(Onze heures quarante-huit minutes)
Le Président (M. Asselin) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission de la culture et de
l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes de bien vouloir éteindre
la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission est
réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la
consultation particulière sur le projet de
loi n° 5, la Loi
modifiant la Loi sur l'instruction publique et d'autres dispositions à l'égard
des services de l'éducation préscolaire destinés aux
élèves âgés de 4 ans.
Merci,
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Melançon (Verdun)
sera remplacée par M. Barrette (La Pinière).
Auditions (suite)
Le Président (M. Asselin) : Très bien. Alors,
cet avant-midi, on va entendre la Fédération des transporteurs par autobus et l'Ordre des psychologues du Québec.
Je voudrais d'abord vous souhaiter la bienvenue dans votre
Assemblée nationale. Je vous invite à vous présenter
peut-être d'une manière plus formelle. Vous avez 10 minutes pour présenter
votre mémoire, et puis après on va débuter tranquillement, pas vite les
échanges. Oui?
Mme Hivon :
J'ai une question d'intendance. Compte tenu du retard, comment on va procéder?
Le
Président (M. Asselin) : Oui, on va recalculer, là, on va répartir les
droits.
M. Roberge :
...proposition à nous faire, là, pour...
Le
Président (M. Asselin) : Bien, est-ce qu'il y a consentement pour
dépasser 13 heures ou vous préférez...
Des
voix : ...
Le
Président (M. Asselin) : En tout cas, on va recalculer, puis on va
vous revenir avec une proposition le plus équitable possible.
Une voix : ...
Le Président (M.
Asselin) : Non, non, non, vous avez 10 minutes, vous avez 10
minutes. À vous la parole.
Fédération des transporteurs par autobus (FTA)
M. Lafrance
(Luc) : Alors, merci. Je me
présente, Luc Lafrance, je suis le président-directeur
général de la Fédération des transporteurs par autobus. Je suis accompagné
de Mme Louise Giroux, présidente du conseil d'administration de la
Fédération des transporteurs par autobus et
présidente des Autobus Laval ici, à Québec, ainsi que de Mme Christine Deslauriers,
qui est conseillère juridique à la fédération.
Dans un premier temps, merci de nous permettre
de venir faire part de nos commentaires et nos préoccupations vis-à-vis
ce projet de loi. D'entrée
de jeu, je vous dirai que loin de
nous l'idée de venir discuter du bien-fondé du projet de loi en tant
que tel, mais pour vous dire davantage
nos préoccupations et les défis que ça représente pour l'industrie du transport
scolaire de transporter cette clientèle-là,
que nous considérons comme une clientèle quand même plus vulnérable que
les autres clientèles que nous transportons, d'âge primaire ou
secondaire.
Si vous me
permettez, d'entrée de jeu, je vais faire une brève présentation de la
fédération. Cette fédération-là est jeune
d'à peine cinq ans, mais issue de la fusion de deux organisations qui étaient
là depuis plusieurs années : une, notamment,
dans le transport scolaire, qui s'appelait
l'ATEQ, qui était là depuis 50 ans, et l'autre association, qui représentait les différents modes de transport
par autobus, mieux connue sous le nom de l'APAQ, qui était là depuis au moins
75 ans. Donc, les transporteurs de ces deux
organisations-là ont décidé de se regrouper ensemble pour avoir une seule voix
pour représenter l'industrie du transport par autobus au Québec.
Alors, elle
regroupe 600 entreprises privées dans tous les modes de transport, autant
scolaire, urbain, interurbain, nolisé,
spécialisé et adapté, en fait, tout ce qui se fait de transport par autobus privé
au Québec. On a plus de 10 900 véhicules dédiés
au transport scolaire. On emploie plus de 21 000 personnes, que ce soit à
titre de conducteurs, conductrices, mécaniciens, personnel de bureau ou autres
qui entourent toute l'opération du transport par autobus au Québec.
Au niveau du
scolaire, on transporte pas moins de 520 000 écoliers matin et soir. On
parle d'à peu près plus ou moins
1 million de kilomètres par jour que les autobus scolaires ou les minibus
scolaires font à chaque journée pour transporter les élèves pour leur permettre d'avoir accès aux différentes écoles. En
moyenne, pour combler les besoins en transport des élèves, une commission scolaire de la province a à
peu près une flotte de 120 autobus par commission scolaire et opère ou
transige avec une dizaine de transporteurs par commission scolaire.
Il faut dire
qu'au fil des ans le système de transport scolaire québécois s'est forgé une
réputation plus qu'enviable en matière en matière de sécurité, et je
vous dirais que, jusqu'en Europe, ils nous envient sur notre système de
transport qu'on connaît ici, au Québec, avec
nos autobus jaunes et noirs, avec notre système de transport spécifique et nos
systèmes de sécurité. Alors, c'est
très envié, je dirais, surtout dans les pays francophones européens. Souvent,
on a des échanges à eux, et ils nous
envient sur notre système, et notre qualité, et surtout sur notre bilan de
sécurité en matière de transport scolaire. Donc, nos transporteurs, nos membres ont beaucoup de préoccupations en
matière de sécurité, et c'est un peu ça qu'on vient vous parler
aujourd'hui, cette préoccupation-là qu'on a en matière de sécurité.
Si on vient
plus spécifiquement à la clientèle quatre ans, actuellement, selon les données du ministère
de l'Éducation, il y a 6 500
enfants de quatre ans qui fréquentent présentement les maternelles qui sont
déjà en place. De ces 6 500 là, il y en
a au moins 4 300 qui sont transportés par le système de transport
scolaire, soit par autobus, soit par minibus, soit berline, qui est un véhicule plus traditionnel que
vous connaissez, soit les voitures de promenade ou des caravanes. Dans le jargon, je dirais, du transport scolaire, nous
appelons ça des berlines. Alors, si on prend pour acquis ces chiffres-là et on
regarde qu'à terme le ministère de
l'Éducation, il évalue que ça va faire plus de 70 000 enfants qui auront
accès à une maternelle quatre ans et
si on regarde par rapport à la proportion actuelle, ça fera pas loin de
50 000 enfants qui seront transportés par les transporteurs
scolaires. Donc, pour nous, c'est quand même un volume important d'élèves à
transporter dans un avenir plus ou moins rapproché.
Déjà,
certains transporteurs scolaires effectuent déjà ce type de transport là dans
des milieux surtout défavorisés et puis
ils ont observé différents éléments qui nous ont été rapportés au niveau de
cette clientèle-là qu'on dit plus vulnérable. On parle d'enfants de quatre ans. Souvent, ces enfants-là ont moins de
tonus, donc ils ont de la difficulté à se tenir sur la banquette. Le chauffeur a plus de problèmes à leur
faire part des consignes de sécurité. Déjà, d'avoir accès à l'autobus, c'est
déjà une problématique, donc pour nous, ça devient une clientèle très
vulnérable.
On parle
aussi de notre main-d'oeuvre, nos problèmes de pénurie de main-d'oeuvre, on a
déjà parlé avec M. le ministre
là-dessus. Et nos conducteurs, on leur en demande de plus en plus à chaque
année, en termes de... pas seulement de
conduire l'autobus de façon sécuritaire,
mais aussi de gérer l'autobus, de gérer la discipline à bord, et souvent ils se
sentent un peu laissés-pour-compte dans l'organisation de tout ce système-là.
Alors, de venir leur ajouter une responsabilité
supplémentaire qui est de gérer cette clientèle vulnérable là, ce n'est rien
pour faire en sorte qu'on puisse garder notre personnel ou en recruter de
nouveau. Donc, pour nous, ça amène aussi une problématique de ce côté-là.
Aussi, ces
clientèles-là sont prises de porte à porte, différemment des autres élèves du
primaire, où il y a des points d'embarquement, des points de
débarquement. Donc, ça crée, là aussi, un problème au niveau
des délais de parcours, des temps de
parcours, donc, là aussi, ça amène aussi des préoccupations au niveau
des transporteurs. Au ministère de
l'Éducation, on parle beaucoup d'indicateurs de performance pour voir comment, à
quel point on peut améliorer l'efficience du transport scolaire en termes de nombre de places utilisées, en
termes de temps de parcours, en termes de délais. Avec cette clientèle-là,
bien, ce qu'on vient vous dire, c'est que ça
risque d'avoir un effet négatif sur ces indicateurs-là parce que les temps de
parcours vont être rallongés, parce que le temps que l'autobus arrête
devant la maison, que le parent, la mère ou le père, vienne embarquer l'enfant dans l'autobus, la même chose à
l'arrivée à l'école, ça crée des délais importants. Donc, je vous
dirais que... Puis pour en revenir au conducteur aussi, souvent il va
devenir un accompagnateur davantage qu'un conducteur d'autobus parce qu'il
devra s'assurer que l'enfant est assis de façon sécuritaire, ce qui, pour nous,
est quand même préoccupant, sachant que
l'enfant de quatre ans n'a quand même pas le tonus d'un enfant de cinq ans, six ans ou
sept ans. Souvent, l'enfant de quatre
ans, ce qui nous est répertorié, puis je vais demander à Mme Giroux de
continuer là-dessus, qu'il arrive des
situations parfois cocasses, parfois inquiétantes sur ce que vivent les
transporteurs, surtout les conducteurs, en matière de transport de ces
jeunes-là.
C'est sûr que
l'idéal dans un projet comme celui-là, ce serait qu'on puisse faire du
transport spécifique et dédié à ces
élèves-là. Naturellement, si on va vers là, ça va générer des coûts
supplémentaires en termes d'organisation du transport
scolaire. Lorsque je parle de transport spécifique, c'est d'avoir des véhicules
dédiés strictement à cette clientèle-là pour qu'ils soient capables
d'avoir un service que nous considérons davantage sécuritaire par rapport à
embarquer un enfant de quatre ans dans une
mixité d'élèves que ça peut aller, à
ce moment-là, de quatre ans à 12 ans.
On sait comment ça se passe dans un
autobus scolaire, comment ça peut être des fois un peu problématique, un peu chaotique. Donc, pour nous, ce serait davantage sécurisant, je pense, pour les parents, pour la population
en général, que ces enfants-là soient transportés dans un système plus spécifique à eux par des véhicules qui
répondent davantage à leurs capacités, soit par la berline, soit
par le minibus, à ce moment-là.
On vous a d'ailleurs déposé ce matin, là... on a
remis à la secrétaire de la commission une liste de tous ces éléments-là préoccupants qui nous ont été
rapportés par nos transporteurs et leurs conducteurs, alors vous allez pouvoir
en prendre connaissance, mais je vais demander à Mme Giroux de
compléter notre présentation par rapport à ce volet-là.
• (12 heures) •
Mme Giroux (Louise) :
En fait, comme le transport scolaire fait partie intégrante du système de l'éducation
au Québec, c'est important d'être ici puis de pouvoir partager avec vous ce
qu'on a relevé, la dernière année, par
rapport aux maternelles quatre ans. Ça amène un lot de préoccupations pour les conducteurs, pour les transporteurs, pour la faisabilité et surtout au niveau
de la sécurité. Nous, l'ADN d'un transporteur scolaire puis du conducteur,
c'est vraiment axé, premièrement, presque uniquement sur la conduite et la
sécurité, alors ça amène un lot au
niveau logistique, opérationnel,
ça amène un lot aussi de ressources humaines. Au Québec, on a des lois, le
conducteur ne peut pas quitter son banc pour aller donner un coup de
main à un enfant qui vient de glisser de son banc parce qu'il est tout petit.
Il faut dire qu'entre cinq ans et quatre ans
c'est quand même 25 % plus d'expérience, celui de cinq ans que celui de
quatre ans, il est déjà un petit peu...
Alors, on
vous a fait la liste. La difficulté de monter à bord du véhicule, on vous a
parlé... on a marqué, ça rallonge les temps de parcours souvent parce
qu'on fait du porte-à-porte, on ne fait pas de point de chute, le préscolaire
puis primaire, on passe dans les rues pour
ramasser les enfants, les parents viennent les porter à l'autobus, difficulté
de monter. Normalement, le parent ne
devrait pas rentrer dans l'autobus, ça rallonge les parcours. Rallonger les
parcours, ça a un impact aussi financier pour les transporteurs parce que plus
le parcours est long, plus il est coûteux, par rapport aux salaires,
tout ça. Alors, on a les enfants habillés
avec les foulards, les tuques, les bottes, grimper à bord du véhicule, pour le
siège, c'est un petit peu haut pour lui. Alors, M. Lafrance nous faisait part
que ces types de véhicules là, ça devrait plus être probablement par les
berlines, ça pourrait être plus accommodant.
Le Président
(M. Asselin) : Merci beaucoup de votre exposé. On a un
petit peu... on est un petit peu... votre 10 minutes est écoulé. Je
commencerais les échanges, si vous me le permettez. On y va pour
12 min 30 s avec la partie gouvernementale. Merci beaucoup.
M. Roberge : Merci bien, M. le Président. Merci pour
votre présentation. Je veux juste, dès le départ, peut-être répondre à une de vos
préoccupations ou à un chiffre que vous avez énoncé. Vous avez énoncé, je pense,
le chiffre de 60 000 ou 70 000 enfants.
Selon nos prédictions, c'est très graduel, hein? Il y a 394 classes, actuellement, on en ajoute 250 pour en avoir 644 en septembre prochain et,
graduellement, sur cinq ans, on pense atteindre à peu près 50 % de taux de
fréquentation. Donc, il pourrait y avoir
autour de 40 000 enfants dont les parents feraient le choix, parce que
ça va dépendre des choix des parents, donc peut-être
40 000 enfants dans cinq ans dont les parents feraient le choix de la
maternelle quatre ans. Et, dans le cas de ce
choix-là, bien, on parle d'une option qu'on offre aux parents qu'ils n'ont pas
en ce moment et d'une option pour les
parents aussi s'ils choisissent le transport scolaire ou pas. Évidemment,
il n'y a personne dont les enfants sont transportés
de force à quatre ans, à sept ans, à huit ans, à 12 ans non plus, c'est
sûr.
J'ai entendu
des parents qui étaient vraiment contents dire : Bien, je suis content
d'avoir cette option. J'ai entendu des parents dire : Bien, à la
garderie, je vais conduire mon enfant. À l'école, il y a le transport, bien, à
l'école aussi on peut aller les conduire si
on veut. En réalité, il n'y a pas de perte du droit de transporter son enfant à
l'école parce que les parents font le choix de la maternelle
quatre ans. Si le parent, il dit : Bien, moi, je préfère aller le
conduire, évidemment il va y aller.
Je serais curieux de savoir, en ce moment, sur
les 394 classes actuelles, donc sur les enfants qui sont déjà en maternelle quatre ans et qui pourraient bénéficier
du transport, est-ce que vous savez le nombre de parents qui font le choix
de faire transporter leur enfant et
le nombre de parents qui accompagnent leur enfant soit à pied soit en véhicule?
Est-ce que vous avez des
chiffres?
M. Lafrance
(Luc) : Bien, selon les
données de votre ministère, on parle, dans les indicateurs de gestion, qu'il y a 4 300 enfants
de quatre ans qui utilisent le système de transport scolaire. Alors, déjà là,
nous, si on fait la... puis selon le 70 000
que je vous ai sorti, là, c'est par
rapport à des données, aussi, qui
viennent de votre ministère sur l'augmentation des clientèles, là. Je suis d'accord avec
vous que ce n'est pas tout le monde qui va utiliser le système de transport
scolaire, mais je suis prêt à faire le pari
qu'il y en a plusieurs qui vont dire : Bien, avant de
choisir d'aller reconduire mon enfant et d'avoir un transport gratuit, ce que je n'avais pas pour aller à la CPE,
ils vont peut-être choisir le transport scolaire. Donc, pour nous
aussi, ça... Oui, bravo, ça va peut-être nous amener une clientèle supplémentaire, sauf
qu'on a une préoccupation de sécurité là-dedans.
M. Roberge : Très
bien, oui, je comprends que c'est une
option qui va être laissée aux parents puis qu'il y a des parents qui vont être bien contents d'utiliser
cette option du transport scolaire qu'ils ne peuvent pas avoir pour le réseau
des services de garde, mais qu'ils peuvent avoir pour l'école.
Hier, il y avait
des gens de l'AQPDE, l'Association québécoise du personnel de direction d'écoles, qui sont
venus présenter un mémoire et, par chance, une des trois directions qui
étaient présentes, une direction, là, qui est au quotidien avec les enfants, qui accueille une classe de
maternelle quatre ans... il n'y en a pas beaucoup au Québec encore, mais elle en avait et puis elle disait que le matin, les enfants, ceux dont les
parents font le choix du transport scolaire, arrivent en même temps que
les grands. Quand on dit «les grands», c'est relatif, là, c'est des grands de
sept, huit, neuf, 10 ans, là. Mais donc
ils étaient dans le même autobus, puis ils disaient : Bien, ils sont assis
en avant, et puis, à sa connaissance, ça ne posait pas de problème vraiment particulier. Puis ils disaient : Bien, le
soir, ils repartent seuls parce que, comme l'horaire est différent pour les
quatre, cinq ans versus les sept, huit, neuf ans, le soir, ils partent, mais seulement
dans des véhicules pour les quatre ans et cinq ans.
Donc, est-ce que l'idée que le retour du soir
soit sur un horaire différencié, et donc le retour du soir se fasse habituellement seulement avec des jeunes du préscolaire, c'est quelque chose qui est commun? C'est ce qu'on m'a dit hier, mais d'après votre
expertise, est-ce que c'est assez commun?
M. Lafrance
(Luc) : Bien, je dirais que
oui. Mais, encore là, c'est souvent à géométrie variable d'une commission scolaire
à l'autre, les choix qu'ils font au niveau de l'organisation de leur
transport. Soit dit en passant, là, ce n'est pas toujours la faute du transport
scolaire, parce que nous, on n'organise rien, c'est les commissions scolaires qui organisent le transport. Nous, les transporteurs,
on ne fait que réaliser les devis qui nous sont soumis.
Mais,
ceci étant dit, comme je disais, c'est à géométrie variable. Donc, je ne suis
pas capable de répondre à votre question,
de dire : Est-ce que c'est commun ou non? Par contre, force est d'admettre
que, comme je disais tantôt, dans un autobus avec des enfants du primaire de
six à 12 ans, de ce que j'entends dire par mes transporteurs, il y a des fois
où c'est des situations assez
chaotiques en termes de discipline, hein? C'est des enfants qu'on a gardés
assis pendant plusieurs heures à l'école sur le banc d'école, et là ils
sont dans l'autobus, et, pour prendre l'expression, ça bouge beaucoup.
Alors,
nous, on se dit : Bien, de mêler des enfants de quatre ans à l'intérieur
de ça, de deux choses... bien, je dirais même trois : au niveau du tonus,
ils ont un peu de difficultés à demeurer sur la banquette, ils ne comprennent
pas nécessairement toujours les consignes de sécurité, mais, trois, bien
qu'ils peuvent être assis en avant sur les premières banquettes, il n'empêche qu'ils sont en contact avec des jeunes de huit,
10, 12 ans, alors ça peut être inquiétant. Mais, en tout cas, comme
parent, si j'avais encore des enfants de cet âge-là, ça m'inquiéterait un petit
peu.
Mme Giroux (Louise) : Puis les premières banquettes... actuellement, avec l'optimisation des parcours, ça crée quand même
une pression parce qu'il y a de
moins en moins de banquettes de
disponibles dans le véhicule où est-ce
que le conducteur se servait de cette
banquette-là ou de ces banquettes-là pour pouvoir amener les enfants un petit peu tannants, là, alors... et cette banquette-là pourrait plus
servir pour les maternelles quatre ans, exemple.
M. Roberge : O.K. J'entends vos préoccupations, puis
j'entends, d'ailleurs, vos préoccupations, surtout l'intérêt de bien faire les choses, l'intérêt d'offrir un
milieu de travail qui soit correct pour vos chauffeurs puis un milieu qui soit
sécuritaire pour les enfants. Ça fait que je pense que c'est la première préoccupation qu'on doit avoir, là, d'essayer de le faire... d'offrir aux parents une option qu'ils pourraient choisir. Ça reste
une option, on peut le choisir, on peut ne pas le choisir, mais à mesure où on
offre quelque chose, je pense qu'il faut s'assurer que c'est quelque chose de qualité. J'entends déjà
les oppositions dire que ce n'est peut-être pas sécuritaire, etc., mais il faut quand même
se dire que, s'il y a 394 classes aujourd'hui puis s'il y a
aujourd'hui, au moment où on se parle, des jeunes de quatre
ans qui ont été dans les autobus scolaires,
c'est parce que le Parti
libéral et le Parti québécois ont quand même instauré ces 394 classes et ont fait le choix
d'offrir aux parents le transport scolaire. Alors, c'est quand même quelque
chose dont il faut se souvenir : s'il y a des enfants de quatre ans aujourd'hui dans les autobus scolaires, ce n'est pas le gouvernement actuel. Nous, on parle de l'avenir.
Maintenant, il y a
des règles qui concernent l'utilisation des sièges d'auto qui ont été
modifiées. Est-ce que ces dernières années, dans ce qui se passe dans vos
autobus, il y a des choses qui ont changé? Est-ce que vous avez dû, par obligation
réglementaire ou par souci de sécurité, changer les bancs, mettre des bancs
d'appoint, ajouter des ceintures de sécurité? Qu'est-ce qui s'est passé
de plus ou de mieux dans vos autobus, dans votre réseau?
M. Lafrance (Luc) : Bien, je vous dirais, en termes... pour ce qui
est des autobus, des gros autobus scolaires, au moment où on se parle, il n'y a
pas de ceintures de sécurité à bord. Donc, lorsqu'il n'y a pas de ceintures de
sécurité, les bancs d'appoint ne sont pas obligatoires. À partir du
moment où on a un véhicule qui est soit un minibus, une berline, ou même si un transporteur décidait de mettre des
ceintures, ce n'est pas interdit, à partir du moment où il y a des ceintures
de sécurité, on doit respecter la nouvelle
réglementation à la SAAQ qui fait en sorte qu'un enfant qui... bien, si on
prend le profil d'un enfant de quatre ans, il rentre dans ce profil-là,
doit être assis obligatoirement dans un banc d'appoint. Donc là, ça amène toute une autre dynamique, toute une
autre problématique de gestion de dire : Bien, le banc d'appoint, qui le
fournit? Qui installe l'enfant dans le banc d'appoint? Qu'est-ce que je fais,
comme conducteur, lorsque le circuit est terminé avec ces enfants-là, et je dois faire un deuxième circuit avec du
secondaire ou avec des enfants du primaire un peu plus vieux? Alors, ça amène une gymnastique qui n'est pas
simple à gérer. Mais c'est seulement lorsqu'il y a des ceintures de sécurité
où on est obligés d'avoir des bancs d'appoint.
M. Roberge :
Une petite dernière question avant de laisser la parole à mon collègue. Est-ce
qu'en ce moment vos transporteurs acceptent des contrats des garderies
pour faire des sorties éducatives? Donc, est-ce que, dans le fond, vos autobus,
qui sont utilisés par les écoles, des gens de quatre ans, cinq ans, huit ans,
10 ans, pour lesquels vous avez des inquiétudes,
sont déjà utilisés dans les faits par des enfants qui ont deux ans, trois ans,
quatre ans déjà, mais à la garderie?
• (12 h 10) •
Mme Giroux
(Louise) : Oui, ça peut arriver, mais maintenant on a des... le
conducteur n'est pas seul. D'abord, il y a
souvent une ou deux personnes responsables de la garderie. Alors, déjà, ça
donne un coup de main au chauffeur parce que le chauffeur ne se soucie pas de sa clientèle, il se soucie
davantage de la route, puis c'est sa job de faire ça, alors que le transport scolaire, minibus ou gros bus, nos conducteurs sont tout seuls avec la
problématique de discipline de tout ce qui se passe en arrière, puis je
vous promets qu'il s'en passe.
M. Roberge :
Je vais laisser la parole à mon collègue de Richelieu.
Le
Président (M. Asselin) : Richelieu, le
collègue de Richelieu, pour 2 min 36 s. On y va.
M. Émond : Merci, M.
le Président. Bonjour, c'est un
plaisir de vous revoir. Le transport scolaire, bien entendu, ça fait partie des enjeux importants
quand on amène des réformes en éducation. Je suis convaincu que, comme
l'ensemble de nos collègues députés,
nous sommes tous sensibilisés par les transporteurs scolaires dans chacune de
nos régions. En tout cas, moi, je l'ai été dans mon coin.
J'entendais
une de vos préoccupations tantôt concernant... en tant que parent aussi,
surtout, que des jeunes de quatre ans
puissent côtoyer des élèves un petit peu plus âgés. J'ai aussi, comme parent,
cette préoccupation-là, quoique souvent les jeunes de quatre ans ont des grandes soeurs ou des grands frères ou
les plus vieux ont des jeunes frères et soeurs de cet âge-là, alors ils sont habitués de se côtoyer
et de s'entraider. On entendait un groupe hier qui nous disait qu'il se passait
de belles choses dans leur école avec les
jeunes de quatre ans au niveau des casiers, puis qu'il y avait une forme
d'entraide puis de mentorat, là, si je peux employer ce mot-là.
Vous
avez dit tantôt que vous aviez présentement 4 300... vos transporteurs
prennent en charge environ 4 300 jeunes de quatre ans, c'est ça?
M. Lafrance
(Luc) : Tout à fait.
M. Émond : Donc, j'aimerais vous entendre sur comment ça se
déroule, présentement. Quel feed-back vous avez d'eux avec cette clientèle-là de quatre ans? Puis peut-être,
parce que je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps, mais s'il vous reste du temps, quel
serait l'impact financier pour vous, vos membres, vos transporteurs, d'avoir davantage
de cette clientèle de quatre ans qui pourrait fréquenter vos autobus?
M. Lafrance
(Luc) : Je vais répondre à la deuxième partie de votre
question. La première, je vais la laisser à Mme Giroux.
On n'a pas mesuré l'impact financier parce
que, comme le disait M. le ministre, ça va être à géométrie variable d'une école à l'autre, d'une commission scolaire à l'autre. Il y a des parents qui vont choisir d'aller les
reconduire, il y a des parents qui
vont choisir de les faire transporter par le système de transport scolaire. Et
les commissions scolaires, c'est à eux
de convenir ou de décider si ces enfants-là seront mêlés à travers l'ensemble
des élèves du primaire ou ils feront un transport spécifique. Donc, ça
devient difficile pour nous d'évaluer en termes de coûts.
C'est sûr qu'en
termes de têtes d'élèves transportés, si je le... bien, je prends des élèves
par tête dans une berline versus un autobus scolaire, c'est beaucoup plus
dispendieux dans une berline que ce peut l'être dans un autobus où on met 65, 70 élèves. Alors, par tête de pipe, par
tête d'élève, oui, c'est beaucoup plus dispendieux, sauf que ça a un service,
je dirais, beaucoup plus direct à la clientèle.
Le Président (M. Asselin) : Je dois malheureusement vous interrompre. On va passer immédiatement à la
députée de Saint-Laurent, pour le Parti libéral.
Mme Rizqy : Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, Camille, bonjour, William — ce sont deux élèves qui font l'école à la
maison — et
bonjour à leur maman, Véronique, et Mme Noémi Berlus, toujours fidèle au
poste. Alors, évidemment, je tiens à rappeler que tout le monde qui font la liberté éducative sollicitent toujours
une rencontre avec le ministre. Alors, peut-être qu'en sortant ils
pourront vous dire un petit bonjour et céduler une rencontre.
Bonjour.
Bienvenue. On a eu l'occasion d'échanger déjà. On vous a rencontrés,
avec mon collègue le député de La Pinière. Vous nous avez parlé, lors de notre rencontre,
de la première marche. Là, je ne parle pas de la première marche à
l'école, je parle de la première marche à l'autobus. Alors, nos jeunes enfants
de quatre ans, et d'autres qui auront trois ans et 11 mois à leur rentrée
scolaire, comment c'est, prendre la première marche?
Mme Giroux
(Louise) : Bien, en fait, c'est plus difficile parce
qu'évidemment l'enfant a de petites jambes, puis
c'est des petits, mais ça se fait, mais c'est souvent le parent qui va donner
un coup de main à grimper dans l'autobus. Alors, le parent doit être là,
là, c'est sûr.
Mme Rizqy :
Dites-moi, en région, un trajet, là, ça peut durer 20 minutes, 30 minutes,
jusqu'à 60 minutes, des fois, pour se rendre à l'école?
Mme Giroux
(Louise) : Oui, effectivement, il y a des...
Mme Rizqy :
Pour un enfant de quatre ans qui, des fois, n'est pas encore tout à fait
propre, est-ce que ça peut être très long, 60 minutes?
Mme Giroux (Louise) : En fait, là, on va tomber dans la problématique
que, souvent, ils s'endorment. À quatre ans, ils s'endorment souvent dans le
véhicule. C'est pour ça qu'on a, dans nos véhicules, des opérations sentinelles
pour prévenir ça, pour obliger le
conducteur à faire sa sentinelle jusque dans le fond. Mais c'est sûr que ça,
c'est une problématique. Puis là maintenant, bien, souvent, ils
glissent, ils glissent en dessous du banc.
Mme Rizqy :
Bon, ça, c'est un enjeu assez particulier en matière de sécurité. J'aimerais
revenir... Tantôt, vous avez parlé, disons, des enfants de quatre ans et ceux
qui sont de 12 ans. Moi, j'ai été professeure, et souvent ceux, disons,
qui sont un peu plus... qui aiment parler,
qui sont plus agités, on les mettait habituellement en avant de la classe.
Est-ce que dans l'autobus aussi on les met en avant?
Mme Giroux
(Louise) : Bien, dépendamment des circuits et dépendamment de
la logistique du conducteur, comment il
applique sa discipline, mais en principe, quand il y en a des agités, on les
installe en avant, mais considérant qu'on a de moins en moins de bancs
disponibles puis que les circuits sont de plus en plus bondés, ça crée une
pression sur le conducteur et sur la gestion de l'espace dans l'autobus.
Mme Rizqy :
Les circuits sont de plus en plus bondés. Dites-moi, est-ce que vous avez aussi
un enjeu au niveau de la main-d'oeuvre, vous autres aussi, avec le
nombre de chauffeurs?
Mme Giroux
(Louise) : On a un enjeu de
main-d'oeuvre majeur au Québec et qui est de plus en plus lourd pour les transporteurs... de se trouver des gens. On
fait des pieds et des mains pour trouver de la main-d'oeuvre. On prend soin
de nos conducteurs, et actuellement ils ont
tellement d'affaires à faire, mis à part la conduite : il y a les allergies,
la discipline, qui est de plus en plus difficile à appliquer, et il ne faut pas
oublier qu'un conducteur scolaire, il a 60 ans, 62 ans, il
arrive avec son ADN, il arrive avec sa façon de faire.
Mme Rizqy :
Dites-moi, au Québec, on a environ plus ou moins 80 000 naissances
par année. La CAQ a promis des
maternelles pour tous, pour tous ceux qui le demandaient. Alors, je sais que...
maintenant ils souhaitent que leur souhait ne se réalise pas à 100 %, mais peut-être à 50 %, puis, dans
ce 50 %, que ce ne soit pas tout le monde qui a besoin de transport
en commun. Bien, même, disons qu'on arrive à
25 %, présentement, avec le nombre d'autobus que vous avez, la flotte
actuelle et vos chauffeurs que vous
avez actuellement, êtes-vous capables de répondre avec un ajout de pression de
demandes des maternelles quatre ans?
M. Lafrance (Luc) :
Bien, je vous dirais là-dessus que, comme je disais tout à l'heure, c'est un
peu à géométrie variable d'une commission
scolaire à l'autre, mais je suis convaincu que, pour certaines commissions
scolaires, ça va avoir un impact
financier, donc il y aura des véhicules à rajouter. Est-ce que ce sera des
véhicules spécifiques pour le transport de ces jeunes-là ou des véhicules de façon plus générale? Ça, ça devra être
à la commission scolaire de décider. Mais une chose est sûre, c'est qu'à terme ça va nécessiter plus
d'autobus, plus de conducteurs et, dans un contexte de pénurie, c'est un autre
enjeu pour nous, c'est un autre défi.
Mme Rizqy : Merci. Je vais
passer la parole à mon collègue le député de La Pinière.
M. Barrette :
Merci, M. le Président. Oui, merci. Alors, toujours, je prends la balle au
bond, là, sur le plan de la main-d'oeuvre. Je m'excuse, là, je n'ai pas
eu le temps de faire le tour de votre mémoire. Le coût, dans le scénario le plus coûteux du transport des maternelles quatre
ans, admettons que tout le monde le fait, vous l'évaluez? Vous l'avez sûrement
évalué?
M. Lafrance
(Luc) : Non, on n'a pas...
Bien, comme je disais tout à l'heure, c'est un peu à géométrie variable, les
commissions scolaires vont décider quel type de transport ils vont utiliser,
mais...
M. Barrette : Non, non, je
comprends, mais admettons, là, que tout le monde le fait, là.
M. Lafrance
(Luc) : C'est ça, tu sais,
si tout le monde le fait, si on rajoute... si on prend des autobus à
65 passagers par autobus, à terme, on parle de 50 000 élèves de
plus. Alors, on peut faire le calcul rapidement, là, ça va vraiment
rajouter plusieurs autobus.
M. Barrette : Oui, mais en
dollars, ça fait combien?
M. Lafrance (Luc) :
Je ne l'ai pas calculé, là, mais...
M. Barrette : Bon, on le fera.
Mme Giroux (Louise) :
En fait, c'est le temps de route aussi qui va rallonger.
M. Barrette : Pardon?
Mme Giroux (Louise) :
Le temps de route pour les conducteurs va rallonger.
M. Barrette :
Oui, c'est le temps de route qui va rallonger. Mais idéalement, là, vous ne
souhaitez pas transporter des quatre ans dans les gros autobus
jaunes, là?
M. Lafrance (Luc) :
Comme je disais, pour nous, c'est une question de sécurité.
M. Barrette : Bien, la sécurité
va venir...
M. Lafrance
(Luc) : Là, on le fait
actuellement, parce que le volume n'est pas très élevé, mais là, si on se rend
à terme avec les objectifs fixés, pour nous, ça va devenir une
préoccupation encore plus majeure, là.
M. Barrette : Alors, la
sécurité va avoir un coût?
M. Lafrance (Luc) :
Oui.
M. Barrette :
Le coût va être par place?
M. Lafrance
(Luc) : Oui.
M. Barrette :
Est-ce que les véhicules, au moment où on se parle, ceux qui sont roulants, ont
la base nécessaire pour installer les éléments de sécurité additionnels?
M. Lafrance (Luc) : Je vous dirais que, si on demeure avec les
véhicules actuels, les gros autobus qu'on a — et un
peu comme le disait Mme Giroux, on est pas mal à pleine capacité un peu
partout — non, on
ne sera pas capables de répondre à la demande en termes d'ajout de
clientèle. Pour moi, ça va prendre des autobus de plus.
M. Barrette :
Non, ma question, c'est le véhicule lui-même, pour le rendre sécuritaire. Vous
avez des véhicules de différents
âges, qui ne sont pas construits avec les mêmes standards d'un âge à l'autre,
c'est normal. Est-ce qu'aujourd'hui vous
évaluez qu'il y aura un coût significatif d'aménagement des autobus
d'aujourd'hui? Puis après je vais aller sur la berline, après.
M. Lafrance (Luc) : Alors, si on prend l'autobus traditionnel, les
équipements de sécurité ne sont pas différents qu'on mette des enfants
de quatre ans, qu'on mette des enfants de 12 ans. La journée, si
jamais ça arrive, qu'il y a des ceintures de
sécurité, bien là, on parle d'autre chose, là ça va nécessiter obligatoirement
des bancs d'appoint, donc il va avoir un ajout d'équipement
supplémentaire.
• (12 h 20) •
M. Barrette :
Avec les autobus, on retrouve les deux clientèles, là, les clientèles jusqu'à
12 ans, en commençant à quatre ans. Est-ce que vous êtes en
faveur d'avoir, par exemple, la ceinture de sécurité? En fait, je vais vous
poser la question autrement : Est-ce que c'est un avantage pour vous?
Parce que moi, là, je vais vous donner mon opinion, là, qui n'est pas une
opinion ferme, là, mais à un moment donné, vous allez avoir un enjeu de
surveillance. Je comprends votre exemple
d'enfants tannants, là, je l'ai été, moi, dans les autobus scolaires, je peux
vous le garantir, alors... non, non, sérieusement. Mais au bout de la ligne,
là, avec des enfants de quatre ans dans un autobus, où il y a des enfants
tannants jusqu'à 12 ans, là, à un moment donné, il y a un enjeu de personnel. Vous le voyez comment,
vous, là, là? Imaginez-là, il y a des quatre ans qui ont de la misère à monter la
première marche, qui vont dormir puis tomber en bas du siège, comme vous avez dit, il va y en avoir d'autres, des
énervés, puis c'est normal, c'est normal, et là il y a un enjeu de
surveillance, le chauffeur ne peut pas tout faire. Ce n'est pas la même
chose de gérer une classe de septième année puis... bon.
M. Lafrance
(Luc) : Tout à fait. Bien, l'autre option
qui peut s'offrir à nous, c'est d'avoir un accompagnateur à l'intérieur de l'autobus scolaire, comme il se vit en Europe, ils ont ça, ils ont
des accompagnateurs dans l'autobus pour d'autres raisons. Mais, dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, on va les prendre où, ces accompagnateurs-là? On va les payer
comment?
M. Barrette : Je comprends tout ça. En français : aujourd'hui, on ne peut pas le faire, le quatre ans, là, vous n'avez pas les
ressources.
M. Lafrance
(Luc) : Non, non.
M. Barrette :
Donc, il y a un investissement à faire qui va venir de quelqu'un.
M. Lafrance
(Luc) : Oui, voilà.
M. Barrette : Puis, comme il n'y aura plus de commissions scolaires, ça va venir du collègue du ministre qui, lui,
est au Trésor, ce n'est pas vous qui allez payer ça, là.
M. Lafrance
(Luc) : La marge de manoeuvre des transporteurs, au moment où
on se parle, elle n'existe pas.
M. Barrette :
Je sens que je n'ai plus de temps, mais j'ai bien aimé votre soupir.
Le
Président (M. Asselin) : Merci beaucoup.
Je passe la parole à la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie :
Combien de temps?
Le
Président (M. Asselin) : 2 min 5 s.
Mme Labrie : Merci. Vous avez mentionné tout à l'heure qu'il y avait 65, 70 élèves par autobus, est-ce que c'est
la capacité ou c'est le nombre moyen?
M. Lafrance
(Luc) : La capacité technique est 72 passagers par autobus,
mais les commissions scolaires ne remplissent
pas l'autobus à pleine capacité, ou ils le font sur une base technique, mais à
cause, des fois, des doubles adresses et
des... qui fait en sorte qu'il y a un petit peu moins d'élèves, mais on roule à peu près
à 65 élèves du primaire par autobus.
Mme Labrie :
Au primaire, la moyenne, c'est 65 élèves par autobus.
M. Lafrance (Luc) :
Oui, tout à fait.
Mme Labrie : O.K. Est-ce que vous estimez que c'est un ratio
adéquat, un chauffeur pour 65 élèves, quand il y a des enfants de quatre ans là-dedans? Là, je vois que vous
parlez beaucoup d'accompagnateurs là-dedans...
Mme Giroux
(Louise) : ...c'est trop élevé. C'est déjà
élevé là, actuellement. Le conducteur, il doit conduire son véhicule et regarder en avant. À chaque fois qu'il quitte
les yeux de la route pour regarder le petit William ou peu importe
lequel dans l'autobus et rappeler les consignes, il quitte la route des yeux.
Il est tout seul à bord, puis les enfants sont en arrière; un professeur, ces
gens sont devant lui. Alors, ça, moi, c'est sûr que ça m'interpelle comme
transporteur au niveau de la sécurité.
Mme Labrie : Donc, j'entends
que vous nous dites, ça prend soit un accompagnateur dans l'autobus soit des véhicules de type berline ou minibus où il y aura
moins d'enfants par conducteur et où ils seront peut-être attachés aussi.
Est-ce que c'est une recommandation formelle que vous faites à la commission
ici?
M. Lafrance (Luc) :
Oui, c'est un peu en ce sens-là, oui.
Mme Labrie : O.K. Parfait.
Mme Giroux
(Louise) : Puis une recette
uniformisée dans la province de Québec, ça, ce serait une belle vision pour les
transporteurs, parce que la gestion
d'une commission scolaire, la gestion de l'autre, nous, on fait juste suivre
les recommandations puis agir, contractuellement parlant. Alors, quand
c'est uniformisé, ça nous aide, nous, à appliquer...
Mme Labrie : Vous souhaiteriez que ce soit précisé par règlement,
par exemple, comment ça doit être organisé pour les
enfants de cet âge-là?
M. Lafrance
(Luc) : Bien, je dirais, peut-être
pas nécessairement par un règlement émis par le ministère,
mais au moins qu'il y ait une uniformité entre les commissions scolaires.
Le Président (M.
Asselin) : Je vais maintenant la parole à la députée de Joliette,
qui va terminer l'audience.
Mme Hivon : Merci. Merci
beaucoup. Si le ministre s'engageait à vous fournir les budgets requis, est-ce
que cela réduirait vos inquiétudes ou
vos inquiétudes demeurent parce que, pour vous, le type de véhicule — je veux poursuivre un peu — c'est
fondamental aussi? Ou si, par exemple, le ministre disait : Les budgets
vont être au rendez-vous pour, peut-être,
des autobus comme maintenant, mais avec des moyens pour mieux accompagner tout
ça, est-ce que ça, ça vous rassurerait ou, pour vous, le type de
véhicule, c'est vraiment une demande formelle?
M. Lafrance
(Luc) : Je pense que la
meilleure option, c'est le type de véhicule parce que, déjà là, comme vous
disiez, Mme la députée, le fait d'avoir
moins d'élèves dans l'autobus ou moins de passagers, ça permet d'avoir un
meilleur contrôle sur tes passagers, là, d'avoir une meilleure sécurité,
alors que, dans le gros véhicule, même si on mettait des équipements de
sécurité, ils sont quand même mêlés avec des élèves de 10, 12 ans. Et souvent
aussi les circuits, comme je disais tout à
l'heure, sont très remplis, les temps de parcours sont très calculés, alors on
a moins de temps à consacrer à la sécurité de cette clientèle-là qui
est, pour nous, très vulnérable.
Mme Hivon :
Puis je comprends... parce que le ministre a un bon point quand il dit :
Il y en a déjà, là, des enfants de
quatre ans, donc je comprends qu'en ce moment vous êtes capables de gérer ça,
mais ce qui vous inquiète, c'est l'explosion du nombre, qui serait
beaucoup plus grand, et la cohabitation, plus intense.
M. Lafrance
(Luc) : Bien, je vous
dirais, tant mieux qu'il n'est rien arrivé encore aujourd'hui avec ces
clientèles-là. Mais, comme on vous a
donné une liste de ce qui est arrivé, des faits des fois cocasses, moins
cocasses dans l'autobus, on parle d'un enfant qui s'endort sur la banquette,
qui glisse en dessous du banc. S'il fallait qu'il y ait un impact frontal
dans un accident de circulation, il
se passe quoi avec le petit enfant de quatre ans qui a glissé en dessous du
banc? Ou encore il est sur la
banquette et il glisse. Alors, heureusement, on va toucher du bois, il n'est
rien arrivé, mais plus on aura d'élèves, plus il y aura de... le risque
va être plus élevé, là.
Mme Hivon : O.K. Merci
beaucoup.
Le
Président (M. Asselin) :
M. Lafrance, Mme Giroux, Mme Deslauriers, merci beaucoup pour votre contribution.
On va suspendre quelques instants, le temps à
l'Ordre des psychologues de s'installer. Et je demanderais aux députés de
rester autour, s'il vous plaît. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 26)
(Reprise
à 12 h 27)
Le Président (M. Asselin) : Merci
beaucoup de votre indulgence. On n'a
pas beaucoup de temps. On essaie de favoriser l'expression de tout le monde. Je vous invite à vous présenter, et puis on va débuter par un
10 minutes de présentation, après ça on va échanger. À vous la
parole.
Ordre des psychologues du Québec
(OPQ)
Mme Grou (Christine) : Alors, M.
le ministre, M. le Président, Mmes et MM. les députés, merci
beaucoup de nous recevoir, de recevoir l'Ordre des psychologues
du Québec sur le projet
de loi n° 5. Je suis
Dre Christine Grou, psychologue,
neuropsychologue, présidente de l'Ordre des psychologues du Québec. Peut-être juste un mot, je détiens un
doctorat en neuropsychologie — la neuropsychologie, c'est la partie de
la psychologie qui se spécialise dans les liens entre le cerveau, le
comportement, les émotions, les apprentissages — et je suis spécialiste
de la santé mentale, puisque c'est là que j'ai oeuvré pendant 25 ans. Je
suis accompagnée de Mme Isabelle Marleau, qui est directrice de la qualité
du développement des pratiques à l'Ordre des psychologues. Mme Marleau est
une spécialiste en développement des tout-petits. Elle a travaillé à l'Hôpital
Sainte-Justine pendant 15 ans. Elle a été associée au projet CIRENE, et c'est
une développementaliste. Donc, c'est
évidemment à la lumière de cette expertise psychologique là qu'on va vous
entretenir.
Et
je mentionne d'entrée de jeu qu'au-delà du débat sur les maternelles quatre
ans, ce dont je voudrais vous parler aujourd'hui,
c'est vraiment du développement des jeunes enfants, de l'importance du
dépistage précoce, de l'importance aussi
des interventions précoces qui sont préparatoires au cursus de l'enfant par la
suite, et surtout de l'importance des services de proximité, des
services professionnels de proximité au besoin pour les enfants qui en auront
besoin.
Alors,
la première chose peut-être que je voudrais mentionner, c'est tout ce qui se
passe pendant le développement en bas
âge. Évidemment, entre zéro à cinq ans, le cerveau des enfants, ce sont des
éponges, hein, c'est des petites éponges, il y a une plasticité cérébrale, il y
a une capacité de recevoir des informations et il y a une capacité de
construire des réseaux neuronaux qui est extrêmement impressionnante.
Par ailleurs, et parallèlement à ça, il y a aussi une vulnérabilité par rapport à l'adversité, c'est-à-dire que c'est des
enfants qui ne sont pas encore outillés pour faire face à tous les avatars de
la vie ou à tous les problèmes
auxquels ils peuvent faire face, donc incluant les retards des acquis. Il se
passe beaucoup de choses entre zéro et
cinq ans sur le plan de la cognition, donc tout ce qui soutient les
apprentissages, sur le plan du développement du langage, sur le plan
physique et moteur, sur les plans sociaux et sur les plans affectifs également.
• (12 h 30) •
Il
y a trois de cas de figure qui peuvent arriver à quatre ans. Et pourquoi on
insiste sur le dépistage à quatre ans? C'est
parce qu'avant quatre ans il y a une hétérogénéité du développement, c'est-à-dire
que tous les enfants vont passer par des
stades de développement, ils vont tous à peu près passer par les mêmes stades
de développement, mais la maturation — la maturation,
c'est ce qui fait que le cerveau est prêt à recevoir des apprentissages ou prêt
à faire des acquis — ça va
varier un peu d'un enfant à l'autre, et plus l'enfant est petit, plus
cette variation-là est grande. À quatre ans, on s'attend à ce qu'il y ait certains acquis et on s'attend à ce que, s'ils ne sont pas là,
donc, on puisse intervenir. Et c'est plus facile de dépister les retards, les retards rattrapables ou les
retards plus sérieux, et c'est là le bon moment pour intervenir au mieux. Et je
vous dirais que c'est à quatre ans qu'il
y a peut-être moins de risques de
faux positifs ou de faux dépistages parce
qu'on s'attend à ce qu'il y a certains acquis.
À quatre ans, il y a
trois cas de figure qu'on peut voir. Donc, on peut voir des enfants avec un développement
tout à fait normal, qui font ce qui est attendu pour l'âge. On peut voir des
retards des acquisitions, hein, des retards dans certains
apprentissages. Ces retards-là, moyennant certaines interventions précoces,
sont rattrapables, O.K.? Et là je parle de
l'enfant qui prononce mal certains mots, ou encore l'enfant qui arrive à
l'école et qui ne fait pas ses boucles, ou l'enfant qui ne tient pas bien ses ciseaux parce qu'on ne sait pas trop s'il est bien latéralisé — s'il est droitier ou s'il est gaucher — il
n'a peut-être pas les bons ciseaux, puis on ne lui a jamais
montré à les tenir comme il faut. Ce genre dépistage là, avec des interventions précoces, des intervenants formés, ça se rattrape, O.K., et l'enfant, donc, devient outillé, devient
préparé pour la suite. Mais le troisième cas de figure, ce sont des
troubles neurodéveloppementaux ou des troubles mentaux qui sont peut-être plus
sérieux ou plus graves. Et ce qui se passe dans ce cas de figure là, c'est que,
malgré un dépistage précoce et des
interventions précoces, ça va prendre, au-delà de ça, des services professionnels
de proximité pour faire une évaluation — et je vais y revenir tantôt,
à l'évaluation — et
pour faire des interventions professionnelles.
Alors
donc, l'importance de dépister tôt, évidemment, ce n'est pas juste pour
dépister, c'est pour stimuler puis pour intervenir, puis j'insiste là-dessus,
parce que ça ne donne rien de dépister si les intervenants ne sont pas formés à
faire les bonnes interventions au bon
moment et s'ils ne sont pas formés à savoir quand est-ce qu'il faut référer à
des services de professionnels de
proximité quand, justement, il y a quelque chose de plus sérieux qui est
suspecté. Alors donc, quand on dépiste,
on lève le drapeau et on est capable de dire quel enfant nous inquiète,
pourquoi il nous inquiète, qu'est-ce qu'on devrait faire ou mettre en place comme intervention et est-ce que ça
fonctionne ou ça ne fonctionne pas. Et, si ça ne fonctionne pas, on
devrait savoir quoi faire et notamment référer pour évaluation.
Quand
on évalue, contrairement au dépistage, ça prend quelqu'un qui est capable de
porter un jugement clinique. C'est une activité réservée, l'évaluation,
hein, c'est une activité réservée à certains professionnels, aux médecins, aux psychologues, notamment, ou à certains autres
professionnels qui détiennent une habilitation, et on va porter un jugement
clinique sur la présence d'un trouble mental
ou d'un trouble neurodéveloppemental, d'un retard intellectuel, d'un trouble
du spectre de l'autisme, par exemple, d'un
trouble déficitaire de l'attention ou autres problématiques, d'un gros trouble
anxieux, par exemple.
Alors donc, pourquoi l'évaluation est requise
quand on dépiste précocement, qu'on intervient et qu'ensuite les interventions de premier niveau ne donnent pas les
résultats escomptés? Bien, écoutez, ça permet d'éviter la détresse, ça permet surtout d'éviter
l'aggravation d'une problématique, ça permet d'éviter la comorbidité. La
comorbidité, c'est quand on a une
problématique puis qu'on n'intervient pas adéquatement et qu'on ne la
diagnostique pas adéquatement, elle risque de s'accompagner d'autres problématiques qui vont la complexifier.
Alors, je vous donne l'exemple du trouble du spectre de l'autisme, par exemple. Bien, dans 40 %
des cas, ça vient avec un trouble déficitaire de l'attention, dans 30 %
des cas, ces enfants-là vont
développer un trouble anxieux, puis dans 15 % des cas, ils vont développer
un trouble de comportement, d'où l'importance, donc, d'évaluer et de porter
un jugement clinique puis d'avoir des professionnels, à ce moment-là, qui peuvent intervenir. Et j'insiste sur
l'importance d'intervenir rapidement et surtout équitablement. Actuellement,
ces interventions-là ne sont pas
nécessairement disponibles, ne sont pas accessibles à tous, ne sont pas
accessibles au moment opportun et ne sont surtout pas nécessairement
gratuites.
Alors donc, une fois qu'on a accepté le principe
d'un oeil sur tous les quatre ans pour dépister, pour intervenir, pour stimuler, pour préparer et pour référer à des
professionnels de proximité au besoin, les conditions
gagnantes qui sont très importantes,
la première, c'est l'environnement physique sécuritaire, mais aussi l'environnement cognitif stimulant — parce que ce sont des éponges — et
l'environnement affectif sécuritaire. Un enfant de quatre ans qui
arrive à l'école avec ce qu'on appelle en psychologie un objet transitionnel parce qu'il a du mal à se séparer d'un parent, ce n'est pas nécessairement anormal, et, si ça prend ça
pour le sécuriser, peut-être qu'on peut l'aider avec la doudou pour qu'il fasse
la transition s'il n'a jamais
fréquenté d'autres milieux avant. Évidemment, il faudra se pencher sur les ratios, parce qu'il y a
des ratios gagnants, certainement, pour ce qui est du développement de
l'enfant.
La deuxième
condition qui est extrêmement importante, c'est le jeu. Donc, on insiste sur le fait de
ne pas faire entrer les enfants de quatre ans dans des impératifs de
performance académique trop rapidement, c'est extrêmement important.
Ils doivent évoluer dans un environnement ludique. Et, dans le jeu, ils
apprennent énormément de choses : ils apprennent à respecter les règles, ils apprennent à socialiser, ils apprennent
souvent, des fois, les lettres de l'alphabet dans les comptines, ils apprennent à chanter, ils apprennent à
interagir, ils apprennent à attendre leur tour, ils apprennent un ensemble de
choses, et d'où l'importance de les laisser jouer.
Troisième
élément, la formation et le support aux intervenants qui éduquent, une
formation qui n'est pas à géométrie variable.
Ces gens-là, pour dépister adéquatement et référer adéquatement, doivent être
formés aux enjeux développementaux.
Et finalement les services de proximité...
Le Président (M.
Asselin) : Je vous remercie beaucoup pour votre premier
10 minutes. Peut-être qu'on pourra continuer, par les échanges, à pouvoir
se comprendre. Je laisserais la parole au ministre pour autour de
11 min 10 s.
M. Roberge : Merci bien, M. le Président. Merci pour
votre présentation. Vous arriviez, hein, juste à la fin de votre présentation,
vous étiez bien minutée. Merci d'apporter l'éclairage que vous seules pouvez
apporter. Merci d'avoir accepté de venir présenter ici puis de nous
éclairer du fruit de vos interventions puis de vos études.
Puis je vois
que votre mémoire est assez étoffé, justement, en références scientifiques, là, je vois que vous
citez les recherches de Capuano en
2014, Pagini en 2011, Blair en 2013, Leclerc et Potvin en 2016, donc on voit
bien que vous vous appuyez sur les
données probantes, sur la recherche puis sur des données aussi qui ne datent
pas trop, hein, quelques années à peine, on n'est pas dans les
années 70, dans les années 80. Vous mentionnez, à la page 5, les résultats
qu'on dit... l'EQDEM, l'Enquête québécoise sur le développement des enfants à
la maternelle, en 2012, qui avait un portrait assez sévère, 2017, encore plus
sévère, donc on régresse. Et c'est dans cette section-là du mémoire que vous
terminez par la recommandation 1, en disant, bon, que l'OPQ est favorable
à l'instauration des maternelles quatre ans. Est-ce que vous pensez qu'il peut y avoir un lien, ténu ou très
fort, entre l'implantation d'une maternelle
quatre ans et une amélioration des résultats des enfants à
cette enquête, parce que c'est l'enquête début maternelle cinq ans, donc, vraiment, cette année-là pourrait-elle être une année charnière qui ferait la différence sur les
résultats de l'EQDEM, donc sur la progression des enfants?
Mme Grou
(Christine) : Moi, je vous
répondrais, puis je laisserai ma collègue
si elle veut compléter : Oui, mais à certaines conditions. Il ne suffit
pas que d'implanter une maternelle
quatre ans, il faut vraiment
que toutes les conditions gagnantes y
soient. Donc, un bon dépistage, des bonnes interventions, des références
rapides aux professionnels de proximité au besoin pour d'autres
types d'interventions au besoin.
M. Roberge : Ça m'intéresse doublement, triplement, parce que
de dire qu'on veut l'implanter, c'est une chose, mais il faut bien le faire. Donc, au-delà de... Qu'est-ce que vous nous
suggéreriez vraiment comme pistes, comme éléments importants,
de dire : On peut le faire, mais pour bien le faire, voici les
indicateurs, voici les mesures particulières? Vous avez mentionné le ratio tout à l'heure. En ce moment, dans les maternelles quatre ans
implantées par les prédécesseurs, on a un ratio moyen, en ce moment, d'à
peu près 12 enfants par classe, donc une enseignante — je
dis «une», c'est souvent une femme, ça
pourrait être un homme aussi — pour 12, mais aussi avec une éducatrice qui
est là à demi-temps, puis sans compter
l'équipe de spécialistes qui est dans l'école. Est-ce que, d'après vous, c'est
un ratio qui est correct? Quel est votre... ce que vous nous suggérez
comme ratio en disant que c'est vraiment important?
• (12 h 40) •
Mme Grou
(Christine) : À vue de nez,
bien, je vous dirais qu'il n'y a pas d'étude qui démontre hors de tout doute
quel ratio ça prend exactement pour que les enfants réussissent. Ce qu'on sait,
c'est que plus les enfants ont des besoins, plus
la taille du ratio est importante. C'est sûr que, quand on regarde un ratio de
12, c'est à peu près l'équivalent au ratio des quatre ans en CPE, donc l'important... puis avec deux personnes,
évidemment, ou une personne et demie. Je vous dirais que l'important, c'est aussi de regarder la
formation de ces gens-là et de regarder est-ce qu'ils sont tous formés de façon
équivalente au développement des enfants, aux enjeux développementaux, à ce qui
est attendu à quatre ans, aux retards qui sont potentiellement rattrapables, aux
interventions qu'on doit faire au premier chef pour être capable de rattraper,
aux meilleurs moments pour référer aux professionnels de proximité, à
la disponibilité assurée de ce professionnel de proximité là. Donc, tout ça, ce sont
des conditions qui sont essentielles.
M. Roberge : Je pense que la disponibilité du professionnel est quelque chose sur lequel on travaille
activement, ce qui va... On a déjà,
je pense, très clairement, annoncé dans le budget, là, qu'on voulait avoir
davantage de professionnels pour les
petits de quatre ans, mais pas seulement pour les petits de quatre ans, hein,
pour les cinq ans, les sept ans, huit ans, même au secondaire aussi, jusqu'à la fin du secondaire, pour ne pas
laisser tomber un jeune parce qu'il a 12, 13 ans, c'est certain.
Vous dites «la
formation». Donc, l'idée d'avoir quelqu'un qui est titulaire d'une technique au
collège, donc quelqu'un qui a une technique
au collège qui viendrait travailler avec quelqu'un qui a le baccalauréat en
enseignement primaire, mais en
éducation préscolaire aussi, ces deux personnes-là, évidemment, étant inscrites
dans une démarche de formation continue, est-ce que ça peut ressembler,
selon vous, à une formule gagnante?
Mme Grou
(Christine) : Tout à fait. Puis je vous dirais, indépendamment
du cursus de formation, est-ce que c'est un
cursus au niveau collégial ou un cursus au niveau bachelier, il faut juste
regarder le contenu puis il faut juste regarder est-ce qu'il y a
suffisamment d'éléments qui préparent au dépistage, qui préparent aux
interventions, qui permettent de sensibiliser
les gens qui dépistent à l'importance de ne pas rendre les parents anxieux avec
des faux négatifs quand on n'a pas de
service à leur donner ou quand on n'a rien à leur proposer. Donc, c'est tout
ça, à mon avis, qui doit être regardé. Mais tous les enjeux
développementaux qu'il convient de connaître, c'est extrêmement important.
Puis,
M. le ministre, je voudrais faire du pouce sur ce que vous avez dit, parce
qu'il y a quelque chose de très important dans le fait de ne pas arrêter une
fois qu'ils arrivent à cinq ans, parce que la première cause d'hospitalisation
chez les enfants d'âge scolaire, là, c'est les problèmes de santé
mentale. Et ça, ce n'est pas juste les enfants de quatre ans, c'est tous ceux qu'on a laissés en détresse et pour lesquels
on laisse la détresse s'accumuler parce qu'on ne les a pas nécessairement
bien dépistés ou qu'on ne les a pas
nécessairement évalués quand le besoin était. Et ce sont des problèmes qui
s'aggravent avec le temps, ce sont
des jeunes qui, rendus au secondaire, quand on n'est pas intervenu
adéquatement, vont finir par piquer du nez, éventuellement.
M.
Roberge : Donc, en intervenant tôt, pas nécessairement en
diagnostiquant tôt, je retiens bien ce que vous dites, là, en intervenant tôt,
hein — puis je
vous vois opiner, c'est ça — on peut espérer que certains qui auraient eu
des difficultés à sept, huit, neuf,
10, 12, 15, 17 ans n'en auront pas. Mais ce n'est pas magique, puis on le sait
que d'autres, même avec le meilleur
service de garde éducatif ou la meilleure maternelle quatre ans, peuvent
évidemment avoir des vulnérabilités pendant leur parcours. Puis il ne faudrait
pas, disons, dire : On ne le fait pas à la maternelle quatre ans parce
qu'on investit tout chez nous ados
ou, au contraire, dire : Bien, on coupe dans les services à nos
adolescents parce qu'on fait la maternelle quatre ans. L'idée, c'est
d'un continuum de services.
Mme Grou (Christine) : Exactement. Il faut voir le développement comme
un continuum, il faut le voir comme un
continuum. Et, si vous prenez un enfant qui a des besoins particuliers, bien,
s'il les a à quatre ans, il va les avoir à huit ans et il va les avoir à 12
ans. Puis là je parle, par exemple, du jeune qui a un trouble du spectre de
l'autisme, ou encore un retard mental,
ou encore un trouble du développement du langage, ou un trouble de comportement
quel qu'il soit, ou un trouble de
l'attachement quel qu'il soit. Donc, c'est là où il y a des enfants qui vont
nécessiter des interventions professionnelles, et il ne faut pas les abandonner. Puis je vous dirais
que l'intervention professionnelle va aussi agir en support aux intervenants
de premier niveau, c'est-à-dire l'éducateur et l'enseignant.
M. Roberge :
Et par rapport au programme, l'idée d'avoir un programme cycle intégré qui
permet aux enfants d'être des enfants, qui
tient compte du fait que, dans une classe, des fois, il y a 10 mois, 11 mois
d'écart entre le plus jeune et le
plus vieux, je pense que la notion de cycle vient amener cette flexibilité-là.
C'est pour ça qu'on travaille, d'ailleurs, avec une des chercheuses dont vous
parlez dans le mémoire, là. Mme Capuano siège sur notre comité de
l'instauration du programme cycle,
qui va amener ce que j'appelle la ludification des apprentissages... vraiment
par le jeu. C'est quelque chose qui va dans le sens de la recherche,
mais qui vous rassure aussi?
Mme Grou
(Christine) : Tout à fait, tout à fait. Est-ce que ma collègue
veut ajouter quelque chose à ça?
Mme Marleau (Isabelle) : Oui, en fait, c'est essentiel qu'on puisse aller
stimuler les enfants, et le dépistage et la stimulation peuvent tout à fait se
faire par le jeu, à travers des activités ludiques, et il y a même des
apprentissages qui peuvent être faits aussi par le jeu. Donc, c'est le moyen ultime, optimal pour aller
favoriser le développement des enfants, effectivement.
Mme Grou
(Christine) : Et j'ajouterais que non seulement les
apprentissages vont se faire par le jeu, mais les interventions, souvent, vont
se faire par le jeu aussi.
M. Roberge :
Oui, exactement. Je vois, à votre recommandation 3, que vous recommandiez
que la stimulation globale précoce soit
offerte dans un environnement physique et psychologique adapté aux
besoins des tout-petits. Je pense que
c'est très important. Ça n'a peut-être pas été le cas lors des premières années de
l'implantation, malheureusement, de la maternelle quatre ans parce que les
fonds n'étaient pas là pour adapter les classes.
Je veux vous rassurer en vous disant
que, cette année et pour les années à venir, il y aura environ
10 000 $, 11 000 $ à
chaque classe. Je ne parle pas pour construire des classes, mais pour adapter
des locaux qui sont actuellement vides, là, qu'on n'utilise pas au Québec, mais qu'on prenne une classe du primaire puis
qu'on utilise 11 000 $ pour à la fois acheter du matériel adapté, mais aussi avoir la fontaine
qui permet aux jeunes de boire à la bonne hauteur, des tables, du matériel.
Parce que c'est peut-être une angoisse pour les parents ou pour les tout-petits
d'arriver dans un monde de grands, mais est-ce
que vous considérez que ça peut être
rassurant pour un tout-petit d'entrer dans un local qui a été aménagé, tout est
à sa hauteur? C'est peut-être quelque chose qui est apaisant pour lui ou pour
elle?
Mme Grou (Christine) : Bien, tout
à fait, c'est ce qu'on appelle
l'environnement physique adapté. Puis je vous dirais, en ce qui nous concerne, peu importe où se trouve cet environnement-là,
l'important, c'est que les conditions qu'on énumère s'y retrouvent.
M. Roberge : Donc, c'est votre recommandation 3, et je
vous le dis tout de suite, on la
suit. Dernière question s'il me reste quelques secondes, M. le
Président...
Le
Président (M. Asselin) : 50 secondes.
M. Roberge :
Oh! vous dites que vous avez travaillé sur le programme CIRENE. Est-ce qu'on
parle bien du programme qui avait été
élaboré en collaboration avec mon collègue le Dr Carmant, qui est
aujourd'hui ministre délégué à la Santé?
Donc, évidemment, j'imagine, vous êtes en accord avec cette politique-là et
Agir tôt, qui découlent du programme CIRENE.
Mme Marleau
(Isabelle) : Oui, tout à fait. Je pense qu'il y a plusieurs
éléments du programme CIRENE qui concordent tout à fait avec les
recommandations qu'on fait également puis qu'on peut tout à fait supporter,
entre autres, le travail en interprofessionnalité et aussi le fait d'avoir des
évaluations par des professionnels, qui permettent d'obtenir des diagnostics,
et une intervention qui suit ces évaluations diagnostiques là.
M. Roberge :
Avec un programme qui n'oppose pas les milieux de garde éducatifs et la
maternelle quatre ans, parce que le programme Agir tôt intervient à la fois
dans les services de garde et en collaboration avec le scolaire. Merci.
Le
Président (M. Asselin) : Merci beaucoup. On va maintenant
poursuivre avec les remarques de l'opposition officielle, et puis elle va
diriger la discussion. La députée de Saint-Laurent, à vous la parole.
Mme Rizqy :
Merci. Merci. Bienvenue. Combien qu'il y a de diagnostics qui sont faits
annuellement auprès des enfants de zéro à cinq ans?
Mme Grou
(Christine) : Bien, écoutez, je vous dirais que la statistique
qui nous vient de l'Observatoire des tout-petits,
là, nous dit que c'est environ 5 % des enfants qui ont un diagnostic de
trouble mental. Puis là on s'entend, un diagnostic de trouble mental, ça veut
dire qu'il a été vu par un professionnel, un psychologue ou un médecin qui a
posé ce diagnostic-là. Donc, est-ce
que c'est à dire qu'il n'y a que 5 % des enfants qui ont un diagnostic ou
qu'il n'y a que 5 % des enfants
qui ont été vus? C'est-à-dire que c'est peut-être juste la pointe de l'iceberg.
Donc, je ne peux pas vous dire combien d'enfants sont porteurs.
Mme Rizqy :
...combien que, par exemple, votre ordre professionnel évalue le nombre de
diagnostics qui est posé auprès des 0-5 ans par année?
Mme Grou
(Christine) : C'est 5 %, à peu près.
Mme Rizqy :
D'accord. Et là-dedans il y a combien de faux négatifs?
Mme Grou
(Christine) : De faux négatifs?
Mme Rizqy :
Oui.
Mme Grou
(Christine) : Écoutez, le diagnostic psychologique, c'est un
acte professionnel, donc le diagnostic, c'est un jugement clinique qu'on pose à
partir d'une démarche clinique qui est assez rigoureuse et qui prend un certain
temps, et je vous dirais qu'on ne s'attend
pas à ce qu'il y ait beaucoup de faux négatifs suite à cette démarche-là parce
que ce n'est pas une démarche... on
n'est pas dans le dépistage, justement. On est dans une démarche où on évalue,
on évalue, on investigue, et on investigue justement pour trouver, par
exemple, la cause d'un problème.
Mme
Rizqy : Oh! d'accord, c'est juste que, tantôt, vous avez mentionné que
c'était... il faut faire attention...dépister à partir de quatre ans, vous
mentionnez, pour, justement, éviter les faux négatifs, là. Je voulais juste
savoir...
Mme Grou (Christine) : Mais je fais la distinction entre le dépistage et
l'évaluation. Le dépistage, c'est une chose, mais l'évaluation, c'est vraiment un acte clinique professionnel réservé
qui est le fruit d'une démarche rigoureuse, je vous dirais, d'une
démarche d'investigation qui, normalement, ne nous amène pas à un faux négatif.
Mme Rizqy : D'accord. Et
justement, si, par exemple, entre zéro et cinq ans, il y a eu un dépistage et
qu'il va, justement, vers un professionnel
de la santé pour déposer un diagnostic, est-ce qu'il y a des chances plutôt
minces d'avoir un faux diagnostic?
• (12 h 50) •
Mme Grou
(Christine) : Les
professionnels de la santé, quand ils ne sont pas sûrs, ce que leur déontologie
leur indique, c'est d'être prudents.
Alors donc, parfois on a un diagnostic provisoire ou on a une impression
provisoire et parfois il y a
des cas où on dit : On n'est pas capable de le poser tout de suite, on va attendre, on va observer, on va aller chercher plus d'information. Et donc c'est ce qu'on appelle, justement,
le diagnostic provisoire, qui va se confirmer ou non. Parfois aussi, il arrive
qu'un professionnel, avant... il va rester sur une impression clinique et va
demander d'autres investigations pour être capable, justement, de
confirmer son hypothèse clinique.
Mme Rizqy : Parfait. Parce que, justement,
dans le mémoire, vous parlez vraiment
du... à partir de quatre ans, mais
même Lionel Carmant parle d'agir tôt et très tôt, à partir même de
18 mois, parce qu'on a dépisté... dans le doute, on préfère dépister et, par la suite, se tourner vers les professionnels de la santé qui peuvent poser un diagnostic, même provisoire. Alors,
est-ce que vous êtes d'accord qu'on peut dépister avant quatre ans?
Mme Grou
(Christine) : Absolument.
Mme Rizqy : Parfait. Et, dans votre mémoire, et tantôt
aussi vous avez dit certaines affaires comme, par exemple, «accessibilité
des soins de façon équitable et de façon gratuite» et vous avez mentionné «ce n'est pas le cas présentement». J'aimerais que vous développiez là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Grou
(Christine) : Oui, certainement. Ce que je veux dire, c'est qu'actuellement un enfant, par exemple, qui inquiète,
bon, on va faire peut-être certaines interventions ciblées ou non, ça dépend,
c'est à géométrie variable, et ensuite on
va dire aux parents : Bien, il nous inquiète, il faudrait peut-être aller
en évaluation. Et là le parent va se retrouver pas nécessairement avec un service d'évaluation offert,
il va se retrouver devant un dilemme : Est-ce que je suis capable de
payer pour aller faire évaluer mon enfant au
privé? Si je ne suis pas capable, je vais me retrouver sur une liste d'attente
qui va durer 18 mois — et là 18 mois, pour un enfant de cet âge-là,
c'est long, là, quand on veut le préparer puis l'outiller — et, s'il
est capable de payer, bien là, il va pouvoir y aller. Donc, quand je parle
d'iniquité puis quand je parle d'inaccessibilité, c'est parce qu'à partir du
moment où ce n'est pas gratuit, ce n'est pas accessible pour tout le monde,
puis à partir du moment où la gratuité implique une attente sur le plan
développemental, ce n'est pas sans impact.
Mme Rizqy :
Présentement, entre zéro et quatre ans, il y a aussi le réseau de services de
garde et de CPE. Est-ce qu'eux, ils peuvent faire du dépistage?
Mme Grou
(Christine) : Le dépistage
n'est pas une activité réservée. Quelqu'un qui est adéquatement formé...
Mme Rizqy : ...peuvent ou non?
Mme Grou
(Christine) : Oui, ils peuvent. Quelqu'un qui est adéquatement
formé peut dépister, bien sûr.
Mme Rizqy : O.K. Parce que, nous, en fait, l'enjeu qu'on a... on
est tous pour, évidemment, dépister et, par la suite, avoir un diagnostic et surtout le suivi adéquat tout
au long du parcours de vie de l'enfant, même par la suite. L'enjeu que nous, on a, c'est au niveau de l'investissement, parce qu'on s'entend que construire des classes, on l'a chiffré, c'est
2 milliards, mais
le programme Agir tôt, c'est 48 millions. Alors, c'est
pour ça que nous, on veut s'assurer que les sommes sont allouées là où les besoins sont nécessaires. Alors, c'est pour
ça qu'on est totalement d'accord avec vous qu'effectivement il faut que ce
soit accessible, équitable et gratuit.
Dans votre
mémoire, vous mentionnez aussi l'environnement, vous parlez de la classe, mais
j'imagine que vous ne parlez pas uniquement de la classe, mais aussi de
l'environnement global?
Mme Grou
(Christine) : Certainement.
Mme Rizqy : Parfait. En ce moment, dans le service des CPE,
c'est un maximum de 80 enfants, en moyenne dans les écoles au Québec, c'est un maximum... c'est une moyenne, pardon,
de 370 enfants et, oui, on a quelques écoles où est-ce que c'est à 1 000 enfants. Pour que ce soit un environnement qui va aider le
plus possible un jeune enfant de quatre ans, est-ce que vous, vous,
pensez que, justement, ce serait d'abord de prioriser des écoles beaucoup plus
petites?
Mme Grou
(Christine) : Moi, je vous
dirais, peu importe, ce n'est pas ça qui est important, c'est, quelle que soit
l'école, qu'est-ce qui, dans l'école, est aménagé pour les quatre ans. Si c'est
dans une grande école puis qu'ils sont dans des locaux particuliers, ou
dans une petite annexe, ou dans une salle particulière avec une cour d'école,
ou encore qu'ils ne
fréquentent pas la cour d'école à la même heure que les autres enfants, ça peut
aller. C'est-à-dire qu'il faut regarder les conditions, peu importe le lieu. Peu importe le lieu, il faut se
demander : Est-ce que l'environnement est adapté?, et peu importe
la grosseur de l'école parce qu'on peut avoir une grosse école avec un
environnement...
Mme Rizqy : ...un enfant qui
prend l'autobus scolaire jaune, embarque dans l'autobus, arrive devant une
école, il arrive devant une grande bâtisse.
La bâtisse, on ne pourra pas la cacher, là, donc il va débarquer de l'autobus
jaune, il va arriver. Quand même
qu'on le dirige vers une petite classe, il va quand même rentrer dans un
établissement complet et non pas divisé, là.
Mme Grou
(Christine) : C'est un petit
peu comme si vous me posiez la question, l'enfant qui arrive en CPE puis qui
arrive dans un CPE qui est dans une ancienne école, comme c'était le cas de mes
enfants, par exemple. Et donc l'enfant,
il arrive, il va dans cet immeuble-là, mais il va dans sa salle à lui, il a son
espace, sa salle, un environnement. Et, quand il est dans la cour, il est à peu près en même temps que les gens
des mêmes groupes d'âge. Puis il y a généralement deux temps de récréation, les plus petits ne vont
pas au parc, les plus grands y vont. Donc, c'est vraiment l'aménagement
de l'environnement qui importe beaucoup plus que le type d'environnement.
Mme Rizqy :
J'aimerais revenir sur la formation. C'est un enjeu qui est très important,
notamment en ce moment, pénurie d'enseignants,
pénurie aussi d'éducateurs. Là, ce
qu'on parle... il y a
eu des scénarios qui ont été coulés dans les derniers mois d'avoir des
maîtrises qualifiantes, et probablement qu'une maîtrise qualifiante pourrait se
faire sur une période de 10 ans. Pensez-vous
qu'au contraire la formation, dès lors qu'on a des intervenants avec des jeunes enfants de quatre
ans... de s'assurer que la formation soit assez rapidement octroyée à ceux qui
vont intervenir avec nos tout-petits?
Mme Grou
(Christine) : Moi, je pense que, sincèrement, ce qui est
important, c'est qu'il y ait un programme de
formation qui soit universel pour tout le monde, c'est-à-dire que ça ne soit pas à géométrie variable, et que,
dans cette formation-là, on s'assure qu'il y a une connaissance suffisante du développement de l'enfant, des enjeux développementaux,
des problématiques potentielles, donc, qui nous donne une capacité de dépister
et d'intervenir.
Le Président
(M. Asselin) : Je vous remercie.
Mme Rizqy : ...secondes.
Le
Président (M. Asselin) :
On avait terminé. On avait terminé. Non, non, on avait terminé, selon ce que
j'ai ici, en tout cas. Je laisserais la parole à la députée de Sherbrooke
pour 2 min 40 s.
Mme Labrie : Ah!
2 min 40 s.
Le Président
(M. Asselin) : Oui.
Mme Labrie : Merci,
M. le Président. Moi, quand je lis la
première recommandation, j'en comprends que, pour vous, les services qu'on souhaite offrir aux
enfants de quatre ans peuvent rencontrer les objectifs, que ce soit dans une
classe de maternelle quatre ans, ou que ce soit dans un service de garde éducatif, ou dans tout type de milieu. Dans le fond, ce qui compte, c'est qu'on rende disponibles les
évaluations diagnostiques au besoin et les services qui suivent après, donc il n'y a
pas un milieu plus qu'un autre qui risque de nous permettre de rencontrer mieux
les objectifs. Est-ce que c'est bien ça?
Mme Grou
(Christine) : Bien, moi, je vous dirais, peu importe le milieu,
c'est le concept qui me préoccupe. Le
concept qui nous préoccupe, c'est : À quatre ans, un oeil avisé, formé sur
tous les enfants, un oeil capable de dépister, mais pas juste dépister, d'intervenir. Ça ne donne rien de soulever un
lièvre si on n'est pas capable de l'attraper. Donc, on dépiste, on intervient, et par la suite on réfère au besoin, et il
faut que les services soient là.
Donc, il faut que les services soient là puis qu'il n'y
ait pas de délais administratifs. Il faut qu'ils soient là, il faut qu'ils
soient accessibles, il faut qu'ils soient
gratuits et rapides, et que l'environnement soit adapté, et qu'il soit
sécuritaire sur le plan affectif et sur le plan physique.
Mme Labrie : Parfait. Moi, je
vais vous partager une crainte que j'ai en ce moment. C'est que le gouvernement souhaite investir beaucoup de ressources en
milieu scolaire, là, auprès de la maternelle quatre ans, parce que certains
parents vont faire ce choix-là. Moi, j'ai la crainte que les ressources
équivalentes ne soient pas investies dans d'autres types de milieux pour
pouvoir offrir les mêmes services d'accès à des professionnels, par exemple
pour une évaluation ou des interventions.
Est-ce que vous, vous sentez qu'en ce moment les mêmes services vont être
déployés, peu importent les milieux où se trouvent les enfants?
Mme Grou
(Christine) : Moi, ce que je
sens actuellement, c'est que, peu importe le milieu, les services ne le sont
pas, déployés. Alors donc, la préoccupation,
c'est : Où que ce soit, donc, il faut les déployer, ces services-là et ces
conditions-là.
Mme Labrie :
Donc, en ce moment, ni dans le milieu scolaire ni dans les milieux de la petite
enfance il y a un accès qui est satisfaisant, là, pour les services...
Mme Grou (Christine) : Exactement.
Mme Labrie :
O.K. Et est-ce que vous pensez que les annonces qui ont été faites par rapport
à l'Agir tôt vont combler les besoins par rapport à ça dans les prochains mois
ou ce n'est pas suffisant?
Mme Grou
(Christine) : Écoutez, toutes les annonces qui sont faites,
c'est toujours un pas dans la bonne direction
puis c'est toujours accueilli positivement par nous. Mais on n'est jamais en
mesure de dire est-ce que ça va être suffisant
avant que ce soit... Tu sais, est-ce que les ressources vont être là? Est-ce
que ça va répondre aux besoins? Je ne saurais répondre aujourd'hui.
Mme Labrie :
Puis un parent qui va au privé chercher une évaluation, ça coûte combien en
moyenne?
Mme Grou
(Christine) : Si c'est une évaluation neuropsychologique, ça va
coûter...
Le
Président (M. Asselin) : Merci beaucoup.
Mme Hivon :
Vous pouvez répondre sur mon temps.
Le
Président (M. Asselin) : Oui, parfait.
Mme Grou
(Christine) : ...entre 1 500 $
et 2 000 $.
Le
Président (M. Asselin) : Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Donc, je veux juste... Vous avez fait un mémoire excellent puis très
diplomatique, en plus. Donc, franchement,
vous êtes prêts pour l'ONU, dans le sens que vous parlez vraiment des concepts
plus généraux que de la bataille.
Moi, je veux juste
vous entendre, parce qu'il y en a, de ces batailles-là en ce moment. Donc, on
sait que les éducatrices en service de garde disent : Nous, on a une
formation vraiment dédiée, trois ans, pour la petite enfance, le développement de l'enfant, puis tout ça. Par
ailleurs, il y en a qui disent : Il faut vraiment la maternelle quatre
ans, si possible, pour le plus
d'enfants possible parce que c'est des enseignants qui ont la pédagogie, qui
sont allés à l'université. Les autres répliquent : Oui, mais ils
ont juste trois cours sur le préscolaire pendant tout leur cursus.
Bref,
j'aimerais ça que vous nous disiez qu'est-ce qui est le... pas de choisir entre
les deux, là, je sais que vous ne ferez pas ça, mais qu'est-ce qui est le plus
fondamental dans la formation pour être sûr qu'il peut y avoir du dépistage de
fait puis ensuite de bien les diriger?
• (13 heures) •
Mme Grou
(Christine) : Le plus fondamental, à mon avis, c'est d'être
formé au développement normal et au développement atypique de l'enfant et
d'être formé à ce qui le sécurise sur le plan affectif et sur le plan de la
relation. Peut-être que ma collègue a quelque chose à ajouter là-dessus. Peut-être
pas. O.K., c'est bon.
Mme Marleau
(Isabelle) : Non, ça résume bien, oui.
Mme Hivon : Ça résume bien? O.K. Bien, je vais poursuivre
un peu dans la même veine. C'est parce
qu'en ce moment, moi, ce que j'aimerais beaucoup, c'est avoir le plan
d'ensemble de l'Agir tôt du gouvernement, parce que, là, il y a les maternelles
quatre ans, on dit qu'on va développer 10 000 places en CPE, puis il y a
le programme CIRENE, donc on imagine que tout ça est supposé faire un tout
cohérent. Puis le programme CIRENE, on comprend que c'est pour même essayer de diminuer les vulnérabilités, dont
vous parlez beaucoup, à l'âge de quatre ans pour essayer d'arriver le
plus tôt possible. Ça, est-ce que c'est pertinent, est-ce que c'est fondamental
d'agir dans ça?
Mme Grou (Christine) : C'est fondamental, puis, je vous dirais, les
études qui démontrent l'importance d'agir tôt, là, entre zéro et cinq ans, là, ça n'a plus besoin de faire l'objet de
la démonstration, c'est fondamental. Mais je vous dirais aussi une chose... deux choses, en fait, une fois
qu'on a agi tôt, là, que ce soit avec un retard intellectuel, avec un trouble
du spectre de l'autisme, ne les abandonnons
pas quand ils sont rendus là parce que les besoins vont continuer d'être là
après, à l'école. Alors, je veux
dire, il ne faudrait pas les surinvestir puis, après ça, dire : On a
investi, on a mis notre capital de départ, il va fructifier. Ça ne
marche pas comme ça.
Mme Hivon :
Il faut que les services suivent.
Mme Grou
(Christine) : C'est ça, ça ne fructifiera
pas tout seul. Et l'autre élément dont vous avez mentionné, c'est... je pense
qu'il faudrait...
Le Président (M. Asselin) : Malheureusement, c'est tout le temps qu'on avait.
Dre Grou, Mme Marleau, je vous remercie beaucoup de votre
contribution.
On va devoir
suspendre jusqu'à 15 heures la reprise des travaux.
(Suspension de la séance à
13 h 2)
(Reprise à 15 h 7)
Le Président (M.
Asselin) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission
de la culture et de l'éducation
reprend ses travaux. Je vous demande de bien vouloir éteindre la
sonnerie de vos appareils électroniques.
Nous
poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 5. Cet
après-midi, on va entendre l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires du Québec, on va entendre M. Égide Royer, on va entendre Mme Sylvana Côté et le Groupe
de recherche sur le capital humain de l'Université
du Québec à Montréal. Chacun va bénéficier, évidemment, de
10 minutes.
Donc, bienvenue à vous. Vous allez
avoir votre 10 minutes, vous également, pour présenter votre mémoire. La parole est à vous. Je vous invite à bénéficier,
dans votre Assemblée nationale, de vous présenter pour qu'on puisse savoir
qui vous êtes, même si vous êtes bien connus. À vous la parole.
Association des directions
générales des
commissions scolaires (ADIGECS)
M. Blackburn
(Éric) : Alors, M. le Président, M. le ministre de l'Éducation, Mmes, MM. les députés parlementaires, c'est un plaisir pour nous
de vous retrouver aujourd'hui. Mon nom est Éric Blackburn, je suis le président
de l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires et directeur
général de la commission scolaire des Hautes-Rivières. Je suis accompagné
aujourd'hui de mon collègue Michel Bernard, directeur général retraité,
mais qui est aussi secrétaire général
de notre association. Merci de nous recevoir.
Alors,
nous représentons l'Association des directions générales des commissions
scolaires, qui compte quelque 170 membres
représentant les gestionnaires administratifs de premier niveau des commissions scolaires francophones
et anglophones du Québec. Nous
remercions d'entrée de jeu les membres de la Commission de la culture et de
l'éducation de l'Assemblée nationale
de nous recevoir et de prendre en considération, en fait, nos commentaires et
nos recommandations.
L'Association des directions générales
des commissions scolaires confirme son appui d'entrée de jeu au projet de
loi n° 5, qui vise à offrir des
services éducatifs aux enfants de quatre ans, les recherches étant
concluantes au regard des impacts
positifs d'une intervention éducative précoce. Ce nouveau service, en
complémentarité — et
j'insiste, en complémentarité — à ceux déjà offerts dans les
écoles, soit le programme Passe-Partout et la maternelle quatre ans en milieu défavorisé, contribuera certainement à
améliorer les conditions favorables au développement global des enfants et
ainsi d'augmenter leurs chances de réussite tout au long de leur vie, en
plus — et c'est
important — d'en
réduire les risques de pauvreté.
Aussi, il s'inscrit, selon nous, en complémentarité avec les services déjà
offerts dans les centres de la petite enfance qui se retrouvent
également partout au Québec.
Nous en profitons d'ores et déjà pour
souligner que de nombreuses
collaborations entre les commissions
scolaires et les centres de la petite enfance favorisent l'universalité d'accès et la
continuité à l'un ou l'autre des services que nous offrons en tout respect,
et je le dis, de nos missions respectives.
• (15 h 10) •
Enfin,
cette initiative s'inscrit en cohérence avec les plans d'engagement vers la
réussite des commissions scolaires
et s'ajoute aux différentes stratégies mises
de l'avant pour réduire les risques associés au décrochage scolaire et
favoriser la plus grande réussite possible de tous nos élèves.
L'ADIGECS
salue donc la mise en oeuvre d'une offre de services améliorée pour les enfants
inscrits aux services d'éducation
préscolaire. Elle appelle toutefois à l'importance d'être vigilants quant aux
conditions d'implantation de ce nouveau service, surtout dans un contexte de
rareté de main-d'oeuvre et de manque de locaux aménagés et disponibles.
À
ces conditions, nous appuyons la décision du ministre de l'Éducation de
proposer à toutes les familles du Québec
la possibilité d'accéder à une offre de services éducatifs destinés aux enfants
de quatre ans de façon progressive et sur une
base volontaire. Les directions
générales continueront ainsi à s'assurer
d'une répartition équitable des ressources sur l'ensemble de leur territoire pour contribuer encore plus à
l'universalité d'accès à des services éducatifs pour tous les enfants de quatre ans, une priorité, d'ailleurs, que nous
avions énoncée lors du projet de loi
n° 5, il y a
près de trois ans déjà de cela.
L'ADIGECS tient à
rappeler la mission première d'une commission scolaire telle que précisée dans
la Loi sur l'instruction publique. L'article
207.1 précise, entre autres, la responsabilité de chacune d'elle au regard de
l'organisation des services éducatifs «au bénéfice des personnes
relevant de sa compétence et de s'assurer de leur qualité, de veiller à la
réussite des élèves en vue de l'atteinte d'un plus haut niveau de scolarisation
et de qualification de la population [ainsi
que] de promouvoir et [...] valoriser l'éducation publique sur [l'ensemble de]
son territoire». Dans ce contexte, et tout en respectant l'application du projet de loi n° 5,
il importe que l'autonomie des commissions scolaires quant aux modalités
d'organisation des services soit respectée.
Cependant,
nous tenons à préciser que le maintien de cette autonomie n'exclut pas la
possibilité, évidemment, que le ministre, dans le cadre de cet ajout de
services, donne annuellement certaines orientations et balises aux commissions
scolaires à l'intérieur de l'instruction
annuelle pour en favoriser une mise en place davantage harmonieuse, et ce, dans
tout le réseau. Elles devront toutefois tenir compte de la période
d'inscription annuelle afin d'assurer une cohérence et une continuité entre les
différents services offerts aux enfants inscrits au préscolaire.
Considérant
les objectifs visés par ce nouveau service, l'ADIGECS souhaite que le plus
grand nombre d'élèves possible ait accès aux services éducatifs destinés aux
enfants de quatre ans. En ce sens, nous souscrivons aux intentions du ministre
d'offrir ces services dans tous les établissements scolaires et ainsi mettre
fin à l'accessibilité exclusive aux enfants issus des milieux
défavorisés déterminés par des unités de peuplement.
Compte tenu
des différentes caractéristiques des commissions scolaires et des
établissements — la
taille, le milieu socioéconomique, etc. — il est souhaitable,
dans un contexte d'implantation progressive et universelle, que le ministre prévoie une certaine
flexibilité quant aux paramètres de formation des groupes. Mentionnons, entre
autres, la possibilité de former des
groupes avec un ratio réduit pour une période donnée afin de permettre aux
milieux de développer une offre de
services de plus en plus attrayante pour les parents dans le meilleur intérêt
des enfants. Aussi, celle de former des groupes jumelés de quatre ans et cinq ans parfois devrait faire partie des
options à l'éducation préscolaire de manière à permettre à des communautés de petite taille d'avoir accès à ces
mêmes services. Enfin, la formation de groupes avec un ratio enseignant-enfants
réduit dans certains milieux défavorisés
continuera à contribuer à une meilleure offre de services éducatifs, évidemment, pour ces enfants.
Bien que nous comprenions les intentions du ministère
dans son choix de cibler les enfants de quatre ans qui sont actuellement à la
maison, ou qui ne fréquentent pas un service de garde éducatif, ou dont les
parents feraient le choix de l'éducation
préscolaire pour leur enfant de quatre ans, nous estimons qu'il faut demeurer
attentifs et ouverts à la complémentarité des services éducatifs destinés à la
petite enfance et à leur caractère distinctif. Ainsi, on faciliterait pour les
parents le choix de services le plus adapté pour leur enfant.
Plusieurs ministères sont au coeur des services
offerts aux enfants du préscolaire, et la communication entre les partenaires
est un enjeu majeur pour la complémentarité des services et, conséquemment,
pour le développement optimal de tous les enfants du Québec.
L'ADIGECS considère donc que les services déjà
offerts aux enfants de quatre ans et à leurs parents dans les commissions
scolaires répondent à une diversité de besoins. Ils visent la prévention et une
meilleure réussite des élèves ciblés tout au long de leur parcours scolaire.
Nous pensons, entre autres, au programme Passe-Partout et à la maternelle quatre ans à mi-temps dans le cadre du programme
Agir tôt ainsi que pour les élèves issus des milieux défavorisés et/ou handicapés. La mise en place de l'éducation
préscolaire quatre ans à temps plein ne devrait pas avoir comme conséquence
l'abolition des services pour des élèves
actuellement desservis, notamment les élèves handicapés et ceux dans les écoles
dont l'IMSE est de 8, 9 ou 10.
Nous exprimons également le souhait que des
ententes se poursuivent entre le ministère de la Santé et des Services sociaux en ce qui concerne les services
de réadaptation pour les enfants de quatre ans. L'expérience démontre que,
lorsque les enfants arrivent dans le secteur
de l'éducation, les ressources dont bénéficiait un enfant
handicapé ou en grande difficulté ne suivent pas toujours. De plus, il est
souhaité que les différents ministères concernés par les services à la petite
enfance aient des processus de communication
très clairs et fluides, et c'est un enjeu majeur, afin d'assurer le meilleur
service à l'enfant et de favoriser une gestion responsable et efficace
des ressources disponibles.
L'ADIGECS réaffirme son engagement à assurer la
mise en oeuvre des services éducatifs de qualité pour les enfants de quatre ans. Toutefois, le succès de
cette stratégie éducative universelle repose sur l'ajout de ressources afin de
mettre en place toutes les conditions
gagnantes. Ce service générera des dépenses pédagogiques et administratives
significatives, on le sait bien. Nous croyons que la formation initiale
au baccalauréat en enseignement préscolaire et au primaire devrait être
enrichie et surtout adaptée pour le volet préscolaire afin de prendre en compte
les spécificités de développement des
enfants de quatre ans. Pour le personnel déjà à l'emploi, le financement pour
la formation continue sera
souhaitable afin d'assurer une transition harmonieuse et surtout une prestation
de services éducatifs de grande qualité à la hauteur des attentes dudit
service.
Les articles 8, 9 de la Loi sur l'enseignement
privé ouvrent la voie aux établissements privés pour offrir des services
d'éducation préscolaire aux enfants âgés de quatre ans. Or, évidemment, nous
sommes d'avis que ces services devraient être offerts exclusivement dans le
réseau public d'éducation.
Le Président (M. Asselin) :
M. Blackburn, vos 10 minutes sont un peu écoulées, mais je suis
certain que nous procéderons avec plaisir à l'écoute de la suite de votre
exposé à même les échanges. On va commencer avec le ministre, 16 minutes.
Ça vous va?
M. Blackburn (Éric) :
Ça va. Il me restait deux petites phrases, mais ça va.
Le Président (M.
Asselin) : Ah bon. Allez-y.
M. Blackburn
(Éric) : Alors, merci. En
somme, nous considérons que le ministre a été prudent dans sa décision d'implanter progressivement l'éducation
préscolaire. Ce choix permettra aux commissions scolaires et à leurs
établissements, en partenariat avec
d'autres réseaux et dans le respect de leurs missions respectives, de faire une
bonne analyse des besoins et des conditions favorables à une implantation
réussie.
Enfin, notre association réaffirme son engagement à mettre en place des services éducatifs pour
les enfants de quatre ans gratuits et universels et son désir de travailler
conjointement avec le ministère. Elle souhaite assurer aux enfants de
quatre ans ou de cinq ans un service de qualité leur permettant d'avoir de
meilleures chances de réussite dans leur
développement lors du cheminement scolaire, et c'est dans nos écoles publiques,
M. le Président, québécoises que se trouvent les plus grandes chances
de réussite et les meilleurs services qui soient. Merci de nous avoir entendus.
Le Président (M.
Asselin) : ...on s'entend.
M. Blackburn (Éric) :
Petit message...
Le Président (M.
Asselin) : M. le ministre, à vous la
parole.
• (15 h 20) •
M. Roberge : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci pour votre présentation. Je veux souligner à tous ceux qui ne
vous connaissent pas tellement... on ne voit pas souvent les directions générales
sur la place publique, vous êtes assez discrets, mais je veux souligner
la compétence que vous avez et qu'ont vos membres dans l'ensemble du réseau,
les 69 commissions scolaires à la grandeur
du Québec, plus trois autres à statut particulier. Peu de gens savent ce que
font les directions générales, et
pourtant beaucoup de choses sont faites : la coordination des services, la
coordination de toutes les directions
adjointes, la supervision des directions d'école. Il y a beaucoup de choses qui
se font pour le réseau, pour les personnes
qui travaillent dans le réseau puis ultimement, évidemment, pour les élèves.
Donc, merci bien à vous et à tous ceux que vous représentez.
J'ai bien
aimé le passage que vous avez énoncé au départ, quand vous parliez de la
complémentarité de la maternelle quatre
ans avec l'ensemble des services de garde éducatifs. Mais vous avez été en deux
temps en parlant évidemment des services
de garde éducatifs, mais aussi des autres choses qui se font déjà dans le
réseau éducatif, vous avez dit : Il faut que la maternelle quatre ans soit
en complémentarité avec la maternelle quatre ans temps plein milieux
défavorisés, ce qui se fait déjà dans 394 classes plus 250, donc on pourra dire
qu'on a définitivement commencé l'implantation par les milieux
défavorisés.
Vous avez
mentionné aussi le programme Passe-Partout. Et je trouve ça intéressant que
vous le disiez, parce que le programme qu'on implante est optionnel — quand
on dit universel, il n'est pas obligatoire, il est optionnel — et certains parents pourraient faire le choix
d'envoyer leur enfant ailleurs dans le réseau ou de poursuivre tout simplement
son programme Passe-Partout. Puis on n'a pas coupé les fonds du programme
Passe-Partout parce qu'on implante la maternelle quatre ans. Les fonds sont
encore là, puis on continue de croire au programme Passe-Partout parce que, je
pense, il faut une pluralité de services différents pour répondre à une
pluralité de besoins des parents.
Petite
question pour vous, parce que vous avez mentionné un élément en disant que vous
êtes en faveur du déploiement de la maternelle quatre ans, mais avec des
conditions, des conditions gagnantes pour que ça fonctionne, pour que ça
réussisse. Puis une des conditions que vous avez dites, que vous avez
mentionnées, c'est la qualité de la formation initiale et continue des enseignants qui ont éducation primaire mais
éducation préscolaire aussi, mais on sait bien que ça devrait continuer. Est-ce
que les commissions scolaires ont les fonds, les équipes, les moyens, d'après
vous, pour assurer la formation
continue du personnel qui oeuvre, en ce moment, au primaire, au secondaire,
mais aussi au préscolaire? Si c'est oui, tant mieux. Si c'est non,
qu'est-ce qu'on peut faire pour vous aider à aider les enseignants?
M. Blackburn
(Éric) : En fait, il y a
nécessairement un plancher de services qui est disponible dans le réseau des
commissions scolaires, dans chacune des commissions scolaires pour être en
mesure de soutenir les enseignants dans les
écoles, pour être en mesure de relever une partie du défi. Je dis bien «une
partie du défi», en fait, parce que, quand on regarde les
caractéristiques qui sont offertes dans le cadre des services pour les enfants
de quatre ans ou cinq ans, ces services-là
s'adressent à des clientèles toutes un peu différentes, incluant... Vous
faisiez référence à Passe-Partout, qui inclut le volet parent, parce qu'on sait que le développement de compétences
parentales, pour nos plus petits, dans les milieux plus défavorisés, les
besoins sont exceptionnels. Et, quand on sait combien l'impact du niveau de
scolarité de la mère est important
pour la réussite des élèves, leurs qualifications, bien, en fait, de se
préoccuper de les accompagner, eux aussi, c'est extrêmement important.
Le contexte
actuel où l'offre aux services quatre ans et cinq ans devient diversifiée, ça
vient dire aussi qu'il y a des besoins plus spécifiques auxquels il faut
répondre pour accompagner ces enfants-là pour augmenter leurs chances de succès. Évidemment, non seulement le volume de
formation va augmenter, mais les particularités de formation pour mieux intervenir auprès de chacun des enfants qui va
s'inscrire dans, je dirais, un cursus qui va être différent, qui va être plus
adapté à ses besoins fait en sorte que, pour notre personnel, il y aura
nécessairement besoin de formations complémentaires à la formation initiale pour être en mesure de mieux
répondre à chacun des nouveaux services qui s'installent à l'intérieur du
réseau. Peut-être que Michel peut compléter.
M. Bernard
(Michel) : Oui, j'ajouterais
qu'il y a actuellement, dans le réseau, chez le personnel enseignant, une très
grande volonté de formation, parce que ceux et celles qui vivent une certaine
souffrance, entre guillemets, auprès des élèves, dans la gestion de classe, c'est beaucoup parce que leur
baluchon n'est pas bien comblé de moyens et d'outils. Et, de ce côté-là, il y a une interface entre le
milieu universitaire, le domaine des recherches, qui ont pris une ampleur quand
même très significative ces dernières
années. Alors, on sait ce qui est documenté, probant, qui devrait se retrouver
dans la gestion de classe, entre autres, dans la gestion des apprentissages,
mais il y a comme un... il manque un courtier qui permet de rendre accessibles
ces données-là auprès du personnel enseignant. Et, à notre avis, ce seraient
les commissions scolaires qui auraient pour mandat de tenter, avec le
milieu universitaire puis une forme de courtier, d'assurer cette harmonisation-là, cet arrimage-là entre les bonnes
façons pour agir. Les gens, ils mettent tellement d'énergie pour que
les élèves réussissent que, quand ça
ne fonctionne pas, il faut se dire : Arrêtons ne mettre de l'énergie où ça
ne fonctionne pas, trouvons les bons moyens, et ils existent, dans le
monde, les bons moyens, ils sont documentés.
M. Roberge : Puis un autre moyen qu'on va vous donner pour
vous aider à aider les profs, et donc les élèves, ça sera, à
l'intérieur du mandat, je le répète,
c'est un engagement qu'on a pris... donc, c'est l'Institut national
d'excellence en éducation, qui va s'en venir, qui va aussi aider à colliger
les bonnes pratiques, ce qui se fait de bien, les recherches-actions, qui va couvrir aussi, évidemment,
le préscolaire. Donc, vous avez déjà quand
même beaucoup de compétences. Il ne
faut pas oublier qu'il y a à peu
près 90 000 enfants de cinq ans en ce moment dans votre réseau. Ça, ça
veut dire que vous avez... combien,
je ne sais pas combien de milliers d'enseignants qui enseignent déjà à des
enfants de cinq ans, hein, qui ont,
des fois, quatre ans au 1er, ou 2, ou 3 septembre, qui entrent dans les
classes. Donc, ce n'est pas comme des extraterrestres qui
arrivent dans les écoles, les enfants de quatre et de cinq ans, il y a déjà une
grande compétence des enseignants. Vous avez des équipes de conseillers pédagogiques qui sont aptes à aider les gens
du préscolaire, et, au fil des années, de plus en plus, on a vu apparaître des CAP, là, les communautés
d'apprentissage professionnelles, qui permettent aussi aux enseignants du préscolaire... parce qu'il y en a déjà des
milliers, d'enseignants du préscolaire, peut-être qu'ils vont faire du
parrainage avec les nouveaux qui
accueilleront les petits de quatre ans, puis il faut dire qu'il y a quand même
presque 400 profs qui enseignent déjà à des profs de quatre ans. Donc,
je pense qu'il y a de l'espoir puis on ne part pas de rien, définitivement.
Est-ce que vous considérez que, côté aménagement
des locaux... parce qu'on sait que, dans certains cas, on va construire des
classes nouvelles, des écoles nouvelles, on va en agrandir. Il y en a quand
même, dans certains endroits, plus de 700
qui sont libres encore, là, c'est votre réseau qui nous l'a dit. Est-ce que
vous considérez qu'avec à peu près 11 000 $ par classe — non
pas pour construire, mais pour aménager — c'est faisable, c'est jouable
pour avoir ce qu'il faut pour équiper une classe, pour faire un aménagement qui
soit vraiment adapté à des enfants du préscolaire?
M. Blackburn (Éric) :
En fait, à savoir si les ressources sont suffisantes, c'est difficile à quantifier
de cette façon-là, mais elles sont déjà le
double de ce qu'elles étaient, ce qui vient nécessairement donner un message
clair sur le fait qu'on n'est plus
nécessairement avec des blocs, hein? Il y a beaucoup de technologies qui
s'installent et, avec ça, ça prend
des infrastructures adaptées pour acheter des environnements adaptés pour...
Acheter des environnements technologiques, c'est une chose, mais il faut les faire atterrir dans la classe, c'en
est une autre. Donc, effectivement, c'est une bonne nouvelle que cette enveloppe-là ait été bonifiée parce que
l'environnement d'une classe, pour un enfant de quatre ans aujourd'hui,
n'est pas celle qu'elle était quand on y est passés, là, tu sais, il y a des
écarts très importants entre les deux.
M. Roberge :
Dernière petite question avant de céder la parole à mon collègue de Saint-Jean.
L'idée aussi d'avoir des maternelles
quatre ans qui arrivent dans des milieux qui sont plus petits, des petites
écoles où il y a déjà parfois 60 élèves, 100 élèves, des écoles de
village, est-ce que ça peut être aussi un moyen de garder vivantes ces petites
écoles, en faisant entrer sept, huit, 12
élèves de quatre ans, qui arriveraient dans un petit milieu qui est peut-être
un peu dévitalisé ou qui se bat à
chaque année pour garder son école? Est-ce que c'est quelque chose d'aidant,
qui peut être vu comme étant aidant pour ces petits milieux?
M. Blackburn (Éric) :
En fait, on le sait que l'école, c'est l'âme d'un milieu, hein? Je dirais,
c'est la dernière chose qu'on ferait, de
fermer une école dans une municipalité, quelle qu'elle soit. Mais effectivement il faut se donner les conditions
de les garder ouvertes et de réduire, en fait, les ratios dans certaines
situations, parce qu'on n'a pas
nécessairement toujours le chiffre
magique pour être capables de financer dans des règles qui sont d'intérêt
général pour tous. Mais, quand on
arrive dans de petites localités, où on compte quasiment les futurs bébés qui vont arriver pour être capables de donner
un message qu'on va être capables de
maintenir une classe ouverte, bien, qu'on puisse... C'est ce qu'on disait
tantôt, hein, il faut mettre un peu
de gris dans nos règles pour être en mesure, des fois, d'asseoir des enfants de
quatre ans avec des enfants de cinq ans, s'assurer d'avoir des recommandations
puis de mettre un peu de flexibilité. Bref, ça prend un peu de gris pour être
capables de le faire, mais nos intentions sont vraiment de garder les enfants
le plus près possible de leur lieu de
résidence et de donner les services dans chacune des écoles. Donc, d'ouvrir, en
fait, avec de nouvelles règles, avec de
nouveaux cadres, bien, évidemment, ça va aider à maintenir ces enfants-là dans leur
milieu, près de leur famille, puis c'est important.
M. Roberge : Merci bien.
Le Président (M.
Asselin) : Parlant de gris, M. le député de Saint-Jean, à vous.
• (15 h 30) •
M. Lemieux : Merci,
M. le Président. Vous avez tellement
raison... D'abord, bonjour, M. Blackburn. Vous avez tellement
raison quand vous parlez de dévitalisation, même si c'est un mot que je n'aime
pas, quand on parle des régions, parce
que... mais en Gaspésie plusieurs
écoles ont fermé, dont une à Percé, au
moment où j'étais dans ce coin-là.
C'est le début de la fin plus souvent
qu'autrement, en tout cas ça fait très mal, puis, si la maternelle quatre ans nous permet, entre autres, d'aider, tant mieux.
Le ministre
vous a envoyé des fleurs. Je ne vous envoie pas le pot, mais j'ai une question
à vous poser. C'est vous, l'expert, O.K., c'est vous, les directions de commissions scolaires. Et, de fil en aiguille, dans les audiences, on se
rend compte que, malgré tout ce qu'on
peut entendre et dire par les gens du milieu, quand on essaie de comprendre ce
qui se passe vraiment
dans ce débat-là, on est interpelés. Ce matin, entre autres, on s'est fait
dire : Attention, votre idée, c'est bien beau, là, mais pour le
transport scolaire, c'est un problème, en tout cas c'est potentiellement un
problème.
Moi, je veux
vous amener sur les défis du déploiement. Le déploiement sur cinq ans, je pense
que c'est non seulement une bonne idée, mais c'est pratico-pratiquement
intelligent, là. Mais vous les voyez où, vous, les défis, à partir de votre
perspective de toutes les commissions
scolaires, où il y a
des Percé qui ferment à une place, puis d'autres places où on manque de place, là? Le défi, quand vous
regardez à l'échelle de la province, le déploiement sur cinq ans, il est où?
M. Blackburn (Éric) :
En fait, le défi est où les solutions sont nécessairement dans le dialogue qui
doit exister entre les différents organismes qui sont dans chacun des milieux,
qu'on pense aux CPE, qu'on pense aux garderies en milieu familial, qu'on pense à ce qui se passe dans les commissions scolaires. Il y a nécessairement une obligation de s'asseoir ensemble et de regarder quel
est le véritable besoin des élèves qui sont assis à l'intérieur de ce milieu-là et de s'entendre, en fait, et il y a déjà... Je vais prendre un exemple chez nous, dans une
commission scolaire, dans une de nos municipalités où il y a un CPE à côté de l'école. On ne fera pas exprès
pour aller inscrire des enfants qui auraient pu aller dans le service d'à côté. Et les gens étaient très, très, très inquiets de ce qui pourrait arriver. On est allés s'asseoir avec eux,
on les a rassurés. On n'ira pas
chercher les enfants qui ont besoin des services qui sont offerts dans le CPE
de la bâtisse à côté, et nous, en fait, on va assurer les compléments
puis on va collaborer, on va se parler.
Il n'y a
pas vraiment de formule magique comme telle, mais il y a nécessairement,
à l'intérieur d'un dialogue qui doit s'installer dans chacune des localités, des solutions qui vont
s'installer parce qu'il y aura des petits qui vont avoir besoin de nous. Et le défi, il n'appartient pas aux
enfants, il nous appartient d'être créatifs puis de trouver des solutions ensemble. Ça
fait qu'à partir du moment où je dis : Chez nous, sur notre terrain, on
est en mesure d'en déposer, des solutions, bien, on va compter aussi sur notre gouvernement pour être capables d'appuyer des initiatives qui pourraient
être originales, mais qui vont faire la différence dans la vie de
certains enfants sur le terrain.
M. Lemieux : Moi, c'est de la musique à mes oreilles, mais peut-être
que le ministre a une réaction, parce que je pense qu'on arrive au bout du temps.
M. Roberge : Bien, moi, j'aime l'idée d'une flexibilité, d'un dynamisme, d'avoir des gens sur le terrain qui sont à l'écoute de ce qui se passe pour répondre aux
besoins des parents puis répondre aux besoins des enfants, ne jamais
oublier qu'on est là pour eux. Puis
d'offrir une complémentarité de services, c'est un choix, ça suppose que les
parents ont une place. Ça veut dire
une universalité d'accès, cependant, ça veut dire, cependant, que les parents
ont toujours le choix, dans un... le
plus près possible de chez eux, mais pas nécessairement dans toutes les écoles
du Québec. Il est possible que, dans certaines écoles, il n'y ait pas de
maternelle quatre ans, mais il y en a à l'intérieur du quartier, il y en a un à
l'intérieur de la ville, et je fais
confiance aux administrations locales pour assurer cette complémentarité, parce
que le ministre et le gouvernement
n'a pas à être partout, et on est contents d'avoir des administrations locales
qui vont dans cette direction-là.
Je termine en
disant que j'ai une confiance dans le réseau. Parce que des enfants de
quatre ans et de cinq ans, c'est tout près, il y en a déjà presque 100 000, en ce moment, dans le
réseau, puis ça, on a tendance à l'oublier. Il y a des gens qui pensent que c'est tout nouveau de rentrer des
gens du préscolaire dans des écoles, vous savez comme moi que ce n'est
pas le cas.
Le Président (M.
Asselin) : On va poursuivre avec l'opposition officielle. Je
donne la parole à la députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup. On s'entend, le député de
Saint-Jean, qui parle, justement, des besoins, particulièrement en
région... et évidemment j'entends sa voix, mais j'entends aussi celle du député
de Nicolet-Bécancour, qui demande, justement, qu'une école
Le Rucher soit reconstruite, alors que c'est une école spécialisée.
Alors,
revenons sur les maternelles quatre ans et évidemment... Merci pour votre présence. Vous avez mentionné qu'un
des défis pour les maternelles quatre ans, c'est la communication?
M. Blackburn
(Éric) : Oui, en fait, entre
les acteurs qui pilotent, hein, les services qui sont offerts pour les enfants
de quatre ans. Le défi réside entre le réseau des commissions scolaires, le réseau de la santé, le réseau de centres
de la petite enfance pour qu'on puisse vraiment
s'asseoir ensemble et prendre le temps de nommer, en fait, les enjeux, les
défis qui vont se présenter et qu'on
s'assure de répondre aux besoins des élèves. Et Michel a participé à des
rencontres cette semaine, là, où...
Mme Rizqy : Donc, juste pour bien bien comprendre, dans le
déploiement des maternelles quatre ans, vous, l'enjeu que vous avez
identifié, c'est la communication, principalement?
M. Bernard
(Michel) : C'est un des
enjeux, en fait. Je vais faire référence à ce que la Fédération des comités de parents hier évoquait, entre autres, l'importance
du libre choix des parents. Pour pouvoir faire un choix éclairé, il faut avoir
une bonne information et bien comprendre les besoins de son enfant avec
l'ensemble des intervenants, des institutions, organismes communautaires, et
autres. Et donc...
Mme Rizqy : Je comprends. Puis vous, M. Blackburn, juste pour
continuer, parce que le temps file — et
je m'excuse de devoir poser plusieurs
questions en même temps, je profite de votre présence puis de votre expertise — quand
vous dites qu'un des défis, c'est la
communication... pour l'installation, vous venez aussi de dire qu'il faudrait
qu'on s'assoie ensemble pour connaître les défis? C'est ce que...
M. Blackburn (Éric) :
En fait, le défi de communication, il est en lien avec le besoin. Pour le
parent, c'est un univers un peu complexe,
les différents services qui sont offerts par les différents organismes.
Donc, qu'on puisse se parler pour
rendre ces services-là accessibles à leurs oreilles puis qu'ils soient en
mesure de faire des choix éclairés en réponse aux besoins de leurs enfants, le
défi, il est plutôt celui-là. Alors qu'avant, en fait, il y avait
un service offert, tout le monde
passait par le même couloir, puis il n'y en avait pas, de question, aujourd'hui
il y a une palette de services, alors il faut absolument les aider à faire des
choix plus éclairés.
Mme Rizqy :
D'accord. Parce que je pensais que vous alliez probablement nous parler d'abord
des enseignants, la pénurie
d'enseignants, que vous alliez aussi nous parler des locaux, que vous alliez aussi
nous parler aussi de la suppléance, parce qu'il y a quand même, en ce moment, un défi
assez important dans toutes nos écoles au Québec. Que ce soit à Québec, à Montréal, la Rive-Sud, la Rive-Nord, on nous
parle énormément qu'il y a une pénurie d'enseignants. Est-ce que ça, c'est
une réalité à laquelle vous devez aussi composer?
M. Blackburn (Éric) :
Tout à fait. En fait, mes réponses étaient axées vraiment sur les besoins des
élèves pour qu'on puisse mettre en place un
service, mais n'en demeure pas moins que tout ce qui touche les environnements
d'apprentissage et le personnel requis pour
être en mesure de livrer la marchandise, hein, de donner le service, il y a des
défis très importants qui se présentent là.
Mme Rizqy : Parce qu'avant de déployer,
habituellement, on va s'assurer qu'il y a des enseignants compétents et formés pour, évidemment, asseoir des élèves
devant un enseignant et non pas se retrouver... Comme par exemple, on a la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, qui
a dit qu'en septembre il en manquait 300, enseignants. Et ça, c'est sans
ajouter les maternelles quatre ans. Vous,
pensez-vous que la priorité, ça ne devrait pas être d'abord trouver les
enseignants avant de trouver des locaux?
M. Blackburn
(Éric) : En fait, la réponse
à la carence de main-d'oeuvre ne se trouvera pas à l'intérieur d'un mois
ou d'une année, hein? On a plusieurs années de travaux et de récupération à
faire avant d'être en mesure de résorber adéquatement les carences de
main-d'oeuvre sur le terrain. Mais on aura nécessairement l'intelligence
d'ouvrir des services avec du personnel
qualifié, sinon de mettre en place des mécanismes qu'il faut pour, je dirais,
mettre à jour leur niveau de
compétence assez rapidement avec ceux qui seront là sur le terrain pour donner
les services qu'on pourra rendre disponibles.
Mme Rizqy : Et en ce moment il
manque combien d'enseignants dans le réseau?
M. Blackburn
(Éric) : Je ne suis pas en
mesure de répondre à votre question. Il en manque beaucoup, par contre.
Mme Rizqy :
O.K. Bon, bien, je peux vous dire que, juste pour le réseau du secondaire, on
parle de 3 000 enseignants d'ici
cinq ans, le réseau secondaire. Ça, c'est sans compter pour le primaire, et ça,
c'est sans compter pour les maternelles quatre ans additionnelles.
Alors, je
repose ma question : En ordre de priorité, préférez-vous avoir d'abord une
formation additionnelle? Parce que les universités demandent de l'argent
supplémentaire pour être en mesure de former davantage d'enseignants. Et
vous comprenez, par même vos fonctions, que
les ressources, par définition, elles sont limitées, alors c'est pour ça qu'on
veut prioriser. Nous, on est pour les
maternelles quatre ans, mais on veut s'assurer que ça soit fait dans l'ordre
des choses. Et présentement, les
élèves qui sont actuellement dans le réseau de l'éducation, on n'est pas
certains d'avoir des enseignants pour répondre à leurs besoins.
Et tantôt
vous avez mentionné qu'il n'y aura pas de maternelle quatre ans près des
garderies et des CPE. Pourtant, quand moi, je regarde... On a fait
l'état de compte de toutes les écoles qui ont dit qu'ils pouvaient en
accueillir avec les CPE près d'eux. On a mis
en jaune ici, puis, je pense, ça vaut la peine de le montrer pour la caméra... ici, tout ce qui est en jaune,
c'est à moins d'une minute de marche, toutes les écoles... puis je peux
continuer, là. Et, si j'avais mis cinq minutes de marche, mon document au complet aurait été jaune. Alors, j'aimerais
savoir, pour vous, complémentarité, ça veut dire quoi.
• (15 h 40) •
M. Blackburn
(Éric) : Bien, en fait, ce
que je disais, c'est que, dans la mesure où le nombre d'enfants, je dirais, est
présent, il y aura de l'espace pour
offrir des services à tout le monde. Ça n'enlève pas qu'il puisse y avoir des CPE
et des services éducatifs pour les enfants
de quatre ans dans les écoles sur un même coin de rue. Le cas échéant, c'est
parce qu'il y aura suffisamment
d'enfants pour être capables de répondre aux besoins. Mais je pense plutôt que
le réseau aura l'intelligence de ne
pas faire exprès pour doubler un service si la clientèle n'est pas suffisante
pour répondre à l'ensemble de
l'offre, là. S'il y a déjà une offre de services qui répond à des besoins, on
ne fera pas exprès pour faire pousser quelque chose à côté, en fait,
pour faire mourir celui-là. On aura l'intelligence de travailler différemment.
Mme Rizqy :
Et comment que vous comptez exploiter cette intelligence, étant donné que, si
on fait une demande d'ouverture de classe et qu'on a regardé à certains
endroits, même plusieurs endroits, où est-ce qu'il n'y a que quelques inscriptions... Alors, si, par exemple, nous avons
un CPE avec 80 places et que, par exemple, là-dedans, c'est un quart qui
est dévolu aux enfants de quatre ans, et que
nous avons une école juste à côté qui ouvre pour six places, est-ce que ça se
peut qu'il y ait, à ce moment-là, deux
établissements, deux structures qui sont à 50 % opérationnelles? Parce
que, là aussi, j'ai un autre tableau
où est-ce que j'ai mis en jaune, où est-ce que j'ai zéro, deux, trois
inscriptions, six inscriptions pour les
maternelles quatre ans. Vous comprenez que, si on a deux structures qui roulent
à 50 %, est-ce que ça se peut qu'on est à 50 % d'efficacité
aussi dans notre offre de services?
M. Blackburn
(Éric) : En fait... puis je
vais laisser Michel compléter, mais en fait, puis on l'a dit dans notre mémoire,
hein, on a des missions respectives. Et,
quand on faisait référence qu'il faut respecter, en fait, la mission pour
laquelle les commissions scolaires... la mission même des commissions
scolaires, bien, en fait, on va aller jouer dans la platebande sur notre territoire à nous, et le CPE va offrir
un service à d'autres élèves qui auront d'autres besoins. Donc, oui, la ligne
est mince entre les deux, mais d'où le
dialogue qui sera nécessaire pour s'assurer que les enfants qui sont dans ce
périmètre de
services là, qui habitent le périmètre de services, qu'on puisse bien signifier
le besoin de ces enfants-là, et qu'on puisse les asseoir dans le bon service, et que l'un ou l'autre n'empiète pas
dans la cour de l'un et l'autre, le cas échéant, parce que les besoins
sont aussi variés, mais doivent être répondus différemment dans l'un et l'autre
des services.
Mme Rizqy :
M. Blackburn, en ce moment, là, le ministère de la Famille et le ministère
de l'Éducation ne siègent à aucune table de travail conjointe. Oh! j'en
suis qu'il faut qu'il y ait de la communication, je suis entièrement d'accord avec vous puis je nous souhaite de la communication.
Mais entre-temps la réalité, c'est la suivante : il y a une pénurie de
locaux, c'est une chose, il y a aussi
également un besoin criant d'enseignants, il y a aussi la direction de la santé
publique qui a sorti un rapport au
mois de février qui parle des maternelles cinq ans et qui dit qu'en ce moment
ce n'est pas toutes les conditions
gagnantes. J'entends ce que vous dites que ça prendrait toutes les conditions
gagnantes, mais en ce moment on a aussi une réalité avec laquelle on
doit composer.
Et,
nous, ça fait quand même plusieurs mois qu'on martèle le message suivant. Quand
que le gouvernement de la CAQ avait
promis les maternelles mur à mur, nous on a dit : Non, on veut du
sur-mesure. On veut d'abord, avant tout, déployer des maternelles quatre
ans là où sont les véritables besoins et surtout là où est-ce qu'il y a des
enfants. Maintenant, ils ont finalement
descendu à 3 400 et, finalement, 2 600. Donc, on est très contents
qu'ils continuent à descendre puis que, finalement, ils vont peut-être nous
écouter puis rester avec les besoins d'enfants en milieu défavorisé et que
peut-être ils vont changer aussi l'indice de
défavorisation qui, ça aussi, nous pose problème parce qu'on veut s'assurer que
les familles défavorisées ne soient
pas en fonction du code postal mais surtout du revenu réel des familles. Parce
que je pense qu'on a tous ici
l'objectif partagé suivant, d'aider les enfants, surtout et avant tout les plus
vulnérables de notre société puis d'assurer des services.
Quand
vous dites qu'on va jouer dans... vous ne jouerez pas dans la même cour, le
même terrain de jeu, mais que vous
êtes limitrophes puis que c'est votre territoire... Le territoire du Québec, on
s'entend que ça appartient à tous les Québécois puis que, quand on a un CPE puis une école l'un à côté de l'autre, c'est
pas mal le même territoire. Mais, quand vous dites que vous ne répondez pas aux mêmes besoins, tout
le monde qu'on a entendu à ce jour disent que les enfants, à quatre ans,
doivent apprendre de façon ludique. Alors, comment
que vous allez vous distinguer de la CPE quand vous dites que vous n'allez pas
répondre de la même façon que les CPE? Parce que, nous, c'est très important,
je pense, autant pour le gouvernement que pour les oppositions, qu'on
veut que ça reste ludique.
Le
Président (M. Asselin) : En 10 secondes.
M. Bernard (Michel) : Bien, d'abord, il faut savoir que les programmes
éducatifs, ils ne sont pas délocalisés aux commissions scolaires, hein,
ils appartiennent au gouvernement, au ministère de l'Éducation. Donc, l'application
et le caractère distinctif vont nous
provenir des distinctions, d'abord, que le ministère va imposer sur le plan des apprentissages et...
Le Président (M. Asselin) : On va maintenant poursuivre avec le deuxième groupe d'opposition,
si vous le permettez...
M. Bernard
(Michel) : Oui, parfait.
Le
Président (M. Asselin) : ...Mme la députée. La parole à la
députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci,
M. le Président. Dans vos recommandations, vous mentionnez notamment que l'écart entre les ratios de la maternelle quatre ans et des autres milieux de garde éducatifs devrait
être harmonisé. Est-ce que j'entends que
vous souhaitez que ça devienne le même que dans les services de garde éducatifs, donc de un pour 10? Et, si oui, est-ce que c'est la
suite de l'expérience terrain que vous avez des dernières années que vous avez
constaté ce besoin-là?
M. Bernard (Michel) : Bien, concernant les ratios, en fait, pour nous, évidemment,
moins il y aura d'enfants par classe, mieux ce sera. Maintenant, vous avez évoqué tout à l'heure que les ressources
étaient limitées. Quand c'est une priorité, elles sont un peu moins limitées, on s'entend là-dessus.
Alors, pour nous, d'avoir des ratios les plus bas possible, ça serait la
meilleure chose.
Ce
qu'on a évoqué dans notre mémoire, c'est l'aspect de la flexibilité, incluant
dans les ratios, parce que — puis
là je fais référence au dernier
commentaire — quand
on est dans une perspective d'implantation, que ce soient des maternelles
quatre ans ou autre chose, le modèle n'est
jamais à maturité en commençant, il est toujours en progression, et
c'est dans cette perspective-là qu'on
souhaite qu'il y ait une flexibilité dans les ratios, aussi dans l'âge des
enfants, quatre et cinq ans dans
certains milieux, qu'on adapte les ratios pour certains milieux plus
défavorisés et pour lesquels il y a des besoins plus importants auxquels il
faut répondre.
Alors,
le mot, pour nous, le maître mot, c'est la flexibilité. Et, dans ce sens-là,
les intentions gouvernementales d'aller de manière progressive, on souscrit à
ça. Maintenant, il faudra voir la réalité, mais, disons,
faisons-nous confiance qu'on va être
capables de faire les bons choix locaux avec des intentions ministérielles qui
vont respecter les choix locaux.
Mme Labrie : Parfait. Je note aussi dans vos recommandations
que... bon, vous recommandez que l'autonomie et les responsabilités des commissions
scolaires soient respectées. Vous
recommandez que le financement soit à la hauteur des besoins, autant en ressources humaines, matérielles, pédagogiques,
tout ça. Est-ce que c'est parce
que vous constatez qu'en ce
moment ce n'est pas le cas que vous prenez la peine de le recommander
explicitement comme ça?
M. Blackburn (Éric) : Non, absolument
pas. Les ressources nécessaires pour qu'on puisse être en mesure de donner le service sont au rendez-vous, mais, comme on le sait, je pense qu'il ne faut pas oublier de leur
rappeler parce que les besoins sont extrêmement importants et compte tenu du fait que, de plus en plus, les
enfants qui vont arriver en bas âge dans
les services qu'on a à offrir sont parfois, pour les plus démunis, référés par
le secteur de la santé et services sociaux et compagnie parce que ce sont des enfants qui présentent des besoins
qui sont très, très, très spécifiques et pour lesquels il y a des
réponses qui doivent être différentes du service de base.
Le Président (M. Asselin) : On vient de passer les dernières
2 min 40 s avec le deuxième
groupe d'opposition. Je vous
invite à passer le prochain 2 min 40 s avec la députée de Joliette.
Mme Hivon : Oui, bonjour. Je vais vous dire que parfois plus
on avance dans le débat, plus je deviens dubitative, parce que,
pour poursuivre un peu sur les échanges que vous avez eus avec ma collègue
de Saint-Laurent, en fait, vous tenez le discours, qu'on entend de plusieurs, qu'il faut
la complémentarité entre les maternelles
quatre ans et les services de garde éducatifs. Vous nous dites que c'est une offre distinctive, donc ça ne
devrait pas répondre aux mêmes besoins. Mais là comment on va décider quels enfants devraient être dans les maternelles quatre ans et quels enfants devraient être dans les services
de garde éducatifs quand on nous dit : C'est le libre choix des parents?
Donc, d'une
part il faut que les parents soient
bien informés, qu'ils sachent c'est quoi, mais il faut aussi qu'on sache à quel
enfant on a affaire puis c'est quoi, ses besoins, puis c'est quoi, la
différence des besoins auxquels on va répondre dans une maternelle quatre ans versus un service de garde. Ça
fait que j'aimerais ça comprendre, pour vous, c'est quoi, la différence. Quels
enfants devraient être dans les maternelles quatre ans et quels enfants
devraient être dans les CPE?
• (15 h 50) •
M. Blackburn (Éric) : Bien, en fait, pour chacun des services, il y a
des programmes éducatifs qui existent, donc, en vertu de ces programmes-là,
il y a une nature de services qui vont nécessairement être offerts. Il y a
certains enfants pour lesquels le service approprié est tributaire de
références du secteur de la santé et services sociaux. Pour d'autres enfants, le service va être en lien avec aussi les caractéristiques familiales où le parent a des besoins aussi très, très, très grands, donc ce sera un autre
service. Et il y a aussi l'école qui va accueillir les parents avec
les enfants pour être en mesure d'observer, évaluer les besoins des enfants et de voir avec eux quel est le meilleur
service, dans la mesure où le parent n'est pas en mesure lui-même de
juger de quel est le service qui va mieux répondre aux besoins de mon enfant.
Bien, ça se fait à l'intérieur d'un exercice vraiment de rencontre, puis je
le disais, tout à l'heure, de communication avec le parent, et l'école, et les profs à l'école, les éducatrices qui sont
là, les professionnels, les orthophonistes, qui sont en mesure
d'observer les enfants et de
dire : Tel service répondra davantage aux besoins de cet enfant-là, et pour un autre, ce
sera un autre, complémentaire à ceux qu'on reçoit des acteurs qui sont
dans l'environnement, qui collaborent avec nous.
Mme Hivon : Donc, est-ce que ça va être un nouveau service
qui va être offert dans les écoles, de dire : On va évaluer avec vous votre enfant de trois ans et demi pour
vous dire s'il devrait venir dans une maternelle
quatre ans ou être dans un CPE?
M. Blackburn (Éric) : En fait, ce qu'on a toujours
fait avec les enfants de cinq ans, ce qu'on a appris à faire avec certains enfants de quatre ans, on va le
généraliser avec les autres enfants qui lèveront la main et pour lesquels il y aura
des services qui seront à mettre en place.
Le Président (M. Asselin) : Merci
beaucoup de votre contribution, M. Bernard, M. Blackburn, de l'ADIGECS. Merci
beaucoup.
On suspend quelques
instants.
(Suspension de la séance à
15 h 51)
(Reprise à 15 h 53)
Le Président (M. Asselin) : Bonjour. Notre prochain intervenant, je l'invite à se présenter, même s'il est très connu. Vous aurez 10 minutes pour nous présenter
votre mémoire, et puis, après ça, on débutera la période des échanges. À vous la parole.
M. Égide Royer
M. Royer (Égide) : Égide Royer, je suis psychologue et spécialiste,
professeur associé à l'Université
Laval, spécialisé sur la question de la réussite scolaire des jeunes en difficulté,
avec une communication qui est chronométrée à 10 minutes.
Le
Président (M. Asselin) : Oh boy!
M. Royer (Égide) : Compte
tenu des défis auxquels le Québec
est actuellement confronté en éducation, ce mémoire va formuler des recommandations pour que le projet de loi n° 5 contribue à améliorer significativement la
réussite scolaire des enfants vulnérables et des élèves handicapés et en
difficulté scolaire.
L'un des
indicateurs les plus utilisés pour évaluer l'efficacité d'un système
éducatif est celui de la proportion des élèves d'une cohorte qui obtiennent un diplôme du secondaire dans les
temps prévus. Au Québec, le taux de diplomation de la cohorte de 2010 après sept années de
fréquentation scolaire au secondaire indique que 18 % des filles et
30 % des garçons ne possèdent toujours aucun diplôme d'études
secondaires ou d'études professionnelles. C'est le cas pour quatre garçons sur
10 dans plus d'une dizaine de commissions scolaires francophones au Québec.
Cette situation est inacceptable pour une société aussi développée que celle du
Québec.
La réussite
scolaire des élèves en difficulté ou des élèves qui ont des besoins particuliers
est encore plus préoccupante. De 2001
à 2016, la proportion de la population scolaire des jeunes identifiés en difficulté
ou handicapés est passée de 10 % à 20 % au Québec. Alors que la clientèle globale des écoles du Québec a
diminué de 9 % durant cette période, le nombre d'élèves dits handicapés ou en difficulté,
les HDAA, a augmenté de 71 %.
Dans le réseau des écoles publiques, il s'agit d'un élève sur cinq au primaire, mais d'un élève sur quatre
au secondaire. Les derniers chiffres disponibles en janvier 2019 indiquent
que ce nombre est toujours en augmentation
et que c'est maintenant 225 000 élèves sur une population de 922 000
élèves qui sont identifiés en
difficulté dans nos écoles. Il s'agit de jeunes qui vivent, pour la plupart,
des problèmes d'apprentissage, particulièrement en littératie — je
vais revenir là-dessus — de
communication, au niveau du langage, des difficultés émotives, comportementales ou de santé mentale. Le taux de diplomation
des élèves en difficulté ou handicapés est de 36 % au Québec,
nettement inférieur au taux usuel de 60 % observé dans les autres systèmes
éducatifs en Amérique du Nord.
Quant au taux de décrochage, sortie sans
diplôme, des élèves handicapés ou en difficulté, il est de 46 % pour la dernière année où on a les chiffres. Il est
trois plus élevé que les élèves considérés comme des élèves dits ordinaires.
Cette situation perdure malgré le développement des CPE, des garderies
privées, des services de garde en milieu familial et malgré les 2,7 milliards que nous dépensons maintenant chaque année
pour offrir des services en adaptation scolaire aux élèves du Québec. La
recherche nord-américaine indique que les élèves à besoins particuliers inclus
dans des classes ordinaires ont des taux d'obtention du diplôme du secondaire nettement
plus élevés que les élèves regroupés en milieu ségrégué ou en classe spéciale. Plusieurs
voix s'élèvent néanmoins pour réclamer la création de classes spéciales, tout particulièrement dans les écoles francophones. Ce type de mesure vient pourtant
consacrer très tôt, souvent dès l'âge de sept, huit ans, l'impossibilité
pour la majorité de ces jeunes d'obtenir plus tard un des diplômes du
secondaire.
Les enfants
de quatre ans vulnérables et à besoins particuliers. À la lumière des
indicateurs que je viens de mentionner, je considère que l'amélioration de la réussite des jeunes en difficulté
passe par l'offre à tous les enfants du Québec d'une maternelle quatre ans permettant à ceux qui sont
vulnérables ou à risque de recevoir des services éducatifs en adaptation
scolaire qui correspondent aux pratiques
exemplaires. Cette maternelle doit, j'insiste, être inclusive et éviter toute
forme de ségrégation basée sur le
niveau socioéconomique, la nature des difficultés ou la nature du
handicap. Ma position repose sur cinq observations.
La première,
la proportion d'enfants vulnérables en maternelle cinq ans sur au moins un
domaine du développement était, en 2012, de 32 % chez les gars et de 18 % chez les
filles. En 2017, elle est passée respectivement à 35 % chez les gars et à 20 % chez les filles. Nous parlons
ici d'environ 23 000 enfants de cinq ans qui, chaque année, entrent en
maternelle cinq ans vulnérables ou
présentant des besoins particuliers. Fait à noter, et j'insiste, l'évaluation
de la maternelle quatre ans ontarienne
a montré une diminution très importante d'au moins trois des facteurs de risque
durant la même période, facteurs de risque que je viens de mentionner.
Deuxième
observation, le Québec, jusqu'à maintenant, a fait fausse route en limitant la
maternelle quatre ans aux seuls
milieux défavorisés. Cette pratique d'accorder l'accès selon le code postal est
pour le moins bancale et ne correspond pas
aux pratiques exemplaires en intervention précoce en adaptation scolaire pour
les jeunes en difficulté. Certes, la proportion de jeunes vulnérables y est plus importante, mais la majorité des jeunes
en difficulté ou handicapés ne vivent pas en milieu défavorisé.
Troisième observation, dans mon champ de pratique,
celui de l'adaptation scolaire ou de l'éducation spéciale, l'intervention professionnelle précoce et ciblée
constitue l'étalon-or des programmes efficaces. À titre d'illustration, Joanne
présente un retard de langage, Pierre — et ça, c'est ma spécialité — frappe fréquemment les autres amis de la
garderie, Steve est nettement plus
inattentif et agité que la moyenne des enfants de son groupe d'âge. Bien que la
qualité des interactions en CPE et en
garderie soit nécessaire, elle est loin d'être suffisante pour assurer la
réussite scolaire de la majorité de ces jeunes. Ces enfants ont besoin d'interventions intensives basées sur les
pratiques exemplaires et reposant entre autres sur le modèle de la
réponse à l'intervention plutôt que de l'étiquetage ou du diagnostic.
Quatrième observation, les services éducatifs
offerts aux enfants de quatre ans vulnérables doivent être sous la responsabilité d'une enseignante du préscolaire et
d'une éducatrice de la petite enfance à temps plein, assistées au besoin
par des enseignants spécialisés en
adaptation scolaire. Cette équipe doit posséder l'expertise pour évaluer les
besoins des jeunes à risque,
recommander des mesures éducatives qui y correspondent et élaborer puis
appliquer un plan d'intervention individualisé. Tous les autres services
professionnels offerts par l'école et par la commission scolaire doivent leur
être accessibles.
• (16 heures) •
Enfin, cinquième observation, indépendamment de
leur milieu socioéconomique, nous devons également nous préoccuper des besoins des élèves doués et talentueux, des enfants doués et talentueux.
Marie, à quatre ans, a un niveau de lecture
de fin de première année, voire de fin de deuxième année et possède des
habiletés cognitives et intellectuelles nettement supérieures à son
groupe d'âge. Dans tous les systèmes éducatifs en Amérique du Nord, les besoins
des élèves à haut potentiel sont reconnus
comme relevant également de l'adaptation scolaire, ce n'est pas le cas au
Québec. Je considère que pour les enfants de quatre ans dans cette
situation, les activités usuelles d'une garderie ou d'un CPE ne correspondent
souvent pas à leur niveau de développement et à leur potentiel.
Maintenant,
les recommandations : attendu que la majorité des jeunes de
quatre ans vulnérables, ou à risque, ou handicapés, ou en difficulté d'adaptation et d'apprentissage ne vivent
pas en milieu défavorisé, attendu que l'intervention précoce auprès des jeunes vulnérables, à risque,
handicapés ou en difficulté doit être intensive, spécifique, offerte et
encadrée par au moins une professionnelle possédant une
formation universitaire en pédagogie et en littératie, attendu que l'inclusion
des jeunes handicapés ou en difficulté
d'apprentissage est essentielle pour leur intégration sociale et leur réussite
scolaire, je formule les recommandations suivantes.
La
première : que le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur
revoie en profondeur, d'ici juin 2020, sa
politique en adaptation scolaire et y consacre la maternelle quatre ans comme
un des environnements éducatifs prioritaires pour répondre aux besoins
des jeunes vulnérables et prévenir les problèmes d'adaptation et
d'apprentissage.
Deuxième
recommandation : qu'il soit expressément affirmé dans cette
politique que toutes les classes, dont celles de maternelle quatre ans, sont inclusives — on
pourra en reparler tout à l'heure — et
que tous les enfants vulnérables, à risque, handicapés ou en difficulté
y ont leur place.
Troisième recommandation :
que tous les enfants vulnérables, à risque, handicapés ou en difficulté
bénéficient d'interventions personnalisées en maternelle quatre ans et puissent
avoir accès prioritairement à toutes les ressources professionnelles
disponibles à l'école primaire.
Quatrième
recommandation : que le ministre revoie à la hausse l'enveloppe
financière des services en adaptation scolaire
pour tenir compte des 50 000 nouveaux élèves qui vont rentrer en
maternelle quatre ans — c'est
mon estimation — d'ici
2024. Le réseau scolaire québécois bénéficie déjà d'un système de
financement, de sommes supplémentaires
pour les élèves en difficulté. L'ajout de ces 50 000 nouveaux élèves là va
amener automatiquement une augmentation de ces montants-là.
Recommandation
n° 5 : que les programmes du préscolaire quatre ans et cinq ans
soient rigoureusement basés sur les
pratiques exemplaires reconnues et comportent des contenus spécifiques portant
sur les services éducatifs à offrir aux enfants vulnérables ou en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage.
Sixième
recommandation : que les universités et les cégeps accélèrent le
développement d'ententes pour l'établissement de passerelles de type D.E.C.-bac permettant aux éducatrices en petite
enfance qui le désirent de devenir enseignantes au préscolaire.
Septième
recommandation : que les cégeps offrent aux personnes qui font de
la garde en milieu familial des programmes permettant d'acquérir en
cours d'emploi, si elles le désirent, une formation collégiale d'éducatrice en
petite enfance.
Huitième recommandation :
que les cégeps et les universités revoient leur programme respectif de
formation initiale en petite enfance et en enseignement préscolaire-primaire
pour y inclure des contenus spécifiques portant sur l'intervention précoce
auprès des enfants vulnérables ou à risque.
Neuvième recommandation :
que le ministère crée, dans le futur institut d'excellence en éducation, un
réseau spécifique sur les pratiques éducatives exemplaires en petite enfance et
en maternelle quatre, cinq ans.
Et
enfin, recommandation 10 : que le ministère mette en place un
programme d'évaluation pour assurer le suivi du développement des maternelles quatre ans, évaluer leur impact sur la
réussite éducative des jeunes vulnérables et identifier les ajustements
jugés nécessaires.
Le
Président (M. Asselin) : Merci beaucoup, M. Royer.
M. Royer
(Égide) : Selon moi, je suis à neuf minutes. En
conclusion...
Des voix :
Ha, ha, ha!
Le
Président (M. Asselin) : On va vous donner quelques minutes.
M. Royer (Égide) : ...depuis
longtemps on affirme, en petite enfance et en adaptation scolaire, qu'un dollar
investi en prévention permet de
sauver ultérieurement 6 $ en intervention. Il s'agit pourtant de beaucoup
plus qu'une question de coût, la prévention et l'intervention changent des
vies. De nombreux enseignants et de nombreux éducateurs se sont fait dire, à
un moment donné : Tu as fait quelque chose, quand j'étais ta classe ou quand j'ai suivi des cours avec toi, qui a
fait une différence dans ma vie. Je suis convaincu que des maternelles
quatre ans de qualité vont contribuer à améliorer ou à faire une différence encore plus importante dans la vie de plusieurs
enfants qui arrivent vulnérables en maternelle
quatre ans ou en maternelle cinq ans.
Le
Président (M. Asselin) : Très bien. Je
suis certain que le gouvernement se permettait de se donner la minute qu'il
nous manquait. On va procéder avec vous, M. le ministre. À vous la parole.
M. Roberge :
Merci bien, M. le Président. Merci bien, M. Royer. On sent bien que ça
fait longtemps que vous travaillez ce
dossier-là, que vous y croyez depuis un certain temps, puis le bâton du
pèlerin... que vous portez ce dossier-là pour expliquer aux gens que ce
n'est pas une obsession, ce n'est pas une lubie, ce n'est pas une idée inventée
la semaine dernière, ça s'appuie sur des résultats de recherche, puis on n'est
pas en train d'essayer, avec nos petits de quatre ans, quelque chose pour se rendre
compte, dans deux ans : C'est-u bon, c'est-u pas bon? On est en train
d'implanter quelque chose qui a été validé ailleurs. On est en train de
l'implanter à notre façon, même en tirant des leçons de ce qui s'est fait
ailleurs. C'est pour ça que je me suis promené un peu dernièrement, pour
tirer des leçons sur la meilleure façon d'implanter la meilleure mesure.
Est-ce
que vous pourriez nous expliquer, en clair... C'est un élément que vous avez
mentionné tout à l'heure, que l'Ontario l'avait fait avant nous et qu'ils tiraient déjà des
bénéfices de ça. Est-ce que vous pouvez nous expliquer précisément qu'est-ce qu'ils constatent comme bénéfices?
Qu'est-ce qui ressort des recherches, là, pour dire que, là-bas,
ils ont vu les effets positifs?
M. Royer (Égide) : Deux éléments, brièvement. Le premier, c'est
que, si on prend l'ensemble des méta-analyses — je
me base rarement sur une seule étude — on
prend l'ensemble des études, on intègre des résultats, il y a
une plus-value réelle à intervenir à
quatre ans dans une perspective éducative, entre autres par rapport aux jeunes
en difficulté ou qui sont à risque.
La deuxième chose, ce
qui est frappant, c'est que je regarde les résultats du Québec, là, 2017, au
niveau des cinq facteurs de vulnérabilité,
là, l'INSPQ, c'est avec le même instrument que l'Ontario a fait son évaluation
de l'impact de la maternelle quatre
ans en 2012, 2013, 2014. Donc là, moi, j'ai des facteurs de risque qui sont
coupés en deux, alors qu'on a eu
augmentation, au Québec, des mêmes facteurs de risque. Là, vous allez me
dire : C'est en parallèle, mais c'est la même période. Eux autres ont assisté... il y a au moins trois des
dimensions... les facteurs de risque, je ne sais pas, moi, étaient à
10 %, tombent à 5 %, étaient à 12 %, tombent à 6 % ou à
8 %.
Donc,
c'était vraiment frappant de voir qu'avec le même instrument sur les mêmes
facteurs de risque, avec plusieurs des
enfants, entre autres, dans le secteur francophone, qui s'appellent Potvin,
Tremblay, etc., comme nous autres ici, là, pour plusieurs, c'est juste une différence de rivière des Outaouais, là,
et que, là, j'avais un impact là. Mais ça, ça va dans le sens que l'Ontario a un des 15 meilleurs
systèmes éducatifs au monde. Mais l'autre élément, c'est que ça va aussi dans
le sens de l'ensemble des méta-analyses qui
nous disent que, si on intervient en numératie, en littératie et de manière
précoce avec des jeunes vulnérables, il y a une plus-value réelle au
niveau de l'intervention.
M. Roberge :
Vous nous parlez d'intervention en numératie, en littératie, tout ça se fait
par le jeu souvent, évidemment, quand on est
avec des tout-petits de quatre ans ou de cinq ans, c'est peut-être moins connu.
Je pense qu'il y a des gens qui ont
peur de l'école. Ils ont peut-être des mauvais souvenirs personnels ou qu'ils
ont juste peur d'une scolarisation hâtive.
Il y a des groupes de pression qui font des campagnes, là : Quatre ans, ce
n'est pas grand, puis laissez les enfants être des enfants. Qu'est-ce que vous répondez à ça, pour les rassurer? Non
seulement vous avez des méta-analystes qui montrent que c'est efficace, mais pour les rassurer aussi
qu'on n'est pas en train de scolariser des enfants de force pour leur voler
leur enfance, là.
M. Royer (Égide) : Écoutez, l'académie de pédiatrie aux États-Unis,
l'association des pédiatres américains, voilà déjà trois, quatre ans, on
passait la consigne — puis
ça, c'est de la littératie, là — à tous les pédiatres, lorsque les parents
arrivent avec leur bébé pour avoir le
vaccin — des
fois, le bébé, il a trois semaines, là — recommandation du médecin : lire
une page par jour à voix haute à votre enfant.
Bon, écoutez, là, je ne suis pas dans les bureaux puis je ne suis pas dans les
leçons puis les devoirs, là, c'est déjà une
intervention en littératie. Donc, des programmes comme Abracadabra ou d'autres
types de programmes qui existent pour des
très petits, jouer avec les lettres, avec les sons, tout ce qui s'appelle
prélittératie et la même chose au niveau de la prénumératie, il y a une
plus-value, là, vraiment identifiable.
Quand
vous dites «a recommandé au pédiatre de le dire aux parents», là, je veux dire,
«prescription du médecin, lire une page à voix haute à votre enfant chaque
jour», cette dimension-là du rythme de la langue, de la stimulation du langage,
et c'est fait sous forme de jeu, dans ce
cadre-là, il y a de multiples exemples qui disent que, véritablement, ça fait
une différence pour l'ensemble des jeunes, mais particulièrement pour
des jeunes qui ont certaines difficultés.
M. Roberge :
Il y a des gens qui vont nous dire que lire une page par jour, là, lire Caillou
ou Toupie et Binou puis faire
de la socialisation, tout ça, ça se fait au CPE, oubliant que trois jeunes sur
quatre de quatre ans ne sont pas en CPE. Les gens, ils ont l'impression que tous les enfants sont en CPE en ce
moment puis qu'on va les sortir de force, mais ce n'est pas le cas, là, on ne sortira personne de force
d'aucun réseau. Mais il y a des gens qui vont dire : Oui, mais tout ce que
vous dites, là, M. Royer, ça se
fait déjà dans notre réseau de garde, pourquoi faire à côté, dans des écoles,
ce qu'on fait déjà dans le réseau de services de garde? Qu'est-ce que
vous répondez à ces gens-là?
• (16 h 10) •
M. Royer (Égide) : Je vous parlais de... mon exemple était par
rapport à des pédiatres pour dire que la littératie, elle pourrait être bien, bien des choses. Mais par rapport aux enfants de quatre ans, dans les programmes du préscolaire bien
faits qu'on observe, entre autres les programmes ontariens, il y a
une dimension qui est spécifique à la littératie qui est appliquée par un enseignant ou une enseignante qui
travaille au niveau du préscolaire. C'est toute la question,
justement, d'y aller d'une manière structurée pour amener une
pédagogie du jeu pour être capable de développer ces dimensions-là. Et, dans cette perspective-là, on se retrouve dans
un contexte où on a des programmes de littératie précoce ou des programmes
de stimulation de la littératie qui sont nichés à l'intérieur des programmes du
préscolaire dans les meilleurs systèmes éducatifs
qui l'appliquent, et ça, ça implique une expertise que vous avez comme
enseignant au niveau universitaire sur comment se développe la
littératie, comment j'interviens au niveau de la littératie pour la stimuler
chez les petits et comment j'interviens
lorsque, de toute évidence, j'ai un jeune qui, à cause d'un retard de langage
ou d'autre chose, va avoir de la difficulté avec la littératie, et ça,
ce n'est pas une formation de niveau collégial.
M. Roberge : Et tout ça est vrai autant en milieu défavorisé
que dans la classe moyenne que dans un milieu avec des maisons de
1 million?
M. Royer (Égide) : Avoir un problème de bégaiement, ou avoir un
trouble de langage, ou avoir un trouble du spectre de l'autisme n'a rien
à voir avec la déclaration d'impôt du 30 avril.
M. Roberge : C'est assez clair. Je vais permettre à mon
collègue de poursuivre. Je reviendrai plus tard, s'il reste du temps.
Le Président (M.
Asselin) : Oui. M. le député de Saint-Jérôme, à vous la parole.
M. Chassin : Merci, M. le Président. Merci, M. Royer. J'ai une petite question, parce qu'il y a eu des interventions médiatiques, notamment, sur le surdiagnostic, et
vous en parlez, de cette explosion... en fait, on parlait de 71,8 %, dans
votre mémoire, d'augmentation de
diagnostics. La maternelle quatre ans est pensée pour diagnostiquer et
intervenir tôt. Est-ce que, selon vous, c'est un outil qui permet de
mieux diagnostiquer?
M. Royer
(Égide) : Il faut absolument
sortir la maternelle quatre ans du modèle médical. Puis là je suis très précis,
il n'est pas question qu'on se mette à étiqueter puis identifier des enfants
avec des taux de faux positifs, présentement, qu'on
a qui sont absolument ahurissants, là. Je vous rappelle, j'ai fait mon doctorat
sur le déficit d'attention, là, je suis assez au courant, là. Et, dans ce cadre-là, il n'est pas question qu'on se
mette à identifier des enfants puis il n'est pas question qu'on mette
dans la convention collective des enseignants des codes qui viendraient
dire : Bien là, un tel est identifié avec tel code, donc il va compter pour deux enfants en maternelle quatre ans.
Ça, vous allez m'avoir... les gens vont m'avoir sur leur chemin si on s'en va sur une médicalisation.
Ça nous prend un modèle non catégoriel et de non-étiquette en maternelle
quatre ans et cinq ans et même, j'irais pas
mal plus loin que ça, pour le restant du primaire. Donc, il ne faut
véritablement pas embarquer
là-dedans. C'est une ornière à éviter absolument parce que la prophétie se
réalise d'elle-même : Ah! as-tu vu dans ma classe de quatre ans,
j'en ai un, c'est un TDAH, et là on est partis, là...
M. Chassin : Parce que ça conditionne le parcours par la suite.
M. Royer
(Égide) : Ah! la prophétie
se réalise d'elle-même d'une certaine manière. Non, fuyez les étiquettes pour le financement et même pour la gestion de la
convention collective des enseignants. C'est déjà assez lourd comme ça.
M. Roberge : L'idée de faire
davantage du repérage des difficultés plutôt que faire le diagnostic, c'est
plus de faire des observations, de la
stimulation, de les mettre dans un environnement avec des professionnels qui
sont capables de reconnaître peut-être
des vulnérabilités, puis de les stimuler, puis de leur donner un environnement
qui va les faire grandir plutôt que d'y aller vers une médicalisation
puis de l'étiquetage d'enfants.
M. Royer
(Égide) : La bonne phrase,
là, je ne sais pas, mais imaginez que ça fait 15 ans que vous travaillez avec
des enfants de quatre ans et de cinq ans, vous êtes capable déjà de voir que,
dans tous les enfants de quatre ans et de cinq
ans ou de quatre ans que vous avez connus, ce jeune-là a un niveau de langage vraiment,
là... on ne le comprend pas lorsqu'il
parle. La phrase «Steve m'inquiète» est la bonne phrase à utiliser en
disant : Il faut que j'aille voir ce qui se passe avec cet enfant-là, mais là vous vous basez sur
votre expérience comme enseignante ou comme intervenante que ce soit en
CPE ou que ce soit en milieu scolaire.
Mais l'idée que cet enfant-là m'inquiète, on va
avoir besoin de faire quelque chose de plus particulier puis de comprendre ce qui se passe, c'est davantage la
première chose à faire plutôt que de dire : Bien là, il est dans quelle
catégorie de diagnostic? Ça, je vous invite... et on est nombreux au
point de vue même international à le dire, il faut éviter cette ornière-là absolument, mais davantage y
aller avec un modèle de réponse à l'intervention, qui est très, très bien connu
en milieu scolaire, qui implique d'amener des interventions.
Et lorsque
des interventions successives bien faites ont échoué et qu'on se dit :
Écoutez, il doit y avoir quelque
chose de neurologique dans la
situation de cet enfant-là, là on va aller chercher une expertise plus pointue.
Mais souvent c'est des adaptations
qu'on peut faire soit en CPE, lorsque c'est des choses qui ne touchent pas
nécessairement la réussite scolaire, ou soit, dans le cas qui nous
intéresse, au niveau de la maternelle quatre ans sous forme de plan
d'intervention.
M. Roberge : Donc, sans parler de diagnostic, on peut avoir
des interventions professionnelles. Souvent, on passe, on lit :
intervention professionnelle à diagnostic à médicalisation. Or, vous dites
qu'on peut très bien faire le contraire, on peut avoir des professionnels qui interviennent, orthophonistes,
orthopédagogues, psychoéducateurs, psychologues, etc., qui interviennent en partenariat avec
l'enseignante et l'éducatrice — le
duo de feu dans notre classe — puis
d'avoir une communauté de professionnels qui aident les jeunes sans
avoir nécessairement un diagnostic.
Mais l'idée d'avoir le même professionnel qui
peut suivre l'enfant parce qu'il est dans une école, à quatre ans, à cinq ans, à six ans, à sept ans, le même, l'idée
d'éviter le bris de service, pour moi, là, c'est un avantage incroyable
qu'offre le réseau scolaire. Est-ce que vous partagez cette opinion?
M. Royer
(Égide) : Bien sûr, je l'ai
vécu. Vous voyez dans le mémoire, je relatais, entre autres, l'anecdote d'un
enfant que j'avais suivi pour bégaiement dès
la maternelle, puis je l'ai suivi pendant une bonne partie du primaire, et je
l'ai revu récemment, il est directeur d'école puis il parle très bien.
Mais tout ce
que je veux vous dire, c'est que la possibilité d'avoir une continuité de services, c'est sûr qu'il y a
une plus-value réelle. Là, il y a la question de la rareté des services.
Et, dans ce contexte-là, ce que je disais entre autres à l'interview à Radio-Canada ce matin, c'est
que ça va être un passage obligé que moi, direction d'école dans une région où
je ne suis pas capable de combler mon poste
de psychologue ou d'orthophoniste, j'aie une enveloppe budgétaire
qui me permet de dire à tel parent
d'un enfant de quatre ans : On en est rendus à un moment où il faut
que votre enfant soit évalué en
orthophonie, on ne comprend pas exactement ce qui se passe, allez dans telle clinique
d'orthophonie et envoyez-nous la
facture. Ça, ça va être un passage obligé ou on ne sera jamais
capables d'avoir un plancher de services suffisant au niveau des professionnels par
rapport à la situation
ou le nombre qu'on a présentement. Mais ça implique que ce professionnel-là
puisse quand même suivre le jeune
tout au long du primaire, le cas échéant. Mais il faut vraiment...
Identifier, ça ne change pas grand-chose, à moins que ça amène à une intervention.
M. Roberge : J'ai le goût de vous amener un petit peu plus d'espoir que ça parce
qu'avec les ressources qu'on a ajoutées
dans le budget, ce n'est pas suffisant, et est-ce que ce sera un jour
suffisant? Les besoins sont infinis, les ressources sont limitées, même si elles sont pas mal plus
grandes qu'elles l'ont jamais été en éducation au Québec. On instaure cette
année, pour la première fois, un plancher de
services minimal, même dans les petites écoles. On en a parlé en campagne,
on le fait maintenant. Donc, même dans les
petites écoles, je vous le dis, à partir de septembre, un désert de services,
il va falloir en parler au passé. C'est une avancée exceptionnelle pour
le réseau.
M. Royer
(Égide) : Regardez, on dit
la même chose, mais c'est parce que le psychologue qui finit à 29 ans avec
un doctorat en psychologie, là, le poste va rester
ouvert très longtemps avant que quelqu'un qui finisse avec un doctorat aille
travailler en milieu scolaire. Mais le petit
de quatre ans, lui, qui a besoin d'une évaluation en neuropsychologie, il est
là, là. Donc, votre plancher de services, il est là, mais au lieu
d'avoir une figure humaine, il va avoir... c'est des ressources financières
comme moi, j'ai, comme direction d'école, pour garantir l'accessibilité à ce
service-là — vous
me suivez là-dessus? — dans
ce cadre-là...
M. Roberge : Oui. Et je peux
très...
M. Royer
(Égide) : ...dans ce cadre-là. Ce n'est pas que dans ce
cadre-là. Je suis bien d'accord avec le plancher de services, il y a un
financement, mais, dans certains cas, la personne pouvant offrir le service
n'est pas à l'emploi de la commission scolaire.
M. Roberge : Bien, je vous dis
tout de suite qu'on a de l'ouverture pour ce que vous dites puis que la
nécessité, c'est que l'enfant ait de l'aide,
c'est que le professionnel puisse aider l'enfant. Ce n'est pas nécessairement...
ce n'est pas le moyen qui compte, c'est le résultat. Il ne faut jamais
oublier que vous comme moi, tout le monde ici, les gens qui travaillent dans nos commissions scolaires, on est
là pour donner des services aux élèves, et l'argent qu'on met dans le réseau, je pense que... moi, je souhaite que ça
amène des professionnels à faire carrière dans le service public, puis il faut
le revaloriser, puis il faut le payer comme
il faut. Mais, si on a besoin de le faire, on le fera, passer par le privé, et
il y a même déjà des ententes. C'est possible, on n'est pas en train de
parler de science-fiction, là.
M. Royer (Égide) :
Ça se fait déjà, ça se fait déjà.
M. Roberge : Ça arrive déjà en ce moment, particulièrement en région éloignée, où on permet aux commissions scolaires de faire ce type d'entente là. Cependant,
c'était un peu théorique dans la mesure où on permettait de faire des ententes
alors que le financement n'était pas là, il
manquait une partie de l'équation. Maintenant qu'on amène l'argent, on peut penser
que les services vont être au rendez-vous. Il nous reste très, très peu de
temps...
Le Président
(M. Asselin) : 1 min 37 s.
M. Roberge : ...1 min 37 s. Il y a
des gens qui voient ça comme une confrontation entre deux réseaux, alors qu'on
est en train d'implanter un service public
puis on le fait pour les raisons les plus nobles, j'en suis convaincu. Mais pourquoi il ne faut pas voir ça comme une
bataille entre deux réseaux qui disent : Ce sont mes enfants, ce sont mes cotisations
syndicales? Qu'est-ce qui fait que... au nom de quoi on peut dire : Regardez,
tassez ça de côté, là, puis voyez que la maternelle quatre ans, c'est quelque chose qui est là pour
les enfants? Comment faire pour sortir de ce débat un peu idiot, là, d'opposer
des bonnes idées?
M. Royer
(Égide) : Écoutez, moi, là,
je vous dis simplement mon opinion professionnelle là-dessus, c'est qu'il y a
une plus-value réelle à créer un niveau
préscolaire, un vrai niveau préscolaire qui aura deux ans, un niveau
préscolaire où des gens vont pouvoir passer... faire carrière là-dedans
directement.
Ceci étant
dit, il y a une question de campagne de désinformation, là, qui est entrée en
ligne de compte et qui a joué même, à mon avis, et je vais partout au
Québec, sur le nombre de parents décidant d'inscrire leurs enfants en
maternelle quatre ans. Là, la poussière va
retomber là-dessus. Ça doit demeurer un choix de parent. Sauf que moi,
spécialisé depuis une quarantaine
d'années en adaptation scolaire, si un parent vient me voir en disant :
Mon ti-pit, il a tel type de difficulté, j'aime mieux le voir pris en
charge en continuité dans une maternelle quatre ans avec d'autres enfants qui
n'ont pas de difficulté et de filer comme
ça, et ce sera probablement la recommandation que je vais faire aux parents,
mais ils sont libres, et ce sera la même chose à cinq ans. Puis ils sont
même libres de faire l'école à la maison, s'ils veulent, par la suite.
• (16 h 20) •
Le
Président (M. Asselin) :
M. Royer, nous allons poursuivre avec les gens de l'opposition officielle.
La parole est à la députée de Saint-Laurent. À vous.
Mme Rizqy : Bonjour. Le temps file, donc je vais poser des
questions assez brèves. Mais tantôt vous nous avez indiqué... quelque chose à dire là-dessus, c'est
très important, vous avez attiré notre attention sur les faux positifs.
Pouvez-vous juste, s'il vous plaît, revenir puis nous réexpliquer ce que
vous avez dit, s'il vous plaît?
M. Royer
(Égide) : Présentement, puis
là laissez-moi à peu près une minute, lorsqu'on intervient avec un jeune
de quatre ans qui a certaines
difficultés, j'applique des interventions éducatives de qualité. Si ça ne
fonctionne pas, je fais appel à des professionnels de l'école, si c'est en maternelle quatre
ans, conseils. Si ça ne fonctionne pas, là je suis rendu au troisième niveau et c'est là que je vais
demander l'avis d'un spécialiste. Mais la pyramide est à l'envers,
présentement, au Québec : on voit quelque chose qui ne fonctionne
pas, on demande l'évaluation tout de suite.
Et
en ce qui concerne les déficits d'attention, pour répondre pointu à votre
question, les enfants qui sont venus au monde en janvier, février et mars sont nettement moins susceptibles
d'être identifiés étant TDAH que ceux qui sont venus au monde aux mois de juillet, août, septembre.
Donc, ça ne peut pas être uniquement... ce n'est tout de même pas le signe
astrologique qui vient déterminer. Donc,
c'est étonnant qu'on confonde maturité et troubles déficitaires de l'attention,
pour vous donner cet exemple-là. Donc, il faut être très, très... C'est
comme la prestation ou la prescription de Ritalin ou le méthylphénidate au Québec, là, il y a un flou, là, qui n'est pas
nécessairement artistique, là, par rapport à cette situation-là. Des services éducatifs appliqués de bonne manière,
si ça ne fonctionne pas, je fais du sur-mesure en termes d'interventions.
Si ça ne fonctionne pas, là je vais aller me
chercher une évaluation. Mais je ne commencerai pas par l'évaluation, je vais
essayer de faire d'autre chose auparavant,
qui correspond à de la bonne éducation, ou à des bons services de garde, ou à
un bon service de CPE.
Mme Rizqy :
Et, quand vous dites qu'il y a un taux alarmant de faux positifs, c'est au
niveau du dépistage ou du diagnostic?
M. Royer
(Égide) : Diagnostic, diagnostic.
Mme Rizqy :
Diagnostic, O.K. Parce que...
M. Royer (Égide) : Le nombre d'enfants mis sous médication à
cinq ans, présentement, va toujours en augmentant depuis une
quinzaine d'années, alors que...
Mme Rizqy :
L'Ordre des psychologues était là ce matin, et on a posé cette question, puis
eux disaient qu'au niveau du
dépistage peut-être, mais rendus au diagnostic, puisque c'était fait par un
professionnel de la santé... je leur ai demandé combien qu'il y avait de
faux positifs dans les tests de diagnostic, ils ne pouvaient pas me répondre
parce qu'ils disaient qu'ils n'avaient pas le nombre.
M. Royer
(Égide) : Je vous montre mon... Je suis membre de l'Ordre des
psychologues, moi aussi.
Mme Rizqy :
M. Royer, sincèrement, je pense que tout le monde sait ici que vous êtes
psychologue. Moi, ma question, c'est la
suivante, parce que l'Ordre des psychologues ont dit qu'ils n'étaient pas en
mesure de dire le nombre : Vous, est-ce
que vous êtes en mesure? Est-ce que vos travaux de recherche sont en mesure?
C'est une question très importante.
M. Royer (Égide) : Quand je vous montrais l'Ordre des psychologues,
c'est que j'étais sur le point de vous répondre, justement, sur cette question-là. Regardez bien, dépendamment des types
de difficultés, là, je pense, entre autres au déficit d'attention avec hyperactivité,
c'est reconnu scientifiquement qu'on identifie qu'il y a beaucoup plus de
faux... on a un bon nombre de faux
positifs. Sur d'autres types de difficultés, l'évaluation neuropsychologique de
la dyslexie, j'ai beaucoup moins de
faux positifs. Donc, ça va dépendre... dépendamment des types de difficultés ou
des types de diagnostics, là, qu'on va
poser, des types de problèmes qu'on rencontre. Donc, vous devez bien saisir
que, dépendamment des types de difficultés, le nombre de faux positifs va bouger,
et c'est davantage au niveau du déficit d'attention que mon exemple portait
tout à l'heure.
Mme Rizqy :
D'accord. Moi, ma question, c'était davantage sur une recherche, une étude,
parce que l'ordre n'était pas en mesure de
me répondre. C'est pour ça que je voulais savoir, vous, à titre de chercheur,
si vous avez été en mesure aussi d'avoir un chiffre pour nous
aujourd'hui.
Tantôt,
vous avez aussi parlé des bégaiements d'un enfant que vous, vous avez traité.
En ce moment, évidemment, il n'y a aucun
enseignant en maternelle quatre ans qui va pouvoir traiter, donc il va falloir
faire appel, évidemment, à un professionnel tel que vous, n'est-ce pas?
M. Royer
(Égide) : Ou orthophoniste, oui.
Mme Rizqy :
Oui. Dites-moi, est-ce qu'en CPE aussi ils peuvent faire appel à des
professionnels?
M. Royer (Égide) : Oui, sauf que vous risquez de tomber sur... c'est
deux systèmes indépendants. En CPE, si vous tombez davantage du côté de santé
et services sociaux, la possibilité d'avoir une liste d'attente est nettement
plus probable.
Mme Rizqy :
Et ça, c'est selon quelle étude?
M. Royer (Égide) : Ce n'est pas une question d'étude, c'est une
connaissance du réseau. Moi, commission scolaire x, j'ai une orthophoniste, donc la possibilité que je
puisse offrir des services à un élève de ma commission scolaire ou de mon
école, ça va. Mais moi, CPE, je dis aux
parents : Allez consulter en orthophonie, ils vont se retrouver sur une
liste d'attente dans la majorité des hôpitaux et des cliniques à moins qu'on
débloque des sommes qui leur permettent directement d'aller en privé. Mais présentement vous devez très bien
saisir que les listes d'attente sont beaucoup plus longues au niveau de
la santé et des services sociaux que des commissions scolaires ou qui ont
des...
Mme Rizqy : C'est
peut-être mon côté moi-même professeure-chercheuse que des fois je suis
peut-être un peu comme vous, que j'aime ça rester vraiment au niveau
factuel. Dans le réseau des CPE, est-ce que vous, vous avez une expertise du
réseau de CPE ou vous êtes davantage dans le réseau de l'éducation?
M. Royer
(Égide) : Moi, j'ai une expertise de réseau de CPE entre
autres, parce que j'ai énormément de mes petits-enfants
qui en ont fréquenté, mais l'autre élément, c'est que j'ai donné de la
formation en CPE sur la transition des élèves en difficulté et
handicapés du CPE, entre autres, à la maternelle.
Mme Rizqy :
Est-ce que vous avez été en mesure de demander le nombre réel ou est-ce que
vous avez un de vos collègues ou vous-même
qui a fait des études pour comparer, justement, avant d'affirmer, la différence
du temps d'attente en réseau
de l'éducation?
M. Royer (Égide) : Je n'ai pas de données sur le temps d'attente,
j'ai des données sur le temps d'attente des parents qui ont des enfants
en CPE et qui demandent d'avoir une place en orthophonie.
Mme Rizqy : O.K. Et est-ce
que vous avez le nombre de parents
qui attendent aussi dans le réseau de l'éducation? Parce que dans le réseau de
l'éducation aussi ils nous disent qu'il y aurait aussi des besoins additionnels
pour orthophonistes, orthopédagogues,
psychologues, et le nombre qui est formé est peut-être insuffisant parce qu'on a aussi davantage d'enfants ou aussi des nouveaux arrivants. Alors,
tout ça, ça fait en sorte qu'il y a des besoins autant dans les CPE que dans
le réseau de l'éducation au niveau des professionnels.
M. Royer (Égide) : Des professionnels, il en manque dans les deux
réseaux. Mais ce que je veux vous dire, je répète encore que, si vous êtes dans la commission scolaire x, qui emploie déjà deux orthophonistes et que vous avez un jeune de
quatre ans qui a, de toute évidence, un
problème de langage, la probabilité qu'il soit vu plus rapidement
en milieu scolaire est réelle
comparativement à la probabilité qu'il se retrouve sur une liste d'attente parce qu'il a été référé par un CPE pour une consultation en services hospitaliers ou
autres, parce que le réseau scolaire a déjà des ressources à lui, une forme
d'autonomie au niveau de ses ressources professionnelles.
Mme Rizqy :
O.K. Bien, je me demandais : Dans votre mémoire, est-ce que... je n'ai pas
trouvé une étude qui parlait des maternelles
quatre ans, comparative, avec d'autres maternelles quatre ans. Est-ce que vous
avez fait des recherches ou études récentes que vous avez publiées par
rapport aux maternelles quatre ans et leur valeur ajoutée?
M. Royer
(Égide) : Dans ces domaines-là, je me fie essentiellement aux
méta-analyses et non pas aux études individuelles.
Et en ce qui concerne les méta-analyses, quand on regarde, là, l'impact au
niveau de la littératie puis de la numératie
au niveau des maternelles quatre ans, ça ressort en termes d'importance
d'effets relativement clairs. Mais ça, il en existe plusieurs,
méta-analyses de cette nature-là.
Mme Rizqy :
Moi, je parle, par exemple, des études qui ont échantillonné des élèves dans
différents États, provinces, pays. Est-ce que, ça, vous avez fait une
étude là-dessus?
M. Royer (Égide) : Non, je n'ai pas fait d'étude là-dessus, mais en
médecine, comme dans la majorité des sciences, comme en psychologie — je vous rappelle que je suis
psychologue — les
méta-analyses sont véritablement les données les plus solides sur lesquelles on
se base par rapport à un nouveau traitement, une médication ou des types
d'intervention. Mais une étude en particulier, à moins qu'on ait des études
comparatives, en disant : Je compare la maternelle quatre ans, maternelle
quatre ans pas uniquement en milieu défavorisé, mais qui est ouverte à
l'ensemble des jeunes, avec un CPE, bien, même là, au niveau de la comparaison,
si vous comparez littératie, ça dépend de la variable, là — vous avez votre doctorat, vous aussi — ça dépend de la variable qu'on identifie...
Mme Rizqy :
...par contre.
M. Royer
(Égide) : ...ça dépend de la variable
qu'on identifie. Sur la littératie, vous allez avoir un impact, une différence
importante avec les deux groupes, mais je n'ai pas d'étude spécifique que j'ai
conduite là-dessus.
Mme Rizqy :
D'accord. Tantôt, vous avez aussi mentionné l'Ontario. J'imagine, parce que ce
n'est pas dans votre mémoire, que, bien, vous faisiez référence à l'étude de
l'Ontario qui a été publiée en 2013, soit trois ans après le déploiement des maternelles quatre ans, alors que
des maternelles quatre ans n'ont pas été complétées dans leur entièreté,
puisque c'était fait sur cinq ans. C'est bien cette étude-là à laquelle vous
faites référence?
M. Royer (Égide) : Oui, mais, entre autres, les études... on avait
le secteur francophone, entre autres, qui était rentré dans ce contexte-là. La maternelle quatre ans est
entrée d'abord en milieu francophone en Ontario. Par la suite, les anglophones,
compte tenu de l'impact que ça a eu, ont été la chercher. Mais les études... je
ne l'ai pas avec moi présentement, mais ce qui était frappant de voir
sur trois ans, c'est l'impact au niveau de la même mesure au niveau des
facteurs de risque.
Mme Rizqy :
Parce que, quand je regardais le mémoire, si on fait référence au même, celui
de 2013, il y avait aussi... il était
d'abord question aussi de la progressivité que... comment ça a été fait, mais
aussi des lacunes que ça aurait pu être amélioré lors du déploiement.
Si
on revient chez nous, au Québec, vous-même, vous l'avez dit tantôt, c'est
beaucoup le service qui va compter. J'ai
vu que vous avez fait quand même beaucoup de débats, beaucoup d'entrevues
concernant la maternelle quatre ans. Si aujourd'hui vous avez une chose que vous aimeriez nous donner comme
indication et comme priorité, qu'est-ce que ça serait, pour le
déploiement des maternelles quatre ans?
M. Royer
(Égide) : L'implanter
graduellement, l'offrir de manière universelle et évidemment, compte tenu de la
situation de la réussite scolaire au Québec, avoir une dimension de ces
maternelles quatre ans là, toujours sous forme ludique, mais qui tient compte
beaucoup de la question de la littératie.
L'autre
élément le plus important, toute la question des problèmes affectifs et
comportementaux. En clair, le jeune qui, rendu en première année, apprend à
lire rapidement, suit la plupart du temps les consignes des adultes et se fait des amis va réussir à l'école. Mais celui qui a
des problèmes au niveau du comportement, qui a un retard en lecture, et ajoutez
d'autres facteurs de risque qui peuvent
s'additionner, là, on se retrouve avec des jeunes qui déjà vont avoir beaucoup
de difficultés, et c'est là qu'on voit la différence.
• (16 h 30) •
Mme Rizqy : M. Royer,
tantôt, vous avez parlé du rapport d'impôt. Alors, j'imagine que vous faisiez
référence à la fiscaliste qui est moi. Vous
savez qu'on a accueilli, dans les
dernières années, énormément de nouveaux
arrivants, avec des enfants qui
arrivaient avec des bagages assez importants, notamment quand on fait référence aux réfugiés syriens,
et d'autres aussi qui ont été des migrants,
qui ont... notamment ceux qui ont aussi vécu le tremblement de terre
en Haïti. J'en ai, d'ailleurs, dans mon comté, et pour avoir visité plusieurs
écoles et avoir entendu les enseignants et tout, ces parents, souvent, sont en milieu défavorisé. Et, par exemple, à Saint-Laurent, on a des maisons qui valent une fortune et on a quand même plusieurs nouveaux arrivants que leur déclaration de revenus est à zéro ou pas tout à fait, ils ont l'aide de dernier recours. Vous comprenez que, pour
moi...
Le Président (M.
Asselin) : ...temps est écoulé.
Mme Rizqy : Oui, mais je vais
faire comme M. Royer, je vais me réclamer une minute de plus.
Le Président (M.
Asselin) : Oui, mais il l'a prise sur le temps du gouvernement,
lui.
Mme
Rizqy : Mais, rapidement,
vous comprenez que ces enfants ont probablement... si on devait avoir des priorités, ça
serait ceux-là, n'est-ce pas?
Le
Président (M. Asselin) : S'il vous plaît. On va donner la parole à la députée de
Sherbrooke, puis elle va continuer.
Mme Labrie : Merci, M.
le Président. Merci, M. Royer, pour votre mémoire. Il y a quand même
quelques recommandations
intéressantes là-dedans, notamment celle pour l'amélioration de la formation,
là, au cégep, à l'université, une entente D.E.C.-bac, j'en prends bien
note.
Je voudrais
revenir sur le postulat de base que vous faites et qui guide, finalement, toute
la suite de vos orientations. Par
rapport à l'étude de l'EQDEM, bon, le comparatif entre l'étude de 2012 et 2017,
on le constate, tout le monde, qu'il y a eu une augmentation des facteurs de
vulnérabilité, ça, personne ne peut nier ça. Par contre, il y a comme une
corrélation que vous faites, là, que
je ne comprends pas du tout, entre l'augmentation des facteurs de vulnérabilité
et le type de services éducatifs offerts ici, au Québec. Vous semblez,
dans votre raisonnement, associer ça aux types de services éducatifs qu'on
offre, parce que vous nous dites : Il
faudrait faire comme en Ontario, donc, et développer la maternelle quatre ans
ici, alors qu'il n'y a absolument
rien, à ma connaissance, qui nous porte à croire qu'il y a une corrélation
entre l'augmentation des facteurs de vulnérabilité et les types de
services éducatifs qu'on offre ici, au Québec.
Et par
ailleurs ça... bon, vous, vous êtes psychologue, moi, j'ai plus un regard
sociologique sur les choses, ma rigueur intellectuelle m'empêche de
l'affirmer, mais on pourrait quand même postuler qu'il y a un lien entre
l'augmentation des facteurs de vulnérabilité
et, par exemple, les mesures d'austérité, toutes les coupures qu'il y a eu, les
coupures ou, disons, l'absence
d'indexation des différents ministères. On pourrait penser qu'il y a peut-être
un lien aussi avec la réforme Barrette, à partir de 2014, dans le réseau de la santé. Donc, personnellement,
moi, je vais vous dire, je trouve que votre postulat de base est quand même
assez fragile et je trouve ça assez particulier de venir bouleverser le réseau
avec une proposition qui repose sur une corrélation qui n'est pas du
tout démontrée.
Ensuite, vous avez nommé tout à l'heure que...
M. Royer (Égide) :
...répondre?
Mme Labrie : Oui, j'arrive avec
ma question. Vous avez parlé qu'il y avait, bon, un accès plus facile aux
services de spécialistes dans le réseau de l'éducation et que c'est pour ça que
vous proposez la maternelle quatre ans. Effectivement,
là, on est très d'accord que c'est très long, les listes d'attente dans le
réseau de la santé, mais là j'ai l'impression que vous demandez au gouvernement
de mettre tous ses oeufs dans le même panier. Est-ce que c'est bien ce que je
comprends, vous nous dites : Il
faut envoyer tous les enfants dans le réseau scolaire parce qu'il n'y a pas de
services dans le réseau de la santé? Est-ce qu'on pourrait aussi les
améliorer dans le réseau de la santé?
M. Royer (Égide) :
Oui, je dois répondre à quelle question?
Mme Labrie :
Celle-là.
M. Royer (Égide) :
La première, je n'ai rien à dire.
Mme Labrie : Mais ce n'était
pas une question, c'était une mise en doute du postulat.
M. Royer (Égide) :
Ah! vous avez droit à votre opinion, mais on pourrait s'en reparler par rapport
à l'idée que je me serais attendu, compte
tenu du développement des réseaux de CPE, d'avoir une diminution au moins
légère dans les facteurs de risque. C'est ça que je voulais dire. Vous
pourrez le relire comme ça.
Mme Labrie : ...pendant toutes
ces années-là.
M. Royer (Égide) :
Oui, oui, il y a d'autres facteurs.
Le Président (M.
Asselin) : On va maintenant passer aux préoccupations de notre
députée de Joliette.
Mme Hivon :
Oui. Puis, sur ce sujet-là, je pense, c'est important de dire qu'il y a juste
23 % des enfants de quatre ans qui
fréquentent des CPE parce que le choix n'a pas été fait d'investir dans les
CPE, mais dans les garderies privées et en plus de couper les CPE.
Donc, moi, je veux revenir à comment on fait,
dans le déploiement des maternelles quatre ans... parce que, là, l'objectif du ministre, c'est un enfant sur deux,
à peu près, qui aille dans les maternelles quatre ans. Comment on fait pour
outiller... c'est la question — vous étiez là, là — que
j'ai posée aux précédents intervenants. Vous nous dites : Milieux défavorisés, très mauvais, il ne faut pas garder
cette mesure-là. O.K., mais alors qu'est-ce qu'on choisit pour prioriser les
enfants qui devraient aller en maternelle quatre ans? Est-ce que c'est ceux qui
ne fréquentent aucun service de garde? Est-ce que c'est ceux qu'on va avoir
diagnostiqués par le programme CIRENE ou dépistés qu'ils ont une vulnérabilité particulière? Sinon, c'est n'importe quel enfant puis comment le parent, lui, sait qu'est-ce qui
est le mieux pour son enfant?
M. Royer (Égide) :
J'irais plus simplement que ça. Si, dans tel quartier, ou dans telle paroisse,
ou dans telle municipalité, l'école a une maternelle quatre ans, elle
offre le service, point. Et je ne commencerai pas à faire un dépistage ou une identification en disant : Un tel
serait mieux de venir à la maternelle
quatre ans, un tel autre serait mieux
d'aller en CPE. Non, j'offre un
service qui s'appelle maternelle
quatre ans. Par la suite, si on me
demande mon opinion, à moi, travaillant dans le milieu : Bien, par
rapport à mon enfant, pensez-vous
qu'il est mieux d'aller en CPE ou en maternelle
quatre ans?, bien, on verra la situation. Mais je ne commencerai
pas, moi, à faire... en tout cas, je ne recommande pas de commencer à faire des distinctions en disant : Là, il va
y avoir quasiment une grille d'évaluation, vous seriez mieux... toi, c'est mieux CPE, toi,
c'est mieux maternelle quatre ans. Non, je laisse le choix aux parents, qui
seront en mesure de décider eux-mêmes.
Mme Hivon : O.K. Puis vous avez dit quelque chose, vous êtes vraiment
contre — je veux juste bien confirmer — des classes
spécialisées, parce qu'on a compris du gouvernement qu'il y avait cette
volonté-là. Donc, vous vous entendez bien sur beaucoup de choses, mais je comprends que, là-dessus, il y a une
petite divergence d'opinions, d'avoir plus de classes avec plus
d'enfants, qui sont spécialisées.
M. Royer
(Égide) : Deux choses :
je dis la même chose à tous les partis déjà depuis une bonne dizaine d'années,
mais concernant les classes spécialisées, il y a encore plus... Évidemment, il
ne faut pas aller vers l'ouverture de classes spécialisées,
mais encore plus bizarroïde, c'est l'ouverture de classes spécialisées de
maternelle quatre ans. Ça, vous ne voulez
pas que je commente ça, là, parce que ça dépasse l'entendement. Donc, c'est
vraiment une classe inclusive où la majorité des enfants vont, au
besoin...
Mme Hivon : À
tous les niveaux?
M. Royer (Égide) :
Oh oui, à tous les niveaux.
Mme Hivon : Oui,
oui, oui. Parfait, on s'entend.
Le Président (M.
Asselin) : M. Royer, sur ce, on va vous remercier
infiniment de votre présence.
On va suspendre quelques instants, le temps que
les prochains intervenants s'installent. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 37)
(Reprise à 16 h 39)
Le
Président (M. Asselin) :
Bonjour à vous. Alors, je vous invite peut-être à vous présenter pour qu'on apprécie à vous connaître un peu mieux, puis après on se
donne un petit 10 minutes pour recevoir votre mémoire, et après ça on
débutera la période des échanges. À vous la parole.
Mme Sylvana Côté
Mme Côté (Sylvana) :
Bonjour. Mon nom est Sylvana Côté, je suis professeure à l'École de santé
publique à l'Université de Montréal,
chercheure au CHU Sainte-Justine et je suis directrice
du Groupe de recherche sur l'inadaptation psychosociale chez
l'enfant. J'ai corédigé le mémoire avec mes collègues Christa Japel et Richard
Tremblay.
Le Président (M.
Asselin) : ...de regarder aussi les écrans qui vont être
sollicités dans les prochaines minutes.
• (16 h 40) •
Mme Côté
(Sylvana) : D'accord. Le
Groupe de recherche sur l'inadaptation psychosociale chez l'enfant existe
depuis 30 ans et est à l'origine des
grandes cohortes longitudinales, qui ont démarré dans les années 80, où nous
étudions les facteurs de risque et de
résilience pour l'inadaptation psychosociale et les interventions préventives qui servent à briser les liens intergénérationnels par
rapport à la défavorisation. Et nous
avons décidé de centrer notre mémoire sur les populations défavorisées, puisque c'est l'objet principal de
nos recherches. Nous avons voulu mettre en contexte les données québécoises
sur les associations, les liens qui existent
entre l'éducation préscolaire et le développement des enfants,
mettre en contexte international ces données-là.
Le gouvernement du Québec l'a bien compris, c'est évident de par les investissements qu'il fait dans la petite enfance, que... il a compris qu'intervenir tôt est le meilleur retour sur l'investissement qu'une société puisse faire pour le développement de son capital humain. Mais
j'aimerais vous présenter de nouveau, parce que je présume que vous
la connaissez très, très bien, la
courbe de Jim Heckman, prix Nobel en économie, qui montre que le retour sur l'investissement dans l'éducation et les soins aux jeunes enfants diminue de façon
drastique et extrêmement rapide entre zéro et cinq ans. Chaque année est
très importante, ce n'est pas comme le reste
du développement humain. Et les études en neurosciences et en
psychologie du développement vont exactement dans le même sens. En fait, elles expliquent la
courbe de Jim Heckman, c'est-à-dire
que le cerveau connaît des modifications particulièrement rapides et impressionnantes
au cours des premières années de vie, et là on parle d'une fenêtre
d'opportunité pour agir entre zéro et quatre, cinq ans.
Depuis
30 ans au Québec, depuis 1979, on a mis en place un programme de
maternelle quatre ans, pour les quartiers défavorisés d'abord, à mi-temps,
ensuite, en 2013, à temps plein, toujours dans les quartiers défavorisés, et on
propose maintenant de les mettre en place partout et à temps plein. Nous
avons voulu examiner l'état des connaissances québécoises
sur les liens entre la fréquentation de l'éducation préscolaire et le
développement des enfants parce que les données québécoises nous fournissent une photo du Québec, et c'est
extrêmement important d'avoir cette photo québécoise pour des programmes québécois, le contexte des
services à la petite enfance au Québec étant unique, difficilement comparable.
Il y a
vraiment très, très peu de données, très, très peu de données qui nous
informent sur ce qu'on a fait et ce que ça donne, mais on a quelques indications, l'EQDEM en outre, qui est une
étude populationnelle. Tous les enfants de la maternelle sont évalués à
tous les quatre ans, et on évalue leur maturité scolaire. Sur cette diapo, on a
un gradient qui montre la proportion d'enfants qui ont au moins une
vulnérabilité selon leur parcours préscolaire. Et cette diapo porte uniquement sur les enfants les plus défavorisés,
quintile inférieur de la distribution et elle montre que ce sont les services
de garde qui préparent le mieux les enfants
à l'école, et ensuite on a les services de garde avec une maternelle quatre
ans. Donc, ça souligne ou ça indique
que les maternelles quatre ans ont une possibilité pour améliorer la maturité
scolaire, en particulier lorsqu'elles sont combinées avec une expérience
de service de garde.
Ensuite, on a
l'ELDEQ. L'ELDEQ est une étude longitudinale de 2 000 enfants qui
sont nés en 1997‑1998 qui ont été
suivis annuellement jusqu'au jour d'aujourd'hui. C'est une des meilleures
études au monde pour étudier le développement de l'enfant en population générale, comparer le développement de ceux
qui ont des facteurs de risque et ceux qui n'en ont pas. Avec cette étude, nos équipes et d'autres équipes
québécoises ont montré, ont mis en évidence que les enfants de milieux défavorisés qui fréquentent un service d'éducation
préscolaire québécois, en particulier lorsque cette fréquentation arrive
tôt dans la vie de l'enfant, est stable, est intensive en ce sens qu'elle est à
temps plein, que ces enfants vulnérables, défavorisés
s'en tirent mieux au niveau de la maturité scolaire, au niveau du développement
social, moins de troubles de comportement à court terme et à long terme.
Ici, on a les données pour le développement social. Ici, on a les données pour le développement cognitif, maturité scolaire,
vocabulaire, lecture, mathématiques, en première année et on a les données sur
lecture, mathématiques, écriture à la fin du primaire, à 12 ans. Donc, ce
sont des associations, des liens qui se maintiennent. Et récemment nous venons d'obtenir les données de
diplomation à 20 ans, et les
enfants défavorisés qui ont fréquenté le service d'éducation préscolaire
ont 10 % plus de diplômes que ceux qui ne l'ont pas fréquenté.
Comment on
peut contextualiser ces résultats-là, étant donné ce qu'on sait des services au
Québec? Trois points sont discutés
dans notre mémoire : le premier, c'est la qualité, l'intensité de l'éducation
et les populations visées. Donc, nous allons
nous attarder ici à comparer les caractéristiques des CPE avec celles des
maternelles quatre ans, puisque ce sont les deux principaux investissements
publics qui ont le potentiel pour compenser pour la défavorisation.
Donc, la
qualité. Quatre études ont été réalisées depuis 2003 sur la qualité des
services d'éducation préscolaire, et en moyenne les résultats sont sans
équivoque, même si les méthodologies sont différentes : la qualité la plus
élevée se retrouve en moyenne dans les CPE en centre. C'est supérieur à
tous les autres modes de garde, incluant la maternelle quatre ans comme elle
était jusqu'au jour d'aujourd'hui.
Ensuite, l'intensité. Il est clair que
l'intensité que reçoit un enfant en termes d'éducation préscolaire lorsqu'il fréquente un service de garde, que cette
expérience débute tôt, qu'elle est constante, etc., est beaucoup plus
importante que celle d'une expérience
scolaire. Donc, les services en CPE sont offerts 12 mois par année jusqu'à neuf
ou 10 heures par jour, incluant les vacances estivales.
La diversité
sociale fait partie du contexte qui caractérise les résultats qu'on observe,
c'est-à-dire qu'on avait une proportion
très, très importante d'enfants non défavorisés qui, possiblement, tiraient les
autres vers le haut, et voilà ce qu'on observe.
En
conclusion, dans certains contextes sociopolitiques comme le reste du Canada,
les États-Unis, le Royaume-Uni, la maternelle quatre ans peut sembler
une mesure prometteuse pour réduire les inégalités sociales et favoriser la
réussite scolaire, mais c'est parce qu'il
n'y a pas d'alternative éducative structurée et de qualité comme celle du
Québec. Il faut avoir le comparatif
qu'on a ici pour pouvoir dire quelque chose des données internationales. Il
n'existe pas d'évidence que les maternelles
quatre ans ont la capacité de préparer les enfants de milieux défavorisés à la
réussite scolaire aussi bien que des services continus qui débutent tôt
d'éducation préscolaire de très, très bonne qualité.
Nous recommandons de prioriser le développement
du réseau des services de garde de type CPE en milieu défavorisé — c'est un
constat qui va avec les courbes économiques et le développement du cerveau, la
priorité devrait être aux plus
jeunes — de
s'assurer que les enfants de milieux défavorisés et modestes soient intégrés
dans les CPE le plus tôt possible
après la naissance, de maintenir la continuité dans les CPE pour les parents
qui désireraient continuer avec cette filière
et que, concernant l'implantation graduelle des maternelles quatre ans, elle
devrait se faire très graduellement et avec de très bonnes évaluations
de la situation. Merci.
Le
Président (M. Asselin) :
Merci beaucoup pour votre contribution. On va débuter maintenant les périodes
des échanges avec un 16 minutes du côté gouvernemental. La parole
est à vous, M. le ministre.
M. Roberge : Merci bien, M. le
Président. Merci pour votre présentation. J'ai bien apprécié les tableaux, les
graphiques, ça nous aide à s'y comprendre puis à suivre ce que vous nous dites.
Je comprends
mal votre quatrième recommandation parce que, bon, il me semble que votre
prémisse est assez claire que vous préférez les CPE aux autres services de
garde et à la maternelle quatre ans, mais vous dites à la fin... vous avez recommandé
une implantation graduelle des maternelles quatre ans avec évaluation. «Avec
évaluation», je ne suis pas surpris, vous
êtes une scientifique, puis, de toute façon, sachez qu'on va dans cette
direction-là, là, c'est évident qu'on va monitorer, évaluer le tout. Je croyais avoir compris, à travers vos
diapos, que, même en milieu défavorisé, vous pensiez que c'était une
moins bonne idée de faire la maternelle quatre ans, alors je comprends mal
votre recommandation 4.
• (16 h 50) •
Mme Côté
(Sylvana) : Alors, si on
pense à la question plus large : À quel âge l'éducation des enfants
commence?, nous, on dit qu'elle doit
commencer... que votre ministère est extrêmement important, là, pour le
développement du capital humain et
que l'éducation des enfants doit être prise en charge dès les premières années
de vie. Donc, ça, c'est comme notre prémisse globale.
Maintenant,
la façon dont les services vont être dispensés, elle est extrêmement complexe, cette question-là, comme le reflètent les travaux de cette commission.
On sait que les CPE font un très bon travail, mais il semble qu'il y ait
un segment de la population qui résiste à l'adhérence aux CPE ou qui ont une
résistance quelconque. Et peut-être que, dans des cas comme ça, la maternelle
quatre ans pourrait favoriser l'accès
plus tôt que plus tard à certaines populations. Mais ce qui nous inquiète sincèrement, c'est la fragilisation de tout ce qui viendrait avant l'éducation quatre ans, parce que c'est très,
très bien de vouloir prendre en charge les enfants plus tôt,
mais quatre ans, d'une perspective développementale, c'est très tard, on se
demande... voilà, c'est très tard.
M. Roberge : Je partage ce
constat-là avec vous, on souhaite que les enfants fréquentent un service de
garde éducatif à un an, deux ans, à trois ans, avant qu'ils ne poursuivent dans
ce système-là ou qu'ils optent pour la maternelle quatre ans. Puis, même si
on a ambition d'étendre ce programme-là de la maternelle quatre ans puis de
l'offrir aux parents, on peut
souhaiter que les parents, avant que leur enfant ait quatre ans, inscrivent
leurs jeunes dans un service de garde éducatif à l'enfance, je vous dirais même particulièrement
dans un CPE.
Dans vos
études comparatives, et là parfois les tableaux étaient petits, même avec les
lunettes, j'avais un peu de misère,
mais il me semble avoir compris que vous disiez que les jeunes... et là j'ai de
la misère à me souvenir, mon Dieu, c'est
quand on comparait, voilà, les résultats de l'EQDEM, qui étaient inférieurs
pour les enfants qui vont à la maternelle
quatre ans versus les enfants qui vont dans service de garde éducatif de
qualité. Est-ce possible que c'est parce que le fait qu'en ce moment la maternelle
quatre ans n'est offerte qu'en milieu défavorisé?
Mme Côté
(Sylvana) : Oui. Les données
de l'EQDEM que je présente portent sur le quintile inférieur de défavorisation,
donc ce sont tous des enfants défavorisés qui sont comparés entre eux, voilà.
M. Roberge : Et est-ce qu'on peut... Parfois, c'est une question
que je me pose quand je lis certaines études, on regarde, on évalue le système en fonction des résultats de l'enfant. C'est un
peu ce qu'on fait aussi en même temps, bon, il faut y aller avec les données qu'on a,
mais des fois on peut se demander si parfois on n'évalue pas le choix du
parent, vous savez, le parent qui
fait le choix d'envoyer son enfant en CPE, de l'inscrire. Si l'enfant est rendu
en CPE à quatre ans, là, probablement qu'ils l'ont inscrit quand la dame était encore
enceinte, là, qui avait eu son test positif. Donc, c'est peut-être,
en partant, quelqu'un qui, au départ,
avait cette grande préoccupation là et qu'on est en train d'attribuer au réseau
les qualités des parents qui font le choix de ce réseau-là.
Puis je ne suis pas en train de dire que les
CPE, c'est des services de mauvaise qualité, mes deux filles sont passées là, c'est formidable. Bravo à l'équipe CPE
Les Contes de fée! Ce n'est pas ça, la question, mais la question, c'est que des fois on
attribue au système les qualités des parents qui font le choix de ce système.
Mme Côté (Sylvana) :
Vous avez totalement raison, vous mettez le doigt sur le biais méthodologique
le plus important des études corrélationnelles. Ce qu'on appelle les effets de
sélection, c'est les facteurs. Alors, les principaux facteurs
de la réussite scolaire ou maturité scolaire d'un enfant, c'est les caractéristiques
de sa famille, bon, et puis ces caractéristiques-là sont associées avec le
choix du mode de garde, vous avez raison.
Donc, la façon dont on s'y prend, c'est qu'on a
des analyses qui contrôlent de façon extrêmement rigoureuse et qui sont une approximation de la causalité dans
nos études, on utilise ce qu'on appelle du Propensity Score Matching et des variables de contrôle, bon. Mais ça, ce n'est
pas suffisant, et la raison pour laquelle ces études-là sont publiées dans
les meilleurs journaux en pédiatrie, en développement de l'enfant et en psychiatrie, c'est parce qu'elles convergent avec
un énorme bassin de littérature scientifique expérimentale qui montre que, lorsqu'on prend des enfants de milieux
défavorisés et qu'on les place
aléatoirement dans des services d'éducation et de soins préscolaires ou précoces, les résultats
ressemblent à ceci. Donc, pour ces
raisons-là et parce que nous observons peu d'effet pour les enfants de familles
bien nanties et des associations importantes pour les enfants moins bien nantis... nous
donnent une grande confiance dans ces résultats sur un effet réel des
services.
M. Roberge : Et, d'après vous, quelles sont les caractéristiques d'un milieu idéal pour nos petits de quatre ans? On pourrait dire de deux ans, de trois ans, mais,
bon, là, on parle de l'implantation de la mesure de la maternelle quatre ans, sachant que... je sais bien qu'avant quatre ans il y a
des interventions de qualité qui se font, mais supposons qu'on
regarde puis qu'on cherche l'endroit
idéal pour des petits de quatre ans, en termes de formation du personnel, en
termes d'environnement physique, d'après vous, quels sont les éléments
clés qui font que c'est... voilà un milieu intéressant?
Mme Côté (Sylvana) :
Ma connaissance du réseau des services de garde et les évaluations de la
qualité qui en ont été faites, quatre importantes
avec différentes méthodologies, nous poussent à croire que c'est dans les CPE
qu'on a trouvé les conditions
gagnantes : le ratio, la formation des éducatrices, leur motivation à être
là qui est conséquente avec, possiblement, leur choix de carrière,
l'environnement, l'infrastructure des CPE, à taille humaine, petits souvent,
les infrastructures sont très
bien, le contact très, très, très facile avec la famille et, on l'espère avec Agir tôt qui va débuter,
une liaison plus facile avec les services sociaux pour les enfants qui
auraient des difficultés. Tout ça porte à croire qu'on a trouvé une superrecette, au Québec,
qui est citée dans les rapports de l'OCDE comme étant une excellente recette de
services éducatifs à la petite enfance, qui fait l'envie de plusieurs,
plusieurs pays. Et donc je pense qu'on a comme investi
dans un projet qu'on a débuté et on l'a un
peu... on est à un moment où les investissements supplémentaires sont extrêmement importants pour que ce projet lève, mais on lui a coupé
l'herbe sous le pied en réduisant les investissements. Et donc je pense qu'on ne voit pas le
plein potentiel du réseau CPE à cause de ces raisons-là, mais il semble qu'il
fait ses preuves.
M. Roberge : Je suis d'accord avec vous qu'on a un réseau très
intéressant. Cependant, on a quand
même plusieurs parents qui sont sur
les listes d'attente encore aujourd'hui, il n'y a pas suffisamment de places. On va
créer des places, là, on a dit qu'on
en allongeait... on en créait entre 10 000 et 12 000 dans les
prochaines années. Mais néanmoins le système,
disons, actuel, avec très, très, très peu de gens, là, en maternelle
quatre ans puis la panoplie d'offres
dans le réseau des services de garde
a amené une baisse des résultats. Il me semble que, comme on n'a jamais
eu de baisse de places en CPE, ça n'a pas
augmenté assez vite, si vous voulez mon avis. On n'en a pas construit assez,
assez rapidement, puis on n'a pas déployé l'offre des CPE assez rapidement.
On aurait dû la déployer plus vite, on est en rattrapage en ce moment. N'empêche qu'il y en a toujours un petit peu plus à chaque année
ou à chaque deux ans. Comment expliquer alors que l'ensemble des enfants,
une fois arrivés à cinq ans, est plus
vulnérable aujourd'hui qu'il y a quelques années? Comment ça se fait que non
seulement on ne stagne pas, mais on régresse?
Mme Côté (Sylvana) :
Bien, c'est très difficile de parler de causalité dans un contexte comme ça
parce qu'il n'y a pas eu d'ELDEQ pendant ces
années-là. Par contre, donc, il y a une multitude de facteurs qui peuvent
expliquer. Mais une chose est sûre, c'est qu'il y a eu des coupures
majeures, au cours de ces années-là, dans le réseau et il y a eu un changement de la façon de financer le réseau qui a
joué avec la mixité sociale. Donc, je veux dire, c'est les raisons les plus
évidentes, je vous dirais. Après, il y a
tous les changements migratoires qui se passent au Québec, etc. Donc, les
facteurs les plus évidents sont les coupures importantes qu'on a faites
dans ce réseau-là.
• (17 heures) •
M. Roberge : Et vous ne
m'entendrez pas saluer cette austérité qui a été faite par le précédent gouvernement,
parce que ça a touché à la fois le réseau de nos services de garde éducatifs,
notre réseau éducatif. C'est clair qu'il faut réinvestir dans notre jeunesse,
et de plusieurs façons.
Mme Côté
(Sylvana) : Et c'est que ça
touche votre ministère directement parce que les enfants qui arrivent
dans le système d'éducation qui ne
sont pas prêts, c'est drôlement difficile de rattraper. Donc, ça fait paraître
le ministère de l'Éducation pas très bien d'avoir tous ces enfants qui ne sont pas prêts à l'école parce qu'il y a eu des coupures au niveau
des services
de garde en amont, et c'est 95 %
des enfants qui fréquentent un service d'éducation préscolaire avant l'entrée
à l'école aujourd'hui. Donc, c'est clair que ça a des impacts importants.
M. Roberge : Je suis un peu surpris par le dernier chiffre que
vous nous dites, 95 %. Peut-être qu'ils l'ont fréquenté quelque part entre zéro et quatre ans, parce que je sais qu'à quatre ans il y a quand même
20 000 enfants sur les 90 000, à peu près, qui ne sont dans aucun
réseau.
Et je vous
dirai qu'on veut offrir le choix aux parents, bien sûr qu'on veut offrir le
choix aux parents, mais on a une assez grande confiance qu'une bonne
part des 20 000 enfants qui ne sont nulle part dans le réseau de services
de garde éducatifs à l'enfance risquent
d'être les premiers à s'inscrire dans les nouvelles maternelles quatre ans
qu'on va déployer, et ça se révèle, hein, et c'est ce qui arrive. Quand on parle à des
enseignantes, bien souvent, on se rend compte que, souvent, presque la moitié de leur classe sont des enfants
qui n'étaient dans aucun réseau lors de leurs trois premières années. Donc,
si on a 20 000 enfants sur les 90 000 qui ne sont dans aucun réseau
en ce moment à quatre ans, il y a de la place pour 10 000, 20 000 places en maternelle quatre ans, à tout le
moins, pour amener dans un service exceptionnel des enfants qui n'iraient jamais dans un service de garde parce que dans la tête de ces parents-là : Je ne ferais pas garder
mes enfants, mais, s'il y a une place à l'école, par exemple, je vais les envoyer. Est-ce
que vous ne voyez pas là quand même,
ne serait-ce que si ce n'était que pour cette raison-là, une bonne idée
de déployer cette offre?
Mme Côté
(Sylvana) : La maternelle
quatre ans, c'est mieux que de rester à la maison pour les enfants défavorisés.
Alors, moi, je me centre sur les enfants
défavorisés, là, vous l'aurez compris. Donc, pour un enfant défavorisé qui
grandit dans un environnement
plus stimulant, c'est sûr que d'aller à une maternelle quatre ans, c'est mieux
que de rester à la maison, mais c'est nettement supérieur d'être intégré
en amont dans un réseau d'éducation préscolaire de bonne qualité.
La barrière
principale à l'utilisation des services de type CPE, c'est le manque de places.
Une fois qu'on va avoir réglé ce
problème de manque de places, on pourra parler des parents qui ne veulent pas
de place, mais il y en a possiblement très,
très peu, de parents qui ne veulent
pas de place comparativement à tous ceux qui veulent une place, donc je pense
que c'est la première chose à adresser.
M. Roberge : Je partage avec vous cette opinion qu'on manque
de places en CPE, puis on va les déployer, mais c'est quand même
particulier, parfois, parce qu'il y a des gens qui nous disent : Vous ne
devriez pas ouvrir 500 classes, 1 000 classes de maternelle quatre ans parce
qu'il n'y a pas de locaux, puis on manque de profs à certains égards, faites plutôt des CPE. Or, les locaux des CPE sont
pleins, puis les CPE sont en rareté de personnel aussi. Ils nous disent qu'ils
ont de la misère à recruter. Donc, c'est quand même
un enjeu d'une façon ou de l'autre. Si on veut ouvrir des CPE, il va falloir
investir dans du béton parce que les locaux
vides, ils n'existent pas, puis il va falloir travailler très, très
fort pour recruter des éducatrices
parce que des éducatrices en chômage qui attendent une place en CPE, il n'y en
a pas non plus. Est-ce que
vous partagez ces constats-là que, de toute façon, on a une pénurie de locaux
puis une pénurie d'éducatrices?
Mme Côté
(Sylvana) : Oui. Donc, il y a
des investissements majeurs à faire dans la petite enfance, et là,
nous, ce qu'on dit, c'est :
Suivez la courbe de Heckman, là, prenez l'ensemble du développement de zéro à 15 ans, là, 16 ans, puis investissez comme ça. Mettez-vous ensemble, là, les locaux, les
professionnels, les éducateurs, on met tout dans le même pool...
Le Président (M.
Asselin) : Nous allons poursuivre avec la députée de Saint-Laurent
pour la suite des choses.
Mme Rizqy : Merci
beaucoup. Le ministre
parle du manque d'enseignants, de pénurie d'enseignants, pénurie de locaux. Quand on compare... Tantôt, vous, d'entrée
de jeu, vous nous avez mentionné la taille, dimension humaine : les CPE,
c'est maximum 80 enfants; les écoles, c'est
en moyenne 370 enfants, il y a des écoles aussi avec 1 000 enfants. Est-ce que c'est plus facile, logiquement,
de créer un CPE taille humaine à 80 enfants ou de créer une autre école à
350 enfants?
Mme Côté
(Sylvana) : Je partage les
inquiétudes des parents quand ils pensent que d'amener un enfant de
quatre ans à l'école... je veux dire, c'est stressant commencer l'école
pour les parents, pour les enfants. C'est stressant à cinq ans, on
peut penser que ça va l'être à
quatre ans aussi. Donc, oui c'est clair, la recette... le gâteau lève
quand on est dans un contexte CPE avec tout ce qui vient avec. Je pense
que d'essayer de faire des CPE dans les écoles ou d'essayer de faire des
sections préscolaires dans les écoles... Le préscolaire, il ne commence pas à
quatre ans, le préscolaire...
Mme Rizqy : Bien, ma question à
moi était la suivante : Est-ce que c'est plus facile de créer des CPE, des
véritables CPE, là? Pas des CPE dans des
écoles, parce qu'évidemment on ne va pas transférer les CPE dans les écoles, en
tout cas ce n'est pas notre intention à
nous. Mais pensez-vous que créer une dimension humaine, un CPE d'un maximum 80,
c'est plus facile que de bâtir une école de 350 places?
Mme Côté
(Sylvana) : Bien, ma logique
me dit que oui, mais je vous avoue que ce n'est pas du tout mon expertise.
Mme Rizqy : J'ai bonne foi en
votre logique.
Mme Côté (Sylvana) :
Alors, moi, ce que je dis, c'est qu'on va dépenser beaucoup d'énergie et de
ressources financières et... Si on prenait
ensemble : Bon, voici les écoles qu'on a et les CPE qu'on a, comment on
organise la chose?, au lieu d'essayer de se diviser tout ça, parce que
les enfants ne sont pas divisés, eux, et les familles ne sont pas divisées.
Mme Rizqy :
Effectivement. Puisque vous êtes professeure, je vois aussi que vous avez une
très bonne logique, on va continuer
encore dans votre logique. Pénurie d'enseignants, tantôt vous avez mentionné
que les éducateurs, éducatrices, vous avez évalué, dans les indicateurs,
que les éducateurs en CPE étaient déjà prêts et qu'ils aimaient ça. Je
comprends qu'il y a quand même une pénurie,
autant dans les enseignants que... par exemple, on voit que ça commence à être
difficile d'avoir des éducateurs,
éducatrices, mais la formation est différente. Ici, éducateur, on parle
technique de trois ans, alors que
pour un enseignant il faut quand même qu'il fasse d'abord son D.E.C. et, par la
suite, un autre quatre ans. Pensez-vous qu'il est plus facile de
pourvoir au besoin d'éducateurs ou de pourvoir au besoin d'enseignants?
Mme Côté (Sylvana) : Le problème, là, c'est que la profession la plus
importante au monde, l'éducation des jeunes enfants, elle n'est pas valorisée. Il n'y a personne qui va aller dans
cette profession-là parce qu'elle n'est pas reconnue à la hauteur de ce qu'elle est. C'est une des fonctions
les plus importantes de la société. La responsabilité des éducateurs, elle
est immense, il faut valoriser cette
profession, donner des opportunités de développement de carrière conséquentes
et avoir des excellents programmes de formation.
Mme Rizqy :
On en est totalement d'accord avec vous. Et toujours dans cette même veine, en
ce moment il y a présentement, au niveau des écoles, quand même une pénurie
d'enseignants. Est-ce que vous, vous trouvez que, justement, ce n'est peut-être pas approprié d'aller aussi
rapidement vers des maternelles quatre ans alors qu'il y a un contexte de
pénurie d'enseignants?
Mme Côté (Sylvana) :
Ma logique me dit qu'effectivement ça ne va pas dans le bon sens, mais...
voilà.
Mme Rizqy :
Merci. Tantôt... j'aimerais qu'on revienne, si vous permettez, à votre premier
ou deuxième acétate, où vous avez une
chronologie du temps. On va profiter d'avoir... Ah! 1979, je pense que c'est la
deuxième, celle avec le temps. Oui, revenez... parfait. Si on recule en
arrière, initialement, les maternelles quatre ans, l'objectif, c'était quoi
lorsqu'on les a déployées?
Mme Côté
(Sylvana) : Bien, c'était justement
de favoriser l'égalité des chances des enfants défavorisés. Il n'y a aucune
évidence que ça a fonctionné, hein? Nous avons même des données, que je n'ai
pas présentées aujourd'hui, qui montrent
que, pour certains enfants qui avaient des vulnérabilités déjà au départ, ça
n'a pas aidé du tout et même peut-être au contraire. Donc, voilà. Depuis le
début, l'idée des maternelles, c'est d'amener une scolarité plus tôt pour
favoriser l'égalité des chances et on
n'a pas vraiment d'évidence que ça a fonctionné. Par contre, les données de
l'ELDEQ montrent que le réseau de
l'éducation préscolaire, lui, réussit à diminuer l'écart entre les enfants
défavorisés et ceux qui ne le sont pas sur certaines mesures.
• (17 h 10) •
Mme Rizqy :
O.K. Est-ce que ça a quand même aidé les enfants en milieu défavorisé justement
de les mettre en milieu de quatre ans lorsque, par exemple, entre zéro et
trois ans, ils n'ont pas fréquenté un centre de la petite enfance?
Mme Côté
(Sylvana) : Oui, mais là
l'évidence scientifique, là, elle est très rare, là, parce que
la question porte, dans
le fond, sur la combinaison des expériences
éducatives puis qu'est-ce que ça donne, et donc ça, ce n'est pas clair du tout.
Mais, quand on regarde l'ensemble des données sur le développement de l'enfant, on voit que quatre ans, on a manqué une fenêtre d'opportunité
très, très importante en agissant en quatre ans.
Il y a aussi
le fait que c'était une mesure ciblée. Les mesures ciblées ont des avantages et
elles ont des désavantages et un des désavantages, c'est qu'on met ensemble des
enfants qui sont à risque. Et les associations qu'on a pour les CPE, par
exemple, c'est... il y a une mixité sociale très, très importante qui
probablement est favorable.
Mme Rizqy :
O.K. Et là, maintenant, suivant ce que vous venez de mentionner, si on pousse
la logique de mettre ça mur à mur, universel, libre choix pour tous les
parents, est-ce qu'on augmente ou on diminue les égalités des chances?
Mme Côté (Sylvana) :
Alors, ça dépend comment c'est fait, bien sûr. Une chose qui... tu sais, il y a
toute cette discussion sur le choix des
parents, là, il est bien possible que les parents qui ont une place en CPE
choisissent de rester en CPE et qu'il y ait, en maternelle quatre ans,
seulement les enfants qui n'ont pas de place en CPE. Ça, ça reviendrait au même
que ce qu'on a en ce moment, là, ou à peu près, ça reviendrait à une mesure
ciblée. Donc, ça, ça pourrait augmenter les
inégalités parce que les CPE... Bon, je comprends que le ratio va être différent,
tout ça, la maternelle... la prématernelle
va être différente de ce qu'elle était à ce jour, mais à ce jour, elle n'était
pas de très bonne qualité, et donc un
enfant était mieux de rester en CPE. Si certaines familles choisissent de
rester en CPE et d'autres choisissent d'aller en prématernelle et il y a une espèce de sélection, c'est ceux à risque
seulement qui vont en maternelle, bien, on peut augmenter les inégalités
ou, en tout cas, ne pas les réduire.
Mme Rizqy :
O.K. En étude de crédits détaillés, on a demandé combien coûtait une place en
CPE. C'est environ 5 600 $
par enfant en CPE, alors qu'en maternelle quatre ans, projeté, le ministre a
dit autour de 10 500 $. Je sais que ce n'est pas votre champ
d'expertise, mais toujours selon votre logique et selon vos études, tant qu'à
investir de façon aussi importante
autant d'argent et qu'on a en ce moment cet argent, est-ce qu'on devrait, à ce
moment-ci, mettre les CPE complets au Québec et finaliser au complet le
réseau?
Mme Côté (Sylvana) :
Bien, c'est clair. Ça me semble clair. Oui, tout à fait.
Mme Rizqy :
Merci. Et en terminant, il nous reste environ deux minutes, pouvez-vous, là,
vous, nous dire votre opinion sur les études... parce qu'en ce moment je sais
qu'il n'y a pas unanimité en recherche et on a eu plusieurs experts,
mais très peu d'études et vous, vous êtes arrivée avec des études et des
comparables. Selon vous, là, s'il y a une étude qu'on devrait lire, là, parce que je sais qu'il y en a quand même
beaucoup, mais ce serait laquelle qu'on devrait vraiment lire concernant les maternelles quatre ans pour que
tout le monde, au moins, on puisse au moins avoir peut-être un consensus
qui va se dégager sur quelque chose entre les maternelles quatre ans et CPE?
Mme Côté (Sylvana) : Entre
maternelles quatre ans et CPE, donc vous parlez d'une étude québécoise.
Mme Rizqy :
Oui.
Mme Côté (Sylvana) : Il n'y
en a pas, il n'y a
pas d'étude québécoise. Il y a l'EQDEM, il y a l'EQDEM qui va
fournir un peu d'information, donc ce que je vous ai présenté tout à l'heure,
mais il n'y a pas d'étude québécoise qui permet
de comparer maternelle seulement, CPE seulement au jour d'aujourd'hui. Dans l'ELDEQ, ce n'est pas possible de le faire.
Il y a vraiment de trop petits nombres d'enfants qui ont fait
juste un ou l'autre. C'est la combinaison qui est étudiée dans l'ELDEQ.
Et puis c'est
important quand même, mais le manque de données est super criant, là, parce que
les données internationales, c'est formidable, bien sûr
que ça prend un corpus de données internationales pour prendre des décisions, mais là on est dans des services et le «counterfactual»,
la catégorie de comparaison, là, à l'international, elle n'est pas ce qu'elle est au Québec,
et donc ça, c'est...
Mme Rizqy :
Parlons-en, parce que le premier ministre nous a souvent parlé de l'exemple
français, New York, Ontario. Rapidement, est-ce qu'on peut se comparer avec
eux?
Mme Côté (Sylvana) : Alors, les enfants sont les enfants puis les
facteurs de risque sont les mêmes, en gros. Mais c'est clair que la famille défavorisée de New York qui va en maternelle
versus qui reste à la maison, ce n'est pas du tout... si son option,
c'est maison versus le «pre-k» new-yorkais, ce n'est pas du tout la même option
qu'on a au Québec de CPE versus maison ou
maternelle versus CPE, O.K.? Donc, si on veut comprendre l'effet des
maternelles en comparaison avec les CPE, ça prend... il faut faire avec
des données québécoises.
Le Président (M. Asselin) : Je vous remercie. On va continuer avec le deuxième groupe d'opposition. La députée
de Sherbrooke va continuer.
Mme Labrie : Merci. Nous, en ce moment, on est face à un projet de loi qui vient modifier la Loi sur
l'instruction publique pour
reconnaître le droit à la maternelle quatre ans. En ce moment, cette loi-là
reconnaît le droit à la fréquentation scolaire
à partir de cinq ans. Est-ce que, d'après vous, la meilleure façon d'investir en
petite enfance, ce serait de reconnaître plutôt dans une loi — plutôt
ou en même temps, de faire les deux, là — le
droit de tous les enfants à un service éducatif à la petite enfance dès la première année de vie et
de s'assurer, donc, de pouvoir offrir une place à tous les enfants qui le
souhaitent comme on le fait pour le réseau scolaire?
Mme Côté (Sylvana) : Ça me semble être une excellente idée, vraiment.
L'éducation devrait être prise dans son ensemble. Elle ne commence pas à quatre ans, elle commence dès la
naissance. Le droit à l'éducation... tu sais, pourquoi ce projet de loi
porte sur les quatre ans? Pourquoi pas sur les trois ans? Pourquoi pas sur les
deux ans, comme en France? Sur quoi est
fondé le choix de quatre ans? Le droit à l'éducation, ça commence effectivement dès le tout début de la vie.
Mme Labrie : Merci. Et puis advenant que le gouvernement n'ait pas d'ouverture à aller dans ce sens-là et souhaite miser sur la
maternelle quatre ans, quelles seraient les conditions indispensables à réunir
pour s'assurer de maximiser l'effet positif de ces maternelles-là en
termes de ratio, d'environnement éducatif? Qu'est-ce qu'on devrait faire?
Mme Côté
(Sylvana) : Il faudrait faire ce qu'on fait dans les centres de
la petite enfance en centre qui ont la qualité
la meilleure, O.K.? Donc, il faut aller voir ces centres-là, mais par contre il
faut voir quel serait l'avantage pour nous d'investir dans le développement de services comme ceux des centres de
la petite enfance de bonne qualité dans les écoles. Quelle serait la valeur
ajoutée? C'est la question. Est-ce que ça vaut notre énergie, nos
investissements, nos ressources? Est-ce
que les parents, s'ils ont le choix, vont être capables de faire le choix?
Parce que, franchement, trouver un service éducatif pour son enfant, que ce
soit scolaire ou préscolaire, c'est un marathon. Les parents les plus
compétents, les plus branchés et plus
éduqués ont un mal fou à trouver des services d'éducation préscolaire et des
services scolaires qui leur conviennent. Je ne vois pas comment
d'élargir l'offre va faciliter la tâche des parents.
Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup. On vient de passer les derniers
2 min 40 s avec le deuxième groupe d'opposition. On va
aller maintenant aller passer les deux derniers 2 min 40 s avec
la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Merci beaucoup. Mais, écoutez, M. le Président, on avance parce qu'on a un
ministre de l'Éducation qui nous a dit avec son coeur qu'il était
pro-CPE, on a des représentants de l'opposition officielle qui sont maintenant pro-CPE, alors, en tout cas, en termes de services
de garde éducatifs, je pense qu'on est en train de dresser un consensus que
peut-être qu'il faut aller vers les CPE et
qu'il faudrait élargir l'offre et qu'effectivement, quand on parle de choix des
parents, il faudrait que tous les
parents du Québec puissent avoir le choix d'aller en CPE, alors qu'en ce moment
il y a à peu près 22 % des enfants qui les fréquentent.
Donc,
moi, là-dessus, je veux vous amener... vous parlez beaucoup de l'importance
d'agir très tôt. Donc, en ce moment,
on a un gouvernement qui nous dit : On a le programme Agir tôt, avec le
ministre Carmant, en services sociaux pour
créer des passerelles, on a 1,5 milliard de dollars pour les maternelles
quatre ans puis on va créer à peu près 10 000 places dans les CPE. Ce n'est pas chiffré, ça, mais donc
on a près de 2 milliards de dollars. Vous, là, cet argent-là, en priorité,
où vous le mettriez? C'est mon premier enjeu.
Puis,
le deuxième, on a entendu, tout à l'heure, comme gros argument pour envoyer les
enfants de quatre ans à la maternelle
de dire : Les services sont beaucoup plus accessibles, les services
spécialisés, à l'école versus les services de santé, dont pour les plus
petits, santé et services sociaux. Comment vous réagissez à cet argument-là?
• (17 h 20) •
Mme Côté (Sylvana) :
Bien, concernant la première question, j'investirais cet argent-là selon
l'équation de Jim Heckman, prix Nobel en
économie Donc, alors l'éducation, en fait, elle commence au début. Elle est
intergénérationnelle, l'éducation,
hein, alors, déjà, d'investir avec les parents à risque au moment de la
grossesse pour les préparer à l'éducation préscolaire de leurs enfants et préparer le cerveau de l'enfant avec des
comportements de santé sains pour la mère, donc, déjà, on est au tout début de
la vie, et ensuite, graduellement,
investir de moins en moins au fil du développement scolaire. Et puis
insister pour ceux qui ont des facteurs de risque, puisque les populations qui
s'en tirent le moins bien, ce sont eux qui
ont le plus besoin de prévention. Ils utilisent beaucoup de curatif, ils
utilisent très peu de préventif. Donc, on veut être là en préventif pour
les populations qui ont des facteurs de risque, même si les risques ne sont pas
exprimés encore.
Ensuite, concernant la deuxième question...
Mme Hivon :
C'étaient les services, parce qu'un des arguments, c'est de dire : Il faut
les envoyer à l'école parce que les services professionnels sont là.
Le Président
(M. Asselin) : Malheureusement, notre temps est écoulé. Je
vous remercie beaucoup de votre contribution à nos travaux, Mme Côté.
Et je suspends quelques instants, le temps de se
réorganiser pour le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 21)
(Reprise à 17 h 22)
Le
Président (M. Asselin) :
Alors, avant de débuter, je vais demander le consentement pour dépasser de
quelques minutes l'heure prévue de la fin de nos travaux. Merci. Oui?
Parfait.
Donc, je vous
laisse peut-être vous présenter comme il faut, puis on a un 10 minutes
pour la présentation de votre mémoire et puis après ça on va débuter les
échanges doucement. Allez-y.
Groupe de recherche sur le capital humain de l'Université
du Québec à Montréal (GRCH-UQAM)
M. Merrigan (Philip) : Merci.
Mon nom est Philip Merrigan, je suis professeur au Département des sciences économiques à l'École des sciences de la gestion
de l'UQAM et je suis aussi chercheur au Groupe de recherche en capital humain. Donc, c'est pour ce groupe-là que je parle
aujourd'hui, mais, ce que je ne dirai pas, ils ne seraient pas tous d'accord
avec qu'est-ce que je dis, mais en grande partie, je pense que oui, j'ai
vérifié.
Le Président
(M. Asselin) : Excellent. On est prêts à entendre toutes
les opinions.
M. Merrigan
(Philip) : Donc, le Groupe de recherche en capital humain poursuit des
études, entre autres, sur l'impact des
politiques québécoises qui visent l'augmentation du capital humain au sens
large : stocks de santé, compétences cognitives et non cognitives de la petite enfance à
l'adolescence. Le capital humain est fondamental au bien-être puisque ses
effets positifs s'étalent sur
plusieurs années de vie d'un individu, donc plus il est élevé à un jeune âge,
plus il aura le temps de créer des
bénéfices. C'est un argument simple qui incite les gouvernements à réfléchir
sur les politiques de capital humain pour la petite enfance et
l'adolescence.
Plusieurs des études des chercheurs de notre
groupe ont évalué l'impact de la politique de garde à tarification réduite de 1997 sur l'emploi et sur le
développement des enfants. Nous avons montré que la politique avait eu des
effets substantiels sur l'emploi des
mères, non seulement pendant la petite enfance, mais aussi lorsque l'enfant est
d'âge scolaire. Cependant, nous avons trouvé des effets négatifs de la
politique sur les enfants et les mères — santé, comportement, tests cognitifs pour les petits — pendant la petite enfance, corroborant ainsi
les résultats de Baker, Gruber et Milligan, d'autres chercheurs canadiens. Par contre, nous démontrons
que ces effets négatifs étaient présents surtout pendant les premières années de la mise en application de cette
politique, s'estompant vers 2006. Nous trouvons aussi que ces effets négatifs
en petite enfance n'ont pas persisté à l'école primaire ou au secondaire.
Cependant, nous ne trouvons pas, de manière générale, d'effets positifs
de la politique sur les enfants.
Il faut
ajouter que Baker et ses coauteurs publient actuellement une étude qui montre
des effets négatifs de long terme de la politique des services de garde sur les
jeunes. Nous n'avons pas le temps ici de discuter en profondeur des différences
entre les approches retenues pour évaluer cette politique, mais nos résultats
de long terme suggèrent plutôt
des effets neutres de la politique de garde. Enfin, Kottelenberg et Lehrer,
deux chercheurs ontariens, trouvent des effets positifs de la politique de garde sur deux indicateurs pour un
échantillon d'enfants défavorisés, mais ne montrent pas que ces effets
positifs persistent à long terme.
Les
travaux sur la qualité par Christa Japel et son équipe montrent qu'au début de
la mise en place de la politique
la qualité n'était pas élevée dans le
réseau, bien que plus élevée dans les CPE. Les investissements doivent donc se
poursuivre pour maintenir les acquis durant la petite
enfance, et la qualité doit être au rendez-vous, particulièrement en milieu
défavorisé. Nous avons aussi évalué
l'effet de la réforme scolaire de 2000 sur les résultats en mathématiques et
nous montrons des effets négatifs de
la réforme. Ces résultats sont corroborés par Simon Larose, professeur à
l'Université Laval. De plus, les cohortes
les plus anciennes d'enfants ayant été touchées par ces politiques, soit celle
de garde soit la réforme scolaire de 2000,
sont maintenant d'âge universitaire. Une analyse sommaire des statistiques ne
montre rien de particulier pour ces cohortes
en termes de réussite scolaire. Si un des objectifs de ces politiques, garde et
réforme scolaire, était l'amélioration du capital humain et aussi une réduction des inégalités dans la réussite
scolaire, elles ne semblent pas avoir atteint leur but.
Depuis
2013, des efforts ont été faits pour augmenter le nombre de places en
maternelle quatre ans, en particulier dans
les quartiers défavorisés. Cela a du sens, car, on le sait, plusieurs enfants
de quatre ans ne sont pas en service de garde et n'ont pas accès aux services éducatifs, de plus plusieurs sont en
milieux défavorisés. En effet, du point de vue de l'équité, il semble qu'il
soit nécessaire que tous les enfants aient accès aux mêmes services éducatifs.
Dans une recherche
financée par le fonds de recherche québécois Société et culture, Christa Japel
et son groupe ont évalué les premiers pas de
la politique maternelle quatre ans. Ils concluent : «Nos résultats indiquent
que l'intensité et la qualité des maternelles quatre ans ont très peu
d'effet sur la préparation à l'école et, ainsi, ne réduisent pas de façon
significative l'effet des conditions sociodémographiques des enfants [et] leur
préparation à l'école.»
Ajoutons
une étude américaine récente très imposante de Grover Whitehurst, à la
Brookings Institution, qui arrive aux
mêmes conclusions que Japel pour les États-Unis. En gros, il nous dit que les
preuves empiriques pour appuyer des politiques maternelles pour réduire les inégalités
ne sont pas très fortes.
Est-ce
que le maintien de la politique de la maternelle quatre ans réussira à
augmenter de manière significative le capital humain des enfants au Québec, en
particulier celui des enfants défavorisés? La réponse dépend de plusieurs
paramètres, à notre avis. La recherche internationale propose plusieurs
pistes pour le succès d'une telle politique. D'abord, il faut que les
enseignants aient la formation nécessaire pour travailler avec des enfants de
quatre ans et de milieux défavorisés, donc spécialisé/se dans le domaine. Deuxièmement, les classes doivent être
très petites. Troisièmement, on doit intervenir aussi au niveau des
parents. Quatrièmement, les programmes doivent s'adapter aux problèmes
spécifiques des populations suivies — les
solutions à Montréal sont possiblement différentes de celles pour le
Bas-St-Laurent. Cinquièmement, le suivi doit se poursuivre bien au-delà de la maternelle. Finalement, la mise en
place doit se faire de manière graduelle afin qu'une évaluation de l'impact de la politique puisse se
faire et permettre une adaptation de la politique aux ratés incontournables
associés à toute entreprise de ce genre.
• (17 h 30) •
Ceci
étant dit, le système éducatif du Québec, sur la base des tests internationaux,
semble aussi efficace que ceux des autres provinces canadiennes et se classe
bien au niveau international, et ce, peu importe la classe sociale de l'enfant.
Cependant, ce qui est particulier au Québec
est le très faible taux de diplomation du secondaire après cinq ans et même
après sept ans au secondaire, pour les garçons de milieux défavorisés, en
comparaison avec ceux du reste du Canada. Pourtant, les garçons défavorisés du Québec ne semblent pas
faire moins bien que ceux du reste du Canada en ce qui a trait aux résultats des tests cognitifs. Il est donc possible que les
difficultés des garçons se situent à un niveau non cognitif comme la motivation,
le prestige associé au diplôme, le manque d'estime
de soi, etc. Plusieurs des interventions en petite enfance qui améliorent
substantiellement le succès à l'école dépendent de leur impact sur des facteurs
non cognitifs. Il sera possiblement souhaitable
que les aspects non cognitifs du développement préoccupent ceux qui
construisent les programmes d'intervention en maternelle quatre ans.
Je
pense que, si on met en place un programme rigide, monolithique, sans évaluation, qui ne
concerne que le court terme et qui se déploie trop rapidement,
on verra surgir les mêmes échecs qu'avec la politique de garde à contribution réduite et la réforme scolaire
en ce qui concerne les effets sur les enfants, en particulier sur ceux des
enfants démunis, défavorisés. Il est
difficile pour l'école de compenser le manque de ressources, autant monétaires
qu'en capital humain, des foyers très défavorisés ou brisés par la
drogue, la violence ou le manque d'amour. Il faut considérer d'autres pistes
que l'école pour donner à tous les enfants
une bonne chance de réussir. En effet, il n'y a pas de substitut parfait à un
foyer stable avec des revenus
adéquats pour subvenir aux besoins de base et surtout avec des parents qui
croient à la réussite de leurs enfants
et aux bienfaits d'une longue éducation, mais les politiques... une politique
prudente basée sur des preuves empiriques puisse augmenter les chances
de réussite pour des milliers d'enfants qui, clairement, n'en ont pas.
Puisque la stratégie
proposée touchant les quatre ans englobe aussi les services de garde, il faut nécessairement
s'assurer que les enfants qui en
bénéficieront reçoivent des services éducatifs de la qualité équivalente à ceux
qui seront donnés en maternelle.
Enfin, il faut espérer rendre aux contribuables les sommes importantes
qui seront investies dans cette politique en produisant des analyses bénéfice-coût de la politique
pour s'assurer de leur efficacité. Malheureusement, les données pour évaluer les politiques
éducatives du gouvernement sont à peu près inexistantes ou très difficiles
d'accès. Il faut donc de nouvelles enquêtes
sur les enfants et faciliter l'accès des données au ministère de l'Éducation pour les fins de la recherche. La recherche quantitative en éducation appuyée sur des
données de qualité est un outil indispensable pour la création de politiques
efficaces en éducation. À mon avis, on n'y fait pas suffisamment appel dans les débats sur les
orientations politiques en éducation. Il faut espérer qu'on mettra en
place les moyens pour que cette recherche puisse se faire au Québec. Merci.
Le Président (M. Asselin) : Merci
beaucoup, M. Merrigan. Je vous
invite à nous suivre durant les différentes occasions de converser avec vous.
Là, on va commencer avec le ministre
de l'Éducation pour 16 minutes. À
vous la parole.
M. Roberge : Merci bien, M. le Président. Merci pour
votre présentation. Vous avez dit dans votre présentation, un des critères, qu'il fallait qu'il y ait
une bonne formation des gens qui interviennent auprès des tout-petits. Mais à
la fin je n'ai pas compris, au fond. Est-ce que vous êtes en faveur du
déploiement de la maternelle quatre
ans offert à tous ou pas?
M. Merrigan
(Philip) : Oui, je suis en
faveur de mécanismes qui permettent aux enfants défavorisés d'avoir de meilleures chances de réussir à l'école. Que ce
soit la maternelle, que ce soit le CPE, dans le fond, si c'est ces objectifs-là
qui sont atteints, peu importe de la manière qu'on les atteint, je pense que
c'est important de garder ça en tête, bon.
En ce qui a trait à la maternelle quatre ans,
bon, on voit que les premiers pas qui ont été faits, selon l'étude de la Pre Japel, semblent démontrer qu'il y a
beaucoup de difficultés à ce
niveau-là. Donc, c'est pour ça que,
si on utilise la maternelle quatre ans pour atteindre les objectifs de
réussite scolaire pour les enfants en milieu défavorisé... parce que, si on
regarde l'enfant de classe moyenne au Québec ou de classe favorisée, j'irais un
peu contre ce qui a été dit un peu précédemment,
le niveau de problèmes est complètement... n'est pas du même ordre. Si vous
regardez les statistiques sur le taux
de diplomation au secondaire et puis vous regardez selon la classe sociale ou
le niveau de revenus des parents, les taux
qui sont très, très bas sont dans des milieux défavorisés. Par exemple, prenez
la commission scolaire de Montréal, si vous
regardez le taux de graduation des jeunes après cinq ans, jeunes garçons après
cinq ans, je ne sais pas si on est à 40 %, je ne sais pas, après sept ans,
si on est à 50 %. Donc, c'est pour ça que, si on y va par la maternelle
quatre ans, et je n'ai pas d'objection
qu'on y aille par la maternelle quatre ans — comme Mme Côté, je n'ai pas d'objection
qu'on y aille par la maternelle
quatre ans — il faut
s'assurer de le faire comme il faut, puis il y a assez d'études empiriques dans
le monde qui disent comment
faire pour qu'on le fasse comme il faut.
M. Roberge : Là-dessus, on s'entend, il y a
assez d'études qui nous disent comment faire pour pouvoir le faire. Mais
des fois j'ai un peu de misère à suivre.
L'avant-dernière page de votre mémoire, il y a un paragraphe
qui dit : «Je pense que, si on met en place un programme
rigide, monolithique, sans évaluation, qui ne concerne que le court terme,
[...]on verra [des] échecs...» Et de
quel programme parlez-vous, «un programme rigide,
monolithique, sans évaluation, qui ne concerne que le court terme»?
M. Merrigan (Philip) : Bien, je
pense, par exemple, au programme de services de garde qui a été mis en 1997, c'est-à-dire on a adopté une façon de faire, on n'est jamais
revenus en arrière. Même si à la fin on voyait qu'on n'avait pas de succès au
niveau de la réussite scolaire des
enfants, on a continué à appliquer le même modèle puis on n'a pas cherché
à réviser le modèle de base, même si, à la fin, les objectifs en termes de
réussite scolaire des enfants n'étaient pas atteints. C'est ça que je veux dire. C'est-à-dire qu'il faut se donner la flexibilité à
l'intérieur de l'implémentation de la
politique pour être
capables de revenir en arrière, de regarder les résultats des évaluations puis
de dire : Ça ne va pas. Comme si on regarde les résultats de
Mme Japel, actuellement, sur les maternelles quatre ans, il faut dire que
ça ne va pas, que, si on continue avec exactement
ce même modèle là, si on l'applique à la grandeur du Québec de la même façon, il y a des chances que ça ne fonctionne pas.
Donc, c'est pour ça que, dans mon mémoire, je
parle d'une mise en place lente, prudente de cette politique-là et de la mettre en place où on en a plus le
besoin, soit chez les enfants défavorisés qui ne sont pas en service de garde, parce que, si on regarde la majorité des enfants de quatre
ans qui ne sont pas en service de garde, c'est généralement parce qu'ils sont de familles monoparentales avec un parent à l'aide sociale ou des familles où la mère ne travaille pas parce que, dans ce temps-là, le CPE puis la
garderie familiale ne sont pas disponibles pour ce type de familles. Donc,
c'est dans ce sens-là que je parle d'une mise en place lente, de façon
à ce qu'on soit capables d'évaluer si les objectifs sont atteints et puis, si
les objectifs ne sont pas atteints, de se poser des questions et puis de revoir
la politique de
manière à ce que les objectifs
soient atteints. Parce que la politique des services de garde, ça fait
20 ans qu'elle est mise en place, et, à mon avis, je ne vois pas d'étude empirique qui démontre que la situation
des enfants québécois a été améliorée en termes de leur capital
humain suite à 20 années de cette mise en place d'une politique qui coûte,
après tout, plus de 2 milliards de dollars aux contribuables. Oui, elle a eu des effets positifs sur l'emploi des
mères, ça, on ne peut pas nier ça, mais est-ce qu'elle a eu des effets positifs sur le développement des enfants et leur préparation à l'école? Moi, je n'ai pas vu d'étude
montrant les effets positifs là-dessus.
M. Roberge : Concernant l'étude, le rapport de Mme Japel,
je peux vous rassurer tout de suite de deux manières. D'abord, on ne peut plus s'y fier, puis ça peut nous
rassurer, parce que le système a évolué depuis. Puis la bonne nouvelle, c'est qu'on a pu s'y fier pour l'améliorer. Donc,
cette étude-là ne reflète pas ce qui va se passer dans nos classes en 2019.
Donc, elle a été utile, mais elle ne peut
pas être utile pour juger ce qui s'en vient parce que, depuis, on a lancé
des études pour avoir un
programme-cycle de deux ans, alors que Mme Japel a étudié un système
qui n'avait qu'une année de quatre ans et une année de cinq ans où il n'y avait
pas d'arrimage, où on était au début, il
y avait très peu de formation
continue pour les enseignants — ce
qu'on a maintenant — où
il n'y avait pas de financement. Dans les premières années
de l'implantation, il n'y avait pas d'argent dédié à l'aménagement du local — et elle le disait bien dans l'étude, les
locaux sont inadaptés — il n'y avait pas
d'argent non plus pour acheter le matériel — puis elle le disait bien dans l'étude, le
matériel est inadapté. Donc, on en a tenu compte, c'est très bien, mais
on ne peut pas l'utiliser maintenant pour l'avenir.
Sur ce, je vais laisser la parole à mon collègue
député de Beauce-Sud, si je ne m'abuse. Merci.
Le Président (M.
Asselin) : M. le député de Beauce-Sud, pour
9 min 18 s.
M. Poulin :
Merci beaucoup, M. le Président. Je vous salue, M. Merrigan. Certainement,
vous nous apprenez à... vous apprenez ou du moins vous nous amenez,
plutôt, à penser en dehors de la boîte.
Différents
éléments que j'ai retenus de votre intervention. La première, certainement,
peut-être il n'y a pas suffisamment
d'études qui démontrent que la mise en place d'un service de garde éducatif à
l'enfance pourrait éventuellement avoir
un impact sur notre jeunesse québécoise. Mais il y a une chose qui est sûre,
c'est que, si on l'enlevait, je pense qu'on aurait l'impact qui serait démontré, à quel point
qu'on s'est dotés d'un service extrêmement important à la fois pour le
détectage, mais, bien entendu, pour bien accompagner nos familles et nos
enfants. Cependant, vous nous...
• (17 h 40) •
M. Merrigan (Philip) : C'est
votre opinion, ça.
M. Poulin : Bien, écoutez, je pense que, si on ne l'avait pas, on serait certainement surpris des impacts qu'il ne pourrait
pas y avoir, parce que je pense que ça a certainement dépassé le simple fait de
l'employabilité chez les femmes à ce moment-là.
M. Merrigan (Philip) : Mais il
n'y a pas d'étude, actuellement, qui le démontre, monsieur...
M. Poulin :
Ah! bien, peut-être qu'il n'y a pas d'étude qui le démontre. Maintenant, il
faut se poser la question...
M. Merrigan (Philip) : ...donc
votre intervention reste au niveau de l'opinion.
M. Poulin :
Bien, elle démontre l'opinion, mais, écoutez, je pense que, lorsqu'on est sur
le terrain aussi, hein, avec les gens dans le réseau, on voit
certainement les résultats qu'ils peuvent amener.
Je veux vous
amener, justement, sur différents éléments que vous portez. Je ne sais pas s'il
y a des études qui le supportent, là,
mais vous dites : «...ce qui est particulier au Québec est le très faible
taux de graduation — vous en
avez parlé tout à l'heure, là — du secondaire après cinq ans et même sept
ans au secondaire pour les garçons de milieux défavorisés, en comparaison avec ceux du reste du Canada.
Pourtant, les garçons défavorisés du Québec ne semblent pas faire moins bien
que ceux du reste du Canada en ce qui a trait aux résultats [de] tests
cognitifs.» Vous dites : «Il est donc possible que les difficultés
de ces garçons se situent à un niveau non cognitif, motivation, prestige
associé au diplôme — c'est
intéressant — manque d'estime de soi[...]. Plusieurs des
interventions en petite enfance qui améliorent substantiellement le succès à l'école
dépendent de leur impact sur des facteurs non cognitifs. Possiblement que les
aspects non cognitifs du développement devraient préoccuper ceux qui
construisent les programmes d'intervention en maternelle quatre ans.»
Alors, ce que
vous nous dites, c'est qu'à l'intérieur d'un programme même de prématernelle
quatre ans on devrait aller chercher
des acquis de la vie — je le mets entre guillemets — des acquis de gestion du stress, des acquis
de performance, des acquis de
concurrence entre élèves et entre jeunes. J'aimerais vous entendre davantage à
ce niveau-là.
M. Merrigan (Philip) : Bien, il
faut aussi... on peut parler en termes... moi, je peux parler aussi en termes d'enseignants. Bien, c'est que, premièrement, il y
a les bonnes habitudes, hein? Ça, les bonnes habitudes, ce n'est pas un aspect cognitif, hein, c'est un aspect de
comportement qu'on peut, avec les bonnes interventions, développer. En d'autres
mots, des choses aussi simples que faire ses
devoirs de manière régulière. Mais ça, un enseignant, seulement lui, ne peut
réussir à donner ces habitudes-là à son enfant.
C'est pour ça
que, lorsqu'on regarde les études qui sont les plus convaincantes aux
États-Unis, qui sont faites par le
prix Nobel Heckman, dont on vient de parler, sur des interventions chez les
petits enfants, qui ont des impacts positifs sur leur développement à très long terme, on parle beaucoup de ces
facteurs-là, des facteurs non cognitifs. Même que ces interventions-là
qui ont été faites aux États-Unis ne montrent aucun impact à long terme sur le
cognitif, mais pourtant on voit plein
d'impacts positifs sur une baisse du taux de criminalité, une augmentation de
l'emploi, une baisse du chômage. Et
ça, c'est des interventions qui ont été faites aux États-Unis avec des enfants
très défavorisés alors qu'ils ont trois ou quatre ans.
Mais ce qui
est remarquable de ces interventions-là, c'est justement... c'est que les
parents sont extrêmement impliqués.
Donc, le parent, en conjugaison avec l'intervenant ou l'éducateur, pourra
réussir à établir des bonnes habitudes dès la petite enfance de façon à
ce que, lorsqu'un enfant se fait dire : Tu dois faire tes devoirs, tu dois
étudier, ainsi de suite, bien, l'enfant le
fera. J'ai eu, justement, sur le terrain des éducatrices en milieu défavorisé
qui me disaient... souvent, le matin,
ils demandaient aux enfants : Avez-vous fait vos devoirs?, et puis aucun
des enfants n'avait fait ses devoirs. Mais ça, ce n'est ni de la faute de l'enfant ni de la faute de l'éducateur.
Les éducateurs ou les éducatrices, ils ne peuvent se substituer aux
parents. Ils ne peuvent se substituer aux parents.
Donc, c'est pour ça, je pense, que ces
interventions-là qui sont faites chez les très petits et qui sont dans des
situations très défavorisées, là — quand on parle «très défavorisées», là,
je parle des familles à très, très faibles revenus, où les foyers sont brisés, où il y a de la drogue ou de la violence, ou
ainsi de suite — c'est
très, très, très difficile pour l'enfant d'amener ce qu'il a appris le jour chez lui ou chez elle le soir et
continuer à pouvoir améliorer ce qui a été appris le jour.
M. Poulin :
Puis je vous répondrais également que ça prend tout un village pour élever des
enfants, hein? Alors, oui, il y a une
responsabilité des parents, bien évidemment, mais également des éducateurs ou
des éducatrices aussi, c'est très important.
Je veux vous
amener sur un autre point de votre intervention. Vous dites : «Il est
difficile pour l'école de compenser pour le manque de ressources, autant
monétaires qu'en capital humain, des foyers très défavorisés ou brisés par la
drogue, la violence ou le manque
d'amour — et ça
revient à ce qu'on vient de dire, à l'importance que tout un village puisse
élever nos enfants. Il faut considérer d'autres pistes que l'école pour donner
à tous les enfants une bonne chance de réussir.» À qui faites-vous
référence?
M. Merrigan
(Philip) : Bien, je pense aux travailleurs sociaux, aux infirmières,
parce que, justement, quand on revient encore à ces études-là qui ont
démontré des effets à très long terme chez des enfants très, très, très
défavorisés aux
États-Unis, il y avait aussi des interventions à la maison. Donc, c'est ça que
je veux dire, il n'y a pas que l'école pour amener l'enfant à réussir, il y a aussi ses parents. Et, si les parents
eux-mêmes sont en manque de moyens pour aider leur enfant, ou ils n'ont pas le temps, ou ils sont
dans une situation si difficile en couple qu'ils n'arrivent pas à... ou s'ils
n'ont pas l'éducation nécessaire pour
aider leurs enfants, bien, à ce moment-là, le travail qui aura été fait à
l'école ne sera pas nécessaire pour amener cet enfant-là à un autre
niveau.
M. Poulin :
Mais c'est toute la réflexion que nous avons, présentement, sur... de bien
accompagner les parents lorsqu'ils ont des
enfants et à quel point une prématernelle quatre ans permet plus tôt, dans
la vie d'un jeune, d'un enfant, d'avoir, oui, un dialogue avec l'enfant,
mais aussi d'avoir un dialogue avec les parents sur ce qui se passe à la
maison, parce que, bien évidemment, les
enseignants, les enseignantes, mais également les éducatrices en milieu de
services de garde ont un échange avec les parents, ont une discussion
qui permet d'allumer bien des lumières.
Presque
en terminant, j'avais un autre point sur votre intervention. Vous dites :
«Depuis 2013, des efforts ont été faits pour augmenter le nombre de
places maternelles quatre ans en particulier dans les quartiers défavorisés.
Cela fait du sens, car on [...] sait [que]
plusieurs enfants de quatre ans ne sont pas en services de garde à quatre ans,
et n'ont donc pas accès aux services
éducatifs.» Vous dites même, bon : «...plusieurs sont de milieux
défavorisés. En effet, du point de vue de l'équité, il semble nécessaire
que tous les enfants aient accès aux mêmes services éducatifs.»
Donc, cette équité-là
dépasse aussi les milieux défavorisés, parce qu'on dit, lorsqu'on est un
gouvernement, lorsqu'on fait des politiques publiques : On se doit de
donner la même chance à tout le monde d'avoir accès. Il n'y a pas deux classes de citoyens, déjà qu'on sait
qu'il y a différentes classes socioéconomiques au Québec. Donc, cette notion-là
d'équité, j'imagine, vous la percevez également dans l'ensemble des politiques
publiques à travers le monde.
M. Merrigan
(Philip) : Oui, aussi, mais même au Québec, à travers... Mme Côté
vient de nous dire que la qualité est
très supérieure des CPE, donc il y a de l'inégalité, hein, à l'intérieur de la
politique même des services de garde, mais il faudrait s'assurer qu'il y ait
une qualité minimale dans tous les services de garde, que ce soient garderies
familiales, que ce soient CPE. Si
c'est de faire plus de CPE, qu'on fasse plus de CPE pour augmenter la qualité,
mais, à mon avis, je pense que c'est inacceptable qu'on ait des groupes
d'enfants qui sont dans des garderies de moins de qualité que d'autres.
M. Poulin :
Bien, il y a l'équité de la qualité puis il y a l'équité de l'accès, bien
évidemment, parce qu'on vise tous une
qualité supérieure, particulièrement pour nos enfants au Québec, mais l'équité
de l'accès, peu importe le code postal, peu importe d'où les gens
vivent, elle doit guider les politiques publiques d'un gouvernement.
M. Merrigan
(Philip) : Oui, oui, oui, pas de doute, mais, étant donné que les
enfants défavorisés sont si loin en arrière
des enfants favorisés, il faut s'assurer qu'en plus de l'accès on leur donne
les outils nécessaires de manière à ce qu'ils
puissent avoir des chances de réussir à l'école. Parce que, quand on regarde
les statistiques, on voit qu'il y a encore des dizaines de milliers d'enfants qui n'arrivent pas à graduer en cinq
ans au secondaire, c'est quand même quelque chose de très... Pour moi, c'est quelque chose de très
préoccupant qu'une société qui est riche comme la nôtre n'arrive pas à avoir
des taux de graduation de 85 %,
90 % après cinq ans au niveau secondaire, c'est quelque chose à laquelle
je n'arrive pas à comprendre.
Le
Président (M. Asselin) : M. Merrigan, on va continuer avec
la députée de Saint-Laurent. À vous la parole.
Mme Rizqy :
Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais juste revenir... Tantôt, je n'ai
pas bien compris quelque chose, vous
avez mentionné : services de garde, ce n'est pas toutes les familles
québécoises qui ont accès à ça. Vous avez dit que les familles monoparentales ou sur l'aide sociale ne pouvaient
pas avoir accès à ça. J'aimerais juste clarifier. O.K. Parfait.
M. Merrigan
(Philip) : J'ai dit : Lorsqu'on regarde les statistiques, la
majorité des... surtout chez les trois, quatre ans, la majorité des
enfants qui ne sont pas en service de garde sont plutôt de milieux défavorisés.
Mme Rizqy :
O.K. Parfait. Merci d'avoir...
M. Merrigan
(Philip) : Ça s'explique assez simplement, parce que souvent c'est des
familles dont la mère ne travaille pas
ou la mère est à l'aide sociale. Donc, dans ce temps-là, c'est plus difficile
pour ces familles-là d'avoir une place en CPE, parce que la majorité des
places en CPE sont occupées par des familles où la mère travaille.
Mme Rizqy :
Bien, je m'excuse, mais c'est basé sur quoi?
M. Merrigan
(Philip) : C'est basé sur des statistiques de l'ELNEJ, par exemple,
madame, l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes
au Canada.
Mme Rizqy :
Oui, mais il n'y a pas de barrières au Québec pour avoir une place dans un
service de garde ou un CPE.
• (17 h 50) •
M. Merrigan
(Philip) : Non, mais ce n'est pas ça que je vous dis, ce n'est pas ça
que je vous dis. Je vous dis : Même
s'il n'y a pas de barrières, le fait est qu'on trouve... les enfants qui ne
sont pas en garderie viennent beaucoup plus de familles défavorisées que
de familles favorisées.
Mme Rizqy : O.K. C'est juste que j'aimerais juste clarifier, parce que
tantôt, sincèrement, quand vous avez parlé... comme si vous avez
laissé sous-entendre, puis c'est pour ça que je me permets de revenir, comme
quoi qu'au Québec il peut avoir...
M. Merrigan
(Philip) : Bien, je...
Mme Rizqy :
Non, mais juste clarifier, juste...
M. Merrigan
(Philip) : Écoutez, je ne suis pas un expert sur la question des
entrées...
Mme Rizqy :
Non, non, j'aimerais juste... une seconde, M. Merrigan...
M. Merrigan
(Philip) : ...mais il me semble qu'il y a toujours eu implicitement une priorité des places vers les
mères qui travaillaient.
Mme Rizqy : Mais, M. Merrigan, honnêtement, non. Au Québec, là, il n'y a pas de barrières, là. Une femme qui travaille ou qui ne travaille pas peut inscrire
son enfant dans un CPE ou dans un service
de garde, et même que si elles sont
sur l'aide sociale, c'est gratuit. Alors,
juste pour clarifier, parce que les gens qui nous écoutent à la maison... puis
c'est pour ça que je me permets de
clarifier, parce que je ne veux pas inquiéter qui que ce soit, puis
c'est pour ça que je me permets de revenir sur ce sujet.
Tantôt,
vous avez mentionné les formations qui devraient être aussi au rendez-vous. Vous avez mis des conditions, en fait, pour aider ou, à tout le
moins, pour favoriser une implantation graduelle, que vous avez parlé, des maternelles
quatre ans, vous avez parlé des formations, des classes, des parents et des
programmes qui répondent, au fond, aux besoins de la population, et par conséquent, par exemple, à Montréal versus au Saguenay, ça ne sera peut-être
pas nécessairement la même
réalité.
Si
on regarde Rive-Sud de Montréal, Laval, Montréal, il y a évidemment un accroissement important de la population.
Pensez-vous que, dans ces endroits-là, c'est la priorité, les maternelles
quatre ans, ou pas?
M. Merrigan
(Philip) : La priorité, pour
moi, là, c'est en quartier défavorisé, que ce soit à Montréal,
à Québec, au Bas-Saint-Laurent.
Mme Rizqy : O.K. Présentement, avec la population étudiante... des élèves, en fait, pardon, qui
augmente de façon assez importante, on l'a vu cette semaine, d'ailleurs,
assez tristement, dans des écoles spécialisées, est-ce qu'on devrait davantage
mettre de l'argent pour s'occuper des besoins actuels présents présentement, les élèves présents dans nos écoles?
M. Merrigan
(Philip) : Je ne pourrais pas vous répondre là-dessus.
Mme Rizqy :
O.K. Puis au niveau de la formation, qu'est-ce que vous suggérez?
M. Merrigan
(Philip) : Bien, écoutez,
l'idéal, ce serait de faire comme en France puis d'avoir des enseignants qui
ont des maîtrises en éducation spécialisée pour les enfants de...
Mme Rizqy :
O.K. Puisque nous sommes dans contexte de pénurie d'enseignants, il y a
certains scénarios qui ont été envoyés dans
les médias, par exemple qu'on pourrait avoir... avec la maîtrise
qualifiante sur une période de 10 ans. Trouvez-vous
que ça peut être acceptable d'avoir une personne qui n'est pas encore
qualifiée pour le préscolaire... d'aller chercher une maîtrise
qualifiante sur une période de 10 ans?
M. Merrigan
(Philip) : C'est difficile pour moi de répondre sans savoir exactement,
dans le programme, qu'est-ce qu'il y aurait, tout ça. Mais ça revient à mon point de
le faire de façon graduelle pour s'assurer que les enseignantes et les enseignants qui feront le travail auront la formation
nécessaire pour faire le travail. Donc, c'est dans ce
sens-là que je parle de quelque chose de graduel.
Et l'autre chose, si
vous le permettez, la meilleure façon de régler le problème de pénurie d'emploi
chez les enseignants puis les enseignantes,
c'est d'augmenter substantiellement leur salaire. Si on fait ça, on va voir que
la pénurie va diminuer assez rapidement. C'est une chose que l'économie
nous enseigne, ça, c'est que généralement, dans un secteur,
quand on voit que les salaires augmentent rapidement, on voit que les
gens vont rapidement aussi vers le secteur vers lequel les
salaires...
Mme Rizqy :
Vous suggérez quel montant?
M. Merrigan
(Philip) : Hein?
Mme Rizqy :
Et vous suggérez quel montant?
M. Merrigan
(Philip) : Bien, écoutez, ça, ce n'est pas ma spécialité, mais on peut
parler certainement d'une augmentation de 20 % des salaires.
Mme Rizqy :
Substantiel, c'est 20 %?
M. Merrigan
(Philip) : Bien, c'est quand même pas mal. Aimeriez-vous ça avoir une
augmentation de 20 %?
Mme Rizqy :
Moi, écoutez, je vais m'abstenir de commenter nos salaires, hein, vous
comprendrez.
Si vous permettez, si
on revient sur... Si nous revenons sur les maternelles quatre ans...
Le
Président (M. Asselin) : ...
Des voix :
Ha, ha, ha!
Mme Rizqy :
Vous savez que j'ai le fou rire facile, hein, c'est tellement injuste. Alors...
dis-je donc... Là, vous m'avez fait une farce, M. le Président.
Le
Président (M. Asselin) : ...
Mme Rizqy :
M. le Président... D'accord.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Mme Rizqy :
Désolée pour ce moment. Alors, revenons sur la formation des enseignantes. À
part le salaire, quoi d'autre que
vous nous suggérez? Ah non! Savez-vous quoi? Je viens de reprendre mon fil
conducteur. Je l'ai perdu, je viens de le reprendre, vous permettez?
Vous parlez beaucoup du...
M. Merrigan
(Philip) : Pensez-vous à un salaire 20 % plus élevé, qu'est-ce
que vous... les vacances que vous auriez avec ça?
Mme Rizqy :
Ah non, inquiétez-vous pas, côté vacances, nous avons suffisamment de vacances,
j'en suis bien contente.
Mais,
si on revient, vous avez parlé de capital humain, vous parlez des femmes qui
vont au travail, et tout ça. Si on
regarde la plage horaire des maternelles quatre ans versus les services de
garde, en ce moment, maternelle quatre ans, si par exemple ça commence à
8 heures versus les CPE, services de garde, 7 heures le matin, avec une plage
d'horaire étendue, qu'est-ce que vous
favorisez davantage pour permettre aux parents de pouvoir avoir plus... de ne
pas toujours être à la course, en fait?
M. Merrigan
(Philip) : Écoutez, encore là, ça revient toujours à la même chose. Le
Vérificateur général, quand il avait parlé des services de garde, hein,
après l'école, il trouvait que la qualité n'était pas là.
Mme Rizqy :
Je parle des plages horaires.
M. Merrigan
(Philip) : Hein?
Mme Rizqy :
Plages horaires.
M. Merrigan
(Philip) : Non, mais c'est
ça, mais, si vous avez des plages horaires plus faibles, ce qui fait en sorte
que les enfants finissent plus rapidement
l'école, il faut simplement s'assurer que les services après
l'école soient aussi de qualité. C'est comme ça que je répondrais à
votre question.
Mme Rizqy : Juste pour bien comprendre, est-ce que vous avez
dit qu'après l'école les services de
garde n'étaient pas de
qualité?
M. Merrigan
(Philip) : Ce n'est pas moi, c'est le Vérificateur général qui l'avait
dit.
Mme Rizqy : Et est-ce que vous vous rappelez c'était quoi,
les facteurs qui faisaient en sorte, selon le vérificateur...
M. Merrigan
(Philip) : Écoutez, il y a quelques années, je ne sais pas si le
Vérificateur général a revu cette situation-là
ou si le gouvernement a mis en place des méthodes de manière à améliorer les
services de garde après l'école.
Mme Rizqy :
O.K. Bon, je vais céder la parole à ma collègue Westmount—Saint-Louis.
Le
Président (M. Asselin) : À vous la parole, Mme la députée de Sherbrooke...
ah non, excusez, Westmount—Saint-Louis,
oui, oui, on a encore deux minutes.
Mme Maccarone : Merci beaucoup,
M. le Président. Merci. Petite question. Vous avez mentionné dans votre mémoire
que ce serait politiquement prudent d'aller vers l'avant, basé sur des preuves
empiriques. Que feriez-vous si vous étiez de l'autre bord de la table, au gouvernement? Vous feriez quoi, quand on parle de l'implantation de la maternelle quatre ans, pour avoir exactement
ces preuves empiriques pour savoir qu'on y va vers l'avant comme il faut?
M. Merrigan (Philip) : Oui.
Bien, ce que je voulais dire aussi, c'est que les preuves empiriques, déjà, ils
nous montrent, disons, quoi faire de façon
assez importante. Ça ne veut pas dire non plus que, même si
on met ça en place, ça va fonctionner à 100 %, hein? C'est pour ça que, dans ce sens-là, c'est important
d'être prudent de manière de voir ce qui ne va pas et puis ensuite de... hein? Mais les preuves empiriques nous
disent : des éducatrices très spécialisées en enfance défavorisée,
des petits groupes et puis des interventions qui sont faites aussi de la
famille, ça, on le sait que ça a déjà fonctionné.
Puis
deuxièmement il faut qu'il y ait du suivi parce que, si on fait quelque chose
seulement pendant un an, ça n'aura pas
d'effet sur toute la vie de l'enfant. Si on fait quelque chose pendant deux
ans, ça n'aura pas d'effet dans la vie de l'enfant. Mais, si on prend
l'enfant en situation difficile puis on suit son parcours à l'école puis son
parcours à la maison, on est capables de
faire une espèce de conjugaison entre les services qui sont donnés à l'école
puis la façon dont les parents vont pouvoir
orienter leurs enfants vers la réussite scolaire. Ça, on sait, à travers
certaines études, que ces facteurs-là ont réussi à augmenter de manière substantielle non seulement la réussite scolaire
de l'enfant, mais, plus tard dans la vie, moins d'accès au chômage,
moins d'accès à l'aide sociale, moins de criminalité aussi.
Mme Maccarone : D'abord, selon vous, ce serait imprudent d'aller vers
l'avant faire des maternelles quatre
ans mur à mur. Est-ce que ce serait
prudent, d'abord, de faire une comparaison avec la maternelle quatre ans actuelle, que nous avons dans le réseau
scolaire et le quatre ans que nous avons, mettons, dans un CPE?
M.
Merrigan (Philip) : Mais on
a déjà l'étude de Mme Japel qui met en place et qui dit : Bien,
voici ce qui ne va pas, donc déjà il y a une base empirique pour dire qu'est-ce
qu'on doit faire pour faire mieux.
Le
Président (M. Asselin) : Je vous remercie. On a épuisé un peu notre temps, là. Maintenant,
je donnerais la parole à la députée de Sherbrooke. À vous.
Mme Labrie : Merci,
M. le Président. Premièrement, j'aimerais ça m'excuser auprès de M. Merrigan pour le fou rire,
le malaise qu'il y a eu par
rapport à la question du salaire.
Vous n'êtes peut-être pas au courant, c'est parce qu'il y a un projet de loi, en ce moment, par
rapport au salaire des députés, donc il y avait un... c'est pour ça que ça a
réagi.
M. Merrigan (Philip) : J'espère
que ce sera positif en votre faveur.
• (18 heures) •
Mme Labrie : Ah! bien, on n'en parlera plus. Je voulais seulement
vous expliquer pourquoi on a tous réagi, là, pour que vous soyez dans le
coup.
Je vois, dans
votre mémoire, que vous mentionnez, à la fin, la question que c'est important
de produire des analyses coût-bénéfice
quand on fait des politiques publiques. Je trouve ça très intéressant que vous mentionniez ça parce que, justement, la personne qui vous a précédé en commission, je
ne sais pas si vous avez assisté à sa présentation, elle mentionnait que,
quand on investit plus tôt, le plus tôt possible dans la petite enfance, c'est
là qu'on a les retombées les plus intéressantes. Puis là ici...
M. Merrigan
(Philip) : ...je pourrais
qualifier en milieu défavorisé en plus. Les rendements sont encore plus élevés.
Mme Labrie : Oui. Donc là, ici, on se retrouve devant un
projet qui n'a pas fait l'objet d'une analyse coût-bénéfice par rapport aux retombées pour la population. J'aimerais ça savoir ce que vous pensez de ça,
quand le gouvernement met en place une politique publique sans
avoir fait une étude comme ça au préalable.
M. Merrigan
(Philip) : Bien, moi, je juge
qu'il y a suffisamment d'études empiriques pour mettre en
place, commencer un programme et le
cibler. Donc, je ne suis pas en faveur d'un programme qui se déploierait rapidement
et puis qu'on aurait partout identique à travers le Québec.
On est capables d'identifier de façon assez claire des quartiers ou des régions
à travers le Québec où le niveau de défavorisation est assez important,
à Montréal, à Québec, peut-être à d'autres endroits. Donc, si moi, j'étais
le ministre de l'Éducation, c'est là que je regarderais en premier...
Mme Labrie : Mais pour la mesure qu'on implante, je veux dire.
Ça, identifier les quartiers, on le connaît, on a des données là-dessus,
mais pour choisir quelle mesure implanter, de ne pas comparer l'effet de ces
mesures-là?
M. Merrigan
(Philip) : Bien, c'est dans
ce sens-là, je me dis : On a une certaine connaissance de ce qui peut
fonctionner, donc essayons ce qui a déjà été
mis en place ailleurs puis qui a fonctionné, mais commençons petit, de manière
à évaluer ce qu'on fait. Puis là, si ça marche, bien, on continue puis on
l'étend. Mais, si ça ne marche pas, on revient en arrière puis on essaie de trouver ce qui va faire une différence
pour ces enfants-là. Je ne sais pas je me fais bien comprendre en disant ça.
Le Président (M.
Asselin) : Merci beaucoup. On va
poursuivre avec la députée de Joliette.
Mme Hivon : Merci beaucoup. Alors, peut-être juste... Vous avez dit que la politique
familiale, à la lumière des résultats
que vous aviez, n'avait pas donné les résultats escomptés. Moi, je ferais juste
une nuance à savoir que, justement,
la pierre angulaire de
cette politique-là, c'étaient les centres de la petite enfance, et
puis il y a eu tranquillement un désintéressement par certains gouvernements et certains élus des CPE pour aller vers d'autres services de garde. Donc, je pense que ça va être une variable importante, comme
Mme Côté le disait.
M. Merrigan
(Philip) : C'est possible,
ça. C'est tout à fait possible que... ou il y a plus de qualité
ailleurs, il y en a eu moins, de sorte que l'effet global, en moyenne,
sur les enfants a été neutre.
Mme Hivon : C'est
ça, je voulais juste mettre cet élément-là.
Je trouve ça intéressant que vous disiez qu'il
faut agir tôt, qu'il y a toutes sortes de pistes qui ne sont pas que scolaires ou que liées à l'école. Vous en avez
parlé avec le député de Beauce sur la
question, donc, des autres facteurs que les facteurs cognitifs. Donc, je vous pose la question à
2 milliards. Donc, en ce moment, on parle à peu près de 2 milliards
qui va être investi dans le projet. Si vous,
vous aviez le choix d'investir cet argent-là tôt pour agir, où vous
l'investiriez, scolaire, facteurs de prévention, services sociaux?
M. Merrigan
(Philip) : Bien, étant donné, comme je dis... je suis comme... En tout
cas, si vous regardez les études américaines
qu'on appelle les... avec... de vie expérimentale, groupes traitements,
c'est-à-dire c'est l'étalon d'or des études empiriques, on a commencé
encore plus jeune, c'est-à-dire qu'on a pris des enfants qui étaient à trois
ans, à deux ans.
Parce qu'on
remarque... simplement des enfants qui sont en milieu favorisé, défavorisé,
vous les regardez à deux ans ou trois
ans, la différence dans le nombre de mots qui est connu, bien, déjà, l'écart
est énorme. Donc, comme on voit en France,
bien, on est maintenant avec un système scolaire maternelle à trois ans avec
des éducatrices qui ont des diplômes spécialisés en éducation à l'âge de
trois ans.
Mais, à mon
avis, je reviens là-dessus, l'argent va être le mieux dépensé s'il est dépensé
vers les familles défavorisées. Je veux juste revenir là-dessus.
Mme Hivon :
O.K. Donc, vous, vous êtes vraiment dans un discours complètement opposé à
celui de M. Royer, qui dit : Il ne faut justement pas
prioriser le défavorisé. Vous, vous dites : Au contraire, c'est là que le
rendement pour l'investissement est le plus important.
M. Merrigan
(Philip) : Bien, je suis un économiste, je suis un économiste, donc
forcément, quand je regarde un problème, je ne regarde juste pas en
termes d'équité, je regarde aussi en termes d'efficacité.
Le Président (M.
Asselin) : Merci beaucoup, M. Merrigan, pour la
contribution à nos travaux.
Je suspends nos travaux jusqu'au jeudi 30 mai,
après les affaires courantes. À bientôt.
(Fin de la séance à 18 h 5)