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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le vendredi 15 novembre 2019 - Vol. 45 N° 49

Interpellation de la députée de Taschereau à la ministre de la Culture et des Communications sur le sujet suivant : L’incapacité du gouvernement d’agir pour la préservation de la qualité de l’information au Québec


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Table des matières

Exposé du sujet

Mme Catherine Dorion

Réponse de la ministre

Mme Nathalie Roy

Argumentation

Document déposé

Conclusions

Mme Nathalie Roy

Mme Catherine Dorion

Autres intervenants

Mme Nancy Guillemette, vice-présidente

M. Louis Lemieux

M. Jean Rousselle

M. Jean-Bernard Émond

Mme Claire IsaBelle

Mme Méganne Perry Mélançon

Journal des débats

(Neuf heures cinquante-neuf minutes)

La Présidente (Mme Guillemette) : ...déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder à l'interpellation de la députée de Taschereau à la ministre de la Culture et des Communications sur le sujet suivant : L'incapacité du gouvernement d'agir pour la préservation de la qualité de l'information au Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis) est remplacée par M. Rousselle (Vimont); Mme Labrie (Sherbrooke) est remplacée par Mme Dorion (Taschereau); et Mme Hivon (Joliette) est remplacée par Mme Perry Mélançon (Gaspé).

• (10 heures) •

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Je comprends qu'il y a entente afin que l'opposition officielle intervienne lors des deuxième, quatrième et sixième séries d'interventions et que le troisième groupe d'opposition intervienne lors de la cinquième série d'interventions.

Je vous rappelle que le débat, à moins d'un consentement, ne peut dépasser 12 heures. Comme la séance... Excusez, non.

Nous débutons par les déclarations d'ouverture. Donc, Mme la députée de Taschereau, porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de culture, de communication et de langue française, vous avez la parole pour 10 minutes.

Exposé du sujet

Mme Catherine Dorion

Mme Dorion : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à tous de vous être déplacés pour répondre à cette interpellation. Aujourd'hui, je voudrais vous parler d'aide aux médias et de chronique d'opinion. Vous l'avez remarqué, depuis quelques années, l'opinion, le commentariat, la chronique et des faiseurs d'opinions ont envahi l'espace médiatique. C'est vrai dans tous les types de médias. Il y a 25 ans, pour faire un petit retour historique, il y avait peu de ce qu'on appelait à l'époque des columnistes. Il y avait des éditorialistes et il y avait très, très peu de chroniqueurs. En 2016, selon la FPJQ, La Presse comptait 28 % d'opinion, The Gazette, 24 %, Le Devoir, 23 %, et Le Journal de Montréal, 22 %.

Cette transformation, comme on l'a vu pendant tout le mandat d'initiative pour l'avenir des médias, s'est faite en parallèle d'une tendance lourde, on sait laquelle, c'est la fuite des revenus publicitaires des médias vers les géants du numérique. Comme l'argent s'est mis à manquer dans les médias et que faire de l'opinion, ça coûte pas mal moins cher que de faire de la recherche, de l'enquête, que d'envoyer des gens sur le terrain avec un caméraman, une preneuse du son, une recherchiste, que le journaliste passe des heures à fouiller des rapports, à éplucher des documents... tout ça coûte beaucoup plus cher que d'asseoir quelqu'un derrière un clavier et de lui dire : Donne ton opinion. En plus, l'opinion, elle se vend, elle fait cliquer. Donc, pour des médias en crise qui n'avaient plus d'argent, ça a été une voie de sauvetage jusqu'à aujourd'hui.

Les chroniqueurs sont souvent des vedettes de l'opinion politique. Ils sont sollicités de toute part, ils se retrouvent sur toutes sortes de plateaux, ça augmente leur visibilité et ça augmente, du même coup, leur influence, leurs salaires aussi. Et certains d'entre eux sont carrément des militants politiques nouveau genre et ont plus de pouvoir d'influence sur la société que bien des ministres ici présents et, d'ailleurs, que bien des ministres en général. Nathalie Normandeau l'a dit à la radio, mais ça s'applique aussi aux chroniqueurs de l'écrit. Le 21 octobre 2015, elle dit : «Ce n'est pas nous qui prenons les décisions, mais on a une capacité d'influencer. En mettant de la pression, ça peut convaincre certains ministres de bouger.» Duhaime affirme aussi à la radio que Normandeau a peut-être autant de pouvoir qu'elle n'en avait en tant que vice-première ministre. Et, le 7 janvier 2016, elle en remet : «On influence, on continue d'influencer.» Donc, non seulement les chroniqueurs et l'opinion ont pris beaucoup de place dans les dernières années, mais ils ont aussi pris du pouvoir politique, et beaucoup d'entre eux influencent bien davantage qu'ils n'informent.

Alors, on a ce phénomène, mais on a aussi, de l'autre côté, un autre phénomène, la réalité des journalistes, la réalité des travailleurs de l'information. Les journalistes manquent aujourd'hui cruellement de ressources, ils sont obligés de travailler trop vite. Beaucoup n'ont même pas le temps de contrevérifier leurs sources parce que publier plus vite que son ombre devient primordial si on veut survivre dans le marché du clic. Il faut être le premier à publier tout le temps sur toutes les plateformes en même temps. Et là ne parlons pas d'enquête, ça, ça coûte trop cher, alors que le report de la date de l'Halloween à côté d'une enquête fouillée sur la situation des travailleurs de tel domaine, par exemple, ou de tout autre enjeu de réelle importance au Québec... alors que le report de la date de l'Halloween, à côté de ça, ne demande aucune recherche, peut remplir des pages et des pages de journaux, peut remplir beaucoup de temps d'antenne. Alors, pourquoi est-ce qu'on exigerait de nos journalistes qu'ils s'épuisent encore plus, alors que, dans le milieu dans lequel la situation les a mis, ils sont à bout de souffle, à bout de force et surtout en grand manque de ressources? Comme tout le monde aujourd'hui, d'ailleurs, leur temps est pris en otage, ils sont squeezés comme des citrons, beaucoup d'entre eux n'en peuvent plus.

Alors, si ça arrive au milieu de l'information, diminuant la qualité de l'information, on peut bien voir aussi ce qui arrive du côté de l'opinion puis de la chronique. Les faiseurs d'opinions tournent les coins ronds comme jamais. Puis, tu sais, il faut mentionner ici que le journaliste d'opinion n'est pas supposé écrire tout ce qu'il pense sans rien soumettre à une saine logique de base. Le Conseil de presse du Québec reconnaît le journalisme d'opinion en tant que genre journalistique, mais ce journalisme doit respecter des normes. Le chroniqueur est censé exposer les faits sur lesquels il fonde son opinion, il doit y avoir un raisonnement qui justifie cette opinion et il doit être en mesure de faire saisir au lecteur les autres opinions, contraires aux siennes ou divergentes des siennes, qui concernent l'enjeu dont il traite.

Certains, au Québec, se soumettent eux-mêmes à cette discipline, heureusement, mais beaucoup ne le font pas. Certains vont même jusqu'à faire disparaître toute forme de pensée rationnelle pour la remplacer par l'injure, l'insulte directe et l'intimidation, notamment de politiciens. Des gens de tous les partis sont venus me parler en privé du fait qu'ils comprenaient exactement ce que je voulais dire quand je parle d'insultes, d'injures et d'intimidation. Donc, non seulement des chroniqueurs qui, parfois, ne respectent pas les règles de la chronique ont une influence politique certaine, mais, en plus, ils ont une influence directe sur les élus, les poussant des fois à ne plus parler, à ne plus oser exister, mener leurs dossiers en dehors du carré de sable qu'on leur a alloué.

Je pourrais faire une liste de chroniqueurs qui font ça, mais là je ne repartirai pas deux semaines à me battre dans l'oeil du cyclone médiatique, le coton ouaté m'en a donné déjà assez, et c'est dommage, parce qu'on devrait pouvoir parler de ces choses-là ouvertement. Mais, sachant que, dans le monde médiatique tel qu'il est devenu aujourd'hui, il n'y a rien qui fasse plus de clics que n'importe quelle petite rixe entre des personnes connues... Catherine Dorion a attaqué telle personne, l'autre répond... Et ça, c'est mis de l'avant pendant que le sort des groupes communautaires, des plus marginalisés, le sort des infirmières, des professeurs qui enseignent à nos enfants, tu sais, ces gens-là, là... alors que leur sort, on n'en entend à peu près pas parler. Un article passe, puis c'est tout. Il n'y a pas de campagne pour qu'on explique ça. Et ces gens-là, les professeurs, les infirmières se battent comme ça ne se peut pas pour faire connaître ce qui se passe à l'intérieur de leur milieu de travail. C'est un enjeu public d'importance, mais, à la place, qu'est-ce qui se passe? On a d'autres nouvelles qui n'en sont pas, et les groupes ne savent plus quoi faire.

C'est un enjeu démocratique de base. Des gens veulent expliquer une situation concrète, réelle, qui touche profondément les bénéficiaires des services de santé et du système d'éducation, donc nos enfants, nos parents, et notre monde médiatique se retrouve incapable, dans la situation dans laquelle il est aujourd'hui, de présenter ces enjeux-là de manière compréhensible et fouillée, étendue à un large public.

Le plan d'aide aux médias maintenant, parce que c'est de ça dont il est question, je veux... je le répète comme je l'ai dit quand on en a entendu parler, c'est un pas dans la bonne direction, c'est super. Effectivement, ce n'est pas assez. On sait que tous les milieux médiatiques, radio, télé, tout le monde va arriver après les médias écrits pour dire : Nous avons besoin de fonds. On sait que, comme nous l'avons dit, ces fonds-là devraient venir des géants du numérique, parce que c'est eux qui ont siphonné tout l'argent. On espère que les gouvernements fédéraux et provinciaux vont avoir le guts de le faire. Tout ça pour dire que la crise n'est vraiment pas terminée et qu'elle va coûter cher.

C'est déjà une avancée, le plan d'aide, mais il y a un vice important dans ce plan d'aide là. La très vaste majorité des groupes qui sont venus en commission parlementaire ont clairement dit que les chroniqueurs ne devraient pas faire partie du plan d'aide, donc ne devraient pas pouvoir... on ne devrait pas donner du crédit d'impôt sur la masse salariale des travailleurs de l'opinion. Cet argent-là devrait, en totalité, aller aux travailleurs de l'information, puisque, comme population, on a besoin d'une information fiable, juste, fouillée, recherchée, puisque les journalistes et les travailleurs de l'information manquent cruellement de ressources pour faire bien leur travail, pour servir la population. Et, puisqu'il s'agit d'argent public, pourquoi est-ce que ça irait vers des travailleurs qui non seulement ne... d'opinion, de chronique et de commentariat? On comprend que ça peut être... non, que ça peut être divertissant, par contre. Le commentariat, la chronique, on sait que ça peut être divertissant, on sait que ça peut être intéressant. Ceci dit, est-ce que c'est quelque chose dont on manque? Est-ce que c'est quelque chose qui est un besoin en ce moment pour la population québécoise? Non. Le besoin, c'est une information fiable, de qualité, qui rende justice et qui rende acte de ce qui se passe dans la population québécoise, dans tous les milieux, partout. Et donc il faut donner de l'air aux journalistes, il faut donner de l'air aux travailleurs de l'information, mais certainement pas aux chroniqueurs, qui, en ce moment, sont ceux qui font faire de l'argent et sont ceux qui n'ont pas besoin de nous. Ils n'ont pas besoin d'argent public.

Marc-François Bernier, en commission, a dit : «Ma crainte, moi, avec les mesures générales, avec l'aide aux salles de rédaction indifférenciées, c'est qu'éventuellement des fonds publics servent à financer de la chronique, de l'opinion, des chroniques de voiture, des chroniques de mode, des chroniques de voyage et que, progressivement, les citoyens vont [se rendre compte] qu'ils paient pour ça, vont avoir encore plus de doutes [et], face aux médias, vont être encore plus mécontents.»

Yves Boisvert, de La Presse, disait : «La surabondance des opinions pose [des] pièges. Le premier, assez évident, [c'est] la tentation de crier plus fort. En rajouter une couche, faire de l'effet, c'est la tentation permanente du genre.

«[...]L'autre piège, plus nouveau, c'est celui de l'acharnement par effet de répétition. S'il y a déjà eu sept chroniques pour "planter" un politicien qui a dit une connerie, je n'en ferai pas une huitième pour dire la même chose autrement. La simple accumulation des commentaires, même [lorsqu'ils sont] justes, produit un effet d'assommoir. [Et] tout devient vite hors de proportion.» Tout ça pourquoi? Pour vendre du clic, pour vendre de la pub, finalement, pour que les médias puissent survivre.

Donc, si on rajoute de l'argent dans ça, on se tire dans le pied. C'est là où on a perdu depuis quelques décennies à cause de l'arrivée des géants du Web, c'est-à-dire en information, qu'il faut que l'argent aille. Moi, je demande le retrait de l'opinion de cette mesure.

• (10 h 10) •

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre de la Culture et des Communications pour une période de 10 minutes.

Réponse de la ministre

Mme Nathalie Roy

Mme Roy : Merci, Mme la Présidente. Je voudrais d'entrée de jeu remercier la collègue de Taschereau pour cette interpellation, ce matin, qui me touche profondément, qui me touche d'un point de vue politique puisque nous sommes ici dans l'enceinte politique par excellence du Québec. Le gouvernement du Québec y siège, mais également tous les parlementaires. Et ça me touche particulièrement, puisqu'on parle, et c'est le libellé exact de l'interpellation de ce matin, libellé écrit par la députée de Taschereau, on y parle de préservation de la qualité de l'information au Québec. Et ça me touche parce que, comme vous le savez, Mme la Présidente, j'ai passé le plus grand de ma vie à travailler en information au Québec. Et cette qualité de l'information a été extrêmement importante.

Mais, avant d'aller dans les détails de la qualité de l'information, je vous dis que ça me touche parce que parler ici, avoir le droit de s'exprimer, fait partie de la liberté d'expression. Et ça, c'est un des piliers de notre démocratie. Et ma collègue la députée de Taschereau le sait, et je le sais également. C'est pour ça que je vous dis que c'est un privilège à chaque fois que nous pouvons prendre la parole et que je suis invitée à prendre la parole ici.

Donc, on parle de liberté d'expression, c'est la raison pour laquelle nous sommes ici ce matin, nous pouvons le faire parce que nous avons une démocratie qui le permet, et également de l'information, l'information qui est un autre des piliers de notre démocratie. Et, oui, ça nous prend de l'information, de l'information de qualité pour avoir des citoyens qui sont éclairés. Plus les gens sont informés, plus les gens sont éclairés, plus ils sont à même de prendre des décisions judicieuses relativement à leur avenir, relativement à l'avenir de la nation, relativement à l'avenir de leurs enfants, à l'avenir de leur propre carrière et, naturellement, à l'avenir des politiciens qui les gouverneront.

Donc, je remercie à nouveau la députée. Puis c'est extrêmement important qu'on puisse discuter de ces choses, et le faire en toute lucidité, et le faire de façon non partisane, parce que je pense que c'est un sujet qui va bien au-delà de la partisanerie. L'information, le droit à l'information, la liberté d'expression, on y tient. C'est ce qui fait que nous avons une société dans laquelle il fait extrêmement bon vivre au Québec. Et je vous dis que c'est un privilège à chaque fois de prendre la parole ici et que ça me touche parce que je suis une ancienne journaliste. Et, si vous me permettez, Mme la Présidente, la députée de Taschereau a dit quelque chose de fort intéressant. Elle a dit : Il faut prendre en considération la réalité des travailleurs de l'information puisque les temps ont changé, et on est rendus ailleurs. Et elle a tout à fait raison. Et, si je peux me permettre, lorsque j'ai débuté ma carrière en information, en 1990... Alors, faites le calcul, j'y ai oeuvré de 1990 à 2012 avant de faire le saut en politique avec la Coalition avenir Québec, qui était un tout nouveau parti. Donc, ça m'a donné 22 ans d'expérience dans une salle de nouvelles. En fait, dans différentes salles de nouvelles, Mme la Présidente. J'ai oeuvré à mes tout débuts, en 1990, dans la salle de nouvelles de Radio-Canada, à Sherbrooke, CKSH, le 9, qu'on l'appelait. Et ce lieu a été pour moi extrêmement formateur puisqu'on n'oublie jamais ses premières armes en information. Vous aussi, d'ailleurs, vous avez travaillé en information, si je ne m'abuse, Mme la députée. Du moins, vous avez écrit des chroniques dans le journal. Dans une salle d'information, Mme la Présidente, il y a toute une équipe, il y a toute une hiérarchie d'individus, de femmes et d'hommes passionnés qui sont là pour s'assurer de la qualité de l'information. Et ça, ça ne change pas. Même aujourd'hui, en 2019, ça existe toujours.

Alors, je vous disais, en 1990, j'ai fait mes premières armes à la télévision de Radio-Canada, à Sherbrooke. Et puis ensuite j'ai eu le privilège de pouvoir poursuivre dans une salle d'information, un peu à la radio, au 93, à Cogeco, à Québec. Donc, j'ai quitté Sherbrooke pour le FM93 à Québec, dans une salle de rédaction radiophonique, avec des bulletins à toutes les demi-heures et je vous dirais même davantage dans la rapidité d'exécution.

Par la suite, j'ai eu le privilège d'entrer en 1992 à TQS Québec, ici, à Québec même. Et, à l'époque, c'était assez extraordinaire. C'est que l'information de TQS Québec était très, très, très locale, et TQS était numéro un dans le grand bassin de téléspectateurs de Québec. Par la suite, j'ai été appelée pour travailler à TQS Montréal. J'y suis arrivée en janvier 1994. J'ai fait le plus gros de ma carrière à TQS Montréal. Et ce qui est intéressant de dire, c'est qu'à l'époque il y avait un peu plus d'information, puisque nous avions trois chaînes généralistes. Il y avait Radio-Canada, financée fortement par le gouvernement fédéral, il y avait TVA et il y avait TQS Montréal, TQS Québec. Donc, nous avions des réseaux d'information à la grandeur du Québec, déployés... Et, je me souviens, il y avait d'ailleurs au Saguenay une chaîne de TQS qui était là.

Donc, j'ai passé le plus grand de ma carrière à TQS Québec... pardon, TQS Montréal. Et, par la suite, la réalité, en 2009... 2008, 2009, ça commençait à aller mal, mais la réalité, c'est qu'en 2008, avril 2008... Je n'ai pas oublié la fermeture de la salle des nouvelles de TQS. Ce n'est pas d'hier, Mme la Présidente, ça fait 11 ans. Et on pourrait mettre comme moment charnière les problèmes de l'information, et tous médias confondus, à ces années, une dizaine d'années.

Alors, quand on ferme une salle de nouvelles avec plus de 200 travailleurs, imaginez l'impact à la grandeur du Québec pour toutes les régions satellites, il y en avait à la grandeur du Québec, mais également le vaisseau amiral, qui se trouvait à Montréal. Et là je vous dirais que c'était la... L'hécatombe a commencé en 2008 au même titre également pour la presse écrite, les médias électroniques. Il y a eu une reprise de TQS, soit, V, mais à quel prix, à quelles conditions? Les repreneurs se sont assurés de ne plus faire d'information parce que l'information coûte cher.

J'ai par la suite poursuivi ma carrière à Radio-Canada, à Montréal, où j'ai eu l'immense plaisir de travailler avec mon collègue le député de Saint-Jean. Je ne peux pas dire votre nom, mais c'était un grand privilège d'être à RDI, RDI le matin, avec le député de Saint-Jean, à animer RDI le matin la fin de semaine. Et j'ai appris beaucoup de ce député, qui est un animateur hors pair. Et là nous étions en information continue. Et vous avez raison, Mme la députée de Taschereau, quand vous dites que les façons de faire ont beaucoup changé, puisqu'en 2009‑2010 je suis arrivée à Radio-Canada, à Montréal, et là c'est le continu et ça va vite. Mais il y a beaucoup de monde, il y a une équipe solide qui est là, mais on est dans la rapidité de travail, d'où l'importance d'avoir des forces vives pour nous garantir la qualité de l'information. Par la suite, j'ai quitté RDI et Radio-Canada pour me joindre à l'équipe de TVA, en 2010 à Montréal, à titre de productrice, productrice pour TVA Nouvelles et également LCN.

Alors, je vous dis ça, Mme la Présidente, parce que la qualité de l'information, c'est un domaine dans lequel j'ai oeuvré toute ma vie, puisque le journaliste n'est pas seul. Le journaliste est entouré d'une solide équipe, quelle que soit la salle de rédaction et quel que soit le média. Il y a le journaliste, bien sûr, mais il y a l'affectateur. Qu'est-ce que ça fait, un affectateur, Mme la Présidente? Ça donne l'affectation, c'est le terme qui est employé, enfin, le sujet de travail sur lequel le journaliste travaillera cette journée-là. Par la suite, vous avez le rédacteur en chef, le rédacteur en chef, qui, lui, coordonne toutes ces informations. Vous avez le chef de pupitre, qui, lui, prépare le bulletin de nouvelles ou le journal, mais je vais parler pour la presse électronique, le rédacteur en chef, le chef de pupitre, qui met de l'ordre dans tout ça, et vous avez naturellement les correcteurs, le directeur de l'information et le producteur, le producteur, qui, lui, s'assure que le fond et la forme soient conséquents, tiennent dans un tout cohérent, couvrent le maximum d'information, mais, naturellement, dans les limites de temps qui sont consenties à un bulletin d'information parce que tout se calcule en secondes. C'est un travail extrêmement rigoureux, fait, au Québec, par des professionnels de l'information, des gens que je salue, d'ailleurs. Bien, je les salue. La caméra est là. Et cette qualité de l'information, elle est extrêmement importante.

Et je suis contente de vous dire qu'il y a un sondage qui a paru, je crois que c'est au début de la semaine, dans nos journaux, dans nos journaux — important, toujours, de lire nos journaux — qui nous dit que les citoyens du Québec croient à leurs journalistes, croient à la qualité de l'information, et dans une assez forte proportion, et c'est important qu'il en demeure ainsi. Et vous pouvez avoir la certitude qu'en tant que ministre de la Culture et des Communications j'ai à coeur, mais ô combien à coeur, le développement d'une information de qualité à la grandeur du Québec. J'y tiens parce que c'est important pour notre démocratie, la liberté d'expression, la qualité de l'information et le droit et l'accès à l'information.

Et c'est la raison pour laquelle, Mme la Présidente, il y a pratiquement un an jour pour jour, avec mon collègue le député de Richelieu, nous tenions une conférence de presse pour dire : Écoutez, ça va mal depuis des années, ça va mal depuis une dizaine d'années dans le milieu de l'information. Force est de constater que le gouvernement libéral, qui était là pendant 15 ans, n'a rien fait. On est rendus à un mur, il faut agir. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à cette enceinte qu'un mandat d'initiative soit pris par un député, naturellement, le législatif, pour se pencher sur la crise que vivent nos médias de façon générale à la grandeur du Québec, ce qui a été fait. Et maintenant j'ai bien hâte de connaître les conclusions de ce mandat d'initiative des députés qui y ont travaillé. Je vois que le temps file et j'aurai l'occasion d'y revenir. Merci infiniment, Mme la Présidente.

Argumentation

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Nous allons maintenant procéder par alternance aux interventions, cinq minutes, selon la séquence suivante : un député de l'opposition, la ministre, un député du groupe formant le gouvernement, et ainsi de suite. Mme la députée de Taschereau, vous avez la parole pour un maximum de cinq minutes.

• (10 h 20) •

Mme Dorion : Merci, Mme la Présidente. Je remercie Mme la ministre pour sa biographie et les belles constatations qu'elle y faisait. Cependant, elle a dit : Le journaliste est entouré d'une solide équipe. Tout ce monde-là a à coeur la qualité de l'information, et moi-même, comme ministre, j'ai à coeur la qualité de l'information. Ça, c'est l'idéal, c'est ce qu'on voudrait qui arrive, mais ce n'est pas ça, la réalité. Puis là il suffit de connaître le milieu journalistique, de parler avec des journalistes, d'écouter les journalistes, finalement, pour comprendre qu'ils capotent, que la qualité de l'information, ce n'est pas une affaire de désir dans le coeur. Ce n'est pas non plus une affaire d'avoir d'autre monde autour de soi qui travaille, c'est une affaire de ressources. Les journalistes ont besoin... Ça a baissé, là, de plus que 10 % depuis 10 ans, les postes dans toutes les entreprises. Les gens sont pressurisés comme des citrons pour fournir beaucoup plus qu'avant. Il ne leur suffit pas de faire leur reportage, il faut maintenant qu'ils le mettent partout, sur toutes les plateformes, ils ne sont jamais en arrêt. Ils trouvent ça «tough». C'est une vraie question, là.

Donc, la réponse de la ministre, pour moi, elle n'est pas satisfaisante à ce moment-ci. Moi, je ne veux pas une réponse de personne qui vient du milieu des médias. On se demande... puis les gens, le milieu journalistique et le peuple québécois, qui s'intéressent à la question, veulent une réponse claire, voudraient savoir vraiment qu'est-ce qu'il y a dans les intentions de la ministre. Et là ma question est assez précise, c'est supersimple : L'argent pour sauver les médias écrits, qui a été annoncé il y a quelque temps, est-ce qu'il va servir à financer l'information, et le travail des journalistes, et les travailleurs d'information ou est-ce qu'il va servir aussi à financer le salaire des personnes qui n'en ont absolument pas besoin, les chroniqueurs, dont beaucoup font déjà bien en masse d'argent et qui contribuent à prendre les ressources des médias d'information pour les amener ailleurs?

Donc là, je demande à la ministre qu'elle explique précisément, là, j'aimerais ça avoir une vraie réponse, pourquoi elle est prête à donner de l'argent des contribuables pour subventionner l'opinion. Qu'elle explique ça. Pourquoi est-ce que l'argent des contribuables va aller à subventionner l'opinion? Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Roy : Il est important dire que, et je vais poursuivre dans ma première intervention parce que je n'ai certainement pas terminé, c'est important de dire que, pour la députée de Taschereau, elle nous parle d'information, de qualité de l'information, c'est le but de l'interpellation, d'ailleurs, nous avons, je disais, demandé un mandat d'initiative il y a un an, à peu près. Et les députés ont travaillé — le mandat a été demandé par mon collègue de Richelieu — on n'a toujours pas les conclusions et nous attendons le rapport final avec les observations, mais je sais qu'il y a un travail rigoureux qui a été fait.

Entre-temps du côté ministériel, on sait qu'il y avait péril en la demeure puisque ça fait minimalement 10 ans que ça traîne et que personne n'a osé se pencher de façon sérieuse et rigoureuse sur le problème, les problèmes que vivent les médias, tous types de médias. Et, lorsque nous avons décidé de travailler trois ministres ensemble, le ministre de l'Économie, le ministre des Finances et moi-même, pour mettre de l'avant des mesures pour aider les journaux, nous les avons d'ailleurs annoncées il y a quelque temps, ces mesures sont vastes, larges et ne se limitent pas à l'interprétation qu'en fait ma collègue de Taschereau. C'est son choix, elle peut l'interpréter de cette façon. Mais il y a un grand souci de qualité d'information dans les mesures qui ont été mises en place et les critères, d'ailleurs, pour avoir droit à des sommes d'argent.

Si vous me permettez, je vais revenir en détail sur les mesures que nous avons mises en place pour aider nos médias, nos médias de la presse écrite pour le moment, puisque c'est de la presse écrite d'où provenait le plus grand péril puisqu'on a vu fermer, effectivement, plusieurs journaux, plusieurs quotidiens... pardon, des journaux locaux, qui ne sont pas nécessairement des quotidiens, pardon.

Mais il y a eu également, parallèlement, la crise du Groupe Capitales Médias qui, lui, nous a forcés à agir rapidement, au mois d'août dernier, d'ailleurs, pour nous assurer, d'ailleurs, qu'une reprise des grands, et là je parle de quotidiens, les six quotidiens du Groupe Capitales Médias puisse s'effectuer. Vous vous en souvenez sûrement, au mois d'août, nous avons eu l'occasion de formuler un prêt de 5 millions de dollars pour nous assurer que les quotidiens puissent continuer à être publiés, pour que les gens aient accès à une information de qualité jusqu'à ce qu'une reprise soit faite. Et cette reprise devrait être annoncée incessamment au cours des prochaines semaines. Le processus a suivi son cours. Ça, c'est une première chose que nous avons faite, une première action.

Pour ce qui est du programme d'aide à la presse écrite, que nous avons annoncé avec mon collègue le ministre des Finances, il y a une panoplie de critères auxquels les journaux qui veuillent souscrire, auxquels les journaux veuillent souscrire, doivent absolument se soumettre. Et j'aimerais, si vous me permettez, retrouver plus en détail tous ces critères parce qu'il y en a pour des pages et des pages.

Je sais que ma collègue se concentre, et uniquement, sur la chronique. Mais l'interpellation est beaucoup plus large que ça lorsqu'on parle de qualité de l'information au Québec. Et elle fait donc une différence entre les différents genres. Vous savez, je vais me permettre ici une petite parenthèse. Que fait-elle des éditoriaux, je lui pose la question, puisqu'un éditorial, plus souvent qu'autrement, reflète la position politique du propriétaire de presse? Et ça, c'est de commune renommée. Et ça, c'est dans le but d'influencer. Ça s'appelle un éditorial. Alors, moi, j'aimerais qu'elle m'explique pourquoi l'éditorial serait acceptable mais pas la chronique, alors que c'est le même but qui est recherché bien souvent. Je lui pose la question.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la ministre. Donc, je vais maintenant passer la parole au député de Richelieu, du groupe formant le gouvernement. C'est Saint-Jean? O.K., excusez. Au député de Saint-Jean, excusez-moi. Au député de Saint-Jean, donc, pour une période de cinq minutes. M. le député.

M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde.

Je suis, évidemment, fier d'être capable de participer à cette interpellation, d'abord parce que je suis l'adjoint parlementaire de la ministre de la Culture et des Communications, mais aussi parce que je suis journaliste et j'ai passé 40 ans dans les médias et dans le monde de l'information.

D'ailleurs, ça a beaucoup changé depuis que j'ai fermé mon micro, il y a pourtant à peine cinq ans de ça. Et donc ça explique en partie ma vision parce que ces changements qu'on vit et qu'on subit, que le public subit à plusieurs égards, en tout cas, se sont accélérés quand les réseaux sociaux sont devenus des médias sociaux. La nuance est importante, et je pourrais vous faire des cinq minutes juste là-dessus.

Mais on va poursuivre parce qu'il faut mettre la table. En tout cas, pour moi, c'est important ce matin dans le contexte de cette interpellation. D'ailleurs, il faut que je vous dise que, lorsque la députée de Taschereau... avec qui, comme d'habitude, finalement, je suis d'accord sur le fond. C'est toujours sur la forme qu'on a un gros problème et en particulier dans la mesure ou la démesure. Mais ça, c'est une autre histoire. N'empêche que, quand elle nous a convoqués ici ce matin sous prétexte que notre gouvernement était incapable d'agir pour la préservation de la qualité de l'information au Québec, je me suis dit que toutes les occasions étaient bonnes pour en parler, mais qu'encore fallait-il qu'on parle de la même chose.

Le fait est que je ne suis pas particulièrement fier, en tant que journaliste, de ce que l'information est devenue ou, si vous préférez, ce que les médias d'information sont devenus du point de vue de ce qu'ils nous servent pas seulement chez nous, mais sur toute la planète. Parce qu'il ne faut jamais oublier que les Américains et leurs médias ne sont sûrement pas le meilleur exemple, mais qu'ils demeurent, et j'ose le dire, la référence, et donc l'exemple, justement.

• (10 h 30) •

Il faut donc que je vous dise ce que j'ai toujours dit, et je le pense plus que jamais avec le recul : On a les médias qu'on mérite, et donc les médias qu'on veut. Qu'on l'assume, qu'on le reconnaisse ou pas. Parce que le fait est que, plus que jamais aujourd'hui, de toute évidence, dans une sorte de réaction en chaîne de cause à effet, ceci expliquant cela, nos médias, comme ceux des Américains, s'alignent sur les médias sociaux. Les médias d'information privilégient plus que jamais, et même à outrance, et vous avez... c'est là-dessus qu'on est tellement d'accord, Mme la députée de Taschereau, privilégient donc l'opinion, la chronique, le commentaire, l'analyse, qu'on pourrait aussi appeler le journalisme d'opinion quand il est pratiqué et seulement quand il est pratiqué dans sa forme noble et professionnelle au sens où l'entendent le Conseil de presse du Québec et la Fédération des journalistes professionnels du Québec, par exemple.

Mais le journalisme tout court, les faits, rien que les faits, juste les faits, parce que c'est d'abord ça, le journalisme, c'est devenu vieux jeu, médias sociaux obligent, et, avouons-le une denrée de plus en plus rare dans nos médias. Au mieux, c'est la confusion des genres, au pire, ça devient les «fake news» du président Trump. Et chez nous, comme un peu partout dans le monde, c'est la perte de confiance envers les médias et la montée du cynisme ambiant à l'égard de la chose et du service public. Quand on se rend compte que les mêmes fausses nouvelles, pour les appeler comme ça ou, si vous préférez, dans mon temps, on appelait ça les légendes urbaines, quand ça revient inlassablement et implacablement à des intervalles réguliers, malgré les corrections, et les explications, et les dénonciations, même, on a même des émissions spécialisées là-dedans, on est en droit de se demander si les remparts contre la propagande tiennent encore, parce que la presse a beau être libre et indépendante, elle n'en est malheureusement plus pour autant aussi efficace pour protéger la démocratie, notre démocratie.

On a bien compris, pendant les consultations particulières de la commission parlementaire sur l'avenir des médias, que la presse et les médias sont en crise, et je ne balaierai pas ça sur le tapis, mais j'y reviendrai avec votre permission, parce que je parle ici des médias nationaux. Parce que, localement et régionalement, les médias continuent d'essayer d'être la courroie de transmission entre le public et les acteurs de la société civile, même si ce qu'ils publient est devenu ni plus ni moins qu'une peau de chagrin si on regarde pas très loin derrière, il y a encore à peine quelques années, et c'est sans compter les déserts médiatiques que sont devenues plusieurs régions.

Il ne faut pas se leurrer, là, la proximité des banlieues, des villes centres, des couronnes élargies de Montréal sont loin d'être une garantie de la santé et de la vitalité des médias locaux et régionaux considérant la problématique économique particulière des médias, et, pendant ce temps-là, c'est la montréalisation des ondes qui fait plus que jamais son oeuvre.

Mais, une fois que j'ai dit ça, je l'avoue, mon portrait est un peu sombre, ça ne m'a pas empêché et ça n'a surtout pas empêché notre gouvernement d'agir en attendant le rapport de la commission parlementaire sur l'avenir des médias, comme l'expliquait la ministre. Et c'est d'autant plus vrai qu'il y avait urgence pour ne pas dire péril en la demeure pour six grands quotidiens régionaux. Et c'est pour ça que le programme de crédits d'impôt a été annoncé cet automne en plus de la bonification, et c'est important, du Programme d'aide à l'adaptation numérique des entreprises de la presse d'information écrite qui a déjà des retombées concrètes, considérant toutes les demandes et tous les projets qui ont été acceptés et financés aux quatre coins du Québec. Et je reviendrai avec la commission sur l'avenir des médias.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Je passe maintenant la parole au député de Vimont pour cinq minutes.

M. Rousselle : Merci, Mme la Présidente. Premièrement, juste pour dire que je suis heureux de prendre part aujourd'hui à l'interpellation au nom de l'opposition officielle pour la préservation de la qualité de l'information au Québec.

Premièrement, l'information, vous le savez comme moi, c'est le savoir, le savoir, c'est la liberté, et la liberté, c'est la démocratie. Donc, on le sait, puis Mme la ministre et le député de Saint-Jean... D'ailleurs j'ai déjà écouté la ministre à la télévision, donc, ça fait un bout de ça, mais mes cheveux blancs me trahissent, et le député de Saint-Jean m'a déjà passé en entrevue. Je ne sais pas s'il s'en rappelle, mais moi, je m'en rappelle. Et ça, c'était au moment où j'étais policier, donc je m'en rappelle très bien, oui.

On sait tous qu'actuellement... on l'a constaté, à quel point que tous les Québécois et les concitoyens de nos circonscriptions, de nos comtés sont attachés à l'information vraiment de qualité. Et je parle vraiment de qualité. Et, quand on parle de qualité, comme ma collègue de Taschereau le mentionnait tantôt, ce n'est pas avec le manque de personnel puis ce n'est pas à cause du manque de recherche qu'on va faire de la qualité. Ça nous prend vraiment de la recherche, ça nous prend vraiment des personnes.

Vous savez, moi, à Laval, là, actuellement, on avait deux, trois journaux avant, maintenant on a Courrier Laval, et j'ai des gens que je connais bien, parce qu'écoutez je suis un gars de Vimont depuis l'âge de huit ans, donc ça fait un bon bout, et il y en a même qui ont dit : Écoute, Jean, j'ai même... il a fallu que je demande... ils m'ont donné une baisse de salaire. Je ne pouvais même plus payer le beurre de peanut sur mes toasts, imaginez-vous. Comprenez-vous? Mais ils étaient prêts à travailler. C'est des gens de coeur, c'est des gens qui sont prêts à se donner. Et c'est là-dessus que... Et c'est sûr qu'il y a eu de la perte d'emplois.

Nous, à Laval — je veux parler de Laval — nous, on a Montréal à côté. Donc, c'est tous les grands médias de Montréal qui — comment je pourrais te dire? — qui prennent la grande partie de l'information. Mais, dans les régions comme... Laval, ce n'est pas une région, mais Laval, on a besoin de nos journaux locaux pour parler de nos choses, de parler de nous, et ça, c'est important. Malheureusement, cette information-là se perd. Oui, vous allez me dire : Oui, ça va... Facebook et compagnie prennent la relève. Non, ça ne prend pas la relève. Moi, j'ai des personnes âgées, là, que Facebook, ils ne connaissent même pas. Je peux même parler de mon père. Mon père, un ordinateur, il ne connaît pas. Donc, il a essayé, puis ça ne marche pas. Comprenez-vous? Donc, c'est important.

Et j'ai eu l'occasion de suivre les travaux sur l'avenir des médias d'information, un exercice, en passant, très enrichissant, mais qu'est-ce qui me frappe vraiment, c'est la lucidité sur la source du problème. C'est sûr, l'avènement de l'Internet, des grands géants du Web comme Facebook et compagnie a complètement... comme le député de Saint-Jean le mentionnait tout à l'heure, ça a chamboulé vraiment tout le modèle d'affaires et... modèle traditionnel. Ça, on le sait, on l'a vu et on l'a entendu, d'ailleurs, en commission. Les géants du Web, bien, ce sont des gens qui sont basés à l'étranger, qui ne sont pas basés au Québec, qui ne sont pas basés au Canada, qui sont basés ailleurs, donc ne paient aucune redevance, donc ne paient pas d'impôt ici. Nos travailleurs, parce que je reviens toujours aux travailleurs, mais les travailleurs et les journaux d'ici, les médias d'ici paient des taxes, eux. Donc, il faut faire quelque chose absolument, parce que, là, c'est comme inéquitable, c'est vraiment une équité... Premièrement, l'équité fiscale, elle n'est pas là, mais l'équité non plus au niveau de la recherche, et tout.

La députée de Taschereau en parlait tantôt, pour Facebook, là, tu as juste à prendre les grands titres, elle parlait de l'Halloween, mais on peut parler de plein d'autres événements, bien, c'est facile. Ou encore ils vont copier des recherches ou des choses qui se sont passées dans les journaux locaux ou dans les grands journaux de Montréal puis ils vont les rediffuser dans leur plateforme. Ils n'ont aucune recherche, ils n'ont pas besoin de personne, de journalistes, pantoute, et puis ils peuvent rajouter n'importe quoi. Puis, vous savez comme quoi, Facebook aujourd'hui, bien souvent, il y a du n'importe quoi là-dedans qui se dit, et puis on n'a pas de contrôle.

Donc, je pense que... Et je reviens encore localement. Toutes les organisations... Pensez aux petites organisations qui ont besoin, justement, de leurs journaux locaux. Bien, il n'y en a plus ou il n'y en a presque plus. Et, je me rappelle, le Courrier Laval, avant, là, il était vraiment épais, mais maintenant il est rendu, je pense, à 30 pages, à peu près. C'est incroyable! Mais là toutes les publicités qu'il y avait là-dedans sont où? Bien, elles sont sur Facebook, elles sont sur tous les autres médias du Web, mais, pendant ce temps-là, eux autres, ils ne paient pas de taxes. Donc, c'est vraiment... Et je comprends que les gens qui sont avant moi, ils proviennent justement du milieu journalistique, mais je ne comprends pas qu'on n'ait pas fait quelque chose immédiatement là, parce que ça fait un an que la ministre est là, puis, actuellement, on n'a rien fait. Et c'est là-dessus que je trouve malheureux, sachant qu'elle connaît le problème.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

• (10 h 40) •

Mme Roy : Oui. J'ai bien cinq minutes, hein, là? Écoutez, Mme la Présidente, c'est assez ironique d'entendre le député dire : Je suis surpris qu'on n'a rien fait avant, ça fait un an que la ministre est là. Mais vous savez quoi, Mme la Présidente? L'attentisme, c'est un beau mot, là, ça a été la marque de commerce des gouvernements libéraux successifs en ce qui a trait à la sauvegarde de nos médias écrits, et on pourrait parler aussi en ce qui a trait à l'avènement des plateformes numériques et des réseaux sociaux. Et c'est seulement à la fin de 2017, on était à l'aube d'une année électorale, vous le savez, M. le député, vous étiez là, que quelques mesures ont été annoncées et ont servi notamment à assurer le sauvetage en catastrophe du Groupe Capitales Médias. Peu de choses ont été faites pour nos médias écrits sous le PLQ. La situation n'a fait que se dégrader en grande partie à cause de l'inaction libérale qui a duré 15 ans. Je vous disais que ça a vraiment commencé à tomber il y a 10 ans, mais ils ont été là pendant 15 ans puis ils n'ont rien fait. Pourtant, la crise, elle n'est pas arrivée d'hier.

Et je vais en profiter, parce que j'ai très peu de temps... Moi, j'aimerais vous citer quelqu'un qui a dit quelque chose d'assez extraordinaire : La crise, elle n'est pas arrivée d'hier. Et ça, c'est un constat qui a été fait le 30 août dernier — ça ne fait pas longtemps, hein? — par nul autre que le chef de l'opposition officielle, qui s'assoit là d'habitude, et je le cite. Il dit : «Vous savez, la crise, elle a commencé, à mon avis, il y a plusieurs années, plusieurs années. La chose, c'est qu'elle s'est intensifiée depuis les deux ou trois dernières années — il était au pouvoir. Mais je me rappelle très bien à l'époque où j'étais ministre de l'Environnement, par exemple, où j'avais les représentants des journaux, des magazines, qui venaient me voir pour me dire : Écoutez, on n'a pas les moyens — on n'a pas les moyens — actuellement, de payer, là, [entre autres] les frais [...] dans le cas du recyclage. Donc, ce n'est pas quelque chose qui [est] nouveau. Et donc je pense que c'est une bonne réflexion qui doit être faite. Mais je pense qu'on doit penser en termes de grand ensemble et non plus juste localement, si on veut.» Et ça, ce sont les propos de l'actuel chef du Parti libéral, le chef de mon collègue le député de Vimont.

Il nous a candidement avoué qu'il y a eu de l'attentisme, puisque ça fait extrêmement longtemps, une bonne dizaine d'années, que la situation a changé pour tous les médias et que les plateformes numériques ont pris une place énorme. M. le député me disait que ça fait longtemps que j'ai fait de la télé. Vous avez raison, j'ai arrêté d'en faire en ondes en 2009, alors ça fait 10 ans que je n'en fais plus, mais j'ai toujours travaillé à l'intérieur jusqu'en 2012. Et les plateformes numériques avaient déjà commencé, à cette époque, à prendre de la place. Mais ce n'est pas d'hier qu'en cette enceinte les députés ont été sollicités à maintes reprises pour faire quelque chose, et le gouvernement libéral n'a pas bougé. Je regarde le temps qu'il me reste.

Il y avait même un groupe, un groupe de travail, ça, c'est très important, qui nous disait, en 2017, donc avant la dernière campagne électorale, dans une lettre ouverte, et... une lettre ouverte, je peux vous la déposer ici. Elle a été signée par plusieurs personnalités du monde médiatique et elle disait que la «saignée se poursuit et risque de s'accentuer sans une action immédiate de nos gouvernements». En 2017. Les libéraux étaient là, là. «Bien que les chercheurs, les observateurs des médias, ainsi que de nombreux représentants du secteur — tant patronaux que syndicaux — aient sonné l'alarme depuis fort longtemps, nous sommes arrivés à un point de non-retour et il nous faut mesurer les conséquences de ce laisser-faire inquiétant.» Fin de la citation.

Remontons dans le temps. En 2009, la ministre de la Culture de l'époque, l'actuelle députée de l'Acadie, mandate un groupe de travail sur le journalisme, sur l'avenir de l'information au Québec, mené par la professeure que nous connaissons tous, Mme Dominique Payette, pour cerner les difficultés de l'information au Québec dans le contexte des nouvelles technologies et devant la crise générale des médias qui secoue l'ensemble des pays industrialisés. Le groupe a pour objectif de proposer des moyens de surmonter cette crise pour nous assurer que la population du Québec continue de bénéficier d'une information de qualité — on y revient, on est en 2009 — fondement de la démocratie et de la participation citoyenne et qu'elle soit équitablement répartie. Ce rapport indiquait, et je cite : «Nous croyons que le temps est venu pour l'État d'intervenir afin d'assurer que l'offre d'information et les conditions de pratique journalistique des professionnels ne se détériorent pas davantage.» Ça, c'est en 2009, déposé à l'actuelle députée de l'Acadie. Et depuis ce temps, après la publication du rapport, rien, «niet», zéro. Ça fait 10 ans qu'ils le savent. Nous avons agi, Mme la Présidente, et je reviendrai avec les actions, plus en détail, que nous avons prises.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole au député de Richelieu. M. le député, cinq minutes pour vous.

M. Émond : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Heureux d'être avec vous ce matin, Mme la Présidente. Je salue Mme la ministre, les collègues députés qui m'accompagnent et qui sont avec nous... J'en profite pour saluer les équipes aussi qui accompagnent la ministre, les équipes qui accompagnent nos collègues d'en face qui participent avec nous, avec une joie à peine dissimulée, à cette interpellation du vendredi. Et, Mme la Présidente, j'apprécie le ton ce matin au salon bleu. Je trouve intéressant d'avoir des échanges cordiaux comme ce matin. Les gens qui écoutent nos travaux connaissent le salon bleu surtout pour la période de questions, là, ce moment où il règne une franche camaraderie entre tous les parlementaires. Parce que, ce matin, on discute d'un sujet qui est important, Mme la Présidente : la qualité, la vitalité, l'importance de nos médias québécois, parce qu'on sait tous que, plus qu'un outil nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie, nos médias sont un des éléments indispensables au rayonnement et à la pérennité de notre culture. C'est particulièrement vrai pour notre... petite nation comme la nôtre. C'est une réalité dans l'ensemble continental nord-américain. Le poids culturel et démographique du Québec, c'est un peu David contre Goliath, Mme la Présidente.

Par contre, nous avons su démontrer que les artisans du milieu culturel et médiatique d'ici n'ont rien à envier à personne. Le contenu original québécois occupe une place de choix dans nos médias. Certains de nos cinéastes, de nos créateurs sont reconnus internationalement, même chose pour ceux qui travaillent en arrière-scène et au niveau de la technique. Alors, ils sont tous une source de fierté pour nous tous.

Mme la Présidente, moi, je représente le comté de Richelieu, la ville centre, Sorel-Tracy, et dans l'eau, chez nous, je ne sais pas ce qu'on y retrouve, mais, au pied carré, il y a du talent, Mme la Présidente, dans tous les domaines culturels, artistiques et médiatiques. Tantôt, je parlais de nos cinéastes, là. Il me vient en tête la jeune cinéaste Geneviève Dulude-De Celles, qui nous fait honneur tout particulièrement ces temps-ci.

Alors, cependant, malgré les succès indéniables, il ne faut pas faire preuve d'angélisme, Mme la Présidente. La situation des médias et des créateurs de contenu québécois est préoccupante. La venue du numérique a chamboulé un équilibre déjà précaire. Il faut en être conscient et agir en conséquence.

Si les médias nationaux font face à la pression des géants de l'Internet, c'est encore doublement vrai pour les médias régionaux. Tantôt, le collègue de Vimont a fait un plaidoyer pour les médias locaux de son coin. C'est vrai aussi dans le comté de Richelieu. Je suis convaincu que c'est vrai dans Taschereau, dans Montarville, dans Saint-Jean et dans Huntingdon.

Pourtant, ces hebdos-là, Mme la Présidente, ce sont des outils essentiels à la diffusion de l'information dans nos communautés, souvent de l'information hautement pertinente pour les citoyens de nos régions, mais dont les grands médias nationaux n'accordent que très peu d'attention. Ce n'est pas LeJournal de Montréal ou Le Soleil... Je ne dis pas qu'ils devraient absolument couvrir l'actualité de Sorel-Tracy, Saint-Ours ou Saint-Gérard-Majella. Ce n'est pas leur rôle, Mme la Présidente, mais il faut plutôt que les gens de nos communautés aient accès à des médias faits pour eux par des gens de chez eux.

Je pense à l'hebdomadaire, dans mon coin, Les 2 Rives, qui est au coeur de l'actualité du comté depuis 1978 — je salue Marcel, Jean-Philippe, Katy — ou encore Le SorelTracy Magazine, un média numérique régional, un véritable précurseur, qui est maintenant un incontournable pour les citoyens de mon comté, Mme la Présidente. Puis je salue, Jean, Stéphane puis, volontairement, Mme la Présidente, je leur dis bonjour en les nommant par... ces gens-là par leur prénom parce que c'est un peu ça aussi, les médias en région, Mme la Présidente, c'est une proximité avec les intervenants. Puis, je vous rassure, c'est une proximité qui demeure saine, démocratiquement parlant, parce que, oui, je trouve qu'ils font un très bon travail et, non, je ne suis pas toujours d'accord avec leurs écrits, que, oui, parfois, il peut leur arriver de m'écorcher un tout petit peu.

Tout ça, c'est sans compter les commerces de proximité qui, à travers ces médias, ont accès à une plateforme publicitaire qui leur permet d'atteindre directement les consommateurs locaux. C'est un impact majeur pour l'économie locale, Mme la Présidente.

Alors, notre gouvernement considère que l'accès à une information québécoise de qualité et diversifiée est essentiel pour la santé de la vie démocratique et qu'il constitue un fondamental pour les citoyens et citoyennes de l'ensemble du Québec. Et j'aurai l'occasion de revenir, Mme la Présidente, avec un peu plus de détails.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Taschereau.

Mme Dorion : Pour cinq minutes?

La Présidente (Mme Guillemette) : Cinq minutes.

• (10 h 50) •

Mme Dorion : Merci, Mme la Présidente. Je veux vous dire quelque chose, et que vous sachiez que je le fais en tout respect pour les personnes que vous êtes, mais moi, je n'ai pas eu de réponse. J'arrive avec une interpellation, la ministre parle d'autre chose, les députés du gouvernement parlent d'autre chose. Tout le monde arrive comme s'ils avaient préparé leur exposé oral sur la crise des médias, et chacun après l'autre y va de son exposé oral avec sa vie personnelle.

J'ai posé une question supersimple, puis là je veux... Comment ça se fait que, dans un truc qui est organisé comme ça, qui coûte cher, notre temps, l'enceinte ici, la place, le Parlement, comment ça se fait qu'on ne peut pas avoir ne serait-ce qu'un semblant de réponse, qu'il y a une vraie discussion où, là, je dis, je demande, c'est mon interpellation : Comment ça le plan d'aide aux médias va financer des salaires de chroniqueurs plutôt que de tout aller à l'information? Il me semble que c'est simple. C'est simple. C'est ça, la question. C'est de ça dont on devrait parler.

On a des gens ici qui connaissent les médias. Vous n'avez pas besoin d'avoir toutes des choses préparées pour être sûrs de ce que vous dites, on est capables de jaser, juste de parler. Puis c'est une question importante. Si j'ai fait 10 minutes d'entrée en matière sur comment la chronique influence la politique, le bien public, notre conversation collective, c'est quand même parce que c'est important. Puis je le fais parce que je tiens à ça, pas parce que je veux mettre la ministre dans l'embarras ou qui que ce soit ici dans l'embarras. Je veux qu'on puisse en discuter pour de vrai.

Vous avez le pouvoir de... La ministre et le gouvernement, les députés du gouvernement, ont du pouvoir que je n'ai pas. Le seul pouvoir que j'ai, c'est de demander des comptes, de demander des réponses. Je ne trouve pas ça compliqué. Je ne comprends pas pourquoi c'est si difficile que ça.

Et donc je vais répondre à la question de la ministre pour au moins faire ce que je reproche aux autres de ne pas faire. Pourquoi c'était correct, un éditorialiste autrefois, puis là on remet en cause l'importance de la chronique, et tout ça. L'éditorialiste, la plupart du temps, se soumettait à ce que j'ai énoncé, des règles du Conseil de presse sur c'est quoi, un journaliste d'opinion qui est capable de faire comprendre au lecteur quels sont les points de vue différents en jeu et qui se base des faits pour exprimer son opinion. Mais aussi on avait un éditorialiste par journal, alors que, là, et c'est comme ça que j'ai commencé mon entrée en matière tantôt, les chroniques, l'opinion, le commentariat est devenu omniprésent, et a pris énormément d'espace, et a dévié beaucoup de ressources qui allaient autrefois à l'information. C'est ça qui est important comme différence. Oui, un éditorialiste, c'est une forme de chroniqueur, mais il n'y en avait pas tant puis il était... il n'accaparait pas toutes ces ressources-là puis il n'était pas omniprésent dans notre conversation publique collective, comme il l'est aujourd'hui.

Par rapport à ce que le député de Saint-Jean a dit, c'est vrai que les réseaux sociaux ont aussi leur part de responsabilité, puis on voit toutes sortes de choses là-dessus. Ce pourquoi je n'en parlerai pas, moi, c'est que ma question était par rapport au plan d'aide annoncé pour les médias. Pourquoi est-ce que de l'argent public s'en va vers les chroniqueurs? Est-ce qu'on enverrait de l'argent public vers des faiseurs d'opinion sur Facebook? Non. Ils sont légion, on en a bien assez, on n'en a pas besoin de plus. Cependant, il faut quand même dire qu'on leur donne, aux réseaux sociaux, une forme de soutien public en n'exigeant pas qu'ils paient des impôts puis en ne les taxant pas pour toutes sortes de choses pour lesquelles on devrait les taxer. En n'exigeant pas notre part, c'est une façon de subvention qu'on leur donne, mais, bon, là, pour l'instant, ma question n'était pas là-dessus, c'est sur autre chose.

Pour revenir sur la réponse que je veux faire à la ministre, la chronique, comme j'ai dit, est envahissante, et les gens sont écoeurés, là. Le chauffeur de taxi, ce matin, me disait : Je n'en peux plus d'entendre ce déversement de fiel à la radio tous les matins. Maintenant, j'écoute la musique classique, je n'écoute plus d'information. C'est dommage, il jette le bébé avec l'eau du bain. On a besoin d'avoir des citoyens informés, mais là il n'en pouvait plus d'entendre de l'opinion négative tout le temps, tout le temps.

On sait que beaucoup de chroniqueurs ont recours à des procédés argumentaires trompeurs. Il y a les fameux sophismes, dont on parle des fois, l'appel à l'émotion, la généralisation hâtive, l'appel à la majorité, tout le monde pense que, l'attaque personnelle qui peut aller jusqu'à l'intimidation. Nombreux sont les profs de philo qui disent : Vous allez me trouver les sophismes et les procédés argumentatifs trompeurs dans ces chroniques-là. C'est devenu une mode courante parce que c'est une manne, les chroniques, pour dénicher des procédés argumentatifs qui trompent l'opinion, qui trompent l'intelligence.

Et c'est pour ça que je repose ma question : Pourquoi de l'argent public va à nourrir quelque chose dont on a déjà trop et qui ne sont pas le problème qui a été mis de l'avant par le milieu médiatique? Le problème qui a été mis de l'avant par le milieu médiatique, c'est le manque de ressources pour les travailleurs de l'information.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une période de cinq minutes.

Mme Roy : Alors, c'est justement pour pallier à ce manque de ressources que notre gouvernement a mis sur pied un imposant et important programme pour venir en aide à la presse écrite, du jamais-vu au Québec, Mme la députée. Et je reprends le libellé de votre interpellation, on parle de la préservation de la qualité de l'information. À l'égard du programme que nous avons déposé, les crédits d'impôt et les mesures de programme qui ont été modifiées pour aider la presse écrite, il y a un critère de qualité pour y avoir accès. Je pense que c'est important ici d'informer puis d'informer les gens qui nous écoutent que la qualité est prise en considération.

Je voudrais vous rappeler qu'avec les mesures que nous avons mises en place et qui ont été saluées, saluées par l'ensemble des médias touchés et même ceux qui ne le sont pas, il y a 1 200 travailleurs qui vont pouvoir en bénéficier. Quand vous me dites : Les travailleurs ont besoin de moyens, là, on leur en a donné, des moyens. Donc, 1 200 travailleurs qui pourraient bénéficier de ces mesures, naturellement, s'ils répondent aux critères, entre autres, de qualité. 200 journaux écrits, on parle aussi de nos journaux en région. C'est surtout, surtout, eux à la grandeur du Québec. C'est important pour moi qu'il y ait de l'information partout. C'est bien beau parler du pont Jacques-Cartier puis du pont Champlain, mais, quand on est chez vous, par exemple, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, ce n'est pas nécessairement l'information que l'on privilégie.

Nous avons annoncé un crédit d'impôt sur masse salariale des employés des salles de rédaction, 35 % du salaire des employés des salles de rédaction jusqu'à concurrence d'un salaire de 75 000 $. C'est un effort substantiel pour donner des moyens à ceux qui écrivent. Un crédit d'impôt à la transformation numérique. Une bonification et, je vous dirais, un allongement d'un programme d'aide à l'adaptation numérique des entreprises de la presse écrite au ministère même de la Culture et des Communications. Et j'ai insisté pour qu'on modifie les critères pour que les journaux locaux puissent y avoir accès parce que les critères précédents de l'ancien programme n'étaient pas adaptés à la réalité. On veut donner des moyens. Par ailleurs, une prise en charge des obligations des journaux à l'égard de RECYC-QUÉBEC. Ça les étouffait carrément, on s'en est occupés. Plusieurs autres mesures.

Mais ce qu'il est important de dire, et je veux y revenir, on nous parle de qualité de l'information, c'est d'informer les gens qui nous écoutent des critères, les sociétés admissibles à ce plan d'aide que nous avons mis sur pied, qui est ambitieux, qui est important, parce que c'est l'argent des contribuables, 50 millions de dollars par année de plus, par année, de plus pour aider l'information écrite. Les sociétés admissibles sont les sociétés ou les sociétés de personnes qui exploitent une entreprise au Québec et y a un établissement. Les sociétés exclues sont les sociétés exonérées d'impôt — tiens, justement, on parle de ces plateformes — une société de la couronne ou encore une filiale entièrement contrôlée par une telle société et une société de radiodiffusion. C'était pour la presse écrite.

Médias admissibles — j'informe la population : le média qui fait la production et la diffusion quotidienne ou périodique de contenus admissibles au moyen d'une publication imprimée, d'un site Internet d'information ou d'une application mobile réservée à l'information. Un média périodique doit être produit et diffusé au moins 10 fois par année. La salle de rédaction du média doit se trouver dans un établissement situé au Canada et regrouper des journalistes qui sont responsables des contenus admissibles. Vous savez pourquoi on a mis ça? Parce que LeDroit, LeDroit, il est au Canada, il n'est pas au Québec. Il fallait faire attention aux journalistes du Droit. Le média doit avoir été produit et diffusé depuis au moins 12 mois avant sa demande de crédit d'impôt. Donc, on travaille avec ceux qui sont déjà là.

Contenus admissibles — tiens, on y vient : le contenu d'information écrit original qui doit porter sur l'actualité d'intérêt général, s'adresser à la population du Québec, couvrir trois thèmes d'actualité parmi les suivants : la politique, le domaine municipal, le domaine international, le domaine culturel, les affaires et l'économie, les nouvelles d'intérêt local, les faits divers. On ne parle pas de n'importe quoi ici. C'est précis, ce qu'on demande aux journaux pour qu'ils puissent bénéficier de l'aide.

Le taux, bien, on l'a dit, c'est 35 % du salaire. Je vais vous faire grâce des considérations fiscales. Mais on revient à la qualité de l'information. La production de contenus admissibles comprend la recherche, la collecte de renseignements, la vérification des faits, la photographie, la rédaction, la révision, la conception et toute autre préparation de contenu.

Ça, Mme la Présidente, ce ne sont que — parce que j'en ai des pages et des pages, mais je ne vais pas vous les lire, je vous l'explique — des pages et des pages de critères auxquels la presse écrite doit répondre pour avoir droit à l'aide exceptionnelle que nous avons mise en place parce que l'information de qualité et diversifiée à la grandeur du Québec, nous y croyons, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la ministre. Je passerais maintenant la parole à la députée Huntingdon.

• (11 heures) •

Mme IsaBelle : Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, je suis contente d'être ici ce matin, et mon exposé va permettre probablement de répondre à certains points soulevés par la députée de Taschereau et le député de Vimont.

En 2015, vous le savez sans doute, l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, estimait que les pertes de recettes fiscales générées par l'érosion de la base d'imposition et le transfert des bénéfices pouvaient s'élever jusqu'à 240 milliards US, ce qui représente pas loin de 10 % des recettes fiscales pour l'ensemble des pays.

Alors, pour combattre ce phénomène, l'OCDE a commencé des travaux d'analyse devant mener à une réforme de la fiscalité internationale. Et c'est ce qui est très important. Dans ce contexte, en mai dernier, sous l'égide de l'OCDE, 134 pays et sous-juridictions ont adopté un programme de travail visant à mettre en oeuvre une réflexion, justement, sur l'émergence de l'économie numérique et l'impact croissant des entreprises comme Google, Apple, Facebook, Amazon, ce qu'on surnomme, tout le monde, GAFA.

Alors, Mme la Présidente, ce programme de travail est basé, là... et ça vaut peut-être la peine de prendre un peu de temps pour l'expliquer, parce que ce programme de travail de l'OCDE est basé sur deux piliers. Le premier pilier vise à proposer des solutions pour déterminer où l'impôt devrait être payé et sur quelles bases. La réforme visera notamment à ce que les entreprises soient imposées dans les pays où se situent les consommateurs ou les utilisateurs finaux. Le deuxième pilier, qui est très important, vise, lui, à proposer des mesures pour garantir un niveau minimum de taxation des sociétés. Et nous savons qu'à Washington les 17 et 18 octobre derniers l'OCDE a présenté sa proposition quant aux deux piliers, tels qu'expliqués un peu plus, tôt, lors d'une réunion où... avec des ministres des Finances et gouverneurs de banques centrales des pays du G20. Et on doit souligner que ceux-ci ont apporté leur soutien à la proposition de l'OCDE, ce qui est très important. Ainsi, par ces démarches, l'OCDE espère parvenir à un accord mondial sur la taxation des géants du numérique et des multinationales d'ici juin 2020. Il va sans dire que nous attendons les conclusions de ce rapport rapidement.

Mais, effectivement, bien que... gouvernement, on soit en attente des conclusions de l'OCDE, il faut savoir qu'on ne reste pas impassif, notre gouvernement n'est pas impassif. Notre ministre, hein, des Finances, ainsi que notre ministre des Communications et de la Culture, sont très à l'affût de ce dossier et le suivent de très près. Nous savons également que, depuis le 1er janvier dernier, les entreprises étrangères exploitent des plateformes numériques offrant au Québec... qui offrent au Québec des biens, des meubles incorporels ou des services doivent percevoir la taxe de vente au Québec. Mais actuellement la TVQ est payée par les consommateurs, puis cette mesure n'implique pas de contribution réelle des entreprises. Alors, toutefois, advenant une taxation des profits telle que proposée par l'OCDE, ce sont les GAFA de ce monde qui devront ouvrir leur portefeuille, qui devront effectivement davantage payer pour aider les médias locaux.

Mme la Présidente, je tiens à le préciser, une approche coordonnée avec le fédéral et les autres provinces sur le sujet est essentielle, étant donné que la proposition de l'OCDE, en lien avec le deuxième pilier, entre autres, concerne des règles de répartition internationales de l'impôt sur le revenu. Le Québec peut donc difficilement agir seul en cette matière. Et je réitère que nous avons entièrement confiance en notre ministre des Finances ainsi que notre ministre des Communications et de la Culture en ce qui concerne ce dossier pour faire le suivi. Bon, dans ce contexte, la ministre, effectivement, de la Culture et des Communications et est en discussion avec le ministère des Relations internationales et de la Francophonie ainsi que le ministère des Finances quant à l'intérêt et à la procédure afin de prendre part aux consultations publiques de l'OCDE qui auront lieu au mois prochain. Donc, je tiens à vous dire que je suis très satisfaite de pouvoir avoir apporté ce plus dans cette consultation. Merci.

Document déposé

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Avant de céder la parole au député de Vimont, je veux juste mentionner que le dépôt de la lettre ouverte dont Mme la ministre... a mentionné tout à l'heure a été fait aux participants de ce matin. Donc, sans plus tarder, M. le député de Vimont, la parole est à vous pour cinq minutes.

M. Rousselle : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'est bien beau, parler du passé, mais là je pense, comme la députée de Taschereau le mentionnait, je pense qu'on est ici pour essayer de trouver une solution. Je pense que l'objectif, là, c'est de voir vers l'avant. Actuellement, ça fait un an que la ministre est là, et on attend. Je pense que, pour la qualité de l'information, il faut se donner les moyens, puis les moyens, bien, c'est de l'argent. D'ailleurs, Netflix, si vous vous rappelez bien, là, c'est mon collègue de Robert-Baldwin, justement, qui a parti ça.

Attendre après le fédéral, parce ce que j'entendais tantôt ma collègue parler de l'OCDE, est-ce que c'est ça, le nationalisme caquiste, d'attendre après un rapport du fédéral? Non, moi, je pense qu'on est autonomes, je pense qu'on peut opérer ici puis je pense qu'on pourrait même aller chercher les taxes en plus, la TPS sur Netflix. Il faut se donner les moyens.

Quand on regarde... comme, tout à l'heure, je le mentionnais, tout à l'heure, j'en parlais, de dire : Écoutez, Netflix et tous les GAFAM qui sont là... D'ailleurs, à un moment donné, il y a eu deux motions que ma collègue de Verdun a parlé, le 2 mai et le 11 juin. Le 2 mai, on parlait justement de revoir justement rapidement l'ensemble des politiques gouvernementales en manière de publicité, et tout, d'exiger des ministres et d'organismes de concentrer leurs dépenses publicitaires vers les entreprises de presse du Québec. Est-ce qu'il y a une directive de donnée actuellement? On ne la voit pas. Ça, c'est de l'argent, là, qui pourrait être dirigé directement, aujourd'hui même, dans les médias, aujourd'hui. Donc, faire quelque chose immédiatement. Pas de directive actuellement. On ne l'a pas vue. Donc, il y a deux motions qu'on a sorties.

Je regarde aussi, vous savez, au niveau de la dépense. L'application de la TVQ sur Netflix, c'est 62 millions. L'application de la TPS, si on l'applique, la TPS, parce que le fédéral ne le fait pas, donc on n'est pas obligé d'attendre le fédéral, on est capable de le faire nous-mêmes, là, je pense qu'on est assez grands, ici, là, bien, ça serait 38,8 millions. Aïe! C'est de l'argent, ça. Puis l'imposition sur la taxe du GAFAM, là, sur 3 % sur Facebook, un exemple, 20 millions. Savez-vous que'on est capable d'aller chercher 120 millions là? On ne parle pas du passé, là, on parle du présent. Du présent actuellement.

Donc, j'aimerais ça voir qu'est-ce que la ministre a fait vraiment, là, parce qu'elle a bien beau dire : Oui, on a donné de l'argent aux médias, mais est-ce qu'on a été équitables dans les médias? Là, quand je parle des médias, je ne parle pas juste de médias écrits. Je parle des médias aussi dans les nouvelles. D'ailleurs, j'ai des gens devant moi qui ont été dans ces médias-là. Ils devraient être plus sensibles que moi, être là-dedans, de penser à eux. Mais je pense qu'il faut y aller vraiment de manière large. Si on veut préserver notre information de chez nous puis que, justement, qu'il y a des gens qui vont comme s'improviser comme journalistes dans les Facebook et compagnie et faire des, excusez l'expression anglaise, mais des «fake»... des fausses nouvelles, je vais y aller tout de suite en français, des fausses nouvelles, bien, écoutez, je pense que c'est par la qualité.

Puis, par le passé, je l'ai déjà vécu, même moi, je l'ai vécu, des fausses nouvelles, là, ça fait des dommages collatéraux. Tu sais, ça fait vraiment des dommages collatéraux. Donc, l'importance d'avoir vraiment des recherches puis vraiment avoir des gens qualifiés pour faire du journalisme, bien, c'est important. C'est important, parce qu'il y a bien beau indiquer une mauvaise nouvelle dans un journal mais, après ça, un petit encart dans la page 66, au côté des mortalités, ça ne corrige pas grand-chose. Puis ça je vous parle même de mon cas personnel, là.

Donc, comprenez-vous? Je pense que l'importance d'avoir de la qualité, c'est ça, le plus important. Mais, comme je vous dis, il faut avoir les moyens. Il faut se donner les moyens. Puis se donner les moyens, bien, je pense que c'est en imposant. Et ça, on peut faire ça immédiatement.

Ma collègue de Verdun, je peux vous dire, elle a travaillé très fort. Elle essaie vraiment de mettre consciente, justement, la ministre, sur la problématique, mais une ministre, pourtant, encore une fois, que je ne comprends pas, parce que la ministre, pourtant, elle a même plus de temps aujourd'hui. Vous savez, on lui a donné, même... on lui a même enlevé des responsabilités. Je pense qu'elle devrait vraiment se concentrer sur le problème, parce qu'à chaque jour qu'on passe, à chaque minute qu'on parle, il y a des taxes qu'on perd. Puis ça, ces taxes-là, justement, c'est des emplois du Québec qu'on perd.

Donc, moi, je pense que ça serait vraiment important de faire ce travail aujourd'hui, vraiment trouver une solution, pas, justement, lire des documents puis de passer notre temps. Je pense que l'important, c'est pensons aux travailleurs qui ont perdu leur travail puis pensons aux gens, là, qui... à leurs familles aussi.

Donc, moi je pense que, Mme la Présidente, on est au côté de la track aujourd'hui. Je suis vraiment d'accord avec la collègue de Taschereau, vraiment, qu'on devrait, vraiment... Je suis vraiment en accord avec elle qu'on devrait vraiment travailler sur le dossier pour trouver des solutions maintenant. Bien beau le passé, là, mais là on est aujourd'hui. Donc, je pense que faudrait y penser aujourd'hui. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Je céderais maintenant la parole à Mme la ministre de la Culture et des Communications pour cinq minutes.

• (11 h 10) •

Mme Roy : Oui. Merci. Bien, on y travaille maintenant, M. le député de Vimont. Et ce qui est très ironique, c'est qu'il y a une dichotomie flagrante entre les propos du Parti libéral et ce qu'ils font, ce qu'ils disent et ce qu'ils font. Et je vais vous en donner un exemple flagrant. Le député de Vimont me dit : Il faut s'attaquer aux GAFAM tout de suite. La ministre ne fait rien. Nous, ce que nous disons de notre côté, c'est que, de un, on y travaille déjà. On y travaille avec notre homologue du Canada, puis c'est important le dire. On a hâte, d'ailleurs, de connaître nos futurs homologues et les futurs ministres avec lesquels nous allons poursuivre le travail déjà entamé parce que ça prend une action concertée. Et le ministre des Finances travaillait avec le ministre des Finances fédéral pour justement s'assurer qu'il y ait une équité puis que nos entreprises de presse, ici, nos entreprises médiatiques se battent à armes égales avec ces géants qui, eux, ne paient pas d'impôt ici. Et ça, je l'ai dit depuis mon entrée en fonction. Ça fait un an que je le dis. Mais on ne peut pas y arriver tout seul, contrairement à ce que le député de Vimont et la députée de Taschereau tentent de nous faire croire.

Et quand je dis qu'il y a une dichotomie flagrante dans les propos du député de Vimont et ce que son parti a fait, il y en a un, exemple, ici, M. le député, dans le budget, dans le budget de votre collègue l'ex-ministre des Finances en mars dernier. C'est votre collègue, le député de Robert-Baldwin. Il écrit à la page A.7, et, quand je vous dis qu'il faut travailler de concert avec l'OCDE parce qu'il faut que nous soyons unis pour les mater, ces géants de l'informatique que sont les GAFAM, là, votre collègue écrit dans son budget, à la page A.7, et je le cite parce qu'il prend une décision avant d'imposer... c'est-à-dire de faire payer la taxe aux citoyens, là, parce qu'ils ne sont toujours pas imposés, il a écrit, l'ex-ministre des Finances libéral : «À cette fin, les recommandations suivantes de l'Organisation de coopération et de développement économique — l'OCDE — effectuées dans le cadre de ses travaux portant sur la lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert des bénéfices, dans un contexte de transactions multijuridictionnelles, ont été prises en considération.»

M. le député, ce que vous me dites, c'est le contraire de ce qui est écrit là.

La Présidente (Mme Guillemette) : ...

Mme Roy : Oui, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Guillemette) : Un petit rappel, s'il vous plaît.

Mme Roy : ...ce que j'ai entendu du député, c'est le contraire de ce que son ministre des Finances disait.

La Présidente (Mme Guillemette) : Un petit rappel de vous adresser à la présidence.

Mme Roy : Et le ministre des Finances avait bien raison, on n'y arrive pas seul, et c'est la réalité. Et je vous dirais même, écoutez, il me reste quelques minutes, là, je pourrais citer des exemples, vous me parler de publicité, j'ai des tonnes d'exemples où vos collègues... Revenons au député de Robert-Baldwin. En 2017, même s'il indiquait, dans son budget, que la fuite des revenus publicitaires aux géants américains du Web comme Facebook et Google pourrait faire fermer des journaux, il disait ça en 2017, le député de Robert-Baldwin leur a quand même donné plus de 44 % de son enveloppe publicitaire Web pour Épargne placements Québec. Alors, avec les libéraux, c'est : Faites ce que je dis, pas ce que je fais. La réalité, elle est là. Ils ont mis des fortunes en placements publicitaires sur les GAFAM, et là, naturellement, il faut les mater, puis nous, on ne fait rien.

Alors, il y a une dichotomie dans ce qu'ils disent, dans ce qu'ils font, et nous, nous le disons depuis le début : Ce n'est pas seul qu'on peut y arriver, c'est unis, c'est en travaillant avec nos partenaires au gouvernement fédéral, partenaires que nous avons hâte de connaître, pour poursuivre le travail et avec l'OCDE pour nous assurer qu'il y ait une équité pour nos entreprises, nos entreprises de presse, nos entreprises médiatiques qui sont impactées par, entre autres, on le sait, la fuite des revenus publicitaires. Puis je parlais de publicité, j'ai des pages et des pages de contrats publicitaires que nos collègues d'en face ont pris dans les médias sociaux, et on tente de nous faire la leçon et de dire qu'on ne fait rien.

Cela dit, il est important d'agir, d'agir avec nos partenaires, parce que, pas plus tard qu'il y a un mois, je crois, j'étais... et j'ai rencontré à quelques reprises le ministre français de la Culture et des Communications, l'honorable Franck Riester, un homme érudit, versé dans la problématique des plateformes numériques, qui tente de leur forcer la main. Il y va puis il y va avant même que l'OCDE se prononce et que l'OCDE... l'OCDE, pardon, l'Union européenne et l'OCDE se prononcent. Il y va et il fonce. Il fait preuve d'un courage remarquable, sauf que la réalité, c'est que Google, bien, Google a détourné les mesures qu'il a mises en place. On donne souvent la France comme exemple. Le problème, c'est qu'en agissant seul, Google fait à sa tête. Donc, il faut une action concertée, et nous attendons d'arriver avec cette action avec L'OCDE. Nous y serons.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la ministre. Donc, un petit rappel, s'il vous plaît, à tout le monde de vous adresser à la présidence. Un petit rappel amical.

Donc, je cède maintenant la parole au député de Richelieu. M. le député, pour une période de cinq minutes.

M. Émond : Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Dans les dernières semaines, les derniers mois, j'ai eu le plaisir de participer à la commission sur l'avenir des médias avec plusieurs des collègues qui sont présents ici. On a entendu plusieurs groupes. Le collègue de Saint-Jean s'est même rendu, avec les collègues de l'opposition, en région, à deux endroits à travers le Québec, afin d'aller bien saisir les particularités de ce que ces groupes avaient à dire aux parlementaires. On a... il en est revenu, pardon, de très bonnes choses, et la commission planche présentement sur le rapport qui est en préparation.

Mais, pendant tout ce temps-là, Mme la Présidente, j'entendais le collègue de Vimont qui voulait parler d'argent, qui voulait vraiment, vraiment parler d'argent, alors le gouvernement, bien, a agi. Le 2 octobre dernier, le gouvernement a annoncé une bonification ainsi que la prolongation des mesures d'aide déjà en place afin de soutenir les médias, dont le Programme d'aide à l'adaptation numérique des entreprises de la presse d'information écrite, les programmes d'aide destinés aux médias communautaires, et l'aide financière pour compenser la contribution des journaux à la collecte sélective, et le crédit d'impôt remboursable pour la transformation numérique.

Alors, ce sont là des mesures concrètes, vraiment concrètes, qui favorisent la transformation des médias régionaux autant que nationaux, transformation qui leur permettra, Mme la Présidente, d'adapter leur modèle d'affaires afin de trouver un nouvel équilibre et une rentabilité plus forte dans l'espace médiatique du XXIe siècle.

Par exemple, je pourrais vous parler, Mme la Présidente, du Programme d'aide à l'adaptation numérique des entreprises de la presse d'information écrite. Une bonification de 1 million de dollars de l'enveloppe totale a été accordée. On a aussi fait passer le taux maximal d'un projet pouvant être soutenu par le programme à 65 % pour les entreprises et à 75 % pour les organismes de regroupement parce que, nous le savons, le principal enjeu auquel sont confrontées les entreprises de la presse d'information écrite est d'arriver à tirer profit des contenus numériques, et donc de redéfinir leur modèle d'affaires. Puis c'est intéressant, parce que, lors de la commission sur l'avenir des médias, on a eu toutes sortes d'intervenants, mais il y a eu, entre autres, des gens qui arrivaient des médias numériques et qui tiraient déjà actuellement très bien leur épingle du jeu, Mme la Présidente. Alors, c'est pourquoi le programme a été élargi, afin que les organismes de regroupement ainsi que les associations de médias communautaires puissent recevoir de l'aide financière pour des projets de formation ou d'accompagnement sur des thèmes touchant le numérique.

Le Programme d'aide à l'adaptation numérique des entreprises de la presse d'information écrite vise précisément à aider ces médias, à développer des stratégies d'affaires innovantes ancrées dans les approches journalistiques dynamiques permises par les nouvelles technologies de l'information. Il y a des gens qui le font déjà très bien, Mme la Présidente, hein? Tantôt, je vous citais, dans mon comté, Le SorelTracy Magazine, mis de l'avant par M. Jean Doyon. Ça fait... je pense qu'il fête cette année... ça doit faire une quinzaine d'années, certain, puis qui le fait avec un beau succès. Je vous disais que c'est rendu un incontournable. Les journalistes sont présents, des reportages de qualité, les annonceurs sont présents, et surtout, bien, les lecteurs, les citoyens sont présents pour s'y informer.

Alors, en somme, Mme la Présidente, le gouvernement entend bien travailler de concert autant avec les grands médias nationaux qu'avec les hebdos régionaux parce que nous savons que les Québécoises et les Québécois ont besoin des forces et des qualités de ces deux types de médias pour pouvoir profiter d'une vie citoyenne et culturelle riche et complète.

Alors, je pourrais vous parler, Mme la Présidente, il me reste à peine une minute, du volet A et du volet B, là, du Programme d'aide à l'adaptation numérique des entreprises de la presse d'information écrite, des montants de 30 000 $ par projet. Dans le deuxième volet, pour les phases de contexte numérique, on parle de 400 000 $ par projet. Mais je pense que ce qu'il est important de reconnaître, ce qu'il est important de savoir, c'est qu'encore là... c'est des exemples des actions prises par le gouvernement pour soutenir les médias régionaux et nationaux québécois. C'est une liste d'engagements et des programmes d'aide qui pourraient continuer...

Je pourrais continuer encore longtemps, mais je crois, Mme la Présidente, que vous avez saisi mon propos. Je pense que l'ensemble des parlementaires, on a tous été conscientisés lors de la commission sur l'avenir des médias. On est tous parfaitement conscients des défis auxquels nous faisons face. Et je crois que le sérieux de l'engagement du gouvernement et des observations qui seront faites par les membres de la commission à la suite de la fin des travaux se traduit et se traduira par l'ampleur des deniers publics que le gouvernement y a investis. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Je passerais maintenant la parole à un membre du troisième groupe d'opposition, Mme la députée de Gaspé.

• (11 h 20) •

Mme Perry Mélançon : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour à tous les collègues. L'interpellation d'aujourd'hui, elle est d'une grande importance pour ma formation politique et moi-même, alors je salue l'initiative. C'est un enjeu qui a des impacts profonds sur nos communautés, nos régions, notre démocratie et sur l'ensemble de la société québécoise. D'ailleurs, c'est mon collègue de Rimouski qui avait pris part à la commission parce que, pour nous, il y avait vraiment un caractère régional qui était important aussi, là, de mettre en valeur durant cette commission.

Alors, on parle ici de la qualité de l'information au Québec, qui est directement reliée à la vitalité de nos médias d'information. Avec l'émergence fulgurante de l'instantanéité de l'information et des faits alternatifs, aussi appelés «fake news», la qualité de l'information est plus que jamais mise à rude épreuve. Nos médias d'information peinent à se financer et à se prémunir d'un nombre suffisant de ressources humaines, leur modèle de financement ayant été heurté de plein fouet par une fuite majeure de leurs revenus publicitaires au profit des géants du numérique, les GAFAM. Ça signifie moins de ressources dans nos salles de presse, moins de recherchistes, moins de journalistes. Ça signifie aussi que des médias de qualité, particulièrement en région, doivent fermer leurs portes.

Alors, j'ai pris comme exemple le mémoire déposé par quelqu'un de chez nous, bien connu dans le monde des médias, l'ancien directeur de Radio Gaspésie, Martin Roussy, qui a été entendu en commission. Alors, lui, il disait qu'étant donné que les grands médias nationaux ont des difficultés financières, eux aussi, l'information qu'on reçoit des régions a chuté, là, vraiment, de manière très importante. Je pense qu'en 2015 on parlait encore de 59 % du contenu qui était national, donc il y avait une balance intéressante encore pour les régions, on est passé, en 2014, à 91 % du contenu qui se passe vraiment... Montréal, Québec, Saguenay et 0,65 % par région qui est attribué, là, dans ce qu'on entend dans les grands médias nationaux. Alors, vous voyez que... Nous, à titre d'exemple, en Gaspésie, il s'est diffusé 1,7 million de nouvelles au Québec, et il fallait qu'on attende la 10 000e place pour entendre une nouvelle qui provenait de la Gaspésie. Alors, c'est des chiffres quand même assez malheureux, assez tristes. Alors, bon, nos journalistes manquent de temps pour approfondir les sujets, traiter, aller au fond des choses.

 Alors, on va se le dire, le gouvernement a une responsabilité cruciale en ce qui a trait à la qualité de l'information. Malheureusement, l'actuel gouvernement, pour nous, il manque carrément de vision parce qu'il y a des mesures fiscales que... Bon, il y a des mesures fiscales qu'il propose pour aider nos médias d'information, ça, c'est un premier pas dans la bonne direction, mais c'est insuffisant pour assurer la pérennité et pour améliorer la qualité de l'information au Québec, comme je le disais, particulièrement en région. Rien, dans le plan de la ministre, qui s'adresse spécifiquement aux médias régionaux, communautaires, télévisuels, radiophoniques et numériques. Ces oublis sont majeurs, Mme la Présidente. Alors, j'aimerais savoir quel est le plan de la ministre pour remédier à la situation.

J'aimerais aussi savoir comment la ministre compte s'y prendre pour faire respecter nos médias face aux géants du numérique. Pour l'instant, on est devant le vide absolu. Les multinationales mènent une concurrence déloyale à nos médias en ayant accès à des mesures fiscales largement plus avantageuses. Ça, Mme la Présidente, c'est l'éléphant blanc... l'éléphant dans la pièce. Il y a plusieurs outils législatifs, réglementaires, fiscaux qui sont essentiels pour garantir la qualité de l'information au Québec et la pérennité de nos médias d'information... sont sous juridiction fédérale. On peut penser à tout ce qui touche aux télécommunications, à la radiodiffusion et au numérique, la Loi sur le droit d'auteur. Le CRTC a revu sa loi sur la radiodiffusion et sur la télédiffusion l'hiver passé. La ministre et son ministère avaient jusqu'au 11 janvier dernier pour pouvoir déposer un mémoire. Le gouvernement caquiste n'a rien déposé. C'est préoccupant, surtout considérant la complaisance du gouvernement fédéral face aux puissances du numérique. Cette inaction a fait mal à nos entreprises de presse, elle fait mal à nos médias régionaux, elle fait mal à la capacité du Québec d'avoir une information de qualité diversifiée et une démocratie saine, Mme la Présidente.

Devant l'immobilisme du gouvernement fédéral sur ces enjeux, le gouvernement du Québec, s'il est réellement nationaliste, a le devoir de revendiquer les pleins pouvoirs en matière de culture et de communication. C'est la seule manière d'assurer la qualité de notre information, la pleine et entière protection de notre culture ainsi que la pérennité de nos industries médiatiques. Si la CAQ se dit nationaliste, il faut qu'elle envisage une éventuelle négociation avec le gouvernement fédéral pour rapatrier au Québec les pouvoirs en matière de culture et de communication.

Alors, vous le savez, en terminant, c'est seulement l'indépendance du Québec qui va nous permettre d'avoir le plein contrôle sur ce qu'il advient de notre culture, de nos médias d'information et de la qualité de l'information au Québec. Alors, seule l'indépendance du Québec permettrait à nos régions d'être reconnues et soutenues comme elles le méritent. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Roy : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je remercie la députée pour son intervention, mais vous allez me permettre, à ce stade-ci, de faire quelques petites corrections, puisqu'il y a certaines inexactitudes dans ce que vous avez dit, puis je pense que c'est important de rectifier puis de donner l'heure juste, puisqu'il y a des gens qui nous écoutent. Puis, vous savez, quand on parle ici, qu'on est député, les gens prennent notre parole.

Alors, c'est important, quand vous dites : On veut plus que juste des mesures fiscales, il y a plus que juste des mesures fiscales dans le plan d'aide que nous avons mis de l'avant il y a quelques semaines. De un, les mesures fiscales sont les mesures fiscales les plus ambitieuses, les plus importantes jamais consenties à la presse écrite, de un. C'est une aide extrêmement importante et qui visait... et nous voulions, et j'y tenais mordicus, à ce que l'information puisse continuer d'être cueillie, d'être recueillie, d'être publiée dans toutes les régions du Québec. Et c'est la raison pour laquelle nous avons fait cet effort important de mesures fiscales, 50 millions de dollars par année, c'est important, sur cinq ans, faites le calcul.

Cela dit, il y avait d'autre chose également, Mme la Présidente, il y avait d'autre chose. Il y avait également des mesures, des programmes qui ont été bonifiés, qui ne relèvent pas du ministère des Finances, mais qui relèvent directement du ministère de la Culture et des Communications. Et ces programmes sont des programmes à la transformation numérique extrêmement importants et qui ont été revus un à un, spécifiquement, tous les critères, pour nous assurer qu'entre autres nos journaux locaux, partout à la grandeur du Québec, puissent avoir accès à des sommes d'argent importantes pour justement s'assurer qu'il y ait des ressources dans nos journaux, dans nos médias.

La députée nous disait : On manque de journalistes, on manque de ressources, on perd des gens, mais c'est justement pour ça que et des mesures fiscales et des mesures de bonification de programmes, d'amélioration et de bonification de programmes au ministère de la Culture ont été mises en place lors de cette aide importante pour nous assurer que les médias locaux — on les appelle les médias locaux, mais les médias locaux, les médias régionaux — puissent continuer à fournir de l'information.

Par ailleurs, en ce qui a trait à la défense des compétences de la juridiction du Québec, vous pouvez vous assurer d'une chose, Mme la députée, il y a des actions importantes qui sont prises, mais, naturellement, qui passent sous le radar. Alors, je vais vous en faire mention aujourd'hui parce que, quand c'est des bonnes nouvelles, ça ne fait pas les nouvelles. Ça, malheureusement, c'est une réalité.

Alors, au printemps dernier, et j'ai eu le privilège de participer à une rencontre ministérielle, les ministres de la Culture, du Patrimoine fédéral-provincial, c'était l'honorable Pablo Rodriguez qui invitait tous les ministres à la grandeur du Canada. Et vous savez quoi, Mme la Présidente? On est là, là, pour parler de culture, là, et je sais que tous les fonctionnaires y travaillaient, ils avaient travaillé depuis des mois, mais j'ai bouleversé un peu les choses puisque j'ai fait inscrire à l'ordre du jour des travaux la réalité que vivent nos médias actuellement d'un océan à l'autre, le fait qu'ils perdent énormément de revenus publicitaires à cause des fameux GAFA ou GAFAM, c'est selon, ces entreprises, comme on le sait, qui ne sont pas basées ici, qui, fiscalement parlant, ne paient pas d'impôt au pays, ni au Québec ni au Canada.

Et j'ai alerté mes collègues à la grandeur du pays de cette réalité. J'ai fait ajouter un point à l'ordre du jour de cette rencontre ministérielle, et nous en avons discuté pendant deux jours et nous avons convenu et conclu d'avoir un groupe de travail, des sous-ministres — d'ailleurs, la sous-ministre est ici, je la remercie — travailler avec les autres sous-ministres de tout le pays pour nous assurer que nous aurons une réponse forte, une réponse unie face à ces plateformes numériques qui ne paient pas d'impôt ici, que nous allions mettre toute la pression nécessaire auprès du gouvernement fédéral pour nous assurer, pour nous assurer qu'il nous arrive avec des mesures fortes avec, naturellement, les gens de l'OCDE.

Et là je me réjouis particulièrement du fait, entre autres, que nos collègues du Parti libéral du Canada ont remporté la dernière élection, parce que Justin Trudeau, le premier ministre maintenant, notre nouveau premier ministre, s'est engagé formellement, à l'égard des plateformes numériques, à l'égard des médias, d'aller chercher des sommes importantes pour tous nos médias, d'aller chercher de l'argent dans les poches de ces gens. Et ce n'est qu'unis ensemble, avec le fédéral, les provinces, le Québec, l'OCDE, la France, l'Union européenne, que nous irons chercher cet argent. Et je suis là et je serai là, avec le ministre des Finances, pour que nous ayons notre part.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la ministre. Je céderais maintenant la parole au député de Saint-Jean. M. le député.

• (11 h 30) •

M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'avoue que, tout à l'heure, j'avais un regard assez sombre quand je regardais dans le rétroviseur de mes 40 ans de journalisme et que je constatais ce qu'on a aujourd'hui à se mettre sous la dent ou dans l'oreille, et je pense à votre chauffeur de taxi, Mme la députée de Taschereau, mais je reste optimiste et confiant parce que je suis persuadé que notre gouvernement va pouvoir continuer de prendre les mesures qui s'imposent dans la foulée du dépôt du rapport de la Commission parlementaire sur l'avenir des médias. Mais évidemment on l'a expliqué, on l'a dit, on l'a redit, ce n'est pas une fin en soi ce qui a été déposé, c'était dans l'urgence que le gouvernement et le cabinet interministériel, dans lequel travaillait la ministre, a abouti avec ce programme-là, programme qui vous frustre, Mme la députée de Taschereau, et je vous répondrai que, oui, c'est important. Tu sais, comme vous avez dit tantôt, là, c'est important, ce qu'on a. Oui, c'est important. Malheureusement... Puis le rapport Payette, qui fait partie des études de ce qu'on avait à considérer quand on était sur cette commission sur l'avenir du média, le rapport Payette nous montre que ce n'est pas simple non plus.

Le statut du journaliste a miné le rapport Payette, mais ce n'était pas juste le rapport Payette. Ça fait au moins aussi longtemps que je suis journaliste qu'il y a un débat, un sempiternel débat qui a même presque achevé le Conseil de presse du Québec, qui a déchiré la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, et, à ce jour, et on l'a vu encore pendant les consultations particulières de la commission sur l'avenir des médias, il n'y a toujours pas de consensus sur ce que c'est.

Oui, il y a cette définition à laquelle vous vous êtes accrochée et que j'ai citée moi aussi du journalisme d'opinion, mais ça fait belle lurette que c'est passé sous le tapis de tout ce qu'on a comme... de ce qui bouge et de ce qui parle dans les porte-parole de la presse au Québec parce qu'effectivement le commentariat a pris le dessus et que, là, c'est devenu difficile et, jusqu'à preuve du contraire, impossible de définir ce qu'est un journaliste, qui n'a pas d'ordre professionnel, soit dit en passant.

Donc, ce statut-là rend les choses plus difficiles. Mais dites-vous bien qu'un crédit d'impôt à l'emploi, ce n'est pas pour des pigistes, ce n'est pas pour des chroniqueurs occasionnels, c'est pour des employés permanents. Et là, déjà, on a circonscrit davantage l'impact qu'on peut avoir par rapport à vos considérations et vos craintes sur ce que ces crédits d'impôt là financent.

Maintenant, pour en venir à votre chauffeur de taxi, j'espère que vous allez le retrouver, c'est l'habitude, on retrouve souvent les mêmes chauffeurs de taxi, vous pourrez lui dire que...

La Présidente (Mme Guillemette) : ...présidence.

M. Lemieux : Voulez-vous dire, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député.

M. Lemieux : ...à la députée de Taschereau, s'il vous plaît, qui pourra le dire à son chauffeur de taxi — désolé — qu'il y a d'autres postes, puis ce que vous n'aimez pas à ce poste-là, le problème, c'est qu'il y en a toujours eu, Mme la Présidente, et il y en aura toujours. Même avec la plus pure et la plus belle capacité qu'on a de s'adapter et de s'améliorer, il y en aura toujours parce que ça, c'est la nature même de la bête radiophonique et de plus en plus, malheureusement, télévisuelle. Le problème, c'est peut-être qu'à Québec on en a moins, d'autres postes disponibles, parce qu'on a les médias qu'on mérite et qu'au bout du compte on a plus de ce qu'on aime.

Un petit mot sur la suite des choses, parce que je vous avais promis de vous parler de la commission sur l'avenir des médias, mais, comme d'habitude, je me suis fait prendre à mon propre jeu de vous écouter, et de prendre des notes, et d'avoir plein de choses à dire en réaction. À la faveur du rapport, c'est certain que le gouvernement va avoir plein de leviers potentiels et possibles qu'on va pouvoir considérer et mettre de l'avant.

La radio, la télé, oui, Mme la députée de Gaspé, on ne l'a pas oubliée. On agissait dans l'urgence avec les médias écrits parce qu'on avait six quotidiens régionaux qui étaient en train de fermer, et donc il fallait aller vite et faire bien, et c'est ce que je pense qu'on a fait. Mais, pour la radio et la télé, je ne sais pas quelle forme ça va prendre, mais, avec tout ce qu'on a entendu en commission, et il y avait quand même assez de recoupements pour penser qu'il y avait quelque chose à faire, on va faire quelque chose.

Le communautaire, encore plus important, parce que, moi, et je n'ai pas le temps de vous raconter l'anecdote, mais, moi, ce qui me trouble dans tout ce qu'on fait en information, c'est l'information locale, l'information civique. Le soir... Bien, je vais vous la raconter, l'anecdote, il me reste 30 secondes. Le soir des dernières élections municipales, je me suis couché à 23 h 30 sans savoir qui était le nouveau ou l'ancien maire de ma ville parce que le DGEQ, le système ne fonctionnait pas pour ma ville. Alors, je me suis couché sans savoir. Il aurait fallu que j'aille à l'école secondaire pour le dépouillement pour savoir qui avait gagné. C'est frustrant. D'une ville de 10 000 habitants, là, c'est frustrant.

Elle est où, l'information locale? C'est celle-là que je cherche, moi, c'est celle-là que je veux et c'est celle que je pense qu'on va finir par avoir grâce aux actions de notre gouvernement. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Je vais maintenant céder la parole au député de Vimont pour cinq minutes. Merci.

M. Rousselle : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, j'écoutais tantôt parler mon collègue de Richmond, là... Richelieu... je me trompe bien... le fait que je parlais beaucoup d'argent. Oui, je parle beaucoup d'argent parce que, comme je vous dis, il faut se donner les moyens.

Ma collègue, justement, de Verdun, elle a même suggéré l'idée que ces sommes soient versées dans un fonds dédié, un fonds dédié qui serait pour tous les médias, tous les médias à ce moment-là, donc culture et nos médias. Donc, ça ne vise pas juste les médias écrits, ça vise nos médias.

J'écoutais, justement, mon collègue, aussi, de...

Une voix : ...

M. Rousselle : ...Saint-Jean, merci, parler qu'il y aura toujours des radios, puis il y en aura toujours. Je l'espère, effectivement. Mais moi, je veux avoir une qualité là-dedans, je veux qu'il y ait une recherche là-dedans. Et, si on n'investit pas dans les journaux... dans les radios aussi ou dans nos télévisions, bien, la recherche, elle va être moins grande. Oui il va toujours y avoir des bêtes, comme... je pense que c'est ça qu'il a dit, des gens qui vont... qui aiment le micro, qui vont pouvoir parler, qui vont donner l'information locale. C'est correct, mais il faut donner de la bonne information. Et ça, ça prend vraiment de la recherche.

Je veux revenir et puis, moi, quand j'entends aussi : Bien, on va attendre le rapport de l'OCDE, j'ai entendu la ministre : Ah! on va attendre le rapport de l'OCDE. «My god»! C'est-tu ça, vraiment, le nationalisme caquiste? Êtes-vous rendus là? Ça n'a pas d'allure! C'est incroyable, Mme la Présidente! Je n'en reviens pas. Comprenez-vous? On va attendre après le fédéral, comprenez-vous? Bien, je pense qu'on est capables. Comme je le mentionnais tout à l'heure, parce que le l'ai dit tantôt, mais je le répète, on est capables de faire nos choses ici, au Québec, là. On est assez grands, là.

Vous savez, je vais parler ce qu'on a parlé tantôt, puis la ministre en a parlé aussi, concernant le Groupe Capitales Médias. Bien oui, puis ça, ça me fâche là-dedans parce que moi, je pense surtout aux travailleurs qui sont là-dedans, l'incertitude. Je ne proviens même pas de ce milieu-là, mais je viens d'un milieu de travailleurs, ancien syndicaliste de formation aussi. Mais les travailleurs, là, c'est ça qui fait que le journal vit. C'est eux autres qui font que le média va vivre.

Au printemps dernier aussi, voyez-vous que, quand Groupe Capitales Médias a commencé à montrer des signes de fragilité, la ministre était aux abonnés des absents. La ministre, quand le groupe soit accumulé... acculé, vraiment, à la faillite, oh! on s'est réveillé un petit peu, on était plus à l'écoute. Elle découvrait soudainement que la situation était grave. Du même coup, elle a envoyé un coup de semonce : Pas question de garrocher de l'argent pantoute. Aïe! Toute une belle vision. Et c'est ça qui m'inquiète, c'est ça qui m'inquiète au niveau de la vision des ministres, là-dedans.

Il a fallu attendre l'arrivée du ministre de l'Économie dans ce dossier-là pour enfin avoir du leadership puis avoir aussi une urgence au niveau des... que le groupe, à flot, ne soit pas vendu. Il a fallu aussi attendre d'autres ministres, mais le ministre des Finances aussi. Mais le ministre des Finances a parlé vraiment des médias écrits, qui sont une source d'information généralement... générale, de qualité. Son commentaire, comme vous le savez tous, ça a fait des vagues. Il a même dû s'excuser là-dedans.

Donc, quand vous accumulez tout ça, ça m'inquiète. Bien beau, on dit : Oui, on va attendre. On va attendre le rapport, on va attendre l'OCDE. On attend toujours. Mais, comme je le disais tantôt, à chaque jour, c'est l'inquiétude qui monte dans les médias. Je pense que l'idée, justement... Puis c'est bien beau, le gouvernement a mis un crédit d'impôt, mais il doit l'élargir, ce crédit d'impôt là, à l'ensemble des journalistes. Ça, c'est le minimum. Ça, c'est le minimum.

Donc, de façon plus large, on comprend aussi que le gouvernement aurait son lot à dire quant à savoir qui reprendrait le Groupe Capitales Médias. J'en appelle à la ministre de s'assure qu'au coeur de ses décisions soit bien... qu'il faut penser aux employés, au bien-être des employés. Et vous venez de ce milieu-là, vous comprenez. Je suis sûr que vous comprenez ça. Mais il faut faire l'action là, aujourd'hui. Vous savez, comme je le disais tantôt, Mme la Présidente, la ministre, ça fait un an qu'elle est là. Un petit peu plus qu'un an. Mais l'action, là, c'est bien beau parler, parce que, là... Mais je pense qu'on est ici pour essayer de régler des choses puis je pense que l'action, je pense qu'un groupe, un fonds dédié, ça serait peut-être une solution, vraiment. Pourquoi attendre encore des rapports puis attendre après le fédéral? Où est le fédéral? Comme j'entendais tantôt la ministre dire : Oui, ils nous proposent... il va y avoir de l'argent qui s'en vient. Oui, mais le temps court pendant ce temps-là. Il y a des familles qui sont insécures actuellement. Et nos médias locaux, bien, ils en souffrent. Comme je vous disais tantôt, le Courrier Laval, juste chez nous, le Courrier Laval, bien, avant, il y avait, je pense, environ 75 pages, maintenant, c'est quoi, 30, 40 pages? Et ça, c'est toute de la publicité qui s'en va dans les médias comme Facebook et compagnie.

Donc, allons chercher l'argent. Oui, je parle beaucoup d'argent, mais je pense qu'il faut se donner les moyens pour vraiment donner une chance à tous les médias de s'en sortir puis faire, justement, de la... On parle de qualité. Ma collègue de Taschereau, le travail qu'elle parle aujourd'hui, c'est de qualité. Ça fait que je pense qu'il faut vraiment aller de l'avant sur la qualité, donc s'organiser...

• (11 h 40) •

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député de Vimont.

Conclusions

Donc, nous en sommes maintenant aux dernières interventions. Mme la ministre, vous avez la parole pour 10 minutes.

Mme Nathalie Roy

Mme Roy : Excellent! Je voudrais tout de suite réconforter le député de Vimont. Je pense qu'il y a peut-être une mécompréhension du fonctionnement de l'appareil gouvernemental, puisque nous travaillons en équipe. Je sais que, pour les libéraux, ce n'est pas une habitude, travailler en équipe.

Nous savons, depuis... Je le savais personnellement depuis des années qu'il y a un problème. Nous savons qu'il y a un problème et nous avons agi. Puis je voudrais qu'on réconforte les familles parce qu'actuellement il y a un processus de reprise du Groupe Capitales Médias. C'est en cours. Je ne vais pas discuter du contenu des échanges qui ont lieu entre les éventuels repreneurs et le syndic. Les choses se passent bien. Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons décidé de mettre de l'avant ce plan, cette aide financière de 50 millions de dollars par année pour cinq ans justement, justement, pour garantir des emplois, pour réconforter, rassurer ce milieu qui a été fragilisé depuis les 10 dernières années, très fragilisé et laissé à l'abandon par les libéraux.

Cela dit, il y a d'autres actions qui s'en viennent, naturellement. Nous attendons le... par respect pour les travaux parlementaires et ce mandat d'initiative qui a été pris, parce que je pense que... Je vais faire un petit peu d'information ici. Un mandat d'initiative, celui qui a été pris et que nous avons demandé il y a un an, pratiquement, avec mon collègue le député de Richelieu, qui a demandé ce mandat d'initiative, le gouvernement était intéressé à se pencher sur la problématique. Bien, écoutez, ça fait un an, puis on n'a toujours pas les conclusions.

Alors, vous voyez que c'est... nous y travaillons depuis un an, à la problématique que vivent les médias, les médias écrits. Et ce fameux mandat d'initiative, bien, je veux profiter de l'occasion pour dire qu'un mandat d'initiative c'est un mandat, c'est du travail qui est accompli par les législateurs, les députés. Et je suis heureuse que tous les députés ont décidé de travailler ensemble pour essayer de trouver des solutions.

Nous, nous avons agi de façon ministérielle, c'est-à-dire l'exécutif. L'exécutif ne s'est pas mêlé du législatif. Nous avons agi, nous sommes arrivés avec un plan d'aide dans l'urgence parce qu'effectivement il y avait trop d'emplois qui étaient en jeu, et nous voulions nous assurer qu'il y ait de l'information, et de l'information de qualité, qui soit produite et publiée jour après jour au bénéfice des citoyens. Parce qu'on y revient toujours, l'information, un des piliers de notre démocratie, nécessaire, partout à la grandeur du Québec.

Donc, nous avons agi, et je disais que le collègue de Vimont ne comprend peut-être pas le concept de travailler en équipe, mais je dois lui faire comprendre que des crédits d'impôt, ce n'est pas le ministère de la Culture qui donne des crédits d'impôt mais le ministère des Finances, donc le ministre des Finances. C'est la raison pour laquelle le ministre des Finances a dû intervenir, naturellement de concert avec la ministre de la Culture, qui l'encourageait fortement. Il y a eu beaucoup de discussions à l'égard de cette répartition, de ces sommes qui seraient investies. Et, par ailleurs, ne serait-ce que l'aide d'urgence, le prêt de 5 millions d'urgence au Groupe Capitales Médias en août dernier, bien, ça, encore une fois, ce n'est par le ministère de la Culture ni le ministre ou la ministre de la Culture qui peut donner cet argent mais bien le ministre de l'Économie.

Alors, je déplore un peu les propos du député de Vimont, qui dit que la ministre de la Culture ne fait rien et que les autres travaillent. C'est-à-dire qu'à chacun ses compétences, et sa juridiction, et ses portefeuilles respectifs. Et j'étais là, vous pouvez en être assurés, à chaque réunion avec mes collègues, pour nous assurer que les travailleurs des salles de nouvelles, les travailleurs de l'information puissent conserver leur emploi et que l'on puisse maintenant, puisqu'on est dans ce processus, arriver avec des solutions, des solutions pérennes, nous le souhaitons fortement, avec le meilleur repreneur possible.

D'ailleurs, je me souviens que ma collègue de Taschereau m'avait posé une question ici à l'effet... me demandant si j'étais favorable, par exemple, à ce qu'un tel, ou un tel, ou un tel groupe ou les groupes de fonctionnaires reprennent. Et je lui avais répondu : Moi, je suis favorable... je n'ai pas à trancher, mais je suis favorable à ce que les liquidateurs trouvent le meilleur repreneur pour le droit à l'information. Et je suis très confiante. Les travaux se poursuivent. On aura incessamment, au cours des prochaines semaines, plus d'informations à l'égard de cette reprise.

Je suis aussi particulièrement heureuse du fait que le milieu s'est pris en main. Les travailleurs, les syndicats, ils ont travaillé main dans la main, et ça, c'est important. Les milieux, les villes, beaucoup de villes ont investi. On pense à Sherbrooke, on pense au Saguenay, on pourrait en nommer d'autres, des villes, des organisations, des organismes communautaires. On a un milieu qui se mobilise parce que je pense qu'il y a une importante prise en considération, mais prise de conscience de tout le milieu de l'importance des nouvelles.

Le député de Vimont et la députée de Taschereau, dans son interpellation, nous parlent de qualité et de qualité d'information, nous parlent de chroniques, de chroniqueurs. Moi, je vous parlerais de la liberté d'expression aussi. Et, lorsqu'elle nous dit, et dans ses propos, qu'il y a de ces propos, par exemple, sur les plateformes numériques, des propos diffamatoires, des propos haineux, des «fake news», je suis d'accord avec elle, ça, il faut s'y attaquer. Ça, les fausses nouvelles, ce qui fait en sorte que les citoyens ne puissent pas se faire une tête parce qu'on les mêle plus que d'autre chose... Je pense que nous avons tous collectivement une responsabilité, autant les parents avec les enfants, parce que, maintenant, les enfants qui naissent maintenant naissent avec un ordinateur, une tablette, un téléphone entre les mains. Ils ont accès à ces plateformes. Et je pense que, collectivement, au premier chef, les parents ont un devoir de mettre en garde leurs enfants à l'égard de ces outils. Mais nous ne ferons pas la morale aux parents, bien au contraire, mais ils ont leurs propres responsabilités.

Par ailleurs, j'ose m'avancer, ce n'est pas ni mon portefeuille ni mon champ d'expertise, mais également le monde de l'éducation a un devoir. On est rendus là. Je pense qu'il faut informer notre jeunesse, il faut informer nos enfants à l'école, il faut leur expliquer ce que sont ces appareils, que ce n'est pas anodin, que ça peut être un outil extraordinaire, des sources d'information magnifiques, de connaissances qui dépassent notre entendement, mais aussi de grandes noirceurs, de grands troubles, de méchanceté, de haine, de propos diffamants et de faussetés et qu'il faut faire la part des choses. Et je pense, et je souhaite, et je crois, et je crois, je vous donne ici peut-être une primeur, je souhaite profondément, mais un petit oiseau m'a dit que notre gouvernement y travaille parce que c'est important que les enfants dans les écoles sachent à quoi s'en tenir. Et, dans le souci, justement, d'une information de qualité, on doit aider les jeunes, on doit aider les enfants, et également dans le monde de l'éducation. Donc, je ne vendrai pas la mèche, mais, pour nous, c'est extrêmement important, et je sais que c'est important pour mon collègue le ministre de l'Éducation, député de Chambly. Et on est rendus là. Ça a évolué excessivement rapidement, ça cause des dommages, des dommages collatéraux, et nous devons, et nous y travaillons, les contrer.

Maintenant, à l'égard de la question très pointue qu'a voulu aborder la députée de Taschereau, quoique son interpellation était très large, et son libellé parlait de qualité de l'information au Québec, ça, je vous garantis, Mme la Présidente, que, pour notre gouvernement, c'est extrêmement important et que vous ne trouverez pas ministre de la Culture plus engagée et dévouée pour le monde de l'information, où j'y ai passé ma vie. Je sais que peut-être ça n'intéresse pas la députée de Taschereau, mais ce n'est pas une question de C.V., mais c'est une question d'expertise, d'expérience, de connaissance et de relations humaines. J'ai travaillé avec ces gens-là. Je sais la charge de travail, je la connais, je connais les contraintes et je sais dans quel milieu ils évoluent. Et nous tentons et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour nous assurer que l'information de qualité se poursuive au Québec.

Par ailleurs, la collègue nous parle des chroniqueurs et nous dit qu'il ne faudrait pas que les chroniqueurs soient payés. Ça me fait un petit peu sourire quand on connaît le passé de notre collègue de Taschereau, qui a été chroniqueuse pour LeJournal de Québec, pour L'Actualité, pour LeCarrefour de Québec. Et d'ailleurs je me plairais ici à la citer, puisqu'elle dit : Les chroniqueurs gagnent beaucoup d'argent, ne devraient pas être payés. Je la cite, elle dit : «La première fois que j'ai entendu la voix de Martin Claveau, c'était sur mon répondeur, en 2012. Il m'offrait une chronique dans son journal et, plus étonnamment, un vrai cachet. Pas un cachet de journal pauvre.

«Beaucoup d'employeurs considèrent que l'exposure qu'ils offrent aux auteurs vaut bien une partie du paiement. Martin ne voyait pas les choses comme ça. J'ai pris ça pour du respect. [Et] c'en était.»

Alors, Mme la députée, vous étiez bien heureuse d'être payée pour les chroniques que vous faisiez. Par ailleurs, vous dénoncez les chroniqueurs, vous dites : Les gens sont écoeurés. Êtes-vous en train de nous dire que les gens seraient écoeurés de vous entendre si vous faisiez encore de la chronique? Et êtes-vous de celles qui serez à la fois juges du bon goût et nous dire quelles sont les bonnes chroniques et quelles sont les chroniques que nous ne devrions pas écouter? Parce que, pour ma part, Mme la députée, j'aime bien écouter vos chroniques et des chroniques de tout chroniqueur parce que je considère que les chroniques font partie également de la liberté d'expression.

Et, lors de mon entrée en matière, Mme la Présidente, au début de ces deux heures, je disais que c'est agréable de pouvoir être ici et de débattre, parce que nous vivons dans une démocratie où il y a des piliers fondamentaux, c'est-à-dire l'information, le droit de l'information, et également la liberté d'expression. Et, même si nous ne sommes pas d'accord et même si je ne suis pas d'accord avec les chroniqueurs, pour moi, la chronique fait aussi partie de la liberté d'expression et, à certains égards, de l'information.

Alors, voilà, Mme la Présidente, et je remercie la collègue pour l'opportunité qu'elle nous a donnée aujourd'hui de parler d'information et de qualité de l'information.

• (11 h 50) •

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la ministre. Donc, Mme la députée de Taschereau, un 10 minutes pour vous également. La parole est à vous.

Mme Catherine Dorion

Mme Dorion : Merci, Mme la Présidente. Contrairement à Mme la ministre, je vais répondre à la question de façon précise. Et je voudrais lui dire qu'elle fait... elle mélange deux choses, et c'est problématique, comme beaucoup de chroniqueurs mélangent deux choses pour arriver à une conclusion. Est-ce que... Ça fait longtemps que je me penche sur la question. À aucun moment je n'ai dit que les chroniqueurs ne devaient pas être payés. La ministre, dans sa question, fait comme si le fait d'être payé pour un chroniqueur était une mauvaise chose à mon avis, ce qui est totalement faux. Les chroniqueurs doivent être payés et n'ont pas de problème à être payés. Ils font de l'argent, les chroniqueurs. La chronique fait cliquer. C'est ce qui a permis aux médias de survivre. On a passé par-dessus là-dessus à travers tout ce que j'ai dit aussi.

Donc, moi, je ne suis pas contre les chroniqueurs. Les chroniqueurs, je ne leur veux pas de mal. Et les chroniqueurs vont continuer à être payés puisque les chroniqueurs font cliquer. Ils n'ont pas besoin d'argent public. Et là, que la ministre me pose cette question-là comme si je disais qu'ils ne devaient pas être payés, alors que, moi, ce que je dis, c'est : Attention. Là où on met des fonds publics, il faut que ce soit pour le bien commun. La liberté d'expression n'est absolument pas entachée ou touchée par le fait qu'on décide de ne pas subventionner des chroniqueurs. Sinon il y a bien du monde, en ce moment dehors, qui pourrait sortir en disant : Liberté d'expression! Je veux être payé pour écrire sur Facebook.

Ça fait que, s'il vous plaît, ne mélangeons pas les choses, là. C'est extrêmement important qu'on puisse avoir un débat plus élevé que dans certains médias qui veulent justement faire de la course aux clics. Et je trouve ça très, très, très important qu'on puisse le faire.

Donc, la question est vraiment sur qu'est-ce qu'on finance et non pas qu'est-ce qu'on permet, qu'est-ce qu'on aime, qu'est-ce qu'on veut qui s'exprime. Tout ça, de toute façon, s'exprime déjà et allègrement sans aucun problème en ce moment. Il y a même des médias privés qui ont beaucoup d'argent, qui vont... ou des entreprises qui ont de l'argent, qui vont financer des think tank, qui vont financer des personnes, des porte-parole. Et ça, l'argent ne manque absolument pas quand il est question d'opinion dans notre monde en ce moment. Donc, on se demande qu'est-ce qu'on finance.

Là, je voudrais aller un petit peu plus loin que juste dire : L'argent public de l'aide aux médias qui a été annoncé récemment devrait aller au complet vers l'information et non pas être divisé entre information et opinion, parce que c'est d'information de qualité dont on a besoin. Mais je voudrais aller un petit peu plus loin. La dictature du clic facile, le glissement vers le fast-food d'idées qui a eu lieu dans les dernières années, vers l'instrumentalisation des émotions pour, souvent, favoriser les intérêts de certains groupes d'influence dans la société nous nuit collectivement. De plus en plus les médias fondent leur fonctionnement sur, pour survivre, puis la crise va continuer à s'enfoncer, donc ça va continuer à aller comme ça si on ne fait rien, les médias fondent leur fonctionnement sur aller chercher n'importe quoi qui happe l'attention du lecteur, de l'auditeur, etc., qui le garde à l'écoute ou qui le fait cliquer, et là peu importe les moyens pour y arriver, y compris parfois des formes élaborées de mensonge. C'est gravissime pour la qualité de notre information publique. Et je vous donne un exemple.

À un moment donné sur le blogue du Journal de Montréal, un chroniqueur met comme titre Les fondamentalistes religieux attaquent le Québec. Et ça parle d'éducation et de lieux d'éducation. Et, dans l'image, on a une série de petites écolières voilées, enfants voilées. C'est choquant. Tout le monde clique. Quoi? L'islamisation du Québec? On a ça chez nous? Ça ne se peut pas. Et un internaute a dit... Il est allé chercher la source de l'image et a dit à Québecor publiquement : Cette image n'est pas bonne. Ça vient de Syrie. C'est une photo qui a été prise en Syrie. Ça n'a pas rapport avec le Québec. L'accompagnement de cette photo sur l'article est mensonger. C'est mensonger. Ça induit à l'erreur, finalement, à penser quelque chose qui n'est pas vrai. Il a fallu beaucoup de temps à Québecor, plusieurs heures, peut-être même plusieurs jours, là, je ne connais pas le... mais ça a pris du temps à partir du moment où ils ont su ça et le moment où ils ont changé l'image. Pourquoi? Une des raisons qu'on peut imaginer, c'est que ça fait cliquer, puis en maudit. Puis ils en vendent, de la pub, dans ce temps-là. Et donc les gens cliquent et cliquent encore. Et plus c'est scandaleux ou plus c'est bling-bling plus ça clique. Et qui sont ces gens qui cliquent? C'est nous. C'est les citoyens du Québec.

Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler d'infobésité, qui est une surcharge informationnelle ou une surinformation inquiétante. C'est un concept qui désigne l'excès d'information qu'une personne n'est plus capable de supporter, de traiter dans sa tête sans se nuire à elle-même ou même aux autres, à son activité.

Un patron de télévision, en France, a parlé très clairement du temps de cerveau disponible de ses auditeurs qu'il vend à ses publicitaires. Mais ce temps de cerveau disponible là, c'est le nôtre. Le temps que tout soit orienté pour qu'on ne soit plus capables de lâcher l'écran, c'est nous, ça, qui en souffrons. C'est la population du Québec qui est victime de ça. Et, de plus en plus, les psychologues en parlent, de plus en plus, les pédagogues en parlent, et on dit : C'est mauvais pour la santé mentale des citoyens et c'est mauvais pour la santé de notre discussion publique collective. Donc là, c'est un enjeu qui ne touche plus juste la culture à l'information, mais qui touche la santé, qui touche la démocratie, même.

Les commentaires haineux sous les chroniques, certaines chroniques nous en disent long sur les passions que ça peut encourager, que ça peut entretenir ou auxquelles ça peut donner du crédit. Je ne sais pas si vous vous rappelez de ce journaliste de Cogeco qui avait appelé un jeune homme de Montréal, auteur d'un commentaire haineux sur Facebook en lien avec les sept enfants d'origine syrienne brûlés dans un incendie? Et la personne qui a été appelée, donc le jeune homme de Montréal dit : Mon commentaire était quand même haineux. Nous — là, je le cite — nous, les Québécois, on a quand même une petite haine envers les Arabes, puis là vous n'arrêtez pas de nous poster, TVA Nouvelles, jour après jour, seconde après seconde, heure après heure, des affaires reliées à ça, puis qu'ils n'arrêtent pas de propager la haine envers les Arabes. Puis, nous, ça nous alimente, puis vous savez qu'en faisant ça il y a du monde qui vont commenter parce que vous le précisez, dans l'article, que ce sont des djihadistes. En passant, ce n'étaient pas des djihadistes, c'étaient des Syriens.

Donc, le journaliste lui dit : Vous dites... c'étaient juste des Syriens, ce n'est pas des djihadistes. Et là le jeune homme répond : Ah! excusez. Je mélange Syriens avec Arabes, ce qui montre toute l'étendue d'à quel point il est mêlé, ce gars-là. Puis ça ne veut pas dire qu'il n'est pas intelligent. Il ne suit pas ça de près, mais l'avalanche, et là j'ai dit tantôt à quel point la chronique... quand j'ai cité un auteur qui disait : Les chroniques... La surimposition de 18 chroniques sur le même sujet de l'heure pour aller chercher le clic fausse aussi la réalité, distortionne la réalité. Ce jeune homme-là ne comprend pas tant que ça ces genres de jeux là, géopolitiques, on ne peut pas trop l'en blâmer, mais voit ça sortir puis se fait une image qui n'est pas juste, c'est-à-dire... Et donc on peut en conclure qu'on a un gros problème de société relié au fait que l'information ne peut pas être apportée au public de façon compréhensible, en distinguant les enjeux, et qu'en se fiant sur l'intelligence des gens qui vont pouvoir comprendre, défaire les préjugés, les mensonges, et tout ça, à la place de ça, on a l'appât, le «clickbait» et l'appât du clic facile.

Tous les Québécois, peu importe leur classe sociale, devraient avoir droit à une information de qualité qui est clairement identifiable et séparée de la chronique et de l'opinion. On voit bien, dans l'exemple que j'ai donné, que ce n'était pas le cas, que tout ça était mélangé dans son esprit à lui. Et, quand on dit : Près de la moitié des Québécois sont des analphabètes fonctionnels, c'est-à-dire ont de la misère à lire un texte au complet puis après à dire exactement de quoi il s'agissait, on peut aussi se demander à quel point ils sont tous, tous les Québécois, en mesure de bien démystifier tout ce dont on vient de parler, qui est une jungle d'information, d'opinions, de tirage de couverte vers telle idée, vers telle idée. C'est extrêmement complexe puis ça démontre... Si on ne s'attaque pas à ce problème-là, c'est comme si on n'avait pas de respect pour cette presque moitié de Québécois qui sont des analphabètes fonctionnels et qui ont droit, eux aussi, de comprendre, ils sont capables. Ils ont le droit de le comprendre, mais il ne faut pas que la jungle médiatique soit un tel panier de crabes plein de pièges, comme ça l'est aujourd'hui et surtout depuis que la chronique et l'opinion ont pris tant d'espace.

Il y a évidemment des fois des plaintes quand il y a des trucs mensongers qui arrivent, quand il y a des erreurs factuelles qui sont répétées, mais les recours au Conseil de presse sont insuffisants. Généralement, la seule punition, c'est des excuses publiques, alors qu'il faudrait des amendes, parce qu'il y a juste l'argent qui parle, et ce dont on vient de parler nous le prouve.

Souvenons-nous de la formule du sénateur américain Daniel Patrick Moynihan, qui disait : «Chacun a le droit à sa propre opinion, mais pas à ses propres faits.» Et ce que je déplore aujourd'hui, c'est qu'on... je ne sens pas qu'il y ait, du côté du gouvernement, un vrai souci de ça et qu'en plus, dans cette mesure pour sauver les médias écrits, qui est super, dont on avait besoin, qui est un bon pas, comme je l'ai dit en ouverture, mais qui, en ce moment, encourage la dérive vers la chronique, l'opinion, des choses qui ne sont pas basées sur des faits, ça serait le fun que ça puisse nourrir une information de qualité sur laquelle on peut se fier.

J'aimerais beaucoup que la ministre puisse me dire qu'elle va y réfléchir et que tout ça n'en restera pas là. Je sais qu'on est dans une joute parlementaire où chacun a ses dossiers, chacun a ses orientations, chacun a des directions, mais je pense vraiment qu'il s'agit d'un truc qui n'a rien à voir avec la partisanerie, qui est extrêmement important pour notre démocratie, qui est un problème que toutes les démocraties occidentales vivent, et on pourrait être un exemple pour le monde là-dedans. Ça serait une belle forme de nationalisme, je trouve, évidemment avec... Comme vous l'avez dit, ça serait bien de rapatrier les pouvoirs en culture, parce qu'on va en avoir besoin. Merci

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Merci, tout le monde, pour votre collaboration et ces beaux échanges.

Je lève maintenant la séance, et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 heures)

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