(Neuf
heures trente-sept minutes)
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, bon matin à tous. À l'ordre s'il vous plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Alors, je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
La
commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de
loi n° 144, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et d'autres
dispositions législatives concernant principalement la gratuité des
services éducatifs et l'obligation de fréquentation scolaire.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplaçants?
La Secrétaire :
Aucun, Mme la Présidente.
Auditions
(suite)
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Alors, je souhaite la
bienvenue à Mme Christine Brabant, de l'Université de Montréal. Merci d'être là. Alors, je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, et par
la suite on passera à une période d'échange entre les élus. Alors, sans
plus tarder, la parole est à vous.
Mme
Christine Brabant
Mme
Brabant (Christine) : Bonjour. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, les
membres de la commission. Je suis très heureuse d'être ici en ce moment
historique où le Québec se penche sur son mouvement d'apprentissage en famille.
C'est un moment qui est attendu depuis bien
longtemps par les commissions scolaires et par les parents, et je constate
que c'est fait très sérieusement, et je suis vraiment heureuse de pouvoir y
contribuer. Alors, évidemment, en tant que chercheuse,
ma contribution sera appuyée sur les résultats de recherche, les pratiques qui
se font ailleurs, en espérant éclairer un petit peu le débat.
D'entrée
de jeu, je dirais que le projet de loi n° 144 me paraît très bien appuyé
sur les résultats de recherche, sur les connaissances, l'état des
connaissances scientifiques actuelles en éducation et sur l'apprentissage en
famille. En particulier, bon, tout le monde
ne sait pas que les résultats de recherche sur cette pratique sont généralement
favorables à cette pratique. On
constate que les enfants obtiennent des résultats équivalents, parfois même
supérieurs, en termes de réussite académique et de socialisation ou
développement socioaffectif. Évidemment, c'est un constat général. Il y a toujours des exceptions et des faiblesses que la
recherche est en train de cibler et qui nous permettront de mieux les soutenir.
Mais, de façon générale, il n'y a rien dans
la recherche qui soutiendrait l'interdiction de cette pratique ou même un
contrôle serré.
• (9 h 40) •
Le
projet de loi est aussi bien appuyé sur l'étude des pratiques qui se font
ailleurs dans le monde en termes de gouvernance
de l'apprentissage en famille. Vous pouvez peut-être voir à la page 9 de
mon mémoire — ceux qui
l'ont — on
a étudié à peu près 25 pays et leur
façon d'approcher la régulation de ce mouvement éducatif, et on voit sur le
schéma qu'il y a des extrêmes et il y
a des positions plus modérées. En termes de résultats, comme on le voit souvent
dans d'autres phénomènes, les extrêmes sont moins heureux que
les approches modérées. Et je constate que le projet de loi s'inscrit
ici tout
à fait dans l'approche qu'on appelle
soit de supervision ou d'intervision, c'est-à-dire où il y
a les regards de la famille et
de l'État ou de l'école qui se croisent pour mettre en commun leurs
spécificités, leurs connaissances, leurs compétences
pour le bien de l'enfant. Alors, ce n'est pas un rapport de supériorité, ce
n'est pas un contrôle, ce n'est pas un soutien aveugle non plus, c'est
une position médiane.
Je
vais faire quelques recommandations ou quelques suggestions de réflexion, sans
mettre en cause le fait que, je trouve,
ce projet de loi va dans la bonne direction, en tout cas selon la compréhension que j'en ai et les discussions que j'ai
eues. Évidemment, on verra où est-ce que ça mène ensuite.
Une
première préoccupation que j'ai, c'est tout simplement la formulation
de la «commission scolaire compétente», qui a été placée dans l'article 2, je crois. Actuellement, dans la Loi sur
l'instruction publique, l'évaluation doit être faite par la commission scolaire ou à sa demande, et ces quatre mots magiques, «ou
à sa demande», permettent à une commission
scolaire de déléguer, si elle a un surplus,
à une autre entité sa tâche de supervision ou d'accepter un rapport venant d'un
professionnel externe, par exemple. Ici, on a perdu cette porte ouverte et on
est à la commission scolaire compétente uniquement.
On a eu déjà hier toutes sortes de suggestions différentes, à la fois des
demandes des parents et des propositions, par exemple, de la Fédération des établissements d'enseignement privés, qui aimeraient se choisir les uns les autres, ou
d'autres commissions scolaires, ou
d'autres intervenants. Moi, je connais aussi des orthopédagogues qui m'ont déjà
parlé de s'ouvrir un bureau de consultation et de suivi pour l'apprentissage
en famille. Alors, je pense que ça va être important de laisser cette
possibilité-là, là, avec un amendement dans le projet de loi.
Et
je dirais que l'argument qui me tient plus à coeur pour soutenir ça, au-delà de
ce que je viens de dire, c'est que j'ai
eu, en tant que chercheuse, un accès privilégié dans les commissions scolaires
et auprès des intervenants, et ils me parlent
sous le couvert de l'anonymat. Alors, ils me disent des choses qu'ils ne disent
pas à leur patron ou à leur employeur, et
j'ai constaté de grands malaises, d'importants préjugés, des refus et des
rejets sérieux de cette responsabilité-là. Et, quand c'est de l'ordre du conflit de valeurs ou du
conflit d'intérêts qui est perçu, d'objections professionnelles, je pense que
c'est quelque chose qui ne se force
pas. Des mesures administratives, ça peut être imposé, mais une relation
d'accompagnement envers une famille,
des enfants, ça ne se force pas si on n'y croit pas, si on n'est pas intéressé
à cette forme d'éducation. Et, pour
certains acteurs du milieu scolaire, on les a entendus hier, le modèle idéal,
c'est l'école, c'est le Programme de formation
de l'école québécoise. Il y a une certaine, je dirais presque, naïveté parfois
quant aux faiblesses de ce système-là, des
enfants qui sont moins bien desservis par ce système, des écueils qu'on
rencontre. Il y a encore beaucoup de défis, là, avant qu'on fasse réussir tous les enfants au niveau de l'instruction, de la socialisation et
de la qualification, là. On a des chiffres, régulièrement, qui nous font
sauter.
Alors, si ces
personnes-là sont vraiment convaincues que l'école à la maison, on est
contre... Et j'ai entendu ça : Nous, notre commission scolaire, on est
contre, ça devrait être illégal, ils devraient aller en
prison. Ce genre de discours là, ça ne se modifie pas à l'aide d'une formation.
Alors, je trouve que ça va être important de permettre que les commissions scolaires se passent le ballon
si désiré, qu'elles aient le choix d'accepter ou non cette responsabilité-là et
que d'autres intervenants puissent émerger,
qui, eux, seraient passionnés par ces nouvelles approches là et voudraient se
développer une expertise.
Un autre
point que je trouve important, c'est la participation démocratique des
parents éducateurs à la gouvernance de
cette pratique qui les concerne. Il y
a plein de décisions qui vont être à
prendre au niveau de la gestion des ressources, du personnel, des décisions de procédure. Et je sais que, dans notre
beau système scolaire, on encourage énormément
la participation des parents. On a des conseils d'établissement. On a les organismes de participation des parents, le conseil des
commissaires, le comité de parents, la Fédération des comités de parents. On
parle d'une représentation dans le système
scolaire d'environ un parent pour
70 enfants. Alors, ça fait beaucoup. J'ai fait le calcul à la page 23, là, ça
fait 15 000 parents impliqués dans le système scolaire pour gérer, demander de la transparence,
transmettre des idées. Au niveau de l'apprentissage en famille, avec la
table de concertation, qui est déjà un très beau pas en avant, et je pense qu'il
y a beaucoup de gens heureux de ce
premier espace de discussion et d'intercompréhension, bien, on aura
probablement quatre associations
représentées, ce qui ferait un ratio d'un parent pour 500 enfants. Ici, on
dit qu'on en a actuellement environ
2 000 et on s'attend à ce qu'il y en ait plus. Donc, on a un pour 70, un
pour 500. À quelque part, je pense qu'il y a un manque d'équité.
Et, si vous
regardez l'analyse, vous verrez que les pouvoirs sont également différents. La présence
des jeunes n'est pas là, alors que, dans les conseils d'établissement d'écoles
secondaires, il y a des adolescents qui viennent dire leur réalité. Là, ici, on n'aura pas cette chance-là qui sera
donnée à nos jeunes scolarisés à la maison, qui pourraient venir participer
à un tel exercice démocratique. Alors, c'est une préoccupation que j'ai.
Un autre
point que je voulais soulever, c'est la question du calendrier de mise en
oeuvre de tout ça. Vous allez voir
que c'est en lien avec ce que j'ai déjà dit. En ce moment, on prévoit que le
couplage des données avec la RAMQ, là, devrait
se faire incessamment, dès que le projet de loi sera accepté, je crois, ou que
les ententes seront signées, ce qui fait que, dès le printemps ou l'été, on
aurait des listes d'enfants. Il y aurait une loi et un règlement qui seraient
déposés et mis en oeuvre. Et là je me
demande : Mais à quel moment est-ce que s'est passée l'appropriation de
ces changements-là par les principaux
intéressés, autant du milieu scolaire que des parents, juste de digérer, de
s'informer et d'être formés? Et, si, en
plus, on parle de gens qui ne sont pas actuellement dans les commissions
scolaires, mais qui sont dans des écoles privées ou dans d'autres
organisations, il y a vraiment quelque chose à organiser.
Alors, je
voudrais juste recommander au ministre, aux gens qui réfléchissent à la
question de prendre un moment pour
revoir ce calendrier-là, s'assurer qu'on ne met pas la charrue avant les
boeufs, comme on dit au Québec, et qu'on ne créera pas un état de crise, de crise dans les familles qui se
sentent tout d'un coup prises, tu sais, coincées à faire des choses, et de crise dans les commissions scolaires
qui vont tout d'un coup voir apparaître 400 enfants dans leurs commissions scolaires, dont ils ne connaissaient
pas l'existence et qu'il faudrait suivre, mais on n'a personne pour les suivre puis personne qui veut le faire. Alors, il
y a peut-être un rythme à se donner pour que ça se fasse harmonieusement,
en commençant par certaines priorités.
Et ça sera mon dernier point. Au niveau des
priorités, la recherche aux États-Unis nous a montré que les cas vraiment prioritaires au niveau de l'apprentissage
en famille sont les cas de parents qui ne choisissent pas ce projet-là pour
un projet d'apprentissage, mais plutôt pour
isoler des enfants qui vont subir de la maltraitance impunément. Et en fait les
études ont montré que, la plupart du temps,
ces parents-là étaient déjà connus soit au niveau des antécédents judiciaires
soit au niveau de la protection de la
jeunesse, et l'enfant était à l'école, et, au moment où ils se font coincer par
la DPJ — bien, aux États-Unis, c'est un autre
service — c'est à
ce moment-là que, pour se défiler, ils vont peut-être déménager, retirer
l'enfant de l'école et continuer sous le couvert du «homeschooling».
Alors, c'est
assez possible, je pense, avec une certaine communication, de lever les
drapeaux et de protéger rapidement
ces enfants-là parce que, là, on parle de torture, de décès, de
sous-alimentation, d'abus sexuels, évidemment. Alors, je pense que, si on cible bien, grâce aux connaissances que la
recherche nous donne, les cas les plus prioritaires, les plus graves, ça permettra de lever le pied sur
les autres qui ne sont pas aussi inquiétants, où, bon, il peut y avoir des conditions pas idéales, mais où ce n'est pas des
situations d'urgence comme ça. Donc, je pourrai... Bien, vous allez le lire
dans mon mémoire, là, il y a des mesures qui ont été suggérées, qui sont mises
en place dans certains États américains. C'est en développement actuellement, là, des petites mesures précises
qui suggèrent une façon de procéder pour protéger ces enfants-là.
Alors,
ça fait le tour de mes points prioritaires. Je vais simplement conclure en
disant que, oui, on a un grand défi de
concilier des intérêts, des tensions, des visions différentes. Certains vont
considérer que ce projet de loi là va trop loin ou pas assez loin. Mais je crois que, dans l'intérêt des enfants, et pas
seulement ceux qui apprennent en famille, mais tous les enfants du
Québec, il ne faut pas se priver de cet espace qui sert à l'expérimentation
pédagogique, où on trouvera peut-être des
solutions pour nos enfants qui sont sur les bancs d'école grâce à des approches que les parents vont
expérimenter. C'est aussi la soupape
à l'expression de certaines différences, qu'elles soient culturelles, qu'elles
soient religieuses, qu'elles soient
pédagogiques. C'est un espace qui, je crois, doit être respecté et ne pas
devenir une copie conforme de l'école après un bâillonnement à l'extérieur de l'institution, et c'est aussi un
espace où toute l'institution peut apprendre à inclure ces personnes qui sont exclues ou qui se sont exclues
et comprendre pourquoi notre système scolaire ne répond pas à leurs besoins.
Alors, je nous souhaite bonne chance dans ce
beau défi.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, Mme Brabant. Alors, on va passer à la période
d'échange. Alors, M. le ministre, vous disposez de 19 minutes.
M. Proulx : Merci beaucoup, Mme la Présidente.
D'abord, bonjour à toutes et à tous. Très heureux de vous retrouver aujourd'hui. Mme Brabant, merci de votre présentation. Je suis très heureux d'avoir l'occasion de vous entendre ici. J'ai eu l'occasion, moi, déjà, de
vous rencontrer et je sais que vous avez eu la chance de collaborer et de
discuter de la question avec des gens de l'équipe.
Alors, merci,
d'abord, de votre participation. Merci de nous offrir la possibilité de
bénéficier de votre expertise. Votre
propos est clair, et ça nous permet, un, d'en apprendre davantage,
mais aussi de comprendre cette réalité-là. Moi, je suis très heureux qu'on l'ait, cet espace-là, pour
en discuter. On ne l'avait jamais eu avant. Je le disais hier, puis ce n'est
pas péjoratif de le dire ainsi, j'ai l'impression
que c'est un débat ou une question qu'on aurait pu régler avant, dans le temps,
lorsqu'on discutait d'accessibilité. Bon, on ne l'avait pas fait. Là, il est
temps de le faire, mais je pense qu'on a la maturité
pour avoir cette réflexion-là et cette discussion-là. Il y a des choses qui
m'intéressent et m'interpellent. Et, vous le savez, je porte une attention particulière à la recherche et à ses
applications. Alors, pour moi, c'est important de vous entendre.
D'abord, au niveau des mots, j'ai utilisé hier, souvent, «enseignement à la maison».
C'est dans ce sens-là que le projet
de loi est inscrit. Et je vais opter
pour un nouveau vocabulaire, soyez-en assurés. Vous m'avez convaincu tous et
toutes. Il faut nommer les choses telles qu'elles
sont, pas pour jouer avec les mots ou pour changer nos façons de faire, mais je pense qu'il faut bien exprimer ce qui se
passe dans les domiciles lorsqu'on fait cet apprentissage à la maison, comme
vous l'avez défini. Alors, hier, les parents
nous ont donné des propositions. Vous nous en donnez aujourd'hui. En tout cas, on va
tenter de ne pas s'y perdre, mais de parler, tous et toutes, de la même chose.
J'avais, bien
entendu, des questions, notamment sur votre recommandation 4, parce
que... Et je vais m'y retrouver, dans
votre mémoire. Je m'en excuse, je l'avais sous la main, et là
j'ai perdu ma page. Vous parliez tout
à l'heure... Et j'ai déjà
utilisé des mots semblables ou, en
tout cas, exprimé le même sentiment
dans un autre projet de loi. On peut mettre des règles. On peut mettre des contraintes. On peut obliger les gens à
agir d'une façon ou d'une autre. Mais on ne peut pas forcer la collaboration et on ne peut surtout pas forcer les gens à avoir
l'envie, l'ouverture et même le goût ou le désir de travailler ensemble.
Alors, on peut faire bien des affaires, mais on ne peut pas tout faire.
Et là-dessus
c'est une des raisons pour laquelle vous dites : Bien, pourquoi
vous n'ouvrez pas cette réflexion ou vous
n'avez pas cette réflexion ensemble, sur l'opportunité de ne pas voir seulement
notre tracé habituel ou notre chemin habituel
qu'est la commission scolaire compétente, pour aller vers autre chose? Est-ce
que ça peut être une autre commission
scolaire qui peut s'intéresser à la question? Est-ce que ça pourrait être des accompagnateurs
autorisés? C'est ce que vous dites.
Je pense que c'est un peu ce qui était dit hier par les parents. Bien, c'est
certain que, lorsque... Et moi, je n'aime pas voir les limites avant de voir les possibilités, mais il n'en demeure
pas moins que, lorsqu'on se pose des questions comme celles-là, il faut
voir ce que ça veut dire.
Alors, qui
sont ces accompagnateurs potentiels à qui nous pouvons, comme société,
faire confiance, là? À qui nous
pouvons confier cette responsabilité de voir à cet accompagnement, à la mise en place de ce plan d'apprentissage, à
cette nécessité d'avoir une collaboration entre les familles et l'État? Parce qu'inévitablement on pourrait penser à plein de
gens. Tous les cas ne sont pas les mêmes. Mais il n'en demeure pas moins que,
nous, il faut tracer une ligne. Alors, si ce n'est pas dans la loi, c'est dans un règlement,
mais, dans un cas comme celui-là, s'il faut donner une autorité compétente,
inévitablement, à mon avis, ça doit passer par la loi. Alors, peut-être nous donner
des exemples de ce que ça veut dire, «un accompagnateur autorisé», et comment
les choses pourraient être faites différemment du chemin habituel que nous
connaissons.
• (9 h 50) •
Mme
Brabant (Christine) : Bien,
je pense que, déjà dans les commissions
scolaires, il y a des endroits où ça
se passe bien. Alors, on peut déjà
tabler sur ça, là. Il y a des endroits qui sont facilement identifiables, où un intervenant ou deux se sont
lancés dans le projet, se sont formés, ont suivi ce dossier-là pendant quelques
années et ont une belle expertise, là, qui s'est développée. Ils sont partis de
zéro, mais, des fois, c'est des gens qui avaient déjà une ouverture à l'école
alternative, qui avaient une spécialisation en évaluation des apprentissages et
qui sont à jour, là, dans les connaissances en éducation, assez pour être
sensibles à ça.
Mais vous
entendez bien que je parle de la personne qui a fait la démarche. Ce n'est pas
la commission scolaire nécessairement.
En fait, souvent, ce qu'ils me disent, les intervenants, c'est : Je n'ai
pas eu d'appui de ma commission scolaire
ou j'ai juste la chance qu'ils ne me mettent pas des bâtons dans les roues.
Alors, à ce moment-là, la personne qui mérite cette
autorisation, que ça soit dans la commission scolaire, ou dans un bureau privé
qu'elle s'ouvrira, ou en partage, pour
plusieurs commissions scolaires, c'est cette personne qui a comme une
qualification, là, du même ordre que d'autres définitions professionnelles, là, ou d'autres cartes de compétence. Et
je me dis que, ces personnes-là, si elles font déjà la démonstration qu'elles ont une expérience,
qu'elles sont appréciées, on pourrait leur reconnaître... Mais, pour toutes
les autres à venir, il y aurait peut-être un
minimum de formation à laquelle elles devraient se plier pour obtenir cette
certification, tout simplement.
Et, comme
l'AQED le faisait remarquer, c'est très précieux quand il y a des parents qui
eux-mêmes ont vécu un parcours
d'apprentissage en famille avec leurs enfants. Les enfants sont rendus vieux.
Ces mamans-là sont pleines d'expériences et de connaissances, connaissent les approches spécifiques à
l'apprentissage en famille. Parce que c'est ça qu'on oublie des fois, c'est que l'apprentissage en famille et
l'école, c'est des milieux différents qui ont des forces et des faiblesses
différentes et qui... C'est
l'intérêt, justement, là, que ça ne soit pas la même chose. Mais ça veut dire
que nos gens qu'on forme pour l'école
ne savent pas comment tu fais quand tu as six enfants d'âges différents en même
temps à superviser dans la journée. Qu'est-ce
que tu fais quand tu as un enfant qui est démotivé, et puis c'est le seul? Tu
ne peux pas lui dire d'aller jouer avec
les autres parce qu'il est tout seul. Puis comment on le motive? Plein de
questions comme ça. Donc, ces mamans-là, si, en plus, elles ont une qualification d'enseignante, ce qui est le
cas des fois, ou d'orthopédagogue, c'est des ressources très, très précieuses, là, puis peut-être qu'il y
en a qui se cherchent du travail maintenant que leurs enfants sont grands.
Alors, ce serait...
Donc, c'est
ça, il faut faire une espèce de définition de profil de compétence et de
formation qui fait que la personne, si
elle a une formation plus scolaire, va aller fréquenter les milieux
d'apprentissage en famille, rencontrer des familles, peut-être dans une espèce de stage, là, tu sais,
avant d'avoir un pouvoir discrétionnaire sur l'avenir de ces enfants-là. Et, à l'inverse, bien, ceux qui sont juste dans
l'apprentissage en famille, peut-être qu'ils ont besoin d'une mise à jour sur
certains aspects.
M.
Proulx : Vous avez tout à
fait raison de dire qu'il y a des endroits où les choses se passent très bien,
parce que, dans les faits, on en
reçoit les échos, et il y a effectivement des commissions scolaires où des gens
habitent et participent réellement dans une relation de collaboration
avec les gens. Ma question, ma réflexion, en tout cas celle qui sera faite par les collègues à l'Assemblée nationale aussi,
j'imagine, c'est de se dire : Bien, nous, on a un défi d'autorité. Il faut
déléguer ces pouvoirs-là à des gens. Actuellement, ce sont nos
commissions scolaires. On veut bonifier cet encadrement, le transformer. Bon, il y a une réflexion à faire,
mais j'entends très bien et je suis sensible, là, à cette question-là de voir
les choses différemment. Et ce n'est
pas un désaveu à l'égard de ces organisations qui sont les commissions
scolaires. Je le dis, il faut avoir
cette réflexion-là. Si on est pour améliorer les choses de part et d'autre,
bien, faisons en sorte d'être capables de le faire. Alors, je me laisse
un point d'interrogation.
Vous avez parlé du calendrier. Ça m'interpelle
aussi. Je souhaite, bien entendu, que les choses soient faites correctement. J'entends bien ce que vous dites à
cet égard-là. Je pense qu'on pourra avoir des réflexions, peut-être des
choses qu'on peut faire différemment. Mais j'entends et je reçois qu'il ne faut
pas... Un jour ou l'autre, il faut que les encadrements
évoluent et se modifient si on croit que c'est nécessaire, mais je comprends
très bien que la mise en oeuvre de
tout ça a parfois ses limites. On a beau être parfois impatient, il faut que
les choses se fassent correctement. Je l'entends très bien.
• (10 heures) •
Là où je
voulais vous entendre et discuter avec vous, réfléchir à haute voix, comme
j'aime le faire, avec vous, c'est sur
toute cette question qui, à mon avis, est centrale et qui va nous permettre, je
pense, d'atterrir plus doucement dans un dossier comme celui-là, c'est
la question de la progression des apprentissages, de la nécessité d'un suivi de
l'évaluation. Ça va faire partie, ça, des réflexions.
Certains qui
sont, je vais dire, fermés ou réfractaires au modèle vont dire : Ça n'a
pas de bon sens, il n'y en a pas, on n'est
pas capables de suivre les jeunes. D'autres, très ouverts, vont dire :
Bien, nous, on veut un modèle complètement éclaté,
on ne veut rien savoir des examens, on ne veut rien savoir des évaluations,
on ne veut pas vivre dans un modèle comme
celui-là. On avait hier... Je pense que les collègues et moi partageons
avec, j'imagine, beaucoup de gens le fait qu'un jour ou l'autre certains des enfants, et peut-être la plupart d'entre eux, un jour ou l'autre, vont vouloir retrouver le chemin d'une institution scolaire, parce qu'inévitablement, si on voudra obtenir un
métier, une diplomation, une qualification, devenir professionnel, il y
a un passage obligé.
Alors, ça
nous préoccupe, ça, cette question-là du suivi des apprentissages. On veut
faire confiance, mais vous l'avez dit
tout à l'heure, si, dans les priorités, on veut travailler dans l'ordre des
choses, bien, il faut travailler avec ceux dont le développement global est compromis ou en compromission. Et, dans
ce contexte-là, j'isole les deux, je suis très à l'aise avec le fait... Et moi, je veux dormir en paix en me disant que,
le soir, on ne laisse personne dans la compromission et je veux être capable de dire : Bien, on
fait confiance, mais j'aimerais ça être capable de trouver la clé pour qu'on
s'entende sur, bien, c'est normal qu'il y ait une réflexion sur le suivi
des apprentissages.
Mais comment
on fait pour se satisfaire tous ensemble que ce n'est pas le modèle de l'école,
mais quand même les parents ont
conscience de ça, et l'État a acquitté sa responsabilité envers eux de
s'assurer que, dans un modèle différent, les enfants continuent
d'apprendre?
Mme
Brabant (Christine) : Bien, on a la chance que d'autres se soient posé
la question avant nous. Moi, j'aime bien référer aux notions développées
par l'ONU et les comités spéciaux qui ont travaillé sur le droit à l'éducation,
la définition du droit à l'éducation de
l'enfant. Ils en sont venus à mettre en équilibre des notions comme
l'adaptabilité de l'éducation,
l'acceptabilité de l'offre éducative et évidemment une certaine efficacité du
système scolaire. Mais l'adaptabilité et l'acceptabilité, quand ils arrivent en
équilibre, ça nous dit que l'éducation de base qu'on peut, en toute bonne
conscience, oser imposer à tous, à tous les enfants, ou offrir à tous les enfants
se résume à quelques grandes compétences ou quelques grandes caractéristiques. Alors, on parle de littératie, de
numératie et de résolution de problème. C'est les trois grandes compétences cognitives dont on
connaît les impacts sur le marché de l'emploi, sur la capacité de vivre en
société, de se débrouiller dans un monde moderne.
Alors,
ces trois choses-là ne sont pas à compromettre, il peut y avoir un rythme
différent, mais il faut qu'on voie que le parent travaille sur ces
aspects-là avec son enfant ou qu'il l'a en tête, là, que ça va venir à un
moment donné. Et il y a des outils pour ça,
là, il y a des outils modernes. Ensuite, une fois que ça, c'est assuré, on
recommande qu'il y ait une
possibilité d'adapter le reste du programme aux intérêts de l'enfant, à
l'adaptation culturelle, à des modifications du programme, là, en fonction de
tous ces éléments-là, mais à condition qu'il reste une diversité, qu'il reste
une ouverture. Mais ça ne sera pas la
même pour tout le monde, hein? Un enfant qui va passer 20 heures par
semaine à pratiquer son violon va
peut-être faire un petit peu moins d'histoire, mais, bon, si c'est notre
prochain Stravinski ou... ce n'est peut-être pas une mauvaise chose.
Mais
il faut qu'il reste une diversité, et l'élément qui est souvent nommé aussi,
c'est : il faut former l'enfant pour être un bon membre de sa communauté d'abord, de sa famille et de sa
communauté, parce qu'on a besoin de la famille et de la communauté. L'enfant n'est jamais un citoyen du monde, là, tant
qu'il n'est pas adulte, mais il faut aussi lui donner les moyens d'en sortir. Alors, c'est là qu'on
introduit la langue seconde, par exemple, ou la langue du pays, si ce n'est
pas sa langue maternelle, ou, à l'inverse,
celui qui est d'ici pourrait vouloir protéger sa langue d'origine ou de son
pays d'origine.
Alors,
cette question d'avoir deux langues, de bien connaître le système de
fonctionnement, là, de sa société, être capable de connaître un petit peu le... avoir un jugement scientifique
sur les informations qu'on reçoit, c'est des aspects comme ça, là, qui vont venir enrichir l'expérience
de l'enfant. Mais, bon, il n'y a pas d'éducation idéale, là, on ne connaît
pas de procédure parfaite, là. Il n'y a
personne qui peut faire une poursuite comme à l'hôpital pour dire : Vous
n'avez pas suivi la procédure. Chaque enfant n'a pas son mode d'emploi,
justement.
Donc,
il faut s'en tenir, heureusement ou malheureusement, à certains critères assez vagues comme ceux-là, mais je pense
que ce que je viens de vous nommer donne quand même des assises. Tu
sais, ce n'est pas n'importe quoi, n'importe quand et rien du tout, là.
(Interruption)
M. Proulx :
Désolé pour ces travaux qui, malheureusement, sont hors de notre contrôle, en tout cas, au niveau du bruit.
Ce
qui est certain, et, je pense, vous l'avez dit d'entrée de jeu, je pense
sincèrement qu'on est à la bonne place en misant sur... vous l'avez qualifié de
supervision, de contexte ou d'état d'esprit de supervision, puis je pense
qu'on est effectivement à la bonne place parce que c'est de cette
façon-là qu'on va réussir, j'espère et je le souhaite, mais je le pense
aussi, à intéresser des parents à se joindre au réseau scolaire pour avoir
cette collaboration-là et réussir ce mode de vie, parce que c'est ce que
c'est aussi, d'abord.
Deuxièmement,
ce que j'entends aussi de ce que vous me dites, c'est : il est important
qu'à la base de cette relation entre
l'État, le milieu scolaire et des parents éducateurs il y ait... nous, on l'a
appelé plan d'apprentissage, mais qu'il y ait cette relation basée sur,
d'abord, une présentation des objectifs du parent, une présentation des
apprentissages qu'on souhaite faire dans un laps de temps x, et par la suite
comment nous, je vais le dire ainsi, comment nous souhaitons... «évaluer» est
le terme mal utilisé malheureusement, parce qu'il est utilisé à toutes les
sauces, mais comment on veut s'assurer des
apprentissages et des acquis de nos enfants. Parce que, vous l'avez dit à la
fin, dans le fond, la priorité et une des raisons pour laquelle cet
élément se retrouve dans ce projet de loi, pour moi, c'est qu'établissements
illégaux, apprentissage à la maison, sans-papiers sont des opportunités, pour
certains, de soustraire des enfants à une démarche éducative. Et là on ne fait
pas notre travail si on laisse des enfants de côté, si on n'utilise pas tous
les moyens à notre disposition pour les protéger.
Comme
je le disais hier aux représentants de l'AQED, moi, je ne peux pas penser me
coucher le soir en sachant que, le
lendemain, il va venir se présenter un jeune adulte pour me dire que «vous avez
failli à votre tâche». Tu sais, on a une
responsabilité quand on est assis ici, là, c'est celle-là et, pour moi, ça,
c'est très important. Alors, c'est dans ce contexte-là qu'on cherche ce
juste équilibre.
Et
peut-être en terminant, au niveau de cette priorité, pour protéger ces enfants
vulnérables, ceux pour qui il y a possibilité
de compromission du développement global, où il y a compromission, sans aller à
la torture, il y a d'autres éléments
qui peuvent nous amener à la compromission du développement global de l'enfant.
Vous faites référence dans votre
mémoire, que j'ai vu rapidement ce matin, au projet de loi n° 99. On tente
de faire cet équilibre-là. Moi, c'est ce que je souhaitais, qu'on ne puisse pas arriver seuls avec un outil, mais pas
avoir tout ce qu'il faut pour être capables de créer ce contexte-là
favorable. Est-ce que vous pensez que l'équilibre que nous mettons en place est
le bon?
Mme Brabant
(Christine) : L'équilibre qu'on met en place ici, là, sans parler du
projet de loi n° 99?
M. Proulx :
Oui, bien, ici et ailleurs, mais pour faire en sorte d'avoir l'ensemble des
outils pour mettre notre priorité de
l'avant, c'est-à-dire s'assurer que tous et toutes sont bien protégés et que
leur droit, et le droit à l'éducation, est respecté.
• (10 h 10) •
Mme
Brabant (Christine) : Bien, je pense que ce qui manque, c'est
l'approche de soutien, là, qui, je crois, est peut-être dans les cartons pour le règlement ou le guide des bonnes
pratiques. Une des raisons qui fait que certaines familles restent en retrait, c'est
parce qu'elles ne voient pas d'avantage, de bénéfice pour leur enfant. Il n'y a
pas d'intérêt pour l'enfant d'aller rencontrer la commission scolaire si
c'est juste pour rendre des comptes, remplir la paperasse.
Alors,
à partir du moment où on offrira des services, du matériel, un réel
encouragement, du soutien, des réponses aux questions sans jugement, déjà je pense que le mot va se passer, puis
les familles vont se rendre compte que, bien, c'est comme aller voir le médecin ou c'est comme aller
demander à ton mécanicien un petit coup de main de temps en temps, faire vérifier ta voiture. Il n'y a rien de
menaçant là-dedans et même ça peut justement avoir un bénéfice pour l'enfant.
Alors,
je pense que ça, ça va être important. Parce que la rupture de collaboration,
elle est triste pour tout le monde, pour l'enfant, pour les parents et
pour le système scolaire qui se passe des parents, qui les oblige à quitter
pour faire autrement au lieu d'avoir réussi
à trouver un modus vivendi. Donc, c'est ça, c'est triste pour tout le monde. Je
pense que ces avantages-là pourraient aider à faciliter les choses.
Et
puis, au niveau du DPJ,
je pense qu'il faut aussi être très, très prudents, qu'on sache... et c'est
difficile à dire, mais qu'on sache
hiérarchiser un peu les besoins. Je ne verrais pas qu'un enfant qui ne fait
pas... bon, qui est en retard, par
exemple, au niveau de la langue, de la littératie, se voit dans des situations
où on met en jeu l'équilibre de sa famille, là, la paix familiale, parce qu'il y a des rencontres trop fréquentes par le
travailleur social, puis là on inquiète la mère, et tout ça, surtout sachant qu'il y a des enfants du système
scolaire qui n'ont pas les acquis du primaire à 15 ans. Il ne faut pas
l'oublier, ça, hein? Il y a des enfants du système scolaire qui... Ah!
c'est terminé?
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Oui. Merci, Mme Brabant. C'est
terminé pour le côté du gouvernement, mais on passe à l'opposition
officielle. Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean, vous disposez de
14 minutes.
M. Cloutier :
Je vous remercie, Mme la Présidente. Alors, merci pour votre présentation.
Vous
avez dit tout à l'heure que vous jugez que le projet de loi choisit... ce qui
nous est présenté est une approche modérée,
mais je me questionne sur notre capacité, justement, à juger de savoir le degré
d'intervention du gouvernement, considérant que tout est à faire dans le
règlement. Et j'ai l'impression qu'à part le plan qui sera déposé à la
commission scolaire on ne connaît pas le niveau d'intervention, on ne
sait pas les évaluations, la fréquence des évaluations,
comment va se faire le suivi d'apprentissage, on ne sait pas qui va le faire,
on ne sait pas si ça va varier d'une commission
scolaire à l'autre. Bref, quant à moi, tout est à faire. C'est la lecture que
je fais de ce qui nous est déposé. Dans
le fond, tout ce qu'on a, c'est un projet de loi qui ouvre la discussion, et
qui entend les intervenants, et qui ensuite va trancher des enjeux plus
délicats sur, justement, l'évaluation des apprentissages, les personnes
attitrées pour l'accompagnement, etc.
Puis
même, dans le mémoire que vous nous présentez, vous proposez aussi des
exclusions — peut-être
que vous pourrez nous en dire davantage, là — sur des gens qui pourraient avoir commis,
par le passé, des infractions criminelles, et tout ça, à mon avis, va tout être discuté dans le règlement. Ça fait
que c'est pour ça que j'ai de la difficulté, moi, à ce stade-ci, de
parler d'une approche qui est modérée, considérant que tout est à faire.
Alors, peut-être
qu'il y a des choses que je saisis mal, mais j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Brabant
(Christine) : Bien, je pense que cette modération se lit justement
dans l'absence de certaines contraintes dans
le projet de loi. Si on avait voulu avoir une approche de contrôle, on aurait
mis dans la loi... on aurait pu
mettre : L'enfant doit suivre... le parent doit suivre le programme de
formation à la lettre et faire toutes les évaluations ministérielles. Ce n'est pas là, dans le projet de
loi. En tout cas, je n'ai pas l'impression que ça s'enligne pour ça dans le
règlement. Et, de la même façon, on n'a pas
non plus fait un projet de loi qui serait dans l'approche d'aucune interaction,
de dire : Le parent fera un avis
d'intention, comme en Ontario, et on a la présomption qu'il fait bien son
travail jusqu'à ce qu'on reçoive un
signalement. Ça aurait pu être ça, le projet de loi. Ça, ça aurait été une
approche «aucune interaction».
L'approche de
contrôle aussi, comme je viens de vous dire, on ne l'a pas. Alors, étant donné
que ces balises extrêmes là ne sont pas là,
moi, je considère qu'on est dans la modération. Et si on regarde ce qui se fait
ailleurs dans le monde, les gens qui choisissent cette approche-là, pour
avoir une certaine cohérence de la philosophie d'intervision, supervision, on
parle d'évaluation par portfolio, d'un rapport des activités des enfants. Ça,
c'est des choses que j'ai entendues, qu'il y avait une certaine ouverture ici,
là, de la part du ministre à ces pratiques-là.
La
présentation du programme et des objectifs, c'est prévu dans le projet de loi.
On ne dit pas déjà quels seront les
critères, mais on dit qu'il y aura présentation. Donc, vous voyez qu'on est
dans un milieu, on n'est pas dans un extrême ni dans l'autre. On a mis des balises, mais, tu sais, elles ne sont pas
complètement radicales. Même chose pour l'évaluation de la progression, ça fait partie de l'approche de
supervision. Alors, c'est écrit, ça fait partie de cette approche-là, même
chose pour l'avis de professionnels. On
parle quand même d'une rencontre avec les professionnels et, pour terminer,
là... c'est ça, des évaluations flexibles.
Donc,
voilà, ma réponse est justement dans ce qui n'est pas dans le projet de loi et
ce qui est ouvert, ce qui est annoncé.
M.
Cloutier : Vous faites référence à l'approche de supervision, vous
dites. À quel article vous faites référence, du projet de loi?
Mme
Brabant (Christine) : Ça, c'est la catégorisation, que je vous ai
présentée à la page 9 de mon mémoire.
M. Cloutier :
Oui, mais ce n'est pas ce que la loi dit.
Mme
Brabant (Christine) : La loi parle vraiment d'un projet
d'apprentissage, d'une évaluation de la progression, de rencontres
avec des professionnels.
Ici, on parle de la commission scolaire. Elle parle quand même d'une éducation
qui doit être appropriée. Donc, il y a quand
même, là, des balises qui devront être respectées par tous les règlements à
venir, là.
M.
Cloutier : Oui, bien, c'est là que je veux en venir, tu sais. À mon
point de vue, la formulation, elle est
suffisamment large et générale, de l'alinéa c, pour permettre
éventuellement un règlement qui serait plus restrictif que ce que
pourrait donner l'impression d'un libellé plus large. C'est ça que j'essaie de
vous dire, c'est que je vois...
Mme Brabant
(Christine) : ...
M. Cloutier :
Pardon?
Mme
Brabant (Christine) : Parce que je ne crois pas... Parce que, quand on
parle d'évaluer la progression, on ne parle
pas d'évaluer le niveau, par exemple. Tu sais, quand on est... Dans le langage
de l'éducatif, il y a vraiment des termes bien choisis, là. «Une éducation appropriée», ce n'est pas «une
éducation conforme au programme». Alors, ces choix de termes sont très,
très bien circonscrits, là, par rapport à ce qu'un milieu scolaire ou des
parents pourraient entendre.
M. Cloutier :
C'est intéressant d'avoir votre point de vue, justement, de la lecture du
libellé de l'article. Ma lecture,
c'est qu'il est suffisamment large pour éventuellement, par exemple, prévoir
qu'il pourrait y avoir, je ne sais pas, moi,
trois rencontres annuelles avec le responsable de la commission scolaire, une
évaluation périodique de l'apprentissage scolaire. Puis sincèrement, à
ce stade-ci, moi, je ne sais pas ce qu'il va y avoir dans le règlement, je n'en ai aucune espèce d'idée, puis peut-être que,
malgré le choix des mots qui, selon vous, semble vouloir indiquer une
certaine forme d'ouverture et de souplesse... ne se traduira pas
nécessairement. Peut-être que ce sera le cas, là, mais le libellé actuel, à mon point de vue, est suffisamment large et général
pour éventuellement avoir des restrictions qui ne seraient peut-être pas... qui ne permettraient
pas, en bout de course, de conclure que c'est une approche mitoyenne. Ça,
c'est mon interprétation.
Maintenant,
vous nous suggérez aussi... Est-ce que vous proposez d'inclure dans la loi des
motifs d'exclusion à l'école en famille ou vous suggérez plutôt que ces
exclusions-là se retrouvent dans le projet de règlement?
Mme
Brabant (Christine) : Je suis pas assez versée en droit pour vous dire
lequel est le meilleur véhicule, mais, par exemple, les suggestions...
les pratiques qui sont en place en Arkansas, c'est, c'est ça : un parent
qui a déjà eu un historique de crime
violent, ou un autre membre de la maisonnée, quand c'est présent, cette
famille-là, cette maisonnée, ce ménage n'a pas droit d'instaurer un
contexte d'apprentissage en famille.
Alors,
est-ce que ça doit être inscrit dans une loi, est-ce que ça doit être inscrit
dans un règlement, est-ce que ça doit être le DPJ ou... Je ne sais pas.
M.
Cloutier : Est-ce qu'il existe des exclusions, au moment où on se
parle? Est-ce que tous les parents peuvent décider de choisir la formation à la maison sans égard à toute forme
d'accusation criminelle? Oui?
Mme
Brabant (Christine) : C'est un droit qui est reconnu par les chartes,
la Constitution, tout ça. Alors, un droit, c'est très difficile de le
restreindre, là. Pour perdre un droit, il faut vraiment avoir commis quelque
chose de grave.
M. Cloutier :
...proposez de faire, par contre, vous nous proposez de restreindre le droit.
Mme Brabant
(Christine) : Oui, mais je parle de choses très graves aussi, là.
M.
Cloutier : Je sais, mais justement j'essaie de comprendre l'état
actuel des choses par rapport à ce que vous nous suggérez de faire. Ce
que vous dites, c'est : Il y a l'expérience internationale qui semble
démontrer qu'il y a des limitations qui
existent ailleurs, aux États-Unis entre autres, et vous pensez qu'on devrait
s'inspirer de ces pratiques-là pour qu'il y ait aussi une forme
d'exclusion, au Québec, pour des crimes graves. C'est bien ça?
Mme Brabant
(Christine) : Oui. C'est une réflexion à poser.
M.
Cloutier : Vous en faites une recommandation ou c'est plutôt sous forme de
réflexion que vous le faites dans votre mémoire?
Mme Brabant
(Christine) : J'ai fini ça un peu tard, pour être bien honnête, et
comment je l'ai formulé...
M. Cloutier :
...aux antécédents judiciaires.
Mme Brabant
(Christine) : Si vous l'avez, voulez-vous me la lire?
M. Cloutier :
Page...
Mme
Brabant (Christine) : O.K. Inclure les mesures légales et
réglementaires qui sont susceptibles de contribuer à repérer... Oui, j'ai recommandé de
l'inclure : Interdiction de pratiquer l'apprentissage en famille en
présence de certains antécédents judiciaires; l'élaboration d'un système
d'alerte; et les rencontres de suivi annuel.
Les rencontres de suivi
annuel, c'est minimal, là, mais c'est parce qu'il paraît que ces familles-là...
on se rend compte qu'il n'y a pas
d'éducation qui se passe. Alors, juste de se... Quand on rencontre des familles
où c'est le cas, ça peut tout de suite lever un drapeau à cet effet-là,
là.
Mais peut-être que je suis allée loin. En fait,
je voulais que ça soit réfléchi, parce que je ne suis pas certaine qu'il y a eu
les discussions nécessaires et... En fait, c'est ça, c'est que, selon moi, ça
prend des juristes, là, pour regarder jusqu'où on peut aller dans ça,
mais je trouvais ça important qu'on soit sensibilisés à ça.
• (10 h 20) •
M.
Cloutier : Mais je pense qu'évidemment c'est une préoccupation qui est
tout à fait juste, et malheureusement on
peut penser que ça pourrait arriver. Je ne prétends pas que c'est déjà arrivé,
mais ça pourrait certainement... Il faut au moins se poser la question
de savoir...
Est-ce que
vous savez si ces restrictions-là... Vous avez cité des cas aux États-Unis.
Est-ce que vous savez si ça existe ailleurs?
Mme
Brabant (Christine) : Il y a des États où c'est complètement interdit
pour tous, là. Bien, l'Allemagne, par exemple, là, la fréquentation
scolaire est obligatoire pour tous.
M. Cloutier : Aucune formation en
famille n'est possible. C'est ça?
Mme
Brabant (Christine) : Non, et les défenseurs de cette option se
plaisent à dire que c'est une loi qui remonte à Hitler, du temps des
jeunesses hitlériennes, où tous les enfants devaient aller à cette école, à
cette formation. Mais aujourd'hui ça reste
interdit, sauf qu'il y a quand même 600 à 1 000 enfants qui vivent
cette expérience-là mais clandestinement, et c'est en croissance quand
même. Alors, pour moi, ce n'est pas la meilleure solution, là.
Je veux
revenir à la question de l'interdiction du droit, là, de pratiquer cette
option-là. Ce qui pourrait être assez simple,
je crois, c'est juste cette entente avec le DPJ pour qu'il y ait une
communication lorsqu'une famille qui a fait l'objet d'interventions pourrait choisir cette option-là.
Et ce qui est recommandé, là, c'est plutôt un suivi plus intensif, un suivi
particulier. Ce n'est pas une interdiction,
en fait. Je suis peut-être allée trop loin, là. Ce n'est pas un retrait du
droit, mais, quand on parle de
mesures de protection de l'enfance, de retrait des enfants de la famille, et
tout ça, là, on ne dit pas que ces familles-là n'ont plus le droit de
faire ce choix-là, mais ils sont suivis de plus près, il y a plus de
vérifications.
M.
Cloutier : Mais quand même les exemples que vous citez sont quand même
assez éloquents, là. Une interdiction
de pratiquer l'AEF si trouvé coupable, dans les cinq ans précédents, de viol,
d'enlèvement, ça m'apparaît être des crimes suffisamment graves pour se poser
de sérieuses questions. Mais merci de soulever cette réflexion avec nous.
On verra si c'est retenu dans le projet de loi
avec des amendements potentiels ou dans un projet de règlement éventuel, mais ce sont des vrais enjeux. Puis
peut-être, M. le ministre, ça sera intéressant d'avoir un avis du ministère de
la Justice sur ces enjeux de restriction, mais c'est vrai qu'il y a là
un élément qui doit être réfléchi. Je vous remercie.
Mme Brabant (Christine) : Ça me fait
plaisir.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Alors, on va passer du côté de... le deuxième groupe de l'opposition. Alors, M.
le député de Chambly, vous avez neuf minutes.
M.
Roberge : Merci, Mme la Présidente. Donc, je salue tous les membres. Merci beaucoup pour votre présentation. Je
pense que les experts et les
chercheurs au Québec qui connaissent bien ce dossier-là, il n'y en a pas des tonnes. Donc, merci pour votre éclairage.
J'ai plusieurs
questions pour vous, pendant qu'on vous a. Selon vos
recherches ou ce que d'autres ont fait comme recherches, est-ce que vous
savez s'il y a une distribution régionale? En général, au Québec, les gens qui
font l'école à la maison, ou l'AEF, est-ce que
c'est davantage en milieu urbain, en milieu rural ou davantage... même, on pourrait même dire, milieu urbain, on pourrait dire les
endroits?
Mme
Brabant (Christine) :
J'avais fait une étude, un portrait sociodémographique, justement,
en 2004, alors ça date quand même
pas mal, là, mais, à ce moment-là, il y
avait une répartition à peu près
égale entre les villes, les villages, les petites villes et les
banlieues, alors rural et urbain. Il y avait aussi la présence de groupes dans
toutes les régions administratives du
Québec, et, bon, ces gens-là qui ont participé à l'étude sont peut-être
davantage des gens actifs, présents, des
leaders, mais où il y a leaders, il y a... Tu sais, où il y a un chef, il y a
aussi des Indiens, là. Donc, je pense que c'est assez représentatif
d'une répartition assez large.
M.
Roberge : D'accord. Parce que la question suivante, c'est pour voir...
Bon, ils sont répartis, disons, à la grandeur du Québec, les gens qui font l'AEF, autant dans les grands centres qu'à
l'extérieur. Maintenant, combien il y en a à peu près? Bon, selon les chiffres
que vous nous donnez à la page 27, ça dit 1 772, mais après il y a
toujours le bémol, mais il y en a pas
mal plus qui sont clandestins. Là, on regarde un peu dans une boule de cristal
en sachant que les clandestins sont
par défaut clandestins, mais, si le chiffre officiel est de 1 772, vous pensez que le nombre réel, c'est quoi,
2 000, 3 000?
Mme Brabant
(Christine) : Moi, avec mes
réserves de chercheuse, je me suis appuyée sur deux données pour essayer de faire une estimation. Une, c'est un sondage qui a été fait au
sein de l'AQED, où ils demandaient à leurs membres : Êtes-vous inscrits ou pas
inscrits? Puis c'était 50 % qui
étaient inscrits. Et, l'étude dont je viens de vous parler, j'ai posé la
même
question, et là c'était 40 %. Je ne me souviens plus
si c'était 40 % d'inscrits ou de non-inscrits, mais en tout cas on est dans les mêmes eaux.
Alors, c'est pour ça que prudemment, quand on en
a à peu près... je pense qu'aujourd'hui c'est à peu près 2 000 d'inscrits, bien, je me dis qu'il pourrait y en avoir deux autres milles, mais
on peut se tromper royalement, là. Puis, bon, les associations ont
souvent tendance, et ça, c'est partout, là, à gonfler un petit peu les chiffres
pour donner de l'importance au mouvement,
alors que les administrations scolaires ont tendance à les diminuer pour
montrer qu'ils sont en contrôle. Bon, j'y vais dans, encore une fois,
une approche modérée.
M. Roberge : O.K. Ça a de l'air
juste des chiffres, mais c'est parce que ça a un impact sur la réflexion où est-ce qu'on s'en va. Supposons qu'on arrive à
3 500 divisés par 72 commissions scolaires, c'est à peu près
50 élèves par commission scolaire, considérant, comme vous dites,
qu'ils sont répartis à la grandeur du Québec. Donc, on pourrait penser qu'il y
a peut-être des commissions scolaires qui en ont 70, d'autres qui en ont 30,
mais ça mène à à peu près 50 élèves par commission scolaire.
Parce que je
poursuis sur les discussions qu'on a eues hier avec les représentantes de
l'AQED, qui disaient : Bien, pourquoi
former dans chaque commission scolaire quelqu'un s'il n'y a pas suffisamment
d'élèves? Donc là, en gestion de
ressources humaines, posons-nous la question : Est-ce que ça vaut la peine
dans une commission scolaire de développer une expertise ou une connaissance, une façon d'interagir pour à peu près
50 élèves par commission scolaire? Puis on peut supposer que souvent ce n'est pas
50 familles. Il peut y avoir 25, 30 familles pour 50 élèves, là,
souvent, il y a plus qu'un enfant. Donc là, déjà, on peut se poser la
question.
Ensuite,
l'autre question, c'est : régionalement, donc par territoire de
commission scolaire, supposons qu'il y a 50 élèves, après ça on peut se demander : Sur ce
territoire-là, est-ce qu'on confie ça à la commission scolaire ou on confie
ça à un autre organisme? D'après ce que je
comprends, vous avez un biais, en tout cas un avis favorable pour confier ça à
un autre organisme que la commission scolaire, considérant que les gens qui
font — je
viens tout le temps pour dire «l'école à la maison» — l'AEF...
Une voix : ...
M. Roberge :
...bon, enfin, ceux qui ne font pas l'école à l'école ont peut-être eu un
litige avec la commission scolaire.
Donc, on dit : On veut le donner ailleurs. Mais ce n'est pas magique, là,
ça va dépendre qui on met dans l'ailleurs. Puis là, honnêtement, je m'en
inquiète un petit peu. Là, je suis à la page 20 de votre mémoire,
recommandation n° 4 : «Remplacer,
dans le paragraphe n° [4] de l'article 2 du projet de loi,
l'expression "commission scolaire compétente" par
"accompagnateur autorisé"...» Donc, ça pourrait être une commission
scolaire ou quelqu'un d'autre.
Comment on choisit? Dans un milieu donné, on va
dire à Montréal ou à... on va dire Trois-Rivières, qu'à Trois-Rivières c'est la commission scolaire, mais, sur la rive nord de
Montréal, c'est l'accompagnateur autorisé. Qui décide ça?
• (10 h 30) •
Mme
Brabant (Christine) : Je pense que ça prend un choix réciproque,
c'est-à-dire qu'il y a des commissions scolaires qui vont lever la main, qui
vont dire : Nous, on aime ça, on a quelqu'un, et on veut le faire, et,
regardez, il y a des gens qui
viennent nous voir qui sont satisfaits. Ça peut être une expertise régionale
qui sera partagée par plusieurs commissions
scolaires. Les autres vont être contentes de s'en débarrasser, puis ils vont
dire plus gentiment de lui confier à la
hauteur de son expertise les enfants de son territoire. À d'autres endroits, il
pourrait n'y avoir personne d'intéressé, et là quelqu'un en privé va
accepter de faire le tour du Québec pour aller rencontrer ces régions-là.
C'est vrai qu'on ne peut pas imaginer tout de
suite ce qui n'est pas là. Il y a comme une période de créativité, d'adaptation qui va être nécessaire pour se donner
le droit de lever la main ou de ne pas la lever, en cohérence avec ce que je disais tantôt, là. Alors, moi, mes
recherches ont porté principalement sur trois régions : Lanaudière,
l'Estrie et la région de Québec, la Capitale-Nationale, et, dans chacune, il y
avait une commission scolaire plus leader, qui avait de l'initiative, quelqu'un de passionné. Alors, ça
pourrait... Et moi, je suis beaucoup en faveur d'une gestion régionale, donc
plus large que la commission scolaire, pour
qu'il y ait une mise en commun des effectifs, parce qu'il peut y en avoir un
petit peu moins à un endroit ou un petit peu
plus, mais au total que ça fasse un nombre d'enfants suffisant pour déployer
des ressources, une expertise et pour que
justement ça vaille la peine de mettre quelqu'un à temps plein sur le dossier
et qu'il prenne du temps pour développer du matériel et pour rencontrer
les familles.
Je pense
qu'au nombre d'enfants qu'on a au Québec en ce moment, on ne peut pas penser
faire ça par commissions scolaires,
mais régionalement ça pourrait être intéressant. Et puis, si on y ajoute des
dispositifs de participation parentale, de participation des jeunes pour assurer la transparence, la prise de
décision locale pour les problèmes locaux, comme on fait dans une commission scolaire ou dans un conseil d'établissement,
bien là, ça fait des régions qui vont être bien vivantes puis où le
phénomène va bien se développer.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Il vous reste encore 1 min 30 s, M. le député.
M. Roberge : Je pense que l'idée de le faire régionalement est
très intéressante. Par contre, il va falloir réfléchir à ça concrètement, là,
parce que ça ne pourra pas tout être dans le règlement. Comme le dit mon
collègue, il va falloir donner des
balises dans la loi, définitivement. Et j'ai l'impression que le projet de loi
pose des questions mais n'apporte pas des réponses. Il va falloir le
faire.
Puis
je vous le dis, je partage juste ma réflexion avec vous, je m'inquiète vraiment
avec le fait de dire : Ah! bien, on
va le faire avec telle commission scolaire parce qu'il y a quelqu'un qui est
bon là-dedans puis qui aime ça. Si on personnalise quelqu'un, c'est à cause de Jacques ou de
Françoise, bien, qu'est-ce qu'on fait si cette personne-là tombe en congé de
maladie? Tu sais, on s'appuie sur une
personne plutôt que sur un organisme, une structure qui est crédible, puis là
cette personne-là démissionne, tombe
malade ou on ne sait pas quoi. Là, le système régional s'effondre parce qu'on
s'appuyait sur quelqu'un. Je trouve ça dangereux.
De la même
manière, ça va être très, très, très important qu'on se questionne sur comment
on choisit les gens qui coordonnent
cette structure régionale là. Parce que de la même façon, puis vous l'avez bien
dit dans votre mémoire puis vous
l'avez exprimé ici, que c'est une erreur de le confier à des gens qui
disent : «Moi, je suis contre l'éducation à la maison, confiez-moi ça, je suis contre, je vais tout faire
pour qu'il n'y en ait pas», bien, si on le confie à quelqu'un qui, de l'autre
côté, en fait une religion : «Moi, je
suis pour, le système québécois, c'est pourri, ça, il faut les sortir, puis
l'important, là, c'est que moi, je suis vraiment favorable à l'école à
la maison, tout sauf le réseau scolaire», bien, on va aller à l'autre extrême. Si on choisit des gens qui, au départ,
n'importe quoi est mieux que l'école traditionnelle, ils vont peut-être
accepter n'importe quoi. Il y a vraiment un danger du balancier. Puis on
est forts sur le balancier au Québec.
On avait un
très mauvais système, je pense que le statu quo n'était pas tenable, puis le
ministre fait bien, là, de faire
quelque chose. Mais, si on va à l'autre extrême, on va se retrouver dans
10 ans à vouloir corriger les erreurs de 2017. Puis il y a un danger à ça. Donc, il va falloir
vraiment, vraiment être très créatifs dans le dépôt des amendements, parce
que, d'après moi, il faut que ça soit dans
les amendements, que ça ne soit pas dans le règlement. Mais les questions que
vous soulevez sont d'une grande pertinence. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, M. le député de
Chambly. Alors, merci beaucoup, Mme Brabant, pour votre
contribution à la commission.
Je suspends
quelques instants pour permettre à l'Association éducative juive pour
l'enseignement à la maison de prendre place.
(Suspension de la séance à 10 h 33)
(Reprise à 10 h 37)
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, bonjour. Je souhaite la bienvenue à l'Association éducative
juive pour l'enseignement à la maison. Merci d'être là. Vous allez voir,
sur vos bureaux vous avez l'interprétation simultanée qui va se faire pendant la présentation. C'est des écouteurs qui vont vous traduire dans l'oreille
ce qui est dit. Mais, de qu'est-ce que je
comprends, vous allez faire moitié en français, moitié en anglais. Sentez-vous
bien à l'aise. Si vous voulez la faire toute en anglais, vous pouvez le
faire aussi.
Alors, je
dois vous rappeler que vous avez 10 minutes pour faire votre présentation,
et par la suite on va passer à une
période d'échange entre les élus. Alors, je vous demanderais de vous
identifier, de vous présenter ainsi que les gens qui vous accompagnent,
et vous pouvez commencer tout de suite votre exposé. Alors, la parole est à
vous.
L'Association
éducative juive pour l'enseignement à la maison
M. Ekstein
(Abraham) : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, mesdames et
messieurs. En premier, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à
participer à cette commission parlementaire.
Je me présente,
je ne suis pas la réincarnation de Rabbi Jacob, mais bien Abraham Ekstein,
membre du conseil d'administration de
l'Association éducative juive pour l'enseignement à la maison; à ma gauche,
M. Max Lieberman; à ma droite, Mme Yitty Hirsch, mère de famille et
membre de notre association, et M. Jacob Maman.
Et je vous
prie d'excuser la piètre qualité de mon français. Je vais commencer mon exposé
en vous expliquant qui nous sommes.
Je vous exposerai ensuite notre positionnement par rapport au projet de loi. Et
finalement nous vous proposerons certains amendements.
Nous sommes
des Juifs hassidiques orthodoxes. Nos origines sont plus que millénaires. Notre
histoire en est une de lutte
constante pour assurer notre survie en tant que peuple, pour préserver notre
culture, nos traditions, notre religion et notre langue, le yiddish, parlée presque uniquement par les Juifs
hassidiques. L'éducation a toujours été au coeur de notre vie en société. Faut-il le rappeler, le
peuple juif a été le premier à mettre en place un système d'éducation
obligatoire, et ce, même avant les Grecs.
C'est
uniquement grâce à notre système éducatif que nous avons pu survivre à ce jour.
Cette éducation, quoique religieuse,
que nous donnons à nos enfants depuis des siècles n'est pas que religieuse.
Elle comprend notamment des notions de
droit, de logique, résolution de problèmes, d'histoire, lesquelles contribuent
à la formation de l'esprit critique nécessaire pour faire face à la vie.
C'est dans ce contexte que, pour nous, l'éducation de nos enfants est vitale.
• (10 h 40) •
La
préservation de notre culture religieuse dans un milieu majoritairement laïque
exige que la transmission de nos croyances
à nos enfants soit encore plus rigoureuse, vous l'aurez compris. Cependant, au
cours des siècles, les communautés hassidiques
ont accepté par nécessité l'enseignement que l'on appelle séculier, considéré
comme un outil permettant de suivre
la survie de nos communautés mais surtout assurant notre intégration dans les
sociétés où nous avons élu domicile. Notre
principale question existentielle devient alors : En fait-on assez pour
s'assurer que notre culture est correctement transmise de génération en génération et en même
temps que nos enfants deviennent des citoyens productifs et respectueux
de la loi?
C'est à ces
défis qu'ont été confrontés nos ancêtres, peu importe sous quels cieux ils ont
vécu, et c'est toujours, ici, au
Québec, en 2017, notre principal défi, la seule différence étant notre
conviction que les Québécois partagent avec nous et comprennent ce fort
instinct de survie qui habite toute minorité qui tente de préserver sa culture
et sa langue.
Comment
relevons-nous ces défis? Jugez par vous-mêmes. Le décrochage scolaire est
presque inexistant dans nos
institutions d'enseignement, comme la criminalité d'ailleurs. Nous payons nos
impôts, nous créons des entreprises, et
donc des emplois, la prévalence de l'assistance sociale n'est pas, à notre
connaissance, au-dessus de la moyenne québécoise. Donc, nos enfants deviennent des citoyens responsables,
et l'on peut conclure que l'enseignement qui leur est donné ne les
empêche pas de fonctionner dans un monde moderne.
C'est dans ce
contexte que nous avons adopté un programme d'enseignement à la maison qui
s'avère pour nous le meilleur moyen pour
réconcilier la transmission de nos valeurs religieuses et l'enseignement
nécessaire au bon fonctionnement dans
la société. Nous sommes très fiers que le ministre de l'Éducation ait récemment
cité en exemple le travail qui est
fait par notre communauté avec la précieuse collaboration de la commission
scolaire English-Montréal, assurant
ainsi le succès de notre projet. Les amendements que nous proposons au projet
de loi ont pour l'objectif d'assurer la pérennité de ces importants
acquis.
D'entrée de jeu,
nous donnons notre fort appui au projet de loi n° 144. Nous reconnaissons
à l'État le devoir de s'assurer que tous les enfants apprennent au
minimum les matières obligatoires prévues dans le régime pédagogique québécois
et saluons la volonté du législateur de mieux encadrer l'enseignement à la
maison.
Ainsi, nous
sommes sensibles au changement proposé à la définition du type d'enseignement
que doit recevoir l'enfant qui est
inscrit au programme d'enseignement à la maison. La notion d'enseignement approprié
est plus adéquate que celle qu'elle
remplace et respecte la spécificité des différentes communautés, tout en
assurant l'acquisition de contenus qui
sont jugés essentiels à la vie en société. Ce principe, pour nous, est
fondamental. Il exigera de la souplesse de la part du gouvernement dans la rédaction des règlements
et de la part des commissions scolaires dans l'application des normes
qui régiront l'enseignement à la maison.
À la base, nous croyons que le projet de loi met
à la disposition du ministre plusieurs outils lui permettant de trouver et rejoindre les parents et de les sensibiliser
au respect de l'obligation de la fréquentation scolaire. De plus, nous croyons que le gouvernement devrait privilégier
une responsabilisation des parents au lieu de s'en prendre aux institutions
de notre communauté.
Dans ce contexte, l'imposition d'une amende
draconienne à des institutions ou organismes qui peuvent être religieux, mais aussi des refuges de sans-abri ou
de décrocheurs, parce qu'ils accueillent entre leurs murs des enfants qui
ne remplissent pas leurs obligations de
fréquentation scolaire, n'apparaît pas opportune et va au-delà des objectifs
poursuivis par le ministre. À nos
yeux, nos institutions sont les principaux acteurs dans notre démarche. Elles
représentent le meilleur moyen
permettant d'offrir aux parents le soutien nécessaire pouvant assurer le
succès. Il serait donc contre-productif de les exposer à de tels
risques.
Si le législateur juge malgré tout impératif de
maintenir ces dispositions, nous croyons qu'il faudrait alors introduire des mesures plus souples et malléables,
lesquelles sont l'objet de propositions d'amendement contenues dans notre mémoire. Elles permettront au ministre non
seulement de faire respecter la loi, mais surtout de s'assurer que ce sont
les institutions récalcitrantes, celles qui refusent de coopérer avec lui, qui
seront exposées aux conséquences prévues.
Ceci dit,
c'est véritablement l'article 14, qui porte sur les perquisitions sans
mandat à l'identification des enfants, qui
nous apparaît le plus problématique. Nous croyons que l'obtention d'un mandat
de perquisition devrait s'appliquer pour
toute mesure d'intervention régie par l'article 478 de la Loi sur
l'instruction publique, sauf exception pour des situations d'urgence,
quand la vie est mise en danger.
Sans discuter
plus profondément des enjeux constitutionnels reliés à cette question et que
vous retrouvez dans le mémoire que nous avons soumis, nous croyons que
ce pouvoir de perquisition sans mandat n'est absolument pas nécessaire, car, même si certaines institutions
étaient récalcitrantes à coopérer avec le gouvernement, elles ne sont pas
pour autant clandestines. Elles ont une adresse civique, un permis municipal
d'occupation. Ce n'est pas à cause des quelques
heures de plus que requerra l'obtention du mandat que la preuve disparaîtra ou
que les enfants seront soudainement
soumis à un danger justifiant une intervention intempestive.
Donc, encore
ici, le gouvernement dispose déjà, grâce aux autres mesures prévues
dans le présent projet de loi, des
moyens dont il a besoin pour atteindre ses objectifs sans avoir à verser
dans ce qui pourrait mener à des situations d'abus
de pouvoir. Ajouter l'obligation d'obtenir un mandat de perquisition ne fera
qu'augmenter la légitimité de l'acte et nous protégerait d'un
signalement, avec tout respect, malicieux, fait dans le but de nous harceler.
Et nos
craintes ne sont pas sans fondement. Nous avons pu observer l'année dernière,
lors de l'intervention de la DPJ dans
la communauté de Vizhnitz, une démonstration de force qui n'était absolument
pas nécessaire et qui a été faite au
détriment des enfants, qui ont été traumatisés par la présence dans l'école des
policiers et des caméras. Car, en
effet, des négociations étaient déjà en cours entre cette communauté et
les autorités gouvernementales pour régulariser leur situation.
Nous
demeurons évidemment convaincus de l'intention bienveillante du ministre
à notre égard, mais l'histoire récente
nous enseigne que cela n'est pas suffisant au moment où les forces politiques
ou la pression médiatique forcent la main
du gouvernement. Il faut éviter que ne se répète pareil scénario.
Nos deux demandes assureront ainsi la protection de notre institution religieuse contre des possibilités d'abus de pouvoir et permettront une relation de mutuelle confiance,
le succès du programme d'enseignement à la maison, tout en permettant au ministre
d'atteindre ses objectifs.
Enfin, nous voudrions également que notre droit
à l'école à la maison soit spécifiquement reconnu comme découlant des droits prévus dans les chartes, ceci afin de rappeler aux
corps politiques de notre société que l'enseignement à la maison n'est pas une faveur, un cadeau, un
privilège qui est accordé à un groupe minoritaire, mais bien un mécanisme
mis en place par le législateur québécois afin de s'assurer que la Loi sur l'instruction
publique respecte les droits protégés par les chartes.
Nous avons
confiance en la sagesse de la société
québécoise, qui a toujours
défendu les droits des minorités. Nous croyons
que ce projet de loi, une fois adopté, nous permettra
d'atteindre nos objectifs communs. Merci de nous avoir permis de
prendre la parole devant vous, honorables députés.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. Ekstein. Et je dois vous dire que votre
français est très bon. Alors, on va
passer à la période d'échange et on va aller du côté du gouvernement. Alors, M. le ministre, vous disposez de 21 minutes.
M. Proulx : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Vous me permettrez d'abord de saluer, messieurs, madame, votre
présence à l'Assemblée nationale. Je suis très heureux de vous avoir ici aujourd'hui.
J'ai eu l'occasion de vous rencontrer, vous
et d'autres membres de la communauté et des autres communautés de la grande
famille juive ici, au Québec, et, dans le contexte d'un projet comme celui-là,
je pense qu'il était important que vous soyez présents. Vous avez manifesté
l'intérêt d'y participer, et je vous en remercie.
Deuxièmement,
je veux saluer... puis vous l'avez noté, je vous en remercie, mais je veux
aussi saluer encore une fois le
travail qui a été fait avec la commission scolaire English-Montréal School
Board, parce que ça n'est même pas... Et il faut se le rappeler, Mme la
Présidente, hein, ça vient d'un conflit, à la base, et au début les gens ne
s'entendaient pas, et une façon de
travailler ensemble a été développée. Pour certains, même, ce n'était pas le
choix initial, mais aujourd'hui on se retrouve dans la situation où on
est obligés de faire le constat qu'avec cette collaboration entre la communauté — émanant notamment de la communauté — qui travaille très bien avec leurs enfants,
et la commission scolaire, il y a une façon de travailler qui fonctionne
pour vous.
Et là-dessus,
je le sais, puis sans trop m'avancer parce que je n'ai pas tous les détails, et
vous pourrez nous en parler dans
quelques instants, mais, lorsqu'on parle avec la commission scolaire, Mme la Présidente,
ce qu'on nous dit, c'est que, sur une
base volontaire, plusieurs vont même passer les examens, hein, ils vont faire
des évaluations pour voir où ils en
sont rendus dans leur cheminement, et les résultats sont bons. Ce qu'on me dit,
c'est que la progression des apprentissages est là. Alors, dans ce contexte-là, rien n'est parfait, ici comme
ailleurs, mais je voulais saluer le travail qui est fait avec vous
et avec la commission scolaire, qui a pris ce dossier-là, c'est le cas de le
dire, à bras-le-corps et qui s'en occupe au quotidien.
• (10 h 50) •
C'est intéressant également de vous avoir avec
nous parce que la situation diffère d'autres. Les raisons pour lesquelles, dans ce cas-là précisément... puis je pense qu'il faut aussi parler de l'école ensuite, mais les
raisons qui vous ont amenés, ou qui
vous amènent, ou qui font en sorte que certains choisissent les apprentissages
à la maison, pour le dire correctement,
diffèrent. Mais c'est important de se rappeler que le point commun de tout ça,
c'est qu'à titre de parents, comme
éducateurs, vous avez le droit de faire des choix différents, dans la mesure... Et ça, c'est la norme, je pense,
qu'on s'est donnée dans la société,
c'est de s'assurer tous et toutes que les enfants aient un projet éducatif qui est mis de l'avant pour éviter
de compromettre leur développement global, rappelant qu'il y a un droit à l'éducation.
Vous avez
fait état d'un historique, celui de la communauté, et je l'ai bien entendu et je l'ai réécouté,
parce que nous en avons déjà parlé. Il y a des mythes, aussi, qu'il faut
finir par faire tomber. Ce n'est pas vrai que c'est tout le monde,
dans votre communauté et dans les communautés, qui refuse ou
n'accepte pas un enseignement séculier. Ce n'est pas vrai. Par contre, et je pense qu'on en a déjà
parlé ensemble, et je peux m'avancer en le disant ici, il est important
de faire ce cheminement, cette
démarche, et il va falloir aussi faire davantage avec l'enseignement séculier. Je pense que vous en êtes conscients, et je peux, je pense, le
dire ainsi, qu'il y a du travail qui
se fait également chez vous, de réflexion, à cet égard-là. Alors, moi, je salue
qu'il y ait de l'ouverture à cet égard-là. Que les choses prennent un peu plus
de temps que pour d'autres, c'est une affaire, qu'il y ait ouverture à
constater que nous sommes aujourd'hui dans une époque différente et que les
choses doivent évoluer différemment, je vois ça d'un bon oeil.
J'aurais
voulu, moi, vous entendre plus spécifiquement sur la relation que vous avez
avec le ministère de l'Éducation. Et
Mme Barcelo est ici, et puis je trouve que c'est une belle occasion
d'avoir cet échange-là avec vous, parce qu'il y a beaucoup d'efforts qui ont
été faits par le ministère, et moi, je souhaitais ça, puis j'en ai fait
également. Il y a, je pense, une
relation différente avec les communautés. Et, dans ce contexte-là, j'aurais
voulu savoir comment les choses évoluent actuellement. Parce que
certains pensent qu'on ne se parle jamais, d'autres vont dire qu'on est
toujours sur votre dos, ou qu'il y a des
inspections à temps complet, ou que c'est la DPJ en tout temps. Alors, j'aurais
aimé vous entendre nous dire si les
choses avaient évolué, si aujourd'hui le contexte était favorable à des
améliorations, à des modifications, à une meilleure compréhension de ce
que vous souhaitez lorsque vos enfants sont à l'école.
M. Ekstein
(Abraham) : C'est évidemment ce que je peux dire, que c'est dommage que ce type de relation que
nous avons aujourd'hui avec le ministre et le ministère n'était pas le cas dans
les années dernières parce qu'il y avait beaucoup de méconceptions, beaucoup de mésententes, de
fausses informations. Et nous avons crié pour une chance de s'asseoir, de se parler, d'avoir des communications, de s'entendre que ce n'est pas le cas ici de communautés
qui refusent l'éducation.
C'est toujours un argument de niveau d'éducation,
de limites d'heures, limites d'après certaines problématiques culturelles, mais ce n'est jamais
le cas de refus d'éducation. Donc, bien
sûr que je peux dire qu'aujourd'hui c'est tout un autre univers,
on a la chance de parler avec vous, M.
le ministre, et avec les représentants du ministre. M. Maman va parler
sur les relations qu'il a avec la commission scolaire English-Montréal, qui est
partie de ses...
M.
Maman (Jacob) : En effet,
notre relation, comme on l'a discuté auparavant, est excellente avec la
commission scolaire, et c'est ça, je
crois, qui permet la réussite du programme qu'on a commencé avec eux. Il y a
une ouverture d'esprit, il y a de la
communication, il y a de la flexibilité. On s'arrange pour que les choses
marchent, il n'y a aucun problème qu'on
n'a pas été encore capables de résoudre. À chaque fois qu'une situation s'est
présentée, on s'est assis, on a discuté, on a trouvé les limites de notre côté, les limites de leur côté, et on
est arrivés à un consensus, et on a fait fonctionner les choses.
Donc, un
exemple simple. Il y a des rencontres bisannuelles entre la commission
scolaire, les représentants de la commission
scolaire et les parents qui offrent... qui font la scolarisation à la maison
avec leurs enfants pour les évaluations de portfolios de leurs enfants. En temps normal, l'évaluation se fait à la
commission scolaire, un parent prend rendez-vous avec la commission scolaire, se présente et fait évaluer son dossier.
Nous avons proposé à la commission scolaire si leur représentant pouvait venir dans la communauté
rencontrer les parents dans des centres de la communauté afin de faciliter
les échanges, afin que les parents soient
plus confortables. Ils ont accepté, et nous avons eu plusieurs de ces
rencontres, et toutes ces rencontres
ont été extraordinaires, de tous les côtés. Les parents se sentent en confiance, se sentent respectés.
Les consultants qui viennent de la
commission scolaire sont heureux de voir comment les parents sont engagés, veulent que ça fonctionne. Et donc c'est cette ouverture,
cette communication, cette flexibilité qu'on a trouvée avec la commission
English-Montréal qui permet que ça fonctionne.
M. Proulx : J'aurais voulu que
vous nous expliquiez, dans le fond, la... parce qu'indépendamment de cette... bien, pas indépendamment, je comprends comment
fonctionne cette relation, mais, avant de passer la parole à mon collègue
de D'Arcy-McGee, qui avait également des
questions pour vous, j'aurais voulu savoir ce que c'est, une journée type d'un
enfant qui est dans ce programme avec la
commission scolaire. J'aurais voulu entendre ce... que vous puissiez nous
raconter le quotidien d'un de ces enfants, par exemple.
M. Maman
(Jacob) : Donc, je dirais
qu'il n'y a pas d'enfant type. On prend chaque enfant pour ce qu'il est et pour
les besoins qu'il a. En tant que centre de soutien, nous offrons des services
en fonction des besoins des enfants. Donc,
c'est sûr qu'à la base ce sont des institutions religieuses, donc les enfants
passent un certain nombre... à faire les études religieuses. Il y a cette conception que les études religieuses
veulent dire de la prière. La prière représente peut-être 5 % à 10 %
du temps que les enfants passent dans nos établissements. C'est réellement...
c'est des études, des études qui leur
permettent d'acquérir des connaissances, qui leur permettent de développer des
stratégies et donc qui sont bénéfiques à leur enseignement séculier également.
Également,
donc... et, en fonction du besoin de chaque enfant, nous recevons des demandes
en fonction des parents, donc. Nous
sommes autorisés à faire trois catégories de choses : nous faisons du
tutorat pour les enfants, nous faisons de
l'aide aux devoirs et nous faisons de la préparation aux examens. Et donc ce
sont les trois choses pour lesquelles nous aidons les enfants et leurs parents. Et donc, selon les demandes de
chacun, ça diffère. Je pense que Mme Hirsch serait plus apte à répondre
comment ça se passe à la maison pour elle.
Mme Hirsch
(Yitty) : Pour ma famille,
je suis mère de six enfants, trois d'entre eux sont scolarisés à la maison,
et ça me donne une liberté d'adapter le programme
aux besoins spécifiques de mes enfants, qui est vraiment incroyable.
L'apprentissage est devenu un projet familial, c'est une partie de chaque
moment de notre vie quotidienne familiale.
Mes enfants
ont exprimé des intérêts aux différents sujets. Je pourrais suivre un
curriculum autour de ce thème. Comme, il y a quelques mois, nous avons
exprimé un intérêt à l'exploration du thème spatial, alors j'ai construit des leçons de lecture, de maths, de sciences autour de
ce thème, nous sommes allés en famille au musée de l'espace, à Ottawa,
au Planétarium. Puis c'était la fête de Purim, mais les enfants ont choisi de
se déguiser comme astronaute.
Alors, il y a
des connexions entre notre vie familiale, notre culture et la matière qu'ils
apprennent en maths, en lecture et en sciences, qui fait une intégration
vraiment forte et vraiment «relatable» pour les enfants.
M. Proulx : Bien, écoutez, merci. Bien, merci. Je sais que mon
collègue de D'Arcy-McGee avait quelques questions pour vous, et ça me
fait plaisir de lui céder la parole. Je termine en vous disant merci de votre
présence aujourd'hui.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci, M. le ministre. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee, il vous reste
presque 10 minutes.
• (11 heures) •
M. Birnbaum :
Merci, Mme la Présidente. M. Ekstein, M. Maman, Mme Hirsch,
M. Lieberman, ça m'a fait plaisir, comme mes collègues, de vous accueillir à l'Assemblée nationale. Nous
avons eu des opportunités de travailler ensemble, et j'espère qu'elles
vont se multiplier.
Je veux
poursuivre nos discussions sur l'expérience à la maison. Dans un premier temps,
je trouve ça important de nous
rappeler collectivement que la tâche devant nous tous, et on est reconnaissants
de voir qu'on a des gens qui veulent travailler avec nous là-dessus,
c'est de trouver ce juste équilibre entre le droit très reconnu au Québec,
comme dans presque chaque juridiction
occidentale, de la scolarisation à la maison... Qu'on se rappelle, quand
quelques intervenants nous parlent du
fait qu'il faut faire copie conforme avec l'école et quand on soupçonne qu'il y
ait des gens qui préféreraient que cette option n'existe pas, que c'est
très bien encadré dans la loi, que ça fait consensus au Québec.
Alors, à
quelque part, il y a cette obligation mais qui doit aller évidemment de pair
avec l'obligation et quelque chose
qui fait le consensus au Québec, c'est-à-dire que l'accès à l'éducation est un
incontournable et l'acquisition des concepts
d'un sens de citoyenneté, la responsabilisation de chaque enfant est aussi
notre devoir collectif. Et ces deux choses doivent être équilibrées et elles sont inscrites
dans les lois devant nous. Et ce qu'on essaie de faire avec ce projet de loi,
c'est de nous assurer qu'on a trouvé le
juste équilibre qui respecte ce consensus ainsi que nos obligations de
respecter le droit de la
scolarisation à la maison. Et je répète — il y a plein de jurisprudence des hautes
instances des tribunaux — qu'on ne parle pas de
produire copie conforme, on parle de l'importance d'assurer que nos jeunes, peu
importe leur diversité, soient scolarisés de façon digne, accessible et
équitable.
Bon,
j'aimerais vous inviter d'en parler davantage sur le plan très pratique, et
j'inviterais peut-être Mme Hirsch d'élaborer,
de nous parler de comment cet équilibre est atteint, comment, en donnant des
exemples très spécifiques, vous avez commencé à le faire, que vos
enfants vivent cette expérience. Et je vous invite... I would
invite you to make particularly reference to how your children are learning
French. Voilà une priorité qui est partagée par les Québécois non francophones de toutes origines, dont la
communauté juive dans toute sa diversité, dont je fais partie aussi. Alors,
je vous invite d'élaborer sur l'expérience de vos trois enfants en nous donnant
quelques exemples et peut-être en faisant référence à l'enseignement du
français langue seconde particulièrement.
Mme Hirsch
(Yitty) : Bien sûr. Moi,
j'habite au quartier de Mile End à Montréal. Si vous le connaissez, alors, c'est un quartier vraiment diversifié. Les
enfants jouent dans la ruelle avec des enfants plutôt francophones. Mes enfants
très jeunes ne parlent pas encore français.
Le plus grand, un peu mieux, et la plus grande parle vraiment
fluide. Alors, ils font partie de
cette société québécoise. Ils ont des interactions avec les
autres enfants francophones, et ça leur donne une chance de vraiment
utiliser des habiletés qu'ils reçoivent à la maison auparavant de l'enseignement
à domicile.
Enseigner le
français, c'est le plus grand défi pour les mères dans notre communauté.
L'anglais, les mathématiques, les
sciences, c'est beaucoup plus facile. La grande majorité des mères dans
notre communauté sont diplômées
secondaires à Québec. Un grand nombre
ont aussi complété des diplômes d'études collégiales, et encore d'autres, comme
moi, ont poursuivi des études
universitaires. Alors, nous avons l'expérience, nous avons les qualifications.
On travaille très bon ensemble. Il y
a beaucoup de collaboration. Nous partageons des idées. Quand moi, j'enseigne
aux enfants de mes amies le français,
l'anglais et les mathématiques, elles enseignent à les miens la musique et
l'art. Alors, il y a de la collaboration. On partage des ressources. Le
soutien de la commission scolaire est vraiment inestimable.
Alors, pour moi,
comme mère, c'est vraiment une expérience incroyable. Je trouve que je suis
vraiment impliquée dans l'éducation de mes enfants. Je fais partie de leur
expérience. C'est une expérience familiale. Les enfants travaillent ensemble
avec moi et mon mari. Je trouve aussi que mes enfants, vraiment, ont des
opportunités qu'il n'y a pas au même niveau
dans l'école pour poursuivre leurs propres intérêts. J'ai un garçon de
huit ans qui est vraiment intéressé au sujet de l'architecture. Alors, à l'école, il ne pourrait pas vraiment
poursuivre au même niveau qu'il peut à la maison. Parce que moi, je peux
personnaliser les matières à son intérêt, de ce sujet comme l'architecture,
pour lui.
M. Birnbaum : Merci.
M. Lieberman (Max) : Juste pour
répondre, vous êtes... votre question : Comment nous enseigne la langue française?, juste une réalité : dans notre communauté,
80 % nés à New York comme moi, Abraham est né en Argentine, mais
80 %... parce que, dans notre société, après nos mariages, les hommes aller vivre... I'm going to switch in English. It's easier. They go live close
with the family of the wife. It's easier if you have bigger families. So being
that, we have... That's the only...
The notion that English is our language, it's just because I was born in
Brooklyn, but my language at home and
our language is Yiddish. Our second language, being in New York, is English,
but, being in Québec, for my kids
that were brought up here, it's French. So, that's just...
M.
Birnbaum : Merci. Je crois
que c'est une précision qui est importante parce que, dans toute notre
diversité comme communauté juive
mondiale, voilà une de nos façons traditionnelles de s'adapter. Dans un premier
temps, c'est l'importance primordiale
de l'éducation, mais, dans la diaspora mondiale, c'est notre façon, d'apprendre
la langue du pays où on se trouve, et c'est intéressant d'entendre que
ça se poursuit avec vos enfants.
Maintenant, je suis curieux de savoir comment ça
se manifeste, le lien avec EMSB sur le plan hebdomadaire, chaque semaine. Pouvez-vous nous donner quelques
exemples où peut-être vous étiez à la recherche d'une façon de mieux
enseigner un tel programme, ou quand il
s'agissait de l'évaluation? Comment ça se manifeste, votre lien avec vos
intermédiaires de la commission scolaire?
Mme Hirsch
(Yitty) : À ce moment, nous
avons deux rendez-vous annuels avec
un représentant de la commission scolaire.
Alors, la première fois, c'était encore... je l'ai fait deux fois cette année,
là, dernière. La première fois, c'était une expérience à découvrir qu'est-ce que c'est, ce rendez-vous. À la
deuxième fois, au mois de juin, je suis arrivée au centre, il y avait des mères avec des gros cartons
pleins de projets, de livres et de travaux que les enfants ont faits. Nous
avons mieux compris combien démontrer la
progression de l'éducation de nos enfants. Alors, ces rendez-vous sont
vraiment, vraiment importants parce
que ça nous donne la chance de discuter le progrès de nos enfants et de parler
à un professionnel.
Il y a
aussi l'évaluation à la fin de l'année. Alors, ma fille plus grande, de
11 ans, a été évaluée pendant trois semaines par la commission scolaire, une semaine en
français, une semaine en anglais et puis une autre semaine en mathématiques.
C'étaient vraiment des évaluations
rigoureuses, et les résultats, comme le ministre a dit, étaient vraiment bons.
Alors, ça donne pour moi, parent,
l'assurance que ce que je fais à la maison, les résultats que nous voulons voir
à la fin de l'année... Alors, évaluer
les enfants, c'est vraiment la meilleure façon d'avoir une méthode de savoir si
les enfants font la progression. L'évaluation
ensemble, avec les rendez-vous biannuels et le portfolio, ça nous fait
confortables que les enfants vont avoir le succès comme les enfants dans
le régulier école.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci beaucoup. Il reste quelques secondes, M. le député de D'Arcy-McGee.
M.
Birnbaum : Bon, juste le temps de vous remercier et de reconnaître le
fait que vous êtes en train de chercher le juste équilibre comme
partenaires avec nous, et c'est apprécié. Merci.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup. Alors, on va passer
du côté de l'opposition officielle. Alors, M. le député de
Lac-Saint-Jean, vous avez 14 minutes.
M.
Cloutier : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation.
Peut-être poursuivre sur le... Moi
aussi, j'essaie de comprendre comment ça fonctionne concrètement puis à partir
de quel matériel scolaire, quel
régime pédagogique vous essayez de suivre, mais peut-être juste nous
expliquer... Vous avez six enfants, il y en a trois que vous avez décidé
d'enseigner à la maison.
Mme Hirsch
(Yitty) : Les trois plus grands, oui.
M. Cloutier :
Les trois plus grands parce que les autres sont...
Mme Hirsch
(Yitty) : Les trois autres sont très petits.
M. Cloutier :
O.K. Mais vous allez choisir le même modèle, le modèle dans...
Mme
Hirsch (Yitty) : Je crois que oui, même tout petit. J'ai un petit
garçon de quatre ans, et il est devenu partie de l'expérience quand nous avons fait le projet de l'exploration
spatiale. Alors, il chantait les noms des planètes. Parce qu'il est aussi à la maison, alors il devient
partie de l'expérience même s'il n'a pas encore l'âge de la scolarisation à la
maison. Il a juste quatre ans. Alors, quand
mes autres enfants vont grandir, je crois que je vais choisir la même façon de
les scolariser.
M. Cloutier :
Est-ce que justement c'est le cas de tous les Juifs hassidiques orthodoxes?
Est-ce que tous les Juifs hassidiques décident de faire l'expérience?
Mme
Hirsch (Yitty) : Moi, je suis allée à une école communautaire
hassidique, et nous avons suivi le programme, et j'ai reçu mon diplôme d'études secondaires du Québec. C'était mon
expérience comme enfant. Moi, j'ai choisi, comme beaucoup d'autres mères de la communauté, d'essayer ce modèle-là. Comme
je l'ai expliqué précédemment, ça nous donne plus de flexibilité d'adapter le programme à l'unique intérêt de nos
enfants et aux spécifiques besoins de nos enfants. Comme parents, ça, c'est ce que nous voulons, une
éducation vraiment personnalisée aux habiletés et aux besoins de mes enfants.
M.
Cloutier : C'est quoi, la proportion, à votre avis, dans la
communauté, de parents qui décident de garder les enfants à la maison?
• (11 h 10) •
M.
Ekstein (Abraham) : Si je peux intervenir, il y a deux différentes
communautés hassidiques à Outremont. Pour
un «outsider», il n'y a pas de grandes différences, mais ce sont des nuances
très petites entre deux communautés. Je
suis de communauté Satmar. Comme je l'ai dit dans notre mémoire, historiquement on ne... On voit cette école qui
a été prise en cour pour les forcer
de se conformer à la loi. Historiquement, il y a de 50 à 60 années que cette
école a fonctionné ici sans recevoir,
évidemment, un sou du gouvernement, et nous étions
l'objet d'ententes hors cour avec le gouvernement
pour se conformer, et tous les enfants se
conforment maintenant. Mais il y a d'autres communautés
hassidiques qui ont toujours une accréditation, comme j'imagine que vous le
savez. Il y a d'autres écoles privées hassidiques qui ont un permis du gouvernement. Donc, il y a un choix. Il est possible que des
parents qui font la scolarisation à la maison avec quelques
enfants vont envoyer les autres enfants aux écoles qui ont un permis.
M.
Cloutier : Donc, dans
l'autre modèle que vous venez de mentionner, il y a un suivi... En fait, ça
mène à la diplomation, ça donne l'octroi d'un diplôme d'études
secondaires. Il y a d'autres modèles au sein de la communauté?
M.
Ekstein (Abraham) : Oui, bien sûr. Bien sûr, parce que c'est possible,
par exemple, comme pour enfants de 13 années...
ou de 13 ans, 14 ans, de s'inscrire à une autre école communautaire
qui a un permis et d'obtenir le diplôme. Je ne dis pas que ça va... this will happen every time, mais c'est
toujours possible pour quelques... Le but de scolarisation dans la maison, c'est d'assurer qu'il y a cette
possibilité, si l'enfant fait le choix ou si le parent des enfants fait le
choix, de le réintégrer à une autre
école qui a le permis, et prenne en compte la réalité culturelle. Il y a des
écoles juives hassidiques qui ont des
accréditations où il est possible pour des parents de faire le choix de
réintégrer de l'école à la maison à l'école avec accréditation pour obtenir le diplôme, et, même avec la
scolarisation à la maison, si les enfants vont passer les examens, ils
pourront obtenir le diplôme. Donc, c'est possible, toujours.
M.
Lieberman (Max) : Ma fille, cette année, elle allait à l'école à la
maison, mais, après la fin de l'année, elle allait... went to another school
to take the exams, the Québec exams, and she passed it, she passed the exams.
M. Cloutier :
L'obtention du diplôme d'études secondaires?
M. Lieberman (Max) : She was now in the 10th grade, oui.
M. Cloutier : Puis quel âge a votre
fille?
M. Lieberman (Max) : 15 ans.
M.
Cloutier : 15 ans. Donc, elle a 15 ans puis elle a obtenu
son diplôme d'études secondaires.
M. Lieberman (Max) : Répétez.
M.
Cloutier : J'ai dit : Votre fille a 15 ans et elle a passé
les examens pour obtenir son diplôme d'études secondaires.
M. Lieberman (Max) : Oui.
Exactement, oui.
Des voix : ...
M. Cloutier : Secondaire IV,
vous dites?
M. Lieberman (Max) : ...dans la
prochaine année, je pense, oui.
M. Cloutier : Je veux juste...
Des voix :
...
M.
Cloutier : C'est ça, ce sont les examens ministériels de
secondaire IV. Puis on parle de votre fille parce que vous l'avez
mentionnée, mais c'est un exemple de l'enfant qui décide de s'inscrire
éventuellement au cégep? C'est pour ça qu'elle veut obtenir son diplôme d'études
secondaires? Est-ce que c'est ça?
M. Lieberman (Max) : Oui,
exactement. Elle n'a pas besoin d'aller à l'université.
M. Cloutier : O.K. Puis
l'enseignement à la maison, au niveau du matériel scolaire qui est offert par
le English-Montréal, est-ce que vous êtes satisfait de l'accompagnement que
vous recevez, du matériel scolaire qui est
offert? Est-ce que c'est un choix qui est donné aux parents, entier, ou, au
contraire, vous achetez... je ne sais pas si vous l'achetez, ça doit dépendre du matériel et de la commission
scolaire, mais vous avez du choix, c'est ça? J'essaie de comprendre, là,
ce que vous suivez, dans le fond, comme formation.
M. Maman (Jacob) : Si je peux y
répondre?
Une voix : ...
M. Maman
(Jacob) : Actuellement,
donc, on est toujours dans le processus d'apprentissage, nous et la commission
scolaire, sur les meilleures méthodes à
adopter. Je parlais récemment avec des représentants de la commission scolaire
English-Montréal où ils m'informaient que, bon, il a été établi l'année
dernière que, pour chaque enfant qui est scolarisé
à la maison, la commission scolaire recevrait une somme de 1 000 $.
Mais ce qu'ils ont appris, c'est que cette somme était uniquement versée
pour des ressources humaines, au moment où on se parle. Ça veut dire : on
avait peut-être 700 jeunes d'inscrits,
donc ils ont reçu à peu près 700 000 $, mais qu'en fin d'année, le
fait qu'ils n'avaient pas utilisé toute cette somme d'argent en
ressources humaines, une partie des sommes ont dû être reversées au ministère.
Et donc ça, on trouve ça un peu désolant,
dans le fait qu'on aimerait qu'il y ait plus de flexibilité avec les sommes
d'argent qui sont versées aux
commissions scolaires pour qu'ils puissent l'utiliser selon les besoins qu'ils
ont pour ce programme. Ça veut dire
faire l'acquisition de matériel, faire l'acquisition de toutes sortes de... que
ce soient des licences informatiques, que ça soit même des ordinateurs,
tout ce qui serait nécessaire à l'amélioration du système.
Et donc, en
ce moment, c'est uniquement les ressources humaines qui sont payées, et donc ce
sur quoi on travaille actuellement,
c'est que leurs consultants sont à rédiger des programmes spécifiquement pour
nos enfants qui suivent le programme
d'enseignement à la maison avec un matériel didactique, mais que, pour le
moment, nous devrons nous fournir nous-mêmes, car ils n'ont pas encore
cette autorisation d'utiliser les fonds pour faire des acquisitions.
M.
Cloutier : Puis vous parlez d'enseignement à la maison, mais est-ce
qu'il y a aussi... est-ce que les enfants ont des périodes en groupe
d'enseignement ou si c'est vraiment de l'enseignement individualisé par
famille?
M. Maman (Jacob) : Non. Donc, en tant que centre de soutien scolaire, nous sommes autorisés
à faire trois choses à la base. Nous sommes autorisés à faire du
tutorat, donc les enfants vont avec un tuteur. Deux, trois, quatre enfants maximum vont travailler
avec un tuteur. On fait de l'aide aux devoirs, donc il va y avoir un certain
nombre d'enfants qui viennent avec
leur propre matériel. Il y aura une personne ressource qui sera présente, et
ils pourront se référer à cette personne
ressource pour de l'aide dans ce qu'ils accomplissent. Et il y a la préparation
aux examens. Donc, nous, on a choisi,
avec la commission scolaire — pour le moment, on appelle ça un projet
pilote — de faire
passer aux enfants des examens à la
fois, comme Mme Hirsch a dit, pour savoir où nous en sommes dans notre progrès,
mais en même temps pour permettre à
la commission scolaire de voir le niveau de nos enfants afin qu'ils puissent
mieux réajuster les besoins qu'on a
dans notre communauté. Et donc c'est un travail d'équipe afin de s'entraider à
donner de meilleurs résultats aux enfants.
M.
Ekstein (Abraham) : Si je peux intervenir, quelque chose, je pense,
qu'il importe... Soyons honnêtes ici. Quand nous étions en cour sur la
démarche de nos enfants, on était très anxieux sur la possibilité de tous les
parents de notre communauté de donner
l'enseignement à la maison parce qu'il y a des parents qui ont des difficultés,
qui ont des problèmes, problèmes
économiques ou problèmes... des enfants, et c'est pourquoi nous avons lutté
pour avoir ce droit de soutien scolaire dans nos institutions, qui a été permis pour l'entente hors cour que
nous avons faite avec le gouvernement, pour permettre justement à ces parents de se conformer. Il y a
toutes sortes de niveaux de parents qui ont besoin de plus d'aide de leur
centre communautaire, qui ont moins de besoins d'aide.
M.
Cloutier : Mais ça fonctionne comment? Il y a des jeunes qui prennent
l'autobus, qui se retrouvent dans un lieu x, et c'est là qu'on offre le
tutorat? À chaque jour? C'est-u comme ça que ça fonctionne?
M. Maman
(Jacob) : Essentiellement, les enfants sont dans nos centres
communautaires le matin pour leur enseignement religieux, et certains vont
rester une heure, deux heures, dépendamment des besoins de chaque enfant. Comme on a dit, chaque enfant est différent, et
les parents vont nous faire des demandes différentes en fonction des besoins
de leurs enfants. Donc, ils vont rester une heure, deux heures de plus. Dans
certains cas, pas du tout, ils vont entrer directement à la maison et
travailler avec leurs parents parce qu'ils n'ont pas besoin nécessairement de
notre soutien.
M. Cloutier :
Est-ce qu'il y a plusieurs centres communautaires? Vous dites que...
M. Maman (Jacob) : Oui. Il y a plusieurs centres communautaires du fait qu'il y a, comme
M. Ekstein a expliqué, différentes communautés à l'intérieur de la
grande communauté hassidique dans Outremont, si vous voulez.
M.
Cloutier : Donc, il s'agit juste de voir comment ça marche. Il y a-tu
un endroit où on retrouve, je ne sais pas, moi, 300 jeunes le matin,
ou c'est des petits centres communautaires? Parce que vous parliez d'un ratio
de trois, quatre élèves par tuteur.
M. Maman (Jacob) : Si on prend un des centres, il y a 230 jeunes, disons, qui sont
présents dans le centre, mais ce
n'est pas tous les 230 jeunes qui, un jour x, vont avoir du soutien
scolaire. Ça veut dire que c'est une, deux fois par semaine, une heure à la fois. Donc, il va y avoir
une certaine rotation des élèves qui vont avoir droit au soutien. Ce n'est
pas constant.
M. Cloutier :
Ce n'est pas tous les jours, de huit à midi.
M. Maman
(Jacob) : Ce n'est pas tous les jours, ce n'est pas tous les élèves.
M.
Ekstein (Abraham) : Et on peut imaginer qu'avant des examens, tous les
jours, ils vont en avoir, des besoins intensifs d'aide pour passer leurs
examens.
• (11 h 20) •
M. Maman (Jacob) : Parce qu'en fin d'année, lorsqu'on fait les préparations d'examen, oui,
là, c'est les plus gros groupes, et là on fait une préparation aux
examens. Donc là, c'est des mises en situation,
des pratiques, et donc là c'est un peu plus volumineux. Il y a beaucoup
plus de monde, oui.
La Présidente (Mme
Rotiroti) : Ça va, M. le député? Il vous reste encore une
minute, oui.
M.
Cloutier : Oui, je ne suis pas sûr que je comprenne parfaitement
comment ça fonctionne. Il faudrait que j'aille vous visiter, mais je
vous remercie de votre...
La Présidente (Mme
Rotiroti) : Bon, il y a une invitation qui est lancée.
M. Cloutier :
Mais j'irais, sincèrement. J'essaie de comprendre. Merci.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, M. le ministre et M. le
député de Lac-Saint-Jean, peut-être... Probablement, M. le député de Chambly, vous voulez participer?
Il y aurait une rencontre avec les gens de la communauté, une visite du
centre.
M. Roberge : Je ne veux pas me
vanter, mais je suis déjà allé.
La Présidente (Mme Rotiroti) : Parfait. Alors, l'invitation est
lancée. Alors, M. le député, il vous reste encore une minute. M. le
député?
M. Cloutier :
...
M. Roberge :
Bien, vas-y, finis ton temps. Je vais y aller après.
M.
Cloutier : Non, non, j'étais juste curieux d'entendre mon collègue
nous expliquer le fonctionnement, mais à vous la parole.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Parfait. Alors, merci beaucoup, M.
le député. Alors, M. le député de Chambly, vous disposez de neuf
minutes.
M.
Roberge : Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, merci de votre
présentation, c'était très, très clair. Merci d'être venus. On a des gens de... Le père, le directeur de
l'académie, la maman à la maison. Donc, c'est très bien, on a une pluralité de réponses. Tantôt, je disais
qu'on a tendance à voir le balancier au Québec, là : on va trop d'un côté,
puis là, ah! on fait fausse route, on donne
un sévère coup de barre puis on s'en va à l'autre côté. 10 ans plus tard,
on dit : Voyons donc, c'est l'extrême!
J'ai
l'impression que vous êtes en train d'essayer d'arrêter le balancier au milieu.
Je ne porterai pas un jugement sur ce
qui se faisait il y a 10 ans, mais je vois vraiment votre communauté...
puis par votre démarche, par l'entente que vous avez prise, la main tendue, les réponses directes que vous donnez
ce matin, un effort de main tendue pour trouver un terrain d'entente. Puis je vous remercie pour cette ouverture. Des
fois, les gens disent, à tort, que vous vivez reclus. Il y a une différence entre vivre en communauté
puis vivre en marge de la société. Je ne pense pas que vous vivez en marge
de la société puis je tiens à le dire ce matin devant tout le monde.
J'ai eu cette chance
d'aller visiter l'académie, et de rencontrer aussi la personne de la commission
scolaire English-Montréal qui fait le lien, puis de voir que tout le monde est
en train d'essayer de trouver un terrain d'entente. On est en train d'essayer de le trouver. Je ne prétends pas qu'on a
trouvé encore, là, exactement, là, la meilleure des formules, mais tout le monde est à la recherche d'une
solution pour les enfants. Puis, quand on cherche, on trouve, donc j'ai
confiance qu'on va finir par arriver à quelque chose qui va avoir bien
du bon sens.
J'ai
quelques questions pour vous pour éclaircir... Parce que, bien que je
m'intéresse à la situation, je suis très, très, très loin d'avoir toutes les réponses, donc on va profiter de
votre présence ce matin. La scolarité qui est offerte, soit à la maison ou à l'académie, est-elle différente
selon le genre, garçon ou fille? Est-ce que les deux ont le même programme
d'apprentissage? Moi, qu'ils soient assis
dans la même classe, ce n'est pas ça qui m'intéresse, là, qu'ils soient dans le
même local, mais est-ce qu'ils ont les mêmes apprentissages, les mêmes évaluations
et le même suivi académique?
M.
Ekstein (Abraham) : Cette question est très importante. C'est
peut-être difficile durant deux minutes d'explorer toutes ces réalités. Mais, historiquement, les
garçons de notre communauté deviennent des hommes qui ont des responsabilités
religieuses plus importantes que les femmes.
Donc, il est plus important pour les garçons d'apprendre la vie quotidienne
religieuse, donc ils ont besoin de plus de
temps pour études religieuses que les filles. Donc, les filles, historiquement,
et c'est toujours le cas, ont une
éducation qu'on appelle séculière, qui est beaucoup plus... how should I... est
plus avancée. Et la grande majorité des filles de notre communauté
n'avaient aucun problème de se diplômer.
Et, comme M. Lieberman
l'a dit plus tôt, il y a aussi la réalité que ma femme, par exemple, est la
troisième génération ici, au Québec, et je
suis la première génération. Et c'est la même chose pour la grande majorité des
hommes hassidiques. Ils sont presque
tous des immigrants au Québec parce que, dans notre communauté, qui prend femme
prend pays. Donc, c'est la réalité,
c'est les mères de la communauté qui vont faire l'enseignement à la maison
parce qu'elles ont les capabilités que la grande majorité des hommes
n'ont pas. Je pense que ça pourrait répondre à votre question.
M. Roberge :
Je vous remercie de votre réponse, mais je vais peut-être clarifier ma
question. Je comprends que les hommes, selon la tradition, selon la
religion, ont davantage de responsabilités religieuses, donc ils étudient
davantage la religion. Mais je m'intéresse
aux programmes de formation de l'école québécoise, là, français, histoire,
maths, sciences, anglais, etc. Donc,
sur ce domaine-là, est-ce que les garçons et les filles ont une éducation
comparable et voient le même programme, si on met de côté l'enseignement
religieux?
M. Ekstein
(Abraham) : Je pense que le but... C'est sûr que le but est qu'ils ont
la même éducation et la même formation.
Si la question est : Comment était l'écart auparavant de toutes ces
démarches? Il y a des différences. Mais notre but, c'est de conformer
les garçons, les filles, tous les enfants à se conformer, à se diplômer ici, au
Québec. Et, même s'il y aurait des réalités
différentes pour certains groupes qui ont plus de difficultés pour se
conformer, ce nouveau projet de loi,
je pense, ne leur donnerait pas la chance d'espérer plus de temps, mais il
faudrait trouver une façon de se conformer, et nous sommes sûrs que ça
deviendra le cas.
M. Roberge :
C'est ce que j'ai compris en lisant les documents, les mémoires puis en
discutant avec vous. Vous dites :
Le but... Vous n'êtes pas rendus, mais vous êtes en train, en fait, de vous
conformer un peu davantage à chaque mois,
à chaque année, à ce qu'un maximum de jeunes puissent être diplômés à la fin.
Ce n'est pas tout le monde qui peut se
diplômer au Québec, là, on souhaite atteindre... Dans le fond, c'est de
développer le plein potentiel de chacun, mais que chacun développe son
plein potentiel puis soit diplômé quand il le peut.
Par
contre, ce que je me demande, c'est : Comment vous arrivez à sélectionner des enseignants pour enseigner dans votre académie? Est-ce que ce sont tous des
gens qui font partie de votre communauté, et alors est-ce que ce sont des hommes ou des femmes, puisque vous dites que
les hommes ont des responsabilités différentes? Donc, dans le fond, le
corps professoral de votre académie, pouvez-vous me le décrire?
M. Maman
(Jacob) : Donc, ce ne sont
pas des professeurs titulaires d'un brevet en éducation, pour la majorité,
mais ce ne sont pas également des membres
des communautés hassidiques. Ce sont des individus que nous choisissons par rapport à leur sensibilité aux valeurs de la
communauté, car c'est quelque chose de très important pour la communauté
de préserver et de protéger les enfants de
certaines choses pour lesquelles la communauté donne beaucoup d'importance.
Et donc nous sélectionnons des
professionnels, des gens qui sont... nous avons des comptables, nous avons des
personnes en administration, nous avons des gens qui font tous les spectres
professionnels, et qui viennent, et qui offrent un certain nombre d'heures par semaine de leur temps pour
venir être tuteurs et pour venir être surveillants de salle de devoirs dans
l'académie.
• (11 h 30) •
M. Roberge : Et ce que j'ai aimé dans votre présentation au
départ, c'est que vous dites que ça se passe très, très bien avec la commission scolaire English-Montréal en
ce moment. Ça prouve qu'en tout cas, à certains égards, il est possible de s'entendre avec des commissions scolaires. Ça ne
veut pas dire qu'il faut nécessairement faire du mur-à-mur puis dire que ça va être pareil à la grandeur du
Québec. Mais il ne faut pas non plus faire du mur-à-mur puis dire : C'est
impossible qu'une commission scolaire fasse correctement des choses avec des
parents qui veulent faire l'école à la maison.
Donc, on peut autant voir des contre-exemples à certains endroits que des
exemples à certains autres endroits, donc encore l'image du balancier ou
de jeter le bébé avec l'eau du bain. Il faut prendre garde à ça.
Ensuite,
l'idée de votre centre ou de votre académie, j'ai l'impression que ça ressemble
beaucoup à ce que réclament des
parents, c'est-à-dire d'avoir un lieu de référence des parents qui font l'école
à la maison parce qu'il y a l'expertise
des parents puis le désir de parents d'être,
dans certains cas, là, les responsables de l'apprentissage. Mais en même temps
certains qui font l'école à la maison, ou
l'école en famille, pardon, aimeraient ça avoir un centre de référence où il y
a des professeurs qui font un peu la
médiation entre ce qui se passe à la maison puis ce qui se passe à la commission scolaire. Je réfléchis à voix haute parce que,
d'un intervenant à l'autre, on trouve réponse à nos questions.
J'ai comme l'impression qu'on pourra peut-être
s'inspirer de ce que vous faites dans votre communauté pour reproduire le
modèle sans faire un copier-coller, parce que,
comme vous le dites si bien, ce n'est pas réglé. On est en train de trouver un
terrain d'entente, mais j'ai
l'impression que, dans deux, trois ans, quatre ans, il y aura
davantage de vos jeunes qui passeront les examens
puis qui seront diplômés. Voilà. Je vous remercie.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Merci, M. le député de Chambly. Malheureusement, il ne reste plus de temps. Alors, merci
beaucoup pour votre contribution.
Je vais suspendre quelques instants pour
permettre à la Centrale des syndicats du Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 31)
(Reprise à 11 h 34)
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! Bonjour. Je souhaite la
bienvenue à la Centrale des syndicats du Québec. Bonjour, Mme Chabot, Mme Chabot — Nathalie — et
Mme Camerlain. Merci d'être là. Alors, vous
êtes des habitués. Je vous rappelle juste que vous avez 10 minutes pour
faire votre exposé, puis on passera à la période d'échange avec les élus
par la suite. Alors, je vous cède la parole, Mme Chabot. Merci.
Centrale des syndicats du
Québec (CSQ)
Mme Chabot
(Louise) : Merci beaucoup.
Je ne sais pas si on est des habitués, mais on considère quand même toujours comme un privilège le
fait d'être invités en commission
parlementaire parce que
c'est un lieu démocratique pour faire
valoir les points de vue quand il
y a un projet de législation.
Ça fait que merci de l'invitation. Vous avez présenté les personnes. Mme Camerlain est vice-présidente, responsable, entre autres, des dossiers éducation primaire,
secondaire. Nathalie Chabot est conseillère aux dossiers à la CSQ.
Bien, bonne rentrée. C'est déjà fait depuis
quelques semaines, mais c'est quand même le dépôt d'une pièce législative dans
le cadre, quand même, de la rentrée scolaire.
Bien, sans
plus tarder, là, si vous avez parcouru notre mémoire, vous aurez constaté que,
de manière générale, on accueille très favorablement le projet de loi n° 144.
Ce qu'on accueille plus particulièrement favorablement, c'est la volonté de fournir des balises plus claires pour
renforcer le droit des enfants à recevoir une éducation complète, gratuite
et appropriée. Vous le savez, pour la CSQ,
mais on n'est pas les seuls, l'accès à l'éducation à tous les enfants, ça
rejoint l'une de nos valeurs
fondamentales, celle de l'égalité des chances. Mais vous aurez aussi constaté à
la lecture du mémoire qu'on ne s'est
pas limités à un strict examen du projet de loi. On a voulu aller au-delà puis
parler du terrain pour parler d'une application qui pourrait être
concrète du projet de loi.
Donc,
d'entrée de jeu, sur assurer la gratuité scolaire aux enfants sans papiers,
bien, on s'en réjouit, à la CSQ, là. Vous
n'êtes pas surpris d'apprendre qu'on a fait régulièrement des représentations
dans ce sens-là tant au ministre actuel qu'à ses prédécesseurs. Je pense que, pour le
droit des enfants, l'accès à la gratuité scolaire pour les enfants sans
papiers, c'est une grande avancée
qu'on salue. À l'heure actuelle, on débat de ce projet de loi là puis, comme
par hasard, il y a de nombreux
enfants sans papiers qui vont être attendus à l'école dès cette année. Ça fait
qu'on tient à souligner l'importance que
ces enfants puissent accéder à l'éducation gratuitement dès maintenant et que
les budgets soient alloués aux commissions scolaires pour s'assurer que
leur parcours se passe bien.
Ça
pose de nombreux défis, on le sait, hein, l'accueil des enfants sans papiers,
de francisation puis d'intégration, mais
je pense qu'on peut compter sur l'école publique, qui a, depuis tant d'années,
contribué à cette intégration-là pour nos enfants.
Donc,
pour nous, ça pose le défi, oui, des sans-papiers, mais tous les élèves,
finalement, issus de l'immigration ainsi que leurs parents. Donc, ce
qu'on va traiter va toucher l'ensemble des élèves issus de l'immigration
récente.
On
a des recommandations qu'on vous soumet si on veut s'assurer que le processus
d'accueil soit un succès. Pour nous,
il y a des conditions qui doivent être réunies. On va en évoquer quatre
particulièrement. Les ressources financières suffisantes octroyées pour répondre aux besoins toujours plus grands en
termes d'accueil et de francisation. Ça prend du personnel professionnel
et de soutien pour accueillir, guider et aider les enfants et leurs familles.
Ça, je pense qu'on ne le dira pas assez.
Puis je ne vous l'apprendrai pas, là, c'est tout un changement pour ces
enfants-là et leurs familles, hein,
tant de culture que de... ça fait qu'il faut donner les moyens pour que ça soit
une réussite. Et d'accorder les ressources de soutien, professionnelles nécessaires, bien, ça, ça va permettre au
personnel enseignant, dans leurs tâches, de se centrer sur l'enseignement auprès de ces enfants. Il faut
s'assurer aussi que... en troisième lieu, le personnel, il faut qu'il ait du
temps pour se concerter, qu'il ait le
matériel pédagogique puis les techniques informatiques adéquates — pas toujours évident, là, qu'on ait
tout le matériel nécessaire — et qu'il y ait de la formation en réponse
à leurs besoins.
Il
faut se soucier aussi de la francisation des sans-papiers. Puis, pour les
parents, vous le savez, l'éducation des adultes est un lieu de formation extraordinaire, mais, pour ça, on en a
parlé au rendez-vous de l'éducation, je pense qu'un jour il va falloir
se résoudre à débloquer l'enveloppe à la formation des adultes puis à hausser
le financement.
• (11 h 40) •
La
scolarisation à la maison, bien, on ne peut pas parler de ça sans d'abord
réitérer un principe, pour nous, là, qui est bien important, puis c'est un principe qui est prévu dans la loi
aussi, là, c'est notre conviction sur la valeur de l'école publique comme lieu d'instruction de nos enfants.
C'est le meilleur lieu de scolarisation. Même si on ne connaît pas tout à
fait les raisons, là, qui poussent des
parents à faire le choix... Ça serait peut-être intéressant de mieux les
documenter, dans le libre choix des
parents, qu'est-ce qui les motive à choisir ou non l'école à la maison. Il y a
probablement des bonnes raisons comme
il y a des mauvaises raisons. On n'est pas là pour en juger. Ce n'est pas très
documenté. On sait aussi que ça va...
Il paraît que le nombre augmente peu à peu. Mais je pense qu'il faut prendre
soin que l'école publique fasse en sorte
que tous les enfants aient accès aux services. En tout cas, ça ne devrait pas
être une des raisons, le manque d'accès aux services dans l'école
publique... qui feraient défaut, pour dire aux parents que ça serait la raison
pour éduquer les enfants à la maison.
Donc,
cela dit, on voit d'un bon oeil la volonté de mieux baliser la scolarisation à
la maison pour s'assurer que les enfants
concernés reçoivent la meilleure éducation possible et que ce soit le cas pour tous, peu
importe l'endroit où ils vivent. Donc, éliminer les disparités au niveau
des commissions scolaires, ça nous apparaît des balises importantes. Chacun doit avoir une idée claire de ce qu'il doit
faire, les parents, la commission
scolaire et le ministère, et, à ce titre, le projet de loi vient préciser les rôles et responsabilités
de chacun, ce qui est une bonne chose.
Mais,
au-delà des aspects légaux, il y a d'autres conditions qui doivent être respectées.
Ça prend du personnel dans les commissions scolaires pour établir et entretenir le lien de collaboration avec les parents dans le but d'assurer un meilleur suivi. Il faut que le personnel puisse
aussi avoir tout ce qu'il a besoin pour réaliser son travail. Donc, le partage
de l'expertise en matière d'encadrement est à privilégier, les
suivis de dossiers de scolarisation à la maison — c'étaient d'ailleurs des recommandations du Protecteur du citoyen, si on se
rappelle bien, il n'y a pas longtemps — et l'identification des besoins de
formation, bien sûr, en collaboration avec le personnel concerné.
Vous
parlez d'une table de concertation qui serait mise en place. On trouve que
c'est une bonne recommandation.
Puis on sait qu'il y a du personnel qui a
acquis de l'expérience, puis ce serait une belle occasion pour que le personnel
puisse être représenté à cette table.
On
apporte un ajout, là. On va parler des bibliothèques. On sait que ça fait partie, en termes de soutien... que les bibliothèques scolaires puissent être mises à profit, que les
enfants puissent en bénéficier. Bien, là aussi, on va réitérer que... On est pour ça, là, mais, les bibliothèques scolaires, on réitère assez régulièrement qu'il faut aussi qu'elles soient bien
garnies puis surtout qu'il y ait le personnel, bibliothécaires et techniciens
en documentation, qui soit présent.
Le
dernier objet du projet de loi, c'est se donner des moyens pour agir envers les
écoles illégales. Bien, on va être brefs, c'est deux choses, là.
L'école
qui contrevient à son obligation de... bien, à notre avis, ça ne devrait
pas être toléré. Je pense que nos écoles ont l'obligation de donner un programme éducatif qui respecte la
loi. Ça fait qu'à partir du moment où tu es illégal, bien, je pense que
le ministère doit tout mettre en oeuvre pour resserrer l'étau autour de ces situations-là.
Puis, deuxième chose,
on va le réitérer, dans le contexte où les écoles illégales sont bien souvent
des écoles ethnoreligieuses, je pense qu'on ne pourra pas passer cette occasion
de vous répéter qu'on trouve inacceptable de continuer
à financer les écoles privées confessionnelles. Pour nous, c'est le même
principe, l'école publique laïque, c'est ce qu'on doit soutenir
collectivement.
Vous parlez de
partage de renseignements aussi. On voulait aborder la question... bien, vous
inviter à la prudence, là. Je pense qu'on
peut comprendre qu'on a besoin d'information, mais le croisement des données... Je pense
qu'il faut avoir les informations... juste ce qui est nécessaire pour identifier l'enfant puis
identifier ses parents. Ça fait que c'est pour ça que je pense qu'il
faut bien définir ce qui va être nécessaire.
Ça fait que je conclus en vous
disant qu'on reconnaît l'apport du projet
de loi... du respect du droit
fondamental à une éducation gratuite,
complète et appropriée, peu importe le statut de l'élève et peu importe le lieu
d'enseignement ou les
distances.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, Mme Chabot. On va passer du côté du ministre.
Alors, M. le ministre, vous
disposez d'une vingtaine de minutes.
M. Proulx :
Merci, Mme la Présidente. Mme Chabot, mesdames, merci d'être ici aujourd'hui. Mme Chabot, vous avez dit
que, malgré le fait que... Et nous, on a eu l'occasion de se croiser à
quelques occasions, et on l'a fait également
dans le cadre des travaux de cette
commission, mais pour différents projets
de loi. Vous avez raison, c'est toujours
un privilège d'être ici. Moi, je dis souvent que c'est un des plus beaux
bureaux disponibles au monde. C'est un lieu qui est très inspirant. Ce ne sont pas les chaises, par exemple. Je suis d'accord avec vous. Je parlais de la table plus que des
chaises. Mais, très certainement, c'est vrai que c'est un privilège
d'être ici.
Puis,
depuis deux jours, c'est hyperintéressant, ce qu'on a la chance d'entendre et
les échanges que nous avons, parce
que nous discutons d'accessibilité puis d'égalité des chances. Vous avez mis le doigt dessus. Je pense que
c'est là notre intention. Bien sûr,
il y a des propositions, il y
a des opinions qui sont parfois
opposées, mais, dans les faits, je
pense qu'on va être capables ensemble
de trouver ce lieu commun, là, où on va pouvoir mettre les balises que nous
souhaitons, parfois de l'encadrement, plus souvent de la souplesse, mais surtout de garantir un droit pour
tous à l'éducation selon un mode qui diffère, parce que, bien
entendu, il y a le choix des parents qui compte également.
J'avais
quelques questions à l'égard de votre mémoire, parce que, dans le fond, vous l'avez dit vous-même, vous êtes un peu aussi à l'extérieur du
projet pour nous rappeler certaines choses et obligations. Et il y a une chose
qui a attiré mon attention notamment, c'est la recommandation 3, parce que vous
dites que «le ministère de l'Éducation et de
l'Enseignement supérieur s'assure de donner au personnel scolaire qui travaille
en francisation le matériel adéquat ainsi que la formation et le temps de concertation nécessaires». Alors, l'enjeu du temps, je le comprends. Ce n'est pas propre à ceux et celles qui travaillent en francisation.
On a déjà eu l'occasion de parler du temps qui est peu disponible, pour
les enseignants, enseignantes et pour le personnel scolaire, au
quotidien, pour se concerter, et autres.
Mais je voulais
parler de la formation et du matériel parce que, bien là, on fait surtout
référence à des classes d'accueil. D'ailleurs,
vous disiez tout à l'heure : On aura énormément d'enfants qui viendront dans nos écoles, ils
diffèrent des sans-papiers, pour lesquels nous traitons... Parce que,
dans les faits, puisqu'ils ont un statut, bien sûr, un statut en attente de demandeur d'asile, ils sont déjà prévus
dans nos règles budgétaires, donc on les considérera avec des papiers. Mais, peu importe qu'ils soient dirigés ou non,
qu'ils soient issus d'un groupe ayant des papiers suffisants ou étant des
sans-papiers au sens de la loi... du projet de loi, pardon, que nous déposons,
il n'en demeure pas moins que, dans la grande
majorité des cas, pour plusieurs d'entre eux, ce sera la classe d'accueil qui
sera le premier contact avec l'école, donc des classes où il y aura d'abord et
avant tout de la francisation. Et je constatais, en faisant des recherches
et avec les gens du ministère, qu'on n'a pas de matériel, nous, approuvé. Il
n'y a pas une formation proprement dite dans ce cadre-là d'intégration. Alors,
si vous pouviez me donner davantage d'exemples ou m'expliquer, dans le fond,
votre recommandation 3. Comment on pourrait faire les choses différemment
ou pour le mieux?
Mme Chabot (Louise) : Bien, d'abord vous dire que, puis on a eu l'occasion, dans d'autres
lieux, de le dire, au niveau des
classes d'accueil, le phénomène aussi de l'immigration qu'on a vu, il y a eu
les réfugiés, là on a les sans-papiers, mais, en général, on est une province, un pays de terre d'accueil pour
les nouveaux arrivants, puis l'école est, au premier chef, en ligne de
front. Dans la région de Montréal, particulièrement, on voit que... en tout
cas, au niveau des classes d'accueil, je
pense qu'on les dénombre, ce qui est moins une réalité en région. Puis c'est ce
qu'on a voulu dire aussi dans le
mémoire, tout de suite, d'entrée de jeu, quand on dit : Souvent, il n'y a
pas le matériel, ou il n'est pas à jour, ou on n'a pas tout ce qu'il faut. Bien, je pense qu'il y a
un coup de barre à donner dans ce sens-là, parce que souvent c'est la classe
régulière qui accueille un nouvel arrivant,
je dirais, un nouvel enfant, puis, si on ajoute les contraintes déjà de la
classe régulière avec ce que vous
connaissez tous, la composition de la classe, des élèves en difficulté
d'apprentissage et d'adaptation,
bien, je pense que ce n'est pas le meilleur lieu pour l'enfant de faire, dès le
début... Nous, on va prioriser que ça se passe dans une classe
d'accueil.
Donc,
il faut que le matériel qui soit permis... Parce que, là, ça pose le défi de la
langue, de la francisation, en plus du programme pédagogique. Je pense
que le passage... d'avoir les outils nécessaires pour faire ce premier accueil
là, c'est ça qu'on revendique du ministère. Là, on dit que ce n'est pas
toujours à jour, que le temps de concertation, c'est peut-être plus facile de le faire dans les milieux où déjà il y a le
plus de concentration de ces nouveaux élèves là, ce qui est moins évident en termes... quand on le pose en
région. Écoutez, on a eu un témoignage d'une présidente de syndicat qui disait : On en a un, là, dans la région du
Bas-Saint-Laurent, là, dans une école, qui est comme tout seul, puis qui ne
connaît pas la langue française, puis
qui ne connaît pas la culture. Quand je dis que c'est tout un défi, il faut que
le matériel, il faut que la formation puis il faut que les outils soient
là. C'est notre recommandation.
• (11 h 50) •
M. Proulx :
Et je comprends bien, à l'égard des classes d'accueil, là, pour les endroits où
on a ces classes, ou pour un accompagnement,
disons, plus individualisé dans
certains milieux, là, comme vous le dites... J'étais, la semaine dernière dans le cadre de la rentrée, à l'école
primaire que moi, j'ai fréquentée à Trois-Rivières, l'école Curé-Chamberland. Et, à l'époque où j'y étais, on n'imaginait pas
avoir un jour 15, 16, 17 élèves en francisation. Et aujourd'hui c'est le cas. Alors, c'est
une réalité complètement nouvelle. Vous avez tout à fait raison. Là où ça me préoccupe... Parce qu'on veut soutenir le réseau, soutenir les milieux puis agir
en amont. Là, je comprends qu'au
niveau de la formation
et du programme en tant que tels, en intégration
linguistique, là, pour le nommer ainsi, il y a du travail à faire.
Mme Chabot (Louise) : J'irais plus loin. C'est comme... en tout cas, tout le monde se sent investi d'une grande responsabilité aussi. C'est leur premier pas, hein, ces enfants-là, dans notre culture
québécoise. L'école est le premier lieu. Comme État,
je pense, comme gouvernement puis comme société, on s'est donné la responsabilité
de les accueillir adéquatement. Puis la francisation est un lieu... Ça fait que
les classes d'accueil, pour nous, c'est majeur qu'on puisse avoir... d'abord pour mettre à jour souvent, je
dirais, des conséquences pédagogiques qui sont variables, pour apprendre
la langue, pour aussi avoir le parallèle
avec les parents. C'est sûr que ce n'est pas les mêmes moyens dans des régions
où... Puis le personnel est aussi préoccupé
de ne pas avoir tous les outils, les moyens pour répondre correctement aux besoins de ces
enfants-là. Tu sais, il y a une double responsabilité, là, puis c'est
juste ça qu'on veut vous souligner. Assurons-nous que ce qu'on a prévu pour accueillir ces
enfants-là... puis qu'on se donne les moyens partout, peu importe la région
puis la concentration. Puis le fait
de pouvoir se concerter, bien, le personnel peut bénéficier aussi de l'exemple
de collègues ou de pairs qui travaillent plus dans ces
conditions-là.
M. Proulx : Bien, en tout cas, je reçois très bien l'invitation à partager
cette réflexion sur éventuellement une formation
ou formation continue, ce qui doit se faire avec vous, et pour
le matériel à venir. Je pense que c'est important, essentiel. Et là on
ne peut pas tout prévoir et on ne peut pas avoir un modèle unique pour tous,
là. Je comprends qu'il y a des
endroits où on ne soupçonnait pas,
quelques semaines avant, l'arrivée de quelqu'un qui ne parlait pas français, et
que cela arrive, et que le lendemain
ça change la donne. Ça, je peux aussi le concevoir, et là c'est là qu'on fait
confiance aussi aux gens qui sont sur le terrain.
Vous
avez parlé à la toute fin des renseignements et de la confidentialité. Je veux
vous dire, j'ai eu l'occasion d'en parler
hier, pour moi aussi, il y a là une préoccupation. Il y a un double enjeu ou
l'enjeu est à deux volets. Le premier, c'est
qu'effectivement il faut s'assurer d'un niveau de confidentialité adéquat pour
protéger les gens à statut d'immigration précaire. Et, dans un deuxième temps, c'est aussi une des façons de les
rassurer ou de les soutenir dans leur démarche dans la mesure où, s'ils ont
l'impression que c'est à géométrie variable et qu'ils s'exposent
personnellement, ils ne vont pas
souhaiter que leurs enfants fréquentent l'école, alors que nous voulons qu'ils
puissent y aller et nous nous donnons et
leur donnons les moyens qu'ils y soient. Alors, là-dessus, j'entends très bien
et je reçois très positivement le conseil et la mise en garde.
J'avais
une question qui est aussi en lien avec une de vos recommandations, qui est la
recommandation 7, et vous dites que «le ministère de l'Éducation et
de l'Enseignement supérieur, en collaboration avec le personnel scolaire, identifie les besoins de formation en matière
d'évaluation, d'encadrement et de suivi des projets de scolarisation à la
maison et assure les conditions
adéquates pour permettre au personnel de recevoir cette formation». Depuis
hier, et je pense que ce sera le cas
également demain, puis ça va également faire partie des discussions que nous
aurons, il y a toute cette question des évaluations ou du suivi des
apprentissages des enfants qui sont dans un modèle éducatif différent que
l'école. Mme Brabant, ce matin, a eu
l'occasion de nous parler des différentes approches. Il y a des endroits où les
approches sont beaucoup plus strictes, je le dirais ainsi, ou
coercitives que ce que nous proposons. Il y a du laisser-aller dans certains endroits. On a 72 commissions scolaires, 72 modèles différents. On cherche les
balises qui vont nous permettre d'avoir un accompagnement et en même
temps de la flexibilité, avoir de l'intérêt pour les parents, participer avec
le milieu scolaire plutôt que d'y décrocher,
parce qu'on respecte ce droit de l'enfant puis on veut s'assurer de ce respect du
droit à l'éducation.
Alors,
dans le contexte de cette consultation et de ce que vous avez inscrit, pourriez-vous me
donner, dans le fond, une
idée de ce que ça représente pour vous? Comment nous aider à réfléchir à ce que
devraient être ces balises en matière
de
suivi des apprentissages? Parce que, d'abord, nous proposons un plan des
apprentissages, donc une collaboration, un certain engagement entre les parents
éducateurs et, par exemple, les commissions scolaires et les écoles. Et, dans
un deuxième temps, bien, il y aura
inévitablement des enfants qui vont choisir par eux-mêmes ou leurs parents vont
choisir qu'ils retrouvent le chemin de l'école ou se dirigent à l'école
pour y faire une formation, pour y terminer des années scolaires, pour obtenir un diplôme. Alors, dans ce contexte-là, j'aurais
aimé vous entendre sur votre appréciation de ce que devraient être des
balises en matière de suivi des apprentissages.
Mme Chabot (Louise) : Bien, au risque de ne pas tout à fait répondre, je vais essayer d'y répondre.
Mais, en tout cas, il y a une appréciation dans les modifications que vous
proposez pour mieux baliser la situation. Ça fait qu'on n'avait pas d'amendement à vous proposer. Vous
avez une bonne piste, la table de concertation. Je pense que c'est difficile pour nous de venir dire, là, ce serait quoi, la
balise. Je pense que la table de concertation, avec l'expertise, va le
permettre.
L'autre ligne qui,
pour nous, était très claire, puis ce qu'on a entendu, en tout cas, ça donne
raison, puis le Protecteur du citoyen
l'avait dit aussi, tu sais : différentes façons de faire. Ce n'est pas la
bonne façon de faire dans ces cas-là parce que, le parent, tu sais, l'entente
qu'il a dans sa dispense, c'est avec la commission scolaire. Puis, quand on
parle des ressources, puis tout ça, je pense que le lieu doit rester dans les
commissions scolaires, là. On ne sera pas favorables du tout à aller
décentraliser ce lieu-là avec les écoles. Je pense que la commission scolaire
est là pour, effectivement... surtout le personnel
conseiller pédagogique, à partir du moment où le parent soumet son projet,
qu'il ait un suivi, que le parent
puisse être rencontré. Souvent, bien, c'est ça qu'on a pu observer. En tout
cas, des lectures qu'on a faites, des
fois les parents, un, ne déclarent pas que leur enfant ne va pas à l'école,
puis, deux, ils ne viennent pas pantoute vers la commission scolaire.
Ça fait que, là, si on veut assurer un équilibre
pour l'enfant puis le choix des parents, bien, je pense qu'il faut donner
les moyens aux commissions scolaires
d'assurer le suivi, d'assurer un contact avec les parents puis d'avoir des
pratiques puis des balises qui sont
assurément conformes pour ne pas qu'il y ait de disparité d'une commission
scolaire à l'autre. Mais, la table de concertation, je vous dirais que
c'est notre meilleure réponse.
• (12 heures) •
M. Proulx : Sur la table, vous me permettez en même temps de
l'évoquer, l'objectif est le suivant, c'est que... D'abord, on n'a pas toutes les réponses
aujourd'hui à quelles seraient les pratiques différentes, là, parce qu'il y a,
bien sûr, des balises à mettre en
place, mais il y a aussi des pratiques qui pourront évoluer d'un milieu à
l'autre, et chaque enfant est
différent, et il y a des situations particulières. Hier, je donne l'exemple de
gens à l'hôpital, de gens à l'étranger, de gens dans une démarche artistique, dans une démarche sportive ou des
gens qui le font pour toutes sortes d'autres raisons. Il y a différents contextes auxquels il faut des
approches différentes tout en respectant nos orientations et les balises. Et
une des raisons pour laquelle
certaines choses se retrouveraient dans un règlement plutôt que dans la loi,
c'est notamment parce que cette
table-là va inclure beaucoup de gens qui sont au fait de ces questions-là, qui
participeront, avec le ministère et avec d'autres intervenants, à
l'élaboration notamment du guide des bonnes pratiques, mais aussi à certains
éléments d'encadrement ou à des déclinaisons
de certaines orientations qui, dans les faits... beaucoup plus flexibles
lorsqu'on utilise les règlements que la loi.
Alors,
l'objectif de la table, il est double. Il est d'abord d'associer à cette
démarche et à cette grande réflexion, ou à la construction d'un modèle
différent de toute cette communauté éducative, écoles, commissions scolaires,
le personnel, nous, les parents éducateurs
pour une première fois, et, dans un deuxième temps, d'être capable d'élaborer
les morceaux manquants qui ne seront pas dans la loi parce que ça va
être au-delà des orientations, ça va être au-delà de l'encadrement, ça va être dans les précisions à mettre de l'avant pour
faire fonctionner le tout. Alors, là-dessus, je vous rejoins.
Peut-être vous dire également,
parce que vous en faites état dans votre mémoire, et je le comprends très bien,
il y a bien sûr un enjeu de ressources de relié à tout
cela, autant dans les commissions
scolaires... On a parlé hier des
enjeux de stabilité. Aussi, ce matin,
on a parlé des enjeux d'intérêt. C'est difficile de travailler avec quelqu'un qui n'y croit pas
ou quelqu'un qui y croit tellement qu'il est
prêt à substituer un modèle plutôt qu'un autre. Alors, dans ce contexte-là, il
faut aussi prendre en compte ces réalités.
Et,
bien sûr, si on a à aller de l'avant avec un encadrement différent, bien, j'entends très
bien que ça va nécessiter des apports, et ça peut être des apports financiers, ça peut être des
apports en ressources, mais je comprends très bien qu'un modèle différent, plus d'encadrement, une plus
grande intervention de l'État, pas dans le suivi du plan d'apprentissage,
mais dans les orientations, bien, va nécessiter une façon de travailler
différente. Là-dessus, je l'entends très bien.
Bien,
moi, je vous remercie sincèrement. Ça fait le tour des questions que j'avais à
la suite de votre mémoire. Je vous remercie de votre participation ce
matin.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Merci, M. le ministre. Oui, vous pouvez
répondre, madame.
Mme Chabot (Louise) : Juste pour dire que votre approche, là, pour
l'école à la maison, là, dans mes termes, là, c'est un droit des parents. Mais, tu sais, notre approche était quand
même à se dire : Ça devrait être l'exception, pour nous, et non la
règle, parce qu'on croit fondamentalement que l'école publique, c'est la
meilleure formule.
Puis vous avez des
articles de loi... je vous en nomme un, là, l'article 12, vous prévoyez
qu'il y ait un guide à l'intention des
commissions scolaires et des parents. Puis, quand on parle de ressources, c'est
au niveau des commissions scolaires,
parce que souvent... Puis là je nomme le conseiller pédagogique, là, souvent il
a un rôle. C'est comme au niveau des commissions scolaires qu'il a ce
rôle-là avec le parent.
Ça
fait que je pense que la volonté, si on a bien saisi, de votre projet de loi,
c'est de mieux baliser puis de mieux encadrer. Pour nous, ce n'était pas de
donner des... de favoriser des modèles à géométrie variable, là. Parce que ce
qu'on souhaite dans tout ça, parce
qu'il y a sûrement des bonnes raisons, c'est de s'assurer que l'élève qui
revient à l'école un jour, bien, il a eu le minimum. Mais le reste, ça
fait partie du choix des parents, pour nous, là.
M. Proulx : Bien, je pense qu'on a eu l'occasion... et je reprends la parole un
instant pour dire qu'on a eu l'occasion d'ailleurs de tous l'exprimer ici, je pense, en disant qu'on a tous une
conception de l'école comme étant le modèle général et des façons d'apprendre différentes, là. Et là,
vous voyez, la Loi sur l'instruction publique le prévoit notamment. Bien,
moi, ça m'apparaît une exception au
principe, mais exception qui existe et exception qui permet à des parents de
faire ce choix. Et, dans ce
contexte-là, il faut respecter le choix mais encadrer ce choix parce qu'on veut
protéger les enfants.
Et
là, bien entendu, j'entends également qu'on est dans la marge, ce n'est pas la
majorité, mais il y aura toujours des
enfants qu'il faut protéger. Et, comme le disait très bien et de façon très
claire Mme Brabant ce matin, certains, par leurs actions, compromettent le développement de leurs enfants, et, dans
ce contexte-là, il ne faut pas que ça devienne une échappatoire à un vrai projet éducatif pour leur enfant, donc un
choix à l'avantage et dans l'intérêt de l'enfant. Et c'est dans ce
contexte-là qu'on travaille.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Merci, M. le ministre. Alors, on va
passer du côté de l'opposition officielle. M. le député de Lac-Saint-Jean, vous
disposez de 14 minutes.
M. Cloutier :
Je vous remercie, Mme la Présidente. Je veux peut-être approfondir le sujet de
l'accueil, de l'aide à la francisation. Vous
faites référence aux enveloppes qui ont été coupées dans les dernières années,
aux enveloppes budgétaires, alors que
les besoins augmentent. Vous pouvez peut-être nous partager votre expérience
sur le terrain, de ce que vous voyez
concernant les cours offerts à la francisation. Est-ce que vous êtes à même de
porter un jugement, un diagnostic sur l'insuffisance d'offre qui est
offerte présentement et le type de services, là, offerts sur le territoire
québécois?
Mme Chabot
(Louise) : Bien, on a été
très sévères en termes de jugement, vous l'avez vu dans notre mémoire,
puis là il y a eu... c'est presque
27 % des sommes qui ont été coupées. On voit qu'avec le dernier budget,
là, les sommes ont
été rétablies à la hauteur qu'on avait, autour de... Bon. Puis pour nous ce
n'est pas suffisant parce que le défi, puis c'est un beau défi, là, hein, de l'accueil puis de l'immigration, bien,
va supposer qu'il y ait des sommes additionnelles. Pour nous, ce n'est pas une réponse non plus, que
l'accueil en francisation se fasse dans la classe régulière. Ça fait qu'on
va continuer de soutenir que ça prend des
classes d'accueil partout dans la région, dans toutes les régions, pour faire
les premières armes de ces enfants.
Puis, l'autre
chose, bien, on parle beaucoup des enfants, mais il ne faut pas négliger les
parents. C'est un tout, ça. Ça fait
que le domaine de la formation générale des adultes, bien, c'est une offre de
service en francisation, là, qui... Ils donnent le service. Je pense qu'ils sont le lieu approprié où ils ont
les outils pour donner le service. Mais les enveloppes, bien là, ce n'est pas d'hier, c'est depuis... On
attend toujours une nouvelle politique sur la formation des
adultes, qui est attendue depuis
2002. Puis les enveloppes en formation des adultes, c'est une enveloppe qui est
toujours fermée. Ça fait qu'on l'a dit dans d'autres occasions, puis c'est aussi vrai puis encore
plus vrai sur la question de la francisation, quand on est obligés de
refuser des personnes en formation des adultes, bien là, ça veut dire que...
Tu sais, des
parents, souvent... Puis c'est pour ça que je dis : On l'a fait, on en a
parlé dans d'autres lieux, comme la politique
sur l'immigration ou... Tu sais, souvent, leur premier réflexe,
c'est de se trouver un emploi. Mais, tu sais, enfin, on a une responsabilité en termes de francisation, puis ça permet deux
choses : c'est un pas de plus dans la société, pour l'intégration, mais ça permet à ces parents-là de
comprendre dans la langue des enfants qui vont apprendre le français à
l'école. Ça fait que, tu sais, il y a un double objectif qui est gagnant, à mon
avis.
Puis, quand
on dit de donner les sommes nécessaires,
dans le dernier budget il y a eu une reconnaissance sur les questions de... Bon, là, je dépasse quand je parle
d'alphabétisation, j'en conviens, là. Il y a eu aussi des sommes... Bon,
là, il y a des sommes qui s'ajoutent, mais,
nous, ce qu'on dit : Évaluons carrément les besoins, puis il y a encore un
effort à faire en termes de budget.
M. Cloutier : Et vous dites que
l'accueil se fait encore en classe régulière?
Mme Chabot (Louise) : Bien oui.
M. Cloutier :
J'avais l'impression que c'était à géométrie variable, tout dépendamment des
choix de commissions scolaires. Non?
Mme Chabot
(Louise) : Il y a
beaucoup... Non, si j'exclus la région de Montréal, en région, beaucoup,
beaucoup... Même à Québec, là. Je pense que l'actualité l'a bien couvert
avec les réfugiés syriens, dans des grandes commissions scolaires comme ici,
là, on intègre ces enfants-là dans la classe régulière.
M. Cloutier :
Non, mais les cours de francisation sont dans le cadre de la classe régulière?
Ce n'est même pas des...
Mme Chabot
(Louise) : Bien, les cours
de... Normalement, c'est une classe d'accueil, puis c'est là que ça se passe.
M. Cloutier : ...d'accueil.
Mme Chabot
(Louise) : Bien, si on les
met dans une classe régulière, imaginez. Quand je vous parlais de manque
d'outils pédagogiques puis de matériel tout
à l'heure, là, tu sais, un enseignant, là, qui a dans sa classe régulière un
jeune où on doit le franciser plus
évaluer ses apprentissages, ça, ça ne fait pas de bon sens. Je ne dis pas, là,
qu'il n'y en a pas dans d'autres régions, mais on a soulevé des lacunes.
Puis
d'ailleurs on l'avait fait même au ministère, dans le cadre de notre dossier de
la langue française. Il y a des régions
qui sont dépourvues. On avait souligné Trois-Rivières, on avait souligné la
région de Sherbrooke puis on avait des
situations problématiques particulièrement dans la région de Québec.
Maintenant, c'est un portrait qu'on a fait il y a un an ou deux. Quel
serait le portrait? Mais ça, c'est un souci, c'est un souci pour notre
personnel.
M. Cloutier : Mais qu'est-ce
que vous avez identifié, quand vous dites «des régions problématiques»?
Mme Chabot
(Louise) : Bien, qu'on
manquait de classes d'accueil, qu'il n'y avait pas de classe d'accueil, c'est
ça, puis qu'ils étaient intégrés dans les classes régulières. Puis, pour nous,
ce n'est pas une réponse.
M. Cloutier :
O.K. Puis, à votre connaissance, on n'est pas convaincus qu'on a réglé la
situation au moment où on se parle.
Mme Chabot
(Louise) : Totalement, non.
Non, c'est encore une... Même si, de façon générale, on reconnaît que ce n'est peut-être pas une situation volontaire,
mais c'est une situation... Soit il y a eu un manque de financement, soit
qu'il y a un manque de budget, ou soit qu'il y a un manque de ressources. Mais
ce n'est pas la bonne réponse, ça.
• (12 h 10) •
M. Cloutier : On est d'accord.
Puis on est pas mal à la base, là. C'est sûr qu'un enfant qui n'est pas capable
de comprendre la langue, de penser qu'il est capable d'apprendre, bien, c'est
réellement incompatible. Peut-être que, du côté gouvernemental, on pourrait nous
faire un état de situation, mais c'est sûr que le système est dysfonctionnel. Je me souviens des cas
d'enfants népalais, dans la région de Québec, qui avaient défrayé la manchette
il y a quelques années maintenant, puis justement les parents
disaient : Nos enfants sont incapables de suivre puis de s'adapter, parce
que, justement, il manquait de ressources.
Est-ce que vous êtes
préoccupés par les dispositions de la loi, là, qui disent essentiellement que
c'est par règlement qu'on va déterminer
l'encadrement à la maison? Parce que, dans le fond, la loi va autoriser le
ministre à donner des balises sur le
type d'encadrement. Je comprends que vous souhaitez avoir une place de choix,
là, pour participer à la mise en oeuvre de la politique sur les bonnes manières
pour l'enseignement à la maison. Mais est-ce qu'on vous a... D'abord, est-ce que vous avez l'impression que les
professeurs vont justement avoir un mot à dire dans l'établissement de ces bonnes pratiques? Puis ensuite, dans le
règlement, avez-vous l'intention de collaborer ou de participer à cette
réflexion également?
Mme Chabot (Louise) : Bien, on n'est pas préoccupés... Bien, on ne l'a
pas regardé sous cet angle-là. Quand on a analysé le projet de loi n° 144, on a compris que l'objectif,
c'était de mieux encadrer. Il y a des articles aussi du projet de loi, en tout
cas, qui nous permettent d'aller dans ce sens-là. Maintenant, comme dans
d'autres projets de loi, on n'est jamais
de l'école de dire : Le projet de loi est minimaliste, puis c'est la
réglementation qui devient... parce que ça a ses limites, une
réglementation.
Mais,
si vous nous posez la question si on n'est pas préoccupés, à l'heure où on se
parle, non. Je pense que, la table de
concertation, on compte bien y être parce qu'il y a du personnel, pas juste les
enseignants, là, il y a du personnel qui
ont développé une expertise, parce qu'il y a des endroits où c'est peut-être
concentré, puis on le souhaite, on souhaite bien sûr être présents à ces
places-là puis de pouvoir baliser par la suite.
En
tout cas, nous, ce sur quoi on s'est beaucoup soutenus pour ce chapitre-là, ça
a été le rapport du Vérificateur général
aussi, là. Puis je pense que le projet de loi tente d'y répondre. Est-ce qu'il
est parfait? Peut-être pas. Est-ce qu'on est préoccupés puis on devrait
aller plus loin? Peut-être, là, mais on n'a pas regardé ça sous l'angle de
votre question, qui est fort pertinente.
M. Cloutier :
Je comprends. Peut-être un mot sur la gratuité scolaire, peut-être vous donner
la chance de vous exprimer. Les fédérations des commissions scolaires
puis d'autres ont souhaité étendre le concept de gratuité scolaire au matériel
scolaire pour les parents qui choisissent l'enseignement à la maison. J'imagine
que vous devez partager cette opinion-là
également. Mais, puisque le sujet de la gratuité scolaire de l'école publique
est quand même dans l'espace public,
je serais curieux peut-être de vous entendre, si vous le souhaitez, quoique ce
n'est pas tout à fait l'objet comme
tel du projet de loi. Mais ça soulève quand même l'enjeu de qu'est-ce qu'on
entend par «matériel scolaire gratuit», qu'est-ce qui est inclus dans la définition. Peut-être que ça sort du
cadre de vos réflexions à l'interne, mais je vous soumets quand même la
question.
Mme Chabot (Louise) : Bien, écoutez, ça a été un débat qui a été très
d'actualité, puis à juste titre, là, je pense que c'est des questions... La gratuité scolaire, pour nous, idéalement,
ça devrait être la gratuité totale, là, l'école primaire et secondaire, puis... Voilà. Maintenant, ça fait
partie du débat. Il y a tout un historique derrière ça. Maintenant, on voit
de plus en plus que les coûts augmentent,
mais là, tu sais, c'est un autre débat. Mais, quand on parle du matériel
approprié, pédagogique et les outils,
bien, à notre avis, là, ce matériel-là devrait être gratuit. Les parents ne
devraient pas avoir à payer pour un matériel qui est lié au programme
éducatif.
Une voix :
...
Mme Chabot
(Louise) : À la maison?
M. Cloutier :
Bien, c'était aussi... Ça nous a été présenté, le débat nous a été soumis dans
le cadre de l'enseignement à
la maison. Est-ce que ça devrait inclure les photocopies, à votre avis? C'est
peut-être technique comme question, là, mais
je vois que les photocopies parfois sont chargées, d'autres fois elles le
sont... Je me demandais : Comment ça fonctionne pour un professeur
qui décide?
Mme Chabot (Louise) : Je vous dirais que je nous proposerais une belle
commission parlementaire sur la question.
M. Cloutier :
Ah! je suis bien d'accord.
Mme Chabot (Louise) : Non, mais je comprends le point de vue, mais je
ne voudrais pas effectivement détourner du fond.
M. Cloutier :
Oui, vous avez raison. On vous donnera d'autres occasions de... Mais j'étais
quand même curieux de savoir, quand un prof
décide de faire des photocopies, concrètement comment ça fonctionne, parce que
je vois que parfois on a décidé de charger des frais de photocopie et je me
demandais qu'est-ce que ça incluait, si ça incluait les droits d'auteur qui sont liés à ça ou
si c'est le matériel lié à la photocopie. Mais, ceci étant dit, je vais
respecter que peut-être ça nécessite une réflexion plus approfondie dans un
autre cadre.
Mme Chabot (Louise) : Mais ce
que je peux vous dire, c'est que le personnel enseignant débourse beaucoup de leur poche pour s'assurer justement, tu sais,
de pouvoir... Puis ça, ce n'est pas d'hier, mais, tu sais, de plus en plus...
Puis, bon, si, par
exemple, il y a des photocopies qui sont chargées, bien, j'en connais beaucoup, on en connaît beaucoup
qui vont le faire pour s'assurer que l'égalité des chances soit... Bon. Puis
ça, ça fait partie... Vous savez, il
y a même eu un petit montant,
là, au fédéral, pour permettre un crédit d'impôt, là. C'était presque du
ridicule.
Mais
tout ça pour dire que ce débat-là, là, qu'est-ce qui fait partie de la
gratuité, qu'est-ce qui peut être demandé aux parents, est-ce qu'il devrait y avoir une contribution maximale,
qu'est-ce qui est jugé comme essentiel... puis il y a eu plusieurs exemples dans le débat, mais, quand on
parle de la gratuité scolaire, ça a une signification. Puis ça, je pense qu'un
jour il va falloir bien le baliser parce qu'il y a toutes sortes de... C'est à
géométrie variable, on le sait, ça aussi, hein?
M. Cloutier :
Très bien.
Mme Chabot
(Louise) : Un dictionnaire, est-ce qu'on devrait acheter ça, par
exemple?
M. Cloutier :
Bien, théoriquement, c'est supposé être interdit. C'est ce que prévoit le
règlement de toutes les commissions scolaires. Mais ça aussi, c'est un autre
débat, incluant les grammaires.
Je
vous remercie de votre présence en commission, puis on aura la chance
d'approfondir ce sujet-là, je l'espère, ensemble. Il y a la Commission des droits de la personne, hein, qui a
rendu un avis, il y a quelques années, qui faisait le tour essentiellement de justement, là, ce qui pouvait
être inclus ou non ou ce qui devrait être exclu. Mais je pense qu'on est
dus pour dépoussiérer tout ça. Merci.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le député
de Lac-Saint-Jean. Alors, on va passer du côté de... le deuxième groupe
de l'opposition. Alors, M. le député de Chambly, vous avez neuf minutes.
M. Roberge :
Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. On vient de finir sur la
gratuité scolaire puis le fait que les enseignants et enseignantes
paient de leurs poches. Effectivement, là, c'est courant, c'est commun. Je l'ai
fait pendant que j'enseignais. On faisait un
recueil, à la fin de l'année, on faisait boudiner un petit recueil de poésie,
ou quelque chose comme ça, puis là,
bien, il fallait le boudiner avec une page couverture, bien, la commission
scolaire ne voulait pas le faire. On
allait chez Bureau en Gros, puis on sortait l'argent de notre poche, puis c'est
tout, c'est comme ça. Ça ne veut pas
dire que c'est bon, là, je ne suis pas en train de dire que ça doit être fait
comme ça. Mais ce n'est pas d'hier qu'il n'y a pas assez de fonds
publics, en réalité, pour ça.
Donc,
je vais continuer aussi sur un autre dossier où je peux témoigner vraiment que
c'est le cas, les classes de francisation et d'accueil. Il y a des
commissions scolaires qui n'en ont tout simplement pas. Ils n'en ont juste pas.
En Montérégie, moi, j'ai enseigné il y a,
quoi, six ans, je pense, 2012 — bien, je peux me tromper d'une année — puis il y a un jeune qui est arrivé,
je pense, au mois d'octobre, il arrivait de Chine, il parlait ni français ni
anglais, c'était mandarin à cent pour cent, et il était débarqué en classe
régulière. Alors, il n'y avait ni accueil ni... Bien, j'ai fait
l'accueil : Bienvenue, mais il ne l'a
pas compris. Mais je ne suis pas sûr qu'on peut qualifier ça d'une classe
d'accueil. Mais, bon, on l'a accueilli du mieux qu'on pouvait. Il y
avait zéro francisation, là. C'est une intégration sauvage.
Donc,
définitivement que votre recommandation 1, là, «que le gouvernement concentre
des ressources financières suffisantes
pour l'accueil et la francisation des élèves issus de l'immigration», c'est une
urgence. Les commissions scolaires qui reçoivent beaucoup de ces
élèves-là finissent par s'organiser, mais c'est à géométrie variable. Mais,
dans d'autres commissions scolaires, comme
ils n'ont pas les ressources, ils vont découvrir des vertus, tout à coup, à
l'intégration, ils vont essayer de
faire croire aux parents puis aux enseignants que c'est une bonne chose, là,
finalement, de les intégrer dans la classe régulière, parce qu'ils ne se
paient pas des classes d'accueil.
D'après
vous, est-ce que vous avez une vue globale, il en manque combien, de ces
classes d'accueil ou de ces classes de francisation au Québec pour bien
les accueillir, pour leur donner toutes les chances de réussir?
Mme Chabot (Louise) : Là, je n'ai pas le portrait exact, mais je pense
que le dernier qu'on avait au moins recensé, là où il y avait des lacunes, on pourra quand même vous le fournir,
mais... Tu sais, c'est parce que c'est une responsabilité qui dépasse,
je dirais, un peu l'école, là. Ça fait que, tu sais, pour nous, là, tu sais,
c'est comme un incontournable, là. L'exemple
que vous donnez, bien... je parlais du Bas-Saint-Laurent, là, je ne me rappelle
plus de quelle nationalité venait cet enfant-là, mais c'est à peu près
dans des conditions comme ça. Ça fait que la classe régulière n'est pas la
réponse.
On
est dans la francisation, ça fait qu'il faut avoir les classes d'accueil puis
il faut le permettre partout. Donc, je n'ai pas le portrait, mais nous, on soutient que ça doit être ça, la réponse.
Puis ça appartient à l'ensemble des parlementaires d'aller de l'avant là-dedans. Puis ça ne peut même
pas être une exception. Puis en même temps c'est parce que le fardeau repose sur
qui? Ça ne peut pas être le fardeau des enseignantes et des enseignants d'avoir
cette responsabilité-là puis ne pas lui donner les conditions qui devraient soutenir ça, là. Je n'ai pas
d'autre réponse à donner que... Il me semble que ça devrait aller de
soi.
• (12 h 20) •
M. Roberge :
Évidemment, si on fait le choix comme société, puis il faut le faire, d'être
accueillants puis d'accueillir des immigrants, d'accueillir des réfugiés,
d'accueillir des demandeurs d'asile, bien, comme société, il faut se donner les moyens de les accueillir puis de les
franciser. On ne peut pas juste dire : Bien, la société choisit
d'accueillir des gens, puis aux
enseignants de classe régulière de franciser, d'accueillir, de faire les
relations avec les parents, tout ça. Il
y a quelque chose qui ne fonctionne pas là-dedans, c'est sûr, sûr, sûr, autant,
et là si on revient avec le projet de loi actuel, pour les sans-papiers
que les autres.
Parce que, là, on parle de ça par la bande parce
qu'on se dit bien que, si, par cette loi-là, on ouvre l'école aux sans-papiers
puis que davantage viennent vers l'école sans crainte de déportation ou de
n'importe quelle mesure administrative,
bien, ça veut dire qu'il va y avoir davantage de gens qui vont avoir besoin de
classes d'accueil puis de classes de
francisation. Puis c'est correct, mais, justement, il faut que les ressources
soient là, là, pour réussir cet accueil-là puis cette francisation-là.
Je reviens à une
autre de vos recommandations, la deuxième — on est encore dans des
ressources, dans le fond — c'est d'avoir les moyens de nos ambitions.
Vous recommandez «que le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur s'assurent que les services
professionnels et de soutien sont rendus disponibles rapidement et en quantité
suffisante pour répondre aux besoins
d'accueil, de soutien et d'accompagnement des élèves issus de l'immigration et
de leurs familles». Donc là, vous
débordez vraiment juste du cadre de l'école. Quand vous parlez de leurs
familles, vous parlez des parents aussi, c'est bien ça?
Mme Chabot (Louise) : Oui. Souvent, les ressources professionnelles
et de soutien font largement défaut. Par
exemple, dans les centres d'éducation des adultes, je pense que c'est un accompagnement qui est global. Mais, particulièrement
pour les enfants, là, écoutez,
si on parle des élèves déjà en difficulté, là, qui sont de souche québécoise,
on ne parle pas de l'immigration, imaginez-vous... On a juste à s'imaginer, on voit des images, là, les
demandeurs d'asile, récemment, là, c'est des familles qui ont marché à
pied pour traverser ici. Ça fait que souvent on accueille des enfants...
Puis je vais revenir
sur la langue française. La question ne se pose même pas, au Québec, là,
l'école, c'est la francisation. Je
rencontrais le ministre Luc Fortin hier sur les questions
de la langue... Ça fait que, tu sais, il ne faut pas travailler en silo là-dedans. On accueille dans la
langue française, c'est notre langue commune, puis, oui, on se donne les
moyens, puis l'éducation puis nos écoles sont là pour y répondre.
Puis, pour les ressources
professionnelles, bien, écoutez, il y a des enfants puis il y a des jeunes qui
sont vraiment poqués, là, par la vie, là. Il y en a que ça peut être des guerres...
Au-delà des apprentissages, c'est aussi tout le soutien qu'on peut apporter, là. C'est une question
de relations humaines, c'est vraiment une question de relations humaines, l'accueil de ces enfants-là, donc ils doivent
avoir toutes les ressources appropriées. Quand on parle de l'égalité des
chances, là, excusez-moi, mais il n'y a pas de prix pour ça, puis, pour
la société, c'est même gagnant.
M. Roberge : Ah oui! C'est sûr, il n'y a pas de prix, parce
qu'on a besoin de le faire. De toute
façon, même si on voulait le
voir d'une façon platement comptable, ce serait payant de toute façon. Parce
qu'évidemment, si on utilise l'éducation
comme ascenseur social, bien, après ça, ces gens-là, bien, en réussissant dans
la vie, bien, il y a un retour sur l'investissement. On ne le fait pas juste pour ça, évidemment,
on le fait pour des considérations humaines, mais il y a
un retour sur l'investissement qui...
Mme Chabot (Louise) : On trouve ça intéressant, même, ce qui est
fait pour les sans-abri, actuellement, là, qui n'ont pas de lieu de résidence
encore. Puis au moins on permet, tu sais, on permet déjà des activités... J'ai
dit «les sans-abri»! Excusez-moi, hein? Le
pire, c'est qu'on m'entend, on est enregistrés. Je voulais dire les
sans-papiers ou les demandeurs
d'asile, actuellement. Bien, tu sais, on leur donne au moins la
capacité de faire une introduction en se disant que, peut-être dans deux semaines, trois semaines,
ces enfants-là vont être à l'école. Puis peut-être qu'effectivement, le sort de
ces enfants-là, on ne le connaît pas, là, mais au moins on leur a donné des
outils puis des armes pour continuer.
M. Roberge : Je termine en disant que, finalement,
la loi, c'est une bonne chose, là, enfin, on va la travailler pour qu'elle soit correcte. Mais, peu importe, ça va prendre des ressources. C'en prenait avant le dépôt de
ce projet de loi là, on a parlé de problèmes, là, qu'on a en éducation
depuis plus de cinq ans, depuis plus de 10 ans, on manque de ressources
dans les écoles pour faire le travail, puis,
peu importe la loi qu'on va voter, ça va prendre des ressources
pas seulement en fin de mandat, je dirais.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le
député de Chambly. Alors, merci,
mesdames, pour votre contribution à la commission.
Je suspends les
travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi. Merci.
(Suspension de la séance à
12 h 26)
(Reprise à 14 h 7)
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, bon après-midi à tous. À
l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de la culture et de l'éducation
reprend ses travaux. Alors, je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre
les sonneries de leurs appareils électroniques.
Nous
poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le
projet de loi n° 144, la Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et d'autres dispositions législatives
concernant principalement la gratuité des services éducatifs et
l'obligation de fréquentation scolaire.
Alors,
je souhaite la bienvenue à notre premier groupe, les représentants de la
Fédération autonome de l'enseignement. Alors,
merci d'être là, messieurs. Alors, vous avez 10 minutes pour faire votre
exposé, et par la suite on passera à une période d'échange entre les élus. Alors, sans plus tarder, je vous
demanderais, M. Mallette, de vous présenter, ainsi que les gens qui vous
accompagnent, et vous pouvez commencer votre exposé.
Fédération
autonome de l'enseignement (FAE)
M.
Mallette (Sylvain) : Merci,
Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je suis enseignant
en histoire et président de la Fédération autonome de l'enseignement.
Permettez-moi de vous présenter, à ma gauche, M.
Alain Marois, enseignant en adaptation scolaire et vice-président à la vie
politique, et, à ma droite, M. Yves Cloutier, conseiller au service de
la vie professionnelle de la FAE.
La FAE
regroupe des organisations syndicales qui représentent plus de
34 000 enseignantes et enseignants de tous les secteurs d'enseignement du réseau des
commissions scolaires francophones, parmi lesquelles on compte les écoles
les plus nombreuses et les plus diversifiées sur les plans socioéconomique et
socioculturel.
Il y a moins d'un an, au moment d'intervenir sur
le projet de loi n° 105, nous vous indiquions que la LIP est devenue au fil du temps une véritable courtepointe
bigarrée, résultat de plus de 50 ans de changements à la pièce. En ce sens, nous sommes d'avis que le projet de loi
actuellement à l'étude ne rendra pas la LIP plus cohérente ni moins échevelée.
Nous sommes devant ces mêmes changements à
la pièce. Pour un effort rationnel de refonte, il faudra encore patienter.
De plus, nous
ne pouvons que déplorer le fait qu'en ce qui concerne les revendications des
enseignantes et des enseignants qui
visent une meilleure reconnaissance et protection de leur autonomie
professionnelle, c'est encore le néant. Pourtant, le gouvernement a fait la preuve qu'il peut agir relativement
rapidement — trois
projets de loi en trois ans — et sait
être à l'écoute de certains groupes. Le projet de loi n° 144 démontre que
c'est la volonté politique qui fait la différence.
Soulignons
aussi que le contenu du projet de loi n° 144 témoigne éloquemment, une
fois de plus, du rôle crucial que
joue l'école publique québécoise dans le but d'assurer l'égalité des chances et
la mixité sociale. Et, une fois de plus, démonstration est faite que les établissements d'enseignement privés,
gourmands en fonds publics, ne contribuent en rien à l'instruction, à la qualification, à la
socialisation et à l'inclusion dans la société québécoise de ces populations
d'élèves vulnérables.
À propos de l'encadrement de la scolarisation à
la maison, la FAE considère que, sur le fond et la forme, les modifications à la LIP proposées par le projet de
loi semblent bien s'accorder avec le principe de l'accès à une éducation
de qualité pour tous les enfants du Québec.
Cependant, certains articles du projet de loi portant sur l'encadrement de la
scolarisation à la maison méritent d'être soulignés.
• (14 h 10) •
Tout d'abord,
la FAE estime que le règlement prévu à l'article 9 ainsi que le guide
prévu à l'article 12 devraient être
fidèles au principe de l'accès à une éducation de qualité pour tous les
enfants, respecter le Programme de formation de l'école québécoise et
s'assurer que tous les enfants, qu'ils soient scolarisés à la maison ou qu'ils
bénéficient d'un enseignement dispensé dans une école publique, soient traités
équitablement.
Ensuite, dans
un contexte marqué par des années successives de sombres coupes budgétaires
sous les auspices de l'austérité
grimée en rigueur, il est à craindre que les ressources ne soient pas au rendez-vous pour faire appliquer par les administrations scolaires et le
ministère cet outil législatif.
Enfin, la FAE s'oppose avec fermeté à la modification
avancée par le gouvernement à l'article 7 et qui vise à remplacer l'expression «scolarisé à la maison» par
«qui reçoit un enseignement à la maison». Est-ce à dire que le ministre a l'intention d'exiger des parents
qui seraient responsables de faire l'enseignement à la maison qu'ils détiennent
une qualification légale? Doit-on vraiment rappeler que nul ne peut
s'improviser à sa guise enseignante ou enseignant?
N'oublions pas
que l'enseignement est, à juste titre, l'une des professions les plus
réglementées et les plus sévèrement
encadrées, sans compter les 120 crédits universitaires requis pour y
accéder. Selon nous, cette proposition témoigne non seulement d'une
confusion des genres, mais empiète directement sur les dispositions du
chapitre II de la LIP traitant des
droits et des obligations du personnel enseignant ainsi que des autorisations
requises pour exercer la profession.
Nous demandons donc que le projet de loi soit amendé de manière à utiliser,
pour les articles correspondants, l'expression «scolarisé à domicile» ou
encore l'expression «scolarisé à la maison».
M. Marois (Alain) : Je vais
poursuivre concernant l'accès à l'école publique pour toutes et tous.
Le
gouvernement du Québec se déclare lié à la Convention relative aux droits de
l'enfant de l'ONU depuis 1991. Cette
convention interdit la discrimination ou les sanctions envers les enfants
motivées par la situation juridique de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille et
demande au gouvernement de garantir, selon certaines modalités, la gratuité de l'enseignement primaire
et secondaire. Il est plus que temps que la Loi sur l'instruction publique
soit enfin amendée pour mettre fin à
l'exclusion formelle des enfants en situation d'immigration précaire, que l'on
nomme aussi les sans-papiers.
L'actuelle contrainte législative contenue à l'article 3 de la LIP est mal
adaptée à la complexité des flux
migratoires qui ont cours de nos jours. D'ailleurs, l'actualité récente,
marquée par l'arrivée massive de demandeurs d'asile au Québec à quelques jours de la rentrée scolaire, vient, fort à
propos, illustrer l'une des facettes de la question.
Nous croyons
que l'article 1 du projet de loi permettrait enfin au Québec de se
conformer à la convention de l'ONU, ainsi
de ne plus léser des enfants particulièrement vulnérables en garantissant leur
accès au préscolaire, au primaire, au secondaire,
à l'éducation des adultes et à la formation professionnelle, et ce, selon les
mêmes modalités que les autres citoyennes
et citoyens du Québec. Nous comprenons également que ce nouvel article aurait
pour effet de garantir aux commissions
scolaires un financement correspondant et adapté à la situation des élèves en
question. Il faut particulièrement insister sur ce point.
Il est
également fait mention de la possibilité d'étendre par règlement la gratuité
des services scolaires, tel que défini aux articles 1 et 10 du projet de
loi. Nous invitons fortement le ministre à préciser rapidement ses intentions à
ce chapitre. Ces nouvelles dispositions devraient assurer la scolarisation en
classe d'accueil. De plus, la FAE est d'avis que ces dispositions du
projet de loi devraient entrer en vigueur dès son adoption.
Par
ailleurs, d'autres éclaircissements sont également nécessaires.
L'article 448 de la LIP serait modifié par l'article 8 du projet de loi de manière à remplacer le terme
«personne» par l'expression «résident du Québec». Le même flou existe au sujet des articles 6 et 13,
qui modifieraient les articles 216 et 473 de la LIP. Au sens de
l'article 1, les élèves âgés de plus de 18 ans auront-ils
accès ou non aux centres d'éducation des adultes et de la formation
professionnelle?
Maintenant, je vais
vous parler du renforcement de l'obligation de fréquentation scolaire.
Certaines lacunes législatives et administratives
empêchent le ministère et les commissions scolaires d'exercer pleinement leurs
attributions en matière de scolarisation obligatoire. En effet, les
commissions scolaires ne disposent pas des informations leur permettant de faire respecter l'article 14 de
la LIP et ne peuvent que se reposer sur l'obligation faite aux parents, à l'article 17, de prendre les moyens
nécessaires pour que leurs enfants remplissent effectivement leur obligation de
fréquentation. Hormis ces
dispositions, seuls d'éventuels signalements à la direction de protection de la
jeunesse permettent effectivement aux commissions scolaires de s'assurer
du respect de l'obligation de fréquentation scolaire.
L'article 11
du projet de loi permettrait au ministère d'obtenir des informations liées à
l'obligation de fréquentation scolaire
et d'en informer les commissions scolaires, ce qui devrait faciliter grandement
la tâche de ces dernières en la matière, comme prévu à l'article 3
du projet de loi.
Le
projet de loi va cependant encore plus loin en ce qui concerne le renforcement
de l'obligation de fréquentation scolaire, comme on le constate à la
lecture de l'article 4. Il est aisé de lire entre les lignes de cet
article les tenants et aboutissants de la
longue saga de scolarisation illégale des groupes d'enfants qui ont fait les
manchettes depuis de nombreuses années
déjà. Ceci dit, le premier paragraphe de l'article, de portée plus générale,
pourrait tout aussi bien s'adresser à des groupes d'enfants qu'à des cas individuels de non-scolarisation ou de
scolarisation à la maison hors du cadre envisagé par le projet de loi. Le second paragraphe est toutefois beaucoup plus
clair et direct, et cible sans équivoque possible la scolarisation illégale de groupes d'enfants. Les
origines et la fonction du troisième
paragraphe, quant à nous, sont plus nébuleuses. Le ministre devrait
fournir plus d'explications à ce sujet.
En
lien avec cet article, les pouvoirs d'enquête et de sanction à l'encontre des
personnes physiques ou morales contrevenant
à l'obligation de fréquentation scolaire seraient significativement renforcés
dans la LIP, notamment en ce qui concerne les amendes. En somme,
ces modifications proposées sont les bienvenues.
Advenant
qu'ils soient adoptés, ces éléments du projet
de loi combleraient de graves lacunes
législatives, lesquelles ont fortement contribué à priver du droit de
l'éducation nombre d'enfants. Cependant, la mise en oeuvre effective de ces
nouveaux moyens d'action requerrait des
ressources dédiées, ce à quoi le ministère ne nous a pas habitués, surtout ces
dernières années. Le ministre doit pouvoir
nous expliquer quelles unités de son ministère seraient responsables de la mise
en oeuvre de ces nouveaux pouvoirs et avec quelles ressources supplémentaires.
De même, il est important
que la population puisse suivre l'évolution des efforts du ministère en vue de
faire respecter l'obligation de
fréquentation scolaire. En ce sens, la FAE recommande qu'un rapport annuel du
ministère soit préparé et déposé à
l'Assemblée nationale, permettant ainsi de quantifier le phénomène de la
non-scolarisation ainsi que les
mesures prises par le ministère et les commissions scolaires concernés pour y
remédier. Un amendement en ce sens pourrait être fait à
l'article 11.
Par
ailleurs, nous croyons que le projet de loi doit aller plus loin à ce chapitre.
L'article 11 du projet de loi devrait être plus affirmatif en ce qui concerne la conclusion d'ententes avec
d'autres ministères et organismes pour la collecte et le croisement d'informations concernant
l'obligation de fréquentation scolaire. De cet ordre, l'article 11 devrait
être amendé pour que le troisième
alinéa se lise comme suit : «Le ministre conclut avec les ministères et
les organismes des ententes visant le
partage des informations pertinentes au respect de l'obligation de
fréquentation scolaire et communique à une commission scolaire les renseignements personnels qui concernent tout
enfant relevant de sa compétence ou ses parents et qui sont nécessaires
à l'application des dispositions visées au premier alinéa.»
Enfin,
et de manière correspondante aux amendements qui précèdent, le premier alinéa
de l'article 3 du projet de loi
devrait être amendé et se lire comme suit : «La commission scolaire
utilise les renseignements que le ministre lui fournit concernant un enfant qui pourrait ne pas remplir son obligation
de fréquentation scolaire ou ses parents, et effectue auprès de ces
derniers les démarches nécessaires afin de connaître et, le cas échéant, de
régulariser la situation de cet enfant.»
L'obligation de fréquentation scolaire ne s'incarnera vraiment comme telle que
lorsque le ministre rassemblera et
communiquera obligatoirement les informations nécessaires aux commissions
scolaires, qui seront ainsi tenues d'agir en fonction de la LIP. Merci.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Ça va? Merci beaucoup. Alors, on va
passer à la période d'échange, et je cède la parole à M. le ministre
pour environ 22 minutes.
M. Proulx :
Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs, d'être ici aujourd'hui. Plusieurs
questions ou réflexions à l'égard des recommandations que vous avez. Sur le
fond, j'ai bien eu l'occasion de lire l'ensemble de vos observations.
Peut-être deux, trois choses d'entrée de jeu.
À
l'égard de la terminologie, je pense l'avoir dit hier et aujourd'hui, là, il
n'y a pas de complot à l'égard des mots, là. Je veux très sincèrement qu'on utilise le bon langage et le bon
vocabulaire. Des propositions nous ont été faites hier et encore ce
matin par les chercheurs, hier par des parents. Je pense qu'on sera capables de
s'entendre qu'une éducation à domicile, des
apprentissages à la maison, de la scolarisation à domicile... Quand on a parlé
d'enseignement à la maison, ce
n'était pas en lien avec le rôle de l'enseignant ou pour diminuer quoi que ce
soit, là, c'était pour identifier une situation ou un état de fait qui est différent de recevoir un service éducatif à
l'école. Alors, dans ce contexte-là, je pense, en tout cas, que vous
pouvez être rassurés sur le fait que notre intention est de travailler en ce
sens.
Sur la notion
des ententes et autres moyens que nous prenons ou nous prendrons et que le projet de loi nous donnera pour échanger
les informations, le projet
de loi prévoit d'ailleurs
une modification à la Loi sur l'assurance maladie de façon à
ce qu'on puisse échanger les données entre le ministère de la Santé et le ministère de l'Éducation, ce qui permettra, si le projet
de loi est adopté
tel quel ou adopté en ce sens pour ces dispositions, aux commissions
scolaires d'obtenir, via le ministère,
bien entendu, des informations sur des élèves... sur des enfants qui ne sont
pas élèves parce qu'ils ne sont pas
dans l'école ou en lien avec le système
scolaire, et, dans ce contexte-là, ce serait la responsabilité des commissions
scolaires de faire ce suivi-là.
Alors, le
projet de loi ne nous amène pas à, je veux dire, présumer d'une bonne entente
entre les différents organismes pour convenir de l'échange
d'information. Le projet de loi prévoit que la loi sera amendée, la Loi sur
l'assurance maladie, pour qu'on puisse faire
ce transfert et cet échange d'information. Donc, là où vous souhaitez qu'on
aille, je pense qu'on y va par le projet de loi. En tout cas, vous me le
direz si ce n'est pas clair, mais je pense qu'on répond à cette recommandation.
Est-ce que ça, c'est en lien avec ce que vous dites ou... Juste que je
comprenne bien.
• (14 h 20) •
M. Mallette
(Sylvain) : La proposition
qu'on avance, c'est que la façon... Le temps du verbe qui est utilisé peut
donner l'impression que le ministre pourrait faire le choix de ne pas conclure
d'ententes ou de ne pas transmettre d'information aux commissions scolaires.
Parce qu'il y a une réalité qui existe, qui veut qu'il y ait des enfants qui ne
soient pas scolarisés au Québec, et, pour nous, le fait de proposer ce qu'on
propose... il y a donc un geste politique. Il n'y
aura pas de situation entre deux... Vous savez, là, ce n'est pas clair. Il y a
une obligation de la part du ministre, quel qu'il soit, de conclure une entente, évidemment dans le respect des
règles qui prévalent, mais il y a aussi une obligation de transmettre l'information à la commission
scolaire, et donc qu'il n'y ait rien qui ne soit échappé entre deux portes de
bureau, là, si je peux m'exprimer ainsi.
M. Proulx : Oui. J'entends bien ce que vous dites.
D'ailleurs, une des raisons pour laquelle on est ici, c'est parce que cette intention-là est là, et, très
honnêtement, je l'ai lu en lisant votre mémoire. Également, bien, vous faites
référence à la volonté. Vous faites référence à ce qu'on pourrait dire, ou
ce qu'on pouvait invoquer, ou ce que d'autres pourraient invoquer en disant : Bien, vous savez, on ne
peut pas agir, c'est ci et c'est ça. Je
pense qu'on se donne les moyens
d'agir. Donc, dans ce cas-là, en tout cas, je l'entends très bien puis je comprends que ces ententes-là, en tout cas, de la façon dont nous, on
les voit, il y a une obligation.
Et, en plus, on fait les modifications dans une loi qui n'est pas même la Loi sur l'instruction publique.
Sur la
notion du rapport annuel sans information nominative, là, vous avez fait état du phénomène
de non-scolarisation pour, dans le
fond, faire une espèce de bilan de
cette situation-là. Il
y a peut-être une réflexion à faire, effectivement, sur cette
notion-là. Je ne dis pas oui et je ne dis pas non maintenant pour la raison
très simple que je pense qu'il y a une réflexion
à faire sur le comment, bien entendu,
l'utilité aussi de tout cela. Ce sont
des milieux qui, habituellement... Dans le cas des sectes, vous aurez compris que c'est souvent des milieux très
fermés, pas toujours simples à identifier. Il y a, bien sûr, des données nominatives, mais là il faut
les exclure. Mais il y a quand même des informations... Moi, je ne veux pas sortir ou se retrouver en périphérie de notre
enjeu principal, qui est, dans le fond, être capable de s'assurer qu'on ne
laisse personne de côté dans ce contexte-là. Mais j'entends bien ce que vous
dites à cet égard-là.
Et vous avez
entendu, je pense, parler, puis c'est inscrit dans le projet, de la table de
concertation nationale qu'on pourrait
mettre en place. Il y a différents acteurs qui pourraient être impliqués.
Alors, là-dessus, moi, je vous dis que je vous ai bien entendu.
L'autre
sujet, qui n'est pas, proprement dit, dans votre mémoire, à moins que je ne me
trompe, mais, je pense, pour lequel
il serait intéressant de vous entendre, c'est un peu ce que je demandais ce
matin à Mme Chabot notamment, et
en lien avec les discussions qu'on a eues hier et qu'on va avoir encore, mais
qu'on a eues aussi ce matin, votre appréciation
de la nécessité d'avoir un suivi des apprentissages des enfants qui sont à
l'extérieur de l'école, dans l'éducation à la maison ou dans un autre mode de scolarisation que l'école. Est-ce
que vous avez eu, dans le cadre de vos réflexions, l'occasion de vous pencher là-dessus, de réfléchir
à cette question-là? Ce n'est pas proprement traité dans votre mémoire,
je l'entends, mais vous avez une expertise que vous pourriez peut-être nous
partager.
M. Mallette (Sylvain) : Bien,
sur cette question-là, je dois vous informer que la vice-présidente à la vie professionnelle,
Mme Nathalie Morel, a eu le plaisir de discuter avec la représentante de l'association des parents... là, je m'excuse, je ne me rappelle pas du nom exact, des parents, là, qui
font la scolarisation à la maison, et cet échange-là a permis d'abord de clarifier,
hein, les positions qu'avait cette association-là. Et, sur cette question-là de
l'évaluation des apprentissages, la
façon dont on l'a évalué, c'est qu'on considère... Puis c'est un choix
personnel, hein, de scolariser son enfant à la maison. Nous, on ne remet
pas en question ce droit-là, et ce qu'on dit, c'est que les enfants doivent
être traités équitablement. Donc, il y a la
nécessité... Parce qu'à partir du moment où l'État reconnaît le droit aux
parents de scolariser leurs enfants à
la maison, l'État est aussi... il reconnaît un droit, mais il a aussi des
obligations qui sont liées à ce
droit-là. Donc, que l'État veuille s'assurer que les enfants qui sont scolarisés à la maison soient au même niveau
ou à un niveau équivalent que les
enfants qui sont à l'école publique, pour nous, ça ne nous choque pas, mais,
cependant, on pense qu'il faut... Et
puis c'est pour ça que, dans notre mémoire, on a utilisé les termes «soient
traités équitablement». Puis là il y
a comme une forme de suspicion, du fait... Quand on constate qu'il y a des
commissions scolaires qui évaluent par-dessus
des évaluations, par-dessus des évaluations, là, est-ce qu'on traite
équitablement les enfants pour lesquels les parents ont fait le choix de les scolariser à la maison? On n'est pas
capables d'aller plus loin cependant que de vous dire qu'il faut que ça
soit un traitement équitable.
Donc, quand
on regarde, à l'école publique, quelles sont les évaluations des apprentissages
qui sont effectuées, bien, il en
existe. Vous connaissez notre position sur la prolifération des épreuves de
commissions scolaires, là, qui ne servent
plus à évaluer l'évaluation des apprentissages, mais qui servent davantage à
atteindre les cibles de réussite. Mais il y a des épreuves ministérielles, et, pour nous, on
considère que les enfants qui sont scolarisés à la maison doivent pouvoir
rencontrer ces épreuves-là. Pour le reste,
il appartient aux commissions scolaires... en tenant compte de ce qu'on
comprend du projet de loi, c'est aux
commissions scolaires à s'assurer de l'encadrement minimal qui permette à ces
enfants-là de réussir ces apprentissages-là.
M. Proulx :
Est-ce qu'à votre connaissance il y a actuellement, dans les différentes
commissions scolaires pour lesquelles
vous avez des membres... Est-ce qu'il y a des gens, des membres enseignants,
chez vous, qui ont la responsabilité de ce dossier-là?
M. Mallette (Sylvain) :
Pas à ma connaissance.
M. Proulx :
Pas à votre connaissance?
M. Mallette
(Sylvain) : Je ne dispose pas de cette information-là.
M. Proulx :
Non? Je pose la question par curiosité. Ça aurait pu être le cas. Puis, des
fois, on essaie de définir où sont les personnes qui ont cette
responsabilité, alors, pour moi, ça, la question était facile à vous poser.
Sur
la question... On a parlé tout à l'heure... Bien, vous faites état également de
la situation des enfants sans papiers. présent
là où il a des engagements, notamment des engagements internationaux. Je l'ai
bien vu, bien lu. C'est une des raisons
pour laquelle nous sommes ici. Dans ce cas-là, bien entendu... Puis on avait un
peu cette discussion-là aussi plus tôt,
sur la question des classes d'accueil. J'aurais voulu vous entendre, moi, sur
une question qui a été abordée également ce matin, c'est la question de la formation et du matériel à l'égard des
enseignants qui sont présents en classe d'accueil. Ça m'a interpelé ce matin, lorsqu'on a eu cette
discussion-là. Est-ce qu'à votre avis il est de notre responsabilité d'en faire
davantage pour soutenir les enseignants dans
cette formation et le matériel ou vous avez, de votre côté, l'impression que le
travail qui est fait... parce qu'il est fait
à un autre niveau que celui du ministère, la preuve en est, c'est qu'on
n'approuve pas de matériel à cet
égard-là, ce n'est pas chez nous que les choses se font. Est-ce que vous
considérez que les choses sont faites correctement jusqu'à maintenant?
M. Marois
(Alain) : Pour nous, le problème, ce n'est pas tant la formation et le
matériel que la possibilité qu'il y ait des
classes d'accueil, et, de plus en plus, on le constate sur nos territoires...
Il ne faut pas oublier que la FAE représente les enseignants de
Montréal, de Laval et de l'Outaouais, qui sont les trois régions où il y a le
plus d'élèves immigrants qui sont
accueillis. Et ce qu'on constate, c'est souvent un raccourcissement des séjours
en classe d'accueil, c'est une plus
grande difficulté d'ouvrir des classes d'accueil et un manque de soutien en
soutien linguistique, parce que la classe
d'accueil, ce n'est pas l'unique modèle, hein? Parce que, quand il y a assez
d'élèves, on peut ouvrir les classes, mais,
dans certains cas, on a besoin aussi... pour les élèves qui, bon, ont passé à
travers l'accueil, qui se retrouvent en classe régulière par la suite,
ça prend du soutien linguistique aussi pour les accompagner dans leur
intégration.
Et
moi, je viens de la commission scolaire de Montréal. On fait le portrait à
chaque année du manque de ressources pour
les élèves en difficulté, mais aussi en francisation et en soutien
linguistique — là, je
sais que vous allez recevoir la présidente
de la commission scolaire un peu plus tard — il y a des manques flagrants, et ça, c'est
parce que le ministère ne finance pas à la hauteur des réels besoins
pour la francisation des élèves en accueil.
Donc,
le plus grand besoin, pour nous, de notre point de vue, c'est vraiment en
termes de ressources et de capacité, parce
qu'ouvrir une classe d'accueil c'est des ratios qui sont plus petits. On parle
de classes à effectifs réduits. On comprend, quand on a, à peu près, des
enfants de, pour 20 élèves, 16 nationalités différentes, là, c'est
déjà tout un contrat pour l'enseignant. Ça
prend des classes à effectifs réduits, et ça coûte plus cher, et, pour ça,
bien, ça prend un financement du ministère de l'Éducation, et ce
financement-là est nettement insuffisant.
• (14 h 30) •
M. Proulx :
J'entends les difficultés. C'est pour ça que je pose des questions à cet
égard-là. Vous touchez aussi le point
qu'il m'apparaît important de rappeler, c'est que ce n'est pas dans toutes les
situations qu'il y a une classe d'accueil non plus. Mais, bon, j'entends aussi votre argument, vous dites :
On voudrait en ouvrir plus. Mais il y a des situations où on ne peut pas avoir qu'une classe pour un
élève, là, tu sais. Il y a aussi cette situation-là. Et, dans ce cas-là, les orientations, de ce que j'en comprends, sont qu'il
faut soutenir cet élève... Prenons l'exemple une classe, un élève, on avait cet exemple-là ce matin. Il faut soutenir
adéquatement, avec des services, l'enfant. Et là ce que vous dites, là, il y a
des enjeux de ressources, mais il y a
des enjeux de ressources pour la classe, mais il y a aussi des enjeux de
ressources dans le suivi linguistique.
L'autre
chose qui m'interpelle ou m'intéresse dans ce dossier-là avec vous, c'est le
suivant, c'est que vous avez également
dit que vous aviez l'impression que les séjours étaient plus courts. Bon, alors
il y a deux affaires à ça, c'est : ou bien on choisit volontairement qu'avant c'était un an, puis une année
scolaire, maintenant c'est moins longtemps, ou bien c'est parce qu'on ne réussit pas à faire ou à atteindre les
objectifs de francisation dans le délai qu'on a imparti. Puis moi, je ne suis pas en mesure de juger de ça
d'ici. Ce que je veux savoir de vous, c'est : Est-ce que, maintenant, les
classes existent moins longtemps ou vous avez l'impression que c'est les
difficultés et/ou la complexité qui fait qu'on a de la difficulté à terminer
cette francisation dans le temps imparti?
M. Marois
(Alain) : C'est assez simple, c'est les contraintes budgétaires, M. le
ministre. Vous comprendrez qu'à partir du moment où il y a un
sous-financement pour les services d'accueil les commissions scolaires sont
tentées de raccourcir
les séjours en classe d'accueil parce que, pour certains... On pense, entre
autres, à la situation de la commission scolaire de Laval, qui a accueilli la majorité des enfants syriens au
cours des dernières années. Les séjours en classe d'accueil auraient pu être possiblement, dans certains cas,
de deux ans. Mais deux ans, c'est trop long. Quand on a d'autres élèves qui arrivent de l'accueil, il faut faire de la
place. Donc, prêts, pas prêts, on raccourcit les délais. Et on m'a indiqué,
entre autres, à la commission
scolaire de Montréal, que c'est une orientation, de plus en plus. Avant, on
visait l'oral, l'écrit et la lecture,
maintenant on est plus sur l'oral. L'enfant se débrouille assez bien en oral,
O.K., on l'envoie tout de suite au régulier. Mais c'est clair que cet enfant-là n'est pas prêt à affronter les
apprentissages de la langue française en lecture, en écriture.
Donc,
minimalement, ça prendrait un soutien, soit un prolongement... le séjour en
classe d'accueil ou un prof, qu'on
appelle chez nous, en soutien linguistique. Donc, c'est l'équivalent d'un
enseignant orthopédagogue mais qui est là pour aider aux apprentissages de la langue et qui suit les enfants dans
différentes classes. Et, oui, c'est un autre modèle qui est possible quand on n'a seulement qu'un ou
deux enfants, dans des milieux ruraux, par exemple, où il n'y a pas assez d'enfants pour créer un point de service. Mais par
contre c'est des alternatives qui existent déjà, mais ça prend des budgets
pour les financer.
M. Proulx : Merci beaucoup. Je
vais regarder ça de très près, ça m'interpelle. Merci.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le ministre. On va
passer du côté de l'opposition officielle. Alors, M. le député de
Lac-Saint-Jean, vous disposez de 14 minutes.
M. Cloutier :
Très bien. Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour à vous. Je vais commencer
avec l'introduction de votre mémoire.
Vous dites que «la Loi sur l'instruction publique est devenue, au fil du temps,
une véritable courtepointe
bigarrée, résultat de plus de 50 ans de changements à la pièce, par le
biais d'articles parfois vagues ou inusités». Vous auriez, je comprends, souhaité
qu'il y ait une révision plus complète de la Loi sur l'instruction publique.
Et, comme c'est dans votre mémoire, je vais quand même vous donner la
chance de nous en glisser un petit mot.
M. Mallette
(Sylvain) : Bien, il faut
lire aussi le mémoire en tenant compte de notre déception, hein, concernant
l'autonomie professionnelle du personnel
enseignant, parce qu'on se rappelle qu'on est devant une situation assez
grotesque, au Québec, où on confie à
des hommes et des femmes qui ont fait le choix d'enseigner une responsabilité
fondamentale, mais, en termes
d'espace pour travailler, cet espace-là est, je vous dirais, peuplé de gens que
j'appelle gentiment des gérants d'estrade,
qui viennent dire aux profs quoi faire, quand le faire, comment le faire. Et,
pour nous, au terme de la consultation qu'a
menée le ministre sur la réussite éducative, on s'attendait à ce qu'enfin on
reconnaisse l'expertise des profs et qu'on protège ce qu'on appelle
l'autonomie professionnelle.
Donc, vous
savez, la Loi sur l'instruction publique, puis on le dit dans le mémoire, elle
est fondamentale dans la mesure où elle constitue le point de ralliement, hein?
C'est le modèle que nous nous sommes donné, les responsabilités qu'on confie aux uns et aux autres. Et on
souhaiterait qu'une bonne fois pour toutes cette portion-là de la loi soit
revue, parce que, malheureusement, on
constate que beaucoup de groupes ont obtenu beaucoup, mais les profs sont
toujours les seuls à ne rien obtenir,
sinon toujours un peu plus de gens qui viennent nous dire comment faire le
travail. Donc, je pense que vous comprenez, et on a eu l'occasion de le
dire au ministre, de signifier notre déception.
M. Cloutier :
Et, comme la répétition a valeur pédagogique,
vous pouvez peut-être nous rappeler essentiellement ce que
vous avez en tête quand vous dites «de revoir l'autonomie des enseignants».
Quel type d'amendements vous souhaiteriez apporter?
M. Mallette
(Sylvain) : Bien, tout ce
qui relève de la pédagogie. On ne le sait pas au Québec, mais il y a
ce qu'on appelle une bureaucratie pédagogique, à la fois dans les commissions
scolaires et au ministère de l'Éducation, où on a développé, dans une langue
parfois même incompréhensible, là, des théories qui s'appuient sur le dogme,
certains dogmes, hein? Et, entre autres, ceux qui veulent croire... quand on entend «les meilleures pratiques»,
là, de développer les meilleures
pratiques, la formation continue, comme si les problèmes du système d'éducation au Québec reposaient sur un manque de formation. Et parfois les gens
qui nous disent qu'on est mal formés, ce sont eux qui nous forment dans
les facultés universitaires.
Ce qu'on veut
faire, c'est se réapproprier l'espace pédagogique. On ne veut pas gérer les
établissements, on ne veut pas gérer
les commissions scolaires, on ne veut pas gérer le ministère de l'Éducation. Ce
qui relève de la pédagogie devrait relever
des profs, parfois dans l'exercice individuel, quand je suis en présence
d'élèves dans ma classe, j'agis à titre de prof, et parfois collectivement, par exemple les normes et modalités
d'évaluation des apprentissages. Donc, ça devrait relever collectivement de l'autonomie des profs.
Donc, on est dans le domaine de la pédagogie, et ce n'est pas normal qu'au Québec on ne reconnaisse pas cet espace-là
alors qu'il est actuellement entre les mains de gens qui ne sont plus dans la classe ou, pire, qui n'y ont jamais mis
les pieds, dans une classe. Et c'est ça qu'on revendique, et c'est ce qu'on
constate encore une fois : en trois
ans, trois dépôts de projets de loi qui visent à modifier la LIP, et il n'y a
rien pour les profs, encore rien pour les profs.
M. Cloutier : Très bien. Vous
faites référence aussi au principe de gratuité des services scolaires. Vous
dites que «la FAE est d'avis que les dispositions du projet de loi devraient
entrer en vigueur dès son adoption», page 5 de votre mémoire, là, deuxième paragraphe, en haut. Je veux juste être bien
certain, là, de saisir ce à quoi vous faisiez référence.
M. Mallette
(Sylvain) : Bien, écoutez,
ça visait spécifiquement l'accès aux sans-papiers, là. On voulait
s'assurer que les dispositions, que les délais prévus à la loi ne feraient pas en sorte que des
enfants en situation irrégulière soient privés d'accéder à l'école publique. Donc, c'est dans ce sens-là que
nous écrivions que certaines dispositions du projet
de loi devaient entrer en vigueur dès l'adoption du projet
de loi, pour éviter que, par exemple, des enfants ne puissent accéder à l'école du fait que le projet
de loi ou certaines dispositions du projet de loi ne sont pas encore en vigueur.
M. Cloutier : O.K. Étendre par règlement la gratuité des
services scolaires. Parce que ce que vous dites, c'est : S'ils ne
s'inscrivaient pas au bon moment, on pourrait charger des frais.
M. Mallette
(Sylvain) : Bien, en fait,
la crainte qu'on a — puis je
pense que vous avez bien saisi — la crainte que nous avons, c'est que le fait que certaines dispositions ne seraient
pas encore en vigueur cette année, par exemple, du simple fait qu'elles n'entreraient en vigueur que
l'an prochain, est-ce que ça pourrait avoir pour effet de priver des enfants
de l'accès à l'école publique? Ce qu'on veut éviter, c'est que ces
situations-là ne surviennent.
M. Cloutier : Très bien.
M. Mallette
(Sylvain) : Par exemple, les
enfants qui viennent d'arriver, là, qui arrivent de la vague d'immigration
venue des États-Unis, là.
M. Cloutier :
Mais ce qu'on a compris, par contre, pour les enfants qui arrivent des
États-Unis... ne se retrouvent pas couverts par ce projet de loi là. Le
ministre...
Une voix : ...
M. Cloutier :
Ils sont déjà couverts, exactement, c'est ce qu'on a compris, parce qu'ils ne
sont pas sans papiers, mais ils ont
un statut de demandeurs d'asile. C'est ce qu'on a compris. Le ministre me
confirme que c'est bien le cas. Donc, c'est vraiment pour les gens qui
n'ont plus de statut, finalement.
Vous proposez
un rapport annuel. Donc, ça, ce serait nouveau, ça n'existe pas au moment où on
se parle. L'objectif, c'est
d'encadrer, c'est d'avoir une meilleure connaissance scientifique, j'imagine,
du problème... pas du problème, mais du défi de scolarisation à la
maison et de ceux et celles qui n'obtiennent pas de scolarisation, c'est ça?
• (14 h 40) •
M. Marois
(Alain) : En fait, c'est de documenter le phénomène puis d'essayer de
mieux saisir aussi. On l'a dit, l'école
publique, pour nous, c'est le lieu de l'intégration à la société québécoise.
Alors, bien que c'est un choix qui peut être légitime pour certains parents de scolariser leurs enfants à la
maison, il faut quand même comprendre ce phénomène-là, voir c'est quoi, son ampleur, puis bien saisir,
dans le fond, comment on peut soutenir les jeunes qui ne sont pas scolarisés
dans... Parce qu'on a des exemples, nous, comme enseignants, on a eu des
témoignages, entre autres, d'enseignants à différents niveaux qui ont reçu des
élèves qui avaient fait une partie de leur scolarisation à la maison, et il y
avait des manques flagrants. Donc, c'est important qu'on puisse pallier à ces
manques-là puis d'avoir un portrait légitime de la situation comme société.
M. Cloutier : Mais, les manques auxquels vous faites référence,
vous suggérez donc qu'il y ait une évaluation régulière du niveau
d'avancement des jeunes, qu'il y ait une forme d'évaluation?
M. Mallette
(Sylvain) : À titre de
rappel, ce qu'on dit, c'est que ces enfants-là doivent être traités
équitablement. Donc, les évaluations que doivent réussir les enfants qui
fréquentent l'école publique, bien, ça devrait être celles que réussissent ces enfants-là. On ne s'inscrit pas
dans une logique d'en faire plus parce
qu'ils sont scolarisés à la maison.
C'est pour ça que, je le répète, on utilise les termes «être traités de façon
équitable».
Puis, sur la
question du rapport annuel, mon collègue en a fait un bout, mais il y a
aussi... Vous savez, on pense que cet
outil-là permettrait aussi de lutter contre la stigmatisation puis, parfois,
les envolées enflammées qui peuvent laisser croire que le phénomène d'écoles illégales est plus large qu'il n'est en réalité. Parce qu'il y a la
question de la scolarisation à la
maison qui est une réalité, mais il y a aussi... Qu'est-ce qui défraie la
manchette? Ce n'est pas le fait que des enfants soient scolarisés à la
maison, c'est le fait qu'il existe des écoles illégales et qu'il y a une
difficulté à mettre fin à ces activités-là
pour toutes sortes de raisons. Malheureusement, ça alimente aussi, dans un
contexte de xénophobie que certains peuvent
vouloir encourager, l'idée que certains groupes, religieux en particulier,
bénéficient de passe-droits que d'autres n'ont pas, alors qu'on pense que le rapport annuel permettrait peut-être
de cerner cette réalité-là pour aussi faire oeuvre de pédagogie en disant : Le problème n'est
pas plus gros que ça. Ce n'est pas qu'il n'existe pas, mais voici la réalité de
cette difficulté-là.
M. Cloutier : Très bien. Je
vous remercie. Et, pour ce qui est des ressources appropriées pour accompagner les parents qui décident de... vous êtes d'avis
qu'il devrait y avoir un budget spécifique plus important que celui qui est
déjà prévu?
M. Mallette
(Sylvain) : Ce qui est clair
pour nous, c'est que les services qui seraient offerts ne peuvent pas l'être
au détriment de ceux qui manquent déjà, qui
sont déjà en souffrance dans les écoles publiques. Parce qu'actuellement qu'est-ce qu'on dit aux profs? On dit aux profs :
Adapte ton enseignement, adapte ton évaluation, puis de toute façon ce n'est pas grave, il va passer pareil l'année
suivante, parce qu'on est dans une logique
de promotion automatique. Puis on se ramasse
en deuxième année du secondaire avec des élèves qui ne vont pas chercher le
D.E.S., qui vont chercher ce qu'on appelle
des métiers semi-spécialisés, on constate une explosion. Puis c'est des élèves
à qui on a dit : Tu vas passer pareil d'une année à l'autre, mais à qui on n'a pas rendu des services ou on
n'a pas permis l'accès à des ressources. Et, pour nous, c'est clair que ça ne peut pas se faire au
détriment des besoins criants qui existent déjà dans l'école publique, ça veut
donc dire de l'argent neuf.
M. Cloutier : Et vous dites que vous constatez une explosion
des inscriptions des enfants en deuxième secondaire pour les programmes
semi-spécialisés?
M. Mallette
(Sylvain) : Ce qui était
autrefois réservé à des élèves qui vivaient, par exemple, avec une
déficience intellectuelle... On leur
permettait d'aller chercher des compétences, des qualifications dans un métier
semi-spécialisé. Ils devenaient
donc... Ils pouvaient occuper un emploi, donc ils pouvaient accomplir leur vie
de citoyens. On a constaté une
explosion du nombre d'élèves qui fréquentent ces voies de formation là. Pourquoi?
Parce qu'on effectue, au Québec, ce qu'on appelle un
bilan de fin de cycle en deuxième secondaire, où on se rend compte que l'élève
n'a pas les acquis pour aller
chercher le diplôme d'études secondaires. Mais il faut faire quelque chose avec l'élève, donc on l'envoie dans des métiers
semi-spécialisés, aide-boulanger, aide-palefrenier, ça dépend, là, des cartes
qui sont élaborées, et là la commission
scolaire lui donne une qualification,
qualification qui est maintenant comptée dans le taux de diplomation, ce
qui n'était pas le cas auparavant.
Donc, pourquoi
ces enfants-là se ramassent-ils là? Ce n'est pas parce qu'ils vivent avec une
déficience intellectuelle, c'est parce qu'on ne leur a pas permis d'avoir accès à des ressources et à des services.
Et en plus on est dans une logique de
promotion automatique au Québec. On ne le dit pas souvent, hein? Ce que l'élève a
pu apprendre en première année, il
est réputé pouvoir l'apprendre en deuxième année. Mais, quand il arrive en
deuxième année, il arrive déjà avec des retards. Il va passer pareil à la troisième année parce que le redoublement est
permis une fois. Il est permis une fois, le redoublement, alors qu'il
y a des élèves qui, oui, pourraient
bénéficier du redoublement. Donc, l'accès à des ressources et des services,
c'est fondamental, pas juste dès le bas âge — ce
qui est quand même important, la prévention, l'intervention précoce — mais
tout au long du cheminement. Comment se fait-il qu'on se retrouve avec tant
d'élèves qui fréquentent ces voies de
formation là? Puis, qu'est-ce qu'on observe, ils décrochent parce qu'ils se rendent compte qu'ils n'iront pas chercher le D.E.S. Puis ils s'en vont où? Ils s'en vont à l'éducation des adultes. Chercher quoi? Le D.E.S. qu'ils n'ont pas été capables d'aller chercher dans les écoles
secondaires. C'est ce qu'on appelle marcher sur la tête. C'est ça
qu'on fait au Québec en éducation, on marche sur la tête.
M. Cloutier : Je ne suis pas
sûr de comprendre. Si l'élève est en situation d'échec, à ce moment-là il a quand
même accès au programme de semi... je ne me souviens plus comment vous l'avez
appelé, là...
M. Mallette (Sylvain) : Métiers
semi-spécialisés.
M. Cloutier : ...métiers
semi...
M. Mallette
(Sylvain) : On le dirige
vers le... puis ça se fait en réunion d'équipe, où là on regarde l'élève, son
dossier, ah! lui, trop de difficultés en français, trop de difficultés en mathématiques,
il n'a pas les minimums, puis la direction le dirige vers les métiers
semi-spécialisés.
M. Cloutier : Et, même s'il est en situation
d'échec en mathématiques, en français, il n'y a pas...
M. Mallette (Sylvain) : Au
régulier, il est en situation d'échec.
M. Cloutier : Mais il ne l'est
plus parce que ces cours-là ne sont plus obligatoires d'être réussis?
M. Mallette
(Sylvain) : Bien, il est
réputé assujetti aux dispositions des métiers semi-spécialisés... des voies de
formation en métiers semi-spécialisés.
M. Cloutier : Puis il n'y a
plus d'obligation d'obtenir... je ne sais pas, moi, de réussir...
M. Mallette
(Sylvain) : Bien, il va
avoir du soutien, évidemment il va avoir du soutien, mais ce n'est pas le D.E.S.
Il n'ira pas chercher le diplôme d'études
secondaires, donc on n'est pas dans une logique de cours ou à la sanction, là,
hein? Vous le savez, pour obtenir le D.E.S.,
ça te prend un minimum d'unités. On n'est pas dans cette logique-là. C'est la
commission scolaire qui va émettre la
qualification, et qualification qui va être comptabilisée dans le taux de
diplomation.
M. Cloutier :
...bien sur la qualification puis le taux de diplomation, mais ce que vous
dites, c'est qu'il y a de plus en plus d'élèves qui choisissent cette
voie-là.
M. Mallette (Sylvain) : Ils ne
la choisissent pas.
M. Cloutier :
Ils ne la choisissent pas.
M. Mallette
(Sylvain) : Ils ne la
choisissent pas. Il y a des parents, au Québec, qui apprennent que leur enfant
s'en va en métier semi-spécialisé, alors
que, pendant tout le parcours, l'enfant a progressé d'une année à l'autre. Puis
là ils apprennent en deuxième
secondaire que l'enfant n'a pas ce qu'il faut pour aller chercher le D.E.S. Il
y a des parents qui vivent des
drames, des chocs importants. Puis l'enfant ne choisit pas le métier semi... il
ne choisit pas. On lui dit : Tu t'en vas là. C'est ça, la réalité
aussi, là, avec laquelle doivent travailler certains parents.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Rapidement, M. le député, il vous reste 20 secondes.
M. Cloutier :
Merci. Ils ne la choisissent pas, au sens qu'ils n'ont pas les acquis pour
poursuivre? Ils sont donc forcés de... dans une autre voie?
M. Mallette
(Sylvain) : S'ils décrochent
de ces voies-là pour aller à l'éducation des adultes, c'est que ça ne leur
convenait pas.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Alors, on va passer du
côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Chambly, vous avez
neuf minutes.
M. Roberge :
Merci beaucoup, merci pour votre présentation. Donc, quelques questions. À la
lumière de votre présentation et du
mémoire, je suis à la page 5, dernier paragraphe, vous dites qu'il y aura
un futur règlement sur les normes applicables
en matière d'enseignement à la maison et un guide des bonnes pratiques. Un peu
plus loin, vous dites : Le contenu
de ce règlement et de ce guide sera d'une importance capitale. C'est un peu un
chèque en blanc, là. La loi sera votée,
puis après ça le règlement arrivera. Est-ce que vous êtes en train de dire
qu'il y a des choses que vous ne voulez pas que ça soit simplement dans
le règlement, vous voudriez plutôt que ça soit précisé dans la loi?
M. Mallette
(Sylvain) : Bien, le
ministre dispose d'un pouvoir réglementaire, hein, le projet de loi lui donne
ce pouvoir-là. Ce qu'on dit, c'est
qu'il faut éviter... Parce que, vous savez, la loi, c'est une chose, le
règlement, c'en est une autre. Puis
il ne faudrait pas que, dans le règlement, le règlement vienne assouplir des
dispositions, ou crée une confusion, ou
ouvre des brèches dans lesquelles certains pourraient d'engouffrer. Donc,
est-ce qu'on préférerait... Puis on le dit, on a interpelé le ministre, on pense que le ministre devrait très rapidement
clarifier ses intentions, mais on reconnaît aussi le droit au législateur de se prévaloir de cette
possibilité-là de passer par voie réglementaire. On a une inquiétude parce
qu'on ne connaît pas de quoi va être
fait le règlement. On comprend la logique du projet de loi, mais encore faut-il
s'assurer que ce qui est voté dans la loi, l'esprit de la loi se
retrouve dans le règlement.
• (14 h 50) •
M. Roberge :
Mais il y a quand même un choix que le législateur fait. Il pourrait faire une
loi qui précise énormément de choses
et quelques légères modalités d'application dans un règlement ou faire une loi
très, très courte, quelques articles disant :
Le reste sera précisé par règlement, et là on pourrait avoir très, très peu de
choses qui soient votées par les
parlementaires et débattues, puis énormément de choses dans les règlements.
C'est maintenant que ça se décide. Et
je comprends que vous reconnaissez... et, bon, chacun son travail, là, c'est au
gouvernement puis c'est aux parlementaires de faire le travail, de faire le projet de loi, mais quand même il y a
peut-être une préférence à ce qu'il y ait davantage de choses dans la loi et moins dans les règlements,
surtout quand on parle, et c'est très important, des normes applicables
et des règles en ce qui concerne
l'évaluation. Parce que l'évaluation, c'est très, très important. Ça fait
d'ailleurs l'objet de plusieurs
débats depuis maintenant deux jours qu'on est en commission parlementaire. Y
aura-t-il des examens ou pas? Y en aura-t-il à chaque fin de cycle ou
pas? Y en aura-t-il en sixième année ou pas? Est-ce que ça sera seulement en
secondaire IV? Est-ce que ce sera obligatoire, les examens du ministère,
ou c'est à la carte? C'est fondamental. C'est fondamental. Qu'est-ce que vous
en pensez?
M. Mallette
(Sylvain) : Bien, je peux
vous répondre qu'à partir du moment où on souhaite que les enfants soient
traités équitablement, pour nous, c'est une évidence que les épreuves
ministérielles doivent être administrées pour les enfants, pour les élèves, qu'ils fréquentent l'école publique ou qu'ils
soient scolarisés dans un autre format, là, dans un autre lieu. Pour
nous, ça, je veux dire, c'est une évidence.
Pour le reste, vous nous connaissez, vous savez
que, si on avait pu prendre connaissance du règlement, nous l'aurions lu et
nous l'aurions commenté. Maintenant, est-ce qu'on aurait aimé prendre
connaissance du règlement au moment où la
pièce législative est présentée? Oui. Mais ce n'est pas le choix qu'a fait le
gouvernement, et ça relève d'une prérogative
du gouvernement. Donc, nous, ce que l'on dit, par contre, c'est qu'il faut
s'assurer que le règlement respecte l'esprit
de la loi. Puis, pour le reste, le gouvernement fait référence à une table de
concertation. Écoutez, on n'a pas eu d'invitation.
Ce sont nos instances qui décideraient si nous irions ou pas, donc je ne peux
pas aller plus loin, là, à ce stade-ci.
M. Roberge :
Merci. Et, un peu plus loin, à la page 7, vous parlez de la fameuse limite
de 20 heures, là, qui ferait la
différence entre un centre, une académie, un centre d'aide à l'apprentissage et
une école qui doit être légale. Ce que je
comprends, c'est qu'au-delà de 20 heures de fréquentation on doit
enseigner le programme au complet et être considéré comme une école. En bas de 20 heures, c'est
plus lousse dans la loi, on considère que, bon, ce n'est pas nécessairement
une école, puisque c'est moins de
20 heures. Et vous, vous dites : «Les origines et la fonction du
troisième paragraphe — c'est là où on parle de
20 heures — sont
plus nébuleuses.» Dans le fond, vous vous demandez d'où vient cette limite de
20 heures, si je comprends bien, là? Qu'est-ce qui est nébuleux pour vous?
M. Mallette
(Sylvain) : Bien, c'est
exactement la question qu'on se pose. Qu'est-ce qu'on vise exactement quand
on fait référence à cet alinéa-là? Pour nous, ce n'est pas clair du tout. Ce
n'est vraiment pas clair. C'est pour ça qu'on demandait
dans notre mémoire de clarifier, là. En tout cas, on le qualifie de nébuleux,
là. Pour nous, on ne comprend pas très bien, là, qui... La présomption
serait repoussée, mais pourquoi on a choisi cette règle-là?
M. Roberge : O.K.
Effectivement, on continue de se questionner là-dessus, pourquoi 20 heures, et
puis etc.
Et ça revient
depuis le début des consultations, la question de l'évaluation, et vous y
faites référence dans votre conclusion, à la page 9. Est-ce qu'on
est pointilleux sur l'évaluation? Là, vous avez dit : Pour nous, c'est
évident, les examens ministériels, encore
faut-il que les évaluations soient faites par des enseignants et que ce soient
les enseignants qui donnent les
notes, puis qu'après ça personne ne les change. Parce que vous dites que le
projet de loi a beaucoup de rigueur
par rapport aux sanctions qui menaceraient les personnes qui pourraient porter
atteinte à l'obligation de fréquentation scolaire, mais vous dites : On se prend à rêver de pareilles
dispositions frappant les personnes qui se permettraient, au nom de la gestion axée sur les résultats, de tripoter
les résultats obtenus par les élèves. Est-ce que vous êtes en train de dire
qu'il faudrait, dans ce projet de loi là,
imposer des sanctions aux gens qui gonfleraient ou modifieraient les notes des
élèves?
M. Mallette
(Sylvain) : Vous savez, vous
connaissez nos positions en la matière, hein, on a dénoncé. Ça a même permis au ministre d'exercer, pour la première
fois, le pouvoir de directive. Puis on a salué le geste, à l'époque,
publiquement parce que ce n'était pas
rien, le ministre a rappelé certains groupes à leurs obligations. Mais, vous
savez, est-ce que la situation a véritablement changé dans les milieux?
On verra. Nous, on est en cueillette d'information là-dessus. Puis il y a beaucoup de citoyens qui ont été
particulièrement surpris, voire choqués d'apprendre que des gens se
permettaient, de un, d'exercer des
pressions sur les profs et, de deux, de passer outre le prof et de modifier les
résultats. Donc, vous savez, quand on
se donne un outil fondamental exceptionnel comme celui qu'est l'école publique,
il me semble qu'on se doit de
respecter celles et ceux qui font le choix d'enseigner. Malheureusement, ce
n'est pas le cas toujours. Et, voilà, on
a voulu signifier qu'on souhaiterait que cette rigueur-là qu'on exige de nous,
hein, parce qu'on exige beaucoup des profs, bien, que certains se
l'appliquent à eux-mêmes.
M. Roberge :
Donc, dans ce projet de loi là, on ne parle pas de l'autonomie professionnelle,
vous l'auriez souhaité, c'est sûr, et
on parle de l'évaluation, mais on ne parle pas trop, trop des enseignants. Et
c'est drôle parce qu'il a fallu une commission
parlementaire sur ce projet de loi là, qui parle essentiellement de l'accès à
l'éducation, pour qu'on puisse, en
commission parlementaire, par la bande, parler de l'évaluation des enseignants,
du gonflage de notes, du tripotage de notes, alors qu'on est nombreux à
avoir réclamé une commission parlementaire spécifique là-dessus, où on aurait
pu entendre... et ça nous a toujours été refusé, jusqu'à date, par le
gouvernement. On aurait voulu avoir une commission parlementaire pour faire la lumière sur les notes gonflées, le tripotage
de notes. On en parle un peu par la bande, mais on aurait tellement aimé
avoir l'occasion de le faire. Peut-être cet automne, si les gens changent
d'idée, on aura une commission parlementaire
sur les notes gonflées, l'évaluation pour savoir qui le fait, pourquoi,
comment, et comment remédier à la situation. Peut-être qu'on se reverra
dans ce cadre-là. Merci.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, M. le député de
Chambly. Messieurs, merci beaucoup pour votre contribution à la
commission.
Je suspends quelques instants pour permettre au
prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 14 h 56)
(Reprise à 14 h 58)
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, bon après-midi. Je
souhaite la bienvenue à l'Association montréalaise des directions d'établissement scolaire. Merci
d'être là. Alors, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour
faire votre présentation, et par la suite on passera à une période
d'échange entre les élus. Alors, Mme Bourdages, je vous demande de vous identifier quand même et
identifier les gens qui vous accompagnent, et vous pouvez tout de suite passer
à votre présentation.
Association montréalaise
des directions d'établissement scolaire (AMDES)
Mme Bourdages
(Hélène) : Merci, Mme la
Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, mesdames et messieurs, je m'appelle Hélène Bourdages,
présidente de l'AMDES, l'Association montréalaise des directions d'établissement scolaire. Je suis accompagnée de
deux vice-présidents de l'association : à ma gauche, M. Stéphane
Gemme, pour la commission scolaire de
la Pointe-de-l'Île, la CSPI, qui est aussi directeur de l'école
Saint-Vincent-Marie; à ma droite,
M. Carl Vézina, pour la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, qui est
aussi directeur de l'école Victor-Thérien.
Comme
vous le savez, l'AMDES regroupe quelque 600 directions, directions
adjointes et gestionnaires administratifs dans les écoles des trois commissions scolaires francophones de l'île de
Montréal, qui desservent plus de 200 000 élèves. Nous
sommes donc, vous le comprendrez, particulièrement interpelés par certaines
dispositions du projet de loi n° 144, notamment la question des
enfants migrants à statut précaire.
Nous avons
consulté nos membres via une enquête maison afin que nos prises de position
d'aujourd'hui reflètent bien leurs
points de vue et la réalité vécue dans leurs établissements. De manière
générale, nous sommes en accord avec les intentions du gouvernement de
favoriser davantage l'égalité des chances en matière éducative et un continuum d'interventions relativement à l'obligation de
fréquentation scolaire. Nous sommes également favorables aux mesures
permettant une meilleure communication des renseignements personnels afin de
mieux cerner la réalité de la non-fréquentation scolaire au Québec.
• (15 heures) •
Pour ce qui est de la scolarisation à domicile,
il faut bien circonscrire le phénomène. Il est question d'environ 3 000 élèves par année. Il faut
cependant prévoir qu'une fois les mécanismes de la loi mis en place pour
retrouver certains d'entre eux des mesures transitoires devront
s'appliquer pour nous assurer que ces élèves reprennent le chemin de
l'apprentissage. Nous sommes d'accord pour baliser ce phénomène, mais nous
considérons que le gouvernement doit réaffirmer
avec force que, conformément à ce qui est prévu dans la Loi sur l'instruction
publique, la LIP, c'est l'établissement scolaire qui est le lieu par
excellence pour instruire, socialiser et qualifier les élèves du Québec, jeunes
et adultes.
Nous avons d'ailleurs un problème avec la
terminologie «scolarisation à la maison». Selon nous, le terme «scolarisation» doit s'appliquer uniquement à
l'école. Devrions-nous alors utiliser le terme «enseignement à la maison»?
Non, car ce sont les enseignants qui ont la
qualification pour enseigner. Et un parent, à moins d'exception, n'est pas un
enseignant. Il serait donc plus juste de parler d'apprentissage à domicile.
Quel que soit
le vocable, cela doit demeurer, selon nous, une mesure exceptionnelle visant à
répondre à des besoins spécifiques.
Dans tous les cas, un principe d'équité face à tous les élèves doit prévaloir.
Si le gouvernement veut encadrer des
parents qui font des choix marginaux, cela ne devra jamais hypothéquer ou
diminuer les services offerts à l'ensemble des élèves. Or, dans le contexte de ressources limitées dans nos
établissements, il faut être vigilants avant d'ajouter des tâches dans
la cour des directions, du personnel enseignant et professionnel.
Certaines
questions restent d'ailleurs, à ce jour, sans réponse concernant le qui fait
quoi, car, comme la LIP prévoit que ce
sont les directions d'établissement qui sont responsables du respect du
Programme de formation de l'école québécoise,
le PFEQ, ce sont elles qui vont faire le suivi des élèves qui reçoivent
l'enseignement à domicile. Comment pourront-elles
faire ce suivi en lien avec le projet d'apprentissage, article 15.4°b,
soumis à la commission scolaire et mis en oeuvre par les parents? Sera-t-il
transféré de la commission scolaire à l'établissement qui doit évaluer l'élève?
De plus, au niveau secondaire,
comment s'assurer que le projet d'apprentissage est complet et applicable? Par
exemple, y a-t-il des laboratoires de
sciences à domicile? Comment concrétiser le volet socialisation? La
scolarisation à domicile est une décision
qui comporte des risques, et il est du devoir des directions d'établissement
scolaire de s'assurer qu'elle se fait dans un contexte propice à la
réussite des élèves. Encore faut-il leur en donner les moyens.
En ce qui a
trait à l'évaluation de ces élèves tout au long du parcours, nous pensons qu'il
est souhaitable qu'elle se fasse à
chaque étape du cursus, selon les modalités déterminées par la direction
d'établissement et qui s'appliquent à tous
les élèves de l'école. À moins d'exception, il nous semble que ces élèves
doivent se conformer au même cheminement que les autres. Il n'y a pas de raison pour que les exigences soient
moindres pour les élèves qui font des apprentissages à domicile que pour l'ensemble des élèves. Autant
il importe de respecter les droits des parents qui souhaitent un autre cheminement, autant il faut éviter, dans un
contexte où les ressources sont comptées, que la gestion de l'exception se
fasse selon des exigences complètement différentes de celles de la
majorité. C'est là aussi une question d'équité.
Il faudra également s'assurer que les mêmes
suivis exigés pour l'apprentissage à domicile s'appliquent aux organismes communautaires qui se consacrent au
raccrochage des jeunes, par exemple Entre la rue et l'école, L'Ancre des
jeunes, mais il y en a d'autres.
Nous sommes
d'accord avec l'élaboration d'un guide des bonnes pratiques en matière de
scolarisation à domicile et nous demandons à être associés à sa
conception, rédaction, tout comme nous devrions avoir une place à la table de
concertation nationale à ce sujet.
Sur la
question des enfants migrants à statut précaire, qu'on pense aux Syriens d'il y
a un an ou aux Haïtiens de maintenant,
nous sommes favorables à un plus grand accès à la gratuité pour ces élèves que
nous appelons les sans-papiers. Il faudra
cependant que les budgets suivent et que les tracasseries administratives se
règlent pour que ces enfants puissent entrer
à l'école la tête haute et en ressortir diplômés. Le gouvernement devra
déterminer les documents à exiger pour inscrire ces enfants et les règles à appliquer pour leur attribuer une école. De
plus, le financement rattaché à leur place devra être majoré et se faire en continu et non être fixé au
30 septembre. On ne peut demander à un établissement de les accueillir
si le financement n'est pas au rendez-vous
dès leur arrivée. À cet égard, une harmonisation devra être faite avec les
exigences d'inscription à la formation générale des adultes, la FGA,
ainsi qu'en formation professionnelle, la FP.
Il est aussi important que le financement des sans-papiers soit augmenté au
niveau de celui des élèves de
l'accueil, car, même s'ils sont
intégrés au parcours régulier en raison de leur connaissance du français, leur
situation de vie requiert néanmoins un soutien à
l'intégration qui comporte des coûts additionnels pour l'établissement. Ce financement
doit impérativement se rendre dans les écoles qui accueillent ces élèves. Il
faut être conscient que les exigences pour les directions en termes de suivi administratif et pédagogique sont très
élevées et que l'arrivée d'élèves de façon continue en cours d'année
crée une instabilité dans les classes, surtout chez les plus jeunes.
Dans le contexte
de ce projet de loi où nous portons notre regard empreint d'empathie vers les
élèves qui sont en quelque sorte
éloignés du système scolaire, nous suggérons que le gouvernement prête attention aux nombreux projets, écoles, familles, communautés, qui ont vu le jour au fil des années. Ils
ont, pour la plupart, vivoté à cause d'un manque de financement. Certains ont quand même pu survivre. Or, la
preuve n'est plus à faire à l'effet que les modèles de soutien offerts par les intervenants communautaires scolaires, les
ICS, offrent un appui au milieu scolaire. Ces intervenants augmentent également les facteurs de
protection qui favorisent la réussite scolaire et l'intégration sociale de
l'élève, bien sûr,
mais de la famille également. C'est une bonne idée qui fait le lien là où
l'école peine à rejoindre les gens dans leur communauté. Mais, faute de financement,
ce lien a trop souvent été créé et perdu.
L'arrivée
massive de migrants haïtiens depuis les dernières semaines va mettre sur la
table toute cette question d'accès à
la gratuité scolaire. La rentrée est faite. Les migrants sont logés
temporairement dans différents lieux, comme le Stade olympique, jusqu'à cette semaine. Tout porte à croire qu'au
cours des prochaines semaines d'autres familles arriveront. On estime que 30 % des migrants sont des
enfants d'âge scolaire qui devront être accueillis dans les écoles. Une fois
encore, la situation
montréalaise est particulière, et une coordination optimale entre les commissions scolaires sur le territoire, le ministère et les établissements d'enseignement
concernés devra s'actualiser et se poursuivre.
L'AMDES se
réjouit que le gouvernement se donne des moyens d'empêcher les établissements d'enseignement non reconnus de continuer à opérer. Selon nous,
tout établissement, qu'il soit subventionné ou non, doit suivre le
Programme de formation de l'école québécoise
et être soumis aux mêmes règles relativement à son application et à l'évaluation des élèves. Tout moyen pris par le gouvernement
pour s'en assurer est une bonne nouvelle.
En terminant,
soyez assurés de la totale collaboration des directions, directions adjointes
et gestionnaires administratifs, qui
ont entamé tout récemment une nouvelle année scolaire avec le souhait sincère
d'offrir à tous les élèves le meilleur chemin vers la réussite scolaire
et leur accomplissement personnel. Je vous remercie de votre attention.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup. Alors, on va passer à la période d'échange, et
je cède la parole à M. le ministre pour environ 21 minutes.
• (15 h 10) •
M.
Proulx : Merci, Mme la Présidente. Mme Bourdages, messieurs, merci d'être présents
ici aujourd'hui. Merci de votre participation, encore une
fois, à nos réflexions et à cette consultation.
Vous avez
couvert plusieurs points dans votre mémoire. J'aurai, moi aussi, et, j'imagine, le collègue également, quelques questions, en tout
cas, pour poursuivre notre réflexion.
Vous avez comme particularité d'être près du lieu où les choses se passent, hein, puisque vous êtes à la
tête des différentes écoles, et notamment dans un secteur qui est fortement sollicité en
matière d'immigration, mais aussi qui
serait vraisemblablement aussi
sollicité s'il y avait davantage d'enfants issus ou d'enfants appartenant à des groupes ayant des situations
d'immigration irrégulière sur le territoire, puisqu'ils sont aussi
notamment dans la région de Montréal.
J'avais
quelques questions sur comment les choses se passent dans le cas des
sans-papiers. Je veux bien distinguer la
situation des demandeurs d'asile actuels de la situation réelle de
sans-papiers, donc de gens avec un
statut d'immigration précaire qui,
aujourd'hui, ne veulent pas aller à l'école, ne veulent pas inscrire leurs
enfants à l'école par peur de représailles, parce que la confidentialité n'est pas au rendez-vous, parce que ça
pourrait compromette leur situation personnelle. Alors, dans ce contexte-là, pour les fois où ces
situations se sont présentées, pas une arrivée plus importante
de gens avec un statut particulier, mais des gens qui se présentent dans
une école et qui vous disent : Écoutez, moi, je suis dans une situation
vraiment irrégulière, je veux protéger les informations me
touchant, mais je souhaite inscrire mes enfants. D'abord,
est-ce que vous avez connaissance que ces
choses-là arrivent? Si oui, comment ça s'est passé dans le traitement de ces
informations? Parce que ce qu'on a tenté de faire avec le projet de loi, c'est de simplifier les choses, et vraiment les simplifier,
cesser de demander les documents d'immigration lorsque ce n'est pas nécessaire,
protéger les informations et de s'assurer d'étendre la gratuité à ces
enfants qui ont le droit à l'école, sans égard à la situation irrégulière de
leurs parents.
Mme
Bourdages (Hélène) : On n'a
pas fait d'enquête exhaustive sur la situation, le nombre d'enfants sans
papiers qui se présentaient dans les
écoles. Mais, puisque la loi, jusqu'à ce jour, ne permettait pas d'accepter ces
élèves-là, ça nous était, d'une
certaine manière, interdit, ils ne venaient pas à l'école, là. Je sais que
certains d'entre nous ont accepté des enfants
sans papiers sur l'insistance d'une travailleuse sociale ou quelque chose comme
ça, mais ce n'était pas admis. Donc, ce n'était pas la masse des gens
qui arrivaient sans papiers.
Maintenant
que la loi va le permettre, ça va passer par les CLSC, les gens des
communautés, les gens même des maisons
de naissance qui vont voir un plus vieux dans le coin, qui devrait être à
l'école : Comment ça se fait qu'il n'est pas à l'école? Et donc je pense que ça va être un peu du bouche à
oreille, là. Ça va se faire tranquillement que les enfants qui sont déjà là sans papiers... C'est eux autres
qui vont être les plus difficiles à aller chercher, et je pense que votre
question va dans ce sens-là. Et c'est
probablement avec les gens des services de santé puis des gens des communautés
également qu'on va arriver à les
rejoindre pour les rassurer et les convaincre que l'école va être là pour
accueillir leur jeune et le scolariser, et non pas pénaliser les adultes
en situation d'illégalité.
M.
Proulx : Dans la situation
où vous êtes encore peut-être aux premières loges, peut-être moins, vous allez
avoir l'occasion de me le dire, dans
le cas des apprentissages à la maison, on le disait puis on le voit depuis deux
jours, là... J'ai l'impression que ma perception à l'égard des ratios
est la bonne, là. J'ai entendu encore ce matin, je pense que c'est Mme Brabant qui le disait ou, je pense bien...
Écoutez, on a inscrit au livre près de 2 000 enfants en scolarisation
à la maison, en apprentissage à la
maison, et peut-être un nombre équivalent qui ne sont pas inscrits auprès des
commissions scolaires. Donc, s'il y
en a d'inscrits, c'est que vous êtes en lien peut-être... vous-mêmes, vous avez
été en lien, vous-mêmes, avec ces enfants ou notamment ces parents.
Comment les
choses se passent sur le territoire de l'île pour les gens que vous
représentez? Est-ce que vous avez des
informations à l'effet que ça a été difficile de faire affaire avec ces
gens-là? Est-ce que vous avez eu des directives? Ce que je voudrais, dans le fond, savoir, c'est : Avant que nous
déposions le projet, avant de se retrouver dans un contexte différent et d'avoir, je
le souhaite, une meilleure relation et une meilleure collaboration entre les
différentes instances et ces parents
éducateurs, est-ce que la situation... Quelle était la situation actuelle
lorsque se présente quelqu'un pour vous dire : Moi, je suis prêt à
travailler avec vous, mais je vais faire l'école à la maison?
Mme
Bourdages (Hélène) : Dans
notre formulaire, dans notre sondage maison, ce qu'on a trouvé, c'est que, de
façon générale, les directions d'école sont
confrontées à une ou deux demandes. Ce n'est pas plus que ça, là. Ce n'est pas
une foule de gens qui demandent la
scolarisation à domicile. Il y a, parmi ces projets qui nous sont présentés,
des bons projets, des projets qui
tiennent la route, dans lesquels le parent doit répondre à un des trois
formulaires. Chaque commission scolaire
a son formulaire. Une commission scolaire sur trois pose des questions sur le
volet socialisation. Donc, ce n'est pas
uniforme. Chaque commission scolaire a sa couleur, et les parents doivent donc
répondre à ce questionnaire. Il y a des situations qui tiennent la route, il y en a d'autres, non. Quand un
parent parle russe et à peu près l'anglais, c'est évident que ça ne
tiendra pas la route.
Et ce qu'on a
réfléchi, c'est que ça prenait, au fond, un accueil, un accompagnement des
parents. Alors, pour une raison ou une
autre, le parent pense que c'est mieux à domicile. Donc, il faut l'accompagner
pour le ramener vers l'école, parce qu'on pense que c'est là le meilleur
endroit pour instruire, socialiser et qualifier. Donc, en ce moment, chaque commission scolaire a ses formulaires, les parents
le remplissent, la direction d'établissement apprécie la présentation, le
soumet à la commission scolaire pour approbation, dans certains cas. Donc,
c'était quand même marginal, on peut dire ça comme ça.
M. Proulx : Actuellement, on l'a
évoqué hier puis on a fait une bonification des sommes à la disposition des commissions scolaires pour soutenir les parents qui font ces
apprentissages à la maison, environ 1 000 $
par enfant, qui est la somme qui est dévolue. Est-ce que vous êtes en
mesure de me dire ce qu'on fait avec ce 1 000 $ là par enfant?
Mme
Bourdages (Hélène) :
1 000 $, hein, c'est cinq jours de prof. Pour les directions d'école,
ça fait partie de notre engagement
envers les écoles ou les familles, fait partie de notre emploi. Et le problème
qui se pose en ce moment, c'est qu'il y a une rareté de ressources. Et
la question, c'est : Est-ce qu'on va avantager le parent dont l'enfant a
sa scolarisation, son apprentissage à
domicile, avec le conseiller pédagogique, parce que c'est un parent qui aurait
besoin d'être accompagné, ou est-ce
qu'on va aller vers nos profs qui ont des cohortes de 20, 25, 60... pas 60, 20,
24, 26, 30 élèves?
Il y a une
rareté de ressources, et ça, c'est un problème. Et, dans notre mémoire, ce
qu'on écrit, c'est une question d'équité. Est-ce que la ressource va
aller soutenir le cas d'exception ou est-ce que la ressource, quand même rare,
va soutenir les profs qui sont déjà là avec
les jeunes qui sont déjà sur notre plancher, dans nos écoles? Je ne sais pas si
mes collègues veulent ajouter quelque chose sur la gestion des élèves...
Pas maintenant?
M.
Proulx : Je ne veux pas vous
empêcher, là, si vous voulez... Messieurs, si vous voulez intervenir,
faites-le. Parce que vous me donnez l'exemple,
d'entrée de jeu : ça représente cinq jours de prof, là. Je prends
l'exemple de ceux et celles qui
conviennent de deux rencontres-année pour travailler avec le parent éducateur.
Est-ce que je peux penser que, dans
un contexte comme celui-là, si, dans chacune des écoles, on se retrouve avec
des petits nombres, pour la plupart... On
a des cas différents. Je pense à la commission scolaire anglaise de Montréal
qui a des ententes particulières, puis on a eu l'occasion d'en parler ce matin. Mais est-ce que je peux considérer
qu'avec cette somme-là on donne véritablement un service? Ce n'est pas optimal, je vous entends le dire en me
disant : Il faut que je fasse des choix. En même temps, c'est un choix
éducatif qui est permis à la loi, alors c'est presque un faux choix de se dire
qu'il faudrait choisir qui on doit servir,
sincèrement. Mais, dans ce contexte-là, est-ce que je peux considérer qu'il y a
des services ou bien on utilise le 1 000 $ pour faire autre
chose?
Mme
Bourdages (Hélène) :
J'entendais hier le représentant de la Fédération des commissions scolaires
dire que le 1 000 $ servait
à ouvrir le dossier au niveau de la commission scolaire. C'est évident que nous
autres, on va dire : Le 1 000 $, il devrait descendre
dans l'école, si je veux libérer un prof parce que...
M. Proulx : ...mes dents à ce
moment-là.
Mme Bourdages (Hélène) : Pardon?
M. Proulx : Vous n'avez pas entendu
mes dents à ce moment-là. Elles bougeaient.
Mme
Bourdages (Hélène) : Mais,
vous savez, l'année dernière, dans quelques-unes des commissions scolaires
où je représente les directions, il y a des
perfectionnements qui ont été annulés, faute de suppléants. Alors là, le
parent, il se présente à l'école,
qu'est-ce que je fais si je n'ai pas de suppléant? C'est quand même un problème
important. Est-ce que le
prof-ressource serait une bonne personne? Est-ce que deux jours, trois jours
par année, ce serait suffisant? Peut-être, dans certains cas. Dans certains cas, non, et là ça prendrait un
conseiller pédagogique, mais, les conseillers pédagogiques, on les a déjà rarement dans nos milieux. La rareté
de ressources est vraiment quelque chose d'important ici, plus que le
1 000 $ qui serait consenti.
• (15 h 20) •
M.
Proulx : Est-ce que je
comprends donc que, dans le fond, dans le cas... puis c'est dans les cas que
vous connaissez, je ne dis pas que
c'est partout pareil, mais est-ce que je peux conclure que, dans ce cas-ci,
cette organisation de soutien à l'égard de l'école à la maison n'est pas bien balisée, là?
Parce que, vous avez dit, vous avez trois commissions scolaires francophones sur le territoire de l'île,
trois formulaires, trois couleurs. Déjà, en partant, ça me laisse sous-entendre
qu'il y a trois façons de faire. Je disais
hier : 72 commissions, 72 façons de travailler. Je ne me suis
pas trompé, c'est trois en trois chez vous.
Dans ce
contexte-là, est-ce que j'entends qu'au-delà des ressources il n'y a pas aussi
un certain besoin de clarifier les choses pour savoir qui est le
répondant pour travailler avec ces parents? Parce qu'ils sont là et certains
ont choisi de faire affaire avec les
commissions scolaires. Moi, je salue ça. D'autres, dans la même famille, je l'entendais hier puis je l'ai exprimé moi-même, font le choix, un
enfant, de l'avoir fait, dans l'autre, de ne pas le faire. Ça nous donne une
idée, là, de la qualité de la relation.
J'essaie de
voir comment on peut s'assurer... Et je l'entends, là, la question
des ressources, là. Je ne la mets pas de côté, mais pas du tout. Je pense avoir fait la
démonstration que ça m'interpelle, parce qu'on va en ajouter, puis on en ajoute,
puis on en reparle régulièrement, puis je ne me sauve pas de la question des ressources financières non plus, j'en parle assez régulièrement.
Mais est-ce qu'on n'a pas aussi un enjeu d'organisation dans les différents
milieux? Est-ce que c'est de votre responsabilité dans les écoles? Est-ce que c'est la responsabilité des commissions scolaires? Pour les quelques parents qu'on retrouve en situation,
ou en besoin, ou en relation à avoir avec une école, est-ce que vous pouvez
prendre ça à charge?
J'essaie de
voir comment on peut... Tu sais, tout à l'heure, nous, on aura à discuter
ensemble de quelles sont les balises que nous souhaitons mettre de l'avant pour
laisser de la flexibilité au milieu puis aux parents pour travailler
ensemble. Ça, ça sera ça, notre responsabilité à la fin, puis nous, on ne va pas chercher à restreindre le droit à ce
mode éducatif là, parce que, dans les
faits, il existe, il est reconnu, même les tribunaux ont tranché sur cette question-là.
Alors, à un moment donné, tu sais, il faut travailler avec cette situation-là.
Donc,
j'essaie de voir comment vous voyez les choses. Est-ce que vous nous dites :
Ça devrait être à l'école et... parce qu'on est les plus près, puis, un
jour ou l'autre, vous allez m'obliger à ouvrir certains de mes services, alors pourquoi ne pas les prendre en charge? Ou bien
vous nous dites : Écoutez, là, on est dans un enjeu qu'on devrait voir à la
commission scolaire, et moi, puisque j'ai déjà de
la difficulté à avoir mes ressources chez moi,
comment... J'essaie de voir comment on peut bien départager les choses.
Je ne sais pas si vous me suivez.
Mme
Bourdages (Hélène) : Oui,
j'ai bien suivi. Avant de céder la parole à mon collègue, je vais vous dire d'entrée de jeu : Oui, ça devrait se passer à l'école de quartier,
parce qu'on a possiblement une meilleure chance de revoir le parent régulièrement,
ne serait-ce que pour l'accompagner occasionnellement, que l'enfant passe des
examens occasionnellement. À ce titre, pour
faciliter le lien avec le parent...
Puis j'entends très bien que c'est un phénomène qui ne disparaîtra pas. Il faut vivre avec, mais il
faut bien l'encadrer puis il faut nous donner les moyens, par exemple, d'offrir
les livres gratuitement partout, il y a une
commission scolaire qui demande un dépôt, les autres les offrent gratuitement,
mais d'offrir des livres gratuitement, nous
donner les moyens d'offrir du service professionnel. Puis notre réflexion est à
l'effet que, dans l'école, le service professionnel de l'orthophoniste,
par exemple, il est aussi enrichi du regard de l'enseignant qui a l'élève, et
ça, malheureusement, avec le parent à domicile, on l'échappe.
Donc, il faut
nous donner les moyens et, pour nous, c'est une logique d'accueil et de
continuum de services, même avec un
parent qui est un petit peu à côté du système scolaire. N'empêche que, les
enfants, on veut tous qu'ils réussissent, là, parents ou éducateurs dans le milieu scolaire. Et resserrer, dans le
fond, le lieu où on peut les accueillir, c'est ça qui est souhaitable.
Il faut nous donner les moyens. Mais mon collègue voulait intervenir là-dessus.
M. Gemme(Stéphane) : En ce
sens-là, le projet de loi prévoit un guide de gestion des bonnes pratiques.
Donc, je pense que, oui, à
l'intérieur de ce guide-là, on pourrait retrouver des balises qui pourraient
être plus communes, au lieu d'avoir
72 commissions scolaires, bien, avoir un guide qui renferme des balises
claires, et, oui, après ça, naturellement, chaque commission scolaire et chaque école adaptera certaines choses,
mais d'avoir des balises qu'on devra respecter, si ce n'est que juste le suivi. Comme, si l'enfant a
besoin d'un suivi en orthophonie, il est scolarisé à la maison, comment
on fait le lien, ce que Mme Bourdages parlait.
Donc,
jusqu'où va le support de l'école à ces enfants-là qui sont scolarisés à la
maison, dans la pénurie de ressources qu'on
a actuellement? C'est quelque chose qu'il faut se poser comme question puis ne
pas attendre qu'on soit devant le fait accompli.
Donc, je pense que, oui, l'élaboration du guide pourrait baliser certains
services que l'école devrait offrir aussi à ces enfants-là, parce qu'on
veut tous leur réussite.
M. Proulx : C'est important de se
poser certaines de ces questions-là maintenant, parce que, bien sûr, ça va influencer les travaux que nous faisons, puis on
ne veut pas manquer la cible. Tu sais, on veut réussir l'objectif. Alors,
dans ce contexte-là, je trouvais important d'avoir en partie cette
discussion-là avec vous. Je vous en remercie.
Il y avait un autre point qui m'interpelait dans
votre mémoire avant... Il me reste-tu du temps? Oui, merci.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Il vous reste encore cinq minutes, M. le ministre.
M.
Proulx : Sur les enfants
migrants à statut précaire, vous dites, à la fin de la page 6, début de la
page 7, là — dans
le fond, j'ai comme deux questions :
«Il est important que le financement des élèves sans papiers soit augmenté au
même niveau que celui destiné aux
élèves de l'accueil.» Dans la mesure où les sans-papiers seront couverts par la
gratuité scolaire, ils seront au même
niveau que les autres élèves, au sens de la Loi sur l'instruction publique.
S'ils sont dirigés vers une classe
d'accueil, il ne devrait pas y avoir de
discrimination sur le financement. Ils devraient être considérés comme tels,
admis comme tels,
soutenus, peut-être pas suffisamment comme certains me l'ont dit,
mais de la même façon. J'essayais juste
de voir si c'est une impression que vous aviez ou c'est peut-être
un défi de rédaction, mais je voulais juste m'assurer que, pour vous aussi, si ce n'était pas clair, ce
le soit. S'il n'y a plus de catégorie et qu'il y a un élève issu de
parents... ou un élève sans papiers
se retrouve à l'école parce qu'il est maintenant admis avec des facilités plutôt que des embûches,
bien, je veux dire, il se retrouvera dans la même situation.
Et
l'autre élément important de spécifier, vous parlez de la déclaration
d'effectifs du 30 septembre, pour moi, elle n'a pas lieu d'être dans ces situations-là. On ne commence pas l'école, quand on est un
sans-papiers, à la rentrée scolaire comme
les autres, parfois pour des raisons évidentes, là. À un moment donné, il ne faut pas s'enfarger dans les fleurs du tapis. Je ne pense
pas que ce serait rendre service puis ce ne serait pas aller jusqu'au bout de
notre démarche pour les soutenir. Donc, pour
moi, c'était le deuxième élément. Alors, ça, ce n'était pas ma question,
c'étaient mes observations pour vous.
Mais
à la fin vous dites, de ce paragraphe : «Ou de classes d'accueil doivent impérativement
se rendre dans les écoles qui accueillent ces élèves». Alors, encore une
fois, ma préoccupation est toujours la même. Il y a des sommes importantes qui
sont dévolues à la francisation, à l'accueil, des sommes qui transitent par le
ministère de l'Éducation, certaines
commissions scolaires font davantage que ce qui est dévolu pour ces sommes. Quand
vous dites : «Doivent se rendre
dans les écoles», est-ce que vous pourriez me donner des exemples qui me
permettraient de faire certaines corrections s'il y a lieu?
Mme Bourdages (Hélène) : Il y a des moments où les sommes ne se rendent
pas intégralement dans les écoles parce
qu'il y a des ponctions qui sont faites au niveau des commissions scolaires
pour toutes sortes de raisons, d'équilibre financier, etc. Alors, quand on dit que les élèves sans papiers doivent
être subventionnés à la hauteur des élèves de l'accueil, on parle de ratios, on parle une fois qu'ils ont
intégré la classe régulière de soutien linguistique pour au moins un an, on
parle également, si possible... je reviens
sur mon allocution d'intervention dans la communauté qui est en lien avec
l'école, donc les intervenants
communautaires scolaires qui viennent faire un lien entre, justement, l'école
et les lieux où les parents se
retrouvent, mais ce n'est pas nécessairement juste le CLSC, mais c'est la place
du coin qui appartient à la communauté où
on ne pense pas aller. C'est les activités d'été qui font les liens entre les
temps morts où il n'y a pas de scolarisation.
Alors,
pour ces enfants-là qui sont fragilisés de par leur parcours, ça prend ce genre
d'intervention qui doit se tenir sur
le lieu de vie de l'enfant, donc pas au central, pas dans le centre
administratif. Et éventuellement, aussi, comme pour le modèle des enfants quatre ans temps plein, des
sommes d'argent attribuées pour des activités avec les parents, une conférence,
des activités où les parents sont intégrés à
la communauté éducative, ça peut être quelque chose à réfléchir également.
Donc, si la somme est dans le milieu, on
peut organiser des choses intéressantes avec nos personnels, avec les
personnels des CLSC, travailleurs sociaux, etc.
M. Proulx :
Je vous remercie, puis merci d'abord de votre présence, puis je note et
j'entends ce que vous dites à l'égard des communautés et de ces milieux de vie,
là, qui ne sont parfois pas sur le radar de cette relation ministère-commission scolaire-école-parent, parce
que souvent ils sont à côté, en périphérie, mais dans les faits extrêmement
importants, et notamment dans des situations comme celles-là.
Moi,
je l'ai souvent dit, il ne faut pas mettre de côté l'éducation populaire, mais
il ne faut pas mettre de côté non plus ces
organisations communautaires qui soutiennent ces gens dans la communauté et qui
vont nous aider à les faire intégrer le
milieu scolaire parce qu'ils seront rassurés que ce n'est pas l'enjeu d'immigration
qui les empêchent d'y aller. C'est l'opportunité qu'on se donne au
Québec d'offrir à tous les enfants du Québec la capacité de recevoir une
éducation.
Alors,
pour moi, il y a là une observation qui est très positive. Merci beaucoup de
votre présentation. Merci de votre temps.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, M. le ministre. On va passer
du côté de l'opposition officielle. Alors, je cède la parole à M. le
député de Lac-Saint-Jean pour environ 14 minutes.
M.
Cloutier : Merci, Mme la Présidente. Est-ce que, tout à l'heure, j'ai
cru comprendre que vous disiez que les
directions d'établissement étaient
les mieux placées pour faire le suivi avec les parents pour le projet
d'apprentissage? Juste être certain
que j'ai bien compris, parce que, là, la loi, telle qu'elle est formulée, c'est
qu'un projet d'apprentissage est soumis à la commission scolaire et ensuite mis
en oeuvre par les parents, mais ce n'est pas clair qui a la responsabilité
du suivi, justement, du projet d'apprentissage. Je ne sais pas vous en êtes où.
• (15 h 30) •
Mme Bourdages (Hélène) : Effectivement, il y a des éclaircissements à apporter. Votre remarque est
juste. Nous aussi, on se pose la
question : Qui fait quoi? Mais, en ce moment, par exemple... Est-ce que tu veux parler de Marguerite-Bourgeois, comment le
cheminement du dossier se fait pour les enfants sans papiers à domicile?
M. Vézina (Carl) : À domicile. Bien, en fait, présentement, c'est le directeur de l'école qui le reçoit, qui l'apprécie, ça passe ensuite par les services éducatifs, et
c'est la direction générale qui l'approuve. Par contre, le suivi est fait
par la direction de l'école, en lien
avec les parents. Et c'est comme ça que ça devrait être, je pense, dans toutes
les écoles, là.
M. Cloutier : Mais je ne suis pas sûr de bien comprendre, au moment où on se parle, pour la scolarisation
à la maison, on cogne à la porte de la commission
scolaire, j'imagine, en premier, puis
ensuite c'est référé...
Mme Bourdages (Hélène) : ...
M. Cloutier :
Pardon?
Mme Bourdages (Hélène) : On
cogne à la porte de la commission scolaire, comme pour l'accueil...
M. Vézina (Carl) : Mais, plus
souvent, on passe par l'école.
M. Cloutier : Mais on prend
quoi? L'école de proximité? C'est ça?
M. Vézina (Carl) : Exact.
M. Cloutier : O.K. Donc, on va cogner à la porte. Si c'est un enfant
du primaire ou du secondaire, on s'ajuste. Puis ensuite c'est pris en
charge par la direction de l'école. C'est ça?
Mme Bourdages
(Hélène) : Une école
primaire va prendre en charge un projet pour un enfant de l'école primaire.
Là, on va diriger quand même
quelqu'un vers le bon niveau d'enseignement. Mais, en ce moment, les gens, ils vont à la
première porte qu'ils trouvent, là. Ça peut
être la commission scolaire qui approuve ou qui réfère vers l'école de
quartier. On pense vraiment que c'est le meilleur lieu.
Comme je
disais tout à l'heure à M. le
ministre, si on veut tenter de faire
un rapprochement avec ces parents-là, avec
les élèves, éventuellement peut-être même les intégrer dans des activités de l'école,
pourquoi pas, je pense qu'il faut tendre la main puis avoir une attitude
empathique. Donc, ça devrait être l'école.
M. Cloutier : Et, à ce stade-ci, j'imagine, il n'y a
pas de formation, dans le fond, ça se fait un peu en fonction des connaissances individuelles de chacun. C'est
pour ça que le guide des bonnes pratiques, il est nécessaire
pour venir encadrer, justement, la façon de procéder puis le type
d'encadrement qui va être offert par la suite.
Mme Bourdages
(Hélène) : Oui. Le parent
qui se présente à nous avec un projet de formation, il se présente à nous comme
un prof qui a une classe d'un élève, là, son élève, ou un groupe de parents qui
se regroupent. Ça aussi, ça existe.
Donc, nous, on a la formation pour accompagner des profs, c'est bien évident,
mais là on parle de quelqu'un qui n'a
pas nécessairement des bases en pédagogie, d'où parfois, quand même,
l'écart qui est possible entre l'école et la famille. Mais il faut
apprécier le projet d'éducation proposé pour ce qu'il est.
M. Cloutier : On nous a suggéré
durant les travaux de la commission qu'il y ait certaines formations qui soient offertes, justement, pour
accompagner le, ou la, ou les responsables des suivis du contrat pédagogique.
Est-ce que vous pensez que ça serait nécessaire,
justement, pour être mieux outillé pour bien comprendre la
réalité des parents qui choisissent une autre voie que la fréquentation
obligatoire?
Mme Bourdages
(Hélène) : Ça fait que, là,
on parle de ressources de la commission
scolaire qui sont dévolues
pour un groupe de parents qui font l'éducation à domicile?
M. Cloutier : Je pense que
c'était ça, effectivement.
Mme Bourdages (Hélène) : Vous
parlez pour le personnel de direction?
M. Cloutier : Bien, pas nécessairement. En fait, à ce
stade-ci, je pense que ce n'est pas clair, qui va avoir la responsabilité du suivi. Mais on nous a souligné qu'il pourrait
être intéressant qu'une formation soit offerte, justement, pour la personne
qui soit responsable à l'intérieur soit de la commission scolaire ou de la
mise en oeuvre du plan comme tel de
réussite, que cette personne-là soit davantage outillée, et qui pourrait bénéficier éventuellement d'une formation.
M. Vézina
(Carl) : Bien, en fait, tout
dépendra de la personne qui sera désignée pour le faire, là. À ce stade-ci, ça
serait peut-être un peu prématuré de
vous répondre. Mais en même temps je verrais mal quelqu'un qui n'a pas une
formation en pédagogie accompagner
des parents à faire un projet pédagogique. Donc, forcément, ça doit être soit
un enseignant ou une direction d'école.
M. Cloutier
: En tout cas, chose certaine,
c'est qu'à ce moment-ci il y aura un projet d'apprentissage qui sera soumis à la commission
scolaire et mis en oeuvre par les
parents. Mais on ne sait pas qui a la responsabilité du suivi
ni les évaluations du suivi
d'apprentissage. Vous, vous êtes d'avis qu'il devrait y avoir des évaluations,
il me semble que j'ai vu ça, puis pas juste à la fin, vous disiez...
Mme Bourdages
(Hélène) : Bien, exactement.
On parle de suivre le rythme de l'école de référence. Donc, si on est à l'école de quartier, on a un rythme d'évaluation, ça permet de baliser si, l'enfant, ça va bien ou s'il a besoin de
grandes corrections. On comprend
qu'un enfant qui n'est pas dans un projet
où il évolue d'une façon optimale, si
c'est pour des raisons... que l'enfant
est un enfant à besoins particuliers, bien, il faut pouvoir l'identifier rapidement pour ne pas que sa situation se détériore à ce point où il serait
difficile de le récupérer avec des services réguliers.
Donc, en ce moment, oui, quand même,
ça se passe dans les écoles, là, le point d'accueil. Mais, à l'occasion, je
pense qu'ils vont dans les commissions scolaires, puis ils sont référés dans les différents établissements. Mais l'idée de l'examen à point nommé, c'est de pouvoir faire
un point, là, dans la zone d'apprentissage, puis de voir s'il a évolué correctement ou pas, et, sinon, de voir pourquoi. Oui, il y a
un accompagnement du parent, mais il y a aussi le fait que
certains enfants ne sont pas à l'école parce
qu'ils ont des besoins particuliers. Et ça, il faut pouvoir l'identifier et
offrir un accompagnement, éventuellement.
M. Cloutier : Je veux vous questionner également
sur... On a fixé à 20 heures-semaine, là, la présomption quant à l'obligation
de fréquentation scolaire. Ce que le projet
de loi suggère, c'est justement
que soit permis 20 heures à
l'extérieur des établissements reconnus. Mais 20 heures par semaine, en tout cas, ça m'apparaît être énorme. Je
vois mal comment un jeune qui a quatre heures par jour, cinq fois semaine, ce
qui donne bien 20 heures par semaine, puisse malgré tout être capable,
être en mesure de suivre le régime pédagogique québécois. Je ne sais pas si
vous vous êtes questionnés sur cette disposition du projet de loi qui fixe à 20 heures la présomption du respect
ou non de l'obligation de fréquentation scolaire.
Mme Bourdages (Hélène) : 20 heures, ce n'est quand même
pas loin de ce qui est l'horaire régulier, hein, parce qu'il faut compter que les enfants, ils ont, je
pense, 25 heures, dont cinq heures de spécialités. Or, à la maison, il n'y
a pas nécessairement de spécialité, tu as un ratio plus bas. Ce
n'est pas déraisonnable, si le projet est recevable, si on suit quand
même le programme de l'école québécoise.
M. Cloutier :
Donc, ce n'est pas...
Mme Bourdages (Hélène) : Ce n'est pas loin, le ratio est différent. Si le
modèle proposé tient la route, bien, en 20 heures, c'est possible.
M. Cloutier :
D'y arriver puis de faire 20 heures d'autres types d'activité?
Mme Bourdages (Hélène) : D'autres types d'activité viendraient peut-être
suppléer au manque, par exemple, d'éducation par les spécialistes, en art
ou en éducation physique.
M. Cloutier :
Très bien, je vous remercie.
Mme Bourdages
(Hélène) : Je vous en prie.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le
député. On va passer du côté du deuxième groupe de l'opposition, et je cède
la parole à M. le député de Chambly pour environ neuf minutes.
M. Roberge :
Merci beaucoup. Merci de votre présentation. Vous avez discuté dans les
dernières minutes de quelque chose qui est
très, très central à ce projet de loi là, qui a été abordé par tous les
intervenants, puis on a entendu, à la même question, une pluralité de
réponses. Et, à un moment donné, il va falloir trancher parce que c'est beau,
la flexibilité, mais, à un moment donné, on
va s'étirer quelque chose quelque part à force de faire la «split» comme ça,
là.
Mme Brabant,
ce matin, nous a parlé peut-être de l'intérêt d'avoir un centre régional, une
expertise régionale ou un ou une
expert, experte sur qui on pourrait s'appuyer, quelqu'un qui connaît ça.
D'autres personnes nous ont dit : Bien non, ça devrait être chaque commission scolaire. On a compté à peu près, ce
matin, qu'il y a à peu près 50 enfants par commission scolaire. D'autres personnes nous ont dit que ça
devrait être un conseiller pédagogique, c'est un conseiller pédagogique, là,
qui fait l'entente d'apprentissage ou le
projet d'apprentissage avec les parents. Puis les parents nous ont dit :
Écoutez, tout sauf la commission
scolaire, pas directement la commission scolaire, on a fui la commission
scolaire, des fois, à cause d'une
mauvaise entente. Et vous nous arrivez en nous disant : Bien, dans le fond,
nous, on pense que c'est la direction d'école qui devrait, avec les
parents, faire cette entente sur le projet d'apprentissage.
C'est dur de démêler
tout ça, il va falloir à la fin qu'on atterrisse pour dire qui pilote cette
relation entre les institutions et les
parents qui font l'école à la maison ou en famille. Après ça, il peut y avoir
des professionnels qui aident, qui
accompagnent, si on a besoin de services professionnels. Moi, je le maintiens,
là, ça ne doit pas être tarifé, ça doit être gratuit, puis ce n'est pas
parce qu'on fait l'école à la maison qu'on se prive de services professionnels.
Mais il faut qu'il y ait une personne pivot, une personne-ressource.
Vous
dites que ça devrait être la direction de l'école. La direction de l'école,
c'est un ex-prof, donc, qui connaît l'enseignement,
habitué de travailler avec des gens qui enseignent, qui donnent des
apprentissages. Mais qu'est-ce qui arrive
si la direction, elle dit : Moi, je ne crois pas à ça, l'école à la
maison, je suis contre ça, l'école à la maison? Est-ce que vous seriez favorables à ce que les parents
disent : Ah! bien, cette direction d'école là m'a dit non, je vais aller
voir l'autre, je vais aller voir
l'autre, puis le parent se magasine une direction d'école, mettons, à Montréal,
il y en a plein dans un rayon de
100 kilomètres, là, jusqu'à tant qu'il y en ait un ou une avec qui ça
clique, comme on dit? Est-ce que vous seriez
d'accord pour que les parents choisissent leur direction de l'école? J'essaie
de trouver un terrain d'entente, parce que j'entends vraiment des
réponses très, très, très différentes sur qui.
• (15 h 40) •
Mme Bourdages (Hélène) : À partir du moment où la loi dit qu'on doit
accueillir les projets d'apprentissage à la maison, les directions d'école, avec une information, ils vont procéder,
là, tu sais? Ça, c'est ma première réponse. Mon collègue veut compléter.
M. Vézina (Carl) : Oui. Quand on parle de directions d'école, en
fait, je pense qu'on veut plus généraliser. Ça se pourrait que ça soit une autre personne-ressource
dans l'école. Mais, pour l'instant, la loi est claire, la direction d'école
est responsable du respect du régime
pédagogique, du respect du programme de formation dans l'enseignement. Donc,
c'est pour ça que notre position, c'est de
dire : Bien, ultimement, le projet d'apprentissage devra être approuvé par
une direction d'école. Maintenant,
s'asseoir avec le parent et faire la rédaction, ce n'est peut-être pas avec la
direction d'école comme telle. Donc,
je voulais juste nuancer, je pense, la position qu'on avait, qui ressemble un
peu à ce que vous aviez déjà entendu.
De
la part des parents, de dire : On ne veut pas que la commission scolaire
soit mêlée à ça, je pense que ça serait plus recevable que ce soit l'école de quartier. Mais de dire qu'il n'y a
aucun lien avec l'école, ce n'est peut-être pas réaliste. C'est notre position. Maintenant, le suivi qui est
fait par la suite, ce n'est pas nécessairement avec la direction d'école.
Mais, à la toute fin, s'il y a sanction des
études ou quoi que ce soit, bien, ça passe par le processus normal,
c'est-à-dire la direction d'école
approuve quelque chose, là, tel que la loi le prévoit déjà, là, en termes de
sanction, que ce soit... bien, surtout
au secondaire, là, ou dans le passage du primaire au secondaire, ou quelque
chose comme ça. Il y a déjà des choses qui sont prévues dans la loi pour
ça.
M. Roberge :
Merci beaucoup. Donc, ça serait la direction d'école, dans votre perspective,
qui s'en occupe ou qui le délègue à quelqu'un, dans l'école, qui est
apte à le faire.
J'ai accroché sur une
des choses que vous avez dites. Tout à l'heure, vous avez dit : Bon, bien,
1 000 $, c'est grosso modo cinq
jours de prof. On a eu des commissions scolaires qui précédemment sont venues
nous dire : Ah! bien, 1 000 $, c'est pour
l'administration. C'est abominable. Mais cinq jours de prof, puis souvent, dans
une famille, il y a deux enfants qui font
l'école à la maison, ça arrive assez fréquemment, ça voudrait dire
10 jours de prof pour cette famille-là. J'ai l'impression qu'on est
loin du compte en ce moment.
Et
vous nous dites : C'est peut-être parce qu'il y a une pénurie de
ressources. Mais, si le ministère envoie 1 000 $ pour cet enfant-là, il y a une pénurie de
ressources, ça fait que le 1 000 $ reste à l'école, à la commission
scolaire, mais les ressources ne se
rendent pas aux parents ou à l'enfant, il y a quelque chose qui ne marche pas,
là. Comme on dit, ça jamme dans le
coude, ça reste coincé, puis les ressources ne se rendent pas à l'enfant. Mais
il n'y a pas moins besoin de ressources parce qu'il y a une pénurie.
Puis
je comprends bien que, dans votre position, vous ne pouvez pas dire :
Bien, je sacrifie mes élèves en classe pour
privilégier les élèves à la maison. Ça, c'est évident, là, on ne peut pas aller
là. Mais on voit qu'il y a définitivement un problème soit dans des commissions scolaires, là, pour que l'argent
se rende aux écoles... Parce qu'une fois que l'argent est rendu aux écoles, elle se rend aux élèves.
Mais j'ai l'impression que ça arrive que l'argent reste coincé à l'étage de la
commission scolaire. Est-ce que je me trompe?
Mme Bourdages
(Hélène) : Non. Non.
M. Roberge : L'argent doit être décentralisé, M. le ministre. Ça doit
se rendre dans les écoles. Si on veut que l'argent se rende aux élèves,
il faut que l'argent se rende dans les écoles.
Page 5,
au bas de la page, vous disiez : «Il faudra également s'assurer que les
mêmes suivis exigés pour l'apprentissage à domicile s'appliquent aux
organismes communautaires — ça,
je n'ai pas très bien compris — qui se consacrent au raccrochage de jeunes.» Donc, des exemples — il y en a d'autres : entre l'école et
la rue, L'Ancre des jeunes, le projet Charlemagne.
De quels suivis vous parlez? Ces organismes-là sont soumis à quels suivis? Ici,
j'ai besoin d'éclaircissements.
Mme Bourdages (Hélène) : Bien, ces organismes-là sont des organismes réels
existant sur l'île de Montréal, là, ce ne sont pas des noms tirés d'un livre de
contes. Mais il y a eu, à un certain moment, des difficultés de communication
entre la commission scolaire et ces organismes-là. Je pense que Carl peut
raconter l'histoire de l'un d'entre eux.
M. Vézina
(Carl) : Bien oui, c'est ça. En fait, je vais parler de L'Ancre des
jeunes, que je connais mieux, un organisme qui existe depuis plusieurs années.
En fait, ces organismes-là, à la base, leur objectif est très louable, c'est-à-dire d'aller chercher des enfants, des
élèves qui ont décroché puis de les ramener à pouvoir obtenir un diplôme.
Par contre, ces enfants-là fréquentent ces établissements-là, souvent il y a de
l'enseignement qui est fait qui n'est pas nécessairement...
ou qui, à l'époque, n'était pas fait par quelqu'un qui était légalement
qualifié, et les évaluations qui étaient faites, aussi, ça se faisait un
peu à la va comme je te pousse. Alors, on obtenait certaines copies d'examens
d'écoles secondaires qui souhaitaient
collaborer avec eux, mais ça ne se faisait pas nécessairement de façon très
officielle, et tout ça.
Là,
il y a un ménage qui a été fait, mais ça reste encore à être balisé parce qu'il
y a d'autres organismes qui existent, sur
l'île de Montréal, qui n'ont pas nécessairement ce lien-là avec la commission
scolaire. Là, je parle plus au niveau des services éducatifs, donc de
bien encadrer le type d'enseignement qui se donne, mais aussi... On en revient
encore à la fameuse évaluation. Bien, s'il y
a des enfants qui reçoivent de l'enseignement là, ils doivent être évalués
selon les normes des élèves qui
fréquentent une école régulière. C'est dans ce sens-là qu'on se dit :
Bien, il faut que les enfants qui sont là soient soumis aux mêmes
règles, aux mêmes conditions.
M. Roberge : Merci.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Alors, merci beaucoup, Mme Bourdages, M. Gemme et M. Vézina,
pour votre contribution.
Je suspends quelques
instants pour permettre à la commission scolaire de Montréal de prendre place.
Merci.
(Suspension de la séance à
15 h 47)
(Reprise à 15 h 50)
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Alors, la commission reprend ses travaux.
Et je souhaite la bienvenue à la commission
scolaire de Montréal.
Bonjour, Mme Harel Bourdon. Alors, je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour faire votre présentation, et par la suite on passera à une période d'échange entre les
élus. Je vous demanderais de vous identifier ainsi que les gens qui vous
accompagnent. Et vous pouvez tout de suite passer à votre exposé.
Commission
scolaire de Montréal (CSDM)
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : Bonjour, Mmes et MM. les députés et membres de
la Commission de la culture et de
l'éducation, Mme la Présidente. Je suis accompagnée par M. Prescott et Me
Laurin. Ils pourront répondre à vos
questions tout à l'heure. M. Prescott est directeur de l'organisation
scolaire, il gère au quotidien toutes les demandes des nouveaux arrivants, peu importent leurs
statuts. Et Me Laurin est une référence en matière juridique à la commission
scolaire de Montréal.
Dans son ensemble, la
commission scolaire de Montréal accueille favorablement les dispositions du
projet de loi n° 144 sur
l'élargissement de la gratuité des services éducatifs. Nous avons même fait une
résolution en ce sens au conseil des
commissaires l'an dernier. Le droit fondamental à l'éducation pour tous les
enfants est prévu dans la Convention relative aux droits de l'enfant des
Nations unies, de même que dans la Charte des droits et libertés de la
personne.
La
CSDM affirme depuis longtemps son engagement en vue d'assurer l'accessibilité
des services éducatifs aux enfants,
et ce, peu importent leurs statuts migratoires. Reconnue pour ses valeurs
d'ouverture, de justice, d'équité et de fraternité universelle, la CSDM priorise la réussite éducative de tous
les enfants sur le territoire qu'elle dessert. Cette année, nous
comptons 113 000 élèves, jeunes et adultes.
En
dépit de l'adhésion à ces principes, la CSDM n'en demeure pas moins aux prises
avec une problématique réelle, problématique
d'ailleurs énoncée dans le rapport du Protecteur du citoyen, à savoir le
non-respect du droit fondamental à l'éducation.
Permettez-moi
maintenant de soulever quelques considérations et de formuler des
recommandations quant aux dispositions réglementaires à venir.
Le droit à
l'éducation gratuite. Depuis sa fondation, la CSDM accueille de nombreux
groupes de réfugiés et considère que cet
apport humain renforce l'image pluriculturelle et l'ouverture à la différence.
Cet apport est également profitable
au développement économique, social et culturel de Montréal, métropole et plus
importante ville d'accueil des immigrants au Québec.
Un élève sur deux de
la CSDM n'a pas le français comme langue maternelle. Cela donne un bon aperçu
de la situation et de la composition de
notre population scolaire. Chaque année, la CSDM reçoit plus de
2 000 élèves à l'accueil et
en francisation. Cette année, nous connaissons une augmentation de 20 %,
soit 400 enfants de plus, l'équivalent d'une école primaire, sans
compter les demandes d'asile en centre d'hébergement.
Pour nous, le droit
de l'enfant à l'éducation gratuite ne devrait pas être tributaire de la
capacité du titulaire de l'autorité
parentale à prouver son lieu de résidence habituelle et son lien de filiation
avec l'enfant. Le droit à l'éducation gratuite
pour un enfant doit être garanti dans la loi, nonobstant la situation
résidentielle de ses parents ou tuteurs et les preuves documentaires
concernant leur lien de filiation.
Notre
première recommandation : La Loi sur l'instruction publique devrait
explicitement garantir aux enfants le droit à l'instruction gratuite,
nonobstant la légalité de leur statut, du statut de leurs parents ou de leurs
tuteurs et des preuves documentaires qui en attestent.
La notion de
résidence habituelle. Pour la CSDM, la consultation doit également tenir compte
de nombreux éléments dont la notion de
résidence habituelle. Ainsi, nous demandons l'obtention de balises claires
concernant la notion de résidence habituelle. À l'heure actuelle, cette
notion est trop floue et pourrait être interprétée différemment d'une
commission scolaire à l'autre.
L'article 3.1
de la Loi sur l'instruction publique devrait préciser à l'aide de balises
claires ce que signifie cette expression,
«demeure de façon habituelle au Québec», en donnant des références temporelles,
des indications sur la nature des
statuts migratoires visés par la gratuité ou toute autre instruction permettant
de circonscrire la notion de résidence habituelle.
Titulaire
de l'autorité parentale ou élève. À notre avis, telle que formulée
actuellement, cette disposition pourrait permettre qu'un élève demeurant de façon habituelle à l'extérieur du
pays mais dont les titulaires de l'autorité parentale demeurent de façon habituelle au Québec puissent
se prévaloir de la gratuité des services éducatifs, par exemple par le
biais de cours à distance. Et c'est de plus en plus en demande, les cours à
distance, au Québec entre autres.
Dans
sa formulation actuelle, l'article 3.1 de la LIP pose problème aux mineurs
qui migrent seuls au Québec. Ils
sont de plus en plus nombreux. Ils
ne semblent pas avoir été considérés dans l'actuel projet. Si leur droit à l'éducation gratuite dépend du lieu de
résidence habituelle d'un parent ou d'un tuteur qui ne sont pas au Québec, les
mineurs non accompagnés — et
on a des cas — se
trouveront dans un vide juridique.
Lorsque
le titulaire de l'autorité parentale accompagne l'élève mineur au Québec,
l'article 3.1 de la Loi sur l'instruction
publique devrait exiger que tous deux résident de façon habituelle au Québec.
De plus, cet article devrait prévoir
que l'élève mineur qui réside habituellement au Québec mais dont le titulaire
de l'autorité parentale n'y réside pas aura également droit à la
gratuité scolaire.
Concernant
la protection des renseignements personnels, afin d'inciter les titulaires de
l'autorité parentale à inscrire leurs
enfants à l'école — c'est
très important — peu
importe leur statut, il faut assurer aux parents la confidentialité des
renseignements personnels. Selon notre expérience, il faut insister sur ce
point et dire que les commissions scolaires n'auront jamais à communiquer aux
autorités des renseignements concernant la validité de leurs statuts.
La CSDM juge opportun
de soustraire les commissions scolaires à l'obligation de communiquer aux
services d'immigration canadien et québécois
les renseignements personnels des élèves ou des titulaires de l'autorité
parentale en lien avec leurs statuts
migratoires dans l'éventualité où ces renseignements pourraient autrement faire
l'objet d'une communication en vertu
d'une loi. Le législateur devrait donc garantir la protection des
renseignements concernant le statut
légal des élèves ou des titulaires de l'autorité parentale, et ce, nonobstant
toute autre disposition légale prévoyant la communication de tels
renseignements, sinon ils ne viendront pas s'inscrire.
La
CSDM a accueilli favorablement les nouvelles dispositions entrées en vigueur en
2013-2014 permettant de demander un
code permanent pour des élèves dont les parents détiennent un permis de travail
ou d'études, et ce, même si la période
de validité du permis a pris fin. Avec le nombre important de demandeurs
d'asile qui ne disposent pas nécessairement
de documents valides et de permis expirés, la CSDM souhaite, d'une part, que
les règles concernant les documents
exigés pour la création d'un code permanent soient assouplies. D'autre part,
l'incapacité à fournir les documents requis ne devrait pas être un
obstacle à l'obtention d'un code permanent pour un élève dans une situation
irrégulière d'immigration.
Ressources
financières. Montréal est un pôle d'immigration et connaît actuellement un flux
considérable de demandeurs d'asile en
provenance des États-Unis. La CSDM estime que ses ressources administratives et
pédagogiques seront fortement
sollicitées. Nous sommes conscients des implications financières d'un plus
grand accès à la gratuité des services
éducatifs. C'est pourquoi notre recommandation porte sur cet aspect primordial.
Le financement accordé aux commissions
scolaires devrait être octroyé en fonction des nouvelles mesures concernant
l'élargissement de la gratuité des
services éducatifs et du poids relatif de la clientèle visée par l'application
de ces nouvelles dispositions dans chaque commission scolaire.
Rétroactivité.
Certaines préoccupations d'ordre financier demeurent. Par exemple, le projet de
loi actuel prévoit que les articles
concernant la gratuité n'entreront en vigueur que le 1er juillet 2018.
Devons-nous en déduire qu'il n'y aura aucune
rétroactivité? Considérant qu'il sera difficile de facturer des frais aux
parents dont les enfants ne bénéficient pas de la gratuité une fois le projet de loi annoncé, des mesures transitoires
sont-elles prévues pour l'année 2017-2018? S'il y avait un amendement à l'entrée en vigueur de la loi pour
qu'elle corresponde à celle de la sanction du projet de loi, il faudrait
que les commissions scolaires en soient informées.
• (16 heures) •
Dans la deuxième
partie du projet de loi, on aborde l'enseignement à la maison. La commission
scolaire de Montréal croit fermement que
l'éducation est à la base de tout progrès social et économique. L'éducation est
porteuse de l'épanouissement et de la
prospérité des générations futures. Cela dit, plusieurs parents s'interrogent
et demandent la possibilité
d'enseigner à la maison. La Loi sur l'instruction publique et les règlements
qui en découlent doivent détailler les
modalités spécifiques en lien avec l'enseignement à la maison, projet
d'apprentissage, évaluation de la progression et suivi, et ce, en laissant une latitude aux directions d'établissement
qui voudront convenir avec le parent de modalités satisfaisantes dans
les cas particuliers.
Le
signalement à la DPJ nous semble insuffisant si l'objectif est véritablement de contrecarrer la contravention à l'obligation de fréquentation
scolaire et d'appliquer les dispositions pénales de la nouvelle loi. Advenant que le
signalement ne soit pas retenu, la
non-fréquentation scolaire demeurera sans suivi. Lorsque la situation
d'un enfant n'a pu être régularisée, l'alinéa trois de l'article 17.1
de la Loi sur l'instruction publique devrait prévoir l'obligation d'aviser le
ministère de l'Éducation simultanément à la DPJ afin que ce dernier puisse
immédiatement mettre en branle l'inspection prévue à l'article 478 de la
loi.
En
conclusion, la CSDM considère que le succès de la mise en oeuvre des nouvelles
dispositions du projet de loi dépendra
grandement du contenu des nouveaux règlements qui y sont prévus. Retenons que
la CSDM est prête à offrir des
services éducatifs à tous les enfants qui fréquentent une école de son
territoire, et ce, sans égard à leur statut. C'est notre mission
fondamentale. Je vous remercie de votre écoute.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, Mme Harel
Bourdon. Alors, on va passer à la période d'échange, et je cède la
parole à M. le ministre pour environ 20 minutes.
M. Proulx : Merci beaucoup, Mme Harel Bourdon. Madame, monsieur, merci d'être présents aujourd'hui. Merci de
participer à la commission et merci, bien sûr, de la présentation de votre
mémoire. Vous êtes clairement au fait de plusieurs des sujets pour lesquels nous sommes ici aujourd'hui, et notamment toute la question des sans-papiers, et ça,
sans égard à la situation
des demandeurs d'asile qui sont là aujourd'hui. Je pense que cette situation-là — puis on en avait parlé déjà il y a un
certain temps — était
d'actualité et mérite qu'on s'y attarde.
Concernant
le statut, deux, trois choses qui nécessitent, je pense, d'éclaircir vos
recommandations. D'abord, je vais
commencer par la fin, vous avez parlé de la rétroactivité. J'entends ce que
vous dites. Bien entendu, je peux comprendre que nous serons dans une année en cours et, une fois l'adoption, l'année
d'après, mais Mme Barcelo et moi avons bien noté cette préoccupation.
En ce qui a trait à votre
recommandation sur la garantie de la protection des renseignements concernant
le statut, bien entendu j'entends
également ce que vous dites. J'ai, je pense, déjà exprimé ou tenté d'exprimer
le plus simplement que c'est une
préoccupation. Bien entendu, ce choix que nous faisons d'élargir la gratuité
aux enfants sans papiers ne peut exister
ou ne pourra être le succès que nous souhaitons si on n'a pas cette
contrepartie de la protection des renseignements et de la confidentialité à leur égard. On a un corpus législatif ou réglementaire qui déjà
permet de protéger des informations nominatives personnelles. On aura l'occasion,
une fois le projet de loi adopté, si nous l'adoptons, de ne plus demander les
mêmes documents, de ne pas avoir les mêmes engagements
ou les mêmes démonstrations ou validations à faire. Donc, à ce moment-là, déjà là, on pourra agir différemment. Mais j'entends très bien
que des parents qui sont dans une situation
irrégulière du point de vue de l'immigration et qui ont des enfants qui pourraient fréquenter
l'école se refusent parfois de se
rendre vers l'école ou la commission
scolaire parce qu'ils ont peur, parce qu'ils ont une crainte de voir leur statut mis en lumière. Et, dans ce contexte-là, on aura
beau faire tout ce qu'on voudra, si on n'est pas en mesure de garantir cette situation-là, j'entends bien que notre
travail ne sera pas au rendez-vous.
Je
voulais peut-être mieux comprendre votre recommandation 3, parce que vous dites, dans la recommandation — je vais
au texte, et dans le milieu du texte : «De plus, cet article devrait
prévoir que l'élève mineur qui réside habituellement au Québec mais dont le titulaire de l'autorité
parentale n'y réside pas aura également droit à la gratuité scolaire.» Mais là
je pense que vous faites référence au
paragraphe précédent, où vous avez exprimé que, là, il y aurait un vide
juridique à l'égard du mineur qui,
lui, émigre au Québec sans ses parents, situation qui, bon, est moins connue,
j'imagine, là, même si vous me dites
qu'il y en a, peut-être, vérification faite pendant que vous faisiez la
présentation, situation qui serait couverte par... et là je n'entends peut-être
pas le texte directement, mais, dans les projets de règlement,
à cet égard-là, serait couverte. Mais
je voulais quand même vous entendre sur cette situation-là,
juste pour que vous puissiez me donner des exemples de ces situations
qui ne sont pas habituelles.
Mme Harel Bourdon (Catherine) : En fait, c'est une situation qui est relativement nouvelle. Cette année, on a une
dizaine de cas d'enfants qui sont dans cette situation-là. Par le passé, on
était plus à deux ou trois cas. C'est vraiment
une situation où l'enfant se retrouve à Montréal
ou Québec sans autorité
parentale et sans tuteur légal. Est-ce qu'il a des connaissances ici? Souvent, oui. Mais on a aussi
eu un cas de traite de personne, hein, un mineur qui s'est inscrit à l'école
chez nous... Je ne veux pas aller dans les
détails, là, parce que je veux quand même garder la confidentialité, mais on a
une dizaine de dossiers, en ce
moment, d'élèves qui n'avaient pas d'autorité parentale ou de tuteur. Puis il
faut comprendre que, dans certains
pays, au niveau culturel, la question de l'autorité parentale est vue
différemment. Et il y a également, dans
certains pays, des familles qui vont faire quitter cet enfant-là pour le
meilleur, mais sans que l'enfant soit accompagné. On parle surtout
d'adolescents, là, autour de 14, 15, 16 ans.
M. Proulx :
Et là, à ce moment-là — sans rentrer dans les détails, bien entendu, là, loin de moi
l'idée d'en savoir davantage sur les
cas en particulier — est-ce
que je comprends que, dans, je vais dire, la majorité des cas, on se retrouve
dans la situation qui serait régularisée plus tard, c'est-à-dire... Parce
qu'ils demeurent des mineurs au sens de nos lois et, dans cette situation-là, n'ont pas la pleine
capacité juridique pour tout, là. Il y a des situations dans lesquelles,
j'imagine, on aura besoin d'avoir un
répondant. Et, dans ce cas-là, c'est des gens qui, quoi, sont soit en attente
d'une adoption formelle soit en
attente d'une désignation d'un tuteur ou vraiment des situations où on
dit : Bien, voilà, je t'envoie avec des dollars, voici une bourse
familiale, quitte, va étudier à l'extérieur et reviens quand tu auras terminé?
Juste pour saisir...
Mme Laurin
(Geneviève) : Oui, c'est ça. Bien, au niveau du Service de
l'organisation scolaire, c'est ce qu'on nous a dit. Souvent, ces mineurs-là sont représentés... ils sont
accompagnés par des organisations, là, communautaires, qui parfois... notamment, dans un cas, un mineur
qui a été récupéré dans un parc, là, par une organisation. On est un peu
dans ces eaux-là. Donc, pour ce qui est de
la régularisation de leur statut, encore une fois, je pense qu'il y a des
organisations communautaires qui les prennent en charge. À 16 ans,
il y a des possibilités d'émancipation, toutes sortes de choses possibles. Mais il reste que, lorsqu'ils se
présentent dans nos commissions scolaires accompagnés de membres d'organismes
communautaires, ce sont des mineurs qui n'ont pas d'autorité parentale présente
sur le territoire. Et la façon dont le projet
de loi est rédigé actuellement, cette disposition-là, donc, la possibilité,
l'accès, si on veut, à la gratuité scolaire dépend de la présence sur le territoire d'une autorité
parentale, alors ça pose problème. On a décelé un genre de vide, là, justement,
juridique.
M. Proulx :
Ce que vous dites, dans le fond, c'est : Le texte repose sur deux
assises : un, une autorité parentale, deux, une résidence. Et, dans ce contexte-là, il manque une patte à
notre chaise, là. O.K. Même si c'est rare, les chaises à deux pattes,
vous aurez tous bien compris.
Dans
le contexte des élèves sans papiers, bien, écoutez, on a, je pense, voulu
simplifier passablement les choses. Bon, au niveau du code permanent, ce n'est
pas la première fois que nous en discutons dans les deux jours. J'entends
très bien qu'il faudra être conséquents avec
nous-mêmes. Dans la mesure où on élargit le principe de gratuité, on ne va pas
continuer d'exiger des documents qui ne sont
plus nécessaires pour avoir accès à l'école, pour obtenir le code. Alors, bon,
là-dessus il devra y avoir un travail de fait, ça va de soi. Au niveau des
ressources financières, bien entendu, je vous entends aussi.
J'avais
des questions à l'égard des apprentissages à la maison ou de l'éducation à la
maison, dans la mesure où je pense
que, dans le cas de la CSDM, ce sont les directions d'établissement qui sont en
lien avec ces parents. Est-ce que je me trompe?
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : Bien, en fait, on va expliquer un peu parce que
je pense qu'il y avait...
M. Proulx :
Oui, bien, ce serait intéressant parce que...
• (16 h 10) •
Mme Harel Bourdon (Catherine) : Nous,
en fait, la façon que ça fonctionne, c'est qu'on a une personne à l'organisation scolaire qui reçoit les demandes,
qu'elles viennent du parent ou d'une direction d'école qui a eu la demande
du parent.
Et là cette personne-là à l'organisation scolaire va, dans le fond, soutenir le
parent pour monter son dossier, parce
qu'il faut quand même remplir un formulaire, puis, dans le fond, monter son
dossier de scolarisation à la maison. Et
la personne à l'organisation scolaire fait appel à nos services éducatifs, donc
il y a un conseiller pédagogique qui va regarder le projet. Mais tout le suivi entre le parent et quelqu'un de
la CSDM se fait via la direction d'école. Donc, une fois que le dossier est accepté, puis je peux vous
dire qu'on a à peu près une cinquantaine... M. Prescott, vous pouvez
peut-être...
M. Prescott(Marc) : Bien, écoutez, c'est à peu près 45 dossiers par
année, en moyenne, là, qu'on traite. C'est des dossiers acceptés, il faut bien comprendre la différence, puisqu'on
a pas loin de 130 demandes d'information sur le sujet, sur une
intention de vouloir aller vers un enseignement à domicile. De ça découlent à
peu près 45 dossiers, là, annuellement.
Et une fois que le dossier, dans le fond, est transféré à l'école, parce que,
pour nous, c'est important que la
relation existe entre l'école et le parent qui veut scolariser à la maison,
alors là, c'est là que le travail... et, quand je parle de la direction, je parle de son équipe, là, qui
est sous sa gouverne, et là il va s'enclencher une relation où ils vont
convenir de différentes modalités en
lien avec le projet d'apprentissage présenté, convenir des modalités de suivi,
convenir des modalités d'appui,
convenir des modalités de mesures spécifiques si l'élève est dans une situation
particulière et convenir aussi des
modes d'évaluation pour s'assurer que l'enfant puisse avoir bénéficié de tout
qu'il y a à bénéficier, dans le fond, pour son année scolaire, grosso
modo.
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : Je
pense que c'est important aussi qu'il y ait un cadre, là. Vous parlez d'un
cadre de référence qui soit donné. Je pense
que c'est important que, d'une école à l'autre ou d'une commission scolaire à
l'autre, on ait quand même une certaine
forme de balises communes, puis que ça ne soit pas aléatoire selon les
personnes, et que cette relation-là
qui est établie, bien, il y ait des communications à plusieurs moments dans une
année scolaire, un peu comme on a des
rencontres avec l'enseignant de notre enfant, dans le fond. Il y a trois
communications, grosso modo, par
année, soit par le bulletin, soit par des rencontres parents-enseignants. On
croit que la même chose devrait avoir lieu entre le parent qui fait la
scolarisation à la maison et l'école de quartier, dans le fond, qui est l'école
de proximité.
M. Proulx : Avant de parler de
comment ça se passe dans les cas où ils sont en relation avec la commission scolaire, vous avez dit, M. Prescott :
On a 45 dossiers acceptés. Ce qui me laisse sous-entendre que, les autres,
vous ne les acceptez pas?
M. Prescott (Marc) : Oui, je me
suis mal exprimé à cet égard-là, effectivement.
M. Proulx : Non, mais juste
pour comprendre parce que...
M. Prescott (Marc) : C'est
juste simplement que c'est des parents qui abandonnent le projet.
M. Proulx : O.K. Donc, ce n'est
pas un refus de la commission...
M. Prescott (Marc) : Non, ce
n'est pas un refus de la commission scolaire, mais c'est les parents...
M. Proulx : Je suis venu inquiet deux, trois instants, alors
c'est pour ça que je vous posais la question. Merci.
M. Prescott (Marc) : Non, non.
Je vous rassure là-dessus.
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : Il
faut juste comprendre, M. le ministre, ce n'est pas un groupe homogène,
les gens qui font la scolarisation à la maison.
M. Proulx : Non, non, non. Ça,
j'entends ça, oui.
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : Donc,
des fois, il y a des gens qui vont avoir la volonté, là on leur donne
l'information, tout ça, d'un cadre, et tout ça, puis qui, finalement,
abandonnent le projet. Mais il y a toutes sortes de raisons. Ça peut être, par exemple, un élève qui est artiste, donc qui
va faire certaines heures de scolarisation à la maison, un élève athlète, un projet de vie d'une famille,
un voyage à l'étranger. Puis on a du meilleur au pire. Donc, on a aussi
des situations où on a des doutes sur le
fait que la scolarisation à la maison soit plutôt en lien avec une forme de
décrochage envers l'école, et ça,
c'est ce qui nous interpelle le plus. Puis je pense qu'on a vu différents
reportages aussi de jeunes adultes
qui disaient que la scolarisation religieuse qu'ils avaient eue ne convenait
pas et qu'ils auraient voulu avoir eu accès au programme éducatif
québécois comme les autres enfants.
M. Proulx : ...et merci de la clarification, j'entends bien
ce que vous dites. Et je peux comprendre aussi que, pour certains parents, bon, qui auraient cette
intention, une fois qu'on réalise pleinement ce que ça veut dire, il y a un
engagement, hein, c'est un mode de
vie, bien, certains peuvent décider de renoncer à ce projet-là ou de le
poursuivre différemment. Il y a, bien entendu, toutes sortes de situations... bien, il y a autant
de situations qu'il y a de gens dans des cas comme ceux-là. Donc, je comprends que votre modèle à vous, c'est
la commission scolaire, et indépendamment du premier contact, que ce soit la CSDM ou les écoles, dans
le fond, le premier intervenant avec
ces parents, pour ensuite diriger vers l'école de quartier les parents
qui veulent faire ce mode d'éducation.
Dans
l'ensemble, vous voyez comment le contexte actuel? Et là je
vais le mettre en opposition avec ce que nous proposons : Est-ce qu'il
y a déjà, dans ces 46, 47 cas
là, actuellement, des plans d'apprentissage? Est-ce qu'il y a
déjà des échanges d'information? Est-ce qu'il y a déjà une collaboration sur
un suivi des apprentissages? Ça se passe comment avec ces... Quand même,
on a la chance d'avoir un petit échantillon, donc on...
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : Bien, habituellement, ça se passe bien, mais il
faut comprendre qu'il y a probablement des parents qui ne viennent pas vers
nous. Et, dans le fond, ce qu'on veut, c'est tendre la main, pas de méchantes commissions scolaires qui vont vouloir
contrôler les parents, mais simplement de s'assurer... Vous savez, la commission scolaire, dans sa mission, elle a une
obligation de s'assurer des services éducatifs sur le territoire. Et, dans le
fond, c'est cette volonté-là. Je pense qu'en
quelques communications... Ce n'est pas de savoir exactement à quelle heure
puis quel jour telle ou telle matière va
être enseignée à la maison, mais de s'assurer que l'ensemble du programme
éducatif québécois, incluant les sciences,
incluant le français, incluant Éthique et culture religieuse... que le
programme éducatif va être vu par la famille, par les parents.
M. Proulx : Dans le cas actuel, donc, je comprends qu'il y a une collaboration.
Vous dites : Dans la majorité des cas,
les choses se passent bien, c'est que, j'imagine, vous en avez une rétroaction
des différentes directions d'école. La question
a été posée, mon collègue de Chambly l'a encore posée tout à l'heure, et même
on... je pense, encore une fois, j'ai entendu Mme Brabant ce matin,
alors j'y réfère. Mme Brabant disait : On ne peut pas... et
j'exprimais qu'on ne peut pas forcer les
gens à être en mode de collaboration, là. Dans les faits, il y a une limite,
là, à forcer les intentions et la bonne
collaboration. Comment on fait pour s'assurer que, dans chacun de nos milieux,
on a une ou des personnes ou une équipe
qui a, bien, à coeur d'assurer ce service et de collaborer, pas pour dire que
c'est ce qu'il y a de meilleur, pas pour dire c'est ce qu'il y a de
pire, pas pour choisir un camp, pour servir des élèves ou des enfants
différemment?
Mme Harel Bourdon (Catherine) : Bien, je pense qu'à partir du moment où les
règles du jeu... Le plus difficile, c'est
quand les règles sont floues. C'est comme à la maison, hein, si on n'a pas un
cadre sur l'heure de coucher, etc. Donc, plus tout le monde va connaître les règles du jeu puis va pouvoir
établir, dans le fond, un fonctionnement dans ces règles du jeu là, plus ça va être facile. Le problème,
quand il y a du flou, c'est les contestations ou encore d'avoir une approche
très, très différente selon les personnalités, de la personne qui va
recevoir... par exemple, une direction d'école qui va recevoir différemment le parent. Donc, je pense que, si nous avons des règles
du jeu claires avec un guide de référence... Puis on pourra participer, là, on a des conseillers pédagogiques, à la
commission scolaire, qui peuvent vraiment nous donner les meilleurs outils, dans le fond, pour faire un
guide de référence qui va... Le but, ce n'est pas le contrôle extrême, c'est
juste de s'assurer de la qualité des services éducatifs.
M. Proulx : Pour soutenir ces écoles, et ces directions, et ce personnel, est-ce
que vous prenez ce 1 000 $ puis vous l'envoyez directement?
• (16 h 20) •
Mme Harel Bourdon (Catherine) : Il faut comprendre qu'à l'échelle d'une
commission scolaire comme la nôtre, à 200 établissements,
une cinquantaine d'élèves à 1 000 $ par élève, ça fait
50 000 $. Ça ne paie même pas un conseiller pédagogique. Et, juste pour vous donner une idée,
un ratio, bien, c'est sûr que nos conseillers pédagogiques vont être dans
deux ou trois écoles, donc c'est un ratio
d'à peu près un pour 1 000. Donc, c'est sûr qu'on ne peut pas mettre une
ressource temps plein comme conseiller pédagogique avec la cinquantaine
de familles qui font la scolarisation à la maison. Par contre, selon les besoins, on a des conseillers pédagogiques qui vont
pouvoir faire des suivis. Les directions d'école qui transigent avec ces familles-là vont avoir aussi, dans le fond, le support, là,
de la commission scolaire, de nos différents services. On est comme un grand centre de services partagés, puis on le
partage à nos 200 établissements. Et je vous dirais que, même recevoir 1 000 $, pour une
école, s'il y a un besoin spécifique qui arrive, très particulier
pour un enfant x, ça va coûter
au-delà de ça. Donc, pour nous aussi il
y a une question
d'équité dans la répartition financière de nos ressources. Puis c'est sûr qu'on pourrait difficilement
attribuer une ressource temps plein pour une cinquantaine d'élèves versus
les ratios qu'on a pour nos différents besoins.
M. Proulx :
Donc, si je...
La Présidente
(Mme Rotiroti) : ...il vous reste une minute.
M. Proulx : Oui, puis ce sera ma dernière question. Si je comprends bien, dans le fond, ce que vous me dites, c'est :
Si on a une masse critique importante, on accumule ces sommes-là puis on est capables
de soutenir avec une ou des ressources. Si on n'a pas de masse critique suffisante, ça
nous aide à payer la ou les ressources qui viennent en soutien, sans plus.
Mme Harel Bourdon (Catherine) : Dans le
fond, ça fait partie des tâches des ressources
qu'on a déjà comme conseillers
pédagogiques ou comme préposés à l'organisation scolaire, mais qui ne sont pas juste dédiés à la scolarisation à
la maison, mais qui ont plusieurs tâches dans la semaine.
M. Proulx :
Merci de votre présentation. Merci.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci, M. le ministre. On va passer du côté de l'opposition officielle, et, M.
le député de Lac-Saint-Jean, vous avez 14 minutes.
M. Cloutier : Je vous
remercie. Vous avez abordé le règlement,
puis, dans le fond, ce que vous demandez, c'est que les modalités du règlement, dans le fond, soient mieux... soient définies. Et, j'imagine, vous auriez
aussi souhaité qu'on puisse en discuter, parce qu'à ce stade-ci, le règlement,
tout est à faire, tout est à construire.
Vous parlez des
modalités d'évaluation quant à la progression qui est prévue pour
l'apprentissage. Est-ce que, dans votre esprit, cette évaluation-là doit
se faire dans le cadre d'une certaine conformité avec le régime pédagogique québécois? Vous avez fait allusion tout à l'heure,
dans votre présentation, au cours d'éthique et culture religieuse. Est-ce
que, pour vous, vous... Est-ce que vous
reconnaissez la latitude qui doit être accordée aux parents? Comment
conciliez-vous, dans le fond, la nécessité de donner une certaine
liberté de choix aux parents dans l'organisation pédagogique tout en conciliant
ça avec l'apprentissage et éventuellement peut-être une diplomation?
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : Bien,
il y a un programme éducatif qui est quand même une base solide qui fait en sorte que, comme système public au Québec,
je pense qu'on s'est bien classé par rapport à d'autres pays du monde. Donc, il faut juste bien comprendre qu'est-ce qui
est important dans la relation avec le parent, c'est de s'assurer que le
parent va couvrir les différents aspects du programme éducatif. Nous, en ce
moment, le parent va présenter un plan. Dans
le fond, c'est comme un plan de travail. C'est comme en début d'année quand on
rencontre le professeur de notre enfant
puis qu'il nous parle un peu de comment l'année va se dérouler. Qu'il y ait une
rencontre après ça avec le portfolio... par exemple, là, il y a beaucoup de parents qui utilisent le portfolio
pour montrer l'évolution de l'enfant, ses défis, ses réussites, etc., puis à la fin il y a un
bilan, qui n'est pas nécessairement par un examen écrit. Par contre, je pense
qu'il faut quand même que ces
enfants-là puissent passer les mêmes examens, au niveau ministériel, que nos
élèves dans nos écoles primaires et secondaires publiques.
M. Cloutier :
Et présentement c'est vraiment le choix des parents de faire passer ou non les
examens à l'intérieur...
M. Prescott
(Marc) : Présentement, non. Et je vous dirais que, tu sais, le mot
«convenir», pour nous, est important. Lorsqu'on
dit que la direction va devoir convenir avec les parents des modalités
d'évaluation sous-jacentes, dans le fond, à la planification présentée
par le parent, c'est important, cet égard-là, puisqu'on donne la latitude au
parent de nous présenter son plan de match,
de nous présenter sa façon de voir comment il va rendre à terme le projet de
son enfant et de convenir avec nous,
en lien avec les préoccupations du régime pédagogique, quelles seront les
modalités pour y arriver. Et c'est à
nous de supporter, de soutenir le parent dans cette démarche-là et de s'assurer
que ce qui est présenté convient, dans le fond, aux deux parties.
M. Cloutier :
Donc, vous avez la préoccupation, la commission scolaire de Montréal, que les
enfants fassent les examens pour éventuellement obtenir leurs diplômes, c'est
ça?
M. Prescott (Marc) : Bien,
clairement, si on parle des examens de sanction, notre préoccupation,
c'est : oui, effectivement, ce sera nécessaire que les enfants passent les examens de sanction.
En ce qui a trait aux autres types d'évaluations, là, avant la sanction,
au primaire, et tout ça, là, à ce moment-là on a une plus grande latitude, là,
pour travailler avec les parents.
M. Cloutier : Je comprends. Tout à l'heure, vous avez dit
que vous avez environ 130 demandes, il y a 40 dossiers qui cheminent, mais qu'est-ce qui
arrive avec les situations où vous jugez que le parent veut aller de
l'avant, mais, de votre point de vue, le parent n'a pas
les outils nécessaires pour pouvoir offrir la scolarisation à son
enfant? Est-ce que vous pouvez intervenir? Est-ce que vous laissez aller
les choses? Quel type d'intervention vous pouvez faire?
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : Bien,
on a des dossiers où, la présentation qui nous est faite, on peut penser
que l'enfant n'aura pas la totalité du
programme. Ça arrive, des situations plus difficiles avec des parents. Comme je
disais, il y a un large spectre dans l'école à la maison puis il
ne faut pas non plus que ça soit des situations où le parent va justifier un certain décrochage scolaire de l'enfant en
évoquant une scolarisation à la maison où, dans le plan de match, on n'a pas
l'assurance que le parent va faire le suivi du programme éducatif.
M. Cloutier : Alors, qu'est-ce
que vous faites à ce moment-là?
Mme Laurin
(Geneviève) :
...compréhension, je pense que Marc Prescott peut... (panne de son) ...mais,
dans ces cas-là, il y a refus. C'est certain que le projet ne peut pas
aller de l'avant s'il est incomplet, là. Je pense que c'est surtout des
dossiers incomplets parce que ce qui est demandé actuellement, c'est quand même
un bon plan de préparation, etc. Donc,
souvent, justement, c'est plus des abandons, je pense, surtout, qui se
produisent, mais, dans certains cas
où clairement on constate que ce n'est pas adéquat, que ce n'est pas suffisant,
qu'on a des indices nous laissant croire que l'enfant n'obtiendra pas une éducation adéquate, à ce moment-là,
clairement, la commission scolaire peut refuser et refuse.
M. Cloutier :
La commission scolaire, donc, peut refuser.
Mme Laurin
(Geneviève) : ...on n'a pas
les statistiques sous les yeux, mais je sais que, les dossiers traités,
certains sont refusés.
M. Prescott
(Marc) : Par contre, c'est toujours
des situations assez litigieuses, je vous dirais, là, lorsqu'on
ne convient pas avec le parent que le
projet présenté est conforme aux attentes ou, à la limite, il présente plusieurs
déficiences, là, au niveau
pédagogique ou au niveau du projet en tant que tel. On essaie tant bien que mal
de pouvoir accompagner le parent pour
clarifier sa démarche, pour essayer de voir avec lui à construire un meilleur
plan de match. Ces obligations-là ou,
si on veut, ces échanges-là amènent souvent à l'abandon, dont je parlais
tantôt, du projet, puisque ça amène plusieurs contraintes. Ça met souvent le parent devant une
décision, des décisions à prendre en lien avec, dans le fond, une vision
réaliste de l'actualisation de ce projet-là. Mais effectivement, à quelques cas
rares, on a dû vraiment, bon, à la limite, amener
le parent à abandonner ce projet-là, puisqu'on avait des doutes importants
sur... Et, je vous dis, quand on a un doute
important, là, ce n'est pas de surface, là, mais on a un
doute suffisamment important que le projet, dans le fond, ne s'effectue
pas sur les bases attendues.
M. Cloutier :
Des parents nous ont soumis la réflexion qu'il devrait peut-être y avoir une
procédure d'appel ou un processus de révision, justement, quand arrive ce type
de scénario.
Mme Harel Bourdon (Catherine) : Bien, ça existe déjà, c'est prévu, dans le
fond, de deux façons : soit le dossier peut être soumis au comité de révision composé de trois commissaires — un
commissaire-parent et deux autres commissaires — ou encore à la protectrice de l'élève.
Donc, d'ailleurs, je pense qu'on veut que la protectrice de l'élève puisse
répondre, justement, à ces demandes-là de
scolarisation à la maison. Donc, le protecteur ou la protectrice va analyser le
dossier ou encore le comité de révision composé de trois membres va
analyser le dossier.
M. Cloutier :
Mais c'est déjà prévu par la loi que le protecteur de l'élève peut réviser une
décision?
Mme Harel Bourdon (Catherine) : ...c'est déjà actif. Un dossier du protecteur ou de la
protectrice de l'élève se retrouve
soumis au conseil des commissaires. Donc, la protectrice ou le protecteur de
l'élève fait des recommandations, mais ultimement c'est le conseil des
commissaires qui...
• (16 h 30) •
M. Cloutier : C'est tout récent. C'est ça que je comprends. C'est une procédure qui est nouvelle mais qui
offre, justement, une perspective différente par d'autres intervenants.
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : Oui, effectivement. Mais nous, on a été dans les
premières commissions scolaires à avoir
mis... à l'époque, on appelait ça un ombudsman, ensuite ça a été protecteur de
l'élève. Puis il y a eu une évolution,
dans le fond, des dispositions légales, là, par rapport au mandat puis aux
différents éléments du protecteur de l'élève.
M. Cloutier :
Puis la FAE nous a parlé tout à l'heure des difficultés liées aux classes de
francisation, aux classes d'accueil, aux problèmes de financement. Est-ce
que vous avez l'impression que vous avez les budgets nécessaires pour procéder
à la francisation, que vous avez suffisamment de ressources pour les classes
d'accueil? Et qu'en est-il pour ces nouveaux élèves qui vont se
qualifier?
Mme Harel Bourdon (Catherine) : Le défi est très, très grand. Est-ce que le montant
est suffisant? Je peux vous dire
qu'en 2015-2016, en moyenne, les classes d'accueil nous coûtaient
2 000 $ de plus par élève que le montant qui était octroyé dans l'enseignement et la formation, dans
cette portion-là. L'année passée, on a eu des budgets additionnels, entre
autres, pour les réfugiés syriens. Le défi
est très, très grand, surtout quand on parle de sous-scolarisation. Parce qu'il
y a l'accueil et la francisation,
mais parfois il y a des élèves qui ne sont pas juste dans l'apprentissage de la
langue française, mais qui ont aussi
une sous-scolarisation dans leurs pays d'origine. Donc, ça, c'est sûr que ça
prend des ressources additionnelles.
Puis la représentante
de l'AMDES a parlé des intervenants communautaires scolaires. On n'a pas de budget
particulier pour les intervenants
communautaires scolaires. Avant d'être dans un retour à l'équilibre budgétaire,
nous avions, comme institution, comme
conseil des commissaires, mis en place des comités de quartier, et, dans
plusieurs quartiers, l'argent qui
avait été donné à ces comités-là allait vers des intervenants communautaires
scolaires pour faire le pont entre l'école,
les familles immigrantes nouvellement arrivées et les organismes
communautaires, pour venir soutenir la famille aussi dans l'apprentissage du système éducatif québécois, la question du
logement, la question des différentes façons de faire. Parce que, dans
le fond, il y a beaucoup de choses quand une famille s'installe à Montréal et
au Québec, il y a beaucoup d'éléments qui
vont contribuer au bien-être de l'enfant. Il y a la portion éducative, mais il
y a tout le soutien autour.
M. Cloutier :
Est-ce que vous souhaitez qu'il y ait un budget particulier qui soit offert,
pour les nouveaux élèves qui sont soumis, par le projet de loi actuel? Est-ce
que vous souhaitez une enveloppe particulière pour cet ajout?
Mme Harel Bourdon (Catherine) :
Bien, je pense que ça va être nécessaire parce que, surtout avec les nouveaux demandeurs d'asile, on parle peut-être
d'ouvrir des classes temporairement à proximité des centres d'hébergement.
Donc, est-ce que ces
classes-là vont être comblées totalement? Est-ce qu'il va y avoir des
mouvements? Si, en fait, l'enfant commence
une scolarisation à proximité du centre d'hébergement mais que la famille
déménage dans un autre quartier ou
dans une commission scolaire, on ne va pas nécessairement assurer le ratio, là,
d'environ 1-15, là, pour le groupe d'accueil, ça fait qu'il se peut qu'on descende en bas de ça. Ça fait que c'est sûr
qu'il va falloir avoir des modalités financières, là, pour s'assurer
qu'il n'y a pas de... On comprend qu'en ce moment on a déjà...
Ah! oui, au
niveau du transport. M. Prescott m'écrit sur le transport, parce que vous
comprenez qu'à Montréal c'est assez
difficile en ce moment de se déplacer, puis on est déjà en déficit dans notre
enveloppe de transport. Donc, c'est sûr que, tout élève qu'on devra
déplacer, bien, ça va être des coûts supplémentaires, là.
M. Cloutier : Mais, les
demandeurs d'asile, je comprends que c'est une enveloppe qui est différente de celles qui sont traitées par le
projet de loi actuellement, mais avez-vous des enveloppes spéciales considérant
l'afflux plus important cette année?
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : Bien,
l'année passée... Ce qui est bien, c'est que maintenant on a un financement
qui vient tout au long de l'année. Donc, ce
n'est pas juste au 30 septembre comme les élèves réguliers. Donc, on donne
au ministère nos données puis on a de
l'entrée financière. Donc, l'an dernier, avec les réfugiés syriens, on a eu des
montants qui nous ont été octroyés
tout au long de l'année, mais ça ne vient pas pallier à un intervenant
communautaire scolaire, ou à un manque au niveau du financement du
transport, ou ces éléments-là. C'est tout le soutien autour, dans le fond.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Il reste quelques secondes, M. le député.
M. Cloutier : Très bien. Alors,
je vous remercie de votre présentation.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Alors, on va passer du
côté de... le deuxième groupe de l'opposition, et, M. le député de
Chambly, vous avez neuf minutes.
M. Roberge : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Alors, merci pour votre présentation. J'aurais une question tout
d'abord sur votre recommandation 8, donc à la page 9 de votre
mémoire. Et j'ai de la misère à comprendre, là, l'harmonisation qu'il y a entre
ce que vous demandez comme modification, la Loi sur l'instruction publique.
Donc, je vais commencer. Le deuxième paragraphe,
c'est écrit : «Avis direct au MEES». Précédemment, à la recommandation 8, le deuxième paragraphe, ça dit : «La CSDM considère comme
insuffisant le signalement à la DPJ si l'objectif est véritablement de
contrecarrer la contravention à l'obligation de fréquentation scolaire et
d'appliquer les dispositions pénales de la nouvelle loi. [Donc,] advenant que
le signalement ne soit pas retenu, la non-fréquentation scolaire
demeurera sans suivi.» Pouvez-vous préciser un peu?
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : Bien,
en fait, on est aux prises, dans certaines situations, avec une
non-fréquentation scolaire qui est
signifiée à la DPJ, puis, la DPJ ayant énormément de cas, ce n'est pas tous les cas qui sont
retenus. Disons, plus l'enfant est en
bas âge, plus les cas sont retenus, mais, plus l'élève s'approche du
16 ans, dans le fond, ils ont tellement
de dossiers qu'ils vont regarder s'il y a
des manques à la sécurité, pour sa vie, ou de la maltraitance, ou des choses
comme ça. Mais, si on est juste dans
un élément de non-fréquentation scolaire, il n'y a pas nécessairement
d'intervention immédiate.
M. Roberge : Très
bien, mais je pense
qu'il y a des modifications qui vont être apportées à cette loi-là, là,
selon le projet de loi n° 99. Puis, dans votre recommandation 8, vous dites... les dernières lignes, on parle de «mettre en
branle l'inspection prévue à l'article 478
de la loi». Donc, on parle d'une inspection. Et, quand je regarde dans la Loi
sur l'instruction publique, là, pas
dans le projet de loi actuel, dans l'article 478, il n'y a
pas d'inspection. Donc, j'essaie de voir,
vous parlez d'une inspection prévue à l'article 478, mais il n'y a pas d'inspection, à
moins que je ne me trompe ou je ne fouille pas au bon endroit.
J'aimerais juste comprendre de quoi vous parlez.
Mme Laurin
(Geneviève) : ...référence
au projet de loi, c'est-à-dire les nouvelles dispositions qui donnent plus
de dents, si on veut, là, au ministère
pour procéder aux inspections, pour déceler justement la
non-fréquentation. Donc, on fait
allusion à ça, là. Lorsqu'il y a non-fréquentation scolaire qui est décelée, s'il y a
simplement la DPJ qui reçoit le signalement,
on considère que c'est insuffisant, qu'il serait opportun de mettre en branle
le processus prévu dans le projet
de loi dès le moment où on constate la non-fréquentation, avant qu'un délai très,
très long s'écoule et qu'il y a des conséquences irréversibles.
M. Roberge : O.K. De ne pas
tout remettre dans les mains de la DPJ.
Mme Laurin (Geneviève) : Exact.
M. Roberge :
Puis on verra, là, au moment de proposer l'amendement, à l'article par article,
à essayer de boucher les trous, parce que, dans l'article 478 actuel, la
Loi sur l'instruction publique, on parle de... il n'y a pas d'inspection
comme telle. Puis, dans les modifications
dans le projet de loi ici, à l'article 15, on parle de l'article 478,
mais on parle d'obtenir des
renseignements relatifs, et non pas, mettons, d'inspection — je n'aime pas tellement le terme — ou enfin de visite. Mais on verra, là, pouvoir, dans le fond... de ne pas s'en
remettre simplement aux gens de la DPJ. Puis c'est «le» DPJ, hein, c'est le département de la
protection de la jeunesse, mais j'ai toujours tendance à dire «la DPJ». Bien,
merci pour ces clarifications-là, on verra ensuite, à l'article par article, à
trouver les détails à faire.
Je
vais vous demander maintenant : En ce moment, quand il y a des gens qui
viennent vous voir parce qu'ils ont envie
de faire l'école à la maison, est-ce qu'en général ils vont d'abord cogner,
selon vous, à votre porte, à la commission scolaire, ou à l'école? Tantôt, les directions d'école nous
disaient : Ah! on reçoit pas mal les gens à l'école de quartier, mais je me demande s'ils vont à l'école après être
allés directement en centre administratif, ou s'ils vont directement à
l'école. Votre son de cloche à vous, c'est quoi, pour les parents qui font
l'école à la maison?
• (16 h 40) •
Mme Harel Bourdon (Catherine) : Ça vient des deux côtés, ça vient du côté... ils
vont cogner à la porte de l'école, l'école va les rencontrer, va prendre
un certain nombre d'informations. Des fois, il y a des écoles qui n'ont jamais
eu ce type de demande là, donc ils vont dire
aux parents : Écoutez, c'est la première fois que j'ai ce type de
demande là, donc je prends bonne
note, dans le fond, de votre demande, je vais communiquer avec la commission scolaire, regarder c'est quoi, les modalités, puis vous revenir. Et parfois
c'est un parent qui est informé, parce qu'ils ont quand même
un réseau, hein, il y a beaucoup de contacts entre les familles qui font
la scolarisation à la maison, donc parfois il y a un appel directement à nos
services au niveau de l'organisation scolaire.
M. Roberge : Et, comme il y a peut-être une grande
différence entre, justement, une direction d'école qui en est à sa huitième ou sa 10e famille qu'elle accompagne
versus une direction d'école pour qui c'est nouveau puis ne sait pas trop par où prendre ça, est-ce que
vous jugez que la meilleure personne pour faire l'entente avec la famille, le
fameux projet d'apprentissage... Est-ce que
vous pensez que la meilleure personne, c'est, selon vous, la direction d'école,
puisqu'il s'agit de relation
avec les parents, ou vous pensez que, non, dans le fond, les directions d'école
devraient référer à un conseiller pédagogique à la commission scolaire? C'est
quoi, l'avenue que vous privilégiez?
Mme Harel Bourdon (Catherine) : Bien, on pense que le contact entre la famille et
la direction d'école de quartier est
important parce que c'est l'école de proximité. Puis de garder un
lien, pour nous, c'est important. Ça ne veut pas dire que la direction
d'école ne peut pas se référer à nos services éducatifs, à un conseiller pédagogique,
à l'organisation scolaire, au secteur
juridique pour, dans le fond, élaborer cette entente-là. Mais on pense que
c'est important que les liens, au fur et à mesure de la scolarisation,
soient établis entre la famille et la direction d'école.
M. Roberge :
Et je m'inquiète d'une réponse que vous avez apportée précédemment, quand on a
parlé du fameux 1 000 $,
là, qui semble se perdre un peu. Ce que vous avez dit, dans le fond :
50 familles, pour la CSDM, c'est à peu près 50 000 $. Avec 50 000 $, on ne peut même pas payer
un conseiller pédagogique. Puis c'est éparpillé dans toutes les écoles.
C'est comme ci c'était seulement 1 000 $ par enfant, donc ce n'est
pas assez pour une ressource à temps plein. Donc, il n'y a pas de garantie, au fond, que les parents vont avoir plus
qu'une ou deux rencontres. Il n'y a pas une garantie de service pour les parents qui font l'école à la
maison. Est-ce que c'est parce que la commission scolaire est en pénurie de
ressources, puis elle voudrait embaucher du
monde, puis physiquement vous faites des offres d'emploi, puis personne ne postule? Ou c'est parce que vous n'avez pas
assez d'argent? Vous voudriez avoir 2 000 $, 2 500 $,
3 000 $ pour faire un meilleur accompagnement?
Mme Harel Bourdon (Catherine) : Bien, en fait, je pense que c'est un choix
parental, de faire la scolarisation à
la maison, donc c'est un choix familial également. Il faut
voir aussi que l'enjeu crucial, là-dedans, c'est la répartition équitable des ressources.
Donc, comment identifier qu'un enfant va avoir un besoin particulier
d'orthophonie ou d'orthopédagogie s'il n'y a
pas de suivi dans l'école, s'il n'y a pas d'évaluation dans l'école, s'il n'y a pas de diagnostic
qui est posé? Ça devient extrêmement difficile lorsque la scolarisation se fait hors les murs. Ça, c'est
le premier élément.
Le
deuxième élément, c'est que, comme le parent identifie les besoins de son
enfant, c'est normal, mais nous, on
doit desservir, dans le fond, l'ensemble des enfants selon leurs situations,
leurs besoins, les défis, les difficultés de chacun d'eux. Et à ce moment-là il y a un manque de ressources, M. Roberge,
je vous le confirme. Ce n'est pas évident de recruter, dans
toutes nos commissions scolaires, entre
autres les professionnels dans certains secteurs, par exemple
l'orthophonie.
Donc,
c'est sûr que je pense qu'au niveau des députés, comme législateur, il faut se
poser la question entre le droit individuel d'une scolarisation à la
maison puis la question collective des services éducatifs que nous donnons
comme institution sur un territoire.
M. Roberge :
Je vous remercie beaucoup.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, merci beaucoup,
Mme Harel Bourdon, M. Prescott et Mme Laurin, pour votre
contribution à la commission.
Je suspends quelques
instants pour permettre à l'Association des orthopédagogues de prendre place.
(Suspension de la séance à
16 h 45)
(Reprise à 16 h 48)
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux, et je
souhaite la bienvenue à l'Association des orthopédagogues du Québec. Merci
d'être là.
Alors,
je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, et on passera à une période d'échange
entre les élus par la suite. Alors, je vous demanderais de vous identifier
ainsi que les gens qui vous accompagnent, et vous pouvez tout de suite
passer à votre exposé.
Association des
orthopédagogues du Québec inc. (ADOQ)
Mme Gadbois
(Isabelle) : Parfait. Alors,
mon nom est Isabelle Gadbois. Je suis orthopédagogue, présidente-directrice générale
de l'Association des orthopédagogues du Québec. Je suis accompagnée de Mme Céline Martel, qui est la relationniste de l'association, ainsi que de M.
Yvon Magnette, qui est d'abord orthopédagogue, qui est aussi expert en éducation, qui a une expérience terrain
spécialisée en scolarisation à domicile, qui est membre, évidemment, de l'ADOQ
et expert-conseil de notre côté.
Donc, pour
toutes les questions concernant les positions de l'association, je pourrai
m'entretenir avec vous avec grand
plaisir, et, pour toutes les questions de cas d'espèce, d'expertise,
M. Magnette est là pour ça, étant donné qu'il a accompagné partout au Québec, dans plusieurs
commissions scolaires, dans plusieurs cas de figure et incluant à la cour
à titre d'expert. Donc, c'est un grand plaisir d'être ici aujourd'hui.
• (16 h 50) •
La scolarisation à domicile, c'est clairement un
sujet qui interpelle les orthopédagogues parce que qui dit scolarisation à domicile dit nécessairement
besoins particuliers. Trop souvent, par besoins particuliers, on entend EHDAA,
ce qui est une erreur en soi. Des besoins
particuliers, ça va de la déficience à la douance, donc, des déterminants liés
à la personne, mais des besoins
particuliers sont aussi associés aux modèles d'apprentissage, aux modalités
d'apprentissage et aux modalités d'évaluation choisis.
Ici, on parle
d'une liberté fondamentale, qu'un parent a le droit de choisir pour son enfant,
pour son bien-être et pour son
éducation. Ce parent-là est confronté
à différentes structures, différentes bureaucraties. Il essaie tant bien que
mal de donner le meilleur à son enfant, et,
lorsque ça ne fonctionne pas comme il le veut, on lui propose juge et partie,
protecteur de l'élève à l'intérieur même de l'instance dans laquelle ça ne
fonctionne pas.
Vers qui il
se tourne la plupart du temps? Du côté des associations québécoises, au niveau des
parents éducateurs à la maison ou,
plus près d'eux, les orthopédagogues en pratique privée, qui sont au coeur très
souvent de la collaboration
entre le milieu scolaire public, privé et la scolarisation à domicile.
Ce sont dans
les cas où ça ne fonctionne pas, mais des fois les histoires, ce sont des
histoires qui fonctionnent très bien,
des histoires à succès, des gens qui ont fait des choix philosophiques,
idéologiques, des choix d'éducation particulière. Et ils sont là pour accompagner leurs enfants dans ce qu'ils considèrent
être le mieux pour eux, pour leurs familles et pour leur futur, et à ce
moment-là, bien, on peut les accompagner.
Plusieurs
points sont vraiment très intéressants dans les modifications qui sont
apportées. D'ailleurs, on tient à mentionner qu'on trouve très intéressant
le fait qu'on propose le retrait de la notion d'évaluation par une commission scolaire.
Du côté de l'Association des orthopédagogues du Québec, on est formels sur le
fait que le professionnel qui est le plus apte à évaluer un élève dans sa progression optimale des
apprentissages, quelle que soit sa modalité, normative ou alternative,
c'est définitivement le professionnel qui est l'orthopédagogue.
On voit aussi
un avis écrit à la commission
scolaire, ce qui est une bonne chose parce qu'on considère que c'est important qu'aucun enfant ne soit mis de côté ou
oublié. L'ajout aussi d'une déclaration d'intention pédagogique, ce à quoi il
faut faire attention. Un enseignant, un orthopédagogue, ce sont des
professionnels spécialisés avec une formation des maîtres initiale spécialisée. Il ne faudrait pas prétendre qu'un
parent doive se transformer en pédagogue et avoir les mêmes attentes.
Le normatif
et l'alternatif sont opposés dans leurs natures. Il faut, sur un point de vue
docimologique, s'assurer d'évaluer ce
qu'on a enseigné. On doit avoir une évaluation qui est juste, tant dans sa
forme que dans ses modalités, et on doit
évaluer ce que l'enfant a appris. S'il est dans un processus normatif, une
évaluation normative peut être justifiée. S'il est dans un processus
alternatif, une évaluation normative ne lui rendra pas justice.
Donc, il faut
faire attention de placer des balises sur l'encadrement de la scolarisation à
domicile. C'est bon en soi. Il faut
juste s'assurer que ce cadre normatif là ne viendra pas dénaturer le fondement
philosophique et idéologique du choix à la base, qui est une liberté
fondamentale de choix éducatif.
Quand on
parle d'élaborer un guide de bonnes pratiques, autre chose qu'on salue, mais on
tient à rappeler aux gens ici
présents qu'il en existe un depuis 2010. Il n'est simplement pas utilisé ni mis
en application. Le ministre parle de constituer
une table de concertation nationale en matière d'école à la maison. Excellent!
On propose et on espère s'assurer que ça va se faire avant tout le
reste.
Il y a
certains points litigieux qui ont été mentionnés par d'autres personnes aussi,
entre autres le fait qu'on parle d'avoir
des modalités déterminées par un règlement qui est inconnu à ce jour. Pour
nous, de se pencher sur un projet de loi sans en avoir tous les tenants et les aboutissants, ce n'est pas une
décision, un consentement éclairé dans l'ensemble de son projet. Donc, ce sera
important de définir tout ça.
Pour ce qui
est de la déclaration à la DPJ... au DPJ, c'est-à-dire, il faut faire attention
aux dérapages potentiels. Les
surcharges dans les milieux vous ont été souvent notifiées, que ce soit du côté
du DPJ, que ce soit du côté de toutes les
instances ou les institutions. Si, déjà, dans les lots de priorités qu'ils ont,
ils sont débordés, on voit mal en quoi une non-fréquentation scolaire va devenir prioritaire sur des cas d'abus ou de
maltraitance qui ne sont parfois, malheureusement, pas soutenus, étant
donné qu'il n'y a pas suffisamment de ressources.
Un point qui
nous interpelle énormément est celui de la présomption de culpabilité de
quiconque accueillerait un enfant
durant sa période d'obligation de fréquentation scolaire. On tient à porter à
votre attention un dérapage possible important avec ce point-là. Que fera-t-on des
parents éducateurs à la maison qui choisissent de se regrouper pour des
activités de socialisation dans des
modalités de fréquentation scolaire et des cliniques privées en orthopédagogie
qui accueillent ou qui accompagnent,
avec leur profession, ces mêmes personnes? Est-ce que ces personnes auront
nécessairement une présomption de culpabilité d'encourager la non-fréquentation
scolaire? On est dans un pays où la présomption d'innocence prévaut, et la présomption de culpabilité ici vient vraiment
à l'encontre de cette présomption d'innocence là. Je crois qu'il y aurait
nécessairement besoin de reformuler ce point de vue.
Le gouvernement va déterminer par règlement, règlement
qu'on voudrait qu'il soit précisé, pour ce qui est de retracer et de conclure des ententes avec d'autres ministères.
Ça peut être très bon, puis il peut y avoir un dérapage important. Est-ce qu'on va partir à la chasse aux sorcières des enfants qui ne
fréquentent pas les institutions scolaires? Est-ce qu'on n'est pas en
train de risquer d'entraver la loi sur la vie privée, la protection de la vie
personnelle?
Encore une fois, on est en train de vous
soumettre des dérapages possibles parce qu'on voit présentement, dans les milieux, des situations
qui sont présentes malgré le fait qu'on pourrait considérer que la loi, elle
est claire, et, ces points-là, on sent qu'ils peuvent ouvrir la porte à
des dérapages plus grands.
Le droit de
pénétration dans un lieu d'habitation.
Oui, on parle de respecter le code pénal. Toutefois, on est dans un mode punitif ici, alors que ce qu'on a entendu
dans la politique sur la réussite éducative, c'était vraiment un
accompagnement, une collaboration,
une coopération. Donc, on s'attend à retrouver dans les projets de loi
présentés une cohérence et une cohésion avec l'ensemble de ces
orientations de collaboration là.
Donc, des
contraintes de ce type-là, de notre point de vue, n'apportent pas l'idée de
collaborer. Et, dès que les gens se
retrouvent en irrégularité, ou en tension, ou en froid avec les milieux, eh
bien, à ce moment-là, c'est décuplé au niveau de la non-collaboration ou
de la fermeture.
Il y a
différents points qu'il est important de prendre en compte, c'est que, dans
toute cette idée de fréquentation scolaire
là, il faut s'assurer que, les parents qui font ce choix-là, les enfants ont la
possibilité de cheminer et d'évoluer au
même titre que les autres et qu'il n'y ait pas de jugement de valeur, que ce
soit sur le choix de l'éducation dans le milieu public, dans le milieu
privé, ou en scolarisation à domicile, ou en projet particulier.
Et, dans tout
ce projet de loi là, comme on disait, il y a des bonnes choses, mais la façon
dont on va ouvrir la porte à plus de
contraintes et de normalisations pourrait tendre à dénaturer la nature
alternative de ces choix-là et pourrait tendre à s'éloigner de l'esprit
collaboratif intermilieux.
On insiste
beaucoup sur l'interprofession, l'intercollaboration entre les professions,
l'intercollaboration entre le milieu scolaire public, privé ainsi que la
pratique privée, parce que c'est dans cette collaboration-là qu'on peut aller chercher la richesse des savoirs et des expertises
qui va permettre d'aller encadrer l'ensemble de la diversité de ce qui
se présente dans les cas de figure comme ceux-là.
Donc, sans
plus tarder, je vais demander à M. Magnette de poursuivre en parlant un
petit peu de l'expérience qu'il a, parce
que vous pourrez constater qu'il est riche en exemples, en cas de figure, en
cas d'espèce partout au Québec. Donc, il aura certainement plusieurs
exemples à vous donner.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Mme Gadbois, merci beaucoup. C'est juste que votre temps a été écoulé.
Mme Gadbois (Isabelle) : Ah!
Parfait.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Mais, si j'ai la permission du
ministre, on pourrait prendre quelques minutes sur le temps du gouvernement pour permettre à
M. Magnette de donner des exemples. Alors, M. le ministre, est-ce que vous
permettez?
M. Proulx : ...plaisir.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Parfait. Alors, allez-y.
• (17 heures) •
M. Magnette
(Yvon) : Bon, d'abord, en termes d'expertise professionnelle,
effectivement, je suis orthopédagogue formé,
j'ai mon baccalauréat, mon brevet d'enseignement, j'ai une maîtrise en
adaptation scolaire et sociale, et j'ai fait un D.E.S.S. en éthique dans le cadre de la scolarisation à domicile, où
justement j'ai étudié les fondements philosophiques, pragmatiques et
tous les cadres juridiques actuellement en cause.
Donc,
effectivement, j'ai développé une expertise, au départ, universitaire, puis le
hasard de la vie professionnelle a fait que, lorsque j'ai décidé de
travailler en pratique privée, ma première famille cliente était une famille
qui faisait l'école à la maison. Ça fait que
j'ai découvert le milieu comme ça il y a sept ans. J'habitais à Rimouski, mes
premiers clients étaient dans la
région de Québec, et donc je me suis mis à me déplacer dans toute la province.
Donc, effectivement, depuis sept ans, j'ai accumulé une expérience de
contact avec des familles et des commissions scolaires de Gaspé à l'Outaouais, puis des lignes américaines jusqu'au
Lac-Saint-Jean. Donc, mon expertise est vraiment une expertise de terrain.
Maintenant,
en termes d'exemples, j'ai écouté toutes les audiences qui ont eu lieu hier. Ce
qui m'a frappé, par exemple, c'est
d'entendre, d'un côté, les commissions scolaires qui mettent en évidence les
mauvais exemples, les cas d'enfants
qui ne sont pas de niveau, qu'il y a des retards énormes, etc., les familles
qui parlent des exemples tout autres. Alors,
effectivement, ce qu'il faut bien avoir conscience, c'est que c'est une
clientèle qui est totalement hétérogène, que le principe même de la
scolarisation à domicile est un continuum avec, à une extrémité, des familles
qui choisissent d'emblée de suivre le
Programme de formation de l'école québécoise, de rentrer d'emblée en contact
avec une commission scolaire ou
l'école de quartier et de se conformer aux demandes, aux normes et aux attentes
déjà en vigueur. À une tout autre extrémité, on a des familles qui sont
adeptes de ce qu'on appelle les apprentissages libres. Et entre tout ça il y a
autant de cas spécifiques qu'il y a d'enfants et qu'il y a de familles
qui font l'école à la maison. Alors, dans ce sens-là, des exemples, je pourrais vous en parler pendant des
heures. Donc, mes exemples seront plutôt de répondre à vos questions, si
vous en avez, parce qu'effectivement je peux vous donner des exemples très
typés selon toutes les questions.
J'ai entendu
beaucoup parler aussi hier et encore tout à l'heure de l'enveloppe budgétaire
du 1 000 $, je pourrais vous
parler de ça aussi. Donc, je vous renverrais la balle dans votre camp. Je suis
un travailleur autonome, de terrain. Je travaille avec beaucoup de familles francophones, mais j'ai aussi des
clientèles anglophones, ça fait que j'ai un petit peu d'expertise de ce
côté-là aussi. Donc, je répondrai à toutes vos questions.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci beaucoup. Alors, on va passer à la période d'échange. On va passer du
côté du gouvernement. Alors, M. le ministre, il vous reste 18 minutes.
M. Proulx : Merci, Mme la Présidente. Mme Gadbois,
madame, monsieur, merci d'être présents ici avec nous. C'est un plaisir
de vous retrouver.
D'abord, vous
avez dit d'entrée de jeu que l'éducation à domicile allait de pair avec des
besoins particuliers. Vous avez dit, je pense, qu'il est nécessaire de
rappeler qu'élève avec des besoins particuliers ou enfant avec des besoins particuliers ne font pas toujours référence à des
difficultés, et ça, c'est extrêmement important de le rappeler. Ça peut être un
contexte qui nous amène à avoir des besoins particuliers qui ne cadrent pas
avec les services plus uniformes possible que nous tentons d'offrir. La responsabilité puis le privilège d'être
ministre de l'Éducation, mais je vois également la même chose dans le cadre de mes responsabilités et
privilèges d'être ministre de la Famille lorsque je traite des services
éducatifs de garde, où on a un
système extraordinaire mais qui n'a pas été conçu pour nos enfants qui ont des
besoins particuliers, et pas
seulement des difficultés... Alors, dans ce contexte-là, je réfléchis souvent
en ayant en tête cette obligation de voir ces choses-là de manière
beaucoup plus élargie que ce qui nous est proposé.
Et là j'ai pris quelques notes, là, à la suite
de votre exposé, vous avez fait état également de, je pense, la nécessité de ne pas être trop coercitifs, de ne
pas être dans un encadrement trop strict. Bien entendu, là, je ne me réfère
pas au texte, mais j'avais l'impression que
c'était une invitation à ne pas l'être. Je ne pense pas que nous le sommes dans
la proposition que nous faisons. Mme Brabant, ce matin, nous disait que
nous étions dans une position modérée. Moi, je veux respecter et je souhaite
que nous respections ce choix des parents, choix qui est d'abord reconnu. Deuxièmement,
aussi la façon dont les parents l'exercent
aussi a été reconnue et encadrée, et, dans ce contexte-là, il existe des
limites à l'intérieur desquelles on
doit travailler. Puis il n'est pas question puis il n'est pas possible de
reproduire la même école du coin de
rue, du quartier près de chez vous dans une situation familiale ou dans un
domicile familial. Et, dans ce contexte-là, donc, il faut mesurer nos efforts, puis il faut être capables de trouver
ce juste équilibre là de collaboration et surtout de favoriser cette interrelation avec l'État, les
institutions scolaires, des gens comme vous. Il faut être en mesure de
travailler ensemble pour le bien des enfants.
Avant de
parler d'exemples concrets, parce que ça va nous intéresser de voir comment ça
se passe au quotidien quand on est
avec une commission scolaire, quand on ne l'est pas... Vous avez parlé
d'ailleurs du guide de 2010. Ce n'est pas, à mon sens, un guide des bonnes
pratiques. Je ne serais pas en accord avec vous là-dessus. C'est un cadre qui
exprime différentes affaires, tu
sais, qu'est-ce qu'on doit payer, c'est quoi, nos obligations réciproques,
qu'est-ce que veut dire la loi. Je ne pense pas que c'est le document ou, en
tout cas, le code avec lequel on veut travailler parce que, d'abord, il
n'a pas été élaboré, à ma connaissance, avec
les tenants du modèle, alors il n'a pas été fait avec les gens dans la société
civile qui oeuvrent au quotidien
de cette façon-là et les parents-éducateurs. C'est un document ministériel qui,
lui, rappelle des obligations, et c'est correct, mais il n'est pas ce
que nous souhaitons faire.
Là où je vous
ai moins entendu... Et moi, j'ai une préoccupation que j'ai exprimée depuis
longtemps, mais encore plus fortement hier et aujourd'hui,
c'est que... Vous l'avez très bien
dit, là, il y a de beaux exemples, il y a de moins beaux exemples, il y a des situations
extraordinaires, il y
en a des pas jolies du tout. Il y a, à l'intérieur de l'école, à l'extérieur
de l'école, des enfants ou des élèves avec qui il faut travailler encore plus,
à qui il faut assurer une accessibilité. Mais il
y a, à l'extérieur aussi de
l'école, des enfants qui sont sans services minimaux du point de vue éducatif. Et moi, j'ai cette
préoccupation-là que, dans le cadre de nos travaux, on soit en mesure de
convenir ensemble que ça nous prend... je n'aime
pas utiliser «filet» parce que ça fait référence à des mailles, puis on passe
au travers, mais à tout le moins cette muraille ou cette protection autour de nous qui va faire en sorte qu'on ne laisse aucun enfant à
l'extérieur de l'offre qui est
sur la table, c'est-à-dire à l'école ou à l'extérieur de l'école, qui sont des
choix qui sont dans la loi. Et, dans ce contexte-là,
je l'ai dit hier, je vais l'exprimer de
la même façon, moi, je ne peux pas
penser que je vais me coucher le soir et me lever le lendemain matin
sachant que quelqu'un va venir demain me dire : M. Proulx, je n'ai
pas eu droit à une éducation, des gens,
contre mon gré, m'ont placé dans une situation de compromission de mon droit à
un développement global. Et ça, pour moi, c'est extrêmement important.
Donc, si on
met des balises, si on réfléchit à des mesures d'encadrement, si on cherche des
façons de placer, là, dans notre
discours et dans nos repères, comment est-ce qu'on va réfléchir à la poursuite
des apprentissages, pas dans une
évaluation normative, dans un contexte alternatif, moi, j'entends tout ça,
mais, à un moment donné, c'est là qu'on va finir toute la gang ensemble,
c'est-à-dire on va convenir d'un cadre qui va dire : Bien, ça, c'est nos
orientations, puis ensuite, bien là, il faut
respecter les choix et obligations, se rappelant que, dans l'intérêt de
l'enfant, il y a aussi un droit chez
l'enfant à une éducation, et ça, pour moi, c'est extrêmement important de le
rappeler. Mais ce n'est pas incompatible avec le choix des parents, ça ne devrait pas l'être. Et c'est là, là
qu'il faut... Alors, avant peut-être de parler des modèles, je voulais juste m'assurer que... peut-être que vous
étiez d'accord ou pas d'accord avec moi, mais sur le fait que c'est nécessaire
de se prémunir également collectivement contre des situations de vulnérabilité
qu'on n'aura pas prévues.
Je
voulais prendre l'opportunité qui nous est offerte de discuter avec vous du
fait que vous agissez parfois, et souvent
dans certains cas, comme vous le dites, en collaboration avec des
parents-éducateurs, soit à l'extérieur du système ou à l'intérieur si vous agissez auprès de
commissions scolaires, notamment, pour le faire. Et moi, j'aurais voulu vous
entendre sur deux choses. La première :
Comment qualifiez-vous, de votre expérience, la relation parent-éducateur et le
système scolaire? Et, dans un deuxième
temps, si on avait à utiliser vos services dans le cadre de notre réflexion, où
et à quel moment vous devriez intervenir?
• (17 h 10) •
Mme Gadbois
(Isabelle) : Écoutez, M. le ministre, on a quand même une
collaboration ensemble sur plusieurs points jusqu'à présent, donc je
vais vous ramener certains points qu'on avait déjà discutés. D'une part, je
veux juste revenir sur l'idée du guide. Ma
remarque était à l'effet qu'il existait, et qu'il n'était pas utilisé, et que,
la bonne démarche que vous voulez
faire, on serait préoccupés qu'il ne soit pas utilisé, donc, si on prend ne
serait-ce que le chapitre qui parle du fait qu'on peut faire des
évaluations avec des tiers-temps et des outils technologiques et pour
lesquelles il faut parfois faire des copies
surlignées en jaune pour des directions d'école qui ne le savent pas encore.
Donc, c'était plus à ce propos-là,
mon commentaire, qu'il ne faudrait pas que le travail que vous faites soit
tabletté, parce qu'il est important.
Maintenant, pour
répondre à vos questions, je vous dirais, pour revenir sur les services et
éviter qu'il y ait des mailles qui fassent
que des élèves échappent, c'est clair que c'est nécessaire d'avoir des balises,
des guides, des processus. Là où on vous interpelle, c'est dans la
structure actuelle, où il y a à la fois juge et partie. Ça, nécessairement,
c'est incompatible avec une possibilité de médiation, de solution, de résolution dans tous les cas où c'est
problématique. Parce qu'on va
se le dire ce qui nous interpelle vraiment, ce n'est pas les histoires d'amour et les
histoires à succès — ceux-là,
on en est contents — c'est
toujours quand ça ne fonctionne pas. Et, quand ça ne
fonctionne pas, c'est là que les dérives sont possibles.
Donc,
l'idée du protecteur de l'élève à
l'intérieur de la commission scolaire, instance pour laquelle... Et je ne dis pas que c'est exact dans les faits, mais, de façon perceptuelle,
cognitive et émotionnelle, pour le parent, il est face à : je dois rentrer dans la gueule du grand méchant loup,
espérer ne pas me faire croquer, avoir quelqu'un derrière la troisième molaire qui va m'aider à éviter que je sorte de là
avec mon enfant en un morceau. C'est comme ça que le parent le vit. Et nous, on arrive et on est là pour accompagner
ce parent-là qui est démuni, qui est vulnérable. Donc, c'est faux de croire
que l'instance, la façon dont elle est
constituée présentement, elle répond aux besoins. Au contraire, ça
favorise la fuite, ça favorise la non-collaboration, ça favorise la
fermeture.
Donc,
déjà en partant, il y a cette utopie collective qu'il faudrait cesser. Il y a
un aveuglement collectif à l'eau de
rose où est-ce qu'on pense que l'instance telle quelle est, dans son
fondement idéologique... On dit que l'intention permet d'arriver à ses fins. Je regrette, M. le ministre, mais la quantité de jeunes et de familles qu'on accompagne depuis plusieurs décennies
démontre clairement que, malgré la bonne intention derrière l'institution... Et j'insiste, les gens veulent bien agir, mais il faudrait se
réveiller une fois pour toutes et réaliser que la seule vérité qui existe pour
un parent, c'est sa perception, qu'elle soit
exacte ou erronée. C'est de prétendre qu'on ne comprend toujours
pas comment travailler avec un humain
que de nier ce fait-là. Donc, sachant que l'humain qui est ce parent vulnérable
attaqué dans ses entrailles parce
que
son enfant a des besoins particuliers ou des difficultés, qui doit rentrer
dans le juge et partie qu'est le protecteur de l'élève... c'est de ne
pas comprendre la nature humaine.
Donc,
si on arrête de prétendre que ça fonctionne et qu'on dit : Ça, ça ne
fonctionne pas, qu'est-ce qu'on peut avoir
comme instance parallèle qui permettra de vraiment regarder la situation...
Et, personnellement — et
je suis certaine que M. Magnette
sera d'accord — j'oserais
quantifier à 80 % des cas :
quand on va au coeur du problème, on trouve une solution. Les parents veulent le meilleur pour leurs enfants, les
enfants veulent réussir, les enseignants veulent contribuer, les directions
d'école veulent qu'il y ait une réussite. Tout le monde veut la réussite, mais
chacun reste campé dans sa position, et malheureusement on n'arrive pas
à nos fins. Donc, ça, on doit cesser ça.
Deuxièmement,
on a déjà parlé de plancher minimum garanti de services spécialisés non pas per
capita. Il faut enlever le «per
capita» et il faut enlever... N'en déplaise à ma collègue qui a précédé, je ne
crois pas qu'on peut se permettre de
gérer l'ensemble des enveloppes budgétaires en fonction d'une proportion
équitable versus juste. L'équité, c'est tout le monde, la même chose. La justice, c'est chacun ce dont on a besoin.
Donc, il faut se poser la question : Est-ce qu'on veut tous la même chose pour tout le monde,
1 000 $ par tête? On n'a pas de ressources cumulées à la commission
de la CSDM, comment on va l'avoir
dans les commissions scolaires les plus petites? Il n'y en aura pas. Ce qu'on
vous a proposé à la table
interprofessionnelle qu'on a débutée au printemps dernier, c'est d'avoir, basés
sur les recherches scientifiques en cours,
les taux de prévalence des différentes problématiques qui existent, peu
importent quelles elles sont. Chaque champ d'expertise connaît les taux de prévalence de ces problématiques. Tant
sur le plan des besoins particuliers, de la dyslexie, de la dysorthographie, de la dyspraxie, de la
dysphasie, on est capables de sortir des taux de prévalence. Si on assure un
service garanti minimal en fonction de ces
taux de prévalence là, et non pas en fonction de qui est assis dans la chaise
administrative ou de quel expert sera ou pas présent lorsqu'on fera le portrait
de classe ou le portrait de commission scolaire,
on va arrêter de jouer au yoyo d'une année à l'autre et on va établir un
plancher minimum qui va permettre d'avoir une stabilité sur laquelle on va pouvoir construire. À ce moment-là, que
l'enfant soit scolarisé en projet particulier dans l'école parce qu'il
est bon, parce qu'il fait du sport, parce qu'il fait des arts, qu'il soit en
classe régulière, en classe d'adaptation scolaire ou même en projet à domicile,
il aura accès à ce même plancher de services minimum garanti.
M. Proulx : D'abord, je suis content que vous ayez parlé de cette... vous l'avez
appelée la table interprofessionnelle, mais
le groupe que j'ai mis en place avec vous et avec d'autres pour discuter de ces
situations-là à l'extérieur du cadre actuel.
Puis ça, ce n'est pas toujours simple. Vous avez vu que des fois on essaie de
rentrer des drôles de formes dans un carré,
là, puis ça ne marche pas tout le temps. Mais il y a une réalité, et il faut
faire les choses différemment et... Moi, je suis toujours content que vous veniez me voir, en passant, hein, vous dites
les choses très clairement, puis moi, j'apprécie beaucoup.
Sur
le protecteur de l'élève, vous avez dû faire plaisir à bien du monde ici,
autour de la table, mais j'en conviens, que vous n'avez pas tort, hein, je l'ai déjà dit, puis là-dessus il y a
du travail à faire. La bonne nouvelle, c'est qu'il y en a en cours, et je pense qu'on va en reparler assez
bientôt, dans la mesure où j'entends très bien ce que vous dites à cet
égard-là. Bon, j'aime moins l'image
du loup, là, puis de la troisième molaire, mais en même temps je comprends très
bien que, pour des parents, se
retrouver dans la situation où on a l'impression actuellement, là, dans le
fond, de plaider la même affaire deux
fois devant une autre personne ou une troisième fois devant la même personne,
et parfois, même, j'ai entendu : Même si on nous donne raison la troisième ou la quatrième fois de pas être
suivi par ceux qui décident... J'entends tout ça. Je ne veux pas tout jeter tout le blâme là-dessus. Je
ne veux pas dire que tout n'est pas bon, ce n'est pas ça que je dis, mais
il y a une réflexion sérieuse à cet égard-là.
Et, en
passant, presque 99 % de vos propos sont aussi valables si on est à
l'école que si on est à l'école à la maison. Alors, dans le fond, je
l'entends bien, et ce n'est pas la première fois qu'on en discute.
Et, sur les élèves avec des besoins
particuliers, notamment en difficulté, bien, vous avez vu : ajout
d'effectifs, réflexion que nous faisons
ensemble, modèle de financement que nous souhaitons revoir, il y a un pas dans
cette direction qui est fait.
Maintenant,
pour les quelques minutes qu'il nous reste, peut-être nous donner des exemples
de comment les choses évoluent,
actuellement, avec des élèves qui oeuvrent en relation avec le milieu scolaire.
Vous intervenez à quel moment et vous qualifiez cette relation
d'entraide là de quelle façon? Et là indépendamment des dollars... Tout le
monde parle toujours de dollars, et c'est normal, mais indépendamment de ça,
cette relation, là, tu sais, de confiance et parfois de non-confiance, comment
ça se passe?
Mme Gadbois (Isabelle) :
Fragile, vulnérable, tendue, très souvent froide, malheureusement trop souvent
intimidante et, dans quelques cas, malheureusement, abusive.
M. Proulx : Merci beaucoup.
Non, ce n'est pas vrai, je vous laisse continuer.
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme Gadbois
(Isabelle) : À la suite de cette énumération de qualificatifs, je vais
laisser M. Magnette vous donner quelques exemples concrets qui vous
imageront mes propos.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Oui. M. Magnette, vous avez 2 min 30 s pour votre exemple.
• (17 h 20) •
M. Magnette
(Yvon) : O.K. Oh là là! Comment pourrais-je dire ça en deux minutes?
Effectivement, la situation est
généralement très difficile, généralement très tendue, à ce point que, dans les
milieux, les familles que je rencontre et
puis ce dont j'entends parler dans les réseaux, on est à la recherche, dans les
familles... les familles cherchent quelle commission scolaire est la plus ouverte, la plus acceptante par rapport
au portfolio, par rapport au choix de faire l'école à la maison, laquelle est
plus fermée, puis on... Il semblerait que le milieu voudrait faire un palmarès
des bonnes puis des pas bonnes puis faire des déménagements en
conséquence. Mais, malgré ça...
J'ai entendu
M. le ministre hier nous dire qu'on avait 72 commissions scolaires et
72 manières de fonctionner différentes. Effectivement, et ça va
même bien au-delà. Ce que je constate sur le terrain, c'est qu'au sein d'une
même commission scolaire, avec une même
personne, un même intervenant, une famille va avoir une expérience très belle,
la famille voisine aura une expérience très
difficile, alors que les deux familles se connaissent, font sensiblement le
même cheminement dans l'accompagnement de leurs enfants. Et, pour une
raison x, y, z complètement inconnue, parfois ça dérape complètement. Je ne citerai pas de noms parce que je pense qu'on
n'est vraiment pas là pour vous donner des noms, mais j'ai eu un appel il y a deux jours, dans une commission scolaire
qui a la réputation d'être très, très ouverte, où une famille me dit : Bien là, la personne qu'on
devait contacter parce qu'elle est très ouverte m'a dit d'emblée au téléphone :
Si tu ne signes pas mes documents, je fais
un signalement au DPJ. Puis des exemples comme ça, ça se multiplie. Donc,
ça, ça vient générer vraiment un climat de
peur qui justifie, justement, que des parents préfèrent bien souvent rester non
déclarés, parce que pourquoi aller se
mettre, comme l'a dit Mme Gadbois, dans la gueule du loup si on peut ne
pas être déclarés puis faire nos petites affaires?
Puis, dans
les familles qui sont non déclarées, il y a énormément de familles qui sont
responsables vis-à-vis de leurs
enfants et qui vont, à leurs frais, engager un tuteur, un enseignant de
mathématiques, d'anglais, un orthopédagogue pour avoir un accompagnement
et se préoccupent de savoir, une fois par an : Comment va mon enfant, où
sont ses difficultés? Et là on atterrit en
plein dans le rôle de l'orthopédagogue en termes d'évaluation, qui est une de
nos compétences directrices. Vous
connaissez la courbe statistique, la cloche, la courbe de Gauss? Quand on est dans les besoins particuliers,
que ce soit la déficience, la douance ou le
choix de faire l'école à la maison, on est complètement en dehors de la
cloche. Alors, est-ce que ça veut dire que ce n'est pas bien? Non. C'est
juste qu'on est complètement en dehors de la cloche.
Tout à l'heure, Mme Gadbois a soulevé le
problème docimologique de l'évaluation. Effectivement, quand on applique le programme scolaire, qu'on
enseigne exactement en suivant le curriculum et qu'on évalue en
utilisant les tests, qu'ils soient du
ministère ou des commissions
scolaires, on mesure effectivement ce que l'enfant a fait par
rapport à un objectif
à atteindre et une série de renseignements qui ont été donnés. Mais, quand le choix
familial de l'école maison amène à
décider : Bien, moi, je vais faire une approche montessorienne, ou
Freinet, ou tout autre, moi, mon enfant, c'est un bolé des maths, puis
je peux aller cinq fois plus vite, puis je peux avoir un enfant de 10 ans
qui fait des maths de secondaire, alors
qu'il n'aime pas lire et il n'aime pas écrire, il va l'apprendre, mais il a
besoin de temps pour ça, si on confronte cet enfant-là au moment d'une évaluation
faite dans une commission scolaire qui appelle le parent et l'enfant puis qui dit : Voilà, tu fais une épreuve de français,
une épreuve de mathématiques, na, na, na, il réussit français,
il réussit maths, parfait, le parent
est un bon parent, responsable et digne; l'enfant échoue une des deux épreuves,
le parent est indigne, puis on s'en va en signalement au DPJ.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Merci beaucoup. On va passer du côté de l'opposition officielle, et je cède la
parole à M. le député de Lac-Saint-Jean pour 14 minutes.
M. Cloutier :
Je vous remercie, Mme la Présidente. Vous êtes d'avis que l'orthopédagogue
serait mieux placé donc pour faire le suivi des évaluations dans une
optique où il y aurait une espèce de contrat d'engagement de signé soit
avec la commission scolaire. C'est ce que vous proposez?
Mme Gadbois
(Isabelle) : On n'est pas seulement
d'avis, on affirme clairement, haut et fort, que la personne qui peut
aider à résoudre cette situation-là est très clairement un orthopédagogue parce
que l'orthopédagogue est le professionnel qui va faire le pont à la fois entre le programme,
la progression des apprentissages, les besoins particuliers et va s'assurer d'évaluer avec justesse en s'assurant
de respecter les principes docimologiques, de bien évaluer ce qui a été enseigné, et de faire le pont, et de pouvoir
rendre compte au milieu scolaire d'où est rendue réellement cette personne-là, cet apprenant-là, sans
nécessairement passer par des tests normalisés et standardisés.
Vous savez, avant le ministère de l'Éducation, ce
n'était pas des évaluations normatives, c'étaient des maîtres, des apprentis, et on apprenait sur la base de preuves
concrètes, d'apprentissages concrets. Socrate doit se revirer dans sa tombe.
Donc, oui, l'orthopédagogue est celui qui
peut faire... entre l'enseignement standard, le programme, la progression, le
besoin d'encadrement et de tracer où est rendu cet apprenant pour l'amener dans
sa progression optimale. C'est la spécialité
d'un orthopédagogue de faire ce pont-là et de discriminer tout ça, tout en
tenant compte des besoins particuliers et/ou des difficultés ou
troubles.
M. Cloutier :
Vous êtes d'avis qu'il devrait y avoir des évaluations de la progression de
l'enfant sur une base régulière, c'est ça?
Mme Gadbois
(Isabelle) : On est d'avis qu'il est nécessaire d'accompagner le
parent en s'assurant que la modalité d'évaluation est adaptée au plan de
scolarisation choisi par le parent.
M. Cloutier :
Donc, une évaluation qui pourrait varier d'un enfant à l'autre et qui va
nécessairement varier d'un enfant à l'autre.
Mme Gadbois
(Isabelle) : Tout à fait, tout à fait.
M. Cloutier :
Vous avez dit aussi qu'il y a beaucoup d'enfants qui sont non déclarés?
Mme Gadbois
(Isabelle) : Oui.
M. Cloutier :
Mais c'est donc des enfants qui ne pourront jamais s'inscrire, un jour, aux
examens du ministère de l'Éducation?
Mme Gadbois
(Isabelle) : «Noui». Ils finissent par se déclarer. Ils finissent par
le faire parce qu'en fait, quand ils arrivent...
Il faut se rappeler que la sanction des études, c'est à la fin du secondaire.
Dans le meilleur des mondes, on aurait un
continuum de progression des apprentissages de l'entrée à l'école à sa sortie,
à son propre rythme. Un peu comme je monte
au ciel avec le trouble, là, hein? Je suis rendu à l'étage 1, à
l'étage 2, à l'étage 5, puis j'ai ma sanction des études quand j'arrive en haut. C'est un peu la même
chose. Et c'est certain que la gestion de masse nécessite un peu ces critères,
ces groupes. On la comprend, cette nécessité-là.
Toutefois,
il ne faut pas que cet encadrement-là qui permet de voir l'avance ou le recul
par rapport à une certaine progression attendue, encore une fois
normative... ça ne doit pas être ça qui nous permet de dire si cette
personne-là, à la fin de ses études, pourra ou pas avoir une sanction des
études, mais les élèves doivent y être préparés. Alors, la préparation de quelqu'un qui fait de la
scolarisation à domicile en approche par projets, par exemple, toute sa
scolarité va nécessairement avoir
besoin, soit avec des tuteurs, des orthopédagogues ou un pont vers l'école une
année où il va se réintégrer et, lui
aussi, recevoir... Parce que ne nous cachons pas que c'est un entraînement que
les élèves reçoivent, dans l'école, à
la passation des examens, ce n'est pas nécessairement une mesure fiable sur sa
connaissance et sa compréhension. Mais
ça, ça sera un autre sujet. Mais celui qui est à domicile peut recevoir ce même
accompagnement et ce même entraînement, être capable de produire, et d'exécuter, et de répondre. Et la capacité à
produire, à exécuter ou à répondre, tant en scolarisation à domicile que dans le milieu scolaire, n'est pas garante
du savoir ou de la compétence, tout comme l'inverse n'est pas garant non plus de ne pas savoir et de
ne pas être compétent. Donc, l'orthopédagogue est le professionnel tout indiqué
pour pouvoir aller rendre un rapport d'évaluation orthopédagogique complet et,
lorsque nécessaire, faire appel à ses
autres collègues en éducation pour aller donner un portrait clair d'où est
rendu l'apprenant dans l'ensemble de sa progression.
M. Cloutier :
Donc, il y a plusieurs élèves qui sont non déclarés et qui, à l'âge de
16 ans, réapparaissent dans le système? C'est ça? Ah bon!
Mme Gadbois
(Isabelle) : M. Magnette va pouvoir vous donner...
M. Magnette (Yvon) : 16 ans ou
avant.
M. Cloutier : ...sont en
violation de l'obligation de fréquentation obligatoire de l'école?
M. Magnette
(Yvon) : Bien, ça va être une question d'interprétation en fonction de
la loi actuelle, qui semble floue et
qui amène justement le dépôt du projet de loi et d'essayer de clarifier
certaines choses. Mais le fait est que, dans le processus
d'apprentissage, il y a des enfants qui vont être scolarisés à domicile au
primaire puis qui, spontanément, à l'adolescence
vont dire à leurs parents : Bien là, tous mes amis sont à l'école, là,
j'ai le goût d'aller à l'école, puis ils vont aller à l'école. Il y a des adolescents qui, à 14 ou 15 ans, vont
vraiment exprimer : Bon, bien là, je sais ce que je veux faire, je veux aller au cégep dans tel programme, puis
ils m'ont dit qu'il fallait que je fasse ça, puis ils vont se mettre en règle
en termes de sanction des études. Mais tout ça, ça ramène à l'essence même de
l'évaluation.
Je vais
vraiment vous apporter une précision qui est technique en termes de pédagogie,
mais, quand on regarde, que ce soit
dans les cours universitaires, dans les ouvrages scientifiques, les cadres en
vigueur, la Loi sur l'instruction publique,
le régime pédagogique, le guide de sanction des études, à quoi sert
l'évaluation, l'évaluation sert — et c'est décrit comme tel — en premier, à faire un accompagnement auprès de l'enfant en vue de
prendre des décisions pédagogiques
pour l'accompagner. En second, le rôle de l'évaluation est d'aider à prendre
une décision administrative, qui est
bien souvent le rôle des écoles et des commissions scolaires, de décider le
passage d'une année à l'autre. Et, en dernier,
c'est le rôle de la sanction des études. Et la sanction des études, elle
apparaît en secondaire IV, secondaire V, O.K.?
Et, quand on
entend les débats actuellement, ce qui s'est dit hier et ce que j'ai eu
l'occasion d'entendre aujourd'hui, ce
que les familles me rapportent, on entend des choses très différentes par
rapport à ça et on entend beaucoup dire : On dirait que la seule préoccupation des commissions
scolaires, c'est de l'évaluation pour
la sanction des études, mais pas de l'évaluation
pour qu'est-ce qu'on fait pour vous accompagner, monsieur, madame, à la maison
avec votre enfant qui est en douance,
qui a un choix particulier, un enfant de 10 ans qui a une passion pour
l'Égypte, et qui dévore des livres sur l'Égypte, et qui apprend à lire à
travers ce projet particulier.
• (17 h 30) •
M. Cloutier : Vous avez parlé aussi de plancher de
professionnels. Est-ce que vous faisiez référence à l'ensemble du réseau
ou pour les enfants qui choisissent la formation à la maison?
Mme Gadbois
(Isabelle) : Pour l'ensemble
du réseau. Ça fait partie des propositions qu'on a faites pour aider, justement, toute situation d'élève EHDAA, ou à
besoins particuliers, ou même tout milieu, et pour apporter une certaine
équité au niveau des différentes grosseurs
de commissions scolaires ou différentes régions. Quand on y va par taux de
prévalence, c'est juste parce que,
si on a une prévalence à 11 %,
bien, c'est partout, on s'attend à avoir une disponibilité à 11 %. Ça n'a pas rapport avec les enveloppes
budgétaires avec le per capita ou avec les régions. Et les prévalences
sont souvent déclinables par région
lorsqu'il y a des particularités régionales. Donc, c'est une proposition qu'on
avait faite pour l'ensemble puis,
dans ce cas-ci, c'est une façon de résoudre la façon dont les ressources sont
utilisées lorsqu'on a un petit bassin de gens dans des contextes
particuliers.
M. Cloutier : Est-ce que vous notez vraiment une disparité
d'offres sur le territoire québécois?
Mme Gadbois
(Isabelle) : 72 commissions scolaires, 72 offres distinctes
par codes postaux et par commission scolaire,
tant de codes postaux, tant de possibilités de différences, par chaise où il y
a des décideurs, par changement de chaise de décision dans l'année ou
d'une année à l'autre, autant de façons distinctes, monsieur.
M. Cloutier : Avez-vous des
exemples?
Mme Gadbois
(Isabelle) : Oui, absolument. J'ai des exemples de jeunes qui ont
commencé l'année en réussite scolaire,
qu'il y a eu un changement de direction pendant l'année et que les parents ont
été convoqués au deuxième bulletin en
disant : Moi, je ne crois pas au tiers-temps, il ne l'aura pas, ça fait
qu'arrange-toi autrement, et l'élève s'est fait couper ça.
Vous portez
des lunettes. Si demain je décide que vous fonctionnez sans les avoir,
allez-vous m'aimer? Il y a des élèves
qui avaient des outils technologiques à qui on a dit : Non, moi, les
outils technologiques, je n'y crois pas, et ils se sont fait retirer
leurs outils.
Des voix : ...
Mme Gadbois (Isabelle) : Ça va?
M. Cloutier : La progression de
la journée amène cette complicité qui est de plus en plus naturelle.
Mais je
faisais référence à des situations... J'aimerais ça poser en Chambre une
question au ministre, à la prochaine période de questions, sur un cas où
vraiment... Non, je fais des blagues.
Mais, sincèrement,
j'essaie de voir parce que moi, j'ai souvent soulevé ce plancher pour les professionnels.
Peut-être l'avez-vous remarqué, peut-être
que non, mais je vous le dis. Là, maintenant, vous allez vous en souvenir, j'en
suis sûr, mais on a appuyé cette idée de
plancher pour les professionnels parce que, justement, on avait illustré la disparité
d'offres de services
sur le territoire québécois. C'est vrai pour les orthopédagogues, c'est vrai
pour les orthophonistes, c'est vrai,
puis vraiment, à mon point de vue, ça devient inexplicable qu'il y ait des
offres de services parfois qui nous apparaissent
tout à fait adéquates mais que, pour un même nombre d'élèves, on en arrive à un
tout autre scénario ailleurs, alors
que je ne vois pas pourquoi, dans cette région-là, des services seraient moins
essentiels pour eux. Ça fait que, bref, oui à la décentralisation des choix, etc., mais il y a comme aussi le
gros bon sens. À un moment donné, un orthopédagogue pour
4 000 élèves, tu sais...
Mme Gadbois (Isabelle) : Pas de
sens.
M. Cloutier :
C'est ça. On est d'accord. Ça fait que c'est pour ça que j'essaie d'illustrer,
j'essaie de... Avez-vous analysé,
justement, l'offre de services sur le territoire québécois par commissions
scolaires? Est-ce que vous avez vraiment des exemples où ça saute aux
yeux, la disparité de traitement par rapport à ce qui se fait ailleurs?
Mme Gadbois
(Isabelle) : On en a plusieurs. Je vous avouerai très sincèrement, si
vous faites quelques recherches et
que vous venez regarder les effectifs de ressources permanentes qu'on a à
l'association, je jubilerais de travailler avec une table comme la vôtre au quotidien, tout irait plus vite. On est en
processus de documenter à la fois par tableaux et par cartes géographiques les effectifs, les
spécialités, les disparités d'offres de services, mais, oui, on a beaucoup de
cas de figure qu'on peut... Si vous
avez besoin d'exemples documentés, vous pouvez faire appel, on a une table de
collaborateurs experts de plus d'une
soixantaine de collaborateurs. Lorsque vous nous interpelez, on va chercher les
cas de figure dans les milieux, documentés, puis on vous les retourne.
Alors, on n'a pas tout ça à vous donner sous la main en tableaux présentés,
mais on en a beaucoup.
M. Cloutier : Bien, vous me l'enverrez 24 heures avant la Coalition avenir Québec puis 36 heures
avant...
Des voix : ...
Mme Gadbois
(Isabelle) : Bien, je vais donner une tâche à vos adjoints de
communiquer avec la mienne pour qu'on vous l'envoie.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Excellent, parfait. Il vous
reste encore une minute, M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier : Je pense que j'en
ai assez dit. Je vous remercie.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Bien, écoutez, alors on va
passer du côté du deuxième groupe de l'opposition, et je cède la parole
à M. le député de Chambly pour neuf minutes.
M. Roberge :
Merci. Je veux juste dire que je fais un excellent sucre à la crème puis, si...
Je peux vous le donner, peut-être, pour l'avoir 12 heures avant... Non?
O.K.
Des voix : ...
M. Roberge : Fudge avec noix?
Non, je fais des blagues. Mais, plus sérieusement, c'est très vrai que je suis partisan d'une décentralisation de la prise de
décision mais qu'il doit y avoir une cohérence... Ça n'a pas de bon sens qu'on
ait 72 minigouvernements, tu sais. Il y
a un ministre, là, qui est imputable, qui est élu, puis, bon, c'est lui qui
doit faire face aux questions à
l'Assemblée nationale, mais bien souvent les décisions sont prises dans les
72 minigouvernements que sont
les commissions scolaires. Puis il n'y a pas personne de mal intentionné
là-dedans, là, pas du tout, je ne fais pas de procès d'intention, mais,
côté imputabilité, avec un taux de participation aux élections à 5 %, on
repassera.
Puis là, quand on en arrive avec des régions qui
sont orphelines d'orthophonistes, en tout cas, puis de tout ça, il y a un problème de gouvernance. Puis c'est le
fun que vous l'ameniez, c'est intéressant parce que des fois on parle de
structure, puis les gens disent : Non, arrêtez de parler de structure, on
veut parler de la réussite des élèves.
Mme Gadbois (Isabelle) : Ou
d'argent.
M. Roberge :
Est-ce qu'on est d'accord pour dire que, des fois, la gouvernance a un impact
direct sur la réussite des élèves?
Mme Gadbois
(Isabelle) : Totalement. On n'est pas d'accord, on l'affirme haut et
fort. Pour l'association, la bonne pratique
et la saine gouvernance, c'est une obligation morale et sociale. Et, lorsqu'on
a en main le futur de notre société par
la formation des futurs citoyens, c'est une redevabilité imputable à un plus
haut niveau. Donc, on ne peut pas cloisonner ces gestions-là, travailler en silo comme si on vivait tous sur des îles
désertes, puis j'ajouterais, à voir parfois certains jeux de pouvoir à l'intérieur de tout ça, un esprit
corporatiste parfois. Et que les gens qui ont choisi cette vocation-là pour les
bonnes raisons, avec les bonnes intentions,
qui finissent par être effrités de côtoyer parfois des instances qui sont dans
ce genre de gestion là, c'est un crime
contre l'humanité. C'est 1,4 milliard de diminution de PIB par
augmentation de 1 % d'analphabétisme fonctionnel, on est à
53 % au Québec. C'est honteux.
Avec l'orthopédagogie qui est étudiée
partout dans le monde... On a des demandes de plus d'une dizaine de pays dans le monde pour venir voir ce qui se fait en
orthopédagogie ici. On est uniques, on a un joyau au niveau de l'apprentissage
au Québec, puis je pense qu'on a oublié
qu'on avait cette richesse-là. C'est important qu'on s'en serve. Notre système
est louangé ailleurs, méprisé ici. Pas
normal. Les gens viennent étudier ce qui se passe ici, ils veulent le
reproduire, puis la valeur, ici, elle
est banalisée, ou mal utilisée, ou les gens qui voudraient bien le faire se
font littéralement museler. Des orthopédagogues
qui appellent chez nous régulièrement pour dire en pleurant : Je me suis
fait dire que, si je ne changeais pas
mon rapport orthopédagogique, mon poste ne serait pas reconduit l'année
prochaine parce qu'on n'atteint pas les cibles de réussite, c'est à toutes les semaines que j'en gère. Et, quand on
parle de parents scolarisés à domicile, on a ce genre de situation là.
Donc,
c'est important d'avoir une façon d'empêcher que ces situations-là se
produisent en ayant non pas juge et partie
à l'intérieur du même endroit, en louangeant les bonnes pratiques, parce qu'il
y en a d'excellentes, et en tentant de les reproduire. D'excellentes
commissions scolaires et d'horribles commissions scolaires, on peut en nommer. D'excellents profs, d'horribles profs, on peut en
nommer, même chose pour les directions d'établissement. Donc, plus on va se pencher sur le problème puis on va essayer
de l'analyser... C'est comme de voir le point noir sur la feuille blanche.
On n'en sortira pas, on va se faire aspirer
par le trou noir. Il faut saturer notre société de bonnes pratiques. Plus on va
aller voir ce qui se fait bien dans
des endroits où ça fonctionne et qu'on va investir à reproduire ça ailleurs,
plus on va finir par atteindre
la masse critique qui va faire saturer le milieu de bonnes pratiques. Donc, par
le positif, on va finir par combattre le négatif.
• (17 h 40) •
M. Roberge : Un discours de Jedi, presque. Vous avez parlé tantôt
du mécanisme du protecteur de l'élève. Je
pense que ça a été fait avec les meilleures intentions. Il fallait avoir une
espèce d'ombudsman, il fallait avoir quelque
chose, un mécanisme d'appel pour les parents. C'est mieux que rien,
puis des fois ça répond aux besoins, mais, très, très souvent, on
voit que c'est inefficace, donc, à remplir sa mission.
Tout à l'heure, vous
avez plaidé pour revoir... pas abolir, là, je ne parle pas d'abolir le
protecteur de l'élève, absolument pas, là, mais ça fait plus qu'un an que nous
autres, on martèle qu'il faut absolument le rendre indépendant des commissions
scolaires et, j'ajoute, le
régionaliser, c'est-à-dire le mettre indépendant des commissions scolaires, mais aussi
le mettre comme superviseur autant de ce qui se passe dans les commissions scolaires francophones, anglophones, des écoles privées aussi — ce
n'est pas parce que des parents ont choisi d'inscrire leur jeune dans
une école privée qu'ils renoncent à
des droits pour leur jeune — et,
je rajouterais, les parents qui font l'école à la maison. Donc là, est-ce qu'on est d'accord pour dire qu'on
aurait un vrai protecteur de l'élève?
Mme Gadbois
(Isabelle) : Oui, tout à fait,
parce que, vous savez... Vous êtes sûrement déjà
entré dans un poste de police. Vous
n'avez pas commis de crime, puis on se sent drôle quand on monte les marches.
Imaginez quand on a à aller défendre
un dossier qu'on sait litigieux dans la bâtisse qui représente l'instance qui
est supposée de nous représenter mais
qui représente aussi la partie l'autre côté de la table. Déjà là,
en partant, c'est une frontière que les gens ne franchiront pas. Donc, d'avoir des lieux physiques externes,
de régionaliser pour s'assurer que ça supervise et ça chapeaute le tout,
mais, encore là, faire attention pour ne pas tomber dans la bureaucratie du
type la maison des fous d'Astérix, là.
M.
Roberge : Ah! ça, c'est une
belle... toujours une préoccupation à avoir. Et le protecteur de
l'élève, c'est un mécanisme d'appel. Ce n'est pas à lui, je pense, là, qu'il
faut confier la fameuse entente de projet d'apprentissage.
Vous,
vous la confieriez à qui, à quel organisme, à quelle personne, cette tâche de
tisser des ponts avec les familles qui font l'école à la maison ou
l'école en famille pour convenir d'un projet d'apprentissage? Puis ça ne peut
pas être n'importe quoi, là, ce n'est pas «rubber stamp», il faut qu'il y ait quelqu'un qui regarde sérieusement.
Donc, à qui vous confieriez ça, un
organisme existant qui devrait développer une expertise, ou vous voulez créer
un autre organisme pour ça?
Mme Gadbois
(Isabelle) : Honnêtement, je ne me suis pas penchée sur la question,
mais je peux vous dire que les orthopédagogues, clairement, on peut
contribuer à ça parce qu'encore une fois je vous ramène à ce que j'ai dit un peu plus tôt : Qui est bien placé pour
évaluer une façon adaptée, particulière ou avec une modalité différente de la
norme, la valeur d'un plan pédagogique? L'orthopédagogue est clairement
au centre de tout ça.
On
a déjà proposé d'avoir des agents de liaison, des agents entre les familles et
les instances. Et, clairement, les orthopédagogues
sont tous qualifiés pour pouvoir le faire. Elles le font déjà, somme toute...
je dis «elles» parce que c'est une
majorité de femmes, mais les orthopédagogues le font déjà en allant à domicile,
de par leur pratique privée, en soirée ou
en week-end, en allant dans les milieux scolaires, de par les postes à temps
partiel ou à temps plein qu'elles ont déjà ou, des fois, en combinant avec les écoles publiques et même dans les
milieux carcéraux, dans les entreprises, et dans les hôpitaux, et ailleurs. Donc, c'est déjà des gens
qui sont habitués de faire cela. Il y a déjà quelque chose qui est en place.
La collaboration public-privé, nécessairement, pourrait être aidante de ce
côté-là, mais il faudrait s'en reparler puis réfléchir à tout ça autour de
votre fudge.
M. Roberge :
Excellent, c'est un rendez-vous. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Alors, merci beaucoup,
Mme Gadbois, Mme Martel et M. Magnette, pour votre
présence et votre contribution à la commission.
J'ajourne les travaux
à demain, à 9 h 30, où on poursuivra notre mandat. Merci, et bonne
soirée.
(Fin de la séance à 17 h 44)