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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mardi 21 novembre 2017 - Vol. 44 N° 85

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 151, Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur


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Table des matières

Auditions (suite)

Québec contre les violences sexuelles

Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère
sexuel (RQCALACS)

Bureau de coopération interuniversitaire (BCI)

Association pour la voix étudiante au Québec (AVEQ)

Fédération des cégeps

Association des collèges privés du Québec (ACPQ)

Clinique juridique Juripop

Intervenants

Mme Rita Lc de Santis, présidente

Mme Hélène David

Mme Catherine Fournier

M. Jean-François Roberge

M. David Birnbaum

Mme Karine Vallières

M. Marc Carrière

*          Mme Ariane Litalien, Québec contre les violences sexuelles

*          Mme Mélanie Lemay, idem

*          Mme Marlihan Lopez, RQCALACS

*          M. Claude Bédard, BCI

*          Mme Johanne Jean, idem

*          Mme Angela Campbell, idem

*          Mme Perrine Argilès, AVEQ

*          Mme Sophia Sahrane, idem

*          Mme Häxan Bondu, idem

*          M. Bernard Tremblay, Fédération des cégeps

*          M. Sylvain Lambert, idem

*          Mme Marie-Christine Tremblay, idem

*          Mme Geneviève Reed, idem

*          M. Michel April, ACPQ

*          M. Alain Turcotte, idem

*          Mme Marili B. Desrochers, idem

*          Mme Isabelle Quirion, idem

*          Mme Sophie Gagnon, Clinique juridique Juripop

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures trois minutes)

La Présidente (Mme de Santis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 151, Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Vallières (Richmond) remplace M. Auger (Champlain) et Mme Fournier (Marie-Victorin) remplace M. Kotto (Bourget).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Cet avant-midi, nous entendrons l'organisme Québec contre les violences sexuelles et le Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel.

Je souhaite la bienvenue à Québec contre les violences sexuelles. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. D'abord, merci beaucoup de vous présenter. Vous allez maintenant vous présenter, ainsi que les personnes... ou la personne qui vous accompagne, et ensuite vous procédez immédiatement à votre exposé. Merci.

Québec contre les violences sexuelles

Mme Litalien (Ariane) : Mme la Présidente, merci de nous accueillir et d'accepter de nous entendre. Chers membres de la commission, permettez-moi de me présenter, je m'appelle Ariane Litalien et je suis accompagnée de ma collègue Mélanie Lemay. Nous sommes cofondatrices du mouvement Québec contre les violences sexuelles. Ce mouvement non partisan, fondé en octobre 2016, vise à amplifier la voix de personnes survivantes afin de lutter contre la culture du viol et contre les violences sexuelles dans toutes les sphères de notre société. Oui, j'ai bien dit «amplifier la voix des survivantes» et non pas «des victimes», car, si nous avons toutes deux vécu de la violence sexuelle en milieu postsecondaire, nous ne nous considérons pas comme des victimes, mais bien comme des battantes.

C'est avec émotion que nous témoignons aujourd'hui devant vous, puisque nous revendiquons depuis plus d'un an la venue de ce projet de loi. Toutes nos remarques d'aujourd'hui seront motivées par le plus profond espoir que toute personne membre d'une communauté collégiale ou universitaire n'ait pas à revivre l'enfer que nous avons vécu. Si des personnes survivantes de violence sexuelle nous écoutent aujourd'hui, j'espère que nous serons en mesure de faire honneur à votre force et à votre courage.

Nous débuterons d'abord par des points qui n'ont peu ou pas été soulevés jusqu'à présent en consultations particulières mais que nous jugeons particulièrement pertinents. Dans plusieurs cas, ces recommandations permettraient au Québec de devenir un chef de file en matière de lutte aux violences sexuelles sur les campus, et ce, en Amérique du Nord.

Premièrement, nous recommandons que le projet de loi spécifie que chaque politique institutionnelle s'applique au milieu scolaire dans son contexte élargi, c'est-à-dire qu'elle s'applique tant à des événements ayant eu lieu sur le campus qu'à des actions posées hors campus, dans le contexte où les parties concernées sont toutes deux membres d'une communauté d'enseignement. Cette précision est essentielle, considérant qu'une proportion des actes de violence sexuelle commis en enseignement supérieur au Québec ne se produisent pas nécessairement sur les campus, mais bien en marge de ceux-ci, et que l'arme du crime est la confiance. Il y a un précédent solide à une telle loi, puisqu'aux États-Unis toute politique universitaire en matière de violence sexuelle s'applique également hors des limites du campus. Nous recommandons également que le projet de loi spécifie que toute politique institutionnelle doit s'appliquer à l'ensemble des personnes travaillant et étudiant au sein d'une communauté d'enseignement. En effet, environ 30 % des répondants à l'ESSIMU ayant rapporté de la violence sexuelle étaient des employés, des cadres ou des enseignants. Par ailleurs, environ 50 % des répondants à la même enquête ayant rapporté de la violence sexuelle disaient avoir été victimisés par des employés, des cadres ou des enseignants. Il apparaît donc nécessaire de légiférer pour que l'ensemble des communautés d'enseignement, et non pas seulement les étudiants, soient visées par toute politique pour contrer la violence sexuelle.

Deuxièmement, nous tenons à mettre en garde la commission contre l'adoption d'un projet de loi qui laisserait trop de place à l'interprétation, même si cela est effectué dans un souci de flexibilité et d'adaptation aux contextes locaux. Nous pensons à la loi 132, qui est l'homologue ontarien du projet de loi n° 151. Nous avons entendu plusieurs survivantes ontariennes qui nous ont ouvert les yeux sur leur réalité. Le langage trop vague de la loi 132 en Ontario fait en sorte qu'il y a peu d'uniformité entre chaque campus et que les politiques institutionnelles qui découlent de la loi ne sont tenues de respecter que très peu de standards. Même si la loi ontarienne est bien intentionnée, elle n'a pas fait une grande différence sur le terrain. Par exemple, aucun délai pour le traitement des plaintes n'est prescrit par la loi 132. Une survivante sur un campus ontarien a donc dû attendre plus de 600 jours pour que le processus disciplinaire mettant en cause son agresseur arrive à sa conclusion.

Mme Lemay (Mélanie) : Ainsi, nous voulons placer les personnes survivantes au coeur du présent processus législatif. Il est de notre devoir de s'assurer que le cas de l'Ontario ne se reproduise pas au Québec.

Nous considérons donc essentiel que la politique de chaque institution d'enseignement visée par le projet de loi réponde à un seuil minimal d'exigences prescrites par le gouvernement. Par exemple, toute politique devrait reconnaître l'intersectionnalité, la non-directivité, le consentement libre et éclairé, l'approche centrée sur les personnes survivantes ainsi que le fait que les minorités sexuelles et de genre, les minorités visibles, les communautés autochtones et les étudiants en situation de handicap sont statistiquement plus à risque de vivre des violences sexuelles.

De plus, toute politique devrait contenir un délai précis de traitement de plaintes, une liste des options et des accommodements qui doivent obligatoirement être offerts à une personne survivante ainsi qu'une liste des sanctions possibles lorsqu'une personne mise en cause est tenue responsable de violence sexuelle. Par ailleurs, toute politique devrait interdire les représailles envers les personnes survivantes qui considèrent ou décident de porter plainte auprès d'une institution d'enseignement. Une liste plus détaillée des différents éléments que devrait contenir une politique est disponible sous la rubrique Recommandation 2.3 de notre mémoire.

Troisièmement, il est crucial de reconnaître que les personnes survivantes de violence sexuelle sont souvent revictimisées par leurs institutions lorsque celles-ci n'adoptent pas des attitudes aidantes suite à un dévoilement. Il arrive que les institutions réduisent carrément les personnes survivantes au silence et les laissent sans recours. Dans un souci de redonner une voix aux survivantes, nous estimons essentiel de s'inspirer du modèle américain afin de permettre aux personnes ayant été revictimisées par des manquements institutionnels à la loi de porter plainte auprès du gouvernement. Nous recommandons donc la création d'un bureau provincial qui serait responsable de recueillir ces plaintes pour que des manquements à la loi, particulièrement ceux qui ont un impact sur le bien-être ou l'intégrité d'une personne survivante, soient rapidement corrigés. Nous ne pouvons nous permettre d'attendre les processus de reddition de comptes annuels décrits dans le présent projet de loi pour agir. Par ailleurs, ce processus encouragerait les personnes survivantes à dévoiler... puisqu'il augmenterait la crédibilité de leurs institutions.

Quatrièmement, il faut savoir que la majorité des cas de violence sexuelle répertoriés dans le cadre de l'étude ESSIMU se sont produits lors de fêtes, de 5 à 7 ou toute autre activité sociale. Par ailleurs, l'alcool est en cause de trois cas sur quatre d'agression sexuelle et tentative d'agression. C'est la substance de soumission la plus présente dans les échantillons prélevés sur les victimes, et c'est pourquoi une attention particulière doit être portée sur la situation des agressions par intoxication. En effet, peu savent que c'est une drogue de soumission, et c'est pourquoi on recommande que toute activité sociale avec alcool organisée par les membres d'une communauté d'enseignement, tant sur le campus que hors campus, affiche clairement de la sensibilisation face à cette situation.

Pour donner un exemple : à l'Université de Sherbrooke, le slogan Alcool ≠ Consentement a circulé lors du plus grand 5 à 11 de l'année, soit le Défi Têtes rasées, ainsi que le plus gros party universitaire du Canada, soit l'Oktoberfest. Comme résultat, ce slogan a, notamment, contribué au dévoilement d'une plainte qui a abouti à la condamnation d'un étudiant au criminel. À ce sujet, pour s'exprimer sur son expérience de dénonciation, la survivante mentionne qu'il semble facile de dépasser les limites sans penser aux conséquences. Les campagnes de sensibilisation sur le consentement en lien avec l'alcool, notamment, qui ont été tenues avaient toutes leur raison d'être.

En terminant, permettez-nous de mentionner que nous sommes entièrement en faveur d'une interdiction complète des relations entre étudiants et personnes ayant une influence directe sur leurs parcours académiques. Nous considérons que le consentement de la personne et de l'étudiant ne peut pas être ni libre ni éclairé dans de tels cas.

Nous vous remercions de nous avoir écoutées et sommes dorénavant prêtes à répondre à vos questions.

• (10 h 10) •

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, Mme Lemay, Mme Litalien. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme David : Oui. Merci. Merci beaucoup. Merci de votre présentation.

Merci d'être ici et merci, depuis un an, pour tout ce que vous faites, parce que je sais que vous avez travaillé très, très fort. On s'est vus à de nombreuses reprises, je pense qu'on ne pensait pas qu'on se verrait autant. Et c'est une bonne nouvelle qu'on se voie autant, ça veut dire qu'on travaille. Alors, quand vous dites qu'on attend depuis plus d'un an, j'oserais humblement vous dire que vous attendez depuis moins d'un an ce projet de loi, parce qu'en 10 mois on a fait, je pense, un travail colossal, et vous, et nous, et tout le monde, pour faire avancer ce dossier, j'oserais dire, dans un temps assez record. Maintenant, on arrive presque à la consécration d'un outil extrêmement structurant qui s'appelle une loi. Et donc, vous vous souvenez, au début, on hésitait : Une politique, une loi; est-ce que c'est mieux, une? Est-ce que c'est mieux, l'autre? On y est arrivés. Puis, devant l'ampleur, je pense, de ce qu'on a vu, toutes et tous ensemble, on s'est dit assez rapidement, je pense, qu'on va aller vers une loi, et je ne le regrette pas une seconde. Alors, merci d'être ici, d'avoir pris le temps... Vous me le rappeliez, et je tiens à le redire publiquement, vous n'êtes pas un OBNL avec un financement, quelqu'un pour écrire le mémoire, vous l'avez fait vous-mêmes. Vous consacrez énormément de temps à ça, donc je vous remercie encore plus de toute l'énergie que vous investissez dans ce dossier-là.

Alors, je ne les reprendrai pas un par un. Vous avez mentionné plusieurs choses avec lesquelles je suis d'accord, qui vont nous aider dans notre réflexion. Je voudrais juste vous rassurer sur un certain nombre de choses puis vous poser un certain nombre de questions pour alimenter la réflexion. Je voudrais vous rassurer. Dans votre recommandation 2.1, quand vous dites : On veut que ça s'applique au milieu scolaire dans son contexte élargi, c'est très, très clair que ce qu'on appelle, nous, le contexte élargi, ça veut dire «dans les milieux collégiaux, universitaires, beaucoup, beaucoup le hors campus». Le hors campus est assujetti à la loi, étant donné que, quand on dit «les activités organisées», «organisées», ça veut dire «par l'établissement, par un membre de son personnel, par un dirigeant, par une association étudiante qui seront assujettis aux règles édictées dans la politique».

Certains nous ont fait remarquer, la semaine dernière — et je pense que vous serez d'accord, puis ça va dans le sens de votre réflexion, peut-être Mélanie encore plus — la question des équipes sportives, parce que, quand on parle d'associations étudiantes, on ne pense pas à l'importance que revêt, dans la plupart des universités maintenant, le caractère sportif. Et on ne va pas être contre ça, mais il y a beaucoup d'activités liées à ça, il y a beaucoup de socialisation, je pourrais dire. Et on nous a dit : N'oubliez pas cette partie-là, qui n'est pas une association en bonne et due forme, et, croyez-moi, j'en ai pris une très, très bonne note. Et je rappelle donc à ceux qui m'accompagnent d'en prendre aussi très bonne note parce que c'est une suggestion très, très importante.

Quand vous parlez, à la recommandation 2.2, une autre chose qui est déjà inhérente au projet de loi, que les personnes visées par la politique... «s'applique à toute personne étudiant ou travaillant sur le campus, y compris les sous-traitants», c'est inhérent au projet de loi aussi. Alors, je voulais quand même un peu vous rassurer là-dessus. Maintenant, quand vous dites... et là j'aurai peut-être quelques questions... non, pas quelques questions, des commentaires positifs, que le projet de loi dicte des standards spécifiques, là, sur la politique — votre mémoire, à la page 11 — je pense que vous parlez de choses dont d'autres ont traité avant vous, dont l'Union étudiante ou d'autres groupes, c'est-à-dire qu'il y ait un traitement de plaintes qui soit dans un délai raisonnable. Vous parlez de 45 jours pour l'enquête disciplinaire, que ça ne devrait pas... Vous reprenez, dans le fond, probablement, les mêmes paramètres que d'autres. Ça nous fait réfléchir dans le bon sens, je vous dirais, de peut-être intégrer ça. C'est à ça que sert une commission parlementaire et rencontrer les gens qui travaillent sur le terrain ou qui ont été eux-mêmes aux prises avec ces questions-là. Alors, on réfléchit et on a bien entendu cette question du délai, avec laquelle je dois dire que je suis pas mal en accord. On va en parler plus tard avec une autre organisation qui va venir nous parler d'une meilleure information.

Quand on dit : Ce projet de loi porte beaucoup, beaucoup sur la formation, l'information des étudiants, mais on nous demande d'aller encore plus loin... Vous le faites vous-même. Vous voulez que les gens puissent comprendre les différentes possibilités qui s'offrent à elles et à eux et de connaître un peu plus la procédure, qu'est-ce qui est une plainte, qu'est-ce qui n'est pas une plainte, qu'est-ce qui est un signalement, un dévoilement, connaître l'existence même de la Commission des droits de la personne, des CALACS, de l'IVAC, de la police, etc. Je suis d'accord avec ça. Je pense que nous aurions pu et nous pourrions peut-être faire oeuvre d'encore plus de pédagogie et d'information à l'intérieur même du projet de loi. Je ne doute pas que les institutions le feraient elles-mêmes, mais pourquoi ne pas bonifier si on peut bonifier?

Les types d'accommodement obligatoirement offerts à la personne survivante, bon, tout ça, je pense que ce sont des choses qui sont assez bien décrites. Vous allez beaucoup plus loin. Je ne sais pas si on ira aussi loin que ça. Ça va être très délicat. Toute la question des sanctions adéquates qui doivent être prises, c'est une question qui revêt, je dirais, 1000 facettes, parce qu'il peut y avoir 1000 cas différents. Alors, c'est évident que tous les processus, tous les comités de règlement et de discipline dans les universités — ils en ont à peu près tous — ont eux-mêmes déjà des référents en matière de sanctions et de conséquences aux gestes qui sont posés, tant d'ailleurs du côté des étudiants que des professeurs. Alors, je ne sais pas jusqu'où on pourra aller dans la prescription de ça, mais je trouve intéressant, en tout cas, que vous en parliez.

Il y a la question... et vraiment, là, les juristes vont certainement nous aider là-dedans, je veux vous entendre un peu plus, parce que, celle-là, je ne suis pas sûre de vous suivre et je ne suis pas sûre que les universités pourraient vous suivre en la matière, ou les collèges, la question de la non-proscription de temps pour un diplômé qui, par exemple, 20 ans après, veut dévoiler quelque chose à l'université vis-à-vis un étudiant, par exemple, qui... où il s'est passé quelque chose. J'ai l'impression que, s'il veut être accompagné — et c'est le cas à peu près de toute la mission des CALACS — ils vont dans des centres d'aide aux victimes d'actes criminels ou aux centres d'aide aux victimes d'agression à caractère sexuel. Alors, vous voudriez quand même que les universités offrent des services d'accompagnement, etc.

Ça, je voudrais vous entendre là-dessus ainsi que, pour faire un deux dans un parce que c'est la même recommandation, à 2.4, toute la question du processus d'enquête disciplinaire, où vous voudriez qu'on dicte les quatre, cinq, six éléments sur quoi ne pas faire, par exemple, ne pas forcer une personne survivante à confronter son agresseur par la médiation — bon, j'imagine que, dans les meilleures pratiques, effectivement, on ne force pas, mais, je pense, vous préféreriez qu'on le nomme — permettre à un membre du comité de questionner une personne survivante au sujet de ses antécédents sexuels — je ne suis pas juriste, mais je pense que c'est balisé par les façons de faire, mais je voudrais vous entendre là-dessus, pourquoi vous jugez bon de dire : Écrivez-le dans le projet de loi — forcerait une personne survivante à renoncer à des démarches judiciaires — même argument, est-ce que vraiment les gens pourraient faire ça? — serait annulé ou suspendu en cas de démarches judiciaires, bon, la démarche disciplinaire. Enfin, vous rentrez dans le très juridique et disciplinaire des choses, alors je voudrais vous entendre, puis après vous allez vers le bâillonnement puis les menaces de représailles.

Alors, essayez d'en dire un petit peu plus pour nous éclairer, parce que vous êtes les seuls, à date, qui vous penchez sur ces questions-là.

• (10 h 20) •

Mme Litalien (Ariane) : D'accord. Donc, au sujet des sanctions adéquates, c'est bien simple, s'il n'y a pas de sanction adéquate ou il n'y a pas une perception que les sanctions sont présentes, il n'y aura pas de plainte. Les gens ne voudront pas passer au travers d'un processus, typiquement, qui est souvent excessivement exigeant pour finalement ne pas avoir la certitude que justice va être faite.

Au niveau de la prescription du délai fixé, c'est sûr que, bon, dans un cas extrême, une personne qui a gradué il y a 20 ans pourrait, par exemple, accuser un professeur qui est encore membre de la même communauté universitaire. Je ne pense pas que ça soit des situations très fréquentes. Nous, dans le fond, ce qu'on voudrait, c'est, même si quelqu'un a... Le but de cette recommandation, c'est que, si quelqu'un a, par exemple, quitté ses études, par exemple, en raison des violences sexuelles dont il ou elle a été victime, il puisse quand même avoir des recours à l'interne pour que ce professeur-là soit potentiellement discipliné. Donc, c'est plus dans cette optique-là. Tu sais, de dire : Un maximum d'un an après les faits pour porter plainte, ça n'aura pas d'effet productif sur la quantité de dévoilements et de plaintes reçus.

Maintenant, par rapport au fait qu'on a certaines choses qu'on voudrait interdire dans des politiques, j'apprécie votre foi en la bonne foi des institutions, cependant c'est des choses qu'on a vues ailleurs, malheureusement. On les a vues en Ontario, on les a vues aux États-Unis. Les délais en termes de durée des processus d'enquête sont très, très longs. Et il y a eu un mouvement, à un moment donné, aux États-Unis où la médiation était excessivement prônée. Donc, ce n'est pas quelque chose qu'on veut... tu sais, ce n'est pas une situation de harcèlement psychologique où les personnes peuvent s'asseoir, peut-être discuter des choses qui se sont passées, tu sais, c'est un cas de violence sexuelle, la personne a été excessivement traumatisée. Et, si on peut prévenir, en écrivant ça dans le projet de loi, qu'une personne ait à confronter son agresseur, ne serait-ce qu'une seule, je pense que ça vaut la peine d'être écrit.

Mme Lemay (Mélanie) : De mon côté, pour ajouter un peu de complément, en fait, c'est qu'en lien avec ce que tu viens de mentionner, avec les agresseurs, le risque aussi, c'est de nier en bloc, parce que ça demande quand même un processus.

Tu sais, on peut penser à la justice réparatrice, il faut que des deux côtés les parties aient pu faire un bout de chemin pour être en mesure d'évaluer vraiment l'impact non seulement des conséquences qui sont arrivées suite à ce geste. Donc, le processus de guérison est long, il est complexe, et c'est un autre élément aussi sur la raison pour laquelle on considère qu'un délai d'un an, ce n'est pas suffisant, parce que d'être non seulement en mesure de mettre des mots sur un traumatisme, ça peut être très difficile... et, après ça, d'être en mesure de comprendre la complexité dans laquelle c'est venu s'immiscer comme conséquence dans l'ensemble des sphères de la vie, ça aussi, c'est important. Parce qu'on peut penser au fait que, dans les avancements ou les opportunités de carrière, ça peut arriver qu'une victime se soit elle-même empêchée d'aller à un certain niveau parce qu'elle considérait qu'elle risquait de se mettre à risque. Donc, ça, c'est un autre élément aussi du pourquoi c'est important de pouvoir offrir la capacité de dénoncer, même si c'est arrivé dans un délai supérieur à un an.

Ensuite, il faut comprendre que, parfois, non seulement le code permanent permet de faire en sorte qu'on peut voir les personnes qui ont fait du plagiat, mais, nous, notre questionnement, c'est de se dire aussi : Mais pourquoi qu'on n'aurait pas la capacité de mentionner que cette personne-là a déjà commis par le passé certains gestes qui ont été considérés comme étant de la violence sexuelle? La raison étant que, selon une étude du Hunting Ground, c'est 4 % à 8 % des hommes qui commettent 90 % des agressions sexuelles. Donc, si on a la capacité de cibler quelqu'un, dans une communauté universitaire, qui est problématique, le but, ce n'est pas de faire une chasse aux sorcières, c'est vraiment plus de veiller à ce que cette personne-là ait un accompagnement adéquat pour qu'elle puisse prendre conscience d'en quoi son comportement est problématique.

Donc, c'est surtout dans une capacité aussi de prévenir d'éventuelles victimes que c'est important aussi d'enlever le stigma qu'on peut avoir sur l'identité des agresseurs, parce que, tant et aussi longtemps qu'on va avoir des biais, on ne pourra pas nécessairement réfléchir de manière éclairée à comment permettre qu'il y ait des ajustements nécessaires dans la mise en place de cette politique... de cette loi, je veux dire.

Mme David : Donc là, à ce moment-là, vous parlez de la partie bâillonnement, là, c'est là où vous référez quand vous dites que la personne survivante devrait pouvoir «divulguer des informations sur leur agression à quiconque une fois le processus de plainte entamé ou terminé», autrement dit, de divulguer, ou bien vous faites référence... parce que, pour le plagiat, c'est inscrit, disons, au dossier de l'étudiant, c'est un geste administratif qui est posé, tout comme il y a plein d'autres choses dans le dossier étudiant, s'il y a un échec à un cours, etc. Je ne sais pas comment les universités vont gérer ça, ou les collèges, mais, j'imagine, s'il y a eu une sanction x ou y, ça fait partie du dossier étudiant. Je ne peux pas vous répondre s'ils le mettent obligatoirement, mais, quand un étudiant est passé en comité disciplinaire, d'habitude, ça suit l'étudiant. Ça ne veut pas dire que c'est public, ça ne veut pas dire qu'on met des pancartes pour le dire dans le département ou dans le programme, mais ça veut dire que l'administration le sait.

Alors, je ne suis pas sûre si je comprends que vous faites référence à la question du bâillonnement ou si vous faites référence à la question du dossier académique, où il faudrait que ce soit inscrit.

Mme Lemay (Mélanie) : C'est sûr que, pour nous, c'est essentiel que, de manière claire, il y ait un élément qui permet aux institutions postsecondaires de savoir quel étudiant a pu, quand il était au cégep ou dans une autre institution, commettre certains gestes qui... aujourd'hui, si ça arrive à nouveau, puis il subit un autre processus de plainte, bien, qu'il puisse y avoir un référant qui permet d'identifier qu'effectivement il a à réviser la façon dont lui-même se comporte dans l'institution avec les étudiants. Donc, je pense que, Ariane, tu peux clarifier.

Mme Litalien (Ariane) : Bien, tout à fait d'accord. Donc, dans le fond, Mélanie ne parlait pas du bâillonnement, mais bien des mentions au dossier académique. Pour en parler, du bâillonnement, par contre, le but n'est pas nécessairement, comme Mélanie disait, de faire une chasse aux sorcières puis de dire aux personnes survivantes qu'elles peuvent sortir partout et crier le nom de leurs agresseurs partout, tu sais, puis peut-être potentiellement de s'exposer à des poursuites. Si c'est ça qu'elles veulent faire, nous, on est toujours du côté des personnes survivantes, mais le but, c'est plutôt de redonner un sentiment de contrôle sur la situation aux personnes survivantes. C'est-à-dire que, si elles se font dire par leurs universités : Bien, tu peux seulement porter plainte si tu acceptes de ne pas en parler à personne, à tes amis, à tes parents, à un chargé de cours, ou peu importe, ça devient une situation de perte de pouvoir et de revictimisation.

Mme Lemay (Mélanie) : Et, pour faire du pouce là-dessus, moi, ce que j'ajouterais aussi, c'est qu'il n'y a rien de négatif au fait de souligner que ces personnes-là aient passé à travers un processus de plainte, dans le sens où, de la même façon que le plagiat, c'est une mention qui est déjà présente. Mais, en fait, le problème, c'est de dissocier, en fait, le stigma social qui n'appartient pas à ce que nous, on veut amener. Nous, ce qu'on souhaite, c'est simplement de veiller à ce que cette situation-là soit reconnue puis que, si jamais il y a d'autres actions qui sont posées après auprès d'autres étudiants et étudiantes, bien, au moins il y ait une connaissance que cette personne-là, elle nécessite d'autant plus d'avoir accès à des ressources. Donc, c'est vraiment dans une optique non pas... Tu sais, il faut vraiment veiller à ce que le tabou de l'identité des agresseurs ne vienne pas aveugler, en fait, des mesures concrètes qui permettraient de prévenir de nouvelles victimes.

Mme David : O.K. Je pense, vous ne posez pas des questions légales faciles, là, parce que ça veut dire que tu es sanctionné de quelque chose pas au criminel ni en cour, là, mais au cégep X; tu fais ta demande à l'université Y, et ton dossier doit te suivre comme suivent plein d'autres choses. Je ne suis pas sûre que ça passerait le cap de toutes sortes de contraintes des droits de la personne, mais on comprend l'esprit... mais je pense que c'est une question complexe que vous posez.

Il y en a une qui m'a fait rire presque un petit peu, au sens où j'ai mis : Wow! on oblige les universités ou les collèges à suivre leurs propres lois ou leurs propres politiques. Alors, ça, je veux absolument vous entendre là-dessus, parce que vous dites : «Québec contre les violences sexuelles recommande l'ajout d'un article qui obligerait les universités à suivre leur propre politique...» J'ai dit : Wow! on se met les bretelles puis la ceinture. Vous avez des raisons pour ça, vous voulez vraiment être sûrs, sûrs, sûrs. Par définition, avec la reddition de comptes annuelle, avec tout ce qu'on met en place, je pense qu'elles ne seraient pas très, très avisées de ne pas suivre leurs propres politiques. En même temps, on veut toujours que les universités suivent leurs propres politiques, elles en ont de nombreuses. Puis vous voulez peut-être... mais là je vous mets la réponse dans la bouche, vous voulez peut-être que celles-ci ne soient jamais oubliées. Est-ce que je comprends bien?

• (10 h 30) •

Mme Litalien (Ariane) : Oui. Bien, dans le fond, ça allait un peu de pair, cette recommandation-là, avec le fait qu'on aimerait avoir un bureau de plaintes pour les personnes survivantes, qu'ils puissent s'adresser directement au gouvernement. Dans le fond, si leurs universités ne respectent pas la loi, elles pourraient s'y adresser. Mais, si leurs universités ne respectent pas leurs propres politiques, elles n'auraient pas de recours vis-à-vis du gouvernement, parce que ce ne serait pas dans la loi que les universités doivent suivre leurs propres politiques. Je ne sais pas si vous me suivez.

Mme David : Non, je ne suis pas sûre, parce que je trouve qu'on est pas mal costaud en termes de reddition de comptes et de sanctions. S'il n'y a pas de reddition de comptes et, encore plus, s'il n'y a pas de politique, on envoie quelqu'un leur en faire une, puis c'est à leurs frais à eux. Je pense qu'ils vont avoir le goût de faire leurs politiques. Puis, s'ils ne la font pas, puis s'ils ne font pas de reddition de comptes, c'est le C.A. qui est imputable et c'est le ministère, et, comme je les connais, ils vont très, très bien surveiller la chose. Alors, j'essaie de voir la valeur ajoutée, parce que j'essaie toujours de voir qu'est-ce qu'on peut faire de mieux dans le projet de loi. Alors, comprenez bien mes questions dans ce sens-là.

Mme Litalien (Ariane) : Oui, tout à fait. Écoutez, on n'a pas de doute que le processus de reddition de comptes va grandement aider à l'application des politiques. Le problème, c'est que, si une personne survivante se retrouve dans une situation où elle a l'impression qu'elle est revictimisée par son institution, elle n'aura pas de recours concret, selon ce projet de loi là. Donc, c'est-à-dire que, si l'université ne lui offre pas... Par exemple, mettons que le projet de loi spécifie un délai puis que le délai n'est pas respecté, mettons qu'on doit lui offrir certaines options puis que les options ne lui ont pas été offertes. Si c'est dans le projet de loi, tant mieux, elle va pouvoir se dire : Bien, O.K., c'était illégal. Mais, maintenant, est-ce qu'elle a des recours pour le signaler au gouvernement? Tu sais, selon moi, on ne peut pas se fier seulement aux institutions pour rendre des comptes au gouvernement.

Mme David : Ça, c'est autre chose. C'est de dire : Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir une instance, qui existe déjà au ministère, d'ailleurs, où on pourrait la rendre encore plus visible et la plus évidente, que, s'ils ne sont pas satisfaits du traitement x ou y, etc., ils peuvent faire appel au ministère? Et ça, ça peut être quelque chose qui est très intéressant, qui est différent de ce dont on discutait, de rendre compte, chaque année, du nombre de plaintes, de la procédure. Puis, si on met dans la loi : Cinq jours pour ça, cinq jours pour ça, 45 jours, bien là, on a un peu plus de prise, parce qu'on aura été un peu plus prescriptifs.

Maintenant, je ne voudrais pas qu'on... parce qu'il me reste quelques minutes. Je veux vous entendre sur... Parce que vous n'êtes pas les premiers, et je ne sais pas si vous allez être les derniers et les dernières à dire que vous aimeriez qu'il y ait une interdiction de relations entre une personne étudiante et toute autre personne ayant une influence directe sur le parcours académique. Vous comprenez, là aussi, la délicatesse du processus et de la composante légale de cette question-là et de la Charte des droits et libertés, mais j'aimerais vous entendre sur votre assurance dans cette recommandation-là.

Mme Lemay (Mélanie) : Bien, je pense qu'il ne faut pas seulement s'arrêter à ce qui existe déjà comme balises légales, parce que, quand on regarde le taux de condamnations qui existe présentement par rapport aux gestes commis et finalement ce qui aboutit à la fin du processus judiciaire, il y a une marge immense. Puis la raison derrière ça, ce n'est pas juste parce qu'on n'a pas des bonnes lois ou qu'on ne sait pas les appliquer, c'est que le contexte social actuel fait en sorte que non seulement c'est très complexe, donc ça nécessite une réponse judiciaire qui va l'être tout autant... présentement, je n'ai pas l'impression, puis je ne suis pas la seule à le partager, que ce n'est pas encore au point. Puis ça, je pense, c'est sûr que ça découle d'un autre ministère que le vôtre, mais, je pense, malgré tout... Tu sais, pour donner un exemple très concret, un des éléments qui m'a le plus dérangée puis qui a été le plus difficile à porter, c'était de savoir que, librement, il avait la capacité de refaire à nouveau d'autres victimes et que, malgré tout, il n'y avait rien à faire. Et j'ai même été culpabilisée par un médecin qui m'avait dit : Tu réalises que c'est de ta faute s'il en viole d'autres, parce que tu n'as pas porté plainte, puis la raison étant que ce n'est pas sécuritaire, nécessairement, en tout temps, pour une victime d'aller porter plainte à la police. Des fois, il y a de la discrimination systémique qui se passe en raison du bagage socioéconomique que peut porter une survivante. Donc, il y a quand même un écart non pas parce que la loi en soi, elle n'est pas bonne, c'est vraiment parce que la façon dont elle est appliquée par les différentes personnes qui travaillent à travers elle, qui portent des préjugés et qui sont teintés de certains éléments... qui est problématique.

Donc, comme la mission des institutions postsecondaires, c'est de veiller à la sécurité de ces étudiants et étudiantes, bien, je pense que c'est la moindre des choses de faire en sorte que les personnes qui pourraient être ciblées comme ayant commis des gestes... bien, on veille à ce qu'il y ait une continuité dans son dossier, qu'on puisse veiller à ce que, tout au long de son cheminement scolaire, on puisse s'assurer que cette personne-là n'ait plus nécessairement un risque, même si, pour le moment, en raison des balises sociales qui présentement ne sont pas encore à point, elle n'est pas en mesure de le faire.

Mme David : O.K. Mais je parlais vraiment de l'interdiction des relations intimes professeurs-étudiants. Alors, il vous reste 50 secondes.

Mme Litalien (Ariane) : Pour compléter. Le consentement ne peut simplement pas être libre et éclairé — je pense que ça a été dit — dans une position d'autorité. On a parlé des lois existantes, mais je ne suis pas certaine qu'il n'y ait aucune loi... ou qu'il ait tant une problématique légale que ça à interdire les relations entre profs et étudiants simplement parce que c'est... Oui, je veux dire, toute personne est libre de faire... tu sais, il y a la charte des libertés, et tout ça, mais, comment dire...

Mme Lemay (Mélanie) : Parce que rien n'empêche, en fait, que, même si c'est la balise officielle, des personnes puissent faire des démarches pour demander une dérogation ou demander à ce qu'il y ait un ajustement qui permette que des personnes, des tiers puissent observer... Parce que, par exemple, si c'est un domaine qui est très pointu, bien, rien n'empêche que, malgré le fait qu'il y ait une relation d'autorité, bien, il y ait des gens qui supervisent et qui veillent à ce qu'il y ait un suivi non seulement technique, mais aussi psychologique autour de tout ça.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la représentante de l'opposition officielle, la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Oui. Merci, Mme la Présidente. Donc, merci à vous deux d'être ici aujourd'hui en commission parlementaire. C'est très pertinent de pouvoir vous entendre en vue de bonifier le projet de loi n° 151, qui est un projet de loi extrêmement important, donc je vous en remercie.

Je reviendrais peut-être sur les derniers propos de la ministre en ce qui concerne l'interdiction totale, donc, de relations entre les personnes étudiantes et toute personne ayant une influence directe sur le parcours académique. Donc, il y a beaucoup de groupes, par exemple, qui nous ont parlé d'interdire les relations entre les professeurs et les étudiants, mais vous, vous allez plus large que ça, vous parlez de personnes avec une influence directe. Donc, j'aimerais vous entendre sur ce que représentent pour vous, donc, les personnes ayant une influence directe et aussi pourquoi vous visez plus large que simplement les professeurs.

Mme Litalien (Ariane) : Simplement parce qu'il peut y avoir des professeurs, chargés de cours, superviseurs. Je pense que c'est peut-être une façon plus large qu'on a eue de le définir, mais, selon moi, c'est quelqu'un qui a de l'influence sur les notes de la personne ou l'évaluation.

Mme Lemay (Mélanie) : ...ne serait-ce que dans les employés aussi, donc, par exemple les concierges, les personnes qui veillent à la manutention de l'espace. Si tu ne te sens pas en sécurité de circuler librement autour de cet espace physique, bien, nécessairement, ça peut jouer aussi dans ton processus académique. Donc, c'est un élément aussi qu'on considère qu'il est important d'ajouter.

Mme Fournier : Tout à fait, parce qu'il y avait certains groupes justement qui disaient : Tout le personnel de l'établissement. Mais à ce moment-là — vous avez parlé, par exemple, des gens de l'entretien ménager — donc vous considérez que ça entre dans la catégorie des personnes qui ont une influence directe.

Mme Lemay (Mélanie) : Bien, oui, considérant que, nécessairement, les gens occupent l'espace institutionnel. Donc, si la victime ou la personne circule à travers ça, bien, oui, ça va avoir un impact direct. Tu sais, je peux penser à mon expérience personnelle : un concierge m'avait donné des propos qui étaient problématiques, puis, moi, ça a fait en sorte que je ne me sentais plus à l'aise de circuler dans cette partie-là de l'université. Donc, oui.

Mme Fournier : O.K. Merci. Une autre de mes préoccupations aussi après avoir entendu différents groupes, c'était de voir qu'il pouvait y avoir une différence entre la protection des étudiants selon les établissements d'enseignement supérieur, étant donné que chaque établissement, donc, serait libre d'adopter sa propre politique. Donc, j'ai vu qu'à la recommandation 2.3, donc, vous voulez qu'il y ait des standards spécifiques. Vous appelez, notamment, l'exemple de l'Ontario avec le projet de loi 132.

Est-ce que vous pouvez nous parler davantage de l'exemple ontarien et comment ça s'est concrétisé là-bas puis les impacts que vous avez pu observer?

Mme Litalien (Ariane) : Oui, tout à fait. Alors, la loi 132 en Ontario spécifie que toute institution d'enseignement supérieur doit avoir une politique en matière de violence sexuelle. Si je ne me trompe pas, c'est majoritairement les universités. Elle spécifie que, par exemple, les personnes survivantes, les groupes étudiants doivent être consultés pour l'établissement de cette politique, mais elle ne spécifie pas exactement, concrètement, comment ça doit se produire.

Je comprends que, dans un projet de loi, on veut garder une certaine flexibilité par rapport aux contextes locaux. C'est sûr que l'UQAR ou l'UQAT n'aura pas le même contexte que l'Université McGill ou l'Université de Montréal. Par contre, ce qu'on a vu en Ontario, c'est justement qu'il y a une énorme variabilité en termes des délais prescrits. Il y a beaucoup de politiques qui disent «délais raisonnables», alors que d'autres vont dire «délai de 60 jours», par exemple. Puis, «délais raisonnables», on s'entend que ça ne veut pas dire grand-chose pour une personne survivante. Donc, c'est vraiment au niveau de, comme je mentionnais, la survivante que ça a duré 600 jours, son processus disciplinaire. C'est absolument inacceptable. Puis, tu sais, il y a eu des délais en termes de changer des agresseurs de résidence, des choses comme ça, puis j'ai, honnêtement, peur, pour avoir vu, pour avoir vécu l'expérience aux États-Unis, pour avoir entendu les survivantes de l'Ontario, que, si on n'est pas assez stricts au Québec, la situation se reproduise ici puis que finalement ce projet de loi, à certains égards, soit un coup d'épée dans l'eau.

Mme Fournier : O.K. Parce qu'il y a vraiment eu des expériences, donc, de survivantes aussi qui se sont un peu plaintes, en Ontario, du fait que la protection n'était pas la même partout.

• (10 h 40) •

Mme Litalien (Ariane) : Tout à fait. Puis il y a l'organisme Our Turn... bien, le mouvement Our Turn, qui a déposé justement, récemment, un plan d'action pour les associations étudiantes dans lequel ils évaluent, en fait, les politiques de différentes universités en fonction de critères, un peu comme ceux qu'on suggère, pour les politiques, puis ils leur donnent des notes, puis ça va de l'échec au succès.

Donc, c'est vraiment inacceptable qu'une survivante, à une université, n'aurait pas les mêmes recours en termes de temps, en termes, tu sais, de tout ça. Puis on a peur que la flexibilité au niveau des contextes locaux, ça donne juste des raisons aux universités d'en faire moins pas nécessairement parce qu'elles veulent en faire moins, mais parce qu'elles ne savent pas c'est quoi, les balises claires.

Mme Lemay (Mélanie) : ...mentionner que ce n'est pas seulement en lien avec ce qu'Ariane vient de mentionner, mais aussi sur l'accès aux ressources d'aide. Donc, il faut vraiment veiller à ce que, même si, pour le moment, ce n'est peut-être pas encore pleinement développé partout, ce soit accessible puis pas juste pour, par exemple, les femmes victimes, mais pour les hommes victimes aussi, puis la même chose pour les auteurs. Donc, il va vraiment falloir aussi veiller à ce que l'accès aux services communautaires d'aide soit présent dans l'ensemble des régions, parce qu'il ne faudrait pas que l'aide qui soit accordée dépende de ton code postal.

Mme Fournier : Exact. Merci. Puis, quand vous parlez des contextes locaux, justement, auxquels on pourrait s'adapter selon une université qui peut être située dans une région ou une autre, qu'est-ce que vous entendez par là? Qu'est-ce qui, selon vous, justifierait, justement, des différences entre les établissements selon les contextes locaux?

Mme Lemay (Mélanie) : Bien, par exemple, on peut penser que Sherbrooke, c'est une ville très universitaire, donc, c'est aussi une des villes où il y a le plus haut taux de consommation d'alcool. Donc, c'est sûr qu'il y a certaines réalités qui peuvent émerger qui n'existent pas nécessairement sur d'autres campus, mais, malgré tout, non seulement ça prend des balises claires, uniformes pour tout le monde, mais qu'il puisse aussi y avoir une marge de manoeuvre, d'ajustement au contexte et aux problématiques qui peuvent découler du contexte géographique ou social d'une certaine région, parce que, tu sais, le Québec n'est pas homogène par rapport à la façon dont ses individus se comportent.

Donc, nécessairement, on pense que ça prend, oui, des balises qui sont généralisées à tous mais que ça doit aller aussi un petit peu plus loin de la part des universités, soit de s'ajuster au contexte social et culturel de leurs propres campus.

Mme Litalien (Ariane) : ...de sensibilisation, entre autres. Ça pourrait être facilement adapté au contexte local, d'une façon que la politique, pour moi, devrait être moins flexible à cet égard.

Mme Fournier : O.K. Parce que vous parlez beaucoup des recours justement qui pourraient ne pas être les mêmes, mais est-ce que vous considérez aussi que, dans les politiques des établissements, donc, ce qui est interdit, ce qui n'est pas interdit, ça devrait être davantage, aussi, spécifié à l'ensemble du Québec plutôt qu'être laissé, donc, à la discrétion de chaque établissement?

Mme Litalien (Ariane) : Tout à fait.

Mme Fournier : O.K. Donc, c'est un peu plus large que les simples recours.

Mme Litalien (Ariane) : Bien, je ne suis pas sûre que j'ai bien compris la...

Mme Fournier : Il y a les recours, par exemple, les délais de prescription, tout ça, si on veut l'uniformiser, mais aussi tout ce qui pourrait être interdit, donc tout ce qui est chapeauté un peu dans la politique.

Mme Litalien (Ariane) : Oui, tout ce qui est dans la... Bien, la majorité des éléments de la politique, on considère qu'ils devraient être prescrits.

Mme Fournier : Merci beaucoup. Justement, la recommandation 2.8, quand vous parlez, donc, de la sensibilisation face aux agressions par intoxication, je trouvais ça intéressant, parce que vous êtes les premiers à l'amener lors des consultations. Puis donc je me demandais si vous voyiez ça exactement comme une campagne de sensibilisation, donc, exactement un peu ce qui se fait à Sherbrooke avec les affiches, par exemple, ou vous pensez que ça pourrait se faire aussi par d'autres moyens.

Mme Lemay (Mélanie) : ...dans un monde idéal. Un peu comme avec la cigarette, tu sais, ça a été mentionné que ça peut occasionner des problèmes de santé... bien, c'est sûr que, dans un monde parfait, bien, on pourrait amener ça plus loin puis de se dire : Bien, pourquoi, sur l'emballage des bières ou encore dans les bars publics, ça ne serait pas des éléments de réponse, soit de sensibiliser les gens au fait que, non, l'alcool n'égale pas le consentement? Donc, ça permet non seulement de déresponsabiliser les victimes, mais en même temps de responsabiliser les agresseurs face à leurs gestes.

Donc, nous, on pense vraiment qu'en raison du tabou social autour de la sexualité, bien, c'est important vraiment que, oui, ça prenne l'apport de campagnes de sensibilisation mais qu'idéalement aussi il puisse y avoir des balises qui permettent de faire en sorte que, si un événement social se produit puis qu'il n'y avait pas de visuel ou d'information sur ce qui constitue les agressions par intoxication... mais, nécessairement, il faudrait que les gens soient tenus redevables de ce manque. Donc, ça peut aller non seulement d'un côté, oui, de campagne, mais, d'un autre côté aussi, ça prend un côté plus législatif qui veille à ce que ça soit des éléments de réponse qui soient obligatoires lors de tenue d'activités sociales.

Mme Fournier : Merci. Je vous ramène... parce que j'avais oublié de vous demander une question pour la recommandation 2.3, parce que je vous ai parlé de ce qui se passait en Ontario, mais j'aurais aimé aussi vous entendre sur ce qui se passe aux États-Unis, parce qu'il y a plusieurs universités... bien, par exemple, si on pense à Yale ou Harvard, qui ont adopté des politiques de lutte aux violences sexuelles, puis j'aimerais vous entendre sur quelles sont les réussites là-bas, et qu'est-ce qui pourrait aussi être amélioré, et de quoi on pourrait s'inspirer aussi de ce qui se fait dans ces institutions-là.

Mme Litalien (Ariane) : Je vais répondre à cette question, considérant que j'ai fait mes études aux États-Unis.

Aux États-Unis, dans le fond, de la façon que ça fonctionne — pour ceux qui ne sont pas familiers — il y a une loi qui s'appelle Title IX, qui est une «gender equity law», qui parle du fait qu'il ne doit pas y avoir de discrimination basée sur le sexe dans les institutions d'enseignement puis que les universités sont à risque de perdre leur financement si elles font de la discrimination basée sur le sexe.

Ensuite — rapidement — il y a une lettre, en 2011, qui est sortie, qui s'appelle la Dear Colleague Letter, qui vient vraiment établir des barèmes spécifiques en termes de délai, en termes de fardeau de la preuve, d'accommodements qui doivent être faits. Cette lettre-là n'est pas une loi en soi, mais elle clarifie la loi Title IX pour dire : Voici ce à quoi on s'attend que vous fassiez pour ne pas faire de la discrimination basée sur le sexe, en lien avec les violences sexuelles. Donc, elle vient vraiment spécifier des barèmes, puis ça joue vraiment sur le pouvoir des personnes. Ils sont capables de dire : Regardez, bien, telle affaire, concrètement, ça n'a pas été respecté. Ça permet d'éviter un peu des zones grises au niveau de si l'université a respecté ou non ses obligations. Maintenant, ce qui marche moins bien, c'est qu'il y a tellement d'universités aux États-Unis qui ne respectaient pas cette loi-là que le bureau des plaintes a été complètement débordé. Et donc une plainte à laquelle j'ai contribué, à l'Université Harvard... bien, contre l'Université Harvard n'a toujours pas, depuis 2014, été traitée... ou le traitement de cette plainte-là n'a pas été formalisé par le Département de l'éducation.

Mme Fournier : D'où, donc, l'importance de mettre les délais dans la loi. C'est bien ça?

Mme Litalien (Ariane) : Absolument, parce que, s'il n'y a pas de délai, on n'a pas de recours concret auprès de l'université ou du gouvernement, il n'y a pas de redevabilité possible, selon moi.

Mme Fournier : O.K. Merci. Puis ensuite, à la recommandation 3.1, vous parlez de la création d'un bureau provincial pour traiter certaines plaintes. Donc, ça, je trouvais ça intéressant. Est-ce que vous parlez, à ce moment-là, que ce sont les plaintes qui seraient non reçues par les établissements qui seraient, dès lors, traitées par le bureau provincial?

Mme Litalien (Ariane) : Je parle davantage de si les plaintes n'auraient pas été traitées adéquatement. Donc, ça ne serait pas des plaintes contre un individu, mais davantage contre une institution qui n'aurait pas reçu une plainte de façon sérieuse, qui aurait découragé la victime de procéder à un processus formel disciplinaire. Donc, c'est vraiment plus dans cette optique-là. Ce ne serait pas une plainte pour violence sexuelle, mais une plainte pour un manquement à cette loi.

Mme Lemay (Mélanie) : Je pense qu'un élément intéressant qui pourrait être bonifié aussi à ce bureau-là, c'est qu'il ne faut pas... Il faut mentionner aussi tous les professeurs qui sont, donc, les témoins actifs du comportement de certains de leurs homologues et puis qui sont un peu dans une incapacité de les dénoncer parce que les personnes sur le terrain se sentent trop vulnérables pour pouvoir les dénoncer officiellement. Donc, de permettre aussi à ce que les témoins actifs puissent dénoncer, ce serait un élément intéressant que ce bureau-là pourrait avoir, parce que souvent il arrive des conflits d'intérêts. Donc, c'est des amis qui doivent enquêter sur d'autres amis, alors ça fait en sorte qu'il n'y a pas vraiment une volonté réelle de veiller à ce qu'il y ait des sanctions. J'en ai été témoin lors de mon passage au cégep.

Donc, c'est vraiment important qu'il y ait une institution neutre qui va être capable de se défaire des conflits d'intérêts que certains pourraient avoir.

Mme Fournier : O.K. Très bien. Donc, j'en comprends que ça pourrait comprendre, donc, les lacunes des établissements. Donc, ça pourrait donner une porte aux survivants qui souhaitent dénoncer, dans le fond, les gestes ou, en tout cas, ce qui se passe à l'intérieur de leurs institutions, où ils ne se sentent pas bien accueillis dans leurs plaintes, ainsi que pour les témoins actifs. C'est bien ça? Donc, il y aurait comme deux volets,

Puis est-ce que vous avez une idée aussi... Donc, ce serait ça, les critères spécifiques? Est-ce que vous en avez élaboré d'autres ou...

Mme Lemay (Mélanie) : C'est sûr qu'il peut y avoir une complexité de situations qui arrivent sur le terrain. Donc, moi, je pense qu'il ne faut pas fermer la porte à d'autres mandats plus larges qui pourraient émerger en fonction de situations particulières, mais je pense que, dans tous les cas, ça ne peut pas nuire d'avoir une entité neutre qui est détachée, parce que ça redonne confiance aussi à la survivante. Parce que, si elle a été mal reçue par une institution, elle n'aura pas envie de porter plainte dans quelque chose qui est dans la même institution, elle va vouloir quelque chose de neutre. Donc, je pense que vraiment d'ajouter cet élément-là... puis quitte à ce que, comme Mme David l'a mentionné, rendre plus visible ce qui existe déjà... Mais nous, on considère vraiment que c'est important que ce soit dirigé vers ces axes-là.

Mme Fournier : Puis la dernière question, c'est pour la date d'application. Vous demandez que la date butoir d'adoption d'une politique soit devancée au 1er janvier 2019. Donc, vous parlez de l'adoption et de la mise en oeuvre? Parce qu'il y a certains groupes qui faisaient la distinction, puis je me demandais si vous regroupiez tout ensemble.

Mme Litalien (Ariane) : Oui. Bien, pour être honnête, au moins l'adoption, là. La mise en oeuvre, on n'a pas passé plus de temps à y réfléchir que ça. C'est sûr que, c'est ça, nous, ce qu'on... la mise en oeuvre, j'imagine, au 1er septembre 2019. Devancer de six mois environ l'échéancier qui est déjà posé.

Mme Fournier : ...que la politique soit bien, donc, prête pour le 1er septembre 2019. C'est ça?

• (10 h 50) •

Mme Litalien (Ariane) : Oui, on veut que ça soit bien fait, il n'y a pas de doute, mais on n'a pas beaucoup de temps. Les personnes survivantes, en ce moment, qui ne sont pas couvertes par des politiques n'ont pas de recours. Donc, il ne faut jamais oublier ça.

Mme Lemay (Mélanie) : Puis, la formation qui va être accordée, il va falloir qu'elle soit de qualité aussi, qu'elle ne soit pas juste une fois, tu sais, ou une fois en 10 minutes. Il va falloir aussi que ça soit vraiment des choses qui soient pertinentes puis qui soient faites d'une façon temporelle.

Donc, oui, on considère que ça prend du temps de créer ces éléments-là, qui ne sont pas tout à fait déjà présents, mais, non, c'est important pour nous quand même de veiller à ce que ça soit de qualité, les formations qui vont être accordées, donc d'où l'importance de réfléchir comme il se doit à ce qui existe aussi, comme par exemple le mois de sensibilisation, le message.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Chambly.

M. Roberge : Merci beaucoup, Mme la Présidente. On salue la ministre, ma collègue, toute l'équipe du ministère. Puis merci beaucoup pour votre présentation, c'est toujours apprécié. Plusieurs questions. C'est une chance de passer après les autres, parce que plusieurs points ont été soulevés. Vous avez apporté des réponses. Mais, des fois, c'est des petites précisions.

Votre recommandation 2.1. Vous souhaitez que le champ d'application de la politique s'applique... enfin, que ça s'applique dans le milieu scolaire dans son contexte élargi. J'aimerais juste comprendre précisément à quoi vous faites référence. D'autres sont venus avant vous, ont parlé des résidences. Pour moi, c'est assez clair que les résidences officielles d'un cégep ou, en tout cas, d'une université, d'un campus, ça doit être visé. Mais est-ce que vous avez, vous, pensé à d'autres lieux, d'autres endroits où la politique doit s'appliquer, quand vous dites : Le contexte élargi?

Mme Litalien (Ariane) : Oui. Dans le fond, nous, on va plus loin que les résidences, on va plus loin que les activités organisées par des associations étudiantes, comme la ministre le mentionnait. Nous, c'est vraiment toute interaction qui comprend les parties qui sont membres d'une communauté d'enseignement. Donc, ça peut être chez toi, dans ton appartement privé. Si c'est un collègue de classe qui est avec toi puis il se passe une situation de violence sexuelle, la politique devrait s'appliquer.

Mme Lemay (Mélanie) : En fait, c'est à partir du moment où la relation s'est installée en raison du contexte d'enseignement dans lequel elles se sont rencontrées, les parties. Donc, c'est vraiment parce que, tu sais, les deux tiers des infractions sexuelles qui sont commises sont commises dans une résidence privée. Donc, ça doit aller au-delà de spécifier juste les lieux géographiques, mais vraiment juste aller vers la balise qui est la relation qui existe entre les deux, et, à partir du moment où elles se sont rencontrées, bien, ça découle, en fait, du contexte d'enseignement. Donc, c'est là que s'est installé le lien de confiance, qui est aussi l'arme du crime. Donc, c'est vraiment là-dessus que, nous, notre réflexion était basée.

Mme Litalien (Ariane) : Puis, c'est ça, dans le fond, on veut vraiment que toutes les situations potentielles soient couvertes. Puis je ne pense pas que... Il y a un précédent aux États-Unis, dans le fond, que toutes les politiques doivent s'appliquer hors campus également. Donc, on ne voit pas pourquoi ici il y aurait un problème par rapport à ça.

M. Roberge : Merci. Donc, c'est assez clair. La notion de guichet unique aussi a été mentionnée par d'autres groupes. Puis je pense que vous en parlez, mais je ne sais pas dans quels mots. Dans le fond, peu importe où a eu lieu le crime, comme vous dites, même si, dans le fond, ça peut se faire complètement à l'extérieur du processus judiciaire, là, l'étudiant ou la victime, le survivant, la survivante pourrait porter plainte.

Mais est-ce que vous l'avez incluse quelque part, cette notion de guichet unique sur le campus? Est-ce que c'est quelque chose qui vous parle ou...

Mme Litalien (Ariane) : Ça peut certainement aider. Nous, on ne l'a pas inclus, simplement parce que c'est quelque chose avec lequel on était en accord. Donc, peut-être qu'on n'a pas assez clarifié les choses qu'on appréciait du projet de loi. Donc, voilà.

Mme Lemay (Mélanie) : Puis l'idéal, c'est vraiment de clarifier le processus de plainte le plus possible. Donc, c'est déjà assez difficile de se relever puis de réfléchir aux ressources, mais il va falloir faire en sorte que ce soit le plus visible et le plus accessible... Parce que j'ai déjà eu un témoignage d'un survivant qui m'a dit : Je ne l'ai même pas cherché dans Google, parce que juste l'idée m'écoeure. Ça fait que de faire en sorte qu'au moins ce soit clair puis que... ou à partir du moment où la personne est en mesure de bien recevoir l'information soit dans les rentrées scolaires, et tout ça. Ça fait que, comme ça, si jamais, malheureusement, ça arrive, bien, au moins, c'est resté, l'information, en arrière de la tête, pas qu'il aille à partir de zéro puis essayer de faire des démarches à gauche, à droite. Il faut vraiment clarifier puis centraliser le plus possible.

M. Roberge : Donc, il faudrait que le mode de diffusion ou d'information, ça soit carrément dans la politique, dans le fond, une obligation pour l'institution d'informer préalablement, on l'espère... on espère qu'il n'y aura juste pas, de violence sexuelle, mais, non, dans le cas où il y en a, dans le fond, que les étudiants, les étudiantes, ils savent déjà elle est où, la coop, ils savent déjà où est la bibliothèque puis ils savent déjà où est le bureau des plaintes. Donc, c'est connu, c'est su, puis tu n'as pas besoin de prendre Google ou d'aller au bureau d'information, dire : Coudon, y a-tu un local quelque part au troisième sous-sol, là?

Mme Lemay (Mélanie) : C'est vraiment dans une optique de réduction des méfaits, finalement, qu'on propose ça, là. C'est vraiment de minimiser l'impact des conséquences psychologiques que va avoir eu ce geste, parce qu'il faut savoir que, si on est capable d'aider adéquatement une personne survivante, elle risque de ne pas développer de syndrome post-traumatique. Parce que ce qui va être vraiment la clé de la guérison, ça va être comment les personnes vont l'avoir reçue, d'où l'importance aussi des attitudes aidantes.

Donc, c'est vraiment dans cette optique-là, de se dire : Bien, on ne pourra peut-être pas prévenir tous les crimes, mais, malgré tout, il va falloir prévenir le plus possible les impacts psychologiques que le geste peut causer, parce que ça, c'est à notre portée.

M. Roberge : Sur un autre sujet assez délicat, qui est de proscrire les relations amoureuses et/ou intimes entre des gens en autorité et d'autres personnes, vous, donc, vous le mentionnez très clairement, là, vous dites : Quelqu'un qui peut avoir une influence directe sur le parcours académique. Vous ne faites pas la distinction entre le milieu collégial et universitaire. On a eu deux regroupements, là. Les étudiants du niveau collégial nous ont dit : Nous, ça devrait être tout le personnel, même si, je ne sais pas, moi, l'animateur, l'animatrice à la vie parascolaire n'a pas nécessairement un impact direct sur les notes. Puis, au réseau universitaire, ils nous ont parlé... un peu comme vous, là, les professeurs, les enseignants, les superviseurs, quelqu'un qui a une influence sur les notes. Est-ce que vous maintenez votre position, que ce soit quelqu'un qui a vraiment une influence sur le parcours académique, ou, au collégial, ça pourrait être une distinction parce que... Pas toujours, parce que maintenant on peut retourner au collégial à tout âge, mais disons que, de manière générale, c'est sûr qu'au collégial les étudiants et étudiantes sont plus jeunes qu'à l'université.

Est-ce que vous différenciez les exigences des politiques entre le collégial et l'universitaire?

Mme Lemay (Mélanie) : Bien, c'est sûr qu'il doit y avoir des balises de base qui s'appliquent, de manière universelle, autant aux institutions collégiales qu'universitaires. C'est sûr, après, qu'il y a certains contextes particuliers qui ne se retrouvent pas nécessairement au collégial. Donc, on peut penser au fait... Bien, c'est sûr que, dans les programmes techniques très pointus, oui, il y a une spécialisation qui amène un peu une obligation d'être en lien avec quelqu'un qui a cette expertise-là. Mais, moi, c'est pour ça que je pense qu'il y a vraiment des ponts à faire entre les deux.

C'est sûr qu'il y a des spécificités qui peuvent émerger dans le contexte plus universitaire qui n'existent pas au collégial, mais c'est de là l'importance, selon moi, de clarifier le fait que, oui, ça prend, malgré tout, des ensembles universels pour les deux paliers.

M. Roberge : Puis j'aime bien la section, à la fin de votre mémoire, où vous élargissez un peu les horizons, comme un addendum, Alcool ≠ Consentement. Ce n'est pas directement lié au projet de loi, mais vous apportez des suggestions qui sont intéressantes. Vous souhaiteriez qu'il y ait un étiquetage, là, carrément sur l'alcool puis peut-être aussi des affiches dans les bars, des endroits comme ça.

Le contexte étant ce qu'il est, il y a moins d'une semaine, un projet de loi était déposé sur le cannabis, donc, et je ne suis vraiment pas un expert, mais est-ce qu'il y a cette même notion que... Comme vous en parlez dans votre mémoire, là, l'alcool est impliqué beaucoup, beaucoup dans des cas d'agression ou, en tout cas, d'absence de consentement. Est-ce que ça ne devrait pas être la même chose, puisqu'on est dedans, là, pour le cannabis?

Mme Lemay (Mélanie) : Pour répondre à votre questionnement : en fait, c'est déjà dans le Code criminel. Donc, toute personne ne peut commettre d'acte criminel via l'usage ou la mise en usage d'une substance illicite quelconque. Donc, oui, en fait. Nous, le but, en fait, c'est simplement de mentionner que l'alcool, c'est une drogue de soumission. Ça arrive souvent que, dans les procès, on observe des contextes où les gens disent : Ah! mais il n'y a pas eu de GHB, ce n'est pas grave, tu sais. L'alcool en est une, puis il a fait en sorte de dépenser énormément d'argent, donc on est conscient qu'il l'a assujettie. Donc, elle n'a pas pu fournir un consentement qui était libre et éclairé. Ça aussi, c'est dans le Code criminel. Donc, c'est sûr que, si la marijuana... Tu sais, moi, je pense vraiment que la raison pour laquelle on parle d'alcool, c'est parce que c'est la drogue la plus socialement acceptée et même banalisée. Puis on peut penser à Bud Light aussi, qui avait fait une campagne publicitaire qui disait : Pour enlever le mot «non» de la soirée.

Donc, je pense vraiment qu'il y a beaucoup de confusion là-dessus, parce que ça avait créé des méchants débats sur le campus de l'Université de Sherbrooke quand on a sorti ce slogan-là, puis je pense qu'il y a toute une question d'éducation sur la sexualité et le consentement.

M. Roberge : Puis une dernière question. Vous parlez évidemment d'adoption de la politique, parce que c'est à ça que fait référence le projet de loi. Est-ce que, d'après vous, on devrait distinguer politique et plan d'action et rajouter d'autres articles pour préciser que, bon, il y aurait la politique avec les grands principes, mais il y aurait aussi un plan d'action puis... Parce qu'on n'en parle pas dans le projet de loi. Est-ce qu'il faut ajouter ça?

Mme Lemay (Mélanie) : Oui, vraiment, parce que la politique est des lignes directrices générales, puis un plan d'action permet de donner une donnée temporelle aux éléments qui vont être mis en place. Donc, clairement, oui, ça doit être complémentaire.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme Lemay, Mme Litalien. Nous apprécions énormément votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants du Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 heures)

(Reprise à 11 h 4)

La Présidente (Mme de Santis) : Je souhaite la bienvenue aux représentants du Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. D'abord, merci de vous présenter, et ensuite vous procédez immédiatement à votre exposé. Merci.

Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte
contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS)

Mme Lopez (Marlihan) : Bonjour. Je m'appelle Marlihan Lopez, je suis agente de liaison au Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel.

Le Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel est un organisme féministe à but non lucratif qui regroupe et appuie les CALACS membres. Les CALACS membres du regroupement s'adressent aux femmes et aux adolescentes victimes d'agression sexuelle présente ou passée ainsi qu'à leurs proches. Les CALACS ont trois volets d'action : aide directe, prévention et défense des droits. Ils offrent des services d'aide individuelle, des rencontres de groupe de soutien et des services d'accompagnement, lors du processus judiciaire, auprès des services de santé ou divers autres organismes, selon les besoins des victimes. Pour défaire les nombreux mythes et préjugés entourant les agressions à caractère sexuel et changer les mentalités, les attitudes discriminatoires et les comportements sexistes, les CALACS offrent des activités de sensibilisation et d'information auprès des organismes mais également auprès de la population. Le programme de prévention Empreinte, destiné aux jeunes d'école secondaire, s'inspire de pratiques exemplaires sur le terrain, des CALACS notamment, lesquels ont une expérience de plus de 25 ans en matière d'intervention et de prévention. Finalement, pour s'inscrire dans une démarche de changement social, politique et légal afin que cesse la violence genrée, les CALACS font des représentations et interviennent sur des tables de concertation locales et régionales.

Le regroupement était actif de diverses façons avant, pendant et après les consultations gouvernementales qui ont mené à la rédaction de ce projet de loi ainsi qu'à la création de la stratégie de lutte contre la violence sexuelle en milieu d'enseignement supérieur. Par ailleurs, le regroupement a participé à l'enquête ESSIMU, menée par un groupe interdisciplinaire de 12 chercheuses, qui a brossé un portrait global de la violence sexuelle sur les campus universitaires au Québec et qui a énormément nourri la consultation autour de la problématique de violence sexuelle en milieu universitaire et collégial.

Ceci étant dit, le regroupement considère le projet de loi comme une bonne base sur laquelle travailler et s'attend à ce que l'ensemble des groupes participants agissent de bonne foi afin d'améliorer les aspects concernant l'appui aux survivants et survivantes et que ceux-ci soient incorporés à la loi. Un nombre important de suggestions issues des consultations publiques initiales ont été prises en compte, notamment le caractère autonome de la politique de violence sexuelle à venir, la centralisation des ressources sur les campus, les dispositions pour l'information et les mécanismes d'application. La ministre, et son équipe de travail, a consulté les organismes communautaires ayant une expertise en violence sexuelle, et nous saluons le fait qu'elle tient compte que ces organismes doivent jouer un rôle important dans la lutte contre les agressions sexuelles en milieu d'enseignement supérieur.

En ce qui concerne le contenu du projet de loi, nous avons quelques inquiétudes et recommandations à vous partager. Considérant que l'agression sexuelle est un acte de domination, d'humiliation, d'abus de pouvoir, de violence principalement commise envers les femmes et que cet acte s'inscrit dans une forme de contrôle social en tentant de les maintenir dans la peur et dans des rapports de force inégaux, il est important que cette dynamique et ces rapports sociaux soient reflétés et déconstruits dans le discours du projet de loi.

Il est également important de clairement identifier les différentes manifestations d'agression à caractère sexuel, voir : viol individuel, collectif, attouchements sexuels, harcèlement sexuel, exhibitionnisme, voyeurisme, appels obscènes, cyberprédation, cyberintimidation, etc. Il faudrait clairement nommer qu'agresser sexuellement, c'est imposer des attitudes, des paroles, des gestes à connotation sexuelle contre la volonté de la personne en utilisant l'intimidation ou la menace, le chantage, la violence verbale, physique et psychologique. Nous recommandons d'inclure un paragraphe énumérant les différentes manifestations de violence à caractère sexuel sujettes à ajout afin de suivre l'évolution de la définition des violences à caractère sexuel et de s'assurer que toutes, et tous, les victimes puissent porter plainte et accéder à des services d'aide s'ils et elles le désirent.

• (11 h 10) •

Comme nous l'avons précisé, la violence à caractère sexuel est basée sur la domination et les pouvoirs d'une personne par une autre, mais cette relation asymétrique ne se manifeste pas seulement dans le contexte des relations entre profs et étudiants. Les rapports de pouvoir sont présents dans de multiples contextes et doivent être adressés. Par ces nombreux rapports sociaux de domination, tels que la racialisation, les rapports de genre, les rapports de classe, le statut migratoire, la capacité physique, et autres, certains groupes sont davantage à risque à la violence sexuelle, d'où l'importance de porter une attention particulière sur les vulnérabilités de certains groupes et les barrières auxquelles ils font face au moment de dénoncer et chercher un soutien.

Les besoins et l'égalité des groupes plus à risque tels que les femmes, les personnes de la communauté LGBTQIA+, les personnes en situation de handicap, les étudiants étrangers — et étrangères — doivent être tenus en compte au moment de s'attaquer à la violence sexuelle en milieu universitaire et collégial. Nous accueillons favorablement la mesure visant l'implantation de services d'accueil, de référence, de soutien psychosocial et d'accompagnement dans tous les établissements collégiaux et universitaires pour les survivants et survivantes d'agression sexuelle et nous espérons que ce service sera véritablement accessible aux personnes en situation de handicap et sécuritaire et adapté aux besoins de groupes minoritaires comme les étudiants internationaux, les étudiants et étudiantes autochtones, racisés ou appartenant à la diversité sexuelle et de genre.

En outre, nous espérons que les investissements serviront principalement à la prévention et à la sensibilisation de la violence sexuelle auprès de toutes et tous les membres des institutions postsecondaires et que les différents moyens de prévention tiendront compte des besoins et réalités de tous les groupes marginalisés. Nous souhaitons également que les organismes travaillant sur le terrain et détenant une réelle expertise en matière d'intervention et de prévention de la violence sexuelle soient reconnus et interpelés dans la mise en place de ces mesures. Des groupes communautaires offrent déjà des services — voir le projet pilote à l'UQAM avec une intervenante des CALACS — et ils sont requis pour développer des mesures de prévention et de sensibilisation informées par les différentes réalités des personnes survivantes. Alors, nous recommandons que le projet de loi n° 151 spécifie la collaboration, la priorisation et le financement des groupes communautaires sur les différents campus d'établissements d'enseignement supérieur lors de la mise en place des mesures de prévention et de sensibilisation.

Par ailleurs, nous sommes inquiètes sur l'emphase mise sur la sécurisation. Ce projet de loi semble mettre beaucoup d'efforts sur la sécurisation et l'investissement dans les infrastructures et des agents de sécurité. L'énergie et le financement doivent être investis dans une multiplicité de tactiques de prévention en incluant les formations. Il faudra faire attention à ne pas se concentrer sur la surveillance des étudiants en dépit d'axer le projet de loi sur la prévention, ce qui risque de perpétuer des structures de surreprésentation de surveillance et d'oppression de certains groupes. Puis, considérant que seulement 5 % des victimes portent plainte à la police, nous questionnons la volonté du gouvernement d'inclure les corps de police comme une ressource externe prioritaire.

Nous avons également quelques inquiétudes concernant les sanctions et les processus de traitement des plaintes. Nous trouvons que le projet de loi est trop vague à cet égard, ce qui ne favorise pas une relative uniformisation dans les processus et mécanismes institutionnels de signalement des cas de violence sexuelle. Une communication transparente du processus de traitement des plaintes est essentielle. Nous recommandons que le processus...

La Présidente (Mme de Santis) : ...

Mme Lopez (Marlihan) : Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : ...vous avez trente secondes.

Mme Lopez (Marlihan) : Ah! Nous recommandons que les processus d'accompagnement et de plainte soient énumérés dans leur intégralité à l'intérieur de la politique de chaque établissement d'enseignement supérieur.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, Mme Lopez. Maintenant, nous procédons à la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme David : Oui. Merci beaucoup. Je suis très heureuse que le RQCALACS se présente et vienne nous aider dans la détermination des principaux axes du projet de loi.

Et, comme vous le dites bien, effectivement, dans les organismes externes, nous savons très bien que vous êtes un incontournable, étant donné que vous donnez de nombreux services d'accompagnement, de formation, d'information. Et j'ai eu l'occasion moi-même de passer plusieurs heures à Trêve pour elles, qui est un des CALACS importants de Montréal, qui justement a ce projet pilote avec l'UQAM. Alors, j'ai été à même de voir à quel point c'est utile d'avoir ce genre d'entente, où quelqu'un du CALACS s'en va passer du temps à l'UQAM et passer du temps à Trêve pour elles aussi, parce que ce n'est pas tout le monde qui veut aller nécessairement sur place à l'université. Donc, ça donne vraiment une très, très belle liaison entre l'établissement d'enseignement supérieur et le service offert aux CALACS. Alors, c'est un point important que nous prenons en très bonne note, cette question d'être peut-être un peu plus larges dans la définition des organismes externes, même si on ne voulait certainement pas se limiter aux corps policiers, mais je suis d'accord avec vous qu'on peut aller plus loin. On essaie, dans les projets de loi, que ce ne soit pas une bible de 2 000 pages, mais je pense que, dans ce cas-ci, ça vaut peut-être la peine de regarder ça.

J'aurai deux questions principales. La première, parce que j'ai été à même de rencontrer... en rencontrant votre regroupement, on a beaucoup parlé de tout ce que vous faites, et une des choses que vous faites, c'est, entre autres, le programme Empreinte dans les écoles secondaires. Donc, j'ai lu ce que vous faites, j'ai regardé les axes d'intervention, de communication, comment vous travaillez. Je sais que, récemment, vous êtes très, très recherchés avec ce programme-là. Un, je voudrais vous entendre un petit peu plus sur ce qui vous a peut-être amenés à développer et à nous décrire un petit peu qu'est-ce qu'il vise.

Et j'aimerais après peut-être vous poser la question, parce que j'ai été interpelée par des étudiants collégiaux qui m'ont demandé quelque chose, dans le fond, quand j'ai regardé ce que vous faisiez avec Empreinte, qui ressemblait à ce programme. Donc, est-ce que vous pouvez vous visualiser éventuellement à adapter quelque chose dans les collèges, voire même dans les universités? Parce qu'on parle énormément, énormément de formation, d'information à toutes sortes de niveaux, au niveau de qu'est-ce qu'est le consentement. On le sait, Sans oui, c'est non! est né à partir de ce concept-là... Ni viande ni objet, bon, il y a beaucoup de choses, mais est-ce que tous ces programmes-là peuvent s'alimenter les uns les autres, même au niveau collégial et universitaire? Mais j'aimerais peut-être vous entendre un petit peu sur ce programme-là, qui est... On parle énormément d'éducation sexuelle au primaire, secondaire. Votre programme, ce n'est pas un cours d'éducation sexuelle, c'est complémentaire à ça.

Alors, pour le bénéfice de tous, peut-être vous pourriez nous parler un peu plus de ce programme, d'où il vient, comment vous l'avez développé, qu'est-ce qui se passe. J'en sais pas mal, mais j'aimerais ça, pour le bénéfice de tous, que vous en parliez.

Mme Lopez (Marlihan) : Parfait. En fait, comme vous le savez, nous avons plus que 25 ans d'expérience en prévention et, en équipe avec des chercheuses à l'UQAM, nous avons développé ce programme Empreinte. Ce qui le distingue d'autres programmes, c'est qu'il est beaucoup plus inclusif des multiples réalités qu'on peut trouver chez les jeunes, et c'est un outil pour lutter contre la violence sexuelle chez les jeunes.

Donc, le projet a plusieurs volets, entre autres un volet sur l'hypersexualisation, sur le consentement. Il y a même des capsules qui sont destinées aux parents puis il y a des formations qui sont destinées aux professeurs ou enseignants. Donc, ce programme a été déployé pendant une année, un projet pilote dans plusieurs régions du Québec, et on est en train de faire l'évaluation là-dessus.

Aussi, une autre chose qui est aussi nouvelle avec ce projet, c'est l'opportunité de pouvoir faire une évaluation et faire des modifications s'il y a lieu. Et je pense que ce projet peut très bien s'adapter à d'autres groupes, pas nécessairement juste les écoles secondaires. Il y a déjà des intervenants qui vont en milieu universitaire, non pas seulement Trêve pour elles, mais le CALACS de l'Outaouais aussi a une grande expérience en prévention auprès des institutions universitaires et collégiales. Donc, avec un financement, je pense que ce projet Empreinte pourrait être déployé ailleurs et pourrait être aussi adapté pour être donné dans d'autres institutions.

• (11 h 20) •

Mme David : Et je sais que, derrière la collaboration, c'est l'UQAM qui est très interpelée et la chercheure principale d'ESSIMU, c'est-à-dire Manon Bergeron, donc on gravite autour de gens qui ont une expérience tout à fait reconnue. C'est très, très clair, Manon Bergeron, c'est l'enquête ESSIMU, c'est l'enquête qu'on veut développer et déployer aussi au collégial, donc c'est dans la même mouvance, et c'est la même mouvance que Trêve pour elles, qui est en collaboration et qui, grâce à une subvention de chez nous, je crois, d'ailleurs, vous donne un peu d'argent pour pouvoir payer quelqu'un qui va à l'UQAM. Alors, je pense qu'on a là des modèles, des pistes d'intervention extrêmement importants, et on va certainement regarder de près et rapidement... parce que ça commence, là. J'ai rencontré cette personne qui navigue entre l'UQAM et Trêve pour elles, et elle dit : Bon, c'est à ses tout débuts, là. J'étais là il y a deux semaines, et puis elle avait commencé au mois de septembre.

Mais je pense que cette idée est très porteuse, et c'est dans ce sens-là que je pourrais peut-être vous demander, à plus large échelle ou, disons, à partir de vos expériences de collaboration avec différents milieux, comment vous voyez... Parce qu'on parle de guichet unique. On parle de ressources qu'ont souvent, oui, les grandes universités, les grands collèges, les collèges à 10 000 étudiants, des universités à 40 000 étudiants, mais il faut aussi penser aux plus petits collèges, aux plus petites universités, aux régions qui peuvent avoir une personne qui est le pivot dans l'institution mais qui est très branchée, dans le fond, à une organisation comme la vôtre.

Alors, comment vous voyez ou est-ce que ça existe déjà... ou comment ça pourrait se développer, cette collaboration beaucoup plus étroite entre ce que vous pouvez apporter dans le cadre de la mise en place des actions qu'on veut faire dans les collèges, et les universités, et vos CALACS, particulièrement, en région?

Mme Lopez (Marlihan) : Nous, nous sommes présents partout au Québec. La réalité des CALACS diffère d'une région à l'autre. Je pense qu'il y a des CALACS qui sont très bien outillés pour pouvoir offrir des outils de formation, faire de la prévention dans les institutions collégiales, qu'ils soient petits, qu'ils soient en milieu urbain. Je pense qu'ils ont de l'expertise pour faire ça.

En ce qui concerne c'est quoi, les défis, ça serait vraiment le financement. En ce moment, on a une intervenante qui travaille à l'UQAM, mais elle travaille quelques jours par semaine. Donc, c'est un bon début, mais à la fin ça va prendre beaucoup plus que deux, trois fois par semaine, ça va prendre des ressources qui vont pouvoir faire un suivi, parce que pour les victimes de violence sexuelle ça ne prend pas juste une ou deux rencontres, ça prend un suivi, ça prend un accompagnement qui dure du temps, et pour ça on a besoin de pouvoir mobiliser des intervenantes. Et on a entendu les associations étudiantes nommer le fait que ça prend des ressources externes pas nécessairement qui viennent de l'université. Donc, pour ça, il faudrait vraiment prévoir un financement pour pouvoir déployer ces ressources-là.

Mme David : Oui, on entend bien et on est bien conscients de ça. On a fait un bon début avec le 23 millions de dollars, mais on est très attentifs aux besoins de tous et chacun.

Maintenant, j'aimerais vous entendre sur la question... puis là je ne veux pas me tromper dans l'acronyme, parce qu'il se rajoute, des fois, des lettres à la fin, là, LGBTQI, R et U, je crois, non?

Mme Lopez (Marlihan) : IA+.

Mme David : I?

Mme Lopez (Marlihan) : A+.

Mme David : Oui, plus. Bon, enfin, toute cette diversité, qu'on respecte beaucoup et qui, donc, je pense, a plus de voix qu'avant et plus d'écoute dans la société. J'aimerais vous entendre, parce que plusieurs disent, et même nous, on l'a dit dans notre projet de loi... mais je ne suis pas sûre de comment opérationnaliser le soutien qui pourrait être plus spécifique à certaines communautés qu'à d'autres. Et vous ajoutez, avec raison, j'en suis tout à fait, la question des étudiants internationaux, grande fragilité, premier trimestre très, très, bon, en situation d'adaptation, en exil, bon, une situation pas facile, mais toute la communauté de la diversité de genre.

Comment vous nous conseilleriez d'avoir des actions plus spécifiques en regard de ce projet de loi et des violences à caractère sexuel? On est d'accord, on l'a dit, d'être très attentifs, mais, une fois qu'on a dit ça, je profite de votre présence pour vous demander comment on pourrait opérationnaliser la chose.

Mme Lopez (Marlihan) : Au moment de rédiger des projets de loi ou des stratégies qui s'attaquent sur des problèmes sociaux, normalement, on a tendance à se fixer sur les expériences des groupes majoritaires, et ce qui arrive, c'est qu'on passe à côté de certaines réalités qui font en sorte que ça ne va pas être toute la population qui va pouvoir bénéficier de certaines actions ou stratégies.

Donc, pour ce qui concerne les étudiants qui font partie de la communauté LGBTQIA, ou les étudiants étrangers, ou les autres groupes qu'on connaît, qui sont beaucoup plus à risque, il faudrait avoir des actions précises, parce que sinon ces stratégies, ces actions ne vont pas les bénéficier. Et, pour ce qui est des étudiants internationaux ou des personnes de la communauté LGBTQIA, c'est le fait que ces groupes font face à davantage de barrières qui sont systémiques au moment de dénoncer ou au moment de porter plainte. Un étudiant international va penser : Bon, si je porte plainte, je risque de devoir interrompre mes études. Si j'interromps mes études, je vais perdre mon permis de séjour, mon visa d'études. Donc, c'est vraiment beaucoup de questionnements. Et de plus l'étudiant étranger ne connaîtra pas le processus judiciaire ici. Donc, il y a beaucoup de questionnements qui vont faire en sorte qu'ils ne vont pas porter plainte, ils ne vont pas accéder au service. Donc, il faut tenir en tête ces barrières systémiques au moment de faire des stratégies, parce que, si on tient compte... par la suite, on va bénéficier non seulement les étudiants étrangers, mais tout le monde. Mais, si on se concentre sur les réalités des groupes majoritaires, tous ces groupes minoritaires vont être mis de côté. Pour ce qui concerne les groupes de la diversité sexuelle et de genre, eux aussi, ils font face à des barrières systémiques au moment de dénoncer, et les étudiants qui appartiennent à ce groupe sont ciblés à cause de leur identité de genre et leur identité sexuelle.

Donc, au moment de chercher de l'aide, ça prend des personnes, des intervenants qui soient outillés pour pouvoir recevoir ces dévoilements, qui soient outillés pour pouvoir référer à des services qui vont venir s'ajouter. Donc, c'est très important d'avoir en tête les réalités des groupes qui sont minoritaires, parce que sinon on ne va pas avoir du succès au moment de lutter contre la violence sexuelle en milieu universitaire.

Mme David : Merci beaucoup, c'est extrêmement intéressant, et je pense qu'on doit avoir une écoute très, très attentive aux différentes spécificités.

Je ne sais pas comment on pourrait bonifier encore plus ce qu'on demande aux institutions, mais je suis très sensible à ce que vous dites autant pour des étudiants internationaux où il est évident que les exemples que vous donnez existent, d'une part, et, d'autre part, je pense qu'on n'a peut-être pas développé encore tout ce qu'il faut, tout l'arsenal d'interventions pour faire en sorte qu'on puisse les aider tout en les rassurant sur les questions de visa, les questions légales. Alors, je vous remercie de nous faire valoir ces points-là.

J'ai un collègue ici qui serait prêt, je pense, à poser une question.

La Présidente (Mme de Santis) : M. le député de D'Arcy-McGee. Il reste 8 min 30 s.

M. Birnbaum : Combien? Je m'excuse.

La Présidente (Mme de Santis) : 8 min 30 s.

• (11 h 30) •

M. Birnbaum : Ah bon! Merci. Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Lopez, pour votre exposé. Je crois qu'on comprend que le regroupement des centres d'aide, voilà des partenaires incontournables dans les efforts qui visent ce projet de loi, et votre présence sur le terrain, votre notoriété accrue, et qui doit toujours s'accroître, est très importante pour à la fois que les femmes ainsi que les hommes comprennent les services que vous avez à leur offrir.

Bon. J'aurais quelques petites questions. Je comprends que, quand on parle de la nécessité de sensibiliser la société en général, chacun des intervenants, qu'il y a probablement... pas probablement, il y a un travail à faire avec les forces policières en même temps. Je comprends. En même temps, j'ai été étonné, si je vous ai bien compris, quand vous avez dit que vous n'êtes pas à l'aise avec le fait que, dans le projet de loi, on parle des forces policières comme ressources externes très importantes. Il me semble que, dans une société de droit, c'est tout à fait normal. Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus?

Mme Lopez (Marlihan) : Notre préoccupation, c'est qu'étant donné que c'est très facile de quantifier une action en termes de surveillance les efforts soient mis là-dedans, comme priorisés, qu'on priorise la sécurisation et non un changement des comportements, des attitudes par le biais de formations, de la sensibilisation.

Donc, nous, notre préoccupation, ce n'est pas qu'on nomme un possible partenariat avec la police, même si je crois que ce n'est pas la solution pour contrer la violence sexuelle, si on considère que la violence sexuelle vient d'une culture du viol et que c'est un problème social qui ne peut se réduire à des actes isolés. Donc, en tenant compte de ça, je pense que ça prend vraiment la prévention. Alors, notre préoccupation, c'est que les efforts et que l'investissement soient mis dans des infrastructures, pour créer un sentiment de sécurité, ou dans l'augmentation des agents de sécurité, parce qu'on sait très bien que le fait qu'il y ait plus de police ou plus d'agents de sécurité, ça ne veut pas dire qu'il va y avoir moins d'incidence de violence, donc, et de plus ça peut créer un certain sentiment d'insécurité chez certains groupes qui sont stigmatisés ou qui ont une relation difficile avec la police par rapport à l'histoire ou par rapport à certains enjeux sociaux.

M. Birnbaum : Je veux juste poursuivre un petit peu. Je comprends, mais est-ce que la solution n'est pas à la fois, de façon réciproque, sensibiliser les forces de sécurité à cet enjeu ainsi que les membres de ces communautés minoritaires, qui risquent d'avoir, et je comprends, un bagage très difficile issu de leurs pays d'origine?

Mais est-ce que la solution, c'est, en quelque part, de minimiser une pierre angulaire, il me semble, de la défense contre le harcèlement, c'est-à-dire la présence sécurisée et sécurisante des lieux partout sur les campus?

Mme Lopez (Marlihan) : Je ne crois pas que la sécurisation ou la surveillance va faire en sorte que les comportements vont changer, parce que les personnes qui vont faire la violence vont le faire en dehors de l'université, où il n'y aura pas des agents de sécurité. Donc, comme je vous ai partagé, pour nous, on ne devrait pas prioriser cette avenue-là. On devrait prioriser la présence des ressources externes qui sont là pour vraiment produire un changement de société, pour démystifier les préjugés et les mythes autour de la violence sexuelle, pour faire des changements à long terme. Donc, c'est pour ça que nous, on ne priorise pas une ressource comme la police pour contrer la violence sexuelle en milieu universitaire.

M. Birnbaum : Qu'on s'entende, je comprends, je respecte et je partage l'idée qu'il faut miser de maintes façons sur la prévention et l'éducation et, peut-être, je peux poursuivre un petit peu là-dessus.

Je comprends que vous avez le rôle central en ce qui a trait à l'éducation, à la formation, et tout ça, et moi, je me préoccupe beaucoup d'une cible. Peut-être, on peut les appeler, comme, en quelque part, passifs. C'est, j'espère, la grande majorité d'hommes. Je sais qu'il y a des agressions dont sont responsables des femmes aussi, mais on parle surtout des hommes. Cette grande cible d'hommes de bonne foi mais qui ont besoin d'apprendre, qui ne vont peut-être pas nécessairement se mettre de l'avant pour dire : J'ai besoin de comprendre mieux, j'ai besoin de valider mes comportements, et tout ça, j'aimerais vous inviter, dans les quelques minutes qui restent, de nous parler de vos efforts pour joindre cette population, cette cible-là essentielle.

Mme Lopez (Marlihan) : Bien qu'on n'offre des services d'accompagnement et de soutien qu'aux femmes et à leurs proches, au moment de faire la prévention, on s'adresse à toute la société. C'est un enjeu qui nous concerne tous et toutes. Donc, ce n'est pas juste avec les femmes qu'on fait ce travail-là, c'est avec les enfants, les jeunes, les femmes, les hommes, toute personne qui est concernée par l'enjeu des violences sexuelles. Donc, étant donné qu'on a cette expérience-là, je pense qu'on est des ressources incontournables dans le contexte de lutte contre la violence sexuelle en milieu universitaire.

M. Birnbaum : Je vous remercie.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Maintenant, la députée de Richmond.

Mme Vallières : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci énormément de votre présence. Oui, effectivement, les collègues ont mentionné la présence des CALACS sur l'ensemble du territoire. On le sent très bien dans nos régions et on voit l'importance que les organisations ont. J'aimerais beaucoup revenir...

Une voix : ...

Mme Vallières : Merci beaucoup. Ça va être bien trop peu de temps.

J'aurais voulu qu'on revienne sur le rôle important des organisations autres aussi dans cet apport-là régional. On pourra certainement y revenir dans d'autres discussions à ce moment-là.

Mme Lopez (Marlihan) : D'autres organisations communautaires?

Mme Vallières : Qui sont en lien aussi avec les CALACS dans les milieux ruraux, puisque les CALACS sont là de façon régionale, mais, dans la ruralité, les CALACS ont aussi leurs forces qui sont en lien avec les cégeps et universités aussi.

Mme Lopez (Marlihan) : Oui. Nous travaillons, si j'ai bien compris la question, avec d'autres groupes, et, dépendamment de chaque région, chaque région a une multiplicité de groupes communautaires qui travaillent sur différents enjeux sociaux. Donc, dépendamment de chaque contexte, il y a des concertations qui se font avec de multiples groupes. Ici, à Montréal, le regroupement fait des concertations avec des groupes de femmes qui travaillent des enjeux de violence, des groupes de femmes qu'on considère de la diversité, qu'on nomme de la diversité parce qu'ils représentent des femmes de la diversité sexuelle. Donc, c'est des organismes communautaires qui travaillent auprès de ces groupes-là, auprès des femmes immigrantes, auprès des femmes en situation de handicap.

Et, en région, dépendamment de l'existence des différents types d'organisme, il y a des concertations aussi qui se font dans le contexte de lutte contre l'agression sexuelle. Ça fait partie de notre mandat, et chaque CALACS le fait.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme Lopez. Maintenant, la parole est à la représentante de l'opposition officielle, la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci. Je vous remercie pour votre présence aujourd'hui en commission parlementaire et l'éclairage que vous nous apportez sur le projet de loi n° 151. Bien entendu, je vous remercie de vous être déplacée aujourd'hui. Je sais que la situation, en ce moment, dans les CALACS, elle n'est pas facile, vous débordez de demandes. Donc, de prendre le temps de venir nous rencontrer, c'est extrêmement apprécié.

Et donc je voulais profiter de votre présence aujourd'hui en commission parlementaire pour que vous puissiez nous dresser un état de la situation de ce qui se vit actuellement dans le réseau des CALACS suite notamment aux plus récentes vagues de dénonciation #moiaussi. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur le manque de ressources, par exemple, que vous vivez actuellement dans toutes les régions du Québec.

• (11 h 40) •

Mme Lopez (Marlihan) : Alors, suite au mouvement #moiaussi, on a vécu une augmentation de la demande, mais non seulement des demandes de soutien de la part des victimes, des survivantes, sinon aussi des demandes de sensibilisation, de formation et aussi beaucoup, beaucoup de demandes... Puis on est en communication, on est en discussion avec Mme la ministre et puis on se sent rassurés, parce qu'on sent qu'on est en train de nous entendre là-dessus, et on a de l'espoir qu'il y aura des actions qui vont venir pour adresser ces limites qu'on vit en tant qu'intervenants contre la violence sexuelle.

Puis ça dépend de chaque territoire. À Montréal, il y a eu une hausse trois fois, quatre fois. Ça dépend de chaque région. Au Nord-du-Québec, l'expérience a été différente. Et on est encore en train d'affronter ces augmentations de demande. Donc, c'est très difficile, parce qu'avec les contraintes financières et... et, dépendamment de chaque CALACS, il y a, des fois, des besoins au niveau des ressources humaines, un besoin d'avoir plus d'intervenants pour pouvoir couvrir tous les territoires. Il y a des CALACS qui desservent des territoires immenses. Donc, dépendamment de chaque contexte, cette situation a été vécue mais toujours de manière difficile. Donc, on espère qu'avec tout ce qui se passe et toutes les consultations il y aura des mesures qui vont être mises en place pour adresser les limitations qui existent, pour répondre aux demandes des survivantes, les victimes d'agression sexuelle.

Mme Fournier : Tout à fait, parce que... corrigez-moi si je me trompe, mais, par exemple, quand il y a eu le mouvement #agressionnondénoncée, il y a eu une augmentation des demandes rapide suite à ce mouvement-là, mais les demandes ont continué d'augmenter aussi dans le temps. Des fois, c'est plus tard qu'on voit les répercussions des mouvements, des vagues... des dénonciations.

Donc, est-ce que vous vous attendez aussi à ce que ça se reproduise dans le cas, par exemple, du mouvement #moiaussi, que les demandes vont continuer de croître dans les mois qui suivent?

Mme Lopez (Marlihan) : Oui. La différence, c'est qu'en ce moment il a une plus grande visibilité. Mais on s'entend que, l'augmentation de la demande, l'urgence, on les vit depuis longtemps. Ce n'est pas depuis #moiaussi qu'on vit cette urgence. Les CALACS doivent être très, très créatifs dans la manière qu'ils répondent aux demandes, parce qu'il faut qu'on travaille avec des ressources restreintes. Donc, ce n'est pas une urgence qui est... L'urgence n'est pas nouvelle, mais, oui, nous pensons qu'on va continuer à devoir répondre à une augmentation et on espère pouvoir répondre de manière efficace.

Mme Fournier : Parfait. Merci. Puis je serais curieuse de savoir est-ce que vous avez répertorié... Est-ce que vous avez beaucoup de cas, donc, de survivantes qui vont vous voir qui ont vécu des violences à caractère sexuel sur les campus, par exemple? Est-ce que c'est en augmentation? Est-ce que vous le voyez directement sur le terrain?

Mme Lopez (Marlihan) : Oui. Les CALACS qui sont à proximité des universités ou des collèges reçoivent des demandes. Ici, à Montréal, Trêve pour elles reçoit beaucoup de demandes. Au CALACS de l'Outaouais, eux aussi, ils reçoivent beaucoup de demandes. Donc, dépendamment où est situé le CALACS, les intervenants ont l'habitude de répondre aux demandes en milieu universitaire et collégial.

Mme Fournier : Merci. Puis, quand on parle de ressources, est-ce que vous considérez, par exemple, que, pour appliquer le projet de loi n° 151, les ressources vont être suffisantes dans les établissements, donc, d'études postsecondaires? Est-ce que vous avez fait une évaluation de ce que ça nécessiterait pour mettre en oeuvre ce projet de loi là? Est-ce que vous considérez que le 23 millions, actuellement, ça sera suffisant?

Mme Lopez (Marlihan) : Nous sommes en train de travailler sur les chiffres pour pouvoir chiffrer les besoins et on espère, bientôt, pouvoir sortir avec un portrait plus clair de ce que ça nécessiterait pour vraiment bien répondre aux demandes qu'on reçoit en matière de prévention, en matière de soutien.

Mme Fournier : O.K. D'accord. Excellent. C'est certain qu'on va suivre ça de près. Je sais que vous l'avez abordé un petit peu déjà, mais j'aimerais savoir un peu comment vous voyez votre rôle, vous, les CALACS, dans la mise en oeuvre de ce projet de loi ci. On parlait beaucoup de collaboration, notamment, avec des institutions d'enseignement. Je sais que vous avez déjà des projets en cours avec, bon, l'UQAM qui ont été abordés. Il y a aussi l'Université du Québec en Outaouais avec laquelle vous collaborez.

Comment voyez-vous justement votre apport au sein même des établissements? Je sais aussi qu'il y a certaines institutions postsecondaires qui ont eu recours à vous en raison des coupes qu'ils ont eues à l'intérieur même de leurs établissements, du fait que les ressources internes se faisaient plus rares. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Lopez (Marlihan) : Nous pensons que nous avons un rôle à jouer en matière de prévention. Tout ce qui est sensibilisation, formation, étant donné qu'on a une expérience là-dedans, je pense qu'on a un rôle à jouer là-dedans. Aussi, quand on parle de guichet unique, accompagnement, je pense qu'aussi on a un rôle à jouer, comme ressource externe, pour pouvoir répondre aux besoins des survivants et survivantes en milieu universitaire. Il y a beaucoup d'étudiants qui vont se sentir beaucoup plus à l'aise de venir dévoiler... à un intervenant qui fait partie de l'université ou une ressource externe. Donc, je pense que c'est important. Et puis, si on peut aussi jouer rôle de référence, dépendamment des besoins... parce qu'on s'entend que les CALACS n'offrent pas de services aux hommes, mais on peut référer à un service qui offre des services aux hommes, un service spécialisé, dépendamment des besoins. Donc, je pense qu'on a un rôle à jouer, soit de soutien ou de référence, en milieu universitaire pour répondre aux besoins des victimes et survivantes.

Mme Fournier : Merci. Dans votre exposé aussi, vous avez mentionné le fait que vous trouviez qu'à certains égards le projet de loi qu'on a entre les mains était trop vague sur certaines dispositions. Et c'est certain qu'on a tous la préoccupation, au fond, d'offrir le même niveau de protection à tout le monde, à tous les étudiants, peu importe l'institution d'enseignement. Alors, j'aimerais que vous nous parliez de quelles mesures vous souhaiteriez que l'on précise dans la loi actuelle.

Mme Lopez (Marlihan) : Par rapport aux sanctions, c'est un peu vague, il y a beaucoup de choses qui restent à la discrétion de chaque institution, et c'est ça que... préoccupe un peu. Je pense qu'on aimerait tous et toutes qu'il y ait une certaine uniformisation pour éviter que certaines choses soient laissées de côté.

Et, pour les survivantes — j'imagine que ce n'est pas la première fois que vous entendez ça — c'est très important que les sanctions soient claires et que les survivantes puissent avoir des informations par rapport à : Est-ce que mon agresseur se trouve encore sur le campus, est-ce que je vais le croiser? Donc, je pense qu'il faut des dispositions beaucoup plus claires. Et aussi, par rapport au temps pour traiter une plainte, si moi, j'étais étudiante, je n'aimerais pas me sentir comme sans aucune sécurité par rapport à combien de temps est-ce que ça va prendre, qu'on traite ma demande, combien de temps est-ce que je vais être vulnérable à croiser mon agresseur dans un couloir. Donc, je pense que ça prend des mesures plus claires. Et aussi, par rapport à l'«accountability» des institutions, on parle d'un rapport annuel, mais moi, j'aurais aimé voir des mesures plus claires, répercussions pour les institutions qui ne répondent pas aux demandes prévues dans la loi.

Donc, c'est des choses qui, je pense, auraient dû être éclaircies un peu plus pour éviter que ça soit à la discrétion de chaque institution.

Mme Fournier : Puis est-ce que vous seriez d'accord avec l'idée, qui est avancée par certains groupes, d'avoir une ressource à l'extérieur des établissements, donc, par exemple au niveau du ministère, qui permettrait aux étudiants, étudiantes d'aller faire une plainte, en fait, contre l'établissement qui n'aurait pas vraiment mis en oeuvre, qui n'aurait pas respecté sa politique?

Mme Lopez (Marlihan) : Oui, je pense que ça peut soulager les victimes et les survivantes, parce qu'effectivement ça va être un peu difficile, créer une confiance chez les survivantes et chez les victimes, en sachant que leur plainte va être traitée par l'institution même qui a des enjeux par rapport aux cas d'agression sexuelle et qui va être surveillée, en quelque part, par le gouvernement par rapport à comment ils implémentent leurs politiques, comment est-ce que la violence sexuelle est présente dans chaque collège ou université.

Mme Fournier : Oui. J'aimerais aussi vous entendre sur un sujet qui a été largement abordé par les autres groupes qui sont venus s'exprimer jusqu'à maintenant lors des consultations particulières, qui est la proscription des relations intimes entre les étudiants et les professeurs. Donc, je me demandais si vous aviez une position sur la question et, si oui, comment vous la voyez. Est-ce que vous voulez qu'on inclue seulement les professeurs? Est-ce que vous voyez ça de façon large au sein même de l'établissement? Donc, avoir votre point de vue sur la question.

• (11 h 50) •

Mme Lopez (Marlihan) : Alors, en tant qu'organisme féministe, on est conscients que la violence sexuelle, il s'agit d'un rapport de domination. On parle de rapports de pouvoir entre personnes. Donc, c'est sûr que la relation entre un étudiant et un prof est une relation de pouvoir. Donc, ça va faire que, si l'étudiant ou l'étudiante est victime d'agression sexuelle, il y a plein de barrières auxquelles cette personne doit faire face pour pouvoir dévoiler... dénoncer. Et, si l'agresseur a une influence sur leurs études, ça va venir encore rendre difficile un processus de plainte et un dévoilement. Donc, nous, on appuie les revendications des groupes qui mettent l'accent sur l'importance d'interdire ces relations ou de créer des mécanismes pour que ça soit clair et ça soit compris.

Mme Fournier : Que ça soit uniforme dans tous les établissements d'enseignement. C'est bien ça?

Mme Lopez (Marlihan) : Oui.

Mme Fournier : Très bien. J'aurais une dernière question. Donc, vous avez insisté sur le fait que ce projet de loi se concentrait plutôt sur la sécurisation, ce qui, je pense, est bien pour les gens, les survivants, et tout ça, mais est-ce que vous auriez vu davantage de mesures de prévention être incluses dans les dispositions du projet de loi?

Mme Lopez (Marlihan) : Comme nous avons dit plus tôt, oui, je pense qu'il faut être clair qu'on priorise la prévention mais qui passe à travers les changements d'attitude et de comportement et non pas à travers la surveillance. Donc, si le projet de loi est clair là-dedans et que le financement est davantage mis dans les actions de prévention, de sensibilisation, de formation et de soutien, je pense que nos inquiétudes vont disparaître.

Mme Fournier : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme Lopez. Maintenant, la parole est au représentant du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Chambly.

M. Roberge : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, merci pour votre présentation. C'est bien apprécié. Donc, quelques petites questions d'éclaircissement.

D'abord, ma collègue vient de vous interroger, il y a quelques minutes, sur : ce qui pouvait manquer dans le projet de loi, c'étaient peut-être des sanctions, de les préciser pour peut-être que les sanctions ne varient pas, pour une infraction ou, en tout cas, un geste commis qui seraient similaires, d'une institution à l'autre, bien, que les sanctions soient différentes. Vous avez quoi en tête? Ça pourrait être quoi, une sanction pour quelqu'un qui aurait fait du harcèlement? Est-ce que vous pensez à une exclusion pour un étudiant, une suspension pour un enseignant, un professeur ou un chargé de cours? Vous avez quoi en tête?

Mme Lopez (Marlihan) : Notre expertise n'est pas là-dedans. Donc, nous, on n'est pas venus ici pour amener des recommandations par rapport aux sanctions comme telles qui vont être données. Nous, ce qu'on tient à dire, c'est que ces sanctions doivent être claires, que, si moi, je porte plainte, je puisse savoir que je peux avoir de la justice et que mon agresseur va recevoir telle, telle sanction.

Par rapport à quelle sanction, je pense qu'il y a des groupes qui sont beaucoup mieux placés pour répondre à cette question que nous. Nous, on se concentre sur tout ce qui est prévention, tout ce qui est soutien et aide aux victimes. Donc, pour nous, c'est vraiment le fait que ça soit clair pour que la victime ou la survivante puisse avoir une certaine sécurité qu'une action va être mise en oeuvre et qu'il y aura une «accountability».

M. Roberge : Sur ce sujet-là, je pense que, pour le survivant, la survivante, la notion d'être pris en charge très rapidement avait été évoquée précédemment par le groupe Ni viande ni objet, qui était venu présenter la semaine dernière... qui nous disait : Le plaignant doit avoir, aussitôt qu'il y a un dévoilement, une action très, très rapide... on disait, peut-être même 48 heures ou cinq jours ouvrables, maximum, là, pour que cette personne-là sente que, tout de suite, tout de suite, elle est rencontrée, elle est prise en charge sans qu'il y ait nécessairement une sanction contre un agresseur potentiel. Mais, qu'il y ait une prise en charge très, très rapide, j'imagine, c'est quelque chose avec lequel vous êtes d'accord.

Mme Lopez (Marlihan) : Oui, oui, oui, et puis que le service soit concentré dans un endroit pour éviter la revictimisation, pour que la victime ou la survivante n'ait pas à dévoiler... à chaque fois, à un endroit, à une autre personne et que ça prend cinq bureaux pour recevoir accès à un soutien ou porter plainte. Donc, c'est ça que nous, on trouve que ça serait important. C'est pour ça qu'on trouve que le guichet unique, c'est intéressant.

M. Roberge : O.K. Bien, je suis content que vous l'abordiez, ça, parce qu'on l'a entendu à quelques reprises, «revictimisation», puis je n'étais pas certain à quoi on faisait référence, mais, dans le fond, c'est de forcer la victime ou la survivante de raconter l'événement plusieurs fois. Donc, l'idée d'avoir un guichet unique, ça peut éliminer la revictimisation. Mais ça serait quoi, d'autres contextes qu'il faudrait éviter, qui amèneraient une revictimisation, donc, évidemment, de croiser son agresseur, de raconter son histoire plusieurs fois? Quoi d'autre aussi qu'on devrait éviter et qu'on pourrait peut-être inscrire dans la loi, là, pour éviter les revictimisations?

Mme Lopez (Marlihan) : Je pense qu'il faut aussi prévoir des accommodements. On entend beaucoup parler des victimes et survivants en milieu universitaire, par exemple, qui ont vécu une agression dans les résidences, que ça tombe sur le poids de la victime de trouver une autre chambre, de trouver un autre endroit. S'il s'agit d'un agresseur qui est dans le même cours, c'est la victime qui doit changer de cours. Donc, il faudrait que le poids et la responsabilité soient déplacés et qu'il y ait des accommodements pour des victimes qui portent plainte, parce que, jusqu'à maintenant, on sent que la charge est trop sur la victime, et non pas l'agresseur. Donc, ça serait un exemple.

Et aussi, quand on parle de guichet unique, nous, on salue cette initiative, mais il faut aussi s'assurer que les personnes qui travaillent dans ce guichet unique soient vraiment outillées pour pouvoir recevoir des dévoilements et soient outillées pour recevoir des dévoilements des étudiants qui appartiennent à différentes communautés, parce qu'on a tous des préjugés, il y a des stéréotypes qui nourrissent ces préjugés. Donc, ça prend vraiment des personnes qui soient formées et outillées pour pouvoir recevoir des dévoilements d'agression sexuelle, parce que la revictimisation peut arriver au moment de dévoiler... Donc, ça, c'est très, très important, d'éviter tout blâme. C'est avoir des attitudes aidantes, et ça prend des intervenants formés avec une expertise en violence sexuelle.

M. Roberge : Puis je me demandais : Justement, est-ce que ça pourrait être votre rôle, aux CALACS, d'aider à la formation de ces gens-là, de les accompagner? J'essaie de voir la différence entre votre rôle actuel et quel serait votre rôle éventuel après la mise en oeuvre des politiques et de cette loi-là. Est-ce que vous voyez, pour vous, vraiment un champ d'action, un rôle pour les CALACS? Et qu'est-ce que vous pourriez faire, dans un avenir rapproché, disons, dans les 18 prochains mois, dans les 24 prochains mois, pour la mise en place des politiques, des plans d'action?

Mme Lopez (Marlihan) : Dépendamment des réalités de chaque région en question et du financement disponible. On peut prendre l'exemple de Trêve pour elles, qui a une intervenante qui travaille en milieu universitaire, à l'UQAM, qui travaille plusieurs jours par semaine, qui reçoit des victimes, qui reçoit aussi des témoins actifs qui, eux aussi, ont vécu des traumatismes. Donc, ça peut prendre plusieurs formes. Ça peut être former, ça peut être offrir le soutien, même. Mais ça dépend de la réalité de chaque région et du financement qui est disponible pour pouvoir offrir ces ressources.

• (12 heures) •

M. Roberge : Donc, on pourrait carrément imaginer, dans certains cas, une espèce de partenariat entre un collège ou une université puis un CALACS puis une espèce d'entente où le CALACS pourrait entrer... Dans le fond, il faut être flexible sur les moyens, très, très ferme sur les objectifs. Puis il y a de la place pour vous pour participer activement dans ça. Évidemment, vous auriez besoin de moyens. Si on pense à ça, supposons, un partenariat, juste pour se donner une idée, là, supposons, un collège qui, en ce moment, ne ferait pas affaire avec... «affaire», ce n'est peut-être pas le bon terme, mais qui ne serait pas en lien avec un CALACS et qui dirait : O.K., nous, on vous inclut dans le processus, on pense à combien d'intervenants? On pense à combien de moyens que vous auriez besoin pour participer à ça?

Mme Lopez (Marlihan) : Ça dépend des régions. Ça ne va pas être les mêmes... Ce n'est pas la même réalité à Rimouski qu'à Montréal, qu'à Chicoutimi. Ça dépend vraiment des réalités de chaque CALACS, des besoins de chaque CALACS et des besoins des collèges en question. Donc, je ne pense pas que ça va être un modèle qui va être le même partout. Dépendamment de chaque réalité, c'est sûr qu'un partenariat est faisable, est souhaitable, mais ça ne va pas être pareil partout. Il faut vraiment voir les besoins de chaque région et les ressources avec lesquelles on peut travailler pour voir quel modèle on peut développer.

M. Roberge : Donc, c'est de miser sur une de vos forces, qui est la flexibilité, puis d'être capables de s'adapter puis de tisser des partenariats selon chaque milieu.

Bien, je vous remercie beaucoup. Je pense, c'étaient mes dernières secondes. Merci pour votre présentation.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, Mme Lopez. Votre contribution aux travaux de la commission est très appréciée.

Je suspends les travaux de la commission jusqu'après les affaires courantes, soit vers 15 h 15. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 15 h 15)

La Présidente (Mme de Santis) : La Commission de la culture et de l'éducation reprend ses travaux. Veuillez éteindre la sonnerie de vos appareils électroniques.

Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 151, Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur. Cet après-midi, nous entendrons le Bureau de coopération interuniversitaire, l'Association pour la voix étudiante au Québec et la Fédération des cégeps.

Je souhaite la bienvenue aux représentants du Bureau de coopération interuniversitaire. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et ensuite nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite à vous présenter et à procéder avec votre exposé.

Bureau de coopération interuniversitaire (BCI)

M. Bédard (Claude) : Alors, merci, Mme la Présidente. Mmes et MM. les députés, permettez-moi de me présenter : Claude Bédard, directeur général du BCI. Je suis accompagné de Mme Johanne Jean, à ma gauche, présidente de l'Université du Québec, et de Mme Angela Campbell, vice-présidente adjointe de l'Université McGill, à ma droite.

D'entrée de jeu, nous souhaitons remercier la commission de nous offrir l'occasion de présenter le point de vue des établissements universitaires. Nous tenons en particulier à remercier la ministre responsable de l'Enseignement supérieur, Mme Hélène David, d'avoir initié ce processus et de nous y avoir conviés, puisqu'il s'agit d'un sujet d'une importance capitale dans notre société.

Le BCI tient d'abord à témoigner de la préoccupation profonde qui anime les établissements universitaires au sujet des violences à caractère sexuel sur leurs campus. De tels comportements nuisent à notre mission d'offrir aux membres de nos communautés un environnement d'études et de travail qui soit à la fois sain et sécuritaire. Sachez que les universités québécoises sont déjà fermement engagées dans la lutte contre de telles violences. Dès décembre 2014, le conseil d'administration du BCI a mandaté un groupe de travail afin de proposer les meilleures pratiques pour prévenir et traiter de tels cas sur leurs campus. Le rapport résultant est considéré d'ailleurs comme une référence en la matière, a été traduit en anglais et distribué largement depuis à travers le Canada. Nous sommes conscients que nos institutions ont un rôle clé à jouer dans ce domaine d'abord en encourageant un changement de culture concernant la notion de consentement, notion capitale, et ainsi que par la voie de politiques et procédures qui visent trois volets distincts : un, l'éducation des membres de nos communautés afin de prévenir ou de réduire l'incidence de telles violences sur les campus; deux, le support des victimes; et, trois, l'établissement de procédures transparentes et efficaces qui à la fois aident les victimes et traitent adéquatement les plaintes.

Bref, les établissements universitaires sont heureux de constater que ce projet de loi est, dans son ensemble, conforme à leurs attentes et qu'il leur reconnaît la flexibilité de développer des politiques qui leur seront appropriées.

Alors, cela étant dit, nous souhaitons maintenant porter à votre attention quelques préoccupations et suggestions importantes concernant ce projet de loi. Pour ma part, je céderai maintenant la parole à mes collègues sur ces questions. Alors, Mme Jean, d'abord.

• (15 h 20) •

Mme Jean (Johanne) : Merci, Claude. Je vais aborder avec vous des éléments qui touchent particulièrement l'harmonisation avec les lois et les conventions existantes ainsi que ceux sur l'encadrement des activités sociales ou d'accueil.

En premier lieu, tout de même, je tiens quand même à mentionner que les universités sont effectivement très favorables à la mise en place, dans chaque établissement, d'une politique ayant pour objectif de prévenir et de combattre les violences à caractère sexuel, incluant, bien entendu, l'obligation que cette politique doit être distincte de toute autre politique de l'établissement.

Concernant maintenant la question de l'harmonisation avec les lois et les conventions existantes, il est clair que les universités comptent mettre en oeuvre la recommandation que le projet de loi prescrit à l'article 3, paragraphe 1°. Cependant, il faut noter qu'il y a tout de même un défi d'harmoniser l'action avec les lois, politiques et conventions existantes. Ainsi, il importe de souligner que les droits et obligations des établissements envers leurs employés sont régis par des conventions collectives et des contrats individuels de travail. La législation éventuelle devrait tenir compte de ces ententes, de la Charte des droits et libertés de la personne et des droits et obligations qui en découlent. La loi doit servir à bien outiller les établissements pour qu'ils soient en mesure de travailler avec tous les membres de leurs communautés, qu'ils soient dirigeants, membres du corps professoral, employés, étudiants, ou encore leurs associations pour mettre leurs politiques respectives en marche.

Par ailleurs, toujours en lien avec l'harmonisation avec les lois et les conventions existantes mais en ce qui concerne les sanctions, la politique doit reconnaître la nature distincte des relations entre les établissements et leurs étudiants, leurs employés et leurs cadres. Il existe déjà des codes de conduite, des politiques et des conventions collectives qui régissent ces relations ainsi que les mesures disciplinaires qui puissent être invoquées. Il est important que les politiques pour combattre les violences à caractère sexuel puissent renvoyer aux régimes disciplinaires distincts déjà en place sans devoir intégrer des textes de ceux-ci.

L'autre élément que je souhaite soumettre à votre attention, c'est la question de l'encadrement des activités sociales ou d'accueil, c'est-à-dire l'article 3, le paragraphe 5°. Tout en appuyant le principe, les établissements estiment qu'il serait très difficile d'assurer l'application des règles encadrant toutes les activités sociales ou d'accueil tant en raison du nombre que de la diversité des activités. De plus, les associations étudiantes sont des entités juridiques distinctes des universités et du fait de la Loi sur l'accréditation et le financement des associations. Le caractère obligatoire des règles édictées par les universités pour les associations étudiantes pourrait être compromis par l'indépendance des associations. Nous pourrions cependant envisager l'obligation pour l'établissement d'énoncer, dès la réservation des salles, les règles de conduite pour les événements sur les campus. Nous comprenons que ce paragraphe s'adresse aux activités tenues sur les campus universitaires. Dans un tel contexte, il est certain que les établissements devraient proposer des mesures favorisant la communication des règles de conduite aux organisateurs et l'application sur place des règles encadrant les activités sociales ou d'accueil. Nous comprenons par ailleurs que les mesures visant l'application sur place des règles prescrites par les établissements ne pourraient viser les activités organisées par les associations étudiantes tenues à l'extérieur des campus universitaires et que de telles règles ne pourraient engager la responsabilité des établissements à l'égard de ces activités. Une telle approche donnerait aux établissements les outils nécessaires à la mise en oeuvre de règlements encadrant les activités de tiers, en l'occurrence les activités avec les associations étudiantes.

À ce moment-ci, je passerais la parole à ma collègue Mme Angela Campbell.

Mme Campbell (Angela) : Merci, Johanne. Bonjour. Premièrement, je vais traiter la question de confidentialité.

Donc, nous comprenons que l'article 3, paragraphe 11°, vise à protéger l'identité des victimes. Cependant, nous soutenons que la confidentialité doit avoir des limites lorsque la sécurité des membres de la communauté est ou pourrait être compromise ainsi que pour assurer l'équité de procédures administratives menant à une sanction disciplinaire. Dans ces circonstances, les établissements voudront conserver leur liberté d'action, nonobstant la confidentialité.

Plus précisément, la politique devrait prévoir que la confidentialité est la règle générale mais que, dans le cas où la sécurité des membres de la communauté ou du campus pourrait être compromise ou qu'une plainte entraîne un processus disciplinaire ou une sanction disciplinaire, la confidentialité ne sera pas exigée. Dans le cadre d'une politique pour combattre les violences sexuelles, les établissements pourraient encadrer les circonstances dans lesquelles il serait permis d'informer les victimes de violence à caractère sexuel du résultat des procédures administratives, sous condition que les victimes, elles ou eux aussi, respectent la confidentialité de ces renseignements. En conséquence, les établissements universitaires recommandent que le projet de loi prévoie que chaque politique doit traiter de la question de la confidentialité des divulgations, des plaintes et des renseignements recueillis, mais sans en déterminer les paramètres a priori.

Par ailleurs, nous notons qu'il y a une différence importante entre une divulgation et une plainte de violence à caractère sexuel. Chacun de ces concepts aura des implications juridiques et administratives distinctes. De plus, le devoir institutionnel de confidentialité pourrait être différent lorsqu'on parle d'une divulgation que lorsqu'on traite des plaintes. Ceci étant le cas, nous recommandons fortement que la loi prononce des définitions précises et claires de «divulgation» et de «plainte» et nous proposons des définitions de ces termes à la page 11 de notre mémoire.

Finalement, nous voudrions traiter la question de l'encadrement des relations intimes, amoureuses et sexuelles à l'article 3 du projet de loi. D'après nous, les rapports intimes, amoureux ou sexuels entre un étudiant et une personne ayant une influence sur le cheminement de ses études constituent un conflit d'intérêts. Ces relations devraient être évitées, elles sont mal conseillées, mais elles ne seront pas nécessairement des manifestations de violence à caractère sexuel. Certains établissements les encadrent déjà par le biais de politiques sur les conflits d'intérêts.

Une politique sur les conflits d'intérêts ne devrait pas être prescrite en vertu de ce projet de loi et ne devrait pas nécessairement être incluse dans la politique de prévention et de lutte contre les violences à caractère sexuel de chaque université. Par ailleurs, dans le contexte du développement de leurs politiques pour combattre les violences sexuelles, la loi pourrait inciter les établissements d'identifier les circonstances qui sont susceptibles de rendre impossible le consentement libre et éclairé aux rapports intimes, amoureux ou sexuels sans par ailleurs prescrire les dispositions précises de la politique.

En conclusion, nous vous remercions, Mme la ministre, encore une fois pour cette opportunité de partager la perspective des établissements universitaires du Québec sur ce sujet d'extrême importance pour la société québécoise. Il nous fera maintenant plaisir de répondre à vos questions.

La Présidente (Mme de Santis) : Mme Jean, Mme Campbell, M. Bédard, merci pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme David : Oui. Merci beaucoup. J'ai beaucoup de questions, donc. 23 minutes, ça va être rapide, mais je vais commencer par la fin, puisque ça m'apparaît être un des sujets extrêmement importants. Dans votre mémoire, vous parlez de quand on parle d'un code de conduite et vous faites la différence entre conflit d'intérêts et violence à caractère sexuel, et puis un ne veut pas nécessairement dire l'autre. On se comprend et on est tout à fait d'accord.

Par ailleurs, votre dernière phrase, je la retiens beaucoup : Consentement libre et éclairé. Alors, on entend beaucoup parmi les spécialistes, et vous en êtes, qu'une violence à caractère sexuel... et, entre autres, toutes les campagnes sur le consentement, dont Sans oui, c'est non!, le mot-clé, c'est «consentement». Si le consentement n'est pas libre et éclairé, comment pouvez-vous dissocier cette question de la question de violence à caractère sexuel?

Mme Campbell (Angela) : Merci pour la question. Selon nous, c'est certain que la relation entre étudiants et instructeurs, c'est une relation de pouvoir. Cependant, nous ne pensons pas que le fait de cette relation vicie le consentement dès le début. Lorsqu'il y a un abus de ce genre de pouvoir, lorsqu'il y a une... C'est une relation de fiducie, presque. Lorsqu'il y a un abus de confiance, de pouvoir ou d'autorité, à ce moment-là, le consentement est vicié.

On vous donne, par exemple, la politique contre la violence sexuelle de McGill. La définition de «consentement» dans cette politique-là n'interdit pas les relations entre les personnes en autorité et les étudiants. Cependant, nous indiquons dans cette politique que, lorsqu'il y a un abus de la relation de pouvoir entre une personne en autorité — ça pourrait être un directeur de thèse, un instructeur de cours, ça pourrait même être un prof dans le même département d'un étudiant lorsque le département est assez petit — dans ce cadre-là, lorsqu'il y a un abus de relation de pouvoir, c'est à ce moment-là que le consentement libre et éclairé est impossible.

Mme David : Alors, pour être très, très clair, pour vous, la politique, que ça soit McGill ou vous comme chercheurs et spécialistes, vous êtes en train de dire qu'un directeur de thèse pourrait tout à fait avoir une relation amoureuse, intime et sexuelle avec son étudiante au doctorat et que ça ne poserait pas de problème?

Mme Campbell (Angela) : Pas du tout. Nous, il y a trois aspects. C'est à éviter. Si ça arrive... Et nous ne voulons pas dire du tout que les établissements universitaires sont à l'appui de ce genre de relation. Cependant, ça peut arriver, et nous ne voulons pas être les policiers des relations intimes des personnes sur notre campus. Il y a beaucoup d'étudiants sur notre campus, des étudiants qui ont 30 ans. Il y a des profs aussi qui, eux aussi, ont 30 ans. Donc, ça pourrait arriver qu'il y ait relation intime qui se développe dans un cadre académique, mais c'est à éviter. Si ça arrive, il faut que ça soit dévoilé dès le début et il faut que ça soit géré, et c'est là que les politiques de conflits d'intérêts gèrent les contextes de cette façon-là.

Je ne sais pas si je m'exprime bien, mais il y a trois aspects, à mon avis : il faut que ce soit évité; lorsque ça émerge, il faut absolument que ça soit dévoilé ou divulgué à une personne en autorité, donc le «chair» ou le directeur de département; et il faut absolument, à ce moment-là, qu'il y ait un changement d'autorité au cadre académique pour que l'étudiante ne soit plus sous l'autorité de cette personne avec qui elle, ou lui, a une relation intime.

• (15 h 30) •

Mme David : O.K. Vous êtes consciente que beaucoup, beaucoup de groupes sont venus nous voir pour dire exactement le contraire. Des pétitions de professeurs, des syndicats de professeurs... Pour l'instant, il y a vous et un autre groupe qui avez dit à peu près cette mesure, là, le code de conduite, etc. Parce que plusieurs disent : C'est bien beau quand, peut-être, ça va bien, et, quand ça ne va plus bien, ça peut vraiment détruire la carrière d'un jeune chercheur, ça peut détruire la carrière d'un étudiant et ça devient vraiment une violence à caractère sexuel, à ce moment-là, dans le sens d'un consentement qui n'était ni vraiment libre ni vraiment éclairé, étant donné la notion d'autorité. Alors, je n'en ferai pas un débat de 23 minutes, mais je veux juste vous signaler qu'on vit avec plusieurs considérations, plusieurs groupes, plusieurs mémoires qui sont présentés et que je prends acte de votre position. Je ne sais pas si c'est celle de l'ensemble des universités, mais c'est une position avec laquelle on va réfléchir, certainement, tout comme on réfléchit aux positions des autres groupes.

Maintenant, là, je reviens au tout début — excusez, je fais un peu du coq à l'âne — parce qu'au tout début vous avez, dans le mémoire, parlé d'une politique qui devrait avoir le droit d'être intégrée avec d'autres politiques à partir du moment où on sépare bien les choses, mais ça serait comme une politique qui chapeaute. Tout à l'heure, si je ne me trompe pas, c'est probablement Mme Jean qui a dit : La politique, on est d'accord, puis elle doit être séparée des autres. Alors là, je ne suis plus sûre que ce que vous avez écrit puis ce que vous avez dit disent la même chose.

Mme Jean (Johanne) : Vous savez, dans le rapport d'octobre 2016, quand on a produit le rapport d'octobre 2016, dont on vous avait remis une copie à ce moment-là... C'est tiré clairement du rapport. Ce que vous avez, là, dans le projet de mémoire qu'on vous a déposé, c'est tiré clairement du rapport.

C'est sûr que je vous dirais sans trop me tromper, O.K., que la plupart des établissements, depuis octobre 2016, on a fait passablement de chemin sur ce dossier-là, veux veux pas, pour toutes sortes de raisons et que, dans la plupart des établissements, actuellement, la perspective d'avoir une politique distincte, je ne crois pas qu'elle pose problème, parce qu'on s'est rendu compte... Je veux dire, je peux parler de moi-même comme rectrice, tiens, à l'UQAT. On avait une politique sur le harcèlement qui était intégrée à l'intérieur d'une autre politique, je faisais partie de ces cas, et finalement on a décidé tout simplement de la séparer parce que c'était beaucoup plus simple, plus facile, plus clair, plus transparent. Donc, je vous dirais qu'on est dans cette perspective-là. Donc, on a fait du chemin depuis un an, l'ensemble des établissements.

Mme David : Bien, je vous remercie d'apporter la précision, parce que le mémoire, il est quand même daté d'aujourd'hui, là, et puis il dit bien, à la page 7, que les établissements devraient être autorisés à continuer d'inclure leurs règles sur les violences... Alors, peut-être qu'il y a d'autres éléments aussi où vous avez cheminé. Alors, s'il y en a d'autres, dites-le-nous tout de suite, parce que ça va aller plus vite.

L'encadrement des activités d'accueil, ça, je pense que vous avez la même opinion qu'à l'époque. Et je pense qu'on s'est mal compris, parce que, dans le projet de loi, c'est bien clair que ce n'est pas que sur les campus, c'est toutes les activités régies par les associations étudiantes et/ou les universités soit par contrat, par entente, etc. Je comprends que vous ne voudriez pas être assujettis à une activité. C'est pourtant un peu le contraire de ce qui est dit dans le rapport sur les initiations, là, qu'on a déposé le 21 août, rapport fait par l'organisme Sans oui, c'est non!, qui justement nous suppliait d'inclure les activités hors campus quand c'est régi, entendons-nous bien, là, quand c'est régi par une association étudiante qui elle-même est accréditée par ladite université. Donc, il y a comme une chaîne de commandement. Et j'ai des exemples qui se sont passés à l'automne où c'était très clair que c'était hors campus, mais il y avait un contrat de signé entre l'établissement d'enseignement supérieur, pour ne pas dire l'université, et l'association étudiante, et donc l'association a fait objet d'une enquête et de sanctions.

Donc, je ne comprends pas la différence que vous faites, d'autant plus — puis je rajoute un autre élément pour vous compliquer la vie encore plus — que plusieurs nous ont même suggéré : Faites attention — et j'y suis très sensible — il y a aussi les associations sportives. Les associations sportives, des fois, ça a du fun aussi, et les associations sportives relèvent des universités où elles s'agitent, et agissent, et font du sport, mais elles font d'autres choses, des fois. Alors, ils nous ont dit : S'il vous plaît, pouvez-vous garder un oeil sur ces associations, qui ont quand même, des fois, fait couler un peu d'encre médiatique?

Alors là, je voudrais vous entendre. Est-ce que c'est plus clair? Est-ce qu'on se comprend qu'on ne se comprend pas ou on se comprend vraiment?

Mme Campbell (Angela) : Lorsqu'il y a un lien juridique entre l'université et l'activité ou l'association, là, c'est sûr qu'il y aura une mesure de contrôle qui pourrait être exercée, mais, lorsque c'est complètement indépendant d'une université, il y a vraiment des limites à ce que l'université peut faire. Donc, même si ce n'est pas une activité qui est organisée ou contrôlée par l'université, si on entre dans un contrat avec l'association, c'est sûr qu'à ce moment-là il y aura des contraintes que l'institution pourrait établir, disons, la location des lieux ou bien des permis, ce genre de relation. Mais, s'il n'y a aucune relation juridique qui s'établit entre l'association étudiante et l'université, ça devient presque... pas presque... impossible pour les universités d'avoir aucun contrôle là-dessus. Donc, je pense qu'à ce moment-là il y a, et c'est vraiment important, à réfléchir à ce que les universités peuvent faire en vertu de la relation entre eux et les associations étudiantes.

Mme David : Alors, si je comprends bien, vous nous suggérez fortement que, même pour les activités hors campus, il y ait des ententes prévues entre ladite association et l'université si on veut que ça soit soumis à cette politique.

Mme Campbell (Angela) : Absolument. Des fois, c'est exactement ça qui arrive. Ça dépend, parce qu'il y a plusieurs activités sociales qui arrivent qui n'ont pas lieu sur le campus, mais des fois il y a des conventions qui s'établissent entre l'association et l'université quand même. Mais, lorsque c'est hors campus, ça devient encore plus difficile, parce qu'à ce moment-là il y a vraiment un taux très minime de ce que l'université peut faire parce qu'à ce moment-là il n'y a pas de question de location de lieux, de permis, ou quoi, c'est vraiment séparé de l'institution en telle...

Mme David : Je veux être sûre de bien comprendre, parce que ça a des conséquences importantes. S'il se passe quelque chose de fâcheux, une agression à caractère sexuel pendant une activité d'une association accréditée par vous, par ailleurs, et que l'étudiante... il y a une plainte, il y a un dévoilement, un signalement, avec tout l'accès au guichet dont on parle, etc., alors on met en place la politique, est-ce que ça veut dire que cette étudiante-là ne pourrait pas porter plainte?

Mme Campbell (Angela) : Absolument. En ce qui concerne la plaignante ou la divulgatrice, elle, elle pourra certainement invoquer la politique pour avoir l'accompagnement, le support. En termes de plainte, ça, c'est une autre chose. Chaque université a une définition, dans leurs politiques ou leurs codes de conduite, concernant les étudiants, une définition du terme «contexte universitaire».

Comme, à McGill, nous avons une grande, grande... nous sommes encore en train d'avoir ce débat de ce que ça veut dire, «McGill context», le «contexte universitaire». Il y a beaucoup de débats sur la question de si l'université a une juridiction disciplinaire sur des actes qui arrivent hors du campus, qui impliquent deux ou plusieurs étudiants de notre campus. Donc, on est en train actuellement d'avoir ce débat. On a fait beaucoup de recherches et on voit qu'il y a plusieurs façons dont on pourra dire que, même si l'action ou l'acte arrive à l'extérieur du campus, c'est possible que l'université pourrait avoir une autorité disciplinaire. Mais il faut être certains que nous... C'est très difficile, dès le début, d'imposer des contraintes... et qu'il faut garder la flexibilité, parce que chaque cas sera différent. Et c'est sûr que les contextes vont varier beaucoup. Ça va dépendre de la nature de l'acte, du caractère ou de l'identité des personnes, s'ils sont des étudiantes ou des membres de communauté et quelle est la relation entre les personnes lorsqu'ils sont sur le campus : Est-ce que ce sont deux étudiants qui sont dans la même résidence, dans les mêmes salles de cours, qui fréquentent la même bibliothèque? Alors, ce sont tous des facteurs variables mais qui sont très importants.

Mme David : Je ne suis pas sûre que je vous suis tout le long, là, dans ce que vous dites, mais ce qui m'apparaît sortir de votre réponse, c'est qu'un étudiant qui aurait agressé un autre étudiant, en fait, il n'y aurait jamais d'étude de cas s'il y a vraiment eu une agression ou pas, parce que l'étudiante ne pourrait pas porter plainte parce que ça ne s'est pas passé sur le campus.

Il y a eu plusieurs cas récemment, il y a eu encore des médias autour d'événements hors campus. C'est très important, ce que vous dites là, là. Ça veut dire que, si c'est une activité par une association accréditée par une université — pas un party entre étudiants la veille de Noël, là, je parle d'une activité d'association mais hors campus — où l'étudiant est agressé par un autre étudiant, il peut y avoir un suivi fait, genre psychosocial, pour l'étudiante... admettons que c'est un rapport hommes-femmes, mais que l'étudiante, elle ne pourrait pas porter plainte à l'université, c'est ça, il ne pourrait pas y avoir de sanction, ou de mesure académique, ou des choses comme ça.

• (15 h 40) •

Mme Campbell (Angela) : ...jusqu'à date, c'était le cas, que c'était très difficile pour la plaignante de porter plainte contre l'étudiant, l'auteur présumé de l'acte. Cependant, là, comme je viens de le dire, on parle beaucoup de ce sujet parce qu'on a vu qu'il y a des limites importantes là-dessus. Donc, on a commencé à ouvrir la notion de contexte universitaire, et, lorsqu'il y a deux personnes qui sont impliquées dans une agression — ça pourrait être physique ou sexuel — où il y a un lien qui continue entre ces deux personnes sur le campus, il y a une relation qui continue, c'est possible qu'une plainte pourrait être prise dans le contexte universitaire. Et ça, c'est le cas, même si l'acte n'a pas eu lieu dans le contexte d'une activité d'une association d'étudiants. Ça pourrait même être un acte privé à l'extérieur de l'université.

Donc, on dit que... et je parle seulement de... pas de la position du BCI, de la position de McGill, on est en train maintenant de voir que la définition du contexte universitaire, ça pourrait être trop limité, et là on est train de voir qu'il faudrait peut-être l'ouvrir. Mais, comme j'ai dit, il n'y a pas encore une définition établie, parce que, là, vraiment, actuellement, nous sommes en train de le regarder et de faire des révisions à notre politique concernant le code de conduite des étudiantes.

Mme David : O.K. Merci beaucoup. Je comprends effectivement que vous êtes une grande spécialiste de la question mais que vous parlez aussi un peu au nom de McGill, c'est-à-dire de ce que vous connaissez le plus et le mieux, c'est-à-dire la politique, justement, dont je sais qu'elle est en révision, justement, parce qu'il y a eu des défis par rapport à cette politique-là en lien avec des événements qui ont été hypermédiatisés, etc. Alors, c'est pour ça que c'est si important, ce que vous nous dites. Mais je retiens aussi...

Une voix : ...

Mme David : Attendez un petit peu. Je retiens aussi que vous ne parlez pas au nom du BCI. Donc là, je suis un petit peu embêtée, moi, parce que je comprends que ce n'est pas McGill qu'on reçoit aujourd'hui, c'est le BCI, et la ministre, elle va devoir faire, si possible, plaisir à tout le monde. Et on discute de choses extrêmement sérieuses et lourdes de conséquences. Alors, je sais que McGill est très, très, très investie dans cette question des violences à caractère sexuel puis je n'ose plus vous demander... Vous l'avez dit, de toute façon : Je ne parle pas au nom du BCI, je parle au nom de mon université. Si d'autres veulent répondre par rapport à ça, je suis très, très ouverte. Mme Jean.

Mme Jean (Johanne) : Je veux bien...

Mme David : ...vous donner la parole, mais si vous voulez répondre.

Mme Jean (Johanne) : Je veux bien répondre. D'une part, concernant les activités hors campus, O.K., il faut s'entendre, là, que, quand vous faites référence, Mme la ministre, à la ligne de commandement, une association, une activité accréditée, une autorisation de la part de la direction de l'établissement à dire : Oui, cette activité-là peut se tenir, je ne sais pas, moi, au camp du Lac-à-la-Loutre ou ailleurs, bien, il y a un lien avec l'établissement. Et c'est évident, là, que l'ensemble des règles de conduite, des codes s'appliquent, O.K., et que je vous dirais que, dans l'ensemble des directions d'établissement, là, on s'assure... et on va continuer et on va peut-être même, je dirais, augmenter nos actions pour s'assurer que le tout se déroule de façon convenable. Quand on fait référence, souvent... Il faut faire attention quand on parle des activités hors campus. Si, par exemple, il y a une activité étudiante qui s'organise et pour laquelle la direction n'est pas... où la direction des services aux étudiants, ou autres, n'est pas partie prenante, bien, c'est là que c'est difficile pour une université, si tu n'es même pas au courant que l'activité va avoir lieu, de réagir et de s'assurer que les bonnes règles de conduite vont être respectées. Mais, à partir du moment où il y a une ligne de commandement, que ça se tienne sur le campus ou en dehors du campus, à partir de ce moment-là, on va travailler à ce que le tout se fasse dans le respect des règles.

Concernant la deuxième partie, sur si un étudiant ou une étudiante, face à une agression ou à une violence... veut porter plainte, que ça se fasse, bien sincèrement, à l'intérieur des murs des résidences, ou pendant une activité, ou ailleurs, je pense que les directions d'établissement, on est prêts à recevoir les plaintes, à regarder... Et je vous dirais que, de par mon expérience, c'est comme ça qu'on a géré. Et, ce que je connais du réseau, et je pense que c'est le message qu'on vous envoie, c'est évident que, quand on vous dit qu'on est parfaitement à l'aise avec une politique, une politique distincte et avec des règles avec lesquelles on est prêts à travailler, c'est sûr que ça fait... Les universités ont des tailles diverses, oeuvrent sur des campus et sur des territoires immenses, donc ça pose une problématique. Mais je vous dirais qu'à partir du moment où on a un étudiant, une étudiante qui porte plainte ou qui fait un signalement, bien, il y a toute une chaîne de commandement, dans l'ensemble des universités, qui se met en marche, là, pour qu'on puisse apporter une solution ou tout au moins réagir puis faire un constat puis possiblement une solution en lien avec le constat.

Mme David : O.K. Merci beaucoup. J'ai deux autres courts sujets que je veux aborder. Mon collègue après, le député de D'Arcy-McGee, aura aussi une question.

La Présidente (Mme de Santis) : Il reste quatre minutes.

Mme David : Combien?

La Présidente (Mme de Santis) : Quatre.

Mme David : Aïe, aïe, aïe! Bien, écoutez, la question qui m'a un peu... j'étais un peu jetée à terre quand j'ai vu ça, mais plutôt, peut-être, les étudiants seraient très, très contents, parce que, dans tous les mémoires, ils disent ça, la question de la confidentialité et de la divulgation des sanctions. Alors, encore ce matin, des gens nous parlaient de ça. Une victime, elle, se... une survivante, comme elles disent, disons, d'une violence à caractère sexuel voudrait bien savoir ce qui arrive de son agresseur et pouvoir savoir s'il se promène sur le campus ou pas. Vous avez une position qui est assez claire, qu'il pourrait y avoir divulgation et qu'on pourrait passer outre la question de la confidentialité. Alors, je vous donne mes deux questions. Ça, c'en est une. Je veux vraiment vous entendre là-dessus.

L'autre, c'est les délais. Tout le monde nous dit : Imposer des délais, cinq jours pour prendre connaissance de la plainte, cinq jours pour agir, surtout dans des mesures académiques, changer de groupe, cours, etc., faire quelque chose avec la chambre dans la résidence, bon, pour essayer de faire un accommodement académique et 45 jours, au plus, pour faire un traitement de la plainte, et pas que ça dure un an, deux ans ou 90 jours parce que c'est très long dans la vie d'un étudiant et dans son semestre.

Alors, est-ce que vous pouvez me donner des réponses sur les deux aspects, un ou l'autre?

Mme Campbell (Angela) : Donc, en ce qui concerne la confidentialité, l'aspect que vous venez de mentionner, on voit beaucoup de survivantes sur nos campus qui se sentent très frustrées par le fait qu'ils ne savent pas ce qui arrive lorsqu'ils font une plainte. Ce n'est pas une divulgation, mais une plainte, là, ils portent plainte, et ce n'est pas juste pour la question de support, ils veulent qu'il y ait une démarche disciplinaire qui suive. Nous ne sommes pas en mesure de leur dire carrément rien.

Dans notre politique mais des politiques qui existent partout au Canada, il y a des efforts à faire pour au moins donner des indices, dans le cadre de lois, de ce qu'on peut faire dans les paramètres de loi. Mais on ne peut rien dire par rapport à, comme... s'il y avait eu une audience, les résultats d'une enquête et, s'il y a une audience, une procédure devant un comité de discipline, la décision de ce comité. Et les étudiant, des fois, ils nous disent que c'est tellement frustrant parce qu'on ne voit pas la justice à la fin. On voit que la personne contre qui on a porté plainte, elle est toujours sur le campus, et on ne sait rien, on ne sait même pas s'il y avait eu une enquête. Alors, l'habilité de leur dire, dans le cadre d'une relation de confidentialité, avec la victime ou la survivante elle-même... ou lui-même, de leur dire : Oui, c'est ça qui est arrivé, mais il faut que vous gardiez la confidentialité, vous aussi, parce que c'est vraiment important... Parce que la personne qui était l'auteure de l'acte, elle aussi, elle continue à avoir des droits. Alors, pour cette raison-là, on aimerait avoir la capacité de donner de l'information pertinente aux victimes.

Mme David : Donc, donner de l'information à la victime mais en lui demandant la confidentialité sur la sanction imposée ou lui dire : L'agresseur revient dans deux semaines, il a été suspendu ou tu risques de le revoir. C'est ça que vous proposez, mais que la victime garde la confidentialité. Je veux être sûre que je comprends bien, là.

Mme Campbell (Angela) : C'est bien ça.

Mme David : C'est ça?

Mme Campbell (Angela) : C'est exactement ça.

Mme David : O.K. Puis l'autre aspect, des délais assez prescrits.

Mme Jean (Johanne) : Je vous dirais que, bien, au premier abord, là, c'est sûr qu'idéalement il faut réagir le plus rapidement possible à partir du moment où on a une plainte sur laquelle... on prend connaissance de la plainte, ou un signalement, ou autre...

• (15 h 50) •

La Présidente (Mme de Santis) : Maintenant, c'est au tour de la représentante de l'opposition officielle de prendre la parole. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous trois pour cet exposé et pour venir aujourd'hui en commission parlementaire nous partager vos points de vue sur le projet de loi n° 151. C'est intéressant parce que c'est une perspective un peu différente de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant en consultations particulières.

Puis, puisque vous êtes peut-être de l'autre côté de la table, au niveau des universités, et de celle des associations étudiantes, j'aimerais peut-être que vous puissiez nous dresser un portrait de ce qui se fait actuellement dans les universités. Vous avez parlé, par exemple, du cas de McGill. Quelles sont les politiques, actuellement, qui sont en application? Est-ce qu'il existe aussi des codes de conduite qui sont déjà en vigueur dans certaines universités? Est-ce que vous pouvez nous dresser, là, un portrait de ça?

Mme Jean (Johanne) : Bien, je vous dirais que, dans l'ensemble des universités, il y a... En tout cas, comme je le mentionnais un petit peu en entrée de jeu, c'est sûr que les établissements d'enseignement universitaire, au cours des deux dernières années, on a vraiment réfléchi à cette question-là. Il est arrivé plein d'événements qui nous ont guidés, si je peux dire. Donc, je vous dirais que l'ensemble des établissements ont réagi. On a réagi collectivement, vous l'avez vu, avec le dépôt du rapport qu'on a fait l'automne dernier, en 2016.

Cependant, depuis ce temps-là, je vous dirais que l'ensemble des établissements, dans chacun des environnements, on a mis en marche des travaux pour revoir nos politiques. C'est sûr qu'on a tous des politiques d'éthique, des codes de conduite, des politiques sur le harcèlement, des politiques sur la civilité. Dans certains établissements, la politique sur le harcèlement incluait la civilité, le harcèlement psychologique et le harcèlement sexuel. C'est ce que je vous disais. Au cours de la dernière année, la plupart des établissements ont fait... n'ont pas terminé le travail. Ils sont en train, là... certains ont terminé, d'autres sont en train de terminer le travail pour vraiment séparer l'ensemble de ces éléments-là et s'assurer qu'on a une politique sur le harcèlement sexuel, qu'elle s'appelle... qu'on le voit dans le titre et que l'ensemble des étudiants et étudiantes qui fréquentent l'établissement peuvent prendre connaissance rapidement ce cette politique-là. Donc, ce travail-là est actuellement en cours dans l'ensemble des établissements au Québec, là. Et à ça c'est sûr que ça nous oblige à revoir... Veux veux pas, à partir du moment où on crée une politique explicitement sur le harcèlement sexuel, bien, ça nous oblige à revoir nos politiques d'éthique, nos codes de conduite et les politiques sur la divulgation d'actes répréhensibles, etc. Donc, on est aussi, en même temps, à ajuster l'ensemble de nos autres politiques pour pouvoir la rendre vivante et opérante.

M. Bédard (Claude) : Si vous me permettez...

Mme Fournier : Oui, tout à fait.

M. Bédard (Claude) : ...une observation. Si nous reculons de deux ans, il y avait probablement quelques manques, dans certains établissements, sur certaines de ces questions-là. Toutes les universités ont des codes de conduite, des instances auxquelles on peut se référer lorsqu'il y a un manquement, etc. Maintenant, spécifiquement pour les violences à caractère sexuel, il y a deux ans, ça n'existait pas chez quelques institutions. Ce n'est plus le cas maintenant. Alors, ça, je peux en témoigner. Et tout le monde a progressé, comme a dit ma collègue, énormément et très rapidement sur ce front-là au cours des deux dernières années. Alors, encore une fois, ce sont des cas de figure, ce n'est pas fait de la même manière dans toutes les institutions.

On parlait, tout à l'heure, d'un code sur les conflits d'intérêts. Alors, dans certains cas, clairement, les relations amoureuses, c'est traité de cette manière. Dans d'autres cas, on est en train d'apprendre, mais tout le monde est en train de le faire, là.

Mme Fournier : Très bien. Merci. Justement, si je peux rebondir sur ce que vous venez de dire, vous dites : Bon, ça dépend des établissements, il y en a qui vont choisir d'appliquer telle mesure, d'autres qui vont choisir, par exemple, l'interdiction totale ou partielle, par exemple, des relations intimes entre les étudiants et les professeurs.

Mais est-ce que ça ne démontre pas justement une certaine limite, le fait que vous admettez qu'au fond le niveau de protection n'est pas le même nécessairement selon les universités? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Bédard (Claude) : À ma connaissance... et puis je ne peux pas être parfaitement, parfaitement catégorique là-dessus, mais, à ma connaissance, il n'y a pas d'université, à l'heure actuelle, qui interdit complètement les relations intimes, au Québec, en ce moment. On sait que ça existe dans d'autres juridictions, il y a de grandes universités américaines qui le font, mais il n'y a pas d'université québécoise, à ma connaissance, qui a pris cette position-là.

Mme Fournier : Non, vous avez raison. Je parlais peut-être plus des dispositions particulières dans chacune des politiques. Donc, vous, de ce que j'ai compris de votre présentation, vous ne croyez pas que c'est nécessaire que, par exemple, des politiques soient généralisées, là, à l'ensemble du Québec. Vous dites plutôt que ce serait à chaque établissement d'établir, par exemple, ses propres mesures.

Est-ce que vous pouvez nous expliquer plus en détail pourquoi? Parce que, par exemple, il m'apparaît assez justifié de la part des associations étudiantes de se questionner justement sur le niveau de protection, qui pourrait peut-être varier selon les établissements d'enseignement.

Mme Jean (Johanne) : Je vous dirais que, je le rementionne à nouveau, depuis les deux dernières années, les dirigeants d'établissement universitaire ont vraiment cheminé grandement sur cette question-là. Et, quand vous faites référence à, par exemple, être en mesure de réagir adéquatement, O.K., s'il y a un signalement, s'il y a une agression, etc., je pense qu'une grande partie de... je ne pense pas, je suis certaine qu'une grande partie des établissements d'enseignement universitaire au Québec, actuellement, si ce n'était pas déjà présent dans les établissements... Plus particulièrement, dans les grands établissements, c'était déjà présent. Dans des plus petits établissements, ce n'était pas présent. Mais on est déjà en train de travailler ou de mettre en place des mesures de prévention, notamment, à tous les niveaux, dans tous les secteurs, sur... si on est un établissement avec des campus répartis sur un territoire immense ou plus petit, bien, qu'il y ait des points de tombée, je vous dirais, ou des points de rencontre, ou, tout au moins, des employés, parmi nos employés, qui sont capables de réagir, d'accueillir favorablement... s'il y a un signalement ou s'il y a une agression ou une plainte. Donc, à partir de ce moment-là, les machines se mettent en marche.

Et, je vous dirais, dans l'ensemble des établissements universitaires, on a développé, au cours des deux dernières années, tous ces mécanismes-là. Peut-être pas, comme Claude le mentionne, tout le monde en même temps, pas tout le monde égal, mais tout le monde en marche afin de s'assurer que... Vous savez, les dirigeants d'établissement, là, c'est sûr que tout ce qu'on souhaite, c'est qu'il n'y en ait plus, d'agression, O.K., c'est clair, et qu'on est prêts à mettre sur place les mesures qu'il faut pour qu'il n'y en ait plus, d'agression, qu'il n'y ait plus de violence sexuelle dans nos établissements, dans nos résidences ou au moment où on fait des activités d'accueil. C'est sûr et certain qu'on partage là-dessus le même objectif, mais on le fait de façon... Je veux dire, les mises en place de nos moyens, des systèmes, des outils, des politiques, des conventions peuvent varier, elles vont à vitesse variable dans les établissements, mais je peux vous dire que, si on se compare à il y a deux ans, à maintenant, il y a vraiment beaucoup de chemin qui a été franchi dans l'ensemble des établissements universitaires au Québec et qu'on protège mieux qu'on protégeait. Ça, j'en suis certaine.

Mme Fournier : Donc, tout à fait, on partage cette même préoccupation, puis je sais bien qu'on fait du chemin, tout ça, mais il demeure quand même des préoccupations, notamment, au niveau, par exemple, des comités disciplinaires. On sait que, par exemple, dans certains établissements, les étudiants n'ont pas nécessairement un siège réservé sur ces comités. Donc ça, est-ce que c'est quelque chose que vous pourriez être ouverts à faire et à inscrire même peut-être dans la loi, le fait qu'il puisse y avoir des places réservées aux étudiants pour que l'ensemble de la communauté soit bien représenté dans ces instances?

Mme Jean (Johanne) : Je vous dirais, là, on fait appel aux modes de gestion interne des établissements, qui sont très différents, là, dans l'ensemble des établissements. Donc, sur cette question-là, je vais vous avouer que je n'oserais pas répondre pour l'ensemble des établissements, sincèrement, parce que, là, il y a déjà des pratiques, des politiques qui sont différentes dans les établissements. Et c'est pour ça que tout cet aménagement-là se fait à vitesse variable, là, mais quand même dans le même objectif. Je ne sais pas si, Angela, tu as...

Mme Campbell (Angela) : Juste peut-être aussi le mentionner, que les procédures disciplinaires concernant les personnes qui sont des employés d'une université sont gérées principalement par les conventions collectives. Alors, il faut être assuré qu'il y a un certain degré de flexibilité, parce que, s'il y a des conventions collectives qui sont en place, il faudrait les renégocier s'il y a un changement aussi large que ça. Ça se peut que ça pourrait être... c'est faisable, et, en principe, je comprends pourquoi les étudiants voudront ce genre de mécanisme.

Mais, en même temps, la faisabilité de ce genre d'étape, ça pourrait être... mais je pense que vraiment, là, c'est une question plutôt pour les associations de professeurs et de cadres de l'université.

• (16 heures) •

Mme Fournier : Si je vous ramène au fameux encadrement, donc, des relations intimes entre les professeurs ou les personnes ayant une relation d'influence ou d'autorité avec les étudiants... tantôt, Mme Campbell, vous avez dit que ça pourrait se faire un peu à la même façon que la déclaration d'un conflit d'intérêts. Donc, quand il y a une nouvelle relation, on déclare le conflit d'intérêts, puis, à ce moment-là, la personne qui est sous autorité pourrait changer de personne avec qui elle va, donc, travailler, par exemple, pour un cours, j'imagine.

J'aimerais ça savoir spécifiquement qu'est-ce qui va arriver. Par exemple, si une étudiante a une relation avec son professeur, qu'elle décide de la déclarer, est-ce qu'ensuite l'étudiante est changée de cours? Est-ce que, par exemple, si c'est un directeur de recherche, elle doit changer de directeur de recherche? Comment ça fonctionne dans le concret?

Mme Campbell (Angela) : Dans le concret, ce n'est pas l'étudiante qui doit dévoiler... c'est le prof parce que l'obligation d'éviter les conflits d'intérêts, ça appartient... l'obligation, c'est l'obligation du prof parce que c'est lui ou elle qui est dans la position d'autorité ou de pouvoir. Comme j'avais dit tout à l'heure, c'est à éviter, mais je sais que des fois ça arrive. Si on ne veut pas qu'on aille dans cette direction, l'option, c'est une interdiction complète ou bien de dire que, lorsqu'une personne dirige une étudiante ou est instructeur d'un étudiant, durant cette période d'instruction, c'est impossible ou que c'est interdit d'avoir une relation intime avec les étudiants sur qui on a une certaine autorité ou pouvoir.

Pour ma part, je ne suis pas certaine qu'on veut, en société québécoise, aller dans cette direction-là. Je ne suis pas sûre si ce genre de principe est même en conformité avec la charte québécoise, parce qu'il y a des implications très larges pour la vie privée des personnes adultes. Alors, dans le concret, actuellement, ce qui arrive, si on traite ça par la voie de conflits d'intérêts, c'est l'obligation. C'est à la personne en autorité, donc le professeur, de dévoiler la situation et d'essayer de la gérer pour que les effets nuisibles soient les plus minimes possible pour l'étudiante. La réalité, c'est que, des fois, c'est difficile pour les étudiantes. Disons que c'est un prof, un directeur de thèse, et lui, il est spécialiste dans le sujet que suit l'étudiante. Ça va être difficile pour elle de trouver un autre directeur de thèse. On connaît ça. Et ça, c'est un fait, c'est un vrai défi pour nous. Alors, le choix, c'est de juste être aveugle à ça et de continuer, ce qu'on ne peut pas faire, mais on essaie de changer le directeur de thèse pour que les effets néfastes soient le moins que possible. Et ça arrive, des fois. On change de superviseur assez souvent pour d'autres raisons à part de celle-là.

Mme Fournier : Mais, en même temps, la préoccupation est au niveau de la définition de «consentement» puis du fait que, dès qu'il y a une relation d'autorité, je crois que le consentement peut être vicié puis que la relation peut devenir une relation davantage de domination, comme l'ont dit les différents groupes.

Mais, si je peux me permettre de poser une dernière question avant que ça termine, donc, je me demandais... Considérant les couples que vous avez eus dans les universités dans les dernières années puis le fait qu'il y a plusieurs universités qui sont en train encore d'éponger les déficits puis qu'il y a quand même plusieurs mesures qui sont comprises dans le projet de loi, est-ce que vous considérez qu'actuellement les universités ont les ressources nécessaires pour faire appliquer, par exemple, les différentes dispositions qui sont contenues actuellement dans le projet de loi?

Mme Jean (Johanne) : Bon. C'est sûr qu'avec plus de ressources on va en faire plus. Mais, je l'ai mentionné tantôt, dans le contexte dans lequel on est, dans le contexte dans lequel on a été au cours des dernières années, les universités, je pense, ont fait beaucoup pour faire avancer cette question-là. On la trouve importante. On a fait beaucoup et on va continuer à agir dans cette même perspective-là. Mais c'est sûr que, s'il y a plus de ressources financières, nécessairement, ça peut nous permettre peut-être d'avoir plus de ressources humaines pour mettre plus de services. Ça, c'est, je veux dire, une équation qui balance, évidemment, mais ça ne nous a pas empêchés, jusqu'à maintenant, d'agir en conséquence.

La Présidente (Mme de Santis) : ...Mme Jean. Maintenant, c'est le représentant du deuxième groupe de l'opposition, M. le député de Chambly.

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Merci pour vos présentations. Mais j'ai peu de minutes, ça fait que je vais aller droit au but.

À la page 7 de votre mémoire, vous parlez de l'encadrement des activités sociales ou d'accueil, et, bon, ça dit, à un moment donné : «...les associations étudiantes sont des entités juridiques distinctes des universités.» Donc, je comprends que vous avez parlé tantôt d'une espèce de chaîne de commandement. Il y a quand même des choses que vous pouvez faire, des choses que vous ne pouvez pas faire. Une université ne peut pas être responsable de tout ce qui se passe dans une activité organisée par les associations étudiantes. Je pense que l'esprit de la loi, c'est plus de savoir... ou de garantir le fait qu'un étudiant qui aurait été victime d'une agression ou d'une violence sexuelle, peu importe où, il peut porter plainte. C'est ce que je comprends. On comprend la même chose? Juste pour être sûr.

Mme Jean (Johanne) : Tout à fait. Un étudiant ou une étudiante qui est victime d'une agression peut signaler son agression, peut porter plainte.

M. Roberge : C'est ça. Il ne peut pas poursuivre l'université, mais, dans son idée, le bureau des plaintes est là, puis la plainte pourrait être accueillie, pourrait être traitée. Cet étudiant, qu'on dit...

Mme Jean (Johanne) : Dirigé vers des services spécialisés ou conseillé d'aller à la police.

M. Roberge : Là où je pose la question... Donc, ça, c'est assez clair, c'était évident, mais je voulais juste vous l'entendre dire pour être certain qu'on a la même compréhension.

Maintenant arrive la question des sanctions. Donc, s'il arrive quelque chose, justement, une sanction... ou, pour préserver le droit, disons, de l'étudiant qui est victime, qu'on peut qualifier de survivant dans certains égards, même si ça se passe dans un bar, ce n'est même pas dans le cadre d'une association, là, c'est un bar pas très loin, il y a une agression, une violence quelconque, l'étudiant ou l'étudiante victime revient puis dit : Moi, je ne veux plus être dans le même groupe que cet étudiant-là, à chaque fois que je le croise, je ne me sens pas bien, dans ce contexte-là, est-ce que c'est possible, dans notre cadre juridique, de dire, bien, à la victime : Oui, on va s'arranger pour changer l'autre de groupe pour être sûr que tu ne le recroises pas? Est-ce que c'est possible, ça?

Mme Campbell (Angela) : J'ai essayé d'expliquer ça tout à l'heure en répondant à Mme la ministre. Les universités ont eu des défis réels en vertu de ce genre de question, parce que la question de notre juridiction, ce n'est pas clair dans ces situations-là, en vue du fait que ce sont des incidences qui arrivent à l'extérieur du contexte universitaire. Donc, ce qu'on est en train de faire, et ce n'est pas juste une université, c'est la plupart des universités, c'est essayer d'avoir un concept élargi de ce que c'est, le contexte universitaire, pas seulement pour le support et l'accommodement de la personne qui porte plainte, mais aussi pour des questions de sanction disciplinaire.

Alors, s'il y a une incidence qui arrive à l'extérieur de l'université et que, lundi matin, ils sont dans la même salle de cours, est-ce que la personne qui porte plainte peut arriver à une personne en autorité en demandant qu'elle veut que l'autre personne change de section de ce cours, disons, ou bien change de résidence? Et là c'est difficile, mais, si la personne... Maintenant, ce que beaucoup d'universités sont en train de faire, c'est de dire : Oui, c'est possible, mais ce n'est pas juste une question de divulgation, il faut porter plainte. Il faut que la personne contre qui il y a une allégation d'un acte... il faut que lui, il sache la nature de la plainte, parce que sinon il y a des questions d'équité procédurale très importantes. Alors, ce n'est pas juste une question de divulgation et une personne qui a besoin d'appui, support, accommodement. Ça, c'est une chose. Là, il n'y a pas de question d'équité procédurale, parce que, là, nous ne sommes pas dans un contexte d'étape administrative. Mais, lorsqu'on demande un changement de cours ou de quelque chose pour la personne qui répond à une plainte, là il faut faire vraiment attention parce que, là, il y a des enjeux juridiques assez larges. Mais, oui, c'est possible, oui.

M. Roberge : Juste pour clarifier, parce qu'il y a signalement... Puis vous le précisez à la fin du mémoire, je pense que vous nous suggérez même de la définir dans le projet de loi, là, ou dans ce qui sera une loi, la nuance entre le signalement et la plainte, et il y aurait peut-être un troisième niveau, qui serait une plainte au niveau judiciaire. Mais ce dont vous parlez en ce moment, de faire une espèce d'accommodement, de dire : Bien là, la personne qui se sent mal, qui a été victime demande à ce que l'autre présumé agresseur ne soit plus dans le même cours, est-ce que ça pourrait se faire? Vous me dites : Un signalement, ça ne serait pas suffisant, un signalement, on peut donner de l'aide. Par contre, si tu demandes un accommodement ou tu demandes de ne plus croiser l'élève, l'autre étudiant, ça prendrait une plainte, mais pas une plainte au niveau criminel, une plainte à l'interne. Ça serait suffisant dans ce cas-ci. J'essaie juste de distinguer les trois niveaux, là.

• (16 h 10) •

Mme Campbell (Angela) : Oui. On ne parle pas de contexte extra-universitaire, juste intra-universitaire. Il y a divulgation, plainte, et, si la personne porte plainte à l'intérieur de l'université, ça suffira pour avoir des procédures... Je ne crois pas, le changement de cours, c'est une procédure disciplinaire. Ça, c'est plutôt administratif. Pour ma part, ce n'est pas une punition, mais, en même temps, c'est un changement qui a des implications pour la réputation de la personne qui va changer son cours ou sa résidence. Alors, pour ma part, il faut absolument qu'il sache qu'il y a eu une plainte contre lui et il faut qu'il sache aussi quelques détails de ce genre de plainte.

Mme Jean (Johanne) : Et, s'il y a une sanction, dans le sens où... qui n'est pas une procédure administrative, bien, il faut qu'il y ait eu plainte, là, tu sais, pour qu'on puisse se rendre à une sanction qui n'est pas une procédure administrative.

M. Roberge : Et, si on veut se rendre jusqu'à une procédure administrative ou sanction, là, on va dire «soit changer de résidence» ou «soit peut-être suspendre ou exclure», d'après vous, ça peut se faire raisonnablement dans quel laps de temps, à peu près?

Mme Jean (Johanne) : Bien, suspendre ou exclure, là, ça, ce n'est pas juste administratif, c'est une sanction, là, au sens... Je veux dire, quand on prend les règlements des universités, quand on suspend ou qu'on exclut, c'est vraiment une sanction. C'est une sanction suite à une plainte qui a... puis, la plainte, il a fallu la documenter et rencontrer des gens pour décider d'apposer une sanction, qui est l'exclusion ou la suspension. Donc, ça, c'est vraiment une sanction.

Mme Campbell (Angela) : Juste pour être très concrète. Ça peut arriver dans quelques heures. Disons qu'il y a une plainte mardi ou lundi matin. Ça se peut qu'il y a une sanction qui s'impose assez vite parce qu'on a des mesures intermédiaires qui peuvent être imposées aussi.

M. Roberge : O.K. Bon, ça me rassure, parce que sur la durée... je voulais avoir votre impression sur la durée, vous me dites «quelques heures». Bon, ça veut dire que vous êtes assez agiles, les administrations universitaires, pour réagir rapidement. C'est ce que je voulais, mais je me demandais si c'est ce que vous alliez me dire.

Ensuite, d'autres intervenants avant vous ont parlé de distinguer deux choses. Donc, il y aurait une politique puis il y aurait un plan d'action. Est-ce que, pour vous, ce serait intéressant, pertinent que, dans la loi, on précise : Bien, on doit établir une politique, ensuite un plan d'action, avec des échéanciers différents? Vous voyez ça tout dans un paquet? Parce qu'en ce moment le projet de loi ne fait pas cette nuance.

Mme Jean (Johanne) : Quand vous faites référence à un plan d'action, c'est de pouvoir mettre en oeuvre le... dans le fond, c'est un plan d'action pour mettre en oeuvre la loi. Oui, ça peut... mais, comme je le mentionne, je veux dire, on n'est pas surpris de voir arriver ce projet de loi là, d'une part. Je veux dire, on en a discuté régulièrement, on l'a réfléchi. Donc, je vous dirais qu'on est déjà... en tout cas, les établissements d'enseignement universitaire sont déjà en démarche depuis un bout de temps. Un plan d'action, c'est... Bien, je pense que le plan d'action serait collé à chacun des établissements, finalement. Il faudrait que chacun des établissements prépare un plan d'action en lien avec les actions qu'ils ont déjà réalisées au cours des derniers mois, des dernières années sur cette question-là, là, pour pouvoir arriver à une mise en oeuvre adéquate du projet de loi n° 151, advenant qu'il soit adopté tel quel, là.

M. Roberge : Oui. Il me reste quelques secondes. J'en pose une dernière. Ici, on dit que les établissements devraient adopter leurs politiques avant le 1er septembre 2019. Beaucoup nous ont dit que c'était un peu loin. D'après vous, est-ce que c'est possible de le faire plus tôt? Si on adopte ce projet de loi avant Noël, est-ce qu'on pourrait viser le 1er janvier 2019? Est-ce que c'est raisonnable, pour vous?

Mme Campbell (Angela) : Je pense que le 1er septembre 2019, c'est assez court, pour nous. Je sais que la vie d'un étudiant est assez courte, alors les étudiants veulent que les choses passent beaucoup plus vite, des fois, qu'il est possible. Mais, pour nous, nous sommes d'avis qu'un délai jusqu'à septembre 2019 sera parfait... peut-être pas parfait, mais on aura besoin de temps pour que ça se fasse bien.

Mme Jean (Johanne) : Ça va nous permettre d'ajuster l'ensemble de nos politiques dans l'ensemble des établissements.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, Mme Jean, Mme Campbell, M. Bédard. Nous apprécions énormément votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de l'Association pour la voix étudiante au Québec de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 15)

(Reprise à 16 h 18)

La Présidente (Mme de Santis) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association pour la voix étudiante au Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et ensuite nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à procéder à votre exposé. Allez-y.

Association pour la voix étudiante au Québec (AVEQ)

Mme Argilès (Perrine) : Bonjour à toutes et à tous. Merci beaucoup pour l'invitation à cette consultation sur le projet de loi n° 151, visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur du Québec.

Je suis Perrine Argilès, responsable de la coordination générale de l'AVEQ. Permettez-moi de présenter, à ma gauche, Häxan Bondu, responsable aux affaires sociopolitiques de l'AVEQ; Sophia Sahrane, responsable aux affaires pédagogiques et à la recherche de l'AVEQ; ainsi que Caitlin Salvini, coordinatrice de la campagne À notre tour, Our Turn. Nous avons en accompagnement, pour l'aider à la traduction, Connor.

L'Association pour la voix étudiante au Québec est une association étudiante nationale qui travaille à représenter toute la communauté étudiante universitaire du Québec en veillant particulièrement à unifier et répondre aux besoins des étudiantes et étudiants anglophones et francophones autant dans les régions que dans les grands centres. Nous nous engageons à défendre et à élever la voix de ces 47 000 étudiantes et étudiants qui ont souvent été sous-représentés, en reconnaissance des luttes particulières auxquelles font face les personnes marginalisées et de la vaste gamme des réalités et des défis vécus par nos membres. Notre travail est constamment imbibé des réalités des différents groupes afin de sensibiliser et de modifier... de mobiliser, pardon, les étudiantes et étudiants que nous représentons sur ces enjeux d'antioppression, avec, pour mot d'ordre, l'approche intersectionnelle.

• (16 h 20) •

En ce qui concerne les consultations gouvernementales qui ont mené à la rédaction de ce projet de loi ainsi que la création de la stratégie de lutte contre les violences sexuelles dans les établissements, nous avons été actifs de diverses façons avant, pendant et après le processus.

Premièrement, nous avons participé à des tables rondes pour préparer la consultation à la fois avec des associations étudiantes axées davantage sur la représentation politique ainsi qu'avec des organisateurs locaux plus centrés sur la mobilisation. En plus de consulter nos associations et de soumettre notre propre mémoire, nous avons également participé à des événements pour recueillir les commentaires et fournir de l'information directement aux étudiantes afin de les aider à mieux se préparer aux consultations. Bien sûr, nous étions également présentes et activement engagées aux cinq journées de réflexion à travers le Québec. Nous avons ainsi pu participer au développement du processus sur plusieurs semaines. Après les consultations, nous avons collaboré avec 10 autres associations et groupes communautaires pour réfléchir au processus et, ensemble, nous avons publié une lettre ouverte décrivant de manière proactive les prochaines étapes nécessaires.

Plus récemment, nous avons participé à l'élaboration d'un plan d'action, À notre tour, un projet qui couvre la prévention, le soutien aux survivantes et les revendications concernant les politiques sur cet enjeu. Nous avons été en mesure de recueillir et de fournir des commentaires pour assurer la pertinence de l'initiative auprès de multiples associations étudiantes ayant des contextes différents pour améliorer l'utilité du projet et pour rendre compte plus efficacement des principes d'intersectionnalité. Le plan de recherche et d'action fourni par À notre tour pourrait être extrêmement utile aux institutions cherchant à mettre en oeuvre une nouvelle politique ou à améliorer une politique existante.

Je vais à présent laisser la parole à ma collègue Sophia, qui va vous présenter nos recommandations ainsi que notre analyse critique face à ce projet de loi.

Mme Sahrane (Sophia) : Bonjour à toutes et à tous. Donc, je vais vous expliquer nos trois axes principaux pour nos critiques et recommandations.

Le premier est le manque de clarté et de lignes directives. Les éléments prescrits par le chapitre II du projet de loi n° 151 manquent de clarté et de lignes directives, et nous pensons que cela reflète grandement le manque d'inclusion des groupes les plus affectés par cet enjeu lors des consultations, car ils possèdent les expériences et connaissances requises pour bien informer ce projet de loi. Les éléments tels que les sanctions, les mesures de prévention et de sensibilisation, les activités de formation obligatoires, les mesures de sécurité et les modalités applicables pour formuler une demande de plainte, particulièrement, devraient être établis. Je dis «particulièrement», considérant que, par exemple, l'Université Concordia, présentement, ont développé une politique de prévention des violences à caractère sexuel mais sont présentement en procédure judiciaire suite à une mauvaise gestion de cinq plaintes relatives à des actes de violence sexuelle. Et gardons en tête que ces cinq plaintes sont les seules... personnes survivantes qui sont acceptées dans ce genre de poursuite collective. Il n'y a aucun moyen de savoir combien de plaintes ont été mal gérées.

La loi aussi semble se concentrer sur la dissuasion et la réprimande des actes de violence sexuelle mais ne remplit pas son rôle de prévention. La loi et les éléments prescrits devraient établir une multiplicité de mesures de prévention, car cette situation va créer des variations de ces politiques quant... aux délais d'intervention, les ressources, les services offerts et les sanctions adoptées.

Ce qui nous mène aux trois premières recommandations de l'AVEQ, la première étant le développement de lignes directives... directrices, pardon, des différents éléments prescrits pour le développement d'une politique sur la prévention et la lutte contre les violences sexuelles ainsi qu'un lexique de définitions dans la politique. De plus, nous recommandons la création d'un bureau indépendant des établissements d'enseignement supérieur... de services et de plaintes pour les cas de violence sexuelle dans chaque établissement d'enseignement supérieur. Nous recommandons aussi la création d'un comité de travail, dans chaque établissement d'enseignement supérieur, qui travaillera sur la politique de prévention des violences sexuelles. Ce comité devra être composé d'étudiants et étudiantes, d'associations étudiantes, de groupes communautaires oeuvrant avec et pour des survivantes, de professeurs, employés et dirigeantes, dirigeants.

Le deuxième axe est l'inclusivité. Donc, le projet de loi n° 151 n'aborde pas l'enjeu lié aux différentes réalités des personnes les plus touchées et à risque de subir des actes de violence à caractère sexuel. Alors qu'une femme nord-américaine sur quatre vit une situation de violence à caractère sexuel, 57 % des femmes autochtones ont subi un ou des actes de violence à caractère sexuel dans leur vie. Plus de 80 % des femmes vivant en situation de handicap subiront un ou des actes de violence à caractère sexuel au cours de leur vie. Les jeunes femmes racisées, les personnes trans et non binaires, sans oublier les personnes ayant une multiplicité de ces identités, sont disproportionnellement affectées par les violences à caractère sexuel et, en plus, elles ont moins accès aux ressources de soutien suite à l'agression.

Les établissements des régions. Les établissements d'enseignement supérieur des régions sont aussi en situation précaire à cause de l'insuffisance de financement et des mesures d'austérité. Prenons, par exemple, l'UQAC, l'Université du Québec à Chicoutimi, qui, présentement, ont une psychologue et une travailleuse sociale à temps partiel, ce qui n'est pas une ressource qui est acceptable pour le nombre d'étudiants et pour le nombre de cas de violence sexuelle et d'autres enjeux de santé mentale, par exemple.

L'AVEQ recommande donc que chaque établissement d'enseignement supérieur, avant la rédaction d'une politique de prévention et de lutte contre les violences à caractère sexuel, entreprenne une révision des ressources déjà offertes, une analyse de besoins basée sur les différentes réalités identitaires des membres de l'établissement, telles les personnes en situation de handicap, les personnes autochtones, les personnes racisées, les personnes issues de communautés LGBTQIA+ ainsi que les personnes issues de multiplicité de ces identités. Ceci assurera que la politique reflétera la réalité et les besoins de chaque campus. C'est aussi très pertinent, surtout après la présentation qu'on vient d'avoir, que les politiques préexistantes soient révisées pour qu'elles s'alignent avec les nouvelles politiques adoptées en relation avec le projet de loi n° 151 pour assurer une uniformité de traitement des cas de violence sexuelle. Ces politiques incluent les conventions collectives, des documents qui ont, jusqu'à maintenant, empêché la poursuite de plaintes étudiantes envers un membre syndiqué des établissements d'enseignement supérieur. Je vous donne... par exemple — plus tôt, ça a été mentionné, justement — de laisser les étudiants faire part des comités disciplinaires. Vous avez demandé si ce serait possible. C'est impossible. Un comité disciplinaire implique que la plainte continue. En tant qu'avocate étudiante à Concordia, pendant seulement six mois, j'ai vu environ cinq cas de harcèlement ou d'agression sexuelle par des membres syndiqués des universités. Aucune d'entre elles ne s'est passée en une plainte, car elles sont révisées par les syndicats.

Je veux aussi mentionner l'exclusion de la police comme ressource externe dans la politique développée, car, considérant que moins de 20 % des agressions sexuelles sont rapportées aux autorités, que la grande majorité des agressions rapportées implique exclusivement la pénétration, que rapporter une agression à la police n'est pas nécessairement une option que des survivantes veulent prendre — soulignons le scandale de Val-d'Or impliquant les policiers et des jeunes femmes autochtones — l'AVEQ recommande de retirer la police comme ressource externe pour prioriser les groupes communautaires.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme David : Oui. Merci beaucoup. Quelques questions, et mon collègue en aura aussi... le député de D'Arcy-McGee.

Alors, merci beaucoup d'être ici. Merci d'avoir pris la peine d'écrire un mémoire et d'apporter, je dirais... de porter à notre attention plusieurs éléments, y compris des éléments de vécu, je pense, dans vos positions respectives. Et peut-être que je profiterai de votre expertise pour vous faire parler un peu plus. Je sais que 10 minutes, ce n'est pas long. Donc là, on a un peu plus de temps ensemble, on a un gros 23 minutes, mais les collègues en ont aussi. Donc, tous ensemble, on réussit à faire, je pense, un beau portrait de vos positions.

Une des choses... à la recommandation 2.3, vous recommandez la question des échéanciers clairs et précis quant aux suivis qui doivent être donnés et aux actions qui doivent être prises par l'établissement d'enseignement supérieur. Alors, on parle évidemment d'échéanciers par rapport à un dévoilement ou à une plainte, que les choses puissent se passer dans des délais clairs et précis et que le suivi qui doit être donné aux plaintes, signalements, renseignements doit être effectué à l'intérieur de 48 heures, bien, du signalement ou des renseignements reçus, puis qu'il doit y avoir évidemment des accommodements de type académique dans l'immédiat.

Ma question est peut-être naïve, mais, puisque vous êtes dans le milieu, vous connaissez un peu la situation. Certaines associations étudiantes sont allées à cinq jours pour des accommodements académiques, vous allez à 48 heures, d'autres ne l'ont pas précisé. Alors, que nous vaut ce 48 heures, dans votre cas? Est-ce que c'est l'expérience qui témoigne de ce délai?

• (16 h 30) •

Mme Sahrane (Sophia) : En fait, il faut prendre en compte que le dépôt d'une plainte ou de dévoilement ne veut pas nécessairement dire que l'agression vient juste d'arriver. Donc, ça, c'est un laps de temps dans lequel les survivantes n'ont pas nécessairement eu accès à des ressources, eu accès à de l'aide, ont dû côtoyer justement leurs agresseurs. Donc, on veut s'assurer que, dès lors que les personnes survivantes soient prêtes à prendre ce premier pas là, cette première étape de guérison et de réappropriation de leur espace, elles aient toutes les ressources et l'aide dont elles ont besoin à leur service et que ce soit effectué d'une façon très rapide.

Mme David : Est-ce qu'on peut profiter justement de votre expérience? Parce que j'ai noté que vous aviez mentionné des embûches. Dans l'université où vous travaillez, donc, vous les vivez en tant qu'intervenante, je crois, en même temps, juriste... je n'ai pas compris exactement, étudiante et intervenante ou étudiante et juriste, je ne sais plus, mais vous pouvez le clarifier puis peut-être nous parler un peu plus de ce vécu concret dans une université sans être nominative. Vous avez aussi parlé d'une sorte de recours collectif, si je comprends bien. Donc, on ne parle pas de ça, puisque, par définition, c'est judiciarisé.

Mais vous sembliez faire référence à du vécu dans le processus qui pourrait être amélioré. Pouvez-vous expliquer un peu?

Mme Sahrane (Sophia) : Oui. Bien sûr. Donc, en fait, c'est un emploi que j'avais il y a deux ans. J'étais, à l'Université Concordia, une «advocate», donc une avocate étudiante. Donc, je représentais, justement, les étudiants devant les tribunaux ou bien je les appuyais dans les plaintes, peu importent les plaintes que les étudiantes et étudiants posaient ou recevaient. Et mon expérience avec les personnes survivantes est une expérience qui est «horrible», c'est juste le mot qu'il faut utiliser, qui est absolument horrible. Elles sont laissées à elles-mêmes.

Il y a certaines ressources surtout du côté communautaire mais pas du côté de l'établissement, et ces ressources-là ne sont pas accessibles à tout le monde. Donc, c'est un processus qui est très long, qui est très émotionnel, qui est très exigeant de différents aspects pour l'étudiante ou l'étudiant. Donc, moi, je l'ai vu plus d'un côté institutionnel, donc j'étais au courant des ressources qu'il y avait, je pouvais diriger les personnes survivantes aux ressources dont elles avaient besoin, que je jugeais qu'il y avait un besoin immédiat. Mais après ça elles sont délaissées. Je veux dire, il y a cinq différents services auxquels ils peuvent accéder. Ils doivent raconter leurs histoires à chacun de ces services. Puis souvent qu'est-ce qui arrive aussi, c'est qu'il y a comme un... encore une fois, il y a un tabou par rapport aux agressions sexuelles. Il y a des personnes qui ne sont pas confortables, et ça, c'est tout à fait correct qu'une personne se sente traumatisée ou bien ne se sente pas équipée à répondre à une personne survivante, à l'aider, mais ça donne que la personne survivante est comme poussée vers un service puis l'autre, puis l'autre, puis l'autre, puis, à la fin, est comme démoralisée complètement. C'est une de nos demandes qu'il y ait un bureau, justement, indépendant de l'établissement pour les ressources et les plaintes. Donc, ça justifie un petit peu cette recommandation-là.

Mme David : O.K. Alors, vous avez lu le projet de loi, vous êtes ici pour le commenter. On est là pour améliorer la situation, on est là pour prendre, tous ensemble, les meilleures mesures pour que ce que vous décrivez puisse être bonifié, optimisé.

Quelles seraient — je suis large, je le sais, là, dans ma question — les principales recommandations, à partir de votre expérience, si vous étiez à notre place ici, ceux qui font la loi? Qu'est-ce qui est le plus important pour que ça fonctionne, qu'il y ait un service aux étudiants qui réponde vraiment aux besoins des exemples que vous avez vécus?

Mme Sahrane (Sophia) : Donc, premièrement, un bureau, justement, indépendant, de plaintes et de ressources pour les personnes survivantes. Et, quand je dis «indépendant», c'est que la plainte sera aussi gérée par un corps indépendant à l'intérieur de l'établissement, mais qui est complètement indépendant de l'administration de cet établissement. Encore une fois, ce qui arrive à Concordia est, je pense, un exemple de pourquoi on a ce besoin-là.

Ensuite, la création de comités de travail pour vraiment inclure les voix qui sont constamment tues dans cet enjeu qui est les voix des survivantes, les voix des personnes les plus affectées. Donc, les CALACS, il y en a partout au Québec, puis il faut les utiliser. Ils sont là pour qu'on les utilise, ils sont là pour qu'on les amène à la table. Ils ont les connaissances, ils ont l'expérience, ils sont là pour nous. L'administration de chaque université devrait être utilisée. Aussi, c'est vraiment important, j'ai mentionné une analyse de besoins et une analyse de ressources qui sont déjà existantes sur chaque campus, de faire cette analyse-là, parce que... Là, moi, je parle de Concordia, par exemple, parce que c'est mon expérience en tant qu'étudiante, qui a un «sexual assault ressource center», donc, ils ont un centre d'aide pour les personnes ayant subi des actes de violence sexuelle. Mais, quand on parle des universités, dans les régions, qui ont connu beaucoup plus de coupes à travers les années, qui n'ont pas nécessairement les ressources qu'on a, justement, qu'il y a à Montréal ou bien dans les centres-villes, donc, ajuster justement le financement qui est donné pour qu'il soit proportionnel et s'assurer que chaque université, chaque étudiant aient accès aux mêmes ressources.

Puis je vais réitérer un peu les recommandations que j'ai déjà données, qui est un lexique de définitions, en fait, dans la loi. Je sais que ça a l'air un peu redondant, mais il y a des termes... par exemple, j'utilise en ce moment «violence sexuelle» et «violence à caractère sexuel» beaucoup, mais il y a beaucoup de contentions quand on parle de ces termes-là. Il y a des personnes qui préfèrent «agression». Il faut juste expliquer les termes. Il y a aussi des termes qui seront utilisés interchangeablement. Donc, c'est vraiment important, c'est vraiment pertinent de définir tous ces termes-là, parce que le vocabulaire qu'on utilise va créer un peu l'environnement de lutte qu'on a en ce moment.

Mme David : O.K. Ça, je suis bien d'accord, je trouve que c'est une recommandation très, très, très aidante pour qu'on s'y retrouve un petit peu à travers tous les vocabulaires.

Quand vous parlez de bureau indépendant, dans votre esprit... Parce que vous dites : On s'entend qu'on ne veut pas que la victime répète quatre fois la même histoire. C'est de la revictimisation, on s'entend qu'il faut qu'il y ait une coordination. C'est pour ça, nous, qu'on a mentionné «guichet unique», d'autres ont dit que, pour des plus petits endroits, ça pouvait être un intervenant pivot, comme des infirmières pivots, que les patients apprécient beaucoup, d'ailleurs. Quand tu as 15 médecins puis des tests, et tout, tu réfères à une personne qui a l'ensemble de tes choses. Mais, dans ce cas-ci, il y a toute la chaîne, aussi, de suivis qui peuvent être donnés, des suivis très immédiats, accommodements de type académique. Il faut qu'il y ait un comité qui décide ça. Elle, cette personne-là, c'est telle chose dont elle a besoin, parce qu'elle est en telle année, en stages, etc. On comprend qu'il y a des cas très différents, mais ça peut aller jusqu'à une sanction par rapport à l'agresseur.

Est-ce que votre bureau, dans votre esprit, il gère tous ces paramètres-là, autant les sanctions pour l'agresseur que les mesures académiques pour l'étudiante, que le suivi psychosocial, de psychologue ou autres, que l'intervention éventuelle de la référer à un CALACS, parce qu'on est bien d'accord qu'ils doivent être en partenariat, ou à la police, le cas échéant, parce que ça peut être une avenue qui est possible? J'essaie de comprendre, pour m'aider à conceptualiser les choses, en quoi consistent votre bureau indépendant et votre comité dit de travail, si j'ai bien compris.

• (16 h 40) •

Mme Sahrane (Sophia) : Oui. Donc, le bureau indépendant serait justement une ressource pour toute personne survivante. Donc, c'est la place à aller justement quand on est à la recherche d'aide, de support. Puis, dans un monde parfait, ce bureau-là, et si cette loi atteint son objectif, ce bureau-là sera en mesure de prendre les plaintes, de les gérer.

Normalement, chaque établissement d'enseignement supérieur a déjà un processus indépendant de... comme tribunaux pour les étudiants ou bien pour les membres de l'université, donc, qui est, comme je l'ai mentionné, déjà indépendant. Donc, tant que le processus est indépendant, tant que la plainte, elle est gérée par aussi un corps indépendant, donc un bureau qui s'y connaît justement en cas de violence sexuelle, donc qui sait comment agir, qui sait comment soit construire un cas pour la personne, soit la défendre, soit l'aider, comme la chapeauter pendant ce processus... Puis, pour le comité de travail, en fait, ce serait un comité composé d'associations étudiantes, groupes communautaires, justement, qui sont impliqués, qui participent et qui s'y connaissent dans la réalité de chaque campus. Ce seraient aussi les professeurs, les dirigeantes et dirigeants de chaque université. Donc, c'est vraiment pour qu'il y ait une implication et une participation complètes de tout membre de l'université.

Ce comité de travail devrait être impliqué dans, dès lors, des consultations qui sont mandatées dans la loi déjà, jusqu'à la rédaction de la politique, donc il devrait prendre part à vraiment toutes les étapes du développement de cette politique.

Mme David : Est-ce que vous trouvez que ce n'est pas le cas en ce moment, la participation étudiante?

Mme Sahrane (Sophia) : Je pense que c'est un bon premier pas mais que c'est trop vague pour que les établissements d'enseignement supérieur soient redevables. Souvent, dans les différentes associations étudiantes à travers le Québec, c'est beaucoup les étudiants qui poussent pour inclure leur participation, mais là cette loi-là et puis cette politique veulent que ça se base sur la bonne volonté des établissements d'enseignement supérieur. Je ne me baserais pas trop là-dessus.

Mme David : Et... je veux vous nommer par votre nom, donc, ça doit être madame...

Une voix : ...

Mme David : Sophia? Non, non, non. Oui, vous.

Une voix : Argilès.

Mme David : C'est ça, c'est Perrine Argilès. Alors, je voulais être sûre et de bien prononcer et d'avoir la bonne personne. Parce que je sais que l'AVEQ a aussi des universités en région, et c'est ce qui fait, je trouve, votre particularité, c'est très intéressant.

Mme Argilès (Perrine) : Notre force.

Mme David : Oui, probablement. L'université hyperurbaine, anglophone qu'est Concordia, une université comme l'UQAC, à Chicoutimi, alors, je trouve que ça donne des dimensions très complémentaires. Alors, je voudrais prendre l'occasion, parce qu'on parle... et vous avez raison, là, on parle de guichet unique et de tout comme si c'étaient des universités toujours à 40 000 étudiants. On sait très bien que ce n'est pas le cas en région.

Est-ce que vous êtes plutôt d'accord avec nous quand on dit : La notion plus large, et peut-être qu'on devra la préciser, de guichet unique, ça peut vouloir dire aussi quelque chose d'un peu plus réduit mais qui est cette notion d'intervenant, au singulier ou au pluriel, mais pivot, mais très en lien — et c'est beaucoup plus le cas dans les régions — avec les organismes spécialisés comme les CALACS? Est-ce que vous pensez un peu à un modèle comme ça, parce qu'on est vraiment dans une autre réalité que celle d'une université très urbaine?

Mme Argilès (Perrine) : Alors, comme vous le mentionnez, les étudiants en région sont d'une réalité complètement différente des grands centres, mais ça demeure la même forme de centre, en fait, pour justement recevoir les victimes puis les survivantes. Mais il ne faut pas oublier que, oui, c'est sûr qu'il y a eu beaucoup d'austérité par rapport à... bien, justement, ils ont été coupés par rapport... il n'y a plus de service psychologique. Il y a des travailleurs sociaux qui sont là mais à mi-temps, donc ça devient problématique. Et, nous, ce qu'on aimerait, c'est que ce soit certes proportionnel par rapport au nombre d'étudiants — on s'entend qu'on n'a pas les mêmes chiffres d'étudiants en région et en grand centre — mais que la composition du comité soit la même.

Mme David : O.K. Donc, on essaie de respecter les différents intervenants dans un comité, mais à plus petite échelle, finalement.

Mme Argilès (Perrine) : Oui.

Mme David : O.K. Bien, écoutez...

Une voix : ...

Mme David : Oui. Je vais passer la parole à mon collègue.

La Présidente (Mme de Santis) : M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames, pour votre exposé et votre implication. Je crois qu'il faut saluer vos efforts de réunir un nombre croissant d'étudiants à travers la province et, évidemment, votre analyse nous démontre que vous avez fait un effort assez substantiel pour comprendre les enjeux, pour être présents, présentes sur le terrain. Et voilà.

C'est assez important, on parle d'un sujet qui touche à la sécurité, le bien-être de nos étudiants, peu importe où ils ou elles étudient, et dans toute leur diversité. Si j'ai bien compris, dans vos remarques préliminaires, vous avez suggéré que vous êtes toujours sur votre faim en ce qui a trait à la prévention, et j'ose croire que c'est une grande préoccupation de la ministre, de notre gouvernement, de nous tous, comme parlementaires, et il y a plusieurs allusions à cette priorité dans l'article 3, alinéa 2° jusqu'à 5°.

Alors, je veux vous inviter, à la façon la plus précise que possible, de nous parler de votre préoccupation là-dessus en ce qui a trait à ce projet de loi devant nous.

Mme Sahrane (Sophia) : Oui. Parfait. Donc, comme j'ai mentionné, la loi a l'air plus dissuasive et offre des réprimandes après les actes de violence sexuelle. Des moyens de prévention qu'on aimerait voir ou bien la clarification...

(Interruption) Pardon. Mon Dieu! O.K. Les clarifications qu'on préférerait dans la loi seraient des détails précis ou bien des spécifications du type de mesures... par exemple, ça dit : Mesures de prévention et mesures de sensibilité, mais, en fait, à quoi ça ressemblerait? Parce qu'encore une fois on doit s'assurer que tout établissement est redevable, mais comment on va faire ça si on ne sait pas c'est quoi, le standard par lequel ils devraient être redevables? Pour, par exemple, la multiplicité de mesures de prévention, on pourrait offrir, oui, de l'éducation, mais aussi que les groupes communautaires soient priorisés quand il vient le temps de faire cette éducation-là, parce que, si une université développe d'elle-même, sans l'aide d'aucun groupe communautaire, aucune personne qui est experte dans... ou qui travaille, qui ont les connaissances dans la réalité du campus, ça divise le financement. Ça veut dire que ces groupes communautaires là n'ont pas les ressources dont ils ont besoin pour faire leur travail. Ça aussi met de côté et ça néglige les groupes qui, encore une fois, ont cette expertise-là, ont ces connaissances. Donc, ça, c'est pour l'éducation, mais ça serait aussi...

On a parlé de groupes sportifs, les athlètes, beaucoup, comme quoi ils sont comme un peu négligés dans les universités ou bien on n'en parle pas vraiment comme quoi on devrait les former, puis la même chose avec les fraternités, les fraternités et sororités — c'est quelque chose qui existe au Québec, je viens de l'apprendre — et donc s'assurer que, lors de leur entrée, ils aient un cours ou bien ils aient un genre de formation mais qui est vraiment ciblée à leurs expériences en tant qu'athlètes, en tant que quel genre d'environnement vont-ils entrer, vont-ils... Et même chose pour, justement, les fraternités, les sororités, même chose pour les résidences. Je sais que beaucoup d'universités offrent des formations pour les résidences. Donc, il faut vraiment s'assurer de former chaque... ou bien d'informer chaque formation avec la réalité et les expériences de chacun de ces groupes-là. Donc, ça, c'est comme un moyen de développer un peu plus le côté prévention.

• (16 h 50) •

M. Birnbaum : O.K. Merci. Je comprends. Je crois qu'on partage pleinement la préoccupation. Peut-être la question se pose : Où arrête le projet de loi? Où est-ce qu'on a un rôle pour faciliter ce genre d'action en ce qui a trait à la prévention? Mais vous avez parlé vous-même de la diversité de nos établissements en région et à Montréal.

Bon, je vais passer, si je peux, bien vite à une deuxième question. Ça m'étonne. Vous êtes le deuxième groupe, et je peux comprendre la réticence, mais qui fait une recommandation ainsi : «L'AVEQ recommande de retirer la police comme "ressources externes" avec lesquelles les établissements d'enseignement supérieur devraient prendre entente, tel que mentionné dans l'article 5 du projet de loi...» Je peux comprendre, quand on parle de la formation, nos forces policières ont à se former davantage. Peut-être que le portrait n'est pas toujours parfait, mais de là à écarter, dans une société de droit, les forces policières, ça m'étonne, et je vous invite à un bref commentaire là-dessus.

Mme Sahrane (Sophia) : Donc, la police, qu'on l'écarte des politiques universitaires ou pas, va toujours être là. Cette ressource externe est toujours présente, mais il faut, en considérant le fait que les personnes les plus affectées par les violences à caractère sexuel sont...

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Maintenant, la parole est aux représentants de l'opposition officielle. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Oui. Merci, Mme la Présidente. Donc, merci à vous cinq d'être là aujourd'hui puis à vos collègues aussi qui vous accompagnent. Merci de nous apporter, donc, vos points de vue, question qu'on puisse bonifier le projet de loi qu'on a entre les mains, qui est un projet de loi quand même très attendu par le milieu. Donc, merci de nous aider dans le travail de parlementaire que nous sommes actuellement en train de faire.

Et je vous amènerais tout de suite sur un sujet qui nous a quand même occupés depuis le début des consultations particulières et que nous n'avons pas abordé, là, dans votre présentation. Donc, j'aimerais savoir si vous aviez eu un point de vue sur la question, lorsqu'on parle, par exemple, de la proscription claire des relations intimes entre les étudiants et... que ce soient les professeurs, les personnes en relation d'autorité ou encore toute personne ayant une influence sur le parcours des étudiants, étudiantes.

Donc, est-ce que vous avez émis un point de vue sur la question, considérant qu'il y a plusieurs associations étudiantes qui se sont clairement positionnées pour l'interdiction de ce type de relation?

Mme Sahrane (Sophia) : L'AVEQ reconnaît complètement que le consentement ne peut exister dans une relation où le pouvoir est asymétrique. Et, quand une des personnes est affectée, son cheminement, son futur, son cheminement académique est autant affecté. Nous, en fait, c'est dans notre mémoire comme quoi on reconnaît que le consentement ne peut pas exister, justement, dans des relations professeurs et étudiants, puis on est très contents que ça soit inclus dans le projet de loi, mais notre position, c'est que ce genre de relation ne se limite pas aux professeurs et aux étudiants. Dépendamment de chaque identité de personnes qui sont impliquées, il va y avoir une relation de pouvoir. Et on ne limite pas ça non plus aux professeurs, mais aussi à toutes les personnes dirigeantes, les personnes qui ont un effet justement sur la carrière, sur le futur, le bien-être dans l'environnement académique, comme, de toute étudiante ou étudiant.

Mme Fournier : O.K. Donc, dans le fond, au-delà de la relation professeurs-étudiants, au-delà de même de la relation d'autorité, j'en comprends que vous seriez d'accord avec l'interdiction des relations intimes entre les étudiants, étudiantes et toute personne pouvant avoir une influence sur le cheminement académique.

Mme Sahrane (Sophia) : Oui, exactement. Mais il faut aussi clarifier qu'on limite ça aux relations préexistantes. Donc, s'il y a une relation qui est préexistante et que, on va dire, il y a une étudiante à l'UQAC puis qui est avec un professeur ou bien un chargé de cours, peu importe, et que cette personne est engagée par l'UQAC, dès lors que cette relation est divulguée avec justement les ressources humaines ou peu importe... et je ne m'y connais pas trop, en fait, en ressources humaines des établissements d'enseignement supérieur, je suis désolée, mais dès lors que cette relation est divulguée, on est d'accord avec cette situation, mais, en effet, les relations de pouvoir asymétrique dans le milieu de l'enseignement supérieur, on est contre.

Mme Fournier : O.K. Tout à fait. Donc, je comprends bien votre point. Au fond, s'il y avait une relation antérieure, on pourrait la déclarer de la même façon qu'on peut déclarer un conflit d'intérêts à ce moment-là.

Mme Sahrane (Sophia) : Exactement.

Mme Fournier : O.K. Merci. J'aimerais vous entendre aussi sur la recommandation 6.1. Vous dites : «L'AVEQ recommande la reconnaissance et l'inclusion des réalités des personnes les plus affectées par les violences à caractère sexuel — dont vous avez fait mention aussi dans vos remarques préliminaires, les personnes qui sont plus, justement, susceptibles de vivre ce type de violence.»

Et, bon, ça me préoccupe, aussi, particulièrement parce que je suis porte-parole en matière de condition féminine mais aussi pour les droits de la communauté LGBTQ+, et je me demandais, dans ce présent projet de loi, comment vous voyez, de façon concrète, comment on pourrait l'améliorer pour inclure justement davantage les réalités des gens de ces communautés-là mais aussi de toutes les personnes que vous nommez, là, dans votre mémoire.

Mme Sahrane (Sophia) : Oui. En fait, ce serait par une analyse de besoins et de ressources existants, analyse de besoins dans le sens où l'université, avant de produire une politique pour contrer les violences sexuelles, doit prendre connaissance de qui est affecté sur son campus, mais aussi les statistiques générales sur quels groupes sont les plus affectés, mais aussi, sur leurs campus, regarder qui est affecté, qui est plus à risque d'être affecté, et donc prendre connaissance de, comme, la démographie de chaque campus. Donc, nous, on pense qu'en obligeant justement cette analyse de besoins et de ressources existants on informerait les universités sur comment mieux servir et offrir des services aux étudiants qui sont affectés.

Mme Fournier : O.K. Merci. Aussi, l'une des préoccupations, je pense, qui est beaucoup ressortie dans les consultations, notamment, aussi avec les autres associations étudiantes qui sont venues avant vous, c'est le fait qu'il y a peut-être un manque de précision de certains éléments du projet de loi. Le RQCALACS en a fait mention également. Puis c'est sûr que, bon, ça amène certaines préoccupations, de penser que les étudiants, étudiantes n'auront peut-être pas le même niveau, là, de protection selon les établissements postsecondaires.

Vous dites, là, à la recommandation 2.1, que vous proposez «que les éléments prescrits par le projet de loi n° 151 soient développés afin» d'avoir des politiques qui soient davantage redevables et uniformes. Est-ce que vous pourriez nous spécifier quels éléments devraient être précisés, selon vous?

Mme Sahrane (Sophia) : Oui. Donc, on parle des éléments du chapitre II, article 3, donc c'est les éléments tels les rôles et responsabilités des différents membres des établissements d'enseignement supérieur, les mesures de prévention, les sanctions, les mesures de sensibilisation, les activités de formation obligatoires, les mesures de sécurité, les règles d'encadrement des activités sociales et d'accueil, les modalités applicables pour formuler une demande de plainte, donc tout ce qui est, donc, le chapitre II, article 3. Donc, il y a, je pense, une douzaine d'éléments justement qui sont les éléments qui doivent être inclus dans la politique, mais on les nomme, on ne les explique pas vraiment.

Je pense qu'un lexique aiderait beaucoup avec ça, mais aussi les détailler puis leur donner vraiment une ligne directrice qu'on a des attentes précises pour chacun de ces éléments.

Mme Fournier : Donc, de venir préciser et d'uniformiser l'ensemble de ces 12 éléments. C'est bien ce que je comprends.

Mme Sahrane (Sophia) : Exactement.

Mme Fournier : O.K. Merci. Pour ce qui est maintenant de la recommandation 2.6, donc, justement, j'ai apprécié votre allusion, justement, où vous parliez du bureau qui existait à l'Université Concordia, par exemple, qui recueillait les plaintes, tout ça, et qui assistait les survivants, donc, les victimes de violence à caractère sexuel, mais en même temps vous avez parlé aussi dans vos remarques préliminaires que, par exemple, à l'Université du Québec à Chicoutimi, bien, il y avait seulement une ressource à temps partiel, donc que les ressources différaient, dans le fond, entre les établissements.

Puis là vous parlez justement, dans la recommandation 2.6, de quelque chose que je trouve extrêmement intéressant, qui sont les ressources minimales, au fond, dans chacun des établissements. Est-ce que vous avez défini ce plancher-là? Est-ce que vous avez une idée de quelles seraient justement les ressources minimales, aussi compte tenu des différentes réalités régionales, qui ne sont pas toutes les mêmes, évidemment?

Mme Sahrane (Sophia) : Bien, en fait, puis je vais peut-être laisser aussi ma collègue après comme en rajouter, les ressources minimales seraient les ressources que, collectivement, chacune des universités, et avec consultation, bien sûr, de survivantes, de groupes communautaires... quelles sont les ressources auxquelles on a absolument besoin, les ressources que toute survivante sur chaque campus a besoin, donc, que ce soit... on n'a pas, justement, défini exactement quelles seraient ces ressources, mais que ce soit une infirmière ou bien une infirmière pivot, comme la ministre David a mentionné, donc une infirmière axée à... justement pour changer ou bien pour être capable de restructurer sa session scolaire pour s'assurer de ne pas être trop affectée, parce que c'est impossible de ne pas être affecté par une violence sexuelle.

Donc, ce genre de choses, on n'a pas d'article défini, mais c'est quelque chose qu'on peut offrir, c'est quelque chose qu'on devrait, en fait, tous travailler en consultation avec différents groupes de survivantes et groupes communautaires pour définir, peu importe où est-ce qu'on est au Québec, ce dont on a besoin, absolument.

• (17 heures) •

Mme Bondu (Häxan) : En fait, c'est vraiment important qu'il y ait des ressources vraiment à temps plein dans les universités aussi. Présentement, tu sais, on peut prendre l'exemple de l'UQAR, qui a deux travailleuses sociales en plus d'avoir une psychologue qui est, en ce moment, en sabbatique. Puis, par la suite, on se rend à l'UQAC, où qu'il y a une ressource qui est à temps partiel. Même dans le réseau de l'UQ, les ressources, pour des universités qui ont à peu près le même nombre d'étudiants, c'est complètement inégal. Donc, c'est vraiment d'avoir des ressources là. Et souvent, en plus, en région, on a le deuxième palier qui lui manque, des fois, des ressources déjà en région. Donc, même à l'externe, parfois, c'est dur d'avoir de l'appui. Donc, c'est vraiment encore plus primordial qu'il y ait vraiment des ressources dans les universités de région à ce moment-là.

Mme Fournier : Tout à fait. Vous avez bien raison, parce que, quand on pense, par exemple, au réseau des CALACS, qui doivent souvent, pour les organismes régionaux, couvrir de très larges territoires avec vraiment peu de ressources... alors, à ce moment-là, s'il n'y a pas non plus de ressources au sein même des universités, ça devient très difficile pour les victimes de ces régions-là d'avoir l'aide dont elles ont besoin puis aussi les ressources nécessaires. Donc, je comprends totalement. Donc, ce qu'on demande, au fond, ce sont des ressources dédiées dans les universités. C'est bien ça?

Mme Bondu (Häxan) : Oui.

Mme Fournier : O.K. Merci. Finalement, justement, j'ai abordé le point des CALACS, mais il y a plusieurs, justement, universités qui ont des collaborations avec ces organismes-là.

Est-ce que vous pourriez nous en parler un peu, de la relation que vous avez justement avec les CALACS, puis comment vous pouvez arrimer les actions entre les établissements postsecondaires et aussi le réseau communautaire?

Mme Sahrane (Sophia) : Nous ne sommes pas au courant de toutes les relations que chacune de nos universités a avec les CALACS, mais justement, aujourd'hui, on était incroyablement... En fait, le travail a commencé dans les derniers quelques jours, justement, de se consulter puis s'aider à l'écriture, à la rédaction de chacun de nos mémoires pour s'assurer qu'on se supporte entre organisations, l'AVEQ et les RQCALACS. Mais, en tant que collaboration concrète avec nos universités, je n'ai, malheureusement, pas cette information.

Mme Fournier : Merci. À la recommandation 2.2, vous recommandez que les processus d'accompagnement de plaintes soient énumérés dans leur intégralité à l'intérieur de la politique de chaque établissement. Donc, vous voulez parler, là, du délai de traitement, en fait, du délai de suivi des plaintes. Est-ce que c'est bien ça?

Mme Sahrane (Sophia) : Non. En fait, c'est pour spécifier, encore une fois, pour essayer d'amener plus de détails à la politique pour que les universités soient plus redevables dans l'écriture de leurs politiques.

Une voix : ...

Mme Sahrane (Sophia) : Oui. Donc, c'est juste pour justement spécifier quels sont, encore une fois, les actes minimaux, vraiment, les ressources minimales à offrir, donc, quand une personne vient, qu'elle soit vraiment informée de toutes les ressources à ses besoins, tous les services, que, si elle a besoin d'accompagnement, les termes de cet accompagnement soient expliqués, donc qu'est-ce qui va se passer. Puis c'est encore une fois pour rendre redevables les personnes qui sont intervenantes, qui sont en charge dans l'application de ces services-là.

Mme Fournier : Puis avez-vous identifié un délai justement pour que, la plainte, il y ait un suivi au sein même des établissements d'enseignement. Je sais que la FECQ avait identifié un 30 jours, l'UEQ avait identifié 45 jours. Est-ce que vous, vous avez énoncé un chiffre?

Mme Sahrane (Sophia) : En fait, je veux juste le clarifier, donc, c'est : entre la plainte et...

Mme Fournier : La décision, si on veut.

Mme Sahrane (Sophia) : ...l'intervention, c'est 48 heures, oui.

Mme Fournier : Mais, dans le traitement, donc le suivi, je veux dire, pas le premier geste, mais vraiment l'aboutissement.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est au représentant du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Chambly.

M. Roberge : Merci. Merci beaucoup pour votre présentation.

Mais je vais continuer sur le même thème, puisque c'est un thème intéressant. Donc, pourquoi couper court? Vous, c'était votre recommandation 2.3, là, vous recommandez que les actions doivent être faites, puis, à la fin, ça disait «dans l'immédiat». Donc, c'est assez rapide.

Mais il y a quand même une nuance entre le suivi qu'on donne à un signalement versus à une plainte. On peut donner une mesure d'aide immédiatement ou un accommodement tout de suite pour une personne qui fait un signalement, qui a besoin d'aide, qui veut être accompagnée. Par contre, le traitement d'une plainte, ça suppose d'écouter peut-être les deux parties... en fait, certainement. Donc, je pense que la question de ma collègue allait plus dans ce sens-là : Est-ce que vous nous suggérez un délai? Parce qu'on pourrait dire : Bien, les établissements feront ce qu'ils veulent par rapport à ça, ou on pourrait décider, nous, comme parlementaires, de l'inscrire dans la loi.

Donc, par rapport à la plainte, est-ce que vous avez une suggestion d'un délai?

Mme Sahrane (Sophia) : On avait mentionné plus tôt, mais justement on a réinclus dans... plus tôt pas ici, plus tôt nous, 45 jours, en fait, pour la complétion... Donc, la plainte est déposée, puis une sanction est donnée ou bien c'est révisé par le comité disciplinaire, puis la réponse est donnée à la personne survivante et à l'agresseur, parce qu'encore une fois on ne veut pas, comme, pousser ce processus puis avoir la personne survivante qui va juste continuer de vivre dans l'incertitude, en fait, pendant que cette personne-là est encore sur le campus. Donc, 45 jours.

M. Roberge : O.K. Merci. Et je pense qu'il y a quelque chose qui a été amené d'intéressant par le bureau de coordination interuniversitaire tout à l'heure en précisant justement «signalement», «plainte», et, pour moi, le troisième volet, c'était définitivement «plainte aux policiers». Et là je vais vous interpeller sur une question sur laquelle vous avez déjà été interpelés, mais, pour moi, il y a encore des éclaircissements à faire sur votre recommandation 2.5, où vous dites : «L'AVEQ recommande de retirer la police comme "ressources externes"...» Je comprends qu'il appartient à la victime ou au survivant, à la survivante, dépendamment comment on l'appelle, de choisir ce qu'il ou elle veut. Un signalement, c'est une chose. Une plainte à l'interne, c'est une chose. Amener ça au point de vue judiciaire, c'est une autre chose.

Mais je m'étonne du fait qu'il faut tout simplement, selon vous, la police, carrément la retirer comme ressource externe. Et, tout à l'heure, vous avez dit : Bien, elle sera toujours là. Bien là, si elle est toujours là, on ne la retire pas. Pouvez-vous préciser, là, ce que vous aviez derrière la tête quand vous avez écrit ça, parce que c'est assez surprenant?

Mme Sahrane (Sophia) : Donc, la police, ce qu'il faut comprendre, c'est que... encore une fois, je vais peut-être partager une histoire qui va éclairer tout ça, la police n'est pas une ressource pour... la police, on y va pour un but. Les personnes survivantes vont interpeller la police, décider de prendre une plainte avec la police pour entamer des procédures de plainte au criminel.

Je vais vous donner un exemple. Justement, le bureau du Sexual Assault Resource Center qui est à Concordia, la personne qui le gère, qui est Jennifer Drummond, qui est incroyable, est allée à chacun des postes de police de Montréal pour vérifier comment ils traitent une plainte de violence sexuelle. Donc, quand une survivante vient la voir et lui dit : Je veux porter plainte avec la police, elle va l'accompagner, c'est un des services qu'elle offre. Mais elle va lui dire : Non, on ne va pas aller à lui à côté de chez toi, on va aller à lui qui est, comme, à Montréal-Nord, à, comme, une heure et demie de bus ou de métro ou bien on va aller dans l'Ouest-de-l'Île, parce que là-bas, bien, ils vont te mettre dans une salle qui est séparée, ils ne vont pas te demander de crier à travers la vitre de glace ton histoire, qu'est-ce qui t'est arrivé. Donc, ça, c'est les expériences directes que les personnes survivantes ont avec la police. Puis c'est... que ce soit un besoin, que, la personne qui s'occupe du centre, c'est une information qu'elle doit avoir, de comment ils vont la traiter, parce que justement il y a des places qui lui ont demandé de crier. Il y avait comme une salle d'attente pleine, ils lui ont demandé de communiquer ça à travers une glace de vitre. Puis il y en avait une autre qu'ils ont amenée dans une salle. Ils ont amené quelqu'un qui est une femme policière, parce que la personne ne se sentait pas confortable avec un homme. Il y en a d'autres qui étaient comme entre les deux. Disons que ça, c'est le pire des cas, puis l'autre, c'est le meilleur.

Mais donc, si on commence à socialiser les policiers maintenant pour savoir comment traiter de ces cas-là, puis s'il y a plus de racisme au Québec, puis s'il y a plus d'homophobie puis de transphobie, puis s'il y a plus de maltraitance des peuples autochtones, qui sont les personnes les plus affectées par la violence sexuelle, la police peut devenir une ressource.

Mais en ce moment ce n'est pas ce dont les personnes les plus affectées ont besoin. Les ressources, c'est les CALACS. Les ressources, c'est le centre pour la lutte contre les inégalités de genre, c'est Our Turn, c'est toutes des petites niches de ressources pour les différentes universités, pour les associations étudiantes, mais ce n'est pas la police, à notre avis.

• (17 h 10) •

M. Roberge : C'est toute une affirmation. Loin de moi de blâmer un... ou une victime qui ne souhaiterait pas aller à la police, là. C'est son choix le plus strict, évidemment. En tout cas, je vais vous laisser vos propos et je vais changer de sujet.

Par rapport au délai — je ne suis pas sûr de vous avoir entendus jusqu'à présent — le projet de loi dit que la politique devrait être adoptée avant le 1er septembre 2019. D'autres groupes sont venus, nous disant : Bien, la politique pourrait être adoptée précédemment. Et le plan d'action, peut-être, pourrait être vraiment en place à partir du 1er septembre 2019, parce qu'on peut s'attendre que, le jour où on adopte une politique, on n'est peut-être pas prêt à agir tout de suite, parce qu'après ça on va dire : Bien, suite à la politique, il faut embaucher du monde, etc. Donc, est-ce que vous avez des exigences sur un échéancier qu'on devrait inclure dans le projet de loi?

Et la deuxième question, que je vous pose en même temps : Est-ce qu'on fait comme dans le projet de loi en ce moment, on ne laisse que la notion de politique, ou on ajoute une deuxième notion, qui est de dire : Bien, il y a une date pour la politique puis il y a une date pour le plan d'action?

Mme Bondu (Häxan) : En fait, premièrement, dans nos recommandations, à 5.2, en fait, on dit que la première ébauche des politiques devrait être le 1er janvier 2019, donc, soit la session précédente. L'objectif, à ce moment-là, c'est tout simplement, justement, de voir ces politiques-là, que les groupes en place puissent voir la nécessité, et tout, et que justement ce soit accessible. Par la suite, au niveau du plan d'action, on n'avait pas apporté quoi que ce soit...

Mme Sahrane (Sophia) : Donc, en fait, un plan d'action serait vraiment intéressant et pertinent à avoir pour chacune des universités, mais ça, justement, ce serait comme dans le mandat des comités de travail de le développer, parce qu'encore une fois c'est eux qui ont les ressources, qui ont les connaissances et l'expérience de le développer dans le contexte de l'établissement, le contexte de la communauté et le contexte des personnes affectées.

Une voix : ...

M. Roberge : C'est difficile d'avoir question et réponse en une minute, là, ça va vite pas mal. Bien, je vais tout simplement prendre quelques secondes pour vous remercier pour votre participation aux travaux. Puis probablement qu'on aura l'occasion de se recroiser pour d'autres dossiers. Donc, merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. le député de Chambly. Alors, mesdames, on vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de la Fédération des cégeps de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 13)

(Reprise à 17 h 16)

La Présidente (Mme de Santis) : Nous reprenons les travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération des cégeps. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et ensuite nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à procéder à votre exposé. Bienvenue.

Fédération des cégeps

M. Tremblay (Bernard) : Mme la Présidente, Mme la ministre, MM., Mmes les députés, alors, je me présente : Bernard Tremblay. Je suis le président-directeur général de la Fédération des cégeps. À ma droite se trouve M. Sylvain Lambert, qui est le président du conseil des directions générales de la fédération et le directeur général du cégep Édouard-Montpetit; à ma gauche, Mme Marie-Christine Tremblay, avocate à la fédération; et, à ma droite, Mme Geneviève Reed, qui est la coordonnatrice du Réseau intercollégial des intervenants psychosociaux, qui est, donc, une instance de la fédération qui regroupe les intervenants psychosociaux.

Alors, nous sommes ici aujourd'hui pour représenter les 48 établissements du réseau collégial public, qui servent près de 175 000 jeunes à l'enseignement ordinaire et quelque 26 000 adultes à la formation continue. Nous vous remercions évidemment de nous donner l'occasion de nous prononcer sur le projet de loi. Les cégeps seront toujours disposés à collaborer avec le gouvernement pour éviter que de tels gestes, donc, soient posés dans le réseau collégial. D'ailleurs, depuis 2016, nous avons formé un comité consultatif sur les violences à caractère sexuel au niveau collégial.

Avant de vous faire part de nos commentaires sur le projet de loi lui-même, permettez-moi de vous présenter brièvement les actions que nous déployons déjà dans le réseau collégial.

Les cégeps sont actifs, depuis plusieurs années, en matière de lutte aux violences à caractère sexuel. Dès le début des années 2000, tous les établissements ont adopté une politique de prévention et de gestion du harcèlement et de la violence qui comprend le harcèlement sexuel. En matière de prévention, également de suivi clinique et de référencement, les intervenants psychosociaux des cégeps interviennent aussi quotidiennement auprès des jeunes aux prises avec une problématique psychosociale ou vivant une détresse psychologique. Enfin, 28 cégeps ont déployé dans leurs murs la campagne Ni viande ni objet, conçue à l'automne 2016 par l'Association étudiante du cégep de Sherbrooke, alors que 21 cégeps ont adhéré à la campagne Sans oui, c'est non!, élaborée par l'Université de Montréal. Des collèges se sont même associés aux deux campagnes, sans oublier que plusieurs cégeps ont participé aux journées de réflexion qui ont été organisées par la ministre de l'Enseignement supérieur, donc, au cours de l'hiver dernier.

Comme vous pouvez le voir, les cégeps ont déjà adopté plusieurs mesures pour contrer les violences à caractère sexuel, mais, selon nous, un certain nombre de conditions doivent être mises en place pour améliorer leurs pratiques à cet égard.

Nous pensons d'abord que l'éducation à la sexualité est une nécessité dans les écoles primaires et secondaires, comme le souhaite le ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport, M. Sébastien Proulx. Par ailleurs, la Stratégie gouvernementale pour prévenir et contrer les violences sexuelles, adoptée en 2016, contient une affirmation que nous jugeons importante de rappeler, soit que les violences sexuelles concernent l'ensemble de la société. Jusqu'à maintenant, les établissements d'enseignement supérieur ont été particulièrement interpelés sur cette question, mais nous croyons, comme le soulignait cette stratégie, que tous les acteurs de la société québécoise doivent se sentir concernés. C'est pourquoi nous recommandons que le gouvernement légifère aussi pour prévenir que de tels actes soient posés dans le reste de la société.

Le projet de loi oblige par ailleurs les cégeps à offrir des activités de formation pour l'ensemble de leurs communautés. Or, comme c'est le cas en matière de prévention du suicide, par exemple, les formations à suivre varient beaucoup selon qu'on est un membre du personnel, un étudiant ou encore un intervenant psychosocial. Nous pensons donc que le gouvernement devrait publier un répertoire des formations sur les violences à caractère sexuel pour l'ensemble du Québec. Une mesure semblable a été mise en place en Ontario dans le cadre de l'application du plan d'action contre la violence à caractère sexuel dans cette province.

Soutenir la recherche collégiale comme le prévoyait la Stratégie d'intervention pour prévenir et contrer les violences à caractère sexuel en enseignement supérieur est une autre condition essentielle. Les cégeps doivent pouvoir documenter les meilleures pratiques en matière de prévention et de lutte contre les violences à caractère sexuel.

Enfin, toute politique institutionnelle est inutile si elle n'est pas accompagnée des ressources nécessaires à sa mise en oeuvre. Les cégeps devront, par conséquent, pouvoir disposer de ressources financières supplémentaires pour faire face aux obligations du projet de loi, entre autres celles qui concernent la mise en place de mesures de prévention, de sensibilisation et de sécurité et la coordination de l'offre de formation. Ils devront pouvoir compter sur des ressources psychosociales supplémentaires pour assurer l'offre de services d'accueil, de référence, de soutien psychosocial et d'accompagnement à la hauteur de ce qui est prévu dans le projet de loi.

En ce qui concerne plus précisément le texte du projet de loi, je passerais la parole à mon collègue.

• (17 h 20) •

M. Lambert (Sylvain) : Donc, oui, en ce qui concerne le texte du projet de loi, qui nous semble propice à assurer une cohésion dans la mise en oeuvre de mesures efficaces, nous aimerions vous proposer quelques modifications.

À l'article 3, et plus particulièrement aux paragraphes 1°, 3° et 9°, nous estimons qu'il faut aller plus loin pour faire en sorte que tous les acteurs de la communauté de chaque cégep voient leurs rôles et leurs responsabilités précisés dans la politique institutionnelle prévue au projet de loi. Nous proposons donc d'ajouter aux catégories de personnes déjà désignées au paragraphe 1°, 3° et 9° les dirigeants syndicaux, le cas échéant. En lien avec le paragraphe 4° de l'article 3, selon lequel la politique institutionnelle devrait faire état de mesures de sécurité planifiées, nous suggérons que le texte précise plutôt que des mécanismes permettant de déterminer et d'appliquer des mesures de sécurité doivent être inclus dans la politique. Cette modification au texte nous paraît nécessaire pour la simple raison que des mesures de sécurité devront être établies et déployées sur une base régulière au fil des ans, alors que la politique sera renouvelée tous les cinq ans. Et je me permets de rappeler que des ajustements aux infrastructures pour mieux assurer la sécurité, cela entraîne des coûts dont il faudra tenir compte au moment d'allouer des ressources supplémentaires aux cégeps. Pensons, par exemple, au cégep de Sherbrooke, qui compte 90 portes d'accès.

La question de l'encadrement des activités sociales, au paragraphe 5° de l'article 3, nous semble aussi devoir être abordée autrement. Le libellé actuel de ce paragraphe nous amène, entre autres, à penser qu'on rendrait le collège responsable d'une activité organisée par une personne morale distincte, c'est-à-dire une association étudiante, constituée en vertu de la Loi sur l'accréditation et le financement des associations d'élèves ou d'étudiants, et cela même à l'extérieur de l'établissement. À notre avis, la responsabilité du cégep doit être circonscrite à l'établissement des règles de prévention que le collège, un membre du personnel, un dirigeant, une association étudiante, un syndicat doivent mettre en place au moment de l'organisation des activités, quel que soit le lieu où elles se tiennent. Le protocole d'entente que chaque cégep signe avec son association étudiante pourrait d'ailleurs faire explicitement référence à cette nouvelle obligation, tout en gardant à l'esprit cependant que le pouvoir de contrainte des cégeps à l'égard de leurs associations étudiantes demeure limité. En résumé, nous proposons donc que le paragraphe 5° de l'article affirme plutôt que ce sont des règles de prévention qui encadrent les activités et qu'on ajoute «un syndicat, le cas échéant» à l'énumération des organisateurs de ces activités.

En ce qui concerne le troisième alinéa de l'article 3, qui vise à inclure un code de conduite dans la politique institutionnelle, nous croyons là aussi qu'il faudrait être plus précis. Le projet de loi propose un modèle de code de conduite qui encadre ce qui est permis. Cependant, le fait d'encadrer des liens intimes, amoureux ou sexuels entre un membre du personnel et un étudiant nous semble irréaliste. Nous avons alors pensé proposer une interdiction complète de tout lien intime entre un membre du personnel et une étudiante ou un étudiant, mais il nous est apparu ensuite que cela pourrait mener à des situations aberrantes. Par ailleurs, le projet de loi propose, en lien avec le code de conduite, la notion de personne ayant une influence sur le cheminement des études de l'étudiante ou de l'étudiant. Cette notion nous semblait plutôt floue et pouvait porter à interprétation. Finalement, nous proposons plutôt que le projet de loi interdise tout lien intime, amoureux ou sexuel entre une étudiante ou un étudiant et un membre du personnel ou de la direction qui serait en relation pédagogique, en relation d'autorité ou en relation d'aide, avec une exception, bien sûr, pour les conjoints existants, pour ne pas brimer le droit d'étudier d'une personne qui était conjointe d'un membre du personnel avant son inscription au cégep.

Concernant la notion de regroupement de l'ensemble des services évoquée à l'article 4, nous estimons que cette mesure est actuellement inapplicable dans les établissements de notre réseau. De nombreux cégeps sont composés de plusieurs campus ou de centres collégiaux, et plusieurs directions et intervenants sont concernés par ces services. Il n'est pas possible de concentrer au même endroit l'ensemble des services et des ressources. Nous proposons par conséquent que l'article en question soit reformulé pour préciser qu'en fonction du contexte l'établissement vise à regrouper l'ensemble des services et des ressources dans un guichet unique connu et facilement accessible pouvant prendre la forme d'un lieu désigné ou d'une personne désignée.

Enfin, comme un étudiant peut être admis dans un collège sans pour autant y faire ses études par la suite, nous proposons qu'on retire le mot «admission» de l'article 9 pour préciser seulement que c'est au début de chaque session que l'étudiant sera informé de l'existence et du contenu de la politique.

Nous recommandons aussi que le mécanisme de reddition de comptes présenté à l'article 11 soit modifié surtout pour préserver la confidentialité des personnes en cause. Rendre publiques des informations sur les plaintes, les interventions et les sanctions appliquées pourrait permettre de faire des liens entre les mesures et les personnes concernées.

Une voix : ...

M. Lambert (Sylvain) : Ah! il reste une minute. Pardon. J'avais compris qu'il y avait... On va être corrects.

Bon. Ensuite, nous croyons que le rapport annuel du cégep n'est pas le bon outil pour rendre compte de l'application de sa politique. Nous recommandons plutôt que l'article 11 demande que l'établissement rende compte de l'application de sa politique en fournissant à la ou au ministre l'ensemble des données précisées dans la manière et la forme qu'elle ou il choisira.

En terminant, nous souhaitons manifester notre satisfaction quant au délai raisonnable accordé aux cégeps pour se conformer à la loi. Voilà. Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Lambert. Maintenant, nous sommes à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous, Mme la ministre.

Mme David : Oui. Alors, on va avoir 23 minutes quand même plus les minutes des oppositions, alors je pense que ça va vous permettre vraiment de pouvoir élaborer un peu plus.

Alors, je vais un peu suivre votre mémoire, que, soit dit en passant, j'ai beaucoup apprécié, parce que pour chaque commentaire vous reformulez... alors, vous faites un peu nos devoirs. Bien, je lisais ça puis je disais : Ah! intéressant, intéressant. Donc, vraiment, là, il y a plusieurs choses avec lesquelles je peux vous dire que je suis pas mal d'accord.

Les compressions budgétaires. Bon, je sais que vous aimez beaucoup, beaucoup revenir sur ce sujet-là. Maintenant, on a annoncé 23 millions et on est ici à l'écoute. Et il y aura un forum au mois de décembre aussi. Et on continue à réfléchir à la question. Donc, on entend bien que tout ça ne se fait pas à coût nul, et c'est pour ça que, dès le 21 août, on a annoncé 23 millions. Puis on pourra se reparler de la ventilation du 20 000 $, et tout ça, mais je voulais vous dire qu'on écoutait bien vos commentaires là-dessus.

Je vais aller aux recommandations, où je peux apporter des précisions. Je trouve très intéressante cette proposition de publier un répertoire des formations reconnues dans toutes les régions du Québec. Très belle idée. Quand je dis ça, bien, il y a des gens qui prennent des notes en arrière, puis peut-être que l'idée va devenir réalité. L'autre chose, qu'on a déjà annoncée, d'ailleurs, le 21 août dans notre stratégie, c'était, oui, d'aller chercher les mêmes données au collégial que ce qu'on a à l'universitaire. Alors, on est au travail, et je pense que, dans un avenir à court terme, vous pourrez être assez satisfaits du résultat de ce qu'on veut faire. Mais on est tout à fait d'accord avec vous qu'il faut aller aussi faire la recherche un peu comme elle s'est faite à l'universitaire, au niveau collégial. Ça, donc, je voulais vous rassurer là-dessus.

Vous parlez du programme Empreinte à la page... oh! il n'y a pas de page dans votre mémoire, excusez-moi, mais c'est... je ne sais pas où, là, «l'accès aux ressources». Alors, je suis contente que vous connaissiez ce programme, que j'ai eu le plaisir de regarder d'assez près et qui est assez intéressant. On en reparlera de toute façon au forum du mois de décembre sur les... Là, je mets mon autre chapeau, mais, comme vous le dites vous-même, on ne peut pas s'arrêter juste au contexte des collèges et des universités. Mais c'est quand même un programme assez intéressant. Vous avez déjà, bon, remarqué qu'il y avait des belles campagnes, et vous y souscrivez, pour la prévention. J'aime assez votre idée — peut-être qu'on n'a pas été assez précis dans notre énumération — d'ajouter «représentants syndicaux», représentants des associations de cadres. Alors, je pense assez vite, mais je pense que vous nous alertez sur quelque chose qui est important.

• (17 h 30) •

On va arriver au plus «crunchy» à un moment donné, puis je veux garder du temps pour ça, mais, quand on est à l'article 3, paragraphes 6°, 7° et 11°... et voilà un bel exemple de quelque chose d'assez structuré, clair. Et, moi, en tout cas, ça m'a aidée beaucoup. Tout à l'heure, le député de la deuxième opposition a fait un peu la même chose en parlant comme d'une hiérarchisation d'un dévoilement d'une plainte à l'interne, d'une plainte judiciaire. Vous, vous dites : Attention! Dans la stratégie, vous parlez peut-être de... je ne me souviens plus, là. En fait, dans le projet de loi, on parle de signalement, mais on parlait de dévoilement, de plainte, alors je pense que ça serait important d'être bien clair sur le lexique, le vocabulaire, la différence entre un dévoilement, un signalement, une plainte et une plainte à l'interne, une plainte à la police. Alors, je vous remercie d'avoir alerté là-dessus... Et, la recommandation 11, donc, vous la redéfinissez, bon, vous dites que soient bien définis les termes «plainte», etc. Je suis d'accord avec vous.

La question... au troisième alinéa, bien, on y arrive, le fameux code de conduite. Là, vous allez nous aider, parce qu'on change de groupe, on change l'approche et on change de posture, presque, épistémologique, et c'est important, ce dont on discute là, puis vous êtes plusieurs à avoir réfléchi à ça. Et vous travaillez vraiment réseau, et, quand on travaille réseau, bien, ça inclut... c'est quand même 200 000 étudiants et je ne sais combien — enfin, il y a tous les collèges, ça, on le sait — d'enseignants, combien de personnels. Et, si je comprends bien, vous vous êtes dit : Bon, bien là, plus on précise, plus ça devient compliqué, on va à l'interdiction totale, dans le fond, comme, je dois dire, le collège de Rosemont semble avoir pris cette décision. Là, je ne sais pas trop comment ça fonctionne au niveau de l'autonomie qu'un collège peut avoir dans ce genre de décision, mais c'était public, alors on peut le dire, qu'il s'en allait vers ça. Mais je veux certainement vous entendre, parce qu'on avait le BCI juste avant qui, disons, demande beaucoup plus de flexibilité, de souplesse, veut qu'on compare ça à des conflits d'intérêts. Alors, vous, on peut dire que vous allez droit au but, puis c'est l'interdiction totale : amoureux, sexuel.

Bon. Quand vous dites : Avec un membre du personnel ou de la direction qui serait en relation pédagogique, d'autorité ou d'aide, vous apportez la notion d'aide, ce qui est assez intéressant. Alors, je ne peux pas m'empêcher de vous demander d'élaborer un peu plus. C'est la partie, honnêtement, la plus difficile pour nous, je pense, les législateurs. On aura une décision à prendre. Je vais avoir besoin de mes collègues, là, on va avoir besoin de tout le monde ensemble pour prendre la meilleure décision possible. Il y a des juristes qui travaillent tout ça aussi. Alors, aidez-nous à vous aider dans cette recommandation.

M. Tremblay (Bernard) : Oui, effectivement, je pense que c'est pour nous aussi la question qui a été la plus délicate à débattre, et c'est pour ça qu'on a souhaité souligner que notre première posture, comme vous dites, était vraiment d'envisager quelque chose d'assez drastique pour tout le personnel, hein, parce qu'on ne veut pas, finalement, faire de distinction entre les enseignants, les cadres, le personnel de soutien, le personnel professionnel, parce que, tout dépendant de la situation, il peut y avoir des situations où une étudiante ou un étudiant vont se sentir dans une relation, je dirais, inconfortable. Et donc de penser que la prémisse serait plutôt d'aller vers l'interdiction que vers la permission nous semblait la posture idéale. Et c'est pour ça que la notion de code que prévoyait... Donc, code de conduite, pour nous, ça laissait entendre comme prémisse que c'était permis, alors que nous, on se place plutôt dans une situation, je dirais, d'interdit.

Cependant, comme on le mentionnait, l'absolu nous semblait aussi difficilement atteignable, sachant, encore une fois, que, oui, il y a 48 cégeps au Québec mais il y a près d'une centaine de sites de formation affiliés, donc, au total. Alors, on pourrait se retrouver dans un cas de figure, par exemple, où un employé de soutien au centre d'études de Mont-Laurier, qui est affilié au cégep de Saint-Jérôme, se trouve à un week-end au Mont-Tremblant, et rencontre une étudiante adulte de Saint-Jérôme, et là, même sans le savoir, pourrait avoir une relation et sans qu'il y ait aucune... dans le fond, là, aucun impact et qu'on ne puisse pas estimer qu'il y a un rapport d'autorité ou quoi que ce soit, d'où le fait qu'un absolu total nous semblait un peu excessif, et aussi dans un plus grand établissement. Évidemment, quand on est au cégep de Baie-Comeau, où, là, il y a une proximité, on peut se dire : Bien, ça serait difficile de justifier un rapport intime, mais, quand on se retrouve dans des établissements avec 7 000, 8 000 étudiants — je pense, entre autres, à Édouard-Montpetit — on peut se retrouver dans des situations où les gens ne savent même pas, en fait, qu'ils ont ça comme point commun, le cégep, parce qu'ils se sont rencontrés dans un autre contexte.

C'est pourquoi on s'est rabattus quand même sur un test qui nous semblait quand même assez encadrant et qu'on propose donc qu'il y ait vraiment, sans que ce soit un interdit total, un interdit bien encadré qui permette, là, tout de même d'envoyer un message assez clair à l'effet que, bien, de façon normale et habituelle, là, ce genre de relation là entre le personnel et les étudiants, ce n'est pas une situation qui est acceptable.

Mme David : Mais vous, qui vous y connaissez beaucoup en termes de relations de travail et de négociations... on fait ça demain matin, on garde exactement votre libellé, qui est un compromis entre le drastique et peut-être le code de conduite, on fait quoi? Est-ce que c'est applicable en termes de relations de travail? Est-ce que c'est applicable en termes de chartes? Vous avez des contentieux, vous avez dû penser à tout ça. Il y a une avocate qui vous accompagne. Mais vraiment je l'apprécie beaucoup, parce qu'à vos expertises réunies en relations de travail, et autres, est-ce que... On ferait ça demain matin, vous vous attendez à quoi?

M. Tremblay (Bernard) : Effectivement, c'est tout le caractère délicat de la mesure, hein, c'est pour ça que ce n'est pas un absolu. Ma collègue pourra compléter, mais effectivement je pense qu'on a des précédents. Je pense, entre autres, à des dispositions, à l'époque, qui avaient été établies contre le népotisme et qui ont été invalidées parce que trop drastiques; dans le milieu municipal, par exemple, une décision célèbre de la Cour d'appel, qui reconnaissait qu'un employé ne pouvait pas... donc, on ne pouvait pas engager un membre de la famille d'un employé. La Cour d'appel, à l'époque, avait jugé que c'était trop drastique si la personne en question n'avait pas une capacité d'influence sur l'embauche, hein? Alors, c'est un peu, effectivement, la même approche. C'est pour ça que notre test, il se trouve quand même assez bien circonscrit, sans être complètement fermé et empêcher, là, le cas de figure, par exemple, que je vous ai donné il y a un instant, là.

Peut-être que ma collègue peut rajouter là-dessus.

Mme Tremblay (Marie-Christine) : Bien, en fait, ça se fait déjà dans certains collèges, je vous dirais, l'interdiction quasi totale. Ça s'est bien passé. Je vous dirais qu'il n'y a pas eu de soubresaut. Il y a beaucoup d'intervenants dans le milieu qui sont d'accord avec ce fait-là. On a vu Rosemont la semaine dernière, là, qui en a fait état, mais il y a d'autres cégeps aussi qui sont restés plus discrets mais qui, eux aussi, là, l'interdisent depuis quelque temps. Donc, il y a quand même des actions, là, qui étaient prises, et je vous dirais que ça n'a pas causé de problème jusqu'à maintenant, puisque les fédérations syndicales penchent aussi de ce côté-là.

Mme David : Et donc j'ai deux questions, toujours dans ce même sujet. Votre prémisse de base, c'est, vous le dites bien, la relation pédagogique, autorité ou aide. Donc, il y a comme une ligne conductrice qui dit : À ce moment-là, c'est interdit. Et donc vous aurez une grille d'analyse, le cas échéant, si jamais il se produisait quelque chose, de mécanisme pour évaluer ladite relation et dire : Ça, ce n'est pas permis par soit notre loi n° 151, si jamais on va jusque-là, ou, comme c'est déjà le cas, si je comprends bien, dans certains cégeps.

Alors, j'imagine, vous avez une grille. Il arrive une situation où une étudiante est vraiment en lien intime avec quelqu'un qui est en relation pédagogique, autorité ou aide. Vous faites quoi? Il se passe quoi?

Mme Tremblay (Marie-Christine) : Bien, dans ce cas-ci, exemple qui est déjà arrivé... mais, comme je dis souvent, là, ça n'arrive pas tout le temps non plus, là, heureusement, mais il y a une enquête qui est faite, parce qu'évidemment on ne prend pas pour acquis nécessairement que ce qui nous est allégué, ce qui nous est raconté est vrai. Le présumé agresseur a, lui aussi, ou elle aussi, des droits. Donc, une enquête est faite, et, par la suite, il peut y avoir, là, comme c'est le cas en ce moment, des mesures disciplinaires qui peuvent être prises, là, contre les gens. On peut séparer l'étudiant, ou le professionnel, ou l'enseignant...

Il y a plusieurs mesures, là, qui peuvent être prises dans nos milieux pour protéger les uns et les autres le temps que l'enquête se fasse.

Mme David : Et l'enquête peut mener à quelque chose.

M. Tremblay (Bernard) : Jusqu'à un congédiement, même, hein?

Mme Tremblay (Marie-Christine) : Ah! oui, oui.

• (17 h 40) •

Mme David : Et ça, les syndicats ont endossé tout ce qui peut s'ensuivre.

Mme Tremblay (Marie-Christine) : Bien, endossé... Je vous dirais que, plus récemment, oui, mais, oui, effectivement, c'est allé jusqu'à des suspensions très, très longues, des congédiements, des retraits d'étudiants de classes.

Mme David : J'ai une question. Vous n'êtes pas obligés de répondre, mais j'ai vraiment le goût de vous la poser, parce que vos prédécesseurs sur ces chaises étaient plutôt l'ordre universitaire et sont beaucoup plus frileux, je dirais, quant à cette interdiction, selon les mêmes critères, parce que c'est ça qu'on a écrit dans le projet de loi, hein, de code de conduite quand il y a une relation de type pédagogique.

Bon, vous allez un peu plus loin, là, mais admettons que c'était votre définition qu'on garde. En quoi cette différence... Je vais la poser pour que vous vous y retrouviez un peu. En quoi ça peut être différent, au niveau collégial ou au niveau universitaire, dans la mesure où ils ont 18 ans et plus?

M. Tremblay (Bernard) : Je pense que... en tout cas, je n'ose pas parler, évidemment, sans bien connaître, là, toute la réalité universitaire, mais il me semble qu'à première vue, évidemment, la taille des établissements joue beaucoup, hein? Depuis le début, nous, on axe beaucoup en disant : Écoutez, on pense que, la réalité universitaire, avec des établissements de 40 000, 45 000 étudiants, par exemple, il y a un volet peut-être un peu plus impersonnel qui fait en sorte que des gens, dans la même université, peuvent avoir des relations mais dans des environnements complètement différents, alors que nous, évidemment, on parle de quelque chose de quand même sensiblement plus petit, mais la particularité, comme je le mentionnais, c'est la diversité des lieux, hein, par rapport à un campus universitaire. Alors, peut-être que c'est une des explications.

L'autre élément, c'est sûr que nous, je dirais... je pense que peut-être en lien avec l'âge, évidemment, moyen de nos étudiants et de nos étudiantes on a un souci d'aller peut-être encore un petit peu plus loin dans le fait de la protection, hein, parce que, même si on sait que la relation d'autorité, au-delà de l'âge, tu sais, amène quelque chose... vous le savez mieux que moi, amène quelque chose, là, de malsain, il reste que si, en plus, on est face à des jeunes de 18, 19 ans, parce qu'ici on parle quand même d'adultes, là, parce qu'évidemment, si c'est des mineurs, c'est, pour nous, autre chose, là... mais même, donc, quand on parle d'adultes, il reste qu'à 18, 19 ans, je pense qu'on peut anticiper une fragilité un peu plus grande qu'à 24, 25, 28 ans pour des étudiants ou des étudiantes universitaires. Mais j'expliquerais peut-être les réactions un peu différentes sur cette base-là et le fait que nous... comme je le disais, je pense qu'il y a une prise de conscience assez claire, et les organisations syndicales... là non plus je ne veux pas parler en leur nom, mais on a senti aussi une volonté de dire : Ce phénomène-là, on veut collectivement s'y attaquer et on veut envoyer un message assez clair à l'effet qu'il y aura toujours des exceptions. Encore une fois, la personne qui est embauchée temporairement pour faire l'entretien ménager, est-ce qu'elle a vraiment une capacité de développer une relation qui serait malsaine avec une étudiante, un étudiant? Peut-être, et c'est pour ça que le critère qui parle d'une relation d'aide nous semble assez large pour dire : Bien, si ça arrivait, il faudrait être capable de sanctionner ça.

Mais, de façon générale, on va se le dire, on pense plus à une relation qui est en lien avec l'acte pédagogique et là effectivement on pense que le critère, il le définit bien et que ça permet d'envoyer un message en disant : Écoutez, normalement, là, des relations, ça n'existe pas entre la population étudiante et le personnel des cégeps, et, si ça existait, bien, ce seraient vraiment des cas, j'oserais dire, plus exceptionnels.

Mme David : O.K. J'ai le goût de continuer là-dessus, mais je vais au moins finir la liste des choses où je trouve intéressante... La recommandation 13. On le sait, vous l'avez dit, il y a des petits cégeps, il y a des plus gros cégeps, bon, il y a des petites universités aussi puis il y a des plus grosses universités, alors le guichet unique pourrait prendre la forme d'un lieu désigné ou d'une personne désignée.

Je pense que, dans l'esprit du législateur, comme on dit pompeusement, c'est un peu ça, notre idée, en fait, c'est qu'on ne peut pas avoir la mégastructure du cégep Édouard-Montpetit ou de l'Université Laval pour un cégep de 900 étudiants dans telle ou telle région. Alors, vous proposez un lieu désigné ou une personne désignée. Je pense que ça devrait être une personne désignée dans un lieu désigné, mais, en tout cas, quelque chose de vraiment bien désigné et surtout un expert qui est capable d'accueillir ça en n'étant pas complètement désarçonné, en ne sachant pas quoi faire. Mais j'ai écrit «pas pire», je trouvais que votre recommandation était bien écrite.

Et l'autre chose que je vais préciser, mais je trouve qu'on n'en parlera pas beaucoup, là, c'est... vous précisez : Attention! «L'admission» ne veut pas dire «l'inscription». On le sait quand on a joué dans ce film-là un peu, là, ça peut être deux fois plutôt qu'une, mais je suis bien d'accord que c'est clair que la priorité, c'est au début de chaque session. Alors, il peut être dit à l'admission, peut-être dans l'avis, que, je ne sais pas quoi, c'est un établissement libre de je ne sais pas quoi, là, mais c'est clair pour nous que c'est le début de session qui est intéressant.

Pour la reddition de comptes, bien là vous l'avez dit d'ailleurs tout à l'heure, le... je ne sais plus, nous, trop, trop comment on le formule, mais vous dites : Ça serait beaucoup mieux de fournir des données. Bien, ça va faire partie, de toute façon, de la reddition de comptes, de donner des renseignements sur la demande, bon, la manière, la politique, combien il y a eu de plaintes, etc., mais j'entends bien cette question de reddition de comptes puis qui doit être intéressante et utile et pas un papier de plus. Ça, je sais que vous adorez les redditions de comptes, mais on ne veut pas vous en imposer une de plus, mais celle-là, ça peut être pour dire, comme société, on avance comment. Donc, il faut qu'elle soit vraiment intelligente, elle doit être pas trop nominative, évidemment. Et, en ce qui a trait à la question d'être nominatif, évidemment que, s'il arrive quelque chose... et admettons qu'on ne parle pas, là, de relation professeurs-étudiants, disons... ou, enfin, on ne fera pas la définition, mais c'est entre deux étudiants où il y a vraiment quelque chose de pas très sympathique qui s'est passé, je ne sais pas comment... Les gens qui vous ont précédés disent carrément... ou même le BCI dit : Il devrait y avoir une non-confidentialité, plutôt qu'une confidentialité, pour dire à l'étudiante... ou, disons, la victime qu'est-ce qui est arrivé de la sanction de l'agresseur, pour que la personne... parce qu'il nous a été beaucoup dit : Bien là, je vais la recroiser, ça n'a pas de bon sens. Si elle a été sanctionnée puis qu'elle revient dans deux mois, pitié, dites-le-moi, je ne veux pas... bon, etc.

Est-ce que vous avez une expérience un peu là-dedans et une sorte d'opinion sur comment cohabiter, surtout — vous avez, des fois, des petits cégeps, là — comment cohabiter un agresseur et sa victime et comment vous voyez, c'est ça, la suite des choses?

M. Tremblay (Bernard) : Je vais demander à ma collègue Mme Reed peut-être d'enchaîner suite à mon premier commentaire, mais, je vous dirais, notre premier souci, c'est que, règle générale, il y a quand même plus un réflexe, selon nous, de confidentialité et de ne pas vouloir être stigmatisé dans un petit milieu. Et je comprends que les commentaires qui ont pu être faits, c'était aussi d'informer la victime de ce qui avait été fait comme action. Alors, peut-être qu'on peut le voir à deux niveaux.

Transmettre une information. Pour nous, on s'est inspirés de la loi ontarienne, qui dit «dans la forme prescrite par la ministre», de manière à ce qu'on soit capable de trouver un mécanisme et non pas le rapport annuel, qui est d'une autre nature, donc un mécanisme pour faire en sorte qu'on ait la capacité de témoigner des actions qui ont été posées, de ce qui se passe dans nos établissements. On en est. Et, si on le fait de façon globale, bien, à ce moment-là, ça évite le côté nominatif face à des établissements, je dirais, même de 600 étudiants, 600 dans... quand on parle de Sept-Îles, quand on parle de Baie-Comeau. Donc là, on parle de milieux quand même où la confidentialité, selon nous, là, risque d'être très importante, là, pas seulement là, mais en particulier je donne cet exemple-là.

Mais, par ailleurs, peut-être que ma collègue peut compléter par rapport à comment transmettre une certaine information, effectivement, aux victimes.

Mme Reed (Geneviève) : Oui. Bien, bonjour. Écoutez, en fait, pour l'instant, on n'a pas discuté de cette question-là au sein soit du RIIPSO ou du comité consultatif, mais, comme on a un comité consultatif à la fédération qui est formé vraiment de tous les types de dirigeant, et tout ça, et qu'on va suivre l'évolution de la politique, et tout ça, ça va être certainement quelque chose qui va être à discuter, puis on va tenir compte, à ce moment-là, des besoins des uns et des autres.

M. Tremblay (Bernard) : Et le fait... j'ajouterais, et le fait, donc, d'avoir une souplesse dans la loi qui permettra à la ministre de faire évoluer le type de mécanisme pourrait peut-être être intéressant, justement, plutôt que de camper dans la loi dès maintenant la façon de rapporter ces événements-là.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la représentante de l'opposition officielle. Mme la députée de Marie-Victorin.

• (17 h 50) •

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous quatre pour votre présence aujourd'hui en commission parlementaire, ce qui nous permet de poser un autre éclairage sur le projet de loi n° 151 puis de nous donner des outils aussi, de sorte que nous puissions le bonifier de la meilleure façon possible. Donc, je salue particulièrement le représentant, M. Lambert, du cégep Édouard-Montpetit, qui est presque dans ma circonscription. Donc, on est contents de...

Une voix : ...

Mme Fournier : Ça va. Oui, exactement. Donc, on y a fait allusion tout à l'heure, l'exemple du collège de Rosemont en ce qui a trait, donc, à l'interdiction des relations intimes entre les professeurs et les étudiants. Donc, on sait que c'est tout récent, mais je ne sais pas si vous pourriez nous parler davantage de ce qu'ils ont choisi de faire, donc, au collège de Rosemont.

Est-ce que c'est l'exemple dont vous vous êtes inspirés pour votre position? Est-ce que là-bas ils considèrent que c'est bien applicable? Donc, avoir un petit peu plus de détails, ce serait intéressant.

M. Tremblay (Bernard) : Malheureusement, je vous dirais, on n'a pas les... On a effectivement, comme le disait ma collègue, réuni des gens évidemment du réseau en vue de l'élaboration de notre mémoire.

On a essayé d'avoir vraiment, comment dire, une lecture complète du réseau collégial. Cependant, je n'ai pas les dernières informations concernant cette politique, donc, qui a été adoptée à Rosemont, mais je pense qu'elle va dans le sens quand même de ce qui a été proposé dans notre mémoire, donc, encore une fois, toujours une posture qui vise à dissuader plutôt qu'encadrer, hein, puis à faire en sorte que le message soit transmis, à l'effet de dire : Bien, normalement, ce n'est pas des situations qui sont acceptables... et, comme je le disais, à moins d'une situation vraiment exceptionnelle où on sent que c'est un peu une relation fortuite et qu'il n'y a pas un lien... et que le cégep, en fait, n'est pas le lien de rattachement des deux personnes, là.

Mme Tremblay (Marie-Christine) : Si je peux me permettre. On ne s'est pas nécessairement inspirés de ce qui s'est fait à Rosemont, mais, au cégep Rosemont, sachez aussi qu'ils ont, au cours de l'année dernière, consulté tant les étudiants, les associations syndicales, le soutien professionnel et enseignant. Leur position a évolué aussi au fil du temps, après de nombreuses discussions, là, pour arriver à ce qui s'est fait la semaine dernière. Mais, comme je disais tantôt à Mme la ministre, il y a d'autres cégeps aussi qui l'ont fait, notamment le cégep Maisonneuve, qui avait envoyé un avis tant aux enseignants, aux professionnels, soutiens qu'aux étudiants afin, eux aussi, là, de proscrire toute relation, là, pour les gens du cégep. Donc, ça se discute beaucoup, là, dans les collèges.

Mme Fournier : Oui, effectivement, puis je pense qu'au fil des discussions on voit qu'il y a de plus en plus un consensus aussi qui est en train d'émerger, on va dire, tant de votre côté que du côté des associations étudiantes. C'est ce qui est intéressant de ce regard-là.

Mais, dans l'application quand même de cette notion-là, parce que, c'est sûr, bon, on se pose des questions, comment on l'applique maintenant, là, dans le concret, vous avez parlé, par exemple, que les relations antérieures seraient un peu exclues, si on veut, de l'interdiction. Donc, je me demandais comment vous le verriez, vous, au sein de vos établissements.

Est-ce que, lorsqu'il y avait une relation qui était antérieure à la relation d'autorité, à la relation d'aide ou, bref, à la relation d'influence... puis là, bon, la relation s'installe parce que, par exemple, l'étudiant ou l'étudiante arrive au cégep et est confronté à cette relation-là, est-ce que vous le voyez à la façon d'une déclaration, par exemple, d'un conflit d'intérêts? Comment vous l'appliqueriez au sein de vos établissements?

M. Tremblay (Bernard) : On n'a pas nécessairement pensé à une mécanique, mais effectivement je comprends l'idée, hein, qu'il y ait une espèce de déclaration pour qu'on comprenne bien, effectivement, que cette relation-là était préexistante.

Je vous dirais, on s'est surtout basés sur des exemples tout simples, par exemple, de directions générales qui nous disent : Bien, vous savez, ma conjointe depuis 25 ans décide de se réinscrire au cégep. Alors, évidemment, on verrait difficilement que cette personne-là renonce à son poste ou qu'on refuse à sa conjointe de pouvoir poursuivre ses études. Mais effectivement on pourrait très bien avoir un certain mécanisme pour s'assurer que, lorsque la situation se présente, il n'y ait pas d'ambiguïté, là.

Mme Fournier : O.K. Parce que, par exemple, le BCI, tout à l'heure, nous disait que, dans le réseau universitaire, en tout cas, selon leur perspective à eux, qui était assez différente, parce qu'eux ils ne prônaient pas nécessairement la proscription des relations intimes... il disait que, dès qu'il y avait la relation, par exemple, d'autorité, il était important de la déclarer, mais aussi, dans le meilleur des mondes, que la relation d'autorité n'ait pas lieu.

Donc, je me demandais : Vous, est-ce que, du moment où on déclare la relation intime qui était antérieure à l'établissement de la relation d'autorité, vous prônez plutôt, justement, qu'il y ait un changement de classe? Est-ce que vous permettez quand même qu'il puisse y avoir cette relation d'autorité?

M. Lambert (Sylvain) : Bien, peut-être juste faire un parallèle avec des situations qu'on vit quotidiennement, là, par exemple un parent qui... son enfant fréquente le cégep. Ça, c'est très fréquent. C'est des déclarations... elles ne sont pas obligatoires, mais ça se fait de façon automatique. Et, en effet, dès qu'il y a une relation qui peut porter à interprétation, on le change de groupe, et c'est des choses qui se font très aisément. C'est un petit peu dans le même esprit, là. À partir du moment où il y aurait un retour aux études, par exemple, d'une conjointe, puis la personne est professeur, puis il risque de se retrouver dans sa classe, je pense qu'il y a toujours moyen de faire des accommodements qui sont tout à fait corrects, là. Ça fait que c'était dans cet esprit-là. On n'a pas fait la discussion, là, comme on disait tantôt, nécessairement en profondeur, mais on n'y voyait pas vraiment un gros enjeu, là, en termes d'application, là. Puis je pense que les gens vont le faire naturellement aussi, parce qu'ils le font déjà. Puis d'ailleurs, on le voit déjà, quelqu'un que son conjoint ou conjointe revient aux études va nous le dire pour éviter des situations de ce type-là... ou leurs enfants. Voilà.

Mme Fournier : Donc, dans la mesure du possible, c'est déjà quelque chose qui se fait et que vous pensez qui se fera naturellement.

Très bien. J'aimerais vous amener sur la question des ressources, que vous avez abordée, qui est une question essentielle, à mon avis, parce que, bon, je pense que le projet de loi a des superbonnes bases, je pense qu'on va réussir à l'améliorer aussi tous ensemble, mais évidemment ça pose certaines contraintes aux établissements, ça fait en sorte qu'il y a des ressources qui vont devoir être consacrées aussi à la mise en oeuvre dudit projet de loi. Et je me demandais : Donc, quelle est la situation actuellement dans les cégeps? Quelle est votre perception? Est-ce que ça va être applicable, compte tenu des ressources actuelles? De quoi auriez-vous besoin?

Est-ce que vous avez chiffré, est-ce que vous avez déterminé justement des ressources minimales qu'il va convenir d'appliquer?

M. Tremblay (Bernard) : Oui. C'est toujours difficile, hein, de chiffrer... En fait, ce qu'il faut constater, c'est l'augmentation des besoins, puis ça, je pense que personne n'est surpris quand je vous dis ça. Et, même s'il y a eu des annonces, évidemment, intéressantes quand même en termes d'ajouts dans le cadre des violences à caractère sexuel, nous, je vous dirais, dans le cadre des consultations prébudgétaires l'année dernière, on avait parlé de 5 millions pour augmenter, donc, le niveau de ressources, là, du côté psychosocial.

On calcule donc que c'est à peu près 1 million par année, là, qui a été annoncé. Donc, effectivement, pour nous, il y a un besoin additionnel, mais, j'oserais dire, ce besoin-là, c'est difficile de le cibler sur les violences à caractère sexuel. Je pense que, vous savez, on est de plus en plus — on le partageait avant la rencontre — face à des situations un peu plus chroniques, avec une augmentation, évidemment, des types de situation. On pense que... arrive une situation de violence à caractère sexuel, ça peut évidemment interpeller, je dirais, d'autres types de problème aussi qui sont présents dans nos établissements. Et effectivement nos intervenants présentement sont extrêmement sollicités par d'autres types aussi de besoin, hein? On ne parle pas ici de la prévention du suicide, mais tout le monde est d'accord pour dire que c'est essentiel puis qu'on ne peut pas négliger ça au profit d'une problématique sur laquelle on met plus l'emphase présentement. Donc, c'est difficile pour nous de dire : Pour ce besoin-là, nous avons besoin de tant... mais, par ailleurs, se rappeler que les ressources psychosociales dans les collèges, donc, oeuvrent à soutenir, donc, la population étudiante, qui en a grandement besoin parce qu'elle vit de plus en plus de situations variées pour lesquelles elle s'attend à avoir des services. Et, à ce titre-là, nous, on pense qu'effectivement ça prend un effort additionnel pour être en mesure de répondre à ces besoins-là, parce que, bon, à vue de nez, vous savez, on parle d'à peu près 200 personnes, là, du côté des collèges, hein, qui oeuvrent dans les services psychosociaux — je regarde ma collègue pour être sûr que je ne dis pas de bêtise — quand on parle, donc, de professionnels. Alors, évidemment, la répartition est très variable d'un établissement à l'autre, et c'est sûr qu'au cours des dernières années, bien, évidemment, on l'a déjà dit, je le répète, mais c'est sûr que les besoins ont continué à augmenter.

Et donc, les ressources, même si elles ont légèrement augmenté, là, on a besoin d'un effort additionnel, selon nous, pour être capable de livrer, effectivement, les attentes qui sont associées à ce projet de loi là, mais sans négliger les autres attentes psychosociales qu'il peut y avoir. Et peut-être que ma collègue peut poursuivre.

Mme Reed (Geneviève) : En fait, j'ajouterais aussi qu'une façon d'aider nos intervenants, c'est, oui, d'avoir davantage d'intervenants dans nos collèges, mais c'est aussi de soutenir les ressources locales avec lesquelles ils font affaire, donc non seulement les ressources ici, les CALACS et les ressources d'aide, mais aussi les ressources en santé et services sociaux qui sont exsangues et qui arrivent en soutien avec nos intervenants et auprès des étudiants dans les collèges.

• (18 heures) •

Mme Fournier : Merci. Puis j'imagine que la réalité en région aussi est différente. Tantôt, vous avez dit, donc, que, bon, il y a 200 personnes, mais ce n'est pas réparti de façon équitable sur le territoire non plus, puis on sait que les petits établissements ont plus de difficultés aussi à avoir des ressources dédiées. J'imagine que c'est le cas.

Mme Reed (Geneviève) : En fait, la question est surtout que, dans un petit établissement, on demande à l'intervenant psychosocial qui est là de faire autant de préventions que d'interventions, et la prévention, que ce soit un cégep de 700 étudiants ou de 3 000 étudiants, ça demande le même temps de préparation, la même créativité, etc. Donc, c'est pour ça que les ressources, oui, elles doivent être aussi réparties également dans le réseau pour aider ces petits cégeps là. Ce n'est pas parce qu'il y a moins d'étudiants que les besoins... et ce qu'on demande, et surtout quand on parle de formation ici, dans le projet de loi, formation obligatoire pour le personnel, quand on parle de coordonner les campagnes de prévention, bien, ça demande effectivement du soutien.

Mme Fournier : Tout à fait. Parce que je trouvais intéressant aussi que, dans votre mémoire, vous traitiez de la question d'éducation à la sexualité au primaire et au secondaire. Dans le fond, quand on parle de prévenir les violences à caractère sexuel, évidemment, ça commence par là. Et comment vous le voyez dans le cadre de ce projet de loi ci? Parce qu'il y a beaucoup de gens qui nous ont dit que, bon, ça misait plus sur la sécurisation et peut-être un petit peu moins sur la prévention.

Donc, dans le continuum un peu de la prévention, est-ce que vous trouviez qu'il y avait des ajouts, des bonifications qui auraient été intéressants dans le présent projet de loi? Par exemple, il y a la FECQ qui nous parlait de la formation. C'est quoi, votre avis par rapport à ça?

M. Tremblay (Bernard) : Bien, vraiment, j'en profite pour le dire, pour nous, le projet de loi est très intéressant. Je pense qu'on l'a affirmé. On a quelques commentaires, mais vous pouvez voir qu'ils sont quand même plus de l'ordre de l'amélioration, c'est comme ça qu'on l'a vu, donc le fait d'avoir une politique, le fait de se donner du temps aussi pour l'adopter, hein? Vous avez vu, notre dernier commentaire était à cet effet-là.

Nous, on croit beaucoup au fait de mobiliser la communauté collégiale et qu'en faisant une consultation approfondie en vue de l'adoption d'une politique dans chacun des cégeps, bien, de cette manière-là, on s'assure qu'il y a une prise de conscience collective. Puis, le fait qu'on la révise aux cinq ans, bien, on s'assure de garder active cette préoccupation-là. Alors, ça, de notre côté, pour nous, ça... parce qu'il y a quand même beaucoup d'éléments dans la politique, là, qui sont déjà prévus, donc, pour nous, on pense que ça va rencontrer l'objectif qu'on poursuit. C'est vraiment de mettre cette préoccupation-là quand même au coeur des préoccupations de l'ensemble des intervenants dans les collèges.

Mme Fournier : ...ça serait intéressant peut-être que les établissements d'enseignement puissent adopter la politique, par exemple, pour le 1er janvier 2019 et que la mise en oeuvre demeure au 1er septembre, question d'avoir un temps d'adaptation puis de voir si la politique fonctionne bien.

Donc, vous, à votre avis, j'en comprends que vous trouvez que vous n'avez pas les ressources nécessaires nécessairement pour le faire pour le 1er janvier 2019.

M. Tremblay (Bernard) : Je vous dirais, à ce niveau-là, ce n'est pas tant une question de ressources comme une question de quand... Vous savez, tout le monde veut être consulté, ça prend du temps pour être consulté et que les consultations portent fruit. Alors, c'est difficile d'avoir le beurre et l'argent du beurre, hein? Donc, c'est sûr que de se donner le temps puis de vraiment aller en profondeur, à notre avis, est une meilleure garantie que de le faire rapidement, que les gens se sentent brusqués, que justement cette prise de conscience là n'ait pas été approfondie et qu'après coup, bien, on ait des malaises par rapport à ce qui sera adopté. C'est pour ça qu'on pense qu'un délai plus long est préférable.

Mme Fournier : Je parlais aussi en ressources de temps. Donc, on se comprend bien.

M. Tremblay (Bernard) : Oui. À cet égard-là, oui.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est au représentant du deuxième groupe de l'opposition, le député de Chambly.

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Donc, merci pour votre présentation. Bien, je trouve ça intéressant, la dernière question, parce que j'allais vous relancer là-dessus. Ce que je comprends, c'est que vous souhaitez garder les délais qui sont actuellement prévus dans le projet de loi autant, dans le fond, pour mobiliser les gens que pour l'établir, parce que peut-être qu'on pourrait l'établir plus rapidement, mais le temps de consultation, ça va aussi être un temps de mobilisation pour un peu rassembler les gens. Puis l'idée, ce n'est pas d'avoir une très bonne politique puis de la passer dans la gorge du monde, là.

L'idée, c'est vraiment que les gens sentent qu'ils font partie de cette solution-là. Est-ce que j'ai bien compris? C'est ça, votre intention?

M. Tremblay (Bernard) : Oui. En fait, j'ai le goût de dire : Vous savez, c'est dans nos habitudes, à la fédération. On pourrait réunir les gens, concocter un modèle, se le partager et dire : Bon, bien, ça s'adopte très rapidement. Mais, à ce moment-là, est-ce qu'on va avoir rencontré l'objectif, qui est vraiment, justement, une prise de conscience, une prise en charge? Alors, à cet égard-là, on pense que c'est plus porteur de prendre un peu plus de temps, de faire une réflexion qui est adaptée au milieu. Encore une fois, lorsqu'on a deux, trois centres d'études associés à un cégep à une distance importante, ce n'est certainement pas la même réalité que lorsqu'on est concentré dans un bâtiment. Il y a des cultures locales, etc., qu'on doit respecter.

Et, j'ajouterais, c'est surtout aussi que présentement notre constat, c'est qu'il y a déjà une prise en charge, ce n'est pas comme s'il n'y avait rien, hein? Et le constat qu'on fait, c'est : il y a toujours place à amélioration, puis, encore une fois, on approuve l'idée du projet de loi, mais on ne sent pas une situation d'urgence ou de désengagement dans le réseau collégial. Au contraire, les événements des derniers mois ont permis justement cette mobilisation-là. Donc, on ne voit pas que, d'ici à l'adoption des politiques, il y ait une baisse d'intérêt, mais au contraire que ça puisse, donc, permettre d'aller plus loin.

M. Roberge : Donc, si je comprends bien, pour vous, il y a d'autant moins urgence d'agir qu'en attendant on n'est pas dans un vide, là. C'est ce que je comprends.

M. Tremblay (Bernard) : Voilà.

M. Roberge : O.K. Je vais d'abord aller sur votre première recommandation, que je partage pleinement, là. On est en train de travailler sur une loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel en enseignement supérieur. On peut se douter qu'il y en aurait moins, bien qu'il y en aurait toujours, malheureusement... mais il y en aurait moins, des violences à caractère sexuel en enseignement supérieur, s'il y avait davantage d'éducation, prévention, sensibilisation au primaire, secondaire. Par contre, vous dites : Oui, oui, il faudrait l'implanter, mais dans des conditions adéquates, en faisant appel aux professionnels qui ont une vraie expertise. Donc, je partage à 100 % ce point de vue là.

Mais je vous retourne la question : À votre niveau, est-ce que vous avez, en ce moment, les professionnels qui ont l'expertise nécessaire à la mise en place du plan d'action et à l'application de cette loi-là?

M. Tremblay (Bernard) : Je vous répondrais, oui en termes de compétence, mais effectivement, pour reprendre les propos de ma collègue, il y a une question de volume, là, de besoins, hein, et là c'est plus à ce niveau-là. Lorsqu'on veut à la fois intervenir sur la prévention et à la fois on reçoit des jeunes qui ont des difficultés de tout ordre, c'est normal, c'est le curatif qui prend le dessus sur le préventif. Alors, c'est plus à cet égard-là, je dirais, qu'on a une préoccupation. Et peut-être que tu peux rajouter.

Mme Reed (Geneviève) : J'ajouterais qu'actuellement, quand il y a des cas, les intervenants psychosociaux font l'accueil de la présumée victime, ils vont faire du soutien, ils vont l'accompagner, mais après ça, rapidement, ils vont aussi l'acheminer vers les ressources spécialisées, parce qu'on parle des cas quand même... Des cas de violence à caractère sexuel, c'est vraiment quelque chose de très particulier. Alors, oui, il y a certains collèges qui ont des sexologues, mais ce n'est pas la majorité, donc, d'où l'idée d'avoir des ressources associées qui sont pleinement capables de recevoir ça. Mais donc, c'est ça, c'est un travail d'équipe en termes de prévention... pas de prévention, mais de lutte et de réponse aux agressions sexuelles.

M. Tremblay (Bernard) : Et, je me permettrais d'ajouter, ce qu'on voulait aussi envoyer comme message dans notre mémoire, c'est, encore une fois, l'idée du continuum, hein? Il y a des particularités à l'enseignement supérieur. On arrive avec des adultes, donc c'est tout à fait normal qu'on traite la situation de façon distincte, mais, en même temps, de rappeler qu'on est un système d'éducation et qu'il y a des gestes qu'on pose avant et qui, donc, ont des conséquences par la suite.

M. Roberge : Puis, quand on parle d'équipe élargie ou, enfin, d'être capable de ne pas seulement faire, tout le temps, du curatif puis de faire de la prévention, ça veut dire d'élargir l'équipe, ça mène à votre recommandation 5. Vous parlez de ressources financières, là, il faut que le gouvernement dégage des ressources financières. Si on recule de quelques mois, quand il y a eu... Avant l'annonce du projet de loi, il y a eu une annonce d'une politique, il y a eu une annonce de 23 millions.

Pour qu'on comprenne bien. Est-ce qu'il y a de l'argent qui s'est rendu dans vos établissements, à date... de ce 23 millions là? Est-ce que ça s'est rendu?

M. Tremblay (Bernard) : À l'heure actuelle, je ne crois pas que la mesure budgétaire soit adoptée. Puis, je vous dirais, à quelque part, on comprenait que le projet de loi devenait un peu le déclencheur, je dirais, là, pour la mesure, là. Je ne pense pas qu'il y ait de... non.

M. Roberge : Dans le fond, le 23 millions a été annoncé lors de la politique, mais, dans le fond, il n'est pas dépensé là. On se demandait pourquoi il a été annoncé à ce moment-là, d'ailleurs, mais là il y a le projet de loi, et déjà vous en faites, des choses. Vous allez devoir en faire plus.

Est-ce que ça va être suffisant? Est-ce qu'en ce moment... Tiens, je vais vous poser la question. Les 23 millions, là, on n'en a pas eu la ventilation, mais, pour un cégep de taille moyenne... On a ici un D.G. d'un cégep, d'ailleurs un bon musicien, qui est là. Ça représenterait combien pour une institution si on n'avait que ce 23 millions là? On peut donner un exemple. On sait bien que ce n'est pas pareil, un petit cégep, un gros cégep, mais...

• (18 h 10) •

M. Lambert (Sylvain) : Bien, on a fait une règle du pouce en essayant de diviser ça — c'était sur cinq ans, si je ne me trompe pas — par le nombre d'institutions, et tout ça. On arrivait à une somme d'autour de 20 000 $, là, si je ne me trompe pas, là, mais c'est une appréciation. Peut-être qu'il y a un autre mode de calcul, là, mais, 23 millions, comme ça, là, rapidement, à vue de nez, on est dans quelques dizaines de milliers de dollars, possiblement.

M. Tremblay (Bernard) : Oui. Et c'est sûr qu'on a des règles qui font en sorte que, normalement, il y a une répartition qui est plus aussi en fonction du volume, là, d'activité. Donc, c'est juste pour donner un ordre de grandeur. Mais je comprends que la mesure sera sûrement plus, comment dire, nuancée que ça.

M. Roberge : C'est sûr, c'est certain qu'on était bien contents de voir qu'il y a de l'argent qui vient avec cette politique-là. Ça, c'est une très, très bonne chose. On s'attend à ce que ça ce soit bonifié.

Ensuite, par rapport à la reddition de comptes, je vois qu'ici ça dit : Chapitre III... on parle de son rapport annuel. Est-ce que, pour vous, c'est pertinent de le faire annuellement? Est-ce que ce qu'il y a dans le projet de loi en ce moment, ça vous semble lourd et coûteux ou ça vous semble léger et raisonnable? Est-ce qu'il y a des choses à moduler là-dedans?

M. Tremblay (Bernard) : On a été un petit peu habitués, je dirais, dans les dernières années que le rapport annuel est devenu un lieu de reddition de comptes et on comprend, donc, ce réflexe-là. À certains égards, nous-mêmes, je pense qu'on a déjà dit dans le passé : Bien, écoutez, essayons de concentrer les voies de reddition de comptes, essayons de faire en sorte qu'on ne s'éparpille pas trop par différentes actions. Mais ici, compte tenu du caractère, encore une fois, un peu particulier de cette information-là et du fait que pour certaines personnes, évidemment, ça peut être extrêmement douloureux de, comment dire... qu'on mette en évidence des situations qu'ils ont vécues, c'est là qu'on est un peu inquiets et qu'on dit : Bien, peut-être qu'il faut se garder un espace, ne pas établir que c'est dans le rapport annuel, prévoir qu'il y a une capacité de définir cette reddition de comptes là d'une autre façon. Alors, c'est pourquoi nous, on propose, comme je le disais, le mécanisme qu'on a retrouvé dans la loi ontarienne, en se disant : Ah! tiens, ça reste quelque chose à définir.

La Présidente (Mme de Santis) : Une minute.

M. Roberge : En une minute, est-ce que vous pouvez m'expliquer un peu qu'est-ce qu'on retrouve dans la loi ontarienne, plutôt que ce qu'il y a là?

M. Tremblay (Bernard) : Oui. La loi ontarienne prévoit tout simplement que c'est le ministre ou la ministre qui détermine comment cette reddition de comptes là est faite. Donc, c'est quelque chose qui n'est pas, comment dire, inscrit dans la loi mais qui peut donc évoluer et qui peut donc tenir compte, justement, d'un portrait qu'on pourrait se faire en disant : Bon, bien, voilà, si on rendait disponible cette information-là, ah! dans tel et tel collège, ça veut dire une information personnelle qu'on ne veut pas divulguer, parce que ça a des conséquences pour la personne.

M. Roberge : Bien, je vous remercie beaucoup pour votre présentation.

La Présidente (Mme de Santis) : M. Tremblay, Mme Reed, Mme Lambert, Mme Tremblay, merci d'avoir contribué à nos travaux.

Je suspends les travaux de la commission jusqu'à 19 h 30. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 18 h 13)

(Reprise à 19 h 30)

La Présidente (Mme de Santis) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de la culture et de l'éducation reprend ses travaux. Veuillez éteindre la sonnerie de vos appareils téléphoniques.

Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 151, Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur.

Ce soir, nous entendrons l'Association des collèges privés du Québec et la Clinique juridique Juripop. Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association des collèges privés du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. Merci.

Association des collèges privés du Québec (ACPQ)

M. April (Michel) : Merci. Mon nom est Michel April. Je suis président de l'ACPQ et directeur général du collège Jean-de-Brébeuf. Avec moi, j'ai mes collègues.

M. Turcotte (Alain) : Bonsoir. Alain Turcotte. Je suis directeur adjoint du Service aux étudiants au collège Jean-de-Brébeuf et président de la commission du Service aux étudiants de l'Association des collèges privés du Québec.

Mme Desrochers (Marili B.) : Bonsoir. Marili Desrochers, chargée de projet, ACPQ.

Mme Quirion (Isabelle) : Bonsoir. Isabelle Quirion, chargée de projet, ACPQ.

M. April (Michel) : Donc, d'entrée de jeu, nous tenons à remercier les membres de la Commission de la culture et de l'éducation pour l'opportunité qui est nous est faite de vous transmettre un mémoire et de pouvoir vous le présenter et répondre à vos questions. Donc, je voudrais aussi un peu m'excuser du fait que vous l'avez eu tardivement. Je crois que vous l'avez reçu hier en fin de journée. Donc, nous, il faut dire que, le 16 novembre dernier, tous nos collèges, les directeurs généraux, les gens des services aux étudiants, tout le monde était réuni pour travailler à ce mémoire-là. Donc, c'est pour ça que vous l'avez eu seulement hier. Et, dans l'empressement, un peu, malheureusement, il s'est glissé quelques petites coquilles. Tantôt, on a prévenu madame que, dès demain matin, vous allez avoir une version sans coquille. On s'en excuse, mais c'est... il n'y aura pas de changement de sens, mais des petites coquilles qui ont été remplacées.

Donc, sans tout reprendre le document, j'aimerais pouvoir insister, si vous le permettez, sur quelques passages de notre document.

Donc, d'entrée de jeu, j'aimerais pouvoir vous présenter, pour le bénéfice de tous, le réseau de l'Association des collèges privés du Québec. L'ACPQ est composée de 21 établissements répartis dans plusieurs régions du Québec, soit Montréal, Québec, Estrie, Mauricie, Montérégie, Centre-du-Québec et l'Outaouais. Les collèges privés subventionnés offrent des programmes et des services diversifiés répondant aux besoins de la clientèle, de plus en plus hétérogène. C'est important ici de le souligner. Ça va revenir un peu plus tard. L'ACPQ est issue d'une longue tradition québécoise d'éducateurs, et 14 de ses membres ont une origine qui remonte à bien avant la réforme des années 60 en éducation. Maintenant une tradition d'excellence, les collèges privés agréés du Québec ont accueilli, en 2016‑2017, quelque 17 000 étudiants dans leurs programmes conduisant à l'obtention du D.E.C. ou d'une A.E.C., ce qui correspond environ à 6 % à 7 % de la clientèle collégiale totale. En plus de sa contribution reconnue pour l'innovation, le réseau collégial privé subventionné du Québec se distingue par son accessibilité, son adaptabilité et son efficience.

D'entrée de jeu, l'Association des collèges privés du Québec souhaite signifier qu'elle salue le projet de loi visant à prévenir et combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur, déposé le 1er avril dernier par Mme Hélène David, ministre responsable de l'Enseignement supérieur et de la Condition féminine. L'association applaudit également le fait que ce projet de loi et la stratégie se démarquent par la prise en compte de toutes les personnes qui fréquentent les établissements d'enseignement supérieur et qu'ils considèrent, notamment, les étudiants en situation de handicap, les personnes de minorités sexuelles et de genre ainsi que les membres des communautés autochtones.

Toutefois, on aimerait souligner que les syndicats ne semblent pas spécifiés tels quels au projet de loi. Donc, on voulait pouvoir apporter ce point-là à votre attention.

Ensuite, au niveau de la politique distincte comme telle, les collèges privés démontrent déjà leur volonté d'être des lieux d'études et de travail sécuritaires exempts de violence à caractère sexuel, où tous ont droit au respect de leur dignité et de leur intégrité physique. La participation de l'ACPQ au processus de consultation qui a mené au dépôt, en août dernier, de la Stratégie d'intervention pour prévenir et contrer les violences à caractère sexuel en enseignement supérieur est un exemple de l'importance que les collèges privés subventionnés accordent à cet enjeu. À titre d'exemple, avant même le dépôt de ce projet de loi, les instances de l'association avaient déjà établi un plan d'action pour l'année reconnaissant l'importance de cette priorité ministérielle.

Quoique l'ACPQ soit d'accord avec ce projet de loi et qu'un certain nombre de balises étaient nécessaires pour prévenir et combattre les violences à caractère sexuel, nous nous préoccupons de la mise en place d'une politique qui répondrait aux besoins et qui tiendrait compte des réalités propres aux collèges privés subventionnés.

Au niveau des outils de référence. Donc, suite à la consultation de nos membres sur les défis et bonnes pratiques pour l'élaboration et la mise en place de politiques institutionnelles, il nous est apparu clair qu'il existait beaucoup d'ambiguïtés concernant différents éléments du projet de loi. Des questionnements demeurent, et le besoin d'avoir accès à des outils pour accompagner les collèges nous semble évident. Nous accueillons favorablement les propos de la ministre responsable de l'Enseignement supérieur, qui promet, justement, des outils de référence. Cependant, ces outils doivent être mis à la disposition des établissements très rapidement si l'on souhaite la mise en place de la politique dans les délais souhaités. Effectivement, certains termes utilisés, le lexique, les procédures demeurent quelque peu ambigus. Différents questionnements au plan juridique restent également à éclaircir, si ce n'est que la confusion qui tourne autour du mot «plainte» et tout ce que celui-ci peut signifier.

Ensuite, au niveau des enjeux humains, on reprend un peu que les outils adaptés aux clientèles de communautés culturelles différentes seront aussi nécessaires. Comme je mentionnais tantôt, on accueille beaucoup de différentes clientèles dans nos collèges. Par exemple, dans mon collège, il y a 42 langues parlées, différentes, à la maison. Donc, il y a une préoccupation pour nous que les outils soient aussi adaptés aux différentes communautés culturelles, sachant que la compréhension de certains concepts pourrait être différente. En effet, plusieurs collèges privés subventionnés accueillent des étudiants de différentes communautés. Je viens de le mentionner.

Le projet de loi traite spécifiquement de violence à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur. Or, dans les faits, il est difficile de circonscrire ces violences des autres problématiques qui peuvent être vécues, telles que le harcèlement, pour ne citer qu'un exemple. Ce sujet ne peut donc être traité en silo. Il ne faudrait pas oublier que cette nouvelle politique tienne compte des politiques qui sont déjà en place dans nos collèges. On a cette politique-là à faire, mais on a déjà une série d'autres politiques qu'il faudra nécessairement harmoniser avec celle-ci, ce qui est aussi un travail à accomplir.

Un guichet unique. Dans le contexte des collèges privés, surtout les plus petits collèges, les dirigeants et les membres du personnel occupent très souvent plusieurs rôles. Les modalités applicables pour formuler une plainte, pour effectuer un signalement, assurer le suivi, ainsi que les mesures visant à protéger les personnes concernées et à limiter les impacts sur leurs études, représentent donc des défis considérables pour plusieurs collèges. Pour certains établissements, l'offre de services d'accueil, de référence, de soutien psychologique et d'accompagnement des étudiants pour tous ces types de besoin repose parfois sur une seule personne-ressource. On lui ajouterait alors cette responsabilité, augmentant alors sa tâche et en limitant l'accès aux autres services pour les autres étudiants. Le manque de ressources dans les établissements n'est pas négligeable, et l'ajout de celles-ci serait essentiel pour mener à bien les objectifs de ce projet de loi. L'association se préoccupe de la mise en place de la politique institutionnelle mais se préoccupe aussi de tous les autres services sociaux à offrir aux étudiants. En conséquence, l'ACPQ souhaite une flexibilité dans l'application de la loi. Le guichet unique, de par sa fonction et son importance, demande la mise en place d'une personne-ressource, idéalement un membre d'un ordre professionnel, pour offrir le soutien approprié. Il est essentiel, encore une fois, de pouvoir disposer de ces ressources-là. Un point important qu'on nous a souligné : même les ressources que nous avons — dans certains cas, les plus gros collèges, des ressources spécialisées — nous disent qu'elles auront besoin de formation additionnelle pour pouvoir faire face aux nouvelles exigences.

Donc, tous les intervenants du milieu doivent recevoir de la formation, dont, encore une fois, les syndicats. Il ne faut pas oublier nos syndicats dans la démarche.

Un autre aspect à ne pas négliger, c'est les difficultés actuelles d'offrir des services adéquats 24 heures sur 24, sept jours-semaine. Prenons simplement en exemple les besoins dans les résidences ou lors des activités de soir ou des stages. On le mentionnait tantôt, on a des stages au Costa Rica, dans d'autres pays. Il faut aussi pouvoir faire face à des situations qui pourraient se produire même à l'étranger. Donc, ces demandes de formation devront être ajustées à la fonction et au rôle de chaque intervenant.

• (19 h 40) •

La Présidente (Mme de Santis) : Une minute.

M. April (Michel) : Une minute. Bon. Ressources externes. Les sommes prévues sont, à nos yeux, par contre, insuffisantes. Je pense qu'on a déjà eu l'occasion de le mentionner.

Mesures de sécurité. On voudrait pouvoir rappeler à la ministre que le PQI ne s'applique pas pour les collèges privés subventionnés. Donc, il faudra trouver un moyen d'avoir aussi du financement pour les infrastructures. À cet égard, l'ACPQ croit qu'il relève de l'autonomie des établissements de pouvoir faire la reddition de comptes. En gros, ce que nous disons, c'est que nous avons l'habitude de faire de la reddition de comptes, mais ici, en l'occurrence, il ne faudrait pas alourdir les processus déjà pour des collèges qui ont peu de ressources. Donc, misons beaucoup sur la prévention, la sensibilisation, l'action, mais ne mettons pas trop d'énergie sur la reddition de comptes.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme David : Merci beaucoup, merci d'être présents. Merci d'avoir pris ce temps de venir vous intéresser avec nous à cette question, de proposer et de nous sensibiliser à votre réalité, qui peut-être est un peu différente d'autres réalités, ne serait-ce que sur certains aspects du financement ou sur certaines réalités de plus petits collèges, bien qu'il y ait aussi des petits cégeps, mais qui sont d'ailleurs aux prises un peu avec les mêmes genres de soucis que vous pouvez avoir.

J'étais justement, il n'y a pas longtemps, au collège Brébeuf, et, vous vous souvenez, ça m'a frappée, puis je tiens à le dire, parce qu'il y avait un aspect où j'ai dit : Mon Dieu! on est au cégep, là. C'étaient des étudiants de collégial, et ils m'ont dit après, parce que c'était un peu en aparté, un peu en confidence : Écoutez, on n'a pas assez de formation et d'information sur ce qu'est la notion de consentement, on ne sait pas, dans le fond, ce que c'est, une violence à caractère sexuel. Il m'est arrivé quelque chose. Est-ce que c'en est une, violence, ce n'en est pas une? Est-ce que c'est de ma faute, ce n'est pas de ma faute? Est-ce que je vais porter plainte? Et ils m'ont demandé justement d'avoir beaucoup plus de formation, et il y en a une qui a été vraiment très loin, là, qui m'a dit : On devrait rajouter trois cours, comme les cours de philo, rajouter trois cours non pas d'éducation à la sexualité — on parle d'adultes ou de très jeunes adultes quand même — mais vraiment de réflexion sur ce qu'était cette notion. Alors, ça m'a quand même sensibilisée à une sorte de besoin qu'ont les étudiants à pouvoir en parler, avoir des lieux pour en parler.

Il faut dire que ça s'adonnait bien, c'était une présentation de la campagne Sans oui, c'est non!, à laquelle vous adhérez, et, donc, qui venait justement faire une activité. J'ai salué beaucoup cette question-là, mais j'ai été touchée par le besoin que ces étudiants avaient, et on parle quand même d'étudiants dans un collège privé reconnu dont on pourrait soupçonner que, devant cette question-là, on a affaire à des jeunes adultes déjà très préparés à la vie, si on veut, mais non.

Peut-être que votre directeur, justement, des... Je ne veux pas me tromper dans votre titre, monsieur... Responsable de la pédagogie? Non, ce n'est pas ça.

Une voix : ...

Mme David : C'est ça, de la vie étudiante — ce n'était pas Services aux étudiants — de la vie étudiante. Vous devez en savoir plus que moi sur cette question-là. Mais donc j'ai senti qu'on touchait quand même à un point sensible.

J'aimerais peut-être vous entendre un petit peu à ce niveau-là. Vous les voyez arriver, vous, les... En plus, vous, ce qui est intéressant, c'est que vous les voyez arriver, mais il y en a d'autres que vous connaissez depuis 10 ans, pratiquement... pas 10 ans, ce n'est pas vrai, vous n'avez pas le primaire, mais depuis le secondaire, et ils arrivent au collégial, mais il y en a d'autres qui arrivent. Alors, je voudrais savoir ce que vous pensez de cette question de formation.

M. Turcotte (Alain) : Je vais prendre parole, Mme David. Effectivement, ça faisait partie d'une de nos préoccupations. Tout ça a débuté en janvier dernier, lorsqu'on a fait les consultations avec les différents étudiants de nos collèges. La définition de ce qu'est une violence à caractère sexuel, elle était très confuse pour eux, et je pense que vous l'avez remarqué aussi dans les périodes de questions dont vous avez eu à répondre lors de votre visite à Brébeuf. Et effectivement, de notre côté aussi, on a plusieurs collèges qui ont des résidences. Nos étudiants sont chez nous 24 heures sur 24, sept jours-semaine. Effectivement, on a des collèges qui sont préuniversitaires uniquement, donc des jeunes qui ont 16 à 19 ans, dans la fleur de l'âge.

Un autre volet qui fait partie de notre préoccupation, c'est tout le travail qu'on fait avec nos associations étudiantes. On a des associations étudiantes un peu disparates par rapport au réseau public. On a même des associations qui ne sont pas légalement constituées. Mais on a l'avantage, je pense, d'un petit réseau, de petits collèges, on est très près de nos étudiants, la communication est très facile. Et on organise à toutes les années un camp de leadership avec nos associations étudiantes qui est organisé par la commission de Services aux étudiants, et ça a fait partie, cette année, d'une des discussions qu'on a eues avec eux — et, dans le futur aussi, ça va faire partie des discussions et des actions qu'on va prendre avec eux — comment les encadrer, comment travailler en concert avec eux pour qu'ils puissent accomplir aussi les responsabilités qu'ils ont directement à l'intérieur du projet de loi.

Donc, effectivement, ça fait partie de nos préoccupations, de travailler avec ces jeunes-là et de travailler à leur niveau aussi sur le sujet, mais effectivement on est dans un milieu où il y a certains collèges plus aisés. On a des étudiants qui ont des parents aussi qui ont des scolarités élevées. Donc, on peut s'imaginer que ces étudiants sont bien préparés à faire face au quotidien, mais, on remarque qu'ils sont autant, des fois, dépassés sur le sujet. Donc, il y a un travail terrain, et, l'avantage étant de petits collèges, de ce côté-là, je pense que c'est un avantage qui peut être très grandissant.

M. April (Michel) : ...par rapport à votre question. Dans le mémoire, on faisait référence — c'est très important — de pouvoir assurer de la formation pas seulement rendu à l'enseignement supérieur. Je pense que, toute la démarche que le ministre Proulx fait actuellement aussi aux niveaux primaire, secondaire, on considère que c'est fondamental. Chez nous, par exemple, à Brébeuf, on a embauché l'an dernier une infirmière sexologue, maintenant, pour faire de la formation auprès des jeunes, puis tout ça. Ça commence là. Il ne faut pas nécessairement attendre. Il faut le faire au collégial, mais, si, pour l'avenir, on peut vraiment commencer en amont, ce sera une bonne chose.

Mme David : Oui, parce qu'on sent qu'au primaire, secondaire c'est vraiment de l'éducation à la sexualité. Au collégial, bien, ils commencent à la vivre puis là ils restent un peu saisis dans la partie plus pratique de la chose, si on veut, et j'ai vraiment senti une sorte de quête d'information et d'échange aussi, d'un lieu d'échange. Alors, je vous remercie de ce que vous dites. Vous avez aussi parlé... et vous êtes peut-être les seuls à avoir été aussi clairs là-dessus, puis je vais être contente... surtout, mon ministère va être très content, parce que vous avez dit : On va avoir besoin d'aide pour avoir des outils, pour avoir peut-être des formats types de politique. Bien, c'est justement ce à quoi ils s'appliquent pour justement vous aider à... Ça ne veut pas dire que tout ça va être intégralement ce que vous retiendrez, mais il y a un travail qui se fait pour accompagner, parce que, je pense, vous pourrez peut-être travailler avec le réseau public aussi.

Mais les gens ont intérêt à réfléchir ensemble à comment s'adapter au niveau collégial. Et puis, au niveau universitaire, ça peut être la même chose. Mais nous-mêmes, nous allons faire l'effort de pouvoir avoir une espèce de politique-cadre si les gens veulent s'y référer. Alors, on sera très, très ouverts à vous accompagner, effectivement, là-dedans.

• (19 h 50) •

M. April (Michel) : ...la même chose, il va y avoir tellement besoin de formation. Si on peut déjà établir quelles sont les bonnes sources de formation, parce que j'imagine que tantôt il va apparaître plein de gens qui vont vouloir offrir des services, bien, encore faut-il que ce soient des services de qualité.

Mme David : Tout à fait, et ça, on va se porter garants de ce qui peut être bien intéressant comme formation, parce que je pense que vous n'avez pas à rester seuls avec tous ces aspects-là, en disant : On se met ensemble. Et il y a bien des choses dont les petits, les moyens et les grands collèges, autant privés que publics, et autant, pas mal, les universités aussi que les collèges, peuvent bénéficier. Alors, des formations, il s'en donne de très bonnes. Puis il y en a qui nous ont demandé de publier une sorte de lexique, là, non seulement des différents... que veulent dire tel mot, tel mot, «une plainte», «un dévoilement», «un signalement», «une plainte administrative», «une plainte au criminel», etc., mais aussi un registre des formations qui peuvent se donner. Alors, c'est sûr qu'on pourra vous accompagner là-dedans. Alors, vous êtes là comme association, et, comme association, bien, effectivement, de vous mettre ensemble, ça pourrait aider, et, de vous mettre avec nous, on va être à votre disposition pour ça.

Vous avez aussi demandé de la flexibilité, et ça, vous n'êtes pas les premiers à dire ça, parce qu'il y a des petites universités, des petits collèges publics, des petits collèges privés. C'est bien évident qu'on ne peut pas avoir une infrastructure de services, un CLSC au complet pour un tout petit collège, là. Alors, la Fédération des cégeps, dans leur mémoire, propose de... on peut appeler ça un guichet unique, ou un intervenant pivot, ou un lieu... en tout cas, ou l'intervenant est dans un lieu, le lieu est connu. Encore là, le lieu connu, c'est peut-être plus pertinent pour les grands campus où il y a 60 bâtiments différents. Mais, dans les petits collèges, c'est pas mal connu, d'habitude, où sont les services aux étudiants. Mais je pense qu'on n'a pas comme objectif de vous obliger à avoir chacun un sexologue, un psychologue, un travailleur social, etc.

M. April (Michel) : ...idéal.

Mme David : Pardon?

M. April (Michel) : Dans un monde idéal.

Mme David : Dans un monde idéal. Mais je pense qu'on va viser d'avoir certainement une personne qui est la personne de référence et qui ne paniquera pas si une étudiante ou un étudiant vient lui parler de quelque chose.

M. April (Michel) : ...à l'intérieur même d'un réseau, mettre des ressources en commun, puis ça a été fait dans d'autres secteurs.

Mme David : Absolument. Tout à fait. Mais ce qui est important, c'est que l'étudiant à qui il arrive, malheureusement, quelque chose puisse arriver au collège un matin et rapidement savoir qui aller voir. Alors, c'est peut-être toujours le...

M. April (Michel) : Et à 2 heures du matin aussi.

Mme David : Et à 2 heures du matin. Ça, c'est une autre question, effectivement. D'habitude, ce sont des lignes... Il y en a une, ligne «agression sexuelle», là, une ligne du gouvernement, d'ailleurs, qui est assez utilisée. Alors, il va falloir arrimer tout ça. Et, à 2 heures du matin, il y a une chose qui est accessible, par contre, c'est l'Internet, c'est son iPhone, c'est le site sur son plan de cours, qui dit : O.K., je peux appeler à tel endroit, parce que c'est là qu'il faut que ça soit vite et bien fait. Alors, la flexibilité, c'est de mettre tous ces outils-là à la disposition des étudiants. Maintenant, moi, je me demandais... Parce que ça, c'est vraiment typique de certains de vos collèges privés, d'avoir et le secondaire et le collégial ou, des fois, même, comme, je pense, à Stanislas ou Marie-de-France, le préscolaire, primaire, secondaire, collégial, et ça mène jusqu'à l'universitaire.

Alors, comment vous voyez que ça peut être un atout ou un inconvénient d'accompagner ces jeunes jusqu'au moment où vous devez, pour la partie collégiale, donc, développer une politique, appliquer une politique? C'est un plus?

M. April (Michel) : Bien, souvent, ce qu'on constate chez nous, c'est que l'ordre d'enseignement qui est plus avancé, qui est souvent l'enseignement supérieur, bien, fait bénéficier de ces services-là au niveau du secondaire. Ça fait que c'est sûr qu'en adoptant des politiques qu'on va adopter ici nous, on va indirectement l'utiliser aussi du côté secondaire, puisque, bien que ce n'est pas l'objet du projet de loi... mais, en secondaire V, il peut se passer bien des choses aussi. Entre le secondaire V et le collégial, il peut y avoir un mois entre les deux, là. Donc, ça peut se produire là aussi. Donc, on va pouvoir bénéficier de ce côté-là aussi.

Mme David : O.K. Je ne sais pas si la situation s'est déjà présentée. Je pense, vous n'y aviez pas fait directement référence dans votre... Bien, le mémoire, je n'ai pas eu le temps de le lire vraiment, mais je vous ai écoutés. Sur la question du code de conduite, est-ce que vous avez déjà eu à penser à ça? Est-ce qu'il y a déjà eu des histoires, aux sens anglais et français, qui sont arrivées avec une relation pédagogique professeurs-étudiants ou une relation... Est-ce que vous avez une opinion là-dessus...

M. April (Michel) : ...on a une opinion.

Mme David : ...par rapport à comment agir, prévenir, réagir?

M. April (Michel) : Oui. Au point de vue de l'Internet et des médias sociaux, il y a déjà quelques années, on a établi clairement qu'un membre du personnel, un professeur par exemple, ne peut pas être ami sur Facebook avec ses étudiants. Ça, c'est déjà dans une politique qui est déjà en place depuis plusieurs années. Là, on va plus loin avec le projet de loi qui est là, on sort du cadre de l'Internet et on dit : C'est dans la vie de tous les jours qu'on ne peut pas être trop ami avec les étudiants. Et nous, justement, par rapport au fait qu'on parle d'encadrement dans le projet de loi, on souscrit beaucoup à ce qui a été dit et véhiculé à différents endroits, à savoir que nous, on aimerait mieux aller plus loin que l'encadrement. On aimerait pouvoir aller, directement dans le projet de loi, à ce qu'il y ait des interdictions. Mais, là encore, il faut faire attention à l'interdiction. Donc, il faut vraiment que ça soit des gens en autorité. Pour nous, des gens en autorité sur les étudiants, ça devrait être proscrit complètement, donc, mais il faut faire attention à cet aspect-là et ne pas nécessairement parler seulement de pédagogie.

«Autorité» ne renvoie pas nécessairement, obligatoirement, à «pédagogie». Je vous donne un exemple : un entraîneur de l'équipe sportive. On pourrait dire : Ce n'est pas pédagogique, c'est du sport. Mais ça devrait être interdit à cet endroit-là aussi. Donc, il y a une notion de lien d'autorité. Nous, on irait plus de ce côté-là. Si l'employé est en lien d'autorité sur l'étudiant, ça devrait être proscrit. Par contre, je vous donne un autre exemple à l'autre extrême. On a des jeunes surveillants qui encadrent les étudiants, et souvent ces surveillants-là peuvent être des étudiants du collégial. Ça peut être un étudiant du collégial — un autre exemple — qui travaille à la coop. Bien, il ne faudrait pas qu'un étudiant du collégial, parce qu'il est employé du collège, soit automatiquement... impossible d'avoir une relation amoureuse avec une autre fille du cégep. Ça fait qu'il ne faut pas tomber dans cet extrême-là non plus.

Donc, le lien d'autorité, nous, c'était la façon de voir que ce n'est pas permis à ce niveau-là.

Mme David : O.K. Bien, merci. Vous irez lire le mémoire de la Fédération des cégeps, qui va exactement dans ce sens-là. Ils utilisent trois adjectifs : autorité, relation d'aide et relation... Je ne souviens plus du troisième adjectif, mais ils ont exactement circonscrit la zone où ça devrait exister, cette interdiction, avec des cégeps qui ont déjà... Il y a deux cégeps qui ont déjà interdit toute relation. Mais c'est dans ce contexte-là où... même, je pense que c'est l'ensemble... Les deux cégeps, à date, là, donc, ils nous ont parlé : C'est tout étudiant avec tout professeur et tout membre du personnel. Enfin, c'est assez large.

Maintenant, vous apportez un aspect — c'est ça qui est le fun dans les consultations — auquel moi, je n'avais jamais pensé : être ami Facebook avec un étudiant. Vous dites : Bien, ça va... C'est-à-dire nous, on va plus dans les relations intimes, sexuelles, mais être amis Facebook...

M. April (Michel) : ...

Mme David : Je n'y avais pas pensé, à celle-là, vraiment, là.

M. April (Michel) : Ça peut commencer comme ça.

Mme David : Peut-être je ne suis pas de la bonne époque, là, mais c'est vrai que ça peut commencer comme ça. Mais vous dites que ça existe quand même depuis un certain temps, cette directive. On pourrait dire ça comme ça?

M. April (Michel) : On a d'autres moyens de communication, qui sont des moyens pédagogiques, pour que le professeur puisse donner ses directives aux étudiants. Facebook n'est pas un moyen pédagogique, pour nous.

Mme David : O.K. Alors, quand on dit «interdiction», il y a donc un peu de surveillance ou un peu de conséquences si jamais il n'y a pas d'obéissance. Disons ça comme ça.

M. April (Michel) : Il y a des conséquences, c'est sûr. Au niveau de la surveillance, c'est très difficile de se mettre à surveiller partout, mais on a fait des interventions, c'est arrivé qu'on a fait des interventions. Ça peut être des étudiants qui nous rapportent parfois des faits sur lesquels on agit. Mais là on a une politique pour ça, donc on peut agir.

• (20 heures) •

Mme David : Oui. Quand vous agissez, vous pouvez agir comment?

M. April (Michel) : Bien, au niveau de notre politique, ça dit que c'est interdit. Donc, on fait un rappel à l'ordre au professeur pour lui dire qu'il a enfreint la politique puis on lui demande de cesser ces liens-là. Habituellement, ça se règle. Les gens nous plaident : Je ne le savais pas.

Mme David : O.K. Bien, je vais m'interrompre, je vais laisser la parole à un autre député. Je vous remercie beaucoup. Je reviendrai, au besoin. Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Alors, j'invite le député de Chapleau de poser des questions, faire des commentaires.

M. Carrière : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci. Combien de temps il...

La Présidente (Mme de Santis) : Il reste cinq minutes.

M. Carrière : Cinq minutes. Merci. Merci beaucoup d'être là ce soir. C'est fort intéressant, fort instructif. À la page 8 de votre mémoire, vous parlez au niveau de la sensibilisation et de la prévention, vous dites que «l'Association des collèges privés du Québec appuie la volonté manifestée par [le] projet de loi que tout établissement d'enseignement établisse une politique qui a pour objectif de prévenir et de combattre les violences à caractère sexuel par, entre autres, la mise en place de mesures de prévention et de sensibilisation, y compris des activités de formation».

Vous en avez parlé un peu, mais j'aimerais que vous élaboriez au niveau des activités de formation. Premièrement, pour qui? Pour les professeurs? Pour les gens qui seront au niveau du guichet unique? Pour les étudiants ou toutes ces réponses? Et J'aimerais ça si vous pouviez élaborer quand vous parlez que vous avez besoin d'activités de formation.

M. April (Michel) : M. Turcotte pourra, juste après moi, peut-être enchaîner sur les formations spécifiques, mais, par rapport au fait «qui on doit former?», nous, on est d'avis qu'on doit former tout le monde, tout le monde, tout le monde.

Les dirigeants, bien sûr, il faut qu'on comprenne ce qui se passe, qu'on soit au fait de tout ça. Mais pensons à notre agent de sécurité. Je mentionnais : À 2 heures du matin. On a des résidences chez nous, donc, il y a des surveillants d'étage. Les surveillants d'étage, il faut qu'ils soient formés. Ça peut être l'agent de sécurité qui reçoit le plaignant, la plaignante, donc il faut que lui aussi soit formé. Donc, c'est l'ensemble du personnel et, j'insiste encore une fois, les syndicats aussi. Les employés, individuellement, c'est une chose, mais que les syndicats soient formés, ce serait une très bonne chose aussi. Peut-être, Alain, tu peux préciser.

M. Turcotte (Alain) : Oui. Aussi, on parle de formation spécifique en fonction de leur niveau de responsabilité, d'intervention à l'intérieur du protocole. Donc, bien entendu, comme M. April parlait d'un résident, des surveillants d'étage, qui sont souvent des jeunes universitaires, donc il faut... on a déjà des plans de formation pour ces gens-là du côté des premiers soins, du côté de la prévention, par exemple, au suicide. Donc, c'est ajouter ces balises-là à l'intérieur des plans de formation. Les petits collèges et les directeurs des études, les directeurs adjoints qui ont la responsabilité d'accueillir une plainte, s'ils n'ont pas de professionnel, d'intervenant psychosocial, de sexologue dans leurs collèges... Donc, je pense qu'on parle aussi de formation très spécifique et de formation, bien entendu, avec nos étudiants, nos associations étudiantes en lien avec toutes les activités d'intégration qui ont lieu dans nos collèges.

M. Carrière : Merci. Je laisserais l'opportunité à ma collègue...

La Présidente (Mme de Santis) : La députée de Richmond.

Mme Vallières : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup de votre présence ici mais également des moyens déjà mis en place pour commencer un travail en amont aussi qui est déjà directement en lien avec ce qu'on présente dans le projet de loi n° 151. Je voudrais y revenir, parce que je sais qu'il reste très peu de temps, Mme la Présidente.

Vous parlez beaucoup de l'élément de temps dans le mémoire que vous présentez. Vous savez que le projet de loi n° 151 est déposé, entre autres, pour répondre à une certaine urgence et vous semblez demander davantage de temps. Donc, je voudrais vous entendre là-dessus.

M. April (Michel) : Principalement, c'est dû à la taille de nos établissements. Certains établissements sont larges, il y a beaucoup d'espace, mais on a des collèges qui ont, par exemple, 50, 60, 70 étudiants. C'est sûr qu'ils n'ont pas les ressources que d'autres gros collèges peuvent avoir pour faire aussi rapidement, mais ce n'est pas une volonté de reporter le projet.

Je suis tout à fait d'accord avec vous, l'association est d'accord, il y a une urgence d'agir, et tous les efforts vont être mis. Ils sont mis en partie, déjà.

La Présidente (Mme de Santis) : Il reste une minute.

Mme Vallières : Et comment votre association peut être justement en soutien à vos membres dans l'élaboration de ces politiques institutionnelles, qui vont être semblables quand même malgré tout, là?

Mme Quirion (Isabelle) : ...juste un petit exemple. Donc, on a fait la consultation justement le 16. Puis on a déjà demandé à tous les gens de la communauté collégiale. On avait des enseignants, on avait des professionnels, on avait des directions, donc déjà on avait cet apport-là de connaître leurs besoins sur le terrain à tous les égards et on a entendu toutes sortes de choses.

On a également mis sur pied récemment avec justement les formateurs de la campagne Sans oui, c'est non! une formation de plus, et ça nous a même amenés à échanger avec la formatrice, qui nous disait : Écoutez, présentement, j'ai de la misère à fournir à la demande des formations et puis je m'attends à ce qu'il y ait un aval, finalement, de beaucoup plus de demandes de formation. Et, de plus en plus, les besoins de formation sont spécifiques.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme Quirion. Maintenant, la parole est à la représentante de l'opposition officielle, la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous quatre pour votre présence ce soir en commission parlementaire. Donc, vos interventions vont nous servir dans notre travail aussi, question de bonifier le projet de loi n° 151, qui est un projet de loi important, bien entendu.

J'aimerais d'abord vous entendre sur un sujet, donc, que la ministre a amené un petit peu plus tôt mais qui a quand même pris beaucoup de temps dans les consultations particulières jusqu'à maintenant, la question évidemment de l'encadrement, là, des relations intimes entre les étudiants et, bon, les professeurs ou les personnes en relation d'autorité. Donc, de ce que j'en comprends de notre échange de tout à l'heure, c'est que vous êtes, au fond, d'accord avec la recommandation de la Fédération des cégeps, au fond, pour interdire les relations intimes lorsque, par exemple, les gens seraient en relation pédagogique, d'autorité ou d'aide. Est-ce que ça regroupe grosso modo votre position?

M. April (Michel) : Oui, tout à fait, tout à fait.

Mme Fournier : O.K. Super. Puis est-ce que vous avez une position aussi pour ce qui est des relations antérieures, parce qu'à chaque fois qu'on en parle c'est une question qui revient, par exemple, une relation qui était établie avant le début de la relation d'autorité? Comment est-ce que vous le voyez? Et comment est-ce que vous verriez cela dans l'application?

M. April (Michel) : C'est un problème, effectivement. On n'a pas vraiment de réponse à ça. Demander à un couple qui fonctionne de se défaire parce qu'il y a un nouveau projet de loi, c'est assez problématique. Demander à une étudiante de changer de collège parce qu'elle a établi, déjà depuis un certain temps, une relation, j'ose espérer que je ne rencontrerai pas ce problème-là dans mon collège, mais ça peut effectivement arriver.

Donc, est-ce qu'on peut considérer qu'une relation qui avait débuté avant va pouvoir demeurer? Là, on est dans peut-être du cas par cas, là, puis l'analyse fine. La relation a débuté depuis combien de temps? Depuis deux jours ou depuis deux ans? On peut se poser la question. Bon, nous, on a beaucoup d'étudiants. Les universités, c'est probablement une autre problématique. Nous, beaucoup de nos étudiants ont 16, 17, 18 ans, comme on disait tantôt. Donc, qu'une relation de longue date ait débuté avant, c'est peu probable.

Mme Fournier : Mais, dans le cas où, par exemple, ce serait plus de la formation technique où l'étudiant pourrait être plus vieux aussi ou même un étudiant plus jeune, est-ce qu'à ce moment-là vous envisageriez quand même qu'il puisse y avoir une forme de déclaration, à la limite, quelque chose qui pourrait ressembler comme à une déclaration de conflit d'intérêts avant, dans le fond, que soit instaurée la relation d'autorité?

Est-ce que ça pourrait être chose qui est envisageable, pour vous?

M. April (Michel) : Oui. Je pense qu'il faudrait, au plan humain, envisager quelque chose du genre, mais la mécanique exactement... Avant la mise en entrée de la politique, il faudrait que ces gens-là aient une période pour déclarer, effectivement, leur intérêt.

Mme Fournier : Sur un autre sujet qui revient quand même beaucoup dans votre mémoire, vous parlez, à plusieurs reprises, du manque de ressources que vous pouvez constater dans votre réseau. C'est bien certain que le projet de loi, comme je l'ai dit tantôt, c'est une bonne nouvelle. Je pense, ce sont des bonnes mesures, ça va nous permettre de faire des pas en avant, mais, nécessairement, ça va impliquer davantage de ressources aussi.

Donc, j'aimerais vous entendre un peu sur l'état de la situation que vous avez dans vos collèges, tout ça, puis aussi votre idée de qu'est-ce que ça va prendre pour que vos établissements soient en mesure de répondre aux dispositions du projet de loi n° 151.

• (20 h 10) •

M. April (Michel) : Bien, dans un premier temps, il faut considérer qu'une politique comme celle-là, que tu aies un collège de 50 ou de 5 000 étudiants, théoriquement, c'est la même politique, c'est les mêmes obligations. Donc là, il y a nécessairement un problème de ressources. Le collège de 5 000 étudiants versus 50... n'ont pas du tout les mêmes ressources pour faire le même travail. Donc, quand on parle de financement qui va venir en fonction du nombre d'élèves, fort probablement, qui est le modèle traditionnel, bien, imaginez-vous que le collège qui a 100 étudiants, qui reçoit un financement à l'équivalent de 100 étudiants, mais il doit faire le même travail que l'autre, qui a eu un financement pour 5 000.

Donc, ça, c'est vraiment une problématique, là, que je ne sais pas comment aujourd'hui on peut régler ça. Il faudrait peut-être qu'il y ait un montant fixe par institution, de base puis, après ça, une modulation en fonction du nombre d'élèves. Ça, ça pourrait être une possibilité. Par rapport aux besoins mêmes de formation, même, les collèges qui ont déjà des ressources en place, les professionnels nous ont dit lors des rencontres qu'on a tenues : J'ai beau être membre d'un ordre professionnel des psychologues ou des infirmières sexologues, je ne me sens même pas prêt aujourd'hui — et prête — à m'occuper de la politique et du dossier comme tels, j'ai même besoin de formation additionnelle, spécifique pour ça. Donc, même pour ceux qui ont des ressources, il faut penser à mettre à jour les ressources en fonction des besoins qu'on exprime ici.

Mme Fournier : Tout à fait. Donc, à ce moment-là, est-ce que vous seriez à privilégier qu'il y ait au moins une ressource dédiée à l'application de la politique au sein des collèges, là, si vous aviez la possibilité d'avoir les ressources nécessaires?

M. April (Michel) : Comme je disais tantôt, dans un monde idéal, c'est sûr que c'est intéressant. Chez nous, par exemple, bon, on est quand même un gros collège, bien, c'est sûr qu'il va y avoir quelqu'un de dédié à ça. On a la chance d'avoir une infirmière sexologue. Fort probablement, c'est elle qui va porter ce dossier-là. Mais là je pense à nos plus petits collèges. C'est clair que la personne qui va porter le dossier, peut-être, on le mentionnait tantôt, un directeur adjoint, bien, elle va avoir besoin énormément de support, d'accompagnement, cette personne-là, pour pouvoir mener à bien cette responsabilité-là.

Mme Fournier : Donc, eu égard à la taille du collège, selon vous, ça prendrait quand même un plancher minimal de ressources pour qu'au moins tous les établissements soient quand même capables d'offrir les services appropriés qui répondent au présent projet de loi.

M. April (Michel) : Il y a comme deux choses : il y a l'établissement de la politique, qui est une chose où il devrait y avoir un montant fixe, à quelque part, sans égard à la taille, puis, une fois la politique en place, pour l'opérationnaliser, là, c'est sûr qu'il faut probablement penser à une mise en commun de services, puisqu'on ne peut pas avoir, chaque collège... avoir son travailleur psychosocial en attente de dossiers, là.

Mme Fournier : Non. Tout à fait. C'est bon. Sur la question du guichet unique aussi, c'est de cet angle-là que vous l'amenez un peu, le manque de ressources.

Donc, considérant ça, comment est-ce que vous le voyez dans l'application au sein de vos établissements?

Mme Quirion (Isabelle) : Il y a eu plusieurs scénarios qui ont été avancés lors de la consultation qu'on a eue, mais on était vraiment dans un état d'esprit d'essayer de trouver des solutions, de se mettre en action rapidement, et, entre autres, justement, le partage de ressources, on disait : Est-ce qu'il y aurait moyen de concentrer les ressources?, on essayait de voir un peu la logistique derrière ça.

Est venue aussi l'idée d'aller voir, bien, justement, l'appui avec les ressources externes, mais rapidement est venu également le discours de dire : Mais ces ressources externes là aussi sont déjà surchargées, essaient de répondre aux demandes, aux besoins également. Ça fait que, là, on essaie de trouver des alternatives, mais, définitivement, il y avait une réflexion, là, au sein des gens qui ont participé à la consultation, de trouver des solutions, mais c'est sûr que c'est encore en grande réflexion, là, à essayer de trouver des alternatives, parce qu'encore là il y a une très grande diversité au sein des collèges privés.

Mme Fournier : Puis justement quelque chose que vous amenez aussi dans votre mémoire, c'est le fait que donc il va falloir tenir compte des relations de travail, des conventions collectives, notamment.

Est-ce que vous pensez qu'il y a certaines dispositions de la loi justement qui pourraient être difficilement applicables en raison de ça?

M. April (Michel) : Bien, la loi va devoir avoir préséance sur la convention collective, mais ça implique de s'asseoir avec nos syndicats, d'où l'importance qu'ils aient été dans le processus, qu'ils aient été impliqués, qu'ils aient été formés. Je les rencontrais, moi, aujourd'hui, puis on m'a posé des questions par rapport à la politique, justement. Donc, c'est le syndicat. La FNEEQ est présente dans beaucoup de nos établissements puis la FNEEQ s'est déjà positionnée en faveur, donc ça simplifie les choses, mais c'est clair qu'il va falloir harmoniser. On a un guide d'éthique chez nous pour les membres du personnel, mais il va falloir que le guide d'éthique soit aussi adapté en fonction de la politique. Il faut harmoniser tous nos guides, procédures.

Mme Fournier : Sur la reddition de comptes, maintenant, on voit quand même que vous avez un souci d'assouplissement, parce que, bon... J'aimerais vous entendre un peu sur cette réalité-là. Quel genre d'assouplissement vous souhaiteriez dans le cadre du projet de loi?

M. April (Michel) : Dans beaucoup de dossiers, les collèges privés, on est habitués à faire la reddition de comptes, qu'on pense à la commission d'évaluation, tout ça, donc on a une habitude de créer, de se suivre, de s'autocontrôler, s'autoréguler, et on aimerait pouvoir bénéficier d'une certaine autonomie à ce niveau-là pour pouvoir vraiment mettre les énergies dans les établissements à faire de la prévention, de la sensibilisation... que d'affecter des ressources à faire des rapports, à bâtir des rapports. Et, dans les choses qui sont identifiées dans le projet de loi, il me semble qu'on va loin aussi au niveau de quel genre de cas il y a eu, puis tout ça. Dans un petit collège, ce n'est pas long que, si tu commences à publier vraiment un peu d'information, on va tout de suite identifier qu'est-ce qui s'est passé. Donc, il faut faire attention à la confidentialité aussi dans tout ce dossier-là.

Mme Fournier : Très bien. Un aspect aussi qu'il n'y avait encore aucun groupe qui l'avait amené, tout ça, mais je pense qu'il est dans vos réalités, là, dans votre réseau des collèges privés, la question des communautés culturelles, qui est une réalité avec laquelle vous composez particulièrement, là, comme vous l'avez dit dans vos remarques préliminaires.

Est-ce que vous pouvez nous parler un petit peu de cette réalité-là puis aussi de comment nous, on pourrait prendre en compte cet aspect-là dans le travail qu'on fait sur le projet de loi puis aussi dans les ressources qui vont être octroyées par la suite aux établissements? Parce que c'est sûr que, bon, la différence culturelle peut quand même venir jouer, là, quand on parle de concepts comme ceux-là.

M. Turcotte (Alain) : Oui. Je pense qu'on va parler aussi beaucoup plus du volet formation, là, qui tient compte de la réalité familiale peut-être que vivent nos étudiants, quel est le niveau d'intervention, par exemple, des parents. Je pense qu'on va plutôt, quand on a des situations... On est habitués de vivre des situations de ce type-là avec des familles issues du milieu culturel, et c'est toujours un travail qui est beaucoup plus personnalisé et qui est différent d'un cas à l'autre. Donc, je pense qu'il va falloir bien outiller les intervenants à vivre aussi cette réalité-là, qui peut être différente.

M. April (Michel) : ...internationaux qui sont dans nos collèges. Le collège LaSalle, qui est un de nos collèges, c'est le collège qui a le plus d'étudiants internationaux au Québec. Il y a beaucoup de nationalités, et, bon, pour certaines autres nationalités, ils ne partent pas tous du même point, là. Donc, il faut faire une sensibilisation vraiment adaptée pour ces gens-là sur la réalité, un, du Québec, deux, la réalité des politiques qu'on met en place.

Mme Fournier : Puis, à ce moment-là... Par exemple, dans le projet de loi, on dit que la politique serait connue des étudiants à l'admission puis aussi au début de chaque session. Bien, est-ce qu'on peut penser, par exemple, dans un cas d'un étudiant international, bien, qu'il puisse recevoir aussi la documentation au moment où... Bon, ce n'est pas une admission formelle. C'est une admission pour une session. Est-ce que vous l'incluez aussi là-dedans?

M. April (Michel) : Dans ce cas-là, effectivement, lors de l'admission, c'est plus intéressant qu'il soit déjà informé de c'est quoi, la réalité du Québec à ce niveau-là. Par contre, je rejoins la Fédération des cégeps où, quand c'est les autres étudiants réguliers du Québec, ce n'est pas vraiment à l'admission qu'il faut commencer à faire ça. C'est au moment où les cours débutent, comme tel, puisqu'aux admissions — puis c'est la même chose dans les collèges privés — on a x nombre de demandes, mais les étudiants ne viennent pas nécessairement... Donc là, il ne faut pas surcharger le travail non plus de faire de la sensibilisation et de la formation auprès de gens qui ne viendront même pas au collège. Donc, de débuter avec le début de session comme on fait déjà, une série d'informations à nos étudiants, et il y aura à ce moment-là formation sur la politique, informations au moment du début de session.

Mme Fournier : Donc, à ce moment-là, est-ce que vous pensez que ça pourrait être une bonne idée de la distinguer entre les étudiants internationaux puis...

M. April (Michel) : Oui. Dans le cas des étudiants internationaux, je pense que ce serait pertinent. Alain.

M. Turcotte (Alain) : Dans plusieurs collèges, on a déjà un service d'intégration et d'accueil qui est distinct pour les étudiants internationaux principalement, même les jeunes. Ceux qui nous arrivent du programme international, ils nous arrivent, des fois, un an plus jeunes que nos étudiants actuels. Donc, il y a déjà des procédures d'accompagnement qui sont faites dans la majorité des collèges qui accueillent des étudiants internationaux. Donc, on va intégrer ce volet-là à ces discussions-là qu'on a avec eux.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Est-ce que vous avez terminé? Vous avez encore 30 secondes.

• (20 h 20) •

Mme Fournier : Je vous remercie beaucoup. Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, la parole est au représentant du deuxième groupe d'opposition, le député de Chambly.

M. Roberge : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. Donc, quelques questions d'éclaircissement surtout, parce que c'est quand même assez clair, mais je vais commencer par la fin, disons, où vous parlez de la reddition de comptes.

C'est que ça m'a quand même surpris, cette phrase où vous dites, dans le fond : La reddition de comptes, à cet égard, ne serait pas nécessaire, mais pas du tout, alors que, bon, il y a des groupes précédemment qui sont venus nous dire qu'il en fallait même plus. Ils parlaient des indicateurs de performance. La Fédération des cégeps, ils sont venus nous dire : Bien, attendez un peu, là, on en fait déjà pas mal puis on ne veut pas que nos ressources aillent trop en reddition de comptes, on veut les utiliser pour donner des services aux étudiants. Je le comprends très, très bien. Maintenant, de dire qu'il n'y en aurait aucune, bien, ça m'étonne quand même, parce que pour le gouvernement en place c'est une façon de s'assurer que c'est bel et bien fait.

Sinon, comment s'assurer que c'est fait s'il n'y a aucune reddition de comptes?

M. April (Michel) : Je peux vous faire un parallèle avec la violence en milieu scolaire au niveau secondaire. J'ai le cas chez nous. La reddition de comptes, il y en a une à faire, au niveau de notre conseil d'administration, qui est quand même très, très simple. Donc, c'est peut-être dans l'exhaustivité de la démarche qu'on peut faire de quoi.

On n'est pas contre la reddition de comptes. On est redevables. On a des subventions. On est responsables. Donc, c'est clair qu'on n'est pas contre la reddition de comptes. L'idée de ne pas perdre de vue, c'est que, si je prends mon infirmière sexologue pour bâtir des rapports, pendant ce temps-là, elle n'est pas sur le terrain, auprès des jeunes. Donc, c'est le bon dosage entre la reddition de comptes, la paperasse, l'administration et l'action sur le terrain. Donc, il y a sûrement moyen de trouver une reddition de comptes, un, qui préserve la confidentialité — parce que ça, c'est l'autre aspect, on va très, très loin dans tout ce qui est demandé, là, donc, ça, on met un bémol là-dessus — et peut-être adapter un peu la reddition de comptes pour s'assurer que le travail est fait et bien fait, mais sans y passer trop de temps.

M. Roberge : Je pense, c'est deux préoccupations qu'on a aussi de notre côté, là, que les ressources aillent réellement en services plutôt qu'en paperasse ou d'utiliser des ressources professionnelles comme l'infirmière. Vous mentionnez : On ne la veut pas en train de faire du papier. Mais il y a aussi la notion de confidentialité qu'on a entendue précédemment. Surtout quand on parle d'accusations ou de plaintes qui touchent les violences sexuelles, c'est sûr que la notion de confidentialité est encore plus importante. Donc, merci pour ces précisions.

J'aurais une petite question concernant les mesures de sécurité. Vous parlez d'éventuels ajustements aux infrastructures pour rendre les lieux sécuritaires. Donc, quand on regarde le projet de loi, à quoi vous pensez? Dans les lieux physiques d'un collège, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour se conformer à ce projet de loi là, là, pour vraiment rendre les lieux plus sécuritaires, concrètement?

M. April (Michel) : Nous, on a commencé déjà depuis plusieurs années. Exemple, à nos résidences, on a des étages de filles, on a des étages de garçons. L'ascenseur qui communique aux différents étages fonctionne avec la carte d'identité de l'étudiant. Donc, si tu es un garçon, l'ascenseur n'arrêtera pas à l'étage des filles, et vice-versa. Donc, ça, c'est des mécanismes qui sont en place déjà depuis un certain temps. Mais, j'imagine, d'autres collèges qui n'ont pas ça, s'il faut qu'ils les mettent en place demain matin, bien, ça coûte des sous, ça. C'est un aspect intéressant. La même chose si on passe par l'escalier de secours : bien, tu ne peux pas aller à l'étage des filles, parce que même l'escalier de secours est contrôlé par la carte. Par contre, quand il y a une alerte incendie, bien là, les portes sont déverrouillées parce qu'il faut quitter. Mais je pense à d'autres facteurs importants, nos terrains peuvent être vastes, nos stationnements. Donc, il y a beaucoup de travail.

Chez nous, en tout cas, il y a du travail à faire encore au niveau de l'éclairage extérieur, rendre les lieux plus sécures au niveau visuel à l'extérieur. Donc, il y a nécessairement des sommes à mettre en infrastructures.

M. Roberge : Et puis vous parlez beaucoup d'un manque de ressources. À plusieurs endroits, vous le mentionnez, évidemment. Donc, évidemment, s'il faut changer des logiciels, des ascenseurs, s'il faut ajouter de l'éclairage, s'il faut ajouter des professionnels... Bon, vous avez vu le projet de loi, vous voyez un peu quelles sont les exigences, quoique, bon, il y a le projet de loi, il y a la politique à faire dans les établissements ensuite. Mais, d'après vous, ça ressemble à quoi?

Je sais bien qu'il y a des collèges plus petits que d'autres, mais, pour nous donner une petite idée, là, ça ressemble à quoi, l'ajout de ressources, par collège ou pour le réseau, qui seraient nécessaires?

M. April (Michel) : À ce stade-ci, c'est très difficile de le dire, puisqu'on ne sait pas encore l'ampleur exacte... Seulement sur la reddition de comptes qu'on parle, est-ce que ce qui est là va vraiment être appliqué ou va être modulé? De la formation, il faut en faire beaucoup. C'est très difficile.

À ce stade-ci, je pense, il faut peut-être penser quelque chose qui sera évolutif et pouvoir faire l'évaluation du travail qui a été fait. On a l'habitude de fonctionner avec des budgets réduits, de faire des miracles parfois, mais aujourd'hui ce n'est peut-être pas de demander la lune en commençant, mais de s'assurer par contre qu'il va y avoir une forme de reddition de comptes de la part du ministère aussi, dans le sens : Est-ce que, ce qu'on vous demande, vous avez les ressources appropriées pour le faire? C'est en le faisant qu'on va voir aussi les difficultés qu'on rencontre.

M. Roberge : Et puis, parlant de différentes ressources, des différents personnages responsables... pas des personnages, le personnel responsable des différentes fonctions au collège, à la page 6, vous faites une allégorie intéressante en disant : Bien, le guichet unique, les procédures d'accompagnement, le suivi exigé, ça se compare à la nécessité d'une politique en cas d'incendie.

Je vais lire un extrait. Vous dites : «Lorsqu'une alarme à incendie retentit, tous les acteurs du collège doivent être agir en fonction de leur rôle et laisser la place aux pompiers...» Puis vous dites : Ça s'applique. Dans le fond, là, c'est comme s'il y avait une alarme incendie, s'il y a une plainte, puis là, bon, bien, il y a quelqu'un qui reçoit la plainte, par la suite on laisse la place aux pompiers. Mais j'ai comme l'impression qu'à un moment donné c'est : Bon, bien, on va laisser la place aux professionnels.

Qu'est-ce que vous vouliez dire dans cette allégorie-là? C'est qui, les pompiers, dans votre histoire?

Mme Quirion (Isabelle) : L'allégorie vient justement d'un des collèges lors de la consultation, puis on la trouvait assez bien, parce que, lorsqu'on parle de la politique justement pour un incendie, quand on disait que c'est toute la communauté qui doit être interpelée, là, bien oui, les pompiers, ça pourrait être les policiers. Donc, quand il y a la plainte — on parlait de la trousse médicolégale — il y a comme vraiment une suite, mais après ça aussi le collège doit aussi continuer de récupérer les suites de : Bien, qui a été touché, qui a vécu quelque chose par rapport à ça?

Donc, ça ne s'arrête pas juste à : On a traité la plainte, voici, il y a un suivi qui peut être fait ici. Mais il y a d'autres suivis à faire auprès... et c'est au même titre que, si demain matin il y avait un feu ou il y avait... bon, on fait une analyse de la situation : Qu'est-ce qui s'est passé, et comment? Y a-tu des gens qui ont figé lorsque le feu a pris? Est-ce qu'il y a des besoins de formation supplémentaire? Est-ce qu'on a manqué notre coup à certains endroits? C'est le même principe, et ça implique tout le monde. Alors, quand il y a un feu, il ne faut pas être en train de se questionner en disant : Ah! qu'est-ce qu'on fait, finalement, c'est quelle procédure, c'est par où que je dois le faire...

M. April (Michel) : Il est où, mon manuel?

Mme Quirion (Isabelle) : ...il est où, mon manuel? Il faut que ça soit intégré, il faut que ça soit clair, et autant au bien-être des étudiantes que finalement des autres personnes, finalement, qui sont au sein de la communauté collégiale. Et ça, ça a ressorti très fort au sein de la consultation qu'on a eue récemment.

M. April (Michel) : Et, en incendie, on fait un exercice par année. Il faudrait peut-être penser que c'est beau, faire une politique, mais il faudrait peut-être la tester aussi, la politique.

M. Roberge : De s'assurer à ce que les gens sont prêts, si vraiment arrive une vraie plainte, là, ce n'est pas juste théorique, on sait quoi faire, ça devienne un réflexe.

M. April (Michel) : ...voyage étudiant, vous êtes au Costa Rica, et je suis D.G., je reçois un appel que : Oh! il s'est passé quelque chose. Comment je gère ça, là? Il va falloir qu'on l'adresse, ce problème-là, aussi.

Une voix : ...

M. Roberge : Bien, je pense, c'est une bonne... en la comprenant, je l'apprécie d'autant plus, de l'importance que chaque personne... D'abord, il y a deux choses. Dans le fond, c'est d'être prêt. Donc, je pense que le délai dans le projet de loi actuel... ou, enfin, ça prend un délai pour mobiliser votre monde puis se préparer. Ça ne sera pas une simulation, mais ça va être une concertation. Puis tout le monde se rend compte qu'ils ont un rôle à jouer. Puis ensuite, par exemple, ça le prend, le pompier, donc ça prend la personne responsable, là, dans le fameux guichet unique dans le projet de loi. Ça va prendre une personne dans chaque établissement. Je comprends que pour vous ça va être un des multiples chapeaux, des fois, que la personne portera, mais il faut quand même qu'il y ait quelqu'un parce qu'il faut que tout le monde fasse partie de la solution, mais, en même temps, quand on dit : Tout le monde s'en occupe, il n'y a plus personne qui est responsable. Donc, c'est cet équilibre-là que vous allez trouver.

M. April (Michel) : ...de dossier.

M. Roberge : Bien, je vous remercie beaucoup pour votre présentation.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Alors, Mme Quirion, M. April, M. Turcotte, Mme Desrochers, merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre à la représentante de la Clinique juridique Juripop de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 20 h 30)

(Reprise à 20 h 32)

La Présidente (Mme de Santis) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à la représentante de la Clinique juridique Juripop. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et ensuite nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et ensuite à commencer votre exposé.

Clinique juridique Juripop

Mme Gagnon (Sophie) : Merci, Mme la Présidente. Donc, mon nom est Sophie Gagnon. Je suis directrice générale de la Clinique juridique Juripop et avocate de formation. Alors, tout d'abord, je souhaite remercier la commission de son invitation à nous entendre sur ce projet de loi, qu'on salue et qu'on trouve très important.

Alors, quelques mots sur la Clinique juridique Juripop, que vous connaissez peut-être. Il s'agit d'un organisme à but non lucratif qui a été fondé en 2009, et, chez Juripop, on offre des services juridiques aux citoyens qui sont exclus de l'aide juridique gouvernementale, d'une part, et, d'autre part, on organise plusieurs projets qui visent à rapprocher le droit du citoyen. Et on se distingue en étant présents sur le terrain, en étant un organisme d'intervention juridique de première ligne. Par ailleurs, chez Juripop, on travaille également de près avec les associations étudiantes, on rend des services juridiques à leurs exécutants et à leurs membres, et je trouvais important de vous le souligner, parce que notre démarche dans le cadre de l'étude du projet de loi est notamment informer de nos échanges et nos expériences avec les associations étudiantes et les étudiants.

Un mot également sur notre récente initiative en matière de violence à caractère sexuel, qui a, elle aussi, largement influencé notre approche dans le cadre du projet de loi. Les 27 et 28 octobre dernier, dans la foulée du mouvement #moiaussi, Juripop, en collaboration avec les principaux syndicats du milieu culturel et, notamment, le CAVAC de Montréal, avons organisé une clinique juridique et sociale qui était destinée aux survivants d'agression sexuelle. Et donc ça s'est tenu au bureau du CAVAC à Montréal, et on avait une douzaine d'intervenants, des avocats et des intervenants sociaux qui ont donné des informations aux victimes d'agression sexuelle, et nos apprentissages ont influencé notre démarche.

Pour rentrer dans le fond de notre mémoire, ce que je vous propose, c'est de vous exposer nos six grands axes d'intervention et de vous les résumer.

Alors, le premier, et c'est vraiment le plus important — plutôt que de commenter chacun des articles du projet de loi, on a préféré s'intéresser aux articles qui relevaient vraiment de notre compétence et de la mission de notre organisation — le premier étant évidemment les questions d'accès à la justice et d'accès à l'information juridique. On a été très surpris, dans notre expérience de la fin du mois d'octobre, de constater le peu d'informations que le public détenait quant au traitement judiciaire des plaintes pour agression sexuelle, et je m'explique. Les gens savent, quand on a subi un viol il y a deux ans, qu'on peut aller à la police. Par contre, quand on a subi des attouchements sur le milieu du travail dans les années 80, la chose est beaucoup plus floue. On se questionne quant à savoir quel est le délai de prescription qui s'applique à ça; ensuite, s'il y a un procès criminel qui va en découler, qui va devoir en porter les frais. Alors, pour nous, les avocats, évidemment, les réponses à ces questions-là sont évidentes, mais pour les victimes elles ne le sont pas. Et c'est, à notre sens, primordial que ces informations-là soient partagées aux personnes qui se prévaudraient de la politique adoptée par les établissements d'enseignement.

Alors, on a constaté que la politique visait expressément les services d'intervention psychosociale, qu'on faisait référence aux corps policiers mais que l'information juridique et l'interaction avec le système judiciaire n'avaient pas été considérées dans le projet de loi. On fait donc des recommandations précises pour que la politique soit à même de relayer certaines informations en lien avec le traitement judiciaire des plaintes pour agression sexuelle. Je parle, notamment, des activités de formation obligatoires. À notre avis, elles devraient mentionner expressément que des concepts juridiques soient relayés dans le cadre des formations. Même chose au paragraphe 3, 8°, du projet de loi. On recommande fortement que les services juridiques soient offerts au même titre que les services d'intervention psychosociale par les établissements d'enseignement.

Un mot également sur l'importance du travail des organismes communautaires spécialisés en matière de violence sexuelle. Je crois que vous avez eu le bénéfice d'entendre le Regroupement des CALACS un peu plus tôt aujourd'hui. Alors, c'est un exemple parmi plusieurs autres d'organismes communautaires qui existent pour soutenir les personnes qui décident de dénoncer ou de faire face à un événement lié à des violences à caractère sexuel. Et un peu plus tôt, pendant que j'attendais mon tour, j'ai pu bénéficier des commentaires des représentants qui me précédaient, là, les représentants des collèges privés, et eux-mêmes mentionnaient que leurs personnels spécialisés en intervention psychosociale, comme les infirmières, n'étaient par ailleurs pas nécessairement formés en matière de violence sexuelle. Alors, plutôt que de réinventer la roue, ce serait, à notre avis, très utile et pertinent de faire appel aux organismes communautaires qui existent déjà et qui sont très outillés sur ces questions-là.

Alors, encore une fois, au niveau des recommandations plus particulières, ce serait d'inclure les organismes communautaires spécialisés en matière de violence sexuelle à l'article 5, qui prévoit que les établissements d'enseignement peuvent conclure des ententes avec des ressources externes pour fournir des services à l'interne.

Par ailleurs, on salue l'intention du projet de loi de prévoir un délai d'intervention maximal à l'intérieur duquel certaines actions prévues à la politique vont devoir être déployées. Par contre, on croit très utile que ce délai-là soit quantifié au sein du projet de loi. Notre préoccupation est fondée sur la prémisse qu'à notre avis les personnes qui décident de dénoncer une violence à caractère sexuel, que ce soit à son université, à son cégep ou à la police, vont sûrement faire ces dénonciations-là de manière concomitante. Donc, à notre avis, si on souhaite que les services prévus à la politique soient utiles, ils doivent parvenir pendant que la personne est aux prises avec une dénonciation policière. Alors, si une personne se tourne vers la police et vers son établissement d'enseignement en même temps mais que les services offerts par l'établissement d'enseignement ne parviennent que des mois plus tard, ça va être, à notre avis, une opportunité ratée de soutenir l'étudiant ou l'étudiante.

J'ai parlé de notre expérience avec les associations étudiantes, et on salue la préoccupation de la ministre de les intégrer au sein du projet de loi. Par contre, nous avons remarqué que les associations étudiantes sont considérées au même titre que n'importe quel autre intervenant, c'est-à-dire l'établissement d'enseignement lui-même, les dirigeants et ses employés. Par contre, les associations étudiantes sont particulières, ont plusieurs particularités, dont le fait qu'elles sont dirigées par des jeunes, par des pairs, des étudiants qui font ça de manière bénévole, de manière parallèle à leurs études. Et c'est, à notre sens, primordial que les associations étudiantes ne deviennent pas des forums de dénonciation, d'une part, et, d'autre part, qu'elles soient particulièrement outillées pour savoir comment gérer les dénonciations si elles se retrouvent, malgré elles, à devenir de tels forums de temps à autre.

Finalement, un aspect qui nous semblait important. Lors de notre clinique, on a également constaté que la majorité des personnes venaient nous parler d'un événement qui s'était déroulé il y a très longtemps : c'était soit il y a plusieurs années, voire plusieurs décennies. Et c'est un constat qui trouve écho dans les statistiques qui sont compilées par le Regroupement des CALACS, que vous avez rencontré plus tôt aujourd'hui. Alors, selon eux, c'est 42 % des femmes qui attendent 13 ans et plus avant de faire appel aux services d'un CALACS, et là on ne parle même pas de dénoncer formellement une agression sexuelle, on parle simplement d'aller chercher de l'aide pour soi-même.

Alors, on est fondés de penser que le processus de dénonciation à un établissement d'enseignement est susceptible d'être long, de prendre plusieurs années. Or, les personnes fréquentent un établissement d'enseignement supérieur habituellement pour une durée d'entre deux et cinq ans. Donc, encore une fois, si on veut que la politique atteigne ses objectifs et qu'elle soutienne les gens qu'elle doit soutenir, c'est-à-dire ceux qui ont vécu une violence en lien avec leurs études, à notre avis, il va être essentiel que la politique soit non seulement disponible physiquement, c'est-à-dire accessible, notamment, sur Internet, mais que les services soient également offerts aux personnes qui ne fréquentent plus l'établissement d'enseignement.

Alors, je vais clore mes remarques ici, et il va me faire plaisir de répondre à vos questions.

• (20 h 40) •

La Présidente (Mme de Santis) : Vous avez encore une minute.

Mme Gagnon (Sophie) : Je préfère en faire don aux membres de la commission. Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Alors, merci pour votre exposé. Alors, nous débutons la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme David : Oui. Alors, merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre présence. Même en solo, c'est extrêmement intéressant. Et bravo de tenir toute seule le fort au nom de l'organisme, et de répondre à nos questions, et d'avoir écrit un mémoire, et etc.

Effectivement, on a eu quelques avocats, pas tant que ça, mais on en profite. On va en profiter pour tirer le maximum... parce qu'il y a des considérations juridiques pas tout à fait simples, et je ne vais pas nécessairement vous amener dans des territoires toujours faciles, mais, au meilleur de votre jugement que... je suis sûre, est tout à fait présent et éclairé, vous allez peut-être pouvoir nous éclairer.

Alors, la question qui me taraudait et qui me taraude toujours, et je vais vous amener tout de suite là-dessus, c'est la question des codes de conduite et relations intimes et sexuelles entre personnes en situation d'autorité et/ou relation pédagogique. En fait, il y a toutes sortes de termes, mais on pense qu'il y a un certain consensus pour dire «quelqu'un qui est en relation où il y a une évaluation ou qui a même une relation d'aide», comme dit la Fédération des cégeps. Je ne sais pas où vous logez exactement en rapport avec ça, parce qu'il y a des considérations de charte, il y a des considérations de droit, c'est des adultes consentants, en principe, consentants, mais relation d'autorité n'égale peut-être pas consentement. Puis je vais vous compliquer la vie en disant que, dans les mouvements étudiants, il n'y a pas unanimité dans les positions. C'est-à-dire que, par exemple, la campagne Sans oui, c'est non!, ça serait : pas de relation, interdiction complète dans ces cas-là, je répète, autorité, relation d'aide ou relation pédagogique. Et Ni viande ni objet, eux sont plutôt dans un code de conduite où il y aurait un dévoilement, donc, mis un peu comme sur la base d'un conflit d'intérêts, mais on dévoile puis on prend peut-être des mesures d'accommodement. Donc, ce n'est pas exactement les mêmes positions. Mais les associations étudiantes, quant à elles, sont plutôt du côté de l'interdiction complète, la Fédération des cégeps aussi, l'Association, comme vous avez entendu, des collèges privés, mais pas les universités. En tout cas, on navigue beaucoup là-dedans.

Vous avez conseillé des associations étudiantes, vous êtes dans le juridique par-dessus les oreilles, donc j'aimerais ça vous entendre si vous avez une opinion là-dessus.

Mme Gagnon (Sophie) : On a décidé, à dessein, de ne pas traiter de cette question-là dans notre mémoire parce qu'on préférait limiter notre intervention aux questions qui relevaient de l'accès à la justice, et donc c'est peut-être moi qui vais vous compliquer la vie en vous répondant qu'on n'a pas de position ferme sur le sujet.

Par contre, ce que je vais souligner, c'est ce qu'on saluait de la part du projet de loi, c'est que l'intention d'avoir une politique qui traite explicitement et exclusivement des violences à caractère sexuel, selon nous, ça permet de souligner l'importance que ces situations-là occupent et doivent occuper sur le milieu universitaire et postsecondaire. Et il faut faire attention de ne pas faire un amalgame entre relations romantiques et violences à caractère sexuel.

Alors, mon commentaire serait plutôt de... sans qu'il y ait de contenu définitif, là, serait de souligner l'importance de rester cohérent dans le traitement, vraiment, des violences à caractère sexuel et que les mesures de prévention des relations romantiques s'inscrivent dans une démarche de prévention des violences à caractère sexuel, d'où peut-être la nécessité de distinguer entre les établissements les cégeps et les universités, là, où les relations de pouvoir n'ont pas la même signification.

Mme David : O.K. Alors, je vais respecter votre position, qui est conforme à la mission de votre organisme, de toute façon. Alors, je vais vous amener sur ce terrain-là, qui est très intéressant, parce que vous avez donné... et vous nous sensibilisez à un aspect avec lequel je suis tout à fait d'accord, donc on n'aura pas à discuter longuement du pourquoi. Mais j'aimerais vous entendre plus quand même sur, et je le disais avec les intervenants précédents, à quel point les étudiants sont assez perdus, perplexes et ignorants de ce qu'est vraiment une agression à caractère sexuel, une violence, où commence le consentement, où il termine. Bon, les campagnes Sans oui, c'est non!, Ni viande ni objet en parlent énormément, mais, ceci dit, ils ne sont pas capables de déterminer... ou ils ont de la difficulté, d'une part, à dire : Est-ce que j'ai été victime d'une agression? Et, après ça, je pense que toute la question de l'information, des démarches juridiques et de l'information juridique est très, très manquante.

Alors, je pense que l'information juridique pourrait facilement être ajoutée dans tout ce qui est formation. C'est un peu prévu, mais vous mettez plus l'accent là-dessus. Qu'est-ce que vous pourriez apporter si justement vous étiez mandatés, là, ou les gens disaient : O.K., Juripop a une expertise là-dedans? Comment vous procéderiez?

Mme Gagnon (Sophie) : Je vais répondre en deux temps. Premièrement, une remarque préliminaire. Alors, c'est sûr que, selon nous, évidemment, avoir de l'information juridique, c'est important. Par contre, c'est important que la notion de violence à caractère sexuel ne soit pas réduite au concept juridique et criminel d'agression sexuelle. Puis d'ailleurs le projet de loi fait très bien l'effort de la définir de manière très large. Ce n'est pas parce qu'une violence ne donnerait pas lieu à une accusation au criminel qu'elle ne doit pas être dénoncée, qu'elle ne doit pas être sanctionnée. Alors, même si on souligne l'importance d'avoir une approche plus juridique, dans la politique, c'est important qu'on ne soit pas obnubilés par le juridique, parce que le risque serait de ne pas traiter d'événements violents qui doivent être traités. Alors, ceci sera ma remarque introductive.

Et ensuite, pour répondre au fond de votre question, dans notre événement de la fin du mois d'octobre, on avait deux types d'intervention : on offrait des consultations confidentielles avec des avocats et avec des intervenants sociaux, mais on avait également un panel, qu'on a répété à deux reprises pendant la fin de semaine, qui était constitué d'une intervenante du CAVAC et d'un avocat criminaliste qui décrivait de manière étapiste la progression d'une plainte à la police pour agression sexuelle, donc les étapes, une fois qu'on a pris le téléphone pour appeler la police, jusqu'au prononcé de la sentence au procès criminel, concrètement, qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce que la victime va avoir à prouver, qui va pouvoir l'aider à le faire, etc., et ensuite un aperçu plus théorique, là, des concepts, comme vous le dites, d'agression sexuelle et de consentement. Et on a été vraiment heureux de constater que ce format de panel là répondait très, très bien aux questions de plusieurs personnes qui étaient présentes. On était un petit peu réticents. C'est le CAVAC qui avait suggéré ça, et moi personnellement, j'étais incertaine du format. Je m'attendais à ce que les gens qui avaient vécu une violence à caractère sexuel soient réticents à participer puis à poser des questions, mais, au contraire, on a vu qu'il y avait beaucoup d'intérêt et que des questions de la part de l'audience permettaient de répondre aux questions d'autres personnes. Donc, une formation comme ça, de type interactif, était, selon nous, très intéressante.

Et par ailleurs, au niveau des services qu'on pourrait offrir, ce serait d'avoir un guichet unique... là, je reprends des concepts qui ont déjà été mentionnés précédemment, mais un guichet unique où des avocats seraient disponibles pour répondre à des questions ponctuelles, sans tomber dans le conseil juridique, mais vraiment au niveau de l'information juridique, à savoir, comme je vous disais, le déroulement du procès criminel, la possibilité ou non d'obtenir compensation financière à travers le système criminel ou plutôt le système civil. Alors, d'avoir un guichet unique disponible par téléphone ou en personne où des avocats spécialisés de chez Juripop ou d'ailleurs seraient capables d'éclairer et de fournir de l'information juridique aux étudiants.

• (20 h 50) •

Mme David : Alors, est-ce que c'est à ça que vous faites référence — j'avais pris une note — offrir des services juridiques autant que psychosociaux, dans l'espèce de bouquet de mesures qui devraient être à la disposition d'une étudiante ou d'un étudiant, où les choses se passent vite souvent? Et effectivement je suis complètement d'accord avec vous qu'il faut à la fois peut-être accompagner... si vraiment la situation le justifie et que la victime est consentante, il faut aller jusqu'à une plainte qui entame un processus juridique mais qu'il y ait en même temps un soutien psychosocial au niveau de l'institution d'enseignement.

Alors, est-ce que c'est un peu à ça que vous faisiez référence quand vous dites : Offrir des services juridiques, c'est de l'information qui peut être disponible au besoin, au cas par cas aussi pour des victimes qui viennent consulter à ce guichet?

Mme Gagnon (Sophie) : Exactement. Parce qu'il faut savoir qu'une victime qui décide de porter plainte à la police n'a pas, de ce fait même, un statut dans le processus criminel, malheureusement, donc elle ne se verra pas attribuer un avocat. Les procureurs de la couronne sont disponibles de temps à autre, mais leur rôle premier n'est pas d'accompagner la victime. Alors, on voit une utilité évidente à ce que les victimes soient accompagnées par avocat dans le cadre de ce processus-là.

Mme David : Et vous parlez... je sors un petit peu, là, du sujet, tout en étant dans le juridique aussi, la question des délais. Quand vous parlez de 45 jours, c'est pour traiter un dossier dans une plainte que nous, entre nous, ici, on appelle peut-être interne, c'est-à-dire administrative et non pas une plainte policière, parce que ce n'est certainement pas nous qui allons dire au juge... et etc. C'est assez déjà compliqué comme ça, là, les délais à la cour, et tout ça. Mais je pense que ce à quoi vous faites référence, c'est les plaintes dans l'institution, où vous suggérez quelque chose comme 45 jours. Ça a l'air d'être le chiffre qui circule pour les associations aussi. Et il y aurait trois chiffres, en fait, cinq, cinq et 45, là, c'est-à-dire cinq jours pour prendre l'étudiant en charge immédiatement et tout de suite faire des accommodements de type académique, donc il faut tout de suite un comité qui existe déjà, qui a une certaine expertise puis qui dit : Oui, je pense que, dans ce cas-ci, il y a à la fois la résidence, il y a le fait qu'elle est dans le même groupe... enfin, qui analyse la situation; un autre cinq jours pour traiter la plainte un peu plus loin, prendre des mesures de type plus administratif; et 45 jours pour vraiment traiter la plainte sur le fond, comme aiment dire les avocats, les juristes.

Et donc est-ce que c'est réaliste dans un système juridique qui, des fois, peut avoir toutes sortes de composantes?

Mme Gagnon (Sophie) : Alors, premièrement, au niveau de la rapidité, nous, ce qui nous préoccupe, comme je le disais en introduction, c'est que les services qui sont visés au paragraphe 3, 8°, soient offerts à l'étudiant vraiment de manière concomitante avec tout autre processus qui aurait une interaction avec le processus juridique. Alors, ce que j'entends de votre question, c'est que l'idée d'avoir un délai d'intervention maximal manque peut-être de nuance et il y aurait peut-être lieu de prévoir un délai d'intervention plus court pour le déploiement de certaines actions. Et, encore une fois, celui qui, à notre avis, devrait être raccourci ou du moins fixé par la loi serait celui prévu au paragraphe 3.8°.

On est conscients du fait que faire une enquête interne, ça peut prendre du temps. Par contre, encore une fois, je mettrais la commission en garde quant au désir de surjudiciariser des processus qui n'ont pas besoin de l'être. Alors, toutes les garanties et les précautions qui font partie du système judiciaire, surtout en matière criminelle, existent, parce que les sanctions possibles peuvent aller jusqu'à la prison, qui sont la plus grande privation de liberté. Mais, quand on parle de sanctions qui relèvent plutôt de la nature de l'accommodement administratif, à notre avis, il est important de laisser la latitude nécessaire aux établissements d'enseignement pour agir rapidement pour traiter ces situations-là.

Mme David : Merci beaucoup. Je vais tomber dans des choses un peu plus compliquées mais extrêmement importantes. J'ai beaucoup apprécié votre distinction qu'une association étudiante ne doit pas être le lieu d'un forum de dénonciation, puis on ne veut certainement pas ça pour nos associations étudiantes, d'être prises avec cette question-là. J'imagine que ce que vous proposez pour éviter qu'elles se retrouvent dans cette situation-là, c'est qu'elles puissent rapidement référer aux services de ce guichet unique, autant si c'est un employé de l'établissement ou... que les choses passent par le même système, mais qu'elles ne soient pas dans les mains d'une association étudiante.

Qu'est-ce que vous aviez en tête comme exemple, exactement?

Mme Gagnon (Sophie) : C'est exactement ça. Donc, on voulait, d'une part, souligner l'importance que les associations étudiantes ne soient pas un forum de dénonciation, mais on est conscients du fait qu'il est possible que certaines personnes décident de se confier à leurs pairs avant de se confier à l'établissement d'enseignement. Et, dans ce scénario-là, on croit très important que les associations étudiantes soient parfaitement formées et parfaitement outillées pour savoir qui appeler, quand appeler, de manière à n'agir vraiment que comme courroies de transmission et non pas comme forums de dénonciation. Et ça fait le pont avec nos préoccupations quant à l'imposition d'un délai d'intervention maximal. En l'absence d'un délai d'intervention maximal, une association étudiante pourrait se trouver de facto à être le corps qui se trouve saisi d'une dénonciation pendant plusieurs semaines. Alors, c'est important qu'il y ait une réaction très rapide de la part de l'établissement.

Mme David : Et une prise en charge, dans le fond, pour que l'association n'ait pas à porter ça seule pendant tout ce temps-là. Je comprends bien puis je pense que c'est très important d'apporter cette nuance.

Maintenant, l'autre, le dernier sujet — je laisserai la parole, j'espère que j'aurai le temps, pour un collègue — la question des diplômés. Vous avez justement eu... et on le sait, c'est ça dans toutes les recherches, et tout le monde l'a dit, les dénonciations, bon, il y en a qui peuvent se faire sur le coup... accommodements académiques qui ne mènent pas nécessairement non plus à une plainte policière, on le sait. Mais, dans vos consultations que vous avez pu avoir, vous avez dit : Des gens qui sont venus après des décennies, après... Mais, à ce moment-là, si ça s'est passé, par exemple — et vous avez peut-être eu des cas de ça, je ne sais pas — dans un collège ou dans une université, vous proposeriez à la personne, même si elle a 35, 40 ans, de, quoi, retourner au collège ou à l'université pour se faire suivre plutôt qu'un CALACS? J'essaie juste de voir le cas de figure, là.

Mme Gagnon (Sophie) : Donc, deux choses. La première est qu'encore une fois les ressources qui sont disponibles, notamment les CALACS, demeurent méconnues du public. Alors, il est très plausible qu'une personne, même si elle est, en théorie, admissible aux services d'un CAVAC, ne pense pas à s'y tourner. Et donc, selon nous, ce serait important que cette personne-là puisse avoir un interlocuteur au sein de son établissement d'enseignement. Puis on est tout à fait conscients que, dans un tel scénario, l'intervention de l'établissement d'enseignement serait relativement minime. Ce serait tout simplement d'offrir à l'ancien étudiant les services prévus à l'article 3, 8°, mais toutes les questions qui relèvent de l'accommodement administratif ou de l'enquête ne seraient plus nécessairement pertinentes. Mais on voyait que l'établissement d'enseignement avait une sorte de responsabilité morale, si c'étaient des violences à caractère sexuel qui s'étaient déroulées en son sein, de continuer d'épauler et de référer son ancien étudiant vers les ressources appropriées, premièrement.

Et, deuxièmement, on a été confrontés à des personnes qui avaient été victimes d'agression au sein de leurs établissements d'enseignement et que le perpétrateur était toujours à l'emploi de l'établissement d'enseignement. Le milieu de l'éducation, c'est un milieu où il y a quand même... Dans la mesure où les professeurs peuvent rester à l'emploi d'un établissement d'enseignement pendant plusieurs années, pendant plusieurs décennies, alors, à notre avis, au niveau de la prévention, c'est vraiment essentiel que l'établissement d'enseignement soit mis au courant, même si plusieurs années après le fait... qu'un de ses employés est susceptible de commettre des gestes comme ça.

Malheureusement, je n'ai pas de recherche à vous proposer tout de suite, mais, dans des situations où des violences à caractère sexuel sont commises par une personne en situation d'autorité envers une personne plus jeune, ce n'est pas inhabituel que ce soient des choses qui sont répétées avec plusieurs étudiants, et — je vais parler de la perspective d'un avocat — si on veut, par exemple, déposer des actions collectives ou si on a besoin, des fois, d'avoir accès à des listes de diffusion pour pouvoir retrouver certaines personnes à qui ça peut être arrivé... à savoir, comment les établissements d'enseignement pourraient être impliqués là-dedans, c'est une autre question, mais on tenait à vous souligner la pertinence d'impliquer les établissements d'enseignement pour des événements qui se sont déroulés il y a plusieurs années.

• (21 heures) •

Mme David : C'est intéressant. Je voudrais prendre quelques minutes, si mon collègue me pardonne, pour approfondir un petit peu cette question-là parce qu'elle est fort importante.

J'essaie d'imaginer un cas de figure où un étudiant a quitté depuis cinq ans, disons, ne disons pas l'exemple de 25 ans, là, mais cinq ans, et il est vraiment arrivé quelque chose avec quelqu'un en situation dite d'autorité, de lien, de relation académique ou quelque chose comme ça. Donc, on parle... puis là peut-être que j'erre complètement puis que... je ne suis pas juriste, alors je ne veux pas dire n'importe quoi, mais l'étudiant vient donc porter plainte mais sans nécessairement le faire à la police, mais le faire dans l'institution d'enseignement en dévoilant qu'il lui est arrivé quelque chose avec tel professeur. Qu'est-ce que fait l'université par rapport à... Parce que, là, je sais qu'on parle de prescription puis de temps de prescription dans le système juridique pénal, mais là on est dans une université, disons. Est-ce que tout ça peut s'appliquer, c'est-à-dire qu'il pourrait revenir n'importe quand, à la limite, après puis dire : Oui, ce professeur-là, il y a cinq ans, il y a 10 ans, il y a 15 ans, il est arrivé telle chose? Et c'est de là dont vous dites : Bien, il pourrait y avoir des... tu sais, les gens pourraient dire : Bien là, c'est comme la troisième fois, parce qu'il y en a eu un l'an dernier qui est venu se plaindre du même professeur. Est-ce que c'est à ça que vous pensez? Et c'est faisable et c'est pensable de faire une dénonciation ou un dévoilement, plusieurs années après, à une institution? Oublions la plainte au pénal.

Mme Gagnon (Sophie) : Absolument. Et puis, juste pour bien comprendre votre question, est-ce que vous me demandez s'il y a un délai quelconque à l'intérieur duquel un établissement d'enseignement devrait poser des actions, a le droit de poser des actions? Oui?

Mme David : Oui.

Mme Gagnon (Sophie) : Alors, les délais de prescription sont... bien, au criminel, il n'y en a pas, puis, en matière civile, c'est un délai de 30 ans depuis 2013, et puis c'est important de comprendre que c'est des délais pour faire valoir des droits en justice, puis le délai de prescription commence à courir au moment où la personne qui a des droits à faire valoir avait eu connaissance de l'infraction ou de la faute. Alors, évidemment, si un établissement d'enseignement n'était pas au fait que quelque chose se déroulait, le délai de prescription n'a tout simplement pas commencé à courir. Alors, même si on parle de quelque chose qui s'est passé il y a 20 ans, dans la mesure où l'établissement d'enseignement n'en avait pas été avisé plus tôt, bien, son droit ne sera pas prescrit, et elle pourra prendre toutes les mesures juridiques, là, pour le sanctionner.

Mme David : Et, comprenons-nous bien, je ne parle pas de mesures juridiques, je parle de sanctions, disons, administratives. Un étudiant vient dire : Il est arrivé telle chose avec tel professeur, je ne veux pas la police, je ne veux pas aller dans un recours au civil ni au pénal, rien de ça, je veux juste vous dire à vous, l'université, que... et, comme vous dites, peut-être qu'il y a eu d'autres victimes, peut-être que... Alors, moi, je vous dis ça, que c'est arrivé. Moi, je veux me faire aider par un psychologue, etc., ça, c'est mon suivi à moi.

Mais que fait l'université par rapport à une sanction administrative ou pas ou pas de mesure, en disant : Bien là, ça fait 20 ans, on n'est pas pour réunir un comité puis faire une sanction disciplinaire interne, à l'université, genre suspension une semaine, deux semaines, trois semaines, un an, deux ans, trois ans, voire expulsion? Est-ce que tout ça peut se passer, même si ça fait x années que les choses se sont passées?

Mme Gagnon (Sophie) : Bien, certainement, et j'irais même jusqu'à dire que ça doit se passer, parce qu'un établissement d'enseignement a la responsabilité d'assurer la santé et la sécurité de ses employés et de ses étudiants. Et donc, si elle est mise au fait d'une situation qui pourrait porter atteinte à cette santé et à cette sécurité-là, dont des violences à caractère sexuel, bien, je vous dirais que, oui, l'établissement d'enseignement doit agir.

Mme David : O.K. Ça donne une belle...

La Présidente (Mme de Santis) : Il reste une minute.

Mme David : Une minute? Bien, en tout cas, ça donne des belles matières à réflexion. Donc, moi, je vais donner ma minute aussi à qui la veut. Et je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la ministre. Maintenant, la parole est à la représentante de l'opposition officielle, la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup d'être là ce soir, tard, en commission parlementaire avec nous. Je pense que vous contribuez grandement, là, à l'avancée de nos travaux, donc je vous en remercie.

J'aimerais peut-être que, d'entrée de jeu, vous puissiez nous parler de l'action spécifiquement de votre organisme, donc de Juripop, peut-être en lien justement avec les violences à caractère sexuel sur les campus. Tantôt, vous avez fait mention notamment que vous aviez organisé des cliniques, suite aux vagues de dénonciation, par exemple, avec le mouvement #moiaussi. Je suis curieuse de le savoir.

Est-ce que vous intervenez souvent aussi au sein des établissements d'enseignement supérieur sur la question des violences à caractère sexuel pour faire de l'accompagnement, par exemple, de victimes? Donc, j'aimerais avoir un petit état de la situation.

Mme Gagnon (Sophie) : C'était la première fois qu'on était approchés pour traiter des violences à caractère sexuel. On est souvent présents sur les campus. On offre des cliniques juridiques gratuites sur les campus universitaires et les cégeps, mais, en matière spécifiquement de violence à caractère sexuel, c'était la première fois. Mais depuis je reçois, à chaque semaine, des appels d'institutions d'enseignement ou non qui veulent avoir le soutien d'un avocat ou d'une entité avec des avocats pour traiter ces questions-là. Alors, on voit vraiment qu'il y a un besoin à cet égard-là.

Mme Fournier : Oui, parce qu'on a tendance à beaucoup parler, effectivement, du soutien aux victimes, le soutien psychosocial, tout ça, mais des fois aussi, quand les victimes souhaitent dénoncer, elles ont besoin d'un accompagnement justement de nature davantage juridique. Puis c'est un peu aussi ce qu'on peut retrouver... Par exemple, quand on parle du présent projet de loi là, oui, il faut que les victimes puissent être accompagnées au sein même des établissements d'enseignement, donc, si elles souhaitent loger des plaintes. Mais elles doivent être accompagnées, si les victimes souhaitent aller plus loin puis déposer une plainte, là, en matière criminelle, par exemple. Donc, tantôt, vous avez parlé des lacunes informationnelles aussi, que les étudiants, étudiantes qui pourraient avoir besoin de ce type d'accompagnement là ne sont pas nécessairement outillés pour le faire.

Donc, à votre avis, quelles mesures, quelles ressources devraient être consacrées au sein des établissements pour être bien certains que les personnes qui ont besoin de ce type d'accompagnement puissent avoir l'aide dont elles ont besoin?

Mme Gagnon (Sophie) : Alors, il y a différents remèdes. Le remède le plus complet, ce serait évidemment la présence d'un avocat sur place. Mais je comprends que les ressources sont évidemment limitées. Mais, sinon, la manière la plus simple de répondre à ces besoins-là, ça pourrait être de tout simplement avoir des guides informatifs sur le droit qui est applicable aux violences à caractère sexuel ainsi que sur le traitement judiciaire des plaintes pour agression sexuelle, puis, encore une fois, ce serait de faire le pont avec les organismes communautaires qui sont spécialisés en la matière. Donc, il y a Juripop. Il y a également l'association québécoise pour le... l'acronyme est AQPV, le détail des... m'échappe. Mais eux sont des experts en matière d'information juridique des violences à caractère sexuel. Alors, il y aurait moyen de recycler les ressources qui sont déjà existantes et de les rendre disponibles aux étudiants d'un établissement d'enseignement.

Mme Fournier : Parce que justement, dans ce point-là, dans votre mémoire vous parlez beaucoup de la formation qui est nécessaire, justement, pour que l'information, elle puisse se rendre directement sur le terrain. Puis, bon, il y a des mesures contenues dans le projet de loi, je pense, qui sont très bonnes aussi, qui incluent justement ce besoin de formation. Il y a aussi, par exemple, des associations étudiantes comme la FECQ, par exemple, qui nous ont dit qu'ils souhaitent qu'il puisse y avoir de la formation, par exemple, au début de chaque session, que la formation soit donnée à tout le monde. Comment vous le voyez dans le concret? Est-ce que vous pensez que ce serait une bonne solution?

Vous parlez de matériel disponible, j'imagine, sur papier, sur Internet, mais comment on le rend vraiment dans une plus large diffusion, si on veut?

Mme Gagnon (Sophie) : Chez Juripop, on croit beaucoup à l'intervention sur le terrain et vraiment au rapprochement du droit et du citoyen. Puis, sous cet angle-là, puis c'est l'approche qu'on a utilisée pour les violences à caractère sexuel, c'est le panel dont je parlais plus tôt, à savoir d'avoir un avocat qui est disponible, qui fait une présentation magistrale de certains concepts clés et qui est disponible par la suite pour répondre à des questions. Les questions revenaient et se répétaient de manière générale. Il n'y avait rien de très sorcier, du moins pour un avocat. Alors, d'avoir, pour reprendre la suggestion de la FECQ, un avocat conférencier qui pourrait être un employé de la fonction publique, qui fait sa tournée des établissements d'enseignement supérieur pour donner des conférences sur le sujet, donc des... ça pourrait être des formations aux personnes visées par le projet de loi, mais également des conférences ouvertes à tous les étudiants qui fréquentent un établissement d'enseignement supérieur pour répondre à ces questions-là, non seulement ça atteint les objectifs de formation, mais ça atteint aussi des objectifs de sensibilisation.

Puis je reprends les préoccupations de la ministre David, à savoir que, des fois, on a de la difficulté à comprendre juridiquement ce qui constitue une agression sexuelle. À notre avis, des formations comme ça, des conférences comme ça permettraient de sensibiliser les étudiants sur les sanctions qui sont disponibles en droit pour une vaste étendue de comportements, là.

• (21 h 10) •

Mme Fournier : Mais, lorsqu'on parle de conférences, on parle souvent d'activités quand même qui se font sur une base volontaire, donc ça peut interpeller une certaine clientèle étudiante mais ne pas nécessairement en interpeller d'autres, alors que peut-être un étudiant ou une étudiante va vivre une situation de violence à caractère sexuel, qui n'aura pas nécessairement assisté à la formation par manque d'intérêt peut-être à ce moment-là. Donc, c'est pour ça notamment que la FECQ proposait que la formation puisse être donnée à tous les étudiants, par exemple, au début de chaque année ou au début de chaque session, sur un modèle plus obligatoire. Est-ce que ça serait une bonne avenue, selon vous?

Mme Gagnon (Sophie) : Je dois vous avouer ne pas y avoir réfléchi en profondeur.

Par contre, une préoccupation qui me vient à l'esprit rapidement est celle du concept de l'espace sécuritaire, là. Parler de violence à caractère sexuel, ce n'est pas évident. Et je veux faire un parallèle avec les formations obligatoires en matière de préjugés inconscients et de biais implicites. Il y a de la recherche qui suggère que forcer des personnes à participer à de telles formations peut avoir l'effet négatif de renforcer les préjugés inconscients et les biais implicites. Puis donc la conclusion de l'étude, c'est que des personnes qui participent à de telles formations doivent avoir une prédisposition d'esprit pour recevoir ces concepts-là. Il y a peut-être des parallèles à tirer en matière de violence sexuelle. En tant que femmes, on peut facilement se faire ridiculiser quand on avance que justement un attouchement constitue une agression sexuelle. Ce serait, à mon sens, important de s'assurer que la participation obligatoire n'ait pas pour effet d'amener des pensées, des commentaires cyniques, négatifs ou non constructifs dans des espaces qui se veulent sécuritaires. Alors, il faut faire attention. Des fois, en voulant trop bien faire, on fait mal. Alors, vu la sensibilité du sujet, là, il faudrait définitivement de la réflexion sur ça.

Mme Fournier : C'est un point extrêmement intéressant que vous amenez, dans le fond, peut-être davantage de conscientisation aussi avant de se rendre à une espèce de formation sur le côté plus juridique des choses qui pourrait justement entraîner ce type de stigmatisation là. Donc, merci pour votre éclairage là-dessus.

Dans votre mémoire, vous parlez aussi des liens avec les ressources externes. Puis, dans les consultations particulières, jusqu'à maintenant, on a beaucoup parlé, notamment, du lien entre les associations étudiantes, les établissements d'éducation postsecondaire et, par exemple, le réseau des CALACS, auquel vous faites mention aussi. Mais vous parlez aussi, notamment, des CAVAC, donc des centres d'aide aux victimes, puis j'aimerais un peu vous entendre là-dessus, sur la collaboration que ces organismes communautaires pourraient avoir avec les établissements d'enseignement postsecondaire.

Mme Gagnon (Sophie) : Avec plaisir. Donc, nous, notre approche a été une approche très inclusive au niveau des organismes communautaires. Alors, on avait cinq ou six organismes communautaires qui étaient présents à chaque jour. Et puis le domaine d'intervention de ces organismes communautaires là est vraiment complémentaire l'un à l'autre, et les personnes les mieux placées pour vous répondre seraient évidemment les représentants de ces organismes-là, mais, par exemple... et ma compréhension est évidemment limitée, du fait que je n'en fais pas partie, mais ma compréhension est que les CALACS, eux, c'est vraiment un groupe d'intervention, l'intervention va varier d'une région à l'autre. Mais, à Montréal, ça fonctionne beaucoup par des groupes de discussion, on vise à aider la personne victime à se détacher des sentiments de honte qui sont souvent liés à une agression sexuelle.

Les interventions du CAVAC sont complémentaires. Eux possèdent, notamment, une unité d'intervention spécialisée en matière d'agression sexuelle qui est présente dans les palais de justice, qui peut accompagner les victimes, quand elles rencontrent des avocats, pendant un procès. Ensuite, les CAVAC offrent aussi des services d'accompagnement aux victimes lorsqu'elles décident de faire une demande d'indemnisation pour les actes criminels auprès de l'IVAC. Donc, c'est des services qui sont très utiles.

Alors, il y a définitivement un avantage à faire appel à une pluralité d'organismes communautaires et que la personne qui soit en charge d'un éventuel guichet unique, d'une éventuelle hot-line soit formée pour référer les étudiants à l'organisme communautaire approprié.

Mme Fournier : O.K. Merci. Puis justement, sur les fameuses ressources externes, il y a quelques groupes... en fait, deux groupes qui nous ont parlé des ressources... en fait, des corps policiers comme quoi les corps policiers devraient être exclus de cette disposition-là sur les ressources externes. J'aimerais avoir votre opinion sur la question.

Mme Gagnon (Sophie) : Pour quelle raison?

Mme Fournier : Pour les préjugés auxquels ils ne pourraient peut-être par répondre, par manque de formation, notamment, des policiers.

Mme Gagnon (Sophie) : Ça, ça déborde peut-être un peu de notre expertise, mais ce que je répondrais à votre question est : l'exclusion ne me semble pas, intuitivement, être la meilleure réponse, mais ce qu'il est important de comprendre en matière de violence à caractère sexuel, c'est que... Puis moi-même, j'en suis la première coupable, là, je parle beaucoup de dénonciation à la police dans mes interventions. Par contre, ce n'est pas le seul chemin et ce n'est pas nécessairement le meilleur chemin pour toutes les personnes survivantes. Et donc c'est clair qu'une interaction avec la police n'est pas nécessairement appropriée dans toutes les situations, d'où la nécessité d'avoir d'autres ressources qui vont vraiment être centrées sur les besoins psychosociaux de la personne survivante. Alors, d'aller jusqu'à l'exclusion, je ne me prononcerai pas là-dessus, mais, sur l'inclusion d'autres ressources, définitivement.

Mme Fournier : Exactement. Donc, les corps policiers, peut-être bien, mais surtout il faudrait inclure d'autres ressources externes comme les groupes communautaires, comme vous le dites. C'est bien ça?

Mme Gagnon (Sophie) : La dénonciation, c'est avant tout une démarche émotionnelle et humaine plutôt qu'une démarche policière.

Mme Fournier : Tout à fait. Merci. Finalement, ma dernière question serait sur les délais d'intervention, donc du traitement des plaintes. Il y a beaucoup de groupes, justement, qui l'ont amenée, les associations étudiantes, tout ça. Vous fixez le moment à 45 jours. Est-ce que c'est parce que vous, sur le terrain, vous avez pu constater aussi le fait que, des fois, ça peut prendre beaucoup plus de temps que ça pour traiter les plaintes, et donc de là, si on veut, la nécessité de venir le circonscrire à un délai raisonnable de 45 jours?

Mme Gagnon (Sophie) : Exactement. Et on n'a pas été capables de trouver et d'avoir des chiffres précis sur les délais d'intervention, parce que la politique reprend certaines mesures qui existent déjà dans certains établissements d'enseignement. On s'est fait dire, même si c'est de manière anecdotique, que, dans certains établissements d'enseignement supérieur, ça pouvait prendre jusqu'à six mois avant qu'il y ait une intervention. Alors, on sentait vraiment utile de préciser l'importance de prévoir un délai maximal qui se calculait en quelques jours, voire en quelques semaines dans la politique.

Mme Fournier : Merci beaucoup. J'ai terminé mes questions.

La Présidente (Mme de Santis) : Vous avez terminé?

Mme Fournier : Oui.

La Présidente (Mme de Santis) : Parfait. Alors, la parole, maintenant, est au représentant du deuxième groupe d'opposition, le député de Chambly.

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Donc, merci pour votre présentation. C'est très intéressant. Vous amenez un point de vue différent qu'on n'a pas eu jusqu'à présent, ça fait que c'est enrichissant, je pense, pour les membres de la commission.

Je vais vous relancer sur un domaine que vous connaissez bien, sur lequel vous avez déjà parlé : à la page 5, l'offre de services de soutien et d'accompagnement juridiques. On est dans la mission de Juripop. Vous recommandez que les services d'accompagnement juridique soient expressément prévus parmi les ressources offertes, donc... puis on enrichit notre vocabulaire à mesure que les auditions avancent, donc, il y a : recevoir une dénonciation, ensuite il y a porter plainte, puis peut-être ensuite aller de manière judiciaire. Donc, dans le cadre des deux premiers éléments, qui sont internes au cégep ou à l'université, soit juste accueillir la dénonciation ou porter plainte, ça serait d'informer le... ou la victime de ce qui les attendrait s'ils décidaient d'aller à la police.

Ma question, c'est : Est-ce qu'au fond le meilleur groupe au Québec pour faire ça, ça ne serait pas Juripop? Au fond, est-ce que vous seriez, vous, et moyennant des ressources... Parce qu'évidemment il faudrait vous donner les moyens de le faire, mais il me semble que ça serait exactement dans vos cordes de faire ce genre de choses là. Et donc la réponse, c'est soit oui... ou alors qui d'autre pourrait le faire?

Mme Gagnon (Sophie) : Bien, certainement, nous, ça s'inscrit en continuité avec non seulement notre mission, mais nos expériences. Comme je le disais plus tôt, on est vraiment habitués d'être sur le campus avec les établissements d'enseignement supérieur, donc c'est une clientèle qu'on connaît très bien, qui nous ressemble et qui nous fait confiance. Alors, c'est sûr que ce serait en plein dans notre mission. Par contre, comme n'importe quel organisme communautaire, c'est une question de ressources, là. Mais, pour ce qui est de la cohérence avec la mission, nos intérêts puis la compatibilité de la clientèle, c'est sûr que c'est une réponse favorable.

M. Roberge : Donc, vous n'auriez pas besoin, évidemment, d'avoir un représentant Juripop en tout temps, tout le temps, dans toutes les institutions, mais simplement d'en avoir un ou une connus de l'établissement, que ce soit le collège ou l'université, pas trop loin, qu'on peut appeler et qui peuvent venir rapidement. Pour vous, ça, c'est quelque chose de réalisable dans un délai assez rapide, là.

• (21 h 20) •

Mme Gagnon (Sophie) : Oui. Puis je vais d'ailleurs en profiter pour mentionner que j'ai été très surprise de la difficulté qu'on a eue à recruter des avocats criminalistes pour nous aider avec la clinique juridique et sociale. Et puis ce qu'on m'expliquait, c'est que, pour les avocats de la défense, de participer à une clinique comme ça, ça créerait des risques d'éventuels conflits d'intérêts. Alors, si un avocat de la défense participe à une initiative comme la nôtre et se met à conseiller une centaine de victimes, un avocat dont les clients potentiels sont des éventuels accusés pourrait se trouver à se couper de la clientèle. Alors, ça a été difficile de trouver des avocats criminalistes disponibles pour faire ce genre d'intervention, d'où l'intérêt de trouver une ressource qui ne ferait pas des dossiers d'agression sexuelle, de défense son gagne-pain.

M. Roberge : C'est là qu'on voit qu'effectivement ça prend une ressource assez spécialisée dans le domaine. En page 4, vous parlez des délais de prescription applicables. À moins que je ne me trompe, pour l'IVAC, c'est deux ans. Est-ce que... là, on sort un peu du cadre du projet de loi, mais, bon, on est dans le sujet, est-ce que vous ne pensez pas que ça serait une bonne idée d'enlever ce délai de prescription là? Parce que, bon, les blessures, elles n'ont pas de délai de prescription.

Mme Gagnon (Sophie) : Bien, c'est sûr. En fait, je dirais même : Non seulement les blessures n'ont pas de délai de prescription, mais l'IVAC est basé sur une conception où les blessures seraient concomitantes avec l'événement, alors qu'en matière d'agression sexuelle ça arrive très souvent que les blessures sont refoulées par le corps et qu'elles font surface des années, voire des décennies plus tard. Alors, c'est sûr que le concept de prescription, à notre avis, devrait être inapplicable en matière de violence à caractère sexuel.

M. Roberge : Ça va dans le même sens de ce que vous écrivez plus loin quand vous dites, dans le fond, qu'il faudrait permettre, il faudrait prévoir carrément que même d'anciens étudiants puissent porter plainte à l'établissement. Donc, ça va dans le même sens de dire : Bien, regarde, c'est quasiment normal que ça prenne un certain temps avant que le survivant, la survivante, la victime décide de dénoncer ou de porter plainte, donc ça va ensemble.

Mme Gagnon (Sophie) : ...et, pour venir à la défense de l'IVAC, ils ont effectivement un délai de deux ans. Par contre, il y a certaines exceptions. Une personne qui est capable de démontrer que les blessures sont survenues des années après le fait va sans doute pouvoir se prévaloir des services de l'IVAC. Par contre, c'est important de comprendre que le simple fait d'avoir à faire cette démonstration-là, bon, que les blessures sont survenues plus tard, ça constitue un fardeau qui peut être suffisant pour empêcher une personne de même essayer d'avoir accès aux services de l'IVAC.

Même chose pour une poursuite au civil, où le délai de prescription est de 30 ans. Même s'il y a des exceptions et la jurisprudence est favorable aux victimes d'agression sexuelle, tout obstacle à une dénonciation et à une demande de compensation est un obstacle de trop, est un obstacle qui pourrait être fatal dans le désir ou non d'une personne de dénoncer ou de porter plainte.

M. Roberge : On se rejoint là-dessus. Mais j'aurais une question sur un sujet que vous avez précédemment abordé. En page 5, en haut, ça dit : «La clinique [...] Juripop recommande donc aux commissaires de [...] préciser le contenu et les objectifs des activités de formation obligatoire...» Mais il me semble que, tout à l'heure, en réponse à une autre question, vous avez dit que ce n'était pas une bonne idée que la formation soit obligatoire. Vous avez dit : Bien, écoutez, si on force vraiment, là, la formation à des gens qui ne sont peut-être pas prêts, ils vont avoir une réaction contraire, ils vont être... ils peuvent se lever puis dire un paquet de niaiseries, j'ose le dire. Donc, à moins que j'aie mal compris... Je ne suis pas trop certain. Vous voulez que les formations soient obligatoires ou pas?

Mme Gagnon (Sophie) : ...pour préciser, donc. Notre recommandation s'inscrit dans le cadre du projet de loi actuel, qui, lui, prévoit que les activités de formation sont obligatoires. Et le commentaire que je faisais tout à l'heure ne concerne pas l'ensemble des activités de formation prévues au projet de loi, mais concerne, de manière plus spécifique, des activités de formation où des victimes pourraient avoir à évoquer des situations personnelles qui leur sont déjà arrivées. Alors, quand on parle d'activités de formation obligatoires à la page 5 de notre mémoire, on fait référence tout simplement au projet de loi, qui les prévoit déjà comme étant obligatoires.

M. Roberge : Bien, je vous remercie beaucoup de ces précisions. Alors, je n'ai plus d'autres questions. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, M. le député de Chambly. Me Gagnon, merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

La commission ajourne ses travaux au mercredi 22 novembre 2017, après les affaires courantes. Bonne nuit.

(Fin de la séance à 21 h 25)

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