Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Le
mercredi 6 octobre 2021
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Vol. 45 N° 100
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français
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Intervenants par tranches d'heure
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Lemieux, Louis
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David, Hélène
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Birnbaum, David
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Ghazal, Ruba
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Ghazal, Ruba
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Thériault, Lise
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Bérubé, Pascal
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Thériault, Lise
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Ghazal, Ruba
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Jolin-Barrette, Simon
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Chassin, Youri
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Chassin, Youri
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Thériault, Lise
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David, Hélène
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Ghazal, Ruba
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Skeete, Christopher
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David, Hélène
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David, Hélène
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Thériault, Lise
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Ghazal, Ruba
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Thériault, Lise
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Skeete, Christopher
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David, Hélène
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Birnbaum, David
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Ghazal, Ruba
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Lemieux, Louis
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Thériault, Lise
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Lemieux, Louis
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David, Hélène
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Ghazal, Ruba
11 h (version révisée)
(Onze heures dix-neuf minutes)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue
officielle et commune du Québec, le français.
M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le Secrétaire
: Oui,
Mme la Présidente. Mme IsaBelle (Huntingdon) est remplacée par
M. Lévesque (Chapleau); Mme Rizqy (Saint-Laurent), par
M. Barrette (La Pinière); Mme St-Pierre (Acadie), par
M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau), par
Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon (Joliette), par M. Bérubé
(Matane-Matapédia).
• (11 h 20) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. J'aurais besoin également d'un consentement, puisque nous avons débuté
légèrement en retard nos travaux, pour qu'on puisse dépasser l'heure de
quelques minutes. Ça va? Consentement?
Des voix
:
Consentement.
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Thériault) :
Consentement. Donc, cet avant-midi, nous entendrons la Chambre de commerce du
Montréal métropolitain, et je souhaite la bienvenue à M. Michel Leblanc,
son président. M. Leblanc, vous êtes un familier des commissions
parlementaires. Donc, vous avez 10 minutes pour nous faire votre exposé,
et, par la suite, il y aura des échanges avec les parlementaires. Bienvenue à
l'Assemblée.
Chambre de commerce du Montréal métropolitain
(CCMM)
M. Leblanc (Michel) :
Merci. D'abord, vous me permettrez de vous dire à quel point je suis heureux de
vous voir. J'ai fait la route, parce que j'encourage les centres-villes, le
mien et celui de Québec, et je suis très heureux d'être avec vous. Merci de
nous avoir invités à venir présenter notre position.
Je rappelle brièvement que la chambre est
un organisme qui va fêter son 200e anniversaire l'année prochaine. Il y a
peu d'organisations au Québec qui ont cette longévité, et ça veut donc dire
qu'on était au coeur de ces discussions probablement depuis 200 ans, et on
présume que ça va continuer pendant, au moins, les 200 prochaines <années...
M. Leblanc (Michel) :
...
position.
Je rappelle brièvement que la chambre
est un organisme qui va fêter son 200e anniversaire l'année prochaine. Il
y a peu d'organisations au Québec qui ont cette longévité. Et ça veut donc dire
qu'on était au coeur de ces discussions probablement depuis 200 ans, et on
présume que ça va continuer pendant, au moins, les 200 prochaines >années.
Dans notre esprit, la langue commune du Québec,
et de Montréal, et du travail est le français. Il n'y a pas d'ambiguïté. Ça n'a
pas toujours été la position de la chambre, ça ne l'a pas été à l'occasion du
débat sur la loi 101, à l'origine. C'est clairement, maintenant, approuvé,
je dirais, déterminé dans la communauté d'affaires que le français est la
langue commune de travail et la langue commune de la société.
On appuie la volonté de renforcer la place
du français et on prend note des inquiétudes qui sont révélées par les
sondages, par les enquêtes, les inquiétudes qui sont dans la population, et il
y a effectivement des données qui nourrissent cette inquiétude, il y a des
données qui viennent dire le contraire, mais on voit bien qu'il y a cette
inquiétude et on appuie le gouvernement dans sa volonté d'agir.
On comprend qu'il y a une réalité aussi
qui est nouvelle. Oui, il y a plus d'immigrants qu'il y en avait, et on en
dépend beaucoup, on voit la pénurie de main-d'oeuvre, on la voit clairement
dans le domaine de la santé et au niveau des infirmières. On voit aussi
l'internationalisation de notre économie, nos grands champions économiques du
Québec, partout sur la planète, et on constate aussi que la langue
internationale qu'est devenue l'anglais est aussi la langue des affaires sur le
Web, et la langue de la technologie, dans bien des cas, et la langue des
applications.
Donc, on convient qu'il faut agir, mais on
met en garde, à travers ce qu'on a lu dans le projet de loi n° 96,
sur trois enjeux majeurs. Le premier, c'est qu'on doit le faire sans miner la
capacité de notre économie et de nos champions de s'internationaliser. Et je le
répète, la langue internationale des affaires est l'anglais. On doit le faire
d'une façon à ne pas étouffer, sous le poids du bagage administratif
additionnel, nos PME. Et on doit faire en sorte qu'à travers nos activités, nos
actions pour soutenir l'intégration des immigrants, la francisation des PME, on
le fasse avec les organismes terrain. Nous pensons que le gouvernement lui-même,
à travers ses institutions et ses fonctionnaires, n'est pas toujours le mieux
placé pour atteindre ces objectifs-là.
Je rappellerais, je pense, je dirais,
humblement, que la chambre sait de quoi elle parle. Ça fait 13 ans qu'on
agit sur le terrain avec le gouvernement du Québec pour se casser la tête, comment
on fait en sorte que les petites entreprises soient francisées, que les
immigrants soient francisés, que les commerçants soient francisés. On y va de
tous nos efforts, avec toute notre créativité. On arrive avec des solutions, et
le gouvernement nous a appuyés. Je rappellerais qu'on avait un programme, qui
est suspendu, qui s'appelle J'apprends le français, qui a gagné plusieurs prix,
dont un que vous nous avez remis en personne, M. le ministre, on l'avait
beaucoup apprécié. On a des programmes terrain qui fonctionnent.
Évidemment aussi, depuis 40 ans, on
soutient l'internationalisation de notre base d'affaires. C'est la vision
qu'avaient mes prédécesseurs que nos entreprises d'ici ne réussiront pas et
notre économie n'atteindra pas son plein potentiel sur notre marché intérieur.
Nous sommes régulièrement en mission à l'étranger, et nous faisons des
formations, et nous incitons nos PME à se doter, dès le début de leur plan
d'affaires, d'un plan à l'international, qui implique donc de se poser la <question
sur...
M. Leblanc
(Michel) :
...
mes prédécesseurs que nos
entreprises d'ici ne réussiront pas et notre économie n'atteindra pas son plein
potentiel sur notre marché intérieur. Nous sommes régulièrement en mission à
l'étranger, et nous faisons des formations, et nous incitons nos PME à se
doter, dès le début de leur plan d'affaires, d'un plan à l'international, qui
implique donc de se poser la >question sur le site Web transactionnel :
Doit-il être en anglais? Est-ce que je dois avoir des ressources internes qui
parlent d'autres langues que le français? Est-ce que, dans mes efforts de mise
en marché de mes produits, je dois, dès le départ, penser à mon suivi après
vente en anglais parce que ça va être à l'international? On est au courant des
enjeux des entreprises au quotidien depuis 40 ans.
Le projet de loi, il y a quelques
préoccupations, vous les avez dans le document qui vous a été acheminé. Le
premier, c'est évidemment l'internationalisation de notre base d'affaires.
Avant même de penser aux filiales étrangères qui sont actives au Québec, ce
sont nos entreprises du Québec qui desservent d'abord le reste du Canada dans
bien des situations, les États-Unis et l'international, et là il y a des enjeux
touchant cette perception qu'on devrait réglementer qui on embauche, pour
quelles conditions, et, surtout, la connaissance des autres langues, dont
l'anglais.
Ça vaut pour les grandes entreprises. Ça
vaut pour beaucoup de fonctions dans les grandes entreprises. Que ça soit
l'approvisionnement, que ça soit la distribution pancanadienne ou
internationale, que ce soit les ressources humaines qui vont avoir des
ressources un peu partout, pas juste au Québec, que ce soit sur le marketing,
la communication, le suivi après-vente, les systèmes légaux, dans toutes ces
entreprises, il y a énormément de fonctions qui vont nécessiter la connaissance
de l'anglais et qui nécessitent donc la latitude de l'entreprise de définir ses
besoins et ses besoins d'embauche, et, dans le cas des petites entreprises, de
les définir parfois avant que le besoin soit exprimé concrètement. Une petite
entreprise qui se dit : Dans deux ans, je vais aller à l'international ou,
dans deux ans, j'active mon plan de développement dans le reste du Canada, doit
pouvoir embaucher, dès maintenant, des ressources qui possèdent potentiellement
l'anglais même si, au quotidien, ils n'ont pas encore d'utilisation de
l'anglais. Alors ça met en perspective la difficulté de vouloir réglementer les
exigences de la connaissance de l'anglais à l'embauche.
Une fois qu'on a dit ça sur nos
entreprises d'ici, il y a les entreprises qu'on cherche à attirer, nos filiales
étrangères basées à Montréal. Je vais prendre une entreprise que j'utilise
souvent parce que, symboliquement, elle est puissante, L'Oréal, entreprise
française qui a un siège social à Montréal qui dessert tout le Canada à partir
de Montréal. Chaque fois qu'on va dire à cette société qu'elle ne peut pas
utiliser des outils en anglais et qu'elle ne peut pas avoir des postes qui
utilisent l'anglais ou qu'elle doit absolument utiliser des stratégies en
français au niveau des communications dans ses équipes, cette entreprise-là et
les autres dans cette situation vont se poser la question : Est-ce que je
déménage cette fonction à Toronto? C'est automatique, ils vont se dire si, au
Québec, c'est difficile d'avoir un siège social pancanadien ou, dans certains
cas, mondial, Rio Tinto Alcan, siège social mondial de l'aluminium pour la
compagnie Rio Tinto, à chaque fois qu'on va faire ça, on fragilise notre base
économique de décideurs, de sièges sociaux au Québec.
Dernier point, évidemment, les embauches
qu'on va faire de l'étranger. Il n'y aurait pas d'intelligence artificielle à
Montréal si nous disions à ces gens-là : Vous devez <connaître...
M. Leblanc
(Michel) :
...mondial de l'Alcan... de l'aluminium pour
la compagnie Rio Tinto, à chaque fois qu'on va faire ça, on fragilise notre
base économique de décideurs de sièges sociaux au Québec.
Dernier point, évidemment, les
embauches qu'on va faire de l'étranger. Il n'y aurait pas d'intelligence
artificielle à Montréal si nous disions à ces gens-là : Vous devez >connaître
le français, vos enfants doivent aller tout de suite en français ou vos conjoints
doivent tout de suite connaître le français. Ça n'arriverait juste pas. Je vous
le dis, si vous regardez les talents qu'on a attirés à Montréal, ça prend une
zone tampon, ça prend un message d'accueil très ouvert, et c'est comme ça qu'on
s'inscrit dans cette mouvance internationale des talents de très haut niveau
liés aux domaines de pointe. J'ai parlé d'intelligence artificielle, je peux
parler d'aéronautique, je peux parler de technologies de l'information, de
cybersécurité. Ces experts-là, hautement mobiles, ne proviennent pas du Québec
dans bien des situations et ne proviennent pas de la francophonie aussi.
Finalement, la langue des contrats. Nos
entreprises d'ici contractualisent avec des entreprises internationales basées
au Québec, avec des entreprises de l'extérieur, et doivent pouvoir le faire
dans la langue de leur choix, oui, mais dans la langue du choix du partenaire.
Et, si on impose que ce contrat, pour être jugé valide au Québec, doit être en français,
la contractualisation va se déplacer vers Toronto. Ces fonctions-là vont se
déplacer vers Toronto. On est dans le Canada. Quand je vais en Chine avec des
entreprises, j'ai longtemps dit à mes petites entreprises : Faites vos
sièges sociaux à Hong Kong pour être soumis au régime légal de Hong Kong si
vous faites des affaires en Chine. Ça va être le même discours qui va être tenu
pour établir à Toronto les fonctions qui vont nécessiter de contractualiser parce
qu'on va imposer, ici, à des entreprises qui ne désirent pas, de
contractualiser en français.
Le deuxième point, évidemment, c'est les
PME. Vous avez eu le mémoire de la FCEI, qui décrit explicitement l'ajout de
charges de travail pour les PME. On soumet les PME de 25 à 50 employés au
régime. Historiquement, la chambre a toujours été contre. Présentement, nous
disons : Si nous allons de l'avant, faisons-le, mais faisons-le d'une
façon où, en même temps, on ne réduit pas les délais pour arriver à la
conformité et qu'on n'augmente pas les pénalités d'un coût pour les
récalcitrants ou les entreprises de bonne foi qui vont se retrouver en
non-conformité.
Donc, oui, si on les intègre dans le
régime, mais maintenons des délais suffisants pour qu'ils arrivent à la
conformité et créons une gradation avec un système très incitatif, très lié à l'accompagnement,
quand il y aura manquement. On ne peut pas faire les trois en même temps. C'est
arriver d'une façon indue sur le dos des petites entreprises.
• (11 h 30) •
Je finirai avec l'accompagnement. Je l'ai
dit d'entrée de jeu, il est important que le gouvernement s'organise et que le
gouvernement s'organise avec des lieux de concentration d'expertise.
L'inquiétude du milieu, et vous en serez peut-être témoins à d'autres occasions,
c'est que le gouvernement se mette à dire : Sur le terrain, ça sera des
fonctionnaires. Je vous le dis, la relation entre les PME et les gens qui
viennent les voir est très importante. Les PME ont <peur d'être...
>
11 h 30 (version révisée)
< M. Leblanc
(Michel) :
...des lieux de
concentration d'expertise. L'inquiétude du milieu, et vous en serez peut-être
témoins à d'autres occasions, c'est que le gouvernement se mette à dire : Sur
le terrain, ça sera des fonctionnaires. Je vous le dis, la relation entre les
PME et les gens qui viennent les voir est très importante. Les PME ont >peur
d'être en non-conformité même quand elles le sont. Pour les amener à s'ouvrir,
présenter leurs choses de façon volontaire, éventuellement s'ouvrir aux
suggestions qui vont être faites, nous encourageons le gouvernement à
explicitement dire que la mise en application auprès des PME va se faire avec
des organismes terrain.
Je vous le dis, je suis en conflit parce
que la chambre se présente comme étant un organisme terrain, mais quand bien
même vous décideriez que ce n'est pas avec la chambre, je vous le dis, faites-le
avec les organismes terrain, si c'est fait par des fonctionnaires, ça va créer des
tensions, ça va créer des résistances et, à la fin, on n'atteindra pas
l'objectif qu'on vise. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. Leblanc. Donc, sans plus tarder, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Leblanc, un plaisir de vous
retrouver ici en commission parlementaire.
J'ai pris connaissance de votre mémoire.
Honnêtement je ne suis pas vraiment surpris, je m'y attendais un peu, comme les
acteurs du domaine économique. Il y a toujours des tensions, hein, entre
protéger la langue française et le domaine économique parce que, bien entendu,
le fait de faire un choix pour protéger et promouvoir la langue française,
bien, nécessairement, ça vient avec certaines contraintes, ce n'est pas la
liberté la plus complète comme dans d'autres états parce qu'il y a une
particularité spécifique à la langue française au Québec pour assurer la
pérennité de la langue. Et je comprends les intérêts légitimes de vos membres,
des entrepreneurs de dire bien : Écoutez, on est en faveur, mais, dans
l'application, il faut que ce soit réaliste à notre réalité, puis je suis très
sensible à ça.
J'aimerais qu'on parle de la question des
contrats que vous avez soulevée tout à l'heure. Dans le projet de loi, on vise
les contrats d'adhésion, notamment. Pour bien comprendre la réalité des
entreprises, est-ce que vous nous dites que lorsqu'une entreprise, entre deux
parties privées, là, une entreprise au Québec, une entreprise à l'étranger, je
pense que vous avez donné l'exemple de Hong Kong, est-ce que je dois comprendre
que, dans le cadre des contrats qui existent, ils font des contrats d'adhésion
entre l'entreprise québécoise et l'entreprise située à l'étranger, comme ça? Parce
que, moi, de la façon dont la disposition est libellée, à partir du moment où
il y a une entente contractuelle entre les deux parties, donc une entreprise
québécoise et une entreprise à l'étranger, ils ont la liberté contractuelle de
rédiger dans la langue de leur choix, s'ils veulent le faire en mandarin, s'ils
veulent le faire en anglais, ils peuvent le faire aussi. L'enjeu de la
disposition il est véritablement sur le contrat d'adhésion, notamment quand les
citoyens québécois contractent avec une entreprise, il faut que le contrat
puisse être en français. Mais je veux juste avoir des éclaircissements de votre
part là-dessus.
M. Leblanc (Michel) :
Deux choses. Je reviendrais sur votre préambule. Quand vous mettez en
opposition un peu les intérêts de mes membres et le milieu des affaires, moi,
je vous dirais que c'est les intérêts du Québec. Et j'ai la prétention de dire
que le développement économique et la performance de nos entreprises qui
pourraient être affectés <négativement...
M. Jolin-Barrette :
...que le contrat puisse être en français. Mais je veux juste avoir des
éclaircissements de votre part là-dessus.
M. Leblanc
(Michel) :
Deux choses. Je reviendrais sur votre
préambule. Quand vous mettez en opposition un peu les intérêts de mes membres
et le milieu des affaires, moi, je vous dirais que c'est les intérêts du
Québec. Et j'ai la prétention de dire que le développement économique et la
performance de nos entreprises qui pourraient être affectés >négativement,
si elles n'arrivent pas à embaucher des ressources bilingues lorsqu'elles le
jugent nécessaire, ce n'est pas juste mes membres, c'est le Québec en entier
qui va en souffrir.
M. Jolin-Barrette : On
va y revenir.
M. Leblanc (Michel) :
Parfait. Je vous remercie. Pour ce qui est de la contractualisation, c'est
vraiment dans la relation d'entreprise à entreprise. Donc, ce n'est pas
d'entreprise à citoyen. Que le citoyen québécois, dans sa contractualisation
avec des entreprises qui font affaire au Québec, le fasse dans sa langue pour
qu'il comprenne sa langue, c'est bon. Que ce soit entre entreprises qui
contractualisent, et pas juste vers l'international, c'est des entreprises
basées au Québec... Donc une entreprise étrangère qui aurait des filiales
partout dans le monde, qui aurait un contrat type, à qui on dirait, ici, pour
une PME d'ici qui veut faire affaire avec cette entreprise-là : Non, non,
vous devez, avec cette PME-là, contractualiser en français, ça risque de faire
en sorte que l'entreprise va simplement dire : Moi, je ne contractualise
plus à partir du Québec, je vais simplement contractualiser à partir de
Toronto. Puis toi, tu es une entreprise du Québec, tu veux contractualiser, tu
vas aller contractualiser à Toronto, puis tout, tout, tout l'aspect légal va se
gérer de Toronto. C'est l'inquiétude que les cabinets d'avocats m'ont soumise
depuis des semaines, en disant : Cette clause-là va affaiblir toute,
toute, toute la base de compétences au Québec liée à la contractualisation,
entre entreprises québécoises et entreprises internationales qui
contractualiseraient au Québec avec ces entreprises-là.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Bien, on va regarder ce commentaire-là. Je l'accueille positivement. Et un des
objectifs que nous avons... et lorsque vous dites : L'intérêt de vos
membres, c'est l'intérêt du Québec, j'en suis, et le gouvernement du Québec,
bien entendu, veut protéger les sièges sociaux, bien entendu, veut s'assurer
que l'économie du Québec soit florissante. Et vous dites : On amène nos
entreprises, dès le départ, vers l'internationalisation, et ce qui est une
bonne chose, notamment, pour attirer des capitaux, les exportations, on veut
les augmenter aussi, mais lorsque vous dites, bon, il faut que les... ça prend
une marge, ça prend un tampon pour que les enfants, lorsqu'on attire des travailleurs
étrangers, bien, puissent, je comprends, ne pas aller dans les écoles francophones
tout de suite.
Dans le projet de loi, ce qu'on a fait, c'est
qu'on a mis fin au bar ouvert, du fait que, pour les travailleurs étrangers, il
n'y avait pas de limite de temps. On a mis une limite de trois ans. Donc, il y
a encore la liberté, pour un travailleur particulier, d'envoyer son enfant dans
une école d'une autre langue que le français pendant une période temporaire de
trois ans. Sauf qu'il y a des impératifs étatiques aussi, à un moment donné,
pour faire en sorte que l'intégration des personnes qui choisissent le Québec
se fasse en français aussi. Puis vous le savez, tout comme moi, que c'est un équilibre
qui est délicat, et on partage le même objectif du fait que l'économie du
Québec puisse croître, qu'on puisse devenir des leaders, mais ce que je reçois
comme message, c'est que vous préféreriez qu'on ne touche pas à grand-chose.
M. Leblanc (Michel) :
Non, non, non, là, vous me <caricaturez. Ce que je vous dis, c'est la...
M. Jolin-Barrette :
...que
l'économie du Québec puisse croître, qu'on puisse devenir des
leaders. Mais ce que je reçois comme message, c'est que vous préféreriez qu'on
ne touche pas à grand-chose.
M. Leblanc
(Michel) :
Non, non, non, là, vous me >caricaturez.
Ce que je vous dis, la nervosité, c'est que le talent présentement est
sursollicité de partout. Et ça se joue sur des questions de détail. Et donc, si
à Helsinki on embauche des gens chez Nokia ou à Stockholm chez IKEA dans les technologies
de l'information et qu'on dit à ces gens-là : Tes enfants, tu n'auras pas
besoin de les envoyer à l'école suédoise dans trois ans ou à l'école
finlandaise dans trois ans, tu vas pouvoir continuer de les envoyer dans une
école en anglais, parce que tu es mobile puis parce que tu penses que tu es ici
pour un temps indéterminé, ce que je vous dis, c'est le genre d'élément qui, du
point de vue de l'embauche de gens, puis c'est sensible, les enfants, puis
c'est sensible, le conjoint, peut avoir un impact qui... simplement, ça réduit
de 10 %, 15 % les gens qu'on est capable d'attirer.
Et je ne suis pas en train de dire que
c'est simple. Puis c'est pour ça que je refuse d'être caricaturé en disant :
On ne veut pas. Mais...
M. Jolin-Barrette : Ah
bien! ce n'est pas ma prétention.
M. Leblanc (Michel) :
Ce que je vous dis, c'est que c'est très sensible. Et on est à l'intérieur du
Canada. Et Toronto, les entreprises de Toronto ont les mêmes enjeux
d'attraction de ressources. Et mon homologue de Toronto et celui de...
l'équivalent de Montréal International est en train de dire à toutes sortes
d'entreprises : Ces fonctions-là, si vous les logez à Montréal, là,
regardez comment ils vont vous gosser sur vos ressources, mettez-les à Toronto.
Puis ça, c'est la vraie game qui se joue.
Ça fait que, quand les entreprises me
parlent, ils disent : Assure-toi que le gouvernement est bien conscient
qu'à partir du moment où on va dire à des ressources hautement mobiles que tes
enfants, là, ils sont-tu un petit peu... ils sont-tu sous le spectre de l'autisme,
ils ont-tu des enjeux... Mais au bout de trois ans, envoie-les à l'école
française. C'est là qu'on est dans la sensibilité dans un marché international.
Et, si je suis à Helsinki, je ne suis pas
nerveux. Si je suis au Québec parce que je suis en Amérique du Nord, j'ai le
défi qu'on a collectivement comment je maintiens le français comme langue
commune. Mais je vous dis, on joue dans la zone qui va nous affaiblir sur les
talents qu'on cherche à attirer.
Puis ce qui est aussi fatigant, c'est
qu'on dit aux entreprises : Avant d'embaucher des Québécois, là, que tu
veux bilingues, là, il va falloir que tu justifies. Puis là, encore là, on joue
dans une zone où on a des PME puis on veut que, le plus rapidement possible,
elles soient performantes à l'international. Puis on leur dit : Oh! par
exemple, attends, attends, il va falloir que tu me fasses la démonstration que
tu en as vraiment besoin. On est dans la zone où on peut fragiliser notre base
d'affaires.
M. Jolin-Barrette : Mais
c'est faire abstraction du marché également à Montréal et des récentes études
où on exige la connaissance d'une autre langue que le français alors que ce
n'est pas nécessaire. On est en pénurie de main-d'oeuvre, selon certains, à
Montréal, et il y a des candidats unilingues francophones qui ne se font pas
embaucher. Et là on se retrouve à avoir une exigence systématique du
bilinguisme. Est-ce que c'est vraiment requis?
Écoutez, la Fédération des chambres de
commerce était sensiblement d'accord avec l'article 46. Et moi, je trouve
que l'imposition de 46.1, pour le fait que les Québécois puissent travailler
dans leur langue en français, je ne pense pas que c'est déraisonnable. Et on
n'empêche pas les <employeurs...
M. Jolin-Barrette :
...
Est-ce que c'est vraiment requis?
Écoutez, la Fédération des chambres de
commerce était sensiblement d'accord avec l'article 46.
Et moi, je
trouve que l'imposition de 46.1, pour le fait que les Québécois puissent
travailler dans leur langue en français, je ne pense pas que c'est
déraisonnable. Et on n'empêche pas les >employeurs d'exiger la
connaissance d'une autre langue que le français. Cependant, il y a certains
critères aussi pour éviter que systématiquement les emplois requièrent une
autre langue que le français.
• (11 h 40) •
M. Leblanc (Michel) :
Trois éléments. Premièrement, M. le ministre, avec tout le respect,
il y a une pénurie de main-d'oeuvre à Montréal, ce n'est pas : Certains
prétendent que ou certaines pensent que, il y en a une, ça fait que je vous le
dis de terrain, là, il y a une pénurie de main-d'oeuvre à Montréal. Et
l'adéquation qu'on fait... Il y a des gens qui n'ont pas d'emploi puis il y a
des emplois non comblés. Bien oui, mais la réalité, dans la vie, c'est qu'un
emploi non comblé, ça requiert peut-être des compétences que la personne qui
est sur le chômage ou qui est sans emploi ne peut pas avoir ou n'a pas. Alors,
ça, c'est juste pour qu'on arrête cette prétention qu'il y aurait une vue de
l'esprit qu'il n'y a pas de pénurie de main-d'oeuvre à Montréal parce qu'il y a
du chômage, c'est une vue de l'esprit.
Le deuxième élément...
M. Jolin-Barrette :
Juste un point là-dessus. Moi, je dis qu'on disqualifie des gens à Montréal
parce qu'ils ne sont pas bilingues puis qui ont des compétences, ça, vous ne
pouvez pas le nier, là, on voit.
M. Leblanc (Michel) :
La discipline de marché, là, la discipline de marché, elle va opérer puis là,
les économistes vont vous dire : Laissez du temps au marché de jouer, là,
parce que c'est clair que les entreprises ne vont pas se mettre en faillite ou
vont refuser de faire des sous parce que soudainement ils font la fine bouche
avec des employés potentiels qui pourraient répondre à leurs besoins.
Le deuxième, c'est que c'est clair que
c'est intéressant de dire : Ça va prendre des critères. La question qui
est posée dans le mémoire, c'est : C'est-tu un fonctionnaire qui va dire :
Soumets-moi ton plan d'embauche? Envoie-moi tes critères d'embauche puis
justifie-moi comment est-ce que tu détermines qu'ils ont besoin de l'anglais ou
pas. La demande des entreprises présentement...
M. Jolin-Barrette : Non, ce n'est
pas ça. Ce n'est pas ça, puis vous le savez que ce n'est pas ça. Honnêtement, l'article 46
de la charte actuellement, ce n'est pas ça. Vous savez que 46.1, ça ne sera pas
ça. Alors, quand vous dites ça en commission parlementaire, honnêtement, vous
essayez de faire peur aux entreprises, puis je n'accepte pas ça. C'est un
droit...
M. Leblanc (Michel) :
Les entreprises ont peur, M. le ministre, les entreprises ont peur.
M. Jolin-Barrette : C'est un
droit qui est prévu dans la loi... Oui, mais la peur des entreprises n'est-elle
pas accentuée par les propos que vous tenez en commission parlementaire présentement?
L'article 46.1 prévoit des modalités
et des droits. Est-ce que, dans le projet de loi, c'est prévu que c'est les
fonctionnaires qui vont venir vérifier ça? Non. Ça ne l'a jamais été et ça ne le
sera pas. C'est un processus qui est en place pour faire en sorte que les entreprises...
un processus légal, puis les entreprises sont assujetties à une série de règles
dans tous les domaines, pas uniquement pour la langue française, mais pour beaucoup
d'autres choses.
Alors, lorsque vous présentez ce point de
vue là puis vous dites : Les entreprises ont peur, ça va être des
fonctionnaires, tout ça, attention. Il n'y a personne qui va soumettre son plan
d'embauche. Vous savez comment ça fonctionne. Puis vous m'avez dit...
M. Leblanc (Michel) :
Non, mais je suis très heureux de vous l'entendre dire clairement comme ça, M.
le ministre, très heureux.
M. Jolin-Barrette : Vous
m'avez dit : J'ai consulté beaucoup d'avocats puis mon conseiller. Je
doute fortement qu'ils vous aient dit ça.
M. Leblanc (Michel) :
Ah! les avocats, ce qu'ils nous ont dit, c'est que ça ouvre la porte à un
éventuel contrôle des politiques d'embauche — à un éventuel — puis
moi, je suis très heureux de vous entendre dire que ce n'est absolument pas
l'intention de l'État de le faire à aucun moment. Je suis très heureux.
M. Jolin-Barrette : Lorsqu'il
y a des règles qui sont établies, s'il y a violation des règles, vous savez que
les gens <peuvent...
M. Jolin-Barrette :
...Je doute fortement qu'ils vous aient dit ça.
M. Leblanc (Michel) :
Ah! les avocats, ce qu'ils nous ont dit, c'est que ça ouvre la porte à un
éventuel contrôle des politiques d'embauche, à un éventuel. Puis moi, je suis
très heureux de vous entendre dire que ce n'est absolument pas l'intention de
l'État de le faire à aucun moment. Je suis très heureux.
M. Jolin-Barrette :
Lorsqu'il y a des règles qui sont établies, s'il y a violation des règles, vous
savez que les gens >peuvent porter plainte, puis il y a des recours du travailleur,
qui, lui, peut se dire : Bien, j'ai le droit de travailler en français,
puis on m'a exigé la connaissance d'une autre langue, alors que ce n'est pas nécessaire.
Vous connaissez les mécanismes. Mais il faut juste faire attention, quand on
invoque, en commission parlementaire, certains éléments que vous savez qui ne
sont pas exacts.
M. Leblanc (Michel) :Déjà là, ce que vous dites amène les entreprises à être
inquiètes sur la multiplication des plaintes, et éventuellement la
judiciarisation de ces plaintes, puis éventuellement les risques réputationnels
parce que des employés quérulents, comme il existe des citoyens quérulents, se
mettraient à contester que des réunions se passent en anglais, que des
embauches se passent en exigeant de l'anglais ou qu'éventuellement des emplois
soient transformés parce que, dorénavant, on exigerait l'anglais. Il y a une
grande crainte de la multiplication de ces plaintes d'employés.
Les gens disent souvent : À partir du
moment où il y a quelqu'un de Toronto qui parle juste anglais, dans une réunion
Zoom, présentement, il fait parler en anglais. Il y a des entreprises qui
disent : Oui, je le sais, puis, en même temps, progressivement, on
s'internationalise, puis c'est ça qui est en train de se passer. Puis on peut
penser qu'une société comme L'Oréal, pendant longtemps, a fonctionné en France,
à Paris, en français, puis un jour L'Oréal a décidé que ses réunions de ses
employés Français à Paris se passeraient en anglais. C'est là où il y a une
nervosité. C'est quand vous dites : On ne va pas contrôler les plans
d'embauche, la perception, c'est non, mais vous ouvrez la porte à une
multiplication des plaintes, à une forme de risque réputationnel. Les entreprises
vont devoir continuellement s'expliquer pourquoi ça se passe en anglais à tel
moment puis à tel autre moment.
M. Jolin-Barrette : Mais vous
ne pensez pas que — actuellement, dans le marché du travail québécois,
là, effectivement, il y a des entreprises qui s'internationalisent, mais ce
n'est pas tout le monde qui est à l'international — vous ne pensez
pas qu'il y a un enjeu, sur le marché du travail montréalais, dans
l'environnement de travail, qu'il y a beaucoup de Québécois qui doivent
travailler dans une autre langue que le français, alors que ce n'est pas nécessaire?
Est-ce que, pour votre organisation, c'est un fait?
M. Leblanc (Michel) :
Oui, puis je suis prêt à vous rejoindre là-dessus, c'est-à-dire que moi, je
pense qu'il y a eu des réflexes d'entreprises d'exiger du bilinguisme partout.
Je pense que, donc, c'est nécessaire de regarder comment on peut corriger ça.
Mais ce que je vous dis, c'est qu'il y a un risque, et le risque, je le vois
sur l'internationalisation des entreprises et non pas sur le restaurant de
Montréal-Nord où ça se passerait en anglais, alors que ça devrait se passer en
français. Donc, ça, je vous l'accorde.
Puis je ne vous dis pas que... c'est pour
ça que, quand vous dites : Je suis contre, je ne suis pas contre. Ce que
je vous dis, c'est qu'il y a une zone de risque, puis elle est sur les
entreprises susceptibles d'aller vers les marchés à l'exportation ou des
entreprises susceptibles d'être dans des lieux à haute fréquentation
touristique. Donc, le même restaurant qui est à Montréal-Nord, s'il est dans le
Vieux-Montréal, pourrait décider que lui, non pas qu'il veut que ça se passe en
anglais, mais il exige systématiquement une connaissance de l'anglais pour tous
ses serveurs parce qu'il y a une panoplie de touristes, d'étrangers qui vont se
présenter. Donc, encore là, dire : Bien, en restauration, on n'a pas le
droit de l'exiger, non, parce qu'il y a des endroits où la restauration vit du <touriste...
M. Leblanc (Michel) :
...Donc, le même restaurant qui est à Montréal-Nord, s'il est dans le
Vieux-Montréal,
pourrait décider que lui, non pas qu'il veut que ça se passe en anglais, mais
il exige systématiquement une connaissance de l'anglais pour tous ses serveurs
parce qu'il y a une panoplie de touristes, d'étrangers qui vont se présenter.
Donc, encore là, dire : Mais en restauration, on n'a pas le droit de
l'exiger, non, parce qu'il y a des endroits où la restauration vit du >touriste.
Et de la même façon que quand moi, je vais au Japon, qu'est-ce que je cherche,
un restaurant où on peut me parler en anglais, bien, de la même façon qu'un
Japonais qui vit à Montréal, il risque de chercher un restaurant où on peut y
parler en anglais aussi. C'est ça, la réalité.
M. Jolin-Barrette : Encore
là, avec respect, 46.1 du projet de loi, ce n'est pas ce qu'il dit. Il ne dit
pas qu'un restaurateur dans le Vieux-Montréal ne pourra pas embaucher des
serveurs qui ont une maîtrise de la langue anglaise pour servir une clientèle
étrangère. Ce n'est pas ce que 46.1 dit. Et je l'ai dit, on n'est pas
dogmatiques relativement aux emplois qui peuvent exiger la connaissance d'une
autre langue que l'anglais, mais il y a certains critères pour s'assurer que, généralement,
sur le marché du travail, ce soit le français qui prédomine. Et, bien sûr, il y
a certains corps d'emploi qui exigent la connaissance autre que l'anglais. Le
cas des serveurs... effectivement, ça peut être le cas, hein, ça peut être le
cas, parce qu'il y a une clientèle internationale à Montréal... O.K. Il n'y a
pas d'enjeu. Mais de dire que le projet de loi vient interdire à un
restaurateur d'embaucher quelqu'un qui a une connaissance de la langue
anglaise, c'est inexact. Bref... Mais je vais céder la parole à mes collègues
qui souhaitent poser des questions, mais je vous remercie pour votre passage en
commission parlementaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et, M. le député de Saint-Jean, vous avez exactement 1 min 20 s
pour poser une question et avoir une réponse de M. Leblanc.
M. Lemieux : Je m'excuse, je
n'avais pas mes écouteurs. Combien 20?
La Présidente (Mme Thériault) :
1 min 20 s.
M. Lemieux : D'accord. J'étais
rendu... Bonjour, M. Leblanc. J'étais rendu exactement où était le ministre,
mais j'essayais de ramener ça, dans ma tête, à la vraie vie, et pas seulement
dans le siège social.
M. Leblanc (Michel) :
C'est la vraie vie, dans le siège social.
M. Lemieux : Genre, la
mairesse, hier, est venue nous dire : C'est la plus grande ville francophone
en Amérique du Nord, il faut que ça paraisse. Et je pense que si on a le projet
de loi, en ce moment, c'est parce qu'on sent, tout le monde, qu'il faut
protéger le français. Puis je pense que ça ne paraissait pas assez, un bout de
temps, puis là on essaie de corriger ça.
J'ai apprécié votre... d'emblée, dire :
Puis on est d'accord, puis même 25, on peut vivre avec ça, mais dans la vraie
vie, dans les compagnies dont on parle, il n'y a pas juste le siège social puis
les 10 qui travaillent avec l'étranger en permanence, il y a des centaines de personnes,
là-dedans. Ils ont le droit de parler en français, et de vivre, et de
travailler en français, ces gens-là.
M. Leblanc (Michel) :
Je vous entends. Je vous corrigerai... d'abord, le siège social, c'est la vraie
vie aussi. Deuxièmement, quand vous dites qu'il y a 10 personnes puis des
centaines, moi, je vous corrigerai, c'est des centaines de personnes, dans les sièges
sociaux, qui doivent fonctionner en anglais. Mais là où je vous rejoins, c'est...
L'objectif, je pense, qu'on veut atteindre, c'est que lorsque ce n'est pas nécessaire,
on n'a pas à l'exiger. Mais je vous dis que c'est souvent nécessaire, c'est ça
mon point.
M. Lemieux : Est-ce qu'il y en
a trop en ce moment? On est-tu capable de descendre ça?
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je...
M. Lemieux : Ah! excusez, Mme
la Présidente. Désolé...
La Présidente (Mme Thériault) :
Je n'ai plus de temps, désolée. Merci. Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
la parole est à vous.
Mme David : Merci beaucoup.
Bonjour, M. Leblanc.
M. Leblanc (Michel) :
Bonjour, Mme David.
Mme David : Ça fait longtemps
qu'on ne s'était pas vus. Écoutez, la question, justement, des créneaux <stratégiques...
M. Lemieux : ... Ah!
excusez,
Mme la Présidente. Désolé...
La Présidente (Mme Thériault) :
Je n'ai plus de temps, désolée. Merci. Donc,
Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys,
la parole est à vous.
Mme David :
Merci
beaucoup. Bonjour. M. Leblanc.
M. Leblanc (Michel) :
Bonjour, Mme David.
Mme David : Ça fait
longtemps
qu'on ne s'était pas vus.
Écoutez, la
question,
justement,
des créneaux >stratégiques, les créneaux stratégiques, on le sait, on
s'est beaucoup réjoui du secteur de l'intelligence artificielle, évidemment, le
Mila a fait tout ce qui gravite autour de ce succès mondial, l'aérospatial,
avec des écoles, je le souligne, collégiales formidables là-dessus puis tout ce
qui s'est développé en recherche et développement, les technologies propres,
vous dites aussi, enfin on peut en nommer plusieurs, mais les jeux vidéo...
Et puis là, vous dites,
recommandation 3 : S'assurer que la loi reconnaît la nécessité
d'intégrer sur les lieux de travail des travailleurs qui ont un niveau de
connaissance de français limité lors de leur embauche, bon, ce qui pourrait
impliquer des accommodements temporaires. Ça a été fait récemment par la CAQ
pour des travailleurs, si je me souviens bien, il y a quelques mois, vous me
corrigerez, pour des travailleurs justement en intelligence artificielle, je
crois, où ils ont carrément dit : On n'exigera pas le français. Est-ce que
je me trompe?
M. Leblanc (Michel) :
Il y a des déclarations qui sont faites puis après ça il y a des textes. L'enjeu,
c'est les textes. Et pour nous, l'important, c'est qu'on reconnaisse que, dans
tous ces secteurs-là, non seulement ils se développent en attirant des talents
qui viennent compléter nos équipes locales, qui sont souvent des spécialistes...
Puis je ne dis pas qu'ils viennent de pays anglophones, du tout, je dis juste
que leur langue internationale de travail, c'est l'anglais, la langue de la
recherche, c'est l'anglais. Ça, c'est un.
• (11 h 50) •
Deux, je dis qu'au moment de l'embauche,
il faut réaliser que... Puis là, je prends l'intelligence artificielle parce
que c'est l'exemple... c'est comme si c'est l'éléphant dans la pièce. Il n'y a
pas d'intelligence artificielle au Québec si ça ne fonctionne pas en anglais,
je vous le dis, il n'y en a pas. Probablement qu'il n'y en aura pas pendant
très longtemps si on ne laisse pas savoir que ce milieu-là, là, c'est des gens
partout sur la planète. Ils arrivent ici, ils ne connaissent pas le français,
ils arrivent ici à cause de l'excellence de nos institutions puis la capacité
de travailler avec les meilleurs chercheurs entre eux puis on est en train de
bâtir ça. Bien, c'est un enjeu majeur et le signal qu'on doit lancer, c'est
qu'on est ouvert à ça.
Alors, ce qu'on a fait sur l'intelligence
artificielle, il faut le faire en aéronautique. Il faut le faire dans des
secteurs de pointe. Et si on était, encore une fois, à Helsinki ou à Amsterdam,
on l'admettrait collectivement puis on dirait : Ce n'est pas dangereux,
c'est normal.
Notre enjeu, c'est quand on dit, puis
comme on vient de le dire précédemment : O.K., mais dans les restaurants,
comment ça se passe? Puis dans les restaurants, selon où ils sont situés,
comment ça se passe? Puis à Montréal, il arrive beaucoup d'immigrants puis les
immigrants ne connaissent pas tous le français en arrivant, ne connaissent pas
tous l'anglais non plus. Puis là, ça devient une capacité de les accompagner,
ça devient une capacité de travailler avec eux avec un lien de confiance. On
est heureux qu'ils viennent, on a des pénuries de main-d'oeuvre. Comment est-ce
qu'on travaille sur le terrain, puis comment est-ce qu'on travaille dans une
dynamique qui ne les angoisse pas, qui ne crée pas de l'anxiété?
Mme David : Tu sais, un peu
là-dessus, justement, le Mile End, là où est Ubisoft, Mila, etc., là, c'est
rendu maintenant <Mile End...
M. Leblanc (Michel) :
... travailler avec eux avec un lien de confiance. On est
heureux qu'ils viennent, on a des pénuries de main-d'oeuvre, comment est-ce
qu'on travaille sur le terrain? Puis comment est-ce qu'on travaille dans une
dynamique qui ne les angoisse pas, qui ne crée pas de l'anxiété?
Mme David : Tu sais, un peu
là-dessus, justement, le Mile End, là où est Ubisoft, Mila, etc., là, c'est
rendu maintenant >Mile End, Mile-Ex, le
campus MIL, que vous connaissez très bien évidemment, évidemment qu'il y
a beaucoup d'anglophones et de parlants anglais pour, entre eux, bon, faire
toutes les recherches, et tout ça. Ça ne veut pas dire que ce n'est pas des
chercheurs extraordinaires qui parlent un français exceptionnel. Je veux dire, l'Université
de Montréal, avec Yoshua Bengio, là, il parle français de façon remarquable,
mais c'est sûr que, dans sa journée, si on faisait le calcul, probablement
qu'il y a pas mal d'anglais. Mais seriez-vous d'accord avec le principe qu'on
fasse le maximum pour que ces gens-là qui habitent Montréal, vivent à Montréal,
vont dans les restaurants à Montréal, vivent dans le Mile End, apprennent le
français, qu'on les accompagne justement?
M. Leblanc (Michel) :
Complètement, complètement. Et je le dis, ce qu'on veut, c'est
qu'éventuellement ils choisissent de rester ici, parce que la qualité de vie
est incroyable, parce que ça se passe bien pour eux et leurs familles, et, éventuellement,
parce que c'est excitant que ça se passe en français, parce que c'est excitant
ce lieu-là.
Mme David : Mais est-ce qu'on
le rendrait obligatoire ou on les accompagne s'ils ont le goût, ce qui fait qu'il
y a des rues maintenant à Montréal, où effectivement ça se passe beaucoup plus
qu'avant en anglais?
M. Leblanc (Michel) :
Moi, je suis d'accord qu'on lance un signal, que ça va finir par devoir se
passer en français. Je dis, essayons d'éviter de dire que c'est à l'intérieur
de trois ans pour les enfants, je fais juste dire ça, pour les enfants.
Mme David : Oui, ça, on va y
revenir sur le trois ans. O.K.
M. Leblanc (Michel) :Pour les... eux-mêmes, que la francisation, qu'il y ait des objectifs
de francisation, tout à fait d'accord, pour qu'il y ait de l'accompagnement, tout
à fait d'accord, et que des entreprises qui n'auraient pas les bonnes
stratégies ou les bons plans en francisation, je suis d'accord qu'on
intervienne, qu'éventuellement on leur dise qu'ils doivent se conformer puis éventuellement
qu'il y ait des amendes. C'est juste qu'il faut que les délais soient
suffisants puis que les amendes soient progressives.
Mme David : O.K. Dans
J'apprends le français, que j'ai bien connu, ça aussi, ça a parti dans une université
que je connais bien puis ça a fait des petits, puis là c'est rendu quatre universités,
c'est un programme exceptionnel, là, qui a été reconnu. Comment ça se fait que
ce n'est pas reparti, ce programme-là? C'est génial, je dirais, c'est
formidable.
M. Leblanc (Michel) :
Écoutez, les circonstances, c'est ceci, pour ceux qui ne sont pas familiers, j'apprends
le français est un programme qu'on a développé où des gens des universités qui
sont dans les facultés où on apprend, où on apprend à enseigner le français,
vont rencontrer des commerçants dans le commerce pour leur apprendre le
français lié à leur travail. C'est un programme qui répond à 12 ans
d'apprentissage, essais, erreurs, puis qui fonctionne parfaitement, parce que
pour l'immigrant ou le non connaissant du français qui travaille, c'est le
moment où il peut le faire sur son lieu de travail, c'est un français qui lui
est directement utile puis, pour les étudiants, c'est génial parce qu'ils vont
tester, sur leur terrain, toutes leurs théories.
On arrive en pandémie, au moment du
renouvellement du financement, et c'est un programme qui est basé sur la
proximité entre un jeune enseignant puis un commerçant quelques heures par
jour, par semaine. Et donc le gouvernement a décidé de suspendre le financement,
on a arrêté d'un coup, on a mis tout le monde à pied, et donc le programme est
inopérant. Et, après ça, bien, d'abord, les communautés n'ont pas compris, les
commerçants n'ont pas compris, les listes d'attente se sont <allongées...
M. Leblanc
(Michel) :
...
qui est basé sur la proximité entre
un jeune enseignant puis un commerçant quelques heures par jour, par semaine.
Et donc le gouvernement a décidé de suspendre le financement, on a arrêté d'un
coup, on a mis tout le monde à pied, et donc le programme est inopérant. Et,
après ça, bien, d'abord, les communautés n'ont pas compris, les commerçants
n'ont pas compris, les listes d'attente se sont >allongées.
Au moment où on se parle, ce que je dis au
gouvernement, c'est : On sort de la pandémie. Il y a possibilité de se
rencontrer. Est-ce qu'on ne devrait pas immédiatement réactiver ce
financement-là? Parce qu'on a des commerçants heureux de se franciser,
notamment dans la communauté chinoise, qui était une communauté qui n'était pas
si volontaire dans le passé.
Puis deuxièmement, je vous dis, il n'y a
rien qu'un commerçant désire le plus que de rentrer à la maison puis d'être
capable de montrer à son enfant qui va à l'école francophone que lui-même
maintenant est capable de parler français.
Mme David : Et on parle
de tout petits commerces, là.
M. Leblanc (Michel) :
C'est ça.
Mme David : On parle de
dépanneurs, on parle de Côte-des-Neiges. C'est rendu à Laval...
M. Leblanc (Michel) :
C'est ça. C'est ça.
Mme David : ...c'est
rendu un coiffeur près de l'Université Concordia qui a dit : J'ai appris
le français. C'est vraiment extraordinaire. Alors, je suis contente que vous en
parliez, parce que j'ai déjà questionné le ministre là-dessus puis je vais
continuer à le questionner là-dessus.
M. Leblanc (Michel) :
C'est un exemple de programme dans la vraie vie. C'est vraiment le programme
sur rue. C'est le nettoyeur qui apprend ce que ça veut dire, un ourlet. Et, à
travers ça, une campagne de sensibilisation de toute la communauté autour pour
dire : Ces commerçants-là qui apprennent le français, parlez-leur en
français. Parlez un petit peu plus lentement. Expliquez-leur vos termes. Mais
ne basculez pas dans l'anglais. Et donc, dans la vraie vie, c'est aussi un
message à la communauté d'être fière d'utiliser le français dans sa relation
avec des commerçants.
Mme David : Je vais
m'interrompre parce que mon collègue va vous poser une question.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez 3 min 45 s.
M. Birnbaum : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, M. Leblanc. Merci beaucoup pour votre
présentation.
Je veux réaborder la question des séjours
temporaires, que le projet de loi propose de limiter à une seule période de
trois ans pour éviter, pour citer le ministre, le «bar ouvert».
Vous avez parlé à juste titre de la
qualité de ces personnes-là, qui sont souvent non francophones, pas
nécessairement anglophones, et leur apport aux grappes essentielles, à leur
apport au Québec. De mon expérience de 10 ans comme directeur général de
l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec, où venaient
beaucoup de ces gens-là, c'étaient justement des séjours temporaires, dans un
premier temps, qui n'accordaient aucunement, mais aucunement des droits acquis
en ce qui a trait à l'école anglaise. Pour la plupart du temps, c'étaient des
séjours, des gens qui auraient pu se trouver n'importe où au monde et qui
étaient recherchés partout au monde, qui retournaient dans leur coin. Par
contre, la possibilité pour leurs enfants de ne pas avoir à étudier pour une
période limitée en français était très importante dans leur choix.
J'ai deux questions. Comme je dis, de mon
expérience, la plupart de ces gens, malheureusement, retournaient dans un autre
pays ou, s'ils restaient, partageaient notre passion collective pour le
français et voulaient se donner la tâche d'intégrer au Québec en français ainsi
que dans leur <langue maternelle...
M. Birnbaum : ...
de
mon expérience, la plupart de ces gens, malheureusement, retournaient dans un
autre pays ou, s'ils restaient, partageaient notre passion collective pour le
français et voulaient se donner la tâche d'intégrer au Québec en français ainsi
que dans leur >langue maternelle. Je me demande si c'est bel et bien
votre expérience et l'expérience de vos membres.
M. Leblanc (Michel) :
Moi, je dirais, dans l'ensemble, évidemment, là, ce qu'on en perçoit, nous,
c'est que les gens qui viennent au Québec ont une période de flottement de
quelques années où ils regardent comment ça se passe et décident de rester
quand ils s'intègrent bien. Et dans s'intégrer, ça veut dire aussi s'intégrer
linguistiquement.
Et donc ce qu'on voit, nous, c'est des
gens qui finissent par se dire : O.K., au début, je n'étais pas sûr si je
l'apprendrais, le français, finalement, je l'ai appris. Et c'est presque
inverse, c'est-à-dire que ce n'est pas parce qu'ils se disent : O.K., il
faut que je l'apprenne parce que légalement je vais être obligé de l'apprendre,
c'est : Il faut que je l'apprenne parce que j'aime ça être ici.
Et donc le plus grand défi, c'est de les
attirer au début alors qu'ils ne savent pas s'ils vont aimer ça puis ils ne
savent pas si l'exigence du français va être très, très marquante, puis c'est
là qu'est la période de nervosité. Et c'est pour ça que je dis : Soyons
attentifs au signal qu'on lance avant leur arrivée pour les attirer ici. Et
ensuite mettons le paquet pour que ça soit le plus facile possible pour eux de
glisser dans le français.
Et donc ce qui m'inquiète dans le trois
ans, c'est le signal avant qu'ils choisissent de venir ici. Une fois qu'ils
vont être ici, si ça se passe bien, ils vont l'apprendre puis, si ça ne se
passe pas bien, ils vont dire : Regarde, on fait deux ans puis on s'en va,
puis ils ne l'apprendront pas du tout. Ça fait que c'est vraiment sur quel
signal on lance avant, puis, une fois qu'ils sont ici, pour reprendre une image
qu'on a déjà utilisée dans le passé, ils sont dans la marmite. Puis là, si ça
se passe bien, bien, ils vont rester puis ils vont être heureux. Mais il faut
pouvoir les attirer. C'est ça, l'inquiétude des entreprises.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est beau? Parfait. Il vous reste 30 secondes.
M. Birnbaum : Donc, juste pour
confirmer, de votre avis, on risque avoir un impact négatif si on impose cette
limite telle que proposée dans le projet de loi.
M. Leblanc (Michel) :
C'est clairement l'inquiétude des gens d'affaires auxquels j'ai parlé par
rapport au projet de loi.
M. Birnbaum : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, Mme la députée de Mercier pour votre 2 min 50 s.
Mme Ghazal : Oui, merci.
Merci, M. Leblanc, pour votre présentation. Je vais revenir là-dessus, sur
attirer les talents de l'étranger. Je voudrais juste savoir : Est-ce que
vous êtes d'accord que tout le monde, notamment le monde des affaires, les
chambres de commerce, le patronat, doivent faire leur part pour protéger le
français au Québec, et surtout à Montréal? Juste si ça peut être oui ou non,
j'ai comme deux minutes.
M. Leblanc (Michel) :C'est parce que... non, non, mais je déteste ces questions-là,
parce que «faire leur part», évidemment qu'ils font leur part. Mais, si ça veut
dire d'affaiblir les entreprises, éventuellement, d'affaiblir l'économie du
Québec, ça ne s'appelle pas faire sa part.
Mme Ghazal : Non, non, mais
attendez, on va avoir la discussion, on va avoir la discussion. Donc, vous êtes
d'accord qu'il faut faire des efforts?
M. Leblanc (Michel) :
Oui.
Mme Ghazal : Non? Oui.
Parfait. Puis est-ce que vous êtes d'accord que la vitalité d'une langue dépend
beaucoup de la langue au travail?
M. Leblanc (Michel) :
Oui, mais pas plus que la langue dans l'espace public, à l'extérieur...
Mme Ghazal : Pas plus qu'à la
maison.
M. Leblanc
(Michel) : ...pas plus que la langue de la culture, pas plus
que la langue des échanges dans l'espace public. La langue de travail, ça fait
partie de ça, mais on pourrait avoir des gens parfaitement intégrés,
complètement francophones qui travaillent chez Ubisoft à développer...
• (12 heures) •
Mme Ghazal : Et ils
travaillent totalement en <anglais...
>
12 h (version révisée)
< M. Leblanc (Michel) :
...Oui, mais pas plus que la langue dans l'espace public, à l'extérieur...
Mme Ghazal : Pas plus qu'à
la maison.
M. Leblanc (Michel) :
...pas plus que la langue de la culture, pas plus que la langue
des échanges dans l'espace public. La langue de travail, ça fait partie de ça,
mais on pourrait avoir des gens parfaitement intégrés, complètement
francophones qui travaillent chez Ubisoft à développer...
Mme Ghazal : Et ils
travaillent
totalement en >anglais, et ça ne serait pas grave.
M. Leblanc (Michel) :
Bien, à développer un jeu en fonction d'une mise en marché internationale avec
des équipes basées à Vancouver puis basées à Singapour puis qui vont...
Mme Ghazal : Et donc vous
acceptez qu'ils travaillent en anglais, c'est correct, ça n'enlève rien à la
vitalité de la langue française.
M. Leblanc (Michel) :Exactement pas. C'est ça, je suis d'accord.
Mme Ghazal : Bien, la chambre
de commerce, le monde des affaires a évolué, depuis 1977, vous l'avez dit, vous
avez évolué par rapport à la question de 25 employés et plus. Je suis
contente d'entendre ça.
Je veux vous demander, qu'est-ce qu'on
fait avec les petites entreprises? Vous, ce que vous dites, c'est que ça prend
10 employés, par exemple, et plus. Ce que ça prend, c'est des mesures
volontaires, comme J'aime le français...
M. Leblanc (Michel) :
J'apprends.
Mme Ghazal : ...je pense que c'est
ce programme-là, etc., c'est ce que ça prend, et non pas des mesures plus
contraignantes, parce que beaucoup d'immigrants travaillent dans les petites entreprises,
c'est ce que je comprends de ce que vous voulez dire.
M. Leblanc (Michel) :
Ce qu'on dit, c'est que les toutes petites, c'est des dynamiques entrepreneuriales
de survie, dans bien des cas, et ces dynamiques-là sont incroyablement
complexes. Quelqu'un qui crée son entreprise, puis qui possède mal le français,
puis qui fait des heures de fous, puis qui est en train d'essayer de lire le
marché correctement, puis de se conformer, si on rajoute des couches
d'exigences, c'est lourd, puis si on rajoute des pénalités puis des
exigences...
Mme Ghazal : Mais vous êtes d'accord
pour les 25 employés? Ça, vous ne l'étiez pas, vous êtes maintenant d'accord.
M. Leblanc (Michel) :
Oui. Oui.
Mme Ghazal : Donc, c'est
possible peut-être d'évoluer.
Pour ce qui est des gens de l'étranger, est-ce
que... souvent, les gens de l'étranger, ils sont attirés aussi par Montréal et
le Québec parce que c'est francophone, parce que c'est unique. Vous, vous
mettez ça comme une barre très, très haute, en tout cas, les membres ou les entreprises
avec qui vous parlez. Mais les gens, quand ils viennent ici, est-ce qu'il aussi
d'autres choses que le français? Vous le mettez comme une grande montagne. Il y
a quand même... ce n'est pas un copier-coller, le marché du travail puis les conditions
de travail qu'il y a à Toronto, il y a d'autres choses.
M. Leblanc (Michel) :
Vous avez parfaitement raison. Il y a des gens qui viennent au Québec, qui
viennent à Montréal parce qu'ils adorent ça, cette différence, ce fait français
et cette culture, ils adorent ça.
Mme Ghazal : Et on pourrait
les franciser dans les entreprises.
La Présidente (Mme Thériault) :
...fin à l'échange, malheureusement.
M. Leblanc (Michel) :
Oui. Mon seul point...
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois mettre fin à l'échange.
M. Leblanc (Michel) :
...c'est qu'il y a aussi des gens qu'on aurait...
La Présidente (Mme Thériault) :
Désolée, M. Leblanc. Le micro est coupé. M. le député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé
:
Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, M. Leblanc. Parlons du centre-ville
de Montréal, parlons de son caractère unique. Vous savez, quand j'étais ministre
du Tourisme, à New York, le groupe de I love New York nous ont
dit : Vous avez un potentiel exceptionnel, parce que c'est... «It's Europe
without a jet lag», et je trouvais que c'était une expression fabuleuse qu'ils
disent. On ne veut pas retrouver Pittsburgh, on ne veut pas retrouver
Cleveland, on veut trouver Montréal.
Et je veux vous féliciter, et je vais vous
dire pourquoi. L'auteur de cette maintenant célèbre motion du «Bonjour! Hi!»
est devant vous et vous parle, et l'objectif était de démontrer que l'accueil
que l'on réserve aux nôtres et aux touristes est important pour le caractère français
de Montréal. Et vous êtes allé dans une radio anglophone, et vous avez dit exactement
ce que vous dites en français, vous avez dit : Ça devrait se faire en français.
Et on vous a critiqué pour ça, Ironman, entre autres. Et vous <avez...
M. Bérubé : ...l'accueil
que l'on réserve aux nôtres et aux touristes est
important pour le
caractère
français de
Montréal. Et vous êtes allé dans une radio
anglophone, et vous avez dit
exactement ce que vous dites en
français,
vous avez dit : Ça devrait se faire en
français. Et on vous a
critiqué pour ça, Ironman,
entre autres. Et vous >avez eu ce
courage, et je veux vous féliciter pour ça, et ça n'a pas été assez dit, vous
considérez que le caractère français de Montréal c'est un atout. Alors, vous
êtes un allié là-dedans, et puis ça n'a pas suffisamment été dit. Moi, je vous
le dis, que j'ai bien apprécié que vous disiez ça. On n'a pas toujours la même
en anglais puis en français, j'en ai eu une belle démonstration hier avec la
mairesse de Montréal. Mais, vous, c'est la même chose dans les deux langues.
Ceci étant dit, une note éditoriale, sur
la question de l'accueil en français, on a une proposition à faire qui se veut
positive. On inverse la polarité. Je vous en fais part brièvement. C'est un
insigne de bonne conduite linguistique. Toutes les entreprises qui font des
affaires au Québec ont l'obligation de répondre aux exigences de l'OQLF. Celles
respectant l'entièreté des dispositions pourraient apposer fièrement un insigne
de bonne conduite sur leur porte, mesure incitative tant pour les entreprises
de commerce de détail ou de services, les restaurants, l'hôtellerie, ou pour
les citoyens qui font affaires. Une belle initiative pour celles et ceux qui
préfèrent se faire accueillir avec un bonjour. Autrement dit, si vous répondez
aux exigences, vous pouvez la placer. Si vous ne l'avez pas, on ne vous
condamne pas, mais il me semble que c'est une valeur ajoutée pour les places
d'affaires de l'indiquer. Par la positive, par l'émulation, on trouve que c'est
une façon supplémentaire d'inviter à parler français. Que pensez-vous d'une
telle initiative?
M. Leblanc (Michel) :
Moi, je pense que ça fait partie de tous ces éléments qu'on pourrait vouloir
rendre disponibles, là. Tu sais, ça pourrait être aussi que c'est une entreprise
verte. Ça pourrait être que c'est une entreprise qui respecte la diversité. Ça
pourrait être une entreprise qui respecte l'importance de l'égalité des sexes.
Alors, de rajouter qu'on est une entreprise aussi qui respecte le caractère
linguistique du français ou du Québec, là, j'en suis. Je suis juste dans me
dire que l'offensive qui est à faire, à mon avis, là, c'est bien plus de
travailler sur le Québécois que sur le commerce.
La Présidente (Mme Thériault) :
Ceci met fin à l'échange, M. Leblanc. Donc...
M. Leblanc (Michel) :
Permettez-moi deux petites secondes, là, quand même, là. Ce que je veux dire,
je viens de dire... je viens de mettre sur les épaules des Québécois la
responsabilité de dire : Quand je rentre dans un commerce, là, bien,
parlez-leur en français, puis demandez des informations en français.
M.
Bérubé
: On
est d'accord encore une fois.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et ceci mettra vraiment fin à l'échange de ce matin. Donc, merci,
M. Leblanc, de votre présence en commission parlementaire.
Je vais... donc la commission suspend ses
travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 06)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 04)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, nous reprenons nos travaux. Et, cet après-midi, nous entendrons le
Conseil québécois du commerce de détail, la commission des droits de la personne
et de la jeunesse, qui sera suivie de l'Association des Townshippers et de la Fédération
québécoise des municipalités.
Donc, avant d'entendre le premier groupe
qui est avec nous, Mme la députée de Mercier, vous avez une demande à me faire.
Mme Ghazal : Oui, Mme la
Présidente. Comme le député de Matane-Matapédia n'est pas ici aujourd'hui, j'aimerais
savoir si ça serait possible pour moi d'avoir son temps pour tout l'après-midi
pour les prochains groupes.
La Présidente (Mme Thériault) :
Pour les quatre groupes. Donc, il y a 2 min 50 s qui
appartiennent au député de Matane-Matapédia. Et la députée en fait la demande.
Donc, s'il y a consentement, il n'y a aucun problème.
M. Jolin-Barrette : Nous
consentons, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il y a consentement, parfait.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, on va réajuster le temps pour vous donner le total des minutes.
Donc, évidemment, je tiens à préciser que
nous allons poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue
officielle et commune du Québec, le français.
Donc, je souhaite la bienvenue aux représentants
du Conseil québécois du commerce de détail. Donc, M. Côté, si vous voulez
nous présenter la personne qui est à vos côtés, et la parole est à vous pour
une dizaine de minutes avant de procéder aux échanges avec la partie
ministérielle.
Conseil québécois du commerce de détail (CQCD)
M. Côté (Jean-Guy) : Merci,
Mme la Présidente. Chers membres de la commission, le CQCD remercie la Commission
de la culture et de l'éducation de lui offrir la possibilité de s'exprimer dans
le cadre de la présente consultation portant sur le projet de loi n° 96.
Donc, comme vous le savez, je suis
Jean-Guy Côté, directeur général du conseil. Je suis accompagné par Me
Françoise Pâquet, directrice des relations gouvernementales.
Comme vous le savez peut-être, le CQCD
représente un secteur économique de 45 000 établissements au Québec
dans toutes les régions. Des centaines de milliers de personnes y travaillent
chaque jour. Et actuellement, malheureusement, plus de 20 000 postes
y sont vacants.
La langue française est le socle de notre
communauté. Pour les détaillants, c'est une valeur importante, et le conseil
considère que le commerce de détail est une partie prenante de sa sauvegarde.
Ainsi, le CQCD reconnaît l'importance de la Charte de la langue française. C'est
pourquoi il a toujours encouragé son respect auprès de ses membres et collaboré
de bonne foi et de façon constructive à son application par les détaillants.
Nous comprenons que l'objectif du gouvernement
avec ce projet de loi est de mettre à jour cette Charte de la langue française,
<adoptée en 1977...
M. Côté (Jean-Guy) : ...
Ainsi,
le CQCD reconnaît l'importance de la Charte de la langue française. C'est
pourquoi il a toujours encouragé son respect auprès de ses membres et collaboré
de bonne foi et de façon constructive à son application par les détaillants.
Nous comprenons que
l'objectif
du
gouvernement avec ce
projet de loi est de mettre à jour cette
Charte
de la langue française, >adoptée en 1977, de redonner un élan à la langue
française et de renforcer son statut dans toutes les sphères de société québécoise.
C'est un objectif que nous partageons. Le CQCD appuie l'esprit du projet de loi
n° 96 et partage en partie les grands objectifs de
celui-ci. Il voit également positivement le fait que le français soit déclaré
comme langue commune, et non plus seulement comme langue officielle du Québec.
Nous accueillons positivement plusieurs
des mesures suggérées, dont la mise en place d'un guichet unique, Francisation Québec,
afin d'harmoniser les services d'accueil et de francisation, l'offre de cours
de formation en francisation dans les entreprises et le plein accès à une
justice en français.
Toutefois, le CQCD est d'avis que le projet
de loi va, dans certains cas, un peu trop loin. Il se dit préoccupé, voire même
inquiet, en ce qui concerne notamment l'ajout de difficultés supplémentaires
pour les entreprises liées au recrutement de la main-d'oeuvre, l'ampleur de la gouvernance
linguistique proposée, l'augmentation importante du fardeau réglementaire et
administratif imposée aux entreprises, principalement celles de 25 à 49 employés,
le retour en arrière sur la question de l'affichage public, l'augmentation
potentielle de la judiciarisation du processus en matière de francisation et la
complexification du nouveau processus de plainte, l'augmentation des pouvoirs
accordés à l'office et la sévérité des pénalités et du régime de sanctions. Naturellement,
les détails de ses propositions se retrouvent dans le mémoire déposé.
Sur les principes généraux, le CQCD est
d'avis que l'actuelle réforme doit s'appuyer sur les principes de la réglementation
intelligente, soit viser la recherche d'un juste équilibre entre les besoins
des individus et ceux des entreprises, s'assurer de fournir de l'accompagnement
nécessaire aux entreprises dans leurs démarches de francisation et tenir compte
du contexte actuel de pénurie de main-d'oeuvre.
Le CQCD ne saurait trop insister sur l'importance
d'accompagner les détaillants dans leur application des nouvelles normes en
matière de francisation et de miser davantage sur l'accompagnement, et non le
bâton. À ce chapitre, nous reconnaissons que le gouvernement a récemment fait
des pas en ce sens, par exemple, le lancement par l'office, au printemps 2021,
du programme d'accompagnement MEMO pour les entreprises de moins de 50 employés.
Les articles 28 à 40 du projet de loi
proposent des modifications majeures au chapitre VI de la charte. Le CQCD
accueille en partie ces nouvelles dispositions, mais il estime essentiel de
revoir quelques-unes d'entre elles, qu'il considère comme inapplicables.
Tout d'abord, le deuxième alinéa du projet
de loi prévoit que, dans le cas d'un contrat individuel de travail, qui est un
contrat d'adhésion, ou dans le cas figure des clauses types, les parties à ce
contrat ne peuvent être liées seulement par sa version dans une autre langue
que le français si, après avoir pris connaissance de sa version française,
telle est leur volonté expresse. Le CQCD s'oppose à cette proposition, qu'il
considère non seulement comme difficilement applicable de la part d'un
employeur, mais également lourde de conséquences. Dans les faits, un employeur
ne peut forcer un éventuel employé à prendre connaissance de la version
française si ce dernier ne le souhaite pas. À notre <avis, son...
M. Côté (Jean-Guy) :
...
de sa version française, telle est leur volonté expresse. Le CQCD
s'oppose à cette proposition, qu'il considère non seulement comme difficilement
applicable de la part d'un employeur, mais également lourde de conséquences.
Dans les faits, un employeur ne peut forcer un éventuel employé à prendre connaissance
de la version française si ce dernier ne le souhaite pas. À notre >avis,
son rôle doit se limiter à offrir et rendre accessible au futur employé la
version française du contrat. Par conséquent, le CQCD recommande de modifier,
dans ce sens, le deuxième alinéa de l'article 29 du projet de loi.
Pour ce qui est des nouvelles exigences
aux employeurs, concernant la publication d'une offre d'emploi, nous nous
interrogeons à savoir si elles sont nécessaires. Plusieurs de nos membres,
puisque nous avons fait plusieurs consultations sur la question, nous ont, en
fait, indiqué que la pénurie de main-d'oeuvre actuelle les force déjà à publier
leurs offres d'emploi partout et à recourir à tous les moyens de transmission
possibles.
• (15 h 10) •
À propos de l'exigence d'une connaissance
d'une autre langue au français à l'embauche, le CQCD estime que le projet de
loi va trop et considère que cette nouvelle disposition aura comme effet
d'imposer un trop lourd fardeau pour les détaillants, tant au niveau
administratif que financier. Les détaillants ont de grandes inquiétudes,
puisqu'ils devront mettre en place un nouveau processus d'embauche à l'interne qui
dépasse beaucoup les règles actuellement en vigueur.
Nous ne remettrons pas, évidemment, ici,
en question, la préoccupation du gouvernement voulant que le bilinguisme doit
être un atout et non une exigence systématique. Toutefois, nous souhaitons
faire valoir au gouvernement l'importance de réévaluer son approche en matière
de privilégier une solution qui soit simple, raisonnable, de développer de
nouveaux outils et des modèles accessibles en ligne pour aider les détaillants,
prendre en compte de la réalité du marché et le fait que nos entreprises
doivent demeurer concurrentielles sur le marché du travail.
Sur la question de la langue du commerce
et des affaires concernant le droit du public autre que les consommateurs
d'être informés et servis en français nous apparaît à la fois très ambigu et
injustifié et mériterait d'être clarifié pour une meilleure compréhension. En effet,
tel que rédigé, le projet ne semble pas accorder le même droit envers les
consommateurs qu'envers le public autre que consommateur, en plus de prévoir
des obligations différentes de la part des entreprises envers ces deux types de
public. Le CQCD est en désaccord avec le deuxième paragraphe de cet article qui
prévoit des obligations plus importantes de la part des entreprises
lorsqu'elles font affaire avec d'autres entreprises.
D'ailleurs, nous comprenons difficilement
les motifs de cette distinction entre le premier paragraphe qui parle du devoir
de respecter le droit d'être informé, servi en français, versus le deuxième
paragraphe qui oblige d'informer et de servir en français. Est-ce à dire que, même
si une entreprise avec laquelle un commerçant fait affaire souhaite être
informée et servie dans une autre langue, ce dernier devra tout de même, dans
tous les cas, l'informer et le servir en français? Si cela est le cas, une
telle obligation ne nous apparaît pas justifiée et raisonnable. Par conséquent,
le CQCD recommande de modifier le nouvel article 50.2 de façon à ce que
toutes les entreprises qui offrent des biens et des services tant auprès d'un
consommateur et d'un public autre que les consommateurs doivent respecter son
droit d'être informé et servi en français.
Au sujet des marques de commerce, les
règles, en matière d'affichage public d'une marque de commerce ou d'un nom ont
fait l'objet de plusieurs discussions, dans les années précédentes, à cette
question et ont été fortement débattues au cours de la dernière <décennie...
M. Côté (Jean-Guy) :
...
que les consommateurs doivent respecter son droit d'être informé et
servi en français.
Au sujet des marques de commerce. Les
règles,
en matière d'affichage public d'une marque de commerce ou d'un
nom, ont fait l'objet de plusieurs discussions, dans les années précédentes, à
cette question et ont été fortement débattues au cours de la dernière >décennie.
Le CQCD a été à la fois témoin, acteur de cet épineux débat. Nous comprenons, à
la lecture du projet de loi, que le gouvernement souhaite maintenant faire
marche arrière en rétablissant la règle de nette prédominance du français dans
l'affichage public.
Or, nous considérons qu'il s'agit d'une
mauvaise idée, et ce, principalement pour les raisons suivantes. Plusieurs
détaillants ont investi des sommes importantes pour se conformer aux dernières
modifications apportées en matière d'affichage public en 2016. Certains ont
complété l'exercice il y a à peine deux ans. Ces dépenses se chiffrent en millions
de dollars. La règle de la présence suffisante du français a été le fruit d'un
long débat qui a perduré pendant une décennie. Il s'agit d'un excellent
compromis. Il est important de savoir qu'une marque déposée au sens de la Loi
fédérale des marques de commerce signifie que celle-ci devra être enregistrée.
Or, il y a actuellement un délai administratif allant jusqu'à trois ans pour
l'enregistrement d'une marque auprès de l'OPIC. Par conséquent, le CQCD
recommande de maintenir le statu quo concernant les règles de matière
d'affichage public et de retirer les articles 47 et 48.
Le gouvernement propose d'assujettir à la
charte les entreprises employant entre 25 et 49 personnes de la même
manière que celles employant 50 à 99 personnes. Elles devront ainsi généraliser
l'utilisation du français à tous les niveaux de l'entreprise. Pour le CQCD,
cette proposition est inquiétante et irréaliste. Le fait d'imposer une nouvelle
exigence en matière de francisation aux entreprises plus petites de 25 à
49 employés est une chose, mais le fait qu'elles soient assujetties aux
mêmes exigences que celles de 50 à 99 employés en est une autre. Le CQCD
reconnaît l'importance de redonner un élan à la langue française, de renforcer
son statut, mais il est clair qu'il ne partage pas la recette proposée par le
gouvernement envers les entreprises pour y arriver. À cet égard, le CQCD est
d'avis que la mise en place d'un régime particulier allégé visant les
entreprises serait susceptible d'être une solution avantageuse pour tous.
Au chapitre de la gouvernance, le CQCD ne
croit pas qu'il est nécessaire d'aller aussi loin que ce qui est proposé dans
le cadre du projet de loi. Il est certes souhaitable que le gouvernement se
donne les moyens pour accroître sa capacité d'action, mais nous nous questionnons
réellement sur l'ampleur des moyens qu'il suggère de mettre en place. Nous
croyons que le gouvernement fait fausse route. Il s'apprête à mettre en place
une espèce de monstre administratif qui exigera l'embauche de plusieurs
employés alors que le Québec peine à sortir de la pandémie et qu'il vit
toujours la pénurie de main-d'oeuvre sans précédent, et que les coffres de
l'État ne sont pas nécessairement illimités. Il y a lieu de se questionner à
savoir s'il s'agit là d'une décision judicieuse et responsable. Nous croyons
que les investissements nécessaires pour donner un élan à la charte de façon
durable doivent être davantage orientés vers le terrain et l'accompagnement des
différents acteurs, notamment les entreprises, les employeurs et les employés,
et non la mise en place d'une nouvelle structure. Cette approche permettra,
selon nous, d'obtenir davantage de gains pour tous.
En conclusion, le CQCD partage l'objectif
général du projet de loi de donner un nouvel élan à la langue française, de lui
attribuer le statut de langue commune en complément de langue <officielle...
M. Côté (Jean-Guy) :
...entreprises, les employeurs et les employés, et non la mise en place d'une
nouvelle structure. Cette approche permettra, selon nous, d'obtenir davantage
de gains pour tous.
En conclusion, le CQCD partage
l'objectif général du projet de loi de donner un nouvel élan à la langue
française, de lui attribuer le statut de langue commune en complément de langue
>officielle. Il endosse également son objectif de renforcer son statut
dans l'ensemble des sphères de la société québécoise ainsi que plusieurs
mesures proposées. Toutefois, il estime que le projet de loi n° 96 comme
proposé emprunte à tort dans certains cas la mauvaise voie, dont
l'alourdissement du processus de francisation pour les entreprises ainsi que
l'approche coercitive et judiciaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à votre présentation.
M. Côté (Jean-Guy) : Et
j'ai terminé.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mais vous pouvez toujours nous envoyer vos notes au secrétariat de la
commission, donc on prendra connaissance de la fin de votre témoignage.
M. Côté (Jean-Guy) : Il
restait un mot, et c'était «merci».
La Présidente (Mme Thériault) :
D'accord. Parfait. M. le ministre, la parole est à vous pour 17 minutes.
M. Jolin-Barrette :
Merci, Mme la Présidente. M. Côté et Mme Pâquet, bonjour. Bienvenue à
la commission parlementaire. Merci pour votre présence et le dépôt de votre
mémoire.
Est-ce que vous trouvez que c'est une
décision judicieuse et responsable de la part du gouvernement du Québec de
vouloir protéger, promouvoir et assurer la pérennité de la langue française?
M. Côté (Jean-Guy) : Comme on
l'indiquait, sur le principe, c'est clair pour nous que c'est le rôle — et
c'est judicieux — du gouvernement de prendre acte et de protéger la
langue française. C'est le socle, je l'ai dit, c'est le socle commun au Québec
de la nation québécoise. Donc, pour nous, c'est clair que tout acteur de la
société doit prendre en considération la protection de la langue française, et
le gouvernement, à juste titre, il doit être le porte-étendard de cette
protection-là.
Donc, oui, pour nous, on considère qu'il y
a un moment opportun, et la question est judicieuse actuellement.
M. Jolin-Barrette : Et
votre organisation est d'accord avec le fait qu'il y a un déclin du français au
Québec, particulièrement dans la région métropolitaine de Montréal?
M. Côté (Jean-Guy) :
Notre organisation constate qu'il y a certaines problématiques dans certaines
régions du Québec au niveau de l'utilisation du français. On ne se le cachera
pas, il y a certains endroits où c'est plus difficile. Il y a certains endroits
où la langue française est moins utilisée qu'auparavant.
Donc, oui, il y a un constat. Les membres
ont à coeur d'offrir à leurs clientèles un service en français, mais c'est plus
difficile dans certains coins.
M. Jolin-Barrette : Et
quelles sont les problématiques que vous avez identifiées comme organisation
relativement au français?
M. Côté (Jean-Guy) : Le
recrutement. Je pense que le recrutement de la main-d'oeuvre, d'employés,
actuellement, on ne se cachera pas, dans le secteur du détail...
M. Jolin-Barrette : En
lien avec la langue française.
M. Côté (Jean-Guy) : ...en
lien avec la langue française.
M. Jolin-Barrette :
Parce que vous dites : Nos membres constatent qu'il y a des problématiques
avec le français...
M. Côté (Jean-Guy) :
Oui.
M. Jolin-Barrette :
Donc, qu'est-ce qui est problématique? Parce que le fait de recruter des
travailleurs québécois qui parlent français, ça, je ne pense pas que c'est un
problème.
M. Côté (Jean-Guy) :
Non, mais il n'y en a pas en quantité. Et, dans certains endroits, dans
certains endroit, recruter des gens au service à la clientèle qui parlent
français peut être plus problématique parce qu'exactement il n'y en a pas tant
que ça qui sont disponibles à travailler dans le commerce de détail. Donc, à la
limite, offrir... ou trouver des gens qui ont les compétences en français pour
travailler dans le commerce de détail est plus difficile <qu'auparavant...
M. Côté (Jean-Guy) : ...Et,
dans certains endroits, recruter des gens au service à la clientèle qui parlent
français peut être plus problématique parce qu'exactement il n'y en a pas tant
que ça qui sont disponibles à travailler dans le commerce de détail. Donc, à la
limite, offrir... ou trouver des gens qui ont les compétences en français pour
travailler dans le commerce de détail est plus difficile >qu'auparavant.
M.
Jolin-Barrette : Mais le point, c'est que vous ne réussissez pas à
trouver d'employés, point.
M. Côté (Jean-Guy) : En
général, c'est ça, oui, mais en français plus particulièrement dans certains
coins.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais
donc, si vous avez quelqu'un qui veut travailler, mais qui ne maîtrise pas la
langue française, il faut mettre des mesures en place pour qu'il puisse
travailler dans un environnement francophone. Puis le marché du travail... puis
c'est une bonne façon d'apprendre le français, si l'environnement est
francophone au travail.
M. Côté (Jean-Guy) : Je suis
un grand promoteur de la francisation sur les lieux de travail. Dans un sens, c'est...
le milieu du travail est un excellent moteur de francisation puis d'apprentissage
de la langue. C'est la vie... une grosse partie de notre vie personnelle en
tant que personne, le marché du travail ou le milieu du travail. Donc, y
apprendre le français, c'est un bon endroit. Est-ce qu'actuellement il y a des
services possibles pour franciser sur les milieux de travail qui sont fournis?
Ça reste à voir. Mais effectivement le milieu de travail est un bel endroit
pour franciser quelqu'un qui ne... qui, actuellement, ne parle pas français.
M. Jolin-Barrette : Puis là
je suis heureux de vous entendre dire ça, parce qu'un des objectifs de Francisation
Québec c'est justement ça, d'offrir un guichet unique pour être en mesure, un,
de pouvoir orienter les personnes immigrantes qui souhaitent apprendre le
français, incluant tous les Québécois aussi qui souhaitent acquérir de
meilleures compétences langagières en français. Et donc le fait d'avoir un
guichet unique, ça va permettre également d'aller en entreprise en compagnie de
l'OQLF, mais Francisation Québec est là justement, également, pour offrir de
l'accompagnement, du soutien aux entreprises, pour franciser les entreprises.
Alors, Francisation Québec, vous l'accueillez positivement?
• (12 h 20) •
M. Côté (Jean-Guy) : On
l'accueille extrêmement positivement, puis on le dit dans notre mémoire, pour
nous, c'est une des mesures qui est... constructives dans ce qui est proposé.
Il est clair qu'il y a un besoin de francisation sur les milieux de travail. Il
est clair qu'il y a un besoin de francisation général de la société. Donc... Et
si vous me dites, en plus, que les Québécois qui veulent parfaire leur qualité
du français pourront eux-mêmes avoir accès, je peux vous garantir qu'on va
regarder ça avec un grand sourire, parce qu'il y a aussi un travail sur la
qualité à faire et pas juste sur la quantité.
M. Jolin-Barrette : Sur la
question, vous l'avez abordée tout à l'heure, la question de l'affichage, bon, là,
on revient à la nette prédominance du français. Historiquement, dans le fond,
77, la charte est adoptée par l'Assemblée nationale, la Charte de la langue
française, affichage unilingue en français. Il y a des contestations
constitutionnelles, arrive l'arrêt Ford. Le Parti libéral et M. Bourassa
invoquent la disposition de souveraineté parlementaire. Il y a une chicane au
Parti libéral, il y a des députés qui quittent, schisme au sein de cette
formation politique là. Et là, en 1993, M. Ryan modifie la loi, et, dans
le fond, on ne renouvelle pas la <disposition...
M. Jolin-Barrette :
...
et M. Bourassa invoquent la disposition de souveraineté parlementaire.
Il y a une chicane au Parti libéral, il y a des députés qui quittent, schisme
au sein de cette formation politique là. Et là, en 1993, M. Ryan modifie
la loi, et, dans le fond, on ne renouvelle pas la >disposition de
souveraineté parlementaire. Et, depuis 93, c'était la nette prédominance du
français jusqu'au jugement de la Cour d'appel dans l'arrêt Best Buy.
On comprend qu'en 2016 le Parti libéral
n'a pas voulu ouvrir la Charte de la langue française pour venir modifier ou
pour venir dire clairement dans la charte : C'est la nette prédominance,
donc a adopté un règlement, qui est la présence suffisante du français.
Là, ce que vous nous dites, vous dites :
Il y a des entreprises qui ont investi pour se conformer. Nous, on revient à
l'historique depuis 93 à 2016, ce qui devait être le cas. Est-ce que je dois
comprendre que ceux qui se sont conformés au nouveau règlement n'étaient pas
conformes à ce qui était prévu par la loi entre 93 puis 2016?
M. Côté (Jean-Guy) : Bien, si
je me fie à l'historique, et je ne suis pas juriste, donc je ne veux pas être
taxé de chose que je ne peux pas faire, mais, effectivement, avant 2016, avant
le compromis de 2016, il y avait des interprétations qui étaient différentes
pour... de plusieurs sources sur comment devait s'appliquer cette notion de
nette prédominance.
On parle ici de marque de commerce, donc
la devanture, au-delà de la nette prédominance du français, je pense que
personne ne remettait en doute la nette prédominance du français dans
l'affichage général, c'est-à-dire les termes génériques ou des choses comme ça,
on était plus dans la présence d'une marque de commerce dans une autre langue
que le français sur la devanture. Et c'est là où il y avait des
questionnements. Il y a même eu des cas en cour, donc il y a eu des
éclaircissements demandés à la cour.
Et la naissance du règlement, et... où je
n'y étais pas, donc je ne peux pas en témoigner, mais la naissance du
règlement, m'a-t-on dit, est née d'un désir de régler cette ambiguïté-là qui
existait entre les interprétations.
M. Jolin-Barrette : Mais sur
cette question-là, là, le visage français du Québec, vos membres ne sont pas
interpellés par ça, particulièrement sur l'île de Montréal, cette identité
particulière là du fait d'avoir la nette prédominance du français? Ça ne fait
pas partie de l'environnement francophone du Québec, le fait que l'affichage
symbolise aussi cette présence francophone en Amérique?
M. Côté (Jean-Guy) : Je pense
que, si vous vous promenez dans les rues de Montréal ou sur diverses avenues
dans le reste du Québec, vous allez constater que plusieurs commerçants et
détaillants ont fait un effort notable d'ajouter du français sur les
devantures, sur améliorer l'image française de leurs devantures. Il y a des
descriptifs maintenant, ce qu'il n'y avait pas auparavant. Il y a des
descriptifs qui ont apparu, «centre de jardin», par exemple, est un bon
exemple, ou «quincaillerie», choses qui n'existaient pas ou on avait auparavant
seulement une marque de commerce. Donc, il y a eu un effort pour améliorer
l'image, et ça, c'est clair, pour le détaillant, s'y conformer, avoir une image
française, c'est <important...
M. Côté (Jean-Guy) : ...
auparavant.
Il y a des descriptifs qui ont apparu, «centre de jardin», par exemple, est un
bon exemple, ou «quincaillerie», choses qui n'existaient pas ou on avait
auparavant seulement une marque de commerce. Donc, il y a eu un effort pour
améliorer l'image, et ça, c'est clair, pour le détaillant, s'y conformer, avoir
une image française, c'est >important. Là, on tombe dans un débat où la
marque de commerce... où il y aura une présence d'une marque de commerce dans
une autre langue que le français, si cette marque-là apparaît sur la devanture,
elle devra être compensée par une nette prédominance d'autres termes en français
sur la devanture. Ce qui fait que, de façon pratique, supposons, une entreprise
qui s'appellerait... avec une marque de commerce déposée «Rainbow», qui
vendrait des bottes, il faudrait que le terme «bottes» soit beaucoup plus gros
que le terme «Rainbow», mais la marque déposée aurait été «Rainbow».
Donc, pour certaines devantures, on parle
d'un changement fondamental, tu sais, de la place que doit occuper la marque de
commerce et le descriptif. Donc, il y a des enjeux avec les règlements
municipaux, des droits acquis, donc, et ça, il y a des règlements municipaux
qui contrôlent le nombre de mots qu'on peut mettre sur une devanture dans un commerce
de détail. Donc, ça, il y a des contraintes, donc il y a une crainte
substantielle qu'on revienne à un état qui n'était pas l'état précédent, qui
est un nouvel état où on devra refaire l'ensemble des devantures de plusieurs
magasins. On parle de plusieurs millions, et ça, c'est des chiffres qui m'ont
été confirmés par plusieurs de mes membres qui ont dû faire le processus depuis
2016. Donc, ça, c'est une inquiétude, pour nous, qui est majeure, je ne vous le
cacherai pas.
M. Jolin-Barrette : Et
considérant cela, on fait en sorte d'avoir un délai d'application de trois ans
pour se conformer, également. Mais il y a une chose qui est sûre, c'est que
vous invoquez la notion de marque de commerce, et on se retrouve dans une
situation où, en raison du partage des compétences, parce que la marque de
commerce est protégée au fédéral, ça sert à faire en sorte d'angliciser le
Québec, le visage linguistique du Québec. Alors, dans les choix qui sont...
dans les décisions judicieuses et responsables, entre autres, pour la pérennité
du français, ça en fait partie dans le cadre de l'analyse.
M. Côté (Jean-Guy) : Oui, mais
je vous dirais qu'une simple visite dans d'autres régions avec des réalités
linguistiques qui sont précaires comme le français en Amérique du Nord, en
Europe, par exemple, dans certains endroits, il y a quand même la présence de
marques de commerce internationales dans les devantures de magasins et parfois,
ou non, la présence de générique dans la langue originale. Donc, je me pose la
question, est-ce que c'est un objectif qui doit être majeur ou c'est un
objectif qui doit être connexe? C'est à vous, législateurs, de le déterminer.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie pour votre présence en commission parlementaire. Je vais céder la parole
à mes collègues. Simplement un commentaire. Je vous soumettrais que la
situation du Québec, elle est quand même particulière dans le monde entier. Un
État, on peut parler du Nouveau-Brunswick aussi, là, mais un État autant
englobé par une autre <langue...
M. Jolin-Barrette :
...
Je
vais céder la parole à mes collègues. Simplement un commentaire. Je vous
soumettrais que la situation du Québec, elle est quand même particulière dans
le monde entier. Un État, on peut parler du Nouveau-Brunswick aussi, là, mais
un État autant englobé par une autre >langue, c'est une situation qui
est particulière en Amérique, mais je cède la parole. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, j'ai maintenant le député de Saint-Jérôme qui veut prendre la
parole. Et vous avez 5 min 30 s.
M. Chassin :
Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Côté, Mme Pâquet, un plaisir
de vous voir en commission parlementaire. On va un peu continuer dans la même
veine dans le sens où... Puis je pense que vous connaissez déjà, là, mon
attachement à l'allègement réglementaire et au fardeau administratif des
petites entreprises, des moyennes entreprises, et même des grandes entreprises.
Et là, dans le fond, il y a un aspect du mémoire, là, qui, pour moi, est
informatif, là, on parle d'à peu près 85 % des entreprises dans le
commerce de détail qui ont moins de 20 employés. C'est bien ça? J'imagine
que c'est parce que vous n'aviez pas de chiffre de 25 à 49, là,
ça...
M. Côté (Jean-Guy) : Non.
M. Chassin :
D'accord.
M. Côté (Jean-Guy) : On aurait
espéré, mais non, ça ne...
M. Chassin :
Parfait. Donc, on comprend que l'immense majorité dans le commerce de détail
n'aura pas les nouvelles exigences, là, qui sont celles pour les
25 à 49, mais, néanmoins, là-dessus, donc, vous montrez, là, que vous
êtes sensible à l'objectif de ces discussions sur les moyens.
Il y a un aspect dans votre mémoire, par
rapport à la publication des appels... des offres d'emploi, pardon, les appels
d'offres, c'est autre chose, des offres d'emploi où vous comprenez dans le fond
l'objectif de dire, bien, que les employeurs fassent, finalement, l'effort
nécessaire pour qu'on puisse donner la chance aussi aux francophones
d'appliquer sur les postes. Et, en même temps, vous le soulevez, il y a un
aspect conjoncturel en ce moment avec la pénurie de main-d'oeuvre qui fait que,
de toute manière, les employeurs ont tendance à utiliser toutes les
plateformes, partout, puis d'y aller le plus large possible. Évidemment, c'est
un aspect conjoncturel, on modifie la Charte de la langue française en ayant un
peu à l'esprit que, peu importe la conjoncture future, il faudrait que ce type
de mécanisme s'applique. Si vous reconnaissez, dans le fond, la pertinence de
l'objectif, vous ne proposez pas de solution ou un autre moyen, en quelque
sorte, puis là, je voudrais peut-être vous entendre là-dessus. Est-ce que, si
vous dites : Bien, c'est peut-être lourd, moi, je trouve que c'est
relativement un bon moyen, mais c'est surtout que je n'en vois pas
nécessairement d'autre. Est-ce que vous en verriez un autre?
• (15 h 30) •
M. Côté (Jean-Guy) : La
question est pertinente, je dois vous avouer. C'est clair qu'actuellement, le
contexte actuel de la pénurie de main-d'oeuvre est un contexte où on est dans
la nouvelle réalité de la main-d'oeuvre, où on cherche par tous les moyens
possibles et potentiels de trouver des gens pour venir travailler dans les
magasins, ailleurs, dans les entrepôts, à divers postes <disponibles,
donc, et...
>
15 h 30 (version révisée)
< M. Côté (Jean-Guy) : ...un
contexte où on est dans la nouvelle réalité de la main-d'oeuvre, où on cherche
par tous les moyens possibles et potentiels de trouver des gens pour venir travailler
dans les magasins, ailleurs, dans les entrepôts, à divers postes >disponibles,
donc, et ce que vous recherchez cependant, c'est que les francophones aient le
même accès à ce cadre-là.
Et là où il y a une certaine... pour les
détaillants, lorsqu'ils lisent ce qui est proposé, il y a un certain décrochage
entre la réalité... C'est que c'est clair qu'ils vont actuellement tout faire
en oeuvre pour que les offres d'emploi soient le plus largement disponibles à
tous les gens potentiels et possibles, donc, et pour eux, ça devient de dire :
Bien, on le fait un peu déjà, s'assurer que ça soit offert en français. Donc,
s'assurer que ça soit fait. Je vais être honnête, on s'est creusé un peu la
tête, il n'y a pas de solution miracle. Il faut juste s'assurer que, comme
toute autre documentation liée à l'emploi dans le commerce de détail, qu'elle
soit offerte et disponible en français, donc, et ça, l'objectif de la loi est
très clair. Et je crois qu'on pourrait, en continuité avec cet objectif-là,
l'appliquer sur les offres d'emploi. Mais, en réalité, on est dans une réalité
où, maintenant, on est dans le bouche-à-oreille, maintenant on est dans
l'affichage sur Facebook, sur les réseaux sociaux, donc on est dans une autre
réalité pour trouver des employés potentiels dans le commerce.
M. Chassin :Mais parfois la récompense à un employé qui amène un ami qui va
se faire embaucher, on a vu...
M. Côté (Jean-Guy) : Il y a
des bonis de signature maintenant, aussi, hein, vous savez, dans le commerce de
détail, il y a des bonis de signature, donc...
M. Chassin :Oui, effectivement. Donc, on comprend. Mais, évidemment, c'est
conjoncturel, puis on ne se le souhaite pas, mais, si dans 40 ans, par exemple,
ce n'était pas la même situation, moi, je trouve qu'il y a une certaine valeur
à ce qu'il y ait ce mécanisme-là de permettre finalement une chance à tout le
moins égale aux francophones. Est-ce qu'au moins sur l'objectif... je crois
qu'on s'entend? Est-ce que vous me confirmez qu'on s'entend sur l'objectif?
M. Côté (Jean-Guy) : On
s'entend sur l'objectif. Sur la manière, on reste encore en réflexion de notre
côté. Et on espère que, dans 40 ans, on soit ailleurs aussi.
M. Chassin :Bien sûr. Mais dans le sens où il faut que ce soit, peu importe
la conjoncture, un objectif à atteindre.
J'ai remarqué, puis là c'est sur, justement,
la mise en oeuvre, parce que le projet de loi prévoit différents mécanismes, et
puis même des mécanismes, là, qui sont définis dans la loi ont souvent une mise
en oeuvre par la suite. Et là il y a toutes sortes de moyens qui peuvent être
utilisés, au-delà des articles de loi et de comment ils sont rédigés.
Puis je le souligne, je trouve ça intéressant,
à la page 4 de votre mémoire, il est mentionné que vous-même, grâce à la
contribution financière de l'OQLF, vous avez mis un projet, dans le fond, là,
sur pied visant à accompagner les détaillants dans la francisation de leurs
outils numériques et promotion...
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois vous interrompre, M. le député.
M. Chassin :Ah! c'est déjà terminé?
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est déjà terminé, oui.
M. Chassin :Le temps passe trop vite, désolé. Mais merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci <beaucoup.
Bonjour, M. Côté, Mme Pâquet. Enchantée...
M. Chassin :...
dans le fond, là, sur pied visant à accompagner les
détaillants dans la francisation de leurs outils numériques et promotion...
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois vous interrompre, M. le député.
M. Chassin :Ah! c'est déjà terminé?
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est déjà terminé, oui.
M. Chassin :Le temps passe trop vite, désolé. Mais merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci >beaucoup.
Bonjour, M. Côté, Mme Pâquet. Enchantée.
Je vais vous amener tout de suite, moi, à
la page 22, dans les pouvoirs d'inspection et d'enquête de l'OQLF. Je
pense qu'on n'en a pas beaucoup parlé jusqu'à maintenant, mais l'article 111,
l'article 108, l'article 113, particulièrement le 111, bon, vous le
définissez bien, ce qu'a... les pouvoirs de l'OQLF d'inspection, de pénétrer à
toute heure raisonnable dans tout endroit, bon, etc. Je ne lirai pas tout, tout
l'article. Mais vous dites : «Nous sommes à la fois inquiets et déçus de
constater que le projet de loi, comme rédigé, envoie un mauvais signal aux
entreprises voulant que le gouvernement entende adopter la ligne dure,
notamment en octroyant plusieurs nouveaux pouvoirs à l'office qui auront pour
conséquence de rendre la charte similaire à un code pénal.» Donc, essayez donc
de nous expliquer rapidement, mais quand même ce qui vous inquiète le plus dans
cet article-là, l'image que vous vous faites de ces pouvoirs étendus.
M. Côté (Jean-Guy) : Je
vous remercie de la question. Je laisserais aussi, peut-être, parler, un peu
plus tard, Me Pâquet, qui a étudié la question quand même dans son
ensemble, mais je dirais d'emblée, il faut remarquer que, dans les dernières
années, l'OQLF avait quand même eu une opération d'accompagnement qui était
extrêmement intéressante, et je fais un peu de millage avec la question de
votre collègue, là. On a quand même offert des prix de francisation pour les
outils numériques. On a accompagné certaines entreprises pour améliorer... Et
il faut comprendre que les détaillants sont en très, très grande majorité
motivés à franciser leurs opérations, leurs sites Internet, leurs opérations
internes. Et c'est parfois un manque de moyens, ils ont besoin tout simplement
de quelqu'un qui les accompagne et non pas quelqu'un qui vienne leur dire
qu'ils sont dans le tort. Donc, l'accompagnement est en soi... pour nous,
devrait être le premier réflexe de l'OQLF, de dire : Je vais vous amener
ailleurs, je vais vous aider à passer à travers le processus. Vous allez être
beaucoup mieux équipés, en termes de français, après ce processus-là.
Et d'ailleurs l'OQLF, c'est très rare
qu'ils se rendent, quand même, dans une optique de punition. Tu sais, ils sont
souvent dans l'accompagnement. Et on a senti, dans les dernières années, ce
changement de culture là. Là, on semble revenir à une culture de beaucoup plus
d'enquêtes, de vérification, d'audit, d'aller voir en magasin si on a des
produits qui sont correctement... d'aller s'assurer que les logiciels utilisés
sont réellement des logiciels en français où il y a une version française qui
existe. Donc, il y a plusieurs... il y a une optique qui nous semble être différente,
qui nous inquiète un peu, qui semble être une espèce de... du retour de l'OQLF
qui arrive dans le <magasin puis nous dit comment, un peu, faire...
M. Côté (Jean-Guy) : ...
des
logiciels en français, ou il y a une version française qui existe. Donc, il y a
plusieurs... il y a une optique qui nous semble être différente, qui nous
inquiète un peu, qui semble être une espèce de... du retour de l'OQLF qui
arrive dans le >magasin puis nous dit comment, un peu, faire les choses,
alors qu'on avait senti, dans les dernières années, un changement de culture.
Je ne sais pas si, Me Pâquet, vous voulez compléter.
Mme Pâquet (Françoise) : En
fait, j'ajouterais simplement que l'analyse qu'on a faite avec les différents
détaillants, en fait, avec nos membres, on a comme l'impression qu'on retourne
avec un état policier. L'office a, selon nous, des pouvoirs qui vont être beaucoup
plus importants, et pour ne pas dire puissants, dans la mesure où il pourra, à
tout moment, rentrer dans un entrepôt, rentrer dans les commerces, rentrer et
pouvoir solliciter... prendre plein de photographies, ce qu'elle pouvait faire,
mais qu'elle pourra également solliciter de l'information dans les systèmes
informatiques, auquel cas il peut y avoir de l'information confidentielle. Donc,
on sent que la police débarque et qu'à ce moment-là elle pourra aller chercher
toutes les preuves à tâtons pour essayer de repérer des produits qui soient non
conformes ou encore des informations dans les systèmes informatiques qui sont
non conformes. Donc, on n'est plus du tout dans les pouvoirs d'inspection que
l'office avait auparavant. Et ça, ça nous inquiète beaucoup, de voir que... Et
l'office aussi, à ce moment-là, pourra, de par ses pouvoirs d'ordonnance aussi
qui lui sont confiés, demander à ce que des produits soient retirés, demander à
ce que des enseignes soient enlevées. Donc, on est vraiment dans des pouvoirs
policiers, davantage, de système pénal.
Mme David : Ça a l'avantage
d'être très clair, les mots que vous employez. Vous êtes juriste?
Mme Pâquet (Françoise) : Oui.
Mme David : O.K., alors je
vais en profiter. Ce n'est pas grave si votre collègue veut répondre, là, mais
c'est parce que...
Mme Pâquet (Françoise) : Ceci
dit, je ne suis pas spécialisée dans le domaine de la...
Mme David : Non, non, non,
bien, écoutez, moi, je ne suis ni juriste ni spécialisée, alors... mais on a le
droit de se pencher sur le projet de loi quand même. Il y a deux mots importants,
dans cet article-là, il y a deux mots qui préoccupent de nombreux juristes, entre
autres le mot «mandat» de perquisition, qui n'existe pas, il n'y a pas d'obligation
de faire un mandat pour ce genre... pour ce que vous venez de décrire, des
fouilles abusives, ouvrir des ordinateurs, et il y a le mot «dérogation», donc
la clause... disposition de dérogation, qui s'appliquerait à toute la loi,
s'applique aussi à l'article 111. Alors, ça veut dire que les enquêteurs
ont le droit de venir sans demander auparavant un mandat de perquisition,
perquisitionner dans des ordinateurs où peuvent se mélanger — il y a
des arrêts de la Cour suprême là-dessus — se mélanger des données personnelles
d'un <employé avec des données professionnelles...
Mme David : ...
ça
veut dire que les enquêteurs ont le droit de venir sans demander auparavant un
mandat de perquisition, perquisitionner dans des ordinateurs où peuvent se
mélanger — il y a des arrêts de la Cour suprême
là-dessus — se mélanger des données personnelles d'un >employé
avec des données professionnelles ou réglementaires de la compagnie. Et là il y
a un grand débat à savoir si, justement, ce n'est pas une intrusion et une
atteinte au droit à la vie privée.
Alors, ça, c'est tous les aspects plus
légaux, sur lesquels plusieurs intervenants sont venus nous dire : Ça n'a
pas de bon sens qu'une disposition de dérogation... Entre autres Me Patrick
Taillon, qui est un des architectes de cette loi-là, dit : Pour l'article 111,
là, je pense que ça prendrait une levée de la disposition de dérogation. Alors,
je vous laisse continuer sur...
• (15 h 40) •
Mme Pâquet (Françoise) :
Bien, écoutez, je suis contente de vous entendre dire ça, d'autant plus que
c'est des spécialistes encore plus en la matière que moi sur cette question-là.
Mais, définitivement, je vous dirais qu'à travers les différentes dispositions
du projet de loi qui ont été étudiées, c'est probablement parmi celles qui ont
fait réagir le plus nos gens, de constater qu'effectivement on pourrait voir
débarquer des agents de l'office, des inspecteurs de l'office et aller chercher
toute l'information, puiser sans qu'on n'ait quoi que ce soit à pouvoir dire.
Donc, définitivement, c'est...
Et c'est pour ça qu'on va jusqu'à
qualifier les dispositions de code pénal. Donc, pour nous, c'est des pouvoirs
qui sont trop invasifs et auxquels... on a besoin de difficulté. Donc, je pense
que vous venez tout simplement de confirmer nos inquiétudes par rapport à ça.
M. Côté (Jean-Guy) : Si je
peux compléter, dans la description d'une inspection, souvent l'OQLF actuellement
va arriver, va prendre des photocopies de certains documents, va repartir avec
des photos. Et s'engage un dialogue tout de même avec l'inspecteur en venant
dire : Bien, vous avez tel type de contrat. Vous pourriez peut-être, à
l'intérieur de vos opérations, le franciser. Ça, tel bon de commande, devrait
être en français. Et la très, très grande majorité des employeurs vont se
conformer et les détaillants vont se conformer rapidement parce que, souvent,
ils veulent faire la bonne chose, puis avoir un accompagnement de ce type-là
permet de le faire.
Là, on rentre dans une confrontation dès
le premier pas de l'OQLF à l'intérieur de l'entreprise, où l'OQLF entre dans l'entreprise
et peut vérifier tout ce qu'il veut, finalement. Donc, il n'y a plus de communication,
il n'y a plus de dialogue, on est dans la saisie. Donc, ça semble être un changement
de ton qui, chez mes membres, a suscité énormément de réactions, je vous dirais
même viscérales.
Mme David : Viscérales.
Non, mais ce qui est inquiétant aussi, c'est qu'en 1977 l'ordinateur n'existait
pas, les données numériques n'existaient pas. Et en 2021, évidemment, tout est
sur l'ordinateur. Il y a l'ordinateur de la compagnie, mais il y a le portable
avec lequel on s'en va chez nous, etc., et qui, là, peut avoir... contenir les
deux types de renseignements, personnels et professionnels. Oui, les
règlements, et tout ça, parce que l'employé l'ouvre le matin au <bureau,
puis...
Mme David : ...Et en
2021, évidemment, tout est sur l'ordinateur. Il y a l'ordinateur de la
compagnie, mais il y a le portable avec lequel on s'en va chez nous, etc., et
qui, là, peut avoir... contenir les deux types de renseignements, personnels et
professionnels. Oui, les règlements, et tout ça, parce que l'employé l'ouvre le
matin au >bureau, puis il y a tout ça. Et il y a d'autres choses aussi.
Et c'est là qu'il y a un flou juridique important et qui peut faire une
atteinte, selon plusieurs, évidente, au droit à la vie privée.
Il me reste encore un peu de temps, Mme la
Présidente? J'ai oublié de partir...
La Présidente (Mme Thériault) :
Deux minutes.
Mme David : J'avais
remarqué dans le projet de loi qu'il y avait une ligne et demie sur le droit d'être
servi en français, puis, évidemment, c'est votre pain et votre beurre, ça, vous
servez le monde, c'est ça... c'est ça, le commerce de détail, puis heureusement
qu'on vous a. Alors, le droit d'être servi en français, bien, il est, vous
dites bien, puis moi, je ne suis pas sûre de comprendre la nuance, là, qu'il y
a... L'entreprise qui offre aux consommateurs des biens, ça, c'est moi et mon collègue
qui allons s'acheter des choses, doit respecter son droit d'être servi et informé
en français, mais le public autre que le consommateur doit l'informer et le
servir en français. Là, vous vous inquiétez de ça. Et moi, je veux comprendre
la nuance que vous faites entre le droit d'être servi en français pour les
consommateurs et au public autre que les consommateurs.
M. Côté (Jean-Guy) : Je
vous dirais que la question est très pertinente parce que c'est une question qu'on
s'est nous-mêmes posée assez longuement à la lecture du projet de loi, sur pourquoi
y avait-il deux niveaux ou deux différences, deux interprétations de deux
versions, finalement, du droit d'être servi en français qui étaient compris
dans l'article.
C'est clair que, pour nous, le contrat
d'adhésion, être accessible en français puis de se faire offrir en français,
pour nous, c'est primordial. Je pense que les détaillants l'ont compris et le
font.
Nous, ce qu'on n'a pas trop compris, c'est
le public autre que le consommateur, c'est quoi, l'intention du législateur,
quelle est son interprétation, et on a consulté quand même quelques juristes
pour écrire le mémoire, et essentiellement on n'a pas de consensus.
Ça fait qu'à votre question je suis aussi
dans le gris. Et on demande une clarification, finalement. On demande que cet
article-là soit clarifié et qu'on puisse connaître un peu les tenants et les
aboutissants de ce que ça pourrait représenter.
Mme David : Donc, bien
noté. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, Mme la députée de Mercier, 5 min 40 s.
Mme Ghazal : Wow! Mon
Dieu! Je suis gras dur, comme on dit. Merci, Mme la Présidente. Parce que
d'habitude je n'ai même pas... à peine... même pas trois minutes. Bien, merci
pour votre présentation.
Moi, je voudrais revenir sur toute la
question de la lourdeur bureaucratique, de la paperasserie, tout ça, parce que
les gens du commerce au détail... Moi, j'ai des artères commerciales, là, dans
mon comté, il y en a partout, puis c'est très, très important pour l'image d'une
ville, l'image de... n'importe où, là. Évidemment, on parle beaucoup de
Montréal. Puis vous dites qu'il y a une lourdeur et une complexité des mesures
qui sont déjà en place, là, pour les <entreprises de 50 à 99...
Mme Ghazal : ...
Moi,
j'ai des artères commerciales, là, dans mon comté, il y en a partout, puis c'est
très, très important pour l'image d'une ville, l'image de... n'importe où, là.
Évidemment, on parle beaucoup de Montréal. Puis vous dites qu'il y a une
lourdeur et une complexité des mesures qui sont déjà en place, là, pour les >entreprises
de 50 à 99 employés. La francisation exige notamment la prise de
mesures comme la mise en place de processus administratifs de gestion, la
création de comités, la production de rapports. Bref, il est question de
beaucoup, beaucoup de paperasserie. Puis ça, quand on lit ça on dit : Mon
Dieu! Il doit y avoir des montagnes de rapports à remplir, énormément de
choses. Puis je suis allée sur le site de l'OQLF pour voir. Par exemple les
entreprises maintenant de 25 employés et plus, il va falloir qu'elles
s'inscrivent, donc c'est un simple formulaire pour s'inscrire, là, puis donner
les informations à l'OQLF. Après ça, il faut faire une analyse de la situation
linguistique, donc c'est un formulaire de 14 pages, mais il n'y a pas
beaucoup de cases où il faut écrire des romans. C'est vraiment des questions
oui ou non, les catalogues et les dépliants de votre entreprise sont en
français, c'est facile, oui ou non, etc. Puis si la situation est conforme,
puis je me suis informée, je pense que c'est plus que 80 % des entreprises
qui font ce processus-là l'obtiennent, c'est facile. Si ce n'est pas conforme,
là, l'OQLF est là pour les accompagner. Puis après ça, aux trois ans, il y
a un formulaire qui ressemble presqu'à l'autre à être rempli. Je veux dire,
c'est beaucoup plus simple que faire son rapport d'impôt puis je ne pense pas
qu'aucune entreprise ne va dire : Bien, moi, je vais arrêter de faire mon
rapport d'impôt parce que c'est trop compliqué, trop de paperasserie, quoiqu'il
y en a qui vont dans les paradis fiscaux, mais c'est un autre sujet. Donc,
pourquoi est-ce que c'est si compliqué, faire ça pour le français alors qu'on
le fait pour des subventions, on le fait pour beaucoup d'autres choses?
M. Côté (Jean-Guy) : Bien,
écoutez, à la face même que vous démontrez, c'est clair que lorsqu'on prend cet
objet-là particulier, pour un détaillant, s'il n'avait que ça à faire, on
s'entend qu'on serait dans la mesure du possible. C'est que ça s'ajoute à
plusieurs autres éléments administratifs à remplir au cours d'une année.
Et là, vous tombez sous l'égide d'un
25 à 49. Un détaillant de 25 à 49, ce n'est pas beaucoup de
portes, c'est une, deux portes, des employés à temps partiel, des employés à
temps plein, plus le propriétaire. Donc, c'est souvent des propriétaires qui
vont travailler eux-mêmes sur le plancher, qui vont travailler eux-mêmes à la
vente, qui vont faire la comptabilité, ils vont faire les ressources humaines,
le recrutement. Et s'ajouterait un élément administratif supplémentaire qui
s'ajoute à d'autres éléments administratifs. Le gouvernement actuel s'est engagé
dans un processus d'allègement réglementaire...
Mme Ghazal : Le projet de loi
a été déposé aujourd'hui.
M. Côté (Jean-Guy) : Oui,
qu'on salue dans un sens qu'il y a un processus d'allègement réglementaire, où
il y a un principe de réglementation intelligente, c'est qu'on doit réglementer
en fonction de la capacité de l'entreprise à y répondre, à cette
réglementation-là.
Donc, ce qu'on dit, c'est on ne veut pas
enlever les 25-49 de la nécessité d'être meilleurs en termes de <francisation.
Ce qu'on dit...
M. Côté (Jean-Guy) : ...où
il y a un principe de réglementation intelligente, c'est qu'on doit réglementer
en fonction de la capacité de l'entreprise à y répondre, à cette
réglementation-là.
Donc, ce qu'on dit, c'est on ne veut
pas enlever les 25-49 de la nécessité d'être meilleurs en termes de >francisation.
Ce qu'on dit, c'est : Trouvez un moyen, une recette qui leur est propre,
qui leur est plus facile, qui va être plus évidente dans le cadre de leurs
activités actuelles.
Mme Ghazal : ...ce que je
viens de vous montrer... je comprends que c'est un ajout de plus, mais qu'est-ce
qu'on fait? Vous êtes d'accord qu'il y a un problème pour la pérennité du
français, que vous avez un rôle à jouer. Mais, si compléter quelques rapports,
c'est si compliqué, alors que le processus est facile, là, la majorité
réussisse, donc ça serait quoi l'effort de plus que vous êtes prêts à faire si
celui-là vous le trouvez déjà lourd?
M. Côté (Jean-Guy) : Bien, en
fait, je pense qu'il y a un caractère de prendre acte de la motivation, de s'assurer
que l'accompagnement est sur place puis qu'il soit accessible, et non pas de tomber
dans une optique de rapportage où on décide de rapporter le nombre de
catalogues qu'on offre en français ou anglais. C'est, bien, voici des guides,
voici qui est le plus facile pour vous, puis éventuellement, peut-être, on ira
vérifier si c'est correct.
Mme Ghazal : Bien, je vais
revenir à l'OQLF, parce que les mots que vous avez employés sont quand même
lourds, là, de dire que c'est policier. Puis ça nous rappelle... moi, je ne
sais pas, vous ne trouvez pas que c'est caricatural de dire ça, ça nous ramène
à tous les épisodes «pastagate», et ces genres de choses là. Puis ça peut faire...
je vais prendre ce que le ministre a dit tantôt à la Chambre de commerce du
Montréal métropolitain, vous êtes en train de faire peur aux détaillants, parce
que ça a tellement été mis à l'avant dans les médias, ça a même nui à notre
réputation, peut-être vous êtes... c'est ce que vous êtes en train de faire.
Parce que vous dites vous-mêmes qu'il y a eu un changement de culture à l'OQLF.
• (15 h 50) •
M. Côté (Jean-Guy) : Effectivement,
on le dit nous-mêmes qu'il y a eu un changement de culture à l'OQLF. Cependant,
certains articles ne concordent pas avec le changement de culture qu'on avait
observé dans les dernières années. Et, vous savez, le français, la très, très
grande majorité des détaillants au Québec sont en faveur d'être francophones, d'offrir
des services en français, d'avoir une image française de leur commerce. Le
principe même du détaillant, c'est de répondre à son client.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange.
Mme Ghazal : ...résultats
aussi. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée de Mercier, vous voyez, même cinq minutes, ça passe
trop vite, ça passe trop vite. Donc, je dois mettre fin à l'échange.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. Côte, maître, d'avoir accepté l'invitation en commission
parlementaire.
Nous allons suspendre quelques instants
pour permettre au prochain groupe de prendre la place.
(Suspension de la séance à 15 h 51)
(Reprise à 15 h 54)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous poursuivons notre séance et nous
recevons maintenant la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse, donc Me Philippe-André Tessier, le président. Vous allez nous
présenter la personne qui vous accompagne. Vous avez une dizaine de minutes
pour faire votre présentation. Par la suite, il y aura un échange avec les membres
de la commission. Bienvenue à l'Assemblée, de manière virtuelle, la parole vous
appartient.
Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse (CDPDJ)
M. Tessier (Philippe-André) :
Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Alors,
Philippe-André Tessier, je suis président de la Commission des droits de la <personne
et des droits de la jeunesse et je suis...
La Présidente (Mme Thériault) :
...la personne qui vous accompagne. Vous avez une dizaine de minutes pour faire
votre
présentation. Par la suite,
il y aura un échange avec les
membres
de la commission. Bienvenue à l'Assemblée, de manière virtuelle, la parole vous
appartient.
M. Tessier (Philippe-André) :
Merci,
Mme la Présidente.
M. le ministre, Mmes et MM. les
députés. Alors, Philippe-André Tessier, je suis président de la
Commission
des droits de la >personne et des droits de la jeunesse et je suis accompagné
de Me Geneviève St-Laurent qui est conseillère juridique à la direction de
la recherche de la commission.
Comme vous savez, la commission a entre
autres pour mission d'assurer le respect et la promotion des principes énoncés
dans la Charte des droits et libertés de la personne. Suivant son mandat, la
commission a examiné le projet de loi afin de vérifier sa conformité avec la
charte et faire les recommandations appropriées.
D'emblée, la commission tient à affirmer
que la protection du français en tant que langue publique commune du Québec est
un objectif législatif légitime d'une grande importance. La commission est
d'avis qu'il est tout aussi important, dans un régime démocratique où l'on est
respectueux des droits et libertés, de s'assurer que les droits linguistiques
de la majorité ne viennent pas empiéter sur les droits fondamentaux qui sont
reconnus à toute personne.
La commission est ainsi préoccupée par
certaines dispositions du projet de loi qui visent à introduire à la charte
québécoise des considérations qui ne relèvent pas des droits de la personne
parce que ces modifications pourraient porter atteinte à la cohérence interne
de cet instrument de protection des droits et libertés, à son architecture et
aux principes qui la sous-tendent. La commission estime donc qu'il n'est pas
souhaitable de modifier le préambule de la charte québécoise ni son
article 9.1 et qu'il ne serait pas pertinent d'y ajouter un nouvel article
qui viendrait consacrer un droit de vivre en français. Elle considère que ce
droit toutefois pourrait avoir sa place dans l'autre charte, la Charte de la
langue française. Ces trois modifications à la charte québécoise ne semblent
d'ailleurs pas nécessaires parce que les principes de la Charte de la langue
française sont déjà pris en compte dans l'application des droits et libertés
inscrits dans la charte québécoise dans toutes les situations où la langue est
en jeu.
Cela dit, la commission ne s'oppose pas à
l'ajout d'un alinéa à la disposition interprétative de l'article 50 de la
charte québécoise. Cette modification paraît davantage cohérente avec l'objet
et la structure de ce texte fondamental, tout en respectant la nature de ces
deux instruments qui coexistent depuis plus de 40 ans. Cette proposition
semble susceptible de contribuer à l'harmonisation et à la conciliation des
droits individuels protégés par la charte québécoise avec les droits
linguistiques fondamentaux qui, eux, seraient consacrés par la Charte de la
langue française.
En outre, la commission ne s'oppose pas ni
aux modifications à la Loi d'interprétation ni au choix de conférer un statut
supralégislatif aux droits linguistiques fondamentaux justement consacrés à la
Charte de la langue française. L'importante modification qui serait ainsi
apportée à la hiérarchie des normes québécoises, plaçant la Charte de la langue
française au même niveau que la charte québécoise, viendrait certainement
garantir une meilleure prise en compte des intérêts collectifs relatifs à la
vie et à la langue publique commune dans le cas où un conflit surviendrait avec
certains droits individuels garantis par la charte québécoise.
D'ailleurs la commission insiste, comme
elle l'a fait à de multiples reprises dans le passé, sur l'importance que les
modifications au contenu normatif de la partie I de la charte québécoise
fassent l'objet d'une large discussion publique. Celle-ci devrait impliquer non
seulement des acteurs politiques, mais aussi les membres de la société <civile...
M. Tessier (Philippe-André) :
...
avec certains droits individuels garantis par la charte québécoise.
D'ailleurs la commission insiste, comme
elle l'a fait à de multiples reprises dans le passé, sur l'importance que les
modifications au contenu normatif de la partie I de la charte québécoise
fassent l'objet d'une large discussion publique. Celle-ci devrait impliquer non
seulement des acteurs politiques, mais aussi les membres de la société >civile
compte tenu de l'impact important qu'il pourrait avoir sur l'interprétation de
tous les droits de la charte québécoise. Le fait de rendre la disposition de
limitation de droits qu'on trouve à l'article 9.1 applicable aux droits et
libertés protégés par les articles 1 à 56 et non plus uniquement aux
droits et libertés fondamentaux que l'on retrouve aux articles 1 à 9, mériterait
tout particulièrement une consultation de certains acteurs intéressés
spécifiquement par ces questions.
Dans son mémoire, la commission s'attarde
ensuite sur le recours très large à la disposition de dérogation dans le projet
de loi. Elle estime que son utilisation est d'une trop grande portée. Elle est
insuffisamment justifiée. Pourtant, si la charte québécoise prévoit une
dérogation aux droits qu'elle protège doit être faite de manière expresse, c'est
précisément pour qu'on puisse instaurer ou avoir un débat concernant les
justifications mises de l'avant pour suspendre l'application de certains
droits. Si le projet de loi porte atteinte à des droits et libertés de la
personne, et que le législateur souhaite s'y soustraire, il parait donc essentiel
de les identifier pour que les citoyennes et les citoyens puissent en être
informés, et qu'un véritable débat puisse avoir lieu sur la question
Il faut comprendre que la Charte de la
langue française et la charte québécoise ne sont pas, de l'opinion de la
commission, incompatibles. Il n'est absolument pas nécessaire d'adopter une
clause dérogatoire à portée générale pour atteindre l'objectif législatif
légitime de protection de la langue française comme langue publique commune. La
commission recommande donc de ne pas adopter les articles 118 et suivants
du projet de loi. Subsidiairement, la commission recommande de préciser, dans
le projet de loi, à quels droits ou libertés de la charte québécoise on entend
déroger, et spécifier quelles sont les dispositions de la Charte de la langue
française et du projet de loi n° 96 qui y sont soustraites.
Le mémoire de la commission s'attarde
ensuite sur certains aspects du projet de loi dont elle estime qu'ils
pourraient mettre en cause certains droits et libertés de la personne tels que
consacrés par, justement, la charte québécoise et le droit international. Dans
un premier temps, la commission interpelle le législateur et le gouvernement
afin qu'ils agissent sans tarder dans le sens des engagements pris par le Québec
en vue de faire vivre, protéger et promouvoir les langues des nations
autochtones. Elle recommande au législateur de s'assurer que les dispositions
du projet de loi n° 96 tiennent compte de ces engagements, et que cette
démarche s'effectue avec la participation des représentants autochtones.
De plus, elle recommande au législateur de
remplacer les termes amérindiens que l'on retrouve au préambule et
l'article 87 de la Charte de la langue française par celui de Premières
Nations. Plus largement, la commission recommande au gouvernement de se saisir de
l'opportunité que présente l'actuel projet de loi pour énoncer clairement et
dès maintenant comment il envisage concrétiser, à court terme, les engagements
qu'il a pris en vue d'assurer le respect des droits linguistiques des peuples
autochtones du Québec. Cet énoncé devrait entre autres préciser les moyens
qu'il entend déployer pour que les nations autochtones participent activement à
toutes les démarches qui seraient entreprises en ce sens.
• (16 heures) •
Dans un deuxième temps, la commission
s'inquiète des excès qui pourraient découler de l'application d'une disposition
interdisant aux employés d'un organisme de l'administration d'utiliser une
autre langue que le français lorsqu'ils communiquent entre eux dans <l'exercice
de leurs fonctions...
>
16 h (version révisée)
< M. Tessier (Philippe-André) :
...préciser les moyens qu'il entend déployer pour que les nations autochtones
participent activement à toutes les démarches qui seraient entreprises en ce
sens.
Dans un deuxième temps, la
commission s'inquiète des excès qui pourraient découler de l'application d'une
disposition interdisant aux employés d'un organisme de l'administration
d'utiliser une autre langue que le français lorsqu'ils communiquent entre eux
dans >l'exercice de leurs fonctions. La mesure proposée pourrait donner
l'impression que tout usage d'une autre langue que le français sur les lieux du
travail est interdit, peu importe le contexte d'utilisation. Cela pourrait
pousser certains employeurs à surveiller l'usage de toute langue sur les lieux
de travail, compromettant ainsi le droit à la vie privée des employés. La commission
souligne l'importance de distinguer clairement l'usage officiel de la langue de
son usage à titre privé.
Troisièmement, la commission est
préoccupée par la disposition qui semble prévoir qu'un organisme de l'administration
ne pourrait utiliser une langue autre que le français dans ses communications
avec les personnes immigrantes au-delà d'une période de six mois suivant leur
arrivée. La commission considère que le fait de conditionner l'usage d'une
langue dans la prestation de services administratifs en fonction d'un délai
plutôt qu'en fonction des besoins de la personne est susceptible d'entraîner
une violation du droit à l'égalité dans l'accès à des services et de l'exercice
du droit à l'information prévu dans la charte québécoise. Une telle exigence
est aussi de nature à poser des difficultés pour les personnes immigrantes dans
l'obtention de services administratifs essentiels, surtout lorsqu'elles sont
toujours en processus de francisation. D'ailleurs, le très court délai retenu
par le projet de loi ne semble pas tenir compte des nombreux facteurs qui
peuvent influencer sur le succès et la durée d'un parcours de francisation et
d'intégration. La commission recommande donc d'amender le projet de loi n° 96 afin de retirer cette condition.
Quatrièmement, la commission est d'avis
que le recours relatif à la discrimination ou au harcèlement discriminatoire
qui serait ajouté à la Charte de la langue française n'offrirait pas d'avantage
particulier pour les travailleurs concernés. En effet, la commission exerce
déjà sa compétence en lien avec ce type de situation, que la langue visée soit
le français ou une autre langue. Le recours prévu à la charte québécoise permet
la cessation d'une atteinte à un droit ainsi que la réparation du préjudice
subi et le versement de dommages et intérêts punitifs. Un nouveau mécanisme
impliquant potentiellement trois organismes administratifs et une série de
transferts de plainte pourrait rendre l'accès au recours plus confus pour les
victimes. Dans le cas où le législateur souhaiterait néanmoins mettre en place
un recours spécifique dans la Charte de la langue française, la commission estime
que celui-ci pourrait relever de sa compétence.
La commission émet finalement des
inquiétudes en lien avec le processus de dénonciation à l'OQLF de tout
manquement à la Charte de la langue française. Il serait alors possible de
passer outre à certaines obligations de confidentialité ou au secret
professionnel. Compte tenu des atteintes que cela risque d'entraîner au droit à
la vie privée et au droit au secret professionnel protégés par la charte
québécoise, la commission recommande de ne pas adopter cette disposition.
Finalement, tout en soulignant qu'elle
respecte déjà la Charte de la langue française à titre volontaire, la
commission explique que si le législateur souhaite l'y assujettir formellement,
il est essentiel qu'elle le soit à titre d'institution parlementaire et non à
titre d'organisme gouvernemental. En effet, la commission, comme d'autres
institutions, exerce une mission de surveillance et de contrôle de l'action
gouvernementale qui nécessite d'importantes garanties d'autonomie. De plus, le
droit international exige spécifiquement que les organismes de défense des
droits de la personne soient indépendants et autonomes du gouvernement. Cette
nécessaire indépendance serait compromise par les mécanismes de surveillance et
de contrôle qui s'imposeraient aux organismes gouvernementaux. Nous
recommandons donc de modifier l'annexe I du projet de loi afin d'être plutôt
assimilés à une institution parlementaire.
En <terminant...
M. Tessier (Philippe-André) :
...
De plus, le droit international exige spécifiquement que les
organismes de défense des droits de la personne soient indépendants et
autonomes du gouvernement. Cette nécessaire indépendance serait compromise par
les mécanismes de surveillance et de contrôle qui s'imposeraient aux organismes
gouvernementaux. Nous recommandons donc de modifier l'annexe I du projet de loi
afin d'être plutôt assimilés à une institution parlementaire.
En >terminant, nous souhaitons
rappeler que les droits linguistiques d'une société ne sont pas, par définition,
contradictoires par rapport aux droits et libertés reconnus aux personnes par
la charte québécoise. Ces droits peuvent exister, coexister sans hiérarchie. S'ils
venaient à entrer en conflit dans des circonstances particulières, la
commission est d'avis que certaines mesures du projet de loi seraient
susceptibles de faciliter leur conciliation.
Je vous remercie de votre attention et
nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Me Tessier. Donc, sans plus tarder, M. le ministre, la parole est à
vous.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, Mme la Présidente. Me Tessier, Me St-Laurent, bonjour. Merci de
participer aux travaux de la commission parlementaire sur projet de loi
n° 96.
Je reprends votre dernière phrase, Me
Tessier. Dans le fond, je comprends que c'est légitime pour un État comme le
Québec de mettre des mesures en place pour protéger sa langue commune, sa
langue publique, sa langue nationale. C'est justifié de le faire.
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui. Tout à fait.
M. Jolin-Barrette : O.K. Vous
faites quelques recommandations en lien avec la Charte des droits et libertés
de la personne pour ne pas que l'on vienne modifier le préambule, pour ne pas
qu'on indique «droits collectifs», vous préférez «intérêts collectifs». Vous ne
voulez pas qu'on introduise le fait... le droit de vivre en français dans la Charte
des droits et libertés de la personne. Pourquoi vous ne voulez pas qu'on touche
à la Charte des droits et libertés de la personne?
Pour... parce que je vais juste vous
présenter, là. La Charte des droits et libertés de la personne, c'est quand
même un document qui est important, qui est fondamental au Québec. Et je crois
que le français mérite d'y apparaître, et, surtout, cette notion de droits
collectifs doit y apparaître, parce que c'est une Charte des droits et libertés
de la personne, bien entendu, mais, comme dans toute chose, il y a un
équilibrage à faire également avec les droits collectifs de la nation. Alors,
pourquoi la commission est réticente à ce qu'on vienne insérer ça dans la
charte?
M. Tessier (Philippe-André) :
Essentiellement, il faut comprendre que ce que le projet de loi n° 96
vient faire est d'ériger la Charte de la langue française à un statut équivalent
à celui de la charte québécoise des droits et libertés, ce à quoi la commission
ne s'oppose pas. On va donner préséance sur les autres lois à la Charte de la
langue française, tout comme à la charte québécoise. Et ce qu'on dit, c'est que
les articles auxquels le ministre fait référence sont des éléments qui font
appel aux droits linguistiques fondamentaux qui, depuis 40 ans... le
législateur québécois a choisi comme véhicule pour ces droits linguistiques
fondamentaux là, le véhicule de la Charte de la langue française et non pas le
véhicule de la Charte des droits et libertés de la personne, qui n'ont pas des
finalités et des fonctions identiques. L'une et l'autre coexistent, cohabitent,
et là on vient leur donner un statut équivalent dans l'ordre normatif du
Québec, on les érige au même niveau dans la constitution matérielle du Québec.
C'est quand même fondamental, ce que le <projet de loi n° 96...
M. Tessier (Philippe-André) :
...là, le véhicule de la
Charte de la langue française et non pas le
véhicule de la
Charte des droits et libertés de la personne, qui n'ont
pas des finalités et des fonctions identiques. L'une et l'autre coexistent,
cohabitent, et là on vient leur donner un statut équivalent dans l'ordre
normatif du Québec, on les érige au même niveau dans la constitution matérielle
du Québec. C'est quand même fondamental, ce que le >projet de loi n° 96
vient faire en ce sens-là. Et donc, nous, on pense qu'à ce moment-là le
véhicule beaucoup plus approprié pour parler des droits linguistiques
fondamentaux tels que la Charte de la langue française en parle, c'est
effectivement la Charte de la langue française.
Je me permets d'ajouter que, si des droits
peuvent être ajoutés à la charte québécoise, et on se dit d'accord avec ça,
c'est une disposition interprétative à son article 50 comme dans les
autres lois, la Loi d'interprétation, le Code civil, le Code de procédure
civile. Ça, là-dessus, on n'a pas de problème avec ça, parce qu'il faut
effectivement interpréter la Charte québécoise des droits et libertés en
conjonction ou de façon conforme à la Charte de la langue française, et il faut
faire coexister ces deux véhicules-là. Mais le choix initial de 1977, la Charte
de la langue française, on pense qu'il était motivé par ces intentions-là, qui
demeurent tout à fait contemporaines aujourd'hui.
M. Jolin-Barrette :
Trouvez-vous que, depuis 1977, les droits fondamentaux qui ont été inscrits à
la Charte de la langue française ont été pris aussi en considération que les
droits fondamentaux qui se retrouvent à la Charte des droits et libertés de la
personne?
M. Tessier (Philippe-André) :
C'est sûr et certain qu'il y a eu des arrêts qui se sont basés effectivement
sur le statut de la charte québécoise des droits et libertés pour venir
concilier les droits prévus à la Charte de la langue française. Ce qui est
différent puis ce que le p.l. n° 96 fait de majeur, comme je le dis et je
le répète, c'est d'ériger ces catégories de droits là au même niveau, c'est de
faire en sorte que les deux ont une disposition supralégislative. Et c'est sûr
et certain qu'une des recommandations que l'on fait également au législateur, c'est
de faire attention à l'utilisation de la clause dérogatoire préventive tous
azimuts parce qu'en venant ériger les droits linguistiques fondamentaux qui
vont être contenus dans la Charte de la langue française au même niveau que la
charte québécoise, l'utilisation préventive de la clause dérogatoire va un peu
nous empêcher ou nous priver du regard des tribunaux de l'impact de l'effet de
cette modification, de cette bonification-là, majeure, pour le fait français au
Québec, qui est le p. l. n° 96.
M. Jolin-Barrette :
Donc, sur votre dernière phrase, si je vous entends bien, vous, vous préférez
laisser les tribunaux venir définir ce qui doit s'appliquer en matière de
droits fondamentaux pour la Charte de la langue française relativement à son
application, même si ça vient restreindre les droits qu'on vient conférer aux
Québécois, au Québec, de vivre en français.
Donc, je comprends que vous souhaitez que
le législateur se retire, que l'exécutif... que les législateurs, ici, se
retirent puis ils disent : Bien, écoutez, on va soumettre ça aux
tribunaux, puis les tribunaux, eux, décideront quel doit être le vivre-ensemble
au Québec, comment doit être l'aménagement linguistique au Québec, donc non pas
les élus de l'Assemblée nationale. Donc, on fait une proposition législative,
mais, sur un sujet aussi important, aussi fondamental pour <l'avenir...
M. Jolin-Barrette :
...
puis les tribunaux, eux décideront quel doit être le vivre-ensemble
au Québec, comment doit être l'aménagement linguistique au Québec, donc non pas
les élus de l'Assemblée nationale. Donc, on fait une proposition législative,
mais, sur un sujet aussi important, aussi fondamental pour >l'avenir du Québec,
pour la pérennité du français, qui est en danger, là, manifestement, à part
quelques groupes qui nient et qui essaient de démontrer par des statistiques
parfois alambiquées qu'il n'y a pas d'enjeu au Québec, là, si je retiens votre
position, vous dites : Bien, laissons ça aux tribunaux, puis après on
verra, ultimement, plutôt que de dire que le législateur prenne conscience de
l'enjeu, que la population québécoise, que la société disent : Il y a un
enjeu avec le français, on demande une réponse forte, il faut protéger la
langue nationale, la langue commune. Vous, vous préférez qu'on confie ça aux
tribunaux.
• (16 h 10) •
M. Tessier (Philippe-André) :
En tout respect, Mme la Présidente, ce que la commission vient dire, c'est que
le législateur joue son rôle, joue son rôle important, fondamental dans notre
État de droit, dans notre régime démocratique, et vient modifier la
constitution matérielle du Québec, érige la Charte de la langue française a un
statut supralégislatif, statut, jusqu'à présent, réservé uniquement à la charte
québécoise des droits et libertés, et on se dit d'accord avec ça. Ce qu'on dit,
cela dit, c'est qu'en appliquant au même moment la clause de dérogation le
législateur se prive de mesurer l'effet de cet ajout, de cette bonification du
p.l. n° 96 sur l'ordre normatif et cet
équilibre-là.
Et ce qu'on vient aussi dire, et ça, c'est
important et fondamental de le répéter, le législateur a la prérogative
d'utiliser la clause dérogatoire, la commission ne remet pas ça en question.
Elle dit : Pouvons-nous, premièrement, dans un premier temps, cibler les
articles visés par la clause dérogatoire? Parce qu'à première vue, et je
pourrai peut-être laisser ma collègue compléter aussi, à première vue, il y
a... les éléments qui sont prévus à la Charte de la langue française aux
modifications de p.l. n° 96 ne nous apparaissent
pas discriminatoires en soi. Et donc ce nécessaire dialogue là, cette conversation-là
entre le législatif et le judiciaire, bien, en utilisation de façon préventive
la clause dérogatoire, on se prive de ça, et le législateur aura toujours le
dernier mot parce qu'il pourra toujours se prévaloir de la clause dérogatoire
si jugement d'un tribunal est passé avec lequel le législateur a un désaccord.
Et c'est ça aussi, une utilisation que l'on pense plus conciliante avec les
droits et libertés de l'effet de la clause dérogatoire. Je voulais peut-être...
Ma collègue veut compléter.
Mme
St-Laurent
(Geneviève)
: Oui, juste peut-être pour
compléter sur la raison pour laquelle on s'oppose à certains ajouts dans la
Charte des droits et libertés de la personne, c'est vraiment un peu par souci
de cohérence avec le droit international puis les différents outils de
protection des droits et libertés de la personne. Il n'y en a pas, des textes
de protection des droits de la personne nationale ou internationale qui
viennent prévoir la limitation de droits individuels au nom de droits collectifs
qui appartiendraient à la majorité. Les intérêts collectifs de la majorité sont
très importants, mais ils peuvent... et c'est d'ailleurs le cas dans plusieurs
autres États où on vient consacrer ces principes-là dans un autre texte, à
valeur constitutionnelle aussi.
Donc là, comme <l'expliquait...
Mme
St-Laurent
(Geneviève)
:
...
de
droits individuels au nom de droits collectifs
qui appartiendraient à la
majorité. Les intérêts collectifs de la majorité sont très importants, mais ils
peuvent... et c'est d'ailleurs le cas dans plusieurs autres États où on vient
consacrer ces principes-là dans un autre texte, à valeur constitutionnelle
aussi.
Donc là, comme >l'expliquait Me
Tessier, on vient créer... on vient reconnaître, avec les modifications qui
sont apportées par le projet de loi, le fait que la Charte de la langue
française, elle doit avoir une place égale dans la constitution matérielle de
la province pour, justement, c'est ça, pour rétablir, peut-être, l'équilibre
qui était voulu au départ, en 77, là, venir les placer sur le même pied. Et
donc les tribunaux pourraient avoir l'occasion, là, de venir constater
justement cette action du législateur là, ce qui change la donne,
considérablement, d'après nous.
M. Jolin-Barrette : Est-ce
que vous considérez que le Québec et le français se retrouvent en situation
minoritaire au Canada puis en Amérique du Nord?
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui. C'est dur à nier.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Parce que vous venez de dire, Me St-Laurent, que, dans le fond, on était
majoritaires. Dans le fond, vous, vous faites référence uniquement au Québec, dans
le fond, que le français est majoritaire, mais que le français, dans le fond,
on le regarde juste sous la loupe du Québec puis on ne le regarde pas dans l'environnement
nord-américain ni dans l'environnement canadien.
Mme
St-Laurent
(Geneviève)
: Si vous permettez, Mme la
Présidente, oui, je pense que, justement, en tant que... les francophones sont
majoritaires au Québec, mais, effectivement, le Québec représente une minorité
nationale au sein du Canada. Et je pense qu'on pourrait dire que le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques s'applique aussi au Québec
dans ce sens-là. Il y a une double application, ici, on est à la fois minorité
et majorité, donc on pourrait revendiquer des droits linguistiques au sein...
auprès de la majorité anglophone.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Pratico-pratique, là, le français, il décline. L'Assemblée nationale, qui est
l'Assemblée nationale d'une nation, a des outils à sa portée pour assurer la
protection puis la pérennité du français. La commission nous dit : Oui,
mais, tu sais, on aime mieux voir ce que les tribunaux vont dire, quitte à
faire en sorte que ça affecte le droit de vivre en français, quitte à ce que ça
affecte les droits qu'on vient garantir dans la Charte de la langue française.
Moi, j'ai un malaise avec ça. Je pense que c'est aux élus à choisir, sur des
sujets aussi importants, de quelle façon va s'organiser l'aménagement
linguistique. Mais on ne sera pas d'accord sur ce volet-là.
Une question rapide avant de céder la
parole aux collègues. Pourquoi est-ce que vous ne souhaitez pas qu'on vienne
modifier l'article 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne?
M. Tessier (Philippe-André) :
Essentiellement, parce que cet article-là, c'est une disposition interprétative
et qui vise à concilier les intérêts de la collectivité versus les intérêts en
cause dans les droits et libertés fondamentaux qui sont prévus aux articles 1
à 9. Il faut comprendre que cette disposition <interprétative là a été...
M. Tessier (Philippe-André) :
...
interprétative et qui vise à concilier les intérêts de la
collectivité versus les intérêts en cause dans les droits et libertés
fondamentaux qui sont prévus aux articles 1 à 9. Il faut comprendre que
cette disposition >interprétative là a été conçue et ajoutée en 1982
quand on a donné plein effet à la disposition supralégislative de 52,
l'article 52 de la charte. Et il est certain que l'interprétation, depuis,
de cet article-là, tient compte de cet aménagement-là.
Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que... on
ne dit pas qu'il ne faut pas nécessairement modifier 9.1 ou le faire évoluer,
ce qu'on dit, c'est que la conséquence d'assujettir tous les articles de la
charte à cette disposition-là, c'est quelque chose d'assez important et ça a
des ramifications avec lesquelles il faut être quand même prudent, parce que ça
dépasse la simple question linguistique, ça vise l'ensemble des autres droits prévus
à la charte. Et pour nous, là-dessus, on rappelle juste que la charte
québécoise, elle vise non seulement les rapports publics, donc les
articles 1 à 9, l'interprétation des lois du Québec et la conformité de
celles-ci avec la charte, mais également les rapports privés. Et donc il faut
quand même faire oeuvre d'un peu de prudence lorsqu'on vient jouer sur cet
article-là, pour voir quel est l'impact réel sur l'ensemble des droits prévus à
la charte.
M. Jolin-Barrette :
Donc, essentiellement, vous dites au législateur : Ne légiférez pas
là-dessus. Dans le fond, vous dites : N'exercez pas votre compétence de
législateur sur cet article-là. Vous nous dites : Bien, repoussez ça.
M. Tessier (Philippe-André) :
Ce qu'on vous dit, c'est que c'est sûr et certain que ça dépasse la simple
question linguistique. C'est une question d'architecture fondamentale de
l'ensemble des droits prévus à la charte québécoise des droits et libertés. Et
on dit juste : Cette discussion-là, on peut l'avoir, cette question-là,
elle peut être regardée, mais elle implique d'autres réflexions, d'autres
acteurs, parce que ça dépasse la simple question de la langue française.
Les outils que le législateur utilise pour
venir modifier l'ordre normatif du Québec avec le p. l. n° 96
sont majeurs, on le reconnaît, on appuie la plupart de ces éléments-là, mais on
fait juste rappeler une chose très fondamentale au législateur, c'est que le
gouvernement aussi dispose d'importants leviers pour franciser, pour permettre
la francisation du Québec, et il faut aussi utiliser ces leviers-là lorsqu'on
veut traiter de la question linguistique au Québec. L'aménagement linguistique
du Québec dépend aussi de l'effort que l'État du Québec et que le gouvernement
consent aux programmes de francisation, notamment, et ça, je sais que c'est une
question qui a toujours été mise de l'avant et défendue.
Et je rappellerai à cette commission
parlementaire que la commission, en 2013, s'est dit d'accord avec l'ajout, dans
les droits économiques et sociaux de la charte, du droit d'apprendre le
français. Pourquoi? Parce que c'était reconnu comme étant un droit que l'on
donnait, hein, aux minorités linguistiques sur le territoire du Québec,
d'apprendre le français. Donc, on venait renforcer la protection du français,
renforcer les notions d'intégration à la langue dite commune, mais on le
faisait de façon conciliante, de façon conforme à l'architecture et à la
cohérence interne de la charte québécoise des droits et libertés.
M. Jolin-Barrette : Mais,
juste avant de céder la <parole, je vous soumettrais que...
M. Tessier (Philippe-André) :
...
hein, aux minorités linguistiques sur le territoire du Québec
d'apprendre le français. Donc, on venait renforcer la protection du français,
renforcer les notions d'intégration à la langue dite commune, mais on le
faisait de façon conciliante, de façon conforme à l'architecture et à la
cohérence interne de la Charte québécoise des droits et libertés.
M. Jolin-Barrette :
Mais, juste avant de céder la >parole, je vous soumettrais que c'est fondamental
pour une nation de garantir, dans ses lois et ses lois les plus importantes, le
droit de vivre en français et le fait que chacun des Québécois a le droit de travailler
en français, a le droit de vivre dans la langue commune au Québec. Ça
m'apparaît fondamental.
Et sur votre commentaire relativement au
fait que le gouvernement a d'autres moyens d'action, savez-vous, les lois
restent, les gouvernements passent, et on a eu une expérience toute récente à
quel point certains gouvernements ne se préoccupaient pas du statut du français
au Québec, même on cachait les études pour ne pas informer la population.
Alors, moi, je préfère que ce soit inscrit dans les lois pour assurer la
pérennité du français.
Je vous remercie pour votre présence en
commission parlementaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de Sainte-Rose, vous avez moins de 2 minutes,
1 min 45 s.
M. Skeete : Merci, Mme la
Présidente. Me Tessier, toujours un plaisir de vous retrouver. On se parle
assez souvent dans nos différentes tâches.
Je me permettrais, avant de débuter avec
ma première question, de vous soumettre humblement que vous dites que le
législateur se prive d'un dialogue avec le judiciaire en imposant la clause
«nonobstant» à travers le document. Moi, je vous soumets qu'on a un dialogue
avec le judiciaire. On est après leur dire qu'on ne veut pas avoir de dialogue
sur ce sujet.
J'aurais une question par rapport aux
anglophones. On en a parlé brièvement. Je voudrais savoir si vous avez
remarqué, dans le document qui est le p. l. n° 96,
des limitations aux droits des Québécois d'expression anglaise. Est-ce qu'on
limite les droits ou est-ce qu'on impacte leur bien-vivre au Québec?
La Présidente (Mme Thériault) :
Me Tessier.
M. Tessier (Philippe-André) :
La commission s'est prononcée sur les éléments qui sont prévus à notre
déclaration et à notre mémoire. On ne s'est pas prononcé sur plusieurs des dispositions
en lien avec le secteur de l'éducation, de la justice parce que celles-ci
touchent à des secteurs qui sont valablement représentés par d'autres
intervenants devant la commission parlementaire.
• (16 h 20) •
M. Skeete : Donc, juste
pour être clair, vous ne vous êtes pas attardé, mais vous n'avez rien remarqué
non plus qui pourrait être un drapeau rouge à cet égard.
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, c'est sûr et certain que la question, pour la commission, qui est
centrale, c'est que, compte tenu du fait qu'il y a de nombreux articles et de
nombreuses dispositions dans la... dans le présent projet de loi qui viennent
affecter un paquet d'actions, tant au niveau du secteur de la justice, bien, le
secteur de la justice ou de l'éducation, ces éléments-là, ce ne sont pas des
éléments que, nous, nous avons étudiés attentivement ou que nous avons
regardés. D'autres acteurs vous ont fait des démonstrations sur ce sujet-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange. Donc, Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous.
Mme David : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Me Tessier, Me St-Laurent, je ne pensais
pas vous revoir dans d'autres sortes de conditions complètement différentes de
la dernière fois où on s'est échangé des questions. Écoutez, j'ai l'impression
parce que, là, c'est peut-être ma formation ou ma déformation <professionnelle...
La Présidente (Mme Thériault) :
...
la parole est à vous.
Mme David : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Me Tessier, Me St-Laurent, je ne pensais
pas vous revoir dans d'autres sortes de conditions complètement différentes de
la dernière fois où on s'est échangé des questions. Écoutez, j'ai l'impression
parce que, là, c'est peut-être ma formation ou ma déformation >professionnelle.
J'ai le ministre devant moi puis j'ai vous devant moi un peu plus haut, et
l'image qui me vient en ayant lu... Écoutez, je ne suis pas juriste, hein,
alors ce n'était pas évident lire ça, et avoir à peu près 12 heures pour
le lire, là, parce que c'est arrivé hier après-midi, un aussi gros mémoire, 65 pages.
Et j'ai l'impression d'être devant les deux pièces législatives les plus
importantes du Québec, de l'histoire du Québec, c'est-à-dire la charte des
droits et libertés, que vous défendez évidemment comme président de la commission
des droits de la personne, et qui... cette charte, a 46 ans, et le
ministre responsable de la Langue française mais aussi ministre de la Justice,
là, des fois ça fait un peu compliqué, mais qui porte la Charte de la langue
française, parce qu'il est responsable de la langue française, et qui a aussi,
non pas lui, mais la loi, 44 ans d'existence. Et, moi, j'ai ma petite
chaloupe puis je m'en viens vous poser des questions à deux gros paquebots, là,
qui se font face avec une certaine réserve, dans les deux cas, c'est-à-dire,
tant dans vos propos oraux que dans les écrits, je sens vraiment que ça ne fait
pas nécessairement toujours bon ménage, la charte des droits et libertés et la
Charte de la langue française. Puis là je ne veux pas personnaliser du tout.
C'est comme deux grosses pièces législatives qui définissent le Québec, dont on
est fiers autant de l'un que de l'autre. Et j'ai l'impression que le mariage
n'est pas toujours si facile à consommer entre les deux pièces législatives.
Vous avez reconnu, à la page 29, que,
justement, la Charte de la langue française... bon, vous reconnaissez la
légitimité de lui donner un statut supralégislatif comme la charte des droits
et libertés, mais, en même temps, dans le même paragraphe, vous dites : «La
commission s'inquiète du message qui pourrait être envoyé par cette
modification de la hiérarchie des normes québécoises, qui pourrait être
interprétée comme un recul de la protection des droits et libertés.» Là, je
vois une échelle puis là, en haut de l'échelle, il y a la charte des droits et
libertés puis la Charte de la langue française monte les barreaux puis là, veut
arriver au même niveau, puis là vous dites : Vous avez le droit, mais j'étais
toute seule en haut, là, puis là vous mettez votre loi à la même hauteur.
Excusez de faire image comme ça, mais c'est vraiment ça qui me vient. Et je
sens une espèce de tension théorique entre les deux, mais presque comme une
tension tout court pour voir qui va avoir le plus d'impact. Est-ce que j'ai
tout faux dans ma réflexion?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien... Puis je laisserai ma collègue compléter ma réponse. Évidemment, on l'a
bien dit, là, ces véhicules-là ont été en <tension...
Mme David : ...
tout
court pour voir qui va avoir le plus d'impact. Est-ce que j'ai tout faux dans
ma réflexion?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien... Puis je laisserai ma collègue compléter ma réponse. Évidemment, on l'a
bien dit, là, ces véhicules-là ont été en >tension à travers les années.
De ne pas le reconnaître, ce serait un peu de se mettre la tête dans le sable, parce
qu'effectivement, de concilier les intérêts collectifs versus les droits prévus
à une charte des droits et libertés, notamment les droits linguistiques, c'est
sûr et certain que c'est un exercice de conciliation qui n'est pas simple.
Là, ici, ce qui est... et je le redis, ce
qui est fondamental, c'est que l'on vient mettre au même niveau... l'effet du
projet de loi n° 96, c'est de mettre au même niveau que la Charte des
droits et libertés de la personne les dispositions que l'on appelle, là, les
droits linguistiques fondamentaux, qui sont contenus à la Charte de la langue
française.
Donc, ces éléments-là, c'est quelque chose
qui va avoir un impact ou qui pourrait avoir un impact sur l'ordre juridique du
Québec. Et au même moment, vous parlez des barreaux et du même niveau, au même
moment, on assujettit cette loi-là à une disposition de dérogation, ce qui, à
toutes fins pratiques, vient faire échec à cette égalité parce que l'une vient...
est interprétée sans l'autre. Alors donc, c'est sûr que cette tension-là aussi
s'exprime. Et je comprends bien l'argument de dire : Bien, écoutez, voici
la volonté souveraine de l'Assemblée nationale, et on veut se passer de cette
interprétation-là.
Nous, ce qu'on dit, c'est que ce qui
animait l'esprit de la loi 101 en 1977 et ce qui animait les rédacteurs du
livre blanc, c'était le fait que la charte contienne une déclaration des droits
fondamentaux des... la Charte de la langue française, contienne les droits
fondamentaux des Québécois en matière linguistique, mais qu'elle complète, en
matière de langue, les droits individuels reconnus par la Charte des droits et
libertés de la personne.
Alors donc, le livre blanc parlait aussi
du fait que, comme le Québec, il y a une majorité francophone, il faut exercer
ces droits-là ou ces intérêts collectifs là de façon à concilier aussi le
respect des droits des minorités. Et c'est ça qui a toujours animé l'ordre
juridique du Québec des 44, 46 dernières années. Et c'est ça aujourd'hui
sur lequel on vient jouer. Alors, oui, effectivement, il y a deux gros bateaux,
là, qui voguent un à côté de l'autre dans une mer houleuse.
Mme David : Qui mettent
presque... Je dirais qu'ils mettent presque en antagonisation le fédéralisme et
la position plus nationaliste, ce qu'on appelle les droits collectifs, que vous
suggérez d'appeler les intérêts collectifs. Vous n'êtes pas le seul. Benoît
Pelletier a parlé, lui, d'un choix collectif. Alors, choix, intérêts, mais pas
droits, et donc qui vient mettre ça en contradiction avec ce qui serait le
multiculturalisme canadien, ce qui serait quelque chose du respect des droits
et libertés, donc, des individus mis côte à côte, mais qui ne sont pas dans la
même nation. Ça devient très politique aussi, ce choc de titans. Est-ce que je
me trompe?
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui. Bien, sur la question peut-être des intérêts collectifs, ma <collègue...
Mme David : ...
multiculturalisme
canadien, ce qui serait quelque chose du respect des droits et libertés, donc,
des individus mis côte à côte, mais qui ne sont pas dans la même nation. Ça
devient très politique aussi, ce choc de titans. Est-ce que je me trompe?
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui. Bien, sur la question peut-être des intérêts collectifs, ma >collègue
pourrait fournir certains éléments, là.
Mme
St-Laurent
(Geneviève)
: Oui. Bien, en fait, vous
parliez de la page 28 du mémoire. Je vous aiguillerai vers la page 29,
où, justement, pour tenir compte de ce changement important que va représenter
le statut supralégislatif donné, donc, de même niveau, là, hein, à la Charte de
la langue française qu'avec la charte québécoise, on dit que le choix de donner
une protection supralégislative à notre langue publique commune, ça devrait peut-être
s'accompagner, justement pour éviter cette hiérarchie-là de... qui est, en tout
cas, apparente... ça devrait s'accompagner d'une reconnaissance de même niveau
des droits linguistiques des groupes minoritaires dans la charte des droits.
Donc, on a déjà une disposition qui
ressemble à ça à l'article 43, qui parle des droits des minorités
ethniques. On pourrait y ajouter les minorités linguistiques notamment. Et donc
on rappelle une recommandation qu'on a déjà faite dans le passé, là, pour se
conformer davantage au droit international là-dessus. Puis ce sont des droits
auxquels on reconnaît une dimension collective, ce qui est très différent d'un
droit collectif, là.
Mme David : O.K. Oui,
effectivement. Puis c'est une des choses qui m'a beaucoup frappée dans votre
mémoire, vous faites énormément référence à toutes vos publications
antérieures, et Dieu sait qu'il y en a eu. Et je vais faire référence à une
publication. Et ça, j'ai vraiment appris quelque chose. Il était rendu tard,
hier soir, mais ça m'a un peu réveillée. Quand vous parlez des dispositions de
dérogation, et que, justement, vous dites que, dès 1977, «dans notre rapport en
1977, la commission, à la page 39, s'opposait à une modification de
l'article 52 de la charte des droits et libertés qui visait à y introduire
une dérogation d'office à l'ensemble de la Charte de la langue française.» Vous
devez avoir l'impression que c'est le jour de la marmotte, là, complètement,
parce que là, vous vous citez, de 1977, alors c'est quand même... moi, je
trouve, passionnant, et vous dites, et je cite encore 1977 — je ne
sais pas qui, ici, savait qu'il y avait eu exactement les mêmes enjeux qui se
posaient, la charte n'avait que deux ans d'existence, puis la Charte de la
langue française commençait à vouloir naître — donc : «La
commission estime donc que les dérogations proposées», bon, «aux articles du
projet de loi n° 96 sont trop larges, imprécises et
insuffisamment justifiées. Comme elle le soulignait en 1977, s'il y a des
atteintes aux droits fondamentaux incluses dans le projet de loi, il est
essentiel de les identifier.»
Donc, vous vous opposez et vous vous
opposiez à une «dérogation générale qui, n'identifiant ni les droits aux
libertés auxquelles on entend déroger ni les dispositions de la Charte de la
langue française que l'on souhaite soustraire à l'application de la Charte des
droits et libertés de la personne»... Je comprends qu'en 1977 vous avez été
entendus? Il n'y a pas eu d'application de dispositions de dérogation. Est-ce
que je me trompe?
• (16 h 30) •
M. Tessier (Philippe-André) :
Non, tout à fait. Et là c'est sûr et <certain que...
>
16 h 30 (version révisée)
<15379
Mme
David : ...la Charte des droits et libertés de la personne»... Je
comprends qu'en 1977 vous avez été entendus? Il n'y a pas eu d'application de
dispositions de dérogation. Est-ce que je me trompe?
M. Tessier (Philippe-André) :
Non, tout à fait. Et là c'est sûr et >certain qu'il y a une chose qu'il
faut bien comprendre, c'est que le fait que l'on vienne donner un statut
supralégislatif à la Charte de la langue française, c'est quelque chose ici qui
est quand même assez fondamental et qui fait en sorte que... et c'est un peu la
position qu'on veut, c'est qu'il ne faut pas construire et concevoir les
éléments comme étant des forces qui s'opposent, il faut faire attention, et c'est
un peu ça aussi, la mise en garde qu'on fait au législateur. C'est sûr et
certain que si on construit les droits linguistiques en opposition avec les
droits fondamentaux, on pense que ce n'est peut-être pas porteur comme message
ou comme façon de présenter les choses. La commission a toujours eu la
prétention de dire qu'il faut les voir de façon qu'ils coexistent, qu'on puisse
les concilier et qu'on puisse faire oeuvre d'avancer les droits linguistiques
fondamentaux, de les mettre de l'avant, mais de les concilier entre eux, qu'ils
se respectent mutuellement.
Et je veux juste revenir sur une chose,
pour la clause dérogatoire, c'est très important aussi qu'on se comprenne bien,
puis c'est un élément qu'on a mis dans notre mémoire, lorsqu'on utilise la clause
dérogatoire, c'est pour déroger aux droits en disant : Bien, il y a des
droits qui entrent en conflit. Mais nous, notre analyse ne nous évoque pas, là,
un conflit entre les deux textes à ce point flagrant qu'il est absolument
essentiel pour que la volonté de la... que... La souveraineté parlementaire,
vous pouvez l'exercer sans aucun problème. Pour nous, la... et vous avez eu des
témoins, justement, le Pr Pelletier qui a parlé du fait que, selon lui,
l'arrêt Nguyen serait valable en vertu de 9.1. Il y a eu beaucoup de gens pour
dire que l'exercice de conciliation des droits est tout à fait possible, il va
même être renforcé. Alors, c'est pour ça qu'on est un petit peu... on se
demande quelles sont les dispositions dans 96 qui nécessiteraient l'application
de la clause dérogatoire.
Une voix : ...
Mme David : 15 secondes?
Bien, les inspections et les fouilles, beaucoup, beaucoup ont dit : Ça n'a
pas de bon sens qu'il y ait une disposition de dérogation sur cet article-là.
M. Tessier (Philippe-André) :
Donc, c'est un peu le risque lorsqu'on déroge tous azimuts.
Mme David : C'est ça. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. M. Côté... Non, là, je ne suis pas dans la bonne...
Me Tessier et Mme St-Laurent. Excusez-moi. Bonjour. Merci pour votre
présentation.
Moi, je veux vous parler de... pour les
services offerts aux personnes immigrantes, le délai de six mois. Il y a
beaucoup d'organismes, puis je pense qu'on va en entendre d'autres aussi demain,
qui sont inquiets par rapport au délai qu'ils trouvent trop court. Il y en a
qui demande que ça soit encore le statu quo, qu'on communique dans une autre
langue avec les personnes immigrantes. D'autres disent : Bien, au lieu que
ça soit six mois, peut-être deux ans, trois ans, etc. Mais vous, ce n'est
pas... au-delà du délai, vous pensez que ça <pose des problèmes pour
ces...
Mme Ghazal : ...qui demande
que ça soit encore le statu quo, qu'on communique dans une autre langue avec
les personnes immigrantes. D'autres disent : Bien, au lieu que ça soit six
mois,
peut-être deux ans, trois ans, etc. Mais vous, ce n'est pas...
au-delà du délai, vous pensez que ça >pose des problèmes pour ces
personnes-là d'obtenir des services. Et vous demandez aussi qu'il y ait une
clarification. Parce que quand on dit : Ne pas utiliser une autre langue,
moi, je prends pour acquis que ça veut dire... l'autre langue, ça serait
l'anglais. Mais la façon que l'article est écrit, est-ce que ça pourrait aussi
empêcher, par exemple, de parler la langue maternelle, un service
d'interprétariat pour les personnes immigrantes qui arrivent après six mois?
Supposons que le gouvernement accepte qu'on prolonge ce délai, est-ce que,
quand on parle d'une autre langue, ça peut être autre que l'anglais aussi qu'il
serait interdit de communiquer avec les personnes immigrantes?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, c'est un peu là tout... Tout ce que vous venez de mentionner, c'est
l'objet de nos préoccupations, là, dans cette section-là de notre mémoire, là,
la page 49 et suivantes. C'est que ça poste de nombreuses questions
pratico-pratiques. Encore une fois, ce qu'on veut juste bien comprendre, c'est
que la... les limites. Est-ce qu'effectivement ça vise toutes les langues ou
juste une langue?
Et on va se le dire, là, c'est sûr qu'une
règle de six mois, avec les vécus personnalisés individuels de chacun des êtres
humains qui vivent ce processus-là d'immigration, on trouve que c'est toujours
très risqué de mettre un délai comme ça, là, où est-ce que tout d'un coup, c'est
fini à partir de ce moment-là, parce que ça ne tient pas compte des multiples
réalités, de l'accès aux services de francisation.
Et on rappelle aussi gentiment au
gouvernement qu'en 2017, le Vérificateur général du Québec faisait des constats
quand même sans équivoque sur les services de francisation offerts à la
population québécoise et était très, très critique. Je comprends que ça fait
quatre ans, il y a de l'eau qui a coulé sous les ponts, mais il faut comprendre
que l'État fournit les services en matière de francisation puis il faut... il
se place devant toute une obligation de dire : Moi, en six mois, je vais
avoir francisé les gens pour qu'ils puissent s'adresser en français aux
services publics.
Mme Ghazal : Mais fixer... Est-ce
que vous êtes contre... c'est-à-dire vous trouvez que le six mois, c'est risqué
ou c'est fixer un délai? Si, par exemple, en étude détaillée, moi, j'arrive
avec un amendement puis je dis : Deux ans. Même ça, ça serait
problématique ou... c'est le fait d'imposer un délai ou le délai lui-même qui
pose problème?
M. Tessier (Philippe-André) :
Je ne pas si ma collègue veut compléter.
Mme
St-Laurent
(Geneviève)
: Oui. Si je peux compléter
là-dessus, c'est... le délai en lui-même pose aussi un peu problème, il est
très court. Mais c'est comme on explique dans le mémoire, conditionner ça à un
délai plutôt qu'aux besoins de la personne, ça ne tient pas en compte le fait
qu'un processus de francisation, ça peut être long puis il y a plein de
facteurs qui peuvent jouer sur cette question-là, notamment l'accès à un emploi
en français. On sait que d'avoir un emploi en français ça contribue beaucoup à
la francisation des personnes. Donc, il y a tous ces éléments-là qu'il faut
prendre en compte.
Mme Ghazal : Mais si... mais,
par exemple, deux ans ou trois ans, ça serait déjà correct. C'est ça que je
veux vous <entendre. Pour vous...
Mme
St-Laurent
(Geneviève)
:
...notamment
l'accès à un emploi en
français. On sait que d'avoir un emploi en
français ça contribue beaucoup à la francisation des personnes. Donc, il y a
tous ces éléments-là qu'il faut prendre en compte.
Mme Ghazal : Mais si...
mais, par exemple, deux ans ou trois ans, ça serait déjà correct. C'est ça que
je veux vous >entendre. Pour vous, là, oui.
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui. Bien, c'est sûr que nous, une des questions qu'on pose par rapport à ça, c'est
à la page 51 de notre mémoire, c'est comment il est calculé, ce délai-là.
Et tu sais, on tient compte des allers-retours de la personne? Est-ce que c'est
quand elle est sur le territoire du Québec? Ce genre de...
Mme Ghazal : Vous dites selon
les besoins aussi.
M. Tessier (Philippe-André) : C'est
ça, c'est ça qui vient compliquer, quand on met ce genre de délai là, administratif,
ça...
Mme Ghazal : Parfait. Merci.
Je veux vous poser une question par rapport à la recommandation n° 10,
qui parle du droit relatif à la non-discrimination liée à la langue française.
Je veux comprendre les critiques que vous faites. Vous, ce que vous souhaitez,
c'est que, quand il y a une plainte d'un travailleur qui se sent discriminé sur
la base de la langue, c'est que la plainte soit adressée directement à vous, et
non pas tout un long processus où c'est à l'OQLF, qui, après ça, le transmet à
la CNESST, qui, après ça, pourrait peut-être, si le travailleur veut, le
transmettre à vous. Peut-être, m'expliquer un peu ce que vous trouvez problématique
dans ce processus de plainte pour faire valoir ce droit.
M. Tessier (Philippe-André) : Rapidement,
puis ma collègue pourra compléter. Ce qu'il faut comprendre, c'est que la commission
est déjà compétente pour entendre des recours en discrimination et en harcèlement
basés sur une discrimination sur la langue, que ce soit le français ou une
autre langue. Donc là, ce qu'on vient dire, c'est qu'on vient ajouter un nouvel
article à la Charte de la langue française qui dit... qui crée un recours de discrimination
et de harcèlement à une autre instance. Et on dit gentiment : Il existe déjà,
ce recours-là, il est prévu à la charte, et on s'en occupe.
Mme Ghazal : Est-ce que vous
en recevez beaucoup?
M. Tessier (Philippe-André) :
Non. Très peu.
Mme Ghazal : O.K. Ça fait que
vous en recevez très peu, des plaintes de travailleurs qui se sentent
discriminés par rapport à la langue française. Vous en recevez peu parce qu'il
n'y en a pas beaucoup ou parce que les gens ne savent pas?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, il y a deux choses. C'est que le recours opérant prévu à la Charte de la
langue française, c'est sur le droit qui est prévu, qui s'applique aussi en
matière d'arbitrage de grief et qui s'applique devant présentement aussi la
CNESST, c'est le fait d'avoir une exigence autre que le français pour
travailler. C'est ça qui fait... qui est le gros du volume de ce genre de
plainte là. Ce ne sont pas les plaintes de discrimination et harcèlement pour
avoir utilisé le français. C'est le fait d'avoir conditionné l'obtention de
l'emploi à l'utilisation d'une autre langue que le français. C'est ça, le...
Mme Ghazal : Ça, vous en
recevez.
M. Tessier (Philippe-André) :
Non, mais c'est ça, nous, on ne s'en occupe pas, de ça.
Mme Ghazal : Ah! O.K.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange. Donc, Me Tessier, Me St-Laurent, merci pour
votre passage en commission parlementaire.
Nous allons suspendre quelques instants
pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 39)
(Reprise à 16 h 41)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons poursuivre nos travaux, et nous
recevons l'Association des Townshippers, donc, M. Gérald Cutting qui est
le président et Mme Rachel Hunting, la directrice générale. Vous avez
10 minutes pour nous faire une présentation. Vous pouvez enlever vos
masques le temps que vous parlez sur votre présentation. Et après ça, on ira en
échange avec les parlementaires en commençant par le ministre. Bienvenue à
l'Assemblée. La parole est à vous.
Association des Townshippers
M. Cutting (Gerald) : (Interruption)
Eh bien! il ne faut pas que je perde mes oreilles.
Alors, merci beaucoup, et c'est vraiment
un plaisir d'être ici et d'avoir une chance d'échanger avec vous. Je comprends
très bien qu'on a un 10 minutes, et on va partager la parole entre moi et
Mme Hunting.
Alors, on commence. Comme l'énonce
clairement le préambule de la Charte de la langue française, la promotion et la
protection de la langue et de la culture françaises peuvent se faire dans un
esprit de justice et d'ouverture, dans le respect des institutions de la
communauté québécoise d'expression anglaise et celles-ci, de minorités <ethniques,
dont elle, l'Assemblée nationale...
M. Cutting (Gerald) :
...et la protection de la langue et de la culture françaises peuvent se faire
dans un esprit de justice et d'ouverture, dans le respect des institutions de
la communauté québécoise d'expression anglaise et celles-ci, de minorités >ethniques,
dont elle, l'Assemblée nationale, reconnaît l'apport précieux du développement
du Québec. Mais raviver les tensions linguistiques, inviter la critique
internationale à propos de la violation des droits de la personne au Québec et
aliéner des communautés qui ont travaillé à construire cette province main en
main avec leurs homologues francophones ne sert les intérêts de personne.
En conséquence, tout en étant pleinement d'accord
sur le fait que la protection et la promotion de la langue et de la culture française
sont impératives pour préserver le caractère unique du Québec, le conseil
d'administration de l'Association des Townshippers déplore les tentatives gouvernementales
de prévenir par une loi omnibus et par son utilisation massive de la clause «nonobstant»,
et il soumettent les recommandations suivantes. Retirer le projet de loi
n° 96. Susciter l'apport d'un texte de loi de cette envergure affectera
lors de la rédaction d'un nouveau projet de loi. Des consultations peuvent
facilement être organisées par l'entremise du secrétariat aux relations avec
les Québécois de langue anglaise et d'autres instances et ministères concernés,
dont le MESS.
Si le projet de loi est modifié, mais sans
être retiré, ne pas invoquer la clause «nonobstant» et assurer que la charte
québécoise des droits et libertés demeure intacte. Toute partie de la
législation qui ne peut pas être défendue devant un tribunal mérite d'être
retirée.
Faire la différence entre la communauté
anglophone minoritaire du Québec et la menace mondiale de l'anglais en reconnaissant,
dans la loi, que la majorité anglophone du Québec est officiellement la
communauté minoritaire au Québec avec un statut historique et juridique
légitime. L'octroi du statut de minorité officielle à la communauté anglophone
du Québec est un indicateur puissant du statut de la langue française dans la
province et que les Québécois francophones ont atteint une majorité dominante
et sûre.
Mettre de côté la définition étroite de l'admissibilité
aux services gouvernementaux en anglais comme étant uniquement les personnes
admissibles à l'enseignement en anglais tel que décrit dans la Loi sur l'instruction
publique. Cette <notion...
M. Cutting (Gerald) :
...Mettre de côté la définition étroite de l'admissibilité aux services
gouvernementaux en anglais comme étant uniquement les personnes admissibles à l'enseignement
en anglais tel que décrit dans la Loi sur l'instruction publique. Cette >notion
est impraticable, n'a aucune corrélation valable avec l'état de santé et des
besoins d'une personne et risque de priver nombre de personnes de l'accès à des
services efficaces et sûrs.
Au lieu d'accorder à l'Office québécois de
la langue française l'autorité excessive décrite dans le projet de loi actuel,
procéder à des investissements stratégiques qui permettront de créer des
ressources provinciales sur les secteurs de l'éducation, des affaires et du
tourisme, et offrir des programmes fondés sur les données ainsi que des mesures
incitatives axées sur la promotion et la valorisation de la langue française
d'une manière dynamique, inclusive et stimulante, et non d'une façon rigide et
imposée.
Comme le philosophe français Albert Camus
l'a déjà dit : «La démocratie, ce n'est pas la dictature de la majorité,
c'est le respect des minorités». Lorsqu'on examine les mesures mises de l'avant
pour être enchâssées dans la loi, en vertu de réaliser la vision énoncée de la
promotion et la protection de la langue française, on expose une approche
sophistiquée et bien conçue pour restreindre l'accès à la langue anglaise dans
la province, une approche qui déshéritera effectivement la communauté
anglophone de tout statut juridique ou reconnaissance officielle comme partie
intégrale de la nation québécoise.
Mme Hunting (Rachel) : Respectueusement,
ce projet de loi nous pose beaucoup plus de questions qu'il n'offre de mesures
concrètes pour protéger et promouvoir le français. La communauté anglophone du
Québec n'est en aucun cas responsable de la réalité selon laquelle la langue
anglaise est la lingua franca utilisée au monde pour les questions relatives au
commerce, à la science, à la technologie et par la majeure partie des médias
sociaux grand public. En omettant systématiquement de faire la différence entre
la menace extérieure de la langue anglaise et les membres de sa propre
population québécoise, le gouvernement participe activement à la diffamation de
notre communauté et à son statut problématique aux yeux des principaux médias
de langue française de la province.
Agir pour restreindre l'utilisation de l'anglais
au travail ou, sans doute, sur l'île de Montréal, et pour limiter les droits de
notre communauté ne changera pas la situation mondiale, mais cela aura un effet
dévastateur sur les populations déjà vulnérables des collectivités rurales
comme celles que l'on trouve dans notre région, et on peut facilement prévoir l'impact
que cela aura sur la capacité du Québec à concurrencer efficacement sur le
marché mondial. Une étude d'impact sérieuse et non partisane a-t-elle été <réalisée
pour évaluer...
Mme Hunting (Rachel) :
...dévastateur sur les populations déjà vulnérables des collectivités rurales
comme celles que l'on trouve dans notre région, et on peut facilement prévoir l'impact
que cela aura sur la capacité du Québec à concurrencer efficacement sur le
marché mondial. Une étude d'impact sérieuse et non partisane a-t-elle été >réalisée
pour évaluer l'effet potentiel des restrictions à l'usage de l'anglais
proposées dans ce projet de loi sur les populations anglophones vulnérables à
l'extérieur de l'île de Montréal?
Quelle définition de la nation québécoise
est le moteur du projet de loi proposé alors que l'esprit sous-jacent de ce projet
de loi est voué au contrôle et au découragement de l'usage de la langue
anglaise, ciblant clairement les citoyens anglophones du Québec comme un problème
à traiter?
Quels sont les délais administratifs
anticipés pour ceux qui devront déposer une demande pour exercer leurs droits à
des services en anglais? Quelles sont les conséquences pour les personnes dont
les parents ne sont plus en mesure de demander le certificat en leur nom?
Qu'en est-il de l'incohérence entre les
droits accordés aux Québécois d'expression anglaise par la loi sur la santé et
les services sociaux et les restrictions imposées par le projet de loi n° 96?
Comment le Québec s'assurera-t-il que la prestation des services restera
accessible aux ayants droit étant donné que le projet de loi comprend plusieurs
propositions qui créeront des barrières et des éléments dissuasifs à la
prestation des services en anglais et au personnel ayant les compétences
adéquates pour les fournir?
As Lucien Bouchard said
in 1996 : «When you go to the hospital, you're going for a blood test
not a language test.»
Invoquer la clause
«nonobstant» pour écarter les chartes fédérale et québécoise des droits et
libertés est un geste qui affecte les droits et libertés de tous les Québécois
en raison de la grande portée des conséquences d'une mesure aussi radicale.
La charte québécoise des droits et
libertés adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale il y a 46 ans,
serait-elle tout simplement mise de côté? Assurément, cette loi fondamentale du
Québec, qui représente un énoncé puissant des valeurs québécoises, ne peut-elle
pas être renversée sans l'approbation unanime de tous les membres de l'Assemblée,
et certainement pas modifiée sans le consentement unanime?
• (16 h 50) •
Quelles mesures le projet de loi n° 96
prend-il pour s'assurer que la primauté du droit demeure une force constante
dans la prise de décision?
Sommes-nous, en tant que membres de la
communauté anglophone du Québec, censés d'interpréter l'autorité élargie de l'OQLF
comme autre chose que la criminalisation de notre langue maternelle sans
tribunaux pour protéger les citoyens dans une démocratie constitutionnelle?
Pouvez-vous décrire les mécanismes prévus
à l'intérieur du projet de loi n° 96 pour protéger les citoyens contre les
signalements faux, ciblés et malveillants?
Le projet de loi n° 96 lui-même ne
fournit pas un aperçu clair des structures bureaucratiques et administratives
qui pourraient être nécessaires pour contrôler, inspecter et suivre la mise en
œuvre à long terme de cette législation. Savons-nous quels seront les coûts
totaux associés à la mise en œuvre du projet de loi, financiers ou autres?
Et, pour terminer, quelles autres
solutions le gouvernement a-t-il explorées pour <améliorer...
Mme Hunting (Rachel) :
...qui pourraient être nécessaires pour contrôler, inspecter et suivre la mise
en œuvre à long terme de cette législation. Savons-nous quels seront les coûts
totaux associés à la mise en œuvre du projet de loi, financiers ou autres?
Et, pour terminer, quelles autres
solutions le gouvernement a-t-il explorées pour >améliorer l'usage du français
en milieu de travail avant de fixer son choix sur les dispositions du projet de
loi n° 96? Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et ceci met fin à la présentation. Vous étiez pile dans le temps. M. le
ministre, la parole est à vous pour vos 17 minutes.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme
la Présidente. M. Cutting, Mme Hunting, bonjour. Je
salue votre présence à l'Assemblée nationale. Manifestement, ce que je reçois
de votre témoignage, c'est que vous êtes en désaccord avec le projet de loi n° 96, et je respecte ça. Je respecte le fait que votre association
émet de fortes réserves, voire le retrait du projet de loi n° 96.
Mais j'ai été un peu troublé par les propos que vous venez de tenir à plusieurs
égards. Et peut-être que je veux vous rassurer. Je sens beaucoup d'inquiétude
de votre part, et probablement de vos membres, également, puis je pense que c'est
important que je les rassure.
Dans un premier temps, lorsqu'on parle de
nation, pour moi, pour le gouvernement du Québec, la nation, ça inclut tous les
Québécois et toutes les Québécoises, peu importe leurs origines, peu importe
leur langue maternelle. On est ensemble au Québec, on a construit le Québec.
Vous savez, la minorité anglophone a participé à ce qu'est le Québec d'aujourd'hui
dans le passé, actuellement, et dans le futur, comme les nations autochtones,
comme les francophones, comme les nouveaux arrivants également qui choisissent
de venir au Québec et qu'on a accueillis et qu'on accueille. Parce qu'on veut
qu'ils choisissent le Québec et on veut qu'ils s'intègrent au Québec. Alors, l'objectif
du projet de loi, c'est de faire la protection, la promotion de la langue
française, pour le futur, notamment, parce qu'il y a des enjeux, il y a des
lacunes. Mais dans le projet de loi, il n'y a rien, absolument rien qui affecte
les droits des Québécois d'expression anglaise. Et même, on rajoute certains
droits, notamment le fait pour un jeune homme ou une jeune femme d'expression
anglaise au Québec qui étudie dans une école anglaise au primaire ou au
secondaire, bien, on va lui donner priorité pour étudier dans sa langue au
niveau collégial. Ça, ça ne s'était jamais fait et c'est une avancée pour la communauté
anglophone.
Vous avez abordé, tout à l'heure, Mme Hunting,
la question des soins de santé. Ça me préoccupe beaucoup, les propos que vous
tenez, parce que, et je l'ai énoncé dès le moment du dépôt du projet de loi, la
Loi sur la santé et les services sociaux demeure et donc il ne sera jamais
question de <retirer des services, et la loi...
M. Jolin-Barrette :
...la
question des soins de santé. Ça me préoccupe beaucoup, les propos que
vous tenez, parce que, et je l'ai énoncé dès le moment du dépôt du projet de
loi, la Loi sur la santé et les services sociaux demeure et donc il ne sera
jamais question de >retirer des services, et la loi demeure. Alors,
c'est le statu quo pour la communauté anglophone, pour les institutions
anglophones, pour les services qui sont donnés à la communauté anglophone, il
n'y a absolument rien qui change. Et je me suis assuré personnellement, lorsqu'on
a rédigé le projet de loi n° 96, que les droits de la communauté
anglophone allaient être respectés, maintenus. Et ça, c'est très, très clair.
Je comprends, à partir de ce moment-là,
que vous êtes en désaccord avec le projet de loi n° 96 puis vous dites :
On ne devrait pas aller là. Mais par contre, je vous inviterais peut-être à un
peu de modération parce qu'entre la réalité de ce qu'il y a dans le projet de
loi n° 96 et le discours que vous véhiculez, c'est vraiment deux choses
complètement distinctes.
Alors, j'aimerais ça voir avec vous
quelles sont les suggestions que vous avez pour bonifier le projet de loi et
qui nous permettraient d'avoir un dialogue constructif.
M. Cutting (Gerald) : Bon,
pour commencer, il faut comprendre qu'on représente une région où que la
population, depuis un certain nombre d'années, on se prend dans une situation
où on est vraiment minoritaire. Dans notre région, c'est quasiment impossible
d'avoir un emploi sans être capables de fonctionner en français, c'est
absolument sûr. Pour nous, le Québec, la majorité est française et on comprend
très bien que vous voulez assurer à la population majoritaire que vous êtes
dans une position, de fait, de prendre certaines mesures.
Vous posez la question : Est-ce qu'il
y a des gestes que vous pouvez mettre en avant pour nous assurer que c'est
vraiment une loi qui nous protège? Un geste, tout de suite, je vais vous dire,
gardez dans la section sur la santé la loi sur l'accès des services en santé et
peut-être vous pourrez aller avec la clause grand-père, ça veut dire que tous
les gens qui reçoivent des services en anglais présentement, pourront garder ce
statut. Ça, c'est un geste qui pourrait être avancé. Ça va nous donner tout de
suite une reconnaissance qu'on est vraiment une population qui a droit de
certains services.
Et on est parfaitement d'accord. Est-ce
qu'on peut travailler ensemble pour trouver des solutions qui ne nous donneront
pas l'image que, le projet de loi, c'est <vraiment un projet qui nous
vise...
M. Cutting (Gerald) :
...Et on est parfaitement d'accord. Est-ce qu'on peut travailler ensemble pour
trouver des solutions qui ne nous donneront pas l'image que, le
projet
de loi, c'est >vraiment un projet qui nous vise.
Si vous êtes ici dans ma chaise, c'est
difficile de voir comment je pourrais dire d'autres choses. Ça va prendre des
gestes concrets, ça va prendre des compromis. Et on propose que, dans un
contexte de la démocratie, est-ce qu'il y a une façon de s'assurer, avant que
la loi va aller plus loin, qu'on a plus de consultations, plus de gens qui sont
dans la situation anglaise qui pourraient vous exprimer exactement que ce qu'on
comprend par cette loi-là. Et c'est rassurant que vous êtes ouverts, mais même
si vous dites, vous avez pris beaucoup de temps pour nous assurer, et quand on
lit que vous êtes prêt à mettre à côté les deux chartes, ça ne nous soulage pas
du tout parce que qu'est-ce qui est fondamental dans une démocratie
constitutionnelle, c'est qu'on peut toujours avoir accès à un tribunal, et c'est
fermé, la porte est fermée là-dessus complètement.
M. Jolin-Barrette : OK. Two things on that. You know, you just said «We want to have
the assurance that nothing changes about the health services», section 15
of la Loi sur les services de santé et les services sociaux. As I said in
French before, Bill 96 doesn't affect these rights. It doesn't change
section 15 of la Loi sur les services de santé et les services sociaux. I
said it when I tabled that bill and I say that again and again because that
bill applies on the future legislation that the National Assembly will adopt.
So, you don't have to have any worry about that. It is clear. Nothing changes
about that, and I will say always and always.
• (17 heures) •
After that, on the
notwithstanding clause, you know, Constitution, Federal Constitution that was
adopted without the willing of the Québec, gives the possibility to take Section 33
on that. That's what we did because we believe that's really important to
protect French. But, on that, we make the choice, and we're proud about that to
make that choice, that we guaranty all the rights to the English-speaking
community here in Québec about schools, about hospitals, about services. And I
want to be clear on my message about that. Bill 96 doesn't change <nothing...
>
17 h (version révisée)
<15359
M. Jolin-Barrette :
...to make that choice, that we guaranty all the rights to the English-speaking
community here in Québec about schools, about hospitals, about services. And I
want to be clear on my message about that. Bill 96 doesn't change >nothing.
So, I want to thank you very much to be here at the National Assembly. I know that the MNA for Sainte-Rose wants to ask you some questions. And I was very pleased
to receive you here.
M. Cutting (Gerald) : ...respond to one issue. When we read in the Bill that, in order to
have services in English, you must hold some form of certification, I myself
probably can't find that certification, because perhaps my parents give it
away, as that I don't have my high school leaving certificate and I don't think
the school commission that was
in place at the time has those records.
My wife, who is an
immigrant from the United States, who came specifically to Canada to McGill, to the province of Québec, to study at the age of 18, who's now 74, never wanted to return to
the United States, never wanted
to be any place else. If I read that Bill, I don't see how she's going to get
services in English. So, I think, if you talk about certification...
M. Jolin-Barrette : I just want to add about that, when I write that Bill, I put a
grandfather clause to be sure that your wife, that she had received her
services in English, will be able to continue to receive her services in English.
That's in the bill.
M. Cutting (Gerald) : That's in the bill?
M. Jolin-Barrette : That's in the bill.
M. Cutting (Gerald) :O.K.
M. Jolin-Barrette : So, everything is in the bill, and we can continue to talk about
that, but, as I said before, I want to reassure you, nothing changes about the
situation of the members of the English community. But I know that the MNA for Sainte-Rose wants to ask you few questions.
La Présidente (Mme
Thériault) :M. le
député de Sainte-Rose, il vous reste 6 min 15 s.
M. Skeete : Merci. Welcome, guys. I'm a little taken aback by your opening
statements and the concerns that you have. I've spent innumerable hours in
discussions with various groups, including groups that represent the
Townshippers, to try and reassure them about some of the aspects of the Bill. I
think... I hope hearing it from the minister has made it clear. When it comes
to health care, that is out of scope of this Bill. When it comes to access to
justice, that is out of scope for this Bill. When it comes to your wife, M. Cutting,
everybody who is receiving English-speaking services at the time of the tabling
of the bill is <grandfathered.
Now...
M. Skeete :
...is out of scope for this bill. When it comes to your wife, Mr.
Cutting, everybody who was receiving English-speaking services at the time of
the tabling of the bill is >grandfathered.
Now, we can talk about
Bill 96, but what I'm realizing more and more is really what we're talking
about is Bill 101. And when I say what we're really talking about is Bill 101,
is when people talk about these exceptions... Well, what if, you know, an
American comes to Québec
tomorrow? Well, you know, are they part of the English community? Let's differentiate
belonging to the English community. If an American wants to join the
Townshippers Association
because they find affinity and community in your organization, of course, an English-speaking
Quebecker or and American who's
an immigrant can join and be part of your community. Does that mean that a
person that chooses to immigrate to Québec falls outside of the scope of Bill 101? They don't, but that's
not Bill 96, that's Bill 101.That was passed before I was born. So,
that has nothing to do with Bill 96, that has to do with whether or not
you're an immigrant to Canada and
whether or not you're a person in scope of Bill 101. So, I've tried to reach
out, I've tried to say these things, I hope you'll take us on our word about
the changes that apply.
With regards to the
notwithstanding clause, and I've said this in French, but I'll say it in
English this time, because there's this notion that goes that is branded about
that somehow using the notwithstanding clause is counter-constitutional or
counter-legal. But the first thing that we forget, and the Minister alluded to
it before, is that the only reason we have a charter of rights and freedoms in Canada is because Premiers of enumerable
provinces insisted on the notwithstanding clause being there. Why? Because Canada enjoys a parliamentary system that
was inherited from our British forefathers, where there isn't a Constitution
where individual rights are not an issue, they are well known for respecting
individual rights. We inherited that British tradition in Canada, and parliamentary supremacy, the
notion of parliamentary supremacy is something that has always existed in Canada and, by extension, it's the reason
why we find in the Charter of Rights and Freedoms. But it doesn't apply to
everything. The Minister can't just decide, tomorrow morning, hey! you know
what? Notwithstanding clause on everything. No. What it says is : In certain
situations, in certain paragraphs, parliamentary supremacy will be valid. An interesting
point is that it's not valid on section 133, which is what enshrines the
rights of the English community, with regards to access to justice amongst,
other things.
So, my question is to you :
Are we talking <about Bill 101...
M. Skeete :
...will be valid. An interesting point is that it's not valid on
section 133, which is what enshrines the rights of the English community,
with regards to access to justice amongst other things.
So, my
question
is to you : Are we
talking >about Bill 101 or we're talking
about Bill 96 when you have very grave concerns that you have said out?
Mme Hunting (Rachel) : I'm talking about Bill 96, I'm not here to talk about
Bill 101, which is also older than I am. Hum, but with respect, if you say
that nothing will change...
Il n'y a rien qui va
changer aux propos de la loi, santé et services sociaux, puis nos droits
d'accès et les prestations de services qui sont déjà disponibles, et ce que nous avions le droit, en ce moment, en anglais. Ce qui est problématique, c'est qu'en
pratique nous n'avons pas tous les droits qui sont sur papier en ce moment. Je
n'ai pas... Je ne peux pas aller, dans ma région, avoir la prestation de
services assurée dans n'importe quel établissement de santé et services sociaux
que j'essaie d'accéder. Je n'ai aucun hôpital «full-service» qui va pouvoir me
donner des services de A à Z en anglais, et il n'y a aucun programme d'accès
qui touche tous les services qui sont offerts dans le système de santé et
services sociaux. Ça fait que, si c'est le statu quo, ça veut dire que je n'ai
pas... je n'ai pas les mêmes droits. Bien...
I still do not have the
ability to exercise the rights I have under the law currently with Bill 96.
M. Skeete : And that...
Mme Hunting (Rachel) : It's the practicality of your legislation.
M. Skeete : On that, we will agree, because we've had, me and your association,
the secretariat and your association, innumerable meetings about addressing
that very gap in services. That's one the reason why the QuébecGovernment funds the Townshippers and other community groups in order to help
us bridge those gaps. So, I agree that are genuine concerns, but how is that
applicable to Bill 96?
Mme Hunting (Rachel) : How is Bill 96 coherent with, you know, «les mesures et
besoins prioritaires retenus par les personnes participantes» in the secretariat's consultation process in 2019?
In the report that was released in December 2020 : «La
consultation visait entre autres à déterminer les mesures concrètes que
pourraient prendre le secrétariat et le gouvernement du Québec pour améliorer
la situation des Québécoises et les Québécois d'expression anglaise.»
Voici un résumé des commentaires. La
première, c'est accès aux services. Puis les mesures que la communauté a
exprimées qui pourraient améliorer l'accès aux services pour les anglophones du
Québec...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois...
Mme Hunting (Rachel) : La fonction
publique devrait considérer le bilinguisme un atout.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange avec le député de Sainte-Rose. Donc, Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci beaucoup.
Bonjour. Bonjour, monsieur, bonjour, madame. Écoutez, on va continuer un petit là-dessus.
Je laisserai la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee après.
Vous savez, j'ai fait partie d'une
commission d'enquête sur la protection de la jeunesse, et il y a tout un
chapitre sur les droits aux anglophones, et effectivement c'est documenté qu'il
y a un manque de <services aux populations anglophones...
Mme David : ...un petit peu
là-dessus.
Je laisserai la parole à mon collègue de
D'Arcy-McGee après.
Vous savez, j'ai fait partie d'une
commission
d'enquête sur la protection de la jeunesse, et
il y a tout un chapitre
sur les droits aux anglophones, et
effectivement c'est documenté
qu'il
y a un manque de >services aux populations anglophones, particulièrement
en région, et c'est vrai qu'on a un ancien ministre de la Santé qui connaît
bien ça aussi, le gouvernement actuel aussi, le député de Sainte-Rose vient de
le dire. Ça, c'est du connu et, malheureusement, il faut... c'est une situation
qu'on déplore, et il faut trouver des façons d'améliorer des services de
protection de la jeunesse, les services d'éducation, les services de santé,
etc., et ça, je pense que nous sommes pas mal tous d'accord là-dessus. Mais
quand on parle de propositions constructives ou, en tout cas, nouvelles, je
trouve quelque chose d'intéressant dans votre présentation, c'est dans votre
mémoire aussi, vous parlez que vous aimeriez avoir, pour votre communauté, un
statut minoritaire. J'entends le «statut» au sens de reconnaissance, mais c'est
la première fois que j'entends ce concept-là, en tout cas, dans un mémoire pour
votre communauté. Pouvez-vous nous expliquer un peu ce que ça serait, ce statut
de minoritaire?
• (17 h 10) •
Mme Hunting (Rachel) : Bien, dans
le fond, ça va chercher la partie du développement identitaire pour les jeunes Québécois
d'expression anglaise. C'est très difficile de grandir, au Québec, comme membre
de la communauté minoritaire linguistique et de vraiment saisir qu'est-ce que
ça veut dire quand on ne se voit à nulle part sur la place publique, quand on
n'a pas accès à la culture québécoise d'expression anglaise.
C'est facile de dire :
You have access to English, because English is, you know, present in the world,
but we don't have access to English-speaking Québec culture and offers from that community, and having a status...
Avoir un statut
qui donne le statut minoritaire, ça veut dire que les Québécois d'expression
anglaise font vraiment partie intégrante de la nation québécoise, que nous ne
sommes pas une problématique ou quelque chose à gérer, que d'autres générations
de jeunes anglophones ne se feront peut-être pas ou moins se faire traiter
d'Anglais ou d'anglophones dans les cours d'école, qui n'auront peut-être même
pas les mêmes expériences que, moi, j'ai vécues en grandissant parce que le
statut est là, ça fait partie du discours, ça fait partie... c'est une façon de
vraiment mettre ça concret, et c'est aussi un fort signal que la communauté
francophone au Québec, c'est la communauté majoritaire au Québec, que la langue
française, c'est la langue commune au Québec. Il n'y a personne, chez nous,
chez Townshippers, qui est en désaccord avec ça, c'est vraiment le manque
d'espace pour les Québécois d'expression anglaise dans cette nation québécoise.
Mme David : Merci beaucoup de
vos précisions. Je vais passer la parole au député de <D'Arcy-McGee.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui...
Mme Hunting (Rachel) :
...il n'y a personne chez nous, chez TownshippersV, qui est en désaccord avec
ça. C'est vraiment le manque d'espace pour les
Québécois d'expression
anglaise dans cette nation
québécoise.
Mme David :
Merci
beaucoup de vos précisions. Je vais passer la parole au
député de >D'Arcy-McGee.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. M. le député, huit minutes.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Cutting, Mme Hunting, c'est
un plaisir de vous avoir parmi et d'entendre vos commentaires.
J'ai plusieurs questions. Je vais
commencer à vous inviter de parler un petit peu d'une communauté assez unique
que vous représentez, qui a plus que deux siècles d'histoire de cohabitation,
et tout ça. Et la façon que j'aimerais formuler la question : De votre
avis, dans le passé, le présent et l'avenir, comment la communauté québécoise
de langue anglaise de la région des Cantons-de-l'Est, de l'Estrie voit et elle
veut son rôle dans le rayonnement, la protection et le renforcement de la langue
française? Est-ce que vous êtes, en quelque part, des obstacles ou des atouts
et des alliés à cet objectif que doivent partager les Québécois de toute
origine?
Mme Hunting (Rachel) : Si tu
poses la question à nos partenaires, je vous dirais qu'on est un atout, la
communauté d'expression anglaise dans la région des Cantons-de-l'Est. C'est une
région qui a un historique de longue date que les deux communautés
linguistiques travaillent main en main. Mais c'est une région qui comprend la
ruralité et la réalité de la ruralité, et ça ne nous donne pas beaucoup de
chance de ne pas travailler ensemble quand on est en milieu rural.
Alors, pour nous, dans les townships, ce n'est
pas une question de désaccord linguistique ou de tension et division entre les
deux langues, c'est vraiment une question de : Est-ce que nous avons une population
vulnérable dans la MRC? Oui? O.K. Qui sont les joueurs dans le milieu
communautaire, du développement, santé et services sociaux, qui sont les
acteurs du milieu qui vont pouvoir aider dans cet enjeu-là ou qui auront des
solutions à offrir? Qui pourrait collaborer? Est-ce que c'est une problématique
qui est unique à la communauté de langue anglaise? La réponse, c'est fort
probablement que non, mais que les lacunes sont plus grandes pour la communauté
linguistique minoritaire.
Et ce qui nous concerne avec le projet de
loi n° 96 et avec l'accès aux services notamment, c'est qu'il y a des propositions
dans le projet de loi qui sont dissuasives aux gens de faire leur travail dans
la langue anglaise ou pour les employeurs aussi qui vont être obligés de
justifier des postes qui auront une exigence pour une compétence linguistique
qui est autre que le français. Alors, si nous avons déjà des lacunes au niveau
de l'accès aux services et les gens vont avoir une autre occasion ou
opportunité de ne pas parler <l'anglais parce qu'ils ne doivent pas ou
ils ont le droit...
Mme Hunting (Rachel) :
...un «exigement» pour une compétence linguistique qui est autre que le
français.
Alors, si nous avons déjà des lacunes
au niveau d'accès aux services, et
les gens vont avoir une autre occasion ou opportunité de ne pas parler >l'anglais
parce qu'ils ne doivent pas ou ils ont le droit de ne pas le parler, ça nous
met à risque d'avoir moins accès aux services qu'on l'a présentement, parce que,
présentement, il n'y a pas ces propositions dissuasives qui font partie du jeu.
Alors, ça fait partie de ce qui nous préoccupe, puis je pense que ce n'est pas
juste dans notre milieu.
M. Cutting (Gerald) : Peut-être
je pourrais ajouter quelque chose dans... pour donner le plus... J'ai le droit
de parler?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
M. Birnbaum : S'il vous plaît,
assez brièvement parce que j'ai d'autres questions et je n'ai pas grand temps.
M. Cutting (Gerald) : Ah!
oui, oui, c'est ça. Quand on regarde les Cantons-de-l'Est, ça pourrait être une
étude très, très intéressante parce que, depuis un certain nombre d'années, il
faut comprendre que ça faisait partie d'un territoire où que les premiers
arrivés, c'étaient les Américains, les Anglais, les Écossais et les Irlandais.
La langue seconde, pendant un certain nombre d'années, c'était le gaélique. Et
qu'est-ce qui s'est produit? C'est que présentement on a perdu quasiment toutes
nos institutions, le Sherbrooke Hospital, le Perkins Hospital à Cowansville. Et
présentement on est obligés quasiment de se battre pour avoir l'accès aux
services dans les établissements qu'on a bâtis, les villes qu'on a construites
ensemble.
M. Birnbaum : Contrairement au
député de Sainte-Rose, moi, j'ai bien compris que vous êtes en train de vous
focusser sur le présent, sur le projet de loi n° 96. Vous n'êtes pas ici
pour reprendre un débat qui date de 40 ans, alors je vous prends à vos
paroles.
Maintenant, je comprends des grandes
préoccupations, c'est l'accès aux services, et que vous êtes très préoccupés
par un libellé qui est très présent, «les ayants droit». Et juste pour
comprendre, les assurances du ministre n'ont pas l'air d'avoir assuré la
communauté plus que ça, ils réfèrent à la section 22.2, j'imagine, qui est
assez limitative.
Deux choses, j'aimerais que vous vous
exprimiez, dans le temps qu'il reste, sur vos préoccupations entre ce qui est
un Québécois de langue anglaise et si «ayant droit», pour vous, vous assure. Deuxièmement,
je vous invite à réitérer une suggestion que le projet de loi se met
explicitement et par écrit... note par écrit que rien ne change en ce qui a
trait à l'accès aux services de langue anglaise. J'aimerais vous entendre
là-dessus.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous avez une minute pour répondre à la question du député.
M. Cutting (Gerald) : Je
vais vous donner peut-être un exemple. Qu'est-ce qu'il va se <produire
dans une...
M. Birnbaum : ...
en
ce qui a trait à l'accès aux services de langue anglaise. J'aimerais vous
entendre
là-dessus.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous avez une minute pour répondre à la
question du
député.
Mme Hunting (Rachel) :
...
M. Cutting (Gerald) :
Je vais vous donner peut-être un exemple. Qu'est-ce qu'il va se >produire
dans une situation où il y a une personne qui se présente à l'hôpital et
rencontre une personne au triage, et la personne au triage, la première
question ou la première exclamation, c'est : Est-ce que vous parlez
français? Non. Je n'ai pas le droit de vous parler en anglais parce qu'il y a
les règlements, et les gens agissent... Présentement, il y a des gens qui nous
content des histoires. Ils sont allés à l'hôpital, et la première question c'était :
Do you speak French? Ce n'était pas que ce que vous... pourquoi est-ce que vous
êtes ici présentement. Exactement que ce que M. Bouchard a exprimé qu'on
ne devrait pas le faire. Et quand on a des situations où que les employés — et
j'ai même parlé avec des infirmières — ils nous le disent :
Sais-tu, on n'a même pas le droit de parler l'anglais sur notre break parce que
les gens vont dire : Non, non, non, ici, on parle français. Ça nous donne
l'impression que c'est... est-ce qu'on est comme un virus. On ne pourra pas
infecter des gens.
M. Birnbaum : Je n'ai qu'une
minute, est-ce que j'ai bien compris que Mme Hunting...
Mme Hunting
(Rachel) : I just wanted to add it doesn't
make you feel welcome, it doesn't make you feel like you're a part of this
community.
Pour quelqu'un qui
a 39 ans et qui a grandi ici et que sa famille, que ça fait 900 ans
qu'on est au Québec, je me suis fait dire toute ma vie que je ne suis pas une
vraie Québécoise, je ne suis pas une Québécoise de souche, je suis une Anglaise,
je suis une... Anglaise. C'est ça qu'on cherche à avoir avec du concret dans ce
projet de loi, si on est vraiment protégés comme communauté, si on est vraiment
un atout, si on fait vraiment partie intégrante. On ne l'a pas trouvée, la
clause «grandfatdher». Ce n'est pas assez évident pour nous. Si on l'a tous
manquée, si tous les membres de la communauté la cherchent et ne la trouvent
pas, c'est parce qu'elle n'est pas explicite.
• (17 h 20) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange. Mme la députée de Mercier, pour...
Mme Ghazal : Merci, Mme
la Présidente. Merci, madame, merci, monsieur, pour votre présentation.
Par rapport à ce que vous dites, ça me
touche beaucoup parce que, moi aussi, je ne suis pas née... bien, pas moi
aussi... moi, je ne suis pas née au Québec, mais un truc, c'est d'affirmer que
vous êtes québécoise, de dire : Je suis québécoise que vous le vouliez ou
non. Ça, ça marche.
Je voulais vous demander par rapport à la disposition
de dérogation, la clause dérogatoire, il y a eu beaucoup de gens comme vous qui
trouvaient que... qui sont venus en commission parlementaire, qui disent que c'est
un peu trop, elle est utilisée partout, pour tous les articles de la Charte de
la langue française et aussi tous les articles de la charte des droits et
libertés. Et j'ai posé la question, à différentes reprises, à des organisations
qui <représentent les communautés...
Mme Ghazal : ...comme vous
qui trouvaient que... qui sont venus en
commission parlementaire, qui
disent que c'est un peu trop, elle est utilisée partout, pour tous les articles
de la
Charte de la langue française et aussi tous les articles de la
Charte
des droits et libertés. Et j'ai posé la
question, à différentes
reprises, à des
organisations qui >représentent les communautés anglophones
au Québec : Si, par exemple, le ministre précisait un peu plus, au lieu de
faire ça mur à mur, s'il disait, bien, ce serait telle, telle disposition du projet
de loi, pour tel, tel article, puis qu'il le justifiait, est-ce que vous seriez
d'accord avec ça ou vous dites : Non, pas de clause dérogatoire sur cette question-là,
jamais, jamais, sur rien? Parce que vous parlez aussi de compromis, je voulais
vous entendre là-dessus. Est-ce que ça, ce serait un compromis possible?
M. Cutting (Gerald) : Ce que...
Je pourrais peut-être vous répondre en disant que, pour nous, de s'assurer
qu'on est vraiment des Québécois, que ce que ça va prendre, c'est le statut
qu'on est une minorité officielle, ça nous donne tout de suite un statut. Ça
nous donne un statut d'être Québécois de l'expression de la langue anglaise et
qu'on est acceptés. Dans un contexte, si on est tous d'accord qu'on peut vivre
ensemble, on peut travailler ensemble, même, on dit : On peut travailler
avec le secrétariat pour construire quelque chose qui va aller plus loin pour
démontrer... Et je pense que ça va prendre plus de débats, plus de dialogues
avant qu'on arrive à ce point-là, mais on est convaincu que c'est possible, c'est
possible d'avoir des gestes concrets qui n'ôtent absolument rien à la population
majoritaire de langue française. Et si on peut se comprendre sur un geste qui
nous donne l'assurance qu'on est vraiment Québécois, c'en est une, c'est ferme,
c'est définitif, et on peut procéder de l'avance.
Les combats entre les groupes pour avoir
la suprématie, ça ne nous amène pas des vraies solutions. C'est d'être capable
de dire : Le français, c'est la langue commune, oui. Mais est-ce qu'il y a
de l'espace pour les anglophones? Et je vais vous dire : Oui, on a de
l'espace et, si on leur donnait plus d'espace, on va être plus de partenaires,
on va être plus de gens qui peuvent participer.
Mme Ghazal : Mais vous sentez
qu'en ce moment il n'y a pas d'espace ou c'est le projet de loi, dans le fond?
Parce qu'en ce moment les droits des minorités historiques anglophones sont
reconnus.
M. Cutting (Gerald) : Oui. Un
projet de loi, c'est une affirmation des valeurs et de vision du Québec, et
notre vision, on est inclus. Et comme Mme Hunting vous a dit plusieurs
fois, et moi, je m'en souviens, j'allais à la messe avec ma mère, souvent, M.
le curé nous disait : Si vous <rencontrez un protestant sur la
rue...
M. Cutting (Gerald) :
...et notre vision, on est inclus. Et comme Mme Hunting vous a dit, et
plusieurs fois, et moi, je m'en souviens, j'allais à la messe avec ma mère, souvent,
M. le curé nous disait : Si vous >rencontrez un protestant sur la
rue, traversez la rue. Un protestant, c'est un Anglais. Et, quand on voit le projet
de loi, on a l'impression que l'État a pris la place des curés.
Mme Ghazal : Ouf! Écoutez,
ça... Mais vous vouliez dire quelque chose par rapport à la clause de
dérogation.
Mme Hunting (Rachel) : Pour
répondre à ta question, je pense que c'est sûr que la clause «nonobstant», ce n'est
pas l'idéal puis ce n'est pas souhaité, mais l'utilisation «at large», c'est
très problématique. Une utilisation qui serait plus précise, qui serait
justifiée, qui serait bien éclaircie, je pense que oui...
Mme Ghazal : Il y aurait une
ouverture.
Mme Hunting (Rachel) : ...ça
serait un pas dans une bonne direction, parce que ce n'est pas juste, on va le
mettre partout, comme ça il n'y aura pas de question qu'on pourrait aller
devant les cours. Mais, si on explique pourquoi elle est utilisée, dans quelles
instances, avec des éclaircissements, je pense que ça serait un début, au
moins.
Mme Ghazal : Donc, vous êtes
d'accord qu'on peut l'utiliser pour protéger les droits collectifs?
Mme Hunting (Rachel) : Je ne
veux pas dire ça, non.
Mme Ghazal : Non. Parce que
les droits individuels, c'est fondamental.
Mme Hunting (Rachel) : Les
droits individuels sont quand même très importants, oui.
Mme Ghazal : Bien sûr.
Mme Hunting (Rachel) : Puis
je ne suis pas d'accord à l'utilisation du clause «nonobstant» pour enlever les
droits individuels, dans la manière...
Mme Ghazal : Mais vous disiez
que vous étiez... Parce que j'essaie de trouver un compromis où vous disiez que
vous étiez quand même d'accord, si on définit à... ça serait possible.
Mme Hunting (Rachel) : Bien,
je pense que, si l'utilisation est éclaircie, il y a un essai de la justifier
puis de décrire pourquoi elle est dans certains éléments, c'est déjà mieux que
juste de la mettre partout puis dire : On va l'utiliser, comme ça, il n'y
a pas de question, la loi va passer, puis on n'aura pas d'instance où les gens
vont pouvoir nos amener en cour ou un recours devant les tribunaux par rapport
à ce loi-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et ceci met fin à l'échange. Donc, merci pour votre passage en commission
parlementaire.
Nous allons suspendre quelques instants
pour permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension à 17 h 26)
17 h 30 (version révisée)
(Reprise à 17 h 35)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons poursuivre nos travaux, et le
dernier groupe de la journée est la Fédération québécoise des municipalités. Donc,
sans plus tarder, M. Soucy, vous avez la parole. Vous nous faites la
présentation de votre mémoire, et après ça il y aura des échanges avec les
parlementaires.
Fédération québécoise des municipalités (FQM)
M. Soucy (Yvon) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre, l'équipe qui
vous accompagne ainsi que les membres de la commission qui sont présents aujourd'hui.
Je tiens premièrement à vous remercier de nous avoir invités à participer à
cette consultation très importante pour nos membres.
Je me présente, je suis Yvon Soucy, préfet
de la MRC de Kamouraska pour quelques semaines et premier vice-président de la
FQM. Je suis accompagné de Me Sylvain Lepage, directeur général de la
Fédération québécoise des municipalités.
Depuis sa fondation en 1944, la Fédération
québécoise des municipalités fait entendre la voix des régions du Québec.
Convaincue que la force du nombre peut faire la différence, la FQM réunit plus
de 1 000 membres répartis sur l'ensemble du territoire. Elle leur
accorde une priorité <absolue...
M. Soucy (Yvon) :
...directeur général de la Fédération québécoise des municipalités.
Depuis sa fondation en 1944, la
Fédération québécoise des municipalités fait entendre la voix des régions du
Québec. Convaincue que la force du nombre peut faire la différence, la FQMV
réunit plus de 1 000 membres répartis sur l'ensemble du territoire.
Elle leur accorde une priorité >absolue et défend avec détermination
leur intérêt politique et économique. Elle favorise l'autonomie municipale,
travaille activement à accroître la vitalité des régions et offre un éventail
de services aux municipalités et MRC.
Mme la Présidente, en tant que porte-parole
des régions du Québec, nous soulignerons aujourd'hui plusieurs dispositions qui
seront bénéfiques pour nos membres et pour l'ensemble des citoyens. En effet,
le projet de loi présenté par le ministre responsable de la Langue française, M. Simon
Jolin-Barrette, mettra en place des changements structurants qui forgeront le
futur du Québec. La fédération appuie donc favorablement la volonté du
gouvernement du Québec de renforcir la position de la langue française au
Québec et son désir d'agir sur plusieurs fronts pour freiner le déclin... son
déclin.
La fédération soulèvera cependant, Mme la
Présidente, certaines préoccupations concernant les mesures touchant
directement le monde municipal et leur mise en oeuvre sur le terrain.
Nos membres sont des partenaires
importants pour renforcer l'usage de la langue française au Québec et pour
assurer une saine cohabitation entre leurs citoyens de différentes langues
maternelles au sein d'une même communauté. Pour atteindre ces objectifs
communs, nous souhaitons collaborer avec le ministre afin de consolider le rôle
des municipalités et d'assurer que celles-ci disposent de tous les moyens
nécessaires pour protéger notre magnifique langue commune qu'est le français.
Le statut d'organisme municipal bilingue.
Parmi les nombreuses mesures envisagées dans cet important projet de loi,
l'article 19 aura certainement un impact majeur dans plusieurs de nos
communautés. En effet, Mme la Présidente, la modification proposée obligerait
les municipalités possédant un statut bilingue, mais ayant moins de 50 %
de résidents de leur territoire de langue maternelle anglaise lors du plus
récent recensement, à adopter une résolution pour conserver leur statut actuel.
Nous avons certaines réserves sur l'application concrète de cette mesure, et
ce, même si les dispositions prévues dans le projet de loi permettent de
maintenir ce statut.
D'abord, la FQM représente environ 50 des
89 municipalités reconnues actuellement comme bilingues. Ces municipalités
fonctionnent bien, et leurs élus ne constatent pas de problèmes communautaires
liés à la langue. Même si certaines d'entre elles ont aujourd'hui moins de
50 % de leurs résidents de langue maternelle anglaise, toutes ces
municipalités ont été positivement influencées par cette diversité linguistique
et ont développé une façon de faire qui répond adéquatement aux besoins de leur
population tout en assurant la protection de la langue française. Ce statut
constitue pour elles une reconnaissance importante de leur contribution des
deux communautés linguistiques à la vie de leur collectivité.
Mme la Présidente, nous apportons donc
notre support à la volonté exprimée par le gouvernement du Québec, mais nous
sommes d'avis que le retrait de ce statut ne constitue pas le meilleur moyen de
concilier la protection et la promotion du français au Québec et de favoriser
l'entente communautaire des municipalités bilingues. De plus, le processus
établi dans le projet de loi est lourd et peut engendrer des débats difficiles.
La FQM propose donc une formule plus simple : inverser l'approche proposée
à l'article 19 du <projet de loi...
M. Soucy (Yvon) :
...pas le meilleur moyen de concilier la protection et la
promotion du français au Québec et de favoriser l'entente communautaire des
municipalités bilingues. De plus, le
processus établi dans le
projet
de loi est lourd et peut engendrer des débats difficiles. La FQM propose donc
une formule plus simple : inverser l'approche proposée à
l'article 19
du >projet de loi n° 96 pour respecter les choix de la
collectivité. Selon cette proposition, l'office informerait les municipalités
reconnues bilingues, mais dont la majorité des résidents ne sont pas de langue
maternelle anglaise, qu'elles ne respectent plus les conditions inscrites dans
la loi. La démarche pour mettre fin à la reconnaissance de ce statut serait
ensuite à l'initiative de la municipalité, et non de l'office. La FQM est
convaincue que cette approche respecterait davantage la vie communautaire de la
municipalité, qu'elle éviterait des débats pouvant être acrimonieux et qu'elle
correspondrait aux objectifs du gouvernement en matière de protection et de
promotion du français.
• (17 h 40) •
Donc, la première recommandation :
Que toutes les municipalités reconnues comme bilingues, mais ayant moins de
50 % de résidents de leur territoire de langue maternelle anglaise selon
le plus récent recensement conservent d'office leur statut, mais que l'office
les informe dans un avis officiel de leur situation et de la possibilité de
mettre fin à leur statut de municipalité bilingue en adoptant une résolution à
cet effet.
De plus, Mme la Présidente, le projet de
loi prévoit actuellement que le statut bilingue d'une municipalité devrait être
révisé après chaque recensement, soit aux cinq ans. Cela signifierait que
tous les conseils municipaux concernés devraient rouvrir ce débat après chaque
élection municipale. Ce délai nous apparaît donc beaucoup trop court. Donc, je
vais passer tout de suite à la recommandation, pour aller au dernier point.
Donc, on propose, là, que la révision soit lancée chaque 10 ans plutôt
qu'aux cinq ans, soit après le recensement effectué au cours des années se
terminant par le chiffre 1.
Finalement, la régionalisation de
l'immigration. Pour plusieurs, le Québec des régions a longtemps été associé à
un taux de chômage élevé. Nous retrouvons cependant aujourd'hui des milliers
d'emplois dans nos municipalités en milieu rural qui demeurent non comblés par un
manque de main-d'œuvre, c'est même criant. Au cours des dernières années, plus
de la moitié des nouveaux emplois ont été comblés par des personnes immigrantes
au Québec, mais peu d'entre elles choisissent de s'établir en région.
Mme la Présidente, personne n'est mieux
placé pour favoriser l'intégration des nouveaux arrivants que ceux qui
travaillent sur le terrain et qui connaissent la réalité économique de leur
milieu. C'est pourquoi la FQM travaille avec le gouvernement du Québec pour
augmenter le nombre d'immigrants qui s'installent dans nos régions. Durant nos
travaux, nous avons remarqué que la probabilité qu'une personne immigrante
demeure en région est significativement plus élevée si elle a une appartenance
au milieu et si la disponibilité des services dont elle a besoin est au
rendez-vous. Nous sommes donc favorables à la volonté du gouvernement de
s'assurer que le français soit utilisé par les municipalités pour communiquer
avec leurs citoyens et nous sommes d'avis que les critères en place doivent
favoriser l'arrivée et le maintien des immigrants en région. Il ne fait aucun
doute pour la fédération que la francisation sera facilitée si ceux-ci
s'installent en région dans des milieux dont la vie se déroule en français.
Pour cette raison, le délai maximal prévu
de six mois après lequel il serait interdit de communiquer dans une langue
autre que le français avec une personne nouvellement arrivée au Québec nous
semble trop court pour que les nouveaux arrivants puissent maîtriser
adéquatement le français et faire le suivi de leurs demandes auprès des <municipalités.
...
M. Soucy (Yvon) :
...des milieux où la vie se déroule en
français. Pour
cette raison, le délai maximal prévu de six mois, après lequel il sera interdit
de communiquer dans une langue autre que le français, avec une personne
nouvellement arrivée au Québec, nous semble trop court pour que les nouveaux
arrivants puissent maîtriser adéquatement le français et faire le suivi de
leurs demandes auprès des >municipalités. Nous recommandons donc de
prolonger à un an le délai maximal pour les communications avec les immigrants
dans une autre langue le français afin de faciliter leur intégration.
La fédération est d'avis qu'il est
important d'agir fortement pour renverser le déclin du français au Québec,
notamment en renforçant la Charte de la langue française, et nous appuyons le
gouvernement dans cette démarche. La démarche gouvernementale doit cependant
correspondre aux diverses réalités vécues par les municipalités, leur laisser
l'autonomie suffisante pour déterminer les mesures les mieux adaptées à leurs
milieux et faciliter l'application des mesures sur le terrain. Selon notre
expérience, le gouvernement devrait prévoir une période d'adaptation
suffisamment longue et un accompagnement adéquat auprès des municipalités pour
assurer la mise en oeuvre de cette importante législation. Nous proposons
également au gouvernement notre aide lors de l'élaboration de la politique
linguistique de l'administration pour nous assurer que les différentes réalités
des municipalités soient bien représentées. En tant que porte-parole de l'ensemble
des régions du Québec, nous continuerons de travailler avec le gouvernement du Québec
pour nous assurer du succès de cette réforme.
Nous sommes maintenant prêts, Mme la
Présidente, à répondre aux questions des parlementaires.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup. Donc, sans plus tarder, M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. M. Soucy, Me Lepage, bonjour, bienvenue à l'Assemblée
nationale. Merci pour la présentation de votre mémoire. D'entrée de jeu, et, je
pense, là, c'est ce qui vous intéresse le plus dans le projet de loi, c'est les
municipalités bilingues. Donc, vous nous faites une proposition dans le mémoire
qui indique, dans le fond, que l'office informerait les municipalités qu'ils
n'ont plus 50 % de citoyens de langue maternelle anglaise. Actuellement,
dans la charte, à 29.1, la municipalité peut déjà le demander, dans le fond, de
retirer son statut. Donc, la différence entre l'état actuel du droit à 29.1,
c'est de dire : Bien, l'office, maintenant, enverra un avis juste pour
dire : Municipalités, sachez que suite au recensement on vous informe que
vous n'avez plus le 50 % requis, et ce n'est qu'un simple avis.
M. Soucy (Yvon) :
Mme la Présidente... puis Me Lepage pourra compléter ou me corriger s'il y a
lieu, là, mais ce que j'en comprends, c'est que l'avis de l'office... avec
l'avis de l'office, la municipalité a l'obligation, donc, d'adopter une
résolution pour poursuivre... maintenir son statut. Nous, ce qu'on dit, c'est
qu'en fait l'office... la municipalité, si elle souhaite changer son statut,
passera une résolution. Donc, ça pourrait éviter des débats qui pourraient être
pénibles, puis ça fait en sorte également, peut-être... On parle souvent de
gouvernance de proximité, on parle souvent d'autonomie municipale. Donc, je
pense que ça accorde également aux municipalités, là, cette considération-là.
Puis, si le débat n'est pas nécessaire ou s'il n'y a pas vraiment de problème,
que les élus <décident...
M. Soucy (Yvon) :
...de
gouvernance de proximité, on parle souvent d'
autonomie
municipale. Donc, je pense que ça accorde
également aux
municipalités,
là, cette considération-là. Puis, si le débat n'est pas
nécessaire, ou
s'il n'y a pas
vraiment de problème, ou que les élus >décident
qu'il n'y en a pas de problème, puis là on parle dans ce cas-là d'une population
qui serait à majorité de langue maternelle française, là, si elle a eu l'avis
de l'office, donc on pense que ça correspond à l'ensemble de la volonté de la population
également. Donc, écoutez, c'est une disposition, là, qu'on souhaiterait effectivement,
là, voir modifier.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais
c'est juste que sur le fond des choses, là, nous, quand on a construit la disposition,
c'est justement pour faire en sorte de respecter l'autonomie municipale, pour
ne pas dire : Bien, à partir du moment où il n'y a plus 50 % de citoyens
de langue maternelle anglaise, bien, par l'effet de la loi, on enlève le statut
de municipalité bilingue. Ça, c'est ce que souhaite le Parti québécois. Nous,
ce qu'on dit, c'est de dire : Bien, écoutez, par l'effet de la loi, il y a
perte de statut, à moins qu'en tout respect de l'autonomie municipale, les élus
décident de dire non. Pour nous, pour une raison historique ou pour les raisons
qui sont propres au conseil municipal par rapport aux citoyens, dans les 120 jours,
il y a une résolution qui a été adoptée par la municipalité.
Donc, moi, je trouve que ça respecte l'autonomie
municipale, parce que c'est un état de fait de dire : Bien, il n'y a plus
50 %, mais les élus municipaux pourront toujours conserver ce statut-là. Parce
que — et vous me direz si vous êtes d'accord avec moi — les
municipalités font partie de l'État, et l'exemplarité de l'État en matière de
protection et de promotion de la langue française doit inclure également les municipalités,
à titre de gouvernements de proximité. Est-ce que vous êtes d'accord sur ce
point-là?
M. Soucy (Yvon) :
Oui, puis je laisserais Me Lepage peut-être poursuivre, là.
M. Lepage (Sylvain) :
Simplement, si vous me permettez, M. le ministre, on est tout à fait d'accord
avec le gouvernement sur le fond des choses, comme vous venez de bien
l'expliquer. Toutefois, il faut comprendre que nous, généralement, on
représente des communautés rurales, des petites communautés. Une communauté de
200 habitants sur la Côte-Nord, une communauté de 600 habitants, on
peut facilement avoir des débats émotifs, alors que... au moment où on doit
adopter une résolution de façon obligatoire, et ce qu'on cherche à faire dans
les petites communautés, c'est d'éviter, dans la mesure de... de façon
raisonnable, là, les débats. Et, comme dans ces communautés-là, souvent, la
communauté se «francisise»... — prendre la bonne expression, je
m'excuse — devient plus francophone au fil du temps, on pense que de
rappeler à la municipalité : Écoutez, au moment où on se parle, voici où
vous en êtes, vous pourriez demander... tu sais, vous pourriez demander à
cesser de fournir des services en anglais, c'est préférable pour conserver
l'harmonie. On n'est absolument pas, dans les municipalités qu'on représente,
dans une situation où l'anglais est prédominant ou en voie de le devenir.
Alors, c'est essentiellement pour des raisons, je dirais, de paix sociale, si
je peux m'exprimer ainsi, qu'on pense que de le faire à <l'envers...
M. Lepage (Sylvain) :
...préférable pour conserver l'harmonie. On n'est
absolument pas, dans
les
municipalités qu'on représente, là, dans une situation où l'anglais
est prédominant ou en voie de le devenir. Alors, c'est
essentiellement
pour des raisons, je dirais, de paix sociale, si je peux m'exprimer ainsi,
qu'on pense que de le faire à >l'envers, ce serait plus simple et moins
divisible pour les communautés. Mais, sur le fond, vous avez tout à fait
raison, le résultat est le même, et ce que le gouvernement a mis sur la table, effectivement,
ça respecte le principe de l'autonomie, puisqu'ultimement la municipalité
pourra décider, en adoptant une résolution, de conserver, là, son statut de
municipalité bilingue.
M. Jolin-Barrette : Mais,
d'un autre point de vue, le statut du français puis la protection de la langue
française, ça appartient à tout le monde au Québec. Donc, au gouvernement, on a
une responsabilité, moi, j'ai une responsabilité, les ministères, les
organismes ont une responsabilité, les entreprises, les citoyens, mais incluant
les municipalités aussi.
Lorsque vous dites : Bien, on veut
éviter le débat là-dessus, moi, je trouve que c'est plutôt sain d'avoir un
débat là-dessus. Puis c'est vrai que la question linguistique, ça suscite
parfois les passions, on le voit avec le projet de loi n° 96, sauf que le
statut de la langue, c'est tout de même important aussi. Et les municipalités — et
on va voir... puisqu'elles font partie de l'État... vont être assujetties aux
politiques linguistiques de l'État aussi — je pense qu'elles ont un
rôle à jouer là-dessus. Et, depuis que la Charte de la langue française est là
en 1977, à moins que je me trompe, je pense qu'il n'y a qu'un seul organisme
reconnu qui a demandé de retirer son statut. Alors, on voit que...
M. Lepage (Sylvain) : Sauf
qu'en pratique, M. le ministre, comme on le voit généralement, les communautés
dont on parle sont de plus en plus francophones. Donc, la langue française,
dans l'état actuel des choses... la Charte de la langue française, pardon,
fonctionne, puisque ces communautés-là sont aujourd'hui plus francophones
qu'elles l'étaient il y a 30 ans.
Alors, nous, c'est essentiellement ce
qu'on dit. Comme on doit vivre ensemble, pourquoi susciter artificiellement un
débat, alors que ça fonctionne? Puis, évidemment, je le répète, les communautés
que la FQM représente généralement, c'est les petites communautés. Alors, dans
une petite communauté, je le répète, si, ici, là, on trace une ligne puis on
dit : Ça, c'est les francophones, puis ça, c'est les anglophones, le
débat, vous l'avez dit, peut devenir facilement très émotif.
• (17 h 50) •
Ça n'enlève pas, comme vous le soulignez,
là, l'importance que l'État, et les municipalités en font partie,
effectivement, là, donne l'exemple, mais de s'assurer que la minorité a un
certain service de base dans sa langue, la langue qu'elle utilise encore, la
charte le reconnaît de toute façon, vous l'avez bien expliqué, là, aux
personnes, là, qui étaient avant.
M. Jolin-Barrette : Mais ça,
c'est un point important, là, hein? Ce n'est pas parce que la municipalité perd
son statut bilingue que les Québécois d'expression anglaise, eux, n'auront plus
de services dans leur langue. Ça, il faut le dire. Mais, par contre, où j'ai un
peu de la difficulté à me rallier avec votre position, c'est que vous faites
référence notamment à l'immigration puis à l'importance de doter, dans toutes
nos régions du Québec... que les personnes immigrantes choisissent de
s'installer en région, notamment parce qu'il y a des besoins de <main-d'oeuvre...
M. Jolin-Barrette :
...ça,
il faut le dire. Mais par contre, où j'ai un peu de la difficulté à me rallier
avec votre position, c'est que vous faites référence notamment à l'immigration
puis à l'importance de doter, dans toutes nos régions du Québec... que les
personnes immigrantes choisissent de s'installer en région, notamment parce
qu'il y a des besoins de >main-d'oeuvre, et, si on veut bien intégrer
les personnes immigrantes, bien, il faut le faire notamment en région, parce
que 80 % de l'immigration est à Montréal, et il faut réussir, si on veut
avoir une société où on s'intègre en français au Québec, à amener les gens à
choisir d'aller dans les différentes régions. Mais là, si on se retrouve dans
une municipalité bilingue en région, la personne immigrante, là, elle va avoir
la possibilité de communiquer en anglais avec la municipalité. Mais c'est tout
ça qu'il faut changer lorsqu'on parle du bilinguisme institutionnel de l'État,
ça touche également les municipalités. Alors, c'est un drôle de message qu'on
envoie aussi.
M. Lepage (Sylvain) : Si je
peux me permettre, en toute honnêteté, M. le ministre, généralement,
l'immigration internationale dans les régions, c'est largement, en tout cas à
ma connaissance, puis M. Soucy, qui habite en région, pourra me
contredire, mais c'est largement de l'immigration qui n'est pas anglophone.
Alors, généralement, moi, les rapports que les municipalités me font, là, puis
ce que les gens me disent, c'est que, facilement, après une année, deux années,
les gens s'intègrent largement à la majorité francophone. Ce n'est pas parce
que la municipalité a quelqu'un au comptoir qui est officiellement bilingue que
quelqu'un qui a l'espagnol, par exemple, comme langue d'origine va apprendre
l'anglais dans un milieu à 97,7 % francophone, là, tu sais. Moi, je viens
de Barraute, Abitibi. Je peux vous dire qu'à Barraute, Abitibi, ça n'a pas
changé en 40 ans, il n'y avait pas un seul anglophone là, tu sais. Pourtant,
en 1976, il y avait un garage dans le milieu du village qui s'appelait Barraute
Motor. Ça, personne ne comprenait ce que ça voulait dire. Mais, aujourd'hui,
les gens qui immigrent là-bas, hein, ils vont naturellement s'intégrer à la
majorité francophone, qui est non seulement la majorité, mais quasi
exclusivement francophone.
Le seul message qu'on veut vous livrer,
c'est que, nous, on pense que dans les communautés que nous représentons, qui
sont des petites communautés, ça se fait actuellement naturellement. Le
problème, nous, on le voit beaucoup plus à Montréal — il y a des
députés ici de la région montréalaise — on le voit beaucoup dans le
West Island, mais on ne le voit pas beaucoup dans les régions périphériques,
puis on représente des gens partout, que ce soit du Pontiac jusqu'en haut de la
Côte-Nord. Il y a peu de gens parmi nos élus qui nous parlent d'un enjeu, là,
d'anglicisation, là, des arrivants qui arrivent. Je ne vous cacherai pas qu'il
n'y a pas beaucoup d'arrivants sur la Haute-Côte-Nord, pour être honnête, mais...
M. Jolin-Barrette : Sauf que
ce qu'on veut faire, c'est régionaliser l'immigration, puis il ne faut pas que
ça soit juste des candidats francophones qui décident de s'établir en région, il
faut réussir à faire en sorte que les gens...
M. Lepage (Sylvain) : Tout à
fait.
M. Jolin-Barrette : ...qui ne
sont pas des locuteurs francophones puissent aller s'installer en région. Mais
je comprends bien votre point de vue.
Je veux céder la parole à mes collègues,
mais c'est bien noté. Je vous remercie pour votre présence en commission
parlementaire.
M. Lepage (Sylvain) : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de Saint-Jean, 6 min 30 s
M. Lemieux : Oui. Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Il faut que vous me répétiez le nombre de
temps.
La Présidente (Mme Thériault) :
6 min 15 s maintenant.
M. Lemieux :
6 min 15 s Merci, Mme la Présidente. <Bonjour...
M. Jolin-Barrette :
...Mais
je comprends bien votre
point de vue. Je veux
céder
la parole à mes collègues, mais c'est bien noté.
Je vous remercie pour votre
présence en
commission parlementaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci.
M. le député de
Saint-Jean, 6 min 30 s
M. Lemieux : Oui.
Merci
beaucoup,
Mme la Présidente.
Il faut que vous me répétiez le
nombre de temps.
La Présidente (Mme Thériault) :
6 min 15 s,
maintenant.
M. Lemieux :
6 min 15 s M
erci, Mme la Présidente. >Bonjour,
M. Soucy et M. Lepage.
Il faut que je revienne un peu sur ce qui
vient de se passer, parce que je veux être certain d'une chose. Vous ne voulez
pas provoquer des débats acrimonieux, avez-vous dit, si on a 29.1 avec le principe
que le ministre a placé dans la loi. Mais, s'ils reçoivent la notification de l'OQLF
qui leur dit : Aïe! Vous êtes rendus à 42 %, là, tu sais, vous étiez
à 53 %, vous êtes rendus à 42 %, puis qu'ils se disent dans cette
municipalité-là : Bien là, on va demander de sortir, parce qu'on n'a plus
le 50 %, le débat ne sera pas moins acrimonieux?
M. Soucy (Yvon) :
Bien, écoutez, non, je ne pense pas, là. Si la municipalité souhaite faire le
débat, elle va le faire, là. Mais, s'il n'y en a pas, de problème de
cohabitation, qu'il n'y en a pas, d'enjeu à ce niveau-là, bien, écoutez, nous,
ce qu'on dit, c'est qu'à ce moment-là le statut sera maintenu, là, mais... Donc,
elle n'aura pas l'obligation de passer une résolution pour le maintenir, là.
M. Lemieux : Dans un autre
ordre d'idées, quand vous parliez du six mois, un an...
M. Soucy (Yvon) :
Oui.
M. Lemieux : ...c'est
intéressant, parce que vous avez dit : Nous autres, c'est surtout... pas
beaucoup d'anglais. En tout cas, à Barraute, ça, c'est clair, il n'y en a pas,
là. Mais, ailleurs, il n'y a pas beaucoup d'anglais dans vos régions, il y a
surtout d'autres langues. Il a été question, pendant la commission, pendant les
consultations, de dire : Bien, si on trouvait une façon d'interpréter...
Puis là on est à Montréal, O.K.? À Montréal, c'est sûr qu'un immigrant... ou à
Québec, un nouvel arrivant, s'il ne parle pas le français, bien, il y a des
gens qui essaieraient de lui parler en anglais, c'est une langue
internationale. Mais, si on lui parlait dans sa langue, ah! là, ça va aller
encore plus vite puis mieux, à quelque part, pour se faire comprendre, d'un,
puis de deux, bien, éventuellement, l'intégration va peut-être être plus facile,
parce qu'il y a comme une ouverture. S'il y avait ces moyens d'interprétation
là dans Kamouraska? Quand quelqu'un arrive, elle ne parle pas anglais, la madame
au comptoir, mais elle ne parle pas chinois non plus, ni espagnol, peut-être.
Mais s'il y avait moyen de lui parler dans sa langue? Parce que la loi dit «une
langue autre que le français». Mais si c'était dans sa langue?
M. Soucy (Yvon) :
Bien là, je vais vous surprendre, là, parce que je viens d'une MRC qui est à
98 %, 99 % francophone, là, puis on dénombre chez nous
44 nationalités différentes. On les intègre, les immigrants, chez nous
puis on les... francise, pardon, puis avec succès, là, puis c'est ce que... Dans
le fond, c'est le message que je voulais envoyer, parce qu'on a un cruel besoin
de main-d'oeuvre. Actuellement, on a de la difficulté à emmener les immigrants
chez nous, là, ils restent beaucoup à Montréal. Mais ce que je peux vous dire,
c'est qu'on fait des efforts énormes, je vous dirais même surhumains, là, pour
les intégrer, pour faire en sorte, là... Maintenant, là, les immigrants, là,
ils ne viennent plus seulement pour <répondre à un besoin de...
M. Soucy (Yvon) :
...on a un cruel besoin de
main-d'oeuvre. A
ctuellement, on a de
la
difficulté à emmener les
immigrants chez nous, là, ils restent
beaucoup à
Montréal. Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'on
fait des efforts énormes, je vous dirais même surhumains, là, pour les
intégrer, pour faire en sorte, là...
Maintenant, là, les
immigrants,
là, ils ne viennent plus
seulement pour >répondre à un besoin de main-d'oeuvre,
là, ils viennent pour enrichir la communauté, participer au développement de
notre communauté, puis je vous dirais, là, que nos municipalités mettent
l'épaule à la roue puis font des efforts, là, considérables puis... pour bien
accueillir ces gens-là puis faire en sorte qu'ils restent. Peut-être qu'on
apprend de nos erreurs. Je vous dirais qu'il y a 20 ans, bon, malheureusement,
on faisait venir des immigrants pour répondre tout simplement à un besoin de main-d'oeuvre,
puis, bon, pas seulement chez nous, partout c'était ça, puis on a appris de nos
erreurs. Mais maintenant, là, vraiment, on le fait pour qu'ils contribuent au développement
puis à l'enrichissement de nos communautés. Puis, comme je vous le dis, on a 44 communautés
culturelles différentes... 44 nationalités, pardon, différentes chez nous, donc
c'est qu'on réussit à le faire. Puis mon président, s'il était ici, vous dirait :
En plus, on les francise avec un bel accent, là, hein? Puis donc, bien, c'est
peut-être... une partie de la solution est probablement là, là.
M. Lemieux : Bien, c'est sûr
que l'intégration est plus facile quand tout le monde y met du sien et qu'on a
l'expérience.
Je voulais vous parler des régions. Vous
allez me dire... je suis coupable de ne pas avoir été assez là depuis longtemps,
en tout cas depuis quelques années dans les régions, mais je les ai beaucoup
bourlinguées. Quand on est dans les régions puis qu'on entend parler du français,
on se dit : Ah! À Montréal, c'est terrible! Montréal, là, c'est terrible,
ça. Mais, en région, est-ce que vous croyez, vous aussi, et je ne parle pas de Montréal,
je parle du reste du Québec, que le français a besoin d'être protégé et que ce projet
de loi là, si on ne prend pas tous nos responsabilités, puis le ministre vous
en impose une là-dedans, aux municipalités, il est en déclin, là, et puis Montréal
peut-être avant, là, comme la pointe de l'iceberg, mais éventuellement on n'est
pas sortis de l'auberge, là?
M. Soucy (Yvon) :
Non. Bien, effectivement, on a souligné, là, le dépôt du projet de loi par le
ministre, là, on est conscients qu'on a des efforts à faire. Bon. Chez nous,
écoutez, de la MRC d'où je viens, là, ce n'est pas nécessairement un problème,
là. Je ne vous dis pas que c'est... Ce n'est pas partout le cas, là.
M. Lemieux : Mais permettez,
juste avant que Mme la Présidente me regarde avec des gros yeux parce que j'ai
fini, ce n'est pas un problème, mais il y a des régions, O.K., pas Kamouraska,
puis peut-être pas à Barraute, mais il y a des régions où l'exigence de
l'anglais est pas mal plus présente qu'elle ne l'était avant pour l'emploi.
Est-ce que vous le sentez? Est-ce qu'il y a des gens chez vous qui vous en
parlent? Parce que c'est ça aussi, la loi n° 96, le
projet de loi, c'est d'être capables de tous faire notre part, y compris de ne
pas exiger nécessairement l'anglais quand il n'y en a pas vraiment besoin.
• (18 heures) •
M. Lepage (Sylvain) : Bien, je
pense que vous avez raison dans la mesure où, on le voit un peu avec la
pandémie, il y a de plus en plus de télétravail. Il y a des... On a des
entreprises qui nous disent qu'il y a des entreprises américaines qui recrutent
maintenant dans les régions. Par exemple, en informatique, il est clair que, si
vous êtes en informaticien... en informatique, vous <pouvez peut-être...
>
18 h (version révisée)
< M. Lepage (Sylvain) : ...Bien,
je pense que vous avez raison dans la mesure où, on le voit un peu avec la
pandémie, il y a de plus en plus de télétravail. Il y a des... On a des entreprises
qui nous disent qu'il y a des entreprises américaines qui recrutent maintenant
dans les régions. Par exemple, en informatique, il est clair que, si vous êtes
en informaticien... en informatique, vous
>pouvez peut-être
habiter à Barraute, mais, si vous travaillez pour une compagnie qui est à
Chicago, parce que vous êtes programmeur-analyste, vous allez devoir apprendre
l'anglais, parce que votre vis-à-vis va être là. Vous avez tout à fait raison
qu'il y a une pression sociétale, si je peux m'exprimer ainsi, qui amène la
nécessité d'avoir une bonne connaissance de l'anglais.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et c'est terminé.
M. Lemieux : Vous avez vu ses
gros yeux, hein? Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Non, je n'ai pas fait de gros yeux, puis ce n'est pas vous que j'ai regardé non
plus, j'ai regardé nos invités. Donc...
M. Lemieux : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Ça a toujours été... Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. M. Soucy, Me Lepage, bonjour. Je voyage, pendant que
je vous écoute, au Kamouraska, en Abitibi. Puis je vais continuer sur la lancée
du député de Saint-Jean, parce que vous avez dit : On a
44 nationalités différentes. Ce n'est pas 44 personnes, là, c'est
44 nationalités différentes, multiplié par x personnes, là, bon. C'est
fascinant quand on y pense. On n'en parle pas souvent de ce Québec qui devient
multiforme. Même si vous dites : 97,7 % parlent français, mais il a
fallu que ces 44 nationalités apprennent le français. J'aimerais ça que
vous me fassiez un portrait de ce que ça veut dire, parce la loi n° 96,
oui, on parle de Montréal, mais on veut parler du reste du Québec aussi, ça nous...
c'est important.
M. Soucy (Yvon) :
Évidemment, dans ces nationalités-là, il y a des gens qui sont d'origine... de
pays francophones, là, donc on n'a pas tous à les franciser. Mais, bon, je vous
disais, ce qui est différent d'il y a 20 ans, c'est que, maintenant, on
est organisés, en tout cas, de plus en plus, pour les accueillir, bien les
intégrer. À la MRC, par exemple, nous avons une agente d'accueil et
d'intégration qui fait un travail extraordinaire. Nous avons Place aux jeunes,
là, comme partout au Québec, Projektion 16-35 également, là, qui organise des
activités d'intégration. On en a eu une, d'ailleurs, il y a quelques semaines,
dans le cadre de la semaine du champignon forestier, au Kamouraska où on a
accueilli, là, une trentaine de nouveaux arrivants, puis pas de nouveaux
arrivants du Québec, là, de l'extérieur. Donc, on fait beaucoup d'activités
d'accueil, d'intégration.
Au niveau aussi... Ce qu'on nous disait,
par exemple, au niveau de la francisation, les professeurs vont utiliser
également, là, beaucoup, plutôt que les manuels, là, donc, les occasions, là,
de franciser, comme, par exemple, là, l'activité dans le cadre de la semaine du
champignon forestier. Il y a eu des pique-niques d'organisés. Donc, il y a
toutes sortes d'activités ludiques, là, qui sont organisées pour faire en
sorte, bien, premièrement, de développer le sentiment d'appartenance, mais
également faire en sorte que nos... les personnes qui arrivent, là, puissent
bien <s'intégrer et...
M. Soucy (Yvon) :
...
dans le cadre du champignon... de la semaine du
champignon forestier. Il y a eu des pique-niques d'organisés. Donc, il y a
toutes sortes d'activités ludiques, là, qui sont organisées pour faire en
sorte, bien, premièrement, de développer le sentiment d'appartenance, mais
également faire en sorte que nos... les personnes qui arrivent, là, puissent
bien >s'intégrer et avoir l'occasion, également, de connaître des gens
puis d'échanger avec eux, là.
Mme David : Mais le portrait...
Je n'aime pas parler de portrait type, mais en tout cas, ce qui est le plus en
demande, j'imagine, dans vos régions, ce sont des... c'est de la main-d'oeuvre
pour vos compagnies locales. C'est ça?
M. Soucy (Yvon) :
Oui, oui, absolument, là, nos... Puis ça, c'est triste, là. Moi, c'est ce qui
me désole le plus, c'est qu'actuellement nos entreprises, là, mettent sur la
glace des projets d'expansion, des projets de développement parce qu'elles
n'ont pas de main-d'oeuvre, là. Puis, écoutez, actuellement, c'est le
plein-emploi, là, mais ce n'est pas seulement chez nous, là, c'est partout. On
manque cruellement de main-d'oeuvre puis on fait des efforts considérables pour
offrir de meilleures conditions de travail pour la conciliation, le
télétravail, en tout cas. Bien, en fait, toutes les bonnes pratiques qui se
font partout, on les offre nous aussi, là. Mais, oui, c'est triste un peu.
Mme David : C'est triste, puis
si je comprends bien, vous faites plein, plein d'efforts pour pouvoir recruter,
justement, avec, probablement, le ministère de l'Immigration, avec des nouveaux
arrivants qui... Parce que des gens qui voudraient venir immigrer au Québec, il
y en a des millions, là. Il y a tellement de problèmes sur la planète, là, il y
a tellement de gens moins privilégiés que nous que ça a... C'est triste
d'entendre ce que vous dites, qu'on est dans telle...
M. Soucy (Yvon) :
Oui, bien, si vous me permettez... Mais, en même temps, moi, le message que je veux
surtout porter, c'est que, bien là, actuellement, ils sont principalement...
Là, je n'irais pas à est-ce qu'il y en assez, est-ce qu'il y en a trop, là. Ça,
ce n'est pas à moi de juger ça, là, mais chez nous, il y en manque, là. Puis
ils sont principalement à Montréal, puis, bien, nous... Moi, ce que je vous
dis, c'est que, nous, on a les bras tout grands ouverts pour les accueillir,
là.
Mme David : Oui, et puis donc
c'est la communauté qui se mobilise autour pas seulement de la francisation,
autour de l'intégration aussi?
M. Soucy (Yvon) :
Oui.
Mme David : L'autre sujet dont
je voulais vous parler, c'est les... votre question de l'article 29.1, là, c'est
les municipalités où vous devez passer une résolution. Ça aussi, j'essayais de
m'imaginer... Vous avez même parlé d'une petite communauté qui peut être... à
peu près, tenir dans cette salle-ci, là, et il y aurait une communauté
anglophone minoritaire, souvent, assez minoritaire, très minoritaire.
M. Lepage (Sylvain) : ...le
débat n'aura pas lieu, elle va être bilingue automatiquement, en vertu de la
loi.
Mme David : Exactement. Alors,
en bas de 50 %, mais ça peut être 8 %, ça peut être...
M. Lepage (Sylvain) : Ça peut
être 8 %, ça peut être 10 %, ça peut être 30 %.
Mme David : Et ce que vous
voulez éviter, dans le fond... Mais je ne suis pas sûre que je comprends votre
solution, parce que, le député de Saint-Jean l'a mis en évidence aussi, c'était
un peu ma question, votre solution, par rapport à celle du ministre, je ne suis
pas sûre que c'est blanc bonnet, bonnet blanc, là, je pense... Vous voulez
éviter la chicane, vous voulez éviter d'avoir à dire : Est-ce qu'on veut
garder le statut bilingue pour 8 % de nos <personnes qui sont ici...
Mme David : ...
c'était
un peu ma question, votre solution, par rapport à celle du ministre, je ne suis
pas sûre que c'est blanc bonnet, bonnet blanc, là, je pense... Vous voulez
éviter la chicane, vous voulez éviter d'avoir à dire : Est-ce qu'on veut garder
le statut bilingue pour 8 % de nos >personnes qui sont ici depuis
toujours, qui ont reçu des... C'est un peu ça, dans le fond.
M. Lepage (Sylvain) : Ce qu'on
souhaite faire, c'est que la municipalité fasse le débat quand elle sera prête
à faire le débat. Autrement dit, si on juge que... les élus jugent que le
moment n'est pas opportun de faire le débat, la municipalité conserverait son
statut bilingue, à ce moment-là. Le jour où... Parce qu'on est rendus à 8 %.
Il n'y a plus matière à débat. Et il faut comprendre que chaque communauté est
différente, là. On vous parle de petites municipalités. Il y a des endroits où est-ce
qu'il n'y aura peut-être pas de débat, puis, simplement, les gens vont décider
d'adopter une résolution, puis ça va être comme : on est rendus là,
excusez l'expression. Vous savez, la société a changé beaucoup depuis le moment
où j'avais 15 ans. Il y a beaucoup de choses qu'on prenait... qu'on
pensait qui n'arriveraient pas, qui arrivent aujourd'hui, là, dans toutes
sortes de domaines. Alors, c'est un peu la même chose.
Ce qu'on dit, c'est : Faisons en
sorte que les gens n'aient pas à poser un acte positif, parce qu'adopter une
résolution c'est poser un acte positif, qu'ils ne souhaitent pas nécessairement
poser, hein? Et M. le député avait tout à fait raison que, le jour où le
conseil va dire : Bien là, c'est le moment de poser la question, bien, il
va arriver avec une résolution, nécessairement. Autrement dit, le statu quo va
demeurer, sans débat, si le pouls des élus, dans leur communauté, est à l'effet
que... passons donc, passons, on en reparlera dans 10 ans.
Mme David : Bien, ce que je
soupçonne, dans ce que vous dites, c'est : Le jour venu, on passera la
résolution — moi, je continue votre phrase — parce qu'on
sera prêts à demander de perdre le statut bilingue. Parce...
M. Lepage (Sylvain) : Parce
que c'est une question qui ne se posera plus dans cette communauté-là.
Mme David : Bien, en même
temps, vous dites : On ne veut pas mettre le feu dans la communauté. Même
si c'est très minoritaire, la communauté anglophone, ça pourrait quand même...
M. Lepage (Sylvain) : Vous
savez, le feu, une personne...
Mme David : Bien, une
personne, oui, mais, admettons, 10 personnes qui...
M. Lepage (Sylvain) : ...peut
mettre le feu, là. Mais il y a toutes sortes de situations. Vous avez entendu,
comme moi, les gens qui étaient là avant nous, là, qui nous sont fort
sympathiques. Quand on les écoute, on voit que ça peut devenir émotif
facilement. Je ne connais pas leur réalité dans leur communauté, mais il y a
des endroits où il n'y en a pas, de débats comme ceux-là.
Alors, encore là, c'est le rôle des élus
de sentir leur communauté puis, à l'échelle locale, ils détermineront... Il
sera toujours temps de le faire, le débat, comprenez-vous, dans le sens où, si
on pense qu'on doit le faire, bien, les gens le feront. À ce moment-là, ils
vont se poser la question. C'est que là, on oblige à ce qu'automatiquement, à
chaque cinq ans on se repose la question. C'est tout ce qu'on dit.
Mme David : Il y a la question
du cinq ans, puis il y a la question de la procédure aussi. Mais, en ce moment,
vous dites... Il me semble qu'il y a une cinquantaine de municipalités...
M. Lepage (Sylvain) : Nous, on
en représente une cinquantaine sur 89.
Mme David : ...qui ont le
statut bilingue.
M. Lepage (Sylvain) : Il y en
a 89 qui ont un statut bilingue.
Mme David : O.K. Donc, vous
avez la majorité des municipalités.
M. Lepage (Sylvain) : On a la
majorité, mais, je le <répète, il faut réaliser que, sur 89...
M. Lepage (Sylvain) :
...
qu'on dit.
Mme David :
Il y a
la
question du cinq ans, puis
il y a la
question de la
procédure aussi. Mais, en ce moment, vous dites... Il me semble
qu'il y
a une cinquantaine de
municipalités...
M. Lepage (Sylvain) : Nous,
on en représente une cinquantaine sur 89.
Mme David : ...qui ont le
statut bilingue.
M. Lepage (Sylvain) :
Il
y en a 89 qui ont un statut bilingue.
Mme David :
O.K.
Donc, vous avez la majorité des
municipalités.
M. Lepage (Sylvain) : On a
la majorité, mais, je le >répète, il faut réaliser que, sur 89... On a
toujours en tête les municipalités du West Island, mais, dans la vraie
vie, à 89, vous vous rendez compte qu'il y a plein de petites communautés dans
les régions, là, dans le Pontiac, dans... C'est des gens où les francophones puis
les anglophones vivent ensemble, imbriqués, puis ça ne semble pas trop
difficile, on n'entend pas parler de grands... hein, il y a la paix
linguistique. Ça fait que les conseils sont comme ils sont, puis les gens sont
en mesure de mesurer ce que la communauté souhaite.
• (18 h 10) •
Mme David : Mais, depuis
que le projet de loi a été déposé, beaucoup de municipalités ont signé, on voté
des résolutions et les ont envoyées au ministre, ou je ne sais pas à qui, là.
Vous, de ce que vous savez de vos 50, est-ce qu'il y en a plusieurs qui se sont
déjà prêtées à...
M. Lepage (Sylvain) :
Honnêtement, je ne connais pas la réponse. Je peux vous dire qu'on a un
représentant, au conseil d'administration, de la communauté anglophone, des
municipalités anglophones, et il y a eu une discussion à
46 élus — le conseil d'administration de la FQM, c'est
46 élus, quand même, qui proviennent de partout sur le territoire du
Québec — et c'était unanime que... Puis, évidemment, le représentant
de la communauté anglophone a expliqué son point de vue, et, unanimement, les
gens ont dit : Bon, on vient d'en discuter, on a-tu besoin, à chaque cinq
ans, d'avoir à adopter une résolution comme celle-là? Puis ça a fait
l'unanimité assez rapidement. Il y a eu des discussions. Elles ne sont pas
devenues très émotives, si je peux m'exprimer ainsi, mais quand même, il y a eu
des discussions, puis les 46 administrateurs se sont ralliés à l'idée que,
dans le fond, chaque 10 ans, on informera la municipalité, puis, si elle
ne fait rien, bien, ce sera le statu quo.
Mme David : O.K. Il me
reste combien de temps?
La Présidente (Mme Thériault) :
Une minute.
Mme David : Une minute? Ah!
bien, je n'ai pas le temps de vous parler de... Je vais vous dire de quoi je
n'ai pas le temps de vous parler, c'est du six mois — probablement
que ma collègue va peut-être aborder ça — du six mois d'intégration,
parce que vous dites que ce n'est pas assez, puis vous êtes immensément
francophones, alors imaginez d'intégrer en six mois dans du immensément
multilingue montréalocentré. C'était ça, ma question, mais je lance la perche.
La Présidente (Mme Thériault) :
Bien, vous avez 45 secondes pour commencer à y répondre.
M. Soucy (Yvon) :
Bien, écoutez, six mois, effectivement, on trouve que c'est court. J'ai vérifié
avec les gens chez nous aussi, là, qui sont sur le terrain, puis qu'ils
trouvent, effectivement, que c'était court.
Mme David : Même s'il
apprend le français par osmose, parce qu'il ne peut pas ne pas parler français.
Tout est français dans vos régions.
M. Soucy (Yvon) :
Non, mais, comme je vous dis, on fait des efforts. Bien, souvent, il y a des
gens, également, qui parlent leur langue. Je pense qu'on met tout en pratique,
là, pour que ça... faciliter leur venue puis, surtout, le fait qu'ils restent,
là.
Mme David : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, Mme la députée de Mercier, vous avez le dernier bloc.
Mme Ghazal : Merci,
Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. J'ai beaucoup
aimé la façon dont vous parlez de l'intégration des immigrants en région, puis
vous avez dit que vous avez appris des erreurs du <passé, où...
Mme David : ...Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, Mme la députée de Mercier, vous avez le dernier bloc.
Mme Ghazal : Merci,
Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. J'ai beaucoup
aimé la façon dont vous parlez de l'intégration des immigrants en région, puis
vous avez dit que vous avez appris des erreurs du >passé, où la
perception, c'est qu'on va chercher de la main-d'oeuvre de l'étranger pour
combler un poste, et là tout va bien aller, les gens ont un travail, c'est
l'essentiel, puis ils vont rester dans la région à jamais. Et vous vous êtes
rendu compte que ce n'est pas comme ça que ça se passe. Les gens, ils ont
besoin, comme vous le dites, d'avoir un milieu de vie qui soit accueillant, qui
soit enrichissant, pour eux et leur famille, donc il faut mettre beaucoup plus
de choses en place que simplement un emploi. Donc, vous avez une vision qui est
non utilitaire seulement pour l'emploi de l'immigration, et j'aime beaucoup ça
vous l'entendre dire. J'espère que tout le monde écoute.
Par rapport... Bien, je vais revenir
encore sur le six mois. Puis ma question... C'est ça, vous dites que ce
n'est pas suffisant, vous n'êtes pas le seul à l'avoir dit. Mais il y en a qui
nous disent : Bien, décidez d'une période suffisante pour que les gens
aient appris le français, et tout ça. Et vous, ce que vous dites, c'est un an,
vous avez choisi un an. Pourquoi un an? Pourquoi pas deux ans? Pourquoi pas
trois? Est-ce qu'il y a une raison où vous avez dit : Bien, le
gouvernement propose six mois, mettons donc un an? Est-ce qu'il y a une
raison ou c'est plus arbitraire?
M. Lepage (Sylvain) : Non,
bien, ce n'est pas arbitraire. Je dirais qu'on partage l'opinion du
gouvernement à l'effet que toute bonne chose a une fin. On souhaite accueillir
les gens, on souhaite leur donner un délai raisonnable, mais on pense que,
quand ça fait une année que tu habites dans une communauté purement
francophone, il y a de fortes chances que tu sois en mesure de t'exprimer, tu
sais, d'avoir des connaissances linguistiques minimales pour fonctionner dans
une société francophone puis avoir accès à des services.
Alors, évidemment, on pourrait faire un
grand débat, à savoir c'est-tu trois ans, c'est-tu deux ans, mais, en
même temps, on comprend la volonté du gouvernement de dire : Écoutez, ça
ne peut pas durer éternellement, là, il faut qu'il y ait une fin claire. Alors,
on se dit qu'une année complète de transition, ça nous semble raisonnable, là.
Mme Ghazal : Puis vous
communiquez, que ce soient les communications écrites, orales, comme... en ce
moment, par exemple, quand ce n'est pas en français, c'est en anglais? C'est ça
que vous faites? Il n'y a pas de... Vous n'avez pas des gens qui vont venir
parler... C'est quoi, l'expérience? Peut-être qu'elle est diversifiée,
dépendamment de la municipalité.
M. Lepage (Sylvain) : Bien, je
vous dirais, tout dépend des réalités de chaque municipalité, là. Donc, je n'ai,
malheureusement, pas la réponse, mais je pense que c'est variable d'une
municipalité à l'autre, là, selon la situation, là.
Mme Ghazal : Donc, pas
nécessairement en anglais. Ça peut être... on a des services d'interprètes pour
parler la langue maternelle, comme en espagnol, et tout ça, pour les gens.
M. Lepage (Sylvain) : Oui.
Mme Ghazal : O.K. Puis il y
avait l'UMQ qui avait parlé, dans son mémoire... puis, quand ils sont venus
présenter ça, ils avaient des inquiétudes, pour les contrats pour des projets
d'infrastructure, que ça s'arrête, parce qu'ils ne répondraient pas à des
dispositions du projet de loi, et ils voulaient avoir des clarifications, parce
qu'ils <avaient des...
Mme Ghazal : ...l'UMQ qui
avait parlé, dans son mémoire... puis, quand ils sont venus présenter ça, ils
avaient des inquiétudes, pour les contrats pour des projets d'infrastructure,
que ça s'arrête, parce qu'ils ne répondraient pas à des dispositions du
projet
de loi, et ils voulaient avoir des clarifications, parce qu'ils >avaient
des inquiétudes pour des... Est-ce que vous, vous avez la même inquiétude? Est-ce
que c'est quelque chose que vous avez regardé ou vous...
M. Lepage (Sylvain) : Oui,
bien, on est assez familiers avec ça. Nous, on transige, à la FQM, avec des
assureurs internationaux, parce qu'on gère aussi un programme d'assurances de
dommages, et, évidemment, comme c'est des assureurs internationaux, il y a des
règles claires, déjà, dans la charte de la langue, puis on est satisfaits des dispositions
qu'on a trouvées. Actuellement, ça ne nous semble pas vraiment porter à des
grandes questions, là, à ce niveau-là.
Mme Ghazal : Très bien, merci.
Je ne sais pas si vous vouliez ajouter quelque chose? J'ai encore deux... Mon
Dieu! je suis vraiment... D'habitude, j'ai à peine trois minutes. Mais, à la
fin, vous dites : Il faut du temps, il faut nous laisser le temps, nous
accompagner, une période suffisamment longue. Ça veut dire quoi, par exemple? Est-ce
qu'il y a des choses dans la loi où vous trouvez que c'est trop rapide, ça
arrive trop vite ou c'est juste : ce serait bien de nous laisser le temps?
Est-ce que vous avez quelque chose de plus précis par rapport à ça?
M. Lepage (Sylvain) : Bien, essentiellement,
ce qu'on souhaite, là... puis, actuellement, le gouvernement, en toute
honnêteté, nous a donné un bon coup de main au niveau de l'immigration, mais ce
qu'on souhaite vraiment, c'est qu'il y ait un coup de barre important, de façon
à faire en sorte que l'immigration finisse par arriver véritablement en région.
La perception des régions, quant à moi... puis mon patron, qui est là, peut me
corriger, mais ce que moi, j'entends, c'est que, malgré toute la bonne volonté,
puis, peu importe ce qu'on se fait dire depuis 25 ans, les gens finissent
à Montréal, tu sais. Alors, ce qu'on souhaite, c'est un coup de barre important
pour que, vraiment, en région, on sente une différence au niveau de l'arrivée
de l'immigration. Et on pense qu'à partir de ce moment-là la francisation va se
faire beaucoup plus facilement, pour des raisons géographiques et
socioculturelles évidentes, là.
Mme Ghazal : C'est ça. Donc,
la régionalisation de l'immigration est un échec, il faut quand même dire les
choses.
M. Lepage (Sylvain) : Bien, je
n'oserais pas dire un échec.
Mme Ghazal : Mais il y a des
bonnes choses, quand même, qui se font, là, comme vous en avez parlé. Puis ça
prendrait plus, comme un coup de barre et une volonté.
M. Lepage (Sylvain) : Bien, il
y a beaucoup... M. Soucy en a parlé, là, la présence d'agents au niveau de
l'immigration, dans les MRC, c'est une décision gouvernementale, c'est financé,
à ma connaissance, par le gouvernement. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut
continuer dans cette voie-là et aller encore plus loin, de façon à ce qu'effectivement
les régions accueillent davantage d'immigrants.
Mme Ghazal : Très bien. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. Lepage et M. Soucy, de votre passage en commission parlementaire.
Donc, la commission ajourne ses travaux
jusqu'au jeudi 7 octobre, après les affaires courantes.
(Fin de la séance à 18 h 18)