Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Le
mardi 28 septembre 2021
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Vol. 45 N° 96
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français
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Intervenants par tranches d'heure
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Thériault, Lise
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Lévesque, Mathieu
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David, Hélène
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Birnbaum, David
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Bérubé, Pascal
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Skeete, Christopher
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Skeete, Christopher
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Thériault, Lise
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David, Hélène
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Barrette, Gaétan
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Lemieux, Louis
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David, Hélène
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David, Hélène
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Thériault, Lise
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Birnbaum, David
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Skeete, Christopher
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David, Hélène
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David, Hélène
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Thériault, Lise
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Birnbaum, David
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Jolin-Barrette, Simon
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Lemieux, Louis
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Lévesque, Mathieu
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David, Hélène
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Birnbaum, David
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Thériault, Lise
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Lemieux, Louis
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David, Hélène
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David, Hélène
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Thériault, Lise
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Thériault, Lise
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David, Hélène
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Birnbaum, David
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Lemieux, Louis
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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9 h 30 (version révisée)
(Neuf heures quarante-six minutes)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue
officielle et commune du Québec, le français.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui,
Mme la Présidente. Mme IsaBelle (Huntingdon) sera remplacée par
M. Lévesque (Chapleau); Mme Rizqy (Saint-Laurent), par
M. Barrette (La Pinière); Mme St-Pierre (Acadie), par
M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau), par
Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon (Joliette), par M. Bérubé
(Matane-Matapédia).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup. Donc, cet avant-midi, nous entendrons la Chambre des notaires
du Québec, suivie par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et le Syndicat
de la fonction publique et parapublique du Québec.
Donc, sans plus tarder, je souhaite la
bienvenue aux représentants de la Chambre des notaires. Je vous rappelle que
vous avez 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à
la période d'échange, tout d'abord, avec le ministre et, par la suite, avec les
députés des oppositions. Donc, Mme Potvin, je vous cède la parole et
présentez-nous la personne qui vous accompagne.
Chambre des notaires du Québec (CNQ)
Mme Potvin (Hélène) : Parfait.
Alors, merci beaucoup. Bonjour à tous. Alors donc, je vous présente Me Michel
Vermette, qui est notaire émérite, et qui a agi comme expert dans ce dossier,
et a participé à la rédaction du mémoire, et moi-même, Hélène Potvin, donc je suis
notaire et présidente de la Chambre des notaires du Québec.
Alors, Mme la Présidente, M. le ministre,
Mmes, MM. les députés, au nom de la Chambre des notaires du Québec, je vous
remercie d'avoir invité notre ordre professionnel à participer aux consultations
particulières portant sur le projet de loi n° 96. La chambre estime qu'en
déposant le projet de loi n° 96 le ministre de la Justice et de la Langue
française prend les moyens nécessaires pour freiner le déclin de la langue
française au Québec, situation qui a été évoquée plus tôt dans le cadre des
présentes consultations particulières. En conséquence, la chambre appuie, de
façon générale, cette pièce législative importante pour l'avenir du français au
Québec.
Les notaires participent à l'évolution de
la société québécoise depuis plus de quatre siècles. La Chambre des notaires a
donc toujours défendu le caractère distinct et l'identité nationale du Québec. La
langue française constituant la pierre <d'assise...
Mme Potvin (Hélène) : ...
cette
pièce législative importante pour l'avenir du français au Québec.
Les notaires participent à l'évolution
de la société québécoise depuis plus de quatre siècles. La Chambre des notaires
a donc toujours défendu le caractère distinct et l'identité nationale du Québec.
La langue française constituant la pierre >d'assise de cette identité
nationale, il va sans dire que la chambre a souvent pris position pour une plus
grande protection et valorisation du français, notamment lors des travaux sur
le projet de loi n° 14 en 2013.
Nos recommandations et nos observations
porteront principalement sur deux volets : le droit professionnel et le
droit des contrats. Ces dernières sont émises, je tiens à le préciser, dans
l'objectif d'atteindre un équilibre entre la protection du français et la
sauvegarde des droits individuels qui s'exercent à travers notre système de
justice, notamment dans la pratique quotidienne des notaires.
Afin d'atteindre ces objectifs de
protection et de valorisation du français, le projet de loi n° 96 comporte
plusieurs dispositions ayant un impact considérable sur le droit professionnel.
Ainsi, la chambre voit d'un bon oeil ces dispositions qui, globalement, visent
à améliorer les compétences en français des professionnels en donnant les
outils nécessaires aux instances des ordres pour y parvenir. On pense, par
exemple, à la possibilité d'imposer des stages et des cours de perfectionnement
aux membres n'ayant pas une connaissance suffisante du français pour l'exercice
de leurs fonctions.
La nouvelle marge de manoeuvre qu'offre le
projet de loi aux ordres professionnels trouve particulièrement écho au sein de
la pratique notariale. En effet, en raison de son statut d'officier public et
parce qu'il est délégataire d'une parcelle des pouvoirs de l'État, le notaire
exerce une charge publique. Dans l'exercice de ses fonctions, il va sans dire
qu'une très grande connaissance de la langue officielle du Québec est
nécessaire, notamment dans la rédaction d'actes authentiques et afin de bien
informer les parties de leurs droits et leurs obligations pour qu'elles
puissent donner un consentement éclairé.
• (9 h 50) •
La chambre accueille très positivement la
modification de l'article 35 de la charte, qui permettra désormais à notre
ordre professionnel de faire la preuve qu'un candidat à l'exercice de la
profession ne détient pas les connaissances suffisantes de la langue française
pour exercer le notariat. La modification proposée par le projet de loi
constitue une avancée importante dans ce domaine, et la Chambre des notaires
s'en réjouit.
Par ailleurs, et considérant l'importance
du français dans l'exercice de la profession notariale et le fait que les
notaires assument une charge publique, la chambre aimerait obtenir la
discrétion nécessaire pour établir ses propres critères et modalités de
vérification, tout comme c'est déjà le cas pour les organismes de
l'administration. De cette façon, l'ordre, en collaboration avec l'Office des
professions du Québec, l'Office québécois de la langue française et le
commissaire aux admissions, pourrait véritablement s'assurer de la bonne
maîtrise de la langue française par ses membres.
La chambre soutient qu'une grande maîtrise
du français est indispensable à l'exercice de la profession de notaire.
Toutefois, la chambre se questionne si le <fait de ne...
Mme Potvin (Hélène) : ...
l'Office
québécois de la langue française et le commissaire aux admissions, pourrait
véritablement s'assurer de la bonne maîtrise de la langue française par ses
membres.
La chambre soutient qu'une grande
maîtrise du français est indispensable à l'exercice de la profession de
notaire. Toutefois, la chambre se questionne si le >fait de ne pas
maintenir une connaissance suffisante de la langue officielle par un professionnel
devrait être considéré comme étant un acte dérogatoire à la dignité de la
profession.
En effet, bien qu'elle comprenne l'objectif
visé par cet article, la chambre croit que le moyen de l'atteindre passe plutôt
par des mesures d'accompagnement qui auraient l'effet concret d'améliorer la
maîtrise du français par le professionnel plutôt que par des mesures
coercitives et punitives qui, selon nous, n'atteindraient pas les résultats
escomptés.
Le p.l. n° 96 vient aussi
modifier l'article 32 de la charte afin d'obliger les ordres professionnels
à utiliser uniquement le français dans leurs communications orales et écrites
aux membres. Pour votre information, la chambre remplit déjà cette exigence en
communiquant exclusivement en français dans les documents d'information
destinés à nos membres. Le législateur a délégué aux ordres professionnels des
pouvoirs de limiter l'exercice ou d'imposer des mesures envers leurs membres
pour la protection du public. Lorsqu'une instance de l'ordre agit dans ce
cadre, la décision rendue doit pouvoir encore être rédigée en anglais, si nécessaire,
si le membre est plus à l'aise dans cette langue. En effet, le professionnel
doit être en mesure de bien comprendre les motifs de la décision rendue. Il en
va ici du respect, de principes de justice naturelle, un des fondements de
notre système juridique. Il serait donc important que les modifications
projetées à l'article 32 de la charte ne soient pas interprétées comme
limitant les principes de justice naturelle.
Enfin, et pour clore nos commentaires sur
le droit professionnel, la chambre rappelle le caractère fondamental du secret
professionnel du notaire et tient à s'assurer que le p.l. n° 96 ne
viendra en aucun temps le compromettre.
La seconde partie de notre mémoire porte
sur l'impact qu'auront les dispositions du p.l. n° 96 sur le droit
des contrats au Québec. Ainsi, la chambre a analysé le projet de loi sous la
loupe des notaires praticiens afin de déterminer de quelle façon il modifiera
les pratiques en cours. Ce faisant, nous avons constaté que certains articles
du projet de loi allaient nécessairement se buter à des réalités juridiques
s'ils demeurent inchangés.
La chambre estime que sa recommandation la
plus importante à ce sujet concerne la publicité des droits. En effet, les
notaires doivent quotidiennement publier des droits au Registre foncier, le
plus souvent, dans le cadre de transactions immobilières.
Or, le p.l. n° 96 vient modifier
le droit actuel en mentionnant que les réquisitions d'inscription, ce qui est
publié au registre, doivent être rédigées exclusivement en français. De plus,
ces réquisitions doivent être présentées, accompagnées de documents qui, s'ils
sont rédigés dans une langue autre que le français, doivent en plus être
accompagnés d'une traduction <vidimée...
Mme Potvin (Hélène) : ...en
mentionnant que les réquisitions d'inscription, ce qui est publié au registre,
doivent être rédigées exclusivement en français. De plus, ces réquisitions
doivent être présentées, accompagnées de documents qui, s'ils sont rédigés dans
une langue autre que le français, doivent en plus être accompagnés d'une
traduction >vidimée au Québec.
La mise en oeuvre de ces modifications
entraînera inévitablement des impacts majeurs, non seulement dans la pratique
des notaires, mais aussi pour leurs clients, et même pour le bon déroulement
des transactions immobilières, partout au Québec.
Pour bien comprendre les problématiques
anticipées, prenons l'exemple d'une vente d'immeuble. Cette vente doit être
inscrite au Registre foncier pour que les droits qu'elle contient produisent
tous ces effets, notamment pour être opposables aux tiers, c'est-à-dire faire
en sorte que personne ne puisse venir contester le type de propriété de
l'acheteur. La publication d'une vente immobilière est donc une étape capitale
dans le cheminement d'une transaction immobilière au Québec.
Or, le projet de loi vient mentionner que
la réquisition d'inscription d'un droit immobilier doit être rédigée exclusivement
en français. Cette situation entraîne des problèmes importants. Tout d'abord,
l'acte de vente qui est rédigé en anglais ne pourra être publié tel quel au Registre
foncier. Le notaire devra rédiger en plus un sommaire en français de l'acte et
l'accompagner d'une copie et d'une traduction en français. Par conséquent, il y
aurait dépôt de trois documents au lieu d'un seul, comme c'est le cas aujourd'hui.
Cela entraînera inévitablement des coûts supplémentaires pour les parties pour la
préparation du sommaire par le notaire, ainsi que pour la traduction de l'acte.
Un autre problème est la traduction
vidimée de l'acte notarié devant être déposée au Registre foncier. Cette
traduction ne pourra pas être équivalente à une copie conforme de l'acte
authentique, laquelle doit être une reproduction fidèle du contenu de l'acte et
ne peut être délivrée que par le notaire. Sa valeur ne pouvant être
authentique, la personne qui consulterait cette traduction au Registre foncier
ne pourrait prétendre consulter une copie conforme à l'original.
L'autre problème concerne les délais de
publication. Actuellement, le délai pour la transmission de l'acte au Registre
foncier est très rapide, souvent dans les heures suivant la clôture de l'acte.
Avec les changements proposés, les délais pour la traduction de l'acte et la
préparation du sommaire s'ajouteront, créant ainsi une augmentation
substantielle du délai pour le dépôt à la publication. Ces délais ont des
conséquences importantes.
Tout d'abord, le notaire doit attendre que
l'acte soit publié pour remettre l'argent au client. Donc, le vendeur devra peut-être
attendre plusieurs jours pour obtenir l'argent de la vente de sa maison.
Sachant que le vendeur utilise souvent l'argent du prix de vente de sa maison
pour financer l'achat d'une autre résidence, les délais en question retarderont
en cascade les transactions immobilières subséquentes.
Considérant les conséquences importantes
de ces modifications, la chambre recommande donc au législateur de retirer les
articles 124, 125, 126 et 196 du projet de loi et de <ne pas...
Mme Potvin (Hélène) : ...les
délais en question retarderont en cascade les transactions immobilières
subséquentes.
Considérant les conséquences
importantes de ces modifications, la chambre recommande donc au législateur de
retirer les articles 124, 125, 126 et 196 du projet de loi et de >ne
pas intervenir en matière de publicité des droits.
En terminant, la chambre rappelle qu'elle
demeure disponible afin de travailler étroitement avec l'ensemble des parties
prenantes dans ce dossier et soyez assuré, M. le ministre, de notre entière
collaboration pour la suite des travaux entourant le projet de loi n° 96.
Alors, je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, Me Potvin. Donc, vous avez pris une trentaine de secondes
supplémentaires qui seront retranchées, offertes gracieusement par le ministre.
M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. Je souhaite vous souhaiter une bonne semaine, Mme la
Présidente, qui sera chargée. Me Potvin, Me Vermette, bonjour. Merci
de votre présence en commission parlementaire.
Vous l'avez dit d'entrée de jeu et vous le
dites dans votre mémoire, la Chambre des notaires et les notaires, depuis
400 ans, au Québec, en Amérique du Nord, ce sont des gens qui,
continuellement, ont tenu la présence du français dans les documents officiels,
hein? On se souvient, au fil des années, qui était présent, qui est resté sur
le territoire québécois suite à la guerre de la Conquête, notamment les
notaires. Et c'est ce qui a permis d'assurer, notamment, une histoire, un
historique à la nation québécoise.
Cette identité particulière là, vous en
faites mention, vous dites : Nous sommes pour le caractère distinct du
Québec, et notamment, ce caractère distinct du Québec passe par la langue
française. Vous faites référence également, dans votre mémoire, à votre
déception suite à l'accord du lac Meech, la non-ratification. Et vous dites :
La chambre a toujours pris une position qui se dit nationaliste pour faire en
sorte de défendre la langue française. Et donc, vous comprenez toute
l'importance de protéger la langue publique, la langue commune, la langue
officielle du Québec, à la fois dans ce que constitue le Québec au sein,
notamment, de la fédération canadienne, mais aussi au sein des documents
officiels. Donc, est-ce que je résume bien votre propos?
Mme Potvin (Hélène) : Tout à
fait. Tout à fait. La Chambre des notaires... vous savez, les notaires font
partie de la spécificité du droit civil. Donc, nous sommes la seule province au
Canada où le droit civil est présent. Alors... et les notaires font partie
intégrante du concept de droit civil. Donc, effectivement, nous avons toujours...
nous nous sommes sentis vraiment partie de cette société distincte là et nous
en faisons la promotion depuis, effectivement, le début de la colonie.
• (10 heures) •
M. Jolin-Barrette : O.K. Un
notaire, là, si je ne me trompe pas, c'est un officier public, hein? Puis vous
avez un <rôle particulier aussi dans ce que le notaire fait...
>
10 h (version révisée)
< Mme Potvin (Hélène) : ...nous
nous sommes sentis vraiment partie de cette société distincte là et nous en
faisons la promotion depuis, effectivement, les débuts de la colonie.
M. Jolin-Barrette :
O.K. Un notaire, là, si je ne me trompe pas, c'est un officier public, hein?
Puis vous avez un >rôle particulier aussi, dans ce que le notaire fait,
ça a un caractère officiel aussi dans les documents que vous faites. Donc,
souvent, la publication ou les actes que vous faites sont à caractère public et
officiel. Donc, moi, je vois un petit peu un lien avec la langue officielle du
Québec. Comment vous voyez ça?
Mme Potvin (Hélène) : Mais,
écoutez, le notaire, comme vous dites, est un officier public, donc tire ses
pouvoirs de l'État en rendant authentiques les documents, donc ayant... ce qui
permet d'avoir une valeur aussi forte qu'un document qui émane du gouvernement.
Alors, pour nous, c'est important, effectivement, que le notaire puisse encore
mieux maîtriser la langue française pour jouer son rôle, jouer encore mieux son
rôle d'officier public et vraiment de protéger et de valoriser la langue
française.
M. Jolin-Barrette : Donc,
dans certains cas, un document authentique fait par le notaire, c'est
l'équivalent d'un document de l'État. Ça a le même caractère exécutoire et
fondamental?
Mme Potvin (Hélène) : Tout à
fait.
M. Jolin-Barrette : O.K.
J'aimerais ça qu'on aborde la question de l'article 35 du projet de loi
relativement aux ordres professionnels. Et actuellement, la façon dont la
Charte de la langue française était effectuée, il y avait une présomption
irréfragable de la connaissance du français pour les membres, avec certains
critères.
Bon, qu'est-ce que ça signifie, une «présomption
irréfragable»? Pour les non-initiés, c'est une présomption qui ne peut pas être
repoussée. Donc, autant dire que le ciel est bleu puis l'enfer est rouge, si on
résume ça comme ça.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : C'est une
blague, c'est une blague.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Pas tant
que ça, là, mais je vous taquine. Je vous taquine.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Alors,
Mme la Présidente, un peu de sérieux.
Des voix
: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est vous qui avez déclenché ça, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Je sais
que ça fait plaisir au député de La Pinière. Alors, ma question plus
fondamentale, le fait d'enlever la présomption irréfragable, ça va permettre
aux ordres professionnels de vérifier véritablement et de s'assurer du maintien
de la connaissance de leurs membres de pouvoir s'exprimer et de travailler en
français. Pourquoi c'est important pour la Chambre des notaires?
Mme Potvin (Hélène) :
Présentement, le texte actuel, comme vous l'avez si bien expliqué, donc,
démontrait une présomption où, dès qu'on a un secondaire III... Donc, on a
étudié en français, on a un secondaire III, nous sommes réputés avoir la
connaissance requise de la langue française.
Donc, pour nous, les modifications, ça va
nous permettre de démontrer que ce n'est pas le cas, même si on a ces
études-là. Donc, on est capable de démontrer que ce n'est pas le cas et on va
pouvoir imposer des cours de perfectionnement, des cours complémentaires, donc,
pour améliorer la qualité du français du notaire. <Donc, ça, c'est très,
très bien...
Mme Potvin (Hélène) : ...permettre
de démontrer que ce n'est pas le cas, même si on a ces études-là. Donc, on est
capable de démontrer que ce n'est pas le cas et on va pouvoir imposer des cours
de perfectionnement, des cours complémentaires, donc, pour améliorer la qualité
du
français du notaire. >Donc, ça, c'est très, très bien.
Et nous, on va plus loin en demandant que
l'on puisse établir, nous-mêmes, nos critères et les modalités, en
collaboration avec les autres instances, pour vraiment, vraiment ajouter des
compétences supplémentaires au notaire, parce que le français, pour les
notaires, c'est un instrument de travail très important. Donc, on utilise le français
pour démontrer la volonté des parties, pour l'exprimer, pour la préciser, pour
la nuancer. Donc, l'importance d'une très, très bonne connaissance est très
importante. Alors donc, nous, on voit d'un très, très bon oeil, comme je le
disais en entrée de jeu, cette modification-là, mais on aimerait quand même
avoir des outils supplémentaires pour pouvoir s'assurer que nos membres ont une
connaissance et une maîtrise importante de la langue française.
M. Jolin-Barrette : Je veux
qu'on reste sur ce sujet-là, parce que, si on l'image, là, dans le fond, les
notaires, dans un premier temps, c'est des officiers publics, mais également...
et ils sont membres de l'ordre professionnel, donc de la Chambre des notaires.
Quelle est l'importance pour un professionnel, pour un membre d'un ordre
professionnel, d'être capable de communiquer avec un client, avec un citoyen ou
une citoyenne québécoise en français? Pourquoi cette importance-là d'avoir une
obligation pour les membres des ordres professionnels d'être capables, tout au
long de leur carrière, de communiquer avec le public en français?
Mme Potvin (Hélène) : Écoutez,
le notaire vient... travaille avec, il vient expliquer, il doit s'assurer
d'avoir un consentement des parties, donc d'être bien capable d'expliquer les
droits, les obligations à ses clients. Donc, c'est vraiment fondamental qu'il
puisse s'exprimer, donc, tant à l'oral qu'à l'écrit, alors avec un français qui
lui permette vraiment de bien comprendre, de bien expliquer la situation et de
bien recevoir le consentement des parties qui sont impliquées dans ces
transactions.
M. Jolin-Barrette : Et là,
dans votre proposition de mémoire, vous proposez d'avoir des pouvoirs
supplémentaires plus loin que ce qui est prévu dans le projet de loi n° 96.
Pourquoi? Est-ce qu'au cours des années, vous avez constaté certaines
situations? Pourquoi est-ce que vous voulez qu'on renforce le projet de loi sur
ce volet-là?
Mme Potvin (Hélène) :
Effectivement, nos inspecteurs nous rapportent que certaines... qu'il existe
certaines problématiques chez nos membres, donc une qualité qui n'est pas toujours
à la hauteur de ce qu'on pourrait s'attendre. Et on a aussi... on a mis en
annexe, là, certaines statistiques à notre mémoire qui vient démontrer qu'il
peut y avoir des lacunes auprès de certains membres.
Donc, c'est pour cette raison-là qu'on
aimerait avoir des outils supplémentaires pour pouvoir hausser, si c'est
nécessaire, les compétences par rapport à d'autres ordres professionnels qui
n'auraient pas <les mêmes besoins que nous...
Mme Potvin (Hélène) : ...vient
démontrer qu'
il peut y avoir des lacunes auprès de certains membres.
Donc, c'est pour cette raison-là qu'on
aimerait avoir des outils supplémentaires pour pouvoir hausser, si c'est
nécessaire, les compétences par rapport à d'autres ordres professionnels qui
n'auraient pas >les mêmes besoins que nous.
M. Jolin-Barrette : O.K. Vous
avez abordé, tout à l'heure, en fin de discussion, les effets du projet de loi,
notamment sur les transactions immobilières et sur l'inscription au Registre
foncier.
Je vais vous donner un cas d'exemple. Je
souhaite acquérir une propriété au centre-ville de Montréal. La propriété que
je souhaite acquérir, c'est une copropriété dans une tour à condo. L'ensemble
du développement immobilier s'est fait en anglais. J'arrive chez le notaire, le
vendeur veut que la... Dans le fond, j'arrive chez le notaire, mais la
transaction, bien, le projet de contrat d'acte de vente est en anglais, la
déclaration de copropriété en anglais. Est-ce que, dans un État de langue
française comme le Québec, on ne devrait pas faire en sorte que le citoyen
puisse avoir accès à ces documents-là en français au niveau de la déclaration
de copropriété, au niveau de l'acte de vente également, sans qu'il y ait un
débalancement entre les parties? Parce que, vous savez, le marché immobilier peut
être en effervescence.
Alors, je vais vous vendre en anglais la
déclaration de copropriété, et même les citoyens peuvent ne pas comprendre ce
qui est indiqué dans la déclaration de copropriété. Et, au-delà de ça, lorsque
je consulte le Registre foncier actuellement, la publication peut être
uniquement en anglais. Et là le citoyen qui va sur un registre de l'État, donc
le Registre foncier, constate que des documents officiels qui affirment
justement la chaîne de titre et la possession aux yeux des tiers est uniquement
dans une autre langue que la langue officielle. Vous ne trouvez pas là qu'il y
a un enjeu, pour les Québécois et Québécoises, de pouvoir comprendre, de
pouvoir connaître et de pouvoir prendre les décisions éclairées à ce niveau-là?
Mme Potvin (Hélène) : Dans
l'exemple que vous évoquez, c'est certain qu'il ne pourra pas avoir... ça ne
corrigera pas le passé. Donc, si vous achetez aujourd'hui un immeuble dans une
tour à condo, les documents, s'ils sont déjà en anglais, vont rester en
anglais. Donc, ce que vous pourriez exiger, effectivement, c'est la copie de
votre contrat en français.
Par contre, nous, ce qu'on travaille
surtout, ce qu'on recommande surtout, c'est de ne pas toucher à la publicité
des droits, donc ne pas... parce que ça va vraiment causer des problèmes au
niveau des délais et des coûts comme je l'expliquais sommairement. Alors, c'est
certain que, pour nous, il y a peut-être d'autres façons de faire, mais nous,
on recommande vraiment, pour l'instant, de ne pas toucher à le... aux articles,
pardon, sur la publicité des droits.
M. Jolin-Barrette : Ça, je
comprends sur la mécanique, mais, sur le fond... <Je veux vous entendre...
Mme Potvin (Hélène) : ...comme
je l'expliquais sommairement. Alors, c'est certain que, pour nous,
il y
a peut-être d'autres façons de le faire, mais nous, on recommande vraiment,
pour l'instant, de ne pas toucher à le... aux articles, pardon, sur la
publicité des droits.
M. Jolin-Barrette :
Ça, je comprends, sur la mécanique, mais, sur le fond... >Je veux vous
entendre sur le fond. Quand j'achète un condo à Montréal, est-ce que la
déclaration de copropriété qui devrait m'être soumise et l'acte de vente... que
j'aie la possibilité de contracter en français?
• (10 h 10) •
Mme Potvin (Hélène) : Écoutez,
je vous laisse le soin de faire... de débattre là-dessus. Et puis nous, on... je
crois que ce n'est pas notre rôle, à la Chambre des notaires, de déterminer si
tous les actes devraient être en français.
M. Jolin-Barrette : Juste une
dernière question avant de céder la parole. Pensez-vous que ça arrive, dans
certains bureaux de notaires, particulièrement à Montréal, qu'il y a une
déclaration de copropriété en anglais, un acte de vente en anglais, puis que la
personne ne comprend pas tous les tenants et aboutissants de la déclaration de
copropriété parce que la personne qui fait l'acquisition de la copropriété divise,
elle ne parle pas anglais? Pensez-vous que ça arrive, ça, des gens unilingues
francophones qui achètent un condo puis qui ne comprennent pas ce qui est écrit
dans la déclaration de copropriété?
Mme Potvin (Hélène) : Bien, en
théorie, le rôle du notaire est d'expliquer les contrats, de s'assurer que la
personne connaît bien les obligations, les restrictions qui sont dans la
déclaration de copropriété. Alors, j'ose croire que la personne comprend bien
ce qu'elle signe avant de signer les contrats.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de Chapleau, il vous reste un peu plus de trois minutes à
l'échange.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Me Potvin, Me Vermette, merci beaucoup
d'être ici avec nous ce matin, merci de votre présentation.
Vous disiez d'ailleurs, le notaire comme
officier public, le notaire comme ayant une délégation parcellaire, dans le
fond, de l'État, en quelque sorte. Vous avez utilisé ces mots-là. Vous-mêmes, à
l'ordre... à la Chambre des notaires, vous faites preuve d'exemplarité dans vos
communications avec vos membres.
J'aimerais peut-être revenir, justement,
sur l'idée du Registre foncier qui est assez essentiel en droit immobilier, là,
vous en conviendrez, également la publicité des droits. C'est quand même une
portion de l'État, il y a des documents officiels qui sont publiés là. Vous
parlez de délais, de coûts supplémentaires en lien avec, notamment, peut-être
une traduction de ces éléments-là. Mais justement, dans la foulée d'exemplarité
que, justement, la Chambre des notaires se donne et a voulu se donner depuis le
début de la colonie, on en parlait, ça ne serait pas nécessairement... Ne
serait-ce pas un pas, justement, à faire également au Registre foncier, qu'il y
ait la possibilité que ce soit aussi en français, au-delà des coûts et des
délais?
Mme Potvin (Hélène) : Mais,
écoutez, il faut... Nous, on a rédigé notre mémoire sous la loupe des notaires
praticiens. Alors, effectivement, ce qu'on va constater, c'est une augmentation
des coûts. Il va y avoir nécessairement, donc, une problématique dans les
transactions en cascades où on va devoir préparer... prendre du temps pour
préparer un sommaire de l'acte, préparer une traduction du français.
Alors donc, comment ça va se passer dans
la réalité sur le terrain? Alors, c'est sûr qu'il y a des conséquences, il y a
des conséquences économiques et il y a des conséquences également à... Ce qu'on
souhaite, c'est que tous les citoyens soient traités également aussi. Donc, il
ne faudra pas oublier que le notaire va devoir expliquer à son client qui
souhaite faire un contrat anglophone qu'il aura des délais supplémentaires et
des coûts supplémentaires. Alors, ça peut être problématique au niveau de la
mise en oeuvre, là, du projet de loi.
M. Lévesque (Chapleau) :
Au-delà de ça, au-delà du client, il y a aussi... On peut consulter le Registre
foncier? Il est possible... La population en général peut consulter le Registre
foncier? Oui. O.K. et donc...
La Présidente (Mme Thériault) :
Je m'excuse, M. le ministre a un questionnement, M. le député.
M. Jolin-Barrette : Sur cette
question-là... parce que vous dites, Me Potvin, que ça va être plus
compliqué puis c'est plus complexe. Je comprends que ça va être plus complexe
pour le notaire parce qu'il va avoir plus d'actes à rédiger, sauf que, pour le
public, le fait que les actes soient en français, ça va être pas mal plus
simple de comprendre.
Est-ce que je comprends que, pour le
notaire, ça complexifie les délais, ça complexifie le travail qu'il va avoir à
faire, mais, pour le public, il va avoir accès en français, désormais, aux
copies?
Mme Potvin (Hélène) : Oui. Il
va y avoir, effectivement, un délai supplémentaire, mais effectivement les
documents seront en français pour ceux qui sont plus à l'aise en français. Mais
il y a quand même des Québécois qui sont plus à l'aise dans la langue anglaise,
donc qui doivent aussi avoir accès à ces documents-là dans leur langue si
eux-mêmes sont parties à l'acte.
M. Jolin-Barrette : Effectivement,
et le projet de loi n'empêche pas que ceux-ci aient accès à des documents en
anglais dans leur langue et qu'ils puissent signer leur copie, leur
transaction, leur contrat dans leur langue, en anglais.
Mme Potvin (Hélène) : Oui. Il
ne faut pas oublier aussi que la traduction française, donc, ne pourra pas nécessairement
être faite par le notaire. Donc, il va peut-être falloir prendre un tiers et,
si le contrat a une centaine de pages, bien, il faut quand même calculer qu'il
va y avoir des délais et des coûts.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange, malheureusement. Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
la parole est à vous pour votre 11 min 20 s.
Mme David : Merci beaucoup.
Vous avez passé du beau ciel bleu du ministre à peut-être, je n'espère pas,
l'enfer de mes questions, et ça ne sera pas l'enfer parce que j'ai beaucoup
apprécié votre mémoire. Je l'ai trouvé fort intéressant.
J'ai, moi aussi, évidemment, appris un
nouveau mot, le mot «irréfragable» qui veut dire, dans le fond, qu'on ne peut
pas contredire, c'est irrécusable. Puis là je me demandais si ça ne revenait
pas à votre proposition <d'enlever le mot «réputé»...
Mme David : ...j'ai
beaucoup
apprécié votre mémoire. Je l'ai trouvé fort intéressant.
J'ai, moi aussi,
évidemment,
appris un nouveau mot, le mot «irréfragable» qui veut dire, dans le fond, qu'on
ne peut pas contredire, c'est irrécusable. Puis là je me demandais si ça ne
revenait pas à votre proposition >d'enlever le mot «réputé», parce qu'en
droit c'est un mot extrêmement puissant, et donc «irrécusable», «irréfutable»,
etc., on ne peut pas contredire par «présumer». Donc, ça me semble quelque
chose de très important parce que vous parlez beaucoup de l'importance du français.
Ça peut être... En fait, non, vous parlez de l'importance de très bien
maîtriser la langue de votre client. Dans le fond, c'est ça que vous dites,
parce que ça peut être très bien maîtrisé, la langue anglaise, si vous avez un
client anglais. D'ailleurs, je vais revenir là-dessus tout à l'heure. Mais
parlons d'une majorité qui sont probablement vos clients francophones, j'ai beaucoup
aimé votre introduction sur la qualité du français.
Alors, une fois qu'on a dit ça, vous dites
effectivement : Admettons que la qualité du français n'est pas au niveau
que ça devrait être parce que vous jouez constamment avec le détail des mots
dans les contrats, là, dans... Et je n'ai pas fait souvent affaire avec un
notaire, mais les quelques fois, effectivement, il faut que vous soyez très,
très pertinents. Et donc, si je comprends bien, vous n'aimez pas le mot «réputé»,
il est enlevé dans la suggestion du projet de loi, mais vous, vous mettriez
«présumé», alors que le ministre enlève complètement cette référence-là.
Alors, expliquez-moi pourquoi vous
voudriez remettre le mot «présumé», qui est moins lourd en termes de
conséquences et qui vous permet, et là je réponds à votre place, de
pouvoir aller au maintien de la langue. Parce que ce n'est pas tout, une fois...
c'était ça, le projet de loi actuel, tu es réputé un jour, tu es donc francisé toujours.
C'est ça que ça veut dire. Là, vous voulez «présumé», puis on va aller
vérifier.
Alors, j'ai deux questions, ça va aller
plus vite. C'est : Pourquoi «présumé»? Parlez-nous de ça. Et deuxièmement,
comment... Vous êtes un ordre professionnel dont la qualité du français est
très importante, la qualité de la langue, donc il n'y a rien qui est dit. J'ai
demandé à la présidente de l'OQLF, ce n'est pas encore clair, la réponse. Comment
vous allez maintenir le niveau de français, cinq ans, 10 ans,
15 ans, 25 ans, 30 ans après? Comment vous voyez ça?
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
vous avez... Merci pour votre question. Effectivement, vous avez raison, donc,
le projet de loi utilise le mot «doit». Alors donc, juste pour souci de
cohérence avec les lois qui sont en vigueur, on suggère d'utiliser «présumé»,
donc, qui effectivement, comme vous le disiez, là, constitue une preuve qui
peut être contredite. Alors donc, on va s'assurer comme ça qu'on peut démontrer
le contraire pour démontrer qu'un de nos membres n'a pas les connaissances
requises. Alors, je crois que ça, vous aviez bien, bien résumé.
Quant à l'autre question qui était de...
Mme David : Maintenir.
Mme Potvin (Hélène) : ...maintenir,
oui, pardon. <Alors donc, nos membres font...
Mme Potvin (Hélène) : ...on
peut démontrer le contraire pour démontrer qu'un de nos membres n'a pas les
connaissances requises. Alors, je crois que ça, vous aviez bien, bien résumé.
Quant à l'autre
question qui
était de...
Mme David : Maintenir.
Mme Potvin (Hélène) : ...maintenir,
oui, pardon. >Alors donc, nos membres font l'objet d'inspections à des
fréquences régulières. Alors, nous, nos inspecteurs vont dans les bureaux de
notaires, vérifient les dossiers, vérifient les contrats, vérifient si les
règles sont respectées. Alors donc, il y aura un volet où l'inspecteur pourra
vérifier la qualité du français, donc, avec des outils qu'il aura pour le
vérifier. Et donc nous, c'est qu'on veut avoir... donc être capables de dire,
même si un notaire est notaire... est membre de l'ordre depuis 10 ans,
donc il ne maîtrise pas suffisamment le français, et qu'on puisse maintenant
l'obliger à suivre des cours de perfectionnement.
Mme David : Donc, vous êtes
plus précise que la présidente de l'OQLF. Et moi, j'ai été inspectrice de mon
ordre dans un temps ancien, et vous me confirmez que c'est l'inspecteur, qui
est toujours un membre de l'ordre, un notaire nommé inspecteur pour un an,
deux ans, trois ans, qui va avoir la compétence pour évaluer la
compétence langagière. Moi, j'aurais été bien mal prise d'évaluer la compétence
langagière de mes collègues.
Mme Potvin (Hélène) : Bien, c'est-à-dire
qu'on va développer des outils avec l'OQLF et l'Office des professions pour effectivement
avoir des outils qui seront justes, qui seront équitables et qui pourront être
expliqués facilement aux notaires. Et il y a le volet... il n'y a pas simplement
les inspecteurs aussi, il ne faut pas oublier qu'on a nos candidats à la
profession, donc qui ne sont pas avec les inspecteurs, donc qui vont faire
l'objet d'autres vérifications au départ.
Mme David : J'ai hâte de voir
ça, pour tous les ordres professionnels, de transformer les inspecteurs en
évaluateurs de langage. J'ai vraiment hâte.
• (10 h 20) •
Mme Potvin (Hélène) : Ce n'est
pas notre intention, mais il faut y avoir des outils précis.
Mme David : ...il va falloir
maintenir la compétence, que vous en fassiez la démonstration, alors ça va être
de toute beauté.
Maintenant, si la personne refuse de... le
notaire refuse de prendre un client pour cause de langue, et vous dites à quel
point la langue est importante, c'est... et ça, moi, quand je l'ai lu, j'ai
trouvé ça très, très sévère l'article 35.1, que ça devient un acte
dérogatoire à la dignité de la profession.
Vous en parlez, page 26, vous dites :
«La chambre note aussi qu'un manquement au premier alinéa de l'article 35.1
devient également un acte dérogatoire.» Est-ce qu'on sait ce que c'est, ça, l'acte
dérogatoire à la dignité de la profession? C'est la collusion, la corruption, c'est
l'abus de pouvoir, relation sexuelle avec un patient, etc. C'est énorme. Ça ne
peut pas être plus grave comme geste. Donc, ça serait ça dont serait accusé le
notaire qui refuse de donner un service dans sa langue, dans une autre langue,
en français. Or, vous dites que la compétence en français est extrêmement importante
<pour le rapport avec...
Mme David : ...d'un patient,
etc. C'est énorme. Ça ne pas être plus grave comme geste. Donc, ça serait ça
dont serait accusé le notaire qui refuse de donner un service dans sa langue,
dans une autre langue, en français. Or, vous dites que la compétence en
français est
extrêmement importante >pour le rapport avec un
client. Si le notaire est anglophone et que son client est francophone, et
qu'il est inquiet, et qu'il dit : Non, je pense que c'est trop
sophistiqué, je vais te référer à un collègue francophone, il peut être accusé
d'acte dérogatoire, si je comprends bien.
Mme Potvin (Hélène) : Bien,
c'est pour ça que nous, on suggère de ne pas mettre cette disposition-là dans
cette...
Mme David : ...mais vous êtes
d'accord avec ma façon de le présenter, de dire : Ça pourrait être une
accusation d'acte dérogatoire, et donc vous allez aller vers votre syndic, puis
là la machine s'enclenche à l'accusation, là.
Mme Potvin (Hélène) : Nous, ce
qu'on trouve, c'est que ça ne viendra pas améliorer le français. Même si on a
une amende, même si on a une suspension, ça ne viendra pas corriger le problème.
Alors, c'est pour ça qu'on veut vraiment travailler sur les mesures
d'accompagnement, de perfectionnement du membre pour que ça soit vraiment
positif, qu'il s'améliore et qu'on vienne vraiment régler son problème et non...
Mme David : Excusez-moi, parce
qu'on n'a pas trop de temps, je vais passer la parole à mon collègue. Je peux
conclure que la référence au Code des professions, à l'article je ne sais plus
quoi, mais qui est mentionné à l'article 35.1 du projet de loi, est nettement
excessif et disproportionné par rapport à l'accusation — je n'aime
pas ce mot-là trop, trop — mais à l'accusation de préférer référer un
collègue.
Mme Potvin (Hélène) : Surtout
que nous, on ne trouve pas que ça va atteindre les résultats qu'on souhaite. C'est
dans ce sens-là.
Mme David : Merci beaucoup.
Mon collègue.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le collègue de D'Arcy-McGee, vous avez à peine trois minutes, question,
réponse.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mes Potvin et Vermette, pour votre présentation, et pour
votre rappel de votre rôle en tant qu'officier public d'exemplarité. C'est noté,
et compris, et très important.
Vous parlez, aux pages 26 jusqu'à 30
de votre mémoire, des pouvoirs d'inspection, d'enquête de l'Office québécois de
la langue française, et je vous cite à la fin : «Bref, devant les termes
de l'article 175 — qui a trait à ça — il y a lieu de
se poser la question de savoir si un inspecteur ou un enquêteur de l'OQLF
pourrait exiger d'un syndic d'un ordre professionnel la communication d'un
renseignement ou d'un document contenu à son dossier d'enquête sachant que
toute atteinte à la confidentialité de ce dossier pourrait nuire à l'objectif
de la protection du public, soit le mandat premier de tout ordre
professionnel.»
Ce qui m'amène à deux questions. Dans un
premier temps, de votre avis professionnel, cette disposition, si ce n'était
pas à l'abri des deux chartes des droits et libertés par l'imposition proposée mur
à mur de la clause dérogatoire, est-ce que, de votre avis, cet article serait
très <vulnérable aux...
M. Birnbaum : ...cette disposition,
si ce n'était pas à l'abri des deux chartes des droits et libertés, par l'imposition
proposée mur à mur de la clause dérogatoire, e
st-ce que, de votre avis,
cet article serait très >vulnérable aux contestations judiciaires? Et
dans un deuxième temps, est-ce que, de votre avis, ces pouvoirs, en quelque
part exceptionnels, s'avèrent nécessaires?
Mme Potvin (Hélène) : Je
rappelais d'emblée que le secret professionnel du notaire est un enjeu très,
très important. Donc, nous sommes un ardent défenseur, à la Chambre des
notaires, du secret professionnel pour que le public, le client du notaire,
puisse vraiment expliquer toutes les informations, lui donner toutes les
informations en sachant que cette information-là est protégée.
La même chose du côté de notre syndic, on
veut que la population, les clients puissent vraiment bien exprimer et tout
dévoiler au syndic sans faire l'objet de... sans être obligés... sans avoir
peur, finalement, que les informations soient dévoilées. Alors donc, c'est une
préoccupation que nous avons, comment ces droits-là des inspecteurs, des
enquêteurs seront mis en oeuvre sur le terrain, donc quel est... dans quel
cadre ils vont le demander. Alors, c'est dans ce cadre-là, nos préoccupations.
M. Birnbaum : Et, de votre
lecture, est-ce que l'imposition de la clause dérogatoire serait nécessaire
pour protéger cet article tel qu'il est rédigé actuellement?
La Présidente (Mme Thériault) :
En 20 secondes.
Mme Potvin (Hélène) : Écoutez,
on va laisser, je pense, les spécialistes des chartes s'exprimer là-dessus.
La Présidente (Mme Thériault) :
Ça va? Merci. Donc, nous allons aller maintenant du côté de la députée de
Mercier. Vous avez 2 min 50 s.
Mme Ghazal : Merci. Merci pour
votre présentation. Moi aussi, je m'intéresse à la question du secret
professionnel des notaires que... vous dites qu'en fait le sort du secret
professionnel, qui est très important, est remis en question par les
dispositions qui donnent des pouvoirs d'inspection à l'OQLF. J'aimerais que
vous en parliez un peu plus. Puis comment est-ce que vous voyez le rôle de
l'OQLF avec les notaires?
M. Vermette (Michel) : Bien,
je pense que, comme l'a dit la présidente, il ne faut pas oublier que des
constitutionnalistes se pencheront probablement là-dessus, mais c'est qu'on
voulait poser des questions. Est-ce que vraiment... La Chambre a investi
beaucoup, et il y a eu deux litiges importants qui ont été jusqu'en Cour
suprême, avec la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada et
la Chambre elle-même. Il y a des décisions de 2015 et 2016 qui ont été rendues
en matière de secret professionnel. Et ici on se demande si, nonobstant
l'article 214, là, qui disons... que met de côté ou déroge à la charte
canadienne et à la charte québécoise, on se demande, <si l'article 7
qui parle...
M. Vermette (Michel) :
...en matière de secret
professionnel. Et ici, on se demande si,
nonobstant à
l'article 214, là, qui disons... que met de côté ou
déroge à la
charte canadienne et à la
charte québécoise, on se
demande, >si l'article 7 qui parle de justice fondamentale, l'article 8
qui traite des fouilles, des perquisitions et des saisies abusives, si, à un
moment donné, nonobstant la prise de position dans le projet de loi n° 96,
des gens ne pourraient pas prétendre que ces droits fondamentaux ou ce droit
fondamental qu'est le secret professionnel n'est pas antérieur aux chartes et
qu'à ce moment-là, en vertu d'une... on a appelé ça une constitution non
écrite, là, il y aurait, à ce moment-là, risque que, nonobstant l'article 214,
les dispositions qui traitent, 174 et 175, là, qui traitent de la possibilité
pour l'Office des professions d'accéder aux dossiers des notaires, etc., soient
jugées inconstitutionnelles? C'est plus des questions qu'on pose. On a des
inquiétudes à ce niveau-là et, à ce moment-là, on voulait quand même
sensibiliser, vous sensibiliser tous à ces réflexions qu'on a eues sur le
sujet.
Mme Ghazal : Je comprends donc
qu'il y a un risque, mais vous ne dites pas que vous seriez contre totalement. C'est
juste qu'il y a un risque, atteinte aux droits de la charte des droits et
libertés.
M. Vermette (Michel) : Puis,
comme l'a mentionné la présidente, il y a aussi un arrêt important,
Pharmascience, qu'on a cité, là, qui traite des pouvoirs des syndics d'aller
chez les notaires, où... dans le cas, c'étaient des pharmaciens, et il y a toujours,
à ce moment-là, ce pouvoir du syndic sur lequel on se pose des questions.
Mme Ghazal : Très bien. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Je dois mettre fin à l'échange. Donc, je vais du côté du député de Matane-Matapédia
pour votre 2 min 50 s.
M. Bérubé : Bonjour. Vous êtes
ici pour plaider pour vos membres qui n'ont pas une connaissance suffisante du
français. Nous, au Parti québécois, on considère que les officiers de l'État
doivent fournir des services publics aux citoyens en français et de ne pas le
faire, c'est grave. C'est notre prétention, c'est même une conviction assez
sincère, je peux vous le dire. Ma question : Combien de vos membres sont
unilingues anglais et n'ont pas une connaissance suffisante du français?
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
on n'a pas de statistiques, parce que, nous, il y a une présomption, donc ils
sont tout de suite réputés connaître le français. Alors donc, on n'a pas à le
mesurer.
• (10 h 30) •
M. Bérubé : C'est assez
incroyable. Vous me permettrez d'être étonné que vous veniez faire une telle
présentation sans connaître l'état des lieux. Est-ce que votre mémoire sert à
défendre cinq membres, 10 membres, et c'est pour ça qu'on devrait
changer la loi présentée par le gouvernement? Ça m'apparaît, pour le moins,
insuffisant. Et j'aurais aimé avoir des <statistiques parce que...
>
10 h 30 (version révisée)
<991
M.
Bérubé : ...d'être étonné que vous veniez faire une telle présentation
sans connaître l'état des lieux. Est-ce que votre mémoire sert à défendre
cinq membres, 10 membres? Et c'est pour ça qu'on devrait changer la
loi présentée par le
gouvernement? Ça m'apparaît, pour le moins,
insuffisant. Et j'aurais aimé avoir des >statistiques, parce que, quand
on veut changer une loi ou quand on veut présenter des amendements, ça doit
s'appuyer sur quelque chose d'assez significatif.
Vous avez parlé tantôt de règles pour
accompagner les notaires. Le Québec, sa langue officielle c'est le français
depuis un bon moment. La loi 101 a été adoptée en 1977. Qu'est-ce que ça
va prendre de plus pour convaincre les notaires qui pratiquent au Québec d'avoir
une connaissance suffisante du français? Je suis non seulement surpris, mais je
suis étonné, puis voire même irrité d'apprendre ça.
Mme Potvin (Hélène) : Je vous
rappelle que la Chambre des notaires n'est pas là pour défendre ses membres,
mais défend la protection du public. Alors donc, les notaires sont...
fournissent des services à des clients et la chambre vient...
M. Bérubé : ...bien d'accord.
Alors, à ce moment-là, je préférerais qu'un citoyen, un client vienne nous dire
qu'il veut être servi en anglais, que la Chambre des notaires ait à le faire. C'est
ma perception.
Sur votre site Internet, présentement,
vous relayez des offres d'emploi où on demande une connaissance avancée de
l'anglais oral et écrit. Quand je vois ça, je me dis que c'est une
discrimination à l'embauche dans certains cas. Est-ce que vous avez une
réflexion là-dessus aussi?
Mme Potvin (Hélène) : Bien, il
faut que certains emplois, donc, on ait une connaissance suffisante de
l'anglais pour communiquer avec les membres. Je ne sais à quelle annonce que
vous faites référence.
M. Bérubé : Je ne veux pas
accabler le cabinet que je viens de voir, mais je peux vous en sortir plusieurs
sur votre site Internet, et vous avez choisi de les partager. Alors, ça fait
partie de ce qui existe présentement comme offres d'emploi au Québec. Alors, un
notaire diplômé au Québec qui n'aurait pas une connaissance avancée de
l'anglais oral et écrit serait discriminé à l'embauche chez un de vos membres.
Mme Potvin (Hélène) : Mais ça
dépend c'est quoi ses fonctions, là. Alors, je ne peux pas vous répondre.
M. Bérubé : Un notaire qui
pratique au Québec.
Mme Potvin (Hélène) : Bien,
vous savez, les notaires pratiquent dans différentes régions avec différentes
clientèles. Certains ont des clientèles très internationales. Alors donc, il y
a toutes sortes de situations.
M. Bérubé : ...on ne retiendra
pas vos propositions.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il n'y a plus de temps à l'échange. Donc, Me Potvin, Me Vermette,
merci de votre participation en commission parlementaire.
Nous allons suspendre quelques instants
pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 32)
>
(Reprise à 10 h 37)
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous reprenons nos travaux. Donc, nous recevons maintenant la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal, donc Mme Marie-Anne Alepin, la présidente
générale. Donc, vous avez une dizaine de minutes pour nous faire votre
présentation, donc, si vous voulez nous présenter la personne qui vous
accompagne, et la parole est à vous.
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM)
Mme Alepin (Marie-Anne) : Merci
beaucoup. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour
et merci de nous avoir invitées ici, à la commission, pour témoigner sur le projet
de loi n° 96. Je m'appelle Marie-Anne Alepin, je suis présidente générale
de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, et je suis également comédienne,
productrice et réalisatrice. Et je suis accompagnée de Anne Michèle Meggs,
membre également du Conseil général de la Société Saint-Jean-Baptiste. Elle a
été directrice de la planification au ministère de l'Immigration du Québec, et
directrice de recherche à l'OQLF, et directrice de cabinet du ministre des
Affaires francophones de l'Ontario.
Alors, le mémoire que nous vous déposons
intègre notre perspective historique et contemporaine. Comme vous savez, notre
organisation existe depuis 1834. La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal ne
jaugera pas la valeur de ce projet de loi seulement à l'aune de ses propres
ambitions, mais avec un objectif plus large, celui d'assurer la pérennité de la
langue française en Amérique.
Avant de débuter, nous aimerions saluer le
travail colossal accompli dans ce projet de loi par le ministre Jolin-Barrette
et son équipe, qui compose de grandes avancées, comme la création d'un poste de
commissaire à la langue française qui va relever directement de l'Assemblée
nationale ou la création d'un ministère de la langue française. Cependant, vous
comprendrez que notre rôle à nous, ici, n'est pas de venir souligner
nécessairement tous les points forts, mais de tenter de vous convaincre que le
projet de loi est encore insuffisant pour garantir la pérennité de la langue
française.
La langue française est ce qui nous
rassemble. Et je pense qu'il est juste de dire que nous avons tous ici le même <objectif...
Mme Alepin (Marie-Anne) :
...
ici, n'est pas de venir souligner nécessairement tous les points
forts, mais de tenter de vous convaincre que le projet de loi est encore
insuffisant pour garantir la pérennité de la langue française.
La langue française est ce qui nous
rassemble. Et je pense qu'il est juste de dire que nous avons tous ici le même
>objectif, hein : défendre et préserver la vitalité et la pérennité
de la langue française. C'est un très bon point de départ, je trouve.
• (10 h 40) •
En 1977, grâce au travail de Camille Laurin
et de ses collègues, le gouvernement du Québec adopte une politique ambitieuse
en matière de droits linguistiques, de langue de législation, d'administration,
de travail, d'enseignement, j'en passe. La Charte de la langue française fait
alors du français la seule langue commune du Québec, mais, au fil des années,
comme vous le savez, de nombreuses contestations judiciaires sont venues
l'affaiblir. Mais son plus grand ennemi demeure encore l'attrait que l'anglais
exerce de plus en plus comme langue d'ascension sociale, un attrait qui ne
cesse de s'accroître avec la mondialisation.
L'environnement linguistique québécois
s'anglicise à vitesse grand V, et c'est devenu perceptible au jour le jour par
les citoyens. Ne pelletons pas, s'il vous plaît, le problème dans la cour de la
prochaine génération. Transmettons-leur plutôt l'amour que nous portons à notre
langue. Ce serait là le plus beau des cadeaux à leur offrir. Pensons aussi à
nos petits-enfants, qui, si les choses continuent ainsi, en arriveront à ne plus
comprendre un fichtre mot en français, car ils seront bien plus d'angle de
«talker» en anglais.
Le processus est déjà enclenché. Il n'y a
qu'à écouter nos adolescents pour constater l'emprise qu'a l'anglais sur leur vocabulaire.
C'est indéniable. Si nous voulons respecter également nos ancêtres, qui se sont
battus pour défendre le français, si nous voulons nous respecter nous-mêmes,
nous devons sans plus tarder lui redonner toute l'importance qu'il mérite, et,
pour ça, il faut travailler tous et toutes en équipe.
Pour contrer ce recul, il est possible que
le gouvernement doive nous ébranler, et ça prend parfois des petites révolutions
pour faire de grands changements. Il ne faut pas penser en termes de politiques
à court terme, et nous constatons, oui, qu'il y a de belles avancées dans le
projet de loi.
Par contre, plusieurs mesures d'exception
viennent saper tout ça. Ainsi, nous avons entendu ici, à la commission, que
certains craignaient que la paix linguistique des dernières années ne soit
ébranlée par ce projet de loi. Pendant cette paix, l'anglais faisait toute une
remontée. J'ai aussi entendu en commission que la loi est consensuelle. Nous
vous demandons officiellement de faire plutôt la meilleure loi possible, et
oser un peu plus, par exemple, étendre les dispositifs de la Charte de la
langue française aux cégeps.
Est-ce que la situation du français au
Québec est raisonnable? À Montréal, vous connaissez tous et toutes la réponse.
Nous croyons alors qu'une réforme dite raisonnable, comme le mentionnait notre
premier ministre... je ne pense pas que c'est raisonnable. Nous sommes tous
capables de faire mieux. Une réforme de notre Charte de la langue française,
c'est un moment crucial pour <travailler tous...
Mme Alepin (Marie-Anne) :
...
vous connaissez tous et toutes la réponse. Nous croyons alors qu'une
réforme dite raisonnable, comme le mentionnait notre premier ministre... je ne
pense pas que c'est raisonnable. Nous sommes tous capables de faire mieux. Une
réforme de notre Charte de la langue française, c'est un moment crucial pour
>travailler tous ensemble sur la pérennité du français, et c'est à vous,
les décideurs, de faire ce que doit.
Dans ce mémoire, nous revenons brièvement
sur quelques mémoires que nous avons déjà produits pour l'Assemblée nationale.
C'est troublant, parce qu'en les relisant, nous avons constaté que nous aurions
pu vous remettre, aujourd'hui, quelques-uns de ces mêmes mémoires, à quelques
passages près, tellement la situation est demeurée inchangée, et les mêmes
problèmes sont soulevés.
Nous vous proposons aujourd'hui plusieurs recommandations.
Nous avons aussi beaucoup de questions, mais la Société Saint-Jean-Baptiste se
porte volontaire pour poursuivre le débat avec vous, parce qu'on le sait qu'en
45 minutes on va seulement effleurer.
Donc, nous souhaitons une politique
linguistique plus large afin d'inclure d'autres aspects qui ne font pas partie
de cette loi. Camille Laurin disait à l'époque que la loi qu'il a
présentée n'était qu'un départ et que ça prenait d'autres mesures pour pallier
au recul du français.
C'est un projet de loi ambitieux, et les
progrès sont réels en matière de langue du travail, de langue de la justice, de
langue de l'administration ou des organismes publics, mais nous avons néanmoins
certaines préoccupations et avons des réserves, quelques réserves, au sujet des
initiatives qui touchent la francisation.
Enfin, la société propose principalement
au gouvernement du Québec d'aller plus loin dans trois secteurs pour assurer la
pérennité de notre nation en matière d'immigration, de langue d'enseignement et
de culture.
Nous savons tous qu'un meilleur contrôle
en immigration serait l'idéal pour protéger la langue française, et, pour nous,
le gouvernement ne se sert pas suffisamment des pouvoirs existants dans ce
domaine. Il est, en effet, plus important de sélectionner en grande majorité
des individus maîtrisant déjà le français que de débattre de volume et de
catégories.
Nous expliquons dans notre mémoire que
l'État doit être plus vigilant et exercer davantage le contrôle sur
l'immigration temporaire. Par exemple, le projet de loi n° 96 ne doit plus
permettre aux personnes détenant un permis de séjour temporaire de contourner
l'esprit de la loi 101 et d'envoyer leurs enfants dans les écoles
anglophones publiques.
Nous demandons aussi que les dispositions
similaires à celles de la loi 101 soient appliquées au cégep. Et aussi le
surfinancement des institutions universitaires anglophones nous apparaît
également incompatible avec les objectifs affichés du projet de loi n° 96.
Nous disons également que le gouvernement
doit investir massivement en matière de promotion de la culture. Nous aurons
beau un jour avoir la plus belle loi du monde et avoir un succès avec sa mise
en application, nous sommes peu nombreux en Amérique du Nord à parler le
français, et il est fort difficile de se mesurer à la culture anglophone
américaine dominante. Il faut investir en culture, oui, mais il faudra bien
éventuellement contrôler les ondes sur notre territoire. Le problème du respect
des quotas dans les radios d'ici est loin d'être nouveau, vous le savez. Nous
sommes heureux de constater que vous introduisez, dans le <projet de loi...
Mme Alepin (Marie-Anne) :
...
de se mesurer à la culture anglophone américaine dominante. Il faut
investir en culture, oui, mais il faudra bien éventuellement contrôler les
ondes sur notre territoire. Le problème du respect des quotas dans les radios
d'ici est loin d'être nouveau, vous le savez. Nous sommes heureux de constater
que vous introduisez, dans le >projet de loi, le fait que la musique en
français devrait être prioritaire dans les lieux qui relèvent de
l'administration. Mais qu'en est-il des lieux publics comme les centres
commerciaux, par exemple?
Pour terminer, nous ne pourrons jamais,
mais jamais nous accomplir collectivement tant que nos élus seront soumis à la
supervision et à la gouvernance d'une autre nation. Il y a un gouvernement de
trop. Si nous étions vraiment maîtres chez nous, on ne serait pas tous ici à
discuter de virgules ou de changement de mots pour préciser un article de loi
afin de préserver la langue officielle de notre nation. Il me semble que le
rêve de toute nation est d'être libre et indépendante. Je suis certaine qu'il y
en a quand même plusieurs ici qui rêvent de voir un Québec maître de son
destin.
Nous croyons que les mesures annoncées
dans le projet de loi n° 96, bien qu'appréciables, sont insuffisantes et
nous réaffirmons que l'indépendance du Québec incarne une voie viable et
pérenne en ce qui a trait à la protection du français sur notre territoire.
Et je voudrais terminer par ces quelques
lignes puisqu'il me reste une minute : Et c'est en renforçant notre amour
de la langue française, en la valorisant, en la parlant mieux, en l'écrivant
mieux, et surtout en s'occupant de l'inacceptable pourcentage de 53 %
d'analphabètes au Québec que nous consoliderons notre société en français.
Merci pour votre attention.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, Mme Alepin, pour votre présentation. Sans plus tarder, je vais aller au
bloc d'échange avec le ministre. Vous avez 17 minutes, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente, Mme Alepin, Mme Meggs. Bonjour, merci d'être en commission
parlementaire aujourd'hui et de venir présenter le mémoire de la Société
Saint-Jean-Baptiste.
Écoutez, on est au début de la deuxième
semaine et, bon, on a entendu plusieurs témoignages la semaine dernière. Et
notamment, on a eu l'OQLF qui a publié une étude l'an passé, je crois, ou cette
année, il y en a eu plusieurs, notamment sur le fait d'exiger à l'embauche la
connaissance d'une autre langue, dans une proportion, à Montréal, de 63 %.
On a eu également des gens qui sont venus nous dire que, bien, la langue
maternelle à la maison déclinait. On a eu le démographe Sabourin qui est venu,
on a parlé également de l'exemplarité de l'État, et le groupe qui vous suit va
certainement nous en parler également.
D'un autre côté, on a certains groupes qui
ont de la difficulté ou, en fait, qui nous disent : Le déclin du français,
ce n'est pas avéré, on n'a pas de démonstration, ou ça n'existe pas. Alors,
comment vous réagissez à cela, de se faire dire que c'est peut-être un mythe,
le déclin du français au Québec, et ce n'est pas <démontré?
M. Jolin-Barrette :
...
on a certains groupes qui ont de la difficulté ou, en fait, qui nous
disent : Le déclin du français, ce n'est pas avéré, on n'a pas de
démonstration, ou ça n'existe pas. Alors, comment vous réagissez à cela, de se
faire dire que c'est peut-être un mythe, le déclin du français au Québec, et ce
n'est pas >démontré?
Mme Alepin (Marie-Anne) : Bien,
je vais répondre à votre question, après, je vais passer la parole à ma collègue.
Bien, le déclin est perceptible vraiment chez M., Mme Tout-le-monde. Je veux
dire, tout le monde a vu l'enquête, le bureau d'enquête du Journal de
Montréal, par exemple. Je veux dire, c'est perceptible quand on va à Montréal.
Je veux dire, on se fait servir une fois sur deux en anglais, il y en a beaucoup
qui ne parlent pas français.
Mais ce qui est pire dans tout ça, c'est
que, si on regarde même la dernière étude de l'OQLF, je pense, c'est la quinquennale,
qui est sur la culture, et qui est sur les jeunes, à savoir qu'est-ce qu'ils
consomment comme culture, est-ce que c'est en français, est-ce que c'est en
anglais, il y a un schisme énorme. Je n'ai pas les chiffres, je pourrais aller
vous les trouver, là, le temps que quelqu'un d'autre discute, mais il y a un
schisme énorme. Il y a un désintérêt déjà en partant. Donc, qu'on dise que le
français ne recule pas, c'est plutôt ça qui est un mythe.
• (10 h 50) •
Mme Meggs (Anne Michèle) :
Moi, le point que la société essaie de faire passer, c'est qu'une politique
efficace se base sur les recherches scientifiques, pas sur les anecdotes. C'est
bien tentant, là, les anecdotes peuvent être très utiles pour expliquer les
résultats d'une recherche, mais on a chacun notre histoire personnelle, et des
amis qu'on a, puis des situations qu'on a vues. Baser une politique publique
là-dessus est moins utile.
Ce que j'ajouterais, c'est qu'en plus la
recherche scientifique pour... avoir la confiance de l'État et la confiance
dans la recherche, d'être autonome. Donc, on mentionne dans notre rapport, un
peu comme M. Sabourin et, je pense, même M. Lacroix, là, que ce ne
serait pas mauvais que la fonction de la recherche soit sous la responsabilité,
disons, du commissaire. L'office, on l'explique dans le mémoire, là... C'est
bien tentant, là, quand on relève d'un ministre et d'un cabinet, là, de vouloir
plaire le ministre et le cabinet. Ça va, c'est en partie la fonction de
l'administration, mais ce n'est pas tout ce que l'administration a à faire.
Et le dernier point que je ferais, c'est
que, malheureusement, on le mentionne un peu aussi dans le mémoire, les données
de l'immigration et de linguistique, la plupart sont dépendantes du fédéral. On
a des... Le recensement est fédéral. Dans la constitution, c'est fédéral, et ça
veut dire qu'ils posent des questions en fonction des politiques fédérales. On
ne peut pas... c'est très <difficile...
Mme Meggs (Anne Michèle) :
...
linguistique, la plupart sont dépendantes du fédéral. On a des... Le
recensement est fédéral. Dans la constitution, c'est fédéral, et ça veut dire
qu'ils posent des questions en fonction des politiques fédérales. On ne peut
pas... c'est très >difficile de faire ajouter des questions que nous
autres, on aimerait peut-être savoir, comme... plutôt que le transfert
linguistique de première génération, le transfert linguistique de deuxième
génération. Ça pourrait être intéressant, mais ce n'est pas une statistique que
StatCan va sortir régulièrement.
Donc, ça, c'est un problème et c'est clair
que les éléments, là, que vous avez souligné, comme l'exigence de l'anglais à
l'embauche... Écoutez, il y a bien des employeurs qui n'exigent même pas le
français à l'embauche, mais beaucoup d'immigrants temporaires en particulier,
là, qui arrivent puis il n'y a aucune exigence linguistique, on le souligne
aussi. Et donc c'est une obligation, pour les fins d'inclusion, que ce soit des
personnes qui ne parlent ni le français ni l'anglais ou que ce soit pour
inclure tous et toutes les Québécoises et tous les Québécois, peu importe la
langue d'origine, y inclut l'anglais, de participer pleinement à la société
québécoise dans la langue commune. Donc, c'est un peu l'approche que la société
aborde.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une question et une sous-question, là, Mme Meggs, là, en lien de ce que vous
venez de dire. Dans le fond, les indicateurs linguistiques, ce qui est
important pour la société, c'est l'indépendance, notamment, rattachée aux
indicateurs linguistiques. Donc, vous nous invitez à envoyer la recherche sur
ces indicateurs-là du côté du commissaire à la langue. Actuellement, ce qu'on a
prévu, c'est que les indicateurs allaient être développés avec l'approbation du
commissaire à la langue. Donc, ça allait être l'OQLF qui allait mener la
recherche, mais que ça allait être conjointement décidé avec le commissaire à
la langue. Donc, vous nous invitez à envoyer ça au commissaire à la langue.
J'aimerais ça vous entendre, parce que
vous dites : Dans les dossiers linguistiques, le fait que ça relève de
l'OQLF, bien, l'administration, le politique et le cabinet peuvent s'en mêler.
Est-ce que vous pouvez détailler davantage là-dessus? Parce que, publiquement,
on l'a étayé. Il y a des études de l'OQLF qui ont été cachées pendant des
années et des années. C'est ma collègue la ministre de la Culture actuelle qui
a rendu publiques ces études-là. Est-ce que vous avez une expérience? Vous avez
travaillé à l'OQLF à l'époque. Pouvez-vous nous en parler de ça?
Mme Meggs (Anne Michèle) :
Mais pas à cette époque-là, mais plus récemment. Ce n'est pas les indicateurs
comme tels, ce n'est pas des résultats comme tels, c'est l'interprétation des
résultats. Et la tendance, souvent, c'était de... quand on a vu et préparé un
rapport, que soit regardé si les résultats n'étaient pas aussi positifs qu'on
aurait voulu ou si on... que, bon, bien, est-ce que vous avez analysé ceci?
Allez chercher un échantillonnage de ça.
C'est de cette manière-là qu'ils
essayaient de <tirer des...
Mme Meggs (Anne Michèle) : ...
que
soit regardé si les résultats n'étaient pas aussi positifs qu'on aurait voulu
ou si on... que, bon, bien, est-ce que vous avez analysé ceci? Allez chercher
un échantillonnage de ça.
C'est de cette manière-là qu'ils
essayaient de >tirer des études, les résultats voulus, et c'est beaucoup
de travail de retravailler et retravailler des études pour essayer qu'elles
soient un peu moins négatives. Disons, là, les choses, les vraies affaires. Et
donc ce n'est pas strictement de quels indicateurs, ce qui est très important,
puis on n'en a quasiment pas en francisation du tout, et ça, c'est très
complexe, mais les indicateurs qui sont utilisés par le fédéral et même le...
et on est pris avec le recensement, même l'ISQ est pris avec le recensement.
M. Jolin-Barrette : Dans le projet
de loi, ce qu'on fait, c'est qu'à l'article 145 on vient confier une responsabilité
à l'Institut de la statistique du Québec d'aider le suivi de la situation
linguistique du Québec, dont les indicateurs de l'usage du français dans la
sphère publique par la population québécoise. Mais je comprends que vous voulez
qu'on confie davantage de rôles à l'institut du Québec en matière de français.
Je vais juste vous poser une question sur
un autre sujet, parce que, par la suite, je vais laisser le député de
Sainte-Rose... du temps au député de Sainte-Rose. C'est sur la question des
séjours temporaires, là. Dans votre mémoire, là, vous nous invitez...
Actuellement, ce que la Charte de la langue française fait, c'est qu'on peut
envoyer les enfants à l'école anglaise avec renouvellement, donc il n'y a pas
de limite. Ce qu'on fait avec le projet de loi, c'est que, pour les
travailleurs étrangers temporaires, on met une limite de trois ans, et,
par la suite, ils doivent intégrer le réseau francophone. Vous, vous nous
invitez à retirer cette disposition-là puis à dire : Tous les temporaires,
les enfants doivent aller à l'école en français.
Mme Meggs (Anne Michèle) :
Oui. Bien, c'est l'esprit de la charte originale que les personnes qui arrivent
ici... Et on le fait parce qu'on regarde les tendances en matière d'immigration
temporaire, et les tendances sont importantes, très importantes. Quand la charte
a été élaborée au début, temporaire, c'était temporaire.
Maintenant, tout est mis en place pour
encourager les temporaires de rester, mais leur arrivée, les conditions
d'embauche, et tout ça, sont faites essentiellement... Les conditions de tous
ces programmes d'immigration temporaire relèvent du fédéral. On pourrait faire
un peu plus, on suggère certaines suggestions, mais la question... Et on l'a
remarqué que, pour la plupart des temporaires dans le projet de loi n° 96,
ils ne pourraient pas renouveler après trois ans. Ça, on l'a remarqué,
sauf que, si un enfant s'inscrit à partir de deuxième année primaire,
forcément, il va avoir fait la majeure partie de son primaire au Québec. Et dès
que ses parents deviennent <citoyens...
Mme Meggs (Anne-Michèle) :
...de loi n° 96, ils ne pourraient pas renouveler après trois ans.
Ça, on l'a remarqué, sauf que, si un enfant s'inscrit à partir de deuxième
année primaire, forcément, il va avoir fait la majeure partie de son primaire
au Québec. Et dès que ses parents deviennent >citoyens ou l'enfant...
normalement, tu sais, ils deviennent ayants droit et ils vont pouvoir envoyer
ses... toute sa progéniture dans les écoles anglaises. Même le...
Il y a un point intéressant dans notre
mémoire, où on avait indiqué que la Société Saint-Jean-Baptiste, à cette
table-ci, en 1977, là, avait même des réserves sur l'idée en soi de permettre
des enfants, quelque enfant que ce soit, à continuer dans les... à s'inscrire
dans les écoles anglaises, disant qu'on va le tolérer comme mesure temporaire
sujette à révision, si ces dispositions nuisent en quoi que ce soit au
développement et au rayonnement du français au Québec ou à l'intégration de la
minorité anglophone à la vie communautaire du Québec. Donc, l'objectif, dès ce
moment-là, de la société était d'intégrer tout le monde, y inclus les
anglophones.
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie. Je...
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Oui, Mme Alepin.
M. Jolin-Barrette : Je
vais peut-être céder la parole. Allez-y.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, Mme Alepin, allez-y.
Mme Alepin (Marie-Anne) :
Juste rajouter. J'aime ça aussi poser des questions à savoir est-ce que c'est
normal, quand on a des nouveaux Québécois qui arrivent ou, en fait, des immigrants
qui arrivent, puis ils s'en vont... C'est des francophones, mais ils préfèrent
envoyer leurs enfants à Montréal dans une école en anglais, pour apprendre
l'anglais. Mais après, ce qui se passe aussi, c'est qu'on développe la culture.
Et puis vous savez comment c'est difficile, en ce moment, par rapport à notre
positionnement en Amérique du Nord.
Donc, ça développe tout une nouvelle
perspective où ces personnes-là s'en vont directement dans la culture anglophone.
Donc, moi, je pense, quand on les accueille, il faut les accueillir aussi avec
notre langue commune.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, M. le député de Sainte-Rose, il vous reste
4 min 45 s à l'échange.
M. Skeete : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présence aujourd'hui. Je
suis assez ravi d'entendre le mot «cadeau» quand on parle de la langue
française. J'ai perdu ma mère très jeune, puis le plus beau cadeau qu'elle m'a
fait, c'est la langue française. Alors, assez d'accord avec vous. Ça me permet non
seulement de m'épanouir au Québec mais ça permet aussi une compréhension plus
subtile de la culture québécoise qu'on perd si on n'est pas adéquatement... on
ne baigne pas adéquatement dans la langue.
• (11 heures) •
J'aimerais vous entendre parce que vous
avez piqué ma curiosité, un peu comme le ministre, sur le commissaire
indépendant. On le sait, là, le... En tout cas, une des plus grosses demande
que je reçois, moi, en tant que responsable de la communauté d'expression
anglaise, c'est de dépolitiser la langue. Je vous entends un peu dans le même
écho, là, de dire : Enlevons la politique de ça et arrivons à des vraies
données par des personnes indépendantes. Vous avez parlé aussi de statistiques
qui <viennent du recensement fédéral...
>
11 h (version révisée)
<17873
M.
Skeete : ...anglaise, c'est de dépolitiser la langue. Je vous entends
un peu dans le même écho, là, de dire : Enlevons la politique de ça et
arrivons à des vraies données, par des personnes indépendantes. Vous avez parlé
aussi de statistiques qui >viennent du recensement fédéral, assez
intéressant aussi. C'est comme si on s'approprie une partie de l'immigration,
on s'approprie une partie de la culture au Québec, une représentation à
l'étranger. Ça fait que le Québec, déjà, prend beaucoup de place, mais ce que
j'entends de vous, c'est que peut-être qu'il faudrait prendre une place aussi,
côté statistiques, de se donner ce pouvoir-là de poser les questions qu'on
veut.
Mais, pour nous ramener dans la réalité
d'aujourd'hui, le gouvernement fédéral se sert beaucoup de ce qu'on appelle
«première langue officielle parlée», le fameux p.l.o.p. Et il y a des
chercheurs qui tentent de nous dire que le français n'est pas en déclin, qui
utilisent cette donnée-là pour dire : Bien, non, en fait, ce n'est pas une
variable. Je serais curieux de vous entendre là-dessus.
Mme Meggs (Anne Michèle) :
Oui. C'est complexe, le domaine des données linguistiques. Mais c'est un peu le
propos de la société par rapport à des données indépendantes, et le fait que le
recensement de n'importe quelle nation va contenir des questions qui vont leur
permettre de mieux avoir des informations utiles pour le type de politique
publique qu'ils veulent mettre en place. Et la politique publique du
gouvernement canadien est l'anglais et le français et, surtout, tu sais, des
services en français à l'extérieur du Québec, et anglais ici, donc. Et, puisque
la population francophone hors Québec est en diminution, et ils veulent quand
même justifier des services en français au Canada anglais, ils gonflent, dans
un sens, avec cet indicateur-là... Tant mieux pour nos collègues, là, ou nos
compatriotes francophones hors Québec, mais ça veut dire qu'ils incluent plusieurs
différentes réponses, à différentes questions, dans un même... pour créer un
indicateur composite, qu'on dirait qu'ils gonflent les chiffres, dans un sens...
bien, gonflent... tu sais, c'est-à-dire que ça sert, c'est utile pour eux
autres, là, de leur point de vue de leur politique publique. Mais c'est... Et
il est important que le Québec soit capable de poser les questions qui sont
pertinentes pour notre politique linguistique.
M. Skeete : Si je comprends
bien, le gouvernement fédéral, dans le but d'assurer une vitalité communautaire
de la langue française extra Québec, pose des questions qui ont comme effet
d'augmenter le nombre... ou, du moins, de favoriser l'inclusion d'un plus grand
nombre de personnes de la minorité francophone. C'est quoi, l'impact de ça, au
Québec?
Mme Meggs (Anne Michèle) :
Bien, ça fait la <même...
M. Skeete : ...
d'assurer
une vitalité communautaire de la langue française extra Québec, pose des
questions qui ont comme effet d'augmenter le nombre... ou, du moins, de
favoriser l'inclusion d'un plus grand nombre de personnes de la minorité
francophone. C'est quoi, l'impact de ça, au Québec?
Mme Meggs (Anne Michèle) :
Bien, ça fait la >même chose pour la minorité anglophone.
M. Skeete : Je comprends.
Mme Meggs (Anne Michèle) :
Bien, elles sont équitables. C'est une politique symétrique, bien, jusqu'à tout
récemment, là, où apparemment qu'ils ont voulu bouger...
M. Skeete : Bien, ça, c'est un
bon point, parce que vous dites que cette question-là vient d'une philosophie
d'égalité symétrique des langues. Là, on reconnaît un changement...
Mme Meggs (Anne Michèle) :
Québec et hors Québec.
M. Skeete : Oui, et là on
reconnaît un changement, de la part du gouvernement fédéral, où est-ce qu'on
reconnaît l'asymétrie.
Mme Meggs (Anne Michèle) : On
verra. Bien, il y a eu des élections entre-temps. Là, le projet de loi est
tombé. On verra. Et même avec le projet de loi qu'ils avaient, ça n'a pas été
mis en place. On ne sait pas qu'est-ce que ça va donner. Ça me surprendrait
bien gros, parce que...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange, malheureusement, désolée.
M. Skeete : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, pour votre bloc de
11 min 20 s.
Mme David : Merci beaucoup.
Bonjour, mesdames, bienvenue, pour une ixième fois, sûrement. Ce n'est pas la
première fois que vous venez, dans une commission parlementaire, parler de
langue, en particulier.
En 2002, il y a eu la fameuse loi n° 104, sous le PQ, qui a remanié, justement, ces fameux
pouvoirs de faire de la recherche, et que c'est passé du Conseil supérieur de
la langue française à l'OQLF, qui a pris encore plus de pouvoirs. J'en ai parlé
souvent, à l'étude des crédits, avec le ministre. Et puis là le conseil
supérieur a dépéri, dépéri, dépéri. Finalement, il est transféré au
commissaire. Mais on ne touche toujours pas à l'OQLF pour le pouvoir de la
recherche, et, pour moi, c'est comme une sorte de point d'interrogation.
Faire de la recherche, vous le savez,
hein, faire de la recherche, ça veut dire connaître les outils de recherche,
connaître les indicateurs. Moi, j'aurais pensé, parce qu'on prône, depuis
longtemps, la création d'un commissaire à la langue française... moi, je me
serais imaginé, automatiquement, que la recherche allait là, ça... Un centre de
recherche, faire de la recherche, là, vous le savez, ce n'est pas rien, ça
prend beaucoup, beaucoup de compétences.
Alors, moi, je me demandais si... parce
que vous avez dit : Ça devrait aller au Commissaire à la langue française.
J'aurais le goût de poser la question au ministre, mais, comme je ne peux pas,
je vous la pose à vous : Pourquoi vous pensez que ça reste encore à
l'OQLF, en plus d'étendre les pouvoirs à plein, plein de choses, pour
l'opérationnalisation des mesures du p.l. n° 96? Mais
la recherche, c'est comme un autre volet.
Mme Alepin (Marie-Anne) : Je
voudrais juste répondre en une phrase. Bien, justement, pour garantir la
pérennité et la vitalité de la langue française, il ne faut pas que ça reste au
sein d'un parti politique. Il faut dépasser tout ça, il ne faut pas qu'il y ait
d'emprise et de mainmise. Mais je vous...
Mme Meggs (Anne Michèle) :
Oui, non, c'est... Écoutez, le projet de loi fait énormément de changements
dans beaucoup de différents domaines. Est-ce que c'est un élément <qui...
Mme Alepin (Marie-Anne) :
...
d'un parti politique. Il faut dépasser tout ça, il ne faut pas qu'
il
y ait d'emprise et de mainmise. Mais je vous...
Mme Meggs (Anne Michèle) :
Oui, non, c'est...
Écoutez, le
projet de loi fait
énormément
de changements dans
beaucoup de différents domaines.
Est-ce que
c'est un élément >qui n'a pas été priorisé? Je ne peux pas répondre pour
le ministre. Mais ce que je dirais, c'est que soit le commissaire ou même l'ISQ
est quand même sous le ministre des Finances. Je ne pense pas que c'est le cas
avec Statistique Canada, je pense que ça relève du Parlement. Et donc,
l'objectif, c'est de...
Ceci étant dit, je pourrais ajouter, là,
qu'il y a beaucoup de données qui, peu importe l'instance qui va s'en servir,
viennent des données administratives, donc toutes les données sur la sélection
et... sélection, voire les admissions, mais ça, c'est... sélection des immigrants,
ça vient des données administratives. Les écoles, toutes nos données sur
l'enseignement, et tout ça, en général, on peut mieux se fier sur ça. Et
l'instance qui va être responsable de la recherche va être dépendante quand
même des données qui viennent de différents ministères.
Mme David : On se comprend, on
se comprend. Mais, enfin, l'idée du commissaire... Il y avait une autre idée
aussi que nous avions soumise dans nos 27 propositions, c'est que
l'OQLF... et vous faites référence à la dépendance-indépendance... on proposait
un conseil d'administration. Il n'y a pas de conseil d'administration à l'OQLF.
Quelque chose qui rend plus de transparence, d'imputabilité, qui se sépare un
peu du gouvernement. Avez-vous une opinion là-dessus?
Mme Meggs (Anne Michèle) : Je
pense que la société serait d'accord que... tout ce qu'on peut faire pour
rendre les fonctions de l'office le plus indépendant possible. On mentionne
dans notre rapport aussi, là, la question des plaintes, parce que les plaintes
et même les enquêtes pourraient arriver auprès des entreprises qui sont névralgiques.
Et, tu sais, on essaie de donner une subvention pour encourager un certain
secteur, mais l'office découvre que ce secteur ne rencontre pas ses exigences
linguistiques, ça devient plus délicat. Ça fait que c'est tout ce qui peut être
fait. Si c'est meilleur, un autre type de gouvernance pour l'office, ça
pourrait être une partie de solution.
Mme David : Merci beaucoup.
Aussi, encore dans nos 27 propositions, on propose deux choses, on
propose... parce que je sais, je connais votre opinion sur le collégial, et là
où vous voudriez que le ministre aille, et qu'il a dit qu'il n'irait pas.
Alors, vivons avec ces déclarations et celles du premier ministre et disons que
nous proposons qu'il y ait trois cours suivis en français. Là, je pense à
l'interaction, fort intéressante, dans votre mémoire, langue et culture. Alors,
la langue, ce n'est pas que fonctionnel, c'est la culture aussi, et, si les
cégépiens qui fréquentent les collèges anglophones <pouvaient...
Mme David : ...
ministre
et disons que nous proposons qu'il y ait trois cours suivis en français. Là, je
pense à l'interaction, fort intéressante, dans votre mémoire, langue et
culture. Alors, la langue, ce n'est pas que fonctionnel, c'est la culture
aussi, et, si les cégépiens qui fréquentent les collèges anglophones >pouvaient
suivre des cours, en français, d'histoire du Québec, sociologie, etc., dans ce
qu'on appelle les humanités... Est-ce que vous avez une opinion sur le fait de
suivre trois cours en français, toutes langues confondues, anglophones,
allophones, francophones, et aussi de faire des stages d'immersion dans des
milieux francophones?
• (11 h 10) •
Mme Alepin (Marie-Anne) :
Moi, j'aurais envie de répondre par : Bien, peut-être que le gouvernement
pourrait aussi changer d'idée, parce que ça fait quand même... bien, la semaine
dernière, on est à la deuxième semaine... on entend quand même de plus en plus
de gens qui disent que, bien, ce serait peut-être la solution pour garantir la
pérennité de notre langue française, justement, d'étendre les dispositions de
la loi 101 aux cégeps. Mais pour...
Mme David : Excusez-moi, mais
ma question n'est pas celle-là. Moi, ma question, c'est donner des cours
en français dans...
Mme Alepin (Marie-Anne) :
Oui, oui, je comprends, mais c'était par rapport à... parce que vous dites :
puisqu'il l'a déjà décidé. Bien, peut-être que ça peut changer. Bien, moi, des
cours en français pour quiconque, moi, personnellement... Nous, on ne s'est pas
prononcés sur ça, à la société, mais moi, je dirais, moi, je ne suis pas
contre. Mais, par contre, quelqu'un qui a déjà tous ses acquis en français,
reprendre d'autres cours en français, je ne sais pas... Il faudrait...
Mme Meggs (Anne Michèle) :
Moi, j'ajouterais juste que je trouve que c'est curieux jusqu'à quel point on
veut mettre plus de français dans les établissements anglophones, quand des établissements
francophones suffiraient à la tâche.
Mme David : C'est votre point
de vue. Je vais passer la parole, si vous voulez bien, à mon collègue de La Pinière.
La Présidente (Mme Thériault) :
La Pinière, parfait. M. le député de La Pinière, il vous reste
4 min 40 s.
M. Barrette : Merci. Dans
votre mémoire, vous... J'ai été un peu surpris, je dois vous avouer. À la page 16
de votre mémoire, vous considérez que l'existence de services à la communauté
anglophone accélère l'anglicisation et vous prônez... ce n'est pas exactement
comme ça comme vous le dites, mais ça revient à ça, qu'il faudrait s'assurer
que tous les dispensateurs de services parlent français. Vous allez aussi loin
que de suggérer que la tenue de dossiers se fasse exclusivement en français.
Vous avez dit aussi dans votre présentation que vous prôniez la prise de
décision basée sur des données les plus scientifiques possible, sur des études.
Alors, première question : En quoi
l'existence de services de santé à la communauté anglophone vient angliciser le
Québec?
Mme Alepin (Marie-Anne) :
Bien, en fait, c'est juste qu'il ne faudrait juste pas que les droits, en fait,
des services de santé en... Vous parlez des droits de santé, là, on parlait?
M. Barrette : Oui, oui, les
deux...
Mme Alepin (Marie-Anne) :
O.K. Bien, en fait...
M. Barrette : Deuxième,
troisième paragraphes de votre page 16, là.
Mme Alepin (Marie-Anne) :
Oui, c'est ça. En fait, tout simplement dire : Bien, le droit des services
de santé en anglais ne doit pas juste être un prétexte, en fait, pour
angliciser le milieu de <travail...
M. Barrette : ...le
Québec?
Mme Alepin (Marie-Anne) :
Bien, en fait, c'est juste qu'il ne faudrait juste pas que les droits, en fait,
des services de santé en... Vous parlez des droits de santé, là,
on
parlait?
M. Barrette : Oui, oui, les
deux...
Mme Alepin (Marie-Anne) :
O.K. Bien, en fait...
M. Barrette : Deuxième,
troisième paragraphes de votre page 16, là.
Mme Alepin (Marie-Anne) :
Oui, c'est ça. En fait, tout simplement dire : Bien, le droit des services
de santé en anglais ne doit pas juste être un prétexte, en fait, pour
angliciser le milieu de >travail pour tout le personnel de la santé et
le personnel de soutien. C'était tout simplement pour vous dire qu'il y comme
une espèce de confusion avec... Bon, on sait qu'il y a le renforcement des
exemplarités, les conformités, là, pour... C'est des aspects positifs pour la
langue de la santé, mais, si c'est appelé à interagir avec la loi des services
de santé et des services sociaux, qui prévoit le droit à des services en
anglais, je veux dire, comment ça va se faire? Nous, en fait, ce qu'on dit, c'est
qu'on souhaite que tout le monde puisse recevoir des services en français sans
qu'il ait à le demander.
M. Barrette : Ça, je pense
qu'on est tous d'accord là-dessus, là, puis ça, il n'y a pas de doute, et je
pense... puis je dois vous dire très franchement, je pense que, du côté de la
communauté anglophone, ils sont d'accord avec ça. Je ne pense pas que, dans la
communauté anglophone, dans le territoire de santé où ils ont des services
garantis, ce serait même... ça leur effleurerait l'esprit de ne pas donner
l'accès de services en français. C'est ma perception de la communauté
anglophone. Mais aujourd'hui, là, est-ce que vous considérez qu'il y a un problème?
Mme Alepin (Marie-Anne) :
Bien, il faut clarifier, en fait, comment ça va se passer, ce processus-là, je
veux dire, comment ça va coexister.
M. Barrette : Et ce qui existe
actuellement, est-ce que vous considérez que ça doit changer?
Mme Alepin (Marie-Anne) :
Bien, évidemment.
M. Barrette : Dans quel sens?
Mme Alepin (Marie-Anne) :
Bien, on parle des soins de santé, le service...
M. Barrette : Oui, juste le...
je parle juste... Le sujet que j'adresse... auquel je m'adresse, je m'excuse,
parce que ça ne se dit pas en français, là, le sujet que j'apporte, là, c'est simplement
le fait qu'il y a, au Québec, un secteur de la santé qui est garanti, dans
certaines conditions, à la communauté anglophone. Est-ce que ça, actuellement,
vous considérez que ça doit changer? Et, si oui, dans quel sens?
Mme Alepin (Marie-Anne) :
Écoutez, ce qui doit changer, c'est la façon de faire. Nous, ce qu'on
demande... En fait, c'est à vous de nous trouver les solutions, comment faire
pour faire que la coexistence va bien se faire.
M. Barrette : Mais elle se
fait bien. Vous ne trouvez pas qu'elle se fait bien actuellement?
Mme Alepin (Marie-Anne) :
Bien non.
M. Barrette : Dans quel sens?
Mme Alepin (Marie-Anne) : Pas
en ce moment. Je veux dire, il y a des gens qui peuvent encore se faire servir
en anglais. Je veux dire, ce n'est pas normal, au Québec. On ne va pas rentrer
dans les petites anecdotes, mais, je veux dire, ce n'est pas normal. Donc, justement,
c'est pour ça que nous, ce qu'on demande, c'est de clarifier vraiment
l'application des nouvelles dispositions afin de garantir les services de soins
de santé en français, sans que quiconque ait à le demander, même chose pour les
dossiers médicaux.
M. Barrette : C'est-à-dire,
pour les... Écoutez, moi, mon vécu, là, et mon expérience, et ce que je
constate dans le réseau, c'est que vous allez du côté anglophone et vous allez
pouvoir recevoir des services en français. Et là, si vous considérez que ce n'est
pas le cas, bien, j'aimerais qu'on me donne des données, là, moi,
personnellement. Parce qu'il arrive, à un moment donné, là, où vont s'opposer
les règles actuelles, qui garantissent à la communauté anglophone des services
dans leur langue dans certaines circonstances. On a <préservé...
M. Barrette : ...si
vous considérez que ce n'est pas le cas, bien, j'aimerais qu'on me donne des
données, là, moi, personnellement. Parce qu'il arrive, à un moment donné, là,
où vont s'opposer les règles actuelles, qui garantissent à la communauté
anglophone des services dans leur langue dans certaines circonstances. On a
>préservé ça à date. Moi, je pense qu'il faut continuer à préserver ça, ce
qui ne veut pas dire qu'un francophone qui arrive à l'Hôpital Royal Victoria,
maintenant qui est le CUSM, ça ne veut pas dire qu'il ne se fera pas soigner en
français. Ça, c'est une première chose. Moi, je pense qu'il faut préserver ça. Je
vous demande votre opinion.
La Présidente (Mme Thériault) :
...juste devoir...
M. Barrette :
Deuxièmement, les dossiers en français, est-ce que c'est vraiment faisable?
La Présidente (Mme Thériault) :
Je suis vraiment désolée, M. le député de La Pinière, je n'ai plus de
temps.
M. Barrette : Je suis
désolé moi aussi, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Plus de temps. Donc, on va aller à la députée de Mercier. Mme la députée de
Mercier, pour votre 2 min 50 s.
Mme Ghazal : Merci. Merci
beaucoup pour votre présentation et votre présence.
J'ai envie de vous parler de culture. Vous
proposez, à la recommandation n° 26, de créer un
conseil québécois de la radiodiffusion et des télécommunications, donc un CQRT,
pour remplacer le CRTC. À Québec solidaire, dans notre programme, on a une
demande historique, et on la fait toujours, c'est celle de rapatrier toutes les
compétences du fédéral en communication et en culture et aussi de créer un
organisme comme celui-là. Évidemment, vous l'avez dit, le meilleur moyen, c'est
de faire l'indépendance pour protéger le français. À Québec solidaire, nous
sommes, évidemment, d'accord avec ça. Mais pour ce qui est du rapatriement des
compétences, la CAQ n'a rien fait, à date, par rapport à ça.
Selon vous, qu'est-ce que ça prendrait
pour qu'on puisse créer un tel organisme et qu'on puisse avoir... contrôler nos
ondes sur notre territoire?
Mme Alepin (Marie-Anne) :
Bien, en fait, moi, je ne suis pas juriste, mais pour contrôler nos ondes,
premièrement, ça va passer par l'indépendance, je veux dire, être maîtres de
toutes nos lois. Et après, ça devient aussi international, là, se disputer les
ondes. Donc, je n'ai pas de... Moi, je n'ai pas la solution, mais si quelqu'un
ici a une solution...
Mme Ghazal : Mais, en
créant le CRTQ, on n'a pas besoin d'attendre de faire l'indépendance, en
attendant.
Mme Alepin (Marie-Anne) :
Bien, c'est sûr, sauf que, premièrement, si on peut déjà... si le gouvernement
peut déjà s'assurer que le CRTC... en fait, non, si le gouvernement peut déjà s'assurer
qu'il y a déjà un respect des quotas... En ce moment, vous le savez, il y a
déjà des façons de détourner les quotas. On met la musique en anglais bien,
bien, bien tard le soir. Comme ça, on remplit déjà les normes du CRTC. Mais
concrètement, pour moi, c'est complètement insensé que ce soit une autre entité
qui vienne contrôler nos ondes sur notre territoire, mais...
Mme Ghazal : Mais ça
prendrait de la volonté politique pour rapatrier ces pouvoirs-là, au moins, de
travailler là-dessus, comme on le fait dans d'autres sujets. Vous dites... Tu
sais, vous parlez de radio, télévision, la musique, et tout ça. Les jeunes, ils
ne sont plus sur cette plateforme-là. Qu'est-ce qu'on doit faire pour aller les
rejoindre? Par exemple, une politique de découvrabilité? Parce qu'ils sont sur
d'autres plateformes.
Mme Alepin (Marie-Anne) :
Bien, en fait, là, c'est sûr que... Moi, je pense qu'il faut faire vraiment une
grosse relance pour vraiment valoriser la culture en français, par une campagne
de type <Consommons...
Mme Ghazal :
Les
jeunes, ils ne sont plus sur cette plateforme-là. Qu'est-ce qu'on doit faire
pour aller les rejoindre? Par exemple, une politique de découvrabilité? Parce
qu'ils sont sur d'autres plateformes.
Mme Alepin (Marie-Anne) :
Bien, en fait, là, c'est sûr que... Moi, je pense qu'il faut faire vraiment une
grosse relance pour vraiment valoriser la culture en français, par une campagne
de type >Consommons la culture québécoise francophone — d'ailleurs,
c'est une des recommandations — puis la rendre plus attrayante. Parce
que, bon, ça, ça ne va pas nécessairement passer par le projet de loi
n° 96, mais il faut rendre cette langue attrayante, parce qu'elle se bute
contre la langue, la culture anglophone qui nous entoure — elle est
merveilleuse, mais ce n'est juste pas la nôtre — puis les jeunes, de plus
en plus, vont s'y intéresser. Je veux dire, tout est là, je veux dire, les
chiffres aussi, les données sont là, il y a les Netflix de ce monde, il y a...
Tout est là, c'est tellement facile, sur le bout du téléphone.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange, malheureusement. On a déjà dépassé d'une
quinzaine de secondes. M. le député de Matane-Matapédia, pour votre temps,
2 min 50 s aussi.
M. Bérubé : Merci. Bienvenue,
mesdames. C'est une vénérable institution qu'est la Société Saint-Jean-Baptiste
de Montréal.
Parlons d'immigration. Je me souviens
qu'en 2018 le premier ministre, en campagne électorale, avait dit cette phrase-choc
suivante : il craignait que nos petits-enfants ne parlent pas français. Il
a dit ça, il se plaignait que le gouvernement de son prédécesseur, Philippe
Couillard, n'en avait pas fait assez pour s'assurer que les immigrants parlent
français. Or, trois ans plus tard, ce gouvernement ne donne aucune cible quant
à la francisation des immigrants. Ce n'est même pas dans le projet de loi. Le
gouvernement de la CAQ a choisi d'occulter cette question-là. Aucune cible,
aucune volonté de rendre obligatoire la connaissance du français. Quand vous
dites, dans votre intervention, que vous croyez que ça n'ira pas assez loin,
vous avez raison. Mais le gouvernement entend ce message-là et il a décidé de
ne pas bouger sur l'immigration, de façon notable. Alors, j'aimerais que vous
puissiez revenir sur cet enjeu-là fondamental.
• (11 h 20) •
Quand j'ai lu également, dans la même
intervention, 2018, que la ministre maintenant responsable de la Métropole
disait qu'elle n'était pas inquiète pour l'avenir du français à Montréal... Peut-être,
dans sa circonscription de Pointe-aux-Trembles, présentement, mais quiconque
habite à Montréal ou visite Montréal peut constater que ce n'est pas le cas. Le
français est menacé à Montréal, et à Laval, et ailleurs. Alors, sur
l'immigration, pourquoi est-il si nécessaire de connaître le français à
l'arrivée?
Mme Meggs (Anne Michèle) : Ce
qu'on fait ressortir dans le mémoire, c'est l'anglicisation de l'immigration
qui arrive, que ce soit permanent ou temporaire. Et donc tous les oeufs sont
mis dans le panier de la francisation, et on n'a aucune donnée qui indique,
malheureusement, si à prendre un cours ou même prendre... faire un test de
linguistique, ça va donner un transfert linguistique. Ce n'est pas...
M. Bérubé : Il vaut mieux
contrôler à l'arrivée. Et le Québec a le droit de faire le choix politique
d'accepter l'immigration francophone?
Mme Meggs (Anne Michèle) :
Oui, permanent. Mais temporaire, il n'y a pas d'exigence linguistique.
M. Bérubé : Bien, nous, on le
demande, en tout cas.
Mme Meggs (Anne Michèle) :
Non, pas le Québec, pas le <temporaire...
M. Bérubé : Il vaut mieux
contrôler à l'arrivée. Et le Québec a le droit de faire le choix politique
d'accepter l'immigration francophone?
Mme Meggs (Anne Michèle) :
Oui, permanent. Mais temporaire, il n'y a pas d'exigence linguistique.
M. Bérubé : Bien, nous, on
le demande, en tout cas.
Mme Meggs (Anne Michèle) :
Non, pas le Québec, pas le >temporaire. C'est-à-dire qu'on le demande
quand ils veulent devenir permanents,mais quand ils arrivent... et ils
sont ici pendant plusieurs années avant de demander la résidence permanente et
ils vivent, souvent, beaucoup en anglais.
M. Bérubé : Ce que je veux
vous dire, c'est que nous, au Parti québécois, on le demande que ça se passe en
français. On l'a demandé, le ministre a entendu ça, on le demande à nouveau. Je
veux dire, il y a tout le temps des bonnes raisons... Puis à l'époque, vous
savez, c'était pour des diplomates qu'on avait fait ça. C'était une mesure un
peu à part pour ça. Toute l'immigration devrait se faire en français au Québec,
c'est un choix. Si on ne fait pas ce choix-là, bien, on n'assure pas l'avenir
du français, selon moi, on choisit une érosion.
Mme Thériault
: Et je
dois mettre fin à l'échange sur ces paroles, M. le député de Matapédia,
Matane-Matapédia. Merci, Mme Alepin et Mme Meggs, de votre passage en
commission parlementaire.
Nous allons maintenant suspendre quelques
instants... (panne de son) ...au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 22)
>
(Reprise à 11 h 29)
La Présidente (Mme Thériault) :
Bonjour. Donc, nous reprenons nos travaux. Et nous recevons maintenant le
Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec, M. Christian
Daigle, le président général. Vous allez faire la présentation, vous avez à peu
près une dizaine de minutes. Je vais vous demander de nous présenter la personne
qui vous accompagne, et, par la suite, les échanges avec les parlementaires, en
commençant par le ministre, vont se faire. Donc, la parole est à vous, bienvenue
au Parlement.
Syndicat de la fonction publique et parapublique du
Québec (SFPQ)
M. Daigle (Christian) :
Parfait. Merci, Mme la Présidente. Alors, je m'appelle Christian Daigle,
président général du Syndicat de la fonction publique et parapublique du
Québec. Je suis accompagné par M. Louis-Joseph Saucier, conseiller au
service de la recherche et spécialiste au niveau de la langue française dans
notre organisation.
• (11 h 30) •
Alors, Mme la Présidente, MM. et Mmes les
députés, M. le ministre, le français est fragile dans notre coin de pays, en <Amérique
du Nord même, je pourrais dire...
>
11 h 30 (version révisée)
< M. Daigle (Christian) :...suis accompagné par M. Louis-Joseph Saucier, conseiller au
service de la recherche et spécialiste au niveau de la
langue française
dans notre
organisation.
Alors,
Mme la Présidente,
MM., Mmes les députés,
M. le ministre, le français est fragile dans
notre coin de pays, en >Amérique du Nord même, je pourrais dire. Les
projections de l'Office québécois de la langue française, c'est qu'entre 2016
et 2036, la proportion de francophones, pour la langue parlée, pourrait passer
de 82 % à environ 75 %. Plusieurs volets sont importants pour
protéger le français au Québec : la langue de l'enseignement, la langue de
travail, la langue du commerce, mais l'exemplarité de l'État est essentielle et
centrale pour ce faire. C'est la langue commune au Québec. Le mémoire du SFPQ
porte sur cette question, sur l'exemplarité de l'État. Nous en faisons une
bataille, au SFPQ, depuis plusieurs années. Nous sommes un acteur de premier plan
dans ce dossier et avec différents partenaires également à travers l'ensemble
de la société québécoise. En représentant des dizaines de milliers de
travailleurs et de travailleuses au sein de l'appareil d'État qui donnent des
services au quotidien aux citoyens et citoyennes du Québec, le SFPQ veut
notamment protéger leur droit de travailler en français.
Le constat général : c'est
l'unilinguisme qui a été annoncé, mais on se retrouve plutôt avec un
bilinguisme de fait. Le français est notre langue officielle depuis 1974, la
loi 101, adoptée en 1977, avec son préambule qui nous fait mention qu'on est
résolus à faire du français la langue de l'État. Mais, dans les faits, ce n'est
pas l'unilinguisme autour de notre langue officielle qui s'est instauré dans
l'administration publique, mais un bilinguisme institutionnel. En 2019, après
des pressions politiques, au niveau du SFPQ, pour demander un portrait des
pratiques linguistiques de l'administration, le Conseil supérieur de la langue
française a publié une étude qui a révélé que 34 % des ministères et
organismes de l'administration n'avaient toujours pas procédé à l'adoption d'une
politique linguistique. Bref, pas de directive claire pour les pratiques
linguistiques.
L'étude du Conseil supérieur de la langue
française et notre étude, notre propre étude au niveau du SFPQ, ont également
révélé que les ministères n'avaient soit pas de politique, soit qu'elle n'était
pas appliquée, et même que les employés n'étaient pas ou peu au courant du fait
français et de la pratique qui devait être instaurée à travers chaque ministère
et organisme.
Il existe aussi des problèmes avec les
exigences linguistiques autour des embauches et des promotions au sein même de
l'appareil public. Trop souvent, la connaissance de l'anglais est nécessaire
pour obtenir une promotion pour nos membres. Ça devient un frein à ces gens-là,
alors que, dans les faits, il n'est pas nécessaire d'avoir une connaissance de
l'anglais à un tel niveau. En juin, les résultats d'une vérification ponctuelle
de la Commission de la fonction publique l'ont clairement démontré. Les
recommandations portaient sur la nécessité d'exiger l'utilisation de l'anglais,
mais n'avaient pas cette prétention-là dans les faits. Dans l'enquête du SFPQ,
18 % des gens questionnés ont répondu que les promotions liées à leur
emploi étaient réservées aux personnes bilingues, alors que l'intention ne devait
pas y être. Être unilingue francophone ne devrait pourtant pas être pris comme
un handicap pour une progression de carrière dans notre fonction publique.
Comment nous accueillons maintenant le <projet
de loi...
M. Daigle (Christian) :
...
18 % des gens questionnés ont répondu que les promotions liées à
leur emploi étaient réservées aux personnes bilingues, alors que l'intention ne
devait pas y être. Être unilingue francophone ne devrait pourtant pas être pris
comme un handicap pour une progression de carrière dans notre fonction
publique.
Comment nous accueillons maintenant le
>projet de loi n° 96 au niveau de
l'exemplarité de l'État? À première vue, le projet de loi n° 96
semble enfin faire la part belle à l'exemplarité de l'État en matière d'utilisation
du français, mais il y a une faille majeure, et on y reviendra un petit peu
plus tard. Dans les notes explicatives du projet de loi, on dit : «donne
ainsi à l'administration le devoir d'utiliser le français de façon exemplaire
et exclusive, sous réserve de certaines exceptions», et c'est là que, pour
nous, il y a un problème. Toutefois, le SFPQ recommande d'adopter les
dispositions du projet de loi pour jeter les bases de l'utilisation exclusive
du français dans l'administration, tant à l'oral qu'à l'écrit, dans un
périmètre un peu élargi de l'administration, et également pour les services
publics et les sous-traitants.
Afin que l'unilinguisme en français prenne
forme et soit soutenu par des institutions, le SFPQ recommande d'adopter les
dispositions du projet de loi pour l'instauration d'une politique linguistique
de l'État, pour la création d'un ministère de la langue française, pour la création
d'un poste de commissaire à la langue française, pour accroître le champ
d'action de l'Office québécois de la langue française à la mise en oeuvre des
programmes de conformité de l'administration.
Le SFPQ recommande également d'adopter les
dispositions pour l'utilisation exclusive du français par le personnel de
l'administration dans leurs communications au sein de l'État, pour la reddition
de comptes obligatoire des organismes de l'administration pour qu'ils
dénombrent le nombre de postes où la connaissance d'une autre langue est
attendue, pour favoriser les possibilités de recours, pour tous les
travailleurs et travailleuses du Québec, contre les exigences linguistiques
indues de la part de leur employeur.
Le SFPQ est également favorable à
certaines exceptions légitimes à l'unilinguisme français de l'État, entre
autres, pour les autochtones, en établissant, au sein de l'État, un service
d'interprétariat pour les langues autochtones dans les services publics de
l'administration, pour les ayants droit à l'enseignement en anglais, pour les
nouvelles personnes arrivantes, en allongeant le sursis prévu à deux ans,
plutôt que six mois, et en établissant au sein de l'État un service
d'interprétariat de plusieurs langues pour faciliter leur accès aux services publics
et leur intégration dans la société québécoise, finalement, en matière de santé
et sécurité publique, et pour faciliter les relations internationales
également.
Là où le bât blesse et où que nous pensons
que le projet de loi pourrait faire du surplace pendant plusieurs décennies, c'est
avec le deuxième alinéa de l'article 22.2, qui se veut une faille béante dans
l'exemplarité de l'État. Le projet de loi n° 96
prévoit toutefois de créer un autre statut d'ayants droit pour une multitude de
personnes qui ne font pas partie des ayants droit à l'enseignement en anglais,
communautés historiques anglophones, des peuples autochtones ou des nouveaux
arrivants, et qui pourraient réclamer des services gouvernementaux en anglais
toute leur vie avec tous les organismes publics avec lesquels ils ont déjà
correspondu en anglais. C'est le SFPQ qui a vu en premier cette problématique
dans le projet de loi.
Et, autrement dit, pour une personne
établie au Québec depuis 10 ans, elle pourrait avoir <communiqué
en...
M. Daigle
(Christian) :
...
en anglais toute leur vie avec tous les
organismes publics avec lesquels ils ont déjà correspondu en anglais. C'est le
SFPQ qui a vu en premier cette problématique dans le projet de loi.
Et, autrement dit, pour une personne
établie au Québec depuis 10 ans, elle pourrait avoir >communiqué en
anglais avec un maximum de ministères et d'organismes publics, et ça lui
donnerait le droit à un laissez-passer pour une vaste palette de services gouvernementaux
en anglais aussi longtemps qu'elle le souhaiterait. Malgré les effets d'annonce
autour du projet de loi sur l'exemplarité de l'État, cette clause d'antériorité
viendrait donc, dans les faits et pour l'essentiel, cimenter le bilinguisme de
l'État québécois pour des décennies.
Le recours aux services gouvernementaux en
anglais est une pratique très répandue au Québec. À titre comparatif, selon les
dernières statistiques, 7,5 % de la population du Québec avait l'anglais
comme langue maternelle, tandis que 10,4 % des élèves du préscolaire, du
primaire et du secondaire étaient admissible à l'enseignement en anglais. En
réponse à notre demande d'accès pour connaître les conséquences possibles de
22.2, Retraite Québec nous a indiqué que la proportion des citoyens qui ont
l'anglais comme langue de correspondance est de 15,4 %; à la RAMQ,
30,2 %.
En plus, en s'appliquant indépendamment
d'un organisme à l'autre, on viendrait créer une hydre où certains organismes
devraient gérer des cas d'autorisation aux services en anglais qui ne seraient
pas les mêmes que dans d'autres organismes. Un beau fouillis au niveau
gouvernemental de même que pour les citoyens qui auraient des droits dans
certains ministères, mais pas dans d'autres. Prenons l'exemple d'une personne
qui arrive, Régie de l'assurance maladie du Québec, elle a communiqué en
anglais, elle a un droit. Plus tard, elle arrive à sa pension, mais la Régie
des rentes n'a jamais communiqué avec elle, donc elle serait due pour être
servie en français dans cet autre ministère. Pour nous, c'est incompatible.
Devant les difficultés d'application sur
le droit du deuxième alinéa s'étendant d'un organisme à l'autre par des
registres communs ou de toute autre manière, on irait même jusqu'à accroître
l'anglicisation de l'administration publique. Nous proposons donc d'amender le
projet de loi pour retirer la clause d'antériorité ou de restreindre sa portée.
Nous ne faisons pas juste que critiquer, nous avons des solutions.
Il pourrait y avoir une clause de
temporisation de trois ans avant de passer aux services en français. Il
pourrait également y avoir une exception pour les personnes âgées. Pendant ces
trois ans, on pourrait faciliter l'accès de ces personnes à des programmes de
francisation, à des services d'interprétariat dans plusieurs autres langues que
l'anglais, à des modalités de procuration auprès d'un ou des mandataires.
Ainsi, pour faciliter leurs communications avec les services publics, nous
aurions différentes solutions. De meilleures avenues sont possibles que de
simplement reconduire pour des décennies les erreurs du passé. Cet amendement
au projet de loi est absolument essentiel si l'on veut mettre en oeuvre
sérieusement l'exemplarité de l'État par ce projet de loi.
Après l'entrée en vigueur de la loi, il
faudra également s'assurer que le ministère de la Langue française consulte le
SFPQ avant d'approuver les directives soumises par les ministères et organismes
pour établir dans quelles circonstances ils peuvent déroger à l'unilinguisme du
français. Il faudra également s'assurer que l'ensemble des employés soient
adéquatement informés quant à la <portée...
M. Daigle (Christian) :
...
de la loi, il faudra également s'assurer que le ministère de
la Langue française consulte le SFPQ avant d'approuver les directives soumises
par les ministères et organismes pour établir dans quelles circonstances ils
peuvent déroger à l'unilinguisme du français. Il faudra également s'assurer que
l'ensemble des employés soient adéquatement informés quant à la >portée
des différents articles du projet de loi. Enfin, si on veut donner un véritable
coup de barre et qu'on veut démontrer notre sérieux avec ce projet de loi, il
faut adopter ces principes, sauf l'article 22.2 qui doit être remanié. Sur ce,
je vous remercie de votre attention et de votre écoute.
• (11 h 40) •
Mme Thériault
: Merci,
M. Daigle. Donc, sans plus tarder nous allons passer au premier bloc d'échange
avec M. le ministre. La parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. M. Daigle, M. Saucier, merci d'être présents en commission
parlementaire, et je tiens à souligner la qualité du mémoire du SFPQ et aussi,
au fil des années, votre cohérence en faveur de la défense de la langue
française. Je crois que, comme employés de l'État, à juste titre, vous avez, au
fil des années, été cohérents avec vos positions et démontré l'importance,
également, pour l'État québécois aussi d'être un vecteur, un, de préservation,
de protection de la langue, mais également de promotion. Alors, pour ça, je
tiens à souligner la qualité de votre travail et vous féliciter également pour
le mémoire.
Vous l'avez abordé un peu au début de
votre intervention, en termes de bilinguisme institutionnel, donc, bon, il y a
eu l'étude du Conseil supérieur de la langue française qui est sortie en... je
pense, septembre, octobre 2019, quand j'arrivais comme ministre de la Langue
française. Vous avez réalisé un sondage auprès de vos membres. Ce qui ressort
beaucoup de ça, c'est que, bon, la politique linguistique, elle n'est pas
connue, elle n'est pas appliquée, les employés de l'État ne sont pas au
courant, les gestionnaires ne font pas de suivi par rapport à ça. Dans le fond,
c'est un peu laissé à la va-comme-je-te- pousse au sein de l'État québécois.
On se retrouve dans des situations
également où c'est les employés de l'État qui sont un peu les arbitres de quand
est-ce que j'utilise le français ou quand est-ce que j'utilise une autre loi.
Il y a eu une approche au sein de l'État, je pense que vous décrivez, qui est
très... une approche client. Donc, les gestionnaires disent : Bien, c'est
une clientèle, donc vous utilisez la langue de la clientèle sans se soucier de
la politique linguistique, tout ça.
Je voudrais qu'on revienne, là, sur ce
bilan-là, là, parce que moi, c'est quelque chose qui me préoccupe grandement,
puis c'est pour ça que je souhaite rendre l'État exemplaire. Donc, votre
constat, il est à l'effet qu'on doit agir.
M. Daigle (Christian) :
Tout à fait. L'État est le plus gros employeur au Québec. Nous devons être
exemplaires, nous sommes même la porte d'entrée pour toute personne qui arrive
de l'extérieur aussi. Donc, l'exemplarité de l'État est nécessaire dans ces
circonstances-là, et nos gens sont trop souvent laissés à eux-mêmes. Vous
l'avez dit, M. le ministre, c'est les gens souvent qui doivent se dire :
Bien, est-ce que j'applique, je n'applique pas, comment est-ce que ça
fonctionne, même lorsqu'il y a des politiques qui sont claires, même au niveau
de la Régie de l'assurance maladie du Québec, où est-ce qu'on disait qu'on
allait garder un statut langue deux, langue anglophone pour un certain temps,
et qu'on devait changer par la suite. Dans les faits, la personne ne change
jamais son statut de langue.
Alors, pour nous, on n'a pas
le choix d'être <exemplaires...
M. Daigle
(Christian) : ...
doivent se dire :
Bien, est-ce que j'applique, je n'applique pas, comment est-ce que ça
fonctionne, même lorsqu'il y a des politiques qui sont claires, même au niveau
de la Régie de l'assurance maladie du Québec, où est-ce qu'on disait qu'on
allait garder un statut langue deux, langue anglophone pour un certain temps,
et qu'on devait changer par la suite. Dans les faits, la personne ne change
jamais son statut de langue.
Alors, pour nous, on n'a
pas le choix d'être >exemplaires et d'aller vraiment au maximum
de ce qu'on peut faire et de ce qu'on doit faire. Nous sommes l'unicité francophone
en Amérique du Nord, et on doit le demeurer. Et, pour ça, on doit se donner des
moyens qui sont clairs pour nous là-dessus. Il faut que les gens soient au
courant.
Souvent, comme vous le disiez également, c'est
selon la volonté, des fois, du ministre, ou du ministère plutôt, ou des
employeurs, des gestionnaires, à savoir est-ce qu'on va informer les employés
des politiques linguistiques qu'il peut y avoir. Pour nous, on ne peut pas
continuer comme ça. Nos gens ne sont pas des personnes qui sont décisionnelles.
C'est des gens qui sont là pour exécuter. Puis ce n'est pas péjoratif, ce que
je dis. C'est des personnes qui ont à exécuter des tâches, qui le font très
bien. Mais, pour ça, ça prend d'avoir des directives qui sont claires... qui
sont claires également.
Alors, ce qu'on espère avec le projet de
loi, c'est une mise en oeuvre de la part du gouvernement à travers tous les ministères
et organismes pour que ce soit connu et qu'on applique cette exemplarité-là du français
dans les services publics.
M. Jolin-Barrette : Et c'est
l'objectif. C'est pour ça qu'on amène une politique linguistique de l'État qui
va être développée par le ministère de la langue française et qui va être
appliquée à l'ensemble des ministères et des organismes. Alors, je crois
comprendre de votre mémoire que vous êtes en accord avec la politique
linguistique, le fait qu'il y ait un ministère de la langue française, le fait qu'il
y ait un commissaire à la langue française. Vous êtes en accord également avec
le renforcement de l'article 46 également dans la Charte de la langue
française, mais vous avez un bémol, puis vous l'avez exprimé tout à l'heure, relativement
aux dispositions sur la clause d'antériorité qu'on est venu insérer.
J'aimerais ça qu'on ait une discussion
plus approfondie sur ce volet-là, parce qu'actuellement quelqu'un qui appelle
au sein du gouvernement du Québec peut théoriquement se faire servir dans une
autre langue que le français. Il n'y a pas vraiment de balise. Bah! Il y a une
politique linguistique gouvernementale, mais, des fois, elle n'est même pas là.
Nous-mêmes, au sein du ministère de la Justice, on est en train de la réviser
parce qu'il y a des lacunes également. Parlez-nous de cet élément-là, parce que
l'objectif est de faire en sorte que l'État soit exemplaire, mais de faire
aussi en sorte de pouvoir préserver les droits de la communauté anglophone, des
ayants droit. Alors, explicitez-nous ça, là, votre bémol-là, sur le projet...
la proposition de projet que nous avons.
M. Daigle
(Christian) : C'est que l'article 22, le deuxième alinéa
de 22.2 ne s'adresse pas à ces groupes-là qui ont droit d'être servis en
anglais, qui ont historiquement un droit qui est prévu. Ça s'adresse aux
personnes, les nouveaux arrivants qui arrivent au Québec et qui, de par la
nature et de par, souvent, l'approche client que nous, nous dénonçons... même
la nature même de ces termes-là, ce n'est pas une approche client. Si je suis
un client, c'est que j'ai le choix d'aller à un endroit ou à un autre. Excusez-moi
de diverger un petit peu, là, mais j'ai le droit d'aller à un endroit ou à un
autre pour aller me faire servir. Je peux aller dans un garage, je peux aller
dans un autre garage. Je vais être un client pour eux autres. Je peux aller à
une compagnie d'assurance ou une autre compagnie d'assurance.
Au niveau des services gouvernementaux,
nous servons tous les citoyens. Nous sommes la seule porte d'entrée. Donc, ce n'est
pas des <clients...
M. Daigle (Christian) :
...
la nature même de ces termes-là, ce n'est pas une approche client. Si
je suis un client, c'est que j'ai le choix d'aller à un endroit ou à un autre. Excusez-moi
de diverger un petit peu, là, mais j'ai le droit d'aller à un endroit ou à un
autre pour aller me faire servir. Je peux aller dans un garage, je peux aller
dans un autre garage. Je vais être un client pour eux autres. Je peux aller à
une compagnie d'assurance ou une autre compagnie d'assurance.
Au niveau des services gouvernementaux,
nous servons tous les citoyens. Nous sommes la seule porte d'entrée. Donc, ce n'est
pas des >clients qu'on sert, c'est des citoyens. On a adopté l'approche
client pour des raisons de justifier la numérisation ou le décomptage du nombre
de dossiers traités. Alors, pour nous, ce qu'on doit faire, c'est de traiter
avec des citoyens. Ces citoyens-là sur lesquels on a donné un droit d'être
servi en anglais à travers les années sont des personnes qui arrivent au Québec,
qui, souvent, l'anglais ou le français ne sont même pas leur langue de départ,
et on les met en anglais pour faciliter la chose. Alors, ces gens-là devraient
avoir eu des cours de francisation qui, malheureusement, se sont perdus avec le
temps, qu'on devrait réinstaurer. Ces gens-là auraient dû s'intégrer à la société
québécoise car, en venant ici, ils savaient que c'était une société qui était
francophone. Donc, ce qu'on veut, nous, c'est ramener ce droit-là et ce
service-là en français qui doit se faire, parce que les gens sont... doivent, à
ce moment-là dans certains endroits, être servis dans la langue également quand
on arrive.
Je viens du ministère de l'Aide sociale,
plus particulièrement du centre du recouvrement, et, lorsqu'on avait des gens
qui parlaient russe, qui parlaient espagnol, moi-même, je parlais en anglais,
bien, on donnait des dossiers dans ces langues-là, alors que ce n'est pas ça
qui est prévu présentement, ce n'est pas ça qui devrait se faire. Mais, pour
faciliter le travail, pour avoir une approche plus proche de ces gens-là, bien,
on demandait aux gens d'utiliser la langue. J'avais un... excusez-moi
l'anglicisme, ça fait bizarre... un «caseload», j'avais un inventaire d'environ
3 000 à 5 000 dossiers uniquement en anglais. Je travaillais 100 %
du temps en anglais. Le seul temps que je parlais français, c'était pendant mes
pauses ou l'heure du dîner. Ce n'est pas normal, selon moi, parce que ces
gens-là ne sont pas des gens qui étaient historiquement avec un droit. C'est
ça, la différence.
M. Jolin-Barrette :
M. Saucier, allez-y.
M. Saucier (Louis-Joseph) :
Puis, en complétant ce que dit notre cher président du SFPQ, là où le bât
blesse, avec, justement, l'exception telle qu'elle est tournée, avec le
deuxième alinéa de 22.2, c'est que ce ne serait pas un nouveau statut d'ayant
droit pour les ayants droit en enseignement anglais, pour lesquels on est déjà
favorables à l'extension de leurs droits à celui des services gouvernementaux
de façon plus large. Ce ne serait pas non plus un droit pour les nouveaux
arrivants, alors qu'il y a déjà une disposition qui le prévoit, puis d'ailleurs
où on propose même d'allonger le sursis à deux ans et de l'accompagner par des
services d'interprétariat dans d'autres langues, d'ailleurs, que l'anglais. Ce
ne serait pas non plus des gens qui peuvent bénéficier de l'exception en tant
qu'autochtone, là où d'ailleurs aussi on propose d'ajouter des modalités de
services d'interprétariat, d'instaurer un service d'interprétariat au gouvernement
du Québec dans des langues autochtones.
Non, ce serait pour reconduire, toute la
vie durant, à un droit, un autre statut d'ayant droit aux services en anglais,
ce qui correspondrait un peu à reconduire, malheureusement, les erreurs du
passé que de s'être confiné aux services en anglais dès que c'était un peu <difficile...
M. Saucier (Louis-Joseph) : ...
à un droit, un autre statut d'ayant droit aux services en anglais, ce qui
correspondrait un peu à reconduire, malheureusement, les erreurs du passé que
de s'être confiné aux services en anglais dès que c'était un peu >difficile
d'offrir des services en français, alors que nous, on n'arrive pas les mains
vides, on a des propositions qui sont plus porteuses en ce sens-là.
M. Jolin-Barrette : J'ai deux
questions, avant de céder la parole à mes collègues, particulièrement sur ce
point-là. Vous nous dites, pour les nouveaux arrivants... Actuellement, ce
qu'on a prévu dans le projet de loi pour l'accueil, c'est une période
transitoire de six mois où l'État pourrait accueillir dans une autre
langue que le français. Donc, ça ne veut pas nécessairement dire en anglais, ça
veut dire... ça peut être en mandarin, ça peut être en portugais. Mais tout le
monde nous dit : Assurez-vous, dès le départ, de bien intégrer en français
les personnes immigrantes.
Alors, le fait d'étendre de six mois
à deux ans, comme vous le proposez, ce n'est pas un peu contradictoire sur
l'intégration des personnes immigrantes, si déjà l'État continue de communiquer
pour une période de deux ans, ce qui est quand même assez long, dans une
autre langue que le français?
M. Saucier (Louis-Joseph) :
Sous cet aspect-là, ce qu'on dit, c'est... Quand on dit six mois, c'est à
partir du moment où est-ce que la personne arrive au Québec. Le temps de
s'établir, le temps de se trouver un travail, le temps de prendre des cours de francisation,
en dedans de six mois, je trouve que c'est très rapide pour s'intégrer à
une nouvelle société. Souvent, les gens vont venir d'un endroit peut-être qui
n'est pas comparable à l'ensemble de la société québécoise. Donc, il faut
s'acclimater également un peu à l'environnement et à la culture aussi. C'est
pour ça que nous, on prévoyait qu'un deux ans serait une bonne transition à ce
moment-ci.
M. Jolin-Barrette : Juste une
sous-question là-dessus, dans les autres États dans le monde, là, qui reçoivent
de l'immigration, là, c'est plutôt rare qu'on va parler dans la langue... dans
une langue autre aux personnes immigrantes, alors qu'ils intègrent un État
national?
• (11 h 50) •
M. Saucier (Louis-Joseph) :
C'est possible. On n'a pas fait d'études à ce niveau-là, mais nous, ce qu'on
pense, c'est que ça va permettre aux gens de se sentir peut-être mieux
accueillis à ce moment-là. Donc, on espère pouvoir, justement, aider un petit
plus loin, puis je vais laisser mon collègue peut-être compléter rapidement sur
la réponse.
M. Daigle (Christian) :
Puis sur le fait que l'État puisse s'adresser dans d'autres langues que la
langue officielle, effectivement, ce sont des exceptions. Mais nous, le SFPQ,
on s'est montrés favorables à plusieurs exceptions puis on propose même des
modalités pour que ce soit plus riche, mais que ça ne tombe pas nécessairement...
ou que ça ne tombe pas que dans l'ornière de l'anglicisation étatique. Mais, par
contre, autant où, oui, on est favorables à certaines exceptions, autant on
croit que 22.2, deuxième alinéa, devrait être amendé pour ne pas
reconduire, par contre, une anglicisation de l'administration pour des
décennies à venir tout en mettant en oeuvre ce qui pourrait être un aménagement
linguistique tout à fait exemplaire, qu'on souhaiterait voir dans d'autres
provinces et dans d'autres États.
M. Jolin-Barrette : Dernière question
rapide avant de céder la parole. Vous, justement, sur 22.2, vous dites :
Bien, écoutez, ça devrait être une clause d'antériorité qui prend fin après
trois ans, <donc une...
M. Daigle (Christian) :...de l'administration pour des décennies à venir tout en
mettant en oeuvre ce qui pourrait être un aménagement
linguistique
tout
à fait exemplaire, qu'on souhaiterait voir dans d'autres provinces et dans
d'autres États.
M. Jolin-Barrette :
Dernière
question rapide avant de céder la parole. Vous, justement, sur
22.2, vous dites : Bien,
écoutez, ça devrait être une clause
d'antériorité qui prend fin après trois ans, >donc une disposition
transitoire, une crépusculaire trois ans et ça prend fin, et une exception pour
les personnes âgées. Je voudrais vous demander : qu'est-ce qu'une personne
âgée? Parce que moi, ma fille de quatre ans, elle trouve que je suis âgé. Donc,
c'est quoi, une personne âgée?
M. Daigle
(Christian) : On ne veut pas vous dire aujourd'hui que c'est
65 ans, c'est 70 ans. Ça, à partir du moment où est-ce que vous
accepterez de modifier 22.2, on pourra en rejaser, si vous le souhaitez. Parce
qu'on sait qu'à 65 ans il y a des gens qui sont encore très actifs. Il y a
des gens qui prennent leur retraite puis qui retournent aux études. Il y a des
gens qui, à 75 ans, sont encore très actifs également. Pour nous, c'est de
dire : Les gens qui ont atteint un certain âge, mais, tu sais, qu'on voit
que c'est plus difficile, bien, on pourrait, à ce moment-là, avoir une
bienveillance pour ces personnes-là.
On ne voulait pas les laisser avec une
clause de trois ans et ne plus avoir rien après, donc, que ces gens-là vivent
une certaine insécurité à l'aube d'une période où est-ce que c'est la
vieillesse qui avance un petit peu plus... un peu plus vite. Donc, on n'a pas
voulu statuer sur l'âge à ce moment-là. Et ça, on laisse... On pourra en
discuter, si vous le souhaitez, puis on va être très ouverts, à ce moment-là, à
regarder les possibilités là-dedans. Mais ce qu'on voulait, c'est de permettre
à tout le monde d'être quand même... d'avoir un suivi quand même décent parce
qu'elles ont été servies en anglais pendant la majeure partie de leur vie,
malheureusement. Mais cette fois-ci, on ne veut pas juste non plus couper les
ponts. On veut quand même avoir un degré de suivi quand même avec ces gens-là.
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de Saint-Jean, vous avez un peu moins de quatre minutes
pour faire votre intervention.
M. Lemieux : Merci. Oui, merci
beaucoup, Mme la Présidente. MM. Daigle et Saucier, bonjour. Ce n'est pas
le festival de la flagornerie, là, mais le ministre vous a félicité sur votre
mémoire, sur le fond. Permettez-moi de vous féliciter sur la forme, parce que
vous avez fait quelque chose dans la présentation qui m'a gardé, pas
malheureusement, mais qui m'a forcé à rester jusqu'à la fin avec votre titre, Pour
l'exemplarité de l'État. À une clause près d'une nette avancée.
La 22.2, deuxième alinéa, arrive à la
26e page. Je l'ai lu, votre mémoire, au moins jusque-là, parce
qu'effectivement c'est une question passionnante et surtout rendu où on est
dans la conversation avec le ministre. Mais juste avant d'aller sur le fond,
«une nette avancée»... «Avancée», c'est vraiment un mot clé ici, dans les
consultations sur le projet de loi n° 96. Le gouvernement parle de modéré,
plusieurs arrivent en parlant d'avancée. Personne ne parle de recul ou, en tout
cas, très peu, là. Alors, ça, c'est la bonne nouvelle.
Ce que j'entends dans ce que vous dites au
sujet de 22.2, alinéa deux, c'est que, pour vous, c'est comme une clause
grand-père pour un statut particulier pour une certaine... Là, il ne faut pas
que j'utilise le mot «clientèle», là, parce que ça ne fait pas partie de ça. La
clause de temporisation, expliquez-moi ça. Ça fonctionnerait comment?
M. Daigle
(Christian) : Bien, ce trois ans-là serait un trois ans
d'encadrement. Ces gens-là n'ont vraiment probablement jamais suivi de <cours
de...
M. Lemieux : ...
une
clause grand-père pour un statut particulier pour une certaine... Là, il ne
faut pas que j'utilise le mot «clientèle», là, parce que ça ne fait pas partie
de ça. La clause de temporisation, expliquez-moi ça. Ça fonctionnerait comment?
M. Daigle
(Christian) :
Bien, ce trois ans-là serait un trois ans
d'encadrement. Ces gens-là n'ont probablement jamais suivi de >cours de
francisation. Ils sont arrivés, ils se sont fait offrir des services en
anglais, malheureusement, et ça a perduré à travers le temps. Donc, ces gens
n'ont pas eu besoin d'aller plus loin, peut-être, dans leur apprentissage du
français.
Alors, ce qu'on demande, justement, c'est
d'avoir un accompagnement pour ces gens-là avec des cours de francisation
durant ces trois années-là, d'avoir droit également aussi peut-être à, comme on
disait tantôt, un groupe, mettons, ou à un service d'interprétariat, si jamais
c'est une autre langue que l'anglais qui est leur maternelle, pour les aider à
naviguer à travers tous ces services publics là. Parce qu'on comprend que
différents ministères, différents services avec différents intervenants, c'est
plus difficile, parfois.
M. Lemieux : Je reviens... Malheureusement,
c'est ce qui m'intéressait. Alors, même si vous en avez discuté avec le ministre,
je reviens sur le six mois, deux ans, parce que je voudrais introduire là-dedans,
dans la réflexion, la partie de services d'interprétation. Ça, c'est quelque
chose, si je le comprends bien, qui vous déçoit, dans la mesure où on est tombé
par défaut vers l'anglais, parce que c'était une langue commune du nouvel
arrivant et que... Puis là on ne parle pas des ayants droit, là, on parle des
nouveaux Québécois.
Le service d'interprétation, est-ce que
c'est trop ambitieux de se dire qu'on va réussir à parler dans la langue de ce
nouvel arrivant dans la plupart des cas ou dans la majorité des cas? Est-ce que
ça, ça ne serait pas une avancée de plus?
M. Daigle (Christian) :Nous, on pense que oui, c'est quelque chose de super
intéressant puis qui est vraiment une plus-value pour l'ensemble de la société
québécoise. Déjà, au lieu que les gens se tournent vers l'anglais en arrivant, parce
que c'est une langue qui est souvent plus facile à apprendre pour un nouvel
arrivant qui ne maîtrise ni le français, ni l'anglais, bien, à ce moment-là,
avec un service d'interprétariat, elle aurait un service dans sa langue. De
plus, retombée également positive, c'est qu'on vient offrir un emploi à des
gens qui ont la maîtrise de cette langue-là, qui vont souvent faire partie de
ces communautés-là et qui vont pouvoir aider leurs concitoyens. On va pouvoir
les intégrer à travers la fonction publique québécoise également, où elles
pourront, par la suite, avoir des promotions, avoir un changement puis elles
pourront découvrir l'administration publique, qui souvent fait défaut dans l'administration
publique. On a peu de gens de différents...
M. Lemieux : Vous parlez à un
gars qui a travaillé longtemps à Radio-Canada, où il y avait un Radio-Canada
International qui est devenu une peau de chagrin, qu'on ne sait même plus où il
se trouve dans la bâtisse. Là, je comprends l'idée. Sans devenir une tour de
Babel, est-ce que, réalistement, sans investir la moitié de notre budget là-dessus,
on est capable, avec le monde qu'on a puis le monde qu'on aurait, est-ce qu'on
est capable d'aller vers là?
M. Daigle (Christian) :
Ah mon Dieu! oui. Les gens, les jeunes d'aujourd'hui maîtrisent deux langues,
trois langues assez facilement. On est capables. Pour la jeune génération, je
pense, qui parle une autre langue à la maison et qui parle le français à
l'école, ou qui se sont développés en français, on est capables facilement de
mettre ça en place avec une... quelques dizaines de personnes.
M. Lemieux : ...on peut vous
dire merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci pour votre réponse. Je dois mettre fin à l'échange. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
pour votre 11 min 30 s... 20 s.
Mme David : Merci beaucoup.
Bonjour, MM. Daigle et Saucier. Mémoire effectivement très intéressant, qui
pose plusieurs questions, et je vais vous faire part de mon... de littéralement
de mon vertige, mais je l'ai <depuis...
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci pour votre réponse. Je dois mettre fin à l'échange.
Mme la députée
de
Marguerite-Bourgeoys, pour votre 11 min 30 s...
20 s.
Mme David :
Merci
beaucoup. Bonjour, MM. Daigle et Saucier. Mémoire
effectivement très
intéressant, qui pose
plusieurs questions, et je vais vous faire part de
mon... de
littéralement de mon vertige, mais je l'ai >depuis
longtemps, mais vous êtes l'occasion rêvée, c'est la question de l'accès à la
francisation. Tout repose là-dessus : nouveaux arrivants, clauses de...
comment vous l'appelez, de... la transition de trois ans.
On va franciser ces gens-là que ça fait 30 ans,
disons, qu'ils parlent russe et un peu anglais chez eux, etc. En ce moment, ça
prend trois mois pour avoir accès à la francisation en Montérégie, c'est un
exemple, là, pour... trois mois. On parle de six mois... c'était ma question,
moi aussi, le ministre est allé sur les deux sujets dont je voulais traiter, et
donc aller à deux ans. Moi, mon vertige, c'est... ça va prendre, j'allais dire
une corvée mais je n'aime pas le mot parce que c'est péjoratif, appelons ça une
mission nationale de francisation, mais une vraie mission, comme la vaccination
en ce moment, partout au Québec, là. Ça va nous prendre un Daniel Paré de la
francisation qui est partout, pour toutes sortes de clientèles, on se comprend,
là, parce que, partout dans le projet de loi, c'est la prémisse de base pour
tous les articles de loi.
Alors, je ne le sais pas comment vous
voyez ça. J'ai été surprise de vos chiffres, 15 % de Retraite Québec,
15,4 % qui demandent d'avoir une correspondance en anglais ou de parler
anglais. Il y a d'autres chiffres autour de ça. Par contre, vous dites :
Laissez-leur deux ans au moins pour les nouveaux arrivants. Comment on va y
arriver, s'il n'y a pas une mission nationale de francisation?
M. Daigle (Christian) :
C'est certain que le gouvernement doit se doter ou se redoter de services de
francisation dignes de ce nom, à l'intérieur de l'ensemble des régions du
Québec également aussi, pas juste à Montréal, pas juste à Québec. L'intégration
des nouveaux arrivants doit se faire à la grandeur de la province, et ces
services de francisation également doivent se faire à la grandeur de la
province.
Le deux ans va permettre
d'avoir peut-être un certain délai comme on connaît présentement pour y avoir
accès, mais, par la suite, va permettre de s'intégrer à ces gens-là de mieux en
mieux à travers leur nouveau milieu de vie, que ce soit en région ou dans les
grands centres urbains, va éviter également d'envoyer quelqu'un en région,
pensant qu'il va pouvoir s'établir, mais devant le fait que la personne ne
parle pas beaucoup la langue française, va devoir retourner vers un milieu où
elle a des compatriotes peut-être, qui sont plus présents à ce moment-là. Donc,
on ne veut pas justement ça, on veut pouvoir... on veut que les gens puissent
s'épanouir sur l'ensemble du territoire québécois et on veut pouvoir y arriver,
justement.
C'est pour ça que la clause
de deux ans, pour nous, permet d'avoir un suivi avec ces personnes-là aussi, et
pas de dire : On vous prend pendant six mois puis, au bout de six mois,
après ça, on vous laisse à vous-mêmes. Donc, d'avoir un suivi de deux ans
permet de pouvoir suivre la personne, de pouvoir l'aider à bien s'intégrer à
travers ces deux années-là, parce qu'on ne pense pas qu'en six mois on puisse y
arriver.
• (12 heures)
Mme David : O.K.
Là, l'autre aspect de mon vertige, c'est qui va enseigner? Il y a une pénurie
d'enseignants, elle est déjà documentée, la pénurie d'enseignants de français
langue seconde. J'ai vraiment un vertige, <partout en région...
>
12 h (version révisée)
< M. Daigle (Christian) :...de pouvoir suivre la
personne, de pouvoir l'aider à
bien s'intégrer à travers ces deux années-là,
parce qu'on ne pense pas
qu'en six mois on puisse y arriver.
Mme David :
O.K.
L'autre aspect de mon vertige, c'est qui va enseigner? Il y a une pénurie
d'enseignants. Elle est
déjà documentée, la pénurie d'
enseignants
de français langue seconde — j'ai vraiment un vertige — >partout
en région, et, quand on dit... trois mois, 90 jours, trois mois
d'attente en Montérégie. Mais où est-ce que le ministre va trouver tous ces
enseignants-là de français? Il va falloir les payer, il va falloir qu'ils
soient partout. Je vous dis, c'est la base même de la survie du français au
Québec, là, c'est l'enseignement du français.
M. Daigle (Christian) :
Effectivement, il peut y avoir certaines difficultés. Avec les nouvelles
technologies, par contre, on peut peut-être trouver une façon de donner ce
service-là. Pas obligé d'avoir quelqu'un dans chaque ville, chaque village ou
chaque endroit où les personnes vont s'implanter, à partir du moment où est-ce
qu'on a un côté numérique qui va être développé sur le territoire québécois, les
nouvelles technologies. La pandémie aura peut-être eu ça de bon qu'elle va
pouvoir avoir permis de développer cette technologie-là et nous permettre
d'avoir peut-être un enseignement à distance aussi pour certaines personnes. Ça
s'est développé avec les dernières années. Nous, on pense qu'il y a peut-être
un intérêt à regarder cette façon-là de faire pour intégrer les gens, autant au
niveau technologique qu'avec également la langue française.
Mme David : C'est plus
difficile pour les nouveaux arrivants, mais peut-être qu'on peut faire des
miracles.
Il y a un mot que vous avez prononcé que
j'aime beaucoup, beaucoup : bienveillance. Bienveillance pour des gens qui,
peut-être, depuis 30 ans, 35 ans, reçoivent des correspondances en
anglais, même s'ils sont originaires de Serbie, de Russie, de plein de
différentes régions dans le monde. Bienveillance aussi pour les personnes âgées.
Alors, le ministre a peut-être juste 34 ans, je lui ai déjà dit que je
pouvais être sa mère, donc ça vous donne... et donc la bienveillance pour les
personnes âgées.
La question est bonne : À quel âge on
est âgé? Moi, je suis très, très jeune, il n'y a pas de problème. Mais vous
avez raison, il ne faut pas non plus traumatiser les gens. Et il y a la
question du droit... des ayants droit qui sont d'origine anglophone, et qui ont
toujours eu ça, et qui vont continuer à l'avoir. Mais comment on va
opérationnaliser cette bienveillance, c'est quelque chose, quand même,
d'intéressant. Bien que vous dites : On va y mettre le temps, on va y
mettre des cours de francisation... ça, ça veut dire sortir des gens, peut-être,
de leur univers. Ils n'ont jamais pensé qu'un jour ils suivraient des cours de
francisation. C'est un changement de paradigme important.
M. Daigle (Christian) :
Oui, tout à fait. Pour les cours de francisation pour les gens, ce ne seraient
pas des gens qui seraient visés, mettons, par une clause où est-ce qu'à cause
de l'âge elles pourraient conserver l'anglais, à ce moment-là, bien que, si
elles souhaitent être actives et reprendre des cours de francisation pour se
débrouiller un petit peu plus, pas de problème. Mais ce qu'on vise avec ces
gens-là, c'est de pouvoir, justement, les accompagner dans une langue qui, malheureusement,
a été l'anglais tout au long de leur présence au Québec.
Donc, ces gens-là, oui, on veut les
protéger quand même, parce que ça fait un gros changement dans leur vie,
peut-être, d'avoir à correspondre en français avec
l'État québécois. Mais pour les autres personnes, on espère, justement, pouvoir
faire cette transition-là à travers les trois années qui nous
permettraient d'y arriver. Puis je sens que mon collègue veut intervenir
également sur le sujet.
M. Saucier (Louis-Joseph) :
Juste pour ajouter un petit détail, là, une sous-proposition de plus, là, qu'on
<fait...
M. Daigle (Christian) :
...
en français avec l'État québécois. Mais pour les autres personnes, on
espère, justement, pouvoir faire cette transition-là à travers les
trois années qui nous permettraient d'y arriver. Puis je sens que mon
collègue veut intervenir également sur le sujet.
M. Saucier (Louis-Joseph) :
Juste pour ajouter un petit détail, là, une sous-proposition de plus, là, qu'on
>fait en substitution à la clause d'antériorité qui est proposée, pour
l'instant, dans le projet de loi, c'est qu'outre la clause de temporisation, c'est-à-dire,
là... c'est, disons, trois ans, outre les services d'interprétariat dans
d'autres langues aussi, pendant... aussi le fait que des gens puissent
commencer à se familiariser davantage avec le français, il y aurait aussi
d'offrir des modalités accrues, ou des modalités tout court, de procuration,
pour soutenir les gens qui ont... en soutien à ces personnes-là, pour l'accès à
leurs services publics, c'est-à-dire ce serait d'offrir des modalités où
certains mandataires, des personnes dans leur entourage, pourraient les aider
dans leurs démarches auprès de l'administration publique.
Mme David : Ce qui existe probablement
déjà de facto, là, que c'est l'enfant qui appelle. Je passerais la parole à mon
collègue de D'Arcy-McGee.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député, vous avez quatre minutes au bloc d'échange.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, MM. Daigle et Saucier, pour votre exposé, très intéressant.
Écoutez, est-ce que je suis pour comprendre, et, si oui, j'espère l'appui des
témoignages, des données, qu'il y a une épidémie de services de dispensés en
anglais en santé, en éducation, partout aux instances gouvernementales, qu'il y
a une crise de bilinguisme institutionnel au sein de l'octroi des services en
anglais, et en région, ainsi qu'à Montréal?
M. Daigle (Christian) :
Présentement, la facilité que les gens ont, lorsqu'ils arrivent au Québec,
c'est d'avoir une langue anglaise qui est inscrite à leur dossier, plutôt
qu'une langue française. Par la suite, on ne change pas celle-ci à travers le
temps, et c'est là que les services se perpétuent en anglais. Également, à
travers l'ensemble de l'administration québécoise, il y a des demandes pour une
connaissance de l'anglais sur les affichages de postes, sur les postes en
promotion, également, à l'interne, qui n'ont aucun lien avec le poste qui est
demandé.
Donc, à partir du moment où est-ce qu'on
inscrit, même dans notre C.V., qu'on parle une autre langue, on peut être
appelé, par l'employeur, à l'utiliser. Donc, quelqu'un qui arrive puis qui dit
qu'il parle anglais, qu'il parle espagnol, qu'il parle russe peut être appelé à
l'utiliser s'il l'a indiqué dans son curriculum.
M. Birnbaum : Si je peux... Évidemment,
le droit de travailler en français est une pierre angulaire de nos efforts
collectifs, on va en convenir. Est-ce que vous avez les données à l'appui,
comme je dis, sur l'étendue de l'octroi des services en anglais actuellement?
M. Daigle (Christian) :
Présentement, je n'ai pas ces données-là avec moi. Je ne sais pas si... Bien,
on avait fait l'étude, mais je n'ai pas les chiffres exacts. Je vais peut-être
passer la parole à mon collègue.
M. Saucier (Louis-Joseph) : Je
vous inviterais à regarder de plus près, par exemple, l'étude qui a été publiée,
en 2019, par le Conseil supérieur de la langue française, étude qui, d'ailleurs,
avait été produite dans la <foulée...
M. Daigle (Christian) :
Bien, on avait fait l'étude, mais je n'ai pas les
chiffres exacts. Je vais peut-être passer la parole à mon collègue.
M. Saucier (Louis-Joseph) :
Je vous inviterais à regarder de plus près, par exemple, l'étude qui a été
publiée, en 2019, par le Conseil supérieur de la langue française, étude qui,
d'ailleurs, avait été produite dans la >foulée d'une proposition d'un ministre
précédent — c'est le ministre Fortin — qui était dans les
suites, beaucoup, de représentations qu'on avait faites et qui, pour une fois,
établissait certains portraits des pratiques linguistiques dans
l'administration publique et, surtout, dans la fonction publique et
parapublique du Québec, où notamment, chiffres à l'appui, il était démontré
que... bien, notamment, que 56 % des membres du personnel ignorent
l'existence de documents administratifs sur l'usage des langues dans leur organisation.
M. Birnbaum : Pour bien
comprendre, quand vous parlez de 22, et un comité historique des ayants droit
pour les services en anglais, proposez-vous que la personne arrive à l'hôpital
quelconque avec son certificat d'éligibilité à l'accès à l'école anglaise avant
d'être servie à l'urgence? Est-ce qu'on écarte la réalité... Vous parlez
louablement des communautés autochtones. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y en
a plein, de communautés autochtones, où le monde est plus à l'aise en anglais
qu'en français. Est-ce que c'est des ayants droit? Est-ce que la personne ici
depuis 40 ans, qui parle anglais à la maison, doit montrer son accès à
l'école anglaise avant de se prévaloir des services? Comment ça fonctionnerait,
tout ça?
La Présidente (Mme Thériault) :
46 secondes.
M. Daigle (Christian) :
Bien, notre syndicat représente les services publics. On n'est pas dans le
domaine de la santé ni dans le domaine de l'éducation. Sur les modalités
d'application dans ces services-là, dans les services publics au niveau de la
santé puis de l'éducation, je ne pourrais pas vous dire comment ou c'est quoi,
la meilleure pratique qui serait à mettre en place. Pour nous, au niveau des
services publics, les gens, d'habitude, quand ils nous appellent, ils ont déjà
un dossier d'ouvert dans le ministère ou l'organisme, donc c'est plus facile de
voir, avec un statut qui serait indiqué au dossier, si la personne est un ayant
droit.
M. Birnbaum : Mais je persiste
avec la question. Alors, on va écarter les hôpitaux. On va parler des services
dont vous avez toute une implication. C'est quoi qui se passe au moment d'une
demande d'être servi? Il y a un questionnaire? Il faut que ce soit inscrit au
dossier? Comment ça marche?
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je vais vous demander de répondre en 10 secondes seulement.
M. Birnbaum : Ah! je m'excuse,
bon.
La Présidente (Mme Thériault) :
10 secondes, désolée.
M. Daigle (Christian) :
Bien, la personne, lorsqu'elle se présente, si je prends mon exemple personnel,
elle donnait son numéro de dossier, et là le dossier affichait à l'écran, puis,
à ce moment-là, il y a un code qui apparaissait sur le niveau de langue. Alors,
c'est de même qu'on l'identifiait.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Ça met fin à l'échange. Merci. Donc, Mme la députée de Mercier, c'est
à votre tour.
Mme Ghazal : Merci beaucoup,
messieurs, pour votre présentation. Par rapport aux services d'interprétariat,
moi, je trouve ça superintéressant parce que, dans le fond, ça favorise
l'utilisation d'une autre langue, de la langue maternelle de la personne, au
lieu de la laisser parler en anglais, puis, après ça, ça continue. Donc, c'est
vraiment bien, puis je suis certaine... comme quand vous répondiez que c'est
possible de le faire si on a cette volonté-là, parce que, si on la laisse aller
à l'anglais, ça peut rester longtemps <comme ça.
Mme Ghazal : ...
d'une
autre langue, de la langue maternelle de la personne, au lieu de la laisser
parler en anglais, puis, après ça, ça continue. Donc, c'est vraiment bien, puis
je suis certaine... comme quand vous répondiez que c'est possible de le faire
si on a cette volonté-là, parce que, si on la laisse aller à l'anglais, ça peut
rester longtemps >comme ça.
Puis par rapport à la clause grand-père,
selon vous, est-ce que cette clause-là, dans le projet de loi, maintient un
bilinguisme institutionnel au Québec?
• (12 h 10) •
M. Daigle (Christian) :...tout à fait, et c'est pour ça qu'on se doit de l'enlever.
Les gens ont été servis en anglais, malheureusement, et ce droit-là va être
perpétué pendant des décennies et des décennies, et ce ne sera pas possible de
l'enlever par la suite, là. On a commis une erreur, à l'époque, en ne changeant
pas leur code de langue, en ne les intégrant pas à travers la société
québécoise francophone.
Donc, on se doit de corriger le tout avec
ce projet de loi là. Puis, pour nous, de ne pas faire ça, c'est... l'ensemble
des pratiques vont être à adapter tout le temps en fonction des personnes, qui
vont changer. Cette personne-là, qui était une personne qui n'a pas un droit,
ce n'est pas un ayant droit historique, lorsqu'elle va être transférée dans un
autre ministère, on dit même que le code ne changera pas. Donc, comment faire
pour que la personne même s'y retrouve? Elle va arriver au niveau de la Régie
des rentes du Québec puis elle n'aura jamais traité avec la Régie des rentes. Alors
là, elle va être traitée en français, mais, quand elle va rappeler la Régie de
l'assurance maladie, elle va être traitée en anglais, à ce moment-là. La
personne ne s'y retrouvera pas elle-même. Alors, pour nous, c'est une
incongruité d'aller vers ça.
Mme Ghazal : En faisant
attention pour les exceptions... les personnes âgées, mais d'autres situations
exceptionnelles qui pourraient être définies dans la loi ou...
M. Daigle (Christian) :
Oui, oui, oui, ça, on n'a aucun problème, aux personnes qui ont droit à des
services dans une autre langue que le français, de maintenir ces droits-là. Il
n'y a pas de problème.
Mme Ghazal : Pour le deux ans,
au lieu du six mois, est-ce que, tu sais, vous le faites parce que c'est
important, parce que vous pensez à la population, de façon générale, les gens
qui viennent, ça va être difficile, ou vous le faites parce que vos membres,
quand ils transigent avec la population, ils sentent qu'il y a ce besoin-là?
M. Daigle (Christian) :
On est les services publics, on est la première ligne. Les gens qu'on
représente, ce n'est pas des professionnels, ce n'est pas des gens qui sont des
professeurs. C'est les gens qui répondent aux gens «day to day», en bon français,
au jour le jour, lorsque la personne, elle arrive puis elle appelle. C'est un
préposé aux renseignements, c'est un agent de secrétariat, c'est un agent de
bureau, c'est un ouvrier. Donc, c'est des gens qui sont vraiment à la base même
des services publics, et ces gens-là ont les services publics à coeur. Pour ces
gens-là, on voit que l'accompagnement est important aussi. On a beaucoup de
gens, des travailleurs sociaux, qui viennent dans différents emplois. On a des
gens, vraiment, qui sont là pour accompagner ces personnes-là dans les services
publics et, pour nous, on pense que l'important, justement, d'accompagner un
certain temps va démontrer l'intérêt qu'on porte à l'individu également, plutôt
que de le prendre pour six mois seulement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange. M. le député de Matane-Matapédia, c'est à
vous.
M. Bérubé : Merci. Bonjour,
messieurs. Le gouvernement du Québec a fait de l'exemplarité de l'État une des
pierres d'assise de son projet de loi. Or, la Commission
de la fonction publique a dévoilé les résultats d'une vérification portant sur
les exigences linguistiques dans les offres d'emploi de ce gouvernement dans la
période allant du 1er septembre 2019 au 30 septembre 2020. Probablement
que vous connaissez ce rapport.
Qui nous indique quoi, essentiellement? <Le
constat...
M.
Bérubé
:
...la
Commission de la fonction publique a dévoilé les résultats d'une
vérification
portant sur les exigences linguistiques dans les offres d'emploi de ce
gouvernement
dans la période allant du 1er septembre 2019 au
30 septembre 2020.
Probablement que vous connaissez ce
rapport.
Qui nous indique quoi,
essentiellement?
>Le constat : «Concernant la justification de l'exigence de la
langue anglaise dans la nécessité de l'accomplissement des tâches exigées pour
l'emploi, plusieurs non-conformités ont été relevées», écrit la commission. «Sur
14 processus d'embauche vérifiés, 12 — 86 % — ne
respectent pas la loi.» Donc, ça, c'est l'exemplarité de l'État, du
gouvernement actuel. J'aimerais vous entendre sur ce rapport et sur les efforts
supplémentaires que le gouvernement actuel devrait faire avant d'exiger, dans
un projet de loi, l'exemplarité de l'État.
M. Daigle
(Christian) : La première difficulté vient du fait que les
directives ne sont pas appliquées, les directives ne sont pas claires ou ne
sont pas connues. Donc, dans un premier temps, si, lorsqu'il y a affichage, on
s'informait des modalités et on établissait également le registre des emplois
nécessitant la connaissance d'une autre langue que le français, à ce moment-là,
on serait capables, je pense, d'avoir un meilleur portrait de la situation, ce
qui n'est pas le cas présentement.
Et, en plus, en changeant même les règles,
présentement, au niveau de l'embauche, au niveau des listes de déclaration
d'aptitudes et tout le processus d'embauche, on laisse à chaque ministère, à
chaque, même, direction, une certaine latitude pour émettre eux-mêmes ou partir
eux-mêmes le processus d'embauche, ce qui est complètement aberrant, parce que,
là, on va multiplier les portes d'entrée pour des emplois ou des demandes
d'emploi qui seraient non-conformes, à ce moment-là, avec l'exigence du
français et de l'anglais.
M.
Bérubé
:
Donc, dans le projet de loi, ça devrait être très clair qu'il y a une politique
unique qui s'applique à l'ensemble des ministères et organisations, que ce soit
très clair et qu'on puisse suivre les règles pour arriver à l'objectif qu'on
respecte l'esprit de la loi, on respecte les règles. Donc, je présume que c'est
quelque chose qui vous intéresse beaucoup. Je vous ai entendu depuis tout à
l'heure, vous allez suivre ça avec beaucoup d'intérêt. Mais, comme je n'avais
pas entendu le ministre en parler, suite à un article, d'ailleurs, qui est paru
il n'y a pas tellement longtemps, qui s'appelle Un couac pour la CAQ, j'ai
dit : Bien, c'est l'occasion d'en parler avec vous. Alors, je vous prends
à témoin pour en parler.
Des citoyens qui ont déjà eu un service en
anglais, puis là c'est une brèche que vous indiquez dans votre mémoire, pourraient
continuer à en avoir parce qu'une fois ils ont eu recours à un service de
l'État en anglais. C'est quand même incroyable, là. Quelqu'un, par exemple, qui
se définit comme anglophone, à tort, mais disons que c'est... il est... il se
considère comme un anglophone, une fois, il aurait eu un service, puis c'est
inscrit à quelque part qu'il peut continuer de recevoir des services en anglais
du gouvernement du Québec. C'est bien ça? Et c'est la brèche que vous voulez qu'on...
La Présidente (Mme Thériault) :
En 10 secondes.
M. Daigle
(Christian) : Tout à fait. Et une des choses qui est difficile
également, c'est d'établir quel service il a reçu en anglais, parce que l'État
ne garde pas nécessairement, après des années, les documentations, les lettres
qui sont envoyées. Donc, là encore, on aurait vraiment de la difficulté à
identifier nous-mêmes ceux qui ont déjà reçu une correspondance en anglais.
Donc, il faut vraiment colmater cette brèche-là en l'enlevant du projet de loi.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin, malheureusement... J'ai déjà donné un petit peu plus de
temps. Donc, M. Daigle, M. Saucier, merci beaucoup de votre passage
en commission parlementaire.
Et nous allons suspendre les travaux
jusqu'après les affaires courantes. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 15)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 26)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission de la culture et de l'éducation
reprend ses travaux.
Nous poursuivons les auditions publiques
dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Cet après-midi, nous entendrons Québec
Community Groups Network, la Fondation Lionel-Groulx, l'Assemblée des premières
nations Québec-Labrador et M. Charles Castonguay, auteur et
mathématicien.
Donc, sans plus tarder, je souhaite la
bienvenue aux représentants de Québec Community Groups Network. La parole est à
vous, Mme Jennings. Vous avez 10 minutes à votre disposition.
Québec Community Groups Network (QCGN)
Mme Jennings (Marlene) :
Merci, Mme Thériault, Mme Guillemette, Mmes et MM. les députés. Je
suis très heureuse d'être ici aujourd'hui. Je m'appelle Marlene Jennings.
Je suis la présidente de Québec Community Groups Network, le QCGN. Il s'agit
d'un organisme à but non lucratif qui a pour but d'assurer le développement, de
soutenir et d'améliorer la vitalité des communautés minoritaires d'expression
anglaise du Québec.
Je suis aujourd'hui accompagnée de
M. Clifford Lincoln, ancien ministre et ancien député à l'Assemblée
nationale, de notre conseillère juridique, <Me Marion Sandilands,
et de...
Mme Jennings (Marlene) :
...améliorer la vitalité des communautés minoritaires d'expression anglaise du
Québec.
Je suis aujourd'hui accompagnée de
M. Clifford Lincoln, ancien ministre et ancien député à l'Assemblée
nationale, de notre conseillère juridique, >Me Marion Sandilands,
et de l'avocate Pearl Eliadis, spécialisée dans des questions de droits de
la personne.
Bill 96 proposes the
most extensive overhaul of Québec's legal order since the Quiet Revolution. It would fundamentally
alter the structure of the State. It proposes to upend 14 years of human
rights protection. It seeks to fundamentally transform how Québec is governed. It would have a significant impact on the relationship between Canada and Québec,
the lives of all Quebeckers and the type of society we wish to build together.
Plus tôt ce
mois-ci, le QCGN a tenu une consultation communautaire parallèle. Pendant cinq
jours, nous avons entendu les présentations de 50 personnes. Des juristes,
des universitaires, des éducateurs, des entrepreneurs et des chefs
d'entreprise, ainsi que des représentants du secteur de la santé et des
services sociaux, du milieu des arts, des groupes de défense des droits des
femmes et de communautés sous-représentées nous ont fait une présentation.
The QCGN, and indeed most
in our community, favor promoting and protecting the French language in Québec
and throughout Canada, but we are convinced there are more effective and
inclusive ways to achieve this goal than those outlined in Bill 96.
Le gouvernement a
sauté une étape cruciale. Il a omis de rassembler les Québécois afin
d'identifier les défis, d'établir une distinction entre les mythes et la
réalité et, ce qui est le plus important, d'établir un consensus quant à la
meilleure voie d'avenir.
Il y a trois enjeux fondamentaux que nous
souhaitons mettre en lumière. Premièrement, la modification constitutionnelle.
Le projet de loi n° 96 propose de modifier
unilatéralement la Loi constitutionnelle de 1867. Les implications pour la
minorité québécoise d'expression anglaise ne sont pas claires. Toutefois, une
telle modification ne serait pas anodine. Même le ministre de la Justice,
M. Jolin-Barrette, a, à certaines occasions, déclaré que la modification
proposée aurait une incidence sur le plan constitutionnel.
Given recent Government's
immigration policies, Law 21 and this bill, the picture that emerges is
that the Québec nation does not include everyone who lives in Québec.
• (15 h 30) •
Nous devons
comprendre les implications d'une telle modification constitutionnelle
révolutionnaire. C'est pourquoi nous demandons <instamment au
gouvernement de soumettre...
>
15 h 30 (version révisée)
<
Mme
Jennings (Marlene) :
...this bill, the
picture that emerges is that
Québec
nation does not include everyone who lives in
Québec
.
Nous devons
comprendre les implications d'une telle
modification constitutionnelle
révolutionnaire. C'est pourquoi nous demandons >instamment au gouvernement
de soumettre à la Cour d'appel du Québec une question de renvoi sur la constitutionnalité
et sur la signification de cette modification.
Deuxièmement, la création d'une zone où la
charte ne s'applique pas. Le projet de loi n° 96 constitue la dérogation
la plus importante des chartes des droits de la personne de l'histoire du
Québec et du Canada.
Québec Charter of Human
Rights and Freedoms was arguably the crowning jewel of the Quiet Revolution.
Premier René Lévesque was so proud of 1983 version of the Charter that he
mailed a copy to every single household in Québec.
Les chartes des
droits protègent les personnes contre les abus de l'État. Toutefois, avec la
loi n° 21 et le projet de loi n° 96, le
gouvernement a tourné le dos à une fière tradition québécoise des défenses des
droits de la personne. Avec le projet de loi n° 96, il serait plus difficile,
sinon impossible, de contester quelque violation des droits en raison de la
suspension des chartes de droits de la personne. Le gouvernement est en train
de créer un Québec où la charte ne s'applique pas.
Ce projet de loi d'une grande portée a une
incidence sur plusieurs secteurs d'activité. Si l'on viole des droits qui
seraient autrement protégés, les tribunaux ne pourront pas se pencher sur ces
violations ni, le cas échéant, remédier à la situation au titre des chartes
canadienne ou québécoise.
Comme nous l'avons demandé dans une lettre
ouverte adressée au ministre Jolin-Barrette la semaine dernière : Pourquoi
la protection de la langue française nécessite-t-elle la suspension sans
réserve des droits de la personne? Notre conclusion est qu'il n'y a rien qui le
justifiait. C'est pourquoi nous demandons de laisser de côté le recours à la
disposition dérogatoire.
Third, who is an
English-speaking Quebecker? Bill 96 attempts to
limit services in English to citizens eligible to attend English schools. This,
apparently, is the Government's
attempt to identify a historic anglophone community. Unfortunately, eligibility
to attend school in English is not in any way linked to the language of the
student or the parent. Rather, it is linked to the language of instruction
received by the parents.
Cela n'a rien à
voir avec l'auto-identification <de la communauté...
Mme Jennings (Marlene) :
...
eligibility to attend school in English is not in
any way linked to the language of the student or the parent. Rather, it is
linked to the language of instruction received by the parents.
Cela n'a rien à voir avec
l'auto-identification >de la communauté. Ce concept révoque le droit à
l'accès à des services en anglais pour environ 300 000 à
500 000 Québécois d'expression anglaise. En conséquence, le QCGN
maintient que le droit de communiquer et de recevoir des services en anglais ne
devrait jamais être fondé sur l'admissibilité à l'enseignement en anglais.
We have a host of other
concerns. We oppose provisions that would increase the powers of the «Office de
la langue française» particularly that it be in power to conduct searches and
seizures without a judicial warrant. In addition, the provisions in the bill
would also make it more challenging to do business in Québec. In the time of
global competition for investment, why erect new barriers?
En conclusion, la
déclaration de principe du QCGN engage notre organisme à respecter le français en tant que langue officielle du Québec, et nous serons prêts à engager avec le gouvernement pour atteindre un tel objectif.
We need a better and
unified path forward then that which is offered by Bill 96. Once again, we
urge the Government to withdraw
the bill and launch a public consultation to determine how all Quebeckers can come together to promote the
use of French.
Le projet de loin° 96
ne reflète pas le Québec moderne inclusif que les membres de notre communauté
ont contribué à bâtir. Clifford Lincoln, que j'invite à prononcer le mot
de la fin, est d'ailleurs l'un de nos bâtisseurs de ponts. Clifford, je vous
cède la parole maintenant.
M. Lincoln (Clifford) :Mme la Présidente, le français est une partie importante de mon
héritage culturel. Et, en fait, le français est la première langue que j'ai
parlé sur les genoux de ma mère. Tout ce qui peut faire avancer le français,
tout ce qui peut promouvoir le français, j'en suis et j'en suis d'emblée.
Ce que je reproche au
projet de loi n° 96, c'est la façon qu'il est arrivé, une façon
coercitive, une façon négative qui divise. Et, Mme la Présidente, j'ai passé, et
j'en suis fier, neuf ans et demi à l'Assemblée nationale. Pendant que j'y
étais, durant mon parcours à l'opposition, j'avais participé à une commission
pour la révision de la loi 101, présidée par Gérald Godin, <et
Camille Laurin y assistait...
M. Lincoln (Clifford) : ...j'y
étais, durant mon parcours à l'opposition, j'avais participé à une commission
pour la révision de la loi 101, présidée par Gérald Godin, >et
Camille Laurin y assistait régulièrement, et Gérald Godin nous avait
incités à trouver des solutions de part et d'autre, des solutions honorables
qui mèneraient à un consensus, et cela, nous l'avions réalisé. Plusieurs années
avant, plusieurs années auparavant, l'Assemblée nationale avait réussi...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et malheureusement... et malheureusement, M. Lincoln, je suis désolée, je suis
la gardienne du temps. Vous avez dépassé les 10 minutes, donc je dois
mettre fin à votre présentation et laisser le ministre débuter les échanges
avec vous pour une période de 17 minutes. M. le ministre, la parole est à
vous.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. Mme Jennings, Mme Sandilands, M. Lincoln, Mme
Eliadis, merci d'être à la commission parlementaire aujourd'hui avec votre
groupe
D'entrée de jeu, je tiens à rappeler que
la nation québécoise, elle est plurielle. Elle inclut l'ensemble des Québécois
et des Québécoises au Québec, incluant les communautés d'expression anglaise.
Le français au Québec est la langue commune, c'est la langue officielle du
Québec. Vous savez, le Québec a toujours respecté et continuera de respecter
les institutions anglophones, que ça soit dans le réseau de la santé, dans le
réseau de l'éducation, que ça soit dans le cadre des services publics également
que la communauté anglophone pourra recevoir et continuera de recevoir dans sa
langue.
So,
I want to reassure the English-speaking community, as I made before when I
tabled that bill, Bill 96, that bill is for inclusion, to include every
Quebecker born in Québec, that everybody is part of the society. And I want to
say to the English-speaking community again, nothing changes for the services,
for the health services, for the institutions, English institutions, or schools
for higher education. So, that's really important to say that, because I heard
a lot of things about that, and I'm sad toward them, because we all work
together to be sure that the official language is French and to protect that
language, but we don't take away any rights to anybody in that bill. And I want
to be clear, and I will always be clear on that for all the commission.
Donc, j'ai pris
connaissance de votre mémoire, et il y a certains éléments dans le mémoire qui
me laissent sceptique, disons. À la page 25, à la page 36, le QCGN
indique que l'affirmation du français menace les droits de la personne et est
dangereux. À la page 13, on dit que l'affirmation du français va nuire à
l'économie du Québec. <À la page 11, à la page 20...
M. Jolin-Barrette :
...qui me laissent sceptique, disons. À la page 25, à la page 36, le
QCGN indique que
l'affirmation du
français menace les droits de
la personne et est dangereux. À la page 13, on dit que
l'affirmation
du
français va nuire à
l'économie du
Québec. >À la page 11,
à la page 20, on dit que l'affirmation du français est un geste
d'exclusion.
Écoutez, quand je lis ça dans un mémoire,
je trouve ça problématique. Il y a eu les consultations également que vous avez
tenues, et on peut qualifier certains propos d'individus qui ont participé à
vos consultations... On pourrait qualifier ça de dérapage quand on parle de
Gestapo en lien avec le projet de loi, quand on dit que l'affirmation du français
causera des décès, des morts, comme M. Chambers l'a dit. Je trouve que, malheureusement,
ce sont des propos exagérés, et plutôt que de travailler ensemble à construire
un consensus qui va faire en sorte de permettre de renforcer le français dans
le respect des droits de la communauté anglophone, on se retrouve dans une situation
où, manifestement, on attise certaines difficultés qui n'ont pas lieu d'être.
Alors, je voudrais vous céder la parole
pour voir comment est-ce que vous recevez ça.
• (15 h 40) •
Mme Jennings (Marlene) : Premièrement,
M. le ministre, je suis heureuse, au nom... et là je parle au nom de toute la communauté
d'expression anglaise au Québec, de vous entendre dire formellement que tous
les Québécois, peu importe leurs origines, peu importe leur langue maternelle,
font partie de la nation québécoise, heureuse. C'est la première fois de ma vie
que j'entends ça depuis que le premier ministre René Lévesque l'a déclaré, que
tout le monde qui était au Québec faisait partie de la nation québécoise.
Depuis ce temps-là, je ne l'ai pas entendu, alors je vous remercie infiniment.
Deuxièmement, les affirmations que vous
venez de faire au sujet de notre mémoire, en citant certaines pages, ne sont
pas exactes. Nulle part, surtout pas à les pages que vous avez citées, dites...
le QCGN, que l'affirmation du français met en péril les droits de la minorité
linguistique anglophone, nulle part. On dit que le projet de loi, dans
plusieurs de ses aspects, met en péril ou pourront mettre en péril... Et je
vous donne un exemple très simple. Au niveau de la santé et la sécurité
sociale, nulle part, dans 96, est dit, édicté que l'article 15 de la loi
sur la santé et les services sociaux prime sur le projet de loi n° 96.
Et, dans le projet de loi n° 96, on indique que
seulement <les personnes ayant le...
Mme Jennings (Marlene) :
...que
l'article 15 de la loi sur la santé et les services sociaux
prime sur le
projet de loi
n° 96. Et,
dans le
projet de loi
n° 96, on indique
que
seulement >les personnes ayant le certificat d'éligibilité à
l'instruction en anglais pourront avoir la communication écrite du gouvernement.
Donc, quelqu'un qui est assujetti à avoir
une intervention chirurgicale doit signer des documents, doit recevoir des informations
sur la portée de cette intervention chirurgicale, le diagnostic, les
sous-effets secondaires possibles et tout, et selon notre lecture légale,
juridique de votre projet de loi, seulement les personnes ayant l'éligibilité, l'admissibilité
à l'instruction en anglais pourront recevoir la documentation de cet hôpital,
ou d'une clinique, ou de l'Urgences-Santé par écrit en anglais. Si j'ai tort,
j'aimerais bien avoir tort. Montrez-moi l'article dans le projet de loi n° 86 qui dit que ce n'est pas ça, que toute personne qui
demande le service, qui demande le document en français d'un hôpital, d'une
clinique, de l'Urgences-Santé peut le recevoir en anglais simplement sur la foi
de sa demande. Dites-moi où c'est édicté dans le projet de loi n° 96.
M. Jolin-Barrette : Alors, le
projet de loi n° 96 indique que le projet de loi n° 96 prime sur les lois postérieures, donc ce qui signifie
que la loi sur la santé et les services sociaux, notamment l'article 15
que vous avez édicté, est antérieure, et donc il n'y a rien qui change à ce
niveau-là relativement aux soins de santé. Et ça, je l'ai dit dès le départ, et
c'est important de le souligner.
Alors, je crois qu'il faut dire les choses
comme elles le sont, pour les membres de la communauté anglophone du Québec, il
n'y a absolument rien qui change, et je l'ai dit au moment où j'ai déposé le projet
de loi et je pense qu'il faut le réaffirmer. Lorsqu'on voit qu'il y a certaines
affirmations importantes qui sont faites dans votre mémoire, qui semblent
attiser certaines craintes qui ne sont pas fondées, je crois que vous avez une responsabilité
également là-dedans de rassurer vos membres de votre organisation pour dire véritablement
ce qui est indiqué dans le projet de loi.
Sur un autre sujet, sur la question du
déclin du français, l'OQLF a publié des études. Il y a plusieurs personnes qui
sont venues ici, à l'Assemblée nationale, qui ont témoigné du déclin du
français. Le Parlement fédéral aussi semble reconnaître le déclin du français,
avec le gouvernement fédéral qui a déposé le projet de loi, <par le biais
de Mme Joly, qui est...
M. Jolin-Barrette :
...l'OQLF a publié des études. Il y a
plusieurs personnes qui sont
venues ici, à
l'Assemblée nationale, qui ont témoigné du déclin du
français.
Le Parlement fédéral aussi semble reconnaître le déclin du
français,
avec le
gouvernement fédéral qui a déposé le
projet de loi, >par
le biais de Mme Joly, qui est mort au feuilleton. Est-ce que vous
reconnaissez, en tant qu'organisation, le déclin du français au Québec?
Mme Jennings (Marlene) :
Excellente question, M. le ministre. Évidemment, il y a deux conversations
différentes actuelles et elles utilisent toutes les deux les mêmes termes. Premièrement,
comme l'a souligné l'Office québécois de la langue française dans le document
intitulé, Scénario de protection de certaines caractéristiques linguistiques
de la population du Québec (2011 à 2036), il souligne... l'office
souligne que, si on utilise le terme ou la mesure francophone «langue maternelle»,
oui, il y a un déclin, il y a un déclin du nombre de francophones dont la
langue maternelle est le français. Et je dois avouer que la situation, selon
les démographes, est la même pour la communauté d'expression anglaise. Il y a
un déclin du nombre d'anglophones dont la langue maternelle est l'anglais. Si
on parle sur l'usage du français, selon l'office, il y a eu une augmentation.
Et si on regarde... je ne peux pas parler au niveau des anglophones, mais il y
a une augmentation du pourcentage des gens qui parlent, qui utilisent le
français au Québec.
Donc, moi, ma question à vous, c'est :
Quelle de ces deux mesures est-ce que la loi n° 96
veut s'attaquer? Est-ce que c'est pour augmenter l'usage du français ou est-ce
que c'est pour augmenter le nombre de francophones dont la langue maternelle
est le français? Et laquelle des deux? Parce que, normalement, ce n'est pas les
mêmes conditions, pas les mêmes mesures que nous allons prendre pour s'attaquer
à l'un ou à l'autre. Alors...
M. Jolin-Barrette : Mais
juste sur le fond de la question, là...
Mme Jennings (Marlene) :
Est-ce que le fond de la question...
M. Jolin-Barrette : ...est-ce
que vous reconnaissez qu'il y a un déclin du français au Québec et à Montréal?
Parce que je comprends que vous pouvez me citer certaines études, certaines
autres, mais ce n'est pas une question de sémantique, là. Est-ce que le
français décline, oui ou non?
Mme Jennings (Marlene) : Pour
vous, c'est quoi, une question de sémantique? La question que je vous demande :
Est-ce que vous parlez d'un déclin de l'usage du français? Si c'est le cas,
selon l'Office québécois de la langue française, non. Si vous parlez d'un
déclin du nombre de francophones dont la langue maternelle est le français, <la
réponse est aussi claire, c'est...
Mme Jennings (Marlene) :
...vous parlez d'un déclin de l'usage du
français? Si c'est le cas,
selon l'Office de la
langue française, non. Si vous parlez d'un déclin
du nombre de
francophones dont la langue maternelle est le
français,
>la réponse est aussi claire, c'est oui, et c'est l'effet de l'immigration.
Nous croyons, le QCGN et notre communauté d'expression
anglaise, croyons au fond de notre coeur qu'on a un devoir de promouvoir, et de
protéger, et de défendre le français comme langue officielle et langue commune
au Québec. Et on demande, on tend la main au gouvernement pour dire :
Embarquez avec nous sur cette grande aventure parce qu'on a des idées. C'est
notre communauté qui a accueilli tout le concept des écoles d'immersion française.
C'est notre communauté qui a fait l'effort d'apprendre le français. Nos jeunes
sont plus bilingues que n'importe... que le groupe majoritaire francophone du
même âge, 15 à 30 ans.
Écoutez, ce n'est pas notre communauté qui
est fâchée contre le français. C'est nous qui ont resté. On a resté, on a bâti
des familles, on a élargi notre connaissance du français, on l'a approfondie.
On veut que le français soit protégé et on veut promouvoir le français.
D'ailleurs, c'est pour ça qu'à l'extérieur du Québec on a intervenu sur le côté
des communautés et organismes francophones hors Québec dans leur contestation
judiciaire sur des lois et règlements adoptés par des gouvernements
provinciaux. C'est nous qui étaient à leurs côtés pour défendre le français.
• (15 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie, Mme Jennings. Je vais céder la parole à mon collègue de
Sainte-Rose. Alors, merci pour votre présence en commission parlementaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de Sainte-Rose, 3 min 30 s à votre échange
M. Skeete : Merci. Je
vais être bref parce que le temps s'est écoulé. Je voudrais savoir, dans les
624 pages de votre mémoire, quelle est la différence entre votre opinion
et ceux que vous collectez à l'intérieur de votre rapport.
Mme Jennings (Marlene) :
Je ne comprends pas votre question.
M. Skeete : Bien, en
fait, il y a différents points de vue de différents groupes que vous insérez
dans votre mémoire. Est-ce que vous acceptez d'emblée les conclusions de tous
les groupes quand vous soumettez ce rapport-là pour considération ou vous les
mettez à titre d'annexe? C'est-tu l'opinion du QCGN? C'est-tu l'opinion de
certains groupes? C'est-tu l'opinion de la communauté d'expression anglaise? C'est
l'opinion de qui au juste?
Mme Jennings (Marlene) :
L'opinion du QCGN est <énoncée dans notre mémoire. Les annexes...
M. Skeete : ...pour
considération ou vous les mettez à titre d'annexe? C'est-tu l'opinion du QCGN?
C'est-tu l'opinion de certains groupes? C'est-tu l'opinion de la
communauté
d'expression anglaise? C'est l'opinion de qui au juste?
Mme Jennings (Marlene) :
L'opinion du QCGN est >énoncée dans notre mémoire. Les annexes sont les
présentations que le QCGN a reçues lors de nos consultations communautaires
publiques parallèles à celle à laquelle on participe aujourd'hui. Et compte
tenu que beaucoup de ces personnes, sinon toutes ces personnes et organismes
n'ont pas eu la chance de présenter leur point de vue devant cette commission,
on a promis de le mettre en annexe pour que votre commission parlementaire
puisse en prendre connaissance.
M. Skeete : Mon temps est
limité, alors je vais vous bousculer un petit peu. Est-ce que le QCGN est d'accord
avec le passage de la loi 101 en 1977? Est-ce que le QCGN accepte que
cette loi-là était nécessaire pour la survie du français en Amérique du Nord?
Mme Jennings (Marlene) : Le
QCGN est un défenseur de la langue française. On croit que la loi 101 a eu
des bons impacts.
M. Skeete : Je veux juste rapidement,
là... Est-ce que c'est oui ou non? Parce qu'il y a plein de défenseurs de la
langue française sur la planète, mais ils ne sont pas tous pour le projet de
loi 101. Ma question : Est-ce que le QCGN est d'accord avec la
loi 101?
Mme Jennings (Marlene) : Oui,
le QCGN est en accord avec la loi 101 dans le sens qu'on pense que ça a eu
des effets positifs et on pense que ça n'a pas été utilisé à 100 %. Et on
pose la question : Pourquoi 96, compte tenu qu'il y a plein de choses dans
la loi 101 qui ne sont même pas utilisées?
M. Skeete : Donc, pourquoi
d'abord le QCGN, s'il accepte les notions de la loi 101, serait pour
permettre, par exemple, la scolarité de personnes venant de la Grande-Bretagne,
l'Australie, l'Inde dans le réseau public scolaire où à titre d'anglophones...
ou de recevoir des documents en anglais? Pourquoi le QCGN, s'il accepte la
loi 101, ne veut pas une intégration en français des nouveaux arrivants au
Québec?
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous avez 30 secondes pour répondre à la question, Mme Jennings.
Mme Jennings (Marlene) : Je
regrette, je n'ai pas compris la question.
M. Skeete : En fait, si on est
d'accord avec la loi 101, on est d'accord pour dire que les allophones
doivent se faire scolariser en français. Bien sûr, ça exclut les Québécois
d'expression anglaise, mais les allophones, eux, qui viennent d'un autre pays,
issus de l'immigration, doivent suivre un parcours en français. Vous, vous
prétendez que des autres personnes qui ne sont pas issues de la communauté
doivent recevoir des documents, des communications en français. J'essaie de
comprendre, elle est où, la ligne pour le QCGN.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et vous allez devoir échanger en dehors des micros. Désolée, Mme Jennings,
je n'ai plus de temps. On est 10 secondes de trop. Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous.
Mme Jennings (Marlene) :
...répondre.
La Présidente (Mme Thériault) :
Non, je dois passer la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Si
elle veut utiliser son temps pour la réponse, <c'est à elle...
M. Skeete : ...comprendre elle
est où, la ligne pour le QCGN.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et vous allez devoir échanger en dehors des micros. Désolée, Mme Jennings,
je n'ai plus de temps. On est 10 secondes de trop.
Mme la députée
de
Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous...
Mme Jennings (Marlene) :
...répondre.
La Présidente (Mme Thériault) :
Non, je dois passer la parole à
Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
Si elle veut utiliser son temps pour la réponse, >c'est à elle, c'est à
sa discrétion. Désolée.
Mme David : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Bonjour, mesdames. M. Lincoln, enchantée de vous avoir ici
pour discuter de cet important projet de loi.
J'aimerais revenir sur votre position, justement,
sur la langue officielle du Québec, le français. Vous avez dit à plusieurs
reprises que c'était la langue, justement, officielle, mais il y a quelque
chose qui semble vous énerver, vous inquiéter beaucoup dans l'article 90.2
qui dit que le français est la seule langue officielle du Québec. Et vous vous
inquiétez en vous disant : Est-ce que ça modifie la portée de
l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui prévoit l'emploi du français
et de l'anglais à l'Assemblée législative et dans les tribunaux du Québec, à la
page 20 de votre mémoire?
Alors, je me demandais si vous pouviez
élaborer un peu sur les enjeux que vous voyez d'inclure cette disposition dans
la section du Québec de la Loi constitutionnelle. Et, deuxième volet, si on
apportait une précision à l'égard de l'article 159 du projet de loi
concernant l'article 133 de la Loi constitutionnelle, est-ce que ça vous
rassurerait?
Mme Jennings (Marlene) : Je
vais demander à Me Sandilands de répondre à votre question.
La Présidente (Mme Thériault) :
...vous demander d'enlever le masque pour qu'on vous entende bien. Oui,
allez-y.
Mme Sandilands (Marion) : Très
bien. Pour votre première question, l'inquiétude... principe d'interprétation
constitutionnelle qui dit qu'il faut interpréter un article de la Constitution
à la lumière d'autres articles de la Constitution. Alors, si on voit un nouvel
article dans la Loi constitutionnelle de 1867, qui dit que la langue officielle
du Québec est le français, est la seule langue officielle, et on voit aussi l'article 133
qui dit qu'on peut utiliser l'anglais et le français dans l'Assemblée nationale
et les tribunaux, et on se demande : Est-ce qu'il y a... Comment est-ce
que les tribunaux vont interpréter ces deux articles ensemble? Et c'est pour ça
que nous demandons un renvoi à la cour d'arrêt du Québec, pour clarifier. Ça,
c'est une des questions qu'on veut clarifier. Et je m'excuse, je n'ai pas bien
compris votre deuxième question.
Mme David : Bien, si on
incluait, justement, une précision à l'article 159, en disant : en
tout respect de l'article 133... Autrement dit, si on avait ce genre d'amendement,
est-ce que ça vous rassurerait?
Mme Sandilands (Marion) : Ça
serait peut-être quelque chose à discuter, mais ça ne résout pas toutes les
questions qu'on avait au sujet de la modification constitutionnelle. Alors, on
demanderait encore le renvoi quand même.
Mme David : O.K. Merci. Par
rapport aux pouvoirs d'enquête et de surveillance, je sais que vous êtes bien
inquiets de ça. Vous n'êtes pas les seuls, ça a été discuté dans d'autres
forums, avec d'autres... d'autres invités, d'autres témoins, et c'est beaucoup
par rapport à l'OQLF qui n'a pas d'autorisation judiciaire préalable à demander
<pour procéder à une inspection...
Mme David : ...les
seuls, ça a été discuté dans d'autres forums avec d'autres... d'autres invités,
d'autres témoins, et c'est
beaucoup
par rapport à l'OQLF qui n'a
pas d'autorisation judiciaire préalable à demander >pour procéder à une
inspection. Et vous vous inquiétez beaucoup qu'il y ait une disposition de
dérogation sur cette... particulièrement en lien avec ces pouvoirs-là.
Alors, si on ajoutait une précision qui
viendrait baliser le pouvoir d'enquête de l'OQLF, est-ce que, selon vous, cette
problématique du pouvoir d'enquête que vous soulevez dans votre mémoire serait toujours
aussi problématique?
Mme Jennings (Marlene) :
Je crois que le QCGN et moi en particulier ne pourrons pas répondre de façon
définitive à votre question sans avoir vu au préalable c'est quoi, l'exemption
ou les contraintes qu'un amendement portera à l'article 174 et autres du
projet de loi n° 96. On ne peut pas répondre sans voir l'amendement.
Mais, Mme David, ce projet de loi
doit soit être retiré complètement, et le gouvernement doit mener une
consultation auprès de tous les Québécois dans tous les secteurs d'activité,
un. Et, deuxièmement, sur l'utilisation de la clause dérogatoire et
l'amendement constitutionnel unilatéral, on vous prie de convaincre le
gouvernement de faire le renvoi, de retirer ce projet de loi et de faire un
renvoi à la Cour d'appel du Québec pour, justement, avoir la clarté sur toutes
ces questions où on n'a même pas consensus chez la communauté juridique, les
experts constitutionnels. Il n'y a même pas une unanimité là-dessus.
Mme David : Vous dites
d'ailleurs, c'est votre première recommandation : retirez entièrement le
projet de loi. Là, vous référez surtout aux articles constitutionnels et aux
dispositions de dérogation. Est-ce qu'il y a d'autres choses qui justifieraient
de retirer complètement le projet de loi?
Mme Jennings (Marlene) : Je
vais demander à mon collègue Clifford Lincoln de répondre à cette
question.
M. Lincoln (Clifford) :
Mme David, moi, je pense qu'au départ... pardon...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y.
M. Lincoln (Clifford) : Vous
m'entendez?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
M. Lincoln (Clifford) : Vous
m'entendez, Mme David?
Mme David : Je vous entends
très bien. Excusez-moi, M. Lincoln.
• (16 heures) •
M. Lincoln (Clifford) : Oui.
Je voulais dire qu'au départ, si vous prenez comme principe qu'on met de côté
les deux chartes canadiennes et du Québec, c'est que certainement le
gouvernement doit croire qu'il y a beaucoup de problèmes avec <plusieurs
articles...
>
16 h (version révisée)
< M. Lincoln (Clifford) : ...je
voulais dire qu'au départ, si vous prenez comme principe qu'on met de côté les
deux chartes, canadienne et du Québec c'est que, certainement, le gouvernement
doit croire qu'il y a beaucoup de problèmes avec >plusieurs articles qui
ne tiendraient pas le coup devant l'épreuve du 6. Autrement, pourquoi
introduire, de façon préventive, les deux... la clause dérogatoire sur les deux
chartes? Si le ministre, par exemple, pense que sa loi est tout à fait juste et
claire, pourquoi est-ce qu'il introduit la clause dérogatoire? Au départ, ça
nullifie tout l'effet de la loi elle-même, parce qu'aucun citoyen ne peut
aujourd'hui aller contester des clauses qu'il pense négatives ou conflictuelles.
Au départ, la loi est protégée par le fait même que les chartes sont mises de
côté. Si le ministre est tellement clair de sa loi, pourquoi est-ce qu'il a
inclus la clause dérogatoire sur les deux chartes de façon préventive? C'est à
lui à nous expliquer cela.
Mme David : ...beaucoup, M.
Lincoln. Je vais passer la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. M. le député, vous avez quatre minutes pour terminer le bloc d'échange.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, Mme Jennings, surtout, M. Lincoln,
plaisir de vous revoir à l'Assemblée nationale, Me Eliadis et Me Sandilands. Je
veux, dans un premier temps, reconnaître vos efforts pour offrir l'opportunité
à la communauté d'expression anglaise au Québec de contribuer pleinement à ces
audiences. Vous l'avez mentionné vous-mêmes que seulement quatre groupes ont
été choisis par le côté ministériel pour participer. Alors, c'est un exercice
tout à fait légitime et nécessaire.
Je veux revenir à votre discussion, on en
a parlé un petit peu, à la page 37, 38, 39, sur le consensus qui existe,
depuis 35 ans, en ce qui a trait aux services de santé et services sociaux
en anglais. Malgré les assurances... pas trop de précisions, mais les
assurances du ministre, vous n'avez pas l'air d'être satisfaits que ce
consensus ne serait pas mis, en quelque part, en péril. Vous énumérez sept
préoccupations là-dessus et vous suivez par des recommandations très claires,
il me semble, qui, une fois respectées par le ministre, en quelque part,
donneraient l'heure juste, à ces protestations, qu'il n'y a aucun risque. Je
vous invite à élaborer sur ce consensus actuel sur l'accès aux services de
santé et services sociaux en anglais.
Mme Jennings (Marlene) : Nous
ne sommes pas convaincus, ni le QCGN, ni les groupes et les personnes qui se
sont <présentés...
M. Birnbaum :
Je vous
invite à élaborer sur ce consensus actuel sur l'accès aux services de santé et
services sociaux en anglais.
Mme Jennings (Marlene) :
Nous ne sommes pas convaincus, ni le QCGN, ni les groupes et les personnes qui
se sont >présentés devant nos consultations communautaires parallèles,
nous ne sommes pas convaincus par les déclarations du ministre Jolin-Barrette que
le projet de loi n° 96 n'aurait aucune incidence sur les droits d'accès en
anglais aux services de santé et services sociaux. Et on a des experts, autant
de la loi de la santé et services sociaux que de la loi sur... la loi 101,
et ces personnes ne sont pas claires si nos droits seront existants et avec la
même ampleur qu'on a aujourd'hui, une fois la loi n° 96
adoptée.
Donc, on demande au gouvernement
d'inclure... Si la loi n° 96 n'est pas retirée dans
son entier, on demande que le gouvernement inclue une clause d'exclusion
explicite pour ce droit d'accès aux services de santé et des services sociaux
en anglais dans le projet de loi n° 96 lui-même.
M. Birnbaum : Bon, avec le
temps qu'il reste, j'aimerais vous inviter à parler du rôle antérieur, présent
et futur de la communauté québécoise de langue anglaise dans le rayonnement, la
protection et le renforcement du français, ainsi que les établissements qui s'y
attachent, McGill, les hôpitaux identifiés avec la communauté de langue
anglaise. J'ai posé la même question à quelques-uns des témoins, et donc deux
anciens ministres du gouvernement, et on aurait dit que je parlais des tortues
en voie d'extinction des îles Galápagos. Je me demande si vous aurez
quelque chose à nous dire sur le rôle de la communauté d'expression anglaise
dans le rayonnement de notre langue commune.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et vous avez 15 secondes pour le faire, Mme Jennings, sinon, je vais
devoir mettre fin à l'échange. 15 secondes.
Mme Jennings (Marlene) : Alors,
ce que je vais faire, c'est que... merci beaucoup pour la question. Nous allons
répondre par écrit à votre question, pour s'assurer que tout le monde, au
comité, le reçoive. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup. Ça met fin au bloc d'échange avec l'opposition officielle. Je
vais maintenant du côté de la députée de Mercier pour votre 2 min 50 s.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Merci, mesdames et monsieur, pour votre présence.
Vous avez dit que vous appuyez la
loi 101. Maintenant, vous savez que la loi 101, aujourd'hui, ne
ressemble plus du tout à ce qu'elle était en 1977. Elle a été totalement
charcutée par toutes les cours, Cour supérieure, suprême et d'appel. Ça a
occasionné plusieurs reculs dans cette <loi-là...
Mme Ghazal : ...
la
loi 101. Maintenant, vous savez que la loi 101, aujourd'hui, ne
ressemble plus du tout à ce qu'elle était en 1977. Elle a été totalement
charcutée par toutes les cours, Cour supérieure, suprême et d'appel. Ça a
occasionné plusieurs reculs dans cette >loi-là.
Maintenant, je comprends que vous êtes
contre la clause de dérogation sur toutes les dispositions du projet de loi n° 96, mais, si le ministre, par exemple, disait que cette
clause de... la clause dérogatoire s'appliquait sur quelques articles, pour
s'assurer qu'elle ne soit pas enlevée, plus tard, par des poursuites, est-ce
que vous serez d'accord avec ça ou vous êtes contre l'utilisation de cette
clause, peu importe que ce soit pour l'ensemble ou pour quelques articles?
Mme Jennings (Marlene) : Nous
croyons que la clause dérogatoire devrait être utilisée, à la limite, une fois
que le judiciaire, qui est le troisième pilier de notre système légal,
juridique au Québec... L'exécutif, le législatif et le judiciaire, chacun a son
rôle à jouer, et le judiciaire est là, justement, pour faire le jugement si une
clause d'une loi déroge à un droit fondamental garanti soit dans la charte
québécoise des droits et libertés de la personne, soit dans la Charte
canadienne des droits et libertés, et, si c'est le cas échéant, recommande ou
édicte c'est quoi, la solution, c'est quoi, le remède. Mais je demanderais à ma
collègue Me Eliadis, parce qu'elle est un expert.
Mme Ghazal : Parce que j'ai
peu de temps, j'ai très, très peu de temps pour aller plus loin... Donc, vous
ne reconnaissez pas la légitimité de l'Assemblée nationale, ici, des élus de
protéger les droits collectifs?
Mme Eliadis (Pearl) : Mme la
députée, si je peux interrompre très brièvement, c'est très clair dans toute
société démocratique et libérale — petit «l», bien
sûr — qu'effectivement le judiciaire a un rôle fondamental à jouer
avec la législature et que le judiciaire est là pour protéger les droits en
lien avec ce que la législature fait. C'est «Politics 101», vous le savez très
bien, et c'est très clair que, dans ce projet de loi, on est en train
d'éliminer le rôle des juges de protéger les Québécois et les Québécoises.
Merci.
Mme Ghazal : ...l'Assemblée
nationale, ici, les élus n'ont pas la légitimité de protéger les droits
collectifs, parce qu'il y a les droits individuels qui sont fondamentaux?
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange, malheureusement. On a encore dépassé un
petit peu. Donc, sans plus tarder, on va aller du côté du député de
Matane-Matapédia, vous aussi, pour vos 2 min 50 s.
M.
Bérubé
:
Merci. Lorsqu'on vous a posé la question si vous reconnaissez que le français
est en déclin, vous avez refusé de répondre directement à une question pourtant
toute simple. Je vous en pose une autre : Est-ce que vous considérez que
l'anglais est en déclin au Québec?
Mme Jennings (Marlene) : Non,
on ne l'a jamais prétendu. Ce qu'on prétend... Et sinon, ce qu'on <prétend...
M.
Bérubé
:
Lorsqu'on
vous a posé la question si vous reconnaissez que le français est en déclin,
vous avez refusé de répondre directement à une question pourtant toute simple.
Je vous en pose une autre : Est-ce que vous considérez que l'anglais est
en déclin au Québec?
Mme Jennings (Marlene) :
Non, on ne l'a jamais prétendu. Ce qu'on prétend... Et sinon, ce qu'on >prétend,
c'est que la vitalité de la communauté d'expression anglaise au Québec est en
danger, est en péril et que nous sommes vulnérables.
• (16 h 10) •
M. Bérubé : Merci. Donc,
l'anglais n'est pas menacé au Québec. C'est ce que vous m'avez dit, non?
Mme Jennings (Marlene) : Mais,
avec 96, ça pourrait l'être.
M. Bérubé : Vraiment? Bon, on
avance... ou pas. Vous avez conduit un sondage auprès de vos membres à savoir
s'ils étaient en accord avec le fait d'inclure que le Québec est une nation
dans la partie québécoise de la Constitution canadienne. Vos membres ont
répondu à près de 60 % non. Donc, vous portez ce mandat-là. Je vous avoue
que ça va être difficile d'avoir un consensus là-dessus. Nous-mêmes, on n'est
pas tout à fait en accord avec le ministre, pas pour les mêmes raisons que vous.
On considère que ça ne va pas assez loin.
Souvent, on prend à témoin René Lévesque.
C'est toujours intéressant de le placer dans une conversation en disant :
René Lévesque a fait ci et ça. Quand René Lévesque et Camille Laurin, en 1977,
ont fait adopter la loi 101, il a fallu beaucoup de courage. Il y a eu de
l'opposition de la communauté anglophone, d'organisations antérieures à la
vôtre, qui ont tout fait pour ne pas que ça arrive, et les accusations qu'on a
retrouvées au cours des dernières semaines, ils les ont vécues, à l'époque.
Alors, je ne sais pas sur quelle base on
va trouver un consensus, mais moi, je considère que le français est menacé au
Québec, et, si on est sérieux dans ce qu'on entreprend, on prend des mesures
pour aller de l'avant. Mais je ne sais pas qu'est-ce qui va vous satisfaire.
Vous demandez de retirer un projet de loi. Moi, j'aimerais le bonifier, parce
qu'il ne va pas assez loin. Soyons clairs, il n'y a rien, de mesures
supplémentaires de la langue, qui va vous satisfaire, sinon des mesures
cosmétiques.
Mme Jennings (Marlene) : Est-ce
que je peux répondre?
La Présidente (Mme Thériault) :
...30 secondes pour le faire.
Mme Jennings (Marlene) :
Premièrement, le sondage dont vous parlez, je n'ai aucune connaissance... Personne,
à QCGN, ne sait de quoi vous parlez quand vous dites que nous avons fait un
sondage...
M.
Bérubé
:
...site Internet.
Mme Jennings (Marlene) :
...dans le... vous avez mentionné. Deuxièmement, nous sommes pour la protection
et la promotion du français. Et je vais vous dire une chose, ceux qui étaient
en opposition à la loi 101, dans les années 80 et le début des années 90,
sont... ils ont pris la 401. Nous qui sommes restés ici, nous sommes restés
parce qu'on chérit le Québec, on se considère comme Québécois et Québécoises
pleines et entières...
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, Mme Jennings. Je dois mettre fin aux échanges. Je suis la gardienne du
temps, vous le savez. Je ne veux pas paraître impolie, mais malheureusement, je
dois mettre fin. Je vous remercie pour votre passage en commission
parlementaire, mesdames, monsieur.
Et nous allons suspendre quelques instants
pour permettre à <l'autre...
La Présidente (Mme Thériault) :
...Mme Jennings. Je dois mettre fin aux échanges. Je suis la gardienne du
temps, vous le savez. Je ne veux pas paraître impolie, mais malheureusement, je
dois mettre fin. Je vous remercie pour votre passage en commission
parlementaire, mesdames, monsieur.
Et nous allons suspendre quelques
instants pour permettre à >l'autre groupe de prendre place. Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 12)
>
(Reprise à 16 h 19)
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous poursuivons nos travaux et nous recevons maintenant la Fondation
Lionel-Groulx, avec son président, M. Jacques Girard. M. le président, si
vous voulez nous présenter la personne qui vous accompagne et procéder à votre
exposé d'environ 10 minutes. Et, par la suite, ce sera les échanges avec
les parlementaires. La parole est à vous.
Fondation Lionel-Groulx
M. Girard (Jacques) : Alors, Mme
la Présidente de la commission, je suis accompagnée de Mme Myriam D'Arcy, qui
est notre directrice générale. Je voudrais saluer, tout d'abord, après vous
avoir saluée nous-mêmes, le ministre M. Jolin-Barrette, saluer également Mmes
et MM. les députés, et vous dire, d'entrée de jeu, qu'il me fait grand plaisir
de présenter les observations et recommandations de la fondation sur le projet
de loi n° 96 sur le français, langue officielle et commune du Québec.
Comme vous le savez sans doute, la
fondation a été créée par l'historien Lionel Groulx et ses amis en 1956. Sa
mission est d'œuvrer au développement et au rayonnement de la nation québécoise
par la promotion de son histoire, de sa langue et de sa culture. Elle travaille
donc sans relâche à la promotion et à la défense de la langue française ainsi
qu'au rayonnement de la culture québécoise. À cet égard, elle réclame, depuis
de nombreuses années, le renforcement de la Charte de la langue française et
fait état de l'urgence de lui joindre une politique de développement culturel,
qui en serait le prolongement tout naturel.
D'emblée, nous nous réjouissons du dépôt
de l'actuel projet de loi n° 96 et nous saluons la volonté affirmée du
gouvernement de modifier la Loi constitutionnelle de 1867 afin d'y reconnaître
la nation québécoise, dont la langue officielle et commune est le français.
Si nous saluons le projet de loi, nous
considérons cependant que certaines mesures qui y sont prévues auraient <avantage...
M. Girard (Jacques) :
...
afin d'y reconnaître la nation québécoise, dont la langue officielle
et commune est le français.
Si nous saluons le projet de loi, nous
considérons cependant que certaines mesures qui y sont prévues auraient >avantage
à être renforcées pour assurer l'essentielle protection du français et soutenir
sa promotion efficace dans toutes les sphères de la société québécoise car malheureusement
la loi 101 n'a pas mis fin à la dynamique d'anglicisation du Québec, contrairement
aux espoirs à l'époque de son adoption. On doit d'ailleurs déplorer une baisse
historique sans précédent de la proportion de personnes ayant le français comme
langue maternelle, et les projections pour 2036 sont encore plus sombres. C'est
certainement ce qui a motivé le gouvernement à légiférer pour endiguer cette
érosion, une décision que nous approuvons totalement.
La fondation a choisi de formuler ses
recommandations relativement à deux grands projets du projet de loi, à savoir
les enjeux linguistiques dans les institutions d'enseignement postsecondaire et
l'exemplarité de l'État.
Plus de 40 ans après l'adoption de la
loi 101, nous faisons le constat que la période charnière où les Québécois
choisissent leur univers linguistique pour étudier, travailler et vivre est
celle passée dans le réseau collégial. Tout ou presque se joue lors de ces
quelques années. Or, malheureusement, comme le mentionnent les démographes
Sabourin, Dupont et Bélanger, des données confirment que la fréquentation du
cégep anglais s'avère, de fait, un choix anglicisant. D'ailleurs, près de trois
quarts des enfants de la loi 101 ayant reçu une formation collégiale en anglais
projettent de travailler en anglais, et seulement 8 % d'entre eux
s'attendent à travailler en français. Bien que ces allophones aient reçu une
formation en français au primaire et au secondaire, c'est la formation
collégiale qui les oriente vers l'univers linguistique de leur milieu de
travail.
Les statistiques ne sont pas plus
encourageantes du côté des francophones titulaires d'un diplôme collégial d'un
cégep anglophone. Seulement 19 % d'entre eux s'attendent à travailler en
français. Ce constat accrédite la thèse selon laquelle on ne s'inscrit pas dans
un cégep anglophone pour apprendre l'anglais, mais plutôt pour intégrer le
monde anglo-saxon nord-américain.
Face à cette situation inquiétante, nous
considérons que le gel de places proposé par le <gouvernement...
M. Girard (Jacques) :
...
selon laquelle on ne s'inscrit pas dans un cégep anglophone pour
apprendre l'anglais, mais plutôt pour intégrer le monde anglo-saxon
nord-américain.
Face à cette situation inquiétante,
nous considérons que le gel de places proposé par le >gouvernement n'est
pas suffisant pour endiguer l'anglicisation. Nous demandons donc de limiter
l'accès aux cégeps anglophones aux ayants droit, comme c'est le cas pour
l'accès aux institutions d'enseignement primaire et secondaire. Il s'agit d'une
mesure forte, qui enverra un message clair à tous les Québécois et qui liera
les gouvernements à venir. Notons d'ailleurs que cette mesure reçoit l'appui de
plus de 58 % des Québécois, selon un sondage du printemps dernier.
En tant qu'observatrice attentive de
l'évolution de la société québécoise, la fondation a constaté l'existence d'un
grave déséquilibre entre le poids démographique des différents groupes
linguistiques et le financement des institutions d'enseignement, un fossé qui
tend à se creuser. La communauté anglophone historique représente environ
8,1 % de la population du Québec. Elle jouit des droits et des
institutions que toute société démocratique qui se respecte doit mettre à la
disposition d'une minorité. Cependant, on peut se demander si ces citoyens
québécois anglophones ne devraient pas avoir accès à une proportion de
8,1 % du budget pour financer leurs infrastructures et leurs institutions,
comme les cégeps et les universités de langue anglaise.
Poser la question non pas pour opérer un
changement brusque dans les façons de faire, mais pour lancer ce qu'il nous
paraît essentiel, une réflexion collective, et ouvrir un débat de société, que
nous considérons nécessaire. Si les concepteurs de la loi 101 avaient attendu,
en 1977, de faire l'unanimité pour agir, rien ne se serait fait, alors
qu'aujourd'hui même ses plus farouches détracteurs de l'époque conviennent
qu'elle a eu des effets positifs non négligeables pour la protection du
français et de la vie collective au Québec.
La réflexion sur le financement en
fonction du poids démographique s'impose donc car les Québécois financent le
réseau collégial anglophone à hauteur de 19 % et le réseau univers
anglophone à hauteur de 22 %. C'est plus de deux fois et demie leur
représentation démographique. Loin de nous l'idée d'asphyxier un réseau
anglophone de qualité, mais nous en appelons à un <rééquilibrage...
M. Girard (Jacques) :
...
19 % et le réseau univers anglophone à hauteur de 22 %.
C'est plus de deux fois et demie leur représentation démographique. Loin de
nous l'idée d'asphyxier un réseau anglophone de qualité, mais nous en appelons
à un >rééquilibrage du financement, de façon à mieux soutenir les
institutions d'enseignement supérieur de langue française.
Évidemment, le réseau anglais n'est pas
fréquenté que par des anglophones et des allophones. Cependant, il est financé
dans une proportion équivalente au poids démographique de ces deux communautés.
De la part d'un État qui souhaite intégrer les allophones au Québec français,
cette statistique est troublante et contradictoire. C'est comme si le
gouvernement incitait les allophones à rejoindre le réseau anglophone dès le
collégial, tout en leur demandant d'intégrer le Québec français.
Notre recommandation est donc que le
gouvernement lance un chantier de réflexion sur l'évolution du financement des
institutions postsecondaires en relation avec le poids démographique, d'une
part, de la population francophone et allophone du Québec et, d'autre part, de
la communauté anglophone historique, ceux que l'on appelle les
ayants droit. Dans le même esprit, nous demandons l'application d'un
moratoire sur le financement des projets d'expansion du collège Dawson et
de l'Université McGill jusqu'à la conclusion de cette réflexion de fond.
Dans un autre ordre d'idées, la fondation
est très préoccupée par l'hégémonie de l'anglais dans la culture scientifique
et considère que le Québec doit mener, en concertation avec tous les
partenaires concernés à travers la francophonie, notamment, bien sûr, les
universités et les centres de recherche, une vaste réflexion sur la présence du
français comme langue de la recherche, de la science, du savoir et de l'enseignement
supérieur. Il n'y a pas de réponse simple à un enjeu de cette ampleur, mais
nous considérons que c'est en prenant l'initiative de se concerter avec la francophonie
qu'il sera possible de trouver des pistes de solution porteuses.
À cet égard, j'aimerais souligner avec
plaisir la nomination récente du Scientifique en chef du Québec,
M. Rémi Quirion, au poste de président de l'International Network for
Government Science Advice. À cette occasion...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je vais devoir, malheureusement, vous interrompre, puisque nous n'avons plus
de temps de présentation. On a déjà dépassé de presque une minute. Donc, je
vais, sans plus tarder, céder la parole à M. le ministre.
• (16 h 30) •
M. Jolin-Barrette :
Merci, Mme la Présidente. M. Girard, Mme D'Arcy, merci beaucoup pour
la présentation de votre mémoire. Je tiens à vous <féliciter pour la
qualité et la vision...
>
16 h 30 (version révisée)
<
La Présidente (Mme Thériault) :
...puisque nous n'avons plus de temps de présentation. On a déjà dépassé de
presque une minute. Donc, je vais, sans plus tarder, céder la parole à M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette :
Merci, Mme la Présidente. M. Girard, Mme D'Arcy, merci beaucoup pour
la présentation de votre mémoire. Je tiens à vous >féliciter pour la
qualité et la vision du mémoire qui a été développé par la Fondation Lionel-Groulx.
Et je tiens à souligner également, M. Girard, vous avez été sous-ministre
à l'Éducation, à une certaine époque, vous avez travaillé dans le milieu des
affaires, notamment, bien, vous avez travaillé à Télé-Québec, je crois,
Québecor, également à Montréal International. Alors, je pense que, dans le
milieu, vous savez de quoi vous parlez puis vous avez vu l'évolution de la
société également au cours des années. Puis je crois également que, sur votre
conseil d'administration, il y a l'historien Éric Bédard qui est là, le
sociologue Jacques Beauchemin aussi. Donc, je pense que la Fondation
Lionel-Groulx jouit d'une bonne crédibilité.
D'entrée de jeu, je voudrais qu'on discute
de l'évolution du français, et vous l'avez abordée un petit peu tout à l'heure,
sur la question collégiale. M. Rocher est venu la semaine dernière, il
nous a dit : Écoutez, nous avons commis une erreur d'avoir oublié... mais,
pas d'avoir oublié, mais de ne pas avoir inclus le réseau collégial à
l'application des dispositions de la Charte de la langue française, et, avoir
su, on l'aurait fait. C'est ce qu'il nous a dit la semaine dernière.
Qu'est-ce qui explique, selon vous, qu'au
cours des 44 dernières années, aucun gouvernement successif n'a imposé la
loi 101 aux cégeps?
M. Girard (Jacques) : Bien,
je pense que l'évolution s'est faite tout doucement, comme ça arrive dans toute
société. La prise de conscience du problème auquel on fait face en n'imposant
pas, aux cégeps, la loi 101, cette prise de conscience s'est faite
progressivement, et elle devient de plus en plus évidente, particulièrement, j'en
suis bien conscient, dans la grande région métropolitaine.
Et, à cet égard, je voudrais souligner que
je me réjouis que vous-même et votre gouvernement aient pris conscience de la
situation et soient déterminés à la corriger. J'ai eu le plaisir d'écouter
M. Rocher. Je le connais bien et je dois dire que je partage tout à fait son
point de vue. L'évolution des dernières années fait en sorte, à mon avis et de
l'avis de la fondation, que nous n'avons pas d'autre choix. Pourquoi est-ce qu'on
ne l'a pas fait avant? C'est une bien bonne question. Mais je répète ce que j'ai
dit tantôt, parfois, on met du temps à constater ce qui existe et à prendre des
mesures nécessaires pour corriger la situation. Ce qui m'amène à dire qu'on ne
devrait jamais baisser la garde et être toujours conscients de l'évolution qui
se fait dans notre société.
M. Jolin-Barrette : Et, pour
vous, les dispositions du projet de loi n° 96 sur les
cégeps, le fait de mettre un plafond et de freiner la progression, ce n'est pas
suffisant?
M. Girard (Jacques) : Bien, c'est
<déjà un bon...
M. Girard (Jacques) :
...qui m'amène à dire qu'on ne devrait jamais baisser la garde et être toujours
conscients de l'évolution qui se fait dans notre société.
M. Jolin-Barrette :
Et, pour vous, les dispositions du projet de loi
n° 96
sur les cégeps, le fait de mettre un plafond et de freiner la progression, ce
n'est pas suffisant?
M. Girard (Jacques) :
Bien, c'est >déjà un bon premier pas. Je pense que... mais je pense...
La Présidente (Mme Thériault) :
On a un petit problème technique.
Nous allons suspendre quelques instants
pour s'assurer que vous puissiez répondre à la question et qu'on puisse
l'entendre. Désolée.
(Suspension de la séance à 16 h 33)
(Reprise à 16 h 35)
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous reprenons nos travaux. Ce sont des petits pépins qui arrivent avec la technologie.
Donc, M. Girard, on va vous demander de reprendre votre réponse, s'il vous
plaît.
M. Girard (Jacques) : Alors,
ce qui s'est passé au cours des 44 dernières années est important. Qu'à
l'époque on n'ait pas jugé nécessaire de faire en sorte que la loi 101
s'applique aux cégeps, c'est en raison du fait qu'on était dans une situation
différente. L'évolution des dernières années a démontré hors de tout doute
qu'il nous fallait revoir la situation.
On constate en particulier, ce qui n'était
pas nécessairement le cas à l'époque, que les années passées au cégep par les
jeunes Québécois sont des années déterminantes par rapport au choix de la
langue qu'ils vont faire, de la langue dans laquelle ils vont travailler, de la
langue dans laquelle ils vont consommer des produits culturels. Et il devient
évident que, s'ils décident d'aller au cégep anglophone, bien, leur choix est
fait, comme je le disais dans mon introduction, et ils s'attendent tout naturellement
à travailler en anglais. Ils ont des amis anglophones, ils ont vécu dans un
milieu où la culture était davantage branchée sur la réalité nord-américaine <que
sur...
M. Girard (Jacques) :
...choix est fait, comme je le disais dans mon introduction, et ils s'attendent
tout
naturellement à travailler en anglais. Ils ont des amis
anglophones, ils ont vécu dans un milieu où la culture était
davantage
branchée sur la réalité nord-américaine >que sur la réalité québécoise.
Je pense qu'il ne faut jamais baisser la
garde et que c'est un exemple de ce qu'on ne devrait pas faire. Et de tarder
aussi longtemps, à mon avis, a été malheureux. Mais je salue le courage de ce gouvernement
et de vous-même, M. le ministre, une fois la prise de conscience faite, d'avoir
décidé de passer à l'action.
M. Jolin-Barrette :
Merci pour votre commentaire.
Un autre aspect que vous abordez dans vos
recommandations, c'est sur l'aspect culturel, et on a eu des intervenants qui
sont venus nous en parler également. J'aimerais vous entendre sur ce point-là précisément.
Vous abordez la question de la convergence culturelle, qui inclurait le
rapatriement au Québec de pouvoirs en matière de culture et de communication.
Quelle est l'importance pour la nation québécoise
de ce volet-là de convergence culturelle? Et quelle forme ça doit prendre? Est-ce
que ça doit être inscrit dans la Charte de la langue française? Est-ce que ça
doit être des politiques? Comment voyez-vous ça? Quelle est l'importance
d'encadrer ce volet-là?
M. Girard (Jacques) : Je
pense que c'est d'une importance capitale. D'ailleurs, à l'époque de la
loi 101, on avait assorti la promulgation de la loi dans les mois qui ont
suivi d'une politique culturelle. Mais j'aimerais, sur cette question, si vous
me permettez, M. le ministre, passer la parole à notre directrice générale.
Mme D'Arcy (Myriam) :
Bonjour, M. le ministre. Bonjour, Mme la Présidente de la commission et les
députés.
Alors, nous proposons une politique de développement
culturel qui serait un projet de loi distinct du projet de loi n° 96.
Rappelons que la loi 101 et la loi n° 96... le projet
de loi n° 96 visent à préserver les droits des Québécois francophones et
allophones à vivre en français en délimitant les endroits et les moments où l'utilisation
d'une langue autre que le français est acceptable. Ça fait en sorte que ces
lois sont... appréhendent le français comme un outil de communication, alors
que la langue française au Québec ne peut exister sans culture, sans que la
culture québécoise qui lui donne corps.
Donc, nous proposons d'élaborer une politique
de développement culturel qui viendrait mettre de l'avant le lien étroit entre
la culture et la langue. Cette politique pourrait s'attaquer aux carences
linguistiques du système d'éducation, de l'économie, de la politique d'immigration,
développer une politique de développement... une stratégie, pardon, de développement
numérique.
Et cette politique de développement
culturel pourrait... en éducation, pourrait toucher, par exemple, l'adoption d'un
corpus commun de grandes oeuvres de la littérature québécoise dans les écoles
primaires et secondaires, comme l'a judicieusement proposé la Commission de la
relève de la CAQ.
En culture, ça pourrait vouloir dire
rapatrier tous nos pouvoirs en matière de culture auprès du gouvernement
fédéral, ce qui nous permettrait de financer adéquatement la culture en
fonction de nos <priorités...
Mme D'Arcy (Myriam) :
...littérature
québécoise dans les écoles primaires et secondaires,
comme l'a judicieusement proposé la Commission de la relève de la CAQ.
En culture, ça pourrait vouloir dire
rapatrier tous nos pouvoirs
en matière de culture auprès du
gouvernement
fédéral, ce qui nous permettrait de financer
adéquatement la culture
en
fonction de nos >priorités. Ça voudrait dire aussi la création d'un CRTC
québécois qui permettrait de définir clairement et plus globalement notre politique
culturelle et réglementer nos activités de radiodiffusion et de
télécommunication. D'ailleurs, c'est une proposition qui est reprise par le Parti
libéral du Québec, et nous saluons cette proposition-là.
Et, en immigration, ça voudrait dire, en
plus des cours de francisation, une politique de développement culturel
pourrait vouloir dire aussi des cours d'histoire, des cours d'intégration à la
culture québécoise, où on bonifie, en fait, la francisation par la culture et
l'histoire. Voilà.
• (16 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie. Je vais céder la parole à mes collègues qui souhaitent également vous
poser des questions. Merci pour votre passage en commission parlementaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, je vois M. le député de Saint-Jean. Il vous reste
huit minutes à l'échange.
M. Lemieux : Oui, et le député
de Chapleau... désolé, j'ai deux affaires à enlever, voilà, écouteurs, masques.
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Le député de Chapleau va me suivre, mais je
voulais converser quelques minutes avec M. Girard et Mme D'Arcy.
Bonjour, messieurs, dames.
D'abord, il faut que je vous dise que le
rôle de député en arrière du ministre est bien ingrat, parce que, des fois, on
a la même idée, mais les félicitations que je vais vous faire par
rapport — c'est la deuxième fois aujourd'hui, ça devient une
manie — par rapport à votre mémoire, c'est que ça se lit presque
comme un roman, vous racontez l'histoire. Suggestion... Non, mais c'est vrai, c'est...
Le mémoire est captivant de ce point de vue là.
Mais c'est dans ce que vous avez dit tout
à l'heure au sujet de la recherche scientifique et de la publication
scientifique sur laquelle je voulais vous amener un tout petit peu, parce que
vous avez déjà abordé le lien de la culture avec le ministre, et c'est vrai que
c'est fondamental, mais, pour la recherche scientifique, c'est plus compliqué
parce que la publication scientifique... puis vous étiez en train de dire que
le Scientifique en chef avait été nommé... puis là on est obligés d'arrêter,
puis je voudrais entendre ce que vous aviez a dire et comment vous voyez la
suite des choses pour la recherche scientifique québécoise en français dans une
recherche scientifique anglophone dominante partout sur la planète.
M. Girard (Jacques) : La
première chose, je pense qu'il faut une action concertée avec les autres
gouvernements francophones. Ça pourrait être un bel objet de politique de la
part de l'Agence universitaire de la Francophonie. Et je vous cite ce que j'allais
faire tantôt, ce que M. Quirion a dit au moment où il prenait ses
fonctions, il a dit ceci, «que la littérature et la culture scientifique à
l'heure actuelle ont une approche très anglo-saxonne qui n'est pas
nécessairement bien comprise dans d'autres cultures ou d'autres langues. Ce
sera donc un de mes principaux objectifs, faire davantage de place en science
pour les <pays de...
M. Girard (Jacques) :
...
culture scientifique à l'heure actuelle ont une approche très
anglo-saxonne qui n'est pas nécessairement bien comprise dans d'autres cultures
ou d'autres langues. Ce sera donc un de mes principaux objectifs, faire
davantage de place en science pour les >pays de la francophonie, entre
autres», disait-il. Fin de la citation.
Ça me paraît extrêmement intéressant, voir
une première personne qui va s'en occuper, mais je pense que le gouvernement
devrait plus largement lancer un chantier de réflexion avec les universités,
des centres de recherche, mais aussi les autres pays francophones.
M. Lemieux : Parce que
vraisemblablement, même si c'est notre langue commune quand on veut parler au
reste de la planète sur une base scientifique, mais quand on veut être lu par
le reste des scientifiques de la planète, il y a quand même un code à
respecter. De la même façon, qu'on écrive un roman ou qu'on écrive un mémoire
de maîtrise, ça a beau être intéressant dans le roman, ce n'est pas comme ça
que ça s'écrit dans un mémoire de maîtrise. Donc, forcément, il y a des façons
d'aborder le sujet de la recherche scientifique et de sa publication, et ce
n'est pas simple.
Ce qui m'amène à ma dernière question, et
une petite réponse, s'il vous plaît, puis le député de Chapleau va suivre.
Quand vous parlez du monde anglo-saxon, quand on parle de recherche scientifique,
on a tendance à se voir un peu comme des Gaulois, le Québec puis le reste de la
planète. En fait, les pressions qu'on subit, quand vous parlez de culture, puis
vous étiez en train de parler des cégeps, à ce moment-là, avec le ministre au
sujet de la culture dans laquelle il s'anglicise, c'est vrai partout sur la
planète, ça, jusqu'à un certain point, M. Girard, non?
M. Girard (Jacques) : C'est
tout à fait vrai sur l'ensemble de la planète. Le problème que l'on souligne
dans les universités québécoises ou dans les cégeps québécois existe en France,
existe en Belgique, existe dans les pays d'Afrique. Il y a une domination, à
l'heure actuelle, particulièrement des États-Unis. On sait les sommes qu'ils
consacrent à la recherche. Donc, il faut en prendre conscience et voir, de
façon très réaliste et pragmatique, ce que l'on peut faire.
M. Lemieux : Merci,
M. Girard. Merci, Mme la Présidente. Le député de Chapleau va suivre.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. Il vous reste quatre minutes, M. le député de Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bien apprécié. M. Girard, Mme D'Arcy,
merci beaucoup de votre présentation. C'est un plaisir de vous accueillir, là,
cet après-midi.
Vous avez parlé, donc, de politique de
développement culturel. On a eu plusieurs intervenants qui sont venus nous
entretenir notamment sur l'idée de culture de convergence, un peu, qui se veut
un modèle différent du multiculturalisme canadien qui serait appliqué ici, au
Québec. J'aimerais savoir si vous avez un peu énuméré ce que contiendrait la
politique culturelle. Est-ce que ça s'inscrit également dans cette vision-là de
la culture de convergence québécoise, donc que les nouveaux arrivants viennent,
apportent avec eux leur bagage, mais également se joignent à la majorité
francophone? Est-ce que c'est ce dont vous parlez en termes de politique de
développement culturel?
M. Girard (Jacques) : Oui, et
je pense que pour ce qui <est des...
M. Lévesque (Chapleau) : ...
dans
cette vision-là de la culture de convergence québécoise, donc que les nouveaux
arrivants viennent, apportent avec eux leur bagage, mais également se joignent
à la majorité francophone? Est-ce que c'est ce dont vous parlez en termes de
politique de développement culturel?
M. Girard (Jacques) :
Oui, et je pense que pour ce qui >est des cas précis ou des mesures
précises, plutôt avant, Mme D'Arcy a donné des exemples, elle peut peut-être en
ajouter d'autres, si elle le souhaite. Mais c'est tout à fait dans l'esprit que
vous avez mentionné qu'on le propose ou qu'on propose cette convergence.
M. Lévesque (Chapleau) : D'accord.
Oui?
Mme D'Arcy (Myriam) : Je vais
juste... dans le fond, l'idée, c'est de parachever le modèle québécois d'intégration
et de vivre ensemble au moyen de la langue et de la culture. Donc, c'est l'inverse
du multiculturalisme. La convergence culturelle affirme l'existence d'un noyau
culturel qui n'attend qu'à être enrichi et nourri par diverses communautés qui
communiquent par l'entremise de leurs différences, bien sûr, mais autour d'un
socle commun, d'un noyau culturel qui est celui de la majorité historique francophone
présente depuis 400 ans au Québec. À cette communauté s'ajoutent évidemment
ceux qui arrivent, et puis ensemble on construit la suite.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci. Vous avez parlé également de financement, vous avez mis ça en lien avec
le poids démographique, notamment de la communauté anglophone, du moins
d'expression anglaise. Pouvez-vous peut-être nous en dire davantage? Vous avez
dit, bon, de façon modérée et proportionnelle dans le temps, une réduction des financements.
Ce serait quoi, pour vous, cet avènement, en fait, en quelque sorte?
M. Girard (Jacques) : Bon, il
est sûr qu'on doit d'abord être conscient du fait que l'on finance, de façon
très généreuse, le réseau des cégeps anglophones et le réseau des universités.
Il est aussi sûr qu'il y a... Comment je le dirais? J'allais dire un
sous-financement, mais le mot est trop fort, mais que les institutions francophones
ont un besoin d'argent additionnel.
Et je pense qu'il est tout à fait normal
qu'ayant constaté des faits, on parle de réalités, il faut se demander si c'est
juste de financer dans cette proportion les institutions anglophones par
rapport aux institutions francophones. Mais on se veut très pragmatiques, et ce
qu'on suggère, c'est précisément de regarder encore une fois le problème bien
en face et, avec tous les intervenants, d'élaborer une politique de financement
qui corresponde davantage à une juste proportion pour les francophones et les
anglophones.
M. Lévesque (Chapleau) : Et
donc ce serait dans le temps qu'il y aurait un changement en termes de
financement. C'est bien ça?
M. Girard (Jacques) : Ce
serait dans le temps. Je pense qu'on ne peut pas imposer un tel changement du
jour au lendemain. Je pense qu'il y a des périodes de transition qui sont
essentielles, mais je pense qu'on ne peut pas admettre que la <situation...
M. Lévesque (Chapleau) : ...
un
changement en termes de financement. C'est bien ça?
M. Girard (Jacques) :
Ce serait dans le temps. Je pense qu'on ne peut pas imposer un tel changement
du jour au lendemain. Je pense qu'il y a des périodes de transition qui sont
essentielles, mais je pense qu'on ne peut pas admettre que la >situation
actuelle continue d'exister. Une fois qu'on a pris conscience du problème, je
pense encore une fois qu'on doit intervenir en consultant tous les intéressés.
M. Lévesque (Chapleau) :
Maintenant, une autre question en lien avec la Constitution. Vous avez dit...
le changement constitutionnel proposé au projet de loi, vous avez dit être en
faveur de cela. Qu'est-ce qui, selon vous, là... qu'est-ce que ça ajoute?
Qu'est-ce que ça apporte à la nation québécoise, ce changement-là?
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je m'excuse, M. le député.
M. Lévesque (Chapleau) :
Excusez-moi. J'étais emporté. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Malheureusement, il n'y a plus de temps. Désolée. Je vais maintenant du côté de
la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée, la parole est à vous pour
11 min 30 s.
Mme David : Merci, Mme la
Présidente. M. Girard, Mme D'Arcy, bonjour. M. Girard, vous avez
été président de l'Association des diplômés de l'Université de Montréal?
M. Girard (Jacques) : Je le
suis toujours.
Mme David : Vous l'êtes
toujours, en plus. Donc, vous n'avez pas fait comme moi, vous n'avez pas quitté
l'Université de Montréal.
Écoutez, comme vous allez beaucoup sur le
terrain de la recherche et du financement des institutions postsecondaires, je
vais justement vous amener sur le terrain du financement. Vous avez en plus
été, comme moi, sous-ministre à l'Enseignement supérieur, donc on a des points
en commun, M. Girard. Et, étant donné que j'ai été aussi vice-rectrice,
j'en connais quand même un bon petit bout. Et je m'excuse d'être un peu
technique avec les gens qui nous écoutent sur le financement et les modèles de
financement.
Et vous savez que ce sont des financements
réseau, réseau universitaire. Les codes CLARDER, ça doit vous dire quelque
chose. J'ai transformé ça en CAFF, mais ce n'est pas important. L'idée, c'est
que le revenu, le financement des universités va aux types de cours qui sont
enseignés. Alors, il n'y a pas un code de financement de génie à l'Université
McGill qui est différent de l'École polytechnique et il n'y a pas... ou de
l'ETS, ou autre. C'est le même financement pour un programme donné, quelle que
soit la langue d'enseignement. Ça, je pense que vous le savez.
• (16 h 50) •
M. Girard (Jacques) : Oui,
oui, je le sais, on en est conscients, et c'est pour ça qu'on...
Mme David : Quand vous dites
que le financement est inéquitable, le financement est totalement équitable
d'une université à l'autre. En médecine, un étudiant en médecine de McGill est
financé de la même façon, l'université, que la médecine à l'Université de
Sherbrooke. Si on s'entend là-dessus, on va continuer notre discussion.
Vous dites donc que ces institutions
postsecondaires, et je pense à McGill et Concordia, parce que vous osez ce que
d'autres n'ont pas fait, aller même au niveau universitaire, vous dites :
Ça devrait être définancé. Définancer, pour un financement réseau, ça veut
dire, donc, diminuer le nombre d'étudiants. Il n'y a pas d'autre façon, au
poids démographique... Vous dites même, dans votre mémoire et oralement, ça
veut dire, disons, diminuer à 8,9 % le financement des étudiants dits
anglophones ayant droit d'aller à l'université anglophone. Et <92 %
ou...
Mme David : Il n'y a pas
d'autre façon, au poids démographique... Vous le dites même dans votre mémoire
et oralement, ça veut dire, disons, diminuer à 8,9 % le financement des
étudiants dits anglophones ayant droit d'aller à l'université anglophone. Et >92 %
ou 91,2 % seraient financés comment, le reste des étudiants?
M. Girard (Jacques) : Alors,
vous et moi savons que la formule de financement qui s'applique aux universités
est l'objet de discussions chaque année, qu'au-delà de ce que vous avez
mentionné, il y a des exceptions, il y a des subventions additionnelles.
Je suis d'accord avec vous sur le fait que
c'est financé à partir du nombre d'étudiants et c'est la raison pour laquelle
recommander de passer, immédiatement, pour reprendre ce que vous venez de dire,
à 8,5 %, ça ne nous paraissait pas réaliste. Je pense qu'on peut, par
ailleurs, s'interroger sur le fait qu'ayant la population anglophone que nous
avons, on peut s'interroger sur le niveau de financement, d'autant plus, et
vous le savez très bien, ayant été vice-rectrice à l'université, que les
universités francophones ont besoin d'argent additionnel, que ce soient
l'Université de Montréal, l'Université Laval ou les différents... l'Université
de Sherbrooke, les différents campus de l'Université du Québec. Et je pense que
ça vaut la peine, donc, de regarder la situation bien en face. Ce n'est pas la...
Mme David : Si on va au poids
démographique, ça veut dire que McGill passerait de 40 000 étudiants
à 4 000 étudiants.
M. Girard (Jacques) : Oui, et
quand vous le dites comme ça, ça apparaît tout à fait irresponsable. C'est donc
la raison pour laquelle on propose un chantier. Je pense qu'il n'y a pas là...
on ne se sentait pas, en tout cas, capable. C'est la responsabilité du
gouvernement de proposer des chiffres de façon définitive, de bousculer
l'écosystème tel qu'il existe. Mais prenant conscience d'un problème et peut-être
bien d'un surfinancement du côté anglophone, il faut regarder la situation bien
en face, s'interroger et tenter de trouver la meilleure solution qui rende
justice à tous les intervenants.
Mme David : Mais comme
l'argent ne pousse pas dans les arbres, c'est bien évident que l'Université
McGill et Concordia deviendraient, ainsi que les collèges anglophones,
totalement privatisés. Il n'y a pas d'autre solution. Alors, ça m'inquiète,
moi, au plus haut point, qui suit une ardente défenderesse de l'accessibilité
aux études supérieures.
Je vais vous amener sur la recherche
puisque vous connaissez bien l'UdeM. Vous connaissez évidemment très bien
Robert Lacroix, ex-recteur et qui a été à la fondation de CIRANO, vous
connaissez Pavel Hamet très, très bien, vous connaissez l'IRIC, l'Institut de
recherche en immunologie et cancérologie de l'Université de Montréal, vous
connaissez Jean-Claude Tardif, chercheur en cardiologie, vous connaissez <Jean-Lucien
Rouleau...
Mme David : ...vous
connaissez bien l'UdeM. Vous connaissez évidemment très bien Robert Lacroix,
ex-recteur et qui a été à la fondation de CIRANO, vous connaissez Pavel Hamet
très, très bien, vous connaissez l'IRIC, l'Institut de recherche en immunologie
et cancérologie de l'Université de Montréal, vous connaissez Jean-Claude
Tardif, chercheur en cardiologie, vous connaissez >Jean-Lucien Rouleau,
ex-doyen de la Faculté de médecin et un des plus grands chercheurs en
cardiologie, vous connaissez Gilles Brassard qui a presque reçu un prix Nobel
et qui a obtenu le plus grand prix mondial jamais donné en physique, qui est le
prix Wolf, en 2018.
Ils ont quoi en commun, tous ces gens-là?
Ils sont francophones et ils publient dans toutes les langues. Alors, ils
publient évidemment en anglais, mais ils publient aussi en français. Et quand
je vous entends dire que la recherche doit, devrait se faire ne français et
publiée en français, que seraient devenus ces grandes stars mondiales qui ont
fait avancer la science? Pavel Hamet, là, c'est un immense atout dans le
domaine de la recherche vasculaire, et tous les autres, on pourrait les nommer
et, en temps de COVID, on a cherché le vaccin puis on beaucoup, à un moment
donné, parlé de chercheurs québécois. Je ne comprends pas votre idée de publier
uniquement en français. C'est... Si la lingua franca était espagnole, est-ce
que vous auriez la même opinion?
M. Girard (Jacques) : Écoutez,
si vous permettez, Mme David, nous n'avons jamais dit qu'il fallait
publier uniquement en français, que la recherche devait se faire uniquement en
français. Nous sommes parfaitement conscients de la situation qui existe, mais,
avec M. Quirion, là, dont j'ai cité les mots, il nous semble qu'il y a un
effort à faire pour faire en sorte, précisément, que l'on redonne au français
une place qu'il a perdue. Les Espagnols peuvent en dire tout autant, les gens
d'autres langues peuvent en dire tout autant, il y a une domination de la
langue anglo-saxonne... de langue anglaise, pardon.
On le constate, on ne veut pas que les
gens cessent de publier en anglais, mais on se demande ce que l'on peut faire
entre francophones pour assurer une meilleure place au français. Il ne s'agit
pas d'éliminer l'anglais, je sais fort bien... Vous avez parlé de l'IRIC en
particulier, j'ai un fils qui y travaille, je sais très exactement comment ça
se passe. Alors donc, je vais être très précis là-dessus, là, ce n'est pas une
interdiction de publier en anglais que l'on propose, ce serait tout à fait
irréaliste. Je suis d'accord avec vous.
Mme David : Mais quand, par
exemple, vous proposez de rédiger les thèses de doctorat en français, bien, maintenant,
ce sont très majoritairement des thèses par articles, particulièrement des
thèses qui sont faites dans des centres de recherche en santé comme l'IRIC.
Alors, comme ce sont des thèses par articles, il y a au moins deux articles sur
trois qui sont en anglais puisqu'il faut que ce soit publié dans des revues de
très <haut niveau...
Mme David : ...en français,
bien,
maintenant, ce sont très majoritairement des thèses par
articles,
particulièrement des thèses qui sont faites dans des centres de
recherche en santé comme l'IRIC. Alors, comme ce sont des
thèses par
articles, il y a au moins deux articles sur trois qui sont en anglais puisqu'il
faut que ce soit publié dans des revues de très >haut niveau.
Alors, comment faire pour... c'est une
quadrature du cercle. Là où je suis d'accord avec vous, c'est que la recherche
en français est très importante aussi puis la valorisation du français. J'ai
été membre du conseil d'administration de l'AUF, j'en connais un bout, on a
fondé le G3 des universités francophones. Oui, il y a des choses à faire, mais
il ne faut pas laisser les gens sous l'impression que c'est... de dire que c'est
dangereux, que c'est mauvais de publier dans une langue autre que le français.
Mais, en même temps, on n'aurait pas ces stars que j'ai nommées s'il n'y avait
pas eu une reconnaissance, et elle est à l'échelle mondiale. Parce qu'au Québec
on voit grand puis on veut être reconnus à l'échelle mondiale. Et on a
d'extraordinaires chercheurs qui sont reconnus, mais ils n'auraient pas pu être
reconnus juste en français.
M. Girard (Jacques) : Et je
répète, on ne propose pas qu'ils ne puissent pas faire de la recherche en
anglais, qu'ils ne puissent pas publier en anglais. Je le dis et le redis, c'est
irréaliste. Tout ce qu'on demande, c'est une concertation et une volonté de
faire en sorte qu'on donne, dans la mesure du possible, une place plus grande
au français. Et je pense qu'il y a des intervenants dans d'autres pays qui sont
d'accord avec ça. Et, comme vous le savez aussi bien, sinon mieux que moi, les
universités... je pense que toutes les universités francophones se sont donné
une politique à l'égard de l'utilisation de la langue française. Ce qu'on
demande, c'est d'aller...
Mme David : Merci, puis on va
les renforcer. C'était une de mes suggestions. Est-ce que le député de D'Arcy-McGee...
il reste un peu de temps?
La Présidente (Mme Thériault) :
Une petite question, une question-réponse, 1 min 15 s.
M. Birnbaum : Bon, c'est quand
même... j'essaie de comprendre votre échange avec ma collègue. Est-ce que vous,
donc, retirerez votre recommandation n° 5, n° 6, compte tenu que vous
venez de dire que l'impact sur le financement, à McGill, par exemple, serait de
40 000 $... 4 000 $? Alors, vous renvoyez la balle au
gouvernement de décider quoi faire. Alors, votre recommandation, est-ce que ça
tient toujours?
M. Girard (Jacques) : Bien,
notre recommandation tient dans la mesure où sa formulation est très claire :
lancer un chantier de réflexion sur l'évolution du financement des institutions
postsecondaires en relation avec le poids démographique, d'une part, de la
population francophone et anglophone du Québec et, d'autre part, de la
communauté anglophone historique. On ne peut pas... la proposition est claire,
c'est ce que l'on demande, et on demande un moratoire dans le même temps.
• (17 heures) •
Et là je profiterai de l'occasion pour
dire que la générosité du Québec à l'égard de ces institutions anglophones est <largement
supérieure à tout ce qu'on retrouve ailleurs au Canada...
>
17 h (version révisée)
< M. Girard (Jacques) :
...la
proposition est claire, c'est ce que l'on demande, et on demande
un moratoire
dans le même temps.
Et là je profiterai de l'occasion pour
dire que la générosité du
Québec
à l'égard de ses
institutions
anglophones est >largement supérieure à tout ce qu'on retrouve ailleurs
au Canada pour ce qui est des francophones. Alors, je n'ai aucune honte à
proposer qu'on étudie la répartition.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange. Je vais regarder maintenant la députée de
Mercier, pour vos 2 min 50 s.
Mme Ghazal : Merci. Merci
beaucoup pour votre mémoire et votre présentation. C'était très intéressant.
Par rapport à la question du système
d'éducation supérieure, moi, je suis contente, je me réjouis de vos
recommandations 2 et 3, parce qu'à Québec solidaire, dans notre programme aussi,
on propose de revoir graduellement le financement des réseaux d'enseignement
supérieur francophones et anglophones pour qu'ils représentent le poids
démographique de chacune des deux communautés. C'est la même chose aussi pour
le collège Dawson et l'Université McGill, et ça, il faut le faire tout de
suite. Puis vous avez raison, le financement, c'est par tête de pipe. Si, à un
moment donné, il n'y a plus personne qui va à l'université... aux universités
francophones, puis tout le monde converge vers les universités anglophones, on
ne peut pas dire que c'est équitable. Donc, il faudrait revoir le financement,
ça, c'est sûr et certain.
J'avais une question plus précise, puis
vous en avez parlé un peu, sur la convergence culturelle, à la page 16. La
définition que je vois ici ressemble beaucoup au modèle d'intégration dont le
Québec s'est toujours réclamé, sans le mettre dans une politique officielle,
qui est l'interculturalisme. Mais vous, vous appelez ça «convergence culturelle».
Je l'entends de plus en plus. D'autres vont appeler ça «culture de convergence»,
la culture vers laquelle tous les Québécois vont converger. Qu'est-ce qui se
passe avec l'interculturalisme? Ce n'est pas exactement la même définition?
M. Girard (Jacques) : Oh! je
pense que l'utilisation des mots... Écoutez, personnellement, en tout cas,
l'interculturalisme me conviendrait tout aussi bien que la convergence
culturelle.
Mme Ghazal : Je comprends très
bien. Donc, on s'entend, parce que vous n'êtes pas le premier, j'ai eu la
discussion avec d'autres, puis je suis contente que vous dites que
l'interculturalisme, qui n'a jamais été mis dans une politique officielle au
Québec... même si on en parlait tout le temps, tellement que des gens
mélangeaient ça aussi avec le multiculturalisme, puis on disait que c'était la
même chose, puis on rejetait les deux modèles, alors qu'on ne l'a jamais
vraiment, vraiment adopté, un système propre à nous. Donc, je suis très, très
heureuse de vous entendre.
M. Girard (Jacques) : Bien...
Et je pense surtout qu'il y a urgence à se donner une politique culturelle...
Mme Ghazal : Et culturelle.
M. Girard (Jacques) : ...qui
aille dans le sens de la convergence ou de l'interculturalisme.
Mme Ghazal : Très bien, merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Ça va? Merci. M. le député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé
: Oui.
M. Girard, Mme D'Arcy, un plaisir d'échanger avec vous. J'ai entendu le
ministre dire de très bonnes choses sur votre organisation, sur vous, M.
Girard. Je pourrais en dire autant de Mme D'Arcy, que je connais depuis des
années. Il ne reste maintenant qu'à suivre vos recommandations, si on a une
telle estime de vos propos et de votre crédibilité, notamment sur la
fréquentation en français des cégeps. Vous savez que, des <quatre...
M. Bérubé : ...
dire
de très bonnes choses sur votre organisation, sur vous, M. Girard. Je pourrais
en dire autant de Mme D'Arcy, que je connais depuis des années. Il ne reste maintenant
qu'à suivre vos recommandations, si on a une telle estime de vos propos et de
votre crédibilité, notamment sur la fréquentation en français des cégeps. Vous
savez que, des >quatre formations politiques qui sont ici, la seule qui
en fait la promotion, c'est le Parti québécois, la seule formation politique
qui assume ce choix, qui fait le choix éclairé de poser un jalon supplémentaire.
Nous avons évolué en ce sens-là. Ce n'était pas ma position ni celle de ma formation
politique il y a quelques années à peine, mais il y a une nécessité.
Et, quand j'entends Guy Rocher nous dire
qu'on est rendus là, quand j'entends Christian Dufour nous dire cela, quand je
vous entends dire ça, je trouve qu'on est en bonne compagnie et qu'on fait une analyse
partagée que, si ce gouvernement veut faire preuve de courage, et qu'il cesse
de dire que ça prend un consensus... parce qu'il n'y en aura pas, de consensus.
Si vous avez entendu le groupe précédent, vous allez voir qu'il n'y en aura
pas, ce sera toujours trop. Alors, moi, je suis d'avis qu'il faut poser des
gestes courageux, qui vont être durables, qui vont nous survivre et qui vont
assurer, au français, une vitalité. Alors, moi, j'en pose quatre, et vous
choisirez sur lequel vous voulez rebondir, qui montrent ce courage-là, soit le
cégep en français... en fait, pas «soit», ça, plus une immigration francophone
à l'entrée, et mettre fin au financement, déjà annoncé, des projets respectifs
de Dawson et de McGill avec le Royal Vic.
Alors, ça, c'est quatre indicateurs, quant
à moi, du courage du gouvernement. À date, il n'en coche aucun. Si vous aviez
un des quatre, là, sur lequel vous voulez appuyer, ce serait lequel?
M. Girard (Jacques) : Je
commencerais par le cégep, je pense, étant donné ce que vous avez lu dans notre
rapport, étant donné l'évolution qu'on a connue au cours des dernières années.
Et je pense d'ailleurs que nous ne sommes pas les seuls à vouloir l'application
de la loi 101 aux cégeps. Il y a eu beaucoup d'intervenants, devant la
commission, qui sont allés dans ce sens. Et je pense que c'est un geste fort,
un geste que l'on doit poser.
Et je rappelle qu'au moment où la
loi 101 a été déposée il y a eu une levée de boucliers, mais après, les
gens ont tous reconnu que cette loi... tous, du côté anglophone, du côté
fédéral, de tous les côtés, que cette loi était essentielle et qu'elle avait
amené une stabilité de notre vie commune en société. Je pense qu'il en va de
même de la recommandation que l'on fait pour les cégeps. Il va y avoir des
réactions, il peut y avoir des réactions violentes, ce que je ne souhaite
pas...
La Présidente (Mme Thériault) :
...ceci met fin à l'échange. Merci, M. Girard, merci, Mme D'Arcy, d'avoir
accepté de venir nous rencontrer en commission parlementaire.
Nous allons suspendre quelques instants
pour permettre à l'autre groupe de prendre place. <Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 06)
La Présidente (Mme Thériault) :
...
accepté de venir nous rencontrer en commission parlementaire.
Nous allons suspendre quelques instants
pour permettre à l'autre groupe de prendre place. >Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 06)
>
(Reprise à 17 h 21)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, nous poursuivons nos travaux et nous recevons maintenant l'Assemblée des
premières nations Québec, Labrador. Nous avons avec nous, à l'Assemblée
nationale, le chef John Martin, qui est chef de la communauté micmaque de
Gesgapegiag et chef porteur du dossier de l'éducation, ainsi qu'en
visioconférence le chef Ghislain Picard, qui est le chef des Premières
Nations Québec, Labrador. Bienvenue parmi nous. M. le chef Martin, la parole
est à vous.
Assemblée des premières nations du Québec et du
Labrador (APNQL)
M. Martin (John) :
[Interprétation]
<Merci...
La Présidente (Mme Thériault) :
...micmaque de Gesgapegiag et chef porteur du dossier de
l'éducation,
ainsi qu'en visioconférence le chef Ghislain Picard, qui est le chef des
Premières Nations Québec, Labrador. Bienvenue parmi nous. M. le chef Martin, la
parole est à vous.
M. Martin
(John) :
[Interprétation]
>Merci. Bonsoir à tous les membres ici présents. Je m'appelle
John Martin. Je suis le chef des Micmacs de Gesgapegiag, une communauté
micmaque située en Gaspésie, au Gespe'gewa'gi du
Nord, le septième district de notre terre natale micmaque. Gespe'gewa'gi fait
partie des terres et cours d'eau traditionnels non cédés où vit le peuple
micmac depuis des temps immémoriaux. J'ai aussi le plaisir d'être porteur du
dossier de l'éducation au nom des chefs de l'Assemblée des premières nations
Québec-Labrador.
En tant qu'enseignant de formation, je
peux affirmer sans hésiter que ma plus grande passion est la réussite éducative
des enfants des Premières Nations. Je crois sincèrement que l'éducation est le
catalyseur de la transmission de nos valeurs, de nos langues et de notre
culture, mais aussi du bien-être et de la prospérité de nos peuples. Cependant,
à la lumière des circonstances qui m'ont amené jusqu'ici, je peux aussi dire
que la réussite scolaire des enfants de Premières Nations est en péril,
entravée par des barrières multiples, systématiques et assimilationnistes.
Bien que je parle et comprenne le
français, ce n'est ni ma langue maternelle ni ma langue seconde, c'est une
langue étrangère. Les langues des Premières Nations ont vu le jour ici, sur des
terres relevant de la souveraineté autochtone. On s'est attaqué pendant
longtemps à notre peuple pour avoir parlé notre langue dans vos écoles. On nous
a confinés dans des réserves, dans la pauvreté, où les normes en matière de
qualité de vie étaient tout autres. Et maintenant, votre projet de loi
n° 96 est utilisé pour empêcher nos enfants de poursuivre leur parcours
scolaire jusqu'à la fin. Depuis un bon moment déjà, cette loi linguistique est
la cause directe de l'abandon scolaire et du départ de nos enfants, ce qui
réduit considérablement leur capacité de bien gagner leur vie. Voilà ce à quoi
de nombreux enfants des Premières Nations doivent faire face, jour après jour,
lorsqu'ils exercent leur droit humain fondamental à l'éducation, un droit
inscrit dans le droit international et la loi constitutionnelle.
Aujourd'hui, comme c'était le cas il y a
40 ans, les enfants des Premières Nations au Québec sont aux prises avec les
barrières systémiques de la Charte de la langue française, qui exige que les
élèves soient instruits en français ou qu'ils obtiennent des crédits en langue
française au secondaire et au collégial. La charte s'applique à l'éducation des
enfants des Premières Nations sans tenir compte de leur langue <maternelle...
M. Martin (John) :
...
aux prises avec les barrières systémiques de la Charte de la langue
française, qui exige que les élèves soient instruits en français ou qu'ils
obtiennent des crédits en langue française au secondaire et au collégial. La
charte s'applique à l'éducation des enfants des Premières Nations sans tenir
compte de leur langue >maternelle et en faisant fi du droit inhérent et constitutionnel
à l'autonomie gouvernementale et à l'autodétermination. L'éducation est un
élément essentiel à l'autonomie gouvernementale, qui ne peut tout simplement
pas être écarté du revers de la main ou relégué au second plan par une législation
provinciale, quel que soit le lieu où les enfants des Premières Nations
reçoivent cette éducation.
Et la Charte de la langue française et le projet
de la loi n° 96 violent les droits à l'éducation des
enfants des Premières Nations. La moitié des enfants des Premières Nations
fréquentent une école à l'extérieur de leurs communautés, et nombre d'entre eux
passent entre les mailles du filet. L'imposition de l'application de la charte
au cheminement scolaire des enfants des Premières Nations dévalorise et
marginalise les langues et cultures des Premières Nations pour renforcer l'idée
selon laquelle la langue et la culture des colonisateurs sont supérieures et
ont une plus grande valeur. Par conséquent, la langue se perd, et les objectifs
de colonisation et d'assimilation sont atteints. Et pourtant, il a été démontré,
encore et encore, que ce fossé linguistique ne fait rien pour stimuler les
élèves, a un impact négatif sur leur estime de soi, fragilise leurs liens
culturels et communautaires et crée une culture d'assimilationnisme et de
monolinguisme. Il a pour effet d'exacerber la tendance au décrochage scolaire
et les écarts socioéconomiques, en plus de menacer nos langues et notre
culture.
Vous imposez aux Premières Nations des
contraintes systémiques et psychologiques destructrices. Votre loi inflige des
effets systémiques et psychologiques dévastateurs sur les enfants des Premières
Nations en refusant de reconnaître les barrières systémiques qui continuent
d'entraver leur réussite éducative.
Je n'ai aucun doute que vous êtes tous
convaincus de l'importance de l'éducation. L'éducation est le facteur
déterminant de la mobilité sociale, de la santé et du développement
communautaire. Je vous demande de penser à ceci : en élaborant ces lois,
ne continuez-vous pas à adopter la même mentalité à l'égard des Premières Nations?
L'accès à l'éducation devrait être, pour nos enfants, la voie vers la
réalisation de leurs rêves, et non un moyen de les ancrer dans le désespoir et
la pauvreté. Ces barrières systématiques, associées à des facteurs historiques,
tels que les traumatismes intergénérationnels causés par des années passées
dans le système des <pensionnats...
M. Martin (John) :
...
devrait
être, pour nos enfants, la voie vers la réalisation de leurs rêves, et non un
moyen de les ancrer dans le désespoir et la pauvreté. Ces barrières
systématiques, associées à des facteurs historiques, tels que les traumatismes
intergénérationnels causés par des années passées dans le système des >pensionnats
pour autochtones, ont des effets néfastes pour la réussite scolaire des enfants
des Premières Nations. Vous tous, ici présents, avez le pouvoir de changer le
cours des choses.
Vous tous, qui faites partie de cette Assemblée
des représentants du Québec, ouvrez votre esprit. Nous sommes à deux jours du
30 septembre, une journée destinée à se remémorer tous ces enfants qui ont
perdu la vie dans les pensionnats pour autochtones et ceux qui ont survécu
aussi. Souvenez-vous, l'intention était de tuer l'indien chez l'enfant.
Interrogez-vous sur la Charte de la langue française et le projet de la loi n° 96 qui vous occupe. N'ont-ils pas les mêmes effets
pervers sur les enfants des Premières Nations? Cette journée sert à nous
rappeler des gestes posés contre nos peuples, contre nos enfants, afin que
jamais ils ne se reproduisent. Cette journée est aussi un rappel pour vous, les
décideurs, afin que vous ne répétiez pas les torts causés à nos enfants et à
notre peuple.
J'ai fréquenté ces pensionnats, où nous
nous faisions battre pour avoir parlé notre langue. Je vous demande à vous,
décideurs de cette Assemblée : ne faites pas cela à notre peuple, à nos
enfants. Laissez nos enfants des Premières Nations réaliser leur rêve d'une vie
meilleure. Laissez-les poursuivre leurs études au Québec afin qu'ils puissent
apporter leur contribution, et à leurs communautés, et au Québec. Je vous
remercie et je prie le Créateur afin qu'il vous aide à agir dans l'intérêt de
nos enfants. [Fin de l'interprétation]
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Chef Picard, il reste 2 min 37 s à la présentation. Par
contre, la députée de Marguerite-Bourgeoys me dit que, si vous avez besoin de quelques
petites minutes supplémentaires, une ou deux, vous pouvez les prendre sur son
temps. Allez-y.
M. Picard (Ghislain) :
[Interprétation]
Bonjour. Je vous remercie de me donner du temps et je vous salue tous. Je
m'appelle Ghislain Picard. Et je remercie aussi Lino, qui provient de la même
communauté que moi, de Pessamit. Encore une fois, on vous remercie de nous
donner du temps pour parler de la loi n° 96... que
vous voulez défendre la langue française. Et je remercie les interprètes, parce
que c'est très important, ce que nous amenons aujourd'hui, c'est ce que nous
voulions vous faire part aujourd'hui.
• (17 h 30) •
Vous ne serez pas surpris, si je vous dis
que je suis tout à fait d'accord avec les propos du chef, sur ce qu'il vient de
dire, et je suis derrière lui. Il se souvient de tout ce qu'on a subi lorsqu'on
parle de toutes les <réglementations qui ont touché nos communautés
et nos enfants...
>
17 h 30 (version révisée)
<
M.
Picard (Ghislain) :
...et je suis derrière lui. Il se souvient
de tout ce qu'on a subi lorsqu'on parle de toutes les >réglementations
qui ont touché nos communautés et nos enfants, puis ce n'est pas la première...
ce n'est pas nouveau, ça fait longtemps que ça dure. Les Innus, ça fait
plusieurs années qu'ils essaient de défendre leur culture, leur langue et leurs
droits ancestraux, mais ils sont tout le temps face à un mur lorsqu'on parle de
ces situations-là. On nous a toujours... on a toujours essayé de nous intégrer
comme des blancs. Lorsqu'on parle des enfants, on a vu ce qui s'est passé, puis
nos enfants... les parents, il y a beaucoup de problèmes avec les problèmes
qu'ils connaissent concernant leur langue, leur identité... leur langue et leur...
Il y a deux semaines, l'APNQL est
intervenue devant la Cour d'appel du Québec dans le cadre du renvoi relatif à
la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières
Nations, des Inuits et des Métis, la loi C-92, pour défendre sa position...
que cette loi fédérale est valide. Il va sans dire que la position de la
province est inconciliable avec la nôtre... comparativement à nous, ce qu'on
pense de cette loi. Pour rajouter à cela, il y a maintenant le projet de loi
n° 96 avec lequel la province souhaite modifier unilatéralement la loi
sans prendre en compte les enjeux des Premières Nations. Le projet de loi
n° 96 vise un objectif en lui-même noble, et c'est qui m'amène aujourd'hui
devant votre groupe de parlementaires. [Fin de l'interprétation]
Nos droits ancestraux, protégés par le
paragraphe 35.1° de la Loi constitutionnelle de 1982, comportent des
droits linguistiques. Et l'article 13 de la Déclaration des Nations unies
sur les droits des peuples autochtones vient ajouter que ces droits
linguistiques comprennent le droit des Premières Nations de revivifier,
d'utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur
langue. C'est de nos droits dont on parle et c'est notre survie culturelle qui
est jeu.
La suprématie d'une nation sur les autres
ne fait pas partie des valeurs mises de l'avant par les chefs de l'APNQL. Pour
eux, une grande nation digne et fière se définit d'abord par le respect des
autres. On a le droit d'être en désaccord, on n'a pas le droit de contraindre,
d'imposer, de se placer au-dessus des autres. Dans ses gestes quotidiens, l'actuel
gouvernement de la province de Québec nie l'existence des droits les plus
fondamentaux des Premières Nations. Le chef Martin a très bien exprimé cette
position. Au nom des prérogatives qu'il s'attribue lui-même, il <impose
ses...
M. Picard
(Ghislain) :
...
de se placer au-dessus des autres. Dans
ses gestes quotidiens, l'actuel gouvernement de la province de Québec nie
l'existence des droits les plus fondamentaux des Premières Nations. Le chef
Martin a très bien exprimé cette position. Au nom des prérogatives qu'il
s'attribue lui-même, il >impose ses lois, ses vues, aujourd'hui en
matière linguistique, hier ou demain sur les enjeux territoriaux, toujours de
façon unilatérale en s'attribuant une autorité que les Premières Nations, en
tout respect, n'ont jamais reconnue et ne sont pas prêtes à reconnaître parce
qu'elle est, selon nous, sans autre fondement que des lois coloniales et
caduques.
Les Premières Nations se présentent devant
votre groupe de parlementaires avec des propositions, des adaptations basées
sur le respect mutuel, visant en particulier à corriger l'impact négatif de
mesures imposées par votre cadre juridique actuel et qui créent, depuis des
années, des dommages importants amplement décrits dans le document de
positionnement politique que nous vous proposons.
En terminant, l'APNQL, je tiens à le
rappeler devant vous aujourd'hui, invite les parlementaires québécois à une
rencontre entre votre Assemblée et la nôtre sous forme d'une commission
parlementaire spéciale dédiée aux relations entre nous, au rétablissement du
respect entre nos formes de gouvernance aussi distinctes que respectivement
valables. [Interprétation] Je vous remercie, vous tous. [Fin de
l'interprétation] Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, on retranchera trois minutes du temps de la députée de
Marguerite-Bourgeoys. C'est le temps qui a été pris en supplémentaire pour la
présentation. Sans plus tarder, je vais aller du côté de M. le ministre. La
parole est à vous pour votre bloc de 17 minutes.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. M. Picard, M. Martin, M. Gros-Louis,
bonjour, bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour votre présence et la
présentation de votre mémoire.
D'entrée de jeu, je dois dire que je suis
assez d'accord avec vous sur le fait que chaque nation devrait avoir la
possibilité de protéger sa langue. Vous faisiez référence, M. Martin, tout
à l'heure, aux langues ancestrales, le droit de pouvoir maîtriser et apprendre
sa langue, et je pense que c'est fondamental de valoriser toutes les langues,
notamment les langues autochtones, parce que c'est ce qui fait en sorte... qui
amène la vitalité des différentes nations. Et globalement, à chaque fois qu'une
langue s'éteint, à chaque fois qu'une langue disparaît ou à chaque fois que le
nombre de locuteurs de la langue diminue, c'est déplorable et c'est dramatique,
parce que c'est ce qui fait, et là-dessus je suis d'accord avec vous, c'est ce
qui fait l'âme d'une nation, l'identité d'un peuple. Alors, il faut avoir des
mesures pour favoriser la vivacité de ces différentes langues.
Donc, plus précisément je comprends que
votre souhait est de faire en sorte notamment que les enfants, vos enfants de
vos différentes nations puissent apprendre leur langue de leur communauté,
puissent la <maîtriser...
M. Jolin-Barrette :
Donc,
plus précisément je comprends que votre souhait est de faire en sorte notamment
que les enfants, vos enfants de vos différentes nations puissent apprendre leur
langue de leur communauté, puissent la >maîtriser. Essentiellement, c'est
le souhait, qui est tout à fait légitime, de faire en sorte d'obtenir cette
connaissance et le fait que les différentes nations puissent utiliser leurs
langues. Est-ce que je me trompe? Je ne sais pas si M. Martin ou M. Picard...
M. Martin (John) : Je pense
que oui. La langue ne se vit pas dans un vacuum. C'est des communautés, des
cultures, des valeurs qui sont attachées à ces langues. Et, pour nous, on se
trouve dans une situation où on ne peut pas retourner ailleurs pour aller
chercher une langue qui est perdue. Donc, c'est important que nos langues
soient valorisées, qu'elles soient reconnues, pas seulement avoir le droit de
parler, d'écrire et de se communiquer. La langue est inhérente à nous, à nos
cultures, et c'est important que le système qui est là présentement, qui
empêche nos jeunes de progresser au niveau de l'éducation, les jeunes qui
représentent notre futur, qui représentent notre développement, fasse face à
des obstacles ou... les résultats, c'est le décrochage, et ils ne poursuivent
plus d'études, puis ils s'en vont ailleurs. Leur langue est dévalorisée aussi bien
que leur culture.
Donc, c'est important que les systèmes
publics soient en support des initiatives qu'on propose. C'est important pour
la valorisation. Tout le monde le sait, comme j'ai dit dans la présentation,
quand on crée des obstacles au niveau de la langue, de l'apprentissage, c'est
très difficile pour un jeune de faire du progrès. C'est quelque chose qu'on
vit, nos étudiants vivent à tous les jours. Ça fait 40 ans que ma
communauté et d'autres communautés, on fait face à des <décrocheurs...
M. Martin (John) :
...
de
l'apprentissage, c'est très difficile pour un jeune de faire du progrès. C'est
quelque chose qu'on vit, nos étudiants vivent à tous les jours. Ça fait 40 ans
que ma communauté et d'autres communautés, on fait face à des >décrocheurs,
du monde qui ont tout simplement laissé les études ou s'en vont ailleurs suite
à leur résultat de la charte française. Pas d'accommodement à ce niveau-là.
Pourtant, c'est assez simple, au niveau
des Premières Nations, de faire des accommodements pour assurer que pas
seulement notre langue, que notre culture et notre façon de faire est reconnue
et est respectée, et de comprendre aussi que la langue, pour nous, c'est notre
vie, et c'est notre continuité. La perte de la langue, pour nous,
éventuellement, on se trouve complètement assimilés et perdus. Il y a cette
loi-là que vous avez en place... s'en va dans ce sens-là, dans une vieille
tradition très coloniale. Je pense que c'est important d'avoir une ouverture
d'esprit pour... en ce qui concerne les Premières Nations.
• (17 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Alors,
sur ce point-là, le gouvernement du Québec est très... je veux bien cerner l'enjeu,
parce que vous dites ou... parce que manifestement, l'enjeu, il est sur la
Charte de la langue française, donc la loi qui a été adoptée en 1977, parce que
le projet de loi que j'ai déposé, le projet de loi n° 96, c'est le statu
quo par rapport à la situation actuelle. Et tous les droits rattachés aux
nations autochtones sont garantis, et même à l'époque, c'est... la loi 101
a fait en sorte de venir inscrire... c'était le premier État au Canada à venir
reconnaître le statut particulier des nations autochtones. Mais ce que je
comprends de votre propos notamment, c'est le fait que vous souhaitez que les
jeunes de vos communautés puissent étudier, grandir et vivre dans leur langue,
donc dans leur langue de leur nation.
Essentiellement, quand vous dites :
La langue, c'est la communauté, c'est la culture, c'est l'identification, je
suis d'accord avec vous. Donc, comment est-ce que l'État québécois peut vous
aider, par rapport aux langues autochtones, à maintenir, à développer et à
avoir l'apprentissage des langues autochtones?
M. Martin
(John) : Mister, the answers aren't here, in
terms of how the QuébecGovernment can assist us in terms of
correcting the situation.
Because, like I said, for 40 years, we have been dealing with the situation of our students dropping out of
high schools, leaving high schools simply because they can't finish their
credits, not being able to go to the university in Québec because
they can't be at their <credits here...
M.
Martin (John) :
...can assist us in
terms of correcting the
situation
. Because, like I said, for 40 years, we have been dealing with
the
situation
of
our students dropping out of high schools, leaving high schools simply because
they can't finish their credits, not being able to go to the
university
in
Québec
because they can't be at their
>credits here.
And what I'm saying is
that needs to be recognized. We provide solutions, options where it would be
possible for the Government
here to allow our students to get their credits, provide a ... language credit
program, whatever. But I think the solutions are there in terms of being able
to move forward and improve, improve your law without taking absolutely nothing away from Québec or the French language.
In the situation that you're playing right now,
where Québec is in a difficult situationvis-à-vis North America, you should be a lot more understanding of our situation. Our languages are precarious,
they are disappearing. And that road, we know where it goes. And you, the QuébecGovernment here, alright, can do something about that. We bring propositions
to the table that are very realistic, very simple, which would allow our
students, First Nations' students to be able to get the credits that they need
to graduate. There are also issues of professionals in the communities that
don't receive recognition.
All of that is in here,
in this document here, right
here. The answers are all there. And I tell you, you should take a serious read
and look at it, because it takes absolutely nothing away from Québec, it does not take anything away from the Québec language. But it does allow us to flourish in Québec and become contributors to Québec, just like our communities. That is
our hope, this is why we are here.
We are here to talk to
you and tell you what we have been experiencing in our communities for decades.
And when I hear people saying that there is nothing that is going to change,
well, that tells me that the same colonialist mindset that created the
residential schools and the same mindset that is there, which allows native
women in this land to be abused, and mistreated, and murdered is going to
continue. Things have to change.
You can protect your
French language very well. We have nothing against that. We support that. We
think it's a good thing to do considering your situation in North America, but consider our situation. We cannot go back to France if we lose our language.
We have the solutions
here, in front of you, in this document. Take the time to read them, look at
them, study <them all...
M.
Martin (John) :
We think it's a good
thing to do considering your
situation
in North America, but consider our
situation
. We cannot go back to France if we lose our language.
We have the solutions
here, in front of you, in this document. Take the time to read them, look at
them, study >them all, because they're taking
nothing away from any «Québécois», or any French-speaking citizen in Québec, or
the Québec Government, for that matter. In fact, it probably would put us in a
very good relationship to dialog and move forward together and build together,
rather than have to struggle and fight all the time.
M. Jolin-Barrette : Dans
votre mémoire, essentiellement, une des propositions est de faire en sorte, dans
le fond, que la loi 101 ou la Charte de la langue française ne s'applique pas.
Parce que je suis d'accord avec vous sur l'objectif que les membres des
différentes nations puissent maîtriser, apprendre et vivre dans leur langue,
mais essentiellement, je comprends que le régime linguistique ne doit pas être
appliqué.
Dans le fond, ce que vous souhaitez, c'est
avoir le choix, pour l'ensemble des membres des nations autochtones, d'aller à
l'école en anglais au niveau des études supérieures, au secondaire, notamment. Parce
que l'enjeu, il est à l'effet que dans les communautés, parfois, le primaire,
ça se fait dans la langue de la communauté, mais, par la suite, que l'école est
en français. Or, idéalement, puis vous me corrigerez si je me trompe,
idéalement, ce serait d'avoir la possibilité de pouvoir étudier tout le temps
dans votre langue, donc dans la langue autochtone.
M. Martin
(John) : It is much more than that. It is much
more than that. When we're looking at primary education in our community, that's something that is entirely under our
control. When we go to the public school system and students wish to graduate
from high school, they cannot get their high school leaving. Probably 80% of
the time, 90% of the time, students have great difficulty with that, and a
significant number of them are dropping out because of that particular law. And
that has a direct impact on the leadership that we will have tomorrow, on the development of our community, on
the development of our culture and sustaining ourselves as a people. It's that
simple.
If we did not have to
deal with this law that's there, that's preventing them from getting their high
school leaving in Québec. Maybe
we'd have more lawyers, we'd have more doctors, we'd have more business people.
Everybody knows, if you're going to have good government in a community, you
require educated people, you need people to <pursue...
M. Martin
(John) :
...this law that's there,
that's preventing them from getting their high school leaving in
Québec.
Maybe we'd have more lawyers,
we'd have more doctors, we'd have more business people. Everybody knows, if
you're going to have good government in a community, you require educated
people, you need people to >pursue their studies
to higher education. So, that's tied directly, directly
to that. I mean, our language is our language, we own that. That's ours. Like
this is far more than that. Language does not live in a vacuum, and that's what
we need to remember.
The solutions we propose
are very simple, very straight forward. If you actually took the time to read
the solutions that we are proposing, it makes it possible for our students to
continue on graduate from high school and continue school in Québec, you know. But right now, the way the law is, we're being excluded. We're
being excluded from getting access to these institutions and pursuing. It reduces the percentage of students that go to
schools in Québec universities
quite significantly, and that's having a direct impact on us, on our people,
and our communities.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il reste deux minutes, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Merci pour la présentation de votre mémoire. Je vais céder la parole à mes
collègues. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je vois M. le député de Saint-Jean, à peine... votre échange, M. le député, question,
réponse, deux minutes.
• (17 h 50) •
M. Lemieux : Merci
beaucoup. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Décidément, toutes les langues
sont sujet de passion et d'échanges passionnés, mais, en même temps, de raison.
Et je ne sais pas si vous vous en rendez compte, mais on vient de faire
l'histoire, aujourd'hui, jusqu'à un certain point, en tout cas dans cet
immeuble et dans cette salle, parce qu'on avait trois interprètes dans trois
langues.
La dernière fois que je suis passé au
Parlement des Territoires du Nord-Ouest à Yellowknife, il y avait huit ou neuf
petites cabines de traduction comme ça pour les parlementaires, les députés des
Territoires du Nord-Ouest autour de la table, et ça fait longtemps. Je ne sais
pas où ils sont rendus, mais je pense qu'aujourd'hui on vient de faire un bon
bout de chemin. Je regarde le chef Picard du coin de l'oeil. J'écoutais, je
buvais les paroles du chef Martin dans son petit paradis de Gesgapegiag, niché
dans le fond de la baie entre New Richmond puis Maria. À force de se
parler on va de plus en plus se comprendre et, avec ce qu'on vient de faire aujourd'hui,
j'espère, s'entendre. Merci beaucoup, chef. Merci, M. Picard.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le député de Saint-Jean. Le chef Picard nous signale qu'il aurait
aimé s'adresser à nous. Il reste encore une quarantaine de secondes. Allez-y,
chef Picard.
M. Picard (Ghislain) :
Non, en fait, je voulais surtout contribuer à la discussion un peu plus tôt. Je
remercie, M. le député, pour ses commentaires. Et peut-être parce que le
ministre nous a <ramenés à...
La Présidente (Mme Thériault) :
Le chef Picard nous signale qu'il aurait aimé s'adresser à nous. Il reste
encore une quarantaine de secondes. Allez-y, chef Picard.
M. Picard (Ghislain) :
Non, en fait, je voulais surtout contribuer à la discussion un peu plus tôt. Je
remercie M. le député pour ses commentaires. Et peut-être parce que le ministre
nous a >ramenés 50 ans en arrière, et 50 ans en arrière, effectivement,
il y avait la loi 101, et un des gestes causés... parce qu'à ce moment-là aussi
c'était un cadre juridique, en quelque sorte, imposé. Il y a eu une réaction
très vive du côté de nos communautés, notamment une cohorte d'étudiants de la
communauté de Kahnawake qui sont sortis de leur école secondaire pour bâtir
leur propre école dans la communauté, qui existe toujours aujourd'hui.
Mais, au-delà de tout ça, je pense qu'il
faut relever l'importance de la démarche dans son sens le plus global... Je
pense qu'il y a une relation fondamentale ici qui fait défaut, et c'est aussi
ça qu'on veut mettre en évidence, parce que, d'un côté, sur un autre champ, le
Québec, finalement, plaide que le gouvernement canadien ne consulte pas assez.
Et finalement, c'est ce qu'on vous met
sous la dent aujourd'hui, en marge de l'étude du projet de loi n° 96, c'est
que... bon, on est où? On est... On se retrouve un peu devant vous
aujourd'hui... un peu dans une situation, un peu, de compromis. On accepte les
règles de vos commissions, de vos institutions, mais sachez qu'on souhaiterait
vivement qu'il y ait un espace beaucoup plus approprié à la relation que vous
vantez vous-mêmes, la relation de nation à nation, et ce n'est pas ce qu'on
constate aujourd'hui.
Je pense qu'il y a des éléments
importants, oui, qui touchent l'histoire, qu'il est utile d'utiliser comme
référence, mais il y a le contexte d'aujourd'hui aussi qui doit s'appliquer.
Donc, je pense qu'à l'intérieur des 50 minutes que nous avons aujourd'hui,
il n'y aura pas moyen, là, de vider cette question-là, parce qu'elle est
extrêmement fondamentale d'abord, mais contient également beaucoup, beaucoup
d'éléments, je pense, qui méritent notre attention et la vôtre, surtout.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et, chef Picard, je dois passer la parole maintenant à la députée de
Marguerite-Bourgeoys. Donc, Mme la députée, il vous reste
8 min 20 s à votre intervention.
Mme David : Merci
beaucoup. Chef Martin, chef Picard, merci beaucoup d'être ici pour avoir ce
très, très important échange sur la question des Premières Nations et
particulièrement dans le secteur de l'éducation. Et vous le prenez sous
l'angle, comme vous le dites, M. Picard, sous l'angle, en ce moment, de
l'éducation, mais ça pourrait être beaucoup plus large que ça. Mais, à travers
l'angle du projet de loi n° 96, bien, ça fait <parler de...
Mme David :
Et vous
le prenez sous l'angle, comme vous le dites, M. Picard, sous l'angle, en
ce moment, de l'éducation, mais ça pourrait être beaucoup plus large que ça.
Mais, à travers l'angle du projet de loi n° 96, bien, ça fait >parler
de minorités linguistiques. Le Québec a une minorité... est une minorité
linguistique francophone, on le dit souvent, dans la mer anglophone
nord-américaine, mais vous vous réclamez de la même minorité linguistique et de
la protection de vos nombreuses langues des Premières Nations. Il n'y en a pas
qu'une, il y en a plusieurs.
Et je salue donc la commission ici, je
salue les traducteurs de nous permettre d'avoir, justement, cet accès et vous
donner accès dans les langues dans lesquelles vous voulez et vous devez vous
exprimer pour réclamer, dans le fond, un immense chantier, c'est ce que j'entends
aujourd'hui, non seulement sur le projet de loi n° 96, mais sur l'éducation.
Pour avoir été à l'enseignement supérieur,
pour avoir visité... avoir assisté à des graduations à Kiuna, au centre d'études
collégiales, qui est une merveille... mais il devrait y avoir des Kiuna,
plusieurs, plusieurs à travers le Québec. Mais vous nous dites aussi :
Mais depuis 40 ans... la loi 101 ne s'appliquait pas plus il y a
40 ans que maintenant, mais maintenant il faut en parler.
Je voudrais vous entendre encore plus,
parce que, oui, j'ai lu le mémoire, et chef Martin a raison de dire qu'il y a
beaucoup, beaucoup de recommandations. C'est un chantier sur le régime, par
exemple, d'études collégiales. Il faudrait changer des choses. C'est à la ministre
de l'Enseignement supérieur que vous devriez parler, et entreprendre ce
chantier, ça inclut évidemment par le biais de la langue, mais je sais que le
ministre... le futur ministre de la Langue française, de son ministère, aura un
mot important à dire, mais la ministre aussi de l'Enseignement supérieur, le ministre
de l'Éducation aussi, probablement.
Alors, qu'est-ce que vous nous conseillez
à partir de maintenant, si on veut écouter vos recommandations?
La Présidente (Mme Thériault) :
Chef Picard, il vous reste 5 min 30 s, à peu près, à l'échange.
M. Picard
(Ghislain) : ...oui, merci beaucoup pour la question. Je laisserais le
soin au chef Martin de compléter, s'il le souhaite.
En fait, quand je dis que c'est très, très
fondamental... vous me parlez d'éducation, mais c'est beaucoup plus large que
ça. Et c'est pour ça que j'ai pris soin de terminer mon commentaire, un peu
plus tôt, avec la nécessité qu'il y ait un forum approprié. Sinon, on est
condamnés, nous, de notre côté, à faire des apparitions ponctuelles, comme on
le fait aujourd'hui, pour traiter d'un dossier extrêmement urgent. Et je
comprends ici que c'est en dehors de votre confort habituel, hein, parce que
vous êtes une commission parlementaire qui traite d'un dossier en particulier,
dans ce cas-ci, le projet de loi n° 96. Mais, en même temps, est-ce qu'on
a la capacité, est-ce que vous avez la capacité de créer cet espace-là qui nous
permettrait... qui permettrait à <chaque...
M. Picard
(Ghislain) :
... extrêmement urgent. Et je comprends ici que
c'est en dehors de votre confort habituel, hein, parce que vous êtes une
commission parlementaire qui traite d'un dossier en particulier, dans ce
cas-ci, le projet de loi n° 96. Mais, en même temps, est-ce qu'on a la
capacité, est-ce que vous avez la capacité de créer cet espace-là qui nous
permettrait... qui permettrait à >chaque nation de vraiment se prononcer
sur l'éducation, sur le projet de loi n° 96 et sur une foule d'autres
sujets qui minent actuellement la relation qu'on souhaite harmonieuse de part
et d'autre?
Et c'est pour ça que nous avons transmis
une lettre au premier ministre l'invitant à créer cette commission spéciale,
une commission parlementaire spéciale qui a d'ailleurs vu le jour en 1983
sous M. le premier ministre de l'époque, feu René Lévesque, et qui a donné
lieu à la reconnaissance que le ministre citait un peu plus tôt, d'un certain
nombre de droits incluant le droit à nos langues. Donc, ça, c'est... on recule
50 ans en arrière. Y a-t-il moyen d'actualiser tout ça? Et pour moi, bien,
le Québec en sortirait grandi de pouvoir finalement passer une commande précise
pour mettre à jour une relation, là, qui mérite d'être mise à jour.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous voulez ajouter? Oui, allez-y.
M. Martin
(John) : Yes. I'm just listening to Chief Picard,
and he had a question about the capacity. I don't believe it's about capacity,
I think it's about the Government's desire and the will. I think you have the
capacity to be able to do it, there is no question about it. It's about the
desire and the will to work with First Nations towards a solution, here, you
know, and mutual respect, you know. I think that's something that needs to be
remembered and I think that what the Regional Chief is proposing is certainly
an honourable proposal and it should be followed through on.
But I think it's not a
question of capacity, again, I just wanted to make that point, it's about the
will and the desire to work with First Nations, to build the future and work
together.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Il vous reste deux minutes.
• (18 heures) •
Mme David : Quand, M. le
chef Picard, vous parlez justement du fait que c'est beaucoup plus large que la
question de l'éducation... mais vous dites quand même dans vos recommandations,
la recommandation n° 3, qu'étant donné les modifications ou certaines
dispositions constitutionnelles, vous auriez aimé évidemment faire un dialogue
de gouvernement à gouvernement. Et vous vous inquiétez, peut-être, de certaines
parties du projet de loi n° 96 concernant des modifications
constitutionnelles. Ça, c'est intimement lié au projet de loi n° 96, donc
ça ne peut pas attendre un dialogue plus large sur l'ensemble des enjeux.
Alors, qu'est-ce que vous proposez pour
cette partie-là, qui <traite de modifications...
>
18 h (version révisée)
<15379
Mme
David : ...du
projet de loi n° 96 concernant des
modifications constitutionnelles. Ça, c'est intimement lié au projet de loi
n° 96, donc ça ne peut pas attendre un dialogue plus large sur l'ensemble
des enjeux. Alors, qu'est-ce que vous proposez pour cette partie-là, qui >traite
de modifications constitutionnelles?
M. Picard
(Ghislain) : Bien, écoutez, on a déjà fait appel au gouvernement là-dessus.
Je crois que, sans égard aux positions qui vous ont été transmises jusqu'à
maintenant, qui vous ont été partagées et celles qui viendront pour la suite,
parce qu'on est conscients que c'est un dossier qui interpelle beaucoup de
monde, hein, au-delà des Premières Nations, mais on insiste toujours sur le
fait qu'on n'est pas un groupe de pression, ici. On représente des nations, des
gouvernements avec un statut qu'ils considèrent comme étant aussi valable que
le vôtre, finalement. Et ce qu'on souhaite, c'est que... d'abord, qu'ils puissent...
Il aurait pu y avoir une consultation en amont, hein, pour essayer de vérifier
ou de valider certaines positions que le gouvernement croit savoir sur le
positionnement des différentes communautés.
L'exemple que je me permets d'ajouter à
mon commentaire, c'est sur la question de l'ordre des professions, par exemple,
et il y a une limite importante par rapport à cette capacité-là au sein même de
nos nations, et il y a une crainte que finalement le projet de loi, dans sa
finalité, puisse peut-être ajouter des barrières à certaines personnes qui sont
issues de différentes nations qui utilisent l'anglais comme seconde langue ou,
des fois, comme première langue et qui pourraient voir peut-être s'ériger des
barrières leur empêchant de... peut-être de pratiquer au-delà de leur
communauté. Donc, ça, c'est un aspect important qui mérite très certainement d'écoute...
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci.
M. Picard (Ghislain) :...et c'est pour ça que je dis qu'il y a une réalité qui est la
nôtre, qui n'est pas celle des autres groupes et qui mérite très certainement
un espace approprié, une écoute appropriée.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. Merci, M. Picard. Je dois maintenant aller du côté de la députée de Mercier,
2 min 50 s.
Mme Ghazal : Merci. Merci
beaucoup pour votre présence, chef Martin, chef Picard, et vous pouvez être
sûrs qu'on va considérer le mémoire que vous avez déposé.
J'aimerais savoir... Vous avez parlé, monsieur...
chef Picard, de la création d'une commission spéciale parlementaire pour les
autochtones, et vous avez même... vous en avez parlé depuis le mois de juin, où
vous invitiez tous les élus à y répondre, et je voulais savoir : Est-ce
que vous avez eu une réponse de la part du gouvernement?
M. Picard (Ghislain) :
Bien, à l'exception d'un commentaire au niveau ministériel, la lettre qui a été
transmise à la fin de l'été au premier ministre est toujours sans réponse, et
pour nous, là, c'est important. Encore une fois, je me permets d'insister. Bon,
on a un gouvernement qui <parle...
M. Picard (Ghislain) :
...à l'exception d'un commentaire au niveau ministériel, la lettre qui a
été transmise à la fin de l'été au premier ministre est
toujours sans
réponse, et pour nous, là, c'est important. Encore une fois, je me permets
d'insister. Bon, on a un
gouvernement qui >parle... On a une
table politique, hein, et je pense que je ne vous apprends rien, à...
Mme Ghazal : Oui, puis je peux
vous dire qu'on appuie...
M. Picard
(Ghislain) : ...à tout le monde, là, il y a une table politique qui
est en marche. Mais, au-delà de ça, le gouvernement parle aussi d'ententes plus
particulières avec chaque nation, et, pour moi, ça prend un espace pour pouvoir
en parler, parce que la nation attikamek a peut-être des priorités que la
nation algonquine n'a pas. Et pour moi, là, c'est vraiment pour mettre en
évidence un peu, je dirais, les lacunes dans ce que tout le monde souhaite, là,
une relation positive, et harmonieuse, et productive avec chaque nation. Donc,
on est toujours sans réponse à votre question.
Mme Ghazal : Tout à fait, et
j'espère que tous les élus vont appuyer... Bof! il y a comme un délai. J'espère
que tous les élus aussi vont appuyer cette demande. Et, vu qu'on parle de
langues autochtones, comment est-ce que cette commission spéciale parlementaire
autochtone pourrait aider à protéger et à reconnaître les langues autochtones?
La Présidente (Mme Thériault) :
Là, je vais vous demander un tour de force, M. Picard.
M. Picard
(Ghislain) : Là, écoutez, il y a... les défis sont divers. Il y a une
grande diversité dans nos communautés, des langues qui sont en situation très
précaire plus que d'autres, et, pour moi, il y a cette diversité-là qui mérite
d'être bien comprise, d'être mieux connue. Et il en revient aux différents
dirigeants des communautés, là, de proposer des solutions en ce sens, et pour
moi, là, les questions qui sont liées au projet de loi n° 96 pourraient
très bien être un sujet qui mériterait cet espace-là.
Mme Ghazal : Très bien. Merci
beaucoup. Merci.
Mme Thériault
: Merci.
Donc, on va aller du côté du député de Matane-Matapédia. M. le député.
M. Bérubé : Merci, chef
Picard, chef Martin. Alors, chef Martin, je suis le député de Matane-Matapédia,
deux noms micmacs, «Matane» qui veut dire «vivier de castors», et «Matapédia», «jonction
de deux rivières», et ma circonscription est juste en face, de l'autre côté du
fleuve, là, celle de Pessamit. Alors, je me sens en territoire connu.
Écoutez, j'ai écouté avec attention
surtout le chef Martin, sur le cursus scolaire, et ce que j'ai besoin de
comprendre... Bien sûr, on a lu le mémoire, et puis on va continuer de lire,
puis, si vous le permettez, on va rester en contact. Mais quelles libertés
manque-t-il à votre nation dans le domaine scolaire? Par exemple, au primaire
et au secondaire, ça se passe en langue micmaque. Mais qu'est-ce qui manque qui
vous permettrait d'atteindre les objectifs de réussite scolaire, de réussite
sociale, de mobilité sociale?
Très concrètement, qu'est-ce qu'on
pourrait faire pour améliorer ça? Parce que, pour moi, ce que vous proposez, ce
n'est pas une menace au français, même que notre statut de minoritaires, vous
l'avez dit, en Amérique du Nord devrait nous inciter davantage à échanger
ensemble sur ce statut-là et à devenir des alliés. Alors, si vous aviez une
mesure en particulier à exposer, ce serait laquelle?
Mme Thériault
: Et je
voudrais vous demander, peu importe qui répond, que ce soit le chef Martin ou
le chef Picard, de le faire en 1 min 30 s <avant...
M. Bérubé : ...même que
notre statut de minoritaires, vous l'avez dit, en
Amérique du Nord
devrait nous inciter davantage à échanger ensemble sur ce statut-là et à
devenir des alliés. Alors, si vous aviez une mesure en
particulier à
exposer, ça serait laquelle?
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je voudrais vous demander, peu importe qui répond, que ce soit le chef
Martin ou le chef Picard, de le faire en 1 min 30 s >avant
de suspendre les travaux. Chef Martin.
M. Martin (John) :Thank you for the question. As I pointed out in my
presentation, we do have a significant number of students across Québec that attend the provincial school
system. In our communities, we control the issue of
education, but the issue that we're dealing with, with the French language law,
the charter and the current bill that's being looked at, C-96, has to do with the
completion and success.
When our students,
especially, I think, from the English-speaking communities hit high school, at
the upper levels of high school, they begin to encounter the problem of being
able to succeed in French. So, quite often, what happens is that... the high
school level is that they do not get the credits that they require to be able
to get their high school leaving and do not... therefore, cannot get their high
school certificate from graduation to be able to proceed on to institutions of
higher learning in Québec. So, quite often, what they do is quit.
I think the solution has
been proposed here, in the document. Again, I show you this document here. There
is a lot of answers in here responding specifically to your question, because
of what can be done.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Merci, chef Martin, merci, chef Picard, merci, M. Gros-Louis, pour
votre passage en commission parlementaire.
Nous allons donc suspendre nos travaux,
permettre au prochain intervenant de pouvoir prendre place. Merci d'être venus
parler avec nous. Nous suspendons les travaux. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 08)
>
(Reprise à 18 h 16)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, nous reprenons les travaux de la commission et, comme dernier intervenant
de cette journée fort chargée, nous recevons M. Charles Castonguay, qui
est auteur et mathématicien. M. Castonguay, vous avez la parole pour une
dizaine de minutes. Par la suite, il y aura des échanges avec les
parlementaires, en débutant par le ministre. La parole est à vous. Bienvenue au
Parlement.
M. Charles Castonguay
M. Castonguay (Charles) : Merci,
Mme la Présidente. Je vous remercie de votre invitation à exprimer mon avis sur
le projet de loi n° 96. Je tâcherai d'y répondre avec le souci de rigueur
que l'on attend d'un mathématicien. Depuis bientôt 50 ans, je suis de près
l'évolution de la situation linguistique au Québec. J'ai résumé mes observations
à ce sujet dans mon livre Le français en chute libre, qui est paru
l'hiver dernier.
Depuis le début des années 2000, la
chute spectaculaire du poids de la population de langue française au Québec
s'accompagne d'une stabilisation inédite et même d'une progression tranquille
du poids de celle de langue anglaise. Le rapport de force entre le français et
l'anglais ne cesse, par conséquent, de se détériorer. Autrement dit,
l'anglicisation du Québec est en marche.
Tout comme la loi 101, le projet de
loi n° 96 vise à faire du français la langue commune
au Québec. Cependant, au contraire de la loi 101 dans sa version
d'origine, le <projet de loi n° 96
n'est...
M. Castonguay (Charles) :
Tout comme la loi 101, le
projet de loi
n° 96
vise à faire du
français la langue commune au
Québec. Cependant,
au contraire de la loi 101 dans sa version d'origine, le >projet de
loi n° 96 n'est pas susceptible d'atteindre cet
objectif. La loi 101 comptait de nombreuses mesures contraignantes qui,
prises ensemble, promettaient de faire vraiment du français la langue commune.
Elle imposait l'école française pour les enfants des futurs immigrants, l'école
française pour les enfants des futurs migrants en provenance de l'Ontario et
d'ailleurs au Canada, l'école française pour les enfants des francophones de
souche, l'affichage commercial en français seulement, et j'en passe. Par
comparaison, l'économie générale du projet de loi n° 96
tombe à plat. Le rôle exemplaire qu'il assigne à l'administration ne s'appuie
sur aucune combinaison de mesures contraignantes qui imposerait l'usage du
français comme langue commune dans la vie de tous les jours. Les simples
soldats de l'État se retrouveront fin seuls en première ligne à gérer la langue
de communication avec leurs clients. Libre à peser de tout son poids, l'inertie
de l'anglais en tant que langue commune du Canada, sinon du monde entier, fera
le reste.
Que le projet de loi n° 96
n'ait pas les moyens de ses ambitions ressort clairement de la persistance
coriace de la supériorité de l'anglais comme langue d'assimilation.
• (18 h 20) •
En déposant le projet de loi actuel, son
auteur a fixé 90 % comme cible pour la part du français dans
l'assimilation des allophones. C'est parfaitement bien visé. C'est la part de
l'assimilation des allophones qui doit revenir au français, si l'on veut
stabiliser le rapport de force entre le français et l'anglais au Québec.
Toutefois, il est tout aussi impératif de mettre fin, en même temps, à
l'anglicisation des francophones eux-mêmes, actuellement en plein essor sur
l'île de Montréal. Le projet de loi n° 96 ne
permettra d'atteindre ni l'une ni l'autre de ces cibles.
Avant la loi 101, la part du français
dans l'assimilation des allophones n'était ni de 0 %, ni de 10 %, ni
de 20 %, comme l'ont avancé divers intervenants. Elle était, selon le
recensement de 1971, de 27 %, assez appréciable. En 2016, elle s'élevait à
55 %. Cela représente au total une hausse de 28 points de
pourcentage. Dans mon livre, j'ai <démontré qu'au moins 18 de...
M. Castonguay (Charles) :
...1971, de 27 %, assez appréciable. En 2016, elle s'élevait à 55 %.
Cela représente au total une hausse de 28 points de
pourcentage.
Dans mon livre, j'ai >démontré qu'au moins 18 de ces points s'expliquent
par des modifications apportées au questionnaire du recensement d'abord en 1991, oui, et
encore en 2001, et par l'arrivée successive de cohortes d'immigrants allophones
qui étaient en majorité francotropes et qui d'ailleurs avaient souvent adopté
le français comme langue d'usage avant même d'immigrer au Québec. La loi 101,
en propre, n'aurait donc fait progresser la part du français dans
l'assimilation des allophones que de 10 points tout au plus. Par
comparaison, il est évident que le projet de loi n° 96
n'offre rien de comparable aux dispositions scolaires de la loi 101 et qui
permettrait de combler les 35 points qui manquent pour atteindre le
90 %.
Quant à l'anglicisation des francophones,
sa dernière hausse, entre 2011 et 2016, a annulé à peu près totalement le
progrès, durant la même période, du français comme langue d'assimilation des
allophones. Autrement dit, l'anglicisation des francophones compromet maintenant
le rattrapage qu'opérait, depuis 1971, le français sur l'anglais sur le plan du
gain global que tirent chacune des deux langues du phénomène d'assimilation. C'est
ainsi que le Québec a dépassé maintenant le point de bascule. En 2016, le taux
d'anglicisation des jeunes adultes francophones sur l'île de Montréal avait
atteint 6 %. Le même taux était autour de 20 % dans chacune des
municipalités à majorité anglophone de l'île de même que dans chacune des
municipalités à majorité anglophone de l'Outaouais. Il n'y a rien, dans le
projet de loi n° 96, qui serait susceptible de mettre
fin à cette anglicisation des francophones.
J'aimerais avancer quelques mesures à
envisager éventuellement. J'ai démontré au cours de mes recherches que les
dispositions scolaires de la loi 101 sont les seules à avoir fait progresser de
façon significative le français comme langue d'assimilation des allophones. Au
vu de ce mince progrès d'au plus 10 points de pourcentage et des 35 points
qu'il reste à combler et au vu de l'assimilation croissante des francophones à
l'anglais, étendre la loi 101 aux études collégiales est incontournable. C'est
aussi insuffisant pour renverser l'anglicisation du Québec qui est en marche
depuis le début des années 2000.
Autrement dit, pour <donner...
M. Castonguay (Charles) :
...des
francophones à l'anglais, étendre la loi 101 aux études
collégiales est incontournable. C'est aussi insuffisant pour renverser
l'anglicisation du Québec qui est en marche depuis le début des
années 2000.
Autrement dit, pour >donner
au français un élan décisif dans l'assimilation des allophones et pour mettre
fin réellement à l'anglicisation des francophones à Montréal et dans l'Outaouais,
le principe de précaution commande également d'étendre la loi 101 au
baccalauréat. La recherche à cet égard est concluante, la langue des études
pertinentes à l'exercice d'un métier ou d'une profession a un lien indéniable
avec la langue utilisée par la suite sur le marché du travail. Celle-ci, à son
tour, a un lien indéniable avec la langue d'usage à la maison, et le nombre
total d'années d'études en français est en corrélation positive avec son emploi
subséquent, tant comme langue de travail que comme langue d'usage au foyer.
Concrétiser le statut du français comme
langue commune en réinstaurant le français comme unique langue d'affichage
paraît également indispensable. Rien dans le projet de loi n° 96 n'oblige
des nouveaux arrivants adultes qui ignorent le français à leur arrivée à
l'apprendre et à l'utiliser dans leur vie quotidienne. Au contraire, l'affichage
instauré à l'origine par la loi 101 faisait de l'apprentissage et de
l'utilisation du français une obligation pratique de tous les jours. De façon
plus puissante et immédiate que toute autre mesure, il faisait une promotion de
tous les instants de l'usage du français comme langue commune des Québécois, y
compris entre francophones et anglophones de souche.
Je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup, M. Castonguay. Donc, sans plus tarder, nous allons aller
du côté du ministre. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Castonguay. Merci d'être présent aux
travaux de la commission.
Vous êtes quelqu'un qui a participé au
débat linguistique depuis plusieurs années. Je pense même que vous avez déjà
contribué en 1974, lors du... en fait...
M. Castonguay (Charles) :
...22.
M. Jolin-Barrette : 22,
qui a fait de la loi... de la langue française la langue officielle du Québec.
Donc, on va donner ça à mes amis d'en face.
M. Castonguay (Charles) : Sur
papier.
M. Jolin-Barrette : Sur
papier. Vous avez bien raison de me reprendre. Vous avez bien raison de me
reprendre.
Vous avez travaillé notamment sur, bon,
les indicateurs linguistiques, les tendances, et, au niveau, là, du transfert
linguistique, je crois que c'est vous qui avez développé cet indicateur-là pour
faire en sorte qu'on assure la vitalité du français, là. On dit qu'il faudrait <tendre
vers...
M. Jolin-Barrette :
...sur, bon, les indicateurs linguistiques, les tendances, et,
au niveau,
là, du transfert linguistique,
je crois que c'est vous qui avez
développé cet indicateur-là pour faire en sorte
qu'on assure la vitalité
du
français, là. On dit
qu'il faudrait >tendre vers
90 % de taux de transfert linguistique. C'est exact?
M. Castonguay (Charles) :
Oui. Ça ne vient pas de moi, ça vient plutôt de Jacques Henripin, dans un livre
publié en 1974, L'immigration et le déséquilibre linguistique, publié
par le ministère de Commerce, etc., du Canada à l'époque.
Et, pour ce qui est de l'intérêt pour
l'assimilation linguistique, je vous signale que «transfert linguistique» est
un anglicisme. Il faudrait parler de «substitution linguistique», en bon français.
Un transfert, c'est un «shift», c'est quelque chose qui se déplace. La langue
ne se déplace pas. L'anglais est très ambigu, ce qui le rend très intéressant
comme langue, mais le français est bien précis, comme vous le savez comme
juriste.
C'est plutôt la commission BB qui est à
l'origine de l'intérêt pour la langue parlée à la maison comme langue principale
au moment du recensement, et c'est par la suite que Statistique Canada a
proposé... a posé la question sur la langue d'usage à la maison pour la
première fois en 1971. Et après, il suffisait de... Je ne suis pas le premier à
faire l'analyse de ça, le premier était Richard J. Joy.
M. Jolin-Barrette : Mais,
pour atteindre cette substitution linguistique, je dois comprendre de vos
propos que le projet de loi n° 96 ne nous permet pas d'aller atteindre,
selon votre opinion, cette substitution linguistique.
Qu'est-ce que ça prendrait? Vous avez
parlé tout à l'heure d'imposer la loi 101 jusqu'au baccalauréat. Des
intervenants avant vous sont venus nous dire : jusqu'au cégep. Vous, vous
allez plus loin, vous dites : jusqu'au baccalauréat. Est-ce que cette
mesure-là serait suffisante ou qu'est-ce qu'il faudrait rajouter pour atteindre
cet objectif-là?
M. Castonguay (Charles) : Non,
il faudrait un faisceau de mesures contraignantes, comme ça existait dans la
version d'origine de la loi 101, qui ensemble interagiraient de manière à
orienter le Québec vers le français, langue commune. L'objectif du français,
langue commune, qui a été proposé par la commission Gendron d'ailleurs en 1972,
c'est incontournable, c'est ce qu'il faut faire. Il faut faire en sorte que
pendant... comme c'était le cas pendant deux ou trois ans après l'adoption de
la loi 101.
• (18 h 30) •
Spontanément, en se rencontrant, on
s'adressait la parole en français, y compris entre anglophones. J'ai été
témoin, moi... Bien, je suis un anglophone moi-même de souche, d'Ontario, et
j'ai des amis anglophones du Québec, et on s'en parlait, on était des
chercheurs et on se disait : Regardez-moi ça, c'est devenu ce qu'on
appelle en anglais le <«default language of communication»...
>
18 h 30 (version révisée)
< M. Castonguay (Charles) :
...été témoin, moi. Bien, je suis un
anglophone
moi-même, de
souche, d'
Ontario, et j'ai des amis
anglophones du
Québec,
et on s'en parlait... On était des chercheurs et on se disait :
Regardez-moi ça, c'est devenu ce qu'on appelle en anglais le >«default
language of communication». C'est la langue auquel on a recours quand les deux
personnes en question, ou les trois, ou quatre, ils ne parlent pas... ils n'ont
pas tous la même langue maternelle. Ça, c'est vraiment la clé, faire en sorte
que ça vienne comme ça, spontanément. Et c'était en marche pendant cette brève
période de temps, que j'appelle l'embellie, et qui a pris fin avec le référendum
de 1980 et le coup de force constitutionnel de 1982.
Alors, je crois que les objectifs sont
bien judicieux, le 90 %. J'ajouterais le 0 % d'anglicisation nette
des francophones, parce qu'il faut quand même qu'il y en ait un peu,
d'anglicisation des francophones, mais il faut qu'il y ait aussi de la
francisation des anglophones, de manière à ce que ça s'annule, que ça se
neutralise. Il ne faut pas que ce soit comme maintenant, à Montréal et dans
l'Outaouais, c'est-à-dire un plus grand nombre de francophones optent pour
l'adoption de l'anglais comme langue d'usage à la maison, que d'anglophones qui
suivent le chemin inverse. C'est normal, hein, qu'il y ait du ping-pong comme
ça.
C'est fascinant, d'ailleurs, de faire la
recherche là-dessus. On constate que les anglophones, au Québec, qui se
francisent, la moitié ont le français comme origine ethnique. Alors, vous me
regardez et vous pensez que je suis un francophone. Jamais de la vie. Je n'ai
jamais parlé le français à la maison jusqu'à l'âge de 24 ans, consécutivement
à un coup de foudre. Cherchez la femme, comme on dit dans ma langue maternelle.
Mais, voilà, je pense que les objectifs sont clairs, ils ont été articulés par
Henripin, qui était le doyen de la démographie québécoise, il y a très
longtemps. Et j'ai suivi le mouvement de l'assimilation linguistique au Québec,
à l'extérieur du Québec, en Ontario, dans ma région natale, Ottawa, en Acadie,
et, une fois que s'est mise en branle l'anglicisation des francophones, on n'a
réussi nulle part, au Canada, de renverser la tendance.
À Ottawa, quand j'étais... Bien, quand j'étais
petit, il n'y avait pas de données, mais quand j'avais 31 ans, le taux
d'anglicisation net de la population de langue maternelle française était de
17 %, malgré la Loi sur les langues officielles du Canada, et tout ce que
ça a pu apporter, comme possibilités, pour employer le français comme langue de
travail à la fonction publique canadienne, et tout ça. C'était beau sur papier,
ça demeure beau sur papier. Mme Joly nous promet qu'on va réellement créer
l'égalité des deux langues officielles du Canada. Oui, Mme Joly, mais ça
fait un demi-siècle depuis ça, depuis que vous avez adopté la loi de 1969, et
vous n'avez pas réussi <encore...
M. Castonguay (Charles) :
...
et tout ça. C'était beau sur papier, ça demeure beau sur papier.
Mme Joly nous promet qu'on va réellement créer l'égalité des deux langues
officielles du Canada. Oui, Mme Joly, mais ça fait un demi-siècle depuis
ça, depuis que vous avez adopté la loi de 1969, et vous n'avez pas réussi >encore.
Et avec vos... Pensez-vous qu'avec vos petites modifications...
Là, je ne suis pas devant cette
commission-là, là, j'espère être invité. Mais il n'y a rien... il n'y a rien, ça
ne change pas le... le fusil ne change pas d'épaule. Ils essaient encore la
même recette, et ça ne marche pas, la preuve est faite. C'est 34 % aujourd'hui,
c'est-à-dire en 2016, le taux d'anglicisation des francophones net, dans la
ville d'Ottawa, et 40 % chez les jeunes adultes, et c'est là où on voit
l'avenir. Quand le mouvement est là, en hausse, chez les jeunes adultes, comme
c'est le cas, à l'heure actuelle, sur l'île de Montréal, vous pouvez mettre
votre main au feu qu'au recensement de 2021, dont on connaîtra les résultats
l'été prochain, eh bien, ça va continuer à monter. C'est comme ça.
Alors, il y a une dynamique. C'est vrai
que j'ai été le pionnier — excusez-moi si je parle beaucoup — de
cette façon d'envisager l'assimilation par groupes d'âge et de reconnaître que
c'est parmi les jeunes qui annonce qu'est-ce que ça va être quand ils vont
avoir l'âge d'élever des enfants. S'ils ont passé à l'anglais, langue d'usage à
la maison, ils vont transmettre l'anglais comme langue maternelle à leurs
enfants. Et ce sont les locuteurs natifs d'une langue, de par le monde, qui
assurent la pérennité de cette langue. Ce n'est pas ceux qui s'en servent comme
langue seconde, ce sont les locuteurs natifs. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est
Nicholas Ostler, dans ses publications, un historien des langues. Il a étudié
le perse, il a étudié l'araméen, le copte, plein de grandes langues, le latin
et le... Et même, les langues, hein, elles ont des... il y a un mouvement
ascendant, puis ensuite, ça décline puis... C'est vrai. C'est comme la nature,
c'est en mouvement continuel.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
vous poser une question avant de céder la parole à mes collègues. Il y a
plusieurs mesures, dans le projet de loi n° 96, là, bon, langue de
travail, langue normale des études, langue commune. Notamment, on fait le
constat qu'à Montréal il y a plusieurs enjeux.
Pouvez-vous nous parler du constat de
Montréal? Et je reviens à ma première question. Vous m'avez dit : C'était
une série de mesures, la loi 101, à l'époque. Là, on met une série de
mesures, mais je crois comprendre que vous trouvez que ce n'est pas suffisant
pour inverser la tendance. Alors, quelles sont les mesures... et quelle est la
situation à Montréal? Est-ce qu'on est à un point de rupture? Est-ce que c'est
dramatique?
M. Castonguay (Charles) :
Oui, c'est dramatique. Je pense qu'on a perdu le contrôle, si on ne l'a jamais
eu.
Pour ce qui <est...
M. Jolin-Barrette :
...quelles
sont les mesures... et quelle est la situation à Montréal? Est-ce qu'on est à un
point de rupture? Est-ce que c'est dramatique?
M. Castonguay (Charles) :
Oui, c'est dramatique. Je pense qu'on a perdu le contrôle, si on ne l'a jamais
eu.
Pour ce qui >est des mesures
visant la langue de travail, c'est bien beau d'abaisser le nombre d'employés,
dans une entreprise, qu'on vise avec nos mesures de francisation de langue de
travail, mais les entreprises de 100 employés et plus étaient visées vraiment
de manière centrale, principale, par la loi 101. Les mesures étaient là. Je
présume que les mesures étaient appliquées, il y avait des syndicats qui
étaient impliqués là-dedans, ils étaient... il y avait de l'action. Ça voulait
changer les choses.
Début des années 2000, l'OQLF a publié une
étude, par Virginie Moffet et deux autres chercheurs, intitulée La langue de
travail dans les grandes entreprises à Montréal. Ils ont constaté que la
langue commune de communication entre les employés de langue maternelle
française et de langue maternelle anglaise... Non, ce n'était pas seulement à
Montréal, c'était dans l'ensemble du Québec. Alors, pour l'ensemble du Québec,
les résultats étaient les suivants. La langue commune employée entre deux
personnes de langues différentes, anglaise et française, était... 40 % du
temps, le répondant disait... bien, il utilisait le plus souvent le français,
40 % du temps, le répondant disait qu'il utilisait le plus souvent
l'anglais dans ses communications avec ses supérieurs, ses subalternes, ses
pairs de langue anglaise, et l'autre 20 %, c'étaient les deux, à parts égales.
Ça, c'était dans l'ensemble du Québec. Ça, ça veut dire qu'à Montréal c'était
probablement quelque chose comme 30 % français, 50 % anglais puis
20 % bilingue, ou quelque chose de cet ordre-là.
Alors, même la loi 101, avec les mesures
que vous allez probablement vouloir répercuter pour les entreprises de 25 employés
et plus, ou peut-être que vous allez modifier le seuil... mais sachez que déjà,
au début des années 2000, donc 25 ans ou plus après l'adoption de la loi
101, ce n'était pas fait encore. La langue commune de travail n'était pas
devenue le français dans les grandes entreprises visées, en tout premier lieu,
par la loi 101.
Alors, je ne peux pas qu'être sceptique
devant des propositions de faire du français la langue de travail tout en permettant
le libre choix de la langue d'enseignement au collège et à l'université. Ça ne
va pas de soi. Ça ne va pas de soi. Je l'ai dit d'ailleurs à Mme David quand
elle était à la direction de Québec solidaire, je lui ai supplié de rester en <contact...
M. Castonguay (Charles) :
...le libre choix de la langue
d'enseignement au collège et à
l'université.
Ça ne va pas de soi. Ça ne va pas de soi. Je l'ai dit
d'ailleurs
à Mme David quand elle était à la direction de
Québec solidaire, je lui
ai supplié de rester en >contact avec moi, parce que je faisais de la
recherche sur ces interactions-là. Jamais eu d'autres réponses.
Mais c'est impossible de franciser la
langue de travail si vous ne francisez pas la langue dans laquelle le jeune se
prépare à travailler. Et c'est au cégep et c'est à l'université que les
professionnels, ou les travailleurs, ou les... ils se font à l'anglais langue
d'usage, langue commune, pardon, ils se font à l'utilisation de l'anglais comme
langue commune quand ils fréquentent le cégep anglais, quand ils fréquentent
l'université anglaise. Tout leur vocabulaire est là, tous les réflexes sont là.
Les réseaux qui se sont faits pendant ces études-là vont leur profiter
énormément par après, dans leur vie active, et ça y est. Ce n'est pas vrai...
ce n'est pas vrai qu'on peut fréquenter le cégep anglais sans aucun... sans que
ça déteigne.
• (18 h 40) •
Vous savez, il y a eu une recherche par
Karine Vieux-Fort. Elle a eu un doctorat avec cette recherche à l'Université
Laval, ici, à Québec. Ça a fait les manchettes dans le journal La Presse.
Elle avait interrogé un échantillon de 47 étudiants... pardon, diplômés de
cégeps anglais, francophones, donc langue maternelle, diplômés de cégeps
anglais. Ça a fait les manchettes, et ça a été retentissant, et probablement
que l'idée court que, bon, fréquenter le cégep anglais, fréquenter l'université
anglaise, ça... Non. J'ai regardé sa thèse de doctorat, 500 pages, j'ai
regardé surtout la partie méthodologie. Parmi les 47 étudiants,
20 étudiaient ici, à Québec, au collège Champlain. Les 27 autres
étudiaient ailleurs au Québec. Mais ce n'est déjà pas un... c'est un drôle
d'échantillon, et, en fait, son échantillon a été élaboré par la méthode qu'on
appelle, dans ma langue maternelle, de «snowball». On connaît quelqu'un qui
connaît quelqu'un qui est allé au cégep anglais, qui est un francophone, est-ce
que cette personne serait intéressée peut-être à participer à la recherche
comme sujet, là, pour interviewer. Ça passe... Elle a pris des mois pour
constituer son échantillon. Ça n'a rien à voir avec un échantillon aléatoire,
comme celui, par exemple, employé par Mme Moffet dans son étude sur la
langue de travail dans les grandes entreprises. Ça ne vaut rien sur le plan
scientifique, mais ça fait les manchettes.
Alors, je ne sais pas quoi vous dire de
plus. Il faut d'autres mesures contraignantes pour vous aider à réaliser cet
objectif de faire du français la langue commune de <travail. Et...
M. Castonguay (Charles) :
...
dans les grandes entreprises. Ça ne vaut rien sur le plan
scientifique, mais ça fait les manchettes.
Alors, je ne sais pas quoi vous dire de
plus. Il faut d'autres mesures contraignantes pour vous aider à réaliser cet
objectif de faire du français la langue commune de >travail. Et ce n'est
pas tout le monde, évidemment, qui vont au cégep, ce n'est pas tout le monde
qui vont à l'université. On a fait déjà le maximum, avec la loi 101, en ce
qui concerne... ou, en tout cas, on a fait le maximum que la Cour suprême nous
a permis de faire, avec les contraintes touchant la scolarité en français, la
scolarisation obligatoire en français. Bien, il y en a beaucoup, hein, qui ne
font pas leur cégep ou qui laissent tomber après un an ou deux, ils ne
complètent pas leurs diplômes. Il faut quelque chose aussi pour rassembler ces
gens-là autour de la même... pour faire société avec tout le monde, pas juste
ceux qui vont au cégep, ceux qui vont à l'université.
L'affichage en français, c'était quelque
chose, et, je vous jure, ça faisait en sorte que deux anglophones, c'était
comme des francophones hors Québec qui se rencontrent, d'accord? Ils se parlent
en anglais, puis ensuite, au détour d'un petit accent, on découvre que l'autre,
il est francophone. Alors là, ça se met... Ah! you're a friend, you're a frog,
aren't you? Puis l'autre dit oui. Puis comme Biz a dit dans un sketch, ça
continue à parler en anglais. Mais...
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Et je dois mettre fin à l'échange... on a dépassé le temps.
M. Castonguay (Charles) :
Je m'excuse.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il n'y a pas de problème.
M. Castonguay (Charles) :
Je n'ai pas souvent l'occasion de parler.
La Présidente (Mme Thériault) :
Bien, il n'y a pas de problème. C'est mon rôle d'être la gardienne du temps
ici. Donc, sans plus tarder, on va aller du côté de la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci
beaucoup. Bonjour, M. Castonguay.
M. Castonguay (Charles) :
...que je voulais dire.
Mme David : Oui, mais on
a beaucoup et on a eu souvent cette discussion-là sur les cégeps, ne vous
inquiétez pas. Je ne sais pas si c'est vous ou moi qui l'avons le mieux
influencé, vous lui demanderez.
Comme on n'avait pas de mémoire, je suis
allée dans vos articles récents. Vous publiez beaucoup dans L'Aut'Journal,
alors on voit, évidemment... et on sait quelles sont les orientations, et le
19 mai, vous avez un article, vous en avez un autre le 14 juin, où,
dans les deux cas, vous êtes assez direct, c'est le moins qu'on puisse dire,
dont, entre autres, pour parler de la thèse de Karine Vieux-Fort, dont
vous venez de parler, où vous dites carrément que cette thèse est sans intérêt.
Bon, après ça, vous parlez de quelqu'un qui n'est pas réputé très, très
fédéraliste, Jean-Benoît Nadeau, qui est un journaliste extrêmement rigoureux
du Devoir — en fait, je ne suis pas sûre que c'est votre
opinion, mais c'est la mienne — et qui... vous dites : «Chroniqueur
occasionnel au Devoir, Jean-Benoît Nadeau se moque aussi des déclinistes
sur le site de L'Actualité. Le 4 mars, il y travestit mon livre Le
français en chute libre en un unique constat simpliste, soit que le
français recule comme langue maternelle.» Bon, vous parlez donc de fabulation,
etc.
Et, au mois de juin, vous n'êtes pas
tellement plus, je dirais, de bonne humeur, là, vous commentez Francine
Pelletier, qui est une <journaliste...
Mme David : ...
en un
unique constat simpliste, soit que le français recule comme langue maternelle.»
Bon, vous parlez donc de fabulation, etc.
Et, au mois de juin, vous n'êtes pas
tellement plus, je dirais, de bonne humeur, là, vous commentez Francine
Pelletier, qui est une >journaliste aussi au Devoir, et vous
dites : «Dans LeDevoir du 19 mai, Francine
Pelletier s'est empressée, elle aussi, de dire n'importe quoi. Pour faire
ressortir la faible envergure du projet de loi n° 96, elle amplifie
grossièrement la réussite de la loi 101 auprès des allophones.» Bon.
Et, après ça, quatrième personne que, je
pense, vous aimez bien critiquer et qui est le spécialiste de la statistique
linguistique à Statistique Canada, Jean-Pierre Corbeil : «Jean-Pierre
Corbeil, de Statistique Canada, ajoute à la confusion. Il multiplie, dans les
mêmes pages, le 3 juin, toutes sortes de considérations douteuses dans le
but de détourner notre attention de l'assimilation au profit d'une vague
"orientation linguistique", faite d'un ramassis de comportements,
voire de simples aptitudes linguistiques au travail, à l'école et dans on ne
sait combien d'autres domaines d'activité publique. Or, l'adoption du français
ou de l'anglais comme langue usuelle au foyer constitue déjà l'indicateur
d'orientation linguistique par excellence — ça, je pense, c'est votre
mantra — il convient de ne pas s'en laisser distraire.»
Donc, voilà quatre personnes qui me
semblent, quand même, avoir un peu voix au chapitre, que vous ne trouvez pas du
tout pertinentes, mais ça traite toujours d'un sujet, je sais, qui vous tient
très à coeur, la langue parlée à la maison. Parce que vous dites : Ça,
c'est l'indicateur qui est l'indicateur, justement, d'orientation linguistique
par excellence, la langue usuelle au foyer. Je ne comprends toujours pas, moi,
l'importance de cet indicateur-là et pourquoi, tous les autres, vous dites que
c'est un simple ramassis de comportements. La langue de l'espace public est
quand même une langue importante, la langue du travail, c'est important. Alors,
expliquez-moi un petit peu ça, puis après, je passerai la parole à mon
collègue.
M. Castonguay (Charles) : ...vous
en avez posées plusieurs, et je n'ai malheureusement, pas pris des notes
j'étais trop estomaqué. Bon, M. Nadeau, si vous voulez parler de
M. Nadeau, bon, lui, il trouve qu'au Canada, à l'extérieur du Québec il y
a 2 700 000 francophones. Ils appellent ça des francophones, mais
ce sont des gens qui disent, au recensement, qu'ils sont capables de soutenir
une conversation en français.
Statistique Canada a fait un test, en 1988,
de cette fameuse question : Cette personne est-elle capable de soutenir
une question en français ou en anglais? C'est très mou comme question. Parmi
les Five Eyes, comme on les appelle, c'est-à-dire la Nouvelle-Zélande,
l'Australie, le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada, on a les pires
questions sur la connaissance des langues. En Australie, en Nouvelle-Zélande,
au Royaume-Uni, etc., ils cherchent à savoir : «bien», «un peu», «passionnément»,
«pas du tout», une gamme de compétences, comme ça, à certains niveaux.
Statistique Canada refuse obstinément de changer sa question depuis qu'on a
commencé à critiquer cette <question...
M. Castonguay (Charles) :
...des langues. En Australie, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni, etc., ils
cherchent à savoir : «bien», «un peu», «passionnément», «pas du tout», une
gamme de compétences, comme ça, à certains niveaux. Statistique Canada refuse
obstinément de changer sa question depuis qu'on a commencé à critiquer cette >question.
Excusez-moi, je vais citer le principal
responsable des données linguistiques à Statistique Canada, John Kralt, dans
le temps qu'on ne nommait pas continuellement des francophones de service à la
tête de cet organisme-là... de ce domaine-là. Je m'excuse, je ne mâche pas mes
mots. Je n'ai pas de temps à perdre. Et c'est pour ça que j'écris des
chroniques, parce qu'on a beau publier des livres, des articles scientifiques,
etc., dans les revues internationales, et tout ça, ça ne filtre pas, ça
arrive... on n'en parle pas. Les chroniques aussi, c'est souvent des choses...
des bouteilles à l'eau, des bouteilles à la mer. On fait ce qu'on peut.
Mais John Kralt a qualifié ces
statistiques-là, en 1977, dans un rapport, de «primitive, at best», au mieux,
primaires, ces informations sur la compétence linguistique. Quand j'étais à
l'OQLF, sur le premier Comité de suivi de la situation linguistique au Québec,
entre 2003 et 2008, j'ai demandé au directeur de la recherche de faire le
maximum pour qu'on fasse des pressions sur Statistique Canada d'améliorer sa
question sur la connaissance du français. Ce n'est pas un référendum, là. «Are
you a good Canadian? Can you speak French? Can you speak English?» C'est les
premières questions, maintenant, qu'on pose dans le volet Langues du
recensement, et c'est les questions les plus molles. Ce qui est important :
langue maternelle, langue principale parlée à la maison. Ça, c'est un
comportement dominant ou même exclusif. C'est bien loin d'autre chose.
• (18 h 50) •
Kralt avait raison de dire que c'était
«primitive, at best», parce qu'il y a eu assez de critiques, au sujet de cette
question-là, que Statistique Canada a essayé une autre question : Est-ce
que cette personne est capable... en 1988, a testé la question suivante :
Cette personne est-elle capable de soutenir une conversation assez longue sur
divers sujets en français et en anglais? Bien là, le nombre d'anglophones, à
l'extérieur du Québec, qui se sont dits compétents en français a diminué de
moitié. Alors, entre être capable de soutenir une conversation, «whatever that
means», et une conversation assez longue sur divers sujets, il y a un monde.
M. Nadeau, c'est un euphoriste ou, je
ne sais pas, un jovialiste. Je ne sais pas s'il veut m'appeler quelque chose
comme un décliniste. Moi, je le traiterais de ces épithètes-là. Et il fait
toujours, là : Ah! il va y avoir 750 000 francophones dans le
monde, selon l'Organisation internationale de la Francophonie. Mais cette
fameuse Organisation internationale de la Francophonie compte comme
francophones, cette organisation aussi, toutes les personnes qui disent qu'ils
sont capables de soutenir une conversation en français au Canada. C'est pire
encore aux États-Unis. M. Nadeau compte comme francophones, aux États-Unis,
tous ceux qui sont d'origine <française ou...
M. Castonguay (Charles) :
...
Organisation internationale de la Francophonie compte comme
francophones, cette organisation aussi, toutes les personnes qui disent qu'ils
sont capables de soutenir une conversation en français au Canada. C'est pire
encore aux États-Unis. M. Nadeau compte comme francophones, aux
États-Unis, tous ceux qui sont d'origine >française ou partiellement
d'origine française, aux recensements. Et là, moi, je suis d'origine française,
je ne parlais pas un mot de français à la maison et je l'ai appris à l'école.
Mais ce n'est pas la même chose. Mais là...
Mme David : Je voudrais
laisser du temps à mon collègue parce que...
M. Castonguay (Charles) :
Oui, mais j'ai plein d'autres choses à vous dire.
Mme David : Oui, mais c'est
parce que...
La Présidente (Mme Thériault) :
Bien, c'est ça, c'est parce que...
M. Castonguay (Charles) :
Vous aviez une question...
Mme David : Il faut que ce
soit un peu équitable.
M. Castonguay (Charles) : Ce
n'est pas moi, madame, qui mets l'accent sur la langue parlée le plus souvent à
la maison, c'est la Commission Laurendeau-Dunton. Je vous propose de relire ce
livre, surtout le premier, sur les langues officielles. Je l'ai lu plusieurs
fois.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. Castonguay...
M. Castonguay (Charles) :
Excusez-moi, madame.
La Présidente (Mme Thériault) :
...c'est important de favoriser le plus d'échanges.
M. Castonguay (Charles) :
Excusez-moi, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il n'y a pas de problème. Je veux simplement vous signifier qu'il reste
3 min 6 s à la question et la réponse pour terminer le bloc avec
l'opposition officielle. M. le député.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, M. Castonguay, pour votre exposé. Premièrement, je me
permets de vous rappeler que le doyen des démographes, Jacques Henripin, dans
ses dernières années, privilégiait des moyens très inclusifs pour promouvoir le
français. Ses pensées ont bien évolué. Je constate aussi... Je ne partage pas,
mais je comprends, à quelque part, votre pessimisme quand vous venez de dire
que même les gens qui maîtrisent le français langue seconde ne vont pas trop
aider à la pérennité de notre langue. Alors, ce serait intéressant de savoir
comment on va assurer un certain pourcentage de Québécois de langue maternelle
francophone en pérennité.
Mais ma question, ma question :
Est-ce que vous faites abstraction totale de la possibilité, de la réalité, de
ma connaissance, des nouveaux arrivants, j'ose dire, des Québécois d'expression
anglaise, de la réalité qu'ils sont tellement attirés à notre belle langue
commune qu'ils sont souvent très motivés de participer au rayonnement et le
renforcement de notre langue française? Est-ce que ça entre, premièrement, dans
votre perception des choses, et, si oui, dans vos calculs démographiques?
M. Castonguay (Charles) : Je
n'ai pas trop bien compris votre question, je regrette. Si vous préférez, on
peut se parler en anglais.
M. Birnbaum : Il ne me reste
pas grand temps. Je vous invite à l'interpréter comme vous voulez. Il me semble
que c'était clair.
M. Castonguay (Charles) : Je
répète, je n'ai pas très bien compris la question.
M. Birnbaum : Ah bon! Je vous
invite de me dire, bien, si vous acceptez la possibilité et si ça entre dans
vos calculs que les nouveaux arrivants, toutes langues confondues, ainsi que
les Québécois de langue anglaise, sont souvent tellement en amour et passionnés
par notre langue commune, le français, qu'ils veulent contribuer à la
francisation du Québec.
M. Castonguay (Charles) : Moi,
là, je suis <ce que...
M. Birnbaum : ...
de
langue anglaise, sont souvent tellement en amour et passionnés par notre langue
commune, le français, qu'ils veulent contribuer à la francisation du Québec.
M. Castonguay (Charles) :
Moi, là, je suis >ce que vous décrivez, hein, je suis un migrant de
l'Ontario de langue maternelle française... anglaise. Ma mère ne me parlait pas
en français, elle était d'origine allemande. Mon père était dangereusement
bilingue, il ne m'a jamais parlé en français. Ma grand-mère, qui s'appelait «mémère»,
je l'appelais «mémère», on se parlait anglais. Il y a 20 ans, j'ai compris que «mémère»,
ce n'était pas son nom, c'était Brigit-Ann. Elle était Irlandaise. Mais j'étais
aussi anglo que ça.
Je contribue, au maximum de mes moyens, à
ce que vous dites, le rayonnement du français comme langue commune. Alors, c'est
sûr que je fais entrer ça en ligne de compte, mais je ne veux pas... I don't want to make a mountain out of a molehill. Ce n'est
pas nécessairement le comportement dominant.
Le
Président (M. Lemieux) : M. Castonguay, la période d'échange avec l'opposition
officielle est terminée. On passe maintenant à la députée de Mercier pour
2 min 50 s.
Mme Ghazal : Oui. Bonjour, M.
Castonguay. Merci pour votre présentation puis votre passion qu'on sent très,
très, très profonde. Écoutez, je vais continuer sur le même sujet, la langue
parlée à la maison. C'est utilisé depuis 1971, il y a beaucoup de personnes,
depuis très longtemps, qui disent que c'est l'indicateur le plus important et
le plus déterminant. Mais n'est-il pas temps d'en ajouter d'autres?
Vous avez parlé des questions de Statistique
Canada qui sont molles. Il y a eu le démographe Patrick Sabourin qui est venu.
Je lui ai posé la question, parce que, lui aussi, il tenait à la langue parlée
à la maison, mais il disait que les autres indicateurs, bien, ils ne sont pas
suffisants pour nous permettre de voir quelqu'un qui parle une autre langue à
la maison, à l'extérieur, dans sa vie, à l'extérieur, de façon générale, s'il
parle le français. On n'est pas capables de le savoir, parce qu'on n'a pas les
données. Et justement, donner un mandat à Statistique Québec, l'OQLF, avec des
bonnes questions... Évidemment, ils ne font pas le recensement, mais des bonnes
études...
Là, il va y avoir le commissaire à la langue
française. Il n'est pas temps d'augmenter puis d'élargir notre vision et les
données qu'on a, pour peut-être être un petit peu moins pessimiste que vous?
Mais je dis ça, mais même la langue parlée au travail, on le sait qu'elle a
baissé aussi, là. La situation n'est pas bonne dans la langue d'usage parlée à
l'extérieur de la maison.
M. Castonguay (Charles) : Oui,
l'OQLF aurait dû jouer un rôle majeur dans la recherche sur la situation
linguistique, sous tous ses aspects, dès 2002, dès la réforme de la loi 101, à
cette époque-là, dès qu'il a reçu la responsabilité et le mandat de faire
rapport, à tous les cinq ans, sur les comportements et les attitudes, les
attitudes linguistiques. Je regrette que l'office n'ait pas fait son travail.
Quand j'ai quitté mes cinq ans, je leur ai dit : Écoutez, faites une
enquête, à tous les cinq ans, sur la compétence <linguistique...
M. Castonguay (Charles) :
...de faire rapport, à tous les cinq ans, sur les comportements et les
attitudes, les attitudes linguistiques. Je regrette que l'office n'ait pas fait
son travail. Quand j'ai quitté mes cinq ans, je leur ai dit : Écoutez,
faites une enquête, à tous les cinq ans, sur la compétence >linguistique
de tout un chacun en français et en anglais, s'il vous plaît, au Québec. On n'a
pas d'informations adéquates. Statistique Canada ne veut pas le faire, ne veut
pas le faire, alors, s'il vous plaît, faites-le. Faites des enquêtes sur le français
langue commune.
La précédente personne qui m'a posé des
questions, c'était... bon, ça concerne... Oui, je connais des anglophones. On
se parle, des fois, en français. On parle en anglais, autrement, je suis en
train de perdre mon anglais, tellement que je parle français. Non, c'est vrai.
J'ai même un accent en anglais, à cette heure. Quand je m'écoute interviewé en anglais,
c'est affreux, j'ai un accent franco, et j'ai un accent anglo en français.
Alors, je suis fait, hein?
Mme Ghazal : ...qu'on
fait pour le futur?
M. Castonguay (Charles) :
Mais c'est à l'OQLF de faire ça. Et je vous ai cité la seule étude que je
connaisse que l'OQLF a jamais faite, c'était sur la langue commune de travail
dans les grandes entreprises au Québec, question névralgique, donc. Mais pourquoi
ils n'en ont pas fait d'autres?
Le
Président (M. Lemieux) : Je vous en prie, M. Castonguay.
Merci beaucoup, Mme la députée de Mercier. Il reste un intervenant aux
échanges, c'est le député de Matane-Matapédia, pour 2 min 50 s.
M. Bérubé : Merci.
M. Castonguay, c'est un plaisir de vous accueillir. On évoque souvent la
science ces temps-ci. Bien, on a la science devant nous, et c'est une
démonstration éloquente, sur toute votre carrière, de ce qu'il faut considérer,
et merci de venir nous livrer ça. Je pourrais aussi vous faire une revue de
presse de vos études, ce serait éloquent. Je ne le ferai pas. Je vous dirai,
comme vous, que je n'ai pas de temps à perdre, moi non plus. Je suis un
indépendantiste, mais, au-delà de ça, il y a la question linguistique. Le temps
nous est compté.
Deux mesures sont fondamentales :
l'immigration francophone, ce que vous évoquez, notamment, et la fréquentation
du cégep en français. Si le gouvernement choisit de ne pas aller de l'avant, c'est
qu'il a fait un autre choix politique. Ces mesures-là ne le rendront pas
populaire. Ce n'est pas pour ça qu'on fait ça. On fait ça parce que c'est
nécessaire, si on y croit vraiment. Si on ne le fait pas, c'est qu'on se dit :
on va avoir l'air de s'occuper de la langue, mais on ne va pas trop causer de
problèmes, on n'aura pas trop de vent qui va souffler. Moi, je ne suis pas de
cette école-là. Ce que je dis depuis le début de cette commission ne nous
rendra pas populaires au Parti québécois, mais c'est nécessaire. Et je veux
saluer votre courage de le dire depuis longtemps, et vous êtes entendu de
plusieurs personnes, notamment de moi.
Alors, je m'arrête là et j'aimerais vous
entendre parler de la nécessité d'avoir une immigration où le français est
important à l'arrivée, comme facteur déterminant.
• (19 heures) •
M. Castonguay (Charles) :
Excellente question. Parmi les immigrants qui nous arrivent, anglophones et
allophones, et qui ignorent le français à l'arrivée, une enquête de Statistique
Canada a confirmé que, longtemps après être arrivés, la plupart de ceux qui
ignoraient le français à l'arrivée l'ignoraient encore. <Quand je dis
«longtemps», je veux dire...
>
19 h (version révisée)
< M. Castonguay (Charles) :
...et allophones et qui ignorent le français à l'arrivée, une
enquête de
Statistique Canada a confirmé que, longtemps après être arrivés, la
plupart de ceux qui ignoraient le français à l'arrivée l'ignoraient encore. >Quand
je dis «longtemps», je veux dire 10 ans après l'arrivée et quand je dis «beaucoup»,
c'étaient... les deux tiers de ceux qui l'ignoraient à l'arrivée, l'ignoraient
encore. Alors, ça, c'est la majorité. Ce n'est pas nécessairement participer à
faire du français la langue commune. C'est une ignorance, je dirais, coriace,
du français, et c'est très important, je pense, de s'occuper de cela. Et je
crois que l'affichage en français s'adressait à ces gens-là. Ils étaient
obligés de décoder : C'est quoi, cette affaire-là? C'est quoi ça? Où je
vais? Comment je fais ci? Comment je... Qu'est-ce qu'ils veulent? Ainsi de
suite, c'est très important.
Maintenant, est-ce qu'on doit exiger des
nouveaux arrivants une connaissance préalable du français? Et on a donné des
points supplémentaires déjà dans la sélection, mais, d'après ce que je
comprends de ce qui arrive à l'immigration, et du contrôle, et du degré de
sélection des immigrants par le Québec... excusez-moi encore, je vais m'excuser...
Le
Président (M. Lemieux) : En terminant, rapidement, s'il vous plaît, M.
Castonguay.
M. Castonguay (Charles) : ...ma
langue maternelle, «the shit has hit the fan» parce qu'on est devant maintenant
des mécanismes d'arrivée à la citoyenneté, à la... statut d'immigrant et
ensuite citoyenneté, des mécanismes qui privilégient les travailleurs
temporaires et les étudiants temporaires...
Le
Président (M. Lemieux) : Et c'est terminé, monsieur...
M. Castonguay (Charles) : ...qui
ne connaissent pas nécessairement, et ainsi de suite. Alors, on a un énorme
problème, là.
Le
Président (M. Lemieux) : M. Castonguay, quand je vous ai dit en
terminant, c'est parce que c'était terminé.
Merci
beaucoup, M. Castonguay, d'avoir participé à nos travaux de la Commission
de la culture et de l'éducation, qui va reprendre demain, après cet ajournement,
son étude... ses consultations sur le projet de loi n° 96, demain,
mercredi 29 septembre, après les affaires courantes. Bonne soirée,
collègues.
(Fin de la séance à 19 h 02)