Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Le
mardi 21 septembre 2021
-
Vol. 45 N° 92
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français
Aller directement au contenu du Journal des débats
Intervenants par tranches d'heure
-
-
Thériault, Lise
-
Jolin-Barrette, Simon
-
David, Hélène
-
Ghazal, Ruba
-
Bérubé, Pascal
-
-
Thériault, Lise
-
Jolin-Barrette, Simon
-
Lévesque, Mathieu
-
David, Hélène
-
-
David, Hélène
-
Thériault, Lise
-
Birnbaum, David
-
Ghazal, Ruba
-
Bérubé, Pascal
-
Jolin-Barrette, Simon
-
-
Jolin-Barrette, Simon
-
Thériault, Lise
-
Skeete, Christopher
-
David, Hélène
-
Labrie, Christine
-
-
Thériault, Lise
-
Labrie, Christine
-
Bérubé, Pascal
-
Jolin-Barrette, Simon
-
-
Jolin-Barrette, Simon
-
Thériault, Lise
-
Lemieux, Louis
-
David, Hélène
-
Ghazal, Ruba
-
Bérubé, Pascal
-
-
Thériault, Lise
-
Jolin-Barrette, Simon
-
-
Jolin-Barrette, Simon
-
Thériault, Lise
-
Lévesque, Mathieu
-
David, Hélène
-
Ghazal, Ruba
-
Bérubé, Pascal
-
-
-
Thériault, Lise
-
Bérubé, Pascal
-
Jolin-Barrette, Simon
-
Lemieux, Louis
-
-
Lemieux, Louis
-
Thériault, Lise
-
Lévesque, Mathieu
-
Birnbaum, David
-
Barrette, Gaétan
-
Ghazal, Ruba
-
Bérubé, Pascal
-
-
-
David, Hélène
-
Thériault, Lise
-
Ghazal, Ruba
-
Bérubé, Pascal
-
Dufour, Pierre
9 h 30 (version révisée)
(Neuf heures quarante-six minutes)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission est réunie afin de procéder
à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 96, Loi sur la langue
officielle et commune du Québec, le français.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire
: Oui, Mme
la Présidente : Mme IsaBelle (Huntingdon) est remplacée par M. Lévesque
(Chapleau); Mme Rizqy (Saint-Laurent) est remplacée par M. Barrette (La Pinière);
Mme Saint-Pierre (Acadie) est remplacée par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee);
Mme Dorion (Taschereau) est remplacée par Mme Ghazal (Mercier); et
Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
Remarques préliminaires
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Merci beaucoup. Donc, ce matin, nous allons débuter par les remarques
préliminaires puis nous entendrons les témoins suivants : l'Office
québécois de la langue française, le Pr Guillaume Rousseau et la Centrale des
syndicats du Québec.
Donc, je cède maintenant la parole au ministre
responsable de la Langue française pour ses remarques préliminaires. M. le
ministre, vous disposez de 5 min 34 s. La parole est à vous.
M. Simon Jolin-Barrette
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme
la Présidente. Je souhaite saluer, dans un premier temps, les collègues parlementaires
qui nous accompagnent pour cet important projet de loi. Également, saluer la
présence également des membres du Secrétariat à la promotion et la valorisation
de la langue française qui vont nous accompagner durant l'étude du projet de
loi, et les membres du cabinet, également, qui nous accompagnent.
C'est aujourd'hui que débutent les consultations
particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Ces consultations sont les plus importantes de la présente législature en
termes de nombre d'heures et de groupes entendus. La langue française nous
rassemble. C'est l'expression de notre culture, de notre identité et de notre
fierté, et surtout de notre nation.
Le constat est clair et factuel, le français
connaît un recul inquiétant au Québec, et ce, particulièrement dans le Grand
Montréal. Nous ne le répéterons jamais assez, quand le français perd du terrain au Québec, c'est la nation qui perd de sa force.
Vous mesurez, tout comme nous, l'importance d'agir promptement pour protéger,
promouvoir et surtout pour assurer l'avenir de notre langue commune, le
français. Une réforme majeure de la Charte de la langue française n'est pas
seulement nécessaire, il s'agit d'une <priorité nationale. Avec le projet
de loi...
M. Jolin-Barrette :
...
Québec, c'est la nation qui perd de sa force. Vous mesurez, tout
comme nous, l'importance d'agir promptement pour protéger, promouvoir et
surtout pour assurer l'avenir de notre langue commune, le français. Une réforme
majeure de la Charte de la langue française n'est pas seulement nécessaire, il
s'agit d'une >priorité nationale. Avec le projet de loi n° 96,
nous proposons donc la plus importante réforme de cette loi fondamentale depuis
son adoption il y a de cela 40 ans.
Vous me permettrez de rappeler en quelques
mots les grands pans du projet de loi n° 96. Le devoir d'exemplarité de l'État
en matière d'usage du français se trouve au coeur du projet de loi. Nous
formons une société de langue française, et l'État doit agir comme principal
protecteur de ce trait distinctif. Le bilinguisme systématique doit cesser au
sein de l'appareil public. Ainsi le projet de loi fait de l'usage exclusif du
français la norme, sauf dans certaines situations clairement définies, le tout,
bien sûr, en assurant la protection des droits des Premières Nations et des
Inuits ainsi que des institutions anglophones.
Le droit de travailler en français au
Québec doit être mieux protégé. Les Québécoises et les Québécois ont le droit
de gagner leur vie en français au Québec. Et le fait de travailler dans une
entreprise de juridiction fédérale ne devrait rien y changer. De plus, la
connaissance d'une autre langue que le français ne devrait pas être une
condition d'embauche à moins d'être nécessaire. L'affichage commercial et le
service en français sont aussi des priorités. La population a le droit d'être
servie et informée en français. La Québec est francophone, et il faut que cela
se voie, que cela s'entende.
En outre, ce projet de réforme vise à
consacrer le droit pour toute personne domiciliée au Québec d'apprendre le
français. À cet effet nous proposons la création de Francisation Québec. Ce
nouveau point d'accès unique permettra de centraliser tous les services
d'apprentissage du français, ce qui rendra l'inscription et l'apprentissage
beaucoup plus simple pour tous. En matière d'enseignement secondaire, vous l'avez
souvent entendu au cours des derniers mois, le français est et doit demeurer la
langue normale des études au Québec. Nous y veillons dans notre projet de loi.
Nous voulons mettre fin aux tendances qui, depuis 25 ans, défavorisent les
études en français.
• (9 h 50) •
Afin que toutes ces propositions soient
porteuses pour l'avenir et que la vitalité de la langue française soit une
priorité d'action permanente du gouvernement du Québec, nous prévoyons
également la création d'un ministère de la langue française ainsi que d'un
poste de commissaire à la langue française indépendant et impartial, nommé par
l'Assemblée nationale.
Enfin, le fruit est mûr et les conditions
gagnantes sont réunies. La troisième voie existe, et c'est celle d'un Québec
qui s'affirme, d'un Québec qui n'hésitera plus pour définir ce qu'il est.
Ainsi, fière de ce qu'elle est, la nation québécoise inscrira son existence et
son caractère francophone dans la Loi constitutionnelle de 1867, dans la
Constitution. Nous sommes une grande nation portée par plus de 400 ans
d'histoire. Nous n'avons pas besoin de la permission que quiconque pour
exister.
Les murs de l'enceinte de notre Assemblée
nationale ont été témoins de grands débats qui ont façonné notre démocratie et
notre histoire. Malheureusement, dans les dernières semaines, certaines
organisations ont tenu des propos insensés. Ces attaques envers le Québec ne <fonctionnent
plus...
M. Jolin-Barrette :
...
quiconque
pour exister.
Les murs de l'enceinte de notre
Assemblée nationale ont été témoins de grands débats qui ont façonné notre
démocratie et notre histoire. Malheureusement, dans les dernières semaines,
certaines organisations ont tenu des propos insensés. Ces attaques envers le
Québec ne >fonctionnent plus. La nation québécoise, plus confiante que
jamais, sait que son action est légitime et pertinente.
C'est donc avec respect, mais fermeté que
nous réitérons qu'un appel au calme est nécessaire. Nous devons collectivement,
tous ensemble, être à la hauteur de cet important débat. D'autres avant nous
ont su poser les gestes pour assurer l'existence d'une nation francophone en Amérique
du Nord. C'est à notre tour aujourd'hui de reprendre le flambeau de leurs
efforts et de leur engagement.
Au laxisme qui a caractérisé les
15 dernières années, nous proposons l'ambition d'une relance linguistique.
Il y a actuellement consensus historique, au Québec, sur la question linguistique.
L'heure est venue de poser des gestes forts et concrets pour protéger et
valoriser le français, notre langue officielle et commune. Le français doit
être la langue utile, la langue rentable, la langue indispensable, comme le
disait le ministre Camille Laurin en 1977.
C'est donc avec plaisir que nous lançons
les consultations particulières sur le projet de loi n° 96. Je tiens à
remercier tous ceux et celles qui seront présents aujourd'hui, dans les
semaines à venir, et qui contribueront à faire avancer cet important débat pour
la nation québécoise. Alors, à tous, je vous souhaite de bonnes consultations.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le ministre. Donc, j'invite maintenant la porte-parole de l'opposition
officielle et députée de Marguerite-Bourgeoys à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale de 3 min 43 s. La parole
est à vous.
Mme Hélène David
Mme David : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, tous ceux qui vous
accompagnent. Bonjour, tous les collègues députés. Bonjour, mes chers
collègues. Bonjour les partis d'opposition. On va passer beaucoup de temps
ensemble, je l'espère beaucoup, parce que nous ne voulons pas de bâillons pour
ce projet de loi — comme a dit le ministre, si important. Mais, avant
toute chose, je voudrais féliciter le ministre pour l'agrandissement de sa
jeune famille. Alors, je lui souhaite toute l'énergie nécessaire à mener de
front tous ces aspects de sa vie. Et, dans quelques semaines, il me félicitera,
moi aussi, je l'espère, pour l'agrandissement de ma famille, où je deviendrai
mamie pour la première fois. Donc, voilà, génération oblige.
Je veux donc commencer en disant que c'est
un projet de loi évidemment ambitieux, c'est un projet de loi substantiel avec
de très, très, très nombreux articles qui vont demander de très, très, très
sérieuses analyses particulièrement dans l'applicabilité. Nous aurions aimé, et
je l'avais dit au ministre dès le début, avoir des consultations générales qui
auraient été à la hauteur et à la mesure des enjeux, évidemment, qui sont
soulevés. Beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens ont manifesté leur déception de
ne pas être entendus. Il y aura 51, quand même, groupes qui seront entendus.
Nous allons les lire, les écouter, les questionner avec toute la rigueur et
l'objectivité possibles, mais nous aurions <préféré des consultations...
Mme David : ...
beaucoup
de gens ont manifesté leur déception de ne pas être entendus. Il y aura 51,
quand même, groupes qui seront entendus. Nous allons les lire, les écouter, les
questionner avec toute la rigueur et l'objectivité possibles, mais nous aurions
>préféré des consultations générales.
Évidemment, il y a une utilisation, pour
l'instant — on va en discuter longuement avec le ministre — du
recours aux dispositions de dérogation qui sont sur tous les articles, les
202 articles, et nous aurons des questions très sérieuses par rapport à
ça. Mais, étant donné, justement, le sérieux et l'ampleur de toutes ces
dispositions de dérogation, nous pensons que mettre un bâillon par-dessus tout
ça, ça serait vraiment très difficile et que, si on avait l'assurance de ne pas
avoir de bâillon, ça pourrait mettre la table pour des consultations sereines,
constructives pour le bien de tout le Québec.
Nous avons nous-mêmes déposé
27 propositions que, malheureusement, je ne retrouve pas toutes dans le
projet de loi du ministre. J'en propose une, et j'espère qu'il pourra regarder
ça attentivement. C'est qu'au lieu de faire le grand schisme entre anglophones
et francophones sur la loi 101 au cégep, etc., nous proposions qu'il y ait
des cours donnés en français dans les cégeps anglophones, trois cours sur
peut-être 32 cours d'un D.E.C. habituel et normal, ce qui pourrait faire
se mélanger ensemble deux cultures autour qui d'un cours en histoire, qui d'un
cours en sciences politiques, qui d'un cours de langue et d'histoire communes,
comme le ministre aime beaucoup employer ce mot. Alors, c'est quelque chose,
vraiment, qui pourrait être très intéressant et constructif au lieu d'être
divisif.
Ça sera notre ligne de réflexion tout le
long : essayer d'être inclusifs. Le ministre nous a promis qu'il serait
inclusif, que son projet de loi n'était pas divisif. Évidemment, il a lui-même
fait référence à des enjeux qui sont ressortis. Je pense qu'il va falloir
regarder ça avec beaucoup de maturité et de responsabilité pour faire... de
sortir de ce projet de loi là non pas divisés mais réunis autour d'un enjeu que
le Parti libéral a toujours trouvé très important, la langue française. Nous
avons proclamé en 1974 que la langue française était la langue officielle du
Québec. Nous n'avons pas changé d'idée. Nous continuons à penser que le projet
de loi est important et nous allons travailler de façon constructive, Mme la
Présidente. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, Mme la députée. J'invite maintenant la porte-parole du deuxième groupe
d'opposition, Mme la députée de Mercier, à faire ses remarques préliminaires.
Vous disposez de 56 secondes.
Mme Ruba Ghazal
Mme Ghazal : Oh! merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, chers
collègues, élus et employés. Je suis très, très contente d'être ici aujourd'hui
avec vous pour étudier cet important projet de loi.
Le ministre a parlé de consensus. C'est
vrai qu'il y a un consensus dans la société québécoise et ici, à l'Assemblée
nationale, autour de la langue française, notre langue commune qu'on veut
protéger. On s'est beaucoup divisés, dans les dernières années, au Québec, sur
différentes choses : la laïcité, le racisme systémique, etc., et c'est
tout à fait normal, dans une société libre et démocratique, qu'on ne soit pas
d'accord. Puis, ici, c'est la maison du peuple, la maison des débats, c'est ici
qu'il faut qu'on les fasse. Mais la langue française, c'est une opportunité,
ici, de nous unir <autour...
Mme Ghazal : ...
On
s'est beaucoup divisés, dans les dernières années, au Québec, sur différentes
choses : la laïcité, le racisme systémique, etc., et c'est tout à fait
normal, dans une société libre et démocratique, qu'on ne soit pas d'accord.
Puis, ici, c'est la maison du peuple, la maison des débats, c'est ici qu'il
faut qu'on les fasse. Mais la langue française, c'est une opportunité ici de
nous unir >autour d'elle. Et moi, ma priorité, je l'annonce tout de
suite, ça va être, comme l'a dit, le M. le ministre, il faut que la langue
française soit rentable. Oui, on l'aime, c'est la langue du coeur, mais il faut
aussi qu'elle soit la langue du pain, et pour qu'elle vive, bien, il faut que
tous les Québécois travaillent en français. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, Mme la députée de Mercier. Donc, sans plus tarder, je regarde M. le
député de Matane-Matapédia. Vous aussi pour une période de 56 secondes.
M. Pascal Bérubé
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Dans toute l'histoire du Québec, aucune formation politique n'a
posé des gestes aussi importants et courageux, de sa fondation à aujourd'hui,
que le Parti québécois, et nous ne faisons pas exception avec nos propositions.
Le gouvernement veut une proposition rassembleuse, il veut convaincre le Parti
libéral du Québec, il veut convaincre la communauté anglophone, il veut
convaincre les partis fédéraux. S'il y a un déclin, il ne faut pas poser des
gestes qui rassemblent, il faut poser des gestes nécessaires, des gestes
courageux, comme Camille Laurin et le Parti québécois l'ont fait en 1977, et le
gouvernement de la CAQ est loin du compte, n'ayant pas réussi à convaincre son
aile fédéraliste et affairiste d'aller plus loin.
Il faut intervenir avec des mesures
courageuses qui ne feront pas l'unanimité : la fréquentation du cégep, un
vrai débat sur l'immigration, l'exemplarité de l'État, le droit de travailler
en français, la culture, les jeunes, ne pas permettre à des entreprises qui ne
respectent pas le français de faire affaire avec l'État, les municipalités
bilingues comme la municipalité d'Otterburn Park avec 8 % d'anglophones
dans la circonscription du ministre qui va pouvoir permettre... continuer...
Auditions
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à votre 56 secondes, M. le député de Matane. Comme
vous voyez, je serai très rigoureuse sur le temps qui est accordé, autant aux
présentations qu'au droit de parole des députés.
Donc, sans plus tarder, je souhaite la
bienvenue aux représentants de l'Office québécois de la langue française, et
j'ai Mme Ginette Galarneau, qui est la présidente-directrice générale, et Mme Josée
Saindon, qui est la directrice générale, relations avec les entreprises et
l'administration. Bienvenue, je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période
d'échanges avec les membres de la commission. Donc, je vous invite à vous
présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.
Office québécois de la langue française (OQLF)
Mme Galarneau (Ginette) :
Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, la mission
de l'office c'est de veiller à ce que le français soit la langue du travail, du
commerce et des affaires, de faire la promotion de l'usage et de la qualité de
la langue française et de surveiller l'évolution de la situation linguistique.
La Commission de toponymie, qui est rattachée à l'office, a pour mission de
s'assurer que le territoire du Québec est nommé avec justesse.
• (10 heures) •
Les membres de l'office ainsi que le
personnel, nous avons la conviction que forts d'une expérience de plus de 40 ans
au service de la population et de liens de collaboration durables <établis
avec les...
>
10 h (version révisée)
< Mme Galarneau (Ginette) : ...à
l'office, a pour mission de s'assurer que le territoire du Québec est nommé
avec justesse.
Les membres de l'office ainsi que le
personnel, nous avons la conviction que forts d'une expérience de plus de 40 ans
au service de la population et de liens de collaboration durables >établis
avec les entreprises et les organismes de l'administration, l'office a les
compétences requises pour assumer pleinement les nouvelles responsabilités qui
lui seront confiées avec le projet de loi.
Toutes les entreprises au Québec ont
certaines obligations à l'égard de la charte, par exemple, celle d'avoir leur
affichage public, leur facture, leur site Web, leurs publications sur les
médias sociaux et les inscriptions sur les produits en français. Le projet de
loi vient préciser qu'aucune disposition de la charte ne peut être interprétée
de façon à en empêcher l'application à toute entreprise ou à tout employeur qui
exerce ses activités au Québec.
De plus, il propose que les entreprises de
25 à 49 personnes soient tenues de s'inscrire et de s'engager dans une
démarche de francisation. Le Québec compte 20 000 entreprises qui
emploient de 25 à 49 personnes. Comme c'est le cas actuellement pour les
entreprises comptant 50 personnes et plus, elles devront démontrer que
leur personnel peut travailler en français, que les communications internes et
les outils de travail sont disponibles en français et que des mécanismes sont
en place pour que leurs contacts avec la clientèle soient en français.
Il est certain qu'une démarche de francisation
demande un engagement de la part des entreprises, mais les efforts investis
sont durables et bénéfiques. Une fois certifiées, 94 % d'entre elles demeurent
conformes à la charte. Dans de très nombreux cas, l'entreprise aura peu de
changement à faire pour obtenir sa certification. Depuis 10 ans, les deux
tiers des entreprises ont été certifiés sans avoir à mettre en place un
programme de francisation.
L'office a établi une relation privilégiée
avec les entreprises. Un sondage qu'on a fait l'hiver dernier auprès de 1 000 entreprises
a montré que 87 % d'entre elles étaient satisfaites des services de
l'office, un pourcentage en augmentation par rapport à celui de 2015, qui était
alors de 82 %. L'office est persuadé que la relation de confiance établie
avec les entreprises lui permettra d'implanter de manière harmonieuse les
modifications apportées par le projet de loi.
Au 31 mars, c'est 73 % des
plaintes qui visaient des entreprises de moins de 50 personnes. Il est
donc essentiel de rejoindre ces entreprises par d'autres moyens que le
traitement d'une plainte. L'investissement de 5 millions de dollars
accordé par le gouvernement en 2020 a notamment permis à l'office de mettre en
place des services destinés aux entreprises employant moins de 50 personnes.
Regroupés sous le nom de Mémo, mon assistant pour la francisation, des outils
dynamiques comme une auto-évaluation en ligne, des <capsules...
Mme Galarneau (Ginette) :
...
5 millions de dollars accordés par le gouvernement en 2020 a
notamment permis à l'office de mettre en place des services destinés aux
entreprises employant moins de 50 personnes. Regroupés sous le nom de
Mémo, mon assistant pour la francisation, des outils dynamiques comme une
auto-évaluation en ligne, des >capsules vidéo sont fort précieux pour
aider les entreprises employant de 25 à 49 personnes dans leur démarche de
francisation.
240 entreprises de compétence
fédérale sur les quelques 3 000 situées au Québec sont inscrites à
l'office et 189 d'entre elles, soit 80 %, sont certifiées. Ces entreprises
ont compris la nécessité de servir leur clientèle en français. Elles ont aussi
voulu offrir à leur personnel un environnement de travail en français. Comme il
le fait déjà avec succès, l'office soutiendra les entreprises de compétence
fédérale dans leur démarche de francisation. Il dispose déjà de l'expertise et
des outils requis à cette fin.
Quant aux entreprises de cinq à 24 personnes
qui devront déclarer au Registraire des entreprises du Québec la proportion des
salariés qui ne sont pas en mesure de communiquer en français, le projet de loi
prévoit que l'office, en collaboration avec Francisation Québec, déterminera
annuellement les secteurs d'activité où le français est moins présent. Par la
suite, il transmettra aux entreprises de ces secteurs une offre pour la mise en
place de cours de français. L'office collabore déjà avec le ministère de
l'Immigration afin de faire connaître aux entreprises l'offre de services en
francisation du ministère ainsi qu'en mettant à disposition des apprenants des
vocabulaires de divers domaines de travail.
Une plainte sur cinq reçue à l'office en
2020‑2021 visait l'affichage public. Il s'agit donc d'une préoccupation
importante de la population. Le projet de loi propose que les mots en français
contenus dans l'affichage soient nettement prédominants lorsque le nom de
l'entreprise ou la marque de commerce n'est pas en français. Ce changement
contribuera à assurer le visage français du Québec. En matière d'affichage
public, l'office est très présent sur le terrain. Par exemple, à l'occasion de
la pleine entrée en vigueur du règlement en 2019, plus de 1 000 entreprises
ont été inspectées. Le travail de l'office a fait en sorte que la majorité de
ces entreprises ont apporté les modifications nécessaires sans qu'aucune
démarche juridique ne soit requise. De plus, avec l'ajout des nouvelles
ressources, l'office a mis en place une équipe de surveillance qui a récemment
inspecté l'affichage extérieur de 1 341 entreprises situées dans 10 régions
du Québec.
La langue de service est également une
préoccupation importante de la population puisque le quart des plaintes reçues
à l'office portent sur l'incapacité d'être servi en français, ce qui en fait le
<second motif de plainte en importance.
Le projet de loi...
Mme Galarneau (Ginette) : ...
10 régions
du Québec.
La langue de service est également une
préoccupation importante de la population puisque le quart des plaintes reçues
à l'office portent sur l'incapacité d'être servi en français, ce qui en fait le
>second motif de plainte en importance. Le projet de loi permettra à
l'office d'exiger des mesures de correction de la part des entreprises qui font
l'objet de plainte alors qu'actuellement il ne peut que les sensibiliser.
L'office fait de nombreux rappels relativement aux droits de la clientèle
d'être servie en français. Il mène, depuis cet été, une opération de
surveillance visant à sensibiliser les commerces ainsi que les sièges sociaux
et les franchiseurs des grandes enseignes de plus de 250 commerces situés
sur l'île de Montréal, à Longueuil, à Laval et à Gatineau.
Du côté de l'administration, en mars
dernier, 92 % des quelque 2 000 organismes de l'administration
inscrits à l'office détenaient un certificat de conformité, et 87 % des
ministères et organismes gouvernementaux avaient une politique linguistique
approuvée. Présentement, la charte n'oblige pas les organismes de
l'administration, contrairement aux entreprises, à réévaluer périodiquement
leur situation linguistique. L'office a donc mis en place, depuis deux ans, une
approche de suivi afin de s'assurer que les organismes, une fois certifiés,
demeurent conformes à leurs obligations linguistiques. En mars dernier, 73 %
des organismes examinés avaient maintenu des pratiques conformes. L'expérience
menée a confirmé l'utilité et l'efficacité de cette approche que l'on retrouve
dans le projet de loi pour les organismes scolaires et de la santé et des
services sociaux.
L'office assure le traitement de toutes
les plaintes qui sont déposées par les citoyens et les organismes. Elle en a
reçu 4 326 en 2020‑2021, soit une augmentation de 18 % par rapport à
l'année précédente, et de 54 % par rapport à 2018‑2019. Les deux motifs
les plus fréquents sont les sites Web et la langue de service. L'augmentation
du nombre de plaintes est une expression tangible de la préoccupation des
Québécois quant à la situation du français. Le projet de loi renforce
l'importance de tenir le plaignant informé du traitement de sa plainte, il
précise les informations que celui-ci pourra obtenir. Ces modifications
s'inscrivent dans la continuité des pratiques actuelles de l'office.
Rappelons que, dans le cadre d'une
plainte, l'office se rend dans l'entreprise pour une inspection qui lui permet
de constater s'il y a une contravention, puis il communique avec l'entreprise
pour lui expliquer la nature de la contravention et il lui offre
l'accompagnement nécessaire afin qu'elle effectue les corrections requises dans
un délai raisonnable. Cette démarche permet d'obtenir de véritables résultats
tout en minimisant le <recours aux tribunaux. Seul, 1 % des...
Mme Galarneau (Ginette) : ...
la
nature de la contravention et il lui offre l'accompagnement nécessaire afin
qu'elle effectue les corrections requises dans un délai raisonnable. Cette
démarche permet d'obtenir de véritables résultats tout en minimisant le >recours
aux tribunaux. Seul 1 % des dossiers de plaintes sont transmis en moyenne
par année au Directeur des poursuites criminelles et pénales.
En conclusion, la situation linguistique
appelle à des efforts supplémentaires pour garantir que le français demeure la
langue commune au Québec. Cela implique, entre autres, l'ajout de nouveaux
acteurs, l'assujettissement de plus d'entreprises à la démarche de francisation
et le renforcement de l'exemplarité de l'administration. Les changements...
• (10 h 10) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je vais devoir vous interrompre à ce moment-ci, Mme Galarneau,
malheureusement, parce que le temps est déjà passé. Désolée. Donc... Pardon?
M. Jolin-Barrette : Ça peut
être sur mon temps.
La Présidente (Mme Thériault) :
Ça va être pris sur le temps du ministre? Pas de problème. Continuez, Mme Galarneau,
on va retrancher les secondes sur le temps du ministre. Allez-y.
Mme Galarneau (Ginette) :
Effectivement, quelques secondes. Les changements législatifs proposés
s'inscrivent dans l'approche préconisée par l'office au cours des dernières
années et des activités menées auprès des entreprises, des organismes de
l'administration ainsi que des citoyennes et citoyens pour assurer le respect
des dispositions de la charte. Et c'est fort d'une expérience de plus de 40 ans
que l'office pourra assumer les nouvelles responsabilités qui lui seront
confiées avec le projet de loi.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Merci beaucoup. Désolée pour l'interruption. Malheureusement, je suis
la gardienne du temps, donc merci au ministre d'avoir partagé ses secondes avec
vous.
Dans le bloc qui suit, au niveau des
échanges, nous allons procéder avec la partie ministérielle. Vous avez
15 minutes... Non, pardon... 16 min 30 s, l'opposition
officielle, 11 minutes, les deuxième et troisième groupes d'opposition, 2 min 45 s,
plus ou moins, selon le temps qu'on aura coupé.
M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. Mme Galarneau, Mme Saindon, bonjour. Merci d'être
présentes avec nous pour le début des consultations sur le projet de loi
n° 96.
On sait que l'OQLF est un partenaire
important dans l'application de la Charte de la langue française. Je voulais savoir,
d'entrée de jeu... parce qu'on en a beaucoup discuté au cours de la dernière
année, de l'assujettissement des entreprises de juridiction fédérale à la
Charte de la langue française. Le projet de loi, très clairement, il vient
dire que toutes les entreprises doivent être assujetties parce que, dans le
fond, tous les travailleurs doivent avoir la possibilité de travailler dans
leur langue, en français. Vous disiez, dans votre allocution, Mme Galarneau,
que, déjà, il y avait 240 entreprises de juridiction fédérale qui
s'étaient assujetties volontairement à la Charte de la langue française.
Comment envisagez-vous la capacité pour l'office de répondre à
l'assujettissement de toutes les entreprises de juridiction fédérale?
Mme Galarneau (Ginette) : À la
sanction de la loi, les entreprises de compétence fédérale de 50 employés
et plus devront s'engager dans une démarche de francisation pour obtenir leur
certificat, et celles qui emploient de 25 à 49 personnes auront
trois ans pour le faire.
On compte déployer <plusieurs...
Mme Galarneau (Ginette) : À
la sanction de la loi, les entreprises de compétence fédérale de
50 employés et plus devront s'engager dans une démarche de francisation
pour obtenir leur certificat, et celles qui emploient de 25 à 49 personnes
auront trois ans pour le faire.
On compte déployer >plusieurs
moyens, par exemple, des campagnes d'information, établir des partenariats avec
des regroupements sectoriels, comme celui, par exemple, du transport routier,
dans lequel on retrouve plusieurs entreprises de compétence fédérale, et
évidemment avoir des communications directes avec les entreprises.
Un grand nombre d'entreprises de
compétence fédérale sont situées dans la grande région de Montréal, et on va y
planifier des activités particulières de sensibilisation pour viser à
l'inscription et à l'insertion dans la démarche de francisation. Et notre
action sera également coordonnée avec celles de nos 10 autres bureaux.
Donc, on va offrir un soutien personnalisé aux entreprises de compétence
fédérale qui ont de 25 à 49 personnes pendant la période transitoire de
trois ans. On va les accompagner dans la mise en place de bonnes pratiques
linguistiques avec les outils qu'on a mis en place avec Mémo, dont j'ai parlé,
mon assistant pour la francisation. Donc, il y aura des moyens qui pourront
être déployés. Et il y en a plusieurs qui sont inscrites, hein, quand on dit un
chiffre comme 240, il y en a qui sont très connues du public, j'ose les nommer,
par exemple, Bell, le Groupe TVA, Telus, les Autobus La Québécoise, les
installations portuaires Rio Tinto Alcan, toutes les banques à charte, les
six grandes banques qui sont présentes au Québec sont inscrites à
l'office, sont certifiées. Alors, ça nous montre que c'est possible de le faire,
qu'on a l'expertise pour le faire, qu'on a les moyens, les outils pour faire en
sorte que le plus grand nombre d'entreprises, un bien plus grand nombre
d'entreprises de compétence fédérale soient certifiées.
M. Jolin-Barrette : Donc, je
comprends que vous êtes en mesure de répondre à ce défi-là, puis il n'y a pas
d'enjeux pour l'OQLF par rapport à cet élément-là. D'ailleurs, vous l'avez bien
dit il y en a certaines qui s'y assujettissent elles-mêmes actuellement.
Tout à l'heure, vous avez parlé du processus
de plainte à l'OQLF, et je vais aborder la question de front, souvent, parmi
les critiques de l'OQLF, on entend beaucoup dire : Écoutez, l'OQLF, c'est
la police de la langue. Or, ce que j'ai constaté dans votre allocution, c'est
surtout que l'OQLF est en mode accompagnement des entreprises à partir du
moment où il y a une plainte. Alors, au niveau du processus, là, on vient
donner des nouveaux pouvoirs à l'OQLF pour moderniser la loi, pour s'assurer
que la Charte de la langue française soit respectée et de donner les outils à
l'OQLF pour le faire, mais la logique dans laquelle l'OQLF se situe, là, je
dois comprendre que c'est véritablement un accompagnement des entreprises pour
changer les façons de faire et amener vers la <francisation...
M. Jolin-Barrette :
...
pour
moderniser la loi, pour s'assurer que la Charte de la langue française soit
respectée et de donner les outils à l'OQLF pour le faire, mais la logique dans
laquelle l'OQLF se situe, là, je dois comprendre que c'est véritablement un
accompagnement des entreprises pour changer les façons de faire et amener vers
la >francisation et faire en sorte, dans le fond, que l'environnement se
déroule en français, en conformité avec la charte? Vous y allez beaucoup avec
la carotte pour faire en sorte d'amener les changements à l'interne au sein des
différentes entreprises. Est-ce que c'est bien ça?
Mme Galarneau (Ginette) : Oui,
absolument, c'est l'approche qu'on adopte. C'est comme je le précisais tantôt,
on se rend dans une entreprise pour constater l'infraction, mais, dès qu'on
sait qu'il s'agit bien d'une infraction, on communique avec l'entreprise pour
lui expliquer puis lui offrir l'accompagnement nécessaire, parce qu'on lui
demande de faire des corrections dans un délai raisonnable. Les plaintes ont beaucoup
augmenté et, avec l'ajout de ressources, le nombre d'inspecteurs est passé de
quatre à huit, mais c'est toujours le même rôle qu'ont les inspecteurs, c'est
de recueillir de l'information puis de ne pas exiger de correction immédiatement.
Alors, contrairement à ce qui est dit, l'office ne donne pas de contravention
ni d'amende, au contraire, on est là pour accompagner les entreprises.
Tous nos efforts sont faits, justement,
pour faire en sorte de comprendre leur situation, voir quelle était
véritablement l'intention de l'entreprise quand elle a mis en place tel
affichage ou agi de telle manière dans le cas de la langue de service. Donc,
tous nos efforts, puisqu'on a une longue expérience, qu'on traite avec un
ensemble d'entreprises dans des secteurs différents, permettent aux entreprises
qui ont... qui n'avaient pas, je dirais, de solution en tête, de leur en
proposer et de leur donner le temps de le faire dans un délai raisonnable.
On l'a vu avec l'expérience menée dans le
cas de la réglementation qui est entrée en vigueur en 2019, on a fait de
grandes opérations à la fois de sensibilisation auprès de 5 000 commerces,
on est allés également faire des inspections, on a accompagné les entreprises
qui étaient... qui avaient des affichages non conformes, donc c'est vraiment la
pratique de faire en sorte qu'on accompagne les entreprises, on les soutient,
on leur donne des conseils.
M. Jolin-Barrette : Et sur la
question des nouveaux pouvoirs que l'on vient confier à l'office, puisque la
loi a été rédigée il y a 40 ans, c'est nécessaire également de moderniser
les pouvoirs de l'office si on veut que l'Office puisse réaliser pleinement sa
mission?
Mme Galarneau (Ginette) : Oui,
effectivement, nos efforts sont faits pour éviter le plus possible des recours,
des recours par les processus judiciaires. Mais il y a beaucoup de choses qui
ont été dites, et je laisserais Josée Saindon préciser, effectivement, toutes
ces <questions-là qui ont trait...
Mme Galarneau (Ginette) : ...Oui,
effectivement, nos efforts sont faits pour éviter le plus possible des recours,
des recours par les processus judiciaires. Mais il y a
beaucoup de
choses qui ont été dites, et je laisserais Josée Saindon préciser,
effectivement, toutes ces >questions-là qui ont trait aux heures de
visite, aux manières qui seront empruntées pour faire les inspections, si vous
le permettez.
Mme Saindon (Josée) : Je vous
remercie. Je prends quelques minutes à peine, simplement vous dire qu'effectivement
le projet de loi vient apporter des précisions sur les endroits où pourront se
faire des inspections, les moments où elles pourront se faire et ce que pourra
demander un inspecteur. Donc, à cet égard-là, c'est fort intéressant. Ce sont
des précisions qui sont utiles aux entreprises, utiles aux plaignants, utiles
également à l'office.
M. Jolin-Barrette : O.K.
J'aimerais qu'on revienne sur l'étude qui a été publiée au mois de mars dernier
par rapport à la situation linguistique, là, 2011‑2036, basée sur le portrait
de la langue parlée à la maison, notamment le poids démographique des
francophones dans la région métropolitaine de Montréal, notamment. Pouvez-vous
nous rappeler les grandes conclusions de cette étude-là de l'OQLF?
• (10 h 20) •
Mme Galarneau (Ginette) : Oui,
c'est une étude qui était un complément d'une étude qui avait été menée par
Statistique Canada sur les projections, justement, du nombre de personnes
qui allaient utiliser... qui allaient avoir, par exemple, du côté de la langue
maternelle ou de la langue qui était parlée à la maison ou de la langue qui
était connue, et donc il y avait plusieurs scénarios qui avaient été soumis par
l'office à cette époque-là. Et donc, peu importe les scénarios qui étaient
envisagés, le poids des personnes dont le français est la langue parlée le plus
souvent à la maison, on voit qu'il va diminuer d'ici 2036 parce que la
proportion des francophones passerait de 82 % à autour de 75 %. Dans
la RMR de Montréal, la proportion passerait, elle, de 69 % en 2011 à 61 %
en 2036. Et ce n'est pas la seule étude, de toute façon, qui a été menée par
l'office, qui montre qu'il y avait... qu'il y a un recul, par exemple, dans
l'utilisation du français au travail.
M. Jolin-Barrette : Donc, les
récentes études démontrent qu'il y a un recul du français, un recul également
de la langue parlée à la maison, également, d'où la nécessité d'agir sur
plusieurs volets de la société, notamment la langue de travail, la langue des
affaires, que ça se passe en français.
Sur la question, là, et ça sera ma
dernière question avant de passer la parole à mes collègues de Saint-Jean et de
Chapleau, sur la question de la francisation en entreprise, il y a un volet du projet
de loi, là, qui aborde ça, comment l'office envisage son <rôle au niveau
de la...
M. Jolin-Barrette :
...Sur la question, là, et ça sera ma dernière question avant de passer la
parole à mes
collègues de Saint-Jean et de
Chapleau, sur la
question de la francisation en entreprise, il y a un volet du
projet de
loi, là, qui aborde ça, comment l'office envisage son >rôle au niveau de
la francisation en entreprise? Il y a beaucoup d'entreprises qui devront être
francisées, pour les employés, justement. Comment est-ce que l'office envisage ces
responsabilités-là?
Mme Galarneau (Ginette) : Oui.
Les entreprises, donc, de 5 à 24 personnes, dans trois ans, et dès
maintenant, dès la sanction de la loi pour les entreprises de 25 à 49, les
entreprises auront la responsabilité d'inscrire dans leur déclaration annuelle
au Registraire des entreprises la proportion de leurs salariés travaillant au
Québec qui ne sont pas en mesure de communiquer en français. Les inscriptions,
c'est... elles sont fournis à même, là, des formulaires existants du
registraire, et c'est des formulaires que les entreprises sont déjà tenues de
remplir. Puis ce qu'on... l'office devra faire, c'est que l'office pourra
permettre à ses... pourra identifier, annuellement, les secteurs d'activité qui...
où le français est moins présent. Il fera, en collaboration avec Francisation
Québec, une offre aux entreprises de cours de français. Et donc c'est, pour
nous, une occasion d'aller beaucoup plus loin du côté de la francisation des
petites entreprises, parce que, déjà, on fait connaître aux entreprises l'offre
de service du ministère en ce qui a trait aux cours de français et aux aides
financières.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, Mme Galarneau. M. le député de Chapleau. Il reste
quatre minutes au bloc.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Et j'en profite également pour remercier le
ministre, saluer les collègues. Merci, Mmes Galarneau et Saindon.
J'aimerais peut-être revenir sur les
services d'accompagnement de l'office, un peu comment... dans le fond, faire un
peu, là, un suivi avec vous des étapes d'accompagnement, comment qu'elles se
déploient. Vous avez parlé d'inspections, vous avez parlé également, suite à
l'inspection, d'un certain suivi. Puis, dans le fond, quels sont ces
services-là, donc, par étape, juste pour me donner un bon portrait, là, d'un
cas que vous traitez d'une façon très générique, là?
Mme Galarneau (Ginette) : Oui.
L'inspection effectivement c'est à la suite d'une plainte. D'autre part, j'ai
expliqué ce processus-là où, effectivement, l'accompagnement entre en ligne de
compte dès l'instant que l'entreprise est informée qu'il y a une contravention. Mais, de façon générale, les entreprises,
actuellement, employant 50 employés et plus doivent s'inscrire à l'office.
Donc, quand elles s'inscrivent, on leur demande de compléter une analyse de la
situation linguistique de leur <entreprise. Et c'est...
Mme Galarneau (Ginette) :
...une contravention. Mais, de façon générale, les entreprises, actuellement,
employant 50 employés et plus doivent s'inscrire à l'office. Donc, quand
elles s'inscrivent, on leur demande de compléter une analyse de la situation
linguistique de leur >entreprise. Et c'est fort de cette analyse-là
qu'on peut voir avec les entreprises quelles sont les mesures qui devraient
être mises en place.
Comme je l'ai dit, les deux tiers des entreprises
ont des corrections très mineures à effectuer, elles le font et, après
correction, obtiennent leur certificat de francisation. Dans le cas des autres
entreprises qui ont plus de mesures à mettre en place, il s'agit donc
d'élaborer et de réaliser un programme de francisation au terme duquel les
entreprises peuvent obtenir leur certification.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci. Vous avez parlé de... vous avez fait une distinction, c'est-à-dire,
entre une mesure de correction exigée versus suggérée. Actuellement, vous
pouvez simplement suggérer certaines mesures de correction et, avec le projet
de loi, vous allez pouvoir l'exiger. Pouvez-vous nous expliquer qu'est-ce que
ça va vous permettre de faire et quels bénéfices cela va pouvoir... vous allez
pouvoir tirer de cela?
Mme Galarneau (Ginette) : Effectivement,
il y a une seule mesure dans laquelle l'office ne peut que sensibiliser les
entreprises, ça a trait à la langue de service. Quand il y a des plaintes
concernant un commerce, par exemple, où le français n'aurait pas été utilisé,
ce qui se produit à ce moment-là, c'est que, dans ce cas-là, l'office
communique avec l'entreprise, lui communique l'insatisfaction du client de ne
pas avoir été servi en français, et on fait un rappel de l'importance d'être
servi en français. Ce que le projet de loi introduit, c'est l'obligation avec
l'entreprise de trouver un moyen pour corriger de manière durable cette
infraction qui est apparue, c'est-à-dire cette non... le fait que le service
n'avait pas été donné en français à l'occasion où le client s'est présenté.
M. Lévesque (Chapleau) : Et
est-ce que dans les différents cas que vous analysez, que vous voyez, là, au
quotidien, est-ce qu'il y a des zones grises que vous notez, que le projet de
loi ne couvrirait pas nécessairement, ou certains pouvoirs dont vous auriez
besoin, ou certains leviers qui vous seraient nécessaires, justement, pour bien
mener à terme votre mandat?
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme Galarneau.
Mme Galarneau (Ginette) : Oui.
On est en présence d'un projet de loi qui est un projet d'envergure et qui
présente des défis extrêmement intéressants. Je pense que le fait qu'on puisse
assujettir les entreprises de 25 à 49, c'est un pas très important, et c'est un
défi important que l'office a bien hâte de relever.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, sans plus tarder, je vais aller du côté de l'opposition officielle
avec Mme la <députée de...
Mme Galarneau (Ginette) : ...
les
entreprises de 25 à 49, c'est un pas très important et c'est un défi important
que l'office a bien hâte de relever.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, sans plus tarder, je vais aller du côté de l'opposition officielle
avec Mme la >députée de Marguerite-Bourgeoys. Vous avez 11 minutes
d'échange avec l'Office québécois de la langue française.
Mme David : Merci beaucoup.
Bonjour, Mmes Galarneau et Saindon, je crois. Bonjour. Merci beaucoup de
vos commentaires.
Je vais aller directement aux articles 23,
26, 35, un changement majeur dans vos rapports avec l'Office des professions du
Québec. J'ai fait longtemps partie d'un ordre professionnel, j'ai fait des
inspections professionnelles. Il y a le changement majeur, pour ceux qui ne
savent pas à quoi je réfère, c'est le changement du mot «réputer» par le mot
«maintenir». En termes législatifs, «réputer», c'est extrêmement différent du
mot «maintenir», alors on parle de connaissance de la langue française. Alors, jusqu'à
maintenant, les professionnels qui n'avaient pas été, il y a des critères,
formés en français, qui n'ont pas eu de l'éducation secondaire ou universitaire,
etc., avaient donc besoin de passer un examen de l'OQLF. J'étais même allée
vous rencontrer, à l'époque où j'avais des fonctions du ministre actuel, et on
parlait beaucoup des examens de français pour les professionnels, justement,
qui sont soit formés à l'étranger, soit formés dans des universités
anglophones. Et donc ça, c'est changé, la personne ne sera plus réputée, une
fois pour toutes, à vie, comme on dit, comme les gagnants à vie de la loterie,
gagnant à vie d'être réputée parler français, elle va devoir maintenir ses
compétences en français.
Ma question : Comment allez-vous
suivre ces professionnels-là? Comment, sur quels critères vous allez faire le
suivi des connaissances linguistiques? Sur quels critères vous allez appliquer
la durée des conditions pour lesquelles ce professionnel sera, donc, réputé
connaître le français?
Mme Galarneau (Ginette) : Oui,
effectivement, le projet de loi modifie le Code des professions. Le
non-maintien d'une connaissance appropriée, ça constitue un manquement
déontologique. Le plaignant serait alors dirigé vers l'ordre professionnel, et
l'ordre professionnel pourrait demander à l'office de procéder à une évaluation
pour s'assurer du maintien de la connaissance du français. Alors, globalement,
ça permet de s'assurer davantage que les membres sont en mesure d'offrir leurs
services en français, et ce, de façon continue. L'office déploie beaucoup de
moyens, effectivement, pour accompagner les membres des ordres professionnels
en mettant à leur disposition des vocabulaires faisant en sorte qu'au moment où
ils viennent passer les examens ils ont eu les outils nécessaires pour s'y
préparer.
• (10 h 30) •
Mme David : On ne parle pas
juste de vocabulaire technique lié à la profession, on parle de maintenir le
niveau de connaissance de français. Ce n'est pas clair, pour moi, quel va être
le rôle de l'office dans le maintien tout au long de la carrière. Ça, ça fait
40 ans <facilement...
>
10 h 30 (version révisée)
< Mme Galarneau (Ginette) : ...ils
ont eu les outils nécessaires pour s'y préparer.
Mme David : On ne parle pas
juste de vocabulaire technique lié à la profession, on parle de maintenir le
niveau de connaissance du français. Ce n'est pas clair, pour moi, quel va être
le rôle de l'office dans le maintien tout au long de la carrière. Ça, ça fait
40 ans, >facilement, de maintenir le français. Ce n'est pas clair
pour moi si ce sont les inspecteurs de l'Office, les inspecteurs des ordres
professionnels, si on vérifie autant le maintien, la tenue de dossiers, par
exemple, d'un professionnel, et est-ce que ce même inspecteur, qui est souvent
du même métier, et évidemment de la même profession que le professionnel visé,
va devoir faire passer des tests de français, ce n'est pas clair pour moi ni
dans le projet de loi ni, pour l'instant, dans les indications que vous nous
avez données.
Mme Galarneau (Ginette) :
Bien, effectivement, ça va revenir aux ordres professionnels, qui pourront
exiger de leurs membres qu'ils suivent des cours de perfectionnement pour
recouvrir au besoin cette connaissance du français, et ils pourront exiger
qu'ils obtiennent l'attestation de connaissance du français délivrée par l'office.
Mme David : Bien, voilà, ce
n'est pas l'ordre professionnel, c'est donc l'office, vous venez de le dire,
qui va attester de la... du bon maintien du français, le cas échéant, pour un
ordre professionnel où l'inspecteur aurait juré... aurait jugé que le
professionnel ne parlait pas suffisamment bien son français, ce n'est pas du
tout clair pour moi comment ça va fonctionner, et je sais, parce que l'Office
des professions du Québec, c'est beaucoup, beaucoup de professions, ça implique
beaucoup, beaucoup de professionnels, ils sont inquiets et ils veulent avoir
des précisions.
Mme Galarneau (Ginette) : Oui,
effectivement, on le sait que les ordres... dans les ordres professionnels, on
ne peut pas délivrer de permis aux personnes qui n'ont pas de connaissance du
français qui est appropriée, donc il y a une obligation additionnelle que celle
de maintenir, et c'est les ordres professionnels qui pourront constater, à
l'occasion d'une plainte ou à l'occasion d'activités, qu'il y a des personnes
qui devront suivre des cours de perfectionnement et que l'Office, comme il le
fait actuellement, pour obtenir un permis de l'ordre, l'office pourra attester
de la connaissance du français avec les examens...
Mme David : Donc, vous dites à
l'occasion d'une plainte, ou c'est l'inspecteur qui fait des inspections
régulières? On sait, à tous les trois, quatre ans, notre nom est pigé dans les
25 000 professionnels, ou les 10 000, il y a 75 000 infirmières,
donc les inspections sont souvent aléatoires. Là, vous dites ça peut être une
plainte, ce n'est pas ça qui est dit dans le projet de loi.
Mme Galarneau (Ginette) :
Bien, ça pourrait être à cette occasion-là, ça pourrait être très certainement
dans diverses situations. C'est l'ordre professionnel qui pourra en juger.
Mme David : Donc, quelqu'un
fait une dénonciation, ça peut être un collègue, un autre collègue qui dit :
Lui, il ne parle pas assez bien le français? J'essaie de comprendre comment on
maintient, tout au long de la carrière, la compétence en français.
Mme Galarneau (Ginette) :
Effectivement, c'est l'ordre professionnel qui pourra faire en <sorte de...
Mme David : ...un autre
collègue qui dit : Lui, il ne parle pas assez bien le français? J'essaie
de comprendre comment on maintient, tout au long de la carrière, la compétence
en français.
Mme Galarneau (Ginette) :
Effectivement, c'est l'ordre professionnel qui pourra faire en >sorte de
réaliser que la personne n'a pas la pleine connaissance du français qui lui
permet d'accueillir et de servir la clientèle en français.
Mme David : Et
l'article 35, vous avez parlé tout à l'heure des sanctions, alors, je ne
sais pas si c'est vous, directement, là, qui donnez éventuellement les
sanctions, mais c'est, selon le Code des professions, c'est la sanction la plus
grave qui peut être donnée, qui est au niveau d'accusations, de collusions, de
corruption, d'abus, de gestes sexuels, usurpation de titre, etc., si la
personne est considérée ne pas avoir maintenu suffisamment son français.
Qu'est-ce que vous dites de ça?
Mme Galarneau (Ginette) : C'est
l'ordre professionnel qui pourra juger de ce qui doit être fait, de la même
façon que j'ai dit tantôt qu'il pourrait y avoir des cours de perfectionnement
qui pourraient exiger que cette personne-là repasse l'examen de français de
l'office. Donc, c'est l'ordre professionnel.
Mme David : Et donc c'est
l'office qui va décider que la personne échoue ou n'échoue pas le cours de français
tout au long de sa vie.
Mme Galarneau (Ginette) : S'il
y a eu l'exigence, effectivement, de l'attestation. C'est comme ça de toute
façon pour près de 2 000 personnes par année qui...
Mme David : Par année, une
fois dans leur vie.
Mme Galarneau (Ginette) : Oui.
Mme David : C'est ça, O.K.,
merci beaucoup. Je veux juste, avant de passer la parole à mon collègue, vous
demander ce que vous pensez de notre proposition, il me semble qu'elle était
bonne, au Parti libéral, qu'il y ait un conseil d'administration à l'office. Il
n'y a pas de conseil d'administration. Le ministre garde donc la... Il y a des
membres, mais il n'y a pas de conseil d'administration au sens de l'IGOPP et de
la gouvernance des conseils d'administration. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Galarneau (Ginette) : Pour
connaître un peu la loi sur les conseils d'administration, très souvent on
retrouve cette loi-là qui s'applique à des organismes qui sont des organismes
qui peuvent subventionner, par exemple, des organismes de nature économique.
Les organismes d'application des lois, je pense à l'Office de la protection du
consommateur, je pense à l'Office des professions, c'est des organismes qui
sont constitués de la même façon que l'office. De la même façon, on rend compte,
dans le rapport annuel, à chaque année, des décisions qui sont prises pour les
membres, parce que la loi est très précise sur les responsabilités des membres,
les membres, par exemple, qui...
Mme David : Merci. Ça va,
merci beaucoup. Je voudrais laisser du temps pour mon collègue...
Mme Galarneau (Ginette) :
Excusez-moi.
Mme David : ...le député de D'Arcy-McGee.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il vous reste 2 min 25 s.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mmes Galarneau et Saindon. Moi, j'ai eu le plaisir dans
mes vies antérieures professionnelles d'avoir affaire avec l'office, et
c'étaient des entretiens toujours marqués par du professionnalisme et
transparence. Alors, j'en suis reconnaissant.
Je veux parler des pouvoirs <d'enquête.
À l'article...
La Présidente (Mme Thériault) :
...2 min 25 s.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mmes Galarneau et Saindon. Moi, j'ai eu le plaisir dans
mes vies antérieures professionnelles d'avoir affaire avec l'office, et
c'étaient des entretiens toujours marqués par du professionnalisme et
transparence. Alors, j'en suis reconnaissant.
Je veux parler des pouvoirs >d'enquête.
À l'article 174, on a que «la personne qui effectue une inspection pour
l'application de la présente loi peut :
«1° pénétrer, à toute heure raisonnable,
dans tout endroit, autre qu'une maison d'habitation, où s'exerce une activité
régie par la présente loi ou dans tout autre endroit où peuvent être détenus
des documents ou d'autres biens auxquels elle s'applique».
Bon, on parle de l'ère numérique maintenant
et les pouvoirs accrus nécessaires. Pouvez-vous me parler de trois choses? Dans
un premier temps, les difficultés actuelles, sens et pouvoir dits pas mal
exceptionnels, comment vous allez former vos inspecteurs pour qu'ils puissent
se prévaloir d'un pouvoir assez sensible, et, troisièmement, vous avez parlé vous-même
de relation de confiance, l'efficacité de vos entretiens avec les entreprises, est-ce
que, de votre avis, cette efficacité ne serait pas compromise par le fait que
ces pouvoirs soient à l'abri de la charte québécoise et canadienne des droits
et libertés?
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme Galarneau.
Mme Galarneau (Ginette) :
Alors, je vais commencer et je demanderai à Mme Saindon de compléter.
L'office, je l'ai mentionné tantôt, c'est un organisme qui traite toutes les
plaintes qui sont reçues à l'office. On a des défis parfois d'inspection, par
exemple, dans des entrepôts. Il n'est pas possible, puisque ce n'est pas un
lieu accessible au public, de faire des inspections dans les entrepôts, donc,
ça, ça en fait partie, des défis.
Du côté de la formation, je vous dirais
que nos... il y aura tout un programme de formation pour le personnel de
l'office à la sanction de la loi pour faire en sorte, effectivement, qu'à la
suite d'avis juridiques nous assurer d'une interprétation qui est cohérente,
qui est uniforme. On va faire en sorte que les employés, effectivement, soient
bien formés, et...
La Présidente (Mme Thériault) :
Ceci met fin au bloc d'échange, Mme Galarneau, malheureusement,
Mme Saindon. C'est pour une autre fois.
Mme Galarneau (Ginette) :
Désolée.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il n'y a pas de problème. C'est le temps, c'est comme ça, malheureusement. Mme
la députée de Mercier, 2 min 45 s pour vous.
Mme Ghazal : Merci. Merci, Mme
la Présidente. Merci, mesdames, pour votre présentation. Donc, j'ai peu de
temps, en 2 min 45 s. Je vais vous poser deux questions en
rafale... ou, si c'est possible, d'avoir votre document déposé, celui que vous
avez lu au début, ça nous aiderait dans nos travaux. Vous avez dit que 73 %
des plaintes proviennent d'entreprises qui ont 50 employés et moins. Est-ce
que vous avez le détail? Par exemple, combien des plaintes proviennent
d'entreprises de 10 employés à 25? Est-ce que vous avez ce genre de détail
là? Et aussi, par rapport à la francisation en entreprise, c'est-à-dire que
vous allez <avoir les...
Mme Ghazal : ...
qui
ont 50 employés et moins, est-ce que vous avez le détail? Par exemple,
combien des plaintes proviennent d'entreprises de 10 employés à 25? Est-ce
que vous avez ce genre de détail là? Et aussi, par rapport à la francisation en
entreprise, c'est-à-dire que vous allez >avoir les chiffres dans les
entreprises, les employés qui ne parlent pas français qui sont au Québec dans
ces entreprises-là, est-ce que, dans le projet de loi, vous trouvez qu'il y a suffisamment
d'incitatifs pour qu'il y ait de la francisation en entreprise? Et, quand je
dis «francisation en entreprise», je pense, par exemple, à une mère
monoparentale qui travaille le jour. Même si son employeur lui dit : Tu
peux aller suivre une formation dans un organisme communautaire ou quelque part
le soir, ce n'est pas possible. On le sait, la francisation la plus efficace,
c'est celle qui se fait dans le milieu de travail. Est-ce qu'il y a... Est-ce
que, selon vous, cette possibilité-là... Est-ce qu'il y a suffisamment
d'incitatifs pour que la francisation se fasse en entreprise sur les heures du
travail dans le projet de loi n° 96?
• (10 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Et vous avez 1 min 25 s pour répondre aux questions.
Mme Galarneau (Ginette) : Oui,
effectivement, je considère qu'il y a beaucoup de moyens, en tout cas, qui
pourront être mis en place à la suite de l'adoption des mesures qui sont
prévues. Avec Francisation Québec, il faut mener un certain nombre
d'expériences de cours de français, justement, dans les milieux de travail,
faire en sorte que cette offre-là soit accessible aux personnes, par exemple en
virtuel, au moment où les personnes sont disponibles ou sur les heures de
travail. On sait qu'il existe déjà avec... des subventions qui existent, par
exemple, du côté de la Commission des partenaires du marché du travail, avec un
programme favorisant l'apprentissage en milieu de travail et la francisation.
Donc, il faut tenter de déployer le plus possible ces moyens-là et d'atteindre
les milieux où le français est moins présent.
Dans une étude qu'on avait réalisée dans
le cadre du dernier programme de recherche, on a été capables de mettre le doigt
sur les secteurs, par exemple, les secteurs du commerce de détail, du commerce
en gros, du transport, d'être en mesure de voir que c'est dans ces secteurs-là
qu'il faut tenter de rejoindre le plus grand nombre d'entreprises.
Mme Ghazal : Oui, ça, c'est...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois...
Mme Ghazal : Est-ce qu'il y a
des cibles?
La Présidente (Mme Thériault) :
Non, malheureusement, il ne reste plus de temps. Désolée.
Mme Ghazal : Oui, merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je dois mettre fin à l'échange. M. le député de Matane-Matapédia, vous
aussi, pour 2 min 45 s.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Le droit de travailler en français. 58,1 % des entreprises ont
exigé l'anglais à l'embauche, selon vos statistiques. Alors, le projet de loi
n° 96, est-ce qu'il va assez loin pour contrer l'exigence systématique de
l'anglais à l'embauche? Parce qu'il ne l'interdit pas. Et, comme vous avez une
indépendance face au gouvernement du Québec, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Galarneau (Ginette) : Effectivement,
les études qu'on a menées nous montrent qu'il y a un recul du français et qu'il
y a une utilisation de plus en plus grande du français avec l'anglais et qu'il
y a des <exigences qui...
M. Bérubé : ...Et, comme
vous avez une indépendance face au
gouvernement du Québec, j'aimerais
vous entendre
là-dessus.
Mme Galarneau (Ginette) :
Effectivement,
les études qu'on a menées nous montrent qu'il y a un recul du
français
et qu'il y a une utilisation de plus en plus grande du
français avec
l'anglais et qu'il y a des >exigences qui sont de plus en plus
nombreuses de la connaissance de l'anglais, que ce soit dans les entreprises ou
les municipalités. Vous nous avez...
M. Bérubé : Ce n'est pas ma
question.
Mme Galarneau (Ginette) : Oui,
je sais.
M. Bérubé : Est-ce qu'il
serait préférable de l'interdire?
Mme Galarneau (Ginette) : On
pense qu'il y a des situations, et ces des situations qui nous sont rapportées,
il y a des situations où les entreprises ont véritablement besoin. Quand elles
ont, par exemple, elles ont un siège social et elles ont des établissements en
dehors du Québec, il arrive qu'il y a des personnes qui ont un rôle à jouer. C'est
des situations où elles ont des fournisseurs qui sont à l'extérieur du Québec.
Donc, il y a des situations, mais on va passer d'une situation où on va avoir
la possibilité de pouvoir nommer la nécessité, il va y avoir toute une
évaluation qui devra être faite par l'entreprise. Avoir évalué les besoins
linguistiques réels...
M. Bérubé : Merci, madame. En
fait, mais j'ai peu de temps, madame. Nous sommes d'avis qu'il faut interdire.
Vous partez d'exceptions pour appliquer la règle à l'ensemble des entreprises.
Selon le Parti québécois, notre proposition, il vaut mieux interdire à tout le
monde et que la règle soit claire, au lieu de prendre l'exception et d'en faire
la règle. Donc, avec les statistiques que vous avez dévoilées, je suis d'avis
qu'il vaudrait mieux interdire. Ça ne semble pas votre position.
Mme Galarneau (Ginette) : De
toute façon, ce n'est pas la position de l'office. Le projet de loi va loin en
disant que l'employeur devra s'être assuré que les connaissances linguistiques
déjà exigées des autres membres sont insuffisantes et avoir restreint le plus
possible le nombre de postes dans l'accomplissement des tâches qui nécessitent
la connaissance de l'anglais.
M. Bérubé : Respectueusement,
nous n'avons pas la même définition d'aller assez loin en matière de projet de
loi. Il m'apparaît que le gouvernement passe à côté de l'objectif. On interdit
ou pas. On ne continue pas de prendre les exceptions et d'en faire la règle, et,
en ce sens, notre position est diamétralement opposée à celle du gouvernement
du Québec.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange. Donc, Mme Galarneau, Mme Saindon,
merci beaucoup pour votre passage en commission.
Nous allons suspendre, maintenant,
quelques instants afin de laisser la place aux prochains intervenants. Merci,
bonne journée.
Mme Galarneau (Ginette) :
Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 45)
(Reprise à 10 h 49)
La Présidente (Mme Thériault) :
Rebonjour, tout le monde. Donc, nous en sommes rendus au deuxième groupe de la
matinée. Nous avons le Pr Guillaume Rousseau, de l'Université de
Sherbrooke, qui est accompagné de M. Marc-Antoine Larivée, diplômé en
droit de l'Université de Sherbrooke et étudiant à l'École du Barreau. Bienvenue
à l'Assemblée nationale. Vous êtes un des rares groupes en présentiel. Donc,
bienvenue. Et, sans plus tarder, vous avez 10 minutes pour faire votre
exposé et, évidemment, présenter qui est qui. Allez-y. La parole est à vous.
MM. Guillaume Rousseau
et Marc-Antoine Larivée
M. Rousseau (Guillaume) :
Alors, bonjour, tout le monde. Je me présente, je suis Guillaume Rousseau.
Merci pour l'invitation à venir vous faire part de nos commentaires sur le projet
de loi n° 96. Je suis accompagné par M. Marc-Antoine Larivée, qui est
étudiant à l'École du Barreau, et qui, comme moi, ici, aujourd'hui, s'exprime à
titre personnel.
Il s'agit de la troisième fois que je suis
invité en commission parlementaire à titre d'expert, mais je dois avouer que
c'est la première fois que je suis invité à commenter un projet de loi aussi
volumineux. Donc, vous allez me permettre, vu le temps qui nous est imparti,
qui est quand même limité, de me concentrer sur les commentaires généraux, à la
fois sur notre cadre théorique, notre méthodologie, et ensuite sur certains
éléments du projet de loi. Évidemment, on ne pourra pas tous les commenter.
Mais, d'abord, permettez-moi de saluer le
sérieux et la profondeur de ce projet de loi qui touche beaucoup de domaines et
qui tient compte, je pense, des propositions fort pertinentes des différentes
formations politiques représentées à l'Assemblée nationale qui, au cours des
dernières années, des derniers mois en particulier, ont fait des propositions,
et on sent que ça a été repris, là, en partie par le projet de loi. Donc, nous
saluons également ces autres propositions. Et nous soulignons également qu'un
projet de loi puise dans la littérature scientifique en matière de droit
linguistique québécois, donc, pour des chercheurs comme nous, c'est vraiment
bien de voir qu'on sent que les travaux de recherche des dernières années en
droit linguistique québécois ont été pris en compte par les rédacteurs du
projet de loi, et c'est évidemment une très bonne pratique.
• (10 h 50) •
Donc, notre mémoire puise dans cette
littérature en matière de droit linguistique québécois, et cette littérature
révèle une chose fort importante, c'est que l'épanouissement d'une langue
minoritaire, comme le français au Canada, pour assurer cet épanouissement-là,
il faut vraiment une approche territoriale, donc il faut une seule langue
officielle par territoire. Donc, la littérature scientifique est très, très
claire là-dessus, et c'était d'ailleurs l'approche qui était à la <base
de la loi 101 en 1977 et qui a mené...
M. Rousseau (Guillaume) : ...
c'est
que l'épanouissement d'une langue minoritaire, comme le français au Canada,
pour assurer cet épanouissement-là, il faut vraiment une approche territoriale,
donc il faut une seule langue officielle par territoire. Donc, la littérature
scientifique est très, très claire là-dessus, et c'était d'ailleurs l'approche
qui était à la >base de la loi 101 en 1977 et qui a mené à des
progrès pour le français à cette époque-là, dans les années qui ont suivi. Puis
ensuite il y a eu... donc cette approche territoriale dans la loi 101 a
connu un certain nombre de reculs et, avec elle, la langue française a connu
des reculs. Évidemment, il y a d'autres facteurs qui peuvent jouer, mais n'empêche
que c'est assez frappant. Alors, c'est une des raisons pourquoi, à certains
égards, nous recommandons un retour à certains éléments de la loi 101 de
1977.
En même temps, puisque c'est la première
grande réforme de la loi 101 depuis 1977, bien je pense qu'il faut aussi
moderniser cette loi-là en tenant compte des évolutions survenues au Québec
depuis 1977. C'est ce que le projet de loi cherche à faire, c'est pourquoi nous
le jugeons opportun, mais, en même temps, nous proposons beaucoup de
propositions d'amendements, vous en trouverez plus d'une vingtaine dans notre
mémoire, et elles visent toutes, ces propositions-là, soit à accentuer le
caractère territorial de la loi, soit revenir à la version de 1977 ou soit
encore à moderniser la loi 101 en tenant compte d'évolutions récentes.
Donc, si on y va pour certaines
dispositions, donc du projet de loi. D'abord, les modifications au préambule
nous semblent parfaitement opportunes. On en propose trois autres, dont une sur
laquelle je veux insister, c'est la mention du territoire québécois dans le
préambule. Ça peut sembler symbolique, mais c'est que ça permettrait vraiment
de mettre l'accent sur le fait que la loi 101, c'est une approche de
territorialité linguistique, et c'est important que les personnes appelées à
appliquer la loi aient ça en tête.
Ensuite, au niveau des droits
linguistiques fondamentaux, parce qu'il ne faut jamais oublier, la
loi 101, c'est quoi : le français, langue officielle, des droits linguistiques
fondamentaux puis, ensuite, plein de dispositions spécifiques qui visent à
mettre en oeuvre ces droits linguistiques fondamentaux, ces droits-là qui
n'avaient pas été revus depuis 1977. Et là, vraiment, on a des choses
intéressantes en matière de droits linguistiques fondamentaux, notamment un
droit à la législation et à la justice en français. Et on a l'article 5 du
projet de loi qui vient vraiment donner le corps à ce droit-là, entre autres,
avec la règle résiduaire de la primauté de la version française des lois. Cette
règle-là est valide, à l'égard de la constitution, surtout si on inclut dans la
constitution l'article 90, Q-2, qui est proposé par le projet de loi. Et à
la fois cette règle-là et cet ajout à la constitution sont tout à fait
possibles en vertu de l'article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982,
qui permet au Québec de modifier sa propre constitution. C'est un pouvoir
analogue à celui-là qui a permis, par exemple, d'adopter la loi sur le Conseil
législatif qui a modifié l'article 133 de la constitution, hein, cet
article-là parle des deux chambres de la législature de Québec, ça a été
modifié par la loi sur le Conseil législatif, et c'est tout à fait valide, ça a
été confirmé par un jugement dans l'affaire Montplaisir.
Ensuite, toujours au niveau des droits
linguistiques fondamentaux, on propose de nouveaux droits des technologies de
l'information en français, droit à l'enseignement en français, du CPE, qui
n'existait pas en 1977, jusqu'à l'université, et on propose également <d'élargir...
M. Rousseau (Guillaume) : ...et
c'est
tout à fait valide, ça a été confirmé par un jugement dans
l'affaire Montplaisir.
Ensuite, toujours au niveau des droits
linguistiques fondamentaux, on propose de nouveaux droits des technologies de
l'information en français, droit à l'enseignement en français, du CPE, qui
n'existait pas en 1977, jusqu'à l'université, et on propose également >d'élargir
le droit fondamental d'exercer ses activités en français. Hein, pour l'instant,
dans la loi, c'est seulement pour les travailleurs, et en 1977 il n'y avait pas
une pertinence à ça. Maintenant, il faut élargir ça, notamment aux
entrepreneurs, on sait qu'il y a plus d'entrepreneuriat, là, chez les
francophones aujourd'hui qu'à l'époque.
Les dispositions du projet de loi en
matière de langue du travail sont également fort bien pensées. On propose un
ajout, c'est-à-dire d'interdire de discriminer un employé parce qu'il ne parle
pas une autre langue, parce qu'il ne parle pas anglais, généralement, même
lorsque c'est requis par le poste de parler anglais, pourvu que l'employé soit
prêt à apprendre cette langue aux frais de l'employeur.
Concernant les cégeps, on y va d'une
proposition pour concilier l'application de la loi 101 au cégep et la
préservation d'un certain libre choix, donc on a une espèce de proposition de
compromis qui permettrait entre autres de garantir aux anglophones le choix de
leur cégep, ce qui n'est pas toujours évident à l'heure actuelle. Et si jamais
le législateur ne nous suit plus, ne nous suit pas pour cette proposition, on
en a une autre, qui est simplement de mettre un objectif à moyen terme, en
termes de réduction des effectifs des cégeps anglais.
Sinon, toujours en matière d'enseignement
supérieur, et là c'est peut-être le gros oubli du projet de loi : le
français comme langue de recherche. Il faut dire qu'il y a une étude de l'ACFAS
qui est sortie après le dépôt du projet de loi et qui démontre clairement le
recul du français comme langue de recherche. Donc, nous, on vous propose un
amendement très, très détaillé en cette matière.
Ensuite, il y a la question des langues
autochtones. À mon avis, il n'y a rien dans le projet de loi qui porte atteinte
ou qui enlève de quelconque manière des droits relatifs aux langues
autochtones. En fait, il y a juste l'article 68 qui concerne les
autochtones, puis il permet de les accommoder davantage, donc il n'y a pas de
problème. Et ce qu'on souhaite attirer à votre attention, c'est que ce ne
serait probablement pas le bon endroit, ce projet de loi là, et la loi 101,
pour adopter des mesures favorables aux langues autochtones. Parce que la façon
dont fonctionne la loi 101, c'est... le principe, c'est pour le français,
et les dispositions sur les autres langues, c'est des exceptions, donc
d'interprétation stricte. Alors, si on veut adopter des mesures pour les lois
autochtones, il faut plutôt les mettre dans une autre loi, où, à ce moment-là,
ce seraient des principes en faveur des langues autochtones, mais, pour ça, c'est
vraiment une autre loi, un autre projet de loi, là, qui serait le véhicule
approprié.
Enfin, concernant la langue du commerce,
on salue les avancées, notamment en matière de marques de commerce. On souhaite
aller plus loin, on souhaite qu'il y ait un droit à avoir des vêtements, des
accessoires en français, et on souhaite un retour à la règle de l'affichage
commercial exclusif en français, mais seulement pour les grandes, voire les
très grandes entreprises, et on suggère comme seuil 75 employés.
Pourquoi? Parce qu'ailleurs dans le mémoire, on suggère d'abaisser le seuil,
pour le comité de francisation, de 100 à 75 employés. À l'heure actuelle,
le projet de loi touche au seuil pour les certificats de francisation, de 50 à
25, par cohérence, nous, on irait de 100 à 75 pour l'obligation d'un comité de
francisation, et 75 deviendrait le seuil des règles applicables aux grandes
entreprises, <notamment...
M. Rousseau (Guillaume) : ...
comité
de francisation, de 100 à 75 employés. À l'heure actuelle, le projet de
loi touche au seuil pour les certificats de francisation, de 50 à 25, par
cohérence, nous, on irait de 100 à 75 pour l'obligation d'un comité de
francisation, et 75 deviendrait le seuil des règles applicables aux grandes
entreprises, >notamment l'affichage unilingue au niveau commercial. Évidemment,
ça pourrait être contesté en vertu de la liberté d'expression des chartes des
droits, mais grâce aux dispositions de dérogations, ce serait protégé et, soit
dit en passant, l'usage de la disposition de dérogation, des dispositions de
dérogation dans le projet de loi, c'est tout à fait conforme à la
jurisprudence, à la théorie doctrinale dominante, à la pratique passée de l'Assemblée
nationale, parce que c'est un usage préventif, mais non rétroactif, expresse et
qui est fait pour les questions d'identité et de progrès social.
Cela dit, même s'il n'y avait pas de
dispositions de dérogation, l'affichage unilingue français pour les grandes entreprises,
ça passerait le test des chartes, très vraisemblablement. Et là-dessus je
laisse Marc-Antoine développer avec le temps qu'il nous reste.
M. Larivée (Marc-Antoine) :
Oui. Donc, Mme la Présidente, en passant, bonjour à tous et à toutes, donc,
pour faire suite à la proposition du Pr Rousseau, selon l'avis juridique
de 1993 du Pr José Woehrling, un retour à la règle d'affichage exclusif en
français, donc, comme il l'a mentionné pour les entreprises de 75 personnes
et plus, passerait vraisemblablement aujourd'hui les exigences du test de l'article
premier de la charte canadienne, et ce, pour deux raisons.
Premièrement, la jurisprudence actuelle
prévoit que lorsque le législateur tente de concilier des intérêts, qu'ils
soient politiques, sociaux ou économiques, comme en l'espèce, il faut
interpréter le critère de l'atteinte minimale de manière souple ou flexible,
contrairement à l'interprétation rigoureuse que la Cour suprême a autrefois
appliquée dans certaines décisions telles que l'arrêt Oakes ou l'arrêt Ford.
Deuxièmement, la jurisprudence prévoit que
des restrictions à la liberté d'expression commerciale se justifient beaucoup
plus facilement au sens de l'article premier que, par exemple, des restrictions
à la liberté d'expression politique parce que la liberté d'expression
commerciale ne s'assimile pas aux valeurs qui sont fondamentalement protégées
par l'article 2b de la charte canadienne. Il est important de souligner que ce
principe a récemment été confirmé par la Cour d'appel fédérale en 2020 dans
l'affaire Canada Inc., Compu.Finder contre Canada.
Finalement, pour terminer, on propose une
modification quant aux traitements des plaintes de l'office française
québécoise. En fait, on juge que, lorsqu'il s'agit d'une plainte d'intérêt
collectif et général, l'office devrait avoir l'obligation d'informer, un, le
plaignant de sa plainte, deux, les mesures que l'office prend, et, trois, les
mesures que l'auteur du manquement prend, le cas échéant. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Avec l'autorisation du ministre, les 15 secondes de plus que vous
avez prises seront retranchées au temps du ministre. M. le ministre, la parole
est à vous.
• (11 heures) •
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, Mme la Présidente. M. le professeur Rousseau, M. Marc-Antoine
Larivée, merci de participer aux consultations sur le projet de loi n° 96.
Je tiens à vous féliciter pour votre mémoire, qui est fort intéressant et très
fouillé.
D'entrée de jeu, je voudrais vous entendre
sur la notion de langue commune et de la question de la culture commune, parce
que vous semblez faire un lien entre la langue commune, la <culture
commune...
>
11 h (version révisée)
<15359
M.
Jolin-Barrette :
...sur le projet de loi n° 96. Je tiens à
vous féliciter pour votre mémoire, qui est fort intéressant et très fouillé.
D'entrée de jeu, je voudrais vous entendre
sur la notion de langue commune et de la question de la culture commune, parce
que vous semblez faire un lien entre la langue commune, la >culture
commune et la convergence culturelle. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous
entendez par là et ce que ça signifie?
M. Rousseau (Guillaume) : Oui,
merci pour cette question. Effectivement, c'est un des points que je n'avais
pas pu aborder dans ma présentation orale, mais qui est développé dans le
mémoire. Donc, je suis content d'avoir l'occasion de développer ça un peu.
Donc, la notion de langue commune, d'abord,
il faut vraiment rappeler de quoi on parle. Ça s'inscrit, la notion de langue
commune... c'est arrivé avec la commission Gendron, au début des
années 70, parce qu'à ce moment-là il y avait comme un débat où on avait,
d'une part, le bilinguisme prôné par le gouvernement Trudeau, la Loi sur les
langues officielles, puis, d'autre part, il y avait l'unilinguisme, avec le RIN,
et là c'est comme si on avait ce choix, soit c'était le bilinguisme, soit c'était
l'unilinguisme, ce qui était, évidemment, un non-sens.
Donc, la commission Gendron est arrivée à
cette notion de langue commune qui disait, dans le fond : On peut très
bien avoir plusieurs langues au Québec, il peut très bien avoir une communauté
d'expression anglaise, avec des membres de la communauté qui parlent anglais
entre eux, il peut avoir une communauté hispanophone, arabophone, nommez-les,
mais il faut une langue commune. C'est-à-dire que, lorsque vous avez quelqu'un
de la communauté anglophone qui parle à quelqu'un d'expression française, la
langue de communication interlinguistique, dit-on parfois en langage technique,
ça devrait être le français. Puis, des fois, on allait même plus loin, on
disait : Lorsqu'un hispanophone s'adresse à un anglophone, la langue
commune, ça devrait être le français, parce que c'est la langue que tout le
monde connaît au Québec.
Donc, dès qu'on est dans un contexte
interlinguistique, le français devrait être la langue commune. Donc, ça
permettait de dépasser cette opposition entre unilinguisme et bilinguisme, et
ça a fait consensus. Donc, ça, c'est vraiment... Donc, c'est extrêmement
opportun, à mon avis, que le projet de loi mette ce concept-là dans la loi,
alors qu'avant c'était dans le livre blanc. Donc, on savait que c'était
derrière la tête du législateur en 1977, mais là, vraiment, de le mettre dans
la loi, ça m'apparaît vraiment très opportun.
Et, toujours en 1977, donc après la
loi 101 en 1977, est arrivée, en 1978, la politique de développement
culturel, dans les deux cas, sous la responsabilité de Camille Laurin, avec
Fernand Dumont, Guy Rocher et quelques autres. Et là ce qu'on disait, c'est que,
si vous avez une langue commune, forcément, ça a des conséquences sur la
culture, parce que la façon qu'on conçoit la langue au Québec c'est, oui,
évidemment, un outil de communication, mais c'est aussi un véhicule culturel, donc,
et c'est là que l'approche québécoise diffère de l'approche fédérale, où, au
fédéral, on dit : Il y a le bilinguisme et le multiculturalisme. Donc, on
déconnecte langue et culture. Au Québec, on a plutôt l'approche de dire :
Non, non, la langue c'est très culturel. Donc, à partir de là, si on fait la
promotion d'une langue commune, il faut, en même temps, faire la promotion d'une
culture commune. C'est dans la logique des choses.
Puis donc, toujours dans la politique de
développement culturel de 1978, on disait : Comment on peut faire cette
culture commune là sachant qu'il y a plusieurs cultures présentes au Québec?
Personne ne nie ça, au contraire, il s'agit de valoriser ça, mais le concept
qui a été mis de l'avant, c'est celui de convergence culturelle, c'est-à-dire,
reconnaissons qu'il y a plusieurs gens avec des bagages culturels distincts,
mais projetons-nous vers l'avenir, convergeons vers le fait de bâtir ensemble
une culture commune à tous, ce qui ne nous empêche pas d'avoir chacun des
référents culturels particuliers, mais convergeons vers une culture <commune...
M. Rousseau (Guillaume) :
...
Mais le concept qui a été mis de l'avant, c'est celui de convergence
culturelle, c'est-à-dire, reconnaissons qu'il y a plusieurs gens avec des
bagages culturels distincts, mais projetons-nous vers l'avenir, convergeons
vers le fait de bâtir ensemble une culture commune à tous, ce qui ne nous
empêche pas d'avoir chacun des référents culturels particuliers, mais
convergeons vers une culture >commune, qui, forcément, est la culture québécoise
d'expression française, mais qui est, évidemment, ouverte à des apports, notamment,
provenant des cultures issues de l'immigration. Donc, c'est pourquoi on parle,
dans le mémoire, de langue commune, culture commune, convergence culturelle.
M. Jolin-Barrette : Et
pensez-vous que cette approche-là permettrait, autant sur la question de la
langue commune mais aussi de la culture commune, d'avoir une meilleure intégration
des personnes immigrantes? Parce qu'un des enjeux que nous vivons, un des défis
que nous vivons, pour dès maintenant et pour les prochaines années, c'est
d'intégrer les personnes immigrantes en français, parce qu'on sait à quel point
l'anglais est attractif dans l'environnement nord-américain. Mais, si on veut,
comme nation, faire en sorte de pouvoir continuer de vivre en français, de
travailler en français, bien, il faut que l'ensemble de la société, l'ensemble
des personnes immigrantes, on puisse... on réussisse à les intégrer en
français. Il y a un volet du projet de loi, notamment sur Francisation Québec,
qui va toucher ça. Mais, plus au niveau du fond des choses, sur cet aspect-là,
au niveau de la convergence, de la langue commune, qu'est-ce que vous en
pensez?
M. Rousseau (Guillaume) : Oui.
Donc, très bon, puis vous faites bien de parler de Francisation Québec, parce
qu'une des raisons pourquoi on propose de parler de culture commune dans le
projet de loi, de convergence culturelle, c'est parce qu'on a l'impression que
c'est déjà dans le projet de loi, mais de manière implicite. Donc, c'est, à la
fois, par souci de transparence, d'explicitation, puis aussi, on appelle ça, en
légistique, le principe de cohérence interne, c'est-à-dire qu'il faut que les
différentes dispositions d'une même loi soient... forment un tout cohérent. Particulièrement
dans notre tradition de droit civil, c'est extrêmement important. Donc, d'où le
fait de mentionner «langue commune», puisque c'est là, de toute façon,
derrière.
Et, effectivement, vous avez raison, c'est
extrêmement important pour nos compatriotes issus de l'immigration parce que,
dans le fond, la culture, ça occupe plus de place qu'ailleurs, que dans
d'autres provinces, au Québec. Les budgets du ministère de la Culture sont plus
grands que dans d'autres provinces, etc. Donc, il faut se servir de cet extraordinaire
véhicule que sont les arts, les lettres, l'histoire du Québec pour faire
participer — hein, intégrer, ça veut essentiellement dire ça — nos
compatriotes issus de l'immigration, puis ça va dans le sens du projet de loi,
là, il y aura une cohérence.
M. Jolin-Barrette : ...vous
nous invitez à rejeter clairement le multiculturalisme canadien. Est-ce que ça
devrait faire partie du projet de loi, ça? Parce que, de votre propos, je
comprends que, puisque nous avons une langue commune, puisque nous avons une
culture commune, le modèle d'intégration au Québec, il est distinct du reste du
Canada. Puis les récents événements nous ont démontré, au cours de la dernière
campagne électorale, le... Et on le note depuis des années. Notamment, l'accord
du lac Meech, hein, qui avait été négocié par Robert Bourassa, disait : La
société distincte. On vient inscrire le fait que le Québec est une nation au
sein de la Constitution canadienne. Comment vous voyez ça, la question du
multiculturalisme pour le Québec, comme nation?
M. Rousseau (Guillaume) :
Donc, de deux choses l'une. C'est sûr que le rejet d'un concept dans une loi,
ça peut être difficilement concevable. Ça pourrait peut-être être dans le
préambule, on pourrait imaginer un préambule qui fait part du fait que le
Québec n'adhère pas à la doctrine du multiculturalisme canadien, donc ça
pourrait avoir sa <place là. Mais, sinon, je pense que...
M. Rousseau (Guillaume) : ...
de
deux choses l'une. C'est sûr que le rejet d'un concept dans une loi, ça peut
être difficilement concevable. Ça pourrait peut-être être dans le préambule, on
pourrait imaginer un préambule qui fait part du fait que le Québec n'adhère pas
à la doctrine du multiculturalisme canadien, donc ça pourrait avoir sa >place
là. Mais, sinon, je pense que, du fait de référer à la convergence culturelle,
n'importe qui qui connaît un petit peu la littérature scientifique
multiculturaliste, interculturaliste, convergence culturelle va bien comprendre
que le Québec propose un modèle différent. Alors que, si, au contraire, on
parle plutôt d'interculturalisme... et là il y a une fois le mot
«interculturel» dans le projet de loi, puis je pense que ça ne reflète pas bien
l'esprit du projet de loi et que, notamment pour cette raison-là, on pourrait
enlever ce mot-là.
Mais donc j'irais un petit peu plus loin,
peut-être, que vous le faites explicitement, c'est-à-dire, non seulement je
pense que le modèle du multiculturalisme ne correspond pas au Québec, entre
autres, en raison de ce que je disais plus tôt, c'est-à-dire que langue et
culture, au Québec, c'est lié... Donc, si on a une langue commune, il faut
avoir une culture commune. On ne peut pas adhérer au multiculturalisme.
Et l'interculturalisme, c'est
essentiellement la même chose que le multiculturalisme. C'est sûr qu'on insiste
plus sur les interactions entre les différentes cultures. Mais, si vous
regardez le jugement, dans l'affaire Hak, qui a été rendu, on dit clairement
que l'interculturalisme est, en gros, la même chose que le multiculturalisme.
Il y a des publications officielles du gouvernement fédéral qui disent
exactement ça. Et je pense que... il y a encore un débat en sciences sociales,
là, mais je pense que, juridiquement, c'est maintenant établi que
l'interculturalisme, c'est un mot québécois pour dire «multiculturalisme», là,
avec peut-être quelques nuances, mais à peine.
Donc, c'est pourquoi j'irais dans le sens
de, oui, mentionner ce rejet du multiculturalisme, mais sous forme positive, parce
que je pense, justement, que la stratégie du Québec, depuis une quarantaine
d'années, de rejeter le multiculturalisme, mais sans mettre de l'avant un
modèle alternatif, ça a ses limites. Donc, ce modèle alternatif là, qui est
vraiment différent du multiculturalisme, c'est la convergence culturelle. Donc,
si on veut non seulement rejeter... mais je pense qu'il faut sortir de la
logique du rejet et d'être dans une logique de proposer un modèle alternatif, et
le seul que je connais, c'est la convergence culturelle, et j'ai différentes
publications à ce sujet-là, dont une, qui s'en vient, dans la revue Droit et
société.
M. Jolin-Barrette : Rapidement,
parce que je veux céder la parole à mes collègues, deux questions en rafale.
Vous êtes constitutionnaliste. Le fait qu'on vienne inscrire que les
Québécoises et les Québécois forment une nation, et que la langue officielle du
Québec, c'est le français, dans la Constitution, y voyez-vous un enjeu? Et,
deuxième question, vous avez abordé la question de l'utilisation de la
disposition de dérogation ou les dispositions de souveraineté parlementaire, voyez-vous
un enjeu relativement au fait de le faire également pour la charte québécoise?
Pourquoi est-ce qu'on le fait? Est-ce que c'est parce qu'il n'y a pas
d'autonomisation de la charte québécoise, le fait qu'on doit utiliser la
disposition de dérogation pour la charte québécoise?
M. Rousseau (Guillaume) : Oui,
donc, rapidement, en ce qui concerne la nation et le français, langue
officielle, dans la Constitution, ça me semble extrêmement opportun. C'était
une vieille revendication du Québec, mais le Québec avait cherché à l'obtenir
de façon multilatérale, ce qui était beaucoup plus difficile. Donc, de le faire
unilatéralement, ce que permet la Constitution canadienne, ça me paraît
opportun. Encore là, on est dans la logique que je disais tantôt, de ne pas
seulement être en opposition ou en rejet, mais de proposer des choses, proposer
un modèle alternatif, donc ça m'apparaît tout à fait pertinent. Et je pense que
les tribunaux n'auront pas le choix d'en <tenir...
M. Rousseau (Guillaume) :
...
de façon multilatérale, ce qui était beaucoup plus difficile. Donc,
de le faire unilatéralement, ce que permet la Constitution canadienne, ça me
paraît opportun. Encore là, on est dans la logique que je disais tantôt, de ne
pas seulement être en opposition ou en rejet, mais de proposer des choses,
proposer un modèle alternatif, donc ça m'apparaît tout à fait pertinent. Et je
pense que les tribunaux n'auront pas le choix d'en >tenir compte et que
90-2Q devra être concilié avec 133, ce qui pourrait laisser une certaine marge
de manoeuvre au Québec, notamment pour établir la primauté de la version française
des lois, quoique, même sans 90-2Q, ça passerait quand même le test, mais je
pense que ça vient renforcer cela.
• (11 h 10) •
Concernant la disposition de dérogation de
la charte québécoise, effectivement, il faut savoir que la charte québécoise,
elle est interprétée exactement comme la charte canadienne, là, dans la très,
très, très grande majorité des cas. Donc, si on mettait la disposition de
dérogation de la charte canadienne sans mettre celle de la charte québécoise,
clairement, les opposants à la Charte de la langue française pourraient s'y
attaquer. D'ailleurs, c'est ce qui est arrivé dans Ford, pour une des
dispositions qui étaient attaquées dans l'affaire Ford. Il y avait la
disposition de dérogation de la charte canadienne, il n'y avait pas celle de la
charte québécoise. Et même quand les libellés des deux chartes sont très
différents, les tribunaux disent : On applique l'interprétation de la
charte canadienne.
Donc, il n'y a effectivement pas d'autonomie
de la charte québécoise. Là, on peut toujours essayer de la modifier puis
d'envoyer des signaux au juge, mais, à la fin de la journée, il y a une
hiérarchie, la charte canadienne est au-dessus de la charte québécoise, et ce
sont des juges qui décident du détail des rapports entre les deux. Puis, à
date, la jurisprudence est extrêmement claire. Donc, je parle même, moi,
d'inféodation de la charte québécoise de la charte canadienne. Donc, c'est
extrêmement important d'avoir la disposition de dérogation de la charte
québécoise.
M. Jolin-Barrette : Je crois
que les collègues de Saint-Jean et Sainte-Rose souhaitent prendre la parole,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il n'y a pas de problème. Dans l'ordre, je vois que le député de Sainte-Rose me
regarde. Donc, M. le député de Sainte-Rose, la parole est à vous.
5 min 20 s.
M. Skeete : Merci beaucoup
pour votre exposé. J'ai une question. Je vais y aller rapidement pour sauver du
temps pour mes collègues. Est-ce que le projet de loi n° 96
enlève des droits aux Québécois d'expression anglaise d'être des Québécois
d'expression anglaise à part entière, Québécois sur le territoire du Québec?
M. Rousseau (Guillaume) : Non,
effectivement, il n'y a rien. Quand on parle de nation au Québec, on l'a déjà
fait dans d'autres lois, puis ça a toujours été interprété comme signifiant
tous les habitants du territoire québécois, puis je ne vois rien dans le projet
de loi qui nous permettrait de dire qu'il y a une cassure avec la tradition de
définir soit «peuple», soit «nation» comme incluant tous les citoyens, là,
canadiens qui résident au Québec depuis un certain temps.
M. Skeete : Puis un Québécois
d'expression anglaise qui, aujourd'hui, reçoit des services juridiques, là, il
s'en va en cour, conteste un ticket ou, même, dans le domaine criminel, là, qui
veut se présenter en cour, est-ce que le projet de loi n° 96
lui empêche de faire ça après son ascension? Est-ce qu'un Québécois
d'expression anglaise va avoir un service réduit, en matière de justice, suite
au passage d'un projet de loi comme ça? Est-ce que vous avez vu quelque chose
qui enlève ces droits-là?
M. Rousseau (Guillaume) : Non,
mais c'est plus... disons qu'il y a une promotion du français, on a certaines
dispositions pour faire en sorte... bien, comme la primauté de la version
française des lois. On a des choses qui disent : il faut vraiment qu'il y
ait une prépondérance du français, mais tout en préservant les droits des
concitoyens de langue anglaise. Donc, c'est pour ça que c'est un équilibre qui
est subtil. Puis, des fois, <l'aspect...
M. Rousseau (Guillaume) : ...
Non,
mais c'est plus... disons qu'il y a une promotion du français, on a certaines
dispositions pour faire en sorte... bien, comme la primauté de la version
française des lois. On a des choses qui disent : il faut vraiment qu'il y
ait une prépondérance du français, mais tout en préservant les droits des
concitoyens de langue anglaise. Donc, c'est pour ça que c'est un équilibre qui
est subtil. Puis, des fois, >l'aspect prépondérance du français peut
faire craindre pour des droits d'accès à des services en anglais, mais, quand
on regarde le détail du projet de loi, il y a ce jeu d'équilibre qui me semble,
globalement, maintenu, c'est-à-dire, on renforce un petit peu la promotion du
français, mais tout en s'assurant que ça ne porte pas atteinte à des droits
acquis de la communauté d'expression anglaise.
M. Skeete : Donc, je vous
entends que ça peut causer des craintes, mais, vraiment, en bout de ligne, il
n'y a rien, dans le projet de loi, qui l'enlève?
M. Rousseau (Guillaume) : Non.
Puis surtout, les craintes que j'ai beaucoup entendu parler par les
compatriotes d'expression anglaise, c'est beaucoup au niveau du système de
santé. Or, le fameux article de la Loi sur les services de santé et les
services sociaux qui garantit des services aux concitoyens d'expression
anglaise, cet article-là n'est pas touché par le projet de loi. Donc, c'est
vraiment là que ça se passe, comme on dit, là. Si on avait voulu aller très
loin dans la promotion des services en français seulement, pour envoyer des
messages, on serait allés là. Le projet de loi ne va pas là, donc.
M. Skeete : Donc, c'était ma
prochaine question. En matière de santé, donc, aussi, il n'y a rien qui touche
l'accès à la santé d'un Québécois d'expression anglaise?
M. Rousseau (Guillaume) : Non.
On a décidé de ne pas toucher à la loi sur la santé et les services sociaux.
M. Skeete : Finalement,
dernière question sur la clause dérogatoire. Il y a beaucoup d'arguments, là.
Là, je pense qu'on est dans un argument de droits individuels versus des droits
collectifs. J'aimerais vous entendre. Est-ce que c'est... Je sais que c'est un
paradoxe, là, puis je ne suis pas juriste, là, mais on lance souvent la
caricature que ce n'est pas constitutionnel. Je comprends que c'est dans la
Constitution, donc, par définition, c'est constitutionnel, mais je pense que ce
qu'on essaie de dire, quand on dit ça, c'est qu'en enlevant des droits, peu
importe, on brime des droits. C'est quoi, votre opinion là-dessus?
M. Rousseau (Guillaume) :
Donc, ce qu'il faut comprendre, c'est que la façon que fonctionne la Charte de
la langue française, c'est qu'elle garantit des droits linguistiques
fondamentaux : droit de travailler en français, droit de s'exprimer en
français, droit à des services, des biens en français, et tout le reste de la
loi, c'est des organismes, des règles particulières, parfois tatillonnes, ce
n'est pas parfait, mais tout le reste de la loi sert à mettre en oeuvre les
droits linguistiques fondamentaux. Donc, quand quelqu'un vient invoquer un
argument de charte des droits pour venir invalider une partie de la loi 101,
forcément, c'est au droit linguistique fondamental à des services, à un
enseignement, ou quoi que ce soit, en français qui est atteint. Donc, il faut
comprendre qu'il ne s'agit pas de droits fondamentaux contre autre chose, des
intérêts collectifs. Il y a un peu de ça, parce qu'évidemment le français est
un bien commun, puis on peut aussi faire cet argument-là, mais c'est droits
individuels fondamentaux contre droits linguistiques individuels fondamentaux,
puis c'est de trouver un équilibre entre les deux.
Puis la vraie question, ce n'est pas tant
de savoir est-ce qu'on a trouvé le bon équilibre ici et là. Je veux dire, c'est
difficile d'y répondre de manière absolue. La vraie question, c'est davantage
qui doit décider de ça. Là, à la fin de la journée, on veut et des droits
linguistiques fondamentaux à l'usage du français, on veut aussi des libertés
d'expression dans d'autres langues itou. Il faut concilier tout ça. Et c'est
qui qui décide à la fin de la journée? La Constitution canadienne, la charte
québécoise des droits nous dit : Si le législateur veut décider, veut
avoir le dernier mot, il peut le faire en respectant un <certain...
M. Rousseau (Guillaume) : ...La
vraie question, c'est davantage qui doit décider de ça. Là, à la fin de la
journée, on veut et des droits linguistiques fondamentaux à l'usage du
français, on veut aussi des libertés d'expression dans d'autres langues itou.
Il faut concilier tout ça. Et c'est qui qui décide à la fin de la journée? La
Constitution canadienne, la charte québécoise des droits nous dit : Si le
législateur veut décider, veut avoir le dernier mot, il peut le faire en
respectant un >certain nombre de conditions, qui sont parfaitement
respectées par le projet de loi. Donc, en ce sens-là, ça m'apparaît tout à fait
légitime, pour l'Assemblée nationale, de décider que, sur cette question-là,
qui est au coeur même de l'existence du Québec, de l'Assemblée nationale, hein...
S'il n'y avait pas un français, on n'aurait peut-être pas créé une fédération
canadienne, on aurait peut-être un État unitaire d'un océan à l'autre, tout le
monde parlerait anglais, on n'aurait pas besoin d'Assemblée nationale. S'il y a
une Assemblée nationale, c'est pour qu'elle prenne des décisions en matière de
langue, et, pour prendre des décisions en matière de langue, il faut utiliser
la disposition de dérogation, sinon, l'Assemblée nationale se trouve être sous
la tutelle des juges nommés par le fédéral, qui, parfois, prennent des bonnes
décisions, mais, historiquement, en ont souvent prises qui ont nui au français
au Québec. Donc, on n'a pas le choix de tenir compte des 43 ans de
jurisprudence qui ont fait reculer la protection du français et le français,
bien qu'il y ait d'autres facteurs qui puissent jouer.
M. Skeete : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et cela met fin à l'échange. Il restait trois secondes. M. le député de
Saint-Jean, vous allez vous reprendre au prochain tour, j'en suis convaincu.
Donc, au prochain tour. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, pour votre
11 minutes.
Mme David : Merci beaucoup.
Bonjour, Pr Rousseau. J'ai passé beaucoup de temps avec vous cet été,
beaucoup, beaucoup, beaucoup. J'ai lu énormément, vous, absolument, ainsi que
M. Poirier, évidemment, qui était, jusqu'à tout récemment, votre étudiant au
doctorat, qui a passé brillamment son doctorat en février 2021 ou qui a
obtenu son diplôme. Bravo!
M. Rousseau (Guillaume) : Je
confirme.
Mme David : Pardon?
M. Rousseau (Guillaume) : Je
confirme.
Mme David : Je vois qu'on
reste en famille. Vous étiez en face pendant des mois, à côté du ministre, pour
la loi n° 21. Là, vous avez dit, tout à l'heure : On a décidé de
ne pas toucher... Je me demande même si vous n'êtes pas resté très, très près
de la rédaction de ce projet de loi là, puisque c'est votre formidable
doctorant qui a écrit un livre, d'ailleurs, sur les 40 ans de la
loi 101, que j'ai lu abondamment aussi. Alors, j'ai l'impression qu'on est
en famille.
Mais le paradoxe, c'est que je lis votre
mémoire attentivement, long mémoire — merci beaucoup aussi,
probablement, à votre ex-étudiant — et là je ne comprends plus
beaucoup. Vous aviez annoncé, dans Mathieu Bock-Côté, au mois de juin, le
12 juin, long entretien, vous avez eu ce privilège, long entretien avec
Mathieu Bock-Côté, et je vous cite : «D'un point de vue politique, je
partage, en gros, l'opinion de Joseph-Yvon Thériault, qui, lors d'une causerie
sur le projet de loi n° 96 organisée par Patrick Taillon — que
nous allons avoir, évidemment, le plaisir d'entendre — a affirmé que
ce projet de loi va aussi loin que la société québécoise est prête à aller. À
mon avis, la société serait prête à ce qu'il aille un peu plus loin, pas
beaucoup plus loin, à moins qu'elle soit convaincue par de nouveaux arguments.»
Et j'ai l'impression que c'est votre croisade, si vous me permettez
l'expression, parce que, quand je lis votre mémoire, c'est beaucoup
d'arguments, effectivement. J'avais tout lu sur votre politique de convergence
culturelle, etc. Je vous dis, j'aurais été une bonne élève pour vous, aussi.
Souveraineté parlementaire, multiculturalisme. Vous oubliez juste de <mentionner
«interculturalisme», mais je sais que vous en...
Mme David : ...si vous me
permettez l'expression, parce que, quand je lis votre mémoire, c'est beaucoup
d'arguments,
effectivement. J'avais tout lu sur votre politique de
convergence culturelle, etc. Je vous dis, j'aurais été une bonne élève pour
vous, aussi. Souveraineté parlementaire, multiculturalisme. Vous oubliez juste
de >mentionner «interculturalisme», mais je sais que vous en discutez
dans vos articles.
La théorie doctrinale prédominante qu'est
le recours aux dispositions de dérogation, il n'y a pas beaucoup de chiffres
qui accompagnent ça, mais je... vous dites, quand même, avec Henri Brun et
compagnie, bon, que c'est ce que pensent la plupart des constitutionnalistes.
Moi, j'en connais qui ne sont pas du tout là-dedans, et qui sont tout aussi
constitutionnalistes, et ont tout autant un doctorat, et sont tout autant
professeurs de droit. Alors, la théorie prédominante, bien, on sait que, nous,
universitaires, professeurs, on est souvent en train de se disputer un peu
là-dessus.
Mais, quand vous déposez, vous, dans votre
mémoire, 24 propositions pour bonifier le projet de loi... vous l'aviez
annoncé à Mathieu Bock-Côté, vous aviez dit : Attention, je vais arriver
avec des propositions pour ramener la loi sur l'esprit d'origine, j'oserais
dire, le moins qu'on puisse dire, c'est que vous avez vraiment, vraiment
travaillé fort pour trouver beaucoup, beaucoup de choses qui ne vont pas assez
loin, selon vous, même si vous dites, par ailleurs, à Mathieu Bock-Côté, qu'il
ne faut pas aller plus loin, la société n'est pas prête à aller là. Donc, vous y
allez vraiment avec beaucoup, beaucoup de critiques. Vous revenez à votre
concept de politique, convergence culturelle. Vous voulez étendre la Charte de
la langue française, littéralement, du CPE à l'université, gros débat.
Vous souhaitez alourdir la procédure pour
les municipalités bilingues — vous n'en avez pas parlé tout à l'heure — pour
conserver leur reconnaissance. Vous souhaitez que la Charte de la langue
française modifie la mission des ordres professionnels. Vous souhaitez que
votre gouvernement soit plus sévère pour les entreprises, pour exiger l'anglais
à l'embauche. Vous souhaitez que le gouvernement impose que les bijoux et
accessoires soient obligatoirement disponibles en français. Vous souhaitez
revenir à l'affichage exclusif en français, vous en avez parlé, l'arrêt... bon.
Vous souhaitez des dispositions sur la langue de la recherche universitaire. Vous
proposez un système privé, que je qualifierais d'élitiste, d'admission au cégep
pour les francophones. Et vous allez vers une modification — tant
qu'à faire, 90, on va l'appeler 3Q — qui serait concernant la laïcité
de l'État. On a déjà une autre proposition de quelqu'un d'autre qui va venir,
en mémoire, pour proposer une autre... un autre... Alors, j'ai l'impression qu'on
est en train d'écrire toute une constitution à partir de ça.
• (11 h 20) •
Bref, devons-nous en comprendre que vous
n'êtes pas tout à fait satisfait du travail du gouvernement concernant le
projet de loi n° 96 et que vous suggérez, je dirais même, presque, de
réécrire le projet de loi? Parce que, cette fois-ci, ce n'est pas vous qui êtes
assis avec le ministre. On dirait qu'il y a comme un... je ne sais pas, le goût
d'aller vous rasseoir là ou d'avoir été beaucoup plus loin que ce que le
ministre a décidé de faire.
M. Rousseau (Guillaume) :
Donc, beaucoup de choses à votre question. Bien, d'abord, merci pour votre
question. Merci pour vos lectures. J'espère que ça... Ça semble vous avoir
nourri, puis j'en suis bien heureux.
Donc, c'est ça, donc, globalement, dans le
fond, le projet de loi va dans la bonne <direction, le projet de loi...
Mme David : ...
a
décidé de faire.
M. Rousseau (Guillaume) :
Donc, beaucoup de choses à votre question. Bien, d'abord, merci pour votre
question. Merci pour vos lectures. J'espère que ça... Ça semble vous avoir
nourri, puis j'en suis bien heureux.
Donc, c'est ça, donc, globalement, dans
le fond, le projet de loi va dans la bonne >direction, le projet de loi
a vraiment des fondements très solides juridiquement. Je trouve que,
juridiquement, il est solide au niveau des droits linguistiques fondamentaux,
qui sont bonifiés, les mesures pour assurer le respect de ces droits-là sont
bonifiées, les protections juridiques pour la Charte de la langue française,
que ce soit constitutionnelles, que ce soit dispositions de primauté parlementaire...
Donc, vraiment, c'est très, très solide juridiquement.
Maintenant, est-ce que, vraiment, c'est
suffisant pour faire en sorte que les indices de vitalité linguistique pour le français
au Québec s'améliorent? Et c'est là où ça échappe, en partie, à mon expertise,
donc je m'en remets à Sabourin, Marois, et à d'autres, qui disent que ce n'est
pas suffisant, ce qu'il y a dans le projet de loi. Donc, prenant acte des
critiques de certains démographes, je fais mon travail de juriste, qui consiste
à essayer d'améliorer les choses, sachant qu'une loi ne peut pas changer des
grandes tendances démographiques, mais peut quand même contribuer. Donc, je
pense que c'est comme ça qu'il faut comprendre le mémoire, c'est-à-dire que
j'ai pris acte du fait que des gens qui s'y connaissent encore plus que moi en
matière de démographie font ces genres de critiques là. Et là on essaie de voir,
juridiquement... Puis je suis sûr que mes collègues démographes diraient que c'est
largement insuffisant, ce que je propose. Donc, je ne prétends pas nécessairement
aller jusqu'où ils souhaiteraient aller, mais c'est un peu ça, le sens.
Puis, sinon, moi, ce que je peux faire
avec mon expertise, qui n'est pas celle de la démographie, c'est de remarquer
la chose suivante avec mes études en histoire du droit, c'est que, clairement,
en 1977, dans les années qui ont suivi, il y a eu des améliorations pour la
situation du français au Québec. Évidemment que c'est multifactoriel, mais la loi 101
de 1977 semble avoir réuni un certain nombre de conditions qui ont permis la
progression du français fin des années 70, début des années 80.
Ensuite, il y a eu des jugements qui sont
venus invalider la loi 101. Il y a aussi eu des projets de loi, des lois
qui ont fait des amendements, qui ont fait reculer la protection du français et,
ensuite, il y a eu un déclin, au niveau démographique, du français. Comme je
vous dis, c'est, évidemment, multifactoriel, mais n'empêche que, moi, la
conclusion à laquelle j'arrive, à titre de chercheur en histoire du droit, c'est,
si vous voulez améliorer ces indices-là eût égard à la vitalité du français,
bien, la version de 1977, je pense que c'est... clairement, à certains égards,
il faut y revenir.
Puis, ensuite, on peut faire plein de
nuances, puis vous voyez que je l'ai fait en proposant, oui, le retour à
l'affichage exclusif en français, mais seulement pour les grandes, voire les
très grandes entreprises. Donc, ensuite, on peut faire toutes les nuances qui
s'imposent. Mais je ne pense pas qu'on puisse échapper à l'interrogation de
dire qu'est-ce qui a marché en 1977 et qui a cessé de marcher. Pourquoi la loi 101
marchait à la fin des années 70, début 80 et qu'elle a cessé de
fonctionner après? Une fois qu'on pose cette question-là, difficile d'arriver à
une conclusion autre que, bien, peut-être qu'il faudrait revenir, à certains
égards, à la version de 1977.
Mme David : Vous dites, justement,
qu'il y a beaucoup de choses sur lesquelles... et c'est normal, vous n'avez pas
l'expertise, on aura des démographes demain, mais vous vous prononcez quand
même sur un joli paquet de choses dans votre mémoire. J'en ai cité
quelques-uns. Et je me demande, des fois, où vous avez toute cette expertise,
justement.
Puis je vais aller vers la question de la
fréquentation collégiale, parce que vous <consacrez...
Mme David : ...on aura des
démographes demain, mais vous vous prononcez quand même sur un joli paquet de choses
dans votre mémoire. J'en ai cité quelques-uns. Et je me demande, des fois, où
vous avez toute cette expertise, justement.
Puis je vais aller vers la question de
la fréquentation collégiale, parce que vous >consacrez au moins sept
pages là-dessus, et, vous le dites, des propositions de votre cru, probablement,
je ne sais pas quoi dire d'autre. Mais là j'ai vraiment beaucoup, beaucoup de
difficulté à vous suivre, je vous le dis sincèrement, là. Vous voulez l'application
de la Charte de la langue française au collégial, première prémisse, mais vous
ne voulez pas diminuer la fréquentation des cégeps anglophones, vous le dites,
à plusieurs endroits, dans les sept pages qui... Alors, vous aimeriez même
que ça s'accroisse, donc il faut trouver des étudiants. S'il y a la charte, ça
veut dire qu'on réduit considérablement la fréquentation. Alors, vous proposez
des dérogations, puis là on dirait que vous réfléchissez en écrivant. Ah! bien,
tiens, il pourrait avoir une autre dérogation, puis une autre dérogation, puis
une autre dérogation. Alors, vous proposez toutes sortes de dérogations.
Et vous suggérez, évidemment, de ne plus
subventionner ce que vous appelez les non ayants droit,
donc ceux qui sont francophones, allophones, qui ont fréquenté les écoles françaises,
parce qu'ils n'avaient pas le droit, justement, à cause de la loi 101,
d'aller au primaire et secondaire. Donc, les non ayants droit, bien là, si on
ne les subventionne plus... Je me suis demandé si vous aviez appelé au
ministère de l'Éducation, ou si vous aviez regardé les collèges privés non
subventionnés pour savoir combien ça coûte, combien ça coûte, demandé aux
pauvres immigrants qui vont dans des collèges privés non subventionnés et qui
font une technique en soins, en hygiène dentaire à 17 000 $ pour une
A.E.C, 17 000 $ pour une A.E.C..
Là, vous, vous parlez de D.E.C complet, 20 000 $,
30 000 $, 50 000 $, 60 000 $. Ça commence à être
cher, ça, pour les francos qui veulent aller... Mais ce n'est pas grave, pour
vous, il n'y a pas de problème, parce que vous dites : Comme ils ont
16 ans et plus, ils peuvent travailler, ils peuvent travailler pour
pouvoir payer leurs études. Ils vont en travailler, des heures, dans le
dépanneur, pour payer 60 000 $ d'études, ou alors, ou alors, l'autre
possibilité, ils vont avoir des parents très, très, très riches, francophones,
qui vont décider de mettre 50 000 $ dans les études de... Ça, si ce n'est
pas de l'élitisme pour les... On dit... Déjà, il y en a qui disent : Ah! c'est
les meilleurs qui vont dans les cégeps anglophones. Alors, ou les parents sont
très riches, ou tu travailles un joli paquet d'heures pour arriver à payer tes
50 000 $, ou alors, un autre exemple qui m'apparaît vraiment
formidable, c'est que l'étudiant, il veut aller dans un sport d'élite, puis le
sport d'élite, il n'existe pas dans un cégep francophone, donc il va aller
peut-être avoir une bourse pour pouvoir... mais la bourse va peut-être venir de
l'État, donc c'est le même argent, pour payer sa fréquentation du cégep
anglophone, pour pouvoir aller où? Vous le dites textuellement, dans une grande
université américaine, et donc on va envoyer l'étudiant à l'extérieur du Québec
pour faire son sport, ou alors, vous finissez par dire : Il y a peut-être les parents, pour avoir fait l'enseignement collégial au
Canada, donc pour avoir permis de... pouvoir fréquenter le cégep anglais. Sauf
que l'enseignement collégial au Canada... Les cégeps, c'est pas mal la société
distincte, au Québec. Les cégeps, c'est pas mal une spécificité du Québec.
Alors, moi, je ne comprends pas. En
enseignement <supérieur, on...
Mme David : ...les parents,
pour avoir fait l'enseignement collégial au Canada, donc pour avoir permis de...
pouvoir fréquenter le cégep anglais. Sauf que l'enseignement collégial au
Canada... Les cégeps, c'est pas mal la société distincte, au Québec. Les
cégeps, c'est pas mal une spécificité du Québec.
Alors, moi, je ne comprends pas. En
enseignement >supérieur, on admet sur le dossier, d'habitude. Je trouve
que c'est des propositions plutôt très, très élitistes.
La Présidente (Mme Thériault) :
...vous n'avez plus de temps, malheureusement.
Mme David : Alors, voilà, j'ai
dit ce que je pensais de sa proposition.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je vous invite à peut-être poursuivre vos échanges en dehors du temps qui
nous est imparti, désolée.
On m'informe que, pour le prochain bloc
d'échange pour la deuxième opposition, Mme la députée de Sherbrooke voudrait
prendre soin... part à l'audition et se prévaloir du droit de parole de la députée
de Mercier. Est-ce que j'ai consentement?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Consentement des collègues, donc, parfait. Mme la députée de Sherbrooke, vous
avez 2 min 45 s pour échanger avec le groupe.
Mme Labrie : Merci de
m'autoriser à remplacer ma collègue, qui devait s'absenter. Bonjour,
M. Rousseau. J'ai quelques petites questions pour vous. La première, c'est...
Le projet de loi fait passer de 50 à 25 le nombre d'employés pour qu'une entreprise
soit soumise au processus de francisation. Est-ce que vous pensez que de
réduire ce nombre-là à 10 employés, pour englober plus d'entreprises, ce serait
une avenue intéressante?
M. Rousseau (Guillaume) :
Merci, merci beaucoup, et j'en profite pour saluer ma députée et la remercier
pour sa question. Donc, c'est une piste intéressante. Bon, évidemment, on
comprend rapidement, là, le contre-argument, là, à l'effet que c'est des
lourdeurs administratives pour des toutes petites entreprises, et j'avoue être
un peu sensible à cet argument-là. À ce moment-là, ce qui, peut-être, serait
une solution envisageable, ce serait que, peut-être, pour les 10 à
25 employés, on pourrait peut-être imaginer une procédure simplifiée de
certificat de francisation, hein, un peu une logique de subsidiarité,
c'est-à-dire, plus l'organisme est gros, a des capacités, plus on peut lui en
demander; plus il est petit, plus il faut être réalistes dans ce qu'on lui
demande. Ça fait que j'aurais tendance à être d'accord avec vous, mais ça
prendrait un petit peu de travail au niveau technique. Jusqu'à quel point ce
serait possible? Il faudrait regarder avec les gens de l'office de la langue,
là, si ce serait possible de créer ce certificat simplifié pour les 10 à 25 ou
10 à 24 employés, mais c'est certainement une piste intéressante.
Mme Labrie : Merci pour votre
réponse. J'ai une autre question, sur les enjeux du numérique. Le projet de loi
ne fait pas mention de ça. Est-ce que vous, vous pensez que le projet de loi
devrait aborder les enjeux du numérique?
• (11 h 30) •
M. Rousseau (Guillaume) : Oui,
tout à fait. Très bonne question. En fait, il faut savoir que, de ce côté-là,
la jurisprudence a fait évoluer la loi. Donc, dès le début des années 2000,
quand s'est posé la question «est-ce que la loi 101 s'applique sur
Internet?», il y en a qui ont plaidé que non, l'Internet, c'est transnational,
ça échappe aux lois. Rapidement, les juges ont dit : Non, non, la loi... vous
voulez faire un acte de commerce au Québec, vous faites de la publicité sur
Internet, votre publicité devra être disponible en français. Donc, rapidement,
les tribunaux ont quand même fait un peu le boulot, et, ensuite, il y a eu un
certainement nombre de modifications, au fil des années, notamment après la
commission Larose, à la loi 101, donc il y a deux, trois articles, sur les
logiciels, sur... dans l'entreprise, là, le niveau de francisation, il y a un
critère qui a été ajouté à cet égard-là. Ça fait que j'ai l'impression que ça a
été un peu fait au cas par cas, de manière un petit peu... vraiment par petites
touches.
Mais ce qui n'a pas été fait, c'est au
niveau des droits linguistiques fondamentaux. Parce que la façon que fonctionne
la loi 101, je le répète toujours, des droits linguistiques <fondamentaux
puis, ensuite, des...
>
11 h 30 (version révisée)
< M. Rousseau (Guillaume) : ...de
francisation, il y a un critère qui a été ajouté à cet égard-là. Ça fait que
j'ai l'impression que ça a été un peu fait au cas par cas, de manière un petit
peu... vraiment par petites touches.
Mais ce qui n'a pas été fait, c'est au
niveau des droits linguistiques fondamentaux. Parce que la façon que fonctionne
la loi 101, je le répète toujours, des droits linguistiques >fondamentaux
puis ensuite des dispositions spécifiques qui mettent en oeuvre ces droits
linguistiques fondamentaux. Donc, ce qui n'a pas été fait, parce que les droits
linguistiques fondamentaux n'ont jamais été retouchés depuis 1977, c'est un
droit linguistique fondamental qui viendrait à des technologies de
l'information en français, qui viendrait renforcer à la fois... qui
consoliderait la jurisprudence dont je vous parlais et qui viendrait renforcer
les dispositions qui ont été ajoutées au fil du temps, mais qui sont un petit
peu déconnectées des droits linguistiques fondamentaux, contrairement aux
autres dispositions spécifiques de la loi.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et ceci met fin à l'échange, malheureusement.
Mme Labrie : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, sans plus tarder, M. le député de Matane-Matapédia, vous aussi pour votre
2 min 45 s.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Pr Rousseau, écoutez, vous avez dit tout à l'heure qu'un des
grands oublis de votre présentation, c'est la langue de recherche. En tout
respect, la langue d'enseignement m'apparaît un enjeu beaucoup plus crucial
présentement dans le débat. Ça fait un bout de temps que je vous suis
également. Comme la députée porte-parole de son parti au Parti libéral l'a
indiqué, vous avez eu des propos qui m'intéressent. Vous avez déjà indiqué
qu'un nouvel arrivant qui n'aurait pas étudié en français au primaire et au
secondaire se verrait dans l'obligation de fréquenter un cégep francophone, vous
avez expliqué que cette mesure vise à assurer que la personne a été suffisamment
francisée ou a assez d'éducation en français pour travailler en français, et
vous alliez plus loin, interdire aux francophones et allophones de s'inscrire à
l'éducation aux adultes et à la formation professionnelle en anglais. Mais, de
façon plus générale, vous êtes, comme nous, en faveur qu'on réduise l'accès
dans les cégeps. Alors, est-ce que vous avez toujours cette position?
M. Rousseau (Guillaume) : Oui.
Merci. Merci pour la question, ça me permet aussi d'en même temps répondre à la
porte-parole de l'opposition officielle. Donc, en gros, ce que j'ai essayé de
faire — puis là, en le faisant, j'ai peut-être compris que c'est à
peu près impossible, mais, bon, j'aurai au moins essayé — c'est de
concilier l'application de la loi 101 au cégep, qui renforcerait... qui
aurait des effets structurants sur le français langue du travail, langue des
affaires, sur la consommation de produits culturels en français, les études de
Sabourin sont très claires là-dessus... Donc, on veut ça, en même temps, on
veut préserver un certain libre choix. Du moins, je comprends que c'est la
volonté gouvernementale. Donc, à partir du moment où on veut concilier ça, ce
n'est pas évident. Donc, moi, ce que je propose, c'est de définir largement les
ayants droit au cégep anglais, donc en prenant tous les francophones et les
allophones qui ont été au cégep anglais des dernières années, en les
définissant comme ayants droit. Ça, personne ne s'est jamais prononcé
là-dessus. Qu'on soit pour ou contre la loi 101 au cégep, je pense que
c'est la question qui se pose : Est-ce que ceux qui ont été au cégep
depuis quelques années deviennent des ayants droit? Moi, je propose que oui puis
je propose un programme de bourses, pour répondre au point de la députée du
Parti libéral, là, Marguerite-Bourgeoys.
La Présidente (Mme Thériault) :
On va aller à M. le député, parce qu'il a très peu de temps. Désolée.
M. Bérubé : J'ai peu de temps.
Désolé.
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y...
M. Rousseau (Guillaume) : Oui,
désolé. Donc, je propose un programme de bourses...
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente.
M. Rousseau (Guillaume) : ...pour
que les gens de revenus modestes aient accès au cégep anglais dans certains
cas.
M. Bérubé : Donc, vous avez
toujours la même position, qui est celle qui s'apparente à la nôtre et non
celle qui s'apparente au projet de loi n° 96 du ministre. C'est bien
juste?
M. Rousseau (Guillaume) :
C'est ce que je comprends, effectivement...
M. Bérubé : Merci.
M. Rousseau (Guillaume) : ...mais
avec la nuance, puis j'aimerais connaître votre position là-dessus, sur le... Est-ce
que ceux qui ont été au cégep...
M. Bérubé : Ah! bien, c'est
moi qui questionne ici, M. le professeur.
M. Rousseau (Guillaume) :
Est-ce que ceux qui ont été au cégep seraient des ayants droit? C'est une vraie
question que je me pose.
M. Bérubé : J'ai une autre
question. Exemplarité de l'État. Je vais prendre un exemple très concret. Dans
les conférences de presse du gouvernement du Québec sur la <pandémie...
M. Bérubé : ... C'est bien
juste?
M. Rousseau (Guillaume) : C'est
ce que je comprends,
effectivement...
M. Bérubé : Merci.
M. Rousseau (Guillaume) : ...mais
avec la nuance, puis j'aimerais connaître votre position là-dessus, sur le... Est-ce
que ceux qui ont été au cégep...
M. Bérubé : Ah! mais c'est
moi qui questionne ici, M. le professeur.
M. Rousseau (Guillaume) :
Est-ce que ceux qui ont été au cégep seraient des ayants droit? C'est une vraie
question que je me pose.
M. Bérubé : J'ai une autre
question. Exemplarité de l'État. Je vais prendre un exemple très concret. Dans
les conférences de presse du
gouvernement du Québec sur la >pandémie,
est-ce que vous considérez que de faire des conférences bilingues, ça respecte
l'esprit de l'exemplarité de l'État?
M. Rousseau (Guillaume) : Je
pense qu'a priori, on serait tenté de dire non. Donc, ce serait ça, la première
réponse. Maintenant, l'esprit de la loi 101, c'est à la fois une certaine
rigueur sur les principes, une certaine souplesse dans l'application. Donc,
est-ce que la souplesse du droit linguistique québécois en matière de santé
pourrait nous faire comprendre que c'est dans son esprit?
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je n'ai plus de temps. Et je n'ai plus de temps, malheureusement.
M. Rousseau (Guillaume) : Je
pense qu'il y a deux interprétations possibles, mais je vous ai donné ma
première réponse, qui me semble la plus évidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je n'ai plus de temps, malheureusement. Donc, je sais que les échanges sont
assez... viennent nous chercher, vous êtes des gens qui êtes très convaincus et
enflammés, mais, malheureusement, je suis la gardienne du temps et je n'en ai
plus. Donc, je veux vous remercier pour votre passage.
Et nous allons suspendre pendant quelques
instants, le temps de permettre à l'autre groupe de venir nous rejoindre.
Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 34)
(Reprise à 11 h 40)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, bonjour. Bienvenue à la Centrale des syndicats du
Québec. Donc, je vous rappelle que vous avez 10 minutes à votre
disposition pour faire votre présentation. Donc, après votre présentation, nous
procéderons à la période d'échange avec les parlementaires. Donc, si vous
voulez nous présenter la personne qui se présente, qui prend la parole et nous
présenter la personne qui vous accompagne, et la parole est à vous.
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
M. Beauchemin (Mario) : Oui,
puis merci beaucoup. Alors, je me nomme Mario Beauchemin, je suis le troisième vice-président
à la Centrale des syndicats du Québec et je suis accompagné de
Gabriel Danis, qui est conseiller politique à la CSQ.
M. Danis (Gabriel) :Bonjour.
M. Beauchemin (Mario) : Alors,
pour commencer, pour débuter, j'aimerais quand même souligner que la Centrale
des syndicats du Québec représente environ 200 000 membres,
240 syndicats composés de 11 fédérations, là, qui évoluent autant en
éducation, en enseignement supérieur, en petite enfance, en santé et dans le
milieu communautaire. Il y a aussi l'Association des retraitées et retraités en
enseignement du Québec, qui fait aussi partie... qui compose aussi la Centrale
des syndicats du Québec.
J'aimerais dire que la CSQ aussi, ça fait
plusieurs, plusieurs, plusieurs années que la CSQ s'intéresse à la pérennité
puis à l'importance de la langue française au Québec. C'est pour cela que
l'analyse qu'on fait du projet de loi n° 96 s'appuie sur des positions
historiques, mais des orientations aussi un peu plus récentes que nous avons
prises lors des différents conseils généraux qui ont jalonné nos dernières
années.
En termes de remarques préliminaires, là,
on tient à... c'est-à-dire en termes d'appréciation globale, on tient à
souligner que, d'entrée de jeu, nous sommes assez et très satisfaits du projet
de loi n° 96, on <pense que...
M. Beauchemin (Mario) :
...lors des différents conseils généraux qui ont jalonné nos dernières années.
En termes de remarques préliminaires,
là, on tient à... c'est-à-dire en termes d'appréciation globale, on tient à
souligner que, d'entrée de jeu, nous sommes assez et très satisfaits du projet
de loi n° 96, on >pense qu'il y a beaucoup de propositions, là, qui
correspondent à des avancées importantes. Pensez par exemple, là, à la
reconnaissance du français comme langue commune et officielle, à l'exemplarité
de l'État, au français en milieu de travail et à la création de nouveaux droits
linguistiques fondamentaux. Toutes ces mesures sont accueillies favorablement
par la Centrale des syndicats du Québec.
Évidemment, on est en commission
parlementaire, on a des commentaires et on a aussi 14 recommandations à
formuler à la commission parlementaire qui vont s'articuler autour de six
thèmes : le statut de la langue française, l'exemplarité de l'État, la
gouvernance linguistique, la langue du travail et la francisation des
entreprises, Francisation Québec ainsi que la langue des études en enseignement
supérieur.
En ce qui concerne le statut de la langue
française, on pense que l'ensemble des mesures qu'on retrouve dans le projet de
loi, là, pour imposer le français comme langue publique commune dans les
milieux de travail... on accueille ça très, très favorablement.
En ce qui concerne l'exemplarité de l'État,
par contre, l'article 22.2, là, du projet de loi nous laisse un peu et pas
mal songeurs. Vous le savez, il précise que l'administration pourrait continuer
de communiquer à l'écrit et à l'oral en anglais avec les personnes physiques
avec lesquelles elle communiquait exclusivement dans cette langue avant la date
de présentation du projet de loi, de même qu'avec des personnes déclarées
admissibles à l'enseignement en l'anglais, conformément à la Charte de la
langue française. Et là ça nous pose quelques questions. En agissant de la
sorte, est-ce qu'on ne vient pas créer un nouveau droit aux services de l'État
en anglais? Est-ce qu'on ne contribue pas à perpétuer l'anglicisation des
services de l'État québécois? De même, en aucun cas les règles qui régissent
l'admissibilité à l'enseignement en anglais n'ont été élaborées afin qu'elles
s'appliquent aux services de l'État québécois. Par conséquent, sur quelles bases
peut-on extrapoler leur portée, comme le fait le projet de loi n° 96? C'est
des... Bien, on n'a pas de suggestions, de recommandations à cet effet, mais c'est
quand même des questions qui nous apparaissent assez importantes.
En ce qui concerne la gouvernance
linguistique, ça fait longtemps que la CSQ recommande la création d'un
commissaire à la langue. Donc, on accueille évidemment positivement cette
proposition-là. Tant pour la création du ministère que pour le commissaire, la
CSQ salue l'inclusion de ces deux institutions au sein de la Charte de la
langue française. Toutefois, on tient à préciser, là, qu'il manque peut-être un
élément essentiel en suivi linguistique, c'est-à-dire que, pour nous, la
question des transferts linguistiques des allophones vers le français est un
facteur névralgique de la vitalité et de la pérennité future du français au
Québec. Alors, on pense que le ministère de la Langue française doit fixer des
cibles ambitieuses en la matière et doit confier le suivi de l'atteinte de ces
cibles au Commissaire à la langue française. C'est pourquoi notre première
recommandation est à l'effet que le ministère de la Langue française fixe des
cibles ambitieuses en matière de transferts linguistiques des allophones vers
le français et que le Commissaire à la langue française en assure le suivi.
En ce qui concerne la langue du travail et
la <francisation des entreprises, encore une fois, la...
M. Beauchemin (Mario) : ...C'est
pourquoi notre première recommandation est à l'effet que le ministère de la
Langue française fixe des cibles ambitieuses en matière de transferts
linguistiques des allophones vers le français et que le Commissaire à la langue
française en assure le suivi.
En ce qui concerne la langue du travail
et la >francisation des entreprises, encore une fois, la centrale
accueille positivement la volonté que les entreprises de 25 à 49 personnes
soient désormais visées par les dispositions qui s'appliquent à celles
employant de 50 à 99 personnes. Toutefois, on a des questions sur l'article 39,
qui prévoit qu'en présence d'une entente ou d'une convention collective, le
salarié ou la salariée doive faire valoir ses droits selon les voies de droit
que prévoit cette convention ou cette entente. Or, l'article 39 du projet
de loi prévoit aussi que le travailleur ou la travailleuse peut soumettre
directement à l'arbitrage un grief si le syndicat refuse de le faire. Pour
nous, il s'agit d'une règle qui déroge au principe de l'article 47.2 du Code
du travail. C'est pour ça que notre deuxième recommandation est à l'effet que
soit remplacé, à l'article 39 du projet de loi n° 96, «celui-ci peut
le faire» par «celui-ci peut exercer les recours découlant de l'article 47.2
du Code du travail ou tout autre recours analogue en vertu d'une autre loi».
Cette recommandation étant faite, nous
saluons quand même le renforcement du droit de travailler en français et l'accès
facilité à des recours en cas de litige. Ceci dit, les propositions auront peu
de portée si elles ne sont pas publicisées et connues des travailleurs et des
travailleuses. C'est pourquoi on recommande qu'une vaste campagne de
sensibilisation et de publicité sur les droits et les recours linguistiques
accompagne l'entrée en vigueur de la réforme de la Charte de la langue
française.
En ce qui concerne le prochain thème,
Francisation Québec, on doit avouer, là, que c'est peut-être l'aspect du projet
de loi, là, qui nous déçoit le plus. Ce dernier ne fait aucunement mention du ministère
de l'Éducation tout comme de son réseau, qui constituent pourtant des
partenaires incontournables lorsqu'il s'agit de francisation et d'apprentissage
du français au Québec. On se demande si on ne doit pas comprendre que le ministère
de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration veut, par ce projet de
loi, diminuer ou retirer l'offre de francisation au ministère de l'Éducation. C'est
une question qu'on se pose. Pour nous, il est urgent que le MIFI collabore
étroitement avec le ministère de l'Éducation afin d'avoir un portrait complet
de ce qui se fait en termes d'apprentissage du français au Québec. C'est pour
cela que la CSQ recommande que le ministère de l'Immigration, de la
Francisation et de l'Intégration s'assure que Francisation Québec travaille en
étroite collaboration avec le ministère de l'Éducation afin de prendre en
compte dans l'offre de services d'apprentissage du français les éléments
suivants : les cours de francisation reconnus par le ministère de
l'Éducation qui sont offerts par les centres de services scolaires du Québec et
l'offre de cours de français en langue seconde. On recommande aussi à cet égard
que le ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration se
ravise en acceptant les tests de français reconnus par le ministère de
l'Éducation et qu'on utilise donc nos propres tests plutôt que ceux développés
par la France, particulièrement.
En ce qui concerne les écoles passerelles,
les modifications proposées par le projet de loi auront pour effet de limiter à
un maximum de trois ans la période pendant laquelle les enfants de certains
ressortissants étrangers en séjour temporaire au Québec pourront bénéficier de
l'admissibilité à l'enseignement en anglais dans le réseau public ou privé <subventionné.
...
M. Beauchemin (Mario) :
...développés par la France,
particulièrement.
En ce qui concerne les écoles
passerelles, les modifications proposées par le
projet de loi auront
pour effet de limiter à un
maximum de trois ans la période pendant
laquelle les enfants de certains ressortissants étrangers en séjour temporaire
au Québec pourront bénéficier de l'admissibilité à
l'enseignement en
anglais dans le réseau public ou privé >subventionné. Est-ce que le
passage de trois ans de ces élèves pourrait être considéré comme un parcours
authentique leur permettant par la suite d'avoir droit à l'enseignement public
en anglais? C'est une question, là, qui mérite d'être soulevée. C'est pour cela
aussi que la CSQ recommande, d'une part, que le gouvernement brosse un portrait
du phénomène des écoles passerelles et du nombre de demandes d'admissibilité à l'enseignement
en anglais et qu'il rende ces données rapidement publiques et, d'autre part,
dans l'éventualité d'une hausse marquée de ces demandes, que le gouvernement
cesse d'accorder l'admissibilité de l'enseignement en anglais aux enfants de
ressortissants étrangers dans le réseau public et privé subventionné.
Finalement, pour terminer la présentation,
on va aborder plus particulièrement, donc, la langue des études à l'enseignement
supérieur, et plus particulièrement dans notre réseau collégial. La réception
du projet de loi, et plus spécifiquement les dispositions particulières à l'enseignement
collégial, ont été... a été assez positive au sein de nos fédérations et de nos
syndicats affiliés. Plusieurs des dispositions du projet de loi rejoignent les
positions adoptées et nos orientations, sur lesquelles on travaille depuis 2011‑2012.
Toutefois, au cours de ces consultations, certaines préoccupations ont émergé,
trois principalement : préoccupation relativement au potentiel d'amplification
de la concurrence entre les cégeps anglophones, d'une part, et les cégeps
francophones offrant un ou des programmes en anglais, d'autre part;
préoccupation quant à l'applicabilité de l'épreuve uniforme de français au sein
des cégeps anglophones; et, finalement, préoccupation sur le potentiel
d'amplification des obstacles systémiques pour les étudiantes et les étudiants
autochtones.
• (11 h 50) •
En ce qui concerne la détermination des
effectifs et notre première série de préoccupations, étant donné la place qu'occupent
le ministère et le ministre dans ce dossier-là, étant donné aussi le flou qui
existe autour des mécanismes de détermination des effectifs totaux
particuliers, la CSQ recommande de clarifier les mécanismes de détermination
annuelle des effectifs totaux, de prévoir un mécanisme de concertation avec les
partenaires du réseau collégial, de porter une attention particulière au
rayonnement des établissements offrant un ou des programmes en anglais qui
répondent aux besoins des communautés historiques anglophones en région, et,
finalement, la CSQ recommande aussi de prévoir un mécanisme de concertation
avec les partenaires du réseau collégial au sujet des ayants droit afin de
favoriser un équilibre dans le réseau.
En ce qui concerne nos préoccupations
liées à l'implantation de l'épreuve uniforme de français, je pense qu'il y a
plusieurs limitations qui sont à prévoir dans les cégeps anglophones. On pense
aussi qu'il va y avoir la nécessité d'ajouter des ressources et qu'il faut
aussi se préoccuper du cas très particulier des étudiantes et des étudiants
réfugiés. C'est pour ça que la CSQ recommande au ministère de l'Enseignement
supérieur de consulter les partenaires du réseau collégial au sujet des
éventuels impacts des modifications au Règlement sur le régime des études
collégiales... J'ai terminé?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. Je vais vous demander de terminer, on est déjà sur le temps du ministre. <Allez-y...
M. Beauchemin (Mario) :
...réfugiés. C'est pour ça que la CSQ recommande au
ministère de
l'Enseignement supérieur de consulter les partenaires du réseau collégial au
sujet des éventuels impacts des
modifications au Règlement sur le régime
des études collégiales... J'ai terminé?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. Je vais vous demander de terminer, on est déjà sur le temps du
ministre.
>Allez-y rapidement.
M. Beauchemin (Mario) : D'accord.
Enfin, je termine en... qu'il est important aussi d'ajouter des ressources nécessaires
afin d'améliorer des mesures de soutien en français dans l'ensemble du réseau
et enfin, pour terminer, d'exempter les étudiants et les étudiantes réfugiés
accueillis dans les cégeps anglophones à travers le Programme d'étudiants
réfugiés, ou PER. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. Beauchemin. Donc, M. le ministre, on retranchera 40 secondes.
M. Jolin-Barrette : Parfait. Merci,
Mme la Présidente. M. Beauchemin, M. Danis, bonjour, merci de
participer aux travaux de la commission parlementaire.
Allons-y par la fin, là, de votre intervention
au niveau des établissements collégiaux. À la page 15 de votre mémoire,
vous indiquez : «Or, depuis plusieurs années, des intervenantes et intervenants
sonnent l'alarme, signalant qu'une proportion considérable des étudiantes et
des étudiants des cégeps anglophones qui obtiennent un diplôme n'ont pas le
niveau de connaissance nécessaire en français dans un contexte de travail, tant
à l'oral qu'à l'écrit, et ce, après avoir suivi deux cours obligatoires en français
langue seconde au collégial. Le CG statuait en décembre 2020 que l'amélioration
du français langue seconde, sujet trop souvent négligé, pourrait bénéficier
d'une attention plus soutenue et de l'introduction de mesures structurantes,
qu'il s'agisse de cours additionnels ou encore d'une épreuve ministérielle qui
permettrait de renforcer les compétences linguistiques des personnes diplômées issues
des cégeps anglophones.»
Donc, nous, dans notre proposition
législative, avec le projet de loi n° 96, on propose de faire en sorte que
désormais l'épreuve uniforme de français s'applique aux étudiants également au
niveau collégial anglophone, donc que ça soit pour les francophones et les
allophones, exception faite des ayants droit. Donc, je comprends que la mesure
que nous proposons est une mesure dans la bonne direction.
M. Beauchemin (Mario) : Tout à
fait, effectivement.
M. Jolin-Barrette : Et vous,
vous représentez un des deux syndicats, dans le fond, affiliés avec la CSQ, un
des deux syndicats de professeurs des cégeps également au Québec.
M. Beauchemin (Mario) : En ce
qui concerne les enseignants, effectivement, la Fédération des enseignantes et
enseignants de cégep est affiliée chez nous, mais on a aussi deux autres
fédérations du réseau collégial qui sont aussi affiliées à la CSQ.
M. Jolin-Barrette : O.K. Puis
ça représente combien de professeurs, environ?
M. Beauchemin (Mario) : Chez
nous, en termes d'enseignants, c'est 3 000 environ.
M. Jolin-Barrette : O.K. Vous
nous invitez à nous fixer une cible notamment au niveau des transferts
linguistiques. Vous dites, bon : Au niveau de la gouvernance, c'est une
bonne chose, le fait de créer un ministère de la Langue française, le fait de
créer également un commissaire à la langue française. Au niveau des transferts
linguistiques, j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, pour qu'il y
ait un inversement de tendance, c'est important que le taux de transferts
linguistiques soit de plus de 90 % pour faire en sorte véritablement que
la langue commune, la langue d'usage devienne la langue française. Alors, nous,
les objectifs que j'ai en tête, c'est d'atteindre ce niveau-là. Et, lorsque le
Parti québécois, en 1977, a déposé le projet de loi avec M. Laurin, on
était dans un taux de transferts linguistiques de moins de 20 %, on est
rendu à près de 50 %. Il faut agir. <Alors, est-ce que...
M. Jolin-Barrette :
...la
langue française. Alors, nous, les objectifs que j'ai en tête, c'est
d'atteindre ce niveau-là. Et, lorsque le
Parti québécois, en 1977, a
déposé le
projet de loi avec M. Laurin, on était dans un taux de
transferts linguistiques de moins de 20
%, on est rendu à près de
50 %. Il faut agir. >Alors, est-ce que vous nous invitez à choisir
ce taux-là, le taux qui va véritablement avoir un transfert complet, comme dans
le reste du Canada, où c'est 99 point quelques pour cent vers l'anglais,
Nouveau-Brunswick, c'est un petit peu plus faible également, mais c'est encore
vers l'anglais?
M. Beauchemin (Mario) : Bien,
c'est une bonne question. On ne s'est pas véritablement penchés sur un objectif
très clair et très précis, mais on pense effectivement qu'il faut tendre vers
ce pourcentage-là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Au niveau
des autres indicateurs, est-ce qu'il y a d'autres indicateurs que vous dites :
Écoutez, il faut utiliser ces indicateurs-là pour vraiment mesurer ou constater
l'évolution? Parce qu'il faut le dire, hein, durant des années, les études de
l'OQLF n'étaient pas publiées, hein? Ça a pris... À un moment donné, ça a pris
sept ans, lorsque ma collègue la ministre de la Culture actuelle, Mme Roy,
hein, la députée de Montarville, a rendu publique, à l'époque où elle était
responsable de la charte... donc, en 2018, ça faisait plus de sept ans que
l'étude était prête à l'OQLF, mais qu'elle n'avait pas été publiée. On
s'explique mal comment ça se fait que ces études-là sur la situation
linguistique au Québec n'ont pas été publiées par un organisme gouvernemental
durant toutes ces années-là.
Mais quels sont, selon vous, là, les
indicateurs les plus parlants qui devraient être établis? Et, dans le projet de
loi, on en a mis certains, là. Désormais, l'OQLF, en collaboration avec le Commissaire
à la langue française, va pouvoir choisir les indicateurs pour justement avoir
un véritable portrait de la situation et pour ne pas que certains gouvernements
cachent la réalité aux Québécois sur la situation du français. Alors, qu'est-ce
que vous pensez de ça?
M. Danis (Gabriel) :
Bien, effectivement, si je peux répondre, c'est assez troublant, le suivi de la
situation linguistique au Québec depuis plusieurs années. Moi, je suis ça
personnellement à la CSQ avec d'autres collègues, puis c'est extrêmement
difficile d'avoir des données claires, d'avoir un suivi cohérent. On a senti,
là, une certaine forme de politisation pendant des années de ces études-là,
puis c'est extrêmement... Nous autres, ça nous a beaucoup, beaucoup préoccupés.
Et on ose croire, on ose espérer que cette situation-là va être renversée,
qu'il y aura dépolitisation de cette question-là puis un suivi, grâce aux
nouvelles institutions du commissaire, du ministère, qu'il y aura un suivi non
partisan, et que c'est un suivi qui soit facile à faire, qu'on puisse se
retrouver au sein des données, des indicateurs.
Pour répondre particulièrement à la
question, on pense que la... L'indicateur suprême pour nous, c'est les
transferts linguistiques des allophones vers le français. Évidemment, il y a
d'autres indicateurs, puis on peut penser au français comme langue de travail,
penser au français comme langue commune ou comme langue d'usage public. Mais,
pour nous, c'est mathématique, là, la pérennité du français, la vitalité du
français doit passer par une <amélioration des...
M. Danis
(Gabriel) :
...le
français.
Évidemment,
il
y a d'autres indicateurs, puis on peut penser au
français comme langue
de travail, penser au
français comme langue commune ou comme langue
d'usage public. Mais, pour nous, c'est
mathématique, là, la pérennité du
français et la vitalité du
français doivent passer par une >amélioration
du taux des transferts des allophones vers le français.
M. Jolin-Barrette : Sur
la question des... Bien, en fait, justement sur le transfert linguistique, est-ce
que vous pensez qu'on devrait en faire une disposition législative dans le projet
de loi?
M. Beauchemin (Mario) : On
pense que oui.
M. Jolin-Barrette : Sur
la question de Francisation Québec, là, puis du ministère de l'Éducation, un
des enjeux qu'il y a depuis plusieurs années, c'est qu'il y avait plusieurs
portes au niveau de la francisation. Donc, il y en avait qui se faisait au
ministère de l'Immigration, il y en avait qui se faisait au ministère de
l'Éducation puis au ministère du Travail, de l'Emploi et Solidarité sociale.
Alors, l'objectif de Francisation Québec est de fédérer et de n'avoir qu'une
seule porte d'entrée pour ensuite diffuser... bien, en fait, utiliser la force
de l'État québécois pour vraiment mettre en place des mesures de francisation
sur les milieux de travail, notamment pour les personnes immigrantes, en
matière d'intégration. Donc, je vous entends bien de dire : Ne pas oublier
le ministère de l'Éducation, les ressources qui sont là. Donc, vous nous
invitez à dire : Bien oui, il y a Francisation Québec, mais vraiment
intégrer le ministère de l'Éducation. C'est bien ça?
M. Beauchemin (Mario) :
Oui, exactement. Donc, on est contents d'entendre ça, parce qu'à la lecture du
projet de loi, ça, c'est moins évident, puis il y a une expertise sur la
francisation dans le réseau de l'éducation, que ce soit la formation
professionnelle, la formation des adultes, donc c'est important de les mettre à
contribution aussi.
M. Jolin-Barrette : C'est
ça. C'est l'objectif qui est recherché. Dans le fond, l'entité de Francisation
Québec vient centraliser le tout, mais justement au bénéfice à la fois des
entreprises, mais à la fois aussi des personnes qui souhaitent obtenir des
cours de francisation, et on va offrir cette francisation-là également aux
personnes qui ne sont pas des nouveaux arrivants, mais qui sont des Québécois
et qui souhaitent améliorer et peaufiner leur connaissance de la langue
française également.
Dans votre mémoire, vous abordez la question
des attestations d'études collégiales. Pouvez-vous développer là-dessus? Parce
que, dans le fond, le projet de loi vise notamment les diplômes d'études
collégiales, mais quelle est votre position, là, sur les attestations d'études
collégiales?
M. Beauchemin (Mario) : Ces
propositions-là, on sait qu'elles débordent un peu le cadre du projet de loi
n° 96, mais ça provient... c'est issu des travaux qu'on a effectués en
2011‑2012 à partir de la création d'un comité de travail, là, interfédératif et
avec la centrale, justement, pour voir si on devait appliquer ou non la
loi 101 au collégial. On en était arrivés avec les propositions qu'on
retrouve dans notre présent mémoire. Mais nous, on pense qu'il est important
que des mesures soient mises en place aussi dans les milieux où on retrouve des
attestations d'études collégiales, parce qu'on peut y retrouver aussi une
main-d'oeuvre qui n'est pas une main-d'oeuvre, une... pas une clientèle non
plus, mais des étudiants et des étudiantes qui ne maîtrisent pas très bien le
français. Alors, pour nous, c'est important de ne pas mettre de côté les A.E.C.,
qui occupent une place souvent, dans certains collèges, très, très, très
importante.
• (12 heures) •
M. Danis (Gabriel) :
Puis on sait... Si je peux me permettre, si je peux ajouter, on sait que,
particulièrement à <Montréal, dans les cégeps anglos, une grande...
>
12 h (version révisée)
< M. Beauchemin (Mario) :
...des étudiantes qui ne maîtrisent pas très bien le français. Alors, pour
nous, c'est important de ne pas mettre de côté les A.E.C., qui occupent une
place souvent, dans certains collèges, très, très, très importante.
M. Danis (Gabriel) :
Puis on sait... Si je peux me permettre, si je peux ajouter, on
sait que, particulièrement à >Montréal, dans les cégeps anglos, une
grande partie des étudiants inscrits à une attestation d'études collégiales
sont des immigrants récents qui veulent avoir une formation rapide qui leur
donne accès rapide au marché du travail. Et on se tire dans le pied à ne pas
profiter de ces étudiants-là qui sont aux études pour une courte période de
temps, pour en profiter pour offrir des cours de français langue seconde ou
d'apprentissage du français, bien que ça ne soit pas l'objectif des A.E.C. actuellement,
mais je pense qu'on peut modifier la structure puis le fonctionnement des
A.E.C. pour aller dans cet objectif-là.
M. Jolin-Barrette : Et est-ce
que votre proposition de viser les A.E.C. devrait s'appliquer également pour
les collèges non subventionnés qui donnent les cours en anglais? Donc, il y a
une kyrielle de collèges, là, accrédités par le ministère de l'Enseignement
supérieur qui sont non subventionnés, mais qui ont beaucoup une clientèle
d'étudiants étrangers qui viennent chercher un diplôme ici. Alors, pensez-vous qu'on
devrait viser le non subventionné, donc le privé-privé?
M. Beauchemin (Mario) : Notre
réponse est oui, tout à fait.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Juste avant de céder la parole au collègue de Saint-Jean, vous avez émis des
réserves sur l'article 22.2 du projet de loi relativement aux services
offerts en anglais. Alors, l'objectif, il est très clair, c'est les services de
l'État québécois sont donnés en français, c'est au niveau de l'exemplarité de
l'État, mais, par contre, on vient protéger, dans le fond, les droits acquis
des membres de la communauté anglophone, des membres des communautés autochtones
également. Alors, l'objectif est simplement de faire en sorte que ceux qui
recevaient leurs services dans la langue anglaise puissent continuer de le
recevoir, qu'il n'y ait pas de bris de service pour eux. Donc, je ne sais pas
si ça vous explique le tout. Alors, je vais céder la parole, Mme la Présidente,
au député de Saint-Jean.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. Est-ce que vous vouliez passer un commentaire? Non, ça va? Parfait. M. le
député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, messieurs. Vous avez... Merci de répondre à nos questions.
Vous avez parlé, en parlant des effets pervers de la loi, du projet de loi,
entre autres, pour l'enseignement collégial, vous avez parlé d'une
amplification de compétition. Et vous avez abouti aussi avec ce que vous
considérez être un problème particulier pour la clientèle autochtone.
Pouvez-vous m'expliquer ça en reculant un petit peu pour le mettre en contexte,
s'il vous plaît?
M. Beauchemin (Mario) :
Certainement. C'est que, dans le projet de loi, on ne trouve pas vraiment, là,
quand on va stabiliser ou stopper l'augmentation des étudiants et étudiantes
dans les collèges anglophones, on ne retrouve pas, puis c'est peut-être normal
aussi à ce <moment-ci...
M. Beauchemin (Mario) : ...
Certainement.
C'est que, dans le projet de loi, on ne trouve pas vraiment, là, quand on va
stabiliser ou stopper l'augmentation des étudiants et étudiantes dans les
collèges anglophones, on ne retrouve pas — puis c'est peut-être
normal aussi à ce >moment-ci de l'étude du projet de loi — des
mécanismes. Comment on va répartir les étudiants, les étudiantes qui auront
l'occasion de s'inscrire dans un cégep anglophone, entre le cégep de Vanier,
par exemple, et le cégep... ou Dawson puis le cégep de Lennoxville, qui est un
cégep important en région? Est-ce qu'il va y avoir un mécanisme de répartition
des effectifs, étant donné maintenant qu'ils seront limités? Alors, c'est ça un
peu notre préoccupation, là, c'est ce qu'on soulève, d'où l'importance pour
nous qu'il y ait une concertation avec les différents partenaires du réseau
pour ne pas exacerber cette concurrence-là, à partir du moment où on fixe une
limite, peut-être que les collèges anglophones seraient tentés de se livrer une
concurrence qui pourrait devenir malsaine. C'est pas mal ça.
M. Lemieux : D'accord. Tout à
l'heure, vous n'étiez pas là mais ce n'est pas grave, c'est le contexte, l'OQLF
était là pour nous parler d'étude sur le français au Québec, 2011‑2036, avec
des chiffres dont parlait le ministre tout à l'heure, qui sont inquiétants, et
vous sembliez d'accord, dans vos commentaires, avec lui plus tôt. Si, au lieu
de parler de quantitatif avec des statistiques, quand on dit «langue parlée à
la maison», dans le fond, c'est une autoqualification qu'on fait, quand on
répond ça dans un sondage. Vous êtes, vous l'avez dit, très présents dans les
écoles et les cégeps, si on parlait de qualitatif plutôt, sur notre langue, sur
ces années-là qu'on peut voir derrière et qu'on regarde en avant. Je vous
prends un peu... pas à dépourvu, mais je vous prends un peu hors de votre
texte, mais ça m'intéresse beaucoup, ce que vous en pensez, de l'état du
français depuis 2011, puis où on s'en va en 2036, en le plaçant dans le
contexte de... c'est vous qui l'enseignez finalement, c'est vos membres qui
l'enseignent.
M. Beauchemin (Mario) :
Écoutez, effectivement, ça sort un peu du cadre de notre mémoire. Est-ce qu'il
y a des efforts à faire pour améliorer la qualité du français enseigné dans le
réseau de l'éducation et dans le réseau collégial, je pense que oui. Je ne peux
pas me prononcer beaucoup pour le réseau scolaire, mais, pour le réseau
collégial, je peux quand même affirmer que je l'ai enseigné avant de
m'impliquer complètement dans le syndicalisme, de 1992 à 2002, et que moi,
lorsque souvent on fait ressortir des cas où ils ont de la misère à conjuguer
les participes passés, et tout ça, là, moi, je me suis aperçu qu'il y avait eu
quand même une amélioration qualitative de la langue écrite et parlée au niveau
collégial au cours des 10 années où j'y ai enseigné. Est-ce qu'il y a
encore des efforts à fournir, est-ce qu'on devrait ajouter un cours de maîtrise
de la langue dans le réseau collégial en plus des cours de littérature? C'est
une question qu'il faudrait creuser.
M. Lemieux : Je n'en ai
peut-être pas tellement à essayer de vous faire dire comment on devrait faire,
mais plus comment vous <considérez l'état du...
M. Beauchemin (Mario) : ...
est-ce
qu'on devrait ajouter un cours de maîtrise de la langue dans le réseau
collégial en plus des cours de littérature? C'est une question qu'il faudrait
creuser.
M. Lemieux : Je n'en ai
peut-être pas tellement à essayer de vous faire dire comment on devrait faire,
mais plus comment vous >considérez l'état du français en 2021,
considérant ce qu'on sait de ce que l'OQLF nous donne comme chiffre par rapport
à là où s'en va. Dans le fond, c'est plus la mesure de l'urgence d'agir que je
cherche par rapport à ce que vous constatez sur le terrain du français qu'on
parle dans nos cégeps.
M. Beauchemin (Mario) : Sur la
qualité, écoutez, on n'a pas fait d'étude, nous, là-dessus. Ce qu'on pourrait
avancer relèverait un petit peu plus de l'anecdote et de l'opinion. Donc, on
préfère ne pas se prononcer là-dessus.
M. Lemieux : Merci beaucoup. C'est
correct, je ne vous cherchais pas de noise, là, j'essayais de mettre un peu de
couleur autour de ce que vous nous donnez comme considérations puis comme recommandations,
qui sont très précises, là. Et là-dessus, votre mémoire est sans faute, vous
savez ce que vous voulez.
D'ailleurs, vous avez commencé, puis je
vais terminer là-dessus, je pense qu'il faut que je termine, Mme la Présidente,
vous commencez en répondant comme un sondage : Nous sommes très, ou très,
très satisfaits. Vous avez commencé comme ça. Je pense qu'avec les recommandations
que vous nous présentez, il y a moyen de vous rendre très, très, très
satisfaits.
M. Beauchemin (Mario) : Ah!
Bien, ça fait du bien à entendre. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, merci. Sans plus tarder, je vais me tourner du côté de l'opposition
officielle. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci beaucoup. Je
ne reviendrai pas sur la qualité de la langue, mais je remercie quand même le
député de Saint-Jean d'aborder cet aspect-là parce que je pense que c'est un
aspect qu'on devrait aborder dans le projet de loi. On aura amplement le temps
et je serai toujours une alliée de cette question-là. On en parlera cet après-midi
dans un mémoire qui en parle quand même beaucoup.
Merci beaucoup, Centrale des syndicats du
Québec. J'ai trouvé... J'ai beaucoup apprécié votre mémoire. Il est fait de
façon intelligente, rigoureuse, et on voit bien, quand vous n'avez pas
d'études, vous n'aimez pas trop vous prononcer. Alors, chaque chose sur
laquelle... chaque enjeu est bien étayé. J'en ai quelques-uns, donc, à discuter
avec vous.
Alors, dans l'applicabilité, parce que
vous parlez beaucoup, beaucoup... et j'ai vérifié, c'est vraiment un mot français,
là, de dire «applicabilité», tous les dictionnaires l'ont, alors votre mémoire
fait état de plusieurs problématiques quant à l'applicabilité du projet de loi
tel que libellé actuellement. J'en ai relevé en francisation, en enseignement
supérieur et d'une interférence dans la représentation syndicale. Mais si vous
aviez à retenir, là, juste une problématique qui devrait être absolument
corrigée dans l'étude article par article, j'ai des idées, mais je voudrais
vous entendre sur ce serait quoi la problématique la plus importante?
M. Beauchemin (Mario) : Bien,
je crois qu'on en a, encore là, effleuré le sujet tout à l'heure avec M. le
ministre. Je pense que le transfert linguistique des allophones vers le
français est une de nos <principales...
Mme David : ...
la problématique
la plus importante?
M. Beauchemin (Mario) :
Bien, je crois qu'on en a, encore là, effleuré le sujet tout à l'heure avec M.
le ministre. Je pense que le transfert linguistique des allophones vers le
français est une de nos >principales préoccupations qui parcourt notre mémoire,
en effet.
Mme David : Le projet de loi
répond à cette inquiétude ou à cet enjeu, répond à votre goût?
• (12 h 10) •
M. Beauchemin (Mario) : Non.
Non, mais je pense... bien, probablement qu'effectivement, comme ça a été un
petit peu souligné tout à l'heure, il va falloir être capable, être en mesure
de se fixer des cibles, là, réalistes, là, mais, en même temps, ambitieuses à
cet égard.
Mme David : O.K. Puis M. le
ministre a posé des questions. Alors, là-dessus, je vais passer à la francisation.
On le savait, mais de vous l'entendre... et de vous lire, ça rend la chose
encore plus incompréhensible. Et je ne serais pas étonnée que le ministre
partage mon opinion et votre opinion là-dessus, sur... Vous dites :
«L'ambiguïté, jumelée aux craintes que suscite la création de Francisation
Québec, est la grande déception de ce projet de loi.» On ajoute : «Les
personnes immigrantes qui suivent des cours de francisation au Québec sont
évaluées par — et je suis gentille — nos cousins français.
Certains embauchent même un professeur en France — et là je ne
l'invente pas, c'est vous qui l'écrivez — pour des cours de
rattrapage à distance pour pouvoir reprendre leur examen.» Parce que l'examen
est fait en France. C'est un examen pour des Français. Et avec toute l'estime
que j'ai, et même mon passeport français moi-même, ce n'est pas la même chose
que le français au Québec. Alors, imaginez l'immigrant qui prend des cours d'un
professeur de français en France parce que le professeur sait quelle sorte de
question va être posée, ça me semble une aberration. Alors, je voudrais vous
entendre là-dessus parce que c'est vous qui êtes aux prises avec ça.
M. Beauchemin (Mario) : On
pourrait faire des blagues, là, mais je n'en ferai pas, du coup. Mais nous, on
a été extrêmement surpris de voir ça, étant donné qu'il existe des tests au
Québec qui sont administrés à tous les jours dans le réseau scolaire et qui
peuvent très, très, très bien faire l'affaire. On ne comprend pas pourquoi il
faudrait aller chercher des tests de la Chambre de commerce et d'industrie de
Paris Île-de-France. On avoue qu'on ne le comprend pas, celui-là. D'ailleurs, c'est
pour ça qu'une de nos recommandations, là, est à l'effet, justement, de prendre
en considération les tests qui sont réalisés, élaborés et appliqués au Québec.
Mme David : Bien, merci
beaucoup, belle recommandation d'amendement, on prend très, très bonne note. Je
vais revenir à l'enseignement supérieur, parce que vraiment vous mettez tous
vos talents et compétences à bien expliquer les enjeux, puis je vous en
remercie. Alors, évidemment, nous, nous avons, comme parti et comme... on a
fait des propositions de donner des cours carrément en français dans les cégeps
anglophones, un minimum, disons, de trois cours qui pourraient se passer en
français pour mélanger les clientèles et... On dit <beaucoup... Et cet
après-midi, il y aura Mmes Beaudoin...
Mme David : ...
nous,
nous avons, comme parti et comme... on a fait des propositions de donner des
cours carrément en français dans les cégeps anglophones, un minimum, disons, de
trois cours qui pourraient se passer en français pour mélanger les clientèles
et... On dit >beaucoup... Et cet après-midi, il y aura Mmes Beaudoin
et Harel — je ne sais pas si j'ai le droit de le dire, non ou
oui — qui vont venir parler de ça, de l'importance non seulement de
la francisation, de prononcer des mots en français, mais de la culture. Et donc
j'aurais peut-être voulu vous entendre là-dessus, mais vous n'êtes pas obligé,
là, de...
M. Beauchemin (Mario) :
Écoutez, dans les travaux que nous avons effectués en 2011‑2012, c'est une
proposition qui avait été soulevée. Maintenant, il faut voir, encore une fois,
dans son application, quel problème ça peut soulever. Vous savez qu'il y a des
conventions collectives, il y a toute une question d'effectifs, mais, au-delà
de ça puis au-delà des préoccupations que je dirais un petit peu plus corporatistes,
c'est parce que les programmes dans les collèges, ils sont déjà très, très,
très chargés, que ce soit en sciences de la nature, en sciences humaines, avec
ou sans maths, ou dans... puis je ne parle même pas des programmes techniques.
Alors, d'implanter trois nouveaux cours, c'est un défi colossal. Mais on
trouve...
Mme David : Ce n'est peut-être
pas trois nouveaux cours, mais trois cours donnés en français plutôt qu'en
anglais.
M. Beauchemin (Mario) : O.K.
Mme David : Mais vous avez
raison, ce n'est pas trois nouveaux cours.
M. Beauchemin (Mario) : Mais,
à ce moment-là, c'est...
Mme David : Oui.
M. Beauchemin (Mario) : O.K. D'accord.
Mais à ce moment-là, effectivement, il y a une question de personnel, de
professeurs, puis d'enseignants et d'enseignantes... Qu'est-ce qu'on fait avec
les conventions collectives?
Mme David : On sait qu'il y a
une grande proportion de professeurs qui parle le français dans les cégeps
anglophones. Maintenant, d'imposer l'EUF, l'épreuve uniforme de français, va
demander des changements substantiels, vous le dites, dans le REC, le régime
d'études collégiales, parce qu'un cursus pour préparer à l'épreuve uniforme de
français n'est pas le même, on le sait, qu'un cursus pour l'épreuve uniforme d'anglais.
Ce n'est pas la même chose, ce n'est pas la même approche, la même philosophie.
Vous vous inquiétez de ça. Quels changements devraient être apportés au REC?
M. Beauchemin (Mario) : Oh! c'est
une bonne question. C'est une très bonne question. Nous, on pense qu'avant de
proposer des changements au REC, il faut que les partenaires se parlent, il
faut que les syndicats, que la Fédération des cégeps, que les administrations
aussi, locales, avec le ministère, s'assoient à la même table et voient à
comment on pourrait justement mettre en place l'épreuve uniforme de français
dans les cégeps anglophones.
Mme David : Vous parlez...
M. Beauchemin (Mario) : Parce
que ça...
Mme David : Oui. Je vous
écoute. Ça va? Vous parlez de...
M. Beauchemin (Mario) : ...
Mme David : Excusez... Vous
parlez de... vous parlez, donc de préparation adéquate des étudiants, c'est
sûr, il faut que ça soit équitable français, anglais, vous parlez de ressources
supplémentaires dans les cégeps anglophones, qui vont être essentielles pour ça,
et puis vous parlez de réorganisation scolaire et structurelle importante. Vous
venez de dire que — on le sait — les programmes sont
extrêmement denses, extrêmement normés, il y a des... Bon, alors, comment vous
voyez... par quel angle il va falloir prendre tout ça? Parce qu'avant de voter
un article dans ce sens-là du projet de loi il va falloir être sûr que ça soit <réaliste...
Mme David : ...Vous venez de
dire qu'on le sait les programmes sont extrêmement denses, extrêmement normés,
il y a... Bon. Alors, comment vous voyez par quel angle il va falloir prendre
tout ça? Parce qu'avant de voter un article dans ce sens-là du projet de loi il
va falloir être sûr que ça soit >réaliste.
M. Beauchemin (Mario) : Écoutez,
on a réussi à l'implanter. Ce n'est pas... L'épreuve uniforme de français n'a
pas toujours existé dans le réseau collégial, dans les cégeps francophones.
Alors, on a réussi à l'implanter, ça a demandé des changements puis ça a
demandé de la mise en place de certains mécanismes plus précis. Je pense qu'on
peut s'inspirer de l'expérience qui a été réalisée dans les cégeps francophones
sans les copier, on pourrait s'en inspirer pour intégrer graduellement, sans
que ça fasse trop mal, l'épreuve uniforme de français dans les cégeps
anglophones aussi.
Mme David : On voit votre
expérience dans l'implantation de mesures sans que ça fasse trop mal.
La question des devis. Alors, vous êtes
bien précis sur la question des devis, ça vous inquiète, compétition entre
cégeps anglophones, comment répartir, cégeps en région, même cégeps montréalais
ou plus près de Montréal ou de Québec. Comment vous voyez ça? Parce que la
question des devis a toujours été un immense enjeu dans le réseau collégial.
Puis là on attend 25 000 étudiants, seulement dans l'île de Montréal,
additionnels. Comment vous voyez tout ça?
M. Beauchemin (Mario) : En
fait, nous, on est d'accord, hein, avec une gestion de la limitation puis le
respect des devis, ce qui n'a pas toujours été le cas dans le passé. Mais, à
partir du moment où, comme je l'ai dit tout à l'heure, on met des limites à
l'augmentation des devis dans les cégeps anglophones, il faut s'assurer que ça
ne participe pas, là, d'une concurrence entre les différents cégeps anglophones
pour s'attirer, comme on dit aujourd'hui, de la clientèle supplémentaire.
Donc, c'est pour ça qu'on pense qu'il faut
qu'il y ait encore une fois ici, là, un mécanisme phare et durable de
concertation entre les différents partenaires pour éviter cette concurrence-là,
qui existe déjà, hein, dans le réseau collégial et, si vous me permettez
l'expression, qui est une vraie plaie depuis plusieurs années, où on fait la
promotion, où on se vole des étudiants et des étudiantes, que ça soit entre les
cégeps francophones, ou entre les cégeps anglophones, ou entre les deux, cégeps
francophones et anglophones aussi. Donc, on pense qu'avec un mécanisme de
concertation on va pouvoir atténuer, là, cette concurrence-là qui mène souvent
à des dépenses excessives, en termes, aussi, de promotion.
Mme David : Merci beaucoup. Il
y a une phrase qui a attiré mon attention dans votre mémoire : «Nous
comprenons que la mise en place des mesures cherchant à favoriser l'admission
des ayants droit — donc on le sait de qui on parle, plus des anglophones — dans
chacun des cégeps anglophones repose essentiellement sur le droit de veto du
ministre de la Langue française.» Dois-je comprendre par cette affirmation que
vous jugez que le futur ministre de la Langue française aura un mot à dire et
plus de pouvoir sur les admissions que le ministre de l'Enseignement supérieur?
M. Beauchemin (Mario) : C'est
la façon dont on a compris l'article du projet de loi, oui. C'est notre
perception.
Mme David : Donc, ça va passer
beaucoup, beaucoup d'étapes, là, des nouvelles étapes, là, ça va aller... Le
ministre de la Langue française, il va falloir qu'il dise, oui ou non, c'est
correct ou pas, la <répartition, c'est ça...
Mme David : ...
plus
de pouvoir sur les admissions que le ministre de l'Enseignement supérieur?
M. Beauchemin (Mario) :
C'est la façon dont on a compris l'article du projet de loi, oui. C'est notre
perception.
Mme David : Donc, ça va
passer beaucoup, beaucoup d'étapes, là, des nouvelles étapes, là, ça va
aller... Le ministre de la Langue française, il va falloir qu'il dise, oui ou
non, c'est correct ou pas, la >répartition, c'est ça?
M. Beauchemin (Mario) : C'est
ce qu'on a compris. Présentement, c'est ce qu'on a compris. Oui.
Mme David : Ça vous
inquiète.
M. Beauchemin (Mario) :
Ça nous inquiète un peu.
Mme David : L'admission
des étudiants anglophones, est-ce que ça va être simple, ça? Sur quelle base on
va les admettre par rapport à des dossiers académiques moins bons ou meilleurs
que d'autres?
M. Beauchemin (Mario) : C'est
toute la question. Bien, encore là, il y a beaucoup de questions, là, qu'il soulève,
le projet de loi, plus que de réponses sur ces questions-là. Mais on cherche
entre les lignes, mais on n'a pas les réponses, nous. On a l'impression que le gouvernement
pellette un peu dans les cégeps cette responsabilité-là sans donner trop de
balises pour l'instant.
Mme David : O.K. Je sens
qu'on va avoir beaucoup de travail à faire pour essayer de trouver les
solutions à tout ça. Merci beaucoup. Merci beaucoup.
Une voix
: Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Nous allons passer maintenant à la députée de Mercier pour votre temps
de parole. Allez-y, madame.
Mme Ghazal : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci pour votre présentation. J'ai à peu
près 2 min 45 s. Donc, ça va aller vite. Évidemment, vous avez beaucoup
parlé des cégeps parce que le projet de loi en parle puis vous représentez
aussi des fédérations d'enseignants au cégep, et vous représentez aussi des
enseignants au secondaire et au primaire. Donc, j'ai envie de vous amener en
amont. Je suis moi-même produit des classes d'accueil dans les écoles à
Montréal, et j'avais envie de connaître l'état de la situation par vous.
Est-ce que, par exemple, dans nos écoles
publiques, il y a suffisamment de classes d'accueil? Dans les régions où il n'y
a pas de possibilités d'avoir de classes d'accueil à cause... parce que le
nombre ne le justifie pas, est-ce qu'il y a suffisamment de soutien
linguistique? Parce qu'on sait que s'il y a un manque de ressources et de
support à ce niveau-là, ça peut mener à des échecs académiques ou, par exemple,
si les enfants parlaient déjà anglais, ils pourraient aller... pour favoriser...
de continuer leurs études postsecondaires en anglais. Donc, je voulais vous
entendre là-dessus même si votre mémoire ne portait pas là-dessus. Est-ce que c'est
quelque chose sur laquelle vous pouvez vous prononcer?
• (12 h 20) •
M. Beauchemin (Mario) : Pas
présentement. Bien honnêtement, là, non. On n'a pas creusé cette question-là,
mais sûrement que si vous prenez contact avec la Fédération des syndicats de
l'enseignement, donc, qui est affiliée à la CSQ, le plus gros syndicat, là,
puis qui représente les profs du primaire et du secondaire, ils ont sûrement
des...
Mme Ghazal : Bien, ça, je
voulais assurer aussi votre attention là-dessus, parce qu'avec ma collègue qui
est responsable aussi de l'éducation, la députée de Sherbrooke, on a rencontré
des enseignants en francisation, puis il y a beaucoup, beaucoup de défis aussi
en amont. On se fait dire que la loi 101 permet à ces enfants d'être
scolarisés en français. Évidemment, ils sont obligés, mais, après ça, est-ce
qu'on donne le soutien? Puis ça, c'est quelque chose dont on ne parle pas
suffisamment.
Maintenant, pour ce qui est... J'aimerais
savoir, le... Les mesures qui sont dans le projet de loi, ce qu'on appelle le
contingentement, là, communément pour le cégep, est-ce que vous n'avez pas
l'impression... Parce que vous dites : Il faut le renforcer, il faut s'assurer
qu'il y ait des transferts linguistiques puis le moyen, un moyen de le <faire...
Mme Ghazal : ...
le
soutien? Puis ça, c'est quelque chose dont on ne parle pas suffisamment.
Maintenant, pour ce qui est... J'aimerais
savoir, le... Les mesures qui sont dans le projet de loi, qu'on appelle le
contingentement, là, communément pour le cégep, est-ce que vous n'avez pas
l'impression... Parce que, vous dites, il faut le renforcer. Il faut s'assurer
qu'il y ait des transferts linguistiques puis le moyen... un moyen de le >faire,
c'est l'enseignement au cégep et d'avoir un contingentement dans l'enseignement
dans les cégeps anglophones. Est-ce qu'il n'y aurait pas comme... de la façon
que c'est mis dans le projet de loi, une inquiétude que moi j'ai, que le
diplôme des cégeps anglophones ait une valeur plus grande que, par exemple, le
diplôme dans les cégeps francophones? Est-ce que c'est une inquiétude que vous
avez avec les mesures actuelles dans le projet de loi n° 96?
M. Beauchemin (Mario) : Non,
du tout. Non, du tout, parce que le diplôme d'études collégiales est un diplôme
national, malgré les particularités qui touchent l'ensemble... qui touchent les
différents établissements, donc à partir du moment où le diplôme national
demeure, nous, on n'a pas d'inquiétude à cet égard-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Nous allons aller maintenant du côté du député de Matane-Matapédia, 2 min 45 s
vous aussi, M. le député.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue à la commission. On a appris en mai dernier qu'il n'y a
aucune disposition du projet de loi n° 96 du gouvernement qui concerne
l'apprentissage obligatoire du français dans les collèges privés non
subventionnés. Puis il y en a beaucoup autour de Montréal, on en entend parler,
alors je voulais savoir si ça vous préoccupait, puis quel est le regard que
vous portez sur l'équilibre linguistique à Montréal, qui est un déséquilibre,
la moitié des étudiants étudie en anglais, et vous ne vous êtes pas prononcé
directement sur la fréquentation scolaire.
M. Beauchemin (Mario) : En ce
qui concerne votre première question, oui, effectivement, ça nous préoccupe
beaucoup, l'apprentissage du français dans les collèges privés non
subventionnés. Alors, il y aura probablement des mesures à appliquer à cet
égard-là, et, sur le déséquilibre, bien, je vais te laisser aller sur l'île de
Montréal, là, je pense que... bien... le projet de loi tente... de répondre à
ce problème-là, mais encore...
M. Danis (Gabriel) :
Pour ce qui est des collèges privés non subventionnés, on ne représente pas de
membres dans ces collèges-là, donc on a choisi de ne pas aborder cette
question-là, mais, effectivement, c'est très préoccupant, il y a eu plusieurs
articles dans les médias récemment qui démontraient la hausse fulgurante de ces
étudiants-là, de ces collèges privés là, qui, souvent, obtiennent des
accréditations, à rabais, du ministère. Donc, ça, c'est un problème assurément
puis il faut améliorer l'apprentissage du français dans ces formations-là, ça
nous apparaît comme étant essentiel. Ça, c'est une chose.
Pour ce qui est de l'équilibre,
effectivement, je pense qu'on a atteint un point, on n'est plus dans un point
d'équilibre, là, on est dans un point de déséquilibre sur l'île de Montréal, et
on pense qu'à tout le moins la première chose à faire, c'est le contingentement
qui est proposé par le projet de loi, c'est de diminuer la hausse. On sait que
les prévisions démographiques prévoient plusieurs milliers de nouveaux
étudiants au collégial, on sait que les prévisions démographiques sont à
prendre avec des pincettes parfois, mais on s'attend tout de même à des hausses
importantes, et si c'est... la grande majorité de cette hausse-là peuvent aller
dans les cégeps francos, bien, on aura quand même fait un bout de chemin sur
cette recherche d'équilibre là.
M. Bérubé : Merci. En tout
cas, pour les collèges <privés non...
M. Beauchemin (Mario) : ...
nouveaux
étudiants au collégial, on sait que les prévisions démographiques sont à
prendre avec des pincettes parfois, mais on s'attend tout de même à des hausses
importantes, et si c'est... la grande majorité de cette hausse-là peuvent aller
dans les cégeps francos, bien, on aura quand même fait un bout de chemin sur
cette recherche d'équilibre là.
M. Bérubé : Merci. En tout
cas, pour les collèges >privés non subventionnés, j'espère que c'est davantage
un oubli qu'un choix parce que, si c'est un choix, c'est drôlement inquiétant,
puis je me demande qui a réussi à ne pas faire appliquer cette règle-là à ces
collèges.
Quant à l'équilibre à Montréal, selon nous — on
débat — il nous apparaît que, si on contingente, il y a encore des
gens qui seront favorisés, il y a des gens qui seront choisis, eux, pour y
aller, d'autres ne pourront pas. Ça ne nous apparaît pas équitable, alors il
faut une règle pour tout le monde, ou on n'en fait pas. Si l'enjeu est sérieux,
du déséquilibre, il faut agir, même si ce ne sera pas une mesure populaire.
Donc, je comprends que vous êtes d'accord avec la mesure du projet de loi n° 96, mais je vous soumets humblement qu'on
va continuer à avoir une brèche qui ne va pas aider les Québécois.
La Présidente (Mme
Thériault) : Et ceci met fin à la séance de ce
matin. Donc, merci pour votre contribution, M. Beauchemin, M. Danis.
Nous allons suspendre les
travaux jusqu'après les affaires courantes. Merci.
(Suspension de la séance à
12 h 25)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 16)
1355 La
Présidente (Mme Thériault) : Donc, bonjour. Bienvenue à la Commission
de la culture et de l'éducation. Donc, cet après-midi, nous allons entendre le Syndicat
canadien de la fonction publique, Mmes Louise Beaudoin et Louise Harel, la
Confédération des syndicats nationaux et, pour terminer, M. Christian
Dufour.
Donc, nous poursuivons les auditions
publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 96, sur la Loi sur la langue officielle et
commune du Québec, le français.
Donc, sans plus tarder, je vais céder à la
parole au Syndicat canadien de la fonction publique pour votre présentation.
Vous avez une dizaine de minutes. Si vous voulez vous présenter chacun...
Allez-y.
Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP)
M. Brisson (Frédéric) :
Bonjour. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Frédéric Brisson, secrétaire
général du Syndicat canadien de la fonction publique.
Mme Blais (Nathalie) :
Bonjour, tout le monde. Nathalie Blais, conseillère à la recherche au SCFP.
M. Brisson (Frédéric) : Bien,
bonjour, M. le Président, Mme la Présidente, membres du comité. Je vous
remercie de nous avoir invités à donner notre avis sur le projet de loi n° 96.
Notre intervention, vous vous en doutez,
portera principalement sur les dispositions visant le secteur public. Le SCFP Québec
représente en effet environ 70 % des travailleuses et des travailleurs des
municipalités du Québec. Il est également un acteur syndical important dans le
réseau de la santé et des services sociaux, particulièrement dans les
catégories 2, 3 et 4 ainsi qu'en éducation où il représente
majoritairement du personnel de soutien.
C'est un chantier ambitieux de mises à
jour de la Charte de la langue française que vous entreprenez aujourd'hui, une
mission difficile, parsemée d'embûches, mais pour laquelle il faut garder le
cap. L'objectif étant de maintenir le français comme langue commune de la
société québécoise pour les années à venir.
Le SCFP Québec a parlé du projet de loi n° 96 comme d'une réforme nécessaire lors de son dépôt au
printemps. C'est une analyse que nous réitérons. Nous appuyons d'ailleurs le
mémoire de la FTQ que ses représentants vous présenteront demain.
D'ici là, nous souhaitons aborder avec
vous deux aspects du projet de loi à renforcer pour assurer le droit de nos
membres à travailler en français et la pérennité de la langue française au
Québec. Il s'agit du bilinguisme au travail et de l'apprentissage du français
en emploi.
Mme Blais (Nathalie) : Depuis
quelques années, nos représentants syndicaux rapportent l'affichage d'un nombre
croissant de postes bilingues dans les <villes...
M. Brisson (Frédéric) :
...
deux aspects du projet de loi à renforcer pour assurer le droit de
nos membres à travailler en français et la pérennité de la langue française au
Québec : il s'agit du bilinguisme au travail et de l'apprentissage du
français en emploi.
Mme Blais (Nathalie) :
Depuis quelques années, nos représentants syndicaux rapportent l'affichage d'un
nombre croissant de postes bilingues dans les >villes et les établissements
de santé du Québec. À la ville de Gatineau, par exemple, on exige que tous les fonctionnaires
cols blancs aient une bonne maîtrise de l'anglais. Pourtant, la municipalité
n'est pas reconnue comme bilingue en vertu de l'article 29.1 de la loi,
puisqu'elle compte moins de 15 % de citoyens de langue maternelle
anglaise. À Montréal aussi, les postes bilingues sont fréquents. Ce constat est
corroboré par une étude de l'Institut de la statistique du Québec montrant que
plus de 50 % des arrondissements de Montréal font du bilinguisme ou de la
connaissance de l'anglais une condition d'embauche. Dans la santé, on note
également une augmentation des exigences de bilinguisme, particulièrement dans
des fonctions administratives et de bureau.
Comprenons-nous bien, le SCFP-Québec ne
s'oppose pas à l'apprentissage ou à la maîtrise de l'anglais ou d'une autre
langue par la population du Québec ni à l'offre de tout service en anglais. Ce
que nous contestons, c'est la propension qu'ont les employeurs de
l'administration publique, principalement les municipalités, les CIUSSS et les
CISSS, à afficher des postes bilingues sans justification. Cette attitude a
mené à une multiplication des arbitrages dans certains milieux depuis 2010
environ afin de préserver le droit de nos membres de travailler en français et
de pouvoir progresser professionnellement dans le secteur public même s'ils ne
parlent pas une langue seconde.
• (15 h 20) •
Le projet de loi n° 96
fait un pas dans la bonne direction en modifiant les articles 45 et 46 de
la Charte de la langue française. Ainsi modifiés, ces articles interdisent à un
employeur d'exiger la connaissance d'une autre langue pour des tâches qui ne le
nécessitent pas. Ils obligent également l'employeur à appliquer les critères de
la jurisprudence en amont de l'affichage d'un poste pour reconnaître qu'il a
pris tous les moyens raisonnables afin d'éviter d'imposer cette exigence. Ces
dispositions viennent sans contredit clarifier les choses. Toutefois, nous
croyons qu'elles n'entraîneront pas à elles seules une réduction à la source
des affichages de postes bilingues et des litiges qui y sont associés dans le
secteur public. Pour y arriver, il faut doter des organismes de
l'administration de comités de francisation, comme c'est le cas dans le privé.
Ces comités ont permis d'accompagner des entreprises dans leur francisation
depuis l'adoption de la loi 101 en 1977. Nous pensons qu'ils pourraient
maintenant aider les municipalités ainsi que les secteurs de la santé et de
l'éducation à mieux cibler leurs réels besoins en matière de bilinguisme. Nous
recommandons donc que l'article 238.1 soit reformulé de façon à ce que le
comité de francisation puisse, de son propre chef, donner son avis à
l'employeur sur la nécessité de créer des postes bilingues ou d'exiger la
connaissance d'une deuxième langue à toute personne pour accéder à un poste ou
le conserver.
M. Brisson (Frédéric) : La
seconde problématique que nous souhaitons discuter avec vous est le manque
cruel de ressources d'apprentissage du français pour les nouveaux arrivants. Il
faut comprendre que, contrairement aux enfants, qui sont automatiquement
scolarisés en français dès leur arrivée au <Québec...
Mme Blais (Nathalie) :
...
la connaissance d'une deuxième langue à toute personne pour accéder à
un poste ou le conserver.
M. Brisson (Frédéric) :
La seconde problématique que nous souhaitons discuter avec vous est le manque
cruel de ressources d'apprentissage du français pour les nouveaux arrivants. Il
faut comprendre que, contrairement aux enfants, qui sont automatiquement
scolarisés en français dès leur arrivée au >Québec, les immigrants
adultes, eux, sont laissés à eux-mêmes. Bien souvent, ils n'ont pas le temps ni
les ressources nécessaires pour apprendre le français avant d'entrer sur le
marché du travail. Ces gens doivent donc occuper un emploi, parfois même deux,
pour subvenir à leurs besoins de leur famille sans avoir les bases de la langue
leur permettant de s'intégrer à la société québécoise.
Nos membres qui sont dans cette situation
nous rapportent que les cours de français actuellement offerts à l'extérieur du
boulot ne tiennent pas compte de leur réalité. Après de longues heures de
travail et après avoir pris soin de leur famille, ils ne disposent souvent plus
de l'énergie requise pour étudier efficacement le français. On peut les
comprendre. Cela les force à reporter l'apprentissage du français, mais tous
les nouveaux arrivants nous confient vouloir l'apprendre pour communiquer avec
leur entourage au travail ainsi que mieux comprendre le Québec et ses
habitants.
Le SCFP-Québec préconise donc l'offre de
cours de français et de culture québécoise sur les lieux du travail et pendant
les heures de travail. La société québécoise y gagnerait doublement. D'une
part, le personnel offrant des services publics serait en mesure d'échanger
plus efficacement avec les citoyens afin qu'ils se sentent non seulement
écoutés, mais compris. D'autre part, cela contribuerait à une intégration plus
rapide des nouveaux arrivants adultes.
Nous sommes heureux de voir que le projet
de loi n° 96 fait de l'apprentissage de notre langue commune un droit
fondamental. De plus, l'État se donne des responsabilités à ce chapitre en
faisant du français la langue d'accueil et d'intégration à la société
québécoise. Il s'oblige ainsi à prendre des mesures pour favoriser
l'utilisation du français par tous et pour assurer la pérennité de la langue française.
Le projet de loi crée Francisation Québec,
un guichet unique qui a pour but de fournir des services d'apprentissage du
français en classe, en ligne et en milieu de travail à toute personne
domiciliée au Québec et qui n'est pas prise en charge par le système scolaire.
Nous saluons cette initiative. Cependant, il faut clarifier le rôle de
Francisation Québec auprès des organismes publics, car, tel qu'il est rédigé
présentement, le projet de loi n° 96 semble réserver ces services aux
entreprises privées. Pourtant, les besoins d'apprentissage du français sont
criants dans certains secteurs de l'administration. C'est notamment le cas dans
le réseau de la santé, qui emploie un grand nombre d'immigrants.
Nous encourageons donc le gouvernement à
amender le projet de loi pour donner le mandat à Francisation Québec d'offrir
des cours de français au travail non seulement au privé, mais également dans le
secteur public. Il faut aussi absolument lui allouer un financement
supplémentaire afin que les budgets de fonctionnement des services publics
auxquels il vient en aide ne soient pas amputés par les coûts de la
francisation. Ces deux mesures sont essentielles pour favoriser l'utilisation
du français par tous au cours des décennies à venir.
Ici encore, les comités de francisation
que nous avons proposé d'instaurer dans les organismes publics pourraient avoir
leur utilité en déterminant les milieux où l'apprentissage du français est
requis en les incluant dans le programme de conformité de chaque organisme
public et en faisant rapport sur les résultats <obtenus...
M. Brisson (Frédéric) :
...
par tous au cours des décennies à venir.
Ici encore, les comités de francisation
que nous avons proposé d'instaurer dans les organismes publics pourraient avoir
leur utilité en déterminant les milieux où l'apprentissage du français est
requis en les incluant dans le programme de conformité de chaque organisme
public et en faisant rapport sur les résultats >obtenus.
On a trop longtemps tenu pour acquis que
les organisations de l'administration avaient un comportement exemplaire dans
l'utilisation du français, mais force est d'admettre que ce n'est plus le cas.
La prolifération des postes exigeant la maîtrise de l'anglais dans des villes
qui ne sont même pas reconnues comme bilingues en est la preuve. Un autre
exemple, l'embauche de personnel dans la santé ne parlant pas français, et
parfois même ni l'anglais ni le français.
Nous ne sommes plus à l'époque de
l'adoption de la loi 101, où la priorité était de franciser les entreprises
privées fonctionnant totalement en anglais. Nous en sommes à un nouveau moment
charnière de notre histoire, celui où il faut s'assurer que les nouveaux
immigrants que nous accueillons sont en mesure de s'intégrer à la société dans
notre langue commune, le français.
Nous vous remercions de votre intérêt et
nous sommes prêts à échanger sur nos propositions avec vous. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup, M. Blais et Mme Brisson... non, l'inverse, Mme Blais
et M. Brisson. Donc, sans plus tarder, je vais passer la parole au ministre. M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. Mme Blais et M. Brisson, bonjour, merci de
participer aux travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 96.
D'entrée de jeu, je voudrais vous
demander... En ce qui concerne les dispositions du projet de loi relativement à
l'assujettissement des entreprises de juridiction fédérale à la Charte de la
langue française, dans le fond, on a mis un article pour faire en sorte que
tous les travailleurs québécois aient le droit de travailler dans leur langue
et que, dans le fond, ce qui encadre les entreprises de juridiction fédérale
sur la question de la langue, que ce soit la Charte de la langue française.
Qu'est-ce que vous pensez de cela?
Mme Blais (Nathalie) : Bien,
en fait, je crois comprendre qu'on me cède la parole. Donc, le SCFP appuie la
position de la FTQ, qui est, en ce qui concerne les entreprises de juridiction
fédérale, de faire en sorte que le gouvernement québécois ait, en cette
matière, la main haute. Et donc il reviendrait à l'OQLF d'assurer la
réalisation de la francisation des entreprises de juridiction fédérale au
Québec. Et, à ma connaissance, d'ailleurs, ces entreprises, en tout cas, celles
avec lesquelles nous travaillons au SCFP, se conforment, pour la plupart, déjà
à la Charte de la langue française. Donc, je ne pense pas que c'est un effort
déraisonnable à demander.
M. Jolin-Barrette : Et je
comprends que vous, votre syndicat, il a une portée pancanadienne?
Mme Blais (Nathalie) : Oui,
le SCFP, bien, est canadien. Mais je laisse Frédéric compléter là-dessus.
M. Brisson (Frédéric) : Oui,
effectivement, le syndicat... C'est le SCFP, Syndicat canadien de la fonction
publique, mais nous, on gère... c'est vraiment par province. Nous, on est le
SCFP Québec en soi, et non pour... On vient ici en tant que Québécois et en
tant que représentants du syndicat québécois de... canadien de la fonction
publique.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Je crois que votre organisation représente plusieurs travailleurs qui
travaillent dans le milieu <municipal. Donc...
M. Brisson (Frédéric) :
...
Québec en soi, et non pour... On vient ici en tant que
Québécois
et en tant que
représentants du syndicat
québécois de...
canadien
de la fonction publique.
M. Jolin-Barrette :
Parfait. Je crois que votre
organisation
représente plusieurs
travailleurs qui travaillent dans le milieu >municipal. Donc, le projet
de loi fait en sorte désormais que les municipalités qui sont considérées
bilingues en vertu de l'actuelle Charte de la langue française pourraient
perdre leur statut si la population ne constitue pas le seuil qui est prévu,
donc le 50 %, à moins qu'ils adoptent une résolution. Pouvez-vous nous
parler de la réalité des travailleurs puis des travailleuses qui sont dans les
municipalités, qui représentent, dans le fond, les membres de votre
organisation? Comment voyez-vous ça, là, les dispositions entourant notamment
également l'exemplarité des municipalités? Donc, l'exemplarité et la question
du statut bilingue.
M. Brisson (Frédéric) : Bien,
Nathalie, je vais te laisser répondre, là, municipalités... je vais te laisser
répondre à cette question.
Mme Blais (Nathalie) :
D'abord, sur la question de l'exemplarité, nous, on pense que ça va de soi, les
municipalités doivent faire partie de cet effort d'exemplarité. Et d'ailleurs c'est
ce qu'on évoquait dans notre présentation. Il y a de nombreux litiges
concernant des postes bilingues parce que les municipalités souvent ne
justifient pas l'affichage de postes bilingues et ça empêche de nos membres de
progresser au sein des municipalités. Ça devient difficile pour eux d'accéder à
des postes supérieurs si on a une exigence de bilinguisme qui est démesurée par
rapport à la population d'ayants droit à desservir dans une autre langue.
L'exemple de Gatineau, c'est vraiment
celui qui est le plus frappant. On demande un anglais 4 sur 6 à tous les
fonctionnaires municipaux alors qu'il y a 15 %, un petit peu moins de
15 % de la population qui est de souche anglophone. Donc, c'est une
exigence, à notre avis, qui est démesurée.
Puis l'autre exemple qu'on peut vous
donner, c'est au service 9-1-1 de la même ville, on demande une exigence 5
sur 6, qui est plus élevée que l'exigence de la ville d'Ottawa puisque les gens
qui n'obtiennent pas un poste au 9-1-1 à Gatineau obtiennent automatiquement un
poste à Ottawa. Donc, forcément, la connaissance de l'anglais a un poids plus
grand à Gatineau qu'à Ottawa, qui est de l'autre côté de la rivière. Ça, ça a
complètement... ça n'a aucun sens. Les deux villes devraient avoir la même
exigence. Parce que c'est normal qu'on offre des services de santé notamment en
anglais, mais est-ce que c'est normal qu'une ville anglophone, Ottawa, demande
une exigence plus faible en anglais que la ville francophone juste à côté?
• (15 h 30) •
M. Brisson (Frédéric) : Puis
on trouve ça dommage aussi, là, qu'un francophone... bien, qu'une personne
unilingue, là, francophone, qui travaille dans une municipalité qui est à
20 % ou 15 % anglophone, qui a le statut bilinguisme parce qu'ils
l'avaient... le statut bilingue parce qu'ils l'avaient auparavant, qui est <descendu
en bas de 20 %...
>
15 h 30 (version révisée)
< Mme Blais (Nathalie) :
...juste à côté?
M. Brisson (Frédéric) :
Puis on trouve ça dommage aussi, là, qu'un francophone... bien, qu'une personne
unilingue, là, francophone, qui travaille dans une municipalité qui est à 20 %
ou 15 % anglophone, qui a le statut bilinguisme parce qu'ils l'avaient...
le statut bilingue parce qu'ils l'avaient auparavant, qui est
>descendu
en bas de 20 %, et un francophone unilingue se voit empêché de postuler
sur des postes à cause, là, des demandes d'anglais sur certains postes. La
plupart, quand qu'on a un statut bilingue, là, la plupart sont avec un statut...
on affiche un poste avec un statut bilingue, et ça empêche, là, des unilingues
québécois d'avoir des bons emplois.
M. Jolin-Barrette : Et donc
pour vous, les municipalités doivent être considérées comme faisant partie de
l'État, et donc assujetties à la politique linguistique de l'État aussi?
Mme Blais (Nathalie) : Tout à
fait.
M. Brisson (Frédéric) : Tout
à fait.
M. Jolin-Barrette : Et
pourquoi c'est important qu'ils soient assujettis à la même politique de l'État
en termes d'exemplarité de l'État? Pourquoi les municipalités, c'est important
qu'elles y soient assujetties?
Mme Blais (Nathalie) : Bien,
pour envoyer... En fait, c'est que c'est un message à envoyer, dans le fond, à
toutes les municipalités, de la part du gouvernement. Si on souhaite
effectivement que le français soit pérenne au Québec, ça ne peut pas uniquement
passer par l'administration publique du gouvernement du Québec et les
organisations qui en découlent, ça doit aussi passer par le secteur municipal,
qui est en contact direct avec les citoyens.
M. Brisson (Frédéric) :
Effectivement.
M. Jolin-Barrette : Et vous
nous disiez, dans le fond, dans le cas de Gatineau, dans l'exemple que vous
citiez, je comprends que certains Québécois francophones unilingues, leur
progression de carrière, elle est freinée en raison du fait qu'il y a une
exigence démesurée de la connaissance de la langue anglaise pour accéder à des
emplois supérieurs. Est-ce que j'ai bien compris?
Mme Blais (Nathalie) : Bien,
pire que ça. Oui, il y a ça, mais pire que ça, il y a des gens qui ne peuvent
pas accéder à un emploi dans la fonction publique à Gatineau parce qu'ils n'ont
pas un anglais quatre sur six, donc, alors que le poste dans lequel ils sont
embauchés ne requiert pas nécessairement l'usage de l'anglais. Donc, on est
contents de voir que, dans le projet de loi, à l'article 46, le gouvernement
interdit aux employeurs d'exiger une autre langue que le français quand ce
n'est pas nécessaire à l'exercice de la fonction. Ça, ça vient nous donner de
l'argumentation en comité de grief pour éviter, peut-être, de se rendre à
l'arbitrage. Mais ce qu'on voudrait aussi, c'est qu'il y ait des comités de
francisation dans les villes pour qu'il y ait un dialogue en permanence avec
l'employeur sur la bilinguisation des postes et sur la situation linguistique
de la municipalité. On trouve que le gouvernement présentement, et l'OQLF, ils sont
un peu dans le noir par rapport à ce qu'il se passe dans les municipalités,
dans les hôpitaux, dans les écoles puis par rapport à ces postes bilingues,
mais aussi par rapport à la formation, à la francisation des gens qui intègrent
le réseau <public.
M. Jolin-Barrette :
Et l'OQLF...
Mme Blais (Nathalie) :
...le
gouvernement
présentement, et l'OQLF, ils sont un peu dans
le noir
par rapport à ce qu'il se passe dans les
municipalités,
dans les
hôpitaux, dans les écoles
puis par rapport à ces postes
bilingues, mais aussi
par rapport à la formation, à la
francisation
des gens qui intègrent le réseau >public.
M. Jolin-Barrette : Et l'OQLF
a publié, là, au mois d'août 2020, donc l'an passé, une étude relativement
à l'exigence des municipalités du Québec, où on disait que 23,5 % des
municipalités du Québec et des arrondissements de Montréal ont exigé ou
souhaité des compétences en français et en anglais, ou seulement en anglais à
l'embauche. Et sur l'île de Montréal, c'était 50 % des municipalités et
des arrondissements qui ont recherché des personnes ayant des compétences en
français et en anglais ou en anglais seulement. Comment vous qualifiez cet état
de fait là, qui a été documenté par l'OQLF?
M. Brisson (Frédéric) :
C'est une bonne question. Je viens d'apprendre cette étude-là, là, qui a été...
Mais, Nathalie, tu as peut-être quelque chose à dire là-dessus?
Mme Blais (Nathalie) :
Bien, je vous dirais simplement qu'on n'a pas à avoir... on a n'a pas à
commenter, c'est des faits, là, c'est réel. Il y a vraiment des exigences qui
dépassent même 50 % des arrondissements pour des connaissances en anglais,
et on a de nombreux arbitrages, là. J'étais justement en train d'en lire un — je
n'ai pas fini de lire — mais où l'arbitre fait la liste de tous les
postes où la ville de Montréal ou un arrondissement exigeait l'anglais, et
demande à la ville de retirer ces affichages-là et de refaire ses devoirs, de
retourner à la source voir s'il y a vraiment une nécessité dans tous ces postes
d'exiger l'anglais. Donc, on pense que l'article 46 va tout à fait... vise
exactement au bon endroit, là, en exigeant qu'en amont de son affichage de
poste l'employeur fasse l'exercice et vérifie est-ce que j'ai suffisamment
d'employés qui parlent déjà la langue dont j'ai besoin et est-ce que j'ai
réellement besoin d'ajouter du personnel qui parle cette deuxième langue là.
M. Jolin-Barrette :
Donc, je comprends de votre intervention que vous êtes en accord avec la
modification qu'on apporte à l'article 46 de la Charte de la langue
française. Donc, on amène une bonification.
Mme Blais (Nathalie) :
Oui.
M. Jolin-Barrette : Sur
la question, là... Vous avez abordé la question des comités de francisation à
l'intérieur des municipalités. Comment vous envisageriez ce genre de comité là?
Comment ça fonctionnerait, là, au sein des municipalités?
Mme Blais (Nathalie) :
Bien, c'est sûr qu'il y a des municipalités de différentes tailles au Québec.
On ne pourrait pas avoir le même type de comité de francisation dans une très
petite municipalité et une très grande comme la ville de Montréal. À Montréal,
on peut imaginer que ça pourrait se passer par arrondissement, alors que, là, dans
des plus petites municipalités, bien, ça pourrait être un comité pour la
municipalité. On a réfléchi aussi un peu à ce qu'il pourrait se passer dans le
secteur de la santé. Je ne sais pas, Frédéric, si tu veux compléter là-dessus.
M. Brisson (Frédéric) :
Bien, dans le secteur de la santé, moi, je trouve que ça serait très, très
important, là, un comité de francisation. Je viens du domaine de la santé. Je
suis un préposé aux bénéficiaires en salle d'opération. Et de plus en plus
d'immigrants arrivent sur le marché du travail, et ce que je trouve dommage, c'est
que, souvent, c'est qu'ils ont de la misère à communiquer avec les patients.
Donc, je <pense que...
M. Brisson (Frédéric) :
...moi, je trouve que ce serait
très, très important, là, un comité de
francisation. Je viens du domaine de la santé, je suis un préposé aux
bénéficiaires en salle d'opération, et
de plus en plus d'immigrants
arrivent sur le
marché du travail, et ce que je trouve dommage, c'est que,
souvent, c'est qu'ils ont de la misère à communiquer avec les patients. Donc,
je >pense qu'un comité de francisation, là, dans le secteur public, dans
le milieu de la santé, ça ne serait que bon pour tous, autant les travailleurs,
autant les patients.
Et j'ajouterais aussi, je me permets de le
dire ici, là, mais j'ajouterais aussi que ça doit se faire sur le milieu du
travail parce qu'on le sait, là, présentement, les travailleuses et
travailleurs du réseau de la santé ont énormément de pression sur les épaules,
font énormément d'heures supplémentaires, du temps supplémentaire obligatoire
également. Quand on arrive à la maison par après, là, s'occuper de la famille,
et on vient de s'occuper de 20 patients au lieu d'en avoir huit, on n'a
plus le temps et on n'a plus la tête pour essayer d'apprendre le français.
Donc, je pense que ça serait très important que ça se fasse sur le milieu de
travail.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Et, juste avant de céder la parole, juste vous dire que Francisation Québec a
été construit notamment pour la francisation en entreprise, mais, également, il
va pouvoir aller au sein de l'administration publique, effectivement. Donc, ça
va être un guichet unique, et, justement, pour offrir de la francisation. D'ailleurs,
sur les questions des cours de francisation, à l'époque où j'étais à
l'Immigration, on a bonifié de façon substantielle les allocations à temps
plein et on l'a créé à temps partiel également, justement pour répondre à ce
que vous dites, pour faire en sorte que les gens puissent aller apprendre le
français et peaufiner leur connaissance de la langue française. Également, on a
couvert les frais de garde également. Mais je vais céder la parole, Mme la
Présidente, au collègue.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, M. le député de Chapleau, 4 min 30 s pour vous.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Blais, M. Brisson, vraiment
un plaisir de vous voir. Merci de votre témoignage.
J'aimerais revenir sur le cas de Gatineau
plus spécifiquement. Moi, c'est ma ville, et mon comté s'y trouve, donc c'est
certain que ça me préoccupe, mais ça va quand même être plus large, là, en
termes de débat, puis ça pourra s'appliquer ailleurs aussi, là.
J'aimerais vous entendre sur ce que vos
membres vous disent dans ces cas-là, spécifiquement, du pourquoi cette
obligation-là. Qu'est-ce qu'ils perçoivent, là, dans cette situation-là, particulièrement?
Mme Blais (Nathalie) : Bien,
dans le cas de Gatineau, ce qu'on me dit, c'est que, bien que la ville n'a pas
un statut de ville bilingue en vertu de l'article 29.1 de la loi, la ville
se déclare elle-même ville bilingue, et donc souhaite offrir des services en
français et en anglais à toute sa population. Donc, c'est tout simplement ça
qui est la base du raisonnement de la ville et c'est ce qui fait en sorte qu'il
y a autant d'exigences de bilinguisme à Gatineau.
M. Lévesque (Chapleau) : Vous
parlez également de possibilités d'avancement bloquées pour certains travailleurs.
Avez-vous des statistiques? Avez-vous des chiffres sur ça? Qu'est-ce qui...
peut-être, dans vos membres, un certain nombre qui n'ont pas pu avancer dans
leur carrière ou n'ont pas pu avoir un certain poste à cause de ces exigences?
Mme Blais (Nathalie) : Je
n'ai pas de statistique précisément là-dessus. La seule <chose...
M. Lévesque (Chapleau) :
...possibilités d'avancement bloquées pour certains travailleurs. Avez-vous des
statistiques? Avez-vous des chiffres sur ça? Qu'est-ce qui... dans vos membres,
un certain nombre qui n'ont pas pu avancer dans leur carrière ou n'ont pas pu
avoir un certain poste à cause de ces exigences?
Mme Blais (Nathalie) :
Je n'ai pas de statistique
précisément là-dessus. La seule >chose
que je peux vous dire, c'est qu'il y a eu tellement de griefs sur ces
affichages de postes bilingues que le syndicat s'est entendu avec l'employeur
pour mettre en place un genre de table de concertation pour discuter de cette
question-là. On a mis sur la glace... on a fait un dernier grief qui couvre
tous les futurs affichages de postes pour préserver les droits de tous, et là
on a interrompu les discussions à cette table de concertation en attendant les
travaux de l'Assemblée nationale, en attendant de voir qu'est-ce qui arrive
avec la Charte de la langue française, et comment la ville devra, à l'avenir,
appliquer cette charte. Je n'ai pas de statistique spécifique sur les problèmes
d'avancement. Par contre, nous, on a l'intention de déposer un mémoire à la
commission dans les prochaines semaines, et je pourrais voir si c'est possible,
là, d'avoir quelques chiffres là-dessus du côté des municipalités.
• (15 h 40) •
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
si vous pouviez le déposer, là, au secrétariat de la commission, ce serait bien
apprécié.
Vous avez également parlé des villes qui
ont actuellement le statut bilingue. Est-ce que, si j'ai bien compris, tous les
postes demandent le bilinguisme, d'entrée de jeu, dans ces villes-là?
Mme Blais (Nathalie) : À
Gatineau spécifiquement, oui. C'est 100 % des postes de cols blancs pour
lesquels on demande le bilinguisme.
M. Lévesque (Chapleau) : ...n'ont
pas le statut de ville bilingue, là, mais je parle plus pour les villes
bilingues, là, celles qui l'ont, le statut. Est-ce qu'ils le demandent à
100 %?
Mme Blais (Nathalie) : Ce n'est
pas nécessairement 100 % des postes dans les villes qui sont reconnus
bilingues. Ça dépend de la taille de la municipalité, en fait. Je pense que,
plus la municipalité est grande, plus ça laisse une place à ce qu'il y ait un
pourcentage de gens qui ne parlent pas nécessairement les deux langues. Quand
la municipalité est très petite, parce qu'il y a beaucoup de petites
municipalités, là, dans la liste des 92 qui sont... qui ont le statut bilingue,
à ce moment-là, bien, il y a moins de marge de manoeuvre, disons.
M. Lévesque (Chapleau) :
Est-ce que je comprends également, là, dans votre propos que Gatineau ferait du
zèle plus qu'une ville à statut bilingue confirmé? C'est ce que je comprends?
Mme Blais (Nathalie) : C'est
ce qu'on nous rapporte, oui.
M. Lévesque (Chapleau) : Ah,
d'accord! Un autre sujet, là, s'il me reste, Mme la Présidente, quelques...
La Présidente (Mme Thériault) :
50 secondes.
M. Lévesque (Chapleau) : 50 secondes.
Rapidement, vous parlez justement de Francisation Québec, un volet culture
aux cours qui seraient offerts. Pourquoi? Qu'est-ce que vous y voyez, dans ces
cours-là, qu'il pourraient apporter, là, Francisation Québec?
M. Brisson (Frédéric) : Bien,
je peux répondre, Nathalie. On se fait souvent dire par les gens qui aident les
immigrants qui arrivent au Québec qu'ils ne comprennent pas pourquoi que nous,
les Québécois, on peut être frustrés qu'il y ait des gens qui ne parlent pas
bien le français ou qu'on ne se fasse pas comprendre. Ils ne connaissent pas...
En fait, ils ne connaissent pas la culture québécoise. Je pense que ça serait
très, très bien, dans la formation, si on parlait de la culture pour apprendre
pourquoi qu'on réagit comme ça, où est-ce qu'on est rendus aujourd'hui et
toutes les batailles qu'on a vécues dans le passé pour la protection de la
langue française. Je pense que ça serait important de connaître notre <culture...
M. Brisson (Frédéric) :
...ils ne connaissent pas... En fait, ils ne connaissent pas la culture
québécoise.
Je pense que ça serait
très, très bien, dans la formation, si on parlait
de la culture pour apprendre pourquoi qu'on réagit comme ça, où est-ce qu'on
est rendus
aujourd'hui et toutes les batailles qu'on a vécues dans le
passé pour la protection de la langue
française. Je pense que ça serait
important de connaître notre >culture québécoise, tout simplement.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup pour votre intervention. Je me tourne maintenant du côté de
l'opposition officielle pour l'échange... la suite des échanges, avec la
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Oui. Bonjour.
Bonjour, tout le monde. Bien contente de vous voir ici, Mme Blais,
M. Brisson. Alors, écoutez, je vais faire du pouce sur l'intervention du collègue
précédent parce que je voulais aller vers ça moi aussi. On va finir tous
ensemble, M. le député, à coûter bien cher au ministre, mais ce n'est pas
grave, c'est pour une bonne cause.
Alors, quand vous nous proposez de mettre
des cours de français dans les services publics et pas seulement dans le
secteur privé, et quand vous décidez... vous ne décidez pas, mais vous proposez
qu'il y ait des cours de français et de culture québécoise, ça m'a vraiment
allumée beaucoup. J'ai trouvé ça extrêmement intéressant. Et on va le voir dans
un mémoire qui s'en vient, qu'est-ce que ça donne d'apprendre des mots en français
si on ne comprend pas dans quelle culture l'on s'inscrit. Alors, pour moi, là,
ça, c'est fondamental, et je vous remercie d'apporter ce volet-là puis je
remercie le député de l'apporter aussi du côté gouvernemental parce que ça va
donner beaucoup plus de sens, d'abord, aux mots qu'ils emploient et à leur vie,
ici, au Québec et dans leurs milieux de travail.
L'autre chose pour laquelle je vous
remercie infiniment, c'est de parler de l'apprentissage du français non
seulement en milieu de travail — on le sait que c'est fait dans des
petites entreprises avec la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Il y
avait un magnifique programme, etc. Mais vous parlez du secteur public, qui est
un secteur dont on ne parle pas assez et vous m'avez fait réaliser vraiment,
là — puis je vous remercie pour ça — qu'à l'époque de la
loi 101, quand on a adopté ce projet de loi, c'était vraiment de franciser
les entreprises privées, comme vous dites, fonctionnant totalement en anglais. Les
temps ont changé, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de nouveaux arrivants, et
on le sait — vous le dites très bien — qui travaillent, et
heureusement qu'on les a, dans les services publics pour faire des emplois...
occuper des emplois que beaucoup de monde ne voudrait pas occuper, qui sont
difficiles, des longues heures, et ils n'ont pas le temps d'aller suivre des
cours, ils n'ont juste pas le temps. Alors, de permettre qu'ils soient
probablement rémunérés, comme on a eu dans d'autres secteurs, pour pouvoir
faire ça pendant qu'ils sont au public sur leurs heures de travail, et qu'en
plus on en profite pour donner une sensibilisation à la culture québécoise, j'aimerais
vous entendre plus pour ça, parce que je pense que je vais vraiment la mettre
dans mes priorités d'amendements au ministre.
M. Brisson (Frédéric) : Bien,
oui effectivement. Bien, merci beaucoup, Mme David, pour ces beaux mots.
Je pense que c'est important, vous l'avez dit, là, je pense que c'est important
pour eux <d'apprendre la culture québécoise, d'apprendre...
Mme David : ...priorités
d'amendements au
ministre.
M. Brisson (Frédéric) :
Bien, oui,
effectivement. Bien,
merci beaucoup, Mme David,
pour ces beaux mots. Je pense que c'est important
— vous l'avez
dit, là
— je pense que c'est important pour eux >d'apprendre
la culture québécoise, d'apprendre le français en milieu de travail. Vous
l'avez dit, les gens sont débordés dans le milieu de la santé, mais il y a
aussi, en services de garde, en le milieu scolaire que, de plus en plus, il y a
des immigrants qui vont travailler là. Je peux parler de ma soeur qui
travaillait en milieu scolaire en garderie et qui avait beaucoup de misère, elle-même,
à se faire comprendre avec sa collègue de travail. Donc, imaginez, des fois,
les relations avec les enfants, ce n'est pas toujours évident. Peut-être que
même Nathalie qui me parlait tantôt d'un exemple d'un employé qui a été
suspendu par mauvaise compréhension. Donc, je pense que c'est très important,
là, de leur apprendre la langue française, et je vais insister aussi sur la
culture française, là... québécoise, excusez. Je pense que c'est important.
Nathalie, tu peux peut-être ajouter à ça.
Mme Blais (Nathalie) :
Oui. Bien, c'est ça, je ne sais pas si l'employé dont tu parles a été suspendu,
mais il y a eu une mesure disciplinaire contre une employée dans une école, qui
ne comprenait pas suffisamment le français, et donc qui a possiblement mal
appliqué une règle, et peut-être par rapport à la COVID, peut-être par rapport
à d'autres choses, que sais-je, mais qui a été disciplinée parce qu'elle ne
connaissait pas assez bien le français. Mais l'école était probablement dans
une situation où elle ne pouvait... n'avait plus suffisamment de travailleurs
qui comprenaient suffisamment bien le français. Parce qu'on me disait également
dans le secteur de la santé, au CIUSSS—Ouest-de-l'Île, qu'on commence à
embaucher des gens qui ne connaissent ni le français ni l'anglais quand il n'y
a plus personne, là, sur les listes de rappel. Donc, ça commence à devenir une
problématique. Et par contre nos gens qui travaillent dans ce CIUSSS nous
disent qu'ils veulent tous apprendre le français. Ils voudraient mieux
comprendre la culture québécoise, comprendre, comme disait tantôt Frédéric,
pourquoi on tient tant au français. Et ce n'est absolument pas de la mauvaise
volonté de leur part de ne pas maîtriser la langue. Donc, si on met des mesures
en place, nous, on pense que c'est gagnant-gagnant. On va investir et on va
réussir à renverser la tendance actuelle.
Mme David : Et donc, je
vous lis, là, vous dites : «Il faut clarifier le rôle de Francisation Québec
auprès des organismes publics, car, tel qu'il est rédigé présentement, le
projet de loi n° 96 semble réserver ses services aux entreprises privées».
Mme Blais (Nathalie) : Oui.
Mme David : Je n'avais pas
pris conscience à ce point-là qu'effectivement peut-être qu'on aurait pu penser
pas mal plus aussi au... pas aux entreprises, justement au secteur public. Vous
dites : «Les besoins d'apprentissage du français sont criants dans
certains secteurs de l'administration». Vous nommez la santé, on rajoute
l'éducation, les CPE et on on le sait, un, il y a beaucoup de pénurie de
main-d'oeuvre, puis là ils vont dire : Bien non, donnez-leur pas des cours
de français en plus pendant qu'ils sont au travail parce que... Bon. Mais, en
même temps, vous dites l'inverse de ça. Vous dites, il y a des gens qui peuvent
perdre leur emploi parce que, justement, ils ne maîtrisent pas assez bien le
français. Et quoi de mieux que de mettre... d'ajouter la <culture pour,
si on s'occupe d'enfants...
Mme David : ...et on le sait,
un, il y a
beaucoup de pénurie de main-d'oeuvre, puis là ils vont dire :
Bien, non, donnez-leur pas des cours de français en plus pendant qu'ils sont au
travail, parce que... Bon. Mais en même temps, vous dites l'inverse de ça. Vous
dites : Il y a des gens qui peuvent perdre leur emploi parce que,
justement, ils ne maîtrisent pas assez bien le français. Et quoi de mieux que
de mettre... d'ajouter la >culture pour, si on s'occupe d'enfants,
savoir un peu dans quelle culture aussi on s'occupe d'eux puis on les éduque.
Alors, encore une fois, je vous remercie de ça.
Je voulais aller vers la question des
griefs, les municipalités. Moi, je voudrais savoir, qu'est-ce que ça a donné,
tous les nombreux arbitrages, parce que je vous écoute, là, puis j'ai dit :
Bien, là, je suis un peu mêlée. Les municipalités, selon l'annexe I du projet
de loi, page 97, troisième alinéa, tiret a, les municipalités sont
soumises à la Charte de la langue française, alors normalement ils sont soumis
aux politiques linguistiques, là. Il y a quelque chose qui m'échappe. Vous
sembliez dire tout à l'heure que les municipalités ne sont pas... vous avez...
je pense le ministre va poser la question : Assujettir les municipalités à
la politique linguistique de l'État, ne sont-ils pas déjà assujettis?
Mme Blais (Nathalie) :
Écoutez, c'est un «catch-22», je ne peux pas répondre à votre question. Ma
compréhension à moi, c'est que les municipalités étaient déjà assujetties à la
politique linguistique de l'État. La raison pour laquelle on fait des griefs, c'est
que, souvent, dans les conventions collectives, on va, par exemple, déterminer
avec l'employeur que, pour tel et tel poste, on a une exigence d'anglais, et, à
ce moment-là, l'affichage comprend cette exigence de bilinguisme. Mais ce qu'on
a constaté, dans les dernières années, là, depuis à peu près 2010, c'est que,
sans justification, sans négociation avec le syndicat, les employeurs affichent
les postes bilingues, et là on a des membres qui disent : Bien, moi, je
voudrais postuler sur ce poste-là, mais s'il est bilingue, je ne peux pas le
faire ou je voudrais...
Mme David : C'est donc la
mauvaise application de l'article 46-1, c'est ça, le problème.
Mme Blais (Nathalie) : Oui, c'est...
exactement.
• (15 h 50) •
Mme David : C'est
l'application trop laxiste ou sans balise nécessaire.
Mme Blais (Nathalie) :
Exactement.
Mme David : On y reviendra
parce qu'il y a quand même l'article 46-1, là, nouvellement écrit. On va
pouvoir en parler longuement en étude détaillée. Il y a quand même des
conditions qui sont... dont il va falloir parler, de l'applicabilité et des
détails de ça. Mais ce que je comprends, c'est que vous avec beaucoup de griefs.
Mais moi, je suis curieuse, donnez-moi un exemple de résultat de grief. Là,
vous avez dit : Il y a une sorte de moratoire, mais ça fait 50 ans
que vous vivez avec la loi 101, l'article 46. Alors, comment ça
marche, les griefs? Est-ce que vous les gagnez habituellement, sur la langue,
ou non ou est-ce que ça améliore la situation de l'affichage?
Mme Blais (Nathalie) : Oui,
bien, c'est ça, on est dans une situation où il y a eu quelques griefs qu'on a
gagnés autour de 2014, 2015, et, en 2016, il y a eu une décision de la Cour
d'appel qui a renversé cette décision-là, et depuis c'est pas mal les critères,
là, dans ma compréhension à moi, qui est limitée, mais, quand même, j'ai fait
le tour de quelques arbitrages, mais je ne pourrais pas vous dire, là, que c'est
la jurisprudence complète, mais, en gros, ce que ça dit... ce que la Cour
d'appel est venue dire, c'est que, si l'employeur a une population à <desservir
dans une autre langue, il est...
Mme Blais (Nathalie) :
...et depuis c'est pas mal les critères, là, dans ma compréhension à moi qui
est limitée. Mais
quand même j'ai fait le tour de quelques arbitrages,
mais je ne pourrais pas vous dire, là, que c'était la jurisprudence complète.
Mais en gros, ce que ça dit... ce que la
Cour d'appel est venue dire,
c'est que, si l'employeur a une
population à >desservir dans une
autre langue, il est justifié de demander le bilinguisme, et, à partir de ce
moment-là, ça a rendu très difficile pour nous de marquer des points en
arbitrage et de revenir à un poste où on ne demandait pas le bilinguisme. Par
contre, l'arbitre a dit : Il faut que vous justifiiez la raison pour laquelle
vous demandez que le poste soit bilingue, il faut que ça soit étayé par des
faits.
Donc, l'article 46 dont vous parlez,
là, les modifications ont intégré en quelque sorte la jurisprudence dans la
loi, mais en balisant également de quelle façon ça doit être fait. Donc, ça
doit être fait avant l'affichage. On doit s'assurer également qu'il n'y a pas personne
d'autre qui peut faire le travail. Par exemple, si vous avez un département
avec huit personnes, est-ce que les huit doivent parler anglais si on a 15 %
de notre clientèle à desservir en anglais? Alors, ce n'est pas probablement pas
justifié à ce moment-là. On a besoin peut-être...
Mme David : ...nouveau projet
de loi, là, de 96, les trois conditions.
Mme Blais (Nathalie) : Oui,
exactement.
Mme David : O.K. O.K. Mais
c'est ça qui n'est pas nécessairement...
Mme Blais (Nathalie) : Oui, oui,
oui, c'est ça. Et présentement ce n'est pas dans la loi, donc, bien, les
employeurs s'essaient. Alors, ils affichent anglais puis ils affichent avec un
poste bilingue, et puis là on doit faire l'arbitrage, et c'est long, vous
savez, les délais avant que ce soit tranché.
M. Brisson (Frédéric) : C'est
pour ça qu'on demande la création d'un comité de francisation, là, dans le
municipal également pour...
Mme David : Bien, c'était ma
dernière puis, comme il me reste quelques secondes, ça a été une autre, un peu,
révélation pour moi, il n'y a pas d'obligation de comité de francisation dans
le secteur public. Autant il y en a dans le secteur privé à partir d'un certain
nombre d'employés, autant ce n'est pas nécessaire. C'est ça qu'on comprend que
vous suggérez de le mettre dans le secteur public aussi?
Mme Blais (Nathalie) : Oui,
parce qu'on pense que le gouvernement ne voit pas toujours où sont les besoins
aussi, là. Dans un CIUSSS, il y a énormément d'établissements, mais les
employés pourraient, eux, les travailleurs, les travailleuses, dire :
Bien, il y a plus de besoins dans tel établissement que dans tel autre, et
prioriser un peu la francisation.
Mme David : Merci infiniment
de votre prestation. Merci.
Mme Blais (Nathalie) : Merci
à vous.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup. Donc, nous allons aller du côté de la deuxième opposition. Vous
avez 2 min 45 s.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation, c'était très, très
intéressant, surtout tout l'aspect évidemment bilinguisme en milieu de travail,
parce qu'on sait, hein, la langue française, elle va pouvoir survivre et être
pérenne dans le temps si elle est parlée au travail. Et aujourd'hui j'ai déposé
une motion, qui a été appuyée à l'unanimité par les 125 députés de
l'Assemblée nationale, à l'effet qu'il faut renforcer le français en milieu de
travail, il faut que les entreprises fassent leur part, et encore plus,
évidemment, les municipalités ou la fonction publique, donc les employeurs
fassent leur part.
J'avais une question justement pour <l'applicabilité
de la question d'interdire...
Mme Ghazal : ...125 députés
de
l'Assemblée nationale,
à l'effet qu'il faut renforcer le
français
en
milieu de travail, il faut que les
entreprises fassent leur
part, et encore plus,
évidemment, les
municipalités ou la
fonction
publique, donc les employeurs fassent leur part.
J'avais une
question
justement
pour >l'applicabilité de la question d'interdire l'exigence de l'anglais
à l'embauche. Moi, j'avais fait une proposition et je voulais vous entendre là-dessus,
sur le fait que de faire la démonstration de pour quelle raison est-ce que
l'anglais est exigé pour un poste directement dans l'offre d'emploi. Est-ce que
c'est une avenue que vous trouvez intéressante? Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Brisson (Frédéric) : Oui,
vas-y.
Mme Blais (Nathalie) : Est-ce
que je peux vous demander de préciser? Parce que vous voulez dire d'inclure,
par exemple, dans l'affichage du poste, que l'anglais est requis?
Mme Ghazal : Oui, parce que
d'habitude, on dit français, anglais ou bilinguisme requis, et ça fait partie
d'une liste de critères et de compétences, et c'est tout. On ne sait pas trop,
il y a peut-être tout un travail qui a été fait en arrière, mais de l'afficher
puis de justifier, par une phrase ou un paragraphe, pour quelles raisons est-ce
que c'est demandé à l'emploi, peut-être parce que 100 % des clients sont
de l'étranger, admettons, quelque chose comme ça, par exemple. Qu'est-ce que
vous pensez de cette idée?
Mme Blais (Nathalie) : Bien,
ce n'est pas une mauvaise idée dans la mesure où l'article 46.1 demande...
en fait, du projet de loi va demander à l'employeur de justifier, avant
l'affichage, qu'il a ce besoin. Donc, ça viendrait prouver effectivement que
l'exercice a été fait. De la même... Par contre, par contre, ça ne voudrait pas
dire que l'exercice a été bien fait. Alors, c'est là où je pense que le comité
de francisation entrerait en jeu, c'est-à-dire que, là, il pourrait y avoir une
discussion à l'interne, à savoir si, oui ou non, on a suffisamment de
travailleurs également qui peuvent déjà accomplir le travail dans l'autre
langue.
Mme Ghazal : Exactement.
M. Brisson (Frédéric) : Bien,
je pense que c'est ça. Excusez. Mais je pense que c'est ça, Nathalie vient de
le dire, si c'est bien fait, dans un comité, tout le monde ensemble, qu'il y a
des discussions, je pense que oui, puis ça pourrait être une bonne solution.
Mais, si jamais c'est une phrase qui est inscrite là seulement par l'employeur,
ça va juste faire des contestations de plus, ce qu'on veut éviter.
Mme Ghazal : Je comprends.
C'est-à-dire que, pour vous...
M. Brisson (Frédéric) :
Excusez.
La Présidente (Mme Thériault) :
...mettre fin à l'échange. Donc, merci.
Mme Ghazal : Oui, parfait.
Merci, merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
D'accord. Je me tourne, maintenant, vers le député de Matane-Matapédia, pour
2 min 45 s.
M.
Bérubé
:
Merci. Dans un communiqué du 13 mai 2021, vous avez mentionné qu'on
pouvait s'attendre à ce que le gouvernement aille plus loin quant au statut
bilingue des municipalités et, s'il y a des exigences en anglais, c'est parce
qu'il y a des statuts bilingues qui ne sont pas justifiés dans certains cas.
Vous y avez fait référence un peu plus tôt. Je vous donne trois exemples très
concrets : ville Mont-Royal, 18,5 % d'anglophones; Rosemère,
12,1 %; Otterburn Park, 6,8 %. À sa face même, est-ce que vous
considérez que ces municipalités devraient conserver leur statut, et qu'on
devrait aller plus loin que de laisser le libre choix aux conseils <municipaux...
M.
Bérubé
: ...ville
Mont-Royal, 18,5
% d'anglophones; Rosemère, 12,1 %; Otterburn
Park, 6,8 %. À sa face même, est-ce que vous considérez que ces
municipalités devraient conserver leur statut et qu'on devrait aller plus loin
que de laisser le libre choix aux conseils >municipaux, et non à la
population totale de décider de maintenir ce statut?
M. Brisson (Frédéric) : Bien,
j'y vais, Nathalie?
Mme Blais (Nathalie) : Oui,
vas-y.
M. Brisson (Frédéric) : Oui.
Oui. Bien, vous l'avez... Il y a le mémoire de la FTQ, qui va vous être
présenté demain, où on parle aussi, là, d'un statut de 40 %, 20 %,
là. Donc, moi, je considère... nous considérons, plutôt, là, qu'en bas de
50 %... Vous avez nommé trois villes, là, à 18 %, 6 % et
12 %, là, si ma mémoire est bonne des chiffres, là. On pense que, oui,
effectivement, elles devraient perdre le statut bilingue et que ça vienne à la
responsabilité, là, de la municipalité, là, de...
M.
Bérubé
: On
est d'accord, votre syndicat et moi. Et je me permets de mettre au jeu notre
proposition de modifier le statut des municipalités bilingues comptant moins de
33 % de résidents ayant l'anglais comme langue maternelle, ça serait
automatique, et on laisserait la discrétion au ministre pour le statut des municipalités
dont la proportion oscille entre 33 % et 49 %. Donc, il y a là un
automatisme. Si le gouvernement veut faire preuve de leadership et de courage,
ce que je lui demande depuis le début, bien, il prendrait lui-même la décision,
comme le gouvernement du Parti québécois a pris la décision d'accorder un
statut en 1977.
Donc, je retiens non seulement le droit de
travailler en français, mais aussi un avantage qui a été consenti qui est
maintenant anachronique et qui ne représente pas la réalité des municipalités,
et, en ce sens-là, je comprends qu'on se rejoint là-dessus. N'est-ce pas?
M. Brisson (Frédéric) :
N'est-ce pas, oui.
Mme Blais (Nathalie) : Si je
peux simplement compléter. La proposition de la FTQ, c'est qu'entre 40 %
et 50 % de population d'ayants droit anglophones, il y ait une possibilité
de conserver le statut par résolution, mais qu'en deçà de 40 %, le statut
soit perdu.
M.
Bérubé
: Au
début septembre, vous avez été... nous avons été avisés d'une situation où des
Québécois ont été incapables de se faire soigner en
français — chroniqueuse Sophie Durocher. Le ministère de la Santé a
répondu : «Les services de traduction en français doivent être assurés sur
le terrain si jamais les employés éprouvent de la difficulté dans cette langue.»
C'est inacceptable. Est-ce qu'on va assez loin?
La Présidente (Mme Thériault) :
...mettre fin à l'échange. M. le député, désolée.
M.
Bérubé
: On
s'appellera.
La Présidente (Mme Thériault) :
Désolée.
Mme Blais (Nathalie) : On
s'appellera.
M. Brisson (Frédéric) : On se
rappellera.
La Présidente (Mme Thériault) :
Désolée. Donc, M. Brisson, Mme Blais, merci pour votre parution en
commission.
Nous allons suspendre les travaux quelques
instants, le temps de laisser au prochain groupe de prendre la place. Merci
beaucoup.
M. Brisson (Frédéric) : Merci
à vous, merci.
Mme Blais (Nathalie) : Merci.
(Suspension de la séance à 16 heures)
16 h (version révisée)
(Reprise à 16 h 18)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, bonjour. Je souhaite maintenant la bienvenue à Mme Louise Harel et
Mme Louise Beaudoin, qui ont été toutes les deux députées ici, à l'Assemblée
nationale, respectivement ministres. Donc, bienvenue parmi nous. Vous allez
avoir une présentation d'à peu près 10 minutes, et, par la suite, on aura
des échanges avec les différents partis représentés à l'Assemblée nationale. Comme
vous connaissez bien nos règles, sans plus tarder, je vais vous céder la
parole, vous demander de vous présenter et de procéder à votre exposé.
Mmes Louise Harel
et Louise Beaudoin
Mme Harel (Louise) : Alors,
Louise Harel. La présentation a déjà été faite, je crois. Je ne sais pas si ma
collègue, Louise Beaudoin... la présentation ou elle le fera.
Alors, Mme la Présidente, M. le ministre,
membres de la commission, je vais aller droit au but, compte tenu du temps
imparti que nous avons partagé, ma collègue, Louise, et moi. Alors,
j'aborderai, pour ma part, la première partie de notre mémoire.
En fait, nous déplorons que le
gouvernement ait décidé de passer outre à la présentation d'un livre blanc,
comme l'avait fait le Dr Laurin en mars 1977 et contrairement à la
pratique courante d'avoir un document de réflexion lorsqu'il y a une pièce
législative majeure, comme celle qui est présentée. Alors... Mais cependant, on
peut décoder, des déclarations publiques du premier ministre et du ministre
parrain de la loi, qu'il y a nécessité de passer de 53 % des allophones
qui choisissent le français à 90 % pour assurer le maintien du poids des
francophones au Québec, compte tenu de la natalité.
• (16 h 20) •
Alors, la question que nous nous sommes
posée, c'est la suivante : Le projet de loi permet-il de se rapprocher
d'un 90 % de substitutions linguistiques des allophones vers le français,
qui est la condition essentielle de la pérennité du Québec français? Et selon
nous, la réponse, c'est non.
Pour se déployer, pour s'épanouir, la
culture québécoise a besoin de la force du nombre et de la vitalité
d'allophones qui font du français leur premier choix et pas seulement en temps
que langue seconde. Le bilinguisme peut être commun sans que la culture
québécoise ne le soit. Aucune mesure n'est prévue pour remédier à cette
dissociation entre francisation et culture québécoise.
D'autre part, compte tenu des nombreuses
études qui l'ont amplement démontré, l'immigration francophone et francotrope,
là, c'est-à-dire la langue latine parlée dans le pays d'origine, cette
immigration a une importance <déterminante sur les...
Mme Harel (Louise) :
...
et culture québécoise.
D'autre part, compte tenu des
nombreuses études qui l'ont amplement démontré, l'immigration francophone et
francotrope, là, c'est-à-dire la langue latine parlée dans le pays d'origine,
cette immigration a une importance >déterminante sur les substitutions
linguistiques des allophones vers le français. La connaissance du français
avant l'arrivée est presque capitale. Pourtant, depuis cinq ans, la baisse est
constante des résidents admis par Québec déclarant connaître le français. Cette
baisse, de 8 % en cinq ans, 58,2 % à 49,8 %, est maintenant sous
la barre des 50 %.
À la fin de 2019, il y avait au Québec 160 000 personnes
qui avaient reçu du fédéral un permis temporaire sans aucune exigence de
français, alors que le gouvernement du Québec sélectionne maintenant et de plus
en plus ses propres résidents permanents dans ce bassin de personnes à statut
temporaire. Certes, ces personnes pourront dorénavant bénéficier des cours de
Francisation Québec. Certaines d'entre elles réussiront un test de français
pour recevoir leur CSQ. Mais il est très hasardeux de croire que ces adultes
déjà en emploi qui, incidemment, peuvent envoyer leurs enfants à l'école
publique anglaise et qui souvent maîtrisent eux-mêmes l'anglais, il est bien
hasardeux de penser qu'elles vont s'engager dans la voie d'une substitution
linguistique vers le français.
En matière scolaire, les demi-mesures de
gel ou de contingentement font toutes deux l'impasse sur la question
essentielle, justement, de la substitution linguistique des étudiants
allophones anglotropes, là, n'est-ce pas, c'est-à-dire qui viennent des pays de
langue anglaise, qui, selon une vaste étude commandée par la Centrale des
syndicats du Québec en 2010, s'inscrivent, à 90 %, au cégep anglais,
poursuivent, à 91 %, leurs études universitaires en anglais et projettent,
à 72 %, de travailler en anglais.
Une des questions qui était aussi
révélatrice dans cette étude concernait les habitudes culturelles de ces
presque jeunes adultes. À la question de savoir s'ils avaient écouté des films
en français, il y en avait moins de 5 %, moins de 5 % des étudiants
aux cégeps anglophones qui répondaient oui, alors que plus de 60 % aux
cégeps francophones affirmaient oui, qu'ils avaient...
Alors, à Montréal, au cours des deux
dernières décennies. La hausse des effectifs étudiants au niveau collégial
préuniversitaire a profité à 95 % aux cégeps de langue anglaise. Les
cégeps de langue française à Montréal peinent à se maintenir au-dessus de la
barre du 50 % d'effectif étudiant total montréalais. Alors, en toute cohérence,
le gouvernement doit décréter l'extension au niveau collégial. C'est le niveau
collégial qui, dans bien des sociétés, est la poursuite, <en fait...
Mme Harel (Louise) :
...
à se maintenir au-dessus de la barre du 50 % d'effectif étudiant
total montréalais. Alors, en toute cohérence, le gouvernement doit décréter
l'extension au niveau collégial. C'est le niveau collégial qui, dans bien des
sociétés, est la poursuite, >en fait, du secondaire, alors doit décréter
l'extension des clauses scolaires de la loi 101, de la même façon qu'il
doit lever l'exemption de l'examen uniforme du français à la fin du collégial,
une exemption qui est accordée dans le projet de loi aux étudiants anglophones.
Alors, comment prétendre à une langue
commune si certains se trouvent même exemptés de la maîtriser? À toi, mon amie
Louise.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme Beaudoin.
Mme Beaudoin (Louise) : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Problème de son. Mme Beaudoin, je m'excuse, on ne vous entend plus, on a
perdu le son. Si vous voulez recommencer, on va essayer, sinon, on va
suspendre. Allez...
Mme Beaudoin (Louise) : Oui.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, je vous entends bien, c'est beau.
Mme Beaudoin (Louise) : Si
révolution il y a dans ce projet de loi raisonnable et modéré, comme ne cesse
de le répéter le premier ministre, c'est dans la section I, aux articles 13
à 23, qu'on la constate.
Cette section concerne l'exemplarité de
l'État dans l'administration au sens large, incluant les municipalités, du
français langue officielle et commune du Québec. Car la pratique du bilinguisme
institutionnel se répand de plus en plus partout dans les ministères, comme l'a
révélé un récent rapport de la Commission de la fonction publique, mais tout particulièrement
à Montréal. Il s'agit d'y habiter pour le constater. Pour beaucoup à la ville,
dont son Conseil interculturel, le français n'est pas... le français ne serait
pas assez inclusif. Dans un récent rapport, c'est ce que le Conseil
interculturel disait. Et pourquoi ne pas, ajoutait-il, dans ce cas, s'adresser
aux Montréalais dans les cinq ou six langues les plus parlées sur l'île? Alors,
pour le gouvernement, de notre point de vue, le défi sera dans l'application de
cette section, car résistance — et c'est un euphémisme — il
y aura.
Maintenant, le statut bilingue des
municipalités. Le gouvernement, tout en reconnaissant l'absurdité de maintenir
le statut bilingue de certaines municipalités qui n'en ont plus les attributs,
leur donne la possibilité de le conserver par une simple résolution de leurs
élus. Une soixantaine l'auraient déjà fait. Et comme je l'ai déjà écrit, je
prends un 6/49 si une seule y renonce. Voilà donc une incongruité, une
incohérence, de notre point de vue, à réparer.
La qualité de la langue, bien sûr la
langue écrite, sur laquelle le gouvernement peut avoir une véritable influence,
c'est extrêmement important. Mais il y a aussi la langue parlée qui dépend en
partie, bien sûr, de l'apprentissage de la <langue...
>
17 h (version révisée)
< Mme Beaudoin (Louise) :
...en général, pas tout le temps, mais en général. Alors... Mais, en tout cas,
il faut... quoi qu'il en soit, il faut que la jonction se fasse via la SODEC,
le CALQ et tous les instruments que le ministère de la Culture a à son... Il
faut se préoccuper de cette question.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme Harel, >45 secondes.
Mme Harel (Louise) : Mme la
députée, je dois vous dire que c'est absolument fondamental. Et le
Dr Laurin avait publié une politique québécoise sur la langue française,
mais plus tard, une politique, deux ans plus tard, québécoise du développement
culturel. C'est étroitement lié. Vous avez vu que, dans notre mémoire, on
rappelle les COFI, les centres d'orientation et de formation d'immigrants, qui
permettaient d'avoir accès à l'histoire du Québec, aux choix collectifs, aux
valeurs que l'on partage... Et on déplore, hein, Louise et moi, là, si c'était
qui avions eu à prendre cette décision, les COFI existeraient encore. Les COFI
ont joué dans le passé un rôle extraordinaire, je ne sais pas, peut-être les
plus récents députés ne les connaissent pas, un rôle d'intégration, d'accueil,
d'intégration culturelle.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois mettre fin à l'échange. Désolée, je dois mettre fin à l'échange comme
gardienne du temps. On va poursuivre maintenant avec le député de
Matane-Matapédia pour son temps, lui aussi, 2 min 45 s.
M. Bérubé : Merci, chères
Louise au pluriel, des parlementaires remarquables de l'histoire de l'Assemblée
nationale. Merci de votre contribution qui se poursuit.
Vous avez noté, à juste raison, qu'il faut
faire preuve de courage. Vous avez parlé de la loi 101 au cégep, vous avez
parlé de l'immigration. J'espère que le gouvernement du Québec prend des notes.
Vous avez connu René Lévesque. Vous avez connu Camille Laurin. Vous savez de
quoi était fait le débat de la loi 101, comment Camille Laurin n'a pas eu
l'unanimité, comment la première règle à atteindre, ce n'est pas le consensus,
c'est l'utilité face au déclin du français.
Alors, je vous donne tout le temps qu'il
me reste pour que vous puissiez dire au ministre quel est seul vrai courage
dont il devra faire preuve s'il veut vraiment changer le destin du Québec
lorsqu'on pense au déclin de la langue française.
La Présidente (Mme Thériault) :
...chacune, madame...
Mme Beaudoin (Louise) : Oui.
Alors... Oui. Moi, je pense qu'il est certain que le Dr Laurin a subi
toutes les avanies, toutes les avanies. On était là toutes les deux, Louise
était déjà députée, moi, j'étais dans un cabinet. Toutes les avanies. Et les
avanies qu'on en a entendues d'ailleurs, là, récemment, du Québec Group,
English... English group, je ne sais pas quoi, «national», bon... Là, j'ai
entendu des horreurs. Et puis le Dr Laurin, bien, effectivement, il est
passé à travers ça de façon imperturbable. M. Lévesque, c'est vrai, une
fois de temps en temps, réfrénait ses ardeurs, mais, au bout de la ligne, ça a
donné cette loi 101, et c'est ce que je souhaite. Ça ne peut pas être, je
conclus là-dessus, un projet de loi modéré et raisonnable étant donné la
situation du français au Québec.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme Harel, une <minute...
Mme Beaudoin (Louise) :
...
M. Lévesque, c'est vrai, une fois de temps en temps, réfrénait
ses ardeurs, mais, au bout de la ligne, ça a donné cette loi 101.
C'est ce que je souhaite. Ça ne peut
pas être, je conclus là-dessus, un projet de loi modéré et raisonnable étant
donné la situation du français au Québec.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme Harel, une >minute.
Mme Harel (Louise) : Alors,
il faut de l'audace, il faut beaucoup, beaucoup, beaucoup d'audace. Est-ce
qu'il y a eu d'autres sondages? Mais je sais qu'il y a, avant l'été, là... au
début de l'été, plutôt, il y avait un sondage qui, en fait, faisait valoir que
34 % des francophones croyaient que le projet de loi n° 96
n'allait pas substantiellement modifier le cours des choses. Et c'est contre ça
aussi, c'est contre cette résignation, c'est contre ça qu'il faut aussi
remonter le courant. Moi, ce que je souhaite, parce que je pense qu'il en est
capable, je voudrais que son gouvernement aussi en soit capable, c'est qu'il
soit capable de remonter le courant avec un projet de société.
M.
Bérubé
: Et
justement, chère dame, j'espère que ce ne sera pas les sondages qui guideront
l'action gouvernementale, mais des convictions profondes que nous partageons et
que nous souhaitons partager avec le plus grand nombre possible d'intervenants
dans le dossier de la langue. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, mesdames, pour votre passage en commission parlementaire. C'est toujours
un plaisir de vous revoir.
Donc, nous allons suspendre les travaux
quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 04)
(Reprise à 17 h 08)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, rebienvenue à notre séance aujourd'hui. Donc, nous en sommes rendus avec
la présentation de la Confédération des syndicats nationaux. Donc, je vais vous
demander de vous présenter, présenter la personne qui vous accompagne et, par
la suite, de procéder à votre exposé. Vous avez environ une dizaine de minutes
pour pouvoir nous présenter votre point de vue. Bienvenue à la commission.
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Mme Senneville (Caroline) :
Merci. Alors, je m'appelle Caroline Senneville. Je suis présidente de la CSN.
Je suis accompagnée d'Anne Thibault-Bellerose, qui est conseillère syndicale, évidemment,
bien sûr, à la CSN, aussi.
Alors, vous ne le savez peut-être pas,
sinon, je vous l'apprends, la CSN, on est riches de 320 000 adhérents,
<adhérentes...
Mme Senneville (Caroline) :
...Caroline Senneville. Je suis présidente de la CSN. Je suis accompagnée
d'Anne Thibault-Bellerose, qui est conseillère syndicale,
évidemment,
bien
sûr, à la CSN, aussi.
Alors, vous ne le savez
peut-être
pas, sinon, je vous l'apprends, la CSN, on est riches de 320
000 adhérents,
>adhérentes, donc travailleurs et travailleuses, et on est aussi
l'organisation syndicale qui est la plus représentative de l'enseignement
supérieur. On a des travailleurs, des travailleuses, y compris des enseignants
et au niveau collégial et au niveau universitaire. Et c'est donc ces deux
volets-là, le volet du travail et le volet de l'enseignement supérieur qui
seront plus développés dans notre présentation. Notre mémoire est beaucoup plus
complet, mais, comme le temps de présentation nous est compté, on va cibler.
Bien sûr, après ça, s'il y a des questions sur d'autres aspects de notre
mémoire, il nous fera plaisir, à Anne et à moi, de vous répondre.
• (17 h 10) •
D'abord, j'aimerais commencer par un
énoncé fort important. Si le français n'est pas utile pour le travail, si on n'a
pas besoin du français pour travailler au Québec, tous les efforts de préserver
notre langue risquent d'être des coups d'épée dans l'eau. Pour que le français
soit réellement la langue officielle, la langue d'usage des Québécois et des
Québécoises, il faut que ça s'incarne par le travail. Et pour ça, le travail,
bien sûr, c'est important dans notre vie. On veut tous gagner notre vie et
apporter notre apport à la société, mais c'est un formidable outil aussi, outil
d'intégration.
Donc, malheureusement, on a vu que
l'habitude d'utiliser le vocabulaire technique anglais, que certaines
discussions de corridor aussi se font de plus en plus dans la langue de
Shakespeare, cette situation-là a des répercussions partout, mais aussi sur la
langue de service, sur la langue parlée à la maison, sur la langue d'étude des
étudiants au niveau postsecondaire et sur la langue d'intégration des nouveaux
arrivants.
Le Québec, bien, on est une terre
d'accueil, on est fier de ça, on est fier d'ouvrir nos portes aux citoyens et
aux citoyennes du monde entier, mais on est inquiet à la CSN du fait qu'on
ouvre nos portes à une immigration temporaire plutôt que permanente parce que,
quand on est ici pour ne pas y rester, les incitatifs pour apprendre le
français, même pour travailler, ils sont beaucoup moins importants. Je pense
que vous en conviendrez avec nous.
On salue le fait que dans les réformes du
gouvernement on ait bonifié les allocations de participation aux services
gouvernementaux de francisation, qui ont permis d'élargir l'accès à toutes les
personnes immigrantes au Québec. La hausse de fréquentation est là pour en témoigner.
Cependant, l'accessibilité réelle, elle, elle va demeurer limitée pour les
travailleurs étrangers temporaires, surtout lorsqu'ils sont hors des grands
centres, soit pour des raisons de transport, d'accès à des outils informatiques
ou encore à cause des horaires. Mais il faut aller plus loin et vraiment
permettre à tous les nouveaux arrivants de suivre des cours de français sans
devoir les abandonner lorsqu'ils ont un emploi. Vous savez, quand on arrive au
Québec, on a beaucoup de choses auxquelles on doit s'adapter. Ce qu'on prend
pour acquis, tu sais, juste aller à l'épicerie, c'est différent. On commence
souvent au bas de l'échelle. Et, si en plus on doit travailler à l'extérieur
pour étudier, se rendre à l'extérieur pour étudier, ce n'est pas évident, <surtout
si...
Mme Senneville (Caroline) :
...
au Québec, on a beaucoup de choses auxquelles on doit s'adapter. Ce
qu'on prend pour acquis... tu sais, juste aller à l'épicerie, c'est différent.
On commence souvent au bas de l'échelle. Et, si en plus on doit travailler à
l'extérieur pour étudier, se rendre à l'extérieur pour étudier, ce n'est pas
évident, >surtout si on est précaire, qu'on ne connaît pas nos horaires.
On ne peut pas s'inscrire à un cours tous les mardis soir, par exemple, si on
ne sait pas d'avance si on travaille ou pas le mardi soir. Donc, pour nous... Puis
c'est le même discours que la CSN porte, je vous dirais, pour la formation
ordinaire, pour l'alphabétisation. Si on veut vraiment que ça porte ses fruits,
il faut que ça ait lieu sur les heures et les lieux de travail.
On salue, pour nous aussi, beaucoup le
guichet unique. Pour nous, c'est un incontournable de la francisation des
immigrants. Vous savez, moi, je suis francophone et je m'y perds entre la
demi-douzaine d'endroits différents entre les commissions scolaires, les
cégeps, le ministère, les centres communautaires. Une chatte n'y retrouverait
pas ses petits. Alors, imaginez quand le français n'est pas sa langue... notre
langue maternelle. Donc, pour nous, c'est vraiment... ce guichet unique là,
c'est vraiment un incontournable.
On va aussi... on veut aussi vous parler
des comités de francisation parce que c'est quelque chose qu'on a salué dès les
débuts de la loi 101, et, pour nous, ça a un rôle crucial dans l'entreprise
et dans le fait de franciser les travailleurs et les travailleuses.
Malheureusement, leur raison d'être s'est un peu étiolée au fil des années. Par
exemple, les centrales syndicales, on n'a plus l'accès à la liste de nos
membres qui siègent sur un comité de francisation. Plusieurs informations,
comme les analyses linguistiques des entreprises, sont souvent réservées aux
représentants des employeurs seulement. Donc, il est difficile pour nous, comme
représentants des travailleurs, de nous acquitter de nos tâches et de soutenir
efficacement nos membres dans le processus de francisation des entreprises. On
voit donc d'un bon oeil que les articles du projet de loi améliorent le
processus démocratique de nomination des membres des comités de francisation.
On est ravis — c'est rare que la
CSN est ravie en commission parlementaire, je vous invite à en prendre note — on
est ravis des différentes modifications qui sont apportées aux rôles, aux
responsabilités et à la constitution des comités de francisation. Plusieurs de
nos membres se sont plaints, au fil des années, de la mainmise des employeurs
sur la constitution et le déroulement des actions qui servaient... des actions
du comité qui servent, comme vous le savez, à l'obtention de certificats de
francisation. On a même vu de nos membres voir leur signature apposée
frauduleusement à certains certificats de francisation. Donc, les modifications
que vous apportez devraient, à notre avis, régler ces problèmes. Et on est
d'avis aussi que... on est d'accord avec le fait que les documents rédigés par
le comité de francisation soient signés par tous les membres. Et on est
contents également du rôle plus important de l'OQLF auprès des comités de
francisation.
Par ailleurs, même si on est contents et
ravis à plusieurs égards, il y a une petite amélioration qu'on souhaiterait,
que le processus de francisation des entreprises puisse être élargi aux
entreprises de 25 employés et plus, parce que le Québec est quand même une
économie de PME. On ne va pas mettre la barre trop basse, mais à
25 employés... À 50, ça fait... on en laisse peut-être échapper un peu
trop si on veut être <efficaces...
Mme Senneville (Caroline) :
...
processus de francisation des entreprises puisse être élargi aux
entreprises de 25 employés et plus, parce que le Québec est quand même une
économie de PME. On ne va pas mettre la barre trop basse, mais à
25 employés... À 50, ça fait... on en laisse peut-être échapper un peu
trop si on veut être >efficaces.
On l'a dit, on favorise d'abord la
francisation du monde du travail. C'est un outil formidable aussi d'intégration,
comme je le disais. Mais on croit qu'il faille aussi bien sûr encadrer la
fréquentation des cégeps anglophones, mais c'est complémentaire à ce qu'on doit
faire au monde du travail. Vous savez, si on va dans un cégep anglophone, bien,
c'est parce qu'on pense que ça sera utile sur le marché du travail. Donc, il
faut qu'on travaille — c'est un mauvais jeu de mots — sur
ce qui se passe dans le domaine du travail si on veut avoir un effet aussi sur
l'enseignement, la langue d'enseignement au secteur postsecondaire. On est dans
une drôle de situation où, au moment où on se parle, un étudiant anglophone, un
élève anglophone qui aurait... qui est un ayant droit, qu'on appelle, là, qui
étudie en français au primaire ou au secondaire, dans l'état actuel des choses,
il n'est même pas assuré d'avoir une place dans un cégep anglophone, parce que
les cégeps anglophones vont privilégier les étudiants avec les plus hautes
notes lors du premier tour, et c'est ce qui fait que la proportion d'allophones
et de francophones a augmenté et que, quand on les additionne, tu sais, ces
populations-là, on se rend compte que la population anglophone est minoritaire
dans les cégeps qui sont normalement financés pour leur service. Alors, je vous
dirais, nous, notre première recommandation, ça serait de faire en sorte que
les premiers à être admis dans les institutions postsecondaires anglophones
soient ceux qui ont étudié au primaire et au secondaire anglophone et qu'ils
aient une place. Donc, ça, pour nous, c'est important.
On pense aussi que... On appuie la
position du gouvernement d'identifier les profils linguistiques pour chaque
établissement collégial et de faire en sorte de restreindre la portion de l'effectif
étudiant pour les collèges anglophones pour qu'il y ait un plafond à leur
accroissement. On pense que c'est une voie d'avenir aussi. Il faudra faire
attention quelle sera l'année de référence, par exemple, pour ce faire. Donc,
nous, on pense que l'année 2019‑2020 devrait être l'année de référence,
c'est la dernière année où on n'a pas eu le choc de la pandémie. Il faudra
faire attention aussi, quand on va plafonner, de ne pas juste tenir compte de
la population étudiante à temps plein, mais aussi de la formation continue et
de ceux et celles qui fréquentent ces institutions à temps partiel.
Donc, on pense que c'est une voie qui
permettra de faire en sorte que les services en anglais seront là pour ceux à
qui c'est vraiment dédié et qu'il n'y ait pas un glissement de plus en plus de
francophones vers les réseaux... envers le réseau anglophone, sans formellement
l'interdire non plus, parce qu'on est quand même dans l'enseignement
postsecondaire.
Je vous dirais aussi qu'on est d'accord à
ce que les étudiants et les étudiantes qui fréquentent les institutions <postsecondaires...
Mme Senneville (Caroline) :
...
les réseaux... envers le réseau anglophone, sans formellement
l'interdire non plus, parce qu'on est quand même dans l'enseignement
postsecondaire.
Je vous dirais aussi qu'on est d'accord
à ce que les étudiants et les étudiantes qui fréquentent les institutions >postsecondaires
en anglais puissent démontrer une maîtrise suffisante de la langue commune qui
est le français. Donc, on pense que ça, c'est intéressant aussi. On n'est pas
sûrs que la voie qui est présentée là est la meilleure, mais si c'est la voie
qui est choisie, là, donc, que ces étudiants-là soient soumis à l'épreuve
uniforme de français des francophones, que c'est clair qu'il devra y avoir des
mesures d'aide pour assurer la réussite de ces élèves-là.
On pense aussi que, quand on parle d'enseignement
secondaire, il n'y a pas juste les cégeps, il y a les universités. Il faut que
les universités francophones maintiennent une preuve d'exemplarité linguistique
et qu'elles ne puissent pas, elles non plus, se développer sans limite dans des
programmes et des cours en anglais. Donc, on se réjouit de cet aspect-là de la...
qui est mis de l'avant, donc, mais, pour ce faire, les universités sont
habituées de fonctionner en collégialité, en consultation avec la population
universitaire, que ce soit les travailleurs, les travailleuses ou les
étudiants, et on pense qu'ils devraient aussi être mis au jeu pour cette
exemplarité linguistique là.
Alors, je pense qu'on est en bas de
10 minutes, je ne sais pas si j'ai droit à une étoile dans mon cahier,
mais ça vous fera plus de temps pour vos questions. Et c'est bien tant mieux
parce que Mme Thibault-Bellerose et moi-même sommes prêtes à y répondre.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous avez pris 25 secondes de plus que le ministre vous offre
gracieusement. Ça sera retranché à son temps. Donc, il n'y a pas de problème.
Mme Senneville (Caroline) :
Pas d'étoile.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mais ce n'est pas grave, c'est une belle présentation. M. le ministre, la
parole est à vous.
• (17 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. Mme Senneville, Mme Thibault-Bellerose, bonjour,
merci de participer aux travaux de la commission. J'ai retenu, entre autres, un
élément, que vous dites que vous êtes ravies, en partie, du projet de loi.
Alors, on va prendre les bons mots quand ça passe, effectivement.
C'est une réforme majeure qu'on a déposée,
je pense que vous le constatez dans votre mémoire, puis vous en faites une
bonne analyse. J'aimerais vous entendre sur la question des cégeps. Vous l'avez
abordé un petit peu tout à l'heure, mais sur la question, vous avez dit :
Il faudrait viser également la formation continue. Quelle est votre opinion
également — on a eu un groupe tout à l'heure, là... — au
niveau des cégeps entièrement privés? Est-ce qu'on devrait imposer les mêmes
obligations, privés, privés, là, ceux qui sont sans subvention de l'État, là?
Mme Senneville (Caroline) :
Absolument. Il ne faut pas que ça soit une échappatoire, puis je vous dirais qu'on
a vu, et je pèse mon mot, des pratiques commerciales peu compatibles avec une
mission éducative, dans ce domaine-là.
M. Jolin-Barrette : Et de
couvrir également les attestations d'études collégiales, parce que, exemple
dans ces établissements collégiaux là, c'est beaucoup... en fait, ce n'est pas
des D.E.C., c'est surtout des A.E.C., des attestations d'études collégiales,
donc autant la formation continue dans le public, autant les A.E.C. dans le
public également, d'être couverts, et dans le privé?
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, je vous <dirais...
Mme Senneville (Caroline)T :
...dans ce domaine-là.
M. Jolin-Barrette :
Et de couvrir également les attestations d'études collégiales, parce qu'exemple
dans ces établissements collégiaux là, c'est beaucoup... en fait, ce n'est pas
des D.E.C., c'est surtout des A.E.C., des attestations d'études collégiales,
donc autant la formation continue dans le public, autant les A.E.C. dans le
public également, d'être couvert, et dans le privé.
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, je vous >dirais que la fréquentation des cégeps anglophones par
les non-anglophones c'est surtout pour le préuniversitaire, il n'y a pas
d'A.E.C. pour les préuniversitaires, que du côté du public, c'est financé par
Emploi-Québec. En fait, on refuse presque autant de gens dans les A.E.C. du
public qu'on en accepte, peu importe la langue d'enseignement. Ça fait que
c'est peut-être moins problématique dans l'enseignement public, là, pour les
A.E.C., mais très clairement, dans les institutions privées, surtout celles qui
sont non subventionnées, vous avez raison, très peu offrent des D.E.C. Elles
offrent presque toutes des attestations, donc il faudra y voir.
Puis, ce qu'on dit aussi c'est que, quand
on veut déterminer le niveau de population, si on veut le plafonner, bien, il
faut tenir compte de l'ensemble de la population étudiante d'un établissement
et ne pas juste comptabiliser les personnes, les jeunes qui y étudient à temps
plein.
M. Jolin-Barrette : Donc, ce
que vous dites, c'est de viser également les temps partiels.
Mme Senneville (Caroline) :
Absolument.
M. Jolin-Barrette : O.K. Vous
avez... (panne de son) ...francisation...
Mme Senneville (Caroline) :
Là, monsieur... je suis désolée, on a raté la première partie de votre
question.
M. Jolin-Barrette : Ah, je
vais répéter. Au début de votre présentation, vous avez abordé le rôle des
comités de francisation au sein des entreprises, et donc je comprends que c'est
vraiment nécessaire, ces comités de francisation là, surtout quand, supposons,
l'État, dans certains moments de son histoire, n'était pas là, vraiment, pour
défendre la langue française. Alors, la pertinence des comités de francisation,
quelle est-elle?
Mme Thibault-Bellerose (Anne) :
Oui, bien, les comités de francisation ont été créés lors de la rédaction de la
charte en 77, et ce qu'on constate, nous, avec nos militants qui sont au sein
des comités de francisation, c'est que non seulement ça permet de faire
connaître la charte auprès des travailleurs, donc, de permettre de s'approprier
la charte, mais ça permet aussi aux entreprises de l'appliquer adéquatement,
parce que les travailleurs connaissent leur milieu, ils connaissent les particularités,
ils connaissent dans quels secteurs il y aurait besoin d'améliorer ou de
franciser certaines choses, puis l'expérience, là, des militants leur permet
aussi de trouver les solutions les plus innovantes, parfois, pour pouvoir
franciser, de manière adéquate, les milieux de travail. Donc, le fait de
pouvoir faire participer les travailleurs au processus de francisation, là, ça
a vraiment plusieurs avantages, là.
M. Jolin-Barrette : Et
qu'est-ce que vous pensez de Francisation Québec? Le fait que, désormais, puis
c'était une recommandation de la Vérificatrice générale, là, il y a quelques
années, là, en 2017, je crois, de faire en sorte qu'il n'y ait qu'une seule
porte d'entrée, désormais, pour les services de francisation, à la fois pour,
bon, les personnes migrantes ou les citoyens québécois qui souhaitent améliorer
leurs compétences langagières en français, auparavant vous aviez le ministère
du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, le ministère de
l'Éducation, le ministère de l'Immigration, comment vous entrevoyez ça?
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, on dit dans notre mémoire, c'est un incontournable. Vous savez, je vous l'ai
dit, <quand on...
M. Jolin-Barrette :
...
québécois qui souhaitent améliorer leurs compétences langagières en
français, auparavant vous aviez le ministère du Travail, de l'Emploi et de la
Solidarité sociale, le ministère de l'Éducation, le ministère de l'Immigration.
Comment vous entrevoyez ça?
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, on dit dans notre mémoire, c'est un incontournable. Vous savez, je vous l'ai
dit, >quand on veut s'améliorer, là, puis qu'on fait ça en dehors du
temps de travail, ça demande des efforts. Si en plus c'est le parcours du
combattant, le parcours de la combattante pour trouver où aller chercher des
services, bien, on ne s'y retrouvera pas. Donc... Et ce n'est pas la première
fois qu'on en parle, mais, oui, l'offre, elle est multiple, puis elle peut
rester multiple, mais il faut qu'il y ait une seule porte d'entrée parce que,
sinon, va vient vraiment toucher l'accessibilité.
M. Jolin-Barrette : Chez
vos membres... Vouliez-vous rajouter quelque chose?
Mme Thibault-Bellerose (Anne) :
Bien, si je peux me permettre, on avait mentionné dans le mémoire, c'est ça, l'intérêt
de la porte d'accès, là, de Francisation Québec, mais on avait aussi certains questionnements
sur le rôle de leadership que Francisation Québec va pouvoir jouer dans la francisation
parce qu'on sait qu'il y a beaucoup, beaucoup d'acteurs, mais on espère, on
souhaite que Francisation Québec puisse travailler avec ces différents acteurs
là, les différents ministères, différents organismes, pour avoir une vision
commune, là, de la francisation. Donc, on espère que Francisation Québec va
pouvoir jouer ce rôle-là.
M. Jolin-Barrette : Effectivement,
c'est un des objectifs recherchés d'être l'agent centralisateur pour vraiment
coordonner l'action gouvernementale sur ce point.
Chez vos membres, là... On a vu les
récentes statistiques, là, des études de l'OQLF, les exigences au niveau de
l'embauche, au niveau, notamment, des corps publics, là, des municipalités qui
exigeaient l'anglais à l'embauche, des entreprises, également, qui exigent la connaissance
ou l'utilisation de la langue. Qu'est-ce que vous pensez des modifications qu'on
apporte à l'article 46 de la Charte de la langue française? Et est-ce que,
chez les membres que vous représentez, il y a des enjeux justement avec
l'exigence d'une autre langue que le français alors que ce n'est pas nécessaire?
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, pour nous, c'est primordial de faire en sorte que, quand l'anglais est
exigé, ça soit une exigence réelle, nécessaire, puis que ça soit les bons
postes qui soient ciblés.
Vous savez, on a une expérience aussi là-dedans.
On a travaillé longtemps dans le domaine de la santé contre la sexualisation à
outrance des postes, là. Donc, c'est la même chose, on va lutter contre la
bilinguisation à outrance des postes.
Puis, à un moment donné, c'est facile
d'écrire, tu sais, «anglais exigé». Les comités de francisation ont un rôle à
jouer là-dedans. Les syndicats ont un rôle à jouer aussi lorsqu'ils négocient
la convention collective puis de s'assurer de faire en sorte que, s'il y a quelqu'un...
que ça ne soit pas un automatisme puis qu'on s'en va tranquillement vers une
bilinguisation sans se poser de questions.
Mme Thibault-Bellerose (Anne) :
Et le constat de l'exigence de l'anglais sur plusieurs postes, là, la dernière
étude de l'OQLF a mis ça en lumière, mais on peut dire qu'on le constate au
privé et au public.
Donc, ce que le projet de loi propose, là,
d'éclaircir l'article 46, était absolument nécessaire et primordial, là,
de mieux encadrer cet article-là. Parce que la <réalité...
Mme Thibault-Bellerose (Anne) :
...de l'anglais sur
plusieurs postes, là, la dernière étude de l'OQLF a
mis ça en lumière, mais on peut dire qu'on le constate au privé et au public.
Donc, ce que le
projet de loi
propose, là, d'éclaircir
l'article 46, était
absolument
nécessaire
et primordial, là, de mieux encadrer cet
article-là.
Parce que la
>réalité, c'était que les tribunaux, comment ils interprétaient de plus
en plus cet article-là, c'était : Bien, est-ce que c'est utile pour moi
que mon travailleur puisse parler l'anglais? Bien, oui, c'est utile, et c'était
utilisé comme synonyme de nécessité.
Et là on avait besoin d'encadrer le terme
de «nécessité», parce que ça décourageait, en fait, nos travailleurs à déposer
des griefs, à porter plainte, parce que c'était vraiment trop difficile de
démontrer que ce n'était pas utile à un poste. Et ça, c'est dans le privé et
dans le public. On le constate entre autres en santé, où de plus en plus de
cadres vont pouvoir aussi demander de connaître l'anglais, alors que ça
pourrait être utile, mais nécessaire? On va pouvoir le savoir maintenant avec
l'article 46.1.
M. Jolin-Barrette : D'accord.
Je vais céder la parole. Je crois que j'ai mes collègues de Saint-Jean et de Chapleau
qui souhaitent intervenir. Peut-être juste une précision, dans votre mémoire, j'ai
cru voir que vous indiquiez, pour les enfants des personnes en situation
temporaire au Québec, qu'ils peuvent aller... qu'ils peuvent fréquenter l'école
anglaise. Enfin, on vient resserrer cette possibilité-là pour limiter à un
maximum de trois ans. Actuellement, il n'y avait pas de limite, on pouvait
constamment aller à l'école anglaise, une situation temporaire qui se
perpétuait au-delà de trois ans. Donc, on vient mettre une balise temporelle à
ce niveau-là. Mais je vais céder la parole, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, sans plus tarder, je vais reconnaître le député de Saint-Jean.
Vous avez devant vous 7 min 45 s.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. La conversation tournait, en tout cas, un
petit peu autour des critères d'embauche et l'anglais, tout ça. Évidemment,
pour l'exemplarité de l'État, dans le grand chapitre de l'exemplarité de
l'État, on s'entend que ça doit occuper une place importante, mais parlez-moi
du reste de l'importance de l'exemplarité de l'État vu de votre position à vous
et des gens que vous représentez.
• (17 h 30) •
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, je vous dirais que, pour nous, là, le seul fait que l'État ait communiqué
avec nous une seule fois en anglais, que ça soit suffisant pour que dans le...
pour le restant de nos jours, l'État communique avec nous en anglais, ce n'est
pas tout à fait ce qu'on pourrait trouver d'exemplaire, parce que, disons, on
s'est placé la barre un peu bas.
On comprend que les citoyens de la
communauté anglophone ont droit à des services en anglais, mais, encore une
fois, si le français n'est pas utile dans ma vie de tous les jours, quels sont
les incitatifs que j'aurai pour l'apprendre si je suis un immigrant. Donc,
peut-être trouver... avoir une limite de temps, peut-être faire en sorte que la
version française soit toujours disponible avec une petite phrase qui dit :
Bien, à partir... Est-ce que vous désirez recevoir la communication en
français, par exemple, parce que... pour faire en sorte que le français soit
visible, que ça soit <connu et que ça...
>
17 h 30 (version révisée)
< Mme Senneville (Caroline) :
...Donc, peut-être trouver... avoir une limite de temps, peut-être faire en
sorte que la version française soit toujours disponible avec une petite phrase qui
dit : Bien, à partir... Est-ce que vous désirez recevoir la communication en
français, par exemple, parce que... pour faire en sorte que le français soit
visible, que ça soit
>connu et que ça soit exceptionnel, que les
communications soient en anglais. Je pense que ça, c'est... comme je vous
dirais, là, la barre est un peu basse avec une seule communication en anglais,
puis ça nous achète un bon pour le restant de notre existence. L'exemplarité
pourrait être une coche plus élevée.
M. Lemieux : Je ne sais pas si
vous avez discuté avant ou vous avez vu, aujourd'hui, les autres personnes qui
sont venues nous parler, mais, quand il est question de francisation, on se
fait presque toujours dire, en tout cas, par les syndicats, que c'est en
entreprise qu'il faut que ça se passe. C'est important pour toutes sortes de
raisons et c'est important pour les employés, considérant que c'est là où ça se
passe pour eux. Donc, il y a comme un effet direct sur leur travail. Mais,
au-delà de ça, la francisation, c'est, pour beaucoup de monde, plus large, et,
là encore, je réfère à des choses qu'on a entendues plus tôt aujourd'hui, la
langue, oui, la culture aussi. Est-ce que vous avez quelque chose à contribuer
à cet égard-là?
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, j'aimerais ajouter un petit grain de sel sur la formation en entreprise.
C'est aussi important en matière de santé et de sécurité au travail. Les
instructions sont supposées être en français, le contremaître parle français,
puis, si on n'est pas capable de comprendre le minimum, le travailleur, la
travailleuse peut mettre sa propre vie en danger puis celle de ses camarades
aussi. Donc, c'est vraiment important que, très rapidement, il y ait une
conscientisation, puis que les entreprises soient aussi de bons citoyens
corporatifs et qu'ils participent à l'effort de francisation.
Et vous avez tout à fait raison pour
l'accès à la culture, mais là, bien, il faut que l'offre culturelle soit
disponible et accessible, puis, bon, que tout concoure, hein, que ce soient les
journées nationales de la culture, que ça soit, bien, tu sais, dans les...
souvent, c'est par le biais des enfants aussi à l'école, mais, effectivement...
Et d'ailleurs on a vu... Puis je dis «culture» au sens large, hein? On a vu des
gens se passionner, des immigrants, par exemple, se passionner pour des matchs
de hockey parce que ça fait quelque chose à jaser avec... Alors, c'est
participer à la vie de la société, et qu'il semble que le français soit utile.
Mais, moi, je dirais que tous les efforts qu'un gouvernement peut mettre dans
la culture, c'est bon pour tout le monde et c'est ça qui donne un sens aussi,
bien sûr, à la langue. Tu sais, là, je vais citer Winston Churchill, là,
qui disait, pendant la guerre, qu'il répondait à des gens qui voulaient réduire
le budget de la culture en temps de guerre, puis qu'il avait répondu :
Bien, si on fait ça, on se bat pourquoi? Donc, la culture, c'est aussi ce qui
coule dans nos veines, là.
M. Lemieux : C'est une très belle
citation que vous venez de me servir. Et j'ajoute pour compléter sur ce
volet-là qu'effectivement d'expliquer à quelqu'un c'est quoi, la Sainte-Flanelle,
ça dépasse le français, mais ça explique aussi beaucoup de choses. Il y a
quelque chose de particulier là-dedans. Est-ce qu'il me reste...
La Présidente (Mme Thériault) :
Il vous reste 3 min 30 s.
M. Lemieux : Ah! excusez, je
m'attendais...
Mme Senneville (Caroline) :
Mais ça marche en sens inverse aussi, monsieur, hein, parce que, par exemple,
on peut... une <chanson qui est...
M. Lemieux : ...volet-là
qu'effectivement d'expliquer à quelqu'un c'est quoi, la Sainte-FlanelleV, ça
dépasse le français, mais ça explique aussi beaucoup de choses. Il y a quelque
chose de particulier là-dedans. Est-ce qu'il me reste...
La Présidente (Mme Thériault) :
Il vous reste 3 min 30 s.
M. Lemieux : Ah! excusez,
je m'attendais...
Mme Senneville (Caroline) :
Mais ça marche en sens inverse aussi, monsieur, hein, parce que,
exemple,
on peut... une >chanson qui est accrocheuse, à la radio, bien, si on
prend le temps d'expliquer les paroles puis que, bon, donc c'est une... ça
marche dans les deux sens.
M. Lemieux : O.K. Je vais
aller... je vais laisser le député de Chapleau... mais je voulais terminer sur
cette idée de la culture parce que c'est plus que philosophique, là, c'est vraiment
très concret et c'est un peu l'oeuf ou la poule, dans le fond, et chaque représentation
qu'on a eue sur le sujet insiste beaucoup sur pas juste son importance, mais
que ça rapporte, c'est-à-dire que ça nous amène là où on veut aller, même si ce
n'est pas ça, l'objectif, au départ.
Mme Senneville (Caroline) :
Absolument. Absolument. Puis c'est parce qu'en regardant la même émission de
télévision, à un moment donné, tout le monde parle de District 31,
bien, je vais la prendre la demi-heure. Je vais l'écouter, la chanson à la
radio, donc, ça fait partie... Une culture vivante, ça donne le goût
d'apprendre une langue aussi.
M. Lemieux : Merci beaucoup. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui.
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Peut-être, rapidement, sur... Merci beaucoup.
Bonjour, et bien heureux de vous retrouver. Merci de votre présentation, là.
On a parlé des comités de francisation,
puis avec notamment les critères d'embauche dont on a fait mention, là, avec notamment
la mention sur la langue, donc, anglaise qui pourrait être non pas nécessaire,
mais utile, puis ça devenait presque exécutoire. Vous dites que ces comités-là
pourraient avoir un rôle plus grand, notamment en termes... un rôle aviseur. On
a entendu ça de d'autres intervenants aujourd'hui. Est-ce que vous voyez un
rôle plus grand ou autre pour ces comités-là?
Mme Thibault-Bellerose (Anne) :
Bien, en fait, à la CSN, on fait différentes activités, en collaboration avec
l'OQLF, pour la défense et la valorisation de la langue française dans les
milieux de travail. Et je crois que la valorisation de la langue française dans
les milieux de travail, ça appartient aussi au comité de francisation parce
qu'on parle de la charte et des droits de travailler en français, mais il faut
aussi être fier de parler français dans les milieux de travail. Donc, les
comités de francisation, je crois, ont aussi ce rôle-là, d'adopter la langue
française en milieu de travail.
M. Lévesque (Chapleau) : Puis
dans la législation qui est proposée — il ne me reste pas beaucoup de
temps, là — mais est-ce que vous ajouteriez des éléments ou ça semble
satisfaire ce dont vous auriez besoin pour répondre au rôle dont vous parlez?
Mme Senneville (Caroline) : Moi,
je vous dis, écoutez, il faut le faire. Une fois que c'est dans la loi, c'est
s'assurer que ce soit fait puis qu'il y ait un suivi, ça fait que la loi ne
soit pas que des voeux pieux, là.
M. Lévesque (Chapleau) :
Parfait. Merci beaucoup. Est-ce qu'il me reste du temps encore?
La Présidente (Mme Thériault) :
30 secondes.
M. Lévesque (Chapleau) : Bon,
il reste 30 secondes. Mais effectivement, donc allons-y. Francisation Québec,
selon votre évaluation, à quel point ça va pouvoir franciser les milieux? On en
a parlé un peu, mais est-ce que vous <voyez cela comme un...
Mme Senneville (Caroline) :
...des voeux pieux, donc.
M. Lévesque (Chapleau) :
Parfait. Merci beaucoup. Est-ce qu'il reste du temps, encore?
La Présidente (Mme Thériault) :
30 secondes.
M. Lévesque (Chapleau) : Bon,
il reste 30 secondes. Mais effectivement, donc allons-y, Francisation
Québec, selon votre évaluation, à quel point ça va pouvoir franciser les
milieux? On en a parlé un peu, mais est-ce que vous >voyez cela comme un
grand outil potentiel?
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, déjà, ça nomme la chose, c'est plus clair que des trucs, des programmes,
je dirais, pas toujours connus de divers ministères puis ça place la chose que,
la francisation, pour nous, c'est important, déjà. C'est facilitant en termes
d'accès, mais c'est fort en termes de symbole, aussi.
M. Lévesque (Chapleau) : Ça le
nomme, d'accord.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup. Ça met fin à l'échange. Donc, nous allons aller du côté de
l'opposition officielle avec M. le député de D'Arcy-McGee. Vous avez
11 minutes à votre disposition.
M. Birnbaum : Merci,
Mme la Présidente. Merci, mesdames, pour votre présentation, fort
intéressant.
Vous avez parlé d'un incontournable et
beaucoup de la francisation des travailleuses et travailleurs, la formation, la
francisation en milieu de travail. Et je vous cite à deux endroits, parce
qu'il me semble que, si je ne m'abuse, vous restez un petit peu sur votre appétit
en ce qui a trait aux propositions du gouvernement : «Le gouvernement doit
impérativement encourager et développer la formation en francisation dans les
milieux de travail sans perdre de rémunération», une recommandation assez
précise, et, à la page 15 : «Nous croyons qu'il serait intéressant
que Francisation Québec développe, en collaboration avec les différents
acteurs de la francisation, une expertise concrète de mobilisation et de
développement de projets de francisation».
J'ose croire que parmi vous
320 000 membres, il y en a plusieurs issus de la communauté
québécoise de langue anglaise ainsi que des allophones, si je peux... Et
j'imagine que ces genres de recommandations risquent d'être pertinents pour eux
aussi. Et comme je dis, j'ai l'impression que vous n'êtes pas tout à fait
satisfaite par le plan en ce qui a trait à ces mesures dans le projet de loi
actuel. Est-ce que j'ai bien lu votre position là-dessus?
Mme Senneville (Caroline) :
Non... Bien, oui, vous avez tout à fait bien lu. Le Québec n'a pas une belle
histoire, je vous dirais, n'a pas de beaux succès en termes de formation en
entreprise, en termes de responsabilisation des entreprises dans la formation,
de façon générale, je vous dirais. On n'a toujours pas de politique d'éducation
des adultes. Ça fait... la dernière date d'il y a une quinzaine d'années. Donc
ça, c'est pour la littéracie, la numératie, pour l'amélioration de la
main-d'oeuvre, la formation continue de la main-d'oeuvre. On fait vraiment
figure de mauvais élève, je pense qu'on est 10e sur 10 au Canada. Donc, ça se
retrouve en francisation. Alors, moi, je pense que si on est capable
d'insuffler... si Francisation Québec est capable d'insuffler un souffle
nouveau, en termes de francisation, puis on le dit, aussi, d'alphabétisation le
niveau d'alphabétisation, au Québec, n'est pas des plus élevés non plus, ça
peut donner un souffle nouveau pour la <formation en entreprise...
Mme Senneville (Caroline) :
...ça se retrouve en francisation. Alors, moi, je pense que si on est capable
d'insuffler... si Francisation
Québec est capable d'insuffler un
souffle nouveau en termes de
francisation, puis on l'a dit aussi,
d'alphabétisation, le niveau d'alphabétisation au Québec n'est pas des plus
élevés non plus, ça peut donner un souffle nouveau pour la >formation en
entreprise.
Dans un temps où il y a une pénurie de
main-d'oeuvre, bien, il faut prendre la main-d'oeuvre là où elle est puis lui
donner les moyens. Ça, ça augmente la productivité des entreprises. Mais il
faut que tous les secteurs soient au jeu. Il faut que les travailleurs et les
travailleuses en voient l'importance, soutenus par leurs syndicats quand ils
sont syndiqués. Il faut que les entreprises y voient l'importance aussi puis
qu'elles voient ça pas juste comme une dépense puis une perte de temps, mais
comme un investissement dans la main-d'oeuvre puis comme un rôle de citoyen
corporatif aussi. Si c'est la langue commune de tout le monde, bien, c'est
aussi la langue commune des entrepreneurs, des entrepreneuses, pas juste des
travailleurs et des travailleuses. Et moi, je pense que ça aura des bénéfices
aussi sur d'autres types de formations où, clairement, le Québec n'est pas une
société qui est en avance.
• (17 h 40) •
M. Birnbaum : Intéressant. Et
là on parle de la langue commune et son rayonnement sur le terrain, ce qui
m'invite à vous commenter sur un enjeu qui a été mentionné par les deux
illustres ex-ministres devant vous et qui risque d'être abordé souvent, le
ministre l'a abordé lui-même, c'est-à-dire le critère de la langue parlée à la
maison. Une autre fois, je touche à votre membership assez diversifié.
Voyez-vous la pertinence de regarder les données sur la langue parlée à la
maison quand, là-dedans, on verrait, je me permets de le dire, au moins deux,
probablement beaucoup plus que ça, de députés ici, à l'Assemblée nationale qui
participent pleinement dans la francisation, dans la vie française du Québec et
qui transmettent ce voeu à leurs enfants aussi? Je suis curieux. Voyez-vous, en
quelque part, une pertinence, un indice de la santé et la pérennité du français
d'examiner les statistiques sur la langue parlée à la maison?
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, moi, je vous dirais qu'on n'a jamais assez d'information quand on veut
prendre des décisions éclairées. Après ça, à quel point cette information-là
est importante, comment on peut la confronter à d'autres types d'informations?
Puis cette information-là, comme d'autres types d'informations, on ne peut pas
se baser sur une seule donnée pour une politique publique, mais je pense que
c'est quelque chose qui est pertinent à savoir, puis peut-être être plus souple
dans le type de réponse ou dans les cas où, par exemple, dans un foyer, on
parle un peu les deux, parce qu'il peut y avoir des foyers, par exemple,
binationaux. Bien, je pense que ça serait intéressant de le savoir, peut-être
raffiner nos questions.
Mais moi, en tout cas, je suis une fille
de connaissance, on vit dans une société où on trouve aussi que, pour d'autres
sujets, la science, c'est important, j'aurais de la difficulté, de prime abord,
de dire, bien : Non, c'est une donnée qui n'est pas du tout pertinente. Je
n'irais pas là. Après ça, bien, on peut décider jusqu'à quel point on en a
besoin puis jusqu'à quel point on s'appuie dessus pour les politiques
publiques. Mais de là à l'escamoter <complètement, non...
Mme Senneville (Caroline) :
...société où on trouve aussi que, comme d'autres sujets, la science est
importante,
j'aurais de la
difficulté, de prime abord, de dire : Bien, non,
c'est une donnée qui n'est pas du tout pertinente. Je n'irai pas là. Après ça,
bien, on peut décider jusqu'à quel point on en a besoin puis jusqu'à quel point
on s'appuie dessus, pour les
politiques publiques, mais de là à
l'escamoter >complètement, non, je ne pense pas.
M. Birnbaum : Vous avez parlé
aussi de l'accès au cégep et l'idée de limiter ça aux ayants droit. Je suis
curieux, parce que plusieurs de vos membres, évidemment, oeuvrent au sein des
cégeps ainsi que les écoles primaires et publiques anglophones, francophones,
tout confondu. Est-ce que vous écartez — moi, je soumets la réalité — mais
la possibilité que ces établissements, soit au primaire secondaire et les
cégeps de langue anglaise, sont des vecteurs, des agents de la francisation et
pas nécessairement un frein à la francisation?
Je vous offre, comme titre d'exemple,
notre proposition que trois cours de français soient ajoutés au curriculum des
cégeps, je vous soumets les programmes d'immersion française très, très
répandus dans les écoles anglaises publiques. Est-ce que vous prenez pour
acquis qu'un individu, disons, francophone ou immigrant, qui choisit un cégep
anglophone est perdu, en quelque part, nos efforts collectifs et louables de francisation
des nouveaux arrivants?
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, d'abord, on ne souhaite pas que ce soit limité aux anglophones, ce qu'on
dit, c'est, dans la situation actuelle, on peut être un anglophone et ne pas
avoir accès à des études postsecondaires, parce que les places sont prises par
des francophones qui ont des meilleures notes à l'école. On pense que ça, ça ne
rend pas service à la communauté anglophone.
Je ne pense pas que les cégeps anglophones
soient des ghettos effectivement puis qu'il y a une mixité, mais je peux vous
dire qu'on a des membres qui travaillent dans des cégeps anglophones et qui ont
de la difficulté à ce que leur direction leur parle en français. Ça, on le vit
sur le terrain. Il y a des gens, par exemple, qui sont des francophones qui
enseignent le français, et ils ont de la difficulté à ce que les communications
avec leur employeur puissent se faire en français. Donc, la loi 101 n'est
pas toujours respectée. Puis c'est aussi prouvé que, quand on commence le cégep
en anglais, bien, on a plus de chances de continuer l'université en anglais, de
posséder tout le langage de notre métier en anglais, puis aussi toute une
culture autour de notre métier, de notre profession en anglais.
Alors, bien sûr, c'est le choix des gens.
Mais, à un moment donné, c'est quoi, le point de bascule? C'est... Alors, c'est
quoi le point où on se dit : Oupelaïe! Si on continue comme ça, bien,
nous, on pense que le point de bascule, c'est... on pourrait dire c'est... Déjà
en 2019‑2020, ces cégeps-là accueillaient plus que la population qu'ils
devaient accueillir, puis ça, c'est une règle qui s'applique à tous les cégeps,
y compris les cégeps francophones. Bien, en réalité, ce qui est à peu près
trois fois plus que ce dont les gens ont besoin, de la communauté en droit ont
besoin. Donc, on pense que c'est une idée effectivement qui est mieux, puis ça
permet de conserver les emplois aussi, là, puis de ne pas faire immigrer les <élèves...
Mme Senneville (Caroline) :
...tous les cégeps, y compris les cégeps francophones, bien, en réalité, ce qui
est
à peu près trois fois plus que selon ce dont les gens ont besoin, de
la communauté en droit ont besoin. Donc, on pense que c'est une idée,
effectivement,
qui est mieux, puis ça permet de conserver les emplois aussi, là, puis de ne
pas faire immigrer les >élèves, là, dans... vers d'autres institutions
où il n'y a pas de place physiquement pour les recevoir.
M. Birnbaum : Oui. Et si je
peux brièvement parce que j'aimerais laisser un petit peu de temps pour mon
collègue de La Pinière. Vous parlez de privilégier les ayants droit
anglophones pour les cégeps. Deux questions. Est-ce que c'est votre façon de
dire que la Charte de la langue française devrait être étendue au cégep et,
sinon, comment ça serait opérationnalisé, cette idée-là?
Mme Senneville (Caroline) :
Ah! mon doux, c'est facile : dans l'admission. Quand on s'inscrit au
premier tour de cégep, bien, on voit si on vient d'une institution anglophone,
donc on les privilégie, ces gens-là. On prendrait un anglophone qui a des moins
bonnes notes qu'un francophone parce que s'il a étudié en anglais au primaire
et au secondaire et qu'il souhaite étudier en anglais au collégial... C'est
pour ça qu'ils existent, les cégeps en anglais, hein? C'est pour offrir au
premier chef, c'est pour ça, et ils ne remplissent pas leur mission s'ils
disent à un anglophone : Bien, toi, tu n'as pas assez des bonnes notes
puis je vais prendre un francophone qui a des meilleures notes que toi. Bien,
moi, si j'étais de la communauté anglophone, je ne trouverais pas ça cool.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Il reste 1 min 45 s au bloc. Donc, M. le député de
La Pinière, la parole est à vous.
M. Barrette : Oui. Alors, très
directement, pourquoi est-ce si dommageable d'avoir un grief déposé par un
individu sans passer par le syndicat?
Mme Senneville (Caroline) : O.K.
Ce n'est pas nécessairement dommageable, mais c'est toujours... C'est parce que
le syndicat, habituellement est gardien des griefs, on est capable de voir si
c'est un bon ou si c'est un moins bon grief, et ça permet aussi au syndicat
d'être au jeu et de défendre collectivement. S'il y a un problème avec un
poste, bien, il y a peut-être un problème avec le comité de francisation, alors
ça permet de voir globalement et individuellement. Et puis si le syndicat
refuse de déposer un grief individuel, bien, dans le Code du travail, il existe
un processus où le salarié et le syndiqué peut porter plainte à son syndicat puis
le Tribunal administratif du travail va nous obliger à le défendre. Alors,
c'est toujours intéressant. Quand on est syndiqué, il y a toujours un volet
collectif aux relations de travail, puis on prend soin de...
M. Barrette : J'ai compris. Je
vous interromps, il me reste à peu près moins d'une minute, là. Je ne vois pas
le problème, là, alors je ne vois pas pourquoi vous demandez de retirer ça du
projet de loi.
Maintenant, vous avez répété à plusieurs
reprises la finalité des comités de francisation, développer la culture,
l'appartenance au français, le français, et ainsi de suite. Dans le cas du
réseau de la santé, pour ce qui est de ce qui est garanti pour la communauté
anglophone, comment pouvez-vous, avec ce que vous avez écrit dans votre mémoire,
faire en sorte ou expliquer que les anglophones ne puissent pas prendre ça, ce
discours-là, comme étant une façon de défaire ce qui a été garanti à date par
l'article 29?
La Présidente (Mme Thériault) :
Il reste 15 secondes...
Mme Thibault-Bellerose (Anne) :
Je ne suis pas sûre de comprendre la question. Est-ce que c'est suite à notre
proposition...
M. Barrette : Je vois votre
discours en comité de... Je vois le discours que vous tenez en comité de
francisation comme un <cheval de Troie dans les...
M. Barrette : ...de défaire
ce qui a été garanti à date par
l'article 29.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il reste 15 secondes...
Mme Thibault-Bellerose
(Anne) :
Je ne suis pas sûre de comprendre la
question.
Est-ce que c'est suite à notre proposition...
M. Barrette : Je vois votre
discours en comité de... Je vois le discours que vous tenez en comité de
francisation comme un >cheval de Troie dans les parties du système de
santé...
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois mettre fin à l'échange, monsieur.
M. Barrette : ... qui
garantissent des services à la communauté anglophone.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je m'excuse, M. le député de La Pinière, je dois mettre fin à l'échange.
M. Barrette : Je comprends.
La Présidente (Mme Thériault) :
Malheureusement, je ne peux pas vous donner le droit de réplique. Je suis
désolée. Donc, je vais aller du côté du député de Matane... non, excusez-moi,
la députée de Mercier, excusez-moi, la députée de Mercier pour un bloc
d'échange de 2 min 45 s.
Mme Ghazal : Parfait. Merci,
Mme la Présidente. Merci, mesdames, pour votre présentation. Et d'ailleurs
félicitations, Mme Senneville, pour votre élection.
Vous dites dans votre mémoire, vous en
avec parlé aussi, que vous êtes en faveur des mesures... dans le fond de
restreindre, là, l'accès aux cégeps anglais. Donc, vous êtes en faveur de ce
que le projet de loi met en place, de contingentement dans les cégeps
anglophones, mais il y a beaucoup de détails, par exemple des détails
importants, là, que vous mentionnez, pour le rendre vraiment applicable puis
que les objectifs soient atteints.
Moi, j'aimerais vous parler aussi, il y a
quelque chose dont on parle un peu moins, pour que les francophones, allophones
aillent plus dans les cégeps francophones, c'est les cégeps... le financement,
et surtout le financement des cégeps en région. On sait qu'il y a eu un
sous-financement incroyable dans les cégeps francophones en région. Ça les rend
moins attractifs pour les jeunes ou les moins jeunes qui veulent aller au
cégep. Est-ce que vous avez évalué les montants qui manquent dans les cégeps
francophones? Et même, parfois, il y a eu même des compressions, est-ce que
vous avez évalué ça? Est-ce que c'est une question sur laquelle aussi vous vous
penchez?
• (17 h 50) •
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, le sous-financement des cégeps, c'est chronique, comme, je vous dirais,
on s'est rendu compte aussi, pendant la pandémie, de d'autres endroits où le
sous-financement pouvait être chronique et avoir des effets, je vais dire,
délétères. Puis c'est sûr qu'il se fait... Et ce n'est pas que les cégeps
francophones soient moins financés que les cégeps anglophones, c'est que
l'effet du sous-financement se fait beaucoup plus sentir sur les établissements
qui sont petits, puis les établissements plus petits sont en région.
Alors, effectivement, il y a des cégeps en
région que, s'il n'y avait pas une aide spéciale ou s'il n'y avait pas des étudiants
qui venaient, par exemple, d'ailleurs dans la francophonie, il y a des cégeps
qui fermeraient, là, ou qui seraient, en tout cas, à risque de fermer. Puis ça,
ça crée un effet aussi pervers parce que quand tu as de moins en moins de
financement, bien là, tu vas à la course à la clientèle puis tu veux absolument
remplir ton cégep, et là, bien, tu as toutes sortes de formules, on va dire,
innovantes. Tu ouvres des campus à gauche et à droite puis tu essaies de...
Mais ça, ça ne fait pas des cégeps forts, ça ne fait pas un réseau fort. Donc,
il faut s'assurer qu'il y ait des financements, y compris pour les populations
anglophones qui sont dans ces régions-là. Je pense à Sept-Îles, je pense à la
Gaspésie, je pense aussi aux populations autochtones, là, dans ces régions-là.
Donc, il faut s'assurer... Si on veut que les cégeps puissent être partout sur
le territoire, bien, il faut les financer de façon <adéquate, là...
Mme Senneville (Caroline) :
...populations anglophones qui sont dans ces régions-là, je pense à
Sept-Îles,
je pense à la Gaspésie, je pense aussi aux
populations
autochtones,
là, dans ces régions-là. Donc, il faut s'assurer... Si on veut que les cégeps
puissent être partout sur le
territoire, bien, il faut les financer de
façon >adéquate, là.
Mme Ghazal : Donc, pour... Est-ce
que ça ne devrait pas être surtout ça, le sous-financement des cégeps en région
et partout, le francophone, pour les rendre attractifs, alors qu'on dirait que
c'est l'angle mort, puis on se concentre sur le contingentement pour les cégeps
anglophones? Est-ce que vous êtes d'accord avec ça que c'est un angle mort, le
sous-financement?
Mme Senneville (Caroline) : Il
faut faire les deux. Mais il faut faire les deux, il faut faire les deux parce
qu'à Montréal les gens ont de quoi, là, puis...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je vais mettre...
Mme Senneville (Caroline) :
...des cégeps de Montréal francophones, là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je suis désolée, je dois vous interrompre. Vous avez passé de 15 secondes.
Donc, je vais aller avec M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci et bienvenue.
Dans votre mémoire et votre présentation, vous parlez de la progression de la
proportion d'étudiants fréquentant un cégep anglophone. Vous avez constaté que,
si la progression se poursuit, la moitié des étudiants seraient inscrits dans
un préuniversitaire anglophone. Ça veut dire quoi? Le préuniversitaire, c'est
des anglophones, puis le technique, c'est les francophones. Alors, on revient à
une époque qu'on croyait révolue. Le gouvernement, c'est ça, et je pense qu'il
décide de garder ça quand même de cette façon-là. J'aimerais ça que vous nous
en parliez davantage, parce que, moi, ce genre de chose là non seulement ça me
fait bondir, mais j'ai peine à croire qu'on va laisser faire ça.
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, c'est pour ça qu'on dit deux choses, c'est pour ça qu'on dit que, là, il
faut arrêter l'hémorragie maintenant puis il faut faire en sorte que les
anglophones aient accès à leurs cégeps. Donc, quand on combine ces deux
effets-là, je pense que ça envoie le bon message. Puis, vous savez, si on
mettait fin aux cégeps anglophones pour les francophones sur l'île de Montréal,
bien, il y aurait des francophones et des allophones qui n'auraient tout
simplement pas accès à une formation collégiale parce que le transfert, là,
n'est pas possible.
Donc, on va travailler à plafonner, on va
travailler à soutenir les cégeps pour qu'ils se francisent. On va travailler à
faire en sorte que la connaissance du français soit suffisante avec un test. On
va faire sorte que ce sera les anglophones qui fréquentent prioritairement. Et
on pense qu'on va à ce moment-là... puis c'est pour ça aussi qu'il faut
continuer les effets dans le marché du travail, parce que, si les francophones
sentent que s'ils ne maîtrisent pas assez bien le français, ça n'ira pas bien
pour, même, tu sais, on va dire un professionnel. Vous parlez... de stage.
C'est ça qu'il faut envoyer comme message.
M. Bérubé : Quant aux
solutions, au lieu de l'accès universel à tout le monde, le gouvernement
dit : On va en garder une poignée. Il appelle ça le «contingentement».
Vous connaissez notre position, mêmes règles pour tout le monde. L'équité,
c'est une valeur qui nous est importante. Est-ce que vous croyez que c'est une
solution, le contingentement?
Mme Senneville (Caroline) :
Pour l'instant, à court terme, oui, c'est une solution peut-être imparfaite,
mais qui a le mérite d'arrêter l'hémorragie, de faire en sorte que tout le
monde ait accès à un diplôme aussi.
M. Bérubé : Mais, connaissant
bien la CSN et ses valeurs, ça va être seulement une poignée qui auront accès — sur
quels <critères...
Mme Senneville (Caroline) :
...pour l'instant, à court terme, oui, c'est une
solution peut-être
imparfaite, mais qui a le mérite d'arrêter l'hémorragie, de faire en sorte que
tout le monde ait accès à un diplôme aussi.
M. Bérubé : Mais,
connaissant bien la CSN et ses valeurs, ça va être seulement une poignée qui
auront accès — sur quels >critères?
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, dans nos valeurs aussi, ça s'adonne qu'on a quelques membres qui nous
paient des cotisations syndicales et qui aimeraient bien garder leurs emplois.
M. Bérubé : Ah! bon, il
fallait le préciser, oui. Bien, on partage bien des choses, notamment, je vous
dirais, une considération pour le visage français de Montréal, et ce n'est pas
sans raison qu'on arrive avec cette solution-là, et merci d'avoir amené cet
argument-là du technique versus le préuniversitaire parce que vous êtes les
premiers à l'évoquer de façon si claire, et nous, ça nous touche beaucoup.
Est-ce que les cégeps francophones vont seulement devenir la voie du technique?
On va créer vraiment deux types de collèges, les collèges de prestige qui
choisissent leurs étudiants, les meilleurs étudiants, qui ont le financement
avec des rallonges, et les francophones, soyez assurées qu'on n'acceptera
jamais ça, nous.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois également mettre fin...
Mme Senneville (Caroline) :
Mais, moi, je vous dirais, 30 % des techniciens vont finir par aller à
l'université, et c'est une des forces des cégeps aussi.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Je dois mettre fin à l'échange. Donc, mesdames, merci beaucoup d'être
venues en commission parlementaire.
Nous allons suspendre les travaux pour
permettre aux prochains intervenants de prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 55)
(Reprise à 17 h 57)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, rebonjour, tout le monde. Nous reprenons nos travaux. Je vais souhaiter
la bienvenue à M. Christian Dufour, qui est... politologue, pardon,
j'ai rajouté un mot de trop. Donc, bienvenue. Vous êtes en présentiel à l'Assemblée
nationale, alors vous êtes le deuxième brave aujourd'hui. Donc, bienvenue à
notre Assemblée. Vous avez 10 minutes pour nous faire votre présentation,
puis ça sera suivi par des échanges avec les parlementaires des différentes
formations politiques.
M. Christian Dufour
M. Dufour (Christian) : Merci,
Mme la Présidente. C'est un honneur pour moi d'avoir été invité à comparaître
devant cette commission-là. C'est toujours impressionnant.
J'ai rédigé un court <texte...
La Présidente (Mme Thériault) :
...bienvenue à notre Assemblée. Vous avez 10 minutes pour nous faire votre
présentation, puis ça sera suivi par des échanges avec les
parlementaires
des différentes
formations politiques.
M. Dufour (Christian) :
Merci,
Mme la Présidente. C'est un honneur pour moi d'avoir été invité à
comparaître devant cette
commission-là. C'est
toujours
impressionnant.
J'ai rédigé un court >texte de
quatre, cinq pages, en fait, dans lequel j'ai essayé d'exprimer mes idées de la
façon la plus claire possible, que j'ai demandé de distribuer aux participants,
aux députés membres de cette commission-là. Donc, ma présentation, c'est vraiment
autour de ce texte-là que j'avais quand même pas mal travaillé pour que ce soit
clair, surtout.
Donc, je parle de la claire prédominance
du français comme norme de la constitutionnalisation du modèle québécois
d'intégration et de la société distincte, des cégeps, qui est le coeur manquant
du projet de loi, et enfin il y a deux, trois paragraphes sur le français,
seule langue officielle, point d'interrogation.
Donc, j'ai noté, comme beaucoup de gens,
qu'il y a des indicateurs qui montrent une régression du français au Québec
dans plusieurs domaines, ce qui inquiète beaucoup de gens au niveau québécois,
mais même au niveau fédéral, on peut le dire, et je trouve que ça fait longtemps
que le contexte n'a pas été autant favorable à une réaction. Il y a une opportunité,
me semble-t-il, à saisir. Si on la laisse passer, je ne suis pas sûr que ça va
se représenter de sitôt, parce que c'est toujours difficile d'agir dans ce
domaine-là. Donc, je suis très content que le gouvernement ait décidé d'agir,
que le ministre Simon Jolin-Barrette ait déposé ce projet de loi, qui est intéressant
à beaucoup d'égards.
Bon, moi, je commence, dans le texte, en
revenant sur une de mes obsessions, me disent mes amis, la norme de la claire
prédominance du français au Québec sans exclusion d'un anglais dont la présence
n'est pas obligatoire. Ça me semble crucial, surtout si on regarde plutôt du côté
de l'avenir du Québec que du passé du Québec, même si je suis conscient du fait
que cette norme-là peut sembler un peu faiblarde, faible pour certains
nationalistes québécois. Pourtant, il me semble que c'est très, très important
d'affirmer ça dans la loi, pour la première fois, cette norme de la claire...
qu'au Québec, là, le français est clairement prédominant. Le «claire» est très,
très important, sans exclusion de l'anglais, dont la présence n'est pas
obligatoire.
Bon, notons tout de suite que cette
affirmation-là n'est pas incompatible du tout avec celle que le français est la
langue officielle du Québec, avec laquelle je suis totalement d'accord, là, hein,
puis c'est la seule langue officielle du Québec. Je trouve qu'il y a un côté
complémentaire là-dedans parce que ça renforce la grande affirmation de
principe en ancrant la loi dans la réalité. Parce que, qu'on le veuille ou non,
l'anglais est présent dans notre société depuis 250 ans, hein, depuis la
Conquête. À certains égards, c'est une langue québécoise, et ça va rester
présent, puis ça va émerger de différentes façons. Donc, je trouve que ce n'est
pas gagnant que de faire comme si l'anglais n'existait pas, hein, puis de se
limiter à de belles déclarations de principe.
• (18 heures) •
C'est pour ça qu'autant de... au lieu de
le nier ou de l'escamoter, c'est bon de le nommer, parfois, l'anglais, sans lui
donner un statut officiel, l'anglais en a déjà un au fédéral, un statut
officiel, mais en le contrôlant, en ne lui donnant pas la même importance que
le français, sinon, moi, j'ai peur qu'au-delà des 30 déclarations de
principes, que, peu à peu, on sombre, dans les faits, dans un bilinguisme de
plus en plus <répandu...
>
18 h (version révisée)
< M. Dufour (Christian) :
...sans lui donner un statut officiel, l'anglais en a déjà un au fédéral, un
statut officiel, mais en le contrôlant, en ne lui donnant pas la même
importance que le français, sinon, moi, j'ai peur qu'au-delà des 30 déclarations
de principes, que, peu à peu, on sombre, dans les faits, dans un bilinguisme de
plus en plus >répandu, où le français va être, au mieux, égal à
l'anglais et va être de moins en moins la langue commune de notre société.
Jusqu'à présent, c'est révélateur, pour
qui connaît un peu l'histoire du Québec, que le discours ait un peu oscillé
entre l'unilinguisme français des souverainistes, hein, qui voulaient vraiment
un Québec entièrement français, puis le bilinguisme des fédéralistes. Il me
semble que la claire prédominance du français, qui n'a jamais été affirmée
formellement, légalement, par nos institutions, s'est imposée, dans les faits,
dans beaucoup d'établissements commerciaux, de façon très, très efficace, de
façon tranquille, et je trouve que c'est gagnant, parce que c'est clair que
l'anglais y est, mais c'est une affirmation de pouvoir pour le français. Le
français est clairement prédominant.
Rappelons que la Cour suprême du Canada a quand
même jugé que c'était légitime, pour le Québec, d'imposer la claire
prédominance du français dans le domaine de l'affichage, et je ne crois pas,
non plus, qu'il faut se mettre à mesurer les lettres puis à préciser,
normalement, sauf exception, qu'est-ce que c'est, la claire prédominance du
français. Quand c'est clair, on le sait ou on ne le sait pas, si c'est
prédominant, mais ce qui me semble important, c'est d'avoir un principe, une
norme, une boussole, un message qui est envoyé à notre société, en disant :
Au Québec, c'est le français qui est la langue officielle, puis que, dans les
différents aspects de notre vie publique, le français doit toujours être
clairement prédominant. Ça, il faudrait le dire, et le redire, et le redire. Donc,
je trouve que c'est simple, c'est pratique, c'est opérationnel. Ce n'est pas
sexy, si je peux me permettre cette expression-là, mais il me semble qu'on
aurait intérêt que, dans une loi, on le dise, une fois pour toutes, insister
là-dessus. Moi, j'y crois, c'est vraiment, moi, quelque chose, depuis
30 ans, auquel je crois, que je pousse. Donc, je voudrais que ce soit dans
la loi et, aussi, ce soit dans une disposition constitutionnelle.
Ce qui m'amène à mon deuxième point, la
constitutionnalisation du modèle québécois d'intégration et de la société
distincte. Je trouve que le ministre Simon Jolin-Barrette a vraiment... je ne
veux pas le flatter, là, mais il a réussi, quand même, un coup de maître avec
l'idée, en fait, à laquelle je n'avais pas pensé, puis je ne pense pas que
grand monde avait pensé à ça, là, d'intégrer, dans des dispositions
constitutionnelles canadiennes, le fait que le français est la langue
officielle du Québec. Je pense que ça a été salué largement au Québec et, même,
dans le reste du Canada. On ne sait pas exactement ce que ça va donner, c'est
difficile, mais, en politique, les symboles sont importants. Une disposition
constitutionnelle aussi, c'est important.
Moi, ce que j'espère, c'est qu'on va
profiter de l'occasion pour parler aussi de la société distincte québécoise,
qui se caractérise par une majorité francophone, puis aussi, pour attirer
l'attention sur la différence entre notre modèle d'intégration, où on reconnaît
une société d'accueil, nous, on dit : Il y a une majorité francophone au
Québec. C'est ça, la société distincte, hein? Moi, je me suis beaucoup
intéressé à ça depuis le lac Meech, depuis Robert Bourassa. La seule
définition qu'il y avait, de la société distincte, c'est que c'est une majorité
francophone. Et puis les nouveaux arrivants, on les invite à s'intégrer à la
majorité francophone, à converger vers la majorité francophone, alors que le
multiculturalisme canadien, qui a été constitutionné en 1982, qui est de plus
en plus sans limites et de plus en plus malsain, à certains égards, je n'ai pas
peur de le dire... Quand on est rendus qu'on brûle des <livres, hein...
M. Dufour (Christian) :
...c'est une majorité francophone. Et puis les nouveaux arrivants, on les
invite à s'intégrer à la majorité francophone, à converger vers la majorité
francophone, alors que le multiculturalisme canadien, qui a été constitutionné
en 1982, qui est de plus en plus sans limites et de plus en plus malsain, à
certains égards, je n'ai pas peur de le dire... Quand on est rendus qu'on brûle
des >livres, hein, qu'on brûle des livres, là, puis qu'il y a des gens
qui trouvent qu'il faut comprendre, puis il faut se mettre à la place des
autochtones, on est rendus loin.
Donc, le multiculturalisme canadien ne
reconnaît pas l'existence d'une ou de plusieurs sociétés d'accueil. Je pense
que c'est important que le Québec le dise : Nous, c'est important, il y a
une société d'accueil, il y a une majorité francophone. Et me semble-t-il que
ce serait bon de le mettre avec l'affirmation que le Québec est une nation dont
le français est la langue officielle, d'ajouter ça. Ça renforcerait l'affaire.
Il y a un message aussi que ça envoie au reste du Canada, en disant :
Nous, on n'est pas dans le multiculturalisme, on est dans autre chose.
Donc, la porte est ouverte, il faudrait en
profiter, parce qu'une fois que la porte va être fermée ça va être très
difficile de revenir là-dessus. Et, je le répète, quand je parle de société distincte,
quand je parle de claire prédominance du français, je ne suis pas en train de
dire qu'il ne faut pas affirmer que le français est la langue officielle du Québec.
Je crois qu'il faut l'ancrer dans la réalité, il faut le renforcer, il faut en
profiter.
Nos cégeps, maintenant, bon, les cégeps,
le coeur manquant du projet de loi. C'est ce que je... Moi, j'ai changé d'idée
par rapport aux cégeps. Pendant longtemps, je trouvais qu'il fallait garder la
liberté de choix au niveau collégial, même si c'est une erreur, me semble-t-il,
historique, lorsqu'on a adopté la loi 101, de ne pas avoir appliqué la loi 101
au niveau du cégep. Si c'était à refaire, il me semble que c'est ça qu'on
devrait faire, là, parce que c'est quand même le réseau public d'enseignement,
on est dans le système public, c'est un âge crucial, pour les étudiants, de
sociabilisation et d'intégration à la société. Bon, tant que la liberté de
choix ne produisait pas des résultats aberrants et dangereux pour le français,
tant que, autrement dit, la majorité des Québécois de souche et issus de
l'immigration allaient du côté francophone, ça ne me dérangeait pas trop, comme
bien des gens, mais là il y a un équilibre qui semble s'être brisé de façon
assez claire. Il faut quand même être lucides, là, il y a quelque chose qui a
changé.
Et ce n'est pas vrai que faire son cégep
en anglais, c'est une façon, pour les francophones, d'apprendre l'anglais, là,
surtout dans les régions. Moi, je viens du Saguenay, je viens de Chicoutimi. Je
sais que, quand on était jeunes, c'est vrai, on n'en voyait pas un, Anglais,
hein? La première fois qu'il y a une famille anglophone qui s'est installée
dans notre quartier, on est allés les voir avec notre livre, là, «John is a
boy», «Mary is a girl». On n'est plus là-dedans, là, hein? Je veux dire, dans
le monde d'Internet, là, où ça se passe beaucoup en anglais, je crois que les
francophones n'ont pas besoin d'aller au cégep en anglais pour apprendre cette
langue, ça me semble évident. Et là le problème, c'est qu'il y a une espèce de
glissement, qui est inquiétant, qui est tragique quelque part. C'est que le
Québec finance de plus en plus, à grande échelle, de façon un peu masochiste,
le choix d'une grande partie des allophones, qu'on a francisés au niveau
primaire et secondaire, puis une partie croissante des jeunes francophones de
s'intégrer à la communauté anglophone.
J'écoutais, tantôt, les gens qui m'ont
précédé, lorsqu'on parlait, en fait, des façons de contingenter, peut-être,
l'accès aux cégeps anglophones, puis je sais que le projet de loi a choisi
cette voie-là. Moi, je n'y crois pas beaucoup, parce qu'il me semble que ça va
causer plus de problèmes d'essayer de faire ça indirectement que de le faire
franchement. Je sais que, si on le fait franchement, ça va être controversé, <probablement...
M. Dufour (Christian) :
...
précédé, lorsqu'on parlait, en fait, des façons de contingenter,
peut-être, l'accès aux cégeps anglophones puis je sais que le projet de loi a
choisi cette voie-là. Moi, je n'y crois pas beaucoup, parce qu'il me semble que
ça va causer plus de problèmes, d'essayer de faire ça indirectement, que de le
faire franchement. Je sais que, si on le fait franchement, ça va être
controversé, >probablement, mais, des fois, il faut qu'il y ait de la
controverse un peu. Il faut qu'il y ait de l'audace aussi, et c'est ce qui
manque dans ce projet de loi. En tout respect, je trouve que c'est un projet
dont le coeur manque. Il y a une énergie qui n'est pas là. Et le cégep, moi, je
ne vois pas d'autre dossier que ça dans lequel tu peux avoir cette énergie-là.
C'est un dossier structurant. Parce que le problème, c'est que tout ce qui est
rare a tendance à devenir précieux. C'est que, si on contingente l'accès aux
cégeps anglophones, ça veut dire que ce n'est pas tous les francophones qui
vont pouvoir y aller, et on peut s'attendre à ce que les meilleurs aient
tendance à aller aux cégeps anglophones, puis que ça devienne une mesure de
promotion sociale qui les incite à poursuivre leurs études universitaires, leur
carrière et leur vie dans cette langue.
Il me semble que c'est le temps où jamais
de donner un coup là-dessus. Je sais que ce n'est pas facile, je sais que c'est
très politique. Bon, on nous dit que... bon, on nous dit, on nous dit... mais,
moi, j'espère que le gouvernement va être capable de faire ce «move» là, si je
peux employer cette expression anglophone là, puis qu'on nous parle, parfois,
de ce que Camille Laurin avait fait avec la loi 101 dans les années 70.
Bon, bien, Camille, 101, il avait brassé la cage pas mal plus que ça, hein,
quand il avait mis fin au libre choix de la langue d'enseignement pour les
Québécois issus de l'immigration. C'était nécessaire, il l'a fait. Bien là, il
me semble que c'est nécessaire, puis c'est beaucoup moins risqué, même si je ne
nie pas qu'il y aura une controverse. Mais je dirais même que ce n'est pas
mauvais, non plus, qu'il y ait une controverse, que ce projet de loi, là, soit
comme, un peu, intense, que les gens disent : Il se passe quelque chose, là,
tu sais. En tout cas, moi, je trouve que c'est là qu'on est un peu rendus,
comme tels, puis, si on ne fait pas ça maintenant, on ne le fera jamais. C'est
la dernière occasion qu'on a de le faire. Puis c'est un domaine de souveraineté
exclusivement québécoise, c'est totalement québécois. Puis là on réalise, là, c'est
bien beau, d'être masochistes, mais on réalise qu'au niveau des cégeps, de plus
en plus, ce qui est à la mode, là, c'est de faire son cégep en anglais. C'est
ça, en fait, la réalité. Bon, en tout cas, mon point est assez clair.
Je me suis forcé, à la fin, pour écrire
quelques paragraphes, dans le texte que j'ai fait distribuer, sur le
français, seule langue officielle, entre guillemets, parce que ça m'a beaucoup
amené à réfléchir. J'ai changé d'idée beaucoup, je vous avoue, puis c'est juste
une remarque que je fais. J'ai noté qu'on avait tendance à vouloir rester sur
le fait que le français était la seule langue officielle, ce que je peux
comprendre, parce que, moi, je n'en veux pas d'autre au Québec, là,
comprenez-moi bien. Mais, moi, je me demandais si, dans une époque où on voit
de l'exclusion partout, là, est-ce que c'est vraiment nécessaire, en fait, d'insister
là-dessus que c'est la seule langue officielle, si ça ne donne pas une image
d'une société qui est beaucoup, beaucoup sur la défensive sur le plan
linguistique? Au niveau fédéral, bon, on sait que le français et l'anglais sont
les langues officielles du Canada. On ne dit pas que ce sont les seules langues
officielles du Canada, hein? Donc, moi, c'est une remarque, là, que je vous
soumets en toute candeur. Ça me semblait que l'affirmation que le français est
la langue officielle du Québec est plus simple et peut-être plus forte, en
définitive. Puis surtout que là, il va y avoir des demandes, ça commence, là,
pour que les langues autochtones bénéficient d'une reconnaissance au Québec. Là,
on est dans un grand mouvement de sympathie à l'égard des autochtones, de <culpabilité...
M. Dufour (Christian) :
...
remarque, là, que je vous soumets en toute candeur. Ça me semblait
que l'affirmation que le français est la langue officielle du Québec est plus
simple et peut-être plus forte, en définitive. Puis surtout que là, il va y
avoir des demandes, ça commence, là, pour que les langues autochtones
bénéficient d'une reconnaissance au Québec. Là, on est dans un grand mouvement
de sympathie à l'égard des autochtones, de >culpabilité à l'égard des
autochtones, donc je trouve qu'il ne faut pas être inutilement provocateurs. En
tout cas, c'est un peu l'élément.
Donc, pour le reste, écoutez, je pourrais
répéter ce que j'ai dit, là, mais je vais recevoir avec plaisir les questions
de... J'ai hâte de voir vos questions, d'ailleurs, vos contestations, et tout
ça.
• (18 h 10) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup pour votre présentation. Le ministre a été très généreux.
2 min 25 s sera retranché à votre temps, M. le ministre, puisque
vous avez pris du temps du ministre. Mais ça va, il n'y a pas de problème. C'est
au ministre. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. M. Dufour, merci d'être là, merci de votre présence en commission
parlementaire. D'entrée de jeu, vous l'avez abordée tout à l'heure, la question
du multiculturalisme canadien, le modèle d'intégration que nous avons, au Québec,
versus le multiculturalisme canadien. Vous, vous dites : On devrait peut-être
en profiter pour l'inscrire clairement dans la Constitution, pour dire :
Nous sommes distincts, c'est une société distincte, il y a la nation québécoise.
Mais c'était important de marquer notre différence et de dire clairement
comment est-ce qu'on... quel est notre vivre-ensemble, ici, au Québec.
M. Dufour (Christian) : Oui,
c'est ça. C'est que, moi, je ne vous cacherai pas que j'ai eu longtemps une
vision positive du multiculturalisme, mais là j'ai décroché. Je trouve qu'au Canada
c'est devenu sans limites, et c'est devenu souvent toxique et malsain, et c'est
une façon de remettre le Québec à sa place, et je pense qu'il faut que le Québec
réagisse à ça. On n'est pas dans la modération. Donc, le... Je crois que ce n'est
pas très compliqué, en fait, d'affirmer la différence québécoise. C'est que
nous, on reconnaît qu'il y a une société d'accueil. C'est aussi simple que ça.
Quand les immigrants arrivent ici, ils n'arrivent pas dans un territoire
vierge, là, hein? Il y a une majorité francophone qui les accueille, puis on
les invite à s'intégrer à cette majorité-là.
Donc, cette notion-là de bon sens n'est
pas du tout véhiculée au niveau fédéral. Les messages d'intégration ne sont pas
assez forts. Je ne veux pas faire de politique concrète, là, mais quand on a
une ministre fédérale, d'origine afghane, qui parle de nos frères talibans, là,
ça veut dire qu'il y a un message d'intégration qui n'est pas assez fort, là,
hein, je veux dire, un ministre fédéral, là, je veux dire... Puis quand on
comprend ça, quand... Donc, c'est pour ça que moi, là, là-dessus, si on
profitait de l'ouverture constitutionnelle, là, pour affirmer très simplement...
moi, je ne suis pas dans l'idéologie... affirmer tout simplement : le Québec...
Puis aussi, ce n'est pas très controversé, le Québec est une société distincte.
Même la supposée modératrice du débat anglais, lors des élections fédérales, a
dit que le Québec est une société distincte, hein? Donc, à quelque part, on n'est
pas dans la révolution. Mais, en même temps, il y a une majorité francophone
ici, puis ça, c'est rendu qu'on a beaucoup de difficultés à le dire, puis c'est
pour ça qu'il serait le temps de le dire dans un texte constitutionnel, puis de
dire : Les immigrants, on les... ils sont invités à... Juste ça, je trouve
ça très important, en fait.
M. Jolin-Barrette : Le projet
de loi touche la langue, mais je comprends qu'il y a plusieurs intervenants qui
sont venus aujourd'hui, avant vous, aussi, dire qu'on devrait aborder également
la culture, la notion de convergence culturelle. Donc, est-ce que vous êtes
également de cet avis-là? Parce que vous dites, bon, il faut le dire, qu'on est
une société distincte, il faut le dire, qu'on intègre les personnes immigrantes
qui <choisissent...
M. Jolin-Barrette :
...la langue, mais je comprends qu'il y a plusieurs intervenants qui sont venus
aujourd'hui, avant vous, aussi, dire qu'on devrait aborder également la
culture, la notion de convergence culturelle. Donc, est-ce que vous êtes
également de cet avis-là? Parce que vous dites, bon, il faut le dire, qu'on est
une société distincte, il faut le dire, qu'on intègre les personnes immigrantes
qui >choisissent le Québec en français, ce que nous n'osons pas
nécessairement faire, et que les messages sont contradictoires entre l'État
fédéral et l'État québécois à ce niveau-là. Alors, le concept même de
convergence culturelle, qu'en pensez-vous?
M. Dufour (Christian) :
Moi, je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire par «convergence
culturelle». Mais la première question... partie de votre réponse, oui, je
trouve qu'il faudrait vraiment le faire, parce que c'est lié à la langue, très
clairement, et ça rabaisse le français. Dans le texte, je donne l'exemple,
l'été dernier, quand il y avait les grands mouvements, là, de lutte contre le
racisme, de manifestations contre le racisme à Montréal, le Black Lives Matter,
et puis il y a des francophones qui s'étaient étonnés ou qui avaient regretté
qu'il n'y avait pas beaucoup de français, hein? Tout avait l'air de se passer
en anglais. Et on a répondu : Bien, écoutez, vous êtes mesquins, hein, il
faut être ouverts à l'autre, il faut être dans la diversité, l'inclusion, et le
français n'est pas un élément aussi fondamental que ça. Moi, j'ai entendu dire
ça à ce moment-là. Donc, si on ne fait pas ça, de plus en plus, je trouve, on
va être... on l'est déjà, d'ailleurs, confrontés au rabaissement du français,
sous couvert de diversité, d'inclusion et de multiculturalisme tous azimuts.
Donc, ce que je trouve, c'est que le Québec
est vraiment justifié de dire : Bien là, là, nous, on a une vision
différente, là, et ce n'est pas la même chose. Et je trouve que, donc, c'est
lié au français, il y a un lien. Ce n'est pas artificiel. D'ailleurs, quand on
parle de la nation québécoise qui a le français comme langue, bien, on est
aussi dans le politique. On n'est pas juste dans le français, on parle de la
nation. Donc, moi, je trouve qu'il y a une opportunité. L'ouverture, là, l'idée
de mettre, dans une disposition de la Constitution canadienne, certains
éléments qui sont spécifiquement québécois, c'est très fort, ça, puis il faut
en profiter.
M. Jolin-Barrette : Sur
la question des cégeps, vous avez dit : C'est le coeur manquant du projet
de loi. Lorsqu'on regarde le projet de loi, on touche différents volets :
langue de travail, langue des affaires, langue d'affichage. Il y a une kyrielle
de sujets qui sont abordés. Mais on s'est fait critiquer, justement, sur le
fait qu'on vient mettre un plafond pour la fréquentation collégiale, et, avec
le temps, ça va diminuer. Vous, vous nous dites : J'ai changé d'avis, auparavant,
je pensais qu'on devait maintenir le libre choix. Et maintenant, vous êtes davantage
du fait de dire : On devrait, en fait, faire en sorte qu'uniquement les anglophones
puissent aller au cégep en anglais, les ayants droit. Qu'est-ce qui vous amène
à ce cheminement-là, à dire, bien, c'est ce qui manque au projet de loi?
Pensez-vous que c'est ça qui va faire en sorte que ça va inverser la tendance
démolinguistique, le fait que les étudiants aillent au cégep en français?
M. Dufour (Christian) :
Je n'irais pas jusque-là. Puis je ne le sais pas, mais ce que je sais, c'est
que ce serait une réforme structurante, hein, parce que c'est au coeur de nos
institutions, c'est le système d'éducation. Je le rappelle, c'est quand même un
âge crucial pour les étudiants, pour leur intégration à la vie adulte. Moi,
j'ai changé d'idée parce que j'ai trouvé ça très inquiétant, à un moment <donné.
C'est...
M. Dufour (Christian) :
...
Je n'irais pas jusque-là. Puis je ne le sais pas, mais
ce que
je sais, c'est que ce serait une réforme structurante, hein, parce que c'est au
coeur de nos institutions, c'est le système d'éducation. Je le rappelle, c'est
quand même un âge crucial pour les étudiants, pour leur intégration à la vie
adulte. Moi, j'ai changé d'idée parce que j'ai trouvé ça très inquiétant, à un
moment >donné. C'est quasiment angoissant, là, de dire : Bien là, il
y a un mouvement, il y a quelque chose qui est en train de se passer. Bon, là,
je comprends qu'on veut faire ça indirectement, en ne touchant pas aux libertés.
Je peux le comprendre, parce qu'enlever une liberté ce n'est pas très populaire
aujourd'hui. Mais, moi, ce que je crains, c'est que, si on le fait
indirectement, ça cause d'autres sortes de problèmes à long terme, hein?
Et aussi — beaucoup de gens
m'ont dit ça, en fait — ce projet de loi là, il n'est pas assez
audacieux. Le Québec francophone aurait besoin de plus d'audace, là, un peu d'un
coup de barre, et moi, je n'en vois pas d'autre, puis il me semble que ça
justifie... c'est modéré... ça va faire des vagues, c'est clair, puis je sais
que ça ne fait pas l'unanimité, mais ça donnerait comme une espèce d'énergie,
de moteur. Ce projet de loi là, il est très intéressant, il y a beaucoup, beaucoup
de choses, mais il y a vraiment quelque chose qui manque. Il y a une énergie...
Puis on est en politique, là, hein? Il y a une énergie qui manque, là. Je veux
dire, tout le monde... En fait, il est trop consensuel, si jamais j'étais ironique,
là, hein? Bon, tout ça est bien beau, là, mais on passe à l'autre chapitre.
Donc, alors, quand on parle des cégeps, on
n'est pas dans le consensus. Je suis très conscient du fait que ça ne fait pas
l'unanimité, mais Camille Laurin, lui, il l'a donné, le coup, à l'époque.
Pourquoi on n'en donnerait pas un aujourd'hui? Puis est-ce que c'est si
dramatique que ça qu'on se dise : Bon, les cégeps, désormais, bien, les
francophones, les... issus de l'immigration, bien, ils vont aller au cégep en
français? Est-ce que c'est la fin du monde?
M. Jolin-Barrette : Et avant
de céder la parole à mes collègues, vous dites : Le projet de loi, il est
consensuel. Est-ce que ce n'est pas la démonstration du fait que tout le monde
réalise, au Québec, la nécessité des mesures à mettre en place du projet de loi,
du fait qu'on agit sur différents volets dans la société, et on n'a pas agi
durant des années? Alors, ce n'est pas que la société, elle est mature,
justement, pour prendre cette bouchée-là, pour dire : Oui, il faut
protéger notre langue, oui, il faut assurer la pérennité du français?
M. Dufour (Christian) : Oui,
parce que c'est vrai qu'il est consensuel, parce que je pense qu'il y a une
prise de conscience assez large du fait qu'il y a un problème, il y a un
danger. Il faut faire quelque chose. Et même — je sais qu'on est au Québec — même
au niveau fédéral, quand même, il y a eu une certaine prise de conscience de
ça. Tout ça est bien beau, mais on est en politique, puis je trouve que, je me
répète, le projet de loi, il y a quelque chose qui manque, quelque chose de
structurant qui manque. Je ne vois pas... Il y a peut-être autre chose, là. Peut-être
que moi, il y a quelque chose que je ne vois pas, puis je ne dis pas que ça va
tout changer, mais moi, je ne vois pas autre chose. Parce qu'il y a un message
qui sera envoyé à ce moment-là. On donne un coup, on fait un effort, on prend
un risque.
Je dirais que, dans ce projet de loi... Puis
moi, je suis quelqu'un d'assez raisonnable, je l'ai lu, puis il y a beaucoup, beaucoup
de choses, puis il est travaillé, puis, bon, ce n'est pas bidon, là, pas du
tout, mais, à un moment donné, je cherchais quelque chose qui n'y était pas,
là, une espèce de chose qui dit : Ah! ils ont pris un risque.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie pour votre passage en commission. Je sais que j'ai des collègues qui
veulent vous poser des questions. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Ce sera le tour du député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Avec combien de
temps, Mme la ministre? Parce que je vais partager avec mon collègue.
La Présidente (Mme Thériault) :
Avec 6 min 10 s.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. C'est <parti. Bonjour, M. Dufour...
M. Dufour (Christian) :
...ils ont pris un risque.
M. Jolin-Barrette :
Je vous remercie pour votre passage en commission. Je sais que j'ai des
collègues qui veulent vous poser des questions. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Ce sera le tour du député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Avec combien
de temps, Mme la ministre? Parce que je vais partager avec mon collègue.
La Présidente (Mme Thériault) :
Avec 6 min 10 s.
M. Lemieux : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. C'est >parti. Bonjour, M. Dufour.
M. Dufour (Christian) :
Bonjour.
M. Lemieux : Je suis ici, dans
le fond, en arrière, à gauche. On partage, vous et moi, à part quelques
entrevues du passé, exactement la même opinion sur ce que vous appelez le coup
de maître du parrain de ce projet de loi par rapport à sa dimension constitutionnelle.
Et j'espère qu'on va en parler beaucoup, à un moment donné, avec un
constitutionnaliste, ce que vous n'êtes pas, malgré tout, n'est-ce pas?
M. Dufour (Christian) : Non,
non.
M. Lemieux : Bon. Par contre,
vous êtes politologue, oui?
M. Dufour (Christian) : Oui,
oui, oui.
M. Lemieux : Et c'est
pertinent dans la conversation, parce qu'en ouvrant ce matin, le ministre a
senti le besoin de faire un appel au calme. Dans les circonstances, au Québec,
un débat sur la langue, c'est quand même... ça a déjà été très problématique.
Et là vous arrivez, vous, en disant : Bien, c'est bien trop consensuel,
ton affaire, arrête ça, là, je veux dire, c'est facile. Comment vous la lisez,
la situation politique au Québec, au moment où on ouvre les livres sur la loi 101
et qu'on va adopter, j'espère, très bientôt, le projet de loi n° 96?
• (18 h 20) •
M. Dufour (Christian) : C'est
vrai que, dans le passé, il y a eu des débats linguistiques qui étaient
houleux, qui ont laissé des souvenirs qui n'étaient pas toujours bons pour tout
le monde, mais, en même temps, ça a donné quelque chose, quand même, hein? Je
veux dire, on a adopté la Charte de la langue française, la loi 101.
Moi, ma lecture, c'est très personnel, je
vois le Québec d'aujourd'hui comme une société très craintive, en fait, très
insécure, qui a peur du risque, beaucoup, puis je trouve ça un peu exagéré.
Puis je ne vois pas en quoi imposer la loi 101 au cégep, c'est une
révolution. Puis je trouve qu'il faut prendre des risques, hein? Je veux
dire... Bon, je n'ai pas lu la... du ministre, là. Puis en même temps, moi, je
suis vieux, donc je suis conscient, il ne faut pas que ça dérape, il ne faut pas,
il ne faut, il ne faut pas, mais on est tellement là-dedans au Québec, hein? Il
faut faire attention, puis, qui sait, puis, peut-être, puis... mais.... Bien, en
tout cas, ce projet-là, moi, j'aimerais ça qu'il marque l'histoire, en fait,
au-delà de toutes les dispositions qui sont là. Puis, je me répète, il me
semble qu'il manque quelque chose. Je ne vois rien d'autre que ça.
M. Lemieux : Et pour vous, le
coeur manquant, c'est...
M. Dufour (Christian) : Oui,
je ne vois rien d'autre que ça, parce que ce n'est pas bidon, il me semble que
ça se défend, ce n'est pas futile. Je ne vois rien d'autre que ça.
M. Lemieux : Et le ministre
vous a demandé... et j'étais très curieux de votre réponse, quand il disait :
Est-ce que c'est la seule façon d'atteindre l'objectif que d'aller avec le
cégep? Le contingentement, sans qu'on ait encore travaillé sur cette partie-là
de l'histoire, en termes de capacité d'influencer le cours des choses, le
contingentement va faire une part du travail. Amenez-moi au bout du travail.
Est-ce qu'on va toujours avoir besoin de défendre le français même en faisant
ça, même en faisant plus?
M. Dufour (Christian) : Oui,
c'est clair, parce que le contingentement, le danger... je pense que c'est
M. Bérubé qui y a fait référence tout à l'heure, je n'ai pas pu suivre
tout à fait son raisonnement, là... mais le danger que le cégep en français
devienne un peu une espèce de niveau un peu inférieur, hein, au niveau
francophone. Moi, je <crains...
M. Lemieux : ...besoin de
défendre le
français même en faisant ça, même en faisant plus?
M. Dufour (Christian) :
Oui, c'est clair, parce que le contingentement, le danger... je pense que c'est
M. Bérubé qui y a fait référence tout à l'heure, je n'ai pas pu suivre
tout à fait son raisonnement, là... mais le danger que le cégep en français
devienne un peu une espèce de niveau un peu inférieur, hein, au niveau
francophone. Moi, je >crains ça, hein, parce que l'anglais est quand
même une langue très prestigieuse, il y a un attrait pour l'anglais que je peux
comprendre, entre autres, chez les jeunes. Et là contingenter le cégep en
anglais, il y a quand même... je trouve que c'est la recette pour, à un moment
donné, faire que les meilleurs dans notre société, les plus ambitieux aillent
du côté anglais encore plus. Il me semble que c'est évident, là. Je veux dire,
parce qu'à ce moment-là il n'y aura pas assez de place, donc, à ce moment-là,
il va y avoir un combat, une compétition. Moi-même, si j'étais jeune, je dirais :
Bien, je vais aller du côté du cégep anglais parce que c'est meilleur.
M. Lemieux : Et l'équilibre
dont le ministre a fait preuve, puisque vous considérez que c'est consensuel,
est aussi basé — puis, en fait, ça aurait dû être ma sous-question
quand on a parlé du climat politique — beaucoup sur la différence
entre aujourd'hui et il y a 40 quelques années, où le projet de loi ne va pas
contre personne, il va pour le français. Bon, j'aurais pu lire le sous-entendu
dans ma tête : il ne va pas contre l'anglais, il va pour le français. Moi,
c'est ce qui me semble être la grosse caractéristique de cet équilibre-là, en
disant... Puis on fera ce qu'il faut, au fur et à mesure, pour continuer vers
l'objectif, que vous partagez avec moi, là.
M. Dufour (Christian) : Oui,
mais le problème, c'est que je trouve qu'actuellement il y a une inquiétude à
l'égard du sort du français, mais il y a un défaitisme, aussi, de beaucoup de
gens, qui disent : Ah! au fond, c'est irrémédiable, le déclin du français,
hein? Je veux dire, on est en Amérique du Nord, l'anglais est la langue partout
dans le monde. Et là cet intérêt-là, cette inquiétude-là, elle est précieuse
puis elle ne durera pas, puis c'est le temps où jamais. Donc, ce que je crains,
c'est que le projet de loi, en dépit de toutes ses autres qualités, ce soit
trop un projet de loi technique, bureaucratique, intéressant
intellectuellement, mais que... je me répète, là, je radote, là, mais qu'il y a
une énergie qui n'est pas assez là.
M. Lemieux : J'entends. Il
faut battre le fer pendant qu'il est chaud. Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Thériault) :
Une minute pour le député de Richelieu, question-réponse.
M. Lemieux : Oui, le député de
Richelieu. Une minute et quelques, c'est ce qu'il m'avait demandé.
La Présidente (Mme Thériault) :
Une minute.
M. Émond : D'accord. Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Dufour, merci pour votre présence
et contribution aux travaux de la commission. Avant d'y aller, j'aimerais dire
que, comme législateur, moi, je me réjouis que vous qualifiiez de consensuel le
projet de loi, je trouve que c'est quand même une belle qualité.
Je vais juste vous amener pour parler un
peu d'exemplarité de l'État, si vous le permettez. Puis là je vous cite, dans LaPresse
de mai dernier, j'ouvre les guillemets, vous parlez du projet comme un «solide
arrimage à la problématique linguistique concrète de 2021 au moyen de toute une
série de détails, d'ajustements». Mais vous semblez avoir une certaine
inquiétude quant à savoir à quel point il sera appliqué efficacement par
l'administration publique québécoise. J'aimerais vous permettre <d'élaborer
un petit peu plus dans l'application...
M. Émond : ...
au
moyen de toute une série de détails, d'ajustements». Mais vous semblez avoir
une certaine inquiétude quant à savoir à quel point il sera appliqué
efficacement par l'administration publique québécoise. J'aimerais vous
permettre >d'élaborer un petit peu plus dans l'application concernant...
parce qu'il y a un volet important sur l'exemplarité de l'État.
M. Dufour (Christian) : Oui,
c'est vrai. Il y a un tas de choses avec lesquelles je suis d'accord, dans ce
projet-là, dont je n'ai pas voulu parler, hein? Je veux dire, dans mon texte,
j'ai focalisé sur les deux, trois thèmes qui me semblaient...
La Présidente (Mme Thériault) :
Je m'excuse, M. Dufour.
M. Dufour (Christian) :
Excusez-moi.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il n'y a plus de temps pour que vous répondiez à la question. Je suis la
gardienne du temps ici, et, malheureusement, on a déjà passé de
16 secondes l'échange.
M. Dufour (Christian) : O.K.,
excusez-moi.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je dois mettre fin à votre... J'ai... On coupe votre micro.
M. Dufour (Christian) :
Excusez, rappelez-moi à l'ordre. Je ne suis pas au courant des...
La Présidente (Mme Thériault) :
Bien non, ce n'est pas vous, c'est le député qui a pris du temps. Mais je vais
passer la parole à la députée de l'opposition officielle, la députée de
Marguerite-Bourgeoys, et elle a un bloc d'échange de 11 minutes avec vous.
Mme David : Bonjour,
M. Dufour. Je vais vous poser une question : Est-ce que vous savez si
c'est un cégep anglophone ou francophone dont les étudiants sont les plus forts
à l'entrée, par la moyenne générale au secondaire?
M. Dufour (Christian) : Non,
non, je ne pourrais pas...
Mme David : C'est un cégep
francophone. Parce qu'on dit toujours que les cégeps anglophones sont
contingentés, sont les meilleurs, sont les plus attractifs, mais c'est un cégep
francophone de l'île de Montréal qui a les élèves les plus forts. Donc, le
contingentement, ce n'est pas seulement dans les cégeps anglophones, c'est
aussi dans les cégeps francophones, pour des programmes préuniversitaires,
entre autres. Alors, je dis ça parce qu'on fait... on laisse croire que c'est
des cégeps anglophones qui sont contingentés, mais le SRAM existe pour tout le
monde. Le SRAM, c'est le Service régional d'admission pour les cégeps à
Montréal, M, puis il y a le SRAQ, à Québec, puis il y en a d'autres. Alors,
tout ça est très, très, je dirais, convivial, et donc les cégeps francophones
sont très convoités aussi dans certains programmes. Je vous donne un exemple,
cégep Maisonneuve, en sciences. Demandez à un étudiant s'il veut aller là. Oui,
il veut aller là. Les étudiants qui vont en médecine, est-ce que c'est
contingenté dans les universités francophones?
M. Dufour (Christian) : Je ne
nie pas ce genre de chose là puis je ne dis pas que les cégeps francophones
sont devenus maintenant des sous-cégeps, c'est la tendance lourde qui est
inquiétante, c'est qu'il y a un glissement. C'est ça, le problème.
Mme David : Il n'y a que trois
gros cégeps anglophones...
M. Dufour (Christian) : Non,
mais les... Moi, je ne suis pas un...
Mme David : ...et puis il y en
a 46 francophones.
M. Dufour (Christian) : Excusez,
Mme la députée, oui. Moi, je ne suis pas un... Moi, pourquoi j'ai changé
d'idée, c'est quand j'ai vu certains pourcentages que j'ai trouvé que c'était
inquiétant. Quand j'ai entendu, autour de moi, des gens qui m'en parlaient, à
un moment donné, j'ai dit : Non, là, il y a quelque chose qui est en train
de se passer, c'est le temps de réagir, il va être trop tard après.
Mme David : Est-ce que vous
avez...
M. Dufour (Christian) : Donc,
il ne faut pas attendre que ce soit vraiment un mode de vie, une nouvelle
habitude. Ça va être impossible à changer. Là, c'est encore possible de le
faire, mais ça va être controversé, probablement, j'en conviens. Mais c'est le
temps de le faire, parce que la tendance lourde, elle est là, justement, pour
ne pas que les cégeps francophones deviennent des sous-cégeps.
Mme David : Il y a trois gros
cégeps, peut-être trois gros... deux gros, un moyen, anglophones, et il y a
46 cégeps francophones, qui sont très, très habités, ces cégeps-là. Particulièrement
dans la région de <Montréal, on attend...
M. Dufour (Christian) :
...
probablement, j'en conviens. Mais c'est le temps de le faire, parce
que la tendance lourde, elle est là, justement, pour ne pas que les cégeps
francophones deviennent des sous-cégeps.
Mme David : Il y a trois
gros cégeps, peut-être trois gros... deux gros, un moyen, anglophones, et il y
a 46 cégeps francophones, qui sont très, très habités, ces cégeps-là.
Particulièrement dans la région de >Montréal, on attend
25 000 nouveaux étudiants d'ici 2029. Et avec les propositions,
effectivement, de maintenir ou de ne pas augmenter trop les cégeps anglophones,
ça va faire 25 000 étudiants à reloger dans les cégeps francophones,
où il n'y a même pas de locaux, actuellement, pour tous les accueillir,
tellement il y a d'étudiants, comme au cégep Ahuntsic.
Mais la question que... Je voulais vous amener
sur d'autres questions. Est-ce que c'est possible, selon vous, d'être à la fois
fédéraliste et nationaliste?
M. Dufour (Christian) : Bien
sûr.
Mme David : Bon, ça me
rassure.
M. Dufour (Christian) :
Est-ce que vous avez déjà douté que je pensais ça?
Mme David : Bien, ça me
rassure, parce que j'ai l'impression qu'être fédéraliste c'est être, forcément,
multiculturaliste, puis c'est complètement antinomique au fait d'être
nationaliste.
M. Dufour (Christian) : Le
multiculturalisme, c'est autre chose. Je crois profondément que le
multiculturalisme canadien — je parle bien de la version canadienne — il
est devenu profondément malsain, parce qu'il n'a pas de limites, il n'a pas de
limites...
Mme David : On peut être
fédéraliste et habiter au Québec.
M. Dufour (Christian) : ...il
n'a pas de limites, et c'est pour ça que j'espère que le gouvernement va
affirmer, dans la disposition constitutionnelle, qu'au Québec il y a une
limite, il y a une majorité francophone. Je regrette, je dis ce que je pense. Le
multiculturalisme canadien, je trouve qu'il est devenu toxique. Il ne l'était
pas au départ. Mais il n'y en a pas, de limites, madame, il n'y en a pas.
Mme David : Mais ça fait très
longtemps, y compris au Parti libéral, qu'on prône l'interculturalisme.
M. Dufour (Christian) : Je le
sais.
Mme David : Là, l'autre
expression, bon, que M. le Pr Rousseau prend beaucoup, c'est la politique
de convergence culturelle. On pourrait faire des débats entre la différence
entre l'interculturalisme et la convergence culturelle, mais ce n'est pas le
lieu, ici. Mais on a toujours eu ça.
Maintenant, je viens, justement, à la
question de la Constitution. Je vous sens tenté, comme peut-être... Benoît
Pelletier travaille là-dessus depuis 20 ans, Jean Lesage a demandé,
en 1962, à Paul Gérin-Lajoie de faire la même chose, travailler sur une
hypothèse de constitution du Québec. Ça ne date pas d'hier, là, ça fait très
longtemps. Là, il y a eu une reviviscence, et il y a eu cet article 45,
qui a été utilisé. Mais Guillaume Rousseau nous parlait, ce matin, de mettre
«l'État est laïque», dans la constitution que le ministre veut ouvrir via
l'article 45. Vous, vous proposez de mettre la société distincte, Benoît
Pelletier a toute une longue liste de ce qu'on pourrait mettre. Mais est-ce
qu'on veut vraiment que le ministre change son projet de loi, avec l'article
sur le... 90Q.1., 90Q.2., 90Q.3., 90Q.4., on va peut-être aller jusqu'à je ne
sais pas combien, pour en faire un projet de loi sur une constitution
québécoise?
M. Dufour (Christian) : Non,
votre question est très pertinente, Mme la députée. Absolument pas, il ne
faut pas faire ça. Et je trouve que je me méfie beaucoup de ceux qui veulent
des constitutions québécoises. Moi, dans mon texte, j'attire l'attention sur
deux choses qu'il faudrait mettre dans le texte constitutionnel canadien,
la prédominance du français et la société distincte. C'est juste ça que je veux
qu'on mette. Sinon, vous avez raison, ça va déraper.
Mme David : C'est parce que
d'autres ont des bonnes idées aussi.
M. Dufour (Christian) : Et,
juste pour terminer, ne doutez jamais que, moi, là, un fédéraliste, je peux
être très nationaliste, hein? Je veux être critique d'un multiculturalisme
«canadian».
• (18 h 30) •
Mme David : O.K. Je vous
entends bien. <Maintenant, sinon, je ne comprends pas trop, là, je ne
comprends pas trop. Vous dites : C'est très...
>
18 h 30 (version révisée)
< M. Dufour (Christian) :
...C'est juste ça que je veux qu'on mette. Sinon, vous avez raison, ça va
déraper.
Mme David : C'est parce que
d'autres ont des bonnes idées aussi.
M. Dufour (Christian) :
Et, juste pour terminer, ne doutez jamais que, moi, là, un fédéraliste, je peux
être très nationaliste, hein? Je veux être critique d'un multiculturalisme
«canadian».
Mme David : O.K., je vous
entends bien. >Maintenant, là où je ne comprends pas trop, là, je ne
comprends pas trop, vous dites : C'est très opérationnel, le mot «claire»,
plutôt que «nette» prédominance. En quoi le mot «claire» est si clair que ça
dans son opérationnalisation?
M. Dufour (Christian) : Bien,
ou «nette», écoutez, ce que je... Excusez... Ça va? Ce que je veux dire, c'est
que «nette» ou «claire», c'est la même chose, là. Ce que je trouve qui est
dommage, c'est quand on veut se mettre à mesurer la clarté puis mesurer la
grosseur des lettres. Puis ça, c'est très perdant, parce qu'on fait mesquin, on
fait étroits d'esprit. On le voit, quand le français est prédominant ou pas, je
pense qu'il faut faire confiance à la bonne foi des gens, au bon sens des gens.
Et dans les commerces, moi, ça m'a toujours fasciné, les gens qui ne sont pas
dans la politique, là, dans les établissements commerciaux, il y a des
centaines, il y a des milliers de commerces, là, où on le fait spontanément. Il
y a du français et de l'anglais, le français est clairement prédominant, et c'est
valorisant pour les francophones, l'anglais a une place. Donc, le clair, c'est important,
par exemple, le clair ou le net, si vous voulez, moi... c'est qu'il faut
simplement que ça soit clair, là.
Mme David : Mais là, c'est
encore moins clair pour moi, parce que quand on fait une recherche dans le projet
de loi du ministre, il emploie le mot «nette» prédominance. Claude Ryan, quand
la clause nonobstant n'a pas été renouvelée, après 1988, ça a été la «nette»
prédominance dans l'affichage.
M. Dufour (Christian) : Bon,
je m'excuse, madame, je m'excuse, je me suis mal exprimé. Pour moi...
Mme David : Alors, si vous
dites qu'un est synonyme de l'autre, là, je suis un petit peu mélangée.
M. Dufour (Christian) :
Excusez, juste parce que je sais que le temps est tellement compté. «Claire» et
«nette», c'est la même chose, pour moi, là, vous comprenez, là, il n'y a pas de
problème ça, là. Mais l'important, c'est que ce soit «nette» ou «claire». Je ne
vois pas la différence entre «nette» ou «claire», vous avez raison.
Mme David : O.K. C'est parce
que vous dites que ça fait 30 ans que vous prônez le «claire», mais il
existe depuis 30 ans via le mot «nette», mais...
M. Dufour (Christian) : Si je
dis 30 ans, c'est parce qu'on m'a tellement dit : Tu es mollasson,
puis ce n'est pas ça qu'il faut, puis bon, c'est pour ça que je dis ça, moi.
Mais que ce soit «claire» ou «nette», c'est la même chose exactement à mes
yeux, il n'y a pas de problème. Mais il faut que ce soit clair et net, là.
Mme David : Clair et net, bon.
Des voix
: Ha, ha, ha!
Mme David : Mais je vous
rassure, le mot «nette» est là depuis très, très, très longtemps. Alors, on va
s'entendre là-dessus. Maintenant, le mot... vous n'aimez pas le mot «seule»
langue officielle. Ça m'a fait réfléchir. Vous dites : C'est exagérément
défensif. C'est comme voyons donc, là, la langue officielle, d'ailleurs, qui
est, depuis Robert Bourassa, en 1974, on a fêté les 40 ans en 2014... Donc,
le français seule langue officielle au Québec, vous trouvez que l'adjectif est
de trop, «seule», c'est exagérément défensif. Alors, j'étais curieuse de savoir
qu'est-ce qui fait que vous trouvez que c'est trop, c'est comme... trop, c'est
comme pas assez, ça montre une certaine vulnérabilité?
M. Dufour (Christian) : J'ai
hésité beaucoup avant d'écrire ça, hein, puis j'ai beaucoup changé le petit
texte. Mais on dit ce qu'on pense, hein, et je trouve que ça fait défensif
quand même, c'est la seule langue officielle. Au fédéral, on ne dit pas :
Le français et l'anglais sont les seules langues officielles. Et ce n'est pas
dramatique, là, comprenez-moi bien, ce n'est pas un point aussi fondamental que
la société distincte, la prédominance du français puis la constitutionnalisation,
mais il faut quand même tenir compte du fait qu'on vit dans une époque où on a
tendance à voir des exclusions partout. Le multiculturalisme dont on parlait <tantôt,
là, hein...
M. Dufour (Christian) :
...
Au fédéral, on ne dit pas : Le français et l'anglais sont les
seules langues officielles. Et ce n'est pas dramatique, là, comprenez-moi bien,
ce n'est pas un point aussi fondamental que la société distincte, la
prédominance du français puis la constitutionnalisation, mais il faut quand
même tenir compte du fait qu'on vit dans une époque où on a tendance à voir des
exclusions partout. Le multiculturalisme dont on parlait >tantôt, là,
hein, on exclut. Donc, le «seul», je craignais que, si on insiste trop là-dessus,
là on se fait dire : Oui, le seul, mais il y a aussi autre chose. C'est
juste que j'ai dit ça, hein? Parce qu'en soi, froidement, le français est la
langue officielle du Québec, tout est là, hein? Mais ça, écoutez, moi, je n'en
fais pas une maladie, là, c'est juste que j'attirais l'attention sur le fait
qu'il me semble, sur le plan politique, le français est la seule langue
officielle du Québec, je me demande si ça n'attire pas les contestations, en
disant : Mais oui, mais les autochtones aussi, hein, les autochtones qui
ont été tellement mal traités récemment, dont les langues sont en voie de
disparition. C'est comme le français, vous n'avez pas de sympathie, pourquoi
vous dites que c'est la seule, là? C'est juste ça, mais ce n'est pas un point fondamental
de ma présentation, c'est une remarque pour éclairer le débat, pour stimuler le
débat, pour stimuler le débat.
Mme David : O.K. Je trouve ça
très intéressant, en fait, comme réflexion, c'est une remarque qu'on pourrait
retenir ou reproposer.
Quand vous parlez de multiculturalisme, évidemment,
là, vous allez très loin, puis j'entendais un mot que vous n'avez pas prononcé,
mais qui est dans l'air du temps, là, la définition de ce qu'est être «woke»,
hein...
M. Dufour (Christian) :
«Woke»?
Mme David : ...ça m'étonne, je
ne l'ai pas entendu dans votre bouche, mais il y a toutes sortes de choses qui
faisaient référence à ça, puis, des fois, j'étais comme un peu mal à l'aise,
parce que c'est comme si ça faisait, on est «woke» ou on est nationaliste ou on
est... j'aimerais ça vous entendre un peu là-dessus, sur la définition que tout
le monde donne en ce moment.
M. Dufour (Christian) : Sur
quoi?
Mme David : Parce que je dis
ça, parce que c'est comme, je ne voudrais pas qu'il y ait d'incompréhension,
là, sur... il y a tellement de concepts qui sont abordés ici, mais c'est comme
si, ça, c'est opposé au nationalisme, ou on est nationaliste et puis on est
pour la langue française ou on est dans l'autre gang, puis l'autre gang brûle
des livres. Puis, en tout cas...
M. Dufour (Christian) : Je ne
vais pas me mettre à parler de «woke», là, parce que je trouve que... je crois
que c'est un débat public, mais ce n'est tellement pas l'objet de mon mémoire.
Mais ce que je crois profondément, c'est que le multiculturalisme, lorsqu'il a
été adopté, moi, j'ai l'âge pour m'en souvenir, c'était une façon, en partie,
pour remettre le Québec à sa place. Ce n'était pas juste ça, mais c'était, en
partie, ça, parce qu'au départ on était dans le biculturalisme, vous vous en
souvenez. Dans un premier temps, c'était une idéologie qui était modérée, bon,
comment pouvait-on être contre ça. Ça a progressé, c'est devenu hégémonique,
hein, le Canada, monsieur... non, je ne veux pas nommer de gens, là, mais il y
a des gens qui vont définir le Canada comme essentiellement multiculturel,
c'est devenu la nature du... Et, moi, ce qui me dérange là-dedans, c'est
l'intolérance et la fermeture, c'est tout un paradoxe, parce que ce sont des
idéologies qui ne parlent que d'ouverture et d'inclusion, mais qui sont fermées
et qui sont implacables, je parle d'idéologie, je ne parle pas des individus,
qui sont implacables à l'égard de la différence québécoise, et c'est ça qui
m'inquiète beaucoup.
La grande manifestation contre le racisme
à Montréal, le Black Lives Matter, où il n'y avait pratiquement pas de Français,
ceux qui ont critiqué se sont fait dire : Écoutez, vous êtes des mesquins.
C'est l'ouverture qui est importante. Et je me dis : si on n'est pas <capable...
M. Dufour (Christian) :
...je ne parle pas des individus, qui sont implacables à l'égard de la
différence
québécoise, et c'est ça qui m'inquiète
beaucoup.
La grande manifestation contre le
racisme à
Montréal, le Black Lives Matter, où
il n'y avait
pratiquement pas de F
rançais, ceux qui ont critiqué se sont fait dire :
Écoutez, vous êtes des mesquins. C'est l'ouverture qui est
importante.
Et je me dis : si on n'est pas >capable de critiquer un
multiculturalisme canadien sans limites, qui est devenu toxique, moi, je... C'est
nouveau, je ne le critiquais pas avant. Mais il faut dire les choses, là, quand
j'ai vu...
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois vous interrompre.
M. Dufour (Christian) : ...la
ministre d'origine afghane qui a parlé des frères talibans, j'ai dit : Wo!
là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois vous interrompre, malheureusement. On a dépassé de 12 secondes.
Donc, Mme la députée de Mercier, vous avez votre 2 min 45 s.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Dufour. Vous parlez de société distincte. Vous
trouvez que c'est important de l'ajouter dans la constitution. Donc, vous
trouvez que «nation», ce n'est pas suffisant, et vous définissez «société
distincte» comme étant une majorité francophone vers laquelle on invite les
minorités, les nouveaux arrivants, à s'y intégrer, tout en gardant leur
culture. Moi, c'est drôle, je lis la définition de l'interculturalisme, comme
M. Gérard Bouchard en parle. Et, justement, M. Bouchard aussi, dans
un papier récemment, avait parlé du fait que dans Black Lives Matter, quand il
y avait cette manifestation où j'étais, il y avait du français, mais c'est vrai
qu'il y avait beaucoup d'anglais, il était inquiet de cet amalgame-là entre :
français, c'est l'exclusion, anglais, ça nous inclut tous. Et je voudrais vous
entendre, comment est-ce que vous trouvez que se passe l'intégration des
nouveaux arrivants, au Québec, aujourd'hui? Comment ça se passe?
M. Dufour (Christian) : Ah! écoutez,
c'est un gros sujet, hein? Je pense que ça semble s'être bien passé par rapport
au passé, parce qu'avant, hein, les francophones étaient seuls puis ils avaient
l'impression que les immigrants s'intégraient systématiquement à la communauté
anglophone. Donc, il y a eu un énorme succès, en fait, du Québec moderne, où on
a intégré beaucoup les immigrants, bon, avec des problèmes comme ailleurs.
Donc, moi, je porte un jugement assez positif, mais c'est un sujet tellement
compliqué et miné.
Mais je vais parler de la société
distincte, si vous permettez. C'est l'héritage de Robert Bourassa, c'est
vraiment ça. Le Québec est une nation et une société distincte au sein du Canada.
C'est un cadre, une société distincte. Moi, je suis avocat, hein, et c'est
important un cadre. La seule contenue, c'est une majorité francophone. C'est
compatible avec l'existence du Canada. C'est très puissant la société
distincte, tu en fais ce que tu veux de la société distincte, la seule chose, c'est
qu'il y a une majorité francophone, tout est là.
Mme Ghazal : Mais de dire nation...
M. Dufour (Christian) : Alors
que «nation», c'est fort sur le plan politique, émotif et symbolique, mais à un
certain niveau, «société distincte» est plus fort. Parce que les nations, les
nations autochtones, qui conteste le statut de nation des nations autochtones?
Le Québec est les deux de toute façon, je trouve qu'il faut dire les deux. Mais
«société distincte», moi, j'ai toujours défendu ça, c'est l'héritage de Robert
Bourassa, c'est porteur de pouvoir, c'est un cadre et c'est ce qui nous
distingue du multiculturalisme parce qu'on dit : Il y a une majorité
francophone. Le multiculturalisme n'est pas capable de dire, au Canada : Il
y a une communauté d'accueil. On n'est plus capable de dire ça. On accueille
les gens, on célèbre leur différence puis il n'y a pas de message d'intégration
suffisamment envoyé, ça semble évident. On ne dit pas assez aux gens qu'on
accueille puis on célèbre... Écoutez, faites un effort pour vous intégrer un
peu.
Mme Ghazal : J'ai une dernière
question. Je me chicanais avec mon recherchiste. Est-ce que vous êtes
indépendantiste? Parce qu'on se posait la question depuis tantôt, puis là, je
ne le sais pas.
M. Dufour (Christian) : Moi,
j'ai écrit un livre sur la proportionnelle, qui s'appelle Le Pouvoir
québécois menacé, où <j'explique ce que je suis...
M. Dufour (Christian) :
...On ne dit pas assez aux gens qu'on accueille puis on célèbre : Écoutez,
faites un effort pour vous intégrer un peu.
Mme Ghazal : J'ai une
dernière question. Je me chicanais avec mon recherchiste. Est-ce que vous êtes
indépendantiste? Parce qu'on se posait la question depuis tantôt, puis là, je
ne le sais pas.
M. Dufour (Christian) :
Moi, j'ai écrit un livre sur la proportionnelle, qui s'appelle Le Pouvoir
québécois menacé, où >j'explique ce que je suis là-dedans. Moi, ce n'est
pas ma tasse de thé, là, la souveraineté puis la... c'est le pouvoir québécois,
mon paramètre. Moi, je défends le pouvoir québécois, c'est pour ça que d'ailleurs
l'intervention de M. Legault, dans la campagne électorale, sur le pouvoir
québécois que tout le monde a critiquée, moi, je l'ai défendue parce que je
trouve qu'il défendait le pouvoir québécois. Pour moi, là, quand j'étais jeune
à Chicoutimi, et je raconte ma vie, ça me semblait évident que le Québec devait
être indépendant, puis qu'il avait été conquis par les Anglais, parce qu'on
était tous des francophones, bon. Puis, après ça, j'ai réalisé que les
Québécois, c'était plus...
• (18 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois vous interrompre.
M. Dufour (Christian) : Oui?
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois vous interrompre encore une fois. Je m'excuse.
Des voix
: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Thériault) :
Je m'excuse. Bon. Le dernier intervenant pour...
M. Dufour (Christian) : Je vous
enverrai mon livre.
La Présidente (Mme Thériault) :
...encore 2 min 45 s, M. le député le député de Matane-Matapédia. Je
suis désolée de vous interrompre.
M. Bérubé : Mme la Présidente,
cette question-là est réglée pour nous. Le pouvoir québécois, il passe par
l'indépendance du Québec. Et sachez, M. Dufour, qu'il y a une seule
formation politique qui est d'accord avec votre position sur le cégep en
français, et c'est le Parti québécois. Alors, ce que vous avez dit quant au
pouvoir québécois, quant à la nécessité de prendre des décisions pas
consensuelles, nécessaires et difficiles, c'est exactement le propos que j'ai
servi au ministre cet après-midi, et je vous fais grâce de la réponse qu'il m'a
donnée.
Il est possible d'être fédéraliste, d'être
nationaliste, c'est la prétention du gouvernement, et d'être audacieux. Je le
souhaite. C'est la prétention du gouvernement de la CAQ. Je vous donne le
temps, le peu de temps que j'ai, pour essayer de convaincre le ministre qu'il
peut utiliser une occasion historique pour permettre que le cégep, ça se passe
en français pour les francophones, pour les nouveaux arrivants, et que, sans
cette mesure, c'est un projet de loi relativement faible. Ce n'est pas costaud.
Il manque quelque chose d'important. Et, comme René Lévesque l'a déjà dit,
quand on passe à côté d'un vrai destin, d'une chance historique, c'est perdu.
Alors, à vous la parole.
M. Dufour (Christian) :
Bien, écoutez, dans mon texte, dans ma présentation, je pense que j'ai plaidé
le plus que je pouvais pour que le gouvernement fasse preuve et le ministre
fasse preuve d'audace sur la question des cégeps. Et le projet de loi n'est pas
encore adopté, il y a une commission parlementaire. Moi, je ne désespère pas du
tout de ça, qu'au fil d'arrivée le gouvernement change son fusil d'épaule.
Pourquoi ne le changerait-il pas?
M. Bérubé : Mais c'est
parce que l'avantage, chez nous, c'est qu'il n'a personne à convaincre de la nécessité
de défendre la langue, et il faut lui donner des arguments pour convaincre ses
collègues.
M. Dufour (Christian) :
En tout cas, moi, j'essaie de donner les meilleures frimes que j'ai. Vous me
mettez dans une drôle, drôle de position. Mais, non, mais je salue le Parti
québécois d'appuyer cette position-là parce que, moi, j'en suis rendu là.
M. Bérubé : On a évolué,
nous aussi, là-dessus.
M. Dufour (Christian) :
Il y a beaucoup de gens qui ont évolué, et je tiens à dire qu'il y a beaucoup,
beaucoup de gens qui, sur la question des cégeps, ont changé d'idée parce que,
le glissement, ils l'ont vu, ils l'ont senti, puis ça les a inquiétés, puis ils
ont dit : On est capables d'agir.
Vous savez, souvent on est dans
l'impuissance où on peut dire : Qu'est-ce qu'on peut faire réellement? Là,
c'est un dossier où on peut faire quelque chose.
M. Bérubé : Et on est en
bonne compagnie parce que Guy Rocher va venir dire la même chose que nous
en commission. J'ai hâte d'entendre le ministre lui dire que ce n'est pas une
bonne idée.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il vous reste 45 secondes.
M. Dufour (Christian) :
Ah! O.K. O.K. O.K.
M. Bérubé : Vous avez
encore du temps, M. Dufour.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il vous reste 45 secondes, M. Dufour, prenez-les.
M. Dufour (Christian) :
O.K. Écoutez, cela dit, moi, par exemple, je trouve que le projet de loi reste
intéressant en lui-même. Il a beaucoup de choses intéressantes. <Quelqu'un
m'a parlé, tout à l'heure, de ma méfiance à...
M. Bérubé : ...
Guy Rocher
va venir dire la même chose que nous en commission. J'ai hâte d'entendre le
ministre lui dire que ce n'est pas une bonne idée.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il vous reste 45 secondes.
M. Dufour (Christian) :
Ah! O.K. O.K. O.K.
M. Bérubé : Vous avez
encore du temps, M. Dufour.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il vous reste 45 secondes, M. Dufour, prenez-les.
M. Dufour (Christian) :
...non. O.K. Écoutez, cela dit, moi, par exemple, je trouve que le projet de
loi reste intéressant en lui-même. Il a beaucoup de choses intéressantes. >Quelqu'un
m'a parlé, tout à l'heure, de ma méfiance à l'égard de l'administration
publique, jusqu'à quel point on mettrait ça en oeuvre. C'est vrai que... vous
savez, la crise sanitaire, puis tout le domaine de la santé, à un moment donné,
je me suis dit : Oui, jusqu'à quel point notre gros mastodonte public et
parapublic livre la marchandise. Des fois, j'ai un peu des doutes. Donc, quand
j'ai lu le projet de loi de M. Simon Jolin-Barrette, je trouvais ça très
intéressant, mais... la machine va-tu, va-tu, attendez, il ne faut pas dire ça,
il ne faut pas penser ça, mais moi j'ai des doutes des fois.
M. Bérubé : Combien de temps?
La Présidente (Mme Thériault) :
Non, une seconde, donc c'est terminé.
M. Bérubé : On finance notre
assimilation en permettant l'accès universel aux cégeps anglophones.
La Présidente (Mme Thériault) :
Malheureusement, c'est terminé.
M. Bérubé : C'est ma
prétention.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, M. Dufour, je vais vous remercier pour votre participation en
commission parlementaire. Désolé de vous avoir coupé le micro, on va le dire
comme ça. Je suis la gardienne du temps, donc...
M. Dufour (Christian) : C'est
terminé?
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est terminé.
M. Dufour (Christian) : Merci
infiniment, hein, vraiment, c'était un beau débat. C'est un grand honneur.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je remercie.
Donc, pour les collègues, évidemment, la
commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 22 septembre, après les
affaires courantes. Merci. Bonne soirée, tout le monde.
(Fin de la séance à 18 h 43)