Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Le
mardi 5 octobre 2021
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Vol. 45 N° 99
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français
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Intervenants par tranches d'heure
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Thériault, Lise
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Lévesque, Mathieu
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David, Hélène
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Bérubé, Pascal
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Thériault, Lise
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Skeete, Christopher
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David, Hélène
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Chassin, Youri
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Thériault, Lise
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Chassin, Youri
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David, Hélène
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Thériault, Lise
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Lévesque, Mathieu
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David, Hélène
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Skeete, Christopher
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David, Hélène
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David, Hélène
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Thériault, Lise
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Thériault, Lise
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Lévesque, Mathieu
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David, Hélène
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Ghazal, Ruba
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Thériault, Lise
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Thériault, Lise
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David, Hélène
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Lemieux, Louis
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
9 h 30 (version révisée)
(Neuf heures quarante-sept minutes)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue
officielle et commune du Québec, le français.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui, Mme
la Présidente. Mme IsaBelle (Huntingdon) sera remplacée par M. Lévesque
(Chapleau); Mme Rizqy (Saint-Laurent), par M. Barrette (La Pinière); Mme St-Pierre
(Acadie), par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau),
par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon (Joliette), par M. Bérubé
(Matane-Matapédia).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait, merci.
Donc, cet avant-midi, nous entendrons la
Fédération des cégeps, M. Daniel Turp, qui est professeur émérite de l'Université
de Montréal, et la Fédération des chambres de commerce du Québec.
Donc, sans plus tarder, je souhaite la
bienvenue aux représentants <de la Fédération des cégeps, M. Bernard
Tremblay...
La Présidente (Mme Thériault) :
...parfait, merci. Donc, cet avant-midi, nous entendrons la Fédération des
cégeps, M. Daniel Turp, qui est professeur émérite de l'
Université
de Montréal, et la Fédération des chambres de commerce du Québec.
Donc, sans plus tarder, je souhaite la
bienvenue aux représentants >de la Fédération des cégeps,
M. Bernard Tremblay et M. Sylvain Lambert. Donc, bienvenue à l'Assemblée
nationale. Vous connaissez nos règles, vous êtes des habitués. Vous avez
10 minutes pour faire votre présentation, par la suite il y aura des
échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.
Fédération des cégeps
M. Tremblay (Bernard) :
Merci, Mme la Présidente. Mmes, MM. les députés, bonjour. Je suis Bernard
Tremblay, président directeur de la Fédération des cégeps. Je suis accompagné
de M. Sylvain Lambert, qui est le président de notre conseil des
directions générales et directeur général du cégep Édouard-Montpetit.
Je tiens, évidemment, tout d'abord à vous
remercier de nous avoir invités, et nous sommes ici, vous l'aurez compris, pour
vous présenter le point de vue des 48 collèges publics du Québec, les cégeps.
D'entrée de jeu, je mentionne nos
principales préoccupations, j'y reviendrai, mais, pour être sûr de me pas
manquer de temps, j'insiste sur le fait que nous adhérons au projet de loi n° 96, qui prévoit une évolution coordonnée du
développement des collèges francophones et anglophones. Toutefois, nous sommes
inquiets de l'effet de certaines mesures proposées et nous souhaitons que ces
mesures puissent être révisées dans un délai de trois à cinq ans. De même, nous
croyons que le projet de loi devrait comporter un pouvoir particulier
permettant au ministre de l'Enseignement supérieur d'adopter des mesures
d'exception au besoin. Nous sommes aussi inquiets des pouvoirs concurrents des
ministres de la Langue et de l'Enseignement supérieur. Finalement, nous nous
opposons à l'introduction d'une deuxième épreuve de langue pour certains
étudiants du réseau collégial.
Maintenant, avant d'y aller avec nos
recommandations, je me permettrai quelques remarques générales. D'abord, il
faut rappeler que les 48 cégeps évoluent dans des réalités régionales
différentes, ce qui peut les amener à présenter la même pluralité d'opinions
sur la question de la langue que l'ensemble de la population québécoise. En
tant que membres d'un réseau, les cégeps ont donc recherché les zones de
consensus afin de s'exprimer de manière solidaire sur le projet de loi n° 96.
• (9 h 50) •
Le réseau collégial public se sent
concerné au premier chef par les questions linguistiques. Il reconnaît que le
français est toujours menacé au Québec et que sa situation exige une vigilance
constante. Comme ils sont bien ancrés dans leurs milieux, les cégeps remarquent
aussi que les préoccupations liées à la continuité du fait français au Québec se
manifestent de façon particulière sur l'île de Montréal. Il faut cependant
réitérer que tous les cégeps, anglophones et francophones, sont engagés dans
les efforts visant à assurer la vitalité de la langue commune et la qualité de
la langue écrite et parlée par les personnes qu'ils forment.
Sur l'essence même du projet de loi, vous
ne serez pas surpris de nous entendre exprimer notre soulagement de voir le
gouvernement maintenir le libre choix comme principe général en matière
d'enseignement supérieur. Il faut parfois encore le rappeler, les cégeps font
partie de l'enseignement supérieur. Nous l'avons répété au fil des ans, les
cégeps ne font pas partie des menaces au rayonnement de la culture québécoise
et à la vitalité de la langue officielle du Québec.
À cet égard, nous croyons qu'au-delà du
projet de loi certaines questions se posent. Quelles sont les motivations qui
poussent une certaine partie de la jeunesse dont l'anglais n'est pas la langue
maternelle à vouloir poursuivre ses études en anglais? Quels sont les éléments
qui assureraient auprès des jeunes le prestige du français? Comment favoriser
le développement de milieux inclusifs et attractifs pour les Québécoises et les
Québécois de toute origine où ils pourront développer leur goût pour le <français
et la...
M. Tremblay (Bernard) :
...
les motivations qui poussent une certaine partie de la jeunesse dont
l'anglais n'est pas la langue maternelle à vouloir poursuivre ses études en
anglais? Quels sont les éléments qui assureraient auprès des jeunes le prestige
du français? Comment favoriser le développement de milieux inclusifs et
attractifs pour les Québécoises et les Québécois de toute origine où ils
pourront développer leur goût pour le >français et la culture
québécoise? À ce sujet, je vous invite à visionner le documentaire Les
Québécois de la loi 101, diffusé sur RDI il y a quelques années. Il
permet de pousser plus loin, selon nous, notre réflexion collective.
Je voudrais maintenant commenter, donc,
certaines mesures du projet de loi, en commençant par la création du ministère
de la Langue française. Si nous saluons le geste symbolique que représente la
création de ce ministère, nous sommes inquiets de le voir partager autant de
responsabilités avec le ministère de l'Enseignement supérieur. Même si notre
réseau a fréquemment démontré son agilité, l'ajout constant de mesures
ministérielles d'autorisation et de contrôle engendre déjà des délais et des
retards dans la réponse des cégeps aux besoins de la société. Il sera
impossible au réseau collégial de maintenir son agilité en devant attendre la
concertation de deux ministères, qui parfois se traduit par Les
12 travaux d'Astérix, vous savez à quoi je fais référence. C'est
pourquoi nous recommandons que les responsabilités du ministère de la Langue
française dans le domaine de l'enseignement supérieur se limitent à la
formulation de recommandations.
Par ailleurs, le projet de loi met de l'avant
des balises au développement futur de la fréquentation des cégeps anglophones
pour assurer un développement mieux coordonné du réseau collégial. C'est une
approche que nous appuyons. Les cégeps anglophones eux-mêmes ne s'opposent pas
à la détermination de l'encadrement de leur effectif. Ce qui soulève des
questions, c'est la mécanique qui sous-tend la mise en oeuvre de ce principe.
En lien avec la détermination des
effectifs, par exemple, il est important de se rappeler que la gestion du
nombre d'étudiantes et d'étudiants qui fréquentent un collège ne relève pas d'une
science exacte. Elle est influencée par de nombreux facteurs comme le
cheminement et la poursuite des études par les étudiantes et étudiants des
années précédentes. Avec leurs 133 programmes techniques et leurs neuf
parcours préuniversitaires, les cégeps doivent préparer leur rentrée de l'automne
dès l'hiver précédent en fonction d'un processus qui est complexe. C'est
pourquoi nous recommandons de prévoir que l'exercice de détermination des
effectifs totaux particuliers se déroule sur une base pluriannuelle et non tous
les ans, comme le prévoit le projet de loi, et que les établissements soient
informés au moins une année scolaire complète à l'avance de tout changement à
leur effectif total particulier. En raison de la complexité de la gestion
des admissions également, il nous apparaît judicieux de prévoir un processus de
révision des balises prévues dans le projet de loi pour les analyser en
fonction du comportement réel de la population étudiante. Il faut notamment
prendre en considération la diversité des réalités linguistiques régionales sur
notre territoire. Les cégeps anglophones de l'extérieur de Montréal présentent
un profil bien différent de celui des collègues, donc, de la métropole, par
exemple. Nous recommandons donc que le projet de loi prévoie un examen des
dispositions législatives prévues à l'éventuel article 88.0.4 de la Charte
de la langue française par la commission parlementaire de l'Assemblée nationale
compétente en la matière entre trois et cinq ans après l'entrée en vigueur de
la loi.
M. Lambert (Sylvain) : Je
prends la suite.
Par ailleurs, dès le moment où on balise
le développement des effectifs des cégeps anglophones, la question de la
répartition des effectifs entre les cégeps anglophones et les <établissements...
M. Tremblay (Bernard) :
...
de la Charte de la langue française par la commission parlementaire
de l'Assemblée nationale compétente en la matière entre trois et cinq ans après
l'entrée en vigueur de la loi.
M. Lambert (Sylvain) :
Je prends la suite.
Par ailleurs, dès le moment où on
balise le développement des effectifs des cégeps anglophones, la question de la
répartition des effectifs entre les cégeps anglophones et les >établissements
anglophones privés agréés aux fins de subvention devient centrale. Pour éviter
que la loi vienne rompre le fragile équilibre entre le privé et le public, nous
recommandons de donner préséance aux établissements publics et de préciser que
la proportion des effectifs totaux particuliers des établissements anglophones
privés agréés aux fins de subvention sur l'ensemble des effectifs totaux
particuliers de tous les établissements anglophones ne doit pas excéder la
proportion qu'elle représentait à l'automne 2019.
Il faut aussi faire en sorte que les
cégeps francophones déjà autorisés à offrir certains programmes en anglais puissent
continuer de le faire, bien évidemment, tout comme on doit conserver la
capacité d'adapter l'offre des cégeps francophones à la situation précise d'un
programme ou des besoins de main-d'oeuvre dans un secteur particulier.
En cas de dépassement de l'effectif
déterminé, le projet de loi prévoit par ailleurs des conséquences sur le
montant des subventions allouées dans le cas de l'effectif des établissements
anglophones et de l'effectif d'étudiantes et d'étudiants se voyant offrir de
l'enseignement en anglais dans les établissements francophones. En raison,
encore une fois, de la complexité de la gestion des admissions, nous pensons
qu'une marge de manoeuvre doit être prévue en basant les mécanismes des
conséquences financières sur une moyenne pluriannuelle, par exemple.
Nous croyons aussi que la responsabilité
de recommander un règlement qui établit le montant à retrancher de la
subvention des établissements, disons, fautifs donnée au ministère de la Langue
française doit être précédée d'une concertation avec le ministère de
l'Enseignement supérieur et les établissements eux-mêmes. Ce règlement pourrait
faire en sorte qu'un cégep en arrive à refuser des étudiantes et des étudiants
dans des domaines en forte demande en contexte de pénurie de main-d'oeuvre.
Nous suggérons donc que le projet de loi prévoie un pouvoir discrétionnaire
pour le ministre de l'Enseignement supérieur dans les cas où un collège devrait
refuser un nombre restreint d'étudiantes et d'étudiants dans un programme
répondant à d'importants besoins de main-d'oeuvre.
Par ailleurs, nous nous opposons aux
dispositions du projet de loi qui prévoient l'inscription dans la Charte de la
langue française de l'obligation pour certains étudiants de cégep à se
soumettre à une épreuve destinée à évaluer sa connaissance du français. Imposer
deux épreuves à une partie de la population étudiante est, à nos yeux,
inéquitable. Même si nous jugeons essentiels le maintien et le développement
des compétences en français pour les étudiants qui fréquentent un établissement
anglophone, cette approche nous semble inadéquate. Ce n'est pas la voie à
suivre, pour nous. Nous souhaitons donc que cette mesure soit retirée du projet
de loi.
Enfin, puisqu'il est question de l'épreuve
uniforme de français, nous recommandons la mise sur pied d'un chantier avec le
ministère de l'Enseignement supérieur pour revoir l'intention et la nature de
cette épreuve.
En terminant, la Fédération des cégeps tient
à souligner qu'elle croit au rôle stratégique des cégeps pour assurer la
promotion de la culture québécoise et de la langue française. Une vaste
campagne d'activités culturelles réalisée tant dans les cégeps francophones qu'anglophones
serait de nature à susciter cette adhésion essentielle des jeunes à ce qui
distingue la nation québécoise et contribuerait à assurer la vitalité du
français au Québec et à promouvoir sa culture riche et unique. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup pour votre présentation.
Donc, sans plus tarder, nous allons aller
avec les <échanges avec le...
M. Lambert (Sylvain) :
...
à susciter cette adhésion essentielle des jeunes à ce qui distingue
la nation québécoise, et contribuerait à assurer la vitalité du français au
Québec, et à promouvoir sa culture riche et unique. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup pour votre présentation.
Donc, sans plus tarder, nous allons
aller avec les >échanges avec le ministre. M. le ministre, la parole est
à vous.
M. Jolin-Barrette :
Merci, Mme la Présidente. Bon début de semaine. M. Tremblay,
M. Lambert, bonjour. Merci d'être présents en commission parlementaire.
Écoutez, d'entrée de jeu, à la lecture de
votre mémoire, je peux constater que la Fédération des cégeps est d'accord qu'il
y a un enjeu avec la langue française au Québec et qu'il y a nécessité pour
tous les acteurs de la société de mettre davantage de l'avant des mesures qui
vont promouvoir, protéger la langue française incluant le réseau collégial. Dans
le fond, le réseau collégial public est partie de la solution.
M. Tremblay (Bernard) :
Oui. Je pense que ce qu'on salue, c'est d'abord le fait que le projet de loi
couvre différents secteurs d'activité. Il y a eu beaucoup de débats autour des
cégeps, effectivement, mais je pense que parfois c'est l'arbre qui cache la
forêt. Et derrière ça, évidemment, il faut se rendre compte qu'il y a des
enjeux surtout dans le contexte du marché du travail, il y a des enjeux par
rapport à nos institutions, il y a des enjeux, oui, aussi par rapport à la
langue d'enseignement, mais que c'est vraiment une multitude d'actions qui vont
permettre de réaliser l'objectif d'assurer la vitalité du français.
M. Jolin-Barrette : Dans
le projet de loi n° 96, ce qu'on propose, c'est notamment un plafonnement,
dans le fond, des places dans le réseau collégial actuel dans le secteur
anglophone avec une limitation de la croissance, également, du réseau collégial
anglophone. Donc, est-ce que la Fédération des cégeps est d'accord avec cette proposition-là?
M. Tremblay (Bernard) :
La fédération est d'accord avec l'idée qu'il y a un développement coordonné des
cégeps. On le fait déjà de façon générale pour les 48 établissements. Vous
savez, c'est un réseau qui travaille vraiment en collégialité, c'est le cas de
le dire, et donc on a déjà ce souci-là. Présentement, vous voyez, on se prépare
à l'arrivée d'un nombre important d'étudiants au Québec. Ces étudiants-là ne
seront pas répartis dans l'ensemble du territoire, mais on travaille de façon
concertée pour voir comment notre réseau peut se développer de façon
intelligente.
Et donc face à l'enjeu de la vitalité du
français, que cette approche-là puisse être aussi appliquée dans une coordination
des cégeps, du développement des cégeps anglophones et francophones, effectivement,
on est d'accord avec le principe, mais on a un souci plus dans la mécanique,
comme on le dit dans notre mémoire.
M. Jolin-Barrette : Mais
est-ce que je dois déduire de vos propos que, depuis 1995, dans le fond, il n'y
a pas eu de développement coordonné, dans le fond, du développement des cégeps
du côté anglophone versus le côté francophone? Parce qu'on voit, depuis 1995,
que la courbe s'accélère au niveau des places dans les établissements
collégiaux anglophones et la grande popularité de ceux-ci, notamment chez les
francophones, et notamment chez les allophones, pour les études aussi.
• (10 heures) •
M. Tremblay (Bernard) :
Bien, moi, je vous dirais, surtout, les cégeps sont le reflet du contexte et du
contexte social dans lequel ils vivent. Moi, je me rappelle, il n'y a pas si
longtemps, qu'on reprochait à l'Université McGill de ne pas accueillir assez
d'étudiants québécois. Bien, le jour où on met de la pression sur McGill pour
diminuer son acceptation d'étudiants internationaux et d'augmenter sa part <d'étudiants
québécois...
>
10 h (version révisée)
< M. Tremblay (Bernard) :
...du contexte et du contexte social dans lequel elles vivent. Moi, je me
rappelle,
il n'y a pas si
longtemps, qu'on reprochait à
l'Université
McGill de ne pas accueillir assez d'étudiants
québécois. Bien, le jour
où on met de la pression sur McGill pour diminuer son acceptation d'étudiants
internationaux
et d'augmenter sa part >d'étudiants québécois, bien, il faut se poser la
question : Quel effet ça a sur les cégeps? Alors, à cette époque-là, ça ne
semblait pas être un problème, et donc, effectivement, le prisme dans le
développement du réseau, il n'était pas dans une dualité
francophone-anglophone. Aujourd'hui, on prend conscience que ça a un impact et
qu'il y a une inquiétude à avoir. Et moi, je répète que, cette inquiétude-là,
on devrait surtout l'avoir en lien avec une adhésion, je dirais, à la culture
québécoise, hein?
Vous avez reçu Guy Rocher il n'y a pas
longtemps. On a des conversations assez régulièrement avec M. Rocher,
évidemment, et il rappelle que la protection du français, c'est évidemment un
vecteur pour protéger notre culture, et, à mon avis, il y a un enjeu qui est
beaucoup plus large donc que simplement la langue d'enseignement.
M. Jolin-Barrette : Mais
donc M. Rocher disait également, premièrement, que c'était une erreur, en 1977,
de ne pas avoir étendu la loi 101 aux cégeps. Mais, deuxièmement,
également, il y a eu plusieurs intervenants qui sont venus puis ils ont dit :
Mais, écoutez, quand vous êtes rendu à l'âge d'étudier au cégep, au collégial,
donc 16... pardon, 17, 18, 19, 20 — il y en a qui font un doctorat au
cégep puis ça se poursuit dans la vingtaine aussi — bien, c'est là
qu'on vient t'imprégner de la culture. Donc, le fait d'étudier en français, ça
va avoir un effet, également, culturel. Et notamment, lorsqu'on parle des
personnes allophones, des nouveaux arrivants, le fait d'étudier au collégial en
français, ça va être le temps d'avoir une adhésion à la culture québécoise qui
se distingue notamment par sa langue officielle. Donc, le fait de baigner dans
un environnement francophone, ça a une portée culturelle aussi.
M. Tremblay (Bernard) :
Oui, tout à fait, monsieur... Et ça, je pense que, comment dire, ce propos-là,
il se vaut, évidemment, et ce n'est pas pour rien qu'on a un débat au Québec,
présentement. Mais nous, on est profondément convaincus qu'à 16, 17, 18,
19 ans, comme vous le dites, ce qui est le plus important, c'est de
générer un sentiment d'appartenance, un intérêt pour la culture québécoise, et
ça, ça ne vient pas simplement avec le fait d'être étudiant dans un cégep
francophone, ça vient avec des mesures plus profondes, ça vient avec un accès à
la culture. C'est pour ça que nous, on propose, au-delà du projet de loi... on
pense qu'on a une opportunité en or, au Québec, de miser sur... avec, en plus,
une pandémie qui se termine, qui a été très dure pour le milieu culturel, miser
sur les lieux de diffusion que sont les cégeps pour faire en sorte que nos
étudiants francophones, et anglophones, et allophones baignent dans la culture
québécoise et qu'ils aient donc peut-être un plus grand intérêt à poursuivre
cet intérêt-là ou cette connaissance-là, je dirais, de la culture québécoise, à
défaut de quoi le simple fait de leur demander d'étudier en français ne
générera pas moins d'intérêt pour Netflix et pour Facebook.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Une question sur les cégeps publics que vous représentez. À la page 12 de
votre mémoire, là, vous dites que les cégeps devraient avoir préséance sur les
collèges privés subventionnés dans la répartition des <places...
M. Tremblay (Bernard) :
...
de leur demander d'étudier en français ne générera pas moins
d'intérêt pour Netflix et pour Facebook.
M. Jolin-Barrette :
O.K. Une question sur les cégeps publics que vous représentez. À la
page 12 de votre mémoire, là, vous dites que les cégeps devraient avoir
préséance sur les collèges privés subventionnés dans la répartition des >places.
Donc, pour illustrer, exemple, dans le réseau collégial anglophone, là, vous
avez Dawson qui est 100 % public, 100 % de financement public, vous
avez Marianapolis, de l'autre côté, qui est privé subventionné à hauteur, je
pense, de 60 %. Donc, ce que vous proposez, dans le fond, c'est... dans le
cadre de la répartition des places, s'il y avait des places à répartir du
niveau collégial anglophone, vous diriez : Bien, il faut les envoyer à
Dawson prioritairement avant de les envoyer à Marianapolis.
M. Tremblay (Bernard) :
Écoutez, vous prenez deux établissements en particulier. Je dirais, dans une
réflexion où on n'aura pas le choix de coordonner, donc, les places dans les
collèges francophones et les collèges anglophones, que, dans le cadre de la
répartition entre les collèges anglophones, on ait le souci de privilégier le
réseau public nous semble essentiel. C'est quand même particulier, hein, au
Québec, il faut se le dire, d'avoir trois réseaux d'éducation, là : un
réseau public, un réseau que vous qualifiez de privé mais qu'on pourrait
qualifier de semi-public et un réseau entièrement privé non subventionné. Pour
un petit État comme le nôtre, il y a une charge et il y a des conséquences à
avoir une multitude de réseaux d'éducation. C'est la même chose au primaire,
secondaire. Et donc, nous, c'est sûr qu'on vous dit on doit prioriser le réseau
public, là, pour la suite des choses.
M. Lambert (Sylvain) : ...au
fond, le privé subventionné n'est pas soumis à des devis, là, donc, ce qui
n'est pas le cas pour tout le réseau public. Donc, il y a déjà là une iniquité
qui est historique, là, mais je pense qu'il y a quelque chose qu'on peut peut-être
régler là, dans le cadre de la loi actuelle.
M. Jolin-Barrette :
O.K., donc, ça signifie qu'un semi-privé peut grossir de la façon dont il veut.
M. Lambert (Sylvain) :
Avec les règles actuelles, oui.
M. Jolin-Barrette : Avec
les règles du projet de loi n° 96, il va être assujetti.
M. Lambert (Sylvain) :
Bien, c'est ce que j'en comprends.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Donc, les seuls qui ne sont pas assujettis, c'est les privés privés au niveau
collégial.
M. Lambert (Sylvain) :
Exact.
M. Jolin-Barrette :
Est-ce que la Fédération des cégeps considère que les privés privés devraient
être assujettis au projet de loi n° 96?
M. Tremblay (Bernard) :
La fédération pense qu'on est mûrs pour une réflexion sur l'ensemble de l'offre
de formation collégiale, et ça inclut les privés non subventionnés, donc d'être
capables de revoir les règles auxquelles chacun des réseaux sont soumis et
s'assurer, évidemment, qu'on regarde l'avenir avec un développement, encore une
fois, coordonné.
M. Jolin-Barrette : Sur
la question, là, du rôle du ministère de la Langue française, vous dites...
sous réserve, là, ça se peut que ça soit moi, le ministre de la Langue
française, vous dites : Bien, écoutez, à plusieurs endroits, il y a une
opération conjointe entre le ministère de l'Éducation supérieure, de la Recherche,
de l'Innovation, des Études supérieures et le ministère de la Langue française,
puis là vous dites : Attention, il ne faut pas que le ministre de la
Langue française se mêle, et ça devrait juste être des recommandations, tout
ça. Là, vous amenez des arguments de lourdeur administrative, tout ça. Moi, je
vous dirais, quand je regarde ça puis quand on a construit <le projet de
loi, si on est...
M. Jolin-Barrette :
...
et le ministère de la Langue française, puis là vous dites :
Attention, il ne faut pas que le ministre de la Langue française se mêle et ça
devrait juste être des recommandations, tout ça. Là, vous amenez des arguments
de lourdeur administrative, tout ça. Moi, je vous dirais, quand je regarde ça
puis quand on a construit >le projet de loi, si on est rendu là,
peut-être que le ministère de l'Enseignement supérieur n'a pas fait ce qu'il
avait à faire pour protéger la langue française et peut-être qu'il n'avait pas
les garde-fous nécessaires. Comment ça se fait que, dans le réseau collégial,
les devis n'ont pas été respectés? Comment ça se fait que ça a explosé au fil
des années? Le ministère de l'Enseignement supérieur avait la possibilité de
dire : Bien, c'est le devis qui s'applique, puis je fais respecter mon
devis, mais ça n'a pas été fait.
Vous ne pensez pas opportun qu'il y ait
deux ministres qui vont travailler en collaboration ensemble pour s'assurer
qu'il y ait un poids et un contrepoids, notamment, si jamais il y avait
augmentation du devis en matière de places en langue anglaise, que le ministre
de la Langue française soit interpelé par rapport à ça?
M. Tremblay (Bernard) : Bien,
pour nous, dans notre perspective, effectivement, il doit être interpelé. La
question, c'est lorsqu'il y a des autorisations qui doivent être conjointes, on
arrive à un niveau, je dirais, de complexité plus élevée. Alors, c'est pour ça
que le fait de parler d'une recommandation, pour nous, assure cette
coordination-là entre les deux ministres sans avoir nécessairement la lourdeur
administrative qui est inhérente au fait d'avoir deux ministères qui se parlent,
parce qu'il y a deux ministres, mais il y a aussi deux ministères, en
conséquence, qui vont se parler. Et on le sait d'expérience que plus on
ajoute des acteurs du côté gouvernemental, plus on se retrouve avec des délais
qui... Encore une fois, il faut se rappeler, on est... nous sommes des maisons
d'enseignement avec des calendriers à respecter qui sont très serrés pour être
en mesure d'offrir des services à la population, et malheureusement la logique
administrative gouvernementale ne tient pas compte de ces calendriers-là. Et on
a beau le répéter de façon constante, cette réalité-là d'une année qui commence
au mois d'août, une session qui finit en décembre, avec toutes les
considérations d'organisation qui viennent avec ça, c'est immatériel et ça
reste une vue de l'esprit pour beaucoup de fonctionnaires, et donc on est
inquiets des conséquences d'une multiplication des règles administratives.
M. Jolin-Barrette :
Bien, je suis d'accord avec vous, il y a sûrement des améliorations à apporter
au niveau de la rapidité et de l'efficacité de l'administration publique
québécoise, mais l'objectif, dans le cadre du projet de loi, et ça, je crois
que vous le partagez, c'est la protection de la langue française, et surtout de
faire en sorte que la langue normale des études demeure le français, et soit à
l'avenir, également, le français.
Alors, l'expérience nous a démontré que
peut-être qu'il y avait certains enjeux au ministère de l'Enseignement
supérieur. Et donc moi, je trouve que c'est prudent, sur un point de vue
gouvernemental, d'impliquer le ministre de la Langue française, parce que la
réalité, et les chiffres le démontrent, c'est qu'au ministère de l'Enseignement
supérieur il y a eu des enjeux au cours des dernières années, et ça n'a pas été
contrôlé. Puis je comprends, pour les clientèles qui font affaire avec leur
ministère propre, c'est beaucoup plus simple de faire affaire <avec la
clientèle, directement. Mais...
M. Jolin-Barrette :
...
parce que la réalité, et les chiffres le démontrent, c'est qu'au
ministère de l'Enseignement supérieur il y a eu des enjeux au cours des
dernières années, et ça n'a pas été contrôlé. Puis je comprends, pour les
clientèles qui font affaire avec leur ministère propre, c'est beaucoup plus
simple de faire affaire >avec la clientèle, directement, mais
j'émettrais un bémol, puis je vous exprimerais mon désaccord avec ce que vous
proposez, parce qu'il m'apparaît fondamental qu'en termes d'exemplarité de
l'État, le ministre de la Langue française, le ministère Langue française
soient impliqués. Parce que, c'est ça, dans le fond, tout le monde dit :
Ce n'est pas moi, c'est l'autre qui va s'en occuper, de l'exemplarité de
l'État, ce n'est pas moi, c'est... tu sais... vous savez. Puis l'État québécois
au sens large, ça inclut plusieurs choses, ça inclut les ministères, les organismes,
les hôpitaux, ça inclut les établissements d'enseignement, ça inclut les
municipalités. Puis tous les pouvoirs de l'État aussi doivent être incarnés
puis donner l'exemple : la justice, les pouvoirs régaliens, tout ça.
Alors, tout ça doit être pris en compte pour faire en sorte que tout le monde
pousse dans la même direction. Mais c'est une responsabilité qui est
collective, et pour ça, comme société, on doit se donner des garde-fous, parce
que, malheureusement, il arrive à certains moments où il y a des choses qui se
passent puis que le déclin du français va toujours être un sujet très, très
sensible et on doit toujours être vigilants.
Peut-être une dernière question avant de
céder la parole à mes collègues. Vous avez dit, dans une entrevue,
M. Tremblay, que j'ai des témoignages de directions générales de cégeps
anglophones qui me disent : Le français des anglophones qui ont fréquenté
des commissions scolaires anglophones au Québec est épouvantable, ils ne
parlent pas français ou à peu près pas. Qu'est-ce que ça nous dit sur le niveau
d'enseignement du français dans nos institutions publiques anglophones?
• (10 h 10) •
M. Tremblay (Bernard) :
Vous posez la question, j'ai le goût, presque, de vous la retourner en disant :
Je pense qu'il y a un enjeu, effectivement. Et, vous savez, moi, je suis toujours — peut-être
que, là, je ne l'ai pas été assez — prudent sur le fait de donner
l'impression que je fais porter le blâme sur d'autres, mais je pense que notre
système d'éducation, hein, il débute à la petite enfance puis il se termine au
postdoctorat, et qu'on forme un tout, et qu'on est des acteurs, les cégeps, à
travers ce grand ensemble, et qu'effectivement, sans donner l'impression qu'on
veut faire porter le blâme sur d'autres, qu'il faut que d'autres aussi se
questionnent sur le rôle qu'ils exercent dans le système d'éducation, que ce
soit par rapport à l'apprentissage du français ou l'apprentissage... comme
langue seconde ou comme langue principale.
Alors, je veux faire attention, comme je
disais, pour ne pas avoir l'air de dire : Bien, c'est de leur faute, ou :
Que d'autres s'en occupent, mais en même temps on ne peut pas non plus être les
seuls à s'en occuper. Quand on entend ces témoignages-là, bien, on se dit :
Il y a certainement un effort à faire. Le projet de loi, quand même, ouvre la
porte à donner des services, bon, aux anglophones pour qu'ils acquièrent un
meilleur français. Je pense que c'est un geste qui est très positif et je pense
que c'est un petit peu un angle mort qu'on a eu au Québec en tenant pour acquis
que, bien, évidemment, les anglophones, à partir de moment où la société est
surtout française, bien, vont se bilinguiser. Je pense qu'ils le sont beaucoup,
mais visiblement il y a encore peut-être, là, des efforts à faire avec certains
d'entre eux.
M. Jolin-Barrette :
Parfait. Je vous remercie pour votre <passage en commission
parlementaire...
M. Tremblay (Bernard) :
...que c'est un petit peu un angle mort qu'on a eu au Québec en tenant pour
acquis que, bien, évidemment, les anglophones, à partir de moment où la société
est surtout française, bien, vont se bilinguiser. Je pense qu'ils le sont
beaucoup, mais visiblement, il y a encore peut-être, là, des efforts à faire
avec certains d'entre eux.
M. Jolin-Barrette :
Parfait. Je vous remercie pour votre >passage en commission parlementaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, ce sera M. le député de Chapleau, deux minutes.
M. Lévesque (Chapleau) :
Excellent. Donc, le petit deux minutes qui me reste... Merci,
M. Tremblay, M. Lambert. Bien heureux de vous voir aujourd'hui. Merci
d'être là pour votre présentation.
Vous avez piqué ma curiosité, d'entrée de
jeu, vous nous avez posé quelques questions. J'aurais envie de vous entendre
sur ces questions-là également, là. Vous avez parlé d'une réflexion collective,
vous nous avez même parlé d'un certain reportage, vous avez dit : Bon, pourquoi
les jeunes, certains francophones, certains allophones vont choisir, justement,
le milieu plus anglophone? Pourquoi, dans le fond, le prestige du français? Pourquoi
la culture québécoise n'attire plus ou n'attire plus autant ces jeunes-là?
J'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous avez, de par votre expérience
à ces questions-là, à nous dire?
M. Tremblay (Bernard) :
J'ai le goût de vous dire, le documentaire auquel je fais référence met en
lumière que des jeunes, donc, qui sont nés ici ou qui sont arrivés jeunes, qui
ont fait leur parcours dans le réseau francophone à cause de la loi 101
demeurent un peu ambigus par rapport à leur attachement au Québec ou même ont
le sentiment qui ne peuvent pas se considérer comme Québécois. Alors, je pense
que c'est des questions profondes parce que...
M. Lévesque (Chapleau) : ...
M. Tremblay (Bernard) :
Bien, je ne suis pas en mesure de vous répondre.
M. Lévesque (Chapleau) : O.K.
M. Tremblay (Bernard) :
C'est un constat qui était fait dans le documentaire, et je pense que c'est
important qu'on se pose la question. C'est une chose d'obliger un parcours, je
ne dis pas qu'il faut revenir sur l'obligation du parcours au primaire,
secondaire, je pense que c'est tout à fait, évidemment, adéquat, mais de
simplement poursuivre cette mesure-là au cégep en pensant que ça sera... ça
garantira une adhésion à la culture québécoise, je pense que, là, on fait
fausse route, surtout à l'âge clé de 17, 18, 19 ans. Il faut plutôt créer,
selon nous, un goût pour la culture québécoise.
M. Lévesque (Chapleau) : Qu'est-ce
qu'on pourrait faire de plus?
M. Tremblay (Bernard) :
Bien, c'est pour ça que nous, on propose qu'il y ait des... qu'on déploie une
vaste campagne d'activités culturelles dans les cégeps. Les cégeps sont des
lieux idéaux de diffusion. On en fait, je ne dis pas qu'on n'en fait pas, mais
on pourrait en faire tellement plus. Et plus les jeunes seraient en contact
avec la culture québécoise et plus, peut-être, que ça fera contrepoids à la
culture anglo-saxonne qui est omniprésente, et qui est toute-puissante, et qui
a des capacités que nous, on n'a pas en termes de diffusion.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
...mettre fin — merci — à l'échange.
Donc, sans plus tarder, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
la parole est à vous.
Mme David : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs, M. Lambert, bonjour,
M. Tremblay. Sylvain Lambert est le D.G. d'un des plus gros cégeps du Québec
francophone. Un fleuron, je dirais, cégep Édouard-Montpetit, pour ne pas le
nommer, qui possède une école d'aérotechnique, école nationale, une des quelques
rares écoles nationales dont il faut protéger la compétence et qui a des
projets formidables, comme les cliniques de santé offertes au grand public. Ce
sont des choses que le public ne connaît pas assez, qui sont des liens, entre
autres, avec le ministère de la Santé qui sont extraordinaires. Et je me
demande si vous n'avez pas même une IPS dans <votre...
Mme David : ...il faut
protéger la compétence et qui a des projets formidables, comme les cliniques de
santé offertes au grand public. Ce sont des choses que le public ne connaît pas
assez, qui sont des liens,
entre autres, avec le
ministère de la
Santé qui sont extraordinaires. Et je me demande si vous n'avez pas même une
IPS dans >votre clinique, une superinfirmière. Ça dit le niveau de
sophistication de services aux citoyens que les cégeps offrent, dont le cégep
Édouard-Montpetit en est probablement un des meilleurs exemples. Alors, je
voulais souligner qu'on a des formidables cégeps, dont des énormes cégeps francophones.
Maintenant, pour aller un peu dans le sens
des questions du ministre, moi, je voudrais savoir, à la page 2... vous faites,
d'ailleurs, un beau plaidoyer pour la culture, la culture francophone, et vous
dites que les collègues anglophones contribuent pleinement à la société
québécoise, jouent un rôle important dans l'acquisition de compétences
langagières en français. Qu'est-ce qu'on pourrait faire de mieux, de plus dans
les cégeps anglophones? Nous avons déposé une proposition de donner trois
cours, non pas «de» français, là, «en» français dans les cégeps anglophones.
Pensons en dehors de la boîte. Est-ce que vous avez des idées en dehors de la
boîte, justement, comme on dit, pour permettre aux cégeps anglophones
d'intégrer plus la culture québécoise, soit anglophone et francophone?
M. Tremblay (Bernard) :
Bien, j'ai le goût de vous dire, vous savez, dans les cégeps anglophones, on
fait une semaine du français. Pourquoi on se limite à une semaine du français?
C'est souvent une question de moyens, hein, mais ils sont les premiers à nous
dire : Mais on pourrait faire des semaines du français à toutes les
semaines. Alors, on pourrait, encore une fois, utiliser les espaces de
diffusion, les salles de spectacles qu'on a dans tous nos cégeps pour déployer
des tournées, que ce soit de théâtre, de...
Mme David : Je vous
arrête, M. Tremblay, parce que vous êtes aussi verbal que moi.
Des voix: Ha, ha,
ha!
Mme David : Et puis
donc pourquoi pas des mesures structurantes? Je pense que savez ce que je veux
dire. On va aller dans le RREC, là, on va aller dans le Règlement sur le régime
d'études collégiales. Oui, vous allez me dire, c'est donc compliqué, mais vous
le dites dans votre mémoire, il va falloir le changer, «anyway», le régime,
pour l'offre en français, etc.
M. Tremblay (Bernard) :
Oui. En fait, je ne dis pas que le programme de formation est immuable, au
contraire, il doit évoluer, mais cette révision-là, vous le savez, vous avez
été ministre de l'Enseignement supérieur, c'est un exercice qui est exigeant,
qui doit se faire de façon concertée avec les parties prenantes, avec nos organisations
syndicales, parce que c'est lourd de conséquences, entre autres, au niveau de
l'organisation du travail. Ça peut se faire, mais là, de simplement... dans le
cadre d'un projet de loi sur la langue, de simplement traiter d'un aspect, à
notre avis, il y a un risque sur l'espèce d'équilibre. Vous savez, il n'y a pas
si longtemps, on a parlé d'un cours d'histoire au cégep, tout le monde était d'accord
sur le principe; quand on a voulu l'introduire, on a réalisé la complexité de
la chose.
Mme David : Je sais
que tout ça est compliqué, mais je pense que, de toute façon, pour changer
l'épreuve uniforme de français dans les collèges anglophones, on va le rouvrir,
le régime d'études collégiales. Donc, tant qu'à le rouvrir, ce que j'entends de
vous et ce que je pense qui va arriver, c'est un <vaste chantier...
M. Tremblay (Bernard) :
...cégep.
Tout le monde était
d'accord sur le principe. Quand on
a voulu l'introduire, on a réalisé la complexité de la chose.
Mme David : Je sais
que tout ça est compliqué, mais je pense que, de toute façon, pour changer
l'épreuve uniforme de français dans les collèges anglophones, on va le rouvrir
le régime d'études collégiales. Donc, tant qu'à le rouvrir, ce que j'entends de
vous et ce que je pense qui va arriver, c'est un >vaste chantier, un
vaste chantier que vous appelez aussi par rapport aux questions du ministre, un
vaste chantier, peut-être, sur le rôle des collèges privés, la question de
l'épreuve uniforme de français. L'admission pluriannuelle, je vais y revenir,
je trouve ça extrêmement intéressant.
Je veux aller sur une question qui, pour
le commun des mortels, va peut-être être un peu technique, je la trouve
superimportante, et vous êtes la seule... le seul groupe à l'aborder, les CCTT,
centres collégiaux de transfert de technologies. Le ministre de l'Économie est
très, très entiché de ça, avec raison. On en avait annoncé une dizaine de plus,
vous vous souvenez, en 2018. Alors, c'est très important. Maintenant, vous
dites... et, sincèrement, je n'avais pas allumé sur cette question-là, vous
dites : Attention, attention, on confond, ici, formation de la
main-d'oeuvre et formation continue. Je veux absolument vous entendre sur les
dangers de l'article qui traite de ça dans le p. l. n° 96
parce que vous avez peur de ne plus pouvoir donner de la formation de la
main-d'oeuvre — Dieu sait qu'on a besoin de formation — en
anglais pour des groupes particuliers parce que les CCTT travaillent avec des
entreprises.
M. Tremblay (Bernard) : Oui.
Alors, nos centres de recherche, donc les CCTT, effectivement, ont un mandat
qui est complémentaire au mandat des cégeps, hein, donc de recherche, mais
aussi d'accompagnement puis de soutien, donc, aux entreprises, surtout sur le
volet, effectivement, de la formation, et effectivement de la façon dont
l'article en question est rédigé, ça laisse une certaine ambiguïté. Et donc
nous, on pense qu'il faut s'assurer, évidemment, que nos CCTT qui, dans
certains cas, font de la recherche à l'international avec des partenaires
partout à travers le monde, dans certains cas, évidemment, en anglais parce que,
malheureusement, la recherche se fait beaucoup en anglais, bien, il faut encore
qu'ils aient cette capacité-là et il faut qu'ils aient la capacité de faire,
justement, leurs... de déployer leurs activités au Québec auprès des
entreprises sans... en fonction de leur... comment dire, de leur spécialité.
Alors, je pense que, sur ce volet-là, il y a une considération d'écriture de
l'article, là.
• (10 h 20) •
Mme David : D'écriture,
parce qu'il y a aussi des liens avec des universités qui soient au Québec ou en
dehors du Québec.
M. Tremblay (Bernard) :
Tout à fait.
Mme David : Ils ont droit
de postuler à des fonds de recherche avec, par exemple, soit une université
anglophone, francophone ou même de l'extérieur du Québec. Comme vous l'avez
bien dit, c'est l'enseignement supérieur. Là, on parle de recherche, on parle
de professeurs qui ont des doctorats, on parle de liens avec l'École
polytechnique, par exemple, qui donne... qui va même à l'École d'aérotechnique
— là, je fais un lien avec le cégep Édouard-Montpetit — mais des fois ça
peut... il peut y avoir des choses, des demandes de subvention, des
publications qui se font en anglais. Alors, je vais alerter le... je serai
vigilante sur cette question-là.
Une autre question que je vais être très
vigilante... et vous ne serez pas les seuls, il y a un groupe de consortium de
cégeps anglophones qui viennent cet après-midi parler du pluriannuel. Je trouve
ça très <important de...
Mme David : ...des
publications qui se font en anglais. Alors, je vais alerter le... je serai
vigilante sur cette question-là.
Une autre question que je vais être
très vigilante, et vous ne serez pas les seuls, il y a un groupe de consortium
de cégeps anglophones qui viennent cet après-midi parler du pluriannuel. Je
trouve ça très >important de pouvoir prévoir au moins trois ans d'avance,
quand on sait la complexité des admissions, quand on sait la complexité d'un
réseau d'enseignement comme le réseau collégial. Je voudrais que vous
insistiez, que vous élaboriez sur cette question.
M. Lambert (Sylvain) :
Bien, je peux la prendre, celle-là. Je pense que c'est absolument essentiel,
pour être dans un cégep... comme vous l'avez si bien souligné, la question de
l'admission, elle est extrêmement sensible et complexe. Et à partir du moment
où on dit, je ne sais pas : Les étudiants commencent à se comporter
autrement, décident de lâcher en plus grand nombre ou de rester en plus grand
nombre, on n'a plus de marge de manoeuvre. Alors, si on est trouvés fautifs
parce qu'une année x on se retrouve avec une population anglophone — là, je
pense aux cégeps anglophones — plus importante, bien, il faut donner le temps à
l'institution de se corriger, là, je pense que c'est assez essentiel. On est
dans de la mécanique, n'empêche que cette mécanique-là, elle est extrêmement
importante, là, pour assurer que c'est applicable, ne serait-ce que ça. Sinon,
on va se retrouver toujours en litige, à dire : Bien là, on a dépassé
cette année, puis avec des explications, puis ça va devenir complexe. Alors, je
pense que, si on se donne sur un certain nombre d'années, puis après ça, bien,
on peut corriger puis diminuer le nombre d'admissions, tout dépendant, là, de
la tangente que prend la courbe d'admissions.
Mme David : C'est
tellement évident que j'ose croire que notre ministre de la Langue française,
qui pilote le projet, va accepter cet amendement, parce que c'est impossible de
faire ça année après année. Là, vous seriez déjà rendus dans l'année prochaine
alors que vous n'avez même pas fini le décompte de la première année. Moi, je
le sais, c'est carrément mission impossible. Alors, je pense qu'il y a
peut-être une ministre de l'Enseignement supérieur qui devra lui parler. Il y
en a une ex, mais il y en a une actuelle, aussi, donc on se mettra ensemble
pour convaincre le ministre que c'est un amendement extrêmement important.
Maintenant, je vais revenir sur l'épreuve
uniforme de français. Là, moi-même, je pense que j'étais un peu mêlée. Vous
êtes sous l'impression, si j'ai bien compris, que l'étudiant francophone ou
allophone qui fréquente un cégep anglophone va avoir deux épreuves à passer.
Moi, je n'avais pas compris ça. J'avais compris que la francophone, que tu sois
à n'importe quel cégep anglophone, remplace l'anglophone, pas l'épreuve
d'anglais à la fin. Est-ce que je me trompe?
M. Tremblay (Bernard) :
Nous, c'est notre compréhension du projet de loi. Alors, c'est, je pense, aussi
pour ça qu'on est ici, pour clarifier si c'est une mauvaise compréhension. Mais
il reste quand même que, s'il y a, donc, une épreuve distincte dans les
collèges anglophones, distincte pour les étudiants francophones, allophones et
les étudiants anglophones, il y a... l'épreuve en elle-même, elle est...
comment dire, elle s'appuie quand même sur le programme de formation. Alors, il
y a...
Mme David : Ça, ça va, je
vais aller vers ça.
M. Tremblay (Bernard) : Parfait.
Mme David : Tout le monde
<le dit, sauf que...
M. Lambert (Sylvain) :
...anglophones, distincte pour les étudiants francophones, allophones et les
étudiants anglophones, il y a... l'épreuve en elle-même, elle est... comment
dire, elle s'appuie quand même sur le programme de formation. Alors, il y a...
Mme David : Ça, ça va,
je vais aller vers ça.
M. Tremblay (Bernard) :
Parfait.
Mme David : Tout le
monde >le dit, sauf qu'est-ce que vous pensez qu'ils vont être soumis à
deux épreuves uniformes?
M. Lambert (Sylvain) :
Oui.
Mme David : C'est votre
compréhension.
M. Lambert (Sylvain) :
Oui, c'est notre compréhension.
Mme David : Donc,
l'épreuve de... l'EUF, qu'on appelle communément, l'épreuve uniforme de français,
mais aussi l'épreuve d'anglais, donc, il faudrait qu'il ait suivi les cours qui
mènent à l'épreuve d'anglais puis les cours, quatre cours, on le dit, qui
mènent à l'épreuve de français. Moi, peut-être dans ma grande naïveté, j'avais
pensé qu'un remplaçait l'autre. Alors, vous soulevez quelque chose d'extrêmement
important.
Moi, je pense que l'esprit du projet de
loi, puis là le ministre me contredira si je me trompe, ce n'est pas de faire
passer l'épreuve uniforme d'anglais aux francophones et allophones, c'est de
faire passer seulement l'épreuve uniforme de français. Je suis convaincue que,
dans sa tête, il n'en passe pas, d'épreuve uniforme d'anglais. Ça serait
contradictoire avec tout l'esprit du projet de loi. Je peux me tromper, je peux
me tromper, mais, si c'est le cas, alors, deux épreuves, c'est quelque chose.
En plus, on revient à notre régime... le
Règlement sur le régime des études collégiales, ça veut dire qu'on change le
régime. C'est impossible d'avoir deux préparations extrêmement inégales :
cégeps francophones ultrapréparés, cégeps anglophones pas préparés, puis avec
deux épreuves en plus, selon votre lecture.
M. Tremblay (Bernard) :
Et deux conséquences possibles : dans certains cas, évidemment, ça aura un
impact sur le taux de réussite, mais, dans d'autres cas, moi, je serais inquiet
que ça puisse encore plus valoriser les cégeps anglophones. S'il y a deux
épreuves de langue, ça veut dire qu'il y a un superdiplôme; il y a un diplôme
francophone puis il y a un diplôme anglophone qui, lui, est un diplôme... un
superdiplôme, puisqu'il... d'une certaine façon, l'étudiant qui sort de ce
parcours-là, s'il est francophone, aurait une double compétence, là, vraiment
reconnue.
Mme David : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Ça complète l'échange.
Donc, nous allons maintenant du côté de la
députée de Mercier pour votre 2 min 50 s.
Mme Ghazal : Merci, Mme
la Présidente.
Merci, messieurs, pour votre présentation.
Le projet de loi amène le contingentement, là, dans les cégeps anglophones, et
ce que je comprends, c'est anglophones publics et subventionnés. Je comprends
que vous, vous êtes d'accord avec ça.
M. Lambert (Sylvain) :
Le contingentement?
Mme Ghazal : Oui.
M. Lambert (Sylvain) :
Oui, oui, on est d'accord pour qu'il y ait un contrôle, oui, du développement
de la population étudiante au sein des cégeps anglophones.
Mme Ghazal : Parfait. Je
voulais juste être sûre que vous le disiez. Et la recommandation n° 5,
ce que vous proposez... j'essaie juste de voir, dans le fond, si vous êtes d'accord.
C'est ce que le projet de loi propose, mais, dans la recommandation n° 5, vous dites qu'il faudrait les inclure aussi, faire le
contingentement dans les cégeps anglophones privés, mais c'est déjà le cas. Peut-être
que je ne la comprends pas.
M. Tremblay (Bernard) :
Oui, mais en fait c'est qu'on forme un tout. Quand on regarde, donc, les
collèges anglophones, on forme un tout, en tenant compte des collèges publics
et des collèges privés subventionnés. Et donc l'enjeu qui demeure, c'est la
répartition entre ces deux groupes-là à l'intérieur du tout. Alors, nous,
on dit : Bien, il faut privilégier le réseau public et il faut s'assurer
que le réseau privé <n'ait pas...
M. Tremblay (Bernard) :
...on regarde donc les collèges anglophones, on forme tout en tenant compte des
collèges publics et des collèges privés subventionnés. Et donc l'enjeu qui
demeure c'est la répartition entre ces deux groupes-là à l'intérieur du
tout. Alors, nous, on dit : Bien, il faut privilégier le réseau public et
il faut s'assurer que le réseau privé >n'ait pas une proportion plus
grande dans le futur que la proportion qu'il a présentement.
Mme Ghazal : O.K., O.K.,
je comprends, entre les deux. Et, par rapport aux collèges privés, privés
privés, là, c'est-à-dire non subventionnés, est-ce que vous considérez qu'ils
contribuent à l'anglicisation à Montréal, avec tout ce qu'on a entendu, les
étudiants étrangers?
M. Tremblay (Bernard) :
Bien, écoutez, c'est sûr que, quand on regarde la part des étudiants
internationaux au Québec dans les établissements d'enseignement, la très grande
majorité sont dans les universités. Dans le cas des cégeps, et ça me donne
l'occasion de le rappeler, dans le cas des cégeps publics, on parle de
85 % de ces étudiants-là qui sont en région et qui sont issus, donc, de
pays francophones en très, très grande majorité. Et donc on ne parle pas, ici,
là, de... on parle souvent des cégeps qui accueillent, donc, des étudiants
internationaux anglophones, c'est un petit nombre par rapport à l'ensemble des
étudiants qu'on retrouve dans le réseau public, c'est plutôt dans le réseau non
subventionné qu'on retrouve ces étudiants-là.
Mme Ghazal : Donc, vous
n'inclurez pas non plus le contingentement pour les non subventionnés.
M. Tremblay (Bernard) :
Bien, les non subventionnés, ils sont dans une autre logique, mais nous, on
appelle quand même à une réflexion globale en tenant compte de ce groupe-là.
Mais effectivement c'est un peu, je pense, dans notre angle mort, et je pense
qu'il faut le nommer.
Mme Ghazal : Puis, pour
l'épreuve uniforme de français, la FECQ était venue puis nous a dit que c'était
réactionnaire, qu'il ne fallait pas le faire, que ça contribuait peut-être à
l'échec. Vous, ce que vous dites dans votre recommandation, c'est plutôt qu'il
faut un chantier. Donc, vous trouvez que c'est quand même une bonne idée que
les francophones, allophones qui sont dans les cégeps anglais puissent avoir
une telle maîtrise — c'est une bonne idée? Ce n'est pas une bonne idée? — du
français?
M. Tremblay (Bernard) :
Non, non, c'est ça, nous, ce qu'on dit, c'est : On pense que, dans ce projet
de loi là, c'est peut-être prématuré, si on n'a pas fait le chantier en
question, de déjà déterminer que ce sera la mesure qu'on va appliquer.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange.
Donc, M. le député de Matane-Matapédia,
pour votre temps, vous aussi.
M. Bérubé : Merci,
Mme la Présidente.
Bienvenue en commission. Donc, je
comprends que votre organisation représente à la fois le collège anglophone
Dawson, qui compte 8 000 étudiants, et le cégep de Matane, dans ma
circonscription, qui en compte 800, c'est bien ça?
M. Tremblay (Bernard) :
Tout à fait.
• (10 h 30) •
M. Bérubé : Donc, ça
implique des arbitrages, hein, dans les positions.
Écoutez, vous vous désolez qu'il n'y ait
pas suffisamment d'appartenance à la société québécoise et au français, mais
votre organisation refuse d'en faire plus, c'est-à-dire refuse d'identifier que
la fréquentation du cégep en anglais contribue à cela.
Et j'ai quelques statistiques pour vous. Nous,
on est d'avis que la fréquentation des cégeps en anglais est étroitement liée à
l'anglicisation de la langue d'usage public, de la langue de travail, de la
langue de consommation culturelle : 4,4 % des allophones inscrits au
cégep anglais utilisent principalement le français à la maison, comparativement
à 35,1 % des allophones inscrits au cégep français; 72,9 % des
francophones inscrits <au cégep anglais utilisent...
>
10 h 30 (version révisée)
<991
M.
Bérubé
:
...anglicisation de la langue d'usage public, de la langue de travail, la
langue de consommation culturelle : 4,4 % des allophones inscrits au
cégep anglais utilisent
principalement le
français à la maison,
comparativement à 35,1 % des allophones inscrits au cégep
français;
72,9 % des
francophones inscrits >au cégep anglais utilisent
principalement le français à la maison, comparativement à 99 % de ceux
inscrits au cégep français.
Quand je vous livre ces chiffres-là et que
je soumets humblement que de poursuivre son cursus scolaire en anglais, ça a un
impact sur la socialisation, sur l'orientation professionnelle, sur la langue
d'usage, c'est n'est pas un enjeu qui vous touche? Vous préférez le libre choix
pour l'ensemble de vos membres, quels qu'ils soient?
M. Tremblay (Bernard) :
On aurait... comment dire, on a clairement affirmé notre préoccupation pour la
vitalité du français. On est clairement sensibles, évidemment, à des chiffres
comme ceux-là, qui, bon, évidemment, pourraient être questionnés. Mais au-delà
de ça, la conviction que nous avons, c'est que, quand on arrive avec des jeunes
adultes et qu'ils ont ce souhait-là, travaillons plutôt pour leur montrer l'importance,
évidemment, du français et travaillons surtout pour qu'ils ne se sentent pas
obligés d'apprendre l'anglais pour travailler. Alors, si l'enjeu, c'est le
milieu de travail, bien, agissons sur le milieu de travail. Si l'enjeu, c'est
qu'à l'université, même à l'UQAM, tu dois... tu as des livres de référence qui
sont en anglais, bien, travaillons là-dessus.
M.
Bérubé
:
On est en profond désaccord, parce que ce n'est pas à l'État québécois, qui
vous finance, à subventionner l'assimilation québécoise. Et ça, je sais que
vous le comprenez, mais je sais qui vous représentez, et vous ne pourriez pas
arriver avec une proposition autre. Alors, vous avez une responsabilité,
lorsque vous êtes financé par le public, de s'assurer d'une cohérence, et les
chiffres que je vous soumets indiquent clairement que ça contribue à une
socialisation.
Je vous soumets d'autres chiffres : depuis
1995, la part des étudiants collégiaux qui fréquentent les cégeps en anglais et
leurs pendants privés subventionnés, c'est passé de 14,9 % à 19 %,
progression du quart. Alors, quand le ministre propose de contingenter, ce
n'est pas suffisant. Vous vous réjouissez de cette modération, mais ce n'est
pas suffisant pour renverser le déclin. Alors, je vous soumets ça bien humblement,
il me semble que... je n'avais pas énormément d'attentes, compte tenu des
arbitrages que vous avez à faire, mais vous passez complètement à côté.
M. Tremblay (Bernard) :
Bien, moi, je me permettrai aussi de vous soumettre humblement le fait que...
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois mettre fin à l'échange, malheureusement, désolée. Donc, merci pour
votre passage en commission parlementaire.
Nous allons suspendre quelques instants
pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 32)
(Reprise à 10 h 37)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons poursuivre nos travaux.
Et nous recevons ce matin le
Pr Daniel Turp, qui est professeur émérite à l'Université de Montréal,
mais qui est aussi l'ancien député de Mercier, avec qui j'ai eu le plaisir de
siéger au tout début de mon arrivée ici. Donc, bienvenue à l'Assemblée
nationale. On a deux députés de Mercier; la semaine passée, c'était deux
députés de Chapleau, deux professeurs qui viennent parler avec nous, également,
du projet de loi. Donc, ça fait toujours plaisir de voir des anciens collègues
participer à la vie démocratique encore en exprimant des opinions. Donc,
bienvenue à l'Assemblée, ex-collègue. La parole est à vous. Vous avez
10 minutes pour faire votre exposé et vous savez que, comme présidente, je
vais tenir le temps, comme vous le faisiez à l'époque où vous étiez là.
M. Daniel Turp
M. Turp (Daniel) : Je
compte sur vous, Mme la Présidente, pour m'arrêter quand il faudra m'arrêter,
et je sais qu'il y aura des questions, des échanges qui permettront d'aller un
peu plus loin. J'ai déposé un mémoire il y a quelques heures et que vous aurez peut-être
l'occasion de voir ou que vous avez déjà vu.
Mmes et MM. les membres de la Commission
de la culture et de l'éducation, j'aimerais d'abord saluer votre présidente, la
députée d'Anjou—Louis-Riel, avec laquelle j'ai eu le plaisir de siéger pendant
plusieurs années en cette Assemblée nationale, et que je félicite d'avoir été,
et qui sera, jusqu'à la dissolution de la présente législature, si j'ai bien
compris, et pour reprendre le serment qu'elle a prononcé en conformité avec la
Loi sur l'Assemblée nationale, comme vous et moi l'avons fait à quelques
reprises, loyale envers le peuple du Québec, et qui a exercé, exercera pour une
année encore, moins quelques jours, ses fonctions avec, et je cite encore cette
Loi de l'Assemblée nationale, «avec honnêteté et justice dans le <respect...
M. Turp (Daniel) : ...
l'avons
fait à quelques reprises, loyale envers le peuple du Québec et qui a exercé,
exercera pour une année encore, moins quelques jours, ses fonctions avec, et je
cite encore cette Loi de l'Assemblée nationale, «avec honnêteté et justice dans
le >respect de la constitution du Québec». Et c'est donc de cette
constitution du Québec dont j'aimerais vous parler aujourd'hui, en commentant
l'article 159 du projet de loi sur la langue officielle et commune, le
français, le projet de loi n° 96, qui fait l'objet des présentes
consultations particulières.
• (10 h 40) •
Je vais présenter les observations sur la
validité constitutionnelle de l'enchâssement du statut de nation québécoise,
dont la Loi constitutionnelle, en premier lieu, et je me pencherai ensuite sur
la portée concrète d'un tel enchâssement. Et, si le temps me le permet, en
conclusion, je proposerai quelques ajouts à cet article 159, suggérer que
le temps est venu de légiférer pour que le français devienne la langue normale
et habituelle de l'enseignement collégial, et arguerai enfin pour que les
langues autochtones soient reconnues comme les langues premières du Québec.
Alors, j'espère que j'aurai le temps de passer à ces trois dernières questions.
Si ce n'est pas le cas, bien, vous aurez l'occasion, peut-être, de poser des
questions à ce sujet-là.
Mais sur la validité constitutionnelle de
l'enchâssement du statut de nation québécoise dans la Loi constitutionnelle de
1867, cette question fait, vous le constatez, l'objet de vifs débats. J'ai
rendu publique, ce matin, une note de recherche de l'IRAI, de l'institut de
recherche sur l'autodétermination du Québec, les indépendances nationales, où
je fais, avec Maxime Laporte, une étude vraiment très poussée de cette question
de la validité constitutionnelle de cet enchâssement du statut de nation
québécoise et du statut de langue officielle et commune du français au Québec,
et il y a un certain nombre de questions auxquelles nous répondons, s'agissant
de cette validité.
Mais il y a une question que je veux
aborder particulièrement avec vous, qui est celle où on doit se poser la
question s'il y a des limites à amender la constitution provinciale, qui est
incluse dans le chapitre V de la Loi constitutionnelle de 1867. C'est une
question qui a été abordée dans une grande décision de la Cour suprême du
Canada, dans l'affaire SEFPO et Ontario, Procureur général, où on a exprimé un
certain nombre de limites. On a rappelé qu'on ne peut pas modifier la charge de
lieutenant-gouverneur. On a laissé entendre qu'on ne pouvait pas non plus
modifier des articles relatifs à l'usage du français ou de l'anglais dans une
province, et c'est cette dernière question là qui fait l'objet, vraiment, de
débats. Et à ce sujet-là, ma position, en ce qui me concerne, veut que les
deux articles, 90Q.1, 90Q.2, n'affecteront pas l'article 133 <de
la Loi constitutionnelle de 1867...
M. Turp (Daniel) : ...
là
qui fait l'objet vraiment de débats. Et, à ce sujet-là, ma position, en ce qui
me concerne, veut que les deux articles, 90 Q.1, 90 Q.2, n'affecteront pas
l'article 133 >de la Loi constitutionnelle de 1867 et ne porteront
pas atteinte à la constitutionnalité de ces articles.
À mon avis, on ne pourrait pas conclure
dans ce sens, même quand on lit l'affaire Procureur général du Québec c.
Blaikie, parce que le projet de loi n° 96 a été conçu comme ne portant pas
atteinte à l'article 133, et donc on ne peut pas prétendre que ces deux
déclarations qu'on retrouverait dans les articles 90Q.1, 90Q.2 portent atteinte
à l'article 133. Le ministre, de toute évidence, a voulu préserver l'intégrité
de l'article 33... 133 en présentant les dispositions du projet de loi n° 96.
Il y a une autre limite qui a été énoncée
par la Cour suprême dans l'affaire SEFPO, c'est celui qu'on ne pourrait pas
faire des bouleversements constitutionnels majeurs en adoptant des modifications
à la constitution provinciale du Québec. On ne pourrait pas, par exemple,
introduire des institutions politiques étrangères et incompatibles avec le système
canadien, nous dit la Cour suprême.
Mais là, et, encore une fois, avec égard
pour l'opinion contraire, puis il y en a eu, écoutez, les dispositions portant
sur la nation québécoise et la langue française ne créent pas des
bouleversements majeurs et ne créent pas de bouleversements majeurs parce que
la Chambre des communes du Canada a elle-même reconnu l'existence de la nation
québécoise dans une motion. Et la Chambre des communes a récemment, à
l'instigation du Bloc québécois, reconnu, je vous le rappelle, à 281 voix
contre deux, une motion convenant que l'article 45 confère au Québec et
aux provinces la compétence de modifier sa constitution, dans le cas du Québec,
et d'y inclure que les Québécois forment une nation, que le français est la
seule langue officielle du Québec et qu'il est aussi la langue commune de la
nation québécoise, reprenant en cela le libellé même des articles 90Q.1 et Q.2
qu'on veut inclure dans la Loi constitutionnelle de 1867. Alors donc, on peut
difficilement prétendre que c'est des bouleversements majeurs, quand à la
Chambre des communes elle-même, on a reconnu l'existence de la nation
québécoise et qu'on a reconnu le français comme étant la seule langue
officielle du Québec.
Mais là après la validité, l'importance, c'est
d'essayer de voir qu'elle est la portée concrète du statut de nation québécoise
dans la Loi constitutionnelle de 1867. Je vous en dis quelques mots, vous
pourrez lire tout ce que je dis dans les arguments dans mon mémoire. Mais à mon
avis, et contrairement, par exemple, à Benoît Pelletier, mon collègue, l'ancien
député de Chapleau, moi, je ne crois pas que ça a des effets <seulement...
M. Turp (Daniel) : ...
la
Loi constitutionnelle de 1867. Je vous en dis quelques mots, vous pourrez lire
tout ce que je dis dans les arguments dans mon mémoire. Mais à mon avis, et
contrairement par exemple à Benoît Pelletier, mon collègue l'ancien député de Chapleau,
moi, je ne crois pas que ça a des effets >seulement symboliques. En tout
cas, je ne sais pas ce que Benoît vous a dit, mais il a écrit qu'il croyait
qu'il s'agissait essentiellement des effets symboliques. Moi, je crois, et on
pourra en discuter davantage, que ces deux articles-là vont avoir une
suprématie législative. Quand on lit ensemble, tu sais, l'article 52,
l'annexe, la Loi constitutionnelle de 1867 faisant partie de cette annexe, il
est évident que ces deux nouveaux articles vont avoir une suprématie
législative et que, donc, on pourra, sur la base de ces articles, même déclarer
inopérantes des règles de droit qui sont contraires au statut de nation
québécoise ou qui sont contraires à l'idée que le Québec... ou que la langue
française est la langue officielle et commune du Québec.
Et, ce n'est pas rien, si cette
interprétation est retenue, je pense qu'elle est bonne, parce que, par exemple,
et ce serait, à mon avis, la chose la plus majeure que constitueraient ces deux
modifications constitutionnelles, bien, on ne pourrait pas... on ne pourrait
plus vouloir que le Québec soit une province bilingue, on ne pourrait plus
faire en sorte qu'une des langues officielles du Québec serait l'anglais, et
là, pour l'avenir, ça nous protège contre les gouvernements ou des Parlements
qui voudraient bilinguiser le Québec, parce que, si l'on faisait cela, ce
serait inconstitutionnel, ce serait contraire à un article de la Loi
constitutionnelle de 1867 qui enchâsse et qui donne une suprématie législative
à cet article-là.
Il y a d'autres effets très concrets.
D'ailleurs, M. le ministre, vous avez dit, vous, que vous croyez que ça
avait des effets concrets, que ce n'est pas seulement symbolique, je le crois
aussi, parce que, lorsqu'il s'agira d'interpréter le partage des compétences
législatives, lorsqu'il s'agira d'interpréter le contenu, par exemple, des
droits et libertés de la Charte canadienne, lorsqu'il s'agira d'appliquer la
clause de limitation de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et
libertés, les deux articles, 90Q.1 et 90Q.2, pourront jouer un rôle
significatif dans l'interprétation du contenu des lois constitutionnelles et
l'interprétation ou l'application de la clause de limitation de
l'article premier de la Charte canadienne.
Alors, en conclusion, puisqu'il me reste une minute,
Mme la Présidente, je suggère de faire quelques ajouts, M. le
ministre, MM. et Mmes les députés. Moi, j'aimerais bien qu'on réfère au droit à
l'autodétermination du Québec dans un article 90Q.1, paragraphe deux. Je
pense qu'il serait utile, comme l'a suggéré Guillaume Rousseau, d'ajouter un
article 80Q.3 qui affirme le fait que le Québec, que l'État du Québec est
laïque. Et pourquoi ne pas enchâsser dans la Constitution du Canada le fait que
Québec soit la capitale nationale du Québec puisqu'on y parlera de la nation
québécoise?
J'ai un <développement...
M. Turp (Daniel) : ...
comme
l'a suggéré Guillaume Rousseau, d'ajouter un article 80Q.3 qui affirme le
fait que le Québec, que l'État du Québec est laïque, et pourquoi ne pas
enchâsser dans la Constitution du Canada le fait que Québec soit la capitale
nationale du Québec puisqu'on y parlera de la nation québécoise.
J'ai un >développement sur les
collèges. Je répondrai volontiers à vos questions là-dessus, mais je me permets
de terminer... on parle beaucoup, et avec raison, de la situation des nations
autochtones, et je crois que le Québec est mûr pour dire qu'au Québec il y a la
langue officielle et commune qui est le français, mais qu'on devrait
reconnaitre l'importance des langues autochtones et les qualifier de langues
premières. Et je crois que ça a été une proposition qui a été faite à Ottawa
qu'on n'a pas retenue, un jour, et on devrait la retenir ici, au Québec.
Alors, je suis très content d'avoir été
là, Mme la Présidente, dans la salle Pauline-Marois, qui, un jour, quand elle
était cheffe, m'a même permis de déposer, dans cette Assemblée, un projet de
constitution québécoise, le projet de loi n° 196, en 2007, parce que je
rêve toujours du jour où le Québec aura sa propre constitution. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Merci, M. Turp.
Donc, sans plus tarder, M. le ministre, la
parole est à vous.
M. Jolin-Barrette :
Merci, Mme la Présidente. Pr Turp, bonjour. Merci d'être présent en
commission parlementaire.
Écoutez, quelques questions un petit peu
plus techniques pour commencer, parce qu'on a eu quelques constitutionnalistes
qui sont venus, avant vous, témoigner, et du même avis que vous. Il y a le
Pr Taillon, de l'Université Laval, le Pr Rousseau, de l'Université de
Sherbrooke, le Pr Pelletier, également de l'Université d'Ottawa, qui sont
d'accord avec le fait qu'il est permis, il est légal de modifier la constitution
du Québec en vertu de la formule d'amendement qui est prévue à
l'article 45 de Loi constitutionnelle de 1982, mais qui se retrouvait à
l'article 91, je crois, de la Loi constitutionnelle de 1867. Donc, à
l'époque, c'était permis, dès le départ, dès 1867, de modifier la constitution
du Québec.
Le Pr Leclair, la semaine dernière,
qui était de l'Université de Montréal, pour lui, ce n'est pas possible de faire
ça, puis tout ça, mais je comprends que le courant majoritaire des
constitutionnalistes au Québec, c'est le fait de dire que c'est possible de
procéder de la façon dont nous procédons. Et même Justice Canada, par le biais
du ministre de la Justice fédéral Lametti, a reconnu ça. Donc, vous êtes
d'accord avec moi que c'est légal et c'est permis de fonctionner de la façon
dont on fonctionne.
• (10 h 50) •
M. Turp (Daniel) : Tout à
fait. J'ai lu les objections de mon collègue Jean Leclair, là — était-il votre
professeur? Moi, je ne l'ai pas été, je n'ai pas eu le plaisir d'avoir été
votre professeur à l'Université de Montréal — ce n'est pas très convaincant. Et
même André Binette, hein, vous avez vu, vous l'avez entendu, même
André Binette... je n'ai pas très bien compris, parce que c'est tellement
évident qu'on peut modifier cette constitution provinciale que... Il y a aussi
Maxime St-Hilaire, mon collègue de l'Université de Sherbrooke, qui a fait une
argumentation de nature un peu textuelle. Mais, si le ministre de la Justice
d'Ottawa et le premier ministre Trudeau affirment que cela est possible, on
devrait <les croire.
M. Jolin-Barrette :
O.K. Juste pratico-pratique, là, la formule d'amendement, 41, 42, 43, 44...
M. Turp (Daniel) : ...
fait
une argumentation de nature un peu textuelle. Mais si le ministre de la Justice
d'Ottawa et le premier ministre Trudeau affirment que cela est possible, on
devrait >les croire.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Juste pratico-pratique, là, la formule d'amendement, 41, 42, 43, 44, 45 dans la
Loi constitutionnelle de 1982, lorsque le législateur fédéral, le constituant
fédéral décide de faire ça en 1982, il vient mettre concrètement une disposition
qui vient dire : Les provinces peuvent modifier leur constitution. Donc,
généralement, en droit, là, lorsque le législateur ou le constituant écrit
quelque chose, on se fie au texte. La base première pour interpréter un texte,
pour dire ce qu'il est possible de faire ou non, dans notre droit, c'est ce qui
est écrit, ce n'est pas ce que les professeurs d'université, par la suite,
viennent dire : Ah! bien, cette formule-là, elle est écrite, mais ce n'est
pas ça qu'il faut regarder, il faut regarder tout le reste. La base première en
droit, normalement, c'est le texte écrit.
M. Turp (Daniel) : Bien
sûr, puis c'est son interprétation. Les publicistes ont le droit de contribuer
à l'interprétation d'un texte. Mais, dans ce cas-ci, vraiment, je voudrais
essayer de comprendre et d'être convaincu par l'argumentation des collègues qui
laissent entendre qu'on ne peut pas vraiment ajouter ce que vous voulez
ajouter, mais je ne suis pas convaincu du tout, parce qu'il y a cette
combinaison de la lecture de l'article 52, le paragraphe 2, là, tu sais, qui
dit que la Loi constitutionnelle de 1867 fait partie de la Constitution du
Canada, cette Constitution du Canada permet aux provinces de modifier leurs
propres constitutions, et la constitution provinciale du Québec est dans le
chapitre V de la Loi constitutionnelle de 1867.
Donc, on peut modifier, on peut changer,
on peut le faire de façon implicite, comme on l'a fait pour le Conseil
législatif et le nom de cette Assemblée, et on peut le faire de façon
explicite. C'est ça, peut-être, qui dérange, là, parce que c'est la première
fois qu'on le fait de façon explicite et qu'on invoque ce pouvoir de l'article
45 pour ajouter quelque chose dans notre propre constitution, qui est dans la
Constitution du Canada.
M. Jolin-Barrette : Et
vous avez commencé votre allocution en faisant référence à la députée
d'Anjou—Louis-Riel, qui a prêté son serment, et que nous avons prêté, et qui
fait référence à la constitution du Québec. Et donc la constitution du Québec,
elle existe en soi, actuellement. Elle n'est pas écrite, elle n'est pas
regroupée dans un... elle n'est pas codifiée dans... qu'un seul document, mais
il y a une partie de la constitution du Québec qui existe. Elle se retrouve en
partie dans la Loi constitutionnelle de 1867, mais elle se retrouve aussi dans
les lois de l'Assemblée nationale. Donc, vous, ce que vous proposez, c'est de
mettre tout ça ensemble, de se doter d'une constitution. Et même cette
constitution-là pourrait être inscrite dans la Loi constitutionnelle de 1867
par le biais de l'article 45 et se retrouver aux articles 90 et suivants.
M. Turp (Daniel) : Oui, on
pourrait faire ce choix-là. Peut-être ce n'est pas le choix que je ferais, moi,
de vraiment, tu sais, importer ou exporter une loi de l'Assemblée nationale qui
s'appellerait constitution québécoise dans la Loi constitutionnelle de 1867,
d'autant qu'il y a <d'autres...
M. Jolin-Barrette :
...
la Loi constitutionnelle de 1867 par le biais de l'article 45 et se
retrouver aux articles 90 et suivants.
M. Turp (Daniel) : Oui,
on pourrait faire ce choix-là. Peut-être ce n'est pas le choix que je ferais,
moi, de vraiment, tu sais, importer ou exporter une loi de l'Assemblée
nationale qui s'appellerait constitution québécoise dans la Loi
constitutionnelle de 1867, d'autant qu'il y a >d'autres lois
constitutionnelles canadiennes, là, mais on pourrait, en principe, le faire.
Et, vous savez, juste une petite anecdote
amusante, dans la Loi sur l'Assemblée nationale, l'annexe, le serment qu'on a
fait mentionne la constitution du Québec avec un petit c minuscule. Puis un
jour il y a un citoyen qui a fait une demande d'accès à l'information puis il
voulait voir la constitution du Québec, et la Commission d'accès à
l'information a dû lui trouver une réponse puis elle lui a dit : Écoutez,
la constitution du Québec à laquelle il est fait référence dans la Loi sur l'Assemblée
nationale, c'est la constitution matérielle du Québec.
Et, comme vous l'avez dit, M. le ministre,
c'est des dispositions de certaines lois qui sont de nature constitutionnelle,
comme notre Charte des droits et libertés, qui est même quasi
constitutionnelle, la Loi sur la laïcité de l'État, maintenant, qui est quasi
constitutionnelle, la Charte de la langue française, qui sera quasi
constitutionnelle, si vous adoptez le projet de loi n° 96, mais des règles
de common law, des conventions constitutionnelles et ce qui est dans la
partie V de la Loi constitutionnelle de 1867 qui concerne le Québec. Tout
ça, c'est la constitution, avec un petit c minuscule, matérielle du Québec.
Moi, je voudrais qu'on ait une constitution formelle.
M. Jolin-Barrette :
O.K., c'est bien noté. Je fais un petit détour, avant de revenir à
l'article 159 de la loi, par les dispositions de souveraineté
parlementaire ou les dispositions dites de dérogation que nous utilisons dans
le projet de loi n° 96. Quelle est votre opinion sur le fait que le
législateur québécois met dans le projet de loi n° 96 des dispositions de
souveraineté parlementaire?
M. Turp (Daniel) : Moi,
je suis d'accord, parce que c'est un exercice de souveraineté parlementaire qui
a comme but, à la lumière de l'histoire, de l'histoire, aussi, judiciaire du
Canada et où la Cour suprême du Canada a vraiment décidé de mettre à l'écart ce
que l'on considère comme étant des droits collectifs de la nation québécoise,
de décider des choses comme faire du français la langue officielle et commune
du Québec ou choisir que le Québec soit un État laïque.
La souveraineté parlementaire, finalement,
donne le dernier mot, vous donne le dernier mot, donne le dernier mot à ce
Parlement, et inclure une clause de dérogation, comme cela est permis, qui est
presque une condition d'existence de la fédération telle qu'elle a été
repensée, reconçue en 1982, c'est un exercice tout à fait légitime. Et, moi, ce
qui me fait toujours peur lorsqu'on ne met pas de clause de dérogation, c'est
la façon dont neuf juges de la Cour suprême, dont six qui ne sont pas du
Québec, vont décider autre chose et des choses très différentes de ce que
voulait décider notre Assemblée nationale.
M. Jolin-Barrette : Et,
lorsque vous faites référence à notre Assemblée nationale, pour bien traduire
vos <propos...
M. Turp (Daniel) : ...
lorsqu'on
ne met pas de clause de dérogation, c'est la façon dont neuf juges de la Cour
suprême, dont six qui ne sont pas du Québec, vont décider autre chose et des
choses très différentes de ce que voulait décider notre Assemblée nationale.
M. Jolin-Barrette :
Et lorsque vous faites référence à notre Assemblée nationale, pour bien
traduire vos >propos, quelle est l'importance, dans certains dossiers
fondamentaux pour la nation québécoise, qu'il revienne aux élus de la nation
qui ont été élus par des élections, qui ont une légitimité démocratique de
décider quels seront les paramètres relatifs à la nation québécoise?
M. Turp (Daniel) :
Écoutez, je crois que notre Assemblée nationale est formée dans le temps par un
certain nombre de députés, d'un parti, de plusieurs partis qui peuvent ensemble
décider d'exercer leur souveraineté parlementaire. Et, si on décide que cette
souveraineté n'a pas été exercée de façon correcte, légitime, il y a une autre
élection, il y a quelque chose qui va permettre à un peuple de sanctionner un
Parlement qui aura peut-être, selon certains, abusé de son utilisation du
pouvoir de dérogation qui est inscrit dans notre constitution. Moi, je ne suis
pas gêné de l'idée d'utiliser la clause de dérogation quand il s'agit d'assurer
un équilibre entre les droits collectifs de la nation québécoise et les droits
individuels des citoyens et citoyennes du Québec.
M. Jolin-Barrette : ...
cette question-là, pour vous, ça existe, les droits collectifs?
M. Turp (Daniel) : Bien
sûr. Mais, au premier chef, le droit du peuple québécois à disposer de lui-même,
enchâssé dans l'article premier dans la Loi sur l'exercice des droits
fondamentaux et des prérogatives
du peuple québécois et de l'État du Québec, que j'aimerais,
d'ailleurs, inclure dans votre article 159.
M. Jolin-Barrette :
Pourquoi est-ce qu'on reçoit beaucoup de critiques ou pourquoi il y a beaucoup
de gens, notamment dans le milieu juridique, qui disent... qui nient
l'existence des droits collectifs de la nation québécoise? Pourquoi ce ne sont
que les droits individuels qui sont valorisés dans notre système judiciaire,
dans notre système politique depuis 1982?
• (11 heures) •
M. Turp (Daniel) : Je
pense que... on est à une ère de prérogative des droits individuels. On semble
ne jurer que par les droits individuels, alors que, vous savez, quand on a des
débats sur le droit à l'autodétermination, on dit que ce droit est tellement
important parce que c'est par ce droit collectif qu'on va assurer le respect
des droits individuels. Si on ne respecte pas les peuples, on ne peut pas
respecter les individus qui appartiennent à ces peuples.
Mais, non, ce n'est pas à la mode de...
les droits collectifs. Les droits individuels le sont, mais c'est tellement
complémentaire. Et moi, je trouve, là — vous avez eu des débats là-dessus — qu'une
nation qui exerce son droit collectif ne sera fière d'elle-même que si elle
respecte, par ailleurs, les droits individuels ou les droits collectifs des
minorités, de la minorité nationale anglophone au Québec et des nations
autochtones <du Québec. Et je crois que, là-dessus, même...
>
11 h (version révisée)
< M. Turp (Daniel) :
...qu'une nation qui exerce son droit collectif ne sera fière d'elle-même que
si elle respecte, par ailleurs, les droits individuels ou les droits collectifs
des minorités, de la minorité nationale
anglophone au
Québec et
des nations
autochtones >du Québec. Et je crois que, là-dessus,
même si le Québec n'a pas un dossier parfait, le Québec est quand même un exemple
au monde de respect des droits des minorités et même des droits collectifs des
nations autochtones, bien qu'on pourrait en faire bien davantage pour respecter
de tels droits.
M. Jolin-Barrette : Et,
en termes de droit international, là, est-ce qu'on considère que, dans d'autres
États... parce qu'on parle beaucoup du Québec, puis les droits de la nation québécoise,
puis parfois c'est contesté, par rapport aux droits individuels, mais, dans les
autres États dans le monde, est-ce que les nations sont titulaires de droits
collectifs? Comment ça s'opérationnalise dans les autres États? Il y a-tu juste
au Québec où c'est contesté? Est-ce qu'il y a d'autres États dans le monde qui
affirment les droits collectifs de leurs nations respectives?
M. Turp (Daniel) : C'est
une bonne question. On y répond, Maxime Laporte et moi, on a fait une étude,
vous allez voir, il y a même une archéologie juridique de la nation québécoise
et du peuple québécois. On est allés examiner, dans toutes les dispositions législatives
adoptées depuis la Conquête, les références aux mots «peuple québécois» et aux
mots «nation québécoise», mais il y a un chapitre, aussi, qui porte sur la reconnaissance
des nations et peuples en droit constitutionnel comparé, et on a constaté qu'il
y a un certain nombre de constitutions nationales qui reconnaissent des
nations, qui reconnaissent des peuples, qui reconnaissent des droits collectifs
à des peuples. Ce n'est pas aussi important qu'on le croyait en termes de
reconnaissance, mais il y en a.
Et là le débat, c'est de mettre un droit
collectif dans la Constitution du Canada, parce que, même si on n'ajoutait pas
la disposition sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes... la nation
québécoise a le droit ou est titulaire du droit à disposer d'elle-même, je
pense que la référence à la nation dans 90Q.1 comporte implicitement la
question du fait que le Québec est titulaire de son droit à disposer de
lui-même, qu'il s'est battu pour faire reconnaître, que lui a reconnu la Cour
suprême du Canada dans son Renvoi sur la sécession. Et je vous rappelle aussi
que, récemment, le 9 avril 2021, la Cour d'appel du Québec a consacré la validité
constitutionnelle du droit du peuple québécois à disposer de lui-même, ce qui
est vraiment quelque chose d'assez important.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une dernière question avant de céder la parole, rapidement. Je reviens à
l'article 159 du projet de loi, avec les dispositions de 90Q.1, 90Q.2. Donc,
pour vous, ça va avoir de véritables effets juridiques, ces dispositions-là, le
fait de les inscrire dans la Constitution.
M. Turp (Daniel) : Tout à
fait, et des effets importants. Et je crois que c'est vrai que c'est les
tribunaux qui vont décider des effets qui vont leur être donnés, mais n'oubliez
pas qu'avant les tribunaux il y a le Parlement puis il y a le gouvernement qui
va vouloir donner des effets. Et un jour, si on <conteste...
M. Turp (Daniel) : ...
tout
à fait, et des effets
importants. Et je crois que c'est vrai que c'est
les tribunaux qui vont décider des effets qui vont leur être donnés, mais
n'oubliez pas qu'avant les tribunaux il y a le Parlement puis il y a le gouvernement
qui va vouloir donner des effets. Et un jour, si on >conteste ces
dispositions-là, bien là, les tribunaux vont trancher. Mais un tribunal qui
veut respecter la Constitution, tel qu'elle sera amendée, devra donner des
effets à ces dispositions-là. C'est des déclarations, des dispositions
déclaratoires qui vont avoir une importance majeure et un effet sur la Constitution
du Canada.
C'est pour cela qu'en définitive j'appuie
ce projet, parce qu'il va nous amener ailleurs, il va nous faire avancer au
plan constitutionnel, pas avancer là où je veux nécessairement, parce que moi,
je suis encore un indépendantiste qui veut une constitution québécoise d'un
État indépendant un jour, mais je crois que ce projet de loi fait avancer de
façon significative le Québec.
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie pour votre présence en commission parlementaire. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci.
Donc, pour le prochain intervenant, ce
sera le député de Sainte-Rose, et vous avez aussi deux minutes avant la
fin de l'échange.
M. Skeete : Merci, Mme la
Présidente.
Bienvenue. Mes questions vont être assez
brèves et en succession. Je reçois beaucoup de feed-back de la communauté
d'expression anglaise, pour laquelle je suis le porte-parole pour le
gouvernement du Québec, et j'aimerais vous entendre... vous avez parlé un peu,
dans votre introduction, pour dire que la section 133 s'applique toujours, et
donc il n'y a pas de droits, là, qui sont perdus pour la communauté,
l'historique de la communauté anglaise. J'aimerais vous entendre un peu plus
sur la manière que le projet de loi n° 96 va avoir un impact sur, mettons,
la façon qu'on donne les soins de santé aux anglophones ou l'accès à la justice
des anglophones, tel que c'est écrit, actuellement.
M. Turp (Daniel) : Bien,
écoutez, l'article 133, il faut bien le lire, là, c'est la langue de la
législation et de la justice et la langue devant les tribunaux. Le projet de
loi, lorsqu'il s'agit de la langue de la législation et de la justice, la
langue devant les tribunaux, est tout à fait conforme à l'article 133. On ne
porte pas atteinte à cet article-là. Il ne peut pas être lu, le projet de loi,
comme portant atteinte à l'article 133.
Sur les autres droits des personnes
appartenant à la communauté d'expression anglaise du Québec, comme la Charte de
la langue française les désigne, d'ailleurs, dans le préambule, bien là, c'est
une question, aussi, d'interprétation de la portée des nouvelles dispositions
de la loi. Moi, je les ai lus et je ne crois pas que ça porte atteinte aux
droits de la communauté anglophone. Je crois que ça consacre des droits qui
existaient et ça, peut-être, change un peu la donne lorsqu'il s'agit des droits
des personnes qui ne sont pas de la minorité historique anglophone du Québec.
Ça, je pense que c'est vrai, je pense que <c'est un...
M. Turp (Daniel) : ...
droits
qui existaient et ça, peut-être, change un peu la donne lorsqu'il s'agit des
droits des personnes qui ne sont pas de la minorité historique anglophone du
Québec. Ça, je pense que c'est vrai, je pense que >c'est un objectif du projet
de loi.
La Présidente (Mme Thériault) :
...fin à l'échange, malheureusement. Deux minutes, c'est très rapide.
Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
vous avez sept minutes... 11 min 20 s, pardon.
Mme David : O.K. Merci
beaucoup. Pr Turp, cher collègue de la même université...
M. Turp (Daniel) : Mme la
vice-rectrice.
Mme David : Oui, j'ai
l'impression que... je me sens dans un colloque de constitutionnalistes ou dans
deux équipes de hockey. Dans une équipe, il y a vous, Pr Rousseau — tous
des professeurs — Pr Taillon, Pr Pelletier. Dans l'autre — mais
le hockey, c'est plus que quatre, hein, c'est six, mais ce n'est pas grave, une
petite équipe de hockey, quatre d'un bord puis quatre de l'autre — alors,
Pr St-Hilaire, que vous avez critiqué, Pr Leclair, Pr Binette
puis Pr Cyr, qui s'en vient cet après-midi...
M. Turp (Daniel) : Oui, c'est
vrai.
Mme David : ...vous
l'avez oublié. Donc, pour moi, ça fait quatre contre quatre, donc a deux belles
équipes de constitutionnalistes, comme dans un colloque, d'ailleurs. Si on
pense que la politique est rude, des fois, dans les échanges, il faudrait
qu'ils aillent voir des colloques, justement, d'intellectuels, qu'ils soient
constitutionnalistes ou psychanalystes, comme j'étais, ou d'autres, ça peut
frapper très fort. Et donc moi, je ne vois pas de majorité d'un bord ou de
l'autre, je vois des visions différentes, et c'est normal, et c'est intéressant
dans une société.
Maintenant, moi, je n'ai pas lu votre
mémoire parce qu'il vient d'arriver. Et je ne suis pas une constitutionnaliste,
mais je commence à en avoir lu un gros bout là-dessus, et je constate qu'il y a,
donc, loin d'une unanimité, il y a presque égalité dans une approche puis une
autre approche par rapport à la question, justement, un, de la portée de ce
fameux article 159, sur la question de la réserve de l'article 133,
sous réserve de l'article 133. Certains disent... on le verra cet
après-midi, on l'a vu avec Pr Leclair, on l'a fait avec Pr Pelletier,
bon, ils ont tous des opinions sur l'article 133 en disant... et le
collègue de Laval, Sainte-Rose, enfin, je ne peux pas vous nommer...
Une voix
: ...
Mme David :
...Sainte-Rose, je suis désolée, allait vers ça. Donc là, il faut absolument
que vous nous disiez si ça serait, pour vous, parce que je n'ai pas lu votre
mémoire donc je n'ai pas de verbatim, «sous réserve de l'article 133»,
qu'on pourrait vivre avec la question, justement, de l'introduction
constitutionnelle de «seule la langue française est la langue officielle du
Québec» ou le 90Q.2, là. Alors, certains disent, et Hugo Cyr complète son
mémoire — je ne sais pas si vous l'avez lu — de cet
après-midi — probablement pas parce qu'il n'est pas encore
publié — qu'à la limite «sous réserve de» pourrait un peu faire la
job, comme on dit, pour peut-être bien protéger. Ça, c'est ma première
question.
M. Turp (Daniel) : Bien,
c'était aussi l'opinion de Patrick Taillon dans son article avec
M. Cauchon, et je crois comprendre qu'il a changé de vue là-dessus. Moi,
je suis <d'avis...
Mme David : ...
qu'à
la limite, «sous réserve de» pourrait un peu faire la job, comme on dit, pour
peut-être bien protéger. Ça, c'est ma première question.
M. Turp (Daniel) :
Bien, c'était aussi l'opinion de Patrick Taillon dans son article avec
M. Cauchon, et je crois comprendre qu'il a changé de vue là-dessus. Moi,
je suis >d'avis que ce n'est pas nécessaire de mettre «sous réserve de
l'article 133». Ce n'est pas nécessaire.
Mme David : Est-ce que
c'est parce que c'est tellement limpide, ça? C'est ce que dit Benoît Pelletier,
c'est tellement limpide et implicite qu'on n'a pas besoin de le mettre, mais de
le mettre pourrait rassurer les gens qui peuvent être inquiets.
M. Turp (Daniel) : Non,
moi, je ne trouve pas que c'est nécessaire pour rassurer. Et je pense que vos
travaux... et, n'oubliez pas, vous êtes les constituants, votre ministre vous a
donné l'occasion, c'est vous qui tranchez, ce n'est pas moi, ce n'est pas
Benoît Pelletier, c'est vous, le constituant, maintenant. C'est rare qu'on est
le constituant. Vous êtes un des premiers... Assemblée constituante qui amende
la Loi constitutionnelle de 1867. Et, à mon avis, un tribunal, même la Cour
suprême, n'a pas besoin de ce «sous réserve de l'article 133» pour
appliquer l'article 133 tel qu'il est, sans utiliser les articles, 90Q.2
en particulier, pour diminuer la portée des droits des personnes appartenant à
la minorité qui leur sont conférés par l'article 133.
• (11 h 10) •
Mme David : Alors, ce
sera à nous de décider si on est rassurants ou pas.
M. Turp (Daniel) : Oui,
oui, je pense que ça vous appartient.
Mme David : O.K. La
portée, maintenant. Là, on revient au débat du 22 mai, La Presse,
samedi matin, j'en parle souvent, mais c'était là que j'ai comme vu le «clash» — un
autre, parce qu'il y en a plusieurs — sur la question du
supralégislatif versus une loi simple. Alors, vous, vous êtes de la théorie...
Je pense, le ministre disait : Il va y avoir une grande portée à ça. Et
encore Benoît Pelletier, qui acceptait... de répondre aux journalistes, parce
que ce n'est pas tous les professeurs, nécessairement, qui se commettent, comme
ça, publiquement, mais il l'a fait, on doit saluer, qui disait : Non,
c'est une loi simple, donc les conséquences ne seront pas très grandes au
niveau de la constitution générale, etc. Alors, on revient à cette mise en
évidence de deux positions. Et, vous, je comprends que vous êtes du côté de la
suprématie législative, donc du supralégislatif plutôt que la loi simple.
M. Turp (Daniel) : Tout à
fait. Avec tout le respect que je dois pour Benoît Pelletier et les beaux
souvenirs des débats que j'ai eus avec le député de Chapleau dans cette
Assemblée, et les plus beaux moments, en fait, de ma vie parlementaire l'ont
été avec Benoît, un constitutionnaliste que je... beaucoup de respect, je ne
suis pas d'accord avec lui sur cette question-là, parce que ce n'est pas parce
que c'est une loi ordinaire, celle que vous allez adopter aujourd'hui, qu'elle
n'a pas de caractère supralégislatif à cause de la lecture qu'on doit faire de
l'article 52 de l'annexe et du pouvoir constituant qui vous appartient en
vertu de l'article 45.
Mme David : Oui, mais une
loi simple, là, c'est que nous, on revient au pouvoir en 2022, là, on peut
changer la loi parce que c'est une loi simple du gouvernement du Québec. Voilà.
M. Turp (Daniel) : Bien
sûr, et parce que le pouvoir constituant s'exerce, dans ce cas-ci, par une loi <de
l'Assemblée nationale...
M. Turp (Daniel) : ...
de
l'annexe et du pouvoir constituant qui vous appartient en vertu de
l'article 45.
Mme David : Oui. Mais
une loi simple, là, c'est que nous, on revient au pouvoir en 2022, là, on peut
changer la loi parce que c'est une loi simple du gouvernement du Québec, voilà.
M. Turp (Daniel) :
Bien sûr, et parce que le pouvoir constituant s'exerce, dans ce cas-ci, par une
loi >de l'Assemblée nationale.
Mme David : Tout à fait.
Donc, c'est dans ce sens-là qu'elle n'est pas nécessairement supra, elle ne
demande pas le changement constitutionnel non plus du 750 ou de l'unanimité
comme les enjeux du lac Meech.
M. Turp (Daniel) : Non, mais
parce que, justement, l'exercice de ce pouvoir constituant qui vous appartient
est distinct des autres modes d'amendement constitutionnel. Le 750, ou
l'unanimité, ou la modification bilatérale.... il vous appartient de modifier
la Constitution, et, quand vous la... du Québec, provinciale du Québec, et,
quand vous le faites, vous lui donnez une suprématie législative.
Mme David : Je vais aller
sur la dérogation mur à mur, vous dites que vous êtes d'accord. Ça aussi, ce
sont presque des débats théoriques, droits collectifs, droits individuels. Le
Pr Taillon a dit quelque chose qui était une faille, là, dans la réflexion
ou une entrée intéressante, une réflexion, et il a dit qu'il faudrait exclure
la dérogation pour, entre autres, les fouilles, les saisies et les
perquisitions, pouvoirs donnés à l'OQLF qui sont en dérogation et sans mandat,
donc absolument rien ne peut venir contester ça, il a dit : Ça serait
probablement nécessaire, pour ça, de lever la dérogation. Pourquoi le
mur-à-mur? Pourquoi absolument tout ou rien? On ne peut pas en exclure des
bouts qui, vraiment, porteraient atteinte aux droits et libertés individuels?
Puis là ce n'est pas une question anglophone-francophone, là.
M. Turp (Daniel) : Non,
non, non.
Mme David : Le droit des
individus.
M. Turp (Daniel) : Tout à
fait. J'ajouterais que mon collègue Pierre Trudel, que j'aime beaucoup et qu'on
lit, hein, deux fois par semaine...
Mme David : Qu'on lit
beaucoup, oui.
M. Turp (Daniel) :
...dans sa chronique, il a aussi suggéré...
Mme David : Mais il n'est
pas venu ici, alors je ne l'ai pas nommé, évidemment.
M. Turp (Daniel) :
...suggéré que c'est allé trop loin, mais, à mon avis, non, on ne va pas trop
loin. Puis je vais vous dire très franchement, là, la raison pour laquelle je
crois qu'on ne doit pas exclure, faire une liste d'articles exclus des chartes
canadienne et québécoise, là, c'est parce qu'à la fin c'est la Cour suprême qui
va décider, et la Cour suprême du Canada peut trouver le moyen de déclarer
inconstitutionnels des articles de cette loi, de la Charte de la langue
française, en invoquant d'autres articles de la Charte canadienne. Pourquoi,
finalement? Pour faire prévaloir, tu sais, cette idée que le Canada est
bilingue, que le Québec devrait l'être, que le Canada est multiculturel, que le
Québec devrait l'être. C'est la Cour suprême du Canada qui, en définitive,
détient cette compétence, si on ne la prive pas du pouvoir, tu sais, d'exercer
une compétence fondée sur des articles de la Charte canadienne.
Mme David : Donc, vous
êtes prêt à... parce que je connais vos positions, vous ne vous en cachez pas
non plus, bon, puis que la Cour suprême, elle est indépendantiste, puis que la
Cour suprême doit être forcément biaisée du côté du <multiculturalisme...
M. Turp (Daniel) : ...
si
on ne la prive pas du pouvoir, tu sais, d'exercer une compétence fondée sur des
articles de la Charte canadienne.
Mme David : Donc, vous
êtes prêt à... parce que je connais vos positions, vous ne vous en cachez pas
non plus, bon, puis que la Cour suprême, elle est indépendantiste, puis que la
Cour suprême doit être forcément biaisée du côté du >multiculturalisme,
etc., juges nommés par le fédéral. Mais, quand même, vous êtes en train de dire
que ça doit avoir cet argument-là, primauté sur les droits et libertés
individuelles en regard de fouilles, de perquisitions, etc., que... donc
personne ne pourra contester s'il y a fouille excessive.
M. Turp (Daniel) : Oui,
on pourrait le contester sur la base du droit administratif québécois. Il y a
des recours qui sont permis, il y a des demandes de contrôle judiciaire, il y a
des mandamus, il y a des injonctions. Et moi, je ne présume pas que notre
administration publique, appliquant la Charte de la langue française, va abuser
de ses pouvoirs, je ne le présume pas. Et je crois qu'il y a d'autres recours
que des recours constitutionnels fondés sur la Charte canadienne qui vont
permettre aux gens de préserver leurs droits.
Mme David : Donc, parce que
vous dites qu'il y a d'autres recours, que vous êtes prêt à brimer les droits
et libertés en disant : Ils vont pouvoir prendre un autre chemin si jamais...
parce que le législateur doit tout prévoir, si jamais il y avait abus. C'est ça
que vous dites? Pas besoin d'avoir...
M. Turp (Daniel) : Non, parce
que moi, je ne permets pas de brimer des droits.
Mme David : Mais c'est
ça, mais tout d'un coup...
M. Turp (Daniel) : Non,
non, je ne permets pas de brimer des droits. Je considère que le dernier mot
sur cette question vous appartient, elle n'appartient pas à neuf juges de la Cour
suprême, d'interpréter la charte d'une façon qui pourra mettre en cause ce que
notre Charte de la langue française dit sur ces questions.
Mme David : Donc, vous
nous recommandez que, pour les articles de fouille, etc., nous trouvions, les
législateurs, un moyen d'éviter les abus et d'éviter que les droits et libertés
soient atteints, c'est ça que vous dites.
M. Turp (Daniel) : Je
vous recommande de constater que notre droit québécois, notre droit
administratif permettra d'éviter que des abus soient commis sur ces questions
de perquisition en application de la Charte de la langue française.
Mme David : Donc, il va
falloir nous trouver, dans votre sagesse, les articles ou je ne sais pas quoi,
le chemin à parcourir qui est autre que... Parce qu'il n'y a pas de mandat, qui
est une façon, un mandat d'aller chercher est-ce que c'est pour une bonne
raison qu'on fait ça, ou alors, avec la Charte des droits et libertés, de
pouvoir porter plainte, de pouvoir... Il va falloir trouver d'autres façons si
le ministre ne bouge pas là-dessus.
Vous avez un point en commun avec
M. Pelletier, vous rêvez d'une constitution du Québec.
M. Turp (Daniel) : Et
vous aussi, d'ailleurs, parce que vous avez été rapportée comme disant ça, là,
maintenant. J'étais très content, d'ailleurs, Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, parce que vous savez qui a été un des premiers à proposer
qu'il y ait une constitution québécoise? M. Gérin-Lajoie, le regretté
Gérin-Lajoie, en 1967.
Mme David : Oui, mais
demandée par Jean Lesage...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je vais devoir mettre fin à l'échange.
Donc, Mme la députée de Mercier, à vous de
vous adresser à l'ex-député de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme
la Présidente, de le souligner. Un grand, grand plaisir de vous rencontrer et
de vous écouter. Puis vous ne savez probablement pas, mais, dans mon bureau,
j'ai une photo de vous, comme j'ai une photo de tous les anciens députés de
Mercier.
M. Turp (Daniel) : Je le
sais, c'est Amir qui avait <fait ça.
Mme Ghazal : Oui, exact...
La Présidente (Mme Thériault) :
...
l'échange.
Donc, Mme la députée de Mercier, à vous
de vous adresser à l'ex-député de Mercier.
Mme Ghazal : Merci,
Mme la Présidente, de le souligner. Un grand, grand plaisir de vous rencontrer
et de vous écouter. Puis vous ne savez probablement pas, mais, dans mon bureau,
j'ai une photo de vous, comme j'ai une photo de tous les anciens députés de
Mercier.
M. Turp (Daniel) : Je
le sais, c'est Amir qui avait >fait ça.
Mme Ghazal : Oui, exact.
J'ai complété.
M. Turp (Daniel) : Amir,
mon successeur et celui auquel vous... et pour lequel j'ai un grand respect
aussi.
Mme Ghazal : Oui, oui, et
lui aussi pour vous.
Est-ce que... J'ai peu de temps, donc je
vais y aller rapidement. Pensez-vous qu'on peut, avec l'article 45, mettre une disposition
pour éliminer le serment à la reine? Mon collègue le député de Jean-Lesage
avait déposé le projet de loi n° 192. Nous exécrons d'être obligés, comme
députés, de faire ce serment. Je suis sûr que c'était la même chose pour vous. Est-ce
que c'est quelque chose de possible, puis on pourra en profiter, pendant... en
travaillant sur le p.l. n° 96?
M. Turp (Daniel) : Je ne
crois pas. Malheureusement, je pense qu'on ne peut pas aller là. Et j'aimerais
bien, en effet, qu'on n'ait qu'à prêter ce serment au peuple et à la constitution
du Québec, mais je crois que c'est.... Ce n'est pas quelque chose qui est visé
par l'article 45, parce que c'est ailleurs dans la Constitution.
Mme Ghazal : Il faudrait
aller ailleurs, puis là on n'a pas le droit.
J'aurais une autre question, parce que
vous dites que ces dispositions-là, de dire qu'on est une nation, la langue
française commune et officielle, c'est supralégislatif. Est-ce qu'on n'est pas
en train de légitimer cette Constitution canadienne, qu'on n'a pas signée, de
conforter les fédéralistes? Vous êtes toujours souverainiste, j'en suis
convaincue. Est-ce qu'on n'est pas en train de faire ça? J'avais posé la
question aussi à M. le professeur Patrick Taillon, puis j'aimerais vous
entendre là-dessus.
• (11 h 20) •
M. Turp (Daniel) : En
tout cas, Benoît Pelletier, mon collègue, l'ancien député de Chapleau, dit,
dans son article dans Le Devoir, qu'on ne légitime pas la
Constitution de 1982, puis effectivement on ne la légitime pas. Parce qu'on
pourrait aussi dire, parce qu'on ne l'a pas signée, même si elle nous est
imposée puis elle s'applique à nous, tu sais, ce pouvoir était dans
l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867. Alors donc, on avait le
pouvoir d'une constitution qui ne nous a pas été imposée de la même façon que
la Constitution de 1982. Et je crois qu'on pourrait même penser qu'il y a une
convention constitutionnelle qui nous permet de nous doter de notre propre
constitution, de modifier les dispositions de la Constitution de 1867, donc,
sans reconnaître la légitimité de la Loi constitutionnelle de 1982. Parce que,
vous savez, c'est là, le problème, on modifie la Loi constitutionnelle de 1867,
mais la Loi constitutionnelle de 1982 demeure illégitime, elle nous est
imposée. Et ça, il ne faut jamais oublier de le dire et de le rappeler, au plan
historique, cette condition, nous ne l'avons jamais acceptée, quels que soient
les gouvernements, de quelle couleur qu'ils aient été. Elle s'applique à nous
parce que neuf juges de la Cour suprême ont décidé qu'elle s'appliquait à nous.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, M. le député de Matane, votre tour.
M.
Bérubé
:
Merci, Mme la Présidente. Je suis heureux, à mon tour, de retrouver mon ancien
collègue, Me Turp.
Cher Daniel, le gouvernement fait le choix
politique de modifier la partie <québécoise de la...
M. Turp (Daniel) : ...
décidé
qu'elle s'appliquait à nous.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, M. le député de Matane, votre tour.
M.
Bérubé
:
Merci, Mme la Présidente. Je suis heureux à mon tour de retrouver mon ancien
collègue, Me Turp.
Cher Daniel, le gouvernement fait le
choix politique de modifier la partie >québécoise de la Constitution canadienne,
qu'on n'a jamais signée, et que j'espère qu'on ne signera jamais, dans les
conditions. Mais je suis indépendantiste, alors peu me chaut ces questions-là.
Comme il est question de la langue, ici,
est-ce que, selon vous, cette modification aura un quelconque impact sur le
déclin avéré de la langue française au Québec?
M. Turp (Daniel) : Ce n'est
pas l'article en lui-même qui peut avoir ce déclin, c'est les mesures que vous
adopterez, c'est les mesures qui portent sur la langue de l'éducation, la
langue de travail, puis sur l'audace qu'aura cette Assemblée lorsqu'il s'agit
des mesures qui visent à protéger et promouvoir la langue française et trouver
des moyens de mettre fin à ce déclin.
Ce qui me permet, M. le député de Matane,
de vous dire ce que je pense des cégeps. Je vais vous le dire parce que...
M.
Bérubé
:
Bien, allez-y.
M. Turp (Daniel) :
...quand j'ai quitté cette Assemblée, quand j'ai quitté cette Assemblée en
2008, quand mon ami Amir Khadir a gagné ses élections de Mercier et les
électeurs m'ont donné congé, je suis retourné à l'Université de Montréal, je
suis retourné dans ma Faculté de droit, dans la Faculté de droit du ministre,
et j'ai vu quelque chose, j'ai entendu quelque chose qui me bouleversait, que
mes étudiants de ma Faculté de droit parlaient anglais, dans ma faculté, dans
les murs de ma faculté, où on croise, sur le mur, les photos de Pierre Elliott
Trudeau, Bernard Landry et tous ces anciens premiers ministres qui étaient des
diplômés de ma Faculté de droit, où les étudiants francophones parlaient en
anglais avec les étudiants anglophones et allophones.
La langue anglaise est comme devenue une
langue de communication de mes étudiants, à la Faculté de droit de l'Université
de Montréal, et ce n'est pas étranger au fait qu'il y a des étudiants de Dawson
qui débarquent dans ma Faculté de droit. Ils me l'ont dit, ils me l'ont dit,
ces étudiants.
M.
Bérubé
:
Bien, Me Turp, c'est des choix politiques, ça aussi, de continuer de
financer un projet libéral, que je trouve aberrant, du financement de Dawson,
que le gouvernement de la CAQ poursuit. Je veux dire, il n'y a pas de
différence entre les deux sur plus que des symboles, sur des choix politiques
de financement, et moi, je le regrette, et je suis d'avis que le ministre devra
un jour s'expliquer. Pourquoi il est solidaire de ce choix-là de son
gouvernement de faire en sorte qu'un collège de 8 000 étudiants à
Montréal poursuive sa progression, ait des ressources supplémentaires? C'est un
choix politique très fort, et ni le premier ministre ne veut trop l'expliquer
ni le ministre. Et ça, à lui seul, ce choix politique là plombe toute velléité
de faire du français une langue importante et de prestige à Montréal. C'est mon
opinion.
Je ne sais pas s'il vous reste du temps
pour rajouter...
M. Turp (Daniel) : Je
vous laisse faire vos débats avec le ministre, M. le député de Matane. Mais
moi, j'ai rédigé un article très simple...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois malheureusement...
M. Turp (Daniel) : ...qui
remplace les articles 88.0.2 à 88.13...
M.
Bérubé
:
Nous l'avons, nous l'avons, Me Turp.
La Présidente (Mme Thériault) :
Malheureusement... Malheureusement, collègues...
M. Turp (Daniel) : ...parce
que c'est important. M. Rocher vous l'a dit, on aurait dû faire ça en
1977, on devrait le faire en 2021.
La Présidente (Mme Thériault) :
...je dois mettre fin au débat.
M.
Bérubé
:
Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je reconnais que vous avez toujours la <fougue d'antan...
M. Turp (Daniel) : ...
mais
moi, j'ai rédigé un article très simple...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois malheureusement...
M. Turp (Daniel) : ...qui
remplace les
articles 88.0.2 à 88.13...
M.
Bérubé
:
Nous l'avons... Nous l'avons, Me Turp.
La Présidente (Mme Thériault) :
Malheureusement... M
alheureusement, collègues...
M. Turp (Daniel) : ...parce
que c'est important. M. Rocher vous l'a dit, on aurait dû faire ça en
1977, on devrait le faire en 2021.
La Présidente (Mme Thériault) :
...je dois mettre fin au débat.
M.
Bérubé
:
Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je reconnais que vous avez
toujours la >fougue d'antan, M. Turp,
mais malheureusement je dois mettre fin au débat.
M. Turp (Daniel) : Oui.
Je ne vous entendais pas, là, je...
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je vous remercie de votre présence en commission parlementaire.
Nous allons suspendre quelques instants
pour permettre à l'autre groupe de prendre place en visioconférence. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 24)
11 h 30 (version révisée)
(Reprise à 11 h 32)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous reprenons nos auditions, et nous
recevons présentement la Fédération des chambres de commerce du Québec. Donc,
M. Milliard, je vais vous demander de vous présenter, présenter les personnes
qui vous accompagnent et de nous présenter votre mémoire, par la suite il y
aura des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.
Fédération des chambres de commerce du Québec
(FCCQ)
M. Milliard (Charles) :
Excellent. Alors, merci, Mme la Présidente. Donc, je me présente, Charles
Milliard, P.D.G. de la FCCQ. Je suis accompagné d'Alexandre Gagnon, vice-président,
Travail et capital humain, à la fédération. Je vous remercie de nous donner
l'occasion de comparaître devant vous ne serait-ce que virtuellement afin de
commenter, donc, l'important projet de loi n° 60...
96, pardon, qui est assurément une des pièces législatives phare, là, de la présente
session parlementaire et peut-être même de la prochaine, si j'ai bien compris.
Alors, pour fin de mémoire, la fédération
est un regroupement à la <fois, donc...
M. Milliard (Charles) :
...donner l'occasion de comparaître devant vous ne serait-ce que virtuellement
afin de commenter, donc,
l'important
projet de loi
n°
60... 96, pardon, qui est assurément une des
pièces législatives phare, là, de la présente session parlementaire et
peut-être même de la prochaine, si j'ai bien compris.
Alors, pour fin de mémoire, la
fédération est un regroupement à la >fois, donc, d'une fédération de
chambres de commerce, plus de 130 chambres, 1 200 membres
corporatifs qui représentent plus de 50 000 entreprises partout au Québec.
Nous sommes aujourd'hui ensemble en
octobre 2021 et nous discutons d'un projet de loi à l'Assemblée nationale du
Québec en français. Je pense que quiconque qui s'intéresse un peu à l'histoire
de l'Amérique et du Canada reconnaîtra que ce simple fait, qui peut sembler aujourd'hui
banal, est le fruit d'efforts incommensurables de protection et promotion de
notre langue par les générations qui nous ont précédées.
Tout particulièrement, depuis maintenant
44 ans, depuis 1977, la valorisation de notre capital francophone est
devenue un actif inaliénable et indiscutable qui nous permet d'affirmer notre
identité linguistique partout dans le monde et principalement sur le continent
américain.
Aujourd'hui, le projet de loi n° 96
vient rappeler l'importance de préserver l'usage de notre langue dans les
différents milieux de travail, et c'est pour cette raison que la fédération,
moi et Alexandre, particulièrement, ce matin, sommes fiers d'appuyer les
objectifs.
Cette position est par ailleurs soutenue
par le réseau de chambres de commerce au Québec ainsi que par les entreprises
qui sont membres de la fédération, qui nous ont indiqué, lors d'un récent coup
de sonde, au printemps dernier, leur soutien à 70 %, plus de 70 %, au
projet de loi actuel, évidemment, dans les détails qui étaient alors
disponibles.
Je profite d'ailleurs de l'occasion pour
dire que la fédération collabore avec l'OQLF sur plusieurs projets depuis de
nombreuses années et que nous sommes engagés dans une série d'initiatives avec
le ministère des Relations internationales et de la Francophonie pour
promouvoir la francophonie économique, oui, canadienne, qui est importante
aussi, mais aussi internationale. Nous sommes d'ailleurs... Je profite de
l'occasion pour dire que nous sommes heureux de voir que le développement d'une
diplomatie économique francophone forte fait partie des priorités du
gouvernement actuel.
Malgré ce fort appui, il faut quand même
appeler un chat un chat, certains articles suscitent des inquiétudes et un
certain nombre de non-dits au sein de nos membres, qui ont été nombreux à nous
en faire part. Alors, on fait le choix aujourd'hui de porter... d'attirer votre
attention de façon constructive sur quelques éléments précis, qui sont parfois
techniques, mais qui nous apparaissent importants pour assurer le succès du
projet de loi.
Alors, premièrement, je pense qu'on doit
absolument reconnaître tous ensemble que le projet de loi n° 96 créera
nécessairement une hausse du fardeau administratif des entreprises, entre
autres dans les pratiques de ressources humaines. Alors, attention, ici, l'idée
n'est pas de dire que ce fardeau est insurmontable, mais plutôt qu'il s'ajoute
à une multitude d'autres complexités administratives qui sont prévues dans
plusieurs projets de loi adoptés récemment. Je fais un petit coucou, ici, entre
autres, au projet de loi n° 59. Certaines mesures du projet de loi
gagneraient à être simplifiées, selon nous, afin de trouver écho dans les
pratiques réelles du marché du travail.
Alors, clairement, pour nous, un devoir,
justement, de clarté s'impose parce que, plus qu'une simple manifestation d'une
volonté politique, ce projet de loi doit vraiment pouvoir vivre dans nos
milieux respectifs.
Par exemple, les modifications proposées à
l'article 36 du projet de loi soulèvent d'importantes questions quant à la
définition des fameux moyens raisonnables que les entreprises devront prendre
avant d'exiger la maîtrise d'une langue autre que le français. Le caractère <vague
de...
M. Milliard (Charles) :
...
d'une volonté politique, ce projet de loi doit vraiment pouvoir vivre
dans nos milieux respectifs.
Par exemple, les modifications
proposées à l'article 36 du projet de loi soulèvent d'importantes
questions quant à la définition des fameux moyens raisonnables que les
entreprises devront prendre avant d'exiger la maîtrise d'une langue autre que
le français. Le caractère >vague de cet article provoque quand même un
certain questionnement chez nos membres, parce que ceux-ci ne comprennent pas à
ce jour comment ils pourront être convaincus de répondre convenablement aux
exigences, notamment comment la CNESST et l'OQLF prendront en considération les
changements fréquents des opérations d'une même entreprise, mais aussi
l'évolution nécessairement changeante des besoins linguistiques pour un
département ou un poste donné. Alors, conséquemment, nous pressons le
gouvernement d'élaborer un guide et de prévoir un règlement qui va qualifier
les moyens explicites et très tangibles de respecter ces obligations.
Maintenant, quelques commentaires au sujet
des enjeux de contestation. Alors, au niveau de l'article 37, nous tenons à
saluer l'ajout, par le gouvernement, de balises qui concernent les moyens de
contestation en privilégiant notamment le processus de médiation. Cependant,
certaines lacunes de ces processus mériteraient d'être corrigées, selon nous,
afin de rendre une justice plus équitable et plus efficace, particulièrement en
référence à l'article 47.3, qui prévoit la défense des travailleurs non
syndiqués par la CNESST. Alors, notre expérience, à la fédération, en lien avec
les contestations relevant des normes du travail, nous amène à proposer que le projet
de loi précise explicitement que la CNESST puisse refuser de représenter un
travailleur dont la cause ne semble pas du tout fondée en fait et en droit.
Également, nous recommandons au gouvernement de prévoir que le Tribunal
administratif du travail puisse rejeter une cause sur dossier lorsqu'une
plainte, encore une fois, est manifestement non fondée en fait et en droit.
Ces ajouts visent simplement à assurer que
les ressources de la CNESST, qui seront, d'ailleurs, largement utilisées dans
les prochaines années, et du tribunal soient utilisées à bon escient et
protègent, entre autres, les petits entrepreneurs, les petits employeurs de
recours qui peuvent être considérés comme abusifs.
De plus, nous vous demandons de porter
attention à la confusion qui est provoquée par l'article 39 du projet de loi. Celui-ci
fait fi des processus usuels qui sont proposés par le Code du travail quant au
devoir, entre autres, de représentation des syndicats. Pour y pallier, la
fédération recommande que le projet de loi fasse référence au processus de
règlement qui est prévu au Code du travail, puisque celui-ci est réputé faire
partie de toute convention collective au Québec. Cela permettrait donc de... (panne
de son) ...de griefs. Vous m'entendez toujours?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, il y a eu une petite coupure. Cela permettrait donc de...
M. Milliard (Charles) : ...d'assurer
une cohérence, donc, dans les processus de grief et les mécanismes de
protection des travailleurs syndiqués. Je poursuis?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
• (11 h 40) •
M. Milliard (Charles) :
Ça va? Parfait.
Alors, un autre sujet de préoccupation
pour nos membres porte sur les pouvoirs de l'OQLF et de Francisation Québec. Nous
nous inquiétons des conséquences de l'article 80 du projet de loi, qui octroie
des responsabilités... (panne de son) ...aux comités de francisation. En
attribuant ces obligations aux comités, cet article vient diluer la responsabilité
de l'employeur, ce qui peut mener à des conflits et, selon nous, ne sert
personne. Alors, afin d'éviter ce genre de situation, nous recommandons que l'article
80 du <projet...
M. Milliard (Charles) :
...conséquences de
l'article 80 du
projet de loi qui octroie des
responsabilités...
(panne de son) ...aux comités de francisation. En
attribuant ces obligations aux comités, cet article vient diluer la
responsabilité
de l'employeur, ce qui peut mener à des conflits et, selon nous, ne sert
personne. Alors, afin d'éviter ce genre de
situation, nous recommandons
que
l'article 80 du >projet de loi soit modifié afin de
reconnaître le rôle consultatif du comité de francisation et vienne ainsi
confirmer la responsabilité finale et aussi, on le reconnaît, l'imputabilité
finale de l'employeur.
Au sujet des services d'apprentissage du
français et du certificat de francisation, la FCCQ se questionne quant au manque
de balises de l'article 89, cette fois-ci, qui vise la participation volontaire
des entreprises à une offre de Francisation Québec qui demeure, par ailleurs,
un peu floue à ce moment-ci. Alors, nous demandons que le projet de loi
définisse les obligations spécifiques des employeurs et qu'il soit prévu que
Francisation Québec ait l'obligation d'offrir des formations au moment et dans
les... dans les moyens, pardon, les moins conflictuels avec les opérations et
les aspects financiers de l'entreprise. De plus, nous désirons souligner
l'absence, dans le projet de loi, de recours légaux pour un processus de
contestation d'un employeur qui se voit refuser ou retirer un certificat de
francisation. Alors, à cette fin, pour pallier à ce qui nous apparaît comme un
manque, nous recommandons de prévoir un processus de contestation, de refus ou
de retrait d'un certificat de francisation à une entreprise.
La dernière partie de notre analyse porte
sur l'obligation de l'Administration de communiquer en français. Alors, je vous
propose de débuter, ici, par le dossier des personnes immigrantes. Il faut
vraiment se parler aujourd'hui de la limite fixée à six mois pour les services
gouvernementaux offerts aux personnes immigrantes dans une autre langue. Cette
limitation, honnêtement, nous semble problématique et souvent irréaliste,
particulièrement pour les travailleurs étrangers temporaires et les réfugiés.
Les derniers mois ont révélé comment le processus est incroyablement complexe
pour les candidats à l'immigration déjà au Québec, et on pense qu'ils n'ont pas
besoin de cet obstacle supplémentaire, selon nous, à ce stade-ci. Nous croyons
que le délai devrait plutôt être de deux ans, durée normale de la plupart des
permis de travail temporaires, et aussi une période qui permet une acquisition
de compétences suffisantes en français.
Par ailleurs, nous sommes aussi... dernier
point, nous sommes aussi préoccupés par les contrats dérivés de gré à gré et
les clauses types, plutôt technique, mais très important. L'article 44 du
projet de loi touche, selon nous, les fondations mêmes des pratiques
commerciales. À titre d'exemple, les sociétés qui ont recours aux produits
dérivés, tels que des contrats, donc, des dérivés de gré à gré, seront
grandement pénalisées par cette disposition. Nous désirons porter à votre
attention le fait que ces contrats sont souvent très volumineux, comprennent
des clauses types qui ont été normalisées pour la plupart, oui, en anglais,
afin d'en assurer la conformité ainsi que l'uniformité dans les pays qui
l'utilisent. Alors, il nous apparaît vraiment contre-productif et très coûteux
pour une société qui entretient des relations commerciales internationales de
devoir présenter un contrat traduit en français dans un premier temps pour que
celui-ci soit par la suite abandonné afin de maintenir la version normalisée
dans une autre langue que le français, encore une fois, qui est souvent
l'anglais. Conséquemment, plusieurs de nos membres recommandent que les
modifications apportées à l'article 44 du projet de loi ne s'appliquent pas à
un contrat de gré à gré dans lequel... potentiel pouvait être librement discuté
entre les parties.
En conclusion, nous sommes optimistes que
les présents travaux de la <commission...
M. Milliard (Charles) :
...
la version normalisée dans une autre langue que le français, encore
une fois, qui est souvent l'anglais. Conséquemment, plusieurs de nos membres
recommandent que les modifications apportées à l'article 44 du projet de loi ne
s'appliquent pas à un contrat de gré à gré dans lequel... potentiel pouvait
être librement discuté entre les parties.
En conclusion, nous sommes optimistes
que les présents travaux de la >commission permettront de prendre en
considération les préoccupations de nos membres et qu'on atterrira tous ensemble
avec un projet de loi, comme on le souhaite, qui sera cohérent, réaliste, agile
et pérenne. Alors, ça sera un plaisir d'échanger avec vous. Merci de votre
attention.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Merci, M. Milliard. Je vais vous demander de nous transmettre vos
notes de présentation parce qu'il est arrivé à quelques reprises où il manquait
juste un ou deux petits mots, donc, pour être bien sûrs qu'on n'a pas manqué
l'essence de vos propos, dont vers la fin.
Donc, sans plus tarder, je...
M. Milliard (Charles) :
Avec plaisir.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Sans plus tarder, je vais aller avec l'échange avec le ministre. M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. M. Milliard, M. Gagnon, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée
nationale. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission et à la présentation,
aujourd'hui, de votre mémoire de la Fédération des chambres de commerce du
Québec.
D'entrée de jeu, vous l'avez dit, je tiens
à souligner, là, 70 % de vos membres indiquent être favorables au projet
de loi n° 96 et également d'appuyer l'assujettissement des entreprises à
la Charte de la langue française au niveau des entreprises de 25 à 49.
Ce que ça signifie, hein... parce que
vous, vous représentez la Fédération des chambres de commerce, ça veut dire les
membres dans toutes les régions du Québec, qui se disent : Bien, nous,
comme employeurs, hein, des petites, des moyennes, des grandes entreprises, on
est membres de la Fédération des chambres de commerce et on appuie le projet de
loi parce qu'on est du patronat et on veut faire notre part. Alors, ça, je
trouve ça rafraîchissant puis je trouve également que c'est un bon indicateur
de dire qu'au Québec il y a des choses qu'il faut changer.
Et souvent... et je le dis avec beaucoup
d'égards, parfois, on ne veut pas que ça change nécessairement parce que ça
fonctionne d'une certaine façon. Et je suis sensible à vos arguments
d'alourdissement du fardeau administratif. Mais, dans ce cas-ci, vous dites :
Nous, on est favorables au projet de loi, nos membres sont favorables; faites
attention au fardeau administratif, mais, globalement, on est favorables.
M. Milliard (Charles) :
Un excellent résumé de ce que je venais de mentionner.
M. Jolin-Barrette :
Bien.
M. Milliard (Charles) :
...et, je pense, une belle évolution aussi à plusieurs égards... (panne de son)
...décennie. On est tout à fait en faveur de l'esprit de la loi. Ce qu'on vous
soumet, c'est des petits détails opérationnels, qui ne sont pas des détails,
mais qui le sont dans le cadre de certains articles du projet de loi.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Je voudrais vous poser une question, parce qu'on a eu beaucoup d'intervenants
qui nous ont dit : Écoutez, le facteur culturel devrait être pris en
considération. Dans la Charte de la langue française, on indique un des
facteurs d'intégration. Puis, je pense, ce qui concerne beaucoup vos membres, notamment, dans les débats actuels, c'est la pénurie de main-d'oeuvre.
Et notamment pour les nouveaux arrivants, on souhaite que, lorsque l'État
québécois, lorsque vos membres, les entreprises font des démarches, notamment
pour accueillir des personnes immigrantes ou accueillir des travailleurs
temporaires, bien, c'est qu'ils demeurent dans l'entreprise qui les a recrutés
puis qu'ils contribuent, qu'ils s'installent dans toutes les régions du Québec.
Mais, pour ça, généralement, ça <prend une...
M. Jolin-Barrette :
...
arrivants, on souhaite que, lorsque l'État québécois,
lorsque vos membres, les entreprises font des démarches, notamment pour
accueillir des personnes immigrantes ou accueillir des travailleurs
temporaires, bien, c'est qu'ils demeurent dans l'entreprise qui les a recrutés
puis qu'ils contribuent, qu'ils s'installent dans toutes les régions du Québec.
Mais, pour ça, généralement, ça >prend une adhésion en français,
à un apprentissage du français, mais une adhésion aussi aux valeurs
québécoises, à la culture québécoise aussi.
Puis je ne suis pas sans savoir que vos
membres, dans les différentes régions à l'extérieur de Montréal, ont des
difficultés de recrutement puis ont de la difficulté à retenir les
travailleurs. Alors, est-ce que le fait de jumeler la langue avec la culture,
ça pourrait être une avenue intéressante pour vos membres, pour les entreprises,
pour dire : Bien, pour être pleinement intégré, il faut adhérer aux deux?
M. Milliard (Charles) :
Excellente question. Je vais laisser Alexandre compléter, mais je vous dirais
que, selon moi, personnellement, ça va effectivement de pair. C'est important,
quand on veut faire une meilleure régionalisation d'immigration, justement,
d'amener l'ensemble du contexte de vie pour une nouvelle personne dans une
région du Québec qui, souvent, sont méconnus, parce que, souvent, le manque
d'intérêt pour la régionalisation d'immigration, c'est une méconnaissance de ce
qui est disponible. Bien là on a un programme avec le ministère du Travail qui
s'appelle Un emploi en sol québécois, qui vise justement à améliorer la
connexion entre les employeurs et les personnes immigrantes. Et justement, dans
la bonification du programme, cette année, on fait des cellules de codéveloppement
sur la gestion de la diversité culturelle en entreprise. Alors, justement, ça
va permettre aux employeurs qui, peut-être, ont une certaine méconnaissance,
une certaine ignorance, des possibilités de l'immigration en région de
s'améliorer.
Alors, moi, je suis tout à fait preneur de
votre commentaire que ça peut et ça doit vivre ensemble. Maintenant, dans quel
laps de temps on demande aux personnes immigrantes de s'acclimater ou... — je
ne sais pas quel verbe utiliser — à cette réalité-là? Entre autres, quand on
parle de communication avec le gouvernement, six mois, moi, ça m'apparaît complètement
irréaliste, mais c'est un des éléments qu'on apporte ce matin. Alexandre, je ne
sais pas si tu as d'autres commentaires.
M. Gagnon
(Alexandre) : Oui, certainement. Évidemment, un des facteurs
les plus importants dans l'intégration des personnes immigrantes, c'est
l'emploi, et on le valorise et on essaie de faciliter cette intégration-là par
l'emploi, mais ce n'est pas le seul. Donc, le meilleur moyen d'intégrer et
d'apprendre la culture, d'apprendre la langue de son peuple d'accueil,
nommément le Québec, bien, c'est en vivant le français, en vivant le Québec,
donc, particulièrement les régions. Donc, c'est en investissant dans les
milieux de vie et en s'assurant qu'il y a une prise en charge des milieux de
vie, également, de ces personnes-là qu'on va y arriver, avec cette
francisation-là, on va leur apprendre à vivre en français au quotidien. Donc,
il faut faire attention également à ne pas tout mettre le fardeau sur les
épaules de l'employeur, il n'est pas le seul responsable de cette
francisation-là et de l'adoption de la culture québécoise non plus, là.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Bien, écoutez, je suis d'accord avec vous, ce n'est pas uniquement votre responsabilité,
la responsabilité des employeurs, c'est une responsabilité partagée. L'État
doit faire son bout de chemin, ce qu'on essaie de faire avec le projet de loi n° 96, mais je suis heureux d'entendre qu'également les
employeurs veulent participer, puis je trouve que c'est logique aussi parce
que, dans les différentes régions du <Québec...
M. Jolin-Barrette :
...
O.K. Bien, écoutez, je suis d'accord avec vous, ce n'est pas
uniquement votre
responsabilité, la
responsabilité des
employeurs, c'est une
responsabilité partagée. L'État doit faire son
bout de chemin, ce qu'on essaie de faire avec le
projet de loi
n° 96, mais je suis heureux d'entendre qu'
également
les employeurs veulent participer. Puis je trouve que c'est logique aussi parce
que, dans les différentes régions du >Québec, hein, on a besoin de
travailleurs, on veut retenir les gens en région, et donc, nécessairement, pour
faire ça, bien, il faut qu'il y ait une adhésion. Vous dites «des milieux de
vie inclusifs», bien, c'est fondamental.
Là où on a un différend, c'est sur le
délai. Vous, vous dites : Six mois, c'est complètement irréaliste.
Or, le projet de loi, ce qu'il fait, c'est qu'il dit : Dès le départ, les
nouveaux arrivants sont accueillis en français, donc ça fait partie de l'exemplarité
de l'État. Donc, le principe de base, c'est en français, comme dans n'importe
quel État dans le monde où c'est la langue nationale qui est généralement... c'est
la langue de service de l'État. Ce qu'on dit, c'est que, pendant six mois,
pour l'accueil, il y a certaines exceptions. On a mis de l'avant des programmes
de francisation, on a augmenté les allocations, tout ça, mais c'est vrai, c'est
difficile, apprendre une nouvelle langue. Mais comment est-ce qu'on va faire
si, avec votre proposition, on laisse deux ans? C'est déjà difficile de
retenir des travailleurs étrangers en région, et, si on veut qu'ils s'intègrent
en région, bien, c'est en français que ça se passe. Mais, si à la moindre
occasion, durant le délai que vous proposez, tout peut se dérouler en anglais,
notamment avec l'État québécois, comment est-ce que la personne va être incitée
à s'intégrer en français? À un moment donné, si on veut faire en sorte que
cesse le 80 % d'immigration à Montréal puis amener les gens en région, il
va falloir prendre des mesures pour dire : On conserve les personnes
immigrantes en région puis...
Quand j'étais ministre de l'Immigration,
un des commentaires que je recevais le plus souvent, c'était de dire :
Bien, les gens, malgré tous les efforts qui sont faits par les communautés d'accueil
pour faire des activités, pour intégrer les enfants, pour intégrer les parents,
les gens, ils se sentent seuls, en région; ce qui est important, c'est de créer
des liens. Puis, écoutez, ce n'est pas facile, là, vous partez de votre pays,
vous ne connaissez personne, vous arrivez dans un nouvel État avec une langue
différente. Ces gens-là, ils sont courageux, là, puis ils viennent travailler,
puis ils veulent le meilleur pour leurs enfants. Mais on a une responsabilité
collective, comme État, mais aussi dans les différentes communautés, les
villes, les entreprises, tout ça, il faut que tout le monde se mette ensemble
pour faire que l'accueil se passe le mieux possible. Parce que, je ne sais pas,
moi, j'irais dans un autre État, je ne connais pas la langue, je n'ai pas d'amis,
je n'ai pas de famille... C'est extrêmement difficile ce qu'ils vivent, mais il
ne faut pas non plus les pousser vers le bilinguisme pour dire : Bien,
c'est en anglais. Puis là, ça va les pousser vers Montréal aussi. Comment vous
recevez ça?
• (11 h 50) •
M. Milliard (Charles) :
Bien, vous... peut-être surpris qu'on n'est pas si éloignés que ça, là, vous et
nous, par rapport à vos commentaires. La différence, c'est que, si quelqu'un
déménage, exemple, à Saint-Georges de Beauce, où on offrait le programme Un
emploi en sol québécois, je peux vous garantir que la vie en français, cette
personne-là va la vivre, parce que ça coule de source, là, dans une ville comme
Saint-Georges de Beauce.
Le point où je ne suis pas d'accord avec
vous, c'est... vous dites : Si, à la <moindre...
M. Milliard (Charles) :
...par rapport à vos commentaires. La différence, c'est que, si quelqu'un
déménage, exemple, à Saint-Georges de Beauce, où on offrait le programme Un
emploi en sol québécois, je peux vous garantir que la vie en français, cette
personne-là va la vivre, parce que ça coule de source, là, dans une ville comme
Saint-Georges de Beauce.
Le point où je ne suis pas d'accord
avec vous, c'est... vous dites : Si, à la >moindre occasion, on
permet de s'exprimer dans une autre langue... Moi, des communications
officielles du gouvernement, soit des choses structurantes par rapport à mon
statut de vie au Canada, par rapport à la santé et aux services sociaux qui me
sont offerts, ce n'est pas la moindre occasion, c'est des choses qui sont
hyperstructurantes pour ces personnes-là, et je pense que ça serait beaucoup
plus sécurisant et réaliste qu'il y ait des mesures facilitatrices de
communication, parce que le reste de la journée, à Saint-Georges de Beauce,
encore une fois, dans mon exemple, ça va se passer en français.
M. Gagnon
(Alexandre) : Si je peux ajouter...
M. Jolin-Barrette : Oui,
allez-y.
M. Gagnon
(Alexandre) : Si vous me permettez... Au niveau du deux ans, on
se base sur vos critères au niveau de l'admissibilité au niveau de la résidence
permanente. Lorsqu'il y a eu des changements au programme d'immigration, on est
venus donner d'ici deux ans. Si vous êtes temporaire, si vous voulez passer au
processus d'immigration permanente, vous allez devoir démontrer que vous
maîtrisez un niveau... suffisamment le français, mais après deux ans. Et déjà
on vous trouvait... plusieurs secteurs, on vous trouvait quand même ambitieux
dans cette demande-là, mais ça a été adopté, ça a été mis en place, et puis on
va de l'avant.
Mais ça va être difficile, exemple, pour
un employé qui rentre temporaire, par exemple, et qui vient travailler au Québec.
On dit : Mettons-le dans une classe de francisation pendant six mois
intensifs. Vous aurez raison, peut-être qu'on va réussir à faire quelque chose,
mais l'employeur qui va chercher un travailleur à l'étranger, évidemment, a un
besoin, un impératif de productivité, il veut le faire travailler également.
Donc, on pense que six mois à temps partiel, une journée par semaine, par
exemple, de francisation... peut-être n'atteindra pas le niveau 7, là, de
maîtrise de français qui est demandé dans certains programmes gouvernementaux.
Donc, c'est là qu'on demande un peu de cohérence avec les programmes
d'immigration, avec les principes d'immigration permanente, afin d'atteindre
ces statuts qui sont exigés.
Et puis, si vous me permettez une petite
seconde... La CNESST, notamment, c'est un exemple, donne de la formation puis
de l'information quant à leurs droits au niveau des normes du travail pour ces
travailleurs-là. Donc, ils ont développé une panoplie d'offres de services, notamment
en espagnol, notamment dans diverses langues, afin de pouvoir les informer sur
leurs droits, sur leurs recours en lien avec leur emploi. Donc, ça viendrait peut-être
limiter leur accès à ces informations-là.
M. Jolin-Barrette :
Alors, je suis désolé de vous reprendre, M. Gagnon, mais il y a déjà des
exceptions dans le projet de loi en ce qui concerne la santé et la sécurité des
individus. Donc, à ce moment-là, il y a déjà une exception dans le projet de
loi.
Et ce qui est intéressant, c'est que vous
faites référence à la réforme du PEQ, que je connais un petit peu, et là vous
dites : Écoutez, ça prend de la cohérence entre les réformes que vous
faites, tout ça, mais vous oubliez de dire que, dans le fond, la réforme du
PEQ, c'est le Programme de l'expérience québécoise, oui, il y a un
niveau 7 pour passer à travers ce programme d'immigration là, mais ce n'est
pas l'unique programme d'immigration qui existe au Québec. Alors, il faut
donner la réalité. Si la personne immigrante, ici, elle est sélectionnée comme
temporaire et elle souhaite passer par le <véhicule...
M. Jolin-Barrette :
...tout ça, mais vous oubliez de dire que,
dans le fond, la réforme du
PEQ, c'est le Programme de l'expérience québécoise. Oui, il y a un
niveau 7 pour passer à travers ce programme d'immigration là, mais ce n'est
pas l'unique programme d'immigration qui existe au Québec. Alors, il faut
donner la réalité. Si la personne immigrante, ici, elle est sélectionnée comme
temporaire et elle souhaite passer par le >véhicule d'expérience de
travailleur qualifié, et d'obtenir son CSQ à travers le PEQ, et d'être
sélectionnée, effectivement ça prend un niveau 7, mais il y a un autre
volet, également, qui s'appelle Arrima, aussi. Donc, il y a différents
programmes d'immigration. Alors, c'est faux de dire que tout le monde doit
avoir un niveau 7. Et là, après ça, on pourrait se parler de la procédure
de... quel programme est-ce qu'on choisit et de la capacité d'accueil au Québec
en fonction d'Arrima et en fonction du programme d'expérience québécoise. Là,
c'est intéressant, parce que, lorsqu'on a fait la réforme du PEQ, le monde nous
ont dit : Ne touchez pas au PEQ, puis on veut conserver le PEQ. Mais vous souhaitez
avoir des travailleurs qui n'ont pas de maîtrise, nécessairement, de
niveau 7, alors là on pourrait les passer par Arrima. Mais le fait qu'il y
ait une levée de boucliers sur le PEQ fait en sorte qu'on n'a pas pu utiliser
Arrima d'une façon optimale, aussi.
Alors, à un moment donné, je vous dirais :
La chèvre et le chou ou la laitière, la ferme, le beurre? À un moment donné, il
faut faire des choix. Alors, je trouve ça toujours intéressant de pouvoir
discuter des réformes qu'on a faites en matière d'immigration, mais mon souci,
pour moi, c'est de faire en sorte que les personnes immigrantes qu'on accueille
au Québec puissent venir au Québec, grandir au Québec en français dans toutes
les régions du Québec, et ça, je suis d'accord avec vous sur ce point-là.
Peut-être dernière question relativement
au marché du travail. Pour vous, là, et vous le dites à la page 5 de votre
mémoire, maintenant, les employeurs disent, exemple à Montréal, vos membres :
Nous, là, on embauche tout le monde, peu importe qu'il ait une connaissance ou
non de la langue anglaise, parce qu'on a des besoins de main-d'oeuvre
maintenant. Le Conseil du patronat nous disait un petit
peu le contraire, parce qu'il disait : Bon, il y a une exigence autre que
la langue anglaise. Les études nous démontrent également que, sur l'île de
Montréal, on exige une autre langue que le français. C'est quoi, le juste
portrait, là, de vos membres? Est-ce qu'ils embauchent même s'ils n'ont pas
connaissance d'une autre langue que le français sur l'île de Montréal?
M. Milliard (Charles) :
Tu peux y aller, Alexandre?
M. Gagnon
(Alexandre) : Oui, bien sûr. En fait, ce qu'on dit dans notre
mémoire ce n'est pas qu'il n'y a personne qui embauche avec des exigences
d'anglais, ce qu'on dit, c'est qu'un employeur qui viendrait ajouter une
exigence de connaissance de l'anglais alors que ce n'est pas strictement
nécessaire dans une situation de pénurie de main-d'oeuvre et de rareté de
main-d'oeuvre comme on a aujourd'hui, qu'on va connaître pour les prochaines
années, il se tire dans le pied, donc, il connaîtra des enjeux de rareté de
main-d'oeuvre qui vont être à l'avantage de ses concurrents, puisqu'eux vont
aller chercher les employés qui ne maîtrisent que le français, il va réussir à
trouver des bons mécanismes afin de minimiser l'usage de l'anglais et
l'exigence de l'anglais auprès des employeurs. Donc, c'est plus à ce niveau-là
qu'on avait des préoccupations, qu'on vient dire... on vient tirer un petit peu
sur... mettre des obligations supplémentaires, alors que la loi du juste marché
vient déjà corriger un peu cette situation-là également.
M. Jolin-Barrette :
Bien, je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire. Je
crois que le député de Saint-Jérôme souhaite vous poser des <questions...
M. Gagnon
(Alexandre) :
...
des préoccupations. Qu'on vient
dire, on vient tirer un petit peu sur... mettre des obligations
supplémentaires, alors que la loi du juste marché vient déjà corriger un peu
cette situation-là également.
M. Jolin-Barrette :
Bien, je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire. Je
crois que le député de Saint-Jérôme souhaite vous poser des >questions. Merci
beaucoup pour votre présence.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. Donc, M. le député de Saint-Jérôme, vous avez 2 min 15 s, à
peu près.
M. Chassin :D'accord. Merci, Mme la Présidente.
M. Milliard, M. Gagnon, merci de
votre présentation. Je voudrais vous poser une question, peut-être, d'abord,
générale, puis, après ça, une question un peu plus spécifique. Dans les chambres
de commerce membres de la fédération, voire dans les entreprises membres des chambres
de commerce, est-ce qu'il y a déjà une habitude de collaboration avec l'OQLF?
Est-ce que vous pouvez nous parler un petit peu de ce qui, déjà, existe, là,
sur le terrain en matière d'accompagnement de l'OQLF puis comment vous l'évaluez?
M. Milliard (Charles) :
Bien, Alexandre... expliquer, effectivement, qu'est-ce qui en est, mais je
profite de votre présence, M. le député, pour mentionner, quand on parle de
fardeau administratif, vous et moi, on est bien placés pour savoir qu'est-ce
qui en est, avec les travaux qui ont cours, en ce moment, sur l'allègement
réglementaire. Quand on pense, entre autres, à l'ajout du projet de loi n° 59, je pense que vous êtes bien placé pour comprendre un
peu le point de vue qu'on peut avoir en termes de fardeau.
M. Chassin :
Là-dessus, on se comprend.
M. Milliard (Charles) :
Oui, on se comprend là-dessus. Mais, Alexandre, je te laisse aller...
M. Gagnon
(Alexandre) : Oui. Effectivement, la FCCQ est impliquée avec
l'OQLF, que ça soit dans la promotion, évidemment, du français... dans le cadre
de notre concours, les Mercuriades, on remet un mérite du français auprès des
entreprises qui se sont démarquées afin de favoriser l'adhésion du français.
Actuellement, l'OQLF a mis en place un service d'accompagnement pour les plus
petites PME. Notamment, on peut penser, en prévision du projet de loi n° 96, afin de faciliter cette transition-là, on encourage
et on fait la promotion au sein de notre réseau, les chambres de commerce de
partout au Québec font des partenariats avec l'OQLF depuis des années afin de
mettre de l'avant les bonnes pratiques. Donc, au niveau de la conscientisation,
évidemment, on est très impliqués, on a un bon support de l'OQLF...
M. Chassin :
Est-ce qu'on pourrait dire, à ce moment-là, que cette habitude de collaboration
avec l'OQLF explique, dans le fond, la position que vous avez de dire :
Bien, dans la loi, il y a un article, ce dont on s'inquiète, c'est davantage de
son application, d'où l'idée de requérir, par exemple, des guides des bonnes
pratiques puis un certain accompagnement que vous constatez déjà auprès de
l'OQLF? Pas tant, donc, de modifier l'article, mais de l'appliquer, de sa mise
en oeuvre concrète, de manière accompagnante et facilitante.
M. Gagnon
(Alexandre) : Si je peux me permettre, le projet de loi,
actuellement, ce qui est décrit, c'est qu'il va y avoir un service de
francisation qui va être offert volontairement aux entreprises. Le contenu de
ce service de francisation là, il n'est pas décrit nulle part, donc on ne sait
pas qu'est-ce qui va être exigé de l'employeur, quelles sont les balises de
cette contrainte législative. Parce que ça a beau être écrit «volontaire», les
conséquences de ne pas s'y plier sont extrêmement importantes, donc...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin, malheureusement.
M. Chassin :
...projet de loi, disons. Merci, Mme la Présidente.
• (12 heures) •
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est très rapide, deux minutes. Mme la députée <de Marguerite-Bourgeoys...
>
12 h (version révisée)
< M. Gagnon
(Alexandre) :
...il n'est pas
décrit
nulle part. Donc, on ne sait pas qu'est-ce qui va être exigé de
l'employeur, quelles sont les balises de cette contrainte législative, parce
que ça a beau être écrit «volontaire», les conséquences de ne pas s'y plier
sont
extrêmement
importantes. Donc...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin,
malheureusement...
M. Chassin :...le
projet de loi, disons. Me
rci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
...c'est très rapide, deux minutes.
Mme la députée >de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci, Mme la
Présidente.
M. Milliard, M. Gagnon, bonjour.
Écoutez, votre échange avec le ministre était fort intéressant sur le deux ans,
six mois. Je pense que vous, vous proposez deux ans, de permettre au nouvel
arrivant puis, bon, là, le ministre tient au six mois. Et j'ai l'impression que
vous avez tous les deux raison, en fait. C'est ça qui va être fort intéressant
à regarder, on fera de la médiation, je m'offre, parce qu'entre le six mois et
le deux ans, il y a peut-être quelque chose d'intermédiaire puis il y a peut-être
des situations particulières aussi. Mais c'est évident... et vous n'êtes pas
les seuls à être venus le dire et je pense que vous ne serez pas les derniers à
dire que six mois pour franciser quelqu'un, il a beau habiter à
Saint-Georges-de-Beauce, là, c'est quand même très difficile, d'autant qu'un
organisme en francisation est venu dire : Écoutez, ça ne se fait pas le
lendemain de son occupation de logement, là; s'il arrive en octobre, ça peut
aller en janvier, le cours de francisation, et ça ne veut pas dire qu'il va
pouvoir être à temps plein, parce qu'il faut qu'il travaille pour gagner sa
vie, pour payer ledit logement. Donc, j'ai l'impression qu'il va falloir
trouver un juste milieu qui répond à la fois aux angoisses ministérielles de
dire : Bien là, ils vont s'habituer à parler anglais, ce qui peut être,
peut-être, une prétention sur laquelle il faut se pencher, mais en même temps,
bien, six mois, bien, c'est à une vitesse absolument rapide.
Mais je vais aller tout de suite, moi, au
fameux article 36, qui est le non moins fameux article 46 sur l'exigence d'une
langue autre que le français à l'embauche. Vous en parlez dès le début et vous
dites que c'est un fardeau administratif important. On sait que, justement, en
2013, c'est sur des considérations comme celles-là, le fardeau administratif,
que la CAQ n'a pas voulu appuyer, à l'époque, le projet de loi n° 14, qui
était le projet de loi de Mme De Courcy, souvenez-vous, sur la langue
française. Donc, le fardeau administratif, on le sait, le gouvernement y est
très sensible, et vous, vous venez nous dire : Attention, l'article 36 va
impliquer un lourd fardeau administratif pour démontrer le respect du critère
qu'on a fait toutes les conditions nécessaires pour ne pas avoir à exiger une
langue autre que le français. Il y a le mot «réputé» que j'ai appris, parce que
j'ai fait un cours de droit en accéléré pour préparer ce projet de loi là, il
est marqué «un employeur est réputé ne pas avoir pris tous les moyens
raisonnables si», ta, ta, ta, trois conditions qui, elles-mêmes, ne sont pas
très claires, et vous le dites, vous, clairement que les conditions ne sont pas
très claires. Et donc comment on fait la démonstration qu'on a analysé les
besoins linguistiques réels? Ce n'est pas <objectif...
Mme David : ...
pris
tous les moyens raisonnables si» ta, ta, ta, trois conditions qui, elles-mêmes
ne sont pas très claires, et vous le dites, vous, clairement que les conditions
ne sont pas très claires. Et donc comment on fait la démonstration qu'on a
analysé les besoins linguistiques réels? Ce n'est pas >objectif, ça.
Comment démontrera-t-il qu'il a restreint au maximum le nombre de postes
exigeant une deuxième langue? Alors, vous posez très bien les questions, vous
dites : Ça va être très difficile à répondre. Mais en langage législatif,
le mot «réputé» est beaucoup plus puissant en termes de fardeau que le mot
«présumé». Alors, je veux vous entendre sur votre inconfort par rapport à ce
fardeau administratif et par rapport à cet article 36 en particulier.
M. Milliard (Charles) :
La mention que vous faites du mot «réputé», je pense que c'est le mot-clé dans
votre intervention, justement, c'est que le terme est beaucoup plus puissant,
donc la conséquence est puissante, mais le chemin pour s'y rendre est très
sinueux et pas nécessairement asphalté en ce moment, donc c'est ce qui inquiète
les gens.
Il faut comprendre que, nous, notre
travail, c'est de parler des récriminations ou des inquiétudes de nos membres.
Mais mettez-vous à la place d'un entrepreneur, en ce moment, c'est... comme on
dit, il faut se lever de bonne heure pour dire publiquement qu'on est contre ce
projet de loi là ou contre certains éléments parce que ça peut être mal perçu,
alors que, comme je vous dis, une très grande majorité des milieux d'affaires
sont en faveur du concept.
Mais il y a des entrepreneurs qui nous
appellent qui sont un peu mal à l'aise de poser la question publiquement, parce
qu'ils se demandent comment on va faire avec nos départements de ressources
humaines pour non seulement s'assurer de rencontrer ces exigences-là, et un
coup qu'elles sont rencontrées, quand la situation dans le milieu de travail va
évoluer, comment on repasse par-dessus ça, et qu'on refait une analyse
sempiternelle, et éternelle, alors c'est ça qui inquiète les gens. Et j'aime
penser que les travaux d'une commission parlementaire, ça sert à préciser des
intentions, justement, alors j'espère que, dans le cadre des travaux, ça va
devenir plus clair pour les directions de ressources humaines comment arriver à
être réputées avoir fait le travail en ce moment.
Mme David : Donc, vous
nous relancez la balle en disant : On est inquiets, des entrepreneurs
n'oseront pas le dire publiquement. Vous, vous les représentez. Vous êtes,
grosso modo, d'accord pour la loi, mais, mais, mais gros bémol, attention, nos
membres peuvent être très inquiets de l'applicabilité de cet article 35, c'est
ça qu'on doit comprendre, à cause, entre autres, du mot «réputé», dont j'ai
appris le poids légal extrêmement lourd. Quand on est réputé, on ne peut plus
bien, bien se défendre. Mais comment on peut se défendre contre des conditions
qui sont difficilement mesurables? Alors, est-ce que je traduis bien votre
inquiétude?
M. Milliard (Charles) :
Oui. Alexandre, est-ce que... si ça te va, oui?
M. Gagnon
(Alexandre) : Oui, bien sûr. En fait, ce qu'on dit c'est qu'un
employeur, même de bonne foi et qui prend toutes les démarches pour respecter
les exigences qui sont à l'article 36, en raison du caractère un peu flou
de qu'est-ce qui est correct, qu'est-ce qui est admis, qu'est-ce qui est
acceptable, pourrait se retrouver avec une plainte et tout de même se faire
dire qu'il n'a pas respecté l'essence de la loi. Donc, on peut <penser...
par exemple...
M. Gagnon
(Alexandre) :
...les exigences qui sont à
l'article 36, en raison du caractère un peu flou de qu'est-ce qui est
correct, qu'est-ce qui est admis, qu'est-ce qui est acceptable, pourrait se
retrouver avec une plainte et tout de même se faire dire qu'il n'a pas respecté
l'essence de la loi. Donc, on peut >penser... par exemple, moi, j'ai
besoin, pour un poste de travail, d'avoir deux personnes sur 10 qui maîtrisent
l'anglais, mais est-ce que j'ai le droit de présumer et de prendre pour acquis
dans ma gestion des risques que peut-être que, dans ces deux travailleurs-là,
il y en a un qui va être malade, il y en a un qui va partir en vacances, il y
en a un qui va quitter l'entreprise? Donc, finalement, est-ce que j'ai le droit
de dire : Je vais en avoir besoin de trois ou je vais en avoir de quatre
pour suppléer à ces situations-là de surplus de travail ou non ou de départ
impromptu? Donc, c'est là qu'un employeur va... C'est ce qu'on écrit dans le
mémoire, on dit : Il va être obligé de laver plus blanc que blanc afin
d'éviter de se placer dans une situation inconfortable.
Mme David : Donc, selon
vous, il faudrait qu'on retravaille sérieusement cet article-là.
M. Gagnon
(Alexandre) : En fait, ce qu'on vient dire, c'est : Venez
confirmer, donner le pouvoir réglementaire de venir... ou qui va venir porter plus
de précisions quant à l'application terrain de ces articles-là. Donc, votre
loi... les essences, elle est bonne, mais il faut le préciser.
Mme David : O.K., mais,
les règlements, on ne les passe pas pendant qu'on passe la loi, ça vient après,
d'habitude. Alors, voilà le grand truc, quand on est ministre.
Je vais aller à l'article 44. Alors,
l'article 44, ce n'est pas le plus simple et sexy, mais ça a l'air bien
important. Et j'ai appris des choses — puis on veut toujours apprendre,
dans la vie — alors, qu'est-ce que c'est que le secteur des dérivés. Alors,
on est dans votre champ de compétence, pas dans le mien, mais vous avez quand
même des inquiétudes : «...il nous apparaît contre-productif pour une
société qui entretient des relations d'affaires à l'étranger de devoir
présenter un contrat traduit en français dans un premier temps pour que
celui-ci soit par la suite abandonné afin de maintenir une version normalisée
dans une langue autre que le français», etc.
Alors, qu'est-ce que ça pourrait être, les
conséquences, justement, pour vos entreprises si cet article-là était adopté
tel quel? Parce que, quand même, ça a l'air, ça aussi, d'être une lourdeur
administrative supplémentaire.
M. Milliard (Charles) :
Juste avant de laisser la parole à Alexandre, je veux vous dire que c'est la...
vous avez... dans votre temps de parole, vous avez adressé les deux principales
récriminations qu'on a, en ce moment, donc, préciser l'article 36 et
démontrer l'ampleur des enjeux de l'article 44. C'est vraiment les deux
choses qu'on entend... Alexandre, est-ce que tu veux parler des dérivés?
M. Gagnon
(Alexandre) : Oui, très rapidement, les produits dérivés, ça va
être des produits financiers un peu spéciaux, là, qui sont régis, notamment,
avec les bourses, avec les institutions financières. Donc, ces produits-là,
considérant que l'employé de la banque en question ou l'entreprise financière
est au Québec, même s'il fait des transactions informatiques, exemple, avec la
bourse de New York, donc, le contrat va avoir été réputé avoir été signé au
Québec parce qu'au moment où il était dans son ordinateur, il était au Québec.
Donc, le contrat va devoir être en français, mais, la bourse de New York, on va
leur présenter un <contrat...
M. Gagnon (Alexandre) :
...
l'entreprise financière est au Québec, même s'il fait
des transactions informatiques, exemple, avec la bourse de New York, donc, le
contrat va avoir été réputé avoir été signé au Québec, parce qu'au moment où il
était dans son ordinateur, il était au Québec. Donc, le contrat va devoir être
en français, mais la bourse de New York, on va leur présenter un >contrat en anglais, un contrat qui a été élaboré par des normes
internationales au niveau des produits dérivés avec des contrats très touffus,
très élaborés, avec des normes très strictes. Donc, de venir traduire ça dans le
français va probablement les rendre très inconfortables, mais avec... en leur
disant qu'ils risquent d'avoir des enjeux législatifs avec ça, avec des
exigences par rapport à ça. On s'est fait dire par plusieurs de nos membres, de
dire, bien : Est-ce que je serais avantagé, plutôt, de... pour rassurer
nos partenaires commerciaux, de faire faire ces transactions-là par des
employés qui seraient en Ontario, par exemple, pour faciliter cette
transaction-là ? Donc, ce n'est pas quelque chose qu'on vise, pas quelque
chose qu'on veut, non plus, de nos membres, ce n'est pas ce qu'ils veulent,
mais la complexité supplémentaire, notamment dans un contexte où on... le
contrat en lui-même est élaboré par des normes internationales qui ont été
malheureusement faites uniquement en anglais, bien, on vient complexifier de
façon très importante des situations bipartites où il y a un des
interlocuteurs, qu'on ne peut pas lui exiger une connaissance du français, là.
• (12 h 10) •
Mme David :
Je vous cite : «Cela forcerait les sociétés québécoises à payer plus cher
pour ce type de contrat. Les éléments suivants subiront une hausse des coûts :
taux de change, taux d'intérêt, coût des matières premières et prix des
marchandises.» Est-ce que ça pourrait avoir une pression à la hausse, donc, sur
le prix de certains services ou de marchandises pour les consommateurs?
M. Gagnon
(Alexandre) : Bien, le...
M. Milliard (Charles) :
Bien sûr, réponse courte, c'est ce que l'ensemble des membres qui nous ont alertés
sur ce point-là nous mentionnent. Et non seulement contre-productif, mais il y
a un risque d'inflation des coûts, que vous avez mentionné.
Mme David : Et la réponse
longue?
M. Gagnon
(Alexandre) : Si je peux me permettre, c'est que, oui,
effectivement, il va y avoir une hausse des coûts. Du moment qu'on a une
complexité administrative supplémentaire, ça vient nous complexifier. Mais
j'aimerais vous... même vous amener... le gouvernement, dans les notions au
niveau de l'administration publique, vient se donner une certaine dérogation de
certaines exemptions dans les contrats lorsqu'ils font affaire avec une
organisation internationale où le français n'est pas la langue de base. Donc,
ils disent : Dans ces circonstances-là, on permet que le contrat soit en
anglais ou dans une autre langue que le français. Cette exemption-là ne
s'applique pas, actuellement, aux employeurs, aux partenaires privés, là, dans
l'essence du p.l. n° 96, actuellement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et ceci met fin à l'échange.
Donc, nous allons aller du côté de la
députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci. Merci
beaucoup pour votre présentation. Moi, je voudrais vous amener sur la
recommandation 7. Vous semblez très inquiets du fait que la francisation
en entreprise ou les services d'apprentissage de français entrent en
contradiction avec les opérations d'une entreprise, l'efficacité, et tout ça.
Vous savez, il y a des entreprises, aujourd'hui — c'est même perçu
comme un avantage concurrentiel en cette période de <pénurie de la...
Mme Ghazal : ...la
recommandation 7. Vous semblez très inquiet du fait que la francisation en
entreprise ou les services d'apprentissage de français entrent en contradiction
avec les opérations d'une entreprise, l'efficacité et tout ça. Vous savez, il y
a des entreprises, aujourd'hui
— c'est même perçu comme un
avantage concurrentiel en cette période de >pénurie de la main-d'oeuvre — qui
offrent de façon volontaire des formations en français sur les heures de
travail, et j'essaie de comprendre votre inquiétude par rapport à ça. Est-ce
que c'est vous qui allez payer, etc.? On le sait, c'est la façon la plus
efficace pour les gens d'apprendre le français, que ça se fasse pendant les
heures de travail et non pas les soirs les fins de semaine, quand les gens ont
une famille. C'est la même chose aussi avec la formation de la main-d'oeuvre,
il y a une loi qui oblige les employeurs à en faire une. La francisation, ça
devrait être la même chose.
Est-ce que vous ne pensez pas que vous
avez même un rôle auprès de vos membres et auprès des entreprises à les
sensibiliser sur l'importance, contrairement aux idées préconçues que, ah!
bien, les employés, ça va être moins efficace, ce n'est pas bon pour mes
opérations? Au contraire, c'est une bonne chose de former les entreprises,
notamment en francisation, sur les heures de travail. Est-ce que vous avez un
rôle là-dessus et pour même le promouvoir?
M. Milliard (Charles) : Écoutez,
on est tout à fait d'accord avec ce que vous dites, puis on l'a mentionné avec
M. le ministre tout à l'heure, on reconnaît la responsabilité des employeurs
pour favoriser la francisation des employés.
Mme Ghazal : ...le milieu
des affaires dit tout le temps qu'il est d'accord avec le français, mais, quand
il s'agit de poser des gestes, de faire des actions, de mettre un peu d'argent,
ah! là, ce n'est plus votre responsabilité.
M. Milliard (Charles) :
Bien là, la vie est beaucoup plus compliquée que ça, Mme la députée, là, mais
je pense que...
Mme Ghazal : Ah! bien,
expliquez-moi la vie, monsieur...
M. Milliard (Charles) :
Je n'ai pas cette prétention-là. Ce que j'essaie d'expliquer, c'est qu'il y a
une différence entre prendre une mesure de façon volontaire puis avoir un
avantage compétitif — comme vous l'avez mentionné, oui, certains le
font — et d'avoir une certaine imposition qui vient du gouvernement
via Francisation Québec quand on ne comprend pas encore les règles du jeu.
Alors, la question vient plus d'un manque de détails. Alors, il ne faut pas
penser qu'on est contre qu'il y ait des formations sur les heures de travail ou
qu'il y ait des coûts qui soient défrayés par les employeurs, mais on ne peut
pas vous donner un chèque en blanc, dire qu'on est absolument emballés quand on
ne comprend pas exactement qu'est-ce qu'il en retourne de cet article-là. C'est
tout simplement ça.
Mme Ghazal : Puis, vu que
vous êtes pour, est-ce que vous êtes pour que... Même la loi du 1 % de la
formation de la main-d'oeuvre, probablement qu'à l'époque, quand elle a été
instaurée, il y avait des gens du milieu des affaires qui disaient que c'était
une mauvaise chose pour leur entreprise, aujourd'hui c'est rendu une chose
commune. Est-ce que vous seriez d'accord qu'on augmente ce pourcentage-là et
qu'on y ajoute la francisation, par exemple?
M. Gagnon
(Alexandre) : Si je peux me permettre, en fait, la majorité...
vous n'êtes pas sans savoir, peut-être, qu'on est une organisation qui demande
à réviser la loi du 1 %, évidemment pas dans le sens, peut-être, que vous
le proposez. La majorité des organisations internationales ont changé leur
modèle parce que ça amenait des organisations à investir le strict minimum.
Aujourd'hui, les entreprises qui sont assujetties investissent 1 %, celles
qui ne le sont pas investissent, 2 %, 3 %, 4 %. Donc, on en fait
un exercice comptable, là.
Mme Ghazal : Donc,
d'augmenter...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange, malheureusement.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de <Matane-Matapédia...
M. Gagnon
(Alexandre) :
...
ont changé leur
modèle parce que ça amenait des organisations à investir le strict minimum.
Aujourd'hui, les entreprises qui sont assujetties investissent 1 %, celles
qui ne sont pas, investissent, 2 %, 3 %, 4 %. Donc, on en fait
un exercice comptable, là.
Mme Ghazal : Donc, d'augmenter...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange malheureusement.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de >Matane-Matapédia, pour le dernier échange de notre
avant-midi.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente.
Bienvenue dans cette commission. Les
chambres de commerce réclament, je dirais, à hauts cris, davantage
d'immigrants, davantage de main-d'oeuvre. Nous, on pose une condition
importante, et je vous en fais part, nous exigeons une connaissance du français
de la part de tous les immigrants économiques et nous souhaitons qu'on ajuste
nos seuils en fonction de notre capacité d'accueil et d'intégration, et
plusieurs autres mesures qu'on a aussi à la hauteur des défis qui sont, quant à
nous, incontournables.
Donc, sur ce premier élément, êtes-vous
d'accord que, pour la réussite de chacune de ces aventures au Québec, de vie
professionnelle en socialisation, on doit exiger le français avant l'arrivée?
M. Gagnon (Alexandre) :...
M. Bérubé : Pardon?
M. Gagnon
(Alexandre) : Oui, excusez-moi. En fait, non, par le simple
fait qu'on se limite dans le type d'immigrants dans lequel on peut aller
sélectionner et dans lequel on peut faire affaire. Donc, parfois, il y a des
expertises très pointues qui sont nécessaires dans nos milieux de travail, malheureusement,
et on met... On favorise puis on est pour le recours à des exercices de francisation
importants. On est pour, on pousse ça, puis on en fait, de la valorisation,
depuis plusieurs années.
M. Bérubé : D'accord.
M. Gagnon
(Alexandre) : Et, pour... si vous me permettez, pour la
capacité d'intégration, on est pour... on est, évidemment... on est d'accord
avec vous, mais on est encore en attente de savoir comment on va calculer cette
capacité d'intégration là, donc, qui est tant discutée depuis certaines années
au Québec.
M. Bérubé : D'accord.
J'ai une idée là-dessus, moi, puis je vous en fais part, à travers trois
mesures : d'abord, l'idée de régionaliser l'immigration, l'objectif
minimal de 50 %, en donnant la priorité aux immigrants qui s'engagent à
s'installer en région, et s'assurer qu'il y a des incitatifs à y demeurer, et
bonifier l'aide financière offerte aux candidats à l'immigration qui prennent
des cours de français avant leur arrivée au Québec.
Nous sommes d'avis qu'une façon de valider
l'intégration, c'est qu'elle se fasse en français. Et tant mieux si elle se
fait dans le monde du travail, mais le Québec, ce n'est pas l'Ontario, ce n'est
pas la même société, et ça appelle toutes les organisations, y compris la
vôtre, à avoir une sensibilité beaucoup plus grande à l'égard de notre destin
collectif.
M. Gagnon
(Alexandre) : On est d'accord sur plusieurs points que vous
dites. En fait, au niveau de la meilleure façon... puis de régionaliser, c'est
de mettre en lien avec les employeurs en région le plus rapidement possible,
dès qu'ils sont déjà à l'étranger. La majorité des besoins de main-d'oeuvre
sont à l'extérieur de Montréal, donc, si on a réussi à les mettre en lien, naturellement,
avec l'emploi, on va réussir à régionaliser.
Au niveau de l'aide de francisation avant
l'arrivée, évidemment, nous, on veut que l'immigrant soit le plus prêt possible
à intégrer son emploi, à exercer son métier, en français autant que possible,
le plus rapidement possible. Ça, on vous encourage à mettre ça en place, et
c'est d'ailleurs quelque chose qu'on favorise depuis plusieurs années. Donc, on
a cette ouverture que vous réclamez. On l'a, cette ouverture-là, au sein des
employeurs.
M. Bérubé : Parce que vos
membres sont... dans toutes les régions du Québec, notamment <chez nous,
je peux...
M. Gagnon
(Alexandre) :
...à exercer son métier, en
français
autant que possible, le plus rapidement possible. Ça, on vous encourage à
mettre ça en place, et c'est
d'ailleurs
quelque chose qu'on
favorise depuis plusieurs années. Donc, on a cette ouverture, que vous
réclamez, on l'a cette ouverture-là au sein des employeurs.
M. Bérubé :
Parce
que vos membres sont... dans toutes les régions du
Québec,
notamment
>chez nous, je peux vous dire une chose, non seulement on a besoin de main-d'oeuvre,
nous aussi, mais on est capables de bien intégrer l'immigration et faire en
sorte que ça se passe bien, que ce soit une réussite à tous égards, et on y
gagne tous. Et des gens heureux, c'est aussi des travailleurs qui sont fiers,
qui sont heureux. Il ne faut pas sous-estimer cet enjeu-là, d'être fiers d'être
Québécois, d'être fiers d'être au Québec, d'apprécier les opportunités que ça
nous apporte, et la moindre des choses, c'est de respecter notre langue
nationale, de l'apprendre et de vivre en français.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange.
Donc, merci beaucoup, MM. Milliard et
Gagnon, pour votre présence en commission parlementaire ce matin. Donc, je vous
remercie pour vos précieux conseils.
Et nous allons maintenant suspendre les
travaux jusqu'après la période des affaires courantes. Merci. Bon appétit à
tous.
(Suspension de la séance à 12 h 19)
15 h 30 (version révisée)
(Reprise à 15 h 36)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission de la culture et de l'éducation
reprend ses travaux.
Nous poursuivons les auditions publiques
dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et
commune du Québec, le français, et cet après-midi nous entendrons la
ville de Montréal, le Consortium des cégeps, collèges et universités
d'expression anglaise du Québec, le Mouvement Québec français et M. Hugo
Cyr, professeur et spécialiste en droit constitutionnel de l'Université du
Québec à Montréal.
Donc, je vais souhaiter la bienvenue aux
représentants de la ville de Montréal. Donc, Mme la mairesse, la parole est à
vous, nous présenter la personne qui vous accompagne, vous avez 10 minutes
pour faire votre présentation. Bienvenue.
Ville de Montréal
Mme Plante (Valérie) :
Parfait. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, oui, je suis accompagnée par
ma collègue Cathy Wong.
Alors, je me lance tout de suite, le temps
est compté. Alors, évidemment, je suis très heureuse d'être avec vous aujourd'hui
dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 96,
parce que la ville de Montréal est une alliée et un partenaire de premier plan
du gouvernement du Québec dans la valorisation de la langue française.
D'emblée, je souhaite réitérer qu'en tant que mairesse de Montréal j'appuie le
projet n° 96. Je crois qu'avec cette réforme le gouvernement
du Québec pose un geste fort pour assurer le rayonnement de la langue française,
qui est notre langue commune.
L'usage du français comme langue de
travail au sein de nos institutions publiques, ce qui est mis de l'avant dans
la réforme présentée par le gouvernement, est un objectif que nous partageons
et que nous priorisons, à la ville de Montréal. En tant que plus grande ville
francophone d'Amérique, Montréal est et sera une alliée de la loi 101 et de sa
réforme.
Notre administration a consacré beaucoup
d'efforts afin de promouvoir la langue française, une volonté qui s'est
concrétisée par l'adoption, en mars dernier, du tout premier Plan d'action en
matière de valorisation de la langue française de l'histoire de la ville de Montréal
ainsi que par la nomination de la toute première responsable à la langue
française du comité exécutif de la ville de Montréal, Mme Cathy Wong.
Les administrations municipales qui nous
ont précédé auraient dû poser des gestes plus forts et il y a bien longtemps.
Malheureusement, elles ont préféré ne pas intervenir dans le débat, elles ont
préféré laisser cette responsabilité au gouvernement du Québec. Et notre équipe
a répondu à l'appel en travaillant d'arrache-pied pendant notre mandat pour
créer un plan d'action ambitieux qui redonnera toutes ses lettres de noblesse à
la langue française, la langue commune de Montréal et du Québec. Nous avons
réfléchi profondément à la place qu'a et que devrait avoir la langue française
dans notre ville. Nous nous sommes également assurés que notre démarque...
notre démarche, pardon, était ouverte et inclusive. Autrement dit, notre
démarche prend en considération les droits linguistiques de la communauté
anglophone et ceux des nations autochtones. Notre approche en est une de
collaboration.
Alors, je laisse maintenant la parole à ma
collègue, Mme Cathy Wong.
• (15 h 40) •
Mme Wong (Cathy) : Merci
beaucoup, Mme la mairesse. Alors, bien sûr, dans cette approche qui était très
importante pour nous, nous avons consulté des gens issus de différentes sphères
de la société, le milieu des affaires, des groupes engagés dans la promotion et
la défense de la langue française. On a également parlé avec plusieurs acteurs
des milieux postsecondaires francophones et <anglophones...
Mme Wong (Cathy) : ...merci
beaucoup, Mme la mairesse. Alors, bien sûr, dans cette approche qui était très
importante pour nous, nous avons consulté des gens issus de différentes sphères
de la société, le milieu des affaires, des groupes engagés dans la promotion et
la défense de la langue française. On a également parlé avec plusieurs acteurs
des milieux postsecondaires francophones et >anglophones. Et on est très
fiers du résultat de tout ce travail qui se retrouve aujourd'hui dans notre Plan
d'action en matière de valorisation de la langue française. Ce plan d'action
contient 25 actions fortes qui vont faire en sorte d'augmenter la
promotion et le rayonnement de la langue française à Montréal.
Et donc permettez-moi de profiter de cette
tribune aujourd'hui pour exposer quelques actions fortes de notre
administration en matière de valorisation de la langue française. Premièrement,
bien, vous l'avez sûrement lu, nous avons obtenu l'ensemble des certificats de
francisation dans la ville centre ainsi que de tous ces arrondissements. Le
dernier, Pierrefonds-Roxboro, est en voie d'obtention. C'est une première en
plus de 15 ans, et la ville se doit d'être exemplaire, et nous en sommes fiers.
Et dans les prochains jours, bien, nous
allons procéder à l'embauche de la toute première commissaire à la langue
française de la ville de Montréal. Cette personne va faire le suivi de tous les
gestes que posera la ville de Montréal pour valoriser la langue française et va
s'assurer que la ville adopte les meilleures pratiques à l'intérieur de ses
murs concernant l'usage du français.
On a également annoncé, ce matin, la
création du premier comité de suivi du Plan d'action en matière de valorisation
de la langue française à la ville de Montréal. Ce dernier sera présidé par Mme Louise
Harel, ancienne députée d'Hochelaga-Maisonneuve et ministre sous différents
gouvernements, qui a passé sa vie à travailler pour le mieux-être de ses
concitoyens en plus de travailler activement pour la langue française. Et donc
ce comité va aussi s'assurer que la métropole fasse toujours mieux en matière
de valorisation et de promotion de la langue française.
Nous avons également créé un prix de
reconnaissance qui va souligner la contribution d'une personne ou d'une
organisation montréalaise à la vitalité, au rayonnement et à la promotion du
français comme langue commune à Montréal.
Et donc, comme vous pouvez le constater,
la ville de Montréal, dans le respect des pouvoirs qui lui sont conférés, agit
concrètement pour promouvoir le français dans son développement économique, ses
relations internationales, le rayonnement de sa culture et de son développement
social, et nous appliquons cette vision à Montréal comme dans toutes nos
relations externes au niveau national et international.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la mairesse.
Mme Plante (Valérie) :
...
Une voix : Votre micro.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, je vais vous demander de recommencer, on ne vous a pas entendue.
Mme Plante (Valérie) :
Merci beaucoup. Oui, bien sûr. Je disais : Merci, Cathy.
Alors, le projet de loi qui est devant
nous réitère clairement que le français, c'est notre langue commune et celle de
l'intégration au Québec. Soulignons également qu'il prend en compte, comme je le
disais, les droits des minorités anglophones et des nations autochtones. Nous
avons ainsi adopté, à la ville de Montréal, une stratégie de réconciliation
avec les peuples autochtones en 2020. Les exceptions qui sont prévues dans ce
projet de loi pour prendre en considération les droits des peuples autochtones
sont donc appréciées.
Montréal est également le choix de
résidence des deux tiers de l'immigration du Québec. De plus, 40 % de la
population active de la métropole provient de l'immigration. Nous sommes
convaincus que le français, la langue française est un liant entre les diverses
communautés qui composent la riche <mixité...
Mme Plante (Valérie) :
...
autochtones sont donc appréciées.
Montréal est également le choix de
résidence des deux tiers de l'immigration du Québec. De plus, 40 % de la
population active de la métropole provient de l'immigration. Nous sommes
convaincus que le français, la langue française est un liant entre les diverses
communautés qui composent la riche >mixité culturelle de Montréal. Cette
langue commune fait notre fierté, elle nous distingue aussi bien à l'échelle
nationale qu'internationale. Pour assurer sa valorisation à long terme, il est
essentiel de mobiliser toutes les communautés. C'est la mission que la ville de
Montréal s'est donnée.
Nous jouons ici un rôle crucial dans
l'intégration des nouveaux arrivants et dans leur apprentissage du français,
mais nous croyons que le rôle de la ville de Montréal peut encore être plus
déterminant que maintenant, avec un soutien accru du gouvernement du Québec.
Actuellement, nous multiplions les actions
en promotion du français auprès des personnes nouvellement arrivées grâce à
notre Bureau d'intégration des nouveaux arrivants à Montréal, qui s'appelle le
BINAM, et à travers, également, ses partenaires, notamment les cégeps et les
universités. Nous sommes convaincus que tous les nouveaux arrivants désirent
ardemment s'intégrer à leur société d'accueil. Ils comprennent très bien que
l'apprentissage du français est un outil essentiel pour accélérer leur
intégration. C'est donc un de nos rôles, comme société d'accueil, de les
accompagner dans cet apprentissage de la langue française. C'est pourquoi nous
appuyons la mise en place d'un guichet unique québécois qui va aider les
nouveaux arrivants à apprendre le français et ainsi contribuer pleinement à la
vie en société.
Nous accueillons également de façon très
favorable la création d'un ministère dédié à la francisation ainsi que la
création d'un poste de commissaire. Il relève de l'évidence que les objectifs
du gouvernement du Québec en termes de francisation des personnes immigrantes
ne pourront être pleinement atteints sans une participation active de la ville
de Montréal. Et, comme l'UMQ l'a si bien dit, nous croyons que les municipalités
doivent être exemplaires en matière de langue française, autant dans leurs
communications orales que dans leurs communications écrites.
Mais certaines dispositions du projet de
loi soulèvent pour nous des questionnements par rapport à leur mise en application.
Pensons notamment à la disposition dans la loi qui impose aux villes de
communiquer uniquement en français avec les nouveaux arrivants une fois que
ceux-ci habitent au Québec depuis plus de six mois. Cette disposition
comporte des défis. Comme vous le savez, la ville de Montréal offre de nombreux
services directs aux citoyens. La ligne téléphonique 311 gère une bonne partie
de ces demandes. Les téléphonistes qui y travaillent reçoivent des milliers
d'appels de façon quotidienne. L'éventail des demandes que nous y recevons est
très large. Ils peuvent être de nature informative, pratico-pratique ou
financière, mais il arrive également que ces demandes soient urgentes et
qu'elles nécessitent une réaction immédiate, par exemple un bris d'aqueduc qui inonde
des maisons environnantes, un arbre qui menace de tomber ou encore un avis
d'ébullition d'eau qui a été émis à la population. Comment pouvons-nous
répondre à nos citoyens dans de tels cas urgents tout en respectant entièrement
et à chaque fois la loi? Il est alors difficile, voire impossible de confirmer,
preuve à l'appui, si la personne qui appelle au 311 peut... pour obtenir de
l'aide urgente est au Québec depuis moins ou <plus de...
Mme Plante (Valérie) :
...
à la population. Comment pouvons-nous répondre à nos citoyens dans
de tels cas urgents tout en respectant entièrement et à chaque fois la loi? Il
est alors difficile, voire impossible de confirmer, preuve à l'appui, si la
personne qui appelle au 311 peut... pour obtenir de l'aide urgente est au
Québec depuis moins ou >plus de six mois, alors, si elle est... si elle
est, oui ou non, exclue d'un champ d'application de la loi. Comme gouvernement
de proximité, nous nous assurons d'offrir des services de façon équitable qui
répondent aux besoins de toute notre population, surtout en situation
d'urgence. C'est pour cette raison que nous vous recommandons d'ajouter le
service 311 aux exclusions de la loi.
Ceci étant dit, sachez que, dans toutes
les communications de la ville, la ville s'exprime déjà en français avec les
citoyens et les citoyennes ainsi qu'avec ses partenaires. Comme vous le voyez,
la ville espère pouvoir travailler avec le gouvernement du Québec lors des
consultations en vue de l'adoption de la politique linguistique. Nous pourrons
ensuite moduler nos directives linguistiques à partir de la loi finale.
Enfin, permettez-moi de vous parler d'un
important vecteur d'intégration pour les nouveaux arrivants et qui est, bien
sûr, l'accès à l'emploi. C'est pourquoi plusieurs mesures de notre plan
d'action visent la communauté d'affaires, en collaboration avec divers
partenaires comme PME MTL, les chambres de commerce et les sociétés de
développement commercial. Nous devons encourager nos entreprises, nos PME et
nos commerces à faire du français la langue du commerce à Montréal. Les
organismes d'accompagnement peuvent travailler ensemble pour s'assurer que les
entreprises se créent et se développent en français, que des cours de
francisation soient donnés aux employés ou pour aider une petite entreprise à
franciser ses processus et ses documents de travail.
Finalement, une langue qui est riche, elle
est... bien, elle est riche quand elle est vivante, quand elle s'écrit, elle se
parle et se chante.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et c'est...
Mme Plante (Valérie) : La
promotion de la langue française... Ah! j'ai terminé?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
Mme Plante (Valérie) :
Alors, permettez-moi seulement de vous dire que nous allons continuer à
souhaiter à ce que la fête nationale soit diffusée ici, à Montréal. C'est un
spectacle qui est rassembleur et qui permet à tous les Montréalais, et
Montréalaises, et tous les Québécois de fêter ensemble le Québec et la langue
française, notre langue commune.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Merci, Mme la mairesse.
M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette :
Merci, Mme la Présidente. Mme la mairesse, Mme Plante, Mme Wong,
bonjour.
Mme Plante (Valérie) :
Bonjour.
M. Jolin-Barrette :
Merci de participer aux travaux de la commission.
Vous me permettrez particulièrement de
saluer Mme Wong, parce que je sais que vous ne vous représentez pas aux
élections. Alors, merci pour ces années dans le cadre du service public. Alors,
je vous souhaite le meilleur pour la suite.
Écoutez, je suis heureux d'entendre le
point de vue de la ville de Montréal parce que la ville de Montréal, c'est un
acteur central dans la promotion et dans la défense du français. Et je pense
que votre témoignage aujourd'hui en commission fait foi de la prise de
conscience que vous... que les élus de la ville de Montréal, que la ville de
Montréal, au cours des dernières années, ont eu, du fait que vous ne niez pas
le problème qu'il y a un enjeu linguistique sur l'île de Montréal qui excède
les frontières de la ville de Montréal, et vous avez décidé, bon, de mettre de
l'avant <plusieurs...
M. Jolin-Barrette :
...
que les élus de la ville de Montréal, que la ville de Montréal, au
cours des dernières années, ont eu, du fait que vous ne niez pas le problème
qu'il y a un enjeu linguistique sur l'île de Montréal qui excède les frontières
de la ville de Montréal, et vous avez décidé, bon, de mettre de l'avant >plusieurs
actions pour redresser la situation. Et notamment, je me souviens, je crois, au
printemps dernier, vous aviez signé, Mme la mairesse, le front commun pour que
la loi 101 puisse s'étendre aux entreprises de juridiction fédérale. Pourquoi est-ce
que c'est important que la Charte de la langue française s'applique aux entreprises
de juridiction fédérale?
Mme Plante (Valérie) :
Bien, écoutez, comme on le mentionnait pendant... d'entrée de jeu, et je tiens
à le réitérer, la ville de Montréal, de par sa posture unique, c'est-à-dire
terre d'accueil, mais également terre où il se brasse beaucoup d'affaires, on a
beaucoup de sièges sociaux, donc il y a, ici, une grande vitalité tant
culturelle et économique, la notion même d'exemplarité, pour moi, elle est
importante, elle est importante pour la ville. Et, vous l'avez dit vous-même, il
y avait... disons que les... certains éléments en lien avec l'exemplarité de la
ville de Montréal faisaient défaut, et, lorsqu'on s'est saisis de la question,
on s'est dit : O.K., on avance, on... vraiment, on trouve des solutions.
Alors, pour ce qui est des entreprises...
ou plutôt, excusez-moi, pour le gouvernement fédéral, je pense que la notion
d'exemplarité doit également s'appliquer comme pour le gouvernement du Québec, évidemment.
Ensuite, c'est de voir comment... On dit souvent que le diable est dans les
détails. Quels sont les moyens qui sont mis à disposition? Je pense que c'est
important de le considérer. Mais au final, si on veut que la langue française
soit notre langue commune, il faut encourager, bien sûr, le secteur, comme je
le disais, économique et autre, mais il faut pouvoir aussi faire preuve
d'exemplarité au niveau des institutions publiques. Mme Wong?
Mme Wong (Cathy) : Je
n'ai rien à ajouter...
• (15 h 50) •
M. Jolin-Barrette : O.K.
Donc, je comprends de votre réponse, Mme la mairesse, que vous êtes d'accord
avec nous qu'il faut étendre la loi 101 aux entreprises de juridiction
fédérale. Et notamment, je vous dirais, vous savez, Montréal, c'est le moteur
économique du Québec aussi, et, vous l'avez dit tout à l'heure, 80 % des
personnes immigrantes choisissent de s'établir dans la grande région de
Montréal, et pour l'intégration des personnes immigrantes, c'est fondamental
qu'elles puissent s'intégrer en français à la société québécoise, et ce qu'on
dit souvent, c'est que les deux facteurs d'intégration les plus importants,
c'est le marché du travail et la connaissance de la langue.
On a vu, au cours des dernières années,
les études qui ont été publiées, notamment sur l'île de Montréal... l'OQLF, au
niveau notamment des municipalités de l'île de Montréal, les arrondissements,
également, qui exigeaient la connaissance d'une autre langue que le français
dans une forte proportion, plus de 50 %. On a vu également le fait que
parfois c'est difficile d'avoir des services en anglais sur l'île de Montréal.
Alors, il y a un travail à faire, une prise de conscience collective pour dire :
Bien, il faut améliorer le visage linguistique de Montréal. Bon, dans le projet
de loi n° 96, on y va sur la question de l'affichage,
on <revient...
M. Jolin-Barrette :
...
dans une forte proportion, plus de 50 %; on a vu également le
fait que parfois c'est difficile d'avoir des services en anglais sur l'île de
Montréal. Alors, il y a un travail à faire, une prise de conscience collective
pour dire : Bien, il faut améliorer le visage linguistique de Montréal.
Bon, dans le projet de loi
n°
96, on y
va sur la question de l'affichage, on >revient à la nette prédominance.
Ça va avoir un impact sur le visage francophone de Montréal.
Mais, sur la question de l'intégration en
français des personnes immigrantes, vous nous dites, dans... c'est une de vos
recommandations dans le mémoire : Bien, écoutez, six mois, c'est trop
court, il faudrait augmenter. Dans les exemples que vous avez donnés tout à
l'heure, vous disiez : Bien, écoutez, s'il y a un avis d'ébullition d'eau,
s'il y a une question de danger, de santé et de sécurité... Je vous rassure
tout de suite, ces mesures-là sont déjà prévues par des exclusions, nommément,
dans le projet de loi n° 96. Alors, là-dessus, il n'y
a pas d'inquiétude à avoir.
Mais, sur la question de l'intégration, et
on a eu ce débat-là ce matin avec un autre invité, relativement au délai, le
principe de base du projet de loi n° 96, c'est de
dire : Chaque personne immigrante, on l'accueille dès le départ en
français, c'est le principe général. Il y a une exception qu'on peut aller
jusqu'à six mois pour communiquer avec lui dans une autre langue que le
français. Mais qu'est-ce qui arrive si on fait comme vous le proposez puis on
étend ce six mois-là à une durée plus grande? Pour inciter les gens à adopter
le français comme langue... Parce que je pense que c'est notre défi le plus
grand, à Montréal, de dire : On s'intègre en français sur l'île de
Montréal. Or, on voit que les tendances linguistiques sont difficiles sur l'île
de Montréal. L'adhésion à la langue anglaise, elle est très, très forte. Alors,
si on ne réussit pas à mettre des mesures comme je le propose dans le projet de
loi n° 96, comment est-ce qu'on va réussir clairement
à inviter les nouveaux arrivants à choisir le français?
Mme Plante (Valérie) : Bien,
tout d'abord, permettez-moi, M. le ministre, peut-être certains éléments... je
pense que... pour toutes celles et ceux qui nous écoutent en ce moment.
Évidemment, je suis ici comme mairesse de la ville de Montréal, et, comme on le
sait, Montréal comporte 19 arrondissements. Il y en a seulement un,
arrondissement, qui a un statut bilingue. Par contre, sur l'île de Montréal, il
y a 16 autres villes liées, comme on les appelle, des villes avec leurs champs
de compétence et leur statut, donc la ville de Montréal n'a pas juridiction sur
ces villes-là. Et, sur ces 16 villes liées qui sont sur l'île de Montréal, 13
ont un statut bilingue. Alors, pourquoi je vous dis ça? Parce que, pour moi, c'est
quand même important que chacun prenne ses responsabilités en fonction de son
cadre légal et de son statut.
Peut-être un autre élément aussi où je me
permets, M. le ministre... Vous avez parlé de la statistique comme quoi
50 % des arrondissements et des municipalités de Montréal affichent des
postes requérant l'anglais. C'est important de savoir que ce n'est pas un poste
sur deux qui demande de l'anglais, on parle ici d'une municipalité sur deux.
Alors, si on calcule le nombre de municipalités, là, il y a Montréal plus les
13 autres. Alors, je veux quand même faire une petite nuance. Et pour vous dire
à quel point, pour nous, c'est important, à la ville de Montréal, sur les
5 000 embauches, en 2019 seulement, sur 5 000 embauches, il y a eu
seulement 180 postes qui ont <demandé...
Mme Plante (Valérie) :
...
alors, si on calcule le nombre de municipalités, là, il y a Montréal
plus les 13 autres. Alors, je veux quand même faire une petite nuance. Et pour
vous dire à quel point, pour nous, c'est important, à la ville de Montréal, sur
les 5 000 embauches, en 2019 seulement, sur 5 000 embauches, il y a
eu seulement 180 postes qui ont >demandé la compréhension ou un niveau
d'anglais. Alors, je tiens à le mentionner parce que, bien sûr, il y a toujours
matière à amélioration, mais, vous le savez, on disait, le diable est dans les
détails, les chiffres sont importants.
Maintenant, pour ce qui est... je serais
très heureuse, je sais que c'est une période de questions à mon égard, mais,
quand vous dites que, dans le projet de loi, au niveau du... il y a des mesures
qui sont prises concernant... vous m'excuserez, là, je pense que vous faisiez
référence au 311.
M. Jolin-Barrette : ...sécurité,
la santé et la sécurité.
Mme Plante (Valérie) :
Oui, c'est ça, je le sais, voilà, exactement. Je pense que ma seule nuance, ce serait
de dire que, pour le 9-1-1, c'est très clair, quand on fait le 9-1-1, c'est une
urgence. La précision que je veux amener et la préoccupation que j'amène, c'est
qu'est-ce qu'on fait lorsque... Le 311 peut parler autant de collecte de
déchets jusqu'à un avis d'ébulation... ébulation... d'ébullition, excusez-moi,
donc c'est juste un spectre très large, et on veut juste s'assurer que, quand
il y a une question qui touche la sécurité publique, la sécurité civile, on
puisse agir rapidement. Et donc comment est-ce que ça va s'appliquer ou comment
on va pouvoir s'assurer de respecter la loi? Parce que c'est notre souhait.
Finalement, pour ce qui est de la période,
vous comprendrez bien que c'est au gouvernement du Québec de décider quelle est
la période, comment dire, un peu tampon où une personne, un nouvel arrivant
doit apprendre le français. Moi, ce que j'ai surtout envie de vous dire, M. le
ministre, c'est que je veux surtout m'assurer que personne n'est exclu. Et,
comme je disais, je suis convaincue que tous les immigrants veulent apprendre
le français, parce que c'est... ils savent que c'est un outil essentiel pour
pouvoir participer à la vie en société. Mais ce que je trouverais dommage, c'est
qu'un six mois strict, sans équivoque, en vienne à mettre des personnes de
côté.
Et là je nous amène au 311. Qu'est-ce qui
se passe le jour où, le lendemain du six mois, la personne nous appelle parce
qu'il y a un événement urgent? Qu'est-ce qu'on répond? Qu'est-ce que l'on fait?
Et comment est-ce que ça s'applique? Donc, c'est vraiment dans cet ordre-là. Je
comprends vos préoccupations, on a le même objectif. Mais je pense qu'il faut
se donner de la flexibilité, et c'est ce que la ville de Montréal demande, d'une
certaine manière, concernant, en tout cas, le 311.
Mme Wong, je ne sais pas si vous
voulez ajouter quelque chose.
M. Jolin-Barrette : Et
donc, au risque de me répéter, dans le fond, la politique linguistique de
l'État, donc, couvre les ministères, les organismes, incluant les
municipalités. Et là, suite à l'adoption de la politique linguistique, il y
aura des directives qui vont être données par la ville, et notamment certaines
exceptions. Donc, les cas que vous soulevez, notamment au 311, pourront être
couverts. Donc, en termes de prévisibilité pour la ville, tout ça va permettre
d'établir clairement les situations auxquelles vous faites référence, et on
pourra les travailler ensemble, notamment pour être sûrs que, pour les
citoyens, ce soit très clair.
Je veux juste qu'on <revienne sur...
M. Jolin-Barrette :
...pourront être couverts. Donc, en termes de prévisibilité pour la ville, tout
ça va permettre d'établir clairement les situations auxquelles vous faites
référence, et on pourra les travailler ensemble notamment pour être sûr que,
pour les citoyens, ce soit très clair.
Je veux juste qu'on >revienne
sur le fait... Vous dites : Il ne faut pas exclure personne. Je suis très d'accord
avec vous, et surtout l'importance que nous avons d'intégrer, au Québec, particulièrement
à Montréal, en français, les personnes immigrantes. Parce que, vous savez, il y
a d'autres études, également, qui sont sorties où on dit : Sur l'île de
Montréal, 63 % des entreprises exigent une langue autre que le français.
Alors, ça, c'est un drôle de message parce que c'est comme... on dit aux
personnes immigrantes qui viennent au Québec, qui viennent à Montréal, on leur
dit : Venez, vous êtes dans un État de langue française, la langue
officielle de la ville de Montréal, c'est le français, la langue officielle du
Québec, c'est le français, mais par contre, si vous voulez travailler, si vous
voulez intégrer le marché du travail, il faut que vous parliez une autre
langue. Alors, déjà là, il y a un enjeu. Il faut faire en sorte que les
Québécois et les Québécoises puissent travailler en français dans la langue
commune. Donc, le message sociétal qu'on doit envoyer, c'est très clair, de
dire : Bien, écoutez, partout au Québec, incluant Montréal, ça se passe en
français. Puis on n'est pas dogmatiques, là. S'il y a des postes qui requièrent
la connaissance d'une autre langue que le français, l'employeur, en vertu de
46, va pouvoir le demander, mais ça ne doit pas être systématique. Donc, il
faut mettre fin au bilinguisme institutionnel.
Ça m'amène à vous poser la question... On
a entendu certains candidats à la mairie dire qu'ils souhaitaient que la ville
de Montréal devienne bilingue et devienne multiculturelle. Est-ce que...
Qu'est-ce que vous pensez de ces affirmations-là?
• (16 heures) •
Mme Plante (Valérie) : Merci
beaucoup, M. le ministre. Et je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez
dit concernant le français comme langue commune de travail et la langue
d'affaires, et c'est dans cet esprit que, quand on dit qu'on a beaucoup de
véhicules très efficaces à la ville de Montréal, PME MTL, les chambres de
commerce, vraiment, pour être des acteurs clés de... j'aurais envie de dire,
pour pouvoir propager ou faire de la francisation, mais de faire vraiment de la
langue française notre langue commune, là, de travail. Alors, je partage votre
objectif.
Mais, écoutez, je suis, comme vous pouvez
l'imaginer, avec les efforts qui ont été déployés par notre administration pour
la valorisation de la langue française au cours des derniers mois, tout à fait
en désaccord avec une position comme celle d'un candidat à la mairie actuel. Je
pense qu'on doit plutôt travailler ensemble.
Encore une fois, le projet de loi, pour
moi, fait... respecte les droits inscrits dans la Charte canadienne concernant
les anglophones et les... pardon, les personnes des communautés autochtones.
Et, pour moi, ça, je pense que c'est important, mais c'est déjà prévu dans la
loi.
Mais il faut venir valoriser, toujours
mettre plus de l'avant la langue française en se donnant les moyens, en se
donnant les outils pour être fédérateurs, pour créer de l'adhésion. Moi, c'est
beaucoup ça sur lequel je mise, à Montréal, créer un sentiment d'appartenance.
J'aime dire que le français doit devenir notre liant social, notre colle, et ça
l'est quand même beaucoup, j'ai envie de vous dire, parce qu'on <s'en est
préoccupé. Ceci dit...
>
16 h (version révisée)
< Mme Plante (Valérie) :
...en se donnant les moyens, en se donnant les outils pour être fédérateurs,
pour créer de l'adhésion. Moi, c'est beaucoup ça sur lequel je mise, à Montréal,
créer un sentiment d'appartenance. J'aime dire que le français doit devenir
notre liant social, notre colle, et ça l'est quand même beaucoup, j'ai envie de
vous dire, parce qu'on >s'en est préoccupé. Ceci dit, le... on sait
qu'il y a 94 % des Québécois qui déclarent être capables, vraiment, de
soutenir une conversation en français. On doit se baser là-dessus puis aller
encore plus loin pour que ça devienne, comme on disait, notre langue de
travail, notre langue quotidienne et puis bien intégrer les nouveaux arrivants.
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie...
Mme Wong (Cathy) : Si je
peux me permettre, en complément de réponse, M. le ministre, vous avez parlé du
multiculturalisme auquel faisait référence un autre candidat à la mairie. Si
vous regardez le plan d'action de la langue française que nous avons mis de
l'avant, ce plan d'action montréalais est réellement dans une perspective
d'interculturalisme où, dans les trois axes que nous présentons, le troisième
axe porte spécifiquement sur la question d'intégration des nouveaux arrivants
dans la langue française. Et, dans les différents projets que nous avons menés
dans la dernière année avec le BINAM notamment, le Bureau d'intégration des
nouveaux arrivants, plusieurs de ces projets se sont faits en lien avec des
projets en langue française de francisation. Et donc notre approche a toujours
été celle de l'interculturalisme, où, pour nous, l'intégration doit se faire
dans la langue commune. Et où on fait le pont entre non seulement le BINAM, qui
a un rôle à jouer dans l'intégration des nouveaux arrivants en français, mais
également lorsqu'on parle de l'importance du rayonnement et de la promotion de
la langue française, mais que ça se fasse également dans l'intégration des
nouveaux arrivants. Alors, ces ponts-là, ils se font de façon très naturelle
dans l'ensemble de nos approches en lien avec la question de l'intégration des
nouveaux arrivants et de l'interculturalisme, et c'est vraiment la vision que
nous souhaitons mettre de l'avant à travers notre plan d'action sur la langue
française.
La commissaire à la langue française, qui
va rentrer en fonction bientôt, dans les prochaines semaines, portera également,
à travers son mandat, le mandat de faire rayonner la langue française, mais non
seulement à travers, je veux dire, des... à travers la culture, l'économie,
mais surtout auprès des nouveaux arrivants. Et donc c'est dans une perspective
d'interculturalisme que cette personne pourra le faire également.
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie, à vous deux, pour votre présence en commission parlementaire. C'est
fort apprécié. J'ai des collègues qui souhaitent vous poser des questions.
Merci beaucoup.
Mme Plante (Valérie) :
Merci à vous.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de Chapleau, un peu moins de deux minutes, question,
réponse.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente.
Mme la mairesse, Mme Wong,
bonjour. Merci de votre présentation.
Donc, rapidement, peut-être sur le plan
dont vous nous faisiez mention, là, le lien que vous faites, donc, avec l'idée,
là, le plan... l'interculturalisme c'est-à-dire, pardon, et le lien avec la
langue, mais aussi la culture québécoise, donc, vous avez parlé d'intégration
par la langue, mais est-ce que vous incluez également la notion de culture
québécoise dans l'interculturalisme à Montréal? Justement, je pense qu'il y a
quand même un volet qui est essentiel, qui est important. Peut-être, nous
éclairer sur ce plan-là, également.
Mme Wong (Cathy) : Merci
pour question. Je pourrais vous en parler pendant des heures, mais je vais
essayer de garder ça en une minute.
Alors, bien sûr, ce plan se divise en
trois sections : la première parle de l'exemplarité, de la conformité
de la ville, la deuxième section parle de la <valorisation...
M. Lévesque (Chapleau) :
...
il y a quand même un volet qui est essentiel, qui est important.
Peut-être, nous éclairer sur ce plan-là également.
Mme Wong (Cathy) :
Merci pour question. Je pourrais vous en parler pendant des heures, mais je
vais essayer de garder ça en une minute.
Alors, bien sûr, ce plan se divise en
trois sections : la première parle de l'exemplarité, de la conformité
de la ville, la deuxième section parle de la >valorisation, alors,
toutes les actions que la ville de Montréal mène en lien avec la culture, avec
le développement économique, et la troisième portion porte sur la question de l'intégration
autant au niveau des nouveaux arrivants que des étudiants internationaux, par
exemple.
Et donc, oui, la réponse à votre question,
rapidement, c'est oui, absolument, il y a un lien qui est nécessaire, et nous,
à la ville de Montréal, à travers nos maisons de la culture, par exemple, à
travers nos bibliothèques, nous avons un rôle extrêmement important de faire
rayonner la langue française. Et on sait que ce sont des lieux très importants
pour les nouveaux arrivants, les bibliothèques et les maisons de la culture, et
donc il y a plusieurs actions dans ce sens-là dans notre plan d'action.
Mme la mairesse l'a mentionné dans son
discours également, en lien avec la Saint-Jean-Baptiste, le désir de diffuser
ce spectacle à chaque année parce qu'on sait que c'est un moment fort
d'identité, mais de fierté pour les nouveaux arrivants. Alors, vous allez
retrouver, dans notre plan, là, vraiment cette vision interculturelle de
l'intégration des nouveaux arrivants.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci beaucoup, fort intéressant.
Mme Wong (Cathy) : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Nous allons maintenant du côté de la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci
beaucoup, Mme la Présidente.
Bonjour, Mme la mairesse, Mme Plante.
Mme Wong, enchantée de vous rencontrer aujourd'hui.
Écoutez, j'aurais voulu... mais je ne vous
demanderai pas de réponse, Mme Wong, parce qu'ici on est beaucoup dans la
différence entre trois concepts, mais je vous dis juste ça comme ça pour dire
que c'est beaucoup déposé dans... parce qu'il y certains interlocuteurs qui, au
lieu de parler du multiculturalisme... évidemment, on en parle, mais
négativement, la plupart du temps, l'interculturalisme, mais le nouveau
concept, la convergence culturelle, qui n'est pas nouveau, qui existe depuis
plusieurs années, mais qui revient, je dirais, dans plusieurs des mémoires de
gens qui pensent que ça serait une meilleure façon. Alors, juste pour vous dire
qu'effectivement c'est... tout ça, c'est très intéressant, de dire :
Est-ce qu'on fait de l'interculturalisme ou de la convergence culturelle? Mais
je pense qu'on peut résumer en disant qu'on veut beaucoup, beaucoup favoriser
l'intégration des nouveaux arrivants à la culture québécoise. Alors, là-dessus,
je ne veux justement pas vous poser la question, parce qu'on ferait un grand
débat de concepts pendant les quelques minutes que j'ai.
Mais vous avez déposé un plan,
effectivement, et je vais vous amener sur une chose en particulier pour
commencer, la question de l'enseignement supérieur, parce que, d'abord, ça
m'intéresse et parce qu'en 2017, quelques mois, probablement, avant votre
élection, Mme Plante, Mme la mairesse, j'avais eu l'occasion de souligner
quelque chose d'exceptionnel avec votre prédécesseur, qui était le fait que
Montréal avait été nommée première ville au monde, ce n'est pas rien, là, de
quoi... ça n'arrive pas tous les jours qu'on est première ville au monde, en
termes d'appréciation par les étudiants internationaux de la ville dans laquelle
ils étudient, ils et elles étudient. C'était... moi, je trouvais que c'était
exceptionnel <comme...
Mme David : ...
le
fait que Montréal avait été nommée première ville au monde, ce n'est pas rien,
là, de quoi... ça n'arrive pas tous les jours qu'on est première ville au monde
en termes d'appréciation, par les étudiants internationaux, de la ville dans
laquelle ils étudient, ils et elles étudient. C'était... moi, je trouvais que c'était
exceptionnel >comme reconnaissance, je le trouve encore. Ça n'a pas
nécessairement été le cas après, parce qu'il y a beaucoup de villes, hein, où
étudient les étudiants internationaux, mais tout ça pour dire que Montréal
était la ville la plus appréciée au monde. Et, quand on voit ça, c'est parce
que... la qualité des universités, le fait qu'il y a des universités
anglophones, des universités francophones, et il y a tous les collèges qui font
partie de l'enseignement supérieur.
Alors, à ce moment-là, il avait été créé,
si je ne me trompe pas, un bureau de l'enseignement supérieur où il était...
qui était en plan, mais je pense qu'il a été créé. Pour moi, la question des
étudiants internationaux présents à Montréal, la question des étudiants qui ne
sont pas nécessairement francophones de souche, comme on dit, est une question
centrale à la question de Montréal qui est l'épicentre, je dirais, de la raison
pour laquelle on est réunis ici, c'est-à-dire le projet de loi n° 96, sur
la langue française. Montréal, là, c'est l'épicentre, et dans l'épicentre, il y
a ce formidable atout que constituent les étudiants internationaux. Moi, je
trouve qu'on n'en fait pas assez, et c'est un euphémisme quand je dis ça, on
n'en fait vraiment pas beaucoup pour franciser les étudiants internationaux.
Alors, je veux avoir votre avis là-dessus.
Je veux savoir si le bureau existe encore, je veux savoir si vous y croyez et
si vous êtes capable de travailler plus avec les collèges, les universités pour
dire, un : Restez ici; deux : On va vous apprendre le français
pendant que vous étudiez, et puis vous allez apprécier, puis vous allez pouvoir
répondre en français sur la rue Sainte-Catherine quand vous avez... quand vous
travaillez dans les petits commerces.
Mme Plante (Valérie) :
Alors, merci beaucoup pour votre question. C'est intéressant, parce que la
vision que notre équipe a pour faire en sorte que Montréal continue d'être une
ville très compétitive à travers le monde, en compétition avec d'autres grandes
villes, c'est sa capacité à attirer des talents, à attirer des étudiants qui non
seulement font vivre l'économie pendant qu'ils sont ici, mais qui deviennent
aussi... qui viennent combler les besoins au niveau de la main-d'oeuvre. Et les
grandes villes du futur vont être en compétition directe, elles le sont déjà,
pour la main-d'oeuvre qui est disponible, et on la veut de qualité pour créer
de bons emplois également.
Donc, cette question-là est au coeur de
notre vision : Comment on positionne Montréal par rapport aux autres
villes du monde? Et la question, justement, de comment est-ce qu'on attire des
étudiants, bien, oui, ça passe par des établissements postsecondaires de très
grandes qualités. Et, bien que... je dois vous rassurer, Mme la députée, que
Montréal est toujours en tête au niveau de sa qualité, la qualité,
l'appréciation des étudiants à travers le monde. Bien sûr, la COVID a eu un
impact, là, c'est évident, mais la reprise est, somme toute, très, très
importante, puis on tire très bien notre épingle du jeu.
Donc, le travail qui est fait avec les
universités et les établissements postsecondaires est <fondamental...
Mme Plante (Valérie) :
...
au niveau de sa qualité, la qualité, l'appréciation des étudiants à
travers le monde. Bien sûr, la COVID a eu un impact, là, c'est évident, mais la
reprise est somme toute très, très importante, puis on tire très bien notre
épingle du jeu.
Donc, le travail qui est fait avec les
universités et les établissements postsecondaires est >fondamental. Et,
dans notre plan d'action dont ma collègue Mme Wong parlait, on a fait une
place de choix, justement... ce travail de collaboration qui est déjà bien
enclenché. Les universités sont des partenaires avec qui nous travaillons pour
s'assurer que, quand un étudiant arrive ici, il puisse non seulement étudier,
ça, c'est pour ça qu'il est venu ici, mais on veut qu'il y ait une intégration,
parce que, si on réussit très rapidement à intégrer via le français des
étudiants étrangers, bien, il y a des bonnes chances qu'ils restent à Montréal
parce qu'ils se rendent compte qu'à Montréal la qualité de vie est
exceptionnelle, c'est, somme toute, très abordable puis il y a des opportunités
de carrière vraiment intéressantes.
Alors, le français est un élément clé, et
le travail qu'on a fait avec les universités jusqu'à maintenant, c'est des
projets aussi simples que... simples, mais très efficaces, au niveau de la
culture. Quand une personne rencontre le français via, par exemple, la culture
et ce que c'est de découvrir des spectacles, de voir des expositions, d'être
vraiment mis devant notre magnifique culture montréalaise et québécoise, il y a
quelque chose qui se passe. Donc, il y a énormément de projets de cet ordre-là.
Et, dans notre plan d'action, cette place importante à la collaboration avec
les universités, elle est présente.
Pour ce qui est du bureau, le bureau
n'existe pas, mais les collaborations, elles, oui.
• (16 h 10) •
Mme David : Justement, on
va voir des collèges tout à l'heure, on l'a même entendu, les collèges
anglophones seraient prêts à faire plus pour la francisation de leurs étudiants
qui ne maîtrisent pas suffisamment le français. Il y a des universités
anglophones, vous le savez, qui sont très près du centre-ville, sinon carrément
dans le centre-ville, et qui ont des étudiants internationaux, mais des
universités francophones, aussi, avec des étudiants de partout dans le monde.
C'est une main-d'oeuvre exceptionnelle. Vous l'avez dit, ce sont des gens qui
peuvent rester, passer leur vie, tomber en amour, avoir un travail, être
bilingues, être trilingues. Mais nous, on a proposé qu'il y ait des antennes du
ministère de l'Immigration sur tous les campus, sur tous les campus, pour
offrir gratuitement les cours de français, ce qui n'existe pas, actuellement.
Oui, il va y avoir des cours, maintenant, en principe, accessibles avec le
projet de loi, mais comment la ville de Montréal peut faire plus pour s'assurer
que ces étudiants-là soient francisés, à part des choses plus générales, là?
Mme Plante (Valérie) : Bien,
tout d'abord, j'aimerais quand même juste... en termes de cadre de gouvernance,
la ville de Montréal, bien sûr, s'occupe de... comment dire, au niveau de sa
fonction publique, hein, plus grand employeur de la région métropolitaine de
Montréal, et les collaborations qu'on fait, soit avec le milieu des affaires ou
encore avec l'université, sont absolument primordiales.
Moi, ce que j'ai envie de vous dire, c'est
qu'on fait déjà beaucoup, mais on a besoin d'avoir les moyens de nos ambitions.
Je considère que Montréal, via ses différentes <collaborations... en
fait, c'est...
Mme Plante (Valérie) :
...et les collaborations qu'on fait, soit avec le milieu des affaires ou encore
avec l'université, sont absolument primordiales.
Moi, ce que j'ai envie de vous dire,
c'est qu'on fait
déjà beaucoup, mais on a besoin d'avoir les moyens de
nos ambitions. Je considère que Montréal, via ses différentes >collaborations...
en fait, c'est des liens qui sont déjà très forts, on peut aller tellement plus
loin. Là où c'est difficile, c'est qu'on n'a pas nécessairement les ressources
pour le faire. Je vais laisser, bien sûr, au gouvernement du Québec décider
quelle serait la meilleure façon d'implanter, par exemple, des antennes, par
exemple, si c'était une volonté du gouvernement. Je respecte vraiment la juridiction
du gouvernement d'agir dans l'application de la loi.
Mais ce que je peux vous garantir, c'est
que l'expertise qu'il y a à la ville de Montréal, les liens qu'on a avec le
milieu communautaire, avec les premiers arrivants, avec les... comme je disais,
avec le milieu des affaires, l'écosystème, puis là je le fais, c'est très large,
quand on parle du milieu économique, mais également le milieu d'enseignement...
Donc, je pourrais vous donner une quantité de programmes qui existent déjà, de
voir comment on peut les bonifier, mais c'est efficace. Et la force de Montréal,
c'est qu'elle nous offre une grande ville, mais à échelle humaine, et donc ces collaborations-là
sont tout à fait possibles. Et on est au centre, la ville de Montréal est comme
un peu un pivot, mais il faut nous utiliser davantage. Mme Wong.
Mme Wong (Cathy) : Oui,
je me permettrais d'ajouter avec deux exemples concrets, là, sur lesquels nous
avons échangé avec les universités anglophones au centre-ville.
Le premier est en lien avec la possibilité
pour des étudiants internationaux qui arrivent à Montréal de découvrir la
culture québécoise en leur offrant un accès à cette culture québécoise là, parce
que, bien, ces étudiants vivent dans un microcosme, hein, sont comme dans une
bulle au centre-ville et ces étudiants, puis c'est ça que les universités nous
ont dit, ils souhaitent avoir accès à cette culture-là, mais une culture qui
est davantage accessible, qui est davantage vulgarisée et qui leur permettra de
découvrir la culture francophone et québécoise. Et donc on réfléchissait, justement,
avec eux de la possibilité de développer ce parcours-là avec les universités
pour offrir aux étudiants cette possibilité de découvrir la culture québécoise
dans leurs premières années à Montréal et qui pourrait favoriser, justement, la
francisation, la compréhension. En fait, ce que les étudiants nous disent,
c'est : On a envie d'apprendre le français à l'extérieur des classes, on
veut rencontrer des gens, on veut assister à des spectacles et découvrir cette
culture. Donc, ça, c'est un exemple tout simple dans lequel on pourrait
travailler et où on souhaitait justement collaborer davantage avec les universités.
Dans un deuxième temps, lorsqu'on parle de
rétention des étudiants universitaires à Montréal, beaucoup d'entre eux, notamment
à la ville de Montréal, souhaitent trouver un travail, un emploi, et souvent
c'est leur premier emploi, hein, lorsqu'ils graduent de l'université. Et, bien,
nous, nous avons des exigences en lien avec la langue française, ce qui fait en
sorte que, bien, parfois, au niveau de l'embauche, bien, certains de ces
étudiants n'ont pas accès à... en fait, c'est plus difficile pour eux d'avoir
accès à certains emplois. Et donc on avait réfléchi, par exemple, à cette possibilité-là
de créer des stages, à créer des types d'emplois qui permettraient la
francisation des étudiants anglophones ou internationaux qui souhaitent
travailler au sein de l'administration publique et qui pourraient, à travers <cette
opportunité d'emploi là, bien, découvrir...
Mme Wong (Cathy) : ...donc
on avait réfléchi,
par exemple, à cette
possibilité-là de créer
des stages, à créer des types d'emplois qui permettraient la francisation des
étudiants anglophones ou internationaux qui souhaitent travailler au sein de
l'administration publique et qui pourraient, à travers >cette
opportunité d'emploi là, bien, découvrir, apprendre la langue française. Et
donc ça serait un programme, comme un programme de parrainage, qui permettrait
à des étudiants anglophones, internationaux de parfaire son français tout au
long de ses premiers mois de travail comme employé de la ville, alors, des
programmes comme on en fait pour les nouveaux arrivants, par exemple, mais,
cette fois-ci, davantage... en fait, davantage spécifiques aux étudiants
internationaux, de l'international ou anglophones.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Merci. Ça met fin à l'échange avec la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Donc, Mme la députée de Mercier, pour vos
2 min 50 s.
Mme Ghazal : Merci.
Merci, Mme la Présidente.
Mme Plante, Mme Wong, merci
beaucoup pour votre présentation. Vous avez raison de souligner que la ville de
Montréal a souffert pendant longtemps d'inaction en matière de protection de...
pas de l'environnement, mais de la langue française, et je suis contente de
vous entendre parler des actions que vous avez mises en place, et tout ça.
Donc, c'est très, très important.
Puis vous en parlez un peu, il y a
beaucoup de choses qui peuvent être difficiles à mettre en application,
notamment les communications orales. Votre site Internet aussi affiche en
anglais. Je me rappelle, dans le mémoire de Mmes Louise Harel et Louise
Beaudoin, elles disaient que, pour la ville de Montréal, le projet de loi
n° 96 est une révolution.
Donc, je voulais savoir qu'est-ce que vous
avez... Est-ce que vous sentez que vous avez les ressources suffisantes pour
mettre en place les dispositions qui sont dans le projet de loi n° 96?
Vous disiez que vous aviez besoin d'outils, et tout ça. Peut-être plus
précisément, est-ce que c'est quelque chose de faisable ou si ça va prendre
beaucoup, beaucoup, beaucoup de ressources de la part du gouvernement du Québec
pour vous aider?
Mme Plante (Valérie) : Merci
beaucoup pour la question, elle est très, très pertinente, parce que, je le
disais en introduction, pour réussir cette stratégie, cette réforme de la
loi 101, qu'on salue, il faut vraiment que la ville de Montréal soit
positionnée... il faut qu'on nous donne vraiment le moyen de prendre notre
envol, mais vraiment de contribuer à cette stratégie. C'est vraiment comme ça
je le vois.
Évidemment, le fait que nous allons nommer,
dans les prochains jours, une commissaire qui pourra travailler de concert avec
un ou une éventuel commissaire au sein du gouvernement du Québec sur la
question de la langue française va aider. Mais définitivement, Mme la députée,
je souhaite ardemment que les ressources financières... Je sais qu'il y a des
ressources financières qui ont été données à des organismes pas plus tôt qu'en
début de semaine, d'ailleurs, on s'en réjouit, hein, des organismes
communautaires qui font des merveilles sur le terrain, qui travaillent sur la
ligne vraiment, là, ils rencontrent les gens, ils font un travail de médiation
culturelle incroyable et amènent... favorisent l'intégration. Mais la ville de
Montréal... et, bien sûr, ça se déploie dans différentes actions, mais ce qui
est mis dans ce plan d'action là, c'est du sérieux, ça a été bien colligé, et
on souhaite que le gouvernement du Québec dise : Montréal, on veut
travailler ensemble, on est derrière vous, aidez-nous à accomplir ce grand objectif.
Mme Ghazal : J'ai peu de
temps. Donc, je comprends que ce n'est pas suffisant, il en faudrait plus. Il y
a eu le Syndicat de la fonction publique du Québec qui... aussi les <fonctionnaires...
Mme Plante (Valérie) :
...
dans différentes actions, mais ce qui est mis dans ce plan d'action
là, c'est du sérieux, ça a été bien colligé, et on souhaite que le gouvernement
du Québec dise : Montréal, on veut travailler ensemble, on est derrière
vous, aidez-nous à accomplir ce grand objectif.
Mme Ghazal : J'ai peu
de temps. Donc, je comprends que ce n'est pas suffisant, il en faudrait plus. Il
y a eu le Syndicat de la fonction publique du Québec qui... aussi les >fonctionnaires
du Québec communiquent directement avec des citoyens au lieu que... pour le
fameux six mois, au lieu de commencer à communiquer avec eux et elles tout
de suite en anglais en pensant que, nécessairement, s'ils ne parlent pas
français, ils parlent anglais, ils ont proposé que le gouvernement du Québec
mette en place un service d'interprétariat dans la langue d'origine de ces
personnes jusqu'à ce qu'elles apprennent le français, et après ça on communique
avec elles en français. Là, c'est six mois, mais on pourra avoir des
discussions pour revoir cette... prolonger un peu cette période-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin...
Mme Ghazal : Est-ce que
vous... intéressée à ce qu'il y ait le même service à la ville de Montréal?
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin, donc juste un «oui» ou un «non», parce que je dois céder
la parole à un autre député. Oui, non?
Mme Ghazal : Merci.
Mme Plante (Valérie) :
Ah! oui...
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui? D'accord. Merci.
Mme Plante (Valérie) : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
On va dire «oui». Parfait.
M. le député de Matane,
2 min 50 s.
Désolée, hein, je suis la gardienne du
temps. Désolée.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente.
Mme Plante, Mme Wong, soyez les
bienvenues. Montréal est une ville de la langue française, c'est à
l'article 1 de la charte. Ça, on doit toujours l'avoir en tête. On est en
campagne électorale municipale, et moi, je suis d'avis qu'on devrait avoir un
grand débat sur Montréal, ville francophone, entre les candidats à la mairie.
Ça ne semble pas être votre cas, Mme la mairesse.
Ce qui m'intrigue, c'est que vous avez dit...
dans un balado qui s'appelle Corner Booth, une question qui est posée
par l'animateur, qui dit que c'est la dernière chose dont on devrait parler,
vous avez répondu «absolutely». Je suis un peu étonné que vous ne vouliez pas
en faire un enjeu.
Je ne vais pas plus loin parce que c'est
l'élection municipale, mais vous avez dit d'autres choses qui m'intriguent encore
plus. Sur la langue de service, vous avez indiqué que l'ensemble des citoyens,
quelle que soit leur langue, devraient avoir des services qui sont accessibles,
le plus de services possible en anglais pour accommoder, ça pourrait être en
italien, ça pourrait être en une autre langue. Donc, j'ai de la misère à
concilier les ambitions que vous avez dans votre plan versus le propos que vous
tenez, dans ce cas-ci en anglais, il y a quelques jours à peine. Pouvez-vous
donner des éclaircissements?
• (16 h 20) •
Mme Plante (Valérie) :
Oui, tout à fait. Je vois mal le contexte de la campagne électorale dans cette
position, mais permettez-moi de vous dire que, depuis le début, ce que je dis
devant la communauté francophone est la même chose que je dis devant la communauté
anglophone, c'est-à-dire, quand je vous parle de la difficulté d'appliquer...
ou du moins des problématiques liées à l'application de la loi actuelle pour le
311. Dans des cas d'urgence, pour moi, ça, c'est important et c'est pour ça que
je suis devant vous, en toute franchise, pour vous parler de cette
problématique-là.
M. Bérubé : ...question.
Mme Plante (Valérie) :
Donc, moi, c'est exactement...
M. Bérubé : Ce n'est pas
de ça...
Mme Plante (Valérie) :
Bien, M. Bérubé, je m'excuse, vous avez posé...
M. Bérubé : J'ai la
transcription que je fournirai...
Mme Plante (Valérie) : ...question,
je vous réponds. Bien, écoutez...
M. Bérubé : Je fournirai
la transcription à la commission. Ceci étant dit, vous...
Mme Plante (Valérie) :
Dans tous les cas... Bien, je n'ai pas fini ma réponse, donc...
M. Bérubé : J'ai deux minutes,
madame. J'ai deux minutes, madame, mais...
Mme Plante (Valérie) :
Bien, vous me posez une question à développement pour un deux minutes.
Permettez-moi de douter de...
M.
Bérubé
:
D'accord, je vais en poser qui se répondent par oui ou non, très bien.
Mme Plante (Valérie) :
Bien, je ne pense pas pouvoir répondre à votre question, si elle est aussi
longue que la première, en un «oui» ou un «non», mais allez-y, M. Bérubé.
M.
Bérubé
:
Non, elle est très courte. Vous avez le député, devant vous, qui est
responsable <de la fameuse motion «Bonjour! Hi!»...
M.
Bérubé
:
...
j'ai deux minutes, madame. J'ai deux minutes, madame, mais...
Mme Plante (Valérie) :
Bien, vous me posez une question à développement pour un deux minutes.
Permettez-moi de douter de...
M.
Bérubé
:
D'accord, je vais en poser qui se répondent par oui ou non. Très bien.
Mme Plante (Valérie) :
Bien, je ne pense pas pouvoir répondre à votre question, si elle est aussi
longue que la première, en un «oui» ou un «non», mais allez-y, M. Bérubé.
M.
Bérubé
:
Non, elle est très courte. Vous avez le député, devant vous, qui est
responsable >de la fameuse motion «Bonjour! Hi!», et la volonté, c'était
de démontrer que, dans la langue de service, à Montréal, la langue de la vente
au détail, il y avait un problème. J'espère que Montréal voit ça de façon très
sérieuse. Je vous demande de faire preuve de votre influence auprès d'une organisation
que je connais bien, qui s'appelle Tourisme Montréal, qui a des liens très
étroits avec la ville de Montréal, avec le gouvernement du Québec, pour que le
mot-clic qui est utilisé pour définir Montréal à travers les réseaux sociaux
soit autre chose que #MTLmoments, ce qu'on retrouve depuis des années. Je vous
avoue que ça m'agace beaucoup. C'est ce genre de détail qui n'en est pas un.Alors, il y a une relation très privilégiée avec la ville de Montréal. Moi,
j'aimerais bien que les gens qui viennent à Osheaga et ailleurs utilisent un
autre mot-clic. Ça fait partie de l'identité qu'on veut donner à Montréal.
#MTLmoments, je trouve que ça ne rend pas le service français...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et malheureusement je dois mettre fin à cette période d'échange. Je suis
désolée, Mme la mairesse.
Mme Plante (Valérie) :
...qui n'était pas une question, mais je vous souhaite une belle fin de
journée, M. Bérubé.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vous souhaite également une belle fin de journée.
Nous allons suspendre nos travaux quelques
instants...
Mme Plante (Valérie) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
... — merci, il n'y a pas de problème — pour permettre aux autres participants
de prendre place. Merci de votre passage en commission.
(Suspension de la séance à 16 h 22)
(Reprise à 16 h 30)
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous reprenons donc nos travaux et nous recevons le Consortium des cégeps,
collèges et universités d'expression anglaise du Québec, et ça sera M. John
McMahon, qui est vice-président du consortium, qui fera la présentation. M. McMahon,
mesdames messieurs, bienvenue. La parole est à vous pour 10 minutes, après ça
je devrai couper votre présentation. Allez-y.
Consortium des cégeps, collèges et universités
d'expression anglaise du Québec
M. McMahon (John) :
Merci. Bonjour à tous et toutes. Merci de nous recevoir. Nous sommes ici
aujourd'hui <en tant que membres...
>
16 h 30 (version révisée)
<1355
La
Présidente (Mme Thériault) : ...collèges et
universités
d'expression anglaise du Québec. Et ce sera M. John McMahon, qui est
vice-président
du consortium, qui nous fera la
présentation. M. McMahon, mesdames
messieurs, bienvenue. La parole est à vous pour 10 minutes. Après ça, je devrai
couper votre
présentation. Allez-y.
M. McMahon (John) :
Merci. Bonjour à tous et toutes. Merci de nous recevoir. Nous sommes ici
aujourd'hui
>en tant que membres du Consortium des cégeps, collèges et universités anglophones
du Québec. Toutefois, nous tenons à préciser que ce mémoire ne reflète que la préoccupation
du English College Steering Committee, un regroupement de collèges anglophones qui,
depuis plus de 25 ans, s'est réuni régulièrement pour discuter de dossiers d'intérêt
commun. Ce comité est composé des collèges Champlain, Dawson, Heritage, John-Abbott,
Marianopolis et Vanier.
Mon nom est John McMahon, coprésident du
consortium et du English College Steering Committee et directeur général du
Vanier College. L'équipe qui est avec moi aujourd'hui comprend John Halpin,
directeur général du cégep John-Abbott, Diane Gauvin, directrice générale du
collège Dawson, etRichard Filion, ex-directeur général au collège Dawson et conseiller au
dossier.
Compte tenu du temps limité pour cette présentation
et du fait que les collèges anglophones ont été la principale cible de
critiques dans les médias et lors d'auditions, le consortium a convenu que ce mémoire
reflétera la position des collèges. Nous ne parlerons donc pas de préoccupations
que les universités pourraient ou non avoir par rapport à ce projet de loi.
Cela dit, il vaut la peine de souligner
que la mise sur pied du consortium, une nouvelle alliance collaborative de neuf
institutions postsecondaires au Québec, soit de six collègues du English
College Steering Committee avec les universités Bishop's, Concordia et McGill,
a été motivée par la nécessité d'entreprendre des recherches sur la migration disproportionnée
de diplômés d'expression anglaise et de remédier à ce problème avec des actions
concrètes. Ce consortium se donne comme mission de soutenir la rétention,
l'emploi et la réussite des diplômés de nos collèges et universités parce que
nous croyons au Québec et à son avenir.
Je me tourne maintenant vers ma collègue
du collège Dawson pour la poursuite de cette présentation.
Mme Gauvin (Diane) : Mme
la Présidente, M. le ministre, distingués membres de cette commission, les
établissements que nous représentons font, depuis maintenant plus de 50 ans,
partie intégrante de l'écosystème d'enseignement collégial. Tout au long de ces
années, nos collèges ont été animés par une mission éducative qui s'est
résolument voulue au service de la société <québécoise...
Mme Gauvin (Diane) : ...distingués
membres de cette
commission, les établissements que nous représentons
font depuis
maintenant plus de 50 ans partie intégrante de l'
écosystème
d'enseignement collégial. Tout au long de ces années, nos collèges ont
été animés par une mission éducative qui s'est résolument voulue au service de
la
société >québécoise. L'exercice de notre mission s'est
toujours effectué en ayant à l'esprit l'importance de l'apprentissage et de l'usage
du français dans la formation de nos étudiants. Cette préoccupation s'est
traduite, au fil des ans, non seulement à travers des cours de français langue
seconde, mais aussi par la mise en place de nombreuses mesures de soutien à
l'apprentissage de cette langue et l'offre d'activités visant à la fois
l'exposition à la culture québécoise et à la socialisation en français.
Nous sommes préoccupés par le fait que ce
projet de loi ait été, en partie du moins, élaboré en fonction d'une prémisse
voulant que nos collèges soient des facteurs d'anglicisation du Québec. Nous
contestons cette allégation. Bien sûr, nous aidons des jeunes Québécois à mieux
connaître la langue anglaise et, oui, nous les aider à développer des
compétences qui pourront leur être bénéfiques dans leur cheminement
professionnel et aussi les ouvrir à d'autres cultures et à d'autres modalités d'appréhender
le monde, mais aussi, par la mixité des mots linguistiques de nos populations,
nous aidons à parfaire la connaissance du français chez ceux pour qui ce n'est
pas la langue maternelle. Nous aidons à une meilleure compréhension de l'autre
et nous les aidons à intégrer la société québécoise.
Malheureusement, on nous a enfermés dans
un narratif dans lequel on nous fait jouer le rôle de vilains, un narratif dans
lequel s'opère un glissement subtil de la notion de bilinguisation à celle
d'anglicisation. Nous ne nions pas l'importance de protéger et de promouvoir le
français, bien au contraire. Nous reconnaissons la nécessité de protéger et de
valoriser le statut du français au Québec et nous adhérons à l'idée de faire du
français la langue commune et la langue de l'intégration et de sensibiliser à l'importance
de cette langue et de la culture québécoise comme liant de notre société. Nous
sommes prêts à en faire plus, si on nous en donne les moyens.
Maintenant, abordons les dispositions du projet
de loi qui nous concernent. Tout d'abord, au sujet de la fixation de l'effectif,
en ce qui a trait aux dispositions particulières de l'enseignement collégial,
les stipulations apparaissant aux articles 88.0.4 et suivants concernant
la fixation de l'effectif étudiant dans nos établissements sont lourdes de
conséquences. La ministre de l'Enseignement supérieur a fait connaître, en juin
dernier, l'effectif attribué à chacun des établissements collégiaux publics de
la grande région de Montréal. Ces effectifs doivent faire l'objet d'une
réévaluation annuelle, considérant la hausse démographique anticipée. Selon les
documents présentés à ces effets par les officiers du MEES, les orientations
fixant ces effectifs totaux pour nos établissements s'appuient sur le projet de
loi n° 96, notamment l'alinéa 88.0.4. Donc, en principe, cet effectif
vaudrait pour l'automne 2021 et pourrait faire l'objet, à l'instar des
autres établissements collégiaux de la région de Montréal, d'une réévaluation
annuelle suivant les données observables. Or, il s'avère que cette
détermination pour les cégeps anglophones sera effective pour une période de 10 ans,
jusqu'en 2029...
(Interruption) Pardon. De deux choses
l'une : ou bien on respecte <l'esprit...
Mme Gauvin (Diane) : ...
et
pourrait faire l'objet, à l'instar des autres établissements collégiaux de la
région de Montréal, d'une réévaluation annuelle suivant les données
observables. Or, il s'avère que cette détermination pour les cégeps anglophones
sera effective pour une période de 10 ans jusqu'en 2029...
(Interruption) Pardon. De deux choses
l'une : ou bien on respecte >l'esprit du projet de loi, et
l'effectif total peut alors être révisé chaque année, comme l'indiquent les
dispositions 88.0.4, ou bien on ne les respecte pas, ou on fonctionne
selon les orientations présentées dans le projet de loi, incluant la
possibilité d'accroissement prévue au paragraphe 2° de
l'article 88.0.4, ou on ne le fait pas. Comme nous le recommandons dans
notre mémoire, nous demandons donc que la fixation des effectifs totaux
attribués par le ministre de l'Enseignement supérieur se fasse pour une période
de trois ans, soit jusqu'à l'automne 2024, et que cet effectif soit révisé
au terme de cette période, et qu'en conséquence l'application des pénalités
financières déterminées au projet de loi soit différée jusqu'au terme de cette
période.
Maintenant, pour ce qui est de l'article 4,
l'article 4 vient établir qu'une personne qui a reçu l'enseignement en
anglais au primaire, secondaire et collégial doit avoir acquis les compétences
suffisantes pour utiliser le français comme langue commune afin de pouvoir
interagir, s'épanouir au sein de la société québécoise et participer à son développement.
Cet énoncé, réitéré dans l'article 62 du projet de loi, les
articles 88.10 et 88.12, louable dans son intention, pose le défi
d'identifier quelles sont ces compétences suffisantes et surtout soulève
l'enjeu d'en distribuer la responsabilité entre les différents ordres
d'enseignement. Quel sera l'égard... pardon, quel sera, à cet égard, le mandat
de l'instruction obligatoire? Est-il légitime de penser qu'à la sortie de
l'école secondaire tout élève recevant son diplôme a atteint ces compétences?
Quel rôle devra alors échoir à l'ordre collégial en pareille instance?
Venons-en à l'article 88.0.12 du projet
de loi, sur lequel nous entretenons de fortes réserves. Pour évaluer la connaissance
du français des non-ayants droit, le projet de loi préconise l'imposition d'une
épreuve terminale de français dont le contenu serait le même pour les étudiants
ayant reçu l'enseignement collégial donné en anglais et en français. Cette
proposition recèle plusieurs difficultés. Signalons que le cursus collégial est
fort différent en ce qui a trait à l'enseignement du français selon le secteur.
Au secteur français, on parle de quatre cours de langue et littérature
totalisant 240 heures, tandis qu'au secteur anglais on retrouve deux cours
de français langue seconde totalisant 90 heures. D'envisager administrer
une épreuve uniforme dont le contenu est le même indépendamment du secteur dans
lequel l'étudiant a fait ses études collégiales est proprement inquiétant. Cela
reviendrait à procéder à une même mesure d'évaluation pour des objets
d'apprentissage radicalement différents. Il y a là manifestement quelque chose
de profondément inéquitable. Nous demandons donc que la
disposition 88.0.12, apparaissant à l'article 58 du projet de loi
n° 96, soit retirée.
Pour ce qui est de la priorisation des
ayants droit, la détermination des ayants droit et la volonté du législateur de
leur donner une certaine forme de priorité dans le processus d'admission de nos
collèges soulèvent un <certain nombre...
Mme Gauvin (Diane) : ...nous
demandons donc que la disposition 88.0.12, apparaissant à l'
article 58
du
projet de loi n° 96, soit retirée.
Pour ce qui est de la priorisation des
ayants droit, la détermination des ayants droit et la volonté du législateur de
leur donner une certaine forme de priorité dans le processus d'admission de nos
collèges soulèvent un >certain nombre d'enjeux. D'abord, qui sont ces
ayants droit? En outre, l'introduction d'un critère sociolinguistique pour
l'admission dans les collèges vient interférer avec le critère normalement
utilisé pour donner accès à l'enseignement supérieur, celui de la qualité du
dossier académique. Pour combiner ces deux critères dans une approche
équilibrée visant à préserver les chances de réussite de nos étudiants, il
faudra tenir maintes discussions afin de bien calibrer l'utilisation de ces
deux facteurs.
Notre troisième recommandation consiste
donc à demander que l'entrée en vigueur des mesures visant à prioriser les
ayants droit soit repoussée à l'automne 2024. En conséquence, nous souhaitons l'établissement
d'une période de transition de trois ans afin de prendre la juste mesure de
l'impact des dispositions du projet de loi n° 96 une
fois adopté. Nous souhaitons ainsi... aux propos tenus par la ministre McCann,
qui nous a dit plus d'une fois, en juin dernier, qu'on saura prendre le temps
de bien faire les choses. Merci beaucoup.
• (16 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Pile dans votre 10 minutes.
Donc, sans plus tarder, nous allons aller
à la période d'échange avec... M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente.
M. McMahon, M. Halpin, Mme Gauvin...
je crois que c'est M. Filion, hein, qui n'est pas là... oui, M. Filion,
bonjour. Écoutez, merci de participer aux travaux de la commission parlementaire.
D'entrée de jeu, là, je comprends que vous
exprimez les points de vue, également, de l'Université McGill, de l'Université
Concordia et de l'Université Bishop's, qui sont membres du Consortium des
cégeps, collèges et universités d'expression anglaise du Québec, c'est bien ça?
M. McMahon (John) : Oui.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Écoutez, dans un premier temps, est-ce que vous êtes d'accord avec la
limitation qu'on propose au niveau du collégial, le plafond qu'on vient insérer
dans le cadre du projet de loi?
M. McMahon (John) : Oui,
mais, certainement, il y a une distinction à faire, parce qu'en février les
trois collèges de Montréal ont dit : Avec une limitation pour nous autres,
pour les trois collèges dans l'île de Montréal, oui, on sera d'accord avec ça,
la limitation, mais c'est différent pour les autres collèges dans les régions
anglophones, comme Heritage College, comme certains campus de Champlain. Ce
n'est pas «one size fits all». Mais, pour les trois grands collèges de
Montréal, on sera d'accord avec une limitation de notre devis, on n'a aucun,
aucun désir pour «enlargement» des trois collèges dans l'île de Montréal.
M. Jolin-Barrette : Et
ça, je comprends que c'est pour <toujours. Donc...
M. McMahon (John) :
...
de Montréal, on sera d'accord avec une limitation de notre devis, on
n'a aucun, aucun désir pour «enlargement» des trois collèges dans l'île de
Montréal.
M. Jolin-Barrette :
Et ça, je comprends que c'est pour >toujours? Donc, vous êtes à l'aise
qu'on limite ça à 17,5 %.
Une voix
: Non.
M. McMahon (John) :
«Toujours», c'est un mot... La recommandation pour le futur immédiat, oui, mais
la recommandation, c'est pour regarder ça pas en 10 ans, mais peut-être en
deux, trois ans et regarder la réalité de la situation à ce moment-là pour
avoir une politique qui est vraiment répondre au le besoin courant.
M. Jolin-Barrette : Le
besoin courant. Supposons qu'on prend votre hypothèse, là, qu'on réviserait ça
dans deux, trois ans, là, supposons qu'il y aurait des places à ajouter, là,
sur l'île de Montréal, là, la Fédération des cégeps, ce matin, là, est venue
nous suggérer que, si jamais il y avait des places à ajouter dans les
établissements collégiaux anglophones, on devrait prioriser les cégeps qui
sont... qui sont publics, financés à 100 % par l'État. Est-ce que vous
êtes du même avis, qu'on donne davantage de places à Dawson qu'à Marianopolis?
M. McMahon (John) : Oui,
mais, comme M. Tremblay a dit ce matin, la Fédération des cégeps, c'est
vraiment une fédération de 48 cégeps publics. Nous sommes cinq cégeps
publics anglophones, mais on travaille très, très fort, très bien avec nos
collègues francophones dans la Fédération des cégeps. Mais ça, c'est les cinq
cégeps publics. Notre organisation d'English College Steering Committee, c'est
bien compris avec Marianopolis, un collège privé subventionné. La position des
collèges privés, certainement, avec respect, on peut «agree to disagree», mais
le collège privé a une autre position. On respecte ça, mais nous sommes
complètement d'accord avec la Fédération des cégeps concernant les cégeps
publics.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Sur la question du déclin du français, là, il y a plusieurs auteurs qui disent
que le fait qu'il y ait une progression supplémentaire dans le réseau collégial
anglophone, ça fait en sorte que ça a un impact sur le français en général au
Québec. Vous émettez des doutes, là, par rapport à ça, là, à la page 3 de
votre mémoire, là. Vous émettez des doutes relativement au fait que, lorsqu'on
fréquente un établissement collégial anglophone, on risque de tendre davantage
vers la culture anglo-saxonne, qu'on... également qu'il y a un facteur
d'anglicisation.
M. McMahon (John) : On va
travailler vraiment comme une «tag team», et je demande mon collègue M. Halpin
<à répondre.
M. Halpin (John) : Je
pense que, M. le ministre, c'est important de, premièrement...
M. Jolin-Barrette :
...
également, qu'il y a un facteur d'anglicisation.
M. McMahon (John) : On
va travailler vraiment comme une «tag team», et je demande mon collègue M. Halpin
>à répondre.
M. Halpin (John) : Je
pense que, M. le ministre, c'est important de... premièrement, par rapport au
déclin du français, pour nous, c'est clair que... quand on a 7 millions de
francophones habitant dans un continent avec 330 millions d'anglophones, c'est
clair que, pour nous, il y a une grosse pression sur le français. Et, comme
vous avez dit ce matin avec Bernard Tremblay, il y a un enjeu pour le français,
et nous devons tous travailler ensemble pour promouvoir le français. Donc, de
notre point de vue, c'est clair qu'il y a du travail à faire, et on est prêts à
le faire. Nous sommes quand même étonnés, dans le projet de loi n° 96,
qu'il n'y a rien dans le projet de loi pour améliorer le français de nos
étudiants anglophones. Nous sommes présentement limités par les règlements, règlements
des études collégiales, à 90 heures d'enseignement, français langue
seconde. Nous voulons en faire plus, mais c'est les lois de notre ministère qui
nous en empêchent. C'est clair que...
M. Jolin-Barrette : ...combien
d'heures vous voudriez dans le cursus?
M. Halpin (John) : Ça, c'est
quelque chose qui... ce matin... Parce que, pour augmenter les cours de
français, ça va prendre du courage, parce que ça implique des changements au
cursus de formation générale et au RREC, et il va y avoir des effets sur les
conventions collectives. Donc, c'est clair que ça va prendre un dossier là-dessus
et une concertation. Mais est-ce qu'on est ouverts à en faire plus? Oui, mais
il faut prendre le temps de digérer comment le faire de la bonne façon, comme
notre ministre nous... Il faut prendre le temps de bien le faire.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Mais juste pour être clair, là, juste savoir, là, parce que moi, je dois
quitter la commission tout à l'heure, là, à la fin de la journée, puis je veux
juste être sûr de votre position. Donc, pour Champlain, pour Dawson, pour
Heritage, pour John-Abbott, pour Marianopolis et pour Vanier, vous me dites :
M. le ministre, s'il vous plaît, faites changer le règlement sur les études
collégiales et augmenter... dans le cursus pour les cégeps anglophones, augmenter
le nombre de cours de français. Donc, c'est ce que vous souhaitez? Je vous
demande : À combien de cours?
M. Halpin (John) : On est
absolument ouverts à le faire. Si on rajoute deux cours, ça peut avoir un
impact sur 100 à 200 emplois, donc ce n'est pas quelque chose qui se fait
sans parler au syndicat, ce n'est pas quelque chose qui se fait sans réviser la
formation générale. Si vous savez l'historique, il y a eu un rapport préparé il
y a quelques années qui parlait de faire un changement à la formation générale,
le rapport Demers. Il y a très peu des recommandations qui sont sorties du
rapport Demers qui ont été implantées justement parce que ça prend du temps et
ça prend du courage à changer le <cursus...
M. Halpin (John) : ...
il
y a
quelques années qui parlait de faire un changement à la formation
générale, le rapport Demers.
Il y a très peu des
recommandations
qui sont sorties du rapport Demers qui ont été implantées
justement
parce
que ça prend du temps et ça prend du courage à changer le >cursus de
l'éducation collégiale.
M. Jolin-Barrette :
O.K., mais je vais vous reposer ma question, là. Puis je comprends qu'il y a
les syndicats, il y a des emplois, puis tout ça, puis ça, on va s'occuper de ça
parallèlement, mais là on est sur la question de la langue, là, l'importance
pour les étudiants qui vont dans vos établissements collégiaux d'avoir une
bonne maîtrise de la langue française. Vous savez qu'on impose l'épreuve
uniforme de français, puis vous avez de fortes réserves, vous dites que ça va
entraîner des difficultés, c'est inquiétant, c'est inéquitable, vous dites que
c'est incongru, il n'y a pas de valeur ajoutée rocambolesque. Bon, je ne suis
pas d'accord avec ça dans votre mémoire, mais je vous demande clairement, là :
Combien de cours ça prendrait, combien d'heures de cours ça prendrait, en
fonction des six cégeps anglophones, pour que les étudiants qui étudient dans
vos établissements d'enseignement collégiaux aient une bonne maîtrise de la
langue française?
M. Halpin (John) : Je
vais me permettre une réponse rapide, et puis Diane va continuer. Il faut
comprendre que, depuis 1995, les collègues travaillent avec un programme de
compétences. Bien, comme on dit dans notre mémoire, il faut définir la
compétence qu'on veut atteindre et, après ça, on pourra définir les heures de
cours que ça prend, donc, et c'est plus un travail de longue haleine parce
qu'il faut... c'est quoi, là, quelle compétence qu'on veut atteindre, et après
ça on décidera combien de cours. Si on se base sur ce qui se passe dans...
M. Jolin-Barrette :
Bien, moi, je vous dirais une chose, l'épreuve uniforme de français, là, est
dans le projet de loi, puis, tous vos étudiants collégiaux, allophones et
francophones qui sont dans vos établissements d'enseignement, afin de pouvoir
diplômer puis d'avoir leur D.E.C., il va falloir qu'ils passent l'épreuve
uniforme, ça fait que ça serait le temps d'y penser pour nous dire combien de
cours vous voulez pour faire en sorte que vos étudiants puissent diplômer
adéquatement dans le cadre de leur parcours scolaire.
Je vous soumets ça. Je vais céder la
parole à mes collègues, notamment le député de Sainte-Rose, qui veut poser des
questions, mais je vous invite à y réfléchir sérieusement sur le nombre de
cours que ça va nécessiter.
• (16 h 50) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Est-ce que vous complétez la réponse, Mme Gauvin?
Mme Gauvin (Diane) :
Bien, juste pour vous dire que, quand on regarde pour s'assurer que les
étudiants maîtrisent bien le français, je pense qu'il faut regarder primaire,
secondaire, collégial, il faudrait que ça s'harmonise.
Et ensuite, bien, pour répondre plus
précisément à votre question, ce n'est pas nécessairement ce que je souhaite.
Par contre, les prérequis pour écrire l'examen... l'épreuve uniforme de français,
c'est d'avoir fait trois cours de littérature en français. Donc, ce n'est pas
la réponse, ce n'est pas nécessairement ce que je recommande, mais ça serait...
c'est le prérequis pour écrire l'épreuve uniforme.
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie pour votre présence en commission parlementaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, on va maintenant su côté du député de Sainte-Rose, et vous avez
6 min 15 s.
M. Skeete : Merci, Mme la
Présidente. Permettez-moi de vous saluer et de vous remercier de votre présence
en commission.
Very nice to see you
again, Mr. McMahon. We had the chance to speak before the tabling of the
bill. I'm very happy that we have the chance to talk <today...
La Présidente (Mme Thériault) :
...merci. Donc, on va
maintenant su côté du député de
Sainte-Rose,
et vous avez 6 min 15 s.
M. Skeete : Merci,
Mme
la Présidente. Permettez-moi de vous saluer et de vous remercier de votre
présence en commission.
Very nice to
see you again, Mr. McMahon. We had the chance to speak before the tabling
of the bill. I'm very happy that we have the chance to talk >today.
The Minister spoke about
the ability and the desire of the college system to do more, to move the needle,
so to speak, in terms of the English Quebeckers' ability to be more proficient in French. What I'm hearing today is
an openness to explore that possibility. I want to thank you for that openness.
I was wondering what are
your thoughts with regards to the dispositions of the bill that will give
English-speaking Quebeckers
first kick at the can when it comes to admission processes. What are your views
in there? Because I'm reading in your memoire that you guys have some concerns
about that. Is it a logistical «how-do-I-go-about-doing-that» type of concern
or is it a principled «we-don't-think-that-anybody-should-be-cutting-a-line» type
of concern?
M. Halpin (John) : Je
pense que, premièrement, nous ne sommes pas des institutions anglophones, nous
sommes des collèges qui servent tous les Québécois et qui offrent une éducation
en anglais. C'est important, cette différence-là. Quand on a reçu nos lettres
patentes, c'était pour offrir l'enseignement collégial, il n'y avait aucune
référence à la langue.
La ministre McCann, récemment, a lancé un
grand chantier et des millions de dollars d'investissement sur la réussite
académique. Donner l'admission en sciences à un ayant droit avec une moyenne
générale au secondaire de 65 pour qu'il soit ultérieurement refusé à l'entrée,
université, n'est pas une définition de la réussite, d'après nous.
Par contre, nous allons toujours
travailler très fort pour trouver des voies de passage aux étudiants
anglophones, mais, comme nous disons dans notre mémoire, il faut trouver la
bonne façon de le faire pour standardiser les admissions, et donc nous
demandons trois ans pour définir la bonne approche.
M. Skeete : Si vous me
permettez, j'aimerais justement rajouter sur ce point-là, parce que moi, je
reçois de nombreuses plaintes de la communauté d'expression anglaise, de
Québécois qui veulent accéder un réseau qui est fait et fabriqué pour eux, où
est-ce qu'ils peuvent être enseignés en anglais, et ils me disent :
M. Skeete, avec une moyenne de 85, je n'arrive pas à rentrer en sciences
humaines. Pour moi, pour un Québécois d'expression anglaise qui a fréquenté vos
institutions, ça veut dire que moi, je n'aurais pas pu être admis, ça veut dire
que moi, je n'aurais pas pu poursuivre, par la suite, à faire mon université,
par la suite ma maîtrise.
Donc, êtes-vous concernés par le fait
qu'il y a des Québécois d'expression anglaise, avec un choix limité
d'institutions où est-ce qu'on offre des cours en anglais... ne peuvent pas
accéder au réseau parce qu'il y a un contingentement de francophones qui
veulent venir à vos institutions et, par le choix même, il y a une sélection à
la hausse des moyennes pour ces gens-là? Je comprends que vous ne voulez pas
réduire la qualité, là, puis vous <contrôlez...
M. Skeete : ...d'institutions,
où est-ce qu'on offre des cours en anglais, ne peuvent pas accéder au réseau
parce qu'il y a un contingentement de francophones qui veulent venir à vos
institutions, et par le choix même, il y a une sélection à la hausse des
moyennes pour ces gens-là? Je comprends que vous ne voulez pas réduire la
qualité, là, puis vous >contrôlez les mesures que vous voulez mettre en
place pour ça, mais est-ce que vous trouvez ça normal qu'un Québécois
d'expression anglaise avec une moyenne soi-disant élevée ne réussit pas à être
admis à l'intérieur de vos institutions parce qu'il y a cette compétition-là
avec la majorité francophone?
M. McMahon (John) : Of course, we're concerned by that, as you and I spoke about back
in the Spring. That's always been a concern. We do not need a law in order for
us to be concerned with that. There have been two periods, really, in the last
15 years, where it has been more a concern than
any other, and one was in 2009, 2010, 2011, and the other just recently.
The issue is we're
institution of higher learning, so there are going to be programs that are very
competitive. And as my colleague had already mentioned, we serve all students.
We don't discriminate on a basis of language, we accept students who are
francophone, allophone, anglophone. The reality is that some programs in our
colleges have become very difficult to get into, and we're very conscious of
that. We are working together, as the English College Steering Committee, to
address that issue. As we said before in this...
M. Skeete : Mr. McMahon, if I may, and my time is limited, I didn't mean
to cut you off, but I just want to follow up on something that you said because
I think... you say that a law is not needed, but English-speaking high schools
throughout Québec have been
raising this as a red flag for years, and the situation has only gotten worse. So, I'm wondering if it's not a bill that
you're proposing that would make a difference to help English-speaking Quebeckers access their network, what else can we do to move the
needle here? Because it's a real issue. We have quality students who simply
cannot get into CEGEPs.
M. McMahon (John) :
As I said, we don't need a bill. However, if there is a bill, and I'm presuming
that this «projet de loi» will continue, our recommendation is because it is a
complex subject, that time is needed for our colleges to adopt a policy that
balances access and excellence. That's what our recommendation is. Are you
willing to accept that recommendation now that we're in an agreement that
something needs to be done and to give us the time, as a college network of
English colleges, to have a policy in place that responds well to not only the
English community, but the Québécois community that we've been serving for more
than 50 years?
M. Skeete : Your concerns are duly noted, and I would agree, I wouldn't want a situation that was described by your
colleague where average or subaverage students are accessing simply on the
basis of language certain highly restrictive programs. That's not the illusion
that we... that's not the vision that we have with this bill. But what we do
have is a very serious problem of disenfranchisement of English-speaking
Quebeckers who have the inability to access their own network. So, there, at
some point, has to be a discussion. I think, what I'm confident is that each
institution will have the ability, with the <autonomy...
M. Skeete :
...that's not the vision that we have with this bill. But what we
do have is a very serious problem of disenfranchisement of English-speaking
Quebeckers who have the inability to access their own network. So, there's at
some point have to be a discussion. I think, what I'm confident is that each
institution will have the ability with the >autonomy
that they have within their charter, to come up with a plan that suits their
needs, and we're optimistic that we're going to be able to help students access their network.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange.
M. Skeete : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je regarde maintenant Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
• (17 heures) •
Mme David : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous tous d'être là. Je trouve la
conversation extrêmement intéressante et importante. Autant le ministre que le député
de Sainte-Rose, je trouve que, là, on est dans le... Sainte-Rose, hein?
Décidément, je vais... Rose, comme votre foulard... votre mouchoir. Donc, très,
très important, on est au coeur des questions qui touchent le réseau collégial,
et Dieu sait que vous le mettez bien en évidence, tout n'est pas si simple dans
un réseau d'éducation.
Alors, la Fédération des cégeps nous
rappelle que juste changer le cours d'histoire ou changer le programme de
sciences de la nature ou de sciences humaines... vous nous avez rappelé le
rapport Demers, que j'avais oublié, mais qui est tellement important, qui
proposait beaucoup, beaucoup de changements. Mais, de toute façon, dans ce projet
de loi ci, nous sommes face à des changements, je le disais ce matin à la fédé,
qui vont exiger l'ouverture du Règlement sur le régime des études collégiales, je
pense que c'est incontournable. Et, pour ouvrir ça, évidemment, je sais que ce n'est
pas nécessairement facile pour le ministre de la Langue française, surtout que
c'est un autre ministre qui va rouvrir ce régime, c'est un petit peu long.
Est-ce que c'est trop long? La réponse, c'est oui. Vous l'avez condamné depuis
des années. Moi-même, je trouvais ça épouvantablement long de réviser un
programme, des années, que ça prend. Là, je ne pense pas que le ministre,
éventuellement, de la Langue française trouve ça intéressant d'attendre
plusieurs années.
Vous demandez trois ans. Mais moi, je vais
répéter la question des deux, et du ministre et du député de Sainte-Rose. Vous
êtes ouverts à beaucoup de choses, vous dites : Nous sommes ouverts. Je
vous cite à la page 10 : «On se serait attendu, au contraire, que des
mesures spécifiques visant à consolider la maîtrise du français auprès de cette
catégorie d'étudiants — donc les ayants droit — soient
mises de l'avant. Le projet de loi ne contient rien à cet égard.» Vous ouvrez
grande la porte pour dire : Nous voulons faire plus. Vous avez même dit :
Donnez-nous les moyens — et je trouve ça fort intéressant — donnez-nous
les moyens. Vous avez dit : Nous sommes prêts à en faire plus si l'on nous
en donne les moyens.
Le ministre vous a demandé... mais le
ministre, il parle encore de cours de français, moi, je parle de cours en
français. Peut-être que c'est encore plus exigeant, le mot «en» que le mot
«de», parce que «en français», ça veut dire, oui, changement, ouverture du
régime d'études collégiales, mais, de toute façon, pour l'épreuve uniforme de
français, vous allez êtes obligés de le rouvrir. Donc, qu'est-ce que vous <voulez
faire...
>
17 h (version révisée)
<15379
Mme David :
...moi, je parle de cours en
français.
Peut-être que c'est encore
plus exigeant, le mot «en» plutôt que le mot «de», parce que «en
français»
ça veut dire, oui, changement, ouverture du régime d'études collégiales, mais,
de toute façon, pour l'épreuve uniforme de
français, vous allez êtes
obligés de le rouvrir. Donc, qu'est-ce que vous >voulez faire? Qu'est-ce
que vous pensez qui pourrait être intéressant? Notre proposition, oui, le
régime, il va falloir le rouvrir. La proposition du ministre des cours de français,
dites-nous... Moi, je pense qu'on peut penser en dehors de la boîte, on va être
obligés de sortir de la boîte, de toute façon, de la boîte de ce régime
d'études collégiales actuel.
M. Halpin (John) : Merci,
Mme la députée. Je pense qu'on a offert dans... au cours des années, plusieurs...
si on prend, par exemple, un programme qui existe déjà... trois collèges ici,
on envoie des étudiants à Gaspé pour une session d'études, là, session
d'immersion pour aider, premièrement, les espaces qu'il y a dans les cégeps de
région, puis en plus pour aider nos étudiants anglophones à une immersion dans
un environnement en région. Il me semble qu'on pourrait en faire beaucoup plus
de ce côté-là. Prenez l'opportunité et puis le financement requis pour aider à
nos étudiants, les étudiants des grands centres d'aller en région, mais il faut
que ça soit fait d'une façon où c'est attractif. On parle beaucoup
d'attractivité de ce temps-ci, il faut que ça soit attractif à nos étudiants.
Si...
Mme David : Oui, je vous
entends bien, M. Halpin, c'est vrai, ce que vous dites, mais ça, c'est
encore de la promotion, offrir des stages, mais tant que ça ne sera pas dans un
régime d'études collégiales, dans la formation générale ou dans la formation
complémentaire, avec des obligations de x heures, soit de stages en français,
d'immersion en français ou des cours en français ou, admettons, des cours de français,
bien, les étudiants ne le feront pas nécessairement. Il va falloir avoir une
mesure que j'appelais, ce matin, avec la fédé, structurante pour pouvoir
atteindre, justement, une belle immersion, je dirais, même intracollèges,
intracollégiale, que ça soit à Dawson, à Vanier, à n'importe quel collège, à
John-Abbott, que les étudiants anglophones et francophones puissent parler français
entre eux, qu'ils puissent faire des travaux en français. Comment vous pouvez voir
ça, là, sans les envoyer nécessairement en Gaspésie?
M. Halpin (John) : On a déjà
plusieurs échanges... programmes de même qui sont pilotés, si on prend en exemple
de Vanier—Saint-Laurent, si on prend l'exemple... nous autres, on a des
échanges avec le cégep Gérald-Godin depuis quelques années, où ils font une
session d'un bord et de l'autre. Ils restent encore chez eux, ils ne sont pas
obligés... ils prennent l'autobus dans l'autre sens pour aller à Gérald-Godin.
Donc, il y a plusieurs programmes de même.
Comme vous avez dit, c'est un travail de
longue haleine pour rajouter des cours au cursus, mais nous sommes ouverts à
faire ce travail-là. Mais ça implique du changement aux conventions
collectives, ça implique des changements par rapport au RREC que vous avez dit.
Donc, c'est <clair que...
M. Halpin (John) : ...
plusieurs
programmes de même.
Comme vous avez dit, c'est un travail
de longue haleine pour rajouter des cours au cursus, mais nous sommes ouverts à
faire ce travail-là. Mais ça implique du changement aux conventions
collectives, ça implique des changements par rapport au RREC que vous avez dit.
Donc, c'est >clair que c'est du gros travail. Est-ce qu'on est ouverts à
le faire? Absolument.
Puis je crois que mon collègue Richard
Fillion voulait en rajouter.
M. Filion (Richard) : ...excusez.
Vous m'entendez, oui?
Mme David : Oui.
M. Filion (Richard) :
Vous m'entendez?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
M. Filion (Richard) :
Bon, juste très brièvement, là, la vraie question : Qu'est-ce qu'on fait
avec les étudiants du Québec pour qu'ils puissent acquérir la maîtrise des deux
langues secondes — pour les francophones, l'anglais, pour les anglophones, le
français? Il y a très certainement nécessité de réfléchir à la manière de
modifier la façon dont on offre l'enseignement collégial pour permettre à ces
deux catégories d'étudiants d'avoir accès à des formations qui sont
qualifiantes dans les deux langues, le français et l'anglais.
Je vais dire que, pour avoir vécu
16 ans au collège Dawson, et on le dit dans notre mémoire, la mixité
démolinguistique favorise l'échange entre les deux communautés et permet aux
jeunes anglophones de se familiariser avec le français, et je pense que, si on
ampute cette possibilité-là, on ne rend service à personne.
Mme David : Je vais aller
sur l'épreuve uniforme de français, justement. Je sais que vous dites que ça va
être à peu près inapplicable, mais admettons que la loi passe, il va falloir
l'appliquer. Ça fait qu'à partir du moment où il va falloir l'appliquer, il
faut que nous, les législateurs, nous puissions le rendre minimalement
réaliste. Or, vous faites la démonstration hors de tout doute, je trouve, que,
pour l'instant, si on n'apporte pas de précisions et d'amendements, c'est
irréaliste. Donc, il va falloir y penser. Il va falloir y penser avec le
ministère de l'Enseignement supérieur, avec la ministre de l'Enseignement
supérieur, 240 heures versus 90 heures, une ou deux épreuves. Ce n'est
pas clair pour moi, si vous fréquentez le cégep anglophone, si l'étudiant et
l'épreuve uniforme de français et l'examen... l'épreuve uniforme d'anglais, si
on veut, à la fin de son collégial. Prenons pour acquis, là... admettons que
cet article de loi là est adopté, combien de temps, vous pensez, et quelles
étapes vont devoir être franchies pour arriver à quelque chose qui soit
réaliste?
Mme Gauvin (Diane) :
Bien, peut-être simplement dire que, pour pouvoir répondre à la... pouvoir
écrire l'examen, il faut avoir fait les cours de littérature en français. À
moins que la ministre change les prérequis, mais pour l'instant, les prérequis,
il faut avoir fait les cours de littérature. Donc, nos étudiants ne se
qualifient pas pour écrire... pour pouvoir faire l'examen de l'épreuve uniforme,
c'est là le problème. Alors, si la loi ne change pas ou le maintien de
l'épreuve <uniforme...
Mme Gauvin (Diane) :
...mais pour l'instant, les prérequis, il faut avoir fait les cours de
littérature. Donc, nos étudiants ne se qualifient pas pour écrire... pour
pouvoir faire l'examen de l'épreuve uniforme. C'est là le problème. Alors, si
la loi ne change pas ou le maintien de l'épreuve >uniforme... on se
retrouve avec un problème énorme, et là il faudra que nos étudiants ou
non-ayants droit puissent suivre ces cours de littérature. Et puis ça, ce n'est
pas un simple changement, c'est énorme, ça a un impact financier important, il
y a des emplois qui vont être touchés. Donc, c'est assez majeur comme... Donc,
ça va prendre des années, là, je veux dire, je ne pourrais pas vous dire... mais
c'est la seule façon où nos étudiants pourront faire le même examen de
français.
Mme David : Vous
demandez, et je comprends, une période de transition pour mettre ça sur pied, parce
qu'évidemment les gens sont souvent un peu frileux face au changement. Mais des
fois on réussit à faire des changements, ça peut être pour le mieux, des fois
ce n'est pas pour le mieux. Mais vous dites : C'est impossible à réaliser,
un, sans quatre cours de langue et littérature pour les mettre au même
niveau que les étudiants qui fréquentent un cégep francophone, et ça va prendre
une période d'implantation parce que ça va... C'est comme un LEGO, là, on tire
sur un morceau puis c'est tout l'échafaudage qui peut être mis en péril. Donc,
vous demandez une période de transition d'au moins trois ans.
Vous demandez... Moi, je trouve ça
formidable. On est rendu à, effectivement... pour les effectifs, pour les effectifs
de croissance ou non, on a trois chiffres qui circulent, effectifs annuels dans
le projet de loi du ministre. La fédération suggère trois ans,
pluriannuel, que vous sachiez d'avance, et la ministre McCann a parlé d'un gel
de 10 ans. Donc, on a trois chiffres qui circulent : un an,
trois ans, 10 ans, deux ministres puis des suggestions du réseau
collégial. Alors, on en est où, d'après vous? Puis quel serait l'horizon? Parce
que vous parlez, vous aussi, de pluriannuel, vous avez parlé, tout à l'heure...
le ministre a demandé : Combien de temps vous resteriez comme vous êtes
là? Vous avez dit deux ans. Admettons que c'est cinq ans ou... mais
ça va prendre du pluriannuel, si je comprends bien.
La Présidente (Mme Thériault) :
À peu près 30 secondes pour répondre.
M. McMahon (John) : Bien,
c'est comme tous les autres sujets, c'est bien complexe, vous le savez. C'est
nécessaire à avoir une consultation très forte avec le ministère de l'Éducation
supérieure, avec la personne qui va continuer à écrire ce projet de loi parce
que, maintenant, nous avons l'impression qu'il n'y a aucune consultation. Parce
que ce n'est vraiment pas réalistique à faire des choses dans le projet de loi
qui est écrit maintenant, et c'est pour ça... travailler ensemble pour assurer
que la loi, éventuellement, réponde bien à nos besoins.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois vous remercier, M. McMahon, pour cet échange.
Donc, Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Oui, merci. Merci
beaucoup pour votre présentation, madame et messieurs. Vous dites, dans votre
mémoire, que les cégeps anglophones ne sont pas un facteur <d'anglicisation...
M. McMahon (John) : ...
nos besoins.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois vous remercier, M. McMahon, pour cet échange. Donc, Mme la
députée de Mercier.
Mme Ghazal : Oui.
Merci, merci beaucoup pour votre présentation, madame et messieurs. Vous dites,
dans votre mémoire, que les cégeps anglophones ne sont pas un facteur >d'anglicisation
à Montréal, là, ou au Québec, puis là vous expliquez pour quelles raisons, vous
nommez une étude sur le choix des jeunes d'aller en anglais, des jeunes
francophones et allophones. J'aimerais savoir, est-ce que vous avez une
réflexion sur les cégeps privés non subventionnés? Ils sont peut-être... c'est
peut-être peu nombreux, mais ils sont en plein essor. Est-ce que ces cégeps-là
pourraient être un facteur d'anglicisation? Et est-ce que vous pensez que leurs
effectifs devraient être aussi limités, comme ça l'est avec le projet de loi
n° 96 pour les cégeps anglophones publics et privés subventionnés? Oui.
• (17 h 10) •
M. Filion (Richard) :
Vous avez absolument raison de cibler les collèges privés non subventionnés, madame,
et je pense que, comme dans tout développement d'un cursus collégial, qu'on
soit subventionnés, non subventionnés, publics, il doit y avoir des parties de
la formation qui permettent à ces étrangers, parce que c'est principalement les
étrangers qui vont dans les collèges subventionnés... des cours de français,
des cours de familiarisation avec la société québécoise. Ça devrait être
obligatoire, et c'est une voie qui pourrait être explorée avec beaucoup de
succès.
Mme Ghazal : ...qu'il
faudrait aussi limiter leurs effectifs, ces cégeps non subventionnés?
M. Filion (Richard) :
Écoutez, c'est difficile parce qu'ils sont non subventionnés. Alors, c'est un
peu leur pain et leur beurre que d'avoir des étudiants qui sont prêts à payer
le gros montant, le fort montant pour avoir accès à des formations collégiales
qualifiantes. Alors, comment... je pense...
Mme Ghazal : Mais,
au-delà des modalités, parce que le gouvernement pourrait peut-être, je ne sais
pas par quel mécanisme, imposer ça, peut-être pas dans le projet de loi
n° 96. Vous, vous êtes d'accord avec le principe?
M. Filion (Richard) :
Oui, et le gouvernement a toute latitude d'autoriser ou non la prestation d'un
collège privé non subventionné.
Mme Ghazal : Puis j'essaie
juste de comprendre, vous dites : Il faudrait seulement, par exemple, le
contingentement, l'évaluer au bout de trois ans. Mais j'essaie de comprendre,
parce qu'en fait on facilite l'entrée dans les cégeps anglophones des ayants
droit anglophones. Ce n'est pas quelque chose qui devrait être perçu de façon
positive par vous. Pourquoi est-ce que vous dites seulement trois ans? C'est
sûr qu'au bout de trois ans on va trouver qu'il y en a beaucoup plus, des
ayants droit qui vont dans les cégeps anglophones, donc ça devrait être une
bonne chose.
La Présidente (Mme Thériault) :
Malheureusement, il ne reste pas de temps pour la réponse. Donc, je vais vous
inviter à communiquer ensemble après la commission.
M. le député de Matane, la parole est à
vous.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Je vous salue, bienvenue dans cette commission. Parmi vos membres,
il y a le collège Dawson, vous m'avez souvent entendu en <parler...
Mme Ghazal : ... ça
devrait être une bonne chose.
La Présidente (Mme Thériault) :
Malheureusement, il ne reste pas de temps pour la réponse. Donc, je vais vous
inviter à communiquer ensemble après la commission. M. le député de
Matane,
la parole est à vous.
M. Bérubé : Merci, Mme
la Présidente. Je vous salue, bienvenue dans cette commission. Parmi vos
membres, il y a le collège Dawson, vous m'avez souvent entendu en >parler.
J'apparais probablement souvent dans votre revue de presse. Ce n'est pas sans
raison, je trouve que le gouvernement du Québec répond beaucoup plus rapidement
quand c'est votre collège que quand c'est le cégep de Matane, mais c'est une
perception.
Vous dites, en page 3 de votre
mémoire... vous posez la question suivante : Est-ce que la fréquentation
d'un collège offrant de l'enseignement en anglais pour une période, somme
toute, relativement courte dans la vie d'un individu favorise l'adoption d'une
pratique linguistique favorisant l'anglais? Bien, elle est là la question. Et
moi, j'ai des éléments de réponse pour vous. La fréquentation des cégeps en
anglais est étroitement liée à l'anglicisation de la langue d'usage public, de la
langue de travail, de la langue de consommation culturelle. Pourquoi?
4,4 % des allophones inscrits au cégep anglais utilisent principalement le
français à la maison, comparativement à 35,1 % des allophones inscrits au
cégep français; 72,9 % des francophones inscrits au cégep anglais
utilisent principalement le français à la maison, et c'est 99 % pour ceux
inscrits au cégep en français. Ça fait une différence. À cet âge, cette langue
de socialisation, cette langue qui nous prépare à la vie professionnelle va
nécessairement marquer le parcours si ça se fait en anglais.
Évidemment, dans les règles actuelles,
c'est le libre choix, mais je vous suggère que le gouvernement du Québec, avec
les fonds publics, lui, n'a pas à financer notre assimilation ou le déclin du
français. Alors, à votre réponse, quand je vous soumets ces chiffres-là, est-ce
que vous êtes d'accord que ça a un impact la fréquentation du cégep, notamment
chez les allophones?
M. Halpin (John) : Comme
nous disons dans notre mémoire, une étude de l'Université Laval nous
démontre très bien, avec des discussions avec 35 étudiants qui ont fait
leur parcours dans les cégeps anglophones, qu'ils n'ont pas perdu leur lien à
leur culture québécoise. Si... On peut au moins, aussi...
M. Bérubé : Si vous me
permettez, l'échantillon, comment ont été sélectionnés les 35? Moi, je n'en
sais rien, mais je sais qu'il y a un expert qui est venu nous dire que ça ne
reposait pas sur grand-chose de scientifique, là.
M. Halpin (John) : Nous
autres on est en éducation, et, si quelqu'un reçoit un doctorat de
l'Université Laval, je pense qu'on va accepter que l'Université Laval
reconnaît que le travail a été bien fait...
M. Bérubé : C'est un
argument d'autorité, selon vous?
M. Halpin (John) : Si
vous voulez un autre argument, vous devriez regarder tous les autres, les
membres de l'Assemblée nationale, et combien d'eux ont fait leur parcours à
Concordia, à McGill, à Harvard, au London School of Economics. Trouvez... de
tous ces membres de l'Assemblée nationale, est-ce qu'ils ont perdu leur...
La Présidente (Mme Thériault) :
Désolée, je dois mettre fin à l'audition.
Donc, merci, madame et messieurs, de votre
présence en commission parlementaire.
Nous allons suspendre les travaux pour
permettre au prochain intervenant de <venir...
M. Halpin (John) : ...
l'Assemblée
nationale, est-ce qu'ils ont perdu leur...
La Présidente (Mme Thériault) :
Désolée, je dois mettre fin à l'audition.
Donc, merci, madame et messieurs, de
votre présence en commission parlementaire.
Nous allons suspendre les travaux pour
permettre au prochain intervenant de >venir nous rejoindre. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 15)
(Reprise à 17 h 18)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, nous reprenons nos travaux, et nous recevons M. Maxime Laporte, qui
est le président de Mouvement Québec français. M. Laporte, 10 minutes
pour faire votre présentation. La parole vous appartient.
Mouvement Québec français (MQF)
M. Laporte (Maxime) :Mme la Présidente, M. le ministre, chers membres de la commission, c'est un honneur pour moi d'être ici...
bien, alors même si je ne suis pas exactement ici, mais
disons que je suis là, là.
Vous savez, Mme la
Présidente, comme président du Mouvement Québec français, je me fais
souvent poser cette question : C'est quoi, le problème? C'est quoi, le
problème de la langue au Québec et au Canada? On dira que le problème du
français, c'est qu'il régresse, c'est le fait que son statut, sa vitalité
démographique régressent et qu'ils continueront à régresser, à l'évidence, à la
lumière des projections démographiques, et que cette régression s'observe quel
que soit l'indicateur ou la méthode qu'on utilise ou presque. Enfin, les
quelques-uns qui prétendent le contraire nous mystifient, disons-le. Mais ça,
ce n'est pas le problème, c'est le constat.
Alors, quel est donc le problème à la
source de ce constat? Pour nous, il est évident qu'il s'agit d'un problème
politique, un problème qu'on connaît bien depuis 258 ans, sept mois,
25 jours très exactement, et plus longtemps encore, un problème qu'on connaît
bien parce qu'on y vit, on y habite, sans jamais l'avoir démocratiquement
voulu.
Ce problème, nous, en fait, dans le
mémoire, on a pris le temps d'y revenir, de le décrire, chose qui est peut-être
rare de nos jours, mais n'en déplaise aux esprits oublieux qui font désert quand
on ose relater, au fond, les causes profondes à l'origine des conséquences qui
sont aujourd'hui au menu de cette commission, cet exercice nous paraissait
nécessaire, et il s'inspire directement, d'ailleurs, de Camille Laurin, qui,
dans son livre blanc, commence précisément par relater le récit de nos défaites
et de nos déchéances par la fausse conciliation, pour citer Henri Bourassa.
C'est ce problème-là, ce problème
structurel, qui fait qu'en dépit de nos plus glorieuses victoires ou
demi-victoires du passé le fait est que nous échouons sur l'essentiel,
l'essentiel étant le minimum, et le minimum étant d'assurer la vitalité
démographique du français dans la durée. C'est-à-dire que, comme l'a indiqué
Guy Rocher en cette même commission, le Québec va rétrécir de plus en plus au
sein du Canada.
• (17 h 20) •
Pour autant, n'allez pas croire que... (panne
de son) ...qu'on a fait dans le mémoire, notre but serait de faire croire que
tout fut de tout temps absolument noir pour ce qui est du cheminement du <fait...
M. Laporte (Maxime) :
...le Québec va rétrécir de plus en plus au sein du Canada.
Pour autant, n'allez pas croire que...
(panne
de son) ...qu'on a fait dans le mémoire, notre but serait de faire croire que
tout fut de tout temps absolument noir pour ce qui est du cheminement du >fait
français en ce pays. Bien sûr, des embellies, il y en a eu, des réussites
aussi, des rencontres fécondes, même. On aura même réussi à faire pousser des
petites écoles françaises jusqu'au fin fond du Yukon.
Alors, en ce sens, c'est vrai, après tout,
pour citer René Lévesque, on n'est pas dans un goulag. Mais, si le Canada n'est
pas un goulag, il n'en est pas moins notre tombe, et là je cite le très libéral
et très canadien Wilfrid Laurier, et fut-elle agrémentée d'ornements dorés, une
tombe demeure une tombe. Parce que c'est, pour nous, une évidence, le problème
de la langue chez nous, ça résulte avant toute chose d'un problème politique,
et ce problème a pour nom Canada.
Bien entendu, le processus d'anglicisation
au Québec peut toujours s'expliquer par une foule d'autres déterminants, parmi
lesquels on notera les mutations démographiques, l'hégémonie culturelle
anglo-américaine. Mais ces phénomènes, quand on y songe, sont loin d'être
spécifiques à la réalité québécoise. Alors, vous savez, parmi les sociétés
riches, en Occident et au-delà, qui, un peu comme nous, vivent à l'ombre de
l'empire américain, il n'y en a pas une seule qui ne soit pas confrontée
aujourd'hui à ces défis-là, et pour autant on n'en voit aucune s'angliciser
collectivement à la manière du Québec. Il n'y a qu'ici où, par exemple, on
assiste impuissants à la captation par l'anglosphère de près de la moitié des
substitutions linguistiques des allophones. Il n'y a qu'ici où l'aliénation
linguistique à la langue anglaise, le fait d'être bilingue avec soi-même, pour
paraphraser Gaston Miron, fait figure de norme établie et indiscutable,
apparemment.
À bien y penser, oui, les facteurs
migratoires, culturels, économiques, si aggravants soient-ils en ce qui nous
concerne, sont importants, mais ils n'en sont pas moins secondaires en
comparaison du problème primordial qui est celui que nous décrivons, ce
problème primordial pouvant se traduire par ce que le grand historien Maurice
Séguin a jadis théorisé comme étant une oppression essentielle.
Alors, en étant réduit à une simple partie
de l'ensemble canadien, condamné à la minorisation, une minorisation
institutionnalisée, le Québec se trouve systématiquement entravé, subordonné
dans son agir. La déliquescence du français, c'est le prix à payer, au fond,
pour l'inachèvement de notre décolonisation. Alors, pour citer, encore une fois,
René Lévesque, dans une société normale, la langue, elle se parle toute seule,
la langue. Alors, voilà. La situation du Québec n'est pas celle d'une <société...
M. Laporte (Maxime) :
...
c'est le prix à payer, au fond, pour l'inachèvement de notre
décolonisation. Alors, pour citer encore une fois René Lévesque, dans une
société normale, la langue, elle se parle toute seule, la langue. Alors, voilà.
La situation du Québec n'est pas celle d'une >société politiquement
normale, et c'est bien là tout l'enjeu. Mme la Présidente, combien il me reste
de temps?
La Présidente (Mme Thériault) :
...
M. Laporte (Maxime) :
Alors, je viens de parler du problème. Je m'attaque maintenant à la question
des objectifs qui devraient animer notre résistance à ce problème.
L'objectif à atteindre qui permettrait vraiment
de régler la plupart de nos problèmes à la source réside assurément dans
l'accession à la normalité, c'est-à-dire à l'indépendance. Mais, comme notre
cher premier ministre, que je salue au passage, semble avoir oublié ses rêves
de jeunesse, comme disait Bourgault, je dois ici me contenter de parler des
objectifs de la résistance provinciale, pour ainsi dire, même si, pour ma part,
à titre personnel, c'est loin d'être mon choix.
Comme disait un grand esprit, qui n'a pas
d'objectifs ne risque pas de les atteindre. Ces paroles lumineuses, bien, c'est
des paroles qui sont attribuées au grand Sun Tse, et évidemment ce sont des
paroles qui tombent sous le sens. En effet, il n'y a rien de plus élémentaire
que ça. Et pourtant, lorsque vient le temps de sauver l'avenir du français chez
nous, un bon nombre de nos dirigeants semblent étrangement oublier ce sage
conseil.
Contrairement à la plupart des politiques
publiques du gouvernement du Québec, qui, elles, font état de cibles claires, question
de saine gouvernance, de reddition de comptes, c'est comme si, sur l'enjeu
particulier du français, de la vitalité du français, bien, on avait des
capitaines de vaisseau qui naviguent plutôt à l'aveugle, sans cap précis et
même dans un océan de bonnes intentions. Ça, il n'y a pas de doute là-dessus.
Mais, bien sûr, on peut quand même déduire
du projet sous étude un objectif qui, à l'évidence, est le même que celui
qu'avait jadis formulé le père de la loi 101, c'est-à-dire faire du français
la langue commune, la langue officielle, la langue normale, habituelle au
Québec. Cette idée en elle-même, elle vaut son pesant d'or puisqu'en effet ce n'est
bien qu'en... aménageant, pardon, un espace linguistique normal que le Québec
français va pouvoir s'épanouir normalement. Mais, à la lumière de ce que je
viens d'effleurer quant au problème primordial qui est le nôtre, on sait à quel
point la notion de normalité s'avère difficilement pensable dans notre contexte
provincial.
Qu'à cela ne tienne, ces cibles
qualitatives, faire du français la langue commune, normale, habituelle,
officielle, etc., ces cibles qualitatives peuvent aisément se traduire sous
forme quantitative, étant posé que le corollaire de la vitalité
institutionnelle du français au Québec, c'est sa vitalité démographique. Le
moindre de ces objectifs, qui serait mesurable, quantifiable, voudrait, par
exemple, qu'à compter de la présente décennie suivant l'adoption de ce projet
de loi la vitalité démographique <globale...
M. Laporte (Maxime) :
...
le corollaire de la vitalité institutionnelle du français au Québec,
c'est sa vitalité démographique. Le moindre de ces objectifs, qui serait
mesurable, quantifiable, voudrait, par exemple, qu'à compter de la présente
décennie suivant l'adoption de ce projet de loi la vitalité démographique >globale
du français comme langue d'usage cesse de régresser relativement à l'anglais,
donc en excluant les langues tierces, et, mieux encore, que cette vitalité
croisse. Donc, il s'agirait, par exemple, qu'au recensement de 2026, cet
indicateur se retrouve au même niveau qu'il était 10 ans plus tôt, en
2016, voire qu'il progresse de quelques dixièmes de point.
Il y a d'autres approches. Charles Castonguay,
évidemment, insiste beaucoup sur le phénomène de l'assimilation nette...
pardon, de la part du français dans l'assimilation nette des nouveaux
arrivants, des nouveaux immigrants allophones pour être plus précis. On
pourrait se dire que, pour ceux qui arriveront d'ici 2026, alors, qu'on puisse
passer de 55 % à 90 %, conformément à ce qu'a déjà déclaré M. le
ministre lui-même.
Aussi, bon, il y a la question, ma foi,
assez impérative qui est celle de l'anglicisation nette ou de la
suranglicisation nette des francophones dans l'île de Montréal qu'il faudrait
ramener à zéro, c'est la moindre des choses, et surtout chez les jeunes
francophones.
Alors, je pense que de telles cibles... il
y en a d'autres, je ne prétends pas détenir la vérité, mais de telles cibles
n'ont rien d'arbitraire. Après tout, je ne vois pas comment on peut accepter de
se faire les complices objectifs, que ce soit par négligence ou passivement,
activement, surtout passivement, les complices objectifs de la minorisation du
français, de la déchéance de son statut. Je veux dire par là qu'assurer
l'avenir de la langue française au Québec ça relève d'une obligation de
résultat...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois vous interrompre.
M. Laporte (Maxime) :
...même de garantie, pas d'une obligation de moyens et encore moins une
obligation morale.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, sans plus tarder, M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette :
Merci, Mme la Présidente.
M. Laporte, bonjour. Merci de
participer aux travaux de la commission. Je vous entendais, dans votre mémoire,
tantôt, vous disiez : Nous échouons, hein? Vous êtes très dur avec la
situation du français, collectivement. Alors, je note chez vous et chez le
Mouvement Québec français l'importance et l'urgence d'agir face au déclin du
français.
Pour vous, ce déclin du français là, il
est avéré; pour moi aussi. Comment est-ce que vous qualifiez le fait que certaines
personnes qu'on a entendues ici, en commission parlementaire, ou dans la
société civile mettent en doute qu'au Québec il y a un déclin du français?
• (17 h 30) •
M. Laporte (Maxime) : Je
pense que ces gens-là ont tout faux. Je pense qu'ils nous mystifient. Je pense
qu'il y a un consensus scientifique évident quant au fait du déclin de la
vitalité démographique du français. Le français régresse, il régresse partout
au Canada. Les communautés franco-canadiennes, acadiennes perdent des joueurs <d'année
en année. C'est assez dramatique...
>
17 h 30 (version révisée)
< M. Laporte (Maxime) :
...consensus scientifique évident quant au fait du déclin de la vitalité
démographique du français. Le français régresse, il régresse partout au Canada.
Les communautés franco-canadiennes, acadiennes perdent des joueurs >d'année
en année. C'est assez dramatique. Et, au fond, les tendances lourdes sont là.
Le poids du français au Canada, en général, le poids du Québec au Canada, son
poids politique, enfin, tous les indicateurs, en général, indiquent une telle
régression. Et d'ailleurs j'oserais même dire qu'à peu près peu importe
l'indicateur qu'on choisit, il y aura une régression. Si on choisit la... en la
comparant à il y a 20 ans, il y aura une régression. Si... bon, peut-être
que, pour l'indicateur de la connaissance du français, il n'y en a pas, il y a
à peu près 94,5 % des gens au Québec qui disent, de manière
autodéclaratoire, connaître le français, mais ça, on sait bien que c'est une
donnée passablement... (panne de son) ...la connaissance d'une langue ne
détermine en rien sa vitalité.
M. le ministre, j'aimerais peut-être, si
vous permettez, compléter un peu ma réflexion sur la question des objectifs...
étant, je pense, évacuer les objections à la réalité avérée du déclin du
français. Vous savez, on a beaucoup insisté sur cette question de ces
objectifs, je vous salue, je salue que vous ayez mentionné cet objectif, faire
passer l'apport du français dans l'assignation nette des nouveaux... des
allophones, pardon, de 55 %, environ, à 90 %. En effet, c'est, en
principe, la moindre des choses pour assurer le maintien dans la durée du
groupe linguistique francophone. Mais, comme il n'y a pas eu de livre blanc au
soutien du projet de loi et comme il n'y a pas... au fond, ce projet, cette
politique ne contient pas nécessairement de garantie explicite. Alors, on a
réfléchi, ces derniers temps, à une proposition que... je crois, est assez
originale. Cette proposition consiste à ce qu'on instaure un mécanisme
parlementaire de révision périodique décennale de la Charte de la langue
française et de l'ensemble du corpus législatif afférent au statut de la langue
dans la mesure où le Commissaire à la langue officielle constate... dans un
rapport suivant immédiatement la publication de données de recensement,
constate que depuis 10 ans le français, la vitalité démographique du français
a continué à régresser ou encore qu'on a... ou que l'anglicisation nette des
francophones dans l'île de Montréal est supérieure à zéro, par exemple. Il y a
d'autres indicateurs, encore une fois, on ne prétend pas détenir la vérité,
mais l'idée, ce serait qu'on n'ait pas à attendre un autre 40, 45 ans
avant de se réveiller.
M. Jolin-Barrette :
Alors, je pense que c'est une suggestion qui est une bonne suggestion, c'est
une suggestion <appropriée. Donc...
M. Laporte (Maxime) :
...est supérieure à zéro, par exemple. Il y a d'autres indicateurs, encore une
fois, on ne prétend pas détenir la vérité, mais l'idée, ce serait qu'on n'ait
pas à attendre un autre 40, 45 ans avant de se réveiller.
M. Jolin-Barrette :
Alors, je pense que c'est une suggestion qui est une bonne suggestion, c'est
une suggestion >appropriée. Donc, ce que je comprends de votre
suggestion, c'est qu'il y ait un mécanisme parlementaire de révision, à tout le
moins, de l'état du français. Donc, moi, je trouve que... On va prendre votre
suggestion en réserve et on va l'analyser. Je pense que ça pourrait être une
solution intéressante, justement, pour qu'on soit toujours vigilants, hein, sur
la question du français.
Revenons sur la question du projet de loi
n° 96. Il y a plusieurs mesures dans le projet de loi qui étaient
demandées par le biais de Partenaires pour un Québec français. Est-ce que le
Mouvement Québec français est... reconnaît qu'il y a des avancées
significatives dans le projet de loi n° 96?
M. Laporte (Maxime) :
Alors, bien sûr, nous reconnaissons qu'il y a des avancées significatives dans
le projet de loi n° 96. Au plan quantitatif, c'est assez remarquable, au
plan qualitatif, à bien des égards, aussi ce l'est. En effet, plusieurs des
propositions contenues dans la plateforme des Partenaires pour un Québec
français, qui est une table de concertation de syndicats et de groupes de la
société civile qui est coordonnée par le Mouvement Québec français. Plusieurs
de ces propositions ont été retenues, même si je dois préciser, pour dissiper
toute confusion, qu'il faut distinguer les PQF du MQF, puisque les
deux organismes, comme chacun des membres de cette table, donc, n'ont pas
la même plateforme, c'est-à-dire c'est une base de travail minimale, si vous
voulez.
Mais en revanche, vous savez, dans une
réunion, dans une rencontre à laquelle nous participions, vous et moi, ou enfin
le ministre et moi, Mme la Présidente, vous m'aviez demandé quels étaient les
chevaux de bataille à mobiliser pour cette grande lutte, je vous avais répondu
qu'en fait c'est toute l'écurie, c'est toute la cavalerie qu'il faut mobiliser.
Et je pense qu'il faut applaudir le fait que vous ayez su en mobiliser un bon
nombre — et ça, c'est remarquable — mais il y en a certains
qui n'ont pas été mobilisés, comme on le sait. Charles Castonguay, Frédéric Lacroix
et d'autres ont démontré que les mesures les plus structurantes pour le
renforcement de la langue, au fil du temps, ont été, d'une part, celles qui
concernent la sélection, l'immigration et, d'autre part, les mesures scolaires
de la loi 101.
Les cours de francisation, évidemment,
c'est fondamental. Nous-mêmes, on en fait, de la francisation en tant
qu'organisme de la société civile. Il n'y a pas de doute, c'est incontournable.
Mais, premièrement, je répète que... (panne de son) ...pas sa vitalité,
c'est-à-dire le fait qu'elle soit vécue. Deuxièmement, il n'y a pas de données
probantes quant aux incidences structurantes, au plan <démographique...
M. Laporte (Maxime) :
...
la francisation en tant qu'organisme de la société civile, il n'y a
pas de doute, c'est incontournable. Mais premièrement, je répète que... (panne
de son) ...pas sa vitalité, c'est-à-dire le fait qu'elle soit vécue.
Deuxièmement, il n'y a pas de données probantes quant aux incidences
structurantes, au plan >démographique, de l'apprentissage du français
par les allophones, même si on peut poser l'hypothèse qu'il y a un certain
effet, mais enfin les données sont trop rares là-dessus.
Pour ce qui est de la langue de travail,
rapidement, bon, Charles Castonguay faisait, encore une fois, remarquer que,
suivant une étude de Virginie Moffet et autres dans les années 2000, dans
les grandes entreprises de 100 employés et plus qui sont assujetties aux
dispositions de la loi 101 en matière de francisation, on avait observé
que l'anglais était bien souvent une langue commune, en fait. Il suffit qu'un
anglophone soit présent dans une réunion ou encore autour de la machine à café
pour que la langue commune, qui est la langue, au fond, qu'utilisent différents
locuteurs entre eux... que la langue commune soit l'anglais, donc, même dans
des entreprises, des grandes entreprises qui sont assujetties à la
loi 101. Donc, au fond... bon.
Et finalement il y a l'exemplarité de
l'État, et, à ce titre, vous aurez remarqué, dans notre mémoire, et ça, ce
n'est pas une surprise pour vous, que malgré toute notre reconnaissance des
avancées, je dirais, presque spectaculaires à ce chapitre — félicitations! — il
y a lieu d'aller plus loin, notamment de laisser tomber les exceptions des
articles 22.1, 22.2, si je ne m'abuse, si ma mémoire est bonne.
M. Jolin-Barrette :
Donc, j'ai des collègues qui souhaitent vous poser des questions, M. Laporte,
mais essentiellement ce que je retiens, c'est que vous trouvez que c'est une
avancée qui est tout de même spectaculaire, mais vous souhaitez qu'on aille
plus loin sur différents points, notamment sur la langue des services dans le
domaine de la santé. Ça, je l'ai dit très clairement, on va toujours conserver
la possibilité pour les Québécois d'expression anglaise de pouvoir recevoir des
soins de santé dans leur langue. On a très clairement indiqué que ça ne
touchait pas... le projet de loi n° 96 ne touchait pas l'article 15
de la loi sur la santé et les services sociaux, je voulais vous le réitérer.
Pour ce qui est du reste, je prends note
de différentes suggestions, on va les analyser, et je vous remercie pour votre
présence en commission parlementaire. Et donc je cède la parole à mes
collègues, Mme la Présidente. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. On m'indique que c'est M. le député de Chapleau. Il vous reste 7 min 15 s.
• (17 h 40) •
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Ça se peut également que le collègue de
Saint-Jean se joigne à moi pour la suite.
Bonjour, M. Laporte. Merci beaucoup
de votre présentation, merci d'être ici ou là, là, bon, c'est selon. Vous avez
un langage... un langage assez imagé, là, vous avez dit : On échoue, là,
sur le minimum, notamment à assurer la survie et la vitalité de la langue
française. Vous avez parlé également de... le Canada n'est pas le goulag, mais
sera assurément notre tombe. Également, être bilingue avec <soi-même...
M. Lévesque (Chapleau) :
...
bon, c'est selon. Vous avez un langage, un langage assez imagé, là,
vous avez dit : On échoue, là, sur le minimum, notamment à assurer la
survie et la vitalité de la langue française, vous avez parlé également de...
le Canada n'est pas le goulag, mais sera assurément notre tombe. Également,
être bilingue avec >soi-même, mobiliser l'ensemble de la cavalerie, assez
intéressant.
Vous avez parlé, donc, des objectifs,
faire du français la langue commune, faire du français la langue normale. J'aimerais
peut-être revenir sur certaines pistes de solution qui sont dans le projet de
loi n° 96. Vous avez également parlé d'avoir un mécanisme de révision de
la loi lorsqu'un drapeau est levé par le commissaire. Donc, allons-y sur le commissaire.
J'imagine que c'est une mesure qui... sur la langue française, c'est-à-dire, c'est
une mesure que vous voyez d'un oeil très favorable, l'instauration d'un commissaire,
peut-être également le renforcement à l'OQLF et également Francisation Québec,
qui va venir également appuyer la francisation. Ce sont peut-être des mesures
qui sont intéressantes. Est-ce que vous... Est-ce que c'est ce que vous
préconisez?
M. Laporte (Maxime) :
Pour ce qui est du commissaire, je pense avoir été parmi les premiers, du moins
dans l'ère actuelle, là, à proposer la création d'une telle charge, un tel
poste. Pour revenir sur les propos du ministre, qui sont cohérents avec ce que
vous venez de mentionner, bon, j'ai employé l'adjectif «spectaculaire» tantôt,
mais je tiens à préciser que tout est relatif, c'est-à-dire qu'après deux
décennies de gouvernance libérale et de laisser-aller sur la langue... désolé
si ça fait ciller les oreilles des membres libéraux de cette commission, mais
au fond je dirais que la barre n'était pas si haute que ça pour satisfaire un
peu l'appétit en ce qui a trait au renforcement du statut de la langue. Mais, vous
savez, pour une langue qui, en quelque sorte, meurt de soif, pour continuer...
bien, on ne saurait se contenter de lui offrir une telle grosse miche de pain,
vous savez, parce qu'à vrai dire on continue à sécher dans ce beau désert nommé
Canada. Vous savez aussi, au Mouvement Québec français, qu'on tient à célébrer
la langue et à... par nos écrits et puis dans nos interventions, parce qu'aussi
vivre en français, c'est célébrer l'amour de la langue.
Mais donc vous avez énuméré différentes
mesures qui sont prévues au projet de loi n° 96 que
nous accueillons favorablement, pour plusieurs. Mais, encore une fois, et,
comme le soulignait Charles Castonguay, pour qui j'ai le plus grand respect, on
ne peut pas penser que la langue commune, notamment celle du travail au Québec,
sera consolidée, c'est-à-dire la langue commune, le français, dans la mesure où
la langue de <l'apprentissage du...
M. Laporte (Maxime) :
...
on ne peut pas penser que la langue commune, notamment celle du
travail au Québec, sera consolidée, c'est-à-dire la langue commune, le
français, dans la mesure où la langue de >l'apprentissage du travail, de
l'apprentissage de la vie, de l'entrée dans la vie adulte n'est pas
suffisamment le français. En ce sens, le professeur Marc Chevrier a très
justement parlé du français au Québec comme d'une langue à statut infantile,
c'est-à-dire que cette langue, c'est bon pour l'enfance, pour le primaire, pour
le secondaire, la maternelle, mais, dès lors que viennent les vraies affaires,
dès lors qu'on arrive dans la vie adulte, qu'on gagne en responsabilité, qu'on
souhaite s'épanouir, qu'on souhaite se réaliser, alors c'est l'anglais qui,
quoi qu'on dise, continue à jouir d'un véritable prestige au Québec. Ce n'est
pas normal.
M. Lévesque (Chapleau) :
D'accord. Et, au-delà de cette solution-là, là, qui est préconisée par d'autres
intervenants qui sont venus en commission, est-ce que vous voyez d'autres
pistes de solution qui pourraient bonifier le projet de loi n° 96, au-delà
de ce qui est proposé?
M. Laporte (Maxime) : Je
pense que notre mémoire renferme au moins peut-être une cinquantaine de
propositions un peu dans tous les...
M. Lévesque (Chapleau) :
Mais que vous voudriez nous parler ici, là.
M. Laporte (Maxime) :
Bien, c'est parce qu'il y en a dans tous les aspects du problème. Donc, par
exemple, j'ai souligné qu'au fond les principaux enjeux structurants quant au
statut et à la vitalité de la langue, ça a été observé que c'était la question
de la sélection, de la composition de l'immigration, la composition
linguistique de l'immigration, puis aussi les mesures scolaires, mesures
scolaires, application de la loi 101 au cégep. Vous savez, le Mouvement Québec français,
on s'est fait aller là-dessus depuis, quoi, une décennie et demie. Au début,
c'était une position qui était assez marginale, elle est désormais appuyée, si
je ne m'abuse, par une majorité de francophones au Québec, voire peut-être par
une majorité de répondants, selon le dernier sondage, je crois, Léger qui a été
fait à cet égard-là, comme quoi il y a une prise de conscience. Alors, en
matière d'immigration, il faut que le gouvernement du Québec reprenne le
contrôle. C'est sûr qu'on prône le rapatriement, depuis longtemps, de toute
compétence en matière d'immigration, voyant, par exemple, que, suivant les
travaux d'Anne Michèle Meggs, bon, la situation des immigrants temporaires qui,
d'après elle, selon ses données, sont au nombre de 160 000 au 31 décembre
2019, ça fait que... c'est sûr que, dans ce contexte-là, faire du français la
langue commune, la langue d'attraction, la langue d'intégration devient de plus
en plus ardu, surtout qu'il y a la possibilité pour les élèves à statut
temporaire d'aller à l'école publique anglaise, et peut-être, sait-on, à la
suite d'une autre décision judiciaire de la part des tribunaux <canadiens...
M. Laporte (Maxime) :
...devient de plus en plus ardu, surtout qu'il y a la possibilité pour les
élèves à statut temporaire d'aller à l'école publique anglaise, et
peut-être,
sait-on, à la suite d'une autre décision judiciaire de la part des tribunaux
>canadiens, peut-être que cette fréquentation, ce cheminement se
traduira par ce qu'on appelle un parcours authentique. Je ne trouve pas ça
prudent, je pense que le principe de précaution implique qu'on abandonne ces
dispositions-là. Puis, vous savez, quand on va... quand on immigre ou quand on
se rend dans la plupart des pays dans le monde, à ma connaissance, je réside
depuis un an en Angleterre, vous savez, on ne peut pas aller fréquenter une
école publique, a fortiori, qui a pour langue une autre langue que la langue
nationale, dans la plupart des cas.
M. Lévesque (Chapleau) :
Il reste du temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Thériault) :
À peine cinq secondes.
M. Lévesque (Chapleau) :
Bien, je vous remercie de votre passage en commission. Merci, Mme la Présidente.
M. Laporte (Maxime) : Je
vous en prie.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. On va aller du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bonjour,
M. Laporte. Ici la libérale Hélène David, mais je suis enchantée d'avoir
un échange avec vous, on en a eu plusieurs. Alors, je trouve ça très
sympathique.
Ce que j'aurais trouvé encore plus
sympathique, c'est d'avoir le mémoire un peu avant parce que la moitié de vos
42 pages sont, évidemment, des pages très intéressantes, pas nécessairement
directement pertinentes au projet de loi n° 96, mais
c'est vraiment des références... votre lecture de l'histoire, mais quand même
une lecture de l'histoire qui peut être fort intéressante à lire. Alors, j'ai
hâte de le lire, mais malheureusement je ne peux pas beaucoup me référer à
votre mémoire ainsi qu'à vos 42 recommandations, parce qu'il y en a 42,
mais heureusement elles sont des reprises de beaucoup de recommandations qu'on
a eues en amont de votre présence.
Donc, j'imagine que vous êtes d'accord
avec plusieurs de vos compatriotes qui sont venus avant proposer toutes sortes
de choses liées au projet de loi n° 96. Mais j'aurais
aimé vous entendre beaucoup plus sur le projet de loi n° 96,
mais je ne peux pas commenter vos 20 premières pages parce que je ne les
ai pas lues. Il y a des magnifiques titres, photos, etc., mais il y a un
titre... il y a quand même un titre formidable à la page 21, sur lequel je
veux vous entendre, qui s'appelle Du tripotage aux fesses des données.
Je voudrais que vous m'expliquiez, parce que je n'ai pas pu lire ce qui va
avec, je sais que vous parlez des données, mais d'où... pourquoi ce titre aussi
parlant, Du tripotage aux fesses — tripoter des fesses, on
sait un peu ce que ça veut dire, mais je trouve ça un peu osé pour un mémoire
sur la langue, la langue française — Du tripotage aux fesses des
données?
M. Laporte (Maxime) : Oh!
je ne voudrais pas vous choquer, Mme la députée. D'abord, je récuse cette
espèce de relativisme <historique qui...
Mme David : ... pour
un mémoire sur la langue, la langue française
— Du
tripotage aux fesses des données?
M. Laporte (Maxime) :
Oh! je ne voudrais pas vous choquer,
Mme la députée. D'abord, je récuse
cette espèce de relativisme >historique qui voudrait dire qu'au fond
toute perspective sur l'histoire du Québec, et ce, depuis la conquête et au-delà,
se vaudrait plus ou moins. Je pense qu'à tout le moins... depuis les travaux de
Lionel Groulx puis l'abandon de la thèse de la conquête providentielle, je
pense qu'il y a un certain consensus sur le fait que ces événements historiques
ont été, ma foi, fort structurants pour nous amener à la condition politique
qui est la nôtre aujourd'hui, quelle que soit, par ailleurs, notre orientation
politique. Au moins, en passant, je dois dire que de voir... Je vous ai lancé
des pierres, mais de voir le Parti libéral appuyer des motions aux côtés des
autres partis puis qu'il s'en dégage une certaine unanimité au moins sur les
principes, c'est une avancée, considérant qu'à l'époque votre formation
politique s'était opposée au projet de loi 101, mais ça, on dira que c'est une
histoire, peut-être, une interprétation parmi d'autres.
Mais donc le tripotage des données... Le
tripotage des données, eh bien, c'est-à-dire qu'Ottawa ne s'est jamais gêné
pour tripoter, oui, les chiffres — peut-être pas les fesses des
chiffres, si ça vous gêne, mais disons les chiffres — dans le but
plus ou moins avoué de camoufler le déclin du français. C'est un comportement
politique qui a quand même été largement commenté et documenté. Et il est
arrivé qu'on modifie intempestivement la nature ou l'ordre des questions posées
dans le formulaire de recensement. Aussi, il y a belle lurette qu'on a cessé de
mandater des agents pour réaliser des entrevues à grande échelle avec les
répondants.
Donc, de nos jours, bon, à peu près toutes
les... toutes les données, je crois, colligées résultent de réponses purement
autodéclaratoires. On a élargi sans cesse, par exemple, les RMR, dont celle de
Montréal, ce qui fait que ce référent géographique se révèle passablement peu
utile. Il vaut mieux s'intéresser à la situation dans l'île de Montréal, là,
pour ceux que ça intéresse. On considère que c'est des interventions indues,
même malhonnêtes, dans certains cas, voire immorales dans le processus
scientifique, qui nuisent à la lisibilité de l'évolution des données à travers
le temps.
Et donc c'est sans surprise que la
population en général et même nos journalistes sont nombreux à se laisser prendre
au piège. C'est pour ça que moi, je loue beaucoup le travail des Charles
Castonguay de ce monde parce qu'il replonge dans les données brutes et s'assure
que la lisibilité des données au fil du temps soit adéquate.
• (17 h 50) •
Mme David : Vous avez
parlé tout à l'heure, parce que je prends beaucoup à partir de ce que vous avez
dit, tout à l'heure, éloquemment... l'hégémonie, vous avez parlé de l'hégémonie
culturelle anglo-américaine, qui n'est pas <nécessairement...
M. Laporte (Maxime) :
...
des données au fil du temps soit adéquate.
Mme David : Vous avez
parlé tout à l'heure, parce que je prends beaucoup à partir de ce que vous avez
dit, tout à l'heure, éloquemment... l'hégémonie, vous avez parlé de l'hégémonie
culturelle anglo-américaine, qui n'est pas >nécessairement uniquement au
Québec ni à Montréal. Une hégémonie — par définition, c'est assez
large — culturelle anglo-américaine, on combat cela comment quand on
est au Québec?
M. Laporte (Maxime) :
Alors, encore une fois, mon propos, c'est de dire que, tant à ce qui a trait à
cette hégémonie ou à cet impérialisme culturel états-unien qu'aux phénomènes
migratoires, ce sont à peu près des constantes en Occident et au-delà. Et, pour
autant, ce ne sont pas toutes les sociétés... à l'extérieur, évidemment, du
giron du monde anglo-saxon, ce ne sont pas toutes les sociétés qui
s'anglicisent. Le Québec s'anglicise. Le Québec s'anglicise, bien sûr que c'est
en partie, à l'évidence, en raison de ces phénomènes, la difficulté d'intégrer,
évidemment, les allophones, nouveaux immigrants, en raison aussi de cet
impérialisme culturel américain, qui ne concerne pas juste la culture au sens
des arts, du théâtre, de la littérature, de la musique, mais aussi de la façon
de penser, la culture politique. Mais ces phénomènes, au fond, sont aggravés
par un problème sous-jacent que d'autres sociétés, la plupart des sociétés dans
le monde... avec lequel la plupart des sociétés dans le monde n'ont pas à
composer, qui est celui d'être annexé à un ensemble qui, au fond, participe du
déclin de la langue nationale.
Et puis c'est pour ça qu'on insiste là-dessus,
et je sais que c'est peut-être désagréable pour les fédéralistes, mais moi, je
pense que c'est important de ne pas se voiler la face, parce que, si vous
voulez mon avis, à moins qu'on instaure le processus de révision décennale que
nous proposons, ce projet de loi, cet exercice est peut-être l'exercice de la
dernière chance pour ce qui est de sauver l'avenir du français, et ça, ça veut
dire que c'est peut-être aussi la dernière chance pour le camp fédéraliste de
montrer à la population que c'est possible de garantir l'avenir du français
dans le cadre canadien. Le projet de loi, pour nous, est décevant. Le projet de
loi, comme plusieurs l'ont mentionné, ne permet pas d'atteindre les objectifs
minimaux pour ce qui est d'assurer la vitalité démographique du français dans
la durée, donc, pour nous, il y a fort à parier qu'en effet tout ce que je
viens de dire se réalise. Et alors, au fond, la question sera assez simple :
ou bien on en sort, ou bien on s'y laisse enterrer.
Mme David : Alors, vous
avez dit une phrase intéressante, je vous cite : «Vivre en français, c'est
célébrer l'amour de la langue.» Est-ce que vous trouvez <que vos...
M. Laporte (Maxime) :
...je viens de dire se réalise. Et alors, au fond, la question sera assez
simple : Ou bien on en sort, ou bien on s'y laisse enterrer.
Mme David : Alors,
vous avez dit une phrase intéressante, je vous cite : «Vivre en
français,
c'est célébrer l'amour de la langue.» Est-ce que vous trouvez >que vos
compatriotes, nos compatriotes, les francophones du Québec protègent suffisamment
la langue française et ont l'amour de cette langue?
M. Laporte (Maxime) :
Oui, puisque, évidemment, si vous voulez, je fais un peu, dans ce mémoire, la
photographie, le film, si vous voulez, de nos victoires, qui attestent précisément
de cette fierté et de cette volonté de survivre, cette volonté de persister
dans l'être — je pense que c'est Spinoza — O.K.? Bien sûr que cela émet... ce
film a un négatif, comme en photographie, ce film a un négatif qui est le
récit... pas juste le récit, mais la réalité de nos déchéances, de nos
défaites, comme le disait si bien Henri Bourassa. En tout cas, lui, il disait
ça pour ce qui est de la période qui commence à partir de la Confédération. D'une
certaine façon, cette altérité nous a poussés à développer des réflexes extraordinaires,
que l'on dira de survivance. Moi, j'aime mieux la vie que la survie, j'aime
mieux l'épanouissement que la survie, mais en effet ces réflexes sont
remarquables.
Mais je termine en disant que le peuple québécois
est un peuple comme tous les autres. C'est anormal qu'on lui impose de se
battre à tout instant pour se faire respecter dans son pays et dans sa langue.
Mme David : Je vais vous
arrêter pour vous dire... Quand vous dites que nous avons beaucoup de réflexes
pour se protéger, et tout ça, c'est le réflexe, autour de la machine à café,
autour d'une table, quand il y a un anglophone, vous l'avez dit tout à l'heure,
et tout le monde se met à parler anglais, ce sont les francophones qui se
mettent à parler anglais. Ce n'est pas un réflexe de protection.
M. Laporte (Maxime) : Écoutez,
bien sûr, tout le monde est responsable de l'avenir du français. Comme disait
Bourgault aussi, la langue, là, ce n'est pas un instrument de communication
comme tous les autres. Ce n'est pas comme l'ordinateur avec lequel je vous
parle en ce moment ou, je ne sais pas trop, le téléphone que j'ai ici. C'est un
instrument de communication qui est incarné, qui est lié à la vie, à l'être
qu'on est. Donc, bien sûr que défendre la langue, c'est défendre l'être que
nous sommes, bon.
Mais, si tout le monde est responsable de
l'avenir de la langue, en revanche il y a des gens dans cette société, des gens
privilégiés, des élites qui ont une responsabilité accrue du fait de leur rôle
dans la société. Et, à ce titre, je pense que l'histoire... c'est eux que
l'histoire va juger, comme si, par exemple, d'ici 2060, grosso modo, on perd
l'île de Montréal, on perd au sens où le français s'y folklorise comme langue
commune.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je vais maintenant aller <du côté de la...
M. Laporte (Maxime) :
...c'est eux que l'histoire va juger, comme si,
par exemple, d'ici 2060,
grosso modo, on perd l'île de
Montréal, on perd au sens où le
français
s'y folklorise comme langue commune.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je vais
maintenant aller >du côté de la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme
la Présidente.
Merci beaucoup, M. Laporte, pour
votre présentation, votre mémoire.
Je voudrais aller sur les changements dans
la Constitution. D'écrire «nation et culture»... pas «culture», mais «langue
commune et officielle», vous accueillez ça favorablement, vous dites que c'est
une bonne chose. Quoique ça a été bien accueilli par les fédéralistes, donc il
y a peut-être anguille sous roche, mais vous trouvez que c'est bien et même,
dans vos recommandations, vous faites des ajouts dans la Constitution
canadienne.
J'aimerais savoir... Parce que vous êtes
indépendantiste, comme moi, comme le parti qu'on représente, et c'est la
meilleure façon de protéger la langue française au Québec, c'est de faire
l'indépendance. En faisant des ajouts dans la Constitution de 1867, est-ce
qu'on n'est pas en train de la légitimiser?
M. Laporte (Maxime) :
Vous savez, ce régime, on le légitime chaque fois qu'on va voter au fédéral, a
fortiori peut-être lorsqu'on compte d'appuyer un parti fédéraliste. On le
légitime chaque fois qu'on paie des impôts. Ce régime, en fait, on le légitime
du seul fait d'accepter d'y être sans s'y opposer.
Mais ce que je voulais dire, c'est que,
bon, et je l'ai mentionné, il y a, au fond, deux dimensions propres au combat
indépendantiste : il y a le combat de la reconquête, au fond, de
l'indépendance, de l'émancipation puis il y a le combat de la résistance. Le
combat du français, évidemment, est fondamental dans cet esprit-là puisque, si
on ne se bat pas, si on ne mène pas ce combat de résistance pour le français,
alors l'autre dimension du combat, le combat d'émancipation politique tombe.
Alors, c'est un travail de résistance.
Et puis, comme des grands révolutionnaires
que nous admirons, vous et moi, que ce soit Mandela, Gandhi, etc... vous savez,
ces gens se sont battus à la fois à l'intérieur du régime et, si vous voulez,
en dehors du régime, c'est-à-dire qu'ils ont formé des critiques dans le régime
et du régime, même si moi, je préfère de loin la critique du régime.
• (18 heures) •
Mme Ghazal : Vous dites :
En attendant, s'il y a ce moyen-là, pourquoi pas, pour faire respecter notre
langue commune et pour les Québécois, donc. Je comprends, mais est-ce que...
Parce que, les Québécois, on dirait qu'on a besoin de quelque chose pour nous
conforter au lieu de faire la révolution, si je peux dire. Ce n'est pas un
moyen de conforter? Je veux dire, quand même, les Québécois fédéralistes
trouvent que c'est une bonne chose, et ça ne va pas encore... ça va enlever
cette résistance-là ou cette volonté <de faire l'indépendance. Ça n'a pas
ce risque-là, selon vous...
>
18 h (version révisée)
<17933
Mme Ghazal :
...si je peux dire. Ce n'est pas un moyen de conforter? Je veux dire,
quand
même, les Québécois fédéralistes trouvent que c'est une bonne chose, et ça ne
va pas encore... ça va enlever cette résistance-là ou cette volonté >de
faire l'indépendance. Ça n'a pas ce risque-là, selon vous?
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois mettre fin à l'échange. Désolée, Mme la députée, votre question était
un petit peu longue, et il n'y a plus de place pour la réponse.
Mme Ghazal : Je sais.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de Matane, la parole est à vous, 2 min 50 s.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente.
Me Laporte, un plaisir de vous
retrouver. Vous vous souvenez, on a eu des échanges avant ce projet de loi là,
et vous disiez : Le gouvernement pourrait bien nous étonner. Il m'a étonné
à certains égards, il m'a déçu sur l'essentiel.
D'abord, l'idée que ce projet de loi doit
être consensuel, ça ne m'apparaît pas un critère important. Il faut faire ce
qui est nécessaire, et là je vous rejoins totalement. Ça passe notamment par
les objectifs quant à l'immigration francophone. Ça passe par une volonté que
le cégep ne soit pas une brisure dans le cursus français, notamment à un âge où
c'est le parcours professionnel, c'est la socialisation avec les adultes. Ça,
c'est deux enjeux importants. Donc, nous, on est d'avis que le projet de
loi ne va pas renverser le déclin. Est-ce également votre opinion?
M. Laporte (Maxime) :
Ah! oui, oui, c'est ce que je me suis tué à dire ces 40 dernières minutes,
bien sûr.
Juste, si vous voulez — je pense, ça va
vous intéresser aussi — que je réponde très rapidement à votre collègue, vous savez,
je viens de publier une étude à l'IRAI, en fait, en tant qu'avocat, sur la
dimension constitutionnelle de la reconnaissance formelle de la nation
québécoise.
M. Bérubé : J'ai peu de
temps, hein?
M. Laporte (Maxime) :
Bon, vous savez, il faut se fixer des objectifs réalistes dans l'espace et dans
le temps, je ne suis pas encore Sun Tse. On ne peut pas imaginer, dans la
situation actuelle que l'indépendance va se réaliser demain matin...
M. Bérubé :
Me Laporte, je n'ai que 2 min 30 s. J'aimerais mieux que ça
soit sur mes questions...
M. Laporte (Maxime) : Ah
bon. Bien, allez-y, désolé.
M. Bérubé : Bien,
écoutez, moi, je crois partager avec vous que c'est maintenant ou jamais, c'est
là que ça doit se passer. Si on ne le fait pas...
L'objectif du gouvernement, disons-le,
brisons le tabou, il faut que ça ait l'air nationaliste puis que ça soit
consensuel. Moi, je ne vais pas juger de la force du projet de loi si le parti
libéral vote pour, je vais juger si ce n'est pas une mesure populaire, mais qui
est nécessaire pour renverser le français. Mais c'est un peu votre propos
aussi.
M. Laporte (Maxime) :
Absolument, le consensus... J'ai entendu, je pense, le député de La Pinière
a insisté là-dessus, sur cette idée de consensus. Je regrette, mais le Parti
libéral a très souvent gouverné en faisant parfaitement fi des consensus et fi,
surtout, des consensus nationaux.
M. Bérubé : Croyez-vous?
Alors, moi, je pense qu'il ne faut pas viser le consensus, il faut viser la
nécessité. Et j'implore les observateurs de ce projet de loi là qui sont au
gouvernement du Québec, d'abord, qu'ils admirent la volonté du ministre et qu'ils
soient aussi convaincus qu'il l'est de la nécessité d'aller plus loin. Je ne
veux pas le gêner, mais je sais qu'il est très sensible à ces enjeux-là. Il reste
à convaincre le premier ministre et ses collègues du Conseil des ministres.
M. Laporte (Maxime) : Je
pense que vous avez bien résumé la situation.
M. Bérubé : Et, quand Guy
Rocher et Christian Dufour sont <dans le même camp, c'est assez large.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et ça met fin...
M.
Bérubé
:
...gouvernement du Québec, d'abord, qu'ils admirent la volonté du ministre et
qu'ils soient aussi convaincus qu'il l'est de la nécessité d'aller plus loin.
Je ne veux pas le gêner, mais je sais qu'il est très sensible à ces enjeux-là.
Reste à convaincre le premier ministre et ses collègues du Conseil des
ministres.
M. Laporte (Maxime) :
Je pense que vous avez bien résumé la
situation.
M. Bérubé : Et quand
Guy Rocher et Christian Dufour sont >dans le même camp, c'est assez
large.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et ça met fin à cet échange, ça met fin à cet échange.
Donc, merci beaucoup, M. Laporte, de
votre passage en commission parlementaire.
Nous allons suspendre les travaux quelques
instants pour permettre au dernier groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 18 h 03)
(Reprise à 18 h 06)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, nous poursuivons nos travaux, et nous recevons M. Hugo Cyr, qui est
professeur et spécialiste en droit constitutionnel à l'Université du Québec à
Montréal. Donc, vous avez 10 minutes pour nous faire la présentation, bienvenue
à l'Assemblée virtuelle, et la parole est à vous.
M. Hugo Cyr
M. Cyr (Hugo) : Bien, tout
d'abord, je tiens à vous remercier. Je tiens à remercier la commission pour cet
accueil. Je suis, tout d'abord, très heureux que l'on tente de <mettre...
La Présidente (Mme Thériault) :
...
du Québec à Montréal. Donc, vous avez 10 minutes pour nous
faire la présentation. Bienvenue à
l'Assemblée virtuelle. Et la parole
est à vous.
M. Cyr (Hugo) : Bien,
tout
d'abord je tiens à vous remercier. Je tiens à remercier la
commission
pour cet accueil. Je suis
tout d'abord très heureux que l'on tente de
>mettre fin à un long hiver constitutionnel, et donc c'est avec beaucoup
de plaisir que je reçois ce projet de loi et que je l'ai analysé. Mon
témoignage se veut sans complaisance ni malveillance. Mon objectif, c'est de
s'assurer d'offrir à l'Assemblée nationale des outils techniques pour qu'elle
puisse accomplir ses objectifs, c'est-à-dire mon témoignage va aller dans le
sens de limiter le plus possible les risques d'invalidation potentielle de son projet
de loi une fois qu'il sera adopté.
Donc, mon témoignage portera
essentiellement sur l'article 159 du projet de loi, celui qui prévoit que la
Loi constitutionnelle de 1867 est modifiée par l'insertion, après l'article 90,
de ce qui suit :
«Caractéristiques fondamentales du Québec
«90Q.1. Les Québécoises et les Québécois
forment une nation.
«90Q.2. Le français est la seule langue
officielle du Québec. Il est aussi la langue commune de la nation québécoise.»
Je vais y aller tout de suite avec mes
conclusions, et puis ensuite on pourra discuter. En fait, il y a deux... (panne
de son) ...conclusions subsidiaires, si vous n'acceptiez pas les conclusions
principales. Donc, mes deux premières conclusions, c'est que, pour enchâsser
les deux premières dispositions de l'article 159, comme elles traitent de
l'usage du français et de l'anglais, la formule ou la procédure de modification
constitutionnelle applicable serait la procédure bilatérale de l'article 43.
Donc, il faudrait à la fois une résolution de l'Assemblée nationale, mais aussi
de la Chambre des communes — le Sénat, on pourra en discuter, il y a des enjeux
techniques qu'on peut peut-être passer outre — mais une proclamation du
gouverneur général, et il faudrait modifier légèrement le texte pour prévoir...
et là vous verrez dans mon mémoire les spécificités que je vous suggère, là,
pour vous assurer que le projet de loi ne soit pas invalidé. En suivant ce
mécanisme-là, on s'assurerait que les dispositions en question auraient un
effet supralégislatif, ça veut dire qu'ils seraient protégés contre une
invalidation par la Charte canadienne, et aussi ces dispositions-là ne
pourraient plus être modifiées par une simple loi par la suite. Donc, c'est un
enchâssement, à ce moment-là, de la <disposition...
M. Cyr (Hugo) : ...veut
dire qu'ils seraient protégés contre une invalidation par la Charte canadienne,
et aussi, ces dispositions-là ne pourraient plus être modifiées par une simple
loi par la suite. Donc, c'est un enchâssement, à ce moment-là, de la >disposition.
Subsidiairement, si, pour des raisons
quelconques, l'Assemblée nationale ne souhaite ou ne peut pas faire adopter son
projet avec... de concert avec les autorités fédérales, à ce moment-là il y a
une possibilité d'adopter une version de cet article-là sous l'article 45, donc,
de manière unilatérale par une simple loi. Par contre, le produit ne sera pas
protégé contre une application de la Charte canadienne et il pourra être
modifié par la suite par une simple loi par le législateur subséquent.
• (18 h 10) •
Si on allait dans cette voie-là, il
faudrait tout d'abord retirer la tentative d'inscrire ces dispositions-là dans
l'article 90 de la Loi constitutionnelle de 1867 parce que seule une
proclamation du gouverneur général est capable de venir modifier le texte de la
Constitution du Canada et, deuxièmement, il faudrait indiquer que le tout est
sous réserve de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et de
l'article 19.1 de la Loi constitutionnelle de 1982, parce qu'il y a des
possibilités que la disposition soit interprétée comme étant dérogatoire à ces
deux articles-là, et, comme la formule de l'article 45 ne permet pas de
modifier ni 133 ni 19, ce serait une façon de s'assurer que l'amendement, la
modification ne soit pas invalidée.
Maintenant, certains pourraient dire que
la disposition qui est prévue à l'article 159 en elle-même peut laisser planer
des doutes sur 133 et 19. Par contre, il est possible qu'à la lumière du reste
de la loi, on interprète ces dispositions-là comme signifiant qu'elles viennent
limiter la liberté de choix des parties, incluant les personnes morales, de
plaider et de produire des actes de procédure en français ou en anglais. C'est
un choix, c'est...
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous allons suspendre les travaux quelques instants... des petits problèmes de
communication.
(Suspension de la séance à 18 h 12)
(Reprise à 18 h 13)
La Présidente (Mme Thériault) :
Notre petit problème technique <est réglé...
(Reprise à 18 h 13)
La Présidente (Mme Thériault) :
Notre petit
problème
technique >est réglé. Donc, nous
retournons au Pr Cyr. Allez-y.
M. Cyr (Hugo) : Donc, si
on optait pour la deuxième voie, la voie par l'article 45, il faudrait
ajouter que les dispositions sont sous réserve de l'article 133 de la Loi constitutionnelle
de 1867 et sous réserve de l'article 19.1 de la Loi constitutionnelle de
1982 parce que certaines autres dispositions de la loi semblent restreindre le
droit, notamment, de choisir dans quelle langue est-ce qu'on va produire des
actes de procédure. Donc, 133 et 19 prévoient qu'on a le choix entre le français
ou l'anglais, alors que, là, on oblige la production d'une traduction. Et il y
a la question de l'interprétation. En cas de difficulté d'interprétation, on
dit que la version française aurait préséance. Or, c'est loin d'être clair que
l'arrêt Blaikie permettrait une telle chose.
Donc, essentiellement, je vous propose des
modifications, mais, je vous le rappelle, dans le simple but de m'assurer que
le projet de loi, de façon optimale, puisse atteindre son objectif. Et donc ce
sont des mesures que je considère sages, à la lumière de l'ensemble de la
jurisprudence.
Et donc je suis maintenant disposé à
entendre vos questions. Le détail de mes positions se trouve dans mon mémoire,
donc j'ai essayé d'être le moins technique possible dans cette présentation.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, sans plus tarder, nous allons débuter l'échange avec M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente.
Bonjour, M. Cyr. Merci de participer
aux travaux de la commission.
Vous avez débuté vos propos par... vous
êtes heureux qu'on mette fin au long hiver constitutionnel. Alors, écoutez,
j'en suis heureux d'amener un peu de chaleur relativement à ce débat. Et je
disais à votre <collègue...
M. Jolin-Barrette :
...participer aux travaux de la
commission.
Vous avez débuté vos propos par... vous
êtes heureux
qu'on mette fin au long hiver
constitutionnel.
Alors,
écoutez, j'en suis heureux d'amener
un peu de chaleur
relativement à ce débat. Et je disais à votre >collègue Leclair que j'avais
réussi, je crois, avec ces dispositions-là, à émoustiller les constitutionnalistes
québécois, et je suis heureux qu'on ait désormais un débat. Est-ce que vous
êtes toujours là? Oui?
M. Cyr (Hugo) : Oui, je
suis de retour.
M. Jolin-Barrette : Et
je suis heureux, maintenant, qu'on ait un débat sur les dispositions de la Loi
constitutionnelle de 1867, la Loi constitutionnelle de 1982 parce que
semblerait-il que la Constitution est un arbre vivant. Alors, vous, dans votre
mémoire, vous dites... Vous comparez plutôt la Constitution à un édifice avec
le solage et puis sur le fait qu'on ne peut pas utiliser l'article 45 pour
faire en sorte de venir inscrire que les Québécois et les Québécoises forment
une nation et que la langue officielle du Québec est le français. Or, si on est
uniquement en termes de métaphores, pourquoi ne pourrions-nous pas venir
ajouter une annexe, hein, à la maison? Comme... parce que la Cour suprême dit
que la Constitution est un arbre vivant, doit être interprétée largement, tout
ça.
Mon précédent collègue de Saint-Laurent
aimait beaucoup parler du fruit qui n'était pas mûr, mais que, finalement, le
fruit avait mûri quand il a déposé sa politique Québécois, notre façon d'être
canadiens. Alors, voyez-vous, moi, je crois que la Constitution nous permet
de faire cela. Et d'ailleurs il y a plusieurs de vos collègues qui sont en
accord. Je comprends que vous, vous n'êtes pas en accord, le Pr Leclair,
Maxime St-Hilaire, de l'Université de Sherbrooke, mais semblerait-il qu'il y
ait un espace, alors pourquoi ne pourrions pas mettre une annexe à la maison
que nous n'avons pas choisi d'habiter?
M. Cyr (Hugo) : Premièrement,
l'idée de mettre une annexe ou de l'arbre vivant, j'en suis, je suis entièrement
d'accord. C'est comme ça que notre Constitution s'est développée. On parle d'un
arbre vivant qui croît selon ses limites naturelles. Donc, l'idée, c'est qu'il
faut qu'on puisse trouver la bonne branche à laquelle accrocher les choses.
Maintenant, je n'ai pas fait de
commentaire sur la ligne «les Québécoises et les Québécois forment une nation»
parce que ça, en soi, ça ne pose pas problème en termes de modification
constitutionnelle, cette affirmation-là. La question, c'est de savoir à quel
niveau de la hiérarchie constitutionnelle ça va se trouver. Mais, si le Québec,
dans la constitution de sa province, la constitution du Québec, souhaite
l'affirmer, il peut le faire, et c'est d'ailleurs ce que j'ai mentionné dans
mon mémoire.
Le problème avec «le français est la seule
langue officielle du Québec», c'est qu'il y a un texte... On peut croître, on
peut se transformer, mais on ne peut pas <entièrement...
M. Cyr (Hugo) : ...
la
Constitution du Québec souhaite l'affirmer, il peut le faire. Et c'est
d'ailleurs ce que j'ai mentionné dans mon mémoire.
Le problème avec «le français est la
seule langue officielle du Québec», c'est qu'il y a un texte... On peut
croître, on peut se transformer, mais on ne peut pas >entièrement faire
fi du texte de l'article 45, qui parle bel et bien de... Lorsqu'il s'agit
de l'usage du français ou de l'anglais et qu'on veut modifier les règles concernant
l'usage du français et de l'anglais dans la province, là, la formule
applicable, textuellement, c'est l'article 43 qui prévoit que ça peut se
faire de façon bilatérale entre Québec et Ottawa, et ça, c'est une exception
parce qu'autrement, lorsqu'on veut modifier les enjeux sur la langue, si ce
n'était pas pour la province, ça serait la formule d'unanimité qui est prévue.
Donc, on prévoit que, pour modifier les enjeux sur la langue, c'est
l'unanimité, mais pour les provinces, pour modifier l'usage, pour modifier la
Constitution du Canada relativement à l'usage du français et de l'anglais, c'est
l'article 43.
M. Jolin-Barrette :
Juste une question pratico-pratique là-dessus, là, parce que, depuis 1977,
l'article 1 de la Charte de la langue française établit que la langue
officielle du Québec est le français. Or, est-ce que, par vos propos... parce
que ce qu'on fait, c'est qu'on reproduit, on duplique, dans la Loi
constitutionnelle de 1867, cette disposition-là à 90Q.2. Est-ce que, par vos propos,
je dois comprendre que l'article 1 de la Charte de la langue française,
qui est là depuis 1977, est en contravention avec l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867?
• (18 h 20) •
M. Cyr (Hugo) : Bien,
dans l'arrêt Blaikie, la Cour suprême dit expressément qu'elle ne se penche pas
ou qu'elle n'émet pas d'opinion sur la validité de cette disposition-là, mais
elle dit par ailleurs que... elle a invalidé par ailleurs d'autres dispositions
qu'elle dit découler ou illustrer ce principe-là. Donc, ce que je vous dis, c'est :
Il y a un risque, il y a un risque. Je ne vous dis pas... mais, je vous dis,
cette disposition-là, il y a un risque.
Maintenant, à l'époque de Blaikie, on est
avant 1982, on est avant l'adoption de la Charte canadienne, on est avant
l'adoption de la loi de 1982, qui modifie les règles d'amendements
constitutionnels. Et, depuis 1982... ce qui n'était pas le cas avant, hein? En
1976, 1977, ce n'étaient pas les mêmes formules d'amendement qui étaient
disponibles. Maintenant, ce qu'on voit depuis 1982, la formule qui prévaut à
l'article 43, elle spécifie pour les modifications qui touchent les
langues dans notre province, l'usage de la langue dans la province. Peut-être,
pour les fins du... il serait utile que je le mentionne spécifiquement, là,
mais on dit qu'il faut une participation bilatérale pour modifier la
Constitution lorsqu'on parle des dispositions relatives à <l'usage du...
M. Cyr (Hugo) : ...l'usage
de la langue dans la province. P
eut-être pour les fins du... il serait
utile que je le mentionne
spécifiquement, là, mais on dit qu'il faut une
participation bilatérale pour modifier la Constitution lorsqu'on parle
des dispositions relatives à >l'usage du français ou de l'anglais dans
une province. J'aime à croire que, si on veut spécifier que le français est la
langue officielle du Québec, c'est qu'on... (panne de son) ...sur l'usage du français
ou de l'anglais dans la province. Je ne vois pas, sinon, à quel autre sujet.
M. Jolin-Barrette : On
vous a perdu juste comme 10 secondes. Pouvez-vous répéter votre dernière
phrase?
M. Cyr (Hugo) : Oui.
Si... L'article 43, qui prévoit la formule d'amendement bilatéral, il dit
qu'elle s'applique spécifiquement aux modifications des dispositions relatives
à l'usage du français ou de l'anglais dans une province. Donc, elle porte spécifiquement
là-dessus. Donc, avant 1982, on n'avait pas cette...
M. Jolin-Barrette : Ça,
je comprends, mais ce qui est ironique dans tout ça, c'est qu'il y a une
formule d'amendement constitutionnel auquel le Québec n'a pas adhéré, hein?
Donc, je comprends qu'on est post-1982, mais en 1982, ils n'ont pas demandé
l'avis de l'Assemblée nationale puis de la nation québécoise non plus pour
adhérer. Puis l'enjeu est à l'effet... Oui, il y a Blaikie en, quoi, 1979,
1981, je pense, les deux Blaikie...
M. Cyr (Hugo) : 1979.
M. Jolin-Barrette :
...mais il y a une marge entre l'article 1 et 133, il y a une cohabitation
entre les deux.
Et, vous savez, moi, mon questionnement
est à l'effet... Tout à l'heure, on parlait d'arbre vivant, mais, vous savez,
un arbre, parfois, si on n'en prend pas soin, ça finit par mourir. Alors, je
serais curieux de savoir qu'est-ce qui arriverait si jamais les cours
invalidaient l'article 1 de la Charte de la langue française. Ou même, au même
titre, là, que ce que nous faisons, là, dans la Loi constitutionnelle de 1867,
en venant insérer que les Québécois et Québécoises forment une nation puis que
la langue officielle du Québec, c'est le français, je serais curieux de savoir
ce qui arriverait avec l'arbre constitutionnel.
Et d'ailleurs le tout est fait, et il y a
plusieurs constitutionnalistes qui sont venus nous le dire, en tout respect de
l'article 133 et des droits qui y sont garantis. Parce que ce que Blaikie nous
dit, c'est qu'on ne peut pas venir toucher à 133, mais ce n'est pas ça qu'on
fait. Mais entre le mur-à-mur, il y a une marge, et je crois bien humblement
que nous allons dans cet espace-là qui est disponible pour un partenaire
fédératif. Parce que c'est ça également que Benoît Pelletier nous disait, il
nous disait : Les entités fédérées peuvent avoir une marge à l'intérieur
de l'État fédéral.
Et mon questionnement est à l'effet
également que le fédéral, lui, a modifié la Loi constitutionnelle de 1867.
Est-ce dire que la Loi constitutionnelle de 1867 n'appartient qu'au Canada,
qu'au gouvernement fédéral ou elle appartient également aux entités fédérées <qui
composent le Canada...
M. Jolin-Barrette :
...
l'État fédéral.
Et mon questionnement est à l'effet
également que le fédéral, lui, a modifié la Loi constitutionnelle de 1867.
Est-ce dire que la Loi constitutionnelle de 1867 n'appartient qu'au Canada,
qu'au gouvernement fédéral ou elle appartient également aux entités fédérées >qui
composent le Canada?
M. Cyr (Hugo) : Là, il y
a plusieurs points, là, dans votre dernier commentaire. Sur le premier, mon
analyse, ici, va se résumer à une analyse purement technique,
constitutionnelle, c'est-à-dire pas sur la légitimité du statut de la
Constitution de 1982, elle est là. Donc, comme analyste, je vous parle à partir
des normes existantes, voilà. Maintenant, on peut être d'accord ou ne pas être
d'accord, il y a des référendums qui se sont faits là-dessus, bon, mais,
présentement, le contexte dans lequel moi, je m'exprime comme juriste...
M. Jolin-Barrette : Mais
il n'y a pas de référendums qui se sont faits sur la Loi constitutionnelle de
1982.
M. Cyr (Hugo) : Non, mais
je parle du référendum de 1995, où, de façon implicite, on avait... on a eu un
référendum sur la question de savoir est-ce qu'on reste à l'intérieur de ce
cadre-là ou pas. Mais ce que je vous dis...
M. Jolin-Barrette : Mais
ce n'était pas la question. Est-ce que vous adhérez...
M. Cyr (Hugo) : ...c'est
que mon analyse ne dépend pas de la légitimité...
M. Jolin-Barrette : La
question... Je n'ai pas voté, mais...
M. Cyr (Hugo) : Je suis
d'accord. Non, non, je ne vous ai pas dit que...
M. Jolin-Barrette : ...ce
n'était pas ça, la question.
M. Cyr (Hugo) : Non, non,
ce que je vous dis, c'est qu'effectivement, lorsqu'il y a eu le rapatriement,
il n'y a pas eu de référendum, et donc certains des politistes plutôt que des
juristes pourraient nous dire qu'il y a un déficit de légitimité de ce côté-là,
soit. Moi, ce que je vous dis, c'est que mon analyse ne dépend pas de ça, mon
analyse est purement sur le plan juridique, et donc, si on venait qu'à
invalider les dispositions, je peux imaginer que ça aurait un impact important
à l'intérieur du Québec, mais c'est, entre autres, pour ça que moi, je vous
propose des façons d'éviter que ça se présente.
Mais maintenant, sur 133 et 19, je
remarque qu'il y a eu des efforts qui ont été faits pour marcher le plus proche
de la ligne possible, et moi, je vous dis : Il y a un risque fort qu'on
ait outrepassé la ligne. Par exemple, sous 19.1 et 133, on prévoit que chacun a
le droit de choisir entre le français ou l'anglais lors de la production
d'actes de procédure. Or, le projet de loi actuel dit qui... si on est une
personne morale, on a l'obligation de fournir la traduction. Moi, je vous dis :
C'est une obligation supplémentaire qui s'ajoute à 133 et à 19.1 et qui
pourrait être interprétée comme étant... venant limiter l'exercice du droit
prévu en forçant les gens à débourser pour cette traduction-là. Donc, je vous
dis, c'est un risque.
Pour ce qui est de la disposition sur
l'interprétation...
M. Jolin-Barrette :
Juste une question pratico-pratique. Trouvez-vous ça normal que, lorsqu'une
entreprise, donc une personne <morale...
M. Cyr (Hugo) : ...
prévu en forçant les gens à débourser pour cette traduction-là. Donc, je vous
dis : C'est un risque.
Pour ce qui est de la disposition sur
l'interprétation...
M. Jolin-Barrette :
Juste une question pratico-pratique, trouvez-vous ça normal que lorsqu'une
entreprise, donc une personne >morale, poursuit une personne au Québec,
une Québécoise ou un Québécois, la personne physique, là, elle reçoive une
procédure en français? Qu'une entreprise étrangère, supposons, qui vient
poursuivre un citoyen québécois, on l'oblige à dire : Vous pouvez prendre
votre procédure en anglais, c'est prévu par l'article 133, mais dire :
Vous allez également fournir une copie traduite en Québécois? Supposons qu'il y
a un litige, là, un travailleur qui serait congédié, O.K., supposons, sur la Côte-Nord.
Il a travaillé 20 ans de sa vie pour une entreprise, pour 25 ans de sa vie pour
une entreprise, une papetière, supposons, il se fait congédier, puis là il veut
avoir des renseignements sur son fonds de pension, il veut avoir des renseignements
sur sa paie, il ne se fait pas payer, il n'a pas son T4, puis là c'est juste en
anglais. Le travailleur québécois, il est unilingue francophone, puis lui, là,
il ne comprend pas les procédures devant les tribunaux. Trouvez-vous ça normal
qu'une multinationale qui fait affaire au Québec, lorsqu'elle poursuit ou
qu'elle agit devant une instance, devant un tribunal québécois, elle fournisse
une copie en français des procédures judiciaires à l'encontre d'un Québécois ou
d'une Québécoise?
M. Cyr (Hugo) : Vous
savez, comme expertise d'un... comme juriste qui vient vous donner un avis
juridique, ça ne vise pas à évaluer l'opportunité des règles qui seront existantes,
moi, je vous dis les règles comme elles existent. Si vous n'êtes pas
satisfaits, bien, vous êtes les législateurs, vous pouvez le faire. Par contre...
Vous pouvez les modifier. Par contre, vous devez le faire selon les règles
existantes, des règles de modification applicables. Or, pour modifier 133, si
vous voulez le faire, ce que vous venez de me dire, bien, la façon la plus
simple, c'est de le faire de façon bilatérale par... en vertu de l'article 43.
Vous pourriez modifier ça pour le Québec, sauf que l'article 19.1, lui, vous ne
pourriez pas le faire, c'est écrit dans la Constitution de 1982, et, pour la
modifier, celle-là, il faudrait l'unanimité. Donc...
M. Jolin-Barrette : Et,
juste pour expliquer...
M. Cyr (Hugo) : À moins
que vous vouliez prendre votre bâton de pèlerin, mais ça, c'est libre à vous.
• (18 h 30) •
M. Jolin-Barrette :
Juste pour expliquer aux membres de la commission, 19.1, ça touche les
tribunaux fédéraux, donc la Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale, ça ne
touche pas les tribunaux judiciaires québécois. Mais je comprends de votre
propos que 133, il est très, très rigide et il doit y avoir une... il doit y avoir
une interprétation extensive. Donc, vous le voyez comme un bloc, puis il n'y a
pas de marge. Or, quand il y a eu Blaikie, il y a une marge, parce qu'ils n'ont
pas touché à l'article 1. Ils ont touché à certains éléments de la langue de la
justice, de la langue <des lois...
>
18 h 30 (version révisée)
<15359
M. Jolin-Barrette :
...très, très rigide et il doit y avoir une
interprétation extensive.
Donc, vous le voyez comme un bloc, puis
il n'y a pas de marge. Or, quand
il y a eu Blaikie, il y a une marge,
parce qu'ils n'ont pas touché à
l'article 1. Ils ont touché à certains éléments de la langue de la
justice, de la langue >des lois, mais ils n'ont pas touché à 1.
Alors, c'est pour ça que je diffère
fondamentalement d'opinion avec vous, parce que c'est comme s'il n'y avait pas
d'espace. Or, à tous les jours, il y a de l'espace. Je donne un exemple, là,
l'article 15, là, dans la Loi constitutionnelle de 1982, là, relativement
au droit à l'égalité, là, bien, écoutez, on dit : «La loi ne fait [pas]
acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la
même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute
discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine
nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les
déficiences mentales ou physiques.» Or, certains tribunaux ont interprété ce
libellé-là comme s'appliquant également à la discrimination sur la langue. Or,
ce n'est pas inscrit dans la Constitution. Mais il y a une marge, ce n'était
pas nommément inscrit, mais c'est possible. Même chose à 23...
M. Cyr (Hugo) : En fait,
ils n'ont pas besoin de l'avoir nommé explicitement parce que, sous 15, il y a
le terme «notamment» qui explique pourquoi on peut le faire. Je vous dis :
Sous l'article 133... La raison pour laquelle... Vous me posez la question :
Pourquoi, Blaikie, on n'en a pas parlé? C'est que les tribunaux ont cette
habitude d'effectivement dire : Si on est capable de résoudre le problème
sans examiner tous les autres problèmes, on va y aller de façon limitée, hein,
c'est ce qu'on appelle une vertu passive.
Par contre, ce que je vous dis, c'est :
Compte tenu du fait que vous les mettez en avant comme étant... et c'est un
petit peu comme si vous mettez tous les feux de la rampe sur cette
disposition-là, là, vous invitez directement une contestation directement sur
cette disposition-là.
M. Jolin-Barrette : Mais
moi, je n'invite rien du tout.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à cet échange.
M. Jolin-Barrette : Je
ne pense pas que c'est une bonne idée de contester cette disposition-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois mettre fin à cet échange. Donc, malheureusement, M. le ministre, je
dois mettre fin à l'échange. On voit que les questions soulèvent des passions.
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
vous avez 11 min 20 s à votre disposition.
Mme David : Bonjour,
Pr Cyr. Heureuse de vous revoir. Je ne pensais jamais un jour vous
retrouver dans des conditions comme ça et surtout après une conversation comme
ça où, mine de rien, je me mettrais au même niveau que des juristes qui
discutent, comme ça, des deux chartes et puis des deux constitutions, 1867,
1982, l'article 19, l'article 133. C'est un vrai cours accéléré
constitutionnel. Puis, comme vous savez très bien, ce n'est pas mon univers
d'origine. Mais c'est rendu... vous dites... le ministre dit : Ça
émoustille les constitutionnalistes. Il a raison, c'est incroyable. C'est
fascinant, en fait, de voir ça.
Et ça montre une chose, c'est que, s'il y
a quelque chose qui est subjectif, c'est peut-être le milieu juridique et les
lois. Parce qu'on l'a dit ce matin il y avait comme deux équipes de hockey, il
y en a une qui est pro puis l'autre qui a des réserves sur l'article 133,
l'inscription dans la Constitution. Est-ce que c'est l'article 43? Est-ce
que c'est l'article 45? Est-ce que c'est la nation? Est-ce que c'est la
langue officielle? Est-ce que c'est le <mot...
Mme David : ...
juridique
et les lois. Parce qu'on l'a dit ce matin il y avait comme deux équipes de
hockey, il y en a une qui est pro puis l'autre qui a des réserves sur
l'article 133, l'inscription dans la Constitution. Est-ce que c'est
l'article 43? Est-ce que c'est l'article 45? Est-ce que c'est la
nation? Est-ce que c'est la langue officielle? Est-ce que c'est le >mot
«seule langue officielle»? Moi, je trouve ça passionnant, parce que ce sont de
vrais débats qui alimentent des arrêts de la Cour suprême, des... c'est... Il y
en a beaucoup, d'avocats, là, sur la terre, là, puis il y en a beaucoup au
Québec, je pense, c'est 25 000, je pense, avocats, puis il y a beaucoup
d'étudiants en droit, vous avez été doyen, vous le savez. Alors, je trouve ça
particulièrement intéressant, mais particulièrement non attractif pour des
non-juristes et non-constitutionnalistes. Vous dites : J'ai fait un gros
effort dans mon mémoire — que j'ai lu hier soir, parce que, ça,
malheureusement, des fois, ils arrivent un peu dernière minute. Je vous ai
trouvé, oui, accessible, mais évidemment c'est du droit, bon, et puis vous ne
pouvez pas parler de tomates puis de laitues, là, c'est du droit, et puis il
faut qu'on essaie de vous suivre.
Et j'étais passablement déprimée plus ça
avançait, parce que je me disais : Mais on ne s'en sortira pas, on ne s'en
sortira pas. Ça ne marche pas, le 90Q.2. Il nous fait une démonstration, là,
que c'est impossible, que c'est inconstitutionnel, que ça va, bon, être tout de
suite poursuivi en justice, puisque ce n'est pas l'article 43... Penser
que l'article 43, c'est beaucoup plus exigeant que l'article 45, puis...
Oui, vous l'avez bien dit : C'est supralégislatif, c'est beaucoup plus
solide, c'est du béton. Le 45, c'est peut-être du bois franc, c'est
peut-être une maison un peu plus... puisqu'on est dans les comparaisons
architecturales, c'est peut-être un peu moins solide, mais c'est une simple
loi. Ça peut être changé d'un gouvernement à l'autre, mais c'est quand même
quelque chose de possible.
Alors, on se rend à la toute fin, puis, à
la toute fin, là, vous dites : Bien, coudon, si ça ne marche pas, si ça ne
marche pas, si ça ne marche pas, allons vers quelque chose sur lequel, nous,
dans nos réflexions, on s'était fait suggérer, le fameux, entre guillemets,
sous réserve de l'article 133 de la Loi constitutionnelle 1867 et
l'article 19.1 de la Loi constitutionnelle 1982. Ouf! J'ai fini vos
42 pages, ou je ne sais trop, avec ça, exactement ça, puis là je me suis
dit : Bien, il y a peut-être espoir, à ce moment-là, il y a peut-être
espoir que ce «sous réserve» auquel... bon, là, vraiment, les
constitutionnalistes deviennent passionnés. Benoît Pelletier, c'est vrai, a dit :
Ce n'est même pas nécessaire. Jean Leclair a dit autre chose, puis le contact,
on le sait, jeudi, était très mauvais. Je ne sais pas ce qu'il y a avec les
constitutionnalistes qui viennent en commission, mais on dirait que, des fois,
le contact Internet n'est pas très bon, donc ça a été un peu malheureux. Ça a
coupé, il a fallu suspendre, reprendre, puis vous, des fois, ça coupe un petit
peu.
Mais tout ça pour dire qu'il y a des pour,
il a des contre. Le ministre, je ne sais pas comment il va trancher. Moi, je
suis encore moins bonne pour savoir comment <trancher ça, évidemment...
Mme David : ...
Internet
n'est pas très bon, donc ça a été un peu malheureux. Ça a coupé, il a fallu
suspendre, reprendre, puis vous, des fois, ça coupe un petit peu.
Mais tout ça pour dire qu'il y a des
pour, il a des contre. Le ministre, je ne sais pas comment il va trancher. Moi,
je suis encore moins bonne pour savoir comment >trancher ça, évidemment,
mais je veux quand même vous entendre sur la fin de votre mémoire. Vous
dites... et vous l'avez redit que, quand même, on peut mettre ça, «sous réserve
de l'article 133», toujours en utilisant le recours à l'article 45,
que ça ne serait pas infaisable — est-ce que j'interprète bien? — mais que c'est
loin d'être votre premier choix.
M. Cyr (Hugo) : Bien, en
fait, tout à fait. Quand je dis que c'est loin d'être mon premier choix, c'est
que je comprends que l'Assemblée nationale souhaite enchâsser cette
reconnaissance dans la Constitution du Canada, puis, si elle veut le faire, le
moyen pour le faire, c'est l'article 43.
Maintenant, si elle ne veut pas y aller de
manière bilatérale, elle peut quand même, en vertu de l'article 45,
adopter certaines dispositions, mais, à ce moment-là, je lui suggère de dire
qu'on modifie la constitution du Québec, qu'on le dise clairement, c'est la
constitution du Québec qu'on veut modifier, et qu'on mette «sous réserve des
articles 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et 19.1 de la Loi
constitutionnelle de 1982».
S'il n'y a aucune atteinte à ces deux
dispositions-là, bien, ça ne change rien, ça ne change strictement rien pour le
projet de loi, puisqu'il n'y a pas d'atteinte. Si le ministre a raison puis
qu'il n'y a pas d'atteinte, bien, ça ne lui coûte rien d'ajouter ça parce que
ça ne viendra pas limiter la portée de sa disposition. Si par contre les juges
étaient plutôt d'avis, comme moi, qu'il y a peut-être des atteintes à 133 et à 19.1,
bien là, on vient protéger la disposition pour ne pas qu'elle soit invalidée,
parce qu'on va dire : Bien non, la disposition s'applique sur tout le
reste, mais on ne vise pas à exclure ou restreindre ces droits-là. Donc, c'est
une sorte de police d'assurance. Si on n'en a pas de besoin, bien, en plus, ça
ne nous coûte rien. Donc, si on n'en a pas de besoin, elle ne sera pas utilisée,
mais, s'il y a un risque qui se réalise, bien, au moins, les dispositions qu'on
va avoir adoptées, elles seront protégées puis elles ne seront pas invalidées.
C'est dans ce sens-là que je vous dis...
Mme David : On pourrait
penser...
M. Cyr (Hugo) : C'est
avec bienveillance.
Mme David : Oui, oui,
mais c'est intéressant, votre commentaire. On peut penser que ça pourrait aussi
rassurer la communauté d'expression anglaise, qui est un peu inquiète par
rapport aux lois des tribunaux, par exemple, la langue des tribunaux, la langue
de la justice, la langue des parlementaires, etc. Alors, vous dites : Ça
ne coûte rien. Mais qu'est-ce que... Si vous étiez dans la tête du ministre, on
aura l'occasion d'en discuter avec lui, mais pourquoi il s'opposerait à mettre
«sous réserve de l'article 133», ces petits mots-là de plus? Si ça ne <coûte
rien, c'est une...
Mme David : ...vous
dites : Ça ne coûte rien. Mais qu'est-ce que... Si vous étiez dans la tête
du ministre, on aura l'occasion d'en discuter avec lui, mais pourquoi il
s'opposerait à mettre «sous réserve de l'article 133», ces petits mots-là
de plus? Si ça ne >coûte rien, c'est une protection additionnelle, puis,
bon Dieu, ça fait plaisir à bien des constitutionnalistes, la communauté
anglophone, etc., qu'est-ce qui pourrait faire qu'il résisterait à ces
propositions... cette proposition faite par plusieurs constitutionnalistes?
• (18 h 40) •
M. Cyr (Hugo) : Pour être
franc, ce n'est pas moi qui pourrai répondre à cette question. Il va falloir vraiment
demander au ministre, mais, sur le plan juridique, ça ne coûte absolument rien.
Mme David : O.K., O.K. Il
y a quelque chose, quand même, que vous avez dit... non, c'est même... c'est
même le ministre qui l'a dit, j'ai noté, mais moi, je vais l'appliquer à autre
chose, alors, c'est une technique intéressante. Il a dit : Entre le
mur-à-mur, il y a une marge. Bon, lui, il ne parlait pas de la disposition de
dérogation, je le sais, mais moi, je vais essayer de l'appliquer, cette
phrase-là, aux dispositions de dérogation dont vous, malheureusement, ne parlez
pas. C'est... Alors, je sais que je vais en dehors de votre mémoire, mais je
vais quand même poser la question à quelqu'un qui s'y connaît en matière de
droit.
Les fameuses dispositions de dérogation, parce
que ça aussi, évidemment, ça fait couler beaucoup, beaucoup d'encre, ça et la Constitution,
alors qu'il y a 208 articles, mais, alors, allons-y un peu. Qu'est-ce
que... Parce que beaucoup ont dit : Attention; Pr Taillon, entre autres,
qui est aussi un autre constitutionnaliste, qui a travaillé beaucoup sur ce
projet de loi là et qui dit : Oui, pour certaines choses, dont les
pouvoirs d'enquête de l'OQLF, là, les fouilles, les saisies, bon, il y a
dérogation puis il y a... il n'y a pas de mandat qui est demandé. Qu'est-ce que
vous pensez de ça, de lever la dérogation pour certains articles? Je vous donne
cet exemple-là. Il faut-tu du mur-à-mur ou, comme le dit le ministre, entre le
mur-à-mur, il y a une marge?
M. Cyr (Hugo) : Bien,
évidemment, quand on couvre mur à mur, on n'échappe rien, sauf que parfois on
écrase des choses. Et donc, si je fais une comparaison avec une autre doctrine
qu'on utilise en droit, quand on est pour porter atteinte à des droits, on pose
des tests. Et on a des questions qu'on se pose habituellement, on dit :
Est-ce que l'objectif est suffisamment important? Ici, je pense que les gens,
en général, s'entendent, là, que ce n'est pas un problème. Mais ensuite il y a
la question de la proportionnalité. Et là on se pose la question : Est-ce
qu'il y a un lien rationnel? Et puis est-ce que c'est l'atteinte... Est-ce que
c'est les moyens les moins attentatoires ou l'atteinte la plus minimale au
droit pour réussir à atteindre notre objectif? Est-ce que c'est les moyens les
plus... qui portent le moins atteinte aux droits qui nous permettraient quand
même d'atteindre notre objectif?
Donc, ça, ça peut être un <outil...
M. Cyr (Hugo) : ...
est-ce
que c'est les moyens les moins attentatoires ou l'atteinte la plus minimale au
droit pour réussir à atteindre notre objectif? Est-ce que c'est les moyens les
plus... qui portent le moins atteinte aux droits, qui nous permettraient quand
même d'atteindre notre objectif?
Donc, ça, ça peut être un >outil
pour évaluer, pour le législateur comme pour les juges, si les mesures sont
appropriées.
Maintenant, pour ce qui est de la question
fouille, perquisition, saisie abusive, là, je sors de mon mémoire, mais évidemment
ce n'est pas aussi clair qu'il y a un lien très fort entre être capable d'aller
faire ces fouilles-là sans mandat et la protection de la langue française.
Maintenant, c'est vous, les législateurs...
vous devez prendre cette décision d'opportunité là. Mais évidemment, dans la
tradition qui protège les droits et libertés, on tente, dans la mesure du
possible, de limiter les atteintes à ce qui est nécessaire pour atteindre notre
objectif.
Le
Président (M. Lemieux) : En 15 secondes.
Mme David :
Il y a eu beaucoup de dérogations à travers l'histoire depuis cette mesure-là,
1982. Il y en a eu, des mesures dérogatoires, des dispositions, mais souvent
c'était ciblé.
Le
Président (M. Lemieux) : Et voilà. Alors, la période d'échange
avec l'opposition officielle est terminée.
On
passe à la députée de Mercier pour 2 min 50 s, professeur.
Mme Ghazal :
Merci, M. le Président. Merci, M. Cyr.
Écoutez,
c'est vraiment fascinant, là, le droit constitutionnel. Moi, j'ai très, très
hâte qu'on invite tous les constitutionnalistes qui sont venus dans cette
commission quand mon parti, Québec solidaire, on mettra sur pied une assemblée
constituante, comme c'est écrit dans notre programme, après octobre 2022.
Je
voulais... En fait, oui, par rapport à la disposition de dérogation, est-ce
que... Parce que, là, elle est mise partout dans le projet de loi, pour toutes
les dispositions, alors j'aimerais vous entendre là-dessus. Vous en parlez dans
votre mémoire, mais j'aimerais que vous le résumiez. Ça ne serait pas mieux,
par exemple, que le ministre décide... la clause devrait être utilisée pour
quelles dispositions pour éviter des poursuites en vertu de la charte?
M. Cyr
(Hugo) : En fait, il n'y a pas d'obligation de... pour éviter des
poursuites, ça ne changera rien. Mais idéalement, si on est capable
d'identifier quelles dispositions sont à risque, bien, c'est plus précis et ça
évite de faire du mur-à-mur.
Et
aussi, plutôt que de dire «les articles 2, 7 à 15», c'est-à-dire tous les
articles de la Charte canadienne pour lesquels il est possible de déroger, on
pourrait spécifier quels qui sont importants. Par exemple, je ne suis pas
certain qu'une protection contre... qu'il est nécessaire de déroger au droit
qui protège contre les peines cruelles et inusitées. Pourtant, la disposition,
comme elle est écrite, permet de déroger à ce droit-là.
Mme Ghazal :
Alors qu'il n'est pas <touché. Puis...
M. Cyr
(Hugo) : ...
importants. Par exemple, je ne suis pas certain
qu'une protection contre... qu'il est nécessaire de déroger au droit qui
protège contre les peines cruelles et inusitées. Pourtant, la disposition,
comme elle est écrite, permet de déroger à ce droit-là.
Mme Ghazal : Alors
qu'il n'est pas >touché. Puis pour...
M. Cyr (Hugo) : Bien non,
c'est ça. Qu'on vise la liberté d'expression ou qu'on vise... ça, c'est
correct. Mais, encore là, ça, c'est un choix qui vous appartient, à vous, ça ne
relève pas d'une expertise particulière juridique.
Mme Ghazal : O.K. Puis,
pour l'article 159, je veux dire, du projet de loi, il faut demander la
proclamation du gouverneur général sous le sceau du Canada, autorisée par des
résolutions du Sénat et de la Chambre des communes. Je veux dire,
politiquement, ce n'est juste pas... c'est impossible à faire. C'est pour ça
que vous donnez cette porte de sortie d'ajouter «sous réserve de l'article 133
et 19»?
M. Cyr (Hugo) : Bien,
impossible, ça, ça reste à voir. Maintenant, le Sénat, on peut passer outre
parce qu'il y a une procédure qui permet de le faire. Maintenant, si le
gouvernement fédéral se dit disposé ou ouvert, ça se fait de façon bilatérale
seulement. Donc, ce sera uniquement avec le gouvernement fédéral, et pas les
autres provinces. Donc, ça, ça fait une différence, mais ça peut être très
difficile à obtenir, j'en conviens. C'est pour ça que je laisse cette autre
porte qui est disponible pour faciliter les choses.
Le
Président (M. Lemieux) : Et ça conclut cette réponse.
Les
dernières questions posées par le député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé
:
Merci, M. le Président.
Bonjour,
Me Cyr. Le gouvernement a parlé abondamment de sa volonté d'une modification
constitutionnelle. Depuis le début, je me pose la question : Qu'est-ce que
ça va changer de concret pour le sujet qui nous intéresse, c'est-à-dire le
déclin du français et renverser ce déclin? On a des opinions très variées, mais,
dans bien des cas, on nous dit : C'est essentiellement symbolique. Bon,
alors, bien, je voulais vous entendre aussi là-dessus. Est-ce que vous
trouvez... Bon, on peut juger de l'opportunité ou non de le faire, mais ça
dépend de la capacité qu'on a de le faire. Alors, est-ce que vous croyez que
les possibilités sont bonnes, moyennes ou mauvaises?
M. Cyr
(Hugo) : Bien, d'y aller de façon unilatérale sous 45, je pense
qu'elles ne sont pas très bonnes. C'est très risqué.
M.
Bérubé
:
C'est mauvais?
M. Cyr
(Hugo) : Et le danger, c'est que les dispositions vont avoir
simplement un effet interprétatif pour les autres lois, mais elles ne seront
pas protégées contre la Charte canadienne, ce ne sera pas protégé contre
d'autres enjeux. C'est pour ça que je... Ce que je comprends, moi, c'est qu'on
veut mettre dans la Constitution... enchâsser dans la Constitution du Canada
pour lui donner une force supérieure.
M.
Bérubé
:
Oui, mais vous n'êtes pas le seul qui nous indique que c'est symbolique, ça a
peu de chances de réussite et que plus ça avance, plus le ballon dégonfle.
Donc, on revient à l'essentiel, il faut adopter des mesures qui font en sorte
de renverser la tendance. Et, avec le temps qu'il nous reste, quel est, selon
vous, là, l'élément sur lequel il faut le <plus...
M.
Bérubé
:
...
mais vous n'êtes pas le seul qui nous indique que c'est symbolique,
ça a peu de chances de réussite, et que plus ça avance, plus le ballon
dégonfle. Donc, on revient à l'essentiel. Il faut adopter des mesures qui font
en sorte de renverser la tendance. Et avec le temps qui nous reste, quel est,
selon vous, là, l'élément sur lequel il faut le >plus insister pour
renverser cette tendance-là négative pour la langue?
M. Cyr (Hugo) : Bien, sur
cette question-là, je n'ai pas une expertise particulière, donc je vais me
retenir.
M.
Bérubé
:
Donc, vous, c'est la Constitution qui vous a intéressé à venir échanger avec
nous, surtout.
M. Cyr (Hugo) : Bien, écoutez,
vous savez...
M.
Bérubé
:
C'était la diversion voulue, hein?
M. Cyr (Hugo) : Oui, c'est
que les experts... Oui, oui. Non, non, mais les experts...
M.
Bérubé
:
Ça a marché.
M. Cyr (Hugo) : ...le
risque, c'est qu'on se présente comme étant des experts sur tout.
M.
Bérubé
:
Surtout des experts aussi.
M. Cyr (Hugo) : Mais je
ne suis pas un expert sur tout. Puis ce que je... Oui, donc, j'essaie de me
limiter sur ce...
M.
Bérubé
:
Mais, maître, vous êtes d'accord avec moi qu'on a attiré plein de gens de
talent en droit, mais c'est une diversion magnifique sur l'essentiel, c'est
comment renverser le déclin, et on n'y arrive pas, puis en plus ça a l'air que
ce n'est pas faisable. Alors, je nous suggère de continuer à réfléchir à des
données concrètes et à des mesures concrètes pour renverser le déclin, et on en
a un grand nombre, que je partage avec les membres de la commission. Et
j'invite le ministre à réaliser que, finalement, ce n'était pas si génial que
ça. Avez-vous d'autres choses à ajouter?
Le
Président (M. Lemieux) : En 10 secondes. Oh! Je pense que,
là, on l'a perdu.
M.
Bérubé
:
J'aurai donc le mot de la fin, M. le Président.
M. Cyr (Hugo) : Bien, c'est
comme je vous dis... expertise.
Le
Président (M. Lemieux) : D'accord. Merci beaucoup, Pr Cyr,
pour votre présentation et d'avoir répondu à nos questions.
La
commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 6 octobre 2021 — c'est demain
— après les affaires courantes. Bonne soirée, collègues.
(Fin
de la séance à 18 h 50)