(Onze
heures trente minutes)
La
Présidente (Mme de Santis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La
commission est réunie afin de poursuivre les auditions
publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 151, Loi
visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les
établissements d'enseignement supérieur.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Auger (Champlain) sera remplacé par Mme Vallières (Richmond) et M. Kotto (Bourget), par Mme Fournier
(Marie-Victorin).
Auditions
(suite)
La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Cet avant-midi, nous entendrons l'organisme Citoyenneté Jeunesse. Je
souhaite la bienvenue aux représentants de l'organisme Citoyenneté Jeunesse. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour
votre exposé, et ensuite nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. Je
vous invite à vous présenter et à procéder à votre exposé. Merci.
Citoyenneté
Jeunesse
M. Paré
(Francis) : Alors, bonjour, Mme la ministre, tous les députés de tous les partis politiques et de l'opposition, Mme de Santis, je
m'appelle Francis Paré, président de Citoyenneté Jeunesse.
Mme Simard
Brochu (Véronique) :
Bonjour. Mon nom est Véronique Simard Brochu, je suis chargé de projets
pour Citoyenneté Jeunesse. Merci beaucoup de nous recevoir ce matin.
M. Paré
(Francis) : Alors, tout
d'abord, juste pour faire un petit rappel sur ce qu'est Citoyenneté Jeunesse,
c'est le rassemblement des forums jeunesse régionaux du Québec.
On part du principe du par et pour les jeunes. Nous, ce qu'on cible beaucoup, c'est de représenter la jeunesse. On favorise la
concertation et la participation citoyenne des jeunes de moins de 35 ans. On est plusieurs conseils d'administration dans différentes régions administratives au Québec.
Alors, nous, ce qu'on veut, c'est de
favoriser la voix des jeunes dans les différentes régions. On a plus d'une
centaine d'administrateurs, administratrices
un peu partout au Québec, et puis on promouvoit, donc, l'implication sociale à
l'échelle locale, régionale, et on veut
surtout exercer un rôle conseil en
matière de jeunesse. C'est surtout
sur ce point qu'on veut venir faire valoir
notre point de vue ici, aujourd'hui,
dans la commission parlementaire sur les violences à caractère sexuel dans nos
institutions d'enseignement supérieur.
Juste
peut-être pour vous dire tout d'abord, dans le cadre de l'élaboration du cadre
de référence gouvernemental sur la
participation citoyenne, en décembre 2016, Citoyenneté Jeunesse avait
montré l'importance d'un processus consultatif qui assure un accès élargi et équitable aux décideurs en consultant
autant les organismes pertinents que les citoyens de façon plus
individuelle et tout en ayant un calendrier qui vise à assurer la préparation
de chacun des participants. On recommandait
également de diviser le processus de consultation en plusieurs phases afin
justement que l'ensemble des acteurs concernés par le sujet qui est à
l'étude soient consultés à différentes étapes. Donc, c'est pour ça qu'on tient
à souligner, avec la démarche actuellement
faite dans le cadre de ce projet de loi là sur le sujet... on tient à
remercier, donc, le gouvernement
provincial d'avoir écouté nos revendications et d'avoir assuré un processus
consultatif qui a permis à chacun des
acteurs de venir s'exprimer à différentes étapes de la démarche, notamment
l'Union étudiante du Québec et la Fédération étudiante collégiale du
Québec.
Et
donc, également, ce qu'on doit dire aussi en lien avec notre rôle, c'est que
Citoyenneté Jeunesse aborde ce projet de loi comme un spécialiste jeunesse et non pas comme un spécialiste des
institutions ou des établissements d'enseignement supérieur. C'est très
important, cette nuance-là. Donc, même si on s'attarde moins sur les détails du
fonctionnement à l'interne, comparativement
à certains de nos partenaires comme l'Union étudiante du Québec et la
Fédération étudiante collégiale, on souhaite apporter un appui à
certaines des recommandations qui ont déjà été mentionnées à l'égard du fonctionnement interne des institutions
d'enseignement qui seront soumises à la présente loi. Donc, on est vraiment
pour parler des jeunes ici, et donc
ces jeunes-là de qui on traite dans ce projet de loi là, on les voit comme des
jeunes qui sont représentés par les assos étudiantes dans cet
environnement-là dans lequel se trouve le... à ce sujet-là.
Donc, en fait, je vais juste mentionner
quelques recommandations parmi les 14. Si on va à la page 6, la
recommandation n° 1, Citoyenneté Jeunesse croit important de
centraliser les services de dénonciation, d'aide et de sensibilisation au sein d'un même service et que celui-ci soit publicisé sur le site Web
de l'établissement d'enseignement
et du ministère de l'Enseignement supérieur. Donc, on croit important de centraliser toutes ces ressources-là
et d'avoir une obligation d'afficher
les services également sur les sites
Internet respectifs et le site du ministère lui-même, notamment. Donc, on veut vraiment montrer l'importance d'un
guichet unique, ce qui peut diminuer aussi l'expérience traumatisante des jeunes, là, qui ont vécu des violences à
caractère sexuel et d'éviter de raconter à plusieurs reprises toujours la même
histoire également.
Si
on va, par la suite, à la recommandation n° 5, page 8 : «Qu'un
siège étudiant soit prévu au sein du comité-conseil chargé d'étudier les plaintes et les requêtes
découlant du suivi du traitement et du dévoilement de ladite requête ou
plainte.» Ce qu'on trouve très
important à la base, à Citoyenneté Jeunesse, c'est la place des jeunes dans les
sphères décisionnelles, qu'ils soient
pleinement accomplis, qu'ils peuvent s'investir dans les processus
décisionnels. Alors, je crois qu'ici c'est très logique. On trouve déjà
très intéressant que le ministère veuille inclure l'ensemble des acteurs des
établissements d'enseignement supérieur dans le processus d'élaboration d'une
politique, notamment afin de contrer les violences à caractère sexuel, et on croit justement important, et voire légitime,
que les jeunes aient leur place également au sein du comité pour la
suite des choses.
Si
on va par la suite à la page 9, recommandation n° 6, on énonce «que
toute relation sexuelle ou amoureuse dans le cadre d'un lien d'autorité, à
l'exception d'une relation antérieure au lien d'autorité, soit proscrite entre
les membres du corps professoral, la
direction, les cadres et les membres du personnel avec un étudiant ou une
étudiante dans l'ensemble des
établissements d'enseignement supérieur.» Donc, on trouve très important que,
lorsqu'il y a une présence d'autorité, tout
simplement, à l'exception des relations antérieures, qu'on évite d'avoir à
tolérer ce genre de relation dans un cadre académique, puisque la
relation d'autorité vient ici vicier le consentement clair et éclairé qui est
un élément qui est vital de l'établissement
d'une relation saine. Par lien d'autorité, ce qu'on entend, c'est le lien où
l'un des partenaires de la relation
peut avoir une incidence, un contrôle ou un effet direct sur le cursus
académique de l'autre partenaire. Donc, on veut que les règles soient
les plus claires et les plus uniformisées que possible dans tous les
établissements.
Si
je vais par la suite à la proposition... à la recommandation n° 10, page 13 : «Que soit prolongé le
devoir d'aide, de soutien et d'accommodement académique d'urgence à l'ensemble
des étudiantes et étudiants, et ce, même si l'acte de violence à caractère sexuel
n'a pas eu lieu dans l'enceinte de l'établissement ni été perpétré par un
membre de la communauté universitaire.» En
gros, ce qu'on veut dire ici, c'est qu'on veut que les étudiants qui vivent ces
problématiques-là aient un soutien de leurs établissements d'enseignement, peu importe les circonstances. On ne veut
pas nécessairement que le collège ou l'université sanctionne un jeune qui n'est
pas dans la communauté universitaire ou si
l'acte s'est fait à l'extérieur du lieu de l'établissement d'enseignement, mais bien de créer ce climat de confiance auprès des victimes à l'égard de l'institution également pour les aider, surtout quand il peut arriver un événement,
la fin de semaine, à l'extérieur avec un examen le lundi matin. Donc, il
peut y avoir différentes circonstances, et on sent la... il y a une préoccupation
à ce que ces jeunes-là aient un appui dans le cadre de ces problématiques-là.
On
a également la recommandation n° 11, qui est à la page 15 : «Que le ministère
mette en place un dispositif permettant de gérer les plaintes émanant de
manquements aux politiques des établissements et/ou du non-respect de la
présente loi en s'inspirant du modèle du
comité d'examen des demandes dérogatoires au regard de l'aide financière aux
études.» Alors, ce qu'on veut, ce qu'on explique très clairement, c'est que... Et,
dans certaines universités, par exemple, il y a un ombudsman qui peut traiter ces problématiques-là de façon très
impartiale, bien entendu, des plaintes des étudiants, mais cet office n'a aucun pouvoir décisionnel et
ne peut que formuler des recommandations à l'institution. C'est important,
donc, qu'il y ait un organisme externe qui a
un pouvoir décisionnel, qui soit le palier suprême de traitement dans le cas
de ces... en cas d'insatisfaction, donc, s'il y a non-conformité également.
Alors, ça, on trouve ça très important.
Enfin,
la recommandation n° 12, en page 16 : «Que toute mention d'un
délai des prescriptions pour les plaintes de violence, harcèlement ou agression soit proscrite de la politique
pour contrer les violences sexuelles des établissements d'enseignement supérieur.» Donc, depuis 2008, en fait, le Code criminel stipule qu'aucun délai de prescription n'est établi pour les victimes d'actes criminels. Pourtant, il
y a des cégeps et des universités qui ont des réglementations à l'interne qui imposent des délais de limite
pour la dénonciation, notamment le cégep de Victoriaville, l'Université Laval,
qui imposent un délai de 90 jours. Alors, on voudrait simplement proscrire
ces délais de prescription.
• (11 h 40) •
La Présidente (Mme
de Santis) : Il vous reste une minute.
M.
Paré (Francis) : Une minute? Alors, voilà, c'est ce qu'on voulait
revendiquer avec cette recommandation. Finalement, la
recommandation 14, en page 17 : «Que le gouvernement envisage de
prolonger l'obligation pour les établissements
d'éducation supérieurs de se doter d'une politique pour contrer les violences
sexuelles à l'ensemble des établissements d'enseignement.»
On
sait que ça dépasse en quelque sorte un peu le mandat, du moins de cette
commission, mais on trouve important que...
considérant que le deux tiers des survivants et des survivantes des violences à
caractère sexuel sont âgés de moins de
18 ans au moment de l'agression, bien, on trouve important, nous, en tant
que Citoyenneté Jeunesse, qui représente les 12 à 35 ans, de soumettre, en fait, dans le cadre de
consultations... c'est-à-dire d'élargir les demandes qui sont faites aux
institutions académiques supérieures et
d'élargir ça à tous les établissements de niveau secondaire, donc, c'est-à-dire
en parlant de l'obligation de se doter d'une politique.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, M. Paré. Alors, on vous
remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période
d'échange. La parole est à vous, Mme la ministre.
Mme
David : Merci beaucoup. Merci d'être ici avec nous ce matin, vous qui
êtes à la fois représentant jeunesse, mais
pas représentant officiel d'association étudiante. Alors, ça vous donne un
regard à la fois interne et externe. Et vous êtes plongés dans toutes sortes, en plus, de dossiers via la jeunesse.
Alors, j'apprécie particulièrement que vous soyez ici puis que vous ayez
le temps de regarder et de vous positionner sur plusieurs enjeux. Je pense que
c'est important, les positions que vous
prenez. On va en discuter. Vous allez nous aider parce qu'on est ici pour
bonifier le projet de loi, pour se
poser, dans le fond, un certain nombre de questions assez importantes de
société, d'enjeux qui dépassent des choses qui sont des prescriptions assez techniques. Il y a des enjeux assez
profonds. Je pense qu'on assiste, avec ce projet de loi là, je pense, à
une avancée importante dans le domaine des violences à caractère sexuel.
Alors, la
recommandation simple... parce que je ne les reprendrai pas toutes, mais où
vous demandez qu'il y ait des étudiants
dans ce que vous appelez les comités-conseils ou une espèce de comité qui
regardera des mesures académiques, peut-être
les... Je ne sais pas si vous parlez de l'ensemble des comités, parce que,
dépendant de la plainte, il y aura un comité d'urgence, d'une certaine façon, je ne me souviens plus comme Ni viande
ni objet appelait ça, en tout cas, une espèce de comité d'accompagnement pour décider rapidement est-ce que l'étudiant
a changé de résidence ou est-ce qu'il doit y avoir telle ou telle mesure. Ça, c'est la phase un peu
salle d'urgence, là. Puis après ça il y a d'autres choses, là, traitement de la
plainte puis après ça il peut y avoir des
comités de discipline. Est-ce que, dans votre esprit, cette présence étudiante
devrait être un peu partout dans toutes les étapes? Est-ce que c'est à
ça que vous faites référence?
Mme Simard Brochu (Véronique) : Je vais
reprendre la balle au bond. En fait, ce qu'on pensait, dans cette recommandation-là, c'est que, dans le projet de
loi, c'est inclus que pour l'élaboration de la politique, il doit y avoir un
siège étudiant, et les étudiants doivent être consultés. Ça, c'est très
clairement établi.
Par contre,
si jamais il y a un comité ou un conseil qui décide de... qui doit prendre la
décision au bout du délai de traitement
de la plainte, on pense que, sur ce comité de discipline là, il doit y avoir un
représentant étudiant, donc que ce ne soit
pas simplement des cadres, la direction et les professeurs qui prennent les
décisions sur les cadres, les professeurs ou même les étudiants. Donc,
les étudiants doivent être sur ces comités-là.
Évidemment,
ce n'est pas tous les universités, ou les cégeps, ou autres institutions qui
vont choisir d'avoir un comité de
discipline comme ça. Ça va peut-être être différent. Par contre, ce qu'on dit,
c'est que, sur ces comités de discipline là, il doit y avoir un siège
étudiant.
Ce n'est pas
nécessaire que des étudiants soient là, je pense. Par exemple, quand un jeune
ou une jeune fille arrive au guichet unique et qu'ils disent : Bon,
il est arrivé tel élément, et tout ça, je ne pense pas qu'il est nécessaire
d'aller consulter la communauté étudiante
pour décider. Je pense que c'est à la victime de dire c'est quoi, ses besoins,
et de dire : Bien, j'ai besoin
d'accommodement académique d'urgence, j'ai besoin de rencontrer un psychologue,
j'ai besoin d'aide psychologique.
Et je pense
que ça alourdirait le processus de devoir aller voir le comité et dire :
Bon, bien, qu'est-ce qu'on fait avec
ce dossier-là? Je pense que, dans l'état d'urgence, c'est des
spécialistes du milieu qui doivent être consultés et la victime qui doit
être capable de déterminer très clairement ses besoins à elle ou à lui parce
que c'est la personne tout indiquée pour déterminer lui-même ou elle-même ses
besoins.
Mme
David : Alors, si je comprends bien... Et je sais que ça existe dans certaines universités,
par exemple, un comité
de discipline pour les étudiants, donc, qui gère des problèmes
plus liés aux étudiants qu'au personnel enseignant ou au personnel
autre. Il y a toujours un siège étudiant prévu dans certaines universités. Je
ne vous dis pas que c'est partout puis je ne
vous dis pas que c'est dans les collèges non plus. Alors, ce que vous suggérez,
c'est que ça soit inscrit dans le projet de loi pour être sûr qu'il y ait au moins un représentant étudiant qui
fasse partie du comité d'examen de la plainte?
Mme Simard Brochu (Véronique) : Oui.
Mme
David : O.K.
L'autre recommandation, la 6, elle est très importante aussi. On en
parle beaucoup, on en parle à peu près à chaque, je pense, échange qu'on a avec
les gens qui viennent nous rencontrer puis qui ont la générosité d'avoir
eu le temps, et l'énergie, et la motivation
de se pencher sur ces questions-là. Ce n'en est pas une nécessairement facile, c'est celle de la
relation sexuelle ou amoureuse dans
le cadre d'un lien d'autorité. Vous reprenez sensiblement le même libellé que l'UEQ et vous allez, à l'exception...
et la FECQ aussi, à l'exception d'une relation antérieure. Vous, comment
vous avez réfléchi à cette question-là pour arriver à cette conclusion-là?
Mme Simard
Brochu (Véronique) : En fait, étant donné qu'on est un organisme qui
représente l'ensemble des jeunes sur
le territoire du Québec, on avait la question... et la préoccupation, en fait,
de l'homogénéité des règlements et de la
protection au sein des différentes institutions. Mais, pour nous, c'était
important, cet aspect-là, ça fait qu'on y a réfléchi et on s'est dit : Effectivement, dans un
souci d'uniformité, on doit garantir une certaine ligne directrice, donc une
certaine ligne de protection. Donc, c'est comme ça qu'on l'a vu.
Je sais qu'en
commission parlementaire l'UEQ a dit : On ne veut pas que les étudiants
magasinent leurs universités en
fonction de ça. Moi, mon point, c'est... bien, notre point, ce n'était pas ça.
C'était de dire qu'on ne veut pas que les étudiants qui se disent :
Bon, bien, mon programme est juste offert dans un seul cégep, mais ce cégep-là,
ou cette université-là, ou peu importe,
n'offre pas cette protection-là, qu'ils soient obligés d'aller dans une
institution qui ne garantit pas les mêmes protections qu'ailleurs. Ça
fait que nous, pour nous, c'était cette idée-là d'obligation-là.
Et c'est
important, nous croyons, dans une politique ou dans une loi, de penser dans une
perspective uniforme, et c'est pour ça, en fait, là, qu'on a décidé
d'aborder ce point-là. Oui?
Une voix :
Oui.
Mme Simard Brochu (Véronique) : Oui,
voilà.
Mme David : Donc, je reprends vos
mots, pour vous, c'est une protection pour les étudiants et non pas une
privation de droit fondamental entre deux adultes consentants?
Mme Simard Brochu (Véronique) : Non.
En fait, c'est un... Le point, c'est de dire que, quand il y a un lien d'autorité où... Je pense que vous, vous apportez
plus quand il y a un impact sur le parcours académique. Mais, tu sais,
on peut s'obstiner sur les mots, mais, pour nous, vous savez, je pense qu'on a
la même vision un peu.
Ce n'est pas nécessairement de priver les gens
d'avoir des relations amoureuses ou sexuelles comme ils le souhaitent et entre deux adultes consentants, mais
c'est l'idée de dire que, quand il y a ce lien-là, ça vient vraiment vicier
le consentement et qu'il n'y a aucun moyen
pour les institutions de se protéger de ça. Parce qu'une relation peut
commencer super positivement, puis ça
peut être la plus belle relation de toute ta vie, puis, comme deux semaines
plus tard, ça vire tout croche. Puis,
quand c'est ton prof, ça devient un peu plus compliqué, puis tu ne peux pas
nécessairement quitter, tu ne peux pas... Ça fait que ça peut devenir
vraiment, vraiment difficile.
Puis on sait
que c'est une ligne qui est dure, je pense que tous les acteurs qui apportent
cette recommandation-là savent que
c'est une ligne qui est dure. Mais on pense qu'il y a tellement eu d'abus par
le passé qu'on ne peut plus se tolérer de
se dire : Bon, bien, on va être souples, et tout ça. Non, il faut vraiment
dire les choses telles qu'elles sont et être clairs et cohérents, je
pense.
• (11 h 50) •
Mme
David : Vous êtes loin, vous êtes loin d'être le premier groupe qui
allez dans ce sens-là. Vous êtes peut-être, je ne sais pas, moi, le sixième ou le septième groupe, là, qui allez
dans ce sens-là. Je vais vous reposer la même question que j'ai posée, je pense, au tout premier groupe
ou au deuxième groupe, parce que, ça, c'est un enjeu de société quand même nouveau. Je ne pense pas qu'on ait jamais
discuté dans ces termes-là avec autant de jeunes, autant de représentants
de jeunes aussi de cette question-là avec une
quasi-unanimité, pour l'instant, à un bémol près, mais à une quasi-unanimité. Est-ce que ça vous
surprend?
Mme Simard Brochu (Véronique) : Vous
voulez dire que les gens soient aussi...
Mme
David : Prennent majoritairement position pour une interdiction de
rapports intimes ou amoureux, enfin, selon la définition. Est-ce que
votre position... vous surprend qu'elle soit aussi partagée par la jeunesse, je
dirais?
Mme Simard
Brochu (Véronique) : Moi, ça ne me surprend pas. Ça ne me surprend pas
parce que je pense que, dans le climat dans lequel on évolue, dans le
contexte actuel, je pense que tous les organismes, et les institutions, et même beaucoup de membres de la société civile sont
conscients de l'urgence de devoir agir et de devoir adopter des règles
qui sont claires.
Ça fait que,
personnellement, ça ne me surprend pas tant que ça. Je ne sais pas si tu veux
ajouter, mais moi, ça ne me surprend pas qu'il y ait autant un consensus
là-dessus.
M. Paré
(Francis) : Peut-être pour ajouter à ce que ma collègue dit, quand on
parle de climat, bien, avec tout ce qui se passe actuellement, ce qu'on a vu
dans les actualités très récentes, bien, on voit aussi, là, qu'il y a quand
même des statistiques assez
frappantes du nombre de jeunes, le ratio de jeunes de moins de 18 ans où,
lors de leurs études, de leurs projets académiques... où est-ce qu'ils
ont eu des événements à caractère... de violences à caractère sexuel. Je pense que ça devient une évidence d'en discuter puis de
trouver les façons d'encadrer clairement et de mettre les règles du jeu beaucoup plus claires pour l'avenir. Je pense
qu'on est sensibilisés, mais comment on met ça concrètement aujourd'hui...
C'est pour ça qu'on trouve bien qu'il y ait
déjà des démarches de faites en ce sens et qu'il y a une intervention qui est
proactive actuellement, dans la sphère
publique. Donc, ça, on l'apprécie énormément. Puis de devoir mettre ça plus
clair aussi que seulement des
politiques d'encadrement mais qu'on uniformise davantage dans ce domaine-là, je
pense qu'on en est rendus là, actuellement, avec tout ce qui se passe.
Mme Simard
Brochu (Véronique) : Et protéger les populations qui sont à risque.
C'est surtout ça, il faut protéger les
populations qui sont à risque, et malheureusement la communauté étudiante en
fait partie. On l'a vu dans le milieu artistique,
on l'a vu dans plein d'autres milieux. Donc, il faut protéger les populations
qui sont à risque et qui sont à risque de voir un lien d'autorité, ou
académique, ou peu importe affecter leurs cursus.
Mme
David : Je vais passer à la recommandation 10, où vous nous
dites : S'il vous plaît, aidez tous les jeunes, même s'il s'est passé quelque chose et que ce
n'est pas avec un étudiant du campus ou un adulte en position d'autorité, etc.
Pour moi, ça paraît évident, là, qu'un
étudiant qui cogne à une porte d'un service d'aide aux étudiants, il est reçu
depuis toujours d'ailleurs. Je peux
témoigner de mon passé en ce domaine, les gens aux services aux étudiants, on
l'espère qu'ils accueillent dans la
plus grande, je ne sais pas, générosité et expertise, que ça soit quelque chose
qui se soit passé avec son conjoint,
que ça soit n'importe quoi, une agression, ils sont là pour essayer d'aider les
étudiants et de bien les diriger.
Alors, je
vous remercie quand même de le souligner, parce que ça a l'air évident, mais ça
ne l'est pas toujours. Et j'espère
que les gens ne seront pas là à dire : Bien là, on a une grille, puis,
non, ce n'est pas arrivé avec quelqu'un de... donc, on ne t'aide pas, puis va te chercher un
psychologue quelque part sur le marché. Je pense qu'il y aura toujours cet accueil-là dans la mesure du possible. Puis
l'accompagnement, bien, c'est au moins de guider vers les bonnes ressources.
Mme Simard
Brochu (Véronique) : Le seul point, par rapport à ça, c'est que, pour
nous, tu sais, il y a beaucoup d'«on
espère», «on souhaite», «certains établissements». Notre but, derrière cette
politique-là, c'était de rendre ça clair, que ce soit écrit. Puis c'est
surtout le point sur les accommodements académiques d'urgence.
Donc, par
exemple, une jeune demoiselle ou un jeune garçon, qu'il arrive un événement
malheureux, la fin de semaine, et qui
arrive, et qui a un examen le lundi, nous croyons qu'il devrait être capable...
Et ça devrait être spécifié dans la
loi que l'université, le collège ou peu importe a le devoir de lui donner un
accommodement académique d'urgence s'il le demande ou si elle le demande. Ça
fait que c'est pour ça qu'on a demandé que ce soit rajouté parce que, pour
nous, c'est clair qu'il faut que ce soit spécifié que l'action n'arrive pas sur
le campus ou n'arrive pas avec un membre de la communauté universitaire ou cégépienne, que le ou la étudiante puisse
avoir accès à ces services-là et à ces ressources, et de les rendre
publiques, et qu'il soit au courant que ces ressources et ces accès-là lui sont
octroyés.
Parce que
parfois, si ce n'est pas arrivé sur le campus, il va se dire : Bien là,
est-ce que je dois aller voir la police?, est-ce que je dois aller voir un psychologue extérieur?, est-ce que je
dois aller voir les CALACS?, est-ce que je dois aller voir d'autres organismes? Mais de savoir que son
université ou son cégep n'a pas le choix de lui donner ces services-là, que c'est une obligation, pour nous, ça rendrait la situation,
encore une fois, beaucoup plus claire, et ça uniformiserait la situation
sur l'ensemble des secteurs, notamment pour les collèges et universités qui sont dans
les milieux régionaux. Parfois, ils
n'ont pas les ressources qui sont là et de les obliger d'avoir la ressource
et de faire suivre le financement en fonction de cette demande-là, évidemment, pour nous, ça favoriserait vraiment
une protection complète de l'ensemble des jeunes sur le territoire québécois.
M. Paré
(Francis) : Et surtout, très
humainement, de bien voir que pour ces jeunes-là qui subissent ce genre d'acte là, qu'ils n'aient pas le poids académique non
plus. Donc, d'avoir une relation de confiance avec l'institution dans laquelle c'est, en
quelque sorte, leur milieu de vie aussi, alors, c'est de créer cette
relation-là et que, justement, le cursus académique n'est pas impacté suite à ces événements-là. Donc,
on trouve ça très important, de façon humaine pour les élèves en général, d'avoir cette considération-là.
Mme David : O.K. Est-ce que vous
parlez seulement de s'il arrive un événement à caractère... une violence à caractère sexuel ou qu'il arrive une agression physique, un... toutes sortes de choses?
Parce que, je répète, je m'attends, moi, et j'espère... Et je pense que c'est le cas
d'un étudiant qui arrive, et qui a vécu de la mortalité dans sa famille, la fin de semaine d'avant, puis qui dit : Moi, je ne suis pas
prêt à passer l'examen mardi, là, écoutez, là, j'ai besoin d'un accommodement académique. J'ose croire que
ça se fait, quelle que soit la raison, si la raison est justifiée.
Donc, peut-être
que je vais plus large que ce que vous voulez dire, mais je comprends que vous
voulez dire : Si, entre autres, il arrive une violence à caractère sexuel,
que la personne puisse aller chercher l'aide et dire : Je ne suis vraiment pas
en état; je sais que ça ne concerne pas quelqu'un de l'université, mais regardez, là, moi, l'examen demain, là, oubliez ça, je suis dans tous mes états, puis pouvez-vous
m'accompagner, m'aider?, qu'est-ce
que je fais?, où je vais?, etc. Je pense c'est ça que vous voulez dire. Peut-être que j'élargis encore plus en
disant : Bien, normalement, les services sont là pour accompagner les étudiants, autant des étudiants
qui vivent des choses très difficiles dans leur vie, qui sont déprimés, qui
ont besoin d'aide, des fois, financière, etc.
Mme Simard
Brochu (Véronique) : ...en désaccord avec vous, là. Je veux dire,
c'est vrai que, si on peut le faire à
tous les actes de violence, d'agression, mortalité et tout, et tout, troubles,
c'est sûr et certain que, si on peut l'élargir, nous, on va faire : Yé! Mais, vu qu'on était dans un cadre, là, sur
la consultation des actes de violence sexuelle, on s'est vraiment ciblés là-dessus. Mais effectivement,
vous avez raison, l'important, par exemple, c'est de s'assurer que ça soit
une obligation dans tous les établissements d'enseignement supérieur.
Mme
David : ...bien. La recommandation 11, je suis sensible à ça, que le
ministère mette en place un dispositif pour
gérer des plaintes émanant, dans le fond, de manquements à la politique.
Manquements à la politique, ça peut être beaucoup de choses parce qu'une politique a plusieurs éléments. Donc,
l'étudiant peut dire : Ils n'ont pas... Par exemple, vous espérez qu'on mette des délais, plusieurs
nous ont mentionné ça, là, dans... qu'il n'y ait pas de délai pour certaines
choses, comme de porter plainte, mais qu'il
y ait des délais pour la gestion de la plainte, le cas échéant. Alors, ça, on
entend très bien ça, puis je pense qu'on est très sensibles à cette
question-là. Mais, donc, s'il y a un manquement, ça a pris six mois avant de...
tu sais, s'ils ne respectent pas un certain nombre de critères de la politique.
Et donc on
pourrait vous répondre que, oui, il y a toujours possibilité de déposer une
plainte au ministère. Mais vous me
sensibilisez à l'idée : O.K., une fois qu'on a dit ça, comment, dans mon
ministère, on va s'organiser pour avoir un système, peut-être, qui est un retour? Il y en a un, retour, mais...
Vous n'avez pas suivi votre politique, O.K., mais... mais quoi, une fois qu'on a fait ça? Donc, je
pense que c'est ça que vous voulez dire, c'est... Mais je veux être sûre que
le mot «manquement à la politique», ce n'est pas une procédure d'appel sur une
sanction, admettons.
Mme Simard
Brochu (Véronique) : Bien, en fait, oui et non. C'est-à-dire que, si
la sanction n'a pas été adaptée, ou que l'université n'a pas fait une sanction
qui était adéquate, ou que l'élève s'est vu retirer certains droits ou elle a
dû abandonner son cours, finalement,
à cause que l'université ne jugeait pas, là, que l'acte justifiait, par exemple,
le retrait de l'élève dans un cours, oui, effectivement, on pense que ce
mécanisme-là devrait exister.
Puis
on s'entend, puis on l'a très bien spécifié dans le mémoire, c'est un mécanisme
qui doit être d'exception, donc on ne
s'attend pas à ce qu'à chaque fois qu'un étudiant n'est pas satisfait il
retourne puis qu'il aille se plaindre. Le but, c'est vraiment que ça soit une exception parce qu'on croit que les
institutions d'enseignement supérieur vont être aptes à gérer
correctement les plaintes.
Par contre,
il y a toujours... La perfection n'existe pas tout à fait. Parfois,
il y a des torts, des fois, qui sont là. Donc, oui, on pense que l'étudiant devrait avoir recours à ce processus-là si
jamais la sanction n'est pas jugée adéquate parce que ça peut être
d'autres choses qui soient intrinsèques à ça, et, dans ce cas-là, oui,
l'étudiant devrait avoir accès à ce service-là et faire la demande au besoin.
• (12 heures) •
Mme
David : Donc, je répète, parce que c'est important, ce que vous dites
là, ce n'est pas que porter plainte au ministère
parce que le processus aurait été mal suivi, mais parce qu'ils ne sont pas
contents que l'agresseur ait eu un mois de suspension puis qu'elle aurait
aimé qu'il ait six mois de suspension qui soit... un processus d'appel de
sanctions.
Mme Simard
Brochu (Véronique) : ...si la sanction n'a pas été mise correctement.
C'est-à-dire que, si la politique du
campus, c'est de dire : Pour tel acte ou pour un acte qu'un professeur
fait sur une étudiante, il y a un mois de suspension, la politique de l'université dit ça dans ce
cas-là, puis que l'étudiant ou l'étudiante dit : Bien, moi, je pense qu'il
devrait y avoir six mois,
effectivement, non, il ne peut pas aller voir le ministère et lui dire :
Bien là, moi, j'aurais voulu six mois, parce
que la politique de l'université, qui a été approuvée par le ministère, tel que
c'est dit dans le projet de loi, dit que c'est un mois. Donc, ça va être un mois. Dans ce cas-là, effectivement,
il n'y a pas de raison pour l'étudiant ou l'étudiante de se plaindre. Par contre, si, dans la politique,
ça dit : Bien, c'est six mois, et qu'on donne seulement un mois, dans ce
cas-là, oui, l'étudiant ou l'étudiante pourrait avoir accès à ce service-là.
Voilà.
Mme David : O.K. Merci. Mme la
Présidente, on va passer à quelqu'un d'autre.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci, Mme la ministre. Alors, on va passer la parole à la députée de Richmond.
Mme
Vallières : Merci
beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme de
Santis) : Vous avez 3 min 50 s.
Mme
Vallières :
Beaucoup trop de questions pour ce temps. Mais je voudrais surtout souhaiter la
bienvenue à votre baptême de
commission parlementaire. Et, connaissant le niveau d'activité et
l'effervescence chez Citoyenneté, je sais fort bien que l'on se reverra
certainement. Et on a l'occasion en plus de collaborer ensemble dans les
dossiers jeunesse. C'est toujours un plaisir.
Je dois y
aller dans les priorités. Je vais faire du pouce sur ce que ma collègue
ministre a mentionné par rapport aux
relations d'adultes en autorité sur un étudiant, un élève. On a entendu parler
aussi beaucoup de l'extension même de la classe et de l'école sur les réseaux sociaux, Facebook, Snapchat, etc.
Vous n'en faites pas part nécessairement dans votre mémoire, mais, connaissant votre proximité avec
les jeunes, est-ce que vous pouvez aussi nous dire si vous allez jusque-là
dans vos propositions?
Mme Simard
Brochu (Véronique) : Non, non, dans les faits, pas dans le cadre du
mémoire actuel. Effectivement, c'est
sûr qu'on encourage l'extension de ces applications-là, là. Ça, c'est évident.
Mais, dans le cadre de notre mémoire, non, effectivement, on n'a pas
mentionné ce point-là.
Mme
Vallières :
Également, on a eu plusieurs groupes qui nous disent de mieux définir tout
l'aspect des violences à caractère
sexuel, d'aller davantage donner... de déterminer certaines notions justement
quant aux agressions potentielles. Vous
n'en parlez pas dans votre mémoire. Est-ce que vous y avez réfléchi? Est-ce que
c'est quelque chose qui serait souhaité pour Citoyenneté Jeunesse?
Mme Simard
Brochu (Véronique) : Pour nous, comme Francis vous l'a mentionné, en
fait, on ne se voit pas comme étant
des spécialistes d'agression sexuelle, mais on se voit... En tout cas, de tout
ce qui est de la nomenclature de
l'agression sexuelle, on n'est pas des spécialistes là-dedans. On est vraiment
des spécialistes jeunesse. Donc, oui, on a laissé la place à certains
groupes, comme Sans oui, c'est non! ou Ni viande ni... que je ne me souviens
plus le nom...
Une voix : ...
Mme Simard
Brochu (Véronique) : Oui, voilà, O.K. Bien, ces gens-là sont des
spécialistes du domaine. Donc, eux
connaissent davantage ça. Et, comme on n'aime pas parler au travers de notre
chapeau, même si on a des opinions, même
si on a une vision, on souhaite vraiment se cibler avec... rester sur notre
mission. Mais, certainement, les opinions et les points qui ont été mis en valeur par ces groupes-là, on vous
recommande fortement de les écouter, évidemment, parce que c'est des
spécialistes du milieu et du domaine.
M.
Paré (Francis) : Puis d'ailleurs, quand on parle de spécialistes,
juste une petite parenthèse, à la recommandation 4, d'ailleurs,
pour les activités de formation obligatoire, on invite justement à ce que ce
soient des intervenants qui sont spécialisés dans le
domaine aussi pour former les gens, tous les intervenants, qui sont autant les
étudiants, que les dirigeants ou le membre du personnel aussi, là, pour faire
du pouce au fait qu'il y ait une spécialité.
Mme
Vallières :
Quand vous parlez de l'intervenant spécialisé, est-ce que vous voyez des
travailleurs sociaux? Est-ce que ce
sont des infirmiers? Est-ce que ce sont des sexologues? Vous la voyez comment,
cette intervention spécialisée?
Mme Simard
Brochu (Véronique) : Tout ce que vous venez de nommer, c'est tous des
gens que nous croyons qui sont adaptés, qui ont les compétences pour agir. Le
seul point, c'était de dire : Bon, on ne veut pas que ça soit le permanent d'une association étudiante qui ait à
donner cette formation-là, exemple. On ne veut que ça soit un professeur
de français qui ait cette charge-là à faire
parce qu'ils ont déjà une charge de travail et ce ne sont pas des spécialistes
qui ont été formés. Donc, sexologues,
psychologues, spécialistes qui ont étudié là-dedans, et qui ont étudié la
question, et qui ont élaboré la question, ça, c'est des gens qui sont
adaptés, on croit, pour donner ces formations-là.
Mme
Vallières :
Pour élargir au secondaire — je sais qu'il reste très peu de temps — mais, par rapport à votre proposition de dire : On aimerait que tous
les établissements d'enseignement aient une politique pour contrer les
violences sexuelles, quelle est...
La Présidente (Mme de Santis) :
...la parole est à...
Mme
Vallières : Merci.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. La parole est à la représentante de l'opposition officielle,
Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme
Fournier : Merci, Mme la
Présidente. Merci à vous deux d'être avec nous aujourd'hui en commission
parlementaire pour nous donner le point de vue, donc, des jeunes sur la
question du projet de loi n° 151. Vous nous aidez à enrichir les
travaux de la commission, donc je vous en remercie encore une fois.
Et je vous
relancerais peut-être sur justement la question que souhaitait vous poser la
députée de Richmond parce que c'est
quelque chose aussi que j'avais bien noté dans votre mémoire. Vous êtes le
premier groupe qui en parlez jusqu'à maintenant
dans les consultations particulières, et donc je trouverais intéressant d'avoir
votre vision. Est-ce que vous trouvez qu'un
projet de loi comme le projet de loi n° 151 pourrait, par exemple,
s'appliquer dans les écoles secondaires? Quelles seraient les nuances à
apporter? Donc, j'aimerais avoir votre point de vue sur la question.
Mme Simard
Brochu (Véronique) : Oui. Merci beaucoup de pouvoir nous en parler.
C'est une recommandation qu'on s'est
dit qu'on va ajouter parce que... même si ce ne sera pas écrit dans la loi, on
trouvait ça important de vous l'amener parce
qu'on trouve que le pas que le projet de loi fait est important. Ça va marquer,
je pense, les établissements d'enseignement supérieur d'une manière positive. Et on aimerait voir cet effet positif
là reporté sur les autres établissements d'enseignement et que les écoles secondaires, même primaires, se
dotent de ces mécanismes-là parce que c'est important aussi de protéger l'ensemble des jeunes. Nous, on représente des
jeunes de 12 à 35 ans, comme Francis vous l'a dit. Donc, on a cette volonté-là
de protéger l'ensemble des jeunes. Puis, vraiment,
quand on a vu le projet de loi n° 151, on était supercontents parce que
c'est un bon pas dans la bonne direction. On
aimerait voir ce bon pas dans la bonne direction là se perpétuer et continuer
dans les établissements pour les plus jeunes et les tout-petits.
Mme
Fournier : Donc, c'est ça. Donc vous pensez qu'un projet de loi qui
pourrait ressembler à 151 pourrait être applicable aussi dans les écoles
primaires et secondaires?
M. Paré
(Francis) : Oui, tout à fait, je pense que... dans l'optique où, comme
je disais tantôt, dans les statistiques, le deux tiers des survivants
des violences à caractère sexuel ont moins de 18 ans, on présuppose qu'ils
n'ont pas juste 17 ou 18 ans et qu'ils sont
au cégep, mais il y en a que ça date aussi du secondaire et de peut-être même
antérieurement à ça également. Alors,
je pense que d'aller en amont et d'éduquer le plus rapidement possible, au bas
âge, à des moments critiques, des moments importants dans la formation
des jeunes... Ça commence le plus tôt possible.
Mme
Fournier : Vous avez utilisé le mot «éduquer». Donc, ce n'est pas
écrit dans votre mémoire, mais j'imagine que vous appuyez donc fortement
le retour de l'éducation à la sexualité dans nos écoles le plus rapidement
possible?
Mme Simard
Brochu (Véronique) : On n'a pas de position claire, ça fait que je ne
sais pas jusqu'à quel point est-ce
qu'on a la permissivité de vous dire oui. Mais c'est un moyen que l'on juge
adéquat, tout à fait. Je veux dire, quand on parle de formation sur les violences à caractère sexuel, bien, c'est
ce genre de formation qui peut en faire partie, tu sais, c'est le genre de chose qui peut être
pertinent. Mais c'est sûr que, bon, dans le cadre d'une consultation, et vu
qu'on n'a pas eu la réflexion avant,
je vais me garder une petite gêne à vous dire un gros oui. Mais vous voyez où
est-ce qu'on se situe.
M. Paré (Francis) : Et, si je déborde
légèrement également pour donner du pouce... Je pense que ce qui est intéressant, c'est que les jeunes ont besoin de
modèles, ont besoin, sur le terrain, de voir, de comprendre, de connaître
ces réalités-là qu'ils
n'ont pas toujours accès nécessairement ou qu'ils ne connaissent pas. Mais de
les connaître et d'être sensibilisé à
ça dès le départ, dès la jeunesse, bien, je pense que c'est un pas dans la
bonne direction aussi et que ça va se répercuter également dans les
milieux postsecondaires par la suite, là.
Mme
Fournier : Tout à fait. Puis justement vous parliez de formation
aussi, puis on sait que le projet de loi inclut certaines dispositions. Il y a également la FECQ qui croit que les
étudiants également devraient pouvoir recevoir de la formation pour prévenir, dans le fond, les
violences à caractère sexuel sur les campus, donc, des différents cégeps.
Est-ce que vous seriez d'accord avec ça?
• (12 h 10) •
M. Paré
(Francis) : Oui, tout à fait, là. Je pense que c'est dans le même
ordre d'idées, là, qu'on ait l'aspect éducatif également, puis c'est bien d'établir des cadres, mais, à l'intérieur de
ça, qu'est-ce que les gens doivent connaître. Puis, quand on parlait d'activités de formation à la
recommandation 4, encore une fois, je donne du pouce là-dessus, qu'on ait
plus d'accès à de l'information en général,
puis je pense que, de cette façon-là, on apprend à penser davantage avant
d'agir aussi. Donc, humainement, je
pense que c'est comme ça qu'on fonctionne : plus on connaît de choses,
qu'on est sensibilisés, l'empathie se
développe, également, davantage. Et je pense que, dans la culture, au Québec,
ce serait une bonne chose, là, qu'on travaille ça dès le bas âge, puis
de justement avoir un accès à des activités pédagogiques pour les jeunes aussi
là-dessus, là.
Mme
Fournier : C'est clair, parce qu'on veut soutenir, aider les victimes
de violence à caractère sexuel, mais on veut aussi faire en sorte qu'il
y en ait de moins en moins, de ce type de violence. Alors, on se rejoint tout à
fait.
Je voulais
vous amener sur la question du guichet unique. Vous en parlez dans votre
mémoire. Vous avez eu un échange
tantôt avec la ministre sur la question. Je sais que ça a été partiellement
abordé, mais la question, par exemple, d'un bureau québécois... Donc, un bureau
qui se trouverait au ministère, où, justement, les gens qui se sentiraient
lésés par le processus interne pourraient avoir recours, comment est-ce que
vous le visualisez? Je sais que vous en parlez à la recommandation 11,
mais est-ce que vous pouvez nous en parler un petit peu plus en détail?
Mme Simard
Brochu (Véronique) : Oui, tout à fait. Alors, nous, ce qu'on a réfléchi, c'est qu'on s'est dit : Bon,
maintenant qu'il y a une courroie qui serait créée entre la communauté
du milieu universitaire ou collégial et le ministère, en cas de problème,
comment est-ce qu'on articule tout ça à l'intérieur? Puis, quand on
regarde le Comité d'examen des demandes
dérogatoires au regard de l'aide financière aux études, c'est un comité qui est
formé de personnes de différents milieux sous recommandation des associations
étudiantes, des universités et tout ça. Donc, c'est un comité qui, pour nous, a une bonne, une grande légitimité à cause
de sa représentativité et que ce n'est pas seulement des gens qui sont
extérieurs et qui n'ont jamais
eu un lien avec les milieux d'étude ou d'enseignement supérieur qui
prennent la décision.
Donc, nous,
on pense que ce type de modèle là devrait être repris dans un cadre de gestion
des plaintes s'il y a eu des
manquements à la politique de l'université. Puis
ça, c'est important, on ne pense pas que les gens qui sont spécialistes dans l'aide financière aux études devraient
prendre les décisions parce que ce n'est pas adapté... mais de vraiment créer
un comité qui aurait comme responsabilité de
se rencontrer sporadiquement et de prendre une décision sur la plainte ou la
requête en question. Et c'est important pour
nous, pour ça qu'on n'a pas laissé à l'ombudsman... parce que je sais que ça
a été discuté un peu, un, parce que l'ombudsman, ce n'est pas dans toutes les
universités, et les collèges, et tout ça, qu'il
y en a, et, deux, c'est des pouvoirs de recommandation et non pas décisionnels.
Pour nous, c'est important que ce mécanisme-là ait un pouvoir
décisionnel. Voilà.
Mme
Fournier : Merci. Merci pour les éclaircissements. Au sein du fameux
guichet unique dont on parle, est-ce que
vous aviez visualisé un certain seuil plancher de ressources qui seraient
disponibles au sein du guichet unique? Parce qu'on sait qu'il y a quand même une crainte, notamment, disons, que la
protection ne soit pas la même selon les établissements. Par exemple, hier, il y a les gens de l'AVEQ qui
nous ont parlé qu'à l'Université Concordia il y avait vraiment un bureau
déjà, même, d'installé, avec des ressources
spécialisées, dédiées pour les étudiants, alors que, par exemple, à Chicoutimi,
à l'UQAC, il y a une personne à temps partiel. Donc, est-ce que vous pensez que
ça prend des ressources dédiées, un minimum de ressources dédiées?
Mme Simard
Brochu (Véronique) : Oui, à la fin du mémoire, on rappelle, dans notre
conclusion, l'importance que le
financement soit présent et soit au rendez-vous, parce que, comme on a dit, la
loi n° 151, on est très satisfaits et très contents, mais ça aura beau être la meilleure loi possible, s'il n'y a
pas les moyens d'application qui sont mis en place, ça ne sert pas à
grand-chose. Donc, il faut, oui, s'assurer que les ressources soient au
rendez-vous.
Par ailleurs,
on recommande dans une de nos recommandations que la stratégie du gouvernement
en matière de protection des actes de violence à caractère sexuel soit
revue aux cinq ans et que le financement soit revu également à ce moment-là. Donc, oui, effectivement, là, pour
nous, c'est important que cette politique-là et que ce projet de loi là aient
les ressources pour atteindre l'aspect
positif dans la société qu'elle peut faire. Donc, vraiment d'y aller, là, au
maximum de ses capacités et de faire suivre le financement, ça, c'est
évident.
M. Paré
(Francis) : Et on n'a pas nécessairement chiffré un nombre de
ressources ou un montant spécifique, mais ce qui est important, c'est d'éviter le déséquilibre régional. Donc, en
tant que Citoyenneté Jeunesse, ce qu'on trouve très important, c'est que
toutes les régions aient un accès, là, qui est équitable pour les jeunes dans
les établissements d'enseignement.
Mme
Fournier : De ne pas faire en sorte que, si on habite sur un
territoire qui est très vaste, bien, d'être pénalisé en raison de ça?
Mme Simard Brochu (Véronique) :
Absolument.
Mme Fournier : Oui, je
partage votre préoccupation.
Sur la
question de la reddition de comptes, vous l'abordez, là, à la page 12 de votre mémoire, votre recommandation 9, donc que soit ajoutée l'obligation que les rapports liés aux politiques des établissements soient rendus publics. Puis c'est justement
sur ces rapports-là que j'aimerais vous questionner parce qu'hier on a reçu certains groupes qui
trouvaient que la reddition de
comptes n'était pas nécessairement appropriée dans ces cas-ci, les gens, par
exemple, des collèges privés, si je
ne me trompe pas. Donc, vous en pensez quoi? Est-ce que vous pouvez nous parler
de ce qui est, selon vous, l'importance de la reddition de comptes dans
un cas comme celui qui nous préoccupe actuellement?
M. Paré
(Francis) : Je pense que le principe de base d'une reddition de
comptes, ça permet de voir comment sont utilisés les... comment sont
réalisés les processus qui sont mis en place quand il y a un encadrement. Mais
également il y a un lien de confiance qui se
développe, ce qui est très important. Et, pour les jeunes, je pense que c'est
primordial encore plus. Je ne veux
pas dire que c'est moins important pour les autres, mais, dans ce genre de
problématique là, très sensible, très personnelle, que de vivre des violences à
caractère sexuel, notamment, je pense que c'est quand même... Puis ça mobilise tout le monde en plus. Ça fait
que je pense que la reddition de comptes va de soi dans ce sens-là. Mais le
lien de confiance est un élément central quand on fait une reddition de comptes
pour s'assurer que l'encadrement est bien respecté. Puis, si, en plus,
on veut, en quelque sorte, uniformiser ou avoir des balises claires partout,
qui sont uniformes, et donc que ça permette
un service qui est équitable et qui est semblable d'une région à une autre, je
pense qu'à ce moment-là c'est important de voir si c'est bien réalisé.
Mme Simard
Brochu (Véronique) : Et, si je peux ajouter, pour commenter un peu la
recommandation 9, c'est que, quand on
a vu que la reddition de comptes pouvait être jointe au rapport annuel des
universités, on faisait des blagues en
disant : On vous met tous au défi de trouver des rapports annuels et de
trouver un élément particulier dans un rapport annuel d'université. C'est très lourd et très complexe. Donc, pour nous,
c'est important que ce rapport-là soit fait peut-être en même temps que le rapport annuel et joint au
rapport annuel, mais on doit faire un document à part, facilement trouvable
sur les sites de l'université ou du collège.
Et c'est important que ce soit public, parce que ce n'est pas spécifié
nécessairement dans la loi, et, pour
nous, c'est important que ces rapports-là soient rendus publics pour que les
jeunes soient capables de lire les
rapports, et de chercher l'information facilement, et de trouver l'information,
et de ne pas que ça soit, bien, dans un collège, on fait un rapport annuel, mais on a décidé de faire un rapport
aussi, mais de le garder interne ou de le présenter juste aux assos
étudiantes, mais vraiment que ces rapports-là soient rendus publics.
Ça fait que
ça, c'est des éléments qu'on voulait ajouter à la reddition de comptes parce
que, comme Francis vous l'a dit, c'est une question de créer un lien de
confiance.
M. Paré
(Francis) : Et, en plus, tout en assurant, bien entendu, l'anonymat
des victimes. Ça, c'est très important aussi.
Mme Fournier :
Merci. Finalement, quelque chose aussi qui a piqué ma curiosité était sur les
délais de traitement des plaintes.
Donc, vous êtes le premier groupe aussi à distinguer le réseau collégial du
réseau universitaire, là, en termes de nombre de jours. Ça tombe bien
parce que la FECQ proposait 30 jours et l'UEQ, par exemple, proposait
45 jours. Puis il y a plusieurs
groupes, par la suite, aussi qui nous ont parlé du 45 jours. Donc, je
voulais vous entendre sur pourquoi vous
distinguez, dans le fond, un délai plus court pour ce qui est des cégeps puis
un délai un petit peu plus long pour ce qui est des universités.
Mme Simard
Brochu (Véronique) : En fait, c'est simple, pour nous, là, si ça
pouvait être le plus rapidement possible,
on serait très, très satisfaits. Au début, on s'était dit : Bien, on va
mettre 30 jours pour les collèges puis 30 jours pour les universités. Par la suite, à force de
discussions avec nos partenaires qui viennent notamment des universités, ils nous ont dit : 30 jours, ce n'est pas
assez parce qu'il y a beaucoup plus d'étudiants dans une université, c'est
beaucoup plus lourd. Le processus est
parfois plus complexe parce que justement il y a beaucoup plus de
représentants. Puis c'est pour ça
qu'on s'est dit : O.K., disons 45 jours pour les universités parce
que, pour eux... ce qui représente une demi-session et ce qui semblait comme acceptable pour la
plupart des représentants des universités, et, pour les cégeps, gardons notre
30 jours parce qu'on pense que
30 jours, c'est un délai... Un mois, c'est beaucoup pour, déjà, une
victime, de devoir se questionner, à
savoir, bon, qu'est-ce qui va être fait, tu sais, qu'est-ce qu'il se passe avec
tout le soutien et l'aide. Donc, pour
nous, on voulait mettre le 30 jours, mais, par la suite, à force de
discuter avec aussi les gens qui sont dans les universités, les jeunes
qui sont dans les universités, ils nous ont dit : Oui, 45 jours, pour
nous, ça fait plus de sens.
Je m'excuse, Mme de Santis.
Mme Fournier :
Oui. En même temps, certains diraient qu'il y a quand même certains cégeps qui
sont très importants, en termes de nombre d'étudiants, qui ont plus
d'étudiants que certaines petites universités.
Mme Simard
Brochu (Véronique) : Oui,
mais, étant donné que c'est une clientèle aussi qui est beaucoup
plus jeune, pour nous, il y a encore plus une pression. Tu sais, comme
je vous dis, si ça pouvait être 30 jours pour les universités, ça serait parfait. Mais, pour nous,
l'idée, c'est de protéger le plus rapidement possible les victimes. Donc,
c'est pour ça...
• (12 h 20) •
Mme Fournier : Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. La parole maintenant
est au représentant du deuxième groupe d'opposition, le député de
Chambly.
M. Roberge : Merci bien, Mme la
Présidente. Merci pour votre présentation. Donc, plusieurs choses ont été discutées précédemment, et c'est intéressant aussi de faire des liens, des comparaisons entre ce que vous apportez
puis ce que des groupes précédents
nous ont apporté. Ça fait que, des fois, je vais vous questionner sur ce que
vous avez dit ou ce que d'autres ont dit.
Votre recommandation 14, elle est originale. Vous nous amenez là où personne ne nous a amenés
jusqu'à présent quand vous... Je vais
vous la lire, là, en fait, pour les gens qui nous écoutent puis qui n'ont pas
le document devant eux, donc que «le gouvernement envisage de prolonger l'obligation
pour les établissements d'éducation supérieure de se doter d'une politique
pour contrer les violences sexuelles à l'ensemble des établissements d'enseignement.»
Donc, dans le fond, vous parlez des établissements qui seraient dans les commissions scolaires. On peut penser que c'est les écoles primaires, secondaires, vous l'avez dit
précédemment. Moi, j'ai peut-être plus en tête ce qu'on appelle les centres de formation pour adultes, les centres
de formation professionnelle. Ce que je vous ai entendu, tout à l'heure, dire : Oui, mais ça peut même arriver chez les jeunes, donc, qui
sont mineurs, mais, si on a 18, 19, 20, 25 ans, là, donc, on ne parle même pas de clientèle mineure, on
parle... Il peut y avoir deux jeunes de 20 ans. Il peut y en avoir un qui est
au cégep, l'autre qui est en centre
de formation professionnelle. Il peut y en avoir un troisième en centre
de formation pour adultes.
Donc, à cet égard-là, est-ce que vous pensiez vraiment
dans le sens de couvrir tous les établissements des commissions scolaires ou de
cibler peut-être là où les gens sont majeurs, par rapport à cette proposition-là?
Mme Simard
Brochu (Véronique) : Bien,
c'est pour ça que la recommandation dit «l'ensemble des établissements d'enseignement», donc l'ensemble des établissements d'enseignement,
oui.
M.
Roberge : Bon, c'est très bien.
C'est bon. Je comprends mieux. Par
contre, il y a
une nuance, peut-être, et je pose une question d'ordre juridique,
là. Je suis content qu'il y a déjà des juristes qui nous écoutent. Comme le dit, des
fois, la ministre,
les questions sont importantes, les réponses, des fois, sont un peu plus
complexes. Je ne sais pas dans quelle mesure
et à partir de quel âge un jeune peut lui-même porter plainte, à quel âge il
doit être accompagné d'un adulte, etc. Évidemment qu'on veut bien que le jeune, s'il a 14 ans puis
il est victime de quelque chose, il puisse le signaler. Mais c'est une
interrogation que j'ai. Mais, pour moi, c'est plus facile de dire qu'on
implante ce type de protection aux établissements où il
y a des jeunes qui sont majeurs,
mais, peut-être, il faudra le faire aussi pour l'ensemble, ce
modèle-là, considérant le fait que
100 % des Québécois, on veut qu'ils soient prémunis contre les
violences à caractère sexuel. Il est possible,
par contre, que la manière de le faire ne soit pas la même,
la politique ne soit pas la même, le bureau des plaintes
ne soit pas le même si on accueille une victime de 12 ans versus 20 ans.
Mme Simard Brochu (Véronique) : Absolument.
Et d'ailleurs on sera charmés de revenir en commission parlementaire si jamais
vous décidez d'aller de l'avant avec un projet de loi pour les établissements secondaires, primaires et enseignement aux adultes. Ça nous fera plaisir d'être
présents. Mais effectivement, à chaque situation, on doit s'adapter. L'idée, c'est de dire... Les objectifs,
l'idée générale, l'idée de devoir se doter d'une politique dans les écoles
primaires et secondaires et de formation aux adultes, c'est important,
et on croit que ça devrait être fait. Après ça, toutes les nomenclatures... Je ne suis pas juriste, et c'est très bien
comme ça. Je veux dire, ça nous fera plaisir, dans ce cas-là, de venir, et de commenter, et de voir justement
les spécificités, et de voir à quel point est-ce que ça peut s'adapter à des
contextes qui sont particuliers, effectivement.
M.
Roberge : C'est très bien
parce qu'on pose des bonnes questions. Nous autres aussi, on en a, des juristes dans
notre équipe. Il y en a un peu partout. On trouvera les meilleures réponses.
Mais, en tout cas, c'est une contribution intéressante que vous apportez là.
Je vais vous
amener à votre recommandation 12. Vous dites que toute mention d'un délai de
prescription pour les plaintes de
violence, de harcèlement ou d'agression soit proscrite de la politique
pour contrer les violences sexuelles des
établissements d'enseignement supérieur. Donc, comme un groupe qu'on a entendu
hier, pour vous, même un ex-étudiant
pourrait venir porter plainte dans son cégep ou dans son université
pour quelque chose qu'il aurait vécu même si ça faisait trois ans, quatre ans, cinq ans,
même s'il était sur le marché du
travail. Donc, de dire que ça ne se
fait pas en un mois, c'est une chose,
mais, juste être certain, est-ce que vous incluez vraiment
les ex-étudiants dans cette politique?
Mme Simard
Brochu (Véronique) : Oui, tout à fait. Mais, dans ce cas-là, ça sera à voir, comment est-ce qu'on s'articule avec les mécanismes qui sont déjà présents dans la société
civile, c'est-à-dire, quand ça fait un certain moment, qu'on fait une plainte d'agression sexuelle, et
que, là, les cégeps et les universités doivent être mis au courant. L'objectif de
cette recommandation-là, c'est, oui, de protéger les victimes, oui,
d'être conscient, de se dire... Ça peut prendre un certain temps avant qu'on fasse comme : Ah mon Dieu!
C'est terrible, ce qui m'est arrivé, maintenant je suis prête à déclarer. Mais c'est aussi une politique pour protéger les institutions, et que les institutions soient
conscientes des gens qui sont dans leurs murs, et de protéger les étudiants qui sont actuellement dans l'université ou dans le cégep et qui ont peut-être
peur de mettre ça à jour et de dénoncer également.
Ça fait que l'abandon du délai de prescription,
c'est tout un ensemble de procédures qui protègent, je pense, l'ensemble des acteurs qui sont là : la victime, les institutions, les étudiants qui sont présentement là. Donc, oui, effectivement, je pense qu'il
y aura... Et ça sera aux universités de voir quelle politique
ils dealent avec ça, donc : Est-ce qu'on suspend le professeur? Est-ce qu'on fait ça? Mais on pense
que, oui, effectivement, là, les étudiants et étudiantes devraient avoir
le droit de retourner voir l'université et de l'avertir, de dire :
Bien, écoutez, tel professeur ou tel étudiant a fait des actes répréhensibles,
là, dans les... Après ça, ça sera de voir est-ce qu'on doit adapter la sanction
en fonction de ça. Oui, certainement, si c'est entre deux étudiants puis les deux
étudiants ne sont plus à l'université, bien là, il faut adapter les
sanctions en fonction de ça, vous comprenez un peu. Voilà.
M. Paré (Francis) : Je pense aussi
que c'est quand même important, cette flexibilité-là, parce que souvent le traumatisme vécu par le jeune peut prendre plusieurs
mois avant de finalement émaner, de finalement sortir au grand jour pour la personne elle-même. Donc, c'est sûr que
c'est... On aimerait bien que ce soit le plus rapidement possible que la
personne dénonce ou en parle, mais c'est
différent d'une personne à une autre. Donc, c'est très difficile. Puis je pense
qu'on a beaucoup de preuves dans
l'actualité, avec la vague sur les médias sociaux, que des fois ça prend des
années même avant de sortir. Donc, on
espère éventuellement que la culture va changer et que ce sera davantage
exprimé plus rapidement, là,
chez les personnes qui en sont victimes, qui ne seront pas gênées de le dire
non plus. Mais, bon, c'est sûr que c'est des choses qui peuvent arriver
aussi, côté flexibilité, dans le temps.
M.
Roberge : Oui, parce que
ce n'est pas juste une question de sanction. Donc, on peut imaginer que, si ça
arrive entre deux étudiants, les deux ne sont plus, supposons, à
l'université, mais, pour la victime, de pouvoir retourner à l'université, ce n'est pas nécessairement pour obtenir la sanction, c'est peut-être aussi pour obtenir
des services. Donc, on peut le voir
de cette manière-là aussi. Et, de
toute façon, il n'y a pas de délai de
prescription pour les souffrances. En
tout cas, ça serait intéressant de savoir, après cinq ans : Tu es
guéri, ça fait trop longtemps. Ça serait pas mal intéressant. Malheureusement,
ce n'est pas ça. Donc, je comprends très, très bien, d'éliminer ces délais de
prescription là, mais je voulais quand même vous entendre là-dessus, sur les
ex-étudiants. Donc là, c'est très clair pour vous.
Il me reste
bien peu de temps. Vous avez parlé, à votre recommandation 9, des rapports
qui sont liés aux politiques, la reddition
de comptes. Ma question,
c'est... Pour préserver la confidentialité, mais, en même temps, ça prend une reddition de comptes pour savoir... Il y a des fonds qui sont là, puis on veut être sûrs que
c'est bien investi, puis on veut être
certains que les gens sont bien protégés, qu'ils sont bien aidés. Comment on
fait justement pour avoir une reddition de comptes qui soit efficace, une bonne gouvernance
puis une bonne protection de la confidentialité?
Mme Simard
Brochu (Véronique) : En
fait, c'est en normalisant, là, les données, là, c'est-à-dire, tu sais, de
dire : Bien, on a tant de cas
répondus, tant de cas terminés, tant de cas en cours, là. Ce n'est pas
obligé... Tu sais, on ne voit pas comment
les noms des victimes pourraient se retrouver, là, dans les rapports, là. Ça
fait que c'est vraiment en normalisant la donnée, là, en analysant ça d'une manière très quantitative, et
d'amener par la suite les services... qui ont été donnés de manière qualitative, sans nécessairement
donner de nom de victime, en fait, ni d'agresseur, là. De toute façon, les noms des agresseurs, bon, parfois, ça sort dans les médias
et tout ça, mais de vraiment normaliser les données, là... Voilà.
M.
Roberge : Je vous remercie. Je pense que c'est possible de le faire,
mais c'est juste qu'il faut savoir, des fois, que, dans des petits milieux, des fois, en croisant les données, on
finit par savoir c'est qui. Mais je le comprends. De toute façon, il va falloir trouver un arbitrage, là, ici
ou, justement, dans les différentes politiques de chaque établissement, en
tenant compte de la grandeur des établissements.
Donc, c'est tout le temps que j'ai. Je vous
remercie beaucoup pour votre présentation.
La
Présidente (Mme de Santis) : Mme Simard Brochu, M. Paré, merci pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux de la commission jusqu'à
15 heures.
Bon appétit, tout le monde!
(Suspension de la séance à 12 h 30)
(Reprise à 15 h 2)
La
Présidente (Mme de Santis) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission
de la culture et de l'éducation
reprend ses travaux. Veuillez éteindre la sonnerie de vos appareils
électroniques.
Nous
poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 151, la Loi visant à prévenir et à combattre les
violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur.
Cet après-midi, nous entendrons la Fédération québécoise
des professeures et professeurs d'université, la Centrale des syndicats du
Québec et les auteures de l'enquête sur la sexualité, la sécurité et les
interactions en milieu universitaire.
Je
souhaite la bienvenue à M. Jean-Marie Lafortune, représentant de la
Fédération québécoise des professeures et
professeurs d'université. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé, puis après, ensuite, nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la
commission. Je vous invite à procéder avec votre exposé.
Fédération québécoise des
professeures
et professeurs d'université (FQPPU)
M. Lafortune
(Jean-Marie) : Merci. Alors,
bonjour. Merci de me recevoir parmi vous aujourd'hui. Évidemment, j'ai conscience qu'ayant transmis le document
quelques jours à l'avance vous avez eu l'occasion de le parcourir, surtout
qu'il est relativement concis. Alors,
peut-être juste, d'entrée de jeu, indiquer l'orientation générale par le
sous-titre qu'il a : Un
engagement professoral et un défi de société, pour bien attester, bien sûr, de la... le sérieux par lequel on
envisage le problème des violences à
caractère sexuel, mais aussi par le fait qu'on considère que, s'il se manifeste
à l'intérieur du milieu
universitaire, c'est qu'il englobe plus largement des logiques sociétales et
que, donc, l'action nous mobilise bien au-delà de l'enceinte
universitaire.
Alors, je
reprends brièvement les principaux éléments apparaissant dans ce mémoire.
D'entrée de jeu, bien sûr, débuter en disant que les syndicats de professeurs
n'ont pas attendu le dépôt d'un projet de loi pour, disons, se doter de lignes de conduite en matière de violence à
caractère sexuel, plus spécifiquement, éventuellement, de mesures à prendre
pour éviter d'être en situation de conflit d'intérêts ou d'abus de pouvoir.
Alors donc,
il y a depuis longue date des diffusions d'information à cet égard et prises de
conscience par le corps professoral,
bien que, bien sûr, on ne peut pas
garantir que l'ensemble des membres de ce corps professoral, disons, appliquent
systématiquement les recommandations de leurs syndicats.
Sur
l'orientation générale du projet de loi, nous sommes plutôt favorables à cette
approche qu'on a qualifiée de ferme
et flexible, c'est-à-dire qui s'instaure dans le respect de l'autonomie
universitaire. On considère qu'effectivement, à cet égard, les institutions sont au coeur de la solution et que leurs
approches sérieuses, méthodiques et diligentes permettront d'éviter la prolifération de dénonciations
publiques en marge du système, qui, donc, lui fait mal et qui touche bien sûr
l'ensemble du corps professoral.
Par ailleurs,
de manière très prosaïque, la question du financement préoccupe la FQPPU, comme
bien d'autres acteurs du milieu, à
savoir que, bien sûr, l'annonce du 23 millions sur l'étendue de cinq ans
ne nous garantit pas éventuellement que ce sera suffisant pour
satisfaire les besoins. C'est pour ça que nous appelons à non seulement un financement dédié de cette nature, mais également
récurrent, et indexé, et éventuellement révisé, le cas échéant, s'il fallait
qu'il ne soit pas à la hauteur des besoins.
Par ailleurs,
nous considérons donc, à la fédération, qu'une possible incohérence est
susceptible d'apparaître entre deux principes relativement au traitement équitable,
à la présomption d'innocence et la confidentialité des dossiers. Le premier principe est évidemment celui de l'accès à
l'information sur le suivi des plaintes par les victimes, et le second principe est celui de la confidentialité des
processus. Alors, nous nous interrogeons sur la possibilité de concilier
réellement les principes de suivi des
plaintes et celui de confidentialité. D'un côté, la demande des victimes
d'obtenir l'information sur
l'exemption nous apparaît légitime et garante du maintien de la confiance
envers le processus institutionnel de traitement des plaintes, mais, de l'autre côté, la préservation de la
confidentialité s'appuie sur les principes de justice naturelle et
d'équité procédurale, qui sont à la base de notre système juridique.
On en arrive
au point qui, éventuellement, fait craindre à plusieurs de nos collègues une
mise en oeuvre peut-être abusive d'un encadrement, disons, excessif et celui
relatif à l'instauration d'un code de conduire selon les modalités mêmes de mise en oeuvre de ce code de conduite. Il
n'est pas clair, dans le projet de loi, en tout cas, ce que l'on entend par là, à savoir est-ce qu'il s'agit, comme je
l'évoquais d'entrée de jeu, de ligne de conduite ou d'un code, au sens plus
strict qui amènerait, par exemple,
l'ensemble des membres du corps professoral à devoir s'engager, par exemple,
par écrit à respecter certaines règles.
Puisque vous
n'êtes pas sans avoir que, bien sûr, les conventions collectives des
professeurs leur garantissent une liberté
universitaire contre laquelle certains éléments de code de conduite pourraient
entrer en contravention et que les
codes de conduite, tels qu'ils ont tenté d'être mis en oeuvre, en tout cas,
depuis un certain nombre d'années par les administrations
universitaires, sont considérés par nous comme un outil de régulation qui
cherche davantage à museler l'opposition qu'à garantir les bonnes pratiques et les bonnes
conduites. Alors, dépendamment de la manière dont on aura d'instaurer et de mettre en oeuvre un tel code de
conduite, on sera plus ou moins, disons, favorables à son avènement.
Autre élément... enfin, avant-dernier, si on
veut, c'est celui de l'accessibilité aux services. Dans le cadre des
consultations en début d'année, en 2017, donc, nous avions proposé d'envisager
une mutualisation des ressources de manière,
évidemment, à nous assurer que le 23 millions annoncé
puisse satisfaire, donc, ces besoins dans un contexte, je vous le rappelle, où les universités ont connu,
disons, des coupures, des compressions budgétaires importantes au cours des
dernières années. Et, par exemple, on s'interroge à savoir : Qu'en est-il des
universités multicampus? On a à l'esprit une université comme celle du Québec à Rimouski, un campus à Rimouski, un campus à Lévis.
Est-ce que le bureau, donc, sera à
l'un ou l'autre des campus? Sera-t-il aux deux campus? Auquel cas il faudra
prévoir, bien sûr, les budgets
nécessaires. Mais nous continuons d'opter pour une perspective de
mutualisation lorsque possible.
• (15 h 10) •
Dernier
élément, c'est celui de la limite de la compétence des universités lorsque le
projet de loi énonce qu'il devra prendre
en compte également les échanges dans le cyberespace. Alors, on s'interroge à
savoir si effectivement il y a une capacité
des administrations universitaires à intervenir ou à réguler le cyberespace ou l'Internet. Nous en
doutons fortement. On se demande dans
quelle mesure il y aura, dans cette
perspective, respect de la vie privée, qui fait l'objet de débats dans la société québécoise et
canadienne, depuis longue date, et pour nous, l'idée que l'ensemble des
échanges par Internet soient surveillés par les administrations, ça fait
une surenchère de contrôles et de régulations. Parce que vous n'êtes peut-être pas sans savoir que maintenant le milieu
universitaire est traversé par un ensemble de caméras, un ensemble d'agents de sécurité qui sont censés garantir
cette sécurité mais qui, au fond, exercent également une surveillance étroite
sur l'ensemble des membres de la communauté
universitaire et, au fond, aussi de manière importante sur les professeurs.
Alors, en
conclusion, nous considérons que ce projet de loi constitue une initiative
importante, notamment par le fait
qu'il pourra apporter une réponse plus uniforme aux problèmes, aux abus que
vivent un certain nombre de victimes. Mais,
vous aurez compris que nous avons un certain nombre d'éléments qui nous
apparaissent difficiles à mettre en oeuvre ou qui, à notre avis, ne relèvent pas de la compétence des universités.
À titre de remarque finale, nous estimons donc que les violences à caractère sexuel trouvent racine
dans une culture qui n'est pas l'apanage du milieu universitaire, ce dont
témoigne l'actualité récente. Et, dans ces
circonstances, on ne saurait trop insister sur l'importance que revêtent
l'éducation, la prévention et la sensibilisation.
En terminant, donc, une mise en garde, si on
veut, à l'effet que, bien sûr, toutes les solutions qu'on est tentés d'apporter à ce problème comportent leurs propres
problèmes et que, donc, il faut agir avec prudence dans leur implantation.
Merci.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup, M. Lafortune. Nous allons maintenant débuter la période
d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme David :
Oui, merci beaucoup. Merci, M. Lafortune, de vous être déplacé jusqu'à
Québec pour venir nous donner des
avis sur ce projet de loi qui, pour nous, revêt une grande importance. Je pense
que ça témoigne de non seulement ce qui se passe dans la société depuis
plusieurs années, mais ce qui, suite à toutes sortes d'événements dans les universités, des consultations... auxquelles je
n'ai pas vu beaucoup la FQPPU, d'ailleurs, dans les cinq journées de
consultations. Je ne pense pas que...
Une voix : ...
Mme David :
Oui? Vous êtes venus? Je pense que, si vous avez assisté à l'ensemble des
consultations, vous serez d'accord
que les gens étaient très inquiets de ce qui se passait. Ils disaient : Il
faut faire quelque chose, il faut réfléchir à cette question-là, elle
est plus présente qu'on pensait.
Un des
mémoires qui nous a été proposé, dont on va discuter tout à l'heure, à
5 heures, c'est l'enquête ESSIMU, qui
a été faite, d'ailleurs, à partir de l'UQAM et qui est une enquête qui a fait couler
beaucoup d'encre, qui a révélé un certain nombre de choses qui nous
empêchent d'ignorer la situation des violences à caractère sexuel, dont vous
avez tout à fait raison de dire que ce n'est
pas l'apanage des universités et des collèges, mais c'est aussi dans les
universités et les collèges, et on ne
pourrait faire fi de cette situation. Donc, je vais vouloir avoir une
intéressante conversation avec vous, puisque vous acceptez gentiment de
partager la tribune pour nous dire ce que vous pensez.
Je pense que,
dans ces journées, on a vu beaucoup de très belles initiatives. Je parle de
l'enquête ESSIMU, mais je parle aussi
des campagnes Sans oui, c'est non! et Ni viande ni objet, qui ont mis à jour
vraiment des besoins de prévention, d'information, de formation,
d'encadrement des activités d'accueil et d'intégration qu'on appelle plus
communément «initiations», dans les
universités, beaucoup de dérapage, donc beaucoup de choses liées à des
conséquences fâcheuses à partir d'événements qui se passent hors campus
et sur campus.
Alors, on a
eu beaucoup de discussions là-dessus avec les associations étudiantes, qui sont
venues à peu près toutes, des
associations de jeunes, la Fédération des cégeps, des représentants, donc, de
différents milieux. Et tous et toutes nous demandent, contrairement à vous, et là c'est là que je veux comprendre
un peu, d'au contraire intervenir hors campus. Parce qu'il existe plusieurs activités qui peuvent être faites à partir
d'une association étudiante accréditée par une université, par exemple, et qui fait une activité d'accueil,
d'initiation, un party de Noël, etc., ou qu'un événement tourne mal, mais ça
se passe vraiment entre membres d'une
communauté universitaire. Et là ils nous ont dit : Bien, ne vous limitez
pas aux campus parce que plusieurs
activités ne se font pas nécessairement aux campus, mais... où l'association
étudiante, ou le département, ou la faculté cautionne et accepte que
cette activité-là se tienne.
Alors, je
voulais savoir un petit peu vos réflexions sur cette question-là. Parce que,
s'il arrive un élément un peu malencontreux,
un peu ou beaucoup, est-ce que je comprends que l'université ne devrait pas
s'en mêler, si l'étudiante ou l'étudiant
demande de l'aide ou veut accuser un... porter plainte contre la personne de
qui elle a été agressée, parce que ça ne serait pas dans les limites
géographiques du campus?
M. Lafortune
(Jean-Marie) : Bien, ce
qu'il nous semble, d'entrée de jeu, c'est qu'il sera difficile, bien sûr, de
mettre en place un dispositif de surveillance et de suivi en ces matières pour
toutes les universités. Est-ce qu'on peut considérer
qu'elles ont effectivement des responsabilités en regard, par exemple,
d'activités qui peuvent se dérouler à des centaines de kilomètres de leur campus principal? Est-ce qu'il y a
d'autres modalités qui existent, éventuellement, pour que justice soit faite, dans le cas d'abus,
d'agression, et qu'ils puissent être attestés plus directement et sur les lieux
mêmes de ces abus ou de ces comportements, là, réprimables?
Et nous,
jusqu'à présent, on interroge parce qu'on ne pense pas qu'à l'heure actuelle
les universités pourront être efficaces
dans cette perspective. Et on se demande jusqu'à quel point les dispositifs en
question ne comporteront pas ce que
j'appelais les effets collatéraux de surveillance et de contrôle qui feront en
sorte que... Est-ce qu'au fond ça va aller jusque chez les individus? Est-ce que ça va aller jusque... les lieux de
rencontre informelle? Parce qu'on comprend bien, là, dans l'exemple que vous utilisez, qu'il s'agit de
rencontres étudiantes ou d'activités socioculturelles. Mais qu'en sera-t-il
d'activités de recherche professorale, etc.?
Alors donc, une fois qu'on entre dans cette voie-là, on craint qu'on veuille
s'engouffrer dans une perspective un peu, là, inépuisable de moyens de
surveillance qui vont ultimement contraindre l'ensemble
de la communauté universitaire et, éventuellement, donc, bien sûr, les
professeurs, au nom, évidemment, je dirais, d'une problématique sérieuse
à laquelle, effectivement, on doit chercher des solutions.
Mais
il y a tout lieu de craindre que cette voie-là ne soit pas la plus souhaitable,
en tout cas, dans l'état actuel des choses,
pour que, d'une part, le phénomène s'estompe et pour que, d'autre part, le
milieu universitaire puisse continuer de
se développer, je dirais, sainement, sans le souci de dire que chaque geste,
chaque parole va être épié par, je ne sais pas, des pions, par des
personnes qui relateront l'ensemble des propos et gestes à une instance dont on
ne connaît pas d'ailleurs d'emblée, disons,
la composition, mais dont on peut suspecter qu'elle relèvera de
l'administration et qui pourra l'utiliser éventuellement sur le corps
professoral pour toutes sortes de pressions. Puisque notre observation nous mène à considérer que chaque outil additionnel de
contrôle fait parfois l'objet d'une utilisation malveillante par des gens qui
soit veulent faire taire des professeurs qui ont, je dirais... qui défendent
leur liberté universitaire, et donc leur aire de liberté, par rapport à des ambitions administratives qui cherchent, au
contraire, à gérer sur la base de leurs propres chefs. Alors, c'est l'équilibre des pouvoirs qu'on a
nommés dans le mémoire qui nous semble être peut-être compromis si on
s'avance dans cette voie.
• (15 h 20) •
Mme David :
Vous parlez de liberté universitaire, un concept, quand même, que je connais
assez bien, et vous mettez ça en opposition... j'ai marqué ici :
«Museler des positions, des positions plus administratives qui pourraient exercer un pouvoir», vous en parlez souvent, les
mots «contrainte», les mots «administration malveillante», etc. J'essaie vraiment de comprendre en quoi le concept de liberté universitaire, qui date du Moyen Âge, on se comprend, les accords de Bologne, si on peut en parler, on va en parler longtemps... Cette contrainte ou ce souci de liberté, c'est la liberté de penser, c'est la liberté académique de pouvoir
faire de la recherche libre, de la recherche indépendante. J'essaie de voir le
lien entre ce concept, et la notion de
violence à caractère sexuel, et de danger sur les membres du personnel parce qu'il pourrait se passer quelque
chose. Je ne comprends pas, honnêtement, le lien, et j'aimerais vous entendre là-dessus, entre ladite
liberté universitaire et la question des violences à caractère sexuel.
M. Lafortune (Jean-Marie) : Alors, je pense qu'on a une autre définition de
la liberté universitaire, qui, pour nous,
consiste à pouvoir révéler des vérités qui peuvent heurter les pouvoirs — politiques, économiques, religieux,
syndicaux mêmes — et que donc... Justement, c'est un peu ce
qui fait objet de l'opposition, dans la démocratie universitaire, qui est
aujourd'hui mise à mal. Parce qu'à la lecture
que l'on fait des choses, c'est que les administrations sont tentées de
s'accaparer l'ensemble des pouvoirs, de la destinée des institutions
pour les conduire de leur propre chef.
Alors,
la référence aux violences, elle est indirecte. C'est que les outils qu'on est
tentés de vouloir mettre en place pour
pallier ce problème sont susceptibles d'être utilisés de manière à faire taire
les oppositions internes aux universités. Alors, pour nous, c'est vrai de tous les moyens de régulation qui
actuellement ont été mis en place. J'ai été moi-même, disons, mis au courant d'au moins une
demi-douzaine de cas où, par exemple, les politiques contre le harcèlement ont
été instrumentalisées par des
administrations pour mettre à l'écart des professeurs qui étaient considérés
comme nocifs, par exemple, à l'image de l'université.
Alors,
on se dit : Par extension, les politiques en matière de harcèlement sexuel
ou de lutte à la violence à caractère sexuel
n'échapperont éventuellement pas à cette logique. Et donc les membres du corps
professoral nous demandent, nous, aux
représentants et représentantes de ce groupe, de nous assurer qu'on n'ira pas
plus loin dans l'outillage, si on veut, des administrations, en matière
justement de contrôle de régulation, considérant le risque avéré — enfin,
si on tient compte au moins de la demi-douzaine
de cas qui ont été portés à mon attention — d'abus dans l'utilisation, les usages
de ces outils.
Alors,
tel est l'état, si on veut, du problème, à savoir que, cherchant bien sûr à
s'outiller mieux, éventuellement, on
suscite de nouveaux problèmes qui sont d'une autre nature, j'en conviens, mais
qui importent bien sûr aux membres du corps professoral.
Mme David :
Est-ce que vous pensez que cette question des violences à caractère sexuel qui
touchent les jeunes, nos jeunes, est
importante, est suffisamment importante pour qu'on doive essayer d'intervenir
pour les accompagner, si tant est que cette chose-là existe dans la
posture que vous semblez développer aujourd'hui?
M. Lafortune (Jean-Marie) : Bien sûr. Nous, on pense qu'il faut effectivement
que, dans chacune des universités, enfin,
dans chacun des établissements postsecondaires ou d'enseignement supérieur, il
y ait des ressources spécialisées suffisamment dotées pour permettre
effectivement un traitement rapide, sérieux des signalements et des plaintes
qui seront portés à leur attention.
Donc, on estime le problème réel et sérieux. Mais, simplement, la recherche de
solutions peut parfois, donc, comme
je le soulignais, nous entraîner dans des pentes glissantes, et c'est ce que
l'on cherche à éviter par nos commentaires, par nos réserves, le cas
échéant. Et, sans avoir les solutions clé en main, on se dit : Il faut véritablement faire attention à ne pas justement,
je dirais, transformer nos univers universitaires en univers carcéraux,
je vais dire.
Mme David :
Est-ce que vous pouvez élaborer un peu sur l'univers carcéral universitaire?
M. Lafortune (Jean-Marie) :
C'est que là, nous, comme professeurs, il faut comprendre qu'on est évalués à l'entrée, on est évalués à chacun de nos contrats,
chacune de nos demandes de financement, chaque dépôt de texte pour une revue, pour un livre, on est évalués dans
chacun de nos cours, on est surveillés par les caméras, par les gardiens, on
est... Donc, je dirais, on fait l'objet
d'une surveillance continue. Quiconque a lu déjà sur le panoptisme
comprend qu'il y a peu
de marge de manoeuvre additionnelle pour que l'ensemble,
je dirais, des gestes et des paroles soient consignés et éventuellement
utilisés contre les membres du corps professoral.
Il y a un tel
état de sécurité, et c'est a priori, à notre sens, une question importante et
que... Ce qui a été mis en place, les
dispositifs élaborés ont cherché à répondre à un problème réel, mais tout ça
finalement contribue à transformer, effectivement, l'université, on
pourrait dire même à transformer peut-être les rapports entre les membres du
corps professoral et le reste des membres de
l'université parce que, si les... Enfin, on peut imaginer que, si on est soumis
à un regard constant et à une évaluation
constante, les comportements vont également changer et que l'ouverture, par
exemple, du corps enseignant à toutes sortes de discussions qui
permettent d'approfondir certaines questions de recherche, de pédagogie vont être omises à l'avenir, puisque risquant,
par effets collatéraux, de compromettre la carrière d'un ou d'une
professeur.
Mme David :
O.K. On va revenir. J'ai un collègue qui voudrait vous poser une question, et
après ça je reviendrai sur votre... un certain nombre de vos affirmations.
Alors, mon collègue de D'Arcy-McGee, Mme la Présidente, voudrait...
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la ministre. Alors, la
parole est à vous, M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Lafortune, et merci pour votre
exposé. Écoutez, avec tout respect, je me permets d'exprimer, dans un premier
temps, mon étonnement et à vous inviter de me convaincre de votre
constat premier qui est que vous appuyez le geste très important que pose la
ministre dans un dossier que, vous convenez avec nous, est d'une importance
capitale. Et je me permets de poser la question sur deux volets.
Dans un
premier temps, j'ai cru comprendre que les genres d'instances qu'on propose à
instaurer vous inquiètent parce que ça
risque de renforcer une tendance que vous avez déjà vue qui est de permettre
aux administrations des universités
de faire procès d'intention des profs sur d'autres terrains. Premièrement, ça
m'étonne un petit peu. Dans un deuxième temps, est-ce qu'il faut tout
simplement adresser ce problème-là, au lieu de dire que, les structures qu'on
proposerait, c'était très difficile?
Deuxième
question sur une chose assez fondamentale, et là j'ai plutôt une question. Vous
notez à juste titre que la question de confidentialité est d'une
sensibilité... d'une difficulté accrue. Évidemment, il faut à la fois respecter
la notion de protéger des gens contre les
allégations non fondées, et, évidemment, je crois qu'on va s'entendre sur
l'importance, si on est pour adresser
au phénomène de l'intimidation, tout ce phénomène qui rend ça tellement
difficile pour les femmes, surtout de
se protéger, de se mettre de l'avant lors d'un incident. Il faut respecter leur
confidentialité en même temps. Là, dans
votre mémoire et dans vos remarques, vous avez parlé de cette difficulté de
trancher, mais vous n'avez pas proposé de solution. Alors, je vous
invite d'élaborer un petit peu sur la question de confidentialité.
Et comme je
dis, je persiste et je maintiens, je pose la question. Vous êtes en train de
dire que vous avez tout à fait compris
l'importance sociétale d'attaquer un problème de sécurité, d'un bien-être qui
touche un pourcentage de la population et
souvent les gens les plus vulnérables, vous l'avez dit, comme constat, et là je
vois devant nous des bâtons assez larges que vous mettez dans les roues
d'un processus qui s'adresserait à ce grand problème.
• (15 h 30) •
M. Lafortune (Jean-Marie) :
Merci de la question. Alors, il n'y a pas d'ambiguïté sur la reconnaissance du problème, mais ce n'est pas tout que de le reconnaître
pour penser que, magiquement, bien sûr, des solutions toutes faites ou
importées d'autres contextes puissent être satisfaisantes et sans impact sur le
milieu universitaire et notamment le corps
professoral. Alors, si, évidemment, on observe que malgré les lignes de
conduite diffusées par les syndicats de profs auprès de leurs membres,
certains professeurs abusent et se compromettent dans toutes sortes de gestes
et de paroles, non seulement on le déplore, mais on les rappelle à l'ordre à
l'interne à partir de ce qu'on considère être les outils d'éducation et de sensibilisation, éventuellement,
donc de changement comportemental volontaire, plutôt que d'instaurer un cadre strict, légal, judiciaire qui démontre
que, on le voit bien dans le cas
américain, on a beau instaurer
des codes de conduite avec des
documents à signer par tout le monde, il n'empêche qu'il y a des cas d'abus
dans les initiations, il y a des cas d'abus dans les universités, etc.
Donc, on
s'inspire aussi de ce qui se fait ailleurs pour comprendre qu'il y a des
solutions qui nous apparaissent inquiétantes,
même si effectivement, je le reconnaissais tout à l'heure, on n'a pas les
réponses à tout. Donc, on manifeste un certain nombre d'inquiétudes en nous
disant : Inspirons-nous non seulement de solutions que des membres de
la communauté universitaire proposent ici,
mais aussi d'expériences ailleurs, pour bien voir que ce qui apparaîtrait a
priori comme des solutions
intéressantes ne le sont, dans les faits, pas tant que ça et comportent des
effets pervers qu'il faut donc
prévenir.
La question
de l'administration autoritaire, pour nous, ça fait de nombreuses
années qu'on la traite, et donc... Parce
que
vous m'invitiez, si on veut, à dire : Est-ce qu'il n'y aurait pas un
travail à faire de ce côté-là?, et
que, si on retrouvait la collégialité dont on se... enfin, on prétend
encore, disons, utiliser comme principe constitutif ou structurant de la vie
universitaire, force est d'admettre que la collégialité est réduite à sa plus
simple expression aujourd'hui, que la... on pourrait dire, l'administration
managériale a pris le dessus sur la gestion collégiale et que donc, effectivement,
ça fait craindre des usages intéressés,
détournés des outils qu'on pourrait mettre en place à des fins de confort d'un
pouvoir que certaines administrations cherchent à concentrer.
Alors, il
faut reconnaître le problème, il faut s'atteler à trouver des solutions qui
soient les plus intéressantes. Celles qui
procèdent par incitation, par sensibilisation, éducation, adhésion volontaire à un certain
nombre de comportements nous semblent toujours à privilégier, considérant qu'ailleurs sur la
planète on a tenté de jouer le jeu des interdictions, des grandes sanctions et que ça n'a en rien réglé le
problème, même qu'il est sans doute plus important au sud de la frontière
qu'ici, au Québec.
Mme David :
C'est parce que...
La Présidente (Mme
de Santis) : Mme la ministre.
Mme David : Oui, excusez. Je sais et je comprends le modèle
que la FQPPU peut privilégier, la cogestion, etc. Vous ne vous en êtes jamais
cachés, puis, bon, c'est correct, on a tous nos modèles de gestion. Mais là on
parle... Moi, je vois très mal
comment on pourrait cogérer, au sens de dire à un professeur ou de dire à un
employé ou à un autre étudiant qui
aurait commis un geste malheureux, que ça soit n'importe qui vis-à-vis
n'importe qui, qu'il y ait une incitation à se reprendre en main. Disons qu'il y a
des gestes qui appellent des conséquences un peu plus graves que ça. Je
pense que vous l'admettrez avec moi que, quand on parle de viol, quand
on parle d'agression sexuelle, il faut toujours bien qu'il y ait quelqu'un
qui, dans notre société, qui est un État de droit, il y ait
une victime, il y a un agresseur. Peut-être que ce n'est pas un vrai agresseur puis qu'il n'y a pas de vraie victime, mais il
y a aussi des vraies victimes et des
vrais agresseurs, et donc ça prend un système... La société est faite
ainsi qu'il y a des interdits dans notre société.
Il
y en a qui ont dit qu'il était
interdit d'interdire. Je ne sais pas si vous participez de ce modèle où on
n'interdit rien, mais quand vous
comparez... parce que vous avez employé le mot «panoptisme» tout à l'heure, qui est quand même un mot de Michel Foucault, qui parle des asiles
psychiatriques du XVIIIe siècle, et que nous serions dans ce climat-là dans le climat universitaire. Si c'est le
fond de l'arrière-plan à partir duquel vous installez votre réflexion sur les
violences à caractère sexuel, j'ai un
peu de misère à suivre parce que je comprends à ce moment-là que, dans cet
univers... on a parlé d'univers carcéral tout à l'heure, bien,
c'est la prémisse à partir de laquelle vous faites cette réflexion sur comment
ne pas encadrer ou ne pas se poser de question sur...
La Présidente (Mme
de Santis) : Il reste 30 secondes.
Mme David :
...qu'est-ce qui arrive entre un agresseur et une victime.
M. Lafortune
(Jean-Marie) : Alors, bon, évidemment, il y a certaines agressions
qui, à notre avis, relèvent carrément du
Code criminel, là, si on évoque le viol et tout ça. On se demande pourquoi ce
serait limité à une administration universitaire
qui voudrait bien réguler ça. Au fond, il y a déjà un système en place. Donc,
pour ce qu'il y a de vraiment plus brutal, là, normalement, là, on
reconnaît, là, la prérogative du système judiciaire et policier.
Pour le reste,
évidemment, c'est une... comment dire, c'est une préoccupation, une inquiétude,
qui est rendue manifeste chez le corps
professoral, qu'on est dans un contexte où, effectivement, disons, les
relations de confiance sont rompues
avec les administrations, ce qui nous amène à faire acte de plus grande
prudence, mais ça ne veut pas dire de protéger des personnes qui
commettent des gestes répréhensibles.
Alors,
c'est sûr à ce qu'on s'attend à ce qu'éventuellement des gestes qui n'ont pas
lieu d'être à l'université soient sanctionnés.
C'est l'évidence même. Alors là, après ça, il s'agit de voir quel est cet
appareillage-là à partir duquel on va opérer, d'une part, une
sanction...
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Lafortune. La parole
maintenant est à la représentante de l'opposition officielle, la députée
de Marie-Victorin.
Mme Fournier :
Merci, Mme la Présidente. Rebonjour et bienvenue en commission parlementaire.
Je
vais tout de suite poursuivre un peu sur les questionnements des collègues du
gouvernement qui sont passés avant
moi, parce que, bon, c'est certain qu'on ne se cachera pas que votre position
aujourd'hui, elle est quand même assez largement
différente de celles qu'on a entendues jusqu'à maintenant dans les
consultations particulières. Puis il y a quelque chose que vous avez dit, qui m'a interpellée, il y a quelques minutes
seulement. Vous avez dit que... En tout cas, vous avez semblé laisser entendre que les solutions qui
pouvaient s'apparenter au projet de loi n° 151, qui avaient été adoptées
ailleurs dans le monde, n'étaient pas... ne répondaient pas un peu à nos
préoccupations ou ne fonctionnaient pas bien. Pourtant,
on a souvent cité, par exemple, les cas des universités américaines comme
Harvard ou Yale et, en tout cas, de ce que
moi, j'en sais, c'est que ça fonctionne bien. Les solutions ne sont pas
parfaites, mais c'est néanmoins un très bon pas en avant.
Donc,
j'aimerais vous entendre sur la nature de votre déclaration puis plutôt quelles
expériences avez-vous noté qui ne fonctionnaient pas bien ailleurs, en
matière de lutte contre les violences à caractère sexuel dans les universités.
M. Lafortune (Jean-Marie) : D'accord. Le regard, effectivement, a tendance à
se tourner vers les universités américaines, eu égard à, moi, je dirais,
à l'ossature juridique qu'ils ont tenté d'imposer à l'ensemble des membres de la communauté universitaire. Mais lorsqu'on
regarde simplement des statistiques sur les réalités des occurrences de cas
d'agressions de nature sexuelle sur les
campus américains, lorsqu'on se tourne du côté des actions de débordement qui
accompagnent les activités d'initiation sur
les campus américains, on ne voit pas de grande avancée ou de grande
différence, eu égard à ce qui se faisait avant l'instauration de ces
mécanismes de contrôle.
Et donc on
s'interroge, à savoir : est-ce que ce sont donc les bons outils, les bons
véhicules, si on veut, à mettre de
l'avant pour y parvenir? Et la judiciarisation des milieux de travail ne nous
apparaît pas nécessairement, là, l'option la plus
souhaitable. On est d'accord pour le fait que les actes les plus répréhensibles
soient sanctionnés, mais, à plus long terme,
c'est-à-dire, au fond, peut-être dans un premier temps, il faut symboliquement
montrer un peu plus de force dans le combat contre ces violences.
Mais à terme, ce qu'on souhaite, et sans être
une interdiction d'interdire, c'est que la prise de conscience, l'éducation, la sensibilisation prennent le pas
sur les sanctions, parce que dans tous les cas, à vrai dire, d'espèce, en
éducation comme ailleurs, dans le
milieu universitaire comme dans le milieu de travail en général, les sanctions
atteignent rapidement leur limite et
les personnes parviennent à contourner les règles existantes pour pouvoir,
finalement, continuer d'exercer leurs abus dans bien des cas, si bien
que, pour nous, la voie de la pénalité nous apparaît être à suivre dans un
moment premier, mais très limité, de manière
à bien marquer le point à ce moment-ci de l'histoire, mais que rien ne
remplacera, donc, une éducation dès
le plus bas âge, pour nous assurer du respect de chacune, chacune, et d'une évolution
pacifique, et de la création d'un milieu de travail et d'études qui soit
sain.
• (15 h 40) •
Mme Fournier : Là-dessus, c'est certain qu'on s'entend. Je pense
qu'on a du travail à faire en amont aussi en même temps qu'il y a du travail à faire en aval, mais il faut le
reconnaître que c'est quand même une problématique qui est très présente. On l'entend aussi énormément
depuis quelques semaines, voire quelques années, avec les
différentes vagues de dénonciation.
Alors, il faut quand même reconnaître que le problème, il est là, et donc
de donner toutes les ressources nécessaires aux personnes qui ont pu être
victimes de violence à caractère sexuel dans nos cégeps, dans nos universités,
de passer à travers ça puis aussi d'avoir les recours appropriés pour s'en
sortir.
Donc, vous
avez dit tantôt que vous aviez, en réponse à ma question sur les cas des
universités américaines, par exemple...
Est-ce que vous avez un rapport en particulier que vous
citez? Parce que vous sembliez faire allusion à des
statistiques particulières.
M. Lafortune
(Jean-Marie) : Ce n'est rien
d'absolument récent. Donc, ça ne me donne rien d'aller beaucoup plus
loin parce qu'il faudrait sans
doute... Ça évolue rapidement, ce genre de chose là, et, comme je le disais, il
y a des fois des gestes, qui
apparaissent d'abord symboliques, peuvent aussi à plus long terme, disons,
opérer et faire la différence.
On
pourrait... si vous le souhaitez, je pourrais vous transmettre ça plus tard,
là, ce mois-ci, des statistiques qu'on pourrait
trouver, plus récentes, là, sur l'occurrence de ces cas-là. Encore faut-il voir
comment est-ce que c'est compilé parce
que ce qu'on appelle abus ou agression a différentes natures, recouvre
différents gestes ou paroles. Et là il faut voir aussi quelle est la gravité relative de ces gestes ou
paroles et est-ce que c'est compilé de la même manière au Québec, au
Canada, aux États-Unis, parce qu'il faut bien sûr s'assurer d'avoir du
comparable en ces matières.
Mais je
rencontre, dans mes activités de représentation à l'international, des
collègues des universités américaines, et
ces gens-là, forts de leur connaissance, si on veut, du système universitaire,
me disent que tout ça, finalement, a un impact proprement symbolique, mais qu'éventuellement cet engagement-là par
écrit des membres de la communauté universitaire les attache et finalement les met dans une situation où ils se sentent
muselés, non seulement de participer à la vie universitaire plus
intégralement, mais éventuellement de mettre de l'avant des débats qui
pourraient éventuellement heurter les sensibilités.
Et là on voit
que la question des violences à caractère sexuel, on glisse vers l'ensemble des
sujets mis en débat à l'intérieur d'un cadre universitaire, et, pour
nous, c'est là où on fait apparaître cette idée de liberté universitaire, où ça ne nous apparaît pas une solution, une
perspective réjouissante de se dire que, dans la foulée des outils pour
combattre un phénomène sérieux, réel
et qu'on doit, au fond, contenir, de modifier le registre des échanges
intellectuels dans un milieu universitaire
qui ne doit pas être, je dirais, muselé de quelque manière que ce soit. Et donc
on pourrait dire, les limites sont
minces entre une solution adéquate sur le long terme et une solution qui pourrait
apporter des revers, des aspects plus négatifs.
Et, quand on dit pour la communauté
universitaire, bien, c'est éventuellement pour l'ensemble de la société,
puisqu'évidemment on est dans une société du savoir, une économie qu'on dit du
savoir et donc virtuellement, par la démocratisation,
on souhaite que tout le monde passe par l'université, mais il faut garder une
université qui puisse encore jouer son rôle d'approfondir des questions,
de questionner ce qui relève des pouvoirs et donc d'éviter tout ce qui est
susceptible d'aller à l'encontre d'une vie universitaire, je dirais, fébrile,
créative.
Et donc c'est
pour ça que c'est, disons, sous l'image, là, de crainte, d'inquiétude et de
questionnement que je viens ici aujourd'hui sans pouvoir effectivement
vous livrer des solutions, là. Mais dépendamment, comme je le disais autour de la question des cas de reconduite, de la
manière dont on implante ça, ça peut éventuellement, puisque si ça suit la...
enfin, je dirais, l'orientation qu'on a prise, nous, dans les syndicats, à
savoir de ligne de conduite à laquelle les gens adhèrent volontairement,
on pense que, sur le long terme en tout cas, ça va être plus intéressant que
des codes de conduite qui engageraient
formellement les gens par des signatures et qui iraient éventuellement, donc, à
l'encontre d'une vie intellectuelle plus ouverte.
Mme Fournier : Parce
que ce que nous disaient beaucoup
de groupes jeunes, aussi, par exemple, la Fédération des cégeps, tout ça, c'est que les mesures, par
exemple, qui sont contenues dans le projet
de loi n° 151, les mesures que
vous semblez un peu plus dénoncer, bien,
pouvaient participer au contraire à créer ce lien de confiance là entre la
partie étudiante, et les professeurs, et, bref, tout le personnel qui
est en relation d'autorité.
Mais quand même
je pense qu'on s'entend sur la partie éducation,
prévention, sensibilisation. Dans votre mémoire, vous parlez notamment, là, des cours d'éducation
à la sexualité dès l'école primaire, tout ça, et, bon, je partage entièrement votre position. Mais à ce regard-là, en regard de l'éducation,
de la prévention, de la sensibilisation, selon vous, que pourraient faire de plus
les universités québécoises?
M. Lafortune (Jean-Marie) :
Bien, c'est d'outiller les intervenants et intervenantes, déjà aussi de
s'associer à des forces de la société civile, enfin, ou communautaire,
associatif, qui déjà ont des expertises dans le domaine. Évidemment, là, on l'a
appelé dans la consultation antérieure et on estime que... enfin, ce milieu
universitaire est en mesure d'outiller
convenablement l'ensemble des parties personnelles ou individuelles et
organisationnelles qui cherchent justement
à aller plus loin dans cet objectif de sensibilisation et d'éducation, de
documenter, de faire des enquêtes pour voir
effectivement est-ce qu'il y a des avancées, donc est-ce qu'il y a un recul de
l'apparition de ces cas-là, par exemple, après la mise en oeuvre d'un certain nombre de programmes de sensibilisation,
etc. Et donc, au fond, on pourrait dire de monitorer, comme on l'a dit
souvent, le phénomène et de voir ce qui fonctionne, ce qui fonctionne moins.
Donc, au
fond, c'est ça qui est, je pense, l'apport particulier de l'université. Ça a
toujours été de tenter de contribuer à
ce qu'on s'administre, qu'on se gère avec une plus grande lumière, si on veut,
c'est-à-dire à travers des faits et non pas uniquement, bien sûr, des
impressions.
Mme Fournier :
Merci. Un autre aspect sur lequel on s'entend, c'est la nécessité d'avoir des
ressources dédiées pour mettre en application le projet de loi
n° 151, parce que c'est vrai qu'il contient plusieurs mesures auxquelles
les universités devront se soumettre.
Donc,
j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que vous avez un peu chiffré les
besoins? Est-ce que selon vous ça
prendrait certaines ressources minimales? Donc, comment vous l'entrevoyez,
nonobstant votre position, là, nécessairement, sur les mesures plus
spécifiques?
M. Lafortune
(Jean-Marie) : Non, on ne
l'a pas chiffré, à vrai dire, et... mais, enfin, on a le souci d'une
mutualisation, comme je l'ai évoqué plus tôt, parce qu'enfin c'est un
secret de polichinelle que les universités crient famine depuis cinq, six ans, et que ce qu'on craignait, c'était
qu'on demande aux universités d'aller puiser dans leur maigre budget les
ressources nécessaires à la mise en place de ces nouveaux outils.
Alors, nous, on dit : Tentons le coup avec
l'annonce, enfin, les disponibilités budgétaires annoncées jusqu'à présent, voyons ce qu'il en est et ouvrons la
porte éventuellement à ce qu'on puisse accroître ces budgets-là, le cas échéant.
C'est difficile de mesurer, pour l'heure,
combien de personnes seront nécessaires, les coûts de la formation, le nombre
de plaintes, de signalements, le nombre
d'enquêtes qui seront menées. Et donc je ne sais pas exactement sur quels
critères on pourrait se fonder pour
établir un coût approximatif assez, enfin... ou même précis de ces ressources.
Mais toujours est-il qu'au moins, là,
on dispose d'un budget de démarrage, et puis il faut simplement, à notre avis,
rester ouverts à cette idée qu'il ne
faut pas, disons, amputer les autres budgets des universités. Il faut dédier,
donc, les ressources financières adéquates eu égard aux besoins qui
seront manifestés.
Mme Fournier : Bien sûr.
Peut-être, finalement, parce qu'il ne reste vraiment pas beaucoup de temps,
mais peut-être nous préciser ce que vous entendiez, là, par la mutualisation
des ressources.
M. Lafortune
(Jean-Marie) : Bien, la
mutualisation, c'est que, lorsqu'il y a plusieurs établissements,
éventuellement, de petite taille, où
on peut peut-être envisager, et c'est la réalité qui nous le dira, qu'il y a un
moins grand nombre, à tout le moins en
chiffres absolus, de cas qui se présenteront, est-ce qu'il n'y aurait pas la
possibilité de faire en sorte qu'un seul lieu soit créé avec les ressources présentes pour éventuellement
accueillir les personnes qui voudront avoir de l'aide, ou voudront porter
plainte, ou faire des signalements?
Donc, on
pense souvent, éventuellement, à des situations régionales, où est-ce que
cégeps et puis universités de petite
taille sont à proximité et permettraient, le cas échéant, d'avoir un seul
bureau pour deux établissements ou trois, là, le cas échéant. Parce que
cette exigence-là de l'avoir par établissement a priori semble intéressante,
mais s'il y a des ressources qui sont là et inutilisées, là, on se demande
effectivement si elles ont été bien allouées.
• (15 h 50) •
Mme Fournier : Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la représentante du deuxième groupe
d'opposition, la députée d'Iberville.
Mme Samson :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Lafortune. Je dois vous dire
d'entrée de jeu, M. Lafortune, que,
contrairement à plusieurs de mes collègues, je ne suis pas une experte du
domaine de l'éducation au Québec, encore moins du système universitaire. Je n'ai pas fait mes études au Québec.
J'imagine que, dans mon jeune temps, ça existait aussi dans les universités américaines. Je ne l'ai pas connu, mais
peut-être que, quand on mesure six pieds puis qu'on est ceinture noire en karaté, on n'est peut-être pas le
groupe cible, là, prioritaire des abuseurs. Donc, ça m'a peut-être aidée
un peu. Mais j'ai trois choses que
j'aimerais aborder avec vous, et la troisième, ça sera la question qui tue, je
vous préviens d'avance.
Mais vous
avez dit d'entrée de jeu que votre fédération n'avait pas attendu un projet de
loi pour se doter ou, enfin, s'outiller.
J'imagine que vous avez fait de la sensibilisation, des communications auprès
de vos membres par rapport au phénomène
qu'on a connu, peut-être de façon plus accentuée récemment. Mais est-ce que
votre fédération a envisagé de doter
ses membres d'un code d'éthique ou de conduite jusqu'à maintenant? Si j'ai bien
compris, non. Ce n'est pas une solution, une piste que vous avez abordée
et ce n'en est pas une que vous contemplez non plus pour le moment.
M. Lafortune (Jean-Marie) : Je
répondrai à la fin des trois questions? C'est ça?
Mme Samson :
Non, non. Allez-y. Allez-y.
M. Lafortune (Jean-Marie) : Tout de suite? D'accord. Bien, c'est que,
contrairement à d'autres professions, il n'y a pas un ordre
professionnel des enseignements, ici, et des professeurs, si bien que ce qu'on
appelle un code d'éthique, ça paraît, encore
là, être une option intéressante, mais elle n'est pas consacrable dans la
réalité québécoise. C'est pour ça
qu'on parle de ligne de conduite en ce qui nous concerne. Et, oui, on a diffusé
des outils de mobilisation. On démarre prochainement un autre projet qui
est sur ce qu'on appelle le «mobbing» universitaire, c'est-à-dire des
stratégies concertées d'éviction de membres
de la communauté universitaire, et dans le souci effectivement d'en arriver à
un fascicule qui outille les
syndicats et qui leur permette d'être plus efficaces dans leur travail au sein
des différents établissements.
Alors,
non, ce n'est pas quelque chose qu'on prend à la légère. Malgré les réserves
que j'ai eues sur les outils, sur la
question, on a, je pense, toujours été, là, soucieux d'agir, mais d'agir, comme
je le dis, par la sensibilisation et l'éducation même de nos propres collègues. Même si, parfois, on pense que les
professeurs n'ont pas besoin d'éducation eux-mêmes, dans certains
dossiers, ce n'est pas le cas.
Mme Samson :
Pas le cas. Je peux vous dire d'un autre côté, par expérience, que de doter une
association professionnelle d'un code de
déontologie, ce n'est pas impossible et ça ne requiert pas de faire partie des
professionnels. Je l'ai fait avec
l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, qui se sont
dotés d'un code de déontologie, auquel
d'ailleurs les gens qui ont des problèmes pourraient faire appel.
Malheureusement, peut-être que son existence n'est pas assez connue.
Mon deuxième point...
et là j'ai eu de la misère à comprendre comment le projet de loi dont
découlerait des mécanismes de traitement des
plaintes et tout ça pourrait accroître la menace qui plane sur l'embauche des
enseignants. Vous avez, à moins que
je vous ai mal compris... dire que, puis que mon collègue l'a soulevé tantôt,
qu'on puisse faire des procès d'intention à des professeurs. En quoi le
projet de loi qui vise à combattre les violences à caractère sexuel peut-il augmenter le risque qu'un professeur soit
victime de discrimination ou qu'on lui refuse un contrat? Dans quelles circonstances cela pourrait-il se produire? Si son
dossier était public, était non confidentiel? Je ne sais pas. J'aimerais juste
que vous m'expliquiez en quoi la menace est grandissante.
M. Lafortune
(Jean-Marie) : Bien, d'une part, évidemment, ce n'est pas le projet de
loi lui-même. Ce sont, comme vous le dites,
les mécanismes prévus, exactement, qui sont susceptibles d'être, nous, on dit
instrumentalisés, hein? Parce qu'au
fond, s'il s'agit de faire une plainte, un signalement et d'engager une enquête
et si on souscrit à l'idée qu'il faut d'entrée de jeu, à ce moment-là,
publiciser le nom des personnes suspectées...
Mme Samson :
...bout-là, là. O.K.
M. Lafortune (Jean-Marie) : Bien, évidemment qu'on est, là, dans une
stratégie évidemment de... Ce n'est pas le complot, là, selon nous, là, mais
parce qu'on est témoin. Ça arrive déjà, là. Alors donc, on se dit, faisons
attention. Puis on comprend, on l'a
mis dans le mémoire, que les victimes
souhaiteraient bien qu'il y ait publicisation rapide de l'ensemble des démarches et éventuellement des sanctions, mais nous, on dit, encore là,
prudence dans le... Tant que ça reste à l'état d'allégations, ça ne
devrait jamais être, évidemment, publicisé.
Mme Samson :
C'est ça. C'est vraiment l'aspect de la confidentialité.
M. Lafortune
(Jean-Marie) : Et donc ce n'est pas du tout à l'embauche, là. C'est plutôt
les professeurs qui manifestent des
désaccords profonds avec les orientations des directions qui sont parfois visés
par ces instrumentalisations des mécanismes en place ou en...
Mme Samson :
Je comprends. Maintenant, je vous envoie celle qui tue. Beaucoup de gens qui se
sont présentés en commission ou à qui
on a parlé dans différentes instances de consultation, plusieurs organismes
nous ont demandé que le projet de loi
inclue des directives claires quant à l'interdiction de relations intimes entre
un étudiant ou une étudiante et quelqu'un
qui a une influence sur son parcours d'éducation. Comment vous réagissez à ça,
vous, que ce soit une interdiction?
M. Lafortune (Jean-Marie) : Enfin, la façon de l'envisager, pour nous, c'est,
d'une part, de considérer que le langage
n'est pas toujours performatif, comme on dit en philosophie, à savoir que
dénoncer le discours, ce n'est pas de créer la réalité. Et donc de
dire : Il est interdit, ça ne fait pas en sorte qu'il y a interdiction
dans les faits.
Notre
crainte, et on l'a mis dans le mémoire, c'est qu'une fois qu'une situation fait
l'objet d'une interdiction, comme plusieurs
phénomènes dans la société, ça ne cesse pas d'apparaître, mais ça revêt des
caractéristiques qu'on a appelées de
clandestinité. Or, dans la clandestinité des rapports intimes entre membres de
la communauté universitaire, ce qu'on craint, c'est que la partie la plus
vulnérable peine encore plus à l'intérieur d'une telle relation, où est-ce que
tout ça devrait rester éventuellement
caché. Et donc les pressions qui s'exerceront sur les personnes vulnérables
dans un rapport intime risquent
d'être encore plus dures à subir, et l'omerta, si on veut, encore plus forte,
si, dans la veine d'une interdiction, ça
s'accompagnait, bien sûr, de sanctions, disons, automatiques, auquel cas ça
voudrait dire que, là, il y aurait vraiment, on estime, nous, des
dangers accrus pour les personnes qui sont vulnérables à l'intérieur de ça.
Donc, pour nous, on ne
s'interdit pas, bien sûr, d'envisager cette question-là, mais on en a débattu
avec un certain nombre de représentants des
associations étudiantes. Et encore là, ça semble, d'entrée de jeu, être une
solution intéressante, c'est-à-dire,
au fond, à tout le moins, à mettre de l'avant puis à analyser. Mais on estime
que ça ne résiste pas longtemps à
l'analyse, parce que justement ça risque de créer des effets contraires à ceux
qu'on souhaite, parce que ça ne
réglera pas simplement, magiquement, des cas qui... Enfin, vous disiez, même à
l'époque où vous étudiiez, sans doute
que ça se passait. Ça se passera dans 15 ans, 20 ans. On souhaite que
ce soit le plus faiblement possible. On souhaite outiller les victimes pour qu'elles puissent mieux, évidemment, répondre
à cette situation et ne pas sacrifier une existence dans ces cas-là, mais l'interdiction, dans le
discours, ne créera pas l'impact envisagé d'une manière bien théorique ou
abstraite, mais risque de créer, en tout cas, d'autres phénomènes.
La Présidente (Mme de Santis) : Il
reste une minute.
Mme Samson : ...qui m'a passé
la remarque plus tôt aujourd'hui, naturellement, qu'une relation intime entre
deux adultes consentants n'implique pas nécessairement qu'il y ait violence. On
parle ici d'un projet de loi qui vise à combattre
et à prévenir la violence ou les agressions sexuelles. Alors, naturellement,
deux adultes consentants, la relation n'est
pas nécessairement empreinte de violence. Il y a un rapport, naturellement,
d'autorité qui existe potentiellement, qui pourrait être un litige ou qui pourrait donner lieu à des difficultés,
mais il faut voir quelle sorte de terrain on veut couvrir. Merci, Mme la
Présidente. Merci, M. Lafortune.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci,
Mme la députée d'Iberville. M. Lafortune, on vous remercie pour votre
exposé.
Nous allons
maintenant suspendre pour quelques instants afin de permettre aux représentants
de la Centrale des syndicats du Québec de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 heures)
(Reprise à 16 h 2)
La
Présidente (Mme de Santis) :
Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants, oui, il y a des représentants en grand nombre, de la Centrale des syndicats du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous
procéderons à la période d'échange avec les membres
de la commission. Je vous
invite à vous présenter et à procéder avec votre exposé. Allez-y.
Centrale des syndicats du
Québec (CSQ)
Mme Chabot
(Louise) : Merci. Louise
Chabot, présidente de la Centrale des
syndicats du Québec. Oui, on est
venus en collégialité vous présenter notre mémoire dans le cadre de cette
commission parlementaire. D'abord, merci pour l'invitation, Mme la
ministre.
Ça fait que je vous présente les personnes qui
sont avec moi : Marie-Claude... pardon, Marie-Josée Dallaire, qui est
vice-présidente de la fédération de l'enseignement privé, à la CSQ, qui
regroupe aussi des cégeps. J'ai Mme Suzanne
Tousignant, qui est la présidente des professionnels des collèges, des cégeps.
J'ai Silvie Lemelin, qui est vice-présidente
à la Fédération des enseignantes et des enseignants de cégep, toujours à la
CSQ, hein, Mme Diane Courchesne, qui
est responsable du dossier de la condition des femmes. J'ai Luc Caron, qui est
président du Syndicat des professionnelles et professionnels de recherche à l'Université Laval, et j'ai
M. John Cuffaro, qui est vice-président du personnel de soutien en
enseignement supérieur.
Bien,
d'abord, c'est avec beaucoup de fierté qu'on est ici aujourd'hui pour venir
saluer un projet de loi qui à notre avis
est une grande avancée sur les questions de violence et d'agression en matière
d'agression sexuelle. Vous le savez, Mme
la ministre, Mmes, MM. les parlementaires, la CSQ, ça fait 40 ans qu'elle
lutte, comme mouvement syndical, avec ses
comités de la condition des femmes, avec les groupes communautaires puis avec
les groupes de femmes pour faire en
sorte que nos milieux de vie partout soient exempts de discrimination, soient
exempts d'agression et soient exempts de harcèlement. C'est, pour nous,
majeur.
Ça fait que
vous l'avez vu dans notre mémoire, on va saluer plusieurs articles du projet de
loi qui sont en cause. Mais je vais
me permettre de dire qu'on va aussi saluer la ministre pour le leadership
qu'elle a exercé dans ce dossier-là, parce
que la lecture qu'on fait du projet de loi, c'est qu'il est vraiment conforme,
en grande partie, à la stratégie qui a été déposée. Puis la stratégie qui a été déposée, bien, elle a fait l'objet
d'abord d'une grande consultation, où les principaux acteurs ont été invités. Vous avez pris ça à
bras-le-corps dès le début, puis on sent dans le projet de loi une volonté
d'avoir répondu aux préoccupations du milieu.
Ce qu'on
salue particulièrement avec ce projet
de loi, c'est l'idée... la volonté du
gouvernement de prévenir et de contrer les violences à caractère sexuel en enseignement
supérieur, un projet de loi qui est distinct et qui oblige à mettre
en place, dans chacun de nos établissements, une politique avec des éléments prescrits, une consultation de tous les acteurs du
milieu, une évaluation annuelle pour les établissements, une révision
de la politique aux cinq ans, et l'exigence de se conformer aux obligations prévues dans la
loi sans quoi l'établissement pourrait se voir imposer par le ministre
des mesures de surveillance et d'accompagnement.
On
salue aussi l'obligation de diffusion de la politique au début de chaque session. Cette information, je
pense qu'elle va permettre de rendre plus visible et accessible
l'endroit où on devrait trouver tous les renseignements, de l'écoute et de l'aide. On salue aussi les
formations prescrites. Ça nous apparaît essentiel pour tout le personnel parce
que, vous le savez, le personnel,
dans nos réseaux, dans nos cégeps, dans nos universités, le personnel est susceptible
d'être appelé à intervenir auprès de
la population étudiante ou auprès des collèges. Ça fait que, dans les volets de
formation qu'on suggère, c'est que ça
devrait traiter des rapports sociaux égalitaires, de la culture du viol, et de
la question de consentement. On doit absolument veiller à déconstruire
les stéréotypes puis identifier les relations de pouvoir qui se perpétuent malheureusement encore dans nos établissements.
Suivi étroit des plaintes et des signalements, c'est majeur, comme la
confidentialité est cruciale, surtout dans les petits établissements, pour
protéger les personnes concernées.
Au niveau des
éléments du projet de loi qui sont à améliorer, on va se référer à
l'article 2. En premier lieu, à moins que ça soit déjà couvert, mais on insisterait pour dire que la loi doit
s'appliquer aussi l'Institut maritime du Québec puis aux centres collégiaux de transfert et de
technologie. Ça fait partie du réseau collégial puis, pour nous, c'est majeur.
À l'article 3, dans la mise en
place de la politique, vous faites état que la politique doit prévoir les rôles
et les responsabilités des
dirigeants, des membres du personnel, des représentants des étudiants. Il
manque les syndicats. Ça fait qu'on va vous demander d'ajouter les syndicats, notamment par l'intermédiaire, pour
certains, de leurs comités de la condition des femmes. Je le disais d'entrée de jeu, on a joué un rôle
important là-dedans, ça fait qu'ils doivent absolument être ajoutés, ça fait
qu'on vous a proposé un contenu.
Mise en place
de la politique aux pages... à la recommandation n° 3 que nous faisons,
c'est que la stratégie rendue publique en août indiquait que la politique des
établissements devait prévoir des mesures qui visent à protéger les personnes concernées et à limiter les impacts sur
leurs études. C'est d'ailleurs dans le projet de loi. Mais toutefois la
stratégie ministérielle disait aussi qu'il faudrait demander aux
établissements de réviser le règlement sur l'abandon de cours sans échec de même que le règlement sur la
résiliation de bail à la résidence. C'étaient des bonnes idées, mais on ne les
retrouve pas dans le projet de loi, c'est
pour ça qu'on vous propose d'ajouter un bout de texte à l'article... au
paragraphe 3°... au paragraphe de
l'article 3. Je n'aurais pas dû m'enfarger dans les chiffres, là, je le
fais tout le temps. Dans le fond, de dire : Notamment, la révision
des règles sur l'abandon des cours et la mention d'échec et sur la résiliation
de bail à la résidence étudiante. Pour la
mise en place de la politique... à défaut, on disait aussi, pardon, sur la
dernière question, que les
établissements devraient quand même veiller à réviser ces règlements, ce qui
pourrait vouloir dire que le fait d'être victime de violence à caractère sexuel pourrait, au collégial, faire
l'objet d'une mention incomplet pour force majeure, puis, au niveau universitaire, être considérée
comme une raison valable à prendre en compte lors de la réinscription de
l'étudiant.
• (16 h 10) •
Pour la mise
en place de la politique, le paragraphe 12° de l'article 3 prévoit
que chaque politique institutionnelle énonce les sanctions applicables dans l'établissement selon la nature, la gravité ou le caractère répétitif. On pense, nous,
que ça pourrait poser un problème d'équité. Pour une même faute, les
sanctions pourraient être différentes d'un établissement à l'autre. On a une solution pour vous, en tout cas pour le projet de loi. Vous
savez qu'il y a un comité-conseil qui est peut-être déjà mis en place ou qui doit se
mettre en place. Pour nous, c'est majeur qu'il se mette en place rapidement.
C'était prévu dans la stratégie
ministérielle, et ça pourrait être le comité-conseil qui produise un guide pour outiller les
établissements de façon à uniformiser le plus possible les pratiques dans les
universités puis les collèges. On entend beaucoup
parler aussi de la question des sanctions. Bien, je pense que de ce côté-là
aussi, il pourrait avoir un guide pour pouvoir
finalement prendre en compte la présence des personnes mineures qui étudient dans
les établissements, l'impact possible, dévastateur, des relations
intimes entre des membres du personnel, des étudiants, mais aussi de l'impact
de l'interdiction formelle. On a entendu une
question. Ça fait que pour nous, ça serait majeur que le comité-conseil
devienne incontournable sur cette
question-là, afin d'uniformiser les pratiques et de soutenir les
établissements. C'est une recommandation qu'on vous fait.
À
l'article 6, là, ce sera peut-être nouveau, sur le processus de
consultation à mettre en place pour l'élaboration ou la révision de la politique. On a salué ça, la
question de la consultation, c'est majeur. Mais on croit qu'il faudrait aller
plus loin. Il va y avoir une responsabilité
importante de nos établissements dans la mise en place de ces politiques, mais
on pense aussi qu'il doit y avoir un comité permanent, je dirais
multicatégoriel ou intercatégoriel, sur les violences sexuelles. Un comité qui inclurait à la fois la communauté
étudiante — un de
ses représentants — les
directions, le personnel, mais aussi les organisations syndicales.
Chaque association pourrait — vous allez me couper la parole...
La Présidente (Mme de
Santis) : ...
Mme Chabot
(Louise) : ...j'ai
30 secondes? — pourrait
ainsi être au rendez-vous pas seulement pour dire... être consultée si la politique me convient ou pas, mais
pouvoir participer pleinement, consulter, suivre la politique, être en
mesure, s'il y a des révisions à faire, donc, d'être partie prenante des
comités dans chaque établissement, qui inclut l'ensemble de la communauté
collégiale. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci à vous, Mme Chabot.
Maintenant, nous allons procéder avec la période d'échange. Mme la
ministre, la parole est à vous.
Mme David : Oui, merci beaucoup.
D'abord, je vais commencer par vous remercier sincèrement de votre présence et de votre vraie, réelle présence depuis
le début de ce dossier. En tout cas, en ce qui me concerne et en ce qui nous concerne, une présence permanente, assidue,
constructive, critique dans le bon sens du terme, aidante, pour essayer de comprendre les tenants
et aboutissants de toute cette question qui... on ne le savait pas personne, ni
vous ni nous, là, qu'on se
retrouverait dans cet automne un peu «ouragan social», comme je l'ai qualifié,
qui n'est pas nécessairement dans une institution plus que dans une autre, mais
qui est comme en arrière-plan à tous les jours, dans les journaux, partout, de
quelque chose qui se passe dans la société. Ce n'était pas nécessairement ça l'an
dernier, mais souvenez-vous, on était dans une autre dynamique, à l'automne,
d'événements dans les collèges, les universités, qui n'étaient pas
particulièrement sympathiques ou
rigolos, et à partir desquels on a décidé de faire des journées, en disant :
On va essayer d'aller voir un peu
qu'est-ce qu'il en est. Et vous avez été présents tout au long pour nous aider
à réfléchir, et on est allés, en tout cas, en ce qui me concerne, de constatation en constatation pour dire O.K., je
pense que là, on prend la mesure de quelque chose qui n'avait peut-être
pas été suffisamment discuté, réfléchi. Oui, dans des instances, peut-être,
syndicales, dans des associations étudiantes, dans des administrations, mais de
mettre tous ces gens-là ensemble, d'avoir des victimes, de rencontrer des organismes communautaires, ça nous
a amenés à faire le constat, assez rapidement d'ailleurs, lors des journées,
qu'on allait plutôt vers une loi que vers une politique ou un règlement qui
demande une politique.
Ça veut dire
quelque chose, aller vers une loi. On le sait, vous le savez, on le sait tous
ici. Ça veut dire qu'on se retrouve, entre autres, ici, à regarder
qu'est-ce qu'on va mettre dans cette loi-là pour qu'il se passe quelque chose
qui correspond aux vrais enjeux qu'on trouve
suffisamment importants, dans la société, pour pouvoir agir. C'est quand même
pour ça qu'on est en politique, c'est-à-dire
pour faire des lois et puis pour avoir l'impression, à notre petit niveau, de
changer les choses en espérant pour
le mieux, grâce à, d'ailleurs, tous les partis, qui ont des commentaires très,
très intéressants. Et on se dit que tout le monde ensemble, on va
peut-être arriver à des choses fort intéressantes pour l'avenir de notre société. Alors, je vous remercie d'être là, puis
je vous remercie du mémoire, encore une fois, que vous avez soumis, puis je vais avoir quelques questions. Mais vous
rassurer sur un certain nombre de choses ou, en tout cas, vous dire qu'on
entend bien puis qu'on veut travailler là-dessus.
La première
recommandation, j'ai trouvé ça intéressant parce que j'ai un attachement
particulier pour l'Institut maritime du Québec, et vous avez dit :
Oubliez-le pas! Mais on ne peut pas l'oublier, je vous rassure, parce qu'il
fait partie du cégep de Rimouski, il fait
partie. C'est une école nationale qui fait partie d'un collège qui va être
assujetti, donc, par extension, il va
être assujetti. Je vous rassure, aussi, et merci de l'avoir souligné, aux CCTT,
aux centres collégiaux de transfert
de technologie, parce qu'il y en a plusieurs, parce qu'il y a de plus en plus
d'étudiants qui fréquentent aussi... Enfin,
c'est un milieu de formation de plus en plus et qu'on veut de plus en plus
responsabilisé par rapport à la formation, et à exposer nos étudiants à la recherche et à... Ils font des choses
extraordinaires. Alors, eux-mêmes dépendent aussi des collèges. Alors, je vous rassure aussi là-dessus.
Dans notre tête à nous, en tout cas. Mais peut-être qu'on le mettra plus
clairement dans le libellé. Alors, je vous remercie d'avoir pensé à ça.
Évidemment, vous êtes les deuxièmes... et on comprend puis on accepte très bien
que de mettre «et leur syndicat», c'est une très bonne idée. Vous êtes une
partie incontournable d'une organisation d'enseignement, et c'est sûr qu'on va
regarder ça de très, très près.
Maintenant,
la troisième recommandation, effectivement, je ne sais pas si vous vous
souvenez, mais moi, ça m'a rappelé
quelque chose, la question de résiliation de bail. L'association des... Je ne
sais pas s'ils s'appellent une association, mais des résidences universitaires. Ils se rencontrent, les
gestionnaires, et ils m'avaient dit que, dès le mois de septembre 2017, donc, ils voulaient inclure
comme cause de résiliation de bail une cause liée à des violences à caractère
sexuel. Alors, je n'ai pas fait un suivi
personnel là-dessus, mais c'est pour dire qu'il y avait déjà cette idée de
pouvoir, dans des cas avérés de violence, tout de suite agir sur la
question de résiliation de bail.
Puis
évidemment, l'abandon de cours sans mention d'échec, vous me permettrez de me
féliciter d'une chose : c'est qu'on a adopté... enfin, il y a eu
toutes les consultations sur le règlement sur les études collégiales, ça vous
dit quelque chose, le RREC, là? Je vois des
hochements. Parce qu'il y a des gens qui nous écoutent qui ne savent peut-être
pas. Bien, c'est ce qui gère,
littéralement, c'est ce qui régule le régime d'études collégiales dans tous les
collèges du Québec. Et un des ajouts
que nous avons faits, c'est de permettre aux collèges d'eux-mêmes gérer la
question des abandons de cours parce
que ça passait — vous le
savez peut-être ou peut-être pas, mais moi, je ne le savais pas — par le ministère, chaque abandon de cours. Je me suis dit : Je
pense que les collèges sont assez matures et assez organisés, les directeurs
des études, etc., pour juger d'un cas
d'abandon de cours. Parce que c'est grave, un échec versus un abandon. On sait
les conséquences sur la sacro-sainte cote R pour rentrer à l'université,
dans plusieurs cas. Et on pensait que c'était une bonne idée de donner cette autonomie aux collèges, de pouvoir regarder
les cas. Et, des fois, il y a des cas vraiment d'une grande tristesse,
et c'est évident qu'on aime mieux «abandon» qu'«échec».
Alors, ça,
c'est quelque chose qui donne une autonomie aux cégeps, mais en même temps, ça
leur permettra aussi de pouvoir
évaluer, dans des cas de violence à caractère sexuel et toutes les
conséquences — est-ce
que, bon, ça pourrait être mentionné comme exemple? — bon,
bien, dans ce genre de cas là, avec évidemment justification, on parle plus
d'abandon que d'échec. Alors, ça, j'entends très bien cette question-là.
Afin
d'uniformiser votre quatrième recommandation, on parle du comité- conseil qui
est en très sérieuse réflexion et
action de construction. On n'attend pas que la loi soit adoptée pour travailler
sur les comités d'accompagnement. Parce que, vous avez raison, si on veut une certaine cohérence aussi, je pense
qu'il faut qu'on travaille avec les réseaux, et tout ça, mais pour avoir un comité-conseil qui puisse
vraiment accompagner les gens. L'Association des collèges privés nous l'a
demandé ce matin. Et ce n'est pas tout le
monde qui est équipé pour créer leur politique dans les moindres détails.
Alors, je pense que le ministère est déjà très en marche vers ce
comité-conseil, qui est prévu dans la stratégie ministérielle. Alors, vous suggérez qu'il outille les établissements sur les sanctions à prévoir, et vous dites — et
là, je vais évidemment vouloir
parler un peu avec vous de ça — et du code de conduite à inclure dans
leur politique.
• (16 h 20) •
Vous
avez une position prudente. Vous remettez ça un peu au comité-conseil, mais à
d'autres moments, vous avez... Il y a des vos composantes, puis là, je ne veux pas me
tromper, il y a des... Par
exemple, la fédération
des enseignants et enseignantes de cégep
sont affiliés à la CSQ, mais je ne veux pas vous faire dire à vous des choses
qu'une organisation affiliée a dites.
Mais alors excusez-moi si je fais une petite gaffe procédurale, mais c'est parce
qu'ils allaient carrément plus loin que votre prudence, probablement très
instruite, mais que votre prudence, où ils disaient le 20 janvier,
puis c'est relaté dans Le Devoir,
là, qu'on prône un code de conduite, mais là, eux disent ce qu'ils mettraient
dedans «qui proscrit les rapports amoureux et sexuels entre le personnel et les
étudiants et étudiantes. De telles relations s'inscrivent dans un rapport de pouvoir maître-élève. Elles peuvent
devenir toxiques et avoir des conséquences néfastes pour les jeunes. Certaines
directions ont déjà fait connaître leurs attentes à ce sujet. D'autres
devraient y songer sérieusement.»
Elles
y songent tellement sérieusement qu'il y a des cégeps qui ont annoncé carrément
leurs couleurs, m'ont-ils dit hier, d'ailleurs, avec une grande consultation
dans leurs milieux respectifs. Dans ce cas-ci, il y a une certaine prudence.
On parle des cégeps, mais leur relation de
pouvoir qui s'inscrit dans une dynamique de rapports amoureux, enfin, on sait
que ce n'est jamais très, très simple, ces
histoires-là, mais vous parlez plus des cégeps. Est-ce que vous pouvez nous
aider un petit peu à réfléchir pour les universités aussi? Voilà ma
première question.
Mme Chabot
(Louise) : Avec les chiffres?
Mme David :
Non. Nous aider à réfléchir.
Mme Chabot
(Louise) : Oui, avec les universités.
Mme David :
Non, non, je ne veux pas de chiffres. Non, non.
Mme Chabot
(Louise) : Bien, je vais laisser madame... Silvie y répondre en
partie.
Mme Lemelin
(Silvie) : Je vais faire un bout, parce que je ne suis pas des
universités, je suis de la FEC. Et le texte que vous citiez effectivement était tiré du mémoire qu'on avait déposé
au moment des consultations ministérielles. Et pour clarifier, là, d'abord, ce mémoire-là, c'est le comité de la
condition des femmes de la FEC. Il n'a pas fait l'objet d'une adoption
formelle par l'instance suprême de la FEC, là, le conseil général. Alors, c'est
vraiment le comité-conseil de la FEC. Et la
position qui était là-dedans, je le rappelle, invitait à réfléchir à la
possibilité d'interdire carrément. Cela dit, ce n'est pas la position de
la CSQ, bien sûr. Et le texte du projet de loi, en ce moment, qui parle plutôt
d'encadrer les relations, nous paraît, comme
vous le dites si bien, prudent, en effet, considérant justement qu'il y a la
question des cégeps, mais que la
situation est fort différente à l'université. Et je laisserais peut-être des
représentants des universités en parler.
Effectivement,
à la FEC, il y a peut-être un appétit, je dirais, un petit peu plus grand pour
l'interdiction, sans que ce soit, je le répète encore une fois, là, une
position formelle. Parce qu'on comprend que le diable est dans les détails,
comme vous le savez, vous l'avez dit à
quelques reprises quand vous avez eu d'autres invités ici, et qu'au niveau
légal, au niveau des chartes et ainsi de suite il y a toutes sortes de
questionnements à avoir, questionnements qu'on a nous autres aussi. Alors, c'est ce qui fait qu'à la FEC on a avancé un peu
plus, sans aller pour autant jusqu'à l'interdiction totale comme
position officielle. Mais il y a un appétit. Pour ce qui est des universités,
bien, je laisserai les représentants peut-être compléter.
M. Caron
(Luc) : Oui. Eh bien, pour les universités, c'est sûr que, là, avec la
différence, là, qu'on peut constater tout
de suite en partant, c'est qu'il y a l'âge des étudiants et des étudiantes, là.
Quand on arrive à l'université, c'est... On est plus dans le monde
adulte. Nous, notre position là-dessus, c'est sûr qu'on voit les choses sur le
terrain. J'écoutais M. Lafortune, tout à l'heure, débattre de la question
qui tue, là, mais il y a des professeurs qui sont charmants, c'est peut-être ça qui explique qu'il y a des relations,
là, mais il y a aussi des professeurs qui semblent être charmeurs. Et c'est
là où il y a tout un spectre qui peut
s'installer. Charmeur jusqu'à quel point? Charmeur à chaque année? Charmeur
pour un certain temps? Alors, c'est
sûr que, nous, la position vis-à-vis une loi qui est plus rigide, je vais vous
dire bien franchement, j'ai beaucoup
de difficultés avec ça dans le sens que, dans un monde adulte, bien, les gens
doivent faire leurs choix eux-mêmes.
Mais ce n'est pas... Il faut tout de même penser qu'il y a probablement un
certain encadrement à faire dans ces
relations-là effectivement parce que, dans le milieu, on voit des choses, puis
ça... Il y a des choses qui sont un peu dérangeantes, mais il y en a
d'autres qui ont l'air correctes, là.
Mme David : ...je peux vous soumettre la situation
où même ce qui a l'air correct... on parle de relation d'autorité d'un professeur qui évalue un étudiant, on ne
parle pas de toutes les relations, là, on n'est pas là, là, on est vraiment
dans la réflexion d'une relation...
certains parlent d'autorité, donc une relation où on est directeur de thèse, ou
directeur de mémoire, ou professeur
d'un étudiant qui va avoir une note à la fin du trimestre, ou qui va couler ou
réussir sa thèse de maîtrise ou de
doctorat, qui est directement, donc, évalué. Donc, il y a
un bulletin à la fin ou il y a quelque
chose qui est une conséquence académique. Alors, comprenons-nous bien, là, quand
on pense à ça, on ne réfléchit pas à l'ensemble de toute relation sur un campus, là, ça, ce serait vraiment,
au niveau universitaire... d'abord, ce serait, selon moi, non pertinent.
Mais, quand se croisent la notion
d'autorité, de rapport de pouvoir et de rapport sexuel, est-ce que vous...
C'est parce que vous nous renvoyez :
Bien, décidez un peu à notre place, parce que c'est compliqué, ces
histoires-là. Mais moi, je ne veux pas décider non plus toute seule, là, vous comprenez que c'est trop grave, comme
réflexion, pour ne pas être le plus éclairés possible, et donc c'est cette articulation entre autorité et
relations, disons intimes, qui peut être un peu, enfin, sujette à réflexion.
Mme Lemelin
(Silvie) : Je dirais, comme
CSQ plurielle que nous sommes, c'est le genre de débat, tu sais, qu'on peut se poser. Puis on n'a pas fait effectivement de grand débat large dans nos instances, on a vu que cette question-là
se posait.
Vous-mêmes, Mme la ministre... tu sais, à un moment donné, quand on
dit proscrire des rapports entre des adultes... tu sais, mais là je comprends votre question, là, je suis en
rapport de pouvoir, puis on le voit, là, dans, malheureusement, les
dénonciations récentes, c'est souvent un rapport de pouvoir. On pourrait être
porté à dire — bien,
en tout cas, d'entrée
de jeu, puis je n'engage personne, là — mais
on pourrait dire : Ça devrait être à proscrire, on ne devrait pas pouvoir
utiliser une situation de pouvoir pour mettre dans une situation de vulnérabilité
quelqu'un.
Mais
ce qu'on se disait aussi, vu qu'il n'y a pas de réponse... puis on allait un petit peu plus loin quand on veut... ce
n'est pas qu'on veut remettre la balle à quelqu'un, mais on avait plus
de questions, nous autres aussi, que de réponses. Puis le comité-conseil, on l'avait vu aussi vite
le mettre en place sur d'autres questions. Ce qu'on souhaite aussi, c'est qu'il n'y ait pas de géométrie variable dans les
règles de conduite que pourront se donner chaque établissement. On ne voudrait pas qu'une tolérance, à quelque part, devienne une intolérance ailleurs. Parce que pour rassurer, si on
revient à l'objet de la loi, si on
veut rassurer puis donner tous les outils aux personnes qui sont agressées,
bien, à notre avis, il faut qu'elles
connaissent... si elle a le courage de dénoncer, bien, à quoi je peux
m'attendre? On discutait de ça. Est-ce que, si je fais le geste de dénoncer, ça ne donnera rien, parce que la
sanction... puis, en même temps, est-ce que dans un tel établissement... À notre avis, le comité-conseil, en tout cas, peut éclairer les questions qu'on pose. Nous, on n'a pas tout
l'éclairage, puis effectivement le proscrire serait un peu comme...
• (16 h 30) •
Mme David : On se comprend que c'est une partie de la grande
réflexion, puis vous avez raison de revenir à la question de base qui nous a
fait nous rencontrer plusieurs fois cette année, avec plaisir d'ailleurs, c'est
la question : Est-ce qu'on accompagne bien? Non, commençons
par le début : Est-ce qu'on prévient bien, est-ce qu'on forme bien à cette
question de consentement? Puis là on parle d'éducation bien en amont aussi
d'arriver au collégial, qui est une question qui concerne
la société, qui concerne peut-être moins ce projet de loi, mais on est très conscients de ce qui se passe en amont. Mais on
veut aussi, au collégial, à l'universitaire, qu'il y ait toute cette question
de formation, d'information et de sensibilisation,
et que ça, ça soit clairement fait. Et je pense qu'on est d'accord sur les
modalités qu'on essaie de proposer. Puis,
après ça, on veut que, si malheureusement il arrive quelque chose, un
dévoilement, qui n'est pas toujours une plainte qui va jusqu'à la
police, dans l'immense majorité des cas, ce n'est pas ça, mais qu'il y ait tout
de suite une écoute bienveillante, une prise
en charge, une... avec, et plusieurs l'ont... Je ne crois pas que vous parlez
de ça directement, mais c'est implicite, je pense, dans cette qualité de
prise en charge.
Plusieurs
nous ont parlé de délais extrêmement précis, cinq jours pour ça, cinq jours
pour ça, 45 jours. Bon, on va
regarder ce qui est réaliste, mais de mettre ça dans des balises temporelles
qui fait que l'étudiant, disons, ne se retrouve pas : Bien, peut-être qu'on va s'occuper de moi dans six mois. On
sait qu'il y a un facteur souvent urgent dès le début, quand il y a un
dévoilement, puis après ça, bien, il y a rapidement des accommodements
académiques à mettre en place. Et
puis évidemment, s'il y a une plainte à déposer, bien là, il y a tout le reste
de l'armature d'encadrement, je dirais, qui doit être là puis y compris, comme vous dites, par exemple, des mentions
d'abandon de cours, plutôt que... Parce que, très souvent, s'il n'y a pas de prise en charge rapide comme ça, ça va
être l'abandon puis pas rien qu'un cours, des fois du programme, et tout ce qui s'ensuit comme blessure
chez la victime. Alors, c'est ça, l'essentiel, effectivement, du projet
de loi, puis je pense qu'on fait un chemin important.
Le
comité intercatégoriel. Ça, je n'avais jamais entendu ce mot-là, donc
j'apprends tous les jours. «Intercatégoriel», c'est... bien, il y a tellement de mots qui... mais je suis sûre que ça
veut dire des catégories probablement d'employés, d'intervenants. Je comprends que, quel que soit...
Je suis sûre que votre mot veut dire quelque chose. Je vais vous demander,
juste pour ma satisfaction personnelle, là,
quelle est la différence entre multidisciplinaire, bon, comités
intercatégoriels, toutes catégories, mais je suis d'accord qu'il
pourrait peut-être y avoir une réflexion sur son comité plus permanent.
J'étais
dans un cégep où ils réfléchissaient à leur éventuelle politique, parce que
plusieurs sont en train de regarder ça,
et c'était extraordinaire, ils avaient lancé un appel à tous. Et je pense
qu'ils étaient 35 à avoir répondu, à vouloir être sur le comité, toutes catégories confondues. Il y
a comme un appétit à vouloir discuter de ces questions-là, et je salue ça.
Malheureusement, je ne me souviens plus du
cégep où j'étais, c'était en région quelque part, puis il y avait plein de
monde en visioconférence parce qu'ils
ont des centres d'études collégiaux. Alors, je sais qu'il y a une motivation
réelle à mettre des gens de toutes
catégories. Là, pour l'instant, on la proposait dans l'élaboration puis, après
ça, dans la révision, mais qu'il y ait un suivi, ça peut être une
possibilité intéressante.
Puis
il y a aussi l'espèce de comité des... je ne sais pas comment on va l'appeler,
mais il va falloir qu'il y ait une sorte
de comité des affaires... dans l'accueil du guichet unique, il faut que,
rapidement, on prenne des mesures académiques. Alors, il faut qu'il y ait une espèce de pivot qui appelle le directeur
du programme ou qui dit : Je pense qu'on devrait sortir cette étudiante-là de ce groupe-là, ou, etc., le
BAIL, tu sais, une espèce d'intervenant pivot. Ça peut être un comité pour
assurer plus de neutralité, je ne le sais pas, mais c'est différent du comité
intercatégoriel, d'après moi, puis c'est différent du comité-conseil du ministère, qui va travailler
avec vous mais qui va donner des balises directrices. Alors, parlez-moi
de votre comité intercatégoriel.
Mme Chabot (Louise) : Bien oui, ce sera un plus. Puis vous avez raison
de dire que c'est en plus de ce qu'on parlait tout à l'heure. Dans notre
jargon, «intercatégoriel», ça veut dire que ça doit inclure l'ensemble
des catégories de personnel
que vous retrouvez dans un établissement, d'abord, puis, pour les organisations syndicales,
c'est le personnel de soutien, le
personnel professionnel et le personnel enseignant. Et, pour nous, on
voit ce comité-là de façon permanente. À la différence de ce qui est annoncé, qu'on sera consultés sur la politique
passée à la révision, pour nous, c'est plus que ça, c'est de dire qu'il y a un comité permanent
dans le milieu, intercatégoriel pour nous, mais qui inclut d'autre monde où on
veut participer.
Vous avez utilisé... qu'on a un appétit. C'est
un bon terme, mais je dirais que c'est plus que ça. Il y a comme une volonté, dans chacun des établissements, parce qu'on se sent
concernés, de faire partie aussi de l'identification des solutions qu'on pourrait
mettre en place puis aussi faire partie des solutions. Puis on a envoyé
beaucoup de mandats, on parle beaucoup de mandats qu'ils pourraient se
voir confier. Silvie, si tu veux compléter.
Mme Lemelin
(Silvie) : Oui. Vous savez,
il existe déjà, Mme la
ministre, ce genre de comité
intercatégoriel. Par exemple,
c'est ce type de comité, dans les cégeps, qui a travaillé sur les politiques
pour contrer le harcèlement psychologique, qui concerne évidemment davantage le personnel des cégeps, mais la plupart des
cégeps ont ce type de politique. Et c'est vraiment un comité intercatégoriel qui inclut souvent, mais
ce n'est pas toujours le cas, aussi des étudiants, étudiantes nommés par leur association plus les trois
syndicats, par exemple, au
niveau cégep. Et c'est la même chose aussi pour le cadre,
le personnel cadre et éventuellement la direction des ressources humaines.
Alors,
c'est le même genre de comité qu'on souhaite mettre en place pour cette
question-là, étant conscients que souvent
les comités de la condition des femmes, des syndicats sont souvent celles qui
poussent beaucoup, qui ont réfléchi à
ça, qui ont lu beaucoup sur cette question-là et qui peuvent vraiment
contribuer à l'élaborer, cette politique-là, et non pas juste mettre,
excusez l'anglicisme, un «rubber stamp» à la fin du processus. C'est dans ce
sens-là qu'on insiste vraiment beaucoup là-dessus.
Mme David :
...on a ce comité plus permanent, ça nous assure — je rajoute de l'eau à votre moulin, là — d'avoir une mobilisation de toutes
les parties prenantes, y compris les étudiants, qui nous ont demandé :
Oubliez-nous pas. Évidemment, ce sont les premiers récipiendaires.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la ministre. Maintenant, la
parole est à la représentante de l'opposition officielle, la députée de
Marie-Victorin.
Mme Fournier :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous six d'être présents
aujourd'hui, en fait, sept, même, je
pense, d'être présents avec nous en commission parlementaire. Vous êtes le plus
grand nombre de personnes qui sont
venues nous voir au même moment. Puis merci, donc, de contribuer à l'avancement
de nos travaux pour le projet de loi
n° 151, qui est un projet de loi très attendu par le milieu et auquel, je
pense, on est tous heureux de pouvoir contribuer.
Donc,
j'irais sur ce dont parlait la ministre juste avant, c'était en fait ma
première question, sur le fameux comité intercatégoriel, parce que c'est une première, là, jusqu'à maintenant,
dans les consultations particulières, qu'on nous parle de ce type de
comité. Et donc vous avez eu peut-être pas nécessairement tant de temps que ça
pour pouvoir bien nous l'expliquer puis vous
parlez beaucoup du caractère participatif de ce comité-là dans votre mémoire,
et donc j'aimerais pouvoir vous entendre sur cet aspect-là plus
spécifiquement.
Mme Chabot (Louise) : Bien, pourquoi qu'on amène ça? Je vais vous
ramener d'abord à ce qui est prévu dans le projet de loi. Dans le projet
de loi, l'article 6, on dit que lors de l'élaboration puis de la révision
de la politique, l'établissement met en
place un processus afin de s'assurer que tout le monde soit consulté.
Mme Lemelin l'a bien dit, on veut plus que ça.
Sur
des questions aussi importantes puis l'exemple qu'elle a donné sur le
harcèlement psychologique, bien, on a voulu
se donner des moyens, dans chacun de nos milieux, pour s'occuper de ces
questions-là qui sont importantes mais qui touchent souvent plus notre
monde. Mais on dit : Pour une politique comme ça, on veut être en mesure
pas juste d'être consultés, là, parce qu'il
y aura deux étapes importantes, mais on veut mettre l'épaule à la roue, si je
peux le dire comme ça, chacune des catégories de personnel qui rencontre
les élèves à tous les jours.
Puis on se le disait
tout à l'heure aussi, souvent, là, pour... qui ont l'expertise du terrain.
Souvent, pour une étudiante — je dis «élève», là, des fois, je suis dans
le monde scolaire — ça peut
être même son enseignante ou quelqu'un de proche à qui elle va se
confier pour la première fois. Ça fait qu'on a des idées, puis l'idée, c'est de
garder cette politique-là vivante, c'est de la suivre.
Il y a une
recommandation que je n'ai pas eu le temps de parler. On voudrait être
particulièrement dans les cégeps, qu'on
puisse conduire la même étude, en termes de recherche scientifique, qui a été
faite dans les universités. En tout
cas, pour les collègues de l'Université Laval, ça a été probant parce qu'ils
ont un bel outil, maintenant, qui reflète la réalité de leur université. Ça fait que ça aussi, on le souhaite pour
les cégeps. Ça fait qu'à partir de ça on sera en mesure de réviser en cours de route puis de se dire que
c'est vraiment quelque chose qu'on garde vivant. Parce qu'on ne voudrait
pas que tout ça tombe, finalement, qu'on se
dise : Bien, on a une politique, on l'a adoptée, puis dans cinq ans on
s'en reparle, puis qu'entre-temps on n'aura pas été capables de
s'ajuster.
On
dit aussi... quand on parle de ça, de la politique mise en place dans les
établissements, on va parler aussi de toute
la question des lieux physiques. C'est là qu'on va demander aussi, à partir de
recherches, ou d'une analyse, ou d'une grille, d'avoir des analyses
différenciées selon les sexes. On sait que, selon les lieux physiques d'un
établissement, par exemple, qu'il pourrait y
avoir des... qu'il y aura des choses à... C'est large, une politique. Comment
on peut, dès le départ, prévenir tout
ça? Tu sais, ça va plus loin que juste dire : Bien, mais que ça arrive...
Mais, si, malheureusement, ça arrive : Voici ce qu'il faut faire.
Ça
fait qu'il y a un ensemble de questions, puis c'est de mettre tout le monde en
mouvement, chacun selon ses moyens,
bien sûr, là. Parce que je dois vous dire que ce n'est pas tout le monde, dans
tous nos établissements, qui ont les libérations
qu'il faut ou qui ont la tâche... ou que leur tâche, c'est possible pour suivre
des travaux de comité. Mais il y a quand même... je pense qu'on est capables
de rendre ça de façon permanente. En tout cas, c'est ce qu'on souhaite.
• (16 h 40) •
Mme Fournier : C'est extrêmement intéressant. Puis vous parliez de l'outil de l'Université Laval. Est-ce que vous pourriez nous en parler davantage?
Une
voix : Monsieur...
Mme Fournier :
Parfait.
M. Caron
(Luc) : Oui. En fait, l'outil, ça a été extrait de l'enquête ESSIMU.
Ils ont extrait les données qui concernaient
l'Université Laval. Mais moi, quand j'en ai pris connaissance, j'ai
été passablement troublé. Parce
qu'enfin on voit qu'est-ce qui se
passe à l'université... bien là, dans les universités en général, là. Mais,
dans ce rapport-là, on note tout de même une identification de qui est
l'agresseur, de quel type d'agresseur il est. Puis c'est étonnant de voir que
la proportion d'agresseurs au niveau des
employés de l'université, tous corps d'emploi confondus, c'est tout de même un
bon pourcentage, là.
Ceci
dit, ça nous permet tout de même, si on pense à un groupe... Comme là, nous,
notre expérience, c'est sûr... on représente des employés, de notre
expérience du harcèlement psychologique qu'on peut appliquer un peu à un harcèlement sexuel, mais on comprend que ce n'est
pas vraiment la même chose, ce qui arrive, c'est qu'il y a un cas sur 10 à peu près, de nos statistiques, là, les gens
vont dénoncer, vont aller jusqu'à la dénonciation. Alors, pour le harcèlement
sexuel, on en a. Puis ce qui nous dérange
dans tout ça puis ce qui pourrait être positif qu'on participe au moins à
l'élaboration des protocoles, c'est...
Moi, qu'une femme vienne me dire que son supérieur immédiat se permet de passer
des commentaires sur ses attributs
physiques en pleine réunion, bien, ça me dit deux choses. D'abord, que la
personne qui fait ça, elle se sent
inattaquable. Il y a tout de même cet élément-là, là, qui est troublant, là,
dans ce qu'on voit sur le terrain. Alors,
c'est ce genre d'éléments là, là, qu'on pourrait amener, là, pertinemment, là,
s'il y avait un comité intercatégoriel, là, ce genre de connaissances
terrain là.
Mme Fournier : Merci, merci
beaucoup pour cette explication. Dans
votre mémoire, vous parlez quand même
à plusieurs reprises, là, du manque de ressources dans les établissements. On sait que, donc, depuis plusieurs années, là, les établissements, particulièrement
les universités, là, épongent encore beaucoup les déficits. Et donc est-ce que
vous pouvez nous faire un petit tour
d'horizon de la situation actuelle? Est-ce que vous pensez que les
universités et que les cégeps ont les
moyens nécessaires pour mettre en oeuvre les politiques contenues dans le
présent projet de loi? Parce qu'on
s'entend que ce sont des bonnes
dispositions, mais encore faut-il avoir les moyens de les appliquer si on veut
vraiment qu'elles puissent avoir un impact puis qu'elles soient plus que
des voeux pieux.
Mme Chabot (Louise) : Bien, merci pour votre question. D'abord, ça va
me permettre de compléter le mémoire. On sait qu'il y a... C'est majeur,
ce que vous posez comme question, puis c'est majeur comme... tu sais? Bon, on
sait qu'il y aura 23 millions de promis sur cinq ans, mais, au-delà de ça,
c'est comment s'assurer que, dans chacun de nos établissements d'enseignement supérieur, on ait le personnel
professionnel ou de soutien requis en quantité suffisante, en termes de soutien psychosocial, pour
accueillir, pour donner suite, puis être un répondant, puis faire une
différence là-dedans. Tu sais, le
cégep de notre collègue Silvie, dans les Bois-Francs, à Victoriaville, il n'y
en a pas de psychologue. Il y a une demi-technicienne...
Mme Lemelin
(Silvie) : Depuis septembre.
Mme Chabot (Louise) : Bon, ça fait que, tu sais, on va élaborer des
protocoles, on va identifier des intervenants, on va avoir besoin de ressources psychosociales. Vous savez, au niveau,
des services professionnels puis de soutien, là, déjà, là, sans cette loi-là, sans qu'il y ait des protocoles puis des
politiques, c'est déjà malheureusement une denrée rare pour soutenir déjà des élèves en difficulté. Ça
fait que des élèves, des étudiants en état de vulnérabilité, c'est encore plus
important. Ça fait que pour nous, c'est majeur que chaque établissement puisse
avoir les ressources nécessaires pour soutenir.
Mme Fournier :
Tout à fait, puis je pense que c'est une question d'équité aussi. Parce qu'on
sait qu'actuellement, si on regarde
la situation, par exemple, on prend l'Université Concordia, bien eux, ils ont
un bureau d'aide aux victimes d'agressions
sexuelles. Par contre, bon, vous amenez l'exemple du cégep des Bois-Francs, que
vous n'avez même pas une ressource,
là, qui est disponible, l'Université de Chicoutimi, l'UQAC, qui a seulement une
ressource à temps partiel. Donc, ça
pose la question : Est-ce que tous les étudiants sont protégés de la même façon dans tous nos établissements? Donc, dans ce contexte-là, est-ce que vous pensez qu'il va y avoir des
ressources minimales dédiées dans chaque établissement?
Mme Chabot (Louise) : Ma réponse serait oui. Ma réponse serait oui,
s'en assurer. Je sais qu'il y a des protocoles... il peut y avoir des
protocoles qui existent avec le ministère de la Santé et des Services sociaux
ou avec des groupes communautaires. Mais, à
mon avis, chaque établissement devrait s'assurer de pouvoir se doter des ressources
nécessaires. Suzanne.
Mme Tousignant
(Suzanne) : Ce que j'ajouterais,
c'est que les études démontrent que la proximité des ressources a une grande importance pour
ce groupe d'âge, qui sont des 17-24 ans. Et donc effectivement, il faut
s'assurer qu'il y a des ressources minimales dans tous les cégeps,
quelles que soient leurs grosseurs. Et ça m'amènerait à ajouter que, quel que soit le montant qui sera dégagé, la façon de
ventiler ce montant parmi les cégeps ne devra pas seulement tenir compte
de l'effectif étudiant, mais bien d'un
certain plancher minimal pour chacun des cégeps. Par exemple, pour une
ressource de professionnels, de
coordonner le plan de formation, de mettre en place des activités de
sensibilisation, de préparer ces activités-là, c'est le même travail,
qu'il y ait 1 000 étudiants ou 5 000, le travail est le même.
Mme Fournier :
Puis ça m'amène à poser la question aussi des campus satellites des
universités. Par exemple, si on prend
l'université de Sherbrooke, bien, il y a le campus principal à Sherbrooke,
c'est sûr, mais il y a quand même un
gros campus à Longueuil aussi. Qu'est-ce qui arrive dans ce temps-là? Est-ce
que vous considérez qu'il devrait y avoir une ressource aussi sur place, dans les campus, qui sont hors des
établissements principaux des universités ou des cégeps dans certains autres
cas?
Mme Chabot
(Louise) : Il y a
certains... ça s'applique aussi pour les cégeps. Bien, c'est parce que des
fois, c'est un peu loin, hein, de dire que ton premier répondant est à
Montréal ou à Sherbrooke. Ça fait que oui.
Mme Fournier :
Merci. Puis vous parlez aussi, plus loin dans votre mémoire, du financement des
organismes communautaires aussi qui
peuvent être des ressources pour les établissements, par exemple, les CALACS et
les CAVAC, que vous nommez expressément, là, dans le mémoire. Est-ce que vous
pouvez nous parler de cette importance-là, là, pour le bénéfice de tous?
Mme Chabot
(Louise) : Bien, en tout
cas, je pense que c'est deux groupes reconnus de façon importante, dans ces causes-là, référés par tout le monde.
D'ailleurs, on a fait appel à ces organismes-là dans une situation de crise.
Pour nous, c'est un financement qui
ne doit pas juste arriver dans ces situations-là, c'est un financement stable
parce que c'est majeur, en termes
d'accompagnement, partout. Mais on sait que dans certaines régions il n'y en a
pas, hein? Donc, oui, c'est une de nos demandes d'intervention que leur
financement soit bien soutenu. Tu veux compléter, Silvie?
Mme Lemelin
(Silvie) : Bien, justement, j'ai appelé le CALACS de ma région cette
semaine parce qu'on voulait, dans le
cadre des 12 jours contre la violence faite aux femmes, faire un
partenariat avec eux et les inviter dans notre cégep. Et, à la faveur
des récentes annonces qui ont été faites de réinvestissement dans le cadre du
mouvement #moiaussi, la ministre avait
annoncé des sous, et le CALACS de ma région, pour lui, ça signifie
15 000 $. Mais, 15 000 $, me disait la responsable, je ne peux pas engager quelqu'un
qui a un certain niveau d'expérience, un certain niveau de diplômes pour plus
d'un mois ou deux, si je veux lui donner un salaire intéressant, qui est celui
qu'elle mérite. Puis on n'engage pas non plus une jeune qui sort du
cégep pour ce genre d'intervention très délicate.
Alors, à notre avis, oui, investir et mettre des
sous dans les CALACS, c'est important, d'autant qu'ils seront nécessaires pour nous aider à la formation. Et
c'est vraiment là-dessus qu'on veut insister. Ces gens-là vont pouvoir nous
aider à former le personnel qui va ensuite
s'occuper de faire la sensibilisation dans nos milieux et évidemment toute
l'aide, la référence, le soutien psychosocial.
Mme Fournier :
On s'entend que le 15 000 $ dont vous parlez, que ce soit une
personne expérimentée ou pas, ça ne
suffit pas pour avoir une ressource supplémentaire. Donc, on partage votre
préoccupation, là. Je pense que vous êtes d'accord sur le fait que ça prend un
réinvestissement beaucoup plus significatif à la mission des organismes
communautaires qui viennent en aide aux victimes.
• (16 h 50) •
Mme Chabot (Louise) : ...de
l'ensemble des organismes communautaires, de plus en plus, pour des raisons d'austérité ou de rigueur budgétaire, les
organismes communautaires veulent avoir un financement pour leurs missions
autonomes, et non pas avoir juste un
financement pour venir substituer ou agir en complémentarité quand il arrive
une situation où on se désengage. Pour nous, l'engagement...
La Présidente (Mme de Santis) :
...Mme Chabot.
Mme Chabot (Louise) : C'est un
plaisir.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Maintenant, la parole est aux représentants du deuxième groupe d'opposition. Est-ce que
c'est Mme la députée d'Iberville?
Mme Samson : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. C'est à vous.
Mme Samson : Merci. Bonjour, mesdames messieurs. Vous avez d'entrée de jeu signalé à la ministre que l'Institut maritime méritait d'être inclus
dans l'application de la loi. Je pense qu'elle vous a bien
entendus, elle vous a rassurés. Mais ça
m'a fait poser une question dans ma petite tête, et je pense
que la CSQ représente également les
enseignants du secondaire : Est-ce
que vous croyez que la politique doit s'appliquer également au CFER, aux
centres de formation professionnelle et aux centres d'enseignement des
adultes également?
Mme Chabot
(Louise) : C'est une bonne
question. Déjà, on demande, pour ces centres-là, qu'une autre politique,
qui est obligatoire en éducation, sur la
violence puisse s'appliquer. On s'est posé la question. Ce n'est pas le même
type d'étudiants non plus dans les
centres de formation professionnelle et centres de formation des adultes. Mais
on a décidé finalement de... en tout cas, pas de donner suite à cette
question-là dans le cadre de la commission qui s'applique en enseignement supérieur. Je vous dirais que de voir
une politique ou une loi s'adresser pour ces deux institutions-là, c'est... La formation
professionnelle, c'est du secondaire, là. Oui, on représente
100 000 membres, dans le secteur primaire et secondaire, madame, donc... Tandis que, dans les
centres de formation des adultes, bien, on voit que de plus en plus la clientèle est de plus en plus jeune pour d'autres
raisons, là. Mais il faudrait vraiment adapter la question, là, on ne pourrait
pas faire un copier-coller, je vous dirais.
Mme Samson :
...de ce projet de loi?
Mme Chabot
(Louise) : Non.
Mme Samson :
Je vous remercie. On a parlé un peu du 23 millions. C'est évident que
23 millions sur cinq ans, si je
ne me trompe pas, en tout cas, c'est grosso modo 20 000 $ par centre,
si on n'en rajoute pas, naturellement. Et moi, ça m'inquiète un peu parce que
c'est le genre de choses qu'on met en place, et il n'y a personne qui peut se
permettre, dans cinq mois, de répondre : Il n'y a plus de service
au numéro que vous avez composé, là. Il en va de la crédibilité de la démarche, et du système, et de la protection qu'on
veut effectivement... qu'on veut apporter à des victimes. Alors, ça, ça
m'inquiète un peu.
Je
ne sais pas si vous avez... Vous n'avez pas de chiffre magique à proposer parce
que vous n'avez pas nécessairement
tout ce qu'il faut pour faire nécessairement un plan d'affaires pour chaque
centre, là, basé sur des statistiques,
mais est-ce que vous avez... Vous n'avez pas de chiffres à proposer? Ou
avez-vous un chiffre à proposer?
Mme Chabot
(Louise) : Bien, écoutez, on le mentionne dans notre mémoire, on dit
qu'il y a un 23 millions. Mais vous
avez vu qu'on a mis l'accent beaucoup, surtout, sur les ressources qu'on doit
avoir de proximité dans les milieux. Maintenant,
23 millions de dollars, je pense qu'il y aurait une capacité certainement
d'aller plus loin. Puis, si on divise... On n'est pas entrés là-dedans,
mais on a dit quand même dans notre mémoire que l'argent, c'est quand même une
clé majeure pour la réussite de cette
politique-là puis c'est... de cette loi-là puis de sa mise en application.
Donc, il va falloir que les sommes
d'argent, mais les ressources soient aussi disponibles. Si on divise ça par
cégeps, puis tout ça, puis, en plus, sur
cinq ans, vous avez raison. C'est pour ça que de dire : Si on veut que la
loi... Nous, on a salué que la loi avait des dents, mais pour s'assurer qu'elle s'applique, bien, il
va falloir les ressources et les sommes d'argent nécessaires. C'est une
évidence.
Mme Samson :
O.K. Peut-être une question pour M. Caron. C'est bien M. Caron? Bon.
La ministre a abordé avec vous toute
la question d'imposer des interdictions. Je sais que vous ne l'aimez pas, mais
c'est la question qui tue pareil, il va
falloir l'aborder éventuellement, sur l'interdiction possible, imposée par la
loi, quant aux relations intimes qui peuvent survenir entre du personnel d'un cégep ou d'une université et un ou une
étudiante. Et puis je n'étais pas sûre, là, êtes-vous pour ou vous êtes
contre que ce soit inclus dans le projet de loi?
M. Caron
(Luc) : Ce qui me dérange un peu, c'est comme si c'est moi qui allais
trancher la question aujourd'hui, là, mais...
Mme Samson :
Non, non, je ne vous demande pas de trancher la question. On va se charger de
ce bout-là, là. Mais je veux vraiment
savoir si vous avez une position ou s'il y a... Est-ce qu'au sein de votre groupe il
y a des déchirements, certains sont pour, d'autres sont contre, ou si
vous êtes carrément pour ou carrément contre, ou si ça ne fait pas consensus?
M. Caron
(Luc) : Là, vous parlez de
malaises. Je l'ai mentionné, ça crée des malaises dans certaines conditions,
mais, je veux dire, c'est un monde. Comment
intervenir dans une question comme ça? Je comprends... Mme la ministre m'a remis à ma place un petit peu, dans le sens que, je veux dire, c'est sûr qu'on
s'entend que, si un professeur a une relation avec une étudiante ou un étudiant, bien, il ne faut pas que l'étudiant
fasse partie du cours de cet enseignant-là. Ça, on est entièrement d'accord avec ça. Mais, pour ce qui est de l'interdiction,
je veux dire, je pense, c'est un problème de... c'est une question de société plus qu'une question
qu'on peut poser à un individu en particulier. Mais je pense que, s'il y avait un ordre professionnel ou comme vous l'aviez mentionné, bien, ça relève
de ces ordres-là. Je pense, c'est plus une question qui relève au niveau des professeurs et des personnels des
universités à se questionner eux-mêmes puis à établir des lois, là,
j'imagine, ou des règlements en fonction de ça.
Mme Samson :
Je comprends. Je vous remercie.
Mme Chabot
(Louise) : Normalement, ça doit être proscrit puis, on va le dire,
pour toute la société, là. On s'adresse à...
tu sais? Les rapports de pouvoir, là, quel type de sanction qu'on donne? Quelqu'un
qui est en autorité... Puis d'ailleurs ça, ça va être important, hein, de le
distinguer aussi, c'est qui, les personnes qui accompagnent puis les personnes
en autorité, là, parce qu'il peut y avoir des définitions différentes. Mais ça
ne touche pas juste l'enseignement
supérieur, la question que vous posez.
Mme Samson :
C'est beau pour moi. Jean-François, avais-tu d'autres questions, toi? Je vais
passer la parole à mon collègue, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
de Santis) : Ah! parfait. Je m'excuse. Alors, maintenant, le député de
Chambly.
M. Roberge : Merci. Est-ce
qu'il reste... Combien de temps il reste à peu près?
La
Présidente (Mme de Santis) : Il reste 2 min 45 s.
M. Roberge :
O.K. On va aller vite. Plusieurs intervenants qui sont venus précédemment ont
parlé de la possibilité d'avoir la
politique, dans un premier temps, un plan d'action par la suite. Alors, est-ce
que, pour vous, ça doit être une étape
dans la loi, on dit : Bon, bien, la politique devrait... je pense que ça
dit le 1er septembre 2019, ou bien vous voyez ça en deux étapes?
Mme Chabot (Louise) : Comme on ne s'est pas posé la question, on n'a
pas... Normalement, il y a une loi. Puis ce qu'on salue de ce projet de loi là, c'est que les établissements vont
avoir une obligation d'avoir une politique puis qu'il y a un délai. Ça
fait que, pour nous, ça fait partie des éléments qu'on salue.
M. Roberge :
Bien, c'est tout. Ça complète. Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme
de Santis) : Alors, Mme la députée d'Iberville?
Mme Samson :
...
La
Présidente (Mme de Santis) : Vous avez terminé aussi? Alors, on vous
remercie pour votre exposé et d'être venus en si grand nombre. Merci
beaucoup.
Alors,
on va simplement suspendre pour quelques instants afin de permettre aux
représentants de... les auteures de l'enquête sur la sexualité, la
sécurité et les interactions en milieu universitaire de prendre place. Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à
16 h 59)
(Reprise à 17 h 2)
La Présidente (Mme
de Santis) : ...il y a un vote?
Une voix :
Oui, il y a un vote. Donc, on va juste resuspendre.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Alors, on doit suspendre pour quelques minutes parce qu'il faut aller voter.
Alors, on s'excuse.
On va vous laisser ici, et nous, on va sortir.
(Suspension de la séance à
17 h 3)
(Reprise à 17 h 25)
La Présidente (Mme
de Santis) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants,
qui sont les auteurs de l'enquête sur la
sexualité, la sécurité et les interactions en milieu universitaire. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, puis ensuite nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous
invite à vous présenter et procéder avec votre exposé. Merci.
Auteures,
Enquête Sexualité Sécurité et Interactions
en milieu universitaire (enquête ESSIMU)
M. Ricci
(Sandrine) : Bonjour. Je
m'appelle Sandrine Ricci. Je suis coauteure de ce rapport de l'enquête ESSIMU.
Mme Paquette
(Geneviève) : Bonjour, je
suis Geneviève Paquette. Je suis professeure agrégée au Département de
psychoéducation de l'Université de Sherbrooke et je suis aussi cochercheuse
dans le cadre de cette enquête.
La Présidente (Mme
de Santis) : Alors, maintenant, vous pouvez faire votre exposé.
Mme Paquette
(Geneviève) : Merci. Alors,
le projet de loi est accueilli favorablement par l'équipe de
l'ESSIMU qui recommandait, dans son
rapport, de mettre en place une loi-cadre et un plan d'action du gouvernement du Québec visant à obliger les établissements d'enseignement
postsecondaire à lutter contre la violence sexuelle. Autre point positif,
la loi couvre tout le continuum de violences
sexuelles en y incluant les conduites relevant du harcèlement sexuel, y compris
dans le cyberespace, jusqu'aux comportements
sexuels non désirés, incluant l'agression sexuelle. Enfin, la loi, telle que
nous le recommandions, exige que les
institutions considèrent la violence sexuelle subie sur les campus
universitaires, mais aussi à
l'extérieur des campus, lorsque cette violence implique deux personnes
affiliées à l'université. Au-delà des activités
festives se déroulant hors campus, les activités de formation pratique, les
milieux de stage, nous semblent aussi un contexte où il faut garantir
aux personnes les mêmes protections qu'au sein des murs des établissements.
La
présentation mettra en lumière les zones où le projet de loi nous semble à
clarifier, proposera des réflexions à propos
des précisions pouvant y être apportées. Cette première section de présentation
couvrira la portée de la loi auprès des victimes, le code de conduite et
la reddition de comptes.
Alors, tout
d'abord, tout au long du projet de loi, il semble plutôt, voire exclusivement
être question de la violence sexuelle
potentiellement subie par les membres de la communauté étudiante. Or, les
résultats de l'ESSIMU mettent en lumière
que près de 30 % des personnes victimes d'au moins un événement de
violence sexuelle en milieu universitaire étaient employées,
enseignantes ou cadres au moment des événements subis.
Deuxièmement,
au chapitre II, alinéa 3, article 12, il est prévu que la
politique institutionnelle encadre «les liens intimes, amoureux [et] sexuels qui peuvent s'établir entre un étudiant
et une personne ayant une influence sur le cheminement de ses études, qu'elle soit membre du personnel ou
dirigeante de l'établissement». Rappelons à ce sujet que les résultats de l'ESSIMU montrent que, dans le tiers des
situations de violence sexuelle rapportées par les personnes travaillant ou
étudiant dans les universités, ces violences
sexuelles ont été commises par une autre personne, qui était dans un statut
hiérarchique supérieure aux leurs. Ce
pourcentage augmente à plus de 40 % dans les situations de coercition
sexuelle, c'est-à-dire lorsqu'il y a eu chantage en retour de
considération future reliée à l'emploi ou au milieu scolaire.
Selon ces
résultats, ce sont les situations de violence sexuelle, incluant la coercition
sexuelle potentielle, qu'il faut éliminer.
En ce sens, nous recommandons de proscrire les relations amoureuses, intimes et
sexuelles lorsqu'une relation d'autorité
directe est présente, relation pédagogique ou relation professionnelle en
contexte universitaire. Lorsque des relations
amoureuses, intimes ou sexuelles ont existé ou existent, elles doivent aussi
être déclarées lorsque les protagonistes se retrouvent en relation hiérarchique, car, dans le cheminement des
personnes en milieu universitaire, de nouvelles relations hiérarchiques
peuvent s'établir au fil des nouveaux défis relevés par les personnes
professionnelles ou dans un cadre académique.
Troisièmement,
au chapitre III sont prévus les différents renseignements à partir
desquels seront effectuées les procédures
de reddition de comptes auxquelles seront soumis les établissements, dont le
nombre de plaintes et de signalements
reçus. Rappelons que 90 % des victimes n'ont pas dénoncé les événements de
violence sexuelle en milieu universitaire
aux instances et ressources de l'université. À l'heure actuelle, il y a donc
lieu de penser que cet indicateur n'est
pas valide pour rendre compte de l'ampleur de la problématique ou de son
évolution. La confiance doit se construire. Selon les résultats de notre
étude, seules un peu plus de 6 % des victimes ces violences font appel à
des ressources extérieures et encore plus
rarement aux corps policiers. Par contre, plus du tiers d'entre elles ont
signalé ou confié la situation à une
autre personne affiliée à l'université.
Ces personnes confidentes ont possiblement besoin de soutien, et l'idée du
guichet unique à l'interne ou du recours à
des ressources externes pourrait aussi servir de lieu d'écoute et
d'accompagnement pour les personnes témoins et confidentes de violences
sexuelles en milieu universitaire.
Devant la
lourdeur de certaines situations confiées, les confidentes pourraient non pas
encourager mais forcer des victimes
qui ne le souhaitent pas à consulter des services formels, à signaler, à porter
plainte, alors que ce n'est pas leur désir.
Si les personnes confidentes sont bien formées et accompagnées, de telles situations
risquent moins de se produire.
Enfin, il
faut aussi prévoir la création ou l'identification des instances mandatées pour
recevoir le défaut de se conformer à cette loi.
• (17 h 30) •
M. Ricci
(Sandrine) : Donc, à ce
stade, pour ma part, je vais vous parler... enfin, ma contribution va se
déployer en trois volets. Je vais
vous parler sanctions, je vais vous parler représailles et je vais vous faire
une proposition qui va créer de l'emploi au Québec, ce dont tout le
monde devrait se réjouir.
Alors, au
chapitre des sanctions, pour favoriser la création d'un environnement
sécuritaire, à la fois propice aux relations
saines et au dévoilement des agressions par les victimes ou les témoins, et
pour contrer l'impunité qui règne en la matière, nous avons suggéré que les politiques institutionnelles précisent certains éléments essentiels, dont le protocole de signalement ou de plainte, les sanctions pour
les auteurs, sanctions d'ordre académique ou professionnel, et le résultat
du traitement des plaintes. Donc, dans cet objectif, nous avons spécifiquement
recommandé une communication transparente du processus de traitement des
plaintes, c'est-à-dire que, lorsqu'une situation est détectée, qu'elle est dénoncée, qu'elle est traitée, l'établissement
doit communiquer les résultats du traitement, incluant les faits reprochés
et les sanctions, et les communiquer, de
notre point de vue, non seulement à la victime ou aux victimes, mais à
l'ensemble de la communauté
universitaire, et ce, dans trois objectifs principaux. D'abord, pour manifester
aux victimes que l'injustice qu'elles subissent et qu'elles ont subie a été
prise en considération par l'institution, envoyer ce message-là. Deuxième message que ça enverrait, ça
contribuerait à rassurer l'ensemble de la communauté universitaire sur le fait
que l'institution prend au sérieux la problématique. Et troisième effet,
troisième objectif poursuivi, ça créerait un effet véritablement dissuasif que
de communiquer les faits et la sanction.
Deuxième volet de mon intervention concerne les
représailles. Nous avions, en tant qu'équipe, également recommandé que les politiques institutionnelles incluent une déclaration
interdisant les représailles contre les personnes qui portent plainte et des mesures disciplinaires
pour les tentatives de représailles. On ne retrouve pas cet enjeu-là dans
le projet de loi. Et je dirais que tenter de
bâillonner les femmes et les personnes survivantes en les menaçant de les
attaquer en diffamation est une
stratégie courante aux États-Unis, depuis les années 80 au moins, et on
peut craindre qu'elle se propage ici.
Par exemple, il y a plusieurs des hommes, qui sont accusés dans le sillage de
la récente campagne #moiaussi, qui
ont déclaré dans les médias qu'ils entreprendraient des poursuites judiciaires
contre les femmes qui les ont accusés ou contre les médias qui ont
rapporté la nouvelle, même, de leur accusation.
Dans les
institutions d'enseignement supérieur, il y a eu des cas récemment qui ont vu
des victimes ou leurs alliés recevoir
des mises en demeure de la part d'institutions qui plaident l'obligation de
défendre, par exemple, les membres de sa
direction ou son corps enseignant. On invoque les droits du travail, le droit
syndical ou la loi sur la protection de la vie privée. Il y a aussi des victimes de violence
sexuelle ou leurs alliés qui ont été menacés de plainte ou de poursuite en
libelle diffamatoire par le ou les agresseurs qu'elles ont dénoncés. Il y a un
cas célèbre en France, par exemple, d'un professeur
de sociologie qui a entrepris une plainte en diffamation contre huit femmes qui
l'avaient dénoncé pour agression sexuelle, un procès qui a été débouté,
par ailleurs. Mais à quel prix?
Donc, menacer
de diffamation, ça vise différents objectifs, sur lesquels je n'ai pas
l'opportunité de me concentrer maintenant,
j'y répondrai avec plaisir dans la période de questions, des objectifs ou
des effets, hein, selon la perspective, selon de quel côté on se place. Mais, comme le résume la juriste Josée
Bouchard : «Les politiques adoptées pour contrer le harcèlement
sexuel — je
la cite — devraient
au moins préciser clairement que toutes représailles ou menace de représailles contre une personne qui dépose une
plainte de harcèlement sexuel ou qui participe à une procédure mise sur pied pour traiter du harcèlement sexuel pourront faire l'objet de mesures disciplinaires.»
Et c'est pourquoi nous avons demandé qu'il fallait qu'on s'intéresse à
la question des représailles.
Et troisièmement, et ça me fera plaisir, là encore, d'élaborer ultérieurement, nous vous proposons une piste d'action
pour travailler à contrer les violences sexuelles en milieu universitaire, donc
pour restaurer ce sentiment de confiance à
l'endroit des institutions, et nous vous proposons donc, considérant la feuille
de route peu glorieuse des universités en la matière...
La Présidente
(Mme de Santis) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant commencer
avec la période d'échange, mais,
avant qu'on fasse cela, j'aimerais confirmer qu'il y a eu le consentement, que,
parce que cette séance a commencé en retard, la séance va se terminer à
18 h 25. Alors, Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme David :
Merci beaucoup et merci de vous prêter encore une fois à venir nous éclairer de
vos recherches, de vos expertises.
Alors, vous êtes, on pourrait dire, des enseignantes chercheuses très engagées
aussi dans vos recherches, et ce n'est
pas seulement des recherches théoriques, mais c'est des recherches qui sont
très pratiques en même temps et qui alimentent énormément nos
réflexions. Alors, je vous remercie encore une fois de nous les faire partager.
Je voudrais
peut-être, parce que vous m'avez laissée un peu sur ma curiosité et mon
appétit, surtout quand vous avez dit,
au début : J'ai trois points... Alors, pourriez-vous nous présenter le
troisième point? Comme ça, je verrais ce qui a piqué ma curiosité, et
puis on pourra en discuter, j'imagine.
M. Ricci
(Sandrine) : Alors, on vous proposait de travailler dans le sens de
restaurer le sentiment de confiance à
l'égard des établissements d'enseignement, un sentiment qui s'est désagrégé au
fil du temps, considérant que le problème qui nous occupe aujourd'hui n'est pas un problème récent, hein, dans les
universités, non plus que l'inadéquation de la réponse institutionnelle à cette question, qui tient largement du secret
bien gardé, pour citer un article de La Presse paru le 6 février 1989 à propos d'une série
d'attaques commises dans différentes universités québécoises et une réticence à
communiquer les statistiques à cet égard.
Alors,
attendu ceci, nous avons, mes collègues et moi, commencé à réfléchir à la
création de nouveaux postes dans les
établissements d'enseignement supérieur et dans les instances de recherche du
Québec — vous
comprendrez pourquoi j'élargis — des postes de chargés de mission à l'égalité
ou conseillère à l'égalité, comme vous voulez, qui auront pour objectif,
donc, de favoriser la mixité, la parité et l'égalité entre les femmes et les
hommes et entre les genres dans les établissements d'enseignement et dans les
instances de la recherche au Québec.
Alors, un
exemple de responsabilité, donc, ce serait d'agir à titre d'experte-conseil
auprès des instances, des groupes concernés,
de faire du travail de liaison, de favoriser, de monitorer la mise en oeuvre de
la loi n° 151, mais aussi de monitorer et de favoriser la mise en oeuvre d'autres politiques institutionnelles
et gouvernementales en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes et entre les genres, d'aider à
définir des axes pour améliorer ces questions-là au sein des établissements. Et on suggère aussi, donc,
parallèlement à ces postes de chargés de mission à l'égalité, qui existent
en France, par exemple, aux
États-Unis ou dans le Canada anglais, on parle de «gender equality
officers», nous suggérons donc
la mise sur pied de comités paritaires qui appuieront les titulaires des postes
en question dans leur mission, dans leur travail.
Et un aspect
intéressant, je crois, qu'on trouvait prometteur, c'était que ces titulaires
des postes dans les différentes universités du Québec pourraient tenir
régulièrement des rencontres de concertation et créeraient ainsi une sorte de communauté de pratique qui pourrait s'avérer très
utile. Et donc on comprend bien que ce n'est pas tout à fait du même ordre quand on est dans un établissement de petite
envergure versus grande envergure, donc il pourrait peut-être y avoir des accommodements qui seraient pensés, mais, du
même coup, je suggère aussi la création d'un deuxième poste de chargé de mission, cette fois à la diversité. Et donc ça
aurait pour objectif de favoriser la mixité, l'égalité et l'inclusion des
personnes racisées, et ces deux
postes-là, dans des plus petites universités, pourraient être fusionnés
éventuellement. Mais l'idéal, c'est
effectivement que ce soient deux
postes distincts et que les établissements détenant de très petits effectifs pourraient
se partager une telle ressource, des postes diversité, égalité, donc qui
pourraient... qui devraient collaborer ensemble, justement, ça nous paraît
indispensable. Voilà.
• (17 h 40) •
Mme David : Alors, oui, c'est intéressant, ça. C'est la première fois que quelqu'un nous soumet cette idée. L'idée, l'appellation même de chargé de mission est un peu
inspirée, on pourrait dire, de la culture française. Chargé de mission,
c'est un poste ou un statut qu'on entend souvent, mais qui, dans le fond,
serait comme une sorte de... Je ne sais pas à quoi...
Ce n'est pas une sorte d'ombudsman de l'égalité dans les universités,
ce n'est pas quelqu'un qui reçoit les plaintes, qui agit dans l'intervention, c'est quelqu'un
qui est plus en soutien à l'ensemble des politiques qui traitent des
rapports hommes-femmes. Est-ce que je suis à peu près... Oui, c'est à
peu près ça?
M. Ricci (Sandrine) : Oui, parce que, ça, ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'il faut se souvenir
que les problématiques des violences
à caractère sexuel, c'est un problème lié aux rapports de pouvoir basés sur le
genre, hein, notamment. Il y a des rapports hiérarchiques au niveau
professionnel, bon, etc., mais c'est des rapports de genre qui sont en jeu, là.
Donc,
on réintègre cette problématique-là dans un cadre d'analyse large qui pense
l'égalité entre les femmes et les hommes, et entre les genres, et entre les
êtres humains en général aussi, puisqu'il y a aussi des rapports de pouvoir
à d'autres niveaux.
Mme David :
Bien au-delà des violences à caractère sexuel, ça pourrait être aussi de
traiter d'autres enjeux d'égalité hommes-femmes au sein de l'institution.
M. Ricci
(Sandrine) : Et là on rebondit sur le fait que vous êtes aussi à la
Condition féminine. Donc, ça nous paraît
l'occasion idéale, n'est-ce pas, de penser de manière intégrée, concertée
différents dossiers, par exemple... et là moi, je vais mettre mon
chapeau de coordonnatrice du Réseau québécois en études féministes pour penser
en termes de représentation des femmes au
pouvoir dans les sphères universitaires. C'est des mêmes logiques patriarcales
qui président aux violences à caractère sexuel et qui empêchent les femmes
d'accéder aux ressources, aux chaires d'étude, etc., dans les
universités.
Mme David :
Oui, je comprends de mieux en mieux, là. Autant ça peut s'appliquer à la
difficulté d'accéder à certains postes,
même administratifs, ou alors en recherche, d'atteindre un certain niveau ou
dans les postes... Enfin, il y a toutes sortes de dimensions. C'est vraiment comme une experte du rapport
hommes-femmes, mais qu'on peut évidemment détailler en différents niveaux d'intervention et différents
sujets d'étude, mais toujours dans ce regard de l'égalité hommes-femmes.
M. Ricci
(Sandrine) : Et l'égalité entre les genres.
Mme David :
Et d'égalité entre les genres. Et ça pourrait être quelqu'un de l'institution,
une professeure?
M. Ricci
(Sandrine) : Ah non!
Mme David :
Vous pourriez être une chargée de mission ou non?
M. Ricci
(Sandrine) : Oui, parce que je vais être au chômage après mon
doctorat, mais, ceci étant dit, c'est précisément,
je crois, un poste qui doit être pensé de façon externe à l'institution,
c'est-à-dire que c'est des fonds qui viennent du ministère. Un des problèmes qu'on a dans le dossier, c'est qu'il faut
rétablir un sentiment de confiance, et que ce n'est pas du jour au lendemain
que ça va se faire, et que... et, pour monitorer, les universités ne peuvent
pas être juge et partie. Donc, il
faut qu'il y ait quelqu'un qui monitore, qui soit une instance externe, et elle
doit être soutenue par le ministère et...
Mme David :
Et pourquoi vous en mettriez dans toutes les universités? Pourquoi il n'y en
aurait pas un certain nombre, mais
qui réfléchissent à la question en termes de plusieurs universités, ou du
réseau, ou... Je ne sais pas. Surtout depuis
que vous dites que c'est moi qui paierais à travers mes fonds, j'essaie de voir
si on peut... Il doit y avoir une raison pour laquelle vous dites :
dans chaque institution.
Mme Paquette
(Geneviève) : Bien, il y a la question... Quand on la pensait, cette
idée-là, on la voyait dans le cadre, justement, du projet de loi, où, on
le voit bien, dans chaque établissement il va y avoir beaucoup de travail. Il semble aussi qu'au niveau des différentes
politiques, là, il y ait des problèmes. C'est du moins ce que le BCI a tenté de
soulever, si j'ai bien compris son
intervention en audition. Et il y a aussi une uniformisation des pratiques qui
est recherchée.
Et
donc ce type de poste là nous
amènerait à un agent de liaison qui permettrait, tant dans l'intra
établissement et dans l'inter
établissement, de s'assurer d'une uniformité des pratiques en matière de violence
sexuelle, mais plus largement aussi en matière d'égalité entre les
genres et en tenant compte de la diversité.
Mme David : Ma dernière question là-dessus, mais ça
m'intéresse vraiment, mais je veux vous poser d'autres questions aussi : Est-ce qu'il y a un équivalent dans une autre
sphère dans le réseau universitaire? J'essaie de voir un poste qui... c'est un conseiller à l'égalité
hommes-femmes, mais j'essaie de voir s'il y a des précédents dans d'autres
thématiques.
Mme Paquette
(Geneviève) : Pas à ma connaissance.
Mme David :
Non, c'est ça, en tout cas.
M. Ricci
(Sandrine) : En France, aux États-Unis, au Canada anglais, il y a les
«diversity officers», les «gender equality officers». Ce sont des postes
qui existent ailleurs, mais à ma connaissance... Ceci étant dit, ça mériterait
de... il faudrait voir, mais l'enjeu, là,
c'est que ce n'est pas un poste interne. Ce n'est pas dans la hiérarchie
universitaire. Il faut que ce soit à l'extérieur pour lui donner plus de
liberté.
Mme David : Oui, oui, c'est très... C'est clair. Ça, je vous remercie, parce qu'au début ne n'avais
pas réalisé que ça ne serait pas à la
charge des institutions, mais quelqu'un d'indépendant, qui est vraiment basé
dans une institution, mais qui est là en toute autonomie et
indépendance.
Je
vais aller justement dans la question des relations intimes. On en parle, on va
en rêver bientôt. Et je vais vous soumettre quelque chose, parce qu'à
force d'en parler et d'entendre différents intervenants, si on ne peut pas
utiliser nécessairement le mot «proscrire»,
«interdire», est-ce qu'on peut dire quelque chose comme quand une relation
intime ou sexuelle se crée dans une
situation de rapport de pouvoir ou d'autorité entre, donc, une personne qui est
habituellement une étudiante ou un
étudiant et un professeur ou chargé de cours, en tout cas, il faut... la
personne en situation d'autorité est
tenue de déclarer tout de suite, donc, la situation à x, là, bon, et
l'institution est tenue de prendre des mesures pour que la relation
d'autorité cesse immédiatement? C'est-à-dire que...
Ce que ça veut dire, c'est que, si la relation
d'autorité cesse, bien, l'étudiant n'est plus dans le même cours ou l'étudiante au doctorat n'est plus avec le
professeur... parce que là tu choisis : ou tu as la relation ou tu...
Bien, à partir du moment où tu dévoiles une relation, ça veut dire que tu ne
peux plus reculer, là. Elle existe, la relation, ou elle a déjà existé. Donc, il y a déjà quelque chose qui s'est
installé, que ça finisse mal ou bien, mais que l'institution soit tenue de
prendre des mesures tout de suite pour que
cesse la partie relation de pouvoir ou d'autorité qui veut dire soit donner un
cours, soit un stage, soit une direction de thèse.
J'essaie de
formuler pour que, tous ensemble, on ait une sorte de consensus pour se
dire : C'est à peu près ça qu'on veut.
Alors, j'aimerais vous entendre sur la façon dont... J'essaie de formuler pour
nous aider à arriver à quelque chose.
Mme Paquette
(Geneviève) : Bien, je pense que... Nous pensons, en fait, que c'est
exactement ça. Les personnes en position d'autorité doivent être
retirées de leur fonction de supervision ou d'évaluation auprès du tiers
subalterne impliqué. Puis vous connaissez
bien, Mme la ministre, le milieu universitaire. Vous savez que, dans la même
journée, une personne peut à la fois
être étudiante, à la fois être aussi chargée de cours, à la fois agir comme
professionnelle, tout ça auprès d'individus différents.
Donc, il faut bien circonscrire qu'il faut être
en relation d'autorité directe avec un autre employé ou un autre étudiant, étudiante. Puis à partir du moment où il
y a une relation, bien là, il ne peut plus y avoir de supervision du travail
académique ou du travail professionnel.
• (17 h 50) •
Mme David :
Donc, quand on dit pour que cesse immédiatement, c'est que, dans le fond,
l'institution impose que ça cesse,
mais quelque part, cette relation-là a amené à cette interruption de relation
d'autorité, parce qu'on a installé autre chose à la place.
Alors, je
pense qu'on va peut-être y arriver. En tout cas, on réfléchit tous ensemble,
mais vous avez entendu... bien,
peut-être pas, Mme Ricci était là, certains intervenants précédents où ça
brimerait la liberté académique ou... en tout cas, je... On veut être intellectuellement honnête et dire qu'il y a des
gens qui ne pensent pas nécessairement que c'est une relation d'autorité pour laquelle il faut avoir ce
genre d'intervention. Par contre, beaucoup d'autres ont dit un peu ce que
vous dites, particulièrement des étudiants,
mais pas que des étudiants. La Fédération des cégeps aussi va plus loin, c'est l'entièreté de... peut-être parce
c'est à cause de l'âge de leur clientèle. Ce n'est pas seulement la relation
dite d'autorité professeur-étudiant,
mais c'est... il n'y a pas de relation intime entre un membre du personnel et
un étudiant, quel qu'il soit, là. C'est ce qu'ils nous ont proposé hier.
Mais donc
vous êtes conscientes qu'il y a peut-être d'autres opinions aussi là-dessus,
que deux adultes, c'est consentant par
définition et qu'il n'y a pas de problème à continuer le double statut,
autorité et sexualité, disons ça comme ça, je ne sais pas.
Mme Paquette
(Geneviève) : Je ne vois pas comment une relation pédagogique ou
professionnelle ne peut pas être teintée par une relation sexuelle,
intime ou amoureuse. C'est sûr que, dans notre rapport, on voit que les
relations hiérarchiques, c'est un contexte propice
à la violence sexuelle. Par contre, il faut faire les nuances qui s'imposent.
Toute relation amoureuse, puis vous l'avez déjà dit ici, n'est pas... ce
n'est pas équivalent à la violence sexuelle, c'est un contexte propice.
Puis il y a
aussi toute la question de neutralité bienveillante qui, je pense, on le pense,
doit être présente dans les relations pédagogiques, dans les relations
professionnelles. Quand tout le monde est en lune de miel, sûrement qu'il y a
des périodes où il n'y a pas de problème. Mais c'est lorsque les problèmes
surviennent et que là la personne se retrouve à ne pas pouvoir le déclarer, ne pas savoir à qui demander de l'aide,
parce qu'elle n'a plus accès à ses données de recherche alors qu'elle
termine une thèse, parce qu'elle n'a pas accès à de l'avancement au travail
parce qu'elle est en rupture amoureuse...
Alors, c'est
quand même des vases communicants, les relations amoureuses et la violence
sexuelle. Vous savez que je fais partie d'un groupe de recherche qui
s'intéresse à cette double problématique là, le Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et
l'agression sexuelle, qui est d'ailleurs financé par le fonds québécois de la recherche. Et il y a des liens théoriques
puis il y a des liens empiriques entre ces deux problématiques-là, et donc
effectivement je pense que les personnes en
autorité doivent faire des choix, doivent se retirer de leur fonction
d'autorité à partir du moment où ils sont en relation intime, sexuelle
ou amoureuse.
M. Ricci (Sandrine) : Je
peux-tu rajouter quelque chose?
Mme David :
Je vais vous amener vers l'autre sujet qui n'est pas facile non plus, et je
vous remercie d'aborder de front ces
questions-là, la divulgation donc à la victime. Jusque-là, bon, il n'y a pas...
il y en a d'autres qui ont suggéré ça
aussi, pour ne pas laisser la victime dans l'obscurité par rapport à
d'éventuelles sanctions de son agresseur. Vous ajoutez «et à l'ensemble
de la communauté universitaire» pour qu'il y ait un effet dissuasif.
Ce
qui m'est venu comme équivalent, puis c'est public, quand on est membre d'un
ordre professionnel et qu'il y a une
radiation pour x ou y cause, la loi impose que ça soit public et que dans...
moi, je recevais un journal de mon ordre
professionnel, on avait la liste des gens radiés, et il y avait la raison pour
laquelle la personne était radiée, et, bon, quelquefois c'était pour justement relation non... je ne sais pas, ils
avaient des expressions pour ça, alors radiés un mois, deux mois, six
mois, un an, deux ans, trois ans.
Est-ce que c'est le
modèle sur lequel vous vous basez? Parce que là on est dans un autre
environnement, dans l'environnement académique. Je ne suis pas sûre que les
gens... ça serait unanime, ce genre de recommandation.
M. Ricci
(Sandrine) : Bon, écoutez, ce n'est pas le maccarthysme comme approche
qu'on privilégie. L'idée, c'est qu'il
faut s'intéresser à la problématique de ce sentiment de confiance qui est
extrêmement petit, qui est atteint à la fois sociétalement par rapport à la problématique des victimes qui ne portent
pas plainte. Quand on sait qu'il y a entre quatre... selon les études, 4 % et 10 % de
personnes qui vont porter plainte à la police, ça veut dire qu'il y a un
problème de confiance dans le
traitement judiciaire des agressions à caractère sexuel au niveau du Québec, et
c'est des chiffres qu'on retrouve dans d'autres sociétés.
En
milieu universitaire, il y a 90 % des personnes qui ne dévoilent pas aux
instances. Dans les raisons invoquées de ce non-signalement, on retrouve
le sentiment que vraiment, l'université, on n'a pas confiance qu'elle va régler
le problème, qu'elle va prendre au sérieux,
etc. Quand on n'entend jamais parler
des sanctions contre les agresseurs parce que c'est fait en catimini, je veux dire, la culture, c'est de balayer
sous le tapis, c'est d'envoyer Johnny en congé maladie pendant une session, deux sessions, de plaider des
problèmes d'alcoolisme. Enfin, moi, j'ai tout entendu, là, mais jamais on ne reconnaît qu'il a un problème, il y a eu des
comportements inadéquats ou qu'il a agressé sexuellement, etc., pour ne
pas euphémiser.
Donc, tant que la communauté
n'entendra pas qu'il y a quelque chose qui est fait dans ce sens-là, d'une transparence, mais aussi d'une prise au sérieux, on va continuer à perpétuer le
problème. Ce qu'on appelle la culture du viol, c'est aussi ça. C'est le fait qu'on répète les affaires, on les
perpétue et on n'arrive pas à sortir de ce modèle-là. Et c'est quand
même intéressant, quand même, que, dans les auditions ici ou autrement, les
étudiantes et les étudiants demandent qu'on
interdise des relations sexuelles, amoureuses qui impliquent un prof et une
étudiante ou un étudiant et que celles et ceux qui sont contre ce genre
de mesures là, ce sont les profs. D'accord?
Donc,
la reconnaissance des rapports de pouvoir qui sont au coeur de la
problématique, elle est primordiale, les rapports de pouvoir de hiérarchie, mais des pouvoirs liés au genre et à
d'autres niveaux. Si on ne reconnaît pas ça et qu'on n'agit pas, qu'on continue d'avancer en se voilant
le visage et en faisant comme si on devait nous... l'institution méritait la confiance comme
ça du jour au lendemain, non. C'est pour ça que ce projet de loi, il a un rôle à jouer pour dire : Non, on arrête ça maintenant, et le projet
de loi doit exiger la redevabilité,
la transparence et pour en finir avec cette impunité-là
qui mine tous ces processus de plaintes et de dénonciations.
Mme David :
Merci beaucoup. On vous écoute...
La Présidente (Mme
de Santis) : Il reste une minute.
Mme David :
Une minute? Il en restait trois à notre...
La Présidente (Mme
de Santis) : Non... parce qu'il y a une indépendante.
Mme David :
Ah! excusez. Alors, oui, on veut absolument laisser place à l'indépendante.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Mme David : Alors, je voulais vous parler de représailles. Je
dépose ça au cas où quelqu'un ait le goût d'en parler. Merci. Donc, il y aura un relais sur cet autre
sujet pas facile que vous avez abordé. En
tout cas, je vous remercie parce que chaque sujet, ce sont des sujets exigeants pour
nous, des décisions lourdes de conséquences. Il faut bien y réfléchir. Alors,
on vous lit, on vous écoute attentivement puis on va faire le meilleur possible pour tenir compte de tout ce qui
est dit. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci, Mme la ministre. Maintenant, la parole est au représentant de l'opposition officielle, le député de
Chambly.
Une voix :
...
La
Présidente (Mme de Santis) :
Oh non! Je m'excuse. Je regarde... J'ai fait un très mauvais faux pas. Alors,
c'est Mme la députée de Marie-Victorin. Mes excuses.
Mme Fournier : Vous êtes pardonnée, Mme la Présidente. Merci. Merci à vous deux d'être ici aujourd'hui avec nous en commission
parlementaire. Vous contribuez beaucoup
à enrichir, là, nos travaux ici, pour bonifier aussi le projet de loi n° 151. Donc, je vous en
remercie.
Et c'est drôle, la ministre parlait de la question
des représailles, et c'était le premier point que j'avais noté sur ma feuille. Donc, je sais que vous l'avez abordé
plus rapidement puis vous nous avez justement
dit que vous souhaiteriez revenir là-dessus pour davantage
nous expliquer votre point, donc toute la question de la possibilité de
poursuivre en diffamation, qui est souvent
utilisée comme une menace pour empêcher les victimes, là, de porter plainte.
Alors, j'aimerais vous entendre davantage là-dessus.
Mme Paquette (Geneviève) : Je
vais commencer puis je vais laisser ma collègue compléter.
Les situations
de violence sexuelle se produisent souvent dans un contexte où la victime est
seule avec l'auteur, ce qui fait
qu'ensuite, lorsqu'elle veut porter plainte, signaler, porter plainte,
les personnes ont peur de ne pas être crues et d'avoir aussi des représailles de l'auteur qui va dire : Bien ce
n'est pas vrai, et je vais vous poursuivre parce qu'il n'y a pas d'autre preuve que le témoignage de la victime.
Et c'est là toute la problématique, je dirais, de la violence sexuelle.
• (18 heures) •
M. Ricci
(Sandrine) : Quand on lit l'expérience des Françaises universitaires,
que j'ai évoquée suite à la plainte en
diffamation d'un prof de socio là-bas, et elles ont publié dans une revue
scientifique en sciences sociales cette expérience-là, bon, à mots couverts, mais ce qu'elles... et ça me
semblait intéressant qu'elles nous rappellent que menacer de diffamation
ou poursuivre en libelle diffamatoire les femmes qui dévoilent des agresseurs,
ça a des effets, ça a des conséquences puis
ça peut être aussi des stratégies, des objectifs, hein, du point de vue de
l'agresseur. Et donc, par exemple, ça
a pour effet... Moi, je privilégie toujours les enjeux au niveau collectif,
hein? Je trouve que c'est souvent ce qui passe un peu à la trappe, mais menacer les victimes de
diffamation, ça a pour effet d'empêcher les autres victimes de dénoncer. Donc,
elle parle d'un effet prophylactique de la plainte en diffamation qui véhicule,
en creux, un message d'intimidation à l'ensemble des individus. Elle nous informe de la possibilité pour chacune et
chacun d'entre nous d'être poursuivi à notre tour.
Ce type de
manoeuvre, au niveau plus individuel, ça a un effet d'isolement, comme
Geneviève l'a souligné, un isolement qui est un isolement des individus,
mais qui est un isolement du groupe, aussi, qui fait l'objet de la plainte, parfois. Et par ailleurs il ne faut pas oublier
que ça a des... il y a une dimension financière, c'est-à-dire que cette
plainte-là, elle engendre une
préoccupation fondamentale, c'est-à-dire que le coût d'une action en justice,
il est onéreux, le coût de se
défendre, donc des personnes qui sont en situation de précarité peuvent
difficilement soutenir de tels investissements.
Et enfin, il
y a une dimension psychologique, hein, qui joue un rôle crucial, du fait des
pressions, des intimidations, du
stress qui est induit par la procédure judiciaire. Donc, pour les femmes, et là
je cite de nouveau la juriste Josée Bouchard, qui a produit des analyses intéressantes sur ces questions-là en
1995 : «La crainte des poursuites en libelle diffamatoire intentées contre elles représente une nouvelle
forme d'abus de pouvoir, abus à la fois politique, social et économique.»
Et on peut faire le lien avec nos résultats
de recherche. Parmi les raisons du non-signalement, il y a la crainte de
représailles. Et là, je viens de citer... disons que je mets l'accent
sur les représailles juridiques, mais il y a aussi d'autres formes de
représailles qui peuvent être de l'ordre de l'intimidation, verbale ou d'autres
manières. Et ça me semble un problème préoccupant.
Mme
Fournier : Tout à fait, parce que vous parliez aussi que c'était une
stratégie courante aux États-Unis, depuis les années 1980. Savez-vous s'il y a des politiques aussi qui ont été
établies aux États-Unis, à certains endroits? On parlait beaucoup des politiques contre les violences
sexuelles, par exemple, à l'Université Yale, à l'Université Harvard. Est-ce
que, dans leurs politiques ou dans leurs codes de conduite, ça inclut
aussi cette interdiction de représailles?
M. Ricci
(Sandrine) : C'est une question qu'il va falloir étudier, et c'est
pourquoi, d'ailleurs, avec ESSIMU, on a l'intention vraiment de porter notre regard aussi, l'année prochaine,
sur les enjeux d'ordre juridique, avec des juristes. Moi, je ne suis que sociologue, et je n'ai pas
regardé des articles de loi comme tels, mais il y a un travail à faire pour
voir, justement.
Mais c'est
clair que pourquoi je soulève cet enjeu du juridique, c'est aussi parce que,
bon, c'est, d'une part, parce que
j'ai observé qu'il y avait des situations qui se sont produites dans les
universités, et je ne suis pas vraiment... je ne peux pas vraiment en parler parce que ce n'est pas de notoriété
publique, O.K.? Il y a des situations qui se sont produites de plaintes et de mises en demeure contre des
survivantes et contre leurs alliés. Et il y a aussi cet enjeu de mettre à la
table, ici, non seulement la ministre
de l'Enseignement supérieur et de la Condition féminine, ce qui est très bien,
mais aussi la ministre de la Justice,
la ministre du Travail, pour réfléchir les noeuds juridiques qui sont en
présence dans ce dossier. Et la
question des sanctions, avec le respect de la vie privée, la confidentialité,
tout ça, c'est un noeud. La question des représailles, c'est un noeud. Est-ce que la loi sur le harcèlement
sexuel peut prévoir une telle disposition que de refuser à l'agresseur présumé, entre guillemets, de faire
une plainte, une contre-attaque, hein? Et il y a un troisième noeud, à mon
avis, qui concerne le milieu juridique,
hein, ce dans quoi pataugeait un petit peu, si vous me pardonnez l'expression,
la présentation du BCI.
Mme
Fournier : O.K. Merci, merci beaucoup. Dans le cas des relations
intimes entre les professeurs et les étudiants, qu'on a évidemment souvent
évoquées, vous parliez de retirer le lien d'autorité, en fait, quand il
arrivait une situation comme
celle-là, que la personne justement qui, elle, est en autorité, bien, fasse en
sorte qu'il n'y ait plus cette relation
d'autorité. Donc, j'imagine, par exemple, de changer de cours, ou en tout
cas... Comment vous visualisez, là, dans l'application concrète aussi,
par exemple, dans les cas où la relation serait antérieure à l'établissement de
la relation d'autorité... Est-ce que vous
avez pensé à un mécanisme, est-ce que vous avez vu des choses, sur le terrain, qui pourraient
nous inspirer pour le projet de loi?
Mme Paquette (Geneviève) :
Bien, d'abord, si... Prenons en exemple qu'une étudiante suit un cours. Il se produit une relation intime, là, avec le chargé de
cours, le professeur qui donne le
cours. Bien, à ce moment-là, il va être retiré des activités d'évaluation. Il va falloir
nommer une nouvelle personne pour évaluer les productions de l'étudiante.
Possiblement qu'elle pourra poursuivre son
cours, c'est-à-dire faire les apprentissages en classe, mais l'acte d'évaluer
ne devrait pas revenir à un amant ou à un amoureux. Je ne vois pas de
différence même si la relation est antérieure. C'est-à-dire, j'arrive à l'université, supposons, moi, je suis un cours,
c'est mon conjoint qui le donne. Pourquoi, tout à coup, ce serait correct que ce soit lui qui m'évalue? Je
ne pense pas que... Il faudrait, à ce moment-là, le déclarer, il faudrait
prévoir les formulaires de déclaration, puis que, lorsque la relation
est directe, qu'elle implique l'évaluation ou la supervision d'employés, d'étudiants, d'étudiantes, que les
universités prennent des mesures pour s'assurer de retirer ces personnes-là
tout en ayant le moins d'impact possible sur
le cheminement académique des étudiants, des étudiantes et des employés.
Mme
Fournier : Exactement. Parce que vous introduisez une notion dont on n'a
pas beaucoup parlé jusqu'à maintenant dans
les consultations particulières. On a parlé beaucoup, évidemment, de
l'aspect... de la notion de consentement, qui pouvait être plus ou moins
présente dans une relation d'autorité, mais il y a effectivement aussi la
question de la neutralité pédagogique aussi
dans l'évaluation, qui, à mon sens, est extrêmement importante. Donc, merci
pour votre point.
Maintenant,
sur l'aspect des ressources — puis, bon, on a parlé beaucoup de la notion
de guichet unique aussi dans le cadre des consultations, tout ça — quel est votre point de vue sur la question?
Est-ce que, selon vous, ce serait important d'avoir des ressources minimales
dédiées au sein d'un type de guichet unique qu'on pourrait retrouver
dans tous les établissements?
Mme
Paquette (Geneviève) : Oui, l'idée du guichet unique, moi, je pense
que c'est une bonne idée. ESSIMU... on
le recommandait qu'il y ait un lieu, vraiment, où l'ensemble des ressources
soit connu, accessible. Les portails Web... on recommandait des portails Web qui rassemblent toute l'information,
des politiques distinctes et idéalement des ressources qui se consacrent
à traiter les cas de violence sexuelle.
Maintenant,
où j'ai des réserves, puis c'est ce qu'on expliquait, c'est que toute mesure
qui vise à forcer, si je peux m'exprimer ainsi, des victimes à poser des
actes... Il ne faut pas avoir des effets iatrogènes, là, autour de la loi.
C'est-à-dire que les victimes, elles
ont justement eu à subir quelque chose auquel elles n'ont pas consenti. Et l'un
des grands principes de
l'intervention, c'est d'agir toujours dans une optique d'«empowerment» pour
vraiment que, par la suite, les victimes, les survivantes choisissent les recours, les étapes par lesquels elles
veulent passer. Et ça remet, d'après nous, à l'agenda l'importance de bien
former le personnel des universités, les étudiants, les étudiantes sur
l'accueil d'un dévoilement d'une
violence sexuelle parce que, force est de le constater, les résultats de
l'étude vont dans ce sens-là, c'est là qu'elles se confient.
Mme
Fournier : Merci. Il reste peu de temps, mais j'aimerais vous entendre
sur les délais de traitement des plaintes.
C'est quelque chose aussi qui est revenu assez fréquemment, là, presque à
toutes les rencontres qu'on a eues jusqu'à maintenant. Donc, avez-vous une position là-dessus? Est-ce que vous
pensez qu'on devrait inscrire un délai maximal de traitement des
plaintes dans la loi?
Mme Paquette
(Geneviève) : Je pense que, comme toute situation qui implique la
violence, puis j'ai écouté certaines
auditions, puis j'ai entendu toutes sortes de propositions, effectivement, il y
a une première étape. C'est basé, même,
ce que je vais vous dire, ça s'insère bien aussi dans un modèle de
rétablissement, le modèle d'Hermann, qui est assez connu, qui est une
chercheuse qui a travaillé beaucoup en agression sexuelle auprès des femmes. Et
donc les premières mesures immédiates
doivent se préoccuper de la sécurité des victimes. Et cette intervention-là est
importante, puis c'est celle-là qui
doit rapide, hein? Ça peut être quelques heures dont on dispose, hein, pour
sécuriser l'environnement d'une
victime. La deuxième étape, c'est vraiment la diriger vers des ressources
psychosociales, dans un premier temps, puis
de s'assurer qu'elle gère les conséquences de l'agression sexuelle, les
conséquences psychologiques, les conséquences physiques, etc., les conséquences sociales, s'il y en a. Et, dans un
troisième temps, si elle le décide, on fait le traitement du signalement
ou de la plainte, là. C'est un peu le parcours qui s'insère dans le
rétablissement dont les victimes nous témoignent,
la manière dont les victimes se rétablissent, donc. Et donc il y avait trois
niveaux d'intervention avec des délais différents.
• (18 h 10) •
Mme
Fournier : Merci beaucoup.
M. Ricci
(Sandrine) : Mais des délais les plus brefs possible, évidemment. On
va dans le même sens que les étudiantes et les étudiants à cet égard-là.
Une voix :
Oui, les 45 jours maximum me semblaient...
M. Ricci
(Sandrine) : Puis cinq jours, cinq jours.
Une voix :
Oui.
M. Ricci
(Sandrine) : 45, cinq...
Une voix :
Oui.
M. Ricci (Sandrine) : C'était ça, la
formule qu'on a entendue?
Mme Fournier :
Oui, exact. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme de Santis) : Merci
beaucoup. Merci à la députée de Marie-Victorin. Maintenant, nous passons... la
parole sera au représentant du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Chambly.
M. Roberge : Merci bien, Mme la
Présidente. Je dispose de combien de temps?
La Présidente (Mme de Santis) : Vous
avez 8 min 48 s.
M.
Roberge : Ça, c'est précis. D'abord, bien, merci beaucoup pour votre
présentation puis pour tout le travail que
vous faites dans ce dossier-là. Je pense que c'est assez incontournable. Donc,
c'est important de vous avoir avec nous.
Je vais
d'abord m'attarder vers la fin de votre document dans l'axe d'intervention 5,
la quatorzième recommandation. Vous
parlez d'appuyer le développement d'interventions auprès des individus ayant
commis des gestes de violence sexuelle dans
le but de les responsabiliser. Donc, ça n'exclut pas des mesures
disciplinaires, des sanctions et d'autres dispositions judiciaires. Est-ce
qu'on parle, là, de ce qu'on peut appeler des fois la justice alternative ou
réparatrice? Pouvez-vous élaborer un peu sur ce sujet-là, s'il vous
plaît?
Mme
Paquette (Geneviève) : Je pourrais tenter, mais moi, je suis vraiment
spécialisée auprès des victimes, par contre
j'ai des collègues qui se spécialisent au niveau de l'agression sexuelle
perpétrée. Et ici on faisait plutôt référence — et ça
n'exclut pas les sanctions, ça s'y ajoute — à ce que ces personnes-là aient accès à du
traitement. Parce qu'il existe des programmes de traitement pour les
personnes qui ont commis des agressions sexuelles ou qui sont à risque d'en commettre. Ces organismes-là, tout comme les
CALACS, peinent d'ailleurs à survivre, hein, malgré le travail important
qu'ils font auprès des personnes qui ont commis des agressions ou qui sont à
risque d'en commettre.
M.
Roberge : Donc, dans le fond, ce serait de préciser qu'évidemment on
axe les ressources sur les victimes, leur venir en aide puis leur offrir tout le soutien nécessaire, les outiller
vers les intervenants, vers le processus judiciaire si elles le souhaitent. Mais ce que vous apportez, puis
même si vous n'avez pas nécessairement tout un programme là-dessus, vous nous levez un petit drapeau, vous
dites : Attention, il faudrait peut-être aussi penser à s'arranger pour
que ceux qui commettent ces gestes-là
soient accompagnés pour ne plus qu'ils en commettent aussi. Parce que les
sanctionner, c'est une chose, mais,
si on ne veut pas tous... si on veut minimiser le nombre d'actes de violence,
il faut aussi aller en prévention des deux côtés. O.K., bon, bien je
vous remercie pour ça.
Ensuite,
juste avant, vous parlez de ceux qui peuvent intervenir. Là, l'axe 13,
vous parlez de soutenir financièrement la
création d'une ressource spécialisée en matière de violences sexuelles. Donc,
dans le projet de loi, on parle d'un guichet unique, mais là, la ressource spécialisée, donc, fort possible qu'il y
ait... des fois, on peut l'avoir dans le cégep ou dans l'université,
mais pas toujours. En ce moment, c'est variable d'un établissement à l'autre,
d'où l'importance de la politique et du
projet de loi. D'après vous, c'est qui, cette fameuse ressource spécialisée?
Qui va être à même de porter ça, là, dans une institution? Est-ce que
c'est un travailleur social? Est-ce que c'est un psychologue? Est-ce que c'est
un sexologue? Est-ce que c'est un
intervenant d'un CALACS ou d'un organisme qui existe déjà? C'est quoi, le
profil de cette ressource-là?
M. Ricci
(Sandrine) : Il faut
comprendre aussi qu'historiquement on a commencé à travailler dans ce dossier
et que c'est issu de mobilisation collective en milieu universitaire, beaucoup
étudiante, féministe, et qu'il y avait un besoin d'avoir un... le besoin
était nommé comme d'avoir un CALACS à l'UQAM, pour ne pas la nommer, parce qu'il y avait d'autres universités, comme à
Concordia ou à McGill, où il y avait des bureaux qui s'occupaient... les
«sexual assault centers», bon, etc., «service». Donc, c'était ça un peu, la
logique et on a voulu réfléchir donc à cette possibilité d'avoir un
CALACS dans certaines universités, mais rapidement, on en est venus à réfléchir
à ça aussi par rapport à l'établissement d'une passerelle de services, comme c'est
testé actuellement à l'UQAM, justement, avec le CALACS Trêve pour elles, comme ça l'a été aussi à l'Université d'Ottawa. Mais une chose est certaine, c'est que nous
comprenons le mandat de cette ressource-là à la fois en termes de
soutien aux victimes, donc un soutien psychosocial, mais un accompagnement aussi dans les démarches
sociojuridiques et aussi en termes de dispensation d'activités de prévention,
de formation, qui correspond au triple
mandat des CALACS, en fait. Et les CALACS ont aussi une mine d'expertise au
regard de leur approche, de leur compréhension, de leur analyse du problème.
Donc, c'est pour ça qu'il nous semble primordial
de les inclure dans l'équation et de recourir à leurs services, si tant est
qu'on pouvait les financer adéquatement.
M.
Roberge : Ce que je comprends, c'est que, bien, de toute manière, il
faudra financer adéquatement ce fameux guichet unique, cet intervenant
ou cette intervenante. Donc, ce que vous dites, au fond, c'est : Plutôt
que d'essayer de réinventer la roue, il y a
un modèle qui fonctionne, qui s'appelle les CALACS, qui ont développé une façon
de faire, une organisation, c'est
efficace, donc ne réinventons pas la roue, finançons-les mieux de manière à ce
qu'ils puissent desservir les campus. Est-ce que c'est pas mal ce que
vous exprimez?
Mme
Paquette (Geneviève) : Dans certains milieux, c'est sûr que le
traitement institutionnel de la plainte, là, il y a possiblement quelqu'un à
l'interne aussi qui va falloir qu'il s'occupe de ça. Mais, côté ressources,
moi... On l'a vu dans les auditions,
il y a beaucoup de ressources qui ont des expertises en violence sexuelle puis
qui peuvent être mises à profit dans
une optique de concertation. Je pense que ça va être ça, l'enjeu, c'est celui de
la concertation entre les ressources.
M. Ricci
(Sandrine) : Mais il y a quand même une dimension importante au
problème, que nous, on a sondé auprès, donc,
des 9 284 répondants et répondantes à notre enquête, c'est :
Est-ce que vous préféreriez — et là, qu'elles aient subi une
violence à caractère sexuel ou non, hein, on a sondé tout le monde — est-ce
que vous préféreriez une ressource à l'intérieur de l'université ou à
l'extérieur de l'université? Et c'est quand même mitigé. Il y a quand même beaucoup de gens qui seraient plus à l'aise
d'aller à l'extérieur de l'université, d'où l'intérêt d'avoir une présence sur
le campus et une présence à
l'extérieur, où les gens peuvent sortir de leur institution à cause des,
justement, problématiques de crainte de représailles, je ne sais pas, moi,
atteinte à la réputation, etc.
M.
Roberge : Oui, mais je pense que c'est la liberté de choix, en
réalité. C'est qu'en ce moment il y a peut-être des ressources qui sont surtout à l'extérieur du campus. Puis là on dit :
Bien, il faudrait que ça soit plus accessible, il est possible que des gens
n'aillent pas à l'extérieur, ouvrons un guichet unique. Puis là on se fait
dire : Oui, mais il y en a qui ne
voudront pas aller sur le campus. On s'entend que, dans le fond, il faut que
les ressources soient disponibles avec un guichet unique sur le campus,
mais on ne fermera pas les CALACS qui sont à l'extérieur.
Bien, ça fait le tour pour moi. Je vous remercie
beaucoup pour votre présentation.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, M. le député de Chambly.
Maintenant, la parole est à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
pour trois minutes.
Mme
Massé : Merci. Pour trois minutes? C'est bien. Je trouve ça... Merci
beaucoup, premièrement, pour l'étude. ESSIMU
a joué un rôle important. Peut-être brièvement, vous aviez annoncé que vous
alliez regarder du côté des cégeps aussi. Est-ce que ça se maintient? Le
projet a été financé puis ça va? On peut imaginer un rapport à quelle étape?
Mme Paquette (Geneviève) : On n'en
est pas là, je pense, dans le processus.
Mme Massé : Ah! O.K. C'est correct.
Mme
Paquette (Geneviève) : Mais oui, milieu collégial, puis même,
peut-être, ça me permet de glisser, dans le cadre de la révision de la
loi, avant cinq ans, aussi, l'étude en milieu universitaire serait à
reconduire, si on veut voir comment ça évolue aussi.
Mme
Massé : Entendu. Les postes que vous créez, j'ai bien entendu que ce
ne serait pas une bonne idée que ce soit
à l'intérieur des institutions, mais plutôt à l'extérieur. J'aimerais juste
avoir votre opinion. Serait-il pertinent qu'ils soient rattachés, par exemple, je ne sais pas, moi, au Secrétariat à la
condition féminine? Est-ce que ça pourrait être... Parce que vous avez
dit : Peut-être au ministère. Si vous avez une opinion là-dessus...
• (18 h 20) •
M. Ricci
(Sandrine) : Je pense que, vraiment, on n'a pas eu l'occasion de
réfléchir à la mécanique fine de tout ça. Je pense que c'est une proposition qui pourrait être intéressante. Moi,
je suis plus favorable à des approches concertées, personnellement, donc... parce que c'est... Il y a
des approches transversales, il y a des
approches spécifiques, bon, et là je crois
qu'on est au croisement de plusieurs portefeuilles ministériels, etc. Et donc je pense que tous ces gens doivent
se parler, mais je crois que ce poste répondrait à plusieurs besoins que
j'ai évoqués. Et on doit aussi s'intéresser à la surcharge de travail que les directrices ou les agentes dans les bureaux
de harcèlement dans les universités...
Pour prendre l'université dans
laquelle, moi, j'évolue depuis une vingtaine d'années maintenant, c'est l'UQAM,
et une des raisons qu'on invoque pour
que la politique prenne autant de temps à être révisée, la politique 16,
qui est la politique sur le harcèlement, c'est aussi parce qu'elle a d'autres choses à faire, la directrice, elle
a tant d'autres fonctions. Il y a un problème de surcharge. Donc, de les
soutenir, je pense que ça répondrait mieux aux problèmes.
Mme
Massé : Bien, juste pour vous dire que c'est la beauté de la Condition
féminine, c'est-à-dire que de rattacher au ministère, c'est le ministère de l'Éducation supérieure... Le
Secrétariat à la condition féminine a cette responsabilité-là justement d'essayer de coordonner les choses. Ça
fait que c'est peut-être quelque chose à continuer à réfléchir, et... Il me
reste-tu du temps? Je vous regarde, Mme la Présidente. Peut-être juste dernier
élément, parce que, comme le disait Mme la
ministre, c'est évident à partir du moment où on parle de sanctions, où on
parle de représailles, là on met le doigt sur ce que nous savons, les
féministes, qui cause un problème, c'est-à-dire on ne veut pas en parler.
La Présidente (Mme de Santis) : Mme
la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé : C'est terminé?
La
Présidente (Mme de Santis) : Malheureusement, on est à la fin. Mme
Ricci, Mme Paquette, nous vous remercions pour votre contribution aux
travaux de la commission.
La commission ajourne ses travaux au jeudi
23 novembre 2017, après les affaires courantes.
Je remercie
tout le monde d'avoir consenti qu'on soit ici jusqu'à 18 h 25, et, à
vous tous et toutes, bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 22)