(Onze heures trente-deux minutes)
La Présidente
(Mme de Santis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission de la culture et de
l'éducation ouverte. Je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie
de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de poursuivre l'étude
détaillée du projet de loi n° 151, la Loi
visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans
les établissements d'enseignement supérieur.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente : M.
Ouellette (Chomedey) sera remplacé
par M. Hardy (Saint-François)
et M. Kotto (Bourget), par Mme Fournier (Marie-Victorin).
Étude détaillée
(suite)
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci, Mme la secrétaire. Hier, lors de l'ajournement de nos travaux,
la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques était sur le point de nous présenter un amendement insérant un nouveau
paragraphe 12.1°
au deuxième alinéa de l'article 3.
L'amendement vous a été distribué. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, veuillez nous faire lecture
de votre amendement et nous le présenter.
Mme
Massé : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, chers collègues,
ça me fait plaisir d'être ici ce matin pour
cette deuxième vague. Il y a eu une première qui a bien avancé hier, malgré le
fait qu'on a terminé assez tard. Donc, je
propose un nouvel amendement à l'article 3, d'ajouter, après le paragraphe 12°, un
nouveau paragraphe, qui se lirait comme suit :
«12.1° Les
mesures de divulgations des sanctions qui échoient aux personnes ayant fait
l'objet de plainte et dont les manquements à la politique ont été
reconnus, comprenant minimalement, une divulgation auprès de la personne ayant
porté plainte.»
Alors, Mme la Présidente, si je présente cet amendement ce matin, c'est parce que, lors des audiences,
si vous vous rappelez, les groupes
qui interviennent nous ont rappelé combien c'est important, pour les victimes,
de savoir que le geste qu'elles ont
posé, qui leur demande beaucoup de courage, n'est pas un geste qui tombe à plat
et qu'il est important que les
victimes soient informées d'un certain suivi des actions qui sont posées par rapport à la personne qui a posé des gestes.
Alors, je sais que le paragraphe 12° dit :
«Des sanctions applicables en cas de manquements à la politique...» Bien. L'article 12.1°, ce qu'il vient faire, ce
que je propose, c'est qu'il vient dire : Oui, et, quand il y a des
sanctions, bien, ça serait bien que
la victime en soit informée, parce que, Mme la Présidente, c'est ça qui donne
le sentiment d'injustice... de justice, pardon, pas d'injustice, c'est
de savoir que ce que tu as posé comme geste, il y a eu des conséquences, les
conséquences ont été sanctionnées, et donc il est nécessaire d'en tenir
informée la victime.
Je dis :
«...comprenant minimalement, une divulgation auprès de la personne ayant porté
plainte.» Ça peut être autre chose.
Je sais qu'il y a des institutions qui pensent à d'autres affaires. Mais, pour
moi, ce qui est important, c'est que la victime soit informée. Et on a entendu, durant nos auditions, des
groupes qui proposaient d'y aller beaucoup plus largement que ça. Mais, pour nous, ce qui est minimalement
important à cette étape-ci, c'est que la victime soit informée des
sanctions.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci, Mme la députée. Mme la ministre.
Mme David :
Alors, je pense qu'on va pouvoir s'entendre quelque part sur une partie du fond
de la suggestion; sur la forme de
l'amendement, on me dit que cet amendement-là contreviendrait à la loi sur
l'accès en matière de protection des renseignements personnels.
Et donc nous
allons soumettre nous-mêmes, en fait, deux autres amendements qu'on pourrait
suspendre pour vous expliquer, parce
qu'ils s'appliquent à deux endroits de la loi. Et je pense qu'on obtient... je
vous écoutais puis je pense qu'on arrive au même résultat en protégeant
la protection des renseignements personnels.
La Présidente (Mme de Santis) :
Madame.
Mme Massé : Bien, écoutez, je
suis très heureuse d'entendre ça. C'est de même qu'on fonctionne, hein, depuis hier : on s'entend sur le fonds, puis,
après ça, on essaie de trouver les meilleures façons pour le formuler.
N'étant pas juriste, je fais confiance à l'équipe de la ministre, puis on va
regarder ça en temps et lieu.
La Présidente (Mme de Santis) :
Alors, l'amendement, est-ce que c'est retiré?
Mme Massé :
J'imagine qu'il faut que je le retire pour permettre d'arriver à... Mais, avant
de le retirer, si vous voulez, je vais juste jeter un oeil sur ce qui
m'est proposé.
La Présidente (Mme de Santis) :
On va suspendre pour quelques moments.
(Suspension de la séance à 11 h 38)
(Reprise à 11 h 42)
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. On reprend nos travaux. Alors, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
est-ce que vous proposez de retirer votre amendement?
Mme Massé : Oui, j'aimerais retirer
mon amendement.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Est-ce que j'ai le consentement de tout
le monde que l'amendement soit retiré? Merci. L'amendement est retiré. Alors, est-ce qu'il
y a un nouvel amendement,
une proposition d'un autre amendement?
Mme
David : Oui, Mme la Présidente. Alors, je vais déposer un amendement pour ajouter, après le paragraphe 11° du
deuxième alinéa de l'article 3 du projet de loi, le paragraphe suivant :
«11.0.1°...»
La
Présidente (Mme de Santis) :
On n'a pas copie de l'amendement. Est-ce que tout le monde peut avoir
copie, s'il vous plaît?
Des voix : ...
La Présidente (Mme de Santis) :
Alors, on va suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 43)
(Reprise à 11 h 45)
La Présidente (Mme de Santis) : Nous
reprenons nos travaux. Alors, Mme la ministre.
Mme David : Alors, oui, Mme la
Présidente. Donc, ajouter, après le paragraphe 11° du deuxième alinéa de l'article
3 du projet de loi, le paragraphe suivant :
«11.0.1. des mesures encadrant la communication
de renseignements nécessaires à toute personne en vue d'assurer sa sécurité;».
La Présidente (Mme de Santis) :
Veuillez l'expliquer.
Mme David : Alors, écoutez, je pense
qu'on reprend l'essentiel de l'objectif en évitant d'être contestés ou contestables en matière de loi d'accès à l'information des renseignements personnels. Qu'est-ce que les victimes
disent de plus? Je veux savoir si je risque
de croiser mon agresseur dans les corridors. Je veux savoir s'il est là. Je
veux savoir s'il va revenir. Je veux savoir si j'ai à craindre quelque
chose.
Alors, cet amendement, ainsi qu'un autre qui est un peu complémentaire, qu'on présentera
après, dit vraiment qu'on doit
prendre des mesures qui encadrent la communication de renseignements à toute personne. Toute personne, c'est évidemment
la victime en premier lieu, mais on doit prévoir toutes sortes de cas de figure
en vue d'assurer sa sécurité.
Je pense,
avec ce qu'on a entendu, particulièrement l'étudiante à l'UQAM qui nous a fait un grand
plaidoyer... je pense que vous étiez là au
dévoilement de l'enquête ESSIMU...
qui disait que c'était un des facteurs clés qui augmentaient le stress — je ne sais jamais quand je vais le croiser,
où il est, est-ce qu'il est revenu, pas revenu — alors, je pense, c'est une façon qui atteint le même objectif en
n'atteignant pas la question des droits aux renseignements ou à la vie
privée. C'est un grand pas en termes de pratiques par rapport à ces situations
très, très malheureuses.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci, Mme la ministre. Des interventions?
Mme Massé : Bien, oui.
La Présidente (Mme de Santis) :
Allez-y, Mme la députée.
Mme Massé :
Oui. Merci, Mme la Présidente. En fait, oui, effectivement, je considère que
c'est un grand pas. Puis la question
de la sécurité physique et mentale, psychologique est effectivement ce qu'on a,
il me semble, comme législateur, le...
C'est le plus important à protéger. Ce que je comprends, c'est que seuls les
renseignements concernant la sécurité seront possibles de divulgation. Et là
vous faites un lien avec le droit de... la protection des renseignements,
etc. J'en suis. Mais, en même temps, je me
pose une question. Parce qu'on le sait qu'il y a déjà eu des pratiques, par
exemple, où on faisait signer aux victimes, dire : Bon, regarde, on te l'a
dit, là, qu'on a... Pour telle raison, il a été changé...
Par exemple,
O.K. : Pour telle raison, il a été changé d'aile, ou, si on est au cégep,
il été changé de... il n'enseignera plus
ce cours-là, mais plutôt celui-là, bon, peu importent les sanctions. Je ne
parle pas nécessairement toujours rien que des accommodements, parce qu'ici, dans votre proposition, il n'y a plus du
tout la question de la sanction. Ce que vous faites état, c'est beaucoup plus des accommodements.
Mais, par exemple, on dit à la victime : Bien là, maintenant, tu le
sais, et on va te faire signer ici comme quoi tu ne peux pas parler de ça, parce
que...
Bien, je ne
sais pas si vous étiez au courant de cette forme de pratique là. Parce que, et
on le réitère, là, puis, hein, on veut
protéger l'excellence, on veut protéger les institutions, on veut protéger les
professeurs, on veut protéger... Mais nous, on est en train d'écrire une loi pour protéger les victimes. Alors,
j'aimerais entendre la ministre sur... Parce que c'est une pratique qui
existe, qui a déjà existé, je ne dis pas qu'elle existe encore de façon
généralisée. Mais est-ce que, dans cette
perspective-là, on dit à la victime : Bien, on va te le dire, mais tu n'as
pas le droit d'en parler. Mettons, on va te le dire, puis surtout n'avise pas tes autres collègues que ce prof-là,
c'est un taponneux, etc. Ça fait que, moi, c'est un peu ma préoccupation. J'avais l'impression que mon
amendement visait un petit peu plus large. Je comprends qu'il peut y
avoir des contraintes légales. Je ne suis pas juriste, vous le savez. Mais,
voilà, peut-être voir à ce niveau-là.
• (11 h 50) •
Mme David : Bien, écoutez, je
vérifie un certain nombre de choses, parce qu'effectivement il faut penser à
tous les aspects dans ça. Mais il n'est pas dit nulle part qu'il est prévu
qu'on fasse signer à la victime un avis de non-divulgation de ce qu'on lui dit. Il n'est pas écrit, là, nulle part. Et,
même dans l'autre amendement, il n'y a rien de ça. Alors, «des mesures encadrant la communication de
renseignements nécessaires», c'est large. Quels sont les renseignements
nécessaires en vue d'assurer sa sécurité? Sécurité, ça peut être effectivement
mentale, physique. On n'est pas loin de la déduction que la victime peut faire.
Et ce n'est
pas seulement sur l'accommodement. C'est drôle, moi, je le voyais au moins
autant sur la sanction que sur
l'accommodement. C'est vrai qu'il y a un côté accommodement aussi, mais il y a
un côté sanction aussi. Ton agresseur va
être, genre, de retour dans une semaine, bien, il me semble que c'est assez
facile à déduire, à ce moment-là, que, dans une semaine, si ça fait deux mois qu'il est parti, ça veut dire qu'il a eu
une sanction de deux mois et une semaine. Alors, moi, je ne voyais pas ça. En fait, je n'ai même pas pensé
aux questions des accommodements, mais c'est vrai que ça inclut les
accommodements, mais aussi — et
aussi au moins autant, d'après moi — les sanctions.
Alors, c'est
large, cette question de sécurité des personnes, puis je pense que les
établissements vont faire et obliger de
faire un peu de cas par cas, mais je pense qu'on fait vraiment un pas de plus,
significatif, dans la question d'informer la victime, de ne pas la laisser toute seule à dire : Quand va-t-il
être là? Que fait-il? Alors, oui, les accommodements... puis c'est des mesures, souvent, ça, immédiates, mais
aussi... bien là, dans un mois, il va être de retour. Alors, s'il est
parti depuis un mois puis il s'en vient dans
un mois, c'est facile à déduire, quelque chose qui, par ailleurs, n'est pas
divulgable sans le consentement de la personne visée. La personne visée
doit consentir à divulguer des renseignements personnels, c'est-à-dire signer... C'est pour ça qu'il faut,
si la personne ne veut pas contourner un peu cette question... en allant
sur le volet sécurité. Ça ne veut pas dire,
à la limite, que la personne qui a eu des sanctions, à la limite, pourrait
signer en disant : Bien, divulguez à la victime que je reviens dans
un mois. Mais, pour des raisons de sécurité, on va pouvoir le faire de toute
façon.
Mme
Massé : Bien, tout à fait, je le comprends, puis c'est le minimum, tu
sais, la sécurité, ça, c'est vraiment... c'est fondamental. Puis, si, dans votre tête, ça inclut aussi la
sécurité psychologique, là, c'est... j'imagine, considérant vos racines,
on sait de quoi on parle, je pense que c'est fondamental.
Moi, ma préoccupation, c'est quand on parle de
mesures, hein? On dit, donc «des mesures encadrant la communication». On ne se le cachera pas, Mme la ministre, il y a
inévitablement une tension, tu sais, parce qu'on vit aussi dans une culture du viol, donc globalement, ça va
être long avant de déconstruire toute cette culture-là qui a infiltré
chacune des couches de nos sociétés.
Et, par
rapport à la question de faire signer aux victimes des papiers qui
disent : Bien, moi, je m'engage à ne pas parler de ça, à ne pas dire ça, on sait que, un, c'est déjà des
pratiques existantes et, deux, ça pourrait être considéré comme une mesure encadrant la communication. C'est de
dire : O.K., nous, comme institutions, on va développer nos mesures
pour communiquer les renseignements
nécessaires à la sécurité, mais, là-dedans, un coup qu'on va l'avoir
communiqué, une des mesures va être de faire signer la personne pour
dire : Bien, tu n'as pas le droit d'en parler.
Ce pourquoi... puis moi, j'avais déjà préparé un
amendement, là, à cet effet-là, pour nous sensibiliser à ces pratiques-là existantes. On est en train d'essayer
de voir si on ne peut pas l'amener en sous-amendement là-dedans. Parce que la tension, inévitablement, entre la renommée
de l'université, la renommée d'un chercheur, d'un professeur, de... bon,
vous connaissez mieux ça que moi, ça vient
souvent en tension avec ce qui est un peu intégré dans le discours
dominant de la culture du viol,
c'est-à-dire, la petite fatigante qui vient déranger, là, tu sais, c'est une...
puis là j'y vais, là... je pense que les
gens qui nous écoutent savent très bien que je ne suis pas en train de dire ce
que je pense, tu sais, je veux dire, je ne trouve pas que ces femmes-là sont fatigantes, mais, dans la culture du
viol, c'est quelque chose : C'est les victimes qui sont
dérangeantes, c'est les victimes qui sont fautives, c'est les victimes qui font
perdre les jobs, qui ruinent la vie des gars,
etc. Alors, moi, j'aimerais ça qu'on puisse leur dire, aux victimes, aux survivantes et/ou aux survivants, de leur
dire : Écoutez, soyez assurés qu'on ne vous fera pas signer des affaires, parce
que, ça, on met cette balise-là.
Alors, je pense
que, hein, je pense qu'on voit, là... J'aimerais ça entendre la ministre
peut-être là-dessus, puis après je pourrais être prête, Mme la
Présidente, à déposer un sous-amendement.
Mme David : Oui, j'essaie de visualiser, là, puis je pense
que, cette partie-là, je la saisis un peu mieux. C'est que, même si on assure sa sécurité, même si on lui
dit : Il va revenir dans deux mois et que... Vous ne voulez pas que
l'établissement, qui est le seul autorisé, dans le fond, à divulguer ou pas la question disciplinaire de l'agresseur... vous ne voudriez pas qu'on empêche la victime de divulguer
ce qu'on lui a dit comme communication
concernant sa sécurité. C'est ça? Est-ce que je comprends bien?
Mme
Massé : Bien, je ne suis pas certaine que je vous ai comprise, Mme la
ministre, votre voix baisse et mes oreilles aussi.
Mme
David : Bon, je vais répéter puis je vais peut-être être plus claire.
En parlant à haute voix, des fois, puis en répétant, on devient plus clairs nous-mêmes. Je pense que, ce que vous
ne voulez pas qu'il arrive, c'est que, si on... Parce que là on demande
que le projet de loi prévoie les mesures encadrant la communication de
renseignements nécessaires à toute personne en vue d'assurer sa sécurité, mais
que... j'imagine que ce qui risque de s'ajouter, c'est : mais ne pas l'empêcher de dire à ses amis ou de faire un
Facebook ou un tweet : Il est de retour dans deux semaines, genre. Ce
serait... C'est-u ça, là?
Mme
Massé : Oui, c'est ce que les pratiques... Tu sais, quand vous signez
un papier qui dit : Je t'ai donné une information et tu t'engages à
la taire, c'est de ça qu'on parle.
Une
voix : ...
Mme David :
Une réponse qu'on me donne... on n'est pas dans le simple, hein?
Mme Massé :
Non.
Mme David :
Mais vous allez voir que ça se complique encore plus, puis là ça peut jouer
contre la victime. Alors, l'engagement à
tenir certaines informations confidentielles a pour effet, dans bien des cas,
de protéger les victimes contre des
poursuites en dommages de la part de la personne qui fait l'objet de la
divulgation. Donc, de dire : Il s'en vient, il va revenir dans deux semaines, il est dans la classe d'à côté, on l'a
changé de... je ne sais pas quoi, on l'a changé de résidence, etc., et
qu'elle met ça sur Facebook, elle met ça sur Twitter : Il est encore là,
il a eu ça, il a été jugé, mais, regardez,
on est un mois après, je ne sais pas quoi, son procès... on ne peut pas dire
procès, mais son comité disciplinaire... il est déjà de retour.
Et
là, donc, on lui a communiqué ça pour lui dire, pour sa sécurité : Bien,
on aime mieux te le dire, te dire que sa sanction va être terminée. On a
vu, hier, là, tous les délais de traitement, et tout ça. Et que là, à ce
moment-là, bien, l'aspect négatif de ça, ça
peut être que ça se retourne contre elle, en disant : Là, ça suffit, j'ai
été jugé, j'ai eu mes sanctions. On
te l'a dit pour ne pas que tu paniques, puis que tu le saches, puis que tu
voies venir, puis, en plus, tu t'en vas mettre ça sur Facebook. Bien là,
je peux me permettre de te poursuivre en... je ne sais pas quoi, en poursuite
en dommages.
Alors,
je ne suis pas une grande habituée de toutes ces procédures-là. Je comprends
bien qu'on essaie de faire le mieux pour la victime, mais il faut aussi
faire attention à tous les enjeux qui sont en cause.
Mme
Massé : Oui. Bien, c'est sûr. Puis, vous le savez peut-être, Mme la
ministre, mais, dans, disons, la pression qui est faite sur les victimes, notamment dans les grands mouvements de
«hashtag», souvent, la menace de la poursuite est l'outil le plus utilisé pour faire taire les victimes. Vous, ce
n'est pas ça que vous avez dit. Vous, ce que vous avez dit, c'est... Dans le fond, ce pourquoi vous nous
suggérez d'être prudentes là-dedans, c'est de s'assurer de ne pas mettre
les victimes dans une mauvaise trappe.
• (12 heures) •
Mme David :
C'est parce qu'il y a une énorme différence entre les deux cas de figure. Le
@moiaussi, il m'a fait quelque chose, dans la... mais sans procès, sans rien. Dans
la situation qui nous occupe, dans le cas de figure, il y a eu plainte; il y a eu
des mesures d'accompagnement pour la
victime; il y a eu des accommodements, fort probablement; il y a eu, dans les... je pense qu'on était à 90
jours, il y a eu, donc, traitement de la plainte; il y a eu sanction; il y a
eu divulgation à la personne pour des fins
de sécurité. Il revient, il va être là dans deux semaines. Là, on n'est pas
dans : Il m'a fait ça, sur
Facebook, là, il y a eu tout un processus. Et là on ne peut pas dire que c'est
juste comme ça, sans aucune forme de... tout le processus a été bien
suivi, et il a eu une sanction.
Alors,
l'étape de plus, si je comprends
bien, que vous voudriez proposer, c'est que la personne puisse dire : Il
va être de retour, un peu comme quand un pédophile sort de prison, ou un
délinquant dangereux, puis on dit... parce que ça, il y a toute une loi qui entoure les délinquants dangereux, puis il y a
des... Il va ressortir de prison et puis il va être, je ne sais pas
quoi, en liberté conditionnelle ou je ne sais pas quoi. On tombe dans des
choses un petit peu compliquées, là.
Mme
Massé : En fait, moi, mon objectif, c'est surtout d'essayer de voir
comment des pratiques, notamment de musellement
des victimes, sont intégrées dans nos façons de fonctionner, et que, même si on
a une belle politique, si, en bout de
ligne, on muselle la victime... C'est vrai au niveau des institutions, mais
c'est surtout vrai partout où il y a des rapports de pouvoir, partout où il y a des rapports d'autorité, partout
où il y a des rapports de force et où les victimes ne sont pas souvent
celles qu'on appuie d'entrée de jeu.
Alors, moi, c'est
pour ça que le projet, cette idée de sous-amendement, c'était, d'une part,
parce que je sais que la pratique existe déjà, d'une autre part, je sais que
les menaces de poursuite sont l'outil le plus utilisé pour faire taire les femmes victimes soit d'une agression soit du
harcèlement, beaucoup du harcèlement, et au niveau de l'inconduite. Et, en même temps, vous me donniez un exemple. O.K.,
peut-être que les sanctions, dans le processus, c'est une chose, mais ce qui nous protège souvent le
plus, les femmes, c'est quand on est capables de se dire — puis on le fait, les «hashtags» font ça, tu sais : Fais
attention à toi, fais attention à toi, moi, il m'est arrivé ça; faites
attention à vous, moi, il m'est arrivé ça. Alors, c'est pour ça que
j'essayais d'y arriver. On y est-u arrivés?
Des voix :
...
Mme
Massé : On pense que oui. On n'est pas juristes, mais on pense que
oui. Alors, Mme la secrétaire, on va vous envoyer, à l'instant, un
sous-amendement qui s'intégrerait au 3.1°.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci. On va suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à
12 h 4)
(Reprise à 12 h 12)
La Présidente (Mme
de Santis) : Nous reprenons nos travaux. Alors, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
vous avez un sous-amendement au paragraphe 11.0.1° à proposer. Allez-y.
Mme Massé : Oui. Alors, voici, comme vous venez de le dire, le sous-amendement à l'article 3, paragraphe 1.0.1°...
Une voix :
11.0.1°...
Mme
Massé : Ajouter, après le
mot «mesures», les mots suivants : «, ne pouvant comprendre des moyens
pour obliger les victimes à garder [...] silence,».
Voilà.
Je pense que je vous ai un peu émis mon point. Ce que je voulais juste dire, peut-être,
c'est que, dans les faits, ce que je souhaite là-dedans, c'est vraiment
de dire aux victimes : Oui, on vous donne ces mécanismes-là pour vous protéger, mais, en même temps, on n'acceptera
pas qu'il y ait une représaille institutionnelle qui se fasse
en vous faisant garder le silence.
Nous avons des situations, c'est des pratiques qui existent, et je pense
que les institutions dans lesquelles ces pratiques existent,
là, pourraient considérer que c'est une mesure acceptable. C'est dire :
Oui, oui, O.K., on va permettre... on va lui
transférer les informations pour sa sécurité, mais, en même temps, on va s'assurer qu'elle ne dise pas un mot. Et ça, pour moi, ça fait partie d'un bouquet de représailles,
que je ne voudrais pas que cette loi-là puisse permettre aux institutions.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci, Mme la députée. Mme la ministre.
Mme David :
Oui, en fait, elle a exactement employé le mot que je voulais employer,
c'est... On regarde la question, on va
demander de passer à un autre article puis de suspendre temporairement
celui-là, parce que ça fait beaucoup référence à la question
des représailles, et, dans la question des représailles, il pourrait y avoir justement
représailles s'il y a un non-consentement à signer ça. S'il y a
un consentement, on ne peut pas empêcher si la victime consent;
mais, si elle ne consent pas, ça risque
d'être couvert, et c'est ça qu'on veut valider par notre article sur les
représailles. Alors, on va vous
demander un peu de temps pour accorder nos violons d'articles, d'alinéas, de
sous-alinéas. Et je pense qu'on va trouver une façon pour arriver au but
souhaité.
Alors,
on pourrait donc y revenir parce que ça va... à moins que vous vouliez suspendre, ça va
prendre un peu de temps pour la
cogitation juridique de tout ça, et législative, mais on avait parlé d'un autre
amendement hier qu'il fallait récrire, alors on
serait prêts à le soumettre.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Parfait. Alors, une chose à la fois. D'abord, est-ce que j'ai le consentement pour
qu'on suspende le débat sur le sous-amendement et l'amendement?
Une voix :
Oui.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci. Parfait. Alors, maintenant, nous allons procéder à l'étude du
paragraphe 10° de l'article... du deuxième alinéa de l'article 3. Est-ce
qu'on a une... O.K.
Alors, on va
suspendre un instant pour qu'on remette à tout le monde une copie du
sous-amendement.
(Suspension de la séance à
12 h 15)
(Reprise à 12 h 16)
La Présidente (Mme de Santis) : On
reprend nos travaux. Alors, actuellement, c'est un remplacement de l'amendement
qui est proposé. Mme la ministre.
Mme David : Alors, à l'article 3, remplacer le paragraphe 10° du
deuxième aliéna de l'article 3 par le suivant...
La
Présidente (Mme de Santis) :
On va faire le suivant d'abord. D'abord, il y a un amendement
qui est sur la table, il faut
retirer l'amendement qu'on a discuté hier. Est-ce que j'ai... C'est l'amendement
qui se trouve sur cette feuille, O.K.? Alors, est-ce que j'ai le consentement
que l'amendement, qui a été proposé hier de remplacer le paragraphe 10° du
deuxième aliéna par un paragraphe 10°, qui était nouveau, soit retiré?
Une voix :
Oui.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci. Maintenant, Mme la ministre, vous voulez présenter
un autre remplacement au même paragraphe?
Mme David :
Alors, oui : Remplacer le paragraphe 10° du deuxième aliéna de l'article 3
par le suivant :
«10° les
délais d'intervention applicables aux mesures d'accommodements prévues au paragraphe 7°, à l'offre de service prévue
au paragraphe 8° et aux actions prévues au paragraphe 9° ne peuvent excéder 7 jours, tandis que le délai de traitement
des plaintes ne peut excéder 90 jours», virgule.
La Présidente (Mme
de Santis) : Mme la ministre.
Mme
David : Bien, on en a parlé beaucoup
hier. Je pense que le français est beaucoup plus fluide et je pense que ça dit très,
très bien ce que ça veut dire. Ça
réfère aux paragraphes 7°, 8°, 9°. On est dans le 7-90 plutôt que le 5-45
ou le 10-90, ou etc. On est dans le
7-90 et c'est vraiment beaucoup plus clair. C'est simplement une question
de reformulation.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a des interventions? Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme
Fournier : Oui, tout à fait.
Bien, je suis très heureuse qu'on ait pu arriver à ce compromis. Je crois que
la nécessité était bien là de pouvoir
inscrire des seuils maximaux de traitement des plaintes et de prise en charge.
Maintenant, on en a bien discuté hier. Je
pense qu'on entend bien les arguments de la ministre, qui nous a dit que
90 jours, ça pouvait être plus
raisonnable pour certains cas étant donné qu'il peut y avoir des situations
où un étudiant, une étudiante revient après quelques mois, quelques
années. Donc, ça peut prendre plus de temps à ce moment-là pour être sûr de
bien traiter la plainte et aussi que ce soit bien fait, et qu'on s'assure que
le système fonctionne pour qu'il puisse y avoir ce lien de confiance. Donc, ça,
c'est très bien.
Puis le sept jours
aussi, je pense que c'est un bon compromis entre le cinq et le 10 aussi, qui
était proposé. Donc, sept jours, une semaine
pour prendre en charge, donc, et faire les mesures d'accommodement. Ça me
satisfait puis je pense que le
principe est là. C'est une uniformisation pour tous les établissements. Donc, on assure le même niveau de protection pour tout le monde,
et ça, c'est une autre très bonne avancée.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci, Mme la députée. M. le député de Chambly.
• (12 h 20) •
M.
Roberge : Merci bien. Donc, oui, je pense que c'est un travail qui est
conforme aux discussions qu'on a eues hier.
Donc, c'est sûr qu'on aurait souhaité des délais de traitement plus courts que
ça. Puis les gens qui sont venus nous voir aussi lors des auditions ont plaidé avec beaucoup de vigueur pour des
délais qui sont plus courts. Mais on comprend que, dans un monde idéal, on ferait tout rapidement et
très bien. Mais il y a une préoccupation très importante de s'assurer
que le traitement des plaintes ne se fasse
pas à la va-vite pour garder la confiance. Parce qu'il y a justice et apparence
de justice. Donc, le danger est trop
grand, en ramenant des délais trop courts, d'avoir des gens qui seraient
blanchis alors qu'ils ne devraient
pas l'être. Donc, on va se rallier au travail de la ministre et de son équipe.
Je sais que tout le monde a travaillé autour d'elle, donc c'est correct,
ça nous convient. Merci.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : Voilà un travail extraordinaire de collaboration. On a
réfléchi. Pour moi, ça a été un des plus beaux moments, ça, hier, de voir comment, en partant de ce qu'on a entendu des
groupes, en partant des préoccupations qu'on avait autour de la table,
en partant... avec la contribution de la ministre puis de l'équipe
ministérielle, on arrive là à quelque chose de clair. Il n'y a personne qui va
pouvoir dire : On n'avait pas compris que c'était sept jours.
Et,
pour moi, ce qui est une des clés maîtresses en dehors de cet extraordinaire
travail-là, c'est que cet article-là... ce paragraphe-là inclut «ne
peuvent excéder», et «ne peuvent excéder», ça parle d'un maximum. Donc, toutes
les institutions qui vont pouvoir le faire avant, ils comprennent... En tout
cas, si moi, j'étais en charge, je comprendrais qu'idéalement j'ai à le faire
avant. Mais «ne peuvent excéder»... Alors, moi... Bravo, gang! Beau travail.
Alors, on va être contents... contentes d'adopter ce paragraphe.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Est-ce que l'amendement
remplacer le paragraphe 10° du deuxième alinéa de l'article 3 est
adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme de Santis) : Adopté, merci. Maintenant, nous allons à l'étude
du troisième alinéa de l'article 3...
Des
voix : ...
La
Présidente (Mme de Santis) :
Alors, on a suspendu l'étude du troisième
alinéa de l'article 3 du projet de loi, mais on voulait présenter
un sous-amendement. Et maintenant je demande qu'une copie du sous-amendement
soit distribuée à tout le monde.
On
va suspendre pour quelques instants pour que tout le monde ait une copie, et
ensuite je demande à la députée de Marie-Victorin de présenter le
sous-amendement.
(Suspension de la séance à
12 h 23)
(Reprise à 12 h 24)
La Présidente (Mme
de Santis) : Nous reprenons nos travaux. Alors, Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme
Fournier : Oui, merci, Mme la Présidente. Donc, mon sous-amendement se lit comme suit : Donc, il s'agit, à
l'article 3, de modifier l'amendement remplaçant le troisième alinéa de
l'article 3 du projet de loi par :
D'une part, le
remplacement, au premier alinéa, des mots «prévoyant les règles qu'une personne
ayant une relation pédagogique ou d'autorité
avec un étudiant doit respecter si elle entretient des liens intimes tels que
amoureux ou sexuels avec celui-ci.» par les
mots «proscrivant clairement tout lien intime, amoureux ou sexuel entre un
étudiant et un membre du personnel ou de la direction, qui seraient en
relation pédagogique, d'autorité ou d'aide, à l'exception des relations
antérieures à la relation pédagogique, d'autorité ou d'aide.».
En deuxième lieu, le
remplacement, au deuxième alinéa, des mots «toute situation où pourraient
coexister ces liens et relations lorsqu'une
telle situation risque de nuire à l'objectivité et l'impartialité requises dans
la relation ou de favoriser l'abus de pouvoir ou la violence à caractère
sexuel» par les mots «s'il existe une telle relation antérieure au lien
pédagogique, d'autorité ou d'aide, la coexistence de ces liens».
Donc, les alinéas se
liraient donc ainsi :
«La politique doit
également inclure un code de conduite proscrivant clairement tout lien intime, amoureux ou sexuel entre une étudiante ou
un étudiant et un membre du personnel ou de la direction, qui seraient en
relation pédagogique, d'autorité ou
d'aide, à l'exception des relations antérieures à la relation pédagogique,
d'autorité ou d'aide.
«Ce code de conduite
doit comprendre un encadrement ayant pour objectif d'éviter s'il existe une
telle relation antérieure au lien pédagogique, d'autorité ou d'aide, la
coexistence de ces liens.»
Donc, oui, si je peux
l'expliquer...
La Présidente (Mme
de Santis) : Allez-y.
Mme
Fournier : J'en ai déjà parlé hier, comme je vous dis, ce n'était pas
une surprise. J'ai bien pris connaissance de l'amendement qui avait été présenté par la ministre et, comme je l'ai
déjà dit, je pense que ça... c'est un pas dans la bonne direction, parce qu'on comprenait bien
l'intention. Je pense qu'on est tous d'accord pour dire qu'il ne faut pas
que ces situations-là arrivent, que ce type
de relation n'a pas sa place dans un contexte pédagogique. Et on le dit bien,
là, dans l'amendement, on dit que ces
situations-là risquent «de nuire à l'objectivité et à l'impartialité requises
dans la relation ou de favoriser l'abus de pouvoir ou la violence à
caractère sexuel».
Donc,
une fois que c'est dit, est-ce qu'on peut s'entendre pour dire que l'intention
du législateur ici... Si on veut éviter
que ça arrive, bien, il faut qu'on puisse le proscrire clairement dans la loi.
C'est quelque chose qui se fait déjà ailleurs. On a cité les exemples
américains avec les universités de Yale, l'Université Harvard. Même chez nous,
ici, il y a le collège de Rosemont qui a déjà décidé d'agir en ce sens-là et de
carrément les interdire.
C'est
le cas aussi pour d'autres professions, hein, si on regarde les différents
codes de déontologie. On sait que les membres
du personnel des établissements d'enseignement supérieur n'y sont pas
nécessairement soumis. Mais, quand on regarde
d'autres cas de figure, des relations qui pourraient ressembler à des relations
d'autorité, d'aide, donc, comme je l'ai
mentionné... Si on regarde les extraits, par exemple, du Code de déontologie
des psychologues, à l'article 26, sur les conflits d'intérêts et
l'indépendance professionnelle, on dit bien : «Pendant la durée de la
relation professionnelle, le psychologue
n'établit pas de liens d'amitié susceptibles de compromettre la qualité de ses
services professionnels, ni de liens amoureux ou sexuels avec un client...»
Dans le Code de déontologie des membres de l'Ordre des hygiénistes dentaires du Québec, à l'article 48.17, il
est stipulé : «Pendant la durée de la relation professionnelle, le membre
ne peut établir de lien intime,
amoureux ou sexuel avec [le] client.» En ce qui a trait au Collège des
médecins, c'est bien stipulé sur leur site Internet que «le Collège
rappelle aux médecins et à la population qu'aucune forme d'intimité sexuelle
n'est tolérée entre un médecin et un patient ou un(e) patient(e)». Donc, c'est
quelque chose qui existe déjà.
On a pu constater,
lors des consultations particulières, qu'on arrivait même, je pense, à un
consensus social. Il y a de nombreux groupes
qui se sont exprimés en faveur, qui ont réclamé qu'on puisse inscrire la
proscription claire de ce type de
lien. Je vais les nommer : il y a eu la FECQ, qui s'est proposée en
faveur; l'UEQ; la campagne Sans oui, c'est non!; Ni viande ni objet; le regroupement Québec contre les violences
sexuelles; le regroupement RQCALACS; l'AVEQ; la Fédération des cégeps; l'Association des collèges privés du Québec;
Citoyenneté jeunesse; l'ESSIMU. Il y a aussi des syndicats, Mme la Présidente : il y a le FNEEQ-CSN, qui s'est
proposé pour l'introduction, donc, de la prescription claire.
Donc, je pense qu'on est
rendus là. Je pense qu'on reconnaît qu'il faut avoir une uniformisation à
travers le Québec, parce que, quand on pense
à ça, ça ne fait pas de sens de dire qu'on va interdire les relations entre les
étudiants et un membre du personnel en relation d'autorité au collège de
Rosemont, mais qu'au fond ça ne sera pas interdit au cégep du Vieux Montréal, qu'on va peut-être l'interdire au cégep de
Baie-Comeau, mais que ça peut tout à fait être... en fait, que ce n'est pas interdit au cégep de
Sept-Îles, par exemple. Donc, il faut que le message soit clair partout.
Comme je l'ai dit, ce n'est pas des relations qui ont leur place en contexte
pédagogique.
Et, lorsqu'il
y a une situation exceptionnelle où il arrive qu'il y a une relation qui est
antérieure à l'établissement de la
relation d'autorité, de la relation pédagogique ou d'aide, bien, encore là,
oui, il faudrait qu'il puisse avoir un encadrement. Donc, c'est pourquoi que je propose qu'on puisse
avoir, dans ces cas-là, à l'instar de ce qui pourrait arriver lorsque,
par exemple, il y a une relation parentale...
Donc, par exemple, un étudiant que son parent est un professeur, qui se
retrouve dans sa classe, à ce moment-là, il y a des mesures d'accommodement qui
sont prises pour qu'idéalement il ne puisse pas
y avoir l'établissement de cette relation d'autorité. Parce qu'on s'entend
qu'il y a quand même un enjeu éthique aussi à tout ça, qui est très bien amené dans l'amendement de la ministre quand
elle dit que ça peut risquer «de nuire à l'objectivité et l'impartialité
requises» dans ce type de relation.
Donc, c'est
pourquoi j'ai présenté ce sous-amendement aujourd'hui, parce que je pense que
le débat... Je sais qu'il y a eu
beaucoup de travail qui a été fait, notamment au collège de Rosemont, pour
arriver là, mais je pense que justement c'est une réflexion qu'il y a eu dans la société québécoise, dans les
établissements d'enseignement supérieur depuis un an, avec les consultations que la ministre a faites,
et le consensus est en train de se dégager. Donc, moi, je pense qu'il
faut prendre le leadership et qu'on puisse vraiment venir l'inscrire dans la
loi.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci, Mme la députée. Mme la ministre.
• (12 h 30) •
Mme David :
Bien, c'est intéressant. Je pense que
je vais commencer par Ni viande ni objet, parce qu'ils sont exactement
là où je suis, là où on est. Et Ni viande ni objet, je peux-tu dire que ce
n'est pas les plus conservateurs? Disons ça comme ça.
«En ce qui a
trait au "code de conduite pour encadrer les liens intimes, amoureux ou
sexuels entre les personnes qui
étudient et celles ayant une influence sur leur cheminement académique",
tel que mentionné précédemment, il nous apparaît essentiel que des
lignes directrices — "des
lignes directrices" — soient
établies au niveau national — c'est exactement ce que nous faisons en
légiférant — par
souci de cohérence [...] afin d'éviter les disparités entre les établissements,
tant pour les communautés étudiantes que les membres du personnel.
«Selon nous,
toute personne qui utilise son autorité pour obtenir des liens intimes,
amoureux ou sexuels doit être dénoncée
et sanctionnée par l'établissement.» Son autorité : ça, c'est entièrement
couvert par l'essentiel du projet de loi, dans le fond, qui porte sur les violences à caractère sexuel. L'autorité
est une forme de violence. On ne parle pas de lien amoureux égalitaire, on parle... L'autorité...
Puis d'ailleurs on le met dans le code de conduite, mais on semble oublier
tous les articles qui précèdent, c'est-à-dire : une violence à caractère
sexuel, ça peut être d'utiliser ton autorité, et, à ce moment-là, c'est
entièrement couvert par tout l'ensemble du projet de loi.
Et, après
ça : «Selon nous, toute personne qui a des liens intimes, amoureux ou
sexuels avec une personne qui étudie,
liens ayant débuté avant de se retrouver dans un contexte d'autorité — puis ça, on est tout à fait d'accord — est
autorisée à continuer la relation. [...]des mesures doivent être prises...»
C'est un
exemple parmi d'autres, mais je pense que... et on peut reprendre les choses
une par une, mais, ce qu'il faut comprendre profondément... Et, des
fois, c'est complexe, la vie, et ce n'est pas : On dit non puis c'est
réglé, puis la vie est belle, on a tout interdit. Il faut penser à nos chartes,
il faut penser à la Charte des droits et libertés, il faut...
Vous mettez
dans le même pied l'ensemble des cégeps, qui est déjà un ordre d'enseignement
différent des universités, vous
confondez le cégep de Rosemont ou de Maisonneuve qui ont pris un an, à
l'intérieur, pour faire quoi, pour aller
chercher l'accord de tous les membres. On n'empêchera jamais un établissement,
s'il décide de se lancer là-dedans, de négocier. C'est parce que ça
existe, les syndicats, les griefs, les ci, les ça.
Donc, le
collège de Rosemont est un bel exemple, ils ont négocié avec tous leurs corps
constituants pour que tous soient
d'accord. Donc, ils s'entendent qu'il n'y aura pas de grief s'il y a ce genre
de comportement, de lien, qu'il y a une relation sexuelle, admettons. Ils se sont tous entendus d'avance qu'ils
étaient sur la même ligne. On ne peut pas, s'il n'y a pas cet accord-là, obliger d'une façon aussi
généralisée. Puis là on parle d'universités aussi, on ne parle pas
seulement de cégeps, puis on parle de conventions collectives, puis on parle de
griefs.
Ce que vous ne dites pas, c'est : Admettons
qu'il y en a une, relation sexuelle, puis... on fait quoi? Qu'elle est connue, parce que le prof parle à un collègue, ou
je ne sais pas? Parce que, là, ils vont se cacher si c'est complètement interdit, mais, si c'est connu, on met le prof à
la porte, mais son syndicat va être le premier à dire : Je dépose un
grief, on n'a jamais accepté ça, on n'a jamais négocié ça. Rosemont ne pourrait
pas le dire puisqu'ils ont tous accepté ensemble.
C'est pour ça
qu'il faut être extrêmement prudent entre la question du travail qui est fait
au sein de l'établissement avec tous
les corps constituants — tous les corps constituants — qui est une situation très différente d'un
gouvernement qui décide. Et là il y en a qui nous accusent déjà de trop de
rectitude politique, que de... c'était dans l'article du Devoir du 5 avril 2017. Il faut faire très attention, et ça, c'est
les représentants syndicaux qui disent ça, qu'il y ait... ils «disent
redouter [...]un vent de rectitude politique [dictant] à des adultes
consentants comment se comporter».
Alors,
aux États-Unis, on les accuse souvent de grande rectitude politique. Il n'y a
plus personne qui couche avec personne,
il n'y a plus personne qui ne fait rien, il n'y a plus d'alcool, il n'y a plus
ci, il n'y a plus ça. Et l'autre côté, la protection des droits et libertés, le fait qu'on ne veut pas se
retrouver avec l'adoption d'une... j'ai le mot «proscription», je pense qu'il n'existe pas, alors d'une
interdiction totale, parce que, là, c'est le gouvernement qui interdit, c'est
grave, là, c'est le gouvernement qui interdit, et que,
là, à la première occasion, première plainte ou je ne sais trop, il y a tout de
suite un dépôt de poursuite selon la... en
vertu de la Charte des droits et libertés. Et là on est parti dans quelque
chose en disant : Ça ne répond pas à ces critères-là, ça ne passera
pas le test de la Charte des droits et libertés.
Alors,
on navigue entre, oui, on ne veut pas qu'il y ait de violence à caractère
sexuel, on ne veut pas qu'il y ait de lien d'autorité où on abuse, et
c'est pour ça que, dans l'alinéa qu'on a ajouté, ça va très loin. Puis vous
êtes peut-être chanceuse, plus jeune que
certains d'entre nous, et donc peut-être vous ne réalisez pas d'où on vient. Moi, ça
fait... je suis rentrée à l'université comme étudiante en 1972, ça commence à
faire 45 ans. Et je peux vous dire qu'un projet de loi comme ça, là, c'est incroyablement progressiste, là. Et
l'interdiction complète, sans autre forme, bien là, ça se «colletaille»
avec plein d'autres enjeux constitutionnels.
Ça, c'est la vraie vie, c'est les juristes qui vont vous dire : Attention!
ce n'est pas applicable. On est allés le plus loin qu'on pouvait aller
pour être sûrs que ça s'applique.
Et,
vous le dites vous-même, le libellé du deuxième paragraphe va tellement loin
que c'est comme si on disait qu'on interdit. Mais voilà l'importance du
deuxième paragraphe : on ne met pas le mot «interdiction», mais on
dit : Dès qu'il y a des situations où
il y a une... là, il faudrait que je le lise, pour être sûre, comme il faut...
dès qu'il y a... le «code de conduite doit comprendre un encadrement
ayant pour objectif d'éviter toute situation...» C'est déjà assez prescriptif, parce que, remettez-vous, là, on met
le paragraphe avant : «La politique doit également inclure un code
de conduite prévoyant les règles qu'une
personne, ayant une relation [...] doit respecter si elle entretient des liens
intimes[...]
«Ce
code de conduite doit comprendre un encadrement — ce n'est pas un petit mot, ça — ayant pour objectif d'éviter toute situation...» Puis là ce qui suit,
c'est que, dans le fond, ça couvre presque tous les cas de figure. C'est
pour ça que vous dites... Mais, dans le fond, où — parce que je la
continue, la phrase — «où
pourraient coexister ces liens et relations
lorsqu'une telle situation» — et c'est là qu'on peut répondre peut-être
oui à chaque relation qui... de ça — «risque
de nuire à l'objectivité et l'impartialité...»
On pourrait
dire : Bien là, l'université va se dire, oui, là, je pense que ça répond à
ce code-là. Donc, à ce moment-là,
l'encadrement dit : Tu dois éviter cette situation-là. Donc, «nuire à
l'objectivité [...] dans la relation ou favoriser l'abus de pouvoir — ce qui peut être intrinsèque à toutes sortes
de situations — ou la
violence à caractère sexuel», donc, c'est
pour nous un grand, grand pas dans la question des relations intimes qui
peuvent être vues soit comme une perte d'objectivité, d'impartialité,
abus de pouvoir ou violence à caractère sexuel, tout en respectant par
ailleurs, de l'autre côté, la question des chartes et les questions
constitutionnelles.
Par
ailleurs, allons sur les ordres professionnels, que je connais bien parce que
j'ai fait moi-même longtemps partie de
l'Ordre des psychologues. «Un ordre professionnel a pour fonction d'autoriser
des personnes à exercer une profession — un ordre émet des permis — et
leur délivre des permis d'exercice à cette fin. Les ordres professionnels ont
donc un lien direct avec leurs
professionnels puisqu'ils émettent des permis d'exercice. Ils contrôlent
l'exercice de la profession en retirant le permis d'exercer ou en le suspendant.»
On recevait régulièrement des avis de radiation pour cause, effectivement, de relations intimes non
autorisées. Mais il y a des permis donnés à des psychologues, travailleurs
sociaux... C'est chaque ordre — un peu comme le collège de Rosemont — qui décide de lui-même s'il met ça dans son
code de déontologie. Et il donne un
permis d'exercice à la personne qui s'engage forcément à suivre le code de
déontologie. Et il y a toujours un syndic à un ordre professionnel, il y
a des inspections professionnelles. Puis, savez-vous quoi, quand le syndic vous appelle, vous êtes un petit peu...
vous avez peur à ce qui vous arrive et vous savez que ça peut finir par
une radiation un peu, moyennement, ou très
longue, ou à vie. Alors, ça, c'est les conditions légales dans lesquelles
fonctionne un ordre professionnel.
• (12 h 40) •
Maintenant, un corps
professoral, ça ne fonctionne pas du tout comme un ordre professionnel. Il n'y
a pas d'ordre professionnel de professeurs,
il n'y en a pas, ça, c'est clair. Le ministère de l'Enseignement supérieur ne
peut pas agir comme un ordre
professionnel à leur égard, parce que... surtout pas en enseignement supérieur.
Les conditions de travail des professeurs sont régies par des
conventions collectives et des contrats de travail. Donc, les conventions collectives, on a les syndicats qui ont comme
mandat eux-mêmes de défendre leurs clients, leurs membres si une plainte
est déposée contre le membre.
Alors,
imaginez le cas où le membre est un membre du corps professoral qui a passé
outre à ladite interdiction gouvernementale de ne pas coucher avec son
étudiante. Le syndicat, qui n'a pas nécessairement décidé qu'il était d'accord avec ça, parce que ce n'est pas venu de
l'intérieur d'un consensus institutionnel de l'établissement comme le
collège de Rosemont, pourrait dire : Nous, on n'a jamais voté pour ça, on
pose un grief. Et là on est partis dans toute l'histoire
des chartes de droits et libertés. Et on nous dit, et les constitutionnalistes
sont clairs là-dessus : Ça ne passerait pas le test des chartes.
C'est clair, clair, clair.
Donc,
les établissements sont leur employeur, de ces professeurs-là, et c'est à eux
de décider, dans les relations employeur-employé,
des règles qui régissent les relations, les prestations de travail. Donc, à la
limite, l'établissement, tout comme a fait Rosemont — il
pourrait y avoir une université — après avoir consulté, discuté avec tous
leurs corps constituants, décide unanimement
qu'ils interdisent ça. Parce qu'à Yale on ne le dit pas, comment ça s'est
passé, là. Je vais aller voir comment ça s'est passé, mais ça se peut
que ça se soit passé parce que tous les corps constituants se sont mis d'accord
sur la même...
Ce n'est pas le
gouvernement des États-Unis qui a décrété que toutes les universités allaient
avoir ça. On cite toujours des exemples
individuels. Même au Québec, vous citez des exemples individuels, parce qu'il y
a une raison pour ça, il faut que ça
soit un consensus à l'interne à cause des relations employeur-employé. Ce sont
donc des établissements d'enseignement
qui ont la capacité juridique d'intervenir sur la prestation de travail. Donc,
il faut respecter l'autonomie des établissements. On n'a pas le choix.
C'est dans leur loi, c'est dans la loi des établissements universitaires. Et
même la Fédération des cégeps laisse aller
les collèges un par un, parce que c'est comme ça que ça marche, ils vont
chercher le consensus à l'intérieur de leurs établissements.
Et
l'amendement déposé, donc, par l'opposition officielle voudrait qu'on intervienne
directement sur la relation entre
deux personnes majeures et non sur la capacité de faire le travail. L'objectif
de l'intervention est donc vraiment très, très, très différent. Et la logique des ordres professionnels ne peut
pas s'appliquer au gouvernement. Les ordres, c'est un par un qu'ils décident, là aussi. Ce n'est pas tous
les ordres professionnels qui ont ça. C'est chaque ordre qui décide. Est-ce
que, dans le type d'action, d'acte réservé de l'ordre, il y a un risque de
nuire au public? Parce que c'est ça, un ordre professionnel,
il doit protéger le public. Ça risque de nuire s'il y a une relation intime.
Que ce soit souvent en soins de santé...
Ce n'est pas pour rien que vous citez les médecins, les psychologues, des
travailleurs sociaux, c'est parce qu'il y a une relation d'aide qui est bien différente, peut-être, d'un autre
ordre professionnel qui n'est pas dans ce même type de relation. Donc, c'est les ordres eux-mêmes qui
décident ce qu'ils font, ce n'est pas le gouvernement qui leur a dit
d'interdire.
Alors, si on interviendrait donc dans la vie
privée des gens et non sur la capacité d'une personne à faire son travail, donc les chartes vraiment ne permettent
pas ce genre d'intervention, avec non pas l'objectif que vous
poursuivez... je pense qu'on poursuit pas
mal le même objectif... mais c'est beaucoup par la nuance importante des mots
qu'on utilise et des façons d'approcher la chose. Et ce qu'on veut avant
tout, c'est arriver à éviter ces situations-là le plus possible.
Puis, avec ce
qu'on dit, particulièrement le deuxième paragraphe qu'on a ajouté, je pense
qu'il y a... N'oubliez pas que tout
ça, là, c'est une politique qui doit être faite par les établissements. Ils
doivent lire ça puis ils doivent dire... ils doivent inclure le code de conduite, donc ils doivent l'écrire. On veut
que les syndicats fassent partie du comité permanent. On veut que les étudiants soient là. On veut que
les dirigeants, les cadres, en tout cas ceux qui constituent la
communauté... Bien, si, tous ensemble, ils sont tous d'accord, dans une
université x, ils iront vers l'interdiction. Eux ont droit de le faire, mais nous, comme gouvernement, on n'a pas
le droit de l'obliger. Mais c'est pour ça qu'on reste assez général,
mais assez précis en même temps, pour dire :
Ah bien, là, dans votre code de conduite, là, vous devez mettre un
encadrement, et on vous dit
l'objectif : d'éviter toute situation — ça commence à être pas mal coercitif — où pourraient coexister des liens,
lorsqu'une telle situation risque de nuire... Puis là on en rajoute :
nuire à l'objectivité et l'impartialité.
Il y a pas
mal de monde qui vont dire : Oui, si je couche avec, ça se peut que je
sois un peu moins objectif que si... Ou :
si ça vire mal, puis que, là, elle me laisse ou je la laisse, il pourrait y
avoir un abus d'autorité. Et ça, ça devient, à ce moment-là... et,
attention, c'est important de comprendre ça... ça devient couvert par tout
projet de loi sur la violence à caractère sexuel.
Donc, quand
ça va bien, admettons, là... je caricature un peu... tant que ça va bien, la
relation, on peut dire que ça nuit à l'objectivité et l'impartialité.
Puis, si ça va mal, on peut tout de suite... ladite victime peut tout de suite
porter plainte en disant : C'est une forme de violence à caractère sexuel,
c'est un abus de pouvoir, il m'a coulée dans mon cours, etc. Et elle est entièrement couverte. Donc, je ne vois pas
beaucoup d'angles... qui n'est pas couvert par ça tout en respectant
l'applicabilité, je ne sais pas si c'est un terme juridique, mais l'application
réaliste et surtout possible, à travers
toutes les autres lois qui nous gouvernent, de la situation, n'oublions pas,
gouvernementale où on se trouve. On n'est pas, ici, des chefs
d'établissements. Et j'espère, en tout cas, vous avoir apporté le meilleur de
ce que je pouvais apporter comme arguments. Et on peut continuer à discuter.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci, Mme la ministre. Alors, Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Fournier :
Oui, tout à fait. Bien, simplement pour préciser d'entrée de jeu que, oui, et
je pense que je l'ai répété à de
nombreuses reprises durant la commission : c'est une avancée, c'est bien
certain, on le reconnaît. Mais je pense qu'il faut être aussi à l'écoute, puis je pense que, la ministre, elle
l'est bien entendu, mais ça fait presque le consensus, les gens... Même, vous avez cité la Fédération des
cégeps; la Fédération des cégeps, ils veulent qu'ils puissent avoir la
ligne claire, qu'on dise que c'est proscrit,
les relations intimes quand il y a un lien d'autorité pédagogique ou d'aide
entre un étudiant et un membre du personnel. On s'entend, là, c'est une
relation qui est délimitée dans le temps. On n'interdit pas l'amour. Je veux dire, s'il y a une relation, s'il y a des
sentiments qui se développent, c'est permis de l'avoir, mais après,
après coup ou après la fin de la session, je veux dire. Dans le pire des cas,
une session, là, ça dure à peu près trois mois. Donc, on n'interdit à personne
de vivre sa vie non plus.
Je pense
qu'il faut être très clair. Je pense que c'est ça, l'intention de dire qu'on
veut que ces situations-là n'arrivent pas, mais il faut qu'on le dise
clairement. C'est l'intention du législateur qui est importante à ce moment-ci.
Puis, tu sais, on parle de beaucoup... les
gens, en consultation, nous ont beaucoup parlé de la notion de consentement.
Puis il est écrit directement dans
l'amendement. Et, je le répète, ce sont des relations qui risquent «de nuire à
l'objectivité et à l'impartialité requises dans la relation ou de
favoriser l'abus de pouvoir ou la violence à caractère sexuel». Donc, à partir
de ce moment-là, il faut reconnaître que ces relations-là n'ont pas leur place.
Et ce qui
s'est fait au collège de Rosemont, oui, ça a pris du temps. Je pense que
justement on peut s'en servir... d'exemple,
avec ce qui a été fait là-bas, mais il ne faut pas oublier que la loi, elle ne
s'applique pas demain matin. Les collèges,
les universités vont avoir du temps pour faire justement ces consultations,
pouvoir en discuter au sein même de l'établissement, puis arriver au
meilleur code de conduite possible, aussi, parce qu'on sait bien les sanctions,
tout ça, seront laissées à la discrétion des établissements. Donc, il va
pouvoir y avoir quand même les discussions à l'interne.
La loi s'applique seulement à partir de 2019,
donc on a au moins une bonne année, même plus, un an et demi devant nous pour que les établissements en
viennent à se concerter avec toutes les parties prenantes. Moi, je pense
que c'est possible d'y arriver quand on voit
qu'en consultations particulières il y a eu autant des associations étudiantes,
autant des syndicats, autant les
parties patronales aussi qui se sont prononcés en faveur d'une proscription
claire. Moi, je pense que c'est tout à fait possible de penser qu'on est
capables d'y arriver. Et je crois que c'est important qu'on puisse, à ce
moment-ci, venir l'inscrire dans la loi.
• (12 h 50) •
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la députée. On va permettre
maintenant le député de Chambly d'apporter son point de vue là-dessus.
Allez-y.
M. Roberge :
Merci bien, Mme la Présidente. C'est un sujet qui est très, très délicat, on en
est bien conscients. Puis je pense
que la ministre a quand même avancé, parce qu'on partait du projet de loi qui
disait : Ah! il faut se donner un code
de conduite. On a écouté les membres, puis elle a elle-même amendé le projet de
loi pour essayer de préciser un peu, mais
il me semble que, même dans l'amendement de la ministre, on ne va pas aussi
loin que le consensus des gens qui sont
venus. Je ne dirais pas l'unanimité; de toute façon, c'est assez rare d'avoir
l'unanimité à... Je ne sais pas combien de groupes qu'on a eus, une bonne dizaine, puis vraiment de tous horizons. L'unanimité,
c'était presque impossible, mais il y avait un consensus très, très fort
qui allait dans le sens : Interdire, proscrire ou, enfin, quelque chose
comme ça, qui allait pour interdire ou proscrire les relations intimes entre
les profs et les étudiants. C'est ce que j'ai compris, moi, vraiment, en
portant une grande attention aux groupes qui sont venus.
Il y avait deux arguments, essentiellement. Ce
qu'ils disaient, c'est que le consentement... puis on a beaucoup entendu ce
mot-là lors des auditions, le consentement... est-ce que le consentement était
parfaitement libre en cas de situation
d'autorité ou d'aide? Puis la plupart des intervenants nous ont dit non. Ils
disaient : Bien, ah! probablement que le consentement, probablement que le consentement serait vicié dans ce
cas-là. Est-ce que ça se peut que des gens tombent en amour? Oui, ça se peut. Mais je pense qu'il y
avait une espèce de priorité, je sentais que les gens priorisaient la
protection de gens qui pourraient être
victimes, sans présumer qu'il y a toujours des victimes puis qu'il y a toujours
des violences sexuelles.
Tu sais, si,
des fois, tu... Je sentais qu'il y avait une espèce d'arbitrage entre, bien,
dire qu'on doit attendre quelques semaines versus permettre quelque
chose ou le... dans lequel le consentement est vicié ou dans lequel aussi il y
a une question d'objectivité et
d'impartialité pour mettre les notes. Sans dire qu'il y a des gens qui sont
victimes de violences sexuelles, il pouvait y avoir, en tout cas, un
biais ou, encore une fois, je ramène la notion de justice et d'apparence de justice; pour les autres étudiants aussi dans la
classe, de savoir que x est en amour et maintenant vit même chez le prof
ou est allé dormir chez le ou la prof, disons que, pour les autres étudiants,
ça amène un doute sur la qualité des notes ou la sévérité de l'évaluation.
Et un
troisième argument... Donc, les gens craignaient que le consentement soit
vicié, craignaient qu'il y ait un problème
d'impartialité ou, en tout cas, d'apparence d'impartialité. Et la troisième
chose, la troisième préoccupation que j'ai entendue, c'était la nécessité d'avoir une uniformité dans le réseau.
Et, si on ne fait que donner des lignes directrices, oui, dans ce cas-ci, dans la loi, bien, on risque
d'avoir ce que ma collègue a dit, c'est-à-dire, dans un campus x, un
encadrement des liens intimes puis, dans un
campus y, une interdiction. Et donc il me semble que l'amendement de ma
collègue va dans le sens du consensus qui a été exprimé par les
intervenants.
Et, juste
avant de terminer mon intervention, ce n'est pas vrai que le gouvernement ne
peut pas légiférer dans ce genre de
domaine, parce qu'on a beaucoup parlé des ordres professionnels, puis la
ministre dit : Bien, ce sont les ordres professionnels, ils sont autogérés, hein, c'est de l'autogestion par les
membres, pour les membres. Mais le gouvernement légifère avec le Code des professions, qui, ça, est une loi votée par
les parlementaires. Et, tantôt, on regardait le Code des professions, article 59.1, donc, qui est une loi
votée par les parlementaires, et il y n'y a pas très longtemps, il me
semble d'ailleurs, où là on parle d'un acte
dérogatoire au code et on parle des liens intimes, et on parle des relations
sexuelles.
On mentionne
par contre que ça pourrait être en situation d'abus et on apporte une petite
nuance. Mais disons que les députés
de cette présente législature se sont permis de légiférer dans ce domaine-là,
peut-être pas avec les mêmes mots, mais
vraiment dans ce domaine-là. Ce n'est pas les ordres professionnels qui ont
décidé ça. Il y a un code des professions qui encadre toutes les
professions, qui est une loi qui est allée dans ce domaine-là.
Et je n'ai pas entendu personne invoquer la
charte dans ce dossier-là, là. Donc, je pense qu'on ne peut pas l'invoquer non plus à toutes les sauces, là, parce
que, si la charte nous empêche de légiférer là-dedans, bien, la charte
aurait dû empêcher qu'on légifère pour le
Code des professions, puis la charte devrait même empêcher les ordres
professionnels de se faire des règles comme ça. Ça fait qu'à un moment donné on
ne peut pas le jouer tout le temps.
Donc,
peut-être qu'on pourrait améliorer le libellé de l'amendement de ma collègue,
tu sais, je ne pense pas qu'elle soit
fermée à ça. Et je pense qu'on est là pour l'améliorer. Mais ce que je dirais
en terminant, c'est que c'est essentiel, je pense, de se rapprocher un petit peu plus du consensus des intervenants.
Je pense que la ministre a fait un pas dans la bonne direction avec son amendement, mais je n'ai comme
pas l'impression qu'on va satisfaire la majorité des intervenants avec
l'amendement de la ministre. Peut-être qu'il faudra faire un pas quelque part
entre l'amendement de la ministre et la proposition de la collègue. Voilà.
La Présidente
(Mme de Santis) : Merci, M. le député. Maintenant, c'est le tour à la
ministre. Mme la ministre.
Mme David : Oui. D'après moi, le
59.1 correspond exactement à ce qu'on met dans notre amendement à nous : «Constitue un acte dérogatoire à la dignité de sa
profession...» Et on parle de profession, attention, vous le savez très bien, un
professeur d'université, ce n'est pas une profession gérée avec un permis d'exercice. Déjà, c'est très
différent. Cela «constitue un acte dérogatoire à la dignité de sa profession le
fait pour un professionnel, pendant la durée de la relation professionnelle — qui n'est pas une relation professionnelle,
professeur-étudiant — qui
s'établit avec la personne à qui il
fournit des services, d'abuser de cette relation — d'abuser de cette relation — pour avoir avec elle des relations
sexuelles — on
est tout à fait dans notre projet de loi avec ça, c'est une violence à
caractère sexuel — de
poser des gestes abusifs — on continue — à caractère sexuel — on est exactement couvert par notre projet
de loi, même sans le code de
conduite — ou de
tenir des propos abusifs à caractère sexuel». On est exactement dans ce que
sont nos définitions, qu'on a travaillées depuis le début.
Alors, si on voulait
copier 59.1, ça nécessite un environnement juridique comparable à celui du Code
des professions, puis, à la limite, il
faudrait que tous les enseignants universitaires soient membres d'un ordre
professionnel. On n'est pas dans un acte réservé,
on n'est pas dans la même logique. Mais on arrive à cette logique-là avec une
logique qui se colle le plus possible
avec la réalité collégiale, universitaire. Vous revenez beaucoup au collégial,
et, nous, dans cette loi et dans notre réseau d'enseignement supérieur,
puis on l'a un peu voulu comme ça...
Puis même, imaginez, si on avait rajouté la
formation générale, qui est à un autre, encore, niveau, un autre ordre d'enseignement... on n'est pas
nécessairement aux mêmes âges non plus, alors que les cégeps décident, eux, et
ils ont tout à fait le droit de le faire,
d'aller vers un encadrement, mais c'est une clientèle aussi qui est plus jeune.
À l'université, on peut parler
jusqu'à... je veux dire, une relation peut être entre quelqu'un de 40 ans puis
quelqu'un de 38 ans, là, qui est au doctorat. On n'est pas dans le même
genre de relations du tout.
Et c'est
clair que, si on allait plus loin que ça, la loi ne passerait pas le test des
chartes, les risques sont trop grands de fragiliser la loi au niveau des chartes des droits et libertés. Puis
fragiliser, bien, moi, c'est ce qui me ferait le plus de peine. Parce qu'on aurait pu ne pas mettre du tout de
code de conduite finalement, puis on n'en serait même pas à discuter de
ça, mais moi, j'ai voulu qu'on en parle, du
code de conduite, puis qu'on fasse un grand pas de ce côté-là. Mais je ne
veux pas aller jusqu'à fragiliser la loi
puis qu'à la première occasion elle est contestée. Et l'amendement, d'après
moi, tel que proposé, est celui qui
permet d'atteindre nos objectifs, mais, comme je le répète d'une autre façon,
en demeurant juridiquement acceptable.
Alors, c'est compliqué, c'est vrai, on voudrait
que les choses soient oui ou non, c'est... Moi, je pense qu'une université... Parlons universités, là, qui sont
avec cette obligation de code de conduite, avec les deux paragraphes
qu'on a, être obligées, vraiment, vraiment
de penser à à peu près tous les cas de figure, puis il n'y a probablement pas
beaucoup de relations intimes qui vont
passer la rampe du deuxième paragraphe. Ils vont être obligés d'agir. Alors,
c'est comme si on faisait 90 % du chemin. Vous voudriez
l'interdiction pure et simple qui nous amène dans toutes sortes d'autres complexités juridiques. Moi, honnêtement, j'aime
mieux le 90 % — en me
disant qu'ils vont être obligés de rendre compte de tout ça — et
passer le test des chartes.
La Présidente (Mme de Santis) : Mme
la députée de Marie-Victorin.
• (13 heures) •
Mme
Fournier : Je pense qu'il reste très peu de temps. Mais, quand on
parle des chartes, quand même, moi, ma compréhension,
c'est que ça passerait, parce que ça va passer pour le collège de Rosemont, ça
passe pour ce qui est des codes de
déontologie, là. Je vous l'ai cité très clairement, le code de déontologie des
membres de l'Ordre des hygiénistes dentaires du Québec : «Pendant
la durée de la relation professionnelle, le membre ne peut établir des liens
intimes, amoureux ou sexuels avec [le]
client», je veux dire, le principe est exactement le même. Si ça passe pour les
hygiénistes, ça va passer pour les membres du personnel dans les
établissements.
Parce que, oui, le député de Chambly l'a bien
apporté, on a parlé énormément de consentement lors des consultations particulières. Et la campagne Sans oui, c'est non! le dit
très spécifiquement : le consentement ne peut pas être libre et éclairé quand il y a une relation
d'autorité qui existe entre deux personnes, dans un établissement
d'enseignement supérieur, avec la relation,
par exemple, d'un contexte pédagogique, le lien d'autorité ou d'aide, et un
étudiant, étudiante. Donc, c'est
vraiment important de bien saisir ça. Et, considérant la situation, on parle de
pouvoir abuser de la relation, mais ce
n'est pas nécessairement visible, un
abus dans la relation, parce qu'il peut y avoir apparence de consentement, mais qu'au fond la personne a accepté, oui, mais parce qu'elle sentait qu'elle n'avait pas vraiment le choix d'accepter, sans quoi la relation
n'aurait pas été la même, sans quoi, par exemple, la personne en autorité
aurait pu lui faire subir certaines conséquences qui puissent avoir des impacts
dans sa relation. Alors, des fois, les apparences sont très différentes de la
réalité.
La Présidente (Mme de Santis) : Merci
beaucoup. C'est maintenant 13 heures. Je vous remercie pour votre collaboration.
Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au lundi 4 décembre 2017, à
14 h 30. À tout le
monde, une bonne fin de semaine.
(Fin de la séance à 13 h 1)