Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Le
mercredi 29 septembre 2021
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Vol. 45 N° 97
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français
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Intervenants par tranches d'heure
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Lemieux, Louis
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Lévesque, Mathieu
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David, Hélène
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Birnbaum, David
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Ghazal, Ruba
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Ghazal, Ruba
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Thériault, Lise
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Bérubé, Pascal
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Lévesque, Mathieu
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Lévesque, Mathieu
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Thériault, Lise
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David, Hélène
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Bérubé, Pascal
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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David, Hélène
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David, Hélène
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Thériault, Lise
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Thériault, Lise
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Lemieux, Louis
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David, Hélène
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Chassin, Youri
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Chassin, Youri
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Thériault, Lise
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David, Hélène
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
11 h (version révisée)
(Onze heures dix-neuf minutes)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue
officielle et commune du Québec, le français.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
• (11 h 20) •
La Secrétaire
: Oui,
Mme la Présidente. Mme IsaBelle (Huntingdon) sera remplacée par
M. Lévesque (Chapleau); Mme Rizqy (Saint-Laurent), par
M. Barrette (La Pinière); Mme St-Pierre (Acadie), par
M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau), par
Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon (Joliette), par M. Bérubé
(Matane-Matapédia).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup. Donc, ce matin, nous recevons un groupe seulement. Donc, je
souhaite la bienvenue au Syndicat des professionnelles et professionnels du
Québec... du gouvernement du Québec, pardon. Mme Line Lamarre, la
présidente, est avec nous. Donc, Mme Lamarre, je vous cède la parole.
Présentez-nous la personne qui vous accompagne, et il y aura un échange par la
suite avec les députés. Allez-y.
Syndicat de professionnelles et professionnels du
gouvernement du Québec (SPGQ)
Mme Lamarre (Line) : Merci.
M. le ministre, Mme Lise Thériault, présidente de la Commission de la
culture et de l'éducation, Mmes, MM. députés et membres de la commission,
bonjour. Je m'appelle Line Lamarre, présidente du Syndicat des professionnelles
et professionnels du gouvernement du Québec. Je suis accompagnée de M. Philippe
Desjardins, conseiller aux communications au SPGQ. Nous remercions les membres
de la commission de nous avoir invités à nous exprimer sur le projet de loi
n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le
français.
Nos remarques préliminaires. Lors de la
conférence de presse suivant le dépôt du p.l. n° 96,
le 12 mai dernier, le premier ministre du Québec lançait un appel à tous
les Québécois de s'unir autour du français. Cette conférence a été l'occasion
de brosser un portrait inquiétant de la situation de la langue française et
d'annoncer une relance linguistique. L'exemplarité de l'État, la fin du
bilinguisme institutionnel, le renforcement du français comme langue du système
de justice, le droit de travailler en français, le droit à l'apprentissage du
français et les études supérieures en français étaient au nombre des priorités
d'action permanentes de l'État annoncées.
Constatant que le travail est un facteur
puissant d'intégration pour les immigrants, l'effort du gouvernement sera mis
sur l'imposition du français comme langue de travail. L'Office québécois de la
langue française sera responsable d'accompagner les entreprises dans cette
tâche. Par sa position stratégique au sein du gouvernement du Québec, le
personnel professionnel de l'État, membre du SPGQ, <devrait...
Mme Lamarre (Line) :
...
pour les immigrants, l'effort du gouvernement sera mis sur
l'imposition du français comme langue de travail. L'Office québécois de la
langue française sera responsable d'accompagner les entreprises dans cette
tâche. Par sa position stratégique au sein du gouvernement du Québec, le
personnel professionnel de l'État, membre du SPGQ, >devrait être perçu
comme un acteur clé des actions menées par le gouvernement.
Exemplarité de l'État et fin du
bilinguisme institutionnel, le SPGQ juge que le français doit être la norme
dans toutes les relations de l'administration publique québécoise. Toutefois,
le syndicat estime que certaines exceptions doivent permettre l'utilisation
d'une autre langue, notamment dans les communications avec les communautés
anglophones et les nations autochtones. Également, ces exceptions sont
nécessaires pour accueillir les personnes immigrantes à leur arrivée et durant
une période d'adaptation à déterminer. D'autres exceptions sont aussi à prévoir
pour les personnes travaillant en relations internationales, en santé, en
services sociaux ou encore en sécurité publique.
Le SPGQ trouve cohérent que le français
soit la langue exclusive des communications entre les membres du personnel de
l'administration dans l'exercice de leurs fonctions, tout en prévoyant, bien
évidemment, certaines exceptions.
À cet égard, le Conseil supérieur de la
langue française dressait un constat alarmant sur les proportions d'employés de
l'État qui utilisent une autre langue que le français dans leurs échanges avec
des collègues ou des contribuables québécois. À titre d'employeur, le
gouvernement devra veiller à ce que le français, comme langue de travail pour
les professionnels de l'État, soit protégé et utilisé sur le plancher de
travail. Il devra se conformer à ses obligations applicables aux travailleurs
pour assurer le respect de leur droit à exercer leurs activités en français.
Le gouvernement doit aussi veiller à
respecter le droit du personnel professionnel de l'État à un milieu de travail
exempt de discrimination et de harcèlement liés à l'usage du français ou à leur
revendication d'un droit découlant de la Charte de la langue française.
Les organismes de l'administration
devraient rendre compte du nombre de postes pour lesquels ils exigent la
connaissance d'une autre langue que le français ou lorsque cette connaissance
est souhaitée. Ce faisant, c'est le droit des employés de l'administration de
travailler en français qui se voit protégé et renforcé. Plusieurs de nos
membres dont le poste exige une connaissance d'une langue autre que le français
ont d'ailleurs exprimé des doutes quant à la pertinence de cette exigence lors
d'un sondage réalisé par le SPGQ, en mai 2021. Les conclusions de ce sondage
figurent au mémoire.
Politique linguistique de l'État. L'assujettissement
des institutions de l'État mettra fin à une application à géométrie variable de
l'actuelle politique gouvernementale. Le SPGQ offre sa collaboration au gouvernement
dans la conception et l'application de cette nouvelle politique linguistique de
l'État partout où il est présent, dans les ministères et organismes.
Les impacts du p.l. n° 96 sur
les membres du SPGQ. À l'Office québécois de la langue française, le
p.l. n°96 prévoit un renforcement du champ d'action de l'OQLF. Par
ailleurs, celui-ci hérite d'un nouveau pouvoir d'ordonnance. En outre, les
éléments à inclure dans le suivi de l'évolution de la situation linguistique
sont précisés et bonifiés, et l'Institut de la statistique du Québec sera
davantage mis à contribution pour la production de données <linguistiques...
Mme Lamarre (Line) :
... le p.l. n°96 prévoit un renforcement du champ d'action de l'OQLF. Par
ailleurs, celui-ci hérite d'un nouveau pouvoir d'ordonnance. En outre, les
éléments à inclure dans le suivi de l'évolution de la situation linguistique
sont précisés et bonifiés, et
l'Institut de la statistique du Québec sera
davantage mis à contribution pour la production de données >linguistiques.
Le SPGQ voit d'un bon oeil le rôle et les
responsabilités accrus confiés à l'OQLF, mais, compte tenu du bilan du
gouvernement dans la résolution des problèmes de sous-financement des
programmes et de surcharge du travail de ses membres, le SPGQ sera vigilant
pour s'assurer que ces crédits additionnels soient suffisants pour répondre aux
nouvelles responsabilités confiées à l'OQLF. Quant à Francisation Québec, le
SPGQ s'interroge sur la pertinence de créer une nouvelle structure comme
Francisation Québec. Des structures existantes offrent déjà des programmes de
matériel et de francisation, pensons au ministère de l'Éducation, à
l'Enseignement supérieur, aux universités, aux collèges, aux cégeps et aux
centres de services scolaires. Le SPGQ croit que les infrastructures des
établissements existants du ministère de l'Éducation, de même que le personnel,
pourraient servir de points de service en étant mieux financées, sans devoir en
créer une nouvelle. Aussi, une réflexion devra être menée sur l'a propos que le
personnel de la francisation puisse relever du ministère de l'Éducation et de
l'Enseignement supérieur plutôt que d'une structure relevant du ministère de
l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration, des dédoublements
seraient ainsi évités.
Au ministère de la Langue française qui
serait nouvellement créé, le SPGQ est d'avis que, si le nouveau ministère de la
Langue française souhaite accomplir adéquatement ses fonctions, il devra
pouvoir compter sur des ressources financières et humaines en quantité
suffisante.
Au Commissaire à la langue française. Le
SPGQ juge pertinente la mise sur pied d'un Commissaire à la langue française.
Toutefois, il estime que les travaux et les décisions du commissaire seraient
mieux soutenus en étant appuyés par un comité consultatif. Ce comité pourrait
être constitué de membres provenant de différents horizons, mais tous concernés
par l'enjeu de la langue française et de la situation linguistique. Cela
éviterait une trop grande concentration de pouvoirs entre les mains d'une seule
personne. Encore une fois, le SPGQ considère que le succès du commissaire dans
l'exercice de ses fonctions sera tributaire de l'expertise professionnelle sur
laquelle il pourra compter de même que des ressources financières qu'on lui
confiera.
Quant aux ordres professionnels, le SPGQ
compte parmi ses membres plusieurs personnes appartenant à des ordres
professionnels. Les membres des ordres professionnels doivent avoir une
connaissance du français appropriée à l'exercice de leur profession et réussir
l'examen de français de l'OQLF. Le SPGQ est d'avis que le gouvernement doit prévoir
des dispositions pour que les ordres professionnels incluent dans leur code une
obligation de maîtrise de la langue française pour leurs membres.
Législation et justice. Le projet de loi
prévoit que tout jugement rendu par écrit en anglais par un tribunal judiciaire
est immédiatement et sans délai accompagné d'une version en français lorsque ce
jugement met fin à une instance ou lorsqu'il présente un intérêt pour le
public. Toutefois, le gouvernement a négligé de renouveler son personnel malgré
des efforts soutenus de sensibilisation du <SPGQ de...
Mme Lamarre (Line) :
...
jugement rendu par écrit en anglais par un tribunal judiciaire est
immédiatement et sans délai accompagné d'une version en français lorsque ce
jugement met fin à une instance ou lorsqu'il présente un intérêt pour le
public. Toutefois, le gouvernement a négligé de renouveler son personnel malgré
des efforts soutenus de sensibilisation du >SPGQ : de
2010 à 2020, les effectifs professionnels du gouvernement en
traduction ont fondu de 20 %, et la sous-traitance gouvernementale en
traduction a connu une croissance de 40 %. De plus, les traducteurs de
l'État sont les moins bien payés de l'État, une symbolique importante.
Comme le p.l. n° 96 vient
renforcer le français comme langue de la législation et de la justice, le SPGQ
exhorte le gouvernement à revenir sur sa décision et à renforcer son expertise
interne en traduction pour faire face à moindre coût aux nouvelles exigences
induites en matière de traduction par le p.l. n° 96.
Je voudrais conclure cette présentation en
abordant le recours à la clause dérogatoire. Pour soustraire la réforme de la
Charte de la langue française à d'éventuelles contestations judiciaires, le
gouvernement propose de recourir à la clause dérogatoire. La clause dérogatoire
est un outil législatif prévu à la Charte des droits et libertés de la personne
et à la Loi constitutionnelle. Elle permet de légiférer dans l'intérêt
primordial de la population dans la mesure où existe un objectif urgent et
réel. À cet égard, le SPGQ juge que la protection et la préservation du
français au Québec constituent des objectifs urgents et réels. Toutefois, il
comprend mal que la clause dérogatoire puisse suspendre certains droits
fondamentaux qui n'ont pas à l'être au nom de la sauvegarde de la langue.
Le SPGQ est soucieux de préserver la
langue française, mais aussi les droits prévus aux chartes. En outre,
l'article 10 de la charte précise que «toute personne a droit à la
reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité des droits et libertés de la
personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée» notamment sur la
langue. À ce titre, le SPGQ estime que le p.l. n° 96, en recourant à
la clause dérogatoire, peut compromettre ce droit, entendu qu'il s'avérerait
discriminatoire d'opérer une telle distinction, exclusion ou préférence.
Malgré ce qui précède, le SPGQ croit que
le p.l. n° 96 peut avoir un impact tangible pour freiner le déclin du
français et mieux encadrer son rayonnement. Toutefois, la Charte de la langue
française ne doit pas diminuer ou entraver de quelque façon des droits
individuels ayant somme toute peu à voir avec les objectifs urgents et réels de
protéger et de préserver le français au Québec. Selon le SPGQ, la Charte de la
langue française doit contribuer à préserver l'équilibre entre les intérêts de
la société et ceux des citoyennes et citoyens. Le SPGQ considère que les
campagnes de promotion et de sensibilisation seraient des outils à privilégier
pour faire rayonner la langue et y faire adhérer l'ensemble des citoyens et
citoyennes du Québec.
Voilà qui complète notre présentation.
Merci de votre attention.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup. M. le ministre, la parole est à vous.
• (11 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. Mme Lamarre, M. Desjardins, bonjour, merci de
participer aux travaux de la commission parlementaire.
D'entrée de jeu dans votre mémoire, ce
qui, entre autres, ressort, c'est le fait que la langue de <l'État est la
langue...
>
11 h 30 (version révisée)
< Mme Lamarre (Line) :
...merci de votre attention.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup.
M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette :
Merci, Mme la Présidente. Mme Lamarre, M. DesjardinsV,
bonjour. Merci de participer aux travaux de la
commission parlementaire.
D'entrée de jeu, dans votre mémoire, ce qui, entre autres, ressort, c'est le
fait que la langue de >l'État et la langue du travail pour les employés
de l'État, ça doit être le français. Je comprends bien ça?
Mme Lamarre (Line) : Oui.
M. Jolin-Barrette : O.K. Ce
qui vous amène à faire ces commentaires-là, d'insister sur à la fois... On va
revenir à l'exemplarité de l'État par la suite, mais parlons, dans un premier
temps, là, de la langue du travail dans le cadre des fonctions des employés de
l'État. Qu'est-ce qui vous amène à émettre ce commentaire-là d'une façon aussi
forte pour insister sur le fait que le travail dans la fonction publique, ça
doit se passer en français et que, bon, il y a certaines exceptions dans
certains cas particuliers, mais quelle est l'importance de ça?
Mme Lamarre (Line) : Il y a
quelques mois, peut-être 18 mois, au moment où on a pris notre place au
SPGQ, nos postes, j'ai eu beaucoup de commentaires de gens qui travaillent dans
des institutions gouvernementales dans la grande région de Montréal, dans la
grande couronne montréalaise, et qui disaient que, sur le plancher de travail,
il y avait énormément d'échanges entre les employés dans d'autres langues que
le français, qu'ils étaient inconfortables avec ça et qu'ils souhaitaient que
l'employeur fasse quelque chose. Le SPGQ a agi auprès des employeurs à cet
effet-là, et les employeurs nous ont dit être menottés et se sentir mal à
l'aise parce que ça pourrait être considéré comme une discrimination s'ils
intervenaient sur la langue parlée sur le plancher de travail entre les employés
pendant les heures de travail.
Alors là, on s'est dit : O.K., il y a
un problème, là. Il doit y avoir une loi qui dit : Non, sur le plancher de
travail, on parle français, on échange en français. Et, à l'heure du dîner,
utilisez la langue que vous voulez, là, je comprends, là, c'est du temps
personnel, mais pas pendant les heures de travail. C'est ce qui a amené le SPGQ
à se positionner.
M. Jolin-Barrette : Et quelle
est l'importance pour vos membres, mais en fait pour tous les membres, qu'il y
ait une langue commune, comme vous le dites, sur le plancher de travail?
Qu'est-ce que ça amène dans le quotidien si vos différents membres, ça ne se
déroule pas en français sur le plancher de travail?
Mme Lamarre (Line) : Bien,
écoutez, c'est sûr que ça crée des frictions, ça crée des positionnements
antagonistes. Il y a des gens qui se sentent mal à l'aise, il y a des gens qui
ne se sentent pas compris.
Ce qu'il faut comprendre, là, puis je
pense que vous le savez tous, la langue, c'est un lieu commun de rassemblement.
Si on parle tous la même langue au même moment dans le même lieu, on va se
comprendre et on va être capable d'échanger. Si, par ailleurs, quelqu'un décide
de parler dans une autre langue que je comprends ou que je ne comprends pas du
tout, ça risque de créer des schismes entre les équipes de travail, et ce n'est
pas ce qu'on souhaite.
Mais je comprends très bien, là, que les
gens qui se retrouvent entre membres d'une même communauté aient envie
d'échanger dans leur langue maternelle, mais pas pendant les heures de travail.
M. Jolin-Barrette : Et le
projet de loi répond à votre préoccupation à ce niveau-là?
Mme Lamarre (Line) : Oui, on
pense que, dans le projet de loi, il y a assez d'affirmations pour soutenir ça.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Parlons de Francisation Québec maintenant. Vous nous indiquez, dans votre
mémoire, que vous avez certaines réticences à ce qu'il y ait une <centralisation...
M. Jolin-Barrette :
...
répond à votre préoccupation à ce niveau-là?
Mme Lamarre (Line) :
Oui, on pense que, dans le projet de loi, il y a assez d'affirmations pour
soutenir ça.
M. Jolin-Barrette :
O.K. Parlons de Francisation Québec maintenant. Vous nous indiquez, dans votre
mémoire, que vous avez certaines réticences à ce qu'il y ait une >centralisation,
un guichet unique à Francisation Québec. En soi, ça va être une direction au
sein du ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration.
Pourquoi est-ce que nous avons fait le choix de créer Francisation Québec? On
s'est basé notamment sur les travaux de la Vérificatrice générale en 2017,
lorsqu'elle disait : Bien, écoutez, en matière de francisation, il n'y a
pas de guichet unique, je vous recommande de créer un guichet unique. Là, il y
a de l'expertise, actuellement, au ministère du Travail, qui ont des programmes,
au ministère de l'Éducation et au ministère de l'Immigration.
Un des enjeux que nous avons constatés, c'est
le fait que, parfois, à la fois les personnes immigrantes, à la fois les
employeurs n'ont pas qu'une seule porte d'entrée, qu'une seule porte d'accès.
Alors, c'est un peu ça qu'on souhaite faire avec Francisation Québec. Mais je
voudrais vous entendre sur vos commentaires en lien avec cette proposition.
Mme Lamarre (Line) : Mon commentaire
va être assez court. On a un système d'éducation, au Québec, qui fonctionne très,
très bien, qui est très, très bien outillé et qui a et les ressources, et le
matériel, et la compétence pour faire ce travail-là. Alors, il nous semble un
peu dérisoire de penser qu'on peut apprendre le français aux jeunes Québécois
de tous âges, de toute langue, à travers un système scolaire, mais, quand on
arrive avec l'immigration, on leur crée un système à part. Pour nous, il y a un
non-sens dans cette idée-là. Notre système d'éducation fonctionne bien, il y a déjà
de l'éducation aux adultes qui se donne, il y a déjà des gens qui ont les
compétences pour le faire.
Et on se trouve à créer deux catégories
d'employés, les catégories d'employés qui travaillent pour les réseaux
scolaires, puis je mets tous les réseaux, y compris collégiaux et universitaires,
et les gens qui font de l'éducation à travers un autre ministère qu'on va
appeler Francisation ou qu'on a appelé autrement, alors que ces gens-là ont les
mêmes titres d'emploi. Et là on va se retrouver avec... et on se retrouve déjà
avec des catégories d'emploi où un conseiller pédagogique au ministère de
l'Immigration n'a pas le même salaire qu'un conseiller pédagogique dans un
collège ou dans une université.
Et là on se dit : Non, il y a un système
scolaire, au Québec, qui fonctionne très bien, utilisons-le. Utilisons-le pour
accueillir les immigrants. Je pense aux jeunes mères de famille qui vont mener,
le matin, leurs enfants, les jeunes mères immigrantes qui vont mener, le matin,
leurs enfants à la maternelle ou à la première année dans une école. Pourquoi
n'auraient-elles pas accès à une classe, pendant la même période de temps, qui
enseignerait le français, et on serait dans le réseau scolaire, on serait... on
aurait les mêmes balises, les mêmes examens, donc la même conformité? Alors,
voilà.
M. Jolin-Barrette : Mais,
dans l'exemple que vous donnez aussi, il y a, certains organismes
communautaires qui font de l'accueil et de l'intégration également, et là il y
a les professeurs qui se déplacent du ministère de l'Immigration aussi. Puis,
dans une vie précédente, j'ai été à l'Immigration, et il y avait du bon
là-dedans aussi avec le fait que la communauté, c'était un facteur
d'intégration aussi. Vous allez pouvoir me dire : Bien, écoutez, l'école
aussi, c'est un facteur d'intégration. Donc, je comprends que, pour vous, vous
enverriez Francisation Québec au sein du ministère de l'Éducation.
Mme Lamarre (Line) : Tout à
fait, et avec les ressources. Et je vous répète, là, puis vous m'ouvrez une
porte, M. Jolin-Barrette, qui est très intéressante, <vous avez...
M. Jolin-Barrette :
...
le fait que la communauté, c'était un facteur d'intégration aussi. Vous allez
pouvoir me dire : Bien, écoutez, l'école aussi, c'est un facteur
d'intégration. Donc, je comprends que, pour vous, vous enverriez Francisation
Québec au sein du ministère de l'Éducation.
Mme Lamarre (Line) :
Tout à fait. Et avec les ressources. Et je vous répète, là, puis vous m'ouvrez
une porte, M. Jolin-Barrette, qui est très intéressante, >vous avez
raison, il y a des enseignants à Immigration-Québec, regardez comment on paie
ces enseignants-là versus les enseignants qui sont dans le réseau scolaire.
Allez voir. C'est tragique. Ces enseignants-là sont sous-payés parce qu'ils ne
sont pas représentés par les... je ne dirai pas les bons syndicats, là, je
n'irai pas jusque là, mais c'est tentant.
M. Jolin-Barrette : Je vais
vous laisser le soin de faire... de débattre de ça. Peut-être une dernière
question avant de pouvoir céder la parole à mes collègues, vous dites, à la
page 16 de votre mémoire, là, que certains membres, certains de vos
membres hésitent avant de porter plainte à l'OQLF pour non-respect du droit de
travailler en français. Pourquoi est-ce que vous avez des membres qui hésitent
à porter plainte si leurs droits au sein de l'État québécois ne sont pas
respectés, de travailler en français?
Mme Lamarre (Line) : La
réponse est simple mais un peu triste : Parce qu'ils n'ont pas
l'impression que ça va changer les choses.
M. Jolin-Barrette : Je suis
un peu dubitatif. Et le message que je souhaite porter, c'est que l'employeur,
le gouvernement du Québec doit garantir le droit de travailler à français, et,
si ça ne se fait pas, j'invite vos membres à porter plainte à l'OQLF. Et,
surtout avec le projet de loi, ce qu'on est en train de faire, c'est justement
de garantir le droit à tous les Québécois, incluant les employés de la fonction
publique, de travailler en français.
Mme Lamarre (Line) : La SPGQ
souhaite que ce soit appliqué avec beaucoup de conviction. Mais, pour le
moment, je vous le dis, là, on a fait des interventions auprès des employeurs,
nos membres, et il y a eu une réticence d'action. Et ça, c'est
incompréhensible. Je comprends, là, qu'on entend souvent des cris à
l'intolérance, etc., mais je pense qu'on doit affirmer une chose, c'est que la
langue française, c'est le fondement de la culture québécoise. On doit se
battre pour ça et on doit le faire férocement.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question sur les affichages de postes. Souvent, il y a
des affichages de postes qui exigent une connaissance d'une langue autre que le
français. Qu'est-ce que vous pensez de ça et des mesures qu'on met dans le
projet de loi, notamment à l'article 46, pour renforcer, en fait, le critère de
nécessité?
Mme Lamarre (Line) : Je pense
qu'on doit permettre à tous les unilingues francophones d'accéder au plus haut
palier décisionnel. Il y a toujours moyen d'offrir à ces gens-là un support
pour apprendre une langue si elle est nécessaire dans leurs fonctions. Et,
s'ils ne peuvent pas, il y a des services de traduction qui existent et qui
fonctionnent très, très bien, hein? Alors, je vais faire un parallèle que je ne
devrais peut-être pas faire, mais je vais quand même le faire. On a une
gouverneure générale du Canada qui est bilingue, anglophone et langue des
Premières Nations, et, quand elle va avoir besoin de parler en français ou de
discuter avec des gens unilingues francophones, elle aura probablement le
support d'un traducteur. Moi, je pense que les gens qui parlent uniquement
français au Québec actuellement ne peuvent pas accéder à toutes les fonctions
au <Québec...
Mme Lamarre (Line) :
...
on a une gouverneure générale du Canada qui est bilingue, anglophone
et langue des Premières Nations, et, quand elle va avoir besoin de parler en
français ou de discuter avec des gens unilingues francophones, elle aura
probablement le support d'un traducteur. Moi, je pense que les gens qui parlent
uniquement français au Québec actuellement ne peuvent pas accéder à toutes les
fonctions au >Québec pour la simple et bonne raison qu'ils ne possèdent
pas une langue qui est l'anglais. Et ça, c'est inacceptable.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie, Mme Lamarre. Je vais céder la parole à mes collègues.
• (11 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. Merci. Donc, pour M. le député de Saint-Jean, vous avez
7 min 30 s.
M. Lemieux : Combien?
La Présidente (Mme Thériault) :
7 min 30 s.
M. Lemieux : Six?
La Présidente (Mme Thériault) :
Sept.
M. Lemieux : Merci. Désolé.
Bonjour. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Lamarre, M. Desjardins.
J'entends et je lis, et vous me direz si mon analyse est correcte : Oui,
mais sur à peu près toute la ligne dans votre mémoire. Mais, à la fin, vous
dites : Mais on en a vraiment besoin puis on pense que ça va marcher.
C'est un peu ça?
Mme Lamarre (Line) : Oui,
c'est tout à fait ça. Oui, mais il y a des choses qui sont questionnables et
pour lesquelles on se questionne, et on voudrait pouvoir en discuter, mais il
faut affirmer la force de la langue française.
Maintenant, on pense que la promotion, le
travail de sensibilisation doit et peut nous aider. On l'a vu avec la ceinture
de sécurité, ça n'arrive plus qu'il y a des gens qui ne portent pas leur
ceinture de sécurité. On le voit avec l'alcool au volant. On pense que la
langue française n'a pas été assez valorisée, n'a pas été assez soutenue par
ces campagnes-là et n'a pas été rendue accessible à tous les gens qui n'étaient
que d'une autre langue.
Et il y a des embûches, et tous les immigrants
vous le diront, il y a des embûches à obtenir des cours. Il n'y a pas de place,
il n'y a pas assez de monde, hein, c'est trop long, c'est trop loin, c'est le
soir tard, c'est le matin de bonne heure.
M. Lemieux : Il y a malgré
tout... Et puis je veux qu'on regarde certaines parties du sondage interne dont
vous nous parliez qui sont détaillées dans votre mémoire. Il y a malgré tout,
si on prend le chiffre qui sort le plus, parce que vous ne l'avez pas mis en
tableau, vous l'avez mis en texte, alors il faut vraiment le lire, il y a quand
même deux fois trop de monde dans les gens que vous représentez qui considèrent
qu'on leur a demandé l'anglais pour rien, entre guillemets. Puis je fais le
lien avec ce que vous nous disiez à l'instant en réponse au ministre en disant :
Ce n'est pas normal que les francophones ne parlant pas anglais ne peuvent pas
accéder aux niveaux les... Il y en a un, palier quelque part. Je considère que
votre est idéal est souhaitable, mais, à la limite, dans la réalité, selon les
chiffres dont vous disposez, il y a 20 % des gens qui considèrent qu'ils
doivent travailler en anglais, que c'est des postes bilingues, mais là-dedans
il y en a la moitié qui disent : Ça ne devrait pas être le cas, là.
Mme Lamarre (Line) : Notre
sondage, on l'a fait il y a quand même un petit moment, et on n'avait pas,
peut-être, toutes les lumières qu'on a aujourd'hui, et on n'est pas allés très
profondément dans les questions qu'on a posées. Mais c'est sûr qu'il y a un
minimum d'échange avec les communautés anglophones, avec les communautés des
Premières Nations qui doivent être faits en <anglais...
Mme Lamarre (Line) :
...
Notre sondage, on l'a fait il y a quand même un petit moment, et on
n'avait pas peut-être toutes les lumières qu'on a aujourd'hui, et on n'est pas
allés très profondément dans les questions qu'on a posées. Mais c'est sûr qu'il
y a un minimum d'échange avec les communautés anglophones, avec les communautés
des Premières Nations qui doivent être faits en >anglais. Ils le
méritent, on leur doit, on doit le faire. Maintenant, est-ce que ça, ça
représente 10 %, 20 %? C'est ce que le sondage ne nous amène pas à
discriminer présentement. Alors, voilà.
M. Lemieux : L'autre
chiffre qui impressionne, là, les résultats de votre sondage... Même si c'est
un sondage maison, là, ça vous donne quand même une lecture de ce que pensent
et disent vos membres. D'ailleurs, le taux de réponse est de...
Mme Lamarre (Line) :
25 %.
M. Lemieux : C'est ça.
Donc, on part avec un échantillon d'un quart sur les plusieurs milliers. Mais
il y a un chiffre qui saute aux yeux, c'est que près du quart des répondants
considère que la situation du français a régressé au Québec. Est-ce que vous avez
une... notre ministre de la Santé dirait de l'information plus «granulaire» sur
les régions? Est-ce que c'est criant à Montréal ou, même dans les régions, on
est inquiet et on considère que ça a régressé? Pas nécessairement dans leur
région, mais vu de leur point de vue régional.
Mme Lamarre (Line) : Je
vais demander à Philippe de répondre à cette question-là.
M. Desjardins (Philippe) :
Lorsqu'on a fait un croisement par régions, il ressortait que la région de
Montréal, la région de Laval, les régions périphériques de Montréal
acquiesçaient davantage à ce que vous avez soulevé, là.
M. Lemieux : Donc, ont de
l'inquiétude, et ça se traduit par vos recommandations.
Un dernier mot avant de passer la parole
au député de Chapleau, Mme la Présidente, c'est au sujet d'une phrase qui m'a
marqué dans la fin de votre présentation au sujet des intérêts de la société.
Il y a, dans ce projet de loi là, une dimension de droit collectif qui
s'impose, en quelque sorte, par rapport à d'autres lois, d'autres projets de
loi. Mais, dans ce cas-ci, vous êtes un petit peu en porte-à-faux avec ça par
votre position sur l'utilisation de la clause dérogatoire, parce que le droit
collectif, à quelque part, c'est associé à...
Mme Lamarre (Line) :
Oui, bien, un des problèmes de notre société, puis on le voit avec la
vaccination, hein, c'est : Comment on fait pour faire vivre ensemble les
droits collectifs et les droits individuels? Dans les... Les chartes ont permis
que les droits individuels des gens puissent leur permettre de vivre
ouvertement, sécuritairement. Ce serait triste de devoir reculer, bien qu'on
comprenne, puis je vous le dis, on comprend très bien, puis on est d'accord,
puis on veut que la langue soit importante, mais il faudra conjuguer ces deux
éléments-là, et la force de la langue et la force des droits individuels. On n'est
pas prêts à y renoncer.
M. Lemieux : Merci,
Mme Lamarre. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de Chapleau, deux minutes. Donc, une petite question, une
petite réponse.
M. Lévesque (Chapleau) :
Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme Lamarre, M. Desjardins,
merci beaucoup d'être ici avec nous. Merci de votre présentation.
Dans votre mémoire, là, à la page 8,
vous dites que, dans le fond, le projet de loi n° 96 peut avoir un impact
qui est tangible pour freiner le déclin du <français...
M. Lemieux : ...
Merci, Mme Lamarre. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de Chapleau, deux minutes. Donc, une petite question, une
petite réponse.
M. Lévesque (Chapleau) :
Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme Lamarre, M. Desjardins,
merci beaucoup d'être ici avec nous. Merci de votre présentation.
Dans votre mémoire, là, à la
page 8, vous dites que, dans le fond, le projet de loi n° 96 peut
avoir un impact qui est tangible pour freiner le déclin du >français et
mieux encadrer son rayonnement. Donc, vous en avez fait part durant votre
présentation. Peut-être que vous pourriez élaborer davantage sur cet
élément-là. Donc, comment vous voyez ça? C'est assez large, là, mais, tu sais,
pour vous donner la dernière minute, là, pour... comment vous voyez vraiment
que ça va pouvoir encadrer puis assurer le rayonnement, donc, ce projet de loi
là?
Mme Lamarre (Line) :
Mais on pense qu'il y a les assises de très bonnes idées dans ce projet de loi
là. On ne se le cachera pas, là, d'y dédier un projet de loi, de mettre en
place un commissaire, de mettre en place des institutions comme le ministère de
la Langue, on pense qu'il y a là les éléments d'une solution et d'une réelle
reconnaissance de la langue.
M. Lévesque (Chapleau) :
Et vous dites également, donc, que vous reconnaissez le caractère urgent, donc
le fait que c'est réel, donc, pour l'utilisation des dispositions de
souveraineté parlementaire. Notamment, il y a souvent cette dichotomie-là,
donc, la souveraineté parlementaire avec les droits individuels, notamment les
droits démocratiques des élus ici, à l'Assemblée nationale. Donc, vous
reconnaissez tout de même la légitimité de cette utilisation-là.
Mme Lamarre (Line) :
Tout à fait.
M. Lévesque (Chapleau) :
Tout à fait. D'accord. Merci. Plus de question, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, vous avez
7 min 20 s à votre disposition... 11 min, pardon,
20 s, 11 min 20 s.
Mme David : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Lamarre, M. Desjardins.
Votre... Je veux féliciter la rédaction de votre mémoire. Les six premières
pages sont très pédagogiques, même, pour savoir rapidement quels sont les
principaux enjeux du projet de loi, puis après ça votre explication, et tout
ça. Donc, je tenais à vous le dire que j'ai apprécié la lecture de votre
mémoire.
Je vais poursuivre sur ce que mes
prédécesseurs ont discuté. Vous dites : «Le SPGQ juge que la protection et
la préservation du français au Québec constituent des objectifs urgents et
réels. Toutefois...» Et vous n'êtes pas les seuls à le dire, là, je pense qu'on
est rendus à quatre ou cinq qui s'inquiètent de suspendre des droits
fondamentaux qui n'ont pas l'air à l'être au nom de la sauvegarde de la langue
française. Alors, vous allez sur les deux exemples qui sont donnés, mais
maintenant à répétition, je pense qu'il va falloir s'y pencher sérieusement. En
quoi la suspension du droit au secret professionnel, c'est un de vos exemples
ou de vos inquiétudes, et celui de ne pas subir de fouille ou de saisie
abusive, ça a été répété, répété, répété? Mais j'aimerais que vous nous
expliquiez pourquoi vous, vous pensez nécessaire, justement, d'inclure ça
précisément dans les inquiétudes par rapport aux dispositions de dérogation.
Mme Lamarre (Line) : Écoutez,
je comprends là où l'État veut arriver avec ce projet de loi là et je comprends
la volonté du gouvernement de dire : On doit trouver les moyens pour que les
chartes des droits et libertés n'empêchent pas l'application de la Charte de la
langue française. Et on comprend que la gymnastique entre ces deux choses-là va
être complexe. Mais, vous savez, une fois qu'on a ouvert une porte à une
diminution des droits individuels, c'est une porte ensuite qui devient
difficile à refermer. Et on a peur qu'il y ait là un <précédent...
Mme Lamarre (Line) :
...
chartes des droits et libertés n'empêchent pas l'application de la
Charte de la langue française. Et on comprend que la gymnastique entre ces deux
choses-là va être complexe. Mais, vous savez, une fois qu'on a ouvert une porte
à une diminution des droits individuels, c'est une porte ensuite qui devient
difficile à refermer. Et on a peur
qu'il y ait là un >précédent
qui fasse en sorte qu'il y ait et qu'il puisse... Puis on n'a pas une grande
inquiétude sur la dérive, là, parce qu'on est quand même conscients que l'État
est honnête, alors... mais, une fois que la porte est ouverte, c'est dangereux.
Mme David : Par exemple, le constitutionnaliste
Patrick Taillon nous a dit : Oui, je pense que, vraiment, pour ce qui a
trait aux saisies abusives, aux fouilles, c'est qu'en plus de la dérogation il
n'y a pas de mandat à demander, de mandat de perquisition. Donc, on rajoute
deux mesures qui emprisonnent un peu, dans le fond, la possibilité de
pouvoir... Qu'est-ce que vous pensez de cet aspect-là en particulier?
Mme Lamarre (Line) : ...ce
qui nous a fait, nous, réagir, et je ne vous cacherai pas que... Tantôt, vous
avez remercié pour la rédaction, bien, nous, c'est Philippe Desjardins à qui
ont le doit, c'est sa plume. Alors, je tiens à le dire. Mais, écoutez, oui, je
pense qu'il y a... on doit faire très attention au cumul de droits, aux
antagonismes. Les chartes ont fait beaucoup, beaucoup de travail. Je pense à
toutes les communautés qui en profitent. Maintenant, il ne faut pas qu'on ouvre
une porte qui va venir nuire à ça.
Ceci étant dit, comment on peut faire en
sorte de s'assurer que l'application de la loi va se faire en gardant ces
droits individuels là? Bien, peut-être qu'on peut appliquer... je ne suis pas
une juriste, là, mais peut-on appliquer la clause dérogatoire à des articles
mais pas à toute la loi puis choisir? Je ne vois pas en quoi ne pas avoir de
mandat a un lien avec la langue. Je ne le vois pas, là, j'ai beau chercher, là,
dans ma tête, je ne le vois pas.
• (11 h 50) •
Mme David : Bien, je pense que
vous mettez bien en évidence l'équilibre nécessaire à trouver et j'espère qu'on
se penchera tous ensemble sur cette question. Merci. Merci beaucoup.
Une autre question qui est complètement
dans un autre univers, mais vous avez parlé tout à l'heure de traduction, et on
va recevoir l'ordre des traducteurs, traductrices cet après-midi. Et vous
dites, dans un communiqué du 17 mars 2021 : «Le SPGQ [déplorait] la
décision [...] du ministère du Travail, Emploi et [...] Solidarité sociale de
fermer [le] service de traduction — fermer, ce n'est pas
rien — [de la direction des Publications du Québec] à compter du 23 décembre
2021», ce Noël. On est bientôt, je ne veux pas faire de peine à personne, mais
on s'en vient vers l'hiver à toute vitesse. Après cette date, les ministères et
organismes n'ayant aucun traducteur devront se tourner vers les sous-traitances.
Là, moi, il y a quelque chose qui
m'échappe là-dedans, là, vraiment, parce qu'avec... Puis là on n'a pas encore
parlé de toutes les dispositions liées à la justice et à l'application de la
justice. J'aurai des questions au Barreau, entre autres, là-dessus. Ça va
prendre... Hier, j'avais le vertige devant le nombre d'enseignants de français
que ça va prendre. Là, j'ai le vertige par rapport aux traducteurs. Et je ne
pense pas qu'il y ait 50 000 traducteurs au Québec. Il y en a
quelques milliers, si je ne m'abuse. Je veux vous entendre sur la <question
des...
Mme David : ...
de la
justice, j'aurai des questions au Barreau, entre autres, là-dessus. Ça va
prendre... hier, j'avais le vertige devant le nombre d'enseignants de français
que ça va prendre. Là, j'ai le vertige par rapport aux traducteurs. Et je ne
pense pas qu'il y ait 50 000 traducteurs au Québec. Il y en a quelques
milliers si je ne m'abuse. Je veux vous entendre sur la >question des
traducteurs et la sous-traitance. Est-ce qu'on va refaire comme au ministère,
où il n'y avait plus d'ingénieurs puis il a fallu en réembaucher? Mais là, s'il
y a un projet de loi qui exige la traduction, il me semble que c'est bien
celui-là.
Mme Lamarre (Line) : Tout à
fait. Bien, écoutez, le dossier des traducteurs, traductrices nous tient
particulièrement à coeur. On est sortis plusieurs fois cette année sur ce
dossier-là. On a rencontré plusieurs fois cette année les gens, les ministres, ministre
de la Culture pour dire : Écoutez, ça ne fonctionne pas, là, on ne peut
pas couper constamment les traducteurs.
Le rangement salarial des traducteurs, là,
au Québec... Il y a trois rangements, 1, 2, 3, le 3 étant le moins payé.
Les traducteurs sont dans ce rangement-là. Et, dans ce rangement-là, sur
20 000, 21 000 professionnels, là, il y a à peu près
70 personnes au rangement 3. Ça fait plusieurs fois qu'on le dit au
Secrétariat du Conseil du trésor : Pourquoi il y a 70 professionnels
de l'État qui sont sous-payés? Et pourquoi, si on croit à la langue, pourquoi
ce sont les traducteurs? Les autres, ce sont... il y avait des agents de
communication, si je me souviens bien, là, on est encore dans un dossier de la
langue. Et je vous dirais, puis là je vais rajouter sur la pile, c'est
majoritairement des femmes, ce sont majoritairement des femmes. Alors, il y a
une ligne, là, de réflexion. Si ça touche la culture, si ça touche la langue,
si ça touche les femmes, ce n'est pas grave.
Mme David : Oui, je n'aime pas
l'équation que vous faites et je suis tout à fait d'accord. Je partage votre
grande inquiétude parce que la traduction va être... ça et les enseignants de
français, ce sont deux nerfs de la guerre, je dirais. Et je vous remercie
beaucoup, beaucoup de parler de ça, et on ne l'oubliera pas, Mme Lamarre,
ne vous inquiétez pas.
Je passerais la parole à mon collègue le
député de D'Arcy-McGee.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. Merci. M. le député, vous avez 4 min 45 s.
M. Birnbaum : Merci,
Mme la Présidente. Merci, Mme Lamarre, M. Desjardins, pour votre
mémoire très intéressant ainsi que vos élaborations lors de votre exposé de ce
matin. Évidemment, votre rôle est exemplaire et primordial en tout ce qui a
trait à la promotion, la pérennité du français comme langue de travail, et les
protections qui devraient en découler, et l'équilibre qu'il faut chercher en
même temps.
Ça m'a intrigué de lire, dans vos
recommandations et vos commentaires, ainsi le numéro 5 où vous vous
questionnez sur la pertinence de la francisation au Québec, une chose qui m'a
frappé. J'aimerais que vous m'éclairiez là-dessus. En quelque part, si c'est le
domaine... et ça reste le domaine de l'éducation, où est la place de la
francisation en milieu de travail? Quelque chose que moi, j'ai toujours cru
assez essentiel et complémentaire dans notre effort collectif de franciser le
milieu de travail, je ne vois pas grand mesure dans le projet devant nous. Mais
quelle importance est-ce que vous <accordez...
M. Birnbaum : ...
de
la francisation en milieu de travail? Quelque chose que moi, j'ai toujours cru
assez essentiel et complémentaire dans notre effort collectif de franciser le
milieu de travail, je ne vois pas grand mesure dans le projet devant nous. Mais
quelle importance est-ce que vous >accordez aux francisations en milieu
de travail?
Mme Lamarre (Line) : C'est
très important. Mais le système d'éducation au Québec prévoit déjà ça. Dans les
collèges, vous avez le service de la formation continue. Vous avez la même chose
dans les ex-commissions scolaires, là, les services d'éducation permanente.
Donc, il n'y a aucune raison. La formation continue, c'est de la formation
comme l'éducation de primaire, secondaire, c'est le même genre de formation. Le
système porte déjà ça. Ils rendent déjà des services aux entreprises, hein? Ça
se fait déjà, là. Dans les collèges, là, vous avez un service de la formation
continue qui fait ça quotidiennement, rendre des services aux entreprises.
Alors, rendre le service de la langue ou rendre le service de la technique
médicale ou de la technique infirmière, c'est la même chose. Le système
d'éducation est bien fait au Québec; il manque de ressources. Tantôt, Mme la
ministre disait : Je ne sais pas comment on va faire pour trouver des
enseignants. Mais moi, je représente... mon syndicat ne représente pas
d'enseignant, mais on représente des professionnels, conseillers pédagogiques,
aides pédagogiques. Je vous le dis, il n'y en a plus dans le réseau. Alors, on
va avoir un problème.
Et on ne fait pas qu'enseigner, on doit
concevoir des outils d'enseignement. Et ça, ce sont des professionnels qui font
ça. Merci.
M. Birnbaum : Merci. Mme la
Présidente, merci. Dans un autre ordre d'idée, vous avez fait référence en quelque
part à l'apprentissage du... ou de perfectionnement de deuxième langue en milieu
de travail, qui m'a étonné un petit peu. Vous avez parlé qu'un francophone
unilingue devrait avoir accès illimité à la promotion au plus haut niveau
possible dans son cheminement. Intéressant, mais, sur le plan pratique, est-ce
que vous écartez la nécessité d'une connaissance d'une deuxième langue, surtout
l'anglais, pour, je ne sais pas, un coordonnateur, coordonnatrice
d'approvisionnement ou de l'exportation, disons, au ministère de l'Économie,
pour le chef d'une unité au CUSM à Montréal, pour le sous-ministre adjoint à l'éducation
en anglais au ministère de l'Éducation? Est-ce que vous écartez ces
réalités-là?
Mme Lamarre (Line) : Je
n'écarte pas les réalités. Je dis simplement, puis vous parlez à une ancienne
enseignante, je vous dis simplement que tout être humain peut apprendre une
autre langue à n'importe quel âge et je ne souhaiterais pas qu'un francophone
québécois qui a vécu toute sa vie dans un milieu francophone ne puisse pas
atteindre les plus hautes sphères, alors qu'il y a des outils qui peuvent
l'aider. Je ne comprends pas ça.
M. Birnbaum : Donc, sans
exception, dans les exemples que je vous donne, vous êtes à l'aise qu'il y
aurait une équité, une offre de service digne de ces postes-là si la personne
en place ne maîtrisait pas l'anglais?
Mme Lamarre (Line) :
Actuellement...
M. Birnbaum : On parle des
postes limités, là.
Mme Lamarre (Line) : Oui,
oui, on parle de la même chose. Je comprends très bien. Actuellement, il y a
des gens unilingues anglophones qui occupent ces <postes...
M. Birnbaum : ...
vous êtes à l'aise qu'il y aurait une équité, une offre de service digne de ces
postes-là si la personne en place ne maîtrisait pas l'anglais?
Mme Lamarre (Line) :
Actuellement...
M. Birnbaum : On parle des
postes limités, là.
Mme Lamarre (Line) :
Oui, oui, on parle de la même chose. Je comprends très bien. Actuellement, il y
a des gens unilingues anglophones qui occupent ces >postes-là. Je ne
sais pas...
M. Birnbaum : Et vous trouvez...
Mme Lamarre (Line) : Mais je
ne sais pas ce qu'on fait avec la clientèle francophone avec qui ils doivent...
affaire. La clientèle francophone, vous savez ce qu'elle fait? Elle va se
mettre à parler en anglais pour satisfaire parce que cette personne-là qui est
sur cette chaise-là, elle ne parle pas français. Alors, l'inverse...
M. Birnbaum : Mais est-ce qu'on
va en convenir que l'exemple que vous donnez est inacceptable? Je suis bien à l'aise
de le dire. Alors, pourquoi le contraire serait acceptable?
Mme Lamarre (Line) : En fait,
c'est ce que je vous dis, c'est que, si ça ne change pas de l'autre côté... Moi,
je veux que les gens qui parlent français puissent avoir accès à toutes les
strates. Maintenant, donnons-leur les outils. La personne peut avoir toutes les
compétences du monde, être probablement, peut-être, la meilleure, ce qui lui
manque, c'est une connaissance de la langue. Ça s'apprend, ça s'apprend.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à votre échange. Mme la députée de Mercier, la
parole est à vous.
Mme Ghazal : Merci beaucoup. J'aime
beaucoup ce que vous dites. J'en aurais long à dire, mais je vais aller sur un
autre sujet. Francisation Québec, j'essaie vraiment de comprendre votre
réticence, parce que vous êtes d'accord qu'actuellement l'offre est éclatée
dans différents ministères, que c'est important de la coordonner dans un seul
endroit, puis là vous dites que Francisation Québec, c'est une structure de
plus, il faut que ça reste au ministère de l'Éducation.
Mais, si on se place du point de vue des
gens qui veulent avoir des cours de français, c'est là que c'est difficile pour
eux de se retrouver, puis peut-être que ça ne répond pas à leurs besoins d'aller
dans un cégep ou une institution scolaire. Eux, ils vont déjà... eux ou elles
vont déjà, par exemple, dans un organisme communautaire pour faire toutes
sortes d'activités. C'est plus facile pour eux d'aller dans l'organisme
communautaire.
Est-ce que c'est parce que les conditions
de travail des professeurs sont... qui vont dans ces organismes ou ailleurs ne
sont pas bonnes, alors qu'au ministère de l'Éducation c'est mieux? Est-ce que c'est
ça? J'essaie de comprendre le fond de votre réticence.
Mme Lamarre (Line) : Ce qu'on
dit, c'est que les cours, l'organisation des cours, la préparation des cours,
on a une expertise dans le secteur de l'éducation, dans les collèges, etc. On
va dédoubler cette expertise-là en ouvrant Francisation Québec. Pourquoi ne pas
ramener Francisation Québec à l'intérieur du ministère de l'Éducation et que
chaque collège, chaque commission scolaire ait son secteur Francisation Québec?
Et là on a les outils, les programmes, la compétence, les gens. Et ça ne change
rien avec le service communautaire. Je veux dire, le lien va se faire à travers
le ministère de l'Éducation au lieu de... ou à travers un collège, ou à travers
une commission scolaire plutôt que se faire à travers le ministère de
l'Immigration.
Mme Ghazal : O.K. Parce que
ça, il y a quand même une... il y a une unanimité, surtout, là, de plusieurs,
puis c'est une demande historique. Mais je comprends ce que vous dites.
Est-ce que vous pensez... tu sais, vous
avez parlé des traducteurs, traductrices. Est-ce que vous pensez qu'il y a
suffisamment... ou, en fait, à combien vous estimez les embauches que le
gouvernement devrait faire pour s'assurer que le projet de loi n° 96 soit
bien instauré? J'imagine, vous ne l'avez peut-être pas estimé, mais beaucoup?
• (12 heures) •
Mme Lamarre (Line) : On ne
l'a pas estimé, mais on est déjà en sous-effectifs. Traducteurs, traductrices,
là, je vous ai donné les chiffres, c'est terrible. Il y a des expertises qui se
perdent actuellement. C'est <complexe de faire traduire des documents...
>
12 h (version révisée)
<17933
Mme Ghazal :
...que le
gouvernement devrait faire pour s'assurer que le
projet
de loi n° 96 soit bien instauré? J'imagine, vous ne l'avez
peut-être
pas estimé, mais...
Beaucoup?
Mme Lamarre (Line) :
On ne l'a pas estimé, mais on est
déjà en sous-effectifs. Traducteurs,
traductrices, là, je vous ai donné les chiffres, c'est terrible.
Il y a
des expertises qui se perdent
actuellement. C'est >complexe de
faire traduire des documents de loi à l'extérieur quand l'expertise de la
traduction d'un document de loi, de droit, est à l'interne, et c'est de même
pour tout le temps. Donc, on envoie à l'externe, mais on est obligé de réécrire
à l'interne. Et là il n'y en a plus, là, d'effectifs, là. C'est vraiment...
Mme Ghazal : Puis,
au-delà des traducteurs, il y en a d'autres. Par exemple, vous parlez du ministère
pour la Langue française, etc. Donc, l'OQLF, est-ce que le nombre d'employés actuellement,
avec tous les pouvoirs qu'on leur donne, est suffisant?
Mme Lamarre (Line) : Ils
ont demandé dernièrement des effectifs supplémentaires, mais on pense, encore
là, que ce sera insuffisant pour faire toute la charge de travail qui s'en
vient. On est en surcharge.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je vais mettre fin à l'échange avec la députée de Mercier. C'est rendu au
tour du député de Matane-Matapédia pour votre temps.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue. Dans une étude de 2019 du Conseil supérieur de la langue
française, on indique que seulement 38 % des membres du personnel des
organismes publics ont été formés et informés sur la politique linguistique
interne. Pourtant, il y a près de 70 % des membres qui souhaitent
améliorer leurs connaissances et qui veulent que leur organisation favorise la
transmission d'informations sur les interactions avec les usagers. Alors, c'est
un enjeu qui touche de très près votre organisation, vos membres.
Alors, je vous donne l'occasion de vous
exprimer là-dessus, sur les besoins qui sont exprimés et comment ce projet de
loi pourrait répondre à cet enjeu.
Mme Lamarre (Line) : C'est
une demande récurrente au SPGQ. Les coupures en formation au gouvernement sont
légendaires. C'est très, très difficile d'avoir de la formation individuelle et
personnelle, et ça va rejoindre les propos sur l'acquisition d'une autre langue.
Pourquoi est-ce qu'on ne permettrait pas ça? Pourquoi est-ce que les gens de la
fonction publique qui souhaitent progresser ne pourraient pas, pour se préparer
aux sièges les plus hauts de la fonction, acquérir la langue en chemin, en
formation? Mais, dans la fonction publique québécoise actuellement, l'accès à
la formation, là, c'est tragique.
M. Bérubé : Ça sera
retenu, certainement. Vous avez indiqué tout à l'heure qu'il faut défendre
férocement, hein, la langue. C'est un qualificatif, là, qui nous plaît assez
bien, au Parti québécois, parce que l'enjeu est important. Vous indiquez que la
langue exclusive des communications doit être le français.
Est-ce que vous vouliez compléter votre
intervention de tout à l'heure pour montrer comment concrètement ça peut se
faire, avec une mesure très concrète, par exemple, qui n'aurait pas été évoquée
jusqu'à maintenant?
Mme Lamarre (Line) :
Excellente question, à laquelle je vais avoir... peiner à répondre. Mais
l'idée, c'est de faire en sorte que, premièrement, les nouveaux arrivants qui n'ont
pas la langue, on va leur donner un temps, et là je laisse le soin au
ministre, qui a souvent de très bonnes idées, de préparer cette durée-là, de
réfléchir à cette durée-là et, entre-temps, faire des communications bilingues
pour que les gens se... tranquillement, s'en viennent vers cette idée-là, et
peut-être, après six mois, dire : Bien là, on a fait pendant six mois du
bilinguisme, maintenant vous le recevez en français.
M. Bérubé : On a aussi de
très bonnes idées puis on espère qu'il va être aussi attentif aux nôtres pour
faire en sorte qu'on ait la meilleure pièce législative possible, qui ne fera
pas <consensus, mais qui...
Mme Lamarre (Line) :
...
communications bilingues pour que les gens se... tranquillement, s'en
viennent vers cette idée-là, et peut-être, après six mois, dire : Bien là,
on a fait pendant six mois du bilinguisme. Maintenant, vous le recevez en
français.
M. Bérubé : On a aussi
de très bonnes idées puis on espère qu'il va être aussi attentif aux nôtres
pour faire en sorte qu'on ait la meilleure pièce législative possible, qui ne
fera pas >consensus, mais qui va être nécessaire si on veut défendre
férocement la langue, comme vous l'indiquez juste à propos. Et je vous
remercie, Mme la Présidente. Ça complète mon intervention.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, merci, Mme Lamarre, M. Desjardins, de votre passage en commission
parlementaire.
Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à
cet après-midi, 15 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 03)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 05)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de la culture et de l'éducation
reprend ses travaux.
Nous poursuivons les auditions publiques
dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Donc, cet après-midi, nous entendrons
M. Benoît Pelletier, professeur titulaire à l'Université d'Ottawa, le
Barreau du Québec, l'Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés
du Québec et le Conseil du patronat.
Donc, je vais me permettre de souhaiter la
bienvenue à notre ancien collègue député de Chapleau. Merci d'être avec nous à
l'Assemblée nationale. Vous revenez de loin. Donc, vous avez 10 minutes
pour nous faire votre présentation, et, par la suite, on fera les échanges avec
les parlementaires. Bienvenue à l'Assemblée.
M. Benoît Pelletier
M. Pelletier (Benoît) :
Merci. Merci, Mme la Présidente. Mmes et MM. les parlementaires et vos équipes
respectives, je vous salue et je tiens à vous dire à quel point je suis heureux
d'être dans cette enceinte, à laquelle j'accorde beaucoup d'affection ou pour
laquelle j'ai beaucoup d'affection.
J'ai examiné le projet de loi n° 96
avec l'oeil d'un constitutionnaliste, d'une part, mais également avec l'oeil
d'un citoyen, un <citoyen...
M. Pelletier (Benoît) :
...
d'être dans cette enceinte à laquelle j'accorde beaucoup d'affection
ou pour laquelle j'ai beaucoup d'affection.
J'ai examiné le projet de loi
n° 96 avec l'oeil d'un constitutionnaliste d'une part, mais également avec
l'oeil d'un citoyen, un >citoyen engagé encore, en dépit du fait que
j'ai quitté la politique il y a déjà de cela plusieurs années.
Il y a deux aspects du projet de loi qui
m'interpellent ou qui m'intéressent plus particulièrement. Il y a la question
des modifications constitutionnelles, d'une part, et, d'autre part, il y a la
question des dispositions dérogatoires, mais n'y voyez pas là, en quelque sorte,
une limite à l'échange que nous pourrons avoir, la période de questions et de
réponses, n'y voyez pas là une limite. Mais à tout événement je vous signale
que je me suis focalisé sur ces deux aspects du projet de loi n° 96.
En ce qui concerne les modifications
constitutionnelles d'abord, il s'agit bien entendu de l'article 159, qui
vise à modifier la Loi constitutionnelle de 1867 de façon à reconnaître que les
Québécois et les Québécoises forment une nation et à reconnaître également que
le français est la seule langue officielle du Québec et que c'est aussi la
langue commune de la nation québécoise.
Pour apprécier la constitutionnalité de
ces propositions, de ces mesures, il faut essayer de dégager une vue d'ensemble
de la partie V de la Loi constitutionnelle de 1982, qui contient la
procédure de modification constitutionnelle. En d'autres mots, il faut essayer
de dégager de cette partie V une vision cohérente et de regarder les
différentes dispositions de la partie V en corrélation les unes avec les
autres.
Après avoir fait cet examen, je peux vous
dire que je suis d'avis que les propositions du projet de loi n° 96
tombent sous le couvert de l'article 45 de la Loi constitutionnelle de
1982, c'est-à-dire que ces propositions peuvent être accomplies unilatéralement
par l'Assemblée nationale du Québec. L'article 45 de la Loi
constitutionnelle de 1982 a un petit côté paradoxal. D'un côté, c'est une
disposition qui a une portée limitée, et j'aurai l'occasion évidemment de
détailler ce que j'en pense à cet égard, soit en répondant à vos questions soit
au moment de ma présentation, dans quelques instants. Mais, en même temps,
l'article 45 recèle un très grand potentiel.
Alors, regardons d'abord la portée limitée
de l'article 45. L'article 45 permet la modification unilatérale, par
simple loi, de la Constitution ou de la province. Il est très clair dans mon
esprit que l'article 45 ne s'applique qu'aux modifications
constitutionnelles qui ne concernent qu'une province, et ce, tant dans leur
esprit que dans leur libellé. En <d'autres mots...
M. Pelletier (Benoît) :
...
par simple loi, de la Constitution ou de la province.
Il est
très clair dans mon esprit que l'article 45 ne s'applique qu'aux
modifications constitutionnelles qui ne concernent qu'une province, et ce, tant
dans leur esprit que dans leur libellé. En >d'autres mots, lorsqu'on
examine l'article 45, il faut cherche à dégager l'esprit de la modification
constitutionnelle envisagée, l'esprit de la modification constitutionnelle
souhaitée de même que l'esprit de la disposition qui est modifiée, le cas
échéant. Il est très clair que l'article 45 ne s'applique pas lorsqu'une modification
constitutionnelle touche à une autre province. Il est très clair que cet article
ne s'applique pas lorsque la modification constitutionnelle touche à l'ordre
fédéral de gouvernement. Il est aussi clair, à la lumière de la jurisprudence,
que l'article 45 ne s'applique pas lorsque la modification touche aux
relations fédérales-provinciales ou touche, si vous préférez, à la dynamique
fédérative. L'article 45 ne s'applique pas non plus lorsque la modification
envisagée touche à une condition de l'union de 1867, c'est-à-dire qu'il ne
s'applique pas, cet article, lorsque la modification envisagée va au coeur du
compromis fédératif, d'un côté, touche à d'autres partenaires fédératifs, de
l'autre, ou encore touche au compromis fédératif qui a scellé la fondation de
l'union canadienne en 1867.
• (15 h 10) •
Donc, l'article 45 a essentiellement
une portée limitée, et cette disposition, donc, a aussi forcément une capacité
d'avoir un impact juridique qui est limité, c'est-à-dire que, forcément, une modification
faite sur le couvert de l'article 45, à titre d'exemple, n'a pas
d'autorité supralégislative. C'est-à-dire qu'il s'agit d'une modification qui
ne se trouve pas au-dessus des lois, puisqu'elle est faite par une loi d'un
parlement, en l'occurrence l'Assemblée nationale du Québec. Il est très clair,
donc, qu'une telle modification n'a pas de portée supralégislative et il est
très, très clair, par ailleurs, que l'impact juridique d'une modification
accomplie sous l'article 45 a cette portée limitée que je viens décrire.
Mais, en même temps, l'article 45 a
un grand potentiel, ai-je dit, parce que c'est par l'article 45 que
passerait l'adoption éventuelle d'une constitution du Québec, et une
constitution du Québec irait beaucoup plus loin que ce que propose le projet de
loi n° 96 en ce moment. Alors, ça veut dire que, si, au Québec, il y avait
une volonté, un jour, de doter le Québec de sa propre constitution, une
constitution élaborée avec différents principes qui seraient énoncés,
différentes valeurs chères aux Québécois, eh bien, forcément, donc, une telle
constitution du Québec devrait être <adoptée...
M. Pelletier (Benoît) :
...
un jour, de doter le Québec de sa propre constitution, une
constitution élaborée avec différents principes qui seraient énoncés,
différentes valeurs chères aux Québécois, eh bien, forcément, donc, une telle
constitution du Québec devrait être >adoptée, normalement, en vertu de
l'article 45.
Donc, vous voyez le caractère paradoxal de
l'article 45. Il a à la fois une portée limitée et, en même temps, un
grand potentiel. Et moi, j'invite cette Assemblée à explorer, justement, le
potentiel, à explorer la potentialité, éventuellement, de l'article 45 de
façon, un de ces jours, sait-on jamais, à doter le Québec de sa propre
constitution. J'ai toujours, Mme la Présidente, comme vous le savez, été un
promoteur de l'adoption par le Québec d'une loi qui constituerait, donc, une
constitution du Québec et dans laquelle nous retrouverions, en quelque sorte,
la définition du Québec d'aujourd'hui, ce Québec moderne, ce Québec inclusif
que nous aimons.
Par rapport à l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867, il est très clair que les droits découlant de
l'article 133 ne peuvent pas être affectés par une loi québécoise, quelle
qu'elle soit. Ça, c'est très clair. Évidemment, la question reste de savoir,
bon, quelle interprétation doit-on donner à l'article 133. Déjà, la Cour
suprême du Canada s'y est penchée dans différentes décisions judiciaires, bien
entendu. Mais il est très, très clair qu'aucune loi, qu'elle le dise
expressément ou qu'elle ne le mentionne pas, ne peut pas aller à l'encontre de
cette disposition supralégislative qu'est l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867.
C'est pourquoi, moi, personnellement, le
fait qu'on ne mentionne pas que le projet de loi n° 96 ne va pas à l'encontre
de l'article 133 n'est pas quelque chose qui m'ennuie ou n'est pas quelque
chose qui m'effraie, parce que les principes constitutionnels sont tels
qu'aucune loi québécoise ne peut aller à l'encontre des droits découlant de l'article 133
de la Loi constitutionnelle de 1867.
En ce qui concerne maintenant à l'adhésion
au rapatriement de 1982, je ne suis pas sans savoir, Mme la Présidente, qu'à
Ottawa il y a des députés qui soutiennent que l'adoption du projet de loi
n° 96 entraînerait ipso facto ou, enfin, indirectement, peut-être, l'adhésion
du Québec au rapatriement de 1982. Il n'en est rien. Ce sont deux choses
complètement différentes. La Loi constitutionnelle de 1982 s'applique au Québec
comme elle s'applique à toutes les provinces canadiennes. La procédure de
modification constitutionnelle a déjà été utilisée dans le contexte de la
déconfessionnalisation du système scolaire québécois sans que cela n'entraîne
pour autant l'adhésion du Québec au compromis qui a <donc...
Arrêt
M. Pelletier (Benoît) :
...
constitutionnelle de 1982 s'applique au Québec comme elle s'applique
à toutes les provinces canadiennes. La procédure de modification
constitutionnelle a déjà été utilisée dans le contexte de la
déconfessionnalisation du système scolaire québécois sans que cela n'entraîne
pour autant l'adhésion du Québec au compromis qui a >donc façonné le
rapatriement de 1981 et 1982.
À tout événement, je termine avec ceci, Mme
la Présidente, parce que je le sais que le temps qui m'est alloué pour ma
présentation est limité, mais que j'aurai bientôt le plaisir d'échanger avec
vous, j'aurais quelques recommandations à faire à cette Assemblée. En fait,
j'en aurais deux.
D'abord, j'en ai fait mention précédemment,
je recommanderais à l'Assemblée nationale d'explorer la possibilité de doter
éventuellement le Québec de sa propre constitution, la Constitution du Québec.
Et, deuxièmement, je recommande à
l'Assemblée nationale, s'il devait y avoir adoption du projet de loi
n° 96, unanimement ou non, mais je recommande à l'Assemblée nationale
qu'elle adopte une résolution réitérant sa non-adhésion au rapatriement de la
Constitution canadienne et à l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982 qui
en a découlé.
Alors, là-dessus, je vous remercie de
votre attention.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. Pelletier. Donc, il y a... 45 secondes sera retranché au
temps du ministre, qu'il vous alloue gracieusement. Donc, M. le ministre, le
temps de parole est à vous.
M. Jolin-Barrette :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Pelletier. Un plaisir de vous voir
ici, à l'Assemblée nationale, et de vous voir en forme après ce que vous avez
vécu. Alors, tous les parlementaires, je crois, transmettent leur bonheur de
vous voir ici, en cette Assemblée, et surtout votre contribution au débat
public passé, et aujourd'hui, et futur, j'en suis convaincu aussi.
Juste vous dire, je vais vouloir laisser
du temps également au député de Chapleau parce que je suis convaincu qu'il va
vouloir vous poser des questions par la suite.
D'entrée de jeu, je voudrais qu'on aborde
la question des dispositions de dérogation ou des dispositions de souveraineté
parlementaire. En quoi ces dispositions-là font partie du fondement du fédéralisme
canadien? Pourquoi ces dispositions sont là? Et pourquoi est-il légitime pour
une assemblée de les utiliser dans une loi comme la loi n° 96?
M. Pelletier (Benoît) :
Oui. Alors, merci, M. le ministre. D'abord, je dois dire, quand on examine les
dispositions dérogatoires, je pense qu'il faut tenir compte de deux facteurs a
priori. Le premier, c'est la forte judiciarisation du système canadien dans
lequel nous vivons, c'est-à-dire que nous sommes dans un contexte où les
tribunaux en mènent de plus en plus large et se prononcent <parce
que...
M. Pelletier (Benoît) :
... a priori. Le premier, c'est la forte judiciarisation du
système
canadien
dans lequel nous vivons,
c'est-à-dire que nous sommes dans un contexte
où les tribunaux en mènent
de plus en plus large et se prononcent >parce
que le constituant l'a voulu, mais se prononcent sur différentes questions
sociales, même philosophiques, idéologiques, des choix de valeurs qui sont fondamentaux.
Mais tout cela découle, entre autres, de l'adoption, en 1982, de la Charte canadienne
des droits et libertés. Et comprenez-moi, ici, je ne blâme pas du tout les
tribunaux d'assumer le rôle qui est le leur, tel que l'a voulu, encore une fois,
le constituant, mais je ne fais que constater que nous sommes dans un contexte
de forte judiciarisation du régime canadien. Ça, c'est le premier facteur dont il
faut tenir compte. À mon avis, c'est une prémisse, en quelque sorte.
Le deuxième facteur, c'est que, si le
Canada a choisi le fédéralisme en 1867, c'était, entre autres, à cause de
l'identité particulière du Québec, et ça, je ne suis pas le seul à le dire, la
Cour suprême elle-même l'a dit dans le renvoi relatif à la sécession du Québec.
L'une des raisons fondamentales du choix du fédéralisme, ça a été parce qu'il y
avait une société qui était différente, parce qu'il y avait une société qui
avait une identité qui était particulière et que, dans un État unitaire, cette
société-là... ou dans une union législative, comme on l'appelait à l'époque,
cette société-là aurait été étouffée, cette société-là aurait été broyée. Alors
donc, le fédéralisme s'est imposé comme étant le mode d'organisation des
pouvoirs dans un État qui permettait en même temps de concilier, et
l'expression est bien connue, l'unité et la diversité.
• (15 h 20) •
Et je ne prétends pas ici que le Québec
ait été la seule entité politique distincte à l'époque. Ça serait, à mon avis,
faire ombrage à l'identité des provinces de l'Atlantique, à titre d'exemple,
qui, elles aussi, cherchaient à se faire valoir dans un contexte d'autonomie
constitutionnelle, qui était finalement le contexte approprié pour le
fédéralisme canadien. Mais il y avait une société particulière dans son
identité, on le sait, et qui l'est encore aujourd'hui, c'est le Québec. Et la
disposition dérogatoire permet au Québec de faire valoir son identité propre
dans le contexte canadien, d'où le lien entre la disposition dérogatoire et, dans
le fond, le fédéralisme lui-même.
Si vous regardez la Déclaration canadienne
des droits en 1960, une loi fédérale, il y avait une disposition dérogatoire. Il
y avait un pouvoir dérogatoire dans la Déclaration canadienne des droits. Si
vous regardez la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, il y a
là aussi une disposition dérogatoire. Il n'y a rien en soi d'indigeste, il n'y
a rien d'imbuvable dans l'existence d'une disposition dérogatoire. <De
telles...
M. Pelletier (Benoît) :
... Déclaration
canadienne des droits. Si vous regardez la Charte des
droits et libertés de la personne du
Québec, il y a là aussi une
disposition
dérogatoire.
Il n'y a rien en soi d'indigeste,
il n'y a rien
d'imbuvable dans l'existence d'une
disposition dérogatoire. >De
telles dispositions permettent tout simplement aux Parlements, au pluriel,
d'avoir le dernier mot sur certaines questions qu'ils considèrent
fondamentales.
M. Jolin-Barrette : Et donc
l'utilisation des dispositions de souveraineté parlementaire ou de dispositions
de dérogation dans le projet de loi n° 96 est légitime. En fait, elles
sont légales, de ce que je comprends de votre propos, c'est qu'elles sont
légales et peuvent être légitimes si l'Assemblée décide de les inscrire de
façon préventive dans le cadre du projet de loi, dans le cadre de la loi, pour
faire en sorte d'établir dans quel cadre cette loi-là va s'appliquer.
Et, parallèlement à ça, je voudrais qu'on
discute... Vous avez déjà abordé, dans l'arrêt Nguyen en 2009, la décision
de la Cour suprême, et vous aviez indiqué, je crois, à l'époque, qu'en vertu de
l'article 1 ça aurait pu être sauvegardé, donc le test de
l'article 1. Alors, un peu ces deux questions-là.
Et je ferais un autre parallèle aussi. Le
constituant canadien a souhaité avoir une charte des droits et libertés, sauf
que ça n'a pas été approuvé par notre Assemblée, par le Québec, à l'Assemblée
nationale. Donc, c'est un bon rappel à faire, aussi.
Alors, je vous soumets ces questions.
M. Pelletier (Benoît) : Oui.
Alors, on peut ajouter, par ailleurs, la non-adhésion du Québec au rapatriement
de 1982, évidemment, ce qui explique l'utilisation plus fréquente de la
disposition dérogatoire au Québec que dans d'autres provinces canadiennes, à
titre d'exemple. Nous pouvons également ajouter à cela... je crois que les
dispositions dérogatoires, telles qu'on les retrouve dans le projet de loi
n° 96, peuvent être utilisées à titre préventif, comme vous l'avez
mentionné. C'est-à-dire qu'évidemment ça peut suivre un jugement ou des
jugements de tribunaux, mais ça peut être aussi utilisé de façon à parer
éventuellement des contestations judiciaires ou, à tout le moins, disons, parer
des déclarations d'invalidité qui ne seraient pas souhaitées par l'Assemblée
nationale.
Et moi, je suis, vous savez, parfaitement,
comment dirais-je, donc, je suis parfaitement sensible à l'idée qu'il y a dans
notre société des droits et des libertés individuels dont je profite. Mais
j'appartiens aussi à une collectivité, et cette collectivité-là a le droit,
parfois, de faire des choix qui lui sont particuliers, ce que j'appelle des
choix collectifs. Et attention, M. le ministre, je suis tout à fait
conscient qu'il y a une différence entre un choix collectif et un droit
collectif. Mais il y a des dossiers qui sont particulièrement sensibles au
point de <vue social...
M. Pelletier (Benoît) :
...
qui lui sont particuliers, ce que j'appelle des choix collectifs. Et
attention, M. le ministre, je suis tout à fait conscient qu'il y a une
différence entre un choix collectif et un droit collectif. Mais il y a des
dossiers qui sont particulièrement sensibles au point de >vue social, particulièrement
sensibles au point de vue identitaire, à l'égard desquels il est tout à fait
normal que le Parlement dise : Bien, moi, je fais un choix collectif ici
qui est différent de celui que feraient peut-être les autres Canadiens en
pareille matière. Mais ce choix-là est fait au nom du Québec. Et, dans la
mesure où ce choix-là est fait au nom du Québec et de son identité, j'accepte
d'emblée qu'il puisse y avoir, à l'occasion, l'usage de dispositions
dérogatoires.
M. Jolin-Barrette : Je vous
ramènerais au début de votre intervention relativement à l'article 159 du projet
de loi et à l'insertion, dans la Loi constitutionnelle de 1867, du fait que les
Québécois et les Québécoises forment une nation et que le français est la
langue officielle de l'État québécois. Vous dites, en résumé : Nous
pouvons le faire, cette Assemblée a le pouvoir de le faire. Cependant, de votre
avis, la portée, elle est limitée parce que ça doit se lire : La langue
officielle du Québec est le français, sous réserve de l'article 133 de la
Loi constitutionnelle de 1867. Mais on n'a pas besoin de l'écrire, parce que
c'est implicite, les règles d'interprétation de la Constitution font en sorte
que les dispositions se lisent les unes par rapport aux autres, et ça va de
soi. Est-ce que je résume bien votre propos en lien avec la disposition qu'on
intègre et 133?
M. Pelletier (Benoît) : Oui.
J'ajouterais peut-être deux choses, si vous me le permettez. La première, c'est
que les dispositions constitutionnelles s'interprètent les unes par rapport aux
autres, mais certaines ont une autorité supralégislative que d'autres n'ont
pas. À titre d'exemple, les conventions constitutionnelles font partie de la
Constitution, elles sont constitutionnelles, mais n'ont pas d'autorité
supralégislative. Et, à mon avis, c'est la même chose pour les modifications
qui sont apportées en vertu de l'article 45.
Donc, non seulement y a-t-il une
interprétation corrélative des dispositions constitutionnelles entre elles,
mais, au surplus, l'article 133 a une longueur d'avance. Qu'est-ce que
vous voulez que je vous dise? Parce que c'est une disposition supralégislative,
alors que la modification accomplie sous l'article 45 n'aurait pas cette
portée.
Mais, cela étant dit, qu'il y ait une
reconnaissance constitutionnelle de la nation québécoise, bien, moi,
personnellement, je suis tout à fait à l'aise avec ça pour deux grands motifs.
Le premier motif, c'est que j'ai vraiment le sentiment, moi, d'appartenir à une
nation. Ça n'enlève absolument rien à l'existence d'une nation canadienne à
laquelle, vous le savez, j'appartiens, par ailleurs. Alors... Mais j'appartiens
à une nation québécoise. Donc, premièrement, cette reconnaissance de la nation
québécoise non seulement ne m'étonne pas, mais, par ailleurs, me réjouit. Je me
souviens <d'avoir...
M. Pelletier (Benoît) :
...
à laquelle, vous le savez, j'appartiens par ailleurs. Alors... Mais
j'appartiens à une nation québécoise. Donc, premièrement, cette reconnaissance
de la nation québécoise, non seulement ne m'étonne pas, mais, par ailleurs, me
réjouit. Je me souviens >d'avoir travaillé sous le gouvernement de
M. Charest à ce que la Chambre des communes reconnaisse que les Québécois
et Québécoises formaient une nation, ce qui a été fait. Ça a été fait grâce au Bloc
québécois, notamment, mais ce que les gens ignorent, c'est que le gouvernement
du Québec travaillait aussi très, très fort en coulisse pour que M. Harper
reconnaisse effectivement que les Québécois et Québécoises formaient une nation
au sein du Canada. Ça, c'est ignoré par la plupart des gens, mais on a
travaillé très, très fort. Donc, il y a plusieurs instances qui ont contribué à
cette reconnaissance. Donc, j'appartiens à une nation, premier facteur.
Deuxième facteur, bien, qu'il y ait une reconnaissance
constitutionnelle maintenant de cette nation-là, bien, là aussi je suis tout à
fait à l'aise, parce que j'ai toujours pensé que la constitution devait être le
miroir d'une société. Et la société canadienne, bien, elle se définit notamment
par la présence de nations autochtones, mais elle se définit aussi par la
présence de la nation québécoise et elle se définit par d'autres réalités
distinctes, d'autres réalités particulières également, qu'il ne convient pas
que j'énumère ici, mais dont vous pouvez, tout comme moi, deviner l'existence.
Alors donc, c'est une reconnaissance de la
diversité canadienne puis, en plus, c'est fait dans la Constitution canadienne.
Alors, je ne peux qu'appuyer une démarche comme celle-là sur le plan de la modification
constitutionnelle, j'entends.
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie, M. Pelletier, pour votre passage en commission
parlementaire. Je vais céder la parole au député de Chapleau.
La Présidente (Mme Thériault) :
...un peu moins de quatre minutes à votre disposition.
M. Lévesque (Chapleau) : D'accord,
merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Pelletier. C'est vraiment
un plaisir de vous revoir, de vous revoir également en pleine forme, avec toute
la fougue et la passion qu'on vous connaît. Vous êtes non seulement mon
prédécesseur, mais j'ai également... en tant que député de Chapleau, mais j'ai également
eu l'occasion de travailler avec vous lorsque vous étiez ministre dans le gouvernement
de M. Charest. Et effectivement, là, nous avions eu ces discussions-là et
ces éléments-là, fort intéressants.
Quelques questions pour vous, là. D'abord,
en lien avec la modification constitutionnelle qui est proposée, on parle de
portée limitée en termes d'impact. J'aimerais peut-être vous ramener sur la
question des tribunaux québécois et l'interprétation que les tribunaux
québécois pourraient avoir de cette modification constitutionnelle là, si vous
avez eu l'occasion de réfléchir à cette question.
• (15 h 30) •
M. Pelletier (Benoît) :
Bien, d'abord, vous dire que j'ai le sentiment... Je suis très heureux de votre
présence et puis je suis très heureux que vous ayez... que j'aie l'occasion
d'échanger avec vous, mais, je vous dirai, quand on est député de Chapleau, on
l'est pour toujours. Et cela ne vous enlève rien, loin de là. Mais, en fait, ce
que je veux vous <dire, c'est ceci. C'est que...
>
15 h 30 (version révisée)
< M. Pelletier (Benoît) :
...je suis très heureux que vous ayez... que j'aie l'occasion d'échanger avec
vous. Mais je vous dirai : Quand on est le
député de
Chapleau,
on l'est pour
toujours. Et cela ne vous enlève rien, loin de là. Mais,
en fait, ce que je veux vous >dire, c'est ceci, c'est que, dans l'accord
du lac Meech, à titre d'exemple, je fais faire un... je vais quand même
répondre rapidement, Mme la Présidente, soyez sans crainte, mais, dans l'accord...
Je vais faire un petit détour, néanmoins. Dans l'accord du lac Meech, on
reconnaissait le caractère distinct du Québec, mais c'était pour
l'interprétation de toute la Constitution du Canada. Alors, forcément, là, à ce
moment-là, à ce moment-là, la procédure qui s'appliquait, c'était la procédure 750
parce que ça avait une portée interprétative générale. C'est évident que, si
vous avez une modification qui touche à l'interprétation de toute la
Constitution, c'est évident que ça échappe à la portée de l'article 45.
Alors, on revient à cette portée limitée, dont je parlais initialement, de cet article.
D'autre part, donc, la modification
souhaitée par le projet de loi n° 96 ne pourrait pas, à mon avis, porter
sur l'interprétation en général de la Constitution canadienne. Peut-être
pourrait-elle porter sur l'interprétation de lois québécoises, mais, encore une
fois, c'est sous réserve du respect des droits constitutionnels des
anglophones. Ça, c'est très, très clair. Et on ne doit pas en douter un seul
instant. Et ce sont aussi des droits constitutionnels dont je me fais le
défenseur à l'occasion, parce que le discours de diversité que j'ai donc
attribué au Canada est aussi un discours qui vaut pour le Québec.
M. Lévesque (Chapleau) : Précisément
là-dessus, sur les droits des anglophones, justement, est-ce que vous constatez
que le projet de loi n° 96 retire ou vient réduire les droits des
anglophones au Québec?
M. Pelletier (Benoît) : Bien,
en fait, je n'ai pas fait un examen minutieux de toutes les dispositions et je
ne peux pas me prononcer sur la constitutionnalité de tout. C'est pourquoi je
me suis focalisé dès le départ sur certains aspects du projet de loi n° 96.
Mais je compléterais peut-être votre question en disant : Si on parle de
droit constitutionnel, il n'y a aucune crainte à avoir, la constitution, telle
qu'interprétée, les tribunaux, triomphera toujours. Ça, c'est très, très clair.
Mais, pour le reste, je vois dans le projet de loi n° 96, moi,
personnellement, un geste de bonification de la loi 101, de peaufinement
de la loi 101, et généralement, sans me prononcer, encore une fois, sur la
constitutionnalité de tout, je trouve que ce geste-là est bienvenu.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
...l'échange avec les membres du gouvernement. Donc, nous allons aller du côté
de l'opposition officielle avec Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys pour
votre 11 min 20 s.
Mme David : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, Me Pelletier. Vous êtes à la fois fédéraliste
et nationaliste. Souvent, les gens ne nous croient pas qu'on puisse être à la
fois fédéraliste et nationaliste. <Le PLQ...
La Présidente (Mme Thériault) :
...
avec Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys pour votre
11 min 20 s.
Mme David : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, Me Pelletier. Vous êtes à la fois fédéraliste
et nationaliste. Souvent, les gens ne nous croient pas qu'on puisse être à la
fois fédéraliste et nationaliste. >Le PLQ a eu beaucoup de grands
nationalistes dans son histoire, dans son parcours, Jean Lesage, Paul
Gérin-Lajoie, George-Émile Lapalme, Robert Bourassa, et tellement d'autres,
dont vous, vous, M. Pelletier, vous qui avez été ministre des Affaires
intergouvernementales, qui avez écrit beaucoup sur le rôle du Québec au sein de
la fédération, sur le Conseil de la fédération, dont le premier ministre actuel
était, jusqu'à tout récemment, le président. Et vous avez écrit aussi beaucoup
sur le rôle de langue française et de la nation québécoise. Donc, je vous
remercie d'être ici avec nous aujourd'hui, avec nous tous, quels que soient nos
allégeances, nos convictions, notre parti politique. Je vous remercie de nous
partager vos opinions et votre expertise, surtout quand l'on connaît l'épreuve
terrible que vous avez traversée et dont vous combattez encore les
conséquences. Vous êtes admirable de courage et de résilience.
Je vais aller vers une première question,
qui est justement sur la portée limitée et l'impact juridique limité de ce
fameux recours à l'article 45. Je me suis réveillée un 22 mai au
matin, samedi matin, Marco Bélair-Cirino qui écrit un long article où il met en
miroir, je dirais, l'opinion de la portée limitée ou non de cette inclusion
dans la Constitution. Je répète, ça faisait huit jours que le projet de loi
était déposé. Vous en aviez eu peut-être des idées ou des échos avant, mais
nous, on était sous ce choc. Mais, le 22 mai, en lisant la longue entrevue
que j'ai ici ou les entrevues de l'article de Marco Bélair-Cirino, il y avait
le ministre qui parlait d'une portée beaucoup plus large, des impacts
constitutionnels, des portées juridiques, des interprétations qu'allaient en
faire les tribunaux de cette insertion dans la Constitution, du recours à
l'article 45, et vous, vous disiez : Attention, la portée est plutôt
limitée, vous l'avez répété tout à l'heure, l'impact juridique est limité.
Où en êtes-vous maintenant? Et qu'est-ce
qu'on pourrait en dire quelques mois plus tard? Le choc est absorbé, les
chroniqueurs ont tous chroniqué, les constitutionnalistes se sont prononcés, se
prononcent maintenant. Où est-ce que vous en êtes et où pensez-vous que le
ministre en est par rapport à votre opinion?
M. Pelletier (Benoît) : Bien,
deux, trois choses. La première chose, c'est que moi, j'en suis exactement là
où j'étais au départ, c'est-à-dire que moi, je suis convaincu de ce que
j'avance. Maintenant, la portée, ça demeure une question de perspective. Est-ce
une grande portée, une petite portée? Ça dépend de la question de la
perspective. Certains disent que ce n'est qu'un geste symbolique. Je vous dirai
que, si tel devait être le cas, bien, les symboles sont aussi importants <pour
une...
M. Pelletier (Benoît) :
...
de ce que j'avance. Maintenant, la portée, ça demeure une question
de perspective. Est-ce une grande portée, une petite portée? Ça dépend de la
question de la perspective. Certains disent que ce n'est qu'un geste
symbolique. Je vous dirai que, si tel devait être le cas, bien, les symboles
sont aussi importants >pour une société. Je veux dire, pour moi, ça
n'enlève absolument rien à ce qui est proposé ici. D'autres comme moi
soutiennent davantage que l'article 45 n'a qu'une portée limitée parce que
je vous dirai que j'ai recensé neuf situations où l'article 45 ne pourrait
pas s'appliquer.
Tout à l'heure dans ma présentation, j'ai
fait allusion à certaines d'entre elles, hein, l'union fédérative et puis les
relations fédérales-provinciales. C'est déjà énorme, tout cela, bien entendu.
Mais on pourrait même ajouter que l'article 45 ne peut pas ébranler la
structure fondamentale du Canada, ça, c'est lié à d'autres arrêts de
jurisprudence, ou on pourrait toujours dire que l'article 45 ne peut pas
permettre à une province d'aller à l'encontre des principes constitutionnels
sous-jacents ou implicites comme ceux qu'a reconnus la Cour suprême dans le
renvoi relatif à la sécession du Québec. On pourrait élaborer, ce n'est pas ça
mon but. Mon but, c'est d'insister sur l'essentiel. Lorsque je dis que
l'article 45 n'a qu'une portée limitée, d'abord c'est dans ma perspective
à moi et, deuxièmement, c'est fondé sur une étude minutieuse de la
jurisprudence.
Alors, la deuxième chose, peut-être, je ne
sais pas si j'ai annoncé trois choses ou deux choses, mais j'en ai une deuxième
dont je voulais parler, c'est lié à votre introduction où vous parliez de
nationalistes et fédéralistes. Mais, vous savez, Mme la députée, moi, j'ai siégé
pendant 10 ans à l'Assemblée nationale du Québec et j'y ai siégé avec
fierté; «nationale», là, ça veut tout dire. Et j'ai vu, durant mon parcours,
des fédéralistes nier l'existence de la nation québécoise, et, encore une fois,
je leur répondais : Bien, il n'y a rien d'incompatible entre l'existence
d'une nation québécoise et l'existence d'une nation canadienne. La première a
un sens sociologique, essentiellement. La seconde, bien, finalement se
transforme sur le plan constitutionnel en un État qui est l'État canadien. Mais
il n'y a absolument rien d'incompatible entre les deux.
Et j'avais, au sein de mon cabinet, des
gens, et je le dis sauf le respect que je leur dois parce que ça faisait partie
de nos échanges amicaux, mais j'avais, au sein de mon propre cabinet, des gens
qui niaient l'existence de la nation québécoise. Et pourtant j'étais en même
temps ministre des Affaires autochtones, et je recevais le chef de la nation
crie, qui, lui, s'attendait à avoir des relations de nation à nation avec nous,
et je recevais le chef de la nation huronne-wendat, et j'en avais dans mon
cabinet qui niaient l'existence d'une nation <québécoise...
M. Pelletier (Benoît) :
... ministre des Affaires autochtones, et je recevais le chef de la nation crie
qui, lui, s'attendait à avoir des relations de nation à nation avec nous, et je
recevais le chef de la nation huronne-wendat, et j'en avais dans mon cabinet
qui niait l'existence d'une nation >québécoise. Moi, je n'accepte pas
ça.
Moi, ma prémisse de départ, c'est qu'il y
avait une nation québécoise, que cette nation québécoise là a la liberté de
choisir son destin. Mais moi, personnellement, j'ai promu que ce destin-là se
fasse dans le cadre du fédéralisme canadien.
• (15 h 40) •
Mme David : ...on pourrait
dire, dans ce sens-là, que ce projet de loi ne vous rend pas nécessairement
inconfortable par rapport au recours, donc, à l'article 45 et par rapport,
et là vous avez dit «sous certaines conditions», à certaines occasions...
l'utilisation d'emblée de la disposition de dérogation. Il y a beaucoup
d'opinions, alors aidez-nous à nous retrouver là-dedans.
M. Pelletier (Benoît) : C'est-à-dire
que moi, personnellement, je suis très favorable à l'utilisation même plus
fréquente de la disposition dérogatoire si c'est le choix de l'Assemblée
nationale du Québec. Mais je constate que, jusqu'à présent, elle n'a pas été...
sauf pendant l'épisode où le gouvernement du Québec l'a utilisée systématiquement
au lendemain de l'adoption de la loi de 1982, mais c'était pour des raisons qui
s'expliquaient historiquement, bien entendu. Mais, jusqu'à présent, elle n'a
pas été utilisée de façon abusive.
Mme David : Pourtant, vous
êtes juriste, vous êtes constitutionnaliste, et beaucoup vont dire... Moi, je
ne suis ni l'une ni l'autre. Beaucoup vont dire que la disposition de
dérogation nie l'existence, justement, du pouvoir du juridique et qu'il remet
tout dans le pouvoir législatif.
M. Pelletier (Benoît) : Oui,
mais, justement, c'est normal que, dans certains cas, ce soient les élus du
peuple qui aient le dernier mot, c'est tout à fait normal. Quant à moi, il n'y
a rien là-dedans qui est effrayant, peut-être parce que j'ai combiné une
carrière politique à ma carrière juridique. Donc, j'ai le plus grand des
respects pour ces deux institutions, pour ces deux sphères du pouvoir dans
l'État.
Mme David : Mais, par contre,
je vais vous citer Patrick Taillon, qui est venu ici et qui a dit clairement
que, peut-être, par rapport à certains aspects, entre autres les fouilles et
les perquisitions sans mandat données à l'OQLF comme étant une possibilité
puisqu'il y aurait disposition de dérogation, que ça, peut-être qu'il devrait y
avoir une levée de disposition de dérogation, parce qu'il faut vraiment
respecter les chartes quant aux saisies, fouilles, etc., qui seraient abusives.
D'autre part, et il l'a dit le
14 mai, écoutez, c'est le jour même du dépôt, que... et je cite Patrick
Taillon : «Ils modifient la charte québécoise, la Constitution canadienne.
Ils utilisent la clause dérogatoire pour envoyer un message aux juges : On
vous demande de ne pas vous mêler de ça, sans trop savoir précisément quels
droits seraient violés.» Parce que je vous ai <déjà...
Mme David : ...
écoutez, c'est le jour même du dépôt, que... et je cite Patrick Taillon :
«Ils modifient la
charte québécoise, la
Constitution canadienne.
Ils utilisent la clause dérogatoire pour envoyer un message aux juges : On
vous demande de ne pas vous mêler de ça, sans trop savoir
précisément
quels droits seraient violés.»
Parce que je vous ai >déjà entendu
dire aussi : Bien, peut-être même que, sans disposition de dérogation, il
n'y en aurait pas, de droit qui serait vraiment contestable. Est-ce que vous
êtes encore là dans votre réflexion?
M. Pelletier (Benoît) : Bien,
en fait, il faut comprendre que, quand on parle du droit, c'est le droit tel
qu'interprété par les tribunaux, ne l'oublions pas, et cette interprétation-là
elle-même est évolutive. Alors, lorsqu'on dit que des droits et libertés
individuels sont violés, mais qu'on permet cette violation au nom de
l'utilisation d'une disposition dérogatoire, il faut comprendre que ce sont les
droits et libertés individuels tels qu'interprétés de nos jours par les
tribunaux. Éventuellement, il faut s'attendre à ce qu'il y ait une évolution
jurisprudentielle.
Et moi, je vous dirai que, si on prend
l'article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés, pour un, si
on prend cette disposition-là, elle est déjà limitée dans son essence même.
Elle est limitée à une application de cinq ans, renouvelable, j'en
conviens, mais néanmoins, donc, une utilisation de cinq ans, d'une part.
Elle est limitée à certaines dispositions de la Loi constitutionnelle de 1982,
bien, plus particulièrement de la Charte canadienne des droits et libertés.
Elle n'empêche pas les débats judiciaires comme, jusqu'à présent à tout
événement, comme l'a démontré la Loi sur la laïcité où il y a eu un très long débat
judiciaire qui a mené à un jugement de 200 pages en dépit de l'utilisation
d'une disposition dérogatoire.
Alors, moi, je vous dirai que je ne vois
rien là-dedans qui, étant donné le caractère limité, dès le départ, de la disposition
dérogatoire, je ne vois rien là-dedans qui, dans le fond, serait, comment
dirais-je, condamnable.
Mme David : Vous dites que ça
ne vous effraie pas qu'on ne mentionne pas l'article 133, hein?
M. Pelletier (Benoît) : Oui.
Mme David : Est-ce que ça vous
effraierait qu'on le mentionne?
M. Pelletier (Benoît) :
Personnellement, moi, je ne crois pas qu'il y ait lieu de le mentionner, pour
être franc. Mais, si ça pouvait permettre à un compromis politique de se
développer, je pourrais voir l'Assemblée nationale, cependant, adopter une
résolution disant qu'elle réitère que la loi, une fois adoptée, ne compromet
pas les droits constitutionnels des anglophones découlant de l'article 133
de la loi n° 67, mais moi, je ne modifierais pas
le projet de loi pour autant.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange, M. Pelletier. Donc, sans plus tarder,
je vais aller du côté du député de Matane-Matapédia pour votre temps de
2 min 50 s.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. M. Pelletier, ancien collègue, c'est un plaisir de vous
retrouver et de vous entendre sur une proposition très concrète, que vous avez
réfléchie depuis un bon <moment...
M. Pelletier (Benoît) :
...
pour autant.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange, M. Pelletier. Donc, sans plus tarder,
je vais aller du côté du député de Matane-Matapédia pour votre temps de
2 min 50 s.
M. Bérubé : Merci,
Mme la Présidente. M. Pelletier, ancien collègue, c'est un plaisir de
vous retrouver et de vous entendre sur une proposition très concrète que vous
avez réfléchie depuis un bon >moment et qui est en droite ligne avec
votre pensée depuis que vous êtes en politique, de cette aile nationaliste du Parti
libéral du Québec. On a évoqué tout à l'heure des figures historiques. Il
faudrait qu'il y en ait des actuelles aussi, ça serait bien.
Alors, Pr Binette nous a dit, que
vous connaissez par ses travaux, que la modification du gouvernement du Québec
quant à la Constitution canadienne, la partie québécoise, était essentiellement
cosmétique et que ça ne changeait rien au sort du français, puis qu'en même
temps ça risquait fort de se river le nez aux tribunaux. Est-ce que vous
partagez cette vision?
M. Pelletier (Benoît) :
Bien, sauf respect pour mon collègue, je vous dirai que, d'abord, moi, je ne
partage pas son point de vue que ce soit purement cosmétique. Je trouve que c'est
une belle avancée. Même si ça ne devait être que symbolique, ce serait déjà une
belle avancée.
M. Bérubé : Mais en quoi
ça change le cours du français? En quoi ça va stopper ou renverser le déclin du
français au Québec?
M. Pelletier (Benoît) : Ah!
ça, honnêtement, cette modification-là à elle seule ne renversera pas la situation
démolinguistique et ne freinera pas la régression du français.
M. Bérubé : Mais a-t-elle
quelconque utilité pour augmenter l'utilisation du français ou améliorer la situation
du français?
M. Pelletier (Benoît) :
Elle envoie un message, à tout événement, que le Québec est une société dont la
langue commune est le français. Elle envoie de nouveau ce message-là, et de ça,
je m'en réjouis.
M. Bérubé : Bon, alors, c'est
la différence entre l'approche du gouvernement et la nôtre. Ce symbole ne
change en rien la trajectoire du Québec quant à l'utilisation du français.
Nous, ce qu'on propose, c'est d'intervenir
là où ça compte, par l'immigration, par la fréquentation des institutions
postsecondaires, le collégial en particulier, là où on trouve qu'il y a un
impact.
Je veux rendre hommage à votre proposition
d'une constitution du Québec, on partage ça, mais pas dans le même pays, on
aimerait en avoir un aussi. Croyez-vous que votre proposition, que vous mettez
au jeu dans le cadre d'un débat linguistique, aura un impact sur le cours de
l'histoire pour ce qui est de l'avenir du français au Québec, qui est face à un
déclin? Est-ce qu'une constitution pourrait être de nature à freiner ce déclin,
à renverser la tendance?
La Présidente (Mme Thériault) :
En 30 secondes, M. Pelletier.
M. Pelletier (Benoît) :
Pardon, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Thériault) :
En 30 secondes.
M. Pelletier (Benoît) :
En 30 secondes? Bien, premièrement, vous mentionniez d'entrée de jeu vos
projets, vos ambitions par rapport au projet de loi n° 96.
Un n'enlève pas l'autre, là. Il peut y avoir la modification constitutionnelle
tout en ayant vos propositions.
M. Bérubé : Nos mesures
dans le... absolument.
M. Pelletier (Benoît) :
Je veux dire, l'un n'empêche pas l'autre.
M. Bérubé : Il l'a dit,
là.
M. Pelletier (Benoît) :
Premièrement. Oui, je l'ai dit.
M. Bérubé : Il l'a dit.
M. Pelletier (Benoît) :
Et je peux même le répéter.
M. Bérubé : C'est
enregistré, là.
M. Pelletier (Benoît) :
Mais je connais assez la politique pour savoir qu'il sera fait bon usage, de
part et d'autre, de mes propos. Ça, <j'en suis...
M. Pelletier (Benoît) :
...
l'autre.
M. Bérubé : Il l'a
dit, là.
M. Pelletier (Benoît) :
Premièrement. Oui, je l'ai dit.
M. Bérubé : Il l'a
dit.
M. Pelletier (Benoît) :
Et je peux même le répéter.
M. Bérubé : C'est
enregistré, là.
M. Pelletier (Benoît) :
Mais je connais assez la politique pour savoir qu'il sera fait bon usage de
part et d'autre de mes propos. Ça, >j'en suis tout à fait convaincu.
M. Bérubé : Absolument. En
tout cas, c'est enregistré, c'est dit, et on espère que ça sera dans le rapport
final.
M. Pelletier (Benoît) : Mais en
même temps, en même temps, bon, vous savez, vous savez que je me focalise sur
certains aspects du projet de loi n° 96. Mais, si... Donc, je reviens à la
Constitution du Québec et, en terminant, Mme la Présidente, bien, je vous dirai
qu'une société, en 2021 ou 2022, peu importe le moment où ça viendra, cette
constitution-là, qu'une société se redéfinisse et dise au monde entier ce
qu'elle est, quelles sont les valeurs qui lui sont chères, moi, c'est quelque
chose à quoi je vais toujours applaudir.
M. Bérubé : Oui, mais on le
dit depuis 40 ans, puis ça avance lentement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et, sur ce, je dois suspendre les travaux. Donc, merci pour votre contribution
aux travaux de la commission, M. Pelletier.
M. Bérubé : C'est terminé?
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous allons suspendre quelques instants, effectivement, pour que le prochain
groupe puisse se joindre à nous.
M. Bérubé : Ah mon dieu! Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 49)
(Reprise à 15 h 54)
La Présidente (Mme Thériault) :
Et nous reprenons nos travaux. Donc, nous recevons maintenant le Barreau du
Québec, qui est en visioconférence avec nous. Donc, sans plus tarder,
Me Catherine Claveau, la bâtonnière du Québec, vous avez la parole
une dizaine de minutes pour nous présenter votre mémoire. Et, par la suite, il
y aura des échanges avec les différentes formations politiques, en commençant
par le ministre. La parole est à vous. Bienvenue à notre commission.
Barreau du Québec
Mme Claveau (Catherine) : …(panne
de son)…
La Présidente (Mme Thériault) :
Oh! on a perdu votre son. Je m'excuse, on n'a plus votre son.
Mme Claveau (Catherine) :
Est-ce que vous m'entendez bien?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, là, on vous entend. Allez-y.
Mme Claveau (Catherine) :
Alors, merci, Mme la Présidente. M. le ministre de la Justice, Mmes et MM. les
députés, je suis Me Catherine Claveau, bâtonnière du Québec, et je
suis accompagnée de Me Sylvie Champagne et de Me Nicolas Le
Grand Alary du secrétariat de l'ordre et affaires juridiques du Barreau.
Je veux d'abord, évidemment, vous
remercier de nous avoir invités aujourd'hui pour échanger sur ce projet de loi
important. D'entrée de jeu, je tiens à préciser que la mission du Barreau du
Québec consiste à surveiller l'exercice de la profession et, dans son volet
sociétal, faire la promotion de la primauté du droit afin d'assurer la
protection du public.
De manière générale, nous appuyons l'objectif
du projet de loi de renforcer la langue française à titre de langue de la
législation et de la justice et de favoriser son utilisation par les
professionnels du Québec. Il nous apparaît toutefois pertinent de vous
présenter nos commentaires sur deux aspects importants du projet de loi
n° 96, c'est-à-dire les dispositions applicables aux ordres professionnels
ainsi que les mesures prévues concernant l'administration de la justice.
Alors, voyons d'abord les dispositions
applicables aux ordres professionnels. Le Barreau du Québec travaille pour
mettre en place des processus efficients, efficaces et accessibles afin de
remplir sa mission de protection du public de façon optimale. Dans un premier
temps, nous portons à votre attention les aspects du projet de loi qui viennent
resserrer les règles entourant l'utilisation de la langue officielle lors des
communications avec les membres. La très vaste majorité des communications du
Barreau du Québec se fait en français. Il arrive toutefois que, pour assurer la
protection du public, le Barreau doive utiliser l'anglais pour communiquer
individuellement avec certains de ses membres. Par exemple, certaines questions
déontologiques ou en lien avec les normes d'exercice professionnel peuvent
nécessiter des précisions et des nuances qui pourraient échapper à un membre
dont la langue maternelle n'est pas le français, même si celui-ci a, par
ailleurs, une connaissance appropriée pour l'exercice de sa profession. Il
arrive aussi qu'un citoyen anglophone entre en contact avec le bureau du
syndic. Dans ces circonstances, il nous paraît important de continuer de
permettre que les <échanges avec le...
Mme Claveau (Catherine) :
...
un membre dont la langue maternelle n'est pas le français, même si
celui-ci a, par ailleurs, une connaissance appropriée pour l'exercice de sa
profession. Il arrive aussi qu'un citoyen anglophone entre en contact avec le
bureau du syndic. Dans ces circonstances, il nous paraît important de continuer
de permettre que les >échanges avec le membre soient menés en anglais,
si le membre y consent, bien sûr, afin de s'assurer de la compréhension de la
réponse du membre par le citoyen et de l'intégrité du processus. C'est pourquoi
nous croyons qu'il est important de préserver la possibilité d'utiliser une
langue autre que le français lors d'interactions individuelles, qu'elles soient
verbales, écrites et surtout par courriel, avec des membres.
Sur un autre plan, nous souhaitons
discuter de l'interdiction pour un professionnel de refuser un mandat pour le
seul motif qu'on lui demande d'utiliser la langue française dans sa prestation
de services. Nous sommes d'avis que cet article pourrait entraîner un dilemme
déontologique chez les professionnels, ce qui n'est pas souhaitable pour la
protection du public. En effet, le code de déontologie des avocats précise que
l'avocat doit exercer avec compétence ses activités professionnelles. Or, un
avocat ayant une connaissance appropriée de la langue française devrait tout de
même refuser d'accepter un mandat qui exigerait une prestation de services en
français, tel qu'un contre-interrogatoire ou une plaidoirie complexe ou nuancée,
puisqu'il serait d'avis qu'une maîtrise complète de la langue française serait
requise afin de représenter adéquatement ce client. Cette nouvelle obligation
risque de placer certains professionnels dans une situation impossible et cela
ferait en sorte qu'il serait susceptible de violer soit une obligation prévue
dans le code de déontologie, soit celle prévue à la Charte de la langue
française.
Le troisième point porte sur l'inspection
professionnelle qui se voit octroyer des nouveaux pouvoirs puisqu'elle sera
désormais chargée de procéder à l'évaluation du maintien de la connaissance
appropriée de la langue française chez les membres. Il est souhaitable que ces
pouvoirs puissent être mis en oeuvre de manière efficace, efficiente et qu'ils
portent fruit. Nous souhaitons, sur ces enjeux, pouvoir compter sur l'important
rôle que l'Office québécois de la langue française pourrait jouer en aidant les
ordres professionnels à développer les différents outils nécessaires à cette
activité d'inspection.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit
qu'un professionnel commet un acte dérogatoire s'il ne maintient pas une
connaissance du français appropriée à l'exercice de la profession ou s'il
refuse un mandat pour le seul motif que les services professionnels devraient
être rendus en français. Nous sommes d'avis que cette nouvelle infraction
prévue au Code des professions ne concorde pas avec les différents mécanismes
d'intervention des ordres professionnels pour surveiller la compétence des
membres. En effet, ceux-ci doivent être vus comme un continuum, et l'ordre, tant
l'inspection professionnelle que le syndic, devront analyser au cas par cas les
situations afin de choisir la solution appropriée au cas en espèce.
• (16 heures) •
Dans l'état actuel du droit disciplinaire,
un professionnel qui contreviendrait à ses obligations peut déjà faire l'objet
d'une plainte disciplinaire en vertu de l'article 59.2 du Code des
professions si le syndic juge que le <manquement constitue...
>
16 h (version révisée)
<(Visioconférence)
Mme Claveau (Catherine) :
...par cas les situations afin de choisir la solution appropriée au cas en
l'espèce.
Dans l'état actuel du droit
disciplinaire, un professionnel qui contreviendrait à ses
obligations
peut
déjà faire l'objet d'une plainte disciplinaire en vertu de
l'article 59.2 du
Code des professions si le syndic juge que le >manquement
constitue une faute déontologique et un acte dérogatoire à l'honneur ou à la
dignité de la profession.
Le Barreau du Québec estime donc que le
nouvel alinéa de l'article 59 du Code des professions ne laisse pas assez de
discrétion afin d'évaluer la gravité du manquement en fonction des
circonstances particulières.
Enfin, nous attirons votre attention sur
la modification permettant à toute personne autorisée à obtenir en français
tout document se trouvant dans un dossier d'un professionnel. Cette obligation
risque de devenir très lourde en termes de délais et de coûts pour les
professionnels et leurs clients ainsi que pour les ordres professionnels qui
agissent souvent à titre de cessionnaire et gardien des dossiers de certains
professionnels radiés, décédés ou ayant quitté l'exercice de la profession.
En ce qui a trait maintenant aux mesures
applicables à l'administration de la justice, nous avons analysé le projet de
loi en ayant à l'esprit l'importance de préserver la confiance des citoyens
envers le système de justice. Selon le principe de la suprématie parlementaire,
les pouvoirs du gouvernement provincial sont illimités sous réserve des limites
prescrites par les lois constitutionnelles et la Charte des droits et libertés
de la personne.
Conformément à l'article 33 de la Loi
constitutionnelle de 1982, le projet de loi prévoit une dérogation aux articles 2
et à... 7 à 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Bien que
l'utilisation de la clause dérogatoire soit tout à fait légale, elle ne peut
pas porter sur les droits linguistiques que confère l'article 133 de la
Loi constitutionnelle de 1867. Ainsi, le gouvernement du Québec a toute la
légitimité pour présenter ce projet de loi, mais il doit néanmoins le faire
dans le respect de l'article 133.
Le nouvel article 7.1 de la Charte de la
langue française, qui vient consacrer la primauté de la version française des
lois et règlements sur la version anglaise, pose des difficultés. En effet, il
est peu probable qu'en utilisant les principes d'interprétation moderne
généralement admis une divergence entre la version française et anglaise d'une
loi ne puisse se résoudre et il n'est donc pas nécessaire de prévoir une telle
mesure dans le projet de loi.
De plus, il faut s'interroger sur la
contradiction de l'article 7.1 proposé qui cohabiterait avec l'actuel article
7 de la Charte de la langue française, qui n'est pas modifié par le projet de
loi et qui prévoit que les versions française et anglaise des textes
législatifs et réglementaires ont la même valeur juridique. La prépondérance
ainsi donnée à la version française pourrait être considérée comme visant à
nier le statut d'égalité des versions française et anglaise d'une loi ou d'un
règlement, et cela contreviendrait à l'article 133.
Les nouveaux articles 10 et 11 de la
Charte de la langue française prévoient qu'une version française soit jointe
immédiatement et sans délai à tout jugement rendu par écrit en anglais par un
tribunal judiciaire lorsqu'il <met fin à...
Mme Claveau (Catherine) :
...
d'une loi ou d'un règlement, et cela contreviendrait à l'article 133.
Les nouveaux articles 10 et 11 de
la Charte de la langue française prévoient qu'une version française soit jointe
immédiatement et sans délai à tout jugement rendu par écrit en anglais par un
tribunal judiciaire lorsqu'il >met fin à une instance ou présente un intérêt
pour le public. Or, l'article 133 garantit aux juges la faculté de
s'exprimer dans la langue de leur choix dans leur jugement. La Cour suprême a
établi que ce choix appartient à celui qui parle.
En adoptant une telle exigence, il existe
un risque sérieux que les juges n'exercent pas leur véritable choix protégé par
l'article 133. S'ils choisissaient de l'exercer, cela entraînerait des
délais supplémentaires associés à l'obtention du jugement dans les versions française
et anglaise. Par exemple, on peut penser à un jugement de la chambre de la
jeunesse relié à la garde d'un enfant ou à un jugement portant sur la remise en
liberté d'un accusé attendant la tenue de son procès.
Par ailleurs, le projet de loi vient
préciser qu'il ne peut être exigé d'un candidat à la fonction de juge qu'il ait
la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une autre langue que
la langue officielle, sauf si le ministre de la Justice et le ministre de la
Langue française y consentent. Nous croyons que cette modification importante
au processus de nomination des juges pourrait porter atteinte à l'indépendance
judiciaire et ainsi miner la confiance du public dans l'administration de la
justice.
La Cour suprême a d'ailleurs précisé que
l'indépendance institutionnelle du tribunal relativement aux questions
administratives qui ont directement un effet sur l'exercice des fonctions
judiciaires est une condition essentielle de l'indépendance judiciaire. Ces
questions administratives ont été définies de façon à comprendre l'assignation
des juges aux causes, les séances de la cour, le rôle de la cour ainsi que les
domaines connexes de l'allocation de salles d'audience et de la direction du
personnel administratif qui exerce ces fonctions.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et, Me Claveau, je dois vous interrompre puisque le temps qui vous est
imparti est terminé. Désolée. Je vais aller du côté de M. le ministre.
J'imagine qu'on a aussi reçu votre mémoire, qui permettra certainement aux gens
ici de pouvoir... Non? Vous n'avez pas reçu le mémoire? Donc, on espère qu'on
pourra recevoir vos notes de discours ou votre mémoire pour pouvoir approfondir
les questions dans les échanges et réflexions lors de l'étude du projet de loi.
M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Alors,
merci, Mme la Présidente. Me Claveau, Me Champagne, Me Le Grand
Alary, merci de votre présence en commission parlementaire. Effectivement, on
sera heureux de recevoir votre mémoire écrit.
Me Claveau, justement, là, sur
l'article 11... non, l'article 12 du projet de loi, sur lequel vous venez
de commenter, est-ce que, pour le Barreau du Québec, il est nécessaire, pour
être nommé à la Cour du Québec, d'être bilingue? Est-ce que, dans toutes les
circonstances, tous les juges de la Cour du <Québec...
M. Jolin-Barrette :
...
projet de loi sur lequel vous venez de commenter. Est-ce que, pour
le Barreau du Québec, il est nécessaire pour être nommé à la Cour du Québec
d'être bilingue? Est-ce que, dans toutes les circonstances, tous les juges de
la Cour du >Québec qui sont désignés, qui sont nommés par l'État
québécois pour siéger à la Cour du Québec, doivent tous avoir une maîtrise de
la langue anglaise? Est-ce que c'est la position du Barreau du Québec?
Mme Claveau (Catherine) : Je
répondrais non à cette question, ce n'est pas la position du Barreau du Québec.
M. Jolin-Barrette : D'accord.
Alors, comment est-ce que je dois recevoir vos commentaires en lien avec
l'article 12 s'il y a une exigence systématique de la connaissance de la
langue anglaise pour être nommé à un poste de juge?
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, je vous invite justement, lorsque vous verrez notre mémoire... Nous, l'important,
c'est de mettre l'emphase sur le fait que la fonction de juge, c'est une
charge. Et tout ceci est relié au respect de la séparation des rôles entre le
pouvoir judiciaire, pouvoir exécutif. Et la jurisprudence de la Cour suprême
s'est prononcée à plusieurs reprises, comme j'avais commencé à le dire, là,
pour bien distinguer ces rôles-là. Et cela inclut toutes les questions d'administration
de la justice, de leur cour. Et cela inclut la discrétion d'un juge en chef de
voir si, pour une certaine division, pour assurer le droit du justiciable à
recevoir... à être jugé dans la langue de son choix, c'est un... je vous
rappelle que c'est un droit qui est garanti par l'article 133, c'est un
droit constitutionnel. Alors cette discrétion-là, elle appartient, selon nous
et selon ce qui est prévu à la Loi sur les tribunaux judiciaires, à la Loi constitutionnelle...
c'est un pouvoir qui appartient au juge en chef.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
vais exprimer mon désaccord fortement avec votre prétention, mais je vais
reposer ma question. Est-ce que, pour le Barreau du Québec, pour être nommé
comme juge à la Cour du Québec, il est nécessaire qu'un avocat ayant 10 ans
de pratique, dans toutes les circonstances, doive maîtriser la langue anglaise?
Et je vous rappellerais qu'à la lecture de
l'article 133 chacun des justiciables québécois peut être entendu, en
fait, peut faire des représentations dans la langue de son choix. Même chose
que le juge, également, peut s'exprimer dans la langue de son choix. Mais
est-ce que ça signifie que les 308 juges de la Cour du Québec doivent
maîtriser la langue anglaise au moment de leur nomination? Donc, est-ce que les
25 000 avocats qui souhaitent soumettre leur candidature à titre de
juge doivent avoir une maîtrise de la langue anglaise pour être nommés au
Québec?
Mme Claveau (Catherine) : Je
croyais avoir répondu déjà à la question. Ce <n'est pas la...
M. Jolin-Barrette :
...
maîtriser la langue anglaise au moment de leur nomination? Donc,
est-ce que les 25 000 avocats qui souhaitent soumettre leurs candidatures
à titre de juge doivent avoir une maîtrise de la langue anglaise pour être
nommés au Québec?
Mme Claveau (Catherine) :
Je croyais avoir répondu déjà à la question. Ce >n'est pas la position
du Barreau.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
un autre aspect, au niveau de la langue des jugements, on l'a dit, et vous
l'avez bien dit, le juge, en vertu de l'article 133, peut s'exprimer dans
la langue de son choix et rendre le jugement en anglais ou en français, comme
il le souhaite. Cependant, lorsqu'on est à la Cour suprême ou lorsqu'on est à
la Cour fédérale, bien, il y a des obligations de rendre également le jugement
disponible dans les deux langues officielles. Est-ce qu'il y a un enjeu du fait
que les Québécois et les Québécoises puissent avoir une copie en français du
jugement? Est-ce que ce n'est pas ça, protéger le public, le fait que les
Québécois et les Québécoises puissent avoir une copie d'un jugement au moment
du prononcé d'un jugement final pour comprendre le jugement, que les
justiciables québécois puissent savoir?
• (16 h 10) •
Mme Claveau (Catherine) : Je
suis tout à fait d'accord avec vous, M. le ministre, puis ce n'est pas l'objet
de notre commentaire dans notre mémoire. Je pense que je vais attirer votre
attention sur le fait que le jugement doit être rendu immédiatement et sans
délai pour le justiciable qui est anglophone, on s'entend que c'est un droit...
c'est un service essentiel, la justice. Le justiciable a le droit... Par
exemple, l'article 530, paragraphe 1° du Code criminel, une personne
qui est accusée a le droit d'avoir le procès dans la langue... dans sa langue
maternelle, l'une des deux langues. Si c'est l'anglais, dans ce cas-ci, et
que le jugement est rendu en anglais, et qu'on oblige la traduction immédiate
et sans délai, et que, pour des raisons administratives, cette traduction-là,
immédiate et sans délai, ne peut pas se faire, bien, le jugement, il est comme
réputé ne pas avoir été rendu. Ce qui fait que ce justiciable-là, par exemple,
qui serait en attente d'une remise en liberté, bien, resterait emprisonné le
temps que la traduction de son jugement se fasse. Alors, c'est dans ce sens-là.
Mais, pour répondre... Je vous avais
répondu, au début, à votre question, pour le droit du justiciable d'avoir un
jugement en français, qui le veut en français, pour nous, on ne peut pas être
contre ça, le Barreau, ce n'est pas ça notre position.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Donc, je comprends que c'est un enjeu administratif et non pas légal? Donc,
votre crainte...
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, plus que ça, c'est un droit fondamental. Pour certains cas, si le fait
d'exiger une traduction presque immédiate du jugement fait en sorte que cette
obligation de traduction là pourrait faire attendre quelques jours,
effectivement, si la traduction ne peut se faire, là, de façon simultanée, si
on n'a pas l'organisation suffisante pour le faire...
M. Jolin-Barrette : Mais, au
fédéral, notamment la Cour suprême, notamment la Cour fédérale, qui sont régies
par la Loi sur les langues officielles, ce sont des dispositions qui sont
présentes, et eux, ça fonctionne. Alors, pour l'État fédéral, ça serait
correct, mais, pour les tribunaux québécois, là on ne pourrait pas faire ça,
là. Ça fonctionne au <fédéral...
M. Jolin-Barrette :
...
Mais au fédéral, notamment la Cour suprême, notamment la Cour fédérale, qui
sont régies par la Loi sur les langues officielles, ce sont des dispositions
qui sont présentes, et eux, ça fonctionne. Alors, pour l'État fédéral, ça
serait correct, mais pour les tribunaux québécois, là on ne pourrait pas faire
ça, là. Ça fonctionne au >fédéral.
Mme Claveau (Catherine) : Je
ne répondrai pas vraiment à cette question-là. Si ça fonctionne au fédéral,
tant mieux. Mais ce que nous, on tient à dire, c'est que le service... le droit...
le service de justice, c'est un service essentiel du citoyen, et le citoyen de
langue anglophone a le droit d'avoir un procès dans la langue de son choix, notamment.
M. Jolin-Barrette : Et là-dessus
je suis 100 % d'accord avec vous sur cette position-là. Et je l'ai toujours
dit, avec le projet de loi n° 96, tous les droits de la communauté
d'expression anglaise seront respectés et... vont être respectés. La question
est de savoir, par contre... et les dispositions législatives qu'on met en
place, c'est : Est-ce qu'il peut y avoir davantage d'accès au français?
Est-ce qu'on peut faire en sorte que les justiciables québécois puissent
recevoir un jugement dans leur langue, en français, ou c'est uniquement une
version anglaise qui est disponible? Alors, c'est le sens. Et je l'ai dit, il n'y
a aucun droit qui est retiré à la communauté anglophone, et, surtout, l'article 133
s'applique. Mais, à l'intérieur de l'article 133, est-ce qu'il y a une
possibilité de faire en sorte de promouvoir le français? Moi, je crois que oui.
Je comprends que le Barreau a certaines réserves.
Sur la question de l'article 7.1 qu'on
insère également, tout à l'heure, vous avez dit : Au niveau de
l'interprétation, les textes français et anglais ont une valeur égale au Québec,
en vertu de l'article 133, que ça soit les lois et les règlements qui sont
adoptés par le gouvernement du Québec. Cela étant, dans l'article 7.1, on
indique : «En cas de divergence entre les versions française et anglaise
d'une loi, d'un règlement ou d'un autre acte visé au paragraphe 1° ou 2°
de l'article 7 que les règles ordinaires d'interprétation ne
permettent pas de résoudre convenablement, le texte français prévaut.» Vous me
direz, Me Claveau, est-ce que ça arrive parfois que le juge, lorsque les
règles d'interprétation ne permettent pas de résoudre une question
d'interprétation... fait en sorte que le juge lui-même vient réécrire la
disposition pour dire : Ah! la véritable intention du législateur était
celle-ci. Est-ce que ça arrive?
Mme Claveau (Catherine) : Je
vais inviter ma collègue Me Sylvie Champagne à répondre à cette question.
Mme Champagne (Sylvie) : M.
le ministre, ce que nous disons, c'est qu'en application des règles
d'interprétation, avec les deux versions, le juge, ce qu'il va regarder, c'est effectivement
de rechercher l'intention. Mais il ne va pas regarder juste les textes, il va
regarder également quelle est la finalité, quelle est... Des fois, ils vont
aller chercher les débats parlementaires puis ils vont regarder aussi la
disposition dans son contexte, puis ils vont lui donner l'interprétation qui
fait le plus de sens. Et notre position, c'est qu'on n'a pas besoin de donner
une préséance à la version <française...
Mme Champagne (Sylvie) :
... il va regarder également quelle est la finalité, quelle est... Des fois,
ils vont aller chercher les débats parlementaires puis ils vont regarder aussi
la disposition dans son contexte, puis ils vont lui donner l'interprétation qui
fait le plus de sens. Et notre position, c'est qu'on n'a pas besoin de donner
une préséance à la version >française parce que les tribunaux vont être
capables, en regardant les deux textes qui ont valeur égale, de trouver
l'intention du législateur.
M. Jolin-Barrette :
Donc, si je vous suis, si jamais il y a ambiguïté au niveau des textes et que
les règles d'interprétation normales ne permettent pas de résoudre le conflit,
donc le juge est face à ces deux textes, ils ont une valeur égale. Il a
appliqué toutes les règles d'interprétation qui ont été édictées notamment par
la jurisprudence, mais il se retrouve dans un cul-de-sac. Alors, vous, vous
préférez laisser ce pouvoir-là au juge, de dire : Bien, je vais arranger
la version, c'est comme ça que ça va être interprété, plutôt que de permettre
au législateur de dire : Malgré toutes les différentes étapes qui ont été
prescrites, notamment par la jurisprudence, au niveau des règles d'interprétation,
la valeur égale des textes, vous dites : En bout de ligne, l'État québécois
ne devrait pas dire qu'est-ce qui... comment ça doit être interprété à la fin,
on laisse la discrétion judiciaire. C'est la position du Barreau.
Mme Champagne (Sylvie) :
Non. En fait, on laisse l'intention au législateur, au gouvernement, et donc c'est
en regardant les deux versions, de chercher l'intention du législateur, donc le
juge interprète. Mais il arrive, puis ça ne sera pas le seul cas où, des fois,
les lois doivent être précisées suite à la jurisprudence... et, si le législateur
n'est pas d'accord avec l'interprétation que les tribunaux a donnée, vont venir
modifier les lois pour réécrire quelle est la véritable intention du
législateur. Donc, ça, ça arrive, et même avec une version française qui est
parfaitement claire. Donc, pour nous, c'est vraiment de laisser les principes d'interprétation
des lois résoudre les difficultés d'interprétation.
M. Jolin-Barrette : Et
là, dans ce cas-ci, on est avec un texte de loi, avec des législateurs autour
de la table qui souhaitent amener une précision sur l'intention du législateur.
Et là vous êtes en train de nous dire : Vous ne devriez pas spécifier
l'intention du législateur. On devrait maintenir le statu quo, laisser ça comme
ça, et que le législateur, lui, ne vienne pas préciser son intention.
Mme Champagne (Sylvie) :
Mais je vous dirais que, M. le ministre, ce qu'on demande, c'est de respecter
ce que prévoit l'article 133 de la Constitution à l'effet que les deux
versions ont valeur égale. Donc, on ne peut pas préférer une version sur une
autre.
M. Jolin-Barrette :
D'accord. Sur la question de l'ordre professionnel et des communications, le
projet de loi permet la communication en anglais avec le public. Donc, ça, c'est
très clair, il n'y a pas de modification qu'ils sont venus apporter avec ça.
Mais, par contre, vous avez fait comme commentaire tout à l'heure,
Me Claveau, le fait que vous vouliez maintenir la possibilité de
communiquer en anglais avec un membre pour des raisons déontologiques ou
autres. Mais, en même temps, le membre avocat qui doit maintenir une
connaissance <appropriée de la...
M. Jolin-Barrette :
... Mais, par contre, vous avez fait comme commentaire tout à l'heure,
Me Claveau, le fait que vous vouliez maintenir la possibilité de
communiquer en anglais avec un membre pour des raisons déontologiques ou
autres. Mais, en même temps, le membre avocat qui doit maintenir une
connaissance >appropriée de la langue française, c'est un juriste, c'est
un avocat, vous pensez réellement que, pour des motifs déontologiques, pour lui
expliquer une décision, il n'est pas en mesure de comprendre le français?
Je me questionne parce que, s'il doit
maintenir, tout au long de l'exercice de sa profession, une connaissance
appropriée du français, il va être capable de communiquer avec le syndic.
Mme Claveau (Catherine) :
Tout d'abord, c'est important de savoir que la majorité de nos communications
avec nos membres au Barreau du Québec, ça se fait en français, sauf exception.
Nous sommes d'avis que le libellé de l'article, au moment où on se parle, ne
prévoit pas quelques cas d'exception. Je vais vous donner un exemple. Le syndic
appelle un membre qui a une plainte d'un client anglophone. Et au cours de la
conversation, au cours des communications, il y a, disons, un... c'est un
dossier très technique, avec des termes en anglais, et ce qui permettrait au
membre de donner la meilleure explication possible, ce serait de pouvoir, au
fil de la même conversation, pouvoir faire des passages en anglais, pas
exclusivement en français. C'est une question de protection du public en même
temps, qu'on soit capable, là, d'aller chercher et de donner les informations
plus précises.
Et, à ce moment-là, peut-être que ça prend
une connaissance plus grande que celle qui est la connaissance, là, qui existe,
de toute façon, actuellement, qui est une connaissance appropriée du français.
Alors, c'est dans des cas vraiment d'exception, je tiens à le redire, ce n'est
pas pour ouvrir une grande brèche qui va permettre au plus de membres possible
de pouvoir communiquer avec l'ordre en anglais.
M. Jolin-Barrette : Mais vous
convenez avec moi que n'importe quel membre du Barreau qui exerce sa profession
au Québec doit avoir une connaissance appropriée pour servir les citoyens en français.
• (16 h 20) •
Mme Claveau (Catherine) : Je
conviens parfaitement, et d'ailleurs c'est déjà prévu par la charte, et même
avant qu'elle soit modifiée. C'est une base, c'est un critère qui permet aux
membres, là, d'exercer la profession, une connaissance appropriée.
M. Jolin-Barrette : Et tout à
l'heure vous avez abordé le fait de dire : Bien, est-ce qu'il va devoir se
délester d'un mandat s'il n'a pas la connaissance appropriée de la langue spécifiquement
s'il ne le sent pas? Et je sentais que vous aviez un questionnement à cet
effet-là, mais est-ce vraiment différent que lorsqu'un membre du Barreau n'a
pas une connaissance appropriée d'un domaine de droit? Je crois bien que les obligations
déontologiques font en sorte qu'il ne peut pas effectuer le mandat. Supposons
que vous n'avez jamais fait de droit des assurances puis que vous avez fait du
criminel toute votre vie, je ne pense pas que, du jour au lendemain, vous
pouvez commencer une pratique en matière de droit des assurances. C'est un peu
la même chose pour la langue, non?
Mme Claveau (Catherine) :
Vous avez raison. Puis, lorsque vous allez lire notre mémoire, vous allez
comprendre où est-ce qu'on s'en va avec ça. C'est que le nouvel article de loi
prévoit comme une nouvelle infraction <qui est...
M. Jolin-Barrette :
... en matière de droit des assurances. C'est un peu la même chose pour la
langue, non?
Mme Claveau (Catherine) :
Vous avez raison. Puis lorsque vous allez lire notre mémoire, vous allez
comprendre où est-ce qu'on s'en va avec ça. C'est que le nouvel article de loi
prévoit comme une nouvelle infraction >qui est surveillable et
punissable par le syndic, par exemple, qui est de ne pas pratiquer le français,
là, dans une langue appropriée. Et je réfère surtout à l'article qui dit qu'un
professionnel ne pourrait pas refuser un mandat parce qu'il ne se sent pas à
l'aise dans la langue française.
Voici un exemple concret. J'ai un mandat
tout à fait technique. Je suis... Ma langue, mettons, maternelle est anglaise,
mais j'ai une connaissance appropriée de la langue française, mais je sais que
ce dossier-là va être très «touchy», qu'il va y avoir des
contre-interrogatoires serrés, et, même si j'ai une connaissance appropriée de
la langue, dans certains, encore, enjeux techniques ou précis, le professionnel
ne se sent pas assez compétent pour accepter le mandat.
Vous allez voir, dans le mémoire, ce qu'on
vous dit, c'est que, si vous maintenez cette exigence-là, on vous propose de
prévoir l'option, si jamais c'était le cas, justement en raison de l'obligation
de compétence, ce serait d'ouvrir et de permettre au professionnel qui est face
à cette situation-là... de son obligation de référer le dossier à un confrère
pour s'assurer que ce confrère-là ait une connaissance plus grande du français
pour servir ce citoyen-là. Encore une fois, protection du public. Protection du
public, ça mérite d'avoir un avocat qui connaît bien le français puis qui prend
bien son dossier en main.
Donc, ce serait de peut-être bonifier
l'article en offrant la possibilité à l'avocat qui sent qu'il n'a pas suffisamment
de connaissance en français de pouvoir le référer à un collègue. C'est un peu
comme les médecins qui, dans des cas comme ça, peuvent référer à un collègue.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre... Désolée, Me Claveau...
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie, Me Claveau. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Je dois mettre fin à l'échange. Donc, Mme la députée de
Marguerite-D'Youville, vous avez 11 min 20 s pour vous.
Mme David : Il y avait deux
Marguerite : Bourgeoys et D'Youville
La Présidente (Mme Thériault) :
Ah! excusez-moi.
Mme David : Mais ce n'est pas
grave, les deux sont passées à l'histoire, alors ça va bien. Bonjour, Mme la
bâtonnière. Bonjour, ceux et celles qui accompagnent.
Écoutez, je vais aller tout de suite sur,
justement, l'article 12, qui est l'article 5 du projet de loi
n° 96 sur la nomination des juges. Ce que l'on constate à la lecture de
l'article, c'est que, d'abord, il n'existait pas dans la Charte de la langue
française actuelle. Si on comprend bien, c'est un nouvel article, cet
article 12, où il est marqué qu'«il ne peut être exigé de la personne
devant être nommée à la fonction de juge qu'elle ait la connaissance ou un
niveau de connaissance spécifique d'une langue autre que la langue officielle
sauf si le ministre de la Justice et le ministre de la Langue française
estiment que, d'une part, l'exercice de cette fonction nécessite une telle
connaissance et que, d'autre part, tous les moyens raisonnables ont été pris
pour éviter d'imposer une telle exigence».
Est-ce que j'ai raison de penser que,
jusqu'à l'adoption de ce projet de loi, il n'existe pas une telle disposition
que cette <disposition liée...
Mme David : ...
française estiment que, d'une part, l'exercice de cette fonction nécessite une
telle connaissance et que, d'autre part, tous les moyens raisonnables ont été
pris pour éviter d'imposer une telle exigence».
Est-ce que j'ai raison de penser que
jusqu'à l'adoption de ce projet de loi, il n'existe pas une telle disposition
que cette >disposition liée à l'interdiction du bilinguisme?
Mme Claveau (Catherine) :
Oui, vous avez raison de penser ça.
Mme David : Donc, un juge,
jusqu'à maintenant, et jusqu'à l'adoption éventuelle du projet de loi s'il
n'est pas amendé, le ministre n'a pas à intervenir dans la question
linguistique, même s'il signe en bout de ligne. Le ministre de la Justice, je
parle, puisqu'il n'existe pas, pour l'instant, cette addition du ministre de la
Langue française, mais il n'a pas à regarder cette question. Il prend la recommandation,
j'imagine, de la juge en chef.
Mme Claveau (Catherine) : C'est
ça. Ça fait partie des pouvoirs de...
Mme David : Des pouvoirs de
la... Quand vous dites que c'est une atteinte à l'indépendance judiciaire — on
entend souvent ça, nous, les profanes, là, les civils qui ne sont pas nécessairement
avocats — <atteinte à l'indépendance judiciaire, >c'est
que ça fait partie de ce concept d'indépendance judiciaire, la nomination des
juges et la façon de décrire les postes, si on veut. J'ai besoin d'un juge
bilingue parce qu'il y a un volume tel de... bon. Bien, je vais aller sur les
délais après.
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
écoutez, d'abord, je reviens à la base, les juges ne sont pas les représentants
de l'État, ils remplissent une charge. Et c'est très important de respecter le
principe d'indépendance judiciaire pour notamment obtenir la confiance du
public dans l'administration de la justice.
Et ce rôle-là, et, lorsque vous aurez
l'occasion de lire notre mémoire, on l'explique très bien, on fait référence au
jugement qui consacre ce rôle-là en vertu de nos lois constitutionnelles, et ça
implique, pour le juge... qu'il appartient au juge, là, de décider de ses
rôles, de gérer sa cour. Et ça va jusqu'à... selon les besoins de chaque
district ou de chaque division, s'il y a un besoin d'une personne bilingue ou
non.
Mme David : Mais, si je ne me
trompe pas, la nomination des juges aboutit quand même au Conseil des ministres.
Mme Claveau (Catherine) : C'est
exact, le dernier mot... Mais, au Québec, vous avez, depuis la commission
Bastarache, là, un processus qui est très rigoureux, qui est composé de, bon...
Alors, c'est supposé d'être non partisan, mais effectivement, tout de même, la
décision finale va au bureau du ministre.
Mme David : Mais ce que vous
dites, c'est que la question de la description de tâches ou des exigences, entre
autres, linguistiques n'existait pas avant, puisque l'article 12
n'existait pas. Donc, c'était au juge en chef de dire : J'aurais besoin
d'un juge bilingue ou je n'ai pas besoin d'un juge bilingue. À la limite, peut-être
qu'avec la commission Bastarache le ministre pourrait dire : Bien non,
moi, je pense que tu n'as pas besoin d'un juge bilingue. Il aurait pu faire ça
même sans l'article 12, mais ça ne faisait pas partie nécessairement des
coches à remplir. Là, ça fait partie des coches, il faut que le ministre
autorise le juge avant que le juge affiche le poste. C'est ce que je comprends.
Mme Claveau (Catherine) : C'est
ça, oui.
Mme David : O.K. Maintenant,
les délais, <parce que...
Mme David : ... tu n'as
pas besoin d'un juge bilingue. Il aurait pu faire ça même sans l'article 12,
mais ça ne faisait pas partie
nécessairement des coches à remplir. Là,
ça fait partie des coches, il faut que le
ministre autorise le juge
avant que le juge affiche le poste. C'est ce que je comprends.
Mme Claveau (Catherine) :
C'est ça, oui.
Mme David :
O.K.
Maintenant,
les délais, >parce que, là, écoutez, je ne suis pas une spécialiste de
tout ça, mais les délais, il peut y avoir toute sorte de monde qui se présente.
Il y a des arrestations pendant la fin de semaine. Il y a des audiences qui
doivent aller vite, etc. Les accusés, entre guillemets, ont raison... on le
droit d'avoir une audience en anglais ou en français, selon l'article 133.
Justement, vous y référez beaucoup. Avez-vous peur que, justement, s'il y a
moins de juges bilingues, ça... déjà les cours sont embourbées, les délais sont
très grands. Est-ce que ça peut augmenter, ces délais-là?
Mme Claveau (Catherine) :
Dans notre mémoire, on fait allusion effectivement à ça, qu'il y a quand
même... surtout depuis l'arrêt Jordan, là, qui nous oblige quand même à
rendre une justice de manière diligente et sans délai, bien, le fait,
justement, là, d'obliger la traduction des jugements immédiatement, comme j'ai
dit tout à l'heure, pourrait faire... avoir une incidence sur les délais.
Mme David : Puis on sait
déjà que les délais, des fois, peuvent être assez longs avant de passer en cour
ou... bon.
Maintenant, je vais aller sur justement
l'inspection professionnelle. Je l'ai posée à d'autres ordres professionnels
parce que tous les ordres sont évidemment rejoints par ça. Donc, évaluer la
qualité de la langue française, j'ai noté que vous en avez vraiment parlé, et
vous faites appel presque au secours à l'OQLF pour dire : Comment on va
faire ça?
Moi, de ma compréhension, mais là je ne
suis plus membre d'un ordre professionnel, mais j'ai été inspectrice moi-même,
je n'évaluais évidemment pas la qualité de la langue, on était inspecteurs,
inspectrices pour nos qualités de la... liées à la profession, pas liées à la
langue. Alors, est-ce que c'est le cas dans votre ordre professionnel? Les
inspecteurs sont des avocats en pratique, habituellement, et ils font des visites,
il y a des... bon, et ils vont devoir évaluer un aspect qui ne fait pas partie
de leur compétence première, c'est-à-dire la langue, c'est transversal, c'est
tout... ça va s'appliquer à tous les ordres professionnels. Comment vous voyez
ça? Ça va faire partie de votre rôle maintenant dans l'inspection.
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, écoutez, on l'indique dans notre mémoire, on comprend que ça va faire
partie d'une nouvelle responsabilité, un nouveau rôle, mais ce qu'on indique
cependant, c'est qu'on va vraiment avoir besoin de l'assistance et de la
collaboration des gens de l'Office québécois de la langue française. Alors, c'est
pour nous... et je crois que tous les autres ordres professionnels sont du même
avis, c'est quand même une nouvelle charge. Et, par rapport aux critères de
suffisance ou non, on aura sûrement besoin de l'aide de l'Office québécois de
la langue française, là, pour nous assister dans ce contrôle-là, si vous me
permettez l'expression.
• (16 h 30) •
Mme David : Et j'ai
l'impression qu'il n'y a aucun ordre à date qui a appelé au secours l'OQLF pour
dire : Qu'est-ce qu'on fait avec ça? Parce que ce n'est pas juste
d'inspecter la qualité de la langue, mais après c'est le maintien. Ça dure
longtemps, une carrière. Là, ça peut durer <40 ans...
>
16 h 30 (version révisée)
<
(Visioconférence)
Mme Claveau (Catherine) :
...suffisance, ou non, on aura sûrement besoin de l'aide de
l'Office
québécois de la langue française, là, pour nous assister dans ce contrôle-là,
si vous me permettez l'expression.
Mme David : Et j'ai
l'impression qu'il n'y a aucun ordre, à date, qui a appelé au secours l'OQLF
pour dire : Qu'est ce qu'on fait avec ça ou...
Parce que ce n'est
pas juste d'inspecter la qualité de la langue, mais après, c'est le maintien.
Puis ça dure longtemps une carrière, là, ça peut durer >40 ans.
Mme Claveau (Catherine) :
Même chose.
Mme David : Comment on
maintient, quand on est... Vous allez être responsable du maintien d'une
qualité... de l'évaluer en premier, mais la réévaluer, comme on va chez le
médecin à tous les ans, ou à tous les deux ans, ou à tous les cinq ans. Il
n'y a pas de prise de sang, là, pour la qualité de la langue.
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, j'avoue, Mme David, qu'on partage les mêmes préoccupations.
Mme David : O.K. Bien oui,
c'est un petit peu inquiétant.
Maintenant, les ordres professionnels,
vous avez parlé de communication aux membres, communication individuelle. Mais
moi, je veux vous amener un peu plus sur un mandat, par exemple, en
contre-interrogatoire, d'interroger ou de contre-interroger un client, et il
maîtrise la langue, mais pas suffisamment pour faire ça. C'est une de vos
craintes que ça ne donne pas le service nécessaire au client, on pourrait dire,
ou, dans ce cas-ci, c'est l'accusé, ou c'est le prévenu, ou je ne sais trop?
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, écoutez, ça...
Mme David : S'il n'est pas
capable de maîtriser la langue.
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, c'est parce que c'est sûr que le seuil, là, qui n'a pas changé,
d'ailleurs, le niveau de connaissance pour les professionnels, ce n'est pas ça
qui est en question, c'est plus quand il va vraiment avoir des questions plus
techniques, plus importantes, plus pointues pour un client anglophone,
peut-être que ça pourrait nécessiter que ce soit un avocat qui soit plus
compétent, là, en français ou en anglais. Donc, c'est tout vérifier, toute la
question de compétence versus la connaissance de la langue, pour nous, c'est
des enjeux, là, qui s'entremêlent, puis c'est important toujours, là, pour
offrir le meilleur service, là.
Mme David : Et c'est là où la...
peut se mêler à la qualité de la langue, c'est-à-dire si le procureur dit :
Moi, je n'ai pas la compétence pour contrer-interroger parce que... donc, je ne
rendrai pas service à la personne.
Mme Claveau (Catherine) :
Voilà. On peut s'intéresser... C'est pour ça qu'on propose que, dans ces
cas-là, il pourrait y avoir ouverture à l'avocat de référer le dossier à un collègue
plus connaissant dans la langue officielle.
Mme David : Oui.
Mme Claveau (Catherine) : Et,
à ce moment-là, bien, il ne violerait pas la nouvelle obligation où on l'oblige
de servir le justiciable en français.
Mme David : Il y a quelque
chose qui m'inquiète beaucoup, mais vous aussi, vous semblez être inquiète,
c'est la fameuse gradation de l'article 35.1, là, l'infraction qui est un
acte dérogatoire grave si la personne ne maintient pas la connaissance du français,
et que c'est une infraction qui est placée au même niveau, dans cet article du Code
des professions, que collusion, corruption, agression sexuelle, abus sexuel,
abus de pouvoir, etc. Pourquoi pensez-vous... Bien, vous êtes juriste, là.
Pourquoi vous pensez que le ministre a mis ça à ce tel niveau de gravité? Et
pourquoi il n'y a pas, comme vous dites... Vous, vous dites : Ramenons ça
à la déontologie, ramenons ça au syndic, peut-être, mais <pourquoi...
Mme David : ... agression
sexuelle, abus sexuel, abus de pouvoir, etc. Pourquoi pensez-vous... Bien, vous
êtes juriste, là. Pourquoi vous pensez que le ministre a mis ça à ce tel niveau
de gravité? Et pourquoi il n'y a pas, comme vous dites... Vous, vous dites :
Ramenons ça à la déontologie, ramenons ça au syndic peut-être, mais >pourquoi
aller au niveau, on pourrait dire, d'une peine maximum?
Mme Claveau (Catherine) : Écoutez,
c'est difficile pour moi de vous donner mon opinion par rapport à ça. Moi, je
suis vraiment... Vous savez, nous autres, au Barreau, on est ici pour éclairer
la cour, pour voir avec eux les enjeux, les écueils. Puis, dans ce cas-ci,
peut-être qu'on peut parler d'un exemple concret. Par exemple, il me semble
que, tu sais, il faut faire confiance quand même au jugement de nos
professionnels. Il y a parfois des infractions qui mériteraient d'avoir une
plainte d'un syndic. Disons que c'est un professionnel qui néglige de suivre
la... de se perfectionner en français. Il a été averti une fois, deux fois, trois
fois. Là, on pourrait aller jusqu'à dire : Bien là, là, c'est rendu que tu
l'atteins, l'honneur à la dignité de la profession. Donc, voici, je propose de
te radier. Ça, ça pourrait exister.
Maintenant, ça ne sera pas tous des cas
comme ça. Il va peut-être avoir la personne qui fait les efforts mais qui, pour
certaines circonstances, fait une première, disons, infraction, n'a pas la
compétence qu'on considère, mettons, convenable, mais qui promet de prendre des
cours, de s'améliorer. Alors, à ce moment-là, l'inspection professionnelle ou
le syndic pourrait avoir une discrétion, surveiller le membre, mais pas aller
tout de suite le condamner, tel qu'on peut le faire sur... comme vous avez
donné comme exemple, les autres articles où est-ce que c'est vraiment, là, une
atteinte à l'honneur, à l'intégrité, à...
Mme David : Ce que vous me...
La Présidente (Mme Thériault) :
Non, je suis désolée, Mme la députée.
Mme David : Ah! c'est fini.
La Présidente (Mme Thériault) :
Malheureusement, il n'y a plus de temps, donc je dois mettre fin à l'échange.
Et je vais me permettre de faire une petite mise au point avant de passer la
parole à notre collègue la députée de Mercier. Me Claveau, mes collègues
ont tous dit : Je n'ai pas reçu le mémoire. Donc, j'étais très surprise
puisqu'on a constaté que le mémoire a été acheminé rapidement aux membres du
Barreau. Il a été... Et j'ai fait des vérifications.
Donc, je tiens à dire à mes collègues :
Nous avons reçu le mémoire au secrétariat vendredi. Pour une raison que je ne
suis pas capable de vous expliquer, il n'a pas été transmis aux parlementaires.
Donc, vous m'en voyez désolée. On va vérifier nos processus à l'interne pour
s'assurer que ça ne se reproduise pas, parce que, pour avoir été assise dans
vos sièges, je sais pertinemment bien, autant le ministre que les députés, peu
importe leur fonction, désirent prendre connaissance des mémoires. C'est la
manière de se préparer pour pouvoir mieux avoir des échanges avec vous, et
poser les questions pertinentes, et de comprendre, souvent, les prises de position
qui sont faites par nos invités.
Donc, je pense qu'il est important de
faire cette mise au point là. Donc, sans plus tarder, je vais passer la parole
à ma collègue la députée de Mercier. Et nous allons s'assurer que ça n'arrive
plus dans le secrétariat qui touche notre commission. Merci.
Mme Ghazal : Très bien. Merci.
Mme Claveau (Catherine) : Merci,
Mme la Présidente. Je tiens à dire que ça me rassure, parce que moi, j'ai
tellement vérifié ça vendredi dernier, que ce soit fait. Alors, ouf! Nous, on
l'a transmis. Mais je suis désolée quand même, parce qu'effectivement ça aurait
été plus productif. Allez-y, je ne veux pas vous faire perdre votre temps.
La Présidente (Mme Thériault) :
Pas de problème, ce n'est pas chez vous. J'ai vérifié parce qu'il y avait
vraiment un malaise ici. Donc, Mme la députée de Mercier, c'est à vous.
2 min 50 s.
Mme Ghazal : Merci. Merci, mais
on vous a écoutées <attentivement...
Mme Claveau (Catherine) :
... moi, j'ai tellement vérifié ça, vendredi dernier, que ce soit fait. Alors,
ouf!, nous, on l'a transmis. Mais je suis désolée quand même, parce
qu'effectivement ça aurait été plus productif. Allez-y, je ne veux pas vous
faire perdre votre temps...
La Présidente (Mme Thériault) :
Pas de problème, ce n'est pas chez vous. J'ai vérifié, parce qu'il y avait
vraiment un malaise ici. Donc, Mme la députée de Mercier, c'est à vous.
2 min 50 s.
Mme Ghazal : Merci. Merci.
Mais on vous a écouté >attentivement, ce qui fait que je vais pouvoir
vous poser des questions dans mon 2 min 45 s.
Par rapport à la clause dérogatoire, vous
dites qu'elle est anticonstitutionnelle à cause de l'article 133, mais il
y a d'autres constitutionnalistes, comme, juste avant vous, M. Benoît
Pelletier... dit exactement le contraire. Est-ce que vous pouvez expliquer plus
en détail pourquoi est-ce que le projet de loi n° 96
contrevient à l'article 133?
Mme Claveau (Catherine) :
Excellente question. Je vais passer la question à Me Sylvie Champagne, qui sera
mieux à même de vous répondre.
Mme Champagne (Sylvie) :
Alors, ce qu'on... on ne dit pas que le projet de loi n° 96
est complètement inconstitutionnel. La clause dérogatoire, comme Me Pelletier
l'a expliqué tout à l'heure, c'est que ça permet de déroger à certaines
dispositions de la Loi constitutionnelle de 1982, donc les articles 2 et 7
à 15 de la charte. Et ça ne permet pas de déroger à l'article 133 de la
Loi constitutionnelle de 1867. Et donc certaines dispositions, selon notre
opinion, risquent d'être contestées, du projet de loi n° 96,
parce qu'elles violeraient l'article 133, auquel on ne peut pas déroger.
Mais, je vous rassure, les clauses
dérogatoires, on peut les utiliser, ça permet de valider certaines autres
dispositions du projet de loi n° 96. Ce n'est pas
tout le projet de loi n° 96 qui risque d'être
contesté.
Mme Ghazal : Quelles
dispositions du projet de loi? Parce que vous dites que ce n'est pas
l'ensemble, mais certaines. Ce seraient lesquelles, si vous pouvez en nommer?
Mme Champagne (Sylvie) :
Bien, quand vous aurez le mémoire, vous allez le voir, mais c'est surtout au
niveau de l'article 7.1 de la Charte de la langue française. Par contre,
je tiens à dire que l'article 8, tel que modifié, il serait
constitutionnel en vertu de l'arrêt Blaikie, le deuxième, de la Cour suprême du
Canada. Donc, ça, ce serait constitutionnel. Ensuite, les articles qui
demandent que les jugements soient traduits immédiatement, on pense que ça
pourrait violer aussi l'article 133. Je pense que cet article-là, c'est
l'article 10.
Mme Ghazal : Vous avez raison,
on va pouvoir regarder tout, oui, on va pouvoir...
Mme Champagne (Sylvie) : 10
et 11. Voilà.
Mme Ghazal : Parfait. Et puis
donc ce serait possible d'utiliser la clause dérogatoire pour ces
dispositions-là, là — puis on va regarder votre
mémoire — au lieu de l'utiliser partout, pour toute la loi.
J'avais une autre question rapidement. Est-ce
que vous êtes d'accord avec le principe que tous les membres des ordres
professionnels doivent maîtriser le français, même s'ils travaillent dans des
institutions anglophones?
Mme Claveau (Catherine) :
Oui, parce que, vous savez, de toute façon, actuellement, cette exigence-là ne
contient pas ces exceptions-là. Et, comme je l'ai dit tout à l'heure, la
majorité de nos membres pratiquent en français, et le <maintien de...
Mme Ghazal : ...
des
institutions anglophones?
Mme Claveau (Catherine) :
Oui, parce que, vous savez, de toute façon, actuellement, cette exigence-là ne
contient pas ces exceptions-là. Et comme je l'ai dit, tout à l'heure, la
majorité de nos membres pratiquent en français, et le >maintien de cette
obligation-là pour l'ensemble des membres, nous sommes tout à fait en faveur de
cela.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, Me Claveau. Je vais aller maintenant du côté du député de
Matane-Matapédia. M. le député.
• (16 h 40) •
M.
Bérubé
:
Merci, Mme la Présidente. Bienvenue dans cette commission. Ma première question :
Combien de vos membres, à votre connaissance, ont une pratique unilingue en
anglais?
Mme Claveau (Catherine) : Je
n'ai pas les statistiques exactes, là, mais ce n'est certainement pas une
majorité de nos membres qui pratiquent en... J'ai quelques chiffres que je peux
vous donner, et ce sont des chiffres qu'on a pris dans la dernière inscription
annuelle, donc en mars 2021. Nous avons 84 % d'avocats qui ont comme
langue maternelle le français. On a 10 % d'avocats qui ont comme langue
maternelle l'anglais. Le nombre d'avocats ayant une autre langue parlée,
français, c'est un pourcentage de 16 %. Le nombre d'avocats ayant une
autre langue parlée, l'anglais, est 84 %. Et le nombre d'avocats ayant une
autre langue parlée autre que le français ou l'anglais, 18 %. Donc, ce
sont les... Ce n'est peut-être pas une réponse directe à votre question, mais
ce sont les statistiques que je peux vous donner.
M. Bérubé : Parce que ça conditionne
tout le reste. Si vous faites les représentations que vous faites, notamment
quant à la connaissance du français, ça doit s'appuyer sur des données
probantes, une fine connaissance de vos membres. C'est important de le savoir.
J'imagine, je ne suis pas un juriste, mais que, pour obtenir son permis de
pratique, ça prend une connaissance suffisante du français, n'est-ce pas?
Mme Claveau (Catherine) :
Bien sûr.
M. Bérubé : Bon, c'est une des
conditions. Alors, des avocats ont une connaissance satisfaisante du français,
et choisissent d'exercer leur profession qu'en anglais — c'est bien
ça? — et vous demandent de nous dire de ne rien changer.
Mme Claveau (Catherine) : Ce
n'est pas ce que je dis.
M. Bérubé : C'est ce que je
dis.
Mme Claveau (Catherine) :
C'est ce que vous dites, d'accord, mais ce n'est pas ce que le Barreau pense et
ce n'est pas ce que le Barreau prône.
M. Bérubé : Ah! bien là,
éclairez-moi, maître.
Mme Claveau (Catherine) : Je
répète qu'on est en faveur de l'objectif de renforcer la langue française à
titre de langue de la législature et de la justice puis aussi de favoriser
l'utilisation de la langue française pour nos membres. C'est ce qu'on
privilégie.
M. Bérubé : D'accord. Mais il
y a des éléments du projet de loi du ministre, en ce qui a trait aux ordres
professionnels notamment, qui ne vous satisfont pas. Vous ne souhaitez pas
qu'on en demande plus, c'est bien ça?
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, ce qu'on dit, c'est qu'il y a certains risques à certaines dispositions.
On pose des pistes de solution pour que ça permette toujours de nous permettre
d'atteindre notre objectif principal, nous, comme ordre professionnel, c'est de
protéger le public. Et alors c'est dans cette optique-là qu'on propose cela.
M. Bérubé : Est-ce que le
public se plaint auprès de vous qu'il y a... que ça les brime d'avoir des
avocats qui parlent français en plus de parler anglais? Ou ils aimeraient...
certains cas, ils aimeraient des unilingues anglophones? Ils vous disent :
Défendez ça?
Mme Claveau (Catherine) :
Écoutez, ce n'est pas à ma <connaissance...
M.
Bérubé
:
...
Est-ce que le public se plaint auprès de vous qu'il y a... que ça
les brime d'avoir des avocats qui parlent français en plus de parler anglais?
Ou ils aimeraient... certains cas, ils aimeraient des unilingues anglophones?
Ils vous disent : Défendez ça?
Mme Claveau (Catherine) :
Écoutez, ce n'est pas à ma >connaissance.
M. Bérubé : Merci. Pas
d'autres questions, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Et ceci met fin à l'échange. Et, avant de vous remercier, je tiens à
préciser que tous les parlementaires ont reçu copie de votre mémoire par le
site Greffier il y a exactement neuf minutes.
Donc, je vais suspendre les travaux pour
permettre à l'autre groupe de prendre la place. Merci de votre contribution à
nos travaux, mesdames et messieurs.
Une voix : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Au revoir.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 43)
(Reprise à 16 h 47)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, à l'ordre! Nous allons poursuivre nos travaux. Et nous recevons maintenant
le troisième groupe de l'après-midi, l'Ordre des traducteurs, terminologues et
interprètes agréés du Québec.
Donc, sans plus tarder, je vous invite à
vous présenter, présenter les personnes qui vous accompagnent et, après ça,
faire la lecture de votre mémoire.
Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes
agréés du Québec (OTTIAQ)
M. Barabé (Donald) : Mme la
Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, l'Ordre des traducteurs,
terminologues et interprètes agréés du Québec, l'OTTIAQ, vous remercie de
l'invitation qui nous est faite de participer aux consultations tenues dans le
cadre de l'important projet de loi n° 96. Je me
présente, Donald Barabé, traducteur agréé et président de l'ordre, de l'OTTIAQ,
et je vous présente ma collègue, Mme Betty Cohen, qui est une ancienne
présidente de la Fédération internationale des traducteurs, mais surtout la <première...
M. Barabé (Donald) :
...
qui nous est faite de participer aux consultations tenues dans le cadre de
l'important projet de loi
n°
96.
Je me présente, Donald Barabé,
traducteur agréé et président de l'ordre, de l'OTTIAQ, et je vous présente ma
collègue, Mme Betty Cohen, qui est une ancienne présidente de la Fédération
internationale des traducteurs, mais surtout la >première présidente de
l'ordre lors de sa création. Et je ne dirai pas à quand ça remonte, parce
qu'elle m'en voudrait à mort.
En tant qu'ordre des langues et de la
langue, parce qu'il faut savoir que la traduction au Québec se fait
principalement, très largement, vers le français, l'OTTIAQ tient à souligner
qu'il appuie le projet de loi n° 96 et qu'il salue la volonté du
gouvernement de renforcer à la fois l'usage et la qualité du français. La
qualité du français, c'est une composante essentielle à sa valorisation, au
français.
Un mot sur l'OTTIAQ. En raison de son
champ d'expertise qui lui est propre, l'OTTIAQ a un double mandat de protection
du public. Le premier, il le partage avec tous les autres ordres, c'est de
protéger le public contre des préjudices, dans notre cas, dus à une traduction
erronée, une terminologie fautive ou une interprétation erronée aussi.
Le deuxième mandat qui lui est propre,
c'est de protéger la société québécoise contre l'acculturation, l'assimilation
culturelle. L'OTTIAQ est donc, dans les faits, dans un sens, l'ordre de la
protection des droits linguistiques. Ce n'est pas le seul organisme qui protège
les droits linguistiques, mais il joue un rôle fondamental dans la protection
des droits linguistiques des Québécois.
• (16 h 50) •
Le Québec occupe une place exceptionnelle
dans l'histoire de l'humanité. Il y a bien des communautés dans l'histoire de
l'humanité qui ont été et qui sont encore isolées, mais jamais aucune n'a été
entourée d'un bloc aussi imposant et aussi monolithique sur les plans
économique, culturel et linguistique, et un bloc qui, en plus, a la
caractéristique de parler la lingua franca, c'est-à-dire la langue la plus
répandue et la plus utilisée dans le monde, l'anglais. Alors, c'est une
situation exceptionnelle que vit le Québec, d'où la nécessité de protéger le
français dans ces circonstances.
La traduction occupe une place
prépondérante au Québec. Vous savez, la qualité première d'une traduction,
c'est son invisibilité, les gens ne s'en rendent pas compte. Alors, le Québec
est l'endroit dans le monde, sans doute l'endroit dans le monde, où il se fait
le plus de traduction, toutes proportions gardées, toutes proportions gardées.
Elle permet, la traduction, aux Québécois
d'exercer leur droit constitutionnel — je ne suis pas
constitutionnaliste, mais c'est quand même un droit
constitutionnel — de ne pas parler l'autre langue officielle. Le pays
est bilingue, <mais...
M. Barabé (Donald) :
... toutes proportions gardées, toutes proportions gardées.
Elle permet, la traduction, au
Québécois d'exercer leurs droits constitutionnels — je ne suis pas
constitutionnaliste, mais c'est quand même un droit constitutionnel — de
ne pas parler l'autre langue officielle. Le pays est bilingue, >mais les
citoyens canadiens et québécois n'ont pas à l'être. Elle permet aussi à l'État
québécois de fonctionner en français tout en communiquant avec la communauté
anglophone dans sa langue, et tout ça.
Sur le plan économique, la traduction
permet de commercer avec les autres provinces et avec les autres pays, parce
qu'il faut savoir que les exportations, qui représentent 46 % du PIB
québécois, donc 0,46 $ sur chaque dollar qui est gagné au Québec dû aux
exportations, ça ne peut se faire que dans la langue des marchés cibles. Alors,
la documentation, lorsqu'on exporte des produits québécois en Russie, en
Allemagne ou en Italie, elle doit être dans la langue de ces pays-là. Alors,
c'est fondamental. C'est donc, la traduction, un gage d'ouverture sur le monde...
du Québec sur le monde et un rempart contre l'acculturation.
Mais, pour assurer la qualité du français
et la protection du public, l'ordre pense qu'il y aurait lieu de clarifier
certains articles du projet de loi n° 96. Par exemple, aux articles 5
et 32, le projet de loi introduit la notion de «traduction certifiée» et la
confirme dans l'article 116. En fait, ce que le projet de loi fait avec
ces articles-là, c'est qu'il dit que, lorsque le citoyen... les citoyens
québécois ont droit à avoir une version dans leur langue des textes qui sont
prévus à ces articles-là et que, si cette version-là, l'originale, n'est pas
dans leur langue, ils ont droit à une traduction. Et ce que ces articles-là
disent également, c'est que cette traduction-là, cette version-là, elle doit
être fiable. Et comment on la rend fiable? En certifiant la traduction, en
certifiant qu'elle est conforme à l'original.
Dans l'état actuel du projet de loi
n° 96, la certification peut être faite par n'importe qui puisqu'on ne
précise pas qui est autorisé à la faire. Or, l'Internet regorge de personnes et
d'entreprises qui prétendent qu'ils peuvent traduire et certifier à peu près
tout. Or, il importe de préciser que la certification doit être faite par un
traducteur ou une traductrice agréé parce que l'OTTIAQ est le seul à avoir une
structure qui permet de certifier la compétence de ses membres. Ça, c'était
notre première recommandation.
Notre deuxième recommandation porte
également sur l'article 5, qui prévoit les conditions dans lesquelles les
jugements d'un <tribunal...
M. Barabé (Donald) :
...
avoir une structure qui permet de certifier la compétence de ses
membres. Ça, c'était notre première recommandation.
Notre deuxième recommandation porte
également sur l'article 5 qui prévoit les conditions dans lesquelles les
jugements d'un >tribunal judiciaire ou les décisions rendues dans
l'exercice d'une fonction juridictionnelle sont traduits. Pour les mêmes enjeux
de protection du public, alors le double mandat de protection du public,
protection contre une traduction fautive et protection de la qualité de la
langue, l'OTTIAQ estime que ces jugements et décisions devraient être traduits
ou leur traduction devrait être certifiée par un traducteur agréé.
Et enfin, à l'article 66 du projet de
loi, on précise que, et là je vais citer : Lorsque le français côtoie
d'autres langues, la version française doit être comprise sans se reporter à
une version dans une autre langue. On a tous vécu ça, voir des instructions
qu'on ne comprend pas, et il faut lire dans une autre langue. C'est à la fois
un peu... c'est à la fois frustrant, j'oserais même dire peut-être insultant,
mais c'est aussi parfois périlleux lorsque la traduction porte sur des
documents, des notices d'utilisation, par exemple, de produits toxiques, de
produits dangereux ou de produits à usage restreint. Alors, l'OTTIAQ estime que
cette version française là qui pose problème, ce n'est jamais l'original, c'est
toujours la version traduite en français. Alors, l'OTTIAQ recommande que cette
traduction-là soit faite par un traducteur ou traductrice agréé, parce qu'il y
a un double enjeu de protection du public.
Alors, les traducteurs agréés, et je vais
terminer là-dessus, exercent dans une foule de champs de compétence
spécifiques, alors pas chacun, alors, mais chacun de nos membres exerce dans
des champs bien précis, et ils possèdent les compétences nécessaires pour
certifier les traductions, ce qu'ils font déjà, d'ailleurs. Alors, ils offrent
toutes les garanties qui sont prévues au Code des professions et, si jamais il
y avait un problème, ils offrent aussi des recours, tous les recours que
prévoit le Code des professions.
Alors, ça fait le tour de notre exposé. On
sera très heureux d'accueillir vos questions.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Merci beaucoup, M. Barabé. Donc, sans plus tarder, M. le
ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. M. Barabé, Mme Cohen, bonjour. Bienvenue à
l'Assemblée. Merci de participer aux travaux du projet de loi n° 96.
Écoutez, d'entrée de jeu, je veux qu'on
aborde la question du libellé de certaines dispositions du projet de loi, qui
fait référence à «traduction certifiée». Vous, vous souhaitez qu'on ajoute
«traduction certifiée par un traducteur agréé».
M. Barabé (Donald) : C'est
ça.
M. Jolin-Barrette : Donc, je
comprends, un traducteur qui est membre de <l'ordre...
M. Jolin-Barrette :
...
Écoutez, d'entrée de jeu, je veux qu'on aborde la question du libellé de
certaines dispositions du projet de loi, qui fait référence à «traduction
certifiée». Vous, vous souhaitez qu'on ajoute «traduction certifiée par un
traducteur agréé».
M. Barabé (Donald) :
C'est ça.
M. Jolin-Barrette :
Donc, je comprends, un traducteur qui est membre de >l'ordre
professionnel.
M. Barabé (Donald) : Exact.
M. Jolin-Barrette : Quelle
est l'importance de rajouter «certifiée par un traducteur agréé»? Qu'est-ce que
ça va changer, le fait qu'on viendrait inscrire ça dans le projet de loi?
M. Barabé (Donald) : Je vais
y aller a contrario, là, le fait que ce n'est pas inscrit, ça veut dire que
n'importe qui peut prétendre pouvoir certifier la traduction de ces
documents-là. Alors, si le législateur a estimé qu'il y avait, à ce point, des
enjeux de protection du public contre des risques de préjudice, qu'il a créé un
Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés pour protéger le
public contre les risques d'une mauvaise traduction, alors il nous semble
logique et cohérent de dire que, lorsque la traduction doit être certifiée,
elle devrait être certifiée par les personnes qui ont le mandat de protéger le
public dans le domaine de la traduction, donc les traducteurs agréés.
M. Jolin-Barrette : Et on
comprend que les traducteurs qui sont membres de l'ordre professionnel ont une formation
et sont soumis à des règles déontologiques avec des inspections professionnelles,
il y a également un syndic. Quelle est la formation pour être traducteur?
M. Barabé (Donald) : C'est
une formation qui est tout à fait comparable à celle de tous les membres des
autres ordres, c'est une formation universitaire spécialisée en traduction.
M. Jolin-Barrette : Combien
de membres compte l'ordre? Et, dans l'éventualité où on ajoutait le fait que
les traductions doivent être certifiées par un traducteur agréé, est-ce qu'il y
aurait suffisamment de traducteurs agréés pour répondre au volume, aux besoins
qu'il y a dans le projet de loi, notamment pour les pièces de procédure?
M. Barabé (Donald) : Oui.
L'ordre comptait, il y a deux jours, 2 588 membres, et donc il n'y a
pas de problème de nombre de membres. Juste pour peut-être situer les choses
là-dessus, notre recommandation 1, qui porte sur les articles 5, 32
et 116, ces documents-là ne représentent pas 1 % de la demande de tout ce
qui est traduit au Québec, moins de 1 %, alors arrondissons-le à 1 %.
La recommandation 2, les jugements et les décisions, c'est, encore là, à
peu près 1 % de la demande. La recommandation 3... puis ça nous
amènerait, au total, peut-être à 10 %, recommandations 1, 2, 3, au
total, 10 % de tout ce qui se fait comme traduction au Québec.
• (17 heures) •
M. Jolin-Barrette : Donc, je <comprends
de votre propos...
>
17 h (version révisée)
< M. Barabé (Donald) :
...c'est encore là
à peu près 1 % de la demande, la
recommandation 3...
Puis ça nous amènerait, au total,
peut-être à 10
%,
recommandation 1, 2, 3, au total 10 % de tout ce qui se fait comme
traduction au Québec.
M. Jolin-Barrette :
Donc, je >comprends de votre propos qu'il ne manque pas de traducteurs
agréés. Et on a eu le Barreau du Québec qui est passé avant vous et qui nous
dit : Ça risque de ralentir la justice, ça risque d'amener des délais
supplémentaires, le fait d'avoir une traduction immédiatement et sans délai.
Est-ce que les craintes sont fondées? Est-ce qu'il y a une pénurie de
traducteurs agréés au Québec?
M. Barabé (Donald) : Non, il
n'y a pas une pénurie de traducteurs agréés. Et, en plus de ça, comme on est un
ordre à titre réservé et non pas à exercice exclusif, si le projet de loi... si
le législateur décidait de donner suite à nos recommandations, donc d'ajouter
les mots «par un traducteur agréé» dans les articles où on fait notre
recommandation, il y a un certain nombre des personnes qui exercent en dehors
de l'ordre qui demanderaient à joindre l'ordre.
Au total, au Québec, selon Statistique
Canada, le recensement le plus récent, 2016, il y a
8 625 traducteurs, terminologues et interprètes qui exercent, qui
gagnent leur vie avec ça au Québec, et, là-dessus, 30 %, 2 600, sont
membres de l'ordre. Et on a vu, dans tous les ordres à exercice... à titre
réservé qui ont obtenu des actes réservés, on a vu le membership augmenter
énormément. Alors, il n'y a vraiment pas d'enjeu, il n'y a vraiment pas d'enjeu
de capacité, absolument pas.
M. Jolin-Barrette : Et le
fait d'exiger un traducteur agréé ferait en sorte d'assurer la qualité de la
traduction des documents qui sont visés. Je voudrais vous demander quelle est
l'importance d'avoir une traduction de jugement en français au Québec, un
jugement de la cour.
M. Barabé (Donald) : Ah! c'est
fondamental. Je pense que c'est un droit linguistique fondamental. Alors, il
faut comprendre ce... Si je suis une des parties visées par ce jugement-là, je
dois absolument comprendre tous les tenants et aboutissants de ce jugement-là,
et, pour bien le comprendre, ce jugement-là, il faut que ça soit dans ma langue
maternelle. Alors, c'est... pour nous, c'est absolument fondamental.
M. Jolin-Barrette : Le
Barreau du Québec, avant vous, avait des réserves sur le fait que les ordre
professionnels, suite au projet de loi n° 96, vont devoir communiquer en
français avec leurs membres. Est-ce que l'ordre des traducteurs a un enjeu avec
le fait de cette imposition-là, du fait que les membres d'un ordre
professionnel, au Québec, devraient avoir une maîtrise adéquate de la langue
française?
M. Barabé (Donald) : Non.
Je... Mais l'ordre, l'OTTIAQ, est dans une situation qui... vous savez, les
langues et l'évaluation de la compétence linguistique, c'est notre pain et
notre beurre, on fait ça toujours, tout le temps. Dans toutes les inspections
que l'on fait, l'inspection porte <sur ça...
M. Barabé (Donald) :
...mais l'ordre, l'OTTIAQ, est dans une situation qui... vous savez, les
langues et l'évaluation de la compétence linguistique, c'est notre pain et
notre beurre, on fait ça
toujours,
tout le temps. Dans toutes les
inspections que l'on fait, l'inspection porte >sur ça, l'évaluation de
la compétence linguistique. Alors, l'OTTIAQ communique en français avec tous
ses membres. Tous ses membres communiquent en français avec l'ordre. Alors,
pour nous, ça ne pose pas d'enjeu actuellement.
M. Jolin-Barrette : Vous avez
abordé l'aspect économique, tout à l'heure, pour les traducteurs. Est-ce que je
dois comprendre, du fait qu'il n'y a pas d'acte réservé au niveau de votre
ordre et que lorsqu'on parle de traduction certifiée, tous et chacun peut faire
une traduction certifiée, ça fait en sorte que des traductions pourraient être
faites ailleurs dans le monde que plutôt qu'au Québec par des gens qui oeuvrent
dans ce domaine-là?
M. Barabé (Donald) : C'est actuellement
le cas. C'est actuellement le cas.
M. Jolin-Barrette : Et est-ce
que vous avez évalué combien de contrats quittent le Québec?
M. Barabé (Donald) : C'est
très difficile d'avoir cette... c'est extrêmement difficile d'avoir ce
volume-là, mais, puisqu'on connaît le milieu, et tout ça, et qu'on voit comment
les choses circulent, on sait que ça se produit. Je n'oserais pas avancer un
chiffre, mais je dirais que ce n'est pas considérable, mais ce n'est pas
négligeable non plus.
M. Jolin-Barrette : Et je
reviens sur l'aspect de la justice encore une fois. L'importance, pour vous,
d'avoir... que ce soit par un traducteur agréé sur ces types de procédures là,
c'est en raison du fait de l'importance de la nature de la procédure et des
conséquences qu'il peut y avoir.
M. Barabé (Donald) : Oui, exactement.
Exactement. Alors, si ce n'est pas conforme à l'original, si l'original dit
blanc et que la traduction dit noir ou que la traduction dit beige, il y a des
conséquences, là, il y a des conséquences. Alors, il y a des risques de
préjudice non négligeables, et on pense que c'est... Et c'est cohérent aussi
avec l'ensemble de la législation. Alors, il faut interpréter ces dispositions-là
en fonction des autres lois, et, dans les autres lois, il y a le Code des
professions, et le législateur a établi qu'il y a un risque de préjudice en
matière de traduction, étant donné la prépondérance que la traduction occupe...
la place prépondérante que la traduction occupe dans la société québécoise, due
à notre position, là, géopolitique.
M. Jolin-Barrette : Et vos
membres ont les compétences pour faire de la traduction dans le domaine de la
justice, notamment la traduction judiciaire.
M. Barabé (Donald) : Absolument.
M. Jolin-Barrette : Il n'y a
pas d'enjeu à ce niveau-là.
M. Barabé (Donald) : Absolument.
Non. Absolument pas. Absolument pas. Alors, nos membres travaillent dans des
domaines qui vont littéralement, là, de l'actuariat à la zoologie, vraiment, et
en passant... on l'a mis dans le mémoire, je vais citer le mémoire là-dessus,
en passant par le droit, le génie, la médecine et tous les autres <domaines...
M. Barabé (Donald)T :
... nos membres travaillent dans des domaines qui vont littéralement, là, de
l'actuariat à la zoologie, v
raiment, et en passant... on l'a mis dans le
mémoire, je vais citer le mémoire là-dessus, en passant par le droit, le génie,
la médecine et tous les autres >domaines. Allez-y.
Mme Cohen (Betty) :
Excusez-moi, c'est ce que je... on en parlait hier, justement, et j'aimerais...
C'est que, justement, le marché québécois de la traduction est tellement actif,
est tellement gros, finalement, que nous sommes à peu près le seul pays du
monde où un traducteur peut faire carrière toute sa vie en se spécialisant dans
un seul domaine parce que la demande est suffisante pour ça. Donc, quand un
traducteur est spécialisé au Québec, il est vraiment spécialisé parce qu'il a
le marché suffisant pour ne faire que ça, et donc d'approfondir ses compétences
à mesure. Donc, c'est quand même important.
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
je vous remercie pour votre passage à la commission parlementaire. J'ai des
collègues qui souhaitent poser des questions. Un grand merci pour votre
présence.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Nous allons aller du côté du député de Saint-Jean. Et vous avez
6 min 15 s pour compléter l'échange.
M. Lemieux : Merci, Mme la
Présidente. Mme Cohen, M. Barabé, content de pouvoir vous parler.
Hier, on a vécu une expérience d'interprétation qui m'a laissé songeur. Et je
suis content de pouvoir en reparler avec vous parce qu'on vient de se
concentrer beaucoup sur la traduction, mais l'interprétation fait aussi partie
de ça.
Mais, d'abord, vos premiers mots, vos
premières secondes de témoignage m'ont beaucoup interpellé. Vous avez parlé de
la qualité de la langue, vous avez insisté, souligné, surligné la qualité de la
langue comme une valorisation. Je suis de ceux qui vont répéter probablement
toute leur vie que le français va toujours avoir besoin d'être protégé au
Québec. Il me semble que c'est une évidence. Donc, on se bat contre ce qu'on
craint être un déclin, ce qu'on mesure maintenant être un déclin et ce qu'on
voit.
Mais vous, vous avez parlé de la qualité
comme étant comme un puissant levier par rapport à combattre l'acculturation,
qui amène à l'assimilation, ce sont vos mots. Et vous parlez à un gars qui a
passé presque 20 ans de sa vie hors Québec. Je comprends très bien ces
mots qui font toujours mal à ces sociétés qui sont en train de se faire
assimiler, si ce n'est déjà fait dans certains cas. Donc, la qualité est aussi
importante que la quantité. Nous, quand on regarde les immigrants, la
francisation, tout ça, on regarde des chiffres quantitatifs. Le qualitatif n'y
est pas beaucoup aussi, donc.
M. Barabé (Donald) : Le
qualitatif est fondamental, sinon, à ce moment-là... Écoutez, pour prendre un
exemple très simple, si les 2 600 membres de l'ordre se mettaient à
canceller des appointements dans leurs traductions, ça aurait un impact sur la
qualité de la langue et ça aurait un impact assimilatoire <important...
M. Barabé (Donald) :
...
est fondamental, sinon à ce moment-là... Écoutez, pour prendre un
exemple très simple, si les 2 600 membres de l'ordre se mettaient à
canceller des appointements dans leurs traductions, ça aurait un impact sur la
qualité de la langue et ça aurait un impact assimilatoire >important.
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Lemieux : On va canceller
votre dernière réponse, O.K.?
• (17 h 10) •
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Lemieux : Mais c'est
important parce qu'on joue avec... on ne joue pas, mais on mesure et on essaie
de trouver les leviers pour aider... contrer le déclin, aider la survie du
français, donc s'en aller à l'opposé de l'assimilation. Mais, si on le fait
seulement en parlant de noms de personnes qui parlent français à la maison, au
travail, on oublie que cette qualité-là, si elle s'atrophie, bien, on est tirés
par le fond.
M. Barabé (Donald) : Ah!
absolument, absolument. Et, en fait, ce qui se passe, étant donné la situation
tout à fait exceptionnelle dans laquelle on se trouve, entourés d'une mer
anglophone, c'est qu'à ce moment-là on assiste tranquillement à une
anglicisation de la langue, et là une perte de sa nature essentielle. C'est ça.
M. Lemieux : Regardez sous
votre table, il y a une boîte de Pandore. Je vous demanderais de l'ouvrir, s'il
vous plaît, et de nous parler de la qualité du français quand on regarde
ailleurs dans le monde. Parce que vient toujours... C'est anecdotique, vous
allez me dire, mais il vient toujours, dans les conversations sur le français,
à quel point les Français de France châtient la langue, s'américanisent, et
tout ça. Parce qu'il faut qu'on parle dans l'ensemble, il faut qu'on parle, il
faut qu'on... Quand on travaille sur notre loi, sur ce qu'on veut faire, il
faut qu'on n'ait pas des oeillères seulement chez nous, il faut qu'on tienne
compte du monde dans lequel on vit.
M. Barabé (Donald) :
Absolument. Je pense que ma collègue voudrait...
M. Lemieux : Oui, elle a levé
la main. Je pense qu'elle est interpellée.
M. Barabé (Donald) : C'est
ça.
Mme Cohen (Betty) : Je lui
fais signe quand je veux dire quelque chose. Bien, je peux réagir aussi, parce
que je suis d'origine... Ça fait 46 ans que je suis au Québec, donc je
suis plus Québécoise que n'importe quoi. Mais, bon, en tant que d'origine
française, je peux vous le dire, effectivement, il y a un danger pour la langue
française un peu partout. En revanche, en France, ils sont... ça relève un peu
de la mode. Ça relève d'une mode, ça relève de vocabulaire, ça ne relève pas de
structures de langue.
Au Québec, le problème qu'on a parfois et
qu'on peut constater, c'est que l'anglicisation se fait dans la structure de la
phrase. Et ça, c'est... C'est ça qui est pernicieux, finalement.
M. Lemieux : On fait plus
d'anglicismes lexicaux et grammaticaux qu'on ne le pense.
Mme Cohen (Betty) : C'est ça.
C'est ça, alors qu'en France, puis je ne vais pas m'étaler là-dessus trop longtemps,
mais c'est plutôt un phénomène de terminologie, les trois quarts du temps,
passagère.
M. Lemieux : Il me reste juste
deux minutes, et je voudrais, avant de parler d'interprétation une petite
minute, je voudrais revenir sur un passage de votre mémoire qui m'a presque ému :
«…d'exercer leur droit constitutionnel de ne pas parler l'autre langue
officielle...» C'est fort, ça. C'est... Quand on y pense, là, je veux dire,
vous me l'avez écrit, je l'ai lu, puis là j'ai fait : <Wow...
M. Lemieux : ...
une
petite minute, je voudrais revenir sur un passage de votre mémoire qui m'a
presque ému : «D'exercer leurs droits constitutionnels, de ne pas parler
l'autre langue officielle.» C'est fort, ça. C'est... Quand on y pense, là, je
veux dire, vous me l'avez écrit, je l'ai lu, puis là j'ai fait : >Wow!
M. Barabé (Donald) : Et c'est
un fait, et c'est un fait. Dans une vie antérieure, j'étais responsable de la
traduction pour tous les ministères et organismes fédéraux, y compris la Cour
suprême et la Cour fédérale, au gouvernement fédéral, et j'ai eu à comparaître
devant diverses commissions comme celle-ci, et je l'ai dit à ces commissions-là,
et c'était vrai, et le Commissaire aux langues officielles le confirmait,
c'était effectivement ça : la Loi sur les langues officielles n'est pas
une loi qui instaure le bilinguisme obligatoire pour les Canadiens et les
Québécois. On l'oublie, il y a comme un miroir, là, qui nous envoie une autre
image...
M. Lemieux : En terminant, au
sujet de l'interprétation hier, on s'est surpris à être interprétés en trois
langues, dont l'anglais, l'innu et une autre que j'oublie, là... le micmac. Et
je racontais qu'aux Territoires du Nord-Ouest les cabines des traducteurs au parlement
des Territoires du Nord-Ouest à Yellowknife, c'est une douzaine, minimum, de
langues autochtones différentes. Il y a l'anglais, bien sûr, à ma souvenance,
il n'y a pas le français, mais ça fait très longtemps, j'ai pu oublier.
Mais on parlait, au sujet des allophones
qui arrivent chez nous, des gens d'ailleurs qui sont des nouveaux Québécois...
qui veulent intervenir...
La Présidente (Mme Thériault) :
...
M. Lemieux : Ah! j'ai pris le
mauvais chiffre, je suis désolé, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Désolée.
M. Lemieux : Et je suis
désolé, on ira jaser de ça dans le passage.
M. Barabé (Donald) : Oui,
absolument.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. Barabé.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Désolée, je suis la gardienne du temps. Donc, Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous.
Mme David : Merci beaucoup.
Bonjour, monsieur, bonjour, madame. Enchantée d'avoir cette discussion-là. Je
continuerais bien sur le terrain du député de Saint-Jean, mais moi aussi, je
vais me retenir pour parler de l'objet pour lequel vous êtes ici, de réflexion.
Le ministre a commencé à en parler, je voulais peut-être approfondir un petit
peu, c'est étonnant en ce temps de pénurie de main-d'oeuvre, mais vraiment
généralisée, je vous entends dire : Ça ne représente au maximum que 10 %
des actes, si vous nous donniez les traductions certifiées...
M. Barabé (Donald) : Les trois
recommandations.
Mme David : Les trois, c'est
ça. J'ai bien compris, les trois additionnées, ça ferait un maximum de 10 %
d'augmentation de travail ou de...
M. Barabé (Donald) : À peu
près.
Mme David : ...non, ce n'est
pas ça, 10 % de l'ensemble des heures travaillées pour les traducteurs,
interprètes...
M. Barabé (Donald) : Oui, et
je suis persuadé que je pèse sur le crayon.
Mme David : O.K. Alors, je
n'en reviens pas, d'entendre ça, parce que, quand même, on a tous un peu le
vertige devant la quantité de traductions, mais, pour vous, ce n'est pas un
vertige du tout, c'est une goutte d'eau dans l'océan de la traduction, ce qui
est impliqué dans ce nouveau projet de loi. C'est ça qu'on entend, là?
M. Barabé (Donald) : Oui.
Mme David : Donc, le mot «vertige»,
je peux oublier ça, là.
M. Barabé (Donald) : Tout à
fait.
Mme David : Mais il y a des
vertiges pour d'autres choses, mais pas pour ça. Il n'y a pas de pénurie de
traducteurs.
M. Barabé (Donald) : Non,
non.
Mme David : Moi qui ai été
tellement longtemps, j'ai passé ma vie dans une université, la traduction,
pourtant, il devait bien y en avoir, hein? <peut-être que...
Mme David : ...
C'est ça qu'on entend, là?
M. Barabé (Donald) :
Oui.
Mme David : Donc, le mot
vertige, je peux oublier ça, là...
M. Barabé (Donald) :
Tout à fait.
Mme David : Mais il y a des
vertiges pour d'autres choses, mais pas pour ça. Il n'y a pas de pénurie de
traducteurs.
M. Barabé (Donald) :
Non, non.
Mme David : Moi qui ai été
tellement longtemps, j'ai passé ma vie dans une université, la traduction,
pourtant, il devait bien y en avoir, hein, >Peut-être que vous... honte
à moi de... ils sont formés où, les traducteurs? À l'Université de Montréal?
M. Barabé (Donald) : Ils
sont formés, au Québec, dans six universités, et une septième est en train de
monter un programme.
Mme David : Donc, dans
les départements de linguistique.
M. Barabé (Donald) :
Généralement, dans les départements de linguistique, langues et lettres, et
tout ça, là.
Mme David : O.K. Et donc je
comprends que ça prend quoi pour être membre, quel niveau de formation?
M. Barabé (Donald) : Ça
prend un... minimum, bac universitaire spécialisé en traduction.
Mme David : Spécialisé en
traduction.
M. Barabé (Donald) :
Spécialisé en traduction.
Mme David : Donc,
l'étudiant sort du cégep et il dit : Moi, je m'en vais en traduction.
M. Barabé (Donald) :
Oui.
Mme David : Je ne m'en
vais pas au département de langues et littérature.
M. Barabé (Donald) :
Non, il s'en va en traduction.
Mme David : C'est
traduction.
M. Barabé (Donald) : Ce
sont des programmes distincts dans six universités québécoises, et une septième
s'ajoute tranquillement.
Mme David : Et donc
est-ce que vous diriez qu'ils sont bien fréquentés, ces programmes-là,
suffisamment fréquentés?
M. Barabé (Donald) : Oui,
oui, il pourrait toujours en avoir plus.
Mme David : Oui.
M. Barabé (Donald) :
Écoutez, il y a une firme internationale qui a calculé que, pour traduire
0,01 % de tout le contenu multilingue qui est produit chaque jour dans le
monde, ça prendrait 2 milliards de traducteurs professionnels, 0,01 %
de tout le contenu multilingue produit dans le monde. Alors, c'est sûr qu'il y
a des besoins de traducteurs partout. Il ne faut pas oublier aussi que la
technologie est là et aide, et tout ça.
Mme David : Oui, ça, c'est
vrai. Mais là vous allez m'expliquer, parce que je sais que c'est la loi n° 21, pas celle à laquelle le ministre va référer, mais
l'autre avant, qui était la loi sur les ordres professionnels, vous vous
souvenez, célèbre loi n° 21 qui a pris 10 ans à
peu près à adopter ou à créer, parce que j'y ai participé, vous avez référé à
ça, l'acte réservé versus l'acte exclusif. Donc là, vous allez devoir expliquer
un peu pour notre bénéfice à nous. Vous avez l'acte réservé, mais vous n'avez
pas l'acte exclusif, parce que ça va revenir aux questions du ministre sur le
mot «certifié». Là, on a trois mots «certifié», «réservé», «exclusif».
M. Barabé (Donald) :
Parfait. Il existe deux types d'ordres, actuellement au Québec, en vertu du
Code des professions. Les ordres à exercice exclusif, on ne peut pas exercer si
on n'est pas membre de l'ordre : Barreau, Collège des médecins, l'Ordre
des ingénieurs, Ordre des comptables professionnels agréés. Il y en a 26, ordres
à exercice exclusif.
Et il existe 21 ordres... 25...
c'est-à-dire, il y en a 21, ordres à titre réservé, c'est-à-dire qu'on ne
peut pas se prétendre traducteur agréé à moins d'être membre de l'Ordre des
traducteurs agréés... des traducteurs, terminologues et interprètes agréés.
Même chose pour l'Ordre des travailleurs sociaux, par exemple. On ne peut pas
se prétendre travailleur social, porter le titre de travailleur social, sans
être membre de l'Ordre des travailleurs sociaux.
Et les ordres à exercice exclusif ont tous
des actes qui leur sont <exclusifs...
M. Barabé (Donald) :
...
Même chose pour l'Ordre des travailleurs sociaux, par exemple. On ne
peut pas se prétendre travailleur social, porter le titre de travailleur social
sans être membre de l'Ordre des travailleurs sociaux.
Et les ordres à exercice exclusif ont
tous des actes qui leur sont >exclusifs, des ordres, à titre réservé, la
plupart ont des actes réservés.
Mme David : Alors, quand vous
dites que vous pouvez remplir toutes les exigences et répondre aux attentes en
termes de traduction, ce sont vos membres de votre ordre professionnel.
M. Barabé (Donald) : Les
membres de notre ordre et ceux qui, éventuellement, pourraient se joindre. Vous
savez, dans les 8 725, nous, on a 2 600, alors disons qu'il en reste
6 000. Il y en a là-dedans qui ont les compétences pour exercer... pour
devenir traducteurs agréés, mais qui choisissent de ne pas le faire parce
qu'ils ne veulent pas être assujettis aux obligations du Code des professions,
code de déontologie, formation continue, inspection, assurance responsabilité.
Mme David : Tout à fait, mais,
inversement, vous ne pouvez pas les poursuivre, parce que vous n'avez pas l'acte
exclusif, donc...
M. Barabé (Donald) : Personne
ne peut les poursuivre.
Mme David : Et c'est important
qu'on entende ça, nous, ici, là, parce qu'il y en a quand même 6 000,
disons, je vais faire un chiffre rond sur les 8 000 qui exercent, qui se
lèvent le matin puis ils font de la traduction à longueur de journée, de
semaine et d'année, mais ils ne sont pas membres de votre ordre. J'ai connu ça
dans une autre commission d'enquête, où c'était exactement ça, je pense, pour
les criminologues ou autres, ne pas être obligé d'être membre de l'ordre.
Alors, si je comprends mieux vos trois
demandes, vos trois recommandations, c'est que vous voulez que ce soient des
membres dont la qualité est agréée. C'est un sceau de qualité, faire partie
d'un ordre, mais c'est une exigence aussi, c'est une exigence.
• (17 h 20) •
M. Barabé (Donald) :
Absolument. Vous avez dit quelque chose : L'ordre, l'OTTIAQ, ne peut pas
poursuivre ces gens-là, parce qu'ils exercent la traduction, oui, ce qui est
grave encore, c'est que la personne lésée par une mauvaise traduction...
Mme David : Ne peut pas
poursuivre.
M. Barabé (Donald) : ...n'a
aucun recours...
Mme David : C'est ça.
M. Barabé (Donald) : ...tandis
que, si c'est le cas d'un traducteur agréé qui fait une erreur professionnelle,
il y a des recours.
Mme David : Alors, quand on
parle d'une mesure législative et d'une pièce législative aussi importante que
le projet de loi n° 96, d'où votre recommandation très forte : S'il
vous plaît, faites appel à nos services, parce que, si ça veut dire quelque
chose, être membre d'un ordre, c'est bien pour faire de la traduction
juridique, de la traduction... Bon, je comprends beaucoup mieux.
Maintenant, on nous a dit ce matin, puis
on n'a pas aimé ça entendre ça, moi, je n'ai pas aimé ça, du syndicat des professionnels
du gouvernement du Québec, que les salaires des 70 traducteurs, ce n'est
pas des milliers, là, 70 traducteurs payés par l'État du Québec, étaient de
niveau 3, qui est le niveau le plus bas des salaires de leurs milliers de
syndiqués dans le syndicat des professionnels du gouvernement. Pourquoi ils
sont si mal payés, les traducteurs?
M. Barabé (Donald) : Ah! ça,
écoutez, je ne pourrais vraiment pas vous répondre. Ça, c'est des questions de
régie interne de la fonction <publique...
Mme David : ...
de leurs milliers de syndiqués dans le syndicat des professionnels du
gouvernement. Pourquoi ils sont si mal payés, les traducteurs?
M. Barabé (Donald) :
Ah! ça, écoutez, je ne pourrais vraiment pas vous répondre, ça, c'est des
questions de régie interne de la fonction >publique. Malheureusement, je
ne pourrais vraiment pas vous répondre.
Mme David : Bien, ils
sont peut-être juste 70 pour aller se défendre, là. Ce n'est pas comme...
M. Barabé (Donald) : Il
y a probablement une question de rapport de force, effectivement.
Mme David : Mais ils ont
un baccalauréat obligatoire, donc j'imagine que... Bien là, je vous pose la
question.
M. Barabé (Donald) :
Ça... Ils ne pas sont...
Mme David : Ils ne sont
pas nécessairement membres de votre ordre.
M. Barabé (Donald) :
Non. Là, on touche l'exemplarité de l'État, là.
Mme David : O.K. Le
ministre prend des notes, là, parce que, là, on vient de toucher à quelque
chose d'important. Ils ne sont pas obligatoirement membres de votre ordre, les
traducteurs engagés, même par l'État.
M. Barabé (Donald) :
Exactement.
Mme David : O.K.
Maintenant, l'article 35.1... je ne sais pas combien de temps il me reste,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Une minute.
Mme David : O.K.
L'article 35.1. Ça, l'article 35.1 dit bien : «Il ne
peut — le professionnel — dans l'exercice de ses activités
professionnelles, refuser de fournir une prestation pour le seul motif qu'on
lui demande d'utiliser la langue officielle dans l'exécution de sa prestation.»
Bien là, on parle de langues, justement. Admettons que, c'est une question,
votre traducteur membre de votre ordre — moi, je vais me concentrer
sur votre ordre — soit un spécialiste de l'allemand à l'anglais. Ça
se peut?
M. Barabé (Donald) :
Oui.
Mme David : Ou de
l'allemand à l'espagnol, ou de... bon, du mandarin à l'anglais. Il fait quoi si
son métier, c'est faire ça? Il ne pourrait pas refuser un mandat de traduire en
français, si je comprends bien cet article-là, mais...
M. Barabé (Donald) : Son
code de déontologie lui dirait qu'il ne peut pas le faire parce qu'il n'a pas
les compétences pour le faire. Alors là, il faut qu'il ait... Il a la
compétence pour pouvoir traiter avec un citoyen québécois dans sa langue, en
français, O.K., mais pas nécessairement... Parce que, là, on parle, là, d'un
service expert en langues, là, O.K.? Alors, si son expertise, c'est, dans votre
exemple, l'anglais, l'allemand, alors c'est certain qu'il ne s'aventurera pas à
traduire en français.
Mme David : Bien, vous
dites la même chose que deux autres ordres, au moins, auxquels j'ai posé la
question. Mais c'est un vrai problème, là, un vrai, vrai problème. Il est bien
écrit : «Il ne peut, dans l'exercice de ses activités
professionnelles — donc la traduction — refuser de fournir
une prestation pour le seul motif qu'on lui demande d'utiliser la langue
officielle dans l'exécution de cette prestation.»
Qu'est-ce que vous feriez si vous étiez à
notre place? Vous feriez un amendement?
M. Barabé (Donald) : Je
vais vous laisser décider de ça.
Mme David : Non, mais
vous dites... Ça fait trois ordres qui disent : Ça rentre de plein fouet
en contradiction avec le code de déontologie.
M. Barabé (Donald) :
Dans l'exemple que vous donnez, là, cette personne-là ne peut clairement pas
donner un service de qualité, un service de professionnel dans un domaine qu'il
ne connaît pas, alors dans des langues qu'il ne connaît pas, dans des langues
qu'il ne maîtrise pas. Ce qui ne veut pas dire que cette personne-là... Parce
que tous nos membres ont une connaissance appropriée du français pour <pouvoir...
M. Barabé (Donald) :
...
de qualité, un service de professionnel dans un domaine qu'il ne
connaît pas, alors dans des langues qu'il ne connaît pas, dans des langues qu'il
ne maîtrise pas. Ce qui ne veut pas dire que cette personne-là... Parce que
tous nos membres ont une connaissance appropriée du français pour >pouvoir
communiquer avec un client, qui, lui, voudrait faire traduire, et puis... et
pour adresser ce client-là à un collègue qui, lui, va lui fournir le travail,
et tout ça.
Mme David : Mais ça dépend,
mais moi, je ne le lis pas comme ça : «Il ne peut...» Il n'a pas le droit
de refuser de fournir une prestation. Moi, j'appelle ça un acte professionnel,
fournir une prestation. Référer à un collègue, ce n'est pas fournir une
prestation. Ça va devenir très important, ce libellé-là. On doit s'arrêter
là-dessus, je sens. Donc, je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup. Donc, nous allons aller du côté de la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci. Merci
beaucoup pour votre présentation. Est-ce que vous savez il y a combien de vos
membres qui travaillent dans la fonction publique?
M. Barabé (Donald) :
Québécoise?
Mme Ghazal : Oui.
M. Barabé (Donald) : Non.
Malheureusement, non. On ne leur demande pas nécessairement quels sont leurs
employeurs.
Mme Ghazal : Oui. Parce que,
justement, moi aussi, je vais référer à ce que le syndicat des professionnels
du Québec nous ont dit aujourd'hui, le fait qu'il déplorait qu'on faisait
beaucoup appel à la sous-traitance, qu'on fermait des directions entières, dans
des ministères, de traducteurs, traductrices pas très bien payés, etc. Puis je
voulais savoir, étant donné que le projet de loi n° 96, c'est la langue
française, et tout ça, mais l'État lui-même se départit... Est-ce que c'est
quelque chose sur lequel vous avez réfléchi, la traduction dans la fonction
publique versus la sous-traitance?
M. Barabé (Donald) : Non, pas
de ce point de vue là. Nous, c'est vraiment la protection du public, alors, et
pas l'avancement de nos membres.
Mme Ghazal : Peu importe où est-ce
qu'ils travaillent, pour vous, l'important, c'est qu'ils offrent un service qui
protège le public.
M. Barabé (Donald) :
Exactement. Exactement. C'est à eux de décider à quel employeur ils veulent
offrir leurs services.
Mme Ghazal : Puis, c'est ça,
j'ai regardé le portrait, beaucoup de femmes, beaucoup aussi de travailleurs et
travailleuses autonomes. Ça, c'est... il y a beaucoup de gens qui travaillent
là-dedans.
Puis aussi on parle beaucoup de la
traduction des documents, c'est surtout sur ça qu'est concentré votre mémoire
et vos recommandations. Mais l'interprétation, il y avait le Syndicat de la
fonction publique qui proposait qu'il y ait un service d'interprétariat pour,
par exemple, les nouveaux arrivants qui arrivent puis qui doivent faire affaire
avec l'État, d'avoir ce service-là pour ne pas que ces immigrants-là aillent...
se tournent directement vers l'anglais, c'est-à-dire qu'on leur parle en
anglais, mais qu'on leur parle dans leur langue maternelle. Qu'est-ce que vous
pensez de cette proposition?
M. Barabé (Donald) : On est
tout à fait d'accord avec ça. On est en discussion avec l'Office des
professions du Québec pour établir un répertoire exactement de ces
interprètes-là.
Mme Ghazal : Ah! intéressant.
Donc, ce seraient des interprètes, évidemment, qui travailleraient à leur
compte, mais qui auraient... qui travailleraient pour offrir ces services-là.
M. Barabé (Donald) : Oui.
Dans ces langues-là, les langues...
Mme Ghazal : D'autres langues.
M. Barabé (Donald) : ...les
autres langues. Ce sont ce qu'on appelle les langues qui sont moins utilisées.
Alors, ces gens-là ne font pas... ne gagnent par leur vie avec ça.
Contrairement à ce que... Par exemple, l'exemple que Mme Cohen donnait tantôt,
en <traduction...
Mme Ghazal :
...
services-là.
M. Barabé (Donald) :
Oui. Dans ces langues-là, les langues...
Mme Ghazal : D'autres
langues.
M. Barabé (Donald) :
...les autres langues, ce sont ce qu'on appelle les langues qui sont moins
utilisées. Alors, ces gens-là ne font pas... ne gagnent par leur vie avec ça.
Contrairement à ce que... par exemple, l'exemple que Mme Cohen donnait
tantôt, en >traduction, on peut gagner notre vie, hein, non seulement en
traduction, mais dans un domaine précis de la traduction. Pour
l'interprétation, ça, ça s'appelle l'interprétation communautaire, l'interprétation
communautaire, on ne gagne pas notre vie dans ça. Alors... Mais il y a moyen de
structurer ça pour que ce soit... en faire, et ça fait partie des discussions
qu'on a avec l'Office des professions...
Mme Ghazal : Puis ceux qui
font ça, ce sont vos membres, donc parmi vos membres.
M. Barabé (Donald) : Certains
sont nos membres, certains ne le sont pas, et c'est en cours.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Ceci met fin à l'échange. Donc, M. le député de Matane-Matapédia, c'est
votre tour.
M. Bérubé : Merci. Bienvenue à
l'Assemblée nationale. J'aimerais profiter de votre présence pour que vous
puissiez mettre en lumière d'autres observations, d'autres propositions quant à
la valorisation du français. Est-ce qu'il y a des éléments que vous souhaitez
aborder qui ne l'ont pas été jusqu'à maintenant?
M. Barabé (Donald) : Non. Je
pense qu'on a couvert tous les points, oui.
M. Bérubé : Très bien.
Lorsqu'on passe en quatrième, plusieurs des questions ont été posées. Bon,
écoutez, j'avais un autre élément...
M. Barabé (Donald) : Mme Cohen...
Mme Cohen (Betty) : Non,
simplement une chose, c'est qu'on a entendu d'autres ordres qui sont passés
avant nous dire la difficulté de vérifier le français et qu'ils avaient
travaillé avec l'OQLF. Il reste que la qualité du français est dans nos
compétences. Donc, on pourrait aussi travailler avec l'OQLF et en collaboration
avec les autres ordres pour les aider à ce niveau-là.
M. Bérubé : Absolument.
Mme Cohen (Betty) : C'est
peut-être une solution, enfin, c'est une idée comme ça, mais ce serait
peut-être quelque chose d'envisageable.
M. Bérubé : Bien, c'est le bon
endroit pour émettre cette idée, parce que c'est filmé, c'est enregistré, il y
a des parlementaires, des membres du personnel du cabinet du ministre qui
écoutent ça. Vous avez une expertise certaine, une qualité du français qui est
impressionnante. Vous êtes des gens qui travaillez quotidiennement à valoriser
la langue, à la magnifier, à la communiquer, à la traduire. En fait, vous êtes
des ambassadeurs quotidiens méconnus, et je suis heureux de vous connaître
maintenant à travers votre témoignage et je vous remercie pour votre passage en
commission parlementaire, c'est très éclairant et très stimulant de mieux vous
connaître. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, merci, Mme Cohen, merci, M. Barabé.
Donc, nous allons suspendre les travaux
quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre la place.
(Suspension de la séance à 17 h 30)
17 h 30 (version révisée)
(Reprise à 17 h 35)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Merci. Donc, nous allons poursuivre nos
travaux.
Nous entendons le dernier groupe de la
journée, soit le Conseil du patronat du Québec. Donc, nous
souhaitons la bienvenue à M. Karl Blackburn, qui est le président et chef
de la direction, ancien député aussi à l'Assemblée nationale. On en a vu
beaucoup durant les représentations sur le projet de loi.
Donc, bienvenue à l'Assemblée. Bienvenue, monsieur.
Donc, peut-être nous... Je vous invite à nous présenter la personne qui vous
accompagne et de procéder à votre présentation. Vous avez 10 minutes avant
les échanges.
Conseil du patronat du Québec (CPQ)
M. Blackburn (Karl) :
Alors, je vais demander à mon collègue de se présenter lui-même.
M. Hamel (Denis) :
Certainement. Bonjour. Je suis Denis Hamel, vice-président aux politiques de
développement de la main-d'oeuvre au Conseil du patronat
du Québec.
M. Blackburn (Karl) :
Alors, Mme la <Présidente...
La Présidente (Mme Thériault) :
...
Je vous invite à nous présenter la personne qui vous accompagne et
de procéder à votre présentation. Vous avez 10minutes avant les échanges.
M. Blackburn (Karl) :
Alors, je vais demander à mon collègue de se présenter lui-même.
M. Hamel (Denis) :
Certainement. Bonjour. Je suis Denis Hamel, vice-président aux politiques de
développement de la main-d'oeuvre au
Conseil du patronat
du Québec.
M. Blackburn (Karl) :
Alors, Mme la >Présidente, M. le ministre, MM., Mmes les
députés, ça me fait bien plaisir d'être avec vous aujourd'hui pour vous
présenter la position du Conseil du patronat du Québec sur le projet de loi
n° 96. Nous sommes très heureux, d'abord, de prendre part à ces
consultations et vous faire part de notre point de vue des employeurs du Québec.
Le projet de loi est ambitieux et touche
bon nombre de secteurs de notre société. Il précise que le français est la
langue commune de la nation québécoise. Nous souscrivons totalement à ce
principe, mais l'ampleur du projet de loi est telle que nous ne devons nous
consacrer qu'aux articles qui affectent directement les employeurs. Les
observations formulées dans le présent mémoire s'inscrivent dans la volonté de
s'assurer de la promotion du français comme la langue de travail et comme la
langue de commerce et des affaires... et des communications hors entreprise
tout en reconnaissant qu'une économie ouverte à l'international comme la nôtre
nécessite la connaissance d'autres langues.
À nos yeux, l'usage d'une langue repose
avant tout sur deux éléments fondamentaux indissociables qui ne peuvent faire
l'objet d'une mesure législative, soient la fierté et la qualité de la langue
qui nous unit. Ainsi, il est important de souligner que les employeurs au
Québec sont nombreux à offrir davantage que ce qui est prévu dans la loi en
raison notamment du contexte actuel du marché du travail.
Pour le CPQ, la question de la langue
s'associe invariablement à l'amélioration du niveau de vie et le développement
économique dans un contexte nord-américain où dominent l'anglais et l'espagnol.
Or, nous avons maintes fois déploré un tabou gênant : le français, au
Québec, se porte mal chez les francophones. Un adulte québécois sur deux est
soit analphabète soit analphabète fonctionnel. Je répète, une personne sur deux
en âge de travailler ne comprend pas ce qu'il lit. Et ne comptons pas sur les
réseaux sociaux pour améliorer la qualité du français.
Les conséquences sont terribles, d'abord
pour les citoyens eux-mêmes face auxquels nous avons collectivement échoué.
Nous avions le devoir moral de former et d'éduquer ces gens. À leurs défis
personnels s'ajoute celui professionnel. En août 2020, l'Office québécois
de la langue française révélait que 35 % des entreprises québécoises
situées sur tout le territoire rejetaient des candidatures pour un manque de
connaissances suffisantes en français, principalement à l'écrit. Et, une fois à
l'emploi, ces travailleurs se trouvent à la merci d'innovations technologiques
et de numérisation qui exigeraient une compréhension plus poussée en littératie
ou en numératie, sans compter qu'ils sont limités dans leur capacité de
promotion.
Le problème est enraciné depuis longtemps.
De manière récurrente, environ la moitié des futurs enseignants <échouent...
M. Blackburn (Karl) : ...
technologiques et de numérisation qui exigeraient une compréhension plus
poussée en littératie ou en numératie, sans compter qu'ils sont limités dans
leur capacité de promotion.
Le problème est enraciné depuis
longtemps. De manière récurrente, environ la moitié des futurs enseignants >échouent
dans leur test de français. Chez les jeunes francophones qui décrochent dans
leurs études lorsqu'ils arrivent au secondaire V, 75 % échouent en
français. Je parle exclusivement des jeunes francophones. Le français est, de
loin, leur pire matière. La qualité de la langue française au Québec, il faut
l'imaginer sur une civière, très souffrante. Alors qu'on débat régulièrement du
format des fenêtres, du nombre de serrures à la porte et de la couleur des murs
de la chambre, la santé du patient, elle, se détériore de jour en jour.
• (17 h 40) •
On s'est convaincu, dans un certain
discours public, que l'immigrant était le problème. Or, le Québec est maître
d'oeuvre dans ce domaine. C'est pourquoi 75 % des immigrants économiques
reçus au Québec parlent français. Ils ne font pas que maîtriser le français,
ils le maîtrisent très, très bien. Le niveau d'exigence de la langue française
est très élevé. Le niveau 7 de l'Échelle québécoise des niveaux de
compétence en français est le seuil minimum. En d'autres mots, suivant les
mêmes exigences, au moins la moitié des Québécois de la langue maternelle
française nés ici ne se qualifieraient pas pour être reçus au Québec.
M. le ministre, il faut poser des gestes.
Votre collègue la ministre de l'Enseignement supérieur a annoncé récemment
quelques mesures à cet effet, mais ce ne sera pas suffisant. Il faut protéger
le statut de la langue, évidemment, mais il faut absolument que l'on parle de
sa qualité. Quant au statut de la langue, dont il est question dans ce projet
de loi, les interventions du CPQ en matière linguistique ne sont pas nouvelles.
Depuis la création du CPQ, il y a maintenant 52 ans, nous nous sommes
toujours impliqués dans le débat sur la langue française, car nous avons jugé
qu'il s'agissait là d'un élément distinctif important de notre paysage
socioéconomique.
En particulier, nous collaborons depuis
plusieurs années avec l'Office québécois de la langue française à la promotion
du français dans le milieu des affaires. En parallèle, notre organisation a
toujours appuyé les efforts de francisation des immigrants, ceux qui ne sont
pas francophones, non seulement pour favoriser leur intégration, mais aussi
pour assurer la pérennité de la langue.
À nos yeux, notre langue nous place dans
une position privilégiée pour tisser des liens avec d'autres pays. Il y a un
mois, le CPQ a signé, au nom du Québec, la Déclaration commune de Paris sur le
renforcement de la francophonie économique. L'objectif est de multiplier les
opportunités d'affaires à travers le monde et attirer chez nous des entreprises
étrangères. En somme, nous croyons que notre langue peut devenir un tremplin
pour un développement économique de notre économie, d'où l'importance de
maîtriser un français de qualité. Assurons-nous que les 300 millions de
francophones ne puissent nous comprendre et nous lire.
L'objectif visé par le projet de loi <n° 96
est de...
M. Blackburn (Karl) : ...
En somme, nous croyons que notre langue peut devenir un tremplin pour un
développement économique de notre économie, d'où l'importance de maîtriser un
français de qualité. Assurons-nous que les 300 millions de francophones ne
puissent nous comprendre et nous lire.
L'objectif visé par le projet de loi >n° 96 est de concentrer le français... de consacrer le français,
pardon, en tant que langue commune au Québec. D'entrée de jeu, les questions
qui s'imposent sont les suivantes : Est-ce que le p.l. n° 96
est susceptible de remédier aux enjeux identifiés? Est-ce que les résultats
attendus sont à la hauteur de la lourdeur de l'application et des coûts dans
les entreprises? Est-ce que le p.l. n° 96 pourrait
affecter négativement le climat social et le climat de travail dans nos entreprises?
De façon générale, de grands constats se
dégagent des consultations auprès de nos membres. En premier lieu, les
employeurs sont favorables à la défense et à la promotion du français comme
langue de travail, surtout à Montréal, et du rôle qu'ils peuvent jouer pour
assurer cette vitalité. Toutefois, l'imposition des lourdes mesures
administratives appliquées sans nuance sera très dure, surtout pour les petites
entreprises de 25 à 49 employés.
En second lieu, les mesures qui limitent
la capacité d'embaucher des candidats pour des postes qui exigent la
connaissance d'une langue autre que le français ne tient pas compte des entreprises
qui font affaire avec le reste du Canada et à l'étranger. Mais surtout les
trois conditions imposées pour éviter d'exiger la connaissance d'une autre
langue représentent des obstacles majeurs qui risquent indirectement d'entraver
l'organisation du travail, d'affecter grandement les relations de travail et
d'imposer un très lourd fardeau administratif et financier aux entreprises du Québec
de toutes tailles. C'est particulièrement vrai dans le cas des PME, car ces
conditions imposent des démarches lourdes et complexes qui conduisent à
analyser chaque poste auquel est rattachée une exigence linguistique.
En troisième lieu, les employeurs jugent
trop contraignante toute la question de la primauté du français dans la
rédaction des contrats internationaux, mesure pour laquelle le gouvernement
s'est lui-même exclu. Nous doutons que les entreprises et les organisations
internationales voient d'un bon oeil de devoir se plier à ces dispositions
lorsqu'elles voudront faire affaire au Québec, ce qui affaiblira la
compétitivité de nos entreprises.
Enfin, il n'est pas exagéré de prétendre
qu'il y a en ce moment une paix sociale concernant l'affichage commercial des entreprises.
Plusieurs d'entre elles ont investi des sommes d'argent colossales afin de se
conformer à la réglementation en vigueur depuis 2019, et d'autres sont actuellement
dans ce processus. La réouverture de ce dossier, qui n'affectera rien dans la
qualité de la langue française, risque fort d'envenimer inutilement le climat
social actuel puisqu'elle a de nouveaux pouvoirs d'inspection et de
dénonciation que nous estimons démesurés.
Voici donc, en quelques minutes, les
grandes lignes qui résument notre mémoire, lequel est beaucoup plus complet et
détaillé, que vous avez reçu dans les dernières heures. Comme l'écrivait ce
matin <Patrick Lagacé...
M. Blackburn (Karl) : ...
d'inspection et de dénonciation que nous estimons démesurés.
Voici donc, en quelques minutes, les
grandes lignes qui résument notre mémoire, lequel est beaucoup plus complet et
détaillé, que vous avez reçu dans les dernières heures. Comme l'écrivait ce
matin >Patrick Lagacé : «Savoir écrire, c'est aussi savoir penser.»
Alors, nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions. Merci de votre
attention.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. On voit là toute l'expérience d'un ex-parlementaire. Vous étiez pile
dans le temps, vous avez même laissé quelques secondes, ce qui est parfait. M.
le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. M. Blackburn, M. Hamel, bonjour, bienvenue à la
commission parlementaire et merci pour votre contribution aux travaux de la
commission.
D'entrée de jeu, je dois vous dire que
vous avez un bon point au niveau de la qualité de langue. C'est effectivement
vrai qu'on devrait s'en préoccuper davantage. Puis le constat que vous avez
fait, M. Blackburn, relativement à la maîtrise de notre langue commune au
Québec, même par les francophones, c'est tout à fait préoccupant du fait que l'on
voit que certains jeunes éprouvent des difficultés, notamment à l'épreuve
uniforme de français au cégep, mais également au secondaire aussi. Puis
effectivement ça doit être une priorité nationale, parce que le fait de pouvoir
bien s'exprimer, ça nous donne des outils également. Et moi, je suis également
craintif lorsque j'écoute la télévision puis je constate, dans certaines
émissions de téléréalité, que, parfois, ça prend des sous-titres, hein, pour
comprendre des jeunes qui ont parfois mon âge aussi. Alors, oui, je souhaite
écouter sans avoir à lire le sous-titre pour comprendre ce qui est dit.
Alors, oui, on a un effort, et je suis d'accord
avec le Conseil du patronat là-dessus. Et vous avez raison de dire que les
personnes immigrantes que l'on accueille, bien souvent, ont un très bon niveau
de français lorsqu'elle passe par le PEQ, notamment, parce qu'il y a un niveau 7
de français. Ça me permet de faire un crochet sur le niveau de connaissance de
français des personnes immigrantes, parce que ça, c'est un défi qu'on ne dit
pas souvent. Parce qu'on est environ à 50 % de personnes immigrantes qui
déclarent connaître le français, mais ce n'est pas mesuré, c'est une
autodéclaration. Alors, ça peut être : Bonjour, je m'appelle Simon, et c'est
une autodéclaration, et ça peut vouloir dire que je connais le français. Mais
ça ne veut pas dire que la personne sait d'autres mots, d'autres termes, et qu'elle
n'est pas nécessaire capable de converser en français. Donc, je voulais juste
faire ce préambule-là.
Vous avez abordé la question de l'article 46
de la charte. On vient insérer l'article 46.1 pour renforcer l'article 46
à l'article 36 de la loi. Alors, trois conditions, désormais, qui vont
être établies. Donc, pour l'employeur, il va devoir avoir évalué les besoins
linguistiques réels associés aux tâches à accomplir. Donc, est-ce que l'employé
a besoin, dans le cadre de ses tâches, de parler anglais? Deuxièmement, s'il
s'est assuré que les connaissances linguistiques déjà exigées des autres
membres du personnel étaient insuffisantes pour l'accomplissement de ses
tâches. J'ai d'autres employés, est-ce qu'ils parlent anglais déjà, mes autres
employés? Est-ce que c'est nécessaire que tous les employés parlent anglais? Et
le troisième critère, il avait <restreint...
M. Jolin-Barrette :
...
de ses tâches, de parler anglais? Deuxièmement, s'il s'est assuré
que les connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du
personnel étaient insuffisantes pour l'accomplissement de ses tâches. J'ai
d'autres employés, est-ce qu'ils parlent anglais déjà, mes autres employés?
Est-ce que c'est nécessaire que tous les employés parlent anglais? Et le
troisième critère, il avait >restreint le plus possible le nombre de
postes auxquels se rattachent des tâches dont l'accomplissement nécessite la
langue ou un niveau de connaissance spécifique d'une autre langue que la langue
officielle. Donc, est-ce que je répartis mes tâches en anglais sur 10 employés
ou je peux le faire uniquement sur cinq employés?
Donc, ce sont uniquement les trois
critères que l'on rajoute, mais ça va avoir un effet quand même important pour
dire dans le fond : Ne faisons pas exprès d'exiger la connaissance d'une
autre langue que le français à l'embauche. Mais ça ne signifie pas que
l'employeur ne pourra pas le faire, ça ne signifie pas que, s'il y a des
relations avec l'extérieur, avec le Canada, avec les États-Unis, ou il fait des
démarches à l'étranger, il fait des affaires à l'étranger, il ne pourra pas le
faire.
Donc, moi, je trouve que
l'article 46.1, il est quand même balancé. Mais je crois comprendre que
vous êtes en désaccord avec mon opinion là-dessus.
M. Blackburn (Karl) : Bien,
votre point est très, très bon, M. le ministre. Et d'ailleurs on a parlé de ce
point-là, justement, Denis et moi, en s'en venant ici, à Québec. Et Denis avait
soulevé des très bons exemples, et je vais lui demander de vous les partager.
Mais effectivement ce qu'on constate par
rapport à cette application-là, c'est que ça peut être beaucoup plus compliqué
dans l'application de celle-ci en fonction de la réalité de l'organisation. Et
la marge de manoeuvre ou la flexibilité nécessaire aux employeurs ne se
retrouvent pas nécessairement avec cet article-là. Et je vais demander à Denis,
si vous me le permettez, de pouvoir vous donner un exemple qui va vous amener vraiment
à bien comprendre le sens de ce qu'on fait de l'interprétation de cet article
et surtout son application sur le terrain. Alors, Denis, s'il vous plaît.
• (17 h 50) •
M. Hamel (Denis) :
Oui. Merci, Mme la Présidente. Mais c'est tout le côté de... Dans le projet de
loi, on parle que l'employeur doit prendre tous les moyens raisonnables pour
mettre ces règlements-là en application. Et le ministère de la Justice
lui-même, dans son analyse, dit : Bien, c'est un fardeau administratif qui
est dissuasif, donc de l'aveu même du ministère de la Justice.
Vous savez, parce que, d'après nos
membres, ça ne passe pas le test de la réalité, ces trois conditions-là. Le
portrait actuellement d'une entreprise au Québec, vous savez, c'est une
trentaine d'employés, cinq postes vacants, les gens font des heures
supplémentaires avec la pandémie, il y a toute la transformation numérique,
tout ça. C'est extrêmement difficile de définir qu'est-ce que c'est qu'un poste
qui a besoin d'une autre langue, qui n'a pas besoin d'une autre langue. On est
en transformation complète. Et cette évaluation-là devra se faire à chaque fois
qu'il y a une réorganisation administrative, donc ça devient excessivement
complexe pour un employeur de déterminer est-ce qu'un poste, au cours d'un an,
deux ans, trois ans, il peut changer, la nature du poste peut changer.
Vous avez donné l'exemple tantôt au point n° 2, c'est que, si quelqu'un d'autre, par exemple, parle
l'anglais, l'espagnol, le mandarin, on n'a pas besoin d'exiger ça à quelqu'un
d'autre. Vous savez qu'actuellement avec la pénurie de main-d'oeuvre, mais
c'est vrai à tout moment donné, il y a de la rotation de personnel. Donc, il y
a deux personnes qui parlent anglais ou espagnol dans l'équipe, ces
personnes-là changent de travail, alors on se retrouve avec personne pour
offrir le service. Donc, il faut prévoir, quand on est en entreprise, que
l'entreprise <peut...
M. Hamel (Denis) :
...
quelqu'un d'autre. Vous savez qu'actuellement avec la pénurie de
main-d'oeuvre, mais c'est vrai à tout moment donné, il y a de la rotation de
personnel. Donc, il y a deux personnes qui parlent anglais ou espagnol dans
l'équipe, ces personnes-là changent de travail, alors on se retrouve avec
personne pour offrir le service. Donc, il faut prévoir, quand on est en
entreprise, que l'entreprise >peut grandir, que les conditions peuvent
changer. Et cette flexibilité-là disparaît avec la proposition qui est dans le projet
de loi actuel, flexibilité qui existait dans la charte actuelle, à l'article 46,
mais qui, aux yeux des employeurs, disparaît, là, avec cette clause-là au 46.1.
M. Jolin-Barrette : Mais
est-ce que vous convenez avec moi, à la lumière des récentes études de l'OQLF,
ou du conseil supérieur, ou des enquêtes journalistiques que, dans la grande
région de Montréal, particulièrement sur l'île de Montréal, souvent, on exige
la connaissance d'une autre langue que le français à l'embauche, alors que ce n'est
pas nécessairement... nécessairement nécessaire, effectivement.
Alex Boissonneault et Hugo Lavallée
avaient fait un reportage qui s'intitulait Quand il faut parler anglais pour
travailler à Montréal. Puis là on avait des jeunes femmes, notamment,
qui disaient : C'est comme si l'anglais écrasait toutes les compétences
que j'avais. Parce que je n'ai pas l'anglais, toutes les compétences que j'ai
ne valent rien. Une personne immigrante d'Haïti, Wislène, est arrivée il y a
trois ans. Et elle dit : J'ai traversé un parcours à obstacles. Pour moi,
c'est un système de freinage, d'exclusion, parce que, si tu ne parles pas
l'anglais, tu as des problèmes d'abord pour rédiger la lettre de présentation
et le C.V. puis, par hasard, tu ne te fais pas... tu te fais appeler pour une
entrevue, c'est tout un calvaire si tu n'es pas anglophone, alors que, parfois,
tu as toutes les qualifications pour le poste.
Au moment où on parle de pénurie de
main-d'oeuvre, il y a des candidats unilingues francophones sur l'île de
Montréal qui ne réussissent pas à se trouver un emploi parce que l'employeur
dit : Il y a une nécessité de parler anglais. Mais est-ce que, dans tous
les postes, il y a une nécessité de parler anglais? Moi, je ne le crois pas.
Alors, peut-être que l'article 46.1, il est là justement pour dire :
Bien, écoutez, peut-être que... qu'il y a une façon de trouver une solution
pour ne pas exiger systématiquement la connaissance de l'anglais, alors, si ce
n'est pas nécessaire.
M. Blackburn (Karl) : Si
je peux me permettre, M. le ministre, c'est clair que, si on veut se raconter
des histoires d'horreur, on va se prendre des cas comme ça, individuels, qui
risquent malheureusement de dévier le débat. La volonté, on l'a dit très
clairement, la volonté que vous poursuivez, on y adhère. Malheureusement,
l'inquiétude qui nous est soulevée, c'est dans l'application de certains de ces
articles-là. Malheureusement, ça va enlever cette flexibilité qui est
importante pour les employeurs, quel que soit le lieu de leur organisation.
L'article 46 ou les suivants vont s'appliquer pour une entreprise à
Roberval ou à Montréal. Sachez qu'à Roberval il n'y a pas grand personnes qui
parlent anglais. Blackburn, c'est un nom anglophone, mais c'était la seule
chose que j'avais d'anglophone lorsque j'habitais à Roberval.
Alors, vous voyez que cette réalité-là,
elle est quand même particulière. Et ce qu'on pense avec l'application, comme
dans certains cas aussi on le voit avec d'autres lois, ou l'application terrain
par rapport justement à la réalité de ce qui se passe en fonction des
organisations, puis de leur marché, et de leur croissance, et surtout dans le
contexte de la pénurie de <main-d'oeuvre dans...
M. Blackburn
(Karl) :
...
à Roberval.
Alors,
vous voyez que cette réalité-là, elle est quand même particulière. Et ce qu'on
pense avec l'application, comme dans certains cas aussi on le voit avec d'autres
lois, où l'application terrain par rapport justement à la réalité de ce qui se
passe en fonction des organisations puis de leur marché et de leur croissance,
et surtout dans le contexte de la pénurie de >main-d'oeuvre dans
laquelle on se retrouve, bien, malheureusement, on constate que ça ne risque
pas d'aller atteindre les objectifs que vous poursuivez avec le projet de loi
que vous déposez, et surtout ça va enlever cette flexibilité qui est importante
pour les employeurs dans l'environnement dans lequel on évolue.
M. Jolin-Barrette : Mais
prenons l'exemple, justement, de l'entreprise à Roberval, là. L'entreprise à
Roberval qui fait des affaires avec l'étranger puis qui a besoin d'un travailleur
qui a une maîtrise de la langue anglaise, il n'y aura pas d'enjeu. Ce qu'on dit,
par contre, c'est que... peut-être pas que l'ensemble des employés qui sont à
Roberval, ça nécessite d'avoir une connaissance de la langue anglaise. Et ce
qu'on constate, notamment dans la grande région de Montréal, c'est que
l'exigence de la connaissance d'une autre langue que le français devient
systématique. Ça, vous ne pouvez pas vraiment le nier, là.
M. Blackburn (Karl) : Écoutez,
l'application de ce qu'on pense qui doive être fait, malheureusement, va être
plus difficile que ce que ça peut paraître dans le projet de loi, et on
souscrit encore une fois aux objectifs que vous poursuivez. Ça, il y a un...
c'est sans équivoque à cet égard-là. Mais, malheureusement, ce qu'on constate,
c'est que ça vient enlever une certaine flexibilité puis une certaine agilité
pour les employeurs en termes d'organisation de travail, et malheureusement ça
risque de ne pas atteindre l'objectif que vous poursuivez.
M. Jolin-Barrette : Sur la
question de l'affichage, suite à l'adoption de la loi 101, c'était l'usage
exclusif en français, et on a vu M. Bourassa, il a fait adopter la
disposition de dérogation en 1988. Par la suite, entre 1988... entre 1993 et
2016, ça a été la nette prédominance. Et là arrive 2016, et je comprends que,
du côté du Parti libéral, on a fait le choix de ne pas ouvrir, hein, la loi
101, on a adopté un règlement, et le Parti libéral avait le choix de le faire
pour maintenir le consensus historique, parce que la Cour d'appel, dans le
fond, elle a dit : Bien, vous n'avez pas la possibilité, ce n'est pas ce
qui est écrit dans la charte, même si c'est ça qui est entendu, puis c'est des
corporations qui ont contesté la loi jusqu'en Cour d'appel. Tout ça pour dire
qu'on revient au consensus historique avec la nette prédominance. Donc, je
comprends que, là, certaines entreprises que vous représentez ont un enjeu avec
ça, parce qu'ils se disent : Bien, écoutez, moi, depuis 2016, le règlement
a été adopté, puis on se conforme à ça, puis là vous changez encore les règles.
Mais ce qu'on fait, c'est qu'on revient au consensus original et on laisse
trois ans aux entreprises pour se conformer à la nouvelle disposition. C'est
une problématique, l'affichage, de dire que c'est de la nette prédominance?
M. Hamel (Denis) :
C'est l'exemple parfait. Quand on dit... Au début, on disait d'entrée de jeu...
M. Blackburn mentionnait l'importance... Quel est le poids entre les investissements
qui vont être faits par les entreprises et le résultat? L'accord de 2016, qui
est rentré en vigueur à partir de 2019, a été coûteux pour les entreprises. Les
gens du commerce de détail vont venir vous en parler plus tard cette semaine. Ça
a été extrêmement coûteux, extrêmement <laborieux...
M. Hamel (Denis) :
... M. Blackburn mentionnait
l'importance... Quel est le poids entre les
investissements qui vont être par les
entreprises et le
résultat?
L'accord de 2016, qui est rentré
en vigueur à partir de 2019, a été
coûteux pour les
entreprises. Les gens du commerce de détail vont venir
vous en parler plus tard cette semaine.
Ça a été
extrêmement
coûteux,
extrêmement >laborieux. Et il y avait quand même un
consensus. Là, on rouvre ce débat-là, qui va nécessiter des investissements
supplémentaires.
Et, honnêtement, est-ce que le fait
d'afficher le magasin X, Y, Z plutôt que X, Y, Z va faire en sorte qu'on va
parler plus français ou un meilleur français en entreprise? Alors, c'est
exactement un exemple, à nos yeux, où on va mettre beaucoup d'argent sur de
l'affichage, sur des pancartes à l'extérieur, au lieu de s'occuper de la
qualité du français, des cours de francisation. Donc, c'est là que le bât
blesse, parce qu'on rouvre encore un débat. C'est une boîte de Pandore qui risque
encore de causer différents types de heurts, là, au niveau des entreprises dans
leur affichage.
Donc, c'est pour ça qu'on est... Ce que
l'on propose au gouvernement, c'est : celles qui se sont déjà conformées
au règlement, laissez-les tranquilles, puis les nouvelles, qu'on puisse avoir
des dispositions qui soient adaptées, mais dans le futur. La question de
prévisibilité, pour une entreprise, c'est fondamental.
M. Jolin-Barrette : Donc, je
vais céder la parole au député de Saint-Jérôme. Mais je comprends, je décode de
votre propos que le travail aurait dû être bien fait dès la première fois, en
2016, lorsque le règlement a été modifié, puis on aurait dû ouvrir la charte à
ce moment-là. Alors, on a perdu du temps un petit peu, mais au moins on est
rendus là.
Alors, je vous remercie pour votre passage
en commission. Je cède la parole.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de Saint-Jérôme, vous avez quatre minutes pour l'échange.
M. Chassin :D'accord, merci, Mme la Présidente. M. Blackburn, M. Hamel, je
voudrais peut-être parler d'un certain nombre de points un peu plus précis dans
votre mémoire. Alors, vous connaissez ma sensibilité au fardeau réglementaire
et administratif des entreprises. On cherche à atteindre des objectifs, dans
cette loi-là, en le minimisant autant que faire se peut.
Puis j'ai trouvé intéressant... Dans vos
remarques générales, vous mentionnez la collaboration du CPQ avec l'OQLF. Vous
collaborez donc déjà, là, pour la promotion du français dans le milieu des
affaires. Puis j'aimerais peut-être vous donner l'occasion de nous dire un peu,
dans votre expérience, là, comment l'OQLF collabore, comment on peut avoir le
maximum, dans le fond, là, d'appuis et d'incitations positives de la part de
l'OQLF, qui, je crois, a de plus en plus, là, une culture d'accompagnement
plutôt que de sévérité, là, en quelque sorte, pour s'assurer qu'on respecte les
objectifs, mais évidemment en donnant le maximum d'outils possible.
• (18 heures) •
M. Hamel (Denis) :
Oui, bien, merci, M. le député, pour la question. Effectivement, depuis déjà
deux ou trois ans, on a travaillé avec l'OQLF pour les entreprises...
essentiellement les 25 à 49 employés, ceux qui sont visés par le projet de
loi. Parce que, bon, il y avait toutes sortes de rumeurs que, peut-être, la
charte allait s'appliquer à elles. Et vous savez que, dans ces entreprises de
cette taille, il n'y a souvent pas de direction des ressources humaines. Ce
sont des entreprises qui sont vraiment concentrées sur leurs activités. C'est
très difficile pour eux de répondre à une obligation réglementaire très lourde.
<Alors, déjà, il y a plein...
>
18 h (version révisée)
< M. Hamel (Denis) :
...par le
projet de loi parce que, bon, il y avait
toutes sortes de rumeurs que,
peut-être, la charte allait s'appliquer à
elles. Et vous savez que, dans ces entreprises de cette taille, il n'y a
souvent pas de direction des
ressources humaines. Ce sont des
entreprises qui sont
vraiment concentrées sur leurs activités. C'est
très difficile pour eux de répondre à une obligation
réglementaire très
lourde. >Alors, déjà, il y a plein de règlements quand on part une
entreprise, vous le savez, c'est extrêmement lourd.
L'approche qui avait été préconisée avec
le principe MEMO, là, ce qui s'appelle maintenant, ce sont des outils donnés
aux employeurs pour permettre la francisation non seulement, là, des
communications à l'intérieur, mais aussi d'aider à la francisation des
employés. Donc, il y a tout un coffre à outils qui est mis à la disposition des
employeurs pour, justement, améliorer le français et qui donne lieu aussi à une
certification qui n'est pas l'équivalent d'un certificat de l'OLF pour la
conformité à la charte, mais qui démontre l'engagement d'une entreprise à
travailler en français.
Donc, c'est sûr que, pour une entreprise,
ça fait partie de son image, ça fait partie de sa volonté d'être un bon
citoyen. Mais c'est surtout le fait que l'OQLF travaille en collaboration. Donc
il n'y a rien de coercitif, c'est incitatif, et l'entreprise va aller à son
rythme. Alors, actuellement, je vous l'ai mentionné tantôt, on est en plein
virage numérique, pleine transformation, et tout ça. Donc, l'élément
francisation arrive en harmonie, il arrive en même temps que l'entreprise se
transforme.
M. Chassin :
Puis, dans le fond, parce que le ministre a posé la question... L'OQLF, évidemment,
était notre premier groupe reçu, puis il leur a posé justement la question sur
cette espèce de changement de culture. Ça fait que je pense qu'on a, dans le
fond, des pistes de solution intéressantes pour atteindre l'objectif en ayant
un fardeau le plus allégé possible.
Puis là j'aimerais vous amener sur un
point particulier. Vous avez mentionné aussi avoir consulté vos membres avant
le dévoilement du projet de loi n° 96, puis un des
constats que vous tirez, c'est que plusieurs petites entreprises ou, enfin, des
25 à 49 estimaient ne pas pouvoir faire face à la lourdeur administrative.
Compte tenu de cette habitude de l'OQLF d'avoir, dans le fond, une culture d'accompagnement,
est-ce qu'on peut penser que, maintenant qu'on connaît le projet de loi
n° 96 puis ses libellés, est-ce qu'on peut envisager que, selon vous, vos
membres seraient peut-être plus favorables puis comprendraient davantage que ce
serait possible?
La Présidente (Mme Thériault) :
En 10 secondes.
M. Hamel (Denis) :
En 10 secondes. On a consulté nos membres. La crainte demeure, et nos
collègues de la FCEI l'ont mentionné, le fardeau est trop lourd actuellement,
compte tenu des huit exigences, là, pour obtenir le certificat de francisation.
M. Chassin :Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, je vais aller maintenant du côté de l'opposition officielle. Mme
la députée de Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous.
Mme David : Merci beaucoup.
Bonjour, M. Blackburn, M. Hamel. Contente de vous revoir. Écoutez, le
ministre m'a donné une bonne idée de refaire l'histoire un peu, moi aussi.
Alors, je vais reculer. Il n'avait pas 30 ans à ce moment-là. Je recule en
2013, c'est ça, en 2013. Et lui a reculé en 2016. On pourrait... je pourrais
apporter bien des précisions sur cette modification avec laquelle, bon, vous
avez eu à travailler et qui est entrée en vigueur en 2019. Mais, en 2013, il y
avait eu un <projet de loi...
Mme David : ...
30 ans à ce moment-là. Je recule en 2013, c'est ça, en 2013. Et lui a
reculé en 2016. On pourrait... je pourrais apporter bien des précisions sur
cette modification avec laquelle, bon, vous avez eu à travailler et qui est
entrée en vigueur en 2019. Mais, en 2013, il y avait eu un >projet de
loi déposé par le PQ, le projet de loi de Mme De Courcy, vous vous
souviendrez parce que vous aviez témoigné, projet de loi n° 14. Et la CAQ
s'était justement fortement inquiétée du fardeau réglementaire, on vient juste
d'en parler, justement, du fardeau réglementaire, en disant : Si on le met
aux 25-49 employés, ça va être beaucoup trop lourd, ça va être beaucoup
trop exigeant. Et donc ils étaient extrêmement nerveux. Finalement, le projet
de loi a été retiré.
Je ne sais pas ce qui attend ce projet de
loi ci, mais je comprends que la CAQ a dû essayer, admettons, là, de se dire :
Je n'essaierai pas de faire ce que j'ai craint en 2013. Je vais essayer d'être
très allégé. Je vais essayer de... Oui, francisation 25-49 employés. Oui,
68 % de vos membres ont répondu à un sondage, que vous avez rendu public
le 15 février 2021, où 68 % de vos membres se disaient d'accord à
assujettir les entreprises, à condition que les mesures soient flexibles, c'était
l'adjectif que vous employiez. On avait nous-mêmes des mesures dans notre
projet, dans notre plan d'action, mesures 21-22, sur l'article 46,
sur le 25-49, toujours à la condition que ce soit allégé. Toujours.
Alors, évidemment, quand je vous ai lu, je
suis arrivée à la page 11 puis j'ai dit : Pouf! Là, le ballon s'est
comme dégonflé beaucoup, beaucoup, beaucoup. Et, à la page 11, vous dites
carrément qu'on devrait retirer carrément l'article qui traite des 25-49 employés.
Donc, je dois conclure... parce qu'après ça on ira à la page 5 et la
page 6, là, qui est vraiment très sévère sur l'article 46, 46.1, sur
les conditions. Là, vous êtes pas mal moins chauds à l'idée d'assujettir la
charte aux 25-49 employés. Vous rejoindriez la position de la CAQ en 2013.
M. Blackburn (Karl) : C'est
des beaux cours d'histoire, toute cette commission parlementaire cet
après-midi. C'est fort intéressant. Je pourrais vous parler de 2003, j'ai
d'excellents souvenirs également, mais ce n'est pas l'objet de la discussion.
Peut-être que Denis pourra compléter, mais
il est clair que, pour les plus petites entreprises... et c'est un peu un
plaidoyer du coeur que je viens vous livrer cet après-midi, ces hommes et ces
femmes d'affaires qui actuellement, dans le contexte de la pénurie de main-d'oeuvre,
entre autres, font des pieds et des mains, font preuve d'une résilience
incroyable, et les employés également font preuve d'une résilience incroyable. Malheureusement,
la crainte que nous avons et qu'ils ont, c'est que la lourdeur administrative
de l'administration de cette nouvelle loi risque de leur causer plus de
problèmes.
Et, de notre côté, on pense également que
ça ne rejoindra pas l'amélioration de la qualité de la langue française, parce
qu'il est clair que, dans le même sondage que vous avez cité tout à l'heure,
Mme la députée, que nos membres nous ont <également...
M. Blackburn (Karl) : ...
la lourdeur
administrative de l'administration de cette nouvelle loi
risque de leur causer plus de problèmes.
Et, de notre côté, on pense également
que ça ne rejoindra pas l'amélioration de la qualité de la langue française
parce qu'il est clair que, dans le même sondage que vous avez cité tout à
l'heure, Mme la députée, que nos membres nous ont >également lancé un
cri d'alarme important concernant la qualité du français. Et, de mémoire, c'est
plus d'un C.V. sur deux qui était rejeté parce qu'il contenait trop de fautes à
l'intérieur de celui-ci.
Alors, le constat que nous en faisons est :
si on vient à additionner le très haut taux d'analphabètes et d'analphabètes
fonctionnels de notre société québécoise, c'est une lumière rouge qui clignote
qui est devant nous. Et on se doit de tout mettre en oeuvre... Comme
parlementaires, comme organisation patronale, comme société, on se doit de tout
mettre en oeuvre pour améliorer notre langue française. Et, dans ce sens-là,
pour les plus petites entreprises, on a des doutes que le bon investissement
n'ira pas nécessairement dans l'amélioration de cette qualité.
Et, Denis, si tu avais quelques données à
rajouter par rapport à ces plus petites entreprises.
M. Hamel (Denis) :
Bien, peut-être plus un point d'information. Vous savez, le Conseil du
patronat, nous représentons 70 000 entreprises, pas juste des grosses,
on en a plusieurs petites aussi qui n'étaient pas là, souvent, en 2013, en 2003
ou en 2016. Elles doivent vivre, donc, avec une réalité. Quand on a consulté
les gens... vous savez, la défense du français, c'est une priorité. Les
entreprises sont prêtes à se retrousser les manches et dire : On va
travailler en français, on va en faire un petit peu plus. Mais elles... À peu
près sans exception, elles nous ont dit : C'est lourd, on veut sortir de
la bureaucratie. Donnez-nous la flexibilité. Donnez-nous la possibilité de
l'implanter à notre rythme et en travaillant à la fois à la qualité et en
travaillant aussi sur le fait que... en respectant le fait qu'on doit
travailler à l'international et que le français est notre langue de travail,
mais n'est pas notre seule langue de travail.
Mme David : Je dirais, à la
page 6, que... C'est une page importante, là, la page 6, où,
vraiment, là, vous taillez pas mal en pièce tout l'article 46, avec les
propositions. Mais vous faites une suggestion très claire à l'effet de retirer
le second paragraphe de l'article 46.1, second paragraphe, c'est :
«il s'était assuré — dans les trois conditions — que les
connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel
étaient insuffisantes pour l'accomplissement de ces tâches.» Ça, vous dites,
pour parler clairement, que ça va foutre le bordel dans les relations de
travail entre les employés. Qui parle mieux? Qui ne parle pas mieux? Qui va
parler anglais? Qui va prendre le job, pas mon job? Ça a l'air d'être un peu ça,
le climat que vous craignez beaucoup, beaucoup. Mais vous dites : Si on
retirait ce deuxième alinéa, on pourrait vivre beaucoup mieux avec la
condition 1 et la condition 3. Est-ce que je suis en train d'essayer
d'aider le ministre à trouver une solution, là?
M. Hamel (Denis) :
Bien, nous essayons d'aider à trouver une porte de sortie. Nous croyons que
notre proposition n'est pas extrême. On ne demande pas le retrait complet.
Effectivement, le deuxième paragraphe, le deuxième alinéa pose
problème plus que les deux autres. Avec les deux autres, on serait prêts à
vivre, les entreprises seraient prêtes à vivre avec.
Mme David : Expliquez-nous
donc mieux, là, parce que j'aimerais ça qu'on avance <là-dessus...
M. Hamel (Denis) :
... trouver une porte de sortie. Nous croyons que notre proposition n'est pas
extrême. On ne demande pas le retrait complet. Effectivement, le
deuxième paragraphe, le deuxième alinéa pose problème plus que les
deux autres. Avec les deux autres, on serait prêts à vivre, les entreprises
seraient prêtes à vivre avec.
Mme David : Expliquez-nous
donc mieux, là, parce que j'aimerais ça qu'on avance >là-dessus et que
vous puissiez vraiment expliquer pourquoi ça fait une grosse différence.
• (18 h 10) •
M. Hamel (Denis) :
Bien, comme je l'ai souligné tantôt, je donnais l'exemple d'il y a une
personne, dans une équipe, ou deux personnes qui parlent une autre langue, ces personnes-là
quittent l'organisation, on doit... Vous savez, dans une petite organisation,
ce n'est pas comme une structure quand il y a 1 000 ou 2 000 employés,
c'est très flexible, on s'ajuste en fonction des qualités et des expériences de
tous et chacun. Alors, on risque, c'est un risque qui a été soulevé, qui est
bien réel qu'il y ait de la jalousie, qu'il y ait des griefs, qu'il y ait des
plaintes soit devant... et encore, ça, on le mentionne, est-ce que c'est
l'OQLF, est-ce que c'est la commission de la santé et sécurité au travail qui
va être appelé à régler ce genre de grief là? On vient mettre, je dirais... on
vient mettre un pavé dans la mare des relations de travail. Alors, justement...
Alors, au lieu de dire : On enlève tout l'article, notre proposition est
bien simple, de juste retirer ce paragraphe 2°, qui,
d'après nous, est là où le bât blesse le plus.
Mme David : J'ai deux autres questions
dans cet article-là, parce qu'il est fondamental, l'article 46. Vous
demandez de changer les mots «aux tâches» par les mots «à l'emploi». Alors,
pourquoi «aux tâches à accomplir»... Je vais lire, là, pour les bienfaits des collègues,
il avait... une des conditions : «Il avait évalué les besoins
linguistiques réels associés aux tâches à accomplir.» Et vous proposez «les
besoins réels associés à l'emploi». Et ça a l'air de faire une grosse, grosse
différence, pour vous.
M. Hamel (Denis) :
Bien, écoutez, je ne suis pas juriste, et c'est une nuance que notre équipe,
avec les équipes juridiques de nos membres, ont développée. Mais effectivement il
y a une nuance fondamentale dans le sens que, comme on dit, on engage pour les
compétences. Les tâches, elles, peuvent changer. L'emploi, lui, est beaucoup
plus fixe. Donc, les tâches... de le rattacher à une tâche, c'est beaucoup plus
problématique.
Mme David : Et comprenez-moi,
je ne veux pas vous embêter, parce que moi aussi, j'ai eu quelques cours de
droit accélérés pour préparer ce projet de loi, vous comprendrez, il y a un mot
que vous ne contestez pas, puis je ne veux pas vous obliger à contester, là,
mais c'est un mot, pour les juristes, qui a une valeur extrêmement lourde, et c'est
le mot «réputé». L'employeur... à 46.1, je lis le début de 46.1 : «Un
employeur est réputé ne pas avoir pris tous les moyens raisonnables…» Autrement
dit, c'est, M. le ministre, vous me corrigerez, irréfragable. C'est
irréfragable. Eh! je m'en suis souvenue. C'est irrécusable, on ne peut pas
contester, l'employeur est réputé. Alors, un juriste dit : Mais c'est
d'une lourdeur épouvantable. Il faut mettre au moins «est présumé», qu'il y ait
au moins la petite porte de sortie pour pouvoir s'expliquer. Irréfragable,
souvenez-vous de ça.
M. Hamel (Denis) :
Vous me donnez un cours de droit condensé que j'apprécie, mais, vous savez,
quand le ministère de la Justice lui-même dit que, dans cet article-là, on rend
le fardeau tellement lourd que ça va être <dissuasif...
Mme David : ...
la
petite porte de sortie pour pouvoir s'expliquer. Irréfragable, souvenez-vous de
ça.
M. Hamel (Denis) :
Vous me donnez un cours de droit condensé que j'apprécie, mais, vous savez,
quand le ministère de la Justice, lui-même, dit que, dans cet article-là, on
rend le fardeau tellement lourd que ça va être >dissuasif pour
l'employeur, mais, nous, ce qu'on dit, c'est que ça va être justement tellement
lourd que ce ne sera pas gérable, ce ne sera pas gérable dans la vie de tous
les jours.
Mme David : Mais vous
comprenez que le mot «réputé» veut dire : Il est coupable avant même
d'avoir le temps de se défendre.
M. Hamel (Denis) :
Le fardeau de la preuve est sur le dos de l'employeur.
Mme David : Oui, alors, ça
rajoute à toute la lourdeur dont vous parlez. On n'a même pas parlé desdites
conditions qu'on parle, il est réputé coupable avant même avoir parlé des
conditions.
M. Hamel (Denis) :
D'où le fait qu'on dit qu'on craint pour la qualité des relations de travail
avec justement ce genre de fardeau là.
Mme David : Et est-ce que je
peux résumer en disant, à la page 11, que c'est pour ça que vous dites :
«Recommandation : retirer le premier paragraphe de l'article 81 du
p.l. n° 96, qui modifie l'article 139 de la
Charte de la langue française, en abaissant de 50 à 25 le nombre minimal
d'employés pour que l'entreprise soit assujettie à la charte.» Donc, vous
concluez qu'on ne veut plus rien savoir du 25-49 employés?
M. Hamel (Denis) :
Comprenons-nous bien, au niveau de la charte tel qu'elle existe, oui, on
souhaiterait que ça demeure à 50 et plus, que pour les 25-49, qu'il y ait des
mesures beaucoup plus flexibles comme MEMO, comme ce que l'Office de la langue
française fait, en accord puis avec la participation des employeurs, ça va être
beaucoup plus efficace que la massue, dans le fond, qui est : obliger.
Mme David : Donc, vous n'êtes
pas tellement rassurés de voir ce qui arrive avec le 25-49 en plus ou ce qui
est proposé dans le projet de loi n° 96, même si on enlevait l'article 2,
même si on enlevait le mot «réputé» par «présumé», même si on mettait «emploi»
plutôt que «tâche», là, je mets les trois.
M. Hamel (Denis) :
Oui, c'est ça, il y a beaucoup de choses, là. Lorsqu'on parle du 25-49, c'est l'application
de la charte telle qu'elle existe ou qu'elle existera après l'adoption du projet
de loi n° 96, que ce ne soit pas une mesure coercitive mais une mesure
incitative qui soit développée, peut-être une version allégée, mais qui tient
compte de la réalité des 25-49.
Mme David : Et là je conclus
que vous n'êtes pas satisfaits ou que vous n'êtes pas rassurés.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et ça met fin à l'échange.
Mme David : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, Mme la députée de Mercier, la parole est à vous.
Mme Ghazal : Oui, merci
beaucoup. Merci, messieurs, pour votre présentation. Vous savez, il y a des
choses qu'on répète tout le temps, tout le temps, que ça devient une vérité de
La Palice, et souvent le patronat, le monde des affaires répète toujours la
même chose quand on parle d'une réglementation, d'une nouvelle loi, notamment
la Charte de la langue française, le projet de loi actuel, un, que ça va
générer de la lourdeur bureaucratique, de la paperasse ou de la paperasserie,
pour parler de façon péjorative. Moi, j'ai déjà été dans des entreprises
privées pendant 15 ans. J'ai même été sur une des plus grandes
entreprises, sur un comité de francisation. Vous dites que c'est lourd, mais de
quoi on parle, à quel point c'est si lourd que ça? Il y a combien de rapports,
combien de formulaires à remplir, surtout qu'il y a l'accompagnement de l'OQLF?
L'autre chose, c'est de l'importance de
demander la connaissance de l'anglais en entreprise. Je ne veux pas faire des
cas particuliers. Moi, il y a même quelqu'un de la FCEI, avec qui je parlais,
qui disait : Écoutez, au Québec, il y a quand même suffisamment de gens
qui sont bilingues. Puis on n'est pas parfaitement <bilingues...
Mme Ghazal : ...de
formulaires à remplir. Surtout qu'il y a l'accompagnement de l'OQLF.
L'autre chose, c'est de l'importance de
demander la connaissance de l'anglais en entreprise. Je ne veux pas faire de
cas particulier, moi, il y a même quelqu'un de la FCEI avec qui je parlais qui
disait :
Écoutez, au
Québec, il y a quand même suffisamment
de gens qui sont bilingues. Puis on n'est pas parfaitement >bilingue, on
peut baragouiner un peu l'anglais puis être capable de faire le poste.
L'entreprise a juste à nous donner une formation. J'avais une amie qui faisait
du recrutement dans une entreprise dans la haute finance. Elle recrutait à
travers le monde. Elle venait du Lac-Saint-Jean. Elle ne se sentait pas très,
très à l'aise avec l'anglais. Elle est allée suivre des cours qui lui ont été
payés par son employeur. Donc, on en fait des montagnes, de tout ça. Puis je
pense que c'est possible si on veut vraiment, vraiment réellement que le
français survive au Québec, puis c'est au travail que ça se fait.
La langue du travail, ça, c'est quelque
chose de fondamental. Vous parlez de la qualité du français, sa maîtrise. Donc,
le système d'éducation, mais il y aussi la formation en entreprise. Et la façon
la plus efficace pour les personnes qui ne parlent pas très bien le français, notamment
dans les PME, les personnes immigrantes, c'est la francisation en entreprise.
Les fins de semaine, les soirs, ils ont d'autres choses à faire, s'occuper de
leur famille. À Québec solidaire, on a proposé de prendre la loi du 1 % de
la formation de la main-d'oeuvre et d'y ajouter aussi un plus grand
pourcentage, un plus haut, 0,5 %, pour faire de la francisation en
entreprise, surtout à Montréal. Qu'est-ce que vous en pensez?
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous avez 45 secondes pour répondre.
M. Blackburn (Karl) : Bien, il
y a beaucoup de choses dans ce que vous avez dit. D'abord, par où commencer? Je
suis issu du milieu des affaires également. J'ai eu l'expérience de m'occuper
de l'Office de la langue française pour une grande multinationale américaine,
et c'était... j'avais la capacité, avec ce travail, de pouvoir avoir le support
nécessaire pour être capable de rencontrer les exigences que demandait l'Office
et le respect pour la certification. Une plus petite entreprise n'a pas cette
possibilité ou cette flexibilité. Ce n'est pas tout à fait exact de dire que
les employeurs sont toujours contre plus de lourdeur administrative. Ce qu'on
souhaite, c'est que les argents qu'on demande d'investir aillent au bon endroit
et donnent les bons résultats. Le Conseil du patronat du Québec, comme je l'ai
mentionné, depuis près de 52 ans, la langue française, c'était un de nos
premiers chevaux de bataille où nous avons de la qualité du français, de la
langue du français comme étant la langue du travail une priorité absolue pour...
au Québec.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois mettre fin à l'échange, malheureusement. M. le député de Matane, la
parole est à vous.
Mme Ghazal : On s'en reparlera
plus tard.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue aux membres du Conseil du patronat. Plusieurs de vos
membres sont dans le commerce au détail, dans l'hôtellerie, dans la
restauration. Alors, je vais vous parler du visage de Montréal, mais surtout de
ce qu'on y entend lorsqu'on se fait servir. Je suis l'auteur d'une motion
maintenant célèbre, qui porte le nom du «Bonjour! Hi!», adoptée par l'unanimité
de l'Assemblée nationale. Tous les députés, à deux reprises, en 2017 et 2019,
ont voté pour cette motion, et je les en remercie. Qu'est-ce que je voulais
illustrer? Les problèmes qu'on a de se faire servir en français. C'est «Bonjour!
Hi!» ou des fois il n'y a même pas de «Bonjour!», c'est «Hi!»
Alors, on a cherché une façon de faire
face à cette situation qui, certainement, vous inquiète. Le ministre, à
l'époque, avait envisagé de légiférer là-dessus. Finalement, ça a duré une <demi-journée...
M. Bérubé : ...
je
voulais illustrer? Les problèmes qu'on a de se faire servir en français. C'est «Bonjour!
Hi!» ou des fois il n'y a même pas de «bonjour», c'est «hi.»
Alors, on a cherché une façon de faire
face à cette situation qui, certainement, vous inquiète. Le ministre, à
l'époque, avait envisagé de légiférer là-dessus. Finalement, ça a duré une >demi-journée,
le premier ministre a dit : Ce n'est pas une bonne idée. Mais, quand même,
j'apprécie son volontarisme, et, moi aussi, ça me préoccupe.
Donc, on est arrivé avec une proposition
toute simple où on prend les choses d'une autre façon : un insigne de
bonne conduite linguistique. Au lieu de taper sur les doits ou de dénoncer, on
va valoriser ceux qui le font correctement. Et je prends ce moment pour vous
parler de notre proposition pour la tester avec vous.
Alors, toutes les entreprises qui font
affaire au Québec ont l'obligation de répondre aux exigences de l'OQLF. Celles
qui respectent l'entièreté des dispositions pourraient apposer fièrement un
insigne de bonne conduite sur leur devanture ou sur leur site Internet. C'est
une mesure incitative et positive tant pour les entreprises de commerce, de
services, de détail, d'hôtellerie, de restauration : Ici, on accueille en
français. Autrement dit, c'est une valeur ajoutée, c'est un label supplémentaire.
Les entreprises seraient fières de dire : Ici, on sert en français. C'est
une responsabilité, en même temps. Et celles qui ne l'ont pas, on pourrait se
poser la question : Bien, pourquoi vous ne l'avez pas, vous? Vous ne
servez pas en français? Ouais.
Alors, vous voyez, c'est une mesure toute
simple qu'on aimerait voir au centre-ville de Montréal, à Laval, à Brossard et
ailleurs. Qu'est-ce que vous en pensez, de ce genre de position?
La Présidente (Mme Thériault) :
...45 secondes également.
M. Blackburn (Karl) : Votre
idée n'est pas mauvaise.
M. Bérubé : Bon, j'en ai
d'autres, j'en ai d'autres.
M. Blackburn (Karl) : Il vous
reste une trentaine de secondes.
M. Bérubé : Vous n'avez pas
perdu l'habitude, ex-député que vous êtes. Nous, on pense que l'immigration...
Vous êtes pour l'immigration, vous voulez davantage d'immigration. Je vais
faire quelque chose avec vous. Êtes-vous d'accord qu'elle soit francophone à
l'arrivée?
• (18 h 20) •
M. Blackburn (Karl) : Bien,
c'est probablement une des exigences qui fait en sorte que l'immigration
francophone, à 75 %, parle le français.
M. Bérubé : Bien oui, elle est
francophone.
M. Blackburn (Karl) : Et, dans
le contexte de la pénurie de main-d'oeuvre, si vous me le permettez, je vais
utiliser les 20 dernières secondes qu'il nous reste, dans le contexte de
la pénurie de main-d'oeuvre, le Conseil du patronat du Québec a proposé pas
une, pas deux, 10 solutions pour palier à la pénurie de main-d'oeuvre. La
formation, la députée ici en a parlé.
M. Bérubé : En français.
M. Blackburn (Karl) : La
formation, le rehaussement de compétences, l'intégration, l'inclusion et aussi
l'immigration.
M. Bérubé : Oui, mais pas à
l'entrée? Nous on veut que ce soit à l'entrée, le français.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange. Donc, merci aux gens du Conseil
du patronat d'avoir accepté de venir discuter du projet de loi avec nous
aujourd'hui.
Et je suspends les travaux
jusqu'à demain, après les affaires courantes. Merci, bonne soirée.
(Fin de la séance à
18 h 21)