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Version préliminaire

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mardi 5 octobre 2021 - Vol. 45 N° 99

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français


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Intervenants par tranches d'heure

  • 9 h 30

    • Thériault, Lise
    • Jolin-Barrette, Simon
  • 10 h

    • Jolin-Barrette, Simon
    • Thériault, Lise
    • Lévesque, Mathieu
    • David, Hélène
    • Ghazal, Ruba
    • Bérubé, Pascal
  • 10 h 30

    • Bérubé, Pascal
    • Thériault, Lise
    • Jolin-Barrette, Simon
  • 11 h

    • Jolin-Barrette, Simon
    • Thériault, Lise
    • Skeete, Christopher
    • David, Hélène
    • Ghazal, Ruba
    • Bérubé, Pascal
  • 11 h 30

    • Thériault, Lise
    • Jolin-Barrette, Simon
    • Chassin, Youri
  • 12 h

    • Thériault, Lise
    • Chassin, Youri
    • David, Hélène
    • Ghazal, Ruba
    • Bérubé, Pascal
  • 15 h 30

    • Thériault, Lise
    • Jolin-Barrette, Simon
  • 16 h

    • Jolin-Barrette, Simon
    • Thériault, Lise
    • Lévesque, Mathieu
    • David, Hélène
    • Ghazal, Ruba
    • Bérubé, Pascal
  • 16 h 30

    • Thériault, Lise
    • Jolin-Barrette, Simon
    • Skeete, Christopher
    • David, Hélène
  • 17 h

    • David, Hélène
    • Thériault, Lise
    • Ghazal, Ruba
    • Bérubé, Pascal
    • Jolin-Barrette, Simon
  • 17 h 30

    • Jolin-Barrette, Simon
    • Thériault, Lise
    • Lévesque, Mathieu
    • David, Hélène
    • Ghazal, Ruba
  • 18 h

    • Ghazal, Ruba
    • Thériault, Lise
    • Bérubé, Pascal
    • Jolin-Barrette, Simon
  • 18 h 30

    • Jolin-Barrette, Simon
    • Thériault, Lise
    • David, Hélène
    • Lemieux, Louis
    • Ghazal, Ruba
    • Bérubé, Pascal

 

Journal des débats

9 h 30 (version révisée)

(Neuf heures quarante-sept minutes)

La Présidente (Mme Thériault) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme IsaBelle (Huntingdon) sera remplacée par M. Lévesque (Chapleau); Mme Rizqy (Saint-Laurent) par M. Barrette (La Pinière); Mme St-Pierre (Acadie) par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau) par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon (Joliette) par M. Bérubé (Matane-Matapédia).

La Présidente (Mme Thériault) : Parfait, merci. Donc, cet avant-midi, nous entendrons la Fédération des cégeps, M. Daniel Turp, qui est professeur émérite de l'Université de Montréal, et la Fédération des chambres de commerce du Québec. Donc, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération des cégeps, M. Bernard <Tremblay...

La Présidente (Mme Thériault) : ... Parfait, merci. Donc, cet avant-midi, nous entendrons la Fédération des cégeps, M. Daniel Turp, qui est professeur émérite de l' Université de Montréal, et la Fédération des chambres de commerce du Québec. Donc, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération des cégeps, M. Bernard >Tremblay et M. Sylvain Lambert. Donc, bienvenue à l'Assemblée nationale.

Vous connaissez nos règles, vous êtes des habitués, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, par la suite, il y aura des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.

M. Tremblay (Bernard) : Merci, Mme la Présidente. Mmes, MM., donc, les députés, bonjour. Je suis Bernard Tremblay, président directeur de la Fédération des cégeps. Je suis accompagné de M. Sylvain Lambert, qui est le président de notre conseil des directions générales et directeur général du cégep Édouard-Montpetit. Je tiens évidemment, tout d'abord, à vous remercier de nous avoir invités, et nous sommes ici, vous l'aurez compris, pour vous présenter le point de vue des 48 collèges publics du Québec, les cégeps.

D'entrée de jeu, je mentionne nos principales préoccupations, j'y reviendrai, mais pour être sûr de me pas manquer de temps, j'insiste sur le fait que nous adhérons au projet de loi n° 96, qui prévoit une évolution coordonnée du développement des collèges francophones et anglophones. Toutefois, nous sommes inquiets de l'effet de certaines mesures proposées et nous souhaitons que ces mesures puissent être révisées dans un délai de trois à cinq ans. De même, nous croyons que le projet de loi devrait comporter un pouvoir particulier permettant au ministre de l'Enseignement supérieur d'adopter des mesures d'exception au besoin. Nous sommes aussi inquiets des pouvoirs concurrents des ministres de la Langue et de l'Enseignement supérieur. Finalement, nous nous opposons à l'introduction d'une deuxième épreuve de langue pour certains étudiants du réseau collégial.

Maintenant, avant d'y aller avec nos recommandations, je me permettrai quelques remarques générales. D'abord, il faut rappeler que les 48 cégeps évoluent dans des réalités régionales différentes, ce qui peut les amener à présenter la même pluralité d'opinions sur la question de la langue que l'ensemble de la population québécoise. En tant que membres d'un réseau, les cégeps ont donc recherché les zones de consensus afin de s'exprimer de manière solidaire sur le projet de loi n° 96.

• (9 h 50) •

Le réseau collégial public se sent concerné au premier chef par les questions linguistiques. Il reconnaît que le français est toujours menacé, au Québec, et que sa situation exige une vigilance constante. Comme ils sont bien ancrés dans leurs milieux, les cégeps remarquent aussi que les préoccupations liées à la continuité du fait français au Québec se manifestent de façon particulière sur l'île de Montréal. Il faut cependant réitérer que tous les cégeps, anglophones et francophones, sont engagés dans les efforts visant à assurer la vitalité de la langue commune et la qualité de la langue écrite et parlée par les personnes qu'ils forment.

Sur l'essence même du projet de loi, vous ne serez pas surpris de nous entendre exprimer notre soulagement de voir le gouvernement maintenir le libre-choix comme principe général en matière d'enseignement supérieur. Il faut parfois encore le rappeler, les cégeps font partie de l'enseignement supérieur. Nous l'avons répété au fil des ans, les cégeps ne font pas partie des menaces au rayonnement de la culture québécoise et à la vitalité de la langue officielle du Québec.

À cet égard, nous croyons qu'au-delà du projet de loi certaines questions se posent. Quelles sont les motivations qui poussent une certaine partie de la jeunesse dont l'anglais n'est pas la langue maternelle à vouloir poursuivre ses études en anglais? Quels sont les éléments qui assureraient auprès des jeunes le prestige du français? Comment favoriser le développement de milieux inclusifs et attractifs pour les Québécoises et les Québécois de toute origine où ils pourront développer leur goût pour le <français et la...

M. Tremblay (Bernard) : ... les motivations qui poussent une certaine partie de la jeunesse dont l'anglais n'est pas la langue maternelle à vouloir poursuivre ses études en anglais? Quels sont les éléments qui assureraient auprès des jeunes le prestige du français? Comment favoriser le développement de milieux inclusifs et attractifs pour les Québécoises et les Québécois de toute origine où ils pourront développer leur goût pour le >français et la culture québécoise? À ce sujet, je vous invite à visionner le documentaire Les Québécois de la loi 101, diffusé sur RDI il y a quelques années. Il permet de pousser plus loin, selon nous, notre réflexion collective.

Je voudrais maintenant commenter, donc, certaines mesures du projet de loi, en commençant par la création du ministère de la Langue française. Si nous saluons le geste symbolique que représente la création de ce ministère, nous sommes inquiets de le voir partager autant de responsabilités avec le ministère de l'Enseignement supérieur. Même si notre réseau a fréquemment démontré son agilité, l'ajout constant de mesures ministérielles d'autorisation et de contrôle engendre déjà des délais et des retards dans la réponse des cégeps aux besoins de la société. Il sera impossible au réseau collégial de maintenir son agilité en devant attendre la concertation de deux ministères, qui, parfois, se traduit par Les 12 travaux d'Astérix, vous savez à quoi je fais référence. C'est pourquoi nous recommandons que les responsabilités du ministère de la Langue française, dans le domaine de l'enseignement supérieur, se limitent à la formulation de recommandations.

Par ailleurs, le projet de loi met de l'avant des balises au développement futur de la fréquentation des cégeps anglophones pour assurer un développement mieux coordonné du réseau collégial. C'est une approche que nous appuyons. Les cégeps anglophones eux-mêmes ne s'opposent pas à la détermination de l'encadrement de leur effectif. Ce qui soulève des questions, c'est la mécanique qui sous-tend la mise en oeuvre de ce principe.

En lien avec la détermination des effectifs, par exemple, il est important de se rappeler que la gestion du nombre d'étudiantes et d'étudiants qui fréquentent un collège ne relève pas d'une science exacte. Elle est influencée par de nombreux facteurs comme le cheminement et la poursuite des études par les étudiantes et étudiants des années précédentes. Avec leurs 133 programmes techniques et leurs neuf parcours préuniversitaires, les cégeps doivent préparer leur rentrée de l'automne dès l'hiver précédent en fonction d'un processus qui est complexe. C'est pourquoi nous recommandons de prévoir que l'exercice de détermination des effectifs totaux particuliers se déroule sur une base pluriannuelle et non tous les ans, comme le prévoit le projet de loi, et que les établissements soient informés au moins une année scolaire complète à l'avance de tout changement à leur effectif total particulier.     En raison de la complexité de la gestion des admissions, également, il nous apparaît judicieux de prévoir un processus de révision des balises prévues dans le projet de loi pour les analyser en fonction du comportement réel de la population étudiante. Il faut notamment prendre en considération la diversité des réalités linguistiques régionales sur notre territoire. Les cégeps anglophones de l'extérieur de Montréal présentent un profil bien différent de celui des collègues, donc, de la métropole, par exemple. Nous recommandons donc que le projet de loi prévoie un examen des dispositions législatives prévues à l'éventuel article 88.0.4 de la Charte de la langue française par la commission parlementaire de l'Assemblée nationale compétente en la matière entre trois et cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi.

M. Lambert (Sylvain) : Je prends la suite. Par ailleurs, dès le moment où on balise le développement des effectifs des cégeps anglophones, la question de la répartition des effectifs entre les cégeps anglophones et les <établissements...

M. Tremblay (Bernard) : ... de la Charte de la langue française par la commission parlementaire de l'Assemblée nationale compétente en la matière entre trois et cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi.

M. Lambert (Sylvain) : Je prends la suite. Par ailleurs, dès le moment où on balise le développement des effectifs des cégeps anglophones, la question de la répartition des effectifs entre les cégeps anglophones et les >établissements anglophones privés agréés aux fins de subvention devient centrale. Pour éviter que la loi vienne rompre le fragile équilibre entre le privé et le public, nous recommandons de donner préséance aux établissements publics et de préciser que la proportion des effectifs totaux particuliers des établissements anglophones privés agréés aux fins de subvention sur l'ensemble des effectifs totaux particuliers de tous les établissements anglophones ne doit pas excéder la proportion qu'elle représentait à l'automne 2019.

Il faut aussi faire en sorte que les cégeps francophones déjà autorisés à offrir certains programmes en anglais puissent continuer de le faire bien évidemment, tout comme on doit conserver la capacité d'adapter l'offre des cégeps francophones à la situation précise d'un programme ou des besoins de main-d'oeuvre dans un secteur particulier.

En cas de dépassement de l'effectif déterminé, le projet de loi prévoit par ailleurs des conséquences sur le montant des subventions allouées dans le cas de l'effectif des établissements anglophones et de l'effectif d'étudiantes et d'étudiants se voyant offrir de l'enseignement en anglais dans les établissements francophones. En raison, encore une fois, de la complexité de la gestion des admissions, nous pensons qu'une marge de manoeuvre doit être prévue en basant les mécanismes des conséquences financières sur une moyenne pluriannuelle, par exemple.

Nous croyons aussi que la responsabilité de recommander un règlement qui établit le montant à retrancher de la subvention des établissements, disons, fautifs donnée au ministère de la Langue française doit être précédée d'une concertation avec le ministère de l'Enseignement supérieur et les établissements eux-mêmes. Ce règlement pourrait faire en sorte qu'un cégep en arrive à refuser des étudiantes et des étudiants dans des domaines en forte demande en contexte de pénurie de main-d'oeuvre. Nous suggérons donc que le projet de loi prévoie un pouvoir discrétionnaire pour le ministre de l'Enseignement supérieur dans les cas où un collège devrait refuser un nombre restreint d'étudiantes et d'étudiants dans un programme répondant à d'importants besoins de main-d'oeuvre.

Par ailleurs, nous nous opposons aux dispositions du projet de loi qui prévoient l'inscription dans la Charte de la langue française de l'obligation pour certains étudiants de cégep à se soumettre à une épreuve destinée à évaluer sa connaissance du français. Imposer deux épreuves à une partie de la population étudiante est à nos yeux inéquitable. Même si nous jugeons essentiels le maintien et le développement des compétences en français pour les étudiants qui fréquentent un établissement anglophone, cette approche nous semble inadéquate. Ce n'est pas la voie à suivre pour nous. Nous souhaitons donc que cette mesure soit retirée du projet de loi.

Enfin, puisqu'il est question de l'épreuve uniforme de français, nous recommandons la mise sur pied d'un chantier avec le ministère de l'Enseignement supérieur pour revoir l'intention et la nature de cette épreuve.

En terminant, la Fédération des cégeps tient à souligner qu'elle croit au rôle stratégique des cégeps pour assurer la promotion de la culture québécoise et de la langue française. Une vaste campagne d'activités culturelles réalisée tant dans les cégeps francophones qu'anglophones serait de nature à susciter cette adhésion essentielle des jeunes à ce qui distingue la nation québécoise, et contribuerait à assurer la vitalité du français au Québec, et à promouvoir sa culture riche et unique. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci beaucoup pour votre présentation. Donc, sans plus tarder, nous allons aller avec les <échanges avec le...

M. Lambert (Sylvain) : ... à susciter cette adhésion essentielle des jeunes à ce qui distingue la nation québécoise, et contribuerait à assurer la vitalité du français au Québec, et à promouvoir sa culture riche et unique. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci beaucoup pour votre présentation. Donc, sans plus tarder, nous allons aller avec les >échanges avec le ministre. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Bon début de semaine. M. Tremblay, M. Lambert, bonjour. Merci d'être présents en commission parlementaire.

Écoutez, d'entrée de jeu, à la lecture de votre mémoire, je peux constater que la Fédération des cégeps est d'accord qu'il y a un enjeu avec la langue française au Québec et qu'il y a nécessité pour tous les acteurs de la société de mettre davantage de l'avant des mesures qui vont promouvoir, protéger la langue française incluant le réseau collégial. Dans le fond, le réseau collégial public est parti de la solution.

M. Tremblay (Bernard) : Oui. Je pense que ce qu'on salue, c'est d'abord le fait que le projet de loi couvre différents secteurs d'activité. Il y a eu beaucoup de débats autour des cégeps, effectivement, mais je pense que, parfois, c'est l'arbre qui cache la forêt. Et derrière ça, évidemment, il faut se rendre compte qu'il y a des enjeux surtout dans le contexte du marché du travail, il y a des enjeux par rapport à nos institutions, il y a des enjeux, oui, aussi par rapport à la langue d'enseignement, mais que c'est vraiment une multitude d'actions qui vont permettre de réaliser l'objectif d'assurer la vitalité du français.

M. Jolin-Barrette : Dans le projet de loi n° 96, ce qu'on propose, c'est notamment un plafonnement, dans le fond, des places dans le réseau collégial actuel dans le secteur anglophone avec une limitation de la croissance également du réseau collégial anglophone. Donc, est-ce que la Fédération des cégeps est d'accord avec cette proposition-là?

M. Tremblay (Bernard) : La fédération est d'accord avec l'idée qu'il y a un développement coordonné des cégeps. On le fait déjà de façon générale pour les 48 établissements. Vous savez, c'est un réseau qui travaille vraiment en collégialité, c'est le cas de le dire. Et donc on a déjà ce souci-là. Présentement, vous voyez, on se prépare à l'arrivée d'un nombre important d'étudiants au Québec. Ces étudiants-là ne seront pas répartis dans l'ensemble du territoire, mais on travaille de façon concertée pour voir comment notre réseau peut se développer de façon intelligente.

Et donc face à l'enjeu de la vitalité du français, que cette approche-là puisse être aussi appliquée dans une coordination des cégeps, du développement des cégeps anglophones et francophones. Effectivement, on est d'accord avec le principe, mais on a un souci plus dans la mécanique, comme on le dit dans notre mémoire.

M. Jolin-Barrette : Mais est-ce que je dois déduire de vos propos que, depuis 1995, dans le fond, il n'y a pas eu de développement coordonné, dans le fond, du développement des cégeps du côté anglophone versus le côté francophone? Parce qu'on voit depuis 1995 que la courbe s'accélère au niveau des places dans les établissements collégiaux anglophones et la grande popularité de ceux-ci, notamment, chez les francophones, et notamment, chez les allophones pour les études aussi.

• (10 heures) •

M. Tremblay (Bernard) : Bien, moi, je vous dirais, surtout, les cégeps sont le reflet du contexte et du contexte social dans lequel ils vivent. Moi, je me rappelle qu'il n'y a pas si longtemps qu'on reprochait l'Université McGill de ne pas accueillir assez d'étudiants québécois. Bien, le jour où on met de la pression sur McGill pour diminuer son acceptation d'étudiants internationaux et d'augmenter sa part d'étudiants québécois...


 
 

10 h (version révisée)

M. Tremblay (Bernard) : ...du contexte et du contexte social dans lequel elles vivent. Moi, je me rappelle, il n'y a pas si longtemps, qu'on reprochait à l'Université McGill de ne pas accueillir assez d'étudiants québécois. Bien, le jour où on met de la pression sur McGill pour diminuer son acceptation d'étudiants internationaux et d'augmenter sa part d'étudiant québécois, bien, il faut se poser la question : Quel effet ça a sur les cégeps? Alors, à cette époque-là, ça ne semblait pas être un problème, et donc effectivement, le prisme dans le développement du réseau, il n'était pas dans une dualité francophone-anglophone. Aujourd'hui, on prend conscience que ça a un impact et qu'il y a une inquiétude à avoir. Et, moi, je répète que, cette inquiétude-là, on devrait surtout l'avoir en lien avec une adhésion, je dirais, à la culture québécoise, hein?

Vous avez reçu Guy Rocher, il n'y a pas longtemps. On a des conversations assez régulièrement avec M. Rocher évidemment, et il rappelle que, la protection du français, c'est évidemment un vecteur pour protéger notre culture, et à mon avis il y a un enjeu qui est beaucoup plus large donc que simplement la langue d'enseignement.

M. Jolin-Barrette : Mais donc M. Rocher disait également, premièrement, que c'était une erreur, en 77, de ne pas avoir étendu la loi 101 aux cégeps. Mais, deuxièmement, également, il y a eu plusieurs intervenants qui sont venus puis ils ont dit : Mais, écoutez, quand vous êtes rendus à l'âge d'étudier au cégep, au collégial, donc 16... pardon, 17, 18, 19, 20 — il y en a qui font un doctorat au cégep puis ça se poursuit dans la vingtaine aussi — bien, c'est là qu'on vient t'imprégner de la culture. Donc, le fait d'étudier en français, ça va avoir un effet également culturel. Et notamment lorsqu'on parle des personnes allophones, des nouveaux arrivants, le fait d'étudier au collégial en français, ça va être le temps d'avoir une adhésion à la culture québécoise qui se distingue notamment par sa langue officielle. Donc, le fait de baigner dans un environnement francophone, ça a une portée culturelle aussi.

M. Tremblay (Bernard) : Oui, tout à fait, M.. Et ça, je pense que ce... comment dire, ce propos-là, il se vaut évidemment, et ce n'est pas pour rien qu'on a un débat au Québec présentement. Mais, nous, on est profondément convaincus qu'à 16, 17, 18, 19 ans, comme vous le dites, ce qui est le plus important, c'est de générer un sentiment d'appartenance, un intérêt pour la culture québécoise, et ça, ça ne vient pas simplement avec le fait d'être étudiant dans un cégep francophone, ça vient avec des mesures plus profondes, ça vient avec un accès à la culture. C'est pour ça que, nous, on propose au-delà du projet de loi. On pense qu'on a une opportunité en or, au Québec, de miser sur... avec en plus une pandémie qui se termine, qui a été très dure pour le milieu culturel, miser sur les lieux de diffusion que sont les cégeps pour faire en sorte que nos étudiants francophones et anglophones et allophones baignent dans la culture québécoise et qu'ils aient donc peut-être un plus grand intérêt à poursuivre cet intérêt-là ou cette connaissance-là, je dirais, de la culture québécoise. À défaut de quoi, le simple fait de leur demander d'étudier en français ne générera pas moins d'intérêt pour Netflix et pour Facebook.

M. Jolin-Barrette : O.K. Une question sur les cégeps publics que vous représentez. À la page 12 de votre mémoire, là, vous dites que les cégeps devraient avoir préséance sur les collèges privés subventionnés dans la répartition des <places...

M. Tremblay (Bernard) : ... de leur demander d'étudier en français ne générera pas moins d'intérêt pour Netflix et pour Facebook.

M. Jolin-Barrette : O.K. Une question sur les cégeps publics que vous représentez. À la page 12 de votre mémoire, là, vous dites que les cégeps devraient avoir préséance sur les collèges privés subventionnés dans la répartition des >places. Donc, pour illustrer, exemple, dans le réseau collégial anglophone, là : vous avez Dawson qui est 100 % public, 100 % de financement public, vous avez Marianapolis, de l'autre côté, qui est privé subventionné à hauteur, je pense, de 60 %. Donc, ce que vous proposez, dans le fond, c'est dans le cadre de la répartition des places s'il y avait des places à répartir du niveau collégial anglophone, vous diriez : Bien, il faut les envoyer à Dawson prioritairement avant de les envoyer à Marianapolis.

M. Tremblay (Bernard) : Écoutez, vous prenez deux établissements en particulier. Je dirais dans une réflexion où on n'aura pas le choix de coordonner donc les places dans les collèges francophones et les collèges anglophones, que dans le cadre de la répartition entre les collèges anglophones, on ait le souci de privilégier le réseau public nous semble essentiel. C'est quand même particulier, hein, au Québec, il faut se le dire, d'avoir trois réseaux d'éducation, là : un réseau public, un réseau que vous qualifiez de privé, mais qu'on pourrait qualifier de semi-public et un réseau entièrement privé non subventionné. Pour un petit État comme le nôtre, il y a une charge et il y a des conséquences à avoir une multitude de réseaux d'éducation, c'est la même chose au primaire, secondaire. Et donc, nous, c'est sûr qu'on vous dit on doit prioriser le réseau public, là, pour la suite des choses.

M. Lambert (Sylvain) : ...au fond, le privé subventionné n'est pas soumis à des devis, là, donc, ce qui n'est pas le cas pour tout le réseau public. Donc, il y a déjà là une iniquité qui est historique, là, mais je pense qu'il y a quelque chose qu'on peut peut-être régler là, dans le cadre de la loi actuelle.

M. Jolin-Barrette : O.K., donc, ça signifie qu'un semi-privé peut grossir de la façon dont il veut.

M. Lambert (Sylvain) : Avec les règles actuelles, oui.

M. Jolin-Barrette : Avec les règles du projet de loi n° 96, il va être assujetti.

M. Lambert (Sylvain) : Bien, c'est ce que j'en comprends.

M. Jolin-Barrette : Oui. Donc, les seuls qui ne sont pas assujettis, c'est les privés privés au niveau collégial.

M. Lambert (Sylvain) : Exact.

M. Jolin-Barrette : Est-ce que la Fédération des cégeps considère que les privés privés devraient être assujettis au projet de loi n° 96?

M. Tremblay (Bernard) : La fédération pense qu'on est mûr pour une réflexion sur l'ensemble de l'offre de formation collégiale, et ça inclut les privés non subventionnés, donc d'être capable de revoir les règles auxquelles chacun des réseaux y sont soumis et s'assurer évidemment qu'on regarde l'avenir avec un développement, encore une fois, coordonné.

M. Jolin-Barrette : Sur la question, là, du rôle du ministère de la Langue française, vous dites, sous réserve, là, ça se peut que ça soit moi, le ministre de la Langue française, vous dites : Bien, écoutez, à plusieurs endroits, il y a une opération conjointe entre le ministère de l'Éducation supérieure, de la Recherche, de l'Innovation, des Études supérieures et le ministère de la Langue française. Puis là, vous dites : Attention, il ne faut pas que le ministre de la Langue française se mêle et ça devrait juste être des recommandations, tout ça. Là, vous amenez des arguments de lourdeur administrative, tout ça. Moi, je vous dirais, quand je regarde ça puis quand on a construit le projet de loi, si <on est...

M. Jolin-Barrette : ... et le ministère de la Langue française. Puis là, vous dites : Attention, il ne faut pas que le ministre de la Langue française se mêle et ça devrait juste être des recommandations, tout ça. Là, vous amenez des arguments de lourdeur administrative, tout ça. Moi, je vous dirais, quand je regarde ça puis quand on a construit le projet de loi, si >on est rendu là, peut-être que le ministère de l'Enseignement supérieur n'a pas fait ce qu'il avait à faire pour protéger la langue française et peut-être qu'il n'avait pas les garde-fous nécessaires. Comment ça se fait que, dans le réseau collégial, les devis n'ont pas été respectés? Comment ça se fait que ça a explosé au fil des années? Le ministère de l'Enseignement supérieur avait la possibilité de dire : Bien, c'est le devis qui s'applique, puis je fais respecter mon devis. Mais ça n'a pas été fait.

Vous ne pensez pas opportun qu'il y ait deux ministres qui vont travailler en collaboration ensemble pour s'assurer qu'il y ait un poids et un contrepoids, notamment, si jamais il y avait augmentation du devis en matière de places en langue anglaise, que le ministre de la Langue française soit interpelé par rapport à ça?

M. Tremblay (Bernard) : Bien, pour nous, dans notre perspective, effectivement, il doit être interpelé. La question, c'est lorsqu'il y a des autorisations qui doivent être conjointes, on arrive à un niveau, je dirais, de complexité plus élevée. Alors, c'est pour ça que le fait de parler d'une recommandation, pour nous, assure cette coordination-là entre les deux ministres, sans avoir nécessairement la lourdeur administrative qui est inhérente au fait d'avoir deux ministères qui se parlent. Parce qu'il y a deux ministres, mais il y a aussi deux ministères, en conséquence, qui vont se parler.      Et on le sait d'expérience que plus on ajoute des acteurs du côté gouvernemental, plus on se retrouve avec des délais qui... Encore une fois, il faut se rappeler, on est... nous sommes des maisons d'enseignement avec des calendriers à respecter qui sont très serrés pour être en mesure d'offrir des services à la population. Et malheureusement la logique administrative gouvernementale ne tient pas compte de ces calendriers-là. Et on a beau le répéter de façon constante, cette réalité-là d'une année qui commence au mois d'août, une session qui finit en décembre, avec toutes les considérations d'organisation qui viennent avec ça, c'est immatériel et ça reste une vue de l'esprit pour beaucoup de fonctionnaires, et donc on est inquiets des conséquences d'une multiplication des règles administratives.

M. Jolin-Barrette : Bien, je suis d'accord avec vous, il y a sûrement des améliorations à apporter au niveau de la rapidité et de l'efficacité de l'administration publique québécoise. Mais l'objectif, dans le cadre du projet de loi, et ça, je crois que vous le partagez, c'est la protection de la langue française et surtout de faire en sorte que la langue normale des études demeure le français et soit, à l'avenir, également, le français.

Alors, l'expérience nous a démontré que peut-être qu'il y avait certains enjeux au ministère de l'Enseignement supérieur. Et donc, moi, je trouve que c'est prudent, sur un point de vue gouvernemental, d'impliquer le ministre de la Langue française, parce que la réalité, et les chiffres le démontrent, c'est qu'au ministère de l'Enseignement supérieur il y a eu des enjeux au cours des dernières années, et ça n'a pas été contrôlé. Puis je comprends, pour les clientèles qui font affaire avec leur ministère propre, c'est beaucoup plus simple de faire affaire avec la clientèle, <directement. Mais...

M. Jolin-Barrette : ... parce que la réalité, et les chiffres le démontrent, c'est qu'au ministère de l'Enseignement supérieur il y a eu des enjeux au cours des dernières années, et ça n'a pas été contrôlé. Puis je comprends, pour les clientèles qui font affaire avec leur ministère propre, c'est beaucoup plus simple de faire affaire avec la clientèle, >directement, mais j'émettrais un bémol, puis je vous exprimerais mon désaccord avec ce que vous proposez, parce qu'il m'apparaît fondamental qu'en termes d'exemplarité de l'État, le ministre de la Langue française, le ministère Langue française soient impliqués. Parce que c'est ça, dans le fond, tout le monde dit : Ce n'est pas moi, c'est l'autre qui va s'en occuper de l'exemplarité de l'État, ce n'est pas moi, c'est... tu sais... vous savez?

• (10 h 10) •

Puis l'État québécois au sens large, ça inclut plusieurs choses, ça inclut les ministères, les organismes, les hôpitaux, ça inclut les établissements d'enseignement, ça inclut les municipalités. Puis tous les pouvoirs de l'État aussi doivent être incarnés puis donner l'exemple : la justice, les pouvoirs régaliens, tout ça. Alors, tout ça doit être pris en compte pour faire en sorte que tout le monde pousse dans la même direction. Mais c'est une responsabilité qui est collective, et pour ça, comme société, on doit se donner des garde-fous, parce que malheureusement il arrive à certains moments où il y a des choses qui se passent puis que le déclin du français va toujours être un sujet très, très sensible et on doit toujours être vigilants.

Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous avez dit dans une entrevue, M. Tremblay, que j'ai des témoignages de directions générales de cégeps anglophones qui me disent : «Le français des anglophones qui ont fréquenté des commissions scolaires anglophones au Québec est épouvantable. Ils ne parlent pas français ou à peu près pas.» Qu'est-ce que ça nous dit sur le niveau d'enseignement du français dans nos institutions publiques anglophones?

M. Tremblay (Bernard) : Vous posez la question, j'ai le goût presque de vous la retourner en disant : Je pense qu'il y a un enjeu, effectivement. Et, vous savez, moi, je suis toujours — peut-être que là je ne l'ai pas été assez — prudent sur le fait de donner l'impression que je fais porter le blâme sur d'autres, mais je pense que notre système d'éducation, hein, il débute à la petite enfance puis il se termine au postdoctorat et qu'on forme un tout, et qu'on est des acteurs, les cégeps, à travers ce grand ensemble, et qu'effectivement, sans donner l'impression qu'on veut faire porter le blâme sur d'autres, qu'il faut que d'autres aussi se questionnent sur le rôle qu'ils exercent dans le système d'éducation, que ce soit par rapport à l'apprentissage du français ou l'apprentissage... comme langue seconde ou comme langue principale.

Alors, je veux faire attention, comme je disais, pour ne pas avoir l'air de dire : Bien, c'est de leur faute, ou : Que d'autres s'en occupent, mais en même temps, on ne peut pas non plus être les seuls à s'en occuper. Quand on entend ces témoignages-là, bien, on se dit : Il y a certainement un effort à faire. Le projet de loi quand même ouvre la porte à donner des services, bon, aux anglophones pour qu'ils acquièrent un meilleur français. Je pense que c'est un geste qui est très positif et je pense que c'est un petit peu un angle mort qu'on a eu au Québec en tenant pour acquis que, bien, évidemment, les anglophones, à partir de moment où la société est surtout française, bien, vont se bilinguiser. Je pense qu'ils le sont beaucoup, mais visiblement, il y a encore peut-être, là, des efforts à faire avec certains d'entre eux.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Je vous remercie pour votre passage en commission <parlementaire...

M. Tremblay (Bernard) : ... que c'est un petit peu un angle mort qu'on a eu au Québec en tenant pour acquis que, bien, évidemment, les anglophones, à partir de moment où la société est surtout française, bien, vont se bilinguiser. Je pense qu'ils le sont beaucoup, mais visiblement, il y a encore peut-être, là, des efforts à faire avec certains d'entre eux.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Je vous remercie pour votre passage en commission >parlementaire.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Donc, ce sera M. le député de Chapleau, deux minutes.

M. Lévesque (Chapleau) : Excellent. Donc, le petit deux minutes qui me reste, Merci, M. Tremblay, M. Lambert. Bien heureux de vous voir aujourd'hui. Merci d'être là pour votre présentation.

Vous avez piqué ma curiosité, d'entrée de jeu, vous nous avez posé quelques questions. J'aurais envie de vous entendre sur ces questions-là également, là. Vous avez parlé d'une réflexion collective, vous nous avez même parlé d'un certain reportage, vous avez dit : Bon, pourquoi les jeunes, certains francophones, certains allophones vont choisir justement le milieu plus anglophone? Pourquoi, dans le fond, le prestige du français? Pourquoi la culture québécoise n'attire plus ou n'attire plus autant ces jeunes-là? J'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous avez, de par votre expérience à ces questions-là, à nous dire?

M. Tremblay (Bernard) : J'ai le goût de vous dire, le documentaire auquel je fais référence met en lumière que des jeunes, donc, qui sont nés ici ou qui sont arrivés jeunes, qui ont fait leur parcours dans le réseau francophone à cause de la loi 101 demeurent un peu ambigus par rapport à leur attachement au Québec ou même ont le sentiment qui ne peuvent pas se considérer comme Québécois. Alors, je pense que c'est des questions profondes parce que...

M. Lévesque (Chapleau) : ...

M. Tremblay (Bernard) : Bien, je ne suis pas en mesure de vous répondre.

M. Lévesque (Chapleau) : O.K.

M. Tremblay (Bernard) : C'est un constat qui était fait dans le documentaire, et je pense que c'est important qu'on se pose la question. C'est une chose d'obliger un parcours, je ne dis pas qu'il faut revenir sur l'obligation du parcours au primaire, secondaire, je pense que c'est tout à fait, évidemment, adéquat, mais de simplement poursuivre cette mesure-là au cégep en pensant que ça sera... ça garantira une adhésion à la culture québécoise, je pense que là on fait fausse route, surtout à l'âge clé de 17, 18, 19 ans. Il faut plutôt créer, selon nous, un goût pour la culture québécoise.

M. Lévesque (Chapleau) : Qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus?

M. Tremblay (Bernard) : Bien, c'est pour ça que, nous, on propose qu'il y ait des... qu'on déploie une vaste campagne d'activités culturelles dans les cégeps. Les cégeps sont des lieux idéals de diffusion. On en fait, je ne dis pas qu'on n'en fait pas, mais on pourrait en faire tellement plus. Et plus les jeunes seraient en contact avec la culture québécoise, et plus peut-être que ça fera contrepoids à la culture anglo-saxonne qui est omniprésente, et qui est toute-puissante, et qui a des capacités que, nous, on n'a pas en termes de diffusion.

Une voix : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Thériault) : ...mettre fin, merci, à l'échange. Donc, sans plus tarder, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. La parole est à vous.

Mme David : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs, M. Lambert, bonjour, M. Tremblay. Sylvain Lambert est le D.G. d'un des plus gros cégeps du Québec francophone. Un fleuron, je dirais, cégep Édouard-Montpetit, pour ne pas le nommer, qui possède une école d'aérotechnique, école nationale, une des quelques rares écoles nationales dont il faut protéger la compétence et qui a des projets formidables, comme les cliniques de santé offertes au grand public. Ce sont des choses que le public ne connaît pas assez, qui sont des liens, entre autres, avec le ministère de la Santé qui sont extraordinaires. Et je me demande si vous n'avez pas, même une IPS dans <votre...

Mme David : ... il faut protéger la compétence et qui a des projets formidables, comme les cliniques de santé offertes au grand public. Ce sont des choses que le public ne connaît pas assez, qui sont des liens, entre autres, avec le ministère de la Santé qui sont extraordinaires. Et je me demande si vous n'avez pas, même une IPS dans >votre clinique, une super infirmière. Ça dit le niveau de sophistication de services aux citoyens que les cégeps offrent, dont le cégep Édouard-Montpetit en est probablement un des meilleurs exemples. Alors, je voulais souligner qu'on a des formidables cégeps, dont des énormes cégeps francophones.

Maintenant, pour aller un peu dans le sens des questions du ministre, moi, je voudrais savoir, à la page 2... vous faites d'ailleurs un beau plaidoyer pour la culture, la culture francophone, et vous dites que les collègues anglophones contribuent pleinement à la société québécoise, jouent un rôle important dans l'acquisition de compétences langagières en français. Qu'est-ce qu'on pourrait faire de mieux, de plus dans les cégeps anglophones? Nous avons déposé une proposition de donner trois cours, non pas de français, là, en français dans les cégeps anglophones. Pensons en dehors de la boîte. Est-ce que vous avez des idées en dehors de la boîte, justement, comme on dit, pour permettre aux cégeps anglophones d'intégrer plus la culture québécoise, soit anglophone et francophone?

    M. Tremblay (Bernard) : Bien, j'ai le goût de vous dire, vous savez, dans les cégeps anglophones, on fait une semaine du français. Pourquoi on se limite à une semaine du français? C'est souvent une question de moyens, hein, mais ils sont les premiers à nous dire : Mais on pourrait faire des semaines du français à toutes les semaines. Alors, on pourrait, encore une fois, utiliser les espaces de diffusion, les salles de spectacles qu'on a dans tous nos cégeps pour déployer des tournées, que ce soit de théâtre, de...

    Mme David : Je vous arrête, M. Tremblay, parce que vous êtes aussi verbal que moi.

    Des voix: Ha, ha, ha!

    Mme David : Et puis donc pourquoi pas des mesures structurantes? Je pense que savez ce que je veux dire. On va aller dans le RREC, là, on va aller dans le Règlement sur le régime d'études collégiales. Oui, vous allez me dire, c'est donc compliqué, mais vous le dites, dans votre mémoire : Il va falloir le changer, «anyway», le régime, pour l'offre en français, etc.

    M. Tremblay (Bernard) : Oui. En fait, je ne dis pas que le programme de formation est immuable, au contraire, il doit évoluer, mais cette révision-là, vous le savez, vous avez été ministre de l'Enseignement supérieur, c'est un exercice qui est exigeant, qui doit se faire de façon concertée avec les parties prenantes, avec nos organisations syndicales, parce que c'est lourd de conséquences, entre autres, au niveau de l'organisation du travail. Ça peut se faire, mais là, de simplement... dans le cadre d'un projet de loi sur la langue, de simplement traiter d'un aspect, à notre avis, il y a un risque sur l'espèce d'équilibre. Vous savez, il n'y a pas si longtemps, on a parlé d'un cours d'histoire au cégep. Tout le monde était d'accord sur le principe. Quand on a voulu l'introduire, on a réalisé la complexité de la chose.

    Mme David : Je sais que tout ça est compliqué, mais je pense que, de toute façon, pour changer l'épreuve uniforme de français dans les collèges anglophones, on va le rouvrir le régime d'études collégiales. Donc, tant qu'à le rouvrir, ce que j'entends de vous et ce que je pense qui va arriver, c'est un <vaste chantier...

    M. Tremblay (Bernard) : ... cégep. Tout le monde était d'accord sur le principe. Quand on a voulu l'introduire, on a réalisé la complexité de la chose.

Mme David : Je sais que tout ça est compliqué, mais je pense que, de toute façon, pour changer l'épreuve uniforme de français dans les collèges anglophones, on va le rouvrir le régime d'études collégiales. Donc, tant qu'à le rouvrir, ce que j'entends de vous et ce que je pense qui va arriver, c'est un >vaste chantier. Un vaste chantier que vous appelez aussi par rapport aux questions du ministre, un vaste chantier peut-être sur le rôle des collèges privés, la question de l'épreuve uniforme de français. L'admission pluriannuelle, je vais y revenir, je trouve ça extrêmement intéressant.

Je veux aller sur une question qui, pour le commun des mortels, va peut-être être un peu technique. Je la trouve super importante, et vous êtes la seule... le seul groupe à l'aborder, les CCTT, centres collégiaux de transfert de technologies. Le ministre de l'Économie est très, très entiché de ça, avec raison. On en avait annoncé une dizaine de plus, vous vous souvenez, en 2018. Alors, c'est très important. Maintenant, vous dites, et sincèrement je n'avais pas allumé sur cette question-là, vous dites : Attention! attention! on confond ici formation de la main-d'oeuvre et formation continue. Je veux absolument vous entendre sur les dangers de l'article qui traite de ça dans le p. l. n° 96 parce que vous avez peur de ne plus pouvoir donner de la formation de la main-d'oeuvre — Dieu sait qu'on a besoin de formation — en anglais pour des groupes particuliers parce que les CCTT travaillent avec des entreprises.

M. Tremblay (Bernard) : Oui. Alors, nos centres de recherche, donc les CCTT, effectivement ont un mandat qui est complémentaire au mandat des cégeps, hein, donc de recherche, mais aussi d'accompagnement puis de soutien donc aux entreprises, surtout sur le volet effectivement de la formation, et effectivement de la façon dont l'article en question est rédigé, ça laisse une certaine ambiguïté. Et donc, nous, on pense qu'il faut s'assurer évidemment que nos CCTT qui, dans certains cas, font de la recherche à l'international avec des partenaires partout à travers le monde, dans certains cas évidemment en anglais parce que malheureusement la recherche se fait gouvernement en anglais, bien, il faut encore qu'ils aient cette capacité-là et il faut qu'ils aient la capacité de faire justement leur... de déployer leurs activités au Québec auprès des entreprises sans... en fonction de leur, comment dire, de leur spécialité. Alors, je pense que, sur ce volet-là, il y a une considération d'écriture de l'article, là.

• (10 h 20) •

Mme David : D'écriture parce qu'il y a aussi des liens avec des universités qui soient au Québec ou en dehors du Québec.

M. Tremblay (Bernard) : Tout à fait.

Mme David : Ils ont droit de postuler à des fonds de recherche avec, par exemple, soit une université anglophone, francophone ou même de l'extérieur du Québec. Comme vous l'avez bien dit, c'est l'enseignement supérieur. Là, on parle de recherche, on parle de professeurs qui ont des doctorats, on parle de liens avec l'École polytechnique, par exemple, qui donne... qui va même à l'École d'aérotechnique. Là, je fais un lien avec le cégep Édouard-Montpetit. Mais, des fois, ça peut... il peut y avoir des choses, des demandes de subvention, des publications qui se font en anglais. Alors, je vais alerter le... je serai vigilante sur cette question-là.

Une autre question que je vais être très vigilante, et vous ne serez pas les seuls, il y a un groupe de consortium de cégeps anglophones qui viennent cet après-midi parler du pluriannuel. Je trouve ça très <important de...

Mme David : ... des publications qui se font en anglais. Alors, je vais alerter le... je serai vigilante sur cette question-là.

Une autre question que je vais être très vigilante, et vous ne serez pas les seuls, il y a un groupe de consortium de cégeps anglophones qui viennent cet après-midi parler du pluriannuel. Je trouve ça très >important de pouvoir prévoir au moins trois ans d'avance, quand on sait la complexité des admissions, quand on sait la complexité d'un réseau d'enseignement comme le réseau collégial. Je voudrais que vous insistiez, que vous élaboriez sur cette question.

M. Lambert (Sylvain) : Bien, je peux la prendre, celle-là. Je pense que c'est absolument essentiel, pour être dans un cégep, comme vous l'avez si bien souligné, la question de l'admission, elle est extrêmement sensible et complexe. Et à partir du moment où on dit, je ne sais pas : Les étudiants commencent à se comporter autrement, décident de lâcher en plus grand nombre ou de rester en plus grand nombre, on n'a plus de marge de manoeuvre. Alors, si on est trouvés fautifs parce qu'une année x on se retrouve avec une population anglophone, là, je pense aux cégeps anglophones, plus importante, bien, il faut donner le temps à l'institution de se corriger, là. Je pense que c'est assez essentiel. On est dans de la mécanique, n'empêche que cette mécanique-là, elle est extrêmement importante, là, pour assurer que c'est applicable, ne serait-ce que ça. Sinon, on va se retrouver toujours en litige, à dire : Bien là, on a dépassé cette année, puis avec des explications, puis ça va devenir complexe. Alors, je pense que si on se donne sur un certain nombre d'années, puis après ça, bien, on peut corriger puis diminuer le nombre d'admissions, tout dépendant, là, de la tangente que prend la courbe d'admissions.

Mme David : C'est tellement évident que j'ose croire que notre ministre de la Langue française qui pilote le projet va accepter cet amendement, parce que c'est impossible de faire ça année après année. Là, vous seriez déjà rendus dans l'année prochaine alors que vous n'avez même pas fini le décompte de la première année. Moi, je le sais, c'est carrément mission impossible. Alors, je pense qu'il y a peut-être une ministre de l'Enseignement supérieur qui devra lui parler. Il y en a une ex, mais il y en a une, actuelle, aussi. Donc, on se mettra ensemble pour convaincre le ministre que c'est un amendement extrêmement important.

Maintenant, je vais revenir sur l'épreuve uniforme de français. Là, moi-même, je pense que j'étais un peu mêlée. Vous êtes sous l'impression, si j'ai bien compris, que l'étudiant francophone ou allophone qui fréquente un cégep anglophone va avoir deux épreuves à passer. Moi, je n'avais pas compris ça. J'avais compris que la francophone, que tu sois à n'importe quel cégep anglophone, remplace l'anglophone, pas l'épreuve d'anglais à la fin. Est-ce que je me trompe?

M. Tremblay (Bernard) : Nous, c'est notre compréhension du projet de loi. Alors, c'est, je pense, aussi pour ça qu'on est ici, pour clarifier si c'est une mauvaise compréhension. Mais il reste quand même que s'il y a, donc, une épreuve distincte dans les collèges anglophones, distincte pour les étudiants francophones, allophones et les étudiants anglophones, il y a... l'épreuve en elle-même, elle est... comment dire, elle s'appuie quand même sur le programme de formation. Alors, il y a...

Mme David : Ça, ça va, je vais aller vers ça.

M. Tremblay (Bernard) : Parfait.

Mme David : Tout le monde le dit, <sauf que...

M. Lambert (Sylvain) : ... anglophones, distincte pour les étudiants francophones, allophones et les étudiants anglophones, il y a... l'épreuve en elle-même, elle est... comment dire, elle s'appuie quand même sur le programme de formation. Alors, il y a...

Mme David : Ça, ça va, je vais aller vers ça.

M. Tremblay (Bernard) : Parfait.

Mme David : Tout le monde le dit, >sauf que, est-ce que vous pensez qu'ils vont être soumis à deux épreuves uniformes?

M. Lambert (Sylvain) : Oui.

Mme David : C'est votre compréhension.

M. Lambert (Sylvain) : Oui, c'est notre compréhension.

Mme David : Donc, l'épreuve de l'EUF, qu'on appelle communément, l'épreuve uniforme de français, mais aussi l'épreuve d'anglais, donc il faudrait qu'il ait suivi les cours qui mènent à l'épreuve d'anglais puis les cours, quatre cours, on le dit, qui mènent à l'épreuve de français. Moi, peut-être dans ma grande naïveté, j'avais pensé qu'un remplaçait l'autre. Alors, vous soulevez quelque chose d'extrêmement important.

Moi, je pense que l'esprit du projet de loi, puis là le ministre me contredira si je me trompe, ce n'est pas de faire passer l'épreuve uniforme d'anglais aux francophones et allophones, c'est de faire passer seulement l'épreuve uniforme de français. Je suis convaincue que dans sa tête il n'en passe pas d'épreuve uniforme d'anglais. Ça serait contradictoire avec tout l'esprit du projet de loi. Je peux me tromper. Je peux me tromper. Mais, si c'est le cas, alors deux épreuves, c'est quelque chose.

En plus, on revient à notre régime... le Règlement sur le régime des études collégiales, ça veut dire qu'on change le régime. C'est impossible d'avoir deux préparations extrêmement inégales : cégeps francophones ultrapréparés, cégeps anglophones pas préparés, puis avec deux épreuves en plus, selon votre lecture.

M. Tremblay (Bernard) : Et deux conséquences possibles : dans certains cas, évidemment, ça aura un impact sur le taux de réussite, mais dans d'autres cas, moi, je serais inquiet que ça puisse encore plus valoriser les cégeps anglophones. S'il y a deux épreuves de langue, ça veut dire qu'il y a un superdiplôme. Il y a un diplôme francophone puis il y a un diplôme anglophone qui, lui, est un diplôme... un superdiplôme puisqu'il... d'une certaine façon, l'étudiant qui sort de ce parcours-là, s'il est francophone, aurait une double compétence, là, vraiment reconnue.

Mme David : Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Ça complète l'échange. Donc, nous allons maintenant du côté de la députée de Mercier pour votre 2 min 50 s.

Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs, pour votre présentation. Le projet de loi amène le contingentement, là, dans les cégeps anglophones, et ce que je comprends, c'est : anglophones publics et subventionnés. Je comprends que vous, vous êtes d'accord avec ça.

M. Lambert (Sylvain) : Le contingentement?

Mme Ghazal : Oui.

M. Lambert (Sylvain) : Oui, oui, on est d'accord pour qu'il y ait un contrôle, oui, du développement de la population étudiante au sein des cégeps anglophones.

Mme Ghazal : Parfait. Je voulais juste être sûre que vous le disiez. Et la recommandation n° 5, ce que vous proposez, j'essaie juste de voir, dans le fond, si vous êtes d'accord. C'est ce que le projet de loi propose, mais dans la recommandation n° 5, vous dites qu'il faudrait les inclure aussi, faire le contingentement dans les cégeps anglophones privés, mais c'est déjà le cas. Peut-être que je ne la comprends pas.

M. Tremblay (Bernard) : Oui, mais, en fait, c'est qu'on forme un tout. Quand on regarde donc les collèges anglophones, on forme tout en tenant compte des collèges publics et des collèges privés subventionnés. Et donc l'enjeu qui demeure c'est la répartition entre ces deux groupes-là à l'intérieur du tout. Alors, nous, on dit : Bien, il faut privilégier le réseau public et il faut s'assurer que le réseau privé <n'ait pas...

M. Tremblay (Bernard) : ... on regarde donc les collèges anglophones, on forme tout en tenant compte des collèges publics et des collèges privés subventionnés. Et donc l'enjeu qui demeure c'est la répartition entre ces deux groupes-là à l'intérieur du tout. Alors, nous, on dit : Bien, il faut privilégier le réseau public et il faut s'assurer que le réseau privé >n'ait pas une proportion plus grande dans le futur que la proportion qu'il a présentement.

Mme Ghazal : O.K. O.K. Je comprends. Entre les deux. Et par rapport aux collèges privés, privés privés, là, c'est-à-dire non subventionnés, est-ce que vous considérez qu'ils contribuent à l'anglicisation à Montréal? Avec tout ce qu'on a entendu, les étudiants étrangers.

M. Tremblay (Bernard) : Bien, écoutez, c'est sûr que quand on regarde la part des étudiants internationaux au Québec, dans les établissements d'enseignement, la très grande majorité sont dans les universités. Dans le cas des cégeps, et ça me donne l'occasion de le rappeler, dans le cas des cégeps publics, on parle de 85 % de ces étudiants-là qui sont en région et qui sont issus donc de pays francophones en très, très grande majorité. Et donc, on ne parle pas, ici, là, de... on parle souvent des cégeps qui accueillent donc des étudiants internationaux anglophones, c'est un petit nombre par rapport à l'ensemble des étudiants qu'on retrouve dans le réseau public, c'est plutôt dans le réseau non subventionné qu'on retrouve ces étudiants-là.

Mme Ghazal : Donc, vous n'inclurez pas non plus le contingentement, pour les non subventionnés.

M. Tremblay (Bernard) : Bien, les non subventionnés, ils sont dans une autre logique, mais nous, on appelle quand même à une réflexion globale en tenant compte de ce groupe-là. Mais effectivement, c'est, un peu, je pense, dans notre angle mort et je pense qu'il faut le nommer.

Mme Ghazal : Puis, pour l'épreuve uniforme de français, la FEQ était venue puis nous a dit que c'était réactionnaire, qu'il ne fallait pas le faire, que ça contribuait peut-être à l'échec. Vous, ce que vous dites dans votre recommandation, c'est plutôt qu'il faut un chantier, donc vous trouvez que c'est quand même une bonne idée que les francophones, allophones qui sont dans les cégeps anglais puissent avoir une telle maîtrise, c'est une bonne idée, ce n'est pas une bonne idée? Du français?

M. Tremblay (Bernard) : Non, non, c'est ça. Nous, ce qu'on dit, c'est on pense que, dans ce projet de loi là, c'est peut-être prématuré, si on n'a pas fait le chantier en question, de déjà déterminer que ce sera la mesure qu'on va appliquer.

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange. Donc, M. le député de Matane-Matapédia, pour votre temps vous aussi.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue en commission. Donc, je comprends que votre organisation représente à la fois le collège anglophone Dawson, qui compte 8 000 étudiants, et le cégep de Matane, dans ma circonscription, qui en compte 800, c'est bien ça?

M. Tremblay (Bernard) : Tout à fait.

M. Bérubé : Donc, ça implique des arbitrages, hein, dans les positions. Écoutez, vous vous désolez qu'il n'y ait pas suffisamment d'appartenance à la société québécoise et au français, mais votre organisation refuse d'en faire plus, c'est-à-dire refuse d'identifier que la fréquentation du cégep en anglais contribue à cela. Et j'ai quelques statistiques pour vous.

• (10 h 30) •

Nous, on est d'avis que la fréquentation des cégeps en anglais est étroitement liée à l'anglicisation de la langue d'usage public, de la langue de travail, de la langue de consommation culturelle : 4,4 % des allophones inscrits au cégep anglais utilisent principalement le français à la maison comparativement à 35,1 % des allophones inscrits au cégep français, 72,9 % des francophones inscrits au cégep anglais utilisent...


 
 

10 h 30 (version révisée)

M. Bérubé : ...anglicisation de la langue d'usage public, de la langue de travail, la langue de consommation culturelle. 4,4 % des allophones inscrits au cégep anglais utilisent principalement le français à la maison, comparativement à 35,1 % des allophones inscrits au cégep français. 72,9 % des francophones inscrits au cégep anglais utilisent principalement le français à la maison, comparativement à 99 % de ceux inscrits au cégep français.

Quand je vous livre ces chiffres-là et que je soumets humblement que de poursuivre son cursus scolaire en anglais, ça a un impact sur la socialisation, sur l'orientation professionnelle, sur la langue d'usage, c'est n'est pas un enjeu qui vous touche, vous préférez le libre choix pour l'ensemble de vos membres, quels qu'ils soient?

M. Tremblay (Bernard) : On aurait... comment dire, on a clairement affirmé notre préoccupation pour la vitalité du français, on est clairement sensibles, évidemment, à des chiffres comme ceux-là, qui, bon, évidemment, pourraient être questionnés. Mais au-delà de ça, la conviction que nous avons, c'est que quand on arrive avec des jeunes adultes et qu'ils ont ce souhait-là, travaillons plutôt pour leur montrer l'importance, évidemment, du français, et travaillons surtout pour qu'ils ne se sentent pas obligés d'apprendre l'anglais pour travailler. Alors, si l'enjeu, c'est le milieu de travail, bien agissons sur le milieu de travail. Si l'enjeu, c'est qu'à l'université, même à l'UQAM, tu dois... tu as des livres de référence qui sont en anglais, bien, travaillons là-dessus.

M. Bérubé : On est en profond désaccord, parce que ce n'est pas à l'État québécois, qui vous finance, à subventionner l'assimilation québécoise. Et ça, je sais que vous le comprenez, mais je sais qui vous représentez, et vous ne pourriez pas arriver avec une proposition autre. Alors, vous avez une responsabilité, lorsque vous êtes financé par le public, de s'assurer d'une cohérence. Et les chiffres que je vous soumets indiquent clairement que ça contribue à une socialisation.

Je vous soumets d'autres chiffres. Depuis 1995, la part des étudiants collégiaux qui fréquentent les cégeps en anglais et leur pendant privé subventionné, c'est passé de 14,9% à 19 %, progression du quart. Alors, quand le ministre propose de contingenter, ce n'est pas suffisant. Vous vous réjouissez de cette modération, mais ce n'est pas suffisant pour renverser le déclin. Alors, je vous soumets ça bien humblement, il me semble que... je n'avais pas énormément d'attentes, compte tenu des arbitrages que vous avez à faire, mais vous passez complètement à côté.

M. Tremblay (Bernard) : Bien, moi, je me permettrai aussi de vous soumettre humblement le fait que...

La Présidente (Mme Thériault) : Je dois mettre fin à l'échange, malheureusement. Désolée. Donc, merci pour votre passage en commission parlementaire. Nous allons suspendre quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 32)

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(Reprise à 10 h 37)

La Présidente (Mme Thériault) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons poursuivre nos travaux.

Et nous recevons ce matin le Pr Daniel Turp, qui est professeur émérite à l'Université de Montréal, mais qui est aussi l'ancien député de Mercier avec qui j'ai eu le plaisir de siéger au tout début de mon arrivée ici. Donc, bienvenue à l'Assemblée nationale. On a deux députés de Mercier, la semaine passée, c'était deux députés de Chapleau, deux professeurs qui viennent parler avec nous également du projet de loi. Donc, ça fait toujours plaisir de voir des anciens collègues participer à la vie démocratique encore en exprimant des opinions. Donc, bienvenue à l'Assemblée, ex-collègue. La parole est à vous. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé et vous savez que, comme présidente, je vais tenir le temps comme vous le faisiez à l'époque où vous étiez là.

M. Turp (Daniel) : Je compte sur vous, Mme la Présidente, pour m'arrêter quand il faudra m'arrêter, et je sais qu'il y aura des questions, des échanges qui permettront d'aller un peu plus loin. J'ai déposé un mémoire il y a quelques heures et que vous aurez peut-être l'occasion de voir ou que vous avez déjà vu.

Mmes et MM. membres de la Commission de la culture et de l'éducation, j'aimerais d'abord saluer votre présidente, la députée d'Anjou—Louis-Riel, avec laquelle j'ai eu le plaisir de siéger pendant plusieurs années en cette Assemblée nationale, et que je félicite d'avoir été, et qui sera jusqu'à la dissolution de la présente législature, si j'ai bien compris, et pour reprendre le serment qu'elle a prononcé en conformité avec la Loi sur l'Assemblée nationale, comme vous et moi l'avons fait à quelques reprises, loyale envers le peuple du Québec et qui a exercé, exercera pour une année encore, moins quelques jours, ses fonctions avec, et je cite encore cette Loi de l'Assemblée nationale, «avec honnêteté et justice dans le <respect...

M. Turp (Daniel) : ... l'avons fait à quelques reprises, loyale envers le peuple du Québec et qui a exercé, exercera pour une année encore, moins quelques jours, ses fonctions avec, et je cite encore cette Loi de l'Assemblée nationale, «avec honnêteté et justice dans le >respect de la constitution du Québec.» Et c'est donc de cette constitution du Québec dont j'aimerais vous parler aujourd'hui, en commentant l'article 159 du projet de loi sur la langue officielle et commune, le français, le projet de loi n° 96, qui fait l'objet des présentes consultations particulières.

• (10 h 40) •

Je vais présenter les observations sur la validité constitutionnelle de l'enchâssement du statut de nation québécoise, dont la Loi constitutionnelle, en premier lieu. Et je me pencherai ensuite sur la portée concrète d'un tel enchâssement. Et, si le temps me le permet, en conclusion, je proposerai quelques ajouts à cet article 159, suggérer que le temps est venu de légiférer pour que le français devienne la langue normale et habituelle de l'enseignement collégial. Et «argurer», enfin, pour que les langues autochtones soient reconnues comme les langues premières du Québec. Alors, j'espère que j'aurai le temps de passer à ces trois dernières questions. Si ce n'est pas le cas, bien, vous aurez l'occasion peut-être de poser des questions à ce sujet-là.

Mais sur la validité constitutionnelle de l'enchâssement du statut de nation québécoise dans la Loi constitutionnelle de 1867, cette question fait, vous le constatez, l'objet de vifs débats. J'ai rendu publique, ce matin, une note de recherche de l'IRAI, de l'institut de recherche sur l'autodétermination du Québec, les indépendances nationales, où je fais avec Maxime Laporte une étude vraiment très poussée de cette question de la validité constitutionnelle de cet enchâssement du statut de nation québécoise et du statut de langue officielle et commune du français au Québec. Et il y a un certain nombre de questions auxquelles nous répondons, s'agissant de cette validité, mais il y a une question que je veux aborder particulièrement avec vous, qui est celle où on doit se poser la question s'il y a des limites à amender la constitution provinciale, qui est incluse dans le chapitre V de la Loi constitutionnelle de 1867. C'est une question qui a été abordée dans une grande décision de la Cour suprême du Canada, dans l'affaire SEFPO et Ontario, Procureur général, où on a exprimé un certain nombre de limites. On a rappelé qu'on ne peut pas modifier la charge de lieutenant-gouverneur. On a laissé entendre qu'on ne pouvait pas non plus modifier des articles relatifs à l'usage du français ou de l'anglais dans une province.

Et c'est cette dernière question là qui fait l'objet vraiment de débats. Et, à ce sujet-là, ma position, en ce qui me concerne, veut que les deux articles, 90Q.1, 90Q.2, n'affecteront pas l'article 133 de la Loi constitutionnelle de <1867...

M. Turp (Daniel) : ... là qui fait l'objet vraiment de débats. Et, à ce sujet-là, ma position, en ce qui me concerne, veut que les deux articles, 90 Q.1, 90 Q.2, n'affecteront pas l'article 133 de la Loi constitutionnelle de >1867 et ne porteront pas atteinte à la constitutionnalité de ces articles.

À mon avis, on ne pourrait pas conclure dans ce sens, même quand on lit l'affaire Procureur général du Québec c. Blaikie, parce que le projet de loi n° 96 a été conçu comme ne portant pas atteinte à l'article 133. Et donc on ne peut pas prétendre que ces deux déclarations qu'on retrouverait dans les articles 90Q.1, 90Q.2 portent atteinte à l'article 133. Le ministre, de toute évidence, a voulu préserver l'intégrité de l'article 33... 133 en présentant les dispositions du projet de loi n° 96.

Il y a une autre limite qui a été énoncée par la Cour suprême dans l'affaire SEFPO, c'est celui qu'on ne pourrait pas faire des bouleversements constitutionnels majeurs en adoptant des modifications à la constitution provinciale du Québec. On ne pourrait pas, par exemple, introduire des institutions politiques étrangères et incompatibles avec le système canadien, nous dit la Cour suprême.

Mais là, et encore une fois, avec égard pour l'opinion contraire, puis il y en a eu, écoutez, les dispositions portant sur la nation québécoise et la langue française ne créent pas des bouleversements majeurs et ne créent pas de bouleversements majeurs, parce que la Chambre des communes du Canada, a elle-même reconnu l'existence de la nation québécoise dans une motion. Et la Chambre des communes a récemment, à l'instigation du Bloc québécois, reconnut, je vous le rappelle, à 281 voix contre deux, une motion convenant que l'article 45 confère au Québec et aux provinces la compétence de modifier sa constitution dans le cas du Québec, et d'y inclure que «les Québécois forment une nation», que «le français est la seule langue officielle du Québec» et «qu'il est aussi la langue commune de la nation québécoise», reprenant en cela le libellé même des articles 90Q.1 et Q.2 qu'on veut inclure dans la Loi constitutionnelle de 1867.

Alors donc on peut difficilement prétendre que c'est des bouleversements majeurs. Quant à la Chambre des communes elle-même, on a reconnu l'existence de la nation québécoise et qu'on a reconnu le français comme étant la seule langue officielle du Québec.

Mais là après la validité, l'importance, c'est d'essayer de voir qu'elle est la portée concrète du statut de «nation québécoise» dans la Loi constitutionnelle de 1867. Je vous en dis quelques mots, vous pourrez lire tout ce que je dis dans les arguments dans mon mémoire. Mais à mon avis, et contrairement par exemple à Benoît Pelletier, mon collègue l'ancien député de Chapleau, moi, je ne crois pas que ç'a des effets <seulement...

M. Turp (Daniel) : ... la Loi constitutionnelle de 1867. Je vous en dis quelques mots, vous pourrez lire tout ce que je dis dans les arguments dans mon mémoire. Mais à mon avis, et contrairement par exemple à Benoît Pelletier, mon collègue l'ancien député de Chapleau, moi, je ne crois pas que ç'a des effets >seulement symboliques, en tout cas, je ne sais pas ce que Benoît vous a dit mais il a écrit qu'il croyait qu'il s'agissait essentiellement des effets symboliques.

Moi, je crois, et on pourra en discuter davantage, que ces deux articles-là vont avoir une suprématie législative. Quand on lit ensemble, tu sais, l'article 52, l'annexe, la Loi constitutionnelle de 1867 faisant partie de cette annexe, il est évident que ces deux nouveaux articles vont avoir une suprématie législative et que, donc, on pourra, sur la base de ces articles même déclarer inopérantes des règles de droit qui sont contraires au statut de nation québécoise ou qui sont contraires à l'idée que le Québec ou que la langue française est la langue officielle et commune du Québec.

Et ce n'est pas rien, si cette interprétation est retenue, je pense qu'elle est bonne, parce que, par exemple, et ce serait à mon avis la chose la plus majeure que constitueraient ces deux modifications constitutionnelles, bien, on ne pourrait pas, on ne pourrait plus vouloir que le Québec soit une province bilingue, on ne pourrait plus faire en sorte qu'une des langues officielles du Québec serait l'anglais. Et là, pour l'avenir, ça nous protège contre les gouvernements ou des parlements qui voudraient bilinguiser le Québec parce que si l'on faisait cela, ce serait inconstitutionnel, ce serait contraire à un article de la Loi constitutionnelle de 1867 qui enchâsse et qui donne une suprématie législative à cet article-là.

Il y a d'autres effets très concrets. D'ailleurs, M. le ministre, vous avez dit, vous, que vous croyez que ça avait des effets concrets, que ce n'est pas seulement symbolique, je le crois aussi. Parce que, lorsqu'il s'agira d'interpréter le partage des compétences législatives, lorsqu'il s'agira d'interpréter le contenu par exemple des droits et libertés de la charte canadienne, lorsqu'il s'agira d'appliquer la clause de limitation de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés, les deux articles 90Q.1 et 90Q.2 pourront jouer un rôle significatif dans l'interprétation du contenu des lois constitutionnelles et l'interprétation ou l'application de la clause de limitation de l'article premier de la charte canadienne.

Alors, en conclusion, puisqu'il me reste 1 minute, Mme la Présidente, je suggère de faire quelques ajouts, M. le ministre, MM. et Mmes les députés. Moi, j'aimerais bien qu'on réfère au droit à l'autodétermination du Québec dans un article 90Q.1, paragraphe 2°. Je pense qu'il serait utile, comme l'a suggéré Guillaume Rousseau, d'ajouter un article 80Q.3 qui affirme le fait que le Québec, que l'État du Québec est laïque, et pourquoi ne pas enchâsser dans la Constitution du Canada le fait que Québec soit la capitale nationale du Québec puisqu'on y parlera de la nation québécoise.

J'ai un <développement...

M. Turp (Daniel) : ... comme l'a suggéré Guillaume Rousseau, d'ajouter un article 80Q.3 qui affirme le fait que le Québec, que l'État du Québec est laïque, et pourquoi ne pas enchâsser dans la Constitution du Canada le fait que Québec soit la capitale nationale du Québec puisqu'on y parlera de la nation québécoise.

J'ai un >développement sur les collèges. Je répondrai volontiers à vos questions là-dessus, mais je me permets de terminer... on parle beaucoup et avec raison de la situation des nations autochtones, et je crois que le Québec est mûr pour dire qu'au Québec il y a la langue officielle et commune qui est le français, mais qu'on devrait reconnaitre l'importance des langues autochtones et les qualifier de langues premières. Et je crois que ça a été une proposition qui a été faite à Ottawa, qu'on n'a pas retenue, un jour, et on devrait la retenir ici au Québec.

Alors, je suis très content d'avoir été là, Mme la Présidente, dans la salle Pauline-Marois qui un jour, quand elle était cheffe, m'a même permis de déposer, dans cette Assemblée, un projet de constitution québécoise, le projet de loi n° 196, en 2007, parce que je rêve toujours du jour où le Québec aura sa propre constitution. Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Merci, M. Turp. Donc, sans plus tarder, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Pr Turp, bonjour, merci d'être présent en commission parlementaire.

Écoutez, quelques questions un petit peu plus techniques pour commencer parce qu'on a eu quelques constitutionnalistes qui sont venus avant vous témoigner, et du même avis que vous. Il y a le Pr Taillon de l'Université Laval, le Pr Rousseau de l'Université de Sherbrooke, le Pr Pelletier également de l'Université d'Ottawa qui sont d'accord avec le fait qu'il est permis, il est légal de modifier la constitution du Québec en vertu de la formule d'amendement qui est prévue à l'article 45 de Loi constitutionnelle de 1982, mais qui se retrouvait à l'article 91, je crois, de la Loi constitutionnelle de 1867. Donc, à l'époque, c'était permis, dès le départ, dès 1867, de modifier la constitution du Québec.

Le Pr Leclair, la semaine dernière, qui était de l'Université de Montréal, pour lui, ce n'est pas possible de faire ça, puis tout ça. Mais je comprends que le courant majoritaire des constitutionnalistes au Québec, c'est le fait de dire que c'est possible de procéder de la façon dont nous procédons. Et même Justice Canada, par le biais du ministre de la Justice fédéral Lametti, a reconnu ça. Donc, vous êtes d'accord avec moi que c'est légal et c'est permis de fonctionner de la façon dont on fonctionne.

• (10 h 50) •

M. Turp (Daniel) : Tout à fait. J'ai lu les objections de mon collègue Jean Leclair, là. Était-il votre professeur? Moi, je ne l'ai pas été. Je n'ai pas eu le plaisir d'avoir été votre professeur à l'Université de Montréal. Ce n'est pas très convaincant. Et même André Binette, hein, vous avez vu, vous l'avez entendu même André Binette, je n'ai pas très bien compris parce que c'est tellement évident qu'on peut modifier cette constitution provinciale que... Il y a aussi Maxime St-Hilaire, mon collègue de l'Université de Sherbrooke, qui a fait une argumentation de nature un peu textuelle. Mais si le ministre de la Justice d'Ottawa et le premier ministre Trudeau affirment que cela est possible, on devrait les croire.

M. Jolin-Barrette : O.K. Juste pratico-pratique, là, la formule d'amendement, <41, 42, 43, 44...

M. Turp (Daniel) : ... fait une argumentation de nature un peu textuelle. Mais si le ministre de la Justice d'Ottawa et le premier ministre Trudeau affirment que cela est possible, on devrait les croire.

M. Jolin-Barrette : O.K. Juste pratico-pratique, là, la formule d'amendement, >41, 42, 43, 44, 45, dans la Loi constitutionnelle de 1982, lorsque le législateur fédéral, le constituant fédéral décide de faire ça, en 1982, il vient mettre concrètement une disposition qui vient dire : Les provinces peuvent modifier leur constitution. Donc, généralement, en droit, là, lorsque le législateur ou le constituant écrit quelque chose, on se fie au texte. La base première pour interpréter un texte, pour dire ce qu'il est possible de faire ou non, dans notre droit, c'est ce qui est écrit, ce n'est pas ce que les professeurs d'université, par la suite, viennent dire : Ah! bien, cette formule-là, elle est écrite, mais ce n'est pas ça qu'il faut regarder, il faut regarder tout le reste. La base première, en droit, normalement, c'est le texte écrit.

M. Turp (Daniel) : Bien sûr. Puis c'est son interprétation. Les publicistes ont le droit de contribuer à l'interprétation d'un texte. Mais dans ce cas-ci, vraiment, je voudrais essayer de comprendre et d'être convaincu par l'argumentation des collègues qui laissent entendre qu'on ne peut pas vraiment ajouter ce que vous voulez ajouter, mais je ne suis pas convaincu du tout, parce qu'il y a cette combinaison de la lecture de l'article 52, le paragraphe 2˚, là, tu sais, qui dit que la Loi constitutionnelle de 1867 fait partie de la Constitution du Canada. Cette Constitution du Canada permet aux provinces de modifier leurs propres constitutions, et la constitution provinciale du Québec est dans le chapitre V de la Loi constitutionnelle de 1867.

Donc, on peut modifier, on peut changer, on peut le faire de façon implicite, comme on l'a fait pour le conseil législatif et le nom de cette Assemblée, et on peut le faire de façon explicite. C'est ça, peut-être, qui dérange, là, parce que c'est la première fois qu'on le fait de façon explicite et qu'on invoque ce pouvoir de l'article 45 pour ajouter quelque chose dans notre propre constitution, qui est dans la Constitution du Canada.

M. Jolin-Barrette : Et vous avez commencé votre allocution en faisant référence à la députée d'Anjou—Louis-Riel, qui a prêté son serment, et que nous avons prêté, et qui fait référence à la constitution du Québec. Et donc la constitution du Québec, elle existe, en soi, actuellement. Elle n'est pas écrite, elle n'est pas regroupée dans un... elle n'est pas codifiée dans... qu'un seul document, mais il y a une partie de la constitution du Québec qui existe. Elle se retrouve en partie dans la Loi constitutionnelle de 1867, mais elle se retrouve aussi dans les lois de l'Assemblée nationale. Donc, vous, ce que vous proposez, c'est de mettre tout ça ensemble, de se doter d'une constitution. Et même, cette constitution-là pourrait être inscrite dans la Loi constitutionnelle de 1867 par le biais de l'article 45 et se retrouver aux articles 90 et suivants.

M. Turp (Daniel) : Oui. On pourrait faire ce choix-là. Peut-être ce n'est pas le choix que je ferais, moi, de vraiment, tu sais, importer ou exporter une loi de l'Assemblée nationale qui s'appellerait «constitution québécoise» dans la Loi constitutionnelle de 1867, d'autant qu'il y a <d'autres...

M. Jolin-Barrette : ... la Loi constitutionnelle de 1867 par le biais de l'article 45 et se retrouver aux articles 90 et suivants.

M. Turp (Daniel) : Oui. On pourrait faire ce choix-là. Peut-être ce n'est pas le choix que je ferais, moi, de vraiment, tu sais, importer ou exporter une loi de l'Assemblée nationale qui s'appellerait «constitution québécoise» dans la Loi constitutionnelle de 1867, d'autant qu'il y a >d'autres lois constitutionnelles canadiennes, là, mais on pourrait en principe le faire.

Et, vous savez, juste une petite anecdote amusante, dans la Loi sur l'Assemblée nationale, l'annexe, le serment qu'on a fait, mentionne la constitution du Québec avec un petit c minuscule. Puis, un jour, il y a un citoyen qui a fait une demande d'accès à l'information puis il voulait voir la constitution du Québec. Et la Commission d'accès à l'information a dû lui trouver une réponse puis elle lui a dit : Écoutez, la constitution du Québec à laquelle il est fait référence dans la Loi sur l'Assemblée nationale, c'est la constitution matérielle du Québec.

Et, comme vous l'avez dit, M. le ministre, c'est des dispositions de certaines lois qui sont de nature constitutionnelle, comme notre charte des droits et libertés, qui est même quasi constitutionnelle, la Loi sur la laïcité de l'État maintenant qui est quasi constitutionnelle, la Charte de la langue française qui sera quasi constitutionnelle, si vous adoptez le projet de loi n° 96, mais des règles de common law, des conventions constitutionnelles, et ce qui est dans la partie V de la Loi constitutionnelle de 1867 qui concerne le Québec. Tout ça, c'est la constitution, avec un petit c minuscule, matérielle du Québec. Moi, je voudrais qu'on ait une constitution formelle.

M. Jolin-Barrette : O.K., c'est bien noté. Je fais un petit détour, avant de revenir à l'article 159 de la loi, par les dispositions de souveraineté parlementaire ou les dispositions dites de dérogation que nous utilisons dans le projet de loi n° 96. Quelle est votre opinion sur le fait que le législateur québécois met dans le projet de loi n° 96 des dispositions de souveraineté parlementaire?

M. Turp (Daniel) : Moi, je suis d'accord, parce que c'est un exercice de souveraineté parlementaire qui a comme but, à la lumière de l'histoire, de l'histoire aussi judiciaire du Canada et où la Cour suprême du Canada a vraiment décidé de mettre à l'écart ce que l'on considère comme étant des droits collectifs de la nation québécoise, de décider des choses comme faire du français la langue officielle et commune du Québec ou choisir que le Québec soit un État laïc.

La souveraineté parlementaire finalement donne le dernier mot, vous donne le dernier mot, donne le dernier mot à ce Parlement, et inclure une clause de dérogation, comme cela est permis, qui est presque une condition d'existence de la fédération telle qu'elle a été repensée, reconçue en 1982, c'est un exercice tout à fait légitime. Et moi, ce qui me fait toujours peur lorsqu'on ne met pas de clause de dérogation, c'est la façon dont neuf juges de la Cour suprême, dont six qui ne sont pas du Québec, vont décider autre chose et des choses très différentes de ce que voulait décider notre Assemblée nationale.

M. Jolin-Barrette : Et lorsque vous faites référence à notre Assemblée nationale, pour bien traduire vos <propos...

M. Turp (Daniel) : ... lorsqu'on ne met pas de clause de dérogation, c'est la façon dont neuf juges de la Cour suprême, dont six qui ne sont pas du Québec, vont décider autre chose et des choses très différentes de ce que voulait décider notre Assemblée nationale.

M. Jolin-Barrette : Et lorsque vous faites référence à notre Assemblée nationale, pour bien traduire vos >propos, quelle est l'importance, dans certains dossiers fondamentaux pour la nation québécoise, qu'il revienne aux élus de la nation, qui ont été élus par des élections, qui ont une légitimité démocratique, de décider quels seront les paramètres relatifs à la nation québécoise?

M. Turp (Daniel) : Écoutez, je crois que notre Assemblée nationale est formée dans le temps par un certain nombre de députés, d'un parti, de plusieurs partis qui peuvent ensemble décider d'exercer leur souveraineté parlementaire. Et, si on décide que cette souveraineté n'a pas été exercée de façon correcte, légitime, il y a une autre élection, il y a quelque chose qui va permettre à un peuple de sanctionner un Parlement qui aura peut-être, selon certains, abusé de son utilisation du pouvoir de dérogation qui est inscrit dans notre constitution. Moi, je ne suis pas gêné de l'idée d'utiliser la clause de dérogation quand il s'agit d'assurer un équilibre entre les droits collectifs de la nation québécoise et les droits individuels des citoyens et citoyennes du Québec.

M. Jolin-Barrette : ... cette question-là, pour vous, ça existe, les droits collectifs?

M. Turp (Daniel) : Bien sûr. Mais, au premier chef, le droit du peuple québécois à disposer de lui-même enchâssé dans l'article premier, dans la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives

du peuple québécois et de l'État du Québec, que j'aimerais d'ailleurs inclure dans votre article 159.

M. Jolin-Barrette : Pourquoi est-ce qu'on reçoit beaucoup de critiques ou pourquoi il y a beaucoup de gens, notamment dans le milieu juridique, qui disent... qui nient l'existence des droits collectifs de la nation québécoise? Pourquoi ce ne sont que les droits individuels qui sont valorisés dans notre système judiciaire, dans notre système politique, depuis 1982?

M. Turp (Daniel) : Je pense que... on est à une ère de prérogative des droits individuels. On semble ne jurer que par les droits individuels, alors que, vous savez quand on a des débats sur le droit à l'autodétermination, on dit que ce droit est tellement important parce que c'est par ce droit collectif qu'on va assurer le respect des droits individuels. Si on ne respecte pas les peuples, on ne peut pas respecter les individus qui appartiennent à ces peuples.

• (11 heures) •

Mais, non, ce n'est pas à la mode de... les droits collectifs. Les droits individuels le sont, mais c'est tellement complémentaire. Et moi, je trouve, là, vous avez eu des débats là-dessus, qu'une nation qui exerce son droit collectif ne sera fière d'elle-même que si elle respecte par ailleurs les droits individuels ou les droits collectifs des minorités, de la minorité nationale anglophone au Québec et des nations autochtones du Québec. Et je crois que là-dessus, même...


 
 

11 h (version révisée)

M. Turp (Daniel) : ...qu'une nation qui exerce son droit collectif ne sera fière d'elle-même que si elle respecte, par ailleurs, les droits individuels ou les droits collectifs des minorités, de la minorité nationale anglophone au Québec et des nations autochtones du Québec. Et je crois que là-dessus, même si le Québec n'a pas un dossier parfait, le Québec est quand même un exemple au monde de respect des droits des minorités et même des droits collectifs des nations autochtones, bien qu'on pourrait en faire bien davantage pour respecter de tels droits.

M. Jolin-Barrette : Et en termes de droit international, là, est-ce qu'on considère que dans d'autres États, parce qu'on parle beaucoup du Québec, puis les droits de la nation québécoise, puis parfois c'est contesté, par rapport aux droits individuels, mais dans les autres États dans le monde, est-ce que les nations sont titulaires de droits collectifs? Comment ça s'opérationnalise dans les autres États? Il y a-tu juste au Québec où c'est contesté? Est-ce qu'il y a d'autres États dans le monde qui affirment les droits collectifs de leurs nations respectives?

M. Turp (Daniel) : C'est une bonne question, on y répond. Maxime Laporte et moi, on a fait une étude, vous allez voir, il y a même une archéologie juridique de la nation québécoise et du peuple québécois. On est allé examiner, dans toutes les dispositions législatives adoptées depuis la Conquête, les références aux mots «peuple québécois» et aux mots «nation québécoise», mais il y a un chapitre aussi qui porte sur la reconnaissance des nations et peuples en droit constitutionnel comparé. Et on a constaté qu'il y a un certain nombre de constitutions nationales qui reconnaissent des nations, qui reconnaissent des peuples, qui reconnaissent des droits collectifs à des peuples. Ce n'est pas aussi important qu'on le croyait, en termes de reconnaissance, mais il y en a.

Et là le débat, c'est de mettre un droit collectif dans la Constitution du Canada, parce que, même si on n'ajoutait pas la disposition sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes... la nation québécoise a le droit ou est titulaire du droit à disposer d'elle-même, je pense que la référence à la nation, dans 90Q.1, comporte implicitement la question du fait que le Québec est titulaire de son droit à disposer de lui-même, qu'il s'est battu pour faire reconnaître, que lui a reconnu la Cour suprême du Canada dans son Renvoi sur la sécession. Et je vous rappelle aussi que, récemment, le 9 avril 2021, la Cour d'appel du Québec a consacré la validité constitutionnelle du droit du peuple québécois à disposer de lui-même, ce qui est vraiment quelque chose d'assez important.

M. Jolin-Barrette : Peut-être une dernière question avant de céder la parole, rapidement. Je reviens à l'article 159 du projet de loi, avec les dispositions de 90Q.1, 90Q.2. Donc, pour vous, ça va avoir de véritables effets juridiques, ces dispositions-là, le fait de les inscrire dans la Constitution.

M. Turp (Daniel) : Tout à fait. Et des effets importants. Et je crois que c'est vrai que c'est les tribunaux qui vont décider des effets qui vont leur être donnés, mais n'oubliez pas qu'avant les tribunaux il y a le Parlement puis il y a le gouvernement qui va vouloir donner des effets. Et un jour, si on <conteste...

M. Turp (Daniel) : ... Tout à fait. Et des effets importants. Et je crois que c'est vrai que c'est les tribunaux qui vont décider des effets qui vont leur être donnés, mais n'oubliez pas qu'avant les tribunaux il y a le Parlement puis il y a le gouvernement qui va vouloir donner des effets. Et un jour, si on >conteste ces dispositions-là, bien là, les tribunaux vont trancher. Mais un tribunal qui veut respecter la constitution, tel qu'elle sera amendée, devra donner des effets à ces dispositions-là. C'est des déclarations, des dispositions déclaratoires qui vont avoir une importance majeure et un effet sur la Constitution du Canada.

C'est pour cela qu'en définitive j'appuie ce projet parce qu'il va nous amener ailleurs, il va nous faire avancer au plan constitutionnel, pas avancer là où je veux nécessairement, parce que, moi, je suis encore un indépendantiste qui veut une constitution québécoise d'un État indépendant un jour, mais je crois que ce projet de loi fait avancer de façon significative le Québec.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire. Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Donc, pour le prochain intervenant, ce sera le député de Sainte-Rose, et vous avez aussi deux minutes avant la fin de l'échange.

M. Skeete : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue. Mes questions vont être assez brèves et en succession. Je reçois beaucoup de feed-back de la communauté d'expression anglaise pour laquelle je suis le porte-parole pour le gouvernement du Québec, et j'aimerais vous entendre, vous n'avez parlé un peu dans votre introduction pour dire que la section 133 s'applique toujours, et donc il n'y a pas de droits, là, qui sont perdus pour la communauté, l'historique de la communauté anglaise, j'aimerais vous entendre un peu plus sur la manière que le projet de loi n° 96 va avoir un impact sur, mettons, la façon qu'on donne les soins de santé aux anglophones ou l'accès à la justice des anglophones, tel que c'est écrit actuellement.

M. Turp (Daniel) : Bien, écoutez, l'article 133, il faut bien le lire, là, c'est la langue de la législation et de la justice et la langue devant les tribunaux. Le projet de loi, lorsqu'il s'agit de la langue de la législation et de la justice, la langue devant les tribunaux, est tout à fait conforme à l'article 133. On ne porte pas atteinte à cet article-là. Il ne peut pas être lu, le projet de loi, comme portant atteinte à l'article 133.

Sur les autres droits des personnes appartenant à la communauté d'expression anglaise du Québec, comme la Charte de la langue française les désigne d'ailleurs dans le préambule, bien là, c'est une question aussi d'interprétation de la portée des nouvelles dispositions de la loi. Moi, je les ai lus et je ne crois pas que ça porte atteinte aux droits de la communauté anglophone. Je crois que ça consacre des droits qui existaient et ça, peut-être, change un peu la donne lorsqu'il s'agit des droits des personnes qui ne sont pas de la minorité historique anglophone du Québec. Ça, je pense que c'est vrai, je pense que <c'est un...

M. Turp (Daniel) : ... droits qui existaient et ça, peut-être, change un peu la donne lorsqu'il s'agit des droits des personnes qui ne sont pas de la minorité historique anglophone du Québec. Ça, je pense que c'est vrai, je pense que >c'est un objectif du projet de loi.

La Présidente (Mme Thériault) : ...fin à l'échange, malheureusement. Deux minutes, c'est très rapide. Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, vous avez sept minutes... 11 min 20 s, pardon.

Mme David : O.K. Merci beaucoup. Pr Turp, cher collègue de la même université...

M. Turp (Daniel) : Mme la vice-rectrice.

Mme David : Oui. ...j'ai l'impression que... je me sens dans un colloque de constitutionnalistes ou dans deux équipes de hockey. Dans une équipe, il y a vous, Pr Rousseau, tous des professeurs, Pr Taillon, Pr Pelletier. Dans l'autre — mais le hockey, c'est plus que quatre, hein, c'est six, mais ce n'est pas grave, une petite équipe de hockey, quatre d'un bord puis quatre de l'autre — alors Pr St-Hilaire, que vous avez critiqué, Pr Leclair, Pr Binette, puis Pr Cyr qui s'en vient cet après-midi.

M. Turp (Daniel) : Oui, c'est vrai.

Mme David : Vous l'avez oublié. Donc, pour moi, ça fait quatre contre quatre, donc a deux belles équipes de constitutionnalistes, comme dans un colloque d'ailleurs. Si on pense que la politique est rude des fois dans les échanges, il faudrait qu'ils aillent voir des colloques justement d'intellectuels, qu'ils soient constitutionnalistes ou psychanalystes comme j'étais ou d'autres, ça peut frapper très fort. Et donc, moi, je ne vois pas de majorité d'un bord ou de l'autre, je vois des visions différentes, et c'est normal, et c'est intéressant dans une société.

Maintenant, moi, je n'ai pas lu votre mémoire parce qu'il vient d'arriver. Et je ne suis pas une constitutionnaliste, mais je commence à en avoir lu un gros bout là-dessus. Et je constate qu'il y a donc loin d'une unanimité, il y a presque égalité dans une approche puis une autre approche par rapport à la question justement, un, de la portée de ce fameux article 159, sur la question de la réserve de l'article 133, sous réserve de l'article 133. Certains disent, on le verra cet après-midi, on l'a vu avec Pr Leclair, on l'a fait avec Pr Pelletier, bon, ils ont tous des opinions sur l'article 133 en disant... et le collègue de Laval, Sainte-Rose, enfin, je ne peux pas vous nommer...

Une voix : ...

Mme David : ...Sainte-Rose, je suis désolée, allait vers ça. Donc là il faut absolument que vous nous disiez si ça serait, pour vous, parce que je n'ai pas lu votre mémoire donc je n'ai pas de verbatim, «sous réserve de l'article 133», qu'on pourrait vivre avec la question justement de l'introduction constitutionnelle de seule la langue française est la langue officielle du Québec ou le Q.2, là. Alors, certains disent, et Hugo Cyr complète son mémoire — je ne sais pas si vous l'avez lu — de cet après-midi — probablement pas parce qu'il n'est pas encore publié — qu'à la limite, «sous réserve de» pourrait un peu faire la job, comme on dit, pour peut-être bien protéger. Ça, c'est ma première question.

M. Turp (Daniel) : Bien, c'était aussi l'opinion de Patrick Taillon dans son article avec M. Cauchon, et je crois comprendre qu'il a changé de vue là-dessus. Moi, je suis <d'avis...

Mme David : ... qu'à la limite, «sous réserve de» pourrait un peu faire la job, comme on dit, pour peut-être bien protéger. Ça, c'est ma première question.

M. Turp (Daniel) : Bien, c'était aussi l'opinion de Patrick Taillon dans son article avec M. Cauchon, et je crois comprendre qu'il a changé de vue là-dessus. Moi, je suis >d'avis que ce n'est pas nécessaire de mettre «sous réserve de l'article 133», ce n'est pas nécessaire.

Mme David : Est-ce que c'est parce que c'est tellement limpide, ça? C'est ce que dit Benoît Pelletier : c'est tellement limpide et implicite qu'on n'a pas besoin de le mettre mais de le mettre pourrait rassurer les gens qui peuvent être inquiets.

M. Turp (Daniel) : Non, moi, je ne trouve pas que c'est nécessaire pour rassurer. Et je pense que vos travaux... et n'oubliez pas, vous êtes les constituants, votre ministre vous a donné l'occasion, c'est vous qui tranchez, ce n'est pas moi, ce n'est pas Benoît Pelletier, c'est vous, le constituant maintenant. C'est rare qu'on est le constituant. Vous êtes un des premiers... Assemblée constituante qui amende la Loi constitutionnelle de 1867. Et à mon avis, un tribunal, même la Cour suprême n'a pas besoin de ce «sous réserve de l'article 133» pour appliquer l'article 133, tel qu'il est, sans utiliser les articles, 90Q.2 en particulier, pour diminuer la portée des droits des personnes appartenant à la minorité qui leur sont conférés par l'article 133.

• (11 h 10) •

Mme David : Alors, ce sera à nous de décider si on est rassurants ou pas.

M. Turp (Daniel) : Oui, oui, je pense que ça vous appartient.

Mme David : O.K., la portée, maintenant. Là, on revient au débat du 22 mai, La Presse, samedi matin, j'en parle souvent mais c'était là que j'ai comme vu le «clash», un autre parce qu'il y en a plusieurs, sur la question du supralégislatif versus une loi simple. Alors, vous, vous êtes de la théorie... Je pense le ministre disait : Il va y avoir une grande portée à ça. Et encore Benoît Pelletier qui acceptait... de répondre aux journalistes, parce que ce n'est pas tous les professeurs nécessairement qui se commettent comme ça, publiquement, mais il l'a fait, on doit saluer, qui disait : Non, c'est une loi simple donc les conséquences ne seront pas très grandes au niveau de la constitution générale, etc. Alors, on revient à cette mise en évidence de deux positions, et vous, je comprends que vous êtes du côté de la suprématie législative, donc du supralégislatif plutôt que la loi simple.

M. Turp (Daniel) : Tout à fait. Avec tout le respect que je dois pour Benoît Pelletier et les beaux souvenirs des débats que j'ai eus avec le député de Chapleau dans cette Assemblée, et les plus beaux moments en fait de ma vie parlementaire l'ont été avec Benoît, un constitutionnaliste que je... beaucoup de respect, je ne suis pas d'accord avec lui sur cette question-là. Parce que ce n'est pas parce que c'est une loi ordinaire, celle que vous allez adopter aujourd'hui, qu'elle n'a pas de caractère supralégislatif à cause de la lecture qu'on doit faire de l'article 52 de l'annexe et du pouvoir constituant qui vous appartient en vertu de l'article 45.

Mme David : Oui. Mais une loi simple, là, c'est que nous, on revient au pouvoir en 2022, là, on peut changer la loi parce que c'est une loi simple du gouvernement du Québec, voilà.

M. Turp (Daniel) : Bien sûr et parce que le pouvoir constituant s'exerce dans ce cas-ci par une loi de l'Assemblée <nationale...

M. Turp (Daniel) : ... de l'annexe et du pouvoir constituant qui vous appartient en vertu de l'article 45.

Mme David : Oui. Mais une loi simple, là, c'est que nous, on revient au pouvoir en 2022, là, on peut changer la loi parce que c'est une loi simple du gouvernement du Québec, voilà.

M. Turp (Daniel) : Bien sûr et parce que le pouvoir constituant s'exerce dans ce cas-ci par une loi de l'Assemblée >nationale.

Mme David : Tout à fait. Donc, c'est dans ce sens-là qu'elle n'est pas nécessairement supra... elle ne demande pas le changement constitutionnel non plus du 750 ou de l'unanimité comme les enjeux du lac Meech.

M. Turp (Daniel) : Non. Mais parce que, justement, l'exercice de ce pouvoir constituant qui vous appartient est distinct des autres modes d'amendement constitutionnel.

Mme David : O.K.

M. Turp (Daniel) : Le 750 ou l'unanimité, ou la modification bilatérale. Il vous appartient de modifier la constitution, et quand vous la... du Québec, provinciale du Québec, et, quand vous le faites, vous lui donnez une suprématie législative.

Mme David : Je vais aller sur la dérogation mur à mur, vous dites que vous êtes d'accord. Ça aussi, ce sont presque des débats théoriques, droits collectifs, droits individuels. Le Pr Taillon a dit quelque chose qui était une faille, là, dans la réflexion ou une entrée intéressante, une réflexion, et il a dit qu'il faudrait exclure la dérogation pour, entre autres, les fouilles, les saisies et les perquisitions, pouvoirs donnés à l'OQLF qui sont en dérogation et sans mandat, donc absolument rien ne peut venir contester ça. Il a dit : Ça serait probablement nécessaire pour ça de lever la dérogation. Pourquoi le mur-à-mur? Pourquoi absolument tout ou rien? On ne peut pas en exclure des bouts qui vraiment porteraient atteinte aux droits et libertés individuels. Puis là, ce n'est pas une question anglophone-francophone, là.

M. Turp (Daniel) : Non, non, non.

Mme David : Le droit des individus.

M. Turp (Daniel) : Tout à fait. J'ajouterais que mon collègue Pierre Trudel que j'aime beaucoup et qu'on lit, hein, deux fois par semaine...

Mme David : Qu'on lit beaucoup, oui.

M. Turp (Daniel) : ...dans sa chronique, il a aussi suggéré...

Mme David : Mais il n'est pas venu ici, alors je ne l'ai pas nommé évidemment.

M. Turp (Daniel) : ...suggéré que c'est allé trop loin. Mais, à mon avis, non, on ne va pas trop loin. Puis je vais vous dire très franchement, là, la raison pour laquelle je crois qu'on ne doit pas exclure, faire une liste d'articles exclus des chartes canadienne et québécoise, là. C'est parce qu'à la fin c'est la Cour suprême qui va décider, et la Cour suprême du Canada peut trouver le moyen de déclarer inconstitutionnels des articles de cette loi, de la Charte de la langue française en invoquant d'autres articles de la charte canadienne. Pourquoi finalement? Pour faire prévaloir, tu sais, cette idée que le Canada est bilingue, que le Québec devrait l'être, que le Canada est multiculturel, que le Québec devrait l'être. C'est la Cour suprême du canada qui, en définitive, détient cette compétence si on ne la prive pas du pouvoir, tu sais, d'exercer une compétence fondée sur des articles de la charte canadienne.

Mme David : Donc, vous êtes prêt à... parce que je connais vos positions, vous ne vous en cachez pas non plus, bon, puis que la Cour suprême, elle est indépendantiste, puis que la Cour suprême doit être forcément biaisée du côté du <multiculturalisme...

M. Turp (Daniel) : ... si on ne la prive pas du pouvoir, tu sais, d'exercer une compétence fondée sur des articles de la charte canadienne.

Mme David : Donc, vous êtes prêt à... parce que je connais vos positions, vous ne vous en cachez pas non plus, bon, puis que la Cour suprême, elle est indépendantiste, puis que la Cour suprême doit être forcément biaisée du côté du >multiculturalisme, etc., juges nommés par le fédéral. Mais, quand même, vous êtes en train de dire que ça, doit avoir cet argument-là, primauté sur les droits et libertés individuels en regard de fouilles, de perquisitions, etc. Que... donc, personne ne pourra contester, s'il y a fouille excessive.

M. Turp (Daniel) : Oui, on pourrait le contester sur la base du droit administratif québécois. Il y a des recours qui sont permis, il y a des demandes de contrôle judiciaire, il y a des mandamus, il y a des injonctions. Et moi, je ne présume pas que notre administration publique, appliquant la Charte de la langue française, va abuser de ses pouvoirs, je ne le présume pas. Et je crois qu'il y a d'autres recours que de recours constitutionnels fondés sur la charte canadienne qui vont permettre aux gens de préserver leurs droits.

Mme David : Donc, parce que vous dites qu'il y a d'autres recours, que vous êtes prêt à brimer les droits et libertés en disant : Ils vont pouvoir prendre un autre chemin si jamais, parce que le législateur doit tout prévoir, si jamais il y avait abus. C'est ça que vous dites? Pas besoin d'avoir...

M. Turp (Daniel) : Non, parce que moi, je ne permets pas de brimer des droits.

Mme David : Mais c'est ça, mais tout d'un coup...

M. Turp (Daniel) : Non, non, je ne permets pas de brimer des droits. Je considère que le dernier mot sur cette question vous appartient, elle n'appartient pas à neuf juges de la Cour suprême, d'interpréter la charte d'une façon qui pourra mettre en cause ce que notre Charte de la langue française dit sur ces questions.

Mme David : Donc, vous nous recommandez que, pour les articles de fouille, etc., nous trouvions, les législateurs, un moyen d'éviter les abus et d'éviter que les droits et libertés soient atteints, c'est ça que vous dites.

M. Turp (Daniel) : Je vous recommande de constater que notre droit québécois, notre droit administratif permettra d'éviter que des abus soient commis sur ces questions de perquisition en application de la Charte de la langue française.

Mme David : Donc, il va falloir nous trouver, dans votre sagesse, les articles ou je ne sais pas quoi, le chemin à parcourir qui est autre que... Parce qu'il n'y a pas de mandat, qui est une façon, un mandat d'aller chercher est-ce que c'est pour une bonne raison qu'on fait ça, ou alors, avec la charte des droits et libertés, de pouvoir porter plainte, de pouvoir... Il va falloir trouver d'autres façons si le ministre ne bouge pas là-dessus.

Vous avez un point en commun avec M. Pelletier, vous rêvez d'une constitution du Québec.

M. Turp (Daniel) : Et vous aussi d'ailleurs, parce que vous avez été rapportée comme disant ça, là, maintenant. J'étais très content d'ailleurs, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, parce que vous savez qui a été un des premiers à proposer qu'il y ait une constitution québécoise? M. Gérin-Lajoie, le regretté Gérin-Lajoie, en 1967.

Mme David : Oui, mais demandée par Jean Lesage...

La Présidente (Mme Thériault) : Et je vais devoir mettre fin à l'échange. Donc, Mme la députée de Mercier, à vous de vous adresser à l'ex-député de Mercier.

Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente, de le souligner. Un grand, grand plaisir de vous rencontrer et de vous écouter. Puis vous ne savez probablement pas, mais, dans mon bureau, j'ai une photo de vous, comme j'ai une photo de tous les anciens députés de Mercier.

M. Turp (Daniel) : Je le sais, c'est Amir qui avait fait ça.

Mme Ghazal : Oui. <Exact...

La Présidente (Mme Thériault) : ... l'échange. Donc, Mme la députée de Mercier, à vous de vous adresser à l'ex-député de Mercier.

Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente, de le souligner. Un grand, grand plaisir de vous rencontrer et de vous écouter. Puis vous ne savez probablement pas, mais, dans mon bureau, j'ai une photo de vous, comme j'ai une photo de tous les anciens députés de Mercier.

M. Turp (Daniel) : Je le sais, c'est Amir qui avait fait ça.

Mme Ghazal : Oui. >Exact. J'ai complété.

M. Turp (Daniel) : Amir, mon successeur et celui auquel vous... et pour lequel j'ai un grand respect aussi.

Mme Ghazal : Oui. Oui. Et lui aussi pour vous. Est-ce que... J'ai peu de temps, donc je vais y aller rapidement. Pensez-vous qu'on peut, avec l'article 45, mettre une disposition pour éliminer le serment à la Reine? Mon collègue le député de Jean-Lesage avait déposé le projet de loi n° 192 nous exécrons d'être obligé comme député de faire ce serment. Je suis sûr que c'était la même chose pour vous. Est-ce que c'est quelque chose de possible, puis on pourra en profiter pendant... en travaillant sur le p.l. n° 96?

M. Turp (Daniel) : Je ne crois pas. Malheureusement je pense qu'on ne peut pas aller là. Et j'aimerais bien, en effet, qu'on n'ait qu'à prêter ce serment au peuple et à la constitution du Québec, mais je crois que c'est.... Ce n'est pas quelque chose qui est visé par l'article 45, parce que c'est ailleurs dans la Constitution.

Mme Ghazal : Il faudrait aller ailleurs. Puis là on n'a pas le droit. J'aurais une autre question parce que vous dites que ces dispositions-là, de dire qu'on est une nation, la langue française commune et officielle, c'est supralégislatif. Est-ce qu'on n'est pas en train de légitimer cette constitution canadienne qu'on n'a pas signée, de conforter les fédéralistes? Vous êtes toujours souverainiste, j'en suis convaincue. Est-ce qu'on n'est pas en train de faire ça? J'avais posé la question aussi à M. le professeur Patrick Taillon, puis j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Turp (Daniel) : En tout cas, Benoît Pelletier, mon collègue, l'ancien député de Chapleau, dit dans son article dans Le Devoir qu'on ne légitime pas la Constitution de 1982. Puis effectivement on ne la légitime pas. Parce qu'on pourrait aussi dire, parce qu'on ne l'a pas signée, même si elle nous est imposée puis elle s'applique à nous, tu sais, ce pouvoir était dans l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867. Alors donc, on avait le pouvoir d'une constitution qui ne nous a pas été imposée de la même façon que la Constitution de 1982. Et je crois qu'on pourrait même penser qu'il y a une convention constitutionnelle qui nous permet de nous doter de notre propre constitution, de modifier les dispositions de la Constitution de 1867, donc, sans reconnaître la légitimité de la Loi constitutionnelle de 1982.

• (11 h 20) •

Parce que, vous savez, c'est là le problème. On modifie la Loi constitutionnelle de 1867, mais la Loi constitutionnelle de 1982 demeure illégitime. Elle nous est imposée. Et ça, il ne faut jamais oublier de le dire et de le rappeler, au plan historique, cette condition, nous ne l'avons jamais acceptée quels que soient les gouvernements, de quelle couleur qu'ils aient été, elle s'applique à nous parce que neuf juges de la Cour suprême ont décidé qu'elle s'appliquait à nous.

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange.

Mme Ghazal : Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, M. le député de Matane, votre tour.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Je suis heureux à mon tour de retrouver mon ancien collègue, Me Turp. Cher Daniel, le gouvernement fait le choix politique de modifier la partie <québécoise de la...

M. Turp (Daniel) : ... décidé qu'elle s'appliquait à nous.

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange.

Mme Ghazal : Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, M. le député de Matane, votre tour.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Je suis heureux à mon tour de retrouver mon ancien collègue, Me Turp. Cher Daniel, le gouvernement fait le choix politique de modifier la partie >québécoise de la Constitution canadienne, qu'on n'a jamais signée, et que j'espère qu'on ne signera jamais, dans les conditions. Mais je suis indépendantiste, alors peu me chaut ces questions-là. Comme il est question de la langue ici, est-ce que, selon vous, cette modification aura un quelconque impact sur le déclin avéré de la langue française au Québec?

M. Turp (Daniel) : Ce n'est pas l'article en lui-même qui peut avoir ce déclin. C'est les mesures que vous adopterez. C'est les mesures qui portent sur la langue de l'éducation, la langue de travail, puis sur l'audace qu'aura cette Assemblée lorsqu'il s'agit des mesures qui visent à protéger et promouvoir la langue française et trouver des moyens de mettre fin à ce déclin.

Ce qui me permet, M. le député de Matane, de vous dire ce que je pense des cégeps. Je vais vous le dire parce que...

M. Bérubé : Bien, allez-y.

M. Turp (Daniel) : ...quand j'ai quitté cette Assemblée, quand j'ai quitté cette Assemblée en 2008, quand mon ami Amir Khadir a gagné ses élections de Mercier, et les électeurs m'ont donné congé, je suis retourné à l'Université de Montréal, je suis retourné dans ma faculté de droit, dans la faculté de droit du ministre, et j'ai vu quelque chose, j'ai entendu quelque chose qui me bouleversait, que mes étudiants de ma faculté de droit parlaient anglais, dans ma faculté, dans les murs de ma faculté, où on croise sur le mur les photos de Pierre Elliott Trudeau, Bernard Landry et tous ces anciens premiers ministres qui étaient des diplômés de ma faculté de droit, où les étudiants francophones parlaient en anglais avec les étudiants anglophones et allophones.

La langue anglaise est comme devenue une langue de communication de mes étudiants à la Faculté de droit de l'Université de Montréal. Et ce n'est pas étranger au fait qu'il y a des étudiants de Dawson qui débarquent dans ma faculté de droit. Ils me l'ont dit, ils me l'ont dit, ces étudiants.

M. Bérubé : Bien, Me Turp, c'est des choix politiques, ça aussi, de continuer de financer un projet libéral, que je trouve aberrant, du financement de Dawson, que le gouvernement de la CAQ poursuit. Je veux dire, il n'y a pas de différence entre les deux sur plus que des symboles, sur des choix politiques de financement, et moi, je le regrette. Et je suis d'avis que le ministre devra un jour s'expliquer. Pourquoi il est solidaire de ce choix-là de son gouvernement de faire en sorte qu'un collège de 8 000 étudiants à Montréal poursuive sa progression, ait des ressources supplémentaires? C'est un choix politique très fort, et ni le premier ministre ne veut trop l'expliquer ni le ministre. Et ça, à lui seul, ce choix politique là plombe toute velléité de faire du français une langue importante et de prestige à Montréal. C'est mon opinion.

Je ne sais pas s'il vous reste du temps pour rajouter...

M. Turp (Daniel) : Je vous laisse faire vos débats avec le ministre, M. le député de Matane. Mais moi, j'ai rédigé un article très simple...

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois malheureusement...

M. Turp (Daniel) : ...qui remplace les articles 88.0.2 à 88.13...

M. Bérubé : Nous l'avons... Nous l'avons, Me Turp.

La Présidente (Mme Thériault) : Malheureusement... Malheureusement, collègues...

M. Turp (Daniel) : ...parce que c'est important. M. Rocher vous l'a dit, on aurait dû faire ça en 1977, on devrait le faire en 2021.

La Présidente (Mme Thériault) : ...je dois mettre fin au débat.

M. Bérubé : Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Je reconnais que vous avez toujours la <fougue d'antan...

M. Turp (Daniel) : ... Mais moi, j'ai rédigé un article très simple...

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois malheureusement...

M. Turp (Daniel) : ...qui remplace les articles 88.0.2 à 88.13...

M. Bérubé : Nous l'avons... Nous l'avons, Me Turp.

La Présidente (Mme Thériault) : Malheureusement... M alheureusement, collègues...

M. Turp (Daniel) : ...parce que c'est important. M. Rocher vous l'a dit, on aurait dû faire ça en 1977, on devrait le faire en 2021.

La Présidente (Mme Thériault) : ...je dois mettre fin au débat.

M. Bérubé : Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Je reconnais que vous avez toujours la >fougue d'antan, M. Turp. Mais, malheureusement, je dois mettre fin...

M. Turp (Daniel) : Oui. Je ne vous entendais pas, là, je......

La Présidente (Mme Thériault) : ...au débat. Donc, je vous remercie de votre présence en commission parlementaire. Nous allons suspendre quelques instants pour permettre à l'autre groupe de prendre place en visioconférence. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 24)


 
 

11 h 30 (version révisée)

(Visioconférence)

(Reprise à 11 h 32)

La Présidente (Mme Thériault) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous reprenons nos auditions. Et nous recevons présentement la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Donc, M. Milliard, je vais vous demander de vous présenter, présenter les personnes qui vous accompagnent et de nous présenter votre mémoire. Par la suite, il y aura des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.

M. Milliard (Charles) : Excellent. Alors, merci, Mme la Présidente. Donc, je me présente, Charles Milliard, P.D.G. de la FCCQ. Je suis accompagné d'Alexandre Gagnon, vice-président travail et capital humain à la fédération. Je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître devant vous ne serait-ce que virtuellement afin de commenter, donc, l'important projet de loi n° 60... 96, pardon, qui est assurément une des pièces législatives phare, là, de la présente session parlementaire et peut-être même de la prochaine, si j'ai bien compris.

Alors, pour fin de mémoire, la fédération est un regroupement à la <fois, donc...

M. Milliard (Charles) : ... donner l'occasion de comparaître devant vous ne serait-ce que virtuellement afin de commenter, donc, l'important projet de loi 60... 96, pardon, qui est assurément une des pièces législatives phare, là, de la présente session parlementaire et peut-être même de la prochaine, si j'ai bien compris.

Alors, pour fin de mémoire, la fédération est un regroupement à la >fois, donc, d'une fédération de chambres de commerce, plus de 130 chambres, 1 200 membres corporatifs qui représentent plus de 50 000 entreprises partout au Québec.

Nous sommes aujourd'hui ensemble en octobre 2021 et nous discutons d'un projet de loi à l'Assemblée nationale du Québec en français. Je pense que quiconque qui s'intéresse un peu à l'histoire de l'Amérique et du Canada reconnaîtra que ce simple fait, qui peut sembler aujourd'hui banal, est le fruit d'efforts incommensurables de protection et promotion de notre langue par les générations qui nous ont précédées.

Tout particulièrement, depuis maintenant 44 ans, depuis 1977, la valorisation de notre capital francophone est devenue un actif inaliénable et indiscutable qui nous permet d'affirmer notre identité linguistique partout dans le monde et principalement sur le continent américain.

Aujourd'hui, le projet de loi n° 96 vient rappeler l'importance de préserver l'usage de notre langue dans les différents milieux de travail. Et c'est pour cette raison que la fédération, moi et Alexandre particulièrement ce matin sommes fiers d'appuyer les objectifs.

Cette position est par ailleurs soutenue par le réseau de chambres de commerce au Québec ainsi que par les entreprises qui sont membres de la fédération, qui nous ont indiqué, lors d'un récent coup de sonde au printemps dernier, leur soutien à 70 %, plus de 70 % au projet de loi actuel, évidemment, dans les détails qui étaient alors disponibles.

Je profite d'ailleurs de l'occasion pour dire que la fédération collabore avec l'OQLF sur plusieurs projets depuis de nombreuses années et que nous sommes engagés dans une série d'initiatives avec le ministère des Relations internationales et de la Francophonie pour promouvoir la francophonie économique, oui, canadienne, qui est importante aussi, mais aussi internationale. Nous sommes d'ailleurs... Je profite de l'occasion pour dire que nous sommes heureux de voir que le développement d'une diplomatie économique francophone forte fait partie des priorités du gouvernement actuel.

Malgré ce fort appui, il faut quand même appeler un chat un chat. Certains articles suscitent des inquiétudes et un certain nombre de non-dits au sein de nos membres qui ont été nombreux à nous en faire part. Alors, on fait le choix aujourd'hui de porter... d'attirer votre attention de façon constructive sur quelques éléments précis, qui sont parfois techniques, mais qui nous apparaissent importants pour assurer le succès du projet de loi.

Alors, premièrement, je pense qu'on doit absolument reconnaître tous ensemble que le projet de loi n° 96 créera nécessairement une hausse du fardeau administratif des entreprises, entre autres, dans les pratiques de ressources humaines. Alors, attention, ici, l'idée n'est pas de dire que ce fardeau est insurmontable, mais plutôt qu'il s'ajoute à une multitude d'autres complexités administratives qui sont prévues dans plusieurs projets de loi adoptés récemment. Je fais un petit coucou ici, entre autres, au projet de loi n° 59. Certaines mesures du projet de loi gagneraient à être simplifiées, selon nous, afin de trouver écho dans les pratiques réelles du marché du travail.

Alors, clairement, pour nous, un devoir, justement, de clarté s'impose parce que, plus qu'une simple manifestation d'une volonté politique, ce projet de loi doit vraiment pouvoir vivre dans nos milieux respectifs.

Par exemple, les modifications proposées à l'article 36 du projet de loi soulèvent d'importantes questions quant à la définition des fameux «moyens raisonnables» que les entreprises devront prendre avant d'exiger la maîtrise d'une langue autre que le français. Le caractère <vague de...

M. Milliard (Charles) : ... d'une volonté politique, ce projet de loi doit vraiment pouvoir vivre dans nos milieux respectifs.

Par exemple, les modifications proposées à l'article 36 du projet de loi soulèvent d'importantes questions quant à la définition des fameux «moyens raisonnables» que les entreprises devront prendre avant d'exiger la maîtrise d'une langue autre que le français. Le caractère >vague de cet article provoque quand même un certain questionnement chez nos membres, parce que ceux-ci ne comprennent pas à ce jour comment ils pourront être convaincus de répondre convenablement aux exigences, notamment comment la CNESST et l'OQLF prendront en considération les changements fréquents des opérations d'une même entreprise, mais aussi l'évolution nécessairement changeante des besoins linguistiques pour un département ou un poste donné. Alors, conséquemment, nous pressons le gouvernement d'élaborer un guide et de prévoir un règlement qui va qualifier les moyens explicites et très tangibles de respecter ces obligations.

Maintenant, quelques commentaires au sujet des enjeux de contestation. Alors, au niveau de l'article 37, nous tenons à saluer l'ajout, par le gouvernement, de balises qui concernent les moyens de contestation en privilégiant notamment le processus de médiation. Cependant, certaines lacunes de ces processus mériteraient d'être corrigées, selon nous, afin de rendre une justice plus équitable et plus efficace, particulièrement en référence à l'article 47.3 qui prévoit la défense des travailleurs non syndiqués par la CNESST. Alors, notre expérience à la fédération, en lien avec les contestations relevant des normes du travail, nous amène à proposer que le projet de loi précise explicitement que la CNESST puisse refuser de représenter un travailleur dont la cause ne semble pas du tout fondée en fait et en droit. Également, nous recommandons au gouvernement de prévoir que le Tribunal administratif du travail puisse rejeter une cause sur dossier lorsqu'une plainte, encore une fois, est manifestement non fondée en fait et en droit.

Ces ajouts visent simplement à assurer que les ressources de la CNESST, qui seront d'ailleurs largement utilisées dans les prochaines années, et du tribunal soient utilisées à bon escient et protègent, entre autres, les petits entrepreneurs, les petits employeurs, de recours qui peuvent être considérés comme abusifs.

De plus, nous vous demandons de porter attention à la confusion qui est provoquée par l'article 39 du projet de loi, celui-ci fait fi des processus usuels qui sont proposés par le Code du travail, quant au devoir, entre autres, de représentation des syndicats. Pour y pallier, la fédération recommande que le projet de loi fasse référence au processus de règlement qui est prévu au Code du travail, puisque celui-ci est réputé faire partie de toute convention collective au Québec. Cela permettrait donc de...(panne de son) ... de griefs. Vous m'entendez toujours?

La Présidente (Mme Thériault) : Oui, il y a eu une petite coupure : Cela permettrait donc de...

M. Milliard (Charles) : ...d'assurer une cohérence donc dans les processus de grief et les mécanismes de protection des travailleurs syndiqués. Je poursuis?

La Présidente (Mme Thériault) : Oui.

M. Milliard (Charles) : Ça va? Parfait. Alors, un autre sujet de préoccupation pour nos membres porte sur les pouvoirs de l'OQLF et de Francisation Québec, nous nous inquiétons des conséquences de l'article 80 du projet de loi qui octroie des responsabilités...(panne de son) ...aux comités de francisation. En attribuant ces obligations aux comités, cet article vient diluer la responsabilité de l'employeur, ce qui peut mener à des conflits et, selon nous, ne sert personne. Alors, afin d'éviter ce genre de situation, nous recommandons que l'article 80 du <projet...

M. Milliard (Charles) : ... conséquences de l'article 80 du projet de loi qui octroie des responsabilités... (panne de son) ...aux comités de francisation. En attribuant ces obligations aux comités, cet article vient diluer la responsabilité de l'employeur, ce qui peut mener à des conflits et, selon nous, ne sert personne. Alors, afin d'éviter ce genre de situation, nous recommandons que l'article 80 du >projet de loi soit modifié afin de reconnaître le rôle consultatif du comité de francisation, et vienne ainsi confirmer la responsabilité finale et aussi, on le reconnaît, l'imputabilité finale de l'employeur.

• (11 h 40) •

Au sujet des services d'apprentissage du français et du certificat de francisation, la FCCQ se questionne quant au manque de balises de l'article 89, cette fois-ci, qui vise la participation volontaire des entreprises à une offre de Francisation Québec qui demeure, par ailleurs, un peu floue à ce moment-ci. Alors, nous demandons que le projet de loi définisse les obligations spécifiques des employeurs, et qu'il soit prévu que Francisation Québec ait l'obligation d'offrir des formations au moment et dans les... dans les moyens, pardon, les moins conflictuels avec les opérations et les aspects financiers de l'entreprise. De plus, nous désirons souligner l'absence dans le projet de loi de recours légaux pour un processus de contestation d'un employeur qui se voit refuser ou retirer un certificat de francisation. Alors, à cette fin, pour pallier à ce qui nous apparaît comme un manque, nous recommandons de prévoir un processus de contestation, de refus ou de retrait d'un certificat de francisation à une entreprise.

La dernière partie de notre analyse porte sur l'obligation de l'administration de communiquer en français, alors je vous propose de débuter ici par le dossier des personnes immigrantes. Il faut vraiment se parler aujourd'hui de la limite fixée à six mois pour les services gouvernementaux offerts aux personnes immigrantes dans une autre langue. Cette limitation, honnêtement, nous semble problématique et souvent irréaliste, particulièrement pour les travailleurs étrangers temporaires et les réfugiés. Les derniers mois ont révélé comment le processus est incroyablement complexe pour les candidats à l'immigration déjà au Québec, et on pense qu'ils n'ont pas besoin de cet obstacle supplémentaire selon nous à ce stade-ci. Nous croyons que le délai devrait plutôt être de deux ans, durée normale de la plupart des permis de travail temporaire, et aussi une période qui permet une acquisition de compétences suffisantes en français.

Par ailleurs, nous sommes aussi... dernier point, nous sommes aussi préoccupés par les contrats de dérivés de gré à gré et les clauses types, plutôt technique, mais très important, l'article 44 du projet de loi touche selon nous les fondations mêmes des pratiques commerciales. À titre d'exemple, les sociétés qui ont recours aux produits dérivés, tels que des contrats, donc des dérivés, de gré à gré seront grandement pénalisées par cette disposition. Nous désirons porter à votre attention le fait que ces contrats sont souvent très volumineux, comprennent des clauses types qui ont été normalisées pour la plupart, oui, en anglais, afin d'en assurer la conformité ainsi que l'uniformité dans les pays qui l'utilisent. Alors, il nous apparaît vraiment contre-productif et très coûteux pour une société qui entretient des relations commerciales internationales de devoir présenter un contrat traduit en français dans un premier temps, pour que celui-ci soit par la suite abandonné afin de maintenir la version normalisée dans une autre langue que le français, encore une fois, qui est souvent l'anglais. Conséquemment, plusieurs de nos membres recommandent que les modifications apportées à l'article 44 du projet de loi ne s'appliquent pas à un contrat de gré à gré dans lequel... potentiel pouvait être librement discuté entre les parties.

En conclusion, nous sommes optimistes que les présents travaux de la <commission...

M. Milliard (Charles) : ... la version normalisée dans une autre langue que le français, encore une fois, qui est souvent l'anglais. Conséquemment, plusieurs de nos membres recommandent que les modifications apportées à l'article 44 du projet de loi ne s'appliquent pas à un contrat de gré à gré dans lequel... potentiel pouvait être librement discuté entre les parties.

En conclusion, nous sommes optimistes que les présents travaux de la >commission permettront de prendre en considération les préoccupations de nos membres et qu'on atterrira tous ensemble avec un projet de loi, comme on le souhaite, qui sera cohérent, réaliste, agile et pérenne. Alors, ça sera un plaisir d'échanger avec vous. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Thériault) : Parfait. Merci, M. Milliard. Je vais vous demander de nous transmettre vos notes de présentation parce qu'il est arrivé à quelques reprises où il manquait juste un ou deux petits mots. Donc, pour être bien sûr qu'on n'a pas manqué l'essence de vos propos, dont vers la fin. Donc, sans plus tarder, je...

M. Milliard (Charles) : Avec plaisir.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Sans plus tarder, je vais aller avec l'échange avec le ministre. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Milliard, M. Gagnon, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission et à la présentation aujourd'hui de votre mémoire de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

D'entrée de jeu, vous l'avez dit, je tiens à souligner, là, 70 % de vos membres indiquent être favorables au projet de loi n° 96 et également d'appuyer l'assujettissement des entreprises à la Charte de la langue française au niveau des entreprises de 25 à 49.

Ce que ça signifie, hein, parce que vous, vous représentez la Fédération des chambres de commerce, ça veut dire les membres dans toutes les régions du Québec qui se disent : Bien, nous, comme employeurs, hein, des petites, des moyennes, des grandes entreprises, on est membres de la Fédération des chambres de commerce et on appuie le projet de loi parce qu'on est du patronat et on veut faire notre part. Alors, ça, je trouve ça rafraîchissant puis je trouve également que c'est un bon indicateur de dire qu'au Québec il y a des choses qu'il faut changer.

Et souvent... et je le dis avec beaucoup d'égards, parfois, on ne veut pas que ça change nécessairement parce que ça fonctionne d'une certaine façon. Et je suis sensible à vos arguments d'alourdissement du fardeau administratif.

Mais, dans ce cas-ci, vous dites : Nous, on est favorables au projet de loi. Nos membres sont favorables. Faites attention au fardeau administratif. Mais globalement on est favorables.

M. Milliard (Charles) : Un excellent résumé de ce que je venais de mentionner.

M. Jolin-Barrette : Bien.

M. Milliard (Charles) : ...et je pense, une belle évolution aussi à plusieurs égards... (panne de son) ...décennie. On est tout à fait en faveur de l'esprit de la loi. Ce qu'on vous soumet, c'est des petits détails opérationnels, qui ne sont pas des détails, mais qui le sont dans le cadre de certains articles du projet de loi.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je voudrais vous poser une question, parce qu'on a eu beaucoup d'intervenants qui nous ont dit : Écoutez, le facteur culturel devrait être pris en considération. Dans la Charte de la langue française, on indique un des facteurs d'intégration. Puis, je pense, ce qui concerne beaucoup vos membres, notamment, dans les débats actuels, c'est la pénurie de main-d'oeuvre. Et notamment pour les nouveaux arrivants, on souhaite que, lorsque l'État québécois, lorsque vos membres, les entreprises font des démarches, notamment pour accueillir des personnes immigrantes ou accueillir des travailleurs temporaires, bien, c'est qu'ils demeurent dans l'entreprise qui les a recrutés puis qu'ils contribuent, qu'ils s'installent dans toutes les régions du Québec. Mais, pour ça, généralement, ça <prend une...

M. Jolin-Barrette : ... arrivants, on souhaite que, lorsque l'État québécois, lorsque vos membres, les entreprises font des démarches, notamment pour accueillir des personnes immigrantes ou accueillir des travailleurs temporaires, bien, c'est qu'ils demeurent dans l'entreprise qui les a recrutés puis qu'ils contribuent, qu'ils s'installent dans toutes les régions du Québec. Mais, pour ça, généralement, ça >prend une adhésion en français, à un apprentissage du français, mais une adhésion aussi aux valeurs québécoises, à la culture québécoise aussi.

Puis je ne suis pas sans savoir que vos membres, dans les différentes régions à l'extérieur de Montréal, ont des difficultés de recrutement puis ont de la difficulté à retenir les travailleurs. Alors, est-ce que le fait de jumeler la langue avec la culture, ça pourrait être une avenue intéressante pour vos membres, pour les entreprises, pour dire : Bien, pour être pleinement intégré, il faut adhérer aux deux?

M. Milliard (Charles) : Excellente question. Je vais laisser Alexandre compléter, mais je vous dirais que, selon moi, personnellement, ça va effectivement de pair. C'est important quand on veut faire une meilleure régionalisation d'immigration, justement, d'amener l'ensemble du contexte de vie pour une nouvelle personne dans une région du Québec qui, souvent, sont méconnus, parce que souvent le manque d'intérêt pour la régionalisation d'immigration, c'est une méconnaissance de ce qui est disponible. Bien là on a un programme avec le ministère du Travail qui s'appelle Un emploi en sol québécois, qui vise justement à améliorer la connexion entre les employeurs et les personnes immigrantes. Et, justement, dans la bonification du programme, cette année, on fait des cellules de codéveloppement sur la gestion de la diversité culturelle en entreprise. Alors, justement, ça va permettre aux employeurs qui, peut-être, ont une certaine méconnaissance, une certaine ignorance, des possibilités de l'immigration en région de s'améliorer.

Alors, moi, je suis tout à fait preneur de votre commentaire que ça peut et ça doit vivre ensemble. Maintenant, dans quel laps de temps on demande aux personnes immigrantes de s'acclimater ou, je ne sais pas quel verbe utiliser, à cette réalité-là? Entre autres, quand on parle de communication avec le gouvernement, six mois, moi, ça m'apparaît complètement irréaliste, mais c'est un des éléments qu'on apporte ce matin. Alexandre, je ne sais pas si tu as d'autres commentaires?

M. Gagnon (Alexandre) : Oui, certainement. Évidemment, un des facteurs les plus importants dans l'intégration des personnes immigrantes, c'est l'emploi. Et on le valorise et on essaie de faciliter cette intégration-là par l'emploi, mais ce n'est pas le seul. Donc, le meilleur moyen d'intégrer et d'apprendre la culture, d'apprendre la langue de son peuple d'accueil, nommément le Québec, bien, c'est en vivant le français, en vivant le Québec, donc, particulièrement les régions. Donc, c'est en investissant dans les milieux de vie et en s'assurant qu'il y a une prise en charge des milieux de vie également de ces personnes-là qu'on va y arriver avec cette francisation-là, on va leur apprendre à vivre en français au quotidien. Donc, il faut faire attention également à ne pas tout mettre le fardeau sur les épaules de l'employeur, il n'est pas le seul responsable de cette francisation-là et de l'adoption de la culture québécoise non plus, là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Bien, écoutez, je suis d'accord avec vous, ce n'est pas uniquement votre responsabilité, la responsabilité des employeurs, c'est une responsabilité partagée. L'État doit faire son bout de chemin, ce qu'on essaie de faire avec le projet de loi n° 96, mais je suis heureux d'entendre qu'également les employeurs veulent participer. Puis je trouve que c'est logique aussi parce que, dans les différentes régions du <Québec...

M. Jolin-Barrette : ... O.K. Bien, écoutez, je suis d'accord avec vous, ce n'est pas uniquement votre responsabilité, la responsabilité des employeurs, c'est une responsabilité partagée. L'État doit faire son bout de chemin, ce qu'on essaie de faire avec le projet de loi n° 96, mais je suis heureux d'entendre qu' également les employeurs veulent participer. Puis je trouve que c'est logique aussi parce que, dans les différentes régions du >Québec, hein, on a besoin de travailleurs, on veut retenir les gens en région. Et donc, nécessairement, pour faire ça, bien, il faut qu'il y ait une adhésion. Vous dites «des milieux de vie inclusifs», bien, c'est fondamental.

Là où on a un différend, c'est sur le délai. Vous, vous dites six mois, c'est complètement irréaliste. Or, le projet de loi, ce qu'il fait, c'est qu'il dit : Dès le départ, les nouveaux arrivants sont accueillis en français, donc ça fait partie de l'exemplarité de l'État. Donc, le principe de base, c'est en français, comme dans n'importe quel État dans le monde où c'est la langue nationale qui est généralement... c'est la langue de service de l'État. Ce qu'on dit, c'est que, pendant six mois, pour l'accueil, il y a certaines exceptions. On a mis de l'avant des programmes de francisation, on a augmenté les allocations, tout ça, mais c'est vrai, c'est difficile apprendre une nouvelle langue. Mais comment est-ce qu'on va faire si, avec votre proposition, on laisse deux ans? C'est déjà difficile de retenir des travailleurs étrangers en région. Et si on veut qu'ils s'intègrent en région, bien, c'est en français que ça se passe. Mais si à la moindre occasion, durant le délai que vous proposez, tout peut se dérouler en anglais, notamment avec l'État québécois, comment est-ce que la personne va être incitée à s'intégrer en français? À un moment donné, si on veut faire en sorte que cesse le 80 % d'immigration à Montréal puis amener les gens en région, il va falloir prendre des mesures pour dire : On conserve les personnes immigrantes en région puis...

Quand j'étais ministre de l'Immigration, un des commentaires que je recevais le plus souvent c'était de dire : Bien, les gens, malgré tous les efforts qui sont faits par les communautés d'accueil pour faire des activités, pour intégrer les enfants, pour intégrer les parents, les gens, ils se sentent seuls en région. Ce qui est important, c'est de créer des liens. Puis, écoutez, ce n'est pas facile, là, vous partez de votre pays, vous ne connaissez personne. Vous arrivez dans un nouvel État avec une langue différente. Ces gens-là, ils sont courageux, là, puis ils viennent travailler puis ils veulent le meilleur pour leurs enfants. Mais on a une responsabilité collective comme État, mais aussi dans les différentes communautés, les villes, les entreprises, tout ça. Il faut que tout le monde se mette ensemble pour faire que l'accueil se passe le mieux possible. Parce que, je ne sais pas, moi, j'irais dans un autre État, je ne connais pas la langue, je n'ai pas d'amis, je n'ai pas de famille. C'est extrêmement difficile ce qu'ils vivent, mais il ne faut pas non plus les pousser vers le bilinguisme pour dire : Bien, c'est en anglais. Puis là, ça va les pousser vers Montréal aussi. Comment vous recevez ça?

• (11 h 50) •

M. Milliard (Charles) : Bien, vous... peut-être surpris qu'on n'est pas si éloignés que ça, là, vous et nous, par rapport à vos commentaires. La différence, c'est que, si quelqu'un déménage, exemple, à Saint-Georges de Beauce, où on offrait le programme Un emploi en sol québécois, je peux vous garantir que la vie en français, cette personne-là va la vivre, parce que ça coule de source, là, dans une ville comme Saint-Georges de Beauce.

Le point où je ne suis pas d'accord avec vous, c'est... vous dites : si à la <moindre...

M. Milliard (Charles) : ... par rapport à vos commentaires. La différence, c'est que, si quelqu'un déménage, exemple, à Saint-Georges de Beauce, où on offrait le programme Un emploi en sol québécois, je peux vous garantir que la vie en français, cette personne-là va la vivre, parce que ça coule de source, là, dans une ville comme Saint-Georges de Beauce.

Le point où je ne suis pas d'accord avec vous, c'est... vous dites : si à la >moindre occasion on permet de s'exprimer dans une autre langue... Moi, des communications officielles du gouvernement, soit des choses structurantes par rapport à mon statut de vie au Canada, par rapport à la santé et aux services sociaux qui me sont offerts, ce n'est pas la moindre occasion. C'est des choses qui sont hyperstructurantes pour ces personnes-là. Et je pense que ça serait beaucoup plus sécurisant et réaliste qu'il y ait des mesures facilitatrices de communication. Parce que le reste de la journée à Saint-Georges de Beauce, encore une fois, dans mon exemple, ça va se passer en français.

M. Jolin-Barrette : O.K.

M. Gagnon (Alexandre) : Si je peux ajouter...

M. Jolin-Barrette : Oui, allez-y.

M. Gagnon (Alexandre) : Si vous me permettez... Au niveau du deux ans, on se base sur vos critères au niveau de l'admissibilité au niveau de la résidence permanente. Lorsqu'il y a eu des changements au programme d'immigration, on est venus donner d'ici deux ans. Si vous êtes temporaire, si vous voulez passer au processus d'immigration permanente, vous allez devoir démontrer que vous maîtrisez un niveau... suffisamment le français, mais après deux ans. Et déjà on vous trouvait... plusieurs secteurs on vous trouvait quand même ambitieux dans cette demande-là, mais ça a été adopté, ça a été mis en place, et puis on va de l'avant.

Mais ça va être difficile, exemple, pour un employé qui rentre temporaire, par exemple, et qui vient travailler au Québec. On dit : Mettons-le dans une classe de francisation pendant six mois intensifs. Vous aurez raison, peut-être qu'on va réussir à faire quelque chose. Mais l'employeur qui va chercher un travailleur à l'étranger, évidemment, a un besoin, un impératif de productivité, il veut le faire travailler également. Donc, on pense que six mois à temps partiel, une journée par semaine, par exemple, de francisation... peut-être n'atteindra pas le niveau 7, là, de maîtrise de français, qui est demandé dans certains programmes gouvernementaux. Donc, c'est là qu'on demande un peu de cohérence avec les programmes d'immigration, avec les principes d'immigration permanente, afin d'atteindre ces statuts qui sont exigés.

Et puis, si vous me permettez une petite seconde... La CNESST, notamment, c'est un exemple, donne de la formation puis de l'information quant à leurs droits au niveau des normes du travail, pour ces travailleurs-là. Donc, ils ont développé une panoplie d'offres de service, notamment en espagnol, notamment dans diverses langues, afin de pouvoir les informer sur leurs droits, sur leurs recours en lien avec leur emploi. Donc, ça viendrait peut-être limiter leur accès à ces informations-là.

M. Jolin-Barrette : Alors, je suis désolé de vous reprendre, M. Gagnon, mais il y a déjà des exceptions dans le projet de loi en ce qui concerne la santé et la sécurité des individus. Donc, à ce moment-là, il y a déjà une exception dans le projet de loi.

Et ce qui est intéressant, c'est que vous faites référence à la réforme du PEQ, que je connais un petit peu, et là vous dites : Écoutez, ça prend de la cohérence entre les réformes que vous faites, tout ça, mais vous oubliez de dire que, dans le fond, la réforme du PEQ, c'est le Programme de l'expérience québécoise. Oui, il y a un niveau 7 pour passer à travers ce programme d'immigration là, mais ce n'est pas l'unique programme d'immigration qui existe au Québec. Alors, il faut donner la réalité. Si la personne immigrante, ici, elle est sélectionnée comme temporaire et elle souhaite passer par le <véhicule...

M. Jolin-Barrette : ... tout ça, mais vous oubliez de dire que, dans le fond, la réforme du PEQ, c'est le Programme de l'expérience québécoise. Oui, il y a un niveau 7 pour passer à travers ce programme d'immigration là, mais ce n'est pas l'unique programme d'immigration qui existe au Québec. Alors, il faut donner la réalité. Si la personne immigrante, ici, elle est sélectionnée comme temporaire et elle souhaite passer par le >véhicule d'expérience de travailleur qualifié, et d'obtenir son CSQ à travers le PEQ et d'être sélectionné, effectivement ça prend un niveau 7, mais il y a un autre volet également qui s'appelle Arrima aussi. Donc, il y a différents programmes d'immigration. Alors, c'est faux de dire que tout le monde doit avoir un niveau 7. Et là, après ça, on pourrait se parler de la procédure de... quel programme est-ce qu'on choisit et de la capacité d'accueil au Québec en fonction d'Arrima et en fonction du programme d'expérience québécoise. Là, c'est intéressant parce que lorsqu'on a fait la réforme du PEQ, le monde nous ont dit : Ne touchez pas au PEQ. Puis on veut conserver le PEQ. Mais vous souhaitez avoir des travailleurs qui n'ont pas de maîtrise nécessairement de niveau 7. Alors là, on pourrait les passer par Arrima. Mais le fait qu'il y ait une levée de boucliers sur le PEQ fait en sorte qu'on n'a pas pu utiliser Arrima d'une façon optimale aussi.

Alors, à un moment donné, je vous dirais : La chèvre et le chou ou la laitière, la ferme, le beurre? À un moment donné il faut faire des choix. Alors, je trouve ça toujours intéressant de pouvoir discuter des réformes qu'on a faites en matière d'immigration, mais mon souci, pour moi, c'est de faire en sorte que les personnes immigrantes qu'on accueille au Québec puissent venir au Québec, grandir au Québec en français dans toutes les régions du Québec. Et ça je suis d'accord avec vous sur ce point-là.

Peut-être dernière question relativement au marché du travail. Pour vous, là, et vous le dites à la page 5 de votre mémoire : Maintenant, les employeurs disent, exemple à Montréal, vos membres : Nous, là, on embauche tout le monde peu importe qu'il ait une connaissance ou non de la langue anglaise parce qu'on a des besoins de main-d'oeuvre maintenant. Le Conseil du patronat nous disait un petit peu le contraire parce qu'il disait : Bon, il y a une exigence autre que la langue anglaise. Les études nous démontrent également que sur l'île de Montréal on exige une autre langue que le français. C'est quoi le juste portrait, là, de vos membres? Est-ce qu'ils embauchent même s'ils n'ont pas connaissance d'une autre langue que le français sur l'île de Montréal?

M. Milliard (Charles) : Tu peux y aller, Alexandre?

M. Gagnon (Alexandre) : Oui, bien sûr. En fait, ce qu'on dit dans notre mémoire ce n'est pas qu'il n'y a personne qui embauche avec des exigences d'anglais. Ce qu'on dit c'est qu'un employeur qui viendrait ajouter une exigence de connaissance de l'anglais alors que ce n'est pas strictement nécessaire dans une situation de pénurie de main-d'oeuvre et de rareté de main-d'oeuvre comme on a aujourd'hui qu'on va connaître pour les prochaines années, il se tire dans le pied. Donc, il connaîtra des enjeux de rareté de main-d'oeuvre qui vont être à l'avantage de ses concurrents puisqu'eux vont aller chercher les employés qui ne maîtrisent que le français. Il va réussir à trouver des bons mécanismes afin de minimiser l'usage de l'anglais et l'exigence de l'anglais auprès des employeurs. Donc, c'est plus à ce niveau-là qu'on avait des préoccupations. Qu'on vient dire, on vient tirer un petit peu sur... mettre des obligations supplémentaires, alors que la loi du juste marché vient déjà corriger un peu cette situation-là également.

M. Jolin-Barrette : Bien, je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire. Je crois que le député de Saint-Jérôme souhaite vous poser des <questions...

M. Gagnon (Alexandre) : ... des préoccupations. Qu'on vient dire, on vient tirer un petit peu sur... mettre des obligations supplémentaires, alors que la loi du juste marché vient déjà corriger un peu cette situation-là également.

M. Jolin-Barrette : Bien, je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire. Je crois que le député de Saint-Jérôme souhaite vous poser des >questions. Merci beaucoup pour votre présence.

La Présidente (Mme Thériault) : Oui. Donc, M. le député de Saint-Jérôme, vous avez 2 min 15 s à peu près.

M. Chassin :D'accord. Merci, Mme la Présidente. M. Milliard, M. Gagnon, merci de votre présentation. Je voudrais vous poser une question, peut-être, d'abord, générale, puis, après ça, une question un peu plus spécifique. Dans les chambres de commerce membres de la fédération, voire dans les entreprises membres des chambres de commerce, est-ce qu'il y a déjà une habitude de collaboration avec l'OQLF? Est-ce que vous pouvez nous parler un petit peu de ce qui, déjà, existe, là, sur le terrain, en matière d'accompagnement de l'OQLF puis comment vous l'évaluez?

M. Milliard (Charles) : Bien, Alexandre... expliquer effectivement qu'est-ce qu'il en est, mais je profite de votre présence, M. le député, pour mentionner, quand on parle de fardeau administratif, vous et moi, on est bien placés pour savoir qu'est-ce qui en est, avec les travaux qui ont cours, en ce moment, sur l'allègement réglementaire. Quand on pense, entre autres, à l'ajout du projet de loi n° 59, je pense que vous êtes bien placé pour comprendre un peu le point de vue qu'on peut avoir en termes de fardeau.

M. Chassin : Là-dessus, on se comprend.

M. Milliard (Charles) : Oui. On se comprend là-dessus. Mais, Alexandre, je te laisse aller...

M. Gagnon (Alexandre) : Oui. Effectivement, la FCCQ est impliquée avec l'OQLF, que ça soit dans la promotion, évidemment, du français... dans le cadre de notre concours, les Mercuriades, on remet un mérite du français auprès des entreprises qui se sont démarquées afin de favoriser l'adhésion du français. Actuellement, l'OQLF a mis en place un service d'accompagnement pour les plus petites PME. Notamment, on peut penser, en prévision du projet de loi n° 96, afin de faciliter cette transition-là, on encourage et on fait la promotion au sein de notre réseau, les chambres de commerce de partout au Québec font des partenariats avec l'OQLF depuis des années afin de mettre de l'avant les bonnes pratiques. Donc, au niveau de la conscientisation, évidemment, on est très impliqués, on a un bon support de l'OQLF...

M. Chassin : Est-ce qu'on pourrait dire, à ce moment-là, que cette habitude de collaboration avec l'OQLF explique, dans le fond, la position que vous avez de dire : Bien, dans la loi, il y a un article, ce dont on s'inquiète, c'est davantage de son application, d'où l'idée de requérir, par exemple, des guides des bonnes pratiques puis un certain accompagnement, que vous constatez déjà auprès de l'OQLF? Pas tant, donc, de modifier l'article, mais de l'appliquer, de sa mise en oeuvre concrète, de manière accompagnante et facilitante.

M. Gagnon (Alexandre) : Si je peux me permettre, le projet de loi, actuellement, ce qui est décrit, c'est qu'il va y avoir un service de francisation qui va être offert volontairement aux entreprises. Le contenu de ce service de francisation là, il n'est pas décrit, nulle part, donc on ne sait pas qu'est-ce qui va être exigé de l'employeur, quelles sont les balises de cette contrainte législative. Parce que ça a beau être écrit «volontaire», les conséquences de ne pas s'y plier sont extrêmement importantes, donc...

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois mettre fin, malheureusement.

M. Chassin : ...projet de loi, disons. Merci, Mme la Présidente.

• (12 heures) •

La Présidente (Mme Thériault) : C'est très rapide, deux minutes. Mme...


 
 

12 h (version révisée)

(Visioconférence)

M. Gagnon (Alexandre) :...il n'est pas décrit nulle part. Donc, on ne sait pas qu'est-ce qui va être exigé de l'employeur, quelles sont les balises de cette contrainte législative, parce que ça a beau être écrit «volontaire», les conséquences de ne pas s'y plier sont extrêmement importantes. Donc...

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois mettre fin malheureusement...

M. Chassin :...le projet de loi, disons. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Thériault) : ...c'est très rapide deux minutes. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : Merci, Mme la Présidente. M. Milliard, M. Gagnon, bonjour. Écoutez, votre échange, avec le ministre, était fort intéressant sur le deux ans, six mois, je pense que vous, vous proposez deux ans, de permettre au nouvel arrivant puis, bon, là, le ministre tient aux six mois. Et j'ai l'impression que vous avez, tous les deux, raison, en fait, c'est ça qui va être fort intéressant à regarder, on fera de la médiation, je m'offre, parce qu'entre le six mois et le deux ans, il y a peut-être quelque chose d'intermédiaire puis il y a peut-être des situations particulières aussi. Mais c'est évident, et vous n'êtes pas les seuls à être venus le dire et je pense que vous ne serez pas les derniers à dire que six mois pour franciser quelqu'un, il a beau habiter à Saint-Georges-de-Beauce, là, c'est quand même très difficile, d'autant qu'un organisme en francisation est venu dire : Écoutez, ça ne se fait pas, le lendemain de son occupation de logement, là. S'il arrive en octobre, ça peut aller en janvier, le cours de francisation, et ça ne veut pas dire qu'il va pouvoir être à temps plein, parce qu'il faut qu'il travaille pour gagner sa vie, pour payer ledit logement.

Donc, j'ai l'impression qu'il va falloir trouver un juste milieu qui répond à la fois aux angoisses ministérielles de dire : Bien là, ils vont s'habituer à parler anglais, ce qui peut être peut-être une prétention sur laquelle il faut se pencher, mais, en même temps, bien, six mois, bien, c'est à une vitesse absolument rapide. Mais je vais aller tout de suite, moi, au fameux article 36 qui est le non moins fameux article 46 sur l'exigence d'une langue autre que le français à l'embauche. Vous en parlez dès le début et vous dites que c'est un fardeau administratif important. On sait que, justement, en 2013, c'est sur des considérations comme celles-là, le fardeau administratif, que la CAQ n'a pas voulu appuyer à l'époque, le projet de loi n° 14, qui était le projet de loi de Mme De Courcy, souvenez-vous, sur la langue française.

Donc, le fardeau administratif, on le sait, le gouvernement y est très sensible, et vous, vous venez nous dire : Attention, l'article 36 va impliquer un lourd fardeau administratif pour démontrer le respect du critère qu'on a fait toutes les conditions nécessaires pour ne pas avoir à exiger une langue autre que le français. Il y a le mot «réputé» que j'ai appris, parce que j'ai fait un cours de droit en accéléré pour préparer ce projet de loi là, il est marqué «un employeur est réputé ne pas avoir pris tous les moyens raisonnables si» ta, ta, ta, trois conditions qui, elles-mêmes ne sont pas très claires, et vous le dites, vous, clairement que les conditions ne sont pas très claires. Et donc comment on fait la démonstration qu'on a analysé les besoins linguistiques réels? Ce n'est pas <objectif...

Mme David : ... pris tous les moyens raisonnables si» ta, ta, ta, trois conditions qui, elles-mêmes ne sont pas très claires, et vous le dites, vous, clairement que les conditions ne sont pas très claires. Et donc comment on fait la démonstration qu'on a analysé les besoins linguistiques réels? Ce n'est pas >objectif, ça. Comment démontrera-t-il qu'il a restreint au maximum le nombre de postes exigeant une deuxième langue? Alors, vous posez très bien les questions, vous dites : Ça va être très difficile à répondre. Mais en langage législatif, le mot «réputé» est beaucoup plus puissant en termes de fardeau que le mot «présumé». Alors, je veux vous entendre sur votre inconfort par rapport à ce fardeau administratif et par rapport à cet article 36 en particulier.

M. Milliard (Charles) : La mention que vous faites du mot «réputé», je pense que c'est le mot-clé dans votre intervention, justement. C'est que le terme est beaucoup plus puissant, donc la conséquence est puissante, mais le chemin pour s'y rendre est très sinueux et pas nécessairement asphalté, en ce moment, donc c'est ce qui inquiète les gens.

Il faut comprendre que nous, notre travail, c'est de parler des récriminations ou des inquiétudes de nos membres. Mais mettez-vous à la place d'un entrepreneur en ce moment, c'est... comme on dit, il faut se lever de bonne heure pour dire publiquement qu'on est contre ce projet de loi là ou contre certains éléments parce que ça peut être mal perçu. Alors que, comme je vous dis, une très grande majorité des milieux d'affaires sont en faveur du concept.

Mais il y a des entrepreneurs qui nous appellent qui sont un peu mal à l'aise de poser la question publiquement. Parce qu'ils se demandent comment on va faire avec nos départements de ressources humaines pour non seulement s'assurer de rencontrer ces exigences-là, et un coup qu'elles sont rencontrées, quand la situation dans le milieu de travail va évoluer, comment on repasse par-dessus ça, et qu'on refait une analyse sempiternelle, et éternelle, alors c'est ça qui inquiète les gens. Et j'aime penser que les travaux d'une commission parlementaire, ça sert à préciser des intentions, justement, alors j'espère que dans le cadre des travaux, ça va devenir plus clair pour les directions de ressources humaines comment arriver à être réputées avoir fait le travail en ce moment.

Mme David : Donc, vous nous relancez la balle en disant : On est inquiet, des entrepreneurs n'oseront pas le dire publiquement, vous, vous les représentez. Vous êtes, grosso modo, d'accord pour la loi, mais, mais, mais gros bémol, attention, nos membres peuvent être très inquiets de l'applicabilité de cet article 35. C'est ça qu'on doit comprendre à cause, entre autres, du mot «réputé» dont j'ai appris le poids légal extrêmement lourd. Quand on est réputé, on ne peut plus bien, bien se défendre. Mais comment on peut se défendre contre des conditions qui sont difficilement mesurables? Alors, est-ce que je traduis bien votre inquiétude?

M. Milliard (Charles) : Oui. Alexandre, est-ce que... si ça te va, oui?

M. Gagnon (Alexandre) : Oui, bien sûr. En fait, ce qu'on dit c'est qu'un employeur, même de bonne foi et qui prend toutes les démarches pour respecter les exigences qui sont à l'article 36, en raison du caractère un peu flou de qu'est-ce qui est correct, qu'est-ce qui est admis, qu'est-ce qui est acceptable, pourrait se retrouver avec une plainte et tout de même se faire dire qu'il n'a pas respecté l'essence de la loi. Donc, on peut penser, par <exemple...

M. Gagnon (Alexandre) : ... les exigences qui sont à l'article 36, en raison du caractère un peu flou de qu'est-ce qui est correct, qu'est-ce qui est admis, qu'est-ce qui est acceptable, pourrait se retrouver avec une plainte et tout de même se faire dire qu'il n'a pas respecté l'essence de la loi. Donc, on peut penser, par >exemple, moi, j'ai besoin pour un poste de travail d'avoir deux personnes sur 10 qui maîtrisent l'anglais. Mais est-ce que j'ai le droit de présumer et de prendre pour acquis dans ma gestion des risques que peut-être que dans ces deux travailleurs-là, il y en a un qui va être malade, il y en a un qui va partir en vacances, il y en a un qui va quitter l'entreprise? Donc, finalement, est-ce que j'ai le droit de dire : Je vais en avoir besoin de trois ou je vais en avoir de quatre pour suppléer à ces situations-là de surplus de travail ou non ou de départ impromptu?

Donc, c'est là qu'un employeur va... C'est ce qu'on écrit dans le mémoire, on dit : Il va être obligé de laver plus blanc que blanc afin d'éviter de se placer dans une situation inconfortable.

Mme David : Donc, selon vous, il faudrait qu'on retravaille sérieusement cet article-là.

M. Gagnon (Alexandre) : En fait, ce qu'on vient dire, c'est : Venez confirmer, donner le pouvoir réglementaire de venir... ou qui va venir porter plus de précisions quant à l'application terrain de ces articles-là. Donc, votre loi...

Mme David : O.K., mais...

M. Gagnon (Alexandre) :...les essences, elle est bonne, mais il faut le préciser.

Mme David : Mais les règlements, on ne les passe pas pendant qu'on passe la loi, ça vient après, d'habitude. Alors, voilà le grand truc quand on est ministre.

Je vais aller à l'article 44. Alors, l'article 44, ce n'est pas le plus simple et sexy, mais ça a l'air bien important. Et j'ai appris des choses, puis on veut toujours apprendre dans la vie, alors, qu'est-ce que c'est que le secteur des dérivés.

Alors, on est dans votre champ de compétence, pas dans le mien, mais vous avez quand même des inquiétudes : «Il nous apparaît contre-productif pour une société qui entretient des relations d'affaires à l'étranger de devoir présenter un contrat traduit en français, dans un premier temps, pour que celui-ci soit par la suite abandonné afin de maintenir une version normalisée dans une langue autre que le français», etc.

Alors, qu'est-ce que ça pourrait être, les conséquences, justement, pour vos entreprises, si cet article-là était adopté tel quel? Parce que, quand même, ça a l'air, ça aussi, d'être une lourdeur administrative supplémentaire.

M. Milliard (Charles) : Juste avant de laisser la parole à Alexandre, je veux vous dire que c'est la... vous avez... dans votre temps de parole, vous avez adressé les deux principales récriminations qu'on a en ce moment, donc préciser l'article 36 et démontrer l'ampleur des enjeux de l'article 44, c'est vraiment les deux choses qu'on entend... Alexandre, est-ce que tu veux parler des dérivés?

M. Gagnon (Alexandre) : Oui, très rapidement. Les produits dérivés, ça va être des produits financiers un peu spéciaux, là, qui sont régis notamment avec les bourses, avec les institutions financières. Donc, ces produits-là, considérant que l'employé de la banque en question ou l'entreprise financière est au Québec, même s'il fait des transactions informatiques, exemple, avec la bourse de New York, donc, le contrat va avoir été réputé avoir été signé au Québec, parce qu'au moment où il était dans son ordinateur, il était au Québec. Donc, le contrat va devoir être en français, mais la bourse de New York, on va leur présenter un <contrat...

M. Gagnon (Alexandre) : ... l'entreprise financière est au Québec, même s'il fait des transactions informatiques, exemple, avec la bourse de New York, donc, le contrat va avoir été réputé avoir été signé au Québec, parce qu'au moment où il était dans son ordinateur, il était au Québec. Donc, le contrat va devoir être en français, mais la bourse de New York, on va leur présenter un >contrat en anglais, un contrat qui a été élaboré par des normes internationales au niveau des produits dérivés avec des contrats très touffus, très élaborés, avec des normes très strictes. Donc, de venir traduire ça dans le français va probablement les rendre très inconfortables, mais avec... en leur disant qu'ils risquent d'avoir des enjeux législatifs avec ça, avec des exigences par rapport à ça. On s'est fait dire par plusieurs de nos membres, de dire, bien : Est-ce que je serais avantagé plutôt de... pour rassurer nos partenaires commerciaux, de faire faire ces transactions-là par des employés qui seraient en Ontario, par exemple, pour faciliter cette transaction-là, donc ce n'est pas quelque chose qu'on vise, pas quelque chose qu'on veut non plus de nos membres, ce n'est pas ce qu'ils veulent, mais la complexité supplémentaire, notamment dans un contexte où on... le contrat en lui-même est élaboré par des normes internationales qui ont été malheureusement faites uniquement en anglais, bien, on vient complexifier de façon très importante des situations bipartites où il y a un des interlocuteurs, qu'on ne peut pas lui exiger une connaissance du français, là.

• (12 h 10) •

Mme David : Je vous cite : «Cela forcerait les sociétés québécoises à payer plus cher pour ce type de contrat. Les éléments suivants subiront une hausse des coûts : taux de change, taux d'intérêt, coût des matières premières et prix des marchandises.» Est-ce que ça pourrait avoir une pression à la hausse, donc, sur le prix de certains services ou de marchandises pour les consommateurs?

M. Gagnon (Alexandre) : Bien, le...

M. Milliard (Charles) : Bien sûr. Réponse courte, c'est ce que l'ensemble des membres qui nous ont alertés sur ce point-là nous mentionnent. Et non seulement contre-productif, mais il y a un risque d'inflation des coûts que vous avez mentionné.

Mme David : Et la réponse longue?

M. Gagnon (Alexandre) : Si je peux me permettre, c'est que oui, effectivement, il va y avoir une hausse des coûts, du moment qu'on a une complexité administrative supplémentaire, ça vient nous complexifier, mais j'aimerais vous... même vous amener, le gouvernement, dans les notions au niveau de l'administration publique, vient se donner une certaine dérogation de certaines exemptions dans les contrats lorsqu'ils font affaire avec une organisation internationale où le français n'est pas la langue de base. Donc, ils disent : Dans ces circonstances-là, on permet que le contrat soit en anglais ou dans une autre langue que le français. Cette exemption-là ne s'applique pas actuellement aux employeurs, aux partenaires privés, là, dans l'essence du p.l. n° 96 actuellement.

La Présidente (Mme Thériault) : Et ceci met fin à l'échange. Donc, nous allons aller du côté de la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci, merci beaucoup pour votre présentation. Moi, je voudrais vous amener sur la recommandation 7. Vous semblez très inquiet du fait que la francisation en entreprise ou les services d'apprentissage de français entrent en contradiction avec les opérations d'une entreprise, l'efficacité et tout ça. Vous savez, il y a des entreprises aujourd'hui, c'est même perçu comme un avantage concurrentiel en cette période de <pénurie de la...

Mme Ghazal : ... la recommandation 7. Vous semblez très inquiet du fait que la francisation en entreprise ou les services d'apprentissage de français entrent en contradiction avec les opérations d'une entreprise, l'efficacité et tout ça. Vous savez, il y a des entreprises aujourd'hui, c'est même perçu comme un avantage concurrentiel en cette période de >pénurie de la main-d'oeuvre, qui offrent de façon volontaire des formations en français sur les heures de travail. Et j'essaie de comprendre votre inquiétude par rapport à ça. Est-ce que vous qui allez payer, etc.?

On le sait, c'est la façon la plus efficace pour les gens d'apprendre le français, que ça se fasse pendant les heures de travail et non pas les soirs les fins de semaine quand les gens ont une famille. C'est la même chose aussi avec la formation de la main-d'oeuvre, il y a une loi qui oblige les employeurs à en faire une. La francisation, ça devrait être la même chose.

Est-ce que vous ne pensez pas que vous avez même un rôle auprès de vos membres et auprès des entreprises à les sensibiliser sur l'importance, contrairement aux idées préconçues que, ah! bien, les employés, ça va être moins efficace, ce n'est pas bon pour mes opérations? Au contraire, c'est une bonne chose de former les entreprises, notamment en francisation, sur les heures de travail. Est-ce que vous avez un rôle là-dessus, et pour même le promouvoir?

M. Milliard (Charles) : Écoutez, on est tout à fait d'accord avec ce que vous dites. Puis on l'a mentionné avec M. le ministre tout à l'heure, on reconnaît la responsabilité des employeurs pour favoriser la francisation des employés.

Mme Ghazal : ...le milieu des affaires dit tout le temps qu'il est d'accord avec le français, mais quand il s'agit de poser des gestes, de faire des actions, de mettre un peu d'argent, ah! là ce n'est plus votre responsabilité.

M. Milliard (Charles) : Bien là, la vie est beaucoup plus compliquée que ça, Mme la députée, là. Mais je pense que...

Mme Ghazal : Ah! bien, expliquez-moi la vie, M..

M. Milliard (Charles) : Je n'ai pas cette prétention-là. Ce que j'essaie d'expliquer, c'est qu'il y a une différence entre prendre une mesure de façon volontaire puis avoir un avantage compétitif — comme vous l'avez mentionné, oui, certains le font — et d'avoir une certaine imposition qui vient du gouvernement via Francisation Québec quand on ne comprend pas encore les règles du jeu. Alors, la question vient plus d'un manque de détails. Alors, il ne faut pas penser qu'on est contre qu'il y ait des formations sur les heures de travail ou qu'il y ait des coûts qui soient défrayés par les employeurs, mais on ne peut pas vous donner un chèque en blanc, dire qu'on est absolument emballés quand on ne comprend pas exactement qu'est-ce qu'il en retourne de cet article-là. C'est tout simplement ça.

Mme Ghazal : Puis vu que vous êtes pour, est-ce que vous êtes pour que même la loi du 1 % de la formation de la main-d'oeuvre, probablement qu'à l'époque, quand elle a été instaurée, il y avait des gens du milieu des affaires qui disaient que c'était une mauvaise chose pour leur entreprise. Aujourd'hui, c'est rendu une chose commune. Est-ce que vous seriez d'accord qu'on augmente ce pourcentage-là et qu'on y ajoute la francisation, par exemple?

M. Gagnon (Alexandre) : Si je peux me permettre, en fait, la majorité... vous n'êtes pas sans savoir peut-être qu'on est une organisation qui demande à réviser la loi du 1 %, évidemment pas dans le sens peut-être que vous le proposez. La majorité des organisations internationales ont changé leur modèle parce que ça amenait des organisations à investir le strict minimum. Aujourd'hui, les entreprises qui sont assujetties investissent 1 %, celles qui ne sont pas, investissent, 2 %, 3 %, 4 %. Donc, on en fait un exercice comptable, là.

Mme Ghazal : Donc, d'augmenter...

Mme Thériault : Et je dois mettre fin à l'échange malheureusement.

Mme Ghazal : Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le député de <Matane-Matapédia...

M. Gagnon (Alexandre) : ... ont changé leur modèle parce que ça amenait des organisations à investir le strict minimum. Aujourd'hui, les entreprises qui sont assujetties investissent 1 %, celles qui ne sont pas, investissent, 2 %, 3 %, 4 %. Donc, on en fait un exercice comptable, là.

Mme Ghazal : Donc, d'augmenter...

Mme Thériault : Et je dois mettre fin à l'échange malheureusement.

Mme Ghazal : Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le député de >Matane-Matapédia, pour le dernier échange de notre avant-midi.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue dans cette commission. Les chambres de commerce réclament — je dirais, à hauts cris — davantage d'immigrants, davantage de main-d'oeuvre. Nous, on pose une condition importante, et je vous en fais part. Nous exigeons une connaissance du français de la part de tous les immigrants économiques et nous souhaitons qu'on ajuste nos seuils en fonction de notre capacité d'accueil et d'intégration, et plusieurs autres mesures qu'on a aussi à la hauteur des défis qui sont, quant à nous, incontournables.

Donc, sur ce premier élément, êtes-vous d'accord que, pour la réussite de chacune de ces aventures au Québec, de vie professionnelle en socialisation, on doit exiger le français avant l'arrivée?

M. Gagnon (Alexandre) :...

M. Bérubé : Pardon?

M. Gagnon (Alexandre) : Oui, excusez-moi. En fait, non, par le simple fait qu'on se limite dans le type d'immigrants dans lequel on peut aller sélectionner et dans lequel on peut faire affaire. Donc, parfois, il y a des expertises très pointues qui sont nécessaires dans nos milieux de travail, malheureusement, et on met... on favorise puis on est pour le recours à des exercices de francisation importants. On est pour, on pousse ça, puis on en fait de la valorisation depuis plusieurs années.

M. Bérubé : D'accord.

M. Gagnon (Alexandre) : Et pour... Si vous me permettez, pour la capacité d'intégration, on est pour... On est évidemment... On est d'accord avec vous, mais on est encore en attente de savoir comment on va calculer cette capacité d'intégration là, donc qui est tant discutée depuis certaines années au Québec.

M. Bérubé : D'accord. J'ai une idée là-dessus, moi, puis je vous en fais part, à travers trois mesures. D'abord, l'idée de régionaliser l'immigration, l'objectif minimal de 50 % en donnant la priorité aux immigrants qui s'engagent à s'installer en région, et s'assurer qu'il y a des incitatifs à y demeurer. Et bonifier l'aide financière offerte aux candidats à l'immigration qui prennent des cours de français avant leur arrivée au Québec.

Nous sommes d'avis qu'une façon de valider l'intégration, c'est qu'elle se fasse en français. Et tant mieux si elle se fait dans le monde du travail, mais le Québec, ce n'est pas l'Ontario, ce n'est pas la même société. Et ça appelle toutes les organisations, y compris la vôtre, à avoir une sensibilité beaucoup plus grande à l'égard de notre destin collectif.

M. Gagnon (Alexandre) : On est d'accord sur plusieurs points que vous dites. En fait, au niveau de la meilleure façon... puis de régionaliser, c'est de mettre en lien avec les employeurs en région, le plus rapidement possible, dès qu'ils sont déjà à l'étranger. La majorité des besoins de main-d'oeuvre sont à l'extérieur de Montréal, donc si on a réussi à les mettre en lien, naturellement, avec l'emploi, on va réussir à régionaliser.

Au niveau de l'aide de francisation avant l'arrivée, évidemment, nous, on veut que l'immigrant soit le plus prêt possible à intégrer son emploi, à exercer son métier, en français autant que possible, le plus rapidement possible. Ça, on vous encourage à mettre ça en place, et c'est d'ailleurs quelque chose qu'on favorise depuis plusieurs années. Donc, on a cette ouverture, que vous réclamez, on l'a cette ouverture-là au sein des employeurs.

M. Bérubé : Parce que vos membres sont, dans toutes les régions du Québec, notamment chez nous, <je peux...

M. Gagnon (Alexandre) : ... à exercer son métier, en français autant que possible, le plus rapidement possible. Ça, on vous encourage à mettre ça en place, et c'est d'ailleurs quelque chose qu'on favorise depuis plusieurs années. Donc, on a cette ouverture, que vous réclamez, on l'a cette ouverture-là au sein des employeurs.

M. Bérubé : Parce que vos membres sont, dans toutes les régions du Québec, notamment chez nous, >je peux vous dire une chose, non seulement on a besoin de main-d'oeuvre nous aussi, mais on est capables de bien intégrer l'immigration et faire en sorte que ça se passe bien, que ce soit une réussite à tous égards et on y gagne tous. Et des gens heureux, c'est aussi des travailleurs qui sont fiers, qui sont heureux. Il ne faut pas sous-estimer cet enjeu-là, d'être fiers d'être Québécois, d'être fiers d'être au Québec, d'apprécier les opportunités que ça nous apporte. Et la moindre des choses, c'est de respecter notre langue nationale...

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange...

M. Bérubé : ...de l'apprendre et de vivre en français.

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, merci beaucoup, MM. Milliard et Gagnon pour votre présence en commission parlementaire ce matin. Donc, je vous remercie pour vos précieux conseils.

Et nous allons maintenant suspendre les travaux jusqu'après la période des affaires courantes. Merci. Bon appétit à tous.

(Suspension de la séance à 12 h 19)


 
 

15 h 30 (version révisée)

(Visioconférence)

(Reprise à 15 h 36)

La Présidente (Mme Thériault) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission de la culture et de l'éducation reprend ses travaux. Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.

Et cet après-midi, nous entendrons la ville de Montréal, le Consortium des cégeps, collèges et universités d'expression anglaise du Québec, le Mouvement Québec français et M. Hugo Cyr, professeur et spécialiste en droit constitutionnel de l'Université du Québec à Montréal.

Donc, je vais souhaiter la bienvenue aux représentants de la ville de Montréal. Donc, Mme la mairesse, la parole est à vous, présentez la personne qui vous accompagne, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Bienvenue.

Mme Plante (Valérie) : Parfait. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, oui, je suis accompagnée par ma collègue, Cathy Wong.   Alors, je me lance tout de suite, le temps est compté. Alors, évidemment, je suis très heureuse d'être avec vous aujourd'hui dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 96, parce que la ville de Montréal est une alliée et un partenaire de premier plan du gouvernement du Québec dans la valorisation de la langue française. D'emblée, je souhaite réitérer qu'en tant que mairesse de Montréal j'appuie le projet n° 96. Je crois qu'avec cette réforme le gouvernement du Québec pose un geste fort pour assurer le rayonnement de la langue française, qui est notre langue commune.

L'usage du français comme langue de travail au sein de nos institutions publiques, ce qui est mis de l'avant dans la réforme présentée par le gouvernement, est un objectif que nous partageons et que nous priorisons, à la ville de Montréal. En tant que plus grande ville francophone d'Amérique, Montréal est et sera une alliée de la loi 101 et de sa réforme.

Notre administration a consacré beaucoup d'efforts afin de promouvoir la langue française, une volonté qui s'est concrétisée par l'adoption, en mars dernier, du tout premier Plan d'action en matière de valorisation de la langue française de l'histoire de la ville de Montréal, ainsi que par la nomination de la toute première responsable à la langue française du comité exécutif de la ville de Montréal, Mme Cathy Wong.

Les administrations municipales qui nous ont précédés auraient dû poser des gestes plus forts et il y a bien longtemps. Malheureusement, elles ont préféré ne pas intervenir dans le débat, elles ont préféré laisser cette responsabilité au gouvernement du Québec. Et notre équipe a répondu à l'appel en travaillant d'arrache-pied pendant notre mandat pour créer un plan d'action ambitieux qui redonnera toutes ses lettres de noblesse à la langue française, la langue commune de Montréal et du Québec. Nous avons réfléchi profondément à la place qu'a et que devrait avoir la langue française dans notre ville. Nous nous sommes également assurés que notre démarque... notre démarche, pardon, était ouverte et inclusive. Autrement dit, notre démarche prend en considération les droits linguistiques de la communauté anglophone et ceux des nations autochtones. Notre approche en est une de collaboration. Alors, je laisse maintenant la parole à ma collègue, Mme Cathy Wong.

Mme Wong (Cathy) : Merci beaucoup, Mme la mairesse. Alors, bien sûr, dans cette approche qui était très importante pour nous, nous avons consulté des gens issus de différentes sphères de la société, le milieu des affaires, des groupes engagés dans la promotion et la défense de la langue française. On a également parlé avec plusieurs acteurs des milieux postsecondaires francophones et <anglophones...

Mme Wong (Cathy) : ... Merci beaucoup, Mme la mairesse. Alors, bien sûr, dans cette approche qui était très importante pour nous, nous avons consulté des gens issus de différentes sphères de la société, le milieu des affaires, des groupes engagés dans la promotion et la défense de la langue française. On a également parlé avec plusieurs acteurs des milieux postsecondaires francophones et >anglophones. Et on est très fiers du résultat de tout ce travail qui se retrouve aujourd'hui dans notre plan d'action en matière de valorisation de la langue française. Ce plan d'action contient 25 actions fortes qui vont faire en sorte d'augmenter la promotion et le rayonnement de la langue française à Montréal.

• (15 h 40) •

Et donc, permettez-moi de profiter de cette tribune aujourd'hui pour exposer quelques actions fortes de notre administration en matière de valorisation de la langue française. Premièrement, bien, vous l'avez sûrement lu, nous avons obtenu l'ensemble des certificats de francisation dans la ville centre ainsi que de tous ces arrondissements. Le dernier, Pierrefonds-Roxboro, est en voie d'obtention. C'est une première en plus de 15 ans, et la ville se doit d'être exemplaire, et nous en sommes fiers.

Et, dans les prochains jours, bien, nous allons procéder à l'embauche de la toute première commissaire à la langue française de la ville de Montréal. Cette personne va faire le suivi de tous les gestes que posera la ville de Montréal pour valoriser la langue française et va s'assurer que la ville adopte les meilleures pratiques à l'intérieur de ses murs concernant l'usage du français.

On a également annoncé ce matin la création du premier comité de suivi du plan d'action en matière de valorisation de la langue française à la ville de Montréal. Ce dernier sera présidé par Mme Louise Harel, ancienne députée d'Hochelaga-Maisonneuve et ministre sous différents gouvernements, qui a passé sa vie à travailler pour le mieux-être de ses concitoyens en plus de travailler activement pour la langue française. Et donc ce comité va aussi s'assurer que la métropole fasse toujours mieux en matière de valorisation et de promotion de la langue française.

Nous avons également créé un prix de reconnaissance qui va souligner la contribution d'une personne ou d'une organisation montréalaise à la vitalité, au rayonnement et à la promotion du français comme langue commune à Montréal.

Et donc, comme vous pouvez le constater, la ville de Montréal, dans le respect des pouvoirs qui lui sont conférés, agit concrètement pour promouvoir le français dans son développement économique, ses relations internationales, le rayonnement de sa culture et de son développement social. Et nous appliquons cette vision à Montréal comme dans toutes nos relations externes au niveau national et international.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la mairesse.

Une voix : Votre micro.

La Présidente (Mme Thériault) : Oui, je vais vous demander de recommencer, on ne vous a pas entendue.

Mme Plante (Valérie) : Merci beaucoup. Oui, bien sûr. Je disais : Merci, Cathy. Alors, le projet de loi qui est devant nous réitère clairement que le français, c'est notre langue commune et celle de l'intégration au Québec. Soulignons également qu'il prend en compte, comme je le disais, les droits des minorités anglophones et des nations autochtones. Nous avons ainsi adopté, à la ville de Montréal, une stratégie de réconciliation avec les peuples autochtones en 2020. Les exceptions qui sont prévues dans ce projet de loi pour prendre en considération les droits des peuples autochtones sont donc appréciées.

Montréal est également le choix de résidence des deux tiers de l'immigration du Québec. De plus, 40 % de la population active de la métropole provient de l'immigration. Nous sommes convaincus que le français, la langue française est un liant entre les diverses communautés qui composent la riche <mixité...

Mme Plante (Valérie) : ... autochtones sont donc appréciées.

Montréal est également le choix de résidence des deux tiers de l'immigration du Québec. De plus, 40 % de la population active de la métropole provient de l'immigration. Nous sommes convaincus que le français, la langue française est un liant entre les diverses communautés qui composent la riche >mixité culturelle de Montréal. Cette langue commune fait notre fierté, elle nous distingue aussi bien à l'échelle nationale qu'internationale.

Pour assurer sa valorisation à long terme, il est essentiel de mobiliser toutes les communautés. C'est la mission que la ville de Montréal s'est donnée.

Nous jouons ici un rôle crucial dans l'intégration des nouveaux arrivants et dans leur apprentissage du français, mais nous croyons que le rôle de la ville de Montréal peut encore être plus déterminant que maintenant avec un soutien accru du gouvernement du Québec.

Actuellement, nous multiplions les actions en promotion du français auprès des personnes nouvellement arrivées grâce à notre Bureau d'intégration des nouveaux arrivants à Montréal qui s'appelle le BINAM et à travers également ses partenaires, notamment les cégeps et les universités.

Nous sommes convaincus que tous les nouveaux arrivants désirent ardemment s'intégrer à leur société d'accueil. Ils comprennent très bien que l'apprentissage du français est un outil essentiel pour accélérer leur intégration. C'est donc un de nos rôles, comme société d'accueil, de les accompagner dans cet apprentissage de la langue française. C'est pourquoi nous appuyons la mise en place d'un guichet unique québécois qui va aider les nouveaux arrivants à apprendre le français et ainsi contribuer pleinement à la vie en société.

Nous accueillons également de façon très favorable la création d'un ministère dédié à la francisation ainsi que la création d'un poste de commissaire. Il relève de l'évidence que les objectifs du gouvernement du Québec, en termes de francisation des personnes immigrantes, ne pourront être pleinement atteints sans une participation active de la ville de Montréal. Et, comme l'UMQ l'a si bien dit, nous croyons que les municipalités doivent être exemplaires en matière de langue française autant dans leur communication orale que dans leur communication écrite.

Mais certaines dispositions du projet de loi soulèvent pour nous des questionnements par rapport à leur mise en application. Pensons notamment à la disposition dans la loi qui impose aux villes de communiquer uniquement en français avec les nouveaux arrivants une fois que ceux-ci habitent au Québec depuis plus de six mois.

Cette disposition comporte des défis. Comme vous le savez, la ville de Montréal offre de nombreux services directs aux citoyens. La ligne téléphonique 311 gère une bonne partie de ces demandes. Les téléphonistes qui y travaillent reçoivent des milliers d'appels de façon quotidienne. L'éventail des demandes que nous y recevons est très large. Ils peuvent être de nature informative, pratico-pratique ou financière, mais il arrive également que ces demandes soient urgentes et qu'elles nécessitent une réaction immédiate, par exemple, un bris d'aqueduc qui inonde des maisons environnantes, un arbre qui menace de tomber ou encore un avis d'ébullition d'eau qui a été émis à la population.

Comment pouvons-nous répondre à nos citoyens dans de tels cas urgents tout en respectant entièrement et à chaque fois la loi? Il est alors difficile, voire impossible, de confirmer, preuve à l'appui, si la personne qui appelle au 311 peut, pour obtenir de l'aide urgente, est au Québec depuis moins ou <plus de...

Mme Plante (Valérie) : ... à la population.

Comment pouvons-nous répondre à nos citoyens dans de tels cas urgents tout en respectant entièrement et à chaque fois la loi? Il est alors difficile, voire impossible, de confirmer, preuve à l'appui, si la personne qui appelle au 311 peut, pour obtenir de l'aide urgente, est au Québec depuis moins ou >plus de six mois, alors, si elle est... si elle est, oui ou non, exclue d'un champ d'application de la loi. Comme gouvernement de proximité, nous nous assurons d'offrir des services de façon équitable qui répondent aux besoins de toute notre population, surtout en situation d'urgence. C'est pour cette raison que nous vous recommandons d'ajouter le service 311 aux exclusions de la loi.

Ceci étant dit, sachez que, dans toutes les communications de la ville, la ville s'exprime déjà en français avec les citoyens et les citoyennes ainsi qu'avec ses partenaires. Comme vous le voyez, la ville espère pouvoir travailler avec le gouvernement du Québec lors des consultations en vue de l'adoption de la politique linguistique. Nous pourrons ensuite moduler nos directives linguistiques à partir de la loi finale.

Enfin, permettez-moi de vous parler d'un important vecteur d'intégration pour les nouveaux arrivants et qui est, bien sûr, l'accès à l'emploi. C'est pourquoi plusieurs mesures de notre plan d'action visent la communauté d'affaires en collaboration avec divers partenaires comme PME MTL, les chambres de commerce et les sociétés de développement commercial. Nous devons encourager nos entreprises, nos PME et nos commerces à faire du français la langue du commerce à Montréal. Les organismes d'accompagnement peuvent travailler ensemble pour s'assurer que les entreprises se créent et se développent en français, que des cours de francisation soient donnés aux employés ou pour aider une petite entreprise à franciser ses processus et ses documents de travail.

Finalement, une langue qui est riche, elle est... Bien, elle est riche quand elle est vivante, quand elle s'écrit, elle se parle et se chante.

La Présidente (Mme Thériault) : Et c'est...

Mme Plante (Valérie) : La promotion de la langue française... Ah! J'ai terminé?

La Présidente (Mme Thériault) : Oui.

Mme Plante (Valérie) : Alors, permettez-moi seulement de vous dire que nous allons continuer à souhaiter à ce que la fête nationale soit diffusée ici à Montréal, c'est un spectacle qui est rassembleur et qui permet à tous les Montréalais, et Montréalaises, et tous les Québécois de fêter ensemble le Québec et la langue française, notre langue commune.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Merci, Mme la mairesse. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme la mairesse, Mme Plante, Mme Wong, bonjour.

Mme Plante (Valérie) : Bonjour.

M. Jolin-Barrette : Merci de participer aux travaux de la commission. Vous me permettrez particulièrement de saluer Mme Wong parce que je sais que vous ne vous représentez pas aux élections. Alors, merci pour ces années dans le cadre du service public. Alors, je vous souhaite le meilleur pour la suite. Écoutez, je suis heureux d'entendre le point de vue de la ville de Montréal parce que la ville de Montréal, c'est un acteur central dans la promotion et dans la défense du français. Et je pense que votre témoignage aujourd'hui en commission fait foi de la prise de conscience que vous... que les élus de la ville de Montréal, que la ville de Montréal, au cours des dernières années, ont eu, du fait que vous ne niez pas le problème qu'il y a un enjeu linguistique sur l'île de Montréal qui excède les frontières de la ville de Montréal. Et vous avez décidé, bon, de mettre de l'avant <plusieurs...

M. Jolin-Barrette : ... que les élus de la ville de Montréal, que la ville de Montréal, au cours des dernières années, ont eu, du fait que vous ne niez pas le problème qu'il y a un enjeu linguistique sur l'île de Montréal qui excède les frontières de la ville de Montréal. Et vous avez décidé, bon, de mettre de l'avant >plusieurs actions pour redresser la situation, et, notamment, je me souviens, je crois, au printemps dernier, vous aviez signé, Mme la mairesse, le front commun pour que la loi 101 puisse s'étendre aux entreprises de juridiction fédérale. Pourquoi est-ce que c'est important que la Charte de la langue française s'applique aux entreprises de juridiction fédérale?

Mme Plante (Valérie) : Bien, écoutez, comme on le mentionnait pendant... d'entrée de jeu, et je tiens à le réitérer, la ville de Montréal, de par sa posture unique, c'est-à-dire terre d'accueil, mais également terre où il se brasse beaucoup d'affaires, on a beaucoup de sièges sociaux, donc il y a ici une grande vitalité tant culturelle et économique, la notion même d'exemplarité, pour moi, elle est importante, elle est importante pour la ville. Et, vous l'avez dit vous-même, il y avait... disons que les... certains éléments en lien avec l'exemplarité de la ville de Montréal faisaient défaut, et, lorsqu'on s'est saisis de la question, on s'est dit : O.K., on avance, on... vraiment, on trouve des solutions.

Alors, pour ce qui est des entreprises... ou plutôt, excusez-moi, pour le gouvernement fédéral, je pense que la notion d'exemplarité doit également s'appliquer comme pour le gouvernement du Québec, évidemment. Ensuite, c'est de voir comment... On dit souvent que le diable est dans les détails. Quels sont les moyens qui sont mis à disposition? Je pense que c'est important de le considérer. Mais, au final, si on veut que la langue française soit notre langue commune, il faut encourager bien sûr le secteur, comme je le disais, économique et autre, mais il faut pouvoir aussi faire preuve d'exemplarité au niveau des institutions publiques.

Mme Wong.

Mme Wong (Cathy) : Je n'ai rien à ajouter...

• (15 h 50) •

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, je comprends de votre réponse, Mme la mairesse, que vous êtes d'accord avec nous qu'il faut étendre la loi 101 aux entreprises de juridiction fédérale. Et, notamment, je vous dirais, vous savez, Montréal, c'est le moteur économique du Québec aussi et vous l'avez dit tout à l'heure, 80 % des personnes immigrantes choisissent de s'établir dans la grande région de Montréal, et, pour l'intégration des personnes immigrantes, c'est fondamental qu'elles puissent s'intégrer en français à la société québécoise, et ce qu'on dit souvent, c'est que les deux facteurs d'intégration les plus importants, c'est le marché du travail et la connaissance de la langue.

On a vu au cours des dernières années les études qui ont été publiées, notamment sur l'île de Montréal... l'OQLF, au niveau notamment des municipalités de l'île de Montréal, les arrondissements également qui exigeaient la connaissance d'une autre langue que le français dans une forte proportion, plus de 50 %; on a vu également le fait que parfois c'est difficile d'avoir des services en anglais sur l'île de Montréal. Alors, il y a un travail à faire, une prise de conscience collective pour dire : Bien, il faut améliorer le visage linguistique de Montréal. Bon. Dans le projet de loi n° 96, on y va sur la question de l'affichage, on <revient...

M. Jolin-Barrette : ... dans une forte proportion, plus de 50 %; on a vu également le fait que parfois c'est difficile d'avoir des services en anglais sur l'île de Montréal. Alors, il y a un travail à faire, une prise de conscience collective pour dire : Bien, il faut améliorer le visage linguistique de Montréal. Bon. Dans le projet de loi 96, on y va sur la question de l'affichage, on >revient à la nette prédominance. Ça va avoir un impact sur le visage francophone de Montréal. Mais sur la question de l'intégration en français des personnes immigrantes, vous nous dites dans... c'est une de vos recommandations dans le mémoire : Bien, écoutez, six mois, c'est trop court, il faudrait augmenter. Dans les exemples que vous avez donnés tout à l'heure, vous disiez : Bien, écoutez, s'il y a un avis d'ébullition d'eau, s'il y a une question de danger, de santé et de sécurité... Je vous rassure tout de suite, ces mesures-là sont déjà prévues par des exclusions, nommément, dans le projet de loi n° 96. Alors, là-dessus, il n'y a pas d'inquiétude à avoir.

Mais sur la question de l'intégration, et on a eu ce débat-là ce matin avec un autre invité, relativement au délai, le principe de base du projet de loi n° 96, c'est de dire : Chaque personne immigrante, on l'accueille, dès le départ, en français. C'est le principe général. Il y a une exception, qu'on peut aller jusqu'à six mois pour communiquer avec lui dans une autre langue que le français. Mais qu'est-ce qui arrive si on fait comme vous le proposez, puis on étend ce six mois là à une durée plus grande? Pour inciter les gens à adopter le français comme langue...

Parce que je pense que c'est notre défi le plus grand à Montréal, de dire : On s'intègre en français sur l'île de Montréal. Or, on voit que les tendances linguistiques sont difficiles sur l'île de Montréal. L'adhésion à la langue anglaise, elle est très, très forte. Alors, si on ne réussit pas à mettre des mesures, comme je le propose dans le projet de loi n° 96, comment est-ce qu'on va réussir clairement à inviter les nouveaux arrivants à choisir le français?

Mme Plante (Valérie) : Bien, tout d'abord, permettez-moi, M. le ministre, peut-être certains éléments... je pense que... pour toutes celles et ceux qui nous écoutent en ce moment. Évidemment, je suis ici comme mairesse de la ville de Montréal, et, comme on le sait, Montréal comporte 19 arrondissements. Il y en a seulement un, arrondissement, qui a un statut bilingue. Par contre, sur l'île de Montréal, il y a 16 autres villes liées, comme on les appelle, des villes avec leurs champs de compétence et leur statut. Donc, la ville de Montréal n'a pas juridiction sur ces villes-là. Et sur ces 16 villes liées qui sont sur l'île de Montréal, 13 ont un statut bilingue. Alors, pourquoi je vous dis ça? Parce que, pour moi, c'est quand même important que chacun prenne ses responsabilités en fonction de son cadre légal et de son statut.

Peut-être un autre élément aussi où je me permets, M. le ministre... Vous avez parlé de la statistique comme quoi 50 % des arrondissements et des municipalités de Montréal affichent des postes requérant l'anglais. C'est important de savoir que ce n'est pas un poste sur deux qui demande de l'anglais. On parle ici d'une municipalité sur deux. Alors, si on calcule le nombre de municipalités, là, il y a Montréal plus les 13 autres. Alors, je veux quand même faire une petite nuance.

Et pour vous dire à quel point, pour nous, c'est important, à la ville de Montréal, sur les 5 000 embauches en 2019 seulement, sur 5 000 embauches, il y a eu seulement 180 postes qui ont <demandé...

Mme Plante (Valérie) : ... Alors, si on calcule le nombre de municipalités, là, il y a Montréal plus les 13 autres. Alors, je veux quand même faire une petite nuance.

Et pour vous dire à quel point, pour nous, c'est important, à la ville de Montréal, sur les 5 000 embauches en 2019 seulement, sur 5 000 embauches, il y a eu seulement 180 postes qui ont >demandé la compréhension ou un niveau d'anglais. Alors, je tiens à le mentionner parce que, bien sûr, il y a toujours matière à amélioration, mais, vous le savez, on disait : Le diable est dans les détails, les chiffres sont importants.

Maintenant, pour ce qui est... je serais très heureuse, je sais que c'est une période de questions à mon égard, mais quand vous dites que, dans le projet de loi, au niveau du... il y a des mesures qui sont prises concernant... vous m'excuserez, là, je pense que vous faisiez référence au 311.

M. Jolin-Barrette : ...sécurité. La santé et la sécurité.

Mme Plante (Valérie) : Oui, c'est ça, je le sais, voilà. Exactement. Je pense que ma seule nuance, ce serait de dire que pour le 9-1-1, c'est très clair, quand on fait le 9-1-1, c'est une urgence. La précision que je veux amener et la préoccupation que j'amène, c'est qu'est-ce qu'on fait lorsque... le 311 peut parler autant de collectes de déchets jusqu'à un avis d'ébulation... ébulation... d'ébullition, excusez-moi. Donc, c'est juste un spectre très large, et on veut juste s'assurer que, quand il y a une question qui touche la sécurité publique, la sécurité civile, on puisse agir rapidement. Et donc comment est-ce que ça va s'appliquer ou comment on va pouvoir s'assurer de respecter la loi? Parce que c'est notre souhait.

Finalement, pour ce qui est de la période, vous comprendrez bien que c'est au gouvernement du Québec de décider quelle est la période, comment dire, un peu tampon où une personne, un nouvel arrivant doit apprendre le français. Moi, ce que j'ai surtout envie de vous dire, M. le ministre, c'est que je veux surtout m'assurer que personne n'est exclu et, comme je disais, je suis convaincue que tous les immigrants veulent apprendre le français, parce que c'est... ils savent que c'est un outil essentiel pour pouvoir participer à la vie en société.

Mais ce que je trouverais dommage, c'est qu'un six mois strict, sans équivoque, en vienne à mettre des personnes de côté. Et là je nous amène au 311. Qu'est-ce qui se passe le jour où, le lendemain du six mois, la personne nous appelle parce qu'il y a un événement urgent? Qu'est-ce qu'on répond? Qu'est-ce que l'on fait? Et comment est-ce que ça s'applique? Donc, c'est vraiment dans cet ordre-là. Je comprends vos préoccupations. On a le même objectif. Mais je pense qu'il faut se donner de la flexibilité, et c'est ce que la ville de Montréal demande, d'une certaine manière, concernant, en tout cas, le 311. Mme Wong, je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose?

M. Jolin-Barrette : Et donc, au risque de me répéter, dans le fond, la politique linguistique de l'État, donc, couvre les ministères, les organismes, incluant les municipalités. Et là, suite à l'adoption de la politique linguistique, il y aura des directives qui vont être données par la ville, et notamment certaines exceptions. Donc, les cas que vous soulevez, notamment au 311, pourront être couverts. Donc, en termes de prévisibilité pour la ville, tout ça va permettre d'établir clairement les situations auxquelles vous faites référence, et on pourra les travailler ensemble notamment pour être sûr que, pour les citoyens, ce soit très clair.

Je veux juste qu'on <revienne sur...

M. Jolin-Barrette : ... pourront être couverts. Donc, en termes de prévisibilité pour la ville, tout ça va permettre d'établir clairement les situations auxquelles vous faites référence, et on pourra les travailler ensemble notamment pour être sûr que, pour les citoyens, ce soit très clair.

Je veux juste qu'on >revienne sur le fait... Vous dites : Il ne faut pas exclure personne. Je suis très d'accord avec vous, et surtout l'importance que nous avons d'intégrer, au Québec, particulièrement à Montréal, en français, les personnes immigrantes.

Parce que, vous savez, il y a d'autres études également qui sont sorties où on dit : Sur l'île de Montréal, 63 % des entreprises exigent une langue autre que le français. Alors, ça, c'est un drôle de message parce que c'est comme on dit aux personnes immigrantes qui viennent au Québec, qui viennent à Montréal, on leur dit : Venez, vous êtes dans un État de langue française. La langue officielle de la ville de Montréal, c'est le français. La langue officielle du Québec, c'est le français. Mais par contre, si vous voulez travailler, si vous voulez intégrer le marché du travail, il faut que vous parliez une autre langue.

Alors, déjà là, il y a un enjeu. Il faut faire en sorte que les Québécois et les Québécoises puissent travailler en français dans la langue commune. Donc, le message sociétal qu'on doit envoyer, c'est très clair, de dire : Bien, écoutez, partout au Québec, incluant Montréal, ça se passe en français.

Puis on n'est pas dogmatiques, là. S'il y a des postes qui requièrent la connaissance d'une autre langue que le français, l'employeur, en vertu de 46, va pouvoir le demander, mais ça ne doit pas être systématique. Donc, il faut mettre fin au bilinguisme institutionnel.

Ça m'amène à vous poser la question. On a entendu certains candidats à la mairie dire qu'ils souhaitaient que la ville de Montréal devienne bilingue et devienne multiculturelle. Est-ce que... Qu'est-ce que vous pensez de ces affirmations-là?

Mme Plante (Valérie) : Merci beaucoup, M. le ministre. Et je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit concernant le français comme langue commune de travail et la langue d'affaires. Et c'est dans cet esprit que, quand on dit qu'on a beaucoup de véhicules très efficaces à la ville de Montréal, PME MTL, les chambres de commerce, vraiment, pour être des acteurs clés de... j'aurais envie de dire, pour pouvoir propager ou faire de la francisation, mais de faire vraiment de la langue française notre langue commune, là, de travail. Alors, je partage votre objectif.

Mais, écoutez, je suis, comme vous pouvez l'imaginer, avec les efforts qui ont été déployés par notre administration pour la valorisation de la langue française au cours des derniers mois, tout à fait en désaccord avec une position comme celle d'un candidat à la mairie actuel. Je pense qu'on doit plutôt travailler ensemble.

Encore une fois, le projet de loi, pour moi, fait... respecte les droits inscrits dans la Charte canadienne concernant les anglophones et les... pardon, les personnes des communautés autochtones. Et, pour moi, ça, je pense que c'est important, mais c'est déjà prévu dans la loi.

• (16 heures) •

Mais il faut venir valoriser, toujours mettre plus de l'avant la langue française en se donnant les moyens, en se donnant les outils pour être fédérateurs, pour créer de l'adhésion. Moi, c'est beaucoup ça sur lequel je mise à Montréal, créer un sentiment d'appartenance. J'aime dire que le français doit devenir notre liant social, notre colle. Et ça l'est quand même beaucoup, j'ai envie de vous dire, parce qu'on s'en est préoccupés. Ceci dit...


 
 

16 h (version révisée)

Mme Plante (Valérie) : ...en se donnant les moyens, on se donnant les outils pour être fédérateurs, pour créer de l'adhésion. Moi, c'est beaucoup ça sur lequel je mise à Montréal. Créer un sentiment d'appartenance. J'aime dire que le français doit devenir notre liant social, notre colle. Et ça l'est quand même beaucoup j'ai envie de vous dire parce qu'on s'en est préoccupé. Ceci dit, le... on sait qu'il y a 94 % des Québécois qui déclarent être capables, vraiment, de soutenir une conversation en français. On doit se baser là-dessus puis aller encore plus loin pour que ça devienne, comme on disait, notre langue de travail, notre langue quotidienne, et puis bien intégrer les nouveaux arrivants.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie...

Mme Wong (Cathy) : Si je peux me permettre... en complément de réponse, M. le ministre, vous avez parlé du multiculturalisme auquel faisait référence un autre candidat à la mairie. Si vous regardez le plan d'action de la langue française que nous avons mis de l'avant. Ce plan d'action montréalais est réellement dans une perspective d'interculturalisme où dans les trois axes que nous présentons le troisième axe porte spécifiquement sur la question d'intégration des nouveaux arrivants dans la langue française. Et dans les différents projets que nous avons menés dans la dernière année avec le BINAM notamment, le bureau d'intégration des nouveaux arrivants, plusieurs de ces projets se sont faits en lien avec des projets en langue française de francisation. Et donc, notre approche a toujours été celle de l'interculturalisme où pour nous, l'intégration doit se faire dans la langue commune. Et où on fait le pont entre non seulement le BINAM qui a un rôle à jouer dans l'intégration des nouveaux arrivants en français, mais également lorsqu'on parle de l'importance du rayonnement et de la promotion de la langue française, mais que ça se fasse également dans l'intégration des nouveaux arrivants. Alors, ces ponts-là, ils se font de façon très naturelle dans l'ensemble de nos approches en lien avec la question de l'intégration des nouveaux arrivants et de l'interculturalisme. Et c'est vraiment la vision que nous souhaitons mettre de l'avant à travers notre plan d'action sur la langue française.

La commissaire à la langue française qui va rentrer en fonction bientôt dans les prochaines semaines portera également à travers son mandat, le mandat de faire rayonner la langue française, mais non seulement à travers, je veux dire, des... à travers la culture, l'économie, mais surtout auprès des nouveaux arrivants. Et donc, c'est dans une perspective d'interculturalisme que cette personne pourra le faire également.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie à vous deux pour votre présence en commission parlementaire. C'est fort apprécié. J'ai des collègues qui souhaitent vous poser des questions. Merci beaucoup.

Mme Plante (Valérie) : Merci à vous.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. M. le député de Chapleau, un peu moins de deux minutes, question, réponse.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme la mairesse, Mme Wong, bonjour. Merci de votre présentation. Donc, rapidement, peut-être sur le plan dont vous nous faisiez mention, là. Le lien que vous faites, donc, avec l'idée, là, le plan... l'interculturalisme c'est-à-dire, pardon, et le lien avec la langue, mais aussi la culture québécoise. Donc, vous avez parlé d'intégration par la langue, mais est-ce que vous incluez également la notion de culture québécoise dans l'interculturalisme à Montréal? Justement, je pense qu'il y a quand même un volet qui essentiel, qui est important. Peut-être, nous éclairer sur ce plan-là également.

Mme Wong (Cathy) : Merci pour question. Je pourrais vous en parler pendant des heures, mais je vais essayer de garder ça en une minute. Alors, bien sûr, ce plan se divise en trois sections. La première parle de l'exemplarité, de la conformité de la ville. La deuxième section parle de la <valorisation...

M. Lévesque (Chapleau) : ... il y a quand même un volet qui essentiel, qui est important. Peut-être, nous éclairer sur ce plan-là également.

Mme Wong (Cathy) : Merci pour question. Je pourrais vous en parler pendant des heures, mais je vais essayer de garder ça en une minute. Alors, bien sûr, ce plan se divise en trois sections. La première parle de l'exemplarité, de la conformité de la ville. La deuxième section parle de la >valorisation, alors toutes les actions que la ville de Montréal mène en lien avec la culture, avec le développement économique. Et la troisième portion porte sur la question de l'intégration autant au niveau des nouveaux arrivants que des étudiants internationaux, par exemple.

Et donc, oui, la réponse à votre question rapidement, c'est oui, absolument, il y a un lien qui est nécessaire, et nous, à la ville de Montréal à travers nos maisons de la culture, par exemple, à travers nos bibliothèques, nous avons un rôle extrêmement important de faire rayonner la langue française. Et on sait que ce sont des lieux très importants pour les nouveaux arrivants, les bibliothèques et les maisons de la culture, et donc il y a plusieurs actions dans ce sens-là dans notre plan d'action.

Mme la mairesse l'a mentionné dans son discours également en lien avec la Saint-Jean-Baptiste, le désir de diffuser ce spectacle à chaque année parce qu'on sait que c'est un moment fort d'identité, mais de fierté pour les nouveaux arrivants. Alors, vous allez retrouver, dans notre plan, là, vraiment cette vision interculturelle de l'intégration des nouveaux arrivants.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup, fort intéressant.

Mme Wong (Cathy) : Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Nous allons maintenant du côté de la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme la mairesse, Mme Plante, Mme Wong, enchantée de vous rencontrer aujourd'hui.

Écoutez, j'aurais voulu, mais je ne vous demanderai pas de réponse, Mme Wong, parce qu'ici on est beaucoup dans la différence entre trois concepts, mais je vous dis juste ça comme ça pour dire que c'est beaucoup déposé dans... parce qu'il y certains interlocuteurs qui, au lieu de parler du multiculturalisme... évidemment, on en parle, mais négativement la plupart du temps, l'interculturalisme, mais le nouveau concept, la convergence culturelle, qui n'est pas nouveau, qui existe depuis plusieurs années, mais qui revient, je dirais, dans plusieurs des mémoires de gens qui pensent que ça serait une meilleure façon.

Alors, juste pour vous dire qu'effectivement c'est... tout ça, c'est très intéressant, de dire : Est-ce qu'on fait de l'interculturalisme ou de la convergence culturelle? Mais je pense qu'on peut résumer en disant qu'on veut beaucoup, beaucoup favoriser l'intégration des nouveaux arrivants à la culture québécoise. Alors, là-dessus, je ne veux justement pas vous poser la question parce qu'on ferait un grand débat de concepts pendant les quelques minutes que j'ai.

Mais vous avez déposé un plan effectivement, et je vais vous amener sur une chose en particulier pour commencer, la question de l'enseignement supérieur parce que d'abord ça m'intéresse et parce qu'en 2017, quelques mois probablement avant votre élection, Mme Plante, Mme la mairesse, j'avais eu l'occasion de souligner quelque chose d'exceptionnel avec votre prédécesseur, qui était le fait que Montréal avait été nommée première ville au monde, ce n'est pas rien, là, de quoi... ça n'arrive pas tous les jours qu'on est première ville au monde en termes d'appréciation, par les étudiants internationaux, de la ville dans laquelle ils étudient, ils et elles étudient. C'était... moi, je trouvais que c'était exceptionnel <comme...

Mme David : ... le fait que Montréal avait été nommée première ville au monde, ce n'est pas rien, là, de quoi... ça n'arrive pas tous les jours qu'on est première ville au monde en termes d'appréciation, par les étudiants internationaux, de la ville dans laquelle ils étudient, ils et elles étudient. C'était... moi, je trouvais que c'était exceptionnel >comme reconnaissance, je le trouve encore. Ça n'a pas nécessairement été le cas après, parce qu'il y a beaucoup de villes, hein, où étudient les étudiants internationaux, mais tout ça pour dire que Montréal était la ville la plus appréciée au monde. Et, quand on voit ça, c'est parce que la qualité des universités, le fait qu'il y a des universités anglophones, des universités francophones, et il y a tous les collèges qui font partie de l'enseignement supérieur.

Alors, à ce moment-là, il y avait été créé, si je ne me trompe pas, un bureau de l'enseignement supérieur où il était... qui était en plan, mais je pense qu'il a été créé. Pour moi, la question des étudiants internationaux présents à Montréal, la question des étudiants qui ne sont pas nécessairement francophones de souche, comme on dit, est une question centrale à la question de Montréal qui est l'épicentre, je dirais, de la raison pour laquelle on est réunis ici, c'est-à-dire le projet de loi n° 96 sur la langue française. Montréal, là, c'est l'épicentre. Et dans l'épicentre, il y a ce formidable atout que constituent les étudiants internationaux. Moi, je trouve qu'on en fait pas assez, et c'est un euphémisme quand je dis ça, on n'en fait vraiment pas beaucoup pour franciser les étudiants internationaux.

Alors, je veux avoir votre avis là-dessus, je veux savoir si le bureau existe encore, je veux savoir si vous y croyez et si vous êtes capable de travailler plus avec les collèges, les universités pour dire, un, restez ici, deux, on va vous apprendre le français pendant que vous étudiez, et puis vous allez apprécier puis vous allez pouvoir répondre en français sur la rue Sainte-Catherine quand vous avez... quand vous travaillez dans les petits commerces.

Mme Plante (Valérie) : Alors, merci beaucoup pour votre question. C'est intéressant, parce que la vision que notre équipe a pour faire en sorte que Montréal continue d'être une ville très compétitive à travers le monde, en compétition avec d'autres grandes villes, c'est sa capacité à attirer des talents, à attirer des étudiants qui non seulement font vivre l'économie pendant qu'ils sont ici, mais qui deviennent aussi... qui viennent combler les besoins au niveau de la main-d'oeuvre. Et les grandes villes du futur vont être en compétition directe, elles le sont déjà, pour la main-d'oeuvre qui est disponible, et on la veut de qualité pour créer de bons emplois également.

Donc, cette question-là est au coeur de notre vision : Comment on positionne Montréal par rapport aux autres villes du monde? Et la question, justement, de comment est-ce qu'on attire des étudiants? Bien oui, ça passe par des établissements postsecondaires de très grandes qualités. Et bien que je dois vous rassurer, Mme la députée, que Montréal est toujours en tête au niveau de sa qualité, la qualité, l'appréciation des étudiants à travers le monde. Bien sûr, la COVID a eu un impact, là, c'est évident, mais la reprise est somme toute très, très importante, puis on tire très bien notre épingle du jeu.

Donc, le travail qui est fait avec les universités et les établissements postsecondaires est <fondamental...

Mme Plante (Valérie) : ... au niveau de sa qualité, la qualité, l'appréciation des étudiants à travers le monde. Bien sûr, la COVID a eu un impact, là, c'est évident, mais la reprise est somme toute très, très importante, puis on tire très bien notre épingle du jeu.

Donc, le travail qui est fait avec les universités et les établissements postsecondaires est >fondamental. Et dans notre plan d'action, dont ma collègue Mme Wong parlait, on a fait une place de choix, justement, ce travail de collaboration qui est déjà bien enclenché. Les universités sont des partenaires avec qui nous travaillons pour s'assurer que, quand un étudiant arrive ici, puisse non seulement étudier, ça, c'est pour ça qu'il est venu ici, mais on veut qu'il y ait une intégration. Parce que si on réussit très rapidement à intégrer via le français des étudiants étrangers, bien, il y a des bonnes chances qu'ils restent à Montréal parce qu'ils se rendent compte qu'à Montréal, la qualité de vie est exceptionnelle, c'est somme toute très abordable puis il y a des opportunités de carrières vraiment intéressantes.

• (16 h 10) •

Alors, le français est un élément clé et le travail qu'on a fait avec les universités, jusqu'à maintenant, c'est des projets aussi simples que... simples, mais très efficaces au niveau de la culture. Quand une personne rencontre le français via par exemple la culture, est-ce que c'est de découvrir des spectacles, de voir des expositions, d'être vraiment mis devant notre magnifique culture montréalaise et québécoise, il y a quelque chose qui se passe. Donc, il y a énormément de projets de cet ordre-là. Et dans notre plan d'action, cette place importante à la collaboration avec les universités, elle est présente.

Pour ce qui est du bureau, le bureau n'existe pas, mais les collaborations, elles, oui.

Mme David : Justement, on va voir des collèges, tout à l'heure, on l'a même entendu, les collèges anglophones seraient prêts à faire plus pour la francisation de leurs étudiants qui ne maîtrisent pas suffisamment le français. Il y a des universités anglophones, vous le savez, qui sont très près du centre-ville, sinon carrément dans le centre-ville, et qui ont des étudiants internationaux, mais des universités francophones aussi avec des étudiants de partout dans le monde. C'est une main-d'oeuvre exceptionnelle. Vous l'avez dit, ce sont des gens qui peuvent rester, passer leur vie, tomber en amour, avoir un travail, être bilingues, être trilingues. Mais nous, on a proposé qu'il y ait des antennes du ministère de l'Immigration sur tous les campus, sur tous les campus, pour offrir gratuitement les cours de français, ce qui n'existe pas actuellement. Oui, il va y avoir des cours maintenant en principe accessibles avec le projet de loi, mais comment la ville de Montréal peut faire plus pour s'assurer que ces étudiants-là soient francisés? À part des choses plus générales, là.

Mme Plante (Valérie) : Bien, tout d'abord, j'aimerais, quand même, juste... en termes de cadre de gouvernance, la ville de Montréal, bien sûr, s'occupe de, comment dire, au niveau de sa fonction publique, hein, plus grand employeur de la région métropolitaine de Montréal, et les collaborations qu'on fait, soit avec le milieu des affaires ou encore avec l'université, sont absolument primordiales.

Moi, ce que j'ai envie de vous dire, c'est qu'on fait déjà beaucoup, mais on a besoin d'avoir les moyens de nos ambitions. Je considère que Montréal, via ses différentes collaborations... en fait, <c'est...

Mme Plante (Valérie) : ... et les collaborations qu'on fait, soit avec le milieu des affaires ou encore avec l'université, sont absolument primordiales.

Moi, ce que j'ai envie de vous dire, c'est qu'on fait déjà beaucoup, mais on a besoin d'avoir les moyens de nos ambitions. Je considère que Montréal, via ses différentes collaborations... en fait, >c'est des liens qui sont déjà très forts, on peut aller tellement plus loin. Là où c'est difficile, c'est qu'on n'a pas nécessairement les ressources pour le faire. Je vais laisser bien sûr au gouvernement du Québec décider quelle serait la meilleure façon d'implanter, par exemple, des antennes, par exemple, si c'était une volonté du gouvernement. Je respecte vraiment la juridiction du gouvernement d'agir dans l'application de la loi.

Mais ce que je peux vous garantir, c'est que l'expertise qu'il y a à la ville de Montréal, les liens qu'on a avec le milieu communautaire, avec les premiers arrivants, avec les... comme je disais, avec le milieu des affaires, l'écosystème, puis là, je le fais, c'est très large quand on parle du milieu économique, mais également le milieu d'enseignement. Donc, je pourrais vous donner une quantité de programmes qui existent déjà, de voir comment on peut les bonifier, mais c'est efficace. Et la force de Montréal, c'est qu'elle nous offre une grande ville, mais à échelle humaine, et donc ces collaborations-là sont tout à fait possibles, et on est au centre. La ville de Montréal est comme un peu un pivot, mais il faut nous utiliser davantage. Mme Wong.

Mme Wong (Cathy) : Oui, je me permettais d'ajouter avec deux exemples concrets, là, sur lesquels nous avons échangé avec les universités anglophones au centre-ville. Le premier est en lien avec la possibilité pour des étudiants internationaux qui arrivent à Montréal de découvrir la culture québécoise en leur offrant un accès à cette culture québécoise là, parce que, bien, ces étudiants vivent dans un microcosme, hein, sont comme dans une bulle au centre-ville. Et ces étudiants, puis c'est ça que les universités nous ont dit, ils souhaitent avoir accès à cette culture-là, mais une culture qui est davantage accessible, qui est davantage vulgarisée et qui leur permettra de découvrir la culture francophone et québécoise.

Et donc on réfléchissait justement avec eux de la possibilité de développer ce parcours-là avec les universités pour offrir aux étudiants cette possibilité de découvrir la culture québécoise dans leurs premières années à Montréal et qui pourrait favoriser justement la francisation, la compréhension. En fait, ce que les étudiants nous disent, c'est : On a envie d'apprendre le français à l'extérieur des classes, on veut rencontrer des gens, on veut assister à des spectacles et découvrir cette culture. Donc, ça, c'est un exemple tout simple dans lequel on pourrait travailler et où on souhaitait justement collaborer davantage avec les universités.

Dans un deuxième temps, lorsqu'on parle de rétention des étudiants universitaires à Montréal, beaucoup d'entre eux, notamment à la ville de Montréal, souhaitent trouver un travail, un emploi, et souvent c'est leur premier emploi, hein, lorsqu'ils graduent de l'université. Et, bien, nous, nous avons des exigences en lien avec la langue française, ce qui fait en sorte que, bien, parfois, au niveau de l'embauche, bien, certains de ces étudiants n'ont pas accès à... en fait, c'est plus difficile pour eux d'avoir accès à certains emplois.

Et donc on avait réfléchi, par exemple, à cette possibilité-là de créer des stages, à créer des types d'emplois qui permettraient la francisation des étudiants anglophones ou internationaux qui souhaitent travailler au sein de l'administration publique et qui pourraient, à travers cette opportunité d'emploi là, bien, <découvrir...

Mme Wong (Cathy) : ... donc on avait réfléchi, par exemple, à cette possibilité-là de créer des stages, à créer des types d'emplois qui permettraient la francisation des étudiants anglophones ou internationaux qui souhaitent travailler au sein de l'administration publique et qui pourraient, à travers cette opportunité d'emploi là, bien, >découvrir, apprendre la langue française. Et donc ça serait un programme, comme un programme de parrainage, qui permettrait à des étudiants anglophones, internationaux de parfaire son français tout au long de ses premiers mois de travail comme employé de la ville, alors des programmes comme on en fait pour les nouveaux arrivants par exemple, mais cette fois-ci davantage... en fait, davantage spécifiques aux étudiants internationaux, de l'international ou anglophones.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Merci. Ça met fin à l'échange avec la députée de Marguerite-Bourgeoys. Donc, Mme la députée de Mercier pour vos 2 min 50 s.

Mme Ghazal : Merci. Merci, Mme la Présidente. Mme Plante, Mme Wong, merci beaucoup pour votre présentation. Vous avez raison de souligner que la ville de Montréal a souffert pendant longtemps d'inaction en matière de protection de... pas de l'environnement, mais de la langue française, et je suis contente de vous entendre parler des actions que vous avez mises en place et tout ça. Donc, c'est très, très important.

Puis vous en parlez un peu, il y a beaucoup de choses qui peuvent être difficiles à mettre en application, notamment les communications orales. Votre site Internet aussi affiche en anglais. Je me rappelle, dans le mémoire de Mmes Louise Harel et Louise Beaudoin, elles disaient que, pour la ville de Montréal, le projet de loi n° 96 est une révolution.

Donc, je voulais savoir, qu'est-ce que vous avez... est-ce que vous sentez que vous avez les ressources suffisantes pour mettre en place les dispositions qui sont dans le projet de loi n° 96. Vous disiez que vous aviez besoin d'outils et tout ça. Peut-être plus précisément, est-ce que c'est quelque chose de faisable ou si ça va prendre beaucoup, beaucoup, beaucoup de ressources de la part du gouvernement du Québec pour vous aider?

Mme Plante (Valérie) : Merci beaucoup pour la question. Elle est très, très pertinente, parce que je le disais en introduction, pour réussir cette stratégie, cette réforme de la loi 101, qu'on salue, il faut vraiment que la ville de Montréal soit positionnée, il faut qu'on nous donne vraiment le moyen de prendre notre envol, mais vraiment de contribuer à cette stratégie. C'est vraiment comme ça je le vois.

Évidemment, le fait que nous allons nommer dans les prochains jours une commissaire qui pourra travailler de concert avec un ou une éventuel commissaire au sein du gouvernement du Québec sur la question de la langue française va aider.

Mais définitivement, Mme la députée, je souhaite ardemment que les ressources financières... Je sais qu'il y a des ressources financières qui ont été données à des organismes pas plus tôt qu'en début de semaine. D'ailleurs, on s'en réjouit, hein, des organismes communautaires qui font des merveilles sur le terrain, qui travaillent sur la ligne vraiment, là, ils rencontrent les gens, ils font un travail de médiation culturelle incroyable, et amènent, favorisent l'intégration. Mais la ville de Montréal, et bien sûr ça se déploie dans différentes actions, mais ce qui est mis dans ce plan d'action là, c'est du sérieux, ça a été bien colligé, et on souhaite que le gouvernement du Québec dise : Montréal, on veut travailler ensemble, on est derrière vous, aidez-nous à accomplir ce grand objectif.

Mme Ghazal : J'ai peu de temps. Donc, je comprends que ce n'est pas suffisant, il en faudrait plus. Il y a eu le Syndicat de la fonction publique du Québec qui... aussi les <fonctionnaires...

Mme Plante (Valérie) : ... dans différentes actions, mais ce qui est mis dans ce plan d'action là, c'est du sérieux, ça a été bien colligé, et on souhaite que le gouvernement du Québec dise : Montréal, on veut travailler ensemble, on est derrière vous, aidez-nous à accomplir ce grand objectif.

Mme Ghazal : J'ai peu de temps. Donc, je comprends que ce n'est pas suffisant, il en faudrait plus. Il y a eu le Syndicat de la fonction publique du Québec qui... aussi les >fonctionnaires du Québec communiquent directement avec des citoyens au lieu que... Pour le fameux six mois, au lieu de commencer à communiquer avec eux et elles tout de suite en anglais en pensant que, nécessairement, s'ils ne parlent pas français, ils parlent anglais, ils ont proposé que le gouvernement du Québec mette en place un service d'interprétariat dans la langue d'origine de ces personnes jusqu'à ce qu'elles apprennent le français et après ça, on communique avec elles en français. Là, c'est six mois, mais on pourra avoir des discussions pour revoir cette... prolonger un peu cette période-là.

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois mettre fin...

Mme Ghazal : Est-ce que vous... intéressés à ce qu'il y ait le même service à la Ville de Montréal?

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois mettre fin, donc juste un «oui» ou un «non» parce que je dois céder la parole à un autre député. Oui, non?

Mme Ghazal : Merci.

Mme Plante (Valérie) : Ah! oui...

La Présidente (Mme Thériault) : Oui? D'accord. Merci.

Mme Plante (Valérie) : ...

La Présidente (Mme Thériault) : On va dire «oui». Parfait. M. le député de Matane, 2 min 50 s. Désolée, hein, je suis la gardienne du temps. Désolée.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Mme Plante, Mme Wong, soyez les bienvenues. Montréal est une ville de la langue française. C'est à l'article 1 de la charte. Ça, on doit toujours l'avoir en tête. On est en campagne électorale municipale et moi, je suis d'avis qu'on devrait avoir un grand débat sur Montréal, ville francophone, entre les candidats à la mairie. Ça ne semble pas être votre cas, Mme la mairesse.

Ce qui m'intrigue, c'est que vous avez dit dans un balado, qui s'appelle Corner Booth, une question qui est posée par l'animateur qui dit que c'est la dernière chose dont on devrait parler, vous avez répondu «absolutely». Je suis un peu étonné que vous ne vouliez pas en faire un enjeu.

Je ne vais pas plus loin parce que c'est l'élection municipale, mais vous avez dit d'autres choses qui m'intriguent encore plus. Sur la langue de service, vous avez indiqué que l'ensemble des citoyens, quelles que soient leurs langues, devraient avoir des services qui sont accessibles, le plus de services possible en anglais pour accommoder. Ça pourrait être en italien, ça pourrait être en une autre langue. Donc, j'ai de la misère à concilier les ambitions que vous avez dans votre plan versus le propos que vous tenez, dans ce cas-ci en anglais, il y a quelques jours à peine. Pouvez-vous donner des éclaircissements?

• (16 h 20) •

Mme Plante (Valérie) : Oui, tout à fait. Je vois mal le contexte de la campagne électorale dans cette position, mais permettez-moi de vous dire que, depuis le début, ce que je dis devant la communauté francophone est la même chose que je dis devant la communauté anglophone, c'est-à-dire, quand je vous parle de la difficulté d'appliquer... ou du moins, des problématiques liées à l'application de la loi actuelle pour le 311. Dans des cas d'urgence, pour moi, ça, c'est important et c'est pour ça que je suis devant vous, en toute franchise...

M. Bérubé : ...question.

Mme Plante (Valérie) : ...pour vous parler de cette problématique-là. Donc, moi, c'est exactement...

M. Bérubé : Ce n'est pas de ça...

Mme Plante (Valérie) : Bien, M. Bérubé, je m'excuse, vous avez posé...

M. Bérubé : J'ai la transcription que je fournirai...

Mme Plante (Valérie) : ...question, je vous réponds. Bien, écoutez...

M. Bérubé : Je fournirai la transcription à la commission. Ceci étant dit, vous...

Mme Plante (Valérie) : Dans tous les cas... Bien, je n'ai pas fini ma réponse, donc...

M. Bérubé : J'ai deux minutes, Mme. J'ai deux minutes, Mme, mais...

Mme Plante (Valérie) : Bien, vous me posez une question à développement pour un deux minutes. Permettez-moi de douter de...

M. Bérubé : D'accord, je vais en poser qui se répondent par oui ou non. Très bien.

Mme Plante (Valérie) : Bien, je ne pense pas pouvoir répondre à votre question, si elle est aussi longue que la première, en un «oui» ou un «non»...

M. Bérubé : Non, elle est très courte.

Mme Plante (Valérie) : ...mais allez-y, M. Bérubé.

M. Bérubé : Vous avez le député, devant vous, qui est responsable de la fameuse motion <«Bonjour! Hi!»...

M. Bérubé : ... J'ai deux minutes, Mme. J'ai deux minutes, Mme, mais...

Mme Plante (Valérie) : Bien, vous me posez une question à développement pour un deux minutes. Permettez-moi de douter de...

M. Bérubé : D'accord, je vais en poser qui se répondent par oui ou non. Très bien.

Mme Plante (Valérie) : Bien, je ne pense pas pouvoir répondre à votre question, si elle est aussi longue que la première, en un «oui» ou un «non»...

M. Bérubé : Non, elle est très courte.

Mme Plante (Valérie) : ...mais allez-y, M. Bérubé.

M. Bérubé : Vous avez le député, devant vous, qui est responsable de la fameuse motion >«Bonjour! Hi!», et la volonté, c'était de démontrer que, dans la langue de service à Montréal, la langue de la vente au détail, il y avait un problème. J'espère que Montréal voit ça de façon très sérieuse. Je vous demande de faire preuve de votre influence auprès d'une organisation que je connais bien, qui s'appelle Tourisme Montréal, qui a des liens très étroits avec la ville de Montréal, avec le gouvernement du Québec, pour que le mot-clic qui est utilisé pour définir Montréal à travers les réseaux sociaux soit autre chose que #MTLmoments, ce qu'on retrouve depuis des années. Je vous avoue que ça m'agace beaucoup. C'est ce genre de détail qui n'en est pas un.

Alors, il y a une relation très privilégiée avec la ville de Montréal. Moi, j'aimerais bien que les gens qui viennent à Osheaga et ailleurs utilisent un autre mot-clic. Ça fait partie de l'identité qu'on veut donner à Montréal. #MTLmoments, je trouve que ça ne rend pas le service français...

La Présidente (Mme Thériault) : Et malheureusement, je dois mettre fin à cette période d'échange. Je suis désolée, Mme la mairesse.

Mme Plante (Valérie) : ...qui n'était pas une question, mais je vous souhaite une belle fin de journée, M. Bérubé.

La Présidente (Mme Thériault) : Je vous souhaite également une belle fin de journée.

Nous allons suspendre nos travaux quelques instants...

Mme Plante (Valérie) : Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Thériault) : ...merci, il n'y a pas de problème... pour permettre aux autres participants de prendre place. Merci de votre passage en commission.

(Suspension de la séance à 16 h 22)

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(Visioconférence)

(Reprise à 16 h 30)

La Présidente (Mme Thériault) : Nous reprenons donc nos travaux et nous recevons le Consortium des cégeps, collèges et universités d'expression anglaise du Québec et ça sera M. John McMahon, qui est vice-président du consortium, qui fera la présentation. M. McMahon, mesdames, messieurs, bienvenue. La parole est à vous pour 10 minutes, après ça je devrai couper votre présentation. Allez-y.

M. McMahon (John) : Merci. Bonjour à tous...


 
 

16 h 30 (version révisée)

La Présidente (Mme Thériault) : ...collèges et universités d'expression anglaise du Québec. Et ce sera M. John McMahon, qui est vice-président du consortium, qui nous fera la présentation. M. McMahon, mesdames, messieurs, bienvenue. La parole est à vous pour 10 minutes. Après ça, je devrai couper votre présentation. Allez-y.

M. McMahon (John) : Merci. Bonjour à tous et toutes. Merci de nous recevoir. Nous sommes ici aujourd'hui en tant que membres du Consortium des cégeps, collèges et universités anglophones du Québec. Toutefois, nous tenons à préciser que ce mémoire ne reflète que la préoccupation du English College Steering Committee, un regroupement de collèges anglophones qui, depuis plus de 25 ans, s'est réuni régulièrement pour discuter de dossiers d'intérêt commun. Ce comité est composé des collèges Champlain, Dawson, Heritage, John Abbott, Marianopolis et Vanier.

Mon nom est John McMahon, coprésident du consortium et du English College Steering Committee et directeur général du Vanier College. L'équipe qui est avec moi aujourd'hui comprend John Halpin, directeur général du cégep John Abbott, Diane Gauvin, directrice générale du collège Dawson, etRichard Filion, ex-directeur général au collège Dawson et conseiller au dossier.

Compte tenu du temps limité pour cette présentation et du fait que les collèges anglophones ont été principale cible de critiques dans les médias et lors d'auditions, le consortium a convenu que ce mémoire reflétera la position des collèges. Nous ne parlerons donc pas de préoccupations que les universités pourraient ou non avoir par rapport à ce projet de loi.

Cela dit, il vaut la peine de souligner que la mise sur pied du consortium, une nouvelle alliance collaborative de neuf institutions postsecondaires au Québec, soit de six collègues de English College Steering Committee, avec les universités Bishop's, Concordia et McGill, a été motivée par la nécessité d'entreprendre des recherches sur la migration disproportionnée de diplômés d'expression anglaise et de remédier à ce problème avec des actions concrètes. Ce consortium se donne comme mission de soutenir la rétention, l'emploi et la réussite des diplômés de nos collèges et universités parce que nous croyons au Québec et à son avenir.

Je me tourne maintenant vers ma collègue du collège Dawson pour la poursuite de cette présentation.

Mme Gauvin (Diane) : Mme la Présidente, M. le ministre, distingués membres de cette commission, les établissements que nous représentons font depuis maintenant plus de 50 ans partie intégrante de l'écosystème d'enseignement collégial. Tout au long de ces années, nos collèges ont été animés par une mission éducative qui s'est résolument voulue au service de la société <québécoise...

Mme Gauvin (Diane) : ... distingués membres de cette commission, les établissements que nous représentons font depuis maintenant plus de 50 ans partie intégrante de l' écosystème d'enseignement collégial. Tout au long de ces années, nos collèges ont été animés par une mission éducative qui s'est résolument voulue au service de la société >québécoise. L'exercice de notre mission s'est toujours effectué en ayant à l'esprit l'importance de l'apprentissage et de l'usage du français dans la formation de nos étudiants. Cette préoccupation s'est traduite au fil des ans non seulement à travers des cours de français, langue seconde, mais aussi par la mise en place de nombreuses mesures de soutien à l'apprentissage de cette langue et l'offre d'activités visant à la fois l'exposition à la culture québécoise et à la socialisation en français.

Nous sommes préoccupés par le fait que ce projet de loi ait été, en partie du moins, élaboré en fonction d'une prémisse voulant que nos collèges soient des facteurs d'anglicisation du Québec. Nous contestons cette allégation. Bien sûr, nous aidons des jeunes Québécois à mieux connaître la langue anglaise et, oui, nous les aider à développer des compétences qui pourront leur être bénéfiques dans leur cheminement professionnel, et aussi les ouvrir à d'autres cultures et à d'autres modalités d'appréhender le monde. Mais aussi par la mixité des mots linguistiques de nos populations, nous aidons à parfaire la connaissance du français chez ceux pour qui ce n'est pas la langue maternelle. Nous aidons à une meilleure compréhension de l'autre et nous les aidons à intégrer la société québécoise.

Malheureusement, on nous a enfermés dans un narratif dans lequel on nous fait jouer le rôle de vilains, un narratif dans lequel s'opère un glissement subtil de la notion de bilinguisation à celle d'anglicisation. Nous ne nions pas l'importance de protéger et de promouvoir le français, bien au contraire. Nous reconnaissons la nécessité de protéger et de valoriser le statut du français au Québec, et nous adhérons à l'idée de faire du français la langue commune et la langue de l'intégration, et de sensibiliser à l'importance de cette langue et de la culture québécoise comme liant de notre société. Nous sommes prêts à en faire plus, si on nous en donne les moyens.

Maintenant, abordons les dispositions du projet de loi qui nous concernent, tout d'abord, au sujet de la fixation de l'effectif. En ce qui a trait aux dispositions particulières de l'enseignement collégial, les stipulations apparaissant aux articles 88.0.4 et suivants, concernant la fixation de l'effectif étudiant dans nos établissements, sont lourdes de conséquences. La ministre de l'Enseignement supérieur a fait connaître en juin dernier l'effectif attribué à chacun des établissements collégiaux publics de la grande région de Montréal. Ces effectifs doivent faire l'objet d'une réévaluation annuelle considérant la hausse démographique anticipée. Selon les documents présentés à ces effets par les officiers du MEES, les orientations fixant ces effectifs totaux pour nos établissements s'appuient sur le projet de loi n° 96, notamment l'alinéa 88.0.4. Donc, en principe, cet effectif vaudrait pour l'automne 2021 et pourrait faire l'objet, à l'instar des autres établissements collégiaux de la région de Montréal, d'une réévaluation annuelle suivant les données observables. Or, il s'avère que cette détermination pour les cégeps anglophones sera effective pour une période de 10 ans jusqu'en 2029. (Interruption) ...pardon. De deux choses l'une : ou bien on respecte <l'esprit...

Mme Gauvin (Diane) : ... et pourrait faire l'objet, à l'instar des autres établissements collégiaux de la région de Montréal, d'une réévaluation annuelle suivant les données observables. Or, il s'avère que cette détermination pour les cégeps anglophones sera effective pour une période de 10 ans jusqu'en 2029. (Interruption) ...pardon. De deux choses l'une : ou bien on respecte >l'esprit du projet de loi et l'effectif total peut alors être révisé chaque année, comme l'indique les dispositions 88.0.4, ou bien on ne les respecte pas, ou on fonctionne selon les orientations présentées dans le projet de loi, incluant la possibilité d'accroissement prévue paragraphe 2° de l'article 88.0.4, ou on ne le fait pas. Comme nous le recommandons dans notre mémoire, nous demandons donc que la fixation des effectifs totale attribuée par le ministre de l'Enseignement supérieur se fasse pour une période de trois ans, soit jusqu'à l'automne 2024, et que cet effectif soit révisé au terme de cette période et qu'en conséquence l'application des pénalités financières déterminées au projet de loi soit différée jusqu'au terme de cette période.

Maintenant, pour ce qui est de l'article 4, l'article 4 vient établir qu'une personne qui a reçu l'enseignement en anglais au primaire, secondaire et collégial doit avoir acquis les compétences suffisantes pour utiliser le français comme langue commune afin de pouvoir interagir, s'épanouir au sein de la société québécoise et participer à son développement. Cet énoncé, réitéré dans l'article 62 du projet de loi, les articles 88.10 et 88.12, louable dans son intention, pose le défi d'identifier quelles sont ces compétences suffisantes et surtout soulève l'enjeu d'en distribuer la responsabilité entre les différents ordres d'enseignement. Quel sera l'égard... Pardon. Quel sera à cet égard le mandat de l'instruction obligatoire? Est-il légitime de penser qu'à la sortie de l'école secondaire tout élève recevant son diplôme a atteint ces compétences? Quel rôle devra alors échoir à l'ordre collégial en pareille instance?

Venons-en à l'article 88.0.12 du projet de loi, sur lequel nous entretenons de fortes réserves. Pour évaluer la connaissance du français des non-ayants droit, le projet de loi préconise l'imposition d'une épreuve terminale de français dont le contenu serait le même pour les étudiants ayant reçu l'enseignement collégial donné en anglais et en français. Cette proposition recèle plusieurs difficultés. Signalons que le cursus collégial est fort différent en ce qui a trait à l'enseignement du français selon le secteur. Au secteur français, on parle de quatre cours de langue et littérature, totalisant 240 heures, tandis qu'au secteur anglais on retrouve deux cours de français, langue seconde, totalisant 90 heures. D'envisager administrer une épreuve uniforme dont le contenu est le même, indépendamment du secteur dans lequel l'étudiant a fait ses études collégiales, est proprement inquiétant. Cela reviendrait à procéder à une même mesure d'évaluation pour des objets d'apprentissage radicalement différents. Il y a là manifestement quelque chose de profondément inéquitable. Nous demandons donc que la disposition 88.0.12, apparaissant à l'article 58 du projet de loi n° 96, soit retirée.

Pour ce qui est de la priorisation des ayants droit, la détermination des ayants droit et la volonté du législateur de leur donner une certaine forme de priorité dans le processus d'admission de nos collèges soulèvent un <certain nombre...

Mme Gauvin (Diane) : ... Nous demandons donc que la disposition 88.0.12, apparaissant à l' article 58 du projet de loi n° 96, soit retirée.

Pour ce qui est de la priorisation des ayants droit, la détermination des ayants droit et la volonté du législateur de leur donner une certaine forme de priorité dans le processus d'admission de nos collèges soulèvent un >certain nombre d'enjeux. D'abord, qui sont ces ayants droit? En outre, l'introduction d'un critère sociolinguistique pour l'admission dans les collèges vient interférer avec le critère normalement utilisé pour donner accès à l'enseignement supérieur, celui de la qualité du dossier académique. Pour combiner ces deux critères dans une approche équilibrée visant à préserver les chances de réussite de nos étudiants, il faudra tenir maintes discussions afin de bien calibrer l'utilisation de ces deux facteurs.

Notre troisième recommandation consiste donc à demander que l'entrée en vigueur des mesures visant à prioriser les ayants droit soit repoussée à l'automne 2024. En conséquence, nous souhaitons l'établissement d'une période de transition de trois ans afin de prendre la juste mesure de l'impact des dispositions du projet de loi n° 96 une fois adopté. Nous souhaitons ainsi... aux propos tenus par la ministre McCann, qui nous a dit plus d'une fois en juin dernier qu'on saura prendre le temps de bien faire les choses.

Merci beaucoup.

• (16 h 40) •

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Pile dans votre 10 minutes. Donc, sans plus tarder, nous allons aller à la période d'échange avec... M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. McMahon, M. Halpin, Mme Gauvin... Je crois que c'est M. Filion, hein, qui n'est pas là. Oui, M. Filion. Bonjour. Écoutez, merci de participer aux travaux de la commission parlementaire. D'entrée de jeu, là, je comprends que vous exprimez les points de vue également de l'Université McGill, de l'Université Concordia et de l'Université Bishop's, qui sont membres du Consortium des cégeps, collèges et universités d'expression anglaise du Québec. C'est bien ça?

M. McMahon (John) : Oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Écoutez, dans un premier temps, est-ce que vous êtes d'accord avec la limitation qu'on propose au niveau du collégial, le plafond qu'on vient insérer dans le cadre du projet de loi?

M. McMahon (John) : Oui. Mais, certainement, il y a une distinction à faire, parce qu'en février, les trois collèges de Montréal ont dit : Avec une limitation pour nous autres, pour les trois collèges dans l'île de Montréal, oui, on sera d'accord avec ça, la limitation. Mais c'est différent pour les autres collèges, dans les régions anglophones comme Heritage College, comme certains campus de Champlain. Ce n'est pas «one size fits all». Mais, pour les trois grands collèges de Montréal, on sera d'accord avec une limitation de notre devis, on n'a aucun, aucun désir pour «enlargement» des trois collèges dans l'île de Montréal.

M. Jolin-Barrette : Et ça, je comprends que c'est pour <toujours. Donc...

M. McMahon (John) : ... de Montréal, on sera d'accord avec une limitation de notre devis, on n'a aucun, aucun désir pour «enlargement» des trois collèges dans l'île de Montréal.

M. Jolin-Barrette : Et ça, je comprends que c'est pour >toujours? Donc, vous êtes à l'aise qu'on limite ça à 17,5 %.

Une voix : Non.

M. McMahon (John) : «Toujours» c'est un mot... La recommandation pour le futur immédiat, oui, mais la recommandation, c'est pour regarder ça pas en 10 ans, mais peut-être en deux, trois ans et regarder la réalité de la situation à ce moment-là pour avoir une politique qui est vraiment répondre au le besoin courant.

M. Jolin-Barrette : Le besoin courant. Supposons qu'on prend votre hypothèse, là, qu'on réviserait ça dans deux, trois ans, là. Supposons qu'il y aurait des places à ajouter, là, sur l'île de Montréal, là, la Fédération des cégeps, ce matin, là, est venue nous suggérer que si jamais il y avait des places à ajouter dans les établissements collégiaux anglophones, on devrait prioriser les cégeps qui sont... qui sont publics, financés à 100 % par l'État. Est-ce que vos êtes du même avis, qu'on donne davantage de places à Dawson qu'à Marianopolis?

M. McMahon (John) : Oui. Mais comme M. Tremblay a dit ce matin, la Fédération des cégeps, c'est vraiment une fédération de 48 cégeps publics. Nous sommes cinq cégeps publics anglophones, mais on travaille très, très fort, très bien avec nos collègues francophones dans la Fédération des cégeps. Mais ça, c'est les cinq cégeps publics. Notre organisation de «English college steering committee», c'est bien compris avec Marianopolis, un collège privé subventionné. La position des collèges privés, certainement, avec respect, on peut «agree to disagree», mais le collège privé a une autre position. On respecte ça, mais nous sommes complètement d'accord avec la Fédération des cégeps concernant les cégeps publics.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question du déclin du français, là, il y a plusieurs auteurs qui disent que le fait qu'il y ait une progression supplémentaire dans le réseau collégial anglophone, ça fait en sorte que ça a un impact sur le français en général au Québec. Vous émettez des doutes, là, par rapport à ça, là, à la page 3 de votre mémoire, là. Vous émettez des doutes relativement au fait que, lorsqu'on fréquente un établissement collégial anglophone, on risque de tendre davantage vers la culture anglo-saxonne, qu'on... également, qu'il y a un facteur d'anglicisation.

M. McMahon (John) : On va travailler... vraiment comme une «tag team». Et je... demande mon collègue, M. Halpin, à répondre.

M. Halpin (John) : Je pense que, M. le ministre, c'est important de, <premièrement...

M. Jolin-Barrette : ... également, qu'il y a un facteur d'anglicisation.

M. McMahon (John) : On va travailler... vraiment comme une «tag team». Et je... demande mon collègue, M. Halpin, à répondre.

M. Halpin (John) : Je pense que, M. le ministre, c'est important de, >premièrement, par rapport au déclin du français, pour nous, c'est clair que, quand on a 7 millions de francophones habitant dans un continent avec 330 millions d'anglophones, c'est clair que, pour nous, il y a une grosse pression sur le français. Et, comme vous avez dit, ce matin, avec Bernard Tremblay : Il y a un enjeu pour le français, et nous devons tous travailler ensemble pour promouvoir le français. Donc, de notre point de vue, c'est clair qu'il y a du travail à faire, et on est prêts à le faire. Nous sommes quand même étonnés dans le projet de loi n° 96 qu'il n'y a rien dans le projet de loi pour améliorer le français de nos étudiants anglophones. Nous sommes présentement limités par les règlements, règlement des études collégiales, à 90 heures d'enseignement, français, langue seconde. Nous voulons en faire plus, mais c'est les lois de notre ministère qui nous en empêchent. C'est clair que...

M. Jolin-Barrette : ...Combien d'heures vous voudriez dans le cursus?

M. Halpin (John) : Ça, c'est quelque chose qui... ce matin... Parce que, pour augmenter les cours de français, ça va prendre du courage, parce que ça implique des changements au cursus de formation générale et au RREC, et il va avoir des effets sur les conventions collectives. Donc, c'est clair que ça va prendre un dossier là-dessus et une concertation, mais est-ce qu'on est ouverts à en faire plus? Oui, mais il faut prendre le temps de digérer comment le faire de la bonne façon, comme notre ministre nous... Il faut prendre le temps de bien le faire.

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais juste pour être clair, là, juste savoir, là, parce que, moi, je dois quitter la commission tout à l'heure, là, à la fin de la journée, puis je veux juste être sûr de votre position. Donc, pour Champlain, pour Dawson, pour Heritage, pour John-Abbott, pour Marianopolis et pour Vanier, vous me dites : M. le ministre, s'il vous plaît, faites changer le règlement sur les études collégiales et augmenter dans le cursus pour les cégeps anglophones augmenter le nombre de cours de français. Donc, c'est ce que vous souhaitez? Je vous demande à combien de cours?

M. Halpin (John) : On est absolument ouverts à le faire. Si on rajoute deux cours, ça peut avoir un impact sur 100 à 200 emplois, donc ce n'est pas quelque chose qui se fait sans parler au syndicat, ce n'est pas quelque chose qui se fait sans réviser la formation générale. Si vous savez l'historique, il y a eu un rapport préparé il y a quelques années qui parlait de faire un changement à la formation générale, le rapport Demers. Il y a très peu des recommandations qui sont sorties du rapport Demers qui ont été implantées justement parce que ça prend du temps et ça prend du courage à changer le <cursus...

M. Halpin (John) : ... il y a quelques années qui parlait de faire un changement à la formation générale, le rapport Demers. Il y a très peu des recommandations qui sont sorties du rapport Demers qui ont été implantées justement parce que ça prend du temps et ça prend du courage à changer le >cursus de l'éducation collégiale.

M. Jolin-Barrette : O.K., mais je vais vous reposer ma question, là, puis je comprends qu'il y a les syndicats, il y a des emplois puis tout ça, puis, ça, on va s'occuper de ça parallèlement, mais là on est sur la question de la langue, là, l'importance pour les étudiants qui vont dans vos établissements collégiaux d'avoir une bonne maîtrise de la langue française. Vous savez qu'on impose l'épreuve uniforme de français. Puis vous avez de fortes réserves, vous dites que ça va entraîner des difficultés, c'est inquiétant, c'est inéquitable, vous dites que c'est incongru, il n'y a pas de valeur ajoutée rocambolesque. Bon, je ne suis pas d'accord avec ça dans votre mémoire, mais je vous demande clairement, là : Combien de cours ça prendrait, combien d'heures de cours ça prendrait, en fonction des six cégeps anglophones, pour que les étudiants qui étudient dans vos établissements d'enseignement collégiaux aient une bonne maîtrise de la langue française?

M. Halpin (John) : Je vais me permettre une réponse rapide, et puis Diane va continuer. Il faut comprendre que, depuis 1995, les collègues travaillent avec un programme de compétences. Bien, comme on dit dans notre mémoire, il faut définir la compétence qu'on veut atteindre et, après ça, on pourra définir les heures de cours que ça prend. Donc... et c'est plus un travail de longue haleine parce qu'il faut... c'est quoi, là, quelle compétence qu'on veut atteindre et, après ça, on décidera combien de cours. Si on se base sur ce qu'il se passe dans...

M. Jolin-Barrette : Bien, moi, je vous dirais une chose, l'épreuve uniforme de français, là, est dans le projet de loi, puis tous vos étudiants collégiaux, allophones et francophones qui sont dans vos établissements d'enseignement, afin de pouvoir diplômer puis d'avoir leur D.E.C., il va falloir qu'ils passent l'épreuve uniforme. Ça fait que ça serait le temps d'y penser pour nous dire combien de cours vous voulez pour faire en sorte que vos étudiants puissent diplômer adéquatement dans le cadre de leur parcours scolaire.

Je vous soumets ça, je vais céder la parole à mes collègues, notamment le député de Sainte-Rose qui veut poser des questions, mais je vous invite à y réfléchir sérieusement sur le nombre de cours que ça va nécessiter.

• (16 h 50) •

La Présidente (Mme Thériault) : Est-ce que vous complétez la réponse, Mme Gauvin?

Mme Gauvin (Diane) : Bien, juste pour vous dire que, quand on regarde pour s'assurer que les étudiants maîtrisent bien le français, je pense qu'il faut regarder primaire, secondaire, collégial. Il faudrait que ça s'harmonise.

Et ensuite, bien, pour répondre plus précisément à votre question, ce n'est pas nécessairement ce que je souhaite. Par contre, les prérequis pour écrire l'examen... l'épreuve uniforme de français, c'est d'avoir fait trois cours de littérature en français. Donc, ce n'est pas la réponse, ce n'est pas nécessairement ce que je recommande, mais ça serait... c'est le prérequis pour écrire l'épreuve uniforme.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Donc, on va maintenant su côté du député de Sainte-Rose, et vous avez 6 min 15 s.

M. Skeete : Merci, Mme la Présidente. Permettez-moi de vous saluer et de vous remercier de votre présence en commission. Very nice to see you again, Mr. McMahon, we have the chance to speak before the tabling of the bill. I'm very happy that we have the chance to talk <today...

La Présidente (Mme Thériault) : ... Merci. Donc, on va maintenant su côté du député de Sainte-Rose, et vous avez 6 min 15 s.

M. Skeete : Merci, Mme la Présidente. Permettez-moi de vous saluer et de vous remercier de votre présence en commission. Very nice to see you again, Mr. McMahon, we have the chance to speak before the tabling of the bill. I'm very happy that we have the chance to talk >today. The Minister spoke about the ability and the desire of the college system to do more, to move the needle so to speak in terms of the English Quebeckers' ability to be more proficient in French, what I'm hearing today is an openness to explore that possibility. I want to thank you for that openness.

I was wondering what are your thoughts with regards to the dispositions of the bill that will give English-speaking Quebeckers first kick at the can when it comes to admission's processes. What are your views in there? Because I'm reading in your memoire that you guys have some concerns about that. Is it a logistical how-do-I-go-about-doing-that type of concern or is it a principle we-don't-think-that-anybody-should-be-cutting-a-line type of concern?

M. McMahon (John) : ...

M. Halpin (John) : Je pense que premièrement, nous ne sommes pas des institutions anglophones, nous sommes des collèges qui servent tous les Québécois et qui offrent une éducation en anglais. C'est important, cette différence-là. Quand on a reçu nos lettres patentes, c'était pour offrir l'enseignement collégial, il n'y avait aucune référence à la langue.

La ministre McCann, récemment, a lancé un grand chantier et des millions de dollars d'investissement sur la réussite académique. Donner l'admission en sciences à un ayant droit avec une moyenne générale au secondaire de 65 pour qu'il soit ultérieurement refusé à l'entrée, université, n'est pas une définition de la réussite, d'après nous.

Par contre, nous allons toujours travailler très fort pour trouver des voies de passage aux étudiants anglophones, mais comme nous disons dans notre mémoire, il faut trouver la bonne façon de le faire pour standardiser les admissions, et donc nous demandons trois ans pour définir la bonne approche.

M. Skeete : Si vous me permettez, j'aimerais justement rajouter sur ce point-là, parce que, moi, je reçois de nombreuses plaintes de la communauté d'expression anglaise, de Québécois qui veulent accéder un réseau qui est fait et fabriqué pour eux, où est-ce qu'ils peuvent être enseignés en anglais. Et ils me disent : M. Skeete, avec une moyenne de 85, je n'arrive pas à rentrer en sciences humaines. Pour moi, pour un Québécois d'expression anglaise qui a fréquenté vos institutions, ça veut dire que, moi, je n'aurais pas pu être admis, ça veut dire que, moi, je n'aurais pas pu poursuivre, par la suite, à faire mon université, par la suite ma maîtrise.

Donc, êtes-vous concerné par le fait qu'il y a des Québécois d'expression anglaise, avec un choix limité d'institutions, où est-ce qu'on offre des cours en anglais, ne peuvent pas accéder au réseau parce qu'il y a un contingentement de francophones qui veulent venir à vos institutions, et par le choix même, il y a une sélection à la hausse des moyennes pour ces gens-là? Je comprends que vous ne voulez pas réduire la qualité, là, puis vous <contrôlez...

M. Skeete : ... d'institutions, où est-ce qu'on offre des cours en anglais, ne peuvent pas accéder au réseau parce qu'il y a un contingentement de francophones qui veulent venir à vos institutions, et par le choix même, il y a une sélection à la hausse des moyennes pour ces gens-là? Je comprends que vous ne voulez pas réduire la qualité, là, puis vous >contrôlez les mesures que vous voulez mettre en place pour ça, mais est-ce que vous trouvez ça normal qu'un Québécois d'expression anglaise avec une moyenne soi-disant élevée ne réussit pas à être admis à l'intérieur de vos institutions parce qu'il y a cette compétition-là avec la majorité francophone?

M. McMahon (John) : Of course, we're concerned by that as you and I spoke about back in the Spring. That's always been a concern. We do not need a law in order for us to be concerned with that. It has been two periods really in the last 15 years where it has been more a concern than any other. And one was in 2009, 2010, 2011, and the other just recently.

The issue is where institution of higher learning, so there are going to be programs that are very competitive. As my colleague had already mentioned, we serve all students. We don't discriminate on a basis of language. We accept students who are francophone, allophone, anglophone. The reality is that some programs in our colleges have become very difficult to get into, and we're very conscious of that. We're working together as the English Colleges Students Committee to address that issue. As we said before in this...

M. Skeete : If I may, and my time is limited, and I didn't mean to cut you off. But I just want to follow up on something that you said because I think... you say that a law is not needed, but English-speaking high schools throughout Québec have been raising this as a red flag for years, and the situation only has gotten worse. So, I'm wondering if it's not a bill that you're proposing that would make a difference in helping English-speaking Quebeckers access their network. What else can we do to move the needle here? Because it's a real issue. We have quality students who simply cannot get into CEGEPs.

M. McMahon (John) : As I said, we don't need a bill. However, if there is a bill, and I'm presuming that this, the projet de loi, will continue, our recommendation is because it is a complex subject, that time is needed for our colleges to adopt a policy that balances access and excellence. That's what our recommendation is. Are you willing to accept that recommendation now that we're in a agreement that something needs to be done and to give us the time, as a college network of English colleges, to have a policy in place that responds well to not only the English community, but the Québécois community that we've been serving for more than 50 years?

M. Skeete : Your concerns are duly noted, and I would agree. I wouldn't want a situation that was described by your colleague where average or sub average students are accessing simply on the basis of language certain highly restrictive programs. That's not the illusion that we... that's not the vision that we have with this bill. But what we do have is a very serious problem of disenfranchisement of English-speaking Quebeckers who have the inability to access their own network. So, there's at some point have to be a discussion. I think, what I'm confident is that each institution will have the ability with the <autonomy...

M. Skeete : ... that's not the vision that we have with this bill. But what we do have is a very serious problem of disenfranchisement of English-speaking Quebeckers who have the inability to access their own network. So, there's at some point have to be a discussion. I think, what I'm confident is that each institution will have the ability with the >autonomy that they have within their charter to come up with a plan that suits their needs, and we're optimistic that we're going to be able to help students access their network.

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange.

M. Skeete : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Thériault) : Je regarde maintenant Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous tous d'être là. Je trouve la conversation extrêmement intéressante et importante. Autant le ministre que le député de Sainte-Rose, je trouve que là on est dans le... Sainte-Rose, hein? Décidément, je vais... Rose, comme votre foulard... votre mouchoir. Donc, très, très important, on est au coeur des questions qui touchent le réseau collégial. Et Dieu sait que vous le mettez bien en évidence, tout n'est pas si simple dans un réseau d'éducation.

Alors, la Fédération des cégeps nous rappelle que, juste changer le cours d'histoire ou changer le programme de sciences de la nature ou de sciences humaines, vous nous avez rappelé le rapport Demers, que j'avais oublié, mais qui est tellement important, qui proposait beaucoup, beaucoup de changements. Mais, de toute façon, dans ce projet de loi ci, nous sommes face à des changements, je le disais ce matin à la fédé, qui vont exiger l'ouverture du Règlement sur le régime des études collégiales, je pense que c'est incontournable.

Et pour ouvrir ça, évidemment, je sais que ce n'est pas nécessairement facile pour le ministre de la Langue française, surtout que c'est un autre ministre qui va rouvrir ce régime, c'est un petit peu long. Est-ce que c'est trop long? La réponse, c'est oui. Vous l'avez condamné depuis des années. Moi-même, je trouvais ça épouvantablement long de réviser un programme, des années que ça prend. Là, je ne pense pas que le ministre, éventuellement, de la Langue française trouve ça intéressant d'attendre plusieurs années.

Vous demandez trois ans. Mais moi, je vais répéter la question des deux, et du ministre et du député de Sainte-Rose, vous êtes ouverts à beaucoup de choses. Vous dites : Nous sommes ouverts. Je vous cite à la page 10. «On se serait attendu, au contraire, que des mesures spécifiques visant à consolider la maîtrise du français auprès de cette catégorie d'étudiants — donc les ayants droit — soient mises de l'avant. Le projet de loi ne contient rien à cet égard.» Vous ouvrez grande la porte pour dire : Nous voulons faire plus. Vous avez même dit : Donnez-nous les moyens, et je trouve ça fort intéressant, donnez-nous les moyens. Vous avez dit : Nous sommes prêts à en faire plus si l'on nous en donne les moyens.

• (17 heures) •

Le ministre vous a demandé, mais le ministre, il parle encore de cours de français. Moi, je parle de cours en français. Peut-être que c'est encore plus exigeant, le mot «en» que le mot «de», parce qu'«en français», ça veut dire oui, changement, ouverture du régime d'études collégiales. Mais, de toute façon, pour l'épreuve uniforme de français, vous allez êtes obligés de le rouvrir.

Donc, qu'est-ce que vous...


 
 

17 h (version révisée)

Mme David : Moi, je parle de cours en français. Peut-être que c'est encore plus exigeant, le mot «en» plutôt que le mot «de», parce qu'«en français» ça veut dire oui, changement, ouverture du régime d'études collégiales, mais de toute façon, pour l'épreuve uniforme de français, vous allez êtes obligés de le rouvrir. Donc, qu'est-ce que vous voulez faire, qu'est-ce que vous pensez qui pourrait être intéressant? Notre proposition, oui, le régime, il va falloir le rouvrir. La proposition du ministre des cours de français, dites-nous... moi, je pense qu'on peut penser en dehors de la boîte, on va être obligés de sortir de la boîte de toute façon, de la boîte de ce régime d'études collégiales actuel.

M. Halpin (John) : Merci, Mme la députée. Je pense qu'on a offert dans... au cours des années plusieurs... si on prend, par exemple, un programme qui existe déjà... trois collèges ici, on envoie des étudiants à Gaspé pour une session d'études, là, session d'immersion pour aider, premièrement, les espaces qu'il y a dans les cégeps de région, puis en plus pour aider nos étudiants anglophones à une immersion dans un environnement en région. Il me semble qu'on pourrait en faire beaucoup plus de ce côté-là, prenez l'opportunité et puis le financement requis pour aider à nos étudiants, les étudiants des grands centres d'aller en région, mais il faut que ça soit fait d'une façon où c'est attractif, on parle beaucoup d'attractivité de ce temps-ci, il faut que ça soit attractif à nos étudiants. Si...

Mme David : Oui. Je vous entends bien, M. Halpin, c'est vrai ce que vous dites, mais ça, c'est encore de la promotion, offrir des stages, mais tant que ça ne sera pas dans un régime d'études collégiales, dans la formation générale ou dans la formation complémentaire, avec des obligations de x heures, soit de stage en français, d'immersion en français ou des cours en français, ou admettons des cours de français, bien, les étudiants ne le feront pas nécessairement. Il va falloir avoir une mesure, que j'appelais ce matin, avec la fédé, structurante, pour pouvoir atteindre, justement, une belle immersion je dirais, même intracollèges, intracollégiale, que ça soit à Dawson, à Vanier, à n'importe quel collège, à John-Abbott, que les étudiants anglophones et francophones puissent parler français entre eux, qu'ils puissent faire des travaux en français. Comment vous pouvez-voir ça, là, sans les envoyer nécessairement en Gaspésie?

M. Halpin (John) : On a déjà plusieurs échanges... programmes de même qui sont pilotés, si on prend en exemple de Vanier—Saint-Laurent, si on prend l'exemple... nous autres, on a des échanges avec le cégep Gérald-Godin depuis quelques années, où ils font une session d'un bord et de l'autre. Ils restent encore chez eux. Ils ne sont pas obligés... ils prennent l'autobus dans l'autre sens pour aller à Gérald-Godin. Donc, il y a plusieurs programmes de même.

Comme vous avez dit, c'est un travail de longue haleine pour rajouter des cours au cursus, mais nous sommes ouverts à faire ce travail-là. Mais ça implique du changement aux conventions collectives, ça implique des changements par rapport au RREC que vous avez dit. Donc, c'est <clair que...

M. Halpin (John)T : ... plusieurs programmes de même.

Comme vous avez dit, c'est un travail de longue haleine pour rajouter des cours au cursus, mais nous sommes ouverts à faire ce travail-là. Mais ça implique du changement aux conventions collectives, ça implique des changements par rapport au RREC que vous avez dit. Donc, c'est >clair que c'est du gros travail. Est-ce qu'on est ouverts à le faire? Absolument.

Puis je crois que mon collègue Richard Fillion voulait en rajouter.

(Interruption)

M. Filion (Richard) : Excusez. Vous m'entendez, oui?

Mme David : Oui.

M. Filion (Richard) : Vous m'entendez?

La Présidente (Mme Thériault) : Oui.

M. Filion (Richard) : Bon, juste très brièvement, là, la vraie question : Qu'est-ce qu'on fait avec les étudiants du Québec pour qu'ils puissent acquérir la maîtrise des deux langues secondes, pour les francophones, l'anglais, pour les anglophones, le français? Il y a très certainement nécessité de réfléchir à la manière de modifier la façon dont on offre l'enseignement collégial pour permettre à ces deux catégories d'étudiants d'avoir accès à des formations qui sont qualifiantes dans les deux langues, le français et l'anglais.

Je vais dire que, pour avoir vécu 16 ans au Collège Dawson, et on le dit dans notre mémoire, la mixité démolinguistique favorise l'échange entre les deux communautés et permet aux jeunes anglophones de se familiariser avec le français, et je pense que si on ampute cette possibilité-là, on ne rend service à personne.

Mme David : Je vais aller sur l'épreuve uniforme de français justement. Je sais que vous dites que ça va être à peu près inapplicable, mais admettons que loi passe, il va falloir l'appliquer. Ça fait qu'à partir du moment où il va falloir l'appliquer, il faut que nous, les législateurs, nous puissions le rendre minimalement réaliste. Or, vous faites la démonstration hors de tout doute, je trouve, que pour l'instant, si on n'apporte pas de précisions et d'amendements, c'est irréaliste.

Donc, il va falloir y penser. Il va falloir y penser avec le ministère de l'Enseignement supérieur, avec la ministre de l'Enseignement supérieur,240 heures versus 90 heures, une ou deux épreuves, ce n'est pas clair pour moi, si vous fréquentez le cégep anglophone, si l'étudiant  et l'épreuve uniforme de français et l'examen... l'épreuve uniforme d'anglais, si on veut, à la fin de son collégial. Prenons pour acquis, là, qu'admettons que cet article de loi là est adopté, combien de temps vous pensez et quelles étapes vont devoir être franchies pour arriver à quelque chose qui soit réaliste?

Mme Gauvin (Diane) : Bien, peut-être simplement dire que pour pouvoir répondre à la... pouvoir écrire l'examen, il faut avoir fait les cours de littérature en français. À moins que la ministre change les prérequis, mais pour l'instant, les prérequis, il faut avoir fait les cours de littérature. Donc, nos étudiants ne se qualifient pas pour écrire... pour pouvoir faire l'examen de l'épreuve uniforme. C'est là le problème. Alors, si la loi ne change pas ou le maintien de l'épreuve <uniforme...

Mme Gauvin (Diane) : ... mais pour l'instant, les prérequis, il faut avoir fait les cours de littérature. Donc, nos étudiants ne se qualifient pas pour écrire... pour pouvoir faire l'examen de l'épreuve uniforme. C'est là le problème. Alors, si la loi ne change pas ou le maintien de l'épreuve >uniforme... on se retrouve avec un problème énorme, et là il faudra que nos étudiants ou non-ayants droit puissent suivre ces cours de littérature. Et puis, ça, ce n'est pas un simple changement. C'est énorme, ça a un impact financier important, il y a des emplois qui vont être touchés. Donc, c'est assez majeur comme... Donc, ça va prendre des années, là, je veux dire, je ne pourrais pas vous dire... Mais c'est la seule façon où nos étudiants pourront faire le même examen de français.

Mme David : Vous demandez, et je comprends, une période de transition pour mettre ça sur pied. Parce qu'évidemment les gens sont souvent un peu frileux face au changement, mais des fois, on réussit à faire des changements. Ça peut être pour le mieux, des fois, ce n'est pas pour le mieux. Mais vous dites : C'est impossible à réaliser, un, sans quatre cours de langue et littérature, pour les mettre au même niveau que les étudiants qui fréquentent un cégep francophone, et ça va prendre une période d'implantation parce que ça va... C'est comme un LEGO, là, on tire sur un morceau puis c'est tout l'échafaudage qui peut être mis en péril. Donc, vous demandez une période de transition d'au moins trois ans.

Vous demandez... Moi, je trouve ça formidable. On est rendu à, effectivement... pour les effectifs, pour les effectifs de croissance ou non, on a trois chiffres qui circulent, effectifs annuels dans le projet de loi du ministre. La fédération suggère trois ans, pluriannuel, que vous sachiez d'avance et la ministre McCann a parlé d'un gel de 10 ans. Donc, on a trois chiffres qui circulent : un an, trois ans, 10 ans, deux ministres puis des suggestions du réseau collégial. Alors, on en est où, d'après vous? Puis quel serait l'horizon? Parce que vous parlez, vous aussi, de pluriannuel, vous avez parlé, tout à l'heure... le ministre a demandé : Combien de temps vous resteriez comme vous êtes là? Vous avez dit : Deux ans. Admettons que c'est cinq ans, ou... mais ça va prendre du pluriannuel, si je comprends bien.

La Présidente (Mme Thériault) : À peu près 30 secondes pour répondre.

M. McMahon (John) : Bien, c'est comme tous les autres sujets, c'est bien complexe, vous le savez. C'est nécessaire à avoir une consultation très forte avec le ministère de l'Éducation supérieure, avec la personne qui va continuer à écrire ce projet de loi parce que maintenant, nous avons l'impression qu'il n'y a aucune consultation. Parce que ce n'est vraiment pas réalistique à faire des choses dans le projet de loi qui est écrit maintenant. Et c'est pour ça... travailler ensemble pour assurer que la loi éventuellement réponde bien à nos besoins.

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois vous remercier, M. McMahon, pour cet échange. Donc, Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Oui. Merci, merci beaucoup pour votre présentation, madame et messieurs. Vous dites, dans votre mémoire, que les cégeps anglophones ne sont pas un facteur <d'anglicisation...

M. McMahon (John) : ... nos besoins.

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois vous remercier, M. McMahon, pour cet échange. Donc, Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Oui. Merci, merci beaucoup pour votre présentation, madame et messieurs. Vous dites, dans votre mémoire, que les cégeps anglophones ne sont pas un facteur >d'anglicisation à Montréal, là, ou au Québec. Puis là vous expliquez pour quelles raisons, vous nommez une étude sur le choix des jeunes d'aller en anglais, des jeunes francophones et allophones. J'aimerais savoir, est-ce que vous avez une réflexion sur les cégeps privés non subventionnés? Ils sont peut-être... c'est peut-être peu nombreux, mais ils sont en plein essor. Est-ce que ces cégeps-là pourraient être un facteur d'anglicisation? Et est-ce que vous pensez que leurs effectifs devraient être aussi limités, comme ça l'est avec le projet de loi n° 96 pour les cégeps anglophones publics et privés subventionnés? Oui.

• (17 h 10) •

M. Filion (Richard) : Vous avez absolument raison de cibler les collèges privés non subventionnés, Mme, et je pense que, comme dans tout développement d'un cursus collégial, qu'on soit subventionnés, non subventionnés, publics, il doit y avoir des parties de la formation qui permettent à ces étrangers, parce que c'est principalement les étrangers qui vont dans les collèges subventionnés, des cours de français, des cours de familiarisation avec la société québécoise. Ça devrait être obligatoire, et c'est une voie qui pourrait être explorée avec beaucoup de succès.

Mme Ghazal : ...qu'il faudrait aussi limiter leurs effectifs, ces cégeps non subventionnés?

M. Filion (Richard) : Écoutez, c'est difficile parce qu'ils sont non subventionnés. Alors, c'est un peu leur pain et leur beurre que d'avoir des étudiants qui sont prêts à payer le gros montant, le fort montant pour avoir accès à des formations collégiales qualifiantes. Alors, comment... je pense...

Mme Ghazal : Mais au-delà des modalités, parce que le gouvernement pourrait peut-être, je ne sais pas par quel mécanisme, imposer ça, peut-être pas dans le projet de loi n° 96. Vous, vous êtes d'accord avec le principe?

M. Filion (Richard) : Oui, et le gouvernement a toute latitude d'autoriser ou non la prestation d'un collège privé non subventionné.

Mme Ghazal : Puis j'essaie juste de comprendre, vous dites : Il faudrait seulement, par exemple, le contingentement, l'évaluer au bout de trois ans. Mais j'essaie de comprendre, parce qu'en fait on facilite l'entrée dans les cégeps anglophones des ayants droit anglophones. Ce n'est pas quelque chose qui devrait être perçu de façon positive par vous, pourquoi est-ce que vous dites : Seulement trois ans? C'est sûr qu'au bout de trois ans on va trouver qu'il y en a beaucoup plus, des ayants droit qui vont dans les cégeps anglophones. Donc, ça devrait être une bonne chose.

La Présidente (Mme Thériault) : Malheureusement, il ne reste pas de temps pour la réponse. Donc, je vais vous inviter à communiquer ensemble après la commission. M. le député de Matane, la parole est à vous.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Je vous salue, bienvenue dans cette commission. Parmi vos membres, il y a le collège Dawson, vous m'avez souvent entendu en <parler...

Mme Ghazal : ... ça devrait être une bonne chose.

La Présidente (Mme Thériault) : Malheureusement, il ne reste pas de temps pour la réponse. Donc, je vais vous inviter à communiquer ensemble après la commission. M. le député de Matane, la parole est à vous.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Je vous salue, bienvenue dans cette commission. Parmi vos membres, il y a le collège Dawson, vous m'avez souvent entendu en >parler. J'apparais probablement souvent dans votre revue de presse. Ce n'est pas sans raison. Je trouve que le gouvernement du Québec répond beaucoup plus rapidement quand c'est votre collège que quand c'est le cégep de Matane, mais c'est une perception.

Vous dites en page 3 de votre mémoire, vous posez la question suivante : Est-ce que la fréquentation d'un collège offrant de l'enseignement en anglais pour une période, somme toute, relativement courte dans la vie d'un individu favorise l'adoption d'une pratique linguistique favorisant l'anglais? Bien, elle est là la question. Et moi j'ai des éléments de réponse pour vous. La fréquentation des cégeps en anglais est étroitement liée à l'anglicisation de la langue d'usage public, de langue de travail, de la langue de consommation culturelle. Pourquoi? 4,4 % des allophones inscrits au cégep anglais utilisent principalement le français à la maison comparativement à 35,1 % des allophones inscrits au cégep français. 72,9 % des francophones inscrits au cégep anglais utilisent principalement le français à la maison et c'est 99 % pour ceux inscrits au cégep en français. Ça fait une différence. À cet âge, cette langue de socialisation, cette langue qui nous prépare à la vie professionnelle va nécessairement marquer le parcours si ça se fait en anglais. Évidemment, dans les règles actuelles c'est le libre choix, mais je vous suggère que le gouvernement du Québec avec les fonds publics, lui, n'a pas à financer notre assimilation ou le déclin du français. Alors, à votre réponse, quand je vous soumets ces chiffres-là est-ce que vous êtes d'accord que ça a un impact la fréquentation du cégep, notamment chez les allophones?

M. Halpin (John) : Comme nous disons dans notre mémoire, une étude de l'Université Laval nous démontre très bien avec des discussions avec 35 étudiants qui ont fait leur parcours dans les cégeps anglophones qu'ils n'ont pas perdu leur lien à leur culture québécoise. Si... on peut au moins, aussi...

M. Bérubé : Si vous me permettez. L'échantillon, comment ont été sélectionnés les 35? Moi, je n'en sais rien, mais je sais qu'il y a un expert qui est venu nous dire que ça ne reposait pas sur grand-chose de scientifique, là.

M. Halpin (John) : Nous autres on est en éducation et si quelqu'un reçoit un doctorat de l'Université Laval, je pense qu'on va accepter que l'Université Laval reconnaît que le travail a été bien fait...

M. Bérubé : C'est un argument d'autorité selon vous?

M. Halpin (John) : Si vous voulez un autre argument vous devriez regarder tous les autres, les membres de l'Assemblée nationale, et combien d'eux ont fait leur parcours à Concordia, à McGill, à Harvard, au London School of Economics. Trouvez de tous ces membres de l'Assemblée nationale, est-ce qu'ils ont perdu leur...

La Présidente (Mme Thériault) : Désolé. Je dois mettre fin à l'audition. Donc, merci, Mme et messieurs, de votre présence en commission parlementaire. Nous allons suspendre les travaux pour permettre au prochain intervenant de <venir...

M. Halpin (John) : ... l'Assemblée nationale, est-ce qu'ils ont perdu leur...

La Présidente (Mme Thériault) : Désolé. Je dois mettre fin à l'audition. Donc, merci, Mme et messieurs, de votre présence en commission parlementaire. Nous allons suspendre les travaux pour permettre au prochain intervenant de >venir nous rejoindre. Merci.

Des voix : Merci.

Une voix : Au revoir.

(Suspension de la séance à 17 h 15)

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(Visioconférence)

(Reprise à 17 h 18)

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, nous reprenons nos travaux, et nous recevons M. Maxime Laporte, qui est le président de Mouvement Québec français. M. Laporte, 10 minutes pour faire votre présentation, la parole vous appartient.

M. Laporte (Maxime) :Mme la Présidente, M. le ministre, chers membres de la commission, c'est un honneur pour moi d'être ici, bien, alors même si je ne suis pas exactement ici, mais disons que je suis là, là.

Vous savez, Mme la Présidente, comme président du Mouvement Québec français, je me fais souvent poser cette question : C'est quoi, le problème? C'est quoi, le problème de la langue au Québec et au Canada? On dira que le problème du français, c'est qu'il régresse, c'est le fait que son statut, sa vitalité démographique régressent et qu'ils continueront à régresser, à l'évidence, à la lumière des projections démographiques, et que cette régression s'observe quelle que soit l'indicateur ou la méthode qu'on utilise ou presque, enfin, les quelques-uns qui prétendent le contraire nous mystifient, disons-le. Mais ça, ce n'est pas le problème, c'est le constat.

Alors, quel est donc le problème à la source de ce constat? Pour nous, il est évident qu'il s'agit d'un problème politique, un problème qu'on connaît bien depuis 258 ans, sept mois, 25 jours très exactement, et plus longtemps encore, un problème qu'on connaît bien parce qu'on y vit, on y habite, sans jamais l'avoir démocratiquement voulu.

• (17 h 20) •

Ce problème, nous, en fait, dans le mémoire, on a pris le temps d'y revenir, de le décrire, chose qui est peut-être rare de nos jours, mais n'en déplaise aux esprits oublieux qui font désert quand on ose relater, au fond, les causes profondes à l'origine des conséquences qui sont aujourd'hui au menu de cette commission, cet exercice nous paraissait nécessaire, et il s'inspire directement d'ailleurs de Camille Laurin, qui, dans son livre blanc, commence précisément par relater le récit de nos défaites et de nos déchéances par la fausse conciliation, pour citer Henri Bourassa.

C'est ce problème-là, ce problème structurel, qui fait qu'en dépit de nos plus glorieuses victoires ou demi-victoires du passé, le fait est que nous échouons sur l'essentiel, l'essentiel étant le minimum, et le minimum étant d'assurer la vitalité démographique du français dans la durée. C'est-à-dire que, comme l'a indiqué Guy Rocher en cette même commission, le Québec va rétrécir de plus en plus au sein du Canada.

Pour autant, n'allez pas croire que... (panne de son) ...qu'on a fait dans le mémoire, notre but serait de faire croire que tout fut de tout temps absolument noir pour ce qui est du cheminement du <fait...

M. Laporte (Maxime) : ... le Québec va rétrécir de plus en plus au sein du Canada.

Pour autant, n'allez pas croire que... (panne de son) ...qu'on a fait dans le mémoire, notre but serait de faire croire que tout fut de tout temps absolument noir pour ce qui est du cheminement du >fait français en ce pays. Bien sûr, des embellies, il y en a eu, des réussites aussi, des rencontres fécondes même. On aura même réussi à faire pousser des petites écoles françaises jusqu'au fin fond du Yukon.

Alors, en ce sens, c'est vrai, après tout, pour citer René Lévesque, on n'est pas dans un goulag. Mais, si le Canada n'est pas un goulag, il n'en est pas moins notre tombe, et là je cite le très libéral et très canadien Wilfrid Laurier, et fut-elle agrémentée d'ornements dorés, une tombe demeure une tombe. Parce que c'est pour nous une évidence, le problème de la langue chez nous, ça résulte avant toute chose d'un problème politique, et ce problème a pour nom Canada.

Bien entendu, le processus d'anglicisation au Québec peut toujours s'expliquer par une foule d'autres déterminants, parmi lesquels on notera les mutations démographiques, l'hégémonie culturelle anglo-américaine, mais ces phénomènes, quand on y songe, sont loin d'être spécifiques à la réalité québécoise. Alors, vous savez, parmi les sociétés riches, en Occident et au-delà, qui, un peu comme nous, vivent à l'ombre de l'empire américain, il n'y en a pas une seule qui ne soit pas confrontée aujourd'hui à ces défis-là, et pour autant on n'en voit aucune s'angliciser collectivement à la manière du Québec. Il n'y a qu'ici où, par exemple, on assiste impuissants à la captation par l'anglosphère de près de la moitié des substitutions linguistiques des allophones. Il n'y a qu'ici où l'aliénation linguistique à la langue anglaise, le fait d'être bilingue avec soi-même, pour paraphraser Gaston Miron, fait figure de norme établie et indiscutable apparemment.

À bien y penser, oui, les facteurs migratoires, culturels, économiques, si aggravants soient-ils en ce qui nous concerne, sont importants, mais ils n'en sont pas moins secondaires en comparaison du problème primordial qui est celui que nous décrivons, ce problème primordial pouvant se traduire par ce que le grand historien Maurice Séguin a jadis théorisé comme étant une oppression essentielle.

Alors, en étant réduit à une simple partie de l'ensemble canadien, condamné à la minorisation, une minorisation institutionnalisée, le Québec se trouve systématiquement entravé, subordonné dans son agir. La déliquescence du français, c'est le prix à payer, au fond, pour l'inachèvement de notre décolonisation. Alors, pour citer encore une fois René Lévesque, dans une société normale, la langue, elle se parle toute seule, la langue. Alors, voilà. La situation du Québec n'est pas celle d'une <société...

M. Laporte (Maxime) : ... c'est le prix à payer, au fond, pour l'inachèvement de notre décolonisation. Alors, pour citer encore une fois René Lévesque, dans une société normale, la langue, elle se parle toute seule, la langue. Alors, voilà. La situation du Québec n'est pas celle d'une >société politiquement normale, et c'est bien là tout l'enjeu. Mme la Présidente, combien il me reste de temps?

La Présidente (Mme Thériault) : ...

M. Laporte (Maxime) : Alors, je viens de parler du problème. Je m'attaque maintenant à la question des objectifs qui devraient animer notre résistance à ce problème.

L'objectif à atteindre qui permettrait vraiment de régler la plupart de nos problèmes à la source réside assurément dans l'accession à la normalité, c'est-à-dire à l'indépendance. Mais, comme notre cher premier ministre, que je salue au passage, semble avoir oublié ses rêves de jeunesse, comme disait Bourgault, je dois ici me contenter de parler des objectifs de la résistance provinciale, pour ainsi dire, même si, pour ma part, à titre personnel, c'est loin d'être mon choix.

Comme disait un grand esprit : Qui n'a pas d'objectifs ne risque pas de les atteindre. Ces paroles lumineuses, bien, c'est des paroles qui sont attribuées au grand Sun Tse, et évidemment ce sont des paroles qui tombent sous le sens. En effet, il n'y a rien de plus élémentaire que ça. Et pourtant, lorsque vient le temps de sauver l'avenir du français chez nous, un bon nombre de nos dirigeants semblent étrangement oublier ce sage conseil.

Contrairement à la plupart des politiques publiques du gouvernement du Québec qui, elles, font état de cibles claires, question de saine gouvernance, de reddition de comptes, c'est comme si, sur l'enjeu particulier du français, de la vitalité du français, bien, on avait des capitaines de vaisseau qui naviguent plutôt à l'aveugle, sans cap précis et même dans un océan de bonnes intentions, ça, il n'y a pas de doute là-dessus.

Mais, bien sûr, on peut quand même déduire du projet sous étude un objectif qui, à l'évidence, est le même que celui qu'avait jadis formulé le père de la loi 101, c'est-à-dire faire du français la langue commune, la langue officielle, la langue normale, habituelle au Québec. Cette idée en elle-même, elle vaut son pesant d'or puisqu'en effet ce n'est bien qu'en... aménageant, pardon, un espace linguistique normal que le Québec français va pouvoir s'épanouir normalement. Mais, à la lumière de ce que je viens d'effleurer quant au problème primordial qui est le nôtre, on sait à quel point la notion de normalité s'avère difficilement pensable dans notre contexte provincial.

Qu'à cela ne tienne, ces cibles qualitatives, faire du français la langue commune, normale, habituelle, officielle, etc., ces cibles qualitatives peuvent aisément se traduire sous forme quantitative, étant posé que le corollaire de la vitalité institutionnelle du français au Québec, c'est sa vitalité démographique. Le moindre de ces objectifs, qui serait mesurable, quantifiable, voudrait, par exemple, qu'à compter de la présente décennie suivant l'adoption de ce projet de loi la vitalité démographique <globale...

M. Laporte (Maxime) : ... le corollaire de la vitalité institutionnelle du français au Québec, c'est sa vitalité démographique. Le moindre de ces objectifs, qui serait mesurable, quantifiable, voudrait, par exemple, qu'à compter de la présente décennie suivant l'adoption de ce projet de loi la vitalité démographique >globale du français comme langue d'usage cesse de régresser relativement à l'anglais, donc en excluant les langues tierces, et mieux encore, que cette vitalité croisse. Donc, il s'agirait, par exemple, qu'au recensement de 2026, cet indicateur se retrouve au même niveau qu'il était 10 ans plus tôt, en 2016, voire qu'il progresse de quelques dixièmes de point.

Il y a d'autres approches. Charles Castonguay évidemment insiste beaucoup sur le phénomène de l'assimilation nette... pardon, de la part du français dans l'assimilation nette des nouveaux arrivants, des nouveaux immigrants allophones pour être plus précis. On pourrait se dire que, pour ceux qui arriveront d'ici 2026, alors qu'on puisse passer de 55 % à 90 %, conformément à ce qu'a déjà déclaré M. le ministre lui-même.

Aussi, bon, il y a la question, ma foi, assez impérative qui est celle de l'anglicisation nette ou de la suranglicisation nette des francophones dans l'île de Montréal qu'il faudrait ramener à zéro, c'est la moindre des choses, et surtout chez les jeunes francophones.

Alors, je pense que de telles cibles, il y en a d'autres, je ne prétends pas détenir la vérité, mais de telles cibles n'ont rien d'arbitraire. Après tout, je ne vois pas comment on peut accepter de se faire les complices objectifs, que ce soit par négligence ou passivement, activement, surtout passivement, les complices objectifs de la minorisation du français, de la déchéance de son statut. Je veux dire par là qu'assurer l'avenir de la langue française au Québec ça relève d'une obligation de résultat...

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois vous interrompre.

M. Laporte (Maxime) : ...même de garantie, pas d'une obligation de moyens et encore moins une obligation morale.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Donc, sans plus tarder, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Laporte, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission. Je vous entendais, dans votre mémoire tantôt, vous disiez : Nous échouons, hein? Vous êtes très dur avec la situation du français collectivement. Alors, je note chez vous et chez le Mouvement Québec français l'importance et l'urgence d'agir face au déclin du français.

Pour vous, ce déclin du français là, il est avéré, pour moi aussi. Comment est-ce que vous qualifiez le fait que certaines personnes qu'on a entendues ici en commission parlementaire ou dans la société civile mettent en doute qu'au Québec il y a un déclin du français?

• (17 h 30) •

M. Laporte (Maxime) : Je pense que ces gens-là ont tout faux. Je pense qu'ils nous mystifient. Je pense qu'il y a un consensus scientifique évident quant au fait du déclin de la vitalité démographique du français. Le français régresse, il régresse partout au Canada. Les communautés franco-canadiennes, acadiennes perdent des joueurs d'année en année. C'est assez dramatique...


 
 

17 h 30 (version révisée)

(Visioconférence)

M. Laporte (Maxime) : ...consensus scientifique évident quant au fait du déclin de la vitalité démographique du français. Le français régresse, il régresse partout au Canada. Les communautés franco-canadiennes, acadiennes perdent des joueurs d'année en année. C'est assez dramatique. Et, au fond, les tendances lourdes sont là. Le poids du français au Canada, en général, le poids du Québec au Canada, son poids politique, enfin, tous les indicateurs en général indiquent une telle régression. Et d'ailleurs j'oserais même dire qu'à peu près peu importe l'indicateur qu'on choisit, il y aura une régression. Si on choisit la ... en la comparant à il y a 20 ans, il y aura une régression. Si... bon, peut-être que pour l'indicateur de la connaissance du français, il n'y en a pas, il y a à peu près 94,5 % des gens au Québec qui disent, de manière autodéclaratoire, connaître le français, mais ça, on le sait bien que c'est une donnée passablement... (panne de son) ...la connaissance d'une langue ne détermine en rien sa vitalité.

M. le ministre, j'aimerais peut-être, si vous permettez, compléter un peu ma réflexion sur la question des objectifs, étant, je pense, évacuer les objections à la réalité avérée du déclin du français. Vous savez, on a beaucoup insisté sur cette question de ces objectifs, je vous salue, je salue que vous ayez mentionné cet objectif : faire passer l'apport du français dans l'assignation nette des nouveaux... des allophones, pardon, de 55 %, environ, à 90 %. En effet, c'est en principe la moindre des choses pour assurer le maintien dans la durée du groupe linguistique francophone.

Mais, comme il n'y a pas eu de livre blanc au soutien du projet de loi et comme il n'y a pas... au fond, ce projet, cette politique ne contient pas nécessairement de garantie explicite. Alors, on a réfléchi ces derniers temps à une proposition, que je crois, est assez originale. Cette proposition consiste à ce qu'on instaure un mécanisme parlementaire de révision périodique décennale de la Charte de la langue française et de l'ensemble du corpus législatif afférent au statut de la langue dans la mesure où le Commissaire à la langue officielle constate, dans un rapport suivant immédiatement la publication de données de recensement constate que, depuis 10 ans, le français, la vitalité démographique du français a continué à régresser ou encore qu'on a... ou que l'anglicisation nette des francophones dans l'île de Montréal est supérieure à zéro, par exemple. Il y a d'autres indicateurs, encore une fois, on ne prétend pas détenir la vérité, mais l'idée, ce serait qu'on n'ait pas à attendre un autre 40, 45 ans avant de se réveiller.

M. Jolin-Barrette : Alors, je pense que c'est une suggestion qui est une bonne suggestion, c'est une suggestion <appropriée. Donc...

M. Laporte (Maxime) : ... est supérieure à zéro, par exemple. Il y a d'autres indicateurs, encore une fois, on ne prétend pas détenir la vérité, mais l'idée, ce serait qu'on n'ait pas à attendre un autre 40, 45 ans avant de se réveiller.

M. Jolin-Barrette : Alors, je pense que c'est une suggestion qui est une bonne suggestion, c'est une suggestion >appropriée. Donc, ce que je comprends de votre suggestion, c'est qu'il y ait un mécanisme parlementaire de révision, à tout le moins, de l'état du français. Donc, moi, je trouve que... On va prendre votre suggestion en réserve et on va l'analyser. Je pense que ça pourrait être une solution intéressante, justement, pour qu'on soit toujours vigilants, hein, sur la question du français.

Revenons sur la question du projet de loi n° 96. Il y a plusieurs mesures dans le projet de loi qui étaient demandées par le biais de Partenaires pour un Québec français. Est-ce que le Mouvement Québec français est... reconnaît qu'il y a des avancées significatives dans le projet de loi n° 96?

M. Laporte (Maxime) : Alors, bien sûr, nous reconnaissons qu'il y a des avancées significatives dans le projet de loi n° 96. Au plan quantitatif, c'est assez remarquable, au plan qualitatif, à bien des égards, aussi ce l'est. En effet, plusieurs des propositions contenues dans la plateforme des Partenaires pour un Québec français, qui est une table de concertation de syndicats et de groupes de la société civile, qui est coordonnée par le Mouvement Québec français. Plusieurs de ces propositions ont été retenues, même si je dois préciser, pour dissiper toute confusion, qu'il faut distinguer les PQF du MQF puisque les deux organismes, comme chacun des membres de cette table, donc n'ont pas la même plateforme, c'est-à-dire, c'est une base de travail minimale, si vous voulez.

Mais en revanche, vous savez, dans une réunion, dans une rencontre à laquelle nous participions, vous et moi, ou enfin, le ministre et moi, Mme la Présidente, vous m'aviez demandé quels étaient les chevaux de bataille à mobiliser pour cette grande lutte. Je vous avais répondu qu'en fait c'est toute l'écurie, c'est toute la cavalerie qu'il faut mobiliser. Et je pense qu'il faut applaudir le fait que vous ayez su en mobiliser un bon nombre — et ça, c'est remarquable — mais il y en a certains qui n'ont pas été mobilisés, comme on le sait. Charles Castonguay, Frédéric Lacroix et d'autres ont démontré que les mesures les plus structurantes pour le renforcement de la langue, au fil du temps, ont été, d'une part, celles qui concernent la sélection, l'immigration et, d'autre part, les mesures scolaires de la loi 101.

Les cours de francisation, évidemment, c'est fondamental. Nous-mêmes, on en fait de la francisation en tant qu'organisme de la société civile, il n'y a pas de doute, c'est incontournable. Mais premièrement, je répète que... (panne de son) ...pas sa vitalité, c'est-à-dire le fait qu'elle soit vécue. Deuxièmement, il n'y a pas de données probantes quant aux incidences structurantes, au plan <démographique...

M. Laporte (Maxime) : ... la francisation en tant qu'organisme de la société civile, il n'y a pas de doute, c'est incontournable. Mais premièrement, je répète que... (panne de son) ...pas sa vitalité, c'est-à-dire le fait qu'elle soit vécue. Deuxièmement, il n'y a pas de données probantes quant aux incidences structurantes, au plan >démographique, de l'apprentissage du français par les allophones même si on peut poser l'hypothèse qu'il y a un certain effet, mais enfin les données sont trop rares là-dessus.

Pour ce qui est de la langue de travail, rapidement, bon, Charles Castonguay faisait encore une fois remarquer que, suivant une étude de Virginie Moffet et autres dans les années 2000, dans les grandes entreprises de 100 employés et plus qui sont assujetties aux dispositions de la loi 101 en matière de francisation, on avait observé que l'anglais était bien souvent une langue commune en fait. Il suffit qu'un anglophone soit présent dans une réunion ou encore autour de la machine à café pour que la langue commune, qui est la langue, au fond, qu'utilisent différents locuteurs entre eux, que la langue commune soit l'anglais, donc même dans des entreprises, des grandes entreprises qui sont assujetties à la loi 101. Donc, au fond... bon.

Et finalement, il y a l'exemplarité de l'État, et à ce titre, vous aurez remarqué, dans notre mémoire, et ça, ce n'est pas une surprise pour vous, que malgré toute notre reconnaissance des avancées je dirais presque spectaculaires à ce chapitre, félicitations, il y a lieu d'aller plus loin, notamment de laisser tomber les exceptions des articles 22.1, 22.2 si je ne m'abuse, si ma mémoire est bonne.

M. Jolin-Barrette : Donc, j'ai des collègues qui souhaitent vous poser des questions, M. Laporte, mais essentiellement, ce que je retiens, c'est que vous trouvez que c'est une avancée qui est tout de même spectaculaire, mais vous souhaitez qu'on aille plus loin sur différents points, notamment sur la langue des services dans le domaine de la santé. Ça, je l'ai dit très clairement, on va toujours conserver la possibilité pour les Québécois d'expression anglaise de pouvoir recevoir des soins de santé dans leur langue. On a très clairement indiqué que ça ne touchait pas... le projet de loi n° 96 ne touchait pas l'article 15 de la Loi sur la santé et les services sociaux, je voulais vous le réitérer. Pour ce qui est du reste, je prends note de différentes suggestions, on va les analyser, et je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire et donc je cède la parole à mes collègues, Mme la Présidente. Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Oui. On m'indique que c'est M. le député de Chapleau. Il vous reste 7 minutes 15 secondes.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Ça se peut également que le collègue de Saint-Jean se joigne à moi pour la suite. Bonjour, M. Laporte, merci beaucoup de votre présentation, merci d'être ici ou là, là, bon, c'est selon. Vous avez un langage, un langage assez imagé, là, vous avez dit : On échoue, là, sur le minimum, notamment à assurer la survie et la vitalité de la langue française, vous avez parlé également de... le Canada n'est pas le goulag, mais sera assurément notre tombe. Également, être bilingue avec <soi-même...

M. Lévesque (Chapleau) : ... bon, c'est selon. Vous avez un langage, un langage assez imagé, là, vous avez dit : On échoue, là, sur le minimum, notamment à assurer la survie et la vitalité de la langue française, vous avez parlé également de... le Canada n'est pas le goulag, mais sera assurément notre tombe. Également, être bilingue avec >soi-même, mobiliser l'ensemble de la cavalerie. Assez intéressant.

• (17 h 40) •

Vous avez parlé donc des objectifs, faire du français la langue commune, faire du français la langue normale. J'aimerais peut-être revenir sur certaines pistes de solution qui sont dans le projet de loi n° 96. Vous avez également parlé d'avoir un mécanisme de révision de la loi lorsqu'un drapeau est levé par le commissaire. Donc, allons-y sur le commissaire. J'imagine que c'est une mesure qui... sur la langue française, c'est-à-dire, c'est une mesure que vous voyez d'un oeil très favorable, l'instauration d'un commissaire, peut-être également le renforcement à l'OQLF et également Francisation Québec, qui va venir également appuyer la francisation. Ce sont peut-être des mesures qui sont intéressantes. Est-ce que vous... Est-ce que c'est ce que vous préconisez?

M. Laporte (Maxime) : Pour ce qui est du commissaire, je pense avoir été parmi les premiers, du moins dans l'ère actuelle, là, à proposer la création d'une telle charge, un tel poste. Pour revenir sur les propos du ministre, qui sont cohérents avec ce que vous venez de mentionner, bon, j'ai employé l'adjectif «spectaculaire» tantôt, mais je tiens à préciser que tout est relatif, c'est-à-dire qu'après deux décennies de gouvernance libérale et de laisser-aller sur la langue... désolé si ça fait ciller les oreilles des membres libéraux de cette commission, mais au fond je dirais que la barre n'était pas si haute que ça pour satisfaire un peu l'appétit en ce qui a trait au renforcement du statut de la langue. Mais, vous savez, pour une langue qui en quelque sorte meurt de soif, pour continuer... bien, on ne saurait se contenter de lui offrir une telle grosse miche de pain, vous savez, parce qu'à vrai dire on continue à sécher dans ce beau désert nommé «Canada». Vous savez aussi, au Mouvement Québec français, qu'on tient à célébrer la langue et à... par nos écrits et puis dans nos interventions, parce qu'aussi, vivre en français, c'est célébrer l'amour de la langue.

Mais donc, vous avez énuméré différentes mesures qui sont prévues au projet de loi n° 96 que nous accueillons favorablement, pour plusieurs. Mais, encore une fois, et comme le soulignait Charles Castonguay, pour qui j'ai le plus grand respect, on ne peut pas penser que la langue commune, notamment celle du travail au Québec, sera consolidée, c'est-à-dire la langue commune, le français, dans la mesure où la langue de <l'apprentissage du...

M. Laporte (Maxime) : ... on ne peut pas penser que la langue commune, notamment celle du travail au Québec, sera consolidée, c'est-à-dire la langue commune, le français, dans la mesure où la langue de >l'apprentissage du travail, de l'apprentissage de la vie, de l'entrée dans la vie adulte, n'est pas suffisamment le français. En ce sens, le professeur Marc Chevrier a très justement parlé du français au Québec comme d'une langue à statut infantile, c'est-à-dire que cette langue, c'est bon pour l'enfance, pour le primaire, pour le secondaire, la maternelle, mais, dès lors que viennent les vraies affaires, dès lors qu'on arrive dans la vie adulte, qu'on gagne en responsabilités, qu'on souhaite s'épanouir, qu'on souhaite se réaliser, alors c'est l'anglais qui, quoi qu'on dise, continue à jouir d'un véritable prestige au Québec. Ce n'est pas normal.

M. Lévesque (Chapleau) : D'accord. Et au-delà de cette solution-là, là, qui est préconisée par d'autres intervenants qui sont venus en commission, est-ce que vous voyez d'autres pistes de solutions qui pourraient bonifier le projet de loi n° 96, au-delà de ce qui est proposé?

M. Laporte (Maxime) : Je pense que notre mémoire renferme au moins peut-être une cinquantaine de propositions...

M. Lévesque (Chapleau) : Mais que vous voudriez nous parler ici, là.

M. Laporte (Maxime) : ...un peu dans tous les... Bien, c'est parce qu'il y en a dans tous les aspects du problème, donc, par exemple, j'ai souligné qu'au fond, les principaux enjeux structurants quant au statut et à la vitalité de la langue, ça a été observé que c'était la question de la sélection, de la composition de l'immigration, la composition linguistique de l'immigration, puis aussi les mesures scolaires, mesures scolaires, application de la loi 101 au cégep. Vous savez, le Mouvement Québec français, on s'est fait aller là-dessus depuis, quoi, une décennie et demie. Au début, c'était une position qui était assez marginale, elle est désormais appuyée, si je ne m'abuse, par une majorité de francophones au Québec, voire peut-être par une majorité de répondants selon le dernier sondage, je crois, Léger, qui a été fait à cet égard-là, comme quoi il y a une prise de conscience. Alors, en matière d'immigration, il faut que le gouvernement du Québec reprenne le contrôle. C'est sûr qu'on prône le rapatriement, depuis longtemps, de toute compétence en matière d'immigration, voyant par exemple que, suivant les travaux d'Anne Michèle Meggs, bon, la situation des immigrants temporaires qui, d'après elle, selon ses données, sont au nombre de 160 000 au 31 décembre 2019, ça fait que... c'est sûr que, dans ce contexte-là, faire du français la langue commune, la langue d'attraction, la langue d'intégration devient de plus en plus ardu, surtout qu'il y a la possibilité pour les élèves à statut temporaire d'aller à l'école publique anglaise, et peut-être, sait-on, à la suite d'une autre décision judiciaire de la part des tribunaux <canadiens...

M. Laporte (Maxime) : ... devient de plus en plus ardu, surtout qu'il y a la possibilité pour les élèves à statut temporaire d'aller à l'école publique anglaise, et peut-être, sait-on, à la suite d'une autre décision judiciaire de la part des tribunaux >canadiens. Peut-être que cette fréquentation, ce cheminement se traduira par ce qu'on appelle un parcours authentique. Je ne trouve pas ça prudent, je pense que le principe de précaution implique qu'on abandonne ces dispositions-là. Puis, vous savez, quand on va... quand on immigre ou quand on se rend dans la plupart des pays dans le monde, à ma connaissance, je réside depuis un an en Angleterre, vous savez, on ne peut pas aller fréquenter une école publique a fortiori qui a pour langue une autre langue que la langue nationale, dans la plupart des cas.

M. Lévesque (Chapleau) : Il reste du temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Thériault) : À peine cinq secondes.

M. Lévesque (Chapleau) : Bien, je vous remercie de votre passage en commission. Merci, Mme la Présidente.

M. Laporte (Maxime) : Je vous en prie.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. On va aller du côté de l'opposition officielle, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : Bonjour, M. Laporte. Ici la libérale Hélène David, mais je suis enchantée d'avoir un échange avec vous, on en a eu plusieurs. Alors, je trouve ça très sympathique. Ce que j'aurais trouvé encore plus sympathique, c'est d'avoir le mémoire un peu avant parce que la moitié de vos 42 pages sont évidemment des pages très intéressantes, pas nécessairement directement pertinentes au projet de loi n° 96, mais c'est vraiment des références... votre lecture de l'histoire, mais quand même une lecture de l'histoire qui peut être fort intéressante à lire. Alors, j'ai hâte de le lire, mais, malheureusement, je ne peux pas beaucoup me référer à votre mémoire ainsi qu'à vos 42 recommandations, parce qu'il y en a 42, mais heureusement elles sont des reprises de beaucoup de recommandations qu'on a eues en amont de votre présence.

Donc, j'imagine que vous êtes d'accord avec plusieurs de vos compatriotes qui sont venus avant proposer toutes sortes de choses liées au projet de loi n° 96. Mais j'aurais aimé vous entendre beaucoup plus sur le projet de loi n° 96, mais je ne peux pas commenter vos 20 premières pages parce que je ne les ai pas lues. Il y a des magnifiques titres, photos, etc., mais il y a un titre... il y a quand même un titre formidable à la page 21, sur lequel je veux vous entendre, qui s'appelle du tripotage aux fesses des données. Je voudrais que vous m'expliquiez, parce que je n'ai pas pu lire ce qu'il va avec, je sais que vous parlez des données, mais d'où... pourquoi ce titre aussi parlant, du tripotage aux fesses — tripoter des fesses, on sait un peu ce que ça veut dire, mais je trouve ça un peu osé pour un mémoire sur la langue, la langue française — du tripotage aux fesses des données?

M. Laporte (Maxime) : Oh, je ne voudrais pas vous choquer, Mme la députée. D'abord, je récuse cette espèce de relativisme <historique qui...

Mme David : ... pour un mémoire sur la langue, la langue française — du tripotage aux fesses des données?

M. Laporte (Maxime) : Oh, je ne voudrais pas vous choquer, Mme la députée. D'abord, je récuse cette espèce de relativisme >historique qui voudrait dire qu'au fond toute perspective sur l'histoire du Québec, et ce, depuis la conquête et au-delà se vaudrait plus ou moins. Je pense qu'à tout le moins depuis les travaux le Lionel Groulx puis l'abandon de la thèse de la conquête providentielle, je pense qu'il y a un certain consensus sur le fait que ces événements historiques ont été, ma foi, fort structurants pour nous amener à la condition politique qui est la nôtre aujourd'hui, quelle que soit par ailleurs notre orientation politique. Au moins, en passant, je dois dire que de voir... Je vous ai lancé des pierres, mais de voir le Parti libéral appuyer des motions aux côtés des autres partis puis qu'il s'en dégage une certaine unanimité au moins sur les principes, c'est une avancée, considérant qu'à l'époque votre formation politique s'était opposée au projet de loi n° 101. Mais ça, on dira que c'est une histoire, peut-être, une interprétation parmi d'autres.

Mais donc le tripotage des données... Le tripotage des données, eh bien, c'est-à-dire qu'Ottawa ne s'est jamais gêné pour tripoter, oui, les chiffres, peut-être pas les fesses des chiffres si ça vous gêne, mais disons les chiffres dans le but plus ou moins avoué de camoufler le déclin du français. C'est un comportement politique qui a quand même été largement commenté et documenté. Et il est arrivé qu'on modifie intempestivement la nature ou l'ordre des questions posées dans le formulaire de recensement. Aussi il y a belle lurette qu'on a cessé de mandater des agents pour réaliser des entrevues à grande échelle avec les répondants.

• (17 h 50) •

Donc, de nos jours, bon, à peu près toutes les... toutes les données, je crois, colligées résultent de réponses purement autodéclaratoires. On a élargi sans cesse, par exemple, les RMR, dont celle de Montréal, ce qui fait que ce référent géographique se révèle passablement peu utile. Il vaut mieux s'intéresser à la situation dans l'île de Montréal, là, pour ceux que ça intéresse. On considère que c'est des interventions indues, même malhonnêtes dans certains cas, voire immorales dans le processus scientifique, qui nuisent à la lisibilité de l'évolution des données à travers le temps.

Et donc c'est sans surprise que la population en général, et même nos journalistes sont nombreux à se laisser prendre au piège. C'est pour ça que, moi, je loue beaucoup le travail des Charles Castonguay de ce monde parce qu'il replonge dans les données brutes et s'assure que la lisibilité des données au fil du temps soit adéquate.

Mme David : Vous avez parlé tout à l'heure, parce que je prends beaucoup à partir de ce que vous avez dit tout à l'heure éloquemment, l'hégémonie, vos avez parlé de l'hégémonie culturelle anglo-américaine qui n'est pas <nécessairement...

M. Laporte (Maxime) : ... des données au fil du temps soit adéquate.

Mme David : Vous avez parlé tout à l'heure, parce que je prends beaucoup à partir de ce que vous avez dit tout à l'heure éloquemment, l'hégémonie, vos avez parlé de l'hégémonie culturelle anglo-américaine qui n'est pas >nécessairement uniquement au Québec ni à Montréal, une hégémonie, par définition, c'est assez large, culturelle anglo-américaine, on combat cela comment quand on est au Québec?

M. Laporte (Maxime) : Alors, encore une fois, mon propos, c'est de dire que tant à ce qui a trait à cette hégémonie ou à cet impérialisme culturel étasunien qu'aux phénomènes migratoires, ce sont à peu près des constantes en Occident et au-delà. Et pour autant, ce ne sont pas toutes les sociétés, à l'extérieur évidemment du giron du monde anglo-saxon, ce ne sont pas toutes les sociétés qui s'anglicisent. Le Québec s'anglicise. Le Québec s'anglicise, bien sûr, que c'est en partie, à l'évidence, en raison de ces phénomènes, la difficulté d'intégrer évidemment les allophones, nouveaux immigrants, en raison aussi de cet impérialisme culturel américain, qui ne concerne pas juste la culture au sens des arts, du théâtre, de la littérature, de la musique, mais aussi de la façon de penser, la culture politique. Mais ces phénomènes, au fond, sont aggravés par un problème sous-jacent que d'autres sociétés, la plupart des sociétés dans le monde, avec lequel la plupart des sociétés dans le monde n'ont pas à composer, qui est celui d'être annexé à un ensemble qui, au fond, participe du déclin de la langue nationale.

Et puis c'est pour ça qu'on insiste là-dessus, et je sais que c'est peut-être désagréable pour les fédéralistes, mais moi, je pense que c'est important de ne pas se voiler la face, parce que, si vous voulez mon avis, à moins qu'on instaure le processus de révision décennale que nous proposons, ce projet de loi, cet exercice est peut-être l'exercice de la dernière chance pour ce qui est de sauver l'avenir du français. Et ça, ça veut dire que c'est peut-être aussi la dernière chance pour le camp fédéraliste de montrer à la population que c'est possible de garantir l'avenir du français dans le cadre canadien. Le projet de loi, pour nous, est décevant, le projet de loi, comme plusieurs l'ont mentionné, ne permet pas d'atteindre les objectifs minimaux pour ce qui est d'assurer la vitalité démographique du français dans la durée, donc pour nous il y a fort à parier qu'en effet, tout ce que je viens de dire se réalise. Et alors, au fond, la question sera assez simple : Ou bien on en sort, ou bien on s'y laisse enterrer.

Mme David : Alors, vous avez dit une phrase intéressante, je vous cite : «Vivre en français, c'est célébrer l'amour de la langue.» Est-ce que vous trouvez <que vos...

M. Laporte (Maxime)T : ... je viens de dire se réalise. Et alors, au fond, la question sera assez simple : Ou bien on en sort, ou bien on s'y laisse enterrer.

Mme David : Alors, vous avez dit une phrase intéressante, je vous cite : «Vivre en français, c'est célébrer l'amour de la langue.» Est-ce que vous trouvez >que vos compatriotes, nos compatriotes, les francophones du Québec protègent suffisamment la langue française et ont l'amour de cette langue?

M. Laporte (Maxime) : Oui, puisque, évidemment, si vous voulez, je fais un peu, dans ce mémoire, la photographie, le film, si vous voulez, de nos victoires, qui attestent précisément de cette fierté et de cette volonté de survivre, cette volonté de persister dans l'être. Je pense que c'est Spinoza, O.K. Bien sûr que cela émet... ce film a un négatif, comme en photographie, ce film a un négatif qui est le récit... pas juste le récit, mais la réalité de nos déchéances, de nos défaites, comme le disait si bien Henri Bourassa. En tout cas, lui, il disait ça pour ce qui est de la période qui commence à partir de la Confédération.

D'une certaine façon, cette altérité nous a poussés à développer des réflexes extraordinaires, que l'on dira de survivance. Moi, j'aime mieux la vie que la survie, j'aime mieux l'épanouissement que la survie, mais, en effet, ces réflexes sont remarquables. Mais je termine en disant que le peuple québécois est un peuple comme tous les autres. C'est anormal qu'on lui impose de se battre à tout instant pour se faire respecter dans son pays et dans sa langue.

Mme David : Je vais vous arrêter pour vous dire... Quand vous dites que nous avons beaucoup de réflexes pour se protéger, et tout ça, c'est le réflexe, autour de la machine à café, autour d'une table, quand il y a un anglophone, vous l'avez dit tout à l'heure, et tout le monde se met à parler anglais. Ce sont les francophones qui se mettent à parler anglais. Ce n'est pas un réflexe de protection.

M. Laporte (Maxime) : Écoutez, bien sûr, tout le monde est responsable de l'avenir du français. Comme disait Bourgault aussi, la langue, là, ce n'est pas un instrument de communication comme tous les autres. Ce n'est pas comme l'ordinateur avec lequel je vous parle en ce moment ou, je ne sais pas trop, le téléphone que j'ai ici. C'est un instrument de communication qui est incarné, qui est lié à la vie, à l'être qu'on est. Donc, bien sûr que défendre la langue, c'est défendre l'être que nous sommes, bon.

Mais si tout le monde est responsable de l'avenir de la langue, en revanche, il y a des gens dans cette société, des gens privilégiés, des élites qui ont une responsabilité accrue du fait de leur rôle dans la société. Et à ce titre, je pense que l'histoire... c'est eux que l'histoire va juger, comme si, par exemple, d'ici 2060, grosso modo, on perd l'île de Montréal, on perd au sens où le français s'y folklorise comme langue commune.

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, je vais maintenant aller du côté <de la...

M. Laporte (Maxime) : ... c'est eux que l'histoire va juger, comme si, par exemple, d'ici 2060, grosso modo, on perd l'île de Montréal, on perd au sens où le français s'y folklorise comme langue commune.

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, je vais maintenant aller du côté >de la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, M. Laporte, pour votre présentation, votre mémoire.

Je voudrais aller sur les changements dans la Constitution, d'écrire nation et culture... pas culture, mais langue commune et officielle. Vous accueillez ça favorablement, vous dites que c'est une bonne chose. Quoique ça a été bien accueilli par les fédéralistes, donc il y a peut-être anguille sous roche. Mais vous trouvez que c'est bien et même, dans vos recommandations, vous faites des ajouts dans la Constitution canadienne.

J'aimerais savoir... Parce que vous êtes indépendantiste, comme moi, comme le parti qu'on représente, et c'est la meilleure façon de protéger la langue française au Québec, c'est de faire l'indépendance. En faisant des ajouts dans la Constitution de 1867, est-ce qu'on n'est pas en train de la «légitimiser»?

M. Laporte (Maxime) : Vous savez, ce régime, on le légitime chaque fois qu'on va voter au fédéral, a fortiori peut-être lorsqu'on compte d'appuyer un parti fédéraliste. On le légitime chaque fois qu'on paie des impôts. Ce régime, en fait, on le légitime du seul fait d'accepter d'y être sans s'y opposer.

Mais ce que je voulais dire, c'est que, bon, et je l'ai mentionné, il y a, au fond, deux dimensions propres au combat indépendantiste. Il y a le combat de la reconquête, au fond, de l'indépendance, de l'émancipation puis il y a le combat de la résistance. Le combat du français, évidemment, est fondamental dans cet esprit-là puisque, si on ne se bat pas, si on ne mène pas ce combat de résistance pour le français, alors l'autre dimension du combat, le combat d'émancipation politique tombe. Alors, c'est un travail de résistance.

Et puis, comme des grands révolutionnaires que nous admirons, vous et moi, que ce soit Mandela, Gandhi, etc., vous savez, ces gens se sont battus à la fois à l'intérieur du régime et, si vous voulez, en dehors du régime, c'est-à-dire qu'ils ont formé des critiques dans le régime et du régime, même si moi, je préfère de loin la critique du régime.

• (18 heures) •

Mme Ghazal : Vous dites : En attendant, s'il y a ce moyen-là, pourquoi pas, pour faire respecter notre langue commune et pour les Québécois, donc. Je comprends, mais est-ce que... Parce que les Québécois, on dirait qu'on a besoin de quelque chose pour nous conforter au lieu de faire la révolution, si je peux dire. Ce n'est pas un moyen de conforter? Je veux dire, quand même, les Québécois fédéralistes trouvent que c'est une bonne chose, et ça ne va pas encore... Ça va enlever cette résistance-là ou cette volonté de faire l'indépendance. Ça n'a pas ce risque-là selon vous...


 
 

18 h (version révisée)

Mme Ghazal : ...si je peux dire. Ce n'est pas un moyen de conforter? Je veux dire, quand même, les Québécois fédéralistes trouvent que c'est une bonne chose, et ça ne va pas encore... Ça va enlever cette résistance-là ou cette volonté de faire l'indépendance. Ça n'a pas ce risque-là, selon vous?

La Présidente (Mme Thériault) : Je dois mettre fin à l'échange. Désolée, Mme la députée, votre question était un petit peu longue et, il n'y a plus de place pour la réponse.

Mme Ghazal : Je sais.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le député de Matane, la parole est à vous, 2 min 50 s.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Me Laporte, un plaisir de vous retrouver. Vous vous souvenez, on a eu des échanges avant ce projet de loi là et vous disiez : Le gouvernement pourrait bien nous étonner. Il m'a étonné à certains égards; il m'a déçu sur l'essentiel.

D'abord, l'idée que ce projet de loi doit être consensuel, ça ne m'apparaît pas un critère important. Il faut faire ce qui est nécessaire, et là je vous rejoins totalement. Ça passe notamment par les objectifs quant à l'immigration francophone. Ça passe par une volonté que le cégep ne soit pas une brisure dans le cursus français, notamment à un âge où c'est le parcours professionnel, c'est la socialisation avec les adultes. Ça, c'est deux enjeux importants. Donc, nous, on est d'avis que le projet de loi ne va pas renverser le déclin. Est-ce également votre opinion?

M. Laporte (Maxime) : Ah! oui, oui. C'est ce que je me suis tué à dire ces 40 dernières minutes, bien sûr. Juste, si vous voulez, je pense, ça va vous intéresser aussi, que je réponde très rapidement à votre collègue. Vous savez, je viens de publier une étude à l'IRAI en fait, en tant qu'avocat, sur la dimension constitutionnelle de la reconnaissance formelle de la nation québécoise.

M. Bérubé : J'ai peu de temps, hein?

  M. Laporte (Maxime) : Bon, vous savez, il faut se fixer des objectifs réalistes dans l'espace et dans le temps, je ne suis pas encore Sun Tse. On ne peut pas imaginer, dans la situation actuelle que l'indépendance va se réaliser demain matin...

M. Bérubé : Me Laporte, je n'ai que 2 min 30 s. J'aimerais mieux que ça soit sur mes questions...

M. Laporte (Maxime) : Ah bon! Bien, allez-y. Désolé.

M. Bérubé : Bien, écoutez, moi je crois partager avec vous que c'est maintenant ou jamais. C'est là que ça doit se passer. Si on ne le fait pas... L'objectif du gouvernement, disons-le, brisons le tabou, il faut que ça ait l'air nationaliste puis que ça soit consensuel. Moi, je ne vais pas juger de la force du projet de loi si le parti libéral vote pour. Je vais juger si ce n'est pas une mesure populaire, mais qui est nécessaire pour renverser le français. Mais c'est un peu votre propos aussi.

M. Laporte (Maxime) : Absolument, le consensus... J'ai entendu, je pense, le député de La Pinière a insisté là-dessus, sur cette idée de consensus. Je regrette, mais le Parti libéral a très souvent gouverné en faisant parfaitement fi des consensus et fi, surtout, des consensus nationaux.

M. Bérubé : Croyez-vous? Alors, moi, je pense qu'il ne faut pas viser le consensus. Il faut viser la nécessité... Et j'implore les observateurs de ce projet de loi là qui sont au gouvernement du Québec, d'abord, qu'ils admirent la volonté du ministre et qu'ils soient aussi convaincus qu'il l'est de la nécessité d'aller plus loin. Je ne veux pas le gêner, mais je sais qu'il est très sensible à ces enjeux-là. Reste à convaincre le premier ministre et ses collègues du Conseil des ministres.

M. Laporte (Maxime) : Je pense que vous avez bien résumé la situation.

M. Bérubé : Et quand Guy Rocher et Christian Dufour sont dans le même camp, c'est assez large.

La Présidente (Mme Thériault) : <Et ça met fin...

M. Bérubé : ... gouvernement du Québec, d'abord, qu'ils admirent la volonté du ministre et qu'ils soient aussi convaincus qu'il l'est de la nécessité d'aller plus loin. Je ne veux pas le gêner, mais je sais qu'il est très sensible à ces enjeux-là. Reste à convaincre le premier ministre et ses collègues du Conseil des ministres.

M. Laporte (Maxime) : Je pense que vous avez bien résumé la situation.

M. Bérubé : Et quand Guy Rocher et Christian Dufour sont dans le même camp, c'est assez large.

La Présidente (Mme Thériault) : >Et ça met fin... Et ça met fin à cet échange. Ça met fin à cet échange. Donc, merci beaucoup, M. Laporte de votre passage en commission parlementaire. Nous allons suspendre les travaux quelques instants pour permettre au dernier groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 18 h 3)

(Visioconférence)

(Reprise à 18 h 6)

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, nous poursuivons nos travaux. Et nous recevons M. Hugo Cyr qui est professeur et spécialiste en droit constitutionnel à l'Université du Québec à Montréal. Donc, vous avez 10 minutes pour nous faire la présentation. Bienvenue à l'Assemblée virtuelle. Et la parole est à vous.

M. Cyr (Hugo) : Bien, tout d'abord je tiens à vous remercier. Je tiens à remercier la commission pour cet accueil. Je suis tout d'abord très heureux que l'on tente de <mettre...

La Présidente (Mme Thériault) : ... du Québec à Montréal. Donc, vous avez 10 minutes pour nous faire la présentation. Bienvenue à l'Assemblée virtuelle. Et la parole est à vous.

M. Cyr (Hugo) : Bien, tout d'abord je tiens à vous remercier. Je tiens à remercier la commission pour cet accueil. Je suis tout d'abord très heureux que l'on tente de >mettre fin à un long hiver constitutionnel et donc c'est avec beaucoup de plaisir que je reçois ce projet de loi et que je l'ai analysé. Mon témoignage se veut sans complaisance ni malveillance, mon objectif, c'est de s'assurer d'offrir à l'Assemblée nationale des outils techniques pour qu'elle puisse accomplir ses objectifs, c'est-à-dire mon témoignage va aller dans le sens de limiter le plus possible les risques d'invalidation potentielle de son projet de loi une fois qu'il sera adopté.

Donc, mon témoignage portera essentiellement sur l'article 159 du projet de loi, celui qui prévoit que la Loi constitutionnelle de 1867 est modifiée par l'insertion, après l'article 90, de ce qui suit, caractéristique fondamentale du Québec, 90Q.1 : «Les Québécoises et les Québécois forment une nation.» 90Q.2 : «Le français est la seule langue officielle du Québec, il est aussi la langue commune de la nation québécoise.»

Je vais y aller tout de suite avec mes conclusions, et puis ensuite on pourra discuter. En fait, il y a deux... (panne de son) ...conclusions subsidiaires, si vous n'acceptiez pas les conclusions principales. Donc, mes deux premières conclusions, c'est que, pour enchâsser les deux premières dispositions de l'article 159, comme elles traitent de l'usage du français et de l'anglais, la formule ou la procédure de modification constitutionnelle applicable serait la procédure bilatérale de l'article 43. Donc, il faudrait à la fois une résolution de l'Assemblée nationale, mais aussi de la Chambre des communes, le Sénat, on pourra en discuter, il y a des enjeux techniques qu'on peut peut-être passer outre, mais une proclamation du gouverneur général. Et il faudrait modifier légèrement le texte pour prévoir, et là vous verrez dans mon mémoire les spécificités que je vous suggère, là, pour vous assurer que le projet de loi ne soit pas invalidé. En suivant ce mécanisme-là, on s'assurerait que les dispositions en question auraient un effet supralégislatif, ça veut dire qu'ils seraient protégés contre une invalidation par la Charte canadienne, et aussi, ces dispositions-là ne pourraient plus être modifiées par une simple loi par la suite. Donc, c'est un enchâssement, à ce moment-là, de la <disposition...

M. Cyr (Hugo) : ... veut dire qu'ils seraient protégés contre une invalidation par la Charte canadienne, et aussi, ces dispositions-là ne pourraient plus être modifiées par une simple loi par la suite. Donc, c'est un enchâssement, à ce moment-là, de la >disposition.

• (18 h 10) •

Subsidiairement, si, pour des raisons quelconques, l'Assemblée nationale ne souhaite ou ne peut pas faire adopter son projet avec... de concert avec les autorités fédérales, à ce moment-là, il y a une possibilité d'adopter une version de cet article-là sous l'article 45, donc de manière unilatérale, par une simple loi. Par contre, le produit ne sera pas protégé contre une application de la charte canadienne et il pourra être modifié par la suite par une simple loi par le législateur subséquent.

Si on allait dans cette voie-là, il faudrait tout d'abord retirer la tentative d'inscrire ces dispositions-là dans l'article 90 de la Loi constitutionnelle de 1867, parce que seule une proclamation du gouverneur général est capable de venir modifier le texte de la Constitution du Canada. Et, deuxièmement, il faudrait indiquer que le tout est sous réserve de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et de l'article 19.1 de la Loi constitutionnelle de 1982, parce qu'il y a des possibilités que la disposition soit interprétée comme étant dérogatoire à ces deux articles-là, et, comme la formule de l'article 45 ne permet pas de modifier ni 133, ni 19, ce serait une façon de s'assurer que l'amendement, la modification ne soit pas invalidée.

Maintenant, certains pourraient dire que la disposition qui est prévue à l'article 159 en elle-même peut laisser planer des doutes sur 133 et 19. Par contre, il est possible qu'à la lumière du reste de la loi, on interprète ces dispositions-là comme signifiant qu'elles viennent limiter la liberté de choix des parties, incluant les personnes morales, de plaider et de produire des actes de procédure en français ou en anglais. C'est un choix, c'est...

La Présidente (Mme Thériault) : Nous allons suspendre les travaux quelques instants... des petits problèmes de communication.

(Suspension de la séance à 18 h 12)

(Reprise à 18 h 13)

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(Reprise à 18 h 13)

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La Présidente (Mme Thériault) : Notre petit problème technique est réglé. Donc, nous retournons au Pr Cyr. Allez-y.

M. Cyr (Hugo) : Donc, si on optait pour la deuxième voie, la voie par l'article 45, il faudrait ajouter que les dispositions sont sous réserve de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et sous réserve de l'article 19.1 de la Loi constitutionnelle de 1982, parce que certaines autres dispositions de la loi semblent restreindre le droit notamment de choisir dans quelle langue est-ce qu'on va produire des actes de procédure. Donc, 133 et 19 prévoient qu'on a le choix entre le français ou l'anglais, alors que là on oblige la production d'une traduction. Et il y a la question de l'interprétation. En cas de difficulté d'interprétation, on dit que la version française aurait préséance. Or, c'est loin d'être clair que l'arrêt Blaikie permettrait une telle chose.

Donc, essentiellement, je vous propose des modifications, mais je vous le rappelle, dans le simple but de m'assurer que le projet de loi, de façon optimale, puisse atteindre son objectif. Et donc ce sont des mesures que je considère sages à la lumière de l'ensemble de la jurisprudence. Et donc je suis maintenant disposé à entendre vos questions. Le détail de mes positions se trouve dans mon mémoire, donc j'ai essayé d'être le moins technique possible dans cette présentation.

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, sans plus tarder, nous allons débuter l'échange avec M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Cyr. Merci de participer aux travaux de la commission.

Vous avez débuté vos propos par... vous êtes heureux qu'on mette fin au long hiver constitutionnel. Alors, écoutez, j'en suis heureux d'amener un peu de chaleur relativement à ce débat. Et je disais à votre <collègue...

M. Jolin-Barrette : ... participer aux travaux de la commission.

Vous avez débuté vos propos par... vous êtes heureux qu'on mette fin au long hiver constitutionnel. Alors, écoutez, j'en suis heureux d'amener un peu de chaleur relativement à ce débat. Et je disais à votre >collègue Leclair que j'avais réussi, je crois, avec ces dispositions-là à émoustiller les constitutionnalistes québécois. Et je suis heureux qu'on ait désormais un débat. Est-ce que vous êtes toujours là? Oui?

M. Cyr (Hugo) : Oui, je suis de retour.

M. Jolin-Barrette : Et je suis heureux maintenant qu'on ait un débat sur les dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867, la Loi constitutionnelle de 1982 parce que semblerait-il que la Constitution est un arbre vivant. Alors, vous, dans votre mémoire, vous dites... Vous comparez plutôt la Constitution à un édifice avec le solage et puis sur le fait qu'on ne peut pas utiliser l'article 45 pour faire en sorte de venir inscrire que les Québécois et les Québécoises forment une nation et que la langue officielle du Québec est le français. Or, si on est uniquement en termes de métaphores, pourquoi ne pourrions-nous pas venir ajouter une annexe, hein, à la maison? Comme... Parce que la Cour suprême dit que la Constitution est un arbre vivant, doit être interprétée largement, tout ça.

Mon précédent collègue de Saint-Laurent aimait beaucoup parler du fruit qui n'était pas mûr, mais que, finalement, le fruit avait mûri quand il a déposé sa politique Québécois, notre façon d'être canadiens. Alors, voyez-vous, moi, je crois que la Constitution nous permet de faire cela. Et d'ailleurs il y a plusieurs de vos collègues qui sont en accord. Je comprends que, vous, vous n'êtes pas en accord, le professeur Leclair, Maxime St-Hilaire de l'Université de Sherbrooke, mais semblerait-il qu'il y ait un espace. Alors, pourquoi ne pourrions pas mettre une annexe à la maison que nous n'avons pas choisi d'habiter?

M. Cyr (Hugo) : Premièrement, l'idée de mettre une annexe ou de l'arbre vivant, j'en suis. Je suis entièrement d'accord. C'est comme ça que notre constitution s'est développée. On parle d'un arbre vivant qui croît selon ses limites naturelles. Donc, l'idée, c'est qu'il faut qu'on puisse trouver la bonne branche à laquelle accrocher les choses. Maintenant, je n'ai pas fait de commentaire sur la ligne «les Québécoises et les Québécois forment une nation» parce que, ça, en soi, ça ne pose pas problème en termes de modification constitutionnelle, cette affirmation-là. La question, c'est de savoir à quel niveau de la hiérarchie constitutionnelle ça va se trouver. Mais si le Québec, dans la constitution de sa province, la Constitution du Québec souhaite l'affirmer, il peut le faire. Et c'est d'ailleurs ce que j'ai mentionné dans mon mémoire.

Le problème avec «le français est la seule langue officielle du Québec», c'est qu'il y a un texte... On peut croître, on peut se transformer, mais on ne peut pas <entièrement...

M. Cyr (Hugo) : ... la Constitution du Québec souhaite l'affirmer, il peut le faire. Et c'est d'ailleurs ce que j'ai mentionné dans mon mémoire.

Le problème avec «le français est la seule langue officielle du Québec», c'est qu'il y a un texte... On peut croître, on peut se transformer, mais on ne peut pas >entièrement faire fi du texte de l'article 45 qui parle bel et bien de... Lorsqu'il s'agit de l'usage du français ou de l'anglais et qu'on veut modifier les règles concernant l'usage du français et de l'anglais dans la province, là, la formule applicable, textuellement, c'est l'article 43 qui prévoit que ça peut se faire de façon bilatérale entre Québec et Ottawa. Et ça, c'est une exception parce qu'autrement, lorsqu'on veut modifier les enjeux sur la langue, si ce n'était pas pour la province, ça serait la formule d'unanimité qui est prévue. Donc, on prévoit que, pour modifier les enjeux sur la langue, c'est l'unanimité, mais pour les provinces, pour modifier l'usage, pour modifier la Constitution du Canada relativement à l'usage du français et de l'anglais, c'est l'article 43.

M. Jolin-Barrette : Juste une question pratico-pratique là-dessus, là, parce que, depuis 1977, l'article 1 de la Charte de la langue française établit que la langue officielle du Québec est le français. Or, est-ce que, par vos propos... parce que, ce qu'on fait, c'est qu'on reproduit, on duplique, dans la Loi constitutionnelle de 1867, cette disposition-là à 90Q.2. Est-ce que, par vos propos, je dois comprendre que l'article 1 de la Charte de la langue française, qui est là depuis 1977, est en contravention avec l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867?

• (18 h 20) •

M. Cyr (Hugo) : Bien, dans l'arrêt Blaikie, la Cour suprême dit expressément qu'elle ne se penche pas ou qu'elle n'émet pas d'opinion sur la validité de cette disposition-là, mais elle dit par ailleurs que... elle a invalidé par ailleurs d'autres dispositions qu'elle dit découler ou illustrer ce principe-là. Donc, ce que je vous dis, c'est, il y a un risque, il y a un risque. Je ne vous dis pas... mais je vous dis, cette disposition-là, il y a un risque.

Maintenant, à l'époque de Blaikie, on est avant 1982, on est avant l'adoption de la charte canadienne, on est avant l'adoption de la loi de 1982 qui modifie les règles d'amendements constitutionnels. Et depuis 1982... ce qui n'était pas le cas avant, hein? En 1976, 1977, ce n'étaient pas les mêmes formules d'amendement qui étaient disponibles. Maintenant, ce qu'on voit depuis 1982, la formule qui prévaut à l'article 43, elle spécifie pour les modifications qui touchent les langues dans notre province, l'usage de la langue dans la province. Peut-être pour les fins du... il serait utile que je le mentionne spécifiquement, là, mais on dit qu'il faut une participation bilatérale pour modifier la Constitution lorsqu'on parle des dispositions relatives à <l'usage du...

M. Cyr (Hugo) : ...l'usage de la langue dans la province. P eut-être pour les fins du... il serait utile que je le mentionne spécifiquement, là, mais on dit qu'il faut une participation bilatérale pour modifier la Constitution lorsqu'on parle des dispositions relatives à >l'usage du français ou de l'anglais dans une province. J'aime à croire que, si on veut spécifier que le français est la langue officielle du Québec, c'est qu'on... (panne de son) ...sur l'usage du français ou de l'anglais dans la province. Je ne vois pas, sinon, à quel autre sujet.

M. Jolin-Barrette : On vous a perdu juste comme 10 secondes. Pouvez-vous répéter votre dernière phrase?

M. Cyr (Hugo) : Oui. Si... L'article 43, qui prévoit la formule d'amendement bilatéral, il dit qu'elle s'applique spécifiquement aux modifications des dispositions relatives à l'usage du français ou de l'anglais dans une province. Donc, elle porte spécifiquement là-dessus. Donc, avant 1982, on n'avait pas cette...

M. Jolin-Barrette : Ça, je comprends, mais ce qui est ironique dans tout ça, c'est qu'il y a une formule d'amendement constitutionnel auquel le Québec n'a pas adhéré, hein? Donc, je comprends qu'on est post-1982, mais en 1982, ils n'ont pas demandé l'avis de l'Assemblée nationale puis de la nation québécoise non plus pour adhérer. Puis l'enjeu est à l'effet... Oui, il y a Blaikie, en, quoi, 1979, 1981, je pense, les deux Blaikie...

M. Cyr (Hugo) : 1979.

M. Jolin-Barrette : ...mais il y a une marge entre l'article 1 et 133, il y a une cohabitation entre les deux.

Et, vous savez, moi, mon questionnement est à l'effet... Tout à l'heure, on parlait d'arbre vivant, mais, vous savez, un arbre, parfois, si on n'en prend pas soin, ça finit par mourir. Alors, je serais curieux de savoir qu'est-ce qui arriverait si jamais les cours invalidaient l'article 1 de la Charte de la langue française. Ou même, au même titre, là, que ce que nous faisons, là, dans la Loi constitutionnelle de 1867, en venant insérer que les Québécois et Québécoises forment une nation, puis que la langue officielle du Québec, c'est le français, je serais curieux de savoir ce qui arriverait avec l'arbre constitutionnel.

Et d'ailleurs, le tout est fait, et il y a plusieurs constitutionnalistes qui sont venus nous le dire, en tout respect de l'article 133 et des droits qui y sont garantis. Parce que ce que Blaikie nous dit, c'est qu'on ne peut pas venir toucher à 133. Mais ce n'est pas ça qu'on fait. Mais entre le mur-à-mur, il y a une marge, et je crois bien humblement que nous allons dans cet espace-là qui est disponible pour un partenaire fédératif. Parce que c'est ça également que Benoît Pelletier nous disait. Il nous disait : Les entités fédérées peuvent avoir une marge à l'intérieur de l'État fédéral.

Et mon questionnement est à l'effet également que le fédéral, lui, a modifié la Loi constitutionnelle de 1867. Est-ce dire que la Loi constitutionnelle de 1867 n'appartient qu'au Canada, qu'au gouvernement fédéral ou elle appartient également aux entités fédérées qui composent le <Canada?...

M. Jolin-Barrette : ... l'État fédéral.

Et mon questionnement est à l'effet également que le fédéral, lui, a modifié la Loi constitutionnelle de 1867. Est-ce dire que la Loi constitutionnelle de 1867 n'appartient qu'au Canada, qu'au gouvernement fédéral ou elle appartient également aux entités fédérées qui composent le >Canada?

M. Cyr (Hugo) : Là, il y a plusieurs points, là, dans votre dernier commentaire. Sur le premier, mon analyse ici va se résumer à une analyse purement technique, constitutionnelle, c'est-à-dire pas sur la légitimité du statut de la Constitution de 1982, elle est là. Donc, comme analyste, je vous parle à partir des normes existantes, voilà. Maintenant, on peut être d'accord ou ne pas être d'accord, il y a des référendums qui se sont faits là-dessus, bon, mais présentement, le contexte dans lequel moi, je m'exprime comme juriste...

M. Jolin-Barrette : Mais il n'y a pas de référendums qui se sont faits sur la Loi constitutionnelle de 1982.

M. Cyr (Hugo) : Non, mais je parle du référendum de 1995 où, de façon implicite, on avait... on a eu un référendum sur la question de savoir est-ce qu'on reste à l'intérieur de ce cadre-là ou pas. Mais ce que je vous dis...

M. Jolin-Barrette : Mais ce n'était pas la question, est-ce que vous adhérez...

M. Cyr (Hugo) : ...c'est que mon analyse ne dépend pas de la légitimité...

M. Jolin-Barrette : La question... je n'ai pas voté, mais...

M. Cyr (Hugo) : Je suis d'accord. Non, non, je ne vous ai pas dit que...

M. Jolin-Barrette : ...ce n'était pas ça, la question.

M. Cyr (Hugo) : Non, non, ce que je vous dis, c'est qu'effectivement, lorsqu'il y a eu le rapatriement, il n'y a pas eu de référendum, et donc certains des politistes plutôt que des juristes pourraient nous dire qu'il y a un déficit de légitimité de ce côté-là. Soit, moi, ce que je vous dis, c'est que mon analyse ne dépend pas de ça, mon analyse est purement sur le plan juridique, et donc si on venait qu'à invalider les dispositions, je peux imaginer que ça aurait un impact important à l'intérieur du Québec, mais c'est, entre autres, pour ça que moi, je vous propose des façons d'éviter que ça se présente. Mais maintenant, sur 133 et 19, je remarque qu'il y a eu des efforts qui ont été faits pour marcher le plus proche de la ligne possible, et moi, je vous dis : Il y a un risque fort qu'on ait outrepassé la ligne. Par exemple, sous 19.1 et 133, on prévoit que chacun a le droit de choisir entre le français ou l'anglais lors de la production d'actes de procédure. Or, le projet de loi actuel dit qui... si on est une personne morale, on a l'obligation de fournir la traduction. Moi, je vous dis c'est une obligation supplémentaire qui s'ajoute à 133 et à 19.1 et qui pourrait être interprétée comme étant... venant limiter l'exercice du droit prévu en forçant les gens à débourser pour cette traduction-là. Donc, je vous dis : C'est un risque.

Pour ce qui est de la disposition sur l'interprétation...

M. Jolin-Barrette : Juste une question pratico-pratique, trouvez-vous ça normal que lorsqu'une entreprise, donc une personne <morale...

M. Cyr (Hugo) : ... prévu en forçant les gens à débourser pour cette traduction-là. Donc, je vous dis : C'est un risque.

Pour ce qui est de la disposition sur l'interprétation...

M. Jolin-Barrette : Juste une question pratico-pratique, trouvez-vous ça normal que lorsqu'une entreprise, donc une personne >morale poursuit une personne au Québec, une Québécoise ou un Québécois, la personne physique, là, elle reçoive une procédure en français? Qu'une entreprise étrangère, supposons, qui vient poursuivre un citoyen québécois, on l'oblige à dire : Vous pouvez prendre votre procédure en anglais, c'est prévu par l'article 133, mais dire : Vous allez également fournir une copie traduite en Québécois? Supposons qu'il y a un litige, là, un travailleur qui serait congédié, O.K., supposons, sur la Côte-Nord. Il a travaillé 20 ans de sa vie pour une entreprise, pour 25 ans de sa vie pour une entreprise, une papetière, supposons, il se fait congédier. Puis là, il veut avoir des renseignements sur son fonds de pension, il veut avoir des renseignements sur sa paie, il ne se fait pas payer, il n'a pas son T4, puis là c'est juste en anglais. Le travailleur québécois, il est unilingue francophone, puis, lui, là, il ne comprend pas les procédures devant les tribunaux. Trouvez-vous ça normal qu'une multinationale qui fait affaire au Québec, lorsqu'elle poursuit ou qu'elle agit devant une instance, devant un tribunal québécois, elle fournisse une copie en français des procédures judiciaires à l'encontre d'un Québécois ou d'une Québécoise?

M. Cyr (Hugo) : Vous savez, comme expertise d'un... comme juriste qui vient vous donner un avis juridique, ça ne vise pas à évaluer l'opportunité des règles qui seront existantes. Moi, je vous dis les règles comme elles existent. Si vous n'êtes pas satisfaits, bien, vous êtes les législateurs, vous pouvez le faire. Par contre... Vous pouvez les modifier. Par contre, vous devez le faire selon les règles existantes, des règles de modification applicables. Or, pour modifier 133, si vous voulez le faire, ce que vous venez de me dire, bien, la façon la plus simple, c'est de le faire de façon bilatérale par... en vertu de l'article 43. Vous pourriez modifier ça pour le Québec, sauf que l'article 19.1, lui, vous ne pourriez pas le faire, c'est écrit dans la Constitution de 1982, et, pour la modifier, celle-là, il faudrait l'unanimité. Donc...

M. Jolin-Barrette : Et, juste pour expliquer...

M. Cyr (Hugo) : À moins que vous vouliez prendre votre bâton de pèlerin. Mais ça, c'est libre à vous.

• (18 h 30) •

M. Jolin-Barrette : Juste pour expliquer aux membres de la commission, 19.1, ça touche les tribunaux fédéraux, donc la Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale, ça ne touche pas les tribunaux judiciaires québécois. Mais je comprends de votre propos que 133, il est très, très rigide et il doit y avoir une... il doit avoir une interprétation extensive. Donc, vous le voyez comme un bloc, puis il n'y a pas de marge. Or, quand il y a eu Blaikie, il y a une marge, parce qu'ils n'ont pas touché à l'article 1, ils ont touché à certains éléments de la langue de la justice, de la langue des lois...


 
 

18 h 30 (version révisée)

M. Jolin-Barrette : ...très, très rigide et il doit y avoir une interprétation extensive. Donc, vous le voyez comme un bloc, puis il n'y a pas de marge. Or, quand qu'il y a eu Blaikie, il y a une marge, parce qu'ils n'ont pas touché à l'article 1, ils ont touché à certains éléments de la langue de la justice, de la langue des lois, mais ils n'ont pas touché à 1.

Alors, c'est pour ça que je diffère fondamentalement d'opinion avec vous, parce que c'est comme s'il n'y avait pas d'espace. Or, à tous les jours, il y a de l'espace. Je donne un exemple, là, l'article 15, là, dans la Loi constitutionnelle de 1982, là, relativement au droit à l'égalité, là. Bien, écoutez, on dit : «La loi ne fait pas acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.» Or, certains tribunaux ont interprété ce libellé-là comme s'appliquant également à la discrimination sur la langue. Or, ce n'est pas inscrit dans la Constitution, mais il y a une marge, ce n'était pas nommément inscrit, mais c'est possible. Même chose à 23...

M. Cyr (Hugo) : En fait, ils n'ont pas besoin de l'avoir nommé explicitement parce que, sous 15, il y a le terme «notamment» qui explique pourquoi on peut le faire. Je vous dis sous l'article 133... La raison pour laquelle... Vous me posez la question : Pourquoi Blaikie, on n'en a pas parlé? C'est que les tribunaux ont cette habitude d'effectivement dire : Si on est capable de résoudre le problème sans examiner tous les autres problèmes, on va y aller de façon limitée, hein, c'est ce qu'on appelle une vertu passive.

Par contre, ce que je vous dis, c'est, compte tenu du fait que vous les mettez en avant comme étant... et c'est un petit peu comme si vous mettez tous les feux de la rampe sur cette disposition-là, là, vous invitez directement une contestation directement sur cette disposition-là.

M. Jolin-Barrette : Mais moi, je n'invite rien du tout.

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois mettre fin à cet échange.

M. Jolin-Barrette : Je ne pense pas que c'est une bonne idée de contester cette disposition-là.

La Présidente (Mme Thériault) : Je dois mettre fin à cet échange. Donc, malheureusement, M. le ministre, je dois mettre fin à l'échange. On voit que les questions soulèvent des passions. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, vous avez 11 min 20 s à votre disposition.

Mme David : Bonjour, Pr Cyr. Heureuse de vous revoir. Je ne pensais jamais un jour vous retrouvez dans des conditions comme ça et surtout après une conversation comme ça où, mine de rien, je me mettrais au même niveau que des juristes qui discutent comme ça des deux chartes et puis des deux constitutions, 1867, 1982, l'article 19, l'article 133. C'est un vrai cours accéléré constitutionnel. Puis comme vous savez très bien, ce n'est pas mon univers d'origine. Mais c'est rendu... vous dites... le ministre dit : Ça émoustille les constitutionnalistes. Il a raison, c'est incroyable. C'est fascinant, en fait, de voir ça.

Et ça montre une chose, c'est que, s'il y a quelque chose qui est subjectif, c'est peut-être le milieu juridique et les lois. Parce qu'on l'a dit ce matin il y avait comme deux équipes de hockey, il y en a une qui est pro puis l'autre qui a des réserves sur l'article 133, l'inscription dans la Constitution. Est-ce que c'est l'article 43? Est-ce que c'est l'article 45? Est-ce que c'est la nation? Est-ce que c'est la langue officielle? Est-ce que c'est le <mot...

Mme David : ... juridique et les lois. Parce qu'on l'a dit ce matin il y avait comme deux équipes de hockey, il y en a une qui est pro puis l'autre qui a des réserves sur l'article 133, l'inscription dans la Constitution. Est-ce que c'est l'article 43? Est-ce que c'est l'article 45? Est-ce que c'est la nation? Est-ce que c'est la langue officielle? Est-ce que c'est le >mot «seule» langue officielle? Moi, je trouve ça passionnant, parce que ce sont de vrais débats qui alimentent des arrêts de la Cour suprême, des... C'est... Il y en a beaucoup d'avocats, là, sur la Terre, là, puis il y en a beaucoup au Québec, je pense, c'est 25 000, je pense, avocats. Puis il y a beaucoup d'étudiants en droit, vous avez été doyen, vous le savez.

Alors, je trouve ça particulièrement intéressant, mais particulièrement non attractif pour des non-juristes et non-constitutionnalistes. Vous dites : J'ai fait un gros effort dans mon mémoire, que j'ai lu, hier soir, parce que, ça, malheureusement, des fois, ils arrivent un peu dernière minute. Je vous ai trouvé, oui, accessible, mais évidemment c'est du droit, bon. Et puis vous ne pouvez pas parler de tomates puis de laitues, là, c'est du droit, et puis il faut qu'on essaie de vous suivre.

Et j'étais passablement déprimée plus ça avançait parce que je me disais : Mais, on ne s'en sortira pas, on ne s'en sortira pas. Ça ne marche pas le 90Q.2. Il nous fait une démonstration, là, que c'est impossible, que c'est inconstitutionnel, que ça va... bon, être tout de suite poursuivi en justice puisque ce n'est pas l'article 43... Penser que l'article 43, c'est beaucoup plus exigeant que l'article 45, puis... Oui, vous l'avez bien dit : C'est supralégislatif, c'est beaucoup plus solide, c'est du béton. Le 45, c'est peut-être du bois franc, c'est peut-être une maison un peu plus — puisqu'on est dans les comparaisons architecturales — c'est peut-être un peu moins solide, mais c'est une simple loi. Ça peut être changé d'un gouvernement à l'autre, mais c'est quand même quelque chose de possible.

Alors, on se rend à la toute fin, puis à la toute fin, là, vous dite : Bien, coudon, si ça ne marche pas, si ça ne marche pas, si ça ne marche pas, allons vers quelque chose sur lequel, nous, dans nos réflexions, on s'était fait suggérer, le fameux, entre guillemets, sous réserve de l'article 133 de la Loi constitutionnelle, 1867, et l'article 19.1 de la Loi constitutionnelle, 1982. Ouf! J'ai fini vos 42 pages — ou je ne sais trop — avec ça, exactement ça.

Puis là je me suis dit : Bien, il y a peut-être espoir, à ce moment-là, il y a peut-être espoir que ce «sous-réserve» auquel, bon là, vraiment, les constitutionnalistes deviennent passionnés. Benoît Pelletier, c'est vrai, a dit : Ce n'est même pas nécessaire. Jean Leclair a dit autre chose, puis le contact, on le sait, jeudi, était très mauvais. Je ne sais pas ce qu'il y a avec les constitutionnalistes qui viennent en commission, mais on dirait que, des fois, le contact Internet n'est pas très bon, donc ça a été un peu malheureux. Ça a coupé, il a fallu suspendre, reprendre, puis vous, des fois, ça coupe un petit peu.

Mais tout ça pour dire qu'il y a des pour, il a des contre. Le ministre, je ne sais pas comment il va trancher. Moi, je suis encore moins bonne pour savoir comment trancher ça, <évidemment...

Mme David : ... Internet n'est pas très bon, donc ça a été un peu malheureux. Ça a coupé, il a fallu suspendre, reprendre, puis vous, des fois, ça coupe un petit peu.

Mais tout ça pour dire qu'il y a des pour, il a des contre. Le ministre, je ne sais pas comment il va trancher. Moi, je suis encore moins bonne pour savoir comment trancher ça, >évidemment, mais je veux quand même vous entendre sur la fin de votre mémoire. Vous dites... et vous l'avez redit que, quand même, on peut mettre ça, «sous réserve de l'article 133», toujours en utilisant le recours à l'article 45, que ça ne serait pas infaisable. Est-ce que j'interprète bien, mais que c'est loin d'être votre premier choix?

M. Cyr (Hugo) : Bien, en fait, tout à fait. Quand je dis que c'est loin d'être mon premier choix, c'est que je comprends que l'Assemblée nationale souhaite enchâsser cette reconnaissance dans la Constitution du Canada. Puis si elle veut le faire, le moyen pour le faire, c'est l'article 43.

Maintenant, si elle ne veut pas y aller de manière bilatérale, elle peut quand même, en vertu de l'article 45, adopter certaines dispositions, mais, à ce moment-là, je lui suggère de dire qu'on modifie la constitution du Québec, qu'on le dise clairement, c'est la constitution du Québec qu'on veut modifier, et qu'on mette «sous réserve des articles 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et 19.1 de la Loi constitutionnelle de 1982».

S'il n'y a aucune atteinte à ces deux dispositions-là, bien, ça ne change rien, ça ne change strictement rien pour le projet de loi puisqu'il n'y a pas d'atteinte. Si le ministre a raison puis qu'il n'a pas d'atteinte, bien, ça ne lui coûte rien d'ajouter ça parce que ça ne viendra pas limiter la portée de sa disposition. Si par contre les juges étaient plutôt d'avis comme moi qu'il y a peut-être des atteintes à 133 et à 19.1, bien là, on vient protéger la disposition pour ne pas qu'elle soit invalidée, parce qu'on va dire : Bien non, la disposition s'applique sur tout le reste, mais on ne vise pas à exclure ou restreindre ces droits-là. Donc, c'est une sorte de police d'assurance. Si on n'en a pas de besoin, bien, en plus, ça ne nous coûte rien. Donc, si on n'en a pas de besoin, elle ne sera pas utilisée. Mais s'il y a un risque qui se réalise, bien, au moins, les dispositions qu'on va avoir adoptées, elles seront protégées puis elles ne seront pas invalidées. C'est dans ce sens-là que je vous dis...

Mme David : On pourrait penser...

M. Cyr (Hugo) : C'est avec bienveillance.

Mme David : Oui, oui, mais, c'est intéressant, votre commentaire. On peut penser que ça pourrait aussi rassurer la communauté d'expression anglaise qui est un peu inquiète par rapport aux lois des tribunaux, par exemple, la langue des tribunaux, la langue de la justice, la langue des parlementaires, etc. Alors, vous dites : Ça ne coûte rien. Mais qu'est-ce que... Si vous étiez dans la tête du ministre, on aura l'occasion d'en discuter avec lui, mais pourquoi il s'opposerait à mettre «sous réserve de l'article 133», ces petits mots-là de plus? Si ça ne coûte rien, <c'est une...

Mme David : ... vous dites : Ça ne coûte rien. Mais qu'est-ce que... Si vous étiez dans la tête du ministre, on aura l'occasion d'en discuter avec lui, mais pourquoi il s'opposerait à mettre «sous réserve de l'article 133», ces petits mots-là de plus? Si ça ne coûte rien, >c'est une protection additionnelle, puis, bon Dieu! ça fait plaisir à bien des constitutionnalistes, la communauté anglophone, etc. Qu'est-ce qui pourrait faire qu'il résisterait à ces propositions... cette proposition faite par plusieurs constitutionnalistes?

• (18 h 40) •

M. Cyr (Hugo) : Pour être franc, ce n'est pas moi qui pourra répondre à cette question. Il va falloir vraiment demander au ministre, mais sur le plan juridique, ça ne coûte absolument rien.

Mme David : O.K. O.K. Il y a quelque chose quand même que vous avez dit. Non, c'est même... C'est même le ministre qui l'a dit, j'ai noté, mais moi, je vais l'appliquer à autre chose. Alors, c'est une technique intéressante. Il a dit : «Entre le mur-à-mur, il y a une marge». Bon. Lui, il ne parlait pas de la disposition de dérogation, je le sais. Mais, moi, je vais essayer de l'appliquer, cette phrase-là aux dispositions de dérogation dont vous, malheureusement, ne parlez pas. C'est... Alors, je sais que je vais en dehors de votre mémoire, mais je vais quand même poser la question à quelqu'un qui s'y connaît en matière de droit.

Les fameuses dispositions de dérogation, parce que ça aussi, évidemment, ça fait couler beaucoup, beaucoup d'encre, ça et la Constitution, alors qu'il y a 208 articles, mais, alors, allons-y un peu. Qu'est-ce que... Parce que beaucoup ont dit : Attention! Professeur Taillon, entre autres, qui est aussi un autre constitutionnaliste, qui a travaillé beaucoup sur ce projet de loi là et qui dit : «Oui, pour certaines choses, dont les pouvoirs d'enquête de l'OQLF, là, les fouilles, les saisies, bon, il y a dérogation puis il y a... Il n'y a pas de mandat qui est demandé». Qu'est-ce que vous pensez à ça, de lever la dérogation pour certains articles? Je vous donne cet exemple-là. Il faut-u du mur-à-mur ou, comme le dit le ministre, entre le mur-à-mur, il y a une marche?

M. Cyr (Hugo) : Bien, évidemment, quand on couvre mur à mur, on n'échappe rien, sauf que, parfois, on écrase des choses. Et donc, si je fais une comparaison avec une autre doctrine qu'on utilise en droit, quand on est pour porter atteinte à des droits, on pose des tests. Et on a des questions qu'on se pose habituellement. On dit : Est-ce que l'objectif est suffisamment important? Ici, je pense que les gens en général s'entendent, là, que ce n'est pas un problème. Mais ensuite il y a la question de la proportionnalité. Et là on se pose la question : Est-ce qu'il y a un lien rationnel? Et puis est-ce que c'est l'atteinte... Est-ce que c'est les moyens les moins attentatoires ou l'atteinte la plus minimale au droit pour réussir à atteindre notre objectif? Est-ce que c'est les moyens les plus... qui portent le moins atteinte aux droits, qui nous permettraient quand même d'atteindre notre objectif?

Donc, ça, ça peut être un <outil...

M. Cyr (Hugo) : ... Est-ce que c'est les moyens les moins attentatoires ou l'atteinte la plus minimale au droit pour réussir à atteindre notre objectif? Est-ce que c'est les moyens les plus... qui portent le moins atteinte aux droits, qui nous permettraient quand même d'atteindre notre objectif?

Donc, ça, ça peut être un >outil pour évaluer pour le législateur comme pour les juges si les mesures sont appropriées.

Maintenant, pour ce qui est de la question fouille, perquisition, saisie abusive, là, je sors de mon mémoire, mais évidemment ce n'est pas aussi clair qu'il y a un lien très fort entre être capable d'aller faire ces fouilles-là sans mandat et la protection de la langue française.

Maintenant, c'est vous, les législateurs, vous devez prendre cette décision d'opportunité là. Mais évidemment, dans la tradition qui protège les droits et libertés, on tente, dans la mesure du possible, de limiter les atteintes à ce qui est nécessaire pour atteindre notre objectif.

Le Président (M. Lemieux) : En 15 secondes.

Mme David : Il y a eu beaucoup de dérogations à travers l'histoire depuis cette mesure-là 1982. Il y en a eu, des mesures dérogatoires, des dispositions, mais souvent c'était ciblé.

Le Président (M. Lemieux) : Et voilà. Alors, la période d'échange avec l'opposition officielle est terminée. On passe à la députée de Mercier pour 2 min 50 s, professeur.

Mme Ghazal : Merci, M. le Président. Merci, M. Cyr. Écoutez, c'est vraiment fascinant, là, le droit constitutionnel. Moi, j'ai très, très hâte qu'on invite tous les constitutionnalistes qui sont venus dans cette commission quand mon parti Québec solidaire, on mettra sur pied une assemblée constituante comme c'est écrit dans notre programme après octobre 2022.

Je voulais... En fait, oui, par rapport à la disposition de dérogation, est-ce que... Parce que là elle est mise partout dans le projet de loi, pour toutes les dispositions, alors que j'aimerais vous entendre là-dessus. Vous en parlez dans votre mémoire, mais j'aimerais que vous le résumiez. Ça ne serait pas mieux, par exemple, que le ministre décide... la clause devrait être utilisée pour quelles dispositions pour éviter des poursuites en vertu de la charte?

M. Cyr (Hugo) : En fait, il n'y a pas d'obligation de... pour éviter des poursuites, ça ne changera rien. Mais idéalement, si on est capable d'identifier quelles dispositions sont à risque, bien, c'est plus précis et ça évite de faire du mur-à-mur.

Et aussi, plutôt que de dire les articles 2, 7 à 15, c'est-à-dire tous les articles de la charte canadienne pour lesquels il est possible de déroger, on pourrait spécifier quels qui sont importants. Par exemple, je ne suis pas certain qu'une protection contre... qu'il est nécessaire de déroger au droit qui protège contre les peines cruelles et inusitées. Pourtant, la disposition, comme elle est écrite, permet de déroger à ce droit-là.

Mme Ghazal : Alors qu'il n'est pas <touché. Puis...

M. Cyr (Hugo)T : ... importants. Par exemple, je ne suis pas certain qu'une protection contre... qu'il est nécessaire de déroger au droit qui protège contre les peines cruelles et inusitées. Pourtant, la disposition, comme elle est écrite, permet de déroger à ce droit-là.

Mme Ghazal : Alors qu'il n'est pas >touché. Puis pour...

M. Cyr (Hugo) : Bien, non, c'est ça. Qu'on vise la liberté d'expression ou qu'on vise... ça, c'est correct. Mais encore là, ça, c'est un choix qui vous appartient à vous. Ça ne relève pas d'une expertise particulière juridique.

Mme Ghazal : O.K. Puis pour l'article 159, je veux dire, du projet de loi, il faut demander la proclamation du gouverneur général sous le sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat et de la Chambre des communes. Je veux dire, politiquement, ce n'est juste pas... c'est impossible à faire. C'est pour ça que vous donnez cette porte de sortie d'ajouter «sous réserve de l'article 133 et 19»?

M. Cyr (Hugo) : Bien, impossible, ça, ça reste à voir. Maintenant, le Sénat, on peut passer outre parce qu'il y a une procédure qui permet de le faire. Maintenant, si le gouvernement fédéral se dit disposé ou ouvert, ça se fait de façon bilatérale seulement. Donc, ce sera uniquement avec le gouvernement fédéral, et pas les autres provinces. Donc, ça, ça fait une différence. Mais ça peut être très difficile à obtenir, j'en conviens. C'est pour ça que je laisse cette autre porte qui est disponible pour faciliter les choses.

Le Président (M. Lemieux) : Et ça conclut cette réponse. Les dernières questions posées par le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Bonjour, Me Cyr. Le gouvernement a parlé abondamment de sa volonté d'une modification constitutionnelle. Depuis le début, je me pose la question : Qu'est-ce que ça va changer de concret pour le sujet qui nous intéresse, c'est-à-dire le déclin du français, et renverser ce déclin? On a des opinions très variées, mais dans bien des cas, on nous dit : C'est essentiellement symbolique. Bon, alors, bien, je voulais vous entendre aussi là-dessus. Est-ce que vous trouvez... Bon, on peut juger de l'opportunité ou non de le faire, mais ça dépend de la capacité qu'on a de le faire. Alors, est-ce que vous croyez que les possibilités sont bonnes, moyennes ou mauvaises?

M. Cyr (Hugo) : Bien, d'y aller de façon unilatérale, sous 45, je pense qu'elles ne sont pas très bonnes. C'est très risqué.

M. Bérubé : C'est mauvais?

M. Cyr (Hugo) : Et le danger, c'est que les dispositions vont avoir simplement un effet interprétatif pour les autres lois, mais elles ne seront pas protégées contre la Charte canadienne. Ce ne sera pas protégé contre d'autres enjeux. C'est pour ça que je... Ce que je comprends, moi, c'est qu'on veut mettre dans la Constitution... enchâsser dans la Constitution du Canada pour lui donner une force supérieure.

M. Bérubé : Oui, mais vous n'êtes pas le seul qui nous indique que c'est symbolique, ça a peu de chances de réussite, et que plus ça avance, plus le ballon dégonfle. Donc, on revient à l'essentiel. Il faut adopter des mesures qui font en sorte de renverser la tendance. Et avec le temps qui nous reste, quel est, selon vous, là, l'élément sur lequel il faut le <plus...

M. Bérubé : ... mais vous n'êtes pas le seul qui nous indique que c'est symbolique, ça a peu de chances de réussite, et que plus ça avance, plus le ballon dégonfle. Donc, on revient à l'essentiel. Il faut adopter des mesures qui font en sorte de renverser la tendance. Et avec le temps qui nous reste, quel est, selon vous, là, l'élément sur lequel il faut le >plus insister pour renverser cette tendance-là négative pour la langue?

M. Cyr (Hugo) : Bien, sur cette question-là, je n'ai pas une expertise particulière. Donc, je vais me retenir.

M. Bérubé : Donc, vous, c'est la Constitution qui vous a intéressé à venir échanger avec nous surtout.

M. Cyr (Hugo) : Bien, écoutez, vous savez...

M. Bérubé : C'était la diversion voulue, hein?

M. Cyr (Hugo) : Oui, c'est que les experts... Oui, oui. Non, non, mais les experts...

M. Bérubé : Ça a marché.

M. Cyr (Hugo) : ...le risque c'est qu'on se présente comme étant des experts sur tout.

M. Bérubé : Surtout des experts aussi.

M. Cyr (Hugo) : Mais je ne suis pas un expert sur tout. Puis ce que je... Oui. Donc, j'essaie de me limiter sur ce...

M. Bérubé : Mais, Maître, vous êtes d'accord avec moi qu'on a attiré plein de gens de talent en droit, mais c'est une diversion magnifique sur l'essentiel, c'est comment renverser le déclin. Et on n'y arrive pas. Puis en plus, ça a l'air que ce n'est pas faisable. Alors, je nous suggère de continuer à réfléchir à des données concrètes et à des mesures concrètes pour renverser le déclin. Et on en a un grand nombre que je partage avec les membres de la commission. Et j'invite le ministre à réaliser que, finalement, ce n'était pas si génial que ça. Avez-vous d'autres choses à ajouter?

Le Président (M. Lemieux) : En 10 secondes. Oh! Je pense que, là, on l'a perdu.

M. Bérubé : J'aurai donc le mot de la fin, M. le Président.

M. Cyr (Hugo) : Bien, c'est comme je vous dis... expertise.

Le Président (M. Lemieux) : D'accord. Merci beaucoup, Pr Cyr pour votre présentation et d'avoir répondu à nos questions.

La commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 6 octobre 2021, c'est demain, après les affaires courantes. Bonne soirée, collègues.

(Fin de la séance à18 h 50)


 
 

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