bon, vous mettez l'accent dans votre mémoire sur l'importance de... de dépolitiser en fait le musée, ou qu'il ne soit pas politisé, du moins, puis qu'il y ait une indépendance. Bon, on comprend les raisons. Dans le projet de loi à l'heure actuelle, il y a des dispositions qui font que c'est le gouvernement essentiellement qui va nommer le premier conseil d'administration et la première personne qui va assurer la direction générale. Puis les conseils d'administration subséquents et directions générales seront choisis selon les règles qui s'appliquent déjà pour les institutions similaires. Est-ce que cet aspect-là vous préoccupe du point de vue de l'autonomie puis de la non-politisation du musée... point d'interrogation.

M. Bergeron (Yves) : Je pense que ma collègue Lisa Baillargeon est mieux placée que moi parce qu'elle a une expérience des conseils d'administration.

Mme Baillargeon (Lisa) : Merci. Bien, ça ne m'inquiète pas du tout parce que, bon, on a la loi 114 sur les musées, la gouvernance des musées. Donc...

Mme Baillargeon (Lisa) : ...qu'il y a des règles très spécifiques à suivre avec les profils enrichis, qu'est-ce qu'on a besoin comme directeur général, et tout ça. Donc, c'est déjà très bien encadré. Donc, de ce point de vue là, je ne suis pas inquiète. C'est sûr qu'on souligne quand même dans notre recommandation qu'on veut... on veut quand même être à l'affût que... pour pas qu'il y ait de glissement vers le politique. Donc, c'est plus dans cette optique là aussi qu'on veut souligner. Mais je crois qu'en observant très bien la Loi sur la gouvernance des musées, qui a été émise en 2014 la première fois, la loi 114, donc je crois qu'on a déjà là tous les outils. Mais c'est important de garder toujours en tête qu'il peut y avoir des glissements, et donc c'est pour ça qu'on l'a ramené. Mais je crois que... je suis très confiante que, étant donné les balises qu'on a, toutes les mesures vont être prises pour avoir le meilleur... les conseils d'administration avec les profils qu'on a besoin, ainsi qu'une direction générale qui va assumer les fonctions pour ce type de musée.

M. Zanetti : Merci. Et dans vos recommandations, par exemple, il y a la question de la recommandation n° 5. D'un point de vue éthique, les musées doivent tenir compte de ces dynamiques de mémoire collective afin de demeurer des espaces crédibles aux yeux des communautés qu'ils servent. Comment est-ce qu''un musée peut faire ça, par exemple? Puis est-ce qu'il y a quelque chose à enchâsser dans la loi à ce sujet là? Ou est-ce que c'est plutôt une recommandation adressée, disons, au prochain conseil d'administration puis à la prochaine direction générale?

M. Bergeron (Yves) : Je ne crois pas que ce soit nécessairement dans la loi, mais c'est une précision qui est importante parce qu'il y a des distinctions entre histoire et mémoire. Les musées oscillent toujours entre deux postures, c'est-à-dire produire des expositions qui traduisent, je dirais, la vision d'une partie de la population, hein, la culture savante. Mais très souvent, les musées ignorent le volet qui, aujourd'hui, en tout cas, est peut-être plus... qui concerne la culture populaire. Et la mémoire, c'est cette autre histoire, hein?

Pierre Nora disait : Bien, il y a des lieux de mémoire communs. Et puis, même si les gouvernements, dans bien des pays européens, ont tenté de transformer la mémoire collective, il y a des choses qui persistent malgré tout. Et il y a une force de... je dirais, une espèce de vague de fond qui reste là et qui fait la distinction entre la mémoire dite officielle et la mémoire construite par les musées. Parce qu'il ne faut pas se leurrer aussi, les musées conservent la mémoire collective à travers des objets, mais ils participent par leur activité à construire aussi la mémoire et une identité nationale partout.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci. Alors, on va poursuivre avec le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous avez évoqué tout à l'heure les missions qui peuvent s'apparenter. J'ai très peu de temps, mais je vous laisse ce temps-là pour bien préciser les écueils auxquels on fait face. Comment s'assurer d'optimiser les ressources? Moi, je trouve ça très bien qu'on mette des ressources sur l'histoire. Je suis d'accord avec la mission du musée. Avant, c'était les espaces bleus, mais là on parle de ça. Je suis d'accord avec le projet de loi puis l'orientation, mais pour s'assurer comme bon parlementaire de bien faire les choses, qu'est-ce qu'il faut surveiller pour que ça se passe bien?

M. Bergeron (Yves) : Je vais essayer d'être concret, là, puis me placer dans la posture du public qui vient à Québec. Ils vont au Musée de la civilisation, qui est un musée formidable. Ils voient deux nouvelles expositions permanentes qui sont très réussies sur l'histoire du Québec, les Premières Nations. Ils continuent un peu plus loin, et là ils se retrouvent dans la même... dans une institution parente qui traite des mêmes sujets, mais des points de vue différents.

À Montréal, on a vécu exactement la même chose pendant des années avec le Centre d'histoire qui était situé juste à côté de Pointe-à-Callière, qui avait le mandat de raconter l'histoire de Montréal. Il y avait cinq récits de l'histoire de Montréal dans la ville.

M. Bérubé : Qui se concurrençaient.

M. Bergeron (Yves) : Oui, qui se concurrençaient. Aujourd'hui, c'est un peu moins pire puisque le MEM a décidé de prendre une autre avenue. L'autre compétition, c'est aussi... Pensons aux collections. À partir du moment où on regarde l'énoncé de mission, les mêmes objets, les mêmes, oui, objets patrimoniaux pourraient entrer dans l'une et l'autre des collections. Il faut que ce soit un peu plus clair, comme c'est le cas pour le Musée des beaux-arts du Québec et le Musée d'art contemporain.

La compétition, oui, il pourrait y avoir une compétition, mais il faut surtout penser aux citoyens qui vont arriver là et vont se dire : Mais qu'est-ce que c'est? Puis, d'ailleurs, moi, j'aurais aussi une question à poser au ministre et au ministère, c'est : Pourquoi est-ce qu'on n'a pas songé à installer ce musée à Montréal — c'est la moitié du Québec — si on veut que le musée ait un impact? Je comprends très bien les enjeux autour...

M. Bergeron (Yves) : ...du Séminaire de Québec, je connais ce dossier-là à fond, il y a une logique. Mais ma question, c'est : Est-ce qu'on y a songé? Parce que là, il y aurait... ce serait une autre dynamique.

M. Bérubé : La question...

M. Bergeron (Yves) : Je pense que le musée aurait un... le nouveau musée d'histoire aurait... aurait un impact. Puis, en même temps, partager le réseau des... des musées nationaux entre les deux grandes villes...

Une voix : ...

M. Bergeron (Yves) : Bien, oui... il avait déjà été question... du Musée de la civilisation, à Montréal. Ça ne s'est jamais fait, mais pourquoi pas?

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, c'est tout le temps que nous avons. Je vous remercie de votre contribution au... à la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin que le prochain groupe puisse s'installer, merci.

(Suspension de la séance à 15 h 48)

(Reprise à 15 h 50)

La Présidente (Mme Poulet) : Oui, alors, on poursuit nos travaux avec M. Jonathan Livernois, professeur titulaire du Département de littérature, théâtre et cinéma à l'Université Laval. Alors, bienvenue. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et nous procéderons, par la suite, à une période d'échange avec les membres de la commission. Alors, je vous invite à débuter.

M. Livernois (Jonathan) : Oui. Bonjour à tous, merci de m'accueillir. Je suis très heureux de venir discuter avec vous du présent projet de loi à l'étude, le projet de loi n° 64. Effectivement, je me prononce, aujourd'hui, à titre personnel, mais je ne me dédouble pas. Donc, je suis aussi, effectivement, professeur à l'Université Laval et, surtout, spécialiste des questions d'histoire intellectuelle et culturelle québécoise, donc le sujet m'intéresse beaucoup. Je suis aussi spécialiste des rapports entre politique et littérature. Donc, voilà.

Alors, ce que je propose aujourd'hui, essentiellement, c'est, bien sûr, de vous parler un peu de mon mémoire, d'en présenter les grands axes, mémoire que j'ai déposé il y a quelque temps. Je reprendrai, évidemment, aussi, une sorte de réflexion qui revient sur les intentions du législateur, au fil du XXe siècle, à propos des musées nationaux. Donc, c'est un peu la perspective que j'aurai. Deux prises de position, qui seront suivies de deux ensembles de recommandations. Voilà.

Donc, une première prise de position. D'entrée de jeu, je considère que le projet de loi, dans sa forme actuelle, mènera à un redoublement de la mission du Musée de la civilisation. En 1922, hein, le gouvernement de Louis-Alexandre Taschereau propose la Loi concernant les musées de la province, et, dès ce moment-là, on construit le domaine muséal autour de trois univers, hein, on le dit bien : l'histoire, les sciences et les beaux-arts, comme on le disait à l'époque. Évidemment, les beaux-arts, ça s'est fait assez facilement. On a parlé, tantôt, du Musée national des beaux-arts de Québec, fondé en 1922, qui avait un autre nom, bien sûr, à l'époque, le Musée d'art contemporain, qui a été fondé en 1964. Donc, après les beaux-arts, il restait les sciences et l'histoire.

En novembre 1980, en créant le...

M. Livernois (Jonathan) : ...musée de la civilisation. Le ministre Denis Vaugeois voulait consacrer la mission de cette nouvelle institution à, je cite, «l'histoire et à l'anthropologie». Même dans la loi créant le Musée de la civilisation en 1984, la fonction du musée était clairement énoncée comme je vais vous en faire la lecture : «La mission est de faire connaître l'histoire et les diverses composantes de notre civilisation, notamment les cultures matérielles et sociales des occupants du territoire québécois et celles qui les ont enrichis». C'est, me semble-t-il, ce que l'actuel projet de loi propose. À peu de mots près, en fait, parce qu'il y a même des formulations qui reviennent. Donc je mets. Je me questionne un peu pourquoi ce dédoublement, ce redoublement d'une mission? Pourquoi l'État veut-il créer ce qui a déjà été créé en 1984, hein, qui voulait justement s'attacher à l'histoire? Je me demande s'il ne faudrait pas davantage investir durablement dans un musée qui existe déjà au lieu de créer de nouvelles structures. Donc, première prise de position, j'y vois un redoublement. Deuxième prise de position, si adopté tel quel, le projet de loi n° 64 reposera sur une distinction que j'imagine ou que je crois, plutôt, factice, entre la culture et l'histoire. Une telle séparation me semble nuire aux visées du projet de loi. Alors, pour expliquer la création du Musée national de l'histoire du Québec, certains responsables du projet ont avancé l'idée que le Musée de la civilisation n'était pas un musée d'histoire, mais bien plutôt un musée de société. Cette distinction est quand même commode. On racontera l'histoire des Québécois Québécoises au Musée national de l'histoire du Québec et on racontera sa culture et les phénomènes récurrents, épars, culturels de l'autre côté. Donc, il y a vraiment une espèce d'opposition en tout cas une séparation des faits culturels et de l'histoire. Et pour moi, ça ne tient pas vraiment la route. Je crois même, enfin,  j'ose le dire qu'une telle distinction tient davantage d'une justification politique que d'une justification épistémologique. Les historiens le savent,  les historiennes aussi, on a beau multiplier les points de vue, il est risqué de proposer un récit monolithique ou unique de l'histoire québécoise. Historiquement, un récit unique comme celui imposé au XIXᵉ siècle par les élites cléricales nationalistes a été un obstacle à la prise de conscience des Canadiens français. C'est ce que le sociologue Fernand Dumont, en 1958, avec une lucidité qui force encore l'admiration, déclarait. Je le cite : «C'est lorsque, comme c'est le cas ici, le passé n'a qu'un sens lorsque le passé est un système que le problème est crucial dans le sens où, pour être fidèle, on est prisonnier d'une seule définition de l'histoire.» Fin de citation. Je pense qu'il faut imaginer l'expérience historique à deux faces d'un côté la narration, le récit de l'expérience québécoise qui doit d'ailleurs être consciente, cette narration de sa partialité, son caractère provisoire. Par exemple, si on monte l'exposition sur des patriotes, évidemment cette exposition ne sera jamais définitive. Il va toujours falloir réfléchir, prendre acte des nouvelles sensibilités, notamment le féminisme qui a ramené justement le rôle des femmes chez les patriotes. Donc on voit que ce n'est jamais définitif, ça bouge. Donc d'un côté, oui, il y a cette narration et de l'autre, on doit mettre en lumière effectivement des phénomènes culturels récurrents. On pense notamment aux expositions récentes de la civilisation comme la lutte et la pêche. Dans un musée consacré à l'histoire québécoise, quel qu'il soit, le citoyen à la citoyenne doit avoir conscience que la culture québécoise est certes un destin, un récit ou plutôt un ensemble de récits qui le précède et le suivra, mais aussi surtout un ensemble de choix culturels qui incombait à ses prédécesseurs et qui lui incombe désormais. Écartelé entre histoire et culture nos musées nationaux perdront, je crois, de leur cohérence. Donc on aura compris mon opposition à la création, du moins dans les conditions énoncées par le projet de loi n° 64, la création du Musée national de l'histoire du Québec. Cela dit, si l'Assemblée nationale adopte ce projet de loi ici, le Musée national de l'histoire du Québec est créé. Je propose de manière constructive quelques recommandations. D'abord, et je vais, je ne m'arrêterai pas beaucoup là-dessus parce qu'on manque de peu de temps, mais c'est l'idée de mieux délimiter évidemment les missions du Musée de la civilisation et de l'éventuel Musée national de l'histoire du Québec. Ça me semble assez important. Deuxième aspect ou deuxième ensemble de recommandations cette idée de redéfinir la mission du Musée national de l'histoire du Québec, telle qu'elle apparaît en tout cas actuellement, à l'article 2 du projet de loi. Je vous rappelle l'intitulé. Vous l'avez probablement beaucoup entendu, mais je me permets de le répéter, la mission est de faire connaître et de promouvoir l'histoire du Québec, sa culture et son identité distincte. Est-ce que de témoigner de l'évolution de la nation québécoise et de l'apport des communautés qui ont façonné son parcours et son territoire? Je propose l'intitulé suivant plutôt. De faire connaître et promouvoir l'histoire du Québec et sa culture, ainsi que de témoigner de l'évolution de la nation québécoise en prenant soin de montrer l'enrichissement et la participation des peuples autochtones...

M. Livernois (Jonathan) : ...autochtones et des communautés culturelles à ce parcours. Cet intitulé vise à la fois à être concis et consensuel sans être édulcoré. De plus, il donne suffisamment de latitude aux générations futures qui auront à administrer, à redéfinir ce musée à la hauteur de leur temps. Bon, ici, bon, dans le nouvel intitulé, on intègre les Premières Nations. Il me semble en tout cas, par tout ce qui s'est vécu, ce qui s'est dit, ne pas intégrer les Premières Nations dans l'intitulé, c'est au mieux maladroit et je dis bien au mieux.

Deuxièmement, je considère qu'on peut intégrer l'apport des communautés culturelles dans l'intitulé, et il ne faut pas donner l'impression, comme c'est un peu la formulation actuelle, que ces communautés culturelles forment une entité exogène, comme, bon, justement, on peut le voir dans cette idée qu'ils façonnent le parcours et le territoire des Québécois. On ne peut imaginer l'histoire du Québec ainsi, et ce n'est pas, bien sûr, une structure autoportante que l'histoire du Québec.

Finalement, et peut-être de manière plus importante, je laisse de côté la notion d'identité distincte. Rappelons que la... que la convocation, pardon, de l'identité fait souvent le jeu d'une politisation des débats, qui cadre mal avec les valeurs de scientificité d'un musée. Les historiens en France, comme Gérard Noiriel, ont pris position, notamment à l'époque de Sarkozy, en 2007, quand il voulait faire un ministère de l'identité. Et il y avait tout un débat, donc, autour de l'identité française. Noiriel rappelait ceci et les historiens, je pense, peuvent s'y reconnaître : «Le savoir historique peut certes aider à mieux comprendre les enjeux du présent, mais il ne peut pas servir d'argument d'autorité pour légitimer tel point de vue politique plutôt que tel autre. La vigilance que nous revendiquons consiste donc à combattre les entreprises de domination qui s'appuient sur les leçons de l'histoire.» Je ne vois pas l'intérêt ici de convoquer cette notion d'identité qui peut embrouiller et qui n'éclaire peut-être pas grand-chose. Ne pas la retenir ne signifie pas non plus vouloir édulcorer l'histoire du Québec, bien au contraire. Sans nier le sentiment d'appartenance à la nation québécoise, il est autrement intéressant de réfléchir à la pluralité des identités et aux interrogations qu'elles suscitent. Je pourrai donner des exemples tout à l'heure.

Conclusion, très rapidement. Donc, je me réjouis quand même, malgré mes réserves, que le gouvernement du Québec veuille investir et promouvoir l'histoire du Québec, bien sûr, mais on aura compris, au fil du mémoire et de cette présentation, que de... d'importantes, pardon, réserves m'empêchent de souscrire parfaitement à ce projet. Car il y a ici, je crois, un réel danger de figer le récit de l'histoire québécoise. Et, au contraire, il faut tout faire pour lui donner du jeu et surtout ne pas nuire à son mouvement. Je vous remercie et je suis évidemment disponible pour vos questions.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup, M. Livernois. Alors, nous allons procéder à la période d'échange. Alors, je cède la parole au ministre.

M. Lacombe : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. Livernois d'avoir pris le temps de venir nous voir. Donc, on a un peu plus d'une quinzaine de minutes pour échanger. Peut-être juste une précision parce que vous me faites douter, là, avec la fin de votre intervention. Vous dites : Je ne peux pas souscrire complètement ou parfaitement, alors qu'un peu plus tôt... au projet, alors que, plus tôt, vous disiez que vous êtes contre la création du Musée national de l'histoire du Québec.

• (16 heures) •

M. Livernois (Jonathan) : Oui, bien sûr, mais évidemment je suis contre. Mais je suis assez conscient qu'il y a de fortes chances que le musée existe.

M. Lacombe : Ça se pourrait.

M. Livernois (Jonathan) : Ça se pourrait fort bien. J'ai comme l'impression que... et, dans ces circonstances, je considère plus intéressant de proposer certaines choses quand même.

M. Lacombe : Super. O.K., donc vous êtes dans le... tantôt, vous disiez : Dans les suggestions constructives.

M. Livernois (Jonathan) : J'essaie, en tout cas.

M. Lacombe : Super. D'accord, c'est plus clair pour moi. Merci. Il me semble que je prendrais une heure pour qu'on puisse échanger puis essayer d'approfondir les points de vue, mais je ressortais, là, encore une fois, même si je la connais, pendant que vous parliez, la mission du Musée de la civilisation, parce que vous dites : Bon... Puis c'est intéressant, vous remontez à l'époque de Denis Vaugeois, et tout ça. Je réalisais et il y a quand même une distinction qui est importante, et là je cherche parce que je l'ai perdue ici. Voilà. On parle du... donc, donc, donc, attendez juste une petite seconde, je vais la retrouver, je vais la retrouver, le Musée de la civilisation a pour fonction, donc, de faire connaître l'histoire et les diverses composantes de notre civilisation, notamment les cultures matérielles et sociales des occupants du territoire québécois et celles qui les ont enrichies. Donc, en d'autres mots, de toutes les communautés de... incluant, bon, les Premières Nations, incluant les différents groupes qui composent la société québécoise, donc de parler de leur histoire de façon indépendante, notamment de l'histoire du... on voit...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Lacombe : ...la nouvelle exposition au Musée de la civilisation. Donc, il y a quand même une distinction entre ça et la proposition que nous faisons, c'est-à-dire d'avoir un musée dont le principal objet sera l'histoire de la nation québécoise et non pas l'histoire des occupants du territoire québécois. Est-ce que, là, il n'y a pas une distinction assez grande à votre sens?

M. Livernois (Jonathan) : Oui, dans la mesure où c'est ce qu'on met de l'avant dans ce projet de loi, cette idée d'une nation québécoise. Mais j'ai beaucoup de difficulté à imaginer cette nation québécoise véritablement comme une espèce, finalement, de fil conducteur qui part de Cartier ou de Champlain jusqu'à aujourd'hui.

Je vous donne un exemple. On parlait de Premières Nations, vous les avez évoquées. Je vous donne aussi les... Bon, je parle des communautés culturelles. Si je parle des rébellions de 1937-1938, évidemment, on va me dire : Oui, je suis tout à fait dans le récit québécois, mais, en même temps, est-ce que je fais l'impasse sur O'Callaghan, qui était un des lieutenants de Papineau qui est d'origine irlandaise? Est-ce que je ne parle pas de Daniel Tracy, qui était aussi d'origine irlandaise, qui a été assassiné pendant les manifestations contre les anglophones? Donc, vous voyez la notion de nation, pour moi, est intéressante, certes, mais je préfère parler comme Fernand Dumont de la... il y avait un livre assez célèbre en 1993, Genèse de la société québécoise. Donc, pour moi, la société québécoise, ça participe de tout ça, et bien malin celui qui est capable de définir parfaitement ce qu'est la nation québécoise, enfin, en ce qui me concerne.

M. Lacombe : Bien, est-ce que, clairement, vous reconnaissez qu'il existe une nation québécoise?

M. Livernois (Jonathan) : Bien, si Stephen Harper l'a fait...

M. Lacombe : Bien, c'est... J'aurais été surpris que vous me disiez non, mais je pose la question par acquit de conscience.

M. Livernois (Jonathan) : Non, non. Oui, non, je ne dis pas que ça n'existe pas, loin de là, mais ce que je dis, c'est qu'elle n'est pas si simple à définir que ça. D'ailleurs, je m'amusais, je suis allé revoir ce qu'avait déclaré Harper en 2006 sur la nation québécoise. Franchement, en fait de distinction, il n'y a pas grand-chose, hein? C'est ceux qui sont là finalement, essentiellement.

M. Lacombe : Mais est-ce que vous pensez donc... Parce que, là, on part quand même de loin. Vous dites : Je le reconnais, mais, en même temps, bon, c'est difficile à définir, mais ce serait le propre de toutes les nations partout dans le monde. Et il y a beaucoup de musées sur l'histoire des nations qui existent. Donc, visiblement, le défi, on est capable de le relever.

M. Livernois (Jonathan) : Mais quel... J'essaie de voir les musées. Vous savez, en France, le Musée national d'histoire, à ma connaissance, a été fondé sous Louis-Philippe, puis il y avait un prosélytisme qui a été abandonné. J'essaie de voir, le... aux États-Unis, mais, en même temps, c'est une grosse structure. Les musées nationaux, il me semble qu'il faut faire attention avec ça, du moins dans une perspective qui veut ériger une sorte d'image de la nation québécoise. En tout cas, c'est la perspective qui pose problème pour moi, cette idée de définir quelque chose qui est très difficilement définissable par un musée.

M. Lacombe : D'accord, d'accord. Est-ce que vous pensez qu'on a... parce que les points de vue sur cette question sont pluriels, est-ce que... Et vous avez des collègues scientifiques qui nous disent : C'est un fait, la nation québécoise existe. Donc, à ce titre là, on peut tout à fait lui consacrer un musée. Vous amenez des préoccupations qui sont légitimes. Est-ce que vous pensez que c'est conciliable en ce sens où, si effectivement le projet de loi est adopté et qu'on se dote de ce musée dont le principal objet sera l'histoire de la nation québécoise, est-ce que vous pensez qu'on est capable de faire ça en conciliant le fait que la nation québécoise, elle est née de rencontres, et donc qu'on parlera aussi des Premières Nations et de la façon dont ils ont contribué à la naissance de la nation québécoise? Est-ce que... puis des peuples, vous voyez aussi, là, des communautés qui ont enrichi la nation québécoise, qui l'ont aidé à se façonner. Est-ce que vous pensez qu'en faisant ça comme ça, on ne répond pas un peu à votre préoccupation?

M. Livernois (Jonathan) : Bien, c'est-à-dire, c'est la raison... c'est une des raisons pour lesquelles j'ai proposé un autre intitulé parce qu'au moins y rappeler les Premières Nations, et, encore une fois, ce n'est pas l'idée de les assimiler au destin québécois, c'est bien le contraire, mais c'est de rappeler qu'ils sont partie prenante d'une manière ou de l'autre. Puis moi, c'est important de le rappeler parce que la nation québécoise, l'identité québécoise, elle s'est construite comme ça. Je ne peux pas imaginer une nation canadienne-française qui est arrivée avec Champlain puis qui a filé jusqu'à aujourd'hui.

M. Lacombe : Bien, pour nous, c'est une évidence qu'étant donné que notre nation est née de rencontres avec les nations autochtones, il va en être question. Et là je ne m'ingère pas dans... Je pense que je nomme l'évidence. Donc, je n'ai pas la prétention de m'ingérer dans le travail du comité scientifique qui sera constitué.

M. Livernois (Jonathan) : Bien sûr.

M. Lacombe : Est-ce que vous pouvez nous répéter, j'ai peut-être manqué un ou deux mots, le texte que vous proposez pour la mission?

M. Livernois (Jonathan) : Oui, bien sûr. De faire connaître et de promouvoir l'histoire du Québec et sa culture, ainsi que de témoigner de l'évolution de la nation québécoise en prenant soin de montrer l'enrichissement et la participation des peuples autochtones et des communautés culturelles à ce parcours...

M. Lacombe : D'accord.

M. Livernois (Jonathan) : ...ce qui n'est pas très loin de ce que proposait le Musée de la civilisation en 1984.

M. Lacombe : Mais c'est intéressant de noter que vous parlez de peuples autochtones et non pas de nations autochtones. Est-ce que c'est intentionnel?

M. Livernois (Jonathan) : Non, pas du tout... Excusez-moi, je voulais marquer... Écoutez, non, on pourrait dire Premières Nations...

M. Livernois (Jonathan) : ...à ce moment-là, je n'aurais pas de problème.

M. Lacombe : Premières Nations et Inuits, ou nations autochtones.

M. Livernois (Jonathan) : Oui. J'ai dit «peuples autochtones», mais ça peut être «Premières Nations».

M. Lacombe : D'accord, je comprends. Donc, si je résume... Parce que j'ai... on dirait que j'ai un peu de difficulté à synthétiser votre... votre point de vue sur la question. J'essaie de résumer. Vous êtes contre la création du musée, mais, en même temps, vous dites : S'il voit le jour, voici quelques propositions constructives. Ce que vous proposez, constructivement, tout à fait, c'est qu'on s'assure de parler des... des peuples autochtones, des nations autochtones, Premières Nations et Inuits, qui ont contribué à la naissance de la nation québécoise. Vous proposez aussi qu'on parle des... on marche sur des oeufs, hein, on veut être... je veux être certain de bien nommer tout ça... qu'on parle aussi de la contribution des communautés qui, au fil des ans, en s'installant — on a parlé de plusieurs exemples — ont contribué aussi à ce que la nation québécoise se construise, puis qu'elle soit, aujourd'hui, ce qu'elle est. Donc, c'est les principales mises en garde que vous faites.

M. Livernois (Jonathan) : Bien, vous résumez parfaitement ma position.

M. Lacombe : D'accord. Donc... Parce que moi, quand je vous... J'ai essayé de résumer, vous me dites que vous êtes d'accord. Moi, j'ai tout à fait l'impression que c'est ce qu'on est en train de faire. Peut-être avec des moyens différents, peut-être qu'on est en léger désaccord sur les moyens, mais qu'on est d'accord sur l'objectif, finalement, parce que c'est, essentiellement, ce qui... ce qui va être fait, et c'est, essentiellement, ce qu'on a en tête.

M. Livernois (Jonathan) : Bien, tant mieux, je m'en réjouis. La question que je me pose, par contre, c'est : Pourquoi on n'investit pas davantage le Musée de la civilisation? Il est déjà là, le Musée de la civilisation. C'est là, peut-être, que le problème est le plus important, à mon sens. Je n'essaie... Bon, je vois bien qu'il y a eu les Espaces bleus, comment ça s'est terminé et tout ça, mais pourquoi le Musée de la civilisation, il n'est plus ce musée d'histoire et d'anthropologie? Comment on distingue les deux? C'est peut-être là, moi, le plus grand problème que je vois dans le projet de loi.

M. Lacombe : Bien, c'est...  Bien, je vous avoue, c'est vrai qu'on aurait aussi pu choisir de... de...mais on aurait aussi pu choisir de transformer le Musée de la civilisation puis d'en faire un musée national de l'histoire. Ce n'est pas... Ce n'est pas le choix qu'on a fait. On aurait pu décider qu'on... qu'on fait autre chose avec le pavillon Camille-Roy, parce que, comprenez-moi bien, on n'avait pas d'obligation de créer un musée là, on aurait pu, absolument, faire autre chose, comme on l'a fait avec d'autres bâtiments qui étaient dans le projet des Espaces bleus, ailleurs, au Québec.

Mais mon objectif, et c'est l'idée que j'ai amenée, c'était : profitons de cette occasion pour nous doter de cette institution-là, qui est particulièrement, à mon sens, cruciale pour le Québec, pour la nation que nous sommes en Amérique du Nord. Puis, contrairement à beaucoup d'autres nations, pour nous, cette question de bien connaître notre histoire, elle est fondamentale. Donc, ce n'est pas par dépit qu'on... qu'on le fait, c'est parce que, sur le fond, on pense que ça... ce sera utile. Vous avez des collègues, d'ailleurs, qui nous disent... Votre collègue qui était là, précédemment, nous disait, en fait...

• (16 h 10) •

M. Livernois (Jonathan) : Bergeron.

M. Lacombe : Oui, c'est ça. M. Yves Bergeron nous disait... qui est encore là, d'ailleurs, je viens de le voir... nous disait : Et, pour compléter un réseau, il nous... il nous manque un musée national d'histoire, puis il nous manquerait un musée sur les sciences. Vous, vous n'êtes pas d'accord avec ça?

M. Livernois (Jonathan) : Des sciences. Mais histoire, je considère qu'à la vue de l'histoire intellectuelle québécoise il existe, par le Musée de la civilisation. Alors, quand bien même vous...

M. Lacombe : Donc, c'est... pour vous, c'est un musée de société et un musée d'histoire, à la fois?

M. Livernois (Jonathan) : C'est ce que j'ai expliqué. C'est-à-dire que, pour moi, séparer les faits culturels, les faits sociétaux et l'histoire, il n'y a pas... ça n'a pas de sens. Je ne vois pas en quoi on séparerait cette mission-là.

• (16 h 10) •

M. Lacombe : D'accord. Êtes-vous d'accord... Les intervenants de la Fondation Lionel-Groulx, ce matin, nous disaient... je trouvais ça assez éloquent, je pense que j'ai utilisé le mot huit fois, mais ils nous disaient : Il y a une... Il y a une distinction très, très nette entre société et nation. Est-ce que vous êtes de cet avis-là?

M. Livernois (Jonathan) : Non. Non, parce que j'ai évoqué un texte, tantôt, qui s'appelle Genèse de la société québécoise, de Fernand Dumont, qui, pour moi, est le meilleur parcours de ce qu'on pourrait... ou ce que vous semblez appeler la nation québécoise. Cette nation, elle existe, je ne nie pas qu'elle existe. Ce que j'essaie de montrer, c'est qu'elle s'est enrichie par toutes sortes de choses. Ce n'est pas plus compliqué que ça.

M. Lacombe : ...on est d'accord avec ça.

M. Livernois (Jonathan) : ...mais, encore une fois, le plus... peut-être, ce qui pose le plus problème, c'est le redoublement d'une mission. On en revient à ça.

M. Lacombe : D'accord, d'accord. Donc, tantôt, j'ai fait le récapitulatif de ce que je comprenais. Bon, on est d'accord, je vois bien ce que vous voulez dire. Donc, je pense que c'est un désaccord qui est peut-être plus fondamental, d'abord, sur la notion même de nation, ou, en fait, sur... sur la complexité à la définir, puis, ensuite de ça, sur la... puis je vous laisse, après ça, clarifier si vous voulez... puis, après ça, sur l'utilité d'avoir un musée qui s'y intéresse.

M. Livernois (Jonathan) : Mais ce musée...

M. Livernois (Jonathan) : ...encore une fois...

M. Lacombe : ...exclusivement, oui.

M. Livernois (Jonathan) : Expliquez-moi ce que le musée, si vous... Vous voulez le faire. Expliquez-moi qu'est-ce que le Musée de la civilisation ne fait pas...

M. Lacombe : D'accord. Bien, je vous...

M. Livernois (Jonathan) : ...que ce que vous voulez que le musée de la...

M. Lacombe : Il nous reste 4 min 4 s...

M. Livernois (Jonathan) : Parfait.

M. Lacombe : ...donc je... si mon chrono est bon, parce qu'on a commencé à 16 heures pile, je... Par exemple, le Musée de la civilisation s'intéresse à l'histoire des occupants du territoire. Donc, au Musée de la civilisation... Puis d'ailleurs il s'intéresse à beaucoup d'autres choses. Donc, au Musée de la civilisation, vous avez une expo sur les gladiateurs, vous avez une expo sur l'Égypte...

M. Livernois (Jonathan) : Bien sûr.

M. Lacombe : ...vous avez une expo sur... — je vais finir par celle du Québec — vous allez avoir une exposition sur, bon, René Lévesque, effectivement, à laquelle vous avez contribué d'ailleurs, le hip-hop, bon, et on va... on peut parler des... de différentes nations autochtones. On pourrait, j'imagine, avoir une expo à un moment donné sur l'histoire de la communauté italienne, on pourrait... ça entre tout à fait dans la mission du Musée de la civilisation, on pourrait avoir une expo, comme on a en ce moment, sur le Québec, mais qui n'est pas une exposition sur l'histoire de façon linéaire : Voici comment s'est construite la nation québécoise, c'est une expo sur le Québec où vous avez vraiment, bon, plusieurs... plusieurs points de vue, où vous amenez... vous amenez plusieurs sujets marquants qui ont marqué, donc, le Québec.

Musée national de l'histoire, évidemment, on ne pourra pas avoir d'expo sur les pharaons, sur les gladiateurs...

M. Livernois (Jonathan) : Bien sûr.

M. Lacombe : ...peut-être sur la lutte; effectivement, peut-être sur René Lévesque, peut-être parce qu'on parle d'expos temporaires. Mais la grande différence, c'est qu'il y aura une grande exposition sur l'histoire, l'évolution de la nation québécoise qui sera plutôt, je dirais, chronologique dans la façon dont ça s'est construit, et là, à mon sens, il y a une distinction qui est absolument importante entre les deux.

M. Livernois (Jonathan) : Mais, entre le Québec autrement dit, qui est l'exposition actuelle au Musée de la civilisation, et ce dont vous parlez... pas une différence notable.

M. Lacombe : Ah! bien, moi, je pense qu'il y a une énorme différence.

M. Livernois (Jonathan) : Parce qu'une définition comme vous la montrez d'un récit chronologique, c'est risqué, quand même.

M. Lacombe : Bien, je vous confirme que le Musée de la civilisation a le... aura le mandat officiellement de préparer les expositions. Ils ont fait celle sur le Québec autrement dit, et je vous confirme qu'avec ce mandat, si le projet de loi est adopté, l'exposition qu'ils vont préparer, elle va être complètement différente, là.

M. Livernois (Jonathan) : Mais elle vient... être faite, en plus, l'exposition, elle est toute récente.

M. Lacombe : Oui. Mais là, je vous parle au... la nouvelle exposition au Musée national de l'histoire.

M. Livernois (Jonathan) : O.K.

M. Lacombe : Donc, ce serait... ce serait différent.

M. Livernois (Jonathan) : Mais... mais...

M. Lacombe : Vous pourriez absolument visiter les deux puis apprendre des choses bien différentes.

M. Livernois (Jonathan) : Mais, comme vous le disait... collègue Bergeron, c'est sûr que, si je me mets à la place d'un visiteur, d'un citoyen ou citoyenne québécoise, qu'est-ce que je choisis, qu'est-ce que je privilégie? En quoi... On me dit d'un côté : L'histoire du Québec, elle est comme ça, elle est construite à partir de phénomènes culturels, et tout à coup on me donne un récit, mais un récit cohérent.

M. Lacombe : O.K.

M. Livernois (Jonathan) : D'un point de vue historiographique, je ne suis pas sûr que ça tienne la route.

M. Lacombe : D'accord. Mais je... je note ce que vous me dites, c'est intéressant, parce qu'effectivement, pour le citoyen, il peut y avoir peut-être une confusion. Mais, en même temps, est-ce qu'on n'est pas d'accord sur le fait qu'il ne faut pas se gouverner en... en fonction de la perception des citoyens, puis c'est peut-être à nous, si on pense que c'est juste, de nous assurer que les citoyens, après, comprennent bien l'offre qui est là, puis que ce soit intelligible pour eux?

M. Livernois (Jonathan) : Bien, je ne le sais pas. Le gouvernement considère que c'est la chose juste à faire, et puis c'est ce que vous faites, vous, vous présentez ce projet de loi. Moi, je persiste à croire, et là on pourrait évoquer un différend presque idéologique, sinon idéologique, que l'histoire, d'une manière chronologique cohérente, c'est très difficile à construire, et que des expositions maintenant font le pari justement de montrer les choix de l'histoire, les choix des récits, comment ça peut être innovant aussi d'être à l'avant-garde et de dire... Je donnais l'exemple des Patriotes tantôt. On n'aurait jamais parlé du rôle des femmes chez les Patriotes il y a 15 ans. Là, pourtant, c'est là. Moi, c'est... ça, je trouve qu'il faut se donner du jeu, il faut se donner de la latitude pour créer des expositions qui ne sont pas figées pendant 20 ans, parce qu'on s'entend que celle qui va être présentée au musée national, bien, elle va être là longtemps.

M. Lacombe : C'est sûr que c'est là quelques années...

M. Livernois (Jonathan) : Bien, voilà.

M. Lacombe : ...mais rien n'empêche les mises à jour, quand même...

M. Livernois (Jonathan) : Oui, mais... En tout cas...

M. Lacombe : ...surtout si on est beaucoup dans le numérique.

M. Livernois (Jonathan) : Oui. Mais ça aussi, il faudra voir comment la chose s'intègre à tout ça, bien sûr.

M. Lacombe : Merci, c'est gentil.

M. Livernois (Jonathan) : Mais ça, je ne le sais pas.

M. Lacombe : Merci.

M. Livernois (Jonathan) : Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole à la députée de Robert-Baldwin.

Mme Garceau : Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Livernois, pour vos... votre témoignage aujourd'hui, qui est fort intéressant.

J'aimerais revenir sur les motifs liés au fait que vous êtes contre le projet de loi. Et, depuis l'avant-midi, on a eu d'autres groupes, le ministre et... a mentionné cette intention...

Mme Garceau : ...que ce soit un musée vraiment dédié à l'histoire de la nation québécoise versus l'histoire du Québec. Est-ce que vous voyez une distinction entre les deux?

M. Livernois (Jonathan) : Oui, je peux voir une distinction, mais je ne souscris pas à cette distinction.

Mme Garceau : Et donc, d'après vous... Parce que j'ai pris connaissance également de votre modification à l'intitulé qui, d'après moi, est sensiblement... Oui, je comprends que vous avez ajouté la participation des peuples autochtones et communautés culturelles, et ça, c'est fort, fort important, mais au bout du compte, c'est essentiellement la même mission, même avec votre modification.

M. Livernois (Jonathan) : La mission de faire connaître et promouvoir l'histoire du Québec ne change pas. Ce qui change, c'est la compréhension qu'on peut avoir de cette identité québécoise, que moi, je repousse. Et puis, vous voyez juste si je peux me permettre de la relire : L'évolution de la nation québécoise et de l'apport des communautés culturelles qui sont... qui ont façonné son parcours et son territoire. Alors, les communautés culturelles se trouvent être exogènes ici, là, hein? Elles ne sont pas intégrées, c'est le parcours, c'est le territoire de la nation québécoise. Il m'a semblé nécessaire de reformuler la chose, et, pour moi, ce n'est pas esthétique, ce n'est pas cosmétique, là, il y a quelque chose qui, pour moi, est important ici. Et puis les Premières Nations aussi, je ne peux pas... En tout cas, moi, ça, ça me laisse un peu perplexe encore de ne pas les mentionner. Puis ce n'est pas juste une concession à ce que certains pourraient... ce n'est pas mon cas, concession à l'air du temps. Il me semble que le législateur fait les choses évidemment comme il se doit et prend les mots pour ce qu'ils sont. Et les mots sont importants ici. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai proposé cet intitulé.

Mme Garceau : Oui, O.K. D'après vous, est-ce qu'on pourrait intégrer une exposition de l'histoire de la nation québécoise au musée, à l'intérieur du Musée de la civilisation?

M. Livernois (Jonathan) : Bien, je maintiens que, bon, on a des différences sur ce que peut être une exposition historique, mais je maintiens que le temps des Québécois et le Québec, autrement dit, ou Québec, autrement dit, avait ce rôle-là. Est-ce qu'on avait donné tous les moyens? Ça, c'est une autre histoire. Je ne peux pas savoir, je ne suis pas au courant. Mais il me semble que ce parcours-là était faisable. Il ne faut pas s'illusionner sur un parcours cohérent et historique. Je veux dire, tous les historiens vous le diront. En tout cas, je ne vois pas trop qui aurait une vision aussi simple et claire du Québec, c'est difficile. Et le danger, c'est de figer l'histoire du Québec. Je le maintiens, c'est quelque chose qui, moi, m'inquiète personnellement. Je ne suis pas ici pour d'autres raisons que ça, en fait. Et puis je ne suis pas en train de dire qu'on est tous... qu'il y a une espèce de... comment dire, de plan derrière ça, de volonté de mousser une certaine vision de la politique québécoise. Ce n'est pas ça. Il me semble qu'on a besoin, je le répète, de jeu. Et c'est pour ça que je trouvais que les expositions qui ont été renouvelées assez souvent au Musée de la civilisation, hein, c'est peut être cinq, 10 ans, un peu moins, peut-être, pour l'exposition: Le temps des Québécois, puis la plus récente de Québec autrement dit, c'est le lieu pour faire ce genre de choses. Et c'est pour ça que je ne comprends pas le redoublement de la mission.

• (16 h 20) •

Mme Garceau : Est-ce que vous avez aussi une inquiétude concernant l'aspect concurrentiel entre les deux?

M. Livernois (Jonathan) : Bien, je l'ai évoqué un peu tantôt. J'avoue qu'on aura peut-être... si moi-même, j'ai un peu de misère à m'y retrouver avec les notions... on a évoqué société, nation, tout ça, je pense qu'il y aura peut être des questions à se poser, même pour les citoyens, pas juste pour les visiteurs, les touristes, hein? C'est cette idée de dire : Bien, qu'est-ce que l'histoire du Québec? Qu'est-ce que je vais faire des deux musées? Comment ça fonctionne? Pas convaincu, moi, que les gens vont faire les deux musées. Et j'ai peur aussi pour le Musée de la civilisation. Est- ce qu'on va se retrouver avec un musée un peu fourre-tout? J'espère que non. Est-ce que l'argent va être... comment on va investir dans ce musée-là? Qu'est-ce qu'on va choisir? Parce qu'elle demeure dans la loi, cette... L'intitulé que j'évoquais tantôt du Musée de la civilisation, qui a été créé en 1984, bien,  ça reste dans la Loi sur les musées nationaux. Donc, quand on regarde, on a beau dire : Ce n'est pas la même chose, on ne met pas l'accent sur les mêmes choses, ça demeure quand même assez analogue.

Mme Garceau : Est-ce que vous avez une crainte concernant... qu'on va peut-être affaiblir l'essence même du Musée de la civilisation? Parce que dans le projet de loi, on nous mentionne, là, qu'il va y avoir... le Musée de la civilisation, c'est vraiment le musée qui va, avec un comité d'experts, déterminer le volet historique, le contenu et tout, qui va avoir des employés qui vont y aller également, qu'il va y avoir des documents et tout ça qui s'en vont là. Donc, à un moment donné, est-ce qu'on n'est pas en train d'affaiblir un musée? On habille Paul...

Mme Garceau : ...Paul... on déshabille un pour habiller l'autre, dans un certain sens.

M. Livernois (Jonathan) : Oui, un musée pour l'autre.

Mme Garceau : Oui, un musée pour l'autre. Exact.

M. Livernois (Jonathan) : Oui, bien, j'y ai pensé. Bien, moi... Oui, c'est une chose. Les archives, notamment, du séminaire, tout ça. Il y a toutes sortes de questions qui vont se poser, à un moment donné, parce que c'est les mêmes fonds, là. Je veux dire, un fonds d'acquisition, dans la loi, il me semble... En tout cas, on parle d'acquisitions potentielles, mais qu'est-ce qu'on va...

Vous savez, j'ai voulu parler de... tu sais, je suis remonté assez loin, en 1922, mais pour montrer qu'il y avait une cohérence dans tout ça. Je maintiens que les gouvernements successifs ont pris les décisions qui allaient en ce sens. Donc, le musée d'anthropologie et d'histoire, bien, il était là pour ça. Donc c'est pour ça qu'il y a des collections... celles, notamment... je l'évoquais il y a un instant, celles du Séminaire de Québec. C'est là que c'est allé.

Mme Garceau : O.K. Vous avez mentionné — j'ai trouvé ça très important — toute cette question de la condition sine qua non liée à la protection du musée, là, de toute influence politique...

M. Livernois (Jonathan) : Non, ça, ce n'est pas moi, par contre. Je n'ai pas...

Mme Garceau : Ce n'est pas... Ah! excusez. Je pensais que c'était vous.

M. Livernois (Jonathan) : Non, ça, je fais confiance.

Mme Garceau : Oui, oui, oui. Mais est-ce que vous êtes d'accord que... comment il faut protéger le musée de toute influence politique.

M. Livernois (Jonathan) : Bien, écoutez, ça, bien, franchement, je n'ai pas une inquiétude. Je veux dire, il y a des manières de faire qui sont dans le projet de loi, qui sont exactement les mêmes qu'il y avait dans le 84. Ça, ça ne m'inquiète pas, bien franchement. Ce n'est pas... Je fais confiance aux législateurs de ce point de vue là. Ça, ça ne m'inquiète pas.

Mme Garceau : O.K. Et en termes de la participation des peuples autochtones et des communautés culturelles dans le récit de l'histoire, comment est-ce que nous allons respecter... de s'assurer que nous allons raconter l'histoire de façon juste et surtout non politisée?

M. Livernois (Jonathan) : Bien, ça, c'est un gros... un gros enjeu ici, un grand enjeu aussi. Mais je vais me permettre de parler un peu des communautés des Premières Nations. Il y a plusieurs manières d'envisager la chose. On parlait de nation québécoise. On dit : Oui, mais la nation québécoise, c'est un peu différent quand même. Mais pensons aussi à la mémoire, comment l'influence a été forte. Pensons juste... Imaginons une exposition sur un cinéaste comme Pierre Perrault. Pierre Perrault a passé une bonne partie de sa carrière à réfléchir, à montrer aussi des autochtones, des Premières Nations dans ses films. Donc, c'est interrelié, ça. Donc, le danger de ne pas l'intégrer... évidemment, tout ça en n'assimilant pas les Premières Nations à cette nation, en tout cas, à leur corps défendant, il me semble qu'il y a moyen d'intégrer ça, il faut le dire. Les mots sont importants dans une loi et il s'est passé tellement de choses, des consciences...

Vous savez, quand j'étais étudiant en littérature, il n'y a personne... en histoire, on ne s'intéressait pas à la littérature autochtone, ça n'existait pas vraiment. Aujourd'hui, c'est impossible de ne pas en parler. On crée des chaires, on crée des départements, même. Donc, le musée a besoin de ce jeu, encore une fois, pour intégrer ces choses-là. Il me semble que, dans la loi, ça doit être présenté, ajouté.

Mme Garceau : Et aussi, est-ce qu'il devrait y avoir comme un représentant des Premières Nations au sein du conseil d'administration du musée?

M. Livernois (Jonathan) : Bien, tout dépend évidemment de la mission qui sera adoptée par le comité puis qui sera adoptée par l'Assemblée nationale. Mais si on y va avec un intitulé qui représente davantage ce que je propose ici, oui, il me semble que ce devrait être une... Ce serait une bonne chose. Mais encore une fois, si on n'en parle pas dans l'intitulé, bien, ça ne va pas de soi.

Mme Garceau : O.K., merci beaucoup.

M. Livernois (Jonathan) : Merci à vous.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci. Alors, on poursuit les discussions avec le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci. Pour trois minutes et demie?

La Présidente (Mme Poulet) : Vous avez 3 min 28 s.

M. Zanetti : O.K. Bon. Merci beaucoup de votre présentation. J'ai l'impression, là... vous me direz si je comprends bien, là votre position, puis vous n'êtes pas le seul à la soutenir, l'espèce de... tu sais, par rapport à la question de la nation ou de l'identité. Bon, il y a la question de l'identité distincte, là. Pour moi, mettons... moi, quand j'entends identité distincte, ça veut comme dire identité distincte de l'identité canadienne, disons, mais ça peut vouloir dire plein d'affaires. Puis ce que je comprends, c'est, identité puis nation, j'entends une espèce de réticence à dire : On ne veut pas que ce musée-là impose une vision qui serait parcellaire de ce que c'est l'identité puis la nation québécoise, parce qu'elle est tellement complexe que c'est presque... vous le disiez tout à l'heure, c'est presque difficile... c'est presque impossible de faire l'histoire de ça, un récit historique, parce que, justement, c'est tellement touffu qu'on craint que dans la construction de ce récit là, une simplification à outrance nous fasse perdre beaucoup de vérité, beaucoup de réalité...

M. Zanetti : ...beaucoup de choses qui sont ce que nous sommes aussi. Alors, tu sais, c'est... Puis effectivement, c'est peut être impossible de rendre compte de cette réalité-là de notre identité dans un récit, parce que, je ne sais pas, la réalité est toujours plus complexe, mais, au fond, en même temps, c'est intéressant d'aller voir un musée qui va nous faire réfléchir sur qui nous sommes. Tu sais, on fait ça tous les jours à l'Assemblée nationale, là : Vous faites des coupures. Non, on fait pas de coupures. Vous n'êtes pas nationaliste. Oui, on est nationaliste. Tu sais, on est toujours en train de s'obstiner sur ce qu'est-ce que nous sommes. Puis c'est intéressant. En tout cas, moi, je trouve ça quand même intéressant, puis ça pourrait être intéressant qu'un musée fasse ça, peut-être, mais c'est dans la forme, là, tu sais, c'est comme... ce que j'entends de ce que vous dites, ce n'est pas : il ne faut pas qu'on parle de nation et d'identité, c'est qu'il ne faut surtout absolument que ça ne soit pas figé...

M. Livernois (Jonathan) : Exact.

M. Zanetti : ...puis qu'il n'y ait pas un récit qui soit imposé ou promu en contradiction avec d'autres récits. Est-ce que j'ai bien compris votre...

M. Livernois (Jonathan) : Oui, puis c'est une des recommandations que j'ai faites, je n'ai pas eu le temps d'évoquer dans mon petit discours, mais ça pourrait être intéressant, je dis bien un lieu innovant qui représenterait les défis de l'histoire, hein, des récits à plusieurs ramifications, qui tiendrait le pari d'expliquer aux visiteurs parce qu'il y a quand même aussi le pari de faire ça, les enjeux éthiques, sociaux et politiques du Québec. L'histoire du Québec, elle est en mouvement tout le temps. Évidemment, il faut figer certaines choses, je ne suis pas naïf, mais il demeure... il n'en demeure pas moins que de présenter un récit, ça ne tient pas la route d'un point de vue scientifique. Puis là,  je ne dis pas encore une fois, faire éclater toutes les formes, tout ça. Non, il y a moyen de faire les choses et on peut bien le faire. Je voyais ce matin, bon, ce n'est pas la même chose, mais l'Université de Montréal a eu à se dépatouiller avec l'appellation du pavillon d'histoire Lionel-Groulx, mais quelle belle solution. Actuellement, on a conservé le nom de Lionel-Groulx, on ne l'a pas édulcoré, on ne l'a pas rejeté, mais on a intégré une œuvre d'art. Les gens sont intelligents, sont capables de faire la part des choses. Il me semble qu'on peut leur offrir quelque chose à cette mesure dans un musée national d'histoire, si tant est que vous l'adoptiez. Voilà. Donc, c'est un peu ça l'idée, mais je pense que vous résumez bien ce que je veux dire. Ce n'est pas, et je ne voudrais surtout pas qu'on me voie comme celui qui refuse de reconnaître la nation québécoise, là. Ce serait mal connaître qui je suis d'abord. Deuxièmement, ce n'est pas ça, c'est de faire attention, c'est de poser des certaines balises puis de voir que l'identité, hein, l'historien Jules Michelet le disait au XIXᵉ siècle pour les Français, il n'y a rien de plus artificiel et d'arbitraire que l'idée d'identité. Bon, quand même, on est au XIXᵉ siècle, à l'époque des États-nations.

La Présidente (Mme Poulet) : Je m'excuse de vous interrompre. On va poursuivre avec les échanges avec le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Oui, merci, Mme la Présidente. M. Livernois, bienvenue. Je me suis posé également la question, un peu comme vous, comment c'est arrivé? Je me suis souvenu qu'à l'époque, le premier article dans La Presse qui parlait des espaces bleus, c'était une volonté, en tout cas, qui n'a jamais été niée, de laisser un legs. C'est ce que le gouvernement voulait faire, laisser un legs, laisser quelque chose qui va lui survivre. Alors c'est très légitime, mais si c'est ça l'objectif, ce n'est pas comme avoir l'objectif de faire de l'éducation populaire ou d'investir dans le musée. L'autre argument dans lequel... pour lequel je suis très sensible, c'est : Chaque dollar en culture est un dollar précieux à investir dans notre société. Et l'enjeu du dédoublement, moi, me touche beaucoup. Et j'ai posé la même question à votre collègue universitaire : comment on fait en sorte d'éviter des écueils? Parce qu'évidemment, dans la même ville, une offre presque concurrente, je ne suis pas sûr qu'on serait bien avancés. Alors, j'ai peu de temps, mais je voulais ce temps-là pour préciser des éléments que vous n'avez pas eu l'occasion de préciser.

• (16 h 30) •

M. Livernois (Jonathan) : C'est gentil, merci. Effectivement, c'est vraiment pour moi le plus gros problème, je le répète, le redoublement des missions. Et je pense que, comme le disait Bergeron, je pense que l'idée d'en faire un à Montréal n'est peut-être pas mauvaise, et on a vu les problèmes que ça a engendrés. On évoquait le musée d'histoire de Montréal. Il y avait Pointe-à-Callières, moi-même comme visiteur, je ne savais pas trop, je vais où, je fais comment. Et vous avez raison de dire une chose, le dollar, les dollars sont précieux en culture, ils ne sont pas si nombreux malgré tout. Donc, je pense qu'il faut penser beaucoup à cette idée. Bon, soyons réalistes, le musée va sûrement avoir... va naître, je pense, mais ce sera peut-être l'occasion, et puis l'intitulé est là évidemment, dans une perspective... ce que je vous ai présenté, c'est une perspective constructive, j'espère en tout cas, et l'idée simplement de rappeler ces choses-là est... Voilà. Au fond, ce qui me pose problème, c'est l'idée de figer, puis je pense que vous l'avez bien compris, et puis le redoublement aussi. Je me demande les raisons... qu'est-ce qui a amené exactement le gouvernement québécois à aller vers ce projet? Bon, vous avez évoqué les espaces bleus. Bon, est-ce que c'est la fin des espaces bleus, une espèce de baroud d'honneur des espaces bleus?

M. Bérubé : Oui, je vais dire, oui.

M. Livernois (Jonathan) : Mais voyez, je me pose la question là‑dessus. Est-ce que... Est-ce que... À la rigueur, je vous dirais, j'étais presque plus enthousiaste à l'idée des espaces bleus, mais là, il y en a plus, alors...

M. Bérubé : Ouais, j'ai beaucoup de sympathie pour le ministre qui a eu à...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Bérubé : ...gérer la fin de ça, mais qui arrive avec un enthousiasme qu'on lui connaît pour ce projet-là, comme il va exister, et qu'il ne sera certainement pas nécessairement remis en cause par ceux qui lui succéderont éventuellement un jour. Je trouve qu'il y a quelque chose là. Faisons pour le mieux...

M. Livernois (Jonathan) : Oui, puis j'espère que je n'ai pas donné l'impression de vouloir tout démolir, là, ce n'était pas l'idée. Mais c'est de rappeler encore une fois que les dangers sont là. Vous avez parlé d'écueils, je pense que c'est le bon terme.

M. Bérubé : Bon, ça me rassure. Bien, voilà, ce sera le mot de la fin.

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, je vous remercie, M. Livernois, pour votre contribution aux travaux de la commission. Je suspends les travaux quelques instants afin que l'on puisse accueillir le prochain témoin.

(Suspension de la séance à 16 h 33)

(Reprise à 16 h 38)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, bonjour, tout le monde, nous poursuivons nos travaux. Alors, je souhaite la bienvenue à M. Gérard Bouchard, professeur émérite, Programme de recherche sur les... sociaux et les imaginaires collectifs, Université du Québec à Chicoutimi. Alors, bienvenue M. Bouchard. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Puis nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Alors, à vous la parole.

M. Bouchard (Gérard) : Merci beaucoup. Je suis très content d'avoir l'occasion de venir me joindre à votre réflexion. J'espère que je pourrai... je pourrai l'aider, peut-être même, en la compliquant, hein, quand on est un intellectuel. Puis vous allez excusez aussi ma demi-extinction de voix. Vous n'y êtes pour rien.

Alors, je voudrais... parmi les recommandations, les suggestions que je fais dans mon mémoire, je voudrais mettre en relief trois ou quatre idées qui me paraissent essentielles en particulier. La première, c'est qu'on verrait très mal que ce musée-là soit consacré à l'histoire des Canadiens français plutôt qu'à l'histoire des Québécois et des Québécoises. Avec tout le travail qu'on a fait d'intégration et de pluralisme depuis 1960 pour élargir les frontières de notre nation, ça enverrait un signal tout à fait contraire. Il faut revenir à la période antérieure à 1960. Et qu'on avait fait une erreur en élargissant notre définition, notre identité à l'ensemble des citoyens québécois. D'ailleurs, le droit consacre ce statut-là à l'ensemble des membres de notre nation. Donc, je crois que c'est une grosse erreur qu'il faudrait éviter.

Deuxièmement, j'ai bien entendu, comme vous sans doute, que M. Legault voulait fixer au prochain musée un objectif principal qui serait celui de promouvoir la fierté. Alors évidemment, on ne peut pas être contre cela, mais un musée ne doit pas être arbitraire non plus. Si, par exemple, la présentation du musée était ordonnée en fonction d'un objectif comme celui-là et que tout son contenu soit structuré en fonction de faire lever la fierté des Québécois, alors le risque que ça coûterait, c'est qu'on se mette à sélectionner des faits, des épisodes dans notre passé qui servent bien l'objectif de fierté, et on laissera les autres un peu dans les marges, etc., alors que les autres sont aussi importants que les premiers. Ça ne veut pas dire qu'il faut devenir masochiste et s'étirer, se complaire dans l'énoncé des échecs qu'on a eus, des erreurs que nous avons faites. Moi, je crois qu'il y a une façon de présenter nos erreurs et nos manquements d'une manière qui serve la fierté.

• (16 h 40) •

C'est curieux à dire, ça a l'air paradoxal, mais c'est très simple. Prenons l'exemple du statut de la femme. La femme a été victime très évidemment d'une profonde discrimination dans notre histoire. Et ça, ce n'est pas par la faute des Anglais. C'est notre faute à nous. Bon. Alors, ce qu'il faut dire, bien sûr, c'est constater ce fait là, mais après ça, évoquer tout ce que nous avons fait pour guérir cette tare-là, tous les efforts que l'ont fait, les femmes, par exemple, de façon courageuse, ont réussi à contourner le courant et à restaurer leur statut dans la direction de l'idéal d'égalité. Alors, ça, il faut être fier de ça, de cet effort-là, de cette entreprise des citoyens et des citoyennes qui ont pris sur eux-mêmes ou sur elles-mêmes de faire progresser notre société.

Un autre exemple, c'est le rapport à l'autochtone. Voilà un autre exemple de discrimination où les Québécois, les Canadiens français n'ont pas de raison d'être extrêmement fiers, hein, on ne passera pas les exemples de ce que nous leur avons fait. Mais encore là, il faut insister tout de suite après sur les progrès que nous avons faits. Nous avons beaucoup avancé dans la direction d'un rapprochement avec les autochtones et dans l'objectif de les traiter d'égal à égal. C'est déjà... René Lévesque disait qu'il faut traiter avec eux de nation à nation...

M. Bouchard (Gérard) : ...et de leur reconnaître leurs droits et d'en tirer les conséquences... de bâtir un consensus national sur cet objectif-là. J'ai rarement des téléphones. Excusez-moi. Donc, encore là, c'est un exemple... Vous savez comment arrêter ça... ...Lac-Saint-Jean, hein, ce n'est pas... Alors, c'est un autre exemple pour ne pas en rester à étaler les fautes que nous avons faites dans notre rapport avec les autochtones, mais de montrer aussi les efforts que nous avons faits pour les corriger et pour avancer dans la bonne direction. Et ça, finalement, ça se transforme en un motif de fierté. Il faut être content de ce que nous avons fait de cette façon-là.

Prenons l'exemple des salariés québécois qui étaient vraiment des prolétaires et même des sous-prolétaires. Rappelez-vous qu'en 1960, les études montraient que les Canadiens français, les ouvriers canadiens français, les salariés étaient les plus mal payés au Canada, au même niveau que les autochtones et que les derniers immigrants italiens, les plus pauvres qu'on n'ait jamais reçus. Alors, qu'est-ce qui s'est passé? Qu'est-ce qui s'était passé dans notre histoire pour que les Canadiens français, les nôtres, en viennent à vivre dans des conditions comme ça? C'est évidemment... Ce n'est pas tombé du ciel. C'est parce qu'il y a des choses qu'on aurait dû faire et qu'on n'a pas faites. Et c'est facile à identifier quand on a le temps. Alors, ce qu'il faut faire valoir encore une fois, c'est l'effort de la Révolution tranquille où il y a eu une véritable mobilisation collective pour surmonter ce problème-là. Et là aussi, c'est un motif de fierté, finalement. Donc, je pourrais donner d'autres exemples, là.

Il y a donc une façon de faire état de nos manquements et puis de les retourner pour en faire ressortir de la fierté. Alors ça, c'est tout à fait correct, c'est absolument parfait. Et j'imagine que les gens qui viendraient faire une randonnée à travers les expositions du musée et qui retiendraient cette leçon, ce n'est pas le vrai mot, mais ils seraient contents de voir ça. Ils verraient qu'on peut avoir des fautes sans nécessairement, encore une fois, verser dans le masochisme et l'auto-accusation, et, etc. Au contraire, ils pourraient ressortir la tête haute du musée. Ils diraient finalement : Nous sommes une société qui n'est pas si mal.

Le dernier point sur lequel je veux insister, c'est que la conception que je me fais d'un musée, ça ne doit pas être une randonnée à travers des exhibés qui se suivent l'un, l'autre et qui n'ont pas beaucoup de rapports entre eux. Il faut que la personne qui va venir visiter le musée en sorte différente de ce qu'elle était quand elle y est arrivée. Il faut donc que cette exposition, ce musée donne un sens. C'est le but de l'histoire d'ailleurs. C'est le but du passé. C'est de produire un sens qui alimente la réflexion des contemporains. C'est ça qui est le but principal de l'histoire. Et à mon avis ça devrait être le but principal de ce musée. Et ça veut dire qu'il faut donc projeter sur l'ensemble des thèmes ou des épisodes qui sont évoqués, il faut projeter un lien, un éclairage commun qui va les rassembler et qui va leur faire contribuer au sens que nous voulons dégager. Quel est ce sens? Alors, il y a plusieurs hypothèses. Celle que je préfère est la suivante : ce serait de présenter l'ensemble de notre passé sous le signe du combat. Nous sommes une petite société fragile qui a eu le malheur de naître dans le continent le plus puissant du monde, en partie le plus oppressif aussi. Nous avons dû vivre sous ce colonialisme-là. Nous avons dû vivre sous un autre régime qui n'était pas très agréable non plus, qui était l'autoritarisme du clergé et en particulier du haut clergé. Si vous interviewez des vieilles dames de 90 ans aujourd'hui, elles peuvent vous en raconter pas mal long là-dessus. Alors, il me semble que l'idée du combat, hein, par exemple, nos luttes nationales, ce que nos historiens et nos intellectuels ont appelé longtemps nos luttes nationales, eh bien, c'est quelque chose qui est extrêmement riche et dont il faut être fier et ça doit entrer dans l'idée que notre passé doit se dérouler et s'enseigner sous le signe du combat et de combats qui a remporté des grandes victoires. Qu'il y ait un débat rendu à terme, on sait très bien que sont les étapes qu'on pourrait suivre pour l'avenir, mais vous avez l'air à les connaître très bien, hein?

Mais donc, nous avons remporté des batailles. Nous ne sommes pas une société d'échecs. Nous n'avons pas un passé de...

M. Bouchard (Gérard) : ...oui, de victimes, oui, sur certains points, bien sûr, mais on s'est relevé, on s'est pris en main, on a fait des efforts, on a posé des actes courageux. Et les annales de notre histoire politique offrent des exemples de ça. Je ne dis pas que tous les politiciens se sont comportés de cette manière, mais il y en a quand même qui ont offert des exemples qu'il faut mettre en valeur dans... toujours dans le sens de présenter notre passé, et notre devenir, et notre avenir sous l'enseigne du combat. Nous sommes des combattants. Alors, toutes les difficultés que nous avons eues, nous avons combattu et nous les avons surmontées, en tout cas, en grande partie. Et, à mon avis, c'est ça qu'un visiteur ou une visiteuse du musée devrait retenir : sortir avec une énergie nouvelle, hein, le passé n'est pas quelque chose de passif qui est mort et qui n'a rien à nous dire. Il sortira avec une idée de l'avenir et une idée de ce que cette personne-là pourrait faire pour prolonger les combats en question. Voilà, en gros, ce que je voulais vous résumer, ce sur quoi je voulais insister, et qui me paraît le plus important.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. Très intéressant. Alors, on va débuter les échanges avec M. le ministre. Alors, la parole est à vous.

M. Lacombe : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Bouchard. C'est un privilège de vous avoir avec nous aujourd'hui. Merci de vous être préparé, de vous être déplacé aussi. Je ne sais pas si vous vous déplaciez du Saguenay-Lac-Saint-Jean, mais...

M. Bouchard (Gérard) : Oui, oui, j'ai traversé le parc, les orignaux, tout ça. Bien, le combat, toujours, hein?

M. Lacombe : Vous avez bravé les dangers pour être ici, peut-être un peu à l'image de la nation québécoise, n'est-ce pas? Je continue, peut-être, sur la lancée que... le propos que vous étiez en train de tenir juste avant que ça se termine. Et d'ailleurs vous en parlez dans ce que vous nous avez remis : les émotions. Donc, vous nous dites : L'histoire du peuple québécois, de la nation québécoise n'est pas une histoire de perdants, c'est une histoire de gagnants. Puis est-ce que je me trompe ou, si je me fie à ce que vous parlez dans votre segment sur les émotions, c'est aussi en mettant de l'avant, donc, ces faits objectifs, puis en faisant en sorte que les Québécois connaissent leur histoire, qu'on va stimuler ce sentiment de fierté, même si... pardon, même si ce n'est pas nécessairement l'objectif, donc, de le stimuler artificiellement, nécessairement en faisant comprendre aux Québécois d'où ils partent... mon Dieu, ce n'est pas de l'émotion, c'est un petit chat dans la gorge. En leur faisant comprendre d'où ils partent, ça va nécessairement stimuler ce sentiment de fierté là, est-ce que c'est ce que vous voulez dire?

M. Bouchard (Gérard) : Oui. Oui, oui, c'est tout à fait conforme. Je crois à... Ce que j'ai essayé d'exposer tout à l'heure, c'est qu'on doit sortir de ce pèlerinage dans le passé avec des souvenirs qui sont inspirants. Maintenant, là, je vais vous corriger un peu. Je suis un professeur, moi, hein? Je ne dirais pas qu'on a un passé de gagnants, on a un passé de combattants, c'est différent, parce qu'on n'a pas gagné toutes nos... toutes nos batailles.

M. Lacombe : C'est vrai. Non, non, effectivement, hier, je le mentionnais d'entrée de jeu, on commençait cette étude d'un projet de loi un 17 septembre, donc, jour où la capitulation de Québec était en train de se mettre en branle, mais... Allez-vous me corriger?

M. Bouchard (Gérard) : Non.

M. Lacombe : Non. O.K.

M. Bouchard (Gérard) : Non, non, je ne peux pas vous corriger là-dessus.

• (16 h 50) •

M. Lacombe : Fiou! C'était... je trouvais que c'était une drôle de journée. On a eu quelques personnes jusqu'à maintenant qui sont qui sont venus nous dire... qui sont venus nous partager leur opinion, et il y en a certains qui nous disent, ils sont peu nombreux mais quand même, qui nous disent : On n'a pas besoin de ce musée-là, le Musée national de l'histoire du Québec, parce qu'on a déjà un musée, par exemple le Musée de la civilisation qui traite, en partie, de l'histoire des occupants du territoire québécois. Est-ce que vous êtes... Quel est votre point de vue là-dessus?

M. Bouchard (Gérard) : Mais mon point de vue, il est très simple, on me corrigera peut-être, mais pour moi, le Musée de la civilisation a un objectif qui est plus large. Quand on dit «civilisation», ce n'est pas seulement la culture québécoise, c'est d'aller voir ailleurs aussi, d'inviter à des réflexions comparées, d'élargir les horizons. Tandis que là, c'est vraiment centré sur nous-mêmes, hein, notre passé, ce que nous avons été, ce que nous sommes devenus et ce que nous allons devenir. C'est quelque chose d'assez différent, je crois.

M. Lacombe : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Est-ce que vous pensez qu'une façon de bien... Parce que ce sera aussi au cœur des discussions qu'on aura tout au long de l'étude du projet de loi, puis dans le débat public aussi qui entoure le dépôt puis les travaux autour du projet de loi, la question des nations autochtones et de leur place dans le musée, est-ce que vous...

M. Lacombe :  ...vous pensez que c'est une bonne façon de les intégrer que de parler de leur rapport à la naissance de la nation québécoise, donc de parler de cette rencontre-là pour ensuite se diriger vers la naissance de la nation québécoise et toutes les... tout ce qui s'en est suivi? Est-ce que vous trouvez que c'est une bonne façon de l'aborder?

M. Bouchard (Gérard) : Vous avez dit «intégrer», intégrer les autochtones dans notre société ou les intégrer dans la problématique du musée?

M. Lacombe :  Les intégrer dans... dans les expositions du musée.

M. Bouchard (Gérard) :  Ah! oui, d'accord, parce que les intégrer dans notre société, ce n'est pas à nous de décider ça. C'est eux qui...

M. Lacombe :  Non, non, exact, je n'allais pas là du tout.

M. Bouchard (Gérard) : Et jusqu'à nouvel ordre, je ne crois pas qu'ils soient très désireux de fondre leur destin avec le nôtre.

M. Lacombe : Non, non, non, merci d'avoir précisé.

M. Bouchard (Gérard) : Oui.

M. Lacombe : Je veux dire, est-ce que vous pensez que c'est une bonne façon de les intégrer au musée national...

M. Bouchard (Gérard) : Alors, oui.

M. Lacombe : ...d'intégrer leur histoire au Musée national de l'histoire du Québec?

M. Bouchard (Gérard) : Oui, ça je crois que c'est une nécessité parce qu'on ne peut pas concevoir notre passé en extrayant à l'extérieur des autochtones. Ils ont toujours été présents, ils le sont encore aujourd'hui. Donc, ce qu'il faut étudier, c'est les interactions, c'est les interactions. Alors, quelles qu'elles soient, celles qui sont... qui leur ont fait mal et celles qui les ont aidés, mais encore une fois toutes les interactions, et en arriver... donc encore une fois en arriver à tracer un chemin vers l'avenir. Il y a des leçons à tirer de ça. Et puis bon, les interactions qu'on a eues avec les autochtones, elles ne sont pas toutes non plus dévastatrices et honteuses. Il y a eu des initiatives qui allaient dans le sens contraire, et il faut en faire état également, mais pas essayer de banaliser le mal qu'on leur a fait et qui est absolument incontestable alors, mais on peut partir de là justement pour amorcer, comme je le disais tout à l'heure, des processus de redressement, j'allais dire, de thérapie, ce n'est pas le bon mot, mais en tout cas de redressement pour que ces rapports-là soit meilleur à l'avenir, et franchement, je crois que nous sommes assez bien engagés dans cette direction-là présentement.

M. Lacombe : Je pense que le député de Beauce-Sud veut poser une question.

M. Poulin : Mais après vous, M. le ministre.

M. Lacombe : Bien, tu peux... vous pouvez y aller, puis je vais... Je vais continuer après.

M. Poulin : O.K. D'accord.

La Présidente (Mme Poulet) : M. le député de Beauce-Sud, je vous cède la parole. Allez-y.

M. Poulin : Oui, absolument. Bien, tout d'abord, merci... merci, M....

M. Bouchard (Gérard) : Vous êtes plus sévère que moi, Mme, hein?

La Présidente (Mme Poulet) : Ah!

M. Poulin : Merci, M. Bouchard, pour votre présence. Nous l'apprécions tous. Toute la notion des nouveaux arrivants au Québec, parce qu'on... évidemment on fait un musée pour les Québécois. On souhaite que les Québécois, les Québécois, se l'approprient, que notre jeunesse soit davantage consciente de la culture québécoise de notre passé et qui forge aussi notre avenir. Mais je sais que, dans votre champ d'expertise, toute la notion de la diversité ethnoculturelle, des enjeux qui concernent les nouveaux arrivants, vous avez déjà accompli un mandat assez important dans le passé pour le Québec à ce niveau-là. Comment vous voyez la relation des nouveaux arrivants avec un Musée national de l'histoire? Et avec votre expertise, quelle est la meilleure façon de transmettre notre culture québécoise à ces nouveaux arrivants? Évidemment, on a des cours de francisation. Évidemment, on a de multiples façons de le faire. Mais comment allons-nous faire pour que ces nouveaux Québécois-là puissent comprendre notre... notre histoire, notre culture, eh oui, du même coup les valeurs québécoises?

M. Bouchard (Gérard) : Là, je vais être obligé de résumer des choses plus longues, là, sur lesquelles j'ai travaillé et j'ai pu m'exprimer longuement. Mais en résumé, il y a des intellectuels au Québec qui pensent qu'on ne peut pas et on ne doit pas ouvrir l'histoire de notre passé aux autochtones ou aux immigrants, parce que, là, il va falloir la diluer si on veut les intégrer, hein? Moi, je ne pense pas ça.

Je pense que, par exemple, une chose qui a été souvent suggérée, c'est d'inscrire l'histoire du Québec pour que tous les citoyens se sentent à l'aise sous la lumière des grandes valeurs universelles de l'ONU. Bon. Mais ça peut devenir artificiel tout ça, hein, ça peut signifier tout et rien pour chacun des Québécois et surtout dans le contexte, là, d'une étude du passé.

Moi, la suggestion que j'ai élaborée, c'est dans mon dernier livre, il faut partir des valeurs universelles parce que ce sont celles qui sont dans notre charte même. On n'a pas le choix de partir autrement la liberté, l'égalité, la démographie, etc., pluralisme, c'est dans notre charte, mais il ne faut pas que ça reste quelque chose de juridique et de très froid. Alors, comment faire pour enrober ces valeurs-là des choses de notre passé, mais qui sensibilisent également les immigrants?

Alors moi, ma proposition est la suivante c'est qu'à l'intention des immigrants, dans les manuels...

M. Bouchard (Gérard) : ...la représentation du musée, qu'on reprenne notre histoire à nous, nos épisodes, qu'on... qu'on... qu'on ne dilue rien du tout, mais pour chaque tranche de notre passé, qu'on fasse ressortir les valeurs qui étaient en cause. Alors, qu'est-ce que c'est, par exemple, les valeurs qui sont en cause dans le mouvement d'émancipation des femmes, c'est l'équité sociale, c'est l'égalité, c'est les valeurs universelles de l'ONU. Sauf que là, on ne les a pas amenées par en haut pour essayer de les faire descendre. On a vu par en bas, puis très, très concrètement, on les fait surgir puis on les fait émerger. Puis on s'aperçoit que c'est ça qui était le motif chez ceux qui étaient au cœur du mouvement. Bon. Pourquoi est-ce que les patriotes ont essayé de couper le lien colonial et ont tenté cette rébellion, bien, c'était au nom de la démocratie, c'était au nom du pluralisme, parce que la nation dont ils rêvaient s'ouvrait à toutes les ethnies, c'était au nom de l'égalité, de la justice sociale, de l'anticolonialisme, etc. Voilà encore des valeurs parfaitement universelles. Tout le monde peut se reconnaître là-dedans à partir de notre histoire à nous sans la diluer, au contraire, en la mettant en valeur. Ce qu'on ne fait pas assez, d'ailleurs, ce qu'on ne fait passer. Ensuite, il faudrait inverser le processus un peu, s'arranger pour insérer dans notre histoire un petit peu de l'histoire des immigrants pour montrer qu'eux aussi ils ont vécu ça et que ça s'est passé de la même manière. Pourquoi les immigrants sont venus ici? Rapidement, il y a quelqu'un, un juriste de la Commission des droits de la personne, il y a une douzaine d'années, qui a fait une étude pour mesurer le degré d'adhésion à nos valeurs selon le groupe ethnique. Alors, il y avait par exemple les Arabes, les francophones d'origine, etc. Et ça mesurait le degré d'adhésion à la liberté, la démocratie, l'égalité, des choses comme ça. Ils ont exclu tout ce qui relève de la sexualité, pour des raisons évidentes, là, parce que, bon, ça, ça marchait moins bien. Pour le reste, le degré d'adhésion à nos valeurs était plus fort chez les immigrants que chez les Québécois, de résidents, des Québécois de naissance. C'est quand même quelque chose extrêmement important. Ça veut dire que le pari, moi, que je suggère, il pourrait être gagné facilement. Ils sont déjà aspirés, ils sont déjà assoiffés de ces valeurs-là. Ils voudraient les retrouver partout dans notre société, c'est pour ça qu'ils sont venus, un très grand nombre d'entre eux. Alors, si on leur présente notre histoire de la façon que je viens de dire, bien, ils vont être curieux de voir notre histoire. Ils vont dire : Qu'est-ce qu'ils ont fait avec ces valeurs-là, qu'est-ce qu'on peut apprendre, nous autres, comme immigrants, de leur... de leur histoire à eux. Mais ensuite, il faut que la balle retourne un peu de leur côté, que nous apprenons nous aussi quelque chose de leur passé. Alors, il ne s'agirait pas de faire deux musées, on se comprend, mais peut-être d'aménager quelque chose pour que l'autochtone... ou l'immigrant, pardon, soit présent de cette façon-là, que les visiteurs et les visiteuses, en sortant, qu'ils aient appris quelque chose évidemment de leur passé québécois, mais qu'ils aient appris aussi quelque chose du passé des immigrants et qu'ils en retiennent qu'on n'a pas à diluer ni l'un ni l'autre pour les fondre. C'est toujours accroché sur le même éclairage, qui est celui des valeurs universelles, celles de l'ONU, mais qui sont les nôtres aussi. C'est tellement les nôtres qu'on les a mises dans notre charte, et d'une façon unanime, hein? Je ne me trompe pas, la Charte est adoptée de... par unanimité parmi les parlementaires, hein? C'est ça? Bon. Alors, ce n'est pas gênant de travailler à partir de là.

M. Poulin : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Poulet) : Oui. M. le ministre, il nous reste encore... il vous reste encore quatre minutes et 23 secondes.

M. Lacombe : Quatre minutes 23 s. Super.

Peut-être un mot sur la mission du musée. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion, je ne veux pas vous prendre au dépourvu, mais de lire l'intitulé de la... de la mission, la façon dont c'est rédigé, d'accord...

M. Bouchard (Gérard) : Bien, je ne sais pas si je l'ai bien compris, mais je l'ai lu.

• (17 heures) •

M. Lacombe : Super. Bien, je suis certain que vous avez bien compris. Dans ce que vous nous présentez, vous nous parlez beaucoup, et c'est... c'est bien parfait, du contenu de... et les gens du musée de la civilisation qui sont à l'écoute, je suis certain, vous écoutent puis pourront s'en inspirer, et le comité scientifique qui sera... qui sera mis sur pied effectivement, parce que ce sont eux qui vont rédiger les expositions, mais évidemment, tout ça part de la mission. Et je serais curieux de savoir si vous pensez que, sur la base de la mission que nous proposons, on met les bases nécessaires, donc, on installe la fondation nécessaire pour ce que les contenus soient... soient dans la bonne direction.

M. Bouchard (Gérard) : Je ne voudrais pas me donner l'air de corriger votre copie, mais je vais vous donner comment moi, je perçois la mission, puis vous allez voir qu'elle n'est pas du tout incompatible avec ce qu'il y a dans votre document. Moi, d'abord, il faudrait que le musée présente des matériaux pour inciter, pour nourrir la réflexion des gens qui vont venir le... qu'ils sortent de là avec des éléments de réflexion, avec des questions...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Bouchard (Gérard) : ...auquel on aurait assorti des pistes de réponses, hein, il ne s'agit pas juste de poser les questions, mais de fournir aussi des éléments de réponse pour nourrir la réflexion. Ça, c'est vraiment une chose... Je ne mets pas de hiérarchie là-dedans, là, mais enfin ça, c'est une chose qui est très importante.

La deuxième, il faudrait que quelqu'un... Là, je vais revenir à M. Legault, hein, il faudrait que quelqu'un quand même sorte de là un peu plus fier de leur passé. Encore une fois, dans le sens que j'ai dit tout à l'heure, hein, pas de façon artificielle, là, mais quelqu'un qui dit : Bien, coudon, il y a un combat derrière nous. Est-ce que nous n'avons pas un peu le devoir de le poursuivre? Parce que les valeurs qui sont en cause, ce sont les nôtres, et il faut continuer, donc, ce combat-là, il faut y prendre part à notre façon, dans le contexte qui est le nôtre. Donc, ça, c'est le deuxième élément que je trouverais extrêmement important. Et, en fait, si le musée devait s'en tenir à ces deux éléments-là, on serait déjà bien nourris.

M. Lacombe : Et, de la façon dont il est rédigé en ce moment, lorsqu'on dit : «Le Musée national d'histoire du Québec a pour fonction de faire connaître et de promouvoir l'histoire du Québec, sa culture et son identité distincte, ainsi que de témoigner de l'évolution de la nation québécoise et de l'apport des communautés qui ont façonné son parcours et son territoire.» Je comprends que vous nous... vous nous suggérez de réfléchir à intégrer la réflexion. Vous, vous parlez même de l'indiquer dans la mission en tant que telle, dans la loi.

M. Bouchard (Gérard) : Oui, bien sûr, bien sûr. En fait, votre définition de la mission, moi, je trouve que c'est l'arbre. Et moi, j'ai accroché des boules aux branches.

M. Lacombe : C'est bien dit.

M. Bouchard (Gérard) : ...la métaphore... nous autres, on comprend ça...

M. Lacombe : C'est... non, non, mais on est... on est ici pour ça. Donc... D'accord. Et pour ce qui est de la fierté, ça, c'est plus difficile à inscrire dans une loi, évidemment. Est-ce que vous ne pensez pas que ça va se faire en soi?

M. Bouchard (Gérard) : Non, mais on peut employer d'autres formules. Les épisodes, les personnages inspirants, ça, inspirant, on comprend très bien ce que c'est, hein?

M. Lacombe : Je comprends. Donc, sans les... sans multiplier les héros, comme vous l'indiquez, parce que sinon ça perd de sa valeur.

M. Bouchard (Gérard) : ...on les banalise, hein, s'il y en a trop, ça ne veut plus rien dire. Ce que... le dernier mot que je veux dire, vous avez peut-être vu que je n'ai pas parlé d'identité, moi, là, dans mon mémoire, parce que je trouve qu'on en parle trop et qu'on ne le définit pas assez. Puis ça donne lieu à toutes sortes de malentendus puis de conceptions qui sont souvent gênantes un peu, d'ailleurs. L'identité, ça fait partie... ça sort de la mémoire, ça sort de l'idée... de l'idée que, dans notre passé, on a été des gens bien, finalement, et que ça nous réconforte, cette pensée-là. Alors évidemment, ça va se traduire dans l'identité, mais chacun fera cette traduction à sa façon. Ce n'est pas quelque chose qu'on va dicter aux gens, voilà, on va vous montrer ça, là, puis ça, ça va nourrir votre identité. Ce n'est pas ça, c'est de nourrir les matériaux, encore une fois, à partir desquels la personne va cheminer, va se nourrir comme elle veut, à partir de ce qu'on lui aura offert, etc. Alors, vous aurez remarqué que c'est le principe de la pédagogie présentement dans les écoles...

La Présidente (Mme Poulet) : Je vous remercie. Je m'excuse de vous interrompre. Alors, on va poursuivre les discussions avec la députée de Robert-Baldwin.

Mme Garceau : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Bouchard. Merci beaucoup. Ah! allez-y.

M. Bouchard (Gérard) : ...Non, non, non. Moi, j'ai terminé, mais...

Mme Garceau : Je voulais vous poser une question, j'ai trouvé ça très intéressant, concernant le traitement réservé aux autochtones. J'aimerais revenir à ce sujet là pour voir avec vous. Vous avez mentionné quelque chose très intéressant dans le sens qu'il ne faut pas ignorer nos manquements, nos erreurs. Et donc comment, comme, corriger le tir dans un certain sens? Et donc, pour vous, comment... Quelle est votre suggestion en ce qui a trait à l'implication des autochtones dans le récit historique du Québec? Comment est ce que vous suggérez que nous pourrions le faire?

M. Bouchard (Gérard) : Je pense que j'en ai déjà dit un mot... moi, je ne suis pas certain qu'il faille demander la permission des autochtones, parce que c'est notre musée à nous, Québécois, hein? Sauf qu'il faut s'assurer que la présentation qu'on en fait soit équitable, qu'elle soit porteuse de projets qui vont dans le bon sens. Et puis, après ça, on peut les consulter pour leur demander ce qu'ils en pensent. Ça, c'est correct, ça, mais les associer directement à la réflexion qui conduit à la conception du musée, je ne suis pas certain que c'est une bonne idée. Toujours si on part du fait qu'ils sont des nations différentes et que nous, nous en sommes une de notre côté. Bien, je pense qu'au départ c'est un travail qu'on devrait faire entre nous-mêmes, et puis ensuite les consulter sur les propositions auxquelles on est arrivés pour voir ce qu'ils en pensent. Je verrais plutôt les choses comme ça...

Mme Garceau : ...je vais être honnête avec vous, et non pas le sens inverse de les consulter afin d'avoir leur point de vue afin d'aussi pouvoir raconter leur histoire également dans l'histoire du Québec en tant qu'aussi peuple fondateur du Québec.

M. Bouchard (Gérard) : C'est ce que j'appelle les interactions, hein, ce que j'appelle les interactions. Alors, qu'on appelle... qu'on les appelle le peuple fondateur, c'est assez vague, ça, hein? Quel est le peuple dont on parle, là, qui aura été fondé? Est-ce que c'est le nôtre? Je ne suis pas... Je ne suis pas certain que ça leur plairait cette perspective-là et ça ne les désigne sûrement pas. Ils ne se sont jamais perçus comme un peuple fondateur. Ils ont toujours été là. Ils étaient là avant nous depuis des dizaines de milliers d'années.

Alors moi, je ne demanderais pas non plus si ce sont les premiers Québécois. Ça, c'est leur faire injure, là. C'est à eux de décider ça. Ce n'est pas à nous. Je ne crois pas qu'ils se couchent tous les soirs en pensant que, oui, c'est vrai, on est... on est les premiers Québécois. Je ne crois pas. Je ne pense pas que ce soit une pensée qui les inspire beaucoup parce qu'ils n'ont pas toujours des bons souvenirs des Québécois.

Alors, en gros, je ferais, comme j'ai dit tout à l'heure, là, des interactions, des interactions, quels qu'ils soient et à partir du début. Il faut qu'ils soient là. Il faut qu'ils soient là tout le temps, mais comme interactions. Alors, si parfois les interactions sont très étroites, bien, on va aussi loin qu'on peut, hein, dans le rapprochement avec la nation québécoise. Bien, parfois les interactions, ils vont nous conduire dans l'autre direction, mais ce sont des interactions quand même. Ils sont toujours présents, je crois.

Mme Garceau : Et en ce qui a trait... parce qu'on le mentionne dans l'intitulé. Il y a eu quelques experts historiens qui sont venus nous présenter des modifications à l'intitulé, là, au paragraphe, à l'article 24.2, où on aurait ajouté l'enrichissement en ce qui a trait à la participation des peuples autochtones et des communautés culturelles concernant l'histoire du Québec, l'implication des communautés culturelles dans l'histoire du Québec. Est-ce que c'est important?

M. Bouchard (Gérard) : Vous avez dit l'enrichissement des autochtones et des communautés culturelles?

Mme Garceau : Oui.

M. Bouchard (Gérard) : Je ne vois pas dans quel sens, là. Et puis surtout, je ne mettrais pas sur le même pied les communautés culturelles et les autochtones. Les autochtones, ce sont les... ils étaient là de... bien avant nous. Les communautés culturelles se sont ajoutées tardivement et ils font partie de la nation, ce qui n'est pas le cas des autochtones.

Alors, dans quel but un musée comme celui-là contribuerait à enrichir? Je ne vois pas très bien. Ça pourrait, par exemple... dénouer des malentendus et établir les bases d'un rapprochement, d'un accord, d'une compréhension mutuelle. Ça, c'est certain. Et ce serait déjà beaucoup, ce serait déjà beaucoup.

Mme Garceau : M. Bouchard, j'aimerais vous entendre sur... Pour vous, le début de l'histoire du Québec, c'est quand?

• (17 h 10) •

M. Bouchard (Gérard) : C'est avec l'arrivée des premiers Français. Je ne vois pas comment ça peut commencer ni avant ni après. Parce qu'encore une fois il faut partir du fait que ce sont des nations différentes de la nôtre et qu'ils étaient là avant nous. Alors, voilà. Oui, ça me paraît assez net, ça, ça me paraît assez clair.

Mme Garceau : Et je vois, d'après votre mémoire, vous parlez qu'il faut évidemment considérer les figures inspirantes... Est-ce que vous avez... plus nombreuses et plus accessibles. Est-ce que pour vous, dans le récit historique de l'histoire du Québec, on va miser sur les figures inspirantes pour... comme point central, comme idée centrale pour raconter l'histoire?

M. Bouchard (Gérard) : Je ne dirais pas l'idée centrale, mais comme une idée importante parmi d'autres, et que ce serait une idée qui se répand partout dans la conception du musée, qu'on présente des épisodes qui sont inspirants. Mais c'est aux visiteurs et aux visiteuses à décider ce qui va les... inspirer ou pas. On va leur donner des suggestions, bien sûr. Par exemple, on ne pourra pas ne pas parler de Chénier, de de Lorimier, qui d'ailleurs, d'après moi, n'est pas seulement une figure inspirante. Mais si j'avais à distribuer des titres de héros, c'est peut-être... c'est certainement l'un de ceux à qui je l'attribuerais. Ce que cet homme-là a fait est absolument extraordinaire de dominer son destin. Il allait se faire pendre le lendemain, il écrit une lettre à ses enfants quasiment pour s'excuser, pour expliquer pourquoi il a fait ça, pour qu'ils n'en veulent pas à leur père. Et là les motifs qu'il énonce sont d'une élévation extraordinaire. Ce n'était pas un philosophe, là, de Lorimier, hein, mais ce qui sort de sa plume, il y a quelque chose d'extrêmement émouvant. La première fois que j'ai lu ça, j'ai pleuré, moi. J'ai trouvé ça absolument magnifique, et il faudrait que ce soit donné à lire partout...

M. Bouchard (Gérard) : ...partout, dans les manuels, dans le musée. Voilà quelque chose qui va inspirer. Puis il n'y a pas besoin de commentaires. Il n'y a pas besoin de commentaire parce que ça ne ferait juste qu'épaissir la sauce puis ça ne passerait plus. Juste la lecture du document lui même, et d'ailleurs la lecture de deux paragraphes du document suffirait, suffirait à marquer quelqu'un, et, comme je le disais tout à l'heure, qui sera différent en sortant du musée qu'en y entrant.

Maintenant, ce n'est pas le seul exemple, hein? Dans le mouvement des femmes, là, au début, parmi les pionnières, là, il y en a qui en ont souffert beaucoup, là, avec cette initiative que les hommes... que les femmes étaient égales aux hommes. C'était quelque chose de scandaleux. Alors, il y a d'autres figures inspirantes, hein? Puis après ça, bien, on finirait peut-être avec quelqu'un qui s'appelle René Lévesque, parmi les figures inspirantes. Peut-être aussi... Comment s'appelait le premier ministre libéral?

Une voix : ...

M. Bouchard (Gérard) : Pardon?

Une voix : Jean Lesage.

M. Bouchard (Gérard) : Non, celui qui venait de Roberval, de chez nous, là?

Une voix : M. Couillard.

M. Bouchard (Gérard) : M. Couillard. C'est une figure inspirante, mais j'avais oublié son nom. M. Couillard. Bon, là, je vous donne un exemple. Si vous avez le goût de rire un peu, vous pouvez le faire, là, mais, je veux dire, c'est le contraire d'une figure inspirante, c'est un procédé pédagogique.

Mme Garceau : Pour vous, M. Bouchard, en termes de grands repères dans l'histoire du Québec, ce serait quoi?

M. Bouchard (Gérard) : Les grands repères?

Mme Garceau : Oui, qu'on devrait considérer, tenir compte dans l'histoire du Québec?

M. Bouchard (Gérard) : Les grands repères, c'est évidemment la fondation, hein, le régime français. Là, est-ce que je peux ouvrir une parenthèse de 30 secondes? Il faudrait se débarrasser de l'image idéalisée de la Nouvelle-France, qui était une colonie. C'était un colonialisme, il n'y avait pas de liberté, il n'y avait pas de droits. Tous les profits qui étaient faits par des initiatives entrepreneuriales devaient s'en aller à Paris. Jean-Talon s'est fait taper sur les doigts à cause de ça. Il avait ouvert des ateliers, tout de suite, ils lui ont dit : Tu arrêtes ça. L'argent, il faut... doit s'en aller à Paris. C'était le mercantilisme radical. Les laboureurs, la classe populaire n'était pas instruite, n'était pas admise à être instruite, sauf quelques personnes, là. Je sais que Marie de l'Incarnation puis Jeanne Mance ont fait des choses, mais c'était dans le but de sanctifier ces gens-là. Et le but... le mythe fondateur qu'elles proposaient, c'était de sanctifier. Moi, je veux bien que ce soit très... Très bien, mais je ne sais pas si c'est à la portée de tout le monde. Moi, la sanctification, je ne pense pas à ça tous les matins, là. Alors, il faudrait quand même projeter une image de la Nouvelle-France qui est conforme aux faits, hein, et qui est encore faussée jusqu'à un certain point. Alors, moi, il y a bien des choses que je rejetterais de la Nouvelle-France, tout ce qui ressemble au colonialisme, la corruption des gouverneurs et du conseil qu'ils formaient, le scandale du commerce avec les Indiens qui... je vais dire un mot, là, qui ne sera pas enregistré, là, hein, qui se faisaient fourrer. Bien, au Saguenay, nous autres on dit ça parfois. Mais ensuite mettre le projecteur sur les vraies personnes inspirantes, le peuple, les gens qui sont venus là, qui sont arrivés nus, sans préparation, sans équipement, sans compétences pratiquement, puis on leur a demandé de fonder une nation, de mettre en valeur un territoire, de bûcher avec des équipements qu'ils n'avaient pas, dans la plus grande incertitude, dans la pauvreté totale. Et puis ça, ça s'est poursuivi jusque dans les années 40-50 au Québec, dans les régions périphériques, les conditions primitives, là, du défrichement, on ne le sait pas suffisamment, mais c'est un fil qui court depuis la Nouvelle-France jusqu'à aujourd'hui. Il faudrait le montrer.

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, je m'excuse de vous interrompre encore une autre fois. On va poursuivre nos discussions avec le député de Jean-Lesage.

M. Bouchard (Gérard) : Heureusement que vous m'avez coupé en vol parce que...

La Présidente (Mme Poulet) : Je suis désolée.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente.

M. Bouchard (Gérard) : J'ai terminé, hein, c'est ça?

Une voix : Non.

M. Bouchard (Gérard) : Non? Excusez-moi, je pensais que me renvoyiez chez nous, là.

La Présidente (Mme Poulet) : Vous restez avec nous encore.

M. Zanetti : J'ai trois minutes avec vous. Puis, ensuite, il y aura des questions aussi de mon collègue. Je trouve que c'est vraiment inspirant.

M. Bouchard (Gérard) : Bien, je me serais plaint auprès de mon frère, par exemple.

M. Zanetti : Il y a une portion, un extrait de votre mémoire qui me touche beaucoup puis qui me fait réfléchir, là, je vais le citer, c'est : «On ne saurait exagérer l'importance d'une identité forte, c'est ce qui permet à une nation de transcender ses divisions, ses clivages et de se mobiliser soit pour progresser, soit pour surmonter une crise ou un traumatisme quelconque.»

M. Zanetti : ...et je lis ça puis la première idée qui me vient, c'est que je trouve, puis là, en toute amitié, là... mais, tu sais, je trouve que mon expérience, disons, de la classe politique québécoise, là, des députés de l'Assemblée nationale, là, comme, c'est qu'on ne parvient pas beaucoup à ça. Évidemment, ce n'est pas de notre faute, dans le sens... un peu, un peu, oui, mais pas complètement, je veux dire, le système, ici, est conçu pour créer de l'antagonisme, là, des clivages, des divisions importantes. Puis je pense constamment à qu'est-ce qui pourrait faire que le Québec avance, par exemple, puis qu'à un moment donné on sorte de ces disputes entretenues institutionnellement et politiquement depuis longtemps.

Puis la question de l'identité, au fond, je trouve que vous avez un point là. Il y a des moments où tout le monde est d'accord. Ça n'arrive pas tout le temps, mais ça... Et j'ai l'impression que ces moments-là où tout le monde est d'accord, c'est un peu ça, notre identité, finalement, puis peut-être que ça devrait être ça, la mission du musée.

(Interruption)

M. Bouchard (Gérard) : Excusez-moi.

M. Zanetti : Pas de problème. Mais je me dis est-ce que... Comment est-ce que... vous en avez parlé un peu, mais si vous pouvez développer là-dessus, comment est-ce que le musée peut aider à faire... à nous faire ressentir et vivre ce que nous avons en commun, comme collectivité, sans nier la complexité de ce que nous sommes, non plus, là, en gommant des choses?

M. Bouchard (Gérard) : Bien là, moi, je dirais : Reprenez les exemples que j'ai donnés au début, là, hein, les exemples des erreurs que nous avons faites, mais des efforts qu'aussi nous avons effectués pour les redresser et en sortir. Bien, à mon avis, une identité, ça se construit comme ça. Ce que nous avons fait ensemble et la mémoire de ce que nous avons fait ensemble, c'est ça qui crée les fondements d'une identité. Qu'est-ce que c'est, une identité, pour moi? Ce n'est pas le fait de se demander si c'est... distincte d'une autre ou pas, à mon avis, c'est secondaire, c'est arbitraire, puis cette réflexion-là ne mène nulle part. Parce que vous allez voir que la religion était forte ici, était forte en Australie aussi, la famille était forte, ici, elle était forte également en Angleterre. Alors, vous voyez, ce genre de choses là, ça n'amène pas grand-chose. Il ne faut pas non plus, à mon point de vue, se demander quels sont les traits de notre identité. Ça ne mène nulle part.

L'identité, pour moi, ça crée une appartenance sociale. D'une part, ça la crée et, d'autre part, ça l'exprime. Voilà une identité, c'est de créer une solidarité. Pour moi, ça, c'est la réalité la plus vivante et la plus importante d'une identité, c'est la façon dont on se perçoit ensemble, de ce qu'on a fait ensemble et de ce qu'on pourrait continuer à faire ensemble. Alors, évidemment, ça ne veut pas dire que ça naît... ça ne tombe pas du ciel bleu, ça surgit de l'histoire, hein, c'est des expériences que nous avons vécues ensemble, nos luttes nationales, par exemple, le mouvement de relèvement des femmes. Il a bien fallu que ça mobilise pas mal de monde, ça, et pas seulement des femmes, hein, il a fallu, à un moment donné, que les syndicats s'en mêlent puis que... les autorités politiques également, les juristes. Voilà quelque chose que nous avons fait ensemble, l'acteur principal étant, bien sûr, dans ce cas-là, la femme, mais en prenant d'autres exemples, c'est la même chose. Le syndicalisme a créé un élément de solidarité considérable par ses luttes, et ceux qui en ont profité, c'était une grande partie de la société, et ceux qui n'en faisaient pas partie approuvaient ça, ils étaient d'accord avec le relèvement des salariés à partir de l'état que j'ai j'évoqué tout à l'heure.

• (17 h 20) •

La Présidente (Mme Poulet) : Je vous remercie. Pardon encore de vous interrompre. M. le député de Matane-Matapédia, la parole est à vous.

M. Bérubé : Merci, Mme...

M. Bouchard (Gérard) : J'allais dire : La lutte pour le français, voilà quelque chose qui crée une solidarité. Voilà quelque chose pour lequel on a combattu tout le temps jusqu'à aujourd'hui.

M. Bérubé : Vous prêchez à un converti, M. Bouchard.

M. Bouchard (Gérard) : Non, mais c'est un exemple.

M. Bérubé : En ce qui me concerne. La trame du combat est très intéressante, vous l'avez indiquée dans une lettre ouverte au Devoir le 18 mai dernier. Ce n'est pas d'hier que je fais... porte beaucoup d'attention à vos écrits. Je trouve ça vivifiant. Quand on combat, on se sent vivre, collectivement ou individuellement.

Sur le plan politique, vous aviez indiqué, puis je suis assez convaincu que vous le pensez toujours... alors, bon, il y a l'Émergence de la nation, son évolution, la lutte pour s'affranchir du colonialisme, les idéaux démocratiques, le cheminement de l'idée d'indépendance, les tractations trop souvent stériles avec le pouvoir anglophone — je vous cite au texte. Là, je ne veux pas présumer de vos convictions, je connais les miennes, elles sont plus ou moins importantes dans le débat, mais je connais...

M. Bérubé :  ...celles du législateur sur ces enjeux-là. Sur cet enjeu-là de la lutte pour l'indépendance, c'est quand même quelque chose d'important. Comment on aborde cette question-là? Parce qu'il faudra bien l'aborder.

M. Bouchard (Gérard) : Vous en faites l'historique. Vous dites quand est-ce qu'elle est née et dans quelles circonstances et quels étaient les objectifs, les motivations de ceux et celles qui l'ont introduite comme proposition dans notre devenir. Et puis vous en suivez le cheminement avec les étapes, etc. pour voir jusqu'où elle s'est rendue et là où elle s'est arrêtée. Alors là, après, encore une fois, c'est à chacun de voir si cet historique-là les intéresse, est-ce que ça les inspire ou ça les laisse froids? Quelqu'un qui peut en retirer une inspiration va peut-être prendre conscience que c'est une identité. C'est un... C'est un objectif à laquelle se sont sacrifiés des générations et que ce serait bien dommage que ça s'arrête là. Que c'est une idée importante qui mérite d'être continuée. On rejoint là la problématique du combat. Ou alors on peut avoir une autre idée. On sait qu'il y a d'autres idées, mais ça, c'est à... Il faut offrir à la personne qui visite le musée les matériaux pour alimenter sa réflexion et faire des choix.

M. Bérubé : Comment on aborde la question du combat aussi pour le Québec dans l'ensemble canadien.

M. Bouchard (Gérard) : Dans l'ensemble de?

M. Bérubé : Canadien.

M. Bouchard (Gérard) : Mais encore une fois, en faisant l'historique des relations Québec-Ottawa. J'ai montré l'accumulation des gestes, des tentatives pour le Québec d'obtenir plus de pouvoirs, de rétablir plus d'équilibre dans les rapports, etc. Et là, il faut le dire, avec des gains parfois, mais beaucoup d'échecs aussi.

M. Bérubé : Beaucoup de combats, des gains, des échecs.

M. Bouchard (Gérard) : Mais beaucoup de combats.

M. Bérubé : Donc, avec le combat, on ne se trompe pas, on gagne parfois, on perd, mais on illustre...

M. Bouchard (Gérard) : Mais on continue à combattre. On développe le sens du combat. Et puis un combat, ça donne un sens à la vie pour quelqu'un qui cherche des motivations, puis c'est quelque chose qui est incontestable, qui est très digne.

M. Bérubé : C'est le contraire du renoncement.

M. Bouchard (Gérard) : Le contraire du renoncement. Bien oui, évidemment.

M. Bérubé : Ça me plaît plutôt comme...

M. Bouchard (Gérard) : Et puis, à la condition de combattre aussi pour des idéaux qui sont corrects.

M. Bérubé : Qui valent la peine d'être... On n'a pas beaucoup de temps. Un élément que vous vouliez...

La Présidente (Mme Poulet) : Le temps est écoulé.

M. Bérubé : J'étais presque...

La Présidente (Mme Poulet) :  Je m'en excuse. C'était vraiment intéressant. Alors, M. Bouchard, merci énormément de votre contribution à la commission. Je suspends les travaux quelques instants afin que l'on puisse accueillir le prochain témoin.

(Suspension de la séance à 17 h 25)

(Reprise à 17 h 28 )

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on reprend nos travaux, on est... on accueille le dernier témoin de la journée. Alors, M. Turgeon, Laurier Turgeon, professeur titulaire, directeur de l'Institut du patrimoine culturel de l'Université Laval. Alors, bienvenue, M. Turgeon. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, pour nous... et par la suite, on procédera à une période d'échange avec les membres de la commission. Alors, on vous écoute.

M. Turgeon (Laurier) : Bien, voilà! Alors, merci pour l'invitation. Je suis très heureux d'être là. Je regrette juste d'être en virtuel, et la raison étant que je participe aujourd'hui et demain, à une réunion au Musée canadien de l'histoire où je suis membre du conseil d'administration, et puis je suis actuellement donc à Ottawa pour cette réunion. Alors, vous m'en excuserez, j'aurais bien aimé être parmi vous.

Alors, je suis professeur d'histoire et d'ethnologie à l'Université Laval. Je dirige l'Institut du patrimoine culturel de l'université également. Également, ma spécialisation en histoire, c'est les relations entre Français et Amérindiens, notamment au XVIᵉ et au XVIIᵉ siècle, et puis j'ai un poste conjoint, j'enseigne aussi l'ethnologie, et en ethnologie, je me suis intéressé beaucoup à une problématique semblable les relations interculturelles dans les sociétés contemporaines et puis beaucoup axé sur les enquêtes de terrain et puis sur les enquêtes d'histoires orales.

Alors, comme je le disais tout à l'heure, je siège au conseil d'administration du Musée canadien de l'histoire depuis 2017 et je dirige aussi, depuis deux ans, un groupe de travail à l'UNESCO sur le patrimoine culturel immatériel et les changements climatiques étant associés, disons, à la Convention de 2003 sur le patrimoine culturel immatériel depuis ses origines.

• (17 h 30) •

Alors, je voulais dire d'emblée que je suis très favorable à ce projet de Musée d'histoire nationale du Québec. Je pense que c'est quelque chose qui est très important pour le Québec. Je pense que ça fait longtemps qu'on l'attend. J'avais été déjà... j'avais participé à des discussions il y a il y a une vingtaine d'années, ou peut être même 25 ans, lorsqu'il y a eu des tentatives pour créer un musée de la Nouvelle-France à Québec, dans les anciennes casernes militaires, un projet qui avait été dirigé par le ministre Marcel Masse, mais qui n'a pas abouti malheureusement. Mais je peux dire que je suis favorable à ce projet parce que je pense qu'il est important que le Québec ait son Musée national.

L'histoire du Québec est représentée partiellement au Musée canadien de l'histoire, bien sûr, mais il est sûr que cette présentation de l'histoire du Québec, c'est celle de la perspective canadienne, et je pense qu'il y a de la place aussi pour pour qu'il y ait une présentation de l'histoire du Québec dans une perspective plus québécoise. Donc, je pense que les deux peuvent être très complémentaires. L'un n'exclut pas l'autre, mais je pense important qu'il y ait un musée d'histoire du Québec à Québec.

Je voulais, en deuxième point, ajouter qu'il me semble important, dans ce musée, que toutes les périodes historiques soient bien représentées, autant la période précolombienne, celle d'avant...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Turgeon (Laurier) : ...la colonisation européenne, que le XVIe siècle. J'ai beaucoup travaillé sur le XVIe siècle. C'est un siècle extrêmement important, un siècle charnier, qui a... qui n'est... qui n'est pas représenté juste par les voyages d'exploration de Jacques Cartier, hein? Il y a une présence européenne, et notamment française, très importante dans la vallée du Saint-Laurent, dans le golfe et la vallée du Saint-Laurent, pendant tout le... tout le XVIe siècle, qui a... qui a joué un rôle important par la suite dans la colonisation. Et donc il ne faudrait pas faire commencer l'histoire du Québec avec la fondation de Québec par Champlain en 1608. Ce serait vraiment dommage.

Je pense aussi, en deuxième point, qu'il faut traiter, donc, aussi des périodes coloniales française, britannique et contemporaine et aussi de la période récente en faisant... en ayant recours à l'histoire orale, par exemple, qui est une façon extrêmement dynamique de présenter le passé et de faire participer les gens au musée.

Je voulais, au niveau des thématiques, outre l'exposition permanente qui va porter sur l'ensemble de l'histoire du Québec... il me semble important aussi que les expositions thématiques et temporaires abordent des questions de l'heure, des problématiques et des enjeux de l'heure. Je pense par exemple à l'impact des changements climatiques sur le... sur le patrimoine naturel, culturel et puis immatériel et sur la société tout entière. Il y a tout un historique de l'environnement et des changements climatiques qui, je pense, doivent être abordés dans ce musée. Alors, l'histoire n'est pas seulement une histoire ancienne, mais c'est aussi une histoire du présent et des problématiques présentes qu'il faut essayer de présenter dans une perspective historique.

En troisième point, il me semble très important que la muséologie de ce musée soit une muséologie participative et collaborative qui permet à tous les Québécois, hommes, femmes, communautés culturelles, communautés autochtones, francophones, anglophones, d'y participer activement et qu'ils soient bien représentés également dans ce musée.

J'aimerais, en quatrième point, aborder la question de la composition du conseil d'administration. Je... Mon intervention repose ici sur mon expérience, mes sept années d'expérience au conseil d'administration du Musée canadien de l'histoire. Je crois important que toutes les... toutes les... tous les groupes, les segments de la société québécoise soient représentés sur ce conseil d'administration. Mais je crois également qu'il est important qu'il y ait des spécialistes, des spécialistes des sciences historiques. Parce qu'après tout, c'est un musée d'histoire et il faudrait qu'il y ait des historiens, des archéologues, des ethnologues, des spécialistes des sciences historiques présents dans ce musée.

Pourquoi je le dis? Parce que j'ai regardé le projet de loi, et puis les domaines qui sont identifiés, il y en a 10, il y en a juste un qui évoque l'histoire et il y en a sept qui évoquent la gestion. Alors, je trouverais très regrettable que ce musée soit... qu'il y ait seulement un historien qui représente les sciences historiques dans ce musée, et que ce soit un musée qui est régi par des gestionnaires. Je veux dire, je donne l'exemple de la Banque du Canada. Je pense qu'à la Banque du Canada il y a plus qu'un économiste et un spécialiste des questions financières qui siègent sur le conseil d'administration de la Banque du Canada, hein?

Alors, une dernière, peut-être deux autres remarques, deux autres points que je voulais évoquer. C'est la question de l'équilibre. Je pense que c'est important de trouver un équilibre entre le numérique et l'artefact. On a eu des discussions très importantes sur ces questions au Musée canadien de l'histoire, est-ce qu'on prend le village... le virage tout numérique ou bien est-ce qu'on essaie de trouver un équilibre. Je sais que les points de vue sont... sont partagés sur la question, mais je crois que le tout numérique n'est pas une solution. Et il me semble important de développer le numérique...

M. Turgeon (Laurier) : ...pour rejoindre des clientèles qui sont... qui ne peuvent pas se déplacer pour aussi faire face à des défis d'ordre technologique, on doit suivre les transformations technologiques pour les comprendre et pour les exploiter. Mais il faut aussi se rappeler que le musée est aussi composé d'artefacts, d'objets matériels réels qui suscitent des émotions parce qu'on a investi, les humains ont investi beaucoup de temps et d'énergie pour les conserver, pour les mettre en valeur. Et ce sont des objets, en fait, des trésors. En quelque sorte, de la nation qui évoquent cet... ce sentiment d'attachement, ce parcours que nous avons fait ensemble et qui évoquent aussi l'avenir de la collectivité. Alors, malheureusement, le numérique, d'après mes expériences, et je dirige un laboratoire de numérique à l'Université Laval depuis 10 ans, le LEM, le laboratoire d'enquête ethnologique et multimédia, et je me rends compte qu'après ces expériences... que le numérique coûte cher et il ne remplace pas... il ne remplace pas toujours l'artefact.

Alors, un dernier point, je pense que c'est aussi... un musée qui doit... Bon, je l'avais déjà un peu évoqué, mais j'aimerais revenir là-dessus et insister sur les thématiques et les enjeux actuels de la société. Je pense que c'est très important pour un musée d'histoire d'aborder des questions de... des questions des changements climatiques, par exemple, hein, ça, ça me paraît être un incontournable. Alors, voilà, j'ai...

La Présidente (Mme Poulet) : Je vous remercie beaucoup.

M. Turgeon (Laurier) : J'ai essayé de garder le temps, puis j'ai terminé.

La Présidente (Mme Poulet) : C'était parfait. Je vous remercie beaucoup. Alors, on va débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Lacombe : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. Turgeon, d'avoir pris le temps de venir nous voir, de... comme je le dis à tous les autres invités, de vous êtes préparé, je sais que ça demande du temps, de la préparation. Donc, merci beaucoup. Il y a beaucoup de... bien, en fait, beaucoup, tout ça est relatif, mais il y a certaines personnes, je pose la question à pas mal tout le monde, là, qui nous disent que le Musée de la civilisation a déjà une mission de mettre en valeur l'histoire du Québec. C'est plus nuancé, là, quand on lit bien la mission, on parle de l'histoire des occupants du territoire québécois. Est-ce que vous, vous voyez une contradiction avec la mise sur pied d'un nouveau musée qui est dédié exclusivement à l'histoire de la nation québécoise?

• (17 h 40) •

M. Turgeon (Laurier) : Non, pas vraiment. Je pense que les deux sont complémentaires. Moi, j'ai toujours vu le Musée de la civilisation comme un musée qui traitait... qui est un musée de société, qui traite davantage des enjeux... des enjeux de la société québécoise, enjeux sociaux, mais pris dans le sens large de social et qui traite aussi de l'histoire. Enfin, il y a des... les expositions, là, les expositions permanentes ont tous traité de l'histoire. Mais je pense que... je pense qu'il était important d'avoir un musée qui va traiter spécialement de l'histoire et je pense que... je ne pense pas qu'il sera en trop. Et d'inscrire l'étiquette «histoire», à mon avis, est une étiquette importante, hein? Ce n'est pas pour rien qu'on a changé le nom du Musée canadien de l'histoire, le Musée des civilisations en Musée de l'histoire. Et je pense qu'il y avait là, du moins, une volonté politique, peut-être un peu moins... c'était moins une volonté sociale, mais une volonté politique, hein, de mettre l'étiquette «histoire» sur le musée. Alors, je ne le vois pas comme une contradiction, je le vois plutôt comme quelque chose de complémentaire.

M. Lacombe : Et que pensez-vous de l'objectif que ce musée-là traite, que ce soit son principal objet, de l'histoire de la nation québécoise? Et tantôt, M. Bouchard nous parlait d'interaction avec les Premières Nations. Je trouve que c'est particulièrement intéressant comme façon de l'amener. Mais que ce soit un musée qui parle de l'histoire de la nation québécoise, plutôt que ce soit un musée qui, un peu comme une courtepointe, va parler de la nation québécoise, mais va aussi avoir une exposition sur une... une des Premières Nations, va avoir une exposition sur... et que là on se retrouve avec...

M. Lacombe : ...donc une courtepointe qui n'a pas nécessairement de fil conducteur. Est-ce que vous, vous êtes à l'aise avec ce... cet objectif, que ce soit sur la nation québécoise et, évidemment, sur les rencontres qui ont mené à ce qu'on connaît aujourd'hui comme nation?

M. Turgeon (Laurier) : Oui. Bien, moi je suis à l'aise parce que j'ai la profonde conviction que le Québec représente une nation. Comme toutes les autres nations de la planète, on n'est pas les seuls à vouloir s'affirmer comme nation, et je crois que... je pense que c'est important pour nous de le dire haut et fort et puis de nous compléter aussi dans cet... d'assumer cet engagement de nation, hein? Et on peut le faire à travers... on a besoin d'outils pour le faire. Et je pense qu'un musée d'histoire est un outil important, hein, pour affirmer, accomplir aussi cette mission d'une nation, qui se veut une nation, de mon point de vue, comme beaucoup de nations, intégrative, collaborative, participative, qui va donner la place à toutes les... tous les représentants, tous les groupes qui représentent... ou qui participent, je dirais plus, qui participent à cette nation, une place active dans la construction du vivre ensemble et dans la construction de l'avenir de cette nation. Je partage assez, là... J'ai entendu la dernière partie de l'intervention de M. Bouchard sur la question de l'identité et je partage assez, là, son idée, hein, de cette identité inclusive qui rassemble des gens qui ont... qui ont... qui ont des expériences vécues communes et qui veulent construire ensemble un avenir qui est... qui permet un bon vivre ensemble.

M. Lacombe : Donc, que répondez-vous aux gens qui nous disent que de vouloir parler de la nation québécoise, c'est en soi un geste politique et donc c'est un peu une instrumentalisation de ce que sera le Musée national de l'histoire du Québec?

M. Turgeon (Laurier) : Bien, je dirais que c'est tout à fait normal, que c'est une affirmation politique, certes, mais je n'y vois pas de problème. Le... Dans les objectifs stratégiques du Musée canadien de l'histoire, le premier objectif stratégique, c'est d'affirmer l'identité de la nation canadienne.

M. Lacombe : D'accord. Bien, je trouve que... enfin, je trouve que c'est... Je vais noter cet exemple-là.

M. Turgeon (Laurier) : Alors, je veux dire, je renverrais les gens qui disent ça... la définition du... de la... la mission du Musée canadien de l'histoire, et puis on pourrait dire la même chose pour le Musée... de l'histoire. Alors, je ne partage pas cet avis par rapport au Musée canadien de l'histoire. Je pense, c'est un musée qui se veut aussi inclusif et puis... qui se veut inclusif et qui se veut... qui se veut canadien.

M. Lacombe : Oui. Et vous m'apprenez quelque chose parce que je ne le savais pas. Mais je trouve ça particulièrement intéressant parce que... en tout cas, peut-être que je me trompe, mais j'ai bien l'impression qu'on ne pourrait pas accuser le gouvernement du Canada de ne pas être inclusif et de ne pas être ouvert à la diversité. Et donc c'est... vous me dites que c'est le... vous êtes sur le conseil d'administration, donc vous savez de quoi vous parlez. C'est le premier... le premier objectif. Donc, si le gouvernement canadien peut le faire, effectivement, que le gouvernement québécois peut aussi le faire sans se faire taxer d'intolérance et de renfermement sur lui-même.

M. Turgeon (Laurier) : Oui, exactement.

M. Lacombe : C'est ma conclusion. O.K.

M. Turgeon (Laurier) : Oui, je la partage.

M. Lacombe : Peut-être un petit mot avant de passer la parole à mon collègue, une dernière petite question. S'il reste du temps après mon collègue, je reviendrai. Bien, sur les... sur les jeunes et sur l'émotion, tantôt M. Bouchard parlait de l'importance de faire vivre des émotions aux visiteurs et qu'il ne fallait pas le faire de façon artificielle, mais qu'en soit, la présentation de l'histoire fait vivre des émotions. J'ai l'impression que le numérique, de parce qu'il nous permet de faire, notamment les immersions, les expériences immersives, où on peut par exemple assister à un discours historique qui a marqué la nation québécoise ou revivre un grand événement culturel qui a marqué les esprits. Je pense par exemple aux fêtes nationales sur la montagne, par exemple. Est-ce que vous trouvez que ce serait une bonne utilisation des moyens numériques, que vous connaissez bien, pour, justement, mettre en valeur l'histoire puis faire vivre des émotions?

M. Turgeon (Laurier) : Oui, oui, tout à fait. Moi, je ne suis pas contre le numérique, là. J'espère que je ne me suis pas à fait mal comprendre. Nous, on a fait des...

M. Turgeon (Laurier) : ...projet d'utilisation de la réalité augmentée, réalité virtuelle, par exemple, avec un projet avec le musée de Wendake, le musée wendat de Wendake, qui a été vraiment intéressant, mais il n'empêche qu'on a fait ce projet aussi dans la Maison Longue, où il y a plein d'artefacts et d'objets qui sont exposés.

Alors, je pense qu'il faut trouver un équilibre et puis il ne faut pas penser que le... à mon avis, que le numérique, que ça soit la seule façon de faire de la muséologie, hein. C'est ça que je voulais dire. Le numérique est une façon, c'est une façon intéressante, mais il y a aussi les méthodes, disons, plus classiques, plus traditionnelles qui ont fait aussi leurs preuves et qui sont très efficaces. Donc, je pense qu'il faut essayer de trouver un équilibre.

Par exemple, au Musée des enfants, au Musée canadien de l'histoire, finalement, après de longues années de réflexion, les gens sont venus à la conclusion que c'était important de trouver cet équilibre, parce que, justement, les parents disaient : Bien, on n'a pas envie que nos enfants passent 14 heures par jour devant des écrans. Vous voyez?

M. Lacombe : Non, mais je suis allé souvent avec mes enfants, et, je peux vous dire, ce n'est pas l'image qu'on se fait d'un musée traditionnel, n'est-ce pas, c'est très participatif.

M. Turgeon (Laurier) : Oui.

M. Lacombe : Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : Alors...

M. Lacombe : Je vais céder la parole à mon collègue.

La Présidente (Mme Poulet) : Oui, justement, le député de Vanier-Les Rivières a une question pour vous.

M. Asselin : Bonjour, M. Turgeon. S'il y a quelqu'un... connaît bien votre passion pour le numérique, c'est bien moi. J'ai collaboré avec vous pour l'entreprise... l'Encyclopédie du patrimoine culturel de l'Amérique française, avec Martin Fournier...

M. Turgeon (Laurier) : C'est vrai.

M. Asselin : ...au temps où je n'étais pas député, et je connais bien votre amour du numérique. Alors, soyez rassuré par rapport à ça.

Mais j'étais curieux de savoir comment vous pensez que le musée de... qu'on travaille pourrait développer l'histoire chez les jeunes et, en même temps, du côté numérique, peut-être du côté de l'interaction qu'il pourrait y avoir. Alors, une petite question sur : Comment est-ce que l'histoire peut être bien servie par le projet?

M. Turgeon (Laurier) : Oui. Bien, d'après les... mes expériences, c'est sûr que, bon, l'utilisation de la vidéo, les expériences immersives, c'est toujours intéressant, parce que, bon, ça permet de découvrir, je veux dire, un nouvel environnement, hein, un nouvel environnement 3D. C'est... c'est... Je pense que là il y aurait des choses intéressantes à faire.

• (17 h 50) •

Mais il ne faut pas oublier que c'est quand même des projets qui sont très coûteux et puis qui sont très passagers, parce que les technologies numériques évoluent à une grande vitesse, et ce n'est pas facile de suivre, hein, cette évolution, ça demande énormément de temps, d'énergie, d'investissements financiers. Donc, il faut être conscient aussi de cet aspect, hein, du numérique, parce que je pense qu'on peut aussi faire participer des jeunes à la captation de l'histoire orale, par exemple, ou à des fouilles archéologiques, et ça peut être tout aussi passionnant pour les jeunes, hein, de pouvoir faire ça, là, je veux dire de déterrer, de voir sortir de terre des artéfacts qui datent de trois, quatre, des fois 400 ans, ou même 3 000 ou 4 000 ans.

Mais je suis assez favorable à l'idée d'un équilibre. Le numérique a ses mérites, certes, bon. Notamment, les expériences immersives, le 3D, là, nous a permis d'aller très loin, mais c'est... ça a aussi ses limites, hein, je dirais, oui, ça a aussi ses limites. Bon. Les questions de... Nous, on avait eu beaucoup de succès avec le Découvrir Québec, là, on avait les jeunes qui les utilisaient, bon, dans les écoles. Les professeurs aimaient bien, parce que c'étaient un peu des trousses pédagogiques, en même temps ça leur permettait de présenter l'histoire autrement que par des livres. Mais, bon, on avait beaucoup... c'était beaucoup du.... On utilisait beaucoup la vidéo, hein, des entrevues orales, un peu le 3D aussi, là, on avait fait le Château Frontenac, là, le Château Saint-Louis en 3D. Ça, ça avait été... Ça, les étudiants aimaient ça, parce que, là, on pouvait reconstruire le site en quatre minutes...

M. Turgeon (Laurier) : ...on voyait là le site reconstruire, sortir de terre et être transformé. Alors là, on avait une leçon d'histoire de ce site en quatre minutes et on voyait très bien, on voyait très bien ce comment ça... comment il avait évolué, hein? Donc ça, oui, ça, ce sont des expériences qui sont vraiment, je pense, très intéressantes. Mais il y a aussi le problème de l'écran, la fatigue de l'écran, hein? Et je sais que ça peut être une préoccupation pour des enseignants et des... et des parents.

M. Asselin : Merci. Je ne sais pas s'il reste du temps.

La Présidente (Mme Poulet) : M. le ministre, il reste trois minutes.

M. Lacombe : Il nous reste trois minutes. Est-ce que c'était complet pour... c'était complet pour toi? D'accord. Je terminerai peut-être avec une question que j'ai envie de poser à tous les intervenants, mais pour laquelle je manque toujours de temps. Au-delà du numérique, parce que, là, on vient d'en parler. Comment ce musée pourrait faire pour rejoindre davantage les jeunes? Vous savez, j'ai souvent des discussions avec nos P.D.G. de musées et je me surprends souvent qu'il n'y ait pas davantage d'expositions qui soient destinées à 100 % aux jeunes, donc évidemment, les jeunes allant de tout petits à, disons, jeunes adultes, mais en tout cas peut-être adolescents, mais il y en a très peu quand même au Québec. Le Musée de la civilisation est particulièrement un bon élève. Mais quand on regarde mon musée d'art, il y en a vraiment très, très peu. Bon, on fait de la médiation culturelle, on invite les enfants dans ces univers d'adultes qu'on leur traduit en mots d'enfants ou avec des activités. Donc, est-ce que vous pensez que le Musée national de l'histoire du Québec devrait aussi s'adresser parfois directement aux plus petits ou, sinon, plus largement, comment on fait pour inciter les jeunes à venir visiter le musée?

M. Turgeon (Laurier) : Oui. Bien, moi, le numérique c'est un moyen, mais je ne pense pas qu'il doit être le seul. Moi, je... d'après mes expériences, la façon de... d'intégrer et de stimuler les jeunes, c'est de les faire participer. Et c'est étonnant, mais même des très jeunes, là, des enfants de trois, quatre ans, on peut... Moi, je les ai vus là, sur des fouilles archéologiques, là, qui sont simulées, bon, pas des vraies fouilles, mais, bon, au lieu de leur mettre un carré de sable avec des jouets, on leur met un carré de sable avec des artefacts qui sont enterrés et on leur fait... on les fait fouiller, et je vous assure que ça les excite, hein, et puis pas juste à peu près.

Alors, j'ai choisi cet exemple-là, mais il y a d'autres possibilités : leur apprendre à faire de la photographie, à participer au développement d'expositions. Vous voyez, ce n'est pas... on n'a pas besoin d'être... d'avoir une maîtrise en muséologie, là, pour... pour les faire participer, pour faire participer des jeunes. Je pense que tous les jeunes de tous les âges là, peuvent... peuvent vraiment bénéficier de cette approche participative, et puis... et puis c'est pour eux très stimulant, hein, je pense que c'est très stimulant. Et puis là, et ça, ils voient, et vraiment comment... comment un musée fonctionne, comment on monte des expositions. Ce n'est pas des artefacts. Aller les faire découvrir les réserves par exemple, ça aussi, ça peut être intéressant au lieu de juste leur montrer des expositions, vous voyez?

M. Lacombe : Mais est-ce qu'on doit...

M. Turgeon (Laurier) : Les réserves... Oui?

M. Lacombe : Mais est-ce qu'on doit... est-ce qu'on doit s'adresser aussi parfois à eux, puis à eux exclusivement dans certaines expositions? On n'a plus de temps, hein?

M. Turgeon (Laurier) :  Ah, oui, oui, bien oui, on peut...

La Présidente (Mme Poulet) : On n'a plus de temps, je m'excuse de vous interrompre, on n'a plus de temps.  

M. Turgeon (Laurier) : Oui, bien sûr, ma réponse est oui.

M. Lacombe : J'ai entendu oui. J'ai entendu oui.

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on poursuit les discussions avec la députée de Robert-Baldwin pour une période de 12 min et 23 s.

Mme Garceau : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Turgeon. Très contente de voir aujourd'hui. J'ai trouvé intéressant... Puisque vous êtes membre du C.A. du Musée canadien de l'histoire et vous avez parlé de la présentation de l'histoire du Québec au musée, et vous avez mentionné : «Il faut maintenant une perspective plus québécoise en ce qui a trait à la création de ce nouveau musée». J'aimerais, si vous pouviez élaborer là-dessus? Est-ce que... C'est quoi les composantes qui feraient en sorte qu'il y aurait une perspective plus québécoise?

M. Turgeon (Laurier) : Oui. Bien, je pense que, bon, le Québec a une histoire qui lui est unique, hein? Je pense à... il a... Le Québec est sur un territoire qui est occupé depuis 9000 ou 10 000 ans, et donc cette occupation du territoire a été spécifique au Québec en raison, bon, de sa géographie, hein, de sa morphologie...

M. Turgeon (Laurier) : ...la morphologie des peuples aussi qui l'ont occupé. Il y a toute une première période de la, disons, de la période coloniale française qui est aussi assez spécifique à ce territoire. Les Français n'ont pas... ne sont pas... ne se sont pas cantonnés juste au Québec, là, ils ont eu... ils ont circulé un peu partout sur le continent, notamment dans la partie nord-est du continent. Alors, je pense que ça mérite, là, qu'il y ait une trame, une narration, une trame narrative qui raconte l'histoire de ce territoire qui est spécifique. Je pense que le Musée canadien de l'histoire le reconnaît jusqu'à un certain point, mais c'est vrai que le Musée canadien de l'histoire doit faire l'histoire de tous les Canadiens, de tout le Canada. Alors, ce n'est pas tout à fait la même perspective. Et surtout, je veux dire, on ne peut pas, dans une perspective qui est pancanadienne comme ça, se concentrer, je dirais, sur le territoire actuel du Québec. Et puis il y a eu aussi des grands enjeux, je veux dire, qui sont les enjeux d'ordre sociopolitique au Québec, qui n'ont pas existé dans d'autres parties du Canada. Alors, je pense que, pour tenir compte et de... et raconter cette trame... suivre cette trame narrative, il me semble important que le Québec puisse avoir son musée pour le faire, vous voyez? Bon, je veux dire, je n'ai rien contre le Musée canadien de l'histoire, au contraire, si j'y suis, c'est que j'y crois, mais je pense qu'on peut... je pense que les deux peuvent très bien se compléter sans se faire concurrence. C'est un peu comme, je pense, le musée... le musée d'histoire peut exister avec le Musée de la civilisation, ou comme le Musée d'histoire du Québec peut exister avec le Musée de l'histoire du Canada. Et je pense qu'il y a d'autres musées au Canada, des musées de province qui portent sur l'histoire... l'histoire de la province en question, vous voyez? Le musée, par exemple, le musée de Terre-Neuve, le musée de Terre-Neuve, c'est essentiellement un musée qui traite de l'histoire de Terre-Neuve, hein, Terre-Neuve-et-Labrador.

Mme Garceau : C'est intéressant que vous mentionniez le Musée de la civilisation, qui peut coexister, si je peux dire, avec un musée national. On a eu des experts qui sont venus en commission avec des préoccupations à ce sujet, compte tenu du libellé des missions respectives des deux musées qui sont sensiblement les mêmes, et donc qu'il y aurait une compétition, une concurrence entre les deux. Vous n'êtes pas... Vous ne partagez pas cet avis?

• (18 heures) •

M. Turgeon (Laurier) : Non, pas vraiment, parce que, bien, je pense que moi, j'ai vu le Musée de la civilisation, comme je l'ai dit tout à l'heure, plus comme un musée qui va traiter des enjeux sociaux, c'est un musée de société et aussi un musée de civilisations, donc qui ne traite pas juste de la civilisation du Québec, mais aussi des civilisations de partout dans le monde. Donc, il y a un mandat qui dépasse de beaucoup, là, le mandat d'un musée d'histoire du Québec, vous voyez? Alors, je ne vois pas les deux comme étant en concurrence. Vous voyez, par exemple, au Musée canadien de l'histoire, il y a... En fait, le Musée canadien de l'histoire regroupe deux musées, il y a le Musée canadien de l'histoire et le musée de la guerre du Canada. Et les deux font bon ménage, se complètent assez bien. Alors qu'on aurait pu dire aussi, quand le Musée de la guerre a été créé en 2002, que le Musée de la civilisation avait ce... en partie, ce mandat, et donc ce n'était pas nécessaire. Mais après avoir visité les deux musées, j'ai bien vu que les deux ont leur particularité, une fonction qui leur est spécifique, et puis qu'ils se complètent très bien. Je dois dire que j'étais assez critique quand il y a eu la création du Musée canadien de la guerre, mais après l'avoir visité plusieurs fois, je trouve qu'il joue un rôle important au Canada.

Mme Garceau : Et donc, pour vous, M. Turgeon, parce que j'ai pris bonne note, là, que l'histoire ne commence...


 
 

18 h (version non révisée)

Mme Garceau : ...commence pas avec M. Champlain. Donc ça commence à quel moment?

M. Turgeon (Laurier) : Bien, ça commence avec la création du territoire et puis l'occupation du territoire par des... par des humains. Donc, il faut remonter à 10 000 ans. Et puis surtout, il ne faut pas oublier le XVIe siècle parce que ce pauvre siècle a été très oublié et on passe toujours de champ... de Cartier à Champlain, on dit : Bon, Cartier, ça a été un échec puis là, bien, il y a rien qui se passe pendant 75 ans et ensuite Champlain arrive et puis ça y est, il fonde le Canada. Mais il y a eu entre Cartier et Champlain, là, énormément d'activités. Alors moi, j'ai passé 20 ans de ma vie à documenter cette histoire et je ne suis pas le seul. Il y a d'autres personnes, des archéologues notamment, qui ont beaucoup travaillé sur cette période, et puis d'autres historiens. Et c'est une période importante. De même que, je dirais, que la période récente, qui pourrait être très bien documentée par l'histoire orale et souvent oubliée, hein, la période très récente. Donc, moi, je suis un peu... je plaide pour qu'on tienne compte des deux extrémités, disons, de l'histoire de l'occupation européenne, là, dans ce cas-ci du territoire, le XVIe siècle, mais aussi le XXIe siècle.

Mme Garceau : Et vous avez une expertise, j'ai pris note, en termes de relation entre Français et Amérindiens et donc, toute l'histoire, évidemment des peuples autochtones au Québec, ça serait important que ça soit évidemment dans cette trame historique de l'histoire du Québec.

M. Turgeon (Laurier) : Oui, oui, absolument, oui. Oui, oui, absolument. Ayant étudié ces questions, je veux dire, l'histoire du Québec est intimement liée à l'histoire des peuples autochtones depuis le tout début, je dirais, de la fréquentation du territoire par les Européens jusqu'à aujourd'hui, hein? Alors... et c'est une grande richesse, c'est une... bon, une grande richesse, peut-être plus une richesse pour certains que pour d'autres, là, ça, je le reconnais, mais c'est une histoire dont il faut tenir compte et qui a aussi, bon, des côtés qui sont moins glorieux, ça je le reconnais, notamment pour les peuples autochtones, mais qui a aussi des aspects qui sont positifs, hein, qui sont positifs également et qu'on doit mettre en valeur.

Mme Garceau : Vous êtes un des seuls qui nous a parlé de la composition du C.A. tel que défini au projet de loi. Et vous avez mentionné que ça serait important que tous les groupes soient représentés, incluant des spice... des spécialistes et donc, moi, je voulais savoir, lorsqu'on regarde la liste, là, il y a environ 10 personnes. Pour vous, qu'est-ce qu'on devrait ajouter spécifiquement au projet de loi?

M. Turgeon (Laurier) :  Bien moi, la crainte que j'ai, et c'est une tendance assez forte que j'observe dans les musées, pas juste au Québec et au Canada, mais un peu... bien, surtout en Amérique du Nord, où on fait appel beaucoup à des gestionnaires, des comptables, mais beaucoup de gestionnaires, et puis pas beaucoup aux spécialistes. Et ça, je trouve ça vraiment dommage. Je... On est en train avec Yves Bergeron qui, je pense, est passé en commission, là, je ne l'ai pas vu, mais avec lui, on mène un projet de recherche qui est financé par le CRSH sur la gouvernance des musées au Canada, aux États-Unis et en Europe. Et on constate la même chose partout. C'est que les C.A. sont composés beaucoup de gens du milieu de la finance, des gestionnaires, des comptables et des juristes. Et je pense qu'il y a une sorte de... il y a une sorte de croyance que si on met beaucoup de gens avec... qui sont du domaine de la finance, ils vont donner de l'argent et puis le musée va s'enrichir. Mais, moi, ce que j'ai constaté, c'est que finalement ces gens-là donnent très peu d'argent, ils font très peu de dons et c'est souvent les gens qui sont moins fortunés, qui font des... qui font des dons importants, alors... Et puis surtout, bien, je veux dire, le problème, c'est qu'on a fini, qu'on a fini que de... on ne discute que de gestion et on ne discute pas du contenu et de la vraie mission du musée, hein, qui est celui de produire un récit historique intéressant, varié, émouvant...

M. Turgeon (Laurier) : ...alors... alors, sinon, là, on risque de s'enliser dans des discussions juste sur la gestion, la gestion des risques, etc.

D'ailleurs, en passant, j'avais vu un article très intéressant, qui a été publié dans Le Devoir, là, je ne sais pas, au mois de mars 2024, là, je l'utilise... je le présente à mes étudiants, Baillargeon, sur la... sur cette question-là, où il dit que, justement... Lui, bon, il s'appuie sur ce qui se passe au Québec, mais ce qu'il dit pour le Québec, là, c'est... ça se passe ailleurs au Canada puis aux États-Unis également, hein? La situation est un peu différente en Europe parce que les musées sont gérés de façon différente, là, ce n'est pas... ce n'est pas vraiment des conseils d'administration. Il y a une autre forme de gestion. C'est plus l'État qui dirige les musées, mais, en même temps, je trouve qu'ils réussissent mieux parce qu'ils ont plus de spécialistes à qui ils peuvent faire appel. Parce qu'avoir un seul historien sur un conseil d'administration de 10 personnes, c'est pour moi une aberration. Il faudrait qu'il y ait... il faudrait qu'il y ait archéologie, des ethnologues, anthropologie. Il faudrait que la moitié, si c'était... si c'était... à mon avis, là, c'est qu'il faudrait que la moitié du conseil d'administration soit composé de spécialistes.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup, M. Turgeon.

Une voix : Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : On va poursuivre les discussions avec le député de Jean-Lesage pour une période de 4 min 8 s.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, M. Turgeon. Il y a une question qui se pose dans l'enjeu de la création de ce nouveau musée là, puis c'est la question de comment on va parler d'identité. Comment on va faire un récit, finalement, de notre histoire, puis de ce que nous sommes collectivement? Selon vous, pardon, qu'est-ce qu'on... comment on doit faire ça?

M. Turgeon (Laurier) : Bien, je pense qu'il est important d'abord de reconnaître que les identités sont plurielles, hein, que les identités du Québec sont multiples et très diversifiées, et puis qu'il y a... il y a toutes sortes de manifestations identitaires, hein, que c'est quelque chose qui est... qui a une grande pluralité de ces identités qu'il faut reconnaître, qui sont importantes à reconnaître, parce que ces identités sont importantes pour les gens qui les portent, hein? Les identités des métis, des autochtones puis des différents groupes autochtones, c'est fondamental parce que ça leur donne un sentiment d'appartenance, un sentiment d'existence. Ils savent... ça leur donne des repères et puis ça leur permet de... d'avoir de l'espoir dans l'avenir, dans leur... dans leur devenir. Donc, il n'y a pas beaucoup de couches d'identités, hein? Donc, je pense qu'il ne s'agit pas, là, de... d'essayer de créer une identité unique et qui soit exclusive, hein? Je pense que, d'abord, il est important de reconnaître cette pluralité, mais aussi de dire que, bon, qu'en tant que Québécois on a... on a une mission commune et qu'on doit se fédérer, fédérer ces différentes identités pour réaliser des plus grandes choses collectivement, hein? Alors, je pense que c'est ça, on a un passé de vécu ensemble et puis on a aussi un avenir qu'on peut déterminer collectivement tout en respectant, hein, ces... et puis en soutenant aussi ces différentes identités. Parce que c'est cette diversité des identités, je pense, qui fait... qui peut faire la force de la fédération, si j'ose parler ainsi.

M. Zanetti : Je comprends. Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : ...25 s.

M. Zanetti : Bien, je pense que ça va être tout pour moi. En une minute 25, là... C'est pas mal ça que je voulais aborder. Je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente.  Merci, M. Turgeon.

La Présidente (Mme Poulet) : Parfait.

M. Turgeon (Laurier) : ...

La Présidente (Mme Poulet) : M. Turgeon, je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

Alors, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au jeudi 19 septembre 2024, après l'avis touchant les travaux des commissions.

(Suspension de la séance à 18 h 12)


 
 

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