Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)
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Le
mardi 6 juin 2023
-
Vol. 47 N° 13
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 23, Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique et édictant la Loi sur l’Institut national d’excellence en éducation
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10 h (version non révisée)
(Dix heures deux minutes)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
bon mardi à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
Avant de débuter, j'aimerais souhaiter un
joyeux anniversaire à notre ministre de l'Éducation. Donc, bonne fête, M. le
ministre.
M. Drainville : Merci
beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et
auditions publiques sur le projet de loi n° 23, Loi modifiant principalement la
Loi sur l'instruction publique et édictant la Loi sur l'Institut national d'excellence
en éducation.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Non, Mme la Présidente,
il n'y a pas de remplacement.
La Présidente (Mme Dionne) : Parfait.
Donc, ce matin, nous entendrons les personnes et les groupes suivants, soit M.
Normand Baillargeon et l'Association des directions générales scolaires du
Québec. Donc, je souhaite la bienvenue à M. Baillargeon. Je vous rappelle que
vous avez 10 minutes pour nous présenter votre exposé. Donc, d'entrée de jeu,
je vous demanderais de vous présenter. À vous la parole.
M. Baillargeon (Normand) : Bonjour.
Donc, je m'appelle Normand Baillargeon. J'ai été professeur en éducation à l'université.
Je suis auteur de, bon, un grand nombre de livres en éducation et sur d'autres
sujets et en ce moment je suis chroniqueur en éducation au quotidien Le Devoir.
Voilà.
La Présidente (Mme Dionne) : ...je
vous laisse la parole pour les 10 prochaines minutes.
M. Baillargeon (Normand) : Il
y a beaucoup de sujets qu'on pourrait discuter autour du projet de loi. Je vais
me concentrer sur l'INEE, qui n'est pas encore acquis, et je vais essayer de
donner les raisons pour lesquelles je suis en faveur de la création de cet
Institut national d'excellence en éducation, il y en a trois, ensembles de
raisons, et je vais indiquer ensuite, essayer d'identifier des dangers qui
guettent ce projet. Et je crois qu'en identifiant les dangers qui guettent ce
projet on est mieux en mesure de ne pas tomber dans les écueils qui nous
guettent si on ne fait pas attention à ces choses-là.
Je suis en faveur, donc, de la création de
cet institut. Je pense que c'est quelque chose d'extrêmement important pour l'éducation
au Québec. Et les raisons que je donne, ce sont les suivantes, il y en a trois,
grands ensembles de raisons.
Le premier, c'est que cet institut va nous
aider à corriger une trop désolante méconnaissance des données scientifiques en
éducation. Depuis une cinquantaine d'années, je vais très vite quand je dis ça,
la recherche empirique, jointe aux résultats de la psychologie cognitive, a
permis de faire d'importantes percées en matière de connaissances en éducation.
Et ces choses-là restent malheureusement méconnues ou trop peu connues en
éducation. L'institut pourrait apporter ce savoir-là, le diffuser.
Une autre chose qui m'apparaît importante
avec l'institut, c'est qu'en éducation, hélas, circulent beaucoup d'idées
fausses ou discutables, ce que j'ai appelé dans un de mes livres des légendes
pédagogiques, des fausses croyances, et l'institut pourrait aider à nettoyer
ces choses-là, à dire : Écoutez, vous êtes enseignants, et rappelez-vous, les
enseignants ne sont pas eux-mêmes des experts de ces questions-là, ils ont
besoin qu'on leur vulgarise ces choses-là, on vous informe, dans une formation,
que vous devriez utiliser telle ou telle chose, c'est démontré faux ou à peu
près certainement faux, et les enseignants doivent savoir ces choses-là. Ces
idées-là doivent circuler en éducation.
Alors, je disais donc diffusion de ce qu'on
sait, des connaissances établies le plus soigneusement possible, dénonciation
des faussetés qui circulent en éducation, et aussi, je pense, c'est mon
troisième type d'argument, troisième ensemble d'arguments, qu'un institut comme
celui-là permettra de produire ou demandera avec insistance qu'on produise des
données descriptives qui nous font parfois cruellement défaut. Ce n'est pas
normal qu'on ne sache pas, je vais donner des exemples, combien exactement de
profs il manque dans le réseau scolaire, qu'est-ce qui arrive avec les
enseignants qui commencent, les gens qui commencent une formation en
enseignement puis qui quittent en cours de route, pourquoi ils quittent, qu'est-ce
qui se passe, qu'est-ce qui arrive avec les gens qui ont fait une formation en
l'éducation et qui quittent, dans un grand nombre, au bout d'un certain
nombre...
M. Baillargeon (Normand) : ...on
a besoin de savoir ça. Il y a un grand nombre de choses. Je pourrais en donner
de nombreux exemples. On a besoin de données descriptives, et l'institut
pourrait servir à les créer, à les donner ou à exiger qu'on les fournisse.
Alors, ce sont les trois raisons pour lesquelles je suis shona en faveur de la
création de cet institut.
Maintenant, ayant dit ça, comme je vous
l'ai annoncé tout à l'heure, il y a des dangers qui guettent une institution
comme celle-là, et, en les identifiant, je pense qu'on se prémunit contre les
périls qui nous guettent, si on ne fait pas attention. Le premier danger que je
vais identifier, c'est la soumission, même apparente, de cet institut-là au
politique. L'institut doit être indépendant du politique. Il doit pouvoir avancer
des choses avec lesquelles le gouvernement en place n'est pas d'accord, avec
lesquelles certains partis politiques ne sont pas d'accord. L'institut, il
faut... et je ne suis pas un expert de ces questions-là, mais je pense que sa
composition pourrait contribuer à le faire, et d'autres facteurs pourraient le
faire aussi... mais il faut que cet institut-là soit, à l'évidence, indépendant
des partis politiques. Les questions d'éducation sont souvent des questions
polémiques, où il y a des débats, et il est important que ce soit le cas. Ça
arrive souvent en éducation, et pour de bonnes raisons. Mais cet institut-là
doit être indépendant du politique. Il faut s'assurer de ça absolument.
Une deuxième question qui se pose, et je
comprends très bien cet argument-là, que des syndicats ont avancé, c'est la
question de l'autonomie professionnelle des enseignants. Les enseignants sont
des professionnels, et il ne faut pas que cet institut empiète injustement sur
leur liberté d'action, sur ce qu'ils font en classe. Les enseignants sont des
experts de leur classe. Maintenant, ils le font à partir de savoir qu'ils ont
connu et qu'on leur a donné, alors il faut préserver cette autonomie-là. Et je
pense qu'une des clés ici, c'est de bien identifier ce qu'on entend par autonomie
professionnelle. Pour faire une métaphore qui n'est pas parfaite, mais qui
n'est pas fausse non plus, imaginez un médecin qui dirait : Moi, on ne me
permettra... on ne m'interdira pas de recommander aux gens qui font de la haute
pression de consommer beaucoup de sel, c'est mon autonomie professionnelle qui
me permet de faire ça. Pas du tout, parce que là, vous êtes complètement en
contradiction avec ce que le savoir établi a acquis, et on devrait respecter le
savoir établi, on devrait respecter l'autonomie professionnelle, et trouver cet
équilibre entre les deux, par lequel les enseignants sont maîtres de ce qu'ils
font dans leur classe et connaissent leur classe.
J'aimerais aussi qu'on n'oublie pas la
mission pédagogique d'un institut comme celui-là. Il a comme fonction de
diffuser des savoirs, et je pense que c'est important qu'il permette aux gens
d'accéder... Parce que ce n'est pas tous les enseignants — ils ne
sont pas formés pour ça — qui sont capables, puis les gens en
éducation, de lire des recherches scientifiques, de comprendre ce que c'est,
une méta-analyse, de faire la différence entre corrélation et causalité, et,
ainsi de suite. Alors, cet institut-là aurait pour fonction de diffuser et de
faire un travail pédagogique sur l'accès aux connaissances scientifiques en
éducation.
J'aimerais aussi... C'est des arguments
qu'on entend, et je les comprends, et je vais essayer d'être le plus clair
possible là-dessus. Je déplorerais que l'institut ne fasse pas preuve des
nuances qui s'imposent dans le rapport à la recherche scientifique. Il y a
différents types de recherche, il y a différents degrés de certitude de la
recherche. Des nuances s'imposent quand on interprète la recherche
scientifique, et je pense qu'un institut qui donnerait ne serait-ce que
l'illusion d'une perspective scientiste, entre guillemets, en matière de
recherche, ferait un grand tort à l'éducation. Il faut être capables de faire
preuve de nuances. Il faut, par exemple, reconnaître — on reviendra
là-dessus dans la discussion — qu'en science, une caractéristique des
scientifiques c'est que ce qu'ils avancent, c'est toujours, en droit,
révisable. On fait preuve d'humilité quand on fait du travail scientifique, on
dit : Il est possible que certaines choses soient remises en question. Et
cette espèce de nuance là serait importante à mettre en marche dans cet
institut.
Je déplorerais aussi que l'institut ne
s'applique pas à lui-même la médecine qu'il préconise pour les autres. Alors,
cette médecine-là, par exemple, comprend des choses comme l'examen des
résultats qu'ont donné telles ou telles choses. C'est ce que l'institut va
vouloir faire. Quand ils vont dire : On préconise telle chose parce que,
quand on l'a implantée ailleurs, ça a marché ou ça n'a pas marché. Voilà un des
arguments qu'on utilise pour le préconiser. Eh bien, quand l'institut lui-même
préconise des choses, j'espère qu'il va s'appliquer à lui-même la médecine
qu'il recommande pour les autres, hein? S'il préconise quelque chose, il fera
un suivi, il s'arrangera pour savoir si ça a fonctionné comme c'était prévu.
• (10 h 10) •
J'ai deux derniers arguments, qui sont des
arguments de philosophe, il ne vous étonnera pas, de ma part, de les faire
valoir. Tout ce dont j'ai parlé, la recherche empirique, les résultats de
recherche, ne peuvent pas, à eux seuls, déterminer les finalités en éducation.
Il y a toute une question de finalités qui se pose dans une pratique complexe
comme celle de l'éducation, que la recherche empirique, à elle seule, ne peut
pas trancher, et, pour ça, il faut qu'on n'oublie pas de poser ces questions-là
à l'intérieur de cet institut. Il faut se rappeler que la question des...
Prenez une question qu'on débat, en ce moment, au Québec : Est-ce qu'on
est dans un système scolaire à trois vitesses, etc.? Il y a des... Bon, mais
cette question-là... derrière cette question-là, derrière ce débat-là, il y a
une question de l'égalité des chances en éducation. Qu'est-ce que ça signifie,
la justice et l'égalité des chances en éducation? Eh bien, ça, ce n'est pas une
chose que la recherche...
M. Baillargeon (Normand) : ...empirique
à elle seule peut résoudre. C'est une question de finalité qu'on doit poser, et
l'institut ne doit pas négliger ces questions-là, et l'institut ne doit pas
confondre les faits avec les finalités.
Mon dernier moment... Je pense que
j'arrive à peu près à mon 10 minutes, hein? Il m'en reste deux, câline, bon,
j'ai été trop vite. Je souhaiterais aussi que l'institut n'oublie pas, et là,
c'est vraiment le philosophe qui parle, qu'il y a beaucoup de questions en
éducation, qui sont absolument nécessaires pour traiter de l'éducation, qui
sont des questions de nature conceptuelle. J'ai donné un exemple avec l'égalité
des chances, qu'est-ce que vous entendez par égalité des chances, exactement?
Mais il y a des questions très profondes et très concrètes qui doivent se
traiter à partir d'une analyse de certains concepts que nous utilisons. Je vais
donner quelques exemples. En ce moment, on parle de laïcité, au Québec, mais
qu'est-ce exactement, la laïcité, comment on l'implante dans les écoles? Si on
veut la laïcité... Une des choses qu'on ne souhaite pas, en éducation, c'est
que le système d'éducation endoctrine les enfants. Mais qu'est-ce que vous
entendez par endoctrinement? Définissez-moi clairement ce concept-là pour
pouvoir décider si telle ou telle chose constitue ou non l'endoctrinement.
Alors, des questions conceptuelles comme celles-là vont se poser, et j'aimerais
bien que l'institut en soit conscient et ne fasse pas comme si, par des
recherches empiriques, on a résolu toutes ces questions-là. Ce n'est pas le
cas.
Même chose si vous me permettez, et je
terminerai là-dessus... un philosophe contemporain a déjà écrit qu'il y a des
concepts qui, par nature, sont essentiellement débattus, par essence, débattus,
qui ne sont pas clarifiés juste comme ça. Si je vous parle de la loi de la
gravité puis de Newton, il n'y a plus de débat ou à peu... tu sais, on est
clair, on s'entend. Mais, si je vous dis le mot «éducation», qu'est-ce que vous
entendez par éducation, bien, même au Québec, en ce moment, il y a des débats
entre des gens qui souhaiteraient que l'éducation soit plus centrée sur la
formation de gens pour exercer un métier, une profession, soit plus centrée sur
l'économie, d'autres qui voient une vision, c'est mon cas beaucoup, très
libérale de l'éducation, par des savoirs où on libère l'esprit, on permet aux
gens de vivre une vie autonome. Eh bien, ces questions-là ne devraient pas être
négligées par l'institut, qui devrait en prendre conscience puis aussi savoir
que... parce que le travail qu'il fait au nom des données probantes ne résout
pas toutes ces questions-là. Bien, voilà.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup pour cette belle introduction. Je cède maintenant la parole à M. le
ministre. Nous allons continuer... pour débuter les échanges.
M. Drainville : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Monsieur Baillargeon, pour votre mémoire et votre
présentation. Vous avez fait référence d'entrée de jeu aux fausses croyances
qui circulent. Vous avez dit : Il y a beaucoup de fausses croyances qui
circulent, je pense bien vous citer. Est-ce que vous pouvez nous donner des
exemples concrets de fausses croyances qui circulent et qui sont peut-être
encore... on ne le souhaite pas, mais peut-être allez-vous nous apprendre que
certaines de ces fausses croyances sont encore enseignées dans nos facultés
d'éducation?
M. Baillargeon (Normand) : Un
M. qui s'appelle Steve Mason, dans la revue Brain, Mind and Education, il y a
un an ou deux, a publié un article mémorable dans lequel il montrait un certain
nombre de fausses croyances, de légendes pédagogiques, montrait comment elles
étaient répandues au Québec chez les enseignants et montrait comment, et c'est
là que c'est dramatique, dans une importante mesure, ces croyances leur avaient
été enseignées durant leurs formations. Alors, si vous connaissez cet
article-là, vous savez que je dis exactement la vérité là-dessus. Des
exemples : il existe des styles d'apprentissages visuels, auditifs, etc.,
quand on teste ça, ça ne marche pas. Il existe une pyramide de l'apprentissage,
où on a, au sommet, certaines choses, en bas, certaines autres, l'enseignement
plutôt explicite serait mauvais puis... donc, il existe un cerveau gauche et un
cerveau droit et, selon qu'on enseigne... C'est des choses comme celles-là qui
malheureusement circulent, en éducation, et sont enseignées, malheureusement.
Et l'institut pourrait clarifier ces choses-là. Il y a de la recherche
scientifique là-dessus qui est crédible. J'ai consacré un livre à cette
question-là, moi, qui s'appelle Légendes pédagogiques. Ça vous amusera
peut-être de savoir, j'étais enseignant en éducation, à cette époque-là, et
c'est ce que me rapportait qu'on le racontait dans d'autres cours certains
étudiants qui m'a amené à écrire ce livre-là : Dans mon cours de
didactique, on m'enseigne cerveau gauche, cerveau droit... etc. Donc, il y en a
un certain nombre, effectivement.
M. Drainville : Quand vous
parlez d'enseignement explicite, on entend souvent cet... on entend souvent ce
concept-là. Ça veut dire quoi, ça, l'enseignement explicite?
M. Baillargeon (Normand) : Écoutez,
je tiens à dire aussi que le philosophe de l'éducation que je suis s'intéresse
à ces questions-là, mais il y a des gens que vous allez rencontrer qui sont
beaucoup plus que moi spécialistes de tout ça. Mais je vais vous le raconter
parce que je pense que vous ne le savez pas, ça, probablement, vous ne savez
pas ça. Dans les années 60, aux États-Unis, en pleine période keynésienne où il
y a des dépenses importantes par l'État dans toutes sortes de domaines, dans
ces années-là, les Américains ont mis un programme en éducation sur pied qui
s'appelait Head Start. Ça voulait dire une longueur d'avance. Ce programme...
M. Baillargeon (Normand) : ...dame-là
visait à faire en sorte que les élèves provenant de milieux défavorisés, et
c'était souvent dans des ghettos noirs, par exemple, qu'il y en avait beaucoup,
de ces élèves-là... On se rendait compte, quand ils arrivaient en première
année, ils avaient déjà beaucoup de retard langagier et autres qui faisaient en
sorte qu'ils avaient de la misère à l'école, et on s'est dit : Si on leur
mettait sur pied des prématernelles, des maternelles pour faire en sorte qu'ils
arrivent à l'école et on ait comblé ce retard-là, on a fait Head Start, une
longueur d'avance, ça pourrait les aider ensuite pour leurs études. On a mis
sur pied un vaste programme qui s'appelle Head Start. Un moment donné,
quelqu'un a dit, je résume très vite, là, mais quelqu'un a dit : Si on
suivait ces élèves-là pour voir si la longueur d'avance qu'on leur a donnée
perdure dans le temps? Ça fait que, là, donc, on va les suivre, un grand nombre
d'élèves. Et quelqu'un a dit : Si on en profitait pour comparer l'efficacité
de différentes méthodes pédagogiques? Alors, à cette époque-là, par exemple, la
psychologie humaniste est très populaire, Carl Rogers et d'autres, Tentons ça.
À cette époque-là, Piaget est évidemment quelqu'un de très important, mettons,
les programmes inspirés par Piaget, John Dewey, le grand philosophe d'éducation
des États-Unis, est très présent, puis quelques autres. Et ils vont mettre,
parmi les modèles qui vont tester, un modèle qui s'appelle «direct
instruction», instruction directe, développé par Siegfried Engelmann, qui est
mort il y a deux ans à peu près, ce M.-là. Et ils vont confier... Et ça va
durer des années, je ne donnerai pas les chiffres exacts parce que je vais me
faire reprendre parce que je me trompe, mais je... et ça va durer pendant des
années. Il suivait un nombre extraordinaire d'élèves, une des plus importantes,
des plus longues, des plus coûteuses recherches en sciences sociales, sciences
humaines de toute l'histoire et en éducation aussi. Et on va demander à une
firme externe d'évaluer les différents programmes sur toutes sortes de
variables, dont l'estime de soi des élèves. Mais croyez-le ou non, c'est
«direct instruction» qui l'emporte sur toutes les autres. Et croyez-le ou non,
c'est à peu près inconnu en éducation chez nous.
M. Drainville : «Direct
instruction», donc, c'est... la traduction française étant l'enseignement
explicite.
M. Baillargeon (Normand) : Bien,
là, il y a des jeux de vocabulaire, là, mais l'enseignement direct, c'est cette
école-là, disons qu'on a une famille de manière d'enseigner, là, qui est là,
et, je vous le rappelle, y compris sur l'estime de soi, ce qui est quand même
assez extraordinaire.
M. Drainville : Et ça... En
résumé, encore une fois, l'enseignement direct ou l'enseignement explicite,
c'est...
M. Baillargeon (Normand) : Regardez,
si vous voulez, rapidement, là, essayer de comprendre ça, on pourrait... c'est
très rapide, hein, mais les gens qui vont venir ici connaissent ça mieux que
moi, mais on pourrait distinguer des méthodes pédagogiques centrées sur les
élèves et l'activité qu'ils ont et des manières d'enseigner centrées sur
l'enseignant qui prend en charge l'enseignement et qu'il le décompose en
petites parties. «Direct instruction», l'instruction direct, l'enseignement
explicite appartiennent à cette deuxième catégorie d'enseignement où c'est
l'enseignant qui prend les choses en charge, qui découpe en petits morceaux
jusqu'à permettre petit à petit aux élèves de le faire de manière autonome.
Donc, c'est centré sur l'enseignant.
M. Drainville : Très bien.
Vous exprimez une préoccupation, et vous n'êtes pas le seul à le faire, par
rapport à l'indépendance de l'INEE. Bon, je... vous avez vu dans le projet de
loi, là, comment l'INEE va être organisée, la composition de son conseil
d'administration et tout le reste. Avez-vous des suggestions de changements qui
pourraient être apportés et qui assureraient l'indépendance de l'INEE, que vous
souhaitez de vos vœux?
M. Baillargeon (Normand) : Sincèrement,
là, vous touchez un sujet où je ne me sens pas très, très compétent. Je n'ai
pas de bonne connaissance des structures administratives, juridiques, etc. Ce
que je tiens à dire, par contre, c'est qu'on le saurait très vite si ce n'est
pas le cas, on le serait très vite si jamais une position qui est prise par
l'INEE fondée sur des arguments déplaît, et, à ce moment-là, quelqu'un est
déplacé. Je l'ai dit tantôt, modestement, je pense que la composition de l'INEE
pourrait devenir une chose qui signale une indépendance par rapport au
politique. Une dernière chose, si vous me permettez. Il existe un institut
national en santé et puis services sociaux et on... de mémoire, on n'a jamais
vu de problème se posant, disant : Ils ne sont pas indépendants du
politique. Donc, il y a probablement des choses qui se font là qui pourraient
être inspirantes pour un institut d'éducation.
• (10 h 20) •
M. Drainville : Très bien. Il
y a eu beaucoup de lettres ouvertes. Je pense que vous les avez vu passer,
Monsieur Baillargeon. Quiconque lit les journaux depuis quelques semaines
s'aperçoit qu'il y a eu beaucoup de lettres ouvertes de professeurs de faculté
d'éducation qui se prononcent contre l'Institut national d'excellence en
éducation. Si vous aviez... D'abord, avez-vous vu certaines de ses lettres, de
ces prises de position? Et, deuxièmement, vous qui êtes en faveur de l'INEE,
qu'est-ce que vous donneriez comme réponse à ces critiques, et dans certains
cas virulentes, contre l'INEE? Quel serait l'argumentaire qui, à votre avis,
peut-être les rassurait ou, à tout le moins...
M. Drainville : ...offriraient
une réponse adéquate à leur position.
M. Baillargeon (Normand) : Pour
commencer, je pense que je les ai toutes lues, ces lettres-là, je ne pense pas
en avoir manqué une seule, y compris la dernière, signée par
220 professeurs d'université et qui est envoyée à Monsieur Quirion, le
Scientifique en chef du Québec. Je ne sais pas si vous l'avez vue, celle-là,
ils sont 220 à l'avoir envoyée. Il y a à l'évidence un malaise entre le projet
que porte l'INEE et les facultés de sciences de l'éducation. Ça empiète sur
leur domaine, sur leur territoire. Mais vous devez savoir aussi, je le dis avec
la plus grande honnêteté possible, hein, que, dans les facultés d'éducation, il
y a une forte adhésion à certaines idées, points de vue idéologies avec
lesquels l'INEE va entrer en confrontation. Il y a une critique des données
probantes. Il y a eu un... et certaines de ces choses-là sont acceptables.
M. Drainville : Il y a une
critique de la part de ces professeurs, une critique des données probantes.
Pourquoi ils critiquent...
M. Baillargeon (Normand) : Oui…
une déficience à l'endroit des données probantes.
M. Drainville : Pourquoi?
Qu'est-ce qu'ils n'aiment pas dans les données probantes?
M. Baillargeon (Normand) : Qu'est-ce
qu'ils n'aiment pas dans les données probantes? D'abord, ce qui se fait,
parfois, pas toujours, il ne faut pas généraliser, j'aimerais ça mettre des
nuances partout, là, parce qu'il y a des profs en sciences l'éducation, moi et
d'autres, là, qui sont en faveur des données probantes ou de la recherche
expérimentale, etc., mais il y a... c'est vrai aussi qu'il y a un fort courant
qui a adhéré à des idées. Ça vous semblerait étrange, je vous raconterais ça,
vous auriez du mal à le croire. Par exemple, en éducation, a circulé pendant
des années, circulent encore un courant de pensée, que je n'invente pas, qu'on
appelle le constructivisme radical. Le constructivisme radical au nom duquel on
prétend qu'on n'est jamais en mesure de décrire la réalité, toute description
est toujours une construction. La science est une construction parmi les
autres. Et ceux qui connaissent le sujet savent que je dis la vérité en ce
moment. C'est un fait, ça. Et, quand on arrive avec des idées comme l'INEE ou
les données probantes, évidemment, ça choque certaines des choses.
Il y a aussi un empiètement sur les
pouvoirs, les privilèges, le prestige des facultés d'éducation. Je pense qu'une
des réponses saines à ça, c'est d'écouter tout ça, évidemment, et de faire
preuve de ce que j'ai dit tantôt, deux pistes que je suggérais, faisons preuve
de nuance quand on approche la recherche scientifique en éducation. Les
recherches n'ont pas toutes la même valeur en éducation. Moi, personnellement,
j'aime à rappeler qu'il y a des recherches scientifiques, là, qui sont publiées
dans des revues et qui n'ont pas grande valeur. Le savez-vous? En ce moment, il
y a des revues prédatrices en sciences. Savez-vous ça? En ce moment, en
sciences, il y a un grand nombre de revues prédatrices.
M. Drainville : C'est quoi,
ça?
M. Baillargeon (Normand) : Il
y a en science, en ce moment, des revues où on publie vos articles contre un
paiement. Ce n'est pas une blague, je ne l'invente pas, il y en a une tonne.
C'est réel. Il existe des « paper
mill », des usines qui
produisent des articles officiellement. Vous envoyez un article dans une revue
scientifique sérieuse, un comité de lecture va le prendre en charge, va le
lire, va étudier ces questions-là, ça va prendre trois mois, vous allez
recevoir un correctif, votre article est refusé, rien à faire, corrections
majeures à travailler, corrections mineures, etc. Dans les revues prédatrices,
vous envoyez ça, puis on vous dit : 500 $, puis on le publie la
prochaine fois. Ça existe en ce moment, donc, il y a une perversion la
littérature scientifique que l'Institut national d'excellence doit connaître,
doit faire attention. Puis après ça, dans les recherches qui sont faites, elles
n'ont pas toutes la même valeur, vous comprenez? Si je fais une recherche pour
dire que j'ai interrogé huit profs qui enseignent les maths, et ils utilisent
telle stratégie, puis ça marche super bien. Tant mieux. C'est le fun de savoir
ça, mais maintenant examinons ça de plus près et comparons-le par des groupes,
etc. Puis, à un moment donné, vous le savez, on fait des synthèses des
recherches crédibles, puis ça s'appelle une méta-analyse et puis ça, c'est plus
sérieux que d'autres résultats. J'aimerais ça que les gens à l'INEE soient
capables de ces nuances-là, soient capables aussi de reconnaître que, oui,
c'est utile, des fois, de faire des recherches qualitatives, hein? Il y a des
sujets sur lesquels on ne peut pas faire autre chose que des recherches qualitatives.
Alors, il faut faire une place à ça. Il faut faire preuve de nuance et d'esprit
scientifique sérieux quand on aborde la recherche. Je pense que si l'INEE fait
ça, elle va maximiser ses chances d'être entendue.
M. Drainville : Est-ce que
dans votre esprit... Vous avez utilisé à un moment donné, pendant votre
présentation... vous avez écrit... vous avez utilisé les mots « données empiriques ». Est-ce que pour vous,
données empiriques et données probantes, ce sont... c'est un synonyme?
M. Baillargeon (Normand) : Non.
Des données empiriques, ce sont des données factuelles, des faits qu'on a, mais
après ça, des données probantes, c'est des données factuelles qui sont réunies
dans le but de vérifier une hypothèse, une théorie et qui sont confirmées dans
le cas de l'éducation par les sciences cognitives. Et, quand tout ça
s'accumule, on a une donnée de plus en plus probante.
M. Drainville : Donc, est-ce
qu'on pourrait dire : Bon, à des fins de vulgarisation, la donnée
probante, dans le fond, c'est une donnée... on pourrait comparer ça à la
recherche fondamentale et la recherche appliquée combinées? C'est-à-dire la
donnée est le fruit d'une recherche, mais par la suite, on va la valider dans
la salle de classe. Et, si effectivement la... ce qu'on avait observé dans la
recherche se confirme sur le terrain d'une manière empirique, donc par une
recherche appliquée, ça devient à ce moment-là une donnée probante. Est-ce qu'à
votre avis c'est une
M. Baillargeon (Normand) : Oui,
c'est ça, puis vous le dites assez bien, je pense. Et il s'ajoute à ça aussi en
l'éducation que souvent les données qu'on appelle...
M. Baillargeon (Normand) : ...là,
que la recherche en classe empirique a démontré converge avec ce que les
sciences cognitives nous apprennent. Et quand c'est le cas, là, on est rendu
assez solide.
M. Drainville : Et les
sciences cognitives? Donnez-moi des exemples pour les gens qui nous écoutent,
là, mettons, des sciences cognitives.
M. Baillargeon (Normand) : O.K.
Je pars, moi, là. Dans les années 50, il s'est tenu, c'était à Harvard, de
mémoire, je me trompe peut-être, un important colloque en psychologie, etc., où
il y avait Chomsky, que j'aime beaucoup, qui était là, qui présentait la
linguistique générative, des chercheurs qui présentaient des trucs sur
l'intelligence artificielle. Et, là-dedans, il y a un psychologue qui va
présenter la notion de nombre magique, the Magic number, je ne sais pas si vous
avez déjà entendu parler de ça, c'est sept, plus ou moins deux, O.K.? L'idée
est la suivante, c'est devenu répandu partout, en psychologie, ça, c'est que
nous accédons à la réalité par une fenêtre qui s'ouvre et qui se referme très
vite et qui peut contenir uniquement sept, plus ou moins deux éléments, de 5 à
9. Là, il y a des débats sur le nombre exact, mais c'est ce que lui présentait
à cette époque-là. Ça, ça veut dire qu'on ne peut pas contenir beaucoup de
choses dans notre conscience. Par contre, on est capable, vous êtes capable, en
ce moment, de comprendre tout ce que je dis, des phrases très, très longues,
etc. Comment ça se fait? La réponse, c'est que votre mémoire de travail, qui
contient peu de choses, est nourrie par vos savoirs antérieurs, vos savoirs
profonds. Ça, c'est une donnée de psychologie cognitive extrêmement importante,
parce que, si vous plongez quelqu'un dans une tâche complexe où il n'a pas de
savoir préalable, vu que sa mémoire de travail est limitée, il va avoir
beaucoup de mal à s'en tirer. Mais, si la personne a beaucoup de savoirs
préalables, là, ça peut avoir du sens de faire cette chose-là. Alors, cette
idée de nombre magique, là, c'est un des résultats de la psychologie cognitive,
je ne sais pas s'il y a des psychologues ici, là, parmi les plus importants
pour l'éducation.
M. Drainville : Est-ce que
c'est avéré, ça?
M. Baillargeon (Normand) : Bien
oui.
M. Drainville : C'est avéré,
ça.
M. Baillargeon (Normand) : Ça
ne fait aucun doute, cette idée-là.
M. Drainville : L'idée qu'il
y a cette fenêtre, là, un nombre, une fourchette d'éléments d'information.
M. Baillargeon (Normand) : Si
je vous dis, M. Drainville : Le chat est sur le tapis et s'est endormi
hier. Là, il y a plus que sept, plus ou deux éléments, là. Il y en a beaucoup,
d'éléments, mais ça fait un seul élément pour vous parce que l'idée, le chat
s'est endormi sur le tapis hier, c'est un seul élément, vous savez déjà ce que
c'est, un chat, un tapis, s'est endormi hier. Alors donc, pour apprendre, c'est
fichument important, ça. C'est un exemple de la psychologie cognitive.
M. Drainville : Très bien.
Très bien. On apprend des choses, n'est-ce pas, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Dionne) : Tout
à fait.
M. Drainville : Ramenons ça
maintenant à la réalité de la classe et du quotidien de nos élèves et de notre
personnel scolaire. Ça, c'est une des critiques qui a été exprimée par rapport
au projet de loi, c'est que le projet de loi est trop loin de la réalité des
élèves et de la classe, grosso modo. C'est de la structure, puis vous devriez
vous occuper d'autres choses. Ça fait que moi, j'ai beau dire : Oui, mais
le projet de loi, ce n'est pas juste ça. On s'est occupé... on va mettre plus
de livres, on annonce une révision du programme de français, on crée une voie
rapide pour les non légalement qualifiés, on veut amener des aides à la classe
dans les classes. Puis ça, ça s'ajoute au tutorat, puis au mentorat, puis à
l'heure de parascolaire qui a été ajoutée, puis tout ça. J'ai beau dire et
répéter, on me ramène tout le temps l'argument : Ah, mais le projet de loi
no 23, dans le fond, il ne s'attaque pas aux vrais problèmes de l'éducation que
nous vivons présentement.
La Présidente (Mme Dionne) : Il
reste 20 secondes.
M. Drainville : En 20
secondes.
M. Baillargeon (Normand) : Il
va permettre de les aborder en donnant des données probantes sur lesquelles on
centre, on identifie ces problèmes-là puis on suggère des manières de les
traiter. Et, surtout, il va fournir aux enseignants, qui sont les praticiens en
classe, là, ils ont raison de le dire, là, des outils qu'ils ne connaissent pas
parfois. Et ça, ça va être important pour eux. Mais c'est l'enseignant en
classe qui, ultimement, va décider de ça. Donc, il y a un grand respect pour
les enseignants dans ce projet de loi là.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Merci beaucoup. Merci pour les échanges. Je cède maintenant... Ce n'est pas
terminé pour les échanges. Je cède la parole à Mme la députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale, Monsieur Baillargeon. On
a déjà eu l'occasion, récemment, en fait, dans une table ronde éducation...
Donc, c'est un plaisir renouvelé, et connaissant votre passion pour
l'éducation, je sens que nous allons avoir beaucoup de pistes de réflexion avec
vous, puis je reçois déjà des messages qu'il y a des gens qui vous voient à
l'INEE, c'est un compliment. Je reçois déjà des messages, les gens
m'écrivent : Il devrait être à l'INEE pour... C'est un beau compliment que
je vous transmets.
M. Baillargeon (Normand) : Je
tiens à vous dire : Pas moi, hein?
Mme Rizqy : Mais c'est un
compliment qu'on m'a demandé de vous transmettre.
M. Baillargeon (Normand) : O.K.
Mme Rizqy : Monsieur
Baillargeon, tantôt, vous avez parlé des données, par exemple, de connaître le
nombre d'enseignants, départs... qui sont partis. Je ne sais pas si vous avez
eu l'occasion de lire le récent rapport de la Vérificatrice générale.
M. Baillargeon (Normand) : Oui.
• (10 h 30) •
Mme Rizqy : Elle indique dans
son rapport que les données existent au ministère de l'Éducation, mais qu'elles
n'ont pas été colligées. Avec plus de 1000 fonctionnaires, il me semble que,
dans un premier temps, lorsqu'on a ces infos-collectes qu'on envoie aux 72
centres de services scolaires... donc là, on a 72 D.G. qui transmettent...
10 h 30 (version non révisée)
Mme Rizqy : ...les demandes
aux directions, font le travail sur le terrain, ça revient au ministère de l'Éducation,
mais on se rend compte avec le rapport de la vérificatrice que ces données-là,
personne n'a cru bon de les fouiller.
M. Baillargeon (Normand) : Vous
avez raison de le souligner. J'ai lu ça, moi aussi, avec une certaine
consternation, et les gens qui me lisent savent que dans Le Devoir j'ai soulevé
ces questions-là, moi, à quelques reprises. C'est que, comment est-ce possible?
Soyons sérieux aussi, là, c'est...
Moi, je pense que l'éducation, avec,
disons, la santé et la justice, c'est une institution absolument majeure,
essentielle, décisive pour une démocratie, c'est même là qu'on forme les futurs
citoyens qui vont nourrir la démocratie. On ne peut pas manquer de sérieux en
éducation, on devrait prendre ça au plus grand sérieux.
Alors, comment se fait-il, vous avez
raison de le souligner, qu'on n'a pas sorti ça? Ça me désole. Comment est-ce
possible qu'en éducation on n'ait pas vu venir les carences des enseignants en
éducation, qu'on manquerait à ce point-là d'éducation? Ça n'a aucun sens. Les
gens responsables quelque part, nommons-les, là, dans les facultés d'éducation,
au ministère, aux commissions scolaires, on aurait dû il y a longtemps tirer la
sonnette d'alarme, là, les... Moi, je l'ai fait il y a quelques années. Vous
savez que dans la littérature qui se publie un peu là-dessus, on appelait ça la
désertion professionnelle. Saviez-vous ça?
Mme Rizqy : Oui.
M. Baillargeon (Normand) : La
désertion professionnelle : les profs, là, qui sont formés, qui arrivent
dans le métier et qui quittent. Là, ce qu'un institut...
Mme Rizqy : Bien,
justement...
M. Baillargeon (Normand) : ...comme
celui-là pourrait nous dire, c'est : Combien ils sont?
Mme Rizqy : Bien, en fait...
M. Baillargeon (Normand) : Pourquoi
ils quittent? Quelles raisons ils invoquent?
Mme Rizqy : Dans le même
rapport, il est question justement que des centres de services scolaires ont
cet outil et font des... Ils ont des questions, ils ont même des entrevues de
départ. Et, dans le rapport de la vérificatrice, elle indique aussi que l'une
des raisons du départ de ces enseignants qui sont légalement formés, donc qui
ont fait quatre ans de bac... elle apporte cette réflexion suivante, c'est que
ça peut prendre en moyenne jusqu'à sept ans pour avoir un poste régulier, et ça
conduit justement à la désertion de la profession. Donc, on a ces
informations-là.
Alors, malgré qu'aujourd'hui on a ces
données, le ministère de l'Éducation les a, bien, on n'a pas plus... il n'y a
pas d'actions concrètes qui ont été faites, là, récemment pour dire que... pour
justement... On a l'ensemble des négociations, pourquoi qu'on n'envoie pas le
mandat de dire que... À l'université... Moi, je suis professeure à l'université.
Après trois ans, j'ai une permanence, là, c'est écrit noir sur blanc.
M. Baillargeon (Normand) : Il
faut absolument agir, vous avez tout à fait raison de le dire, il faut que le
ministère prenne ça en marche... en main, c'est absolument essentiel, puis je
pense que l'INEE pourrait jouer ici un rôle d'aiguillon, c'est.. dire :
Sortez ça, ça n'a pas de sens, on veut savoir ça, on veut examiner les données
de près. Je pense que c'est... ce serait une des fonctions importantes, je l'ai
dit, de l'INEE d'exiger des...
Mme Rizqy : Mais êtes-vous d'accord
que la Vérificatrice générale, c'est quand même un poste assez important au
Québec?
M. Baillargeon (Normand) : Oui.
Mme Rizqy : Si la VG indique
ces lacunes-là, mais qu'elles ne sont pas suivies, qu'est-ce qui nous fait
croire que l'INEE, qui est, en tout respect, dans la hiérarchie des postes, ça
sera suivi? Il me semble que ça prend une volonté politique à ce stade-là.
M. Baillargeon (Normand) : Vous
avez raison que ça prend une volonté politique, je vous l'accorde, oui.
Mme Rizqy : Et, si vous me
permettez, je continue toujours là-dedans, parce que les données, c'est très
important, et j'y crois. Mais je crois aussi que, lorsque nous avons des
directions d'école, des cadres de centres de services scolaires... prennent le
temps de remplir ce qu'on appelle des «infocollectes», si par la suite ces
infocollectes sont sur des tablettes au ministère, ça va démobiliser les
troupes, qui vont dire : Encore des demandes d'information, mais qui ne
donnent rien. Mais le ministère de l'Éducation a un rôle aussi à jouer, et, en
tout respect pour l'INEE qui sera créé, le ministère de l'Éducation ne peut pas
se départir de sa principale responsabilité.
M. Baillargeon (Normand) : Écoutez,
je vous l'accorde encore une fois, l'INEE ne peut pas à elle seule ou à lui
seul résoudre ces questions-là, et il faut que le ministère prenne ces
choses-là en main, c'est tout à fait accordé.
Mme Rizqy : Est-ce que vous
trouvez que le Conseil supérieur de l'éducation a un rôle encore à jouer?
M. Baillargeon (Normand) : C'est
une bonne question. Je n'ai pas assez d'assurance pour me prononcer sur la
pertinence qu'il y avait à abolir le Conseil supérieur de l'éducation pour
tout, sauf pour l'enseignement supérieur. Je vais me retenir.
Mme Rizqy : Bien, ils font
quand même de la recherche, non?
M. Baillargeon (Normand) : Ils
en ont fait, oui. Mais, encore une fois, j'aimerais bien, par exemple, que les
gens de l'INEE se penchent sur les rapports produits depuis 15 ans dans le
Conseil supérieur d'éducation pour voir dans quelle mesure c'était conforme aux
recherches crédibles. Mais c'est un autre sujet.
Mme Rizqy : O.K. Vous avez
fait mention des inégalités des chances.
M. Baillargeon (Normand) : Oui.
Mme Rizqy : Il me semble qu'en
ce moment, au Québec, on le sait, et je ne sais pas si vous adhérez à la même
philosophie, parce que ça a été écrit par le Conseil supérieur de l'éducation
que nous avons le système le plus inégalitaire. On a aussi plus... Le conseil
nous fait état aussi qu'on a beaucoup plus d'élèves HDAA, plus que jamais, là.
Est-ce que, ça, vous êtes... vous partagez ce constat ou vous avez des
réserves?
M. Baillargeon (Normand) : Vous
savez, moi, devant ces questions-là, et je pense que je l'ai déjà écrit dans Le
Devoir, je suis quelqu'un qui pense qu'on a un système très inégalitaire à
cause des trois vitesses qui sont reconnues : le système privé, qu'on
subventionne - c'est une vaste question, hein, de savoir : Est-ce qu'on
devrait faire ça ou non?, puis ma position est probablement connue ici - un
système public avec des voies d'accès particulières, des programmes particuliers,
un système public, tout ça se jouant dans des territoires où la pauvreté est
parfois extrêmement importante. Je pense que c'est une vaste question. Mais,
là-dessus, je pense...
M. Baillargeon (Normand) : ...que
l'INEE pourrait jouer un rôle, pourrait regarder ces questions-là.
Mme Rizqy : Mais si vous le
permettez...
M. Baillargeon (Normand) : Et
j'ai dit... Si vous me permettez aussi, j'ai dit aussi que... vous vous
souvenez, tout à l'heure, j'ai soulevé l'idée qu'il y a des concepts qui sont
par nature débattus en éducation. Ça, c'en est un, hein, la question d'égalité
des chances en éducation. Qu'est-ce qu'on entend par ça? Comment on le met en
œuvre? Et je tiens à dire, parce que c'est une occasion pour moi de le
souligner, ça fait des années, moi, que je dis que, sur ces vastes questions
là, au Québec, on est mûr pour une réflexion collective à la hauteur de ce
qu'ont fait les gens de la commission Parent dans les années 60. On
devrait collectivement lancer une commission Parent 2.0.
Mme Rizqy : On est d'accord.
M. Baillargeon (Normand) : On
prendrait le temps, collectivement, de réfléchir à tout ça. Parce que les
gens... Et, tiens, je pense que je vais le souligner, là, Guy Rocher, 99 ans,
c'est un de mes héros personnels, quelqu'un que j'admire infiniment, c'est
quelqu'un exceptionnel. La commission Parent, ils ont fait un grand travail,
ils ont pris le temps de le faire. On devrait, aujourd'hui, être capables de
faire ça nous autres aussi, et de trancher ces questions-là. Vous comprenez, ce
n'est pas à moi, Normand Baillargeon, ou à vous, ou à quelques-uns d'entre nous
de dire : Voici comment l'égalité des chances va se réaliser en éducation,
c'est par une grande réflexion collective qu'on décidera de ça.
Mme Rizqy : Oui, bien, sur
les moyens... en fait, on est d'accord sur bien des aspects. Puis,
effectivement, on est très d'accord qu'une commission de Parent 2.0, on
est pour. Par contre, j'aimerais juste continuer sur l'inégalité. Parce que ça,
je pense qu'on est d'accord qu'en ce moment c'est inégalitaire, donc on est
d'accord là-dessus. Mais, si, présentement, plusieurs personnes, là, se lèvent
pour dire que nous avons un système à trois vitesses, puis que ça a été écrit,
démontré, mais le ministre de l'Éducation ne veut pas aller là parce qu'il
trouve que c'est idéologique, qu'est-ce qu'il nous fait croire qu'il va écouter
l'INEE?
M. Baillargeon (Normand) : Écoutez,
je pense sincèrement, parce qu'on est proche... beaucoup la chose, je pense
sincèrement que, si on débattait sérieusement de la question de l'égalité du
système, il y aurait des arguments pour dire : Ce n'est pas vraiment
inégalitaire. Il faut les écouter, en tout cas, il y aurait peut-être des
arguments. Quand on regarde les tests Pisa, par exemple, puis qu'on regarde les
écarts types, on pourrait dire : Ça confirme un peu l'idée qu'il n'y a pas
tant d'inégalités que ça en éducation. Mais ce n'est pas à moi de trancher,
d'autant que c'est un concept... donc c'est un concept qui va être débattu,
celui-là. Donc, moi, je vous ai donné ma position, mais je suis disposé
entendre les autres, puis j'espère que l'INEE serait capable de le faire aussi.
Mme Rizqy : Ah! oui, mais il
faut toujours entendre tout le monde, c'est important, mais la terre demeure
ronde.
M. Baillargeon (Normand) : Voilà,
exactement.
Mme Rizqy : Juste en
terminant, je ne sais pas combien de temps qu'il va me rester.
Une voix : ...
Mme Rizqy : Il me reste
quatre minutes. Ah! mon Dieu, O.K., je pensais qu'il m'en restait
4 min 20 s.
M. Baillargeon (Normand) : Il
n'y a que vous qui allez me parler, finalement?
Mme Rizqy : Non, bien non. Il
y a plusieurs questions.
M. Baillargeon (Normand) : Ah!
non.
Mme Rizqy : Bien non, vous
allez avoir le plaisir de pouvoir entendre plusieurs personnes. Si vous le
permettez, tantôt vous l'avez dit, que vous ne connaissez pas nécessairement au
niveau de la gouvernance de l'INEE, mais permettez-moi de vous parler de la
gouvernance de l'INESSS, au fond, qui est le pendant en santé. Au niveau de la
loi habilitante de l'INESSS, vraiment, c'est l'INESSS qui va choisir ses
propres sujets de recherche. Il n'y a pas de sous-ministre qui y siège. Et
évidemment le ministre de l'Éducation peut demander des sujets de recherche,
mais ils peuvent quand même en choisir. En ce moment, la loi telle que rédigée
en matière d'éducation, ce n'est pas un calque de l'INESSS, et par conséquent
c'est pour ça que plusieurs voix s'élèvent pour dire : Ce n'est pas totalement
indépendant parce que le ministre, de concert avec l'INEE, va choisir les
dossiers de recherche, il y aura un sous-ministre qui va y siéger au niveau de
la gouvernance.
Est-ce que vous devriez... Si le modèle de
gouvernance de l'INESSS est respecté et que les gens trouvent que c'est
indépendant, est-ce qu'on ne devrait pas justement s'inspirer de la loi
habilitante de l'INESSS pour s'assurer de donner suite, au fond, aux
inquiétudes des gens qui disent que l'INEE n'est pas... ne sera pas totalement
indépendante?
M. Baillargeon (Normand) : O.K.
La question est importante et sérieuse. Je l'ai dit tantôt, ce n'est vraiment
pas mon domaine, moi, ce genre de questions là, mais je pense que l'INESSS est
peut-être utile pour... le modèle de l'INESSS, s'il fonctionne. Parce qu'à ma
connaissance, mais je ne suis pas expert de ça, là, mais je n'ai jamais entendu
qu'on remette en question l'autonomie de l'INESSS. Alors, c'est peut-être un
modèle intéressant, c'est sûr.
Mme Rizqy : Dans le projet de
loi que vous avez étudié, est-ce que vous avez vu des apports pour l'autonomie
professionnelle des enseignants?
M. Baillargeon (Normand) : Je
pense qu'elle est respectée a priori, personne ne la conteste a priori, rien
dans la loi ne permet de penser qu'elle est contestée.
• (10 h 40) •
Mme Rizqy : C'est que,
lorsqu'on a fait la dernière réforme en gouvernance scolaire avec le
prédécesseur, il y a eu un acquis au niveau des choix de formation, au niveau
du 30 heures, que c'est totalement des enseignants. C'était vraiment... ça
a été un acquis puis ça a été... Les enseignants étaient très contents
d'ailleurs de ça, de pouvoir choisir peu importe le sujet. Si, par exemple,
cette année-là, ils avaient plus d'élèves HDAA, ils pouvaient choisir, par exemple,
de mettre davantage d'heures de formation pour mieux comprendre et s'outiller
pour réagir et interagir avec des élèves HDAA. Maintenant, plusieurs voix
s'élèvent dans le réseau d'éducation au niveau des enseignants, on dit que
c'est une attaque, en fait, et c'est en contradiction même avec la position de
son prédécesseur, le député de Chambly, qui est aujourd'hui ministre de la...
de la Langue française. Alors, les gens...
Mme Rizqy : ...un recul et
aussi une contradiction parce qu'on n'est plus dans la continuité, là. On ne
leur laisse plus vraiment le choix, on leur donne des thèmes de sujets. Par
exemple, en entrevue, le ministre de l'Éducation a dit : On pourrait leur
dire, par exemple : Faites cinq heures en français. Alors, c'est pour ça
que je vous demandais si vous avez vu des apports, parce qu'en ce moment le
réseau de l'éducation, les enseignants trouvent qu'il n'y a pas d'apport avec
ce projet de loi pour le respect de leur autonomie professionnelle auquel vous
faisiez tantôt référence.
M. Baillargeon (Normand) : Je
m'abstiens de commenter. Je n'en sais rien.
Mme Rizqy : O.K. O.K.
D'accord. Vous vous abstenez. Est-ce que c'est parce que vous...
M. Baillargeon (Normand) : Bien,
c'est parce que je ne me sens pas assez compétent pour...
Mme Rizqy : À l'aise?
M. Baillargeon (Normand) : À
l'aise ou compétent pour...
Mme Rizqy : Ah! vous savez,
ça, c'est quelque chose que... je dois vous avouer que c'est rafraîchissant.
C'est très rare. Parce que des fois les gens... Non, mais c'est rare que les
gens ont cette humilité pour le dire. Alors, vraiment...
M. Baillargeon (Normand) : Je
dis souvent en blague que j'ai fait des études en philosophie, et ça me permet
de traiter de tous les sujets sauf celui-là.
Mme Rizqy : Bien, merci
beaucoup. Il me reste?
La Présidente (Mme Dionne) : ...secondes,
Mme la députée.
Mme Rizqy : 15 secondes.
Bien, le temps de vous dire un immense merci et merci aussi de prendre le temps
de prendre la plume si habilement.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci. Merci
beaucoup, M. Baillargeon. Moi, j'ai très peu de temps, là, même pas trois minutes
ou, en tout cas, trois minutes...
La Présidente (Mme Dionne) : Ah!
vous avez quatre minutes.
Mme Ghazal : Oh! je suis
vraiment chanceuse aujourd'hui.
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
on a un intervenant en moins.
Mme Ghazal : Je n'ai pas
encore atteint le cinq minutes, mais j'ai trois minutes. Écoutez, merci
beaucoup pour votre présentation. Moi, je suis une adepte. Je vous lis tout le
temps dans Le Devoir. Et même aussi, il y a très longtemps, j'ai lu un de vos livres
sur l'anarchie puis aussi, évidemment, Petit cours d'autodéfense
intellectuelle, qui est mon livre de chevet. On en a beaucoup, beaucoup besoin.
Mais je suis très, très surprise parce que
même M. Royer, M. Maltais, qui est comme un idéateur, là, de l'INEE, qui avait
écrit le rapport, trouvaient que c'était important de garder le Conseil
supérieur de l'éducation. Puis là je vous ai entendu : Ah! ça peut se
défendre, ça peut ne pas se défendre, et cetera. Oui, on a besoin de données,
mais le Conseil supérieur de l'éducation, qui est aboli par ce projet de loi,
en tout cas une partie de son mandat, pourrait aussi avoir ce qu'on donne à
l'INEE, ou l'INEE pourrait exister, les deux devraient exister pour avoir des
données, de la recherche, et cetera. Mais j'aurais aimé ça vous entendre le
défendre autant que M. Royer et M. Maltais.
M. Baillargeon (Normand) : A
priori, là, je penserais que maintenir le Conseil supérieur de l'éducation
serait une bonne idée. Je me prononcerais avec beaucoup plus d'assurance si
j'avais pris le temps de regarder ce qu'ils ont produit depuis 15 ans. C'est la
raison pour laquelle j'émettais une réserve. Et c'est tout. Ce n'est pas plus
que ça.
Mme Ghazal : Bien, écoutez,
il y a presque unanimité, en tout cas, des gens qui sont venus.
M. Baillargeon (Normand) : Oui,
je comprends.
Mme Ghazal : Ils ont
dit : L'INEE, c'est bien, on a besoin de données, on a besoin de données
empiriques, et cetera, mais le Conseil supérieur de l'éducation regarde
l'éducation, comme vous l'avez dit, de façon beaucoup plus générale, et ils ont
produit différents rapports importants, notamment celui sur l'école à trois
vitesses.
Puis, par rapport à l'indépendance de
l'INEE... parce que nous, on a un projet de loi, on est des législateurs, on ne
peut pas décider nous-mêmes ce qu'on fait, on a le projet de loi du ministre,
puis vous avez parlé de son indépendance et, en ce moment, ce qu'on a dans le
projet de loi, c'est que l'indépendance de l'INEE n'est pas du tout assurée,
pas uniquement par la nomination de la composition des membres de l'INEE, mais
aussi, par exemple, l'institut, ce qu'il doit faire, c'est identifier, en
concertation avec le ministre, donc, le ministre, il faut qu'il mette le nez
dedans pour dire que c'est une bonne chose, et les intervenants du système
scolaire, les sujets prioritaires qui vont... qui bénéficieraient... voyons, de
ses travaux, alors que le Conseil supérieur de l'éducation pouvait se prononcer
sur n'importe quel sujet de sa propre initiative. Est-ce que ça, ça vous
inquiète?
M. Baillargeon (Normand) : Je
rappelle, quand on a créé le Conseil supérieur de l'éducation, à la suite de la
commission Parent, c'était justement pour avoir une entité qui soit
indépendante du politique. C'était le choix qu'on avait en créant ce Conseil
supérieur de l'éducation. C'est une des raisons...
Mme Ghazal : Donc, c'est un
héritage de la Révolution tranquille qu'on perd.
M. Baillargeon (Normand) : Tout
à fait, oui, oui, de la commission Parent, là, puis c'était...
Mme Ghazal : Bien, de la...
oui.
M. Baillargeon (Normand) : Et,
encore une fois, c'était pour avoir une instance qui puisse parler d'éducation
indépendamment du politique. Par contre, il faudrait regarder attentivement les
textes, mais les passages que vous m'avez lus ne dit pas que le ministre
intervient, dit que c'est en consultation avec lui, en concertation avec lui,
que le ministre peut se prononcer là-dessus.
Mme Ghazal : Moi, je serais
très, très curieuse. Si l'INEE, par exemple, produisait un rapport qui disait
qu'il y a un système à trois vitesses, est-ce que le ministre va le rendre
public puis va accepter? Il va peut-être dire non parce que ça ne sera pas en
concertation.
M. Baillargeon (Normand) : Ça
serait tout à fait contraire à ce que... au souhait que j'ai exprimé. Le
souhait que j'ai exprimé, c'est que, si jamais... c'est d'ailleurs un excellent
exemple, ça, si jamais l'INEE est formé, il se penche... et c'est une
question... Vous m'accorderez qu'il peut y avoir des définitions différentes de
ce que c'est que l'égalité des chances en éducation, comment ça joue, comment
on mesure ça, comment on l'actualise. Si l'INEE fait ce travail-là, aboutit à
la conclusion : nous vivons dans un système d'éducation intolérable parce
qu'il est véritablement à trois vitesses et que la vitesse supérieure est même
subventionnée par l'État... je suis convaincu que le ministre n'interviendra
pas pour dire : On ne publie pas ça.
Mme Ghazal : Bien, on fera
des amendements, parce que ce n'est pas le cas quand on le lit.
M. Baillargeon (Normand) : Très
bien.
Mme Ghazal : Puis ça, ça va
être notre travail de législateurs. Merci de l'avoir précisé. Vous, vous avez
été chercheur...
Mme Ghazal : ...et professeur
à l'université. Est-ce que vous avez produit des recherches qui amenaient des
données probantes?
M. Baillargeon (Normand) : Puis
c'est important de le dire, je l'ai souligné dans ma présentation, en
éducation, il y a toute une série de questions qui sont des questions
conceptuelles.
La Présidente (Mme Dionne) : Il
reste 30 secondes, M. Baillargeon.
M. Baillargeon (Normand) : Alors,
moi, je n'ai jamais fait de recherche empirique en éducation.
Mme Ghazal : Je comprends.
M. Baillargeon (Normand) : J'ai
écrit des livres. Moi, ce que j'ai écrit, c'est des livres.
Mme Ghazal : Des livres
intéressants à lire et pertinents.
M. Baillargeon (Normand) : Non,
non, mais j'ai... Vous comprenez, moi, les derniers livres, j'ai fait, c'est
Tagore, un poète indien, et l'école qu'il a fait, l'université qu'il a fait,
puis les idées qu'il avait en éducation, le précédent, c'était Bertrand
Russell, mon philosophe préféré, son école, comment il l'a conçue puis
qu'est-ce qu'il veut...
La Présidente (Mme Dionne) : En
terminant.
M. Baillargeon (Normand) : Vous
voyez? Et je produis des livres comme ça. Mon prochain livre, c'est Frank Lloyd
Wright, l'architecte et l'éducation.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup.
Mme Ghazal : ...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup pour les échanges et votre contribution aux travaux. Je suspends les
travaux quelques instants pour accueillir notre deuxième groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 47)
(Reprise à 10 h 49
)
La Présidente (Mme Dionne) : La
Commission de la culture et de l'éducation reprend ses travaux.
Donc, je souhaite la bienvenue à
l'Association des directeurs générales scolaires du Québec. Donc, nous avons M.
Lucien Maltais et Mme Gaëlle Absolonne. Je vous rappelle que vous avez
10 minutes pour votre intervention. Donc, d'entrée de jeu, vous présenter
et nous faire votre exposé par la suite. Je vous cède la parole.
M. Maltais (Lucien) : Alors,
bonjour à tous. Je me présente, je suis Lucien Maltais, président de
l'Association des directions générales scolaires du Québec, mais aussi
directeur général du Centre de services scolaire des Chênes. Je suis accompagné
de madame Gaëlle Absolonne, la directrice générale de la commission scolaire
Sir Wilfrid-Laurier et aussi membre du conseil d'administration.
Alors, au nom de l'Association des
directions générales scolaires du Québec, composée de 188 membres, qui
représente les gestionnaires de premier niveau des centres de services
scolaires et commissions scolaires anglophones du Québec, il me fait plaisir
aujourd'hui de m'adresser à vous dans le cadre du projet de loi n° 23.
Merci de nous recevoir et de prendre en considération nos recommandations.
L'ADGSQ contribue au développement des
services éducatifs de qualité pour l'ensemble des jeunes et des adultes du
Québec. Ses membres assument un haut niveau d'expertise et de leadership au
sein de leur organisation et du réseau. Ils assurent une gestion administrative
et éducative de manière efficiente, transparente et responsable.
Le projet de loi démontre une volonté
d'instaurer une ligne directrice entre le ministère de l'Éducation et la salle
de classe afin de créer une cohérence au sein du réseau pour accroître la
réussite des élèves. Cette volonté d'intervention soulève certains points
sensibles, notamment celui de la centralisation. À ce chapitre, l'ADGSQ en
appelle au gouvernement à faire preuve de prudence à certains égards.
• (10 h 50) •
Les recommandations de notre mémoire
assurent une mise en œuvre harmonieuse du projet de loi tout en respectant le
principe de subsidiarité, lequel prévoit que les décisions...
M. Maltais (Lucien) : ...doivent
être prises au bon palier décisionnel. Bien que le projet de loi soit costaud,
nos remarques préliminaires se concentreront sur trois axes. Le premier, la
création de l'Institut national d'excellence en éducation. Le deuxième, les
pouvoirs accrus au ministre de l'Éducation et au gouvernement. Le troisième sur
les données au service de la réussite des élèves.
Avant de se lancer dans une analyse
détaillée du projet de loi, il nous apparaît important de dresser un portrait
de la réussite éducative des élèves. L'environnement dans lequel nous oeuvrons
est diversifié, le défi de faire réussir chaque élève fait partie de la
préoccupation quotidienne de l'ensemble du personnel des centres de services
scolaires et des commissions scolaires, indépendamment de la taille des
organisations, de leur lieu géographique ou de l'étalement de leur
établissement. Cette réalité, qui fluctue d'un milieu à l'autre, rappelle à
quel point il faut s'en remettre aux instances locales pour répondre
adéquatement à des besoins qui évoluent et... Rappelons aussi que le taux de
diplomation et de qualification s'est amélioré de manière significative depuis
le début du millénaire, passant de 70 % à 82 %, tandis que le taux
annuel de sorties sans diplôme a chuté de manière impressionnante de 22 %
à 13,5 %. Est-ce que la situation est parfaite? Bien sûr que non. Est-ce
que nous pouvons... Est-ce qu'il y a encore place à amélioration? Certainement.
Est-ce que nous pouvons être fiers de cette progression? Absolument. Nous
sommes dans la bonne direction.
Mme Absolonne (Gaëlle) : Maintenant,
commençons notre analyse du projet de loi. Nous allons débuter par notre
premier axe qui se concentre sur la mise en place de l'Institut national
d'excellence en éducation. Longtemps désiré et souhaité. L'ADGSQ appuie
fortement l'instauration de l'Institut national d'excellence en éducation et
nous souhaitons que ses travaux soient élargis à la formation professionnelle
et à l'éducation des adultes. Pour réussir, cet institut doit être composé de
façon à ce que ses différences soient prises en compte. Il doit être
indépendant du politique de différents lobbies ou organismes d'influence et ne
doit en aucun cas adhérer à des courants idéologiques puissants, mais parfois
non fondés scientifiquement pour donner objectivement et librement leur avis
sur les priorités ciblées. Nous suggérons... l'ADGSQ croit que le C.A. de
l'Institut devrait s'adjoindre trois autres membres aux neuf déjà existants
dans le projet de loi. Nous suggérons des sièges pour les membres
suivants : un membre de la communauté anglophone, un membre de la communauté
autochtone et un membre du personnel hors cadre d'une organisation scolaire
publique. Vivant des réalités différentes en milieu minoritaire, les
anglophones et les autochtones doivent contribuer au développement des
orientations débattues au conseil d'administration de l'INEE. La culture de la
communauté anglophone et les coutumes ancestrales doivent devenir des leviers à
l'amélioration de notre système éducatif et l'INEE devrait s'en inspirer.
Concernant le membre hors cadre d'une organisation scolaire publique, l'ADGSQ
juge qu'une personne ayant une vision plus systémique du réseau et des
organisations serait un atout. Lorsque viendra le temps, surtout dans les tout
débuts de l'INEE, de s'assurer de la diffusion des recherches ou des projets
explorés par l'Institut, la présence du hors cadre sera très bénéfique pour
faciliter l'accès des chercheurs au personnel scolaire, notamment au personnel
enseignant.
M. Maltais (Lucien) : En lien
avec notre deuxième axe, donc un pouvoir accru au ministre de l'Éducation et au
gouvernement, l'ADGSQ considère important d'exercer un devoir de réserve et de
demeurer neutre dans ce débat relatif à la nomination de ses plus hauts
dirigeants par le gouvernement. Cependant, en raison des impacts importants
pour les organisations et pour les gens principalement concernés, l'ADGSQ
soumet certaines recommandations. Dans un premier temps, il serait important de
clarifier légalement qui sera l'employeur du directeur général. À partir du
moment où le gouvernement nomme, évalue, suspend et congédie le directeur
général, l'ADGSQ se questionne sur les rôles et responsabilités de l'instance
de gouvernance à l'égard de celui-ci. L'association observe la complexité à
laquelle le directeur général aura à faire face en tant qu'employé. Cette
répartition des rôles comme employeur entre le ministre de l'Éducation, son
ministère, et l'instance de gouvernance locale demeure présentement floue. Pour
l'association, la sélection aux fins de nomination du directeur général devra
continuer de faire l'objet d'un processus de dotation rigoureux et respectueux
des besoins de chaque organisation.
Concernant le processus de nomination,
l'ADGSQ propose de soumettre au gouvernement un profil de compétences adapté
aux organisations scolaires et une démarche de sélection qui devrait prendre en
considération les besoins locaux. De plus, pour respecter les rôles et
responsabilités dévolus au conseil d'administration et ajouter une couleur
locale, l'ADGSQ recommande que le C.A. soit impliqué dans le processus de
nomination. En termes d'évaluation, nous recommandons au ministre de mettre en
place un processus d'évaluation annuel comprenant la détermination d'attentes
signifiées préalablement convenues avec son dirigeant, tout en incorporant un
mécanisme pour en assurer le suivi. L'ADGSQ...
M. Maltais (Lucien) : ...souhaite
que le directeur général puisse évoluer dans un contexte où les attentes lui
permettent d'exercer son rôle avec les marges de manœuvre nécessaires et
essentielles à l'accomplissement de celui-ci, sachant qu'il doit faire preuve
de courage managérial dans l'exercice de ses fonctions.
Enfin, étant donné les outils de gestion
existants, soient la planification stratégique du ministère, les plans
d'engagement vers la réussite de nos organisations, les rapports annuels des
centres de services scolaires et des établissements, les projets éducatifs des
établissements, l'ADGSQ recommande au ministre de surseoir à son intention
d'instaurer une entente annuelle de gestion et d'imputabilité qui ajouterait
non seulement de nouvelles cibles et priorités à celles déjà existantes, mais
une lourdeur bureaucratique.
Par ailleurs, l'apparition de
l'article 40 du projet de loi sur l'annulation en tout ou en partie d'une
décision est certainement l'une des plus signifiantes en guise de
centralisation du pouvoir par le ministre. L'ADGSQ recommande le retrait de cet
article. Il serait malheureux que le ministre use de son pouvoir en réaction à
des manchettes de journaux ou à des événements pour lesquels il ne dispose pas
de toutes les informations pertinentes à la prise de décision.
Comme mentionné précédemment, le directeur
général ou les autres gestionnaires de son organisation doivent souvent prendre
des décisions courageuses, et l'ADGSQ désire que ces derniers puissent œuvrer
dans un contexte où ils pourront afficher un leadership à la hauteur de leurs
fonctions.
Mme Absolonne (Gaëlle) : Maintenant,
concentrons-nous sur notre troisième axe, les données pour favoriser la
réussite éducative. Les modifications proposées par le législateur seront
optimisées si nous pouvons, de part et d'autre, avoir les données essentielles
pour mesurer et réguler nos indicateurs. J'insiste ici sur la notion de part et
d'autre. Dans le cadre d'un développement à plus grande échelle, nous avons
donc avantage à partager de manière bidirectionnelle, entre le ministère de
l'Éducation et le réseau et vice versa, toutes ces informations.
Que l'on parle de données en soutien à
l'apprentissage des élèves ou à la performance du réseau, l'accessibilité en
tout temps semble un enjeu. Une compréhension commune des données pertinentes
de ces indicateurs doit permettre aux organisations ou au ministère d'avoir une
vision stratégique axée sur la réussite éducative de tous les élèves.
En conclusion, le projet de loi n° 23
pave la voie à une dynamique renouvelée au sein du réseau scolaire. Si
plusieurs éléments nous apparaissent à propos, le projet de loi contient des
zones grises. Certaines dispositions gagneraient à être peaufinées. Le principe
de subsidiarité, qui semble s'effriter dans ce projet de loi, pourrait être
renforcé avec certaines de nos recommandations. Le ministre dit vouloir mettre
l'accent sur la réussite éducative, voilà un chantier sur lequel nous sommes à
pied d'œuvre depuis toujours et pour lequel nous avons collectivement des
résultats probants. Il faut continuer.
Alors que s'ouvre un nouveau cycle
législatif destiné à moderniser la Loi sur l'instruction publique,
l'Association des directions générales scolaires du Québec continuera à faire
partie de la solution en participant à la réflexion collective et en mettant à
profit son expertise terrain. C'est ce qui fait notre force depuis maintenant
51 ans.
La Présidente (Mme Dionne) : ...Beaucoup.
Merci infiniment pour votre exposé. Nous sommes maintenant prêts à débuter les
échanges. Je cède la parole à M. le ministre.
M. Drainville : Oui. Merci,
Mme la Présidente. Sur l'entente d'imputabilité, si je comprends bien, là, vous
souhaitez qu'elle soit retirée du projet de loi, hein?, vous ne souhaitez pas
que ce que... qu'on aille de l'avant avec ça. Pourquoi?
M. Maltais (Lucien) : Deux
éléments, hein?, en lien avec des recommandations que nous faisons. La
première, c'est, si la direction générale est nommée par le gouvernement, bien,
on s'attend à ce qu'annuellement des attentes soient signifiées, qu'il y ait
des mécanismes de suivi en lien avec les attentes signifiées à la direction
générale pour qu'il y ait une évaluation en fin pour... Donc, ça, c'est en lien
avec le rôle... En lien avec les rôles et responsabilités de la direction
générale.
• (11 heures) •
Pour ce qui est de l'entente de gestion
annuelle de... excusez, je cherche le terme, la gestion... De gestion annuelle
et d'imputabilité, ce qu'on constate, c'est qu'à l'intérieur de ce nouvel outil
de gestion là, on intègre des outils qui étaient déjà existants dans la loi. Et
quels sont ces outils?, bien, on a le gouvernement, qui... le ministère de
l'Éducation, qui a sa planification stratégique, dans laquelle il se fixe des
objectifs... Des orientations, des objectifs et des cibles. Ensuite, il va voir
les centres de services scolaires, les commissions scolaires et fixe des
indicateurs nationaux et donc des cibles, des objectifs qu'on doit mettre à
l'intérieur de nos plans d'engagement vers la réussite. Nous, par la suite, on
va voir les établissements puis on dit : soyez cohérents avec le plan
d'engagement vers la réussite de notre organisation, de notre centre de
services scolaire. Et les établissements font leurs projets éducatifs. À chaque
endroit, il y a des couleurs locales, mais il y a une cohérence qui part du
ministère jusqu'aux établissements. Et, avec cette entente annuelle là, ce
qu'on craint, c'est qu'il y ait... à chaque année, il y ait des nouvelles
cibles qui s'ajoutent. Si on...
11 h (version non révisée)
M. Maltais (Lucien) : ...jugé...
puis, dans les pratiques exemplaires, ce qu'on a jugé, qu'une planification
stratégique, un plan d'engagement vers la réussite, un projet éducatif d'établissement,
c'est quelque chose qui veut nous pousser, évidemment, aussi qui est centré sur
la mission, donc la réussite éducative des élèves, la réussite scolaire, le
bien-être. On se donne une période de quatre ans pour atteindre des cibles
ambitieuses et, pour ça, on met en place des plans d'action pour lesquels les
gens sont mobilisés, on suit ces plans d'action là de manière périodique. Et c'est
la seule façon de voir... pour atteindre des résultats concrets. Et ce qu'on
craint avec cette entente-là, c'est qu'à chaque année s'ajoutent des cibles ou
s'ajoutent de nouvelles priorités. En plus, dans la loi, au niveau des cibles
administratives, il y a déjà des articles de loi qui permettent au ministre de
fixer des cibles administratives.
Maintenant arrive la question de l'imputabilité.
À chaque année, on fait un rapport annuel dans lequel... même l'an dernier, c'était
la première fois où le ministère a adopté un règlement qui vient prescrire les
endroits où on doit avoir une reddition de comptes, où est-ce qu'on doit
justifier nos décisions, les rendre publiques à la population. Donc, pourquoi
ne pas utiliser le rapport annuel pour le faire? Et, en lien avec les lois et
règlements, on pourrait faire la liste, mais là je pense que je ne le ferai pas
pendant la commission parlementaire, mais elle est très longue, toutes les
redditions de comptes, les obligations qui... au quotidien le personnel des
centres de services scolaires rendent compte. Donc, cette entente, cet outil de
gestion là, pour nous, hein, l'association, c'est une lourdeur bureaucratique.
Et l'histoire nous a démontré... hein, en 2008, on avait adopté des conventions
de partenariat, des conventions de gestion, de réussite éducative qu'on a
supprimées avec les lois suivantes. Pourquoi? Parce qu'il y avait une lourdeur
bureaucratique qui est associée à ces outils de gestion là.
M. Drainville : O.K. Sur
votre recommandation 1, si je comprends bien, vous souhaitez que le
gouvernement saisisse l'opportunité que présente le projet de loi n° 23
pour enchâsser la délivrance du brevet d'enseignement dans une formule
accélérée. Est-ce que vous faites référence au programme de 30 crédits,
là? Est-ce que c'est à ça que vous pensez, là, le programme de 30 crédits
que la TELUQ va offrir et que, on en a été informé récemment, l'Université du
Québec en Abitibi-Témiscamingue également va créer un programme de 30 crédits?
Donc, on s'aperçoit, là, qu'il commence à y avoir du mouvement dans le monde
universitaire, là, pour offrir plus de souplesse dans la voie qui mène au
brevet pour les personnes qui ont déjà un bac, on s'entend. Alors, est-ce que c'est
ce à quoi vous faites référence dans votre recommandation? Sinon, à quoi
faites-vous référence?
M. Maltais (Lucien) : Oui,
tout à fait. Bien, dans le fond, le système éducatif québécois, l'école
publique, on a deux défis importants qu'on peut cibler, là, le premier, c'est
certainement la réussite éducative, hein, la réussite scolaire de nos élèves
puis leur bien-être, j'espère que c'est notre numéro un, mais aussi on est
confronté à la pénurie de personnel. Donc, avec l'initiative, là, des
formations accélérées, hein, pour lesquelles qui sont de qualité, on parle
de...
M. Drainville : ...
M. Maltais (Lucien) : Tout à
fait, oui, on parle... Parce que la recherche, ce qu'elle démontre, c'est qu'une
formation de courte durée, faite avec des gens à l'emploi, avec des cours
associés spécifiques, hein, avec... basés sur des approches probantes, des
approches reconnues par la recherche, avec un accompagnement des gens sur le
terrain et une formation continue qui s'ensuit, bien, ça, c'est quelque chose
qui donne des aussi bons résultats que la formation initiale. C'est ce que les
recherches démontrent. Nous, on est favorables. Et ce qu'on se disait, on vous
lançait l'appel à vous, parlementaires : Pouvez-vous analyser la situation
pour voir si on peut donner au gouvernement des leviers pour, dans des
situations comme celles-ci, aller plus vite dans la reconnaissance du brevet d'enseignement
pour les gens qui suivront cette formation-là accélérée? Donc, on ne connaît
pas la solution puis comment ça pourrait s'écrire dans les articles de loi,
mais on pense que vous allez avoir plusieurs heures de débat et vous allez
certainement être capables de trouver une solution.
M. Drainville : Très bien. Recommandation,
autre recommandation de votre groupe, vous recommander la mise en place d'une
structure harmonisée pour colliger les 30 heures de formation continue
afin de faciliter la reddition de comptes et sa régulation. Ça n'existe pas
déjà?
M. Maltais (Lucien) : Présentement,
il y a des initiatives. Peut-être, Madame.
Mme Absolonne (Gaëlle) : Bien,
ça existe. Merci, M. Maltais. Il y a des initiatives dans nos centres de
services scolaires et commissions scolaires. Cependant, ça peut-être à géométrie
variable. Donc, ce qui est important ici, puis ce qui fait partie de nos
recommandations, c'est de s'assurer qu'il y ait un outil commun pour pouvoir
faciliter cette régulation-là et faciliter la reddition de comptes. À travers
la formation continue, ce qui est important, c'est aussi la notion de rigueur,
de cohérence et de flexibilité. Donc, oui, on souhaite que le personnel
enseignant ait des choix de formation qui soient cohérents avec le plan
stratégique du ministère, avec les plans d'engagement vers la réussite des
commissions scolaires, centres de services scolaires et avec les projets
éducatifs des différents établissements. Tout ça étant dit, c'est important de
laisser l'autonomie professionnelle au personnel enseignant et de leur laisser
choisir des formations qui répondent...
Mme Absolonne (Gaëlle) : ...à
leurs besoins.
M. Drainville : O.K.
Très bien. Mais à l'intérieur de ce cadre-là avec lequel on est d'accord, vous
souhaitez quand même vous assurer que les 30 heures aux deux ans soient
bel et bien faites. Et c'est pour ça que vous souhaitez la création de...
Pardonnez-moi. Excusez-moi pour le tort que je viens de causer à vous oreilles.
Une structure donc qui serait la même dans le fond dans tous les centres de
service, sinon dans toutes les écoles, là, pour permettre notamment à la
direction de l'établissement de s'assurer que le corps enseignant de l'école
est bel et bien... garde une trace, dans le fond, des 30 heures de
formation qui sont prévues par la loi. C'est... Je vous comprends bien?
Mme Absolonne (Gaëlle) : Pour
avoir une structure harmonisée.
M. Maltais (Lucien) : Si je
peux ajouter...
M. Drainville : Qu'est-ce
que vous répondez à ceux... Vous allez pouvoir le faire, M. Maltais.
Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui... ceux et celles qui vont dire :
Ah! Ha! Ça, là, c'est le genre de choses qui vient empiéter sur l'autonomie
professionnelle, là. Qu'est-ce que vous répondez à ça?
Mme Absolonne (Gaëlle) : Bien,
l'autonomie professionnelle, elle demeure. Elle demeure dans le choix des
formations auxquelles les enseignants vont pouvoir...
M. Drainville : Puiser,
oui.
Mme Absolonne (Gaëlle) : ...puiser.
Exactement. Donc... Et c'est important. C'est important qu'ils puissent... Le
principe de subsidiarité, il est jusque dans la classe. Puis c'est important
que les enseignants conservent cette autonomie professionnelle là pour pouvoir
vraiment répondre à leurs besoins. Et comme vous le savez, les besoins d'un
territoire à l'autre, d'un établissement à l'autre, sont très variés.
M. Drainville : Allez-y,
M. Maltais. Excusez-moi.
M. Maltais (Lucien) : Juste
en complément de la réponse de Mme Absolonne, deux éléments peut-être. Le
premier. On se rappelle aussi que les centres de services scolaires sont les
employeurs des enseignants puis d'autres corps d'emploi. Donc, il arrive dans
certains cas qu'il y ait des formations qui sont obligatoires. Et ça, c'est
reconnu, hein, que l'employeur peut demander au personnel de suivre des
formations. Dans le 30 heures, lui, on parlait de colliger le
30 heures, bien, d'avoir un système harmonisé, il y a un gain aussi
lorsqu'on se promène d'un centre de service scolaire à l'autre. Donc, ça, on y
voit un gain.
Je pourrais faire le lien aussi avec les
données. Vous savez, hein, les données, on croit que les dispositions
législatives qui ont été mises dans le projet de loi, pour nous, si ça peut
rendre le système plus fluide, si ça peut être plus efficace, bien, on va être
partant. Souvent, on se fait dire, les centres de services scolaires, qu'on ne
veut pas donner les données. Ce n'est toujours pas ça, la situation. C'est que
des fois on a des systèmes différents. Dans les données qui nous sont
demandées, des fois, il faut aller les collecter manuellement. Des fois, il faut
demander à nos directions d'établissement. Notre personnel est débordé. Donc,
si on est capables d'avoir des systèmes harmonisés, avec une façon de colliger
les données qui est un petit peu plus uniforme partout, on pourra avoir des
systèmes centraux qui seront capables de les extraire plus facilement avec des
tableaux de bord. Donc, c'est... Ça irait dans le même sens pour la formation
continue avec un système harmonisé.
M. Drainville : Très
bien. Une dernière question. Dans votre mémoire, vous dites que la création de
l'INÉ a été longtemps réclamée ou est longtemps... Oui, c'est ça, a été
longtemps réclamée par les directions générales. Ça va changer quoi l'INÉ, pour
vous, là, qui êtes les premiers dirigeants des centres de services scolaires? Donnez-moi
un exemple très concret, ou deux exemples très concrets, M. Maltais, des
changements que ça pourrait apporter, des changements bénéfiques que la
création de l'INÉ pourrait apporter.
M. Maltais (Lucien) : Bien,
certainement au niveau du recensement des pratiques, stratégies efficaces, dans
un langage accessible pour l'ensemble du personnel pour que dans leur pratique,
il puisse choisir les meilleures interventions. Ça, c'est le numéro 1. Et
2, dans la prise de décision pour les décideurs, qu'ils soient au ministère,
dans les établissements scolaires, dans les centres de services scolaires,
bien, d'avoir des outils pour être capables de prendre la meilleure décision
possible, soit avec une analyse de données ou avec ce que la recherche
scientifique nous donne, pour nous, ce sera un gain majeur. On pourrait parler
aussi de tous les mythes en éducation pour lesquels, évidemment, on pourrait se
rendre compte que même autant de l'université à la salle de classe, il y a
plusieurs pratiques qui, des fois, se... plusieurs pratiques qu'on peut
visualiser dans les salles de classe qui ne sont pas toujours probantes. Puis
ce n'est pas des stratégies qui sont reconnues efficaces. Donc, certainement
que l'Institut national d'excellence en éducation pourrait nous supporter
là-dedans.
M. Drainville : Avez-vous
des exemples?
M. Maltais (Lucien) : Bien,
oui, facilement. Par exemple, les intelligences multiples, qui est un courant
de pensée longtemps développé, la pédagogie par projet qui dans certains cas
spécifiques, oui, pour la motivation puis pour certains types d'élèves, c'est
efficace, mais pour des élèves qui ont plus de difficultés, ce l'est moins.
Donc, il y a plusieurs mythes comme ça, là, qui circulent en travers du réseau
d'éducation et même qui sont parfois enseignés dans les universités.
M. Drainville : Très
bien. Je vais laisser mes collègues. Ils ont plusieurs questions eux aussi.
Merci.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de Beauce-Sud.
Il vous reste cinq minutes.
• (11 h 10) •
M. Poulin : Parfait.
Alors, bonjour. Merci pour votre partage. Vous me permettrez de saluer votre
secrétaire général, Normand Lessard, qui a été directeur général de Centre de
services scolaire en Beauce-Etchemin, avec qui j'ai eu un grand...
M. Poulin : ...plaisir de
travailler au cours des dernières années. Alors, vous êtes bien accompagné,
sachez-le. Vous faites une recommandation parce que l'actualité nous a commandé
dans les... particulièrement, les derniers mois d'analyser les décisions qui
sont prises par les directeurs ou directrices de centres de services scolaires,
la compétence et le regard qu'il doit y avoir sur des situations qui sont
parfois extrêmement délicates. Vous faites une recommandation, recommandation
numéro 9, où vous dites que vous êtes... que vous pourriez, donc,
soumettre un profil de compétences adapté aux organisations scolaires, une
démarche de sélection qui devrait prendre en considération des besoins locaux,
le tout en consultant les instances de gouvernance de nos organisations. Donc,
j'aimerais savoir, selon vous, ne serait-ce que pour une direction générale, le
choix d'un directeur général d'un centre de services scolaire, ou encore pour
le C.A., en fait, quand vous parlez de besoins locaux, de profils de
compétence, à quoi faites-vous référence exactement? Est-ce que pour vous, la
personne doit absolument avoir une formation en administration publique? Est-ce
qu'elle doit absolument avoir une formation en éducation? Est-ce que vous
écartez certains profils, d'entrée de jeu? Est-ce que si on est dans un
territoire où il y a beaucoup de communautés autochtones, vous seriez en
accord, vous voyez d'un oeil favorable que la personne soit issue de la communauté?
J'aimerais en savoir un peu plus sur les bonnes compétences que vous voyez.
M. Maltais (Lucien) : Dans le
réseau, on peut remarquer les pratiques exemplaires puis on... nous, on
constate quand même un haut degré de compétence puis de professionnalisme chez
nos directions générales qui, à tous les jours, oeuvrent au quotidien pour la
réussite des élèves. Et ce qu'on constate dans les profils de compétences,
bien, il y a un profil qui est plus associé au réseau de l'éducation où c'est
des gens... hein, souvent on va voir des gens qui ont été enseignants, qui ont
été direction d'établissement, direction de services, direction générale
adjointe, donc des gens qui ont quand même une très longue feuille de route au
niveau de l'éducation, très spécifique aussi, hein, des gens qui pour lesquels
l'éducation a toujours été une passion. Donc, ce qu'on suggère, c'est
certainement un profil de compétence commun, mais à ce profil de compétence
commun là, je pense qu'il faut impliquer le conseil d'administration. Vous
savez, hein, tu sais, c'est un des facteurs pour que la subsidiarité puisse se
vivre. Et puisque ça touche dans les rôles et responsabilités du conseil
d'administration, c'est de leur donner la place pour bonifier ce profil-là,
pour voir la couleur locale, quel type, qu'est-ce que je pourrais ajouter puis
dans les besoins locaux? Préparer aussi tout ce qui sera dans la sélection,
l'entrevue dans laquelle il y aura peut-être des questions spécifiques qui se
rattacheront aux enjeux de l'organisation. Et dans le comité de sélection, on
suggère certainement la présence de membres du conseil d'administration.
Donc... et on suggère, nous, de participer, on s'offre au gouvernement pour
participer, pour faire des suggestions sur le processus de nomination et de dotation
des directions générales.
M. Poulin : O.K. Dans les...
et là peut-être que vous n'avez pas les données, là, ça peut être une question
un peu par surprise, avez-vous un horizon du nombre de femmes qui sont
directeurs de centres de services scolaires à travers le Québec, un horizon...
qui sont issues des communautés culturelles ou issues des communautés
autochtones?
M. Maltais (Lucien) : Nous,
on n'a pas de statistiques là-dessus, là, présentement.
M. Poulin : O.K. Est-ce que
vous pensez que ce serait de bon aloi de garder ça en tête pour avoir une
meilleure représentativité?
M. Maltais (Lucien) : Certainement.
Mais évidemment, tu sais, lorsque le gouvernement... si le gouvernement va de
l'avant avec son choix au niveau de la nomination des directions générales, il
lui appartiendra de mettre les critères qu'il souhaite.
M. Poulin : D'accord. Parce
que vous recommandez quand même de dire : On doit avoir certaines
compétences, certains profils, certaines saveurs locales. Alors, peut-être que
cette réflexion-là devrait être poussée également. Alors, pour moi, ça
complétait. Je ne sais pas si j'avais d'autres collègues qui avaient des
interventions.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme
la députée de Hull, vous avez eu une minute.
Mme Tremblay : Une minute?
Alors, parfait, donc ça me laisse peu de temps, mais bon, j'aimerais ça vous
entendre sur la formation, peut-être, initiale des enseignants et des
enseignants. On le sait que, bon, on va... l'INESSS va devoir se prononcer sur
ça. Donc, j'aimerais avoir votre opinion sur ce dossier-là puis peut-être
rapidement aussi sur les services éducatifs à distance.
Mme Absolonne (Gaëlle) : Bien,
pour ce qui est des... Je vais commencer avec la fin de votre question, les services
éducatifs à distance. Tout d'abord, il faut partir avec la prémisse de base que
la place de l'élève, c'est à l'école en présentiel. Il ne faut pas oublier que
le mandat du programme de l'école québécoise, c'est d'instruire, c'est de
qualifier, mais c'est aussi de socialiser. Donc, ça, c'est très difficile à
remplacer.
Une fois qu'on a dit ça, il faut quand
même comprendre que notre rôle, c'est d'assurer l'accessibilité à l'éducation à
l'ensemble des Québécois, Québécoises. Donc, on a quand même des élèves qui
peuvent se retrouver dans des situations particulières.
La Présidente (Mme Dionne) : ...
Mme Absolonne (Gaëlle) : Pardon?
La Présidente (Mme Dionne) : En
terminant. Il reste cinq secondes.
Mme Absolonne (Gaëlle) : Excusez-moi.
Bien, il y a des situations particulières, il faut les prendre en
considération.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, c'est tout le temps qu'on a. Je cède maintenant la parole à Mme la
députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Mais permettez-moi aussi de saluer
M. Lessard qui a été enseignant, puis...
Mme Rizqy : ...par la suite
D.G. à la commission scolaire Beauce-Etchemin pendant plusieurs années, et qu'aussi
grâce à lui j'avais appris la formation à distance qui a été créée chez vous et
qui a permis à des... plusieurs étudiants de faire des cours d'été, notamment,
mais aussi même de pouvoir graduer, pour des raisons particulières, qui ne
pouvaient pas être à l'école à ce moment-là. Alors, permettez-moi de vous
souhaiter la bienvenue au sein de l'Assemblée nationale.
Maintenant, on va aller directement, j'ai
quelques questions pour vous. Notamment, Mme Absolonne, vous êtes un centre de
services scolaire, vous, c'est une commission scolaire, alors anglophone. Vous
êtes toujours devant les tribunaux suite à la dernière réforme?
Mme Absolonne (Gaëlle) : On
est en attente.
Mme Rizqy : D'accord. Alors,
juste pour bien comprendre, vous êtes en attente pour la dernière réforme, et
on a une nouvelle réforme, mais on n'a pas terminé le procès de l'ancienne
réforme. C'est bien ça?
Mme Absolonne (Gaëlle) : Bien,
écoutez, comme vous le savez, l'application de la loi 40 est en sursis au
niveau des commissions scolaires anglophones. Une fois qu'on a dit ça, il y a
des gens bien compétents qui vont statuer sur le débat présent. On attend
d'ailleurs des nouvelles prochainement. Puis, comme je dis, une fois qu'on a
dit ça, nous, notre rôle reste le même, qu'on soit D.G. d'une commission
scolaire ou d'un centre de services scolaire, notre mission, c'est la
réussite... la réussite éducative de nos élèves, les jeunes autant que les
adultes. Donc, on est en esprit de collaboration, en esprit d'ouverture, peu
importe à qui on doit se rapporter. Tous les joueurs dans le domaine de
l'éducation sont importants.
Mme Rizqy : Le ministère de
l'Éducation n'a pas fait le bilan de la dernière réforme, mais on saute tout de
suite à une nouvelle réforme. Vous, quand vous faites des changements,
habituellement, à l'école, des fois vous faites des projets pilotes, puis après
ça vous faites un état des lieux, puis vous faites un bilan avant de procéder à
une nouvelle... à un nouveau changement, non?
M. Maltais (Lucien) : Bon, je
pense que nous, dans le cadre du mémoire, on n'a pas fait l'évaluation du p.l.
n° 40, mais ce qu'on constate, c'est qu'il y a quand même des
améliorations importantes, là, qui peuvent être apportées dans le projet de loi
actuel. Juste l'Institut national d'excellence en éducation, pour nous, c'est
majeur. Au niveau de la formation continue des enseignants, de bien la baliser,
pour nous, c'est quelque chose aussi qui est très positif. Au niveau des
données aussi, la fluidité, l'harmonisation des systèmes, tout ce qu'on peut
faire pour les utiliser, pour nous, c'est extrêmement positif. Donc, je pense
qu'on fait juste construire par-dessus ce qui était existant. Si ça peut
améliorer la réussite des élèves, bien, go, on est prêts à y aller.
Mme Rizqy : Quand vous dites
baliser la formation, qu'est-ce que vous souhaitez?
M. Maltais (Lucien) : Pour?
Excusez-moi.
Mme Rizqy : Vous avez
dit : Nous, on voudrait baliser les formations. Qu'est-ce que vous
souhaitez?
M. Maltais (Lucien) : Bien,
pour le 30 heures de formation, je pense que, depuis l'adoption du p.l.
n° 40, ça manquait peut-être de clarté. On est en train de... tu sais, de
clarifier le rôle de l'employeur, hein, qui peut obliger des formations à ses
employés, pas uniquement les enseignants mais l'ensemble des employés. Puis,
pour le 30 heures dans lequel l'enseignant doit colliger, je pense qu'il y
a un consensus qui se dégage de dire que la formation continue, c'est
extrêmement important et pertinent, que, dans notre plan... dans les
30 heures qu'on va colliger, bien, ça prend des formations avec un contenu
qui est rigoureux. Certainement aussi ça prend une marge de manœuvre pour les
enseignants, bien, pour faire un choix qui répond à leurs besoins. Si, dans
leurs 30 heures, c'est 30 heures imposées par l'établissement ou le
centre de services scolaire, ça va être difficile pour l'enseignant d'avoir une
marge de manœuvre. On peut comprendre que l'enseignant pourrait en faire plus
que 30 heures, mais je crois... Ça fait que ça, pour nous, c'est
extrêmement intéressant, mais juste d'affirmer que la formation continue, c'est
un élément important pour améliorer les services éducatifs, bien, pour nous,
c'est un signal important.
Mme Rizqy : Parfait. Juste
continuer là-dessus parce que ça m'intéresse de comprendre. Là, en ce moment,
ils ont l'obligation de faire 30 heures de formation continue. Qu'est-ce
que... Est-ce qu'il y a des exemples que vous avez de qu'est-ce qui n'a pas été
fait de façon rigoureuse?
M. Maltais (Lucien) : Non,
mais, par exemple, on pourrait dire, tu sais, dans le 30 heures, est-ce
qu'on accepte des lectures, n'importe quelle activité? Tout ce qu'on dit, c'est
que, dans le fond, est-ce qu'un enseignant qui a des besoins de formation, on
peut, par exemple, cibler des contenus qui seraient peut-être influencés par
l'Institut national d'excellence en éducation? Est-ce qu'on peut y intégrer des
contenus, par exemple, où l'école décide de travailler les mathématiques, donc
l'ensemble de l'équipe-école y participe, on l'intègre à l'intérieur, donc
formation reconnue, tout simplement?
Mais, dans le vécu du 30 heures, à
votre question, on n'a pas fait l'évaluation, hein, on termine, cette année, la
première année du 30 heures. Pour certains centres de services scolaires,
on les collige pour les premières fois, donc, dans l'évaluation. Donc, à la
longue, on pourra peut-être mieux constater, là, mais, nous, c'était juste
d'affirmer que... avec ce mot-là, rigueur, que peut-être qu'il serait
intéressant que, par exemple, l'Institut national d'excellence en éducation,
suite à des recommandations qu'elle fera, mettre à la disposition des
formations sur des stratégies efficaces, des stratégies probantes qui
pourraient faire réussir plus les élèves.
• (11 h 20) •
Mme Rizqy : Oui, mais il y a
une différence dans le discours, parce que mettre à la disposition,
c'est-à-dire qu'on laisse le choix, mais vous dites que vous... Est-ce que...
Je veux juste bien comprendre votre position. Est-ce que vous souhaitez d'avoir
ce pouvoir de discrétion de l'employeur, donc, vous, à titre de cadre, de
pouvoir dire : Voici le nombre d'heures que je souhaite, par exemple cinq
heures en mathématiques, 10 heures en français? Est-ce que c'est ce
pouvoir-là que vous aimeriez avoir...
M. Maltais (Lucien) : ...nous,
on n'allait pas jusque-là, non. Dans nos recommandations, là, c'est des
formations reconnues. On voulait aussi que l'enseignant puisse mettre les
formations obligatoires à l'intérieur. Si son employeur lui a demandé de
mettre... d'assister à une formation, on veut permettre à l'enseignant de la
colliger. Puis on veut aussi que l'enseignant ait beaucoup de flexibilité, à
l'intérieur de ce 30 heures là, pour choisir des formations qui répondent
à ses besoins.
Mme Rizqy : O.K.
Premièrement, la FSE collige... Ils ont mis à la disposition des enseignants un
outil pour colliger le nombre d'heures de formation. Est-ce que, vous, ce
serait, pour comprendre comment ce serait fait, est-ce que ce serait au niveau
de chaque centre de services scolaire qui aurait un outil informatique pour
colliger les 30 heures?
M. Maltais (Lucien) : On
souhaiterait que, peut-être, il y ait un outil national, peut-être, il faudrait
s'inspirer de celui de la FSE que je ne connais pas, là, présentement.
Mme Rizqy : O.K. Donc, ce
serait au niveau national.
M. Maltais (Lucien) : Oui,
idéalement, on pense que, tu sais, si l'enseignant change de centre de services
scolaire, c'est comme son portfolio professionnel. Je pense qu'il y a un gain
d'avoir un historique des formations qu'il a suivies, c'est pour l'enseignant.
Souvent, dans les bonnes pratiques, au niveau de la formation continue, on
suggère aux gens de se créer un portfolio. Donc, pour lui, ce serait peut-être
plus facile d'avoir quelque chose qui serait structuré, qui pourrait changer
d'une organisation à l'autre.
Mme Rizqy : Oui. Puis, au
niveau du suivi, parce que je lisais dans le rapport récent de la Vérificatrice
générale du Québec, en ce moment, c'est la direction d'école qui tente de faire
le suivi, mais il y a du roulement de personnel, autant au niveau de
l'équipe-école, de la direction. Mais aussi elle a indiqué clairement que
c'était difficile de libérer les enseignants pour faire leur formation. Est-ce
que ça, c'est un défi que vous voyez, vous aussi?
M. Maltais (Lucien) : Ah!
avec la pénurie de personnel, il y a plusieurs enjeux. C'est certainement
que... la suppléance, là, c'en est un très important. Dans le rapport de la
vérificatrice générale, vous avez pu le constater, là, où il y avait beaucoup
de non légalement qualifiés, dont une grande partie, c'est en lien avec la
suppléance.
Mme Rizqy : Au niveau de...
Tantôt, vous avez parlé de la subsidiarité. Est-ce que ça, c'est un concept qui
vous est cher?
Mme Absolonne (Gaëlle) : Absolument.
Mme Rizqy : O.K. Il est
inscrit dans le projet de loi n° 23?
M. Maltais (Lucien) : On ne
l'a pas compté, on vous laisse nous donner le chiffre.
Mme Rizqy : C'est un gros
zéro. Ce n'est pas... Bien, c'est zéro, pour vrai. Est-ce que c'est surprenant?
Parce que, si on parle... En tout cas, on veut quand même être dans la
continuité du projet de loi... le projet de loi n° 40 qui a été adopté, où
est-ce qu'il a été question quand même de subsidiarité, et qu'on parle de
centralisation, puis que le ministre se défend, dit qu'il n'y a pas de
centralisation, mais le projet de loi ne fait jamais mention de la
subsidiarité.
Mme Absolonne (Gaëlle) : Bien,
d'ailleurs, si vous regardez au niveau de nos recommandations, on s'y réfère à
plusieurs reprises, que ce soit pour la nomination de la direction générale, de
s'assurer d'avoir la couleur locale via nos gouvernances locales, que ce soit
le conseil des commissaires ou le conseil d'administration, que ce soit au
niveau de la classe, le choix des formations pour les enseignants. Donc, c'est
un concept qui nous est cher. Je pense que c'est important qu'on fasse
confiance à nos professionnels dans le secteur de l'éducation, peu importe quel
est leur rôle. Donc, que les décisions soient prises dans le bon palier puis de
laisser de la flexibilité aux gens qui sont compétents pour le faire, je pense
que c'est important.
M. Maltais (Lucien) : Si je
peux ajouter aussi, on avait mis quelques filets de sécurité, on a parlé du
processus de nomination, le choix aussi au niveau des enseignants pour la
formation continue. On parle aussi du processus d'évaluation, hein, de le
mettre très clair au niveau de la... de préciser des attentes lorsqu'on va
évaluer la direction générale. Et on voyait aussi au niveau de... de gestion et
d'imputabilité, on n'y voyait pas l'utilité parce que là on y voyait un risque
en lien avec la subsidiarité. Dans le fond, je pense qu'il appartient au
ministère de l'Éducation de nous donner les grandes cibles, les grandes
orientations, les indicateurs, les incontournables, et après ça nous, on part
avec ça, et, dans les milieux, on les fait atterrir.
Et aussi un des enjeux qu'on avait...
qu'on avait vu et qu'on a mentionné aussi comme recommandation, c'était de
retirer l'article de loi qui annule les décisions, qui, pour nous, pourrait
amener le gouvernement à faire du cas par cas puis réviser les décisions sans
avoir nécessairement tout l'environnement, les informations pertinentes pour...
qui ont été utilisées pour prendre la décision... prendre les décisions.
Mme Rizqy : Ce serait ma
dernière question parce que le temps file. Alors, justement, certains de vos
membres ont communiqué avec moi directement pour leurs inquiétudes sur le fait
de leurs décisions se faire annuler, mais aussi on se rappelle, en début de
janvier, l'histoire de la classe de maternelles quatre ans, mais, si on recule
même au début du projet des maternelles quatre ans, j'ai reçu de l'information
dans une enveloppe brune très grande, pas d'argent dedans, je tiens à le
souligner, mais c'était plutôt la preuve, la démonstration que des projets
d'agrandissement avaient été mis sur pause parce qu'il y avait eu un ordre qui
était donné d'ajouter des classes maternelles quatre ans alors que ce n'était
pas nécessaire.
La Présidente (Mme Dionne) : 15 secondes,
Mme la députée.
Mme Rizqy : Est-ce que cette
inquiétude est encore parmi vos membres de se faire imposer certaines décisions
ou de se faire museler?
M. Maltais (Lucien) : Dans le
projet de loi, on propose des choses dont, évidemment, le retrait de cet
article-là.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Merci.
Mme Ghazal : Merci. Merci
beaucoup pour votre présentation et votre présence ici parmi nous. La semaine
passée, je crois, ou l'autre d'avant, vous et d'autres associations de cadres,
là, et d'employeurs, vous avez, dans les règles... dans le cadre des règles...
Mme Ghazal : ...vous avez dit
que c'était important, que ce soit... l'argent ou les notes n'empêchent pas,
par exemple, des élèves de suivre des projets particuliers. Pourquoi, pour
vous, c'est important? Est-ce que vous sentez aussi une ouverture pour que ces
deux aspects là n'empêchent pas des élèves d'avoir des projets particuliers,
même s'ils n'ont pas des bonnes notes ou que leurs parents n'ont pas d'argent?
Mme Absolonne (Gaëlle) : ...écoutez,
notre mission, pour nous, est claire, c'est de s'assurer que l'ensemble des
Québécois, Québécoises avaient accès à nos programmes, à nos services éducatifs
à travers les projets particuliers. C'est certain que, si on est capables
d'éviter le décrochage scolaire puis d'aller attirer nos élèves pour pouvoir
les garder en salle de classe, bien, ce sera toujours une plus-value.
Mme Ghazal : C'est ça. Ça
fait que ça, c'est dans le principe. Et est-ce que vous sentez... dans les sept
priorités qui ont été amenées par le ministre, est-ce qu'il y a une ouverture
pour ça? Est-ce que vous sentez que ça va être possible de dire, bien, toutes
les écoles publiques vont avoir des projets particuliers? Est-ce que tous les
élèves qui le souhaitent vont y avoir accès, même si leurs notes ne sont pas
bonnes? Est-ce que c'est quelque chose de faisable, tu sais?
M. Maltais (Lucien) : Bien,
présentement, il y a des défis majeurs, mais je pense que la priorité
ministérielle, c'est de tendre «vers». Je pense qu'on peut faire un pas au
niveau des critères d'accessibilité aux programmes particuliers. On peut faire
des pas aussi, certainement, sur les coûts. Il y a aussi une réflexion à avoir
sur le régime pédagogique, hein, le nombre de périodes que nous avons en
français, en mathématiques, en histoire, certainement, pour les matières à
sanction, pour peut-être créer un petit peu plus d'espace pour permettre à des
élèves qui, eux, ont besoin de maximiser leur temps d'enseignement... restent
en réussite, tout en participant à un programme particulier. Donc, c'est quand même
une réflexion qui est importante, et on pense que, oui, il y a certainement des
choses à faire, mais il faut prendre le temps d'y réfléchir puis trouver des
solutions aux problématiques qui se présentent.
Mme Ghazal : Puis ça, ça se
fait à quel niveau? Parce qu'il y a des écoles qui n'ont pas attendu que ce
soit vous ou d'autres... se prononcent, qui le font déjà, parce qu'ils sont
tannés de voir, leurs élèves, qu'il n'y ait pas de mixité dans leur école, tu
sais, il y a des élèves qui sont très, très forts, qui ne voient jamais les
autres élèves plus faibles... qui ont commencé. Je pense, par exemple, à
l'école de la Ruche, à Magog, ou... Est-ce que... Je ne sais pas s'ils sont
membres, là, de votre association, mais c'est commencé. Je veux dire, est-ce
que, tu sais...
M. Maltais (Lucien) : Oui, il
y a plusieurs initiatives, même, tu sais...
Mme Ghazal : Mais les
initiatives, ce n'est pas suffisant. Par exemple, il y a des gens qui veulent
le faire, mais ils n'ont pas tout ce qui... Tu sais, est-ce qu'il faudrait
qu'il y ait une impulsion ou une volonté plus affirmée plus haut? Est-ce qu'il
faudrait toucher, par exemple, aux écoles privées?
M. Maltais (Lucien) : Dans le
cadre du projet de loi, on n'a pas poussé la réflexion sur cet élément-là. On
sait que... J'ai des collègues qui y ont participé, avec, peut-être, une
commission d'étude et d'expertise de la Fédération des centres de services
scolaires. Je pense que, dans l'avis de la fédération, il y avait des... Je
pense, l'avis sur les règles budgétaires, il y avait des recommandations. Donc,
je vous invite peut-être à aller voir ces recommandations-là pour, peut-être,
vous...
Mme Ghazal : Ça fait que vous
êtes au début, peut-être, de la réflexion. Peut-être qu'éventuellement... bien,
ça a avancé... peut-être qu'éventuellement, on cheminera plus loin.
Comme il me reste peu de temps, je
pense... Je sais, je vous sors du projet de loi n° 23, là, j'ai bien lu...
c'était clair, ce que vous présentiez. Est-ce que vous êtes pour qu'il y ait
une loi-cadre sur les agressions sexuelles dans les écoles primaires et
secondaires, de la même façon qu'il y en a dans les cégeps et les universités,
pour instaurer une culture de prévention des agressions sexuelles?
La Présidente (Mme Dionne) : ...secondes.
Mme Ghazal : Oui ou non?
M. Maltais (Lucien) : En 15
secondes, deux éléments. C'est une situation qui est...
La Présidente (Mme Dionne) : ...terminé,
j'avais cinq secondes, mais c'est maintenant terminé. Je suis désolée.
M. Maltais (Lucien) : Bien,
ma réponse, là, aurait été excellente, mais je suis obligé de la garder pour
moi.
La Présidente (Mme Dionne) : M.
le député de Matane-Matapédia, c'est à vous la parole.
M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente.
Bienvenue à l'Assemblée nationale. Comme vous représentez les directions
générales des centres de services scolaires, qui seront, dorénavant, si le
projet de loi est adopté, nommées par le ministre, quel impact, selon vous, ça
va avoir sur le recrutement de candidats à ces postes? Est-ce que ça a un effet
positif? Est-ce que ça va faire peur à certains? Je suis convaincu que vous
avez une opinion là-dessus, mais je suis convaincu, surtout, que vos membres
vous en ont fait part.
M. Maltais (Lucien) : Certainement,
puis c'est pour ça qu'on a proposé deux choses, en lien avec... Premièrement,
on prend acte de la volonté gouvernementale de nommer les directions générales.
Et on propose deux choses. Un processus de nomination, dans lequel, évidemment,
il y aura un profil de compétence qui serait associé, propre à des directeurs
généraux de centres de services scolaires, avec, évidemment, une couleur locale
qui sera avec le conseil d'administration, avec un comité de sélection, où il y
aura des gens du conseil d'administration dans le comité de sélection, avec
tests psychométriques, et, ainsi de suite.
On propose aussi un processus d'évaluation
structuré et organisé, avec, dès le début, de l'année, une précision des
attentes, donc des attentes signifiées, des mécanismes de suivi, pour, après
ça, arriver, en fin d'année, avec une évaluation... On pense que ça, ce sera un
facteur de protection, pour s'assurer, un, de la qualité des directions
générales, qui est déjà présente, hein? On a déjà des leaders performants,
engagés, dévoués pour la réussite des élèves, mais être en continuité. Et les
gens, bien, appliqueront sur les nouvelles règles du jeu qui seront proposées,
là, suite à l'adoption du projet de loi n° 23, s'il est adopté.
• (11 h 30) •
M. Bérubé : Donc, il y a des
chances qu'ils soient notés. Donc, ce que vous proposez, ce n'est pas dans le
projet de loi, mais vous aimeriez qu'il y ait une participation du conseil
d'administration, notamment, avec un profil...
11 h 30 (version non révisée)
M. Bérubé : ...éviter, par
exemple, que quelqu'un qui n'est pas d'un milieu, hein, puisse être nommé. Ça
arrive dans d'autres domaines. C'est arrivé en justice récemment, quelqu'un d'un
autre district qui va ailleurs. L'enracinement local est important pour vous,
je comprends ça, puis il faudrait éviter qu'il y ait des nominations au bon
vouloir des ministres successifs qui vont être là.
Question sur le rôle des parlementaires.
Est-ce qu'il arrive souvent aux directions générales de rencontrer des députés
pour qu'ils puissent plaider des enjeux en adaptation scolaire, un gymnase ou
une infrastructure? Parce qu'il me semble que c'est moins présent depuis qu'on
a changé la loi, pour la loi 40. Moi, je sais que, quand j'appelle, ce qu'ils
font, c'est qu'ils envoient ça au ministère. Il dit : Le député de
Matane-Matapédia nous pose une question, on fait quoi avec ça? Alors, vous en
pensez quoi?
M. Maltais (Lucien) : Bien,
je suis un petit peu déçu de votre réponse parce que vous avez deux de vos
collègues qui sont dans mon centre de services scolaire, à des Chênes que j'ai
l'impression qu'ils vont vous dire le contraire. C'est une très, très belle
collaboration que nous avons avec nos députés, puis je pourrais vous dire que
pour l'ensemble des directions générales... Ici, vous nous sortez un cas, mais
je pense que dans l'ensemble, on est très contents d'avoir cette
collaboration-là avec les députés qui nous aident souvent et aussi nous, hein?
Vous savez que dans le rôle des députés, souvent, vous avez des questions des
citoyens.
M. Bérubé : Ça, ça va.
M. Maltais (Lucien) : Mais
ça, on est toujours là pour vous aider puis pour répondre à...
M. Bérubé : Comment on plaide
un dossier? Moi, quand il y avait une présidence de commission scolaire, un
commissaire, c'était facile, mais là, c'est moins présent maintenant, c'est ça
que je vous dis. J'ai l'impression qu'on a perdu de cette capacité de
représentation.
La Présidente (Mme Dionne) : En
10 secondes, M. le député.
M. Maltais (Lucien) : Dans le
cadre du projet de loi actuel, on n'a fait aucune autre proposition en lien
avec le rôle de porte-parole de la direction générale, parce qu'on pense que,
pour nous, cette relation là avec les députés, elle est existante, puis elle est
constructive.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. C'est malheureusement tout le temps qu'on avait, sur cette belle
note.
M. Maltais (Lucien) : ...et
variable selon votre opinion.
La Présidente (Mme Dionne) : Madame...
Merci beaucoup, Madame Absolonne, Monsieur Maltais, c'est... merci pour vos
contributions aux membres de la Commission. Donc, je suspends maintenant les
travaux jusqu'après les avis touchant les travaux des commissions. Merci à
tous.
(Suspension de la séance à 11 h 33)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 26)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
bon après-midi à tous. La Commission de la culture de l'éducation est
maintenant prête à reprendre ses travaux.
Nous poursuivons les consultations
particulières et les auditions publiques du projet de loi n° 23, la Loi
modifiant principalement la Loi sur l'instruction publique et édictant la Loi
sur l'Institut national d'excellence en éducation.
Cet après-midi, nous aurons le bonheur d'entendre
les organismes et personnes suivantes : Prs Steve Bissonnette et Mario
Richard; Pr Julien Prud'homme; et le Conseil supérieur de l'éducation.
Donc, je souhaite la bienvenue à nos deux
premiers invités, M. Bissonnette et M. Richard. Donc, je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé. Donc, je vous
demanderais, d'entrée de jeu, de vous présenter et par la suite de nous faire
part de votre exposé. Je vous cède la parole.
M. Richard (Mario) : Mme la
Présidente, M. le Ministre, Mesdames et Messieurs les députés, bien le bonjour.
Tout d'abord, en débutant, on va commencer par vous remercier de nous
accueillir puis on espère que l'intervention qu'on va faire va pouvoir faire
avancer les travaux de la commission. Donc, moi, mon nom, c'est Mario Richard,
professeur en éducation à l'université TÉLUQ, plus particulièrement du côté de
tout ce qui touche la pédagogie. Mes champs de recherche sont l'enseignement
efficace. Avec mon collègue Steve, on a développé un programme en efficacité de
l'enseignement et des écoles. Donc, ça fait vraiment partie de ce qui est
finalement l'objet de recherche le plus poussé. Et, en ce qui me concerne, plus
particulièrement du côté du développement professionnel des intervenants
scolaires, donc autant les enseignants, les conseillers pédagogiques, les
directions d'école.
Je suis en fin de carrière, donc ça fait
une trentaine d'années que je fais de la formation continue avec les
intervenants scolaires. Enseignant de formation au niveau secondaire, avec des
élèves en difficulté d'apprentissage, puis depuis ce temps, donc, interventions
aussi à différents niveaux, c'est-à-dire autant du côté des commissions
scolaires, à l'époque, québécoises que du côté de l'Ontario, dans les autres
provinces francophones, aussi interventions du côté de la Suisse, de la France.
Donc, l'enseignement efficace, c'est un domaine qui intéresse beaucoup puis qui
est orienté vraiment aussi sur tout ce qui touche les données probantes puis
les interventions concrètes en salle de classe.
M. Bissonnette (Steve) : Rapidement,
pour compléter le collègue, je suis aussi vieux que lui, donc en fin de
carrière également. Ça fait plus de 40 ans que je travaille avec des jeunes et
du personnel scolaire, particulièrement des jeunes qui ont des problématiques.
J'ai implanté, dans un centre de service scolaire francophone sur trois le
programme dont Égide Royer vous a parlé, qui s'appelle le soutien au
comportement positif. Je suis également fortement impliqué dans la réforme
scolaire du Maroc qui va débuter en septembre 2023 dans 600 établissements
primaires avec environ 6 000... 6 000 enseignants. Je vais te laisser
poursuivre.
M. Richard (Mario) : C'est
bon. Donc, le projet de loi n° 23 vise à rendre le réseau scolaire plus
efficace. On propose différentes mesures, dont, un, la création de l'Institut
national d'excellence en éducation puis, deux, d'améliorer l'accès aux données
du système scolaire. C'est principalement sur ces deux mesures-là que nous allons
centrer notre présentation.
Donc, dès le départ, on tient à mentionner
que nous sommes en faveur de l'INEE parce que nous considérons qu'il s'agit d'une
initiative qui devrait grandement contribuer à l'amélioration des pratiques en
éducation au Québec. Nous sommes aussi en accord avec la vocation de l'INEE qui
est d'offrir un soutien au ministre de l'Éducation, aux établissements
scolaires pour favoriser la réussite éducative en rendant disponibles des
synthèses de connaissances scientifiques les plus rigoureuses. C'est aussi l'idée
pour déterminer les orientations à établir puis pour appuyer la prise de
décisions qui vont traduire leur implantation.
• (15 h 30) •
L'autre élément concernant les données, c'est
que l'accès aux données nous apparaît essentiel. On ne peut pas améliorer ce qu'on
ne mesure pas. On prend, par exemple, juste le rapport de la vérificatrice
générale qui nous donne actuellement un portrait en ce qui concerne la pénurie
des enseignants, puis ce qu'on constate, c'est qu'on n'a pas de données fiables
pour être en mesure d'avoir ce portrait-là.
Au cours des 20 dernières années, des
changements importants ont été mis en place en éducation au Québec sans se
référer aux données probantes qui proviennent de la littérature scientifique
puis sans évaluer... rigoureusement, pardon, leur impact sur le rendement des
élèves. Donc, la présentation qu'on va faire très rapidement, deux volets qui
sont liés aux données probantes, c'est-à-dire rétrospectif et prospectif.
Dans un premier temps, du côté
rétrospectif, on va présenter deux exemples concrets pour illustrer les
erreurs. Puis, dans un deuxième temps, de façon prospective, on va présenter
deux conditions que l'INEE devrait suivre pour remplir sa vocation puis on va
se donner un exemple concret des données probantes appliquées à une
problématique majeure, c'est-à-dire la pénurie des enseignants.
M. Bissonnette (Steve) : Je
commence avec le volet rétrospectif. Quand la réforme de...
15 h 30 (version non révisée)
M. Bissonnette (Steve) : ...l'éducation
a été créé, il y a plus de 20 ans, l'intention était noble, c'était de vouloir
améliorer la réussite scolaire et contrer le décrochage. Or, quand on regarde
les fondements sur lesquels cette réforme-là s'est basée, si l'Institut d'excellence
en éducation avait été créé, jamais que cette réforme-là n'aurait eu lieu sous
la forme que l'on a connue parce qu'elle aurait été vérifier qu'est-ce qui
avait été fait en Suisse auparavant, qu'est-ce qui avait été fait en France et
en Belgique. Et on s'est aperçu, à ce moment-là, que le rendement des élèves
avait diminué, dans ces contextes-là, et n'ont pas augmenté.
Et les premières évaluations qui ont eu
lieu par la table de pilotage, en 2006 et 2007, qui ont comparé le rendement
des élèves réformés à ceux qui n'avaient pas vécu la réforme, à des épreuves d'écriture,
on avait vu des baisses de 10 points, à l'époque, en 2006, et un autre 10
points en 2007. Ça n'a pas empêché la réforme de s'implanter au secondaire. Et,
quand on regarde les travaux de Simon Larose, qui a comparé les résultats
scolaires et les taux de diplomation, particulièrement pour les garçons et les
élèves vulnérables et en difficulté, entre ceux réformés et non réformés, ceux
réformés font moins bien, nettement moins bien que ceux qui n'avaient pas vécu
la réforme.
L'autre exemple qui nous semble aussi
drôlement important, c'est la stratégie d'intervention Agir autrement, qui a
été déposée en 2002, dont l'objectif était d'augmenter la diplomation, particulièrement
dans les milieux défavorisés. Or, la première évaluation, qui a eu lieu en 2010
par l'équipe de Michel Jonasz à l'Université de Montréal, où il y avait 66
écoles expérimentales, 11 écoles de comparaison... les 11 écoles de comparaison
ont mieux fait que les 66 écoles expérimentales. Ça n'a pas empêché la
généralisation de cette stratégie-là au primaire.
Et si l'INEE avait été en place... Nous,
on voit son rôle non seulement dans l'identification des meilleures pratiques,
mais surtout, surtout dans les mesures concernant l'implantation. Il faut
évaluer rigoureusement comment une politique est mise en place, comment elle se
déploie dans les écoles et quels sont les effets qu'elle produit sur le
rendement ou les cibles qu'on souhaite atteindre. Donc, oui, l'INEE, être
capable de produire des synthèses sur les meilleures façons de faire pour aider
les enseignants puis aider les élèves, mais, à partir du moment où le tout a
été identifié, j'aurais le goût de dire : Le défi n'est pas terminé, il commence.
Il faut ensuite s'assurer que ces pratiques-là vont s'implanter à l'intérieur
des écoles et aussi être capable de mesurer leurs effets pour savoir est-ce que
ce que l'on souhaite voir s'améliorer... est-ce que le tout est en train de se
produire? Et les deux exemples que je viens de donner montrent que,
malheureusement, malgré de très bonnes intentions, ce n'est pas le cas qui s'est
passé.
Et, s'il y avait une condition importante
pour la création de l'INEE à respecter, c'est son indépendance la plus large
possible. Elle doit avoir la pleine liberté de parole. Elle doit même avoir la
possibilité de contredire certaines décisions qui peuvent être prises, être
capable de bien exposer son point de vue sans sentir quelque pression de
quelque nature que ce soit. Alors, voilà.
M. Richard (Mario) : Donc, si
je prends le relais, une autre condition importante pour que l'INEE puisse bien
faire son boulot, c'est de s'assurer que les données probantes qui vont être
produites puissent être transférées en salle de classe. En fait, le travail de
l'INEE le plus gros du travail ne sera pas tant d'identifier les données
probantes, mais va être beaucoup plus au niveau d'être en mesure de faire en
sorte que ces données-là vont pouvoir être implantées par les enseignants en
salle de classe. Ça veut donc dire de pouvoir travailler et de devoir
travailler sur le développement professionnel des enseignants, c'est-à-dire la
formation continue. Et c'est important de le faire parce que, quand on regarde
les études internationales, ce qu'on constate, finalement, c'est que le
développement professionnel est le meilleur moyen qu'on a pour améliorer les
pratiques enseignantes.
Un élément clé qu'il faut avoir en tête :
quand on s'adresse à des enseignants, la question qui nous est toujours posée,
c'est qu'est-ce que je peux faire avec ce que tu me proposes demain matin? Avec
les enseignants, il faut toujours avoir en tête qu'à partir du moment où on va
faire de la formation il faut aussi que ça puisse leur servir directement en salle
de classe, et c'est quelque chose qui devrait nous guider de façon
systématique.
En même temps, ce qu'on constate quand on
regarde le développement professionnel, c'est qu'on ne peut pas offrir aux
enseignants des formations continues de façon à ce que ça soit présenté n'importe
comment, c'est-à-dire qu'il y a des principes qui doivent être respectés pour
que la formation continue pour le développement professionnel fonctionne. Le
premier principe, c'est l'applicabilité. Un deuxième principe, c'est de
combiner la théorie et la pratique, mais d'avoir en tête qu'on présente des
données probantes. Un autre principe, c'est toute la question du coaching en
salle de classe puis d'avoir en tête aussi qu'on devrait avoir un minimum d'une
vingtaine...
M. Richard (Mario) : ...Par
année pour que ça puisse fonctionner. Et, le dernier élément à garder en tête,
c'est de miser sur l'apprentissage professionnel du côté des directions
d'école.
Rapidement, très rapidement, on a lancé,
du côté de l'université TELUQ, un programme qui s'appelle le DESS en éducation
préscolaire et enseignement primaire. Ce programme-là s'appuie sur les données
probantes, autant au niveau du contenu qu'au niveau des conditions que je viens
d'évoquer très, très, très rapidement. L'intérêt de ce programme-là,
finalement, c'est qu'on l'a développé vraiment en collaboration avec les
centres de services. Et, ce qu'on vise, finalement, c'est un programme qui veut
aider des enseignants qui sont déjà en salle de classe, des enseignants non légalement
qualifiés.
(Interruption)
La Présidente (Mme Dionne) :
Oui. Il vous reste cinq secondes.
M. Bissonnette (Steve) : Ça
va pour le 5 secondes.
M. Richard (Mario) : C'est
ça, trop tard.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci, M. Richard, M. Bissonnette. On est maintenant prêts à
débuter les échanges, donc je cède la parole au ministre.
M. Drainville : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous deux pour la présentation. J'aimerais
ça qu'on aille sans plus tarder sur le programme de soutien au comportement
positif. Vous avez raison de dire que M. Égide Royer nous en a parlé. Vous
avez dit, si je ne me trompe pas, M. Bissonnette, que vous aviez contribué
à l'implanter dans un centre de services scolaire sur trois au Québec.
Pouvez-vous nous donner une idée de ce que c'est que ce programme de soutien au
comportement positif?
M. Bissonnette (Steve) : Oui.
Bien, c'est d'abord un programme qui s'adresse à toute l'école entière, dont le
but est de restructurer la gestion de comportement pour essayer de maximiser le
temps que l'élève va passer en salle de classe. Si vous connaissez un peu le
fonctionnement des écoles secondaires, dans beaucoup d'écoles, il y a ce qu'on
appelle des locaux pour retirer les élèves quand les élèves, malheureusement,
ne se comportent pas comme ce qui est attendu en salle de classe. À partir du
moment où on restructure la gestion de comportement, on essaie d'abord et avant
tout de bien identifier quels sont les comportements qu'on désire observer de la
part des élèves, ensuite, on enseigne ces comportements-là au même titre qu'on
enseigne la lecture, l'écriture puis les mathématiques, on valorise les élèves
qui adoptent ces comportements-là. Donc, on fait tout un volet qu'on appelle
préventif.
Et, quand la prévention ne marche pas,
bien, il faut qu'on soit capables de décider, en équipe-école, si,
malheureusement, un élève fait un choix qui n'est pas le bon, comment on va
intervenir avec lui, quelles sont les différentes façons de faire, et qu'on soit
cohérents, qu'on harmonise nos pratiques au sein de l'école comme un bon père
puis une bonne mère de famille. Quand papa puis maman disent la même chose,
Frédéric puis Samuel s'enlignent les flûtes, c'est la même chose à l'intérieur
d'une école.
Donc, quand un corps professoral, avec ses
professionnels, avec une direction d'école, décide de gérer les comportements
d'une façon assez harmonisée, Mario parlait de l'efficacité des écoles, c'est
un domaine qu'on étudie depuis au moins une trentaine d'années, les écoles qui
ont du succès dans les milieux défavorisés, l'une des principales
caractéristiques, c'est l'harmonisation des pratiques. Donc, quand on s'en va
observer, que ce soient les professionnels ou les enseignants, d'une classe à
l'autre, avec une grille d'observation, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup plus
d'éléments semblables d'une classe à l'autre que de différences.
M. Drainville : et
comment on implante ça? En fait, j'ai bien compris qu'il fallait que ça
devienne une espèce de culture de l'école, là, qui est partagée par tous, un
système de valeurs, en fait, qui est partagé par tout le personnel scolaire.
Mais comment on implante ça dans une école? Est-ce que c'est, par exemple, lors
des journées pédagogiques? On prend du temps, justement, sur un certain nombre
de journées pédagogiques pour discuter de ce qui sous-tend ce programme de
soutien au comportement positif? Comment, très concrètement, là?
• (15 h 40) •
M. Bissonnette (Steve) : Bon.
Habituellement, ce qui... la façon dont ça se passe, c'est les milieux qui vont
lever la main pour dire : chez nous, la gestion de comportement représente
un défi. À ce moment-là...
M. Drainville : ...Les
équipes-écoles vont lever la main.
M. Bissonnette (Steve) : Oui,
les équipes-écoles vont lever la main. Et, moi, ce que je leur dis,
c'est : si on veut que le projet puisse se pérenniser à l'intérieur d'un
centre de services scolaire, il faut en faire un projet de centre de services
scolaire. Donc, je rencontre la direction générale, je rencontre l'équipe des
gestionnaires, et ensuite de ça, on leur propose d'identifier deux écoles
pilotes à l'intérieur desquelles on va déployer l'initiative. On rencontre ces
écoles-là, on rencontre le personnel, on demande au personnel de voter,
anonymement, est-ce que, oui ou non, ils veulent nous voir dans leur école sur
une durée de trois ans pour être capables de les accompagner dans la gestion de
comportement. Si on a, minimum, 80 % des gens qui disent oui, on passe à
l'étape suivante.
L'étape suivante, c'est la mesure du
leadership de la direction de l'établissement. Donc, on demande au personnel
d'évaluer, anonymement, est-ce que le directeur d'école a un leadership qui est
reconnu. Si oui, l'étape suivante, on forme un comité comportement à qui on donne
cinq journées complètes de formation précédant l'implantation du système. Et
généralement, ces journées-là peuvent être soit dans...
M. Bissonnette (Steve) : ...dans
des journées pédagogiques, soit dans des libérations de classes, et, ensuite de
ça, on implante le système en septembre suivant, et, une fois qu'il est
implanté, le comité continue de se rencontrer une fois par mois, où on analyse
des données comportementales, combien il y a eu de sorties de classes entre le
mois d'octobre puis le mois de septembre, est-ce qu'on a eu une augmentation,
une diminution, si on a eu une augmentation, est-ce que ce sont deux élèves qui
sont responsables de 80 % des écarts de conduite. Vous comprendrez que ce
ne sera pas les mêmes décisions que si c'est une classe, un niveau, un endroit
dans l'école. Donc, on a vraiment une gestion axée sur les résultats.
Et, une fois qu'on a implanté le premier
palier, bien, ce n'est pas vrai que tous les élèves vont répondre adéquatement
à ces interventions-là. On met en plan des interventions plus spécifiques pour
des élèves qui... malgré un bon premier niveau, ne sont pas suffisantes. Puis,
on fait la même démarche : on reforme ces gens-là, on le met en place. Et
il va y en avoir encore, après cette deuxième année là, des jeunes qui vont
avoir des besoins qui deviennent très particuliers. Donc, on va s'adresser, à
ce moment-là, à ces jeunes-là sous forme d'études de cas. C'est ce qu'on
appelle le modèle de réponse à l'intervention qu'on déploie. Mais c'est
toujours fait avec l'accord du personnel, il n'y a jamais personne qui se fait
entrer ce projet-là dans la gorge, et avec un support important de la direction
de l'établissement, mais aussi des ressources de la commission scolaire. Parce
qu'on demande, au centre de service scolaire, d'attirer des professionnels à ce
système-là qui vont nous voir faire pendant trois ans pour que... L'objectif,
c'est que chaque centre de service scolaire, une fois que nous, on est parti,
parce que l'entente de recherche est terminée, que chaque centre de service
scolaire puisse disposer de ses propres ressources pour être capable de
poursuivre l'accompagnement des écoles qui ont commencé, mais surtout d'être
capable d'aider les nouvelles écoles qui vont lever la main. C'est vraiment
un... ce qu'on appelle un transfert d'expertise.
M. Drainville : O.K. Puis ça
fait combien d'années que vous implantez ce programme de soutien au
comportement?
M. Bissonnette (Steve) : Actuellement,
au Québec, depuis 2009. Ça fait 30 ans que c'est implanté aux États-Unis
dans 25 000 écoles et dans 32 pays sur le globe.
M. Drainville : O.K. Depuis
2009 au Québec?
M. Bissonnette (Steve) : Oui.
M. Drainville : Est-ce que
les résultats sont probants?
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
tout à fait, tout à fait. Je vous annonce les prochains qui vont être publiés,
ça s'est fait en collaboration avec la commission scolaire
Marguerite-Bourgeoys, où on a formé ces gens-là il y a... déjà il y a
longtemps, et c'est maintenant eux qui sont complètement autonomes dans trois
écoles secondaires et une école primaire au-delà de 4 000 élèves après
trois ans d'implantation. Si on prend une mesure avant qu'on débute et après
trois ans, on a diminué le nombre de sorties de classe de 75 % en trois ans.
C'est à peu près du jamais vu sur le plan du comportement au Québec.
M. Drainville : Dans combien
d'écoles?
M. Bissonnette (Steve) : Actuellement,
on en a entre 150 et 200 qui sont formés...
M. Drainville : Non, mais
votre chiffre.
M. Bissonnette (Steve) : Chez
nous, ces chiffres-là sont sur quatre écoles...
M. Drainville : Non, le
75 % de sorties de classe, la baisse de 75 % de sorties de classe
après trois ans, c'est dans combien d'écoles ça?
M. Bissonnette (Steve) : Trois
écoles secondaires, une école primaire, 4 000 élèves.
M. Drainville : Trois écoles
secondaires, une primaire dans Marguerite-Bourgeoys, c'est ça?
M. Bissonnette (Steve) : Oui,
mais on a déjà 25 écoles à Marguerite-Bourgeoys et ce sont les quatre seules
écoles pour lesquelles on a des données qu'on appelle prétest, avant qu'on
commence l'intervention, qu'on soit capable de mesurer en post-test.
M. Drainville : Est-ce que ce
type de formation, programme de soutien au comportement positif... ou ce type
de programme pourrait devenir une formation continue?
M. Bissonnette (Steve) : Tout
à fait, tout à fait. Mais ce qui est important, c'est le volontariat des gens.
Si ces gens-là n'adhèrent pas à ce qui est proposé... Quand on parle
d'harmonisation de pratiques, bien, c'est exactement ça, on se donne des
valeurs communes, on décide des comportements qu'on veut promouvoir du côté des
élèves, on décide de comment on va valoriser les jeunes qui adoptent ces
comportements-là puis on va décider aussi qu'est-ce qu'on fait quand ça ne va
pas. Donc, on doit avoir une forme d'harmonisation entre nous qui implique
nécessairement un volontariat de la part de ces gens-là, puis pas seulement des
enseignants, mais aussi des professionnels puis des directions d'établissement.
C'est vraiment un principe d'harmonie au sein de l'équipe-école.
M. Drainville : O.K.
Évidemment, on a un enjeu, actuellement, dans les classes... pas dans les
classes, mais dans les écoles québécoises. On voit qu'il y a des comportements,
on va dire, agressifs qui sont à la hausse, élève contre élèves, élève contre
enseignant, élève contre autre membre du personnel scolaire. On a même vu des
comportements d'enseignants, comment dire, manifester verbalement une certaine
forme d'agressivité, que je dirais, envers les enfants. Est-ce que vous êtes en
train de nous dire que, si on implantait ce programme de soutien au
comportement positif dans l'ensemble des écoles québécoises, on verrait
probablement une diminution de ce niveau d'agressivité chez les enfants dans
les écoles, dans les...
M. Drainville : …classe.
Est-ce que c'est ça que vous nous dites?
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
si on respecte les conditions importantes liées à l'implantation de...
M. Drainville : Avec
l'adhésion évidemment du personnel scolaire?
M. Bissonnette (Steve) : À
date, c'est ce que nous, on voit.
M. Drainville : O.K.
Pouvez-vous juste me redire la citation que vous avez utilisée à un moment
donné : «Ce qu'on ne mesure pas...
M. Bissonnette (Steve) : On
ne peut pas le changer.
M. Richard (Mario) : ...
M. Drainville : «On ne peut
pas améliorer ce qu'on ne mesure pas.» Je trouvais ça pas pire, ça. “On ne peut
pas améliorer ce qu'on ne mesure pas. »
M. Richard (Mario) : C'est la
base de tout ce qui touche l'utilisation des données probantes, puis ce que...
Je me permets d'ajouter, en ce qui concerne le programme SCP, ce qui est
intéressant aussi... On se parlait de conditions... de principes, finalement,
pour que la formation continue fonctionne, bien, la raison pour laquelle ce
programme-là fonctionne, c'est qu'il respecte ces conditions-là. Steve
mentionnait tantôt qu'on ne veut pas passer ce programme-là de façon
obligatoire aux enseignants. Il faut vraiment qu'il y ait une adhésion du
personnel. Il faut vraiment qu'il y ait un travail important de fait aussi du
côté de la direction, c'est majeur.
M. Drainville : Qui a cette
spécialité de 30 ans en formation efficace ou... le programme en
efficacité des écoles? C'est vous, M. Richard, non?
M. Richard (Mario) : Oui.
M. Drainville : C'est ça,
hein? Vous savez que le... l'enseignement efficace, le concept de
l'enseignement efficace ne fait pas tout à fait consensus. Comme vous savez, il
y a un immense débat autour de l'enseignement efficace qui fait peur, je pense
qu'on peut dire ça, qui fait peur à beaucoup de personnes qui oeuvrent dans le
secteur de l'éducation, dans la sphère de l'éducation. Pouvez-vous nous
expliquer d'abord c'est quoi, l'enseignement efficace, et nous expliquer ce
pour quoi, à votre avis, cela suscite une telle controverse, pour ne pas dire
une telle polarisation?
M. Richard (Mario) : Bien, le
concept d'efficacité à la base, c'est un concept qui est polarisant parce qu'à
partir du moment où on se parle d'efficacité, l'inverse, c'est l'inefficacité.
Ça fait que c'est déjà au départ... Quand on travaille avec des enseignants, il
faut faire attention sur la façon dont c'est présenté. Parce que, dans le fond,
la question qu'un enseignant va toujours se poser, quand on se parle
d'efficacité, c'est : Est-ce que moi, je suis efficace ou est-ce que je ne
le suis pas? Et ça peut-être très confrontant à partir du moment où je vois
qu'il y a des pratiques qui pourraient être améliorées. Mais je ne veux surtout
pas que les enseignants se sentent invalidés.
Donc, quand on se parle d'enseignement
efficace, rapidement, ce qui est important à avoir en tête, c'est que ce n'est
pas une théorie qui a été inventée par un chercheur dans son bureau, ce sont finalement
des démarches qui ont été faites au départ par un chercheur dans les
années 70, qui s'appelle Barak Rosenshine, qui est allé observer des
enseignants déjà efficaces en salle de classe. Comment on a déterminé que ces
enseignants-là étaient efficaces? En fait, c'est une très bonne question,
c'était, finalement, sur la base des résultats des élèves. On est allés voir
dans les classes où, finalement, ces enseignants-là amenaient les élèves à
avoir les apprentissages, les meilleurs, et ce qu'on a constaté, ce que
Rosenshine a constaté en observant ces enseignants-là, c'est qu'il y avait des
pratiques qui étaient communes chez ces enseignants-là, et ça s'est fait autant
au primaire qu'au secondaire. Donc, à partir de ces premières observations là,
Rosenshine s'est dit : Bien, si les enseignants efficaces procèdent de
cette façon-là... puis, quand on se parle... je vais vous donner un exemple,
par exemple, les enseignants efficaces vont poser beaucoup de questions, vont
donner beaucoup de rétroaction. Ils vont mettre en place ce qu'on appelle une
démarche d'enseignement explicite. Puis ça se faisait de façon naturelle. Il
s'est dit : On pourrait former des enseignants novices pour vérifier... si
on leur donne finalement une formation à partir de ces pratiques-là qu'on a
identifiées, este-ce que... si on compare un groupe d'enseignants novices qui a
été formé avec un groupe qui n'a pas été formé, est-ce qu'on va... est-ce qu'on
va constater que les enseignants novices sont meilleurs, ont un impact plus
grand chez les élèves? Et c'est ce qui a été constaté dans un deuxième temps.
Et ensuite, graduellement, on est allé vers une généralisation de ce type de
pratique là, c'est-à-dire on est allé voir... on a commencé avec quelques
classes, on est allé graduellement avec des écoles pour en arriver finalement,
actuellement, avec plusieurs centaines de milliers d'enseignants pour lesquels
on a des résultats en ce qui concerne les pratiques d'enseignement efficaces.
• (15 h 50) •
Donc, ce qu'il faut avoir en tête, c'est
que ces pratiques là, finalement, sont des pratiques qui ont été observées chez
des enseignants qui étaient déjà efficaces. Ça fait que ce qui est intéressant,
quand on rencontre des enseignants, ce qu'on leur dit, finalement, c'est qu'on
en a dans nos écoles, des enseignants efficaces... la formation qu'on va vous
offrir va vous permettre premièrement de valider les pratiques que vous
utilisez déjà, puis de comprendre pourquoi elles sont efficaces. Parce que ce
qui est important, c'est d'avoir un rationnel. Ensuite, dans un deuxième temps,
d'identifier possiblement des pratiques que vous utilisiez, mais de façon
sporadique, ne sachant pas qu'elles étaient nécessairement efficaces. Puis,
dans un troisième temps, bien, carrément d'identifier des pratiques nouvelles.
Ça fait que c'est de cette façon-là qu'on travaille en enseignement efficace,
mais comme je le disais tantôt, ce qu'on ne veut surtout pas, c'est d'invalider
les enseignants. Ce qu'on veut, c'est qu'ils voient finalement qu'il y a déjà
certaines pratiques qu'ils utilisent qui sont efficaces puis qu'ils peuvent
continuer dans ce sens là.
M. Drainville : M. Richard,
pourquoi ça fait controverse?
M. Bissonnette (Steve) : Bon,
à partir du moment où, M. Drainville, on identifie par exemple, qu'en
lecture...
M. Bissonnette (Steve) : ...la
meilleure façon d'apprendre aux enfants à écrire... La meilleure façon
d'apprendre aux enfants à lire, c'est d'avoir une approche centrée sur le code
écrit, hein, ce qu'on appelait dans le temps le décodage. Bien, vous
comprendrez qu'à partir du...
M. Drainville : ...les
syllabes?
M. Bissonnette (Steve) : Oui,
oui, c'est ça. Le nom des lettres, le son produit par les lettres, la fusion
puis la segmentation. À partir du moment où on décide d'identifier que telle
méthode a plus de succès sur l'apprentissage des élèves qu'une autre et que
moi, ce que j'enseigne, ce n'est pas cette méthode-là, qu'est ce qu'on va
faire?
M. Drainville : Bien, c'est
questionnant
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
est-ce qu'on va avoir l'humilité de dire : Je me suis trompé? Pas certain.
Pas certain.
M. Drainville : Est-ce que
l'enseignement efficace est enseigné dans nos facultés d'éducation,
présentement?
M. Bissonnette (Steve) : Très
peu. Très peu.
M. Richard (Mario) : Non, on
pourrait dire... pratiquement pas.
M. Drainville : Pourquoi?
M. Richard (Mario) : Je vous
dirais qu'il y a des positions idéologiques en enseignement, particulièrement
dans les facultés d'éducation, puis c'est clair qu'en regardant ce qui se passe
dans les médias présentement, on le constate beaucoup. Les données probantes
font énormément réagir, puis le concept d'efficacité, comme je disais tantôt,
fait réagir aussi. Ce qu'on... ce à quoi...
M. Drainville : Parce qu'il
est trop axé sur les résultats? Dans l'esprit des gens qui n'aiment pas le
concept d'enseignement efficace, ils n'aiment pas l'idée que ce soit axé sur
les résultats, et ce qu'elles nous disent, ces personnes-là, puis je respecte
tout à fait leur point de vue, là, il y a un dialogue, là, ce qu'elles disent,
c'est que, si tu axes ton enseignement sur les résultats, tu vas être tenté,
par moments, de jouer avec les résultats, de manipuler les résultats pour
démontrer que ton enseignement est efficace. Et donc il y a une espèce de...
comment dire, un biais, un biais qui est introduit par l'enseignement efficace
parce qu'il crée la tentation de jouer avec les résultats pour montrer que ton
enseignement est efficace. Qu'est-ce que vous répondez à ça?
La Présidente (Mme Dionne) : En
30 secondes.
M. Richard (Mario) : Bien, en
30 secondes, c'est une position qui est très discutable parce que, finalement,
je reviens à ce que je disais tantôt, les pratiques d'enseignement efficace ont
été observées chez des enseignants qui sont déjà efficaces. Ça fait qu'à
quelque part, à partir du moment où on commence à les utiliser, ces
pratiques-là, les résultats, ce que les enseignants vont voir, c'est qu'ils
vont voir aussi chez eux, même, une amélioration de leur sentiment
d'auto-efficacité. Et c'est cet élément-là sur lequel on veut aussi tabler. Ce
n'est pas juste une question de pouvoir démontrer de façon systématique qu'il y
a une amélioration des résultats, même si c'est ce qu'on vise, mais ce qu'on
vise, c'est que les apprentissages des élèves soient meilleurs. Ça fait que,
finalement, les...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. On poursuit les échanges, mais, cette fois, je cède la parole à Mme
la députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour et bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec.
Monsieur Bissonnette, est-ce que je me trompe ou je vous ai vu à l'émission
J.E.?
M. Bissonnette (Steve) : Oui.
C'était bel et bien moi.
Mme Rizqy : Parfait. Et vous,
vous avez mis beaucoup de temps de recherche sur les enseignements pour le
comportement positif puis réduire les actes de violence dans les écoles.
M. Bissonnette (Steve) : Exact.
Mme Rizqy : Dans les derniers
mois, je me suis beaucoup attardé à cet enjeu. J'ai fait des demandes d'accès à
l'information, et c'est un peu partout au Québec, des incidents de violence.
Non seulement le nombre a augmenté, mais l'intensité aussi a augmenté. J'essaie
de comprendre d'où vient, justement, autant de violence en ce moment.
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
c'est très... c'est probablement multisystémique, là, mais, quand j'ai commencé
ma carrière, on m'appelait habituellement pour venir aider des jeunes de
troisième secondaire. Ensuite, ça a été des jeunes de première secondaire, et
maintenant c'est des enfants au préscolaire, donc...
Mme Rizqy : Au préscolaire...
M. Bissonnette (Steve) : Au
préscolaire.
Mme Rizqy : Parce que je pense
que ce que vous dites est très important, parce que ça rejoint ce qui est
dénoncé par beaucoup de personnel qui dit : Ça commence même, maintenant,
à la maternelle.
M. Bissonnette (Steve) : Oui,
tout à fait. C'est-à-dire qu'il y a des enfants qui arrivent à l'école, qui
malheureusement n'ont pas appris le mot «non», qui n'ont pas appris à être
minimalement attentifs lorsqu'un adulte donne une consigne. Et là je ne suis
pas en train de blâmer les enfants, là. Ce que nous, on dit, c'est que s'ils ne
l'ont pas appris, on doit leur enseigner, et, lorsqu'ils le font bien, on doit
les valoriser puis l'encourager.
Mme Rizqy : M. Bissonnette,
j'ai été vraiment stupéfaite par une autre demande d'accès à l'information, qui
concerne les armes saisies par différents corps de police. Je veux juste vous
donner les chiffres de la Sûreté du Québec, pas Montréal, Laval, Sûreté du
Québec, dans les écoles, pas à la maison, à l'école : armes de poing,
pistolets, revolvers, 37; autres armes ou objets pour étrangler, poison ou
poivre de cayenne, 77; pistolets à plomb, 12; pics, haches, épées, lames de
rasoir, 13; carabines ou fusil, 68; couteaux, 196; poings américains, 10. Je
profite de votre passage ici parce que vous avez une expertise : Comment
on est rendu là?
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
comme je le disais, il y a certainement une... Il ne peut pas y avoir une seule
explication, là, mais ce qu'on constate, c'est que les jeunes qui arrivent à
l'école semblent avoir des besoins de plus en plus grands et...
M. Bissonnette (Steve) : ...Si
on veut être capables d'avoir des résultats à court, moyen, mais surtout à long
terme, plus on va intervenir tôt avec les petits, en prévention, non seulement
pour les... Pour bien les préparer à entrer en première année, mais aussi sur
le plan comportemental. Richard Tremblay, à l'Université de Montréal, avait
déjà, dans les années 80, montré l'efficacité d'un programme de
prévention, où, lorsqu'on travaille avec des jeunes qui arrivent en milieu
scolaire et qui ont des vulnérabilités sur le plan du comportement, quand on
les prend en main, qu'on les suit de près et qu'on leur montre le... Ce qu'on
pourrait appeler du savoir vivre ensemble, là, on a des effets à court, moyen
et même à long terme sur la diplomation, sur la reprise d'années. Donc, la
recherche, elle est là pour être capable de nous pointer ce qu'il faut faire.
Mais j'en profite pour revenir, parce que
je suis tannant puis je suis vieux puis je radote à mon âge, l'INEE doit avoir
un mandat clair de suivre l'implantation de n'importe quel programme, que ce
soit sur le comportement. Puis j'en profite, hier, je pense que
M. Drainville a annoncé quelque chose au niveau de l'écriture puis
l'orthographe, génial. Les intentions sont nobles. On doit suivre qu'est-ce qui
va être implanté dans les écoles, comment ça s'implante. Il faut documenter le
tout puis il faut mesurer est-ce que... Les objectifs qu'on se fixe, est-ce
qu'on est en train d'atteindre les cibles. On ne peut pas se permettre de
répéter ce qui s'est passé avec la réforme de l'éducation. Je ne peux pas être
plus clair que ça.
Mme Rizqy : ...Mais,
hier, je présidais la CAP, puis le Conseil du trésor nous apprenait qu'il n'y
avait pas de plan d'action pour suivre les recommandations au ministère de
l'Éducation. Mais je ne veux pas vous faire rager.
Mais j'ai une petite question :
est-ce qu'on vous a consultés pour le plan d'action contre les violences?
M. Bissonnette (Steve) : Non.
Mme Rizqy : O.K. ça
serait peut-être utile de... D'ajouter M. Bissonnette à la liste des gens,
des intervenants, parce que je crois que son... Je crois sincèrement en votre
expertise, et on pourrait aider. Mais, aussi, tantôt vous avez fait... vous
avez dit quelque chose que j'aime beaucoup : on ne peut pas améliorer ce
qu'on ne mesure pas. J'ai fait une demande d'accès à l'information pour être
capable de connaître le portrait de la situation dans tous les ensembles des
écoles du Québec. Deux problèmes. Premier constat, j'ai eu des... notamment,
Marguerite-Bourgeoys, qui m'a répondu : On ne compile pas ces
statistiques-là. C'est très surprenant. Donc, on ne peut pas mesurer,
effectivement, si votre approche a fonctionné ou pas, parce que, de leur côté,
ils ne mesurent pas. Mais, d'autre part, deuxième constat, c'est à géométrie
variable, la façon même qu'on définit un acte de violence, donc on ne part pas
avec la même définition. Et, troisième constat, certains vont être très
précis : nous, on a eu 12 incidents, 150, 2 400 incidents, et d'autres
vont dire : plus de 50 incidents, donc est-ce que c'est 51 ou est ce
que... 2 000?, je ne le sais pas. Donc, ça, c'est quelque chose que je
crois que, dans tous les cas, dans les données probantes, je crois qu'il est
important et impératif d'avoir des définitions qui sont claires, mais aussi que
la cueillette de données soit uniforme. Et, ça, déjà le ministère de
l'Éducation pourrait l'instaurer.
Vous me permettez de parler de l'INEE?
M. Bissonnette (Steve) : Oui.
Mme Rizqy : Avez-vous eu
connaissance de la loi habilitante de l'INESS au niveau de la santé publique?
M. Bissonnette (Steve) : Un
peu.
Mme Rizqy : Ici, il est
vraiment question, dans l'INESSS, là, d'une indépendance claire, où est-ce que
l'INESSS peut faire les recherches qu'elle veut. Le ministère n'est pas... Le
ministre, le sous-ministre n'est pas en concertation avec eux. Mais évidemment,
le ministre de la Santé peut toujours demander des mandats de recherche à
l'INESSS, ça, ça... mais j'imagine que, vous, ce serait dans cette optique-là
qu'on devrait être plus collés à l'INESSS puis d'assurer une indépendance
totale, là?
M. Bissonnette (Steve) : Tout
à fait, la plus grande indépendance possible. Mais j'insiste sur le fait de
dépasser la production de synthèse de recherche. Parce qu'écoutez, là, aux
États-Unis, en France, en Angleterre, en Australie, si on veut savoir c'est
quoi, les meilleures façons d'enseigner la lecture, c'est déjà disponible, là,
même si on ne parle pas la même langue, il y a plus de ressemblances que de
différences.
Moi, je trouve que l'apport le plus
intéressant de cet organisme-là, c'est qu'à partir du moment où on déploie des
choses nouvelles à l'intérieur des écoles, il faut mesurer l'implantation le
plus rigoureusement possible et mesurer les effets. Et, si ce que l'on observe
ne correspond pas à ce qui est voulu, bien, il ne faudrait pas attendre
20 ans avant que les choses changent, là. Puis, c'est toujours animé par
des bonnes intentions, la réforme était animée par des bonnes intentions. Mais,
quand le Maroc, avec lequel je travaille, regarde les résultats d'ici, là,
devinez ce qu'ils en pensent.
• (16 heures) •
Mme Rizqy : Je ne suis
pas bonne pour deviner, mais, si vous voulez nous éclairer?
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
c'est-à-dire que les gens disent : bien, les résultats ne semblent pas
être si au rendez-vous que ça puisque les élèves réformés sont moins
performants que les élèves qui ne l'étaient pas. Mais, en même temps, si l'INEE
avait été là, moi, je suis convaincu que nous n'aurions pas vécu la même chose,
je suis certain de ça, surtout si on évalue la qualité de l'implantation, puis
les effets qui sont observés, qu'on a le courage de nommer ce qui est à nommer,
qu'on fait les ajustements et qu'on remesure. On devrait avoir une phobie de la
mesure et une phobie des données pour être capables de faire un pilotage.
Mme Rizqy : Est-ce que
le projet de loi devrait justement avoir...
16 h (version non révisée)
Mme Rizqy : ...un bilan après
trois ans d'implantation de l'INEE
M. Bissonnette (Steve) : J'aurais
le goût de dire un bilan après un an.
Mme Rizqy : Après un an.
Après, vous serez au rendez-vous.
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
le plus rapidement possible. Il faut savoir si ça marche ou ça ne marche pas, c'est...
Mme Rizqy : Donc, après un
an, on devrait ajouter le bilan. Parfait. On pourra l'ajouter comme...
M. Richard (Mario) : Il faut
s'appliquer la même médecine si... Il faut être cohérent parce que sinon,
finalement, on prêche dans le désert, là. Ça n'a pas de sens, là.
Mme Rizqy : Puis si vous me
permettez, juste parce que c'est un point qui... vous comprendrez que je suis
convaincue que, peu importe les méthodes d'enseignement, pour moi, l'éléphant
dans la pièce, présentement, à l'école, c'est l'acte de violence parce que,
tantôt vous avez fait mention, il y a, par exemple, l'élève qui peut être
violent envers son enseignant ou tout autre membre du personnel de l'école mais
aussi entre eux, mais tous les autres qui assistent à cet acte de violence sont
aussi des témoins et sont aussi victimes de cette violence, et on perd aussi
des heures d'enseignement, et il me semble que... Le ministre dit souvent qu'on
est capable de faire plusieurs choses en même temps, qu'est-ce qu'on devrait
faire maintenant pour réduire de façon significative cette montée de la
violence dans nos écoles?
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
c'est-à-dire qu'on ne peut pas... Le réflexe lorsqu'un élève commet un impair,
et plus l'impair est grave, plus on a tendance à se diriger rapidement vers des
mesures répressives puis des mesures coercitives, puis je ne dis pas qu'il faut
tolérer ce qui n'est pas tolérable, là, mais si on veut éviter ce genre de
comportement là, plus on va travailler en prévention, plus on va miser sur...
Si je ne... quand moi je travaille avec les écoles, là, puis je suis présent
dans les écoles à toutes les semaines, c'est facile pour les gens de dire qu'est-ce
qu'on ne veut pas comme comportement, mais moi je leur dis ça serait important,
dans les codes de vie, de dire aux élèves c'est quoi qu'on veut. Arrêtons d'avoir
une liste d'interdits. Identifions c'est quoi les comportements qu'on veut
obtenir. Présentons ces comportements-là aux élèves. Puis on ne le fait, en
passant, pas seulement au primaire, hein, j'ai travaillé avec le Pavillon-de-l'Avenir
qui est dans le comté de Mme, qui est un centre de formation professionnelle,
avec l'équipe de cuisine, des enseignants de cuisine, les adultes avaient des
problèmes avec l'absentéisme, le respect entre eux, le respect avec les profs,
on a enseigné à des adultes qui apprennent la cuisine c'est quoi les bons
comportements d'un chef cuisinier, on les a enseignés, on les a modelés, on les
a pratiqués, puis on les a valorisés.
Mme Rizqy : Dans mon dernier
10 secondes, moi, j'ai découvert, M. Bissonnette, à la télévision, en
entrevue, je suis sincère, il devrait être, M. le ministre, ajouté dans votre
groupe de réflexion pour lutter contre les violences, avec son expertise.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
Mme la députée. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal :
Merci beaucoup. Merci beaucoup, messieurs,
pour votre présentation. Je... Est-ce que vous avez parlé du Conseil supérieur
de l'éducation?
Une voix : ...
Mme Ghazal : Le Conseil
supérieur de l'éducation. J'aimerais ça savoir votre avis puisque le projet de
loi va, en fait, va abolir une partie de sa mission, là, qui...
M. Richard (Mario) : Bien,
écoutez, du côté du Conseil supérieur de l'éducation, si on regarde, par
exemple, la position qui avait été adoptée par le groupe de travail, puis ce
qui était recommandé finalement, c'était de maintenir le conseil dans ses
orientations. Le Conseil supérieur de l'éducation a des orientations plus de
consultation et c'est intéressant d'y aller de cette façon-là, le conseil,
finalement, va aussi, au niveau de sa composition, quand on regarde qui est...
on a des parents, on a des intervenants à différents niveaux, donc cette
orientation-là du Conseil supérieur de l'éducation nous apparaît complémentaire
à celle de l'INEE. Donc, nous, ce qu'on pense, c'est qu'il y a de la place pour
ces deux instances-là avec...
Mme Ghazal : Est-ce que vous
en parlez dans votre mémoire? Je n'ai pas vu...
M. Richard (Mario) : Non, on
n'en a pas parlé.
Mme Ghazal : O.K. Donc, mais
là je suis contente, donc, que vous l'affirmiez parce qu'il y a un consensus,
même les idéateurs, là, de l'INEE disaient qu'il n'y a personne qui a demandé
que le Conseil supérieur de l'éducation soit aboli, puis ce n'est pas l'INEE
qui va faire ça, il y a l'aspect plus démocratique, là, que vous parliez.
J'ai une question par rapport aux données
probantes, est-ce que... En fait, j'ai deux questions, mais j'ai très peu de
temps. Est-ce que ça peut être applicable partout? C'est-à-dire c'est comme
voici la recette, ah, magie, il n'y a plus de problèmes de comportement
partout. Puis aussi, puis ça, c'est... les enseignants nous le disent souvent,
ils disent : Là, la réussite des élèves, je comprends que moi, comme
enseignant ou enseignante, j'ai une grande part là-dedans, mais il y a toutes sortes
de facteurs que moi, je ne peux pas contrôler, puis ce n'est pas parce que j'applique
une méthode pédagogique que tous les élèves partout, même si j'adapte ma
méthode pédagogique en fonction des élèves, que ça va marcher pour tout le
monde, parce qu'il y a des facteurs autres que, moi, je ne contrôle pas, que l'école
ne contrôle qui aussi déterminent la réussite des élèves. Est-ce que vous êtes
d'accord avec ça?
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
c'est-à-dire qu'il faut aller voir la littérature sur les écoles de milieux
défavorisés. Pierre Collerette a produit avec Gilles Pelletier une enquête
auprès de 11 centres de services scolaires, 15 000 élèves, 228 écoles,
et il a été capable de montrer que l'indice de défavorisation des écoles et le
rendement des élèves en sixième année, le rendement aux épreuves
ministérielles, le milieu socioéconomique est un piètre prédicteur...
M. Bissonnette (Steve) : ...un
piètre prédicteur du rendement scolaire. On a, dans la majorité de nos écoles,
au Québec, des écoles de rang 10 qui, dans certains cas, vont faire mieux
qu'Outremont rang 1. Donc, est-ce que l'école peut faire une différence?
Cette littérature-là, elle existe depuis le début des années 70, et la
réponse, c'est oui. Puis j'aurais le goût de dire heureusement. Si un élève
était dans un milieu défavorisé et qu'il était condamné à l'échec scolaire, ça
n'aurait aucun sens. Donc, la bonne nouvelle, c'est que l'enseignant peut faire
une différence.
Mme Ghazal : Est-ce que ça
fait consensus, ce que vous dites-là, dans la science?
M. Bissonnette (Steve) : Dans
la littérature scientifique, oui.
La Présidente (Mme Dionne) : En
10 secondes.
Mme Ghazal : Mais dans... au
Québec, ça fait consensus, ce que vous dites, là?
M. Bissonnette (Steve) : Dans
le milieu universitaire, pas nécessairement.
M. Richard (Mario) : ...on se
parle des travaux sur l'efficacité des écoles, puis ça, c'est quelque chose qui
est bien documenté.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. C'est tout le temps qu'on a. Je dois céder la parole, maintenant, au
député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Messieurs, bienvenue à l'Assemblée nationale. Deux questions. Vous
revenez longuement, dans votre mémoire, sur les effets négatifs du renouveau
pédagogique quant aux résultats des élèves du Québec en comparaison avec ceux
de d'autres pays. Vous avez cité des enquêtes, des études du début des
années 2000. En 2009, les tests PISA confirmaient que les élèves québécois
figurent régulièrement en tête de classement mathématiques, lecture. Comment on
explique ça que les tests Pisa confirment la bonne performance du système
d'éducation au Québec en lien avec les affirmations que vous faites dans votre
mémoire?
M. Bissonnette (Steve) : D'abord,
la première explication, c'est que les pratiques pédagogiques qui avaient été
proposées au tout début de la réforme, pour les vieux qui se rappellent de ça,
mais vous êtes tous des jeunes, peut-être que vous ne vous en rappelez pas,
mais c'était d'abord et avant tout travailler en projets, travailler en
collaboration et beaucoup découvertes. On demandait à l'enseignant d'enseigner
le moins possible. Plus la réforme s'est déroulée et qu'on a commencé à avoir
des résultats négatifs, déjà avec la table de pilotage en 2006-2007, et que la
réforme s'est transposée au secondaire, Robert Bisaillon, qui était
sous-ministre à l'époque, avait été obligé de dire : La réforme n'est pas
de la pédagogie de projets et n'est pas de la pédagogie de la découverte. Et
les gens du secondaire, particulièrement du secondaire, sont revenus à des
pratiques qu'ils connaissaient auparavant. Et, avant la réforme, le Québec
était aussi dans le peloton de tête, avant, mais, quand on a commencé la
réforme, si vous avez lu le mémoire, on a dégringolé... en maths et en
sciences. En maths, ça a été la plus grande dégringolade de tout ce qui avait
été fait, et, en sciences, on est... la Norvège a fait pire que nous, après ça,
c'était nous. Donc, on s'est éloignés...
La Présidente (Mme Dionne) : Je
m'excuse, je m'excuse vraiment de vous interrompre.
On a un vote au salon bleu, alors je dois
suspendre les travaux le temps du vote.
(Suspension de la séance à 16 h 09)
(Reprise à 16 h 28)
La Présidente (Mme Dionne) : Donc,
rebonjour. La Commission de la culture et de l'éducation reprend ses travaux.
Juste avant de recommencer, est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre nos
travaux au-delà de l'heure prévue, soit autour de 18 h?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Dionne) : Consentement,
tout le monde? Parfait. Alors, je cède la parole à M. le député de
Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci. Donc, si
j'ai bien suivi votre raisonnement, le Québec était en tête des classements
avant la réforme pédagogique. Les résultats sont descendus pendant
l'application de la réforme puis, depuis quelques années, sont remontés au
niveau d'avant la réforme. On peut...
Une voix : ...
M. Bérubé : On peut dire ça.
C'est comparable. Donc, en ce qui concerne les pratiques d'enseignement et de
formation des enseignants, où est l'urgence de proposer une nouvelle réforme
comme celle présentement à l'étude, selon vous?
M. Bissonnette (Steve) : Bien,
c'est-à-dire que... On est déjà dans le peloton de tête avec des pratiques
qu'on avait l'habitude d'utiliser auparavant. Imaginez si on appliquait les
pratiques les plus probantes...
M. Bérubé : À jour.
M. Bissonnette (Steve) : ...on
serait premiers.
M. Bérubé : On est capables
d'être numéro un.
M. Bissonnette (Steve) : C'est
clair. Clair.
M. Bérubé : Très bien. Est-ce
qu'il y a un élément que vous n'avez pas pu aborder que vous aimeriez aborder?
Il ne reste pas beaucoup de temps, mais je vous laisse cet espace-là. Un élément
de votre mémoire ou quelque chose qui n'a pas été abordé.
M. Bissonnette (Steve) : Je
répète : Impliquer l'INEE dans à peu près tout ce qui touche
l'implantation de mesures nouvelles, pour mesurer la qualité de l'implantation,
évaluer les effets le plus rapidement possible, faire les ajustements et
remesurer, remesurer. On doit avoir une culture des données. On ne peut pas
changer ce qu'on ne mesure pas. Voilà.
M. Richard (Mario) : Moi,
j'ajoute l'importance de rendre ces données-là transférables en salle de
classe.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup.
M. Richard (Mario) : Il faut
les accompagner, les enseignants.
M. Bérubé : Merci à vous
deux.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, M. Richard, M. Bissonnette, pour votre contribution.
Donc, la commission suspend ses travaux
quelques instants pour accueillir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 16 h 30)
16 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 16 h 33)
La Présidente (Mme Dionne) : La
Commission de la culture et de l'éducation est maintenant prête à reprendre ses
travaux pour la poursuite de nos consultations. Donc, je souhaite la bienvenue
au docteur Julien Prud'homme... au professeur, pardon, Julien Prud'homme. Donc,
M. Prud'homme, vous disposez de 10 minutes pour nous transmettre votre
exposé. Donc, peut-être vous présenter au tout début.
M. Prud'homme (Julien) : Bien,
merci beaucoup. Mon nom est Julien Prud'homme. Merci à toutes et à tous de m'accueillir
ici. Je tiens avant tout à préciser que... bien, je suis professeur, chercheur
directeur au Département des sciences humaines à l'Université du Québec à
Trois-Rivières, membre notamment du Centre interuniversitaire de recherche sur
la science et la technologie. Je tiens à préciser que je ne suis pas chercheur
en éducation, mais bien spécialisé en histoire et en sociologie des politiques,
des sciences, des professions et des ordres professionnels, notamment dans les
secteurs de la santé et de l'éducation au Québec.
L'objectif principal du court mémoire que
j'ai soumis à la commission est essentiellement d'encourager le législateur à
garder le cap vers la création d'un institut national d'excellence en éducation
moyennant, au besoin, certaines précisions ou certains ajustements qui sont
proposés dans les sept recommandations de mon mémoire. La création d'un tel
institut serait tout à fait compatible avec l'expérience qui a été faite dans d'autres
juridictions où l'éducation va bien, comme l'Ontario, la Finlande, l'Australie
ou d'autres lieux, et où les données probantes ont montré qu'elles peuvent être
un outil non seulement pour la réussite éducative, mais aussi plus
spécifiquement pour la justice sociale et pour réduire les inégalités devant l'éducation.
En gros, dans mon mémoire, je dis trois
choses qui sont les suivantes. Le premier message transmis dans ce mémoire, c'est
que... on tend à l'oublier dans l'état actuel du débat public au Québec, mais
on commence à avoir beaucoup d'expérience concrète et beaucoup de données
empiriques sur l'effet des politiques basées sur les données probantes, que ce
soit en santé ou en éducation. On mentionnait l'expérience de l'INESSS, par
exemple, au Québec, et, dans mon mémoire et dans ces annexes, j'évoque d'autres
expériences dans le domaine de l'éducation ailleurs dans le monde. Et ce que
nous disent ses nombreuses expériences et données empiriques, c'est que
plusieurs des craintes parfois un peu alarmistes qu'on a entendues dans les
dernières semaines ne sont pas fondées sur les faits à notre disposition en ce
qui concerne la création d'un institut national d'excellence en éducation et
des politiques de données...
M. Prud'homme (Julien) : ...il
y a certaines des craintes, notamment, qui ont été soulevées dans l'espace
public. L'une qui a été, à raison, là, évoquée tout à l'heure, c'est-à-dire la
crainte que des politiques basées sur les données probantes viendraient
détruire ou réduire la diversité des idées, ou des approches, ou imposer une
approche par recettes, par exemple, donc des recettes uniques dans le domaine
de l'éducation. Ce n'est pas ce que les faits empiriques nous disent. Les
politiques basées sur les données probantes en éducation n'ont pas
empiriquement cet effet, on le sait. On entend aussi souvent la crainte qu'un
institut ou des politiques basées sur les données probantes en éducation
entraîneraient une déprofessionnalisation des... du corps enseignant ou
viendraient miner l'autonomie professionnelle des enseignantes et des
enseignants. Ce n'est pas ce que nous dit l'expérience, ce n'est pas ce que
nous disent les données empiriques à notre disposition.
On pourra revenir là-dessus si vous avez
des questions, mais ce fait me donne aussi l'occasion de rappeler que plusieurs
des mesures qui ont été décrites comme néfastes pour l'autonomie du corps
enseignant, en fait, sont des pratiques, comme, par exemple, le fait de se
référer à des guides ou à des recommandations de pratiques basées sur les
données probantes, le fait de se soumettre à des... un certain nombre d'heures
de formation continue et de faire reconnaître ces formations continues par des
organismes indépendants. Ce sont des mesures qui existent dans les professions
de santé et qui ne nuisent en rien à l'autonomie professionnelle des
professions de santé, y compris de professionnels qu'on croise tous les jours
dans les écoles, comme des orthophonistes, des psychoéducatrices, des
ergothérapeutes ou des psychologues.
Ce que je viens de dire, c'était le
premier message transmis dans mon mémoire. Le second message transmis dans mon
mémoire porte sur ce que j'estime être des points forts à préserver, voire à
renforcer dans le projet de loi qui nous est soumis. J'identifiais trois de ces
points forts à préserver ou à renforcer. Un des points forts était le fait que
la mission attribuée à l'Institut national d'excellence en éducation me semble
bien formulée, axée sur la production transparente de synthèses, de
recommandations. Deuxièmement, les dispositions relatives à la formation
continue et à la possibilité d'un encadrement par l'INEE de la reconnaissance
de cette formation continue seraient quelque chose de tout à fait normal,
souhaitable et d'analogue à ce qu'on trouve dans d'autres professions à l'heure
actuelle. Et finalement, je félicite le fait que le projet de créer un tel
institut soit par ailleurs arrimé à une politique de données en éducation qui
soit robuste et cohérente, et, dans le fond, une façon qui converge avec ce que
disait M. Bissonnette tout à l'heure. Moi aussi à ma recommandation numéro
quatre, je propose un arrimage encore plus explicite entre l'Institut et les
politiques de suivi et de production de données, prévu par ailleurs dans
d'autres dispositions du projet de loi.
• (16 h 40) •
Finalement, le troisième message de mon
mémoire concerne cette fois des améliorations, des précisions, des
bonifications qu'il serait souhaitable d'apporter au projet de loi afin
d'atteindre les objectifs proposés dans ce projet de loi. Pas juste pour des
questions d'acceptabilité sociale, même si on voit que c'est le cas, mais aussi
sur le fond, pour permettre notamment à l'institut prévu d'atteindre ses
objectifs et d'aider le ministère de l'Éducation et la société québécoise à
atteindre ses objectifs en matière éducative. Les trois recommandations sont
les suivantes. La première, c'est d'inscrire dans la loi le fait que le mandat
d'un institut inclurait le fait de recourir à une variété d'approches dans la
production de ses synthèses et recommandations, ce qui viendrait répondre à
beaucoup de préoccupations un peu stridentes mais fondées, qu'on a entendues
dans le débat public et qui correspondraient tout à fait à la réalité et aux
bonnes pratiques en matière de données probantes. Ça rejoindrait des dispositions
qui existent en santé chez l'INESSS et ça rejoindrait aussi des recommandations
qui sont faites, par exemple par l'UNESCO ou d'autres... ou à de vastes pans de
la littérature récente en matière de programmes de données... basés sur les
données probantes en matière d'éducation. Une autre recommandation, qui rejoint
un peu le même esprit, serait d'élargir le travail d'identification des
priorités d'un institut en prévoyant, comme dans la loi de l'INESSS, le fait
que les priorités sur lesquelles devrait travailler l'INEE sont formulées non
seulement en concertation avec le ministère, mais avec une table de
concertation élargie à une variété d'intervenants...
M. Prud'homme (Julien) : ...et
finalement ma dernière recommandation afin, encore une fois, d'aider le projet
de loi et l'institut à atteindre les objectifs annoncés, c'est de renoncer à la
réforme du Conseil supérieur de l'éducation et de retirer en fait tous les
articles relatifs au Conseil supérieur de l'éducation qui sont actuellement présents
dans le projet de loi, notamment pour éviter, bien, de priver le Québec de
l'expertise du Conseil supérieur et aussi pour éviter de parasiter le travail
du futur institut en lui attribuant des missions qui ne sont pas compatibles
avec celles d'un institut tel que l'entendent à peu près tous les idéateurs et
promoteurs de l'Institut national d'éducation, de plus, dans les dernières
années. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup, M. Prud'homme, pour cet exposé. Nous allons débuter
les échanges. Je cède la parole à M. le ministre.
M. Drainville : Merci,
Mme la Présidente. M. Prud'homme n'a pas... n'a pas pris l'ensemble de son
temps. Comment vous le partagez à ce moment-là? Comment ça fonctionne?
Une voix : ...
La Présidente (Mme Dionne) :
Oui, c'est ça. Pour ce qui est de...
M. Drainville : Du
10 minutes?
La Présidente (Mme Dionne) :
...des groupes, dans le fond, ça tombe.
M. Drainville : Ah! ça
tombe? Ça fait qu'on garde le même...
La Présidente (Mme Dionne) :
Ce n'est pas redistribué. Oui, c'est ça. Ça fait que...
M. Drainville : Très
bien. Excellent. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) :
C'est ça. Oui, tout à fait. C'est le temps des membres de la commission qui
est repartagé.
M. Drainville : Aucun
problème. Aucun problème. Oui, sur la question... J'ai trouvé ça très
intéressant quand vous avez dit que les politiques pédagogiques basées sur les
données probantes sont un outil nécessaire pour réduire les inégalités face à
l'éducation. Mautadit! Expliquez-nous comment.
M. Prud'homme (Julien) : Bien,
en fait, il est démontré... M. Bissonnette... En fait, la présentation
précédente l'a évoqué, mais il y a une multitude de recherches qui viennent
d'une multitude d'horizons différents qui montrent que des pratiques
pédagogiques qui ne sont... qui sont mal fondées, qui ne sont pas fondées dans
des données... sur des données probantes ont un effet qui est pire sur les
élèves qui sont déjà vulnérables. Ça a été le cas avec les pratiques
pédagogiques du renouveau pédagogique au Québec. Ce qu'on a constaté, c'est que
non seulement elles n'amélioreraient pas la réussite en général, mais elles
accroissaient les écarts entre ceux... entre les élèves qui allaient bien puis
qui s'en sortaient de toute façon, puis les élèves qui auraient eu besoin de
politiques mieux fondées.
Et ça, c'est l'exemple québécois, mais il
y en a une multitude d'autres qui nous montrent qu'en fait les pratiques
pédagogiques... le choix des pratiques pédagogiques est un facteur structurel
qui détermine les inégalités scolaires. Des mauvaises politiques mal choisies
sont des politiques qui vont faire du mal aux élèves vulnérables. Il n'y a pas
d'autres façons de dire ça.
M. Drainville : M. Prud'homme,
vous venez de dire : Le choix des pratiques pédagogiques va avoir un
impact sur les élèves les plus vulnérables.
M. Prud'homme (Julien) : Oui,
absolument.
M. Drainville : Et c'est
ce que démontrent les données empiriques, là.
M. Prud'homme (Julien) : C'est
ce que démontrent les données empiriques. Et c'est ce qui motive les politiques
basées sur les données probantes dans une multitude d'autres pays comme la
Finlande, comme l'Ontario, dont le choix de passer à des politiques basées sur
les données probantes était précisément motivé par un souci démocratique
d'atténuer les écarts face à la réussite.
M. Drainville : Êtes-vous
d'avis qu'on peut prendre, mettons... Parce que l'institut va dresser l'état
des connaissances scientifiques. Et moi, ma perception des choses, là, il
faudra voir après ça comment l'institut va mettre tout ça en place, mais je
pense qu'il faut envisager un rôle ambitieux pour l'institut. Puis je souhaite,
en tout cas, on verra encore une fois comment l'institut s'organisera, là, mais
dans l'intention que j'ai, mettons, là, dans l'intention que nous avons comme
gouvernement, c'est que cet institut n'hésite pas à aller chercher les
meilleures recherches scientifiques en matière d'éducation ailleurs dans le
monde pour voir ensuite comment on pourrait les appliquer chez nous, quitte à
les ajuster en fonction de notre réalité. Bon. Êtes-vous d'avis que, quand vous
parlez de la Finlande ou l'Ontario, on pourrait utiliser ce qu'ils ont réussi
de bien en matière de pratiques pédagogiques pour réduire les inégalités
sociales et s'en emparer, s'en saisir et les appliquer dans nos classes avec
des ajustements, quoi?
M. Prud'homme (Julien) : Bien,
c'est le projet depuis le début parmi les idéateurs du projet d'institut. En
fait, je pense que l'exposé précédent était assez éloquent à ce sujet. Les
solutions ne sont pas toutes à inventer. Des solutions sont même
raisonnablement bien connues...
M. Prud'homme (Julien) : ...ce
qui nous manque, c'est un outil pour mettre à la disposition du réseau
québécois de l'éducation les solutions qui existent d'une manière qui soit
digeste et qui soit compatible avec la façon dont notre réseau fonctionne.
M. Drainville : Excusez-moi
de vous interrompre, M. Prud'homme, mais il me semble... je suis certain, à la
quantité de personnes qui travaillent dans le milieu de l'éducation, au Québec,
il doit y en avoir deux, trois que vous devez connaître qui sont allés voir ce
qui se passe en Finlande, qui sont allés voir ce qui se passe en Ontario et qui
ont dit : Wow! Ça, ça marche, on devrait l'implanter chez nous. Ça a dû
arriver, ça.
M. Prud'homme (Julien) : Bien
ça, vous n'avez pas besoin de moi pour ça, en fait, parce que les... une
présentation comme celle qui a précédée le montre assez éloquemment. On a parlé
du programme de soutien au comportement positif. Il y a l'équivalent en matière
d'enseignement explicite dans différentes matières. Il existe des programmes
qui sont totalement applicables, adaptables. Il existe une diversité de
solutions aussi qui sont adaptables selon l'autonomie et selon les
particularités de chaque milieu, parce que tous les milieux ne sont pas
pareils. Et ça, des guides, des recommandations, des politiques basées sur les
données probantes permettent à chaque milieu de choisir, parmi les meilleures
solutions disponibles, celles qui sont le mieux adaptées à leur situation
particulière.
M. Drainville : C'est parce
qu'on a l'impression, Monsieur Prud'homme, qu'il y a des chercheurs, dont vous
êtes, ou des spécialistes de l'éducation, là, je... dont vous êtes et dont
étaient les deux intervenants précédents, et ils nous présentent la situation
en nous disant : C'est absolument démontré, il n'y a aucun doute, il y a
des méthodes qui fonctionnent, puis ça donne des très bons résultats, notamment
en matière de lutte aux inégalités sociales, mais on a l'impression que cette
conclusion à laquelle vous adhérez et dont vous êtes le porteur, puis vous êtes
très convaincant quand vous en parlez... on a l'impression qu'elle ne fait pas
consensus dans le monde de l'éducation. En d'autres mots, vous êtes très
convaincu et très convaincant, mais j'ai l'impression qu'il pourrait y avoir
quelqu'un d'autre assis à côté de vous, qui a un background, une expérience en
matière d'éducation qui est aussi phénoménale que la vôtre, qui dirait :
Ce n'est pas vrai, qu'il dit, lui, ce n'est pas vrai, ce qu'il dit, lui.
Comment on est supposés, nous autres, à un moment donné, là... Vous savez?
M. Prud'homme (Julien) : La
fonction d'un institut, d'une politique basée sur les données probantes, c'est
justement de sortir de cette espèce de débat d'opinions qui ressemble à une
discussion de salon pour être capable de s'appuyer sur des synthèses des
résultats probants tels qu'ils existent. Le propre des débats, à l'heure
actuelle, dans l'espace public au... Le débat public, au Québec, sur ces
questions-là est en retard d'une façon déconcertante du fait qu'il ne s'appuie
que très peu sur les réalités empiriques précises. La minute où on commence à
s'appuyer sur des données empiriques, sur des réalités empiriques, sur l'état
réel de la recherche, il n'y a pas photo, là, la disponibilité de solutions en
matière d'éducation, c'est là. La recherche est très avancée et elle est
éminemment applicable, pour autant qu'on ait la capacité d'offrir des synthèses
et des recommandations claires et d'en faire un suivi basé sur un système
harmonisé et utile des données à l'échelle du réseau, comme le projet de loi,
et ça, c'est une de ses grandes qualités, en jette les bases.
M. Drainville : Quand vous
parliez, tout à l'heure, du fait qu'il y avait des données très solides qui
confirmaient l'efficacité de l'enseignement explicite, vous avez dit :
C'est un exemple parmi tant d'autres. Est-ce que vous pouvez nous donner
d'autres exemples comme ça?
• (16 h 50) •
M. Prud'homme (Julien) : (Interruption)
Pardon. L'enseignement explicite, c'est une catégorie générale, mais il y a
différents programmes qui s'appliquent à différents... différents programmes ou
approches pédagogiques qui s'appliquent à différentes disciplines. Là où on a
le plus de résultats probants ou de stratégies qui sont disponibles, c'est dans
le domaine, par exemple, de l'apprentissage de la langue. Ça, à côté de cet
exemple très manifeste qui est le soutien au comportement positif, on a aussi
des données très... comment dire, très utiles, très probantes pour nous
orienter dans... pour faire la différence entre un enseignement, par exemple,
de la langue, que ce soit au préscolaire, au primaire ou au secondaire, de la
langue première, qui fonctionne ou qui ne fonctionne pas. Puis ça, on le sait,
ce n'est pas...
M. Drainville : On le sait,
ça?
M. Prud'homme (Julien) : On
le sait, ça, on le sait, ça. Comme je vous dis, c'est très...
M. Drainville : Puis c'est
vrai pour toutes les langues? Est-ce que c'est vrai pour toutes les langues? Je
veux dire, enfin, est-ce que... Pour toutes les langues...
M. Prud'homme (Julien) : Il
faudrait faire venir un expert en toutes les langues.
M. Drainville : Est-ce que
c'est vrai pour plusieurs langues? Est-ce que c'est vrai pour plusieurs
langues?
M. Prud'homme (Julien) : Oui.
M. Drainville : Tu sais, ça a
été testé dans...
M. Drainville : ...plusieurs
bassins linguistiques.
M. Prud'homme (Julien) : Oui,
parce que la recherche en éducation... puis, encore une fois, il ne s'agit pas
de dire qu'il existe une recette pour chaque langue, mais il s'agit de dire que
les données probantes nous permettent de discriminer, entre les programmes ou
les pratiques pédagogiques qui fonctionnent, celles qui fonctionnent mieux dans
tel contexte et pas dans tel autre contexte, donc il faudrait choisir unetelle
dans tel contexte et unetelle dans tel autre contexte, versus celles dont on
sait qu'elles ne fonctionnent pas particulièrement bien.
M. Drainville : Et, en
résumé, celles qui fonctionnent bien, si... mettons, les deux ou trois éléments
qu'on retrouve dans plusieurs pays où l'enseignement efficace a été utilisé
pour l'apprentissage des langues, les deux ou trois variables qu'on retrouve
partout qui font la réussite de cet enseignement?
M. Prud'homme (Julien) : Bien,
fondamentalement, c'est différentes modalités de l'enseignement explicite. Là,
vous me demandez de sortir un peu de mon champ, ça fait que je ne veux pas
marcher sur les pieds de personne, mais ce qui est certain, c'est qu'à l'aide
de politiques basées sur les données probantes et notamment on a trouvé ça dans
différents... on va trouver ça dans différents avis qui ont été soumis au
ministère de l'Éducation dans les dernières années, on les a, les pratiques,
puis il y en a même qui sont déjà en place au Québec, dans certains centres de
services scolaires, qui ont déjà pris, avant les autres, le virage des
politiques basées sur les données probantes.
M. Drainville : Comme le
Centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys...
M. Prud'homme (Julien) : Marguerite-Bourgeoys,
Rivière-du-Nord, Marie-Victorin. Il y en a quelques-uns qui ont fait office de
pionniers et qui nous permettent encore une fois, au Québec, même pas besoin
d'aller en Finlande, de s'appuyer sur des résultats empiriques.
La Présidente (Mme Dionne) : ...secondes.
M. Drainville : Oui. C'est
très intéressant. Très intéressant.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole à Mme la députée de
Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, Monsieur Prudhomme, bienvenue parmi nous. Tantôt,
vous avez dit que les solutions, elles sont connues, mais on a besoin de mieux
les faire connaître et de les vulgariser, de les diffuser. Donc, au fond, on a
besoin de meilleurs diffuseurs de vulgarisation scientifique qui existe déjà au
Québec.
M. Prud'homme (Julien) : Bien,
de transfert, de formation. Le véhicule de la formation continue est un
véhicule, comme ça a déjà été dit, extrêmement puissant. D'où l'importance de
l'encadrer, en éducation comme dans d'autres secteurs professionnalisés.
Mme Rizqy : En ce moment, il
y a déjà, par exemple, des chercheurs qui font des recherches sur les données
probantes, oui?
M. Prud'homme (Julien) : Oui.
Mme Rizqy : O.K., mais ces
mêmes chercheurs-là ne feront pas nécessairement de la formation, mais
pourraient, par exemple... une fois que leur étude est diffusée, il y aurait
des gens qui pourraient se spécialiser pour faire ces formations, c'est bien
ça?
M. Prud'homme (Julien) : Oui.
Bien, en ce moment, ce qui existe, c'est un système qui est vraiment à la
pièce, c'est-à-dire qu'il y a des recherches qui ne se diffusent pas, il y a
des recherches qui se diffusent. Les recherches qui se diffusent le plus ne
sont pas nécessairement les recherches qui sont les mieux soutenues par les
données probantes, malheureusement.
Mme Rizqy : O.K., mais, quand
vous parlez de diffusion, parce qu'habituellement un chercheur, il publie ses
recherches... Donc, admettons, vous, vous êtes professeur d'université, je suis
allée voir sur votre site, vous avez publié beaucoup d'articles.
M. Prud'homme (Julien) : Oui.
Ça, c'est de la diffusion scientifique auprès des autres scientifiques. La
diffusion qui nous importe, par exemple, pour améliorer non seulement la réussite
mais aussi l'équité devant la réussite scolaire, c'est que les pratiques
pédagogiques efficaces se transforment en pratiques utilisées sur le terrain.
Et ça, ça passe par la formation des enseignants, c'est-à-dire, ça passe par
des enseignants d'une part, qui ont les moyens.
Mme Rizqy : O.K.. Parce qu'il
y a une différence entre diffuser...
M. Prud'homme (Julien) : Absolument.
Mme Rizqy : ...et transformer
en pratiques. Parce que diffuser, c'est dire : Voici les différentes solutions
possibles, alors que, lorsqu'on passe à l'autre étape que vous venez
d'indiquer, c'est où est-ce qu'on indique aux gens : Voici ce qu'on
aimerait qui soit appliqué. Est-ce que vous nuancez là-dessus?
M. Prud'homme (Julien) : Oui.
Bien, en fait, en soi, diffuser, faire des recherches puis les diffuser dans
des revues, c'est le bout facile. Le bout difficile, c'est de les transformer
en pratiques et c'est de s'assurer que les pratiques réellement probantes,
appuyées sur des données probantes...
Mme Rizqy : Qu'on puisse
assurer que les différentes recherches... Parce qu'il n'y aura jamais de
consensus, vous êtes d'accord avec moi, vous êtes dans le monde universitaire,
des consensus... il y a des consensus larges, mais unanimité, moi, je n'ai
jamais vu ça, l'unanimité, mais les consensus très larges, ça existe. Mais
comment qu'on peut s'assurer justement que telle étude ne devienne pas vraiment
appliquée partout, mutatis mutandis, alors que ça se peut que, dans une région,
ça fonctionne, puis dans une autre région, ça ne fonctionne pas avec la
réalité-école?
M. Prud'homme (Julien) : Bien,
il ne s'agit pas de trouver une recette ou un modèle qui s'applique à tout le
monde, mais il s'agit d'aider les acteurs sur le terrain à discriminer entre ce
qui fonctionne puis ce qui fonctionne moins bien, et à savoir quelle solution
peut être le mieux adaptée à leurs situations particulières.
Mme Rizqy : ...décider que
c'est mieux adapté à ces situations particulières?
M. Prud'homme (Julien) : C'est
la job d'un organisme comme un institut national d'excellence en éducation que
de soumettre cette information-là aux décideurs et de s'impliquer dans
l'encadrement des formations continues, qui s'adressent autant aux décideurs de
l'éducation qu'aux enseignants...
M. Prud'homme (Julien) : ...aux
enseignantes sur le terrain, comme il se fait dans d'autres juridictions, en
Ontario, en Finlande, an Australie.
Mme Rizqy : Mais, en Ontario,
ils ont un ordre professionnel, c'est différent.
M. Prud'homme (Julien) : Oui,
parce qu'ils ont choisi ce format pour... en partie parce qu'ils ont d'autres
mécanismes que l'ordre professionnel, par ailleurs, en Ontario. En Ontario, ils
s'appuient sur des stratégies ministérielles qui incluent justement l'encadrement
de la formation continue.
Mme Rizqy : Mais corrigez-moi
si je me trompe, mais l'ordre professionnel de l'Ontario pour les enseignants
va faire un étendu de formation, mais n'ira pas dire à telle
équipe-école : On aimerait que vous suivez cette formation, tout le monde
ensemble, pour appliquer telle donnée, là.
M. Prud'homme (Julien) : Les
politiques éducatives basées sur les données probantes ne sont jamais, puis ça,
ce n'est pas dans les bonnes pratiques de données probantes, basées sur la
coercition, c'est toujours basé sur une adhésion volontaire des équipes-écoles
ou des communautés élargies en matière éducative. Et, ça aussi, il faut
s'enlever de la tête qu'un projet d'institut ou tout ce qui en découle en
termes de politique basée sur les données probantes revient à attenter à
l'autonomie des acteurs. En fait, il s'agit de fournir des ressources aux
acteurs.
Mme Rizqy : Mais pas imposer.
M. Prud'homme (Julien) : Pas
imposer. Mais, par contre, par exemple si on parle de formation continue...
mais il s'agit d'offrir... qu'un organisme offre le service de reconnaître ou
ne pas reconnaître les formations continues qui sont basées ou pas sur des
données probantes. Ça, on ne peut pas, par exemple, obliger les enseignants ou
les enseignantes à suivre un certain nombre d'heures minimales de formation
continue sans offrir un encadrement puis sans assurer qu'on identifie les
formations qui sont reconnues ou qui ne sont pas reconnues.
Mme Rizqy : O.K. Mais c'est
parce que... Je prends l'exemple du Barreau, là. Le Barreau, les formations,
elles ne sont pas basées nécessairement sur des données probantes, on va
prendre des gens qui ont une expertise. Mettons, dans la fiscalité, si je vais
faire une formation paradis fiscaux, que je vais envoyer, qui va être approuvée
par le Barreau, mais il n'y a pas d'étude probante à savoir si oui ou non...
M. Prud'homme (Julien) : C'est
pour ça que le meilleur... Un meilleur exemple, ça serait de prendre le domaine
de la santé puis de l'INESSS, qui assume... où les ordres professionnels
assument exactement ce rôle-là, c'est-à-dire de s'assurer que les
orthophonistes, les psychoéducatrices, les psychologues, les neuropsychologues,
les ergothérapeutes qui travaillent dans les écoles doivent suivre un minimum
de formation continue, suivre des formations continues qui sont reconnues par
l'organisme responsable, de s'assurer qu'elles sont valables. Et ça, dans leur
cas, c'est leur ordre professionnel. Il s'avère qu'au Québec on n'a pas d'ordre
professionnel de l'enseignement, si bien que ce rôle-là doit être assumé par un
autre type d'organisme indépendant.
Mme Rizqy : Oui, mais si on
prend le même exemple... Si mettons on prend l'exemple d'orthophoniste. Ils ont
un ordre professionnel, mais leur formation n'est pas basée nécessairement sur
des données probantes, là, quand vous parlez...
M. Prud'homme (Julien) : Oui,
oui, les formations continues, les...
Mme Rizqy : Les capsules ou
des formations.
M. Prud'homme (Julien) : Les
orthophonistes doivent suivre un minimum de formation continue. Ce minimum de
formation continue là doit être reconnu par leur ordre professionnel, et c'est
la responsabilité de l'ordre professionnel, en vertu de lois adoptées en 2000
et en 2008, de s'assurer que ces formations continues là soient basées sur des
données probantes. Et, lorsqu'il y a eu à prendre des virages importants... Par
exemple, pour la formation d'orthophonistes, par exemple, lorsqu'il y a eu
transformation des nomenclatures diagnostiques, bien, l'ordre professionnel des
orthophonistes s'est assuré que les orthophonistes suivaient, dans leurs
formations continues, des formations continues qui portaient spécifiquement sur
ces besoins-là à ce moment-là.
Mme Rizqy : Sur des... O.K.
Donc, au fond... je veux vraiment... bien sûre de bien comprendre. Donc, la
formation, en tant que telle, est approuvée, elle est tout le temps basée sur
une forme de données probantes pour toutes les orthophonistes.
• (17 heures) •
M. Prud'homme (Julien) : Absolument,
c'est la job de l'Ordre des orthophonistes de faire ça. Et, pour répondre à
votre question initiale...
Mme Rizqy : Dans le fond,
l'INEE, ça serait comme un ordre... jouerait le rôle de l'ordre professionnel
pour venir vérifier si oui ou non la formation que l'on veut suggérer...
M. Prud'homme (Julien) : Soit
basée sur des données probantes. Ça prend ça. Puis c'est même un attribut
essentiel de professionnalisation. Tu ne peux pas prétendre être une vraie...
une profession si tu n'as pas cet attribut-là. Puis c'est pour ça que c'est un
peu déconcertant de voir, par exemple, des acteurs assimiler la formation
continue telle que proposée comme étant un attentat à la dignité et à
l'autonomie des professions, alors que c'est un mode de base pour les vraies
professions qui ont des ordres professionnels.
Mme Rizqy : Mais en ce
moment...
M. Prud'homme (Julien) : Et
par ailleurs, si je peux finir là-dessus...
Mme Rizqy : Oui, absolument.
M. Prud'homme (Julien) : ...vous
évoquiez le caractère un peu directif que peut avoir ou pas cette formation
continue là. Bien, lorsque... dans le cas des orthophonistes, lorsqu'il y a eu
besoin d'un virage de la profession, mais là le caractère un peu plus directif
s'est manifesté, on s'est donné le droit d'être un peu plus directif pour
donner à la profession un virage qui était jugé nécessaire à ce moment-là.
Mme Rizqy : Il ne reste pas
beaucoup de temps, donc je vais aller en question double. Parce qu'au fond, là,
on se colle beaucoup à ce qui est un ordre professionnel, là, de ce que je
comprends bien dans vos propos. J'ai beau chercher, je n'ai pas vu d'autre
professionnel qui applique à des non-membres cette...
17 h (version non révisée)
Mme Rizqy : ...parce qu'au
fond, nous, en ce moment, l'enjeu que nous avons en éducation, vous le
connaissez, on a plusieurs personnes qui n'ont pas la formation initiale, et la
formation continue, évidemment, elle le dit, c'est en continu après la
formation initiale. Je ne sais pas comment qu'on pourrait trouver aussi des
solutions pour cela puis aussi mettre... une façon d'arrêter l'hémorragie de la
perte d'enseignants qualifiés, légalement qualifiés que nous avons.
Et tantôt vous faisiez mention de la
Finlande, mais il y avait... la Finlande, corrigez-moi si je me trompe, là, l'école
est elle vraiment gratuite, donc à 100 %, alors que nous ici, les projets
pédagogiques particuliers, il faut payer pour ça, c'est en moyenne autour de 4 000 $
à 5 000 $. La Finlande, ça prend un master pour enseigner, alors que
nous ici, on a des tolérances d'engagement secondaire cinq. Il me semble qu'il
y a aussi ça, comme un enjeu, que nous avons, là. Ce n'est pas uniquement les
données probantes qui ont aidé la Finlande, là.
M. Prud'homme (Julien) : Oui,
bien, la première phase... la première phrase de mon mémoire, c'est justement :
«Il y a certains problèmes éducatifs que la création d'un institut ne réglera
pas, le politique devra en assumer la responsabilité autrement.» Et je pense qu'on
converge parfaitement sur ce point-là. Par contre, la deuxième phrase, c'est :
«Mais il existe des obstacles qui requièrent le recours à des politiques basées
sur les données probantes.» Et ça...
La Présidente (Mme Dionne) : En
30 secondes.
M. Prud'homme (Julien) : ...ça
inclut le passage à des pratiques pédagogiques efficaces.
Mme Rizqy : O.K. Bien, merci
beaucoup pour vos éclairages. Ils sont très pertinents. Merci.
M. Prud'homme (Julien) : Merci
à vous.
La Présidente (Mme Dionne) : Il
vous reste 20 secondes, Mme la députée.
Mme Rizqy : Ah! bien... il a
vraiment tout répondu puis il m'a même... Mais, pour de vrai, j'ai appris,
merci.
M. Prud'homme (Julien) : Mais
ce que je vous dirais, si je peux le prendre, le...
La Présidente (Mme Dionne) : Le
10 secondes.
M. Prud'homme (Julien) : La
Finlande impose une politique basée sur les données probantes qui est beaucoup
plus contraignante à l'endroit des intervenants que ce qu'on propose de faire
au Québec à l'heure actuelle.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
pour les précisions. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci. Merci
beaucoup, Monsieur Prud'homme, pour votre mémoire, votre présentation. J'ai...
Pendant que vous parliez, je lisais aussi votre mémoire, puis vous parlez...
vous prenez vraiment à bras le corps la critique dans le milieu de recherche
universitaire au Québec contre les données probantes ou l'«evidence-based». Qu'est-ce...
Je veux dire, qu'est-ce qui explique ça? Est-ce que c'est quelque chose de
culturel au Québec? Parce que vous aussi, vous êtes un chercheur, vous êtes au
Québec. D'où ça vient?
Moi, ce que j'entends, c'est que les gens
disent : Attendez, on ne peut pas prendre une méthode qui marche en
sciences de la santé ou les sciences dures puis amener ça dans une classe. Une
classe ou une école, ce n'est pas un laboratoire aseptisé où on peut prendre de
la recherche de données probantes, des fois faite à l'extérieur, traduite ici,
au Québec, puis l'installer puis... comme une formule magique, là, puis,
partout au Québec, tout va changer puis tout le monde va réussir.
M. Prud'homme (Julien) : Bien,
vous faites bien de relayer cette critique qui est répandue. En fait, par
contre, c'est une critique qui s'adresse à un épouvantail. C'est une critique
qui s'adresse à un homme de paille parce que... et... parce que la réalité
empirique telle qu'on peut l'observer là où c'est le cas, la réalité empirique
des politiques basées sur les données probantes, ce n'est pas ce genre d'application
bête d'un modèle unique et d'un réductionnisme qui fait abstraction de la
complexité du terrain. Ce n'est pas ça. Et tous les modèles actuellement en
vigueur de politiques basées sur les données probantes ne correspondent à ça et
sont même explicitement conçus pour ne pas correspondre à cette caricature.
Ce qui est intéressant, c'est que ce genre
de critique qui est faite un peu à l'emporte-pièce, c'est exactement le même
genre de critique qui était faite dans le domaine de la santé il y a 30 ans.
Lorsqu'on a commencé à parler de politiques basées sur les données probantes en
santé, il y avait des cris alarmistes. On sombrait, on allait tomber dans l'abîme.
Et aujourd'hui on est bien contents d'avoir des politiques basées sur les
données probantes dans le secteur de la santé.
Mme Ghazal : Mais est-ce qu'il
y a des risques? Est-ce qu'il y a des risques quand même?
M. Prud'homme (Julien) : Si
on était le premier pays sur la terre à s'engager sur cette voie-là, je vous
dirais : C'est extrêmement risqué. Il s'avère qu'on n'est pas
particulièrement courageux puis qu'on n'est pas particulièrement dans les
premiers à s'engager sur cette voie-là. Ça fait que je vous dirais que le... il
y a toujours le risque d'avoir des politiques mal faites. C'est notre travail
de s'assurer de les faire comme il faut. Mais fondamentalement le chemin de l'éducation
basée sur des données probantes à l'aide d'un outil, comme par exemple un
institut national d'éducation, ça, c'est la voie à suivre, c'est sûr.
Mme Ghazal : C'est ça. Parce
que vous dites : Ne pas en tenir compte... Ce serait même immoral d'ignorer
les données probantes. Vous allez fort. Donc, c'est vraiment juste... Il n'y a
rien de bon dans les critiques qu'on entend dans le milieu universitaire par
rapport à ça?
M. Prud'homme (Julien) : Je
suis très déçu de l'état du discours dans les facultés d'éducation sur cette
question-là. Je pense qu'on a... toute politique a besoin d'un discours
public... d'un discours critique vigoureux. D'habitude, c'est moi qui le fais,
le discours public vigoureux.
Mme Ghazal : Oui, parce que
vous êtes dans les départements des sciences humaines. Vous n'êtes peut-être
pas dans les facultés...
M. Prud'homme (Julien) : Oui,
oui. Moi, je suis un pelleteux de nuages qui fait des critiques d'habitude.
Mme Ghazal : C'est ça.
M. Prud'homme (Julien) : Mais
là, là...
Mme Ghazal : Mais qu'est-ce
qui a fait que vous, vous n'êtes pas tombé... tu sais, alors que vous êtes au
Québec, vous côtoyez ces chercheurs-là?
M. Prud'homme (Julien) : Bien,
ce n'est pas moi, c'est...
La Présidente (Mme Dionne) : En
10 secondes.
M. Prud'homme (Julien) : Les
chercheurs qui se préoccupent des données empiriques se préoccupent...
M. Prud'homme (Julien) : ...De
voir les données empiriques prises en compte lorsqu'elles servent la justice
sociale, et c'est le cas ici.
La Présidente (Mme Dionne) : merci
beaucoup. Merci, Monsieur Prud'homme. Je cède maintenant la parole au député de
Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue, Monsieur Prud'homme. On a beaucoup parlé, dans cette
commission, des données probantes, méta-analyses, études internationales. Vous
avez même mentionné, dans votre mémoire, qu'il y a certaines limites à la façon
de voir les choses. On peut tous reconnaître, par exemple, qu'on peut évaluer
partout dans le monde des traitements médicaux pour une même maladie, par
exemple. Ça, c'est universel. Mais jusqu'à quel point peut vraiment comparer
l'apprentissage de l'histoire, de la littérature entre différents pays quand
qu'il y a des différences culturelles? Il y a différents buts qu'on...
Objectifs qu'on se donne aussi par rapport à l'éducation, dépendamment des
sociétés. Est-ce qu'on ne court pas le risque, avec des données probantes, de
ne pas assez tenir compte des différences culturelles? J'imagine que vous avez
étudié cette question-là. C'est quoi, les limites qu'on a? Parce qu'un milieu
comme Montréal ou comme Lévis ou comme Matane, il y a des différences qui
sont... qui Peuvent être considérables. Alors, quelles sont les limites avec
les données probantes? Et est-ce qu'on est capables de tenir compte de
contextes culturels régionaux différents pour ces analyses?
M. Prud'homme (Julien) : Je
vais reprendre votre question à l'envers. En fait, c'est... les politiques
basées sur des données probantes sont des politiques qui aident à identifier le
coffre à outils qui est disponible, qui va vous dire : Bien, tel outil, il
n'est pas bon, tel outil, il n'est pas bon, tel outil, il a l'air bon, mais il
n'est pas bon, par contre, ces quatre outils là peuvent être bons. L'outil A
est bon dans la situation X, l'outil B est bon dans la situation y. Et ça donne
aux acteurs sur le terrain, par exemple des dirigeants de centres de services
scolaires, la possibilité, parce qu'ils connaissent leur milieu, ils
connaissent les particularités de leur milieu, de choisir les... parmi les
quelques outils dont on sait qu'ils sont soutenus par les données probantes.
M. Bérubé : Vous avez fait
une comparaison pour la santé dans votre présentation, dans votre mémoire. Vous
comparez l'approche des données probantes, éducation et santé. Dans votre
mémoire, vous indiquez que, et je cite : «Réguler la pratique par les
données probantes ou autrement est une affaire bien plus politique en éducation
qu'en santé.» Vous comprendrez que j'ai accroché là-dessus, puis vous avez des
parlementaires qui sont attentifs, voire même un ministre, qu'est-ce que vous
voulez dire par là?
M. Prud'homme (Julien) : Deux
choses. La première, c'est que les... puis comme on... il n'y a pas que les
données probantes qui vont fonctionner, il y a le contexte. Et le fait est que
la relation de confiance entre les acteurs de l'éducation et les décideurs
publics, au Québec, au Canada, ailleurs, est mise à mal par des décennies de
néolibéralisme, appelons ça comme on veut, c'est politique.
Deuxièmement, le fait est que les
relations, puis, ça, je l'explique dans l'annexe à mon mémoire, le bonus... il
y a une... au Québec, notamment, la relation organisée entre les enseignants et
le pouvoir politique, c'est une relation syndicale-patronale, donc forcément, tout
est interprété, pas juste par les syndicats, mais par l'employeur, également, à
l'onde des relations, des conventions collectives, des définitions de la tâche.
Et, ça, ça vient...
La Présidente (Mme Dionne) : Il
reste 5 secondes.
M. Prud'homme (Julien) : ...ça
complique la relation. Il ne s'agit pas de dire... Ce n'est pas une charge
contre les syndicats. Il s'agit de dire que la relation syndicale-patronale est
compliquée.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Merci beaucoup. Merci. Merci infiniment, M. le Prud'homme, pour vos... votre
contribution à ces échanges.
Donc, la commission suspend ses travaux
quelques instants pour accueillir notre prochain groupe.
(Suspension de la séance à 17 h 10)
(Reprise à 17 h 12)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission est maintenant prête à reprendre ses travaux. Donc, je souhaite la
bienvenue au Conseil supérieur de l'éducation, représenté par Mmes Monique
Brodeur, Marie-Josée Larocque, Suzanne Mainville et Mme Marylène Germain. Donc,
vous disposez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé. Ça fait que je
vous suggérerais, d'entrée de jeu, de vous présenter, et nous faire part de vos
commentaires par la suite. Je vous cède la parole.
Mme Brodeur (Monique) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés et membres
de la Commission de la culture et de l'éducation, je vous remercie de nous
entendre aujourd'hui dans le cadre des consultations sur le projet de loi
n° 23. Je me présente, Monique Brodeur, présidente du Conseil supérieur de
l'éducation. Je suis accompagnée de Mme Marie-Josée Larocque, secrétaire
générale, de Mme Suzanne Mainville, directrice de la coordination de la
recherche et de l'analyse, et de Mme Marylène Germain, directrice des communications
et de l'administration. D'entrée de jeu, je vous mentionne que le mémoire que
je vous présente aujourd'hui a été adopté par les membres de la table du
conseil le 1er juin dernier. Je les remercie de leur collaboration.
Un mot, tout d'abord, sur le conseil. Le
Conseil supérieur de l'éducation a été créé en 1964, en même temps que le
ministère de l'Éducation. Il était une institution gouvernementale
emblématique. Il regroupe plus d'une centaine d'acteurs bénévoles, provenant du
terrain, qui assurent une représentation citoyenne au service de l'éducation,
et au cœur de l'évolution de la société québécoise. Depuis près de 60 ans — 60
ans, M. le ministre, quel privilège! — le conseil a contribué à mieux
comprendre plusieurs problématiques observées, de l'éducation préscolaire à
l'université, ainsi qu'à l'éducation des adultes et à la formation continue. Il
a émis des recommandations visant à promouvoir des solutions et a inspiré, à
cet égard, plusieurs acteurs du milieu éducatif. Il participe ainsi au
rayonnement de l'éducation au Québec ainsi qu'à l'international, notamment dans
la francophonie.
Notre mémoire comporte quatre
parties : la contribution et la pertinence du conseil, sa position face à
l'INE, le conseil et l'INE, et un conseil collaboratif. Tout d'abord, qu'est-ce
que c'est, le conseil? Le conseil supérieur, c'est une table composée de 22
membres, nommés par le gouvernement, et huit instances, soit cinq commissions
et trois comités. Le travail de la table et de ses instances est soutenu par
une équipe de 34 personnes, qui composent sa permanence.
Concernant la contribution et la
pertinence du conseil, au fil des ans, grâce à la contribution de plusieurs
personnes qui y ont oeuvré, et de personnes et d'organismes avec qui il a
collaboré, le conseil s'est adapté à différents contextes pour évoluer avec la
société. Plus agile et proactif, il n'hésite pas à innover. Il a une capacité
unique, soit d'élaborer et de partager une vision globale, intégrée et
évolutive de l'éducation au Québec. Il occupe donc une place distincte dans
l'écosystème éducatif de notre Québec. Il n'est ni un centre de recherche, ni
un organisme de transfert, ni un groupe de pression. La force du conseil, c'est
d'être à la jonction des organismes de terrain, des experts et des
organisations civiles. Sa composition reflète bien les divers groupes de la
société : gestionnaires, personnel enseignant et professionnel, parents,
étudiantes et étudiants. Ses travaux intègrent les différents types de savoir,
qui constituent le fondement même de ses travaux.
Les publications du conseil sont actuelles
et variées : avis réglementaires d'initiatives, documents d'études et de
recherche, mémoires et rapports sur l'état et les besoins de l'éducation. Des
thèmes aussi marquants que l'évaluation, le bien-être des enfants à l'école,
l'inclusion des familles immigrantes, l'équité, la gouvernance en éducation, la
profession enseignante et les besoins de main-d'œuvre, les publications
scientifiques en français et la reconnaissance des acquis et des compétences,
et j'en passe, ont été traités récemment. La crédibilité que le conseil s'est
forgée au cours des années l'amène même à développer non seulement des
collaborations avec l'ensemble des organismes québécois en éducation...
Mme Brodeur (Monique) : ...mais
également à mettre en place d'importants partenariats internationaux. Jusqu'à
ce jour, par ses travaux et ses réflexions, le conseil a ainsi fourni un solide
appui au ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur dans l'exercice
de leurs fonctions, ainsi qu'aux autres acteurs concernés.
Concernant la création de l'INEE, le
conseil salue favorablement la création de l'INEE, rappelant qu'en 2017, dans
la foulée de la consultation qui avait été tenue, le conseil avait recommandé
la mise en place d'un tel organisme. Il reconnaissait et reconnaît toujours la
nécessité qu'une instance panquébécoise produise des synthèses de connaissances
issues de la recherche et s'assure de leur diffusion, ainsi que du soutien à
leur mobilisation dans la pratique par l'entremise d'acteurs de l'éducation.
Le conseil souhaitait également pouvoir
contribuer à l'élaboration de ce nouvel organisme dans une perspective de
dialogue constructif. La création d'un tel organisme, qui permet de rendre des
connaissances issues de la recherche accessibles aux acteurs de l'éducation à
la grandeur du territoire du Québec, constitue donc une avancée importante. Le
conseil constate même que certaines fonctions envisagées pour l'INEE se
rapprochent de propositions qu'il avait formulées antérieurement pour cet
organisme.
Le conseil souligne l'importance pour
l'INEE de répondre aux préoccupations des acteurs scolaires en les associant en
amont à la formulation des priorités retenues. Il approuve le fait que sa
mission s'inscrive dans une perspective large de la réussite, soit celle d'une
réussite éducative qui englobe également le bien-être des élèves. Il apprécie
également l'importance accordée à l'accompagnement pour appuyer le
développement professionnel du personnel scolaire. Le conseil réitère donc son
adhésion à la création d'un Institut national d'excellence en éducation.
Concernant le conseil et l'INEE, si le
conseil est favorable à l'idée, il est d'avis cependant qu'il est primordial de
conserver le conseil intégralement pour une vision globale du système
d'éducation québécois. Il importe donc d'assurer la complémentarité des mandats
des deux organismes concernés. Seuls deux éléments de la mission de l'INEE
parmi les 10 cités dans le projet de loi à l'article cinq se rapprochent
de ceux du conseil, soit le premier, au sujet de l'identification des sujets à
traiter, et le neuvième sur la production de rapports sur l'état et les besoins
de l'éducation, au moins à tous les deux ans. À propos du neuvième élément, dans
la loi constitutive du conseil, il est précisé que ce dernier doit au moins à
tous les deux ans faire rapport au ministre sur l'état et les besoins de
l'éducation. Le conseil s'interroge donc sur la pertinence de confier ce mandat
à un nouvel organisme, alors que ce mandat figure déjà dans la mission du
Conseil de l'éducation de surcroît, si ce nouvel organisme n'a pas comme mandat
premier un rôle-conseil ni une instance de participation citoyenne permettant
d'assumer adéquatement cette responsabilité. Circonscrire la fonction du
conseil aux questions relatives à l'enseignement supérieur viendrait tronquer
la vision globale que le conseil peut avoir sur l'ensemble du système
d'éducation et limiterait ainsi la portée de ses recommandations. La
complémentarité des éléments de mission des deux organismes encourage donc la
création de l'INEE tout en maintenant le conseil dans son intégralité.
• (17 h 20) •
Concernant un conseil collaboratif, le
projet de loi n° 23 propose de remplacer le Conseil supérieur de l'éducation
par un Conseil de l'enseignement supérieur dont la fonction serait circonscrite
à l'enseignement postsecondaire relevant de la ministre de l'Enseignement
supérieur. Si le projet de loi est adopté tel quel, le Québec ne pourra plus
bénéficier du Conseil supérieur de l'éducation dans sa forme initiale, soit un
organisme expert qui a une vue d'ensemble sur l'éducation. Cela serait fort
dommageable quand on prend en compte l'importance de considérer le système de
façon large, comme le promet notamment l'UNESCO. C'est particulièrement vrai
quand on considère les éléments tels que les transitions scolaires, les
apprentissages qui se font en continu dans tous les ordres d'enseignement. Ces
dossiers requièrent absolument une analyse décloisonnée. Il convient donc
d'affirmer que le conseil souhaite poursuivre sa mission actuelle pour le bien
commun en matière d'éducation au Québec, car il s'agit du seul organisme ayant
la composition, le fonctionnement et l'expertise nécessaires. Dans tous les
cas, le conseil va poursuivre son travail avec impartialité, ouverture et
rigueur, en veillant à répondre aux besoins de l'État et de son système
éducatif, en cultivant ses partenariats dans une approche d'éducation tout au
long et au large de la vie. En conclusion, nous surveillerons de près... nous
surveillons de près la presse et les auditions débutées la semaine dernière.
Nous sommes très heureux de constater que la grande majorité des voix appuie le
maintien du Conseil supérieur. En ouverture, M. le ministre, vous avez
mentionné souhaiter une gouvernance plus efficace et cohérente. Nous sommes
convaincus que le Conseil supérieur de l'éducation peut contribuer à l'atteinte
de cet objectif. Vous avez aussi mentionné être ouvert à bonifier le projet de
loi. Par conséquent, pour reprendre une expression que vous avez utilisée,
conserver le Conseil supérieur dans son intégralité, ce serait une bonne idée,
voire une...
Mme Brodeur (Monique) : ...très
bonne idée. Enfin, pour terminer, je tiens à remercier toutes les personnes
qui, au fil des 60 dernières années, ont oeuvré au conseil ou y ont
collaboré. Elles ont bâti une institution dont le Québec peut être fier et sur
laquelle il peut compter. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, Mme Brodeur, pour cet exposé. Donc, nous sommes prêts à débuter
les échanges. Je cède la parole à M. le ministre.
M. Drainville : Oui, merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci, Mme Brodeur, et merci aux trois autres
personnes qui vous accompagnent pour la présentation. Alors, votre mémoire
souligne les bienfaits que vous associez à la création d'un institut
d'excellence. Comment vous... Quelle analyse vous faites du lien entre la
reconnaissance de contenus de formation par l'institut qui accréditerait, hein,
des formations continues et le pouvoir prévu au projet de loi, le pouvoir
attribué au ministre prévu par le projet de loi, qui lui donnerait la
possibilité, donc, d'identifier, sur les 30 heures de formation continue
aux deux ans, la possibilité, par exemple, d'en identifier trois ou six,
mettons, qui porteraient sur deux thèmes prioritaires aux yeux de... aux yeux
du ministre, là? Là, c'est moi. Ça pourrait être quelqu'un d'autre un jour,
évidemment. Alors, je donne toujours les mêmes exemples, 3 heures, mettons,
sur l'enseignement du français, 3 heures aussi, mettons, sur la gestion de
la classe, là, puis le... tiens, pour être encore plus précis, l'exemple du
programme, comment est-ce qu'on appelle, le comportement positif, hein, c'est
bien ça, dont on a parlé plus tôt aujourd'hui, donc 3 heures là-dessus
également pour aider les enseignantes, les enseignants et le personnel scolaire
à prévenir des comportements qui viennent créer, par exemple, des difficultés
dans la gestion de la classe. Bon, comment vous concilier ça? Est-ce que vous,
vous voyez un problème avec ça, d'un côté, un institut qui accrédite des
contenus de formation et, de l'autre, le ministre qui pourrait prioriser un
certain nombre d'heures sur certains thèmes en matière de formation continue?
Mme Brodeur (Monique) : Je
vous répondrais, M. le ministre, que ça s'inscrit tout à fait dans les visées
du conseil, à savoir que le conseil a souvent, ou la plupart du temps, voire
toujours des positions nuancées. Le conseil a toujours, historiquement, été
favorable à la formation continue du personnel scolaire, signalant que, d'une
part, chaque enseignant devait prendre en charge son développement
professionnel en tenant compte de ses besoins propres de formation, mais en
tenant compte aussi des besoins de l'école, des besoins du système éducatif.
Par exemple, quand arrivera le cours culture et citoyenneté, le conseil va
considérer tout à fait normal qu'il y ait une formation qui soit fournie à
l'ensemble des enseignants qui vont devoir assumer cette responsabilité-là.
Donc, une formule qui soit hybride, effectivement, qui peut comporter pour les
enseignants la formation qu'ils choisissent, en fonction, finalement, des buts
de formation, de développement professionnel qu'ils se donnent, conjuguée avec,
justement, des cours qui portent... ou des modalités de formation qui portent
sur des enjeux panquébécois, le conseil est tout à fait d'accord avec cette
approche-là qui, je pense, répond aux besoins de formation pour vraiment...
dans une perspective de responsabilité professionnelle qui est tout à fait
compatible avec l'autonomie professionnelle.
M. Drainville : Êtes-vous
d'accord avec le concept de données probantes?
Mme Brodeur (Monique) : Le
conseil s'est positionné en faveur de l'Institut en 2017. Encore aujourd'hui,
je pense qu'au conseil, qui est formé, finalement, d'une table composée de
représentants de différents groupes de la société, qu'est-ce qu'on veut pour
nos enfants? On veut que ça fonctionne, on veut qu'ils apprennent, on veut qu'ils
se développent. Puis, si toutes les pratiques se valaient, bien, pourquoi,
finalement, une formation en enseignement? Pourquoi de la recherche en
éducation? Donc, on arrive, en 2023, à un moment où il y a eu beaucoup de
recherches de faits, puis où on voit qu'il y a effectivement des pratiques qui
s'avèrent plus efficaces que d'autres. Puis l'enjeu, vous le savez, le conseil
est très soucieux de l'équité, bien, si on veut, justement, mieux répondre aux
besoins des apprenants, tantôt Monsieur Prudhomme en parlait, ceux qui sont
particulièrement sensibles, justement, aux approches les plus efficaces, ce
sont justement, souvent, les enfants ou les élèves qui sont en situation de
vulnérabilité. Donc, c'est une question d'éthique, c'est une question de responsabilité
sociale que d'identifier...
Mme Brodeur (Monique) : ...justement
les pratiques qui peuvent s'avérer les plus aidantes puis de veiller à ce que,
finalement, elles puissent être diffusées dans le système éducatif, à la
grandeur du territoire québécois, puis là, dans une perspective d'autonomie
professionnelle, tout en respectant cette autonomie, bien, que les enseignants,
finalement, voient la panoplie des pratiques, parce qu'il y a une diversité de
pratiques pour les différents enjeux, puis qu'ils puissent être en mesure,
finalement, de pouvoir les identifier, puis ensuite participer à des
formations, de pouvoir... de façon à pouvoir les utiliser tout en exerçant leur
jugement professionnel. Parce qu'une fois que des pratiques ont été identifiées
comme étant très efficaces, bien, encore faut-il se les approprier, puis
ensuite, bien, évidemment, que ce soit dans les différents domaines
professionnels, chaque professionnel, après ça, va les utiliser ou les mettre à
profit en fonction, finalement, des élèves, en l'occurrence, avec lesquels ils
travaillent.
M. Drainville : Vous avez une
vaste expérience, Mme Brodeur, hein, dans le domaine de l'éducation.
Résumez-nous, en quelques secondes, là, votre parcours.
Mme Brodeur (Monique) : Après
un bac en orthopédagogie, en 1980, alors qu'il n'y avait pas un poste
d'enseignant, même pas à Blanc-Sablon, j'ai commencé à travailler six ans, dans
un centre communautaire, à deux pas des bureaux du Conseil supérieur de
l'éducation, à Montréal, dans le quartier Centre-Sud, à faire des visites à
domicile puis à faire des activités parascolaires avec les enfants. Et là j'ai
vu que ces enfants-là, ils n'avaient pas de livres à la maison, puis il fallait
qu'ils réussissent à l'école, il fallait que ça passe par la lecture, et,
woups, ça ne fonctionnait pas. Donc, j'ai fait maîtrises et doctorat sur la
prévention des difficultés d'apprentissage en lecture. Et je suis passée après
Rive-Sud, un petit déménagement familial, dans la classe d'élèves ayant les plus
grands troubles de comportement d'une commission scolaire. Après ça, c'était
l'école fermée. Et ces enfants-là avaient, pour la plupart, des difficultés en
lecture et des difficultés de comportement. Et, en 95, bien là, ils coupaient
les professionnels. Puis là, bien, j'avais un doctorat que quelqu'un m'a
dit : Ça serait peut-être une bonne idée que tu postules à l'université.
J'ai été quatre ans à l'UQTR, puis ensuite 23 ans à l'UQAM, où j'ai été 10 ans
doyenne de la faculté des sciences de l'éducation, deux ans doyenne de la
faculté de sciences politiques et de droit.
M. Drainville : Alors, avec
cette vaste expérience que vous venez de nous exposer, est-ce que vous êtes
capable de nous vulgariser, pour le... mettons, un citoyen ou une citoyenne qui
n'est pas versé dans le milieu de l'éducation, là, qui n'a pas une connaissance
fine du milieu de l'éducation, comment des pratiques efficaces, un enseignement
efficace serait davantage efficace, aiderait encore plus un élève à besoins
particuliers ou un élève qui a des difficultés?
Mme Brodeur (Monique) : Je
vais vous donner un exemple. On menait des recherches, depuis plusieurs années,
sur la prévention des difficultés en lecture. On avait identifié un programme
américain qu'on avait adapté en français. Puis ce programme-là, finalement, a
été diffusé par un organisme à but non lucratif de façon générale. Il s'est
rendu beaucoup au Québec, même à l'extérieur du Québec. Puis, dans le cadre
d'une recherche qu'on menait à l'école Saint-Zotique, avec Yolande Brunelle, on
a implanté justement ce programme-là, encore une fois, pour toujours vérifier,
là, s'il était bien efficace. Puis une enseignante qui était à l'école depuis
30 ans, indice de défavorisation 10, indice de défavorisation maximal, nous a
dit : Ça fait 30 ans que j'enseigne en milieu défavorisé et, en 30 ans,
c'est la première fois que mes élèves savent aussi bien le tour de lire en
première année. Le centre de services scolaire de la Rivière-du-Nord, qui avait
beaucoup de décrocheurs, a implanté aussi ce programme-là. Puis, l'année
suivante, la direction générale s'est fait dire que les enseignantes de...
première année avaient un problème, les enfants savaient trop le tour de lire.
Il fallait qu'ils changent le matériel d'enseignement de la lecture.
M. Drainville : Ils étaient
trop bons en lecture.
Mme Brodeur (Monique) : Ils
étaient trop bons en lecture par rapport à ce qu'ils enseignaient d'habitude.
Donc, le matériel d'enseignement de la lecture qui était utilisé d'habitude, bien
là, c'était trop facile pour les élèves, donc ça créait un problème. Donc,
c'est un beau problème.
• (17 h 30) •
M. Drainville : Puis
qu'est-ce qui a donné ce résultat exceptionnel en lecture avec les élèves?
Mme Brodeur (Monique) : Bien,
c'est l'implantation d'un programme démontré efficace, le programme américain
qu'on avait adapté en français, puis finalement pour lequel on a formé des
enseignantes, accompagné des enseignantes, puis que....
M. Drainville : Ce
programme-là était est basé sur l'enseignement explicite?
Mme Brodeur (Monique) : Il y
avait, oui, une approche ludique puis basée sur l'enseignement des lettres, la
prévention des... le développement et les habiletés phonologiques, puis le
tout, d'une façon très ludique, inséré dans les activités du quotidien.
M. Drainville : O.K. Donc,
ça, c'est la preuve d'une pratique éprouvée. Donc, on a probante, on a prouvé
qu'elle fonctionnait, elle est probante, peut donner des résultats lorsqu'elle
est bien mise en œuvre.
Mme Brodeur (Monique) : Avec
de la formation, de l'accompagnement, puis évidemment...
17 h 30 (version non révisée)
Mme Brodeur (Monique) : ...enseignantes
volontaires.
M. Drainville : Eh oui,
absolument, c'est important l'adhésion. Peu importe, dans ce cas-ci, que l'élève
soit d'un milieu défavorisé ou favorisé, peu importe, en fait, que l'élève
arrive avec des retards de lecture. En fait, la méthode que vous... dont vous nous
parlez, là, a permis à ces élèves, s'il y en avait parmi eux qui avaient des
retards de lecture, vous avez pu rattraper ces retards de lecture.
Mme Brodeur (Monique) : En
fait, comme c'était au préscolaire, il n'y avait pas de retard, hein, c'était
de la prévention. Puis, évidemment que, ce programme-là, les analyses le
révélaient puis comme le révélaient les travaux américains aussi, les élèves
qui en profitaient le plus, évidemment, c'étaient les élèves qui partaient du
plus loin. Donc, ceux qui avaient les résultats les moins élevés au départ, ce
sont ceux qui ont progressé le plus. Et il y a des élèves qui étaient déjà très
bons en arrivant. Puis c'est là où les données probantes, où un projet comme l'institut,
ça contribue justement à contrer les inégalités du berceau puis ça vient
contribuer à accroître l'équité dans le système éducatif québécois, ce qui nous
rassemble toutes et tous.
La Présidente (Mme Dionne) : Il
reste 45 secondes, M. le ministre.
M. Drainville : Donc, à
noter, ce n'est pas moi qui le dis, que l'institut peut, par des pratiques
efficaces, nous permettre de combler certains écarts entre nos populations qui
peuvent provenir de milieux favorisés par rapport à d'autres qui peuvent
provenir de milieux défavorisés. L'enseignement efficace peut nous permettre de
donner un enseignement plus équitable, plus égalitaire. Oui, c'est favoriser l'égalité
des chances.
Mme Brodeur (Monique) : Oui,
ce n'est pas une panacée, ça... ça ne réglera pas tous les problèmes, mais ça
contribue à justement accroître l'équité.
M. Drainville : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Bonjour, Mme Brodeur, et bonjour à l'équipe qui vous accompagne.
Lors de la rédaction du projet de loi n° 23 actuel, est-ce que vous avez
été consultés?
Mme Brodeur (Monique) : Euh,
non, on n'a pas été consultés.
Mme Rizqy : Malgré votre
vaste expérience dans le réseau d'éducation. Et pourtant, dans le passé, vous
avez été quand même souvent consultés par différents ministres de l'Éducation
si ma mémoire est bonne.
Mme Brodeur (Monique) : C'est
arrivé, effectivement.
Mme Rizqy : Vous venez juste
de dire que l'INÉE peut aider justement, avec de la recherche bien diffusée, à
pallier les inégalités. Est-ce que le Conseil supérieur de l'éducation aussi?
En ce moment, ce n'est pas ça que vous faites?
Mme Brodeur (Monique) : Oui,
le Conseil y contribue. Je vais vous donner un exemple concret. Pour moi, c'est
une expérience relativement nouvelle. Ça fait des années que je lis les travaux
de ce conseil, mais c'est seulement depuis juillet 2022 que j'ai le privilège d'en
assumer la présidence. À l'automne, j'ai été invitée à prononcer une allocution
d'ouverture à une activité organisée par Réseau réussite Montréal et le Réseau
des collèges de Montréal sur la question de la transition entre le secondaire
et le collège parce qu'on sait que c'est toujours une transition qui est
sensible, qui est exigeante. Puis, suite à la pandémie, ça l'était davantage.
Puis, quand je suis allée à cette activité, les gens m'ont dit : Ça fait
longtemps qu'on est mobilisés autour de cette question... de cette question-là.
Aujourd'hui, c'est une journée de rencontre, une journée-synthèse, on va
poursuivre les travaux. Et ce qui nous a donné l'idée finalement de travailler
cette question-là, outre les observations qu'on faisait, c'est un rapport du
Conseil supérieur de l'éducation qui, justement, avait documenté cette
problématique-là puis qui avait alimenté la réflexion des acteurs du terrain,
puis finalement qui leur a permis de se mobiliser puis de faire en sorte de
favoriser une meilleure transition au secondaire-collégial. Puis quand on parle
de favoriser, d'aider, ce n'est pas nos plus forts qui en ont besoin, hein?
Souvent, c'est justement ceux pour qui c'est un petit peu plus difficile. Donc,
c'est un exemple concret de la contribution du Conseil supérieur à accroître l'équité
dans le système éducatif du Québec.
Mme Rizqy : Moi, j'ai été
très surprise de lire le projet de loi où est-ce qu'on en a eu des attributs au
Conseil supérieur, puis je m'explique. Lorsqu'il y a eu le groupe de travail,
la très vaste majorité des intervenants ont dit oui pour l'INÉE, mais le
Conseil supérieur devait rester intégral. Et après maintenant qu'on a eu des
intervenants pour l'étude, ils disent aussi la même chose. Beaucoup disent en fait,
oui pour l'INÉE, mais gardons le Conseil supérieur intact. Alors moi, je suis
très surprise dans le projet de loi qui ne suit pas justement une des
recommandations du groupe de travail qui était de le conserver parce que j'ai l'impression
que les deux peuvent coexister.
Mme Brodeur (Monique) : Absolument.
Puis je vous dirai que peut être que ça correspond à ce que Guy Rocher
nous a dit. Hein, il a célébré récemment ses 99 ans et il est venu nous
visiter au bureau du Conseil supérieur de l'éducation à Montréal. Pendant une
heure, il a fait une présentation. Ensuite, il a répondu aux questions. Puis il
a commencé en disant : «Le Conseil supérieur de l'éducation a fait un
travail...
Mme Brodeur (Monique) : ...formidable
depuis 60 ans, mais malheureusement il est trop mal connu. Donc, c'est à
ça que j'attribue le fait peut-être qu'on ait pensé l'atrophier dans le cadre
du présent projet de loi, et je vous dirai qu'on a reçu l'information selon
laquelle M. Rocher se prononce en faveur du maintien justement du Conseil
supérieur de l'éducation. C'est un héritage précieux, puis je pense qu'il faut
vraiment, collectivement, en prendre soin.
Mme Rizqy : M. Rocher a
dit publiquement qu'il souhaitait le maintien. Si le projet de loi est adopté
tel que et que, pour reprendre votre expression, le Conseil supérieur est
atrophié, c'est quoi l'impact?
Mme Brodeur (Monique) : Bien,
l'impact, c'est que le conseil est le seul organisme au Québec qui regarde le
système éducatif, de la maternelle jusqu'à l'université, incluant justement
l'éducation des adultes, la formation continue et la formation professionnelle.
Je sais, M. le ministre, que c'est un sujet qui vous préoccupe, puis avec
raison, toute cette question de la formation professionnelle puis de façon
afférente l'éducation des adultes et la formation continue, puis ça, ça ne loge
pas seulement au secondaire, ça ne loge pas seulement au collégial, ça touche
plusieurs ordres d'enseignement. Donc, si on veut avoir une réflexion riche,
bien, il faut le regarder justement dans son ensemble. Puis la même chose avec
la question du français, par exemple, dont vous avez fait part hier, puis je
pense que les gens se réjouissent, là, de voir qu'on va vraiment prendre soin
de la lecture, de l'écriture, notamment en français.
Bien, pour avoir mené des travaux sur le
sujet puis comme plusieurs autres personnes, on sait qu'il y a des jeunes qui
finissent l'école obligatoire à 16 ans et qui ont des grandes difficultés
en lecture puis qui vont leur causer toutes sortes de difficultés pour
apprendre justement en formation continue, hein, puis ce qui est essentiel dans
un monde qui évolue aussi vite que le nôtre. On ne devient pas spontanément
analphabète fonctionnel ou avec des faibles compétences en littératie à
16 ans. C'est quelque chose qui s'est produit et qui prend racine en amont
au secondaire, qui prend racine au primaire, qui prend racine au préscolaire, voire
à la maison. Donc, là encore, que le conseil puisse poser ce regard d'ensemble,
identifier finalement qu'est-ce qui va bien, identifier ce qui va moins bien,
hein, je pense que c'est la CSN qui le disait plutôt. Puis, on le sait, que
parfois, les avis du conseil peuvent des fois dire : Icebergs à bâbord ou
iceberg à tribord, mais c'est son rôle de vigie, c'est son rôle de conseil.
Puis pour bien piloter le système éducatif, il faut qu'on sache quand la voie
est dégagée puis quand il y a des écueils de part et d'autre. Donc, c'est
vraiment le travail que le conseil peut faire, puis avec ses
100 bénévoles.
• (17 h 40) •
Donc, quand on veut être près du terrain,
venez rencontrer le conseil parce qu'on est... Le conseil, c'est le terrain
d'une certaine façon, avec ses différentes commissions, ses instances, ses
comités. On a l'éducation autochtone, maintenant un comité sur l'éducation
autochtone, un comité de la relève étudiante, outre le comité sur le rapport
sur l'état et les besoins en éducation, les cinq commissions qui couvrent tous
les ordres d'enseignement avec des gens du terrain. Puis regardez la liste, à
la fin, des 24 puis ça, c'est sans compter tous les bénévoles qui participent
aux commissions. C'est une équipe extraordinaire puis qui peut nous donner le
pouls. Puis le conseil, c'est sûr qu'à l'occasion on a besoin de réflexion
longue, mais aussi on a cette capacité d'agileté. Donc là, on vient de répondre
à la commission d'éthique en sciences et en technologies, puis aussi à
l'Innovateur en chef du Québec pour participer à des travaux sur l'intelligence
artificielle. Donc, on a cette capacité de réflexion longue, mais cette
capacité d'agileté aussi au service de l'État puis du système d'éducation du
Québec.
Mme Rizqy : Alors, si jamais,
par exemple, le projet de loi est adopté tel quel, on risque aussi peut-être de
travailler en silo entre le réseau de l'éducation puis l'enseignement
supérieur?
Mme Brodeur (Monique) : C'est
un danger réel, puis ça... le conseil est là, le conseil fonctionne, puis c'est
risqué aussi de confier à l'INÉE une tâche qui va le décentrer de ce sur quoi
il doit travailler, puis cette tâche-là est suffisamment prenante en soi pour
ne pas mélanger les choses que l'INÉE d'ailleurs, quand il a été conçu, c'était
vraiment dans une perspective de complémentarité avec le conseil. Jamais il n'a
été question que cet institut-là soit créé en assumant des tâches du conseil.
Donc, oui, la création de l'INÉE, c'est ce que le Conseil supérieur de
l'éducation dit, mais dans le maintien du Conseil supérieur, puis je pense que
là, on aura une complémentarité. Puis avec une visite annuelle de chaque
ministre de l'Éducation au Conseil pour venir exprimer les besoins justement de
l'État puis voir comment nous, on peut répondre aux besoins de l'État. Je pense
qu'il faut accroître la synergie justement du conseil avec les ministres de
l'Éducation puis accroître la synergie aussi du conseil, éventuellement avec
l'Institut national d'excellence en éducation.
Mme Rizqy : Merci. Juste
aussi une dernière question...
Mme Rizqy : ...presque tous
les intervenants, mais je m'en veux, je ne l'ai pas posé à M. Prud'homme, là,
mais je pense que dans son mémoire, de mémoire. Donc, l'INE, là, on a aussi...
je donne l'exemple souvent de l'INESSS, en matière de santé... les
dispositions, c'est très clair, au niveau de son indépendance, pour ses choix
de recherche et de diffusion. Mais évidemment le ministre peut toujours
demander des avis ou une recherche précise. Est-ce qu'on devrait s'assurer que
la disposition habilitante de l'INE lui donne la même indépendance que son
vis-à-vis qui serait l'INESSS?
Mme Brodeur (Monique) : Ça,
je pense, dès la conception du projet de l'INE, ça avait été recommandé de
cette indépendance. Le Conseil supérieur aussi y va de la même recommandation
d'indépendance. Ce qui ne veut pas dire par ailleurs, effectivement, que le
ministre ne peut pas faire part des besoins qu'il perçoit puis qu'il ne puisse
pas y avoir un travail de collaboration. Mais il doit y avoir quand même une
indépendance permettant de faire en sorte que, si l'INE considère qu'il y a des
sujets qu'il faut absolument aborder, il faut qu'il ait la capacité justement
de pouvoir traiter de ces sujets-là.
Mme Rizqy : Merci. Une
dernière question, le temps me le permet. Avez-vous été surprise de lire, dans
le rapport de la Vérificatrice générale, la semaine dernière, que des données
existent au ministère de l'Éducation, au niveau des enseignants, pour connaître
leur profil scolaire ou leur absence, justement, de profil scolaire, mais que
ces données-là ne sont pas colligées? Donc, ils reçoivent l'information des
centres de services scolaires, mais personne, à l'interne, ne se donne la peine
de colliger cette information, alors qu'elle est assez névralgique pour savoir
qui enseigne à nos enfants.
Mme Brodeur (Monique) : Parce
que ça fait des années, hein, que le problème existe, puis je pense qu'en ce
sens-là c'est une des qualités du présent projet que de permettre, en tout cas,
de vouloir justement s'assurer que...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
C'est tout le temps qu'on a malheureusement. Je cède maintenant la parole à Mme
la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci. Merci
beaucoup, mesdames, pour votre présentation. Écoutez, vous avez peut-être dit
quelque chose, vous n'êtes peut-être pas assez connues, ce qui fait que moi, je
me dis, peut-être que le gouvernement s'est dit: Bien, les gens ne se battront
pas dans les autobus parce que le Conseil supérieur de l'éducation va... en
tout cas, va être amputé d'une bonne partie de sa mission. Il y a vraiment une
unanimité, j'ai rarement vu ça, qui dit oui pour l'INE, mais gardons le Conseil
supérieur de l'éducation. Je ne sais pas, j'ai comme une intuition qui me dit
que peut-être que le ministre va changer d'idée. J'essaie de regarder mes
collègues, d'avoir un peu d'espoir. Vous faites ça vous aussi, oui. Est-ce que
vous avez un peu le même sentiment? On ne sait pas.
Mme Brodeur (Monique) : On
espère.
Mme Ghazal : Parfait.
Écoutez, pourquoi est-ce que vous n'avez pas pris la parole avant aujourd'hui?
Je suis allée voir votre communiqué le jour du dépôt du projet de loi, puis
j'étais curieuse de savoir pourquoi vous n'êtes pas sorties avant.
Mme Brodeur (Monique) : Je
vais vous expliquer quelque chose... puis je crois beaucoup dans le
journalisme, puis je pense que les journalistes font un travail excellent.
Mais, selon mon expérience, ça arrive parfois qu'il y a un mot qui manque ou il
y a une phrase qui est juste un petit peu transformée, puis ça fait en sorte
que le message qui est communiqué n'est pas exactement le message qu'on voulait
exprimer.
M. Drainville : ...que ça
vous arrive.
Mme Brodeur (Monique) : Donc,
étant donné la responsabilité qui m'est conférée de présidente d'un organisme
d'État, je ne voulais pas prendre de chance puis...
Mme Ghazal : Prendre le temps
d'écrire le mémoire...
Mme Brodeur (Monique) : Exactement.
Mme Ghazal : ...une lettre
ouverte, vous trouviez que vous aimiez mieux que ce soit un mémoire.
Mme Brodeur (Monique) : Oui.
Mme Larocque (Marie-Josée) : Bien,
je rajouterai aussi, c'est que le conseil, on a une table, hein...
Mme Ghazal : ...consulter.
Mme Larocque (Marie-Josée) : ...donc
la position, on a fait un communiqué, il était quand même, somme toute,
général, puis tout ça. Mais après ça, bien, il fallait prendre position, il
fallait documenter, puis faire adopter ça à la table, donc à notre instance, le
1ᵉʳ juin dernier. Ça fait que ce qui fait que...
Mme Ghazal : Je comprends.
Merci. Il me reste peu de temps. J'ai regardé depuis votre création, il y a eu
40 avis à la demande des ministres, 314 avis de votre initiative depuis la
création du Conseil supérieur de l'éducation. Depuis 2018, il y a eu combien
d'avis qui vous ont été demandés par un ministre de la CAQ? C'est ça, le sens
de ma question.
Mme Brodeur (Monique) : Ça,
c'est une bonne question. Suzanne, peut-être.
Mme Ghazal : On n'est pas aux
crédits là, mais peut-être que c'est une information qu'on peut avoir. Je sais
que vous, vous en avez produit beaucoup, mais à la demande d'un ministre, de
l'ancien ministre ou du ministre actuel, j'étais curieuse, parce que c'est
quand même important.
Mme Brodeur (Monique) : Il y
a les avis réglementaires, ensuite de ça, il y en a eu un aussi...
Une voix : ...la
reconnaissance des acquis.
Mme Ghazal : Ça fait qu'il y
a eu quelques avis, quand même, à la demande.
Mme Brodeur (Monique) : À la
demande des ministres, tout à fait.
Mme Ghazal : O.K. C'est
quelque chose qu'on peut retrouver facilement. Donc, ça arrive que les
ministres vous demandent, le conseil. Et puis il me reste peu de temps, mais
j'ai deux questions qui viennent à mon esprit. Votre indépendance, souvent, les
gens se disent : Ah! mais l'INE aussi va être nommé par le ministre.
Qu'est-ce qui fait que vous, vous êtes réellement indépendant?
Mme Brodeur (Monique) : Bien,
on peut, outre les avis qui nous sont demandés, outre...
Mme Brodeur (Monique) : ...rapport
sur l'état et les besoins en éducation qu'on doit produire aux deux ans. Et le
conseil est libre de finalement produire des avis sur tout sujet qu'il
considère important...
Une voix : Et de les rendre
publics.
Mme Brodeur (Monique) : ...et
de les rendre publics. Exactement.
Une voix : O.K. Ce qui est
une distinction avec l'INEE, tel qu'écrit dans la loi. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup. C'est tout le temps qu'on avait. Je cède maintenant la
parole à M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci, Mme
la Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Je pense que vous faites la
démonstration depuis des années qu'à bientôt 60 ans on reste pertinent, à
60 ans, avec nos valeurs. Je dis ça comme ça. Je salue le ministre. O.K.
C'est son anniversaire. Alors... Et le ministre est...
Une voix : Il a quel âge?
M. Drainville : Près de
60 ans.
M. Bérubé : Vous êtes un
petit peu plus âgé que le Conseil supérieur de l'éducation, mais à peine. Mais
j'ai appris à vous connaître à travers mes fonctions autrefois de conseiller
politique du premier ministre lorsqu'il était ministre de l'Éducation. Et
c'était Céline Saint-Pierre qui était présidente à l'époque. Et on a souvent eu
recours à vous, et pour des avis qui étaient très éclairants. Et j'ai voulu
revenir aux origines. Qu'est ce qui était les... l'engagement initial? Arthur
Tremblay, grand sous-ministre de l'histoire du Québec, 31 août 1964.
C'était le sous-ministre Paul Gérin-Lajoie. Il avait déclaré, et je cite pour
le bénéfice des collègues : «Le gouvernement et la société tout entière
comptent sur l'apport d'un Conseil supérieur de l'éducation qui sera tout à la
fois lucide, attentif aux besoins du milieu, enraciné, éclairé et clairvoyant,
franc et direct autant que généreux et ouvert d'esprit, déterminé autant que
réaliste.»
C'est quand même fort. Et selon moi et les
gens que j'ai consultés, vous demeurez fidèles à cet engagement et au rêve
qu'avait le Conseil supérieur de l'éducation à son origine, à sa naissance.
Qu'est-ce qu'on perd au Québec si on change le rôle actuel du Conseil supérieur
de l'éducation? Et c'est peut-être la tribune privilégiée pour l'exprimer.
Mme Brodeur (Monique) : On
perd beaucoup parce que l'enseignement supérieur, puis j'arrive de
l'université, c'est quelque chose de très important pour le Québec, d'autant
plus important qu'on se rappelle qu'avant les années 60, les femmes, les
gens de milieux défavorisés, les gens de milieu rural, y avaient très peu
accès. Donc, après le rapport Parent, ça a donné l'accès. Mais si on veut que
les jeunes se rendent là, il faut d'abord qu'ils réussissent à la maternelle,
au... bon, au préscolaire, au primaire, au secondaire. Puis ça, c'est le
fondement. Donc, si on veut vraiment que l'éducation au Québec soit vraiment
pour l'ensemble de la population dans une perspective d'équité, il faut que
justement il y ait une attention qui soit conférée, qui soit accordée au début
de la scolarisation des jeunes. Puis, à cet égard là, l'INEE va pouvoir y
contribuer, mais le conseil y contribue depuis plusieurs années puis doit
pouvoir contribuer encore à éclairer tout le parcours éducatif des enfants dès
leur arrivée à l'école. Puis en ce sens là, il y a une belle complémentarité
entre l'enseignement obligatoire puis l'enseignement postsecondaire.
M. Bérubé : Donc, vous
plaidez pour une complémentarité entre l'organisation qu'on veut créer,
l'institut, et votre rôle.
Mme Brodeur (Monique) : Tout
à fait.
M. Bérubé : Vous l'avez
inscrit dans votre mémoire.
Mme Brodeur (Monique) : Exactement.
M. Bérubé : Je sais
le... C'était sans malice, là, pour le ministre, tout à l'heure, mais je le sais
sensible à ça, à la reconnaissance historique de notre... de nos grandes
institutions. Je sais depuis longtemps qu'il est sensible à ça. Donc, c'est une
proposition pleine de sens. J'espère qu'elle sera retenue. Ça a permis de
réaffirmer votre rôle. Je ne sais pas combien de temps pour rajouter des
compliments.
La Présidente (Mme Dionne) :
30 secondes, M. le député.
M. Bérubé : Je vous
accorde, ces 30 secondes. Qu'est-ce que vous désirez ajouter?
La Présidente (Mme Dionne) :
10 secondes, pardon.
Mme Brodeur (Monique) : Écoutez,
on n'a jamais autant entendu parler, je pense, du Conseil supérieur de
l'éducation en si peu de temps. Puis je pense que le conseil est vraiment très
heureux de voir toute...
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup, Mme Brodeur.
Mme Brodeur (Monique) : ...la
reconnaissance qui lui est accordée.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci infiniment. Alors, merci, Mesdames, pour votre contribution à cette
commission. Je suspends les travaux jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de la séance à 17 h 50)
19 h (version non révisée)
(Reprise à19
h 30
)
La Présidente (Mme Dionne) : Bonsoir
à tous! La Commission de la culture et de l'éducation va maintenant reprendre
ses travaux. Donc, nous poursuivons les consultations particulières et les
auditions publiques sur le projet de loi n° 23, Loi
modifiant principalement la Loi sur l'instruction publique et édictant la Loi
sur l'Institut national d'excellence en éducation.
Donc, ce soir, nous entendrons, d'une
part, la professeure, Mme Nancy Goyette et ainsi que la Fédération des
syndicats de l'enseignement. Donc, je souhaite la bienvenue à Mme Goyette.
Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé,
peut-être aussi nous présenter l'équipe qui vous accompagne ce soir. Donc, sans
plus tarder, je vous cède la parole.
Mme Goyette (Nancy) : Bonjour,
Mme la Présidente, M. le ministre, tous les députés de la CAQ et les députés de
l'opposition. C'est avec beaucoup de plaisir et d'enthousiasme qu'on est là ici
aujourd'hui pour partager avec vous notre point de vue de chercheurs concernant
ce projet de loi là, et je voudrais souhaiter bon anniversaire à M. Drainville,
bien entendu, en souhaitant que cette journée...
Une voix : Le champagne
arrive, là.
Mme Goyette (Nancy) : Oui,
c'est ça. Mais cette journée longue là n'est pas très...
19 h 30 (version non révisée)
Mme Goyette (Nancy) : ...Très
évidente, je pense, pour tout le monde. Donc, ce que je voulais dire, c'est
vraiment, premièrement, que les chercheurs en sciences de l'éducation ne sont
pas réfractaires au changement, loin de là. Plusieurs d'entre eux font, là,
preuve d'innovation dans leur domaine, bien entendu.
Ce qu'il faut dire des changements, c'est
que les bons types de changement amènent des bénéfices pour une institution,
pour une instance. Et il y a des changements aussi qui vont parfois amener un
esprit de survie qui n'amène pas de bénéfices pour personne.
Donc, pour ce qui est de l'INEE, nous,
comme chercheurs, avons étudié le projet de loi et nous avons des
recommandations et des mises en garde concernant ce qui se passe dans les
milieux. Nous faisons de la recherche, là, constamment, dans ces milieux-là,
avec des gens, donc nous ne sommes pas dans des tours d'ivoire, bien entendu.
Et voilà.
Et vu que la finalité que M. le ministre
trouve importante, celle, justement, de la réussite éducative et du bien-être
des élèves, serait, de prime abord, une finalité que tout le monde, là,
épouserait, nous aimerions, là, vous donner notre point de vue, qui est
peut-être fort différent de certaines autres personnes, là, qui sont venues
ici.
Je me présente, Nancy Goyette. Mon champ d'expertise,
c'est la psychopédagogie du bien-être, donc je travaille sur le bien-être des
élèves, des enseignants, ainsi que le bien-être dans les institutions
éducatives. Je suis accompagnée de Mylène Leroux, de l'Université du Québec en
Outaouais, de M. Marc-André Éthier, de l'Université de Montréal, et aussi
de Monsieur Denis Savard, de l'Université Laval. Et on vous remercie aussi de
nous avoir donné l'occasion de travailler en collégialité interuniversitaire
pour étudier ce projet-là. Donc, je donne la parole à Mylène.
Mme Leroux (Mylène) : veux-tu
débuter, Marc-André? C'est bon.
M. Éthier (Marc-André) : Bon.
Bien, oui, je suis Marc-André Éthier. Je parle à titre personnel, mais j'ai
constaté quand même que plusieurs personnes se demandent, dans notre entourage,
là, à quoi sert le projet 23, puis on a des questions par rapport à ça
pour voir s'il est cohérent avec ses ambitions.
On se demande, par exemple, et c'est une
série de questions que je vais poser, on se demande, par exemple, si le projet
de loi comble un besoin de synthèse sur la recherche en éducation, parce qu'il
nous semble que ce n'est pas le cas puisqu'il y a déjà le Conseil supérieur de
l'éducation qui écrit des synthèses, des avis importants comme celui sur l'intelligence
artificielle en 2020 ou bien ceux de 2004, 2005, qui dénonçaient déjà... Qui
annonçaient déjà la pénurie d'enseignants et proposaient de développer la
reconnaissance des acquis. Donc, on aurait pu conserver simplement le conseil,
lui donner des mandats, l'écouter, et cetera.
Ensuite, on se demande aussi si le projet
de loi comble un besoin de synthèse sur les bonnes pratiques, parce que ça ne
semble pas vraiment le cas puisqu'il y a déjà des organismes qui font des
veilles et du transfert de connaissances sur les pratiques en éducation, comme
le CTREQ, qui est implanté depuis 20 ans, qui collabore avec de multiples
partenaires, qui est un site web visité par 500 000 personnes par
année... ou, enfin, 500 000 visites, je devrais dire. On pourrait
donc simplement aider la coordination de groupes comme ceux-là, qui font des
veilles et qui font du transfert.
On se demande aussi si le projet peut
permettre d'obtenir de l'information qui n'est pas disponible autrement sur le
système scolaire, alors que le ministère a déjà collecté info. Charlemagne
pourrait peut-être s'assurer que ça fonctionne bien d'abord. On pourrait
demander à des universitaires d'analyser les données, s'il n'y a pas les forces
vives pour le faire, ou bien revitaliser la direction des statistiques et la
Direction de la recherche du ministère. Ce sont des choses qui pourraient être
faites aussi.
On se demande ensuite si le projet de loi
comble un besoin de production de nouveaux savoirs. Mais là, vraiment pas, de
nombreux chercheurs du CRIFPE, dont je fais partie, du CRIRES, dont fait partie
Denis, et des deux autres font partie du CRIFPE avec moi aussi, sont
productifs, ont des travaux reconnus à travers le monde. On a même, je dirais,
des vedettes internationales, par exemple, Suzanne Lajoie, Jacques Tardif,
Maurice Tardif, pour ne nommer que ces trois exemples là, parce qu'ils ont
reçu, la semaine passée... Ils ont été intégrés à l'Ordre d'excellence en
éducation du Québec à la... au Salon rouge, la semaine passée. Donc, divers
travaux, qui comprennent des recherches variées en sociologie basées sur des
statistiques descriptives, sur le nombre d'enseignements non qualifiés, par
exemple, sur l'histoire des ordres professionnels, sur les pratiques d'accompagnement
en stage, sur l'effet des jeux vidéo en classe, sur le contenu des examens et
des programmes, sur les effets des formations courtes à l'enseignement, sur les
aides à la classe, et cetera. Il y a des centaines de recherches qui se font,
là.
Le projet de loi comble-t-il un besoin de
recherche plus précis de la part du ministère? Bien, si c'est le cas, il
faudrait peut-être se servir d'actions concertées du FRQSC, qui permet de
répondre aux besoins exprimés par différents groupes comme le ministère.
Et là, je vais vite, je m'excuse, je suis
un peu stressé. Le projet de loi comble un besoin de formation, peut-être?,
bien, je ne penserais pas. En tout cas, les universités font déjà de la
formation continue et de base.
Ensuite, dernière... avant-dernière
Question, je finis après, je laisserai la parole à mes collègues, est-ce que le
projet de loi comble un besoin d'évaluation des programmes de formation à l'éducation
préscolaire et à l'enseignement primaire et secondaire? Non, Il y a déjà le
CAPFE qui le fait, il fait peut-être même plus que ce que...
M. Éthier (Marc-André) : ...ce
que les organismes proposés vont faire puisque le projet de loi ne prévoit pas
une assurance qualité à l'agrément des programmes... associés à l'agrément des
programmes, je devrais dire. Finalement, le projet de loi comble-t-il un besoin
d'implication des différents acteurs de l'éducation, de prise en compte des
milieux? On a entendu beaucoup cette semaine. Non, le CAPFE et le Conseil...
supérieur de l'éducation, pardon, mobilisaient déjà un grand nombre d'acteurs
très diversifiés de tous les ordres systèmes éducatifs qui ne poursuivaient pas
des intérêts partisans ni intérêts financiers, et les milieux demandent le
maintien de ces organismes-là. Donc, personnellement, je ne vois pas qu'est-ce
qu'ajouterait l'INEE, même s'il peut y avoir des choses... des idées
intéressantes, des objectifs intéressants. Les moyens proposés ne semblent pas,
dans le projet de loi, là, en tout cas, tel qu'il est maintenant, être atteints
et pourraient l'être à de moindres coûts et pourraient l'être à moindres coûts
et plus rapidement en exploitant ce qui existe déjà. Donc, pour terminer, je
dirais qu'il serait dommage que l'INEE ne tienne pas compte des acquis.
Mme Goyette (Nancy) : Merci.
Vas-y, Mylène.
Mme Leroux (Mylène) : Je vais
y aller très rapidement moi aussi, hein, on doit se partager un lot de
préoccupations à nous quatre. Donc, peut-être pour revenir sur certaines
préoccupations que nous avons par rapport au projet de loi. Il y a un élément
qu'on ait développé dans notre mémoire autour du développement professionnel
des enseignants, donc, que ce soit la formation initiale, l'insertion
professionnelle ou la formation continue. Au point de vue de la formation
initiale, une des choses qui nous préoccupe, c'est une certaine atteinte à
l'autonomie des universités, qui sont les premières responsables d'élaborer, de
déployer, de mettre en œuvre et d'évaluer les programmes de formation à
l'enseignement. Donc, on a beaucoup parlé du principe de subsidiarité. Pourquoi
ne s'applique-t-il pas aux universités?
On a entendu — je saute aux éléments
essentiels — que des formations courtes alternatives étaient aussi efficaces
que des formations traditionnelles. Il faut savoir que ces études-là sont pour
la plupart faites aux États-Unis. Et, quand on parle de formation alternative,
ça peut aller de deux semaines à trois mois, donc ça peut varier beaucoup. Ce
n'est pas nécessairement des formations qui sont comparables.
Et, quand on parle d'efficacité, il faut
toujours se demander dans quelle finalité. Donc, qu'il n'y a rien qui est
efficace dans l'absolu, hein, c'est efficace pour quelque chose. Si vous me
demandez : Est-ce que la formation courte, comme celle qui est présentée à
la TELUQ, est efficace pour résoudre une pénurie, atténuer une pénurie? La
réponse, c'est non. Il y a des études aux États-Unis qui nous indiquent... des
études avec des résultats probants qui nous indiquent que les personnes qui ont
des formations alternatives comme celles-là ont davantage de probabilités de
quitter la profession. Donc, on va, à terme, amplifier la pénurie et on va
mettre une charge supplémentaire sur l'insertion professionnelle, là où on
rencontre déjà des défis dans ce soutien-là.
Sur la formation continue, je vais
simplement dire que différents éléments dans la loi font en sorte qu'on ne
rencontre pas les conditions d'un développement professionnel efficace, donc,
qui répondent aux besoins et aux motivations des personnes, surtout donner plus
de temps aux personnes. Donc, en ce moment, ce n'est pas nécessairement que les
enseignants n'ont pas l'information sur différentes pratiques, mais ils n'ont
pas le temps de s'approprier tout ça, ils n'ont pas d'espace de temps non plus
pour collaborer avec leurs collègues. Maintenant, ça aussi, ça annonce une
amplification de la gestion axée sur les résultats, qui peut avoir des impacts
négatifs sur le bien-être, la réussite éducative des élèves. Parce que la
réussite éducative va plus loin que la réussite scolaire, hein? Si on pense à
la motivation, au bien-être, etc. Et, si on veut parler de bien-être des
élèves, il faut aussi se préoccuper du bien-être des enseignants.
• (19 h 40) •
Mme Goyette (Nancy) : Vas-y,
Denis.
M. Savard (Denis) : Tu
veux-tu passer aux recommandations?
Mme Goyette (Nancy) : Non,
vas-y.
La Présidente (Mme Dionne) : 45 secondes.
M. Savard (Denis) : 45 secondes.
O.K. Alors, rapidement, on... dans la population, l'idée que la situation est
catastrophique en éducation, que c'est le gouffre de la réforme, que les
mauvaises méthodes sont appliquées et qu'il faudrait commencer à s'occuper de
nos garçons, qu'il faut une réforme et que ça presse, tout ça. Et là, voici,
ça, c'est les chiffres, c'est les taux de diplomation depuis la dernière
réforme. Alors, on a eu une augmentation de 11,7 % du taux de diplomation.
Chez les garçons, ça a augmenté de 14,5 %, 6 % de plus que pour les
filles. L'écart entre les garçons et les filles a été réduit de 38 %.
Autre étude, les élèves québécois, neuvième sur 60 en mathématiques.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. C'est tout le temps qu'on a pour la présentation, mais nous allons
maintenant débuter les échanges. Alors... Il n'y a aucun souci. Donc, je cède
la parole à M. le ministre.
M. Drainville : Sur la
formation continue, êtes-vous d'accord avec l'idée que... sur un
30 heures, mettons, aux deux ans, que...
M. Drainville : ...je puisse
prioriser, mettons, pour 3 h ou 6 h des 30 heures, certains
thèmes qui sont... qui s'imposent d'eux-mêmes, là, par exemple la situation du
français, par exemple la gestion de classe. Est-ce que c'est une idée avec
laquelle vous êtes d'accord?
Mme Goyette (Nancy) : Bien,
l'imposition, c'est un problème au niveau de l'autonomie professionnelle,
premièrement. Puis chaque enseignant a un contexte dans la vie, un contexte de
classe. Et il se peut que, si vous imposez, je ne sais pas, moi, n'importe quel
type de formation, ça ne réponde pas aux besoins de l'enseignant au temps où
vous l'imposez. Ça se peut que, par exemple, l'enseignant soit aux prises avec
un enfant dyslexique. Il doit prendre une formation par rapport à cette
problématique-là. Donc, si vous, vous dites : Bien, on impose quelque
chose en français...
M. Drainville : Non, je
n'impose pas une formation, j'impose un thème à l'intérieur duquel il y aura un
certain nombre de formations qui seront disponibles, là. Moi, je ne vais pas
dire : Vous prenez tous la même formation.
Mme Goyette (Nancy) : Mais
qui vous conseillerait sur le thème à imposer?
M. Drainville : Bien, il y
aurait des discussions, là, avec les personnes qui réfléchissent à ces
choses-là, mais comme ministre de l'Éducation, je veux dire, à un moment donné,
il faut que je serve à quelque chose, moi, là, là.
Mme Goyette (Nancy) : Bien,
vous servez à quelque chose, bien entendu.
M. Drainville : Bon. Alors,
tu sais, actuellement, je me promène dans les classes, dans les écoles, je
discute, je réfléchis, je rencontre beaucoup, beaucoup de gens. Et je pense que
la situation du français pourrait être un thème. Et, une fois que ce thème-là
et est priorisé, effectivement, bien, il y aurait toute une panoplie de
formations à l'intérieur de laquelle les enseignants pourraient choisir mais à
l'intérieur du thème, par exemple, amélioration des pratiques en matière
d'enseignement du français, par exemple. Ça pourrait être le thème Gestion de
classe, les difficultés auxquelles nos enseignants sont confrontés, nos
enseignantes sont confrontées en matière de gestion de classe. Alors, je leur
dirais : Bien, écoutez, sur les 30 heures, il y en aurait
3 heures sur deux ans où il faudrait prioriser le thème de la gestion en
classe. Puis là il y aurait un certain nombre de formations qui seraient disponibles,
puis là ils choisiraient la formation qu'ils veulent, là, ce n'est pas moi qui
va choisir la formation en cours pour elles. Donc, dans la vaste majorité du
30 heures, ce serait au choix des enseignantes et des enseignants selon
leurs besoins. Donc, c'est une espèce d'équilibre, il me semble, que je... que
je vous soumets, là. Ça ne... Vous n'adhérez pas à cet équilibre, si je
comprends bien?
M. Éthier (Marc-André) : On
adhère à l'équilibre, évidemment. C'est toujours bon, l'équilibre, la question
n'est pas là. Si... Mais on parlait tantôt de la possibilité d'avoir le plus de
marges de manœuvre possible pour les enseignants, bien, ça peut être important,
parce qu'il se pourrait, par exemple, je donne un exemple un peu aléatoire mais
anecdotique, qu'un chargé de cours, qui soit en même temps un enseignant au
primaire ou au secondaire, ait formé, dans ses cours, le formateur qui va lui
dire quoi faire. Donc, il faut s'assurer, bien sûr, que les formations sont
adaptées aux personnes qui sont là.
Mais, en même temps aussi, il se pourrait
que quelqu'un veuille suivre, par exemple, des cours universitaires en
histoire, en géographie, en maths, et que ce ne soit pas prévu par vous. Et ce
n'est pas nécessairement mauvais, ça pourrait rentrer dans le 30 heures, ça
pourrait inciter les gens à faire... à organiser leur horaire, parce que ce
n'est pas simple non plus de faire ça en soirée quand tu as la famille, tout
ça, bon. Donc, ça pourrait être bien des choses qui pourraient servir à mieux
enseigner, il n'y a pas que les méthodes pratiques qui servent à enseigner et
mieux. Parfois, mieux comprendre sa matière, la creuser davantage permet de
faire des choix plus éclairés d'une méthode qui est plus adaptée aux vrais
besoins en termes d'objectifs d'apprentissage et pas seulement en termes de
transmission. Il y a les deux, hein, on ne peut pas faire l'économie de
l'autre.
M. Drainville : Mais, si je
vous comprends bien, il me semble que ce que je propose et ce que vous
proposez, c'est éminemment conciliable, parce que ce que vous proposez pourrait
tomber, pour reprendre l'exemple que j'ai donné, dans les 24 h sur
lesquelles ce serait la... comment dire, l'autonomie absolument absolue,
absolument absolue...
Mme Goyette (Nancy) : Je suis
désolée, M. le ministre, mais comment on peut... Bien, qu'est-ce qu'on fait
avec les enseignants qui n'ont pas besoin de cette formation-là parce qu'ils
sont bons en gestion de classe, par exemple, ou ils sont excellents en
français? Ils vont perdre 6 h de formation continue qu'ils pourraient
faire dans d'autres choses pour améliorer leurs compétences.
M. Drainville : Oui, mais
moi, je vous disais, 6 heures, pour moi, c'est deux fois 3 heures,
c'est deux thèmes, là, je donne cet exemple-là. Mais, si vous avez... Mettons,
si on prend la gestion de classe, si vous avez... Je ne sais pas, moi, à
l'intérieur du grand thème Gestion de classe, il y a 10, ou 15, ou
20 formations continues qui sont accréditées, je pense, je peux me
tromper, là, mais je pense que sur les 15, mettons, qui seraient disponibles...
je serais étonné, mettons, qu'une personne qui se considère absolument
totalement compétente à gérer une classe qui n'est pas facile... je serais
étonné qu'à l'intérieur, mettons, du bouquet de 15 formations continues...
M. Drainville : ...pas un ou
deux qui lui parle, puis dans laquelle elle a le goût de s'investir. J'essaie
de...
Mme Leroux (Mylène) : Bien,
peut-être si je peux ajouter... est-ce que tu me permets? Il y a plusieurs
questions qu'on se pose où on se demande : Mais pourquoi? Pourquoi ça
serait nécessaire que vous, M. le ministre, vous ayez besoin d'obliger ce type
de formation là? Pourquoi on supposerait que s'il y a des problèmes de
comportement dans la classe, c'est nécessairement parce que c'est l'enseignante
qui n'est pas suffisamment formée ou qui n'a pas suffisamment développé sa
compétence? Donc, il y a ces éléments-là. Puis l'autre question qu'on peut...
M. Drainville : ...professionnel,
le développement professionnel, est-ce que vous croyez là-dedans, vous?
Mme Leroux (Mylène) : Bien
sûr. Écoutez, c'est une des compétences professionnelles du référentiel de
compétences. On doit nous-mêmes former les futurs enseignants à être actifs, à
développer une pratique réflexive. Donc, absolument, c'est quelque chose qu'on
va tout à fait appuyer. Le problème, c'est qu'on vient contrecarrer les études
sur le développement professionnel efficace qui nous disent que ce n'est pas
dans ce sens-là qu'il faut aller. Si on détermine des besoins collectifs dans l'école,
c'est une chose, mais je ne vois pas comment, si c'est une décision qui est
prise par le ministre, ça vient nécessairement répondre aux besoins soit de
l'école ou du milieu. Ça, c'est une chose. L'autre chose, c'est qu'il n'y a
pas...
M. Drainville : Je suis
imputable... que je suis imputable à la population, moi, comme ministre de
l'Éducation?
Mme Leroux (Mylène) : Bien,
absolument. Mais en quoi est-ce que, s'il y a une problématique qui survient,
on fait tout de suite l'association avec le fait que les enseignants ne
seraient pas suffisamment formés? Il faudrait aussi documenter cet aspect-là.
Quand on dit, par exemple : Les enseignants ne connaissent pas les
pratiques efficaces. Bien, est-ce qu'on le sait s'ils ne les connaissent pas,
ils ne les mettent pas en œuvre? Est-ce qu'il n'y a pas d'autres facteurs qui
peuvent expliquer qu'est-ce qu'on rencontre comme problématiques actuellement?
M. Drainville : Il n'y a
personne qui a dit que les enseignants, les enseignants ne connaissaient pas
les pratiques efficaces?
Mme Leroux (Mylène) : Bien,
en tout cas, moi, je l'ai entendu aujourd'hui.
M. Drainville : Bien, ce que
j'ai entendu, moi, aujourd'hui, c'est qu'il n'y avait pas suffisamment...
l'accent n'était pas suffisamment mis sur l'enseignement efficace, sur les
pratiques inefficaces. Mais je n'ai pas... bien, en tout cas, peut-être que
j'ai mal entendu, là, mais je n'ai pas entendu quelqu'un déclamé que tous les
enseignants n'y connaissez rien à l'enseignement efficace, là, je ne crois pas,
là, avoir entendu ça.
Mme Leroux (Mylène) : Mais
même pour l'enseignement explicite, peut-être, ou les pratiques efficaces, on
dit par exemple que l'enseignement explicite n'est pas enseigné dans les
formations initiales. Je n'ai pas vu de données sur ce sujet-là. Ce sont des
impressions.
M. Drainville : Est-ce qu'il
l'est? Est-ce qu'il l'est?
Mme Leroux (Mylène) : Oui.
Mme Goyette (Nancy) : Oui,
c'est une stratégie comme une autre.
M. Drainville : Donc, vous
êtes... O.K..
Mme Leroux (Mylène) : Parce
qu'en fait il n'y a pas de pratique efficace absolue. Il faut déterminer des
finalités.
M. Drainville : Mais je vais
aller à l'essentiel. Je pense que... est-ce que vous trouvez quelque chose de
positif dans le projet de loi n° 23 ou est-ce que tout est négatif?
• (19 h 50) •
Mme Leroux (Mylène) : Est-ce
que je réponds? Moi, je trouve qu'il y a une chose qui est positive, c'est que
le ministère aille chercher davantage de données sur le terrain, donc par
exemple, de savoir combien d'enseignants quittent en termes de pénurie, ça, ce
serait intéressant de le savoir. Les raisons de leur... du fait qu'ils
quittent, ça pourrait être très intéressant. Les gens qui partent en retraite
et en retraite devancée, anticipée, parfois en ayant de grandes pénalités.
Qu'est-ce qui fait qu'ils quittent ces personnes-là? On a des données
internationales, mais on manque peut-être de données au Québec, Donc, cet
élément-là d'enrichir les données qu'on peut aller chercher du milieu, les
données qu'on peut aller chercher du milieu, et d'améliorer la communication
bidirectionnelle, là, certaines personnes en ont parlé. Ça, je pense que c'est
un aspect qui est très positif.
M. Éthier (Marc-André) : ...a
fait une recherche là-dessus. Il y a des recherches qui existent aussi. On peut
lire, ça se fait, lire, là, les recherches. Ça pourrait être intéressant de
commencer par ça aussi.
Mme Goyette (Nancy) : Puis
qu'est-ce qui est intéressant, c'est que sachant que la loi aura probablement
lieu, que vous allez la faire adopter, il faudrait peut-être plus penser à une
consolidation au niveau aussi des instances que l'on a. Le... est vraiment une
instance importante pour baliser la formation initiale et nous... tu sais, pour
donner aussi le ton aux universités concernant ce que le ministère veut. Ça,
bon, le Conseil supérieur de l'éducation, je pense que là, tout le monde a été
convaincu par rapport à ça. Mais pourquoi faire une mégastructure quand toutes
les choses sont en place? Est-ce qu'on ne pourrait pas coordonner les choses,
justement? Ce serait peut-être le rôle du ministère de l'Éducation de
répertorier tout ce que l'on a, parce qu'on a des choses, et ensuite de se
dire : Bien, comment on peut fonctionner? On n'a pas besoin nécessairement
d'un institut d'excellence national en éducation. Là, je l'ai débaptisé. Je
m'excuse, puis je ne voulais pas faire une blague avec ça, là, mais on peut
repenser et faire des changements parce qu'on est rendu là, là, au Québec, on
est rendus là, faire des changements. Moi, je pense qu'au niveau des
recommandations aussi, c'est...
Mme Goyette (Nancy) : ...c'est
d'aller consulter davantage une variété de personnes, la communauté pour
vraiment voir. Peut-être, je ne le sais pas, moi, une commission Parent 2.0,
ça, ça pourrait être un beau travail que vous pourriez effectuer comme ministre
de l'Éducation qui aurait du sens pour le milieu, parce qu'on le sent que le
milieu a besoin de changement. Les chercheurs le savent aussi. On publie des
données de recherche là-dessus. Puis je pense que mon souhait le plus cher, ça
serait que... bien cette loi-là, c'est un beau pas en avant pour réfléchir à
l'éducation, mais d'aller plus loin puis de se dire : Comment on peut.. on
peut être encore meilleurs, mais travailler ensemble dans une collectivité et
une acceptation de la diversité des recherches, la diversité des milieux, la
diversité des stratégies d'enseignement? Comme enseignant, on ne peut pas
enseigner juste une stratégie. Puis les stratégies efficaces, bien, ça ne
marche pas tout le temps. Puis il faut supporter nos nouveaux, mais il faut
supporter aussi nos enseignants qui sont experts, parce que c'est eux qui
décrochent présentement parce qu'ils n'en peuvent plus. Donc, comment on peut
trouver ensemble une solution? Moi, je pense que c'est ça que j'aurais à vous
dire, M. le ministre. De tout mon cœur, là, je pourrais dire, moi, c'est le
bien-être. La finalité de l'éducation devrait être la réussite éducative, le
bien-être de nos élèves, mais aussi le bien-être de tous les acteurs de
l'éducation pour y arriver. Puis on en a, des exemples internationaux où on se
concerte et on y arrive. Donc, c'est un peu le message qu'on vient vous livrer.
Puis bonne fête encore.
M. Drainville : Merci.
M. Savard (Denis) : Tu me
permets?
Mme Goyette (Nancy) : Oui,
vas-y, Denis.
M. Savard (Denis) : M. le
ministre, moi ce que j'aime dans le projet, c'est tout le côté statistique,
naturellement. Puis j'aimerais vous dire que le Québec a été un leader mondial
dans tout ce qui est l'étude des trajectoires de la scolarisation, tout ça,
parce qu'on avait des données qui étaient centralisées au ministère de
l'Éducation. Ça n'existait nulle part ailleurs. Ça fait que beaucoup des
méthodologies qui sont appliquées mondialement maintenant originent d'ici. Et
là on est en train, je pense, d'être capables de rendre ça au niveau des
écoles, mais pas pour suivre les enseignants à la trace, comme si on traversait
le parc de La Vérendrye avec un char de police en arrière, mais plutôt d'amener
du soutien, de dire... Monsieur est directeur d'école ici, d'être capable de
dire : Bien voilà, cet élève-là, on sait qu'il peut avoir des difficultés
durant l'année, puis on peut le voir aller aller, puis intervenir à un moment
donné. Puis tout ça peut servir aussi à faire des études qui vont nous
permettre d'améliorer le système, et même des études avec des données
probantes, imaginez-vous.
M. Éthier (Marc-André) : J'ajouterais
une chose quand même, c'est qu'il y a déjà beaucoup de choses qui existent et
qui existaient avant qu'on pourrait simplement remettre en l'état, et ça serait
suffisant. Pas besoin de construire un nouveau monstre, il y a déjà des choses
qui existaient. Vous avez un ministère qui a des directions qui font de la statistique.
Il y avait de la recherche qui se faisait avant. Refaire ça, ça se fait. C'est
plus simple que de faire une autre structure. Ça serait possible de le faire.
M. Drainville : Merci. Merci.
La députée de Lotbinière Frontenac souhaite intervenir.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme
la députée, la parole est à vous.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci. Bien, merci d'être là. Tout à l'heure,
vous avez parlé du taux de diplomation qui s'améliore puis la réussite des
garçons. Vous nous avez montré un tableau. Oui, je suis consciente que le taux
de diplomation augmente depuis les dernières années, mais est-ce que ça va
bien? Moi, je vais dans les écoles. J'ai fait une tournée depuis le mois de
novembre. Il y a des belles choses qui se passent, c'est sûr. On parle beaucoup
plus des mauvaises choses qui arrivent parfois, mais, tu sais, moi, on me dit
que, bien, tout ne va pas bien. Puis on me parle aussi beaucoup de violence.
Donc, je pense qu'il y a un problème de gestion de classe, bien, plutôt,
peut-être, un manque d'outils. Puis on m'a parlé aussi de la formation à
l'université. On ne parle pas beaucoup de gestion de classe, puis je pense que
ce serait un besoin.
Tout à l'heure, vous avez parlé que vous
faisiez de la formation de base à l'université. Puis, bien, je semble
comprendre que vous êtes un peu contre la formation continue comme on veut...
on veut la...
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : ...implémenter. Donc, moi, je pense que la
formation continue, c'est des outils qu'on veut donner au personnel. Puis,
quand vous dites que, bien, pour vous, ça veut dire que les enseignants ne sont
pas compétents, bien, moi, je trouve que c'est... tu sais, je ne comprends pas
ça, là. Donc, bien, j'aimerais vous entendre là-dessus un peu plus.
M. Savard (Denis) : Pour
commencer...
La Présidente (Mme Dionne) : ...juste
pour votre information, il reste 40 secondes.
M. Savard (Denis) : O.K.,
bien, je vais laisser Nancy, d'abord, puis...
Mme Goyette (Nancy) : Eh là,
là...
M. Éthier (Marc-André) : Non,
mais, attends, je vais dire quelque chose avant, au lieu de se passer la balle
l'un, l'autre. Le nombre d'élèves par classe pourrait aider beaucoup à la
gestion de classe. S'il diminuait, ce serait déjà une bonne chose en partant.
La formation continue, c'est une très bonne chose, on peut en faire. Il y a des
universités qui en font déjà. Donc, on pourrait donner du temps aux profs pour
qu'ils aillent se former. Ce serait déjà une très bonne affaire.
C'est paternaliste de leur dire quoi
étudier, quoi faire. Je pense qu'ils sont assez intelligents pour décider
eux-mêmes et sentir eux-mêmes leurs besoins, mais il faut leur laisser du
temps, de l'espace pour le faire, des moyens pour le faire. C'est ce qu'il
manque, à mon avis.
Mme Leroux (Mylène) : ...qu'ils
soient libérés, ils puissent être libérés.
Mme Goyette (Nancy) : Et le
problème, c'est que, là, on veut prendre des enseignants non qualifiés, leur
faire faire un 30 crédits puis leur dire : Allez dans les milieux puis
vous allez...
La Présidente (Mme Dionne) : ...merci,
c'est tout le temps qu'on a.
Mme Rizqy : ...sur mon
temps...
La Présidente (Mme Dionne) : Bon,
je passe la parole à Mme la députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Terminez, là, sur
mon temps. Allez-y, oui, oui.
Mme Goyette (Nancy) : Ah!
c'est ça. Donc, on n'est pas contre ce type de formation là, bien au contraire,
la formation continue, elle, est nécessaire, hein? Sauf que le problème qu'on a
présentement, c'est qu'on a beaucoup d'enseignants non qualifiés, et ces
enseignants non qualifiés là, bien, avec toute leur bonne volonté, veulent
devenir enseignants, mais ils arrivent dans les milieux, ils ont peut-être un
bac en comptabilité, et là on va dire: Bien là, tu vas enseigner au primaire,
O.K., là, tu vas faire un 30 crédits, et on va te donner ton brevet
d'enseignement. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais il a beau avoir une
belle base en comptabilité, mais enseigner le français, les mathématiques,
enseigner l'univers social, les sciences, les arts plastiques au primaire, même
si on a un bac en comptabilité, les 30 crédits ne sont pas suffisants pour
réussir à avoir une expertise nécessaire pour aider des enfants. Puis on sait
que le primaire, c'est la base. Donc, si on arrive avec des gens non qualifiés
qui font juste des formations qui sont courtes, bien là, à ce moment-là, on se
tire dans le pied parce que ces gens-là, ils ne vont pas se sentir compétents,
et là, bien, ils ne resteront pas dans le réseau. Ils vont faire une, deux,
trois années, puis ensuite ils vont s'en aller. Et ça, on a vu ça pour les
préposés aux bénéficiaires, soit dit en passant. Les formations courtes ne
peuvent pas aider à faire une rétention de personnel.
Nous, ce qu'on a besoin, présentement, en
éducation, c'est vraiment de faire en sorte que les gens restent, donc, ceux
qui sont là restent, et de faire en sorte que nos novices qui sortent, bien,
ils restent aussi. Mais là c'est sûr que ça ne va pas si bien que ça puis qu'il
y a beaucoup de problématiques, puis je le sais, que vous êtes sensible à ça,
puisque vous avez fait le tour des écoles. Puis on ne peut pas régler en un
tour de magie quelque chose qui dure depuis une dizaine d'années, même plus,
une vingtaine d'années. On le sait, que ça ne va pas bien dans nos écoles.
Maintenant, pour immiscer un changement,
il ne faut pas y aller avec un coup de barre, il faut y aller tranquillement,
il faut mettre des choses, des éléments essentiels qui vont favoriser le changement
pour que tous puissent avoir un bénéfice.
Mme Leroux (Mylène) : Et être
à l'écoute...
Mme Goyette (Nancy) : Et être
à l'écoute.
Mme Leroux (Mylène) : ...des
personnes. Là, en ce moment, moi, j'ai écouté toutes les auditions, et les
personnes qui sont les plus près des élèves, les enseignants, les parents, les
directions d'école... Nous sommes plusieurs chercheurs qui sommes sur le
terrain, soit pour réaliser des recherches collaboratives, des activités de
développement professionnel, etc., ces différentes personnes là sont celles qui
ont soulevé le plus de préoccupations. Ça ne veut pas dire que tout est à
jeter, mais on a tous, tout près de l'élève, des préoccupations. Il faut
écouter.
M. Savard (Denis) : Si on me
permet de terminer...
Mme Rizqy : Oui,
certainement.
M. Savard (Denis) : Ça fait
la troisième fois. En résumé, là, on ne dit pas que tout va bien, mais ça
s'améliore. Puis c'est ça, c'est qu'on ne souscrit pas à la description
catastrophique qui est entretenue, qui est très injuste pour le beau travail
pas assez reconnu des personnels d'éducation, qui oeuvrent dans des conditions
difficiles.
• (20 heures) •
Mme Rizqy : Qu'on salue,
d'ailleurs.
M. Savard (Denis) : Oui.
Mme Rizqy : Merci d'être présents.
Bien en avance sur le temps qui vous sera alloué tantôt. Merci, bienvenue, je
n'ai pas eu la chance de vous le dire tout de suite parce que je voulais vous
laisser dans votre élan. Vous cumulez combien d'années en recherche en
éducation, chacun d'entre vous?
Mme Goyette (Nancy) : Ah
bien, chacun d'entre nous?
Mme Rizqy : Oui.
Mme Goyette (Nancy) : Moi,
j'ai été enseignante au secondaire 12 ans. Je suis retournée aux études pour
devenir prof d'université, donc je pourrais dire que ça fait 25 ans que
j'évolue. Comme universitaire, prof, huit ans.
Mme Rizqy : Parfait. Et
vous?
M. Éthier (Marc-André) : Comme
prof d'université, 20 ans.
Mme Rizqy : Et vous?
Mme Leroux (Mylène) : Ça fait
20 ans que je suis dans les projets...
20 h (version non révisée)
Mme Leroux (Mylène) : ...de
recherche comme assistante-coordonnatrice, mais je suis depuis 13 ans à l'Université
du Québec en Outaouais.
Mme Rizqy : Et vous?
M. Savard (Denis) : 20 ans
comme professeur, 40 ans comme chercheur.
Mme Rizqy : Donc, vous
cumulez tous ensemble plus de 100 ans d'expérience en éducation. Avez-vous été
consultés pour le dépôt de ce projet de loi là?
Une voix : Pour la réforme
Maltais? Non.
Mme Rizqy : Non, hein?
M. Éthier (Marc-André) : Non,
on n'a pas été consultés.
Mme Leroux (Mylène) : Ni de
près ni de loin.
Mme Rizqy : Ni de près...
Mais vous avez quand même... Moi, je vous connais parce que je vous lis en
éducation depuis maintenant quelques années, là, vos travaux sont publics, là,
pourtant, là. Je suis vraiment étonnée.
J'ai le goût de vous donner un exemple
concret. Lorsqu'on a fait la maternelle quatre ans, le gouvernement nous est
arrivé avec de la recherche venue d'ailleurs. Et là, tout à coup, les experts,
c'était New York. Ils ont même fait venir des gens de New York nous expliquer
comment ça a révolutionné l'éducation à New York. Mais nous, on avait beau leur
expliquer qu'au Québec, avec l'état de la situation actuelle, manque d'enseignants,
manque de locaux... qu'il fallait par conséquent... oui pour les maternelles
quatre ans, mais progressivement et où est-ce qu'il y a les besoins les plus
urgents. À ce moment-là, on n'a pas été écoutés.
J'ai l'impression qu'aujourd'hui, là,
quand on dit que c'est important d'écouter puis que, les données probantes...
On nous parle beaucoup encore de la recherche extérieure, mais, en ce moment,
il y a de la recherche québécoise. Et vous, vous êtes la recherche québécoise.
Sentez-vous que vous avez été écoutés?
Une voix : Non.
Mme Rizqy : O.K.
Mme Goyette (Nancy) : Mais on
est subventionnés par le gouvernement.
Mme Rizqy : Quand même, hein?
Préoccupant. J'imagine que vous avez lu le rapport de la vérificatrice générale
du Québec. Il est question là-dedans notamment des enseignants qui, eux,
peuvent prendre jusqu'à sept ans pour avoir un poste régulier. Pourquoi j'en
parle et pourquoi que c'est important? C'est qu'elle indique aussi que c'est
une des raisons qu'il y a des départs, qu'il y a des enseignants qui ont fait
quatre années de baccalauréat, qu'on a payé à même nos fonds, et qu'eux autres
aussi ont payé, parce qu'ils paient des fois le logement en continu, il y en a
qui ont des familles, tout ça, mais on perd beaucoup de monde, on parle de
25 % d'entre eux qui quittent dans les cinq premières années. Donc, c'est
une vraie hémorragie, permettez-moi l'expression. En quoi ce projet de loi s'assure,
justement, la rétention des enseignants légalement qualifiés?
Mme Leroux (Mylène) : Je
peux, hein? Ça fait longtemps que je m'intéresse à l'insertion professionnelle,
une bonne dizaine d'années. Et puis ce que je vous dirais, c'est que la
précarité, c'est une chose. Mais, quand on consulte les études, ici et
ailleurs, sur les éléments qui font en sorte qu'il y a de l'attrition, c'est
beaucoup la surcharge de travail qui revient, les défis liés notamment à l'évaluation,
bien sûr des défis liés à la gestion de classe ou la difficulté en lien avec l'inclusion,
le manque de ressources dans la classe, par exemple, mais, au cœur de tout ça,
il y a vraiment le stress qui est lié à la surcharge de travail. Puis, avec le
projet de loi, nous, c'est ce qu'on entrevoit, qu'il y aura une pression encore
plus grande liée à l'évaluation. Et ça, ça génère davantage de stress et davantage
d'intention de quitter chez les enseignants. Donc, on ne s'en va pas
nécessairement dans la bonne direction ici, là.
Mme Goyette (Nancy) : Dans le
fond, c'est une gestion axée sur les résultats, mais c'est plus que ça, être à
l'école. Ce n'est pas juste des notes. Ce n'est pas juste, tu sais, des notes
qui vont dire que nos enfants réussissent, c'est aussi l'épanouissement, et l'épanouissement
de nos enfants, bien, ça ne passe pas nécessairement toujours par des tableaux
au ministère.
Mme Rizqy : Dites-moi, avec
vos plus de 100 ans d'expérience en éducation, là, vous, si vous aviez été
ministre, est-ce que ça aurait été votre premier projet de loi?
Mme Leroux (Mylène) : Bien,
pas ma priorité. Ma priorité à moi, elle aurait été de m'occuper de la pénurie
et surtout du fait qu'il y a beaucoup de gens qualifiés qui quittent
actuellement. Donc, priorité numéro un, je me serais occupée des conditions de
travail des enseignants pour vraiment... depuis longtemps on en parle,
vraiment, élément prioritaire, ce qui ferait en sorte aussi qu'on attirerait
davantage de recrues dans les programmes de formation initiale.
Mme Rizqy : Je vais aller
vite parce que le temps file. Il me reste moins de deux minutes. On parle
beaucoup en ce moment des échecs... de l'échec, en fait, en orthographe chez
les... nos élèves. Est-ce que le fait qu'il y ait des portes tournantes en ce
moment en éducation, qu'un élève, là, peut avoir cinq, six remplaçants, parce
qu'il n'y en a pas, de stabilité, là, ça peut expliquer que ça devient un peu
plus difficile d'avoir de la réussite en français?
Mme Goyette (Nancy) : Bien,
moi, je pense que oui, d'une certaine façon. Maintenant, ça dépend vraiment des
conditions dans lesquelles les enfants sont puis des écoles. Donc, ça peut être
un facteur parmi tant d'autres, tant d'autres. Et, des fois, ça ne veut pas
dire nécessairement que les enseignants ne sont pas compétents en français non
plus, hein? Il y a toute la disposition à l'apprentissage, et ça, bien, c'est
tout dans le tournant de... des émotions que l'enfant vit. Et ça, bien, il faut
en prendre en compte parce que ça fait partie. Il y a la cognition, mais il y a
aussi les émotions dans l'apprentissage.
Mme Rizqy : Il me reste une
minute. Je vais aller... Deux questions principales. Alors, première question.
Jean-François Roberge, lorsqu'il était ministre de l'Éducation, avait accepté
le principe de subsidiarité...
Mme Rizqy : ...et de laisser
le 30 heures de formation libre aux enseignants. Par rapport à ce projet de
loi, est-ce qu'on est en continuité ou en contradiction? Première question.
Deuxième question : Si jamais on va de l'avant avec l'INEE — le
gouvernement, c'est son souhait — est-ce qu'à tout le moins la
personne qui va être à la tête de l'INEE devrait être aussi un chercheur, avec
un PhD, comme vous autres? Allez-y, il ne reste pas beaucoup de temps.
Mme Leroux (Mylène) : Bien,
la question... la première question, c'est le contraire, là. Dans le fond, on
voulait laisser l'autonomie. La deuxième question, on a mis des éléments sur la
composition du comité. On a un chercheur dans un comité puis on va déterminer
l'excellence de la recherche. Même si c'était moi, même si c'était un de nous,
on ne représente jamais la variété des postures épistémologiques, des approches
de recherche, des réalités, des formations initiales. Donc, ce n'est pas
suffisant, à mon avis.
M. Savard (Denis) : Il faut
que ce soit un chercheur reconnu.
Mme Rizqy : ...c'est un PhD,
parce que n'importe qui peut s'improviser chercheur, là, on s'entend, là.
Mme Goyette (Nancy) : ...plus
qu'un, pas juste une personne. On a des approches vraiment variées en
éducation, parce qu'on est un carrefour...
La Présidente (Mme Dionne) : ...10
secondes. Allez-y, excusez-moi.
Mme Goyette (Nancy) : ...on
est un carrefour de plusieurs disciplines, mais chacune des disciplines a sa
façon de faire de la recherche, ses méthodologies. Donc, on ne peut pas
dire : Bien, il y a un chercheur qui va décider de ce que va être la
recherche au Québec.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation, merci aussi d'avoir parlé
avec votre cœur, c'est important. Je veux aussi... Vous êtes des chercheurs,
puis j'ai fait un décompte de tout le monde qui est venu en commission
parlementaire, les chercheurs et les universitaires. Sur 10, juste deux femmes,
et vous êtes devant moi. Donc, je voulais quand même le souligner, ça m'a
frappée.
Un mot, rapidement, là... un mot sur la
formation. Le ministre le dit tout le temps, trois heures sur 30 heures. Puis
ça, ce n'est pas écrit dans le projet de loi, là, c'est un exemple. Peut-être
que c'est 30 heures, peut-être que c'est 10 heures, peut-être que c'est une
heure, peut-être que c'est zéro. On ne le sait pas, ce n'est pas écrit. C'est
un des exemples théoriques. Je comprends ce que vous dites, c'est qu'il y a une
diversité de recherche. Puis là, en ce moment, on a l'impression qu'il y a ce
qu'on appelle l'éducation basée sur les données probantes, comme, c'est un
courant, puis les gens derrière, un peu, les idéateurs de l'INEE, c'est juste
un courant, alors que là, il y a une diversité de courants qui existe, mais on
ne la lit pas puis on ne s'assure pas de l'appliquer. C'est ce que je
comprends.
Vous avez parlé aussi du CTREQ. Peut-être
nous en parler un peu plus? Qu'est-ce qu'ils font? Ils font de la recherche. Y
a-tu quelqu'un qui lit ça? Y a-tu quelqu'un qui s'assure que c'est dans la
classe?
M. Savard (Denis) : Oui,
bien, le CTREQ, c'est le centre qui s'occupe de faire du transfert au Québec
depuis 20 ans, et ils ont un site Web qui est visité 500 000 fois. Ils
font des veilles actuellement, ils font des projets avec les milieux, tout ça,
et ils sont vraiment...
Mme Ghazal : ...
M. Savard (Denis) : C'est
utilisé par tout le monde.
Mme Ghazal : Par tout le
monde. Puis...
M. Savard (Denis) : Mais il
faudrait que ce soit reconnu. Et c'est quelque chose qui est vraiment
québécois, ils vont faire des produits. Mais ce qui les distingue, je vous
dirais, c'est que ce n'est pas juste un entrepôt de données. C'est qu'ils
s'amènent à faire de l'animation avec les milieux, pour faire en sorte que ces
données de la recherche là atteignent les milieux.
Mme Ghazal : Puis comment
l'INEE... Parce que là, le projet de loi, le ministre va aller de l'avant, là,
le créer, même si vous dites qu'il faudrait suspendre ça. L'INEE qui va être
là, comment est-ce qu'il va pouvoir utiliser ce que le CTREQ va faire? Est-ce
que vous avez réfléchi à ça?
M. Savard (Denis) : Bien,
nous, on aimerait mieux que ce soit le CTREQ que l'INEE qui s'en occupe.de
cette règle que.
Mme Ghazal : Que ce soit le
CTREQ qui soit reconnu. O.K., je comprends.
Mme Leroux (Mylène) : ...peut-être,
qu'est-ce qu'on peut dire aussi, c'est qu'il y a... Moi, je vous ai fait un
dossier, là, avec le CPUQ, l'AQEP. Ces organisations-là organisent déjà de la
formation continue. Donc, nous, ce qu'on veut, ce dont on veut s'assurer, c'est
que ces formations-là fassent partie de ce qui va être reconnu ou accrédité. On
ne sait pas trop sur quels critères, il faudrait que ce soit précisé. Mais ces
gens-là font déjà un travail extraordinaire de transfert. Il y a beaucoup de
chercheurs qui sont impliqués dans ces organisations-là.
Mme Ghazal : Puis vous avez
l'impression qu'ils ont moins l'oreille du gouvernement et du ministre que
d'autres?
Mme Leroux (Mylène) : Bien,
on ne sait pas s'ils sont connus. C'est pour ça que moi, j'en ai apporté pour
vous, pour que vous puissiez...
Mme Ghazal : Vous en avez
apporté aussi au ministre?
Mme Leroux (Mylène) : Oui,
bien sûr.
• (20 h 10) •
M. Éthier (Marc-André) : On
parlait, tantôt, de diversité dans la recherche. J'ajouterais que le ..., par
exemple, a 140 chercheurs, et ils ne sont pas tous pareils. Il y a des
recherches, par exemple, sur la valeur des examens d'histoire, et on voit une
différence entre l'examen et le programme. L'examen n'évalue pas ce que fait le
programme. Alors, qu'est-ce qu'on peut dire sur la valeur des moyennes,
ensuite, si ça augmente ou si ça baisse, quand on ne sait pas si l'examen
évalue vraiment ce qu'il doit évaluer? Alors, il n'y a pas juste des recherches
de ce type-là. Il y en a d'autres en amont aussi, de très grande diversité.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, merci infiniment. C'est, malheureusement...
Mme Ghazal : ...
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
je... S'il vous plaît, oui, merci. M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous avez dit quelque chose de
fantastique, tout à l'heure, et de tout simple : Ce qui est important,
c'est la réussite scolaire puis le bien-être. Juste ça.
Une voix : ...
M. Bérubé : Bien, c'est...
M. Bérubé : ...ces termes-là.
Mme Leroux (Mylène) : Plus
scolaire mais qui dépasse. C'est aussi le plaisir d'apprendre.
M. Bérubé : La personne.
Mme Leroux (Mylène) : Il faut
aller voir la politique de la réussite éducative, hein, elle est au
ministère...
M. Bérubé : Je n'ai pas
encore posé ma première question.
Mme Leroux (Mylène) : Allez-y,
allez-y.
M. Bérubé : Mais j'y arrive.
Vous avez dit d'autres choses qui m'a marqué aussi, combien d'enseignants
quittent et pourquoi? Et c'est les premiers artisans de l'éducation. Moi, ça
m'interpelle beaucoup parce qu'on en demande davantage, vous avez même parlé de
la pression sur l'évaluation qui allait peut-être faire un effet négatif sur
les enseignants. Donc, je comprends qu'on peut... On n'a pas beaucoup de
données sur pourquoi les enseignants quittent. Combien d'enseignants quittent
et pourquoi, c'est bien ce que vous avez dit tout à l'heure?
Mme Leroux (Mylène) : On en
a... à l'extérieur du Québec, certaines au Québec, là, avec le numéro que je
vous ai distribué sur la pénurie en... il y a un grand projet de recherche qui
est mené par notre collègue Geneviève Sirois, on a certaines informations, mais
on n'a pas les données claires. Moi, je posais la question à un syndicat de ma
région récemment, puis là je disais : Pouvez-vous donner des infos sur le
nombre de démissions, etc.? Puis tout ce qu'elle pouvait me dire c'est :
Bien, écoutez, cette année, j'ai rencontré 20 personnes de mon syndicat
avec qui on a fait des retraites anticipées. 20 personnes à l'UQO dans ma
région, à Gatineau, c'est la moitié de mes finissants au préscolaire, primaire,
ça fait que déjà là il y en a 20 qui quittent de façon prématurée. Ça, c'est
probant, là, c'est vraiment des faits, là, que je vous dis.
M. Bérubé : Bien, ce n'est
pas mal à la base de tout le reste, si on est capable de faire en sorte que les
enseignants restent, qu'ils soient heureux, qu'ils soient capables d'exercer
leur profession avec les compétences qu'ils ont acquis, qui continuent
d'obtenir, c'est ça qui est important.
En... l'an dernier, pendant la campagne
électorale, le ministre de l'Éducation de l'époque s'attribuait... à son
gouvernement le fait que les... l'augmentation du nombre d'inscriptions dans
les facultés d'enseignement avait monté, il disait : C'est depuis
l'arrivée de notre gouvernement que ça monte. Donc, il dit : C'est grâce à
ça. Si je suis la même logique, il n'y a jamais eu autant d'enseignants qui
quittent, c'est de la faute de qui?
Mme Goyette (Nancy) : C'est
un problème qui est systémique, on ne peut pas... on ne va pas aller chercher
des coupables parce que c'est un problème qui dure depuis longtemps, ce n'est
pas, tu sais, la semaine passée, là. Déjà, là, dans les années 2010, on le
prévoyait cette pénurie-là.
Maintenant, il y a des discussions qui
doivent se faire vraiment pour que le politique et le terrain puissent vraiment
se parler, là, parce que là, on dirait qu'il y a une coupure puis que les
décisions ne sont pas nécessairement toujours cohérentes avec la réalité.
M. Bérubé : Mais moi, j'ai
l'impression, le ministre a fait référence à ses visites dans les écoles, j'ai
l'impression qu'il entend plus souvent des enseignants et les enseignantes
qu'il faut trouver des façons de valoriser leur travail, de les encadrer, que
d'enseignants qui lui disent : Moi, je pense qu'il faudrait centraliser
davantage et créer une nouvelle institution. Je n'étais pas là, mais je présume
que c'était plus ça.
Mme Goyette (Nancy) : Bien,
je vous dirais que l'école, ce n'est pas une entreprise.
La Présidente (Mme Dionne) : En
terminant. Merci.
M. Bérubé : Ce sera le mot de
la fin.
La Présidente (Mme Dionne) : Ce
sera le mot de la fin. C'est malheureusement tout le temps que nous avons. Je
suis désolée. Moi, j'ai le rôle odieux de couper la parole. Alors, merci
beaucoup pour vos interventions. La commission suspend ses travaux quelques
instants pour accueillir notre prochain groupe.
(Suspension de la séance à 20 h 15)
(Reprise à 20 h 18)
La Présidente (Mme Dionne) : La
Commission de la culture et de l'éducation reprend maintenant ses travaux.
Donc, je souhaite la bienvenue maintenant à la Fédération des syndicats de
l'enseignement. Donc, Mmes Josée Scalabrini, Brigitte Bilodeau,
M. Sébastien Bouchard et Mme Sandy Royer.
Donc, je vous rappelle que vous avez
10 minutes pour nous présenter votre exposé. Suite à cela, nous
poursuivrons les échanges avec les membres de la commission. Donc, la parole
est à vous.
Mme Scalabrini
(Josée) :Bonjour, M. le ministre et tous
les parlementaires. On est très heureux d'être ici aujourd'hui avec vous. Je
suis Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de
l'enseignement. La FSE-CSQ est la plus importante organisation représentant des
enseignants et des enseignantes du réseau scolaire québécois. Elle regroupe 34 syndicats
représentant plus de 87 000 enseignants aux quatre coins du Québec. La FSE
fait ça fait partie de la Centrale des syndicats du Québec, et vous pouvez
considérer que notre présentation est comme complémentaire à la sienne.
Aujourd'hui, je suis accompagnée de Mme Brigitte Bilodeau, première
vice-présidente de la FSE, ainsi que Mme Sandy Royer et
M. Sébastien Bouchard, tous deux membres du personnel de la FSE.
Ce soir, nous tenterons, comme à
l'habitude, de nous faire constructifs, respectueux et utiles, tout en nous
assurant de bien identifier les éléments du projet de loi qui nous apparaissent
inacceptables et dévalorisants pour la profession enseignante.
C'est avec étonnement et déception que
nous avons pris connaissance du projet de loi n° 23.
D'abord, ce projet a été élaboré sans échange préalable avec les principaux
intéressés. Ensuite, il n'apporte aucune réponse aux besoins du personnel
enseignant et aux problèmes qu'ils jugent les plus criants actuellement. Notre
présentation portera principalement sur trois sujets : la formation
continue, l'enseignement à distance, la création d'un Institut national
d'excellence en éducation.
• (20 h 20) •
Commençons par la formation continue.
Soyons clairs, nous ne sommes... nous ne nous opposons pas à la formation
continue. Au contraire, nos membres réclament de la formation et en font tout
au long de leurs carrières. Toutefois, ils veulent que celle-ci réponde à leurs
besoins pour favoriser leur participation.
Le ministre a plusieurs options :
garantir une offre de formation variée et concrète, bonifier le budget de
perfectionnement actuel, accorder davantage de temps pour la formation, et ce,
en dehors des journées pédagogiques, et enfin élaborer un plan d'action pour
lutter contre la pénurie de personnel parce qu'actuellement, la participation
en formation est fortement limitée, voire impossible sur le temps de travail
dans plusieurs milieux, faute de suppléants.
Malheureusement, le projet de loi n° 23 vient redonner le pouvoir aux directions et aux
centres de services scolaires et au ministre d'imposer de la formation aux
enseignants et enseignantes. Le ministre annonce même qu'il pourrait décider
que tous les enseignants du Québec sont... sans exception auraient besoin de
formation sur le français ou sur la gestion de classe. Cette orientation est
une totale contradiction avec le projet de loi n° 40 adopté il y a trois
ans.
Depuis plusieurs années, nous constatons
que le personnel enseignant se fait régulièrement imposer des formations qui ne
répondent pas à ses besoins d'enseignement. Les enseignants refusent d'être
assignés...
Mme Scalabrini
(Josée) :...des formations qui ne font
pas de sens pour eux. Ils refusent également de se faire imposer des
formations, des approches et des méthodes au goût du jour, sans égard à leur
pratique, à la réalité de leur classe ou à leur expertise terrain. L'obligation
de suivre une formation qui n'est pas pertinente dans un contexte de surcharge
de travail est particulièrement démotivante et dévalorisante. Soyons positifs.
Nous rejoignons le ministre lorsqu'il déclare : Laissez-les donc choisir.
Laissez-les donc faire vos enseignants et vos enseignantes, ils vont choisir
les contenus dans lesquels ils veulent se former. C'est quoi, le problème? Dans
ce sens, nous proposons de biffer les articles 1 et 34 du projet de loi et
d'ajouter un article 19.2 dans la LIP qui indiquerait que l'enseignant
choisit des activités de formation continue qui répondent le mieux à ses
besoins en lien avec le développement de ses compétences.
Pour ce qui est des conditions et des
modalités entourant la reddition de compte des 30 heures de formation
continue, nous croyons qu'elles doivent demeurer un objet de négociation entre
les parties nationales. Plus spécifiquement, sur le cas des dispenses, nous
sommes heureux d'annoncer que des recommandations communes ont été élaborées
conjointement par la FSE et les représentants des centres de services
scolaires. Dans ce contexte, et sur la base de cette entente, nous proposons de
prévoir les cas de dispense de l'obligation de formation continue dans la LIP
et de ne pas établir de règlement, sinon d'établir un règlement qui se
limiterait à encadrer les cas de dispense. Enfin, nous demandons également que
les conditions de modalités entourant l'obligation de formation continue du
personnel enseignant demeurent un sujet de négociation national et que les
balises soient établies entre les parties nationales si elles le jugent
nécessaire.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Passons
maintenant à l'enseignement à distance. La recherche et la pratique indiquent
que l'enseignement à distance et l'enseignement commodal ont de nombreux effets
négatifs sur les conditions d'apprentissage et d'enseignement si elles ne
répondent pas avant tout à une intention pédagogique de l'enseignante ou
l'enseignant. La Loi sur l'instruction publique prévoit déjà la mise en place
de projets pilotes. Pour la FSE, il serait prématuré de modifier la loi avant
d'avoir terminé cette période d'expérimentation et d'avoir réalisé un bilan des
projets pilotes. Ce bilan devrait se faire en tenant compte de la recherche et
en consultant les principaux acteurs de l'éducation. Afin de développer une
meilleure compréhension des avantages et des écueils concernant la dispensation
de services éducatifs à distance basée sur des données et avant d'introduire
des changements à ce chapitre dans la LIP, il est recommandé de retirer les
articles 33 et 39 du projet de loi n° 23.
Terminons avec l'Institut national
d'excellence en éducation. Pour la FSE, les recherches en éducation alimentent
le choix des approches et des méthodes pédagogiques, mais ne doivent pas le
dicter. Malheureusement, on constate depuis des années que les partisanes et
les partisans d'un courant de la recherche basé sur l'utilisation des données
probantes en éducation tentent d'imposer leur point de vue dans le réseau
scolaire. Des dérives ont été constatées et dénoncées par plusieurs, dont
l'ancien ministre de l'Éducation. La grille de progression des caractéristiques
des écoles efficaces, qui était utilisée dans quelques commissions scolaires,
soutenait notamment que les bons enseignants ne devraient pas croire à
l'influence des inégalités sociales sur la réussite, qu'il ne faudrait pas
enseigner tout le programme, qu'on devrait planifier à rebours, c'est-à-dire se
limiter à préparer les élèves pour l'évaluation. C'est ici une vision
déshumanisante de l'éducation et déprofessionnalisante de l'enseignement.
L'Éducation, c'est plus que de préparer les élèves à réussir un examen du
ministère. La création de l'institut s'inscrit, selon nous, dans cette vision.
Pour la FSE, la création d'un institut
national d'excellence n'est pas nécessaire. Il faudrait plutôt miser sur une
consolidation des capacités de recherche, de synthèse de la recherche et de
transfert de celle-ci en éducation au Québec. Dans l'éventualité où l'institut
serait mis sur pied, la FSE souhaite qu'il soit indépendant, ouvert à la
diversité et qu'il respecte l'expertise des enseignantes et enseignants,
notamment dans le choix de leur formation et de leurs modalités d'intervention
pédagogique. Dans ce sens, un éventuel institut devrait alors se limiter à
effectuer un travail de synthèse de la science et à développer des outils
d'information et de transfert.
De plus, le Conseil supérieur de
l'éducation et le CAPFE devraient de leur côté être maintenus. Pour la FSE, le
contexte de pénurie devrait pousser le ministre à trouver des façons d'inciter
les personnes non formées qui sont dans les écoles et les centres à entreprendre
et à compléter la formation actuelle en enseignement. Il faut assurément
soutenir le personnel non légalement qualifié, mais il est tout aussi essentiel
que le brevet d'enseignement, la seule autorisation permanente d'enseigner au
Québec, ne puisse être obtenu que par une formation initiale de haut niveau. Il
est possible de qualifier sans dévaloriser la profession. Le modèle de la
formation professionnelle en est un exemple. Dans ce cadre, le CAPFE a fait ses
preuves et demeure l'instance qui devrait veiller à la qualité de la
formation...
Mme Bilodeau (Brigitte) : ...formation
initiale en enseignement.
Avant de terminer, nous devons souligner
que notre mémoire soulève certains enjeux légaux, notamment sur les mécanismes
de consultation des enseignants prévus à la loi et aux conventions collectives,
qui ne seraient pas respectés par le projet de loi.
En conclusion, comme plusieurs autres
l'ont mentionné avant nous, le projet de loi n° 23 ne répond pas aux
principaux problèmes vécus dans les écoles et les centres. Nous pensons
particulièrement à la pénurie d'enseignantes et d'enseignants qualifiés. Comme
il était noté dans le dernier rapport de la Vérificatrice générale et selon les
résultats de nombreuses consultations effectuées auprès des enseignants, les
motifs qui les amènent à quitter la profession sont le manque de temps, la
lourdeur de la tâche, la gestion de classe et la gestion des élèves en
difficulté. La semaine dernière, nous dénoncions d'ailleurs la dégradation des
conditions d'enseignement et d'apprentissage liées à la composition de la
classe. Plutôt que de répondre à ces problèmes urgents, le projet de loi
n° 23 propose une centralisation qui ne nous semble aucunement nécessaire,
un contrôle de la formation continue des enseignants qui constitue un recul par
rapport à ce que le projet de loi n° 40 nous avait accordé, et il ouvre la
porte à des dérives en enseignement à distance. Nous espérons que les travaux
parlementaires permettront d'améliorer significativement le projet de loi afin
que les intentions du ministre Roberge de reconnaître l'expertise du personnel
enseignant et sa maîtrise d'oeuvre en matière de formation continue soient
réaffirmées. Merci.
Mme Scalabrini
(Josée) :Espérant que nous aurons su être
votre cadeau de fin de journée, M. le ministre, joyeux anniversaire.
La Présidente (Mme Dionne) : Sur
cette belle fin d'exposé, nous sommes maintenant prêts à poursuivre les
échanges. Donc, je cède la parole à notre fêté : M. le ministre.
M. Drainville : Mme
Scalabrini, on ne s'entend pas sur tout, mais je ne peux pas m'empêcher de vous
trouver sympathique. Les gens m'écrivent pour me souhaiter bonne fête, ils me
disent : On te souhaite une belle soirée avec ton amoureuse, puis là je
suis pogné avec Mme Scalabrini.
Mme Scalabrini
(Josée) :On ne partira pas de rumeurs,
s'il vous plaît.
M. Drainville : On est à
bonne distance encore, je pense que ça va être correct.
Alors, bien, merci d'abord pour votre
présentation. Bien, j'ai pris note, évidemment, là, de vos réserves, c'est...
Le mot est faible, même, dans certains cas. Mais, sur les données, parlez-moi
un petit peu des données, parce qu'à ma connaissance, ça n'a pas été abordé
dans votre présentation orale. Êtes-vous d'accord pour qu'on ait davantage...
on ait un système d'accès aux données qui soit beaucoup plus fluide, mieux
structuré, en temps réel, qu'on puisse savoir ce qui se passe dans le réseau,
prendre évidemment des meilleures décisions parce qu'on aura de la meilleure
information, peut-être agir sur certains problèmes avant que l'année scolaire
finisse, etc.? Qu'est-ce que vous en pensez, de ça?
Mme Scalabrini
(Josée) :On a été de ceux qui disaient
qu'on avait besoin de données, que ce n'était pas normal qu'on ne sache pas le
nombre d'enseignants qui quittaient la profession, le nombre d'enseignants qui
étaient pour manquer. Donc, on n'est pas contre les données. Mais tout le monde
sait qu'on est contre une gestion axée sur les résultats, contre des données
qui ne viennent que mettre les écoles, les établissements en compétition les
uns avec les autres ou qui amènent les dérives de faire plus d'évaluations dans
une année que d'enseignement. Donc, il faut être capable, si on veut aller
chercher des données... savoir quelles données on veut aller chercher et qui
soient au service de l'apprentissage des élèves, et non pas au service d'un
système, quand c'est pour créer une compétition.
• (20 h 30) •
M. Drainville : O.K.
0jsca Brigitte, je peux te laisser...
M. Drainville : Oui, oui, si
vous voulez. Non, ça va? O.K.
Sur l'enseignement à distance, vous
comprenez que l'intention, ce n'est absolument pas de... que l'enseignement à
distance vienne remplacer l'enseignement en présence, là. Ce n'est pas du tout
ça, l'objectif. L'objectif, c'est de se sortir d'un carcan législatif qui fait
en sorte qu'actuellement, si je veux donner de l'enseignement à distance, je
suis obligé de passer par un projet pilote, là. C'est ça qui... Alors là, le
projet de loi est assez clair, je pense, sur les circonstances exceptionnelles,
là, qui nous amèneraient à mettre en place de l'enseignement à distance. Ça ne
vous rassure pas, ça?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Malheureusement,
M. le ministre, je suis obligée de vous dire que non, ça ne nous rassure pas du
tout. Et, quand vous dites que le projet de loi est clair, bien, ce n'est pas
la lecture qu'on en fait, parce que qu'est-ce que c'est, une circonstance
exceptionnelle? Ce n'est pas défini dans le projet de loi. Alors, ce n'est pas
si clair que ça... que vous semblez vouloir l'affirmer, d'autant plus que vous
avez parlé des élèves hospitalisés, des élèves malades. Vous savez, on ne...
20 h 30 (version non révisée)
Mme Bilodeau (Brigitte) : ...vérifier,
et il y a déjà des services qui sont donnés aux enfants qui sont hospitalisés.
On a un exemple ici à Québec, là. À la commission scolaire... au Centre de
service scolaire des Navigateurs et au Centre de services scolaire des
Découvreurs, on a un enseignant régulier, un poste en adaptation scolaire
occupé par un enseignant qui travaille spécifiquement au CHUL, à Québec, ou à l'Hôtel-Dieu
de Lévis pour dispenser de l'enseignement à des enfants qui sont hospitalisés et
qui sont malades. Et on pense que c'est la meilleure solution dans ces
situations-là, parce que ces enfants-là ne sont pas toujours disponibles aux
apprentissages. Il y a des journées où ils ont des examens à passer, il y a des
journées où ils ne sont pas en forme. Alors, les enseignants qui sont affectés
dans ces hôpitaux-là ont la latitude pour faire en sorte d'adapter le temps qu'ils
passent avec chacun de ces élèves-là en fonction de leur réalité.
M. Drainville : Si vous me
permettez, vous avez raison, il s'en fait, mais les chiffres que nous avons qui
proviennent du réseau, là, le nombre d'heures moyen qui est donné en
enseignement à distance, quand il y en a, actuellement, c'est 5 heures par
semaine au primaire puis 8 heures par semaine au secondaire. Maintenant,
je suis d'accord avec vous que, dans certains cas, les enfants sont... l'enfant
est malade, par exemple, l'enfant subit des traitements, là, on ne va pas,
comment dire, escompter sur une semaine normale de classe. Mais il me semble qu'entre
5 heures par semaine, comme c'est le cas présentement, en moyenne, en
moyenne, il me semble que de vouloir installer un cadre qui va nous donner,
justement, plus de flexibilité puis plus de souplesse pour donner autant d'heures
que nécessaire à l'enfant, selon ses besoins puis selon ses disponibilités, je
ne vois pas le mal de se de ce... d'assouplir le carcan actuel. Je ne vois pas
en quoi ça peut nuire. Puis, si on dit : Notre objectif, je pense qu'on le
partage là-dessus, sur les moyens, on ne s'entend pas toujours, mais l'objectif,
je pense, sur lequel on s'entend tous ici, c'est de donner les meilleurs
services éducatifs possibles à nos enfants. Bien, il me semble que de vouloir
se sortir d'une disposition légale qui fait en sorte que, si je veux donner de
l'enseignement à distance, il faut que je passe... selon la LIP, là, selon la
Loi sur l'instruction publique, il faut que je passe par un projet pilote. Il
me semble que ça n'a pas d'allure. Donc, je voudrais que vous me disiez, Mme Bilodeau :
Cette souplesse-là, oui, on est... on pense que si, si, elle est bien... si
elle est bien définie par le règlement, bien, on est d'accord, on est d'accord.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Si
je reviens à l'enseignement en milieu hospitalier, nous, on pense que l'enseignement
en présence est plus rentable, plus efficace que l'enseignement à distance,
surtout pour des enfants qui sont en maladie et qui ne sont pas toujours aptes
et disposés à l'apprentissage. Et pour ce qui est de l'enseignement à distance
en général, la pandémie nous a démontré que ce n'était pas efficace. On nous
parle beaucoup, hein, on a entendu parler beaucoup dans les dernières journées
des données probantes. Bien, vous savez, on nous parle souvent de l'effet
enseignant, et on nous dit, dans les données probantes, que le lien que l'enseignant
établit avec les élèves, c'est un élément essentiel qui favorise la réussite
des élèves. Et ce lien-là, il est difficilement possible à distance. Alors, l'enseignement
présent, c'est nettement plus efficace.
M. Drainville : Bien, ça, on
s'entend là-dessus, là. Moi, c'est vraiment quand vous me dites : Un
enfant malade, on préfère qu'il soit enseigné ou qu'il soit scolarisé en
présence qu'en distance, bien, je suis d'accord. C'est un enfant malade qui ne
peut pas être scolarisé dans une classe ou qui ne peut pas être scolarisé avec
d'autres enfants, parce que son système immunitaire est à terre, par exemple,
puis il subit des traitements de chimiothérapie. Bon, bien là, il est à l'hôpital
ou il est à la maison, mais il ne peut pas être dans un groupe, il faut qu'il
soit seul ou à peu près seul. Dans ces circonstances-là, il me semble, je ne
devrais pas être obligé de passer par un projet pilote pour lui donner de l'enseignement
à distance. Mais, je pense, j'ai dit ce que j'avais à dire. J'ai des collègues
qui souhaitent intervenir, Mme la Présidente. Alors, on va les... on va leur
donner l'occasion de le faire.
La Présidente (Mme Dionne) : D'accord.
Merci, M. le ministre. Je cède la parole à M. le député de Beauce-Sud.
M. Poulin : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Il nous reste combien de temps environ?
La Présidente (Mme Dionne) : Il
vous reste environ huit minutes.
M. Poulin : Excellent. Mme Scalabrini,
Mme Bilodeau, Messieurs, mesdames, je vous salue Mme Bilodeau, qui a
oeuvré en Beauce pendant plusieurs années. Je connais bien votre famille
également. Vous avez une belle famille. Alors, je tiens à vous le spécifier. Ce
sont des liens de parenté que nous avons. C'est fort intéressant.
Une voix : ...
M. Poulin : Non, ça ne
paraîtra pas dans mes questions, je peux vous le dire. Il n'en demeure pas
moins qu'on a tous l'objectif d'améliorer notre système d'éducation et de
trouver les meilleures façons de pouvoir le faire. En termes de formation
continue, là, vous vous êtes beaucoup penchés sur cette question-là, vous dites :
Il ne faut pas imposer de formation aux enseignants ou aux enseignantes. Il n'en
demeure pas moins que, par exemple, dans des...
M. Poulin : ...de syndicats
dans des congrès de syndicats, on émet des thématiques de réflexion. Oui, il
peut y avoir deux, trois, quatre choix d'ateliers, mais on émet quand même des
thématiques pour lesquelles vous trouvez, comme leaders syndicaux, qu'il est
important de mettre de l'avant dans vos colloques et dans vos congrès. Lorsque
nos futurs enseignants étudient dans le réseau universitaire, on met de l'avant
aussi des thématiques parce qu'on se dit : Vous allez vous faire beaucoup
parler de ça dans les écoles.
Pourquoi être entièrement contre sur le
fait que le ministère de l'Éducation, qui est une entité fort importante au
Québec, qui a une expertise, qui a un département de pédagogie assez important,
pourrait dire, dans une nouvelle tendance... Exemple, moi, je pourrais
dire : Bien, moi, je connais tout des relations avec les autochtones, par
exemple, je connais ça, mais, finalement, je m'aperçois que je n'en connais pas
tant que ça. Donc, grâce à la formation qui m'a été dictée par... ça peut être
mon employeur, mon syndicat ou le ministère de l'Éducation, j'ai pu en savoir
davantage avec les relations avec les autochtones. Moi, je peux me trouver
très, très bon dans certains domaines, puis finalement je m'aperçois que j'ai
encore des choses à apprendre. Et vous avez une expertise dans le monde de
l'enseignement, vous le savez que, par moment, allez chercher une expertise
pédagogique, il faut que ça vienne à nous pour en prendre totalement
conscience. Puis je ne dis pas que tout est parfait puis qu'il n'y a pas des
choses à améliorer, ou autres, puis qu'on ne se connaît pas par moment, mais
même vous, à l'intérieur de vos structures syndicales, vous mettez des
thématiques de l'avant pour vos membres.
Mme Scalabrini
(Josée) :Je vais vous répondre avec ça,
en toute transparence, que personne n'est obligé de venir à nos rencontres
syndicales. C'est les gens qui ont... qui sont intéressés par les thèmes qu'on
met de l'avant qui viennent à nos rencontres. Donc, c'est libre à eux, on ne
l'impose à personne. Et là je vais nous ramener à la recherche. La recherche
vient dire que la formation qui est la plus parlante, qui est la plus
prometteuse et plus enrichissante pour l'enseignant, c'est celle que j'ai le
goût de faire, celle qu'on a besoin de faire parce qu'on a l'impression qu'il
manque quelque chose à notre formation. On le sait, la tâche des enseignants
est devenue assez incontrôlable, hein? Il y a une charge de travail très, très
forte. Et, à partir du moment où on vient m'imposer une formation que je n'ai pas
le goût de suivre, elle ne vient pas rentabiliser le temps que j'ai à faire. Et
c'est dans ce sens-là qu'à un moment donné on dit : Laissons aux
enseignants la possibilité d'aller suivre la formation qu'ils ont le goût de
suivre.
M. Poulin : Vous dites :
Nos membres ne sont pas obligés de venir à nos rencontres, ne sont pas obligés
de venir à nos réunions, mais on est bien contents lorsqu'ils se présentent,
j'imagine, et qu'on puisse partager sur différentes thématiques ou sur
différents échanges. On comprend le temps des enseignants qui est extrêmement
précieux, mais de vraiment dire, parce que... Puis vous me direz le contraire,
le ministère de l'Éducation a une expertise, a un département de pédagogie, a
une veille des différentes réalités, est en contact non seulement avec les
enseignants, avec les directeurs de centres de services scolaires, avec les
entités syndicales. Et vous dites, vous : Non, ces gens-là ne sont jamais
en mesure de nous suggérer une thématique qu'on pense qu'on doit descendre à
l'intérieur.
Mme Scalabrini
(Josée) :Ce qu'on dit : Qu'il les
suggère. On n'a aucun problème à ce qu'on suggère, mais l'enseignant décidera
s'il a le goût d'aller là. Tu sais, on se dit souvent, là, que les gens ont
tendance à associer les difficultés en éducation, au Québec, à... c'est
toujours la faute des enseignants, en quelque part...
M. Poulin : Ce n'est pas
qu'on dit, ce n'est pas ce qu'on dit. Oui.
Mme Scalabrini
(Josée) :Non, non, ce n'est pas ça...
Mais je veux donner un exemple. Moi, j'ai entendu ici, tantôt, là, que, s'il y
a tant de violence dans l'école, là, c'est peut-être un lien avec la gestion de
la classe. J'ai trouvé ça très difficile d'entendre... ça aurait un lien avec
la gestion de la classe, parce que socialement, présentement, on vit de la
violence un peu partout. Et, si on était capable de prévenir, si on avait moins
d'élèves, si on pouvait être attentif à ce qui amène vers la violence en ayant
plus de temps pour s'occuper de nos élèves, bien, ça aiderait peut-être
grandement que d'imposer une gestion de la classe à tout le monde qui...
M. Poulin : Mais vous...
seriez-vous en accord à ce que le ministère de l'Éducation suggère, recommande
fortement, par exemple, des outils à nos enseignants au Québec...
Mme Scalabrini
(Josée) :On l'a dit à plus d'une reprise.
• (20 h 40) •
M. Poulin : ...pour contre la
violence dans les classes? Vous seriez en accord avec ça?
Mme Scalabrini
(Josée) :Sur la violence, ça dépend. On a
dit à plus d'une reprise, et le ministre m'a entendu le dire, moi, là, s'il y a
un nouveau programme, je réclame qu'on ait de la formation. Un enseignant qui
va enseigner un nouveau programme, il faut qu'il y ait de la formation. Si on
avait une mesure en lien avec la sécurité, pour nous, il y a un élément là,
c'est une question de sécurité, et pour nos élèves, et pour le personnel de
l'enseignement, oui, on pourrait avoir une même formation. Mais, pour le reste,
nous disons : Avec la tâche que les enseignants ont, ils connaissent leurs
besoins, ils veulent de la formation, ils en demandent, puis ils le dépassent,
le 30 heures, mais laissons ces gens-là choisir les formations auxquelles
ils veulent adhérer.
M. Poulin : Je vous remercie.
Je laisse la parole à ma collègue... Oui, oui, souhaitez-vous, Mme Bilodeau,
oui?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Vous
avez entendu, aujourd'hui, les représentants des directions... des directeurs
généraux des commissions scolaires parler de l'époque de la réforme et de
qualifier, dans le fond, la pédagogie par projets, les intelligences...
Mme Bilodeau (Brigitte) : ...types
qui ont été prônés pendant la réforme de mythes, mais vous savez, à l'époque où
on les prônait, on obligeait les enseignants à se former sur la pédagogie par
projet et on a obligé des enseignants à aller suivre des formations sur les
intelligences multiples. Et les mêmes personnes qui aujourd'hui disent que ce
sont des mythes, ont été de ceux qui ont imposé à l'époque. Alors nous, ce
qu'on dit, c'est qu'on ne veut pas être à la merci de certains courants de
pensée.
M. Poulin : Je comprends.
Mme Bilodeau (Brigitte) : On
ne veut pas être à la merci des modes. On veut pouvoir choisir en fonction de
la réalité des élèves qu'on a devant nous, la formation qui répond à nos
besoins et à celle de nos élèves.
M. Poulin : Excellent.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Donc,
on veut avoir une offre variée. On veut être au courant des recherches les plus
prometteuses, mais on veut pouvoir choisir celles qui correspondent aux besoins
de nos enseignants.
M. Poulin : Et on pourrait
collaborer avec l'Institut national. Je pense que ma collègue souhaitait vous
poser une question.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme
la députée de Hull, la parole est à vous.
Mme Tremblay : Oui, alors...
La Présidente (Mme Dionne) : ...
Mme Tremblay : Alors, moi, je
vais vous poser des questions en lien avec le 30 crédits qu'on veut mettre
en place à l'automne prochain. J'aimerais ça vous entendre parce qu'on sait
qu'il y a plusieurs personnes, dans le réseau scolaire, qui ont déjà un bac
dans différentes disciplines. On remet en place une formation pour leur
permettre d'atteindre le brevet d'enseignement. J'aimerais ça que vous entendre
sur votre position en lien avec ce qui va permettre à ces enseignants-là d'être
légalement qualifiés.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Je
pense qu'il faut distinguer les choses. Alors, d'abord, quand un enseignant a
un baccalauréat dans une discipline qui est associée à quelque chose qu'on
enseigne à l'école, par exemple un baccalauréat en histoire, un baccalauréat en
mathématiques, d'aller chercher un 30 crédits supplémentaires en
didactique, en pédagogie, c'est une chose. Mais comme le disait
Mme Goyette, tout à l'heure, quand on a un baccalauréat qui n'est pas du
tout en lien avec les matières enseignées, ça nous apparaît insuffisant.
Autre élément que je veux porter à votre
attention, ce sont les différences d'autorisation d'enseigner qu'on a au
Québec. On a beaucoup entendu parler du brevet, mais vous savez, quand on,
quand on disait, tout à l'heure dans notre présentation, qu'on pourrait prendre
exemple sur la formation professionnelle. Nos gens qui arrivent en formation
professionnelle sont des experts de leur métier, mais ne sont pas des gens qui
sont qualifiés en enseignement. On leur délivre une autorisation provisoire
d'enseigner, provisoire, et en contrepartie, pour obtenir leur brevet, ils
devront s'engager à compléter une formation en enseignement.
Alors nous, on dit il y aurait moyen
actuellement, quand on dit qu'on peut qualifier sans dévaloriser la profession,
il y aurait moyen de décerner des autorisations provisoires à des enseignants
non légalement qualifiés et de les inciter, tranquillement, pas vite en les
soutenant, en leur donnant des conditions pour le faire, les inciter à aller chercher
une formation complète de façon à ne pas dévaloriser la profession et à garder
ces gens-là dans le système, parce que les chercheurs vous ont dit tantôt qu'il
y a des recherches qui démontrent qu'avec des formations courtes, bien, les
gens quittent plus rapidement, vont quitter plus souvent parce qu'ils sont
moins bien formés pour pouvoir faire face à la classe et aux obligations qu'ils
ont. D'autres...
La Présidente (Mme Dionne) : En
terminant.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Il
y a un autre élément, on nous a... on a dit, on a affirmé ici devant vous que
les formations courtes étaient d'égale valeur avec les formations
traditionnelles...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, Mme Bilodeau. C'est malheureusement, tout le temps qu'on a. On
poursuit les échanges, mais cette fois avec Mme la députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Si vous
permettez, je vais laisser Mme Bilodeau continuer sa réponse.
La Présidente (Mme Dionne) : D'accord.
Mme Bilodeau (Brigitte) : ...on
a affirmé aujourd'hui, devant vous, que les formations courtes étaient de mêmes
valeurs, même peut=être supérieures à l'enseignement... aux formations
traditionnelles, et pourtant, bien, ce qu'on nous dit, c'est qu'il n'y a pas de
consensus de la recherche sur cette question-là.
On a entendu aussi la présidente du
Conseil supérieur de l'éducation aujourd'hui parler de l'importance de la
littératie, de former nos jeunes, de les... de faire en sorte qu'ils aient des
compétences en lecture le plus tôt possible. Bien, vous savez, dans la
formation de 30 crédits qui est mise de l'avant actuellement, là, il y
aura seulement trois crédits en littératie. Alors, est-ce que ce sont... est-ce
que c'est des façons d'assurer que les enseignants vont vraiment être aptes à
transmettre à leurs élèves ce qu'il faut pour les amener à réussir puis à
développer leurs compétences en lecture? Je n'en suis pas certaine.
Mme Rizqy : Merci. Alors,
permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue parmi nous.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Merci.
Mme Rizqy : Merci pour avoir
complété votre réponse. Je vais commencer avec une question toute simple. La
semaine dernière, le ministre de l'Éducation a dit à un groupe : Je suis
en mal de oui quand je vous parle. Vous, est ce que vous êtes en mal de oui
quand vous lui parlez?
Mme Scalabrini
(Josée) :Nous, on est en espoir de oui.
Mme Rizqy : Ah!
Mme Scalabrini
(Josée) :Moi, j'ai espoir que la démarche
qu'on fait a sa raison d'être et qu'on sera bien entendu parce que ce qu'on
vient livrer aujourd'hui nous vient de la base, c'est les enseignants qui nous
l'ont dit. On sort d'un colloque où on a demandé l'avis à des gens à la base,
et oui, on a espoir qu'on aura des réponses positives de cette commission parlementaire
là et on espère qu'on aura des oui aussi quand on veut parler...
Mme Scalabrini
(Josée) :...des problématiques qui se
vivent dans nos écoles présentement, parce que ça, ça aurait été une vraie
priorité, plutôt que la démarche qu'on est en train de faire. Mais on est des
gens capables de faire deux choses à la fois, ça fait qu'on va travailler d'un
côté puis on va travailler de l'autre côté, mais on va espérer des oui.
Mme Rizqy : J'aime ça, des
gens pleins d'espoir. La semaine dernière, vous étiez devant l'Assemblée
nationale du Québec, de façon colorée et ça, moi, ça m'a vraiment frappée quand
je suis passée vous dire bonjour, c'était la question de la composition de la
classe. Et je ne sais pas si mes collègues ont eu l'occasion de passer vous
voir...
M. Poulin : Oui.
Mme Rizqy : Le député de
Beauce-Sud dit que oui. Je ne sais pas si le ministre a eu l'occasion d'y
aller, mais pouvez-vous juste au micro, au niveau des couleurs, c'était quoi le
message véhiculé? Parce que moi, je l'ai compris, là, mais je pense que... pour
ceux qui nous écoutent et peut-être aussi pour le bénéfice du ministre.
Mme Scalabrini
(Josée) :Je veux préciser que c'était une
demande qu'on avait eue des enseignants. Ils voulaient qu'on image leur
réalité, leur quotidien. Mais, comme j'ai la chance d'avoir la grande
responsable de la mobilisation avec moi, je vais la laisser décrire quelle
était l'activité.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Alors,
dans le fond, on a commencé par consulter nos enseignants en leur demandant de
faire un portrait de leurs classes à l'aide de trois couleurs, donc d'imager
leurs groupes avec le vert, le jaune et le rouge, hein, qui est compris par
tout le monde. Un élève vert, c'est un élève qui chemine normalement selon son
groupe d'âge et qui peut éprouver des difficultés à l'occasion, là, pas un
élève parfait, pas un élève de haut niveau, un élève ordinaire qui fonctionne
bien mais qui peut, à l'occasion, être en difficulté puis avoir besoin d'aide.
Un élève jaune, c'était un élève qui avait besoin d'intervention fréquente ou
de mesures d'adaptation. Et un élève rouge, c'était un élève qui avait besoin
d'interventions constantes et qui nuisait... en tout cas, dérangeait le
fonctionnement du groupe, là, de façon permanente ou très fréquente. Et les
résultats, bien, sont assez parlants. C'est-à-dire qu'on a eu plus de 10 500
profs qui ont fait leur portrait de classe, tant au primaire qu'au secondaire,
et les données démontrent que c'est près d'un élève sur deux, là, donc près de
50 % de la classe, 48 %, qui était jaune ou rouge. Donc, ça illustre,
je pense, les problèmes de composition de classe.
Et ça dépasse juste la formation sur la
gestion de classe, ça fait qu'à un moment donné, quand on a un tel nombre
d'élèves en difficulté, qui ont des besoins particuliers dans nos groupes, on
n'y arrive plus. Quand on 25, 30 élèves, ce n'est plus gérable, et ce n'est pas
la formation qui va changer ça. Alors, c'est un problème auquel il faut
s'attaquer parce que nos enseignants nous disent, quand on leur demande les
principaux facteurs de désertion professionnelle, bien, la surcharge de travail
et la composition de la classe sont les deux éléments qui reviennent dans nos consultations.
Mme Rizqy : Mais ça, il n'en
est pas question dans le projet de loi.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Non,
malheureusement.
Mme Rizqy : Et la gestion de
classe, c'est quoi que ça représente, le chiffre que vous m'aviez avancé,
c'était 37 %, que c'était la gestion de classe.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Dans
le fond, on avait demandé aux enseignants, dans le contexte de votre groupe,
quel temps vous pensez qui est consacré à un enseignement de qualité? Et les
données qui nous ont été fournies par la consultation démontrent qu'il y a une
perte, en moyenne, de 37 % du temps par jour qui est perdu à cause de
cette gestion-là ou de la composition de la classe difficile. Donc, on perd en
apprentissage, on perd en temps de qualité d'enseignement parce qu'on est
confronté à une composition de la classe qui est trop difficile.
• (20 h 50) •
Mme Rizqy : Je tiens aussi à
souligner que, dans le rapport de la Vérificatrice générale, elle fait mention
que, premièrement, la formation continue qui existe déjà, que vous faites,
plusieurs ont de la difficulté à la faire parce que, finalement, la libération,
elle ne fonctionne pas, parce que c'est du remplacement. Donc, je tiens juste à
le souligner.
Mais je veux aller tout de suite à la
formation à distance. Tantôt, on en a parlé, puis je trouve que... Je veux
juste remettre les affaires en perspective, là. Quand on dit qu'en moyenne un
enfant qui est à l'hôpital a 5 heures de formation, ce n'est pas parce que vous
ne voulez pas en donner plus, c'est parce que c'est un contexte médical et que
c'est avec l'équipe médicale et l'équipe-école que vous allez, de jour en jour
et des fois de semaine en semaine, mais même, des fois, de jour en jour,
décider si, oui ou non, aujourd'hui, il va avoir un apprentissage ou l'enfant
est trop malade pour pouvoir continuer, là. Alors, vous avez déjà cette
flexibilité. Alors, quand le ministre parle de mettre un cadre qui va être
flexible, bien, en ce moment, vous avez cette flexibilité, n'est-ce pas?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Bien,
dans le fond, ce qu'il faudrait, c'est peut-être davantage de ressources.
Alors, si les enfants sont capables d'en prendre un peu plus que ce qui est
offert actuellement, à ce moment-là, qu'on mette davantage d'enseignants en
milieu hospitalier pour répondre à leurs besoins. Je ne pense pas que
l'enseignement à distance soit la solution dans ces cas-là. On pense, comme je
le disais tout à l'heure, que l'enseignement en présence est beaucoup plus
rentable.
Mme Rizqy : Au niveau de la
formation initiale...
Mme Rizqy : ...formation
continue, si vous me permettez, vous l'indiquez dans votre mémoire, là, mais le
ministre de l'Éducation précédent a été enseignant, puis lui avait consacré,
dans la loi 40, un acquis pour vous qui respectait votre autonomie. Là, en
ce moment, le ministre n'arrête pas de dire qu'il est dans la continuité de la
dernière réforme. Moi, je vois plutôt une contradiction. Est-ce que je me
trompe lorsque je dis qu'il y a une contradiction entre la formation continue
telle que vue par son prédécesseur et la sienne?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Non,
vous ne vous trompez pas, c'est totalement contradictoire. Le ministre Roberge,
en contrepartie de nous demander d'effectuer 30 heures de formation par
deux ans, nous reconnaissait le droit de choisir nos activités de formation, et
c'était une façon de valoriser la profession enseignante, de reconnaître leur expertise
pédagogique, de leur donner une compétence exclusive en matière d'évaluation
des apprentissages et de leur donner la maîtrise d'oeuvre de leur formation
continue. Et là, dans le fond, le projet de loi n° 23 nous ferait revenir
en arrière. Il faut savoir qu'actuellement on a déjà de la difficulté à faire
appliquer cet article de loi là. On a 75 griefs déposés parce que les
centres de services scolaires n'acceptent pas que les enseignants choisissent
leur formation. Alors là, le projet de loi n° 23 ne viendra pas nous
aider.
Mme Rizqy : Mais, au
contraire, c'est un recul. Dites-moi, formation initiale, puis la CAPFE, et
qu'est-ce qui se passe en ce moment avec la CAPFE? Qu'est-ce que vous en
pensez?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Bien,
c'est dommage parce que le CAPFE, comme je le disais, a fait ses preuves et
c'est l'organisme qui est garant d'une formation initiale de qualité pour le
personnel enseignant au Québec. Alors, de mettre fin aux travaux du CAPFE,
d'abandonner cette instance importante là, ça laisse la porte ouverte à des
formations de moindre qualité. Et je pense qu'au Québec tout le monde sera
d'accord pour dire qu'on veut que notre corps enseignant soit compétent, bien
formé, qu'ils aient les outils pour pouvoir intervenir et faire réussir les
élèves. Donc, le CAPFE était un pare-feu qui disparaîtrait avec le projet de
loi.
Mme Rizqy : Vous avez le sens
de la répartie. Si je peux me permettre, il me reste une dernière question.
Madame Bilodeau, vous êtes une spécialiste de la mobilisation, c'est comme ça
qu'on vous a présenté. Alors, à titre de spécialiste de la mob, il me semble
que, quand on veut opérer des grands changements, ça prend l'adhésion des gens,
présentement, est-ce que, cette adhésion, vous la retrouvez auprès des parents,
et des enseignants, et des directions d'école pour cette grande réforme?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Bien,
ce n'est pas l'impression qu'on a en écoutant les travaux de la commission et
quand on rencontre nos membres. Vous savez ce que nos membres veulent, c'est
pouvoir enseigner, c'est pouvoir amener leurs élèves vers la réussite, mais pas
de la façon qu'on nous le propose actuellement. Nos enseignants, ce qu'ils
veulent, c'est du temps, de l'air, de la reconnaissance, de la valorisation, du
soutien.
Mme Rizqy : Merci. Puis, en
terminant, si je peux me permettre, j'aimerais rappeler que chaque délégué
syndical est à la base un enseignant.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Effectivement,
c'est notre cas.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, Mesdames Monsieur, pour votre présentation, c'est
vraiment très intéressant et très important, hein, d'être... parce que vous
êtes des gens sur le terrain. On a entendu des gens peut-être qui sont plus
loin du terrain, que j'ai l'impression qu'ils ont plus l'écoute du gouvernement
et du ministre, mais vous, vous êtes proches, et c'est très précieux pour nous,
pour nos travaux.
Je voulais revenir sur la question de la
formation à distance. J'ai écouté aussi les échanges que vous aviez avec le
ministre. Il y a un projet pilote. Normalement, un projet pilote, c'est quelque
chose de temporaire pour faire, après ça, le bilan de ça puis mettre...
instaurer quelque chose de permanent après. Pourquoi, selon vous, la ministre
n'attend pas le bilan ou les résultats du projet pilote, qu'il soit terminé
avant d'aller de l'avant avec son projet de loi pour la formation à distance?
Mme Bilodeau (Brigitte) : La
crainte que l'on a, c'est que l'enseignement à distance devienne la solution à
la pénurie actuelle. C'est la principale crainte que l'on a. Quand on
regarde...
Mme Ghazal : Qu'on aille plus
loin que juste l'enfant malade.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Exactement.
Parce que, quand on parle de circonstances exceptionnelles, bien, est-ce que le
fait de ne pas avoir d'enseignant de chimie, dans tel village, à tel endroit au
Québec, va faire en sorte que l'enseignement à distance va devenir la solution?
Et nous, on pense... c'est dramatique la pénurie qu'on vit, mais on pense,
comme la Vérificatrice générale l'a mentionné la semaine dernière, qu'on
devrait se donner un plan d'action. Puis on en aurait des solutions à proposer
pour essayer de renverser la tendance. Alors, voilà.
Mme Ghazal : Puis ce serait
quoi, comme solution? Bien là, ce serait... c'est la question qui pourrait
durer très, très longtemps.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Exact.
Mme Ghazal : Puis là je n'ai
beaucoup de temps, c'est vrai. Pour ce qui est de la formation, bien, le fait
d'imposer... Oui, il y a d'autres solutions, c'est ça, pour la pénurie, les
conditions de travail, etc. Pour ce qui est des formations, le fait d'imposer
une formation... tu sais, on est devant un projet de loi qu'on nous dit :
L'objectif, c'est de rendre le système d'éducation efficace, d'imposer une...
Mme Ghazal : ...où
l'enseignant a l'impression qu'il n'a pas besoin de ça puis qu'il perd son
temps, que ce soient 3 h ou 30 heures, là, qui soient imposées, ce
n'est pas très efficace.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Bon,
on vous a dit tout à l'heure qu'en mesure... en matière d'insertion
professionnelle, l'imposition, ça ne fonctionne pas. C'est un fait puis c'est
une donnée probante.
En même temps, vous savez, ce n'est pas
tant le fait d'imposer, c'est le fait de sentir qu'on est à la merci de
certaines modes, de certains courants, de certaines personnes qui parlent plus
fort que d'autres, de courants qui sont parfois contradictoires, hein? Je vais
vous donner l'exemple de la... du programme de maternelle quatre-cinq ans, où
on était pris entre un courant de recherche qui favorisait l'émergence, le
développement global, puis un courant de recherche qui voulait de la prévention
puis l'enseignement des lettres. Et là, c'est... Ce sont tous des chercheurs, et
pourtant, là, nous, on est pris entre ça puis on regarde aller les choses.
C'est pour ça qu'on dit : laissons les enseignants choisir la méthode qui
leur apparaît la plus appropriée aux groupes d'élèves qu'ils ont devant eux, au
contexte dans lequel ils enseignent, est-ce qu'ils sont en milieu favorisé,
est-ce qu'ils sont en milieu défavorisé, est-ce qu'ils ont un groupe où les
élèves ont été sélectionnés sur la base des résultats, est-ce qu'ils ont un
groupe d'élèves en difficulté. Alors, c'est tout ça.
Mme Ghazal : ...Puis d'aller
chercher la formation dont ils ont besoin en fonction d'où est-ce qu'ils se
trouvent. Pourquoi, selon vous, le ministre a aboli le CAPFE? Là, j'imagine, il
reste 10 secondes, genre?
La Présidente (Mme Dionne) : ...secondes.
Mme Ghazal : Pourquoi il le
fait? Ce n'est pas bon, mais pourquoi il l'a fait, selon vous?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Bien,
les dernières prises de position du CAPFE s'objectaient aux formations...
La Présidente (Mme Dionne) : Désolée,
je dois... Désolée, je dois interrompre les conversations. Je cède maintenant
la parole à M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. On parlait tantôt d'espoir, du
oui, moi, je suis du camp du oui, je suis toujours du camp du oui, et c'est oui
pour les enseignants et les enseignantes. Et, si les enseignants et
enseignantes étaient réunis, pas dans une assemblée syndicale, ils avaient à
demander une priorité, je ne pense pas que c'est le projet de loi actuel. C'est
ce que je pense.
Légiférer, ça prend beaucoup de temps,
beaucoup d'énergie. Vous êtes là, vous avez fait un mémoire. Mais il y a quand
même des choses qui peuvent être faites sans projet de loi. Je vais prendre un
exemple. Nous, par exemple, on pense que, d'interdire la... le téléphone
cellulaire en classe, c'est une bonne chose. On pense ça. Pas besoin de loi
pour ça. Je pense que c'est votre position aussi. Vous évaluez à quel
pourcentage le nombre d'enseignants et enseignantes au Québec présentement, ou
dans vos membres, qui sont pour l'interdiction du cellulaire en classe?
Mme Scalabrini
(Josée) :...je ne vous dirai pas que
c'est notre position, je vais vous dire que c'est la position de nos membres.
Après être allés consulter les membres, à la base, dans un grand sondage qu'on
avait fait, avec d'autres éléments, c'est à 98 % qu'on nous a dit qu'on ne
voulait pas.
M. Bérubé : 98 %?
Mme Scalabrini
(Josée) :Oui.
M. Bérubé : Alors, on vous
reçoit 10 sur 10. C'est également notre position ça. Pas besoin de loi.
Mme Bilodeau (Brigitte) : Sauf
dans le cas où l'enseignant déciderait de l'utiliser à des fins pédagogiques.
M. Bérubé : Bien sûr, bien
sûr. Nos demandes, l'encadrement, je pense que c'est important, pas besoin de
loi pour ça. Ça enverrait un signal positif aux enseignants. Ça peut se faire,
le ministre a envoyé une consigne sur la prière à l'école, je pense qu'il peut
le faire également pour la téléphonie cellulaire. Juste pour vous illustrer
que, parfois, on peut faire des changements qui sont bénéfiques. La composition
de la classe, on en a parlé tout à l'heure. C'est très important. J'ai
participé à votre activité, j'ai vu que c'est intenable, là, c'est difficile dans
ces conditions-là.
Tantôt, vous avez parlé des modes. Est-ce
que, par exemple, ça pourrait faire en sorte qu'un ministre, puis, là, je ne
personnalise pas au ministre, disons, les ministres qui vont suivre pourraient
rencontrer une personnalité, par exemple, un penseur en éducation, qui a une
telle influence sur lui que, là, ça devient ce courant-là qui va être imposé?
Tantôt, le ministre, il disait, je ne personnalise pas, après lui : Il
faut que je serve à quelque chose, bon, alors ça pourrait arriver qu'un penseur
ait une très forte influence et une telle influence que ça a un impact sur les
formations qui sont réclamées. Ça pourrait-tu être ça, par exemple?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Ça
pourrait arriver. Et, quand le ministre parle de donner des orientations pour
qu'un certain nombre d'heures réponde à certains thèmes, bien, le projet de loi
actuel, ce n'est pas ce qu'il dit. Si on change le ministre demain matin puis
qu'il décide qu'il impose les 30 heures sur différents thèmes, il pourrait
le faire.
M. Bérubé : Il a ce
pouvoir-là?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Exactement.
• (20 heures) •
M. Bérubé : Donc, c'est de
nous préserver sur des effets de mode, sur un volontarisme plus grand d'un ou
d'une ministre, dans l'avenir, ou actuel, sur ce genre d'enjeux là?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Tout
à fait.
M. Bérubé : Et, ça, ça vous
inquiète, sur l'autonomie des enseignants et des enseignantes?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Oui,
énormément.
M. Bérubé : Donc, c'est à la
clé. Est-ce que d'avoir moins d'autonomie, ça a un impact considérable sur la
motivation, sur le décrochage des enseignants et des enseignantes?
Mme Bilodeau (Brigitte) : Tout
à fait.
La Présidente (Mme Dionne) : ...15 secondes.
M. Bérubé : Assez pour
répondre.
Mme Scalabrini
(Josée) :C'est la valorisation même. On
dit depuis 15 ans que, ce que nous demandent les enseignants, c'est de
valoriser la profession, c'est d'être capables de redonner à la profession ses
lettres de...
21 h (version non révisée)
Mme Scalabrini (Josée) :...noblesse, mais ça, c'est un geste quand on vient imposer
quelque chose qui vient prouver qu'on ne valorise pas la profession et qu'on ne
fait pas confiance aux enseignants.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment pour votre contribution à ces échanges.
Donc, compte tenu de l'heure, la
commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 7 juin, après les
avis touchant les travaux des commissions, où elle poursuivra son mandat. Sur
ce, je vous souhaite une excellente fin de soirée à tous et merci.
(Fin de la séance à 21 h 02)