Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Le
mercredi 16 février 2022
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Vol. 46 N° 15
Étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français
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Intervenants par tranches d'heure
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Thériault, Lise
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David, Hélène
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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David, Hélène
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Ghazal, Ruba
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Ghazal, Ruba
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Thériault, Lise
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David, Hélène
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Jolin-Barrette, Simon
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Birnbaum, David
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Birnbaum, David
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Thériault, Lise
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Ghazal, Ruba
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David, Hélène
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Jolin-Barrette, Simon
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David, Hélène
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Jolin-Barrette, Simon
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Thériault, Lise
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Birnbaum, David
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Birnbaum, David
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David, Hélène
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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David, Hélène
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David, Hélène
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Jolin-Barrette, Simon
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Thériault, Lise
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Birnbaum, David
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Lévesque, Mathieu
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Guillemette, Nancy
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Émond, Jean-Bernard
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Foster, Émilie
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Poulin, Samuel
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Allaire, Simon
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Lemieux, Louis
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Jolin-Barrette, Simon
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David, Hélène
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Thériault, Lise
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Ghazal, Ruba
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Birnbaum, David
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Guillemette, Nancy
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Jolin-Barrette, Simon
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Birnbaum, David
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Guillemette, Nancy
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Ghazal, Ruba
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David, Hélène
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Guillemette, Nancy
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Jolin-Barrette, Simon
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David, Hélène
11 h (version révisée)
(Onze heures vingt-sept minutes)
La Présidente (Mme Thériault) :
Votre attention, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur
la langue officielle et commune du Québec, le français.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Chassin (Saint-Jérôme) sera remplacé par M. Lévesque (Chapleau);
Mme St-Pierre (Acadie), par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Dorion
(Taschereau), par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon (Joliette), par M. Bérubé
(Matane-Matapédia).
Étude détaillée (suite)
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup. Donc, aujourd'hui, nous poursuivons l'étude de l'article 35
du projet de loi. Donc, je suis prête à reconnaître une intervention. Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Oui, Mme la
Présidente. Rebienvenue. Vous avez été occupée entre-temps. Alors là, on
revient au projet de loi n° 96, et nous étions... Et merci au remplaçant,
hier, qui, bien, a essayé d'être à <votre…
Mme David :
...d'être à >votre hauteur, et on disait que c'est difficile, mais qui a
fait un beau travail.
Donc, on revient sur l'article 46, et
l'article 46 où on était en train de discuter et se poser la question pourquoi
c'est le mot «tâche» plutôt que le mot «poste», et on se pose vraiment toutes
sortes de questions parce qu'on n'est même pas rendu dans les applications des
trois conditions, et ça nous... Déjà, on essaie de voir comment... Et, si nous,
on s'en inquiète, imaginez les entreprises et tous ceux qui sont soumis à cette
loi, qui ne sont pas seulement les entreprises, mais, pour l'instant, je vais
parler plus du volet entreprise, là. On est donc à se poser des questions sur… admettons
que c'est le mot «tâche» plutôt que «poste», mais on verra si ça vaut la peine
d'en discuter plus en profondeur, mais j'imaginais...
Je vais prendre un exemple fictif,
évidemment, d'une PME en Beauce. Alors, il y a plusieurs députés ici qui sont
soit de la Beauce… mais ça pourrait être en Outaouais. Ça pourrait être dans
des régions où, définitivement, l'entrepreneuriat est en grand développement
avec des entrepreneurs extrêmement innovants qui veulent sortir de la seule
région limitrophe, là, ou de leur région plus circonscrite soit à leur
territoire ou à l'ensemble du Québec et qui disent : Non, moi, il n'y a
rien de trop beau, je veux vendre mes fenêtres, je veux vendre... J'ai visité à
peu près tous les… ce qu'on appelle les centres collégiaux de transfert de
technologie, les CCTT, des cégeps, et c'était toujours en lien avec les
entrepreneurs de leurs environs, et c'était... L'ambition des entrepreneurs
était extraordinaire.
Alors, c'était de l'import-export, c'était
de l'achat, de la vente bien en dehors du Québec, et on est fiers de ça. Et je
prends l'exemple de la Beauce parce qu'on le cite souvent que c'est un endroit
formidable, et qu'on veut que nos entrepreneurs soient heureux, et qu'on veut
ne pas, surtout pas, les ensevelir sous trop de paperasserie, de lourdeur et,
presque, des fois, d'impossibilité de répondre... on verra les trois
conditions, mais de répondre aux trois conditions. Ils sont tous venus nous le
dire d'une seule voix.
Donc, je vais donner un exemple, par
exemple, d'une PME en Beauce qui achète des choses hors Québec, puis ce n'est
pas loin, là, d'être hors Québec. Il s'agit d'aller dans une province
canadienne, puis l'Ontario n'est pas si loin que ça, puis les États-Unis ne
sont pas si loin que ça non plus. Et donc il y a une tâche ou un poste pour les
achats puis il y a… pour les fournisseurs, puis il y a une tâche ou un poste
pour les ventes hors Québec, et il peut y avoir une tâche ou un poste de
services à la clientèle, puis il peut y avoir une tâche ou un poste de contrats
qui, automatiquement, doivent être dans les deux langues puisqu'on fait
affaire, par exemple, avec un acheteur ou un vendeur des États-Unis.
Donc, toutes ces tâches-là pourraient
inclure, évidemment, ou être associées à quatre postes ou tâches, vous voyez
que c'est compliqué, à quatre postes ou tâches différents, de quatre individus
assis sur des chaises différentes, et, pour s'assurer que tout le monde doit
être bilingue, puisque… Il y en a un qui achète en anglais parce qu'il a besoin
de fournitures qui viennent des États-Unis. Il y en a un autre qui va en
Ontario, il faut qu'il parle anglais avec son acheteur. Il y a des contrats qui
doivent s'écrire, qui n'est pas nécessairement celui qui fait les achats ou qui
fait les ventes. Puis il y a le service à la clientèle où ça peut être
évidemment des acheteurs ou des vendeurs qui appellent de partout.
• (11 h 30) •
Alors là, évidemment que l'entrepreneur,
le patron de cette entreprise-là va dire : Bien là, moi, j'ai besoin de
quatre personnes différentes qui parlent l'anglais, qui sont bilingues, je dois
afficher quatre postes bilingues. Et, quand on arrivera aux conditions, bien,
ça serait à peu près impossible de répondre à ces conditions-là. Il faudrait
que ça soit quatre personnes différentes. Sinon, il faut qu'on refasse tout l'organigramme
pour dire que la personne bilingue, elle fait à la fois de l'achat, de la
vente, du service à la clientèle parce qu'elle est bilingue. Mais ça ne marche
pas de même dans la vie. Ça ne marchera juste pas. Puis là je ne parle pas d'une
grande entreprise. Je parle d'une entreprise qui a peut être 20 employés,
admettons, ou 25.
Alors là, je voudrais que le ministre
soit... rassure les gens, mais il va falloir les rassurer avec les gestes qu'on
fait, des <amendements...
>
11 h 30 (version révisée)
<15379
Mme David :
...les gestes qu'on fait, des >amendements, je ne sais pas. Parce que,
quand on dit : «même alors, il doit, au préalable, avoir pris tous les
moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence», c'est quoi, ça,
les moyens raisonnables, dans mon exemple? Alors, je vais demander au ministre
d'essayer de me clarifier tout ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien,
vous savez, au niveau des emplois, des postes, des tâches, O.K., vous vous
retrouvez dans une situation où vous avez une tâche qui correspond au poste que
vous occupez dans le cadre de votre emploi. Donc, prenons un député. Bien, c'est
une fonction, là, mais supposons, là, qu'on était dans une situation, là, où c'est
un emploi régulier. Je suis à l'emploi de l'État québécois, mon poste, c'est
porte-parole de l'opposition en matière de langue française, et mes tâches, les
tâches que j'ai comme porte-parole de l'opposition officielle en matière de
langue française, c'est de venir en commission parlementaire, d'étudier le
projet de loi, de faire des points de presse pour souligner à quel point le
gouvernement a déposé un projet de loi costaud, pour souligner que le ministre
fait preuve d'ouverture, en consultation, qu'il travaille en collaboration avec
les oppositions et que... pour souligner que le gouvernement fait preuve de
leadership relativement à la protection de la promotion de langue française.
Également, vous pourriez avoir, dans le cadre de vos tâches... de donner des
entrevues, également, dans le cadre de vos tâches, également, de faire des
discours devant les organismes de défense du français ou d'entendre des
citoyens. Donc, les tâches sont variables en fonction des postes que vous
occupez, puis l'emploi, bien, c'est le lien d'emploi avec l'employeur.
Donc, quand on se retrouve en entreprise,
vous avez un lien d'emploi avec l'employeur, vous êtes, comme je disais hier,
assis sur un poste puis vous avez une série de tâches. Ce n'est pas différent,
là... juste vous dire, Mme la Présidente, ce n'est pas différent de 46,
actuellement, là. Déjà là, le critère de nécessité est à 46, actuellement, donc
il y avait déjà un régime qui fonctionnait de cette façon-là. Nous, ce qu'on
vient faire, c'est qu'on vient rajouter certains critères pour l'employeur, de
se questionner, à savoir : à partir du moment, là, où je veux exiger, là,
la maîtrise d'une autre langue que le français... Parce que le principe de
base, on revient au principe de base, c'est le marché du travail, au Québec, on
a le droit de travailler en français. Avant d'imposer une exigence, là, dans
une offre d'emploi, pour exiger une autre langue que le français, bien, est-ce
qu'on le fait systématiquement, juste parce que c'est plus commode d'exiger une
autre langue, ou on se dit : Bien, écoutez, nous, on veut franciser le
marché du travail, on veut s'assurer, notamment, que les nouveaux immigrants
intègrent le marché du travail en français et qu'on n'exige pas d'une façon
systémique la connaissance d'une autre langue que le français?
Prenez, là, il y avait eu des bons
articles là-dessus de la part de... bien, en fait, la recherche de la part de l'OQLF
puis également des enquêtes journalistiques là-dessus à l'effet que, dans la
région métropolitaine de Montréal, on exige la connaissance d'une autre langue
que le français pour obtenir un emploi, alors que ce n'est même pas nécessaire.
Ça ne doit pas être une barrière à l'employabilité, le fait de ne pas parler
une autre langue que le français ou, à tout le moins, avoir cette exigence-là.
Ça fait qu'on demande, dans le fond, que ça soit raisonnable.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Je suis un
peu déçue de la réponse, parce que ça, c'est tellement général que ça n'aide
pas beaucoup pour mon propriétaire d'entreprise, en Beauce, qui a quatre postes
qui doivent être bilingues, et ça ne dit pas du tout, du tout, du tout si les
quatre pourraient être affichés comme étant bilingues. Ça ne dit pas du tout,
du tout, la réponse du ministre. D'autant que, quand on verra la condition 2° :«il s'était assuré que les
connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel
étaient insuffisantes pour l'accomplissement de ces tâches»...
Je reviens à mon problème. Il y en a un
des deux qui est bilingue, un des quatre qui est bilingue, mais il ne peut pas
faire les quatre jobs, là, parce que lui, son poste, c'est de faire les ventes,
ce n'est pas de faire des achats, ce n'est pas de faire les services à la
clientèle puis ce n'est pas de faire des contrats bilingues. Alors, la réponse
que ces entrepreneurs ont besoin de savoir... Puis là je n'ai même pas parlé du
mot «réputé», encore, parce qu'il est trouvé coupable jusqu'à preuve du
contraire, là, le pauvre employeur, alors...
M. Jolin-Barrette : ...d'être
coupable jusqu'à preuve du contraire, ou tout ça, là...
Mme David : Non, non,
mais, attendez, je n'ai pas fini. Vous avez parlé longtemps, dans votre réponse,
pour ne pas trop répondre à la question, donc je peux parler moi aussi.
M. Jolin-Barrette : J'ai
<répondu...
Mme David : ...je n'ai
pas fini. Vous avez parlé longtemps, dans votre réponse, pour ne pas trop
répondre à la question, donc je peux parler moi aussi.
M. Jolin-Barrette :
J'ai >répondu de façon détaillée à votre question. Mais juste vous dire,
là, on est sur 46, on n'est pas dans les critères qui sont à 46.1. On est sur l'article 46.
Mme David : Je le sais,
mais, écoutez, c'est pas mal... un vient pas mal après l'autre, là, donc vous
allez... À moins que vous m'annonciez que vous effacez le mot «réputé» pour le
mettre par «présumé»?
M. Jolin-Barrette : Non,
mais je vais vous donner...
Mme David : Dites-le tout
de suite, on va s'éviter bien du travail.
M. Jolin-Barrette : Mais
je vais vous donner un point : vous avez raison, 46.1 vient après 46.
Mme David : Ah! bien, ça,
ça va être formidable. Les entrepreneurs, vous avez vu ça, là? C'est une belle réponse
du ministre sur le «réputé».
Donc, à 46, je répète ma question. Il y a quatre postes,
et les quatre doivent être bilingues parce qu'ils font des affaires avec l'extérieur.
Évidemment qu'il faut que les quatre soient bilingues. Mais là, avec le nouvel
article, il y en a... il faudrait qu'il y ait une personne qui fasse les quatre
postes. Alors, ce n'est pas juste sur le fait d'avoir des connaissances
linguistiques, c'est de pouvoir faire les quatre jobs. Ça ne peut pas être
un homme-orchestre ou une femme-orchestre, la personne qui est bilingue. Elle
ne peut pas tout faire dans l'entreprise, parce qu'elle est bilingue. Je veux
savoir si le ministre pourrait concevoir que ça prend quatre personnes
différentes qui sont bilingues dans une entreprise, en Beauce, qui vend des
portes et fenêtres.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Bien, je vous ramène à l'article 46, là. Puis on va aller en détail sur l'article 46.1
quand on va être rendu là. Partons de la prémisse de base. Actuellement, l'article 46,
il est présent dans la Charte de la langue française sur le critère de
nécessité. Le début de l'article 46, là, actuellement, avant le projet de
loi n° 96, c'est : «Il est interdit à un employeur d'exiger pour
l'accès à un emploi ou à un poste la connaissance ou un niveau de connaissance
spécifique d'une langue autre que la langue officielle, à moins que
l'accomplissement de la tâche ne nécessite une telle connaissance.» O.K., ça, c'est
46, actuellement.
Vous avez vu, au cours des deux dernières
années, O.K., notamment dans la région de Montréal, que 40 % des
entreprises... bien, en fait, au Québec, là, 40 % des entreprises exigent
une autre langue que le français à l'embauche. Puis, à Montréal, ce niveau-là
monte à 63 %. Vous conviendrez avec moi, là, qu'il y a des lacunes, avec l'article 46,
puis qu'on a le devoir d'agir. Si on veut faire en sorte que le français, ça
soit la langue du travail, la langue commune, on constate, première étape, puis
vous en conviendrez avec moi, qu'il y a des lacunes, actuellement, avec le
libellé de l'article 46. Êtes-vous d'accord avec ça?
Mme David : ...dans les
27 propositions, qu'il fallait resserrer puis mettre des balises. Alors,
ça, arrêtez de me poser la question, je vous l'ai dit. Maintenant, tout est
dans la façon et dans l'opérationnalisation des choses. Le diable est dans les
détails.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Puis l'enfer est rouge.
Mme David : Mais il peut
être bleu, aussi, l'enfer.
• (11 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Oui?
O.K. Alors là, puisqu'on a une base commune pour démarrer, relativement à :
il y a une problématique sur l'article 46, là-dessus, on s'entend. Dans le
fond, le critère de nécessité prévu à l'article 46, il n'est pas respecté,
parce que 40 % des entreprises au Québec demandent une autre langue que le
français à l'embauche, 63 % à Montréal. Là, on se retrouve dans une
situation où on vient renforcer l'article 46, avec le pont à l'article 46.1.
Donc, 46, tel que proposé : «Il est
interdit à un employeur d'exiger d'une personne, pour qu'elle puisse rester en
poste [...] y accéder, notamment par recrutement, embauche, mutation ou
promotion, la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une langue
autre que la langue officielle, à moins que l'accomplissement de la tâche ne
nécessite une telle connaissance; même alors, il doit, au préalable, avoir pris
tous les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence.» Alors,
l'employeur, lorsqu'il se retrouve dans cette situation-là, il dit :
Écoutez, moi, j'aimerais ça embaucher avec une connaissance de la langue autre
que le français. Parfait. Est-ce que c'est nécessaire par rapport à la tâche — première
question — oui ou non? Là, dans votre exemple, vous me dites : Oui,
c'est nécessaire. Parfait. Deuxième critère : Est-ce qu'il a pris tous les
moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence? Est-ce que, dans
la structure d'une entreprise... est-ce que c'est nécessaire d'imposer à tous
les postes cette exigence-là de la connaissance de la langue anglaise?
C'est une analyse in concreto, en fonction
d'un cas concret, en fonction d'un cas d'espèce, pour savoir est-ce que c'est
nécessaire d'exiger. Mais il y a une chose qui est sûre, c'est qu'on doit
baliser l'exigence de la connaissance d'une autre langue que le français pour
un employeur. Et le projet de loi, là, ce qu'il fait, c'est qu'il protège le
droit des travailleurs québécois de travailler dans la langue officielle, en
français. Donc, on ne réinvente pas la roue, là. On fait juste venir préciser
le critère de nécessité. Mais, par contre, il va devoir avoir pris,
préalablement, les moyens <raisonnables...
M. Jolin-Barrette :
...roue, là. On fait juste venir préciser le critère de nécessité. Mais par
contre il va devoir avoir pris, préalablement, les moyens >raisonnables afin
d'éviter d'imposer une telle exigence. Parce que je reviens, là, à la prémisse
de base, c'est sûr que c'est bien plus facile pour tout le monde d'exiger le
bilinguisme. On ne se poserait même pas de question. Mais, si on continue de la
façon dont on fonctionne actuellement, avec le libellé de l'article 46
actuel, c'est l'anglicisation pure et simple du marché du travail. Vous le
voyez dans la région métropolitaine de Montréal, et ce que ça fait, c'est que
ça déteint également sur le reste du Québec.
Puis, comprenez-moi bien, là, est-ce que c'est
nécessaire d'exiger l'anglais dans certaines circonstances? Parce que c'est de
ça dont on parle, principalement. La réponse à cette question-là, c'est oui. Il
va arriver que les tâches effectuées fassent en sorte que vous avez besoin d'avoir
des employés qui sont bilingues. Et, même, de plus en plus, vous allez avoir
besoin d'employés qui parlent une autre langue que le français, mais qui n'est
pas l'anglais, parce que vous avez une entreprise qui est tournée vers des
marchés d'exportation. Vous allez avoir besoin d'employés qui ont des
compétences linguistiques en espagnol, vous allez avoir besoin d'employés qui
ont des compétences linguistiques en mandarin. Et il n'y a rien, dans le projet
de loi, qui empêche ça. Cependant, ce qu'on vient faire, c'est l'encadrement.
Est-ce qu'on demande à tous les employés d'avoir des compétences linguistiques
dans une autre langue que le français, à la base? La réponse, c'est non. On
souhaite éviter que ça soit systématiquement demandé. C'est un critère qui est
raisonnable de dire : Est-ce que c'est nécessaire, dans un premier temps,
et, deuxièmement, est-ce que vous avez réfléchi, avant d'imposer une telle
exigence, pour éviter d'imposer une telle exigence, est-ce que que vous avez
pris les moyens raisonnables pour le faire? Est-ce que c'est plus simple,
est-ce que c'est plus pratique de tout le temps exiger la connaissance d'une
langue autre que le français? Puis, si c'est juste ça, l'argumentaire, bien, ce
n'est pas valide.
Mais, par contre, reprenons le cas de
votre entreprise, en Beauce, qui a quatre employés, et qui fait de l'import-export,
puis que 95 % de sa clientèle est aux États-Unis, et que ses quatre
employés à temps plein sont toujours en discussion avec des clients américains
anglophones. Bien, je pense que l'employeur va réussir à démontrer qu'il a pris
les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence. Mais, si le
volume et sa structure d'affaires rattachée à son entreprise... est tourné vers
l'exportation puis que, dans le cadre des tâches, tous les employés se
retrouvent dans une position et doivent utiliser une autre langue que le
français, à ce moment-là, l'employeur va regarder le critère de 46 et de 46.1,
il n'aura pas de difficulté. Donc, il y aura nécessité, par la nature des
tâches, et lui, il aura pris les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une
telle exigence. Il se retrouve dans une situation où il a quatre employés, les
quatre employés sont sur le téléphone, puis ça nécessite... ils sont 40 heures
par semaine sur le téléphone pour vendre les produits qu'ils ont, aux
États-Unis, parce que c'est leur marché primaire. À ce moment-là, bien entendu,
si, sur son quatrième poste, il y a quelqu'un qui quitte, puis il se retrouve,
à ce moment-là, à chercher quelqu'un, puis le poste requiert qu'il soit 40 heures
par semaine au téléphone en anglais, bien, il n'y aura pas d'enjeu.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée.
Mme David : Ah! si la
vie était aussi claire que ça. On veut tous aller à Rome. En tout cas, vous et
moi, je pense qu'on aimerait ça se retrouver à Rome, mais on ne prendra pas
nécessairement le même avion puis on ne prendra pas les mêmes arrêts, puis les
mêmes stops, puis les mêmes sorties pour arriver au même point.
M. Jolin-Barrette :
...le même avion.
Mme David : C'est
évident, évident que, pour arriver à avoir des meilleures balises, il faut
prendre un certain nombre de moyens, et les moyens peuvent être très
différents. Puis, je trouve que, vos moyens, c'est intéressant de vous écouter
parler, parce que vous décrivez quelque chose qui, peut-être, va rassurer l'employeur.
Je vais même en dire plus que vous, je vais
aller plus loin que vous dans ce que vous avez dit. Moi, je n'ai pas parlé d'une
entreprise de quatre employés, j'ai parlé d'une entreprise, disons, qui a 20 employés,
mais il y en a quatre... un qui fait de l'import, l'autre qui fait l'export, l'autre
qui fait des contrats, l'autre qui fait service à sa clientèle. Mais il y a 20 employés.
Les autres, là, ce n'est pas nécessaire qu'ils soient bilingues, là, ce n'est
pas nécessaire parce qu'ils n'ont pas... ils ne répondraient pas aux critères. Alors,
je ne suis même pas aussi exigeante que vous, là, je dis : O.K., disons qu'il
y en a quatre sur les 20, mais c'est quatre bilingues. Mais là vous dites, dans
votre exemple, puis vous ne prenez pas de chance, vous allez au 100 %,
vous dites : Ils travaillent 40 heures-semaine en anglais, <l'employeur...
Mme David :
...exemple,
puis vous ne prenez pas de chance, vous allez au 100 %, vous dites :
Ils travaillent 40 heures-semaine en anglais, >l'employeur devrait
dormir sur ses deux oreilles, parce qu'il pense qu'il serait raisonnable que
ces quatre soient bilingues, puisqu'ils font 40 heures-semaine. Tout d'un
coup qu'ils font 25 heures-semaine ou 20 heures-semaine, ça veut dire
qu'ils sont la moitié du temps, avec de l'import, de l'export, des contrats ou
du service à la clientèle, à parler anglais. Ça veut-tu dire qu'il faudrait qu'il
y en ait juste deux sur quatre, à ce moment-là, qui font les 40 heures,
puis les deux autres sont unilingues francophones? C'est ça que les entrepreneurs
ne comprennent pas. Comment ils vont gérer cette bibitte-là de dire : Si
ce n'est pas 40 heures-semaine, bien, ça va être quoi, le critère? Qui va
les aider à décider de ça, de dire : Est-ce que je suis raisonnable, je ne
suis pas raisonnable? Moi, ça ne m'empêchera pas de dormir, le soir, là, si j'étais
un entrepreneur en Beauce, puis dire : Là, il faut que j'engage, mais là
ça va-tu être jugé raisonnable? Puis, comme je suis réputé avoir pris la bonne
décision, bien, là, là, qui va me juger, là?
Je trouve qu'on ne les aide pas beaucoup,
avec le manque de détails, pour dire : O.K., je pense que, là, c'est clair,
j'ai quatre postes qui sont à 50 % de travail en anglais, et puis les quatre
peuvent être bilingues, puis le ministre ne me tombera pas dessus, puis je n'aurai
pas tout à coup l'OQLF... ou je n'aurai pas des plaintes à la CNESST, ou je ne
sais trop. Donc, je vous repose la question : Vous donnez l'exemple
100 %; mais s'ils sont à 50 %?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Alors, comme je vous le disais, c'était une analyse. Chaque cas est un cas d'espèce
en fonction...
Mme David : ...
M. Jolin-Barrette :
Bien, c'est l'employeur.
Mme David : Mais à qui
il parle pour se faire aider?
M. Jolin-Barrette : Bien,
premièrement, on va voir 46.1, les critères associés. Juste qu'on s'entende sur
une chose : le critère de 46, là, sur la nécessité, 46 actuel, avant le
projet de loi, il y a un enjeu avec ça, parce que la réalité, c'est qu'on exige
systématiquement, à Montréal, 63 % du temps... un affichage d'emploi, une
offre d'emploi, ils exigent la connaissance d'une langue autre que le français.
Vous conviendrez avec moi qu'on a eu de multiples exemples où est-ce que c'est
complètement déraisonnable d'exiger l'anglais à l'embauche, pour certains
postes, complètement déraisonnable. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est : Il
faut que ça soit nécessaire. Mais on ajoute également que l'employeur doit
avoir pris les moyens raisonnables pour imposer... pour éviter d'imposer une
telle exigence. Donc, c'est le critère de la raisonnabilité. O.K. C'est un
critère que l'homme ou la femme raisonnable juge que c'est approprié.
Mais, pour accompagner l'employeur
là-dedans... Et là, Mme la Présidente, vous me permettrez de référer à l'article 46.1,
puisqu'on est comme dans le débat sur les deux. Alors, 46.1, pour le bénéfice,
là, des membres de la commission, dit : «Un employeur est réputé ne pas
avoir pris tous les moyens raisonnables pour éviter d'exiger la connaissance ou
un niveau de connaissance spécifique d'une autre langue que la langue
officielle dès lors que, avant d'exiger cette connaissance ou ce niveau de
connaissance, l'une des conditions suivantes n'est pas remplie...» Alors, avant
de dire : Écoutez, moi, je veux afficher mon poste en anglais, là, O.K.,
je vais exiger une autre langue que le français, avant de faire ça, l'employeur,
lui, en vertu de 46.1, là, il faut qu'il regarde. Qu'est-ce qu'il faut qu'il
regarde? Il dit : «il avait évalué les besoins linguistiques réels
associés aux tâches à accomplir». Exemple : Est-ce que j'ai besoin d'avoir
des gens qui parlent une autre langue que le français, oui ou non? Est-ce que j'ai
des besoins linguistiques réels, là? Est-ce que je sers une clientèle? Est-ce
que, dans le cadre de mes opérations, on a besoin que les gens que j'embauche
parlent une autre langue que le français?
Mme David : ...
• (11 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Quel
que soit le temps consacré. Premier critère...
Mme David : Pendant la
journée...
M. Jolin-Barrette : ...est-ce
que j'ai des besoins réels? Je vends de la crème glacée, j'ai un bar laitier à
Beloeil, est-ce que j'ai un besoin réel associé aux tâches à accomplir? Pas la
personne qui est au comptoir, là, la personne qui fait les cornets. Est-ce que
la personne qui fait les cornets, qui n'est jamais en contact avec le client, a
besoin de connaître une autre langue que le français?
Mme David : ... dans le
même avion, c'est tellement évident.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Mais, vous savez, si on achète nos billets ensemble, peut-être qu'on va avoir
un rabais.
Mme David : Continuez.
Mais celui qui vend? Qui prend les commandes?
M. Jolin-Barrette : Bon,
est-ce qu'il y a un besoin réel que la personne parle une autre langue que le
français? Première évaluation. L'employeur, il regarde : J'ai-tu besoin ou...
Dans le fond, on veut éviter le cas de : au cas où, une fois dans l'année.
Est-ce que c'est un besoin réel ou non?
Mme David : Bien, si <c'est
ça...
M. Jolin-Barrette :
...l'année. Est-ce que c'est un besoin réel ou non?
Mme David :
Bien, si >c'est ça, dites-le. Parce que, là, au cas où, une fois par
année, on comprend, là, que c'est exagéré, ça. Ce n'est pas raisonnable.
M. Jolin-Barrette : Bon,
vous voyez, bien, c'est un critère de raisonnabilité. Donc, est-ce qu'il y a un
besoin linguistique réel associé aux tâches à accomplir? Même chose, là, vous
êtes dans une entreprise, là, O.K., vous êtes commis comptable, O.K., vous
travaillez, là, dans l'arrière-boutique de l'entreprise, comme on dit. Est-ce
qu'il y a une nécessité d'exiger une connaissance linguistique d'une langue
autre que la langue officielle? Il faut se poser la question.
Parce que ce qu'il arrive, là, dans les
entreprises, souvent, là, c'est qu'on vient exiger, dans des postes où est ce
qu'il y a aucune exigence linguistique associée à la tâche, là, là... On dit :
Bien, on va ouvrir le poste bilingue. Oui, mais pourquoi? C'est quoi... Quelle
est la nécessité, quel est le besoin réel? Est-ce que, pour ce poste-là, vous
avez besoin d'avoir une autre langue que le français? C'est le premier élément,
on dit à l'employeur : Regardez ça en premier, là. Dans le fond, là,
fermez-vous pas les yeux puis dire : Bien, écoutez, moi, je demande tout
le temps la connaissance d'une autre langue que le français, parce que c'est
plus pratique. Ce n'est pas ça, le critère, là. Le critère, c'est : Est-ce
qu'il y a un besoin linguistique réel associé aux tâches pour la personne?
Deuxième critère, 46.1 : «il s'était
assuré que les connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du
personnel étaient insuffisantes pour l'accomplissement de ces tâches».
Mme David : ...compliqué.
M. Jolin-Barrette : Bien
non...
Mme David : Les quatre
personnes, là, elles font des tâches différentes, mais les quatre doivent être
bilingues.
M. Jolin-Barrette : Oui,
mais il regarde est-ce que «les connaissances linguistiques déjà exigées des
autres membres du personnel étaient insuffisantes pour l'accomplissement de ces
tâches». Est-ce que, dans le fond, les tâches peuvent être confiées à quelqu'un
d'autre ou non? Est-ce que, parmi les membres du personnel, j'ai déjà des gens
qui pourraient faire ces tâches-là puis qui ont la connaissance de la langue? Est-ce
qu'il peut confier ces autres tâches-là à quelqu'un ou non?
Mme David : ...ou connaissance
de la job?
M. Jolin-Barrette :
Bien, les deux.
Mme David : Les deux?
M. Jolin-Barrette : C'est
une analyse, là, c'est une analyse complète, là. Alors, est-ce que la tâche
peut être déplacée ou non, avec quelqu'un qui a déjà cette connaissance-là?
Troisième critère...
Mme David : C'est parce
que, là, vous avez un bilingue qui ferait quatre jobs : import, export,
contrats et...
M. Jolin-Barrette : Il
ne faut pas... avec égard, avec égard, il ne faut pas caricaturer.
Mme David : Bien oui,
mais c'est parce que je m'inspire de vous, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Bien, je n'ai pas dit que, dans une entreprise de quatre employés, s'il y
en a un qui parle anglais, bien, ça fait en sorte qu'il y a juste lui qui va
parler en anglais avec les clients. Ça dépend de la structure de l'entreprise,
comment c'est divisé. Il ne faut pas que ça soit une réorganisation
déraisonnable de l'entreprise. Il faut que l'organisation du travail soit
raisonnable. Ça, c'est clair, là. Mais l'idée, c'est d'éviter de faire en sorte
qu'une personne, qu'un employeur exige l'anglais à tout le monde, à ses quatre
employés, alors qu'il y a une façon de fonctionner : il regarde les
critères, est-ce que la tâche, elle est... est-ce qu'il y a un besoin
linguistique réel à la tâche, est-ce que les connaissances linguistiques des
autres membres du personnel est insuffisante pour l'accomplissement de ces
tâches-là?
Puis, 3°, «il
avait restreint le plus possible le nombre de postes auxquels se rattachent des
tâches dont l'accomplissement nécessite la connaissance ou un niveau de
connaissance spécifique d'une autre langue que la langue officielle». Est-ce qu'il
peut, dans son entreprise, faire en sorte, dans l'organisation des tâches, que
les gens qui auront besoin de maîtriser une autre langue que le français, bien,
ça soit regroupé?, toujours en tenant compte de la grosseur, de la structure et
du fonctionnement de l'entreprise, bien entendu.
Mme David : ...revenir.
Je vais prendre une pause pour laisser mon collègue de D'Arcy-McGee puis je
vais revenir.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. J'ai aussi la collègue de Mercier, qui a un amendement à déposer.
Donc, moi, j'irais à la députée de Mercier, peut-être; après, le député de D'Arcy-McGee.
Ça vous va? Allez-y, Mme la députée de Mercier, avec votre amendement.
Mme Ghazal : ...c'est
ça, j'ai un amendement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous pouvez aller sur l'article et expliquer votre amendement aussi. Allez-y.
Mme Ghazal : Oui,
exactement. Bien, j'écoutais aussi les échanges avec la députée de
Marguerite-Bourgeoys, puis là, bien, je me suis dit : Bien, je vais faire
un amendement, vu que plus... hier, j'en ai gagné un — pas encore,
là, ça s'en vient — sur un autre article, sur la connaissance du
français parlé aux dirigeants, et le ministre a dit qu'il était tout à fait d'accord
de dire que tous les hauts dirigeants doivent avoir une bonne connaissance de l'anglais.
Mais ça va être à un article plus loin, 141 de la charte, je pense, 84 du
projet de loi.
Donc là, j'écoute puis moi, je suis d'accord
avec le fait, puis là aussi, c'est un élément très, très important, de cesser
de demander de façon systématique la <connaissance de...
Mme Ghazal :
...élément très, très important, de cesser de demander de façon systématique la
>connaissance de l'anglais. C'est vraiment très, très systématique, j'en
ai été aussi témoin dans mon travail. Dans toutes sortes de domaines de
travail, c'est rendu la facilité de le faire, même quand ce n'est pas
nécessaire. Et, dans le fond, bien, je vais déposer mon amendement tout de
suite, puisque j'ai introduit ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y, allez-y, il est déjà sur Greffier.
Mme Ghazal : Donc, tout
le monde l'a?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, il est sur Greffier, donc les gens peuvent en prendre connaissance.
Mme Ghazal : Parfait.
Donc, je vais le lire :
L'article 35 du projet de loi est
modifié par l'ajout, après le paragraphe 2°, du suivant, donc :
3° par l'ajout de l'alinéa
suivant :
«Une explication d'une telle exigence doit
être inscrite directement sur les offres d'emploi.»
Donc, après le paragraphe de l'article 46,
là, dans le projet de loi, où ça dit que c'est interdit, que, si, par exemple,
c'est permis, il faut vraiment s'assurer, na, na, na, une autre langue, na, na,
na, à moins que... à moins... c'est ça, «à moins que l'accomplissement de la
tâche — dans un poste — [...]nécessite une telle
connaissance». Puis là je comprends qu'à 46.1 il y a des exigences, les
devoirs, dans le fond, de l'employeur, ce qu'il doit faire comme effort pour s'assurer,
bien, que ce n'est pas nécessaire.
Moi, ce que je propose, c'est... je fais
un ajout que, quand l'employeur trouve qu'il est nécessaire que la connaissance
d'une autre langue... bien, c'est-à-dire que la connaissance d'une autre langue
est nécessaire, quand l'employeur voit ça puis qu'il a fait ses devoirs, qu'il
a fait le travail pour s'assurer que ce n'est pas... de ne pas avoir cette exigence-là,
mais il se rend compte que, non, dans cet emploi-là, c'est une exigence
importante puis qu'il a fait ses devoirs, bien, tout simplement, dans l'offre d'emploi...
Souvent, dans l'offre d'emploi, on va écrire les exigences, diplômes, etc.,
connaissance de l'anglais, bilingue; bien, que ce ne soit pas juste écrit «bilingue»,
mais que... bilingue parce que la tâche consiste à parler tant pour cent du
temps, par exemple, avec des gens des États-Unis, admettons, ou ailleurs, ou pour
tel... ou pour répondre à la clientèle qui est constituée de tant de personnes
qui sont unilingues anglophones, par exemple, ou d'autres langues. Ça fait que,
si le travail a été fait, simplement de l'afficher dans une offre d'emploi.
Et aussi je me dis : Peut-être que ça
pourrait même faciliter... c'est-à-dire qu'il fait preuve de diligence et il l'affiche
dans l'offre d'emploi pour dire pourquoi c'est nécessaire. Et peut-être que ça
pourrait aussi faciliter, s'il y a des gens qui veulent... par exemple, qui
trouvent que ce n'est pas vraiment nécessaire, qui veulent porter plainte ou
que... l'OQLF qui doit analyser, par exemple, est-ce que c'est vraiment
nécessaire qu'ils posent des questions à l'entreprise, lors d'une vérification.
Bien, dans les offres d'emploi, ça serait une bonne indication de ce travail-là,
puis c'est rendu public.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui,
ce ne sera pas long, je suis en train...
Mme Ghazal : Puis l'idée,
juste pour terminer, c'est que c'est très facile aussi de dire bilingue, puis
après de dire : Bien, on le fait... Mais est-ce qu'il y a vraiment des
données qui justifient ça? Est-ce qu'il y a vraiment des preuves qui
justifient? Bien, ça va être écrit directement. C'est à l'employeur de faire l'effort
de présenter ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Je
pense que la députée de Marguerite-Bourgeoys veut intervenir.
• (12 heures) •
Mme David : Il veut
sentir la chaleur de l'eau pour voir s'il a de l'appui ou pas. Mais moi, j'appuie
cet amendement-là, je le trouve brillant. Je trouve que d'avoir à dire : «Une
explication d'une telle exigence doit être inscrite directement», ça dit ce que
ça veut dire, c'est l'employeur doit se justifier... pas se justifier, enfin,
préciser. Les gens qui postulent peuvent comprendre un peu pourquoi puis dans
quel contexte.
J'essaie de rassurer un peu les
employeurs... les employeurs, oui, qu'ils ont une marge de manoeuvre mais, en
même temps, qu'ils ne doivent pas faire n'importe quoi. Puis ça, je l'ai dit
depuis le début. Mais les employeurs sont inquiets de ne pas savoir sur quel
pied danser, de savoir comment être raisonnables, dans le fond. Alors, ça, c'est
une partie, peut-être, un outil de plus que la députée... auquel la députée,
elle a pensé pour aider. Moi, je ne suis pas contre le principe, je l'ai dit,
mais je veux que ça soit assez assez applicable pour les employeurs.
Mme Ghazal : ...d'entendre
que ma collègue appuie cet amendement-là et qu'elle le trouve brillant.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est un beau compliment.
Mme Ghazal : Bien oui!
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Bien, c'est un moment qui est intéressant, mais ce que ça fait, c'est qu'à la
base, dans le fond, l'employeur devrait justifier a priori pourquoi il exige la
connaissance d'une autre langue que le français. Donc, dans son offre d'emploi,
ça signifie qu'il vient <justifier...
>
12 h (version révisée)
<15359
M. Jolin-Barrette :
...d'une autre langue que le français. Donc, dans son offre d'emploi,
ça signifie qu'il vient >justifier… il vient dire : Bien, moi, j'exige
la connaissance d'une langue autre parce que j'ai un processus de justification…
parce que je dois mettre une justification. Il explique les raisons pour
lesquelles il doit… il exige la connaissance d'une langue autre que le
français. C'est bien ça? J'ai bien compris?
Mme Ghazal : Oui, exact,
c'est ça. Vous expliquez... Je pensais que vous disiez que c'est ce qu'il doit
faire. Oui, c'est ça, l'amendement, puis avec des données factuelles, là, il n'est
pas obligé d'écrire un roman, là, dans les offres d'emploi bilingues, puis là
il explique c'est quoi, les tâches… peut-être pas les tâches, mais pourquoi…
La Présidente (Mme Thériault) :
…pour desservir la clientèle américaine…
Mme Ghazal : …par
exemple, pour des services à une clientèle américaine.
La Présidente (Mme Thériault) :
…desservir la clientèle à l'international.
Mme Ghazal : C'est ça,
il peut aller dans le détail. Tu sais, moi, je n'ai pas précisé dans quel
détail est-ce qu'il faut dire... est-ce qu'il faut qu'il dise qu'il va utiliser
l'anglais à tel pourcentage, et tout ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
50 % de la clientèle est en Ontario, des choses comme ça, oui.
Mme Ghazal : Oui, parce
que c'est ça, le… exact, par exemple.
Mme David : …la fille
qui fait les cornets de crème glacée d'avoir à parler anglais parce que ça se
justifie moins bien dans une offre d'emploi, ou une personne qui est à l'entretien
dans un édifice, ou quelque chose qui n'a pas tellement de contacts… ou le
plongeur d'un restaurant du député de Matane-Matapédia.
M. Jolin-Barrette : O.K.,
bien, je comprends que tout le monde est en faveur de mettre cette exigence
additionnelle là.
Mme David : Ce n'est pas
une... Excusez, je ne suis pas en train de défendre l'amendement, mais ce n'est
pas une exigence additionnelle, c'est une précision intelligente.
M. Jolin-Barrette : O.K.,
bien, écoutez, je vais vous demander de suspendre quelques instants, le temps
que je valide le libellé de la députée de Mercier.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, nous suspendons nos travaux quelques instants. Merci, M. le ministre.
(Suspension de la séance à 12 h 05)
(Reprise à 12 h 15)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous sommes de retour après une brève
suspension. M. le ministre a des vérifications à faire pour accueillir
favorablement l'amendement qui a été déposé par la députée de Mercier. Donc, ce
qu'on va faire, c'est qu'on va suspendre votre amendement et on va revenir sur
la discussion sur 46, parce qu'il y avait le député de D'Arcy-McGee qui avait
des commentaires à ajouter. Je pense, la députée de Marguerite-Bourgeoys en
avait d'autres aussi dans l'ensemble du 46. Et, compte tenu de l'heure, bien,
on a le temps de faire des discussions, puis, quand on reviendra cet après-midi,
j'imagine que le ministre aura eu le temps nécessaire pour pouvoir valider quel
type d'amendement on pourra faire à votre suggestion, Mme la députée. Ça vous
va? Parfait. Est-ce que vous avez d'autres choses à ajouter sur 46, Mme la
députée de Mercier, outre que sur votre amendement, parce que vous aviez la
parole?
Mme Ghazal : Bien non.
Je continuerai après, quand... cet après-midi.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous allez continuer après? Parfait. Est-ce que j'y vais avec la députée de
Marguerite-Bourgeoys? Oui?
Mme David : Une minute…
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y.
Mme David : …parce qu'après
mon collègue veut continuer là-dessus. Je veux juste... Vous allez me
trouver...
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, l'amendement est suspendu. J'ai besoin d'un consentement. Il y a
consentement pour suspendre l'amendement? Consentement. Merci. On revient, s'il
vous plaît, Mme la députée.
Mme David : Je voulais
juste souligner au ministre que la cohésion dont nous faisons preuve, et je
vous inclus, montre qu'on peut bonifier un projet de loi pour le bénéfice de
tous les citoyens, pour le bénéfice des parlementaires, pour le bénéfice du
futur de cette loi-là, et que, quand on prend du temps pour faire ça, ce n'est
pas de la perte de temps.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je pense que votre commentaire est bien enregistré. On peut aller au député de
D'Arcy-McGee? M. le député de D'Arcy-McGee, la parole est à vous.
M. Birnbaum : Merci, Mme
la Présidente. Je veux revenir à une discussion qui reste à compléter, de mon
avis, sur l'accomplissement de la tâche, parce qu'on va s'entendre, l'opérationnalisation…
de mettre en œuvre ces amendements, ces articles-là… vont inciter un certain
travail, indulgence, et tout ça, pour des motifs que je comprends, et que j'accepte,
et que j'endosse, mais, sur le terrain, on affiche des <postes...
M. Birnbaum :
...des
>postes, on n'affiche pas de temps… Alors, comment est-ce qu'un
employeur...
Et le ministre nous a confirmé hier qu'on
ne parle pas d'exception, là, c'est l'employeur, la PME, l'usine de
500 employés, c'est tout le monde. C'est tout le monde. Comment l'employeur
réorganise son offre d'emploi en termes de tâches? Évidemment, il y a le lien
entre tâches et postes, mais on affiche des postes. Si on cherche un travail,
et c'est du travail que j'aurais eu à faire, ça, dans plusieurs jobs de
direction générale que j'ai eues, on a à faire une description des tâches, qu'est-ce
qui est impliqué dans un tel poste, mais on affiche des postes. Si on veut
travailler, on cherche sur Jobboom, bon, des médias sociaux, n'importe où,
LinkedIn. On cherche des offres d'emploi qui s'expriment par les postes de
disponibles. Alors, comment c'est plus facilitant ou cohérent de parler de l'accomplissement
de la tâche?
M. Jolin-Barrette : Bien,
en fait, c'est déjà... 46, actuellement, parlait déjà de la tâche également, donc,
depuis 1977, premier alinéa : «Il est interdit à un employeur d'exiger
pour l'accès à un emploi ou à un poste la connaissance ou un niveau de
connaissance spécifique d'une langue autre que la langue officielle, à moins
que l'accomplissement de la tâche ne nécessite une telle connaissance.» Parce
que, lorsque vous êtes un employé, vous occupez un poste, mais l'employeur
vient définir la tâche associée à votre poste. Donc, dans le cadre de la tâche,
vous exercez plusieurs éléments, et donc vous vous retrouvez dans une situation
où il faut regarder c'est quoi, la tâche reliée au poste, et, à l'intérieur de
la tâche, du poste, on l'entend au pluriel, il y a plusieurs tâches qui sont
effectuées, là. Il y a plusieurs gestes qui sont posés par l'employé dans le
cadre de la tâche qui lui est confiée.
Donc, le critère de tâche, il est présent
et il demeure ainsi, parce qu'un employé, il fait... Ça dépend des
entreprises. Parfois, l'employé fait toujours la même chose si c'est un poste
qui est, supposons, routinier. Je vous donne un exemple. Supposons que vous
êtes poissonnier, là, si vous êtes au département pour apprêter le poisson,
pour l'éviscérer, supposons, tout ça, puis c'est ça que vous faites dans votre
journée, c'est ça, mais ça se peut également que, dans le cadre de vos tâches
de poissonnier, vous fassiez ça, mais vous ayez une partie de service à la
clientèle aussi. Donc, il y a plus qu'une fonction associée à la tâche
également. Donc, ça dépend de la nature de la tâche.
• (12 h 20) •
M. Birnbaum : …on va
passer à d'autres choses. Je n'accepte pas qu'on est dans une situation qui est
parallèle à 1977. Le contexte de... Les changements proposés dans l'article
changent la donne. Alors, ici, on peut oublier 1977.
Poissonnerie, c'est intéressant, parce que
je veux qu'on reste dans le concret. Je vais parler d'un endroit que j'aime
fréquenter, le supermarché Adonis. Il y en a plusieurs sur l'île de Montréal et
en Montérégie, à Laval, avec une clientèle assez diversifiée dans les coins où...
Là où je magasine, dans la plupart de leurs épiceries, ça serait une clientèle
fort probablement majoritaire francophone, mais de d'autres langues aussi.
Je veux juste, avec plusieurs questions,
comprendre comment on risque d'implanter cet amendement. Bon, là, il faut que
les tâches justifient l'exigence d'une autre langue. Le gérant, la gérante d'Adonis
estime que c'est important que, très raisonnablement… que la plupart de ses
caissières et caissiers soient habiles en français, mais aussi en anglais, fait
le jugement, comme je dis, éminemment raisonnable qu'il ou elle va réserver
quelques postes pour des caissières ou caissiers unilingues francophones et va
essayer de s'arranger comme <ça...
M. Birnbaum :
...comme >ça.
Là, je note, dans cet article-là, qu'il
est interdit d'exiger cette connaissance, et même pour… dans un cas de
mutation, pas juste d'embauche, recrutement ou promotion, mais de mutation.
Cette gérante d'Adonis constate sur sa grille d'horaire qu'il faudrait avoir
plus de quarts de donnés à ce corps de caissières qui maîtrisent l'anglais, ce
qui fait en sorte qu'une des caissières, qui a été dûment embauchée, qui ne
parlait que le français, risque de subir une mutation, c'est-à-dire une offre
de réduire son horaire par deux quarts par semaine ou même d'ajouter une autre
tâche parce que c'est une gérante très bienveillante qui veut assurer à cette
employée… que cette employée continue de travailler à plein temps. Dans cet
exemple, admettons, compliqué que je donne, est-ce que je comprends
correctement que la gérante est devant des contraintes difficiles? Ce genre de
déploiement de son équipe ne serait pas possible en vertu de l'article 46
tel qu'amendé ici?
M. Jolin-Barrette : Bien
non, il n'est pas… L'employeur n'est pas face à une contrainte difficile.
Écoutez, on se retrouve dans une situation où c'est l'employeur qui va
démontrer que la tâche l'exige, et que d'autres employés ne pouvaient pas le
faire, puis que l'organisation du travail l'exigeait. Donc, à ce moment-là, ce
n'est pas un enjeu, mais la question fondamentale qui se pose, c'est :
Avant d'engager des caissières ou des caissiers avec l'exigence de la langue
anglaise, bien, il y a les critères à respecter. Est-ce que c'est nécessaire puis
est-ce que les moyens raisonnables ont été pris pour éviter d'imposer une telle
exigence? Donc, ce n'est pas... C'est comme... Vous avez 20 caissières,
là, est-ce que c'est nécessaire que les 20 caissières soient bilingues?
Bien, en fait, la question, c'est : Est-ce que, pour être caissier ou
caissière dans un marché d'alimentation au Québec, il faut être bilingue?
Honnêtement, pour avoir eu une carrière, Mme la Présidente, d'emballeur dans
une épicerie, une carrière, six ans, six ans…
La Présidente (Mme Thériault) :
C'était votre emploi d'étudiant?
M. Jolin-Barrette :
Effectivement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Ah! on en apprend.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Je ne suis pas convaincu que tous les caissiers et toutes les caissières
doivent être bilingues. Je soumets ça comme ça, là. C'est pas mal universel,
les épiceries, et, c'est sûr, il y a des différences quand vous allez dans les
différents pays, comme il y a des particularités, puis tout ça, mais, à la fin
du processus, là, quand vous allez acheter votre pain avec votre beurre de pinotte,
là, bonjour, ça coûte tant… Disons que ce n'est pas une relation qui est
soutenue sur le long terme, là, quand vous allez acheter un pain à l'épicerie,
là. Alors, je soumets la question. Dans ce cas-là, est-ce que c'est nécessaire
que l'ensemble des caissières soit… et caissiers soient bilingues? Est-ce que
tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter que les
20 caissiers, caissières aient une exigence d'une langue autre que le
français? Je vous pose la question. Est-ce que c'est raisonnable d'exiger que
tous les caissiers, toutes les caissières dans une épicerie au Québec soient
bilingues?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député.
M. Birnbaum : Le ministre,
dans sa réponse à mon cas de figure, illustre la complication… la complexité de
l'affaire. Ma gérante d'Adonis est en concurrence avec Carnaval à l'autre côté
de la rue puis Provigo à l'autre, et la préoccupation en bonne et due forme, c'est
le service à la clientèle, c'est de protéger son chiffre d'affaires pour être
en mesure d'embaucher d'autre monde pour faire rouler notre économie. Elle n'a
probablement pas, actuellement, un démographe sur son équipe de ressources
humaines ni une analyse <pointilleuse...
M. Birnbaum :
...une
analyse >pointilleuse de chaque tâche, parce qu'elle aurait établi un
nombre de postes... Comment se réalise cette évaluation-là? Et là, j'insiste,
on n'a pas besoin d'être à 46.1 pour en parler. Comment se réalise cette
évaluation?
Dans un premier temps, le ministre vient…
et, bon, c'est une suggestion, bon, subjective, mais ça se peut, comme je dis,
pour protéger sa clientèle, pour rester concurrente, que la gérante ne serait
pas du même avis que le ministre, qu'elle dirait que même l'échange éphémère et
ponctuel de l'achat du pain... que son client non francophone va se sentir
mieux chez Adonis s'il y a cette possibilité de se faire servir dans sa langue.
Bon, comment ces genres d'évaluation pour assurer le critère de raisonnabilité,
pour assurer qu'il n'y avait pas d'autres façons de s'organiser que d'exiger la
connaissance d'une autre langue que l'anglais dans un poste… comment ça va se
faire sur le terrain?
M. Jolin-Barrette : Deux
choses l'une, moi, je crois que les services... Puis, en fait, la langue
commune, c'est le français, au Québec, première chose. La langue du travail, ça
doit être le français, au Québec, et les mesures qu'on met en place, c'est pour
faire en sorte que le français puisse être la langue commune.
Là, dans le cas de l'exemple qui est
soulevé par le député de D'Arcy-McGee, on parle de gens, des caissiers puis des
caissières que, pour pouvoir travailler au Québec, O.K., puis, bien, souvent, c'est
au salaire minimum à 14,25 $, là, bon, ça… Parfois, ça a un petit peu
augmenté, là, mais, généralement, c'est des emplois à 14,25 $. Là, on est
en train de nous dire que, pour être caissier ou caissière à l'épicerie, il va
falloir que les employés soient bilingues.
Maintenant, moi, j'ai un malaise avec ça,
d'exiger que, pour gagner sa vie comme caissier, caissière à l'épicerie au
Québec, on exige une autre langue que le français. Ça appartient à l'employeur,
là, puis il va devoir respecter le critère de 46 puis de 46.1, là, mais juste
vous dire qu'on est dans une situation où il va évaluer est-ce que c'est nécessaire.
Est-ce qu'il a pris les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle
exigence? Est-ce que ses 20 caissiers, caissières doivent être...
maîtriser la langue anglaise? C'est une question qui se pose.
• (12 h 30) •
Comme société, là, c'est-tu ça qu'on veut,
que les caissiers, caissières à l'épicerie, ils soient bilingues? En fait, pas
qu'ils soient bilingues, est-ce qu'on veut imposer, au Québec, que, pour
devenir caissier, là, ou pour être cheffe caissière ou chef caissier, vous ayez
besoin de maîtriser une langue autre que le français? Bien, tu sais... Puis c'est
une question de société, là. S'il faut maîtriser une autre langue que le
français pour être caissier dans toutes les épiceries du Québec, bien, dans le
fond, tous les postes au Québec vont devoir être bilingues, puis on se retrouve
dans une situation où l'évaluation qui est faite par 46.1, elle est
raisonnable, là.
On n'empêche pas d'exiger à l'employeur,
dans certains postes... Certains postes de caissier pourraient exiger une
langue autre que le français, mais l'employeur, lui, il fait son évaluation en
trois étapes puis il regarde : Est-ce que j'ai vraiment besoin que le
poste, il ait une autre langue que le français? Est-ce qu'il y a d'autres... il
y a une autre façon... En fait, est-ce que j'ai des employés qui peuvent
répondre à ce besoin linguistique là? Troisièmement, est-ce que j'ai une façon
de réorganiser le travail pour faire en sorte de répondre à mon besoin? Le test,
l'évaluation m'apparaît raisonnable, mais on ne peut pas dire que... C'est sûr
que ça serait plus simple que tout le monde soit bilingue tout le temps, là, ça,
c'est sûr, mais, si on veut amener le français comme langue du travail puis
comme langue commune puis d'inviter l'ensemble de la société à lorsqu'il y a un
liant commun, donc, dans la sphère publique, ça se passe en français, moi, je
pense que 46 puis 46.1 s'appliquent bien.
M. Birnbaum : Mme la
Présidente, juste une <précision, une autre…
>
12 h 30 (version révisée)
<
M. Birnbaum :
...Mme
la Présidente, juste une >précision, une autre fois. Notre opposition
officielle, ce qui était très clair dans nos 27 propositions, constate qu'il
y a lieu à renforcer le droit de travailler en français au Québec. Est-ce qu'on
peut être clair là-dessus? Et que le ministre suggère que mes questions sont
dans l'optique de permettre une exigence que chaque caissière au Québec soit
bilingue, je ne sais pas d'où ça vient. Est-ce qu'on peut.... Est-ce que je
peux, au nom des gens qui me posent des questions, des gens qui nous posent des
questions, entre autres, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, l'association
des commerçants de détail, est-ce qu'on peut avoir des réponses à nos
questions?
Et je reste avec mes caissières. Le
ministre vient de faire un constat qui suggère que, pour lui, pas pour moi,
pour lui, l'idée de renforcer le droit de travailler en français au Québec, tel
qu'il est proposé à 46, est irréconciliable avec l'idée de trouver une façon,
par dérogation, c'était toujours le cas, d'assurer une offre de service et de
faire rouler notre économie, c'est important, une offre de services circonscrite,
justifiée, d'accord, en anglais. Il vient de poser la question : Est-ce
que c'est nécessaire qu'un caissier ou une caissière ait cette capacité? Bon,
on ne va pas même pas aller au fond de ses pensées, là.
Mais je veux, une autre fois, savoir
comment un employeur responsable, fidèle, qui se donne le devoir de respecter
toutes ces lois devant lui ou elle, va se comporter. Ma gérante, chez Adonis,
est-ce qu'elle a à faire appel à son employé qui est démographe, de dire :
bon, c'est quoi, le pourcentage des clients, pas juste qui sont de langue autre
que le français, est-ce que c'est tous des ayants droit? Est-ce qu'on va me
poser cette question aussi? Comment, sur le terrain, dans un monde concurrent,
où le ministre, comme moi, veut souhaiter une relance économique au Québec, le
ministre, comme moi, veut assurer, de façon réelle... améliorer la protection
dont les Québécois méritent de travailler en français, comment ma gérante va s'organiser?
Comment elle va interpréter l'article 46 pour savoir combien de ses 20 caissières
peuvent raisonnablement être exigées d'avoir une capacité dans une langue autre
que le français? Comment ça marche?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bien, juste des clarifications, des précisions, là. Il ne faut pas mélanger les
choses, là. Il n'y a aucun concept d'ayant droit en lien avec 46 puis 46.1, là.
Le concept d'ayant droit, c'est avec l'exemplarité de l'État. Là, on n'est pas
dans l'État, là, ici, on est dans la sphère commerciale, dans la sphère
employeur. Premier élément.
Deuxième élément. Les milieux économiques,
le Conseil du patronat, la Fédération des chambres de commerce également
étaient d'accord de miser sur le français pour faire en sorte que ça soit la
langue commune puis que ça signifie quelque chose.
Pour revenir au cas de votre droit de
votre gérante de chez Adonis, les dispositions de 46 puis 46.1 n'empiètent pas
sur le droit de gérance de l'employeur. Alors, les critères, lorsque vous
embauchez ou que vous donnez une promotion à quelqu'un, c'est : Est-ce que
vous... Est-ce que c'est nécessaire d'exiger la connaissance d'une autre langue
que le français puis avez-vous pris les moyens raisonnables pour éviter d'imposer
une telle exigence?
Là, 46.1 nous dit : J'ai évalué les
besoins linguistiques réels associés aux tâches à accomplir. Je me suis assuré
que les connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du
personnel étaient insuffisantes pour l'accomplissement des tâches. Donc, la
gérante va regarder : Dans mon équipe, là, est-ce que j'en ai, des gens
qui ont des compétences linguistiques dans une langue autre que le français,
puis est-ce que leurs compétences linguistiques sont insuffisantes pour l'accomplissement
des tâches, puis, troisièmement, est-ce que j'ai restreint le plus possible le
nombre de postes auxquels se rattachent les tâches dont l'accomplissement
nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance? Donc, l'employeur va
regarder ça avant d'embaucher. Donc, j'ai 20 postes. <Le samedi, je
roule à 20 caissiers...
M. Jolin-Barrette :
Donc, l'employeur va regarder ça avant d'embaucher. Donc, j'ai 20 postes. >Le
samedi, je roule à 20 caissiers. Est-ce que mes 20 caissiers ont
besoin d'être tous bilingues, à 14,25 $ de l'heure?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député.
M. Birnbaum :
Premièrement, nous ne sommes pas encore à 46.1.
M. Jolin-Barrette :
Bien, toutes les questions sont sur 46.1.
M. Birnbaum : ...toutes
les caissières. Ma gérante a à s'organiser. Devant un article, j'imagine... pas
j'imagine, c'est une évidence qu'il permettrait à un employé qui risque de se
sentir écarté de façon illégale aux yeux de 46 de poursuivre l'affaire. Donc,
ma gérante a besoin d'être accompagnée, de comprendre comment elle implante ces
critères. Qu'est-ce qu'elle veut comme raisonnable? Le ministre vient de dire
que ça peut être, en quelque part, déraisonnable d'exiger le bilinguisme chez
un caissier ou une caissière. Est-ce que c'est... Bon, peut-être, ce n'est pas
ça. Mais c'est quoi, le critère? Est-ce que c'est 15 ou, dû au fait que c'est
une population qui a l'air d'être surtout francophone dans un coin ou un autre,
est-ce que c'est 12, parce que des fois la personne à la poissonnerie remplace
à la caisse, et lui, déjà, il parle anglais, alors bon, on va décider de
réduire de 15 à 12 notre nombre de caissières? Tout ça est à faire en plus que
toutes les autres tâches de quelqu'un qui essaie, comme je dis, de continuer à
contribuer à l'économie, d'embaucher du monde, et tout ça.
Je reviens à ma question et, comme je dis,
compte tenu qu'il y a des conséquences d'une non-adhérence à une loi, le
ministre le sait, ça marche comme ça, alors cette gérante, comment elle est
accompagnée, aidée à comprendre comment même commencer à évaluer comment elle s'organise?
• (12 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Dans
le cas présenté par le député de D'Arcy-McGee, il y a une réorganisation d'horaires,
ce n'est pas une mutation, là. Le poste était déjà avec ou sans, donc les
horaires, et la pleine souveraineté de l'employeur sur ses horaires de travail,
sur son droit de gérance, elle n'est pas affectée, elle est pleinement... Elle
peut organiser son entreprise comme elle veut, là. Ses horaires, elle les fait
comme elle veut. Puis, écoutez, ça arrive, là... Dans le milieu de l'alimentation,
là, vous avez, là, en fonction de l'année, là, des moments plus occupés puis
des moments moins occupés.
Je donne un exemple. Le soir, l'hiver, à
cette période-ci de l'année, là, dans les épiceries, là, la fin de semaine,
supposons, c'est vraiment tranquille. Après 17 h 30, 18 heures,
là, actuellement, chez les épiciers, le samedi soir, le dimanche soir, je vous
confirme qu'il n'y a pas grand monde. Par contre, le samedi soir puis le
dimanche soir, lorsqu'on est en période estivale, mai, juin, juillet, août, un
petit peu septembre, il n'y a pas mal plus de monde. Pourquoi? Parce que le
monde sont allés à l'extérieur, ils ont profité du soleil, ils ont fait des
activités avec les enfants, tout ça, ils n'ont pas planifié leur souper dans la
journée, ils ont... parce qu'ils étaient en dehors de la maison. lls reviennent
à la maison. Ah! J'arrête à l'épicerie, je fais un barbecue, je vais chercher
des brochettes, je vais chercher des pâtes, tout ça. Là, l'employeur, il va
mettre plus d'employés, le gérant des caisses va mettre plus de caissiers, plus
de caissières, plus d'emballeurs à cette période-là. À ce moment-là, il y a
toujours eu ça. Puis, tu sais, si on revient dans le passé également, vous vous
souviendrez sûrement de la loi sur les quatre employés : la fin de
semaine, à partir de 5 heures, c'était quatre employés; avant, même le
dimanche, ce n'était pas ouvert. Même, on a fermé dernièrement, vous savez,
certains dimanches aussi. Mais l'employeur a toujours géré l'horaire de ses
employés, puis ça, ça n'a pas d'impact, 46 puis 46.1 n'ont pas d'impact
là-dessus.
Par contre, où 46 puis 46.1 ont un impact,
un caissier... Bien, en fait, une personne qui souhaite devenir caissier chez
Adonis au Québec, O.K., avant qu'on lui exige une connaissance autre que le
français pour occuper un emploi à 14,25 $ de l'heure comme caissier, oui,
l'employeur devra respecter 46 puis 46.1. Est-ce que c'est nécessaire? Puis
est-ce qu'il a pris les moyens raisonnables pour <éviter d'imposer une
telle exigence...
M. Jolin-Barrette :
...Est-ce que c'est nécessaire? Puis est-ce qu'il a pris les moyens
raisonnables pour >éviter d'imposer une telle exigence? C'est le droit
de travailler en français, là, qui s'applique, là, au Québec, là. Donc, la
spécificité, notamment, de la tâche, ça rentre dans le critère de la
responsabilité, là.
M. Birnbaum : Ça a l'air
assez complexe. Une précision, et je vais revenir après, si nécessaire, pour
poursuivre le travail de mes collègues d'Adonis, parce qu'il me semble qu'il y
a des questions qui continuent à être de mise. Comme je dis, le ministère a été
très clair hier, on parle d'un article qui n'a pas d'exception. Donc, je peux
comprendre qu'il n'y a aucune exception, dérogation ou formulation différente
en ce qui a trait des établissements reconnus en vertu de 29.1?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : 46
et 46.1 s'appliquent à tous les employeurs.
M. Birnbaum : Voilà,
voilà. Et le ministre persiste à dire : On va poursuivre ça, qu'il n'y a
rien, mais rien qui touche à l'accès, ou la livraison, la prestation des
services de santé et services sociaux en anglais. O.K. Alors, on comprend que
ça s'applique. Je risque d'avoir d'autres questions là-dessus.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre, vous voulez ajouter quelque chose?
M. Jolin-Barrette :
Bien, je ne veux dire, il ne faut juste pas mélanger les choses au niveau de l'exemplarité
de l'État. Puis là on est dans l'employeur. 46 s'appliquait déjà à tous les
employeurs, donc, dans la charte actuelle, ça s'appliquait, là, il n'y a pas de
différence. Il ne faut pas amener le concept de 46.1, parce que, 46.1, eux, ils
ont des règles particulières associées à eux, notamment dans les services qui
dispensent.
M. Birnbaum : Oui. Juste
pour une autre précision. Je sais qu'il n'y a pas grand temps, on va poursuivre
la discussion. Pour les gens qui nous écoutent, qu'on se comprenne, on n'est
pas en train de parler de l'exigence de parler la langue commune, ce qui est
une chose assez primordiale. Nous sommes en train de parler de la possibilité d'exiger
la compréhension d'une autre langue. C'est ça, le sujet, actuellement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois suspendre les travaux compte tenu de l'heure. Donc, je vais vous
souhaiter bon appétit. Juste ne pas oublier, les collègues, qu'il y a un caucus
dans cette salle, donc de la libérer rapidement. Et nous reprendrons les
travaux à 15 heures. Merci. Bon appétit.
(Suspension de la séance à 12 h 45)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 15)
La Présidente (Mme Thériault) :
Votre attention, s'il vous plaît! Donc, la Commission de la culture et de
l'éducation reprend ses travaux. Nous poursuivons l'étude détaillée du projet
de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec,
le français.
Lors de la suspension de nos travaux, nous
en étions à l'étude de l'article 35. Il y avait un amendement qui avait
été déposé par Mme la députée de Mercier. On a eu un consentement pour le
suspendre.
Donc, avant de reprendre les travaux, il y
a eu certaines discussions par rapport à l'amendement qui avait été proposé.
Donc, à ce stade-ci, ce que je comprends, c'est que j'ai besoin d'avoir un
consentement pour pouvoir suspendre 35, parce qu'on était revenus à 35, j'ai
besoin d'un consentement pour revenir à l'amendement de la ministre... pas de
la ministre, pardon, mais de la députée de Mercier, j'ai besoin d'un
consentement parce qu'elle veut le retirer. Donc, est-ce que j'ai un
consentement pour retirer l'amendement de la députée de Mercier?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Consentement. Donc, je vais vous redonner la parole, Mme la députée de Mercier,
pour que vous puissiez reprendre avec le nouvel amendement que vous allez
déposer, qui a été... qui est conforme avec les discussions que vous avez eues
avec le ministre.
Mme Ghazal : Exactement.
Donc, on a eu de très bons échanges avec le ministre et toutes les personnes
qui sont ici, à la commission. Donc, je vais lire le nouvel amendement que je
vais déposer.
Alors, à l'article 35 du projet de
loi, remplacer le deuxième paragraphe par le paragraphe suivant :
2° par le remplacement des deuxième,
troisième, quatrième, cinquième et sixième alinéas par le suivant :
«L'employeur qui exige la connaissance ou
un niveau de connaissance spécifique d'une autre langue que la langue
officielle pour accéder à un poste doit, lorsqu'il diffuse une offre visant à
pourvoir ce poste, y indiquer les motifs justifiant cette exigence.»
Donc, l'amendement est conforme à la
volonté que j'avais exprimée sur le fait que, oui, l'employeur doit faire des
efforts pour s'assurer que les gens qu'il embauche n'aient <pas...
Mme Ghazal :
...à la volonté que j'avais exprimée sur le fait que, oui, l'employeur doit
faire des efforts pour s'assurer que les gens qu'il embauche n'aient >pas
besoin de parler une autre langue. Puis, s'il doit le faire, bien, que ça soit
publié directement dans l'offre d'emploi. C'est ce à quoi sert l'amendement.
Voilà.
La Présidente (Mme Thériault) :
Pour les gens qui suivent nos travaux, est-ce que vous auriez l'obligeance de
lire le commentaire qui nous donne le texte tel qu'amendé? Donc, comme ça, les
gens vont comprendre exactement sur quoi nous allons voter avec l'amendement.
Vous l'avez sur la feuille qu'on vous a remise. Juste le commentaire, texte
amendé à l'article 46.
Mme Ghazal : Mais le
commentaire de 46 ou de mon amendement? Je ne suis pas sûre de comprendre.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, de votre amendement. Si vous regardez, c'est écrit : Commentaire. Texte
amendé de l'article 46.
Mme Ghazal : Commentaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
«46. Il est interdit à un employeur d'exiger...»
Mme Ghazal : O.K. Donc,
de le relire au complet, comment ça se lirait?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
Mme Ghazal : O.K. Je suis
désolée.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, parce que c'est ce que le nouveau texte législatif va donner avec les
amendements.
Mme Ghazal : Parfait.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, ce qui est en caractère gras, c'est ce qui est ajouté, puis les traits, c'est
ce qui est enlevé. Donc, vous lisez les caractères gras et le caractère
régulier.
Mme Ghazal : Donc, je
lis... O.K., je n'ai jamais fait ça. Je lis les caractères gras ou je lis le
texte au complet?
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous lisez le texte jusqu'à «cette exigence».
Mme Ghazal : Donc, je
lis les... tout le texte, mais on ne saura pas quand est-ce que c'est
caractères gras parce que ça ne paraîtra pas dans ma voix, mais bon.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mais c'est la nouvelle version qu'on va voter.
Mme Ghazal : Oui,
absolument. Donc, l'article tel qu'amendé de l'article 46 se lirait comme
suit :
«Il est interdit à un employeur d'exiger d'une
personne, pour qu'elle puisse rester en poste ou y accéder, notamment par
recrutement, embauche, mutation ou promotion, la connaissance ou un niveau de
connaissance spécifique d'une langue autre que la langue officielle, à moins
que l'accomplissement de la tâche ne nécessite une telle connaissance; même alors,
il doit, au préalable, avoir pris tous les moyens raisonnables pour éviter d'imposer
une telle exigence.
«L'employeur qui exige la connaissance ou
un niveau de connaissance spécifique d'une autre langue que la langue
officielle pour accéder à un poste doit, lorsqu'il diffuse une offre visant à
pourvoir ce poste, y indiquer les motifs justifiant cette exigence.»
La Présidente (Mme Thériault) :
Voilà.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, sur l'amendement de Mme la députée de Mercier, Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Mais c'est...
Je vous l'ai dit, je suis tout à fait d'accord avec la formulation, etc., mais,
justement, dans la formulation, ça ne règle pas mon problème sémantique de
différence entre «poste» et «tâche», parce qu'on retrouve deux fois dans l'amendement
le mot «poste», et ça confirme que le mot «poste» du premier paragraphe est
pertinent. Mais je ne suis pas certaine de comprendre pourquoi on saute à l'accomplissement
de la tâche à la... dans le premier paragraphe. Et ça met encore plus en
évidence cette confusion en lisant l'amendement.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
Mme David : Un poste
peut avoir plusieurs tâches. Là, on... c'est pour l'accomplissement de la
tâche. Alors, je ne suis pas sûre que, si j'étais l'entrepreneur réputé avoir
répondu à tout, ça aide. Je voulais juste être sûre, là.
M. Jolin-Barrette : Mais,
si vous permettez, faisons cette discussion-là juste après l'amendement, parce
que, dans le fond, le...
Mme David : À l'amendement,
il n'y a que le mot «poste». Ça, ça va, je suis d'accord. Mais...
M. Jolin-Barrette : Oui.
C'est ça. Ça fait que traitons juste de l'amendement en premier, puis ensuite
je... on revient, on revient sur la discussion.
Mme David : O.K. Je n'ai
pas de problème. Je suis capable. Je suis patiente, vous le savez, je suis
patiente.
M. Jolin-Barrette : O.K.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Donc, s'il n'y a pas d'autre commentaire sur l'amendement... Oui, M.
le ministre, oui?
M. Jolin-Barrette : Bien,
simplement dire, relativement aux motifs justifiants cette exigence, dans le
fond, l'employeur indiquera sommairement, dans le fond, les motifs qui
requièrent pourquoi est-ce qu'il y a une exigence d'une langue autre que l'anglais.
On ne demande pas que ça soit très compliqué, que ça soit simple, mais que l'employeur
indique pourquoi il demande une autre langue que la langue officielle dans l'affichage.
Donc, que ce soit avec la présentation de l'offre qui est affichée d'une façon
qui soit sommaire.
• (15 h 20) •
Mme Ghazal : Exactement.
Puis même, moi, je disais des explications où c'était comme ça, l'amendement
avant celui-là qui a été formulé par l'équipe. L'idée, c'est qu'on ne puisse
pas, après l'adoption de ce projet de loi là, qu'on ne puisse plus jamais trouver
une offre d'emploi affichée, écrite, où il va y avoir écrit : Compétence
requise : bilingue, point. Il faut expliquer pourquoi on a besoin que ça
soit bilingue. Tu sais, c'est ça, l'esprit de cet amendement-là.
M. Jolin-Barrette : Oui.
O.K.
La Présidente (Mme Thériault) :
Ça va? D'autres commentaires? Non. Donc, on est prêt à mettre aux voix l'amendement
de la députée de Mercier. Est-ce que l'amendement est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. Donc, puisque l'amendement est adopté, nous revenons à l'article 35
sur la discussion. Et la députée de Marguerite-Bourgeoys parlait de la tâche.
Est-ce que vous voulez, M. le ministre, que je vous reconnaisse tout de suite? Oui.
M. Jolin-Barrette :
Bien, juste en complément de l'intervention, là, de la collègue, là, c'est
parce que lorsque vous avez... Il y a le lien d'emploi, dans un premier temps.
Le fait d'être embauché, ça crée un lien d'emploi entre la personne physique et
l'employeur. Lien d'emploi, première chose. L'employeur vous embauche pour un <poste...
M. Jolin-Barrette :
...et l'employeur. Lien d'emploi, première chose. L'employeur vous embauche
pour un >poste déterminé. Donc, exemple, il y a tant de postes dans le
service des ressources humaines. Donc, c'est un poste au niveau des ressources
humaines. Donc, c'est un poste, supposons, budgétaire, supposons, quand c'est
des... supposons, dans le public, on parle d'équivalent à temps complet. Bon,
on était au niveau des heures rémunérées aussi, ça a changé, là, des ETC au
niveau... Vous connaissez bien le système, là, c'est des heures rémunérées.
Pour un employeur, bien, dans le fond, qui fait une offre d'emploi, c'est un
lien d'emploi qui est créé, c'est pour un poste. À l'intérieur du poste, les
tâches, il peut y avoir qu'une seule tâche comme il peut avoir plusieurs tâches.
Donc... Et le poste... les tâches peuvent être amenées à changer à l'intérieur
du poste aussi. C'est pour ça qu'on fait référence à «tâche» et à «poste».
Donc, «il est interdit à un employeur d'exiger
d'une personne, pour qu'elle puisse rester en poste — donc rester en
emploi — [pour] y accéder, notamment par recrutement, embauche,
mutation ou promotion, la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique
d'une langue autre que la langue officielle, à moins que l'accomplissement de
la tâche — la tâche dans le cadre du poste — ne nécessite
une telle connaissance; même alors, il doit, au préalable, avoir pris tous les
moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence.»
Mme David : Je pourrais
dire que... Est-ce qu'on pourrait dire qu'un poste peut contenir, puis je pense
vous l'avez dit textuellement comme ça ce matin, plusieurs tâches?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme David : Alors, c'est
compliqué. Là, j'essaie de vous aider, là. Est-ce qu'on ne pourrait pas dire :
«à moins que l'accomplissement de la tâche ou d'une partie de celle-ci ne
nécessite»? Parce que tout d'un coup que votre vendeur, votre vendeur de
balayeuses... dans la compagnie, ils vendent des balayeuses, là, puis ils
vendent aux États-Unis, mais ils vendent peut-être des balayeuses en Ontario 60 %
du temps, puis, le reste du temps, c'est à Montréal, c'est à Québec, c'est à
Shawinigan.
M. Jolin-Barrette :
Mais, en vertu de la Loi d'interprétation, là, comme tâche est inclus au
singulier, là, est énoncé au singulier, l'article 54, là, de la Loi d'interprétation
nous dit : «Le nombre singulier s'entend à plusieurs personnes ou à plusieurs
choses de même espèce, chaque fois que le contexte se prête à cette extension.»
Donc, par définition, là, quand on parle de la tâche, bien, il faut entendre
que, dans le cadre d'un poste, il y a la tâche, mais cette tâche-là peut se
décliner en plusieurs tâches.
Mme David : Ça sort d'où,
ça? C'est un nouveau...
M. Jolin-Barrette : L'article 54
de la Loi d'interprétation.
Mme David : Mais c'est
parce que, la Loi d'interprétation, il y a en a qui... Je ne l'ai pas vu, moi.
Je ne sais pas où on trouve ça. Mais, en tout cas, il y a des conseils
québécois, je ne sais plus lesquels, là, qui ont lu attentivement nos lois d'interprétation
puis qui... je ne sais pas quoi, là, qu'est-ce qu'ils... ils ont toutes sortes
de commentaires. Mais, si ce n'est pas supposé interpréter, moi, ça me mêle
plus que ça m'interprète. Répétez-moi, là, qu'une tâche ça peut vouloir dire
plusieurs tâches?
M. Jolin-Barrette :
Bien, dans le fond, là, c'est parce que l'enjeu que vous me soulevez, là, c'est
que c'est au singulier dans l'article 46.
Mme David : Bien, voilà.
M. Jolin-Barrette : Mais,
dans l'article 46, depuis 1977, ça a toujours été au singulier puis ça n'a
pas posé problème en termes d'interprétation.
Mme David : Oui, mais c'est
parce que vous n'étiez pas aussi exigeant, aussi, sur l'exigence d'une langue
autre que le français, là. C'est : plus on devient prescriptifs, plus il
faut savoir à quoi s'applique la prescription.
M. Jolin-Barrette : Oui,
sauf que l'essence même de la disposition, c'est la même chose, là. Le critère
de nécessité prévu à l'article 46 depuis 1977 est le même, là. Ça, ça ne
change pas. C'est dans les moyens d'évaluer la nécessité, et des moyens
raisonnables ont été pris pour éviter d'imposer une telle exigence.
Mais votre critère, à la base, de
nécessité par rapport à la tâche, avant, là, dans le cadre de mon poste, là,
est-ce que la tâche nécessitait que je parle une autre langue que le français?
C'était déjà le même vocabulaire par rapport à la tâche. Donc, ça arrivait déjà,
des situations où, au sens strict, là, de l'article 46, quand il est écrit
«la tâche», vous aviez des postes où...
Prenons votre exemple, votre vendeur de
balayeuses qui avait des contacts avec l'Ontario puis, parfois, vendait ses
balayeuses à Québec. Bien, dans le fond, lui, son poste, c'était vendeur de
balayeuses, puis, dans le cadre de sa tâche, bien, il avait des clients au
Québec, il avait des clients en Ontario, il avait des clients aux États-Unis,
donc ça faisait partie de sa tâche. Donc, lui, à l'époque, est-ce que c'était
nécessaire de maîtriser une autre langue que la langue officielle pour exercer
son emploi? L'employeur a déterminé : Ah! bien oui, c'est nécessaire parce
qu'il y a des clients en Ontario, puis il vend des balayeuses en anglais.
Là, nous, ce qu'on fait, on part de là
puis on dit : Écoutez, on rajoute un critère. Le critère de nécessité
demeure intact. Mais, pour l'appréciation du critère de nécessité, là on dit :
Est-ce que vous avez pris les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une
telle exigence? Exemple, vous avez, je ne sais pas, 30 <vendeurs...
M. Jolin-Barrette :
...les
moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence? Exemple, vous
avez, je ne sais pas, 30 >vendeurs de balayeuses dans votre entreprise.
Puis là les 30 vendent des balayeuses en Ontario, au Québec, aux
États-Unis. Est-ce que tout le monde a besoin... En fait, est-ce que,
premièrement, la compétence linguistique est nécessaire? Est-ce que c'est un
besoin réel? Deuxièmement, est-ce que les autres vendeurs pourraient, eux...
ils ont des compétences linguistiques pour le faire? Puis, troisièmement,
est-ce que la façon de fonctionner, c'est optimal par rapport aux besoins de l'entreprise?
Est-ce qu'il y a un effort qui pouvait être fait pour éviter que la personne
nécessite de parler en anglais? Ça fait que, là, l'employeur, il regarde ça, il
peut-tu regarder... est-ce qu'il sépare tout ça en 30 ou il essaie de confier les
tâches qui nécessitent la connaissance d'une langue autre que le français à un
moins grand nombre d'employés, pour autant que ça fonctionne puis que ça soit
raisonnable, là, dans la structure de l'entreprise?
C'est sûr, dans votre exemple d'avant le dîner,
là, dans votre entreprise en Beauce, à quatre personnes, ça va être pas mal
plus dur, ça, tu sais, de dire que ça serait une réorganisation déraisonnable
de l'entreprise. Ça ne serait pas nécessairement raisonnable, parce qu'il y a
quatre personnes. Mais, dans vos cas de 30 vendeurs de balayeuses, puis
que les 30 vendent tous partout, est-ce qu'il peut éviter d'imposer ça à tous
les employés?
Mme David : Je
comprends, je comprends ça. Je veux juste aller avec l'amendement qu'on a mis :
«y indiquer les motifs justifiant cette exigence». C'est là qu'il dirait :
Poste de vente, doit être bilingue parce que vend aux États-Unis, par exemple,
clients hors Québec.
M. Jolin-Barrette : Clients
hors Québec. Exact.
Mme David : Mais, par
ailleurs, et là je reviens au propriétaire de l'entreprise qui, d'habitude,
fait ces choix-là — dans les plus petites entreprises, il voit pas
mal à tout — et c'est lui qui doit répondre : Est-ce que je suis
raisonnable avec 1°? Est-ce que je suis raisonnable avec critère 2°? Est-ce
que je suis raisonnable avec critère 3°? Je pense que oui. Je pense que je
n'ai pas 30 vendeurs de balayeuses qui sont bilingues. J'en ai juste
quatre, puis je pense qu'on serait dus pour un cinquième parce que, là, il y a
trop de ventes et puis ils ne fournissent plus, puis etc.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David : C'est lui qui
va décider, le soir en se couchant avec sa conscience à lui, s'il est
raisonnable. Puis, en plus, il va être réputé avoir pris la bonne décision. Il
n'a pas le droit à l'erreur. Il n'a pas le droit à l'erreur, parce qu'il est
réputé avoir parfaitement répondu aux trois conditions.
Mais là les trois conditions, c'est son
cinquième vendeur de balayeuses. Mais lui, il dit : O.K., cinq, ça va-tu
passer? Je vais-tu être poursuivi? Je vais-tu être réputé avoir mal travaillé?
Est-ce que c'est cinq? Est-ce que c'est 10? Est-ce que c'est 15? Est-ce qu'il
est raisonnable? C'est dur, le concept de raisonnabilité. À moins que les
juristes aient trouvé que c'est bien simple, être raisonnable.
• (15 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Non.
Bien, en fait, c'est la base du droit administratif, notamment, la
raisonnabilité. Ce que je veux dire, là, c'est que le fardeau qui est imposé à
l'employeur, là, ce n'est pas un fardeau qui est très élevé, là. L'employeur,
là, lui, là...
On est dans votre exemple, là. Vous dites :
J'ai quatre vendeurs de balayeuses qui parlent anglais, O.K., pour mon
marché, puis mon entreprise, là, est en croissance fulgurante, et je veux
exporter. Puis, en fait, je veux gagner le marché ontarien, O.K.? Puis là je
veux ouvrir un nouveau poste. J'agrandis mon équipe. L'employeur va dire :
Écoute, moi, je pense que j'ai besoin d'avoir un poste, de l'ouvrir bilingue,
avec la connaissance d'une langue autre que le français. Premièrement, avant de
l'ouvrir, là, qu'est-ce qu'il va faire, l'employeur? Ce qu'il fait déjà, là. Il
va évaluer «les besoins linguistiques réels associés aux tâches à accomplir».
Est-ce que mon vendeur, il a besoin de parler une autre langue que le français?
Ah! bien oui, mon marché, il est en Ontario, puis il est au cœur de Toronto. Je
vends des balayeuses Dirt Devil puis je veux aller conquérir Toronto, donc ça
risque fort de se passer en anglais. Premier élément. Donc, est-ce que le
besoin linguistique, il est réel, associé aux tâches? Bien oui, mon vendeur, il
faut qu'il aille à Toronto, il va faire des représentations. Il a des clients,
communique avec eux par courriel, au téléphone en langue anglaise.
Deuxièmement, «s'était assuré que les
connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel
étaient insuffisantes pour l'accomplissement de ces tâches». Est-ce que les
autres peuvent faire cette tâche-là? Est-ce que les connaissances linguistiques
sont là? Oui, les connaissances linguistiques sont là, supposons, des autres
membres de l'équipe, sauf qu'on regarde le troisième critère : «il avait
restreint le plus possible le nombre de postes auxquels se rattachent des
tâches dont <l'accomplissement...
>
15 h 30 (version révisée)
<15359
M. Jolin-Barrette :
...dont >l'accomplissement nécessite la connaissance ou un niveau de
connaissance spécifique d'une autre langue que la langue officielle.» Or, là,
vos quatre vendeurs sont déjà surmenés dans le cadre de leurs fonctions, eux
aussi sont en Ontario, sont aux États-Unis, communiquent déjà en anglais, tout
ça, puis ça prend une cinquième personne, puis, en plus, le marché, il est
là-bas. Il n'y a pas d'enjeu. L'employeur, là, lui, là, dans le cadre de son
analyse de son entreprise, là, il va faire ces trois étapes-là de toute façon,
là.
Mme David : Mais, si c'est
si simple que ça puis que ça existe beaucoup dans le droit administratif, vous
avez dit d'être raisonnable, pourquoi il faut mettre le marteau avec le mot
«réputé»? Pourquoi il faut qu'il soit réputé? Ça existe beaucoup, ça, en droit
administratif, le mot «réputé»?
M. Jolin-Barrette : Bien,
ça arrive dans certaines... Mais on marque l'importance de respecter ces trois
critères-là.
Mme David : Oui, mais...
M. Jolin-Barrette : On
dit : Écoutez...
Mme David : En niant la
démocratie de...
M. Jolin-Barrette : Comment
ça, la démocratie?
Mme David : Bien, de...
Ce n'est peut-être pas le bon mot, mais on est supposé être présumé innocent
jusqu'à preuve du contraire. Comment vous appelez ça, là, le principe de...
M. Jolin-Barrette : Non,
non, mais je veux juste vous dire une chose. Là, on n'est pas en matière pénale
et criminelle, là, on est en civil, là.
Mme David : Criminelle.
Je le sais, mais c'est l'équivalent de la matière criminelle, ça.
M. Jolin-Barrette : Non,
mais, écoutez, dans le corpus, là, dans nos lois au Québec, là, il y a 293 lois
qui emploient le terme «réputé» à plus de 5 400 reprises. Donc, c'est
fréquent, là, le terme «réputé», là. Puis l'importance, c'est que ça clarifie
le principe pour tout le monde, là. On doit... Dans le fond, ce qu'on dit, là,
aux employeurs, on dit : Avant d'exiger la connaissance d'une autre langue
que le français, vous devez absolument passer par ces trois étapes-là. Donc, ce
n'est pas, là : Bien, écoutez, moi, j'ouvre un poste, là, puis je vais
mettre la connaissance de la langue anglaise juste pour être sûr. Je vais
exiger ça, là, parce que c'est... tu sais, c'est plus pratique, là, puis, au
cas où, je vais exiger du travailleur québécois, s'il veut déposer sa
candidature, qu'il ait la maîtrise de la langue anglaise, sans se poser de
question, là. Là, on dit à l'employeur : Il n'y a pas d'enjeu à ce que
vous exigiez une autre langue que le français, là, il n'y a pas d'enjeu. Mais,
si vous le faites, voici les exigences, voici ce à quoi vous devez réfléchir
pour le faire, voici les gestes à poser. Premier élément, je regarde dans mon
entreprise...
Mme David : Bien, ça, on
en parlera, des trois conditions, là, mais... Je ne sais pas comment ça se fait
qu'on s'est mis à parler de ça, on est dans le 46.1, là.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bien là, écoutez, moi...
Mme David : Je sais bien
que l'un va avec l'autre.
M. Jolin-Barrette : ...depuis
ce matin, je voulais juste parler de 46, mais là vous m'avez invité à parler de
46.1. Moi, je... madame...
Mme David : Bien oui, je
le sais, mais c'est parce que je...
M. Jolin-Barrette : ...je
veux donner le plus d'explications possible.
Mme David : Je suis
partie de «la tâche», là, dans le fond. Alors, «la tâche», ce que je comprends,
c'est que ça aussi, c'est un mot qui est un mot dans votre dictionnaire de je
ne sais pas quoi, d'interprétation, là, qui a l'air de vouloir dire «les
tâches». «La tâche» peut vouloir dire «les tâches», le singulier inclut le
pluriel.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David : C'est
spécial, là, mais j'apprends des choses à tous les jours avec les juristes, là.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, ça, là, ce n'est pas moi, le responsable de ça, c'était avant moi,
1977.
Mme David : Oui, oui.
M. Jolin-Barrette : Ça a
été créé même quand je ne pensais même pas faire de la politique.
Mme David : Moi non
plus.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous n'étiez pas né, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : C'est
cela.
Mme David : O.K. Bien,
ça va aller pour «la tâche», là, je vais...
La Présidente (Mme Thériault) :
Ça va aller pour «la tâche».
Mme David : ...je vais
vivre avec le dictionnaire d'interprétation.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Est-ce que j'ai d'autres interventions sur l'article 35... 46,
pardon?
M. Jolin-Barrette : Oui,
35.
La Présidente (Mme Thériault) :
Excusez, 35, oui, qui est le 46?
Mme David : ...je ne
sais pas combien de temps il me reste.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'ai le député de D'Arcy-McGee aussi qui veut faire une intervention.
Mme David : Ah! bien
oui, O.K. Bien...
La Présidente (Mme Thériault) :
Ou, si vous voulez, vous avez du temps, pas de problème, je vous... Je vais
vous donner ça dans quelques instants. Oui, il doit vous rester à peu près, je
vous dirais, là, 12 minutes à peu près.
Mme David : O.K.
La Présidente (Mme Thériault) :
À peu près. Là, je n'ai pas le vrai calcul, mais c'est à peu près ça.
Mme David : J'avais deux
sujets : le sujet du secteur public, parce qu'on parle beaucoup, beaucoup
de secteur privé, mais ça s'applique au secteur public, donc les institutions,
ou, en tout cas, le secteur avec le fameux article 29.1; et j'ai l'autre,
puis, peut-être, commençons avec ça, les dispositions de transition. Je vais
attendre un petit peu. On n'a pas parlé de ça du tout, mais est-ce que tout
ça... La loi va être votée, disons, x temps. Là, il va y avoir des dispositions
transitoires ou des temps de s'adapter à tout ça, mais c'est pour les futurs
postes seulement, là, ça. Mais est-ce que chaque entrepreneur de toutes les
entreprises au Québec, là, les 100 000 entreprises, doit se dire :
Dès que la loi est votée, je dois tout de suite faire ma vérification? Est-ce
que tous mes postes sont justifiés? Ou c'est pour les futurs postes?
M. Jolin-Barrette : Dans
le fond, là, c'est pour les futurs postes, là, ce qui est présentement,
aujourd'hui, là...
Mme David :
<C'est
la photo, maintenant, là...
M. Jolin-Barrette :
...aujourd'hui,
là.
Mme David :
>C'est
la photo, maintenant, là.
M. Jolin-Barrette : La photo
maintenant, là, ce n'est pas rétroactif, là, c'est à la date de la sanction de
la loi, mais, à 35, là, on vient dire, si vous reprenez 35, qui introduit l'article 46,
là : «Il est interdit à un employeur d'exiger d'une personne, pour qu'elle
puisse rester en poste ou y accéder, notamment par recrutement, embauche,
mutation ou promotion...»
Donc, lorsque vous vous retrouvez dans une
situation où vous embauchez, vous mutez ou vous faites une promotion... Il faut
qu'il y ait un changement, là. On ne se mettra pas à dire... En fait, la
personne qui est déjà dans son poste, elle reste dans son poste, là. Elle a été
embauchée avec l'exigence de la connaissance d'une autre langue que le
français. On ne réévalue pas le poste. Par contre, la personne va démissionner,
là, supposons qu'elle démissionne, puis là l'employeur, il affiche le poste, il
fait un affichage de poste. Bien, oui, là, après ça, 46 va appliquer.
Mme David : ...le fameux
exemple du plongeur dans un restaurant, bien là, il n'aura peut-être plus
besoin d'être bilingue, là. Il ne devra plus... Ça va être difficile à
justifier par rapport à la situation actuelle.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, ça, c'est l'employeur avec son droit de gérance. L'employeur, là, pour
son plongeur, là, il va faire la même démarche, là. L'employeur... Supposons on
avait un plongeur, avant le dépôt du projet de loi, l'employeur exigeait la
maîtrise de la langue anglaise pour être plongeur dans un restaurant pour ce
poste-là. Le plongeur retourne aux études, supposons, laisse son poste. Le
poste devient vacant après l'adoption de la loi, la sanction de la loi. Bien
là, l'employeur qui va vouloir dire : Bien, écoute, moi, je remplace mon
plongeur, puis je veux que le plongeur maîtrise une autre langue que le
français, on va dire : D'accord, employeur, il n'y a pas d'enjeu, là, vous
pouvez le faire. Sauf que est-ce que vous remplissez les critères prévus à 35,
46, et donc, est-ce que c'est nécessaire pour l'emploi? Premier critère, là, il
y a lieu de se poser la question.
Mme David : Bien, c'est
ça que je dis, et donc y compris l'amendement. Il va falloir que, dans l'affichage,
ils disent : Postes bilingues exigés, ou je ne sais trop.
M. Jolin-Barrette : C'est
ça, mais, avant de le faire, là, il va se dire : Est-ce que c'est
nécessaire? Deuxièmement, est-ce que je prends les moyens raisonnables pour
éviter d'imposer une telle exigence? Puis là le 46.1 arrive, il va regarder.
Bien, écoute, est-ce qu'il a vraiment un besoin réel d'exiger la maîtrise de la
langue anglaise pour être plongeur?
Mme David : Oui.
M. Jolin-Barrette : Écoutez...
Mme David : On ne
présume pas...
M. Jolin-Barrette : Bien,
moi, je...
Mme David : ...mais on
ne répute pas non plus.
M. Jolin-Barrette : Non,
mais...
Mme David : Il ne sera
pas réputé.
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
je me lèverais de bonne heure pour dire que, pour laver de la vaisselle, il
faut absolument être bilingue, là, mais ça peut arriver. Ça peut arriver.
Deuxième critère, est-ce que les autres
personnes, ils ont des compétences linguistiques qui pourraient répondre à la
demande?
Troisième critère, est-ce que j'ai
organisé le travail de façon à éviter d'imposer une telle exigence? Bien,
écoutez, s'il n'y a qu'un seul plongeur, puis, en fonction des circonstances, il
répond aux trois critères, puis l'employeur a vérifié les trois critères, peut-être
que ça va résulter avec une offre d'emploi qui est bilingue parce que c'est
nécessaire, puis les moyens raisonnables ont été pris pour éviter d'imposer une
telle exigence. Tu sais, ce n'est pas un absolu, là. Pour moi, c'est très clair
qu'il y a des postes qui vont nécessiter, lors de l'affichage, une maîtrise
autre que la langue officielle, bien entendu. Mais le critère, c'est la
raisonnabilité puis éviter les moyens raisonnables, puis là vous avez le test
en trois étapes.
Donc, la question ultimement du processus,
c'est peut-être que ça... Tu sais, chaque situation est un cas d'espèce, là.
Peut-être que le plongeur va nécessiter de parler une autre langue, mais il lave
la vaisselle.
• (15 h 40) •
Mme David : Bien, oui.
Je vais faire une boutade, mais qui n'en est même pas une. Est-ce que vous
savez qu'il faut savoir lire l'anglais pour partir le lave-vaisselle parce que
ce n'est pas traduit, ça, quand on achète une laveuse, sécheuse, lave-vaisselle?
Vous regarderez, ce n'est pas traduit. Alors, c'est «wash», «clean», «dry
high», «dry hot». Puis là j'ai demandé à mon poseur de... mon installateur de
laveuse, sécheuse, j'ai dit : Voyons, c'est tout en anglais. Bien, il dit :
Madame, c'est tout en anglais depuis tout le temps. Je n'en ai jamais installé
qui était bilingue, jamais, ou en français, à moins qu'une compagnie colle un
sticker par-dessus avec, tu sais, des collants.
Donc, je ne fais quasiment pas une boutade.
Le plongeur, il faut qu'il sache sur quel piton... Alors, s'il pèse sur
«cancel» au lieu de peser sur «start»...
M. Jolin-Barrette : Eh
bien, en fait, j'apporterais... En fait, je soumettrais un bémol par rapport à
ça. C'est que, dans le cadre d'une entreprise, ça peut faire partie du
programme de francisation. Parce que, vous, quand vous avez votre
lave-vaisselle personnel à la maison, dans le fond, vous l'achetez de cette
façon-là, mais l'employeur, lui, a l'obligation, dans le cadre... dans un
programme de francisation...
Mme David : Vous avez
raison.
M. Jolin-Barrette : ...de
50 employés et plus d'identifier sur les machines. Parce qu'à l'époque, en
1977, c'était le cas qui était vécu. Tu sais, les gars... Bien, pardon, je vous
ai dit «les gars» parce qu'à l'époque <c'étaient majoritairement des
hommes qui travaillaient dans les usines...
M. Jolin-Barrette :
...tu sais, les gars... Bien, pardon, je vous ai dit «les gars» parce qu'à l'époque,
>c'étaient majoritairement des hommes qui travaillaient dans les usines.
Mais un des objectifs, notamment, de la loi 101, en 1977, c'était de
franciser les outils de travail, donc les... comment on dit ça... pas les
catalogues, là, mais les manuels d'instructions, excusez, les manuels d'instruction
avec les machines, les boutons également. Quand vous visitez des usines,
souvent, vous voyez que les boutons sont identifiés notamment en français
aussi. Parce que, parfois, ça arrive que la machine qui est, supposons, importée...
En chinois, en allemand, beaucoup, beaucoup. À l'époque, il y avait beaucoup de
machines qui étaient en allemand. Donc, le fait d'utiliser une terminologie de
langue française, ça, c'est prévu par le programme de francisation.
Sur votre intervention, il y aurait
peut-être lieu de réfléchir. Est-ce qu'on veut assujettir les électroménagers?
Justement...
Mme David : ...
M. Jolin-Barrette : Bien
non, mais peut-être qu'on pourrait le mettre dans celui-ci, là.
Mme David : Oui, bien,
écoutez, moi, je vous dis ça de même, là.
M. Jolin-Barrette : Mais
est-ce que...
Mme David : C'est la
citoyenne qui parle, là.
M. Jolin-Barrette : Mais
est-ce que vous avez... est-ce que vous croyez que c'est une bonne idée d'imposer,
justement, les...
Mme David : Bien, c'est
une... ça mérite réflexion, ça mérite réflexion. Alors, effectivement, on
oblige, pour les certificats de francisation, par exemple, dans les
arrondissements, que, sur les poubelles des arénas, ce n'est pas écrit «Push»
pour aller mettre le Kleenex dans les poubelles, ou le hot-dog, ou je ne sais
pas quoi, il faut que ce soit écrit «Poussez». Alors, il faut que les
municipalités, arrondissements mettent un petit collant sur la poubelle pour
cacher le «Push», pour mettre «Poussez». Mais ça, c'est des gros employeurs. On
parle de municipalités, d'arrondissements. Mais le citoyen, chez lui, qui
reçoit sa laveuse-sécheuse, là, qui est tout en anglais... Les instructions,
oui, arrivent en anglais, en français, en chinois, en allemand.
M. Jolin-Barrette :
Mais, juste vous dire, tu sais, 46.1, là, n'empêchera pas une compétence
minimale dans le cas dont vous dites, exemple, de comprendre «Start», «Stop» ,
puis «Power», puis...
Mme David : ...«Heat
dry».
M. Jolin-Barrette :
«Heat dry», là, supposons, un blanchisseur, bien, l'employeur pourra l'indiquer,
pour dire : Bien, écoute, il faut que tu aies une connaissance minimale
parce que, voici, il va y avoir ça, là. 46.1...
Mme David : Mais vous
voyez qu'on n'est pas dans quelque chose de simple, là, parce que c'est dans
toutes les ramifications de la société, jusque dans nos maisons, là.
M. Jolin-Barrette : Je
suis d'accord. Sauf... Ce qui est important, c'est... sur le marché du travail,
c'est la généralisation de l'utilisation de la langue française comme langue
commune puis comme langue de travail. Puis là ce que nous constatons, puis tout
le monde le constate, avec les études qui sont sorties, notamment de l'OQLF,
sur le marché du travail à Montréal, on se retrouve avec les employeurs,
notamment dans la région de Montréal, qui exigent, dans 63 % des cas, la
connaissance d'une langue autre que le français. Alors, ça, ce n'est pas
raisonnable. Ce n'est pas vrai que tous les postes, parmi les 63 %...
Mme David : Ça, on est d'accord.
M. Jolin-Barrette : Tout
ça. Ça fait qu'il y a nécessité de resserrer parce que, puis là je fais l'argument
du marché, là, le marché ne comprend pas cette importance fondamentale là
rattachée à la langue française, puis au droit des travailleurs de travailler
en français. Si le législateur n'intervient pas, dans 15 ans, oubliez ça,
le français à Montréal, là, pour la langue de travail, là.
Donc, c'est ça, notre responsabilité, là,
c'est de venir encadrer, baliser, de... pas d'interdire, là, pas d'interdire d'exiger
une autre langue que le français, pas d'interdire l'anglais, ce n'est pas du
tout ça que le projet de loi fait, mais de venir poser certaines balises pour
dire : Attention, n'ayez pas des exigences déraisonnables. Il y a un
critère de nécessité. Prenez les moyens raisonnables avant d'exiger la
connaissance d'une langue autre que le français, d'avoir une évaluation en
trois étapes, qui est simple, pour dire : Bien, voici, écoutez, j'ai
regardé 1°, 2°, 3°, puis, oui, j'ai besoin, après analyse, d'avoir une personne
qui va avoir des compétences linguistiques en langue anglaise. Parfait, mais il
faut que l'exercice soit fait par l'employeur.
Parce qu'actuellement, on le voit, le
critère de nécessité, il est malmené. Ce n'est pas vrai que c'est nécessaire
dans tous les cas. Le plongeur, le concierge... Écoutez, on a même vu, là, des
reportages, l'année passée, là, des dames, là, qui étaient issues de l'immigration,
qui étaient diplômées, qui se cherchaient un emploi comme adjointe
administrative. Elles ne se faisaient pas embaucher à Montréal parce qu'ils
disaient : Vous ne parlez pas anglais. Bien là, on a quelqu'un de diplômé,
quelqu'un qui parle la langue officielle, quelqu'un qui a des compétences, puis
elle était discriminée parce qu'elle ne parlait pas anglais. Ce n'est pas vrai
que, dans tous les emplois de responsable des communications, à l'accueil, il
faut être bilingue dans tous les cas, là, puis, en plus, on se retrouve dans
une situation où il y a des <demandes en matière d'emploi. Donc, je pense
que le marché doit s'ajuster aussi, là...
M. Jolin-Barrette :
...puis, en plus, on se retrouve dans une situation où il y a des >demandes
en matière d'emploi. Donc, je pense que le marché doit s'ajuster aussi, là.
Mme David : Bon.
Alors... Son temps ne compte pas sur mon temps, hein? O.K. Sinon, on serait une
garde partagée compliquée un peu.
La Présidente (Mme Thériault) :
Ne soyez pas inquiète. Votre temps, c'est votre temps, il est préservé
jalousement. Et le temps du ministre aussi est compté.
Mme David : O.K. Parce
que je voulais aller aussi du côté du secteur public. Parce que j'essaie de me
dépêtrer et peut-être de rassurer les établissements qui ont un statut bilingue
ou qui n'ont pas un statut bilingue, mais qui pourraient, comme employeur, dire :
J'ai besoin de tel ou tel employé. Je pense qu'il faut séparer les deux dans la
question que je n'ai pas, parce que je ne pense pas qu'on puisse traiter
exactement les gens qui ont le statut bilingue sous le fameux
article 29.1, comparativement aux organismes qui n'ont pas ce statut-là.
Est-ce que ça va changer quelque chose? C'est
à dire que, par exemple, un CIUSSS qui a un statut bilingue, c'est évident qu'on
présume que les postes vont souvent être affichés en disant : Nécessité de
parler une langue autre que le français, puisque, par définition, pour avoir le
statut bilingue, il faut qu'ils aient une majorité de clientèle qui soit d'une
langue autre que le français. Donc, j'ai l'impression qu'un explique l'autre.
Mais ils ont quand même... On revient à
notre fameux article, où vous disiez : Non, c'est juste pour des
statistiques, c'est juste pour des données. La question des rapports annuels,
je ne sais pas si vous vous souvenez, on a parlé de ça pas mal. Là, on parle
plus de ça. On parle d'embauche, de mutation, etc., qui sont pour le secteur
public. Alors, comment on peut voir ça, la question des organismes qui ont le
statut bilingue par rapport à un CIUSSS francophone, par exemple? Est-ce qu'il
y a une différence, dans le fond?
• (15 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Bien
oui. Oui, il y a une différence par la nature, notamment, de la clientèle qu'ils
desservent, bien entendu. Puis c'est pour ça que je vous disais, tantôt, c'est
une analyse concrète, in concreto, pour faire en sorte que... 46, là, s'appliquait
déjà à 29.1, là, O.K., sur le critère de nécessité, il y avait déjà cette
exigence-là, mais là, pour l'employeur CISSS ou CIUSSS anglophone, supposons,
bien, d'autant plus, lui, l'atteinte des critères de 46.1 va être d'autant plus
simple à remplir pour lui, parce que la clientèle doit être servie dans une
autre langue que le français. Donc, nécessairement, son fardeau, il est
beaucoup plus simple à remplir. Lui, quand il va regarder ça, il va dire :
Est-ce que, dans un premier temps, c'est... Est-ce que, dans un premier temps,
j'ai évalué les besoins linguistiques réels associés aux tâches à accomplir?
Est-ce que... Moi, là, je suis dans un hôpital anglophone, là, à la réception,
là. Quel type de clientèle je sers, là, pour prendre les rendez-vous médicaux?
Bien, je dessers une clientèle de langue anglaise. Besoin linguistique, il est
identifié, là. J'ai une clientèle qui vient de recevoir des services de santé
en anglais dans mon hôpital pas mal rempli.
Deuxièmement, je me suis assuré que les
connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel
étaient insuffisantes pour l'accomplissement de ces tâches. Est-ce qu'il y a d'autres
personnes qui peuvent prendre le relais, oui ou non, ou ils sont déjà occupés
dans des postes, puis ce n'est pas possible de les bouger de poste ou qu'eux
répondent au téléphone parce qu'il y a des postes prédéfinis, puis, tu sais, il
n'y a pas possibilité?
Puis, troisième critère, il a restreint le
plus possible le nombre de postes auxquels se rattachent les tâches sur l'accomplissement
nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance. Donc, est-ce que c'est
possible que, les gens qui ont besoin de nous parler dans une autre langue que
le français, on les regroupe relativement pour donner, supposons, le service,
là, tout ça? L'employeur va regarder ça. Mais, dans un hôpital anglophone,
supposons, il y a beaucoup de gens qui doivent avoir une connaissance d'une
langue autre. Ça fait que les critères sont beaucoup plus faciles à remplir à
46.1 pour un hôpital anglophone, exemple au campus Glen qu'à Honoré-Mercier, à
Saint-Hyacinthe. Tu sais, ce n'est pas...
Mme David : ...vont
avoir à faire la même analyse, mais...
M. Jolin-Barrette :
Bien, comme ils le faisaient à 46. À 46, le critère de nécessité était là. Sauf
que, ce que je veux dire, le fait que l'analyse se fasse par chacun des
employeurs, ce n'est pas la même chose, là. Tu sais, si vous êtes le P.D.G. de
l'hôpital ou du Montréal Children puis que vous êtes le P.D.G. de l'hôpital à
Saint-Hyacinthe, il n'y aura pas le même nombre de postes qui vont exiger une
maîtrise de la langue anglaise à Honoré-Mercier qu'au Montréal Children, là. Ça
fait que comme 46 s'appliquait d'une façon... <le critère de nécessité,
c'est le même critère de nécessité, mais dans la justification, il y a une
distinction...
M. Jolin-Barrette :
...Montréal
children, là. Ça fait que comme 46 s'appliquait d'une façon... >le
critère de nécessité, c'est le même critère de nécessité, mais dans la
justification, il y a une distinction. Bien entendu que votre clientèle qui
vient se faire soigner en langue anglaise dans des hôpitaux, il y a une
situation d'urgence, mais bien entendu qu'il y a nécessité d'avoir plus de
postes où il y a une maîtrise de la langue anglaise.
Mme David : Et, quand on
parle du secteur public, on revient un peu plus dans le grand chapitre
Administration de l'État, là. Alors là, on va parler de... ce sont les
directions des ressources humaines de ces... donc, les fonctionnaires de l'État,
finalement, qui vont avoir à gérer ça, plutôt que des entrepreneurs, avec des
ressources humaines, mais d'entreprises. L'esprit est le même, mais... la
démarche est la même, mais, dans le secteur public, on peut penser qu'ils
vont... ils ont les ressources plus facilement, à moins que je n'ai pas la...
qu'il y ait des tout petits secteurs publics qui sont comme des toutes petites
entreprises, qui vont peut être avoir plus de difficultés. Ça m'amène aux
organismes communautaires...
M. Jolin-Barrette : Mais
juste si je peux ajouter, là. L'objectif, là, de 46.1, là, jumelé avec 46, là,
c'est qu'il y ait un véritable réel examen des besoins linguistiques qui soit
effectué. Tu sais, là, on était plus dans une situation où je me ferme les
yeux. Puis : Ah! bien, je vais exiger la connaissance d'une autre langue
que le français parce que c'est plus pratique. Il faut que l'employeur fasse un
examen linguistique, là, puis se dise, pour citer Pierre-Yves McSween : J'en
ai-tu vraiment de besoin?
Mme David : Il n'emploie
pas le mot «réputé», Pierre-Yves McSween, par exemple...
M. Jolin-Barrette : Bien,
dans ses chroniques, parfois, là.
Mme David : Alors,
mais...
M. Jolin-Barrette : Je...
ça me fait... en tout cas.
Mme David : Parlons des
organismes communautaires, parce qu'on n'en parle pas beaucoup. On en a tous
dans nos circonscriptions, puis on en a qui desservent des communautés
allophones, anglophones. Puis là je parle de banques alimentaires, de trouver
des vêtements d'hiver pour les gens, de la littératie, de l'alphabétisation,
les femmes enceintes, j'en ai dans ma circonscription, là... un organisme
communautaire anglophone. Il y en a peut-être 50 francophones autour, mais
celui-là fait un travail exceptionnel pour aller chercher des femmes issues de
l'immigration dont la langue seconde est plus ou moins l'anglais, quoique, même
ça, c'est un peu déficient, pour les amener à se faire vacciner, puis, en tout
cas, ils font des choses extraordinaires, mais ce sont des organismes
communautaires. Là, j'avoue que je ne sais pas quelle... s'ils sont régis par
cette loi-là. Puis, si oui, comment ils font ça? Ce n'est pas des gros chefs d'entreprise,
là, je... Comment ils sont régis, les organismes communautaires?
M. Jolin-Barrette : Bien,
en fait, les organismes communautaires sont régis comme n'importe quel
employeur. À partir du moment où vous êtes un employeur, vous êtes assujetti à
46. Mais il faut bien comprendre, 46, 46.1, là, c'est pour éviter que la
connaissance d'une langue soit automatiquement demandée et qu'on en vienne, de
cette façon-là, à discriminer les candidats unilingues francophones de façon
systématique.
Mme David : Je
comprends. Je comprends l'esprit de la chose.
M. Jolin-Barrette : Donc,
c'est ça, l'objectif. Puis, dans le fond, tous les employeurs vont se poser la
question avant d'ouvrir la poste : J'ai un poste, c'est quoi, les tâches
associées au poste? Est-ce que j'ai un besoin réel d'une maîtrise d'une langue
autre que le français? Dans votre cas d'exemple, je suis un organisme
communautaire qui dessert une clientèle anglophone, est-ce que les autres
collègues peuvent le faire? Est-ce que, dans mes employés actuels, ils peuvent
répondre à ce besoin-là? Puis, troisièmement, est-ce que j'ai une façon d'organiser
les tâches pour éviter que tout mon personnel... j'impose cette exigence-là? Si
vous êtes dans un organisme communautaire où il y a quatre employés, il y en a
un qui est à la banque alimentaire, l'autre est à la friperie, puis l'autre est
à la halte-garderie, puis que ce n'est pas des postes interchangeables, puis
que, dans les trois situations, toute la clientèle est anglophone, bien, fort
probablement que les trois postes vont devoir exiger la connaissance d'une
autre langue que le français.
Mme David : Oui, une
maison pour femmes victimes de violence conjugale, tu as les travailleurs qui
sont là, les travailleuses, souvent, qui sont là le jour, d'autres qui sont là
la nuit. Ça me fait penser qu'il y a... dans les mémoires, il y en a plusieurs
qui parlent des conventions collectives, des gens qui sont syndiqués. Puis là
est-ce qu'il va falloir «bumper» un pour mettre l'autre, par exemple, de jour,
de nuit, parce que l'offre... celle de jour est bilingue, puis là je ne peux
pas en engager une autre de nuit, alors je vais mettre celle de jour de nuit.
En tout cas, <ils ont peur à des grands tiraillements, sinon des
déchirements intraemployés. Comprenez-vous...
Mme David :
...une
autre de nuit, alors je vais mettre celle de jour de nuit. En tout cas, >ils
ont peur à des grands tiraillements, sinon des déchirements intraemployés.
Comprenez-vous?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mais l'employeur a toujours son droit de gérance. Il doit se poser la question,
là. Lui, il peut organiser le travail de la façon dont il veut, on ne touche
pas à ça, là, mais ce qu'on dit, là, pour toute nouvelle embauche, il doit se
poser la question : Est-ce que c'est un besoin? Est-ce que c'est
nécessaire? Puis est-ce que je prends les moyens raisonnables pour éviter d'imposer
une telle exigence?
Dans les cas que vous soulevez, là, vous
soulevez certaines situations où il y aura... Et puis je l'ai toujours dit, là,
j'ai dit : Il va y arriver des situations où les postes devront demander
la maîtrise d'une langue autre que le français. Mais là, actuellement, ce qu'on
constate, c'est que ça devient quasi systématique, puis il n'y a même pas d'analyse
de besoins linguistiques qui est faite par l'employeur. On dit : Bien, on
va le mettre, au cas où, on va le mettre. Il n'y a même pas de réflexion, de
questionnement associé à ça. Ou c'est plus simple, c'est plus facile, on va le
mettre, l'exigence de la connaissance de notre langue.
Puis c'est là-dessus qu'il faut
travailler. Parce que, si on veut être en mesure, là, de bien franciser le
Québec, là, d'intégrer en français les personnes immigrantes, le signal que la
société envoie, c'est que le marché du travail est en français. Tu sais, on le
voit, le cas de personnes immigrantes qu'on va chercher à l'étranger, on dit :
Aïe! On en a, des emplois, au Québec, là, venez au Québec, vous êtes des
candidats francophones, c'est bon, vous allez vous intégrer en français.
Première affaire qu'ils font quand qu'ils débarquent à Montréal, ils se font
dire... puis ils envoient des curriculum vitae, ils disent : Vous ne
parlez pas anglais. Oui, mais là... Moi, être une personne immigrante, avoir
choisi le Québec parce que ça se passe en français puis me faire dire, à la
première approche, où je soumets ma candidature : Vous ne maîtrisez pas la
langue anglaise, je vous dirais, une minute, là, comme... C'est supposé...
Mme David : Bien, ce que
j'entends de votre message, c'est on va être rigoureux, mais on ne sera pas
dogmatique.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Puis je ne l'ai jamais été. Je ne l'ai jamais été, pas dans ce cas-là, pas dans
le cas du bilinguisme des juges non plus. La démonstration, Mme la Présidente,
j'ai ouvert plein de postes avec la maîtrise de la langue anglaise. J'ai nommé
des juges bilingues aussi, beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
...
M. Jolin-Barrette : Oui,
c'est vrai, vous avez raison, parce que la recommandation est entérinée par...
La Présidente (Mme Thériault) :
...par le Conseil des ministres.
M. Jolin-Barrette : ...le
Conseil des ministres. Vous avez le bon mot, le bon terme, Mme la Présidente.
Mme David : Bon, bien,
écoutez. Ça, ça va pour... On est toujours dans le 46, là?
• (16 heures) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
Mme David : Ça va pour
moi.
La Présidente (Mme Thériault) :
Ça va pour vous. J'ai M. le député de D'Arcy-McGee qui avait une
intervention à faire, si je ne m'abuse.
M. Birnbaum : ...dans un
premier temps, on n'est pas en train d'évaluer la performance du ministre, ni
sa bonne foi, ni sa façon d'implanter son éventuel projet de loi. Nous sommes
en train, ensemble, de confectionner la meilleure loi possible pour le Québec,
alors nos questions vont dans ce sens-là. Je me permets cette observation parce
que le ministre vient de nous donner quelques précisions verbales sur certains
établissements d'un certain caractère. C'est des précisions verbales dont je ne
vois pas écho dans ce qu'on voit devant nous.
On va reprendre un exemple, à l'Hôpital de
Montréal pour enfants. Et vous allez constater que, contrairement au ministre,
j'utilise le nom légal, les deux noms sont légaux. Mais l'Hôpital de Montréal
pour enfants, j'aimerais juste souligner, une autre fois, pour tout le monde
qui nous écoute, que voilà un autre établissement de l'État qui fait la fierté
du Québec, dont la clientèle est peut-être à une forte, forte proportion de
francophones, dans d'autres langues et de langue anglaise, qui bénéficient des
services d'une qualité légendaire de l'Hôpital de Montréal pour enfants. Alors,
je me permets cette petite parenthèse pour que ça soit clair qu'on parle des
établissements qui nous appartiennent tous au Québec.
I'm very proud that it's
Montréal Children's Hospital as well, you bet, because it serves a very large
English-speaking Québec clientele as well. And it's a hospital that gives
itself the pride of honouring its obligation to be there and to be effective
and serving its French-speaking clientele as well. So, let's just get that off
the table for a second.
Est-ce qu'on peut
aussi comprendre comment ça se fait qu'on parle des cas exceptionnels tels que
reconnus en vertu de la Charte de la langue française actuelle et telle,
jusqu'à date, que reconnue dans le projet de loi n° 96
quand on parle des institutions qui ont un certain <statut...
>
16 h (version révisée)
<15371
M. Birnbaum :
...de la Charte de la langue française actuelle et tels, jusqu'à date, que
reconnus dans le projet de loi n° 96, quand on parle des institutions qui
ont un certain >statut? J'essaie de comprendre comment, dans le libellé
qui va, en quelque part, au cœur de l'implantation de sa mission, on fait
abstraction totale.
Je me permets de relire l'article tel que
proposé à 46 : «Il est interdit à un employeur d'exiger d'une personne,
pour qu'elle puisse rester en poste ou y accéder, notamment par recrutement,
embauche, mutation ou promotion, la connaissance ou un niveau de connaissance
spécifique d'une langue autre que la langue officielle, à moins que
l'accomplissement de la tâche ne nécessite une telle connaissance; même alors,
il doit, au préalable, avoir pris tous les moyens raisonnables pour éviter
d'imposer une telle exigence.»
On comprend. On avait plusieurs questions
sur les comment, les circonstances, les suites à tout ça. Ce qu'on lit, ça, le
ministre l'a dit, applique de la même façon à l'hôpital de Chibougamau, où, on
va convenir, il n'y a probablement aucune capacité de servir des clients en
anglais, probablement aucun poste, peut-être, à l'accueil, à notre honneur
collectif, peut-être, à l'accueil, il y aurait un poste à l'hôpital de
Chibougamau pour une position avec une capacité d'accueillir du monde, de faire
un petit triage dans une langue autre que le français, mais l'article 46,
le ministre l'a dit, applique, sans la moindre reconnaissance de distinction, à
Chibougamau comme à L'Hôpital de Montréal pour enfants.
Le ministre a fait, après, un genre de
discours, où il a dit : Mais le fardeau de la preuve, quand on arrive à 46.1,
risque d'être plus facile, et tout ça. Mais est-ce que le ministre peut
expliquer comment ça se fait qu'il y a une catégorie d'établissements reconnus
par dérogation, à nouveau, dans son projet de loi? Et là on parle d'un aspect
qui touche primordialement à ses opérations, l'opération de ces
établissements-là qui n'est aucunement, mais aucunement reconnue en 46, dans un
premier temps. Là, je parle au niveau du principe. Et est-ce qu'il va convenir
avec moi que les exigences de 46 va ajouter un fardeau pas mal important, si
appliqué sans exception, à ces établissements dont je parle?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien,
vous savez, le régime, là, que nous mettons en place n'est pas différent, dans
la structure, de celui qui existait auparavant. 46 de la Charte de la langue
française actuelle s'appliquait aux établissements visés à 29.1 déjà, donc le
critère de nécessité. Nous, on conserve le critère de nécessité, mais on ajoute
également le critère de démontrer que les moyens raisonnables ont été pris pour
éviter d'imposer une telle exigence. Et, pour outiller les employeurs, on met,
à 46.1, les trois critères rattachés à cela. Ça fait que l'employeur va devoir
faire une analyse linguistique de la situation, avant d'exiger la maîtrise d'une
autre langue que le français, va devoir faire son analyse.
Et, même dans les organismes visés à 29.1,
ce n'est pas tous les postes qui nécessitent d'avoir une maîtrise d'une langue
autre que le français. Ce n'est pas vrai que, dans l'ensemble d'un organisme
visé à 29.1, vous devez... que tout le monde, tout le monde, tout le monde doit
avoir une maîtrise d'une autre langue que le français. Prenez la personne à l'hôpital,
là, qui lave les draps, là. Est-ce que c'est nécessaire, pour être
blanchisseur, que vous devez avoir une maîtrise d'une langue autre que le
français? Je ne le sais pas, moi, Mme la Présidente, parce que je ne suis pas
là, sur le terrain, mais l'employeur, lui, qui est l'hôpital, va faire son
analyse, va dire : Bien, j'avais l'intention de le demander, tu sais,
supposons, l'ancien poste, on l'avait demandé. Là, il y a un nouveau poste ou
la personne est partie. Premier élément, est-ce que c'est nécessaire? Ça, c'est
le même <critère...
M. Jolin-Barrette :
...un nouveau poste ou la personne est partie. Premier élément, est-ce que
c'est nécessaire? Ça, c'est le même >critère qu'auparavant. Deuxième
critère : Bien, oui, je juge que c'est nécessaire, mais est-ce que j'ai
une façon d'éviter d'imposer une telle exigence? Puis là il va rentrer dans ces
trois critères. Est-ce que j'ai un besoin réel? Est-ce que les autres membres
du personnel qui ont des compétences linguistiques peuvent combler ce
besoin-là? Puis, troisième critère, est-ce que les autres membres pourraient
faire... Est-ce que je restreins le nombre de postes ou est-ce qu'il y a une
exigence de parler, d'avoir cette connaissance-là?
Ça fait que, dans ce cas-là, même si c'est
un organisme visé à 29.1, ça se peut bien que la personne qui est à la... qui
est blanchisseur n'ait pas besoin d'avoir cette connaissance-là, puis il aurait
très bien les aptitudes pour laver les vêtements, les housses, les draps pour
le faire. C'est à voir. Ce qu'on veut, c'est une évaluation linguistique du
besoin qui soit là, puis qu'on n'exige pas les yeux fermés, parce que ça fait
en sorte qu'il y a des gens qui ne peuvent pas accéder au poste parce qu'ils ne
parlent pas la maîtrise... ils n'ont pas la maîtrise de la langue autre que le
français. C'est plus cette analyse-là. Mais ce que je vous disais, c'est que,
dans le cas d'un 29.1, pour les postes, supposons, qui sont en relation avec le
public, bien, bien entendu que le critère, ils vont beaucoup plus remplir
rapidement 46.1, l'employeur, au niveau de la nécessité puis de la
raisonnabilité d'exiger une autre langue que le français, parce que leur
clientèle, dans le cadre de leurs fonctions, va être plus en contact que si
vous êtes à l'hôpital à Saint-Hyacinthe.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député.
M. Birnbaum : Le
ministre parle de nécessité. Premièrement, ça serait intéressant de savoir,
quand je parle de l'exemplarité de L'Hôpital de Montréal pour les enfants, ça
serait intéressant, je ne sais pas si le ministre peut me renseigner là-dessus...
Moi, j'ai fortement l'impression qu'il y a des postes de plongeur, de préposés
qui travaillent dans la buanderie où il n'y a aucune exigence pour une langue
autre que le français. Ça serait intéressant s'il y avait des données de
disponibles.
L'autre chose, l'autre chose, le ministre
insiste qu'il ne voit aucune, aucune incohérence dans cet article de faire l'abstraction
totale qu'il y a... de deux choses, abstraction totale de deux choses, une
chose, qu'il y a des établissements de l'ordre public qui ont un statut de
dérogation exceptionnel en vertu de 29.1 qui les permet de faire des
services... d'offrir des services circonscrits dans une langue autre que
l'anglais, de faire abstraction de ça.
• (16 h 10) •
Deuxièmement, de faire abstraction... En
quelque part, on parle d'une pierre angulaire de l'octroi de services, de faire
abstraction d'un constat qu'il continue de faire, c'est-à-dire que le projet de
loi n° 96, même avant un amendement significatif que nous avons procuré et
lors de son adoption, il continuait à insister là-dessus, même avant cet
amendement, il insistait que la qualité, l'accessibilité, l'opération, la
réalisation des services de santé et services sociaux en anglais aient été
aucunement, mais aucunement touchés par son projet de loi.
Compte tenu de ces deux choses, n'est-il
pas ouvert à constater avec moi que la portée, les objectifs de son
article 46 sont réalisables et réconciliables avec l'idée de reconnaître,
par écrit, dans son projet de loi, l'existence d'une qualité, d'une catégorie d'établissements
où ces exigences se manifestent d'une façon totalement différente, mais tout en
respectant le droit de travailler en français?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Bien, deux choses. Je m'inscris totalement en faux avec ce que le député de D'Arcy-McGee
a dit relativement aux amendements que le Parti libéral a apportés et que j'ai
acceptés, totalement en faux. Je ne suis pas du tout d'accord avec l'interprétation
du député de D'Arcy-McGee. Et surtout j'ai vu un tweet passer vers la fin de la
semaine dernière, du député de D'Arcy-McGee, et je peux vous dire que ce n'est
pas du tout l'interprétation que j'ai donnée, ce n'est pas ce que j'ai dit au
micro, ce n'est pas ce que j'ai dit publiquement. Puis l'interprétation du <député...
M. Jolin-Barrette :
...donnée, ce n'est pas ce que j'ai dit au micro, ce n'est pas ce que j'ai dit
publiquement. Puis l'interprétation du >député de D'Arcy-McGee, ce n'est
pas celle que j'ai dit ici, dans le micro, puis ça... Mes propos puis ce qui a
été rapporté par le Parti libéral, ce n'est pas ça du tout, du tout, du tout
qui est l'esprit même de la loi, ou tout ça. Ça a été très clair dès le départ,
et je l'ai toujours dit, le projet de loi n° 96 ne change rien aux
services qui sont donnés aux ayants droit. Et toutes les garanties ont été là.
J'ai accepté d'insérer certains amendements pour une question de rassurer les
gens, pour faire en sorte de confirmer ce que j'avais déjà dit, alors que ce n'était
même pas nécessaire de le mettre dans le projet de loi parce que c'était déjà
là. Alors, je veux être très, très clair. Mais, quand j'entends : Nous, au
Parti libéral, on a fait un gain pour la communauté anglophone, il faut dire
les choses telles qu'elles sont, puis il faut dire également les faits tels qu'ils
sont. Alors, le projet de loi, entre l'amendement qui a été proposé, que j'ai
accepté, et la valeur réelle de la loi avant l'amendement, c'est exactement la
même chose. Premier élément.
Deuxième élément, on ne change pas le régime
qui était applicable depuis 1977 aux employeurs québécois, qui inclut tous les
employeurs, ceux de 29.1 également. Je donne un exemple. Prenons un organisme
visé à 29.1. Prenons Otterburn Park, qui est visé à 29.1, c'est un organisme
qui est reconnu bilingue. Est-ce que l'employeur, ville d'Otterburn Park, quand
il affiche des postes... Il doit regarder est-ce que c'est nécessaire. Est-ce
que je prends les moyens nécessaires... les moyens raisonnables pour éviter d'imposer
une telle exigence que la maîtrise d'une autre langue que le français? La
réponse à cette question-là, c'est oui. Parce que est-ce que tous les employés
de la ville d'Otterburn Park doivent maîtriser une autre langue que le
français? La réponse, c'est non. Si on fait l'analyse en vertu de 46 puis 46.1
avec les critères, c'est quoi, les besoins linguistiques réels associés aux
tâches à accomplir? Est-ce que l'employé de la voirie d'Otterburn Park a
besoin... En fait, est-ce que tous les employés de la voirie de la municipalité
d'Otterburn Park doivent être bilingues? Premier élément, est-ce qu'il y a un
besoin réel? Deuxièmement, est-ce que les connaissances linguistiques déjà
exigées des autres membres du personnel étaient insuffisantes pour l'accomplissement
de la tâche? S'il y a une équipe de 10 personnes à Otterburn Park sur l'équipe
de la voirie, puis vous avez trois personnes, quatre personnes, cinq personnes,
huit personnes qui sont bilingues, est-ce que votre dixième poste de l'embauche,
vous allez exiger la maîtrise de l'anglais? Je pense que les huit autres sont
en mesure de répondre à cela. Puis il a «restreint le plus possible le nombre
de postes auxquels se rattachent [les] tâches dont l'accomplissement nécessite
la connaissance ou un niveau de connaissance...»
Alors, même si c'est un organisme reconnu
bilingue, la municipalité d'Otterburn Park, je ne crois pas qu'en vertu de ces
tests-là, où l'organisme est reconnu bilingue avec un pourcentage de 5,7 %
de citoyens de langue maternelle anglaise, bien, ça sera à l'employeur à
déterminer est-ce que c'est nécessaire puis est-ce qu'il a pris les moyens
raisonnables. Mais, voyez-vous, l'organisme reconnu à 29.1 doit faire la même
démarche, mais, bien entendu, il doit faire l'analyse. Et les besoins
linguistiques réels seront différents d'un organisme reconnu bilingue à
Otterburn Park, versus l'hôpital général pour enfants, versus une municipalité
de l'Ouest-de-l'Île de Montréal.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : I just want to be clear, because the Minister is playing his
favorite sport as he so often does, which is to put up a scarecrow and then
knock it down.
Est-ce qu'on peut
être clair? Est-ce que mes interventions ont tendance à présumer qu'on va
rendre tous les postes bilingues? Est-ce qu'on peut arrêter avec ce genre d'absurdités
là? Ce que je cherche, c'est de voir si le ministre est ouvert... Et je crois
comprendre, et les gens qui nous écoutent vont comprendre qu'il n'est de toute
évidence pas ouvert à reconnaître, dans le projet de loi, à cette instance, à
46, qu'il y a une qualité, une catégorie d'établissements reconnus en vertu de
la Charte de la langue française actuelle, reconnus jusqu'à ce point-ci dans le
projet de loi n° 96, qui est traitée de la même façon, a à z, quand il
s'agit d'un élément qui est crucial à son opération. Alors, je veux juste <m'assurer...
M. Birnbaum :
...qui est traitée de la même façon, a à z, quand il s'agit d'un élément qui
est crucial à son opération. Alors, je veux juste >m'assurer que le
ministre nous affirme qu'il n'est pas du tout prêt à reconnaître, dans cet
article-là, le statut particulier de certains établissements au Québec,
notamment des établissements de santé, services sociaux comme L'Hôpital Montréal
pour enfants.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Alors, Mme la Présidente, il n'est pas question d'utiliser un épouvantail, hein,
je pense que c'est une discussion sérieuse puis je pense que le régime en place
depuis 1977 s'applique, va continuer de s'appliquer. Je comprends que le député
de D'Arcy-McGee souhaiterait qu'on déshabille la loi 101, hein, pour
enlever ce qui fonctionnait en vertu de la Charte de la langue française, de la
loi 101, des dispositions qui ont été adoptées en 1977. J'ai été très
clair, Mme la Présidente, moi, je suis prêt à apporter des bonifications au
projet de loi. Ce n'est pas vrai, par contre, que je vais diminuer les règles
associées à la protection du français dans le cadre du projet de loi n° 96,
au contraire. Et je l'ai toujours dit, le projet de loi n° 96 préserve
tous les droits de la communauté anglophone et même en bonifie, on va le voir
au niveau collégial, où on leur donne priorité.
Je vais revenir à ma réponse, Mme la
Présidente, le statut d'un organisme reconnu en vertu de l'article 29.1
permet à un organisme de l'Administration d'utiliser une autre langue que le
français là où ne le pourrait pas un organisme de l'Administration non reconnu.
Il s'ensuit que, dans ces organismes, le nombre d'employés ayant une
connaissance d'une autre langue que le français sera plus élevé, mais il n'en
demeure pas moins que tous les efforts raisonnables doivent être faits pour
éviter d'imposer cette exigence-là. L'article 46 ne vient pas nier le
statut de l'organisme reconnu. Donc, l'organisme reconnu est assujetti à 46, à
46.1, comme c'était le cas auparavant, il doit évaluer les besoins de la
situation linguistique, mais, par contre, ça fait partie de l'analyse qui doit
être faite, et ça va être pris en considération par l'employeur, l'employeur
étant l'organisme de 29.1. Lui, il va faire son analyse, il va regarder quels
postes sont nécessaires pour remplir sa mission. On lui permet effectivement, à
lui, à cet organisme-là, de communiquer avec la clientèle dans une autre langue
que le français en fonction des circonstances, c'est prévu dans la loi, mais ça
ne signifie pas que tout le monde, dans cet organisme reconnu là, doive avoir
une maîtrise d'une langue autre que la langue française. Ils sont assujettis.
Ils ont toujours été assujettis à la charte, à 46, ils vont continuer à être
assujettis à 46. Si le député de D'Arcy-McGee me propose de ne pas les
assujettir à 46, on a un enjeu.
• (16 h 20) •
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Oui. Si on
discute des choses, c'est parce qu'on parle des changements à la Charte de la
langue française comme elle existe aujourd'hui. Je fais référence à l'article
amendé.
Question de précision, là, quand on lit, à
la fin de 46, qu'il est interdit à un employeur d'exiger d'une personne qu'elle
puisse rester en poste, blablabla, pour une connaissance au niveau spécifique d'une
autre langue, «même alors, il doit, au préalable — quand il fait — avoir
pris tous les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence». Je
veux juste donner un exemple probablement réel et, une autre fois, juste
comprendre que le seuil et le travail d'exiger, par l'article 46, est
pareil. L'hôpital de Lachute est identifié, si je ne m'abuse, dans les plans d'accès
aux services de santé et services sociaux en anglais pour quelques services,
parce qu'il y a une population importante de langue anglaise dans la région d'Argenteuil.
J'imagine, là, j'imagine qu'à la département de radiographie... Non, on va
utiliser un exemple peut-être même plus pertinent. À l'urgence, selon ces plans
d'accès, tout à fait reconnus dans la Charte de la langue française, il y a
fort probablement au moins un poste de triage à l'urgence de l'hôpital de
Lachute, un poste où une capacité en langue anglaise est exigée. Selon
l'article 46, bon, il faut... il faudrait documenter la nécessité, il
faudrait faire les <étapes...
M. Birnbaum :
...un poste où une capacité en langue anglaise est exigée. Selon
l'article 46, bon, il faut... il faudrait documenter la nécessité, il
faudrait faire les >étapes pour démontrer que cette capacité n'existait
pas encore, il faudrait assurer que personne n'aurait eu ses droits brimés, c'est-à-dire
aurait été congédié à cause de cette exigence, etc.
Là, je me déplace à L'Hôpital Montréal
pour enfants, où, à l'urgence, j'imagine, ce n'est peut-être pas 100 %,
mais les gens à l'accueil, à l'urgence... Par définition, c'est un établissement
reconnu en vertu de son statut 29.1. Donc, à l'urgence de cet hôpital-là,
ça se peut que, disons, 30, 32 postes liés aux services d'urgence exigent
une capacité dans une autre langue. Est-ce normal que l'analyse, qui n'est pas
sans conséquence, là, conséquences de travail, ressources humaines, argent,
possibilités de griefs... N'est-ce pas réaliste que le processus, les exigences
soient reconnus comme un petit peu différents dans ces deux cas que je viens de
décrire?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Alors, lorsque c'est crucial à l'opération de l'organisme, ça fait partie de l'évaluation
de la nécessité et de la raisonnabilité. Comme je l'ai dit à plusieurs
reprises, c'est une analyse concrète, en fonction de l'employeur, en fonction
des postes qu'il affiche, qu'il soumet à l'affichage. Donc, l'employeur, dans
ce cas-ci, va devoir évaluer est-ce que le poste nécessite et est-ce que c'est
raisonnable, est-ce que j'ai pris les moyens raisonnables pour éviter cela.
Vous me parlez de l'hôpital de Lachute. L'employeur,
lui, dans le cadre des fonctions qu'il fait, est-ce que c'est nécessaire?
Premier critère. Une nécessité était là également sous l'ancien 46. Après
ça, à partir que la nécessité est établie, est-ce que j'ai pris les moyens
raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence? Et là ces moyens-là sont
évalués par 46.1. Il a fait son évaluation des besoins linguistiques. Est-ce
que j'en ai de besoin, oui ou non? Oui. Deuxièmement, est-ce que je me suis
assuré que les connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du
personnel étaient insuffisantes pour l'accomplissement de la tâche? Supposons
que c'est oui, c'est insuffisant. Troisièmement, je restreins le plus possible
le nombre de postes auxquels se rattachent des tâches dont l'accomplissement
nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance, je l'ai fait aussi.
Parfait, je vais pouvoir afficher mon poste avec la connaissance d'une autre
langue, d'une autre langue que le français.
L'employeur, dans son droit de gestion,
dans son droit de gérance, doit faire cette analyse-là. Il fait son analyse,
arrive au résultat de l'analyse où, bien oui, ça me prend la connaissance d'une
autre langue que le français pour ce poste-là, je n'ai pas le choix. Mais,
comme disait la députée de Marguerite-Bourgeoys, l'employeur, il n'est pas
dogmatique, il va afficher le poste avec une maîtrise d'une autre langue que le
français. Sauf que ce n'est pas systématique qu'on exige tout le temps, sans
analyse, les yeux fermés, sans critère de nécessité, sans critère également de
raisonnabilité. J'ai-tu pris ou non les moyens raisonnables?
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le ministre. Est-ce que j'ai d'autres commentaires? Ça va? Bon,
puisque je ne vois plus d'autre commentaire sur l'article 35, est-ce qu'on
peut... Est-ce que l'article 35, tel qu'amendé, est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. Parfait. M. le ministre, l'article 36, et vous avez un amendement
aussi.
M. Jolin-Barrette : 36.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et vous avez un amendement.
M. Jolin-Barrette : J'ai
un amendement?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
Des voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Ah! non, ce n'est pas vous, je m'excuse, c'est la députée de
Marguerite-Bourgeoys. Désolée.
Mme David : ...qui veut
le déposer.
La Présidente (Mme Thériault) :
Désolée, M. le ministre, mon erreur.
Mme David :
...amendement en garde partagée.
La Présidente (Mme Thériault) :
Ah! lorsque vous allez le voir, vous allez dire, définitivement, ce n'est pas
votre amendement. Je suis désolée.
Mme David : Ah! je ne
suis pas sûre, je ne suis pas sûre.
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y, vous pouvez faire la lecture de votre article, M. le ministre. 36.
M. Jolin-Barrette : Qui
vivra verra, comme on dit, Mme la Présidente : 36. Cette charte est
modifiée par l'insertion, après l'article 46, du suivant :
«46.1. Un employeur est réputé ne pas
avoir pris tous les moyens raisonnables pour éviter d'exiger la connaissance ou
un niveau de connaissance spécifique d'une autre langue que la langue
officielle dès lors que, avant d'exiger cette connaissance ou ce niveau de
connaissance, l'une des conditions suivantes n'est pas remplie :
«1° il avait évalué les besoins
linguistiques réels associés aux tâches à accomplir;
«2° il s'était assuré que les
connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel
étaient insuffisantes pour l'accomplissement de ces <tâches...
M. Jolin-Barrette :
...s'était assuré que les connaissances linguistiques déjà exigées des autres
membres du personnel étaient insuffisantes pour l'accomplissement de ces >tâches;
«3° il avait restreint le plus possible le
nombre de postes auxquels se rattachent des tâches dont l'accomplissement
nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une autre
langue que la langue officielle.»
Commentaire. L'article 46.1 de la
Charte de la langue française, proposé par l'article 36 du projet de loi,
prévoit une présomption irréfragable selon laquelle un employeur n'a pas pris
tous les moyens raisonnables pour éviter d'exiger la connaissance ou un niveau
de connaissance spécifique d'une autre langue que le français s'il n'a pas, au
préalable, rempli les conditions énumérées par cet article.
Si l'une de ces conditions n'est pas
remplie, l'employeur sera réputé avoir commis une pratique interdite par
l'article 46 de la charte tel que modifié par l'article 35 du projet
de loi.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est beau? Questions, commentaires? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, je
pense que je vais y aller avec le dépôt de mon amendement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, allez-y.
Mme David : Ça va?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, vous pouvez, allez-y.
Mme David : Aïe! C'est
vite. Technologie. Wow! Article 36 : L'article 46.1 de la Charte
de la langue française introduit par l'article 36 du projet de loi est
modifié dans son premier alinéa par le remplacement du mot «réputé» par le mot
«présumé».
Commentaire. L'article 46.1 de
la Charte de la langue française, introduit par l'article 36 du projet de
loi tel qu'amendé, se lirait ainsi :
«46.1. Un employeur est présumé ne pas
avoir pris tous les moyens raisonnables pour éviter d'exiger la connaissance ou
un niveau de connaissance spécifique d'une autre langue que la langue
officielle dès lors que, avant d'exiger cette connaissance ou ce niveau de
connaissance, l'une des conditions suivantes n'est pas remplie.» Et on ne... Ça
s'arrête là parce qu'on ne touche pas nécessairement tout de suite aux
conditions.
Alors, je pourrais vous dire, avec la
modification proposée dans le projet de loi, l'employeur devra faire la preuve
de la nécessité d'exiger une autre langue que le français en démontrant de manière
factuelle qu'il a respecté les trois conditions obligatoires décrites plus
haut. S'il ne peut le faire, la preuve du respect... S'il ne peut faire la
preuve du respect intégral des trois conditions ou même d'une seule de
celles-ci, il sera réputé en contravention avec la loi, sans aucune possibilité
d'en faire la preuve autrement. En effet, le terme «réputé» est lourd de
conséquences juridiques et impose un fardeau exigeant et mésadapté pour les
petites et moyennes entreprises du Québec. Peu importe le sérieux de la
démarche de l'employeur, peu importe la réelle nécessité d'exiger la
connaissance d'une autre langue, si le respect d'une seule des conditions n'est
pas prouvé devant le tribunal, l'employeur sera automatiquement condamné.
Je pense que ça ne peut pas dire plus
clairement les inquiétudes de la communauté des affaires et je répète, là, des
petits employeurs, là, c'est... Je ne pense pas aux énormes compagnies qui ont
une armée d'avocats et de... pour vraiment se défendre, et tout, je pense à un Québec
qu'on bâtit à tous les jours, de PME qui se développent de façon
exceptionnelle, Mme la Présidente, qui vont partout, qui ont l'ambition de s'internationaliser,
et tout ça. Et, oui, ça veut dire, des fois, d'obliger à exiger le bilinguisme,
comme on a dit tout à l'heure, pour certains postes, sans exagération, justifiés.
Mais l'entrepreneur, le président de compagnie, appelons-le l'employeur, est
vraiment dans une position un peu stressante, je dirais, de devoir dire :
Non, non, non, je suis sûr de mon coup, je ne suis pas en contravention avec la
loi, moi, là, je n'ai pas de possibilité de me défendre, mais je suis sûr de
moi, je réponds aux trois conditions. Si les conditions sont claires, à la
limite, si ça tombe sous l'évidence, c'est le cas idéal, là, mais ça ne tombe
pas toujours nécessairement sous l'évidence que les trois conditions... Bon, il
pourrait y avoir une plainte, puis là on voit, après les plaintes, qu'on
aboutit au Tribunal administratif du travail, etc.
• (16 h 30) •
Ce qui m'embête dans cette façon d'utiliser
le mot «réputé», c'est, justement, le côté irréfragable, c'est-à-dire qu'on ne
peut pas contester. Donc, il me semble, ce n'est pas... J'ai peut-être mal
employé le mot «démocratique» tout à l'heure, mais il me semble, d'être
condamné avant d'avoir pu se défendre... Ce n'est pas exactement mon modèle de
pouvoir être... avoir un jugement du Tribunal administratif du travail pour une
plainte qui a été portée sans pouvoir me défendre. Si tu es réputé, en partant,
en contravention avec la loi, bien, si tu n'as pas de possibilité de faire la
preuve autrement puis que tu as trois conditions auxquelles tu dois répondre,
il me semble que, pour nos milliers, nos milliers de petites entreprises, c'est
un fardeau exigeant et, comme ils disent, mésadapté pour leur situation.
Alors, je... D'où ma... peut-être
l'arrondissement des coins de cet article-là en disant «présumé». Le ministre
me dit : Oui, mais il faut qu'il comprenne, là, que c'est sérieux. Je suis
certain que, dans... certaine que, dans sa <grande sagesse...
>
16 h 30 (version révisée)
<15379
Mme David :
…peut-être l'arrondissement des coins de cet article-là en disant «présumé». Le
ministre me dit : Oui, mais il faut qu'il comprenne, là, que c'est
sérieux. Je suis certaine que, dans sa >grande sagesse, il est capable
de trouver probablement une médiation réussie entre «présumé» et «réputé», si
vous n'aimez pas le mot «présumé», parce que vous êtes remplis de gens
superbrillants qui vous conseillent souvent très bien pour essayer de trouver
la voie de passage, mais le mot «réputé» est le mot le plus exigeant. On dit
toujours, c'est «réputé», versus «présumé». Qu'est-ce qu'il y a de si dangereux
ou de si peu convaincant, disons-le, dans la loi, de mettre le mot «présumé», comme
si, là, vos craintes, c'est : Bien, les entrepreneurs ne nous prendront
pas au sérieux si on met «présumé»? Ça veut dire que, bof! ça rend la chose
beaucoup moins contraignante.
Bien, je peux comprendre que vous voulez
que votre loi atteigne des objectifs, mais est-ce que c'est en utilisant, quand
même, ce mot un peu marteau qui est le meilleur moyen ou vous ne pouvez pas
montrer un peu de, j'oserais dire, compréhension, d'empathie avec les petites
entreprises qui vont devoir travailler avec cet article-là, oui, appliquer les
trois conditions, mais avec peut-être un fardeau moins sévère immédiatement, qu'ils
ne pourront pas se défendre si jamais quelqu'un porte plainte? Il est comme
présumé... réputé, tout de suite, ne répondant pas aux conditions. Alors, je
suis... Je n'aime pas trop ça quand on met des gens dans des positions aussi
drastiques que ça, peut-être, je pourrais dire, mais est-ce qu'il y aurait
moyen, comme je dis, d'arrondir un peu les coins de cet article-là?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Première
question : Est-ce que la députée de Marguerite-Bourgeoys est d'accord avec
les trois critères de 46.1?
Mme David : ...revenir,
mais il va falloir de l'accompagnement sérieux de l'OQLF aussi. Moi, j'aurais
une petite entreprise en Beauce, là, de 20 personnes, puis là vous pouvez
être sûr que j'appellerais pour avoir des directives pour être sûre de mon
coup. Là, il faut que j'affiche un poste. Est-ce que je réponds que j'ai...
Comment j'ai bien évalué mes besoins linguistiques? Est-ce que je me suis bien
assurée des connaissances des autres membres? Et ça, ça peut faire de la belle
chicane entre les employés, là, parce que ça peut changer le salaire de l'un,
la définition de tâches de l'autre. Alors, là, il faut que je fasse le tour de
ses employés, ça, ça inquiète beaucoup, beaucoup les associations de PME, dire :
Bon, O.K., les connaissances linguistiques exigées des autres membres étaient
insuffisantes pour l'accomplissement de ces tâches. Bon, est-ce que j'ai bien
fait ça? Est-ce que je n'en ai pas oublié un dans un coin qui aurait pu faire
la job? Et là ça veut dire qu'il faut que je change tout mon organigramme. Et,
le troisième, bien, on restreint le plus possible.
Alors, c'est un fardeau qui peut être
quand même assez exigeant pour un entrepreneur qui, oui, peut-être... Et je
suis d'accord qu'il y a eu probablement des excès dans l'autre sens. La
solution facile, c'est de dire : On va toutes les mettre bilingues, mais
il n'y a pas tant de monde que ça qui est tout… si bilingue au Québec. Là-dessus,
je suis d'accord avec vous. Attendez, laissez-moi finir. Mais, entre ça, de
dire : O.K., on ouvre, c'est le «free-for-all», comme on dit, pour tous
les postes, puis on n'a pas besoin de se justifier, puis on demande toujours
bilingue… Entre ça et les trois conditions qui ne sont pas encore très
définies, vous allez peut-être me dire qu'il va y avoir un règlement qui va
suivre, que l'OQLF va devoir accompagner, mais nous, on a toujours pensé qu'il
fallait qu'il y ait beaucoup plus d'accompagnement que de coercition. L'OQLF
travaille… Vous avez mis de l'argent de plus, des employés de plus
Alors, pour les 25-49 employés, ça va
être ça aussi, il faut accompagner, mais là il faut accompagner l'employeur
aussi, là, dans... ce n'est pas juste les comités de francisation puis répondre
aux grilles pour donner... avoir le certificat, là. On est dans une autre
partie, on est… O.K., je dois faire un affichage, est-ce que je réponds bien…
Il y a-tu quelqu'un à l'autre bout, à l'OQLF, qui va répondre au téléphone puis
qui va pouvoir dire : Oui, oui, oui, je pense que c'est correct? Puis là,
moi, si j'étais l'employeur, l'entrepreneur, je dirais : Peux-tu...
pouvez-vous me mettre ça par écrit, s'il vous plaît, pour être sûr, parce que
moi, je dois être réputé bien avoir... alors j'aimerais ça, dans une rencontre
sérieuse avec vous, que vous me disiez : O.K., vous répondez aux trois
conditions, d'après nous, là, tout est correct. Moi, je demanderais une preuve
écrite à <l'OQLF...
Mme David :
...écrite à >l'OQLF, parce que sinon je me retrouve au Tribunal
administratif du travail, puis, comme j'ai le mot «réputé», bien, je vais avoir
de la misère à me défendre.
Alors, si vous ne voulez pas changer, ce
qui serait dommage, le mot «réputé»... Et, de toute façon, même si c'était «présumé»,
il va falloir accompagner vraiment les entreprises. Et là l'article 46
existait. Il y avait moins de contraintes. Vous avez raison, la question de la
nécessité a été peut-être trop largement appliquée. Et là on met autre chose,
on resserre, mais il va falloir expliquer à ces employeurs-là qu'est-ce que
tout ça veut dire, parce qu'ils ne passent pas leur temps nécessairement à
regarder ces lois-là et à comprendre tous les tenants et aboutissants de ça.
Alors, je pense qu'il faut agir sur... d'une
façon ou d'une autre, sur ce mot-là et avoir toujours en tête, dans toute la
loi, d'ailleurs, que l'OQLF est appelé, avec tous ces boulons qu'on resserre un
peu partout, à jouer un rôle absolument fondamental d'accompagnement, ne pas
être toujours dans la coercition, ce n'est pas le fun ni pour eux ni pour les
entreprises, alors, mais, d'être dans l'accompagnement, je pense qu'ils sont
capables de bien le faire. Et beaucoup réfèrent au programme Mémo, d'ailleurs,
que vous avez peut-être contribué à financer, à implanter, et tout. Alors, s'il
pouvait y avoir un genre de mémo pour cet article-là, ils vont avoir besoin d'aide.
Alors, c'est ça qui, je dirais, est à peu près l'ensemble de mes préoccupations
par rapport au mot «réputé».
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Plusieurs
choses. Pourquoi est-ce que 46.1, il est là? Parce qu'on doit intervenir parce
que la situation linguistique nous le démontre, les enquêtes, notamment, de l'OQLF
démontrent... 63 % des postes à Montréal exigent la connaissance d'une
langue autre que le français, 40 % des postes au Québec exigent la
connaissance d'une langue autre que le Québec... que le français. Il y a
manifestement un enjeu, là, il y a...
Mme David : ...que nos
entreprises en dehors de Montréal s'internationalisent ou sortent de leur...
Demandez à votre collègue le ministre de l'Économie, peut-être que lui dit :
Mais c'est formidable, ça veut dire qu'ils font affaire avec le Mexique, avec l'Amérique
du Sud, etc. Donc, ils ont besoin d'exiger plus d'anglais. Je ne le sais pas,
là, 40 %, si ça correspond à une exagération ou à un besoin réel.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je vais vous demander, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, de laisser le
ministre aller au bout de son idée.
Mme David : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, oui, je sais, mais je pense qu'il va apprécier. Il avait plus qu'un point
à faire. M. le ministre, c'est à vous.
M. Jolin-Barrette : Je
suis indulgent, Mme la Présidente. Je suis indulgent. Parfois, je fais la même
chose. Nous… La députée de Marguerite-Bourgeoys et moi-même, on est des
sanguins. On aime ça intervenir.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mais c'est cordial la plupart du temps.
M. Jolin-Barrette :
Bien, tout à fait, tout à fait, c'est ça. Donc, écoutez, nous souhaitons que le
Québec… Comme disait la cheffe du Parti libéral, la cheffe de l'opposition
officielle, nous souhaitons que le Québec soit un prédateur sur la scène
internationale. Vous vous souvenez de ça, Mme la Présidente, ça fait longtemps,
mais...
La Présidente (Mme Thériault) :
Très.
M. Jolin-Barrette : Bien,
très, j'étais là, ça fait que pas tant que ça. On ne veut pas être une proie,
on veut être des prédateurs.
La Présidente (Mme Thériault) :
On aime mieux, toujours.
M. Jolin-Barrette : En
termes économiques.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est bon pour notre survie aussi.
• (16 h 40) •
M. Jolin-Barrette :
Effectivement. Alors, on veut conquérir des marchés, Mme la Présidente, ça, on
est d'accord, puis on veut exporter, on veut faire exploser les exportations du
Québec, on veut améliorer la balance commerciale du Québec, bien entendu. C'est
notre volonté, parce qu'on veut augmenter la richesse au Québec au bénéfice de
tous les Québécois, notamment pour financer les programmes sociaux. On a une
économie forte, puis la démonstration, c'est que l'économie du Québec, au cours
des deux dernières années, a bénéficié, notamment, Mme la Présidente... en
fait, je dirais, depuis 2018, de l'effet CAQ. Vous l'aurez bien noté, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je suis ici pour m'assurer que vos droits sont bien respectés, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bon,
passons, je ne le prends pas comme une adhésion à mes propos.
La Présidente (Mme Thériault) :
Non, pas du tout.
M. Jolin-Barrette : Je
ne voudrais pas mal vous interpréter.
La Présidente (Mme Thériault) :
Non, je ne crois pas que c'est votre intention non plus, parce que vous
connaissez ma sanguinité aussi à réagir. Donc, je pense qu'il n'y aura pas de
problème. Allez-y.
M. Jolin-Barrette :
Donc, on se retrouve dans une situation où, il faut le dire, oui, il y a des
entreprises qui exportent, mais il y a des entreprises qui n'exportent pas non
plus puis qui travaillent au Québec. Et là on se retrouve dans une situation où
il y a une forte <proportion...
M. Jolin-Barrette :
...forte
>proportion d'entreprises qui exigent une autre langue à l'embauche que
le français. Promenez-vous à Montréal, là, dans les offres d'emploi qui sont affichées,
là, est-ce que, réellement, ces offres d'emploi là nécessitent la maîtrise d'une
autre langue que le français? Est-ce que les moyens raisonnables ont été pris
pour éviter d'imposer une telle exigence? Ça m'étonnerait beaucoup. Puis tout
le monde nous le dit, on l'a vu, là, on avait le témoignage à Radio-Canada,
c'était… d'une dame qui venait d'Haïti, qui était francophone, qui était
diplômée, pas capable de se trouver un emploi à Montréal, alors qu'on cherche
des gens partout, parce qu'elle ne parlait pas anglais. L'enjeu, il est là.
Ensuite, pour ce qui est de l'employeur,
petites, moyennes, grosses entreprises, bien entendu, l'OQLF sera toujours là
pour accompagner les employeurs, mais les critères à 46.1 sont simples et
faciles à comprendre. Dans le fond, c'est une ligne directrice puis c'est pour
ça que le «réputé» est important, parce que c'est le seuil minimal, le seuil
minimal, pour l'employeur, de dire : Écoutez, pour afficher un poste avec
une langue autre que le français, bien, vous devez minimalement avoir fait les
choses suivantes, parce que, si on veut changer les comportements, si on veut
véritablement agir sur la langue du travail puis sur le droit de travailler en
français, bien, il faut mettre en place des mesures qui vont permettre aux
employeurs de suivre ces lignes directrices là, de leur donner des outils, un
guide, pour dire : Bien, voici c'est quoi, le critère de nécessité, c'est
quoi, les moyens raisonnables.
Un, j'évalue les besoins linguistiques.
Ça, j'imagine que vous êtes en accord avec ça, sur… avant d'exiger, là, la
connaissance d'une langue autre que le français, bien entendu, on va évaluer les
besoins. On va s'assurer ensuite que les connaissances linguistiques déjà
exigées des autres membres du personnel étaient insuffisantes pour l'accomplissement
de la tâche. J'avais ouvert un poste un an auparavant. J'avais exigé la
maîtrise d'une langue autre que le français. Est-ce que cette personne-là peut
faire le travail? Troisièmement, est-ce que j'ai vraiment besoin d'avoir ces
deux postes-là qui exigent la maîtrise d'une langue autre que le français ou je
peux laisser ça sur un poste?
Le critère, c'est toujours, également,
est-ce que j'ai besoin, pour soumettre ma candidature, de maîtriser une autre
langue que le français? Ça ne veut pas dire que la personne ne parlera pas une
autre langue que le français, la personne qui est sélectionnée. Ça se peut que
l'employé soit bilingue, là, mais il ne faut pas discriminer à l'embauche des
gens en fonction du fait qu'ils ne maîtrisent que la langue officielle, ou deux,
ou trois autres langues qui ne sont pas la langue auxiliaire qui est souhaitée.
Puis même l'employeur… Tu sais, quand on exporte à l'international, on parle
souvent de l'anglais, mais ça se peut que ça ne soit pas l'anglais. Ça se peut
que ce soit une autre langue, là.
Mme David : …
M. Jolin-Barrette : C'est
ça.
Mme David : Mais, les
employeurs, est-ce que vous pouvez admettre qu'il y a beaucoup d'inquiétudes,
parce qu'ils ont peur? Est-ce que chacun va devoir refaire son organigramme?
Parce que ce n'est pas juste la langue, c'est la tâche. On l'a bien dit, c'est
la tâche. Il ne faut pas que celui qui est le bilingue de service dans l'entreprise,
parce qu'il sait faire fonctionner telle machine, disons, dans la chaîne de
montage, bien là on lui demande d'à peu près tout faire le reste parce qu'il
est le bilingue de service.
M. Jolin-Barrette : C'est
ce qui est raisonnable. On ne demandera pas à l'employeur de revirer à l'envers
toute son entreprise puis de réorganiser toute son entreprise d'une façon qui
est déraisonnable, là. C'est bien entendu, Mme la Présidente, là, le critère ne
vise pas à faire en sorte que, pour l'employeur, pour l'entrepreneur, ça va
complètement chambouler toutes ses façons de faire, là. Ce n'est pas ça que
vise 46.1. À 46.1, on lui dit : Évalue si vous avez besoin que... est-ce
que c'était vraiment un besoin réel que la personne exige la langue anglaise?
Bien, c'est pratique, finalement, ces plexiglas-là,
ça a plusieurs fonctions.
Mme David : Ça, c'est
formidable, on peut coller des choses.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Honnêtement, je pense qu'on devrait les garder après la COVID. Quand vous avez
un collègue, en plus, là, qui… vous voulez être sûr qu'il vous écoute, là, avec
trois petits coups, là…
Deuxièmement, il s'est assuré que les
connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel
étaient insuffisantes. Donc, il n'y a personne d'autre qui avait des compétences
linguistiques pour le faire ou ce n'était pas suffisant. Troisièmement, il a
restreint le bassin de postes qui exigent ça. Au lieu d'avoir 100 postes
où est-ce que j'exige la maîtrise d'une langue <autre...
M. Jolin-Barrette :
...la maîtrise d'une langue >autre que le français, est-ce que j'ai
vraiment besoin de ces 100 postes là ou, dans le fond, j'ai besoin de 15 postes?
Est-ce que c'est tout le monde… un petit peu, un petit peu, c'est un avantage,
tout ça, ou je suis capable de restreindre mon bassin?
Mais, bien entendu, par contre, que, pour
l'employeur, il ne faut pas que ça soit déraisonnable de réorganiser son
entreprise, là. Le critère, là, c'est la raisonnabilité, là. Ça fait que l'employeur,
là, lui, là, quand il est dans son bureau, là, il regarde ça, il dit :
Bon, bien, monsieur, madame X, là, m'a annoncé sa démission parce qu'il s'est
présenté aux élections, puis il a gagné le comté, puis il s'en vient nous
rejoindre à l'Assemblée nationale.
Donc là, l'employeur perd un employé, donc,
doit réouvrir le poste, puis là ce qu'il va faire, il va regarder, il dit :
Écoutez, le poste, oui, bien, je pense que j'ai besoin qu'il soit bilingue, je
vais faire l'analyse de ma situation linguistique. Est-ce que j'ai un besoin
linguistique réel associé puisque, dans le cadre de ses fonctions, il a besoin
d'avoir une autre langue que le français? Deuxièmement, je vais regarder si les
compétences linguistiques qui sont exigées par mes autres employés sont
insuffisantes pour l'accomplissement des tâches avec le poste en question.
Puis, troisièmement, est-ce que j'exige parce que c'est plus facile ou je
restreins ça sur un nombre de postes? Ça fait que l'employeur regarde ça,
répond à ces trois critères-là. C'est une sorte de guide puis ce n'est pas
nouveau dans le monde des affaires, là. Les employeurs, ils ont déjà des
politiques d'embauche, ils ont déjà des façons de procéder, mais c'est un guide
pour leur dire : Écoutez, vous exigez l'anglais, voici ce que vous
regardez.
Puis, même, ça peut faciliter… Pour l'employeur,
là, le critère de nécessité, là, il méritait d'être clarifié. Alors là, on
vient le clarifier puis on vient donner un guide avec trois critères. L'employeur,
là, supposons, là, qu'il recevrait une plainte, là, pour dire : Aïe! Vous
avez exigé l'anglais, là, dans l'affichage, là. L'employeur va dire :
Écoutez, là, non, non, moi, c'est raisonnable, c'était nécessaire, écoutez, j'ai
regardé ma situation linguistique, j'ai fait 1°, 2°, 3° puis effectivement j'en
suis venu à la conclusion que, oui, c'est nécessaire d'avoir l'anglais comme
exigence à l'embauche. Il n'y a pas d'enjeu. Il va avoir fait 1°, 2°, 3°, mais
tout ça, c'est fait pour préserver le droit du travailleur de travailler en
français. Il faut envoyer un signal clair qu'au Québec le marché du travail ça
se passe en français, sauf exception.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée.
• (16 h 50) •
Mme David : Peut-être
que... Je ne sais pas, vous avez certainement lu le mémoire du Conseil du patronat,
qui m'avait étonnée, parce qu'ils avaient fait un sondage puis, bon, ils
étaient... à l'époque, le sondage montrait une assez grande approbation de l'idée
d'aller aux 25-49 employés, bon, parlait beaucoup de la qualité de la
langue française, que, des fois, ils sont obligés… 30 %... c'étaient des
chiffres très gros de refus de candidats francophones par défaut de bien écrire
le français. C'est quand même quelque chose, là. Alors, ça, ça m'avait étonnée
dans ce sondage-là, mais c'est le même Conseil du patronat qui dit bien dans
son mémoire qu'ils sont très inquiets des trois conditions.
Alors, j'imagine, vous avez réponse à leur
donner, mais je vous cite quelques parties.
«Cette exigence supplémentaire — donc,
des trois conditions — implique la réalisation d'une analyse et d'une
démonstration particulièrement complexes, au plan légal, des besoins
linguistiques de l'entreprise, dont les résultats pourraient, dans plusieurs
cas, entraîner des répercussions négatives importantes sur le climat de travail.»
Eux autres, ils parlent pas mal de climat
de travail, ils disent : «Les trois conditions de l'article 46.1
représentent donc des obstacles majeurs qui risquent indirectement d'entraver l'organisation
du travail, d'affecter grandement les relations de travail et d'imposer un très
lourd fardeau administratif et financier aux entreprises du Québec de toutes
tailles, particulièrement aux PME, en imposant des démarches lourdes et
complexes visant à analyser chaque poste auquel est rattachée une exigence linguistique.»
En plus, ils disent : «Ces
dispositions induisent un risque financier découlant d'une interprétation
erronée que l'employeur pourrait en avoir faite. Le second paragraphe de l'article 46.1 — ça,
celui-là, ils le trouvent particulièrement difficile à vivre — indique
que l'employeur doit évaluer les besoins en matière linguistique par une
analyse exhaustive des connaissances et des aptitudes de tous les membres du
personnel, sans égard à la nature de l'emploi ou des autres caractéristiques
propres à chaque emploi. Cette exigence s'avère extrêmement complexe à
réaliser. La notion de "tâches" rend le processus difficile, voire
impossible à réaliser», etc.
«Le CPQ est <d'avis…
Mme David :
...le CPQ est >d'avis que les paragraphes 1° (en remplaçant les
termes "aux tâches à accomplir" par "à l'emploi") — bon,
eux, ils suggèrent ça — et 3° sont largement suffisants pour
permettre la protection des droits des travailleurs à obtenir et conserver un
emploi dans une entreprise. Légiférer autrement contribuerait notamment à
retrancher ou à ajouter des tâches à certains travailleurs qui ne relèvent pas
nécessairement de leurs attributions. Cela pourrait entraîner des conséquences
négatives, par exemple en engendrant des risques additionnels de harcèlement
entre les travailleurs. En conséquence, nous suggérons de retirer le second
paragraphe de l'article 46.1 ainsi que la référence à la notion de tâches
contenue au premier paragraphe du même article.»
Alors, vous comprenez qu'ils sont... Ils reparlent,
après ça, dans les répercussions : «Une détérioration du climat de travail
en raison de la redistribution des tâches, des changements d'horaire...»
Alors, j'imagine que vous allez me
répondre, par le mot «raisonnable», que toutes les craintes s'avèrent non
fondées, déraisonnables, et que ça n'ira jamais aussi loin que ça, mais je
pense qu'ils ont peut-être besoin que vous les rassuriez un petit peu par
rapport à votre vision de ces trois conditions-là.
M. Jolin-Barrette : …je
les rassure, Mme la Présidente. Et, d'ailleurs, ce qui est intéressant, c'est
que le Conseil du patronat le disait, là, le 15 février 2021, donc, il y a
un an et un jour, que, dans le cadre du résultat du sondage qu'il a effectué
auprès de ses membres sur la place du français en entreprise… que le français,
comme langue de travail, constitue un avantage culturel et économique qui
distingue les entreprises québécoises. Et, vous savez, 46 et 46.1, là, viennent
également protéger le travailleur québécois. C'est un juste équilibre. Est-ce
qu'on veut, au Québec, que les travailleurs québécois puissent exercer leurs
fonctions, leur travail en français? Est-ce que les Québécois peuvent gagner
leur vie en français? C'est une question fondamentale et...
Mme David : …à ce que
vous dites, parce que vous dites : Le CPQ, le Conseil du patronat — et
vous les citez — était… et sont plutôt favorables à la question du
français en entreprise. Moi, je ne les ai pas... Je les ai rencontrés à
quelques reprises, vous aussi probablement. Ce ne sont pas des gens qui sont,
en partant, des adversaires de la langue française puis de l'importance du
français. C'est même eux qui insistent sur la qualité du français, mais, venant
d'eux, d'autant plus que ça vient d'eux, ces réserves-là, je pense qu'il faut
un peu écouter leurs inquiétudes.
M. Jolin-Barrette : Et
je les écoute et je les rassure. Vous savez, le patronat a des inquiétudes
relativement à 46 et 46.1. Et, lorsque vous parlez également aux travailleurs,
aux syndicats, ils appuient les mesures de 46 et de 46.1 et en sont heureux
parce que ça vient créer une balise pour le droit de travailler en français,
notamment. Puis, vous l'avez bien dit, je ne suis pas dogmatique, là, c'est
possible d'exiger la connaissance d'une langue autre que le français, c'est
possible d'exiger l'anglais.
Cependant, on a un code de conduite, qui
sont les critères prévus à 46.1, pour le faire, et donc 1°, 2° et 3°. L'employeur,
on lui demande : Écoutez, avant d'afficher un poste qui exige la maîtrise
de la langue anglaise, c'est quoi, votre réflexion? Bien, votre réflexion, ça
va être 1°, 2°, 3°. Vous devez faire l'exercice à 1°, 2°, 3° puis, un coup que
vous avez fait cet exercice-là, vous allez pouvoir exiger la maîtrise de la
langue anglaise si c'est nécessaire, si vous avez fait une évaluation réelle
des besoins linguistiques, s'il n'y a pas d'autres personnes dans l'entreprise
qui ont des compétences linguistiques pour le faire puis si vous avez essayé de
restreindre le nombre de postes qui exigent cette maîtrise-là. Ce n'est pas :
j'ai 500 employés dans l'usine, les 500 vont parler en anglais. Est-ce que
c'est nécessaire que les 500 sur la chaîne de montage ou dans l'usine parlent
anglais? Peut-être pas, mais je veux juste ajouter, là, 46, 46.1, là, c'est
gagnant-gagnant, là. On facilite le chemin de l'employeur puis on protège le
droit des travailleurs de travailler en français, puis ça...
Mme David : Ça facilite
le chemin de l'employeur, mais eux sont inquiets, entre autres, du mot «réputé».
Ça n'a pas l'air, vous, à vous inquiéter… autant pour eux. Alors, rassurez-les
sur votre perception et votre nécessité de mettre le mot «réputé.»
M. Jolin-Barrette : Bien,
tout à fait, si «réputé» n'est pas là, là, ça ne donne rien de mettre des
critères.
Mme David : Pourquoi?
M. Jolin-Barrette :
Bien, parce qu'on va se retrouver dans une situation où, bien, ils n'auront pas
à respecter les critères, dans le fond.
Mme David : Il n'y a pas
de mot qui soit... Il n'y a rien entre le zéro puis le 100, c'est rien ou tout.
M. Jolin-Barrette : Mais
pourquoi est-ce que vous <ne...
M. Jolin-Barrette :
...vous >ne souhaitez pas qu'on donne une ligne de conduite qui est
claire aux employeurs pour dire : Lorsque vous souhaitez une exigence par
rapport à une autre langue que le français, voici la formule à suivre?
Mme David : Parce que la
formule n'est pas si claire, il n'y a pas... ce n'est pas si vous avez 50 %
d'employés ou ce n'est pas... il n'y a pas d'indicateurs très clairs.
M. Jolin-Barrette : Bien
non, mais...
Mme David : Puis je suis
d'accord qu'il n'y ait pas des indicateurs si martials que ça, mais encore
faut-il que le pauvre employeur puisse s'y retrouver et dormir en toute
confiance le soir parce qu'il ne veut pas se faire poursuivre au Tribunal
administratif du travail. On va voir, là, ce qui s'en vient, là, ce n'est pas
si... Ce n'est pas le fun, là, s'ils ne répondent pas, mais lui, il est réputé
avoir répondu, donc, avoir fait son travail à la perfection. Mais ça se peut
que, comme ce sont trois conditions qui ne sont pas si facilement mesurables,
qu'il ne dorme pas si bien que ça le soir en ayant fait son affichage.
M. Jolin-Barrette : C'est
trois critères. Ce n'est pas un test en 50 étapes, là, trois critères.
Est-ce que c'est nécessaire?
Mme David : Ça, c'est
peut-être le plus facile. D'ailleurs, c'est nécessaire, il faut que je vende en
Ontario, puis il manque de monde.
M. Jolin-Barrette : Oui,
mais, manifestement, le critère de nécessité était allègrement bafoué en vertu
de l'ancien article 46. Vous-même, vous l'avez noté dans votre plan.
Mme David : Je suis d'accord.
C'est pour ça que je dis que celui-là, je ne l'ai pas beaucoup contesté.
M. Jolin-Barrette : C'est
un mécanisme, là. Ensuite, est-ce que j'ai pris les moyens raisonnables pour
éviter d'imposer une telle exigence? Tu sais, j'ai-tu fait un effort pour
éviter d'imposer cette exigence-là, puis comment ça se traduit, ça, pour
évaluer si j'ai pris les moyens raisonnables? Un, j'ai évalué les besoins
linguistiques réels associés aux tâches à accomplir. C'est quoi, les tâches à
accomplir? Je vends des balayeuses en Ontario. Votre premier critère, il est
rempli. Deuxième critère : «il s'était assuré que les connaissances
linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel étaient
insuffisantes pour l'accomplissement de ces tâches». J'avais-tu d'autres
vendeurs qui avaient une maîtrise d'une langue autre que le français pour le
marché de l'Ontario?
Mme David : Alors, on
souligne en gras pour l'accomplissement de ces tâches, parce que, si on garde
juste la première partie de la phrase, «il [s'est] assuré que les connaissances
linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel étaient
insuffisantes pour l'accomplissement de ces tâches», autrement dit, on ne peut
pas aller prendre un employé qui est à la réception, qui n'a jamais fait de
vente de sa vie, pour lui dire : Tu vas vendre des balayeuses en anglais à
partir de demain parce que tu sais parler anglais. C'est pour la compétence
liée à la tâche.
M. Jolin-Barrette :
Exactement, mais, ce que je veux dire, il faut que ça soit raisonnable, là. C'est
sûr que le concierge, ça ne sera pas lui qui va devenir le vendeur parce que le
concierge est bilingue, là. Ce n'est pas parce que vous avez un homme de
maintenance, supposons, dans l'usine, puis que, là, il y a un poste de
disponible au département des ventes, que l'homme de maintenance, qui est
bilingue, va aller faire la vente, là, on s'entend.
• (17 heures) •
Mme David : C'est très
intéressant, ce que vous dites là, parce que vous savez qu'il y a des emplois
moins rémunérés qui sont souvent tenus par des gens issus de l'immigration qui
peuvent parler plein de langues différentes, et peut-être que c'est une belle
opportunité pour eux de monter et d'être promus dans l'entreprise s'ils
possèdent, exemple, mandarin, espagnol, russe, néerlandais et qu'ils
pourraient, à la limite, exercer ce poste-là parce qu'ils en auraient les
compétences... pas par le poste qu'ils occupent là, mais parce que ça se
pourrait qu'ils répondent à des compétences.
M. Jolin-Barrette :
Honnêtement, moi, je le souhaite. Je le souhaite. Idéalement, là, si chaque
personne peut avoir un emploi à la hauteur de ses compétences, là, c'est ce qui
est souhaité, là, c'est ce qui est souhaité, c'est ce qui est désiré. Puis,
même quand vous exercez un emploi qui est à la hauteur de vos compétences, là,
en termes de valorisation personnelle, c'est encore plus gratifiant puis c'est
encore plus stimulant.
Donc, bien entendu qu'on souhaite que
toute personne puisse exercer pleinement ses compétences, puis, je vous dirais
même, c'est vraiment dommage dans des situations où vous n'êtes pas... vous n'avez
pas la possibilité de déployer tout votre talent. Ça fait que c'est ce qu'on
souhaite, puis c'est ce qu'on souhaite, notamment, en matière d'immigration. On
souhaite faire en sorte que les personnes immigrantes qui choisissent le
Québec, ils viennent au Québec, ils disent : Écoutez, on veut participer à
la société québécoise, puis nous, on souhaite qu'ils participent, en fonction
de leurs compétences, dans les postes qui vont les rendre le plus heureux
possible puis où est-ce qu'ils vont s'épanouir.
Troisième critère, «le nombre de postes
auxquels se rattachent les tâches dont l'accomplissement nécessite de la
connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une autre <langue...
>
17 h (version révisée)
<15359
M. Jolin-Barrette :
...d'une autre >langue que la langue officielle.» Mais là c'est :
Est-ce que, tous mes postes, je les mets bilingues, je les mets avec la
connaissance d'une langue autre que le français ou j'essaie de les restreindre?
C'est ces trois critères-là. C'est simple pour l'employeur, là, mais ça ne lui
demande pas une réorganisation déraisonnable de son entreprise, là. Comme vous
l'avez dit, l'homme de maintenance, on ne va pas exiger de l'employeur qu'il
prenne cet employé-là, qu'il l'amène aux ventes, puis là après ça qu'il prenne
la personne aux ventes, il l'envoie à la cafétéria, puis que la personne de la
cafétéria, il l'emmène à la comptabilité, puis... Vous voyez le scénario, là. C'est
la responsabilité, là. Donc, j'essaie de restreindre à l'intérieur de ce qui
est raisonnable, toujours. Dans le fond, j'essaie de restreindre le nombre de
postes qui exigent une maîtrise de la langue anglaise ou une maîtrise d'une
autre langue à un nombre de postes circonscrits mais dans ce qu'il est
raisonnable de faire. Mais je fais l'effort de faire cette démarche-là, là.
Puis l'autre point, également, l'employeur
sait à quoi s'en tenir avec ces critères-là, tu sais, c'est prédéfini, c'est le
plan de match. Moi, j'aime bien mieux, si je suis un employeur, savoir c'est
quoi, mes critères, pour éviter, supposons... Comme vous le dites, la crainte,
c'est d'être poursuivi. Bien, moi, là, comme employeur, là, je le sais, j'ai
fait 1°, 2°, 3°, là, puis, comme j'ai fait 1°, 2°, 3° puis, oui, j'ai exigé la
connaissance d'une autre langue que le français mais j'ai rempli mon fardeau,
puis... Dans le fond, c'est mandatoire, là, c'est ça qu'il faut que je fasse.
Le «réputé», il est là pour dire : C'est ça qu'il faut que vous fassiez.
Mme David : Mais les
gens qui s'y connaissent bien, qui sont des employeurs eux-mêmes ou d'associations
d'employeurs disent : Nous, là, c'est, comme, vraiment, vraiment... l'exigence
s'avère extrêmement complexe à réaliser. C'est quand même des gens qui sont des
patrons qui disent ça. Alors, je veux bien vous entendre, puis je comprends
votre point de vue, puis je comprends que, vous, ça ne vous inquiète pas, ce n'est
pas nécessairement vous, l'employeur là, mais ça ne vous inquiète pas, vous, ça
ne vous empêchera pas de dormir. Mais peut être qu'il y a bien des gens qui
nous écoutent, qui disent : Oui, mais, moi, là, il n'a pas compris tout à
fait ma réalité. Puis donc j'aurais aimé ça... je comprends que vous ne bougerez
pas, mais j'aurais aimé ça que vous trouviez peut-être un chemin de traverse
qui puisse être rassurant pour les employeurs.
M. Jolin-Barrette : Bien,
je veux juste vous dire que je suis extrêmement sensible à la réalité des
employeurs. Moi-même, comme professionnel, j'ai conseillé des employeurs, hein,
leurs structures, dans les conventions collectives, tout ça, je suis
extrêmement sensible à la réalité qui est vécue aux petits, aux moyens, aux
plus gros employeurs. J'ai fait de tout, là, dans le conseil, notamment,
juridique, là-dessus, mais...
Mme David : Bien, le
CPQ, ils vous ont vu, là, ils n'ont pas été rassurés, de toute évidence, là. Ils
n'auraient pas écrit un mémoire comme ça.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, toute norme, toute clarification, c'est rarement, comment je pourrais
dire, applaudi, hein? Je vous donne un exemple : le projet de loi n° 59,
là, sur la santé et la sécurité au travail, là, la loi, elle n'avait pas été
réformée depuis 1985, là, il y avait des choses là-dedans, là, qui mettaient en
péril la santé, la sécurité des travailleurs au Québec. Il fallait le faire, il
fallait améliorer les choses, parce que le milieu du travail a changé, il y a
des nouvelles réalités, il faut protéger la santé des gens, des travailleurs.
Mme David : Je suis d'accord
qu'il faut changer des choses. Mais, des fois, peut être que les chemins sont
un peu moins sinueux ou raboteux avec certaines choses qui peuvent rassurer.
M. Jolin-Barrette : Oui,
mais le critère, là, qu'on retient, c'est la raisonnabilité. On ne demande pas,
là, de revirer l'entreprise, là... j'aurais une expression, Mme la Présidente,
que je ne peux pas dire ici...
La Présidente (Mme Thériault) :
...
M. Jolin-Barrette : ...c'est
ça, boutte pour boutte. J'aime mieux mon expression, mais je ne la dirais pas
dans le micro.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je la devine aisément.
M. Jolin-Barrette : Mais
on ne revirera pas l'entreprise boutte pour boutte, comme on dit, mais on donne
une feuille de route. La feuille de route, c'est 46.1 : Sachez que, vous
voulez exiger une compétence linguistique autre que la langue officielle, voici
le chemin. Voici, on veut juste s'assurer que vous ayez fait la démarche, la
réflexion dans le cadre de l'analyse, 1°, 2°, 3°, puis ça n'a pas besoin d'être
déraisonnable, la réorganisation. En fait, on ne <demande pas...
M. Jolin-Barrette :
...besoin d'être déraisonnable, la réorganisation. En fait, on ne >demande
pas que la réorganisation... En fait, l'analyse, l'analyse doit être raisonnable
dans les critères.
Puis, exemple, pour le troisième critère,
là, quand on dit : «il [...] restreint le plus possible le nombre de
postes auxquels se rattachent des tâches dont l'accomplissement nécessite la
connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une autre langue que la
langue officielle», bien, à ce moment-là, on ne demande pas de virer toute l'entreprise
à l'envers, là. Il faut que ça soit raisonnable, là, la bonne marche de l'entreprise.
Mais, avant d'exiger systématiquement la maîtrise d'une autre langue que le
français, il faut qu'il y ait le critère de nécessité, il faut prendre les
moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence. Là, vous avez
votre test en 3°.
Mme David : O.K. Mme la
Présidente, je pense que j'ai fait tout ce que je pouvais.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous êtes allée au bout de votre idée, il est vrai. Donc, est-ce qu'on est
prêts à mettre aux voix l'amendement présenté par la députée de Marguerite-Bourgeoys?
Mme David : Vote
nominal, oui.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous voulez un vote par appel nominal? Mme la secrétaire.
La Secrétaire : Veuillez
répondre pour, contre ou abstention. Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Pour.
La Secrétaire
:
M. Birnbaum (D'Arcy-McGee)?
M. Birnbaum : Pour.
La Secrétaire
:
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette :
Contre.
La Secrétaire
:
M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) :
Contre.
La Secrétaire
:
Mme Guillemette (Roberval)?
Mme Guillemette : Contre.
La Secrétaire
:
M. Émond (Richelieu)?
M. Émond : Contre.
La Secrétaire
:
Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Foster : Contre.
La Secrétaire
: M. Poulin
(Beauce-Sud)?
M. Poulin : Contre.
La Secrétaire
: M. Allaire
(Maskinongé)?
M. Allaire : Contre.
La Secrétaire
: M. Lemieux
(Saint-Jean)?
M. Lemieux : Contre.
La Secrétaire
: Et
Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel)?
La Présidente (Mme Thériault) :
Absention. Donc, l'amendement est rejeté. Nous pouvons, donc, maintenant
revenir sur l'article 36. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'article 36?
Si je n'en vois pas, je peux le mettre au vote... Oui?
M. Jolin-Barrette :
...suspension, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
On va faire une petite suspension, s'il vous plaît, à la demande du ministre.
Donc, nous suspendons nos travaux.
(Suspension de la séance à 17 h 09)
(Reprise à 17 h 23)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous poursuivons nos travaux.
Au moment de la suspension, nous étions à
l'article 36, et M. le ministre nous a annoncé un amendement. Donc, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Alors, Mme la Présidente, on l'a déposé sur Greffier. Écoutez, je souhaite
rassurer les employeurs, notamment quant à l'interprétation de l'article 46.1.
J'ai bien entendu ma collègue de Marguerite-Bourgeoys, notamment les craintes
qui ont été exprimées par le Conseil du patronat, Fédération des chambres de
commerce également, FCEI. L'objectif est de donner une ligne directrice, donc
quel est le minimum à faire avant d'exiger la connaissance d'une langue autre
que le français pour pouvoir, dans le fond, afficher un poste. C'est une
responsabilité partagée que nous avons, tous ensemble au Québec, incluant les
employeurs, de faire en sorte que la langue du travail soit le français.
Mais je l'ai dit puis je le répète, on n'est
pas dogmatique, ce n'est pas interdit d'exiger l'anglais à l'embauche. Mais,
par contre, l'article 46 actuel avait des lacunes, parce que,
manifestement, les données statistiques nous démontraient que ça semblait être
plus simple d'exiger l'anglais, à l'embauche, puis ça se faisait, puis le
critère de nécessité n'était pas respecté. Alors, c'est pour ça qu'on
intervient pour corriger une situation.
Puis l'État québécois et la société
québécoise dans son ensemble doit prendre conscience que, sur le marché du
travail, ça doit être la langue française qui prime, et ça doit être la langue
commune, et ça doit être la langue d'usage. Alors faut agir, parce que le
marché ne répond pas à cet impératif-là qui va de pair avec la pérennité de la
société québécoise en matière de langue française, puis surtout, aussi, comme
vecteur d'intégration. Le marché du travail, c'est un vecteur d'intégration
important pour les personnes immigrantes.
Alors, écoutez, j'ai entendu les
différentes craintes, les appréhensions. Puis, tu sais, l'objectif, c'est
toujours de rappeler que les trois critères sont là : regarder est-ce qu'on
a un besoin réel d'une autre langue que la langue anglaise... que la langue
française, pardon, besoin linguistique; deuxièmement, est-ce que les
connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel
étaient insuffisantes pour l'accomplissement des tâches; et troisièmement
est-ce que l'employeur restreint le nombre de postes auxquels la langue
anglaise, elle est exigée, l'autre langue que la langue officielle... on exige,
les postes...
Partant de là, on fait 1°, 2° ou 3°. L'employeur,
s'il arrive à la conclusion, suite à son analyse, que, bon, bien, oui c'est
nécessaire d'exiger, parce que c'est un test de nécessité, mais j'ai également
pris les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence, il pourra
le faire. Mais c'est un seuil minimal à faire. Et bien entendu, s'il ne fait
pas l'effort de faire ces trois critères-là, cette évaluation en trois étapes
là, à ce moment-là, effectivement, il est réputé contrevenir à l'article 46
de la charte. Mais c'est le minimum à faire, mais c'est aussi une clarification
par rapport à ce qui est exigé. Donc, tout le monde va savoir à quoi s'en tenir,
puis ça préserve le droit de travailler en français. Puis ça, c'est
fondamental, au Québec, les Québécois et les Québécoises ont le droit de
travailler en français.
Je réitère, ça ne veut pas dire qu'on est
contre le fait d'exiger une autre langue que le français, parce qu'il y a plein
de situations où c'est nécessaire, puis on en a eu l'occasion d'en discuter
avec le député de D'Arcy-McGee.
Donc, pour clarifier les choses, puis je l'ai
dit, là, sur le critère de la raisonnabilité, on ne veut pas que l'entreprise
soit virée boutte pour boutte puis qu'on impose un fardeau déraisonnable à l'employeur,
donc je vous proposerais l'amendement suivant, Mme la Présidente : À l'article 36
du projet de loi, ajouter, à la fin de l'article 46.1 de la Charte de la
langue française qu'il propose, l'alinéa suivant :
«Sans restreindre la portée de ce qui <précède...
M. Jolin-Barrette :
...propose, l'alinéa suivant :
«Sans restreindre la portée de ce qui >précède,
le premier alinéa ne doit pas être interprété de façon à imposer à un employeur
une réorganisation déraisonnable de son entreprise.»
Commentaire. Cet amendement apporte une
précision quant à l'interprétation qui doit être faite de l'article 46.1
de la Charte de la langue française afin d'éviter qu'il soit interprété comme
imposant à l'employeur une réorganisation déraisonnable de son entreprise pour
remplir les conditions prévues au premier alinéa.
Donc, à la fin complètement, on vient
ajouter cet alinéa-là, et, comme je l'ai dit dans le micro, l'idée n'est pas de
virer boutte pour boutte l'entreprise dans le cadre du droit de gérance de l'employeur,
dans le cadre de comment il organise son entreprise, mais plutôt de dire :
Écoutez, vous passez aux critères 1°, 2°
et 3°. Et ces critères-là n'ont pas pour effet de dire,
comme je l'illustrais... on ne va pas nécessairement prendre l'homme de
maintenance ou le cuisinier pour l'envoyer aux comptes client ou aux relations
avec la clientèle. Même chose, on ne pourra pas prendre la personne aux relations
clientèle pour l'envoyer au département de comptabilité. Alors, on dit : C'est
toujours le critère de la raisonnabilité. Et on dit : Bien, il ne faut pas
que ça soit interprété d'une façon qui aurait pour effet d'imposer à un
employeur une réorganisation déraisonnable de l'entreprise.
Ça m'apparaît être un amendement pour
rassurer les employeurs et qui fait suite également aux commentaires de la députée
de Marguerite-Bourgeoys.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien,
écoutez, je salue la volonté du ministre de rassurer les employeurs. Je ne peux
pas faire un sondage immédiat sur le fait qu'ils soient ou non rassurés, mais c'est
certainement un pas dans la bonne direction pour bien comprendre. Donc, «sans
restreindre la portée de ce qui précède», c'est-à-dire qu'on garde ce qui
précède. Le premier alinéa, donc, c'est... Le premier alinéa, c'est quoi, ça,
le premier alinéa? C'est le premier paragraphe? C'est quoi?
M. Jolin-Barrette : Non,
mais, dans le fond, c'est 46.1, donc, qui inclut 1°, 2° et 3°,donc qui
commence par «un employeur», puis qui se termine à 3° par
«la langue officielle». Parce que les paragraphes 1°,
2° et 3° font partie du premier
alinéa.
Mme David : Ah! O.K., c'est
ça. Donc, c'est pour ça que c'est mis à la fin et que c'est l'ensemble de 46.1
qui ne doit pas être interprété de façon à imposer une réorganisation
déraisonnable de son entreprise. Le mot «raisonnable» revient, donc, mais de
façon... «déraisonnable». Parce que c'étaient «les moyens raisonnables», au
début, là ça va être la «réorganisation déraisonnable de son entreprise».
Autrement dit, si je suis un employeur puis que j'ai à répondre aux trois
conditions, j'ai moins à m'inquiéter, grâce à cet amendement, d'une réorganisation
complète, c'est... qui mettrait tout le monde, toute l'organisation de l'entreprise
un peu sens dessus dessous, à revoir les tâches de chacun, puis les chicanes
entre employés, puis des définitions de tâches, etc. Ça, c'est un exemple qui
pourrait sembler déraisonnable, justement. Alors, c'est... l'idée, c'est de ne
pas tout chavirer à l'envers, mais que la réorganisation, si elle est implicite,
au 46.1, doit être raisonnable et non pas déraisonnable.
• (17 h 30) •
M. Jolin-Barrette :
Exactement. Et, quand on regarde, supposons, le troisième paragraphe : «il
[...] restreint le plus possible le nombre de postes auxquels se rattachent des
tâches dont l'accomplissement nécessite la connaissance ou un niveau de
connaissance spécifique d'une autre langue que la langue officielle», si,
supposons, vous avez un volume d'affaires... Et je reviens à votre exemple, au
départ. Vous avez un volume d'affaires important et... mais vous vous retrouvez
à dire : Bien, je pourrais concentrer ça, là, en deux employés, mais ils
ne feront plus jamais aucune tâche, puis j'ai besoin qu'ils fassent d'autres
tâches. Bien là, ça serait une réorganisation déraisonnable, de dire :
Bien là, le fait qu'ils puissent juste faire ça... Puis, dans l'opérationnalisation
des choses, le fonctionnement interne de l'entreprise, ça ne fonctionnerait
plus, là. Ça créerait des gros problèmes opérationnels dans l'entreprise. Ça
serait déraisonnable.
Ce qu'on veut, c'est que l'employeur fasse
l'effort de dire : Comment je peux réorganiser le travail pour faire en
sorte d'éviter de multiplier les postes qui ont une exigence d'une langue autre
que la langue française, que la langue officielle? Donc, comment je fais pour
le réorganiser? Mais on ne veut pas que ça, ça devienne complètement
déraisonnable, de dire que ça chamboule complètement toute l'entreprise, que je
prenne les gens qui sont dans un autre département, complètement, qui n'a rien
à voir avec, supposons, le service clientèle, où c'est là que j'ai besoin de la
langue. Voyez-vous, tu sais, il faut que ça soit... il ne faut pas que ça soit
déraisonnable.
Mme David : Donc, je
comprends que, quand on va arriver au prochain article qui parle plus des
plaintes puis de tout processus, dans le cas où, justement, quelqu'un
dit : Non, mais je voulais la <job, ou : Non, j'ai... Et cet amendement...
>
17 h 30 (version révisée)
<15379
Mme David :
...cas où justement quelqu'un dit : Non, mais je voulais la >job,
ou : Non, j'ai... Et cet amendement deviendra important dans l'évaluation
qu'aura à faire le... on le voit, là, le médiateur, le... en tout cas, ça peut
avoir différentes étapes, là, enfin, ça va venir apporter un complément d'analyse
à la personne qui devra décider si c'était raisonnable, déraisonnable, qui a
raison, de l'employeur ou de l'employé, finalement.
M. Jolin-Barrette : Mais,
en fait, l'employeur va toujours devoir respecter 1°, 2°, 3°. Mais, dans l'interprétation
qui est donnée à 1°, 2°, 3°, il ne faut pas que ça soit déraisonnable
relativement à la réorganisation de l'entreprise.
Mme David : ...il devra
quand même avoir pris les moyens raisonnables pour éviter d'exiger la
connaissance, mais sans que ça implique des réorganisations déraisonnables de l'entreprise.
Alors, comme la plainte s'en vient, là, puis que c'est assez compliqué, ces
affaires-là, là... on est vraiment dans les règlements...
M. Jolin-Barrette : Vous
allez voir, c'est tout simple.
Mme David : C'est tout
simple, oui, oui, mais... en tout cas. C'est la commission, là, ça, c'est la
CNESST, j'imagine, «avec l'accord des parties, nommer une personne qui tente de
régler la plainte», puis là, bon, ça continue, là, ça finit... le Code du
travail, le TAT, puis là on va être chez les domestiques, là, je pense que j'ai
compris l'idée, là, mais... en tout cas. Donc, tout ça, c'est un élément qui va
s'ajouter et qui va permettre à la ou les personnes qui évaluent la situation d'apporter
plus d'éclaircissements sur la plainte et sur comment se gérer par rapport à
cette plainte-là. O.K.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'ai la députée de Mercier qui a une intervention à faire sur l'amendement du
ministre.
Mme Ghazal : Oui. Merci,
Mme la Présidente. J'avais une question sur l'amendement. Dans le fond, ça n'empêche
pas une réorganisation, de dire : Bien, je vais changer les gens de poste,
de département pour pouvoir m'assurer de respecter 46, là, puis ne pas être
réputé avoir commis une pratique interdite selon cet article-là. Donc, il peut
y avoir des réorganisations?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Oui, il peut...
Mme Ghazal : Et, réorganisation,
pas juste de la tâche, c'est une réorganisation, de déplacer quelqu'un d'un
département à un autre puis que c'est faisable?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Oui, c'est faisable. Il ne faut pas que ça soit déraisonnable. C'est ça, le
critère. Dans le fond, là, ce qu'on dit à l'employeur, là, c'est :
Premièrement, est-ce que c'est nécessaire? Deuxièmement, est-ce que vous avez
pris tous les moyens, là, pour éviter d'imposer une telle exigence?
Ça fait que, là, l'employeur, pour éviter
d'imposer une telle exigence, qu'est ce que ça signifie? Ça signifie, là, que
je fais l'analyse du besoin : Est-ce que j'en ai besoin, aussi? Mais je
regarde également dans mon entreprise qui est-ce que j'ai comme employés. O.K.?
Et là, oui, ça peut arriver que, dans le département... dans le service
connexe, le service d'à côté, il y ait quelqu'un qui puisse remplir ces
tâches-là.
Donc, oui, ça pourrait arriver qu'on lui
transfère ces responsabilités-là et qu'il y ait un mouvement de tâches pour
réorganiser l'entreprise pour faire en sorte d'éviter d'imposer une
multiplication de postes avec une exigence d'une langue autre que le français.
Ça, oui, il peut y avoir une réorganisation. Puis il devrait y avoir une
réorganisation, parce que le troisième critère, c'est : «il [a] restreint
le plus possible le nombre de postes auxquels se rattachent des tâches dont l'accomplissement
nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une langue
autre que [le français]». Ça veut dire : On essaie de regrouper le plus
possible sur certains postes ceux qui ont besoin de parler une autre langue que
le français.
Mais le critère, c'est qu'on ne vire pas
tout à l'envers. Si ce n'est pas logique, si c'est déraisonnable, ce que ça
demanderait de réorganisation, bien entendu, l'employeur n'a pas besoin d'y
donner suite, là, mais il faut qu'il fasse l'effort de le faire puis de
restreindre le nombre de postes.
Mais à l'impossible nul n'est tenu. Ça
arrive que, dans une organisation, dépendamment de la structure, ceux qui sont
dans les bureaux administratifs puis ceux qui sont, supposons, dans l'opérationnel,
supposons, dans la chaîne de montage, vous ne pouvez pas interchanger les gens,
là. On se comprend, là.
Mme Ghazal : Mettre à
pied un employé unilingue anglophone pour le remplacer par un... quelqu'un de
bilingue ou de francophone, là, unilingue, ça, ça serait déraisonnable? Par
exemple, on regarde ça puis on dit : Mon Dieu! J'ai beaucoup d'employés qui
ne parlent pas français, unilingues — ça existe, là, il y en a
beaucoup dans beaucoup de milieux de travail — et, pour pouvoir
respecter 46, je n'ai pas d'autre choix, <là...
Mme Ghazal :
...beaucoup dans beaucoup de milieux de travail
— et, pour
pouvoir respecter 46, je n'ai pas d'autre choix, >là, il va falloir que
je... ça, ce serait déraisonnable?
M. Jolin-Barrette : Ça,
c'est déraisonnable.
Mme Ghazal : Puis... O.K.
Par exemple, il y a beaucoup... le fait d'avoir... d'exiger le bilinguisme
parce que c'est nécessaire, une des justifications — là, ça, c'est l'amendement
que j'ai déposé — ne peut pas être parce que, dans mon entreprise,
bien, cette personne-là, que j'embauche, doit absolument travailler avec un
autre collègue qui est un travailleur étranger temporaire, par exemple, dans un
secteur recherché, là — c'est ça, le gouvernement veut embaucher des
gens temporaires même dans des secteurs recherchés — pour peut-être
un jour rester plus longtemps au Québec. Ça, ça ne peut pas être une bonne
justification, d'exiger le bilinguisme de quelqu'un sur un poste parce que son
collègue avec qui il doit travailler tous les jours est un travailleur étranger
temporaire?
M. Jolin-Barrette : Non.
Non, ce n'est pas... Non. La langue de travail, c'est le français au Québec.
Mme Ghazal : Puis le
travailleur étranger temporaire, par exemple, je sais qu'il y a une ouverture
du gouvernement, là, c'est une décision qui a été prise pour des postes en
informatique ou très, très recherchés, 100 000 $ et plus, où même on
en a réduit un peu les exigences, on a appris ça il y a plusieurs mois, on a
réduit les exigences de la connaissance du français pour attirer ces gens-là en
disant : Bien, on va essayer peut-être de les franciser au Québec. Ça,
comment est-ce que le ministre concilie cette volonté-là du gouvernement avec les
exigences ici, dans 46?
M. Jolin-Barrette :
Votre travailleur étranger temporaire, il n'y a pas de... il n'y a pas de
critère de sélection au niveau de la langue française. Le permis de travail, il
est temporaire, il est délivré par le gouvernement fédéral, il est émis par le
gouvernement fédéral.
Mme Ghazal : O.K. Mais
comment est-ce qu'on... Oui, le gouvernement fédéral, je comprends, là, c'est
le gouvernement fédéral, mais c'est quand même dans une entreprise au Québec.
Donc, lui, il arrive, il est dans un milieu de travail, et on l'a embauché
vraiment parce qu'il a une expertise. Et on est très contents de l'avoir parce
qu'on veut... le gouvernement veut des emplois à 100 000 $ et plus,
entre autres, ou... je ne me rappelle plus c'était combien, là. C'était quoi
déjà? 65 000 $? C'était quoi, déjà, les emplois? En tout cas, je me
rappelle que, pour les gens qui gagnent même dans les 100 000 $, on
veut favoriser ça, mais c'est... le travailleur étranger temporaire, il ne
parle pas français.
Comment est-ce que le ministre concilie
cette volonté-là du gouvernement avec l'article ici et les restrictions, puis l'employeur
«réputé ne pas avoir pris tous les moyens raisonnables» avec cette volonté-là?
Que fait l'employeur qui embauche des travailleurs étrangers temporaires, que
le gouvernement veut avoir et qui sont dans ces entreprises au Québec, pour que
ça se passe en français?
• (17 h 40) •
M. Jolin-Barrette :
Bien, premièrement, ce n'est pas le gouvernement, c'est les employeurs qui
souhaitent avoir des employés. L'employeur, là, il a l'obligation de s'assurer
que la langue de travail est le français. Il doit accompagner les employés pour
qu'ils aient une maîtrise suffisante pour ne pas mener à une anglicisation des
milieux de travail, quelle que soit la taille de l'entreprise. Donc, c'est la
responsabilité de l'employeur que la langue de travail, ça soit le français.
Puis là, quand... vous allez voir, on va
étendre la loi 101 aux entreprises de 25 à 49, et donc, à ce moment-là, la
charte va s'appliquer avec la procédure de francisation également.
Mme Ghazal :
Excusez-moi, j'ai juste manqué, avec la charte de la... le processus de
francisation.
M. Jolin-Barrette : On
étend aux entreprises de 25-49 avec le processus de francisation, mais l'employeur,
lui, en vertu de la charte, doit s'assurer que le milieu de travail est en
français. Donc, il doit prendre les moyens pour franciser la personne qui est
un travailleur étranger.
Mme Ghazal : Le
travailleur étranger.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Il ne peut pas dire : Je vais embaucher quelqu'un parce que j'ai un employé
qui ne parle pas français, là. Je vais exiger la connaissance d'une langue
autre que le français pour le poste parce que j'ai un travailleur qui ne parle
pas français, là. C'est le contraire qu'il faut qu'il fasse.
Mme Ghazal : Mais
comment ça va se passer dans les entreprises dans les six premiers mois,
admettons? Comment ça va se passer? Les gens, ils vont être obligés de parler
en bilingue, là.
M. Jolin-Barrette :
Bien, l'employeur... Non, mais la langue de travail dans les entreprises, c'est
le français. C'est ça qu'on fait, là. Les six premiers mois, c'est l'État, ce n'est
pas les entreprises.
Mme Ghazal : Oui, je
sais, mais je faisais une blague, dans le sens qu'en pensant que, le
travailleur étranger, on va le franciser puis que ça va prendre six mois pour
qu'il apprenne le français.
M. Jolin-Barrette : Oui,
mais il y a Francisation Québec qui va être là en entreprise, notamment. Puis l'objectif,
c'est d'amener tout le monde vers le français.
Mme Ghazal : Mais ça,
ça, je le comprends, mais je ne le conçois pas, comment ça va pouvoir se passer
dans le monde du travail. C'est-à-dire qu'on va donner des...
M. Jolin-Barrette :
Bien, parce que le critère, là, dans le fond, là, sur 46, 46.1, c'est à l'embauche.
Dans le fond, là, c'est : Est-ce que c'est <nécessaire...
M. Jolin-Barrette :
...dans le fond, là, sur 46, 46.1, c'est à l'embauche. Dans le fond, là,
c'est : Est-ce que c'est >nécessaire que la personne ait une
maîtrise d'une langue autre que le français? On n'empêche pas l'employeur d'avoir
des employés bilingues, là, ça, c'est permis, mais il faut qu'il fasse son
analyse de la situation linguistique.
Mme Ghazal : Mais
peut-être que, dans son analyse, il peut dire : J'ai beaucoup de
travailleurs étrangers, ils n'ont pas encore... Ils vont l'apprendre, là, dans
un an, là, ils vont l'apprendre, le français, mais ce n'est pas encore le cas.
Ça fait que, pendant cette période-là, ça va se passer en anglais.
M. Jolin-Barrette :
Bien, pas nécessairement. L'employeur peut très bien avoir, à son service, déjà
un employé qui peut faire la passerelle linguistique avec les autres employés.
Ce n'est pas parce que vous avez un employé qui ne parle pas français que, tous
les autres employés, vous allez exiger un affichage de poste avec la
connaissance d'une langue autre que le français, là.
Mme Ghazal : Donc, on va
exiger qu'au moins un employé soit capable de faire la passerelle, donc l'interprète.
C'est ça que je comprends.
M. Jolin-Barrette :
Bien, ça, c'est...
Mme Ghazal : Donc, on
exige quelqu'un qui parle aussi l'anglais parce que j'ai un employé, j'ai des
employés qui parlent anglais.
M. Jolin-Barrette : Non,
c'est l'employeur qui organise son entreprise. Il organise ça de la façon dont
il veut. C'est son entreprise, il est souverain dans son entreprise. L'État ne
va pas dans son entreprise pour lui dire comment organiser ça. Ses obligations,
à l'employeur, sont très claires, là. C'est... La langue de travail, c'est le
français. Avant d'exiger la connaissance d'une langue autre que le français,
vous avez le critère de 46, 46.1.
Mme Ghazal : Quand on
dit : «il avait évalué les besoins», là, je sais qu'on est sur l'amendement,
là, mais quand même, parce que, là, ce n'est pas... Parce qu'on parle de
réorganisation déraisonnable. Mais, «il avait évalué les besoins linguistiques
réels associés aux tâches à accomplir», les besoins linguistiques en lien avec
avec la mission de l'entreprise et non pas en lien avec la situation
linguistique à l'intérieur de l'entreprise, dans le sens que... Parce que ça
peut être...
Parce que, par exemple, moi, je suis un
employeur, puis là je fais l'évaluation, puis là je me dis : Oh! il y a
telles, telles, telles personnes qui sont unilingues francophones, je veux
dire, ces gens-là existent, ils gagnent leur vie au Québec, donc ils existent.
Donc, ils gagnent leur vie, ils travaillent dans une place, à un endroit où cet
article-là va s'appliquer. Donc... Et là il regarde puis il dit : Ils sont
unilingues anglais... anglophones. Là, j'ai le projet de loi n° 96 qui est
adopté, comment je fais pour m'y conformer, en attendant que ces gens-là
apprennent le français, là? Puis là il évalue les besoins linguistiques puis il
dit : J'ai besoin... Par exemple, j'embauche quelqu'un. Bien, j'ai besoin
que cette personne-là qui va travailler avec ces gens-là qui sont tous
unilingues, j'en ai besoin. Je sais que ça n'en fait pas partie, mais c'est... Moi,
quand je le lis, l'employeur peut dire : Bien, mon besoin linguistique
est que la personne que j'embauche parle l'anglais pour qu'elle puisse
fonctionner avec les autres qui ont déjà été embauchés avant le projet de loi,
admettons.
M. Jolin-Barrette : Oui,
mais c'est associé aux tâches. L'exigence linguistique, elle est associée aux
tâches. Et l'employeur a l'obligation de franciser le milieu de travail. La
langue du travail, c'est le français au Québec. Donc, ils sont dans le
processus de francisation.
Mme Ghazal : Oui, mais
une tâche, ce n'est pas juste une tâche, j'écris quelque chose ou je communique
avec des gens, ce n'est pas juste ça. Ça peut être : Je fais une tempête
de cerveaux pour trouver... un brainstorming, là, comme on dit, donc, pour
trouver une idée, et... bien, ça, ça prend... il faut que les gens... ça prend...
L'outil, là, pour faire une tempête de cerveaux, c'est la langue. Donc, ça
va... il faut que les gens, tout le monde comprenne. C'est une tâche qui
nécessite, à cause de mes employés qui sont unilingues anglophones... qui ont
été embauchés par un programme, là, quelconque, parce qu'on veut attirer de la
main-d'oeuvre qualifiée qui a des connaissances. On va les chercher partout à
travers le monde. Ils parlent juste anglais, plus leur langue maternelle,
admettons, puis là, le temps qu'ils apprennent le français puis qu'ils soient
capables de faire des tempêtes de cerveaux en français, ça va prendre du temps.
Donc, les autres personnes, j'ai besoin d'une
autre personne dans cette équipe-là, j'en ai vraiment besoin pour faire le
travail. Bien, pour qu'elle puisse fonctionner puis faire la tâche de
travailler avec ces gens-là qui sont des gens qui vont arriver avec des idées
novatrices, hein, on parle beaucoup d'innovation, bien, il faut que ça se passe
en anglais.
C'est très... Je pose des questions
concrètes, parce que... Ça, c'est comme la théorie, puis c'est écrit dans la
loi, puis je suis d'accord avec ça. Mais comment on fait, vu que la tendance
est d'embaucher des gens de l'externe de plus en plus, d'aller les chercher
comme main-d'œuvre ici? Il y a des gens qui vont... par exemple, qui vont
travailler dans les CHSLD ou autres, ou infirmières dans un système de santé,
mais il y a d'autres, aussi, emplois où on veut faciliter leur entrée, quitte à
ne pas regarder trop le français, en disant : Bien, on ne va le regarder à
l'entrée parce qu'on veut tellement faire de l'innovation dans nos <entreprises...
Mme Ghazal :
...regarder à l'entrée parce qu'on veut tellement faire de l'innovation dans
nos >entreprises, donc, on les amène, on n'est pas regardant, en disant :
Bien, Francisation Québec. Mais, en attendant qu'ils l'apprennent, qu'est-ce qu'on
fait? Comment l'employeur peut se conformer à 46.1 dans la vraie vie, réelle,
en 2022, au Québec, dans nos entreprises actuelles?
M. Jolin-Barrette :
Bien, deux éléments. Premièrement, votre tempête de cerveaux, en français, c'est
plus... le terme approprié, on me dit que c'est remue-méninges.
Mme Ghazal : Oui, c'est
vrai. Oui, c'est comme un anglicisme de dire une tempête de cerveaux. Mais je l'aime,
moi. C'est ce qu'on fait ici souvent.
M. Jolin-Barrette : Oui,
oui. Je peux vous dire qu'à la fin de la journée notre cerveau est en jello.
Bon, 46 puis 46.1, c'est au niveau... à l'embauche,
promotion, mutation. Puis là ça s'inscrit également dans les droits
fondamentaux, le droit de travailler en français. Au Québec, vous avez le droit
de travailler en français. Bien, dans le fond, ce n'est pas à l'employé, parce
qu'il y a un collègue qui ne parle pas la langue officielle, de lui parler une
autre langue que la langue officielle, là. Le travailleur québécois a le droit
de travailler en français. Puis surtout, après l'adoption du projet de loi n° 96,
toutes les entreprises en haut de 25 employés y seront assujetties, à la
procédure de francisation, et ça, ça signifie la généralisation de l'utilisation
du français dans l'entreprise. Ça veut dire que l'employeur, il est obligé de
mettre en place les moyens pour faire en sorte que ça se passe en français.
Puis là l'OQLF est là pour accompagner, avec les outils, et tout ça. Puis, si
le processus de francisation n'est pas suivi, bien là l'OQLF a les moyens pour
dire : Écoutez, là, vous êtes en dehors du processus de francisation, vous
allez vous retrouver en infraction.
Mme Ghazal : Mais est-ce
que le ministre a une inquiétude comme moi, j'ai, moi, j'ai cette inquiétude-là,
que, malgré les bonnes intentions puis ce qu'il est écrit dans la loi, ça, à
cause de notre politique d'immigration, puis ce qu'on recherche, puis la façon
qu'on fait les choses, là, que ce ne soit pas vraiment respecté sur le plancher
des vaches?
M. Jolin-Barrette :
Bien, je vous dirais, au contraire, parce que le projet loi n° 96,
là, c'est vraiment le signal de dire : Écoutez, là, au Québec, là, ça se
passe en français, on intègre les personnes immigrantes en français. Vous
voulez venir au Québec? Ça ne se passera pas en anglais, ça va se passer en
français.
Puis trop longtemps ça n'a pas été fait.
Trop longtemps, ça a été : C'est le Canada. Non, non, non, ce n'est pas le
Canada, là, ici, là, ce n'est pas le Canada. Ici, c'est le Québec.
Mme Ghazal : Oui, dans l'imaginaire
du ministre, oui, peut-être. Encore une fois, dans la vraie vie, malgré les
souhaits puis les rêves du ministre, ce n'est pas encore le cas. C'est le
Canada.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends, factuellement puis juridiquement. Je comprends que la députée de
Mercier, Mme la Présidente, me dirait : Pour l'instant, c'est encore le
Canada.
Mme Ghazal : C'est ça que
j'ai dit.
• (17 h 50) •
M. Jolin-Barrette : O.K.
Pour l'instant. Donc, dans les champs de compétence du Québec, on est
souverains. O.K.? Puis moi, je défends les champs de compétence du Québec.
Alors, la langue française, c'est la
langue du travail. Et le message est très, très clair, là. Nous, depuis qu'on
est là, on le dit : Au Québec, ça se passe en français. Puis on n'est pas
tributaires des gens qui choisissent de venir au Québec. Nous, on le dit dès le
départ, c'est en français que ça se passe. Et l'entreprise, elle, se doit...
Puis là on donne des outils également à l'OQLF, dans le cadre du projet de loi
n° 96, justement, pour agir. Il y a déjà de l'accompagnement, mais là on
donne à l'OQLF le mandat de veiller au respect de la loi, sans attendre
nécessairement le dépôt d'une plainte également.
Alors, l'OQLF est là pour accompagner les
employeurs, mais il faut faire en sorte, vraiment, d'envoyer un signal clair,
puis c'est ce qu'on fait. Il y a le comité de francisation, il y a la procédure
de francisation, puis l'enjeu, c'est qu'on a laissé ça se dégrader.
Votre illustration, là, que vous dites,
là, c'est symptomatique du résultat, notamment sur l'île de Montréal, où il y a
plus de 60 % des entreprises qui exigeaient la connaissance d'une autre
langue que le français. Ça fait que c'est pour ça qu'on agit spécifiquement
là-dessus. Puis là on dit : Écoutez, en vertu de 46, 46.1, voici les
critères qui font en sorte que l'employeur, avant d'exiger une autre langue que
le français, vous avez votre critère de nécessité, puis d'éviter... de prendre
les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence.
Mme Ghazal : Mais j'essaie
de retrouver, parce qu'on... vous parlez beaucoup... le ministre parle beaucoup
du fédéral, mais il y a aussi des critères, là, pour attirer des immigrants...
pas des immigrants, là, mais des travailleurs étrangers très <qualifiés...
Mme Ghazal :
...pour attirer des immigrants... pas des immigrants, là, mais des travailleurs
étrangers très >qualifiés avec des... s'ils ont un emploi de plus de...
j'essaie de le retrouver, là, s'ils ont un emploi de plus de 100 000 $,
bien là on est moins regardants sur le côté de la langue, sur le français. Et
ça, c'est le Québec, c'est une décision du Québec spécifiquement pour les
travailleurs... parce qu'on veut attirer des gens avec des hauts salaires. C'est
le souhait du premier ministre, il l'a exprimé à plusieurs reprises. Et, dans
certains types d'emplois, bien, on va moins regarder le français. Donc, ça, ce
n'est pas le fédéral.
J'essaie de le retrouver, là. Je sais que
je vais le trouver. Peut-être qu'il y a eu un changement ou une mise à jour de
cette volonté-là. Je vais le retrouver, là. Je me rappelle que j'avais même
commenté ça. Puis, d'ailleurs, vu que... Là, je vais le retrouver, là. C'est
difficile, comme ça, en même temps que je suis en train de parler.
En même temps, j'avais demandé, la semaine
passée, si c'était possible d'avoir une mise à jour sur la directive qui a été
donnée aux... sur les interprètes du ministère de la Santé et Services sociaux
du mois de juin 2021. Est-ce que... Qu'est-ce qu'il se passe avec ça, oui?
M. Jolin-Barrette : On
me dit que ça va venir plus tard. On n'a pas l'information.
Mme Ghazal : O.K. Il ne
faut pas que j'oublie, hein?
M. Jolin-Barrette : Oui,
mais c'est parce que ça, ça relève de Santé, ça ne relève pas de nous.
Mme Ghazal : O.K. Mais
c'est... Mais ça... je veux dire, là on est dans le travail, là, la langue du
travail, mais, quand on regardait l'exemplarité de l'État, c'était très, très
important d'avoir cette information-là, même si c'est Santé.
Donc, est-ce que ce que le ministre...
Attendez. Oui, je l'ai. Donc, je l'ai ici : «Le premier ministre prêt à
élargir le programme de...» Non, ce n'est pas celui-là. Excusez-moi. Je vais le
retrouver. Je ne sais pas si mes collègues veulent intervenir en attendant que
je le trouve. Parce que moi, j'ai vraiment une inquiétude entre ce qui est
écrit, avec lequel je suis d'accord, je suis d'accord qu'il ne faut pas qu'il y
ait une réorganisation déraisonnable aussi, je suis d'accord avec l'amendement,
mais, dans la vraie vie, il y a... ça rentre, cette volonté-là du gouvernement que
ça se passe en français, en contradiction avec d'autres choix qui sont faits
sur le type de travailleurs étrangers qu'on veut avoir, temporaires. Mais ces
gens-là travaillaient dans des entreprises québécoises où il y a des gens, des
Québécois qui auront aussi le droit de travailler en français.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée de Mercier, si vous voulez, par contre, le temps que vous
trouvez vos choses, on peut quand même mettre aux voix.
Mme Ghazal : Continuer.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je suggère, on pourrait voter l'amendement. Puis on peut revenir sur 36, là,
parce qu'on n'a pas commencé la discussion sur 36.
Mme Ghazal : Oui. Parfait.
La Présidente (Mme Thériault) :
On est encore à l'amendement du ministre.
Mme Ghazal : Je suis d'accord.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, puisque vous sembliez être en accord, vous avez quelque chose que vous
voulez vérifier...
M. Jolin-Barrette :
...on était rendu à la fin.
La Présidente (Mme Thériault) :
Est-ce qu'on avait terminé 36?
Une voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Non. On a fait des amendements. Je m'excuse, mais le temps qu'on a fait, c'était
sur l'amendement qui a été déposé par la députée de Marguerite-Bourgeoys.
M. Jolin-Barrette : Je
pensais qu'on avait fini, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, dans 36, il n'y a pas eu de discussion. Elle est passée directement à l'amendement.
Et la députée de Mercier a fait pareil, elles sont passées directement aux
amendements.
M. Jolin-Barrette : Mes
excuses, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et vous aussi, M. le ministre, presque.
M. Jolin-Barrette : Je
pensais qu'on avançait.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, moi, c'est juste dans le but de faciliter les choses. Là, on pourrait
passer au vote l'amendement, puis après ça, bien, vous pourrez continuer la
discussion sur le 36. Donc, à ce moment-là, vous pourrez chercher l'information
que vous avez besoin, Mme la députée de Mercier. Ça vous va? Donc, est-ce qu'on...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
L'amendement du ministre. Est-ce que l'amendement du ministre est adopté?
M. Jolin-Barrette :
Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. Parfait. Donc, nous revenons maintenant sur l'article 36.
Une voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vais juste attendre que votre micro s'ouvre, Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys. Je vais demander de répéter.
Mme David : Bien,
écoutez, je pense qu'on a beaucoup discuté de l'article. Alors, je n'ai, pour l'instant,
rien à ajouter.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous l'avez fait avec l'amendement. Parfait. M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Question
de précision, surtout à l'aube de l'amendement : Y a-t-il un élément
temporel? Est-ce que tout ça se déclenche lors d'une embauchement d'un employé
ou y a-t-il une exigence de rétroaction? Disons que telle compagnie embauche
quelqu'un avec une exigence d'une capacité dans une deuxième langue. Je
comprends, pour cette position-là, il y aurait ces trois conditions à combler
avant que ça soit validé, cette <exigence...
M. Birnbaum :
...pour cette position-là, il y aurait ces trois conditions à combler avant que
ça soit validé, cette >exigence. Mais là je regarde l'amendement, qui
suggère que tout ça ne devrait pas imposer une réorganisation déraisonnable,
qui parle de l'ensemble de l'affaire. Y a-t-il, dans 36, une notion de
rétroaction, c'est-à-dire de réévaluer l'ensemble des postes déjà embauchés ou
de regarder, en quelque part, le caractère, la qualité de l'entreprise par le
prisme d'un seul poste qui viendrait de s'ouvrir ou... Comment ça se situe dans
l'ensemble de l'organisation d'un département de ressources humaines
quelconque?
M. Jolin-Barrette : Dans
le fond, l'article rentre en vigueur à la date de sa sanction, et il n'y a pas
de rétroactivité de l'article. Donc, ça sera pour un nouvel affichage de poste,
un nouvel emploi, une nouvelle mutation ou une nouvelle promotion. Donc, dans
le fond, à la date de la sanction, là, il n'y a rien qui change, c'est la
situation actuelle. Si vous ouvrez un poste après la date de la sanction, là,
46, 46.1 s'appliquent. Si vous affichez un poste pour une promotion, ça s'applique,
ou une mutation, ça s'applique, mais pas par rapport à ce qui avait été exigé
avant. C'est comme... Ça démarre à la date de la sanction.
M. Birnbaum : O.K.
Merci. Maintenant, compte tenu qu'on est en discussion de l'article tel
qu'amendé, en quelque part, l'amendement fait allusion, Mme la Présidente, à l'ensemble
de l'organisation. Une autre fois, je me permets de parler d'une situation où
il y a un poste qui vient d'ouvrir, qui est assujetti à 36. En quoi il y a une
rassurance quelconque pour l'employeur, le fait qu'il n'a pas besoin de
chambarder l'opération au complet, si on parle d'un seul poste? Est-ce qu'on
peut imaginer une situation où cet amendement aurait un effet de mitiger, un
petit peu, les exigences de 46.1? Qui est, en quelque part, le but de cette
assurance-là, de dire : Il y a des limites, évidemment, et il faut que ça
soit respecté, ces trois alinéas, mais ça peut être respecté sans chambarder
tout ce que vous faites, là. Comment ça peut avoir un impact réel en termes de,
bon, rassurance pour un tel employeur? C'est ça que j'essaie de comprendre.
• (18 heures) •
M. Jolin-Barrette :
Bien, dans le fond, à la date de la sanction, vous ouvrez un poste. L'employeur
regarde... Supposons, il veut afficher un poste avec la nécessité. Lui, il dit :
Je veux exiger une autre langue que le français. Il va passer à travers ces
critères : Est-ce que c'est nécessaire? Est-ce qu'il a pris les moyens
raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence? Critères 1, 2, 3. L'amendement
vient dire : Bien, écoutez, quand vous allez essayer de restreindre,
supposons, le nombre de postes qui exigent cette connaissance d'une langue
autre que le français, bien, vous aurez, comme j'ai répondu à la députée de
Mercier... vous allez pouvoir réorganiser les services. Puis il y a peut-être
des employés qui vont bouger, mais il ne faut pas que ça soit une
réorganisation qui soit déraisonnable pour l'entreprise, qui ne soit pas
raisonnable.
M. Birnbaum : Si je
peux, Mmes les Présidentes ou Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Allez-y, M. le député.
M. Birnbaum : Oui,
merci. Le Conseil québécois du commerce et de... de détail a énoncé ses
préoccupations en ce qui a trait à 46.1. Bon, c'est trop tôt pour savoir
comment il... s'il se sentirait soulagé, en quelque part, par l'amendement, mais
je me permets de noter leurs... quelques-unes de leurs préoccupations et... «Le
CQCD — je cite leur mémoire — estime que le projet de loi
va trop loin dans ses nouvelles exigences. Il considère que cette nouvelle
disposition aurait comme effet d'imposer un trop lourd fardeau pour les
détaillants, tant au niveau administratif que financier.» Bon, je conviens, on
a discuté de ces éléments un petit peu, mais il continue, en quelque part, en
tendant la main, en cherchant de l'aide. Il note : «Toutefois, nous
souhaitons faire valoir l'importance et recommander au gouvernement de
réévaluer son approche [à manière...] de manière à privilégier une solution qui
<soit...
>
18 h (version révisée)
<15371
M. Birnbaum :
...qui >soit plus simple et raisonnable. Il fournit aux entreprises un
encadrement facilitateur qui fixe les objectifs et non la manière dont les
entreprises doivent s'y prendre pour les atteindre.» Et il recommande, en plus :
«Prendre en compte la réalité du marché et le fait que nos entreprises doivent
demeurer concurrentielles sur le marché du travail.» Donc, il y a une
reconnaissance, en quelque part, du besoin d'agir, mais ils demandent d'être
accompagnés en quelque part.
Est-ce que le ministre prévoit, en
reconnaissant qu'il y a des changements de proposés ici qui ont un impact, qui
risquent d'avoir un impact, Mme la Présidente, pratique et réel? Est-ce qu'on
imagine, bon, par règlement, ou par politique, ou par la désignation de quelques
ressources, accompagner les entreprises afin qu'elles soient... elles se
perfectionnent dans l'implantation de ces exigences-là, qu'elles réconcilient
ça avec leur façon actuelle de faire? Y a-t-il... Est-ce que le ministre
prévoit, comme je dis, un genre de, bon, régime, c'est un grand mot, mais...
quelque accompagnement, que ce soit concret, aux entreprises afin qu'elles
respectent, bon, l'article, tel que proposé, une fois que ça soit adopté, si c'est
le cas?
M. Jolin-Barrette : Bien,
les entreprises vont demeurer compétitives. Il n'y a pas d'enjeu là-dessus, là.
Puis, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, il n'y a pas de dogmatisme
associé à ça, là. Ce n'est pas interdit d'exiger une autre langue que le
français, là. On vient baliser l'exigence d'une autre langue que le français
parce que, notamment, à Montréal, actuellement, on constate avec les données
statistiques qu'il y a un enjeu. Ce n'est pas vrai que ça nécessite, dans 63 %
des cas, une exigence autre que la langue officielle pour être embauché. Alors,
il y aura les critères, l'analyse est faite par l'employeur, puis là on vient
dire clairement qu'il faut que ça soit nécessaire mais, deuxièmement, que vous
prenez les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence basée
sur les trois critères. Ce n'est pas plus compliqué que ça, là. Ça n'enlèvera
aucune compétitivité aux entreprises.
Et même, le fait d'avoir un environnement
de langue française, au contraire, c'est un atout, c'est un avantage dans le monde
dans lequel nous vivons, et je pense que ça fait partie du particularisme du
Québec. Et, justement, le Conseil du patronat le disait : Le fait d'avoir
la langue française, c'est un atout indéniable dans le marché international. On
peut aller à des endroits que les Américains ne vont pas, que le Canada anglais
ne va pas. Alors, il faut miser, notamment, sur nos forces aussi. Et il n'y a
rien qui nous empêche d'exporter à l'étranger en espagnol, en mandarin, en
anglais, en portugais, tout est disponible. Mais ce n'est pas vrai, parce que c'est
plus facile d'exiger une autre langue que le français, qu'on doit le faire en
se fermant les yeux. Tout le monde a une responsabilité par rapport à la langue
française, le patronat également.
M. Birnbaum : Si je
peux, je crois que le CQCD est totalement d'accord que le français ne soit pas
vu comme un fardeau, voyons donc, mais comme un atout et comme un aspect
concurrentiel positif à faire connaître et rayonner sur... entendu. Ma question
était de... au nom du conseil, qui suggérait, contrairement au ministre, que,
non, ce n'est pas si facile que ça, que ça risque d'être compliqué, le conseil
demande, il me semble que les chambres de commerce l'ont demandé, d'autres ont
demandé s'ils risquent d'être accompagnés en implantant, dans leur devoir
éventuel, de respecter les exigences telles que proposées par le ministre.
Alors, ma question est simple : Est-ce qu'on prévoit un mécanisme
quelconque pour épauler les entreprises dans l'implantation d'un éventuel
article 46.1?
M. Jolin-Barrette : En
fait, en fait, je peux rassurer le député de D'Arcy-McGee, rassurer également
les gens qui nous écoutent. Ce n'est pas difficile, là, on vient clarifier les
choses, on vient rassurer les choses. Au contraire, là, c'est une ligne
directrice qui est donnée, c'est des critères à respecter, puis les critères
sont très, très clairs. Puis les entreprises vont tirer avantage du fait qu'il
y a un plus grand nombre de personnes à leur emploi qui sont en mesure d'utiliser
le français dans l'exercice de leurs fonctions, que c'est la langue du travail.
Donc, on vient vraiment franciser l'ensemble du marché du travail québécois.
La Présidente
(Mme Guillemette) :
<Ça va, M. le député? Merci. Donc, nous
sommes prêts à voter. Oui, Mme la députée de Mercier. ...
M. Jolin-Barrette :
...Donc on vient vraiment franciser l'ensemble du marché du travail québécois.
La Présidente
(Mme Guillemette) :
>Ça va, M. le député? Merci.
Donc, nous sommes prêts à voter. Oui, Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme
la Présidente. J'ai finalement retrouvé l'information que je cherchais. En
fait, c'est un projet pilote qui va durer pendant... qui va durer cinq ans
et qui... Donc, je vais juste le lire, là. Québec... puis ça, c'est un article
qui date du 16 décembre 2020, là, puis j'ai retrouvé le règlement. «Québec
a lancé un projet pilote d'immigration économique avec un volet réservé aux
non-francophones travaillant dans l'intelligence artificielle, avec un salaire
à six chiffres», et donc, ça, c'est en 2020, et c'est cinq ans. Mais en tout
cas, le temps que... C'était en décembre, donc jusqu'en 2026, et il va y avoir
quelques centaines de personnes qui vont travailler dans l'intelligence
artificielle et à qui on ne demande pas du tout une connaissance du français.
Ça a été initié, d'ailleurs, par le ministre lorsqu'il était ministre de l'Immigration,
continué par sa collègue ministre de l'Immigration actuelle. Et je voulais
savoir comment est-ce que, oui, comment est-ce que ça, ça peut... En fait, moi,
je vois que ça peut entrer en contradiction, ce genre de projet pilote, qui,
probablement, si ça marche avec les entreprises en intelligence artificielle...
aiment ça, en fait, vont le continuer, puis ça entre en contradiction avec l'article,
là, qu'on est en train de voter dans le projet de loi n° 96.
M. Jolin-Barrette :
Oui. Alors, bien, écoutez, je le constate, c'est un programme pilote pour
attirer des talents, notamment, puis il faut voir combien de personnes ont
soumis leur candidature. Mais ça ne change rien sur la langue de travail, là.
Donc, dans le fond, là, à jour 1 que les gens viennent ici, ça se
passe en français, puis ils doivent avoir une maîtrise suffisante de la langue
française pour ne pas amener une anglicisation des milieux de travail. Les
droits fondamentaux des Québécois et des Québécoises demeurent ainsi, et c'est
à ces personnes-là qui choisissent le Québec d'embarquer dans la roue, comme on
dit, et de se franciser. Et les cours, d'ailleurs, par rapport à ces
personnes-là, sont offerts gratuitement. C'est moi, d'ailleurs, qui ai étendu
les cours de francisation aux personnes en situation temporaire, puis ils vont
travailler dans une entreprise, puis l'entreprise est obligée d'amener la
généralisation du français dans l'entreprise.
Mme Ghazal : Et ça, c'est
l'employeur qui paye pour ces cours de français.
M. Jolin-Barrette : Bien,
c'est l'employeur qui peut le faire, peut payer pour des cours de français
directement en entreprise.
Mme Ghazal : Ah! c'est
parce vous dites que c'est gratuit.
M. Jolin-Barrette : Bien,
c'est gratuit...
Mme Ghazal : Mais à l'extérieur.
M. Jolin-Barrette : Bien,
c'est offert...
Mme Ghazal : ...
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bien, en fait, actuellement par le ministère de l'Immigration, malgré que le
ministère du Travail donne des subventions, notamment pour la francisation en
entreprise, mais, avec Francisation Québec, on va aller directement en
entreprise également.
Mme Ghazal : Puis,
est-ce que c'est possible? Bien, je ne sais pas si c'est le ministre qui peut
me répondre, là, ce qui est sécurisé, c'est qu'au total 274 places sont
réservées à des candidats qui n'ont aucune obligation de connaître la langue
française. Donc, est-ce que ces gens là, depuis le temps, ça a été comblé? C'est
vraiment 260... C'est ce qui a été ouvert. Est-ce que, maintenant, c'est
comblé?
M. Jolin-Barrette : En
fait, je doute que ça ait été comblé. Faudrait que je voie les chiffres, là. Je
vous dis ça comme ça, là, mais, avec la pandémie, il n'y a pas beaucoup de gens
qui sont venus au Québec. Alors, il faudrait demander désormais au ministre de
l'Immigration.
• (18 h 10) •
Mme Ghazal : Mais, j'imagine,
parce que je parle aussi au gouvernement, là, de la CAQ, c'est le même
gouvernement. Donc, à cause de la pandémie, ça a été retardé, donc, jusqu'en
2000... tu sais, c'est jusqu'en 2026, peut-être qu'on va le prolonger,
justement, à cause de la pandémie, ce programme-là, on va finir par le combler.
Ça va être peut-être une réussite. Les employeurs vont aimer ça. On va l'étendre,
on va augmenter parce qu'on est en pénurie de main-d'œuvre. Donc, c'est un
risque réel, mais, maintenant, comment ça va se passer à l'extérieur des
entreprises? Et ça, on l'exige pour les employés qui gagnent, à Montréal,
100 000 $... les candidats qui gagnent 100 000 $ et plus.
Et, s'ils viennent travailler dans des entreprises d'intelligence artificielle
ou de technologies de l'information, 75 000 $ et plus, on ne leur dit
pas : pas besoin de savoir... vous n'avez aucune note là, aucun critère
par rapport à votre connaissance du français, ce qu'on ne fait pas pour le même
projet pilote pour des préposés aux bénéficiaires. Eux autres, il faut qu'ils
aient une connaissance du français. Donc, à cause du salaire, on fait une
exemption à la langue.
Maintenant, moi, ce qui m'inquiète, c'est
que, quand ces gens-là arrivent dans ces entreprises-là, on sait comment ça se
passe, les autres employés autour, l'employeur pourrait dire : Bien là, d'un
côté, le gouvernement m'incite à embaucher des gens qui ne parlent pas français
à cause de leurs compétences, de leur expertise et, de l'autre côté, on me dit
qu'il faut que <j'évalue mes besoins linguistiques, il faut que je
m'assure de restreindre le plus possible le nombre de postes...
Mme Ghazal :
...et de l'autre côté, on me dit qu'il faut que >j'évalue mes besoins
linguistiques, il faut que je m'assure de restreindre le plus possible le
nombre de postes qui se rattachent à des tâches dont l'accomplissement
nécessite une autre langue. Et là ça fait qu'il y a comme une contradiction,
là, pour l'employeur. D'un côté, on lui permet d'embaucher des gens qui ne
parlent pas le français, de les favoriser, ils viennent de l'étranger. Et, de l'autre,
est-ce qu'il pourrait dire, par exemple : Bien, moi, le fait que j'aie ces
travailleurs là, puis là ces exigences-là font en sorte que les changements que
je dois faire vont être déraisonnables, donc je peux être exempté de respecter
46.1? C'est possible. Moi, c'est une inquiétude que j'ai.
M. Jolin-Barrette : Non,
ce n'est pas possible d'être exempté de respecter 46, 46.1, ça s'applique à
tout le monde. Par ailleurs, le programme auquel vous faites référence, ça ne
veut pas dire que les candidats ne seront pas francophones non plus, là. Dans
le fond, ce que vous faites référence, c'est qu'il n'y a pas d'exigence
éliminatoire à un niveau 7 de Français. Ça, je le conçois. C'est pour un
nombre illimité de candidats, mais je vais quand même porter vos propos au
ministre l'Immigration et le sensibiliser à ça, mais je comprends que le
programme a été édicté par la ministre des Relations internationales à l'époque
où elle était ministre de l'Immigration. Alors...
Mme Ghazal : Oui, c'est
vrai, j'avais dit la ministre actuelle, mais c'était... O.K.
M. Jolin-Barrette : Mais
j'en prends note. Mais non, ça ne change pas 46, 46.1. Le milieu de travail doit
être francophone. Puis il y en a, des gens, là, qui ne parlent pas français,
qui travaillent au Québec, puis c'est normal, mais on les amène à se franciser.
Mme Ghazal : Mais, quand
tu es un travailleur étranger puis tu n'es pas sûr que tu vas rester, puis que
tu viens parce qu'il y a un programme spécial, c'est quoi, l'incitatif de
parler français et de l'apprendre, même si c'est gratuit?
M. Jolin-Barrette : C'est
quoi, l'incitatif?
Mme Ghazal : Oui, pour
ces gens-là, qui sont... C'est des gens temporaires, là, ils ne viennent pas
nécessairement pour immigrer. Ils viennent travailler.
M. Jolin-Barrette : Bien
non, mais, lorsque vous venez comme immigrant en situation temporaire, là, vous
avez un intérêt, notamment, à apprendre le français, parce que, si vous voulez
devenir permanent, notamment par le PEQ, il y a des exigences de connaissance
du français.
Mme Ghazal : Mais si vous
ne voulez pas? Si vous ne voulez pas?
M. Jolin-Barrette :
Bien, pourquoi vous ne voudriez pas? C'est tellement magnifique, le Québec.
Mme Ghazal : Parce que,
oui, moi, ça, je suis d'accord. Moi, je ne les comprends pas, là. Mais eux, ce
qu'ils disent, ces gens-là qui ne veulent pas rester...
M. Jolin-Barrette : Mais
qui ça?
Mme Ghazal : Parce qu'il
fait très froid, il y en a qui ne sont pas capables de supporter ça. Puis ils
disent : On veut venir acquérir une expérience, on aime ça, il y a un
programme, tiens, je vais y aller, je vais tenter ma chance. Mais, après ça,
ils décident de quitter. Quel incitatif à apprendre le français les soirs et
les fins de semaine si, par exemple, leur employeur ne l'offre pas, même si c'est
gratuit, au lieu de profiter de notre belle vie et des sports d'hiver, pour
peut-être essayer d'aimer le bel hiver au Québec?
M. Jolin-Barrette : Oui,
mais là il ne neige pas 12 mois par année, là, à Montréal, là. Non, mais
ce que je veux dire, c'est qu'un coup que vous avez passé un hiver, là, vous y
prenez goût, là. Puis ça, c'est notre défi collectif, de faire en sorte que
chaque personne qui vient ici en situation temporaire, de lui dire :
Écoute, voici les opportunités dans toutes les régions du Québec, puis ça, c'est
un défi sur lequel le gouvernement travaille beaucoup, la régionalisation de l'immigration,
puis il y a des opportunités incroyables. Alors, c'est pour ça qu'on développe
les programmes, pour faire en sorte de franciser dès l'arrivée, même avant, de
déployer les ressources, également les temporaires. Parce que, vous le savez,
notre bassin d'immigration, en fait, quasiment la totalité provient des
personnes en situation temporaire. Ça signifie que, tout de même, les gens qui
viennent en situation temporaire, ils veulent rester, si... Notre immigration
permanente, la majorité, près de 90 %, proviennent de ce bassin-là, des
personnes en situation temporaire.
Mme Ghazal : Oui, de
plus en plus, c'est cette tendance-là d'amener des gens de façon temporaire.
M. Jolin-Barrette : Mais,
depuis cinq ans, le PEQ...
Mme Ghazal : Mais est-ce
que... Je veux dire, ça, c'est un règlement. C'est ce que moi, j'ai vu, puis
que je me rappelais. Puis ça m'a pris du temps à le trouver, mais c'est la
volonté du gouvernement de la CAQ d'attirer des gens et de ne pas leur exiger
le français pour nos entreprises, pour des emplois en innovation, en
technologies, en intelligence artificielle, en technologies de l'information,
en intelligence artificielle. Dans tous ces secteurs-là, c'est une volonté du
gouvernement. Est-ce que le ministre est d'accord avec cette volonté du
gouvernement d'attirer des gens avec des bons salaires pour travailler chez
nous sans connaître aucun mot du français? Puis que l'effort soit fait au
Québec, peut-être, si jamais peut-être ils ont envie de travailler puis que,
dans un milieu de travail, en attendant, ça se passe en anglais, est-ce qu'il
est d'accord avec cette volonté-là? <Ou voit-il, comme moi, je le vois,
une contradiction entre ce que le ministre responsable de la langue française
dit et la volonté du gouvernement de créer ce genre de programme là...
Mme Ghazal :
...anglais.
Est-ce qu'il est d'accord avec cette volonté-là? >Ou voit-il, comme moi,
je le vois, une contradiction entre ce que le ministre responsable de la langue
française dit et la volonté du gouvernement de créer ce genre de programme là?
M. Jolin-Barrette : Bien,
en fait, là, ce qui est bien important, c'est que le milieu de travail demeure
et sera francophone. Alors, je suis en désaccord avec la députée de Mercier
lorsqu'elle dit : Bien, ça va se passer en anglais. Non, non, non. On est
en train de travailler d'une façon paramétrique sur l'ensemble du marché du
travail. C'est pour ça qu'on descend notamment de 50 à 25 les entreprises qui
sont couvertes par le processus de francisation. Donc, c'est très, très clair
qu'on généralise l'utilisation du français à la grandeur du Québec, mais, bref,
on est un peu loin de l'amendement, là.
Mme Ghazal : Mais, entre
le souhait... Non, non, on est dedans, on est dans qu'est-ce que les
employeurs, l'employeur doit faire pour s'assurer de ne pas avoir des gens...
pour pas que ça se passe en anglais, puis avoir le moins de gens possible qui
vont avoir besoin de parler l'anglais. C'est ça, c'est ça que dit l'amendement.
Mais, en même temps, dans certains types d'entreprises, notamment l'intelligence
artificielle, des technologies de l'information, des entreprises innovantes, de
l'innovation, je prends vraiment les terminologies utilisées beaucoup par le
gouvernement, puis, certains ministres, ça entre en contradiction avec la
volonté du ministre que, dans les milieux du travail, même ces milieux-là, pas
juste là où travaillent les bénéficiaires... les préposés aux bénéficiaires, ou
dans le milieu de la santé, ou dans les CHSLD, là, dans ces entreprises-là
aussi, parce que c'est là où le bât blesse surtout, que ça se passe en français
pour tout le monde. C'est là le défi.
M. Jolin-Barrette : Je
suis d'accord avec vous, puis c'est pour ça qu'on agit puis on modifie la
Charte de la langue française, pour rendre les milieux de travail encore
plus... où on va étendre la généralisation de l'utilisation de la langue
française. Mais ça arrive des fois qu'il y a des gens qui travaillent au Québec
qui n'ont pas la maîtrise de la langue française, puis il faut les aider, il
faut les outiller.
Mme Ghazal : Il y en a
beaucoup.
M. Jolin-Barrette : Il
faut les amener à migrer vers le français. Puis la personne qui est en
situation temporaire qui ne parle pas français dès le départ, on lui dit :
Bienvenue au Québec. Ça se passe en français. On vous accompagne vers la
francisation.
Mme Ghazal : Puis là il
arrive dans l'entreprise, puis ça se passe en anglais.
M. Jolin-Barrette :
Bien, il ne faut pas que ça se passe en anglais. C'est pour ça qu'on agit.
Mme Ghazal : Puis ça va
être l'OQLF, supposons que l'employeur, il trouve ça très, très difficile, ça
va être dans l'accompagnement de l'OQLF pour s'assurer que ça, ça soit
respecté? S'il dit : Bien, moi, c'est difficile, je ne suis pas capable,
moi, je veux avoir une expertise. On a une pénurie de la main-d'œuvre. Je n'arrive
pas à la trouver au Québec. Je vais aller chercher ailleurs. Regardez, il y a
un programme du gouvernement, un projet pilote extraordinaire. Donc, je m'inscris
là-dedans pour avoir ce genre d'employé là.
M. Jolin-Barrette : Mais
ça ne veut pas dire que le candidat sélectionné n'est pas francophone, là.
Mme Ghazal : Oui, mais
entre les souhaits du ministre et la réalité... C'est-à-dire que le ministre se
dit : J'espère puis je me croise les doigts qu'il va être francophone puis
que ça va se passer en français. Mais les souhaits du ministre, c'est intéressant
de les entendre, mais ce n'est pas ça qui va faire que, dans la réalité, les
choses vont ressembler à ce qu'il souhaite.
M. Jolin-Barrette : Bien
non, mais...
Mme Ghazal : Il faut
mettre les conditions en place. Puis là c'est un projet pilote. C'est un
règlement qui va durer en 2026 et c'est le souhait. Donc, probablement que ça
va s'élargir puis il va y avoir de plus en plus, avec la pénurie de la main-d'œuvre,
de plus en plus ce genre de programmes là qui ne seront plus des projets
pilotes, mais ça va être des vrais programmes où on ne va plus exiger le
français. Donc, les gens vont venir...
M. Jolin-Barrette : Je
ne penserais pas, non. Je ne penserais pas que ça va arriver, ça.
Mme Ghazal : Ça fait que
ça, c'est comme une... Donc, je comprends qu'il y a un engagement du ministre
pour que ce genre de programme là, instauré par son gouvernement, peu importe
le ministre ou la ministre, c'est la seule et unique fois que ça va arriver. C'est
ce que je comprends.
M. Jolin-Barrette : Ah!
Bien, ça, je ne peux pas vous dire.
Mme Ghazal : C'est une
exception.
M. Jolin-Barrette : Je
ne peux pas vous dire. Mais il y a une chose qui est sûre, nous, notre volonté
d'avoir de l'immigration francophone, elle est très forte. Mais, d'un autre
côté, moi, je ne suis pas prêt à disqualifier des candidats qui sont,
supposons, francotropes. Exemple, là, dans ce programme-là, là, vous avez
quelqu'un, là, qui est hispanique, là, qui travaille en technologies de l'information
puis que ça lui tente de venir au Québec, puis il est hispanique, mais il ne
parle pas français. On va-tu le disqualifier parce qu'il ne parle pas français,
alors qu'il y a une proximité, notamment linguistique, avec la langue
française? Ou est-ce que... plus facilement que certains individus provenant de
certains autres endroits à travers le monde va avoir une facilité. Bien là...
• (18 h 20) •
Mme Ghazal : Moi, je ne
veux pas le disqualifier, surtout pas moi.
M. Jolin-Barrette : Bien,
c'est ça. C'est ça.
Mme Ghazal : Moi, je ne
veux pas le disqualifier. Moi, je ne suis pas en train de parler de moi et de
mes souhaits, mais d'un programme qui existe et de la volonté du ministre que
ça se passe en français dans les milieux de travail, mais est-ce que le
ministre est d'accord avec ce programme-là?
M. Jolin-Barrette : Bien
oui, c'est pour attirer des gens, pour combler des postes qui sont disponibles.
Mais ce que je vous dis, c'est que ça ne veut pas dire que les gens qui sont
sélectionnés dans le cadre de ce programme-là ne parlent pas français.
Mme Ghazal : Je
comprends, mais est-ce qu'il est d'accord avec le principe? Après ça, oui, peut
être que les 274 postes, là, qu'on a ouverts, quand ils vont être comblés, <100 %
d'entre eux vont être des francophones, peut-être, si, comme, on est chanceux...
Mme Ghazal :
...274 postes, là, qu'on a ouverts, quand ils vont être comblés, >100 %
d'entre eux vont être des francophones, peut-être, si, comme, on est chanceux.
Puis là ça va arriver, peut-être. Mais est-ce qu'il est d'accord avec le
principe de dire : Quand vous gagnez plus de tant par année, bien, on ne
vous donne pas les mêmes exigences que les autres types d'emploi? Est-ce qu'il
est d'accord avec ce principe-là par rapport au français? Est-ce qu'il est d'accord
avec le principe? Après ça, la réalité, peut-être que, comme on dit, il va être
chanceux.
M. Jolin-Barrette : Ça,
c'est des programmes pilotes, hein? Donc, ce n'est pas l'utilisation... ce
n'est pas la politique d'immigration du gouvernement du Québec, là. Alors, moi,
je suis d'accord avec le principe de 46.1, là, de l'article. C'est ça.
Mme Ghazal : Oui, c'est
sûr. J'espère que vous êtes d'accord... que le ministre est d'accord avec ça. C'est
pour ça que moi, je voudrais qu'on exige que, dans les milieux du travail, il y
ait de la francisation, dans le milieu du travail, de façon obligatoire. Et, si
l'employeur ne le fait pas, bien là, il va... C'est-à-dire que... la
proposition.
M. Jolin-Barrette : Mais
là je fais juste vous arrêter.
Mme Ghazal : Oui.
M. Jolin-Barrette : C'est
parce que là on est à l'embauche. Là, francisation, on va le voir à la section
sur Francisation Québec.
Mme Ghazal : O.K., mais
juste pour entendre... Parce que, là, je me suis habituée que, quand je propose
des choses, c'est accepté par le ministre.
M. Jolin-Barrette : Je
me suis habitué!
Mme Ghazal : D'ailleurs,
je l'ai dit à mes collègues, et le député de Jean-Lesage m'a dit : Est-ce
que tu peux lui demander... est-ce que vous pouvez lui demander aussi qu'il
accepte d'arrêter le serment à la reine, de mettre fin au serment à la reine?
Peut-être que moi, j'aurai plus de chance que lui. Donc, je lui en fais la
demande. Je prends une chance.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, dans ma proposition de réforme... bien, pas dans ma... Dans la
proposition de réforme parlementaire du gouvernement, c'est déjà prévu. Alors,
si vous souscrivez à la réforme parlementaire...
Mme Ghazal : Au complet.
M. Jolin-Barrette :
Bien, au complet...
Mme Ghazal : On peut la
prendre par morceaux.
M. Jolin-Barrette : Bien
non, mais on ne fait pas les choses à moitié, là. Il faut que ça soit une
réforme complète.
Mme Ghazal : O.K. Je
vais revenir sur ce sujet-là, ou mon collègue aussi va revenir. Donc, juste
pour savoir, est-ce que le ministre...
M. Jolin-Barrette :
Mais, vous savez, juste... Vous pouvez passer le message au député de
Jean-Lesage. Un de mes rêves parlementaires les plus fous, là, ça serait que le
député de Jean-Lesage fasse une motion du mercredi des oppositions là-dessus,
là, sur la monarchie, puis sur la constitutionnalité, puis le Canada, 1867,
tout ça, là. Je trouve qu'on aurait beaucoup de plaisir. Donc, vous pouvez
passer le message.
Mme Ghazal : Donnez-nous
vos commandes, puis nous aussi, on va faire la même chose. Ah! peut-être...
O.K., il y a négociation possible...
M. Jolin-Barrette : Nous,
on est toujours ouverts aux bonnes idées.
Mme Ghazal : O.K. J'entends.
Je passerai le message.
Est-ce que le ministre est d'accord avec
le fait, pour que 46.1 soit possible et applicable, et tout ça, surtout avec ce
genre de travailleurs là qui ne parlent pas français, est-ce qu'il serait d'accord
pour bonifier la formation de la main-d'œuvre qui existe actuellement pour
exiger qu'elle soit destinée, une partie, là, de la bonifier, puis cette
bonification-là de la Loi sur la formation de la main-d'œuvre comprenne aussi
la francisation en entreprise? C'est-à-dire que, dans les entreprises
maintenant, il y a la Loi sur la formation de la main-d'œuvre qui fait que...
là, j'ai oublié les montants, là... 1 % de la masse salariale en haut de
tant, je pense que c'est 2 millions de masse salariale, de mémoire, soit
consacré à la formation de la main-d'œuvre.
Moi, ce que je demande, c'est d'ajouter un
pourcentage de plus de 0,5 % pour que... ça existe déjà, mais que ça soit
uniquement destiné à la francisation de la main-d'œuvre. Puis, si l'employeur
ne le fait pas, un peu comme sur la Loi sur la formation de la main-d'œuvre,
bien, que l'argent qui a été donné en francisation à l'intérieur de l'entreprise,
bien, qu'il soit remis au gouvernement. Est-ce qu'il est d'accord avec cette
proposition-là? Puis je pourrais l'amener au bon article plus tard, s'il me dit
qu'il est d'accord.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, je vous invite à amener ça à l'article pertinent. Mais je crois, puis
on va faire les vérifications, que, déjà, le 1 %, il me semble, prévu sur
la formation de la main-d'œuvre, ça inclut également la francisation. Mais on
va juste vérifier, là.
Mme Ghazal : Oui, mais,
moi, ma proposition, c'est de dire... Parce que ça se peut que ça soit prévu
puis que ça soit permis, par exemple, s'il y a des cours de français, qu'on l'inclue.
Peut-être, là, on va... vous allez faire les vérifications. Mais, si c'est
permis...
M. Jolin-Barrette : Bien,
on va faire ce débat-là un petit peu plus loin... sur l'article...
Mme Ghazal : Oui, mais,
parce que, comme ça, je ne préparerais pas un amendement pour rien s'il me dit
que ça ne l'intéresse pas, le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, il faut que je voie l'amendement, il faut que je voie qu'est-ce
que ça implique. Alors, vous savez, je suis un homme de bonne volonté.
Mme Ghazal : Très bien,
je vais revenir à ça, parce que <je veux juste être sûre que le ministre
comprenne que l'objectif derrière ça, c'est de ne pas...
Mme Ghazal :
Très
bien, je vais revenir à ça, parce que >je veux juste être sûre que le
ministre comprenne que l'objectif derrière ça, c'est de ne pas... parce que,
souvent, il nous dit : Ah! non, non, non, ça ne se passera pas seulement
en anglais, oui, mais regardez les conditions à la réalité de Francisation
Québec.
M. Jolin-Barrette : Vous
allez voir, quand on va arriver là...
Mme Ghazal : Mais c'est
dur pour les gens d'apprendre, en plus de toutes leurs obligations familiales,
d'apprendre le français le soir et les fins de semaine.
M. Jolin-Barrette : Oui,
mais ils vont aller en entreprise, Francisation Québec aussi, là. Dans le fond,
là, c'est un outil qu'on se sert pour réaliser les services de francisation,
vous allez voir aussi, ça va être dynamique, là. Puis il y a beaucoup d'entreprises,
déjà, qui font de la formation sur les lieux de l'entreprise également, là. Je
ne sais pas si vous avez vu le film la langue au travail, la Langue à l'ouvrage
de la FTQ, c'était très bon aussi, puis ils avaient un beau modèle, eux autres.
Mme Ghazal : Très bien.
On va en parler, mais moi, je sens, le programme dont j'ai parlé, c'est une
brèche. Je ne suis pas certaine que le ministre est si à l'aise que ça avec ce
programme-là, quoique c'est lui qui l'a initié pour des raisons économiques,
mais moi, je pense que ça ne fait qu'augmenter les défis pour que ça se passe
en français au sein des entreprises et, quant à ça... parce que là on fait une
exception pour une catégorie d'employé qui gagne un certain salaire, plus de
100 000 $, mais on ne le fait pas pour les autres. Donc, il y a une
brèche là, par rapport à ce que ça se passe en français au travail, malgré
toutes les dispositions qui sont dans le projet de loi n° 96, ça augmente
les défis, disons.
La Présidente (Mme Guillemette) :
D'autres interventions sur l'article 36 amendé? Donc, s'il n'y a pas d'autre
intervention, est-ce que l'article 36 amendé est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous pouvons passer à l'article 37. Donc, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Les
articles 47 et 48 de cette charte sont remplacés par les suivants :
«47. Sauf [les dispositions contraires] de
la présente loi, la personne qui se croit victime d'une pratique interdite
visée aux articles 45 et 46 et qui désire faire valoir ses droits peut le
faire auprès de la Commission des normes, de l'équité, de la santé [...] de la sécurité
[au] travail dans les 45 jours de la pratique dont elle se plaint.
«47.1. La Commission peut, avec l'accord
des parties, nommer [la] personne qui tente de régler la plainte visée à l'article 47
à la satisfaction des parties.
«Seule une personne n'ayant pas déjà agi
dans ce dossier à un autre titre peut être nommée à cette fin par la
commission.»
Toutefois... «Toute information, verbale
ou écrite, recueillie par la personne visée au premier alinéa doit demeurer
confidentielle. Cette personne ne peut être contrainte de divulguer ce qui lui
a été révélé ou ce dont elle a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions
ni de produire un document fait ou obtenu dans cet exercice devant un tribunal
ou devant un organisme ou une personne exerçant des fonctions judiciaires ou quasi
judiciaires, sauf en matière pénale, lorsque le tribunal estime [que] cette
preuve nécessaire pour assurer une défense pleine et entière. Malgré l'article 9
de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection
des renseignements personnels, nul n'a droit d'accès à un tel document.»
«47.2. Si aucun...» bien, voulez qu'on
fasse 47.1 en premier puis ensuite je lirai 47.2?
La Présidente (Mme Guillemette) :
...ça va être plus facile. Donc, des interventions sur le 47? Oui, Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Juste une
question qui m'intrigue : Pourquoi on est passé de l'OQLF à la CNESST pour
porter plainte... ou pour traiter les plaintes?
• (18 h 30) •
M. Jolin-Barrette :
Bien, en fait, la CNESST, c'est la plainte du travailleur, dans le fond, c'est
le recours du droit fondamental du travailleur. Donc, la CNESST peut prendre
fait et cause pour le travailleur qui se retrouve dans une situation où son
droit est lésé, son droit de travailler en français. Ce n'est pas l'OQLF, là, dans
ce cas-là, là, qui est l'organe reconnu. Puis, exemple pour le travailleur qui
se retrouve dans une situation où son droit est lésé, mais qui est syndiqué, à
ce moment-là, ça va être la procédure de grief qui va s'appliquer.
Mme David : Mais, si je
comprends bien, parce que certaines organisations disent pourquoi ce n'est pas
encore l'OQLF, c'était jusqu'à maintenant, c'est l'OQLF qui... où le travailleur
porte plainte, non?
M. Jolin-Barrette :
Bien, les plaintes sont à l'OQLF, mais l'OQLF est là pour accompagner le
travailleur.
Mme David : Accompagner
le travailleur vers la CNESST?
M. Jolin-Barrette : Vers
le Tribunal administratif du travail.
Mme David : Là, je suis
encore plus mêlée, là. Vous venez de me dire que l'OQLF n'était plus là-dedans,
les travailleurs portaient plainte à la CNESST.
M. Jolin-Barrette :
Donc, on va clarifier le tout. Suspendons quelques instants, je vais clarifier
le tout.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Nous suspendons quelques instants.
(Suspension de la séance à 18 h 32)
18 h 30 (version révisée)
(Reprise à 18 h 35)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, la commission reprend ses travaux. M. le ministre, je vous cède la parole
pour l'explication désirée.
M. Jolin-Barrette : Bon,
alors, la procédure qui va être en place, avec le projet de loi n° 96, c'est
le fait que le travailleur va pouvoir faire une plainte à l'OQLF, O.K.? L'OQLF
va transférer la plainte... bien, en fait, va soit traiter la plainte, si ça
concerne la compétence de l'OQLF, mais, si c'est une plainte d'un travailleur
non syndiqué, l'OQLF va transférer la plainte à la CNESST puis la CNESST va
prendre fait et cause pour le travailleur pour aller devant le Tribunal
administratif du travail par la suite. Si c'est un travailleur qui est
syndiqué, le travailleur syndiqué peut appeler l'OQLF, dire : Écoutez, je
veux faire une plainte, tout ça. L'OQLF va le diriger vers le syndicat du
travailleur, parce que c'est la procédure de grief qui s'applique.
Mme David : ...46, là, c'est
nous qui postulons chez Bombardier. On est un citoyen, là, pas de job, chômeur,
on fait quoi, nous?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Donc là, à ce moment-là, plainte à l'OQLF. L'OQLF va vous diriger vers la
CNESST. Parce qu'on va le voir que, même si vous n'êtes pas un salarié, vous n'êtes
pas déjà embauché, vous allez être pris par la CNESST, parce que c'est pour
pouvoir accéder à un emploi.
Mme David : ...la 47.3
dit bien : «La Commission peut, dans une instance relative à l'un des
articles 45, 46 et 47 — donc, on est là-dedans — représenter
un travailleur qui ne fait pas partie d'une association de travailleurs.» Ça,
on parle des non-syndiqués à ce moment-là.
M. Jolin-Barrette : C'est
ça.
Mme David : Mais ce
n'est pas un travailleur, quelqu'un qui postule à une job, qui a 21 ans,
qui sort de l'université. Il est quoi, lui? Puis il est un citoyen qui essaie
de se trouver une job, là.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Il va être assimilé, pour les <fins de la loi...
Mme David :
...essaye de se trouver une job, là.
M. Jolin-Barrette :
Oui. Il va être assimilé, pour les >fins de la loi, à l'équivalent d'un
travailleur, la personne qui se croit lésée. Donc lui, la personne qui se croit
lésée...
Mme David : Oui, qui n'a
pas eu la job parce qu'il n'était pas bilingue, admettons.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David : Bien, il va
aller où? À l'OQLF, lui?
M. Jolin-Barrette : Lui,
ultimement, il va se retrouver avec la CNESST.
Mme David : Oui, mais...
M. Jolin-Barrette : Il
peut faire sa... Parce que la personne qui ne le sait pas, là, tu sais, dans le
fond, là...
Mme David : Bien, les
gens ne le savent pas à tous les jours, effectivement.
M. Jolin-Barrette : Ils
ne le savent pas. Ça fait qu'ils vont appeler l'OQLF, puis là l'OQLF va le
référer à la CNESST. Il peut faire les deux, il peut faire tout de suite sa
plainte à la CSST... à la CNESST ou il peut faire sa plainte direct à l'OQLF. S'il
fait sa plainte direct à l'OQLF, l'OQLF va prendre la plainte puis va la
transférer à la CNESST.
Mme David : Mais c'est
nouveau, ça, que ça soit la CNESST.
M. Jolin-Barrette : Exactement,
c'est nouveau, parce que...
Mme David : Pourquoi c'est
nouveau? C'est parce que, là, il y a tellement de choses qui tombent dans le
panier de l'OQLF que ça va... ils vont être trop occupés ou...
M. Jolin-Barrette : Non,
mais parce que le rôle, là... Exemple, là, la Loi sur les normes du travail
prévoit déjà des pratiques interdites.Exemple, je suis enceinte, on me
refuse un emploi parce que je suis enceinte.C'est une pratique qui est
interdite, je suis une personne qui est lésée. L'employeur en question a fait
une pratique interdite. Je n'ai pas de lien d'emploi avec lui, mais je veux
devenir son employé, mais, parce que j'étais enceinte, il ne m'embauche pas. C'est
un motif de discrimination. La CSST peut prendre un recours, parce que c'est
une pratique interdite.
On a voulu, dans le fond, ajouter des
voies puis assimiler le critère linguistique, l'aspect linguistique comme
étant, dans certains cas, des situations de pratiques interdites qui passent
par le droit du travail. Donc, la personne qui se sent lésée pourra être
représentée par la CSST devant le Tribunal administratif du travail.
Mme David : O.K. On
pourrait dire, ça aussi, que c'est du droit nouveau, c'est-à-dire : on
réfléchit autrement la façon ou le cheminement qui va se...
M. Jolin-Barrette : C'est
parce que le droit de travailler en français, puisqu'il est exécutoire, puisque
c'est un droit fondamental, on vient l'opérationnaliser. On vient dire :
Bien, écoutez, c'est tout aussi important qu'un autre type de pratique
interdite qui était déjà prévue par la Loi sur les normes du travail. Donc, c'est
pour ça également qu'on l'intègre par la loi comme faisant partie des
conventions collectives, donc, puis ça va être susceptible de griefs, comme si
c'était un des articles de la convention collective.
Mme David : Et c'est
pour ça qu'éventuellement l'employeur qui a appliqué 46, 46.1 va se retrouver
devant la CNESST puis...
M. Jolin-Barrette : Il
va se retrouver devant le Tribunal administratif du travail.
Mme David : Oui, parce
que c'est là que ça va aller se discuter, se...
M. Jolin-Barrette : Parce
que, dans le fond, la CNESST, dans le fond, là-dedans, il y a des départements
juridiques, notamment des avocats qui représentent à la fois les... en matière
de santé, sécurité et également à la fois en vertu de la Loi sur les normes du
travail. Avant, là, je vous aurais dit : On aurait envoyé ça à la Commission
des normes du travail, mais votre gouvernement a fusionné les trois ensemble
avec l'équité salariale. Votre ancien collègue de Louis-Hébert.
Mme David : C'était qui?
Ah oui! Bien, c'est parce que c'est des...
M. Jolin-Barrette : Il
vous a marquée?
Mme David : Non, non,
pas du tout. C'est parce que...
M. Jolin-Barrette : Pas
du tout!
Mme David : Ce n'est pas
du tout la raison.
M. Jolin-Barrette : Ah!
O.K. ce n'est pas du tout la raison.
Mme David : Bon. O.K. Donc
là, la CNESST prend du galon par rapport à ça, parce que, maintenant, on
considère...
M. Jolin-Barrette : Bien,
on crée une voie pour le recours pour le travailleur, le travailleur non
syndiqué ou la personne qui est lésée qui n'est pas encore un travailleur. La
personne qui soumet sa candidature, qui n'a pas de lien d'emploi, on lui crée
une voie pour exercer son recours.
Mme David : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. D'autres interventions? Donc, s'il n'y a pas d'autre intervention, nous
pouvons passer au 47.1.
• (18 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Oui.
«La Commission peut, avec l'accord des parties, nommer une personne qui tente
de régler la plainte visée à l'article 47 à la satisfaction des parties.
«Seule une personne n'ayant pas déjà agi
dans ce dossier à un autre titre peut être nommée à cette fin par la Commission.
«Toute information, verbale ou écrite,
recueillie par la personne visée au premier alinéa doit demeurer
confidentielle. Cette personne ne peut être contrainte de divulguer ce qui lui
a été révélé ou ce dont elle a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions
ni de produire un document fait ou obtenu dans cet exercice devant un tribunal
ou devant un organisme ou une personne exerçant des fonctions judiciaires ou
quasi judiciaires, sauf en matière pénale, lorsque le tribunal estime cette
preuve nécessaire pour assurer une défense pleine et entière. Malgré l'article 9
de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection
des renseignements personnels, nul n'a droit d'accès à un tel document.»
Commentaires. L'article 47.1 de la
Charte de la langue française, proposé par l'article 37 du projet de loi,
s'inspire de l'article 123.3 de la Loi sur les normes du travail. Il
prévoit un mécanisme souple de règlement des différends ainsi que des règles
pour assurer la confidentialité du processus.
Cet article remplace les dispositions
concernant la médiation actuellement prévues aux articles 47.1 et 47.2 de
la <charte...
M. Jolin-Barrette :
...article remplace les dispositions concernant la médiation actuellement
prévues aux articles 47.1 et 47.2 de la >charte.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Des interventions sur le 47.1? Pas d'intervention? Donc,
nous pouvons passer au 47.2.
M. Jolin-Barrette : «Si
aucun règlement n'intervient à la suite de la réception de la plainte visée à
l'article 47 par la Commission, elle défère sans délai la plainte au
Tribunal administratif du travail.
«Les dispositions du Code du travail et de
la Loi instituant le Tribunal administratif du travail qui sont applicables à
un recours relatif à l'exercice par un salarié d'un droit lui résultant de ce
code s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires.
«Le Tribunal administratif du travail ne
peut toutefois ordonner la réintégration d'un domestique ou d'une personne dont
la fonction exclusive est d'assumer la garde ou de prendre soin d'un enfant,
d'un malade, d'une personne handicapée ou d'une personne âgée dans le logement
de l'employeur.»
Commentaires. L'article 47.2 de la Charte
de la langue française, proposé par l'article 37 du projet de loi, s'inspire
de l'article 123.4 de la Loi sur les normes du travail.
Il prévoit que, si aucun règlement n'intervient
à la suite de la réception de l'une... d'une plainte par la Commission des
normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, celle-ci défère
sans délai au Tribunal administratif du travail.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Des interventions? Pas d'intervention? Donc, nous passons à l'article 47.3.
M. Jolin-Barrette : Oui :
«La Commission peut, dans une instance relative à l'un des articles 45, 46
et 47 à 47.5, représenter un travailleur qui ne fait pas partie d'une
association de travailleurs.»
Commentaires. L'article 47.3 de la
Charte de la langue française, proposé par l'article 37 du projet de loi,
s'inspire de l'article 123.5 de la Loi sur les normes du travail. Il
permet à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité
du travail de représenter un travailleur qui a formulé une plainte en raison d'une
pratique interdite par la charte.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Des interventions? Donc, nous pouvons passer à l'article 47.4.
M. Jolin-Barrette : Oui.
«Sauf disposition contraire de la présente loi, le salarié qui se croit victime
d'une conduite visée à l'article 45.1 et qui désire faire valoir ses
droits peut le faire en présentant une plainte à la Commission.
«Le délai pour présenter une telle
plainte, de même que son traitement par la Commission, incluant notamment une
enquête et la médiation, jusqu'à ce qu'elle puisse éventuellement être déférée
au Tribunal administratif du travail, et la représentation du salarié par la Commission,
sont prévus par les dispositions de la section II.1 du chapitre V de la
Loi sur les normes du travail.»
Commentaires. L'article 47.4 de la
Charte de la langue française, proposé par l'article 37 du projet de loi,
prévoit qu'une personne qui se croit victime de harcèlement ou de
discrimination et qui désire faire valoir ses droits peut le faire auprès de la
Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail.
Les règles concernant le traitement d'une telle
plainte sont celles qui sont prévues par la Loi sur les normes de travail en
matière de harcèlement psychologique.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Des interventions sur le 47.4? Pas d'intervention? Donc, 47.5, M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
«Si une plainte visée à l'article 47 ou à l'article 47.4 est soumise
au Tribunal administratif du travail dans les délais visés à ces articles, le
défaut de l'avoir soumise à la Commission ne peut être opposé au plaignant.»
L'article 47.5 de la Charte de la
langue française, proposé par l'article 37 du projet de loi, vise à éviter
qu'un travailleur soit pénalisé pour avoir déposé, dans le délai requis, une
plainte directement au Tribunal administratif du travail, plutôt qu'à la Commission
des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Des interventions? Donc, M. le ministre, 48, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
«L'association de travailleurs qui rend disponibles à ses membres ses statuts
ou ses états financiers dans une autre langue que le français est tenue de
rendre leur version française accessible dans des conditions au moins aussi
favorables. Il en est de même pour un comité paritaire constitué en vertu de la
Loi sur les décrets de convention collective, compte tenu des adaptations
nécessaires.»
Commentaires. L'article 48 de la
Charte de la langue française, proposé par l'article 37 du projet de loi,
fait en sorte que les membres d'une association de travailleurs devront avoir
accès à la version française des statuts et des états financiers de leur
association dans des conditions au moins aussi favorables que celles leur
permettant d'accéder à une version de ces documents dans une autre langue.
Les salariés et les employeurs
professionnels parties à une convention collective rendue obligatoire par la
Loi sur les décrets de convention collective pourront également avoir accès,
dans les mêmes conditions, aux règlements et aux états financiers de leur
comité paritaire.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Des interventions sur 48? Donc, nous pouvons passer... 37 est adopté?
M. Jolin-Barrette :
Est-ce que 37 est adopté?
La Présidente (Mme Guillemette) :
37 est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Donc, 37 étant adopté, et compte tenu de l'heure, je vous remercie
pour votre collaboration.
La commission ajourne ses travaux au
jeudi 17 février, à 7 h 30, où elle se réunira en séance de
travail.
Merci. Bonne soirée, tout le monde.
(Fin de la séance à 18 h 46)