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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le jeudi 26 novembre 2020 - Vol. 45 N° 75

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 69, Loi modifiant la Loi sur le patrimoine culturel et d’autres dispositions législatives


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Table des matières

Auditions (suite)

Docomomo Québec

M. Gérard Beaudet

Union des producteurs agricoles (UPA)

Mémoires déposés

Autres intervenants

Mme Nancy Guillemette, vice-présidente

Mme Nathalie Roy

Mme Isabelle Melançon

Mme Ruba Ghazal

*          Mme Francine Vanlaethem, Docomomo Québec

*          M. Marcel Groleau, UPA

*          M. Paul Racette Dorion, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Douze heures vingt-deux minutes)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, bonjour, tout le monde. Bienvenue à la Commission de la culture et de l'éducation. Je demanderais à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir fermer leurs appareils électroniques.

Nous sommes réunis aujourd'hui pour poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 69, Loi modifiant la loi sur le patrimoine culturel et d'autres dispositions légales.

Donc, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme St-Pierre (Acadie) est remplacée par Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce); Mme Labrie (Sherbrooke), par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon (Joliette), par M. Bérubé (Matane-Matapédia).

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Y a-t-il des votes par procuration?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Lemieux (Saint-Jean) dispose d'un droit de vote par procuration au nom de M. Chassin (Saint-Jérôme), de M. Émond (Richelieu) et de Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré). Mme Melançon (Verdun) dispose, quant à elle, d'un droit de vote par procuration au nom de Mme Rizqy (Saint-Laurent).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, ce matin, nous entendrons l'organisme Docomomo Québec par visioconférence. Je souhaite la bienvenue à Mme France Vanlaethem. Vous aurez 10 minutes pour faire votre exposé aux parlementaires, et suite à ça il y aura un échange avec les membres de la commission. Donc, je vous laisse la parole tout de suite.

Docomomo Québec

(Visioconférence)

Mme Vanlaethem (Francine) : O.K. D'accord. Merci beaucoup. D'ailleurs, je voudrais commencer par remercier la Commission de la culture et de l'éducation de l'Assemblée nationale d'avoir sollicité Docomomo Québec en audition dans le cadre de l'examen du projet de loi n° 69.

Quelques mots sur Docomomo Québec, disons, une dénomination qui peut vous sembler bizarre. En fait, Docomomo Québec est une association fondée en 1890 vouée à la connaissance et à la sauvegarde de l'héritage de l'architecture novatrice du XXe siècle du Québec. Docomomo est l'acronyme de Documentation and Conservation of the Modern Movement, dénomination que s'est donnée l'organisation internationale, fondée en 1988 et représentée aujourd'hui dans plus de 70 pays et régions du monde, dont le Québec.

Étant donné la mission de Docomomo Québec, nous ne pouvons que nous réjouir du projet de loi n° 69, vu son objet unique, la préservation du patrimoine immobilier, composante majeure du cadre de vie et de l'expérience quotidienne.

Nous saluons l'extension de la délégation de pouvoirs en faveur des municipalités régionales de comté, tenues d'adopter des inventaires, et de l'obligation faite aux municipalités de se doter d'un règlement sur les démolitions. Nous nous félicitons des responsabilités nouvelles que se propose d'assumer la ministre en élaborant, d'une part, une politique de consultation afin de favoriser la participation des personnes et des organismes et, d'autre part, une méthode d'évaluation de l'intérêt patrimonial des immeubles et des sites.

Par contre, nous nous questionnons à propos du remplacement des plans de conservation des biens immobiliers classés par une grille de catégorisation.

Nous accueillons très positivement la création d'une table de concertation en matière de patrimoine immobilier gouvernemental afin de favoriser l'exemplarité de l'État en tant que propriétaire. Le mémoire que nous avons déposé souligne l'intérêt pour le patrimoine moderne de la création de cette table, une bonne part du parc immobilier gouvernemental datant du milieu du XXe siècle. Nous voudrions être assurés qu'au sein de la table de concertation le patrimoine moderne reçoive la même considération que le patrimoine ancien.

Notons qu'au Québec, à ma connaissance, rares sont les édifices gouvernementaux bénéficiant d'un statut patrimonial, et, parmi ceux-ci, encore plus rares sont les éléments du patrimoine moderne. Ainsi, ne sont pas inclus dans le site patrimonial de l'Assemblée nationale les édifices Marie-Guyart et Jean-Talon, construits à la fin des années 60, malgré leurs valeurs historique, architecturale, technique et urbaine.

Concernant les inventaires que doivent adopter les MRC, Docomomo déplore la date limite de 1940. Pourquoi? Car arrêter les inventaires en 1940 conduit à faire l'impasse sur les années 50 et 60, marquées par un boum constructif sans précédent et sans égal au Québec. Arrêter les inventaires en 1940, c'est se priver de la connaissance d'une part très grande du cadre bâti de la province. C'est courir le risque de perdre, par ignorance, non seulement des oeuvres architecturales significatives, mais encore d'altérer, par des rénovations et des reconstructions inappropriées, des ensembles qui offrent des milieux de vie familiers de qualité, à l'égal des anciens, vu leur échelle humaine, et leur cohérence bâtie, et la maturité de leur couvert végétal.

Aujourd'hui, plusieurs municipalités prennent des mesures pour requalifier leurs coeurs de village altérés par des interventions mal contrôlées. Voulons-nous répéter de telles erreurs dans nos quartiers plus récents? Outre de constituer des garde-fous contre les démolitions intempestives, les inventaires sont une source précieuse pour la prise de décision liée aux transformations urbaines et à la revitalisation des territoires. L'intérêt patrimonial de leurs composantes bâties n'est pas toujours évident, d'autant plus quand elles sont modernes, non familières.

Concernant l'élaboration de la méthode d'évaluation, Docomomo demande que celle-ci s'appuie sur les connaissances les plus actuelles offertes par l'ensemble des disciplines qui ont fait du bâti historique et du patrimoine leur objet d'étude. S'agissant de la valeur architecturale et urbanistique du patrimoine moderne, il faut tenir compte des importantes avancées faites en histoire de l'architecture moderne pour comprendre son originalité et sa diversité. Les notions que mettent généralement en oeuvre les professionnels dans les études patrimoniales doivent être complétées par d'autres qui permettront de cerner la spécificité de cette architecture et de cet urbanisme non traditionnel qui a réinventé de manière plus ou moins radicale, plus ou moins heureuse, la ville et le cadre bâti au XXe siècle. Soulignons de plus que, dans l'évaluation patrimoniale, le contexte du bien doit être pris en compte. Nous ajoutons que la méthode n'a pas seulement un intérêt pour accorder un statut, mais qu'elle doit aussi orienter celle suivie pour établir les inventaires.

Toujours concernant l'élaboration de la méthode d'évaluation, Docomomo propose qu'elle tienne compte de l'enjeu du développement durable. Une des membres de la Direction du patrimoine a consacré son mémoire de maîtrise à l'évaluation du patrimoine au développement durable. Je le mentionne, ce document, car j'ai oublié de le faire dans le mémoire de Docomomo Québec. Dans ce document, elle propose d'étendre l'exploration des valeurs au patrimoine... du patrimoine, pardon. Du point de vue du développement durable, il s'agit de juger de l'intérêt de protéger et de conserver les immeubles ou les sites du point de vue social, économique et écologique, les fameux trois piliers, donc de poursuivre l'exploration des valeurs dans le temps présent et en regard de l'avenir, plutôt qu'en lien avec le passé.

Explorons quelques aspects qui pourraient être cernés : les perceptions et les aspirations de la collectivité en regard du patrimoine; son potentiel économique, touristique; le coût de son maintien et l'impact d'une reconversion sur la valeur culturelle; sa performance énergétique en termes de consommation et d'immobilisation, la fameuse énergie grise; voire sa valeur écologique. Ce genre d'intérêts échappe à la Loi sur le patrimoine culturel. Ces valeurs supplémentaires pourraient être considérées sous l'angle de l'opportunité de conférer un statut, un volet qu'avait introduit la méthode d'évaluation produite par le ministère des Affaires culturelles en 1988. Donc, vous voyez que l'idée d'élaborer une méthode d'évaluation de l'intérêt patrimonial n'est pas, comment dire, nouvelle au sein du ministère.

• (12 h 30) •

Concernant la politique de consultation, dont un élément clé est la formation, inscrite dans le projet de loi, d'une table des partenaires, nous soulignons l'intérêt d'une telle instance dont la portée est à la fois informative et pédagogique. Dans un tel cadre, les partenaires venus d'horizons divers, administration publique, société civile, métiers, professions et universités, pourront informer la ministre de leurs préoccupations et leurs expériences et échanger leurs points de vue et savoirs.

Finalement, il nous semble qu'une des recommandations du Vérificateur général est bien peu prise en compte dans le projet de loi : la recommandation n° 3 qui souligne l'importance de sensibiliser les citoyens et les acteurs du milieu à la valeur du patrimoine. Seul le point 6 du plan d'action y est consacré, sans qu'aucun partenaire ne soit identifié. Nous pensons que l'élaboration d'une stratégie de mise en valeur du patrimoine est cruciale. Une telle stratégie présente bien des bénéfices. Les citoyens sont aussi, pour certains, les propriétaires d'immeubles patrimoniaux qu'il faut convaincre d'en prendre soin, d'autres oeuvrent, dans leur vie professionnelle, à leur entretien et à leur actualisation, et finalement tous peuvent en jouir et apprendre des lieux chargés d'histoire et de mémoire.

Pour terminer, je voudrais attirer votre attention sur le fait que Docomomo Québec a envoyé, par Les Publications du Québec, au... de la commission, à destination des membres de la commission, le livre Patrimoine en devenir : l'architecture moderne du Québec, publié en 2012 à l'initiative du Conseil du patrimoine culturel, dont j'ai été membre pendant plusieurs années. Malheureusement, le livre s'est perdu. Cet ouvrage fait le point sur la protection et la conservation du patrimoine moderne et propose un premier inventaire, abondamment illustré, des éléments remarquables du patrimoine moderne du Québec. Je pense qu'il peut être utile aux travaux de la commission. Je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Donc, nous passons maintenant aux échanges avec les parlementaires. Je laisserais la parole à Mme la ministre.

Mme Roy : Oui, merci beaucoup. Je vais mettre mon chronomètre. Bonjour, madame. Comment prononcez-vous votre nom? Je veux bien le prononcer, votre nom de famille.

Mme Vanlaethem (Francine) : Très simplement, madame : Vanlaethem. Vous oubliez toutes les lettres qui vous dérangent, le h, le e.

Mme Roy : Bien, je suis bien contente de vous rencontrer. Merci pour le mémoire. Et je pars mon chronomètre à l'instant. D'abord, merci pour le travail qui est accompli, merci pour la défense du patrimoine bâti. Et je salue tous les groupes qui viennent nous rencontrer, parce que c'est un travail de longue haleine, c'est un travail fait par des passionnés et chacun dans leur secteur, il y a des époques, il y a des styles, et vous en êtes la preuve aujourd'hui avec votre organisation qui se consacre sur l'architecture du XXe siècle au Québec.

J'aimerais tout de suite, si vous me permettez, avant de vous poser quelques questions, juste vous rassurer. J'ai lu votre mémoire, et je vois que vous avez des inquiétudes qui sont soulevées, et je pense que... Je veux me permettre de vous rassurer, ici, parce qu'il y a des choses qui sont dites dans le mémoire et qui ne sont pas tout à fait exactes. Alors, je vais juste vous préciser où nous allons et où la loi s'en va, puis je pense que c'est important pour qu'on soit tous sur la même base.

Par ailleurs, vous nous dites, quand vous nous parlez des plans de conservation, que nous allions les remplacer par une grille, on les convertit en grille. Ce n'est pas tout à fait ça. Enfin, ce n'est pas ça que la loi prévoit. Puis je veux vous rassurer, les plans de conservation, on ne les jette pas, on ne s'en débarrasse pas. Bien au contraire, nous souhaitons leur donner force de loi. Alors, ce qu'il adviendra de ces plans de conservation qui sont faits, entre autres, pour nos 13 sites déclarés, nous les convertissons en règlement. Et vous savez comme moi qu'un règlement a force de loi, alors qu'un plan de conservation est un plan de conservation, n'a pas force de loi et peut être changé, interprété de différentes façons, au gré des personnes qui ont à travailler avec.

Alors, c'est important pour nous de conserver ces plans de conservation, puisqu'ils se sont faits, c'est du travail de longue haleine fait avec les groupes, fait avec le milieu, fait avec les municipalités conservées, fait avec les gens du ministère. Donc, les plans de conservation, nous les convertissons, nous les transformons en règlement et non en grille. Donc, c'est pour leur donner une force, encore... enfin, comme je vous disais, là, donner force de loi.

Et il y a plusieurs motifs à ça. De un, comme premier motif qui est un motif légal, ça a force de loi, donc c'est plus fort. Deuxième motif, et vous nous évoquez dans votre document le rapport de la Vérificatrice générale, elle a été très critique à l'égard des plans de conservation, très critique à l'égard de leur utilisation, très critique à l'égard de la connaissance de ces plans. Il y a des mots assez durs qu'elle a dits relativement aux plans de conservation, et c'est la raison pour laquelle nous les transformons en règlements, donc, pour les rendre... pour leur donner une force de loi, mais aussi dans un souci de transparence et de prévisibilité.

Lorsque vous avez un règlement, vous connaissez l'adage légal : Nul n'est censé ignorer la loi, bien, c'est la loi et ses règlements, là, c'est la même chose. Et ces règlements-là permettront plus de prévisibilité, plus de transparence. Par exemple, si je pense à un citoyen qui souhaite s'établir dans un site déclaré, qui est la plus haute mesure de protection que le gouvernement accorde en matière de protection du patrimoine, eh bien, les gens pourront référer au règlement sur le site déclaré, et donc ça leur donnera de la prévisibilité, ça leur donnera de l'information. Les gens, là, je vous parle des citoyens, je vous parle d'acheteurs éventuels, ou de vendeurs éventuels, ou de gens qui souhaiteraient faire des modifications aux bâtiments qui sont concernés... ou encore aux villes, aux administrations municipales. Donc, c'est pour donner plus de prévisibilité à tout le monde. Si quelqu'un veut venir s'établir puis faire de la construction, bien, il aura beaucoup plus... toute cette information-là sera colligée dans la loi.

Donc, c'est vraiment... je veux vous rassurer là-dessus, là, nous ne jetons pas aux poubelles les plans de conservation, nous les transformons en règlement, et ce qui nous permettra, lorsqu'on sera rendus à cette transformation, de faire certains ajustements à la lumière de ce que plusieurs groupes et des citoyens ont pu constater dans l'application des plans, par ailleurs, pour les rendre... pour tenter de les simplifier et de les rendre encore plus pratiques. Alors, ça, c'était mon premier point, je voulais vous rassurer à cet égard-là.

Deuxième point, qui est très, très important. Je comprends que, lorsqu'on lit la loi et lorsqu'on lit — attendez un petit peu — ...à l'égard des notes explicatives, je crois, on ne va pas assez loin dans les notes explicatives. Et, à l'égard de la loi, je veux vous rassurer tout de suite, il est faux de dire qu'on arrête les inventaires en 1940, comme il est écrit dans votre mémoire. Puis je veux vous rassurer, ce n'est pas du tout ça, bien au contraire. Le 1940, c'est un minimum. Nous disons : Pour la création des inventaires, vous devez minimalement, là, inventorier ce qui est patrimonial sous le 1940. Mais on ouvre toute grande la porte à toute administration, à toute MRC qui souhaiteront aller bien au-delà. Et ça, c'est important de le souligner, c'est un peu... Dans la loi, c'est à l'article 38. Alors, l'article 38 crée l'article 120, et on y indique clairement que la municipalité régionale de comté pourra, comme elle le souhaite, inclure des immeubles dont la construction est plus récente.

Et ça, c'est par souci, aussi, d'autonomie, autonomie des villes et des municipalités, donc, parce qu'elles ont déjà... certaines d'entre elles qui sont... plusieurs sont exemplaires, ont déjà des inventaires pertinents qui vont bien au-delà de 1940. Et donc nous souhaitons, ultimement, que ces inventaires-là soient mis à jour et soient basculés dans un inventaire centralisé au ministère de la Culture, des Communications. Alors, je voulais vous rassurer là-dessus, Mme, il n'est pas question qu'on arrête et puis qu'on bannisse tout ce qui est après 1940, bien au contraire.

Oui, allez-y. Oui, j'aimerais vous entendre parler là-dessus, allez-y. Je vois que vous voulez me poser une question. Allez-y.

Mme Vanlaethem (Francine) : Bien, j'aimerais bien, oui.

Mme Roy : Oui, oui, oui. Puis après j'ai des questions, mais je voulais vous rassurer en partant.

Mme Vanlaethem (Francine) : Mais je vais y aller vite pour laisser tout le temps à vos questions. Il y a une chose que je comprends... Est-ce que vous allez continuer à faire les plans de conservation pour tous les biens qui doivent en avoir et qui n'en ont pas encore? C'est ça qui n'est pas clair.

Mme Roy : Les plans de conservation sont remplacés par des règlements, et ce seront des règlements qui géreront la suite des choses, donc, pour donner, comme je vous disais, cette force aux obligations — tiens, je vais dire le mot — aux obligations qui sont de part et d'autre, là, qui sont en vigueur avec ces plans de conservation. Donc, pour la suite des choses, ce sera des règlements.

• (12 h 40) •

Mme Vanlaethem (Francine) : Mais, par exemple... Pardon, excusez-moi.

Mme Roy : Non, non, allez-y.

Mme Vanlaethem (Francine) : Par exemple, vous avez un nouveau site patrimonial classé. Comment vous l'encadrez pour que les propriétaires puissent savoir ce qu'ils peuvent faire, ne pas faire? Est-ce que vous allez... le ministère va encore élaborer des plans de conservation? Je comprends qu'ils deviennent des règlements, mais il y a tout un travail préalable, qui, en fait, comment dire, consiste... Il y a l'étude patrimoniale qui sert dans le plan de conservation, elle réapparaît, et puis en plus, après, on définit des orientations pour le futur. Est-ce que ce genre de document spécifique à un bien va continuer à être produit? C'est ça que je n'avais pas très bien compris, en effet, ni dans le projet de loi ni dans les notes explicatives.

Mme Roy : Maintenant, il y aura désormais des règlements, mais il est sûr qu'il faudra continuer à encadrer, là, le... Et c'est pour ça qu'on refait, dans la loi, les grilles d'évaluation mais aussi la catégorisation. Et on veut mettre ça plus clair, plus accessible, plus simple, donc, mais c'est vraiment une disparition des plans de conservation, mais tout le travail de réflexion demeure le même. Au lieu que ce soit dans un plan, ce sera dans un règlement, mais le travail de réflexion demeure. Mais, avant ce travail de réflexion, on fait une mise à jour des critères, et ça, ce sont dans les articles plus avant du projet de loi. Maintenant, moi, j'aurais une question à vous poser... Oui, allez-y.

Mme Vanlaethem (Francine) : Est-ce que je peux encore dire quelque chose sur la date de 1940?

Mme Roy : Absolument, allez-y.

Mme Vanlaethem (Francine) : Je suis bien... Excusez-moi. Je suis bien consciente, vous savez, je suis bien consciente que 1940, comment dire, est la date jusqu'à laquelle les inventaires doivent aller. Je suis bien consciente que les villes peuvent, comment dire, aller au-delà. Mais, moi, ce qui m'inquiète, c'est que 1940 soit inscrit dans la loi. Je pense que, dans le mémoire, on argumente pourquoi on trouve qu'une date butoir n'a pas grand sens. Je ne vais pas le redévelopper ici, je vais vous laisser poser votre autre question. J'étais bien consciente, mais je pense que je ne suis pas la seule... nous ne sommes pas les seuls à le dire.

Mme Roy : Non, effectivement. Alors, on prend... c'est pour ça qu'on fait ces commissions-là, Mme, pour vous entendre et pour voir comment on peut améliorer le projet de loi. Cela dit, ce n'était pas une date aléatoire, c'est une date qui est utilisée dans les analyses. Après la période française, la période britannique, il y a la période nord-américaine, et on la situe fin 1930, début 1940, donc elle correspond à une époque architecturale, et c'est pour ça que cette date-là avait été signifiée. Dans la mesure où... ces bâtiments étant plus rares, plus anciens, on dit : Minimalement, on doit les inclure absolument dans nos inventaires.

Maintenant, je vais vous poser une question. À l'égard, entre autres... Vous dites : Nous saluons l'extension de la délégation de pouvoirs en faveur des municipalités régionales de comté — ce qu'on appelle les MRC — qui seront tenues... elles seront tenues — pardon — d'adopter des inventaires, et également nous saluons l'obligation faite aux municipalités de se doter d'un règlement sur les démolitions. Pourquoi, selon vous, est-ce que ce sont deux bonnes mesures qui vont aider à la sauvegarde du patrimoine? J'aimerais que vous élaboriez. Si vous le saluez, qu'est-ce que vous trouvez qui est pertinent là-dedans?

Mme Vanlaethem (Francine) : Je pense qu'au niveau des municipalités régionales de comté, primo, elles gèrent un territoire plus large, donc le point de vue est plus élargi. Et aussi je pense qu'il y a... Vous savez, ce milieu-là, je ne le connais pas très bien. J'ai eu quelques expériences, je pense aussi qu'il y a plus de compétences à ce niveau-là.

Je vais vous expliquer, comment dire, un cas que j'ai vécu, qui est le cas, comment dire, de l'Estérel, dont, d'ailleurs, le centre commercial est classé... enfin, la tête du centre commercial est classée. Et j'ai eu l'occasion, comment dire, de voir qu'il y avait une beaucoup plus grande ouverture pour, comment... la protection de ce bien au niveau de la MRC que de la municipalité.

Parce que la municipalité est aussi beaucoup plus prise avec, comment dire, des enjeux financiers, elle doit gérer, comment dire, les citoyens. Enfin, je pense que ce niveau-là est un niveau qui est préférable. Je sais qu'il y a bien des gens qui disent que le niveau municipal, même s'il est, comment dire, un niveau supérieur, n'est pas très efficace, mais cette disposition est tellement inscrite dans la loi depuis si longtemps que je vois mal comment vous pourriez, au niveau de l'État central, tout gérer.

Mme Roy : Et vous parlez de... Oui, allez-y.

Mme Vanlaethem (Francine) : Et, comment dire, les règlements de démolition, c'est sûr que ça, c'est un domaine que je connais moins, parce que... Vous avez vu dans le mémoire, il n'est pas redéveloppé par la suite, parce que je pense qu'il faut arrêter les démolitions. Il faut mettre en place des mesures qui permettent qu'on puisse, comment dire, se pencher de manière rationnelle sur la démolition des bâtiments. C'est tout.

Mme Roy : D'accord avec vous. Et c'est pour ça que, dans notre projet de loi, nous mettons en place un mécanisme. Hier, il y avait des groupes qui nous expliquaient... même un spécialiste en droit municipal qui nous expliquait que, lorsqu'une municipalité n'a pas de règlement de démolition, la municipalité est obligée d'accorder le permis, s'il n'y a pas de règlement, et que le nouvel acquéreur du bâtiment répond aux critères, là, et ce qui donne lieu à des atrocités. Et c'est justement ce qu'on veut éviter avec ce projet de loi, de faire en sorte qu'il y ait un mécanisme, un processus, une procédure d'analyse avant qu'une municipalité émette son fameux permis de démolition.

Donc, moi, ce que je souhaite, c'est qu'il y ait... que nous puissions arriver, avec ce nouveau projet de loi, à faire en sorte que toutes les instances impliquées l'analysent avant que la ville... Donc, de un, les municipalités auront cette obligation d'avoir ce règlement de démolition. Mais ce n'est pas tout. À la suite, il va falloir que les gens forment un comité, analysent la demande, et qu'on réponde également aux citoyens dans un délai imparti, et qu'on informe aussi la ministre puis le ministère.

Parce que ça, c'est le gros, gros, gros problème auquel je suis confrontée depuis mon arrivée, il n'y a pas... À partir du moment où un permis de démolition est accordé ou émis, personne ne nous avertit, là, on apprend le jour même qu'il y a des pelles mécaniques. Naturellement, certaines personnes sonnent l'alerte, puis il peut y avoir un groupe qui nous appelle à quelques minutes de l'intervention, mais lorsque c'est fait.

Donc, ça nous donne... le projet de loi, avec le processus que nous voulons mettre en place, nous donne du temps pour réfléchir, du temps pour le milieu de s'impliquer, aussi, pour que les citoyens soient informés. Parce qu'il y a des choix à faire. On ne peut malheureusement pas tout protéger, pas tout classer, pas tout citer, c'est impossible, puis on n'a pas les moyens de le faire. Mais, si le milieu s'implique, les citoyens s'impliquent, la population dit : Pour nous, c'est important, cet édifice, même s'il n'a pas de grande valeur pour être classé, bien, tant mieux, on va pouvoir le protéger si tout le monde se mobilise.

Mais ultimement, c'est une autre réalité, on ne peut pas tout protéger, mais, par ailleurs, le processus pour éviter les démolitions sauvages sans que personne ne soit averti, sans qu'il n'il y ait eu de processus d'étude, c'est à ça qu'on veut mettre fin. Mais c'est un équilibre fragile, hein, entre les groupes, entre les villes, entre l'intérêt du citoyen, du propriétaire, puis il faut trouver le juste milieu entre tout ça.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la ministre, c'est tout le temps qu'on avait.

Mme Roy : Merci, Mme, merci infiniment. Désolée, j'ai...

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, je passerais maintenant la parole à la députée de Verdun pour 9 min 54 s. Mme la députée.

Mme Melançon : Merci beaucoup. Alors, à mon tour de saluer madame Vanlaethem, qui est avec nous aujourd'hui. Merci infiniment. On a pris beaucoup de temps pour lire les mémoires, et je dois vous dire qu'il est très bien étayé.

Et je veux vous dire, au passage, concernant les plans de conservation, vous n'êtes certainement pas la seule à avoir noté qu'il y a peut-être une problématique à abolir les plans de conservation, bien qu'ils soient transformés en règlement, puisque, dans les plans de conservation, on donne une orientation, et cette orientation-là qui a été... Parce que des plans de conservation, c'est fait avec des tables, des gens. Je comprends bien pourquoi Héritage Montréal, Action Patrimoine, vous avez noté, et j'ai pris bonne note. Donc, pour la suite des choses, on pourra voir avec les gens du ministère, avec la ministre et son équipe, à éclaircir certains points, parce que, je vous le dis, vous n'êtes pas la seule, pour avoir pris le temps de faire lecture des différents mémoires qui nous ont été envoyés.

J'aimerais vous entendre sur... Vous parlez des moyens financiers et des moyens humains qui seront nécessaires pour la suite, hein, à la suite, si jamais le projet de loi était adopté dans sa version actuelle. Est-ce que vous pouvez nous éclairer un peu sur ce que vous voyez comme problématique ou, en tout cas, comme danger?

• (12 h 50) •

Mme Vanlaethem (Francine) : Ah! ce qu'il y a... ce que je vois, bon, c'est qu'au niveau du ministère de la Culture l'équipe qui s'occupe du patrimoine est assez restreinte. Et j'ai la mémoire qu'au beau temps du patrimoine, c'est-à-dire dans les années... Bien, le patrimoine a connu, comment dire, une effervescence très grande dans les années 70 et 80. À cette époque-là a été mis en place au sein de la fonction... enfin, au sein de l'administration, au sein du ministère une direction du patrimoine. Et j'ai lu, dans, comment dire, le rapport de Mme Courchesne et de M. Corbo, et comme je le souligne, d'ailleurs, dans le mémoire, qu'à cette époque-là, si on fait les calculs, il y avait plus de six fois de personnes, au sein du ministère de la Culture, qui s'occupaient de patrimoine en comparaison à aujourd'hui.

Alors, si on a pu être, comment dire, sans doute très ou moyennement efficace au niveau du patrimoine, c'est parce qu'il y avait des gens compétents, des gens, comment dire... un assez grand nombre de fonctionnaires qui s'occupaient du patrimoine. Aujourd'hui, j'ai toujours... bien, je suis quelquefois en contact avec eux, j'ai toujours l'impression que vous éteignez des feux, mais que, comment... c'est bien difficile d'avoir une gestion rationnelle du patrimoine. C'est de là que vient ma...

Et puis il y a l'autre volet qui est le volet de notre situation contemporaine, qui, au niveau économique, est assez alarmante, par la force des choses. Comment allons-nous nous payer tous ces moyens dont on aurait besoin pour, comment dire, préserver notre patrimoine? C'est ça, mon grand souci, c'est bien de mettre en place des choses, mais il faut aussi avoir les gens qui peuvent les traiter.

Mme Melançon : Tout à fait. Merci. Merci beaucoup. D'ailleurs, dans certains mémoires, je pense notamment à l'Union des municipalités du Québec, à la Fédération québécoise des municipalités, on parle aussi de devoir augmenter le financement des municipalités, avec les nouveaux pouvoirs qu'on va leur délester. Et, en ce sens-là, on va devoir aussi chiffrer, à un moment donné, pour justement éviter de faire un cadre dans une loi puis, après ça, dire : Bien, tout ça était bien beau sur papier, mais en réalité on doit... Tout doit suivre, quoi.

Petite autre question pour vous. Sur le 1940, sur la date, j'entendais tout à l'heure la ministre exposer sa position ou sa lecture. Là aussi, je peux vous dire, il y a de nombreux groupes qui ont quand même remis en doute la date. Je veux quand même aussi vous rappeler que, lorsqu'on fait une loi, on ne la fait pas pour cette année, hein, on la fait pour les décennies. Et je vous entendais bien sur le fait qu'on va vieillir, nous aussi, avec les bâtiments, en fin de compte, et, dans 10 ans, bien, ce qui aura été retenu ou non retenu par les municipalités, c'est qu'il y a un travail qui devra toujours être pris, peut-être avec un peu de retard. C'est ce que j'entends aussi.

Puis j'entends, la place du patrimoine moderne, à quel point c'est important pour vous. Peut-être nous éclairer un peu là-dessus, parce que ce n'est pas tout le monde qui nous a parlé du patrimoine moderne.

Mme Vanlaethem (Francine) : J'ai bien compris, et je le répète, que 1940, c'était une date butoir et qu'on pouvait aller au-delà, mais, comme c'est une... Ça, c'est l'obligation, il faut qu'il y ait de la bonne volonté, dans les municipalités, pour aller au-delà.

Bon, moi, je suis une nouvelle arrivante de très longue date, O.K., j'ai fait toute ma carrière au Québec. Le Québec m'a donné des opportunités exceptionnelles, puisque j'ai été à l'UQAM depuis presque les débuts. Et je trouve que cette période-là, pour l'histoire du Québec, est tellement importante. Mais toutes les périodes sont importantes, mais celle-là aussi, elle est très importante. Et le Québec a produit des architectures tout à fait exceptionnelles, notamment dans le patrimoine religieux. Je sais qu'on a bougé la date. Il y a des oeuvres, il y a des églises qui peuvent être... qui sont comparables à la production architecturale internationale. On les connaît moins, sur la scène internationale, mais on a des architectes qui sont tellement créatifs, aussi tellement identitaires. C'est une architecture moderne qui est vraiment québécoise. Et, je ne peux pas vous dire autrement, pour moi, c'est... il y a des choses qu'on risque de perdre. Je pense, par exemple, comment dire, à l'église Notre-Dame-de-Fatima.

Je sais aussi qu'il y a tout... il y a un autre enjeu qui est tellement important au patrimoine, qui est l'usage, parce que vouloir conserver des biens, mais quand on n'en a pas l'usage, enfin, ou quand on ne trouve pas d'usage, comment dire, c'est difficile à faire. Je sais que, comment dire, en matière de patrimoine religieux, il y a un nouveau programme qui a été mis en place qui, en fait, comment dire, vise à essayer, avec le milieu local, d'explorer de nouvelles avenues pour trouver des nouvelles vocations à des lieux de culte, ce qui est très, très bien, alors qu'avant c'étaient uniquement des travaux, comment dire, d'entretien, ou de réparation, ou de restauration. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Mme Melançon : Oui, oui, bien sûr, bien sûr. C'est que je sais à quel point Docomomo parle beaucoup du patrimoine moderne, et ce n'est pas le cas, nécessairement, de tous les groupes que nous avons entendus. Donc, c'est pour ça que je voulais tendre l'oreille à ce sur quoi vous... bien, à ce qui vous anime, en fin de compte. Oui, allez-y.

Mme Vanlaethem (Francine) : Est-ce que je peux vous dire une chose? En fait, l'héritage de l'architecture moderne, c'est sûr qu'il est mal aimé, mais c'est parce que c'est une architecture qui a rompu avec la tradition, c'est une architecture qui est non conventionnelle et donc... Et aussi, l'autre élément important, c'est que le mouvement patrimonial des années 1970‑1980, qui a été particulièrement vigoureux, quelque part, a trouvé sa motivation dans son opposition à l'architecture moderne, et, j'en conviens, parfois à raison. Et donc, sur l'architecture moderne, il y a comme... quelque part, elle reste stigmatisée. Et je prendrais comme... Je vais m'arrêter, si vous voulez.

Mme Melançon : Non, non, allez-y, allez-y, il vous reste quelques secondes. C'est moi qui regardais la présidente pour voir combien de temps il me restait. Allez-y.

Mme Vanlaethem (Francine) : O.K. Par exemple, je déplore que les bâtiments modernes de la colline du Parlement ne soient pas dans, comment dire, le site national de l'Assemblée nationale, parce que je pense que, comment dire... Le bâtiment Jean-Talon, je pense qu'il est toujours stigmatisé parce que, pour le construire, on a démoli, comment dire, des maisons de la Grande-Allée. Or, pour moi, ce bâtiment-là, quand on le regarde dans le paysage, comment dire, de la colline, avec l'Assemblée nationale au milieu, et puis il y avait ce bâtiment-là qui, dans sa tête, abritait le bureau du premier ministre et la salle, comment dire, du Conseil des ministres, pour moi, c'était éminemment symbolique. Et, à un moment donné, comment dire, le bureau du premier ministre a déménagé et est allé dans un bâtiment plus ancien. Donc, voilà le, comment dire... je pense qu'il faut comprendre le patrimoine, il faut l'expliquer. Au-delà de l'aimer, il faut le comprendre, il faut l'expliquer.

Mme Melançon : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme Vanlaethem. Donc, merci pour votre contribution majeure aux travaux de la commission.

La commission suspend maintenant ses travaux afin de poursuivre un autre mandat.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 15 h 02)

La Présidente (Mme Guillemette) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission culture et éducation reprend ses travaux. Je vous demande de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos appareils électroniques.

Nous poursuivons les audiences publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 69, Loi modifiant la Loi sur le patrimoine culturel et d'autres dispositions législatives.

Donc, cet après-midi, nous entendrons M. Gérard Beaudet et L'Union des producteurs agricoles. Donc, bienvenue, M. Beaudet. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et ensuite il y aura une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite à vous présenter et à présenter l'organisme pour lequel vous êtes ici. Et je vous cède la parole pour 10 minutes.

M. Gérard Beaudet

(Visioconférence)

M. Beaudet (Gérard) : Merci. Donc, Gérard Beaudet. Je suis professeur titulaire à l'École d'urbanisme et d'architecture de paysage de l'Université de Montréal.

Donc, bon, la présentation que je vais faire va s'articuler à quelques éléments du projet de loi. Donc, je ne propose pas un regard exhaustif, mais il y a un certain nombre d'éléments qui ont particulièrement retenu mon attention.

D'entrée de jeu, je pense qu'il faut mentionner que certaines initiatives sont fort bien accueillies. Je pense que l'idée d'avoir une politique de consultation, d'avoir des méthodes d'évaluation qui sont bien définies et d'avoir des grilles de catégorisation, c'est tout à fait souhaitable. Je dirais, par ailleurs, que, si tout ça pouvait se profiler sur une politique du patrimoine, ça serait encore mieux parce qu'on aurait effectivement un cadre de référence qui sous-tendrait ces différents éléments là et permettrait d'établir des liens.

La question de la table des partenaires, je pense que tout le monde applaudit à cette idée. Comme beaucoup d'autres intervenants, je souhaiterais qu'elle soit la plus inclusive possible et qu'elle serve, notamment, à échanger les pratiques exemplaires, parce que les pratiques sont très, très inégales. Et, compte tenu des défis auxquels on va être confrontés, je pense que de partager tout ce qui s'est développé, tout ce qui s'est fait au cours des dernières années, ça serait une bonne manière de bien asseoir l'ensemble des interventions.

La liste des éléments à considérer lors des analyses des demandes, ça aussi, ça m'apparaît fort intéressant. Ça s'apparente d'ailleurs, à certains égards, à ce qu'on connaît en urbanisme avec les règlements sur les plans d'implantation et d'intégration architecturale, c'est-à-dire que ça permet de combler une espèce de flou artistique qui existe, où on ne sait pas trop sur quoi on se base, on ne sait pas trop quels sont les paramètres qu'on va utiliser. Et donc ça permet à tout un chacun de voir venir et de mieux situer les interventions des uns et des autres.

La question du permis de démolition, bon, je pense que c'est central, je pense que tout le monde attendait qu'il y ait quelque chose qui soit fait. Les dernières années ont été assez difficiles, sur le terrain, de ce point de vue là. Par contre, ce qui est proposé m'apparaît tout à fait insuffisant. Tout à fait insuffisant parce que ça ne règle pas le problème, notamment, de la négligence. Et on sait que c'est une pratique immobilière très répandue, où on s'assure que le bâtiment soit dans un tel état qu'éventuellement il sera facile d'avoir un avis d'expert qui va venir confirmer que le bâtiment est irrécupérable, et on ne s'attaque pas à ce problème-là.

On ne s'attaque pas non plus à un autre problème qui est un peu le... qui est un peu... qui est le conflit d'intérêts, réel ou perçu, dans le cas des municipalités à qui on demande d'être juges et parties à la fois. Et je m'explique. Pourquoi juges et parties à la fois? Tout simplement parce que les municipalités sont parfois responsables des situations qui entraînent des démolitions. J'y reviendrai à la fin de mon exposé, en parlant davantage de l'urbanisme et de la pratique de l'urbanisme en milieu patrimonial. Mais il est clair que plusieurs municipalités adoptent des cadres réglementaires, à l'égard des milieux anciens, qui créent des pressions telles qu'il ne faut pas se surprendre, éventuellement, que des bâtiments soient démolis ou qu'on doive se résigner — par exemple, à Montréal — à une pratique qu'on nomme dans le milieu le façadisme, tout simplement parce que les cadres bâtis anciens sont mis sous une pression qui devient totalement intolérable, à tel point que, dans certains cas, on sait que la valeur des terrains peut même excéder la valeur des bâtiments.

Et ça, c'est un problème qui est récurrent, c'est un problème qu'on retrouve dans toutes les municipalités, qui est lié à la fiscalité municipale. C'est clair que les municipalités sont parfois un peu coincées et le redéveloppement est parfois la seule véritable avenue pour être capable de bien ficeler les finances municipales. Et ça, c'est complètement laissé à l'écart, c'est complètement laissé dans l'angle mort du projet de loi, que ces pratiques qui sont contraires, évidemment, à une bonne gestion, à une saine gestion du patrimoine.

La question des MRC, là aussi, j'ai de sérieux doutes. Quand on sait comment opèrent les élus à la table du conseil des MRC, quand on sait à quel point, depuis le tout début de l'aventure des MRC, il est extrêmement difficile d'aller à l'encontre du bon vouloir d'une ou de quelques municipalités, je vois mal comment les MRC pourraient être tentées, devant, par exemple, la résistance d'une municipalité, d'aller attribuer un statut à un bâtiment de cette municipalité-là et comment une MRC pourrait être tentée de désavouer un permis de démolition, toujours dans le même contexte. Je pense que les propositions qui sont faites révèlent qu'on comprend très, très mal la dynamique politique, à la table des conseils des MRC, ou, dit autrement, ça fait preuve, à mon sens, d'une très grande naïveté à l'égard de la manière dont se jouent les dossiers... dont se négocient les dossiers à la table des MRC.

La question des inventaires, je pense que, ça aussi, c'est salué par à peu près tout le monde. Bien connaître, c'est un premier bon pas pour assurer une saine gestion du patrimoine. La réserve que j'ai, en fait, c'est dû au fait que, malheureusement, la plupart des inventaires sont beaucoup trop fragmentés. En fait, les inventaires, la plupart des inventaires que je connais sont des inventaires architecturaux. Or, le patrimoine ne se résume pas à une collection de bâtiments. Le patrimoine, ce sont aussi des paysages, ce sont aussi des ensembles territoriaux en milieu urbain, en milieu rural, en milieu périurbain. Et les inventaires, jusqu'à récemment, sauf exception, ont beaucoup de difficulté à cerner ces réalités-là.

L'autre élément qui pose problème, avec la question des inventaires, c'est la portée de cette pratique-là. Ce n'est pas parce qu'on fait des inventaires qu'on est capables d'avoir une saine gestion du patrimoine. L'inventaire a beaucoup, beaucoup d'intérêt, mais comporte aussi des lacunes importantes. Par exemple, à peu près aucun inventaire ne pose un réel diagnostic territorial, c'est-à-dire un état de la situation qui permet de comprendre quelles sont les dynamiques qui affectent les différents territoires, quelles sont les dynamiques qui affectent les territoires environnants à un milieu patrimonial et comment est-ce que tout ça peut jouer en faveur ou en défaveur du patrimoine. Or, il faudrait que nos inventaires aillent bien au-delà de la collection d'informations sur les milieux et bien au-delà d'une approche qui est beaucoup trop exclusivement architecturale.

• (15 h 10) •

Les plans de conservation, j'ai été étonné de voir qu'on les faisait disparaître. À ma connaissance et par expérience, un des principaux problèmes qu'on a, avec le patrimoine, depuis des décennies, c'est qu'on navigue à vue, c'est qu'on ne sait pas où on s'en va, on improvise, on s'adapte à chaque conjoncture, on s'adapte à chaque nouvelle pression immobilière. Il me semble qu'un plan de conservation c'est quelque chose qui nous permet au moins d'avoir un minimum d'agenda, qui nous permet d'avoir une cartographie, qui nous permet un peu de savoir où on s'en va et qui nous permet aussi d'éviter d'aller où on ne veut pas aller. Et donc il me semble qu'on devrait préserver la question des plans de conservation.

Et d'autant plus que, pour moi, un des grands problèmes en matière de patrimoine, au Québec, c'est qu'on n'a pas été capables de relever le défi d'une prise en charge du patrimoine par l'urbanisme. Déjà, dans les années 50, Gérard Morisset et Georges-Émile Lapalme souhaitaient qu'on confie à l'urbanisme la responsabilité de s'assurer, collectivement, que le patrimoine est bien pris en charge. Quand la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme a été adoptée, on s'est réjouis du fait qu'on prévoyait que les schémas d'aménagement, les plans d'urbanisme devaient intégrer des références aux territoires qui présentaient un intérêt patrimonial. Ça a été fait. Ça n'a pas toujours été fait avec un grand enthousiasme, ça a été parfois fait avec un peu de mauvaise foi. Mais ce qu'il faut constater, c'est qu'on n'est pas allés au-delà de l'identification dans la majorité des schémas d'aménagement et des plans d'urbanisme.

Et même, pire, on retrouve, dans plusieurs schémas d'aménagement et plan d'urbanisme, des contenus, notamment, réglementaires qui vont complètement à l'encontre de l'intérêt des secteurs patrimoniaux, que ce soit parce que les règles d'urbanisme sont trop laxistes, que ce soit parce que les normes sur les hauteurs, sur les densités, sur les usages sont incompatibles avec une saine gestion du patrimoine, que ce soit parce qu'on ouvre toute une série d'avenues qui risquent fort d'être empruntées par des promoteurs qui sont peu soucieux du patrimoine et où, à partir du moment où ça se fait en toute légalité, bien, évidemment, on ne peut pas revenir en arrière, on ne peut pas bloquer les projets. Et ça, il y a plein de plans d'urbanisme et de schémas d'aménagement, au Québec, qui ont cette lacune, où on n'est pas capables d'être cohérents, on n'est pas capables d'être conséquents, où, à partir du moment où on a identifié un secteur patrimonial, il faut jouer les règles du jeu comme elles se jouent en milieu patrimonial et non pas faire comme si on n'avait même pas identifié les territoires, en permettant, notamment, des usages incompatibles avec un milieu ancien.

Et ça, pour moi, c'est un problème qui est central, parce que plusieurs des démolitions qui ont eu cours au Québec, durant les dernières années, ont été engendrées par ces mauvaises pratiques urbanistiques, ont été engendrées parce que... Bien, je prends... on pourrait prendre l'exemple du monastère de Berthier, où on a une réglementation d'urbanisme qui permet un redéveloppement d'une propriété sans tenir compte de ce qu'est cette propriété-là, comme si c'était un terrain vacant au milieu de nulle part et qui pouvait être développé de manière totalement libre. Or, il y avait un bâtiment, il y avait des aménagements paysagers, il y avait quelque chose d'inscrit dans ce territoire-là, et on en fait fi complètement.

Et ça, c'est un exemple parmi de très nombreux autres qu'on pourrait évoquer où on a toujours cette difficulté d'arrimer des pratiques urbanistiques avec la réalité des territoires et de comprendre que, par définition, il faut se retenir, quand on est en milieu patrimonial, on ne peut pas permettre n'importe quoi. Et on ne peut pas penser que le marché va se policer lui-même parce qu'on est milieu patrimonial. Si on a trop ouvert la machine, on va en payer le prix, et, pour moi, c'est un des grands, grands défis. Et ça, le projet de loi est totalement insensible à cette réalité-là.

Je dis régulièrement que, s'il n'en était que de moi, tout le patrimoine bâti, les paysages, les territoires patrimoniaux passeraient dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme pour qu'on ait une pratique cohérente, une pratique conséquente du patrimoine plutôt que d'en faire une espèce d'exclusive qui relève de règles spécifiques, lesquelles règles, malheureusement, sont souvent bafouées par les municipalités, lesquelles règles sont souvent mal interprétées par les municipalités, avec les conséquences qu'on vit aujourd'hui.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, M. Beaudet. Donc, nous passons maintenant à l'échange avec Mme la ministre. Je vous laisse la parole.

Mme Roy : Oui. Et vous allez me permettre de mettre mon chronomètre. Bonjour, M. Beaudet.

M. Beaudet (Gérard) : Bonjour.

Mme Roy : Contente de vous voir, de vous entendre, très intéressant. Je mets ça, voilà, pour nous chronométrer. D'abord, vous avez parlé, justement, du fameux monastère de Berthierville. Je vous rassure, il n'est pas démoli, là. J'ai dû intervenir et je l'ai fait classer. Et actuellement il n'est pas démoli, puis je l'ai sauvé. Mais c'est justement à l'égard de cette réalité-là que nous devons, compte tenu de la loi qui existe actuellement et des lacunes qu'il y a dedans, la Loi sur le patrimoine culturel... je devrais plutôt dire des manques, des manquements qu'il y a dans cette loi-là, c'est la raison pour laquelle on l'ouvre. Parce que je suis tannée, et les citoyens sont tannés que nous ayons cette gestion en catastrophe, à la petite semaine, au jour le jour, d'ensembles patrimoniaux, d'édifices patrimoniaux qui sont... et ils ne sont pas tous égaux, mais particulièrement lorsqu'ils ont une valeur exceptionnelle, qui se retrouvent sous le pic des démolisseurs. Dans le cas du monastère dont vous avez parlé, je ne peux pas élaborer puisque, lorsque j'ai exercé les pouvoirs qui me sont conférés par la loi, bien, c'est à nouveau, comme vous pouvez comprendre, des poursuites, alors je ne vais pas aller dans le détail de ce dossier. Cependant, j'ai exercé un pouvoir qui est là, d'ordonnance, pour stopper une démolition.

Mais ce projet de loi, il est, justement... au coeur de ça, il y a deux choses : répondre aux problèmes flagrants, énormes, que la Vérificatrice générale a soulignés, dans la gestion du patrimoine immobilier au sein du ministère de la Culture... Vous savez qu'elle a déposé son volumineux rapport en juin dernier et dans lequel elle trace un portrait dévastateur de la gestion du patrimoine au cours des dernières années. En fait, elle remonte à 2012 pour son analyse, mais, dans ses exemples, elle nous parle même de dossiers qui ont pris plus de 10 ans et qui n'ont jamais été réglés. Donc, c'est pour répondre à deux réalités, que nous cessions, collectivement, et moi en tant que ministre et notre gouvernement, de gérer en catastrophe des démolitions. Parce que nous les apprenons par un coup de téléphone d'une organisation, d'un comité qui s'occupe de patrimoine, qui nous dit : Mme Roy, la pelle mécanique vient de défoncer la maison Boileau, par exemple. Alors, ça, c'est deux de mes réalités que j'ai vécues, et c'est la raison pour laquelle la loi... Et ma collègue de Verdun l'a dit à juste titre, après 10 ans, je pense qu'on peut améliorer une loi, parce qu'on voit, à son usage, qu'il y a des choses à améliorer, et c'est ce que nous tentons de faire.

Par ailleurs, vous parlez... je comprends ce que vous dites quand vous dites qu'il ne devrait pratiquement pas y avoir une loi sur le patrimoine culturel mais tout ce qui est patrimonial devrait basculer dans la LAU pour ce qui est de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire, la loi qui est une loi qui relève du ministère des Affaires municipales. Sachez que ma collègue la ministre des Affaires municipales et moi-même avons à coeur le patrimoine et que nous travaillons ensemble. Il y aura éventuellement d'autres dispositions qui viendront s'ajouter, parce qu'on croit à l'importance de notre patrimoine bâti dans nos villes, dans nos villages, on y croit. Et donc il faut travailler deux ministères ensemble, parce qu'actuellement cette loi-là, elle est là, et nous devons gérer un patrimoine. Donc, il y a urgence d'agir.

Par ailleurs, dans les articles de loi... Puis c'est pour ça que c'est intéressant, les audiences, c'est parce qu'on peut vous entendre, puis prendre vos connaissances, et voir dans quelle mesure on peut améliorer un projet de loi. Dans ces articles, on vient répondre aux lacunes et également aux recommandations faites par la Vérificatrice générale à l'égard, entre autres, des... Donc, ce que je vous dis, en ce qui a trait à l'urbanisme, l'aménagement du territoire, on travaille ensemble. Pour le moment, il y a urgence d'agir parce qu'il manque des éléments à cette loi, et nous les fournissons, nous en ajoutons.

Je suis contente de voir que vous êtes d'accord avec la politique de consultation, avec la méthode d'évaluation de l'intérêt patrimonial, avec une grille de catégorisation, avec une table des partenaires. Et ça, ça fait des années et des années que tous les groupes nous demandent d'être impliqués davantage. Là, je vous inclus dans la loi, c'est pour vous dire jusqu'à quel point on considère que les groupes de protection sont importants, font partie de l'équation. Mais dans l'équation, et c'est là qu'il y a un équilibre à avoir, il y a les groupes, il y a les citoyens, les propriétaires de maisons et autres bâtiments, et les municipalités, et les villes, qui, elles, ont des statuts juridiques et qui, elles, ont également une autonomie. Alors, il faut trouver l'équilibre dans tout ça.

Lorsque vous dites que, pour ce qui est des permis de démolition, c'est central mais ce qu'on fait est insuffisant, moi, je vous dirais que je ne partage pas votre opinion mais, si on peut l'améliorer, on va l'améliorer. Ce que nous instituons, c'est qu'il y a des obligations. Nous créons des obligations : obligations, naturellement, pour les MRC, de tenir un inventaire et obligations pour les villes et les municipalités qui n'en ont pas d'avoir ce fameux permis de démolition. Et vous le disiez à juste titre, quand vous nous parliez de Berthierville, il n'y a pas de règlement de démolition. Et, quand il n'y a pas de règlement de démolition, bien, il se passe ce qui s'est passé à Berthierville : on a un acheteur qui répond à des critères, la ville n'a pas d'autre choix que de lui octroyer son permis de démolition.

Alors, ce que nous voulons faire, avec ce projet de loi, c'est de mettre un processus et d'impliquer là-dedans nos MRC, nos villes, le citoyen et qu'il y ait un processus d'analyse, de consultation, un délai pour permettre aux parties prenantes d'être informées, à la population de le savoir qu'il y a quelqu'un qui veut démolir un bâtiment et, par ailleurs, à la ministre et au ministère de savoir qu'il y a un bâtiment qui est à risque. Parce qu'ultimement la ministre possède toujours son pouvoir d'intervenir. Donc, ce que nous tentons de faire, là, c'est de mettre en place un mécanisme. Et, oui, on est dans l'urgence, parce que du patrimoine, ça ne se renouvelle pas, et je crois qu'il faut agir tout de suite. Mais ce qui n'empêche pas de travailler en collaboration avec les Affaires municipales pour justifier... c'est-à-dire pour souligner à grands traits l'importance du patrimoine, du patrimoine bâti dans l'aménagement de notre territoire. Et c'est la raison, d'ailleurs, pour laquelle on ouvre en partie la loi sur l'aménagement du territoire, ce qui est assez, en quelque sorte, audacieux, mais c'est mon opinion.

Par ailleurs, à l'égard des plans de conservation, je crois comprendre que vous n'êtes pas d'accord avec le fait que nous les modifiions, nous les transformions en règlement. Pourriez-vous élaborer à cet égard-là?

• (15 h 20) •

M. Beaudet (Gérard) : Bien, en fait, la réserve que j'ai, c'est qu'un règlement et un plan de mise en valeur ce n'est pas du tout la même chose, là. Le plan de mise en valeur, dans le fond, c'est une espèce de guide qu'on se donne sur un certain horizon et qui permet de voir venir les choses, qui permet aussi de cadrer autant les interventions publiques que les interventions privées, alors qu'un règlement c'est beaucoup plus... c'est plus rigide, ça ne s'exprime pas dans les mêmes termes non plus.

Là où je serais d'accord à ce que les plans disparaissent, c'est si on trouvait le moyen, justement, de s'assurer que les municipalités et les municipalités régionales de comté, quand elles identifient un territoire d'intérêt patrimonial, qu'elles soient conséquentes et qu'effectivement il y ait des dispositions, dans les plans d'urbanisme, dans les réglementations d'urbanisme, qui soient conformes à ce qu'est un milieu patrimonial. Par exemple, en typomorphologie, on parle d'une limite de transformabilité. On sait qu'au-delà d'un certain nombre de transformations un milieu finit par perdre les attributs distinctifs qui le caractérisent. Et, dans beaucoup de cas d'urbanisme, on n'a absolument pas de sensibilité à l'égard de ces principes-là, ce qui fait qu'on permet tout et rien, avec comme conséquence qu'on finit par dénaturer le lieu.

Parce qu'il n'y a pas de mécanique, dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, qui impose de la cohérence, qui dit : Écoutez, il faut être sérieux, si c'est un milieu d'intérêt patrimonial, un, vous allez faire autre chose que juste le circonscrire, vous allez le caractériser, vous allez vous donner les moyens de comprendre quelles sont les dynamiques qui y ont cours, quels sont les résultats des interfaces entre ce milieu patrimonial et tout ce qui l'entoure, en termes de dynamique urbaine, immobilière, etc., et vous allez avoir des règles qui vont répondre, justement, à cette compréhension fine que vous avez du milieu patrimonial. Si on avait ça, bien, que les plans disparaissent, ça ne m'indisposerait pas. Mais, si on n'a pas ces mécaniques-là, pour moi, un plan de mise en valeur, c'est l'équivalent de ce que je viens de vous décrire, et... (panne de son) ...ne relève pas ce défi-là convenablement.

Mme Roy : On vous a perdu un petit peu, on vous a retrouvé. Mais le fameux plan de conservation... Et, vous voyez, quand je vous disais d'entrée de jeu que, un, c'est pour répondre à l'urgence, pour tenter de stopper les démolitions sauvages dont nous sommes informés en catastrophe, alors qu'elles viennent de se produire, malheureusement, trop souvent, et, de deux, pour répondre à ce que la Vérificatrice générale nous a dit... fait comme recommandations et commentaires.

Et dans le rapport de la Vérificatrice générale, elle parlait des plans de conservation, particulièrement ceux qui touchent les sites déclarés, puisqu'il y en a très peu, ultimement, qui ont été réalisés — même si le projet de loi promettait d'en faire pour tout le monde et beaucoup, il y en a très, très peu qui ont été réalisés, ça, c'est une autre réalité — et elle disait de ces plans de conservation, à son constat n° 5, pour ceux qui sont intéressés, que les plans de conservation étaient «incomplets», «complexes», «mal adaptés», «ambigus». Alors, il y avait un problème avec les plans de conservation... pardon.

Et de notre côté, ce que nous croyons, c'est que nous allons conserver le travail qui a été fait. On ne va pas jeter ça, loin de là, mais nous allons les convertir en règlements. Et un règlement a force de loi, alors qu'un plan de conservation, c'est un plan de conservation — mon Dieu, je commence à être fatiguée, pardon — et ça n'a pas la même force. Alors, ça vous démontre le sérieux que nous apportons à la protection du patrimoine. Par ailleurs, un règlement devient une loi, nul n'est censé ignorer la loi, et ça donne de la prévisibilité, et ça donne de la transparence. Et ce sont des mots qui revenaient dans le rapport de la Vérificatrice générale, le manque de prévisibilité et de transparence dans les critères, dans la prise de décision. Alors, on veut que les gens sachent, comprennent, et c'est la raison pour laquelle on ajoute ces éléments à notre projet de loi.

Par ailleurs, vous, qu'est-ce que vous suggéreriez, M. Beaudet, plus précisément, comme pistes de solution? Vous avez parlé des conflits d'intérêts tout à l'heure. Qu'est-ce que vous suggérez comme pistes de solution pour conserver les bâtiments d'intérêt patrimonial à l'échelle municipale?

M. Beaudet (Gérard) : Bien, je pense qu'il faudrait avoir une instance d'appel, d'abord. Parce que, bon, je rappellerai que, dans le cas de Berthier, la municipalité prétendait que le bâtiment n'avait pas de valeur patrimoniale, alors que la MRC l'avait identifié formellement comme étant un bâtiment d'une grande valeur patrimoniale. Dans le cas de Chambly, on sait très bien que c'est la municipalité elle-même qui a été responsable. Et donc je pense qu'il faudrait que les municipalités comprennent que c'est sérieux, tout ça, et qu'elles ne peuvent pas jouer au chat et à la souris en permanence. Parce que, des municipalités de mauvaise foi, sur le terrain patrimonial, il y en a quand même un bon nombre. Et donc, s'il y avait une instance d'appel, ça permettrait d'éviter, par exemple, qu'il y ait une forme de complaisance entre certains promoteurs et certaines municipalités où... On s'entend, par exemple, dans le milieu du patrimoine, tout le monde sait qu'il est relativement facile de trouver un... (panne de son) ...qui va vous dire que le bâtiment est irrécupérable. On va fouiller un peu, on va trouver un peu d'amiante...

Mme Roy : D'ailleurs, vous allez me permettre d'intervenir ici. Parce que, dans les deux cas que vous avez nommés, Berthier puis Chambly, si la loi les... si ces amendements avaient été dans la loi, ils n'auraient pas pu démolir, dans les deux cas, ils n'auraient pas pu intervenir, ils n'auraient pas pu faire les modifications, dans les deux cas. Alors, vous voyez qu'on tente d'apporter des moyens de sécuriser davantage notre patrimoine avec cette loi. Mais poursuivez avec votre instance d'appel.

M. Beaudet (Gérard) : Oui, bien, écoutez, j'ai des réserves quand vous dites : Ils n'auraient pas pu. Le comité de démolition fonctionne sur des informations qu'on lui transmet, sur quel est l'état du bâtiment, est-ce qu'il est récupérable, est-ce que, financièrement, c'est un projet qui est viable, etc. On peut toujours trouver moyen de démontrer qu'un bâtiment n'est pas récupérable, qu'un bâtiment est un danger public, ça se fait régulièrement, même dans les municipalités qui ont des règlements sur les démolitions, là. Et c'est pour ça que je dis que, s'il y avait une instance d'appel, ça permettrait de garantir une forme de sérieux où on comprendrait bien qu'à un moment donné quelqu'un pourrait fouiller le dossier un petit peu plus et faire valoir qu'il y a des choses qui ne vont pas.

C'est la même chose pour les comités consultatifs d'urbanisme. Je connais des comités consultatifs d'urbanisme où on passait à peu près n'importe quoi, alors qu'il y a d'autres comités consultatifs d'urbanisme qui jouent réellement leur rôle avec beaucoup de sérieux. Ça reste des instances qui ne nous offrent pas, d'emblée, d'entrée de jeu, une garantie totale, il peut y avoir des dérives, il peut y avoir des dysfonctionnements. Et je pense qu'il faudrait qu'on s'assure que, dans les causes, ça s'avérerait qu'il y ait une instance d'appel qui permette de garantir que, par exemple, si les citoyens disent : Écoutez, ce dossier-là n'a pas été traité convenablement, qu'on puisse dire : Bon, bien, on va y voir d'un peu plus près avant de donner suite.

Mme Roy : Et, dans les deux cas que vous mentionnez, le fait que les immeubles aient été ou sont sur un inventaire, automatiquement, les aurait amenés au processus. Ce n'était pas une question de désuétude ou quoi que ce soit. À partir du moment où l'immeuble est dans l'inventaire, le processus doit s'enclencher avant qu'on en arrive à émettre ce fameux permis de démolition. Mais, cela dit, je vous entends très bien. On prend des notes.

Et là on m'a passé un petit papier, j'ai terminé. Je regarde la présidente. M. Beaudet, je vous remercie beaucoup. Puis je cède la parole aux collègues. Merci.

M. Beaudet (Gérard) : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Donc, je donnerais la parole à la députée de Verdun.

• (15 h 30) •

Mme Melançon : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Beaudet, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Merci de nous éclairer de votre savoir, notamment.

Et j'ai une petite question toute simple pour vous, d'entrée de jeu : Est-ce que vous allez déposer quelque chose à la commission? Parce que j'ai trouvé... vous nous avez donné beaucoup, beaucoup d'informations, j'ai fait aller le crayon pas mal. Mais est-ce que vous entendez déposer quelque chose?

M. Beaudet (Gérard) : Je pourrais déposer un petit papier. Je pourrais peut-être trouver un peu de temps pour...

Mme Melançon : Vous m'en voyez très heureuse, parce que c'était... Non, mais c'est vrai, c'était très éducatif. Il y a des passages que j'ai tentés... Puis là je vais aller dans les questions, justement. On va tenter de mettre des choses en relief avec vous. Puis, moi, ce que je veux, à l'intérieur du 10 minutes, c'est de vous entendre, parce que j'ai des questions.

Alors, vous avez parlé tout à l'heure que c'était insuffisant, justement, de pouvoir encadrer, parce qu'il peut y avoir des... il y a des pratiques immobilières qui ont cours actuellement. Puis vous parliez, justement, de la valeur de certains terrains versus le même terrain avec la maison qu'il y a dessus. Disons que la valeur du terrain sans maison est beaucoup plus élevée et plus alléchante. Vous le voyez souvent, ça?

M. Beaudet (Gérard) : On le voit souvent. Et je pense qu'il faut mentionner un phénomène qui est relativement récent mais qui est en croissance à beaucoup d'endroits, c'est le phénomène de la patrimonialisation des banlieues pavillonnaires d'après-guerre. Il y a beaucoup de municipalités dans la grande région métropolitaine de Montréal qui sont interpellées par des citoyens qui veulent bloquer des processus de transformation des quartiers de bungalows, de split-level des années 50, 60. Il y avait un reportage récemment, à Longueuil, où les pressions sont extrêmement fortes. Et c'est une dynamique qui est en plein essor, présentement, il y a de plus en plus de citoyens qui se mobilisent pour qu'on reconnaisse la valeur patrimoniale de ces quartiers-là, et ça veut dire que le nombre de cas sur lesquels on devra se pencher va augmenter considérablement.

Parce que je dois dire que la limitation qu'il y a dans la loi, où les inventaires doivent porter sur les bâtiments d'avant 1940 en mentionnant qu'on peut ajouter, moi, ce que je vous dirais, c'est que non seulement on peut ajouter, mais il va y avoir de plus en plus de pressions des groupes de pression, des citoyens, pour qu'on ajoute les patrimoines d'après la Deuxième Guerre mondiale. Et donc ça veut dire que le nombre de dossiers où les distorsions entre les mesures urbanistiques et les lieux qu'on va considérer patrimoniaux vont augmenter, et le nombre de dossiers qu'on va devoir traiter selon les modalités de gestion des démolitions va augmenter de manière exponentielle au cours des prochaines années.

Mme Melançon : ...

M. Beaudet (Gérard) : Et donc on est dans...

Mme Melançon : Allez-y, allez-y, pardon.

M. Beaudet (Gérard) : On est dans un contexte où... Je comprends la mesure, mais on est dans un contexte où on est en mode réactif. Il faudrait qu'on soit en mode actif pour éviter d'être toujours à la dernière minute et avec toujours la possibilité de dire : Bien, si ça ne va pas, on va interpeller la ministre.

Mme Melançon : Dites-moi, j'ai trouvé aussi intéressant... Si j'ai bien saisi, là, toute la présentation que vous nous avez faite, vous, vous voyez le patrimoine comme un ensemble, alors que, dans le projet de loi qui est proposé, dans le projet de loi n° 69, la lecture que vous en faites, c'est plutôt où on essaie de sauver maison par maison plutôt que de le voir dans un ensemble. C'est un peu ce que Phyllis Lambert nous a dit aussi, hier, là, où on devait avoir une perspective plus globale. C'est aussi votre opinion?

M. Beaudet (Gérard) : C'est tout à fait mon opinion, depuis très longtemps d'ailleurs. Quand j'enseigne à mes étudiants, je leur dis toujours : À quoi bon sauver la plus belle corniche si je perds le quartier? Et, pour moi, ça résume un peu mon point de vue sur ça. Et on n'est pas capables, on n'y est pas arrivé au Québec, pas plus dans les inventaires que dans les mécanismes d'intervention.

J'ai écrit un livre sur le Vieux-Terrebonne, d'ailleurs, pour expliquer qu'est-ce que c'est qu'une approche urbanistique du patrimoine, qu'est-ce que c'est, qu'une approche qui sort de ce contexte où on aborde des choses les unes après les autres. Et, à titre d'exemple, la définition qu'on avait d'un arrondissement historique, dans l'ancienne loi, c'était une concentration de monuments historiques. Comme si le Vieux-Montréal n'avait pas une existence autre que la simple accumulation de plusieurs bâtiments sur un morceau de territoire. Et, au Québec, on est encore... Et d'ailleurs la plupart des groupes intéressés au patrimoine qui sont intervenus depuis quelques années pour contester les démolitions ont cette approche-là également. C'est-à-dire que l'approche territoriale, on n'est pas arrivés à la déployer convenablement.

Mme Melançon : Merci. Vous dites aussi... vous avez dit que les inventaires étaient quasi uniquement architecturaux. Je fais un petit peu de pouce sur ce que vous venez de nous dire aussi. Lorsque vous parlez des inventaires, le «sauf exception» que vous nous avez parlé, là, pour qu'on puisse peut-être tenter de voir les bons coups, pouvez-vous me donner un ou deux exemples?

M. Beaudet (Gérard) : Oui. La ville de Montréal a procédé, dans le cadre de l'élaboration du plan d'urbanisme, là, qui concerne l'ensemble de l'île de Montréal. Donc, les services de la ville de Montréal ont réalisé des documents qui s'appellent Évaluation du patrimoine urbain pour chacune des villes défusionnées et puis chacun des arrondissements de Montréal, et c'est vraiment une perspective d'ensemble. On identifie des secteurs, des territoires, et on a débordé allègrement la limite de 1940, donc il y a plusieurs secteurs beaucoup plus récents qui ont été identifiés. Et c'est disponible sur le Web. À ma connaissance, c'est un des rares inventaires qui a une approche aussi globale. Mais ce qui manque, comme je l'indiquais tantôt, c'est le diagnostic territorial qui nous permet de comprendre quelles sont les dynamiques qui affectent ces territoires-là. Parce que, si on ne maîtrise pas les dynamiques, bien, évidemment, on a peu d'emprise sur ce qui va faire évoluer ces milieux-là dans le bon sens ou dans le mauvais sens.

Mme Melançon : Je vais faire un petit clin d'oeil à Verdun ici, là. J'espère que la ville de Montréal va pouvoir commencer à aller vers Pointe-Saint-Charles, justement, Verdun, où il y avait aussi... où ça devient un arrondissement ouvrier, puis, là aussi, où on doit se rappeler de notre patrimoine pour savoir d'où on vient. Toujours très important.

M. Beaudet (Gérard) : Mais le document existe pour Verdun. Il existe tous les territoires de l'île de Montréal.

Mme Melançon : Oui, mais c'est ça, exactement, vers Pointe-Saint-Charles, là, où on pourra se diriger par la suite. C'est pour ça que je voulais m'enorgueillir un peu de ce petit passage-là. Quand on peut le faire, c'est toujours intéressant.

Il y a un passage aussi où... Vous venez de parler de 1940, qui est une date, là, qui a été arrêtée à l'intérieur du projet de loi. Puis, la ministre, on l'a entendu dire à quelques reprises que ce n'était pas une obligation. Mais à partir du moment où les coûts d'inventaires peuvent être assez importants, là, les municipalités nous ont parlé de ça aussi, est-ce que vous croyez que les municipalités vont dire : Bien, allons-y jusqu'à 1980 ou vont s'arrêter à une date qu'il y a à l'intérieur d'un projet de loi?

M. Beaudet (Gérard) : Ça peut être tentant de se limiter à ce que le projet définit comme obligatoire. Moi, je pense que ce serait une erreur de ne pas reconnaître où on en est rendus, collectivement, dans notre relation au patrimoine au Québec. Le bâti d'après-guerre, que ce soit les bâtiments d'exception à signature architecturale ou les bâtiments plus ordinaires, ça fait de plus en plus partie du patrimoine. Il y a de plus en plus de mobilisation citoyenne pour qu'on contrôle la nature des interventions qui se font dans ces secteurs, notamment les secteurs résidentiels des Trente Glorieuses. Les municipalités pourraient bien dire : Nous, on se limite, mais les pressions vont être très fortes pour qu'on aille au-delà. Et déjà, sur le terrain, il y a des sociétés d'histoire, il y a des groupes de citoyens qui ont déjà commencé à se mobiliser et qui ont déjà commencé à approprier ce patrimoine-là.

Mme Melançon : Extra. Madame... Une minute? O.K. Je vais... oui, on va se reconcentrer pour aller rapidement, parce que c'est intéressant, puis vous me donnez des pistes, puis je voudrais aller un peu plus loin avec vous. J'ai bien entendu que, pour vous, le pouvoir de désaveu, finalement, d'une MRC face à une ville, vous n'y croyez pas?

M. Beaudet (Gérard) : Non, je n'y crois pas. Je fréquente les MRC depuis suffisamment longtemps pour savoir que ce n'est pas jouable.

Mme Melançon : Ce n'est pas jouable pourquoi?

M. Beaudet (Gérard) : Tout simplement parce qu'il y a un modus operandi sur la scène politique. Il faut comprendre que la table du conseil des MRC, c'est un principe d'organisation institutionnelle qui va à l'encontre de nos principes démocratiques. Un élu est redevable à ses citoyens et pas au voisin. Il ne peut pas aller prendre une décision à l'encontre de ses citoyens. Puis il ne peut surtout pas aller imposer quelque chose aux citoyens de la municipalité voisine, ça ne se fera pas.

Par contre, il y a des MRC qui sont des coopératives de services, par exemple, en matière de patrimoine, ça existe, où les très petites municipalités peuvent demander à la MRC d'assurer certaines responsabilités, par exemple, en matière d'inventaire, en matière de sensibilisation des citoyens. Mais, de là à aller à l'encontre des... d'une municipalité locale, je n'en ai jamais vu d'exemple.

• (15 h 40) •

Mme Melançon : M. Beaudet, je veux terminer en vous disant un grand merci. Et je trouve vos étudiants très chanceux de vous avoir, parce que vous êtes tellement intéressant. J'aurais passé le restant de l'après-midi avec vous sans aucun problème. Merci beaucoup d'avoir été avec nous.

M. Beaudet (Gérard) : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée de Verdun. Donc, je passerais maintenant la parole à Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, M. Beaudet, pour votre présentation. J'ai 2 min 40 s ou 45 s, donc ce sera... ça va aller très vite. Moi, ce que je sens, c'est beaucoup d'inquiétude de votre part. En fait, je vais vous poser la question très clairement : Est-ce que vous avec l'impression qu'avec ce projet de loi là... est-ce que c'est un pas ou on stagne, c'est le statu quo? Est-ce que c'est un pas en avant, un petit pas, ou on stagne?

M. Beaudet (Gérard) : Il y a un petit pas, mais je pense qu'il faut aller plus loin, je pense qu'il faut faire un plus grand pas. On ne règle que très accessoirement beaucoup de problèmes, et, comme je l'indiquais tantôt, des problèmes qui vont aller en croissant parce que le terreau patrimonial est en pleine croissance présentement.

Mme Ghazal : Comme j'ai peu de temps, je vais... O.K. En fait, ce que j'aimerais savoir, parce que vous avez parlé beaucoup... Il y a beaucoup d'éléments qui manquent dans le projet de loi. Vous avez parlé de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, de plans d'urbanisme, de fiscalité municipale. Est-ce qu'on est dans la bonne commission pour protéger le patrimoine? Est-ce qu'on est dans le bon ministère? Ça ne devrait pas plutôt relever du ministère des Municipalités et de l'Habitation?

M. Beaudet (Gérard) : Bien, c'est ce que j'ai mentionné, moi, depuis longtemps. Quand on a lancé les deux chantiers concurremment des révisions de la LAU et de la Loi sur le patrimoine culturel, bon, on a abandonné le chantier LAU, mais je me disais : Voilà une occasion en or pour balancer tout le patrimoine bâti, les paysages dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et de donner des dents à cette loi-là pour que ça soit pris au sérieux, cette question-là, alors qu'actuellement on joue sur deux tableaux avec des complémentarités qui sont très difficiles à établir et toujours avec cette situation... On parlait du monastère de Berthier. Ça me rappelle les années 70, notamment, quand Jean-Paul L'Allier classait les bâtiments un après l'autre, au centre-ville de Montréal, parce que le maire Drapeau s'en fichait, du patrimoine, qu'il n'y avait pas d'urbanisme patrimonial à Montréal. Je trouve ça un peu désolant qu'on soit encore dans cette situation-là.

Mme Ghazal : En 2020. Qu'est-ce que vous nous conseillez, nous, comme... Moi, je suis dans le parti d'opposition, et on va être dans l'étude détaillée. On fait quoi avec ça?

M. Beaudet (Gérard) : Bien, je pense qu'il faut régler certains problèmes qui sont urgents, parce qu'effectivement il y a du laxisme sur le territoire, il y a des municipalités qui ne prennent pas les choses au sérieux. Mais je pense qu'il faudrait avoir un chantier beaucoup plus ambitieux qui serait mené en parallèle et qu'on comprenne qu'on veut aller ailleurs. Et, pour moi, il serait temps qu'on aille ailleurs pour que, justement...

Mme Ghazal : Il faut de la volonté. Sentez-vous de la volonté d'avancer dans cette matière-là, dans la protection du patrimoine? Est-ce que vous sentez qu'il y a une volonté?

M. Beaudet (Gérard) : Je vous répondrai quand on aura commencé à discuter d'une politique nationale du territoire, à laquelle on risque de nous convier prochainement. Je pense qu'on pourra mesurer le sérieux des intentions quand on commencera à évoquer la possibilité qu'il y ait une politique nationale du territoire.

Mme Ghazal : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, M. Beaudet, merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Donc, nous suspendons les travaux quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 15 h 43)

(Reprise à 15 h 45)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, la commission reprend ses travaux.

Je souhaiterais la bienvenue aux gens de l'UPA. MM. Groleau, Dorion et Blouin, merci... Ah! on vous a perdus. Ah! oui, vous êtes de retour. Donc, comme je le disais, bienvenue à vous. Vous aurez 10 minutes pour présenter votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite à présenter votre organisation, M. Groleau, à présenter les gens qui vous accompagnent. Et je vous cède la parole pour les 10 prochaines minutes.

Union des producteurs agricoles (UPA)

(Visioconférence)

M. Groleau (Marcel) : Alors, merci beaucoup. Alors, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, mon nom est Marcel Groleau, président général de l'Union des producteurs agricoles. Je suis accompagné pour cette commission... devant cette commission par M. François Blouin, président du syndicat local de L'UPA de l'île d'Orléans, et de M. Paul Racette Dorion, urbaniste et conseiller en aménagement et en environnement à l'UPA. Nous sommes heureux d'être entendus sur le projet de loi n° 69.

Les producteurs et productrices agricoles du Québec occupent le territoire, souvent, depuis plusieurs générations. Ils sont fiers de contribuer au maintien du patrimoine et des paysages par leurs activités et leur occupation dynamique du territoire. Mais l'agriculture est d'abord et avant tout une activité économique qui nourrit des Québécois et qui fait vivre des centaines de villes et villages. Au moment où on souhaite augmenter l'autonomie alimentaire du Québec, il faut s'assurer que notre agriculture puisse continuer d'évoluer et de s'adapter aux exigences des marchés. Il faut donc éviter d'imposer des contraintes inutiles qui viendraient figer ou restreindre le développement de l'agriculture.

La protection du patrimoine n'est pas incompatible avec l'évolution de l'agriculture, mais des ajustements au cadre légal sont nécessaires. Je pense notamment au cas spécifique de l'île d'Orléans, qui est un site patrimonial déclaré en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel. En étant trop stricts, on risque de complexifier le transfert des entreprises agricoles et de nuire à leur pérennité. Face au poids des exigences, on pourrait assister, au fil des ans, à une décroissance de l'activité agricole et à l'abandon des bâtiments.

Au cours des dernières années, l'UPA a porté maintes fois à l'attention de la ministre et du ministère les problèmes vécus par les producteurs en raison des mécanismes de protection du patrimoine parfois inadaptés qui sont prévus à la loi. Le projet de loi n° 69, en ce sens, est un pas dans la bonne direction, même si certaines questions se posent sur trois éléments : alors, les changements qui concernent les sites patrimoniaux déclarés, les nouveaux pouvoirs et obligations confiés aux municipalités et aux MRC, de même que le rôle de l'État en matière de protection du patrimoine.

Comme je l'ai indiqué, les modifications prévues au processus d'octroi des autorisations sont un pas dans la bonne direction pour les producteurs de l'île d'Orléans. La loi actuelle était devenue insoutenable et devait changer. Les producteurs de l'île étaient confrontés à des exigences démesurées et devaient négocier longuement avec le ministère, à partir de critères flous du plan de conservation. Il n'y avait aucun délai de prévu, et les demandes de révision étaient impossibles, ce qui laissait les producteurs en attente pendant plusieurs mois. Le mécanisme de révision inclus dans le projet de loi est donc une bonne nouvelle.

Le droit de recours prévu dans le projet de loi mérite d'être souligné. Les demandes des producteurs étaient souvent refusées sans pouvoir demander une révision. C'est une grande amélioration qui va augmenter la transparence des interventions du ministère et la confiance des producteurs, mais la personne en charge de revoir la décision sera un collègue de la personne qui l'a refusée précédemment. On peut se questionner sur la marge de manoeuvre réelle de cette personne et sur sa capacité de critiquer librement l'analyse d'un collègue. Pour cette raison, l'UPA demande que la personne en charge de réviser les demandes d'autorisation ne soit pas liée directement au ministère.

Le projet de loi prévoit aussi de remplacer les plans de conservation par un règlement du gouvernement. N'ayant pas vu le règlement, nous réservons nos commentaires, mais c'est une bonne décision. Il devra par contre prévoir des exemptions ou des exceptions pour le secteur agricole, parce que la majorité des interventions n'ont pas d'impact sur la préservation du patrimoine. Je parle ici d'interventions en agriculture. Les producteurs de l'île d'Orléans ont souvent été confrontés à cette problématique, ces dernières années, pour des travaux pourtant très simples. Certaines mesures de protection peuvent être justifiées, mais il faut faciliter le travail des producteurs ou, minimalement, clarifier les attentes.

• (15 h 50) •

Dans un souci de cohérence gouvernementale, il nous apparaît aussi nécessaire que les projets qui sont financés par un ministère d'un côté puissent aller de l'avant sans qu'un autre ministère ne mette les bâtons dans les roues. Par exemple, les projets financés par le programme Prime-vert, qui relève du MAPAQ, devraient pouvoir aller de l'avant sans l'autorisation du MCC.

Pour ce qui est des corrections des titres fonciers, beaucoup de producteurs sont confrontés à des enjeux de régularité. Des vérifications qui auraient dû être faites mais qui n'ont pas été faites au moment de la transaction sont souvent constatées par la suite. L'article 100 du p.l. n° 69 répond en partie à ce problème, mais il semble limité aux secteurs de l'île d'Orléans qui n'ont pas fait l'objet d'une rénovation cadastrale.

Nous comprenons que l'article 67.3 de la loi modifiée permet de régulariser la division, la subdivision ou le morcellement d'un immeuble par une autorisation délivrée a posteriori, mais les propriétaires doivent demander une autorisation, qui pourrait être refusée. Le problème resterait donc entier parce que l'annulation d'une transaction après l'effet est pratiquement impossible. Le projet de loi doit régulariser tous les titres déjà inscrits au régime foncier au moment de sa sanction. Par la suite, le ministère devrait améliorer ses outils de communication pour que les propriétaires et, surtout, leurs conseillers juridiques sachent qu'une autorisation est requise pour procéder au morcellement d'un terrain. Cela permettra d'éviter de nouveaux cas. Le projet de loi est un bon prétexte pour repartir en neuf et corriger les problèmes rencontrés jusqu'à maintenant.

L'encadrement par les municipalités. Alors, le projet de loi prévoit l'obligation pour les municipalités d'adopter un règlement sur les démolitions d'immeuble. Il est vrai que trop de joyaux architecturaux et historiques ont disparu sous le pic des démolisseurs, mais des exagérations sont à craindre en rendant l'adoption du règlement obligatoire en plus d'un transfert du fardeau de la preuve sur les propriétaires.

Dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme modifiée, on prévoit que le règlement sur les démolitions peut exiger une étude patrimoniale avant l'analyse d'une demande de démolition par le comité, ledit comité de démolition. Comme le nom de «valeur patrimoniale» est matière à discussion, il est certain que les municipalités vont préférer exiger une étude au propriétaire pour éviter d'autoriser par erreur la démolition d'un joyau potentiel, ce qui amènerait des coûts importants et des délais. Il faut éviter des situations où les propriétaires doivent débourser systématiquement des frais d'étude importants.

Le règlement sur les démolitions pourra aussi prévoir des exclusions au champ d'application du règlement basées sur des catégories d'immeuble, des parties du territoire ou une combinaison des deux. Cette adaptation est nécessaire et doit demeurer inchangée. Il faudra par contre sensibiliser les municipalités à l'importance d'inclure des exceptions pour le secteur agricole.

Exemplarité de l'État. Le patrimoine est, par définition, d'intérêt collectif, mais la responsabilité de conserver la mémoire collective revient en grande partie aux propriétaires individuels, qui voient leurs opérations quotidiennes se complexifier et leurs coûts d'entretien parfois exploser. L'État, en tant que gardien de l'intérêt collectif, a un rôle à jouer pour supporter une partie du fardeau imposé aux propriétaires.

Il existe des programmes de subventions pour la préservation et la restauration des éléments architecturaux d'origine sur un bâtiment, mais la loi a des effets sur beaucoup plus de bâtiments et de constructions. Par exemple, les bâtiments agricoles doivent respecter un nombre important de critères. Certains producteurs doivent parfois se priver de techniques de production modernes ou devront le faire parce qu'ils n'ont pas l'autorisation d'implanter ou d'ériger certains équipements. Le choix des matériaux est un autre exemple. Le gabarit des bâtiments, leur implantation ou leur taille sont dictés par les normes patrimoniales, ce qui a des impacts financiers majeurs. Toutes ces mesures devraient être compensées. Il est impossible de transférer ces coûts supplémentaires dans le marché, ce qui signifie, à terme, que ces entreprises pourraient disparaître ou ne plus être rentables, et de même que le patrimoine qu'elles hébergent.

Alors, je vous remercie de votre écoute. Comme je le disais, je suis accompagné de M. François Blouin, lui-même producteur agricole et président du syndicat local de l'île d'Orléans, donc il sera en mesure de répondre à des questions plus précises concernant l'île, de même que de notre aménagiste, M. Paul Racette Dorion. Alors, nous sommes ouverts à vos questions.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. Groleau. Donc, je passerais maintenant la parole à Mme la ministre pour sa période d'échange avec vous.

Mme Roy : Et voilà. Bonjour. Bonjour à vous trois, messieurs. M. Groleau, M. Racette Dorion, M. Blouin, merci, merci d'être là, merci pour votre mémoire.

L'île d'Orléans, dossier n° 2 qui est atterri sur mon bureau en tant que ministre de la Culture, et ça, c'était trois jours après mon assermentation ou quatre jours après. Nous sommes très, très conscients qu'il y a eu des problématiques avec le fameux plan de conservation. Et autant on a des groupes qui viennent nous dire que le plan de conservation est une chose extraordinaire, autant d'autres groupes y voient des problématiques. Vous y avez vécu, théoriquement et en pratique, des problématiques. À l'île d'Orléans, il a fallu intervenir pour une foule de raisons, je le mentionnais un peu plus tôt cette semaine, entre autres, des gens attendaient pour des travaux, il y avait une liste d'attente de travaux de restauration pour les bâtiments. Alors, nous sommes intervenus, on a mis de l'argent, quelques millions sur la table, pour débloquer cette liste, parce que les gens voulaient restaurer, ce qui est une bonne chose.

Par ailleurs, on s'est rendu compte qu'il y avait vraiment un problème de relations entre le citoyen, les citoyens, les élus et le ministère. Donc, il fallait nous assurer qu'il y ait un bon dialogue puis que tout le monde se comprenne. On a décidé... j'ai décidé de mettre sur pied une table, une espèce de table de concertation pour qu'on puisse se parler puis trouver des solutions. Je pense que ça a permis de faire débloquer plusieurs dossiers, mais tout n'est pas réglé, à l'égard entre autres des terres, des fameuses terres agricoles. Et Dieu sait que l'île d'Orléans, cette magnifique île, compte aussi beaucoup de producteurs.

Vous le disiez à juste titre, l'île d'Orléans est un site patrimonial déclaré. Un site patrimonial déclaré, c'est beaucoup de choses. Ce sont aussi les paysages que l'on protège. M. Beaudet nous parlait tout à l'heure de l'importance des paysages. Donc, ce sont des endroits qui sont protégés, les bâtiments mais aussi les caractéristiques paysagères, c'est le terme que l'on emploie. Et ça soulève effectivement des questions, des questions pour les travailleurs agricoles qui sont là, à l'égard de leurs terres, le morcellement par exemple. Peut-on ou ne peut-on pas subdiviser et diviser nos terres? Doit-on être pris dans ce carcan qui fait qu'on ne peut pas faire certaines choses? Je vous entends, parce que c'est, en gros, ce que vous nous dites aujourd'hui.

J'ai une question, mais avant je vais peut-être arriver avec... bien, je vais y aller avec ma première question. Quand vous nous dites, dans les demandes que vous faites, «d'exclure — par exemple — par le règlement pris en vertu de l'article 80.1 [du projet de loi], tous les travaux réalisés d'urgence et qui ne modifient pas l'enveloppe ou l'apparence d'un ouvrage ou d'un équipement ou encore qui visent à remplacer une infrastructure souterraine existante, comme une conduite d'eau ou de gaz», pouvez-vous nous expliquer dans quelle mesure actuellement le plan de conservation est problématique pour vous dans l'exercice de votre profession?

M. Groleau (Marcel) : Bien, je pourrais... je peux donner un exemple qu'un producteur m'a raconté. M. Blouin pourra poursuivre. Mais un bris d'aqueduc exige qu'on remplace le tuyau qui amène l'eau à l'étable ou à la maison. Alors, ça a déjà été creusé à cet endroit-là, là, c'est... Le délai pour obtenir l'autorisation de faire des travaux aussi simples mais importants nous apparaît injustifié, là. Donc, c'est cette lourdeur-là qui est inacceptable ou invivable, là, pour les entreprises agricoles, entre autres, là. Peut-être que François a d'autres exemples à donner, là, mais...

Mme Roy : Oui, moi, si M. Blouin veut s'exprimer... Oui.

M. Groleau (Marcel) : Est-ce qu'il est... Oui.

Mme Roy : Allez-y. On a peut-être perdu M. Blouin. Cela dit, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, quand vous nous... Pardon?

La Présidente (Mme Guillemette) : On me dit que M. Blouin n'est pas...

Mme Roy : Il n'est pas en ligne?

La Présidente (Mme Guillemette) : Non.

• (16 heures) •

Mme Roy : Bon, d'accord. Mais, quand vous nous dites : C'est trop long d'attendre d'avoir les autorisations, il faut que les gens qui nous écoutent comprennent que, lorsqu'on vit sur un site déclaré, il y en a 13 au Québec actuellement, on doit demander une autorisation au ministère, donc à la ministre, pour pouvoir faire des interventions sur le site. On est plus familiers avec les interventions sur les bâtiments, mais également sur les terres et sur les sites. Et ça, c'est dans le plan de conservation.

Et oui, effectivement, je voulais avoir la réalité dans le pratico-pratique. Donc, vous faites des demandes au ministère, et il y a un grand... il y a un délai, et la vérificatrice... Oui, allez-y.

M. Groleau (Marcel) : Ça peut même aller à encourir des pénalités pour réparer un aqueduc qui est brisé, parce qu'on n'a pas fait la demande, préalablement, avant de faire les réparations qui étaient urgentes. Il y a une ferme qui a été aux prises avec une situation semblable, là. Alors, c'est pour ça qu'on demande d'être... qu'il y ait certaines exemptions pour le secteur agricole ou exceptions pour le secteur agricole, là.

Mme Roy : Je pense, entre autres, à d'autres de vos collègues, d'autres collègues agriculteurs qui m'ont fait part de plusieurs circonstances urgentes, par exemple, ou bris qui nécessitaient des interventions et qu'on perd un temps fou parce qu'il faut demander les demandes pour toucher à la terre, pour toucher au terrain, pour faire ces travaux. Et de là toute la complexité, M. Groleau, du dossier, puis vous le voyez, c'est qu'on a ici plusieurs intérêts en présence, de différents ministères.

M. Groleau (Marcel) : C'est ça. C'est ça.

Mme Roy : On a l'Agriculture, on a la Culture. On veut protéger le territoire agricole, on veut protéger les interventions agricoles, le travail d'agriculteurs et, de l'autre côté, on veut protéger ses caractéristiques paysagères. Et on a le plan, le fameux plan de conservation.

Je veux vous dire que j'ai été très sensible à toutes ces représentations qui nous ont été faites depuis deux ans maintenant. Ce n'est pas pour rien qu'on a agi puis qu'on a décidé de mettre en place une table pour que nous puissions nous parler puis essayer de, comment dirais-je... de mettre là-dedans un peu de gros bon sens aussi. Parce que, tu sais qu'est-ce qu'on dit, là, le mieux est l'ennemi du mal ou quelque chose...

Une voix : ...

Mme Roy : Le mieux est l'ennemi du bien, pardonnez-moi. Le mieux est l'ennemi du bien, voilà. Et il faut garder cette part aussi, oui, de protection patrimoniale, et, oui, d'humanisme, et d'humanité, je pense. Et il faut trouver un équilibre. Je vais vous dire tout de suite que le fait que nous allions convertir les plans de conservation en règlement sera aussi une opportunité de les rouvrir.

M. Groleau (Marcel) : C'est ça.

Mme Roy : Alors, il y a fort probablement des choses qui pourraient être améliorées en tout respect de l'environnement. Mais, encadrer les pratiques qui pourraient vous permettre de faire votre travail sans avoir à en subir des conséquences qui ne sont pas nécessaires, donc, on pourrait trouver place à un règlement pour vous aider à cet égard-là.

M. Groleau (Marcel) : C'est ça.

Mme Roy : Vous parliez également du processus de contestation d'une demande. Et ça, ce que vous dites là, c'est quelque chose que j'ai constaté dès mon arrivée en fonction. J'ai lu la loi qui existe actuellement, mais je me suis dit : Bon Dieu! Un, il n'y a pas de règlement, puis, deux, il n'y a pas de processus d'appel. Il y a une loi qui existe sans règlement et sans processus d'appel, aucun.

Alors, nous mettons sur pied un processus d'appel pour permettre au justiciable... Parce qu'actuellement c'est l'État, le fonctionnaire, qui reçoit la demande, qui dit un oui ou qui dit un non. Par la suite, le justiciable, il retourne, peut y retourner, s'il le souhaite, mais c'est le même fonctionnaire qui va lui redire le même oui ou le même non. À cet égard-là, bien, j'ai insisté pour qu'on mette sur pied un processus d'appel, un processus de révision administrative et, par la suite, qui peut mener ultimement à un appel devant le Tribunal administratif du Québec, ce qui est beaucoup moins lourd qu'un appel devant un tribunal de droit commun, qui coûte une fortune.

Alors, je voulais vous entendre là-dessus : Vous pensez quoi du fait que nous voulons instaurer ce processus administratif de contestation et d'appel pour le citoyen?

M. Groleau (Marcel) : Bien, nous, c'est sûr qu'on est d'accord avec ça, c'est ce qu'on... Là, il y a de... O.K., maintenant, c'est correct. C'est ce qu'on demande dans le mémoire qu'on vous a présenté, que ce processus d'appel là soit mis en place. On est contents que c'est l'intention du ministre. Là, j'apprends que... bien, j'étais sous l'impression que l'appel serait... pourrait être déposé au ministère et peut-être considéré par un collègue, plutôt que par la personne qui avait une première fois refusé. Là, si vous me dites que ça peut aller devant le TAQ, alors c'est encore mieux pour nous, là.

Mme Roy : Oui. En fait, c'est...

M. Groleau (Marcel) : C'est évident que...

Mme Roy : Oui, allez-y.

M. Groleau (Marcel) : Non, non, je termine. C'est évident pour nous que le TAQ est la tierce partie qui peut porter un jugement, ou un autre jugement, ou entendre le plaignant sur la décision dont il fait l'objet, là. Alors, pour nous, c'est préférable.

Mme Roy : Bien, en fait, c'est ce que nous tentons de faire, vraiment, cette révision administrative là. Donc, on ne retourne pas devant la même personne, on retourne devant une autre personne, à l'administration même. Et par la suite, si la réponse ne convient pas, il y a une ouverture pour un appel devant le Tribunal administratif du Québec. Je pense que nous devons ça, en tant que gouvernement, au justiciable, d'avoir le droit de se faire entendre et de ne pas avoir à passer devant la Cour du Québec ou la Cour supérieure, dépendamment du montant du litige.

M. Groleau (Marcel) : ...

Mme Roy : Oui, vous alliez...

M. Groleau (Marcel) : Oui, j'ajouterais que les fonctionnaires, sachant que la demande ou que le refus peut mener à une contestation devant le TAQ, naturellement, vont traiter dès lors les demandes de façon différente et s'assurer de les argumenter solidement, ce qui va probablement empêcher des contestations aussi.

Mme Roy : Chose certaine, c'est que les demandes seront traitées avec de nouvelles grilles et de nouveaux critères, que nous voulons plus facilement compréhensibles, plus clairs et surtout les rendre publics. C'est pour ça qu'on met tout ça dans la loi. Parce qu'actuellement la Vérificatrice générale nous a bien fait comprendre que tout le processus décisionnel était... n'était pas très visible ou était... n'était pas très transparent pour...

M. Groleau (Marcel) : ...

Mme Roy : Oui?

M. Groleau (Marcel) : Et c'est ce qu'on dit dans notre mémoire. On a l'impression que c'est basé sur des critères flous et que le ministère manque de transparence. Alors, ce que vous proposez va sans doute... va corriger cette impression-là que les gens ont, avec des critères précis et une possibilité de contester les décisions lorsqu'elles seront rendues.

Mais il faut aussi accélérer la prise de décision dans le cas du secteur agricole. Quelqu'un qui a une maison à rénover, bon, on peut prendre un certain temps, si elle est habitable, pendant que les analyses se font, ça peut toujours aller. Mais quelqu'un qui a une entreprise à faire fonctionner ne peut pas se permettre des délais de 18 mois, de 24 mois avant d'avoir une réponse, peut-être, de ne pas pouvoir faire ce qu'il entendait faire.

Donc, c'est sûr que, pour le secteur agricole, qui est un secteur qui répond à des enjeux économiques de marché et autres, on a... il faudrait peut-être prévoir dans le règlement, si c'est là que ça doit s'inscrire, bien, des délais plus courts ou des façons de traiter ces demandes-là en priorité et de façon urgente lorsqu'elles vous sont déposées.

Mme Roy : En fait, le projet de loi... Parce que la Vérificatrice générale disait aussi que certaines demandes sont traitées dans un délai beaucoup trop long et certaines demandes ne sont jamais traitées. Et on a vraiment mis dans ce projet de loi... Parce qu'il faut comprendre qu'il y a de bons morceaux de la loi initiale qui demeurent là, là. On la bonifie, on rajoute des choses qui n'y étaient pas, on se rajoute l'obligation... Parce qu'il y a quand même des spécialistes incroyables, au sein du ministère de la Culture, mais là on rajoute des obligations et de la transparence pour que les citoyens voient avec quoi on va travailler, voient avec quoi les fonctionnaires vont travailler et dans quel cadre. Et nous mettons des délais pour répondre aux demandes qui sont demandées. Certains vont peut-être dire : C'est ambitieux. On dit qu'on devrait répondre à une demande, à un citoyen, là, à l'intérieur de 90 jours ou 120 jours, à moins d'exception. Et ça, c'est nouveau dans la loi.

La Vérificatrice générale nous disait : Il n'est pas normal que ça prenne 10 ans pour prendre une décision. Bien, je suis tout à fait d'accord avec elle. Et, à cet égard-là, bien, c'est ce qu'on va tenter d'améliorer, d'avoir des délais plus que raisonnables pour répondre aux citoyens qui posent des questions et... Oui, allez-y.

M. Groleau (Marcel) : Bien, avant de passer la parole à Paul, qui a un point à ajouter, je vous dirais que ces règles-là du 90 jours, on les vit déjà au niveau des certificats d'autorisation du ministère de l'Environnement, et, quelquefois, c'est qu'au 89e jour on reçoit une note comme quoi il manque un élément au dossier. Et là le compteur repart. Alors, juste vous assurer que 90 jours, c'est réellement 90 jours, et, si le dossier n'est pas complet, bien, qu'on ne nous avise pas à la 89e journée.

Mme Roy : C'est un bon point. C'est un bon point. Mais, cela dit, je considère que 90 jours ou 120 jours, c'est mieux que 10 ans. Vous aviez quelque chose à rajouter?

• (16 h 10) •

M. Racette Dorion (Paul) : Oui, absolument. Il y a aussi les demandes d'urgence auxquelles on faisait référence un petit peu plus tôt. C'est arrivé, là, comme on mentionnait, qu'il y a des travaux d'urgences qui soient faits. Même un délai de 48 heures, là, quand vient le temps de réparer une conduite d'aqueduc qui alimente une résidence pour des travailleurs étrangers, où logent peut-être 12, 15, 20 travailleurs étrangers, ou un établissement d'élevage... même un délai d'urgence de 48 heures, c'est trop long pour une telle intervention. Ça fait qu'il y aurait lieu de revoir aussi ces délais-là, là.

Mme Roy : C'est pris en note, monsieur. Je sais que la présidente me regarde et que...

La Présidente (Mme Guillemette) : 10 secondes.

Mme Roy : 10 secondes? Bon, bien, écoutez, merci pour votre contribution. C'est noté. Et il y a place à amélioration, nous allons améliorer les choses. Merci à vous, messieurs. Merci beaucoup.

M. Groleau (Marcel) : Merci, Mme Roy.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Donc, je céderais maintenant la parole à Mme la députée de Verdun?

Mme Melançon : Merci. Bonjour, M. Groleau. Bonjour, M. Dorion. Un plaisir de vous retrouver. Ce n'est pas la première fois où on ne sera pas tout à fait du même avis, parce que je me rappelle, lorsque... puis je vois M. Dorion sourire, lorsque j'avais l'immense privilège d'être ministre de l'Environnement, on s'est rencontrés à plusieurs reprises. Mais, mais, mais je me rappelle quand même, M. Groleau, que vous m'aviez dit que c'était la première fois qu'une ministre de l'Environnement prenait elle-même le téléphone pour parler avec l'UPA, dans les quelques heures qui ont suivi ma nomination. Et je pense qu'on ait gardé une excellente relation en ce sens-là. On a été capables d'avancer, même pour les pesticides, bien qu'il y avait beaucoup de craintes à l'époque. Bref, ce n'est pas la première fois où on ne sera pas tout à fait d'accord, mais permettez-moi de vous dire à quel point, d'abord, j'apprécie de vous voir aujourd'hui et que je suis très heureuse.

Moi, j'ai pris le temps de lire, de surligner, je me suis fait un résumé de ce que vous avez apporté aujourd'hui, là. En bref, dans le fond, vous dites : Contraintes inutiles qui viennent empêcher la croissance de l'agriculture; contraintes et craintes d'une décroissance de l'activité agricole; changement aux protections de sites patrimoniaux; les producteurs doivent négocier longuement avec le ministère avec des règles floues — donc, flou, je ne sais pas si c'est parce qu'il y a une mécompréhension ou si c'est flou de la façon que c'est écrit, ça, je pourrai y revenir; le droit d'appel est une grande amélioration, mais il faut une révision indépendante, vous venez d'en parler, nécessaire, d'un projet financé par un ministre; ne doit pas être stoppé par le ministère de la Culture et des Communications; correction des titres fonciers; autorisations cadastrales ne sont pas suffisamment nombreuses.

Bref, aujourd'hui, moi, ce que je comprends, tout de même, et je le dis en tout respect, là, c'est qu'on va ouvrir... On est dans un projet de loi où on veut s'assurer de pouvoir préserver le patrimoine, le protéger, où on va vouloir aller même un peu plus loin que... Puis je reprends les paroles de la ministre, là, qui, elle, veut éviter justement qu'il y ait du patrimoine qui disparaisse sous nos yeux de façon quasi quotidienne, parfois. Il y a de nouvelles façons de faire, en plus, on l'a vu avec les différents groupes qui sont venus devant nous. Je ne suis pas sûre que notre position pourra être tout à fait... pourra se rapprocher. Puis, pour moi, c'est difficile, j'entends des problématiques. J'avais une ou deux questions, mais je ne pense pas qu'on va être dans une position où on va être capables de concilier tout ce que vous demandez dans l'actuel projet de loi.

M. Groleau (Marcel) : Bien, écoutez... Bien, tout d'abord, le plaisir est partagé, là, de pouvoir commenter, cette fois-ci, sur un projet de loi qui concerne le patrimoine. On a une préoccupation commune, la protection du patrimoine, puis je crois qu'on a un enjeu commun, c'est de permettre à l'agriculture de se développer sur l'île d'Orléans, tout en préservant le patrimoine qu'elle abrite ou qui l'entoure. 90 % de l'activité économique de l'île d'Orléans, c'est l'agriculture, alors c'est indissociable de soutenir ce secteur-là tout en préservant le patrimoine.

Donc, c'est pour ça qu'on souligne que les contraintes inutiles qui sont imposées au secteur agricole devraient être levées, qu'on les étudie. Mais il y a des choses, selon nous, qui sont inutiles, parce que, par exemple, il y a peu de bâtiments patrimoniaux dans le secteur agricole. Parce que ce n'est pas comme les maisons qui étaient construites en pierre, où c'est... Souvent, les bâtiments agricoles étaient construits en bois. Donc, des choses qui datent de centaines d'années, dans le secteur agricole, il y en a beaucoup moins, et ils sont très peu nombreux au niveau des bâtiments.

Donc, nous, par contre, on travaille le sol. Lorsqu'on travaille le sol et que... en surface, il n'y a pas de problème, mais aussitôt qu'on veut excaver, bien là, c'est sûr qu'on est... les questions commencent à être posées. On n'a pas de problème, si on doit faire des fouilles ou si on doit faire des... oui, des fouilles. Mais est-ce qu'on peut agir plus vite, lorsque ça concerne le secteur agricole, pour ne pas que l'entreprise attende des mois, et des mois, et des mois? Est-ce qu'on peut savoir, déjà... ou avoir des autorisations? Par exemple, un aqueduc qui a déjà été placé en terre, si j'ai à le réparer, je creuse au même endroit, est-ce que c'est nécessaire d'avoir un permis puis d'attendre encore les délais qui viennent avec?

Donc, c'est des choses comme ça, donc, c'est d'ajuster la protection du territoire... du patrimoine à l'enjeu de la production agricole. C'est ça qu'on souhaite. Et là, là-dessus, je pense qu'on va s'entendre sur le principe.

Mme Melançon : ...contraintes inutiles, là, vous pensez à quoi, là, spécifiquement? Puis avez-vous... Je ne sais pas puis je pose la question sans... Habituellement, on ne veut jamais poser des questions sans connaître vraiment la réponse, mais est-ce que vous avez des exemples puis est-ce que les... est-ce que vous pourriez y aller, là? Je sais qu'il vous manque un de vos joueurs, là, M. Blouin n'est pas là, mais peut-être M. Dorion?

M. Groleau (Marcel) : Oui, oui.

M. Racette Dorion (Paul) : Tout à fait. Bien, définitivement, M. Blouin aurait été la meilleure personne, mais on a quand même quelques exemples. Bon, les travaux d'urgence, on en a parlé, ça, c'est une chose. Par exemple, une autorisation pour excaver pour implanter un tuteur, pour retenir des jeunes plants de pommiers, donc, ça prendrait une autorisation pour excaver, pour creuser un trou pour entrer un tuteur, un tuteur en cèdre, par exemple, donc ça peut apparaître exagéré.

Tout ce qui est non visible de la rue, par exemple, certains travaux dans des cabanes à sucre, dans des érablières, par exemple, n'ont pas d'impact sur le paysage ou sur la protection du patrimoine, du moins, visuel. Lorsqu'il y a excavation dans un secteur qui n'a jamais été excavé, c'est autre chose. Je pense que tout le monde s'entend là-dessus. Mais, dans certains cas, lorsque c'est non visible de la rue, il faudrait revoir les normes qui s'appliquent. De la même façon, un bâtiment qui n'est pas visible de la rue, donc, pourquoi vouloir insister sur certains gabarits?

Donc, l'activité agricole implique une évolution des pratiques et, notamment, de répondre aux normes sur le bien-être animal, ce qui implique un agrandissement des bâtiments. C'est de plus en plus difficile, notamment à l'île d'Orléans, parce qu'il y a des contraintes, là, sur le gabarit des bâtiments qui doivent respecter celui des bâtiments patrimoniaux. Donc, ce genre d'exemples là... Et ces bâtiments-là ne sont pas visibles de la rue, encore une fois, je le répète, là.

Mme Melançon : Dites-moi, en page 15, vous parlez des coûts qui sont engendrés par les mesures, là, lorsqu'on est dans l'exemplarité de l'État, et vous dites que «tous les coûts engendrés — donc — par ces mesures devraient être compensés par l'État». Est-ce que vous avez chiffré cette demande-là?

M. Groleau (Marcel) : Non. Non, non, parce que c'est des coûts qui sont calculables à chaque fois qu'un projet fait l'objet d'une étude ou... Mais, sur le long terme ou à terme, combien ça a coûté, c'est difficile à évaluer.

Mme Melançon : ...à évaluer, oui, pour savoir... Parce que...

M. Groleau (Marcel) : Bien, c'est ça.

Mme Melançon : Moi, je veux juste essayer de voir on se base sur peut-être combien d'activités, depuis, je ne sais pas, moi, je veux dire... depuis 20 ans. Est-ce qu'on sait combien d'activités puis les coûts que ça a pu exiger de la part des producteurs?

M. Groleau (Marcel) : Non. Mais je vais vous donner... À titre d'exemple, si je rénove une maison patrimoniale avec une vue sur le fleuve, sur un beau site, en tant que propriétaire, je vais sans doute y retrouver mon compte par la valeur que cette maison-là va représenter sur le marché. Lorsque j'ai des contraintes sur un bâtiment agricole ou que je suis obligé de procéder à certains aménagements sur le bâtiment pour respecter certaines hauteurs, et autres, donc je suis obligé de travailler différemment, les coûts sont supplémentaires. C'est sûr que je ne vendrai pas mon lait ou mes fruits plus cher dans le marché. Ma ferme n'aura pas une valeur supplémentaire, lors de la revente, donc ces coûts-là, dans notre cas, sont irrécupérables. Donc, ils sont difficiles à chiffrer aujourd'hui, mais ce qui est certain, c'est qu'ils sont irrécupérables. C'est ce qu'on veut dire dans notre...

La Présidente (Mme Guillemette) : ...

Mme Melançon : Pardon?

• (16 h 20) •

La Présidente (Mme Guillemette) : 20 secondes.

Mme Melançon : Bien, je vous dis merci. Je vous dis qu'il y a de la lecture qu'on va probablement devoir faire autrement. Mais comprenez une chose, je pense qu'avec les plans de conservation, s'il y avait des flous, on pourra... on va voir dans l'article par article, de toute façon. Il reste beaucoup de travail à faire, là — je regarde la ministre — là-dessus. Mais, une chose est sûre, on est là pour quand même donner des dents à la loi. Je ne veux pas que vous soyez surpris du fait qu'on veut donner des dents à la loi en matière de patrimoine. Et ce que je voyais ici, c'était de demander plus d'assouplissement à certains égards. Je ne voulais juste pas que vous soyez trop surpris des travaux qui vont avoir cours, parce que c'est en ce sens-là. Nous, ce qu'on veut prévoir, c'est justement d'éviter de perdre encore du patrimoine au fil des prochaines années.

Sur ce, je vous dis : Merci beaucoup et bon jeudi après-midi.

M. Groleau (Marcel) : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Donc, je passerais maintenant la parole à Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs, pour votre présentation. Moi, j'ai une question, à la page 13, par rapport aux règlements sur les démolitions. Vous dites : «Trop de joyaux architecturaux et historiques ont disparu sous le pic des démolisseurs. Nous craignons toutefois que l'adoption obligatoire du règlement ne pousse à l'exagération et [que le] fardeau [soit sur les] propriétaires.» Vous avez donné des exemples sur les contraintes. Quand vous dites «exagération» ici, est-ce que vous pouvez donner des exemples concrets? Est-ce que c'est juste une crainte que vous avez, ou c'est parce que, sur le terrain, il y a quelque chose qui a été vraiment vécu, ou finalement il a fallu faire une étude qui a été assumée par le propriétaire? Parce que vous dites aussi que les coûts sont faramineux, et c'était totalement inutile, finalement, il n'y avait pas de valeur patrimoniale...

M. Racette Dorion (Paul) : Bien, en fait...

Mme Ghazal : ...ou c'est une crainte que vous avez?

M. Racette Dorion (Paul) : Je pense que, dans notre mémoire, il faut distinguer deux choses, là, très clairement. Les préoccupations sur l'île d'Orléans, c'est une chose. Le cadre n'était pas appliqué ou pas applicable au secteur agricole. Donc, ça, on en a parlé largement. Pour ce qui est du règlement sur les démolitions, il s'applique à l'échelle du Québec. Les municipalités seront tenues d'adopter un tel règlement. C'est plutôt des craintes, effectivement, qu'à partir du moment où on veut démolir une grange ou un hangar, à la limite un cabanon agricole, on soit tenu de demander un permis de démolition qui sera analysé par un comité de démolition. Ça nous semble excessif puis ça pourrait être une contrainte trop élevée qui aurait peu d'impact sur la protection du patrimoine. C'est plus en ce sens-là.

Mme Ghazal : C'est ça. Parce que ce n'est pas une situation qui existe, en ce moment, c'est juste une crainte pour le futur? O.K.

M. Racette Dorion (Paul) : Exactement. Puis c'est la raison pour laquelle on dit qu'il faut sensibiliser le monde municipal à ces cas-là agricoles. Donc, ce n'est pas parce qu'une grange est d'apparence intéressante qu'elle représente un patrimoine, nécessairement. Peut-être, dans certains cas, mais ce n'est pas nécessairement le cas. Donc, elle ne devrait pas être automatiquement assujettie à une autorisation pour être démolie, par exemple.

Mme Ghazal : C'est ça, donc, peut-être... Parce que, dans le fond, le règlement, il n'existe pas pour des... juste pour exagérer. Le règlement va exister parce que, vous le reconnaissez vous-même, il y a eu tellement de bâtiments qui avaient une valeur, qui... Mais, dans le fond, ce que vous demandez, ce n'est pas qu'il n'y ait pas de règlement, si je regarde votre...

M. Racette Dorion (Paul) : Exactement. On demande...

Mme Ghazal : Ce que vous...

M. Racette Dorion (Paul) : ...de sensibiliser le monde municipal à ces cas-là, puis notamment à certaines exclusions agricoles, certains secteurs agricoles, ou certains bâtiments, ou ouvrages agricoles qui pourraient ne pas être assujettis. Puis le règlement, la façon dont il est libellé dans la LAU modifiée, est tout à fait satisfaisant. Il faut juste que les municipalités comprennent cette réalité-là. Puis le ministère de la Culture a possiblement un rôle à jouer là-dedans.

Mme Ghazal : Très bien. Je comprends. Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée. Merci beaucoup. La période d'échanges avec les parlementaires est terminée. Merci, M. Groleau et M. Racette Dorion, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Mémoires déposés

Donc, avant de terminer, je dépose les mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus durant les consultations. Et je vous remercie tous de votre contribution à nos travaux.

La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 16 h 24)

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